Pour le harcèlement, il y a la police

Détail amusant : la campagne du ministre de l’éducation nationale contre le harcèlement scolaire a fait la « une » des journaux télévisés et imprimés pendant plusieurs jours. Son discours sur l’effondrement des niveaux scolaires a mérité à peine quelques articles en pages intérieures. Un peu comme si la fonction de l’école était d’abord de lutter contre différents fléaux sociaux, et seulement et de manière secondaire de transmettre aux élèves les connaissances indispensables pour comprendre le monde qui les entoure et s’insérer dans la vie sociale et professionnelle.

Tout ça n’a rien de nouveau : cela fait longtemps que le débat autour de l’école – prise dans le sens le plus général : école primaire, collège, lycée – tourne autour de tout, sauf de l’essentiel : les apprentissages. Des « cours d’empathie » à « l’éducation à la transition écologique », des « ABC de l’égalité » à la lutte antiraciste en passant par l’abaya, on a discuté de tout, sauf des connaissances qu’on doit transmettre, comment on les transmet, et quels moyens on se donne pour que cette transmission soit possible.

Toutes ces campagnes scolaires – contre le harcèlement, contre les violences sexistes, contre le racisme, contre le réchauffement climatique et j’en passe – sont en fait des rideaux de fumée destinés à occulter l’incapacité – ou le refus – de s’attaquer aux véritables problèmes (1). Dans beaucoup d’autres domaines, on se concentre sur le secondaire pour ne pas aborder l’essentiel. Que les élèves sortent semi-analphabètes n’est pas un problème, à condition que ce soient des semi-analphabètes féministes, antiracistes et climato-conscients. Qu’ils ne sachent pas faire une règle de trois et qu’ils pensent que Voltaire est l’associé de Zadig pour vendre des vêtements n’a aucune importance du moment qu’ils trient leurs déchets.

Mais, me direz-vous, toutes ces causes sont nobles. Ne voulons-nous pas, après tout, des jeunes sensibles aux questions de l’égalité entre les sexes ou les origines, aux problèmes climatiques ? Ne voulons-nous pas des jeunes empathiques, qui évacuent leurs frustrations et résolvent leurs conflits par la parole et non par la violence ? Oui, bien sûr, nous voulons tout ça. Mais est-ce la fonction de l’école ? Est-ce qu’en chargeant l’école de cette exigence on n’affaiblit sa fonction fondamentale, qui est celle de l’instruction ? Et plus fondamentalement, est-ce que l’école est en mesure de satisfaire cette exigence ?

Les enseignants commettent souvent un péché capital : celui de croire à leur propre toute-puissance. L’éducation, croient-ils, peut tout, y compris changer un homme en femme. L’enseignant peut transformer n’importe quel enfant pour le rendre conforme au modèle – intellectuel mais aussi moral – que l’éducateur se fixe. Et si cela ne marche pas, c’est que la pédagogie n’est pas la bonne, ou bien que les moyens sont insuffisants. Réformons donc l’enseignement, donnons-lui plus de moyens, et le tour sera joué.

Ca ne marche pas, et ça ne peut pas marcher. L’éducation est structurellement incapable de satisfaire cette demande, et cela quelque soit la pédagogie ou les moyens investis. Tout simplement parce que l’enfant est plongé dans une contexte social, contexte qui transmet par beaucoup d’autres canaux – les parents d’abord, mais aussi les institutions, les médias, les pairs – ses propres messages, qui diffuse sa propre idéologie dominante. Et plus profondément, parce qu’il existe dans la société une réalité matérielle, une hiérarchisation économique et sociale qui, si elle ne détermine pas absolument l’avenir des individus, pèse très lourd sur leurs choix. Imaginer que l’enseignant, par la seule magie du verbe, pourrait contrer ces messages, changer les rapports matériels, cela relève de l’illusion. Et lui demander de le faire, c’est lui donner une tâche dans laquelle il ne peut qu’échouer, compromettant son autorité pour faire ce qu’il peut et doit faire : instruire ses élèves et leur transmettre des connaissances.

Notre société voit les panneaux publicitaires tapissés du slogan d’un grand site de paris sportifs qui affirme que « le plus important, c’est de gagner ». Elle rend en permanence hommage aux « gagnants » y compris ceux dont les « victoires » ont été acquises par les moyens les plus contestables et n’ont servi qu’à leur propre enrichissement, alors que les véritables serviteurs publics sont traités avec condescendance – il n’y a qu’à voir la couverture médiatique accordée à un Tapie de son vivant et qui se prolonge après sa mort, qu’on peut comparer utilement à celle qu’à reçu un homme comme Marcel Boiteux. Regardez les affiches publicitaires pour les derniers « blockbusters » américains, films et séries confondus : ils montrent un homme – et de plus en plus une femme – dotés de gros biscotos et portant un fusil d’assaut ou bien un gros flingue. Regardez ces films ou ces séries, et vous verrez les héros descendre des ennemis anonymes par dizaines, sans que jamais on trouve chez eux la moindre trace d’empathie, le moindre regret pour ces vies perdues. Et vous voulez ensuite que les enseignants expliquent aux adolescents soumis à ce bombardement que « le plus important n’est pas de gagner », que l’argent n’est pas la mesure du succès, et que la vérité n’est pas du côté de celui qui a le plus gros flingue ? Est-ce d’ailleurs une bonne préparation pour permettre aux jeunes de s’insérer dans une société qui pratique exactement le contraire ?

Après des années d’affirmations du genre « l’école doit s’ouvrir sur la société », on reproche aujourd’hui à l’école de ressembler trop à la société. On voudrait que l’école soit un espace à la fois ouvert sur une société traversée par une idéologie de plus en plus violente, de plus en plus inégalitaire, de plus en plus individualiste, et à la fois un espace protégé où des « valeurs » et des « principes » tous plus généreux les uns que les autres s’imposent. C’est là une contradiction insoluble. Prenez la question de l’égalité : nous vivons dans une société foncièrement inégalitaire, et qui le devient de plus en plus. Avec la privatisation croissante des services, ce à quoi vous avez accès est de plus en plus conditionné à votre compte en banque. Il est comique – ou tragique, selon le point de vue – d’entendre ceux-là même qui ont conduit ces privatisations ainsi que les journalistes qui les ont toujours soutenues pleurer que « l’école perpétue les inégalités » – tout en envoyant leurs propres enfants à des écoles privées prestigieuses dont le but est, précisément, de perpétuer les inégalités. Comment l’école pourrait-elle tourner le dos à la société, promouvoir des valeurs qui sont orthogonaux à ceux qui régissent la vie des élèves ? L’anecdote est bien connue qui voit un élève trempant dans les trafics demander à son professeur son salaire mensuel, et lorsque ce dernier lui dit le chiffre, murmurant « c’est ce que je me fais en une semaine ». Cela ne poserait pas de problème dans une société aux valeurs aristocratiques, où la connaissance passe devant l’argent. Mais comment, dans une société où Tapie est un modèle, où « le plus important est de gagner », le professeur pourrait donner des leçons de morale sans passer pour autre chose qu’un imbécile ou un incapable aux yeux d’un élève bien plus capable de se conformer à ce que la société valorise que lui ?

On n’apprendra pas l’empathie à l’école. L’empathie n’est pas quelque chose qui s’apprend, comme le théorème de Pythagore. C’est un comportement social que l’école peut renforcer, mais qu’elle ne peut pas porter toute seule. Si nous voulons des individus empathiques, il faut une société qui valorise l’empathie. Il faut que l’empathie traverse l’ensemble des rapports humains. Donner des « cours d’empathie » à des jeunes destinés à vivre dans une société où l’on peut licencier par email les ouvriers d’une usine à Béthune pour la simple raison qu’il est plus rentable pour l’actionnaire d’investir au Bangladesh, dans une société où Bernard Tapie est porté aux nues et Jacques Glassmann est un reprouvé, c’est non seulement impossible : c’est mensonger. Parce que dans notre société, les empathiques, tout comme les gens honnêtes et travailleurs, se font avoir (2). Et les élèves l’ont parfaitement compris. Si la fonction de l’école est d’armer les jeunes pour vivre dans la société telle qu’elle est, il faut leur enseigner ce qu’il faut savoir pour se trouver du côté des prédateurs plutôt que des proies. Bien entendu, on peut toujours leur enseigner quels seraient les valeurs dans un monde idéal. Mais leur enseigner ces valeurs comme si elles étaient celles du monde réel, c’est de la peine perdue. Les jeunes voient parfaitement l’hypocrisie qu’il y a à prétendre qu’il faut être gentil et honnête avec son prochain, alors que leur expérience quotidienne montre que ceux qui « réussissent » – et dont la réussite est reconnue par la société – sont ceux qui à contraire sont méchants et malhonnêtes.

La SEULE source de légitimité de l’institution scolaire, et donc de l’enseignant, c’est la connaissance. D’une part, parce que sur ce plan, il peut toujours invoquer la supériorité de celui qui sait sur celui qui ne sait pas. D’autre part, parce que la connaissance rend le monde plus beau, et que les êtres humains sont toujours émerveillés par le fait de comprendre. Mais lorsqu’il s’écarte du rivage de la connaissance pour s’embarquer sur les eaux troubles de la morale et des valeurs, il ne peut que couler à pic, sauf à porter cyniquement les valeurs et la morale façon Tapie. C’est pourquoi les « cours d’empathie » et autres « ABC de l’égalité » ne peuvent que dégrader l’image de l’enseignant, qui s’aventure là dans un domaine qui n’est pas le sien en faisant le catéchisme – certes laïque, mais catéchisme quand même. Et la même chose peut être dite – là je vais me faire des amis – de la laïcité : l’école ne doit pas « enseigner la laïcité », si tant est que cette expression ait un sens. L’école peut et doit enseigner l’histoire de la laïcité, parce que la laïcité est un objet historique. Elle peut et doit enseigner les conséquences philosophiques et juridiques du principe de laïcité, parce que la laïcité est aussi un objet philosophique et politique. Enfin, elle peut et doit PRATIQUER la laïcité, parce qu’en tant qu’institution de l’Etat elle y est tenue. Mais elle n’a pas à considérer la laïcité comme un objet moral, comme une valeur transcendante dans laquelle tout le monde devrait communier. On a le droit de penser – et de dire – que la laïcité est une mauvaise idée, et qu’il faudrait revenir à la théocratie. Ce qui ne dispense pas du respect des lois qui, jusqu’à ce qu’elles soient modifiées, font de la France un pays laïque.

Il est grand temps de recadrer la fonction de l’école. Elle ne peut être l’alibi de tout ce qui ne va pas dans notre société, pas plus qu’elle ne peut suppléer des parents qui ne veulent pas assumer leur fonction d’éducateur. Si on veut VRAIMENT combattre les inégalités, ce n’est pas l’école qui le fera. Si l’on veut VRAIMENT combattre la violence, ce n’est pas l’école qui le fera. Si l’on veut VRAIMENT finir avec la dépendance au portable – qui devient un véritable fléau – ce n’est pas l’école qui le fera. Si l’on veut VRAIMENT finir avec les discriminations, ce n’est pas l’école qui le fera. Sur tous ces sujets, l’école peut soutenir ou accompagner, mais elle ne peut faire seule contre tous. Et en demandant de l’école une mission impossible, on dévalorise la figure de l’institution et donc de l’enseignant, coupables tous deux de ne pas réussir cette mission impossible.

Par contre, il y a quelque chose que l’école peut et doit faire : former des jeunes ayant les instruments nécessaires pour comprendre le monde qui les entoure et pour pouvoir exprimer cette compréhension. Français, mathématiques, géographie, histoire, sciences physiques et naturelles, droit et philosophie. Voilà le menu que doit servir l’école, et que les enseignants peuvent réussir avec les moyens existants. Le reste, ce n’est pas son affaire.

Si votre enfant n’apprend pas, voyez l’instituteur. Si votre enfant est harcelé, appelez la police. Chacun son rôle.

Descartes

(1) Et cela ne concerne pas que l’école. On voit béaucoup d’institutions publiques ou privées dont la communication se centre non pas sur le service qu’elles sont censées prêter, mais sur des sujets à la mode sans rapport avec son activité ou sa fonction. Telle entreprise américaine insiste sur la « diversité » de son personnel, tel service public sur le soutien qu’il accorde au sport de haut niveau. Si le train n’arrive pas à l’heure, le fait de savoir que la SNCF soutient les arts de la rue n’est qu’une piètre consolation.

(2) C’est d’ailleurs ce qu’on enseigne sans fard dans les écoles de commerce – et de plus en plus dans les écoles d’ingénieurs – censées former les élites. Au point que les étudiants eux-mêmes sont souvent choqués par les réalités qu’on leur révèle finalement, après avoir été abreuvés par le discours irénique pendant des années dans l’enseignement primaire et secondaire. Je n’oublierai jamais ce professeur d’une grande école parisienne qui disait à ses élèves, dès le premier cours, « vous savez, avec un tas de chouettes copains on s’en sort toujours… », ou cet autre qui encourageait ses éléves à être discriminant dans « les amitiés que vous souhaitez cultiver ». Peut-on les accuser de donner à leurs élèves de mauvais conseils ?

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42 réponses à Pour le harcèlement, il y a la police

  1. Cording1 dit :

    Je ne sais si vous avez lu “Voyage au centre du malaise français” paru en 1993 et réédité en 2002 chez  L’Artilleur en 2002 avec une préface de Marcel Gauchet. Trente ans après un livre encore pertinent d’analyse sociale et politique. 

    • Descartes dit :

      @ Cording1

      [Je ne sais si vous avez lu “Voyage au centre du malaise français”]

      Oui, bien entendu. A l’époque, le livre avait provoqué un scandale qui avait valu à son auteur, le sociologue Paul Yonnet, d’être accusé d’être “un allié objectif de Le Pen”. Il set vrai que sous le règne de François Mitterrand on pouvait difficilement mettre en cause les délires à la SOS-Racisme sans que les chiens de garde aboient… Je ne savais pas par contre qu’il était réédité, qui plus est avec une préface de Gauchet et une postface de Eric Conan. Yonnet a eu raison trop tôt…

  2. Antoine dit :

    Merci pour cet article particulièrement percutant. 2 remarques : 1) Non seulement charger l’école de multiples exigences affaiblit sa fonction première comme vous le dîtes, mais aussi et peut-être surtout que cela affaiblit et déresponsabilise les acteurs, et en premier lieu les parents, qui devraient  être les véritables passeurs ou garants de la transmission de ces exigences. Combien de parents, consciemment ou non, estiment qu’ils peuvent se décharger de tel ou tel aspect de l’éducation parce que l’école s’en occupe ? 2)  Vous semblez accabler l’école privée et les parents qui y mettent leurs enfants. La question de les y inscrire se pose désormais pour moi, enseignant dans le public et parent de jeunes enfants. Mon avis n’est pas tranché et les enjeux sont sans doute différents selon les endroits, mais je ne demanderai jamais à mes enfants de subir un préjudice éventuel au nom de mes principes et d’une cohérence idéologique relativement théorique. Autrement dit, je ne vais pas inscrire mon enfant dans le public, si je trouve que cette école convient nettement moins bien à celui-ci que l’école privée d’à côté, sous prétexte que j’approuve pas la privatisation croissante du système. 

    • Descartes dit :

      @ Antoine

      [Merci pour cet article particulièrement percutant. 2 remarques : 1) Non seulement charger l’école de multiples exigences affaiblit sa fonction première comme vous le dîtes, mais aussi et peut-être surtout que cela affaiblit et déresponsabilise les acteurs, et en premier lieu les parents, qui devraient être les véritables passeurs ou garants de la transmission de ces exigences. Combien de parents, consciemment ou non, estiment qu’ils peuvent se décharger de tel ou tel aspect de l’éducation parce que l’école s’en occupe ?]

      Tout à fait. Dans notre société, les individus ont intégré une logique de « client » dans tous les domaines, et l’éducation ne fait pas exception. Et cette logique est construite sur l’idée que « le client est roi », autrement dit, que l’offre doit suivre la demande. Or, le travail des parents a des côtés sympa, et des côtés qui le sont moins. Tout le monde prend plaisir à jouer avec ses enfants, à leur faire des cadeaux, mais c’est déjà moins sympa d’imposer des règles, de punir. Alors, les parents « sous-traitent » : ils gardent pour eux le côté « père Noël » et transfèrent sur l’école – mais aussi sur le gardien de l’immeuble ou sur la police – le côté « père fouettard ».

      On peut aussi évoquer la confusion des rôles. L’éducation est fondée sur la dialectique de la loi et de la transgression. Historiquement, ces rôles étaient assumés institutionnellement. La loi, c’était le Père, qui était celui qui faisait le lien entre l’enfant et le monde civique, la transgression c’était Mère, gardienne du monde domestique. L’évolution de l’institution familiale a effacé, jusqu’à le faire disparaître, le rôle du Père. Aujourd’hui, les enfants grandissent soit dans des familles où les deux parents se disputent à qui sera le plus « maternel », soit dans des familles monoparentales dans lesquelles le Père a disparu. Mais la fonction demeure : s’il n’y a pas dans la famille un Père pour dire la loi, mettre des limites et punir lorsqu’elles sont dépassées, quelqu’un d’autre doit l’assumer. Et il ne reste que l’école ou la police pour le faire. Le problème, c’est que ni l’école ni la police n’ont la légitimité pour le faire. Le Père est le géniteur, il a l’autorité naturelle de tout créateur sur sa créature. Ni le professeur, ni le policier ne peuvent invoquer une telle autorité.

      [2) Vous semblez accabler l’école privée et les parents qui y mettent leurs enfants.]

      Pas du tout : je ne fais pas de jugement moral. Je pense qu’il est banal aujourd’hui de dire que l’école privée – et notamment ce qu’on appelle les écoles de prestige, comme par exemple l’Ecole Alsacienne – est un outil pour les parents des classes intermédiaires pour choisir l’instruction de leurs enfants et perpétuer de cette manière leur position sociale, c’est-à-dire leur « inégalité ». Je ne juge pas ce comportement, je le constate.

      Maintenant, si vous voulez mon opinion personnelle sur l’école privée, je vous la donne ci-dessous :

      [La question de les y inscrire se pose désormais pour moi, enseignant dans le public et parent de jeunes enfants. Mon avis n’est pas tranché et les enjeux sont sans doute différents selon les endroits, mais je ne demanderai jamais à mes enfants de subir un préjudice éventuel au nom de mes principes et d’une cohérence idéologique relativement théorique. Autrement dit, je ne vais pas inscrire mon enfant dans le public, si je trouve que cette école convient nettement moins bien à celui-ci que l’école privée d’à côté, sous prétexte que je n’approuve pas la privatisation croissante du système.]

      Loin de moi l’idée de vous critiquer, et encore moins de vous condamner. Je n’ai jamais cru au discours de ceux qui vous expliquent que chaque individu devrait « mettre ses actes en accord avec ses idées ». Nous vivons dans une société capitaliste qui a ses règles du jeu. On peut toujours refuser ces règles, mais dans ce cas, on perd. Et cette défaite ne fait en rien avancer le schmilblick : ce n’est pas parce que je vais revêtir la robe de bure et vivre d’aumônes que la situation du prolétariat sera améliorée.

      Autrement dit, quand mon intérêt personnel – ou celui de mes enfants, ce qui revient au même – est en contradiction avec les intérêts collectifs que je défends, la première question à se poser est de se demander si, en suivant les premiers, on porte atteinte aux seconds. Dans votre cas, est-ce qu’en envoyant vos enfants dans le privé vous dégradez l’éducation de tous ? La réponse, dans ce cas d’espèce, est à mon avis négative. Par contre, si demain vous vous dites « puisque j’envoie mes enfants dans le privé, je n’ai plus envie de payer des impôts pour financer l’éducation publique », là vous trahissez vos principes.

      Le danger, voyez-vous, est qu’une fois que vous envoyez vous enfants à l’école privée, vous ayez moins envie de vous battre pour une école publique de qualité…

      • Bob dit :

        A mon sens, il y a déjà méprise par le fait que l’institution censée instruire les enfants s’appelle (depuis quelques décennies déjà) : Education Nationale, en lieu et place d’Instruction Nationale, ou Instruction Publique.
        Nommer les choses correctement aurait l’immense mérite, même si cela ne résout pas tout, de savoir qui fait quoi.
        En résumé : aux professeurs la charge d’instruire les enfants (c’est déjà beaucoup), aux parents celle de les éduquer.
        Le mélange des genres entraine le résultat catastrophique que l’ont sait tous. Ce glissement accepté par tout le monde apparemment m’a toujours étonné.

  3. marc.malesherbes dit :

     
    bien d’accord avec votre billet.
    Un petit « à coté » : j’ai été heureusement surpris par la proposition de Gabriel Attal qui « a annoncé jeudi le lancement d’une mission chargée de réfléchir à l’introduction de groupes de niveaux pour les cours de français et de mathématiques à la place d’un enseignement par classe. »
    https://www.bfmtv.com/societe/education/des-groupes-de-niveaux-dans-les-colleges-pourquoi-la-proposition-de-gabriel-attal-divise_AV-202310060298.html
    Je ne sais si cela aboutira … mais c’est une évidence : comment voulez-vous transmettre le savoir quand dans votre classe certains élèves lisent difficilement et d’autres facilement, avec toutes les gradations. Idem pour les maths.
    Mon « intuition » s’est trouvée renforcée récemment par l’expérience actuelle d’un membre de ma famille qui a voulu faire de l’enseignement en primaire, en divisant d’ailleurs son salaire par deux.
    La situation de l’école dans un endroit moyennement défavorisé (1) est vraiment catastrophique à tous les niveaux, en particulier dans la gestion et prise en compte des enseignants. Et je ne parle pas des élèves de CM2 (sa classe) qui sont très loin de savoir ce que les programmes sont censés avoir été depuis le CP et pour le CM2. Le programme assigné est tout à fait infaisable compte tenu du niveau moyen des élèves. On lui a dit … c’est normal, il faut adapter, faire semblant de suivre le programme …
     
     
    D’où le dilemme: pour quels élève faire un cours utile ? … ou revenir à la méthode de mon enfance, faire des cours par travée. Difficile compte tenu de l’agitation des élèves … Suite dans quelques mois.
     
    (1)à Chaville, ce n’est pas brillant car il y a des HLM, mais j’imagine qu’il y a pire

    • Descartes dit :

      @ marc.malesherbes

      [Un petit « à coté » : j’ai été heureusement surpris par la proposition de Gabriel Attal qui « a annoncé jeudi le lancement d’une mission chargée de réfléchir à l’introduction de groupes de niveaux pour les cours de français et de mathématiques à la place d’un enseignement par classe. »]

      La question des groupes de niveau est une tarte à la crème chez les spécialistes, et on connaît les avantages et les vices du système. L’avantage, c’est qu’on a des classes plus homogènes et que l’enseignant peut donc choisir un rythme de progression sans craindre que les plus rapides s’ennuient et les plus lents soient largués. Autrement dit, les « classes de niveau » permettent une industrialisation de l’enseignement en « standardisant » les pédagogies. Mais cette standardisation a des limites : si on peut constater qu’il y a des élèves plus lents que d’autres, les raisons de cette « lenteur » peuvent être très différentes…

      Le vice du système, c’est moins la « stigmatisation » – je ne pense pas que cela fasse du mal aux élèves de leur dire la vérité – que la tentation du sous-investissement. Autrement dit, les « classes de niveau » auront un effet positif si l’on met dans les classes les plus faibles les meilleurs enseignants, si on concentre sur elles le plus de moyens. Autrement dit, si l’on pénalise relativement les élèves les plus forts. Est-ce que les parents seraient prêts à admettre un tel « nivellement à la moyenne » ? Est-ce qu’une telle logique est rationnelle économiquement ? Probablement pas. Les classes les plus faibles risquent donc de se voir attribuer les enseignants les moins expérimentés, les moyens les plus faibles… et devenir donc des classes de rélégation.

