Beaucoup de choses ont été dites sur les résultats de l’élection partielle dans la 3ème circonscription du Lot-et-Garonne, celle de Villeneuve sur Lot. Quelque chose est frappant dans l’attitude des commentateurs : personne n’est surpris. Tout le monde traite l’affaire comme s’il était parfaitement « normal » que le parti dominant de la politique française, celui qui détient la présidence de la République, la majorité à lui seul à l’Assemblée Nationale, la quasi-totalité des présidences de région, la grande majorité des présidences de conseils généraux et des mairies se retrouve privé de deuxième tour dans une circonscription où, excusez du peu, son candidat avait approché la moitié des suffrages lors de l’élection précédente.
Lorsqu’en 2002 Lionel Jospin s’est retrouvé éliminé au premier tour par la poussée – déjà – du FN au premier tour, cela avait sonné comme un coup de tonnerre dans un ciel bleu. Pour la classe politique à l’époque la chose était impensable, si impensable que lorsque les sondages ont commencé quelques jours avant le scrutin à montrer que l’hypothèse ne pouvait pas être exclue, personne dans l’entourage n’avait voulu le croire. La chose avait été si durement ressentie que Lionel Jospin s’est cru obligé de quitter immédiatement la vie politique pour expier ses fautes. Aujourd’hui, rien de tel. On dirait qu’une fois l’impensable pensé, il devient rapidement naturel.
Vous me direz qu’une élection législative n’est pas, n’a pas la charge symbolique d’une élection présidentielle. Et qu’une hirondelle ne fait pas le printemps. C’est vrai. Mais ce qui s’est passé à Villeneuve sur Lot n’est pas très différent de ce qui s’était passé quelques mois plus tôt dans l’Oise. Là encore, le candidat socialiste avait été éliminé dès le premier tour dans une circonscription, il est vrai, dont le sortant était le député UMP. Une telle accumulation d’hirondelles laisse penser que le printemps n’est pas loin.
Mais peut-être la raison pour laquelle la classe politique accueille ces nouvelles avec indifférence, c’est qu’il existe un large consensus sur le rapport de cause à effet entre les politiques suivies par les partis au pouvoir – pas la peine de me demander lesquelles, les partis passent mais les politiques restent fondamentalement les mêmes – et les réactions de l’électorat. En d’autres termes, les partis « de gouvernement » sont pleinement conscients que les politiques qu’ils mettent en œuvre pour les uns, où qu’ils seraient amenés à mettre en œuvre demain s’ils revenaient aux affaires pour les autres, ne peuvent que leur aliéner un électorat de plus en plus important, et ont assumé ce fait dans leurs hypothèses de travail. Il y a dans cette attitude une large dose de cynisme : la gauche et la droite « de gouvernement » se sont partagé le système : c’est « cinq ans chacun ». Le fondement de ce partage est que l’électeur, au fond, n’a pas le choix. Consulté tous les cinq ans, il n’aura d’autre alternative pour manifester son mécontentement que de voter pour « les autres », qui s’empresseront de faire la même politique avec la perspective de repasser le témoin « aux autres » à l’élection suivante. Pour cette caste de professionnels de la politique qui composent l’UMP ou le PS le contrat est simple : cinq ans à jouir des attributs du pouvoir suivis de cinq ans de repos dans l’opposition pendant lesquels on mettra du beurre sur les épinards en vendant son carnet d’adresses en attendant que la roue tourne à l’élection suivante. La meilleure illustration de ce raisonnement est donnée par le débat du projet de loi de transparence à l’Assemblée Nationale, ou l’on a multiplié les amendements pour éviter autant que faire se peu les élections partielles. Il s’agit de protéger cette période de cinq ans pendant laquelle les électeurs n’ont aucun moyen de remettre en cause la majorité élue après l’élection présidentielle.
Le « désistement républicain » à gauche et le « front républicain » contre l’extrême droite sont les véritables verrous qui permettent au système de fonctionner. Le « désistement républicain » a permis au PS de réduire le PCF à une force d’appoint, qu’on ignore lorsqu’on est au pouvoir tout en empochant les voix à chaque élection. Le « front républicain » permet de profiter de la vitalité du FN en mettant en difficulté les candidats de la droite classique. Mais ces verrous ne sont efficaces qu’à deux conditions : que le PCF reste suffisamment fort pour constituer appoint suffisant, et que le FN soit suffisamment faible pour rester une nuisance sans devenir un danger. Les résultats des dernières élections montrent que ces deux conditions sont de plus en plus loin d’être remplies.
Car qu’est-ce qui caractérise les dernières législatives partielles ? La première observation, est que le PS perd massivement des voix. Etant donné le virage social-libéral que François Hollande a donné à sa politique, on peut raisonnablement penser que les électeurs déçus par le PS sont ceux qui espéraient une politique plus attentive aux problèmes des couches populaires, plus sociale et moins libérale. Si cette hypothèse est vraie, alors l’élément le plus remarquable dans les résultats de l’Oise comme du Tarn-et-Garonne est que la déperdition des voix socialistes ne bénéficie que très marginalement à la « gauche radicale ». En d’autres termes, l’électorat déçu par le « virage à droite » du PS ne met pas le cap à gauche. Un peu comme si la « gauche radicale » n’arrivait pas à se poser en alternative aux choix du pouvoir socialiste, même dans une posture protestataire. Les électeurs qui ont voté socialiste avec l’espoir d’une politique différente et qui souhaitent aujourd’hui protester n’utilisent pas pour cela le bulletin Front de Gauche.
Il faut se demander pourquoi. Plusieurs explications me semblent possibles : la première, c’est que le Front de Gauche – dans toutes ses composantes – n’a pas renoncé à jouer les forces d’appoint. Ce fut le cas lors des dernières présidentielles, lorsque Mélenchon appela à voter pour le candidat François Hollande sans même prendre la peine de négocier des contreparties. Le Front de Gauche appliqua d’ailleurs plus ou moins rigoureusement la doctrine du « désistement républicain » lors des élections législatives de juin 2012. Mélenchon a d’ailleurs poussé la chose jusqu’à affirmer, au lendemain de la présidentielle, que Hollande devait son élection aux voix apportées par le Front de Gauche. Une déclaration qui sonne aujourd’hui fort imprudente : Mélenchon a beau aujourd’hui d’essayer de se refaire une virginité avec des critiques véhémentes au pouvoir socialiste, les électeurs se souviennent que lorsqu’il s’est agi de choisir, Jean-Luc a donné sa voix au PS. Au PCF, c’est encore pire : la priorité absolue de ce qui tient lieu de direction au vieux Parti de Maurice Thorez – qui le pauvre se retournerait dans sa tombe s’il voyait ce qu’il est devenu – étant de sauver à tout prix les élus, il a choisi une ligne qu’on pourrait qualifier de « critique inaudible » : on aboie discrètement, et on ne mord que lorsqu’on est sur de ne prendre que le pantalon. Les « assises de la gauche » à laquelle étaient invités Marie-Noelle Lieneman et autres dirigeants socialistes classés « à gauche » étaient la parfaite illustration de cette ligne hésitante où l’on critique le gouvernement les jours pairs tout en embrassant les dirigeants socialistes qui soutiennent le gouvernement les jours impairs.
Il n’est pas inutile de rappeler ici ce que fut, il y a bientôt trente ans, le choix stratégique du FN, choix qui n’est pas pour rien dans son succès électoral d’aujourd’hui. La position frontiste depuis la fin des années 1980 a été celle du soutien conditionnel. Si le FN était prêt à soutenir des candidats de droite dans le cadre d’accords politiques, il était hors de question de recommander à ses électeurs un désistement automatique et sans contrepartie à l’image du « désistement républicain » de la gauche. Bien sur, au début cette ligne fut peu comprise. Certains à droite accusèrent le FN de faire le jeu de Mitterrand et des socialistes – ce qui objectivement était le cas – en mettant en difficulté les candidats de la droite classique. Mais si ce positionnement a pu gêner le FN sur le court terme, la stratégie s’est révélée gagnante sur le long terme. Alors que la « gauche radicale » est obligée de porter sa part de responsabilité dans les politiques sociales-libérales de ces trente dernières années qu’elle n’a peut-être pas voulues, mais qu’elle a rendu possibles par ses votes, le FN peut soutenir de manière crédible qu’il n’a jamais été complice, par son soutien gratuit, d’une politique qui ne fut pas la sienne.
La logique du désistement inconditionnel est dialectiquement liée au changement de la base sociologique de la « gauche radicale ». En 1978, le PCF n’a pas osé rompre avec cette pratique de peur de voir s’éloigner de lui les classes moyennes qui, depuis le début des années 1970, avaient commencé à prendre le pouvoir dans le Parti et qui entraient en résistance dès que la direction du PCF faisait mine de vouloir s’éloigner des positions du PS (1). Mais cette logique se révèle in fine destructrice. Je peux dire par expérience qu’il est très difficile d’expliquer à des ouvriers pourquoi on fait voter François Hollande – ou François Mitterrand, en d’autres temps – alors qu’on a montré par A plus B que sa politique conduit le pays au gouffre, et tout ça sous prétexte qu’il est « de gauche ». C’était difficile en 1981, cela devient impossible aujourd’hui. Pourquoi ? Et bien, d’une part parce que le PCF n’a plus dans la classe ouvrière le capital de confiance qui lui permettait d’être suivi alors même qu’il défendait une position fondamentalement contradictoire. Les dirigeants du PCF et de la « gauche radicale » en général ont trop joué le jeu des benêts trompés par les méchants socialistes pour être crédibles aujourd’hui. Mais surtout, ce qui a changé est que les couches populaires ont aujourd’hui un parti politique alternatif qui dispute à la « gauche radicale » la fonction tribunitienne. J’ai nommé, bien entendu, le FN.
C’est là d’ailleurs le deuxième grand enseignement de ces scrutins. Le FN a changé. Et pas seulement de langage. Le terme « dédiabolisation » est d’ailleurs impropre pour décrire ce qui arrive au FN. L’utiliser revient à poser comme un fait que les changements au FN sont purement superficiels, tactiques. Que c’est toujours le même produit avec un emballage différent et qu’il suffit de gratter sous la peinture pour retrouver le bon vieux Front National, pétainiste, calotin, nostalgique de l’OAS. Cela va dans le même sens que ces théories sur la « lépénisation de la société » qu’on répète sans réfléchir dans la gauche bienpensante, et qui postulent que si le FN a aujourd’hui une plus grande audience, ce n’est pas parce qu’il s’est rapproché de la société, mais parce que la société s’est rapprochée de lui.
Je pense que ces discours font fausse route. Si le FN est mieux accepté, si des dirigeants politiques et syndicaux locaux qui autrefois auraient tremblé à l’idée d’apparaître associés au FN n’hésitent pas aujourd’hui à rendre publique leur adhésion, si le FN attire un électorat de plus en plus populaire et arrive à le fidéliser, s’il apparaît comme alternative y compris pour des électeurs qui ont voté pour François Hollande, ce n’est pas parce que la société se « lépénise », mais parce que le FN se « normalise ». Quelque soit le respect filial que Marine Le Pen puisse avoir pour son père (2), le fait est que le discours actuel du FN fait une place minime à l’intégrisme catholique, aux nostalgiques de l’OAS, aux partisans de « l’Europe blanche » façon Club de l’Horloge et autres tribus traditionnelles de l’extrême droite française. Mais au-delà du discours, on retrouve cette transformation dans les têtes pensantes du FN elles-mêmes. Difficile de voir en Florian Philippot un nostalgique de l’OAS ou de Pétain.
Sur les questions sociétales et notamment sur les mœurs, le FN est aujourd’hui sur la même tonique que les couches populaires de la société, généralement plus conservatrices que les classes moyennes. Sur les questions de politique économique et sociale, il est difficile de trouver une différence radicale entre le discours du FN et ce qui pouvait être celui du PCF du temps où c’était un parti populaire. Il n’y a que l’immigration qui reste un « marqueur » frontiste, mais là encore sous une version révisée qui met l’accent non pas sur les éléments ethniques ou sur les individus, mais sur l’expression du communautarisme et de la laïcité.
Ces changements sont-ils cosmétiques ? Je ne le pense pas. A supposer même que ses initiateurs les aient pensés comme tels, le fait est que changer le discours implique changer le recrutement. Si le nouveau discours attire vers le FN un public militant différent, ces nouveaux militants auront demain une influence sur la ligne politique de leur parti. Il faut une bonne dose d’inconscience pour penser qu’on peut changer le langage d’un parti sans changer aussi à terme sa nature profonde. Le FN est en train de changer, et ce changement pourrait bousculer dans les années qui viennent le spectre politique français.
Je vais peut-être ici choquer certains de mes lecteurs. Je m’excuse par avance, mais j’ai toujours pensé qu’il faut regarder la réalité en face, surtout lorsqu’elle est déplaisante. Le FN aujourd’hui bénéficie d’une dynamique montante. Il a réussi à devenir le parti tribunicien vers lequel les couches populaires se tournent dans un contexte où les partis traditionnels se désintéressent de leur sort. Pour accompagner cette dynamique, il lui faudra des cadres. Et des véritables cadres, capables non seulement de mobiliser des militants mais aussi d’exercer dans un contexte démocratique des fonctions électives. Jean-Marie Le Pen était d’une grande lucidité lorsqu’il avait répondu à un militant qui se réjouissait d’être à la veille de conquérir le pouvoir « dieu nous en préserve ». Le vieux lion, qui connaissait bien l’activisme d’extrême droite pour l’avoir lui-même pratiqué était parfaitement conscient de la difficulté qu’il y a à exercer le pouvoir sans une structure gérée par des cadres formés et disciplinés. Toutes les opportunités que le FN a eues de démontrer sa capacité à exercer le pouvoir conquis démocratiquement (Vitrolles, Toulon…) se sont soldées par un désastre. La cause ? Un manque cruel de cadres formés et « politiques », capables de dépasser le niveau de l’activisme. Si Florian Philippot a pu si rapidement se rendre indispensable, c’est parce que sa formation de cadre chévenementiste apporte quelque chose que les traditionnels activistes d’extrême droite n’ont pas.
La question fondamentale pour l’avenir du FN est donc : d’où viendront ces cadres ? Le FN ne semble pas s’être doté de structures de formation et d’encadrement capables de produire d’une manière autonome le genre de cadres dont il a besoin. Et il en aura besoin vite, puisqu’il faudra monter les listes pour les municipales dans les mois qui viennent. Il y aura donc un appel d’air, un appel qui pourrait bien séduire un certain nombre de militants de la droite mais aussi de la gauche jacobine qui ne se sentiront pas représentés par l’offre politique soi disant « républicaine ». Mais ces gens, lorsqu’ils arriveront au FN, arriveront avec leurs expériences militantes et leurs idées, qui ne seront pas forcément celles de l’extrême droite classique. Ce processus pourrait bien transformer le FN en un parti populiste, conservateur en matière sociétale, progressiste en matière sociale et économique, résolument nationaliste, anti-libéral et anti-européen. Si tel était le cas, il aurait un boulevard devant lui.
La question est : comment doivent se positionner les progressistes devant ce phénomène ? Est-il possible de travailler avec ce « néo-FN » et en faire une « force pour le bien » ? J’entends d’ici les cris d’effroi… pourtant, pour les communistes de 1943 l’alliance avec un général « à titre provisoire » maurrassien entouré de réactionnaires catholiques – certains passablement antisémites – et violemment anticommunistes a du aussi sembler contre nature. Devant les dangers qui nous menacent aujourd’hui, n’y a-t-il pas là l’amorce possible d’un nouveau CNR ?
Le rêve du « parti creuset » n’est peut-être pas là où l’on croit…
Descartes
(1) Rappelez vous des « intellectuels » divers tels Pierre Juquin se répandant dans ce qu’on appelait encore la « presse bourgeoise » en reprochant à leur propre parti la rupture du « programme commun », rupture voulue et instrumentalisée par le PS.
(2) Et qui la pousse à dire bien des bêtises, comme lorsqu’elle affirme que son père était un admirateur de Nelson Mandela, ce qui est bien entendu inexact.
Je partage toutes tes interrogations sur le FN et la question de voter FN me taraude de plus en plus. Je suis partagé entre les relents d’extrême droite et le pragmatisme. Dommage que tu ne répondes pas à tes propres questions ! Vu ton expérience, serais-tu prêt à donner un coup de main au FN ?
J’avoue que je me suis posé la question. Et qu’à l’heure ou j’écris, je n’ai pas de réponse. Je sais que cette réponse ne va pas me faire des amis, mais je pense qu’il est important de voir les réalités en face. Nous sommes dans un contexte de crise grave, dans lequel les partis traditionnels se montrent incapables de proposer quelque chose d’autre que la politique du chien crevé au fil de l’eau pour les partis de gouvernement ou la posture déclamatoire pour les partis dits "radicaux". Si l’on cherche une alternative, une rupture avec l’euro-libéralisme, ce n’est pas là qu’on le trouvera.
Churchill avait dit une fois "si demain Hitler envaissait l’Enfer, je ferais l’éloge de Satan devant la Chambre des Communes". Si l’on considère que la menace sur notre pays est aujourd’hui grave – et je le pense – il faut alors s’interroger sur les moyens de réunir toutes les forces prêtes à tirer dans le bon sens, même si elles le font pour des mauvaises raisons, même si cela nous coûte. En 1943, lors de la constitution du CNR, les communistes et les anti-communistes se sont beaucoup posé cette question: fallait-il enterrer ne serait-ce que temporairement la hache de guerre et coopérer avec l’autre ? Ils ont tous deux accepté de le faire, et je ne pense pas qu’il faille les blâmer.
En 2005, c’est aussi grâce aux voix du FN que le TCE a été rejeté. Faut-il le regretter ?
Je sais, ce sont des questions délicates. Et je ne prétends pas avoir toutes les réponses. Mais je pense qu’il faut commencer à lancer le débat.
Je crois que tu blanchis un peu vite le FN… Marine Le Pen est toujours dans le même parti que Bruno Gollnisch et personne ne l’a forcée à aller à Vienne au bal des ex-nazis ! Qui plus est, les élus FN en région ne sont pas si "progressistes" que tu le penses sur le terrain économique et social : ils sont souvent les seuls à voter contre une motion de soutien à des ouvriers en grève ou au versement d’une aide financière pour eux. Et en 2010, M. Le Pen a traité les syndicats manifestant contre la réforme des retraites de tous les noms… on a vu plus progressiste !
En revanche, si un nouveau CNR doit voir le jour, je pense que c’est avec Nicolas Dupont-Aignan qu’il faut le construire car :
1. c’est un authentique républicain ;
2. à droite, il est peut-être le dernier gaulliste disponible ;
3. ça le détournerait du tropisme qu’il semble manifester pour le FN.
Sur un autre sujet, que tu n’as pas abordé : comment faire reculer le FN ? Plusieurs solutions :
1. culpabiliser l’électeur réel ou potentiel en hystérisant le débat, et en le plaçant sur le terrain des valeurs : c’est ce que fait Mélenchon, et ça ne marche pas ;
2. laisser l’initiative du débat au FN et dire exactement l’inverse en s’imaginant que c’est une alternative crédible : inutile de dire que ça ne marche pas non plus ;
3. admettre, enfin, que les électeurs FN sont dotés de raison et faire le constat que les partis traditionnels s’en sont désintéressés, et que le FN a occupé le terrain d’un discours politique de bon sens, déserté par les autres, auquel cas ce terrain est à réoccuper, en lui donnant le caractère progressiste que le FN ne lui donne pas (sur le thème de la nation par exemple).
[Je crois que tu blanchis un peu vite le FN… Marine Le Pen est toujours dans le même parti que Bruno Gollnisch et personne ne l’a forcée à aller à Vienne au bal des ex-nazis!]
Je ne"blanchis" personne. La personnalité et les fréquentations de MLP ne m’intéressent qu’en passant. C’est plutôt la stratégie de son parti et sa base sociologique qui me paraissent dignes d’attention. Et je pense qu’aujourd’hui le rôle de Gollnish ou l’influence des néo-nazis viennois y est négligeable. D’ailleurs, il est toujours difficile de se défaire de ses amitiés de jeunesse… je connais un président socialiste qui est resté très copain avec René Bousquet, et pourtant cela n’a pas empêché l’ensemble de la gauche bienpensante de voter pour lui quand il était vivant et de l’encenser après sa mort.
[Qui plus est, les élus FN en région ne sont pas si "progressistes" que tu le penses sur le terrain économique et social : ils sont souvent les seuls à voter contre une motion de soutien à des ouvriers en grève ou au versement d’une aide financière pour eux.]
Les seuls ? Mais alors, comment expliques-tu que de telles motions soient très rarement votées in fine ? Je ne savais pas que le FN avait la majorité dans tant de conseils…
Soyons sérieux: le FN n’aime pas les grèves. De Gaulle non plus, ne les aimait pas, pas plus que les gens qui l’entouraient, qui souvent venaient de l’extrême droite y compris antisémite (comme le raconte Cordier dans son livre). Et alors ? Est-ce que cela a empêché le PCF de le considérer suffisamment "kosher" pour faire alliance avec lui quand la Patrie était en danger ? "Quand les blès sont sous la grêle…"
[Et en 2010, M. Le Pen a traité les syndicats manifestant contre la réforme des retraites de tous les noms… on a vu plus progressiste !]
Je n’essaye pas de dire que MLP soit "progressiste". Là n’est pas la question. La question est plutôt: est-ce que le danger qui nous menace est suffisamment grand pour que cela vaille la peine de constituer un "front jacobin" avec tous ceux qui sont prêts à dire non à l’Europe fédérale et non à l’Euro.
[En revanche, si un nouveau CNR doit voir le jour, je pense que c’est avec Nicolas Dupont-Aignan qu’il faut le construire car :
1. c’est un authentique républicain ;
2. à droite, il est peut-être le dernier gaulliste disponible ;
3. ça le détournerait du tropisme qu’il semble manifester pour le FN.]
Je serais ravi de faire un CNR avec Dupont-Aignan. Mais comme disait mongénéral on ne fait de la politique qu’avec des réalités. Les couches populaires, qui sont pour moi le pivot de toute résistance, ne vont pas chez Dupont-Aignan. C’est injuste, mais c’est comme ça. Je rébondis par ailleurs sur ton troisième argument: je pense que si NDA montre un certain "tropisme pour le FN", c’est parce qu’il fait une analyse qui ne doit pas être très éloignée de la mienne. Aujourd’hui, s’il fallait encore battre un traité européen dans un référendum, cela ne pourrait se faire sans les voix du FN.
[Sur un autre sujet, que tu n’as pas abordé : comment faire reculer le FN ? ]
Je n’y vois qu’une solution, qui correspond à ta troisième option: il faut offrir aux couches populaires une alternative et une représentation. Et cela suppose de reprendre des problématiques que la gauche a laissé en déshérence: la politique économique et sociale, la question de la Nation…
Et bien, on a l’impression que vous allez bientôt prendre votre carte "Rassemblement bleu marine"
:-)…
Plaisanterie à part, la normalisation et l’institutionnalisation du FN, vainement tentée par Bruno Mégret et ses sbires à la fin des années 90 et qui a failli emporter le FN, est sur le point de se faire avec F.Philippot et Marine Le Pen. Mais tout n’est pas joué car la petite Marion Maréchal joue un bien mauvais tour à sa tante en tant que représentante de l’aile dure FN (comme quoi, on peut être jeune et plus à droite qu’à droite…) qui s’oppose à l’orientation "populiste" (je n’ose pas dire "populaire", mais populiste n’est pas péjoratif pour moi…) du parti fondé par son grand-père. De plus, les jeunes représentent une part non négligeable des électeurs du FN: non seulement c’est le premier parti ouvrier en France, mais il est également le deuxième pour les jeunes de 18-25 ans! En un sens, Marion Maréchal est bien à l’image de l’électorat FN d’avenir…
En fait, mon souhait le plus cher serait que l’aile droite de l’UMP fasse sécession pour faire une alliance avec le FN, et ceux afin de définitivement dissoudre le FN afin de former un parti de droite "dure" classique, un peu à l’image des Républicains Indépendants de la IVè république. Cela permettrait enfin l’arrêt des amalgames du genre "si vous n’êtes pas d’accord avec nous, c’est que vous êtes avec Le Pen et le FN", paralysant ainsi toute critique du système politique actuel. Je pense que cela permettra de dégager un horizon politique pour un parti patriote, social et souverainiste à gauche car l’hypothèque FN sera levée.
[Et bien, on a l’impression que vous allez bientôt prendre votre carte "Rassemblement bleu marine" ]
On n’en est pas là. Mais la question des rapports que les progressistes doivent entretenir aujourd’hui avec le FN est cruellement posée.
[Plaisanterie à part, la normalisation et l’institutionnalisation du FN, vainement tentée par Bruno Mégret et ses sbires à la fin des années 90 et qui a failli emporter le FN, est sur le point de se faire avec F.Philippot et Marine Le Pen.]
Mais ce n’est pas tout à fait la même "institutionnalisation". Mégret avait essayé d’insérer le FN dans le paysage institutionnel sans le changer. Le couple Philippot/MLP ont véritablement changé les références du FN sur beaucoup de points, au risque de s’aliéner certains "piliers" idéologiques du FN.
[Mais tout n’est pas joué car la petite Marion Maréchal joue un bien mauvais tour à sa tante en tant que représentante de l’aile dure FN (comme quoi, on peut être jeune et plus à droite qu’à droite…)]
"Celui qui a vingt ans n’est pas révolutionnaire n’a pas de cœur. Celui qui à quarante ans est encore révolutionnaire n’a pas de tête"… il faut bien que jeunesse se passe.
[En fait, mon souhait le plus cher serait que l’aile droite de l’UMP fasse sécession pour faire une alliance avec le FN, et ceux afin de définitivement dissoudre le FN afin de former un parti de droite "dure" classique, un peu à l’image des Républicains Indépendants de la IVè république.]
En d’autres termes, vous pensez que la "droite de l’UMP" – eurolâtre et libérale – pourrait s’allier avec leFN dont les dirigeants n’ont eu cesse ces dernières années de mettre l’accent sur l’anti-européisme et l’anti-libéralisme. Est-ce bien raisonnable ?
Je comprends votre raisonnement: vous aimeriez bien avoir un ennemi unique et bien visible pour polariser le débat. Mais c’est un rêve impossible, outre le fait que cela ferait plus de mal que de bien: le PS utiliserait à souhait l’argument "voter contre nous, c’est voter pour le FN"…
[Je pense que cela permettra de dégager un horizon politique pour un parti patriote, social et souverainiste à gauche car l’hypothèque FN sera levée.]
Vous rêvez…si le parti "patriote et social" que vous appelez ne surgit pas à gauche, c’est parce que la gauche a une sociologie qui l’empêche.
[Je comprends votre raisonnement: vous aimeriez bien avoir un ennemi unique et bien visible pour polariser le débat.]
Je crois que je me suis mal fait comprendre parce que c’est précisément ce que je veux éviter! Sinon, on retombe dans la situation actuelle du FN, mais sous un autre nom.
En fait, je compte sur le même phénomène qui permet au PS de capter les voix d’extrême-gauche: l’opportunisme et le cynisme de la droite de l’UMP qui la conduira à faire des alliances électorales en plein jour, au risque de se scinder de l’UMP.
D’ailleurs, c’est cette l’alliance tacite électeurs FN-UMP a déjà permis à N.Sarkozy d’être président de la République et qui a failli réussir à sauver son fauteuil de président. En gros, je voudrais que le processus de normalisation du FN aboutisse à la création d’un parti de droite traditionnel, et soyons fou, bonapartiste. Mais je pense que cela peut passer soit par une scission de l’UMP et une alliance avec le FN, ou par une fusion-absorption du FN par l’UMP, solution irréaliste.
Mais j’avoue que mon propos fait un peu café de comptoir, car autant j’ai un bonne culture de partis de "gauche", autant la connaissance de la culture des partis de "droite" me manque…
[Vous rêvez…si le parti "patriote et social" que vous appelez ne surgit pas à gauche, c’est parce que la gauche a une sociologie qui l’empêche]
En gros, la sociologie de ses électeurs fait que soit la gauche n’est pas patriote, soit elle n’est pas sociale, voire les deux! Seriez-vous en train de dire qu’il est désormais impossible d’espérer la renaissance d’une gauche jacobine? Je pense pour ma part que les circonstances ne se prêtent pas encore à l’avènement d’un parti de gauche républicain et social, mais je crois que c’est pour bientôt: les électeurs des partis socio-libéraux et libéraux-libertaires, qui constituent l’essentiel de la gauche, commencent aussi à subir les méfaits de leur propre politique. Comme vous le dites si souvent, nous sommes arrivés à la phase où les classes moyennes n’ont plus rien à jeter aux crocodiles. D’où le recours à des pratiques parfaitement anti-démocratiques comme le fonctionnement du TSCG, ou d’une façon générale, la fuite en avant vers un fédéralisme européen mortifère. Il confirme une tendance qu’E.Todd avait prophétisée dans "Après l’empire": la fin de la démocratie, confisquée par une aristocratie dont les membres sont issus essentiellement des classes moyennes. Et voici là je veux en venir: je crois même que cette gauche jacobine renaîtra en une réaction à ces actions anti-démocratiques des libéraux-libertaires qui nous gouvernent. Pour le moment, cette réaction prend le plus souvent les traits du FN en France, mais comme elle ne correspond pas à l’attente de gens qui sont orphelins du PCF d’antan ou d’un PS façon Chevènement, je n’exclus pas l’émergence d’une gauche jacobine, ce qui n’a rien de chimérique…
[En fait, je compte sur le même phénomène qui permet au PS de capter les voix d’extrême-gauche: l’opportunisme et le cynisme de la droite de l’UMP qui la conduira à faire des alliances électorales en plein jour, au risque de se scinder de l’UMP.]
C’est un mauvais pari. Le FN a bâti son succés sur le refus du mécanisme qui permet au PS de capitaliser les voix de la "gauche radicale". Le FN a appellé plusieurs fois à voter contre le candidat de la droite, ce que la "gauche radicale" n’a pas osé faire au moins depuis les années 60.
[D’ailleurs, c’est cette l’alliance tacite électeurs FN-UMP a déjà permis à N.Sarkozy d’être président de la République et qui a failli réussir à sauver son fauteuil de président.]
Je crois que vous confondez les électeurs et les partis. Sarkozy a réussi à être élu en captant une partie des électeurs qui avaient voté FN. Mais le moins qu’on puisse dire c’est que le FN, en tant que parti, ne lui a pas facilité la tâche. C’est là toute la différence avec la situation à gauche, ou les partis de la "gauche radicale" appellent formellement à voter socialiste à chaque élection.
[En gros, je voudrais que le processus de normalisation du FN aboutisse à la création d’un parti de droite traditionnel, et soyons fou, bonapartiste. Mais je pense que cela peut passer soit par une scission de l’UMP et une alliance avec le FN, ou par une fusion-absorption du FN par l’UMP, solution irréaliste.]
Si le FN devait continuer sa transformation vers un parti bonapartiste-jacobin, il capterait certainement une partie des militants et élus UMP. Mais c’est encore trop tôt pour cela.
[Mais j’avoue que mon propos fait un peu café de comptoir, car autant j’ai un bonne culture de partis de "gauche", autant la connaissance de la culture des partis de "droite" me manque…]
Moi aussi, et je trouve cela dommage. C’est tout de même incroyable à quel point la frontière idéologique "droite/gauche" sert à stériliser les analyses. Car comment peut-on analyser un contexte politique si l’on méconnait le fonctionnement de la moitié du spectre politique ? J’avoue que j’ai essayé de lire des analystes et des penseurs de droite. C’est difficile, parce qu’on n’a pas automatiquement les références qui éclairent le texte. Mais c’est un effort à mon avis nécessaire.
[En gros, la sociologie de ses électeurs fait que soit la gauche n’est pas patriote, soit elle n’est pas sociale, voire les deux! Seriez-vous en train de dire qu’il est désormais impossible d’espérer la renaissance d’une gauche jacobine?]
Je me pose la question. La gauche jacobine existe… en tant que courant intellectuel. Vous en trouverez pas mal parmi les hauts fonctionnaires, les professions supérieures. Mais quelque soit leur influence sur l’appareil d’Etat, il est difficile de voir comment à partir de ça on peut bâtir un mouvement populaire. En dehors de ça, ce qu’on appelle "la gauche" – étiquette qui pour moi ne veut plus dire grande chose – est dominée par les classes moyennes, dont les intérêts les conduisent à être foncièrement anti-jacobines.
[Je pense pour ma part que les circonstances ne se prêtent pas encore à l’avènement d’un parti de gauche républicain et social, mais je crois que c’est pour bientôt: les électeurs des partis socio-libéraux et libéraux-libertaires, qui constituent l’essentiel de la gauche, commencent aussi à subir les méfaits de leur propre politique. Comme vous le dites si souvent, nous sommes arrivés à la phase où les classes moyennes n’ont plus rien à jeter aux crocodiles.]
L’expérience a montré que dans ces circonstances les classes moyennes tendent à se réfugier auprès du premier démagogue qui leur promet sa protection. Il est très rare qu’elles acceptent de perdre une partie de leurs privilèges pour sauver le reste…
[Et voici là je veux en venir: je crois même que cette gauche jacobine renaîtra en une réaction à ces actions anti-démocratiques des libéraux-libertaires qui nous gouvernent.]
Je vous souhaite d’avoir raison, mais je n’y crois pas.
[L’expérience a montré que dans ces circonstances les classes moyennes tendent à se réfugier auprès du premier démagogue qui leur promet sa protection]
C’est effectivement ce qu’il s’est passé en Amérique du Sud au Chili et en Argentine dans les années 70 avec les dictatures de Pinochet et Videla. Et, dans une moindre mesure, ce sont les classes moyennes qui sont en train de manifester en ce moment au Brésil car elles sentent que les fruits de la croissance leur échappent.
Maintenant, si on revient à la France, j’ai du mal à voir vers quel type de démagogue les classes moyennes pourraient se retourner. D’ailleurs, j’ai plutôt la sensation que leur protecteur existe déjà car l’UE a été faite par elles et pour elles (en fait, par la SFIO à gauche, et les chrétiens-démocrates à droite). Jusqu’à présent, L’UE faisait précisément ce que les classes moyennes en attendaient, mais depuis quelques temps déjà le dogmatisme des eurocrates est en train de mettre tous leurs acquis par terre; dans ces conditions, je ne vois pas quelles seraient leur sauveur car les Français n’aiment pas particulièrement les dictatures…
[Maintenant, si on revient à la France, j’ai du mal à voir vers quel type de démagogue les classes moyennes pourraient se retourner.]
Au hasard: Cohn-Bendit, Bayrou, Ségolène, Mamère…
Et c’est tout? Franchement, c’est pas sérieux ;-)!
Cohn-Bendit est allemand et entend le rester; il est désormais animateur de radio à Europe1.
Ségolène a réussi la performance d’être le personnage politique le plus détesté en France, même plus que Sarkozy. Et en plus, le PS lui a savonné la planche en 2007 et lors du congrès de Rheims en 2008. Enfin, Mamère est un écologiste, et comme chacun sait, l’écologie et les Français, ça fait deux.
Donc j’en reviens à ma question initiale…
[Et c’est tout? Franchement, c’est pas sérieux ;-)!]
Que voulez-vous, les démagogues ne sont plus ce qu’ils étaient…
Les élections européennes sont réputées (à tort me semble-t-il) n’avoir guère de conséquences sur l’équilibre des forces politiques nationales.
Celles de juin 2014 seront-elles le test du basculement dans le vote FN d’une partie significative des jacobins, républicains, gaullistes qui y étaient jusqu’alors farouchement opposés ?
Ce que j’observe autour de moi me le laisse croire.
Quels seraient les composants de pareille chimie ?
La dramatique dégradation de la qualité de la parole et de la vie publiques, peut-être et avant même la dégradation économique et sociale,
également la prise en compte de la réalité d’une très sévère perte de moyens, de substance industrielle et d’atouts d’avenir par le pays,
le désenchantement de la gauche salariale et fonctionnarisée encore acquise au PS jusqu’en 2012 (succédant à celui du prolétariat dans les années 80),
le faible crédit du Front de Gauche.
J’ajoute cet élément de l’agenda, peut-être décisif : les négociations Commission/États-Unis sur le Traité de libre échange transatlantique entreront dans leur phase finale pendant la campagne des Européennes.
Le Front National sera sans nul doute en mesure de faire de cette très grave affaire le fer de lance d’une campagne dévastatrice pour le PS et l’UMP, empêtrés dans leurs contradictions .
Et l’on retombe bien sur votre question finale : "Comment doivent se positionner les progressistes devant ce phénomène" [du néo-FN] ?
[Les élections européennes sont réputées (à tort me semble-t-il) n’avoir guère de conséquences sur l’équilibre des forces politiques nationales.]
Oui et non. Il est vrai qu’elles ne modifient pas la manière dont nous sommes gouvernés, et à ce titre elles servent un peu de "défouloir". Il est vrai aussi, et les électeurs le savent, qu’elles servent aux partis à trouver un fauteuil a des politicards qui n’obtiendraient jamais un siège en allant directement devant les électeurs (miracles du scrutin proportionnel…).
[Celles de juin 2014 seront-elles le test du basculement dans le vote FN d’une partie significative des jacobins, républicains, gaullistes qui y étaient jusqu’alors farouchement opposés ?]
Je ne sais pas. C’est un risque, particulièrement s’il n’y a pas d’alternative. Mais là où le basculement est le plus probable, ce n’est pas chez les "jacobins, républicains, gaullistes", mais chez les "simples citoyens" qui n’ont pas forcément une réflexion politique approfondie, mais qui se rendent compte que les partis de gouvernement se sont partagé le système à leur avantage.
[Quels seraient les composants de pareille chimie ? La dramatique dégradation de la qualité de la parole et de la vie publiques, peut-être et avant même la dégradation économique et sociale,]
Les deux sont dialectiquement liées. La dégradation de la situation économique et sociale tient aussi à une classe politique de (mauvais) gestionnaires, incapables de prendre une décision de rupture. Les progressistes se sont opposé au régime de la Vème République au nom de l’idée qu’un pouvoir trop centralisé ne peut que corrompre la vie publique. Ils avaient tort: c’est l’impuissance du gouvernant qui est, et de loin, la force la plus corruptrice. Et depuis trente ans, avec la décentralisation, la construction européenne, la juridicisation du politique, le "principe de précaution" et autres "consultations du public" constitutionnalisées à travers la Charte de l’Environnement nous avons organisé l’impuissance du politique. Comment dans ces conditions le peuple pourrait faire confiance à la parole politique ? Feriez-vous confiance pour garder votre maison à un chien qui aboie mais qui n’a pas de dents pour mordre ?
[le désenchantement de la gauche salariale et fonctionnarisée encore acquise au PS jusqu’en 2012 (succédant à celui du prolétariat dans les années 80),]
Vous pointez un élément qui me semble essentiel. Je vais le reformuler: les classes moyennes ont peur. Alors qu’elles faisaient confiance à l’establishment PS et UMP pour protéger ses intérêts quelque soit l’alternance, elles commencent à réaliser qu’après avoir dévoré les prolétaires, la globalisation va commencer à s’occuper d’eux. Là aussi, je pense, il y a un paramètre essentiel. Pour la bourgeoisie, la rébellion des classes moyennes est infiniment plus dangereuse que celle des prolétaires…
[le faible crédit du Front de Gauche.]
Ca existe, encore ?
[Le Front National sera sans nul doute en mesure de faire de cette très grave affaire le fer de lance d’une campagne dévastatrice pour le PS et l’UMP, empêtrés dans leurs contradictions .]
Tout à fait. Et il profitera du fait qu’on lui a laissé le terrain.
[Et l’on retombe bien sur votre question finale : "Comment doivent se positionner les progressistes devant ce phénomène" [du néo-FN] ?]
