Pour ceux qui ont écouté les appels de Mélenchon et de ses amis et ont voté pour un candidat de la NUPES lors des dernières élections législatives, le réveil a été particulièrement dur. La semaine dernière, ils ont découvert que les dirigeants de LFI ont signé l’accord qui a mis en place la NUPES et appelé à voter pour les émules de Jacques Doriot. Si, si. J’ai les preuves : parmi les candidats que la NUPES a soutenu, il se trouve quelques-uns, et pas des moins, qui sont la réincarnation du grand Jacques, vous savez, ce personnage qui, après son exclusion du PCF dans les années 1930, n’aura de cesse que de chercher à se venger de son ancien parti, ce qui l’amènera sur des positions de plus en plus proches du fascisme, jusqu’à son naufrage final dans la collaboration.
Mais qui, me direz-vous, a réussi à débusquer les vipères lubriques qui se cachent au sein de la NUPES, ces sinistres personnages qui songent à reconstituer aujourd’hui le Parti Populaire Français ou du moins à en reprendre les idées ? Tout le mérite revient à Sophie Chikirou, députée LFI et égérie de Jean-Luc Mélenchon. C’est grâce à son fin odorat politique que Jean-Luc – et nous tous par la même occasion – fut informé « qu’il y a du Doriot » chez Fabien Roussel, lui-même député élu sur les listes de la NUPES, et accessoirement le principal dirigeant de l’un des partis ayant conclu l’accord qui a donné vie à la NUPES.
On devine à peine ce qu’a dû être le désarroi du Petit Timonier. Lui qui peut de temps auparavant avait affirmé que les membres de la NUPES étaient pratiquement d’accord sur tout. Lui qui voulait ardemment une liste commune avec les communistes. Rétrospectivement, Jean-Luc aurait du bénir ses autres partenaires de l’avoir refusé. Après tout, cela aurait conduit LFI à se compromettre avec les émules de Jacques Doriot.
Ce qui est difficile de comprendre, c’est la réaction des insoumis. Le message de Chikirou, diffusé par son site Facebook, a reçu officiellement le « ok » de Mélenchon, et une approbation quasi-unanime des dirigeants de LFI – fut-ce sous la forme jésuitique d’une Mathilde Panot qui refuse de condamner l’expression de Chikirou tout en rejetant sa comparaison. Et pourtant, aucune conclusion n’est tirée. Si les « insoumis » pensaient VRAIMENT « qu’il y a du Doriot chez Roussel », la conduite logique serait de rompre tout contact avec lui et l’organisation qu’il dirige. Or, ce n’est pas du tout ce qu’on observe. Au contraire : officiellement, la ligne de LFI est toujours celle d’une liste commune à l’ensemble de la NUPES aux européennes… autrement dit, une liste commune avec les suppôts de Doriot débusqués par Chikirou.
Conclusion : ceux qui à LFI accusent Roussel d’être la réincarnation de Doriot ne croient pas vraiment ce qu’ils disent. Mélenchon lui-même choisit de répondre par la banalisation : « Quand [François] Ruffin [député LFI de la Somme] et moi, on nous a accusés d’être Doriot, personne n’avait rien à dire sur le sujet… Tout ça est une boursouflure. ». Autrement dit, se faire traiter d’être Doriot, ce n’est pas si grave, ça fait partie du quotidien. Mélenchon oublie- ou prétend oublier – un élément fondamental. Lorsqu’il fut « accusé d’être Doriot » avec Ruffin, l’accusation avait été formulé par un intellectuel médiatique – Raphaël Enthoven pour ne pas le nommer – et non par un dirigeant politique élu de la Nation. Et cela change tout. Qu’un philosophe médiatique dise n’importe quoi, c’est son problème. Qu’un homme politique qui nous représente et qui participe aux décisions les plus cruciales pour l’avenir de la Nation dise n’importe quoi, c’est le nôtre.
Mais plus profondément, on peut se demander ce que les citoyens peuvent penser d’un ensemble politique où l’on peut traiter son allié « Doriot » un jour et discuter paisiblement avec lui le suivant, voire d’appeler à voter pour lui. Car la comparaison avec Doriot n’est pas banale. Doriot occupe dans la liturgie de la gauche – et particulièrement des communistes – la place qu’occupe Judas dans la liturgie chrétienne. C’est l’incarnation du traître : traître à ses camarades, traître à ses idées, traître à son pays. Dans cet épisode, on trouve la légèreté coupable des gauchistes qui en 1968 se permettaient de traiter de « nazi » le doyen Grappin, ancien résistant, ou de qualifier les CRS – qui ont fait tout ce qu’ils ont pu pour amocher le moins possible les gauchistes – de « SS ». Des excès de langage rendus possibles par une profonde méconnaissance de l’histoire – et un désintérêt olympien pour celle-ci (1). Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si la plupart des députés et des dirigeants LFI – y compris Mélenchon – ont été formés politiquement dans le syndicalisme étudiant et la politique universitaire, activités où l’irresponsabilité est la règle et où personne ne paye jamais les conséquences de ses actes, et propulsés dans le « grand bain » de la politique sans passer par la case « boulot ». Il ne faut donc pas s’étonner qu’ils aient transféré à la politique les mauvaises habitudes de l’UNEF, et en particulier celle de parler comme si le discours n’avait aucun rapport, aucune influence sur le réel, comme si le système n’avait pas de mémoire.
Ce fonctionnement rend impossible tout débat de fond à l’intérieur de la NUPES. Lorsque Roussel déclare qu’il n’a pas envie de manifester avec des gens qui crient « tout le monde déteste la police », c’est une position qui s’entend. On peut penser qu’il a raison ou qu’il a tort, mais la question mérite débat. Une fois qu’on a écrit qu’une telle pensée rend Roussel l’émule de Doriot, toute discussion devient impossible puisque, comme le dit Mélenchon lui-même, « on ne discute pas avec l’extrême droite, on la combat ». Et ne croyez pas que cette fermeture du débat avant qu’il commence est le fruit du hasard. Non : Mélenchon et sa troupe sont parfaitement cohérents. La pensée dogmatique ne tolère pas de discussion. Admettre la discussion, c’est prendre le risque de voir ses arguments défaits par des arguments plus puissants, autrement dit, c’est prendre le risque de devoir changer d’avis. Ce qu’un gourou omniscient ne peut se permettre.
Prenons un exemple. On sait depuis le début du Front de Gauche dans les années 2008 qu’il y a un désaccord de fond sur la question du nucléaire entre communistes et mélenchonistes. Sur ce sujet, le désaccord ne porte pas sur une question purement subjective – principe ou choix moral – mais sur une question objective, à savoir la balance entre risques et avantages de l’atome. Un sujet donc qui se prête parfaitement à l’organisation d’une conférence où les différents points de vue pourraient être exposés, des arguments échangés, des conclusions tirées quant aux points d’accord ou de désaccord. Pourtant, à ma connaissance, aucun effort dans cette direction n’a été fait par LFI. Lorsque le sujet est abordé – par exemple, aux « Amphis », il ne l’est que par un panel de convaincus. Hors de question d’inviter quelqu’un qui ne serait pas dans la « ligne », ne serait-ce que par curiosité d’entendre ses arguments. Alors qu’au contraire on n’hésitera pas à inviter un ministre ou ancien ministre de droite pour parler de subjectivité. Parce qu’on sait que sur une question subjective, l’échange est sans conséquences. Ce n’est pas un débat qui changera vos principes ou vos valeurs…
C’est pourquoi cet N-ième épisode d’injure envers ses alliés n’est pas à prendre à la légère. Il fait partie d’un mécanisme qui empêche tout débat constructif à gauche et qui vise à soumettre par le terrorisme intellectuel toute voix dissidente. Il faut toute la confiance en soi et la fermeté idéologique d’un Roussel – qualités qui manquaient à un Pierre Laurent, par exemple – pour tenir tête à la meute des roquets « insoumis » sachant que tout désaccord exprimé déclenchera sur votre tête des torrents de boue. Un dirigeant moins sûr du soutien de ses camarades – malgré les tentatives des « insoumis » de fabriquer une opposition interne – et de représenter l’opinion de ses électeurs serait certainement plus prudent à l’heure de dire « non » au Gourou.
Au fil des petites phrases, on voit se préciser la nouvelle tactique du gourou. Après avoir essayé – et échoué – à organiser la gauche derrière son panache blanc, le but maintenant est de tout « bordéliser ». « Bordéliser » l’Assemblée nationale, les partis de gauche, les syndicats, l’école, la police, la rue. De cette « bordélisation » – pudiquement appelée « révolution citoyenne » – doit surgir par on ne sait quelle opération magique une alternatives sociale et politique. Dont on ne sait rien ou pas grande chose, à part qu’elle sera « créolisée » et gouvernée par la « planification écologique », syntagmes qui, n’ayant guère de sens précis, permettent à chacun d’y mettre ce qu’il veut. Un projet qui réjouira sans doute les « libéraux-libertaires » qui savent combien la « bordélisation » profite à ceux qui ont les moyens d’en profiter…
Descartes
(1) Le cas de Doriot est d’ailleurs significatif : si sa trahison est connue, les raisons de celle-ci sont oubliées. Si Doriot a été exclu du PCF… c’est parce qu’il avait prôné une stratégie « unitaire » à gauche alors que Thorez suivait – tout en essayant de l’infléchir – la ligne de l’Internationale communiste qui était, elle, sur sa logique de « classe contre classe ». Il est d’ailleurs significatif qu’après son exclusion, Doriot cherche à fonder une nouvelle organisation, un « parti de synthèse » capable d’accueillir toute la gauche, avec pour mot d’ordre « une seule classe, une seule CGT, un seul parti ». Maintenant, rappelez-moi qui était ce dirigeant qui quitta son parti d’origine en 2008 pour chercher à fonder un « parti creuset », et qui n’a plus de cesse depuis de vouloir fusionner la gauche dans une seule organisation ? Mais peut-être que cette chère Sophie Chikirou ne connaissait pas ce détail de la vie de Doriot ?
Je suis bien d’accord avec vous, mais je ne vous suis plus lorsque vous dites que Mélenchon est un excellent tacticien.
Tout ça pour ça et dans quel but, alors que cela était couru d’avance ?
Mélenchon se serait-il glissé dans le costume d’un opposant d’opérette, alors qu’il serait de connivence avec Macron afin de neutraliser une opposition de gauche, moyennant renvoi d’ascenseur ?
Je ne suis pas loin de le penser, au vu de ses attaques à fleuret moucheté contre la macronie, mais quant à parler de tactique de haute voltige…
@ Robert Val
[Je suis bien d’accord avec vous, mais je ne vous suis plus lorsque vous dites que Mélenchon est un excellent tacticien. Tout ça pour ça et dans quel but, alors que cela était couru d’avance ?]
Quand même… ce n’était pas si « couru d’avance » que cela. Combien, parmi ceux qui ont quitté le PS après la défaite de 2007, ont réussi dix ans plus tard à faire un score à deux chiffres aux présidentielles, et réunir un votant sur cinq sur son nom quinze ans plus tard ?
Honneur à qui honneur est dû : depuis 2008, le parcours de Mélenchon est parsemé de « coups » tactiques de tout premier ordre. La séduction de Marie-George Buffet avec l’assurance qu’en quittant le PS son mouvement aurait le soutien du PCF fut un coup de maître : Mélenchon a compris comme personne ce qu’avait été chez les communistes le traumatisme du score de Buffet en 2007, et la terreur de la direction communiste de voir se répéter une telle déroute. Terreur qu’il a su habilement exploiter pour obtenir pour lui-même la candidature présidentielle du Front de Gauche.
Un deuxième coup tactique génial fut la rupture du Front de Gauche, l’abandon du Parti de Gauche et la fondation de « la France Insoumise ». Quand il comprit que, contrairement à sa première intuition, le PCF, même affaibli par la défaite de Buffet, n’était pas « opéable », et que la structuration du Parti de Gauche avec la venue de dirigeants comme Billard ne pouvait que diluer son autorité, il casse le cadre et crée un mouvement « gazeux » sans instances, sans direction collective, appuyée matériellement sur une toute petite association « tenue » par des fidèles parmi les fidèles. Ce qui lui permet de garder un contrôle de fer sur l’organisation. Avec la politique des diktats, il terrorise la direction communiste pour obtenir d’être le candidat unique.
Troisième « coup » génial, la nationalisation de la campagne législative en 2022 avec le « votez Mélenchon premier ministre » et la constitution de la NUPES…
[Mélenchon se serait-il glissé dans le costume d’un opposant d’opérette, alors qu’il serait de connivence avec Macron afin de neutraliser une opposition de gauche, moyennant renvoi d’ascenseur ?]
Le Grand Komplot, ce n’est pas ma tasse de thé… Mélenchon cherche le pouvoir. Pas tant le pouvoir d’Etat – sur ce point, je le pense bien plus lucide qu’il ne le montre – mais le pouvoir sur ses propres troupes, et sur la gauche en général.
Vous savez, il y a deux types de politiciens: ceux qui veulent changer le monde, laisser une empreinte, construire un oeuvre. Et il y a ceux pour qui la politique est un sport, un jeu, et pour qui le but est de remporter la partie ou de battre le record, et rien de plus. Il y a chez Mélenchon quelque chose du joueur d’échecs : il joue pour gagner, pas pour retirer un avantage personnel. De ce point de vue, il ressemble à son maître Mitterrand : pour lui, la politique est un jeu. Il s’y passionne comme se passionne un joueur d’échecs ou un sportif : le but n’est pas de changer le monde, mais de gagner.
Vous avez peut-être raison, mais on peut aussi suspecter un désir de revanche, une jouissance à enquiquiner tous ceux qui l’ont dénigré.
Cela me rappelle Fabius, grand Maastrichtien, qui a été le principal artisan du “Non” au référendum de 2005 sur le TCE. Comment ne pas faire un parallèle avec l’affaire du sang contaminé ?
Quant au désintéressement de Mélenchon, nous verrons ce que la Justice conclura à propos du conflit d’intérêts de Sophia Chirikou lors de la campagne électorale de 2017. (Pas très diligente la Justice, on l’a connue plus réactive avec François Fillon)
@ Robert Val
[Vous avez peut-être raison, mais on peut aussi suspecter un désir de revanche, une jouissance à enquiquiner tous ceux qui l’ont dénigré.]
Oui, la vengeance, le désir de revanche, reste un moteur puissant au niveau individuel. La haine de Mélenchon pour Hollande est un bon exemple. On ne saura jamais quels sont les engagements que Hollande avait pris avant le congrès de Metz en 2007 et qu’il n’a pas tenu…
[Cela me rappelle Fabius, grand Maastrichtien, qui a été le principal artisan du “Non” au référendum de 2005 sur le TCE. Comment ne pas faire un parallèle avec l’affaire du sang contaminé ?]
Là, vous êtes injuste. Pour avoir un peu fréquenté Fabius à l’époque, je peux vous assurer que sa posture était véritablement politique, et que toute idée de « revanche » était absente de son calcul. D’ailleurs, dans l’affaire du sang contaminé il n’avait pas vraiment de raison d’en vouloir aux socialistes, qui l’ont toujours soutenu.