      [La situation de l’école dans un endroit moyennement défavorisé (1) est vraiment catastrophique à tous les niveaux, en particulier dans la gestion et prise en compte des enseignants. Et je ne parle pas des élèves de CM2 (sa classe) qui sont très loin de savoir ce que les programmes sont censés avoir été depuis le CP et pour le CM2. Le programme assigné est tout à fait infaisable compte tenu du niveau moyen des élèves. On lui a dit … c’est normal, il faut adapter, faire semblant de suivre le programme …]

      Chaville n’est vraiment pas une banlieue défavorisée, cela reste raisonnablement mixte. Mais je ne suis pas surpris par ce que vous dites. L’éducation nationale est devenue un théâtre ou l’on joue la comédie. Tout le monde sait que les notes du bac sont trafiquées pour permettre à tout le monde de l’avoir. Tout le monde sait que les fondamentaux ne sont pas acquis. Tout le monde sait que les programmes ne sont pas « faisables ». Et tout le monde fait semblant, parce que l’essentiel est de ne pas faire de vagues. Tant que leur petit trésor est gardé pendant qu’ils sont au travail et qu’il a son diplôme à la fin, les parents sont contents, et peu importe si leur enfant fait dix fautes par phrase et ne sait pas faire une règle de trois. Et pour les parents plus exigeants, ceux des classes intermédiaires, il y a le privé dont la matricule explose – et cela à tous les niveaux, supérieur compris.

      Bien sûr, il ne faut pas trop noircir le tableau. Comme dit la formule attribuée à Talleyrand, « quand je me regarde, je me désole ; quand je me compare, je me console ». Nous vivons – comme dans beaucoup d’autres services publics – sur un patrimoine patiemment accumulé depuis le début du XXème siècle, et même si l’on a passé les quarante dernières années à le dilapider, il reste des beaux restes. Il n’empêche que si l’on ne fait rien, on risque de voir ces services publics s’effondrer l’un après l’autre. Et c’est particulièrement grave pour l’école, parce que les temps de réaction sont très longs. Une génération d’élèves semi-analphabètes ne peut qu’être suivie par une génération de professeurs semi-analphabètes…

      [D’où le dilemme: pour quels élève faire un cours utile ? … ou revenir à la méthode de mon enfance, faire des cours par travée. Difficile compte tenu de l’agitation des élèves … Suite dans quelques mois.]

      Je doute qu’il y ait vraiment une suite. Il y a des ministres pour qui le ministère est un engagement, et des ministres pour qui c’est un marchepied vers de plus hautes fonctions. Gabriel Attal appartient certainement à la deuxième catégorie, et on peut donc parier que son passage à l’éducation sera court. Par ailleurs, les « classes de niveau » ont été maintes fois proposées, sans suite, pour la simple raison qu’elles mécontentent tout le monde. Car pour constituer les classes de niveau, il faut une forme de sélection, et rien qu’à entendre ce mot, la « communauté éducative » tremble. Les enseignants sont-ils prêts à qualifier publiquement les élèves ? Les parents sont-ils prêts à accepter que leur enfant est parmi les « plus lents » ? La hiérarchie ministérielle est-elle prête à assumer ce choix ?

      • marc.malesherbes dit :

         
        vous dites:
         
        « les « classes de niveau » ont été maintes fois proposées, sans suite, pour la simple raison qu’elles mécontentent tout le monde. Car pour constituer les classes de niveau, il faut une forme de sélection, et rien qu’à entendre ce mot, la « communauté éducative » tremble. Les enseignants sont-ils prêts à qualifier publiquement les élèves ? Les parents sont-ils prêts à accepter que leur enfant est parmi les « plus lents » ? La hiérarchie ministérielle est-elle prête à assumer ce choix ?»
         
        Certes, mais il me semble que « Parcours sup » a réussi à instaurer une certaine forme de sélection pour l’entrée dans l’université, au sens ou ce sont les universités qui « choisissent » les candidats.
         
        Même si Parcours sup est contestable dans ses algorithmes, c’est le grand mérite de Blanquer (au moins un mérite) d’avoir fait admettre le principe de la sélection. Il restera à améliorer Parcours sup.
         
        Il me semble donc que tout espoir n’est pas perdu pour le primaire et le secondaire
         

        • Descartes dit :

          @ marc.malesherbes

          [Certes, mais il me semble que « Parcours sup » a réussi à instaurer une certaine forme de sélection pour l’entrée dans l’université, au sens où ce sont les universités qui « choisissent » les candidats. Même si Parcours sup est contestable dans ses algorithmes, c’est le grand mérite de Blanquer (au moins un mérite) d’avoir fait admettre le principe de la sélection. Il restera à améliorer Parcours sup.]

          C’est une bonne remarque. Effectivement, ParcourSup a au moins l’avantage d’avoir fait accepter l’idée que ce n’est pas parce qu’on veut s’inscrire dans une université que celle-ci est tenue de se plier à notre volonté. Idée qu’on avait un peu perdu de vue dans notre société d’individus tout-puissants bardés de droits et n’ayant aucun devoir.

          Il ne reste pas moins que dans son état actuel, les critères de sélection ne donnent qu’une toute petite place au mérite, et qu’il sera difficile d’améliorer ParcourSup dans ce sens, tout simplement parce que le secondaire ne produit pas d’indicateurs fiables permettant d’évaluer le « mérite » de chaque élève. Les livrets scolaires ne sont fiables que dans la mesure où les enseignants notent la vérité des prix, sans céder à la crainte de pénaliser leurs propres élèves vis-à-vis des autres, ce qui reste assez illusoire dans le contexte d’aujourd’hui. Quant aux notes du bac, la part des épreuves anonymes se réduit comme peau de chagrin, ce qui donne un rôle prépondérant au contrôle continu, qui présente la même difficulté…

          [Il me semble donc que tout espoir n’est pas perdu pour le primaire et le secondaire]

          L’espoir est la dernière chose qu’on perd…

  4. Gugus69 dit :

    [Mais comment, dans une société ou Tapie est un modèle, ou « le plus important est de gagner », le professeur pourrait donner des leçons de morale sans passer pour autre chose qu’un imbécile ou un incapable aux yeux d’un élève bien plus capable de se conformer à ce que la société valorise que lui ?]
     
    Topaze ? Il y a un siècle que Pagnol a montré que, dans une telle société, le professeur risque fort de se corrompre…

    • Descartes dit :

      @ Gugus69

      [Topaze ? Il y a un siècle que Pagnol a montré que, dans une telle société, le professeur risque fort de se corrompre…]

      J’irai plus loin: Pour Pagnol, le capitalisme pouvait tout corrompre, MEME le professeur, qui dans son imaginaire était le dernier rempart contre la corruption. Le choix de la profession n’est en effet pas banal. Est-ce que la pièce serait aussi percutant si le “corrompu” était un boulanger, un employé de banque, un chef d’entreprise, un politicien ? Non, bien sur que non, la corruption dans ces professions ne choque pas. Mais un instituteur, c’est à dire, le gardien du temple républicain…

      La pièce de Pagnol n’a rien perdu de sa force prophétique. Ce qui est étonnant en fait, c’est qu’elle ne le soit plus fortement: on peut s’étonner que dans une société capitaliste comme la notre la corruption ne soit finalement plus étendue. Finalement, Pagnol arrive à la même conclusion que mon article:

      Toute la classe (en choeur) : « Bien mal acquis ne profite jamais… L’argent ne fait pas le bonheur… ».(…) Mes enfants, les proverbes que vous voyez aux murs de cette classe correspondaient peut-être jadis à une réalité disparue. Aujourd’hui on dirait qu’ils ne servent qu’à lancer la foule sur une fausse piste, pendant que les malins se partagent la proie; si bien qu’à notre époque , le mépris des proverbes, c’est le commencement de la fortune.

      Et plus loin:

      […] Ah ! l’argent… Tu n’en connais pas la valeur… Mais ouvre les yeux, regarde la vie, regarde tes contemporains… L’argent peut tout, il permet tout, il donne tout… Si je veux une maison moderne, une fausse dent invisible, la permission de faire gras le vendredi, mon éloge dans les journaux ou une femme dans mon lit, l’obtiendrai-je par des prières, le dévouement, ou la vertu ? Il ne faut qu’entrouvrir ce coffre et dire un petit mot : « Combien ? » (Il a pris dans le coffre une liasse de billets.) Regarde ces billets de banque, ils peuvent tenir dans ma poche, mais ils prendront la forme et la couleur de mon désir. Confort, beauté, santé, amour, honneurs, puissance, je tiens tout cela dans ma main… Tu t’effares, mon pauvre Tamise, mais je vais te dire un secret : malgré les rêveurs, malgré les poètes et peut-être malgré mon coeur, j’ai appris la grande leçon : Tamise, les hommes ne sont pas bons. C’est la force qui gouverne le monde, et ces petits rectangles de papier bruissant, voilà la forme moderne de la force.

  5. Robert Val dit :

     

    Par contre, il y a quelque chose que l’école peut et doit faire : former des jeunes ayant les instruments nécessaires pour comprendre le monde qui les entoure et pour pouvoir exprimer cette compréhension. Français, mathématiques, géographie, histoire, sciences physiques et naturelles, droit et philosophie. Voilà le menu que doit servir l’école, et que les enseignants peuvent réussir avec les moyens existants. Le reste, ce n’est pas son affaire.

    Oui, mais comment faire boire un âne qui n’a pas soif ?

    Les élèves, dans leur grande majorité, n’ont pas envie d’apprendre parce que cela demande des efforts, de l’humilité, de la volonté et de la persévérance ; de plus les indispensables notions d’autorité et de respect envers leurs maîtres ou professeurs leur sont totalement étrangères.

    Il faut dire, à la décharge de ces sauvageons, que les programmes sont terre à terre, au nom d’une prétendue adaptation au monde du travail, alors qu’ils ne sont qu’un repoussoir pour le rêve et l’ambition.

    Et puis, si l’élève n’est pas un vase que l’on remplit, mais un feu que l’on allume, encore faudrait-il que la plupart des enseignants possèdent briquet ou allumettes.

    Cependant, que peut faire un enseignant, même motivé et compétent, lorsqu’il se trouve coincé entre le marteau pilon des parents d’élèves et l’enclume d’une hiérarchie pusillanime, n’ayant pour boussole que le “pas de vagues” ?

    Ajoutons à cela le clouage au pilori des métiers manuels, la volonté obsessionnelle d’amener plus de 80 % d’une classe d’âge au baccalauréat, l’arrivée massive de populations étrangères à notre culture et auxquelles on n’ose même pas parler d’assimilation, au prétexte que cela serait raciste…

    Nous avons voulu l’égalité et nous l’avons : tous unis dans la médiocrité et à la remorque de nouvelles nations émergentes, qui consentirons peut-être à nous confier des emplois qu’ils ne voudront bientôt plus exercer.

     

    • Descartes dit :

      @ Robert Val

      [Oui, mais comment faire boire un âne qui n’a pas soif ? Les élèves, dans leur grande majorité, n’ont pas envie d’apprendre parce que cela demande des efforts, de l’humilité, de la volonté et de la persévérance ; de plus les indispensables notions d’autorité et de respect envers leurs maîtres ou professeurs leur sont totalement étrangères.]

      De la fenêtre de mon appartement, je peux voir un petit parvis bétonné. J’y vois des jeunes qui pendant des heures s’entrainent à faire des figures avec leur planche à roulettes. Ils répètent la même figure cinq, dix, cent, mille fois jusqu’à ce qu’elle soit parfaite. Ils y passent des heures, et prennent pas mal de gnons au passage. N’est ce pas là une preuve d’efforts, d’humilité, de volonté, de persévérance ? Et vous devriez voire comment ils respectent ceux qui, plus âgés, dominent les figures, comment ils leur demandent des conseils et suivent leurs recommandations.

      Cet exemple vous montre que la logique de l’effort, de l’humilité, de la volonté, de la persévérance, que le respect de l’autorité de celui qui sait ne sont pas étrangères à nos jeunes. La curiosité, l’émulation, le sens du défi, ce sont là des choses profondément inscrites dans la psyché humaine. C’est à l’éducateur de les stimuler, de les encourager, de les faire fleurir. Bien sûr, c’est beaucoup plus difficile quand la société transmet le message inverse. Mais ce n’est pas impossible. C’est Brighelli je crois qui souligne par exemple l’erreur qui consiste à donner aux élèves des textes ou des problèmes simplifiés pour soi-disant « s’adapter à leur niveau », et combien il est au contraire important de poser des défis aux élèves en leur demandant des choses complexes, suivant l’adage « c’est d’autant plus beau quand c’est difficile ». Lui-même raconte son expérience d’enseignant en quartier difficile, où plutôt que de donner à ses élèves des textes « faciles » il avait choisi de se concentrer sur la poésie française de la Renaissance… « comme dans les collèges de centre-ville ».

      [Il faut dire, à la décharge de ces sauvageons, que les programmes sont terre à terre, au nom d’une prétendue adaptation au monde du travail, alors qu’ils ne sont qu’un repoussoir pour le rêve et l’ambition.]

      Exactement. Dire à ses élèves « si vous n’êtes pas des idiots, vous allez me le prouver » est infiniment plus motivant que « vous êtes des idiots, alors je vais vous donner quelque chose de facile ». Bien sûr, cela demande de l’enseignant plus de travail, au niveau de la préparation mais aussi au niveau de la classe. Car il lui faut être attentif pour pouvoir profiter de chaque « opportunité pédagogique ».

      [Et puis, si l’élève n’est pas un vase que l’on remplit, mais un feu que l’on allume, encore faudrait-il que la plupart des enseignants possèdent briquet ou allumettes.]

      Et qu’il ait envie de s’en servir. Il faut dire que l’enseignant, c’est un ancien élève. Un système qui ne forme pas la curiosité ou le sens du défi chez les élèves aboutira nécessairement à des enseignants sans curiosité et sans sens du défi. C’est une partie du problème : le système éducatif qui forme les professeurs est le même que celui qui forme les élèves…

      [Cependant, que peut faire un enseignant, même motivé et compétent, lorsqu’il se trouve coincé entre le marteau pilon des parents d’élèves et l’enclume d’une hiérarchie pusillanime, n’ayant pour boussole que le “pas de vagues” ?]

      C’est difficile. Je n’ai jamais dit le contraire. Ce qu’il peut faire, c’est de se souvenir matin midi et soir que son métier c’est instruire, et d’agir en conséquence, en utilisant toutes les marges de manœuvre – et elles sont grandes – que lui donne son statut. Car il ne faut pas trop exagérer : quand il s’agit de défendre leurs intérêts, les enseignants sont parfaitement capables de se révolter – avec succès – contre leur hiérarchie.

      [Ajoutons à cela le clouage au pilori des métiers manuels, la volonté obsessionnelle d’amener plus de 80 % d’une classe d’âge au baccalauréat, l’arrivée massive de populations étrangères à notre culture et auxquelles on n’ose même pas parler d’assimilation, au prétexte que cela serait raciste…]

      L’époque n’est pas facile pour les progressistes. C’est vrai dans l’éducation, c’est vrai ailleurs. Car les injonctions contradictoires et les objectifs infaisables ne sont pas l’apanage de l’éducation nationale. Ce n’est pas une raison pour désespérer.

      [Nous avons voulu l’égalité et nous l’avons : tous unis dans la médiocrité]

      Je ne peux pas vous laisser dire ça. Non, nous n’avons pas « voulu l’égalité ». Nous avons voulu substituer à une hiérarchie, celle du mérite, une autre hiérarchie, celle du capital. La destruction de l’école était la condition sine qua non pour en finir avec la méritocratie, et donc pour stabiliser les classes intermédiaires qui, après avoir profité de la promotion méritocratique, entendaient brûler derrière elles l’échelle qui leur avait permis de monter, pour empêcher que d’autres leur fassent la concurrence. L’égalité ne fut qu’un prétexte.

      L’assimilation présente le même problème. Assimiler, c’est pour les classes intermédiaires fabriquer des concurrents potentiels…

      • cdg dit :

        [La destruction de l’école était la condition sine qua non pour en finir avec la méritocratie, et donc pour stabiliser les classes intermédiaires qui, après avoir profité de la promotion méritocratique, entendaient brûler derrière elles l’échelle qui leur avait permis de monter, pour empêcher que d’autres leur fassent la concurrence. ]
        En admettant qu il y ait vraiment une volonte cachee et un chef d orchestre clandestin, celui ci est stupide. Car comment affronter la concurrence etrangere si vous alignez une equipe de bras cassés ?
        Si vous favorisez l entre soi et le maintien des mediocres, votre economie va s effordrer. Meme une politique protectionniste ne vous sauvera pas car a un moment vous aurez un tel retard que vous vous retrouverez dans la situation de l empire chinois au XIX
         
        [Assimiler, c’est pour les classes intermédiaires fabriquer des concurrents potentiels…]
        et ne pas assimiler c est vous assurer maintenant des emeutes recurrentes (cf Nahel) et une population qui est un poids economique (les couts police/justice , le RSA ,  un minimum de service public et de votre cote ecole privé, vigile, gated communities) 
        Pire un jour la France subira le sort d Israel (1/3 des naissances en France sont d au moins un parent etranger. a ce rythme on y est dans moins de 50 ans). Merah aura ete un precurseur

        • Descartes dit :

          @ cdg

          [En admettant qu’il y ait vraiment une volonté cachée et un chef d’orchestre clandestin, celui-ci est stupide.]

          Nul besoin de « chef d’orchestre clandestin », ni même de « volonté cachée ». La coordination des actions d’une classe n’est pas assurée par un « chef » doué de « volonté », mais par un intérêt partagé, l’intérêt de classe. Les individus qui la composent n’obéissent pas à des ordres venues d’un chef quelconque, ils se contentent de suivre une idéologie produite spontanément en fonction d’un intérêt.

          [Car comment affronter la concurrence étrangère si vous alignez une équipe de bras cassés ?]

          Mais qui vous dit que l’objectif de la classe dominante est de « affronter la concurrence étrangère ? Mon pauvre ami, vous raisonnez encore comme si le « bloc dominant » avait une base nationale. Ce raisonnement est aujourd’hui dépassé, obsolète. Le capital va là où l’investissement est le plus rentable. Si à l’euro investi le travailleur indien est plus performant que le travailleur français, on investira en inde. Quelle importance dès lors que les travailleurs français deviennent « médiocres », puisqu’il y a un réservoir de main d’œuvre dont le rapport qualité/prix est bien meilleur ailleurs ?

          [Si vous favorisez l’entre soi et le maintien des médiocres, votre économie va s’effondrer.]

          Pourriez-vous préciser le sens du possessif « vous » dans cette formule ? Par « votre économie », vous entendez l’économie de la France, l’économie de la bourgeoisie française, l’économie des couches populaires françaises ? Parce que le sens de la formule n’est pas tout à fait le même selon le choix que vous faites. Si vous parlez des couches populaires ou de l’économie française, vous avez tout à fait raison. Mais la fortune de la bourgeoisie française n’est nullement affectée par l’effondrement de notre économie. Voyez vous-même : cela fait quarante ans que notre dette explose, que nos services publics vivent sur le capital accumulé pendant les « trente glorieuses », que notre industrie s’effondre. Et pourtant, les profits engrangés par le capital français ne se sont jamais portés aussi bien…

          Votre raisonnement est celui du « monde d’avant », de celui de l’avant-mondialisation. En ce temps – béni à beaucoup d’égards – la fortune du bloc dominant provenait du travail des travailleurs français et, accessoirement, de celle des étrangers installés sur le territoire. D’où un certain souci pour la qualité de la formation ou de la santé de cette main d’œuvre. Tout ça, cher ami, est fini : plus le temps passe, et plus les activités s’internationalisent. Des travailleurs français mal formés et mal soignés, ce n’est plus un problème dès lors qu’il y a des réservoirs de travail de qualité – et beaucoup moins chers – ailleurs. Point n’est besoin d’avoir lu Molière ni même de savoir faire une adition pour livrer des pizzas.

          [« Assimiler, c’est pour les classes intermédiaires fabriquer des concurrents potentiels… » et ne pas assimiler c’est vous assurer maintenant des émeutes récurrentes (cf Nahel) et une population qui est un poids économique (les coûts police/justice, le RSA, un minimum de service public et de votre cote ecole privé, vigile, gated communities)]

          Et bien, il semble qu’en faisant ses comptes le bloc dominant ait découvert que finalement cela lui coûte moins cher de se payer une émeute tous les dix ans – si l’on se tient aux estimations des assureurs, les émeutes auront couté 700 M€, soit sur dix ans 70 M€ par an, pas de quoi fouetter un chat si l’on compare au coût de ce que serait une école véritablement assimilatrice. Quant aux coûts de la police, la justice et les services publics, la solution est toute trouvée : pas de police, pas de services publics, pas de tribunaux. Il faut être aveugle pour ne pas voir le retrait massif des services publics dans les quartiers populaires, et pas que. Et il est toujours plus rentable pour le bloc dominant de se payer des services privés réservés à votre classe plutôt que des services publics ouverts à tous.

          [Pire un jour la France subira le sort d Israel (1/3 des naissances en France sont d au moins un parent étranger. A ce rythme on y est dans moins de 50 ans).]

          C’est vous le libéral, pas moi…

          • cdg dit :

            @ cdg

            [Nul besoin de « chef d’orchestre clandestin », ni même de « volonté cachée ». La coordination des actions d’une classe n’est pas assurée par un « chef » doué de « volonté », mais par un intérêt partagé, l’intérêt de classe. Les individus qui la composent n’obéissent pas à des ordres venues d’un chef quelconque, ils se contentent de suivre une idéologie produite spontanément en fonction d’un intérêt.]

            Encore faudrait il qu il y ait une homogeneite et des interets communs pour cette classe. Si on considere que la classe intermedaire c est ce qu il y a entre les proletaires et la bourgeoisie (pour parler comme Marx), ca correspond aux artisans, commercants, professions liberales et cadres (trop riche pour faire partie des proletaires et ne vivant pas de leur capital et mais de leur travail → pas bourgeois). Si vous etes avocat par ex, vous avez peut etre interet que l education soit mediocre pour que votre cretin de fils puisse reprendre votre cabinet. Mais quel est l interet si votre fils n a plus de client solvable car ils sont soient parti aux USA (pour les formés) ou au RSA (car incapable de faire un travail plus que basique) ?

            [Mais qui vous dit que l’objectif de la classe dominante est de « affronter la concurrence étrangère ? Mon pauvre ami, vous raisonnez encore comme si le « bloc dominant » avait une base nationale. Ce raisonnement est aujourd’hui dépassé, obsolète. Le capital va là où l’investissement est le plus rentable. Si à l’euro investi le travailleur indien est plus performant que le travailleur français, on investira en inde. Quelle importance dès lors que les travailleurs français deviennent « médiocres », puisqu’il y a un réservoir de main d’œuvre dont le rapport qualité/prix est bien meilleur ailleurs ?]

            Vous etes comme Tchuruk et l entreprise sans usine. Ca n a pas marché et sauf cas tres particulier ca ne marchera jamaisSi vous voulez investir en inde ou en chine, comme francais vous avez un handicap et vous avez de forte chance de vous faire plumer (l inde est un pays extremement corrompu, et en ce qui concerne la chine que je connais un peu, vous avez aucune chance si votre «partenaire» chinois decide de vous arnaquer. Sans rentrer dans les details, le systeme judiciaire est une farce, les contrats des bout de papier sans valeur et ce qui compte c est les relations)Autrement dit, a part une infime minorité de francais (soyons genereux, au mieux 3 % des francais) qui a les moyens intellectuels, relationnel et financier, investir en inde ou en chine, c est la certitude d y laisser des plumes

            [[Si vous favorisez l’entre soi et le maintien des médiocres, votre économie va s’effondrer.]Pourriez-vous préciser le sens du possessif « vous » dans cette formule ? Par « votre économie », vous entendez l’économie de la France, l’économie de la bourgeoisie française, l’économie des couches populaires françaises ? Parce que le sens de la formule n’est pas tout à fait le même selon le choix que vous faites. Si vous parlez des couches populaires ou de l’économie française, vous avez tout à fait raison. Mais la fortune de la bourgeoisie française n’est nullement affectée par l’effondrement de notre économie. Voyez vous-même : cela fait quarante ans que notre dette explose, que nos services publics vivent sur le capital accumulé pendant les « trente glorieuses », que notre industrie s’effondre. Et pourtant, les profits engrangés par le capital français ne se sont jamais portés aussi bien…]

            Je parlais de l economie de la FranceJe suis loin d etre sur que la fortune de la bourgeoisie francaise ne soit pas affecte par l effondrement de notre economie. Si certains ont pu en effet investir ailleurs et s enrichir c est loin d etre le cas de tous. La personne qui avait des usines de textile a Roubaix dans les annees 70 a plus de chance d etre ruinee aujourd hui que d etre plus riche (ses placement immobilier a roubaix ne valent plus rien, ses usines sont fermees. Si certains ont pu comme aller sur un autre terrain (genre B Arnault qui de Boussac est passé au luxe LVMH) c est loin d etre la majorite car c est pas simple. La famille Boussac ou Willot ne fait plus partie des plus riches francaisDe meme si l economie de la France s effondre, les Mulliez (Auchan) vont perdre une grande partie de leur fortune.Je vous signale qu on parle ici de personnes extremement riches, alors imaginez la personne qui a juste un supermarché ou une PME. Penser qu elle va etre capable de s installer en chine est risible (pour info nos acteurs de la grande distribution y ont bu le bouillon avec des moyens sans commune mesure)

            [Point n’est besoin d’avoir lu Molière ni même de savoir faire une adition pour livrer des pizzas.]