Tout à fait. Pour être provocateur, j’irais jusqu’à poser la question de "l’entrisme". Cette politique qui fut celle de l’extrême gauche trotskyste, et qui voulait que les militants trotskystes cherchent à "coloniser" des organisations politiques de masse pour essayer de les réorienter "de l’intérieur". C’est ce qu’on fait les Jospin, Mélenchon & Co au PS mitterrandien, avec de bons résultats. Est-ce qu’on pourrait faire la même chose aujourd’hui au FN ? Que se passerait-il, dans ce parti sans véritables cadres, s’il y avait un afflux d’adhésions "républicaines" de cadres éprouvés ? J’avoue que je suis impressionné des résultats obtenus par un Florian Philippot en matière d’aggiornamento. Et je me dis qu’il est peu probable qu’un tel résultat – avec les conflits inévitables avec la "vieille garde" frontiste – ait pu être obtenu par un homme tout seul… la question qui se pose est donc: qui sont les gens qui ont aidé Philippot ? D’où viennent-ils ? Voilà qui serait intéressant de savoir… je ne serais pas étonné d’apprendre qu’il y a un groupe de progressistes qui dans l’ombre font ce travail.
[C’est ce qu’ont fait les Jospin, Mélenchon & Co au PS mitterrandien, avec de bons résultats]
Je trouve votre point de vue discutable, surtout si on part du principe que la subversion du PS devait aboutir à mettre en place l’idéal trotskiste, à savoir la révolution communiste… En plus, les infiltrés ont toujours fini par être absorbés par le système qu’ils prétendaient subvertir, et pire, ils finissent souvent par en être les plus farouches gardiens (là, je songe à Lionel Jospin au PS, ex-Lambertiste infiltré). De mon point de vue, l’entrisme a été un échec, même s’il a permis un certain renouvellement intellectuel du PS, mais pas dans le sens initialement prévu.
Maintenant, on peut avoir un point de vue inverse, mais peut-être plus cohérent: dans le fond, si on juge les actions trotskistes passées plutôt que leurs discours, vous n’avez peut-être pas tout à fait tort: dans leur haine anti-stalienne, les trotskistes (j’adjoindrais également les maoïstes…) ont depuis longtemps favorisé les intérêts libéraux-libertaires: or, comme par hasard, c’est l’orientation idéologique du PS depuis trente ans, et bien des ex-trotskos socialistes sont parmi les plus libéraux… Si vous me dites que c’était le but recherché, alors je serais d’accord avec vous, l’entrisme a été un succès, mais au prix d’une énorme escroquerie intellectuelle…
[Je trouve votre point de vue discutable, surtout si on part du principe que la subversion du PS devait aboutir à mettre en place l’idéal trotskiste, à savoir la révolution communiste…]
Un point de vue fort naïf, si vous me permettez le commentaire. L’idéal trotskyste s’est montré incroyablement flexible. J’ai eu l’opportunité de discuter avec un certain nombre de gauchistes qui sont entrés au PS à ce moment-là, et je peux vous assurer qu’ils sont totalement convaincus que leur geste a permis de faire avancer leurs "idéaux trotskystes", parmi eux le plus essentiel: liquider le PCF et faire tomber l’URSS… pour un trotskyste, cela vaut toutes les "révolutions communistes" du monde.
[En plus, les infiltrés ont toujours fini par être absorbés par le système qu’ils prétendaient subvertir, et pire, ils finissent souvent par en être les plus farouches gardiens (là, je songe à Lionel Jospin au PS, ex-Lambertiste infiltré).]
Oh mais… ces gens là ont bien "subverti" le système. Il ont mis par terre les restes du "gaullo-communisme", rétabli le libéralisme comme doctrine, affaibli l’Etat et rétabli les "barons" locaux dans leurs titres et privilèges, instauré la cohabitation, liquidé le Franc… cela ne vous paraît pas suffisant comme "subversion" ?
Vous me direz que cette "subversion" ne correspond nullement au discours trotskyste. Ne me dites pas que vous croyez encore aux discours… les trotskystes qui ont fait de l’entrisme au PS n’ont guère fait des choses différentes de celles qu’ils avaient défendu sur les barricades de Mai 1968. Pensez par exemple à la décentralisation, ou à "l’élève au centre du système scolaire"…
[De mon point de vue, l’entrisme a été un échec,]
Peut-être parce que vous n’avez pas compris quels étaient les véritables objectifs des "entristes"… Vous oubliez pourquoi Mitterrand les a fait rentrer. C’était pour faire contrepoids aux vieux "barons" de la SFIO, à qui il aurait été bien plus difficile de vendre la logique des "années fric"…
[Maintenant, on peut avoir un point de vue inverse, mais peut-être plus cohérent: dans le fond, si on juge les actions trotskistes passées plutôt que leurs discours, vous n’avez peut-être pas tout à fait tort: dans leur haine anti-stalienne, les trotskistes (j’adjoindrais également les maoïstes…) ont depuis longtemps favorisé les intérêts libéraux-libertaires: or, comme par hasard, c’est l’orientation idéologique du PS depuis trente ans, et bien des ex-trotskos socialistes sont parmi les plus libéraux… Si vous me dites que c’était le but recherché, alors je serais d’accord avec vous, l’entrisme a été un succès, mais au prix d’une énorme escroquerie intellectuelle…]
Exactement !
Bonjour Descartes,
les dernières élections législatives partielles semblent bien démontrer que le Front National est devenu un parti comme un autre.
La ligne politique impulsée par Philippot au FN, qui peut défriser l’orthodoxe Marion Maréchal-Le Pen et le post-fasciste Aliot, y a grandement contribué. Philippot est bien entendu pas plus un nostalgique de l’OAS que de Pétain, mais un Républicain. Je pense que lui, vous ou moi avons voté pour le même candidat au premier tour de l’élection présidentielle de 2002.
Le camarade Méluch’ avait mis le peuple devant une alternative, limite un chantage : le fascisme ou moi. Par leur vote, les gens y ont répondu. Méluch’ est un minoritaire comme il l’a toujours été.
Il me semble également, tout comme vous, que le FN a pris la place laissée vacante par le PCF, celui-ci n’existant plus au niveau du grand public, s’effaçant derrière Méluch’ et le FDG.
Le FN risque d’attirer à lui encore de nouveaux électeurs. Si je n’ai pas trop de doute sur le républicanisme de Philippot, les réflexes de Marine Le Pen sur Inter cette semaine ou le positionnement de sa nièce, de Collard ou d’Aliot me laissent d’une grande perplexité sur le devenir qu’aurait alors le France.
[les dernières élections législatives partielles semblent bien démontrer que le Front National est devenu un parti comme un autre.]
Dès lors que le FN a choisi de s’insérer dans le processus démocratique, c’était inévitable. Croire qu’on peut maintenir un "cordon sanitaire" autour d’un parti qui attire aujourd’hui bon an mal an un électeur sur cinq, c’est se bercer de douces illusions.
[Philippot est bien entendu pas plus un nostalgique de l’OAS que de Pétain, mais un Républicain. Je pense que lui, vous ou moi avons voté pour le même candidat au premier tour de l’élection présidentielle de 2002.]
La question à se poser est: qu’est ce que Philippot, ce républicain, est allé faire dans cette galère. Quel était son plan ? Où voulait-il conduire le FN, et plus important encore, qui sont les gens qui, en dehors de la lumière publique, l’ont aidé à changer le Front National ? Parce que vous comme moi savons que ce genre de chose ne se fait pas tout seul et à mains nues… Pour vous dire le fond de ma pensée, je crois qu’il y a quelque part un groupe de républicains qui est arrivé à la même conclusion que j’expose dans mon papier aujourd’hui. Et qui est allé une phase plus loin: celui de prendre le risque de mettre les mains dans le cambouis…
Comme vous voyez, j’avoue ma perplexité. Si Florian Philippot venait demain sonner à ma porte et me disait "viens travailler avec nous pour restaurer l’Etat et mettre fin à l’Euro", qu’est ce que je lui répondrais ? Je pense que la question mérite d’être posée… même si elle dérange.
[Le camarade Méluch’ avait mis le peuple devant une alternative, limite un chantage : le fascisme ou moi. Par leur vote, les gens y ont répondu. Méluch’ est un minoritaire comme il l’a toujours été.]
Quelque soit la sympathie que je puisse avoir pour mon ami Mélenchon, je dois admettre qu’il n’a pas eu le courage de défier la bienpensance de sa classe. En prenant parti pour l’Euro et pour le fédéralisme européen, il a fait le même choix qu’Hollande: celui de la politique du chien crevé au fil de l’eau. Après, on peut parler de "rupture", de "révolution citoyenne" et de "constituante", cela ne change rien. Dès lors qu’on a renoncé aux leviers qui permettent de changer quelque chose maintenant, le reste n’est que rideau de fumée.
[Le FN risque d’attirer à lui encore de nouveaux électeurs. Si je n’ai pas trop de doute sur le républicanisme de Philippot, les réflexes de Marine Le Pen sur Inter cette semaine ou le positionnement de sa nièce, de Collard ou d’Aliot me laissent d’une grande perplexité sur le devenir qu’aurait alors le France.]
C’est tout à fait vrai. Un Philippot ne fait pas le printemps, et on peut se demander ce que deviendrait la France si ce parti sans véritables cadres arrivait à détenir une parcelle de pouvoir. D’où ma question sur les cadres.
Bonjour Descartes,
J’ai presque honte quand je vois combien de temps ça fait que je n’ai pas pris le temps de commenter un article ici ! Et pourtant je profite de tous ces riches débats… allez, un petit effort, il est temps de reprendre la plume.
Bon, j’imagine que quand tu as appuyé sur "Entrée" à la fin de ton article, tu as su tout de suite que tu n’allais pas te faire des amis. Je reconnais attendre avec malice tes futurs débats avec (peut-être) des gens venus du PG à ce sujet… ça risque d’être… intéressant.
Donc le FN, devient fréquentable et sa "fréquentabilité" se mesurera entre autres selon les cadres qui le rejoindront. D’accord. Mais des cadres de l’autre bord les rejoindront plus facilement s’il fait de bons résultats aux municipales ou aux européennes. Alors, on fait quoi en attendant ? On se bouche le nez et on vote FN ? Tu penses prendre ce parti là aux prochaines élections ? C’est bien sûr ton droit le plus strict. Pour ma part, j’ai un peu de mal encore avec ça.
Afin de pousser l’exercice, pas mal de réflexions déjà en tête, je suis allé faire un tour sur leur site internet. Mais d’abord, Marine Le Pen elle-même. Bien entendu je ne reproche pas à MLP d’où elle vient et qu’elle garde une certaine affection pour son père (certains s’arrêtent là). Pour autant, cela peut aider à comprendre son parcours et sa pensée. De même, je ne peux lui reprocher d’être une riche héritière et derrière de faire l’impasse sur la réflexion en apposant une étiquette "infréquentable" sur le parti. C’est pourtant, encore une fois, ce que certains font à gauche… peut-être sont-ils restés à l’ancien régime où nous étions encore déterminés sociologiquement et qu’un riche ne pouvait défendre un pauvre ? Ils ont du notamment sauter l’histoire de la IIIème république…
Je me retrouve donc avec les idées, simplement. Que je m’efforce de juger tant bien que mal de manière objective. Et là aussi, les idées, on a le droit d’en changer. Mais comme tu dis toi-même, il faut expliquer pourquoi. Un parti peut évoluer, changer de références. Mais quand on décide de reprendre un parti c’est qu’on adhère à ce qui fait son corpus idéologique à la base, sinon on va ailleurs en premier lieu. Je pars certes avec un à priori, mais je trouve ça déjà suspect.
Résumons: la fille de l’ancien dirigeant reprend le parti et organise un virage idéologique sans expliquer pourquoi les anciennes propositions sont caduques (dans l’intervalle, JMLP répondra à cette question, amusé, que le FN devait toujours dire l’inverse des pouvoirs en place). Mais en parallèle on a toujours la vieille garde qui traîne, le nom du parti n’est pas changé tout comme l’emblème qui rappelle celui du parti fasciste italien… Ajoutons une ou deux déclarations ambiguës, un bal à Vienne et on se retrouve devant un parti sans savoir si c’est du lard ou du cochon. Et j’ai des amis jacobins de gauche et de droite pour qui le voyage s’arrête déjà là, échaudés.
Revenons sur les idées et prenons un exemple concret: l’immigration. Je pense qu’il y a eu des progrès notables, notamment sur le fait qu’on cible moins par rapport à autrefois l’immigré en tant que personne qui vient piquer le travail des Français et plus l’immigration en tant que telle (qui pèse à la baisse sur les salaires, etc.). Mais en regardant bien, on retrouve toujours des notions essentialistes. A cet égard, la proposition qui vise à interdire la double nationalité (pourquoi pas, tu avais écris un billet là dessus d’ailleurs)… uniquement pour celles qui sont extra-européennes. Visiblement ce n’est pas le concept de nationalité qui pose problème mais l’origine. On pourrait extrapoler ici sur le mythe de l’Europe essentialiste et sa nation chère aux fédéralistes, je passe également sur les "combien de Merah parmi les immigrés" et autres outrances, etc. On trouve aussi de curieuses propositions comme "Suppression, dans le droit français, de la possibilité de régulariser des clandestins" ou encore "Les manifestations de clandestins ou de soutien aux clandestins seront interdites" qui m’ont laissé circonspects.
Passons aux les questions économiques si tu veux bien. En écoutant comme ça MLP, on a parfois l’impression d’écouter le chef d’un parti de gauche (!). C’est d’ailleurs ainsi que Zemmour parlait du FN ce matin sur Itélé: un parti passé à gauche. Mais sur le site internet, on retrouve une proposition pour mettre en place une règle d’or (= pas de déficit structurel sur un an), et tout un vocabulaire de "renouer avec l’esprit d’entreprise", "la culture de l’entrepreneur", "trop de charges sur les PME", "small business act", etc. et là on a l’impression de tomber dans de la droite libérale classique, voire avec certains accents réactionnaires de "petit capitalisme familial et régional à la papa" si cette expression a un quelconque sens ainsi exprimée.
Par ailleurs, on retrouve bien sûr entre une diatribe contre l’avortement et une pétition pour étourdir les bêtes lors des abattages rituels (sic) des textes comme "sauver la famille !" pour défendre les classes moyennes, des dénonciations du FDG porteurs d’une idéologie "qui a fait 40 millions de morts", etc.
D’une manière globale, le FN semble toujours hurler avec les loups, ce qui contribue encore au flou qui entoure le parti et qui fait qu’à chaque fois je n’arrive pas à éviter de me poser la question "mais que veulent-ils vraiment ?". Pendant la crise chypriote, le FN s’était indigné que les comptes bancaires chypriotes puissent être mis à contribution alors qu’ils ne s’agissaient que des plus fortunés qui avaient bien profité de l’économie de rente. Quand on a parlé de l’aciérie Mittal, bien évidemment le FN était pour la nationalisation du site alors qu’un îlot isolé dans cette industrie n’a pas de sens. Etc, etc. Toujours dans la réaction aux événements du côté des préjugés populaires sans forcément être cohérents. Ce qui m’amène au populisme et le langage anti-élites. Ce n’est pas le même que celui du FDG par exemple et son peuple-classe. Non, au FN c’est plutôt: "eux ne savent pas, vous vous savez" ce qui permet d’évacuer la pensée rationnelle pour laisser place à un discours tout fait qu’on fait passer derrière en flattant les préjugés.
Vous me direz que ce sont des exemples anodins, que les autres ne font pas mieux. C’est sans doute vrai. Mais quand un parti prétendu extrémiste fait un virage à 180° pour finalement reprendre à la fois des positions qui historiquement ont eu un succès auprès des classes populaires sans avoir la profondeur d’analyse ou l’expertise pour aller plus loin, ça laisse songeur sur les raisons d’un tel revirement. Oui, c’est sans preuves solides. Mais tout ça contribue à un grand malaise qui entoure le mouvement.
Je ne dis pas qu’il n’y a pas de progrès: les analyses sur le site sont très courtes, mais d’après ce que j’entend, sur l’euro ou les l’économie par exemple c’est plus solide par rapport à ne serait-ce que quelques mois (je me souviens d’un débat Mélenchon-Le Pen sur BFM…). Mais voilà, c’est peut-être de la de la bienpensance, de la mauvaise foi, de la paranoïa, de la malhonnêteté je n’en sais rien, mais je trouve qu’il y a encore trop de flou et d’éléments qui me gênent pour franchir le rubicon.
[J’ai presque honte quand je vois combien de temps ça fait que je n’ai pas pris le temps de commenter un article ici ! Et pourtant je profite de tous ces riches débats… allez, un petit effort, il est temps de reprendre la plume.]
Comme toujours, vous êtes le bienvenu. Vos lumières nous manquent…
[Bon, j’imagine que quand tu as appuyé sur "Entrée" à la fin de ton article, tu as su tout de suite que tu n’allais pas te faire des amis. Je reconnais attendre avec malice tes futurs débats avec (peut-être) des gens venus du PG à ce sujet… ça risque d’être… intéressant.]
C’est le but. Comme tu le sais, j’ai horreur du débat préfabriqué. Marre des blogs ou les gens se retrouvent pour communier ensemble dans leurs préjugés et crier d’une même voix « c’est un scandâââââle ». Cela ne sert à rien. Etre révolutionnaire, ce n’est pas porter le Che en tshirt. C’est examiner les questions nouvelles, celles que personne n’a envie de poser parce qu’elles conduisent à des dilemmes gênants. Lorsqu’on lit Crémieux-Brilhac, on découvre à quel point le fait de passer une alliance avec le PCF fut une question politique et morale majeure. Nous, qui avons une culture de gauche, tendons à oublier que la détestation qu’on éprouvait pour le PCF dans les millieux maurrassiens et catholiques dont De Gaulle et son entourage étaient issus était de même nature que celle que la gauche éprouve aujourd’hui pour le FN. Si De Gaulle fut révolutionnaire, c’est parce qu’il a osé poser la question que personne ne voulait traiter. Et cela lui fut amèrement reproché dans son camp, au point que certains à droite ne lui ont jamais pardonné. Et bien, il faut avoir aujourd’hui « à gauche » le courage de poser la même question. Comme De Gaulle, nous devons constater que « le peuple » – c’est-à-dire, les couches populaires dont la gauche est censée défendre les intérêts – est aujourd’hui chez le FN. Et comme on ne peut pas « dissoudre le peuple et en élire un autre », il faut bien faire de la politique partant de cette réalité.
J’ose espérer que mes lecteurs auront l’intelligence de comprendre qu’il ne s’agit pas ici d’encourager personne à prendre sa carte au FN ou à voter Le Pen. Je ne suis pas là pour donner des consignes à personne. Mon point, c’est que la dénonciation rituelle du FN ne peut tenir lieu d’une politique. On a essayé la tactique du combat frontal, et cela n’a pas marché. Il est donc temps d’essayer de réfléchir sur ce que le FN représente aujourd’hui et comment on fait de la politique en tenant compte de ce fait.
[Donc le FN, devient fréquentable et sa "fréquentabilité" se mesurera entre autres selon les cadres qui le rejoindront. D’accord.]
Ce n’est pas tout à fait ce que j’ai dit. D’abord, c’est quoi la « fréquentabilité » ? Le FN est toujours dans son ghetto. Le moindre intellectuel, le moindre politique qui se risquerait à assister à une réunion publique du FN – ou même qui serait suspecté de travailler pour lui en privé – sera rayé impitoyablement de la liste des personnes décentes, et aura droit à une tribune perfide de BHL dans « Le Monde ». Le problème, c’est que la « muraille de Chine » érigée par la bienpensance n’empêche pas les simples citoyens d’aller voir de ce côté-là.
Mon point était que le FN, qui a une dynamique de croissance forte, n’a pas le système de formation des cadres qui lui permet de l’accompagner. Et alors de deux choses l’une : ou bien le FN continue comme il l’a fait jusqu’à maintenant à utiliser comme cadres des activistes locaux peu formés et susceptibles de tous les dérapages avec les conséquences prévisibles, ou bien il génère un appel d’air pour attirer des cadres formés dans d’autres organisations. Et alors, la venue de ces cadres ne peut que changer encore plus le FN. Les récentes affaires qui ont vu des cadres syndicaux de la CGT ou des cadres du FdG rejoindre le FN avec la bénédiction de sa direction montrent que l’équipe Philippot est consciente du problème et cherche à déplacer les « activistes »…
[Mais des cadres de l’autre bord les rejoindront plus facilement s’il fait de bons résultats aux municipales ou aux européennes. Alors, on fait quoi en attendant ? On se bouche le nez et on vote FN ? Tu penses prendre ce parti là aux prochaines élections ? C’est bien sûr ton droit le plus strict. Pour ma part, j’ai un peu de mal encore avec ça.]
Je n’en suis pas à « prendre » quoi que ce soit. Je ne fais que lancer une réflexion. De toute manière, je crains que pour voter aux élections européennes de 2014 il faille se boucher le nez – et les oreilles – pour choisir son candidat. Quelles sont les alternatives ? Voter pour les candidats de l’Euro et de l’Europe socio-libérale ? Pour des groupuscules qui n’ont aucun poids ? Comme disait mongénéral, on ne fait de la politique que sur les réalités.
[Je me retrouve donc avec les idées, simplement. Que je m’efforce de juger tant bien que mal de manière objective. Et là aussi, les idées, on a le droit d’en changer. Mais comme tu dis toi-même, il faut expliquer pourquoi. Un parti peut évoluer, changer de références. Mais quand on décide de reprendre un parti c’est qu’on adhère à ce qui fait son corpus idéologique à la base, sinon on va ailleurs en premier lieu. Je pars certes avec un à priori, mais je trouve ça déjà suspect.]
Comme je l’ai dit ailleurs, je ne suis pas ici pour faire la pub du FN. Je partage tout à fait cette méfiance justifiée un passé dont le moins qu’on puisse dire c’est qu’il est très loin de ma vision du monde et de la politique. Pour revenir au parallèle gaullien, c’est la même méfiance que le PCF avait en 1943 pour ce général d’extrême droite, maurrassien et catholique, qui prétendait unifier les mouvements de résistance derrière lui. Que les dirigeants du PCF aient réussi à surmonter leur répugnance pour le personnage, c’est tout à leur honneur. La question est de savoir si la situation aujourd’hui justifie le même type de raisonnement… d’ailleurs la question se pose symétriquement : si demain des républicains « de gauche » proposaient à Marine Le Pen un accord limité au combat contre l’Euro et l’UE, accepterait-elle ? Le FN serait-il prêt, lui aussi, à surmonter sa détestation d’un certain nombre de valeurs et principes de gauche au nom du « commun combat » ?
[Résumons: la fille de l’ancien dirigeant reprend le parti et organise un virage idéologique sans expliquer pourquoi les anciennes propositions sont caduques (dans l’intervalle, JMLP répondra à cette question, amusé, que le FN devait toujours dire l’inverse des pouvoirs en place). Mais en parallèle on a toujours la vieille garde qui traîne, le nom du parti n’est pas changé tout comme l’emblème qui rappelle celui du parti fasciste italien…]
Cela tend plutôt à me rassurer. Il y a une vieille règle en politique : si vous entendez changer le fond, il est important de garder la forme pour rassurer. Si par contre vous ne voulez que donner l’illusion du changement, vous changez la forme et pas le fond. Si j’étais à la place de Philippot, je ferais de même : garder tout ce qui rassure et ne gêne pas (l’emblème, par exemple) pour ne pas donner du grain à moudre à mes adversaires dans l’appareil.
Mais votre question est pertinente, et je n’ai pas de réponse à apporter. Elle se résume en fait à une question simple : pourquoi MLP a-t-elle décidé un changement aussi radical dans le positionnement de son parti ? S’agit-il chez elle d’une conviction profonde que le vieux modèle est mort, ou simplement d’une adaptation électoraliste à un changement de génération qu’elle perçoit ? Pourquoi a-t-elle pris Florian Philippot, un homme dont le moins qu’on puisse dire est qu’il ne partage pas le passé du FN, pour l’aider à conduire ce changement ? Je ne connais pas assez bien le monde de l’extrême droite pour avoir une réponse à ces questions. Cependant, je pense qu’au fond elles n’ont pas beaucoup d’importance. Quelque soient les raisons, bonnes ou mauvaises, qui ont poussé MLP à changer les choses, le changement a eu lieu. Et c’est ce changement qui est intéressant.
[Ajoutons une ou deux déclarations ambiguës, un bal à Vienne et on se retrouve devant un parti sans savoir si c’est du lard ou du cochon. Et j’ai des amis jacobins de gauche et de droite pour qui le voyage s’arrête déjà là, échaudés.]
Il faudrait peut-être rappeler à ces amis qu’ils ont voté Mitterrand malgré ses amitiés avec Bousquet, ses liens avec l’OAS et ses commentaires sur le « lobby juif ». Et à lire les hommages au Grand Homme qu’on voit fleurir régulièrement, il ne semble pas que cela ait échaudé grand monde. Si l’on veut faire de la politique, il faut être prêt à accepter une part d’ombre. Il n’y a pas de saints dans ce bas monde…
[Revenons sur les idées et prenons un exemple concret: l’immigration. Je pense qu’il y a eu des progrès notables, notamment sur le fait qu’on cible moins par rapport à autrefois l’immigré en tant que personne qui vient piquer le travail des Français et plus l’immigration en tant que telle (qui pèse à la baisse sur les salaires, etc.). Mais en regardant bien, on retrouve toujours des notions essentialistes. A cet égard, la proposition qui vise à interdire la double nationalité (pourquoi pas, tu avais écris un billet là dessus d’ailleurs)… uniquement pour celles qui sont extra-européennes. Visiblement ce n’est pas le concept de nationalité qui pose problème mais l’origine.]
La question de l’immigration et de la nationalité est le domaine où la « nouvelle ligne » est la plus contradictoire. Je pense qu’il faut quand même signaler des progres considérable, du moins dans les textes « officiels ». Lorsqu’on lit dans le programme du FN que « L’assimilation, via l’école notamment, doit redevenir la règle » on se dit qu’on a fait un long chemin depuis la vision « ethniciste » d’un étranger qui par essence serait « inassimilable ». Mais il est vrai qu’à côté de ces avancées on voit revenir au trot, sinon au galop, un certain « naturel » frontiste aux relents nauséabonds, surtout dans les déclarations de certains « activistes ».
Pour ce qui concerne ton exemple, je pense que tu fais une erreur. Le projet du FN vise à interdire la double nationalité « en dehors des cas de double nationalité avec un autre pays de l’Union européenne » et non aux « extra-européens ». J’avoue être dérouté par la proposition, qui crée une différence purement administrative : ainsi la double nationalité serait autorisée avec l’Italie ou la Suède, par exemple, mais pas avec la Suisse ou la Norvège… j’ai du mal à voir dans une mesure aussi étrange un biais « essentialiste »…
[On trouve aussi de curieuses propositions comme "Suppression, dans le droit français, de la possibilité de régulariser des clandestins" ou encore "Les manifestations de clandestins ou de soutien aux clandestins seront interdites" qui m’ont laissé circonspects.]
Je peux être en désaccord, mais ce ne sont pas des mesures « infamantes ». La première mérite à mon avis examen : la possibilité de régularisation post-facto étant un incentif puissant à l’immigration clandestine. La seconde existe déjà dans notre code pénal, bien qu’elle ne soit pas en fait appliquée : l’apologie du délit est interdite.
[Passons aux les questions économiques si tu veux bien. En écoutant comme ça MLP, on a parfois l’impression d’écouter le chef d’un parti de gauche (!). C’est d’ailleurs ainsi que Zemmour parlait du FN ce matin sur Itélé: un parti passé à gauche. Mais sur le site internet, on retrouve une proposition pour mettre en place une règle d’or (= pas de déficit structurel sur un an), et tout un vocabulaire de "renouer avec l’esprit d’entreprise", "la culture de l’entrepreneur", "trop de charges sur les PME", "small business act", etc.]
Oui… on croirait entendre le PS, n’est ce pas ?
Bon, redevenons sérieux. Tu prêches un convaincu, bien entendu. Je n’ai jamais dit que le programme du FN me satisfaisait à 100%. Il y a dedans pas mal de choses qui, comme tu le dis, fleurent bon la « petite France » qui n’aime pas payer des impôts. Ce mélange dans le programme de mesures – surtout macroéconomiques – progressistes avec d’autres nettement réactionnaires montre d’ailleurs le désarroi programmatique du FN. « Le nouveau est en train de naître et l’ancien n’est pas encore mort ». D’où ma question aux progressistes en général : avons-nous des moyens d’aider ceux qui au FN essayent de tuer l’ancien ? Avons-nous intérêt à le faire ?
[Vous me direz que ce sont des exemples anodins, que les autres ne font pas mieux. C’est sans doute vrai.]
Mais c’est un très mauvais argument…non, je ne vous dirai pas pareille chose. La question pour moi est moins celle des programmes que celle de la sociologie. Aujourd’hui, le FN est en train de devenir le parti qui attire les couches populaires. A partir de ce constat, il ne reste aux progressistes que deux politiques possibles : soit on réfléchit aux moyens de lui reprendre cet électorat, soit on cherche à changer le FN lui-même. Or, je vois mal comment la première option pourrait s’articuler, dans un contexte où l’espace politique progressiste est dominé par les classes moyennes.
[Mais quand un parti prétendu extrémiste fait un virage à 180° pour finalement reprendre à la fois des positions qui historiquement ont eu un succès auprès des classes populaires sans avoir la profondeur d’analyse ou l’expertise pour aller plus loin, ça laisse songeur sur les raisons d’un tel revirement. Oui, c’est sans preuves solides. Mais tout ça contribue à un grand malaise qui entoure le mouvement. ]
Tout à fait. Mais une fois un certain point atteint, les « raisons » de ceux qui ont amorcé le mouvement cessent d’avoir de l’importance. Les hommes sont dépassés par les mouvements qu’ils ont initié. Peut-être que De Gaulle n’a intégré les communistes dans le CNR que pour accroître son pouvoir personnel et devenir incontournable aux yeux des anglo-américains. Mais le fait c’est qu’il l’a fait, et que cela a changé l’histoire pour les quarante années qui ont suivi. Je ne dis pas qu’il n’y ait pas « malaise ». Au contraire, c’est parce que j’éprouve ce « malaise » que j’ai lancé le sujet…
[ Mais voilà, c’est peut-être de la de la bienpensance, de la mauvaise foi, de la paranoïa, de la malhonnêteté je n’en sais rien, mais je trouve qu’il y a encore trop de flou et d’éléments qui me gênent pour franchir le rubicon.]
Etre révolutionnaire, c’est accepter de penser l’impensable…
Bonjour Descartes,
Merci de m’avoir répondu. Je ne viens pas, bien sûr "apporter mes lumières", je n’en aurais pas la prétention, mais tout juste essayer d’apporter ma petite pierre au débat… car comme tu le dis si bien, cette question, nous nous la posons toute. Et je mentirais si l’année prochaine j’étais sûr de mon vote. NDA est bien gentil mais faire 2% à chaque fois ne va pas changer la donne. Et à la fin, c’est ce qui compte…
[Lorsqu’on lit Crémieux-Brilhac, on découvre à quel point le fait de passer une alliance avec le PCF fut une question politique et morale majeure. ]
Je ne suis pas un expert cette période, et je devrais approfondir certainement, si on en est à réfléchir sur une sorte de "nouveau CNR" même si ça fait un peu pompeux dit comme ça.
Mais c’est drôle que tu parles de Crémieux-Brilhac alors que je suis en ce moment même plongé dans "les Français de l’An 40" dont ici (je crois) et ailleurs j’ai entendu beaucoup de bien (et je confirme). Beaucoup font souvent l’analogie entre notre période et les années 30. Ce n’est bien sûr pas directement comparable. Mais une chose l’est: on a beau réfléchir autant qu’on peut, le futur ne nous est pas connu. Et à la fin des années 30 comme maintenant et probablement dans chaque crise, impossible d’échapper au doute. Ce n’est que respectivement qu’on peut essayer de comprendre pourquoi ceux qui pensaient faire le bien se sont fourvoyés ou ont été clairvoyants. L’histoire nous dira si tous les "progressistes" qui sont allé faire de l’entrisme, mettre les mains dans le cambouis pour faire changer le FN ou tout simplement voter pour lui ont bien fait. Mais pour l’heure… je n’en sais rien… donc cette discussion ne peut pas faire de mal et ne peut qu’éclaircir les idées. C’est entendu que tu n’encourages pas à prendre une carte au FN, ce n’était pas le propos de mon message (désolé si tu as pris ça comme une accusation).
[la question se pose symétriquement : si demain des républicains « de gauche » proposaient à Marine Le Pen un accord limité au combat contre l’Euro et l’UE, accepterait-elle ? Le FN serait-il prêt, lui aussi, à surmonter sa détestation d’un certain nombre de valeurs et principes de gauche au nom du « commun combat » ?]
Je crois qu’aujourd’hui nous avons beaucoup de personnalités différentes qui se rêvent en nouveau de Gaulle, s’imaginant unifier la gauche et la droite derrière leur bannière (NDA, Asselineau…). Ca m’étonnerait beaucoup que Marine Le Pen décline la proposition. Et puis, n’est-ce pas l’idée du "Rassemblement Bleu Marine" ?
[Pour revenir au parallèle gaullien, c’est la même méfiance que le PCF avait en 1943 pour ce général d’extrême droite, maurrassien et catholique, qui prétendait unifier les mouvements de résistance derrière lui. Que les dirigeants du PCF aient réussi à surmonter leur répugnance pour le personnage, c’est tout à leur honneur. ]
Il y a tout de même une grosse différence. Le PCF n’a pas fait de l’entrisme dans le camp d’en face… travailler avec le FN dans le cadre d’un "accord limité au combat contre l’Euro et l’UE" comme tu dis, d’accord. Pour mutualiser les moyens en cas de référendum, ok.
Mais voter FN ou y entrer sans qu’il y ait quoi que ce soit en face pour contrebalancer, c’est une autre affaire. Car là il ne s’agit plus d’un rassemblement hétéroclite mettant de côté certaines divergences pour s’occuper des priorités où l’on converge…
[Si j’étais à la place de Philippot, je ferais de même : garder tout ce qui rassure et ne gêne pas (l’emblème, par exemple) pour ne pas donner du grain à moudre à mes adversaires dans l’appareil.]
Mais à un moment il faudra assumer le changement. D’autant plus que comme je le disais, tous ces petits symboles accumulés exercent une fonction d’épouvantail auprès de pas mal de monde. Si le parti grossit pour devenir ce nouveau parti populaire, autant s’en débarrasser pour de bon.
[S’agit-il chez elle d’une conviction profonde que le vieux modèle est mort, ou simplement d’une adaptation électoraliste à un changement de génération qu’elle perçoit ? ]
Voilà, cette question résume tout mon discours en une phrase. Pour le moment je suis très sceptique et je pense que la posture est électoraliste. Mais le débat a le mérite d’être ouvert, et je pense que dans les prochains mois qui vont s’annoncer électoraux le FN aura le loisir de me détromper… ou pas.
Mais je comprend ton propos qui met la sociologie attirée par le discours perçu au dessus du programme à l’instant t dans une vision de long terme. D’où la question: changer le parti ou reprendre l’électorat ?
Tu sembles considérer que la seconde option est inaccessible. Je n’en suis pas si sûr. A gauche, au fur et à mesure que les classes moyennes seront touchées, ça peut bouger. La gauche du PS peut-être ? Un Montebourg tiendrait bien le rôle si ça l’arrange électoralement… avec autour de lui les chevenementistes, et pourquoi pas le PG, etc. Je reconnais que ce n’est pas le plus évident ni le plus probable. En attendant, toute action militante pour des idées républicaines, jacobines, etc. se feront estampiller "faire le jeu du FN".
C’est d’ailleurs ce que m’a sorti un ami qui ne partage pas mes idées (il est au PS) mais qui comprend bien que je ne suis pas un extrémiste de droite. Pourtant il m’accuse de faire le jeu du FN en me disant "ton parti que tu souhaites n’existe pas, donc à chaque fois que tu milites pour la sortie de l’euro tu pousses les gens vers le seul parti qui en parle, donc le FN".
[Mais c’est drôle que tu parles de Crémieux-Brilhac alors que je suis en ce moment même plongé dans "les Français de l’An 40" dont ici (je crois) et ailleurs j’ai entendu beaucoup de bien (et je confirme).]
Un excellent bouquin que je conseille à tous ceux que la politique intéresse. Cela se lit comme un roman, mais c’est profusément documenté et permet de se sortir de la tête un certain nombre de préjugés.
[Mais une chose l’est: on a beau réfléchir autant qu’on peut, le futur ne nous est pas connu. Et à la fin des années 30 comme maintenant et probablement dans chaque crise, impossible d’échapper au doute. Ce n’est que respectivement qu’on peut essayer de comprendre pourquoi ceux qui pensaient faire le bien se sont fourvoyés ou ont été clairvoyants. L’histoire nous dira si tous les "progressistes" qui sont allé faire de l’entrisme, mettre les mains dans le cambouis pour faire changer le FN ou tout simplement voter pour lui ont bien fait.]
Tout à fait. L’une des difficultés de la vision « moralisante » de l’Histoire que nous transmet aujourd’hui l’establishment médiatique – mais aussi malheureusement l’école – est qu’on oublie que les gens qui ont fait à l’époque certains choix n’avaient pas l’information que nous avons aujourd’hui. Or, pour juger moralement un choix, il faut se remettre dans le contexte de ce qui était connu à l’époque.
[C’est entendu que tu n’encourages pas à prendre une carte au FN, ce n’était pas le propos de mon message (désolé si tu as pris ça comme une accusation).]
Je ne l’avais pas pris dans ce sens, je te rassure.
[Je crois qu’aujourd’hui nous avons beaucoup de personnalités différentes qui se rêvent en nouveau de Gaulle, s’imaginant unifier la gauche et la droite derrière leur bannière (NDA, Asselineau…). Ca m’étonnerait beaucoup que Marine Le Pen décline la proposition. Et puis, n’est-ce pas l’idée du "Rassemblement Bleu Marine" ?]
Non, je ne le crois pas. Le RBM pour le moment se réduit à une captation de tous ceux qui se reconnaissent dans la « nouvelle ligne » du FN. C’est plutôt une machine de guerre contre les « conservateurs » du FN qu’une proposition de rassemblement plus large. La question pour moi demeure : est-ce qu’aujourd’hui l’équipe MLP/Philippot se sent suffisamment forte pour rentrer dans un système d’alliances qui l’obligerait à mettre en sourdine un certain nombre de positions parmi les plus « réactionnaires » ?
[Il y a tout de même une grosse différence. Le PCF n’a pas fait de l’entrisme dans le camp d’en face… travailler avec le FN dans le cadre d’un "accord limité au combat contre l’Euro et l’UE" comme tu dis, d’accord. Pour mutualiser les moyens en cas de référendum, ok.]
Pour l’entrisme, ce n’est pas tout à fait vrai : le PCF avait placé dans l’entourage de De Gaulle certains « compagnons de route » (Emmanuel d’Astier est un des exemples le plus notables). Pour la question des « accords limités »… cela risque de ne pas être simple d’expliquer à la base du PCF un tel revirement après des années de diabolisation. Mais ce n’est pas impossible.
[Mais à un moment il faudra assumer le changement. D’autant plus que comme je le disais, tous ces petits symboles accumulés exercent une fonction d’épouvantail auprès de pas mal de monde. Si le parti grossit pour devenir ce nouveau parti populaire, autant s’en débarrasser pour de bon.]
Je ne crois pas que la « flamme » du FN épouvante aujourd’hui grand monde dans l’électorat populaire que le FN essaye de conquérir. On peut se permettre de changer les symboles quand on est sûr de sa victoire. Regarde combien de temps les « rénovateurs » du PCF ont mis pour éliminer la faucille et le marteau…
[Tu sembles considérer que la seconde option est inaccessible. Je n’en suis pas si sûr. A gauche, au fur et à mesure que les classes moyennes seront touchées, ça peut bouger.]
Oui, mais dans le mauvais sens. Plus les classes moyennes seront menacées, plus elles s’accrocheront à leurs privilèges et plus elles seront tentés de « jeter au crocodile » les autres. L’expérience du XXème siècle est que les classes moyennes ne sont « progressistes » que dans un contexte de croissance rapide. Dès que la tendance s’inverse, leur première réaction est de sacrifier les autres.