[Quant au désintéressement de Mélenchon, nous verrons ce que la Justice conclura à propos du conflit d’intérêts de Sophia Chirikou lors de la campagne électorale de 2017.]
Je doute que l’enrichissement personnel soit le moteur des choix de Mélenchon. Chikirou, c’est une autre affaire…
Je souscris à l’intégralité de votre analyse sur l’inconséquence des LFIstes, mais je me permets perfidement de vous retourner l’analyse : n’avez-vous pas à deux reprises appelé à voter (ou simplement signalé votre choix en faveur de) Marine Le Pen au 2e tour de l’élection présidentielle ? Au delà de la pique, je crois qu’il faut faire attention à ce qu’on écrit, y compris sur un blog pourtant intelligent comme le vôtre, au risque de banaliser les référence à l’extrême-droite et comme vous l’écrivez, au risque de pouvoir vous retourner que vous avez vous aussi méprisé l’histoire, et que vous n’auriez pas non plus à payer les conséquences de vos positions pour la candidate de l’extrême-droite à la présidentielle, qui d’ailleurs, je vous l’accorde car je suis toujours troublé de cette position, est si en désaccord avec le reste de ce que vous écrivez.
Toutefois, par ailleurs, je ne comprends pas que le PCF reste dans ce nid de guêpes qu’est la NUPES, sauf à considérer que “en politique, on ne sort de l’ambiguïté qu’à son détriment”…
@ Jacobin
[Je souscris à l’intégralité de votre analyse sur l’inconséquence des LFIstes, mais je me permets perfidement de vous retourner l’analyse : n’avez-vous pas à deux reprises appelé à voter (ou simplement signalé votre choix en faveur de) Marine Le Pen au 2e tour de l’élection présidentielle ?]
Je ne vois pas très bien le rapport avec la choucroute. Si j’ai appelé – en fait, je n’ai fait qu’argumenter mon choix de vote, je ne pense avoir demandé à quiconque de l’imiter – je pense avoir été, dans mes actes comme dans mes arguments, conséquent avec ce choix électoral. J’ai toujours dit que ce choix n’était pas la conséquence d’un accord idéologique, mais d’un raisonnement pragmatique : ma thèse est que le RN est, comme tout parti politique, l’otage de son électorat. Et que du moment où le RN compte sur un électorat populaire, une fois arrivé au pouvoir il fera – quelque soient les opinions de ses dirigeants – une politique bien plus favorable à cet électorat que ne pourrait le faire un parti élu par un électorat bourgeois.
Bien sûr, on peut contester ce raisonnement. Mais je ne vois pas en quoi il serait « inconséquent » dans le même sens que celui des LFIstes qualifiant Roussel d’émule de Doriot…
[Au-delà de la pique, je crois qu’il faut faire attention à ce qu’on écrit, y compris sur un blog pourtant intelligent comme le vôtre, au risque de banaliser les référence à l’extrême-droite et comme vous l’écrivez, au risque de pouvoir vous retourner que vous avez vous aussi méprisé l’histoire, et que vous n’auriez pas non plus à payer les conséquences de vos positions pour la candidate de l’extrême-droite à la présidentielle, qui d’ailleurs, je vous l’accorde car je suis toujours troublé de cette position, est si en désaccord avec le reste de ce que vous écrivez.]
Je vous avoue d’avoir beaucoup de mal à comprendre ce discours sur la « banalisation » de l’extrême droite. Peut-être parce que j’ai milité dans un parti – le PCF – qui garde une mémoire cuisante de l’époque où ses militants et ses dirigeants recevaient un traitement qui n’était pas si différent de celui qu’on a réservé pendant des années au FN. On l’a oublié aujourd’hui, mais il fut une époque où avoir sa carte au PCF suffisait pour qu’on vous interdise de passer des concours – voire l’affaire Barel, qui monta jusqu’au Conseil d’Etat.
Cette idée de « banalisation » suppose qu’en démocratie il y a les partis dont les idées sont « admissibles » et ceux dont les idées sont « inadmissibles ». Les premiers ont libre accès aux financements, aux médias, aux emplois publics, les seconds doivent au contraire en être privés. Mais qui décide de ce qui est « acceptable » et de ce qui est « inacceptable », et surtout selon quels critères ? Dans un état de droit, ce genre de distinction est inacceptable, parce que dans un état de droit, « tout ce qui n’est pas interdit est permis ». Si un parti viole la loi, alors il doit être interdit. Et s’il ne viole pas la loi, alors on voit mal de quel droit on pourrait lui refuser sa place dans la sphère publique.
L’extrême droite a une place dans l’histoire, une place beaucoup plus complexe qu’on ne le pense. Si une partie de l’extrême droite de l’avant-guerre monta dans le train du pétainisme, il y a une autre partie, non négligeable, qui préféra la locomotive De Gaulle. Parmi les premiers compagnons de la France Libre, on trouve beaucoup de personnages issus du maurrassisme ou de l’action française. Lisez les mémoires de Daniel Cordier, « Alias Caracalla », dans lesquelles ce grand résistant, compagnon de la Libération, reconnait sans fard son adhésion au « nationalisme intégral » et son antisémitisme de l’époque. Aujourd’hui, le De Gaulle, le Cordier de 1940, seraient classés à « l’extrême droite », bien plus extrême que Marine Le Pen. Est-ce « banaliser l’extrême droite » que de le rappeler ? En 1940, fallait-il refuser de serrer la main de Cordier ?
En politique, rien n’est « banal ». A l’heure du bilan, les « modérés » qui ont voté Maastricht ont fait en trente ans plus de mal à la France que toute l’extrême droite réunie. Il est grand temps de rappeler que, comme le dit Althusser, « le concept de chien ne mord pas ». Et de juger les organisation politiques non pas aux nobles ou moins nobles idées qu’elles énoncent, mais à leurs œuvres. Au nom d’idées plus généreuses les unes que les autres, la gauche a porté sur les fonts baptismaux Maastricht et privatisé à tour de bras. Alors, je me dis qu’il faut relativiser cette idée comme quoi « le vrai danger vient de l’extrême droite ».
[Toutefois, par ailleurs, je ne comprends pas que le PCF reste dans ce nid de guêpes qu’est la NUPES, sauf à considérer que “en politique, on ne sort de l’ambiguïté qu’à son détriment”…]
La NUPES a joué son rôle d’alliance électorale, en permettant au PCF de garder un groupe à l’Assemblée. Aujourd’hui, elle n’est qu’une étiquette vide. A partir de là, est-ce qu’aujourd’hui on gagnerait plus la quitter qu’à y rester dedans ?
Énième épisode de l’opposition en la gauche des axiomes contre celle des principes. Celle des principes au nom de l’émancipation ne peut accepter aucune disposition de l’islam, celle des axiomes ferme les yeux sur 14 siècle d’échecs à cause de l’axiome syllogistique : islam = colonisé, colonisé = victime donc islam = victime. (j’assume le coté tendancieux de l’exemple !)
@ Gérard Couvert
[Énième épisode de l’opposition en la gauche des axiomes contre celle des principes. Celle des principes au nom de l’émancipation ne peut accepter aucune disposition de l’islam, celle des axiomes ferme les yeux sur 14 siècle d’échecs à cause de l’axiome syllogistique : islam = colonisé, colonisé = victime donc islam = victime. (j’assume le coté tendancieux de l’exemple !)]
Votre commentaire est particulièrement obscur. Comment caractériser la gauche “des axiomes” et celle “des principes” ? Et que vient faire l’Islam dans cette affaire ?
14 jours plus tard l’obscurité s’éclaire tragiquement.
1000 Juifs sont morts parce qu’ils étaient Juifs (je met à part les 300 soldats Israéliens) bien sur, au moment ou j’écris plus de 1000 Gazouis sont morts sous les bombes de Tsahal, mais pas parce que ces victimes étaient arabes ou musulmanes et cela change tout. Les 1500 assassins barbares tués peuvent pourrir dans le Negev.
J’étais mercredi dans la synagogue de Toulouse, l’émotion était grande, la colère aussi, et certains avaient une rage intérieure double, conte le Hamas et contre tout ceux qui ne veulent pas lire le coran et l’histoire de l’islam. LFI est cette gauche des axiomes, Carole Delga (qui à prononcé un discours dans la synagogue), malgré ses insuffisances, appartient à la gauche des principes.
Mon épouse, comme nombre de ses collègues, commence à partir travailler avec la peur présente en elle ; est-ce tolérable ? Quelle en est la cause originelle si ce n’est les multiples sourates appelant au meurtre des infidèles et l’impossible aggiornamento du coran.
Vous répondrez que l’islam est varié qu’il y a des pratiques individuelles éloignées du dogme, pourtant les lapidations en Indonésie sont courantes, le GIA et le FLN en Algérie montrent que la violence est toujours sous-jacente, le Pakistan tue pour des blasphèmes (souvent imaginaires) au Sahel les villes sont affamées ou doivent se soumettre à la charia, et même à Gaza les habitants, dont une part, espérons majoritaire n’aspire qu’à la paix, sont embrigadés pour le djihad dés qu’ils savent marcher.
Dans nos villes européennes des ghettos volontaires se sont édifiés ou la Loi commune est bafouée sans cesse et ou l’économie communautaire et souvent souterraine est seule présente.
Ouvrez les yeux.
@ Gerard Couvert
[1000 Juifs sont morts parce qu’ils étaient Juifs (je mets à part les 300 soldats Israéliens)]
Les combattants du Hamas ont ouvert le feu sur tout ce qui bougeait, juif ou pas. Pour ne prendre qu’un exemple, un certain nombre de Thaïlandais qui étaient venus travailler en Israël sont morts dans l’attaque. Est-ce qu’ils sont morts « parce qu’ils étaient juifs » ? Cela m’étonnerait, je ne pense pas qu’il y ait une grande communauté juive en Thaïlande.
[bien sur, au moment ou j’écris plus de 1000 Gazaouis sont morts sous les bombes de Tsahal, mais pas parce que ces victimes étaient arabes ou musulmanes et cela change tout.]
Encore une fois, l’assassinat des travailleurs thaïlandais infirme votre idée que le Hamas visait spécifiquement les juifs. Que ce soit à Gaza ou dans les kibbutz israéliens, les gens meurent simplement parce qu’ils sont au mauvais endroit au mauvais moment. C’est le propre des attaques terroristes, d’ailleurs.
[J’étais mercredi dans la synagogue de Toulouse, l’émotion était grande, la colère aussi, et certains avaient une rage intérieure double, conte le Hamas et contre tout ceux qui ne veulent pas lire le coran et l’histoire de l’islam.]
Vous savez, la Torah a, elle aussi, son lot de génocides. Relisez ce qui est arrivé aux prêtres de Baal dans le livre des Rois… Mais laissons cela de côté : il est parfaitement normal que l’émotion soit grande dans les synagogues aujourd’hui. Ce qui m’attriste, c’est qu’il n’y a pas eu d’émotion lors de l’opération « plomb fondu », ou lors des massacres de Sabra et Chatila. Au risque de vous paraître insensible, je n’aime pas le réflexe communautaire qui consiste à pleurer seulement les siens.
[LFI est cette gauche des axiomes, Carole Delga (qui à prononcé un discours dans la synagogue), malgré ses insuffisances, appartient à la gauche des principes.]
Je ne sais pas. Comment se manifestent ces « principes » lorsque des adolescents sont tués en Cisjordanie par des colons, par exemple ? Se rend-t-elle à la synagogue pour les expliquer ? J’en doute.
[Mon épouse, comme nombre de ses collègues, commence à partir travailler avec la peur présente en elle ; est-ce tolérable ?]
Peur de quoi ? Franchement, la probabilité qu’on se fasse frapper pour vous voler votre portable est infiniment plus élevée que de subir une agression antisémite. Soyons rationnels…
[Quelle en est la cause originelle si ce n’est les multiples sourates appelant au meurtre des infidèles et l’impossible aggiornamento du coran.]
« « Élie leur dit alors : « Saisissez les prophètes de Baal : que pas un seul ne s’échappe ! » Ils les saisirent. Élie les fit descendre au ravin du Qishone, et là il les égorgea. » (Rois 1, 18 :40)
[Vous répondrez que l’islam est varié qu’il y a des pratiques individuelles éloignées du dogme, pourtant les lapidations en Indonésie sont courantes, le GIA et le FLN en Algérie montrent que la violence est toujours sous-jacente, le Pakistan tue pour des blasphèmes (souvent imaginaires) au Sahel les villes sont affamées ou doivent se soumettre à la charia,]
Vous savez, en Argentine la dictature de Videla tuait avec les évangiles dans la main. Quelle conclusion tireriez-vous ? Malheureusement, toutes les religions ont leurs fanatiques, et ces fanatiques utilisent la puissance de la croyance. Que voulez-vous que je vous dise ?
Il est d’ailleurs effrayant de comparer ce qu’était l’humanisme juif du XIXème et de la première moitié du XXème siècle, et ce qui en reste en Israël.
Vous savez on voit que quelqu’un est de gauche lorsqu’il cherche forcement à faire entrer la réalité dans son cadre idéologique ; vous n’avez pas souvent ce travers, sauf lorsqu’il s’agit d’exonérer l’islam.
Tout indique que les Thaïlandais ont été exécuté après avoir été fait prisonniers ; je vous invite à aller voir les chaines Telegram du Hamas ou de ses militants , seulement si vous avez le cœur solide.
C’est tout simplement un argument minable, et bien dans l’habitude du “Vivre ensemble” , “Pas de vague”, “Allumons des bougies”, etc. que de trouver un exemple contre cent et surtout n’ayant pas de répercussion réelle. L’exemple cité est la relation d’un passé (peut importe que l’on y croit ou pas) pas un commandement ; sauf erreur il n’existe plus de prophètes de Baal, en revanche lorsque le coran appelle à tuer il s’agit de personnes bien réelles, des apostats, des mécréants, des Chrétiens, et des Juifs comme nous l’avons pu voir récemment.
” Videla tuait avec les évangiles (lesquels ?) dans la main.” admettons ; et alors ? il y a-t-il un seul texte dans les évangiles qui prescrive de tuer tel ou tel individu ou communauté ?
“ces fanatiques utilisent la puissance de la croyance” par forcement pour massacrer leur voisins, les Bahai’s ne me semblent pas avoir fait parler d’eux à cause de leur violence. Les jésuites protégeaient les communautés Amérindiennes de la voracité assassine de certains Conquistadors.
“je n’aime pas le réflexe communautaire qui consiste à pleurer seulement les siens.” je n’aime pas le réflexe de bonne conscience confortable qui consiste à pleurer surtout les autres.
“Peur de quoi ?” pour l’instant d’être bousculée dans les escaliers (deux cas l’an passé) , d’être accusée de racisme parce qu’elle parle de Voltaire (chaque année), de devoir contraindre des élèves, faisant 20 cm. de plus, à enlever leur casque, d’être obligé d’intervenir physiquement pour éviter des frottements contre une petite blonde, de devoir faire partie -et c’est difficile d’en organiser de nos jours- de conseils de discipline emplis d’agressions verbales et de provocations où associations gauchistes (ou communistes) et “communauté” mandent des avocats, etc… mais bien sur ce ne sont que des broutilles de gentils adolescents. turbulents … tous musulmans, mais surtout ne pas le voir !