            Si la personne n est pas capable de faire une addition, vous allez avoir du mal a trouver du personnel pour la caisse (exemple vecu, caisse enregistreuse en panne et la personne avait du mal a faire le calcul).Et il vous reste a resoudre le probleme majeur : qui va vous acheter vos pizzas ? Car si vous ne produisez rien, a terme vous n allez rien pouvoir acheter. Actuellement ce probleme est masque par la dette mais c est juste reculer pour mieux sauter. Une fois les bijoux de famille vendu il va bien falloir atterrir[Et bien, il semble qu’en faisant ses comptes le bloc dominant ait découvert que finalement cela lui coûte moins cher de se payer une émeute tous les dix ans – si l’on se tient aux estimations des assureurs, les émeutes auront couté 700 M€, soit sur dix ans 70 M€ par an, pas de quoi fouetter un chat si l’on compare au coût de ce que serait une école véritablement assimilatrice. ]Je doute que le cout soit juste de 700 M€. Il faut déjà y ajouter le cout de la police et tout ce qui n etait pas assuré, ou assuré une valeur derisoire (ex classique, je brule votre voiture qui a 15 ans, votre assureur vous la rembourse 2000€ mais sa valeur etait bien superieure car vous allez devoir debourser au moins 7000 pour la remplacer)

            [Quant aux coûts de la police, la justice et les services publics, la solution est toute trouvée : pas de police, pas de services publics, pas de tribunaux. Il faut être aveugle pour ne pas voir le retrait massif des services publics dans les quartiers populaires, et pas que. Et il est toujours plus rentable pour le bloc dominant de se payer des services privés réservés à votre classe plutôt que des services publics ouverts à tous.]C est ce qu on du se dire les israelien quand ils occupaient gaza. On se retire, on interdit l acces aux indesirables et il n y a plus de probleme. Mais la nature ayant horreur du vide, ils se sont pris le Hamas.

            {[Pire un jour la France subira le sort d Israel (1/3 des naissances en France sont d au moins un parent étranger. A ce rythme on y est dans moins de 50 ans).]C’est vous le libéral, pas moi…}

            Si le liberalisme considere qu il n est pas souhaitable d empecher les gens de se deplacer pour trouver un endroit plus propice pour s installer, il ne preconise pas de developper un systeme d assistanat pour que certains puissent vivre dans une societe parallele.Sur un plan plus personnel, je considere qu il faut probablement un minimum de regulation pour l immigration mais surtout qu apres X annees la personne soit montrer des signes d integration ou partir et surtout limiter drastiquement le regroupement familial. Etant moi meme un immigré (j ai quitté la france pour ne pas me retrouver au RMI), je vais pas critiquer les gens qui quittent leur pays pour avoir un avenir comme je l ai fait a l epoque de chirac

            • Descartes dit :

              @ cdg

              [Encore faudrait-il qu’il y ait une homogénéité et des intérêts communs pour cette classe.]

              Je vois mal en quoi « l’homogénéité » serait nécessaire. Le fait qu’il y ait un intérêt commun est parfaitement suffisant. Et cet intérêt existe : tous les membres du « bloc dominant » ont intérêt au maintien d’un mode de production qui garantit leur domination.

              [Si vous êtes avocat par ex, vous avez peut-être intérêt que l’éducation soit médiocre pour que votre crétin de fils puisse reprendre votre cabinet. Mais quel est l’intérêt si votre fils n’a plus de client solvable car ils sont soit parti aux USA (pour les formés) ou au RSA (car incapable de faire un travail plus que basique) ?]

              D’abord, notez que pour que votre crétin de fils puisse reprendre votre cabinet il n’est pas nécessaire que l’éducation soit mauvaise EN GENERAL, il suffit quelle soit mauvaise POUR LES AUTRES. Mais la question que vous posez est au fond celle de la perception et de la profondeur d’analyse qu’une classe a collectivement de son propre intérêt. Il a fallu presque un siècle pour qu’une petite minorité de bourgeois pionniers découvre que pour faire de bonnes affaires il fallait une demande de masse, et que cela impliquait payer des salaires supérieurs à ceux fixés par le marché. Il a fallu la crise de 1929 pour que cette idée soit acceptée couramment par la bourgeoisie… Est-ce que les classes dominantes font toujours le choix optimal pour leurs intérêts ? La réponse est « non ». L’aristocratie anglaise a bien compris qu’elle devait s’embourgeoiser ou périr, et elle s’est embourgeoisée. L’aristocratie française ne l’a pas compris, et a perdu la tête.

              [« Mais qui vous dit que l’objectif de la classe dominante est de « affronter la concurrence étrangère ? Mon pauvre ami, vous raisonnez encore comme si le « bloc dominant » avait une base nationale. Ce raisonnement est aujourd’hui dépassé, obsolète. Le capital va là où l’investissement est le plus rentable. Si à l’euro investi le travailleur indien est plus performant que le travailleur français, on investira en inde. Quelle importance dès lors que les travailleurs français deviennent « médiocres », puisqu’il y a un réservoir de main d’œuvre dont le rapport qualité/prix est bien meilleur ailleurs ? »
              Vous êtes comme Tchuruk et l’entreprise sans usine. Ca n’a pas marché et sauf cas très particulier ça ne marchera jamais.]

              Certainement pas. Je suis pour l’entreprise avec usine, seulement l’usine en question est au Bangladesh, en Chine ou au Vietnam. Prenez une entreprise comme Apple : son chiffre d’affaires est largement dépendant d’usines situées ailleurs qu’aux Etats-Unis, là où la main d’œuvre est bon marché et la réglementation du travail et de l’environnementale bienveillante. Et ça a l’air de très bien marcher…

              [Si vous voulez investir en inde ou en chine, comme français vous avez un handicap et vous avez de forte chance de vous faire plumer (l’inde est un pays extrêmement corrompu, et en ce qui concerne la chine que je connais un peu, vous avez aucune chance si votre « partenaire » chinois décide de vous arnaquer.]

              Je n’ai pas l’impression que cela gêne beaucoup Apple.

              [Sans rentrer dans les details, le systeme judiciaire est une farce, les contrats des bout de papier sans valeur et ce qui compte c est les relations)Autrement dit, a part une infime minorité de francais (soyons genereux, au mieux 3 % des francais) qui a les moyens intellectuels, relationnel et financier, investir en inde ou en chine, c est la certitude d y laisser des plumes]

              Achetez des actions Apple. Vous investirez en Chine et en Inde, avec une raisonnable chance de faire une bonne affaire. Et cet investissement est ouvert à tous les Français – du moins aux Français qui ont quelque chose à investir…

              [Je parlais de l’économie de la France. Je suis loin d’être sûr que la fortune de la bourgeoisie française ne soit pas affectée par l’effondrement de notre économie. Si certains ont pu en effet investir ailleurs et s’enrichir c’est loin d’être le cas de tous. La personne qui avait des usines de textile à Roubaix dans les années 70 a plus de chance d’être ruinée aujourd’hui que d’être plus riche (ses placements immobiliers à Roubaix ne valent plus rien, ses usines sont fermées.]

              Pourriez-vous me citer un ou deux exemples de ces bourgeois propriétaires d’usines textiles qui pointent aujourd’hui à Pole Emploi ? Je pense que vous aurez des difficultés à en trouver, parce qu’avec la financiarisation de l’économie, les bourgeois ne mettent plus tous leurs œufs dans le même panier. Oui, certainement, la valeur de leurs usines textiles en France s’est effondrée, mais la valeur des usines que ces mêmes bourgeois possèdent en Inde, en Tunisie, en Indonésie, et qui ont occupé le même marché, ont multiplié largement leur valeur. In fine, l’effondrement leur a été profitable : dans leur portefeuille, des usines françaises peu rentables ont été remplacées par des usines étrangères très rentables. Cela compense largement la valeur perdue…

              [La famille Boussac ou Willot ne fait plus partie des plus riches francais]

              Des plus riches non, mais restent des bourgeois fort bien dotés…

              [De même si l’économie de la France s’effondre, les Mulliez (Auchan) vont perdre une grande partie de leur fortune. Je vous signale qu’on parle ici de personnes extrêmement riches, alors imaginez la personne qui a juste un supermarché ou une PME. Penser qu’elle va être capable de s’installer en chine est risible (pour info nos acteurs de la grande distribution y ont bu le bouillon avec des moyens sans commune mesure)]

              Mais encore une fois, il n’est pas nécessaire de s’installer en Chine pour investir en Chine. Il suffit d’acheter les titres d’une société cotée opérant en Chine. J’ai l’impression que pour vous le capitaliste et l’entrepreneur sont confondus. Désolé, mais ce n’est pas le cas : la plupart des bourgeois ne voient jamais une usine, n’installent jamais une entreprise. Ils ne voient que des petits morceaux de papier appelés « actions », qui leur rapportent un bénéfice qui est prélevé sur le travail d’ouvriers qui peuvent être à l’autre bout du monde. Si j’achète une action de Apple, je peux vous assurer que mes dividendes seront les mêmes si l’économie française brûle.

              [« Point n’est besoin d’avoir lu Molière ni même de savoir faire une adition pour livrer des pizzas. » Si la personne n’est pas capable de faire une addition, vous allez avoir du mal a trouver du personnel pour la caisse (exemple vécu, caisse enregistreuse en panne et la personne avait du mal a faire le calcul).]

              Suffit d’avoir deux caisses enregistreuses. C’est bien moins cher que d’avoir du personnel qualifié. Et d’ailleurs on paye de plus en plus sur des automates. Dans quelques années, il n’y aura plus de caissiers.

              [Et il vous reste a résoudre le problème majeur : qui va vous acheter vos pizzas ? Car si vous ne produisez rien, à terme vous n’allez rien pouvoir acheter. Actuellement ce probleme est masque par la dette mais c’est juste reculer pour mieux sauter. Une fois les bijoux de famille vendu il va bien falloir atterrir]

              Et bien, ce jour là on verra. Comme disait Keynes, « à long terme on est tous morts ».

              [« Quant aux coûts de la police, la justice et les services publics, la solution est toute trouvée : pas de police, pas de services publics, pas de tribunaux. Il faut être aveugle pour ne pas voir le retrait massif des services publics dans les quartiers populaires, et pas que. Et il est toujours plus rentable pour le bloc dominant de se payer des services privés réservés à votre classe plutôt que des services publics ouverts à tous. » C’est ce qu’ont dû se dire les israéliens quand ils occupaient gaza. On se retire, on interdit l’accès aux indésirables et il n y a plus de problème. Mais la nature ayant horreur du vide, ils se sont pris le Hamas.]

              Et alors ? Occuper Gaza, c’était des dizaines de soldats morts chaque année. En se retirant, c’est un millier de morts tous les vingt ans. Même si le calcul est cynique, il n’est pas évident qu’il soit irrationnel.

              [Si le libéralisme considère qu il n est pas souhaitable d empecher les gens de se deplacer pour trouver un endroit plus propice pour s installer, il ne preconise pas de developper un systeme d assistanat pour que certains puissent vivre dans une societe parallele. Sur un plan plus personnel, je considere qu il faut probablement un minimum de regulation pour l immigration mais surtout qu apres X annees la personne soit montrer des signes d integration ou partir et surtout limiter drastiquement le regroupement familial. Etant moi meme un immigré (j ai quitté la france pour ne pas me retrouver au RMI), je vais pas critiquer les gens qui quittent leur pays pour avoir un avenir comme je l ai fait a l epoque de chirac]

              Quand vous avez quitté la France, avez-vous eu recours au regroupement familial ?
              Je trouve votre position bien contradictoire. Si vous êtes « libéral », vous pouvez à la rigueur vouloir supprimer cet « assistanat » que vous dénoncez, mais il est incohérent de vouloir limiter l’immigration, et encore moins d’exiger des « signes d’intégration »…

            • cdg dit :

              @descartes

              [Je vois mal en quoi « l’homogénéité » serait nécessaire. Le fait qu’il y ait un intérêt commun est parfaitement suffisant. Et cet intérêt existe : tous les membres du « bloc dominant » ont intérêt au maintien d’un mode de production qui garantit leur domination.]

              Si vus n avez pas un minimum d homogeneite, vous n avez pas d interet commun, a part de vague declaration d intention. Par ex, quasiment tout le monde a part les communistes est pour une economie non administree (pas de gosplan). Par contre, si on va dans le détail, il va y avoir des querelles pour savoir si on doit mettre des droit de douanes élevés ou non et sur quels produits  (si vous vendez des conserve vous allez vouloir des droits élevés sur les conserves de vos concurrents mais faible sur les voitures car ça favorisera le pouvoir d achat de vos clients/employés. Si vous êtes PSA c est l inverse)

              [D’abord, notez que pour que votre crétin de fils puisse reprendre votre cabinet il n’est pas nécessaire que l’éducation soit mauvaise EN GENERAL, il suffit quelle soit mauvaise POUR LES AUTRES.]

              C est un peu ce qu il se passe avec l ecole privée qui assure un meilleur niveau que le public (a part probablement quelques exceptions type Henri IV a paris). Mais meme comme ca, je pense que le niveau general baisse tout simplement car vous n avez plus la masse critique (par ex une ecole d inge vas devoir baisser son niveau car une partie des eleves venant du public n arrivent pas a suivre).Apres vous avez la generalisation des mauvaises pratiques. Allez inciter un enfant a travailler alors qu il sait qu il aura 16 au bac sans trop se fouler

              [Mais la question que vous posez est au fond celle de la perception et de la profondeur d’analyse qu’une classe a collectivement de son propre intérêt. Il a fallu presque un siècle pour qu’une petite minorité de bourgeois pionniers découvre que pour faire de bonnes affaires il fallait une demande de masse, et que cela impliquait payer des salaires supérieurs à ceux fixés par le marché. Il a fallu la crise de 1929 pour que cette idée soit acceptée couramment par la bourgeoisie… Est-ce que les classes dominantes font toujours le choix optimal pour leurs intérêts ? La réponse est « non ».]

              Question interessante et j aurai la meme reponse que vous. C est d ailleurs pas uniquement la classe dirigeante. Hier je lisais dans le monde un sondage sur l opinion des francais. On leur demandais quel devait etre la reaction face au changement climatique. Reponse majoritaire :  c est aux autres de changerCependant je serai pas si negatif que vous. Les idees, meme minoritaires, finissent par germer. On a finit par trouver anormal de vendre un etre humain ou de faire travailler des enfants (meme si dans le premier cas, on a maintenant des bobos qui ne voient aucun probleme a acheter des bébés)

              [Certainement pas. Je suis pour l’entreprise avec usine, seulement l’usine en question est au Bangladesh, en Chine ou au Vietnam. Prenez une entreprise comme Apple : son chiffre d’affaires est largement dépendant d’usines situées ailleurs qu’aux Etats-Unis, là où la main d’œuvre est bon marché et la réglementation du travail et de l’environnementale bienveillante. Et ça a l’air de très bien marcher…]

              Apple est ce que je decrivais comme l exception. Ils sont un cas tres particulier, un espece de Dior high tech (ils vendent des produits un peu meilleur a des prix nettement plus elevés).Samsung (qui vend plus de telephone qu Apple) est un constructeur integré (certes il ne fabrique pas tout)

              [[Si vous voulez investir en inde ou en chine, comme français vous avez un handicap et vous avez de forte chance de vous faire plumer (l’inde est un pays extrêmement corrompu, et en ce qui concerne la chine que je connais un peu, vous avez aucune chance si votre « partenaire » chinois décide de vous arnaquer.]Je n’ai pas l’impression que cela gêne beaucoup Apple.]

              Comme je l ai dit Apple est un cas tres particulier (cf ci dessus. Et en plus ils ont quand meme reussi a garder le contrôle complet du logiciel. A ma connaissance aucun developement logiciel d Apple est fait en chine ou c est pourtant bien moins cher: un ingenieur en chine doit couter 50 fois moins qu en californie). Pour les echecs, regardez ce qui est arrivé a Danone (https://www.melchior.fr/actualite/danone-en-chine-la-saga-wahaha). Ici on parle déjà de multinationales, pas d une simple PME ou meme ETI.

              [Achetez des actions Apple. Vous investirez en Chine et en Inde, avec une raisonnable chance de faire une bonne affaire. ]

              Si vous achetez des actions Apple, vous investissez aux USA. La valeur ajouté d apple est faite en californie, pas sur les chaines de montage de SchenzenEt si vos avez achete des actions chinoises, c est pas sur que vous faites une bonne affaire (cf https://www.france24.com/fr/info-en-continu/20231010-chine-le-promoteur-country-garden-se-rapproche-du-d%C3%A9faut-de-paiement)[Et cet investissement est ouvert à tous les Français – du moins aux Français qui ont quelque chose à investir…]L action Apple est a 178 $ (soit la meme chose en euro). Si les francais n achetent pas d action c est pas tant par manque d argent que par un blocage psychologique. Regardez le patrimoine officiel de nos politiciens : plein d immobilier et pas d actions[Pourriez-vous me citer un ou deux exemples de ces bourgeois propriétaires d’usines textiles qui pointent aujourd’hui à Pole Emploi ? ]

              Vu l age des proprietaires d usine textile en 1970, ils doivent etre comme les frere Willot : morts Je connais pas personnellement un d entre eux mais il est assez facile de verifier que si on continue avec la famille Willot aucun de leur descendant est parmi les francais les plus riche (https://businessattitude.fr/qui-sont-les-100-francais-les-plus-riches/#Les_42_milliardaires_francais_selon_le_magazine_Forbes) alors que leur pere oui.Alors oui, les heritiers sont surement encore plus riches que moi, mais ce qui reste est une fraction de ce qu ils possedaient. Et une fois de plus on parle ici des heritiers d un empire.J ai un ami dont le pere avait une PME de broderie dans le Nord, avec 2-3 employés, soit 5 personnes en tout. L entreprise familiale a coulee, le fils a fini employé dans une usine et a meme ete au chomage avant de pouvoir toucher sa retraite. Le patrimoine herité etait une vielle maison dans un coin perdu (de memoire vendue dans les 150 000€ a partager avec ses freres et sœurs). Je peux vous assurer qu il n y avait pas d usine en inde ou en chine

              [Mais encore une fois, il n’est pas nécessaire de s’installer en Chine pour investir en Chine. Il suffit d’acheter les titres d’une société cotée opérant en Chine. J’ai l’impression que pour vous le capitaliste et l’entrepreneur sont confondus. Désolé, mais ce n’est pas le cas : la plupart des bourgeois ne voient jamais une usine, n’installent jamais une entreprise. Ils ne voient que des petits morceaux de papier appelés « actions », qui leur rapportent un bénéfice qui est prélevé sur le travail d’ouvriers qui peuvent être à l’autre bout du monde.]

              Tout depend des montants investis. Si par ex je veux investir en chine, je vais en effet acheter des actions chinoises (ou des SICAV d un gerant qui va acheter des actions chinoises)Mais la on parle de montants faibles. Si vous avez des dizaines millions a placer vous pouvez faire de meme mais vous pouvez gagner (ou perdre) bien plus en investissant dans des projets non cotés. Surtout si vous avez un certain savoir faire (par ex vous avez une usine textile et vous savez faire tourner une usine ou trouver des clients pour vos produits)
              Si vous aviez une usine textile en france, vous allez vraiment la vendre pour acheter des actions chinoises auxquelles vous ne comprenez rien (parce qu il faut pas rever, ils vont pas vous traduire les documents) ?

              [Si j’achète une action de Apple, je peux vous assurer que mes dividendes seront les mêmes si l’économie française brûle.]

              Vu que le marche francais est pour Apple negligeable et que le dividende d apple est minime (0.90 $ soit un rendement de 0.5 %) c est sur. Mais c est déjà moins sur si toute l UE s effondre. Ou si vous avez des actions francaises. Vous croyez vraiment que le dividende de Carrefour ou Casino va pas baisser si la France s effondre ?

              [Suffit d’avoir deux caisses enregistreuses. C’est bien moins cher que d’avoir du personnel qualifié. Et d’ailleurs on paye de plus en plus sur des automates. ]

              Et vous faites comment si c est par ex un probleme reseau et que vos automates sont HS. Ou si vous devez changer de recette ou de fournisseurs et qu il faut que votre personnel soit capable de faire une regle de 3 ?

              {[Et il vous reste a résoudre le problème majeur : qui va vous acheter vos pizzas ? Car si vous ne produisez rien, à terme vous n’allez rien pouvoir acheter. Actuellement ce probleme est masque par la dette mais c’est juste reculer pour mieux sauter. Une fois les bijoux de famille vendu il va bien falloir atterrir] Et bien, ce jour là on verra. Comme disait Keynes, « à long terme on est tous morts ».}

              Et vous vous plaigniez du fait que les classes dominantes avaient du mal a percevoir son propre intérêt… A mon avis on est plus tres loin du mur. Les taux remontent et la dette publique a plus en plus de mal a etre refinancee. Quant a la dette privee, si la bulle immobiliere explose ca va etre sanglant : des gens vont se retrouver avec des dettes une fois revendu leur logement (vous avez achete a 100 avec 90 de credit. Vous revendez a 85→ vous devez 5 a la banque)

              [Occuper Gaza, c’était des dizaines de soldats morts chaque année. En se retirant, c’est un millier de morts tous les vingt ans. Même si le calcul est cynique, il n’est pas évident qu’il soit irrationnel.]

              Israel c est retire de gaza en 2005, 2 ans plus tard le hamas prend le pouvoir et maintenant ils sont capable de lancer des attaques terrestres en profondeur et de detruire des chars. Vous ne voyez pas une gradation ?Si ca continue comme ca dans 10 ans, ils seront capable de tirer des vrais missiles avec guidage GPS (ils y sont presque d apres ce que j ai lu) avec des ogives chimiques ou bacteriologiques

              [Quand vous avez quitté la France, avez-vous eu recours au regroupement familial ?]

              Non. A l epoque j etais celibataire. Meme en admettant que je sois marié avec enfant, c etait dans l UE (je suis alle en RFA) donc il n y a pas ce type de restriction.
              A un moment j avais pensé aller a canada. J avais abandonné vu qu il fallait plus d un an de procedure

              [Je trouve votre position bien contradictoire. Si vous êtes « libéral », vous pouvez à la rigueur vouloir supprimer cet « assistanat » que vous dénoncez, mais il est incohérent de vouloir limiter l’immigration, et encore moins d’exiger des « signes d’intégration »…]

              IL y a l ideal et la realité. Les communistes parlent d internationale proletarienne et pourtant vous defendez Marchais et son bulldozer dans un foyer sonacotra. Dans mon cas, je pense que s opposer a l immigration est illusoire mais qu on peut orienter les flux. Et qu un pays n est pas une entite abstraite (je sais Thatcher pensais le contraire et la plupart des penseurs liberaux se limitent au domaine economique ou vivaient a une epoque ou il etait impossible de migrer rapidement a l autre bout du monde en masse) Si un pays a une caracteristique propre, ca signifie que si vous faites rentrer en masse une certaine population ca va influencer le reste du pays et créer des tensions, surtout si les gens qui viennent sont pauvres et/ou peu eduqué (vous remarquerez que personne ne se plaint des emirs ou tyrans africains sur la cote d azur). D ou l exigence d integration ou le fait de faire comme aux USA et d avoir des % de differents pays au lieu d une majorité d une regionPour l assistanat, j ai un exemple dans mon ex belle famille. Et c est une famille francaise depuis au moins le XIX

            • Descartes dit :

              @ cdg

              [Si vous n’avez pas un minimum d’homogénéité, vous n’avez pas d’intérêt commun, a part de vague déclaration d’intention.]