[C’est d’ailleurs ce que m’a sorti un ami qui ne partage pas mes idées (il est au PS) mais qui comprend bien que je ne suis pas un extrémiste de droite. Pourtant il m’accuse de faire le jeu du FN en me disant "ton parti que tu souhaites n’existe pas, donc à chaque fois que tu milites pour la sortie de l’euro tu pousses les gens vers le seul parti qui en parle, donc le FN".]
Difficile de trouver une meilleure illustration de mon propos. Ton ami arrive finalement à la même conclusion que moi : si l’on pense que la seule solution est la sortie de l’Euro, il n’y a pas d’alternative au FN…
Certes, Florian Philippot n’est pas « un nostalgique de l’OAS ou de Pétain. » (ni même de la Waffen SS comme certains membres fondateurs du FN). Affaire de génération. Il vient d’un autre horizon mais difficile d’affirmer contre toute évidence qu’il reste un « chevènementiste » pur sucre. Il a évolué et s’est intégré à ce parti qu’il honnissait autrefois. Jusqu’où ?
Une info :
http://droites-extremes.blog.lemonde.fr/2013/03/04/le-fn-recrute-le-redacteur-en-chef-de-novopress/
[mais difficile d’affirmer contre toute évidence qu’il reste un « chevènementiste » pur sucre.]
Pour le savoir, il faudrait discuter avec lui… et je n’ai pas ce privilège. En tout cas, l’article dont tu donnes la référence montre bien les conflits internes entre l’équipe Philippot et les "irréductibles" activistes, identitaires et autres. Malheureusement, très peu d’analystes s’occupent d’examiner ces conflits sérieusement… ce serait très intéressant pour avoir une idée des rapports de force internes et de l’évolution prévisible du FN.
Ce qu’il y a de drôle dans cette affaire c’est que l’aveuglement de la gauche vis-à-vis du FN on le retrouve aussi chez les alternatifs de droite. À commencer par DLR. Mon collègue Laurent Pinsolle, qui est porte-parole de DLR, n’a eu de cesse de voir l’évolution du FN que comme un trompe l’oeil. Il nous sort sans arrêt la théorie du plafond de verre qui à mon sens ne repose plus sur rien . Le fait est que comme à l’extrême gauche on désespère de voir le FN emporter les voix que l’on aurait dû s’approprier. Mais voilà, le FN est maintenant un vieux parti qui a une base installée et dont le nom est connu contrairement à des partis comme DLR ou le Front de Gauche. Il lui a suffi de modifier son discours et de pomper allègrement des idées venant de ces groupuscules pour finalement être le grand gagnant de la crise du néolibéralisme. Et l’on peut critiquer en disant que le FN était un parti libéral, anti-fonctionnaire et bas du front ce n’est pas ce que la masse de la population retiendra. La masse elle aimera le Dupont Aignan qui dit la vérité et qui est très sympathique, mais elle sera convaincue qu’en fait il n’aura à juste titre aucune chance de monter au pouvoir contrairement au FN. En fait je me demande si sans le vouloir tous les alternatifs présentant des solutions à la crise ne travaillent pas sans le savoir pour le FN. Le FN étant le seul parti à hypothétiquement pouvoir amener ces idées au pouvoir.
C’est bien le problème. Le FN a pour lui l’avantage de l’antériorité. Il a bataillé pendant presque trente ans pour arriver à se donner – à tort ou à raison, là n’est pas la question – l’image du parti anti-système. Il est donc dans une position idéale pour toucher les fruits de ce positionnement alors que le système est en crise. Les jacobins de gauche comme de droite ne peuvent pas faire comme si cette réalité n’existait pas. Même si l’opinion leur reconnaît le mérite d’avoir eu raison avant tous les autres (sur l’Euro, sur l’Europe, sur l’économie), ce n’est pas pour autant qu’elle votera pour eux. Les gens sont pragmatiques: ils ne votent pas pour celui qui a raison, mais pour celui qui peut peser sur les événements. Or, il est évident que le seul vote qui aujourd’hui fait peur aux installés est le vote FN. C’est donc le seul instrument de pression que l’électorat populaire a aujourd’hui. C’est triste mais c’est comme ça.
Le camp progressiste paye trente ans d’aveuglement de la gauche bienpensante dans ses rapports avec le FN. D’abord, il a cru que JMLP était un diable que Mitterrand pouvait faire sortir de sa boite pour emmerder la droite et remettre dans la boîte après. Ensuite, ils ont cru qu’on pouvait marginaliser le FN en mettant en place un "cordon sanitaire" autour de lui. Et finalement, la gauche bienpensante ne s’est pas rendue compte qu’à force d’affaiblir la représentation politique des couches populaires (notamment en tapant sur le PCF), on laissait une masse énorme disponible pour un parti populiste. Maintenant, il est trop tard pour verser des larmes. Nous avons en France un parti populiste hétérogène, contradictoire et en pleine mutation. Il faut faire avec.
Vous écrivez : »Si le nouveau discours attire vers le FN un public militant différent, ces nouveaux militants auront demain une influence sur la ligne politique de leur parti. Il faut une bonne dose d’inconscience pour penser qu’on peut changer le langage d’un parti sans changer aussi à terme sa nature profonde. Le FN est en train de changer, et ce changement pourrait bousculer dans les années qui viennent le spectre politique français. « je ne vais pas redire ce qu’on pu vous objecter les intervenants précédents, sur les multiples facettes du discours FN ; mais il me semble que vous êtes en train de faire un pari sur une base « rationnelle » , ce qui est de votre part une exigence tout a fait habituelle et parfaitement louable , mais que vous refusez de voir une autre réalité : c’est qu’en politique, si effectivement les éléments rationnels d’intérêt priment en temps normal et sur le moyen et long terme, en temps de crise l’irrationnel intervient , malheureusement, et l’histoire du 20è siècle est là pour nous le rappeler ; l’extrême droite s’est montrée parfaitement capable d’user d’un discours anticapitaliste pour prendre le pouvoir , et ensuite faire autre chose… quitte a liquider_ d’une façon ou d’une autre _les naïfs qui croyaient dur comme fer a ce discours ; vous balayez d’un revers la perspective d’une alliance du FN avec la droite dure de l’UMP : vous êtes bien sûr de vous. Cette perspective ne peut pas être écartée de façon aussi légère, et on peut aussi imaginer un « programme commun » sur les points d’accord : durcissement de la politique pénale, chasse au musulman, durcissement sur l’immigration…et agiornamento sur l’ultra libéralisme et l’europe .Je ne garderai d’être catégorique : je ne dispose pas d’une boule de cristal, mais vous non plus , et donc mon hypothèse vaut bien la votre ; au demeurant, ce que je trouve le plus curieux dans vos analyses actuelles, c’est la différence que je constate entre votre bienveillant optimisme sur l’évolution de FN et votre défiance a l’égard de l’UPR, qui, sur les questions de la sortie de l’europe , de l’Otan , sur le refus catégorique de rentrer dans ce qui ressemble peu ou prou a la théorie du choc des civilisations , et sur la volonté d’affirmer la mission d’universalité de la France , est sans la moindre ambiguïté ; ce qui n’est pas le cas du FN
[malheureusement, et l’histoire du 20è siècle est là pour nous le rappeler ; l’extrême droite s’est montrée parfaitement capable d’user d’un discours anticapitaliste pour prendre le pouvoir , et ensuite faire autre chose… quitte a liquider_ d’une façon ou d’une autre _les naïfs qui croyaient dur comme fer a ce discours ;]
C’est exact. Mais ce n’est pas seulement l’apanage de l’extrême droite: pensez-vous que ceux qui ont soutenu l’arrivée de Pol Pot au pouvoir l’auraient fait s’ils avaient su ce que ce pouvoir ferait une fois installé ?
Vous avez raison de rappeler que la politique est un jeu dangereux, et que les erreurs se payent cash. Mais vous avez tort, à mon avis, de croire que ce danger ne vient que de l’extrême droite. Ce n’est pas l’extrême droite qui a laissé s’installer la torture en Algérie: "ceux qui veulent l’indépendance de l’Algérie sont nos ennemis et doivent être combattus par tous les moyens". Ce n’est pas Le Pen qui a dit ça, c’est Mitterrand. La vigilance à laquelle vous appelez ne devrait donc pas être confinée au FN…
[vous balayez d’un revers la perspective d’une alliance du FN avec la droite dure de l’UMP : vous êtes bien sûr de vous. Cette perspective ne peut pas être écartée de façon aussi légère, et on peut aussi imaginer un « programme commun » sur les points d’accord : durcissement de la politique pénale, chasse au musulman, durcissement sur l’immigration…et agiornamento sur l’ultra libéralisme et l’europe .]
Imaginons le tableau. Cette alliance se fait, conquiert une majorité à l’assemblée nationale… et ensuite ? On durcit la politique pénale, on chasse l’immigré… et qu’est ce qui se passe après ? Croyez-vous qu’une telle politique pourrait améliorer la situation des couches populaires ? Et comment le FN expliquerait à son électorat qu’il est aussi impuissant que les autres partis du "système" à changer quoi que ce soit ?
Je n’écarte rien "à la légère". Je ne crois pas à ce scénario pour une raison très simple: je ne vois pas quel serait l’intérêt du FN à accepter une telle alliance, qui aurait pour effet immédiat de lui interdire la rhétorique "anti-système" et donc de lui attirer les foudres d’un électorat qui vote pour lui précisément parce qu’il est "seul contre tous".
[et donc mon hypothèse vaut bien la votre]
Non. Pour valoir quelque chose, il faudrait que vous étayez votre hypothèse en expliquant quel serait l’intérêt des uns et des autres à agir de la sorte. La politique est avant tout une question d’intérêt. Et si vous croyez que quelqu’un va sacrifier ses intérêts pour la satisfaction morale de faire voter une loi anti-immigration, vous vous trompez…
[ce que je trouve le plus curieux dans vos analyses actuelles, c’est la différence que je constate entre votre bienveillant optimisme sur l’évolution de FN et votre défiance a l’égard de l’UPR, qui, sur les questions de la sortie de l’europe , de l’Otan , sur le refus catégorique de rentrer dans ce qui ressemble peu ou prou a la théorie du choc des civilisations , et sur la volonté d’affirmer la mission d’universalité de la France , est sans la moindre ambiguïté ; ce qui n’est pas le cas du FN]
C’est qu’en politique il ne suffit pas d’avoir raison. Encore faut-il que les gens y croient. Le fait est que l’UPR, comme DLR, comme les chévenementistes, n’arrivent pas à dépasser le stade groupusculaire et à attirer l’électorat populaire. On ne voit pas le vote DLR – et encore moins le vote UPR – comme un vote pouvant exercer une véritable pression sur le système. Peut-être parce que ces organisations n’arrivent pas à dépasser le stade du "one-man-show" et devenir des véritables institutions. Je peux nommer sans hésiter une dizaine de dirigeants du FN, j’aurais du mal à nommer deux dirigeants de l’UPR…
Bonjour,
je reviens à Villeneuve sur Lot (j’avais posté un message précédemment, et j’ai lu votre réponse).
Il me semble qu’il ne faut pas "enterrer" trop vite les possibilités de JL Mélenchon.
Paradoxalement vous interprétez le résultat de Villeneuve un peu comme JL Mélenchon: c’est parce que le Front de gauche n’a pas été assez clair dans cette élection partielle pour critiquer la politique du PS qu’il n’a pas gagné de voix. Certes vous ajoutez le passé de compromission vis à vis du PS. Mais il est possible de changer cela, pas en un jour, mais progressivement.
Mais JL Mélenchon doit craindre qu’une orientation aussi radicale ne l’amène à devenir un nouveau NPA. Mais il a un talent (comme l’avait dans une certaine mesure Besancenot) qui doit lui permettre de surmonter l’obstacle.
Reste que l’on ne sait pas vraiment ce qu’il veut sur le fond, mais cela ne compte pas beaucoup électoralement (combien se sont fait élire sur une ligne, pour en appliquer une autre …)
Les élections européennes vont lui permettre de tester sa stratégie en vrai grandeur: Va-t-il dépasser son score présidentiel, déjà remarquable, et commencer à attirer significativement les couches populaires ?
nb: idem pour N Dupont Aignan: aura-t-il la persévérance de continuer ? l’élection européenne sera aussi un test pour lui.
[Il me semble qu’il ne faut pas "enterrer" trop vite les possibilités de JL Mélenchon.]
Vous voulez dire qu’il faut les enterrer en prenant son temps ? 😉
[Paradoxalement vous interprétez le résultat de Villeneuve un peu comme JL Mélenchon: c’est parce que le Front de gauche n’a pas été assez clair dans cette élection partielle pour critiquer la politique du PS qu’il n’a pas gagné de voix. Certes vous ajoutez le passé de compromission vis à vis du PS.]
Non. Je "n’ajoute" pas le passé de compromissions, j’en fais au contraire le pivot de mon argumentation. Et il ne s’agit pas du "passé" mais aussi du "présent". Ou du moins, d’un passé très récent… Et non, je ne pense pas que l’échec du FdG soit du à un "manque de clarté dans cette élection". Je pense que c’est du non pas à un "manque de clarté" mais à un positionnement du Front de Gauche qui suit toutes les lubies des classes moyennes au lieu de se concentrer sur les problèmes institutionnels, économiques et sociaux qui sont ceux qui préoccupent l’électorat populaire. La fameux "tract en arabe" est peut-être la plus parfaite des illustrations pour montrer à quel point les militants du FdG voient la réalité à travers les œillères des classes moyennes. Je suis moi même français par naturalisation, et je peux vous dire que si demain un parti politique m’adressait un tract rédigé dans ma langue maternelle, je me sentirais insulté. Ce serait me dire que tous mes efforts d’assimilation sont vains, que je reste une sorte de "français de seconde zone" incapable de débattre avec mes concitoyens dans la langue de la République. Seules les classes moyennes bienpensantes peuvent encore croire que les "victimes" sont contentes qu’on s’adresse à eux dans "leur" langue. Ce mépris diffus est au moins aussi détestable que le racisme ouvert de certains au FN.
Ce que j’ai voulu dire, c’est que le FdG n’est pas crédible dans sa critique du gouvernement socialiste dans la mesure où il se vante par ailleurs d’avoir été un contributeur indispensable à sa victoire. Ce n’est pas un problème de "clarté", mais de cohérence.
[Mais il est possible de changer cela, pas en un jour, mais progressivement.]
Je vois mal comment. Peut-être que la prochaine fois on appellera au désistement pour François Hollande à 50% seulement ? Soyons sérieux: l’obstacle ici est l’idée que la division "droite/gauche" veut encore dire quelque chose. Aussi longtemps qu’on se place dans un cadre où l’on vote Moscovici plutôt que Dupont-Aignan sous prétexte que l’un est "de droite" et l’autre "de gauche", on ne peut avoir un discours cohérent. Et réviser ce point fondamental, cela ne peut se faire "progressivement", surtout si l’on n’accepte jamais d’amorcer le débat.
[Les élections européennes vont lui permettre de tester sa stratégie en vrai grandeur: Va-t-il dépasser son score présidentiel, déjà remarquable, et commencer à attirer significativement les couches populaires ?]
C’est en tout cas très mal parti. Sauf à ignorer totalement les textes sortis du dernier congrès du PG, je vois mal dans la "ligne" ce qui pourrait aujourd’hui attirer "significativement" les couches populaires. La promesse d’une "Europe sociale" construite grâce à l’Euro, peut être ?
[La fameux "tract en arabe" est peut-être la plus parfaite des illustrations pour montrer à quel point les militants du FdG voient la réalité à travers les œillères des classes moyennes. Je suis moi même français par naturalisation, et je peux vous dire que si demain un parti politique m’adressait un tract rédigé dans ma langue maternelle, je me sentirais insulté. Ce serait me dire que tous mes efforts d’assimilation sont vains, que je reste une sorte de "français de seconde zone" incapable de débattre avec mes concitoyens dans la langue de la République. Seules les classes moyennes bienpensantes peuvent encore croire que les "victimes" sont contentes qu’on s’adresse à eux dans "leur" langue. Ce mépris diffus est au moins aussi détestable que le racisme ouvert de certains au FN].
Cher Descartes,
Un grand merci, et un grand bravo!!! Enfin!! Ca fait vraiment du bien de voir que bien des gens font le même constat que moi. C’est un sujet qui me touche énormément en tant que fils d’immigré, faisant parti de la classe moyenne. J’ai fait à plus d’une reprise l’expérience de cette morgue de gauche "du bien".
Donc, je ne suis pas fou: vous confirmez qu’il y a bien un racisme de gauche, bien-pensant, politically correct et la raison pour laquelle j’exècre profondément le PS et une grande partie de la gauche bobo. Pour moi, le racisme de gauche est au racisme ce que la discrimination positive est à la discrimination: une immonde tartuferie! Ca fait bien des années que je le pense, et je ne croyais mon père quand il le disait lorsque j’étais plus jeune.
D’ailleurs, vous l’allez pas assez loin car je pense que c’est bien le pire des racismes. C’est un racisme de bonne foi (et les erreurs de bonne foi sont les pires…), qui donne bonne conscience et par conséquent, incurable.
C’est d’ailleurs le même racisme qui a conduit une grande partie de la gauche, à l’exception notable du PCF, à être colonialiste et à justifier la colonisation comme le fit Jules Ferry à la fin du XIXe siècle. C’est le même racisme de gauche, mais version multi-culturaliste cette fois, qui conduit à excuser des gamins de banlieue détrousseurs de trains, au motif qu’ils ne sont pas responsables de leurs actes mais que c’est la faute notre société "raciste". Dans tous les cas de figures, la gauche bien-pensante (en fait, une grande partie de la gauche actuelle, y compris les trotskistes) ne croit finalement pas en l’égalité des races, et peut-être est-ce la vraie raison pour laquelle elle entend supprimer le mot "race" du dictionnaire.
Pour en revenir le "tract en arabe" est effectivement une vraie insulte s’il s’adresse à des électeurs FRANÇAIS, mais en plus il illustre une contradiction peu étonnante: le FdG milite pour que les étrangers résidents non-membres de l’UE puissent voter aux élections locales, au prétexte qu’ils participent à la vie de la cité. Or quelle est la meilleure preuve de participation à la politique que DE SAVOIR LIRE,ECRIRE ET PARLER FRANÇAIS? Pourquoi alors accorder le droit de vote à tout ceux qui ne font pas cet effort d’intégration? Pourquoi rédiger des tracts en langue arabe, preuve qu’on peut cumuler inculture (méconnaissance de l’histoire de France et des ex-colonie, sauf pour la repentance) et opportunisme?
Voilà qui démontre que sous couvert d’égalité, le FdG va créer une injustice de plus en donnant une prime à ceux qui en font le moins…
[Or quelle est la meilleure preuve de participation à la politique que DE SAVOIR LIRE,ECRIRE ET PARLER FRANÇAIS? Pourquoi alors accorder le droit de vote à tout ceux qui ne font pas cet effort d’intégration?]
Parce que, pour la "gauche radicale" – et avec des variantes pour la gauche en général – l’assimilation n’est pas un véritable objectif. L’appartenance à la République ne se construit plus sur l’idée d’une communauté de destin, de difficultés auxquelles nous ferions face ensemble – ce qui suppose qu’on puisse se parler et se comprendre – mais sur la base de "droits". Etre français, ce n’est pas partager un destin et donc des devoirs communs, c’est avoir des droits. On "intégrera" l’immigré en lui donnant des droits égaux. Le droit de vote, mais aussi, pourquoi pas, le droit de recevoir les documents électoraux dans "sa" langue, qui n’est pas celle de la République mais celle de sa communauté.
L’épisode de la candidate NPA voilée n’était pas, on le voit, un épisode isolé. C’est au contraire la conséquence logique d’une vision de la nationalité qui n’a plus rien à voir avec l’idée républicaine d’un partage de références communes.
Je reste dubitatif devant ta réponse à JMP (["on peut aussi imaginer un « programme commun » sur les points d’accord : durcissement de la politique pénale, chasse au musulman, durcissement sur l’immigration…et agiornamento sur l’ultra libéralisme et l’europe "]).
Tu écris :
["comment le FN expliquerait à son électorat qu’il est aussi impuissant que les autres partis du "système" à changer quoi que ce soit ? […]je ne vois pas quel serait l’intérêt du FN à accepter une telle alliance, qui aurait pour effet immédiat de lui interdire la rhétorique "anti-système" et donc de lui attirer les foudres d’un électorat qui vote pour lui précisément parce qu’il est "seul contre tous" […]. il faudrait que vous étayez votre hypothèse en expliquant quel serait l’intérêt des uns et des autres à agir de la sorte."]
Tu décris bien le problème que poserait une telle politique au FN, mais sans vouloir pousser l’analogie plus loin, quel était"l’intérêt" de Hitler à exterminer les Juifs ? Même si nous devons partir des "intérêts" pour comprendre une politique, il nous faut aussi analyser l’aveuglement…
Dans le jeu interne des dirigeants d’extrême-droite, la haine des immigrés est une référence forte, bien utile pour serrer les rangs ou créer de l’unanimité (tu écrivais quelque chose d’approchant à propos du logo du FN, qui prête moins à conséquence). Canaliser le ressentiment populaire contre les immigrés, en cas de ralliement à une politique néolibérale, constituerait un écran de fumée et éviterait peut-être au FN de perdre son électorat dans un tel scénario – C’est en tout cas un calcul possible, et qui s’appuie sur la propension des sociétés déstabilisées à chercher des victimes expiatoires.
Contrairement à toi, je crains que ce risque est considérable. Je souhaiterais sincèrement que l’hypothèque soit levée par une rupture symbolique du FN avec les fantômes racistes de son passé politique, qui justifierait la perspective politique que tu évoques. Mais ce n’est pas (encore ?) le cas…
[Tu décris bien le problème que poserait une telle politique au FN, mais sans vouloir pousser l’analogie plus loin, quel était"l’intérêt" de Hitler à exterminer les Juifs ? Même si nous devons partir des "intérêts" pour comprendre une politique, il nous faut aussi analyser l’aveuglement…]
Certainement. Mais ce genre d’aveuglement n’apparaît pas du jour au lendemain. Hitler était devenu antisémite dans sa jeunesse, et tout son parcours porte la marque de cette haine/crainte du juif. L’extermination n’a été que l’aboutissement de cette psychose. Le FN, lui, a toujours refusé l’alliance avec la droite classique. C’est une constante de son comportement. On voit mal pourquoi cela changerait alors qu’il n’y a pas intérêt.
[Dans le jeu interne des dirigeants d’extrême-droite, la haine des immigrés est une référence forte, bien utile pour serrer les rangs ou créer de l’unanimité (tu écrivais quelque chose d’approchant à propos du logo du FN, qui prête moins à conséquence). Canaliser le ressentiment populaire contre les immigrés, en cas de ralliement à une politique néolibérale, constituerait un écran de fumée et éviterait peut-être au FN de perdre son électorat dans un tel scénario – C’est en tout cas un calcul possible, et qui s’appuie sur la propension des sociétés déstabilisées à chercher des victimes expiatoires.]
Je ne vois pas très bien le raisonnement ici. Si la haine de l’immigré fait partie de la panoplie classique de l’extrême droite, c’est aussi le repoussoir traditionnel du centre droit. Une alliance UMP-FN qui se ferait sur la dénonciation de l’immigré comme bouc émissaire garantirait à l’UMP la défaite. C’est bien pour cela que je ne crois pas un instant à un accord entre l’UMP et le FN : les deux ont trop à perdre et trop peu à gagner.
[Contrairement à toi, je crains que ce risque est considérable. Je souhaiterais sincèrement que l’hypothèque soit levée par une rupture symbolique du FN avec les fantômes racistes de son passé politique, qui justifierait la perspective politique que tu évoques. Mais ce n’est pas (encore ?) le cas…]
Non. Mais la question que je pose est la suivante : qu’est ce que nous, progressistes, pouvons faire pour aider ceux qui à l’intérieur du FN cherchent à rompre avec les « vieux démons » dont vous parlez ? Pouvons nous nous désintéresser de ce qui se passe au sein de ce parti ? Dans les années 70 et 80, la droite a appuyé sans hésiter tous les « dissidents » qui, à l’intérieur du PCF, ont cherché à saboter la direction Marchais et transformer le PCF dans un parti social-démocrate. Et cela a marché : ils ont réussi à propulser au pouvoir le père UbHue. Pourquoi les progressistes de gauche ne pourraient pas utiliser la même stratégie pour changer le FN ?
attention, les copains, vous parlez d’un tract certes "en arabe", mais dont l’auteur était non pas le FDG mais le FN (ou du moins une émanation), à des fins de manipulation, cela a fait assez parler à l’époque !!!
Le FDG ne rédige pas ses tracts dans une autre langue que le français (*)…
Sur le fond (s’adresser aux minorités), je suis d’accord avec vous, mais à moins que l’on ne parle pas du même tract, cet exemple n’est pas bon. Au contraire, il montre le coté obscur du FN.
Si je me trompe, merci de me pardonner de de corriger.
(*) il a déjà assez de mal comme ça en français ! ;-))
On ne parle pas du même tract. Tu parles, je pense, d’un tract distribué à Hénin-Beaumont, dont l’origine n’est toujours pas exactement déterminé. Ici on parlait d’un tract distribué à Villeneuve-sur-Lot, et dont Mélenchon admet sur son blog qu’il a été tiré et distribué par les militants du PG.
C’est bien ce qu’il me semblait aussi…
Je suis assez d’accord avec Marencau, et je faisais un peu le même rêve que CVT… D’un autre côté, c’est vrai qu’à l’UMP les eurosceptiques ne sont quand même pas légion (Myard, et qui d’autre ?), et que par ailleurs ils ne sont certainement pas tous prêts à franchir le Rubicon.
Du côté de la "gauche", de toute façon, ça devient de plus en plus clair aux yeux des électeurs : on ne peut pas être de gauche et demeurer lié par des traités qui imposent au pays de mener une politique de droite. Et on ne pouvait pas non plus s’abstenir lors du vote sur la ratification – on ne pouvait que voter non. Alors soit le PG et le PCF inscrivent la sortie de l’UE à leur programme (ou au moins un référendum sur le sujet), soit le FN emporte la mise, et ça peut arriver très vite. Quant aux "socialistes", avec lesquels le FdG s’est en effet compromis (je partage totalement l’analyse de Descartes au sujet du désistement), ils se défendent d’une manière de plus en plus pitoyable : voir cette interview de la députée Estelle Grelier : "Le projet européen aujourd’hui mis en œuvre n’est pas notre projet européen". Voilà ce que cette citoyenne pense devoir dire aux électeurs pour les européennes… Dans le genre "carburant du Front National", c’est pas mal ça aussi… Ça va faire mal.
En ce qui me concerne, j’ai trop de désaccords sur le fond avec le FN, même dans sa version modernisée, pour être tenté par le bleu Marine, et je continue de penser que l’approche de l’UPR est pertinente. Faut reconnaître que les expériences électorales sont loin d’être concluantes, mais justement, si la "gauche" campe sur ses positions indéfendables, on peut imaginer que les électeurs de gauche rebutés par le Front finissent par affluer (en même temps, on attend toujours, faut bien le dire…).
Après, il y a la question des alliances. Et là, il est évident que le "purisme groupusculaire" de l’UPR (je reprends une expression de Malakine, et c’est le moment puisqu’il a fait il y a deux ans un raisonnement similaire à celui de Descartes, et d’ailleurs lui aussi vient du PCF…) va un peu trop loin. C’est plus une question de forme parce que sur le fond, encore une fois le principe me paraît bon. Asselineau a toujours dit qu’il était disposé à faire alliance sur la base programmatique suivante : sortie de l’UE, de l’euro et de l’OTAN + mise en veilleuse et/ou organisation de référendum pour tous les "sujets clivants" (immigration et nucléaire essentiellement). Je pense que c’est une bonne base. Toutefois il manque peut-être deux choses :
1- Préciser que l’alliance peut, et même, à ce stade, doit se faire dans une structure externe à l’UPR (mais aussi externe au Rassemblement Bleu Marine !) : de toute façon, vu l’attitude pas franchement confraternelle, et même peu courtoise (pour le moins), adoptée par Asselineau envers tous les autres souverainistes et eurosceptiques de droite (même ce brave Dupont-Aignan), il est maintenant exclu d’imaginer que ceux-ci acceptent une adhésion en bonne et due forme… (Il faut noter qu’Asselineau est beaucoup plus aimable avec Nikonoff, c’est heureux et cela peut indiquer aussi une volonté de recruter à gauche, ce qui rejoint l’idée que je suggérais plus haut ; reste à savoir si ça peut marcher.)
2- Solliciter un mandat court (2 ans maximum) pour mettre en œuvre exclusivement les trois sorties (UE/Euro/OTAN) et rien d’autre, avec élections générales à la fin, et en laissant peut-être de côté les référendums, qui de mon point de vue sont en soi une bonne idée, mais risquent d’alourdir (et de compromettre) le processus. En fait, selon moi, la seule solution envisageable est la suivante : poser le principe que pendant ce mandat court, on ne touche à rien d’autre : pas de changements dans la politique d’immigration, ni dans la politique énergétique, pas de constituante, pas de nationalisations ni de privatisations, pas de grande réforme fiscale, pas de (contre-)réforme sociétale, rien. On pose le principe du statu quo, du moratoire sur toutes les autres politiques, on restaure "juste" la souveraineté nationale et on s’engage à rendre les clés aux électeurs aussitôt après. Il me semble que c’était l’idée de départ à l’UPR, mais maintenant le parti trimballe un programme, intéressant par ailleurs, mais il faut le trimballer. Je pense que le principe du mandat court et du moratoire est le seul susceptible de reconstituer la majorité de 2005. Le nouveau CNR, c’est une belle idée, mais je pense qu’on aurait tort de faire un blocage là-dessus en cédant à une forme de mysticisme. L’UPR en a fait des tonnes sur ce thème, et d’abord dans son programme, on voit bien le résultat. Je me demande même s’il ne faut pas laisser de côté la sortie de l’OTAN, qui ne pose pas les mêmes problèmes de souveraineté. Ça n’empêchera pas, évidemment, de défendre cette idée par la suite, idem pour les nationalisations, etc..
La grande alliance que j’évoque, qu’on l’appelle CNR puis GPRF ou autrement, aurait évidemment besoin d’un dirigeant, et là encore celui-ci devrait venir de l’extérieur. Ni Asselineau, ni NDA, ni MLP ne pourraient ni ne devraient tenir ce rôle. Marie-France Garaud, par contre… Ou pourquoi pas, le Che. En tout cas, il serait sans doute utile qu’un de nos monuments historiques sorte du bois (c’est bien d’aller porter la bonne parole chez Taddéi, mais un peu court), renverse la table et siffle la fin de la récré (à une époque Malakine rêvait de voir Villepin dans ce rôle, depuis on n’a plus guère de nouvelles ni de Villepin ni de Malakine).
En bref, je pense qu’il faut rester simple et direct. On défend la démocratie. Il n’y a pas de démocratie sans souveraineté, pas de souveraineté sans Etat. Or il n’y a pas d’Etat européen. Il faut juste le constater. Partant de là, il faut se retirer des traités européens, qui restreignent la souveraineté de la France, et donc la démocratie en France. Le périmètre de la démocratie doit toujours coïncider avec celui de l’Etat, sinon il n’y a pas de démocratie. SI on veut faire une démocratie à l’échelle européenne (et si tant est que cela ait un sens), alors il faut faire en même temps un Etat européen. Or pour faire un Etat fédéral, il faut être plusieurs Etats décidés à se fédérer. En l’occurrence, il n’y a pas plusieurs Etats décidés à se fédérer, on en est même loin. Donc on arrête les frais et on se retire de ces traités européens limitant la souveraineté de la France.
Pour faire alliance entre souverainistes, il faut un choc de simplification. Encore une fois, c’était au départ la grande idée l’UPR, et son grand mérite de l’avoir mise sur la table, mais je crains que cette grande idée n’ait été grignotée progressivement, d’un côté par le travail programmatique, intéressant mais encombrant à cet égard, et de l’autre par les envolées mégalo-parano-pétomanes du président Asselineau (à qui je reconnais plein de qualités, une vraie loyauté, un grand courage, etc., mais qui une fâcheuse tendance à se prendre pour Pénélope).
Enfin, sur le FN lui-même, il me paraît évident (d’accord avec Descartes là aussi) que Philippot pèse plus lourd que la jeune écervelée, et que de toute façon Marine est clairement du côté de Philippot. Quant aux vieux débris pétainistes, ils exhalent encore une puanteur prégnante, mais ils ont déjà perdu beaucoup d’influence, et ils vont bien finir par clamser. Sur la "construction européenne", il faut être clair. Cette idée de référendum sur la sortie de l’UE est pour le moins intéressante, quoi qu’en dise Asselineau (dont les critiques sur l’ambiguïté du FN à propos de l’UE ne sont pas non plus sans fondement). Dommage que Mélenchon n’y ait pas pensé et n’y pense toujours pas… lui qui avait milité pour le non en 2005, et qui prétend être de gauche de chez de gauche. Plus généralement, il est dramatique de constater que de nombreux militants de gauche cèdent à l’intimidation intellectuelle : si vous parlez de sortie de l’UE, vous dites la même chose que le FN, et vous êtes un fasciste. Et si demain ils apprennent que Marine Le Pen fait caca assise, ils font essayer de faire debout ?
En matière d’économie, il est clair que le FN s’est éloigné de l’ultralibéralisme de Papa – sans l’abandonner totalement, comme le dit Marencau en commentaire. On peut quand même noter que du temps où le FN était reaganien, on ne venait pas reprocher aux gaullistes défroqués du RPR de "tenir le même discours que le Front National"… Marine Le Pen ne reprend pas non plus à son compte les bondieuseries intégristes qui avaient cours au FN du temps de son père. Mais globalement, le parti reste sur des positions sociétales franchement réacs. Et sur l’immigration, je suis là encore plutôt d’accord avec Marencau : l’évolution est beaucoup moins nette… Alors je veux bien que Marine Le Pen ne mange pas d’enfants juifs (ou arabes, ou roms) au petit déjeûner, mais il faudra quand même une très, très longue cuiller pour dîner avec elle. Et cette très longue cuiller, ce pourrait être ce double principe de mandat court/moratoire que j’imaginais plus haut, avec aussi la nécessité d’une structure externe au FN et même au Rassemblement Bleu Marine, et un dirigeant venu de l’extérieur.
Une dernière chose : Jean Touchard réfute fermement l’idée selon laquelle de Gaulle aurait été "maurrassien". Je sais bien que c’est un vieux bouquin (Le Gaullisme, 1978), mais enfin l’auteur a des arguments à l’appui.
[Du côté de la "gauche", de toute façon, ça devient de plus en plus clair aux yeux des électeurs : on ne peut pas être de gauche et demeurer lié par des traités qui imposent au pays de mener une politique de droite.]
Mais si, mais si… je crois que tu sous-estimes l’élasticité du concept de « gauche ». Delors est de gauche, Rocard est de gauche, Moscovici est de gauche, Hollande est de gauche, Jouyet est de gauche, Kouchner est de gauche, Tapie est de… non, pas Tapie, il semblerait qu’il ait été excommunié.
[1- Préciser que l’alliance peut, et même, à ce stade, doit se faire dans une structure externe à l’UPR (mais aussi externe au Rassemblement Bleu Marine !) ]
Je ne vois pas très bien de quelle « structure » tu parles. S’il s’agit de constituer des listes communes, il est clair étant donnée la disproportion des poids électoraux, que ces listes, qu’on le veuille ou pas, porteront essentiellement la marque du FN. Je ne vois pas apparaître à l’horizon un « Front Jacobin » dans lequel chacun – est surtout le FN – pourrait accepter de se diluer. Je ne suis même pas ambitieux à ce point. Je trouve que l’établissement de rapports « normalisés » avec la possibilité de débattre ensemble d’un programme minimal (style programme du CNR) serait déjà un grand pas.
[de toute façon, vu l’attitude pas franchement confraternelle, et même peu courtoise (pour le moins), adoptée par Asselineau envers tous les autres souverainistes et eurosceptiques de droite (même ce brave Dupont-Aignan),]
C’est le problème des mouvements fortement personnalisés, et c’est ce qui m’a toujours rebuté dans l’UPR. Je n’ai pas envie de rejoindre une petite boutique où le tôlier défend son pré carré et préfère être la tête d’une souris plutôt que la queue d’un lion.
[(Il faut noter qu’Asselineau est beaucoup plus aimable avec Nikonoff, c’est heureux et cela peut indiquer aussi une volonté de recruter à gauche, ce qui rejoint l’idée que je suggérais plus haut ; reste à savoir si ça peut marcher.)]
Pitié ! Pas Nikonoff ! Dans le genre girouette…
[2- Solliciter un mandat court (2 ans maximum) pour mettre en œuvre exclusivement les trois sorties (UE/Euro/OTAN) et rien d’autre, avec élections générales à la fin, et en laissant peut-être de côté les référendums, qui de mon point de vue sont en soi une bonne idée, mais risquent d’alourdir (et de compromettre) le processus.]
Il faut être cohérent. Croire qu’on peut négocier ces sorties en deux ans, c’est se bercer de douces illusions. Même si l’on sort le jour suivant l’élection, il faudra une main de fer pour conduire le pays dans la tempête qui s’en suivra. Dire « on sort de l’UE/Euro/Otan et ensuite on lâche les manettes », c’est peu sérieux.
[La grande alliance que j’évoque, qu’on l’appelle CNR puis GPRF ou autrement, aurait évidemment besoin d’un dirigeant, et là encore celui-ci devrait venir de l’extérieur. Ni Asselineau, ni NDA, ni MLP ne pourraient ni ne devraient tenir ce rôle. Marie-France Garaud, par contre… Ou pourquoi pas, le Che.]
Parce qu’ils sont trop vieux. Et que la vieillesse est un naufrage…
[Dommage que Mélenchon n’y ait pas pensé et n’y pense toujours pas… lui qui avait milité pour le non en 2005, et qui prétend être de gauche de chez de gauche. Plus généralement, il est dramatique de constater que de nombreux militants de gauche cèdent à l’intimidation intellectuelle : si vous parlez de sortie de l’UE, vous dites la même chose que le FN, et vous êtes un fasciste.]
Il y a ça… mais il y a surtout le fait que chaque parti est prisonnier de son électorat. Mélenchon écume l’électorat extrême gauche/classes moyennes. Et cet électorat a beaucoup tiré profit de l’UE, et ne voit aucune raison d’en sortir. A supposer – ce qui est téméraire – que Mélenchon pense différemment, on ne peut décemment pas lui demander d’affronter son propre électorat…
[Une dernière chose : Jean Touchard réfute fermement l’idée selon laquelle de Gaulle aurait été "maurrassien". Je sais bien que c’est un vieux bouquin (Le Gaullisme, 1978), mais enfin l’auteur a des arguments à l’appui.]
Que De Gaulle fut maurrassien dans sa jeunesse me semble incontestable. Qu’il le fut encore à la fin des années 1930, cela a donné lieu à d’innombrables controverses. Je crains que Touchard ne se laisse aller au penchant de vouloir limer toutes les aspérités d’un héros qui en avait pourtant beaucoup… mais la chose n’a pas d’importance. Si le terme « maurrassien » vous déplaît, remplacez le par « violemment anticommuniste », cela suffira pour ma démonstration.
La tempête qui s’ensuivra… On n’est pas déjà dans la tempête ? On ne peut pas imaginer au contraire qu’elle se calmerait ? Il me semble que justement l’un des enjeux pour les souverainistes est de réfuter l’idée selon laquelle on serait plongé en pleine tempête – comme nous l’annoncent tous les bonzes des "grands" partis et des "grands" médias. Et puis deux ans de négociations, ça me paraît bien suffisant (a fortiori si on laisse de côté la question de l’OTAN). J’ai même tendance à croire que c’est beaucoup… Je peux me tromper…
Une chose dont je suis sûr, par contre, c’est que le GPRF a lâché les manettes au bout de deux ans, et de Gaulle au bout d’un an et demi. A l’époque, la mer était passablement agitée aussi.
[Il me semble que justement l’un des enjeux pour les souverainistes est de réfuter l’idée selon laquelle on serait plongé en pleine tempête – comme nous l’annoncent tous les bonzes des "grands" partis et des "grands" médias.]