J’avais un ami, communiste pur et dur, avec qui nous parlions de tout, durant des heures, mangeant et buvant pas mal, c’était un instituteur à l’ancienne qui aimait ses élèves -le mot n’est pas trop fort mais est bien sur exempt de connotations sexuelles- qui aimait la France aussi, passionnément : durant un certain temps nous avons milité tous les deux au RPF (Pasqua), nous savions pourquoi l’un et l’autre nous étions là. Michel L. était célibataire, avait 50 ans, et une petite équipe se réunissait chez lui, les bouteilles et les rêves d’une France avançant tournoyaient, puis, peu à peu nous avons sentis qu’il se passait quelque chose … un soir nous avons vu arriver une jeune algérienne, la vingtaine, plutôt moche, qui s’est relevé être une ancienne élève ; elle à prit de plus en plus de place, intervenant sans raison ni à propos dans les discussions, souvent provocante. Sa mère aussi est venue emménager chez Michel, puis une après-midi il est passé chez moi me dire qu’il s’était converti à l’islam. J’ai tenté de lui montrer l’idiotie de la chose, de lui parler de l’émancipation, du respect des autres, rien n’y a fait ; toujours revenait son éducation catholique et les retrouvailles avec la vraie foi !
Les soirées chez Michel se sont espacées, puis sans lui nous sommes allés ailleurs ; une maladie l’emporta en quelques semaines. Sans moi il fut enterré dans le “carré musulman”, puisque mêmes morts ils ne veulent pas se mélanger.
Aujourd’hui je passe parfois tristement devant la maison de Michel, la smala y vit, et l’algérienne est là avec son nouveau mari, sa nouvelle proie ?
@ Gerard Couvert
[Vous savez on voit que quelqu’un est de gauche lorsqu’il cherche forcement à faire entrer la réalité dans son cadre idéologique ;]
Comment était déjà cette histoire de la paille dans l’œil du voisin et la poutre dans le sien ?
[Tout indique que les Thaïlandais ont été exécuté après avoir été fait prisonniers ;]
Pourriez-vous indiquer précisément qu’est ce qui « indique » pareille chose ?
[je vous invite à aller voir les chaines Telegram du Hamas ou de ses militants , seulement si vous avez le cœur solide.]
Je n’ai aucune intention de le faire. Non parce que je n’ai pas le cœur solide, mais parce que cela n’a aucun intérêt. D’ailleurs, allez voir les chaines Télégram des mouvements suprémacistes juifs, et vous trouverez à peu près les mêmes expressions, seule la cible change. Cela me fait d’ailleurs bien plus de mal, parce que je n’aurais jamais imaginé qu’après Auschwitz on verrait un dirigeant politique juif qualifier des êtres humains « d’animaux ».
[C’est tout simplement un argument minable, et bien dans l’habitude du “Vivre ensemble” , “Pas de vague”, “Allumons des bougies”, etc. que de trouver un exemple contre cent et surtout n’ayant pas de répercussion réelle.]
Après cette introduction générale qui permet de dévaloriser à peu près n’importe quel discours, allons au fond :
[L’exemple cité est la relation d’un passé (peut importe que l’on y croit ou pas) pas un
commandement ; sauf erreur il n’existe plus de prophètes de Baal, en revanche lorsque le coran appelle à tuer il s’agit de personnes bien réelles, des apostats, des mécréants, des Chrétiens, et des Juifs comme nous l’avons pu voir récemment.]
C’est quand même curieux que vous placiez la Torah dans un « passé », mais le Coran toujours au présent. Désolé, mais le Coran fait aussi référence à un passé. Le problème, c’est que les textes sacrés prétendent à une validité universelle, et qu’ils fournissent donc des exemples qui se prétendent intemporels. Pourquoi continue-t-on à invoquer le Livre des Rois, si ce n’est parce qu’on prétend de déduire du récit en question des règles pour aujourd’hui ? Quand on cite la parabole du bon samaritain, diriez-vous qu’il n’y a pas là un commandement, qu’il s’agit d’une relation d’un fait passé et que la leçon ne s’applique qu’aux habitants de la Samarie du Ier siècle ?
Non. Lorsque la bible hébraïque parle du génocide des philistins, elle fournit une légitimation pour des génocides possibles aujourd’hui, au même titre que le Coran fournit une légitimation aux assassinats des apostats et des mécréants. C’est quand même drôle : après m’avoir reproché de vouloir « faire rentrer le réel dans mon idéologie », vous faites exactement la même chose : vous décidez arbitrairement que dans telle religion les textes sacrés ont une valeur justificative ou prescriptive, et que dans telle autre ce ne sont que des « relations du passé »… Désolé, mais il faut être sérieux : lorsqu’un récit est sacralisé, c’est précisément pour lui donner une valeur prescriptive.
[”Videla tuait avec les évangiles (lesquels ?) dans la main.” admettons ; et alors ? il y a-t-il un seul texte dans les évangiles qui prescrive de tuer tel ou tel individu ou communauté ?]
« Ne croyez pas que je sois venu apporter la paix sur la terre; je ne suis pas venu apporter la paix, mais l’épée. Car je suis venu mettre la division entre l’homme et son père, entre la fille et sa mère, entre la belle-fille et sa belle-mère; et l’homme aura pour ennemis les gens de sa maison ». (Mathieu, 10:34)
[“ces fanatiques utilisent la puissance de la croyance” par forcement pour massacrer leur voisins, les Bahai’s ne me semblent pas avoir fait parler d’eux à cause de leur violence. Les jésuites protégeaient les communautés Amérindiennes de la voracité assassine de certains Conquistadors.]
Faudrait pas trop pousser la carte postale. Les conquistadors voulaient de l’or, ce qui supposait la confrontation physique avec les amérindiens. Les jésuites voulaient le pouvoir, ce qui supposait la destruction de leur culture. Si Cortez détruisit Tenochtitlan pour prendre l’or, Landa brûla l’ensemble des manuscrits mayas pour liquider leur culture. Et tous deux furent légitimés par l’Evangile… Faire des jésuites des sortes de protecteurs désintéressés, c’est pousser les choses un peu loin…
[“je n’aime pas le réflexe communautaire qui consiste à pleurer seulement les siens.” je n’aime pas le réflexe de bonne conscience confortable qui consiste à pleurer surtout les autres.]
Je vous mets au défi de montrer en quoi cette accusation s’appliquerait à moi ?
[“Peur de quoi ?” pour l’instant d’être bousculée dans les escaliers (deux cas l’an passé) , d’être accusée de racisme parce qu’elle parle de Voltaire (chaque année), de devoir contraindre des élèves, faisant 20 cm. de plus, à enlever leur casque, d’être obligé d’intervenir physiquement pour éviter des frottements contre une petite blonde, de devoir faire partie -et c’est difficile d’en organiser de nos jours- de conseils de discipline emplis d’agressions verbales et de provocations où associations gauchistes (ou communistes) et “communauté” mandent des avocats, etc… mais bien sur ce ne sont que des broutilles de gentils adolescents. turbulents … tous musulmans, mais surtout ne pas le voir !]
Je ne vois pas le rapport avec l’attaque du Hamas. Tout cela existait avant, et rien n’a changé après. Et cela n’a rien à voir avec l’antisémitisme.
[(…) Les soirées chez Michel se sont espacées, puis sans lui nous sommes allés ailleurs ; une maladie l’emporta en quelques semaines. Sans moi il fut enterré dans le “carré musulman”, puisque mêmes morts ils ne veulent pas se mélanger.]
C’est une histoire triste, mais ce n’est qu’un cas personnel, difficile d’en faire un cas général. Je pourrais vous raconter des histoires semblables avec conversion au catholicisme intégriste où au protestantisme évangélique. J’ai un ami qui, après la mort de ses parents, fut “consolé” par une catolique charismatique. Il se maria avec elle, cessa de voir ses amis, s’est engagé dans un diaconat laïque… Quelle conclusion en tireriez-vous ?
Pour ce qui concerne votre dernière phrase, notez que les « carrés juifs » sont tout aussi nombreux. Et que si les chrétiens n’étaient pas largement majoritaires, ils exigeraient probablement eux aussi d’avoir des « carrés » réservés. Toutes les religions séparent…
@ Descartes,
Bonjour,
[« Ne croyez pas que je sois venu apporter la paix sur la terre; je ne suis pas venu apporter la paix, mais l’épée. Car je suis venu mettre la division entre l’homme et son père, entre la fille et sa mère, entre la belle-fille et sa belle-mère; et l’homme aura pour ennemis les gens de sa maison ». (Mathieu, 10:34)]
Je vous prie de m’excuser, mais si on est parfaitement rigoureux, ce passage ne contient pas stricto sensu un appel au meurtre. Il présente le Christ comme un ferment de division au sein des familles et des clans. Il est, je suis d’accord, potentiellement porteur de violence (lesquelles? ce n’est pas vraiment précisé) mais il est à noter que cette violence concerne “les siens” et non “les autres”: “l’homme aura pour ennemis les gens de sa maison”. Faut-il comprendre que l’homme en question doit tuer “les gens de sa maison” sans autre forme de procès? Ou bien l’épée susdite fait-elle référence à celle que risquent de brandir les “gens de sa maison”? En fait, ce passage est nébuleux et ne se laisse pas interpréter si facilement.
Je note d’ailleurs que ce passage est le seul qu’invoque presque systématiquement les gens qui expliquent que le Nouveau Testament contient des “appels à la violence”. Cela me paraît un peu léger pour soutenir l’accusation.
[Faire des jésuites des sortes de protecteurs désintéressés, c’est pousser les choses un peu loin…]
Je me demande si M. Couvert ne fait pas référence aux “réductions jésuites” installées dans ce qui deviendra le Paraguay. Il ne faut certes pas idéaliser ces établissements, mais il semble bien que les jésuites aient par leur action permis à une partie des Guaranis de résister aux chasseurs d’esclaves brésiliens.
[Toutes les religions séparent…]
Et la République nous réunit… comme c’est beau. Mais en fait, la nation n’est pas si différente, elle aussi sépare: il y a ceux qui sont dedans, et ceux qui sont dehors. Et ceux qui sont dedans “communient” aussi autour de rites, de traditions, de mythes. Enfin, “communiaient” devrais-je dire.
@ Carloman
[Je vous prie de m’excuser, mais si on est parfaitement rigoureux, ce passage ne contient pas stricto sensu un appel au meurtre. Il présente le Christ comme un ferment de division au sein des familles et des clans.]
La référence à l’épée parait assez explicite quant à la violence. Il me semble clair que le texte fait référence à un niveau de division dans les familles et les clans qui ne sera résolue que “par l’épée” et donc dans le sang.
[En fait, ce passage est nébuleux et ne se laisse pas interpréter si facilement.]
Les Evangiles sont bien plus “métaphoriques” que ne le sont la Torah ou le Coran, probablement parce qu’ils ont été écrits dans le cadre de l’Empire romain, et qu’un appel explicite à la violence aurait expose les chrétiens a de graves désagréments. Ma théorie est que si le christianisme est singulier par rapport aux deux autres grands monothéismes, cela tient à ce qu’il se développe au départ dans le cadre d’un état fort qui lui est extérieur et avec lequel il faut compter. Cela oblige dès le départ les chrétiens à modérer leur tentation totalitaire, à théoriser la séparation du civil et du religieux. La volonté totalitaire s’exprimera plus tard, lorsque le christianisme aura conquis l’Etat. Mais le christianisme gardera quand même la marque de ses origines.
[Je note d’ailleurs que ce passage est le seul qu’invoque presque systématiquement les gens qui expliquent que le Nouveau Testament contient des “appels à la violence”. Cela me paraît un peu léger pour soutenir l’accusation.]
Peut-être parce que c’est le plus explicite. Mais encore une fois, le Coran ou la Torah ont été écrites comme instruments du pouvoir. Les Evangiles sont le produit d’une secte minoritaire obligée de compter avec un pouvoir fort et en principe hostile. Un appel explicite a la violence était donc logique dans les deux premiers cas, très dangereux dans le troisième…
[“Toutes les religions séparent…” Et la République nous réunit… comme c’est beau. ]
N’est-ce pas ? Je savais bien que j’arriverai tôt ou tard à vous convertir…
[Mais en fait, la nation n’est pas si différente, elle aussi sépare: il y a ceux qui sont dedans, et ceux qui sont dehors. Et ceux qui sont dedans “communient” aussi autour de rites, de traditions, de mythes.]
Oui et non. Il y a une différence fondamentale : la religion implique un rapport a la foi, qui est absente autant de la nation que de la République. Ni l’une ni l’autre demande de moi que je croie a des choses absurdes, pour reprendre la formule augustinienne.
Doriot nulle part mais Médine partout, tous en veulent et lui vend sa camelote, pas que des quenelles — et le souvenir de Tapie qui avait commencé comme chanteur de charme. La nupes, quel horrible naufrage.
@ Norbert
[Doriot nulle part mais Médine partout, tous en veulent et lui vend sa camelote, pas que des quenelles — et le souvenir de Tapie qui avait commencé comme chanteur de charme. La nupes, quel horrible naufrage.]
En effet, il est assez ironique de voir les mêmes qui invitent Médine à parler politique accusent les autres d’avoir “du Doriot en eux”. En fait, l’affaire Médine met en évidence un vieux syndrome gauchiste. Le gauchisme a toujours buté sur un problème: la classe ouvrière, les travailleurs, sont généralement conservateurs en matière sociétale. Pour se trouver une base sociologique pour contester “l’ordre”, il lui faut aller chercher les partisans du désordre dans le lumpenprolétariat. Ce n’est pas par hasard si l’extrême gauche est fascinée par les figures du marginal et du taulard – Mesrine, Knobelspiess, Goldman sont des bons exemples de cette fascination.
Le problème, c’est que si ces gens-là communient avec les gauchistes lorsqu’il s’agit de conchier “l’ordre établi”, ils amènent avec eux de fort vilains défauts…
La faute aux “gauchistes” ? Rires. Il faudrait qu’il y ait une gauche. Le fait est que tous tous invitent Médine (qui n’a rien du lumpen). Tous. Ceux qui voient du Doriot partout, ceux qui oublient Déat, les Amis de la Terre (qui ne ment pas) et aussi les zombis qui défendent le barbecue prolétarien sans cacher leur goût pour les merguez islamistes.
@ norbert
[La faute aux “gauchistes” ? Rires. Il faudrait qu’il y ait une gauche. Le fait est que tous tous invitent Médine (qui n’a rien du lumpen). Tous. Ceux qui voient du Doriot partout, ceux qui oublient Déat, les Amis de la Terre (qui ne ment pas) et aussi les zombis qui défendent le barbecue prolétarien sans cacher leur goût pour les merguez islamistes.]
« Tout le monde fait ça, c’est la consolation des imbéciles ». Tous invitent Médine ? Oui, peut-être, mais vous noterez qu’il y a invitation et invitation. On peut inviter Médine à une fête, on peut l’inviter à une université d’été. On peut l’inviter à un débat politique, ou bien l’inviter à chanter sur scène. Et ce n’est pas la même chose.