              Répéter l’affirmation ne constitue pas un argument. Non, l’homogénéité n’est nullement nécessaire pour voir surgir un « intérêt commun ». Vous fournissez d’ailleurs vous-même un exemple :

              [Par ex, quasiment tout le monde a part les communistes est pour une économie non administrée (pas de gosplan).]

              Autrement dit, malgré l’immense diversité de l’espèce humaine, une écrasante majorité d’humains – très différents les uns des autres – ont intérêt à la liberté du commerce et de l’industrie. Ce n’est pas là une « vague déclaration d’intention », mais quelque chose de très concret. CQFD

              [C’est un peu ce qu’il se passe avec l’école privée qui assure un meilleur niveau que le public (a part probablement quelques exceptions type Henri IV a paris). Mais même comme ça, je pense que le niveau général baisse tout simplement car vous n’avez plus la masse critique (par ex une école d’ingé vas devoir baisser son niveau car une partie des élèves venant du public n’arrivent pas a suivre). Apres vous avez la généralisation des mauvaises pratiques. Allez inciter un enfant a travailler alors qu il sait qu il aura 16 au bac sans trop se fouler]

              Je pense que la baisse de niveau y compris dans les élites – qui est d’ailleurs un phénomène international – obéit à un mécanisme bien plus global que les questions de « masse critique ». C’est je pense un phénomène inhérent au capitalisme. Après tout, on assiste à une baisse continue dans la qualité des biens que nous consommons : du temps de ma grand-mère, une paire de draps durait une vie, aujourd’hui il faut les changer tous les deux ou trois ans. Le buffet que mon grand-père a commandé pour son mariage trône toujours intact dans ma salle à manger, alors que le meuble IKEA dans ma chambre n’a que vingt ans et donne de nets signes de fatigue. Cela tient à une asymétrie d’information : le client, lorsqu’il achète un meuble ou une paire de draps, n’a aucun moyen de juger de leur durabilité ou de leur qualité de fabrication. Et bien, il se passe un peu la même chose au niveau de la formation : un employeur peut à la rigueur juger du savoir-être du candidat, il peut apprécier sa capacité hic et nunc à résoudre un problème. Mais comment juger l’apport d’une culture générale solide qui permettra au candidat de s’adapter à des situations changeantes et cela tout au long de sa vie ? La logique de concurrence tend à privilégier la capacité immédiate par rapport aux compétences de long terme.

              [Cependant je ne serai pas si négatif que vous. Les idées, même minoritaires, finissent par germer. On a fini par trouver anormal de vendre un être humain ou de faire travailler des enfants (…)]

              Vous voulez dire que, même si cette idée est minoritaire aujourd’hui, on finira par trouver anormale l’exploitation du travail humain par le capitaliste ? Merci d’encourager le vieux militant communiste que je suis…

              [« Certainement pas. Je suis pour l’entreprise avec usine, seulement l’usine en question est au Bangladesh, en Chine ou au Vietnam. Prenez une entreprise comme Apple : son chiffre d’affaires est largement dépendant d’usines situées ailleurs qu’aux Etats-Unis, là où la main d’œuvre est bon marché et la réglementation du travail et de l’environnementale bienveillante. Et ça a l’air de très bien marcher… » Apple est ce que je décrivais comme l’exception.]

              Mais en quoi est-elle si « exceptionnelle » ? Il y a beaucoup d’entreprises moins connues qui fabriquent et vendent loin de toute « base nationale », y compris celle de leur pays d’origine. Et dont le sort est parfaitement décorrélé de celui de l’économie nationale. Pensez à un assureur comme la Lloyds. Pensez-vous que le sort de la marine marchande britannique soit pour eux fondamental ?

              [« Achetez des actions Apple. Vous investirez en Chine et en Inde, avec une raisonnable chance de faire une bonne affaire. » Si vous achetez des actions Apple, vous investissez aux USA.]

              Pas du tout. L’argent que vous donnez en échange de votre action sert à construire des usines en Chine ou en Corée, pas aux Etats-Unis.

              [La valeur ajouté d’Apple est faite en Californie, pas sur les chaines de montage de Schenzen.]

              Vous voulez dire que si les chaines de montage de Schenzen s’arrêtent, les actionnaires d’Apple toucheront toujours les mêmes dividendes ? Je suis toujours fasciné par cette religion néolibérale qui veut que la valeur puisse être produite autrement que par le travail. D’autant plus qu’on doit précisément aux économistes classiques comme Smith ou Ricardo – essentiellement libéraux – l’idée que seul le travail peut produire de la valeur.

              [Si les français n’achètent pas d’actions c est pas tant par manque d’argent que par un blocage psychologique.]

              Alors que la moitié de nos concitoyens restreint ses dépenses de santé pour cause de revenu insuffisant, il est évident que le frein à l’achat d’actions est forcément « psychologique ».

              [Regardez le patrimoine officiel de nos politiciens : plein d’immobilier et pas d’actions]

              Lorsqu’on achète un appartement, on peut vivre dedans. C’est beaucoup plus difficile de le faire dans une action. Que des gens relativement modestes préfèrent transformer leur argent en valeur d’usage plutôt qu’en produits purement financiers, cela peut parfaitement se comprendre. Mais vous noterez que plus vous montez dans l’échelle des revenus, et plus les titres financiers sont présents…

              [« Pourriez-vous me citer un ou deux exemples de ces bourgeois propriétaires d’usines textiles qui pointent aujourd’hui à Pole Emploi ? » Vu l’âge des propriétaires d’usine textile en 1970, ils doivent être comme les frère Willot : morts.]

              Vous évitez la question par une pirouette. Vous savez parfaitement qu’aucun de ces bourgeois n’a pointé à Pôle Emploi lorsqu’ils étaient vivants. C’est d’ailleurs une constante : un ouvrier dont la boite fait faillite perd tout, un patron dont la boite fait faillite continue à vivre dans un hôtel particulier. Pensez à Bernard Tapie…

              [Je ne connais pas personnellement un d’entre eux mais il est assez facile de vérifier que si on continue avec la famille Willot aucun de leur descendant est parmi les français les plus riches]

              Impossible à dire à partir de cette liste : on peut être descendant des Willot et ne pas porter leur nom (par exemple, si on descend par les femmes).

              [Alors oui, les héritiers sont surement encore plus riches que moi, mais ce qui reste est une fraction de ce qu’ils possédaient.]

              Encore une fois, je ne sais pas. Lorsqu’on fait des recherches sur la toile, on ne trouve pratiquement aucun détail sur leur sort. Une telle discrétion peut être interprétée de manière très diverses…

              [J’ai un ami dont le père avait une PME de broderie dans le Nord, avec 2-3 employés, soit 5 personnes en tout. L’entreprise familiale a coulé, le fils a fini employé dans une usine et a même été au chômage avant de pouvoir toucher sa retraite. Le patrimoine hérité était une vielle maison dans un coin perdu (de mémoire vendue dans les 150 000€ a partager avec ses frères et sœurs). Je peux vous assurer qu’il n’y avait pas d’usine en inde ou en chine]

              Je ne connais pas le cas de votre ami. Je veux bien admettre que dans le cas des patrons qui sont en même temps les détenteurs du capital et des travailleurs, l’argument doive être nuancé. Mais lorsqu’on pense aux capitalistes « purs » – c’est-à-dire, ceux qui ne tirent leur revenu que de leur capital, sans produire eux-mêmes de la valeur, je doute qu’ils soient très sensibles à la santé de l’économie nationale. Je suis d’ailleurs frappé de voir que même la droite, qui représentait traditionnellement le capitalisme national, semble se désintéresser de la question, et laisse le gouvernement tranquille lorsqu’il laisse filer la dette…

              [Tout dépend des montants investis. Si par ex je veux investir en chine, je vais en effet acheter des actions chinoises (ou des SICAV d’un gérant qui va acheter des actions chinoises) Mais la on parle de montants faibles. Si vous avez des dizaines millions à placer vous pouvez faire de même mais vous pouvez gagner (ou perdre) bien plus en investissant dans des projets non cotés. Surtout si vous avez un certain savoir-faire (par ex vous avez une usine textile et vous savez faire tourner une usine ou trouver des clients pour vos produits)]

              Au risque de me répéter : vous confondez toujours le capitaliste et l’entrepreneur. En tant que capitaliste, vous n’avez pas à faire tourner des usines ou trouver des clients. Vous payez des gens pour le faire. Bien entendu, il y a des gens qui portent les deux casquettes. Mais pour la clarté du raisonnement, il faut séparer les deux fonctions. Je suis d’accord avec vous qu’il est risqué d’entreprendre en Chine : pour cela, il faut des connaissances, de solides contacts, et même ainsi il y a une prise de risque. Mais « entreprendre » c’est une chose, et « investir » c’en est une autre.

              [Si vous aviez une usine textile en France, vous allez vraiment la vendre pour acheter des actions chinoises auxquelles vous ne comprenez rien (parce qu’il ne faut pas rêver, ils ne vont pas vous traduire les documents) ?]

              Si j’ai des TITRES (cotés ou non cotés) dans une usine textile en France, oui, je vais les vendre pour acheter des TITRES dans une usine textile chinoise. En suivant les conseils de mon banquier d’affaires, qui a des gens sur place et qui connait la notation en termes de risque et de rentabilité des titres disponibles. Où est la difficulté ? En quoi prends-je un risque plus important qu’en prenant des TITRES dans une entreprise française ?

              [« Si j’achète une action de Apple, je peux vous assurer que mes dividendes seront les mêmes si l’économie française brûle. » Vu que le marché français est pour Apple négligeable et que le dividende d’Apple est minime (0.90 $ soit un rendement de 0.5 %) c’est sûr.]

              J’entendais « dividende » au sens large (c’est-à-dire, le rapport de l’action). Apple a une politique de distribution des bénéfices particulière, avec un dividende comptable très faible qui fait que le profit se retrouve essentiellement dans la valeur de l’action. Mais le fait est que l’action rapporte indépendamment des performances de l’économie française, et c’était là mon point.

              [Mais c’est déjà moins sur si toute l’UE s’effondre. Ou si vous avez des actions françaises. Vous croyez vraiment que le dividende de Carrefour ou Casino ne va pas baisser si la France s’effondre ?]

              Carrefour fait 54% de son chiffre d’affaires à l’international. Je n’ai pas réussi à trouver la part du profit opérationnel réalisé à l’étranger, mais compte tenu du coût du travail je doute que les supermarchés Carrefour en territoire français soient plus profitables que ceux du Brésil. Si j’ai bien compris, le bénéfice distribué par Carrefour en 2022 était en progression de 8%, alors que les ventes en France reculent…

              [« Suffit d’avoir deux caisses enregistreuses. C’est bien moins cher que d’avoir du personnel qualifié. Et d’ailleurs on paye de plus en plus sur des automates. » Et vous faites comment si c’est par ex un problème réseau et que vos automates sont HS.]

              Vous arrêtez de vendre. Mais dans une telle situation, le fait d’avoir des employés ne changerait rien : on ne peut encaisser avec la carte bleue à la main…

              [Ou si vous devez changer de recette ou de fournisseurs et qu’il faut que votre personnel soit capable de faire une règle de 3 ?]

              Suffit qu’un seul sache le faire…

              [Et vous vous plaigniez du fait que les classes dominantes avaient du mal a percevoir son propre intérêt…]

              Je ne me plains pas, je constate. La bourgeoisie n’est pas un ensemble homogène : au-delà de l’intérêt de classe qu’ils partagent tous, il y a des intérêts particuliers qui peuvent être différents. Et les bourgeois sont aliénés à l’idéologie dominante autant que les prolétaires. Que la bourgeoisie nationale se soit aliéné au discours de la bourgeoisie mondialisée au point de soutenir des politiques qui allaient contre leur intérêt, cela me paraît assez évident.

              [A mon avis on est plus très loin du mur. Les taux remontent et la dette publique a plus en plus de mal a être refinancée.]

              De ce point de vue, je suis moins pessimiste que vous. Comme disait un célèbre ministre d’économie argentin, « quand je dois un million, j’ai un problème ; quand je dois dix mille milliards, le problème c’est le banquier qui l’a ». Si la France était la seule à être endettée, ce serait très grave. Mais comme c’est un problème global, la question se pose en d’autres termes. Si demain nous ne pouvons plus payér, nous ne serons pas seuls. On sait bien que les dettes ne seront jamais payées. La seule question est celle du moment où l’on se résoudra finalement à admettre que les titres de la dette ne sont que des morceaux de papier avec des chiffres dessus, du moment où les prêteurs seront obligés de passer leur prêt par pertes et profits.

              [Quant a la dette privee, si la bulle immobiliere explose ca va etre sanglant : des gens vont se retrouver avec des dettes une fois revendu leur logement (vous avez acheté a 100 avec 90 de crédit. Vous revendez a 85→ vous devez 5 a la banque)]

              Pour ceux qui ont acheté pour spéculer, ce sera en effet sanglant. Mais si vous avez acheté pour y vivre, cela ne changera rien pour vous : votre appartement sera toujours aussi agréable qu’il vaille 85 ou 100, et vos mensualités ne changeront pas – en France, les crédits à taux variable sont l’exception.

              [« Occuper Gaza, c’était des dizaines de soldats morts chaque année. En se retirant, c’est un millier de morts tous les vingt ans. Même si le calcul est cynique, il n’est pas évident qu’il soit irrationnel. » Israël s’est retiré de Gaza en 2005, 2 ans plus tard le Hamas prend le pouvoir et maintenant ils sont capable de lancer des attaques terrestres en profondeur et de détruire des chars. Vous ne voyez pas une gradation ? Si ca continue comme ça dans 10 ans, ils seront capable de tirer des vrais missiles avec guidage GPS (ils y sont presque d’après ce que j’ai lu) avec des ogives chimiques ou bactériologiques]

              On peut toujours jouer à se faire peur. Mais il ne faudrait quand même pas trop exagérer. Des « attaques en profondeur » ? Nulle part les combattants du Hamas ne se sont éloignés plus d’une dizaine de kilomètres de la frontière. L’attaque a été spectaculaire, très meurtrière compte tenu de la surprise et du fait qu’elle a porté essentiellement sur les populations civiles. Mais même si le nombre de morts est effrayant, il n’y a pas de quoi mettre en danger l’existence ou l’intégrité de l’Etat d’Israël. Votre rhétorique est un peu celle de ceux qui, après les attentats du 11 septembre 2000 prétendaient que le terrorisme menaçait la sécurité des Etats-Unis. 3000 morts et deux tours emblématiques détruites, c’est impressionnant. Mais à l’échelle d’un pays, cela reste symbolique.

              [« Quand vous avez quitté la France, avez-vous eu recours au regroupement familial ? » Non (…).]

              Si vous y aviez eu recours, votre position aujourd’hui relative à cette question serait-elle différente ?

              [« Je trouve votre position bien contradictoire. Si vous êtes « libéral », vous pouvez à la rigueur vouloir supprimer cet « assistanat » que vous dénoncez, mais il est incohérent de vouloir limiter l’immigration, et encore moins d’exiger des « signes d’intégration »… » Il y a l’idéal et la réalité. Les communistes parlent d internationale proletarienne et pourtant vous defendez Marchais et son bulldozer dans un foyer sonacotra.]

              D’abord, les communistes ne parlent pas « d’internationale prolétarienne » au moins depuis la fin des années 1930 et de la dissolution de l’internationale communiste. Vous devez confondre avec les trotskystes. Ensuite, l’analogie n’a ni queue ni tête. L’internationalisme prolétarien soutien que, dans la mesure où le capitalisme est un système international, les prolétaires de tous les pays ont un intérêt commun à son dépassement. Il ne postule nullement qu’il faille accueillir sur un territoire donné tous les prolétaires qui voudraient s’y installer, contrairement à ce que l’extrême gauche prétend. En empêchant le maire de Saint-Maur de se débarrasser de ses travailleurs immigrés en les déplaçant sur la commune de Vitry, le PCF de Marchais n’a en rien porté atteinte à un quelconque « internationalisme »

              Par contre, le libéralisme s’oppose bien à toutes les barrières qui empêchent les individus de rentrer sur n’importe quel marché à armes égales, à toute discrimination sur des critères n’ayant aucun rapport avec l’activité du marché en question. Empêcher un étranger d’entrer sur le marché du travail français à égalité avec le travailleur autochtone. En limitant l’immigration, vous êtes donc bien en contradiction avec les principes libéraux.

              [Et qu’un pays n’est pas une entité abstraite (je sais Thatcher pensais le contraire et la plupart des penseurs libéraux se limitent au domaine économique ou vivaient a une époque ou il était impossible de migrer rapidement à l’autre bout du monde en masse)]

              Je pense que vous dédouanez un peu vite les classiques du libéralisme. Smith ou Ricardo vivaient à une époque ou les migrations étaient déjà une réalité économique. Certes, on migrait moins loin, mais les populations n’étaient pas non plus aussi importantes. Le poids des Huguenots, des Irlandais ou des Gallois dans l’économie dans la première révolution industrielle en Angleterre est très loin d’être négligeable. D’ailleurs, les penseurs libéraux voyaient dans cette « libre circulation » un avantage puisqu’elles permettaient de garder les salaires à un niveau jugé « raisonnable »…

              Les penseurs libéraux étaient très méfiants envers les barrières nationales. On les retrouve plutôt du côté des idéologies du « monde sans frontières », à l’opposé des constructeurs de l’état-nation moderne. Je pense d’ailleurs que si les premiers marxistes ont raté leur analyse du phénomène national, c’est en grande partie du fait de l’influence des penseurs libéraux.

              [Si un pays a une caractéristique propre, ça signifie que si vous faites rentrer en masse une certaine population ça va influencer le reste du pays et créer des tensions,]

              Le raisonnement parallèle peut être fait pour les marchandises. Or, les libéraux sont à fond partisans du libre-échange. Pourquoi la « marchandise travail » devrait avoir un traitement spécial ?

            • cdg dit :

              @descartes

              [Autrement dit, malgré l’immense diversité de l’espèce humaine, une écrasante majorité d’humains – très différents les uns des autres – ont intérêt à la liberté du commerce et de l’industrie. Ce n’est pas là une « vague déclaration d’intention », mais quelque chose de très concret. CQFD ]

              Non car comme je l ecrivais, la liberté du commerce c est juste un principe. Souscrire a ce principe va pas empêcher que vous allez avoir des gens qui vont déclarer être pour la liberté du commerce et militer pour que leur secteur soit protegé de la concurrence ou qu ils touchent des subventions (ce qui revient au même). Regardez le Medef

              [Je pense que la baisse de niveau y compris dans les élites – qui est d’ailleurs un phénomène international – obéit à un mécanisme bien plus global que les questions de « masse critique ». C’est je pense un phénomène inhérent au capitalisme. Après tout, on assiste à une baisse continue dans la qualité des biens que nous consommons : du temps de ma grand-mère, une paire de draps durait une vie, aujourd’hui il faut les changer tous les deux ou trois ans.]

              Certes les draps de votre grand mère étaient de meilleur qualité mais acheter un drop coutait a votre grand mère 1 semaine de revenu alors que vous allez payer les votres 15 min de travail …
              Ensuite la degradation de la qualité des produits n est pas toujours vrai. Ma R5 demarrait mal en hiver, ce qui n est plus le cas d une twingo. Une voiture des années 70 avait énormément de probleme de rouille qui sont maintenant erradiqués. Apres il est certain que dans certains domaine on a une tendance a des produits bas de gamme, pas cher et de mauvaise qualité. C est une demande du consommateur. La jeune femme qui achete de la fast fashion sait très bien que sa robe va pas durer des années mais elle s en moque car elle va la mettre 2 ou 3 fois puis la jeter [Mais comment juger l’apport d’une culture générale solide qui permettra au candidat de s’adapter à des situations changeantes et cela tout au long de sa vie ]Je ne suis même pas sur que la culture générale va améliorer l adaptabilité de la personne. Je pense que c est plus la capacite à se remettre en cause ou la curiosité intellectuelle. C est pas parce que vous etes capable de lire ciceron en VO que vous vous adapterez mieux qu un autre

              [Vous voulez dire que, même si cette idée est minoritaire aujourd’hui, on finira par trouver anormale l’exploitation du travail humain par le capitaliste ?]

              Qui sait 😉 Mais il faudra trouver un moyen pour remplacer les apporteurs de capitaux. Car qui va risquer de l argent si ca lui rapporte rien (mais je suppose que les pertes seornt quand même pour lui)

              [Mais en quoi est-elle [apple] si « exceptionnelle » ? Il y a beaucoup d’entreprises moins connues qui fabriquent et vendent loin de toute « base nationale », y compris celle de leur pays d’origine.]

              SI vous regardez les concurrents d apple, que ca soit pour les ordinateurs ou les telephones, Apple est un cas très a part. Ils ont des produits compatible qu avec eux même, ils ont une marge sans commune mesure avec leurs concurrents et une clientele fidele a tel point qu Apple est plus compare a l industrie du luxe qu a l electronique. Et sur le plan industriels c est les seuls qui ne sont pas integre verticalement (samsung ou lenovo fabriquent leurs produits)

              [ Et dont le sort est parfaitement décorrélé de celui de l’économie nationale. Pensez à un assureur comme la Lloyds.]

              Ca en effet c est courant. Pour Total ou LVMH la France c est un marché negligeable

              {[« Achetez des actions Apple. Vous investirez en Chine et en Inde, avec une raisonnable chance de faire une bonne affaire. » Si vous achetez des actions Apple, vous investissez aux USA.]Pas du tout. L’argent que vous donnez en échange de votre action sert à construire des usines en Chine ou en Corée, pas aux Etats-Unis.}

              Apple ne construit pas d usine. Et de toute façon la valeur d apple n est absolument pas dans sa production physique mais dans son marketing et sa maitrise du logiciel. https://www.researchgate.net/figure/Distribution-of-Value-for-the-iPhone-2010-Source-Adapted-from-Kraemer-Linden-and_fig1_304365823Vous voyez que la chine represente 1.8 % de la valeur et qu Apple extrait quasiment 60 % de la plus value. Même si ca date de 2010, je doute que ca ait énormément changé.C est cette plus value qui permet a Apple d investir aux USA et par ex de concevoir leur propre processeur https://en.wikipedia.org/wiki/Apple_silicon. Quand vous achetez une action Apple, c est ca que vous achetez, pas une usine de montage. Car les compétences pour concevoir ce type de produits sont bien plus rare que pour assembler un iphone

              [Vous voulez dire que si les chaines de montage de Schenzen s’arrêtent, les actionnaires d’Apple toucheront toujours les mêmes dividendes ?]

              Pour info, apple est en train de quitter la chine pour l inde. Donc a terme les chaines de montages de Schenzen vont s arrêter

              [Je suis toujours fasciné par cette religion néolibérale qui veut que la valeur puisse être produite autrement que par le travail. D’autant plus qu’on doit précisément aux économistes classiques comme Smith ou Ricardo – essentiellement libéraux – l’idée que seul le travail peut produire de la valeur.]

              J ai jamais dit que la valeur n est pas produite par du travail. Je dis simplement que la valeur d apple est surtout produite par le travail d ingenieur en Californie et pas par des ouvriers en chine. Mais il est évident que si personne ne produit des iphones, apple ne pourra en vendre. Tout comme si les ingénieurs apple faisait une bouse, les ouvriers chinois se retrouveraient rapidement au chômage car personne n acheterait

              [Alors que la moitié de nos concitoyens restreint ses dépenses de santé pour cause de revenu insuffisant, il est évident que le frein à l’achat d’actions est forcément « psychologique ».]