Je ne le crois pas. Au contraire, parler le langage de "vous en faites pas, y aura pas de problème" n’est ni vrai, ni surtout crédible. Il ne faut pas prendre les citoyens pour des débiles: les gens savent fort bien que la sortie de l’UE et de l’Euro sera douloureuse. Que s’embarquer dans cette direction implique une rupture avec les habitudes. L’enjeu pour les souverainistes est d’abord la crédibilité: il faut dire au peuple la vérité, et leur montrer que même si cette sortie est douloureuse, elle le sera bien moins que l’avenir prévisible dans l’UE et dans l’Euro.
[Et puis deux ans de négociations, ça me paraît bien suffisant (a fortiori si on laisse de côté la question de l’OTAN). J’ai même tendance à croire que c’est beaucoup… Je peux me tromper…]
Lorsque j’avais écrit "négocier", c’était dans le sens de "négocier un virage", et non dans le sens d’une négociation. Bien entendu, une fois la décision politique prise on peut trouver les arrangements techniques en quelques mois. Mais ensuite vient un temps compliqué, puisqu’il s’agira de sortir des sentiers battus, de rompre avec les habitudes politico-administratives qui se sont installées pendant trois décennies de construction européenne. Qui aujourd’hui, à Bercy comme à la Banque de France, a les réflexes pour piloter une politique monétaire indépendante ? Pour faire ça bien, il faudra recréer des compétences. Et cela prendra du temps.
Paradoxalement, c’était plus facile en 1945. L’administration avait continué à fonctionner pendant la période de Vichy, et la coupure avait duré cinq ans seulement…
Comme pour illustrer vos propos, cher Descartes, je suis tombé sur cet article du site de l’UPR. Je croyais que c’était anodin, mais c’est pour moi l’un des plus pertinents à ce jour rédigé par François Asselineau. Ca commence de manière légère, mais je crois que vous connaissant, vous vous y retrouverez:
http://www.upr.fr/actualite/france/lapsus-bourdes-gaffes-et-couacs-les-symptomes-de-gouvernants-qui-ne-dirigent-plus-rien
C’est dire s’il y a du travail pour retrouver un Etat impartial et efficace! L’une des explications que j’ai entendues, et corrigez-moi si je me trompe, c’est que depuis quelques temps déjà, on a changé de culture l’Etat: on est passé d’un système où les administrations restaient et les chefs de cabinet bougeaient lors de chaque alternance, à une culture proche du "spoil system" à l’américaine, où pratiquement tout le cabinet est changé à chaque alternance. Les conséquences semblent être évidentes: perte de savoir-faire, d’expérience, d’historique et surtout, plus grave, fin de l’impartialité des décisions dû au caractère politique des nominations. Bien sûr, les nominations dans des cabinets ministériels sont éminemment politiques, mais il paraît que la tendance s’est aggravée sous Sarkozy et Hollande. J’imagine que cela reflète le manque de culture institutionnelle de nos deux derniers présidents de la République…
Malgré tout ça, ce qui me rend relativement optimiste, c’est que la France a toujours été réputée pendant des siècles (depuis au moins Colbert…) pour son organisation et son administration de l’Etat: il suffirait de renouer avec nos traditions, et même si ça ne se fera pas du jour au lendemain, c’est encore possible! On pourrait également faire appel aux anciens commis d’Etat qui ont connu le temps où le pays savait s’administrer: ils seraient d’une aide précise pour faire sentir aux fonctionnaires d’Etat actuels ce que gouverner une nation souveraine veut dire. En clair, ces mentors pourraient aider leurs successeurs à désapprendre à demander à Bruxelles l’autorisation de se lever pour aller aux toilettes…
[Comme pour illustrer vos propos, cher Descartes, je suis tombé sur cet article du site de l’UPR. Je croyais que c’était anodin, mais c’est pour moi l’un des plus pertinents à ce jour rédigé par François Asselineau.]
Un article d’Asselineau sur le site de l’UPR ? Je ne peux le croire…
[Ca commence de manière légère, mais je crois que vous connaissant, vous vous y retrouverez: http://www.upr.fr/actualite/france/lapsus-bourdes-gaffes-et-couacs-les-symptomes-de-gouvernants-qui-ne-dirigent-plus-rien%5D
Je n’ai qu’un mot à dire: Ex-cel-lent ! Ayant fréquenté un peu les cabinets ministériels, je ne peux qu’abonder dans son sens. Les ministres dont personne n’entendait parler mais qui faisaient leur boulot (au hazard, qui se souvient de Pierre Guillaumat ?) c’est fini, maintenant l’important est de se faire voir. Et encore, Asselineau n’a pas parlé d’un vice encore plus terrifiant, celui qui consiste à annoncer la même mesure ou dépenser le même crédit plusieurs fois de suite devant les journalistes… ce que dans les cabinets on appelle "recyclage"…
[L’une des explications que j’ai entendues, et corrigez-moi si je me trompe, c’est que depuis quelques temps déjà, on a changé de culture l’Etat: on est passé d’un système où les administrations restaient et les chefs de cabinet bougeaient lors de chaque alternance, à une culture proche du "spoil system" à l’américaine, où pratiquement tout le cabinet est changé à chaque alternance.]
Je ne pense pas que ce soit le cas. Depuis des temps immémoriaux, il y avait une tension entre deux pôles: le cabinet, dont la loyauté va au ministre, et l’administration et ses hauts fonctionnaires (Directeurs, Préfets…) dont la loyauté va à l’Etat. Les uns passent avec les ministres, les autres restent toute leur carrière. Cela reste très largement vrai. Le problème, c’est surtout que les ministres arrivent sans véritable projet et que leurs "conseillers" de cabinet n’ont de conseillers que le nom: ce sont souvent des gens très jeunes, sans véritable expérience de la vie, et qui obéissent au doigt et à l’œil et vivent dans la terreur de déplaire au ministre. Le conseiller qui pouvait vraiment jouer un rôle de "conseil" et dire ses quatre vérités au ministre quand celui-ci était sur le point de faire une bêtise est une espèce en voie de disparition.
Je pense qu’Asselineau voit juste: le problème est surtout que les ministres n’ont pas envie de gouverner. Pour eux, "gouverner est un pénible devoir entre deux élections". Pas une question de nominations ou de cabinets.
[Bien sûr, les nominations dans des cabinets ministériels sont éminemment politiques, mais il paraît que la tendance s’est aggravée sous Sarkozy et Hollande.]
A ce que je connais, pas vraiment. Et les directeurs d’administration centrale restent dans leur grande majorité des véritables serviteurs de l’Etat. Et les nominations étaient moins "politisées" sous Sarkozy qu’elles ne l’étaient sous Chirac, par exemple.
[Malgré tout ça, ce qui me rend relativement optimiste, c’est que la France a toujours été réputée pendant des siècles (depuis au moins Colbert…) pour son organisation et son administration de l’Etat: il suffirait de renouer avec nos traditions, et même si ça ne se fera pas du jour au lendemain, c’est encore possible!]
De ce point, le grand danger est la "banalisation" du métier de fonctionnaire. Les hauts fonctionnaires sont relativement mal payés, si l’on compare avec les postes qui s’ouvrent à eux dans le privé. Si au prétexte "d’Etat modeste" on les prive des éléments symboliques (la reconnaissance sociale, le fait de travailler dans un bâtiment historique, pourvoir disposer d’une voiture quelquefois avec chauffeur…) et qu’en plus on prive les administrations de tout pouvoir soit en les transférant à Bruxelles, soit en leur coupant les moyens, les meilleurs éléments finiront par aller travailler dans le privé. Cette tendance au "pantouflage" est extrêmement dissolvente pour notre fonction publique.
[On pourrait également faire appel aux anciens commis d’Etat qui ont connu le temps où le pays savait s’administrer: ils seraient d’une aide précise pour faire sentir aux fonctionnaires d’Etat actuels ce que gouverner une nation souveraine veut dire.]
Certains font toujours cours à l’ENA et essayent de maintenir la flamme… j’en connais, ce sont des gens exceptionnels. Je pense par exemple à Marcel Boiteux…
[En clair, ces mentors pourraient aider leurs successeurs à désapprendre à demander à Bruxelles l’autorisation de se lever pour aller aux toilettes…]
Les fonctionnaires appliquent les lois votées par les représentants du peuple. Si la loi dit qu’il faut demander à Bruxelles l’autorisation d’aller aux toilettes, alors les fonctionnaires doivent le faire. C’est aux élus de rejeter les lois absurdes, pas aux fonctionnaires de les saboter.
L’article de Descartes est passionnant -et les échanges ne sont pas inintéressants.
Il est donc difficile de réagir à tout ce qui est écrit. Je vais juste poser quelques remarques et interrogations en vrac et à partir de citations:
[" l’obstacle ici est l’idée que la division "droite/gauche" veut encore dire quelque chose. Aussi longtemps qu’on se place dans un cadre où l’on vote Moscovici plutôt que Dupont-Aignan sous prétexte que l’un est "de droite" et l’autre "de gauche", on ne peut avoir un discours cohérent".]
C’est un premier point fondamental.
Un deuxième point capital lui est lié: les politiques et les medias encore plus ont exploité (par exemple à la Présidentielle de 2012 contre Dupont-Aignan) les redoutables mécanismes "automatiques" des cerveaux humains, je veux parler du mimétisme -qui ne joue jamais autant que lorsque les gens croient "penser" librement ("je suis pas con, moi, je pense et je vote utile, donc pas NDA -même si je trouve qu’il dit des choses fort pertinentes – puisque les sondages le situent à 2%") alors que leur "pensée" leur est habilement dictée par divers canaux (sondages à répétition et leur instrumentalisation maximum par les pseudo "outils d’information" que sont les grands mass media).
On me dira que les media n’empêchent pas le FN de monter. Justement, l’instrumentalisation du FN est le meilleur garant de la survie du système. Car, et là je ne suis pas d’accord avec beaucoup:
Je pense que le "plafond de verre" est solide et qu’en aucun cas, le FN ne risque d’accéder au pouvoir par les urnes.
( j’ai perdu les autres citations que je voulais commenter, tant pis pour aujourd’hui !)
[l’instrumentalisation du FN est le meilleur garant de la survie du système. Car, et là je ne suis pas d’accord avec beaucoup: Je pense que le "plafond de verre" est solide et qu’en aucun cas, le FN ne risque d’accéder au pouvoir par les urnes.]
Je réponds déjà à celui là: je pense que tu n’as qu’en partie raison. Jusqu’ici, l’instrumentalisation du FN a certainement été fort utile à la survie du système. Mais cela pourrait ne plus marcher à partir du moment où le FN assume la représentation des couches populaires. Le FN tel qu’il est ne peut pas crever le plafond de verre, ne serait-ce que parce qu’il n’a pas de cadres qui rendent l’hypothèse d’un gouvernement FN plausible. Les français ne sont pas des imbéciles et savent parfaitement combien il est important pour eux que les institutions fonctionnent: ils ne confieront jamais le pouvoir à un parti qu’ils ne croient pas capable de l’exercer.
Maintenant, si le pari de Philippot réussit, si le FN arrive à se doter de cadres qui ne soient pas des excités paranoïaques mais des véritables cadres politiques, le plafond de verre pourrait exploser. Pas au plan national, bien entendu. Cela commencera par les municipalités. Si le FN gagne une municipalité avec une tête de liste qui soit capable de la diriger six ans sans nommer ses copains, sans piquer dans la caisse, sans provocation inutile… alors l’option du pouvoir deviendra viable.
Je ne dis pas que ce soit gagné ou perdu. Je dis qu’il faut se poser la question: avons nous intérêt à ce qu’apparaisse une représentation politique des couches populaires sur les décombres du FN "ancien" (ce qui suppose qu’il conserve au moins quelques éléments de son passé) ou avons nous au contraire intérêt à ce que ce projet échoue avec le risque de perpétuer le "bipartisme apparent" avec le risque que cet électorat reste disponible pour toutes les aventures ?
Il ressort de tout ce qui précède une incontournable évidence: le combat contre le machin de Bruxelles et ses valets européistes nationaux, préalable à tout, ne peut aboutir en France sans le concours, au moins ponctuel et/ou temporaire, du F.N… A défaut, les jeux sont faits.
Vous brûlez les étapes. Le combat contre le "machin de Bruxelles" ne peut aboutir que s’il est soutenu par une base sociologique suffisante. Or, dans le contexte actuel les seules couches sociales qui ont intérêt à ce combat sont les couches populaires, parce que ce sont elles les grandes perdantes dans la globalisation libérale et l’affaiblissement de l’Etat garant de la solidarité collective.
Aujourd’hui, pour des raisons historiques, ces couches n’ont pas d’autre représentation politique que le FN. D’où le dilemme que j’ai posé dans mon papier: pour faire aboutir le combat contre le "machin de Bruxelles", il faut aux progressistes soit reconquérir cette base, soit passer un accord sous une forme où une autre avec le mouvement politique qui, aujourd’hui, est devenu leur porte-voix.
C’est pourquoi je fais référence à un processus similaire, celui de la constitution du gaullo-communisme. De Gaulle était trop intelligent pour ne pas comprendre que pour peser devant les anglo-américains, il lui fallait avoir derrière lui l’ensemble de la société française, et que pour avoir l’appui de la classe ouvrière il lui fallait passer par le PCF. On peut imaginer ce qu’un tel accord a pu signifier pour ce militaire anticommuniste et son entourage… ce devait être presque aussi difficile que pour un Mélenchon aller dîner avec Marine Le Pen. Et pourtant, De Gaulle s’y est résolu. Et ce fut lui qui fit ce que même le Front Populaire n’avait pas osé: nommer des ministres communistes. Non pas parce qu’il craignait les FTP, comme l’ont prétendu certains partisans de la "lutte armée", mais parce qu’il avait besoin d’avoir avec lui la base sociologique du PCF pour pouvoir reconstruire le pays.
D’abord, je dois dire que ce blog est le seul, à ma connaissance, où l’animateur répond individuellement à CHAQUE commentateur; qu’il en soit chaleureusement remercié !
Quant à l’alliance CNR ou "gaullo-communiste" de 42-45 souvent évoquée, il faut bien voir qu’elle a été rendue possible par la convergence de conditions qu’on ne retrouve pas réunies dans la situation actuelle: vraie guerre mondiale, occupation militaire de la France, attaque de l’URSS par les nazis, notamment (l’alliance De Gaulle-PCF aurait-elle eu les mêmes chances de voir le jour si Hitler n’avait pas rompu le pacte germano-soviétique?). C’est pourquoi je reste pessimiste…pour le moment.
[D’abord, je dois dire que ce blog est le seul, à ma connaissance, où l’animateur répond individuellement à CHAQUE commentateur; qu’il en soit chaleureusement remercié !]
Cela fait partie de la "charte" de ce blog. Lorsque je l’ai commencé, je l’ai fait pour échapper à une frustration, celle de ne pas trouver dans les organisations politiques dont j’étais proche les opportunités d’un véritable débat. Je ne voulais pas un blog où les commentateurs se contentent de lire le papier et d’écrire leur opinion sans feedback. C’est pourquoi je réponds presque toujours.
Quant à ta remarque sur le contexte historique du "gaullo-communisme", je partage bien entendu ton point de vue. Un accord de ce type n’est possible que si la menace commune est suffisamment importante pour que les gens puissent dépasser leurs préjugés et leurs idées reçues d’une part, et pour que le jeu en vaille la chandelle d’autre part. La dissolution de la France dans une UE fédérale est elle une telle menace ? La question reste pour moi ouverte.
@ Descartes
"La dissolution de la France dans une UE fédérale est elle une telle menace ? La question reste pour moi ouverte."
Je pars en vacances, sans ordi. Je vous dis donc: A+
Cordialement
Pour moi aussi, mais je crains que pour une majorité de Français (pour le moment) la réponse soit Non.(application de l’histoire de la grenouille dans l’eau chaude mais pas bouillante).
Heureux homme qui part sans ordi… bonnes vacances quand même!
rebonjour Descartes ; vous écrivez en réponse a mon commentaire : »Vous avez raison de rappeler que la politique est un jeu dangereux, et que les erreurs se payent cash. Mais vous avez tort, à mon avis, de croire que ce danger ne vient que de l’extrême droite. » c’est fort bien vu, mais en quoi cela concerne mon commentaire ? Je ne vous ai jamais écrit quoi que ce soit en ce sens : vous plaidez pour une alliance avec le FN, je vous exprime ma méfiance sur l’extrème droite, et en aucun cas que cette méfiance est exclusive ; je suis de ceux qui ont servi de masse de manœuvre en 81 avant d’être cocufiés en 83 , donc de ce coté là je suis vacciné , et j’ai effectivement appris a me méfier de ceux qui après avoir été extrème droite pétainiste, adoptent un discours de défense des classes populaires pour arriver au pouvoir : c’est bien ce qui c’est passé non ? Quand Mitterand a pris le pouvoir, c’est bien avec les voix du PC , que je sache ? Et quand il a trahi ( « j’avais le choix entre le social et l’Europe, j’ai choisi l’Europe.. « en effet, on a vu) , le PC était encore puissant Là ou vous avez raison, c’est quand vous expliquez que cette trahison a été rendu possible parce que la majorité de l’électorat de Mitterand était constituée des classes moyennes , qui avaient un intérêt ( a court et moyen terme ) a la construction européenne et au lâchage des classes populaires ; reste qu’aujourd’hui, si effectivement une partie des classes populaires a rejoint l’électorat du FN, il me semble que pour l’essentiel elles ont surtout rejoint.. ; l’abstention . On peu donc légitimement se poser la question de savoir ce que serait la composition sociologique d’un FN à 40 ou 45% des voix : avez vous la certitude que la classe ouvrière y serait majoritaire ? Que cet électorat ne serait pas sociologiquement ( agriculteurs, petits entrepreneurs, artisans , petits commerçants …) sensible a un retour au poujadisme originel de papa Le Pen ?
Vous dites en somme : il faut mener le combat contre l’ultralibéralisme incarné par l’europe ; dans ce combat, celui qui a les plus gros biceps et le plus de troupes c’est le FN et même si on a toutes les bonnes raisons de se méfier compte tenu de passé sulfureux du fondateur , le réalisme impose de le rallier . Et les autres tenant du même combat ( DLR et UPR ) ne pèsent rien, donc laissez tomber ; je préfère une autre option : venir renforcer le »petit » , qui , avec toutes ses imperfections, est sans ambiguïtés dans son parcours contre bruxelles et le racisme . et l’UPR plutôt que DLR, parce qu’il me paraît plus clair, tout simplement (et je sais très bien ou je place DLR : a côté, pas en face) ; qu’il y faille la foi du charbonnier , peu importe : se battre pour faire émerger cette alternative claire a un FN incarnation unique du combat anti européiste me paraît essentiel ; et , c’est d’une certaine façon rejoindre votre analyse, je pense que plus cette alternative se renforcera , plus il sera difficile au FN de trahir .
[vous plaidez pour une alliance avec le FN, je vous exprime ma méfiance sur l’extrème droite,]
Vous allez bien vite en besogne. Dans ce genre de débat, il faut être précis si l’on ne veut pas tomber sous les coups des colleurs d’étiquette. Je ne « plaide » pour rien du tout. A ce stade, je me contente de poser quelques questions. Est-ce qu’il est possible aujourd’hui de combattre les socio-libéraux eurolâtres sans l’appui des couches populaires de l’électorat ? Est-il possible pour le camp progressiste de réconquérir cet éléctorat ? Ou faut-il au contraire admettre que cet électorat est représenté par le FN et se résigner à travailler avec lui, malgré son passé et certaines de ses idées ? Je note tout de même que cela s’est déjà fait : en 2005, le TCE a été battu par une « coalition » – même si elle était informelle – qui comprenait l’extrême droite. Auriez-vous été prêt à « refuser » ces voix au risque de voir le traité approuvé ? Moi, pas.
[Quand Mitterand a pris le pouvoir, c’est bien avec les voix du PC , que je sache ?]
Oui… et non. Une partie de la direction du PCF à l’époque avait fait son possible pour faire battre Mitterrand. Mais en dehors de quelques dirigeants, la direction du PCF a eu trop peur de voir le PCF se diviser. C’est le principal reproche qu’on peut faire à Marchais et les siens : à chaque situation, ils ont privilégié l’unité du PCF par rapport à toute autre considération. S’ils avaient osé défier les « réfondateurs », « rénovateurs » et autres engeances de la même sorte, l’histoire aurait été différente.
[On peu donc légitimement se poser la question de savoir ce que serait la composition sociologique d’un FN à 40 ou 45% des voix : avez vous la certitude que la classe ouvrière y serait majoritaire ? Que cet électorat ne serait pas sociologiquement ( agriculteurs, petits entrepreneurs, artisans , petits commerçants …) sensible a un retour au poujadisme originel de papa Le Pen ?]
Je n’en sais rien, et je n’ai aucune donnée pour répondre à cette question. La seule chose qu’on peut souligner, c’est que dans son « aggiornamento » le FN a mis à la poubelle un certain nombre de « valeurs » poujadistes. Je vous recommande par exemple la lecture de la « lettre aux fonctionnaires », qui fait un sort assez violent au discours « anti-état ».
[Vous dites en somme : il faut mener le combat contre l’ultralibéralisme incarné par l’europe ; dans ce combat, celui qui a les plus gros biceps et le plus de troupes c’est le FN et même si on a toutes les bonnes raisons de se méfier compte tenu de passé sulfureux du fondateur , le réalisme impose de le rallier.]
Encore une fois, je n’impose rien. Je pose simplement la question. Le champ progressiste peut-il aujourd’hui dans son combat contre le social-libéralisme européen se passer des « muscles » du FN ? Je le rappelle encore une fois : sans les voix du FN, l’Europe aurait aujourd’hui une constitution… Et ironie de l’histoire, c’est en partie grâce à Lutte Ouvrière et son appel à l’abstention que le traité de Maastricht fut ratifié. Ce rappel devrait nous encourager à poser ces questions ouvertement.
[Et les autres tenant du même combat ( DLR et UPR ) ne pèsent rien, donc laissez tomber ; je préfère une autre option : venir renforcer le »petit » , qui , avec toutes ses imperfections, est sans ambiguïtés dans son parcours contre bruxelles et le racisme . et l’UPR plutôt que DLR, parce qu’il me paraît plus clair, tout simplement (et je sais très bien ou je place DLR : a côté, pas en face) ;]
C’est une position très respectable. Mais personnellement, je ne vois pas DLR ou l’UPR se donner les moyens de conquérir l’électorat populaire. Or, je pense que laisser cet électorat dans la nature est éminemment dangereux. Aujourd’hui, cet électorat se sent représenté par le FN. Maintenant, que se passerait-il si la « rénovation » propulsée par la direction actuelle du FN échouait ? Cet électorat, cette masse de manœuvre se retrouverait dans les mains de « l’extrême droite de papa » avec les risques que cela comporte. C’est pourquoi je pense que l’intérêt des progressistes est de voir – et éventuellement d’aider – l’équipe dirigeante du FN à réussir sa « rénovation ».
DLR et l’UPR sont certainement plus reluisants que le FN. Seulement voilà, je ne pense pas que les couches populaires puissent attendre que ces groupuscules influencent le cours des choses. Si l’on ne trouve pas rapidement les moyens de proposer à ces couches une alternative crédible, ils iront la chercher ailleurs, chez des gens peut être bien plus dangereux que Marine Le Pen ou Florian Philippot.
Cher Descartes, vous imaginez bien que je bois du petit lait lorsque je lis votre article ainsi que vos commentaires. Sachez que je regrette sincèrement, désormais, de vous avoir qualifié un jour de "petit gauchiste boutonneux".
Faute avouée…
Je trouve assez révélateur qu’il n’y ait pas de cris d’orfraie dans les commentaires.
N’est ce pas ? Moi aussi, j’en suis étonné. J’avoue que j’avais formulé mon papier d’une manière assez provocante pour stimuler le débat. Je m’attendais à des réactions bien plus violentes. Je ne sais pas comment interpréter la mansuétude de mes lecteurs. J’en arrive à me demander si les idées que j’ai formulé tout haut ne sont finalement pas partagées par beaucoup de monde… et que seul le terrorisme intellectuel qui règne à gauche empêche de s’exprimer.
>J’en arrive à me demander si les idées que j’ai formulé tout haut ne sont finalement pas partagées par beaucoup de monde… et que seul le terrorisme intellectuel qui règne à gauche empêche de s’exprimer.<
Tu n’as pas idée… C’est parfois ridicule, comme quand un militant communiste prend la parole pour exprimer la nécessité de faire barrage au FN, puis au bistrot trois verres plus tard confie qu’il a voté FN. Et c’est loin d’être ma seule anecdote du genre.
Moi non plus. C’est un peu ce genre de témoignages – et j’en ai des dizaines – qui m’ont incité à écrire ce papier. Le terrorisme intellectuel ambiant sur cette question fait que le phénomène est dissimulé, invisible. Mais il existe. Dans les cités ouvrières, le vote FN n’est pas – plus – marginal. La gauche semble croire que lorsque le peuple ne pense pas comme il faudrait, on peut dissoudre le peuple et en élire un autre. Mais ce n’est pas le cas. Comme l’enseignait Lénine, l’action politique de masse doit partir du niveau de conscience des masses.
[La gauche semble croire que lorsque le peuple ne pense pas comme il faudrait, on peut dissoudre le peuple et en élire un autre]
Ah, ce bon vieux Bertold Brecht… En fait, bien des gens pense que c’est déjà ce qu’il se passe depuis mai 68! La gauche du bien (copyright E.Zemmour) a tourné le dos au peuple pour se tourner vers les minorités. Et afin d’accroître l’électorat, la gauche morale pousse désormais aux votes des étrangers aux élections locales. Ce qui ne trompe personne, car le but est bien l’abolition de la nationalité: d’une certaine manière, c’est une dissolution physique du peuple…
L’immigration permettra de substituer au mauvais peuple, le bon peuple des immigrés. Certaines bonnes âmes de gauche, journalistes, politologues, ont vu dans l’évolution démographique américaine, qui verra les "blancs" devenir minoritaires dans l’espace de quelques décennies, et qui condamnerait le parti républicain s’il restait sur les mêmes positions, une anticipation de notre situation à venir. Je crois que la gauche et la droite sont parvenus à changer de peuple, réellement et définitivement, seulement les espoirs qu’ils ont placé dans le peuple des banlieues risquent d’être déçus et de manière sans doute extrêmement désagréable. Il faut avouer qu’il y a là une manière de faire de la politique qui laisse pantois et qui ouvre la voie à toutes les violences, je suis curieux de voir la suite.
Pourquoi aller chercher une théorie du complot ? Je ne crois pas que "la droite et la gauche" n’ont pas cherché à changer le peuple. Leur faute, si faute il y a, est d’avoir satisfait l’égoïsme des classes moyennes et laissé se dégrader les mécanismes – l’école, l’emploi – qui ont permis à la France d’assimiler les vagues d’immigration précédentes.
Bonjour.
Votre article me rappelle la période allant de janvier à mai 2012 durant laquelle je me suis longtemps demandé si je n’allais pas voter pour le FN !
Etant noir et fils d’immigré, vous imaginez les tourments que cette décision m’ont causé.
Au final j’ai voté pour DLR car il était difficile pour moi d’assumer un tel choix. Il était encore trop tôt.
Et je savais en mon fort intérieur que ce parti n’avait pas les épaules assez solides idéologiquement et sur le plan organisationnel pour assumer le pouvoir.
Quand j’analyse la situation actuelle, je me dis que le PCF est mort et ne renaîtra jamais.
Je trouve que DLR et encore plus l’UPR sont encore trop groupusculaires pour pouvoir peser rapidement sur les événements.
J’estime que le MRC de Chevènement est trop groupusculaire et trop inféodé aux socialistes pour devenir un contrepoids à gauche.
Sur la question des motivations de Marin Le Pen, je suppute que la différence fondamentale entre elle et son père pouvant expliquer cette réorientation du parti est qu’elle veut le pouvoir et qu’elle croit qu’elle pourra y accéder un jour. Elle ne veut pas se contenter d’un rôle de trouble-fête.
Dans votre analyse, vous oubliez un élément dangereux pour le pays en cas de montée en puissance d’un parti anti-UE, anti-euro, pro-état et jacobin. C’est le fait que les classes moyennes sont prêtes à tout et donc à mettre le pays à feu et à sang pour protéger leurs prérogatives. On les a vu envoyer leurs enfants dans la rue en 68, en 84 ou en 95 contre le CPE. A l’époque – pas si lointaine – des manifestations en faveur ou contre le mariage homosexuel, je sentais déjà une odeur de guerre civile.
Il y a un point que j’aimerais soulever. Il faut faire très attention à ce mot de "gauche" ! Le communisme et Marx est clair sur ce point n’est pas un mouvement ou une idéologie de gauche. La gauche c’est Bastiat ou Guizot ou Rocard. La gauche originellement c’est le libéralisme, opposé à sa Droite aux partis de la Réaction ou aux Conservateurs. Suite à l’affaire Dreyfus, les mouvements représentants les ouvriers pour des raisons tactiques ont choisi de faire alliance avec les libéraux contre les conservateurs et les réactionnaires. Après près d’un siècle de cette tactique les mouvements ouvriers et populaires ont fini par être phagocytés par les libéraux.
"En 1898 – comme nous le verrons plus loin – Jean Jaurès et Jules Guesde tenaient encore l’affrontement entre la droite antidreyfusarde et la gauche dreyfusarde pour un simple épisode de cette "guerre civile bourgeoise"dont ni la classe ouvrière ni les partis politiques socialistes ne devaient se mêler" in Le complexe d’Orphée, Jean-Claude Michéa.
[Quand j’analyse la situation actuelle, je me dis que le PCF est mort et ne renaîtra jamais.]
"Jamais"… je ne sais pas. Mais pas dans un avenir proche, en tout cas.
[Sur la question des motivations de Marin Le Pen, je suppute que la différence fondamentale entre elle et son père pouvant expliquer cette réorientation du parti est qu’elle veut le pouvoir et qu’elle croit qu’elle pourra y accéder un jour. Elle ne veut pas se contenter d’un rôle de trouble-fête.]
Peut-être. Je ne sais pas. Je ne connais pas personnellement Marine Le Pen, je ne connais personne qui la connaisse vraiment, et j’avoue que j’ai tendance à laisser l’analyse des raisons profondes qui animent Marine Le Pen aux experts en psychologie.
[Dans votre analyse, vous oubliez un élément dangereux pour le pays en cas de montée en puissance d’un parti anti-UE, anti-euro, pro-état et jacobin. C’est le fait que les classes moyennes sont prêtes à tout et donc à mettre le pays à feu et à sang pour protéger leurs prérogatives. On les a vu envoyer leurs enfants dans la rue en 68, en 84 ou en 95 contre le CPE. A l’époque – pas si lointaine – des manifestations en faveur ou contre le mariage homosexuel, je sentais déjà une odeur de guerre civile.]
C’est un risque, mais un risque limité. On n’est ni en Allemagne, ni en Italie, pays qui ont une longue tradition de violence politique. En France, on aboie mais on ne mord que très rarement. Si un gouvernement décidait demain de sortir de l’Euro, il est probable qu’on aurait des manifestations monstres contre la mesure. C’est quelque chose qu’il faudra gérer le moment venu, pour éviter que l’affrontement entre les couches populaires et les classes moyennes tourne au drame.
Un problème, il me semble que vous cherchez, tel un orphelin, un parti « incarnant » la classe ouvrière, formule dont se parait le PCF pour accuser tous les autres de bourgeois (petits ou grands).
Vous dites que le FN serait le premier dans son vote. Comme le fait remarquer un intervenant, le premier vote ouvrier ou populaire est sans conteste l’abstention (cf. résultats électoraux dans les quartiers ouvriers). Par ailleurs si vous faites référence à Villeneuve-sur-Lot, l’abstention (+ le vote nul) domine largement : le rejet…
L’épisode de 2007 a aussi montré la réversibilité de ce vote.
Vous semblez croire qu’une hirondelle Philippot va faire le printemps FN. Avouez que c’est mince.
Ne peut-on pas simplement penser que la fille, contrairement à son père, cherche à se propulser au pouvoir et que Paris vaut bien une messe ?
Son intelligence est d’avoir compris que nous sommes en 2013 et que les louanges de l’OAS, de Pétain ou des SS sont des boulets, que le créneau du racisme est plutôt mince dans la société française (malgré les délires de certains gauchistes). Social ? Une « born again » ? Allons donc, depuis qu’elle milite dans son parti, elle aurait eu la révélation en accédant au pouvoir ? (Sur un autre sujet, je serais journaliste, je lui demanderais si elle condamne sans appel les propos de son père sur le « calembour crématoire » ou le « détail de l’histoire »…)
Pour mieux saisir le phénomène, il me semble qu’il faut comparer avec ce qui se passe…en Tunisie ou en Egypte. Le fascisme (même dans sa variété verte) n’est pas porteur, il faut se réclamer de la démocratie tout en maintenant une certaine proximité avec les groupes plus violents ou déterminés, proximité pas seulement idéologique.
Un article troublant à ce sujet :
http://www.marianne.net/Les-habits-neufs-de-la-vieille-extreme-droite_a229313.html
Enfin concernant un rapprochement entre FN et « progressistes », il y a matière à réflexions en prenant connaissance de l’histoire :
http://fr.wikipedia.org/wiki/National-bolchevisme
Les slogans nazis étaient d’apparence plus violemment « anti-capitalistes »…et je ne qualifie pas le FN de fasciste.
[Un problème, il me semble que vous cherchez, tel un orphelin, un parti « incarnant » la classe ouvrière, formule dont se parait le PCF pour accuser tous les autres de bourgeois (petits ou grands).]
Oui et non. Je continue à partager le diagnostic marxiste : pour aller plus avant dans la libération des hommes, il faut en finir avec l’exploitation du travail humain. Il faut donc avoir les exploités – et donc les ouvriers, mais pas seulement – de son côté. Dès lors que je constate que le PCF, qui fut longtemps mon parti, ne s’intéresse plus à cette question, je suis, oui, un peu « orphelin » et j’ai tendance à chercher quelles sont les organisations qui aujourd’hui peuvent représenter politiquement les exploités.
[Vous dites que le FN serait le premier dans son vote. Comme le fait remarquer un intervenant, le premier vote ouvrier ou populaire est sans conteste l’abstention (cf. résultats électoraux dans les quartiers ouvriers).]
Non. L’abstention n’est pas un « vote ». Et je ne fais pas ici un jeu de mots. Ceux qui s’abstiennent sont prêts à accepter n’importe quel gouvernement choisi par les autres. Ils n’ont donc pas de poids politique.
[Par ailleurs si vous faites référence à Villeneuve-sur-Lot, l’abstention (+ le vote nul) domine largement : le rejet…]
Oui. Mais le rejet exprimé à travers l’abstention ou le vote nul est un rejet qui n’a aucune force. Il ne pousse personne à agir dans tel ou tel sens. Il ne menace personne. Croyez-vous vraiment que le député UMP élu à Villeneuve-sur-Lot tiendra compte, dans ses votes à l’Assemblée Nationale, du « rejet » dont vous parlez ? Bien sur que non. Nos parlementaires pleurnichent à la télé à chaque élection sur « la baisse de la participation », puis reprennent leurs carrières comme si de rien n’y était.
Le rejet exprimé à travers le vote, par contre, fait peur. Le PS a eu peur, à un moment, d’un Mélenchon à 15% qui aurait pu être tenté de monnayer son désistement. Et tous ont peur d’un FN qui peut éliminer l’un ou l’autre des partis de gouvernement au premier tour. C’est pourquoi à mon avis parler de l’abstention comme « le premier parti » n’a pas de sens.
[L’épisode de 2007 a aussi montré la réversibilité de ce vote.]
Je ne vois pas très bien ce que vous voulez dire.
[Vous semblez croire qu’une hirondelle Philippot va faire le printemps FN. Avouez que c’est mince.]
Pas du tout. J’ai même écrit « un Philippot ne fait pas le printemps ». Ce que je pense, c’est que pour que Philippot arrive là où il est, il faut qu’il y ait d’autres gens avec lui. Et que dans la mesure où le langage du FN change, il attirera des militants différents de ceux de l’extrême droite de papa, pétainiste, antisémite et nostalgique de l’OAS. Et que ces militants auront eux-mêmes un poids sur le FN qui tendra à l’éloigner de ce qu’il fut. Bien entendu, rien n’est sûr en politique. Mais on a vu le même processus à l’œuvre dans d’autres organisations. Ainsi, par exemple, l’ouverture du PCF sous Waldeck-Rochet a entraîné un afflux d’adhésions dans les classes moyennes, qui quelques années plus tard ont saboté la direction Marchais puis triomphé avec Robert Hue et transformé le PCF en un parti à leur goût. On pourrait aussi se référer aux transformations de la SFIO après le congrès d’Epinay. Pourquoi ce processus ne fonctionnerait-il pas aussi dans d’autres organisations ?
[Ne peut-on pas simplement penser que la fille, contrairement à son père, cherche à se propulser au pouvoir et que Paris vaut bien une messe ?]
On peut le penser. Mais devant l’histoire, les motivations des acteurs importent moins que les processus qu’ils déclenchent, et qu’en général ils ne contrôlent pas.
[http://www.marianne.net/Les-habits-neufs-de-la-vieille-extreme-droite_a229313.html]
Cet article apporte plutôt de l’eau au moulin de la thèse selon laquelle le FN aurait vraiment changé, puisqu’elle fait la part belle aux commentaires d’anciens du FN dont il précise clairement qu’ils ont été récemment exclus. Il semble assez clair que se joue dans l’extrême droite française une partie où les « progressistes » ont pris le contrôle du FN obligeant les « nostalgiques » à se réfugier dans une myriade d’organisations extérieures…
[Enfin concernant un rapprochement entre FN et « progressistes », il y a matière à réflexions en prenant connaissance de l’histoire : http://fr.wikipedia.org/wiki/National-bolchevisme%5D
C’est en effet intéressant. Seulement, il faut le replacer dans la problématique du communisme allemand, coincé entre le nationalisme des masses après le traumatisme de la défaite de 1918 et la politique de l’Internationale communiste dont le moins qu’on puisse dire c’est qu’elle avait une difficulté majeure avec l’idée de Nation.
[Les slogans nazis étaient d’apparence plus violemment « anti-capitalistes »…et je ne qualifie pas le FN de fasciste.]
J’avoue que je ne comprends pas très bien la remarque. Faut-il suspecter de fascisme l’ensemble des « anti-capitalistes » ?
De quelles forces progressistes parlez-vous? Je ne vois pas autre chose qu’un certain nombre de gens de qualité, pas de parti, peu de militants. Votre texte reste dans la thématique, l’alliance avec le FN ou le blablatage tellement français.
La pauvreté galope, nos élites deviennent folles, hors FN, rien, ce parti sera au pouvoir, au plus tard en 2022. Il fournit cependant un prétexte au PS pour neutraliser la démocratie mais je me dis qu’une révolte spontanée ne devrait pas être efficace et présenter ce même prétexte au pouvoir, donc même à l’UMP.
A partir du moment où les jacobins sont incapables de construire un parti politique, il ne reste qu’à regarder le FN agir ou l’accompagner tant que le discours de Marine Le Pen est crédible. Dans un pays non raciste comme le notre, nous ne risquons pas grand-chose et certainement pas pire qu’avec l’UMPS.
Le racisme monte en Europe et les pays différentialistes, dont l’Allemagne et le Royaume-Uni, dominent l’UE. Même l’argument du racisme ne tient pas, c’est comme si, en 1942, par haine du comportement de Pétain, on s’alliait à Hitler.
[De quelles forces progressistes parlez-vous? Je ne vois pas autre chose qu’un certain nombre de gens de qualité, pas de parti, peu de militants.]
Le terme "forces" est peut-être discutable. Ces "gens de qualité" ont tout de même une certaine influence, mais vous avez raison de pointer qu’en termes de bataillons, le camp républicain n’en a pas beaucoup.
[A partir du moment où les jacobins sont incapables de construire un parti politique, il ne reste qu’à regarder le FN agir ou l’accompagner tant que le discours de Marine Le Pen est crédible. Dans un pays non raciste comme le notre, nous ne risquons pas grand-chose et certainement pas pire qu’avec l’UMPS.]