Prenez par exemple la fête de l’Humanité : on a vu s’y succéder à la Grande Scène des artistes de tout bord politique. De Johnny Halliday à Renaud, de Pink Floyd à Jacques Dutronc, en passant par le magnifique défilé de mode d’Yves Saint Laurent, nombreux sont ceux qui n’avaient pas leur carte au PCF, voire qui le conchiaient. Et alors ? On ne demande pas sa carte à un artiste avant qu’il ne se produise sur scène. Très différent est le cas où l’on invite la personnalité en question à s’exprimer politiquement dans un débat ou dans un entretien dans le contexte d’une université d’été, par exemple, comme ce fut le cas pour LFI ou pour EELV.
Par ailleurs, je vous accorde volontiers que Médine n’est pas lui-même « du lumpen ». Mais à qui s’adresse sa musique ? That is the question.
[Par ailleurs, je vous accorde volontiers que Médine n’est pas lui-même « du lumpen ». Mais à qui s’adresse sa musique ? That is the question.]
Pas tellement au lumpen, vu le niveau des textes. On peut dire ce que l’on veut des positions politiques de Medine, et je ne les partage guère, mais ce bougre sait écrire ! C’est truffé de jeux de mots et de références historiques et culturelles, et les productions musicales sont plus léchées que la moyenne (ce qui n’est certes pas compliqué).
Extraits choisis dans les quelques morceaux qu’il m’arrive d’écouter :
“J’ai l’sang mêlé, un peu colon un peu colonisé Un peu colombe sombre ou corbeau décoloriséMédine est métissé, Algérien-français Double identité, je suis un schizophrène de l’humanité
(…)
Pensiez-vous que nos oreilles étaient aux arrêts ? Et que nos yeux voyaient l’histoire par l’œil d’Aussaresses ? Pensiez-vous que la mort n’était que Mauresque ? Que le seul sort des Arabes serait commémoré ?” (Alger pleure)
“Accent normand sur langue de Molière, j’suis pas normalien Comme un Algérien du sud qui se revendiquerait Nord Malien J’suis pas reptilien, un animal à sang froid Je ne mentirai pas au public, tu copiera ça 100 foisDans les années nonantes, M6 et la nuit du Wu TangJe louche sur la paire de Mutombo, dans les nuages comme Hakeem Olajuwon On passe du lobby au rooftop, Sals’, Médine et puis Rudolph On parle du futur mais ne veut pas mal vieillir comme le Futuroscope” (Global)
“Caractère vénal ne supplie pas l’Etat J’avale le Code pénal comme arme sublétale Et puis j’écris quelque sonnets bad comme à Soledad Quand les chefs d’État poignardent sous les tables Sous les dalles sont les descendants de Souleymane Et sous les draps sont les leaders tombés sous les balles Me saoulez pas, moi j’ai quelques albums sous le brasC’est de la soul en rap pour bad boys et scélérats” (Self defense
Même sa chanson Don’t laïk, au message très contestable, est bien écrite.
Finalement, en s’affiliant politiquement au gauchisme, Medine ne fait que s’aligner avec son public naturel : les classes moyennes à fort capital culturel. Ce qui est drôle, c’est que cette affiliation se fait au prix de certaines contorsions idéologiques. Medine, en tant que musulman pratiquant revendiqué, n’est naturellement pas très LGBT friendly. Or, on l’a vu ces derniers temps défendre l’intersectionnalité, et la convergence des luttes des “dominés”, minorités sexuelles incluses. Cela ressemble fort aux stratégies des Frères musulmans, et je me demande si tout cela est bien sincère de sa part… Mais cela lui a ouvert grand les portes de la FI et d’EELV !
@ Patriote Albert
[« Par ailleurs, je vous accorde volontiers que Médine n’est pas lui-même « du lumpen ». Mais à qui s’adresse sa musique ? That is the question. » Pas tellement au lumpen, vu le niveau des textes. On peut dire ce que l’on veut des positions politiques de Medine, et je ne les partage guère, mais ce bougre sait écrire ! C’est truffé de jeux de mots et de références historiques et culturelles, et les productions musicales sont plus léchées que la moyenne (ce qui n’est certes pas compliqué).]
Sur la musique je ne me prononcerai pas, n’ayant toujours pas compris ce qu’on peut trouver d’intéressant dans ce type de musique. Mais les textes… franchement, je les trouve au ras des pâquerettes, et les « références historiques et culturelles » sont plutôt des clichés. Jeux de mots ? J’en ai pas trouvé. Quant au vocabulaire… avoir une langue riche, c’est de mettre le bon mot au bon endroit, pas de prendre n’importe quel mot dans un dictionnaire de rimes parce qu’il sonne bien. « Je ne suis pas reptilien » ne veut rien dire (c’est d’ailleurs un anglicisme, la formule correcte en français est « je ne suis pas un reptile ». Sans compter sur les phrases qui ne veulent rien dire : « On parle du futur mais ne veut pas mal vieillir comme le Futuroscope ». D’où sort-il que le Futuroscope a « mal vielli » ?
Ce qu’il fait, c’est juste empiler les mots pour faire des phrases qui n’ont aucun lien entre eux : « Accent normand sur langue de Molière, j’suis pas normalien » suivi de « Comme un Algérien du sud qui se revendiquerait Malien ». Pouvez-vous m’expliquer le lien logique entre ces deux phrases ?
Ou bien, le dernier de vos extraits : « Caractère vénal ne supplie pas l’Etat » suivi de « J’avale le Code pénal comme arme sublétale ». Pouvez-vous me dire ce que ces deux phrases veulent dire, et quel est lien logique entre elles ? Non, Médine n’a rien d’un poète. C’est un musicien des mots : il empile des mots pour avoir un son, c’est tout. Et si possible, d’introduire quelques phrases « à la mode » qui lui permettent de se positionner chez les bienpensants. C’est d’ailleurs ce qui à mon avis l’a trahi dans l’affaire Rachel Kahn. Il a cherché le « son » de l’expression sans se rendre compte que celle-ci avait une signification.
[Même sa chanson Don’t laïk, au message très contestable, est bien écrite.]
Je ne vois pas en quoi elle serait « bien écrite ». Pouvez-vous développer ?
[Finalement, en s’affiliant politiquement au gauchisme, Medine ne fait que s’aligner avec son public naturel : les classes moyennes à fort capital culturel.]
Je pense qu’il vise un public bien plus large. Une jeunesse de banlieue attirée par ce type de texte facile parce qu’il repose sur « l’effet de sens », et une jeunesse des classes intermédiaires qui s’encanaille…
[Ce qui est drôle, c’est que cette affiliation se fait au prix de certaines contorsions idéologiques. Medine, en tant que musulman pratiquant revendiqué, n’est naturellement pas très LGBT friendly. Or, on l’a vu ces derniers temps défendre l’intersectionnalité, et la convergence des luttes des “dominés”, minorités sexuelles incluses.]
Dans ses chansons ?
[Mais les textes… franchement, je les trouve au ras des pâquerettes, et les « références historiques et culturelles » sont plutôt des clichés. Jeux de mots ? J’en ai pas trouvé. Quant au vocabulaire… avoir une langue riche, c’est de mettre le bon mot au bon endroit, pas de prendre n’importe quel mot dans un dictionnaire de rimes parce qu’il sonne bien.]
Il faut comparer ce qui est comparable. Medine n’est pas Aragon, mais son niveau de vocabulaire et ses références sont bien au-delà de l’immense majorité des autres rappeurs, et même de bien des artistes de chanson ou de variété actuels. Lisez le texte de n’importe quel morceau d’un Jul, d’un Niska, d’un Damso, de PNL pour voir… Et vous découvrirez ce qu’écouté réellement le lumpen.
[« Je ne suis pas reptilien » ne veut rien dire (c’est d’ailleurs un anglicisme, la formule correcte en français est « je ne suis pas un reptile ».]
Ce terme est pourtant issu d’une théorie complotiste délirante, selon laquelle les maîtres du monde appartiendraient en réalité à une race extraterrestre mi-homme mi-serpents : les reptiliens. Cette phrase a donc un sens.
[D’où sort-il que le Futuroscope a « mal vielli » ?]
Là aussi, je trouve que la phrase a du sens : c’était un parc d’attraction visionnaire dans les années 90, mais qui a eu quelques difficultés pour se renouveler et qui a subi la concurrence des cinémas (avec la 3D) et des autres innovations numériques (comme la réalité virtuelle). Il ne me semble plus tellement mis en avant aujourd’hui.
[« Accent normand sur langue de Molière, j’suis pas normalien » suivi de « Comme un Algérien du sud qui se revendiquerait Malien ». Pouvez-vous m’expliquer le lien logique entre ces deux phrases ?]
Oui, les deux phrases expriment un décalage ou un conflit entre deux identités. J’admets cependant que le “j’suis pas normalien” est un peu artificiel, et se place ici surtout pour la rime. Mais qui dans le “lumpen” sait ce qu’est un normalien ? C’était là mon point au départ.
[Ou bien, le dernier de vos extraits : « Caractère vénal ne supplie pas l’Etat » suivi de « J’avale le Code pénal comme arme sublétale ». Pouvez-vous me dire ce que ces deux phrases veulent dire, et quel est lien logique entre elles ?]
Mon interprétation est que Medine n’attend rien de l’État, et au contraire propose d’utiliser le droit contre celui-ci. Bon, ce qui est sûr, et là je vous rejoins, c’est qu’il y a dans les chansons de Medine une musique des mots qui est parfois plus importante que leur sens. De là à dire qu’il ne fait “qu’empiler les mots pour avoir un son”, je suis en désaccord, il y a un fond à ses textes, et c’est d’ailleurs en partie pour cela qu’il fait polémique.
[Je ne vois pas en quoi elle serait « bien écrite ». Pouvez-vous développer ?]
Je pense que nous avons fait le tour du sujet avec les extraits précédents. Je trouve que ce genre de phrase a à la fois un aspect sonore recherché et un certain sens :
“Nous sommes les gens du LivreFace aux évangélistes d’Eve AngeliUn genre de diable pour les anges de la TV Reality”
Medine oppose la religion aux émissions de TV-poubelle dénuées de spiritualité, cela s’entend. Il n’y a rien d’extraordinaire, mais encore une fois c’est très très au-dessus du rappeur moyen (dont je n’ose mettre ici les paroles, il y assez de tristesse en ce bas-mode pour cela !).
[Je pense qu’il vise un public bien plus large. Une jeunesse de banlieue attirée par ce type de texte facile parce qu’il repose sur « l’effet de sens », et une jeunesse des classes intermédiaires qui s’encanaille…]
Oui, mais une jeunesse urbaine plutôt éduquée, j’ai eu des élèves de Terminale générale qui appréciaient beaucoup Medine, mais je ne suis pas sûr que ça soit la tasse de thé des guetteurs.
[Dans ses chansons ?]
Non (quoique je n’ai pas écouté ses dernières productions), dans une interview pour le media gauchiste Ballast : “Ceux qui me défendent le plus sont les gens de terrain, ceux qu’on appelle les « antifas ». Ils luttent et veulent que les luttes convergent. On ne va pas se disputer sur ce qui nous sépare, faire des comptes d’apothicaire. On veut la justice sociale, on veut combattre l’extrême droite, on veut en finir avec les mécanismes d’oppression qui frappent à la fois les populations LGBT, à la fois les racisés, à la fois les féministes. On doit aller dans le même sens, avoir un ennemi commun.” (https://www.revue-ballast.fr/medine-on-veut-la-liberation-de-ces-prisonniers/)
uve au ras des pâquerettes, et les « références historiques et culturelles » sont plutôt des clichés. Jeux de mots ? J’en ai pas trouvé. Quant au vocabulaire… avoir une langue riche, c’est de mettre le bon mot au bon endroit, pas de prendre n’importe quel mot dans un dictionnaire de rimes parce qu’il sonne bien.
[Il faut comparer ce qui est comparable. Medine n’est pas Aragon, mais son niveau de vocabulaire et ses références sont bien au-delà de l’immense majorité des autres rappeurs,]
Je ne vous le fais pas dire… c’est pourquoi je m’étonnais lorsque vous écrivez que : « ce bougre sait écrire ! C’est truffé de jeux de mots et de références historiques et culturelles, » ou que telle chanson « est bien écrite », remarques qui expriment un jugement absolu, et non une comparaison avec d’autres rappeurs. Quand on me dit « le bougre sait écrire », je le compare naturellement aux gens qui, de l’avis général, « savent écrire ». Je ne dirais pas que le borgne a une vision parfaite au prétexte qu’il est entouré d’aveugles.
[et même de bien des artistes de chanson ou de variété actuels. Lisez le texte de n’importe quel morceau d’un Jul, d’un Niska, d’un Damso, de PNL pour voir… Et vous découvrirez ce qu’écouté réellement le lumpen.]
Je veux bien qu’au pays des aveugles les borgnes soient rois. Mais ils ne sont pas moins borgnes.
[« Je ne suis pas reptilien » ne veut rien dire (c’est d’ailleurs un anglicisme, la formule correcte en français est « je ne suis pas un reptile ». Ce terme est pourtant issu d’une théorie complotiste délirante, selon laquelle les maîtres du monde appartiendraient en réalité à une race extraterrestre mi-homme mi-serpents : les reptiliens. Cette phrase a donc un sens.]
Sauf que 1) c’est une théorie anglosaxonne, d’où l’utilisation du nom « reptilien » qui n’existe pas en français (l’adjectif, lui existe pour caractériser ce qui se rapporte aux reptiles) et 2) aucun élément de contexte n’indique qu’on se réfère à cette théorie complotiste. Je vous rappelle la formule : « Accent normand sur langue de Molière, j’suis pas normalien Comme un Algérien du sud qui se revendiquerait Nord Malien J’suis pas reptilien, un animal à sang froid Je ne mentirai pas au public, tu copiera ça 100 fois ». Je répète : « Comme un Algérien du sud qui se revendiquerait Nord malien ; je ne suis pas un reptilien ». Pour lier cette formule à la théorie en question, il faut se lever de bonne heure…
Vous noterez par ailleurs que si on retient le sens que vous donnez à la formule, il faut en conclure que Médine adhère à la théorie complotiste en question. Car proclamer « je ne suis pas un reptilien », implique admettre qu’il POURRAIT en être un, et donc que les « reptiliens » en question existent.
[« D’où sort-il que le Futuroscope a « mal vieilli » ? » Là aussi, je trouve que la phrase a du sens : c’était un parc d’attraction visionnaire dans les années 90, mais qui a eu quelques difficultés pour se renouveler et qui a subi la concurrence des cinémas (avec la 3D) et des autres innovations numériques (comme la réalité virtuelle). Il ne me semble plus tellement mis en avant aujourd’hui.]