              Il faut arrêter le miserabilisme. 50 % de la population francaise ne vit pas dans la misère au point de devoir se restreindre. Apres c est aussi un choix, je discutais avec un cousin il y a quelques semaines, si certains economisent sur tout pour pouvoir aller en vacances c est un choix personnel. Il me parait debile mais c est leur choix[Lorsqu’on achète un appartement, on peut vivre dedans. C’est beaucoup plus difficile de le faire dans une action. Que des gens relativement modestes préfèrent transformer leur argent en valeur d’usage plutôt qu’en produits purement financiers, cela peut parfaitement se comprendre. Mais vous noterez que plus vous montez dans l’échelle des revenus, et plus les titres financiers sont présents…]Mon exemple était le patrimoine de ministres, donc pas vraiment des gens qui achètent juste pour se loger. Mais même si on se limite aux gens plus modestes, vous avez des pays ou les gens sont locataires et qui vont investir dans des actions (RFA, Suisse). On peut même remarquer que ces pays ont des performances économiques supérieures a des pays qui ont un pourcentage plus eleve de propriétaires comme l Espagne, la France ou l italie

              [Je ne connais pas le cas de votre ami. Je veux bien admettre que dans le cas des patrons qui sont en même temps les détenteurs du capital et des travailleurs, l’argument doive être nuancé. Mais lorsqu’on pense aux capitalistes « purs » – c’est-à-dire, ceux qui ne tirent leur revenu que de leur capital, sans produire eux-mêmes de la valeur, je doute qu’ils soient très sensibles à la santé de l’économie nationale.]

              A votre avis combien y a-t-il de capitalistes « pur » ? des gens qui ne vivent que des revenus de leurs capital sans rien faire (même si on inclus B Arnault qui effectue quand même un travail) ca doit être même pas 0.5 % de la population francaise qui est rentiere. Les rentiers comme a la belle époque il n y en a presque plus. A l époque (https://www.retronews.fr/societe/interview/2021/04/13/francais-de-la-belle-epoque-antoine-prost) 1 million sur 40 ca fait 2.5 %. Même si on garde ce % de nos jour (ce qui est déjà très exageré) on a une infime minorité de la population

              [Si j’ai des TITRES (cotés ou non cotés) dans une usine textile en France, oui, je vais les vendre pour acheter des TITRES dans une usine textile chinoise. En suivant les conseils de mon banquier d’affaires, qui a des gens sur place et qui connait la notation en termes de risque et de rentabilité des titres disponibles. Où est la difficulté ? En quoi prends-je un risque plus important qu’en prenant des TITRES dans une entreprise française ?]

              vous etes sérieux quand vous demandez si acheter des titres non cote d une entreprise chinoise est il plus risqué de d acheter des titres d une entreprise francaise ? Si vous avez un litige en chine, bon courage. Vous allez vous retrouver en slip. Le système juridique francais est pas optimal mais par rapport au chinois, c est comparer une F1 a une 2CV. Juste un ex https://www.reuters.com/technology/arm-china-says-its-ousted-ceo-wu-is-refusing-pack-up-2022-05-05/  https://www.tomshardware.com/news/ex-arm-china-execs-establish-government-backed-chip-firm . Ensuite, si vous etes client d une banque d affaire, on est clairement dans la très très haute fortune. Même la bourgeoisie ordinaire n a pas acces ce type de banque

              {Carrefour fait 54% de son chiffre d’affaires à l’international. Je n’ai pas réussi à trouver la part du profit opérationnel réalisé à l’étranger, mais compte tenu du coût du travail je doute que les supermarchés Carrefour en territoire français soient plus profitables que ceux du Brésil. Si j’ai bien compris, le bénéfice distribué par Carrefour en 2022 était en progression de 8%, alors que les ventes en France reculent…}

              1)    Pas evident que le Bresil soit plus rentable. Les caissieres sont moins payées mais les gens étant plus pauvres ils achètent moins et surement moins de produits a grosse marge2)    Les bénéfices peuvent augmenter même si les ventes baissent. Il suffit de vendre des produits plus chers. C est ce qu il s est passé avec PSA ou renault : pénurie de composants -> moins de production -> on produit surtout les modeles les plus rentables et plus de rabais aux clients -> plus de bénéfices avec moins de voiture vendues

              [De ce point de vue, je suis moins pessimiste que vous. Comme disait un célèbre ministre d’économie argentin, « quand je dois un million, j’ai un problème ; quand je dois dix mille milliards, le problème c’est le banquier qui l’a ». Si la France était la seule à être endettée, ce serait très grave. Mais comme c’est un problème global, la question se pose en d’autres termes. Si demain nous ne pouvons plus payér, nous ne serons pas seuls. On sait bien que les dettes ne seront jamais payées. La seule question est celle du moment où l’on se résoudra finalement à admettre que les titres de la dette ne sont que des morceaux de papier avec des chiffres dessus, du moment où les prêteurs seront obligés de passer leur prêt par pertes et profits.]

              Il est clair que les dettes ne seront jamais payee ou en monnaie de singe. Par contre le choc risque d être violent. Dans de nombreux pays les retraites ne seront plus payees (capitalisation). En France les gens vont voir la valeur de leurs assurance vie venir a 0. Ca va donc déclencher une recession énorme et donc un chômage massif. Lequel mettra le system social francais en faillite (plus de cotisation et plus personne pour financer les deficits)

              [Mais si vous avez acheté pour y vivre, cela ne changera rien pour vous : votre appartement sera toujours aussi agréable qu’il vaille 85 ou 100, et vos mensualités ne changeront pas – en France, les crédits à taux variable sont l’exception.]

              Il faut juste de pas divorcer ou être muté

              [ Mais il ne faudrait quand même pas trop exagérer. Des « attaques en profondeur » ? Nulle part les combattants du Hamas ne se sont éloignés plus d’une dizaine de kilomètres de la frontière.]

              Il y a un mois, la personne qui aurait dit que le Hamas est capable de percer les defenses et de parcourir 10 km serait passé pour un fou. Quel sera leur prochaine etape ? L iran va-t-il les aider a faire un bond technologique ?Je n en sais rien mais il est clair que l idée d abandonner gaza au Hamas a été une erreur meme s ils perdaient 10 soldats par an (avec 1400 morts, ils ont 140 ans d occupation)[ il n’y a pas de quoi mettre en danger l’existence ou l’intégrité de l’Etat d’Israël.]Pour ce coup ci c est vrai. Mais si vous considérez les progrès du Hamas, est ce que vous pouvez exclure que dans 30 ans ils n en soient pas capable ? surtout avec une démographie « exuberante » qui leur permet d avoir une masse de soldats « consommables »

              {[« Quand vous avez quitté la France, avez-vous eu recours au regroupement familial ? » Non (…).]Si vous y aviez eu recours, votre position aujourd’hui relative à cette question serait-elle différente ?}

              C est evidement difficile a dire. Il est clair que restreindre le regroupement familial va decourager certains immigrants. Il y aussi d autres critères. Par ex maintenant je ne peux m installer que dans un pays germanophone car mon fils est incapable de suivre une scolarité en francais (il parle francais mais l ecrit comme une vache espagnole)Si on regarde ce qu il s est passé en France, le regroupement familial a été une erreur car on a eut de nombreuses personnes qui sont venues alors qu elles n avaient pas les moyens de vivre en France. Pire, la concentration des ces personnes a fait que la pression integratrice n était plus la (si vous etes le seul dans votre quartier a parler votre langue, vous aller apprendre le francais. Si 30 % des habitants parlent arabe, vous pouvez vivre comme en algerie, voire la pression sociale fera que vous devrez vivre comme au bled)

              {Le raisonnement parallèle peut être fait pour les marchandises. Or, les libéraux sont à fond partisans du libre-échange. Pourquoi la « marchandise travail » devrait avoir un traitement spécial ?}

              Parce que le travail signifie des hommes. Si vous importez un iphone celui-ci ne risque pas de faire souche, d exiger de manger du riz comme en chine, d avoir un endroit ou venerer confucius ou de poignarder un supporter de foot suédois car en Suede on a brulé un petit livre rouge

            • Descartes dit :

              @ cdg

              [« Autrement dit, malgré l’immense diversité de l’espèce humaine, une écrasante majorité d’humains – très différents les uns des autres – ont intérêt à la liberté du commerce et de l’industrie. Ce n’est pas là une « vague déclaration d’intention », mais quelque chose de très concret. CQFD » Non car comme je l’écrivais, la liberté du commerce c’est juste un principe. Souscrire à ce principe va pas empêcher que vous allez avoir des gens qui vont déclarer être pour la liberté du commerce et militer pour que leur secteur soit protégés de la concurrence ou qu’ils touchent des subventions (ce qui revient au même). Regardez le Medef]

              Et alors ? Je vous rappelle que l’échange ne portait pas sur ce que les gens font, mais sur quels sont leurs intérêts. Même si certains iront demander qu’on protège leurs marchés, me contredirez-vous si je vous dis que tout le monde aurait intérêt à une large liberté du commerce et de l’industrie ?

              [Certes les draps de votre grand mère étaient de meilleur qualité mais acheter un drop coutait a votre grand mère 1 semaine de revenu alors que vous allez payer les votres 15 min de travail …]

              Nous sommes d’accord. Il ne reste pas moins que le capitalisme tend à faire baisser à la fois la qualité et le prix. On remplace un monde de produits de qualité chers par un monde de produits médiocres mais bon marché.

              [Ensuite la dégradation de la qualité des produits n’est pas toujours vrai. Ma R5 démarrait mal en hiver, ce qui n’est plus le cas d’une twingo. Une voiture des années 70 avait énormément de problème de rouille qui sont maintenant éradiqués.]

              Là, je pense que vous confondez la question de la qualité et celle de la technologie. Il est clair que les technologies ont énormément progressé, et que ce progrès se traduit par des produits plus fiables ou moins sujets à certaines dégradations. Mais cela n’a rien à voir avec la qualité de la fabrication.

              [Apres il est certain que dans certains domaine on a une tendance a des produits bas de gamme, pas cher et de mauvaise qualité. C est une demande du consommateur.]

              Je n’ai pas dit le contraire. Je me suis contenté de constater un fait, je n’ai pas abordé la question des causes…

              [« Mais comment juger l’apport d’une culture générale solide qui permettra au candidat de s’adapter à des situations changeantes et cela tout au long de sa vie » Je ne suis même pas sûr que la culture générale va améliorer l’adaptabilité de la personne. Je pense que c’est plus la capacite à se remettre en cause ou la curiosité intellectuelle. C’est pas parce que vous êtes capable de lire Cicéron en VO que vous vous adapterez mieux qu un autre]

              Ce n’est pas PARCE QUE vous lisez du grec ou du latin que vous serez plus adaptable. Mais le fait d’avoir appris et de pratiquer le grec et le latin et d’avoir lu Cicéron en VO développe un certain nombre de mécanismes mentaux qui vous rendent plus adaptable. Vous parlez de « curiosité intellectuelle », et je suis d’accord. Mais n’est ce pas faire preuve de « curiosité intellectuelle » que de consacrer du temps à quelque chose d’aussi « inutile » que de lire Cicéron en VO ?

              Une grande culture générale vous permet de vous concevoir différent de ce que vous êtes, et cela est un paramètre essentiel dans l’adaptabilité. Personnellement, dans ma vie professionnelle j’ai toujours vu une forte corrélation entre les deux termes.

              [« Vous voulez dire que, même si cette idée est minoritaire aujourd’hui, on finira par trouver anormale l’exploitation du travail humain par le capitaliste ? » Qui sait 😉 Mais il faudra trouver un moyen pour remplacer les apporteurs de capitaux. Car qui va risquer de l’argent si ça lui rapporte rien (mais je suppose que les pertes seront quand même pour lui)]

              EDF est un succès industriel… conduit par des gens qui « risquaient de l’argent » public, et à qui le succès ne rapportait rien – à part l’honneur.

              [« Mais en quoi est-elle [apple] si « exceptionnelle » ? Il y a beaucoup d’entreprises moins connues qui fabriquent et vendent loin de toute « base nationale », y compris celle de leur pays d’origine. » SI vous regardez les concurrents d’Apple, que ça soit pour les ordinateurs ou les téléphones, Apple est un cas très à part. Ils ont des produits compatible qu’avec eux même, ils ont une marge sans commune mesure avec leurs concurrents et une clientèle fidèle à tel point qu’Apple est plus compare à l’industrie du luxe qu’àa l’électronique. Et sur le plan industriels c’est les seuls qui ne sont pas intégré verticalement (samsung ou lenovo fabriquent leurs produits)]

              Tout cela est vrai, mais sans rapport avec notre échange. La question ici était de savoir si le sort d’Apple était ou non tributaire de la santé économique de son pays d’origine. La réponse est, sans aucun doute, non. Apple produit et vend hors des Etats-Unis. De ce point de vue, Apple ressemble à beaucoup d’entreprises qui vont de très bonnes affaires sans avoir une base nationale. Je ne conteste pas que, sur beaucoup de domaines, Apple ait ses spécificités. Mais sur la question particulière qui nous occupe, ce n’est pas le cas.

              [« Pas du tout. L’argent que vous donnez en échange de votre action sert à construire des usines en Chine ou en Corée, pas aux Etats-Unis. » Apple ne construit pas d’usine. Et de toute façon la valeur d’Apple n’est absolument pas dans sa production physique mais dans son marketing et sa maitrise du logiciel.]

              Vous voulez dire que si les usines qui fabriquent les iPhones et autres ordinateurs étaient effacées de la face de la terre, Apple aurait toujours autant de valeur ? Vous le croyez vraiment ? Je suis toujours fasciné par cette idée qu’on pourrait avoir de la valeur sans support matériel…

              [(…) Vous voyez que la chine represente 1.8 % de la valeur et qu Apple extrait quasiment 60 % de la plus value.]

              Je ne vois rien de tel. Le graphique que vous présentez ne parle nulle part de « valeur ». C’est juste un schéma qui montre le partage du revenu de la vente d’un iPhone. Que 58% aille rémunérer les actionnaires n’implique nullement que les actionnaires produisent 58% de la « valeur »…

              [Même si ca date de 2010, je doute que ca ait énormément changé. C est cette plus value qui permet a Apple d investir aux USA et par ex de concevoir leur propre processeur]

              Non plus. Cette plus-value permet à Apple d’investir partout dans le monde, et pas forcément aux USA. Et y compris dans des usines de montage. Connaissez-vous la composition du portefeuille financier d’Apple ?

              [« Vous voulez dire que si les chaines de montage de Schenzen s’arrêtent, les actionnaires d’Apple toucheront toujours les mêmes dividendes ? » Pour info, apple est en train de quitter la chine pour l inde. Donc a terme les chaines de montages de Schenzen vont s arrêter]

              Seulement quand celles de Bombay seront en route. Vous ne répondez pas à la question.

              [« Je suis toujours fasciné par cette religion néolibérale qui veut que la valeur puisse être produite autrement que par le travail. D’autant plus qu’on doit précisément aux économistes classiques comme Smith ou Ricardo – essentiellement libéraux – l’idée que seul le travail peut produire de la valeur. » Je n’ai jamais dit que la valeur n’est pas produite par du travail. Je dis simplement que la valeur d’Apple est surtout produite par le travail d’ingénieur en Californie et pas par des ouvriers en chine.]

              Vous voulez dire qu’il y a plus d’heures de travail d’ingénieurs en Californie que d’heures de travail des ouvriers en Chine ? Parce que, si vous admettez que la seule source de valeur est le travail, vous arrivez à l a conclusion que c’est le temps de travail – ou le temps de travail socialement nécessaire, dans la version plus évoluée de la théorie classique – qui est la mesure de la valeur…

              [Mais il est évident que si personne ne produit des iPhone, Apple ne pourra en vendre. Tout comme si les ingénieurs Apple faisait une bouse, les ouvriers chinois se retrouveraient rapidement au chômage car personne n’achèterait]

              Pas tout à fait. Une fois qu’il a fini de dessiner un modèle, l’ingénieur pourra s’arrêter de travailler, et ce modèle continuera à être produit et produira du profit. Mais du jour où l’ouvrier s’arrêtera de travailler, le profit s’arrêtera avec lui. C’est là toute la différence…

              [« Alors que la moitié de nos concitoyens restreint ses dépenses de santé pour cause de revenu insuffisant, il est évident que le frein à l’achat d’actions est forcément « psychologique ». » Il faut arrêter le miserabilisme. 50 % de la population francaise ne vit pas dans la misère au point de devoir se restreindre.]

              Mais l’autre 50%, si. Et une barrière qui empêche dès le départ et avant toute autre considération 50% de la population d’acheter des actions mérite tout de même quelque considération, non ?

              [Apres c’est aussi un choix, je discutais avec un cousin il y a quelques semaines, si certains économisent sur tout pour pouvoir aller en vacances c’est un choix personnel. Il me parait débile mais c’est leur choix]

              Mais quand ils économisent sur tout pour pouvoir se refaire les dents ou s’acheter des lunettes, est-ce toujours aussi « débile » ? Réfléchissez avant de répondre : si vous êtes un vrai « libéral », qui vous donne le droit d’évaluer les choix du consommateur, de décréter que certains sont « débiles » et pas d’autres ?

              [« Lorsqu’on achète un appartement, on peut vivre dedans. C’est beaucoup plus difficile de le faire dans une action. Que des gens relativement modestes préfèrent transformer leur argent en valeur d’usage plutôt qu’en produits purement financiers, cela peut parfaitement se comprendre. Mais vous noterez que plus vous montez dans l’échelle des revenus, et plus les titres financiers sont présents… » Mon exemple était le patrimoine de ministres, donc pas vraiment des gens qui achètent juste pour se loger.]

              Les ministres ne sont pas vraiment très haut dans l’échelle des revenus. La politique, ça ne paye pas beaucoup, du moins en France, et lorsque vous regardez le patrimoine de nos ministres, la plupart ne dépassent pas le niveau des classes intermédiaires.

              [Mais même si on se limite aux gens plus modestes, vous avez des pays ou les gens sont locataires et qui vont investir dans des actions (RFA, Suisse).]

              Auriez-vous une référence ?

              [« Je ne connais pas le cas de votre ami. Je veux bien admettre que dans le cas des patrons qui sont en même temps les détenteurs du capital et des travailleurs, l’argument doive être nuancé. Mais lorsqu’on pense aux capitalistes « purs » – c’est-à-dire, ceux qui ne tirent leur revenu que de leur capital, sans produire eux-mêmes de la valeur, je doute qu’ils soient très sensibles à la santé de l’économie nationale. » A votre avis combien y a-t-il de capitalistes « pur » ?]

              Déjà les capitalistes ne sont pas très nombreux… mais je ne pense pas qu’ils soient aussi peu nombreux que vous le pensez, notamment parmi les « héritiers ».

              [« Si j’ai des TITRES (cotés ou non cotés) dans une usine textile en France, oui, je vais les vendre pour acheter des TITRES dans une usine textile chinoise. En suivant les conseils de mon banquier d’affaires, qui a des gens sur place et qui connait la notation en termes de risque et de rentabilité des titres disponibles. Où est la difficulté ? En quoi prends-je un risque plus important qu’en prenant des TITRES dans une entreprise française ? » vous etes sérieux quand vous demandez si acheter des titres non cote d’une entreprise chinoise est-il plus risqué de d acheter des titres d’une entreprise francaise ? Si vous avez un litige en chine, bon courage. Vous allez vous retrouver en slip.]

              Possible. Et alors ? Le capital n’est pas idiot : dans les pays où vous risquez de « vous trouver en slip », les investisseurs exigent une « prime de risque » qui couvre justement ce risque, à la manière d’une assurance. Prenons l’exemple des titres souverains : est-ce une mauvaise affaire que de prêter à l’Argentine ? Il est vrai que le pays a fait défaut sur sa dette une fois tous les dix ans… mais de ce fait, il paye des taux d’intérêt de l’ordre de 16% annuel en dollars. Autrement dit, même avec un défaut tous les dix ans, vous faites une excellente affaire. Autrement dit, lorsque vous achetez un titre chinois, vous prenez un risque plus important que l’affaire se termine par une perte de capital, mais pas que l’affaire soit une mauvaise affaire…

              [« Carrefour fait 54% de son chiffre d’affaires à l’international. Je n’ai pas réussi à trouver la part du profit opérationnel réalisé à l’étranger, mais compte tenu du coût du travail je doute que les supermarchés Carrefour en territoire français soient plus profitables que ceux du Brésil. Si j’ai bien compris, le bénéfice distribué par Carrefour en 2022 était en progression de 8%, alors que les ventes en France reculent… » 1) Pas evident que le Bresil soit plus rentable. Les caissieres sont moins payées mais les gens étant plus pauvres ils achètent moins et surement moins de produits a grosse marge]

              Vous faites erreur : Dans les pays du tiers monde, Carrefour ne cherche pas ses clients dans les favelas, mais dans les classes intermédiaires, qui dans ces pays ont un niveau de vie souvent supérieur à leurs contreparties françaises…

              [2) Les bénéfices peuvent augmenter même si les ventes baissent. Il suffit de vendre des produits plus chers. C est ce qu il s est passé avec PSA ou renault : pénurie de composants -> moins de production -> on produit surtout les modeles les plus rentables et plus de rabais aux clients -> plus de bénéfices avec moins de voiture vendues]

              Ca marche sur des segments peu concurrentiels, ou l’entreprise « fait » les prix. Louis Vuitton peut vendre moins de sacs a main et les vendre plus chers, et ses profits augmenteront. Mais si le supermarché augmente le prix du sucre, les gens iront ailleurs.

              [Il est clair que les dettes ne seront jamais payee ou en monnaie de singe. Par contre le choc risque d’être violent.]

              Surtout pour ceux qui ont de l’argent…

              [Dans de nombreux pays les retraites ne seront plus payées (capitalisation). En France les gens vont voir la valeur de leurs assurance vie venir a 0. Ca va donc déclencher une récession énorme et donc un chômage massif.]

              Je ne vois pas très bien pourquoi. Cet argent n’existe en fait pas. Il est fictif. Pourquoi le fait d’admettre qu’il l’est devrait changer quelque chose à l’économie réelle ?

              [« Mais si vous avez acheté pour y vivre, cela ne changera rien pour vous : votre appartement sera toujours aussi agréable qu’il vaille 85 ou 100, et vos mensualités ne changeront pas – en France, les crédits à taux variable sont l’exception. » Il faut juste de pas divorcer ou être muté]

              Ca ne change rien. Vous vendez à un endroit, vous achetez à un autre.

              [« Mais il ne faudrait quand même pas trop exagérer. Des « attaques en profondeur » ? Nulle part les combattants du Hamas ne se sont éloignés plus d’une dizaine de kilomètres de la frontière. » Il y a un mois, la personne qui aurait dit que le Hamas est capable de percer les defenses et de parcourir 10 km serait passé pour un fou.]

              Ca ne fait pas d’une pénétration de 10 km « une attaque en profondeur ». Nulle part les combattants du Hamas ne se sont approchés d’un point vital pour Israël. Le Hamas a montré qu’il peut faire un coup d’éclat, mais il ne menace pas vraiment les institutions israéliennes.

              [Quel sera leur prochaine etape ? L’Iran va-t-il les aider à faire un bond technologique ?]

              Possible. Mais les Américains aideront Israel à faire de même. C’est la course entre l’épée et le bouclier, qui est vieille comme le monde…

              [Je n’en sais rien mais il est clair que l’idée d’abandonner gaza au Hamas a été une erreur même s’ils perdaient 10 soldats par an (avec 1400 morts, ils ont 140 ans d’occupation)]

              Oui, enfin, il faut compter avec les bénéfices secondaires, en particulier celui d’affaiblir l’Autorité palestinienne en lui mettant un concurrent dans les pattes…

              [« il n’y a pas de quoi mettre en danger l’existence ou l’intégrité de l’Etat d’Israël. » Pour ce coup ci c est vrai. Mais si vous considérez les progrès du Hamas, est ce que vous pouvez exclure que dans 30 ans ils n en soient pas capable ?]

              Est-ce que vous pouvez exclure d’ici trente ans un génocide ou une expulsion de masse qui terminerait avec les palestiniens ? non plus. Si on commence à raisonner comme ça, autant utiliser l’arme atomique tout de suite.