Ne prenons pas ça à la légère. Contrairement à vous, je pense que le FN peut, même en France, devenir dangereuse. C’est en partie cette conviction qui me pousse à me demander comment le camp progressiste pourrait aider les "modernes" du FN à faire la peau aux "nostalgiques". Car si les "modernes" échouent, les conséquences pourraient être dramatiques.
Le FN hyper boosté sous pouvoir socialiste, ça me rapelle une époque ou on vénérait tonton…
La majorité actuelle est en train de refonder la gauche en s’ auto éliminant du paysage de la crédibilité acceptable pour un électeur.
Je ne crois pas qu’on puisse comparer. A l’époque de Tonton, le FN était un parti marginal, un épouvantail qu’on pouvait sortir de sa boîte pour déclencher le réflexe pavlovien de la "gauche radicale" devant le "danger fasciste, et qui accessoirement prenait des voix au RPR. Mais il ne représentait pas le moindre danger pour les candidats socialistes. Ce n’est plus du tout le cas aujourd’hui.
"A l’époque de Tonton, le FN était un parti marginal"
Pourtant en %des inscrits, aux présidentielles son score est relativement stable depuis qu’il s’y présente : 88 : 11;4% ; 95 : 11,4% ; 02 (+mnr) : 13,25% ; 07 : 8,6% ; 12 : 13,9%
Ces variations semblent coïncider avec celles de la droite (centre compris). Et en % des exprimés, avec l’abstention, bien sûr.
Par ailleurs je ne partage pas votre point de vue sur l’abstention qui ne serait que passivité.
Elle me semble avant tout un défaut de motivation (due à l’offre politique? à l’alternance unique? impuissance démocratique?), et est importante surtout pour les parlements (AN ou PE où en gros elle va croissante depuis 78…date de l’installation du PE?). Pour les présidentielles, elle tourne en général autour de 20% (la plus forte étant de 31,1% à celle de 69, où la différence entre pompidou et Poher n’était pas bien significative, et la plus faible, de 12,7%, à l’élection suivante, en 74, où la différence entre Giscard et Mitterrand était importante (du moins sur le papier), et toutes deux au second tour).
Et manifestement le fn n’a que peu de voix de réserves au second tour, contrairement aux partis habituels si ce sont eux qui lui font face, sans compter qu’en 2002, l’abstention a perdu 8pts au second tour, 8pts contre le fn. Cheval perdant pour encore longtemps je pense. D’ailleurs le ballon d’essai des sondages donnait DSK élu dans un fauteuil face à MLP.
Quelque part, réitérer 2002 en étant au second tour doit être un fantasme de pas mal de partis…
[« A l’époque de Tonton, le FN était un parti marginal ». Pourtant en %des inscrits, aux présidentielles son score est relativement stable depuis qu’il s’y présente : 88 : 11;4% ; 95 : 11,4% ; 02 (+mnr) : 13,25% ; 07 : 8,6% ; 12 : 13,9% Ces variations semblent coïncider avec celles de la droite (centre compris). Et en % des exprimés, avec l’abstention, bien sûr.]
Votre présentation efface la moitié de la période « Tonton »… puisqu’elle commence à sa réélection en 1988. Il faut ici rappeler qu’en 1974 Jean-Marie Le Pen fait 0,25%, et qu’en 1981 il ne réussit même pas à trouver les parrainages nécessaires pour se présenter. Par ailleurs, la présentation « en pourcentage des inscrits » est trompeuse : dans la mesure où la participation a tendance à diminuer pendant les années 1988-2002 (81,4% en 1988, 79,4% en 1995 et 71,6% en 2002) l’apparente stabilité par rapport aux inscrits occulte une augmentation par rapport aux votants. Or, c’est à mon sens ce dernier paramètre qui est important.
[Par ailleurs je ne partage pas votre point de vue sur l’abstention qui ne serait que passivité.]
Je n’ai pas dit ça. J’ai dit que l’abstention ne peut être considérée comme un « vote » parce qu’elle n’a pas une signification claire. Elle peut être le résultat de la démotivation, de la passivité, de la confiance dans le choix des autres, du refus de l’offre proposée… tout est possible.
[Et manifestement le fn n’a que peu de voix de réserves au second tour, contrairement aux partis habituels si ce sont eux qui lui font face, sans compter qu’en 2002, l’abstention a perdu 8pts au second tour, 8pts contre le fn.]
C’est de moins en moins évident. Regardez par exemple les résultats de la législative partielle de Villeneuve-sur-Lot. Le candidat du FN a pratiquement doublé son score entre les deux tours… et cela alors qu’il était opposé à un candidat de droite. Il faut bien donc qu’il existe une « réserve » du FN quelque part.
Cette présentation commence en plein milieu de la "période tonton", on peut appeler çà "A l’époque de Tonton" je pense, non?
à Villeneuve, je crois savoir que le candidat fn était le fils du président de le chambre de commerce, ou quelque chose comme çà, le fils d’un notable local donc. Comme vous le dites, un cas ne fait pas une généralité, d’autant que je parlais de l’élection présidentielle. Là, certes c’est la seule expérience de second tour, on ne peut pas non plus généraliser, mais c’est national et c’est un résultat imposant : pas de réserves, et un score de dictateur pour chirac, que même près d’un tiers des abstentionnistes du premier tour est venu renforcer.
Je ne crois pas que les valses de vienne ou autres actions publiques habituelles aident le fn à développer une réserve (c’est plus classieux que les mots du père j’admets). Vous me semblez bien optimiste sur le fn (et sur son fond, et sur ses chances). Optimisme en désespoir de cause? "Tonton" (et d’autres) avait trouvé un parti bien utile pour illustrer à l’avance "le nationalisme c’est la guerre" et griller au passage l’idée de nation. Dans les pattes de la droite, et rassembleur à gauche : semble t il que le slogan "vote utile et spectre de 2002" a fait 30% de convaincus chez les mélenchonnistes (à vue de sondage), soit a amené le ps au second tour à la place du fdg.
Abstention : je pense aussi que prendre la seule participation est encore plus trompeur : avec les inscrits on constate qu’il n’y a aucuns progrès notables du fn parmi la population. Par contre, oui, ce sont les votants qui déterminent le vote, le blanc ne comptant pas.
Et que l’abstention ne soit pas une affirmation, certes, de même quant à sa limpidité, mais "Ceux qui s’abstiennent sont prêts à accepter n’importe quel gouvernement choisi par les autres." les met dans la case "veaux".
"Elle peut être le résultat de la démotivation, de la passivité, de la confiance dans le choix des autres, du refus de l’offre proposée… tout est possible." oui.
[Cette présentation commence en plein milieu de la "période tonton", on peut appeler çà "A l’époque de Tonton" je pense, non?]
Je reconnais avoir été imprécis. J’aurais du écrire « au début de la période Tonton ». Il est bien entendu exact que la présidence de Mitterrand a été l’occasion de la montée en puissance du FN, et cela pour deux raisons : la première, c’est l’instrumentalisation par Mitterrand du Front National pour gêner politiquement la droite, instrumentalisation qui s’est faite en favorisant sa présence dans les médias et par l’octroi de la proportionnelle. La seconde raison, qui est à mon avis la plus importante, fut le grand tournant social-libéral du PS à partir de 1983, et l’affaiblissement progressif du PCF qui a laissé disponible un électorat populaire orphelin de toute représentation.
[à Villeneuve, je crois savoir que le candidat fn était le fils du président de le chambre de commerce, ou quelque chose comme çà, le fils d’un notable local donc.]
D’un notable qui a soutenu le candidat UMP avant le premier tour… on aurait pu parler d’un effet « notable » si le candidat du FN avait été opposé à celui du PS, mais pas dans le cas d’espèce, où la « réserve » du candidat FN est venue des électeurs ayant voté PS au premier tour et des abstentionnistes.
[Comme vous le dites, un cas ne fait pas une généralité, d’autant que je parlais de l’élection présidentielle. Là, certes c’est la seule expérience de second tour, on ne peut pas non plus généraliser,]
Ce n’est pas la seule : celle de l’Oise présentait un schéma assez similaire, même si le gain au deuxième tour était moins important.
[Je ne crois pas que les valses de vienne ou autres actions publiques habituelles aident le fn à développer une réserve (c’est plus classieux que les mots du père j’admets).]
Possible. Mais il est clair que le FN peut compter au deuxième tour sur une partie des voix du candidat du « parti de gouvernement » malheureux au premier tour, avec la fin du « front républicain ». Il peut aussi compter sur une partie des abstentionnistes qui de toute évidence se déplace pour voter lorsque le FN a une chance d’avoir des élus… ces deux éléments sont à mon avis les enseignements les plus remarquables des dernières législatives partielles.
[Vous me semblez bien optimiste sur le fn (et sur son fond, et sur ses chances). Optimisme en désespoir de cause?]
Disons plutôt « réaliste ». Après avoir entendu tant de gens répéter comme des perroquets que « jamais le FN ne sera au deuxième tour d’une élection présidentielle », je pense qu’il est temps de regarder les faits en face. Avec un système politique qui ne prend absolument pas en compte les problèmes de l’électorat populaire, et une crise qui met par terre tout le discours libéral-europhile, le FN a une boulevard devant lui s’il joue ses cartes comme il faut.
Bonjour Descartes – je m’apprêtais à commenter votre papier sur le bac pour montrer à quel point il était rempli de syllogismes, contrevérités et contradictions, mais il est clair que la bombe que vous venez de lâcher rend ce débat tout à fait obsolète.
Ma première réaction fut bien évidemment d’être saisi de vertige tant votre trajectoire est conforme au script que je redoutais: derrière les valeurs des Lumières, de l’Universalisme et du Progressisme que vous prétendez défendre, votre rejet du libéralisme, tant économique que politique, est tel que vous êtes finalement prêt à beaucoup de sacrifices pour poursuivre vos passions. Peu importe le flacon pourvu qu’on ait l’ivresse…
A ce titre, il est piquant de voir celui qui qualifiât François Hollande de "maréchaliste" se situer à la confluence de la trajectoire de Doriot (pour la fascination envers un parti qui se voudrait "progressiste sur le plan social et résolument nationaliste") et de Laval (pour l’entrisme).
Ceci dit, afin de me situer plus clairement dans le débat que vous avez ouvert, je ferai les remarques suivantes:
1. Le FN est et restera avant tout un parti xénophobe. C’est son fonds de commerce historique, son "marqueur" principal sinon exclusif, et la raison première (avec le "vote sanction") de son succès électoral. Je sais que vous êtes très rétif aux faits qui ne vont pas dans le sens de vos espoirs ou de vos opinions, mais je vous conseille la lecture du dernier "Baromètre d’image du Front National" publié par Le Monde. Vous y verrez que, de tous les thèmes majeurs du FN, ceux de l’immigration ("Il y a trop d’immigrés en France") et de la place de l’Islam ("On accorde trop de droits aux musulmans en France") sont ceux qui recueillent le plus d’adhésion parmi les sympathisants du FN (respectivement 95% et 94%) alors que celui de la sortie de l’Euro se retrouve en dernière position (65%). Si vous lisez également le dernier "Baromètre du populisme" réalisé sous l’égide du CEVIPOF et de la Fondation Jean Jaurès, vous verrez que, parmi les sympathisants du FN, 94% pensent que la religion musulmane n’est pas compatible avec les valeurs de la société française, 90% que pour réduire le chômage il faut réduire le nombre d’immigrés, 63% que les maghrébins ne seront jamais des français comme les autres et 54% que tenir des propos racistes n’est pas grave. J’arrête là une litanie qui à force pourrait s’avérer fastidieuse mais qui a tout de même le mérite de préciser les termes du débat. Enfin, même si le programme "officiel" du FN (sa vitrine légale pourrait-on dire) s’est sensiblement édulcoré depuis le "retrait" du père (il est malgré tout toujours Président d’Honneur), il me semble que les notions de droit du sang et de préférence nationale ne cadrent pas trop avec le principe d’universalité ou que le rétablissement de la peine de mort ne saurait être qualifié de progressiste. Vous ne pourrez pas dire que vous n’avez pas été prévenu. Mais il est vrai que vous n’avez rien trouvé à redire au discours de Grenoble de notre précédent Président…
2. En ce qui concerne vos espoirs de "transformation pour le bien" du FN, vous connaissez suffisamment l’histoire du 20ème siècle pour ne pas mesurer combien cette ambition est sinon chimérique du moins hautement improbable: s’il existe bien de multiples exemples de cadres "de gauche" ralliés à l’extrême droite puis digérés par elle (cf. Simon Epstein), il n’existe pas à ma connaissance d’exemple pertinent de cadres d’extrême droite ralliés à l’extrême gauche ni de parti xénophobe qui se soit "recentré" grâce au travail de "progressistes de l’intérieur" ; probablement parce que la passion nationale est un moteur finalement bien plus puissant que celui de la lutte des classes. Bref, l’histoire a montré que les chances de succès de votre stratégie étaient bien minces et la probabilité que ne soyez que l’idiot utile de forces violemment réactionnaires très élevée.
3. Vous vous targuez de vouloir défendre les "classes populaires", mais ne vous est-il pas apparu que celles-ci sont pour une très large part constituées d’immigrés d’Afrique noire ou du Maghreb de 1ère, 2ème ou 3ème génération pour lesquels l’arrivée au pouvoir du FN constituerait une véritable déclaration de guerre? Pouvez-vous m’expliquer comment celles-ci s’insèrent dans vos plans autrement que sous la forme des œufs dont on fait les omelettes? A ce titre, puisque vous indiquez avoir vous-même été naturalisé français, n’êtes vous pas, mais sur le plan des droits politiques, en train d’illustrer votre fameuse métaphore du crocodile? Naturalisation pour votre génération mais pas pour celles qui suivent?
4. Enfin, si, comme vous le dites, "l’heure est grave", la probabilité que l’Euro soit toujours en place sous sa forme actuelle lors de la prochaine élection présidentielle devrait être assez faible. Aussi, pourquoi vouloir souffler dans les voiles d’un parti objectivement dangereux alors que le fruit devrait tomber à court ou moyen terme et que la gestion de cet événement catastrophique (au sens littéral du terme) nécessitera que le pays soit autrement mieux "armé" que sous l’égide d’un gouvernement FN et dans le cadre d’une guerre civile "froide" ou même "chaude"? Le risque de ruine (qui est d’ailleurs reconnu à la fois par Sapir et Lordon) n’est-il pas déjà suffisamment élevé par le simple fait de l’éclatement de la zone euro pour éviter d’en augmenter la probabilité en créant des désordres politiques et civils massifs?
[Bonjour Descartes – je m’apprêtais à commenter votre papier sur le bac pour montrer à quel point il était rempli de syllogismes, contrevérités et contradictions, mais il est clair que la bombe que vous venez de lâcher rend ce débat tout à fait obsolète.]
Dans cette introduction, vous vous permettez de dévaloriser mes écrits sans préciser quels sont les « syllogismes, contrevérités et contradictions » dont vous m’accusez. Je n’ai donc pas la possibilité de me défendre, puisque par essence on ne peut réfuter une telle accusation. Ce genre de méthodes est inacceptable dans un débat civilisé, et je ne l’accepterai pas. Tenez-vous le pour dit.
[Ma première réaction fut bien évidemment d’être saisi de vertige tant votre trajectoire est conforme au script que je redoutais: derrière les valeurs des Lumières, de l’Universalisme et du Progressisme que vous prétendez défendre, votre rejet du libéralisme, tant économique que politique, est tel que vous êtes finalement prêt à beaucoup de sacrifices pour poursuivre vos passions. Peu importe le flacon pourvu qu’on ait l’ivresse…]
Je ne vois pas très bien à quel « sacrifice » vous faites référence. Je ne suis prêt à aucun « sacrifice », je me contente de poser une question.
[A ce titre, il est piquant de voir celui qui qualifiât François Hollande de "maréchaliste" se situer à la confluence de la trajectoire de Doriot (pour la fascination envers un parti qui se voudrait "progressiste sur le plan social et résolument nationaliste") et de Laval (pour l’entrisme).]
Vous avez l’air de croire que parce que vous collez des étiquettes sur mon dos vous avez démontré quelque chose. Et en plus, vous les collez fort mal à propos : pourriez vous indiquer qui citez vous lorsque vous écrivez entre guillemets « progressiste sur le plan social et résolument nationaliste » ?
[1. Le FN est et restera avant tout un parti xénophobe.]
Il est toujours fort intéressant d’échanger avec des gens savent lire la boule de cristal. « Je sais ce qui fut, ce qui est, ce qui sera… ».
[C’est son fonds de commerce historique, son "marqueur" principal sinon exclusif, et la raison première (avec le "vote sanction") de son succès électoral.]
Et alors ? La « dictature du prolétariat » et le « grand soir » étaient le fond de commerce historique du PCF, son « marqueur » principal. Et puis un jour, pouf !, plus rien. Rien n’est éternel, à part la croyance qu’il y a des choses éternelles…
[Je sais que vous êtes très rétif aux faits qui ne vont pas dans le sens de vos espoirs ou de vos opinions, mais]
Je sais que vous êtes incapable de soutenir un dialogue sans tomber dans ce genre d’attaques ad hominem qui n’apportent pas grande chose. Et ça commence à me fatiguer.
[je vous conseille la lecture du dernier "Baromètre d’image du Front National" publié par Le Monde. Vous y verrez que, de tous les thèmes majeurs du FN, ceux de l’immigration ("Il y a trop d’immigrés en France") et de la place de l’Islam ("On accorde trop de droits aux musulmans en France") sont ceux qui recueillent le plus d’adhésion parmi les sympathisants du FN (respectivement 95% et 94%) alors que celui de la sortie de l’Euro se retrouve en dernière position (65%).]
Et si vous le regardez avec attention, vous verrez aussi le biais de cette étude. Vous remarquerez que certaines affirmations portent sur des constats (« il y a trop d’immigrés en France », « la justice n’est pas assez sévère avec les petits délinquants ») et d’autres sont formulées sous forme de prescription (« il faut supprimer l’Euro et revenir au franc », « il faut rétablir la peine de mort »). Et bien, vous allez rire : par une étrange coïncidence, on retrouve pour ce qui concerne les électeurs proches du FN tous les « constats » en tête et toutes les prescriptions d’action en queue de peloton. On peut donc penser que le résultat de ce baromètre est sérieusement influencé par la manière dont la question est posée. Or, par une étrange coïncidence – une autre, me direz vous – les questions qui concernent l’immigration sont posées sous forme « constat » tandis que celle concernant l’Euro est posée sous forme de « prescription ». J’aimerais bien savoir quel aurait été le résultat si la question sur l’Euro avait été posée sous la forme « l’Euro contribue à aggraver nos problèmes économiques »…
[Si vous lisez également le dernier "Baromètre du populisme" réalisé sous l’égide du CEVIPOF et de la Fondation Jean Jaurès, vous verrez que, parmi les sympathisants du FN, 94% pensent que la religion musulmane n’est pas compatible avec les valeurs de la société française, 90% que pour réduire le chômage il faut réduire le nombre d’immigrés, 63% que les maghrébins ne seront jamais des français comme les autres et 54% que tenir des propos racistes n’est pas grave.]
Malheureusement, le baromètre en question corrèle les réponses à l’appartenance politique, à l’âge, au niveau d’étude, mais presque jamais au niveau social. Il n’y a que quelques tableaux qui échappent à cette règle. L’un propose de choisir entre deux affirmations : « On peut faire confiance à la plupart des gens » ou « on n’est jamais assez prudent quand on a affaire aux autres ». Le PS est le plus confiant, avec 66% de méfiants, le FN est de loin le plus méfiant avec 95% qui choisissent la deuxième réponse. Mais ce qui est intéressant est comparer avec la corrélation par métiers. Quels sont les plus méfiants ? Et bien ce sont les ouvriers, qui choisissent la deuxième réponse à 94%. C’est-à-dire presque exactement le même pourcentage que les électeurs du FN. Et les moins méfiants ? Et bien, ce sont les cadres à 66%… c’est-à-dire exactement le même pourcentage que chez les électeurs socialistes. C’est presque trop beau pour être vrai.
Une autre question corrélée par profession est celle qui demande à choisir entre « la mondialisation est une opportunité pour la France » et « la mondialisation est un danger pour la France ». Là encore, ce sont les électeurs du FN et les ouvriers qui sont les plus nombreux à y voir un danger, et les électeurs PS et les cadres à y voir une opportunité, même si la corrélation entre l’appartenance partisane et la profession est moins forte. On trouve la même corrélation sur des questions plus surprenantes, comme celle où il faut répondre « d’accord/pas d’accord » à l’énoncé « les chômeurs pourraient trouver du travail s’ils le voulaient vraiment ». Les électeurs du FN sont ceux qui sont le plus d’accord (76%), mais c’est aussi le cas des ouvriers (67%). Ce sont les socialistes qui sont le moins d’accord (33% seulement) mais aussi les cadres (48%).
En d’autres termes, les rares tableaux qui corrèlent profession et opinion politique justifient mon intuition – ok, ce n’est pas une intuition, j’avais moi aussi regardé les études – que les opinions de l’électorat FN sont fortement corrélées à celles de l’électorat populaire. Or, pour reprendre la formule de Brecht, on ne peut pas dissoudre le peuple et en élire un autre. Et si l’électorat populaire pense à 90% qu’il y a trop d’immigrés en France, qu’est ce qu’on fait ? On le dénonce comme affreux et on lui enlève le droit de vote, pour s’assurer que la société soit gouvernée par les classes moyennes qui, elles, adorent les immigrés – mais pas assez pour aller vivre dans les mêmes quartiers qu’eux – et ne tiennent jamais de propos racistes ? La véritable question est là : comme disait Mongénéral, on fait de la politique avec des réalités. Et la réalité est que « le peuple » ne correspond pas à la mythologie bisounours que la gauche s’en fait.
[J’arrête là une litanie qui à force pourrait s’avérer fastidieuse mais qui a tout de même le mérite de préciser les termes du débat.]
Je ne vois pas très bien quels sont les « termes du débat » dont vous parlez. Quelle conclusion tirez-vous de cette longue litanie ? Quelle est votre proposition ?
[il me semble que les notions de droit du sang et de préférence nationale ne cadrent pas trop avec le principe d’universalité ou que le rétablissement de la peine de mort ne saurait être qualifié de progressiste. Vous ne pourrez pas dire que vous n’avez pas été prévenu]
Je n’ai pas besoin de vous pour me prévenir. Je ne crois pas avoir écrit que le FN était un parti universaliste, que je sache. J’ai l’impression que, comme cela vous arrive souvent, vous avez lu dans mon papier ce que vous vouliez au préalable y trouver, et pas ce que j’y ai mis. Je n’ai jamais dit que le FN fut progressiste, socialiste, universaliste ou quoi que ce soit d’autre. Je me suis contenté de dire que le FN est là, et qu’il est devenu – ou du moins est en train de devenir – le représentant politique des couches populaires. Et que dans la mesure où une politique progressiste repose sur ces couches-là, le rapport des progressistes au FN ne peut plus se limiter à la condamnation rituelle.
[Mais il est vrai que vous n’avez rien trouvé à redire au discours de Grenoble de notre précédent Président… ]
Qu’est ce que vous en savez ?
[2. En ce qui concerne vos espoirs de "transformation pour le bien" du FN, vous connaissez suffisamment l’histoire du 20ème siècle pour ne pas mesurer combien cette ambition est sinon chimérique du moins hautement improbable: s’il existe bien de multiples exemples de cadres "de gauche" ralliés à l’extrême droite puis digérés par elle (cf. Simon Epstein), il n’existe pas à ma connaissance d’exemple pertinent de cadres d’extrême droite ralliés à l’extrême gauche ni de parti xénophobe qui se soit "recentré" grâce au travail de "progressistes de l’intérieur" ;]
Bien sur que cela existe. N’avez-vous pas entendu parler d’un certain François Mitterrand, qui dans sa jeunesse participait à des manifestations antisémites, qui plus tard reçut des mains du Maréchal la Francisque, qui fut proche de l’Algérie française et de l’OAS, et qui en 1968 se proposait de prendre le pouvoir au nom de la révolution pour dans les années 1970 prononcer des discours enflammés sur la « rupture avec le capitalisme » ? Oubliez-vous peut-être que l’Action Française a appelé à voter à gauche en 1981 ?
[probablement parce que la passion nationale est un moteur finalement bien plus puissant que celui de la lutte des classes. Bref, l’histoire a montré que les chances de succès de votre stratégie étaient bien minces et la probabilité que ne soyez que l’idiot utile de forces violemment réactionnaires très élevée.]
Je ne comprends pas très bien de quoi vous parlez lorsque vous écrivez « votre stratégie ». Je ne me souviens pas d’avoir proposé la moindre « stratégie ». Je me suis contenté de poser une question. J’aimerais que vous lisiez mes papiers avant d’y répondre…
[3. Vous vous targuez de vouloir défendre les "classes populaires", mais ne vous est-il pas apparu que celles-ci sont pour une très large part constituées d’immigrés d’Afrique noire ou du Maghreb de 1ère, 2ème ou 3ème génération pour lesquels l’arrivée au pouvoir du FN constituerait une véritable déclaration de guerre?]
Non, je ne le crois pas. Si je crois les « baromètres » dont vous me conseilliez plus haut la lecture, je ne peux que constater que les ouvriers sont le groupe social qui est le plus proche des idées du FN. Maintenant, qui sont ces ouvriers ? Ne sont-ils pas, pour une large part, ces « immigrés d’Afrique noire ou du Maghreb de 1ère, 2ème ou 3ème générations » ? Je crains que vous soyez sous l’impression – erronée – que les immigrés auxquels vous faites référence partagent les valeurs progressistes. Si vous prenez la peine de discuter avec eux – ce que je fais souvent – vous remarquerez qu’en fait ils sont bien plus conservateurs et sont plus proches du FN que de l’UMP ou du PS. Croyez-vous vraiment que ces ouvriers immigrés soient ravis lorsque des clandestins viennent « casser les prix » et leur prendre les postes de travail ?
[Pouvez-vous m’expliquer comment celles-ci s’insèrent dans vos plans autrement que sous la forme des œufs dont on fait les omelettes?]
C’est à vous qu’il faut poser la question, puisque sous prétexte que leurs opinions ne correspondent pas aux vôtres vous voulez les priver de toute représentation politique…
[A ce titre, puisque vous indiquez avoir vous-même été naturalisé français, n’êtes vous pas, mais sur le plan des droits politiques, en train d’illustrer votre fameuse métaphore du crocodile? Naturalisation pour votre génération mais pas pour celles qui suivent?]
Pour moi, celui qui fait l’effort de s’assimiler, d’apprendre la langue, de connaître et respecter les lois, et qui est prêt à servir la France mérite la naturalisation, et cela quelque soit sa « génération ». De quel droit vous permettez-vous d’insinuer que je pourrais être « contre la naturalisation » de qui que ce soit. Décidément, vous êtes un grossier personnage.
[4. Enfin, si, comme vous le dites, "l’heure est grave", la probabilité que l’Euro soit toujours en place sous sa forme actuelle lors de la prochaine élection présidentielle devrait être assez faible.]
Ah bon ? Et pourquoi ça ? Vous savez, une situation peut être « grave » et durer très longtemps… et connaître des multiples issues. Dans le cas présent, une longe déchéance suivie d’une perte totale de souveraineté, par exemple. L’abandon de l’Euro n’est nullement écrit dans les étoiles.
A Descartes :
[Je n’ai jamais dit que le FN fut progressiste, socialiste, universaliste ou quoi que ce soit d’autre. Je me suis contenté de dire que le FN est là, et qu’il est devenu – ou du moins est en train de devenir – le représentant politique des couches populaires. Et que dans la mesure où une politique progressiste repose sur ces couches-là, le rapport des progressistes au FN ne peut plus se limiter à la condamnation rituelle.]
D’accord, le FN est, ou tant à devenir le représentant des couches populaires. Par contre, sur quoi vous basez vous pour affirmer qu’ « une politique progressiste repose sur ces couches-là » ?
[D’accord, le FN est, ou tant à devenir le représentant des couches populaires. Par contre, sur quoi vous basez vous pour affirmer qu’ « une politique progressiste repose sur ces couches-là » ?]
Il y a plusieurs fondements à cette idée. La première, évidente, c’est l’analyse marxiste classique de la lutte des classes. Mais ce n’est pas la seule. L’idée même de "progrès" est construite sur l’idée que l’histoire va dans le sens de l’extension à une proportion de la population chaque fois plus grande des bénéfices du développement politique, social, culturel et économique. En d’autres termes, une logique "progressiste" implique naturellement la promotion économique, sociale, culturelle et politique des couches qui bénéficient le moins de ces bienfaits. J’imagine mal une politique "progressiste" qui proposerait au contraire de réserver les bénéfices de l’avancement des sciences et des techniques à une proportion décroissante de la société…
Dans votre explication vous dites qu’une « logique "progressiste" implique naturellement la promotion économique, sociale, culturelle et politique des couches qui bénéficient le moins de ces bienfaits. » On est bien d’accord sur le verbe « proposer », et on est d’accord également pour dire que les bienfaits de la politique vont, ou doivent aller en priorité vers ces populations.
Mais dans votre discours précédent, celui qui avait motivé ma question, vous ne parliez pas de « proposer » aux classes défavorisées, mais bien de faire « reposer » cette politique sur les classes défavorisées. Comme si les progrès politiques, les évolutions, les révolutions, ne pouvaient venir QUE des classes défavorisées. Il me semble au contraire que, dans l’histoire, les grandes avancées viennent presque toujours des classes intermédiaires (par exemple 1789).
Dans la situation actuelle, les couches populaires qui se laissent séduire par M. Le Pen, cèdent aux sirènes de la démagogie, elles se trompent parce qu’elles sont trompées par le discours démagogique, protectionniste, nationaliste et sécuritaire.
L’avènement de ces idées au pouvoir serait une grande régression et un grand malheur pour notre pays.
Tout n’est pas à jeter dans la CEE, mais il faut la transformer et l’améliorer ! L’Europe reste la première économie du globe. Il faut introduire plus de démocratie dans les décisions, autant de protectionnisme Européen que nous subissons de protectionnisme des autres géants, arrêter d’être les dindons de la farce vis-à-vis des autres blocs, redonner le pouvoir aux politiques et le retirer aux commissions.
Mais suivre les souverainistes et M. Le Pen, casser tout ça, serait une grande catastrophe qui nous marginaliserait.
Nous représentons moins de 1% de la population mondiale, nos ressources naturelles sont dérisoires comparées à celles du reste du monde. Nous vivons sur l’illusion de notre grandeur passée. Nos grandes entreprises nationales font la majeure partie de leur activité hors de nos frontières.
Le monde a changé, la question n’est pas de savoir si on est pour ou contre la mondialisation. La mondialisation est là, le défi c’est de ne pas la subir, et d’asseoir sur elle nos futures progrès.
@ vent2sable
[Mais dans votre discours précédent, celui qui avait motivé ma question, vous ne parliez pas de « proposer » aux classes défavorisées,]
Et dans ma réponse non plus. Je crains que vous n’ayez mal compris mon commentaire. Je n’ai rien dit de « proposer aux classes défavorisés ». J’ai dit qu’une politique progressiste « propose » – car toute politique est une « proposition » – certaines choses à l’ensemble de la société. Il va de soi que si une telle politique était retenue, elle ne se contenterait pas de « proposer », mais elle étendrait effectivement les bénéfices du progrès aux couches qui en profitent le moins…
[Comme si les progrès politiques, les évolutions, les révolutions, ne pouvaient venir QUE des classes défavorisées. Il me semble au contraire que, dans l’histoire, les grandes avancées viennent presque toujours des classes intermédiaires (par exemple 1789).]
Mon point n’était pas de savoir d’où les évolutions viennent, mais à qui elles profitent. Que les évolutions viennent des classes moyennes, c’est souvent le cas. Mais certaines de ces évolutions ont profité aux couches populaires (exemple : 1789) et d’autres leurs ont été défavorables (exemple : 1968). Les premières peuvent être considérés « progressistes », pas les autres…
[Dans la situation actuelle, les couches populaires qui se laissent séduire par M. Le Pen, cèdent aux sirènes de la démagogie, elles se trompent parce qu’elles sont trompées par le discours démagogique, protectionniste, nationaliste et sécuritaire.]
Ah oui… alors que les généreux mondialistes europhiles genre Delors & Co. ont tout fait pour leur bonheur… décidément, on ne peut faire confiance au peuple. D’ailleurs, est-il vraiment raisonnable de donner le droit de vote à des gens qui sont si aisément trompés par des « discours démagogiques » ? Finalement, une bonne petite aristocratie ou le gouvernement serait dans les mains des « meilleurs d’entre nous » ne serait pas si mal, non ?
[L’avènement de ces idées au pouvoir serait une grande régression et un grand malheur pour notre pays.]
Heureusement qu’avec Sarkozy hier et Hollande aujourd’hui, on nage en plein bonheur… Tu sais, au lieu de maudire l’obscurité, vaudrait mieux allumer une chandelle. Posons nous la question : pourquoi les peuples se détournent de cet idéal européen qui amène prospérité et bonheur, pour lui préférer les sirènes du « protectionnisme et nationalisme » qui amènent le malheur ?
[Tout n’est pas à jeter dans la CEE, mais il faut la transformer et l’améliorer !]
Trop tard : la CEE a disparu depuis bientôt vingt ans… la CEE était une excellente idée. C’est lorsqu’elle est devenue UE que les choses se sont gâtées…
[L’Europe reste la première économie du globe.]
Et alors ? Tu sais, « c’est moi la plus grosse » est un argument de cour d’école, mais dans les questions politiques, ce genre de bêtise n’impressionne personne. A quoi bon être « la première économie du monde » (selon quel critère, d’ailleurs ?) si l’on n’est même pas capable de croître alors qu’ailleurs c’est la reprise ?
[Il faut introduire plus de démocratie dans les décisions, autant de protectionnisme Européen que nous subissons de protectionnisme des autres géants, arrêter d’être les dindons de la farce vis-à-vis des autres blocs, redonner le pouvoir aux politiques et le retirer aux commissions.]
Je crois avoir entendu ça quelque part… à ton avis, pourquoi répète-t-on ce discours despuis plus de trente ans pour faire exactement le contraire ?
[Mais suivre les souverainistes et M. Le Pen, casser tout ça, serait une grande catastrophe qui nous marginaliserait.]
Faut suivre les moutons, quoi. Je trouve que vous éprouve un certain plaisir à prédire la fin du monde et utiliser ces prédictions pour éviter d’argumenter. Ce que vous dites n’a rien d’une évidence.
[Nous représentons moins de 1% de la population mondiale, nos ressources naturelles sont dérisoires comparées à celles du reste du monde.]
Sans vouloir vous offenser, c’était déjà le cas du temps de Louis XIV… et cela n’a pas empêché la France de devenir une puissance mondiale. Décidément, vous avez gobé le discours décliniste avec l’hameçon et tout. Et le pire, c’est que vous assenez ces affirmations sans éprouver le moins du monde le besoin d’argumenter. Allez, expliquez moi en quoi le fait de représenter 3% de la population mondiale changerait quelque chose…
[Nous vivons sur l’illusion de notre grandeur passée.]
Ne prenez pas votre cas pour une généralité…
[Nos grandes entreprises nationales font la majeure partie de leur activité hors de nos frontières.]
C’est la même chose aux USA ou en Chine…
[Le monde a changé, la question n’est pas de savoir si on est pour ou contre la mondialisation. La mondialisation est là, le défi c’est de ne pas la subir, et d’asseoir sur elle nos futures progrès.]
Et votre proposition pour « asseoir nos futurs progrès sur la mondialisation » c’est quoi, exactement ?
"Penser l’impensable"
J’aime beaucoup cette expression. Mais… jusqu’où est-on autorisé à "penser l’impensable"? Par exemple – allez, soyons fou – imaginons que des centaines de milliers d’immigrés ou descendants d’immigrés, de culture musulmane (au hasard), soient amenés à faire leur bagage pour quitter le sol français dans les deux mois… Ah, tiens, je sens que c’est là un impensable qu’on n’est pas autorisé à penser. En France, s’entend, parce qu’en Algérie…
Plus sérieusement, j’ai lu plusieurs commentaires déclarant que "le FN a fait des progrès sur le thème de l’immigration". Qu’est-ce que ça veut dire "faire des progrès sur la question de l’immigration"? Mettre en sourdine son rejet de l’immigration? Ou trouver d’autres arguments pour le justifier? Ou bien doit-on considérer que l’immigration est un progrès? Que la France pluriethnique et multiculturelle est une réussite? D’ailleurs, puisqu’on évoque le sujet, je serais curieux de connaître la position des vrais progressistes (pas les bobos du FdG et du PS) sur la question. Le progressisme est-il nécessairement immigrationniste?
Enfin, puisque Mongénéral est régulièrement convoqué, je crois me rappeler qu’on lui attribue cette phrase: "Nous [les Français] sommes quand même un peuple de race blanche (ou européen, je ne sais plus), de culture gréco-latine et de religion chrétienne." C’est bizarre, mais je parierais fort que sur ce sujet, de Gaulle a tort, non?
[J’aime beaucoup cette expression. Mais… jusqu’où est-on autorisé à "penser l’impensable"?]
Autorisé par qui ? Ni dieu, ni maître ! 😉
[Par exemple – allez, soyons fou – imaginons que des centaines de milliers d’immigrés ou descendants d’immigrés, de culture musulmane (au hasard), soient amenés à faire leur bagage pour quitter le sol français dans les deux mois… Ah, tiens, je sens que c’est là un impensable qu’on n’est pas autorisé à penser. En France, s’entend, parce qu’en Algérie…]
Penser l’impensable ne veut pas dire penser l’absurde. C’est s’affranchir des tabous et des terrorismes intellectuels genre « si tu penses ça, tu est un fasciste » pour examiner le plus froide et rationnellement possible la réalité. L’exemple que tu donnes est d’ailleurs très pertinent pour montrer combien des choses qui ont été faites par le passé – et dans un passé récent – sont aujourd’hui présentées dogmatiquement comme « infaisables ». Oui, on oublie que les indépendantistes algériens, lorsqu’ils ont jugé politiquement nécessaire de le faire, ont provoqué le départ de plus d’un million de « pieds-noirs » dont le crime était de ne pas être musulmans. Si la France faisait demain la même chose, est ce que son acte serait placé sur le même plan moral par les bienpensants ? J’en doute…
[Plus sérieusement, j’ai lu plusieurs commentaires déclarant que "le FN a fait des progrès sur le thème de l’immigration". Qu’est-ce que ça veut dire "faire des progrès sur la question de l’immigration"?]
Je partage ta perplexité. Mais je pense que le commentateur qui a utilisé cette formule ne pensait pas à mal. Il a tout simplement universalisé ses propres repères moraux et donc jugé un « progrès » le fait que le FN se soit rapproché de ses conceptions.
[Ou bien doit-on considérer que l’immigration est un progrès? Que la France pluriethnique et multiculturelle est une réussite? D’ailleurs, puisqu’on évoque le sujet, je serais curieux de connaître la position des vrais progressistes (pas les bobos du FdG et du PS) sur la question. Le progressisme est-il nécessairement immigrationniste?]
A mon sens, l’immigration n’est ni un « progrès » ni son contraire. C’est un fait dépourvu en lui-même de sens. Il y a des contextes où l’immigration est une nécessité pour alimenter la croissance économique, et des contextes où, sur un marché du travail saturé, elle pousse les salaires et la protection sociale vers le bas. Il y a des immigrations qui enrichissent social et culturellement le pays d’accueil et appauvrissent le pays d’origine, et il y a l’inverse. On ne peut parler de « l’immigré » comme si tous les immigrés se ressemblaient, et on ne peut parler « d’immigration » en dehors du contexte.
La question de savoir si « la France pluriethnique » est un succès ou un échec n’a pour moi aucun sens. La France est, par essence, pluriethnique. Ce n’est pas une île comme la Grande Bretagne, et elle est trop grande pour être ethniquement homogène. La France est « pluriethnique » depuis qu’elle existe, et il n’y a pas une France « monoethnique » pour pouvoir faire une comparaison. Par contre, la « France multiculturelle » – au sens d’une vision de la société où les « cultures » communautaires sont égales et il n’y a pas une culture dominante partagée par tous – est pour moi un échec, un échec dont les premières victimes sont d’ailleurs les « communautés » issues de l’immigration elles mêmes.