Cela n’implique pas qu’il ait « mal vieilli ». Le cinéma est fortement concurrencé par un paquet d’innovations numériques (DVD, home cinéma, VOD) et pourtant il serait ridicule de dire que le cinéma a « mal vieilli ». Cette discussion illustre l’avantage de « l’effet de sens » : en multipliant les ambiguïtés, on permet à chacun de donner au texte le sens qui lui plait le mieux. Dans la formule « je ne suis pas un reptilien », vous compreniez une référence à une théorie complotiste, moi je voyais une référence au « sang chaud » du chanteur qui ne se laisse pas formatter (en référence avec la phrase suivante). Autrement dit, chacun trouve ce qu’il y met, et tout le monde est donc content.
[« Accent normand sur langue de Molière, j’suis pas normalien » suivi de « Comme un Algérien du sud qui se revendiquerait Malien ». Pouvez-vous m’expliquer le lien logique entre ces deux phrases ?]
Oui, les deux phrases expriment un décalage ou un conflit entre deux identités. J’admets cependant que le “j’suis pas normalien” est un peu artificiel, et se place ici surtout pour la rime. Mais qui dans le “lumpen” sait ce qu’est un normalien ? C’était là mon point au départ.]
Peut-être que non. Et alors ? Le « lumpen » écoute des chansons en anglais dont il ne comprend un traître mot. C’était bien mon point : comme vous le dites vous-même, les mots sont là « pour la rime » et non pour le sens. C’est plus la musique qui importe dans le rap – c’était déjà vrai dans la pop ou le rock – que le sens du texte. Pensez au succès du K-pop, chanté en coréen. Croyez-vous que les gens qui l’écoutent comprennent le coréen ?
C’est ça, la musique d’aujourd’hui. Les textes ne racontent pas une histoire, n’argumentent pas une idée, ce sont des phrases sans cohérence particulière avec un subtil mélange de sexe, de violence, de révolte individuelle, auxquelles celui qui écoute peut donner un peu le sens qui l’arrange. Bien sûr, il y a des honnêtes exceptions…
[« Ou bien, le dernier de vos extraits : « Caractère vénal ne supplie pas l’Etat » suivi de « J’avale le Code pénal comme arme sublétale ». Pouvez-vous me dire ce que ces deux phrases veulent dire, et quel est lien logique entre elles ? » Mon interprétation est que Medine n’attend rien de l’État, et au contraire propose d’utiliser le droit contre celui-ci.]
Ce qui reviendrait à dire qu’il se classe parmi les « caractères vénaux » ?
[Bon, ce qui est sûr, et là je vous rejoins, c’est qu’il y a dans les chansons de Medine une musique des mots qui est parfois plus importante que leur sens.]
QED…
[De là à dire qu’il ne fait “qu’empiler les mots pour avoir un son”, je suis en désaccord, il y a un fond à ses textes, et c’est d’ailleurs en partie pour cela qu’il fait polémique.]
Sauf que le « fond » de ses textes, c’est vous – l’auditeur – qui l’apportez. Et du coup, la polémique dont vous parlez est assez artificielle, parce qu’elle repose sur l’interprétation de formules vagues. J’ajoute que ce ne sont pas tant ses chansons qui font polémique, que ses déclarations publiques, j’y reviendrai.
[Je pense que nous avons fait le tour du sujet avec les extraits précédents. Je trouve que ce genre de phrase a à la fois un aspect sonore recherché et un certain sens :]
Et « avoir un certains sens » vous suffit pour conclure qu’elle est « bien écrite » ?
[“Nous sommes les gens du Livre Face aux évangélistes d’Eve Angeli Un genre de diable pour les anges de la TV Reality” Medine oppose la religion aux émissions de TV-poubelle dénuées de spiritualité, cela s’entend.]
Oui, sauf que Médine ne parle pas de « la religion » mais des « gens du Livre », ce qui exclut tout de même un paquet de religions et de spiritualités. On peut donc y voir au contraire une réflexion particulariste ou le seul antidote contre la TV-poubelle seraient les « religions du livre » à l’exclusion de toutes les autres.
Encore un exemple qui montre comment le « certain sens » dont vous parlez est apporté par vous, et non par Médine. Et vous pourriez apporter un sens très différent si vous adoptez un autre point de vue, qui serait tout aussi conforme au texte. Vous m’excuserez de penser qu’un texte qui se prête à toutes les interprétations n’a pas de véritable sens en lui-même.
[Il n’y a rien d’extraordinaire, mais encore une fois c’est très très au-dessus du rappeur moyen (dont je n’ose mettre ici les paroles, il y assez de tristesse en ce bas-mode pour cela !).]
Si vous voulez me convaincre que Médine est un borgne dans un milieu d’aveugles, je vous l’accorde bien volontiers.
[« Je pense qu’il vise un public bien plus large. Une jeunesse de banlieue attirée par ce type de texte facile parce qu’il repose sur « l’effet de sens », et une jeunesse des classes intermédiaires qui s’encanaille… » Oui, mais une jeunesse urbaine plutôt éduquée, j’ai eu des élèves de Terminale générale qui appréciaient beaucoup Medine, mais je ne suis pas sûr que ça soit la tasse de thé des guetteurs.]
Il serait intéressant de savoir ce que vos élèves de terminale générale apprécient chez Médine. Est-ce le contenu des textes ? Est-ce le rythme ? Est-ce la scansion ? Est-ce le fait de communier dans une idéologie « rebelle » ? Il serait intéressant de faire un travail sur cette question…
[« Dans ses chansons ? » Non (quoique je n’ai pas écouté ses dernières productions),]
C’est un peu mon hypothèse : le discours public et les chansons ne s’adressent pas tout à fait au même auditoire. Dans un entretien avec un media gauchiste – comme celui que vous citez – il peut se permettre de lever le drapeau LGBT ou féministe, parce qu’il parle à un certain public. Il ne le ferait pas dans ses chansons, parce qu’il n’a pas envie de heurter son public « lumpen »…
D’ailleurs, l’entretien de Médine que vous citez contient une formule passionnante : « On veut la justice sociale, on veut combattre l’extrême droite, on veut en finir avec les mécanismes d’oppression qui frappent à la fois les populations LGBT, à la fois les racisés, à la fois les féministes. ON DOIT aller dans le même sens, AVOIR UN ENNEMI COMMUN » (c’est moi qui souligne). Vous noterez l’injonction « on doit » appliquée au fait « d’avoir un ennemi commun ». Autrement dit, l’ennemi n’est pas une donnée, mais un choix. Ce n’est pas qu’on a par nature tous le même ennemi, c’est que « on doit » se le choisir de façon qu’il soit le même pour tous. Pour quelqu’un qui est censé travailler avec les mots, qui plus est dans un entretien écrit…
Par ailleurs, j’ai lu l’entretien… et il montre combien les “références culturelles” dont vous parlez sont artificielles. Dans ce long entretien, il n’y a pas UNE SEULE REFERENCE à un fait, une personnalité, un auteur qui soit antérieur à 1960. C’est révélateur, ne trouvez-vous pas ?
[Le cinéma est fortement concurrencé par un paquet d’innovations numériques (DVD, home cinéma, VOD) et pourtant il serait ridicule de dire que le cinéma a « mal vieilli ».]
Non, et pour cause, le cinéma s’est adapté et a adopté nombre de ces innovations, comme la 3D. Dans l’imaginaire collectif, je pense que le Futuroscope a une image davantage “vieillotte” que le cinéma. Enfin, c’est un détail.
[Peut-être que non. Et alors ? Le « lumpen » écoute des chansons en anglais dont il ne comprend un traître mot.]
Certes, mais dans toutes les voitures de mecs de cité que je vois passer, il y a de l’autotune, chose que Medine utilise avec une extrême parcimonie. Formellement, ses chansons sont moins aguicheuses que le rap dit “commercial”. Mais bon, j’admets que là aussi c’est mon ressenti, et je n’ai pas de preuve matérielle.
[Et « avoir un certains sens » vous suffit pour conclure qu’elle est « bien écrite » ?]
Non, parce qu’il y a aussi une belle enveloppe formelle. Certains morceaux enchaînent les assonances sans avoir aucun sens, d’autres ont du sens mais sont très pauvres lexicalement, je trouve que Medine n’est pas mauvais dans l’alliance des deux. Mais c’est vrai que notre discussion m’a permis de me rendre compte que j’étais assez sensible à cet aspect formel, et que le sens des chansons de Medine est en réalité assez limité.
[Il serait intéressant de savoir ce que vos élèves de terminale générale apprécient chez Médine.]
Je ne les ai plus en classe et je ne leur ai pas demandé. Mais il s’agissait d’élèves d’origine maghrébine, et ils semblaient apprécier les textes, qui devaient correspondre plus ou moins à ce qu’ils avaient envie d’entendre.
[Dans ce long entretien, il n’y a pas UNE SEULE REFERENCE à un fait, une personnalité, un auteur qui soit antérieur à 1960. C’est révélateur, ne trouvez-vous pas ?]
Oui, mais il ne faut pas oublier que Medine vient d’un milieu très populaire, et que comme bien des jeunes de quartiers, il n’a pas été bon élève à l’école. Sa culture vient beaucoup de l’islam et de son histoire (cf. “les descendants de Souleymane” dans une de ses chansons, qui pour le coup est une référence historique ancienne). Là aussi, comparé aux personnes ayant la même sociologie, je le trouve plutôt cultivé, mais ça reste le représentant de son époque, qui souffre d’un immense manque de transmission.
@ Patriote Albert
[Mais c’est vrai que notre discussion m’a permis de me rendre compte que j’étais assez sensible à cet aspect formel, et que le sens des chansons de Medine est en réalité assez limité.]
Content que nos échanges servent à quelque chose. IL faut dire que Médine n’est pas le seul dans cette galère : déjà l’omniprésence de l’anglais dans la musique depuis les années 1960 fait qu’une majorité de jeunes français écoute des chansons dont elle ne comprend pas un traître mot. Je ne pense pas que le déclin de la « chanson à texte » soit un hasard. C’est dans la logique même d’un système qui fabrique des produits standardisés qu’il faut pouvoir vendre partout avec un minimum d’adaptation aux cultures locales. Or, le texte est beaucoup plus marqué culturellement que la musique. De ce point de vue, former le public à apprécier la sonorité plutôt que le sens, c’est une bonne affaire.
[« Il serait intéressant de savoir ce que vos élèves de terminale générale apprécient chez Médine. » Je ne les ai plus en classe et je ne leur ai pas demandé. Mais il s’agissait d’élèves d’origine maghrébine, et ils semblaient apprécier les textes, qui devaient correspondre plus ou moins à ce qu’ils avaient envie d’entendre.]
Connaissaient-ils par cœur les textes en question ? Etaient-ils capables de les réciter ou de les chanter (sans le support auditif) ?
[« Dans ce long entretien, il n’y a pas UNE SEULE REFERENCE à un fait, une personnalité, un auteur qui soit antérieur à 1960. C’est révélateur, ne trouvez-vous pas ? » Oui, mais il ne faut pas oublier que Medine vient d’un milieu très populaire, et que comme bien des jeunes de quartiers, il n’a pas été bon élève à l’école. Sa culture vient beaucoup de l’islam et de son histoire (cf. “les descendants de Souleymane” dans une de ses chansons, qui pour le coup est une référence historique ancienne).]
Il ne faut pas confondre « référence » et « mention ». En lisant le texte de la chanson, on comprend mal ce que ce pauvre « Suleymane » (nom qui d’ailleurs est un anglicisme phonétique, en français la graphie acceptée est « Soliman » alors qu’en anglais on utilise plutôt « Suleiman ») vient faire dans la chanson, à part le fait que cela sonne bien dans la rime. Soliman est un ottoman, et non un arabe. Les maghrébins qui sont « sous nos dalles » peuvent difficilement être ses « descendants ». Mais Médine le sait-il ?
Après, je comprends très bien que Médine « vient d’un milieu populaire », qu’il n’ait pas « été un bon élève à l’école ». Que « sa culture vienne de l’islam et de son histoire. Mais en matière littéraire, il n’y a pas de circonstances atténuantes. Je ne suis pas d’accord pour dire que des textes sont « bien écrits » au prétexte que leur auteur n’aurait pas les moyens de les écrire mieux. J’ajoute qu’il y a pas mal de grands écrivains et de poètes qui sont nés dans des milieux aussi modestes que Médine, et qui pourtant écrivent à un autre niveau. Prenez Jean Ferrat ou Georges Brassens, eux aussi « issus de l’immigration » et de parents ouvriers (joailler pour Ferrat, maçon pour Brassens). La différence est peut-être que pour Brassens comme pour Ferrat les références étaient importantes, parce qu’ils avaient un profond respect pour la culture et, conscients de leurs lacunes, ils sont allés chercher en tant qu’autodidactes ce qu’ils n’avaient pas reçu de leur milieu familial ou scolaire. Que Médine n’ait pas éprouvé le besoin d’aller chercher ces références est, l’à aussi, révélatrice…
[Là aussi, comparé aux personnes ayant la même sociologie, je le trouve plutôt cultivé, mais ça reste le représentant de son époque, qui souffre d’un immense manque de transmission.]
De transmission… et de curiosité ! Pour moi, c’est là l’essentiel.
Rares sont les élus qui sont passés par la case “boulot”. Quand ils ne viennent pas du syndicalisme étudiant c’est souvent du monde associatif telle Manon Aubry, ou pour y retourner, battus par le suffrage tels Emmanuelle Cosse, Pascal Canfin, et Benoît Hamon où ils sont plutôt bien rémunérés.
Quant au vieil apparatchik Mélenchon formé à l’O.C.I. il prend une revanche politique sur son ex-parti le PS qui l’a humilié en réduisant la représentation politique lors du congrès de Reims en 2008. Ce faisant il détruit un peu plus la gauche qui s’est bien auto-détruite par une politique hostile au monde du travail dès mars 1983.
@ Cording1
[Rares sont les élus qui sont passés par la case “boulot”.]
Oui. C’est l’une des conséquences du « jeunisme » : si vous voulez des ministres qui aient 30 ans, on voit mal comment ils pourraient à la fois faire un « cursus honorum » politique qui les conduise à ce type de poste, et en plus avoir un parcours professionnel consistant.
J’ajouterais qu’il ne faut pas trop idéaliser le passé : les politiques de premier plan étaient en général des professionnels de la politique, et entraient dans la carrière politique très tôt. Leur déconnexion du monde réel était cependant moindre qu’aujourd’hui parce que leur carrière se faisait dans des partis politiques forts, dont les militants, eux, étaient plongés dans le monde du travail et faisaient remonter ses préoccupations. Aujourd’hui, les partis sont devenus des petites coteries ou des politiques « professionnels » ne fréquentent que des gens comme eux.
[Quand ils ne viennent pas du syndicalisme étudiant c’est souvent du monde associatif telle Manon Aubry, ou pour y retourner, battus par le suffrage tels Emmanuelle Cosse, Pascal Canfin, et Benoît Hamon où ils sont plutôt bien rémunérés.]