              [« Le raisonnement parallèle peut être fait pour les marchandises. Or, les libéraux sont à fond partisans du libre-échange. Pourquoi la « marchandise travail » devrait avoir un traitement spécial ? » Parce que le travail signifie des hommes. Si vous importez un iphone celui-ci ne risque pas de faire souche, d’exiger de manger du riz comme en chine, d’avoir un endroit ou venerer confucius ou de poignarder un supporter de foot suédois car en Suède on a brulé un petit livre rouge]

              D’un point de vue libéral, je ne vois pas en quoi cela vous gênerait qu’il veuille manger la tête en bas, vénérer Bacchus. Je vous trouve bien directif, auojurd’hui…

  6. P2R dit :

    @ Descartes,
     
    Merci beaucoup pour ce billet qui trouve une résonnance auprès de ce que j’entends de la part de certains professeurs, à savoir la contradiction entre les injonctions d’augmenter les heures d’enseignement “solide” et la multiplications des heures “empathie”, “laïcité”, sans compter les EPI, les voyages scolaires, tout ceci bien entendu aggravé par les arrêts maladie non-remplacés, mais aussi les heures de formation sur temps de cours et autres motifs d’absence divers et variés. Et je vous rejoins aussi pour dire que si les profs râlent mollement contre cet état de fait, ils se gardent bien dans leur majorité de le remettre en question, et c’est là tout le problème. Parlez à un prof de se former une semaine par an sur le temps de ses congés (rien que ça), vous verrez sa tête…
     
    Je vois quand même dans l’agitation autour de ces sujets un signe encourageant: une partie de la société se rend compte à travers l’école que quelque-chose cloche, qu’auprès de la jeunesse, l’absence d’empathie (via le harcèlement), la dislocation de la décence commune (à travers la tarte à la crème des “crop tops”), la mutation des rapports à l’enfant (via l’intrusion des parents dans le système éducatif), et surtout l’effondrement des savoirs atteint un point critique, que seul quelques pourcents de la population (en gros, les électeurs NUPES) tentent d’ignorer. De manière amusante, je crois qu’on peut appliquer aujourd’hui à la majorité présidentielle la maxime qui naguère servait à qualifier le FN: le gouvernement macroniste apporte de mauvaises solutions à de vrais problèmes. Si ce n’est que le FN n’a jamais été le créateur des situations qu’il dénonçait, alors que le “centrisme progressif” au pouvoir depuis 40 ans porte la charge de tous les problèmes d’aujourd’hui.

    La question du regroupement des élèves par niveau au collège en est en effet un parfait exemple du mélimélo issu de la brutale confrontation de l’idéologie au réel que connaissent nos “élites”. En effet, il faut se souvenir que la forte disparité de niveaux au collège a été largement voulue, d’une part en raison de l’idéologie du collège ‘inclusif”, qui fait que la plupart des classes intègrent désormais au moins un ou deux cas d’enfants autistes, quand ce n’est pas carrément des cas psy, et d’autre part en conséquence de la diabolisation du redoublement, qui s’il n’a effectivement pas fait preuve d’efficacité au collège, n’a quasiment que des avantages dans les petites classes du primaire, au moment où le décrochage commence juste à se dessiner et où les écarts de maturité peuvent être énormes, en particulier sur les niveaux grande section/CP/CE1.

    Résultat, à l’entrée au collège, les profs doivent composer dans une même classe avec des gamins pas plus cons que la moyenne mais à qui on a jamais pris le temps d’enseigner correctement les bases, d’autres qui ont acquis les fondamentaux soit par “chance” soit parce que l’environnement familial y a veillé, rajoutez les quelques cancres authentiques qui peuplent toute classe depuis que l’école existe, saupoudrez avec 3 ou 4 gamins souffrant de troubles du comportement, vous avez une classe standard de collège public. 

    Face à cette situation, la question des classes de niveau est plus complexe qu’il n’y paraît: si on peut se douter que la progression des élèves soit meilleure dans une classe homogène de bon niveau, à l’inverse, il est démontré qu’une classe de faible niveau “plombe” la progression des élèves, en particulier parce que face à une classe faible, le professeur adapte non seulement ses exigences, mais aussi la qualité de son enseignement à la baisse (en gros, plus le niveau est bas, moins l’enseignant recours à l’abstraction dans ses explications, il reste beaucoup plus attaché à des exemples concrets – et donc à portée limitée -), et ce en dehors de tout effet d’étiquetage. C’est pourquoi pendant longtemps, l’institution s’est réfugiée derrière le discours qui veut qu’évoluer dans classe hétérogène soit stimulant autant pour les élèves les plus faibles que pour les meilleurs. 

    Là où le bât blesse, c’est que si cette théorie a bel et bien été vérifiée dans plusieurs études, elle ne fonctionne (préalable indispensable) que lorsque le niveau moyen de la classe est bon, et que l’on tolère que le professeur “perde” quelques élèves en route, condition sine qua non pour garder une qualité d’enseignement élevée. Aujourd’hui, les classes sont toujours hétérogènes… mais de moins en moins: le niveau moyen y est de plus en plus faible, et la tolérance à la “casse” (“ne laisser personne en chemin”) paradoxalement toujours plus faible.. (91,2% d’élèves bacheliers !). Conséquence, les modes d’enseignement sont dégradés au moins-disant, et tout le monde en pâtit, les meilleurs comme les moins bons. Ajoutez à celà le recrutement de profs au rabais dont une partie de plus en plus conséquente est elle-même incapable de raisonner par abstraction et vous obtenez un tableau assez fidèle de la situation de l’école publique française de 2023. (Le gaz ou la corde ?)

    Dans ce contexte, faire des groupes de niveau reviendrait presque à séparer ceux qui sont analphabètes de ceux qui ont à peu près appris à lire et à écrire au primaire, mais ce projet n’aurait de sens que si les enseignements et les objectifs étaient différenciés pour chacun de ces groupes. Vouloir faire des groupes de niveau pour enseigner la même chose aux élèves brillants et aux décrochés, c’est absurde, mais paradoxalement, c’est une manière très “post-moderne” de nier l’existence même de différences de niveaux, puisque ce serait considérer que les élèves faible ne doivent leurs insuffisances qu’à un mode d’enseignement qui leur serait inadapté..

    J’en termine de ce long post avec un mot sur l’enseignement privé, qui bien souvent ne fait guère mieux, voire fait souvent pire que l’enseignement public, tant la soumission de certains établissements aux diktats des clients-rois que sont parents d’élèves entraîne largement autant de positivisme faux-cul, de laxisme et de fausse bienveillance que dans le public..
     

    • Descartes dit :

      @ P2R

      [Merci beaucoup pour ce billet qui trouve une résonnance auprès de ce que j’entends de la part de certains professeurs, à savoir la contradiction entre les injonctions d’augmenter les heures d’enseignement “solide” et la multiplication des heures “empathie”, “laïcité”, sans compter les EPI, les voyages scolaires,]

      C’est malheureusement une contradiction qu’on trouve un peu partout, et qui tient à la nature « médiatique » de notre société. Prenez par exemple une centrale électrique : si vous êtes le patron d’une installation qui, sous votre direction éclairée, fonctionne bien, produit selon le programme, ne connait ni incident ni conflit social, on vous oubliera. Pire, vos chefs jugeront que vous avez une installation « facile » puisqu’il ne s’y passe jamais rien, et les promotions vous passeront sous le nez. La seule façon de vous faire connaître de vos chefs, c’est de lancer des initiatives à forte visibilité, même si cela ne sert à rien : un « plan d’égalité des chances », ou bien une « initiative nature environnement » fera l’affaire. Le « faire savoir » devient prioritaire par rapport au « savoir faire », et on voit nombre de dirigeants consacrer plus de temps à des actions inutiles mais visibles qu’à leurs missions de base.

      [tout ceci bien entendu aggravé par les arrêts maladie non-remplacés, mais aussi les heures de formation sur temps de cours et autres motifs d’absence divers et variés.]

      J’avoue que je suis toujours surpris par le volume des absences. Je me souviens de mes maîtres et mes professeurs, qui faisaient de la présence un devoir sacré. Je me souviens encore de ma professeur de mathématiques en classe préparatoire : elle venait enseigner avec 38°C de fièvre. Pour elle, faire perdre une journée d’enseignement à ses élèves, c’était une faute professionnelle. Quant à la formation, compte tenu du décalage entre le temps de travail des enseignants par rapport aux autres fonctionnaires, je trouverais normal qu’on reprenne une partie de leurs congés pour faire de la formation. D’autant plus qu’une partie des formations est en fait une forme de soutien psychologique.

      [Et je vous rejoins aussi pour dire que si les profs râlent mollement contre cet état de fait, ils se gardent bien dans leur majorité de le remettre en question, et c’est là tout le problème. Parlez à un prof de se former une semaine par an sur le temps de ses congés (rien que ça), vous verrez sa tête…]

      C’est bien une partie du problème. Pour moi, l’enseignant est comme le policier, le médecin ou le haut fonctionnaire : c’est une investiture, et non un emploi. De la même manière qu’un policier mis devant un délinquant agit en général même lorsqu’il n’est pas en service, un enseignant est enseignant même en dehors des heures de travail. Ce qui suppose une forme de flexibilité dans les limites entre vie professionnelle et vie personnelle. C’était d’ailleurs le cas pour beaucoup d’enseignants jusqu’aux années 1980…

      [Je vois quand même dans l’agitation autour de ces sujets un signe encourageant: une partie de la société se rend compte à travers l’école que quelque-chose cloche, qu’auprès de la jeunesse, l’absence d’empathie (via le harcèlement), la dislocation de la décence commune (à travers la tarte à la crème des “crop tops”), la mutation des rapports à l’enfant (via l’intrusion des parents dans le système éducatif), et surtout l’effondrement des savoirs atteint un point critique, que seul quelques pourcents de la population (en gros, les électeurs NUPES) tentent d’ignorer.]

      J’ai l’espoir que vous ayez raison, et qu’effectivement la mise de ces problèmes sur la place publique annonce une prise de conscience qui pourrait se traduire demain en actes. Je reste cependant dubitatif, tant notre société pousse les gens vers la recherche de solutions individuelles plutôt que collectives. Je crains que la « prise de conscience » vise plutôt à affaiblir encore plus l’éducation publique plutôt qu’à la reconstruire.

      [De manière amusante, je crois qu’on peut appliquer aujourd’hui à la majorité présidentielle la maxime qui naguère servait à qualifier le FN: le gouvernement macroniste apporte de mauvaises solutions à de vrais problèmes.]

      Pour le moment, il n’apporte aucune solution. Tout juste du bavardage.

      [Face à cette situation, la question des classes de niveau est plus complexe qu’il n’y paraît: si on peut se douter que la progression des élèves soit meilleure dans une classe homogène de bon niveau, à l’inverse, il est démontré qu’une classe de faible niveau “plombe” la progression des élèves, en particulier parce que face à une classe faible, le professeur adapte non seulement ses exigences, mais aussi la qualité de son enseignement à la baisse (en gros, plus le niveau est bas, moins l’enseignant recours à l’abstraction dans ses explications, il reste beaucoup plus attaché à des exemples concrets – et donc à portée limitée -), et ce en dehors de tout effet d’étiquetage. C’est pourquoi pendant longtemps, l’institution s’est réfugiée derrière le discours qui veut qu’évoluer dans classe hétérogène soit stimulant autant pour les élèves les plus faibles que pour les meilleurs.]

      Je vous trouve un peu sévère. Si je me réfère aux travaux que je connais, les classes hétérogènes ont montré leur efficacité au niveau du collège et du lycée, avec un effet d’entraînement réel. Mais cela marche à une condition : que l’effectif soit suffisamment faible pour permettre à l’enseignant un suivi différentié des « groupes de niveau » de sa classe. Et c’est là une contrainte très importante. Si on veut au contraire « industrialiser » le processus avec des classes relativement nombreuses et un enseignement « standardisé », il faut à l’enseignant un auditoire relativement homogène. On voit d’ailleurs comment cela marche dans le supérieur : les grandes écoles peuvent se permettre un enseignement en groupes relativement nombreux sans déchet, parce que le concours d’entrée garantit un niveau très homogène des étudiants, alors que dans l’université cela ne marche pas.

      [Là où le bât blesse, c’est que si cette théorie a bel et bien été vérifiée dans plusieurs études, elle ne fonctionne (préalable indispensable) que lorsque le niveau moyen de la classe est bon, et que l’on tolère que le professeur “perde” quelques élèves en route, condition sine qua non pour garder une qualité d’enseignement élevée.]

      Ou bien, comme je l’ai indiqué plus haut, si le taux d’encadrement est suffisamment élevé pour permettre à l’enseignant de personnaliser son enseignement pour chaque groupe de niveau de sa classe.

      [Aujourd’hui, les classes sont toujours hétérogènes… mais de moins en moins: le niveau moyen y est de plus en plus faible, et la tolérance à la “casse” (“ne laisser personne en chemin”) paradoxalement toujours plus faible.. (91,2% d’élèves bacheliers !).]

      Je ne parlerais pas de « casse », qui suggère une faute de la part de l’enseignant, mais je vois dans cette question une manifestation de l’illusion de toute-puissance commune chez les enseignants. Les individus sont différents, certains sont plus intelligents, d’autres moins, certains sont soumis au niveau de leur environnement à des stimulations positives, d’autres a des contraintes négatives. Il y a donc des élèves que le meilleur enseignant, disposant de tous les moyens, n’arrivera pas à amener au niveau que devrait avoir le baccalauréat. C’est triste, mais c’est une réalité. C’est à l’école – et à la société – de donner à ces élèves des débouchés adaptés à leurs possibilités sans – dans la mesure du possible – les stigmatiser. Si on se pose comme objectif de maintenir à tout prix ces élèves dans le système général, alors on se condamné à ajuster l’enseignement à leur niveau. C’est le nivellement par le bas.

      Chaque niveau, chaque institution d’enseignement doit fixer un niveau indépendamment du niveau des élèves. Tout le monde ne peut être bachelier, médecin ou polytechnicien, et cela quelque soient les moyens investis. Et si on se fixe comme objectif que tout le monde puisse « réussir les études de son choix », alors il faudra baisser le niveau des examens et de l’enseignement pour s’adapter aux plus faibles. C’est d’ailleurs ce qui est en train de se passer…

      [Conséquence, les modes d’enseignement sont dégradés au moins-disant, et tout le monde en pâtit, les meilleurs comme les moins bons. Ajoutez à celà le recrutement de profs au rabais dont une partie de plus en plus conséquente est elle-même incapable de raisonner par abstraction et vous obtenez un tableau assez fidèle de la situation de l’école publique française de 2023. (Le gaz ou la corde ?)]

      Tout à fait d’accord. Le fait que les élèves d’aujourd’hui sont les professeurs de demain donne au système une énorme inertie. Elle a joué dans un sens favorable, empêchant la dégradation trop rapide de l’école dans les années 1970, elle jouerait aujourd’hui contre toute tentative de reconstruction. Si l’on veut changer quelque chose, avant de d’éduquer les élèves il faudra commencer par éduquer les enseignants. Vaste programme…

      [Dans ce contexte, faire des groupes de niveau reviendrait presque à séparer ceux qui sont analphabètes de ceux qui ont à peu près appris à lire et à écrire au primaire, mais ce projet n’aurait de sens que si les enseignements et les objectifs étaient différenciés pour chacun de ces groupes. Vouloir faire des groupes de niveau pour enseigner la même chose aux élèves brillants et aux décrochés, c’est absurde, mais paradoxalement, c’est une manière très “post-moderne” de nier l’existence même de différences de niveaux, puisque ce serait considérer que les élèves faible ne doivent leurs insuffisances qu’à un mode d’enseignement qui leur serait inadapté…]

      Tout à fait. On revient à cette idée de toute-puissance de la pédagogie dont je parlais plus haut. Une toute-puissance qui a alimenté tout le discours sur les « pédagogies alternatives », censées pouvoir éduquer ceux pour qui le « mode d’enseignement » scolaire était « inadapté ». On connaît le résultat : ces pédagogies marchent très bien avec les enfants ayant un fort capital culturel à la maison, c’est-à-dire, des enfants pour lesquels les pédagogies classiques marchent tout aussi bien.

      [J’en termine de ce long post avec un mot sur l’enseignement privé, qui bien souvent ne fait guère mieux, voire fait souvent pire que l’enseignement public, tant la soumission de certains établissements aux diktats des clients-rois que sont parents d’élèves entraîne largement autant de positivisme faux-cul, de laxisme et de fausse bienveillance que dans le public.]

      J’apporterais un bémol. Les parents de l’enseignement privé ne sont pas un échantillon représentatif de l’ensemble des parents. Souvent, ils ont un niveau d’exigence plus élevé en matière de discipline intellectuelle, de transmission de connaissances, d’autorité.

  7. Frank dit :

    Joli billet, comme d’habitude ! Je me permets de réagir, car s’est un sujet qui me tient particulièrement à cœur.
    [Toutes ces campagnes scolaires – contre le harcèlement, contre les violences sexistes, contre le racisme, contre le réchauffement climatique et j’en passe – sont en fait des rideaux de fumée destinés à occulter l’incapacité – ou le refus – de s’attaquer aux véritables problèmes]
     
    Dans l’esprit de ceux qui ont proposé ces campagnes, il ne s’agit pas à mon avis d’occulter ou même de refuser de s’attaquer aux véritables problèmes : ce que vous appelez les “vrais problèmes” ne sont pas considérés comme tels par ces gens-là. Le problème est profondément idéologique. La situation est donc pire que celle que vous décrivez : ce n’est pas une politique de l’autruche dont il s’agit, mais une politique voulue et assumée de destruction (je n’ose dire de “reconstruction” de peur de provoquer des vomissements parmi les lecteurs de votre blog, mais c’est trop tard, je l’ai écrit :-)).
     
    [L’éducation est structurellement incapable de satisfaire cette demande, et cela quelque soit la pédagogie ou les moyens investis.]
     
    Je suis totalement d’accord avec vous sur ce point et j’adhère à 100% à votre analyse qui détaille votre pensée autour de ce constat. On pourrait rajouter qu’assigner à l’école des tâches impossibles est une excellente stratégie pour la détruire en la décrédibilisant, voire en la ridiculisant.
     
    [Par contre, il y a quelque chose que l’école peut et doit faire : former des jeunes ayant les instruments nécessaires pour comprendre le monde qui les entoure et pour pouvoir exprimer cette compréhension. Français, mathématiques, géographie, histoire, sciences physiques et naturelles, droit et philosophie. Voilà le menu que doit servir l’école, et que les enseignants peuvent réussir avec les moyens existants. Le reste, ce n’est pas son affaire.]
     
    Votre point de vue est évidemment le point de vue républicain qui, on pourrait le croire, devrait se confondre avec le simple bon sens. Mais il faut bien comprendre qu’il est en opposition totale, j’insiste, totale, avec l’idéologie pédagogiste et constructiviste qui, depuis les années 60, a lentement mais surement pris le pouvoir dans l’institution scolaire (la bascule définitive s’étant probablement faite sous Jospin, avec la créaction des IUFM etc.). Les Foucambert et autres Meirieu ont gagné à plate couture. 
     
    [Autrement dit, les « classes de niveau » auront un effet positif si l’on met dans les classes les plus faibles les meilleurs enseignants, si on concentre sur elles le plus de moyens. Autrement dit, si l’on pénalise relativement les élèves les plus forts. Est-ce que les parents seraient prêts à admettre un tel « nivellement à la moyenne » ? Est-ce qu’une telle logique est rationnelle économiquement ? Probablement pas. Les classes les plus faibles risquent donc de se voir attribuer les enseignants les moins expérimentés, les moyens les plus faibles… et devenir donc des classes de rélégation.]
     
    Je ne vous suis pas vraiment sur ce point. Des classes de niveau bien pensées sont, toujours, extrêmement positives pour tous, car elles permettent, en s’ajustant au mieux aux enfants, d’en tirer le meilleur. 
     
    Des classes de niveau “bien pensées” doivent répondre à deux critères : 1) une gestion intelligente des ressources humaines ; 2) des passerelles ouvertes et multiples entre les niveaux, avec la création d’une émulation saine entre les élèves et même entre les classes (les fameux bienfaits du “défi” et de la difficulté dont Brighelli et vous-même parlez).
     
    Qu’est-ce qu’une bonne gestion des ressources humaines ? Je ne crois pas que les choses soient aussi simples que vous ne le dites, avec une dichotomie entre “enseignants inexpérimentés/expérimentés” ou “moyens faibles/forts.” Les classes de bon niveau doivent être menées en majorité par les enseignants les plus qualifiés (agrégés, par exemple); ce ne sont pas nécessairement les plus expérimentés ni les plus pédagogues (au sens noble du terme). Les classes plus faibles doivent être gérées par des enseignants expérimentés et pédagogues et qui aime ce genre de défi. Et l’agrégé doit aussi prendre une classe faible de temps à autre. À mon sens, tout le monde doit s’y retrouver. Je suis persuadé que c’est possible. La vraie barrière est idéologique.
     
    [Je doute qu’il y ait vraiment une suite. Il y a des ministres pour qui le ministère est un engagement, et des ministres pour qui c’est un marchepied vers de plus hautes fonctions. Gabriel Attal appartient certainement à la deuxième catégorie, et on peut donc parier que son passage à l’éducation sera court. ]
     
    Il est certain en effet qu’il n’y aura aucune suite. Attal est rafraîchissant mais l’espoir qu’il pourrait donner est un leurre. Le chantier de l’éducation est un chantier massif et vital pour notre République : le mener à bien nécessiterait une politique très volontariste et courageuse, avec une grande cohérence, sur au moins 10 ans. Il est évident que ce n’est absolument pas le cas actuellement. Le “macronisme” est en réalité exactement l’inverse de ceci.  L’incohérence des idées portées par ses ministres successifs (et même par un ministre donné sur une échelle de plus d’un an) le montre – ceci d’ailleurs dans tous les domaines…
     
    [Et c’est particulièrement grave pour l’école, parce que les temps de réaction sont très longs. Une génération d’élèves semi-analphabètes ne peut qu’être suivie par une génération de professeurs semi-analphabètes…]
     
    Nous y sommes déjà et c’est en effet une difficulté majeure. Un redressement ne pourra se faire qu’en recréant des Écoles Normales avec des sections dédiées à la mise à niveau du personnel déjà en place… Effort colossal et fort coûteux pendant au moins 10 ou 15 ans.
     
    [Dire à ses élèves « si vous n’êtes pas des idiots, vous allez me le prouver » est infiniment plus motivant que « vous êtes des idiots, alors je vais vous donner quelque chose de facile ». Bien sûr, cela demande de l’enseignant plus de travail, au niveau de la préparation mais aussi au niveau de la classe. Car il lui faut être attentif pour pouvoir profiter de chaque « opportunité pédagogique ».]
     
    [Et qu’il ait envie de s’en servir. Il faut dire que l’enseignant, c’est un ancien élève. Un système qui ne forme pas la curiosité ou le sens du défi chez les élèves aboutira nécessairement à des enseignants sans curiosité et sans sens du défi. C’est une partie du problème : le système éducatif qui forme les professeurs est le même que celui qui forme les élèves…]
     
    Je ne crois pas que le problème principal vienne de l’incompétence des professeurs même si, au fil des ans, ça devient en effet un problème grave. L’essentiel et les causes sont bien ailleurs.
     
    Je vais vous raconter une anecdote qui m’avait beaucoup marquée. Elle date d’il y a une quinzaine d’années. Je constatais, avec un collègue, que les nouveaux manuels de lycée en sciences, et tout particulièrement en Physique, était à proprement parler catastrophique : ils n’avaient plus rien de scientifique, la rigueur, les raisonnements, tout avait disparu. Le contraste avec les manuels utilisés à l’époque au Royaume-Uni était frappant. L’un des promotteurs de ces nouveaux manuels était un collègue éminent, physicien de renommé internationale, qui avait ses entrées au PS, et dont le bureau se trouvait un étage au-dessous du nôtre. Nous allâmes l’interroger. Naïf, nous espérions comprendre ou au moins récolter des indices permettant d’expliquer les choses. Sa réponse fut brève et tranchante : “mais enfin, vous devez comprendre que ces livres sont faits pour tout le monde ; même les Arabes des quartiers Nords de Marseille doivent pouvoir les lire !”
     