[Enfin, puisque Mongénéral est régulièrement convoqué, je crois me rappeler qu’on lui attribue cette phrase: "Nous [les Français] sommes quand même un peuple de race blanche (ou européen, je ne sais plus), de culture gréco-latine et de religion chrétienne." C’est bizarre, mais je parierais fort que sur ce sujet, de Gaulle a tort, non?]
On ne prête qu’aux riches, et je crains que sur ce coup-là on attribue à De Gaulle quelque chose qu’il n’a pas dite. Mais je pense que la France est, oui, un pays de culture gréco-latine et de tradition chrétienne. Etre français, c’est partager cette culture et cette tradition, ce qui ne veut pas dire être chrétien. Personnellement, je ne le suis pas, et cela ne m’empêche de me sentir pleinement français.
Il faut dissocier immigration et immigré. Je pense – comme nous en avons déjà débattu – que l’immigration a vocation à être contrôlée. Je n’ai par contre absolument rien contre les immigrés en tant qu’individus. Je suis opposé à la suppression des barrières douanières, ce n’est pas pour cela que je méprise mon voisin qui roule en Hyundai.
>Ah, tiens, je sens que c’est là un impensable qu’on n’est pas autorisé à penser.<
Vous êtes parfaitement autorisé à le penser, ça n’a juste aucun sens. Pourquoi cela arriverait-il ? Je ne comprends d’ailleurs pas bien où vous voulez en venir. Vous parlez d’expulsion forcée, de déportation ou de mouvement spontané ?
Dans le premier cas, vous conviendrez qu’expulser une partie de nos concitoyens à cause de leur religion est aux antipodes des principes républicains. Vous parlez de "culture musulmane". Comment définir les individus que ce terme recouvre ?
Ce désir de rejouer la guerre d’Algérie est justement l’une des choses que je me réjouis de voir disparaître, peu à peu, au FN…
[Dans le premier cas, vous conviendrez qu’expulser une partie de nos concitoyens à cause de leur religion est aux antipodes des principes républicains]
Le commentaire ne s’adresse pas à moi, mais je réponds quand même. Je ne pense pas que NationalisteJacobin propose une chose pareille. Mais il soulève une question intéressante: l’expulsion des pieds-noirs d’Algérie n’est pas habituellement condamnée par la bienpensance comme "aux antipodes des principes républicains". Pourquoi cette différence de traitement ? Certains vous disent "parce que les pieds-noirs étaient des affreux colonialistes". Mais là encore, n’est ce pas imposer une punition collective ? Tous les pieds-noirs n’étaient pas colonialistes. Certains ont même soutenu l’indépendance, pour découvrir après qu’on ne voulait plus d’eux.
> l’expulsion des pieds-noirs d’Algérie n’est pas habituellement condamnée par la bienpensance<
Et je le regrette. Mais cette action était celle des nationalistes Algériens, pas de la France. Que le régime Algérien n’ait aucun souci avec cette tâche sur son histoire, c’est son problème. J’espère qu’un jour, l’Algérie saura prendre un peu de recul sur cet épisode. Toutefois, en tant que républicain Français, je ne m’imagine pas un seul instant "jouer le match retour". C’est là qu’était mon propos.
Je suis pas sûr que le flambeau de la "lutte contre la bien-pensance" doive conduire à dire tout et n’importe quoi. Comparer une éventuelle expulsion des français de "culture musulmane" avec celle, qui fut d’ailleurs un rapatriement, des pieds-noirs d’Algérie est un non-sens.
Il n’aura en effet pas échappé à Nationaliste Jacobin, qui est prof d’histoire, ni à notre hôte, dont la culture est encyclopédique, que les français sont arrivés et se sont imposés en Algérie les armes à la main, alors que les "français de culture musulmane", comme dit NJ, ont été "invités" dans notre beau pays, puis naturalisés. De plus, le rapatriement des français d’Algérie a correspondu au règlement d’un conflit entre Etats tandis que l’expulsion des "français de culture musulmane" relèverait de l’agression d’un Etat contre une partie de sa population.
Ainsi, si la dramatique expérience historique des pieds-noirs peut-être assimilée à celle des populations déplacées entre la Grèce et la Turquie à la suite du traité de Lausanne; "l’impensé" de NJ au sujet de nos compatriotes musulmans équivaudrait à ce que les nazis ont initialement envisagé pour les juifs européens (déportation à Madagascar) avant de choisir une "solution" encore plus funeste.
Les "bienpensants" pensent que ce n’est pas la même chose; les juristes aussi d’ailleurs, pour qui le rapatriement des français d’Algérie ne constitue même pas un crime de guerre alors que l’expulsion par un Etat de ses propres nationaux relève du crime contre l’humanité.
[Et je le regrette. Mais cette action était celle des nationalistes Algériens, pas de la France. Que le régime Algérien n’ait aucun souci avec cette tâche sur son histoire, c’est son problème. J’espère qu’un jour, l’Algérie saura prendre un peu de recul sur cet épisode.]
Vous avez raison de dire que ce fut l’action des nationalistes algériens, et non de la France, qui provoqua l’exode après l’indépendance. Mais que pensent de cet épisode historique ceux qui en France ont soutenu les "nationalistes" en question pendant toute la guerre ? La plupart d’entre eux ont été très persistants – et ils ont eu raison – lorsqu’il s’est agit de dénoncer les exactions et la torture dont se sont rendus coupables les troupes françaises. Mais curieusement, elle est restée muette lorsqu’il s’est agi de dénoncer les exactions de ce qu’on a nommé la politique de "la valise ou le cercueil". Il ne s’agit bien entendu pas de jouer un quelconque "match retour", mais de comprendre pourquoi ce qui serait considéré ici – à juste titre – une violation insupportable des droits de l’homme ne mérite pas même une mention lorsqu’elle arrive "là bas"…
@odp
[Je suis pas sûr que le flambeau de la "lutte contre la bien-pensance" doive conduire à dire tout et n’importe quoi.]
Décidément, vous avez du mal à commenter sans commencer vos écrits par une grossièreté… si vous croyez que ce genre de remarques renforce votre point, vous vous trompez sur toute la ligne.
[Comparer une éventuelle expulsion des français de "culture musulmane" avec celle, qui fut d’ailleurs un rapatriement, des pieds-noirs d’Algérie est un non-sens.]
Personne n’a jamais parlé ici de "expulsion des FRANCAIS de culture musulmane". NationalisteJacobin a écrit: "imaginons que des centaines de milliers d’immigrés ou descendants d’immigrés, de culture musulmane (…)". Il n’est pas question donc d’une expulsion de "français". Pour quelqu’un qui accuse les autres de dire "tout et n’importe quoi", je vous trouve bien léger…
[Il n’aura en effet pas échappé à Nationaliste Jacobin, qui est prof d’histoire, ni à notre hôte, dont la culture est encyclopédique, que les français sont arrivés et se sont imposés en Algérie les armes à la main,]
Quels "français" ? Je doute que parmi les centaines de milliers de personnes qui ont quitté l’Algérie après l’indépendance il y en ait une fraction significative qui ait touché une arme dans sa vie. Je veux bien que Bougeaud et ses soldats se soient imposés par les armes, mais c’était en 1830. A moins de penser que les enfants doivent payer pour les pêchés des parents jusqu’à la dixième génération, accuser les "français d’Algérie" de 1960 de s’être "imposé par les armes" me paraît une contrevérité évidente.
Par ailleurs, je vous fais remarquer que nos ancêtres les gaulois sont eux aussi arrivés en Gaule les armes à la main. Sans compter avec les Francs, eux aussi pas mal armés, qui nous ont donné en partie notre langue, avec les Romains, qui eux aussi ont occupé cette terre les armes à la main. Je doute que cela nous donne le droit d’expulser de notre territoire tous les descendants d’italiens…
[alors que les "français de culture musulmane", comme dit NJ],
Ni NJ ni quiconque n’a jamais dit "français de culture musulmane" à part vous. C’est vous qui avez introduit cette expression dans ce débat. Et vous avez le culot d’accuser les autres de dire "n’importe quoi"…
[De plus, le rapatriement des français d’Algérie a correspondu au règlement d’un conflit entre Etats tandis que l’expulsion des "français de culture musulmane" relèverait de l’agression d’un Etat contre une partie de sa population.]
C’est inexact. Le "règlement du conflit entre Etats" qu’étaient les accords d’Evian précisaient au contraire très clairement que les "français d’Algérie" pourraient rester dans l’Algérie indépendante et que leurs vies et leurs biens seraient protégées. La déclaration du 19 juin 1962 précise très clairement, dans son chapitre II que "L’Etat algérien souscrira sans réserve à la Déclaration Universelle des droits de l’Homme (…) il appliquera notamment les garanties reconnues aux citoyens de statut civil français", précisant que "leur droits de propriété seront respectés. Aucune mesure de dépossession ne sera prise à leur encontre sans l’octroi d’une indemnité équitable préalablement fixée". Ce n’est donc pas le "règlement du conflit entre Etats" qui est responsable du départ des "français d’Algérie", mais une politique choisie par les dirigeants de la République Algérienne, choix qu’on peut raisonnablement considérée comme une "agression contre une partie de la population".
[Ainsi, si la dramatique expérience historique des pieds-noirs peut-être assimilée à celle des populations déplacées entre la Grèce et la Turquie à la suite du traité de Lausanne;]
Non, justement. Les déplacements suite au traité de Lausanne ont été décidés par accord entre les états concernés. Le déplacement des "français d’Algérie" résulte d’une politique unilatérale de terreur instaurée par le gouvernement algérien. C’était "la valise ou le cercueil", ça vous dit quelque chose ?
[Les "bienpensants" pensent que ce n’est pas la même chose; les juristes aussi d’ailleurs, pour qui le rapatriement des français d’Algérie ne constitue même pas un crime de guerre alors que l’expulsion par un Etat de ses propres nationaux relève du crime contre l’humanité.]
Pourriez-vous citer les "juristes" auxquels vous faites allusion, avec une référence aux textes où ils disent pareille chose ? Merci d’avance…
[Ni NJ ni quiconque n’a jamais dit "français de culture musulmane"]
C’est pourtant ce que j’ai compris et ce qui a motivé ma réponse. Car qui dit "descendants d’immigrés" en France dit "Français", non ?
Je voudrais d’ailleurs corriger ma réponse. J’ai écrit :"renvoyer dans leurs pays d’origines les multi-délinquants multi-récidivistes, j’en rêve". Ce n’est pas vraiment un "rêve" (sic)… C’est une réaction déplaisante à une situation déplaisante. Et là, il s’agit bien aussi de Français. Mais la délinquance d’origine immigrée pose problème, indispose fortement tout le monde surtout ce qui habite dans les zones où elle s’exerce et pourrit complètement le débat sur l’immigration. Il y a quelques années, j’aurais même dit que sans délinquance, il n’y aurait même pas eu de débat sur l’immigration. Je crois que ce n’est plus le cas parce que maintenant l’accent est mis sur l’Islam.
De plus cette délinquance professe volontiers une détestation (schizophrénique) de la France, ce qui entraine un rejet encore plus grand et la réponse évidente : "eh bien retourne là-bas". Ce n’est pas brillant mais c’est bien ce à quoi on est confronté…
Descartes, il me semble que sur ce coup là vous vous êtes complètement fourvoyé (mais cela arrive aux meilleurs).
En effet, comme NJ l’a précisé ultérieurement, c’est bien de "l’expulsion forcée de nos COMPATRIOTES musulmans" (sic) à laquelle était consacrée son commentaire et sa comparaison avec le rapatriement des français d’Algérie.
Il m’arrive (souvent, si je vous en crois) d’être grossier et (parfois, si j’en crois mon employeur) d’être léger et culotté; mais, en la matière, j’ai simplement été lucide sur le discours de NJ qui, vantant les mérites de "l’homogénéité", se pose là (et très benoîtement) en digne héritier spirituel d’Alfred Rosenberg.
Je peux comprendre qu’une telle affirmation, proférée dans le cadre d’une discussion sur un blog "Républicain" tenu et fréquenté par d’anciens cadres du PCF, vous soit apparue tellement surréaliste qu’elle en fut incroyable; mais c’est la (triste?) réalité.
Ce sujet (essentiel) éclairci, les autres points que vous avez soulevés me semble pouvoir être considérés comme relativement mineurs; je n’y consacrerai donc que de brefs commentaires.
En ce qui concerne l’analogie que j’avais faite entre le rapatriement des français d’Algérie et le "règlement d’un conflit d’Etat à Etat", je voulais simplement dire que les pieds-noirs bénéficiaient alors de la protection de l’Etat français, à la fois pour les accueillir et éventuellement les défendre, puisque, comme vous l’avez fait remarquer, la politique de "la valise ou du cercueil" était contraire aux termes des accords d’Evian (on aurait même pu envisager une reprise des hostilités). Dans le cadre de l’expulsion par un Etat de ces propres nationaux, la situation est bien évidemment différente puisqu’il n’existe pas d’autorité supérieure capable de prendre en charge ou de défendre les victimes.
Comme je l’ai indiqué, juridiquement, le rapatriement des français d’Algérie ne saurait être qualifié de crime de guerre puisqu’il a été, techniquement, "volontaire", tandis que l’expulsion par un Etat de ses propres ressortissant pour des "motifs politiques, philosophique, raciaux ou religieux" rentre dans la définition du crime contre l’Humanité (ce qui, entre nous soit dit, paraît assez évident). Ceci dit, si une discussion plus technique sur le droit des expulsions vous intéresse, je vous recommande la lecture de la thèse suivante http://tel.archives-ouvertes.fr/docs/00/19/63/12/PDF/alducroquetz07.pdf. La partie historique est intéressante et pourra notamment éviter à NS (AR?), s’il la lisait, de dire n’importe quoi sur l’histoire du droit des étrangers en Europe.
Enfin, pour que les choses soient claires, je précise que je n’ai aucune sympathie pour le FLN, aucune prévention à l’encontre des pieds-noirs (probablement parce que je n’en fréquente que très peu) et presque une certaine tendresse pour les harkis. Il me semble d’ailleurs avoir précisé que je considérais que l’expérience historique des rapatriés d’Algérie avait été dramatique.
@ odp,
Sur le "rapatriement" des pieds-noirs d’Algérie, je voudrais juste souligner que nombre de pieds-noirs d’origine espagnole et italienne, ainsi que les Sépharades, descendaient de gens qui n’avaient jamais vu la France métropolitaine.
"les Français se sont imposés les armes à la main"
Et les Arabes hilaliens au Maghreb? Et les Turcs en Anatolie? Croyez-vous qu’ils sont arrivés en chantant avec des colliers de fleurs? Si on se base sur votre principe, pardonnez-moi, mais beaucoup de gens vont devoir déménager… Je ne parle même pas des blancs d’Amérique, qui sont des millions aujourd’hui. Eux aussi vont devoir revenir en Europe?
"L’ "impensé" de NJ au sujet de nos compatriotes musulmans équivaudrait à ce que les nazis ont d’abord imaginé pour les juifs européens"
Je voudrais vous poser une question, mais je vous préviens, c’est une question piège: savez-vous ce qui s’est passé en Palestine en 1948, trois ans après la fin de la Seconde Guerre mondiale? Des juifs, dont quelques uns rescapés des camps, ont brûlé des villages palestiniens et chassé des milliers de Palestiniens arabes de chez eux. Diriez-vous qu’ils ont fait ce que les nazis envisageaient pour les juifs d’Europe? J’insiste pour que vous répondiez, parce que je suis très curieux de voir si l’analogie avec les nazis est utilisable dans tous les cas… D’autant que les Israéliens ne se sont pas contentés "d’imaginer", eux, ils ont mis en pratique.
Comme le dit Descartes, j’évoquais des "immigrés ou descendants d’immigrés de culture musulmane", parmi lesquels il n’y a pas que des naturalisés. Un certain nombre conserve sa nationalité d’origine. Beaucoup sont binationaux. Une minorité, je pense, détient uniquement la nationalité française. Rien à voir avec les juifs allemands, excusez-moi.
Pour ceux qui ont la nationalité française, je voudrais savoir de qui on parle. Je ne sais pas vous, mais moi, en 2002 lors de la victoire de Chirac comme en 2012 lors de celle de Hollande, j’ai vu bien des drapeaux algériens et tunisiens brandis lors des manifestations de joie. Lorsque l’équipe de foot algérienne, marocaine ou tunisienne joue, les mêmes sortent le drapeau du "cher pays" (vous me direz, les Français d’origine portugaise font de même)… et accessoirement casse tout lorsque leur équipe perd. Ces "compatriotes" comme vous dites choisissent délibérément de se revendiquer comme étrangers, et je ne vois pas pourquoi on me jetterait la pierre de les considérer ainsi. On ne peut pas dire: "moi, je suis Algérien", et venir ensuite pleurnicher parce qu’on ne vous considère pas comme un "Français à part entière". Ces gens ont le choix. Au surplus, bon nombre d’entre eux sont des binationaux comme je le disais, or la Déclaration universelle des droits de l’homme, si j’ai bonne mémoire, précise que toute personne a droit à une nationalité. Une, pas deux. Moi, je n’ai que la nationalité française et ça me suffit. On pourrait décider demain d’abolir la double nationalité, et d’empêcher ceux qui ont eu des condamnations de conserver la nationalité française. Je considérerai "les Français de culture musulmane" comme des compatriotes quand le terme "Français" cessera de désigner les blancs quand il est utilisé dans certains quartiers… Priver un binational d’une de ses nationalités n’est nullement attentatoire aux droits de l’homme puisqu’il conserve l’autre.
@ Descartes
"il y a des nations qui se définissent par une communauté ethnique, et des nations qui se définissent comme une communauté de règles et de destin"
C’est la vieille opposition entre définition allemande et définition française de la nation. Je ne la nie pas, mais je pense qu’il faut la nuancer. Dans la définition française, comme elle est formulée par Renan par exemple, il est quand même question des ancêtres communs. La France, c’est une nation, mais c’est aussi une patrie, "la terre des pères". Il y a une population enracinée sur ce sol depuis quelques siècles maintenant. L’immigration est un phénomène relativement récent au regard de l’histoire de France. Certes, la France a toujours été moins homogène que son voisin germanique. Mais le vieux fond de population gallo-romaine, romanisée et christianisée à la fin de l’Empire, est resté dominant, et a de fait absorbé les autres tout en subissant leur influence, voire leur domination: les Francs sont devenus chrétiens et ont adopté le bas-latin dans les zones où ils étaient minoritaires, les Normands sont devenus chrétiens de même et ont adopté le vieux français. Les Goths, les Burgondes, ont fait de même. Il n’y a guère qu’à la périphérie (Basse Bretagne, Pays basque, Alsace) que cette culture dominante, latine et chrétienne, a peiné à s’imposer. Je crois que le peuple français est quand même un peuple européen. Avec la meilleure volonté du monde, il sera toujours plus difficile de demander à des Maghrébins ou à des Subsahariens d’ "adopter" Saint Louis, Louis XIV, Robespierre ou Napoléon. Même s’il ne faut pas le dire, je pense que tout le monde aime bien que ses ancêtres, même fictifs, lui ressemblent… On ne sait pas à quoi ressemblait le premier, mais les autres ont un type physique assez clairement identifiable, désolé de le dire. Aussi, je crois que le peuple français est menacé de dilution par l’immigration. C’est cette raison qui m’a amené à accorder mon suffrage au FN dans le passé. Voilà, je dis sincèrement les choses, même si je comprends que ce type de propos puisse paraître inacceptable, et contraire à une certaine vision humaniste de la France. Tu valideras mon commentaire si tu le souhaites.
Sur la définition d’ethnie, je ne suis pas d’accord. En histoire ancienne (pour parler d’un domaine que je connais un peu), on ne définit pas l’ethnie sur des critères biologiques, mais bien culturels. Wikipédia me signale que d’après Max Weber, "l’ethnicité est le sentiment de partager une ascendance commune, que ce soit à cause de la langue, des coutumes, de ressemblances physiques ou de l’histoire vécue". Je pense que la III° République a contribué à forger un sentiment ethnique français.
En tout cas, merci de faire vivre cet espace de débat.
[En effet, comme NJ l’a précisé ultérieurement, c’est bien de "l’expulsion forcée de nos COMPATRIOTES musulmans" (sic) à laquelle était consacrée son commentaire et sa comparaison avec le rapatriement des français d’Algérie.]
D’abord, vous avez cité NJ disant « français d’origine musulmane ». Cette formule ne figure dans aucun de ses écrits. C’est donc vous qui vous êtes fourvoyé, et pas moi. Il y aurait un minimum de décence à le reconnaître, au lieu de dire que c’est moi qui me serais « fourvoyé ». Et ici vous refaites le même coup. Vous citez NJ écrivant « "l’expulsion forcée de nos COMPATRIOTES musulmans" (sic) ». Sauf que la formule que vous citez ne figure a aucun endroit sous la plume de NJ. Ce qu’il a écrit, pour être précis : « Je vois mal nos compatriotes musulmans partir spontanément en deux mois… ». Les termes « expulsion forcée » ne sont qu’une pure invention de votre part…
[Il m’arrive (souvent, si je vous en crois) d’être grossier et (parfois, si j’en crois mon employeur) d’être léger et culotté; mais, en la matière, j’ai simplement été lucide sur le discours de NJ qui, vantant les mérites de "l’homogénéité", se pose là (et très benoîtement) en digne héritier spirituel d’Alfred Rosenberg.]
Non. Votre « lucidité » se limite à mettre sous la plume des autres les termes que vous auriez voulu qu’ils utilisent pour ensuite pouvoir les dénoncer. Et lorsqu’on vous signale l’erreur, non seulement vous ne la reconnaissez pas, mais vous recommencez. Et en plus, vous avez la prétention d’avoir raison…
[Ce sujet (essentiel) éclairci, les autres points que vous avez soulevés me semble pouvoir être considérés comme relativement mineurs; je n’y consacrerai donc que de brefs commentaires.]
Sa Majesté est trop bonne…
[En ce qui concerne l’analogie que j’avais faite entre le rapatriement des français d’Algérie et le "règlement d’un conflit d’Etat à Etat", je voulais simplement dire que les pieds-noirs bénéficiaient alors de la protection de l’Etat français, à la fois pour les accueillir et éventuellement les défendre,]
Comment ça « pour les défendre » ? Comment l’Etat français aurait pu « défendre » les biens et la vie des français d’Algérie s’ils étaient restés sur le sol algérien alors que l’Algérie devenait un état souverain ? Vous dites n’importe quoi. Les pieds-noirs étaient citoyens français et « bénéficiaient de la protection de l’Etat Français » au même titre qu’un algérien résident en France bénéficie de la protection de l’Etat algérien.
[puisque, comme vous l’avez fait remarquer, la politique de "la valise ou du cercueil" était contraire aux termes des accords d’Evian (on aurait même pu envisager une reprise des hostilités).]
C’est ce que vous auriez recommandé ? Et comment aurait-il fallu s’y prendre ? Envoyer une canonnière bombarder Alger, comme au bon vieux temps ?
[Dans le cadre de l’expulsion par un Etat de ces propres nationaux, la situation est bien évidemment différente puisqu’il n’existe pas d’autorité supérieure capable de prendre en charge ou de défendre les victimes.]
Certes. Vous admettez donc que l’expulsion des immigrés de France ne serait pas du point de vue juridique très différente de ce qui est arrivé aux pieds-noirs d’Algérie, puisque ces immigrés sont bien sous la protection de l’Etat dont ils sont citoyens ?
[Comme je l’ai indiqué, juridiquement, le rapatriement des français d’Algérie ne saurait être qualifié de crime de guerre puisqu’il a été, techniquement, "volontaire",]
Vous avez une drôle de définition pour le terme « volontaire », alors. A votre avis, les juifs qui ont fui l’Europe pendant la période 1940-45 doivent être considérés comme des « départs volontaires » ? Décidément… et j’attends toujours que vous me citiez le nom des juristes anonymes qui soutenaient vos thèses dans votre précédent commentaire. Je constate que vous préférez éviter la question…
@nationalistejacobin
[Dans la définition française, comme elle est formulée par Renan par exemple, il est quand même question des ancêtres communs. La France, c’est une nation, mais c’est aussi une patrie, "la terre des pères".]
Tout à fait. Mais les ancêtres n’ont pas besoin d’être réels. Ils peuvent être symboliques. Je me souviens encore d’un vieil homme qui habitait à côte de chez nous quand j’étais enfant. Il était né en Algérie du temps de la colonisation, il était musulman et avait acquis la nationalité française après avoir combattu en Allemagne pendant la guerre 1939-45, ce dont il était très fier. Et il racontait avec les larmes aux yeux comment son instituteur au bled lui faisait répéter la célèbre leçon "nos ancêtres les gaulois". Pour lui, les gaulois étaient bien ses ancêtres… ce qui montre que si la Patrie c’est la terre des pères, ces pères peuvent parfaitement être symboliques.
[Il y a une population enracinée sur ce sol depuis quelques siècles maintenant. L’immigration est un phénomène relativement récent au regard de l’histoire de France. Certes, la France a toujours été moins homogène que son voisin germanique. Mais le vieux fond de population gallo-romaine, romanisée et christianisée à la fin de l’Empire, est resté dominant (…) et a de fait absorbé les autres tout en subissant leur influence,]
Et c’est ce modèle "assimilationniste" que je défends toujours. Bien entendu, cela suppose qu’il n’y a pas de symétrie entre l’assimilé et l’assimilateur: c’est l’assimilé qui adopte la culture de l’assimilateur, et pas l’inverse.
[Je crois que le peuple français est quand même un peuple européen.]
C’est une constatation géographique évidente. Mais diriez-vous qu’un Jean-Vincent Placé n’est pas "européen" ?
[Avec la meilleure volonté du monde, il sera toujours plus difficile de demander à des Maghrébins ou à des Subsahariens d’ "adopter" Saint Louis, Louis XIV, Robespierre ou Napoléon.]
Je n’en suis pas persuadé. Félix Eboué et Gaston Monerville ont dit de très belles choses à ce sujet…
[Même s’il ne faut pas le dire, je pense que tout le monde aime bien que ses ancêtres, même fictifs, lui ressemblent…]
Certainement, mais ce n’est pas indispensable. Et je crois qu’un Félix Eboué me ressemble bien plus que Clovis, Jeanne d’Arc ou Vercingétorix…
[Aussi, je crois que le peuple français est menacé de dilution par l’immigration.]
Je suis d’accord. Mais pas parce que l’immigré soit inassimilable. Plutôt parce que depuis trente ans on a cessé de faire ce qu’il faut pour l’assimiler. C’est cette capacité d’assimilation qui a sauvé la France de la dissolution au cours de son histoire agitée.
[C’est cette raison qui m’a amené à accorder mon suffrage au FN dans le passé. Voilà, je dis sincèrement les choses, même si je comprends que ce type de propos puisse paraître inacceptable, et contraire à une certaine vision humaniste de la France. Tu valideras mon commentaire si tu le souhaites.]
Tu formules franchement une pensée qui ne viole pas la loi. Qui n’est pas tout à fait la mienne, même si nous avons des préoccupations communes. Et qui me semble être rationnellement soutenue. Pourquoi ne la validerais-je pas ? Si j’ai lancé ce sujet, c’est parce que je pense qu’il faut sortir du faux unanimisme et se dire les choses en face. Et je te remercie de le faire.
[En tout cas, merci de faire vivre cet espace de débat.]
De rien, tout le plaisir est pour moi ! 😉
Mon cher Descartes,
Puisque, pour des raisons qui m’échappent, vous vous obstinez à nier l’évidence, je vais citez directement NJ dans sa réponse à Bolchokek:
"Oui (…) je songeais à une expulsion forcée. Je vois mal nos compatriotes musulmans partir spontanément en deux mois… Ces gens ont souvent un travail, une maison, leurs repères en France".
En toutes lettres: EXPULSION FORCEE (DE NOS COMPATRIOTES MUSULMANS
Par ailleurs, dans une réponse à mon commentaire, NJ indiquait:
"j’évoquais des "immigrés ou descendants d’immigrés de culture musulmane", parmi lesquels il n’y a pas que des naturalisés. Un certain nombre conserve sa nationalité d’origine. Beaucoup sont binationaux. Une minorité, je pense, détient uniquement la nationalité française".
Il s’agit donc de TOUS LES INDIVIDUS DE CULTURE MUSULMANE, qu’ils soient étrangers, franco quelque chose ou tout simplement français. A ce titre, je me demande quel sort serait réservé, dans l’impensé de NJ, aux français qui ne seraient pas "de culture musulmane" mais qui se seraient convertis à l’islam. Expulsés ou graciés en respect pour leurs ancêtres?
Bref, si vous continuez à niez que ce qu’évoquait NJ correspondait bien à L’EXPULSION FORCEE DES ETRANGERS ET DES FRANCAIS DE CULTURE MUSULMANE, c’est que vous êtes sorti (temporairement j’espère) du cercle de la raison et qu’il vaut mieux que nous passions à autre chose.
@ Descartes,
"Felix Eboué et Gaston Monnerville ont dit de très belles choses à ce sujet…"
Je voudrais faire quelques remarques.
D’abord, Monnerville et Eboué ne sont pas des Subsahariens. Ils sont tous les deux Guyanais, nés à Cayenne, et issus des populations noires amenées aux Amériques du temps de la traite. On ne peut pas vraiment, je pense, les considérer comme descendants d’immigrés, car leurs ancêtres n’avaient pas demandé à venir là. Bien sûr, beaucoup de gens migrent sous la contrainte, mais conservent un certain choix dans la destination. Ce n’était pas le cas avec la traite.
Ensuite, ces populations noires des Amériques constituent un cas particulier: complètement coupées du pays d’origine, issues de tribus différentes, privées d’élites propres, réduites à l’état servile, elles se sont reconstruites une culture et une identité sur place. En s’imprégnant de celle du "maître" blanc.
Je te dirais ensuite que c’était une autre époque: Monnerville et Eboué sont nés à la fin du XIX° siècle et ont grandi dans une France coloniale et impériale qui nourrissait alors une ambition œcuménique. C’était un peu l’idée de "réunir toutes les races derrière un seul drapeau", si je puis dire. La France était sure d’elle et imposait sa civilisation sans hésiter et sans tolérer la contestation. Ce modèle impérial, par sa force, pouvait exercer une forme de séduction parmi les colonisés. Mais on ne peut pas se cacher le revers de la médaille: une domination parfois brutale, fondée en partie sur des préjugés racistes pour le coup, un coût relativement important (il semble que l’Empire, au final, ait coûté plus que ce qu’il ne rapportait).
La décolonisation a entraîné la fin de ce modèle impérial, et la France, qu’on le veuille ou non, s’est quand même repliée sur le territoire métropolitain, même si nous conservons quelques territoires ultramarins. Ce faisant, elle a renoncé à une certaine diversité qui existait dans l’Empire. Mais elle n’y a pas renoncé seule. De Gaulle, me semble-t-il, avait proposé une Union en lieu et place de l’Empire, option rejetée par les anciennes colonies subsahariennes. A partir du moment où les Subsahariens et les Maghrébins ont fait le choix de l’indépendance, choix que je comprends et respecte, ils ont clairement manifesté leur volonté de se séparer de la France, de devenir des étrangers. Il est assez surprenant que leurs descendants installés en France deux générations plus tard s’étonnent qu’on soit réticent à les considérer comme des Français. Ils ne voulaient plus être français en 1960, et ils veulent l’être en 2010? Faudrait savoir! Cette ambivalence me pose problème.
Enfin, le monde a changé. Aujourd’hui, avec les satellites, internet, la télévision et la téléphonie, les migrants ont la possibilité de rester beaucoup plus facilement en relation avec le pays d’origine. On voyage plus facilement aussi. Un nombre non négligeable d’immigrés vont prendre femme ou mari dans le pays d’origine (en cela je pense que le regroupement familial fait du mal et l’on devrait s’y attaquer). Dans ce nouveau contexte, je crois que le droit du sol n’est plus une bonne chose, et je souhaite qu’il soit, sinon supprimé, du moins plus strictement encadré. Au risque à nouveau de me faire des ennemis, je ne désapprouve pas ce slogan frontiste: "Être français, ça s’hérite ou ça se mérite". Reste à savoir évidemment ce qu’on met derrière le verbe "mériter" dans ce cas.
Je me pose une question: y aurait-il encore un Felix Eboué ou un Gaston Monnerville de nos jours? Nous avons actuellement une dignitaire de la République née comme eux à Cayenne: Christiane Taubira, présentement Garde des sceaux. Et tu seras d’accord avec moi, je pense, pour dire que cette dame ne "dit pas de très belles choses" sur Louis XIV ou Napoléon. En tout cas, je crois me souvenir qu’elle a expliqué que cette France-là n’était pas la sienne. Tout son parcours politique et intellectuel est marqué par l’ambiguïté: indépendantiste dans sa jeunesse, elle est devenue ministre de la République. Amoureuse de la littérature française, elle est à l’origine de lois mémorielles et de discours criminalisant des pans entiers de l’histoire de France. Elle nous parle avec passion de la "République" mais a fait de la mémoire communautaire de l’esclavage (car il s’agit exclusivement de la traite transatlantique, sa loi ne concerne par la traite des noirs ou des blancs par les Arabes) son fond de commerce. Que penses-tu de cette étrange "héritière" d’Eboué et de Monnerville?
"Mais pas parce que l’immigré soit inassimilable."
J’ignore si l’immigré est inassimilable par essence. En revanche, je suis convaincu que les immigrés sont inassimilables dans l’état actuel des choses. Parce qu’on a renoncé à certaines exigences républicaines, c’est certain. Mais je ne crois pas du tout que cette explication suffise. Il faut je pense regarder la situation en Afrique noire et au Maghreb. Les pays issus de la colonisation se sont bâtis, bon an, mal an, eux aussi des identités nationales depuis une cinquantaine d’années. Identités fragiles certes, menacées par les conflits ethniques et religieux, mais qui existent et se développent quand même progressivement. Ensuite, il y a l’affirmation de l’identité islamique au Maghreb et dans les pays sahéliens (identité qui d’ailleurs heurte souvent les traditions locales dont l’islam s’était coloré). Résumons-nous: un modèle français moins séduisant, moins exigent, des immigrés arrivant avec une identité un peu plus solide, ayant la possibilité de cultiver des liens forts et durables avec le pays d’origine, le poids grandissant de l’islam (et pas nécessairement dans sa version la plus tolérante). Pour toutes ces raisons, je pense que si demain, par miracle, la France adoptait une stricte politique assimilationniste, elle ne réussirait pas nécessairement. Il est de toute façon difficile d’éliminer un discours et des pratiques installées depuis quelques décennies maintenant. Alors que faire? Je confesse bien volontiers mon désarroi.
[Puisque, pour des raisons qui m’échappent, vous vous obstinez à nier l’évidence,]
Comment c’était déjà cette histoire de la paille dans l’œil du prochain et la poutre dans le sien…
[je vais citez directement NJ dans sa réponse à Bolchokek: "Oui (…) je songeais à une expulsion forcée. Je vois mal nos compatriotes musulmans partir spontanément en deux mois…"]
Fort bien, jusque là on est d’accord, mais ensuite tout dérape:
[En toutes lettres: EXPULSION FORCEE (DE NOS COMPATRIOTES MUSULMANS]
Nous progressons un peu. Vous semblez avoir renoncé aux guillemets et au "sic" (je vous rappelle que vous aviez attribué à NJ la formule "l’expulsion forcée de nos COMPATRIOTES musulmans" (sic)"). C’est bien. Mais vous continuez à prendre deux mots d’une phrase, deux mots d’une autre, de faire une liaison entre les deux et d’attribuer le produit à votre contradicteur. Ce n’est pas très correct, comme démarche.
[Bref, si vous continuez à niez que ce qu’évoquait NJ correspondait bien à L’EXPULSION FORCEE DES ETRANGERS ET DES FRANCAIS DE CULTURE (…)]
Moi je ne "nie" rien du tout. Je me contente de montrer comment vous inventez des citations que vous attribuez aux gens avec qui vous n’êtes pas d’accord. Sur cette discussion, je vous ai déjà pris en flagrant délit de manipulation au moins trois fois, et je ne me souviens pas que vous ayez présenté des excuses…
@nationalistejacobin
[D’abord, Monnerville et Eboué ne sont pas des Subsahariens. Ils sont tous les deux Guyanais, nés à Cayenne, et issus des populations noires amenées aux Amériques du temps de la traite. On ne peut pas vraiment, je pense, les considérer comme descendants d’immigrés,]
Non. Mais du point de vue de votre discours sur la possibilité d’assimiler des gens qui sont très différents et votre remarque comme quoi les nations aiment l’homogénéité, ces deux exemples sont parfaitement valables. Ni Monnerville ni Eboué ne peuvent être considérés comme faisant partie de cette « homogénéité » gréco-latine à laquelle vous faites référence.
[Je te dirais ensuite que c’était une autre époque: Monnerville et Eboué sont nés à la fin du XIX° siècle et ont grandi dans une France coloniale et impériale qui nourrissait alors une ambition œcuménique. C’était un peu l’idée de "réunir toutes les races derrière un seul drapeau", si je puis dire. La France était sure d’elle et imposait sa civilisation sans hésiter et sans tolérer la contestation.]
Tout à fait. Ce qui a cassé la machine à assimiler, ce n’est pas le fait que les populations à assimiler soient très différentes. C’est que la France doute d’elle-même et de sa légitimité. On ne peut pousser d’autres à nous aimer quand on ne s’aime pas soi même. Comment les immigrés pourraient avoir envie de devenir français lorsque les français eux-mêmes – ou du moins ceux qu’on écoute dans les médias – se répandent à la moindre occasion pour tenir le discours de la haine de soi ? Qui a envie de devenir citoyen d’un pays qui est raciste, antisémite, anti-jeunes, archaïque, moisi, et qui ne peut être sauvé que par les apports de la « diversité » ?
[La décolonisation a entraîné la fin de ce modèle impérial, et la France, qu’on le veuille ou non, s’est quand même repliée sur le territoire métropolitain, même si nous conservons quelques territoires ultramarins.]
Même si la vision « assimilationniste » est liée à la construction de l’Empire, je ne pense pas qu’il faille les confondre. Ce qui a mis par terre la logique d’assimilation, c’est la montée en force des classes moyennes. Le problème, c’est que l’assimilation a un coût. Accepter que les fils d’immigrés deviennent français, c’est pour les classes moyennes admettre qu’ils deviennent des concurrents pour ses propres enfants. Quand la croissance est là, il y a de la place pour tout le monde. Mais quand la croissance ralentit à la fin des années 60, le système se bloque : puisque les stock de postes ne croit pas, pour qu’un noir puisse devenir Gouverneur, il faut bien qu’un fils de Gouverneur puisse devenir… non pas noir, mais baisser de classe. Et cela les classes moyennes ne peuvent pas l’accepter. De la même manière qu’elles ont cassé l’ascenseur social en cassant l’école pour empêcher aux enfants de la classe ouvrière « blanche » de concurrencer leurs enfants, ils ont cassé la machine à assimiler. Et tout cela en le justifiant par des théories du « respect de la diversité » et autres balivernes.
[ils ont clairement manifesté leur volonté de se séparer de la France, de devenir des étrangers. Il est assez surprenant que leurs descendants installés en France deux générations plus tard s’étonnent qu’on soit réticent à les considérer comme des Français. Ils ne voulaient plus être français en 1960, et ils veulent l’être en 2010? Faudrait savoir! Cette ambivalence me pose problème.]