Effectivement, les élites politiques – si l’on me pardonne l’expression – de la gauche viennent essentiellement du syndicalisme étudiant, signe souvent d’études médiocres, ou du monde associatif. Rares sont les députés chez LFI qui savent ce que c’est que d’avoir un vrai patron et de faire un vrai boulot. La question du reclassement est très différente, et il y a bien pire que le retour au monde associatif : de plus en plus, on utilise les nominations « au tour extérieur » dans les corps de l’Etat pour reclasser les recalés du suffrage ou de la politique. Le « tour extérieur », initialement prévu pour permettre la promotion de fonctionnaires au mérite, est devenu une distribution de sinécures…
[Quant au vieil apparatchik Mélenchon formé à l’O.C.I. il prend une revanche politique sur son ex-parti le PS qui l’a humilié en réduisant la représentation politique lors du congrès de Reims en 2008.]
Il y a beaucoup de ça… Mélenchon dénonce la « trahison » d’un PS devenu néolibéral, mais oublie convenablement son propre rôle dans cette trahison. Il faudrait lui relire publiquement de temps en temps le discours qu’il prononça au Sénat lors du débat sur la ratification du traité de Maastricht. C’est d’ailleurs pour moi un exemple remarquable d’amnésie volontaire : en 1981, une grande partie de la gauche a choisi d’oublier le parcours de François Mitterrand, son engagement dans la collaboration, ses amitiés sulfureuses, son rôle pendant la guerre d’Algérie, ses liens avec l’OAS et les services américains. Aujourd’hui, elle choisit d’oublier le parcours de Mélenchon au PS, son soutien au « tournant de la rigueur » ou au traité de Maastricht. Curieux, non ?
[Ce faisant il détruit un peu plus la gauche qui s’est bien auto-détruite par une politique hostile au monde du travail dès mars 1983.]
Je ne suis pas d’accord avec ce diagnostic. La « gauche » ne s’est nullement « autodétruite ». Elle est aujourd’hui au pouvoir. D’où vient notre président de la République ? Il fut secrétaire général de l’Elysée puis ministre d’un gouvernement de gauche. D’où vient notre premier ministre ? Elle fit toute sa carrière dans les cabinets des gouvernements socialistes. On a simplement assisté à une clarification : la « gauche de gouvernement » est allée au gouvernement, la « gauche de la rue » est restée dans la rue. Bien sûr, cela est dramatique pour le PS, puisque l’essentiel de ses troupes l’a quitté pour aller au gouvernement. Mais de là à conclure que « la gauche » en général s’est « autodétruite »…
@Descartes,
je me sens moins seul: vous avez noté vous aussi qu’il était, pour le moins bizarre, pour ne pas dire ahurissant, de traiter un allié politique de “Doriot”? Et pourquoi Hitler, tant qu’à faire? Il est trop éculé, peut-être?
Etrangement, et vous faites bien de le signaler, ça fait bien des années que je pense que le Petit Timonier est le vrai Jacques Doriot de notre temps, comme j’avais dis que P’tit Cron était notre Pierre Laval (ce que vous aviez contesté à une époque…).
Gros hors-sujet: que pensez-vous de la proposition d’autonomie de la Corse? Le Petit Marquis Poudré de l’Elysée n’en manque décidément pas une, dès qu’il s’agit de défaire la Nation, et surtout quand on sait qu’un changement de Constitution est nécessaire pour que cela se réalise; or ceci est hautement improbable avec la configuration actuelle du Congrès (évidemment, tout référendum sur la question ne sera pas proposé: pas folle, la guêpe!). Mais bon, quand bien même cela ne se fera pas sous son mandat, la graine est désormais plantée: il ne faudra pas oublier de la désherber par la suite…
@ CVT
[je me sens moins seul: vous avez noté vous aussi qu’il était, pour le moins bizarre, pour ne pas dire ahurissant, de traiter un allié politique de “Doriot”? Et pourquoi Hitler, tant qu’à faire? Il est trop éculé, peut-être ?]
Un parti, c’est un peu comme une famille : nous avons tous un oncle ou une tante dont on n’évoque jamais le nom devant les enfants. On attend souvent l’âge adulte pour apprendre les actes honteux que cet ancêtre a pu commettre pour mériter cet ostracisme symbolique. Chaque famille, chaque parti politique a ses cadavres dans ses placards. Doriot au PCF, Déat au PS, Laval ou Pétain dans la « droite modérée », Soustelle chez les gaullistes… Comparer Roussel à Doriot, c’est faire appel à cet imaginaire. La comparaison avec Hitler n’aurait pas été efficace, parce que Hitler n’a jamais été communiste.
Cela étant dit, il est tout de même remarquable d’assimiler quelqu’un à Doriot tout en voulant faire liste commune avec lui. Pour moi, cette contradiction montre à quel point chez LFI le discours est artificiel, détaché des convictions mêmes de celui qui l’énonce. Ni Chikirou, ni ceux qui l’ont approuvée ne croient VRAIMENT ce qu’ils disent.
[Etrangement, et vous faites bien de le signaler, ça fait bien des années que je pense que le Petit Timonier est le vrai Jacques Doriot de notre temps, comme j’avais dis que P’tit Cron était notre Pierre Laval (ce que vous aviez contesté à une époque…).]
Je me méfie toujours des comparaisons de ce type, parce que les contextes sont très différents. Bien entendu, lorsqu’on lit les écrits de Doriot dénonçant le « bolchévisme » comme le principal danger et ne voyant comme alternative qu’une « construction européenne » dont l’Allemagne prendrait la tête, cela peut rappeler des discours tenus dans les années 1980 par des personnalités fort nombreuses et honorables – ou considérées comme telles dans les cercles bienpensants. Mais il faut tenir compte avant de pousser trop loin l’analogie que l’Allemagne de 1980, quelque soient ses défauts, n’est pas tout à fait l’Allemagne de 1942, et que la construction européenne de Maastricht n’est pas, même si elle y ressemble par beaucoup d’aspects, celle que les « européens » de la collaboration avaient en tête. Les mots sont les mêmes, mais ils n’ont pas tout à fait le même sens.
Il y a certes une certaine analogie entre l’antisocialisme irrationnel de Mélenchon et l’anticommunisme tout aussi irrationnel de Doriot : on y trouve dans les deux cas une volonté de vengeance envers une organisation qui les a formés politiquement mais qui leur a refusé la place qu’ils estimaient être la leur. Comme quoi le dépit fait faire bien des bêtises… mais au-delà, difficile de faire une analogie entre les deux personnages. Mélenchon a une vision machiavélienne de la politique – d’où son admiration pour Mitterrand – dimension totalement absente chez Doriot. Quant à Macron… là encore, la comparaison avec Laval me parait anachronique. Si Laval a déclaré « vouloir la victoire de l’Allemagne », il faut garder en tête la formule complète : « Je souhaite la victoire de l’Allemagne, parce que, sans elle, le bolchevisme demain s’installerait partout. ». Il est impossible de comprendre un Laval si on ne prend pas en compte ce que fut l’anticommunisme dans l’entre-deux-guerres. Rien de comparable n’existe aujourd’hui.
[Gros hors-sujet : que pensez-vous de la proposition d’autonomie de la Corse ?]
Je pense qu’elle s’inscrit dans la logique constante de la « décentralisation » entamée à la fin des années 1970 et poursuivie avec enthousiasme par l’ensemble des partis politiques qui se sont succédés au pouvoir, avec les encouragements appuyés de Bruxelles. Une logique qui tourne décidément le dos à notre histoire et aux institutions qu’elle nous a léguées. Car l’originalité de la nation française est précisément cette recherche d’une uniformité permettant à un français de se sentir chez lui et de bénéficier des mêmes droits dans tous les points du territoire. C’était déjà un mouvement perceptible sous l’ancien régime – pensez à l’édit de Villers-Cotterêts – et ce fut le moteur de « l’assimilation intérieure » entrepris sous la République. Contrairement à ce qu’on peut voir en Italie ou en Allemagne, un Français est partout chez lui en France : il a les mêmes droits dans tous les points du territoire. Et cela crée une cohésion nationale que n’ont pas nos voisins : si l’Etat est si fort chez nous, c’est parce qu’il représente une « volonté générale » réelle.
Les néolibéraux ont compris très vite qu’on ne pouvait affaiblir l’Etat sans affaiblir la Nation. Et que la meilleure manière de le faire, c’est de ressusciter les spécificités régionales et locales, pour pouvoir les mettre en compétition. La décentralisation fut une première étape sur ce chemin. La suivante fut la délégation chaque fois plus importante du pouvoir législatif – déguisé jusqu’ici sous le joli vocable de « expérimentation » ou « d’adaptation » – et qui aboutit en fait à avoir des législations différentes selon les régions. La prochaine étape sera celle du « statut de résident » qui fera qu’on ne sera pleinement citoyen que dans « sa » région et un étranger dans les autres. Parce qu’il ne faut pas se tromper : si demain on accorde un « statut de résident » pour permettre aux jeunes corses de se loger à un prix raisonnable dans leur ville, pourquoi pas un « statut de résident » pour permettre aux jeunes parisiens de faire de même ? Après tout, les prix sont tout aussi exorbitants à Paris que dans l’île de beauté…
Qu’est ce qu’on a au bout de ce chemin ? Plus de mobilité, plus de brassage. La co-officialité de la « langue locale », le « statut de résident », c’est une incitation puissante à ce que chacun reste chez soi. Comment déménager de Bretagne en Corse, alors que ses enfants auront été scolarisés en Breton au départ et devront l’être en Corse à l’arrivée ? Comment vendre sa maison bretonne alors qu’on ne peut acheter en Corse puisqu’on n’aura pas le « statut de résident » qui seul ouvre l’accès à la propriété ? Comment un fonctionnaire pourrait être nommé dans une région dont il ne connaît pas la langue locale dès lors que celle-ci sera « co-officielle » ? Et sans brassage, sans mobilité, finie la solidarité inconditionnelle et impersonnelle qui caractérise la nation. Pourquoi serais-je solidaire avec des gens qui ne me veulent pas chez eux ?
[Le Petit Marquis Poudré de l’Elysée n’en manque décidément pas une, dès qu’il s’agit de défaire la Nation,]
Vous êtes injuste : le « petit marquis poudré » ne fait que mettre ses pas dans ceux de ces prédécesseurs. Et il est loin d’être le plus enthousiaste. Souvenez-vous de ceux qui avaient inscrit dans la loi « le peuple corse, composante du peuple français », heureusement censuré par le Conseil constitutionnel. Avec l’exception singulière d’un Jean-Pierre Chevènement, très rares ont été les hommes politiques à s’exprimer clairement sur les « lignes rouges » à ne pas dépasser dans le processus de décentralisation.
[et surtout quand on sait qu’un changement de Constitution est nécessaire pour que cela se réalise ; or ceci est hautement improbable avec la configuration actuelle du Congrès (évidemment, tout référendum sur la question ne sera pas proposé: pas folle, la guêpe!).]
Vous pêchez à mon avis par excès de confiance : sur le fond, vous trouverez une majorité d’élus pour aller plus loin dans l’autonomie non seulement de la Corse, mais de l’ensemble des régions. Aujourd’hui, les jacobins, les partisans de la « grande France » sont très minoritaires. L’ensemble des groupes politiques, à gauche comme à droite – y compris les extrêmes – sont largement dominés par les girondins, les partisans de la « petite France ». De facto, on a donné une autonomie plus ou moins importante à l’ensemble de l’outre-mer français, sans que personne ne proteste. Pourquoi ne pas aller plus loin ?
Déjà on voit poindre un mouvement intéressant : de plus en plus de politiques préfèrent la présidence d’un conseil régional ou d’une métropole à un poste ministériel. Parce que c’est là, dans les régions et dans les métropoles, que se trouve le véritable pouvoir de distribuer des prébendes et d’acheter des clientèles. C’est le retour de la France des potentats locaux. Et ces potentats, qui contrôlent de plus en plus les partis politiques, voudront toujours plus de pouvoirs et toujours moins de contrôle de l’Etat central. De plus en plus, les politiques sont “décentralisées”: on parle même de décentraliser la politique de l’énergie, c’est dire…
À Descartes:
“....on peut se demander ce que les citoyens peuvent penser d’un ensemble politique où l’on peut traiter son allié « Doriot » un jour et discuter paisiblement avec lui le suivant, voire d’appeler à voter pour lui.”
Ou d’un président de la république qui déclare l’OTAN “en état de mort cérébrale” sans qu’aucune décision suive. Macron ne s’est pas trompé d’époque pour pratiquer ce type d’expression. C’est une forme qui correspond sans doute à une demande. Il y a peut-être une “demande de mots” dans un public au fond résigné à ne pas voir de décision, et pour une part en réalité frileux face à l’idée de la moindre décision. Le ton apocalyptique du traitement de la décision anglaise (brexit) dans nos médias suggère une véritable terreur face à tout ce qui ne se paye pas de mots.
@ Geo
[ “….on peut se demander ce que les citoyens peuvent penser d’un ensemble politique où l’on peut traiter son allié « Doriot » un jour et discuter paisiblement avec lui le suivant, voire d’appeler à voter pour lui.” Ou d’un président de la république qui déclare l’OTAN “en état de mort cérébrale” sans qu’aucune décision suive.]
Là, je pense que vous faites à notre président un très mauvais procès. Parce que « des décisions » ont suivi. Macron a bien tiré des conclusions de la « mort cérébrale » de l’OTAN avec son discours sur la « souveraineté européenne » et son engagement sur la défense européenne. Le problème, c’est que les partenaires européens n’en veulent pas, qu’ils trouvent pour la plupart le parapluie américain bien commode, qu’ils n’ont pas envie de dépenser de l’argent pour donner à l’Union européenne une vraie dimension internationale, et que pour la plupart d’entre eux ils n’ont aucune inclinaison à se mêler des affaires du monde. Mais ça, ce n’est pas la faute de Macron. Tout au plus on peut lui reprocher d’être resté sur une vision idéalisée de la construction européenne, au lieu de regarder les réalités en face.
[Le ton apocalyptique du traitement de la décision anglaise (brexit) dans nos médias suggère une véritable terreur face à tout ce qui ne se paye pas de mots.]
Il est clair que nous sommes dans une période de grande peur, largement induite par les discours politiques. Cela fait plus de quarante ans que nous ne sommes plus gouvernés par l’espoir, mais par la peur. Finis les grands projets positifs, « les jours heureux », « la nouvelle société » ou « changer la vie ». Les politiques aujourd’hui – tous partis confondus avec des rares exceptions – ne cherchent pas à nous séduire avec un projet, mais à nous faire peur en agitant des épouvantails. On ne vote pas dans une logique positive, mais dans une logique négative. Il ne s’agit pas de refaire le monde, mais d’empêcher qu’il ne se défasse, pour reprendre la formule de Camus.
On l’a bien vu avec le débat sur les retraites: le gouvernement a commencé à défendre sa réforme en affirmant qu’elle était plus juste, très vite il a préféré d’argumenter sur le fait de “sauver notre système de retraites” menacé par les déficits. La peur se révèle aujourd’hui être bien plus efficace comme argument politique que de promettre des “lendemains qui chantent”.
J’ai lu votre article et d’une certaine manière c’est consternant.
Je pense qu’en politique il faut toujours regarder ce que fait, c’est à dire les réalisations objectives, d’un homme politique. Ce qu’il dit serait plutôt du côté des réalisations subjectives (au sens:propre à une personne en particulier, à son affectivité.)