    Comme vous le voyez, le problème n’est pas l’incompétence : les “savants” ont une part écrasante de responsabilité dans la situation actuelle. Le problème est beaucoup plus à chercher dans le profond mépris pour le peuple (immigrés tout particulièrement) et l’abandon des valeurs républicaines dans la soi-disant “gauche” qui était censée défendre ces populations en difficulté et le service public d’éducation.
     
    [Je ne peux pas vous laisser dire ça. Non, nous n’avons pas « voulu l’égalité ». Nous avons voulu substituer à une hiérarchie, celle du mérite, une autre hiérarchie, celle du capital. La destruction de l’école était la condition sine qua non pour en finir avec la méritocratie, et donc pour stabiliser les classes intermédiaires qui, après avoir profité de la promotion méritocratique, entendaient brûler derrière elles l’échelle qui leur avait permis de monter, pour empêcher que d’autres leur fassent la concurrence. L’égalité ne fut qu’un prétexte.]
     
    Ce que vous dites là est parfaitement logique, rationnel, et convaincant. Mais il me semble que c’est totalement faux d’un point de vue historique. Car le terreau intellectuel qui a nourri le pédagogisme se trouve, en grande partie, dans Bourdieu. Or que dit Bourdieu ? Il prétend précisément que le système méritocratique est un outil affreusement pervers de reproduction des élites, qui, grâce à lui, se sont trouvées une justification morale à leur domination. Que la méritocratie républicaine n’est donc qu’un simple prétexte. Qu’en réalité, elle est non seulement inopérante, mais à l’origine du mal. 
     
    On peut bien sûr s’ébahir devant l’absurdité d’une telle analyse, qui ne résiste pas une seconde à l’observation.  On peut s’étonner encore plus lorsqu’on connait les origines sociales de Bourdieu, qui est le fruit de cette méritocratie qu’il a voulu détruire… Mais c’est un fait : c’est cette idéologie qui a creusé la tombe de l’ÉN, qui a justifié les idées pégagogistes les plus égalitaristes et qui a, in fine, divisé par deux la proportion de polytechniciens d’origine modeste…
     
    [Quelle importance dès lors que les travailleurs français deviennent « médiocres », puisqu’il y a un réservoir de main d’œuvre dont le rapport qualité/prix est bien meilleur ailleurs ?]
     
    Je suis parfaitement d’accord. Notez que ça ne contredit pas ce que je disais ci-dessus. Je crois que si des “fous” comme Bourdieu ont pu avoir pignon sur rue, c’est en effet parce que le Capital a vu en lui (et en ses congénères) des idiots utiles et des alliés puissants… 
     
    [J’avoue que je suis toujours surpris par le volume des absences. Je me souviens de mes maîtres et mes professeurs, qui faisaient de la présence un devoir sacré. Je me souviens encore de ma professeur de mathématiques en classe préparatoire : elle venait enseigner avec 38°C de fièvre. Pour elle, faire perdre une journée d’enseignement à ses élèves, c’était une faute professionnelle.]
     
    Remarque extrêmement pertinente et révélatrice de ce qu’est devenu le métier de Professeur : ce fut le plus beau métier du monde, mais aussi sans doute le plus noble et il était considéré comme tel par la société ; en conséquence, il attirait des gens de grande qualité dotés d’un surmoi. C’est fini et bien fini. Et ceci se retrouve partout : chez les médecins, etc., etc.
     
    Et je vais vous faire une confidence à ce propos. En 20 ans de professorat universitaire, je n’avais jusqu’à la semaine dernière jamais raté un cours. Il m’est arrivé de me lever à 7h du matin avec la grippe et 39 de fièvre, de me bourrer de paracétamol, d’aller donner mon cours de 2h puis de rentrer chez moi en m’effondrant et dormant le reste de la journée. Eh bien la semaine dernière, j’ai dit stop. J’avais le Covid, j’étais fatigué et je suis resté chez moi toute la semaine. Le manque totale de respect que montre l’institution, au sens large, à notre égard en est la cause, plus que mon vieillissement (enfin je crois…).

    • Descartes dit :

      @ Frank

      [Joli billet, comme d’habitude ! Je me permets de réagir, car s’est un sujet qui me tient particulièrement à cœur.]

      Ne vous excusez pas : ce blog encourage au contraire les lecteurs à intervenir, et les échanges sont souvent plus intéressants que le billet lui-même. Même si le sujet ne vous tient pas particulièrement à cœur, votre commentaire sera toujours le bienvenu.

      [Dans l’esprit de ceux qui ont proposé ces campagnes, il ne s’agit pas à mon avis d’occulter ou même de refuser de s’attaquer aux véritables problèmes : ce que vous appelez les “vrais problèmes” ne sont pas considérés comme tels par ces gens-là.]

      Je suis peut-être trop naïf, mais j’ai du mal à croire qu’il y ait quelqu’un à l’éducation nationale qui ne pense pas qu’il y a un « vrai problème » avec la baisse de niveau des élèves ou la transmission de connaissances. Je pense que tout le monde est plus ou moins d’accord sur la hiérarchie des problèmes. Mais les décideurs font un calcul rationnel : il n’y a pas grand-chose à gagner pour un ministre à s’attaquer au niveau des enseignements où à la question de la transmission : pour obtenir un résultat « valorisable » médiatique et politiquement, il faut un effort soutenu pendant une décennie. Alors que s’attaquer au harcèlement ou bien aux questions de genre permet de valoriser rapidement les actions – puisque sur ces sujets l’action compte plus que le résultat.

      [Votre point de vue est évidemment le point de vue républicain qui, on pourrait le croire, devrait se confondre avec le simple bon sens. Mais il faut bien comprendre qu’il est en opposition totale, j’insiste, totale, avec l’idéologie pédagogiste et constructiviste qui, depuis les années 60, a lentement mais surement pris le pouvoir dans l’institution scolaire (la bascule définitive s’étant probablement faite sous Jospin, avec la créaction des IUFM etc.). Les Foucambert et autres Meirieu ont gagné à plate couture.]

      J’en suis conscient. Mais si l’idéologie constructiviste a pu prendre un tel pouvoir, c’est parce qu’elle flatte le sentiment de toute-puissance des enseignants. Prétendre que la pédagogie peut tout, y compris combler les inégalités sociales, faire réussir tous les élèves, supprimer le racisme, le sexisme et la violence, quoi de plus valorisant pour le pédagogue ? D’autant plus que lorsque les résultats ne sont pas à la hauteur des espérances, on peut toujours se cacher derrière le paravent du « manque de moyens »…

      Le discours « républicain », pour utiliser votre terme, a l’immense défaut d’être un appel à l’humilité de l’enseignant, puisqu’il soutient que l’autorité du pédagogue ne vient pas de lui-même, mais de l’institution, dont il n’est qu’un agent, et que ses objectifs sont bien moins ambitieux. Peu d’enseignants aujourd’hui se résignent à cette position…

      [Qu’est-ce qu’une bonne gestion des ressources humaines ? Je ne crois pas que les choses soient aussi simples que vous ne le dites, avec une dichotomie entre “enseignants inexpérimentés/expérimentés” ou “moyens faibles/forts.” Les classes de bon niveau doivent être menées en majorité par les enseignants les plus qualifiés (agrégés, par exemple); ce ne sont pas nécessairement les plus expérimentés ni les plus pédagogues (au sens noble du terme). Les classes plus faibles doivent être gérées par des enseignants expérimentés et pédagogues et qui aime ce genre de défi. Et l’agrégé doit aussi prendre une classe faible de temps à autre. À mon sens, tout le monde doit s’y retrouver. Je suis persuadé que c’est possible. La vraie barrière est idéologique.]

      Je suis d’accord sur le fait que les enseignants les plus compétents disciplinairement ne sont pas forcément les plus expérimentés ou les plus pédagogues, et qu’un système de classes de niveaux ne peut fonctionner correctement que l’on y met les enseignants les plus expérimentés et les plus pédagogues, même s’ils sont moins compétents dans leur discipline. Cela étant dit, je ne suis pas persuadé que les enseignants les plus expérimentés et les plus pédagogues aient envie de se farcir les classes les plus faibles en niveau (qui sont souvent en même temps celles qui posent les difficultés les plus grandes en termes de méthode et de discipline). Peut-être que l’esprit de « défi » qu’on peut exploiter chez les élèves doit aussi être cultivé chez les enseignants ?

      [Je ne crois pas que le problème principal vienne de l’incompétence des professeurs même si, au fil des ans, ça devient en effet un problème grave. L’essentiel et les causes sont bien ailleurs.]

      Cela dépend de quel « problème » vous parlez. Je donne pour acquis que l’école ne peut réparer tous les malheurs de la société, que son objectif doit être limité à instruire le mieux possible les élèves, à leur transmettre les disciplines et les comportements pour s’insérer en société et les connaissances indispensables à tout citoyen. Et pour atteindre cet objectif, la compétence des enseignants – entendue non seulement comme l’ensemble des compétences disciplinaires, mais aussi pédagogiques sans négliger aussi leur comportement – est un problème.

      [(…) Comme vous le voyez, le problème n’est pas l’incompétence : les “savants” ont une part écrasante de responsabilité dans la situation actuelle. Le problème est beaucoup plus à chercher dans le profond mépris pour le peuple (immigrés tout particulièrement) et l’abandon des valeurs républicaines dans la soi-disant “gauche” qui était censée défendre ces populations en difficulté et le service public d’éducation.]

      Nous sommes d’accord. Simplement, nous n’utilisons pas le terme « compétence » dans le même sens. Vous parlez surtout des compétences disciplinaires, alors que pour moi la « compétence » inclut l’ensemble du comportement de l’enseignant. Un enseignant qui pense qu’il faut baisser le niveau pour s’adapter à l’élève, et non pas monter le niveau de l’élève pour atteindre celui de l’enseignement n’est pas, pour moi, « compétent ».

      [Ce que vous dites là est parfaitement logique, rationnel, et convaincant. Mais il me semble que c’est totalement faux d’un point de vue historique. Car le terreau intellectuel qui a nourri le pédagogisme se trouve, en grande partie, dans Bourdieu. Or que dit Bourdieu ?]

      Je pense que vous faites erreur, en confondant ce que Bourdieu « dit », et ce que ses successeurs lui ont fait dire. Comme beaucoup de théories sociologiques, la théorie bourdieusienne est triviale en première approche, et fausse si on la généralise. Dire que dans une société de classes – quelle qu’elle soit, d’ailleurs – la classe dominante organise les institutions de manière à reproduire cette domination est une affirmation triviale. Une classe dominante serait particulièrement stupide si elle organisait les institutions de manière à causer sa propre chute. Mais lorsqu’on généralise, on s’aperçoit que les institutions, tout en reproduisant statistiquement les inégalités, peuvent laisser une place plus ou moins grande à la promotion sociale des couches dominées. Et de ce point de vue, Bourdieu n’a jamais dit que la méritocratie fut moins juste que d’autres formes de sélection, au contraire : il admettait que lui-même avait bénéficié de la logique méritocratique qui l’avait mené au sommet de la pyramide universitaire malgré ses origines modestes.

      Ce sont surtout les successeurs de Bourdieu qui ont fait dire au maître ce qu’il n’avait pas dit : que puisque le système méritocratique n’était pas parfaitement juste, il fallait le jeter aux ordures. Ce qui est bien entendu irrationnel : avec tous ses défauts, la méritocratie est infiniment plus juste socialement que ses alternatives, comme le montre l’expérience de ces trente ou quarante dernières années…

      [Il prétend précisément que le système méritocratique est un outil affreusement pervers de reproduction des élites, qui, grâce à lui, se sont trouvées une justification morale à leur domination. Que la méritocratie républicaine n’est donc qu’un simple prétexte. Qu’en réalité, elle est non seulement inopérante, mais à l’origine du mal.]

      Sauf que les sociologues qui ont soutenu cette théorie – qui, je le répète, n’est pas formulée en ces termes par Bourdieu – n’ont toujours pas proposé une alternative plus « juste » qui fonctionne dans le contexte d’une société par essence inégalitaire. Là où la méritocratie est abandonnée, la sélection se fait par la fortune, par le copinage, par les réseaux… est-ce mieux ?

      [Remarque extrêmement pertinente et révélatrice de ce qu’est devenu le métier de Professeur : ce fut le plus beau métier du monde, mais aussi sans doute le plus noble et il était considéré comme tel par la société ; en conséquence, il attirait des gens de grande qualité dotés d’un surmoi. C’est fini et bien fini. Et ceci se retrouve partout : chez les médecins, etc., etc.]

      Marx l’avait prédit : en réduisant tous les rapports sociaux à des rapports d’argent, le capitalisme n’a que faire d’un « surmoi » professionnel caractéristique des sociétés aristocratiques. Avant, on disait de quelqu’un qui ne s’engageait pas dans un métier qu’il faisait un « travail alimentaire ». Avec l’approfondissement du capitalisme, tous les métiers deviennent « alimentaires ».

      [Et je vais vous faire une confidence à ce propos. En 20 ans de professorat universitaire, je n’avais jusqu’à la semaine dernière jamais raté un cours. Il m’est arrivé de me lever à 7h du matin avec la grippe et 39 de fièvre, de me bourrer de paracétamol, d’aller donner mon cours de 2h puis de rentrer chez moi en m’effondrant et dormant le reste de la journée. Eh bien la semaine dernière, j’ai dit stop. J’avais le Covid, j’étais fatigué et je suis resté chez moi toute la semaine. Le manque totale de respect que montre l’institution, au sens large, à notre égard en est la cause, plus que mon vieillissement (enfin je crois…).]

      Comme je vous comprends… je suis un peu dans la même situation.

      • Frank dit :

        [Je suis peut-être trop naïf, mais j’ai du mal à croire qu’il y ait quelqu’un à l’éducation nationale qui ne pense pas qu’il y a un « vrai problème » avec la baisse de niveau des élèves ou la transmission de connaissances. Je pense que tout le monde est plus ou moins d’accord sur la hiérarchie des problèmes.]
         
        Je vous assure, vous êtes bien naïf. Mais c’est pardonnable, la situation étant difficilement concevable par un esprit rationnel. Il y a une kyrielle de livres qui donnent des témoignages édifiants; un livre qui est sans doute au-dessus de la moyenne avait été édité par Laurent Lafforgue et Liliane Lurçat en 2007, “La débâcle de l’école : une tragédie incomprise” (eh oui, la débâcle ne date pas d’hier). Vous y trouverez un article intitulé “Paroles d’IUFM” qui décrit bien ce que pensent les pédagogues en charge de l’ÉN depuis les années 80. Je me limiterai ici à une citation (tirée d’une conférence de Gérard Guillot, assistant de Meirieu) : “Il y a un problème de dogmatisme à l’école : le danger est que les élèves croient les enseignants. Vous êtes exposés à être crus par vos élèves. Il faut essayer d’éviter ce risque, car la posture de croyance n’est pas une posture d’apprentissage.”
         
        [Mais si l’idéologie constructiviste a pu prendre un tel pouvoir, c’est parce qu’elle flatte le sentiment de toute-puissance des enseignants. Prétendre que la pédagogie peut tout, y compris combler les inégalités sociales, faire réussir tous les élèves, supprimer le racisme, le sexisme et la violence, quoi de plus valorisant pour le pédagogue ? D’autant plus que lorsque les résultats ne sont pas à la hauteur des espérances, on peut toujours se cacher derrière le paravent du « manque de moyens »…]
         
        Suggérez-vous que le pédagogisme constructiviste a pris le pouvoir car il a mis les enseignants sur un piédestal et les a valorisés ? Je ne suis pas d’accord. Dans les faits, les enseignants n’ont jamais été autant dévalorisés qu’aujourd’hui, et ce de l’école primaire à l’université. La source du respect qu’ils pouvaient inspirer dans le passé était en effet le savoir qu’ils maîtrisaient et qu’ils étaient censés transmettre. Ce savoir établissait une hiérarchie claire entre le maître et l’élève. Le cours magistral du maître n’avait pas pour but d’humilier l’élève, comme le pensent les pédagogistes, mais, au contraire, de l’élever, précisément. Tout ceci a totalement disparu : le but n’est plus de transmettre, acte violent et dégradant, mais d’apporter du plaisir. Et il n’y a plus d’élèves, mais des “apprenants”. Quant aux professseurs, voici ce qu’on leur dit (tiré encore des “”Paroles d’IUFM” cité plus haut), lorsqu’une institutrice en stage demande à avoir une chaise de taille adulte : le formateur s’étonne de la demande et lui conseille de “réfléchir aux raisons pour lesquelles vous voulez une chaise à votre taille.” Il déconseille fortement d’utiliser une grande chaise car il faut “être à la hauteur des enfants” et “être parmi eux.” Il ajoute que les enseignants qui disposent de chaises à leur taille “se prennent pour des nobles.”
         
        Est-ce que tout cela est bien valorisant, comme vous dites ?…
         
        La vérité est que l’on a livré l’ÉN à de véritables cinglés (pour reprendre une qualification due à Laurent Lafforgue)…
         
        [Je pense que vous faites erreur, en confondant ce que Bourdieu « dit », et ce que ses successeurs lui ont fait dire.]
         
        C’est ce qu’on entend très souvent mais qui ne résiste pas à la lecture de Bourdieu (que je n’ai lu que partiellement, je l’admets) ni, surtout, à son attitude pendant des décennies. Il n’a jamais, à ma connaissance, tenté de corriger les erreurs d’interprétation supposées de ses disciples sur son œuvre. Il n’a jamais non plus, d’ailleurs, mis en application ses “théories” : il enseignait magistralement au Collège, par exemple.  
         
        [Comme beaucoup de théories sociologiques, la théorie bourdieusienne est triviale en première approche, et fausse si on la généralise. Dire que dans une société de classes – quelle qu’elle soit, d’ailleurs – la classe dominante organise les institutions de manière à reproduire cette domination est une affirmation triviale. Une classe dominante serait particulièrement stupide si elle organisait les institutions de manière à causer sa propre chute. Mais lorsqu’on généralise, on s’aperçoit que les institutions, tout en reproduisant statistiquement les inégalités, peuvent laisser une place plus ou moins grande à la promotion sociale des couches dominées.]
         
        Tout à fait d’accord.
         
        [Et de ce point de vue, Bourdieu n’a jamais dit que la méritocratie fut moins juste que d’autres formes de sélection, au contraire : il admettait que lui-même avait bénéficié de la logique méritocratique qui l’avait mené au sommet de la pyramide universitaire malgré ses origines modestes.
         
        Ce sont surtout les successeurs de Bourdieu qui ont fait dire au maître ce qu’il n’avait pas dit : que puisque le système méritocratique n’était pas parfaitement juste, il fallait le jeter aux ordures. Ce qui est bien entendu irrationnel : avec tous ses défauts, la méritocratie est infiniment plus juste socialement que ses alternatives, comme le montre l’expérience de ces trente ou quarante dernières années…]
        Vous êtes beaucoup trop gentil avec Bourdieu. Il n’a jamais essayé de nuancer son propos. Vous imaginez des choses, je crois. Il n’a jamais dit quelque chose comme “j’ai pointé des failles dans le système méritocratique, en espérant que ces failles puissent être comblées; car je ne connais pas de système supérieur que l’on pourrait proposer pour le remplacer.” Tout le contraire. Et il a pourtant eu tout le temps pour le faire…
         
        [Sauf que les sociologues qui ont soutenu cette théorie – qui, je le répète, n’est pas formulée en ces termes par Bourdieu – n’ont toujours pas proposé une alternative plus « juste » qui fonctionne dans le contexte d’une société par essence inégalitaire. Là où la méritocratie est abandonnée, la sélection se fait par la fortune, par le copinage, par les réseaux… est-ce mieux ?]
         
        Absolument. Mais encore une fois ne soyons pas naïf : Bourdieu savait très bien ce qu’il faisait, même s’il a laissé faire la sale besogne essentiellement par d’autres, sans jamais les dénoncer.
         
        [Marx l’avait prédit : en réduisant tous les rapports sociaux à des rapports d’argent, le capitalisme n’a que faire d’un « surmoi » professionnel caractéristique des sociétés aristocratiques. Avant, on disait de quelqu’un qui ne s’engageait pas dans un métier qu’il faisait un « travail alimentaire ». Avec l’approfondissement du capitalisme, tous les métiers deviennent « alimentaires ».]
         
        C’est vrai. Pourtant, il me semble qu’il y eut une époque où le capitalisme, fondé sur la production réelle, pour résumer, n’entraînait pas cette dégénérescence. C’est le néo-capitalisme libéral déchaîné, celui des Thatcher et Reagan, celui de Maastricht, qui nous a entraînés là (c’est peut-être ce que vous appelez “l’approfondissement du capitalisme”, pour moi c’est plutôt une voie qui a été choisie, mais il me semble qu’on peut imaginer une société capitaliste différente).
         
        [Comme je vous comprends… je suis un peu dans la même situation.]
         
        Malgré tout… j’ai décidé de rattraper les cours annulés. On ne se refait pas…

        • Descartes dit :

          @ Frank

          [Je vous assure, vous êtes bien naïf. Mais c’est pardonnable, la situation étant difficilement concevable par un esprit rationnel. Il y a une kyrielle de livres qui donnent des témoignages édifiants; (…) : “Il y a un problème de dogmatisme à l’école : le danger est que les élèves croient les enseignants. Vous êtes exposés à être crus par vos élèves. Il faut essayer d’éviter ce risque, car la posture de croyance n’est pas une posture d’apprentissage.”]

          Effectivement, j’ai du mal à imaginer que quelqu’un ait pu dire pareille chose sans perdre tout crédit. C’est une posture tellement absurde, qu’elle ne peut être soutenue, paradoxalement, que par la foi.

          [Suggérez-vous que le pédagogisme constructiviste a pris le pouvoir car il a mis les enseignants sur un piédestal et les a valorisés ?]

          Pas tout à fait. Je dirais plutôt que la pédagogie constructiviste les a flattés. Ce qui n’est pas tout à fait la même chose.

          [Tout ceci a totalement disparu : le but n’est plus de transmettre, acte violent et dégradant, mais d’apporter du plaisir. Et il n’y a plus d’élèves, mais des “apprenants”. Quant aux professseurs, voici ce qu’on leur dit (tiré encore des “”Paroles d’IUFM” cité plus haut), lorsqu’une institutrice en stage demande à avoir une chaise de taille adulte : le formateur s’étonne de la demande et lui conseille de “réfléchir aux raisons pour lesquelles vous voulez une chaise à votre taille.” Il déconseille fortement d’utiliser une grande chaise car il faut “être à la hauteur des enfants” et “être parmi eux.” Il ajoute que les enseignants qui disposent de chaises à leur taille “se prennent pour des nobles.”]

          Je vais essayer de me procurer le livre dont vous parlez, il a l’air d’avoir relevé des exemples croquignolets. Mais cet exemple donne une bonne idée de la « flatterie » dont je parlais plus haut : il place le pouvoir du côté de l’enseignant, et non de l’institution. C’est l’enseignant qui choisit d’être ou non « à hauteur des élèves », et non l’institution.

          [La vérité est que l’on a livré l’ÉN à de véritables cinglés (pour reprendre une qualification due à Laurent Lafforgue)…]

          Sur ce point, nous sommes d’accord. La question pour moi est de savoir pourquoi, alors que les enseignants savent très bien se défendre lorsqu’on porte atteinte à leurs intérêts, ils ne se sont pas révoltés lorsque les « véritables cinglés » ont pris le pouvoir.

          [« Je pense que vous faites erreur, en confondant ce que Bourdieu « dit », et ce que ses successeurs lui ont fait dire. » C’est ce qu’on entend très souvent mais qui ne résiste pas à la lecture de Bourdieu (que je n’ai lu que partiellement, je l’admets) ni, surtout, à son attitude pendant des décennies. Il n’a jamais, à ma connaissance, tenté de corriger les erreurs d’interprétation supposées de ses disciples sur son œuvre.]

          Je ne partage pas. Je me souviens d’avoir entendu un entretien de Bourdieu vers la fin de sa vie où il abordait justement l’interprétation qu’on faisait de « La Reproduction » et la critiquant à partir de son propre parcours. Je m’en tiens par ailleurs à l’analyse de Jacques Bouveresse.