Effectivement, il y a là un paradoxe, qui doit beaucoup à l’échec des régimes issus de la décolonisation. C’est un peu ce que dit le personnage incarné par John Cleese dans « la vie de Brian : “ok, ok, ok, à part les égouts, la médicine, l’éducation, l’irrigation, la santé publique, les routes, l’eau courante, les bains et l’ordre publique, est-ce que les Romains ont fait quelque chose pour nous ?”. Les mouvements d’indépendance ont cru qu’une fois les méchants colonisateurs partis, le lait et le miel coulerait des fontaines. Cela n’a pas marché. Et même si personne n’ose se poser la question de savoir si la colonisation n’avait pas finalement quelques avantages à haute voix, elle est sous-jacente…
[Au risque à nouveau de me faire des ennemis, je ne désapprouve pas ce slogan frontiste: "Être français, ça s’hérite ou ça se mérite". Reste à savoir évidemment ce qu’on met derrière le verbe "mériter" dans ce cas.]
La formule en elle-même ne me pose pas de problème non plus. Le problème est évidement ce qu’on met sous le terme « mériter ». J’ajouterais d’ailleurs que cela non seulement se « mérite », mais se « désire ». Pour un immigré, la naturalisation ne peut être réduite à une pure question administrative. Une naturalisation n’est pas une adhésion à une mutuelle. La difficulté, c’est qu’aujourd’hui la nationalité donne beaucoup de droits et très peu de devoirs. C’est ce déséquilibre qui rend difficile de donner un sens à la naturalisation.
[Je me pose une question: y aurait-il encore un Felix Eboué ou un Gaston Monnerville de nos jours? Nous avons actuellement une dignitaire de la République née comme eux à Cayenne: Christiane Taubira, présentement Garde des sceaux. Et tu seras d’accord avec moi, je pense, pour dire que cette dame ne "dit pas de très belles choses" sur Louis XIV ou Napoléon. En tout cas, je crois me souvenir qu’elle a expliqué que cette France-là n’était pas la sienne.]
Taubira n’a certainement rien de commun avec Eboué ou Monnervile, en dehors du fait d’êtré née en Guyane. Taubira est une démagogue qui ne cherche qu’à se tailler un fief.
[Résumons-nous: un modèle français moins séduisant, moins exigent, des immigrés arrivant avec une identité un peu plus solide, ayant la possibilité de cultiver des liens forts et durables avec le pays d’origine, le poids grandissant de l’islam (et pas nécessairement dans sa version la plus tolérante). Pour toutes ces raisons, je pense que si demain, par miracle, la France adoptait une stricte politique assimilationniste, elle ne réussirait pas nécessairement.]
Cela dépend. Tous les immigrés n’ont pas vocation à devenir français. Pour les raisons que tu expliques, certains peuvent préférer rester citoyens de leur pays d’origine, vivre et travailler quelques années chez nous puis rentrer au pays. Ce qu’il faut, c’est délimiter clairement les droits et les devoirs de chacun. Ceux qui veulent les droits du citoyen doivent pouvoir y accéder, mais en échange accepter l’assimilation. Les autres doivent savoir que leur résidence en France est temporaire et précaire. Et l’Etat doit assumer ce discours. On ne peut avoir le beurre et l’argent du beurre.
[Il est de toute façon difficile d’éliminer un discours et des pratiques installées depuis quelques décennies maintenant. Alors que faire? Je confesse bien volontiers mon désarroi.]
Je le partage. Quelque soit la solution choisie aujourd’hui, elle ne sera pas facile.
Descartes – je vois que nous passons d’un dialogue de sourds à un dialogue de malentendants.
C’est mieux, mais cela reste très insuffisant.
Je vous propose donc d’oublier nos différents de forme pour essayer de nous concentrer sur le fond. Pour ce faire, je vous présente mes excuses pour la manière, que vous avez pu juger cavalière, voire grossière, de certaines parties de mes interventions et que je mettrai plutôt, pour ma part, sur le compte d’un tempérament peut-être un peu trop éruptif et d’une certaine maladresse.
Cei fait, comme je l’ai indiqué à Morel, si vous souhaitez vraiment que nous échangions des arguments sur ce qui distingue ou non le rapatriement des français d’Algérie et une éventuelle expulsion de tous les individus de culture de musulmane présent sur notre territoire, qu’ils soient étrangers ou français, je serai ravi de le faire, mais je sens en mon for intérieur que nous sommes en réalité sur la même ligne.
Pour ce qui est du sujet de votre article (que faire du FN?), je me propose de reformuler mes remarques sous un tour plus civil ultérieurement car il commence à se faire tard.
En attendant, si vous voulez bien jeter un coup d’oeil à ces deux documents qui traitent de la politique de la valise et du cercueil, ils sont assez intéressants.
http://www.monde-diplomatique.fr/2008/05/DAUM/15870
http://tel.archives-ouvertes.fr/docs/00/37/94/84/PDF/Texte.pdf
@ odp,
Oh la la! Je vous vois vous emballer un peu vite, cher monsieur! Je prends ma part de responsabilité naturellement, je n’ai pas été assez clair dans la formulation de mon "impensé". Reprenons, si vous le voulez bien.
Mon propos initial était le suivant:
"imaginons que des centaines de milliers d’immigrés ou descendants d’immigrés, de culture musulmane (au hasard), soient amenés à faire leur bagage pour quitter le sol français dans les deux mois…"
A partir de là, vous paraissez en avoir déduit que j’envisageais l’expulsion pure et simple de tous les musulmans, français ou pas, du sol national. C’est un peu réducteur, je trouve. Dans mon esprit, toute la population musulmane n’était pas nécessairement visée, je pensais à ceux qui préfèrent vivre selon les préceptes de l’islam, rejettent le mode de vie occidental ou ne respectent pas les lois de la République, car il y en a. A aucun moment, je dis bien à aucun moment (relisez-moi), je n’ai évoqué une quelconque expulsion de la totalité des musulmans vivant en France. Soyez gentil de ne pas me faire dire ce que je n’ai pas dit, à moins évidemment que vous sachiez mieux que moi ce que je pense…
En revanche, je l’admets, j’ai commis une bourde en écrivant "nos compatriotes musulmans", car je pensais à ce moment en fait aux musulmans vivant en France de manière générale, nationaux ou étrangers. Je relis attentivement les commentaires, mais là le mot était mal choisi, mea culpa.
Ensuite, lorsque j’écris:
"j’évoquais des "immigrés ou descendants d’immigrés de culture musulmane", parmi lesquels il n’y a pas que des naturalisés. Un certain nombre conserve sa nationalité d’origine. Beaucoup sont binationaux. Une minorité, je pense, détient uniquement la nationalité française."
Vous semblez en conclure qu’à ce moment j’énumère les catégories que je "rêve" d’expulser, or ce n’est absolument pas le cas. Vous allez un peu vite en besogne, mon cher. Je me contente de préciser les différentes situations juridiques des "immigrés et descendants d’immigrés de culture musulmane" en France: de nationalité étrangère, binationaux ou (uniquement) de nationalité française. Rien de plus. Je ne suis pas en train de dresser une liste des indésirables comme vous paraissez le suggérer…
Je pense, cher monsieur, que vous devriez revoir votre méthode, car soit vous ne lisez que la moitié des commentaires, soit vous en produisez une interprétation bien étrange, contestable et pour tout dire malhonnête. Par ailleurs, je trouve que vous ne manquez pas d’air (le "culot" que votre patron vous reconnaît sans doute…) d’aller sur un autre blog déclarer que celui-ci est "irrespirable" parce qu’un… comment dites-vous? Ah oui, un "digne héritier spirituel d’Alfred Rosenberg" rêverait d’ "expurger" la France de tous ses musulmans. Ainsi, on ne sait comment, le "départ de centaines de milliers d’immigrés et descendants d’immigrés de culture musulmane" se transforme en "l’expulsion forcée de la totalité des musulmans vivant sur le sol français". Par quel tour de magie? Vous ne nous le dites malheureusement pas. Le seul qui rend l’air "irrespirable" sur ce blog n’est peut-être pas celui que l’on croit.
Cela étant dit, je me pose effectivement la question de la présence musulmane en France. Est-elle un bien pour le pays? Je ne le crois pas, et ne vous en déplaise, j’ai le droit de le penser. Maintenant, si vous considérez qu’être méfiant envers l’islam et les musulmans, c’est du nazisme, je crois que vous devriez réviser vos leçons d’histoire du secondaire. J’ai exprimé ici un certain nombre de griefs vis-à-vis des immigrés originaires du Maghreb et d’Afrique subsaharienne, en particulier ceux de culture musulmane (car il y a des Subsahariens chrétiens et animistes bien sûr) et là-dessus vous n’avez pas daigné répondre, contrairement à d’autres intervenants (et je les en remercie). Vous pouviez prendre la défense de ces gens, essayer d’argumenter, de montrer que leurs présence est bénéfique pour la France. Au lieu de cela, votre réponse tient en trois mots: "juifs", "nazi", "Alfred Rosenberg" (ok, ça fait quatre). C’est un peu court, messire. Souffrez que je vous prie de préciser votre pensée.
[Pour ce faire, je vous présente mes excuses pour la manière, que vous avez pu juger cavalière, voire grossière, de certaines parties de mes interventions et que je mettrai plutôt, pour ma part, sur le compte d’un tempérament peut-être un peu trop éruptif et d’une certaine maladresse. ]
Vos excuses sont acceptées, l’incident est clos.
[mais je sens en mon for intérieur que nous sommes en réalité sur la même ligne.]
Non, pas vraiment. Du moins si vous pensez que – comme le dit l’article du "monde diplomatique" que vous citez – le départ des français d’Algérie fut volontaire, et motivé par un refus de vivre avec les algériens plutôt que par une crainte réelle pour leur vie et leurs biens. Mais ce n’est pas moi qui vous refusera l’opportunité de reformuler votre pensée.
J’ai commenté les deux liens que vous proposez dans une autre réponse.
@ Descartes
[Je n’en suis pas persuadé. Félix Eboué et Gaston Monerville ont dit de très belles choses à ce sujet…]
As-tu des références ?
@ Nationalistejacobin
Sur de Gaulle et les colonies qui auraient préféré l’indépendance, je crois que ça a déjà été évoqué sur ce blog, de Gaulle aurait refusé la départementalisation du Gabon alors qu’ils en avaient le droit. Qui sait si d’autres colonies leur auraient emboîté le pas s’ils y avaient eu accès ?
[Mais je pense que la France est, oui, un pays de culture gréco-latine et de tradition chrétienne. Etre français, c’est partager cette culture et cette tradition, ce qui ne veut pas dire être chrétien. Personnellement, je ne le suis pas, et cela ne m’empêche de me sentir pleinement français.]
Il me semble que, tant dans les réactions, que dans les réponses aux réactions, on oublie la réalité. Dans les années 50/60, et même postérieurement aux indépendances, on est allé recruter des travailleurs au Maghreb en leur proposant des contrats de travail dans l’industrie automobile, le bâtiment et plus généralement, dans tous les métiers ou la main-d’œuvre manquait.
Des recruteurs de Renault et Peugeot ont été dépêché au fin fond des campagnes du Maghreb, avec l’assentiment de tous les gouvernements de l’époque.
D’autres immigrants, leurs frères, leurs cousins sont venus par leur propres moyens et ont été eux aussi accueillis pour travailler dans notre pays qui ne souffrait pas encore du chômage.
Etait-ce bien ou mal, je ne sais pas, mais c’est un fait historique.
S’interroger aujourd’hui sur l’intérêt, la légalité ou l’illégalité d’avoir fait de cette population des français, ne changera pas la réalité : a l’époque, ces travailleurs maghrébins sont devenus français à part entière. Grâce au rapprochement familial, leurs épouses, venues de leurs villages et ensuite leurs enfants, nés en France, tous sont devenus français et souvent binationaux.
Est-ce que tout ceci fut un bien, chacun est libre d’avoir son opinion. Mais à ceux qui pensent que ce ne fut pas une bonne chose, je répondrais par ce proverbe qui a cours dans nos montagnes : « Quand on a fait dans son froc, c’est trop tard pour serrer les fesses ».
La réalité, c’est qu’aujourd’hui en France, 10% minimum de nos concitoyens sont de culture, sinon de religion, musulmane.
De plus, pour des raisons qui ont été évoquées ailleurs, l’assimilation des immigrants, qui étaient la règle naturelle en France, depuis toujours, ne fonctionne plus.
Le vécu des immigrés, dans le monde entiers, a été modifié entièrement en quelques décennies. Quand les voyages étaient longs et coûteux, quand un simple appel téléphonique coûtait le prix d’une journée de travail, un immigré piémontais à Grenoble (à 200 kms) quittait sa famille et sa patrie en coupant tous les ponts. Il s’assimilait. Au mieux il revenait se montrer, 20 ans plus tard, « fortune » faite. Aujourd’hui Internet, SKYPE, les vols low cost et les téléphones ADSL permettent à un immigré Malien à Paris à Bruxelles ou à Toronto de faire un petit coucou à sa maman chaque fois qu’il en a envie ? Il ne tourne jamais la page. Il reste pour toujours un malien et élève ses enfants dans l’amour et la nostalgie du pays d’origine.
Donc ils sont français et n’envisage absolument pas de rendre leurs passeports.
Ils sont ici chez eux ! Français, depuis deux voire trois générations. Ils ont un passeport français, comme leur père ils ont une carte d’identité française. Ils sont tellement français qu’ils refusent le sous équipement de leurs banlieues ghetto, le déficit d’équipements collectifs dans les quartiers défavorisés. Ils contestent la répartition des moyens de l’état. Ils s’indignent de la démission de l’éducation nationale dans les ZEP, de la répartition inégalitaires des profs expérimentés. Ils se révoltent contre la discrimination à l’embauche. Ils forment la plus grande partie des jobs précaires, intérimaires. Ils n’ont plus peur de dire qu’ils en ont raz l’bol de devoir faire 2 heures par jour de trains de banlieues pour faire des jobs dévalorisants même quand ils ont un diplôme, juste parce que leur nom sonne oriental. Alors oui ils sont français, et il va bien falloir leur faire une place.
A ce stade, concrètement on fait quoi ?
Aujourd’hui, c’est un fait, un grand nombre de nos compatriotes sont de culture arabo-musulmane. A moins de réinventer le moyen âge, de rétablir l’inquisition, de leur faire abjurer leur foi et de les baptiser sous la contrainte, il va bien falloir trouver un moyen de vivre ensemble dans le respect des principes de liberté et d’égalité. Un moyen pour aujourd’hui et pour les générations à venir.
On ne gomme pas la culture de 10% d’une population.
La France a changé. Elle est désormais un pays multiculturel, un pays communautariste et non plus assimilationniste. Est-ce moins bien ? Sans doute, mais il fallait y penser avant.
L’arabisation de la société française avance que cela nous dérange ou pas. La nouvelle France sera la résultante du mixage de la culture en place et des cultures entrantes, à commencer par la culture arabo-musulmane.
[As-tu des références]
Je pense au rapport qu’Eboué avait préparé pour la conférence de Brazzaville de janvier 1944 et qui avait pour titre "La Nouvelle Politique indigène pour l’Afrique équatoriale française". Eboué y développe les thèses "assimilationnistes" que la conférence en question retiendra.
@vent2sable
[Est-ce que tout ceci fut un bien, chacun est libre d’avoir son opinion. Mais à ceux qui pensent que ce ne fut pas une bonne chose, je répondrais par ce proverbe qui a cours dans nos montagnes : « Quand on a fait dans son froc, c’est trop tard pour serrer les fesses ».
La réalité, c’est qu’aujourd’hui en France, 10% minimum de nos concitoyens sont de culture, sinon de religion, musulmane.]
Je ne vois pas où est la « réalité » en question. La « réalité », c’est que 10% de nos concitoyens ont un ancêtre musulman. Mais de la à conclure qu’ils sont « de culture musulmane »… il y a un pas qui n’est pas aisé à franchir. C’est quoi être « de culture musulmane », d’abord ? Est-on « de culture musulmane » lorsqu’on fête Noël, qu’on mange du porc et qu’on boit de l’alcool ? Pourquoi le fait de faire le Ramadan indique une « culture musulmane » et le fait de faire Noël ne fait pas de vous un « chrétien » ?
La « réalité », c’est que les immigrants qui sont venus dans les années 1970 et qui sont devenus français – ce qui n’est pas toujours le cas, notez le bien – ont en général été assimilés. Ils acceptent la séparation de la loi civile et de la loi religieuse, de la sphère publique et de la sphère privée, ce qui n’a rien de « musulman », mais qui dérive d’une histoire où la tradition greco-latine et l’empreinte du judéo-christianisme joue un rôle fondamental. A partir de là, de quel droit peut-on dire qu’ils sont « de culture musulmane » ?
[De plus, pour des raisons qui ont été évoquées ailleurs, l’assimilation des immigrants, qui étaient la règle naturelle en France, depuis toujours, ne fonctionne plus.]
Oui. Mais si elle ne fonctionne plus, ce n’est pas par décret divin. C’est parce que les couches sociales qui détiennent le cordon de la bourse, et notamment les couches moyennes, ne veulent pas que l’assimilation marche, pour la simple raison qu’un immigré assimilé est un concurrent potentiel.
[ Aujourd’hui Internet, SKYPE, les vols low cost et les téléphones ADSL permettent à un immigré Malien à Paris à Bruxelles ou à Toronto de faire un petit coucou à sa maman chaque fois qu’il en a envie ? Il ne tourne jamais la page. Il reste pour toujours un malien et élève ses enfants dans l’amour et la nostalgie du pays d’origine.
Donc ils sont français et n’envisage absolument pas de rendre leurs passeports.]
Attendez un instant… dans une ligne vous écrivez qu’il « reste pour toujours un malien », dans la suivante vous écrivez « ils sont français ». Faudrait se décider… est-il « malien » ou « français » ? L’immigré piémontais ne s’assimilait pas parce qu’il ne pouvait pas appeler sa mère chaque soir, il s’assimilait – en France – parce que le système l’exigeait de lui, et il ne s’assimilait pas dans d’autres pays, comme les Etats-Unis, ou le communautarisme était encouragé. Le problème, c’est que contrairement à ce que vous pensez Internet, Skype et les vols Low Cost n’ont pas véritablement changé les choses. Ce qui a changé, c’est que l’assimilation a un coût que les classes moyennes ne sont plus prêtes à payer.
[Ils sont ici chez eux ! Français, depuis deux voire trois générations. Ils ont un passeport français, comme leur père ils ont une carte d’identité française.]
Plus haut, vous expliquiez que du fait d’Internet, de SKYPE et dieu sait quoi d’autre « ils restaient pour toujours maliens ». Encore une fois, il vous faudrait vous décider.
[Ils sont tellement français qu’ils refusent le sous équipement de leurs banlieues ghetto, le déficit d’équipements collectifs dans les quartiers défavorisés. Ils contestent la répartition des moyens de l’état. Ils s’indignent de la démission de l’éducation nationale dans les ZEP, de la répartition inégalitaires des profs expérimentés. Ils se révoltent contre la discrimination à l’embauche. Ils forment la plus grande partie des jobs précaires, intérimaires. Ils n’ont plus peur de dire qu’ils en ont raz l’bol de devoir faire 2 heures par jour de trains de banlieues pour faire des jobs dévalorisants même quand ils ont un diplôme, juste parce que leur nom sonne oriental. Alors oui ils sont français, et il va bien falloir leur faire une place.]
Ils sont aussi « tellement français » qu’ils demandent des horaires réservés aux femmes dans les piscines, le droit de porter le voile y compris dans les administrations et les écoles…
Désolé, mais on n’est pas « tellement français » simplement parce qu’on « conteste la répartition des moyens de l’Etat » à son avantage. Etre français, c’est un peu plus que ça.
[Aujourd’hui, c’est un fait, un grand nombre de nos compatriotes sont de culture arabo-musulmane. A moins de réinventer le moyen âge, de rétablir l’inquisition, de leur faire abjurer leur foi et de les baptiser sous la contrainte, il va bien falloir trouver un moyen de vivre ensemble dans le respect des principes de liberté et d’égalité.]
Je ne sais pas très bien ce que « être de culture arabo-musulmane » veut dire. Pourriez-vous être plus explicite ?
[La France a changé. Elle est désormais un pays multiculturel, un pays communautariste et non plus assimilationniste. Est-ce moins bien ? Sans doute, mais il fallait y penser avant.]
Si je comprends bien, il ne nous reste plus qu’à nous résigner ? Personnellement, je n’accepte pas cet argument. Je crois à la puissance du politique. La France fut, dans sa longue histoire, communautariste. Elle est devenue « assimilationniste » à une époque relativement récente. A supposer même que vous ayez raison et qu’elle soit aujourd’hui redevenue communautariste – ce que, je précise, je ne crois pas un instant – le balancier peut repartir dans l’autre sens.
[L’arabisation de la société française avance que cela nous dérange ou pas.]
En d’autres termes, c’est inévitable. C’est la fatalité. Nous n’y pouvons rien. Dans ces conditions, à quoi bon faire de la politique ? Autant aller cultiver son jardin et laisser l’inévitable s’accomplir…
La nouvelle France sera la résultante du mixage de la culture en place et des cultures entrantes, à commencer par la culture arabo-musulmane.]
Vous voulez dire que demain le Code Civil devra faire une place à la Chariah ? Que la séparation des églises et de l’Etat sera abolie ? J’aimerais connaître votre opinion : comment se traduira se « mixage des cultures » dans le champ juridique ?
[Je ne sais pas très bien ce que « être de culture arabo-musulmane » veut dire. Pourriez-vous être plus explicite ?]
[La France fut, dans sa longue histoire, communautariste. Elle est devenue « assimilationniste » à une époque relativement récente. A supposer même que vous ayez raison et qu’elle soit aujourd’hui redevenue communautariste – ce que, je précise, je ne crois pas un instant – le balancier peut repartir dans l’autre sens.]
Je vais essayer à la fois de dire ce qu’est une culture arabo-musulmane et de montrer que, pour l’instant, le balancier dont vous parlez, va plutôt dans le sens de plus de communautarisme. Tout en acceptant que le balancier puisse un jour revenir.
Connaissez-vous le quartier St Bruno à Grenoble ? Il ne s’agit ni d’une cité, ni d’une banlieue.
On y trouve l’église St Bruno, fermée en semaine.
J’ignore si on y donne encore une messe hebdomadaire, je n’ai pas vérifié.
En face de l’église, une jolie place ombragée qui accueille tous les jours un grand marché. Tout autour, des magasins : pâtisseries orientales, Kebab, magasins de vêtements de fête pour les mariages et les circoncisions, agence de voyage vendant des billets pour le grand pèlerinage à La Mecque. Des boucheries hallal, un traiteur, organisateur de manifestations familiales (mariages etc…), et quatre ou cinq bistrots.
Seuls un ou deux vendent de la bière, mais aucun ne vend de sandwichs au jambon ou saucisson, par contre tous ont une terrasse ou on vous propose de fumer une chicha en fin d’après-midi.
Sur le marché, les clients comme les commerçants sont majoritairement arabes, parlent arabe (ou un dialecte arabo berbère de leur région d’origine).
Dans n’importe quel pays, on appellerait ce quartier « le quartier d’une communauté ethnique ».
Alors, on peut disserter sur le fait de savoir si c’est bon ou pas que s’installe en France une vie communautaire, on peut en parler … mais, d’après ce que je vois, c’est déjà fait.
Et si ça répond au souhait de 10% de nos concitoyens, je ne vois pas au nom de quoi je leur refuserais. Dites moi si je fais une erreur, l’ « assimilationnisme » n’est pas inscrit dans notre constitution ? Le communautarisme n’est pas un délit ? Si ?
@ Descartes,
Sur noël: il faut quand même reconnaître que noël a beaucoup perdu de sa signification religieuse. Le sapin, le père noël, tout cela n’est plus vraiment associé à la religion chrétienne. Je dirais que noël s’est "laïcisé" au point de devenir une fête profane, et une grande opération commerciale. Le sapin est plus courant que la crèche, or le sapin n’a pas de valeur particulière dans le christianisme. Je connais des athées ou des bouddhistes qui fêtent noël, et, comme tu le dis, des musulmans le fêtent également.
En revanche, les non-musulmans qui suivent le ramadan ne sont pas des foules… Le ramadan reste beaucoup plus "religieux" que noël, et il est devenu un marqueur identitaire pour les musulmans. Tu demandais ce que signifiait être de "culture musulmane", je pense justement que faire le ramadan aujourd’hui, c’est affirmer son appartenance à cette "culture musulmane", la revendiquer comme héritage. Alors que fêter noël, ce n’est plus s’affirmer nécessairement chrétien.
[Sur noël: il faut quand même reconnaître que noël a beaucoup perdu de sa signification religieuse.]
C’est le cas du Ramadan aussi. Il y a beaucoup de français d’origine musulmane qui le reste de l’année boivent de l’alcool et mangent du porc, et qui "font le Ramadan" soit pour céder à la pression familiale/communautaire, soit dans une "quête de racines".
[Le sapin, le père noël, tout cela n’est plus vraiment associé à la religion chrétienne.]
Et la crèche ?
[En revanche, les non-musulmans qui suivent le ramadan ne sont pas des foules…]
En France, non… mais en Arabie Saudite, oui !
[Tu demandais ce que signifiait être de "culture musulmane", je pense justement que faire le ramadan aujourd’hui, c’est affirmer son appartenance à cette "culture musulmane", la revendiquer comme héritage.]
Mais c’est là à mon avis que tu mélange les choses. Ce n’est pas parce qu’on se réclame appartenir à quelque chose que ce quelque chose pré-existe. Beaucoup de jeunes d’origine maghrébine, auxquels la société aujourd’hui ne propose rien en termes de rituels de passage ou d’identification, cherchent à combler ce vide en se trouvant des "racines" réelles ou inventées. Et pour cela, ils vont chercher dans le passé des pratiques qui puissent combler ce vide, quelquefois en s’inventant des références à des ancêtres qui les pratiquaient. Mais cela n’en fait pas une "culture". Le bobo qui dans sa recherche de spiritualité se convertit au boudhisme ne devient pas pour autant "de culture boudhiste", quand bien même il sacrifierait à tous les rituels de cette religion.
Au fond la question est finalement: faut-il faire confiance au changement de discours du FN?
Je suis assez surpris qu’on se pose encore la question, tant l’histoire nous a montré qu’il ne fallait pas faire confiance aux discours adoptés par les organisations politiques pour arriver au pouvoir.
Qui, parmi ceux qui l’ont vécu, ne se souvient de ce que racontaient Mitterrand et le PS dans les années 70? Il y avait à l’époque des gens qui expliquaient que ce Mitterrand était un homme de droite et qu’il n’y avait là qu’opportunisme politique. On leur répondait qu’en adoptant ce discours, il agrégeait des forces progressistes et que la nature du mouvement qui se constituait autour de lui comptait plus que l’homme à sa tête. On a vu ce qui en a suivi. Il faut remarquer que cela s’est produit alors que le PS était un parti avec une relative vie démocratique, des courants des débats.
Le FN dans sa structure reste un parti de type fasciste, penser que l’arrivée de militants venu d’autres horizons politiques pourrait le changer me parait relever de la naïveté. Il est beaucoup plus probable que c’est le parti qui les changera. Là un exemple historique venu de la gauche montre parfaitement ce phénomène. C’est la façon dont les militants communistes, pourtant à la base idéalistes et humanistes ont cautionné des interventions militaires, ou des répressions policières.
[Je suis assez surpris qu’on se pose encore la question, tant l’histoire nous a montré qu’il ne fallait pas faire confiance aux discours adoptés par les organisations politiques pour arriver au pouvoir.]
Le problème est un peu plus compliqué que ça. Lorsqu’un parti change de discours et de projet, il attire des militants différents. Et comme un parti c’est aussi ses militants, cet afflux finit par changer la tête du parti en question. L’exemple du PS après 1972 est un bon exemple. Dix ans après le Congrès d’Epinay, le PS ne ressemblait plus du tout à la SFIO.
[Il y avait à l’époque des gens qui expliquaient que ce Mitterrand était un homme de droite et qu’il n’y avait là qu’opportunisme politique. On leur répondait qu’en adoptant ce discours, il agrégeait des forces progressistes et que la nature du mouvement qui se constituait autour de lui comptait plus que l’homme à sa tête.]
Et sur ce dernier point, on avait raison. Ce qu’on n’avait pas compris, c’est que les forces que Mitterrand agrégeait autour de lui n’étaient nullement "progressistes".
[Le FN dans sa structure reste un parti de type fasciste,]
Ah bon ? C’est quoi une "structure de type fasciste" ?
[penser que l’arrivée de militants venu d’autres horizons politiques pourrait le changer me parait relever de la naïveté.]
Le cas de Philippot montre pourtant que ce n’est pas impossible.
@ Bolchokek,
"il faut dissocier immigration et immigré"
Sans doute, mais… l’immigré est quand même le résultat de l’immigration! Le problème n’est pas l’immigré en tant qu’individu, mais la communauté immigrée qui se structure une fois que les immigrés originaires d’un même espace sont assez nombreux et se regroupent. Il y a ainsi des quartiers où on vit comme en Algérie ou au Maroc, avec la salle de prières, les épiceries maghrébines, la boucherie hallal, les femmes voilées. C’est une réalité en Seine-Saint-Denis, dans la banlieue lyonnaise ou ailleurs.
"Pourquoi cela arriverait-il?"
Pourquoi est-ce arrivé en Algérie? Parce que des nationalistes y ont pris le pouvoir, et qu’ils ont décrété que l’Algérie était une nation arabe et musulmane. Demain, des nationalistes français pourraient décréter que la France est blanche et chrétienne… Et au revoir les musulmans. L’idée que le brassage des cultures serait un bien est une blague. La Grèce et la Turquie, au début des années 20, ont procédé à des échanges de populations. Cela a été terrible: plus d’un million de Grecs ont dû quitté les côtes anatoliennes de la Mer Noire et de l’Egée, 400 000 Turcs ont déserté la Macédoine grecque. Rétrospectivement, c’était pourtant la bonne solution. En Bulgarie, où il reste une minorité turque (10 à 15 % de la population), cette minorité a son parti qui défend sa communauté, et l’extrême droite bulgare prospère sur le rejet de cette minorité. La vérité est qu’une nation préfère en règle générale l’homogénéité.
"Vous parlez d’expulsion forcée"
Oui, en écrivant, je songeais à une expulsion forcée. Je vois mal nos compatriotes musulmans partir spontanément en deux mois… Ces gens ont souvent un travail, une maison, leurs repères en France.
"aux antipodes des principes républicains"
Vraiment? De quelle République française parlez-vous? De celle qui a renvoyé par train entier des Polonais dans les années 30? De celle qui a fait comprendre aux Italiens qu’ils n’étaient plus les bienvenus (on oublie souvent que la moitié des Italiens venus depuis la fin du XIX° sont repartis dans les années 30…)? Les "principes républicains" concernant l’immigration sont récents. Auparavant, la République n’a jamais hésité à rudoyer les immigrés, voire à les flanquer dehors. A ce sujet, je voudrais dire aussi que l’ "universalité" républicaine, ce sont des valeurs proposées au monde entier par la France, et non inviter le monde entier à venir en France. L’accueil des étrangers n’a jamais été un pilier fondamental et obligatoire de l’idéologie républicaine française, à part peut-être le droit d’asile. Aussi, je n’ai jamais bien compris ce que les "principes républicains" avaient à faire avec l’immigration. Quel philosophe des Lumières, quel révolutionnaire français a fixé la conduite de la France sur la question migratoire? Aucun. La Révolution a d’ailleurs alimenté un fort sentiment de xénophobie, il ne faudrait pas l’oublier.
"Comment définir les individus que ce terme recouvre?"
Quand on veut définir un groupe, on y parvient toujours. Mais le plus simple serait de se fonder sur le pays d’origine.
"Ce désir de rejouer la guerre d’Algérie"
Il ne s’agit pas de cela. Mais les Pieds-noirs ont été chassés d’Algérie parce qu’inassimilables aux yeux des nationalistes algériens. On est en droit de se demander par quel miracle les Algériens, eux, seraient assimilables par la France…
@ Descartes
"Je ne pense pas que NationalisteJacobin propose une chose pareille"
Je te remercie de ta gentillesse, mais je crains que tu ne pèche par indulgence. Je ne suis pas (encore) un politique, donc je ne propose rien. Mais si j’avais le pouvoir, que ferai-je? Peut-être que tu n’aimerais pas le savoir…
Pour revenir à ta réponse précédente: je pense qu’il y a une ethnie française. "Ethnie" n’est pas synonyme de "race". Une ethnie est un groupe humain qui se réclame des mêmes ancêtres, réels ou fictifs, en plus d’avoir des affinités culturelles. Une ethnie n’est pas une donnée naturelle, elle se construit (ethnogenèse). A la fin du XIX° siècle, une ethnie française se constitue avec des ancêtres communs (mais fictifs), nos fameux Gaulois de la III°. Parallèlement, il y a un brassage (comme tu le disais ailleurs les "pures" lignées sont rares dans les régions françaises, ma famille est un exemple de mélange de plusieurs régions parfois assez éloignées). Donc je pense qu’on peut parler d’une ethnie française, récente, complétée par d’autres apports.
Enfin, sur le fond de l’article, je voudrais dire ceci: oui, je l’avoue, il m’est arrivé de voter FN. Peut-être que ça arrivera encore. Un jour on franchit le pas, on est parfois un peu honteux. Il y a un petit côté jouissif (on a bravé un interdit). Et puis on s’en remet. Mais surtout, ce n’est pas parce qu’on vote FN une fois ou même plusieurs fois, qu’on devient frontiste. On n’est pas condamné à voter FN toute sa vie, on peut ensuite adopter d’autres choix.
Attirer des militants différents devrait assurer que la tête du parti va changer, dites-vous. Ceci est vrai dans les partis où existe une vie démocratique, mais pas dans les partis dans lesquelles tout vient de la tête. C’est en cela que je dis que le FN a une structure de type fasciste: pas de culture du débat, de la confrontation d’idée, tout vient du chef. Vous oubliez que les structures comptent plus que les hommes.
La réponse sur cas du PS dans les années 70 me paraît confuse: il est indiscutable que son positionnement idéologique était plus à gauche que celui de la SFIO. Pourquoi alors ceux qu’il attirait dans le parti n’était pas "progressistes"?
Quant à Philippot, il a bien sûr changé le discours de MLP, mais la question reste la même: ce changement est-il autre chose que cosmétique?
Que MLP cherche à élargir son électorat en modifiant son discours tout en coupant l’herbe sous le pied du FdG, c’est très compréhensible politiquement, mais je ne vois pas plus de raison d’y croire qu’au discours sur la fracture sociale de Chirac.
[La vérité est qu’une nation préfère en règle générale l’homogénéité.]
Certes. Mais l’homogénéité de quoi, au juste ? De la couleur des cheveux ? De celle des yeux ? Des traits du visage ? Ou plutôt celle des valeurs, de la langue, du droit ? La nation française, et cela date de l’ancien régime, a préféré le deuxième groupe de réponses au premier. A l’hétérogénéité des coutumes, des ethnies, elle a superposé l’homogénéité linguistique, juridique, politique. Je pense que ton commentaire oublie cette réalité : il y a des nations qui se définissent par une communauté ethnique, et des nations qui se définissent comme une communauté de règles et de destin. On peut comprendre que les premières aient des difficultés lorsqu’elles voient l’homogénéité ethnique menacée, puisque celle-ci est une condition de leur existence. Mais je ne pense pas que ce soit le cas de la nation française.
[Vraiment? De quelle République française parlez-vous? De celle qui a renvoyé par train entier des Polonais dans les années 30?]
Là, je vous arrête. Vous parliez dans le paragraphe précédent d’expulsion de « nos compatriotes musulmans ». Je suis étonné que vous confondiez les expulsions des étrangers avec les expulsions des nationaux. Les polonais admis en France dans les années 1930 savaient qu’ils avaient une autorisation temporaire de résider sur le territoire français. Une chose très différente serait d’expulser des citoyens français et en faire des étrangers ailleurs. Je suis surpris que vous confondiez les deux choses.
[Auparavant, la République n’a jamais hésité à rudoyer les immigrés, voire à les flanquer dehors. A ce sujet, je voudrais dire aussi que l’ "universalité" républicaine, ce sont des valeurs proposées au monde entier par la France, et non inviter le monde entier à venir en France.]
Tout à fait. La France – comme tous les pays du monde, d’ailleurs – ne reconnaît pas et n’a jamais reconnu – en dehors de quelques périodes très courtes et très agitées de son histoire – un droit à tout homme quelque soit sa nationalité à s’installer où il veut. La distinction entre le national, qui a des droits étendus et les devoirs qui vont avec – dont celui de mourir sur les champs de bataille, faudrait pas l’oublier – et l’étranger qui n’a pas ces droits ni les devoirs correspondants est inhérente à l’idée de nation.
[L’accueil des étrangers n’a jamais été un pilier fondamental et obligatoire de l’idéologie républicaine française, à part peut-être le droit d’asile. Aussi, je n’ai jamais bien compris ce que les "principes républicains" avaient à faire avec l’immigration.]
Par contre, le fait d’encourager l’étranger accueilli en France à s’assimiler et à devenir citoyen français fait bien partie des « principes républicains ». C’est là probablement le point sur lequel les idéologies communautaristes des trente dernières années peuvent être considérées comme anti-républicaines.
[Il ne s’agit pas de cela. Mais les Pieds-noirs ont été chassés d’Algérie parce qu’inassimilables aux yeux des nationalistes algériens. On est en droit de se demander par quel miracle les Algériens, eux, seraient assimilables par la France…]
J’aurais tendance à dire que c’est parce que eux c’est eux et nous c’est nous. Ce n’est pas parce que les nationalistes algériens ont fait une connerie – que l’Algérie indépendante paye toujours aujourd’hui – qu’il faudrait faire la même.
[Mais si j’avais le pouvoir, que ferai-je? Peut-être que tu n’aimerais pas le savoir…]
J’aime toujours savoir… comme disait l’autre, « le concept de chien ne mord pas ».
[Pour revenir à ta réponse précédente: je pense qu’il y a une ethnie française. "Ethnie" n’est pas synonyme de "race". Une ethnie est un groupe humain qui se réclame des mêmes ancêtres, réels ou fictifs, en plus d’avoir des affinités culturelles.]
Pas tout à fait. Je crois que tu confonds « ethnie » et « clan »… pour faire schématique, une ethnie est un groupe humain que partage un certain nombre de caractéristiques physiques – dits « caractères ethniques » – génétiquement transmissibles. Je ne crois pas qu’on puisse parler de « ethnie française ». Quels seraient les « caractères ethniques » qui permettraient à ses membres de se reconnaître, d’ailleurs ?
[Enfin, sur le fond de l’article, je voudrais dire ceci: oui, je l’avoue, il m’est arrivé de voter FN. Peut-être que ça arrivera encore. Un jour on franchit le pas, on est parfois un peu honteux. Il y a un petit côté jouissif (on a bravé un interdit). Et puis on s’en remet. Mais surtout, ce n’est pas parce qu’on vote FN une fois ou même plusieurs fois, qu’on devient frontiste. On n’est pas condamné à voter FN toute sa vie, on peut ensuite adopter d’autres choix.]
Sortez l’ail et les crucifix ! 😉
> Il y a ainsi des quartiers où on vit comme en Algérie ou au Maroc, avec la salle de prières, les épiceries maghrébines, la boucherie hallal, les femmes voilées.<
Oui.. il y a également des quartiers en région parisienne dans lesquels les devantures des magasins sont en chinois. Dans la rue, on entend parler chinois, les noms sur les interphones sont chinois et l’on y fête le nouvel an chinois. Seulement, là, c’est juste "folklorique". Ils sont peut-être – pour l’instant – numériquement moins nombreux mais je tire le même constat d’échec concernant l’intégration des populations immigrées en France.
Je vais clarifier mon point de vue concernant les "communautés immigrées" (appelons un chat un chat) aujourd’hui en France, tant le débat semble chaud.
Le problème de cet échec d’intégration est-il celui de l’Islam, religion abrahamique, indécrottablement anti-française et ennemie irréductible du progrès ? Je n’en crois rien.
Souvenez-vous des Iraniens, promenez-vous dans le quinzième arrondissement de Paris. Lisez les plaques de cabinet sur les murs, devant les immeubles. Vous y trouverez des Hosseinipour et des Mohammadzadeh, qui dentiste, qui psychiatre, à foison. De temps en temps, dans les cafés, vous entendrez de jeunes gens parler persan entre eux. Il n’y a aucun doute que l’immigration iranienne a été celle de populations musulmanes.