Je pose la question: quelles sont les actions objectives de Roussel (et du PCF) et de Melenchon (et de sa suite LFI, FG, etc..)? Quelles sont les positions sur tel ou tel sujet de ces deux mêmes personnages?
Là et là seul, il me semble, est la base réel du jugement.
Les petites phrases, plus ou moins heureuses, reprises par tout le monde et qui font les choux gras de la sphère médiatique, c’est bien joli. mais Melenchon savait parfaitement, en laissant passer cette phrase ce qui adviendrait. Il savait parfaitement quelle polémique il allait déclencher.
Alors? Quel est le but de ceci?
La petite phrase est le cache sexe de quoi?
Si vous trouvez la réponse à cette question je serait assez heureux de la lire.
@ SCIPIO
[Je pense qu’en politique il faut toujours regarder ce que fait, c’est à dire les réalisations objectives, d’un homme politique. Ce qu’il dit serait plutôt du côté des réalisations subjectives (au sens:propre à une personne en particulier, à son affectivité.)]
Soit. Mais ensuite vous dites le contraire :
[Je pose la question: quelles sont les actions objectives de Roussel (et du PCF) et de Melenchon (et de sa suite LFI, FG, etc..)? Quelles sont les positions sur tel ou tel sujet de ces deux mêmes personnages?
Là et là seul, il me semble, est la base réel du jugement.]
Faudrait savoir : d’un côté vous proposez de juger « sur les réalisations objectives » les hommes politiques, d’un autre vous proposez de juger Roussel ou Mélenchon sur les « positions sur tel ou tel sujet », autrement dit, sur ce qu’ils « ont dit ».
La difficulté, c’est que Roussel est un homme qui a passé l’essentiel de sa carrière politique dans l’opposition. Quelle « réalisation objective » pourrait-on lui rattacher ? Le cas de Mélenchon est un peu le même : même s’il fut pendant des décennies militant du parti gouvernant, son rôle dans les choix politiques fut marginal : s’il a soutenu mordicus le traité de Maastricht, il ne l’a tout de même pas rédigé ou négocié !
[Les petites phrases, plus ou moins heureuses, reprises par tout le monde et qui font les choux gras de la sphère médiatique, c’est bien joli. mais Melenchon savait parfaitement, en laissant passer cette phrase ce qui adviendrait. Il savait parfaitement quelle polémique il allait déclencher.
Alors ? Quel est le but de ceci ?]
Bonne question. Je pense que le « but » ici est de faire plier le PCF – et accessoirement, les partenaires de la NUPES – par une forme de terrorisme intellectuel. Ceux qui osent contredire le gourou savent maintenant qu’ils verront tomber sur eux un tombereau de vilenies. C’est d’ailleurs une tactique traditionnelle de l’extrême gauche, largement utilisée pendant mai 1968, et remise au goût du jour dans le cadre du néo-maccarthysme mitterrandien commencé à la fin des années 1970. C’est la reprise de la célèbre formule de Goebbels : « calomniez, calomniez, il en restera toujours quelque chose ».
“Soit. Mais ensuite vous dites le contraire :
[Je pose la question: quelles sont les actions objectives de Roussel (et du PCF) et de Melenchon (et de sa suite LFI, FG, etc..)? Quelles sont les positions sur tel ou tel sujet de ces deux mêmes personnages?Là et là seul, il me semble, est la base réel du jugement.]
Faudrait savoir : d’un côté vous proposez de juger « sur les réalisations objectives » les hommes politiques, d’un autre vous proposez de juger Roussel ou Mélenchon sur les « positions sur tel ou tel sujet », autrement dit, sur ce qu’ils « ont dit ».”
Non il ne me semble pas dire une chose et son contraire.
Quand Melenchon (ou un autre de la LFI avec son approbation) dit que Roussel est un fasciste c’est à la fois un jugement subjectif car il est émis par un citoyen comme un autre mais c’est aussi une réalisation objective car ce jugement subjectif, porté par un homme politique de premier plan vis à vis d’un autre homme politique de premier plan aura des conséquences politiques. (Le même jugement sur Roussel porté par un citoyen lambda n’aura aucune visibilité et donc aucune conséquence)
Ici la fin de la Nupes.
Melenchon en envoyant cette comparaison infamante à la figure de Roussel provoque sciemment une crise terminale de la Nupes et en fait porter le chapeau, non pas à lui, mais à un de ses composant: Roussel (cf article de Perspective communiste du 25/9/23: “Face à la crise de la Nupes, réenchantons la voie révolutionnaire au socialisme”).
@ SCIPIO
[Ici la fin de la Nupes. Melenchon en envoyant cette comparaison infamante à la figure de Roussel provoque sciemment une crise terminale de la Nupes et en fait porter le chapeau, non pas à lui, mais à un de ses composant : Roussel]
Avant de parler de la « fin de la NUPES », il faudrait pouvoir la définir. C’est quoi la NUPES ? S’il s’agit d’un accord électoral destiné à présenter des candidats communs aux élections législatives de 2022, alors elle est « terminée » depuis plus d’un an. S’il s’agit d’une alliance programmatique, où les partis signataires s’engagent à porter un programme commun, elle n’a jamais vraiment existé. Et enfin, s’il s’agit d’un embryon de mouvement « unificateur » dans lequel devraient à terme se fondre les différentes composantes de la « gauche » en adoptant la logique de LFI, elle n’est qu’un rêve dans la tête de Mélenchon.
On peut parler de « députés élus sous la bannière NUPES », mais ces députés font partie de groupes distincts qui votent en fonction des décisions prises par les organisations qu’ils représentent. Ces organisations n’ont jamais eu la moindre intention de se fondre dans un creuset commun ou de renoncer à leurs positions politiques propres, qui sont souvent le résultat d’une longue histoire. Il me semble donc qu’on trompe les citoyens en parlant de la « fin de la NUPES », comme si la NUPES était autre chose qu’une étiquette qu’on met en bas d’une affiche. La NUPES, c’est un accord électoral pour les élections de 2022. Rien de plus. Le reste n’est qu’illusion et poudre aux yeux.
Cette illusion s’inscrit dans une continuité politique de la ligne Mélenchon, celle d’une OPA sur les autres organisations de la gauche, et tout particulièrement sur le Parti communiste en qui, comme bon socialiste formé à l’école Mitterrand, il voit le « maillon faible ». Ca a failli marcher du temps où une direction communiste traumatisée par le score de Marie-George Buffet en 2007 était prête à tout pour sauver sa peau. Mais le naufrage du PS a paradoxalement rééquilibré les rapports entre les deux « historiques » de la gauche. Si les directions conduites par Buffet ou Laurent étaient prêtes à passer sous les fourches caudines de LFI, ce n’est plus du tout le cas maintenant. Roussel a été élu justement en réaction aux humiliations de cette époque, et il ne l’a pas oublié.
[(cf article de Perspective communiste du 25/9/23: “Face à la crise de la Nupes, réenchantons la voie révolutionnaire au socialisme”).]
Je ne partage pas l’analyse, mais j’adhère aux conclusions. La NUPES est une coquille vide, dont LFI s’arroge d’ailleurs la propriété exclusive, jusqu’à décider qui en est membre et qui n’en est pas – voir les déclarations de Bompard décrétant que le PCF n’en fait plus partie. A partir de là, la meilleure stratégie est d’ignorer une discussion qui n’intéresse que les militants LFI – je suis persuadé que les Français, dans leur grande majorité, se foutent royalement de savoir si Roussel a ou non quitté la NUPES – et de faire de la politique au sens noble du terme avec les citoyens. C’est d’ailleurs la ligne choisie par Roussel, lorsqu’il déclare en réponse à Bompard: « Hier, j’ai fait trois banquets des anciens dans ma circonscription (…), j’ai vu à peu près mille personnes, il y en a pas un qui m’a posé la question. Nupes or not Nupes, that is not the question ». On ne saurait mieux dire.
“Mais le naufrage du PS a paradoxalement rééquilibré les rapports entre les deux « historiques » de la gauche.”
Rééquilibrage dans l’insignifiance: score de Roussel à la présidentielle de 2022: 2.28%, celui de Hidalgo: 1.74%.
Question Pourquoi ce naufrage? Pour le PS on le sait: fin de son rôle historique de parti assurant la transition vers une idéologie de gauche: le neolibéralisme. Assuré maintenant par LREM qui est un parti lui aussi de gauche naturellement.
Et pour le PCF? Le naufrage est dû au fait que le PCF n’est plus marxiste depuis longtemps. Anonner rituellement les concepts du marxisme et faire dans la vraie vie le contraire tel a été la ligne du PCF. Pour preuve la destruction des foyers immigrés, le produisons français,… Oubliant Marx qui à la fin du manifeste du parti communiste disait: “Prolétaire de tous les pays, unissez-vous!” Ou encore, dans les années 70: abandon par Marchais du concept de dictature du prolétariat. Il y a sans doute d’autres raisons. Si quelqu’un peut les donner alors il y aura progrès.
Pas étonnant que l’abstention, le FN et d’autres aient raflés la mise.
@ SCIPIO
[“Mais le naufrage du PS a paradoxalement rééquilibré les rapports entre les deux « historiques » de la gauche.” Rééquilibrage dans l’insignifiance: score de Roussel à la présidentielle de 2022: 2.28%, celui de Hidalgo: 1.74%.]
Possible. Mais cela ne change rien à mon point : les rapports entre un PS à 20% et un PCF à 2% ne sont pas tout à fait les mêmes que ceux entre un PS à 2% et un PCF à 2%.
[Question Pourquoi ce naufrage? Pour le PS on le sait: fin de son rôle historique de parti assurant la transition vers une idéologie de gauche: le neolibéralisme. Assuré maintenant par LREM qui est un parti lui aussi de gauche naturellement.]
Le PS n’a pas « naufragé » : il s’est divisé. Les historiens du futur analyseront probablement ce processus comme une scission : une partie – majoritaire – des cadres nationaux du PS sont partis vers le « nouveau PS » avec Macron, alors que la majorité des cadres locaux sont restés dans « l’ancien PS ».
[Et pour le PCF? Le naufrage est dû au fait que le PCF n’est plus marxiste depuis longtemps.]
Ah bon ? Mais si c’est le défaut de marxisme qui est la racine de la chute du PCF, alors les partis qui sont demeurés marxistes devraient avoir le vent en poupe. Est-ce le cas ?
Le « naufrage » a été le lot commun de l’ensemble des partis communistes de par le monde. C’est vrai en France, c’est vrai en Italie, c’est vrai en Espagne, qui pourtant avaient de la sortie de la guerre jusqu’aux années 1980 les partis communistes les plus puissants et les mieux organisés. Mais c’est vrai aussi dans les pays où le parti communiste était plus faible voire marginal. Or, ces partis ont choisi des stratégies très différentes, entre l’eurocommunisme du PC italien et l’orthodoxie sourcilleuse du PC grec. Et pourtant, aucun n’y a résisté. Au mieux, un choix stratégique adapté peut vous permettre de résister un peu mieux que le voisin : le PCF est toujours là, alors que le PCI n’existe plus. Une telle hécatombe rend très difficile de considérer que la chute des partis communistes est liée à leurs choix stratégiques. Non : il y a eu à la fin du XXème siècle des transformations sociales et économiques majeures, qui ont modifié durablement le rapport de forces entre capital et travail sur l’ensemble du globe. C’est dans cette transformation qu’il faut chercher la cause du « naufrage » des partis communistes – et j’ajouterais de l’Union soviétique elle-même.
[Anonner rituellement les concepts du marxisme et faire dans la vraie vie le contraire tel a été la ligne du PCF. Pour preuve la destruction des foyers immigrés, le produisons français… Oubliant Marx qui à la fin du manifeste du parti communiste disait: “Prolétaire de tous les pays, unissez-vous!”]
Sauf que, que cela nous plaise ou non, Marx s’est foutu le doigt dans l’œil lorsqu’il a négligé l’importance du phénomène national. On l’a bien vu lors de la première guerre mondiale, quand les prolétaires, au lieu de s’unir, sont allés dans les tranchées pour défendre leur pays. Les écrits de Marx sont une théorie, et non un dogme. Ils doivent être confrontés à l’expérience, et s’il se trouve qu’ils sont empiriquement falsifiés, alors il faut les réexaminer.
Par ailleurs, je m’étonne qu’on continue à véhiculer des affirmations fausses. Je vous mets au défi de m’indiquer quel « foyer d’immigrés » a été « détruit » par le PCF.
[Ou encore, dans les années 70: abandon par Marchais du concept de dictature du prolétariat.]
Pensez-vous vraiment que les ouvriers de France se sont dits « tiens, le PCF a abandonné la dictature du prolétariat, on va désormais voter Mitterrand » ? Vraiment ? Désolé, mais le débat sur la dictature du prolétariat et un débat qui intéresse quelques militants lecteurs de Lénine, mais n’intéresse guère la grande masse des militants communistes.
[Il y a sans doute d’autres raisons. Si quelqu’un peut les donner alors il y aura progrès. Pas étonnant que l’abstention, le FN et d’autres aient raflés la mise.]
Vous voulez dire que les électeurs communistes, dégoutés que le PCF ait « détruit un foyer d’immigrés », ont viré leur cuti et se sont mis à voter FN – cet FN dont on connaît la tendresse envers ces mêmes immigrés ? Vous êtes sérieux ?
C’est en fait exactement l’inverse. Si le PCF a perdu l’électorat populaire, si celui-ci vote FN, c’est précisément parce que le PCF a oublié de parler des problèmes qui concernent cet électorat, et s’est perdu dans les revendications sociétales et autres lubies des classes intermédiaires. Ce n’est ni le bulldozer de Vitry ni le « produisons français » qui a poussé les couches populaires dans les bras du FN. C’est au contraire les fêtes techno du père UbHue et la liste paillettes « bouge l’Europe ! ».
Quant au défaut de « marxisme » que vous reprochez au PCF, regardez LO qui est resté, elle, strictement marxiste, qui refuse tout « nationalisme ». Avez-vous l’impression que les prolétaires se précipitent pour lui donner leur voix ?
J’ai l’impression que Mélenchon a cru parvenir à ses fins avec la NUPES, à savoir un agglomérat des forces “de gauche” sous son patronage. Avec le feuilleton des européennes, qui suit un premier semestre de tensions entre les 4 partis, il se rend compte que les autres composantes de l’accord électoral ne souhaitent pas se ranger derrière lui, et il commence donc à briser le joujou qu’il a créé. Problème, il ne faut pas apparaître comme le diviseur, il faut donc faire croire que l’initiative de la rupture provient des autres, et qui de mieux que Roussel, le traître du 1er tour de 2022, pour incarner cela ? JLM est déjà en train de préparer sa candidature en 2027, et la NUPES l’encombre pour cela dans la mesure où ce n’est pas assez gazeux, ce qui met en relief sans cesse les divisions de la gauche. Reste à voir ce qu’il adviendra des relations avec EELV et le PS : à mon avis, Mélenchon espère faire un gros score aux européennes pour réaffirmer son autorité et essayer de siphonner leurs forces vives quand la campagne présidentielle démarrera. Car il sait que personne dans ces deux partis n’est capable de lui disputer la pole position à gauche dans une élection personnalisée comme la présidentielle.