          [« Marx l’avait prédit : en réduisant tous les rapports sociaux à des rapports d’argent, le capitalisme n’a que faire d’un « surmoi » professionnel caractéristique des sociétés aristocratiques. Avant, on disait de quelqu’un qui ne s’engageait pas dans un métier qu’il faisait un « travail alimentaire ». Avec l’approfondissement du capitalisme, tous les métiers deviennent « alimentaires ». » C’est vrai. Pourtant, il me semble qu’il y eut une époque où le capitalisme, fondé sur la production réelle, pour résumer, n’entraînait pas cette dégénérescence.]

          Je dirais plutôt que la résistance de certaines structures antérieures au capitalisme – la logique de l’honneur, une vision aristocratique transposée au domaine du savoir, l’imprégnation religieuse – ont masqué chez nous le phénomène. On revient à la réflexion de Castoriadis, maintes fois exposée sur ce blog…

          [C’est le néo-capitalisme libéral déchaîné, celui des Thatcher et Reagan, celui de Maastricht, qui nous a entraînés là (c’est peut-être ce que vous appelez “l’approfondissement du capitalisme”, pour moi c’est plutôt une voie qui a été choisie, mais il me semble qu’on peut imaginer une société capitaliste différente).]

          Je ne vois pas comment une « société capitaliste différente » – du moins dont la « différence » consisterait à réhabiliter les structures dont parle Castoriadis : le professeur dévoué, le fonctionnaire engagé, le juge intègre – pourrait voir le jour. Pourriez-vous développer ?

          • P2R dit :

            @ Descartes
             
            Au passage, sauriez-vous nous dire vers quel ouvrage ou lien de référence se diriger pour découvrir la thèse de Castoriadis, que je ne connais qu’à travers votre blog ?
             
            [Je ne vois pas comment une « société capitaliste différente » – du moins dont la « différence » consisterait à réhabiliter les structures dont parle Castoriadis : le professeur dévoué, le fonctionnaire engagé, le juge intègre – pourrait voir le jour. ]
             
            Mon humble avis en passant: c’est la vocation de la République de remplacer ces structures antérieures que vous énumérez, mais pas une république effacée. Une République érigée au rang de foi impitoyable, au sens Terry-Pratchettien du terme, tel que vous l’évoquiez dans votre billet à la mémoire de feu Samuel Paty, et dont l’actualité nous rappelle cruellement la perte. Toute la question est de savoir s’il reste encore quelques braises de cette République, et s’il reste quelqu’un dans la pièce sachant les faire repartir… Autant je pense que la réponse à la première question est positive, autant pour la deuxième…Parfois je me dis qu’au plus vite les évènements dégénèreront au mieux ce sera: dans 20 ans les braises seront définitivement éteintes…

            • Descartes dit :

              @ P2R

              [Au passage, sauriez-vous nous dire vers quel ouvrage ou lien de référence se diriger pour découvrir la thèse de Castoriadis, que je ne connais qu’à travers votre blog ?]

              Je crois que c’est dans “La montée de l’insignifiance”. Un livre que je ne saurais trop vous recommander…

              [Mon humble avis en passant: c’est la vocation de la République de remplacer ces structures antérieures que vous énumérez, mais pas une république effacée. Une République érigée au rang de foi impitoyable, au sens Terry-Pratchettien du terme, tel que vous l’évoquiez dans votre billet à la mémoire de feu Samuel Paty, et dont l’actualité nous rappelle cruellement la perte.]

              Mais cela suppose que la République ne soit pas elle même l’une de ces “structures antropologiques” que le capitalisme dynamite au fur et à mesure de son approfondissement, pour ne laisser subsister que “le paiement au comptant”…

  8. SCIPIO dit :

    L’école est un reflet non de la société de notre temps mais de l’esprit de la société de notre temps.
    Cette assertion est vraie aujourd’hui comme hier.
    Je ne partage pas le regret de cet article sur l’école qui a été (et est encore!) un moyen de maintien de la hiérarchie sociale.
    Que dire d’une école qui est capable de donner un satisfecit à un individu comme Macron qui rappelons le a eu son bac avec mention, a été admis sur dossier dans une classe préparatoire prestigieuse et a fini dans la botte de l’ENA.
    Le même Macron qui étala son ignorance crasse en disant que la Guyanne était… une ïle!
    On pourra se souvenir et relire le livre de Marc Bloch, l’étrange défaite et on y trouvera dans ce texte quelques remarques sur l’école dont une perle par exemple: ” J’ai connu plus d’un bon élève qui sorti du lycée, n’a jamais ouvert un livre sérieux; plus d’un cancre ou demi-cancre, chez qui se révèle aujourd’hui un goût profond de la culture.”
     

    • Descartes dit :

      @ SCIPIO

      [Je ne partage pas le regret de cet article sur l’école qui a été (et est encore!) un moyen de maintien de la hiérarchie sociale.]

      On ne peut ignorer que loin d’être « un moyen de maintien de la hiérarchie sociale », l’école « a été » un moyen de la bouleverser. C’est par la grâce de l’école que beaucoup de fils de paysan ou d’ouvrier ont pu bénéficier d’une promotion sociale entre les années 1880 et les années 1980. C’est après ces dates que l’école a progressivement cessé de jouer ce rôle dans une société de plus en plus bloquée.

      Et quand bien même l’école n’aurait pas joué ce rôle de promotion sociale, elle transmettait un ensemble de connaissances, une instruction qui rendait les gens meilleurs, qui leur donnait des instruments pour comprendre le monde. Ce que l’école d’aujourd’hui fait de moins en moins. N’est-ce pas là une raison suffisante de regretter cette école-là ?

      [Que dire d’une école qui est capable de donner un satisfecit à un individu comme Macron qui rappelons-le a eu son bac avec mention, a été admis sur dossier dans une classe préparatoire prestigieuse et a fini dans la botte de l’ENA.]

      Que cette une très bonne école. On peut ne pas être d’accord avec la vision politique de Macron, mais contester sa discipline intellectuelle, sa capacité de travail, ses compétences administratives me paraît absurde. Macron est un très mauvais président, mais rien n’indique qu’il fut un mauvais inspecteur des finances. Et la fonction de l’ENA est de former des hauts fonctionnaires, et non des présidents de la République.

      [Le même Macron qui étala son ignorance crasse en disant que la Guyanne était… une ïle!]

      Excusez-moi, mais juger un homme à partir d’un lapsus n’est pas sérieux. Vous pensez rééllement que Macron ne sait pas que la Guyane n’est pas une île ?

      [On pourra se souvenir et relire le livre de Marc Bloch, l’étrange défaite et on y trouvera dans ce texte quelques remarques sur l’école dont une perle par exemple: ” J’ai connu plus d’un bon élève qui sorti du lycée, n’a jamais ouvert un livre sérieux; plus d’un cancre ou demi-cancre, chez qui se révèle aujourd’hui un goût profond de la culture.”]

      Certainement. Mais l’un et l’autre sont des exceptions. La règle, c’est que les bons élèves ouvrent des livres sérieux, et que les cancres n’ont aucun goût pour la culture. On ne peut bâtir une société sur des exceptions. Il y a des chirurgiens diplômés incapables d’opérer, et des cancres sans diplôme qui sont des génies avec un bistouri. Mais à l’heure de choisir celui qui vous charcutera, vous mettriez vous dans les mains du cancre ?

      • SCIPIO dit :

        “On ne peut ignorer que loin d’être « un moyen de maintien de la hiérarchie sociale », l’école « a été » un moyen de la bouleverser. C’est par la grâce de l’école que beaucoup de fils de paysan ou d’ouvrier ont pu bénéficier d’une promotion sociale entre les années 1880 et les années 1980. C’est après ces dates que l’école a progressivement cessé de jouer ce rôle dans une société de plus en plus bloquée.
        Et quand bien même l’école n’aurait pas joué ce rôle de promotion sociale, elle transmettait un ensemble de connaissances, une instruction qui rendait les gens meilleurs, qui leur donnait des instruments pour comprendre le monde. Ce que l’école d’aujourd’hui fait de moins en moins. N’est-ce pas là une raison suffisante de regretter cette école-là ?”
        Par générosité je dirai que votre réponse est:  plutôt faux. Disons que les paysans passé par l’école, ayant reçu “le petit fatras appelé éducation” pour parler comme Rousseau (les confessions) au mieux allait dans l’industrie et devenait au fil des ans cadres ou techniciens formés par la maison.
        Pour remarque quand on parle de l’école dans un article on parle de l’école actuelle et non de celle d’il y a quarante, cinquante ou cent ans que (ni vous? mais en tout cas pas moi )je n’ai pas connu.
        Si je voulais être méchant j’eusse dit: même pas faux.
        “mais rien n’indique qu’il fut un mauvais inspecteur des finances”. Je vois que chez vous Macron est un personnage clivant aussi je vais juste vous renvoyer à la notice wikipedia du personnage ou on trouve ceci:
        “Il démissionne de l’Inspection des finances en 2016. En tant qu’énarque, il devait dix ans de services à l’État ; n’en ayant effectué que six (ses deux ans comme ministre n’étant pas comptés), il doit s’acquitter de la somme de 54 000 euros83“.
        Pour ne pas parles des macronades qui sont quand même d’une grossièretée…Enfin c’est mon opinion. Passons.
        Pour la citation de Marc Bloch la suite immédiate était: “Une fois par hasard, l’aventure n’aurait rien de scandaleux. Répétée, elle devient troublante.”
        “Il y a des chirurgiens diplômés incapables d’opérer, et des cancres sans diplôme qui sont des génies avec un bistouri. Mais à l’heure de choisir celui qui vous charcutera, vous mettriez vous dans les mains du cancre ?”.
        Aucun, je n’aime pas être malade, je n’aime pas les médecins. Je préfère être en bonne santé.
        Je ne connais pas de cancres non diplômés génie du bistouri. je doute que des cancres aient entrepris et à plus forte raison réussi des études de médecine et en particulier de chirurgie.
        Si vous en connaissez je pense qu’il faudrait tenir leur diplôme pour suspect. Merci de contacter l’ordre des médecins qui déclenchera une procédure éventuellement pour exercice illégale de la médecine.

        • Descartes dit :

          @ SCIPIO

          [Par générosité je dirai que votre réponse est: plutôt faux. Disons que les paysans passé par l’école, ayant reçu “le petit fatras appelé éducation” pour parler comme Rousseau (les confessions) au mieux allait dans l’industrie et devenait au fil des ans cadres ou techniciens formés par la maison.]

          « Au mieux » ? Et que faites-vous de ces « paysans ayant reçu le petit fatras appelé éducation » grâce à l’école et qui sont devenus médecins, ingénieurs, professeurs, prix nobel, chef du gouvernement, maréchal de France ? Votre « au mieux » me semble singulièrement réducteur…

          [Pour remarque quand on parle de l’école dans un article on parle de l’école actuelle et non de celle d’il y a quarante, cinquante ou cent ans que (ni vous? mais en tout cas pas moi )je n’ai pas connu.]

          Je n’ai pas la prétention de penser que le monde se réduit à ce que j’ai expérimenté personnellement. Je ne vois pas pourquoi il serait interdit de parler dans un article de l’école d’il y a quarante, cinquante ou même cent ans.

          [“mais rien n’indique qu’il fut un mauvais inspecteur des finances”. Je vois que chez vous Macron est un personnage clivant aussi je vais juste vous renvoyer à la notice wikipedia du personnage ou on trouve ceci : “Il démissionne de l’Inspection des finances en 2016. En tant qu’énarque, il devait dix ans de services à l’État ; n’en ayant effectué que six (ses deux ans comme ministre n’étant pas comptés), il doit s’acquitter de la somme de 54 000 euros83“.]

          Je ne vois pas le rapport. On peut parfaitement avoir toutes les qualités pour être un excellent haut fonctionnaire, et ne pas avoir l’envie de l’être. Les concours ont pour finalité de recruter ceux qui ont les capacités intellectuelles pour remplir un emploi, ils ne sont pas là pour sonder les cœurs et les reins des candidats.

          [Pour la citation de Marc Bloch la suite immédiate était: “Une fois par hasard, l’aventure n’aurait rien de scandaleux. Répétée, elle devient troublante.”]

          Exactement ce que j’ai écrit… sauf que vous n’apportez pas véritablement des éléments pour montrer qu’aujourd’hui, « l’aventure se répète ».

          [“Il y a des chirurgiens diplômés incapables d’opérer, et des cancres sans diplôme qui sont des génies avec un bistouri. Mais à l’heure de choisir celui qui vous charcutera, vous mettriez vous dans les mains du cancre ?”. Aucun, je n’aime pas être malade, je n’aime pas les médecins. Je préfère être en bonne santé.]

          Quelque soient vos préférences, le jour ou votre appendice décidera de divorcer de vous, vous passerez sur le billard comme tout le monde. Et ce jour-là, vous préférerez vous mettre dans les mains d’un diplômé médiocre plutôt que celles d’un cancre génial.

  9. LE PANSE Armel dit :

    Bonjour Descartes;
    Pour une fois je souscris entièrement à votre analyse que semble partager la plupart de vos lecteurs. Nous vivons sous le règne de ce que Michel Schneider appelait (dans la Confusion des Sentiments si je me souviens bien) le “socialisme moral”, cet hydre qui a dévasté tout le service dit “public” qui est devenu, particulièrement l’école, une service sans public réel.
    Juste deux remarques à propos de L’Education Nationale où j’ai travaillé pendant plus de quarante ans (de avril 1981 à septembre de cette année) :1/ on parle à tort de harcèlement scolaire (pédagogique ?) alors qu’on devrait parler plus justement de harcèlement à l’école, nuance qui n’est pas un chipotage sémantique mais permettrait déjà d’appréhender un phénomène réel au delà des seuls bancs ou cours de l’école, quand le harcèlement commence dans la sphère domestique et partout ailleurs dans la société…
    2/ cela fait longtemps que j’affirme que l’école fabrique deux sortes de singe, les singes savants et les singes ignorants mais dans tous les cas de figure des singes parfaitement adaptés aux systèmes (entreprise, famille,valeurs, etc., ça fait un peu Pétain tout ça !) que le capitalisme produit sans relâche.
    Je suis très sceptique (que d’aucuns écriront peut-être septique) quant à l’évolution impulsée par un nouveau ministre provisoire, car l’école n’est apparemment plus faite pour durer…mais pour être managée !
    Serait-il urgent d’attendre ?

    • Descartes dit :

      @ LE PANSE Armel

      [Juste deux remarques à propos de L’Education Nationale où j’ai travaillé pendant plus de quarante ans (de avril 1981 à septembre de cette année) :1/ on parle à tort de harcèlement scolaire (pédagogique ?) alors qu’on devrait parler plus justement de harcèlement à l’école, nuance qui n’est pas un chipotage sémantique mais permettrait déjà d’appréhender un phénomène réel au-delà des seuls bancs ou cours de l’école, quand le harcèlement commence dans la sphère domestique et partout ailleurs dans la société…]

      Le harcèlement fleurit là où le regard de l’adulte n’y est pas. C’est d’ailleurs parfaitement logique : l’enfant n’est pas « naturellement bon », et ne développe pas par lui-même les codes sociaux. Il incorpore des règles morales, il développe une empathie sous la pression de l’adulte. Le fait que les cas de harcèlement se multiplient ne fait qu’illustrer une réalité : le retrait de l’adulte, son effacement de l’univers enfantin, aujourd’hui totalement occupé par les pairs.

      [2/ cela fait longtemps que j’affirme que l’école fabrique deux sortes de singe, les singes savants et les singes ignorants mais dans tous les cas de figure des singes parfaitement adaptés aux systèmes (entreprise, famille, valeurs, etc., ça fait un peu Pétain tout ça !) que le capitalisme produit sans relâche.]

      Je ne suis pas d’accord.

      D’abord, il faudrait savoir si, lorsque vous parlez de « l’école », vous parlez de l’institution telle qu’il fonctionne aujourd’hui, ou de son essence. Lorsque vous écrivez que « l’école fabrique deux sortes de singe », vous voulez dire que l’école telle qu’elle est AUJOURD’HUI forme des singes, ou que TOUTE ECOLE, quelle qu’elle soit, est limitée à cette fonction ?

      Ensuite, je ne vois pas très bien la substance de votre critique. Il semble bizarre de reprocher à l’école de former des individus « parfaitement adaptés aux systèmes que le capitalisme produit », alors que d’un autre côte nous voudrions que nos jeunes s’insèrent correctement dans la société dans laquelle ils auront à vivre et qui sera encore quelque temps, qu’on le veuille ou non, capitaliste. Voudriez-vous vraiment une école qui forme des gens incapables de s’adapter à la société où ils vivent ?

      Si vous reprochez à l’école de former des « singes », quelle serait l’institution qui pourrait former des « hommes » ?

  10. Rogers dit :

    Bonjour Mon cher René ! 
    Aucun rapport avec votre article. J ai l impression que les annonces du président Macron au sujet de la Corse et de son autonomie n ont pas vraiment suscité de réactions… Y aurait il un consensus politique sur cette question ? 

    • Descartes dit :

      @ Rogers

      [Aucun rapport avec votre article. J ai l impression que les annonces du président Macron au sujet de la Corse et de son autonomie n ont pas vraiment suscité de réactions… Y aurait il un consensus politique sur cette question ?]

      Je ne crois pas qu’il y ait un consensus… mais les annonces en question sont tellement vagues que personne ne peut être vraiment mécontent.

  11. LE PANSE Armel dit :

    2/ cela fait longtemps que j’affirme que l’école fabrique deux sortes de singe, les singes savants et les singes ignorants mais dans tous les cas de figure des singes parfaitement adaptés aux systèmes (entreprise, famille, valeurs, etc., ça fait un peu Pétain tout ça !) que le capitalisme produit sans relâche.]
    Je ne suis pas d’accord.
    D’abord, il faudrait savoir si, lorsque vous parlez de « l’école », vous parlez de l’institution telle qu’il fonctionne aujourd’hui, ou de son essence. Lorsque vous écrivez que « l’école fabrique deux sortes de singe », vous voulez dire que l’école telle qu’elle est AUJOURD’HUI forme des singes, ou que TOUTE ECOLE, quelle qu’elle soit, est limitée à cette fonction ?
    Ensuite, je ne vois pas très bien la substance de votre critique. Il semble bizarre de reprocher à l’école de former des individus « parfaitement adaptés aux systèmes que le capitalisme produit », alors que d’un autre côte nous voudrions que nos jeunes s’insèrent correctement dans la société dans laquelle ils auront à vivre et qui sera encore quelque temps, qu’on le veuille ou non, capitaliste. Voudriez-vous vraiment une école qui forme des gens incapables de s’adapter à la société où ils vivent ?
    Si vous reprochez à l’école de former des « singes », quelle serait l’institution qui pourrait former des « hommes » ?
    Cher Descartes,
     les singes, c’était une boutade destinée à faire au moins sourire, un raccourci qu’autorise le trait d’esprit qui, en substance, dit l’état de l’école aujourd’hui et sans doute hier ! Ce n’est certainement pas une réflexion qui prendrait appui sur un sentiment anti-jeune quand on sait les difficultés que rencontrent les dits jeunes à s’intégrer dans une société dont ils ne veulent pas du reste. J’avais sorti ce raccourci devant un prof d’histoire (encore vivant celui-là !) et ça l’avait bien fait rire et plongé dans un abîme de réflexions sur le sens du métier d’enseigner. Car, il est évident que nous cherchons à faire de ces jeunes des individus éclairés et tolérants, que nous cherchons à former des hommes et qu’une école digne de le faire devrait mettre l’accent sur l’instruction plus que sur la formation du citoyen comme c’est le cas aujourd’hui.
    Pour ma part, je suis plutôt pessimiste au vu des événements nationaux et internationaux récents ! Je ne crois pas la culture (Kultur comme disent les Allemands pour désigner la civilisation) capable de renverser les tensions haineuses qui ont cours actuellement. Je ne crois plus trop au primat de la raison et de l’entendement sur les passions tristes. Revenir à l’essence de l’école, oui, mais comment ?

    • Descartes dit :

      @ LE PANSE Armel

      [les singes, c’était une boutade destinée à faire au moins sourire, un raccourci qu’autorise le trait d’esprit qui, en substance, dit l’état de l’école aujourd’hui et sans doute hier ! Ce n’est certainement pas une réflexion qui prendrait appui sur un sentiment anti-jeune quand on sait les difficultés que rencontrent les dits jeunes à s’intégrer dans une société dont ils ne veulent pas du reste.]

      Ce n’était pas ce qui m’a fait réagir, un peu violemment je l’admets. Dans votre référence j’ai plutôt reconnu une référence à l’idée d’Ivan Illitch et al. qui fait de l’école une structure de formatage social, de dressage des jeunes, qu’il faudrait donc supprimer pour voir advenir une société véritablement émancipée.

      [Car, il est évident que nous cherchons à faire de ces jeunes des individus éclairés et tolérants, que nous cherchons à former des hommes et qu’une école digne de le faire devrait mettre l’accent sur l’instruction plus que sur la formation du citoyen comme c’est le cas aujourd’hui.]

      Oui, parce que la « tolérance » ne s’enseigne pas. C’est à travers de l’instruction, c’est-à-dire, de la compréhension du monde qu’on devient « tolérant ». L’intolérance est souvent la fille de l’ignorance.

      [Pour ma part, je suis plutôt pessimiste au vu des événements nationaux et internationaux récents ! Je ne crois pas la culture (Kultur comme disent les Allemands pour désigner la civilisation) capable de renverser les tensions haineuses qui ont cours actuellement.]

      Cela prolonge la réflexion sur l’instruction. Si l’on assiste à une montée de l’intolérance, c’est aussi parce qu’on assiste à un recul de la culture et du savoir. Et cela à tous les niveaux. C’est le cas dans les institutions éducatives (regardez les programmes d’hier et d’aujourd’hui), dans les médias (regardez ce qu’était le niveau de l’ORTF), de l’éducation populaire (regardez ce qu’était le programme de la Fête de l’Humanité en 1970 et comparez). Le rejet de l’illuminisme à la fin des années 1960 marque une rupture importante de ce point de vue.

      [Je ne crois plus trop au primat de la raison et de l’entendement sur les passions tristes. Revenir à l’essence de l’école, oui, mais comment ?]

      Il y a le travail que chacun peut faire individuellement… qui est utile mais dont il faut admettre les limites. Et il y a le combat politique pour reprendre l’institution, et là je partage un peu votre pessimisme, du moins pour le moment. Il faut une crise pour casser la spirale descendante…

  12. Glarrious dit :

    [ Si votre enfant n’apprend pas, voyez l’instituteur. Si votre enfant est harcelé, appelez la police. Chacun son rôle.]
     
    Je vois mal les flics débarqués en plein milieu des cours pour arrêter un harceleur. Par ailleurs les cas de harcèlement se règle parfois à l’intérieur de l’école. 

    • Descartes dit :

      @ Glarrious

      [“Si votre enfant n’apprend pas, voyez l’instituteur. Si votre enfant est harcelé, appelez la police. Chacun son rôle.” Je vois mal les flics débarqués en plein milieu des cours pour arrêter un harceleur. ]

      Je ne vois pas pourquoi ils devraient “débarquer en plein milieu des cours”. Les faits de harcèlement ne sont pas limités à l’enceinte scolaire, et c’est d’autant plus vrai à l’âge des réseaux sociaux. Mais d’un autre côté, je ne vois aucun inconvénient à ce qu’on vienne chercher les harceleurs en plein cours. Ce serait d’ailleurs fort pédagogique de montrer aux enfants que le long bras de la loi est partout, y compris dans la salle de classe…

      [Par ailleurs les cas de harcèlement se règle parfois à l’intérieur de l’école.]

      On peut régler à l’école beaucoup de problèmes: le harcèlement, les violences familiales, la discriminations, l’emploi, la santé, les papiers, et que sais-je encore. Mais cela se fait au détriment de la véritable fonction de l’école, qui est de transmettre et de former. Et cela brouille les lignes du “qui fait quoi”. L’instituteur n’est pas un policier, n’est pas un conseiller conjugal, n’est pas un médecin, n’est pas un conseiller de Pôle-emploi, n’est pas une assistante sociale. Et tout le temps qu’il consacre à ces fonctions c’est du temps volé à sa véritable mission.

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