A part ça, j’ai lu le résumé que le Petit timonier fait de son dernier ouvrage sur son blog, et la moindre des choses, c’est… que je n’ai rien compris ! Sa “théorie” de la révolution citoyenne ressemble de plus en plus à un blabla postmoderne, qui n’a rien à envier à du Maffesoli ou du Latour ! Voir ici : https://melenchon.fr/2023/09/30/un-livre-pour-oser/
Un exemple : “L’hyperconnexion des individus, l’individuation, la « poly-présence », la grande bascule du monde dans l’ère de la numérisation générale de l’activité humaine et la mutation du capitalisme contemporain sont identifiés comme les bases nouvelles de la condition humaine dans la « noosphère » concept emprunté à un chimiste soviétique et à un religieux français. Elles produisent de nouvelles conflictualités organisatrices de la vie en société. La critique ici vise le libéralisme comme obscurantisme quand il s’approprie les savoirs humains et marchandise leur droit d’accès.” Quel gloubi-boulga !
Ce qui est intéressant, c’est qu’on parle toujours de capitalisme, mais les classes sociales ont totalement disparu ! (une recherche sur la page ne donne aucun résultat) Bref, le Mélenchon intellectuel, c’est pas comme le vin, ça vieillit pas bien…
NB : J’ai repensé à l’un de vos articles précédents en écoutant Mathilde Panot déclarer que Jaurès avait été assassiné en 1914 par… un fasciste ! Quelle bonne élève du maître !
@ Patriote Albert
[J’ai l’impression que Mélenchon a cru parvenir à ses fins avec la NUPES, à savoir un agglomérat des forces “de gauche” sous son patronage.]
Je ne sais pas. En tout cas, on peut lui reconnaître une certaine suite dans les idées : depuis qu’il a quitté le PS, il réessaye périodiquement son OPA sur le reste de la gauche radicale, avec toujours la même mécanique : d’abord l’entrisme dans les autres organisations, puis la tentative de les regrouper dans une alliance qui devient insensiblement un « mouvement » dont bien entendu Mélenchon est le leader. On l’a vu avec le Front de Gauche, avec l’éphémère « M6R », avec « la France Insoumise » première époque (vous vous souvenez, du temps ou Mélenchon imaginait faire signer à tous les candidats soutenus par LFI une « charte » les soumettant à la volonté du gourou), « l’Union populaire » (qui n’a jamais vraiment décollé), la NUPES.
[Avec le feuilleton des européennes, qui suit un premier semestre de tensions entre les 4 partis, il se rend compte que les autres composantes de l’accord électoral ne souhaitent pas se ranger derrière lui, et il commence donc à briser le joujou qu’il a créé. Problème, il ne faut pas apparaître comme le diviseur, il faut donc faire croire que l’initiative de la rupture provient des autres, et qui de mieux que Roussel, le traître du 1er tour de 2022, pour incarner cela ?]
Il n’y a pas qu’une question de tactique. La stratégie de Mélenchon est, depuis 2008, centrée sur le PCF. On l’a vu lorsqu’il a bataillé pour que le PCF ne présente pas de candidat en 2017, et on le voit avec les claquements de portes de ces derniers jours. Socialistes ou écologistes affirment leur spécificité, présentent leurs propres listes aux européennes, leurs propres candidats aux présidentielles, sans que LFI s’excite. Mais que le PCF fasse de même, que Roussel ose s’opposer à une liste commune ou annonce que son parti ira seul aux élections présidentielles de 2027, et le voilà identifié à Doriot et « exclu » de la NUPES. Pourquoi cette polarisation sur les choix du PCF, alors que les communistes ne pèsent que quelques points de pourcentage nationalement et que beaucoup de commentateurs à gauche le considèrent comme un astre mort ?
On voit ici l’énorme poids symbolique que le PCF garde à gauche en général et chez les gauchistes en particulier. Quelque soient ses déboires électoraux, son affaiblissement militant, l’érosion de ses positions dans l’électorat populaire, il reste pour les gauchistes l’ennemi à abattre, parce qu’il est la mémoire de tout ce que les gauchistes auraient voulu accomplir, et n’ont jamais réussi : constituer une organisation stable, institutionnalisée, à laquelle les militants sont réellement attachés, ayant un fonctionnement démocratique et représentant véritablement les couches populaires. Depuis 1920, la gauche se définit pour ou contre le PCF – au point qu’on parlait couramment de « gauche non communiste » pour désigner socialistes et gauchistes. Pour la gauche socialiste comme pour les gauchistes de l’après 1968, le PCF était l’ennemi à abattre. Mais c’est qui est drôle, c’est que malgré le fait de l’avoir abattu, le gauchiste-mitterrandiste Mélenchon continue à se battre avec son ombre…
[JLM est déjà en train de préparer sa candidature en 2027, et la NUPES l’encombre pour cela dans la mesure où ce n’est pas assez gazeux, ce qui met en relief sans cesse les divisions de la gauche.]
Je pense surtout que dans cette affaire on voit se répéter une séquence connue. Mélenchon est un homme de « coups ». Il aime la guerre de mouvements, et s’ennuie lorsqu’il faut faire une guerre de positions, c’est-à-dire, bâtir lentement mais sûrement une organisation, construire petit à petit un socle sociologique, s’installer dans le paysage pour devenir familier au citoyen, répéter les mêmes idées pour en faire une pédagogie. De ce point de vue, on peut comparer la stratégie de Mélenchon – qui se présentera à Hénin-Beaumont une seule fois et quittera la circonscription après la première défaite – à celle d’une Marine Le Pen, qui labourera cette même circonscription pendant une décennie avant d’y être élue. MLP a mis presque vingt ans à transformer le FN des nostalgiques de l’Algérie française ou de Vichy en un parti populaire. Mélenchon invente un nouveau « gadget » tous les ans, mais est incapable d’institutionnaliser son mouvement.
La NUPES était un « coup » médiatique. L’OPA n’a pas réussi du premier coup ? Et bien, pas la peine de continuer. On ferme le chapitre et on prépare le « coup » suivant.
Reste à voir ce qu’il adviendra des relations avec EELV et le PS : à mon avis, Mélenchon espère faire un gros score aux européennes pour réaffirmer son autorité et essayer de siphonner leurs forces vives quand la campagne présidentielle démarrera. Car il sait que personne dans ces deux partis n’est capable de lui disputer la pole position à gauche dans une élection personnalisée comme la présidentielle.
[A part ça, j’ai lu le résumé que le Petit timonier fait de son dernier ouvrage sur son blog, et la moindre des choses, c’est… que je n’ai rien compris ! Sa “théorie” de la révolution citoyenne ressemble de plus en plus à un blabla postmoderne, qui n’a rien à envier à du Maffesoli ou du Latour !]
Je n’ai pas encore lu le livre – vous pouvez compter sur moi pour le faire et pour en faire un commentaire sur ce blog – mais en lisant le résumé fait par l’auteur, je me suis rappelé ce que disait un de mes professeurs de droit public : pour comprendre une théorie, il faut comprendre « contre qui » elle est construite. Parce que celui qui construit une théorie politique ne le fait pas pour le plaisir de la spéculation, mais pour contester les bases d’une théorie politique déjà établie. Alors, quelle est cette théorie ?
On aurait tort de croire que Mélenchon conteste le libéralisme. Au contraire : en tant que théorie politique, le libéralisme repose sur une vision idéaliste, celle de l’autonomie des individus et sur l’idée que du simple fait de son humanité, chaque être humain dispose de droits « naturels » inaliénables et imprescriptibles, qui ne peuvent être limités que dans des cas limités. Toutes idées que le discours mélenchonien épouse, par exemple lorsqu’il parle « des droits biologiques fondamentaux de l’espèce animale humaine ». Non, la théorie que Mélenchon aspire à détrôner, c’est le matérialisme historique, autrement dit, la théorie marxienne. Qui, contrairement à l’idéalisme libéral, postule que ce sont les rapports matériels – et notamment les rapports de production – qui font l’histoire. Et cette opposition ressort très clairement de son résumé, lorsqu’il prétend « démontrer l’obsolescence des pensées traditionnelles de la politique quand ils n’ont pas su abandonner l’impératif du productivisme », ou s’affranchir de la notion de « classe » – c’est-à-dire un groupe caractérisé par sa position dans le mode de production – en lui substant un « peuple » dont la définition est totalement détachée du processus productif puisqu’il « s’auto-détermine spontanément ».
[Un exemple : “L’hyperconnexion des individus, l’individuation, la « poly-présence », la grande bascule du monde dans l’ère de la numérisation générale de l’activité humaine et la mutation du capitalisme contemporain sont identifiés comme les bases nouvelles de la condition humaine dans la « noosphère » concept emprunté à un chimiste soviétique et à un religieux français. Elles produisent de nouvelles conflictualités organisatrices de la vie en société. La critique ici vise le libéralisme comme obscurantisme quand il s’approprie les savoirs humains et marchandise leur droit d’accès.” Quel gloubi-boulga !]
Oui, mais ce gloubi-boulga a une fonction : vêtir d’habits neufs « révolutionnaires » une idéologie ancienne. Dans le résumé de Mélenchon, une phrase résume très bien ce problème : « [le livre] dessine un nouveau collectivisme comme politique de l’entraide, une morale de la responsabilité et de la Vertu sans attente d’aucune récompense sinon le succès collectif qui en dépend ». C’est le libéralisme d’un Condorcet, et rien de plus. Mais avec un habillage qui peut le faire passer pour une nouveauté…
[Ce qui est intéressant, c’est qu’on parle toujours de capitalisme, mais les classes sociales ont totalement disparu ! (une recherche sur la page ne donne aucun résultat)
Mais c’est logique. Il faut bien comprendre quel est le but de cette « théorie » : il s’agit de réintégrer les classes intermédiaires du côté des armées révolutionnaires – et de leur permettre d’en prendre la tête, of course. Si vous revenez à une analyse marxienne, autrement dit, centrée sur la position de chacun dans le processus productif, il apparaît évident que les intérêts des classes intermédiaires ne rejoignent ceux de la bourgeoisie plutôt que ceux des couches populaires. Ce qui les met du mauvais côté de la révolution. En parlant de « peuple », on fusionne artificiellement les couches populaires et les classes intermédiaires, ce qui leur permet d’être du « bon » côté…
[Bref, le Mélenchon intellectuel, c’est pas comme le vin, ça vieillit pas bien…]
Ce qui m’étonne, c’est la mégalomanie du personnage. Se croît-il vraiment capable de proposer une théorie politique nouvelle, qui rendra obsolète celles qui sont venues avant lui ? Est-ce qu’il croit vraiment être l’homme qui enverra Hobbes, Locke et Marx à la poubelle ? Que demain « l’ère du peuple » remplacera dans les bibliothèques le Léviathan ou « Le Capital » ? Et comment arrive-t-il à trouver des gens pour le suivre dans ce délire ?
[NB : J’ai repensé à l’un de vos articles précédents en écoutant Mathilde Panot déclarer que Jaurès avait été assassiné en 1914 par… un fasciste ! Quelle bonne élève du maître !]
Eh oui… mais là il pourrait y avoir un mécanisme qui dépasse la simple ignorance des faits. La pensée gauchiste est manichéenne : comme pour les chrétiens, le démon est éternel et immuable, et seules ses manifestations diffèrent. Pour eux, le « fascisme » n’est pas un phénomène politique historiquement situé, mais une essence qui se manifeste en permanence dans l’histoire sous des formes différentes. Ainsi, on peut qualifier de « fasciste » ou de « nazi » Colbert, Napoléon ou Thiers…
https://www.francetvinfo.fr/politique/la-france-insoumise/raquel-garrido-sanctionnee-par-lfi-je-trouve-ca-scandaleux-et-inacceptable-critique-la-deputee-lfi-daniele-simonnet_6169317.html
Les règlements de comptes s’enchaînent dans la LFI, qui sera le prochain selon vous ?
@ Glarrious
[Les règlements de comptes s’enchaînent dans la LFI, qui sera le prochain selon vous ?]
Je ne suis plus tellement branché sur les affaires internes de LFI, alors j’aurais du mal à faire des prédictions. Mais il y a fort à parier que cela ne s’arrêtera pas là. Le fait que Garrido ait été soutenue par une bonne partie de ceux qui se sont fait éjecter des instances – si on peut appeler cela des instances – de décision de LFI lors de la “purge” du début de l’année montre qu’il ne s’agit pas d’une affaire individuelle. L’équipe des “nouveaux” (Bompard, Panot plus un certain nombre de “jeunes” députés) jouent le “soutien inconditionnel” au Gourou. Alors que les “anciens”, dépités d’avoir été écartés, se permettent enfin une attitude plus critique envers lui. On peut anticiper d’autres sanctions donc. Pas envers Ruffin ou Autain, qui sont solidement implantés dans leurs circonscriptions, mais je pense que Danielle Simonnet pourrait être la suivante… ou peut-être Corbière ?
@descartes
# Pas envers Ruffin ou Autain, qui sont solidement implantés dans leurs circonscriptions#
Combien pèse Autain dans sa circonscription du 93 sans l’investiture de LFI ?.
A mon avis, même contre un âne bâté issu de la diversité avec investiture LFI et surtout avec la photo de JLM sur l’affiche, elle ne pèse rien.
Quoi qu’il en soit, les malheurs de ces personnes qui font semblant de découvrir le fonctionnement interne de LFI provoquent chez moi une schadenfreude comme disent les allemands.
@ delendaesteu
[Combien pèse Autain dans sa circonscription du 93 sans l’investiture de LFI ?.]
Plus que vous ne le croyez. Elle a été élue non par la grâce de LFI, mais parce qu’elle bénéficiait du parrainage de François Asensi, l’ancien député communiste de la circonscription passé à la “réfondation” et avec de solides réseaux dans le département, maire du Tremblay régulièrement réélu depuis 1991… tant qu’elle a son soutien, elle n’a que faire des menaces de Mélenchon.
[Quoi qu’il en soit, les malheurs de ces personnes qui font semblant de découvrir le fonctionnement interne de LFI provoquent chez moi une schadenfreude comme disent les allemands.]
Je partage votre sentiment. Ces gens ont été les plus fidèles soutiens du gourou. Ils ont applaudi lorsque Mélenchon expliquait qu’il voulait que son mouvement reste “gazeux”, et qu’il n’était point besoin de mettre en place des instances régulières ou de faire voter les militants. Ils se sont parfaitement satisfaits d’un système où le gourou et son petit entourage – dont ils faisaient partie – prenaient toutes les décisions. Ils n’ont rien dit lorsque le gourou a éloigné par oukaze tel ou tel reprouvé (Claude Desbons…), ou bien lorsque tel ou tel dirigeant a jeté l’éponge (Christophe Ramaux, Charlotte Girard), lassé d’être pris pour un con. Ils ont même participé à certaines curées (Thomas Guenolé…). Et maintenant, après tant d’années, ils découvrent ce que cela veut dire d’être du mauvais côté du manche. Attendrissant, n’est ce pas ?