Concernant la raison pour laquelle certains semblent mieux se fondre dans le moule français que d’autres, je pense qu’il y a plusieurs raisons. Ou plutôt, une conjonction de plusieurs facteurs. Nous avons en fait assisté à un "empilement" de vagues d’immigration venues d’Afrique, une immigration massive, parallèlement à un affaiblissement des institutions sensées faciliter leur intégration dans la société française. Principalement, l’amoindrissement progressif du rôle formateur de l’école, mais aussi la suppression du service militaire.
Pourquoi, alors, cet acharnement sur les musulmans, puisque ceux-ci sont soumis aux mêmes conditions d’accueil que les chinois ? Il y a un non-dit qu’a osé formuler Jean-Pierre Chevènement, qui est celui de la délinquance – il avait, si je me souviens bien, mentionné la consonance des patronymes de la plupart des détenus dans les prisons françaises. Il y a, en effet, une culture de la délinquance qui se propage, et qui est pour le moins inquiétante, et qui est commune à l’ensemble des populations originaires d’Afrique. Mais qui n’est nullement propre aux populations musulmanes. Toutefois ceci, combiné à la réislamisation des années 80, a contribué à accroître la méfiance de certains envers l’Islam. Je ne sais pas d’où vient cette "culture de la délinquance", je ne peux que la constater. C’est à mon avis ce qui provoque le rejet de l’Islam en général, surtout lorsque des délinquants se parent d’un Islam "identitaire"…
J’essaye d’être le plus objectif possible, et je fais remarquer que comme cela a déjà été dit dans les commentaires du présent article, si les couches populaires sont actuellement celles où l’on trouve beaucoup de musulmans, cela ne les gêne en rien de voter FN. Le discours antiraciste a fait son temps, personne n’y croit plus, les digues ont cédé. Les pères de famille ouvriers, français musulmans, aujourd’hui, en ont marre de beaucoup de choses. Notamment de voir leur fils faire n’importe quoi, sans que l’Etat ne réagisse, et se laisse même malmener par des idéologues de l’anticolonialisme attardé. Cela pourrait peut-être aussi expliquer la côte de popularité de Valls…
>Parce que des nationalistes y ont pris le pouvoir, et qu’ils ont décrété que l’Algérie était une nation arabe et musulmane.<
C’est je que je disais. Si des nationalistes prennent le pouvoir en France et décrètent que nous sommes une nation "blanche et chrétienne" et décident à ce titre de foutre à la mer mes compatriotes, je le prendrais très mal.
> La vérité est qu’une nation préfère en règle générale l’homogénéité.<
Exactement. Mais nous parlons d’homogénéité culturelle. Je ne pense pas que la France assimilationniste ait surgi au prix d’une lourde guerre d’indépendance vis-à-vis d’un empire multiethnique, puis ait découvert le concept d’état-nation dans la dernière décennie. Non ?
>Je vois mal nos compatriotes musulmans partir spontanément en deux mois…<
Certains en parlent.
> Les "principes républicains" concernant l’immigration sont récents. […]Aussi, je n’ai jamais bien compris ce que les "principes républicains" avaient à faire avec l’immigration.<
Peut-être y a-t-il eu quiproquo à un moment. Je parlais bel et bien de citoyens français de plein droit.
>A ce sujet, je voudrais dire aussi que l’ "universalité" républicaine, ce sont des valeurs proposées au monde entier par la France, et non inviter le monde entier à venir en France.<
Il n’en a jamais été question. On a déjà suffisamment de mal, il faudrait freiner. Actuellement, c’est une punition pour la cohésion sociale autant que pour les salaires.
>Mais le plus simple serait de se fonder sur le pays d’origine.<
Le problème c’est que pour les plus teigneux des identitaires, le pays d’origine est bien loin derrière les générations. De plus, Jean-Luc Mélenchon par exemple, est né au Maroc. L’y renverriez-vous ? Ou la confession aurait-elle sa place ? C’est de ces principes républicains dont je parle.
>On est en droit de se demander par quel miracle les Algériens, eux, seraient assimilables par la France… <
Les cas individuels sont nombreux. Ils sont ultra-minoritaires en France. Avec une promotion sociale réelle, on ne les distinguerait plus en une génération.
>Un jour on franchit le pas, on est parfois un peu honteux. Il y a un petit côté jouissif (on a bravé un interdit).<
Si Philippot continue son boulot, ça m’arrivera sûrement.
@ nationalistejacobin
Par rapport à ce que tu réponds à : "il faut dissocier immigration et immigré"
Je pense que l’immigré n’est pas la cause de l’immigration mais que ce sont bien nos dirigeants qui ont encouragé le phénomène pour des raisons qui nous échappent (ou pas), au "risque" de déplaire aux autochtones. Alors taper ou faire payer à l’immigré (j’entends par là, tout ou n’importe quel immigré), faire payer à l’immigré, disais-je, cette politique délétère me parait clairement injuste. Je pense qu’il FAUT éviter ça.
Ensuite, le communautarisme que tu dénonces est effectivement un problème. L’autochtone fuit les territoires dont tu parles. Mais tout ça n’est possible que par le laisser-faire, quand ce ne sont pas les subventions, de nos dirigeants. "Les immigrés" ne font que ce qu’on les laisse faire (comme tout le monde).
Ta réponse à : "Pourquoi cela arriverait-il?"
A réfléchir à ces sujets, je pense souvent au rapatriement des Français d’Algérie (bien que je ne sois pas concerné personnellement par cette histoire) et comme toi je ne vois pas pourquoi l’inverse serait devenu tout à coup impossible ou impensable. Encore un défaut de réalisme dans le débat. Toutefois, si j’étais demain dictateur de la France 😀 je déclarerais officiellement que la France est blanche et catholique. MAIS, cela n’interdit aucunement la présence de musulmans ou de non-blancs sur le territoire. Ni même en temps que Français à part entière. Le pays souffre de ne pas s’affirmer et cela entraine la chienlit. Un peu d’affirmation claire et sans faux-semblant mettrait tout le monde d’accord il me semble.
[La vérité est qu’une nation préfère en règle générale l’homogénéité.]
Le Che participant à une conférence d’une association de musulmans (maghrébins) patriotes déclara (à peu près): "Les peuples ne sont pas spécialement portés à la xénophilie". Je pense que c’est clair pour tous les réalistes que nous sommes. Cela dit, l’homogénéité pure est tout de même une hérésie. Je pense qu’il faut contrôler et "doser" l’immigration. Ainsi, elle peut effectivement être un apport.
Bref, je vais essayer de conclure ces propos confus. Je pense que oui, le multiculturalisme se confronte à une résistance de la part des peuples qui préfèrent, en gros, vivre entre soit. Mais je voudrais insister sur les associations de "musulmans patriotes" ou sur les personnes d’origine immigrée que nous avons ici et qui semblent défendre la France mieux que tous mes amis de gauche. Ils me rassurent plus que mes propres amis (qui ne comprennent rien à rien, c’est affligeant). Alors pour parler cru, renvoyer dans leurs pays d’origines les multi-délinquants multi-récidivistes, j’en rêve, mais renvoyer n’importe qui sous prétexte qu’il n’est pas blanc ou qu’il n’est pas catholique, c’est pour moi le déshonneur. Il y a moyen de s’entendre entre gens de bonne volonté.
Cordialement.
@ nationalistejacobin
[ Il y a ainsi des quartiers où on vit comme en Algérie ou au Maroc, avec la salle de prières, les épiceries maghrébines, la boucherie hallal, les femmes voilées. C’est une réalité en Seine-Saint-Denis, dans la banlieue lyonnaise ou ailleurs.]
J’ai même entendu dire qu’il y a des quartiers en France où les gens parlent alsaciens, où ils mangent de la choucroute, où les femmes portent parfois un gros nœud sur la tête… J’ai une photo de ma grand-mère avec une coiffe de bigoudenne qu’elle portait quand elle était jeune (ce qui était assez courant selon elle) et pourtant j’ose croire qu’elle était assimilée française tout comme les alsaciens le sont malgré leurs possibles pratiques culturelles/folkloriques. Si les seules pratiques extraordinaires des immigrés maghrébins sont manger halal et prier où est le problème pour une nation universaliste et laïque comme la France (ce qui n’était pas le cas de la nation algérienne). Si c’était un problème, alors que faire d’un français blanc ayant des ancêtres français depuis plusieurs générations qui serait devenu musulman et qui mangerait du couscous ? On l’enverrait dans quel pays celui-la ?
[Aussi, je n’ai jamais bien compris ce que les "principes républicains" avaient à faire avec l’immigration.]
Ce n’est pas ce que Bolchokek t’as reproché. Il t’a reproché une discrimination entre des français de confessions différentes, alors que la laïcité et l’égalité sont des principes républicains. Comment peut-on dire à des gens qui ont une carte nationale d’identité française qu’ils doivent dégager parce qu’ils sont musulmans sans violer nos principes républicains ?
Sur l’ethnie, ce que tu dis me parait assez superflu. En fait tu dis juste : ethnie française = nation française. Je suis pas sûr de saisir ce que ça apporte, ni en quoi c’est pertinent.
[Attirer des militants différents devrait assurer que la tête du parti va changer, dites-vous. Ceci est vrai dans les partis où existe une vie démocratique, mais pas dans les partis dans lesquelles tout vient de la tête.]
Ca existe dans tous. Même là où "tout vient de la tête" les militants et les électeurs ont toujours le choix de partir voir ailleurs. Pour les garder, la "tête" est obligée de tenir compte de ce que militants et électeurs pensent. Plus que les élections internes (qui ne sont démocratiques dans aucun parti, pensez à la fraude électorale au PS, sans aller plus loin) c’est cette crainte que les militants et les électeurs votent avec leurs pieds qui reste l’incitation la plus puissante à tenir compte de l’avis des gens.
[La réponse sur cas du PS dans les années 70 me paraît confuse: il est indiscutable que son positionnement idéologique était plus à gauche que celui de la SFIO. Pourquoi alors ceux qu’il attirait dans le parti n’était pas "progressistes"?]
Je ne sais pas ce que c’est "être plus à gauche". Etre pour le nucléaire, c’est être "plus" ou "moins" à gauche qu’être contre ? La SFIO, c’était le socialisme traditionnel, qui s’occupait encore des ouvriers. Le PS, ce fut le socialisme "moderne", celui des "libéraux-libertaires". Est-ce que le PS était "plus à gauche" ? Je ne le pense pas. Le PS, c’était le parti des classes moyennes.
[Quant à Philippot, il a bien sûr changé le discours de MLP, mais la question reste la même: ce changement est-il autre chose que cosmétique?]
C’est une bonne question. Mais j’attire votre attention sur le fait que les "traditionnalistes" du FN semblent penser que c’est loin d’être le cas. Si les changements n’étaient que "cosmétiques", ils devraient porter Pilippot aux nues, puisqu’il serait l’homme qui aurait réussi, sans changer les valeurs du FN, à le rendre acceptable et le renforcer électoralement. Et pourtant, ces "traditionnalistes" lui vouent une haine farouche. Est-ce que ces "traditionnalistes" ont raison ? Je ne sais pas, mais comme ils connaissent bien mieux le FN que vous et moi…
@bolchokek
[Le problème de cet échec d’intégration est-il celui de l’Islam, religion abrahamique, indécrottablement anti-française et ennemie irréductible du progrès ? Je n’en crois rien.]
Je n’en suis pas aussi convaincu. Non pas que l’Islam soit plus "anti-français" qu’autre chose, mais parce que l’une des caractéristiques de l’Islam est qu’il n’a pas encore réussi à faire la séparation entre la loi religieuse et la loi civile et son corollaire, la séparation de la sphère publique de la sphère privée. A ce titre, l’Islam pose un problème particulier que ne posait ni le judaïsme, ni le christianisme, par exemple. Vous me direz qu’il a fallu beaucoup de coups sur les dents pour que l’église catholique se résigne à cette séparation. C’est vrai, mais elle l’a fait. Il n’y a encore aucun pays de tradition islamique où la séparation de la loi civile et la loi religieuse soit consensuelle.
[(…) un affaiblissement des institutions sensées faciliter leur intégration dans la société française. Principalement, l’amoindrissement progressif du rôle formateur de l’école, mais aussi la suppression du service militaire.]
Oui. Et d’une manière générale, l’affaiblissement des institutions dont la logique était de sortir les gens de leur famille/quartier/communauté et les plonger dans un ensemble de rites, règles et traditions qui étaient les mêmes pour tous. Je trouve d’ailleurs que le mot "intégration" est impropre: ces institutions ne visaient pas à "l’intégration" mais à l’assimilation.
[Pourquoi, alors, cet acharnement sur les musulmans, puisque ceux-ci sont soumis aux mêmes conditions d’accueil que les chinois ?]
Pour une raison simple, à mon avis: les "chinois" (en fait en grande majorité des indo-chinois) ont une culture qui les pousse 1) à éviter toute friction avec le pays d’accueil et 2) à chercher pour leurs enfants la promotion sociale par les études. De ce dernier point de vue, d’ailleurs, la culture chinoise, avec son obsession de la méritocratie, est beaucoup plus proche de la notre que la culture maghrébine.
Les français ne sont pas racistes, mais ils n’aiment pas qu’on les emmerde, particulièrement en leur imposant des valeurs/habitudes/traditions qui ne sont pas les leurs. Lorsqu’une communauté cherche à s’imposer dans la sphère publique, elle provoque chez nous une réaction de rejet qui peut être très violente.
[J’essaye d’être le plus objectif possible, et je fais remarquer que comme cela a déjà été dit dans les commentaires du présent article, si les couches populaires sont actuellement celles où l’on trouve beaucoup de musulmans, cela ne les gêne en rien de voter FN.]
Tout à fait. C’est un fait qu’on ferait bien de méditer, particulièrement parmi les inconscients qui à gauche veulent donner le droit de vote aux immigrés, en imaginant que ceux-ci voteraient en majorité à gauche. Ils risquent de découvrir – trop tard – que les immigrés sont en fait bien plus conservateurs qu’ils ne l’imaginent, notamment sur les questions telles que l’ordre public, le droit de la famille…
@ inquiet
"je pense que l’immigré n’est pas la cause de l’immigration"
Je le pense aussi, et je n’ai jamais prétendu le contraire. Que des gens originaires de pays défavorisés rêvent d’un avenir meilleur en France, je le conçois tout à fait.
"je déclarerais que la France est blanche et catholique"
Je n’irais pas jusque-là. Je déclarerais que la France est une république laïque, que les citoyens y sont égaux en droit, mais que la France demeure un pays d’Europe de culture gréco-romaine et judéo-chrétienne. Néanmoins la catholicité (dont je ne nie pas le poids dans la culture française, loin de là) ne suffit pas à définir l’identité française. Il y a aussi un judaïsme français et un protestantisme français, ainsi qu’un athéisme français. En revanche, je suis très dubitatif sur l’émergence d’un "islam d France".
"C’est pour moi le déshonneur"
Je le crois aussi. Et la postérité ne juge pas seulement sur les objectifs, mais sur la façon dont on les atteint…
Pour le reste je suis d’accord avec toi.
@ stu,
"J’ai même entendu dire qu’il y a des quartiers en France où les gens parlent alsaciens, où ils mangent de la choucroute, où les femmes portent parfois un gros nœud sur la tête…"
Tu compares ce qui n’est pas comparable, excuse-moi. L’Alsace est une "petite patrie" qui fait partie de la grande. Les Alsaciens ne sont pas des immigrés, ils ont façonné l’espace dans lequel ils vivent. De surcroît, en dehors de la langue, l’Alsace partage de nombreux traits culturels avec le reste de la France.
"J’ai une photo de ma grand-mère avec une coiffe de bigoudenne"
Oui… mais c’est ta grand-mère… Ta mère ou ta soeur font-elles de même? Tu me parles de folklore et de traditions locales. Je te parle de gamines de 5ème qui arrivent voilées au collège, de jeunes hommes qui portent barbes et gandourahs… aujourd’hui. Et ces gens ne sont pas de la génération de ta grand-mère. Je n’ai jamais été choqué qu’une grand-mère, née et élevée au bled, dans l’Atlas, conserve sa tenue et ses coutumes. Mais qu’une jeune de 15 ou 18 ans, née en France, les adopte, c’est autre chose.
"Si les seules pratiques extraordinaires des immigrés maghrébins sont manger halal et prier où est le problème"
Tu crois? Tu te trompes. L’hospitalité, ça commence avec le partage de la nourriture. La sociabilité (et par là l’intégration), ça se travaille aussi autour d’une table. Comment nouer des rapports d’amitié et de bon voisinage avec quelqu’un qui: 1) refusera toujours de prendre l’apéro avec toi; 2) refusera toute nourriture à base de porc; 3) et refusera toute viande non-hallal? Cela devient compliqué… Comme l’a dit Descartes, les Français n’aiment pas qu’on les emmerde. Et je suis désolé de le dire, mais certains musulmans commencent à nous emmerder. Chez moi, cette colère a été suffisante pour que je franchisse le pas de voter FN. Voilà, je l’assume. J’ai quand même le droit d’être en désaccord avec l’importation de coutumes étrangères qui me déplaisent, non? Tu évoques la laïcité. Penses-tu que la laïcité doit nous amener à dire "amen" à toutes les coutumes et habitudes islamiques? Honnêtement, si demain les musulmans devaient prier dans la rue, cinq fois par jour, publiquement, à l’appel du muezzin, je ne l’accepterais pas. Et tu verrais que toi aussi, tu finirais sans doute par être exaspéré… On n’en est pas là, mais si on laissait faire. Je pense que la laïcité française a deux facettes: une facette tolérante, neutre, apaisée; mais aussi une facette plus violente et coercitive quand les religions deviennent un peu trop envahissantes. Je suis catholique, mais je ne tolérerais pas que le pape ou les évêques français dictent à mes élus ce qu’ils doivent faire. Eh bien, les religieux musulmans n’ont pas à décider du menu des cantines ni de ce qu’on a le droit de dire ou pas sur l’islam, Mahomet ou que sais-je encore.
"Comment peut-on dire à des gens qui ont une carte nationale d’identité française qu’ils doivent dégager parce qu’ils sont musulmans sans violer nos principes républicains ?"
C’est une vraie question et je ne prétends pas avoir la réponse. Mais s’il fallait choisir entre les principes républicains et ce qui fonde l’identité de la France, quel choix ferais-tu? Il y a des gens qui, à les entendre, sont parfois prêts à sacrifier leur pays au nom des Droits de l’homme. Moi, je place l’unité et la souveraineté de la France au-dessus. Or, l’islam est devenu un ferment de division. Par ailleurs, la "discrimination" que tu me reproches concerne des citoyens français, le plus souvent binationaux et qui se réclament explicitement d’un autre pays et d’une autre culture. Puisqu’ils refusent de se considérer comme des "Français ordinaires", pourquoi ne pas les croire?
"ethnie française = nation française"
Non. La nation française comprend différentes ethnies: antillaise, réunionnaise, polynésienne, avec chacune une culture spécifique. Pour autant, un Antillais appartient à la nation française. Il n’empêche que je pense qu’il y a une ethnie française "métropolitaine". Et pour moi, la question a une certaine importance.
@NJ
>En revanche, je suis très dubitatif sur l’émergence d’un "islam d France".<
Pourtant il existe déjà, et les facteurs sociaux et historiques combinés à la fois en France et dans le monde musulman font qu’il est en crise. Il faut bien comprendre que le sunnisme, généralement de rite malékite en France, n’a pas de clergé. Un imam peut donc avoir été choisi par deux personnes et "parler au nom des musulmans".
>Mais qu’une jeune de 15 ou 18 ans, née en France, les adopte, c’est autre chose.<
C’est éminemment politique, nous sommes d’accord là dessus.
>Comment nouer des rapports d’amitié et de bon voisinage avec quelqu’un qui: 1) refusera toujours de prendre l’apéro avec toi; 2) refusera toute nourriture à base de porc; 3) et refusera toute viande non-hallal? Cela devient compliqué…<
En effet, mais cela serait penser que la majorité des musulmans français se comportent ainsi. La plupart ne sont pas des doctrinaires et sont tout de même dotés d’une intelligence sociale…
>J’ai quand même le droit d’être en désaccord avec l’importation de coutumes étrangères qui me déplaisent, non?<
J’ai tout autant de mal avec le "rêve américain" qui continue à s’exporter chez nous…
>Honnêtement, si demain les musulmans devaient prier dans la rue, cinq fois par jour, publiquement, à l’appel du muezzin, je ne l’accepterais pas.<
Moi non plus. Mais bizarrement, étant donné la place dans les mosquées, je doute que ce genre d’évènement se reproduise autrement que par la volonté de bandes d’excités.
>Eh bien, les religieux musulmans n’ont pas à décider du menu des cantines ni de ce qu’on a le droit de dire ou pas sur l’islam, Mahomet ou que sais-je encore.<
Vous semblez considérer que ces histoires "identitaires" sont autre chose que de l’agitation d’associatifs. Si les musulmans français étaient radicalement déconnectés du reste de la population française, c’est à dire, si leurs préoccupations politiques n’étaient pas les mêmes que celles des français, nous verrions fleurir des partis communautaires. Ce n’est pas le cas. Qui vote pour le PIR ? Personne. Les musulmans français, malgré une réislamisation partielle, continuent à voter selon les mêmes critères que le reste de la communauté nationale. Et, entre autres, pour ceux qui vivent dans les quartiers populaires, ont les mêmes préoccupations.
>Or, l’islam est devenu un ferment de division.<
C’est sûr qu’en lui attribuant tous les maux…
>Et pour moi, la question a une certaine importance.<
Pour moi, c’est tout à fait secondaire. Je ne nie pas le problème de l’assimilation. Je dis juste que vous surévaluez l’influence de l’Islam, à défaut de considérer des indicateurs sociaux alarmants. On peut toujours "faire des français, c’est juste beaucoup plus difficile", disait Chevènement.
@Descartes
> l’une des caractéristiques de l’Islam est qu’il n’a pas encore réussi à faire la séparation entre la loi religieuse et la loi civile et son corollaire<
En effet, si jamais les musulmans français comprenaient eux-mêmes quelque chose, ça pourrait poser problème. Enfin bon, cette problématique est d’ailleurs centrale pour un bon nombre de réformateurs sunnites du XIXe. Certains laïcs ont posé en termes nationaux les mêmes questions que se posaient les oulémas à l’échelle du monde musulman. Notamment comment, disposant d’un système administratif et de modes de gestion globalement plus modernes, d’un niveau en sciences et techniques bien plus avancé, les musulmans s’étaient débrouillés pour stagner dans leur développement au niveau du XVe/XVIe siècle. Paradoxalement, beaucoup en ont voulu à Atatürk d’avoir aboli le califat : il aurait été en mesure, avec le calife sous sa botte, d’imposer un certain nombre de réformes du dogme qui auraient alors été irréfutables, ce qui serait allé bien plus loin du point de vue symbolique que l’abolition. Car désormais, ce qui manque au sunnisme, c’est bien une autorité religieuse supérieure.
[Tu compares ce qui n’est pas comparable, excuse-moi.]
Je ne fais qu’utiliser tes propres critères (habits, nourriture…) pour discriminer d’autres personnes (alsaciens, bretons). Tes critères ne sont pas assez raffinés pour seulement écarter les musulmans. Dans une république indivisible, je vois pas en quoi les alsaciens pourraient avoir des privilèges (à pratiques culturelles équivalentes) du fait d’une antériorité. Soit certaines pratiques culturelles sont un danger pour le pays et alors il faut toutes les interdire, soit elles ne sont pas un danger et alors on ne peut pas les discriminer (dans le cas de pratiques culturelles équivalentes).
[Je te parle de gamines de 5ème qui arrivent voilées au collège, de jeunes hommes qui portent barbes et gandourahs… aujourd’hui.]
En bon laïcard athée, ça m’attriste de voir des jeunes embrigadés par des religions, mais pour des adultes (comme les bonnes sœurs) qui choisissent de porter le voile, je vois pas trop où est le soucis du moment que le cadre laïc est respecté. Probablement qu’on ne met pas la même chose derrière le mot assimilation. Pour moi l’assimilation se fait dans le cadre républicain (langue française, lois de la République (qui peuvent être motivées par des préférences culturelles comme la loi interdisant la dissimulation du visage) etc.), hors de ce cadre on est libre. On peut s’habiller en gothique si on le souhaite, c"est tout à fait compatible.
Au fait quel est le pourcentage de gamines voilées ? Accessoirement, à partir de quel pourcentage on peut dire qu’on vit comme au Maroc dans ces quartiers ?
[Comme l’a dit Descartes, les Français n’aiment pas qu’on les emmerde. Et je suis désolé de le dire, mais certains musulmans commencent à nous emmerder.]
En utilisant tes critères (viande et alcool), j’en déduis que les végétariens abstinents t’emmerdent aussi. Est-ce qu’on peut être assimilé français et végétalien/abstinent pour toi ?
[Penses-tu que la laïcité doit nous amener à dire "amen" à toutes les coutumes et habitudes islamiques?]
Bien sûr que non et il en va de même pour les autres religions. Donc pas de vendredi saint dans les cantines, ni de prières de catholiques dans la rue.
[Mais s’il fallait choisir entre les principes républicains et ce qui fonde l’identité de la France, quel choix ferais-tu?]
Ta question n’a pas de sens pour moi, car je considère que les principes républicains sont au cœur de l’identité de la France. Aurais-tu des exemples de ces dilemmes pour voir ce que tu entends par "identité de la France" ?
[Non. La nation française comprend différentes ethnies]
La manière dont tu as définis l’ethnie française m’a fait penser à la nation française. En votant la départementalisation, ils ont choisi l’assimilation et se reconnaissent donc dans les mêmes ancêtres fictifs que les gens de la métropole. Après on pourrait discuter de la polynésie…
[Les musulmans français, malgré une réislamisation partielle, continuent à voter selon les mêmes critères que le reste de la communauté nationale.]
Vous faites là une remarque qui est fort intéressante, et qui met quelques limites à l’idée que les maghrébins – qui sont les gros bataillons des musulmans français – seraient "inassimilables". En fait, l’arbre cache en partie la forêt. A côté des ghettos que sont devenues certains quartiers, il y a une masse de musulmans qui sont parfaitement assimilés et ne conservent de leurs origines que quelques coutumes domestiques au même titre que les corses ou les bretons. Il y a des préfets musulmans, des directeurs d’entreprise musulmans, des professeurs musulmans. Qui ne font pas les cinq prières quotidiennes, qui ne s’habillent pas en djellaba, et qui souvent d’ailleurs font des mariages mixtes.
[Paradoxalement, beaucoup en ont voulu à Atatürk d’avoir aboli le califat : il aurait été en mesure, avec le calife sous sa botte, d’imposer un certain nombre de réformes du dogme qui auraient alors été irréfutables,]
C’est un peu la vision robespiero/napoléonienne d’une religion contrôlée par l’Etat et qui serait un véhicule de diffusion des idées nouvelles. Ce n’est pas une mauvaise idée, mais cela n’a fonctionné que parce qu’en même temps qu’il s’arrangeait pour contrôler les religions, Napoléon sépara d’une manière définitive la loi civile et la loi religieuse. Une réforme sur laquelle, en France, personne n’a osé revenir. Je ne sais si en Turquie cela aurait pu se faire, si Atatürk était en mesure de garder le califat tout en promulgant une constitution purement civile…
@stu
[Pour moi l’assimilation se fait dans le cadre républicain (langue française, lois de la République (qui peuvent être motivées par des préférences culturelles comme la loi interdisant la dissimulation du visage) etc.), hors de ce cadre on est libre. On peut s’habiller en gothique si on le souhaite, c"est tout à fait compatible.]
Chez soi, c’est évident. Mais dans l’espace public, c’est loin d’être évident. Dans la rue, je n’ai pas le droit de porter certains symboles, qu’on estime être un défi aux règles du "vivre ensemble". Il y a des règles qui régissent les rapports entre les gens et qui même si elles sont non-écrites font partie de la sphère publique. Si un punk porte une croix gammée, on peut le tolérer. Mais si un néo-nazi porte cette même crois dans l’intention de provoquer, la République doit le réprimer. Et de la même manière, si une femme porte un foulard autour de sa tête parce qu’elle trouve cela joli ou pour s’abriter, c’est son droit. Mais si elle le porte pour dire à ceux qui le voient "moi je suis différente et je n’accepte pas vos règles", la République doit sévir.
[Au fait quel est le pourcentage de gamines voilées ? Accessoirement, à partir de quel pourcentage on peut dire qu’on vit comme au Maroc dans ces quartiers ?]
Je dirais que quand une femme ne peut pas se dévoiler sans être agressée verbalement et traitée de "pute", quand un homme ne peut pas manger un sandwich pendant le mois de ramadan sans se faire interpeller, on peut dire non pas qu’on vit comme au Maroc, mais qu’il y a un problème.
[En utilisant tes critères (viande et alcool), j’en déduis que les végétariens abstinents t’emmerdent aussi.]
Lorsqu’ils essayent de m’imposer le bannissement de la viande dans les cantines scolaires, oui, ils n’emmerdent. La République, c’est la liberté absolue dans la sphère privée, et des règles communes que tout le monde respecte dans la sphère publique.
["Penses-tu que la laïcité doit nous amener à dire "amen" à toutes les coutumes et habitudes islamiques?". Bien sûr que non et il en va de même pour les autres religions. Donc pas de vendredi saint dans les cantines, ni de prières de catholiques dans la rue.]
Non. Il ne faut pas confondre tradition et religion. Il y a sur certains bâtiments publics de notre République laïque des croix que personne, même pas les laïcards les plus ardents, ne songeraient à enlever. Faut il enlever la croix du dôme des invalides, du panthéon ou de la chapelle de la Sorbonne ? Ce serait ridicule: ces croix n’ont rien à voir avec une quelconque présence de la religion dans la sphère publique. Elles sont le témoignage d’une histoire. La France fut un Etat catholique, et un pays où la religion catholique a été ultra-dominante. C’est un fait et le passé ne s’achète pas au détail. Le poisson du vendredi dans les cantines, les vacances de Pâques ou de Noël entrent dans cette catégorie. Par contre, la prière catholique – en dehors des pèlerinages traditionnels – est aussi choquante que la prière musulmane dans les mêmes conditions.
@ Bolchokek,
"Pourtant il existe déjà"
Je ne le crois pas. Il y a un islam en France, mais pas un islam de France. Tu le sais, les associations cultuelles sont bien souvent liées au "cher pays": la Grande Mosquée de Paris à l’Algérie, la Fédération Nationale des Musulmans de France au Maroc. En d’autres termes, cela s’appelle de l’ingérence, excuse-moi. Dans ma région, le roi du Maroc finance une mosquée. Et il faut presque se réjouir que ce soit lui et non les Al-Saoud d’Arabie Saoudite!
"mais cela serait penser que la majorité des musulmans français se comportent ainsi."
La majorité, je ne sais pas. Mais ils sont de plus en plus nombreux, je suis désolé de te le dire. Et dans les établissements scolaires, nous sommes bien placés pour nous en apercevoir.
"J’ai tout autant de mal avec le "rêve américain""
Mais je suis d’accord.
"C’est sûr qu’en lui attribuant tous les maux.."
Tu sais pourtant ce que je pense de la construction européenne et du régionalisme politique, non? Là, nous parlons d’immigration et d’islam, mais ne réduis pas ma pensée politique à cela, je t’en prie. Cela étant, j’admets que l’islam est devenu pour moi un problème important.
"Je dis juste que vous surévaluez l’influence de l’Islam"
Il n’y a pas que l’islam, il y a aussi la référence nationale au pays d’origine, le culte de la différence mais aussi, pourquoi le nier, un sentiment "racial" parfois ("nous les noirs", "nous les Arabes"). Un cocktail détonnant.
@ stu,
"Dans une république indivisible, je vois pas en quoi les alsaciens pourraient avoir des privilèges (à pratiques culturelles équivalentes) du fait d’une antériorité."
Ce n’est pas une question d’antériorité ou de privilège. L’Alsacien mange de la choucroute, comme il peut manger de la saucisse de Toulouse, du couscous, du boudin antillais ou des rillettes. Rien ne le lui interdit. Le musulman ne mangera ni choucroute, ni saucisse de Toulouse, ni boudin antillais, ni rillettes… Moi, quand j’invite quelqu’un, j’ai envie de lui faire partager ce que j’aime, pas toi? J’aime beaucoup le couscous, je mange volontiers un kebab, ça ne me pose aucun problème. Si j’invite quelqu’un chez moi et qu’il refuse de manger ce que je lui propose, je peux te dire qu’il n’est pas prêt de remettre les pieds chez moi. J’admets qu’on puisse ne pas aimer un plat (je n’aime pas la choucroute), mais refuser d’en manger pour des raisons religieuses, je ne l’accepterais pas en tant qu’hôte. C’est bafouer les lois de l’hospitalité. D’autant que le musulman refuse de manger ta nourriture parce qu’elle est "impure". Et toi qui la consommes, tu es un impur. A titre personnel, je ne suis pas prêt à m’entendre avec ce type de personne.
"Au fait quel est le pourcentage de gamines voilées ?"
Dans la petite ville où je travaille cette année: 95 % des femmes et des jeunes filles musulmanes. Ce sont des Turcs pour la plupart et ils forment une communauté très fermée et plutôt traditionaliste. Et c’est une petite ville rurale, loin des quartiers ethniques des grandes agglomérations…
"j’en déduis que les végétariens abstinents t’emmerdent aussi."
S’ils cherchent à m’imposer leur façon de vivre, oui.
"Donc pas de vendredi saint dans les cantines, ni de prières de catholiques dans la rue."
Je suis d’accord. Pour ma part, je ne prie que dans un lieu de culte prévu à cet effet. Là où j’ai travaillé jusqu’à maintenant, le poisson n’est pas systématique le vendredi saint, je ne suis pas outré. Je connais d’ailleurs des cathos pratiquants qui mangent de la viande le vendredi et qui ne jeûnent pas durant le Carême. Il y a des religions qui évoluent et d’autres pas…
"car je considère que les principes républicains sont au cœur de l’identité de la France. Aurais-tu des exemples de ces dilemmes pour voir ce que tu entends par "identité de la France" ?"
Désolé, mais la France n’est pas née en 1789. Au cœur de l’identité française, il y a aussi l’héritage chrétien, surtout catholique, la culture gréco-latine. S’y ajoutent la laïcité républicaine évidemment mais aussi la volonté de bâtir l’unité (cette "homogénéité" qu’on semble me reprocher) de la nation. Or, tu le sais, la religion divise toujours le monde en deux: les orthodoxes, ceux qui sont dans le droit chemin, et les autres, infidèles et hérétiques qui sont dans l’erreur. Et crois-moi, ce raisonnement reste très prégnant chez beaucoup de musulmans.
"En bon laïcard athée, ça m’attriste de voir des jeunes embrigadés par des religions"
Et on reste les bras croisés à regarder, attristés, ce spectacle? Que proposes-tu?
>Je dirais que quand une femme ne peut pas se dévoiler sans être agressée verbalement et traitée de "pute", quand un homme ne peut pas manger un sandwich pendant le mois de ramadan sans se faire interpeller, on peut dire non pas qu’on vit comme au Maroc, mais qu’il y a un problème.<
Ça ressemble en fait beaucoup plus à l’Arabie Saoudite qu’au Maroc…
@ Descartes
[Et de la même manière, si une femme porte un foulard autour de sa tête parce qu’elle trouve cela joli ou pour s’abriter, c’est son droit. Mais si elle le porte pour dire à ceux qui le voient "moi je suis différente et je n’accepte pas vos règles", la République doit sévir.]
Je suis d’accord avec ce que tu dis sur les sphères privée/publique, mais je suis pas sûr de bien saisir l’exemple. De quels règles parles-tu ici ? Quelqu’un qui porte un voile religieux dans la rue respecte les règles, non ?
[Je dirais que quand une femme ne peut pas se dévoiler sans être agressée verbalement et traitée de "pute", quand un homme ne peut pas manger un sandwich pendant le mois de ramadan sans se faire interpeller, on peut dire non pas qu’on vit comme au Maroc, mais qu’il y a un problème.]
Tout à fait d’accord sur ça et je partage l’idée générale évoquée par nationalistejacobin qu’il faut éviter la communautarisation, mais à mon avis on ne peut pas le faire sur les critères qu’il a évoqué puisque ce serait discriminatoire.
[Lorsqu’ils essayent de m’imposer le bannissement de la viande dans les cantines scolaires, oui, ils n’emmerdent. La République, c’est la liberté absolue dans la sphère privée, et des règles communes que tout le monde respecte dans la sphère publique.]
Je suis tout à fait d’accord sur le fait que des minorités n’ont pas à imposer leur vues dans la sphère publique, mais là nationalistejacobin parlait d’autre chose qui était la difficulté de sociabiliser avec des gens ne mangeant pas comme nous. À ce moment là les végétariens doivent aussi en prendre pour leur grade, mais bizarrement ils ne sont jamais évoqués. À titre personnel, je défends le flexitarisme !
[Non. Il ne faut pas confondre tradition et religion. Il y a sur certains bâtiments publics de notre République laïque des croix que personne, même pas les laïcards les plus ardents, ne songeraient à enlever. Faut il enlever la croix du dôme des invalides, du panthéon ou de la chapelle de la Sorbonne ? Ce serait ridicule: ces croix n’ont rien à voir avec une quelconque présence de la religion dans la sphère publique. Elles sont le témoignage d’une histoire. La France fut un Etat catholique, et un pays où la religion catholique a été ultra-dominante. C’est un fait et le passé ne s’achète pas au détail. Le poisson du vendredi dans les cantines, les vacances de Pâques ou de Noël entrent dans cette catégorie.]
La croix du dôme des invalides, c’est du patrimoine. Par contre la croix dans les salles de classe, ils ne l’ont pas considérée de la même manière. Pour moi la croix de la salle de classe, c’est juste du religieux. Tandis que la croix du dôme des invalides, c’est plus que ça. La question pertinente sur le vendredi saint à mon avis est alors : est-ce que cette tradition est plus que religieuse ? Je ne le pense pas. Par contre pour la galette des rois à la cantine, je dirais que c’est une tradition qui va au-delà de la religion, donc ça me choque pas. Idem pour noël, les vacances…
[A titre personnel, je ne suis pas prêt à m’entendre avec ce type de personne.]
J’espère alors que tes proches ne vont pas devenir végétariens, ou pire végétaliens ! Je suis tout à fait d’accord pour dire que le lobby halal (ou n’importe lequel) n’a pas à dicter le repas des cantines, mais si ça relève de la sphère privée ils peuvent manger ce qu’ils veulent.
[Désolé, mais la France n’est pas née en 1789]
Loin de moi, l’idée de nier l’héritage pré-révolutionnaire, d’ailleurs l’Édit de Nantes c’est déjà un pas vers la laïcité. Cependant l’identité elle évolue et les principes républicains qu’on a adopté ont remplacé certaines traditions ou certaines idées. Donc à partir de ça, je ne vois toujours pas où pourraient être les contradictions entre les principes républicains et l’identité de la France.
[S’y ajoutent la laïcité républicaine évidemment mais aussi la volonté de bâtir l’unité (cette "homogénéité" qu’on semble me reprocher) de la nation.]
Justement avec la laïcité on fait fi des pratiques cultuelles dans la sphère privée, donc on peut bâtir cette unité avec différentes religions du moment qu’elles se cantonnent à la sphère privée.
[Et on reste les bras croisés à regarder, attristés, ce spectacle? Que proposes-tu?]
Eh bien déjà on a eu la loi sur les signes religieux à l’école, c’est déjà un bon début. Je pense qu’il y a une prémisse sur laquelle pas mal de personnes peuvent être d’accord : les enfants ne sont pas en état de choisir une religion ou une pratique cultuelle. Tout comme les enfants ne sont pas en mesure de dire s’ils sont trotskistes ou conservateurs. À partir de ça, ça me paraîtrait pas aberrant de dire que les enfants ne doivent pas porter de signes religieux ou politiques. C’est juste une idée en l’air, j’ai aucune idée de son applicabilité. D’une manière générale, je dirais que ça ne peut se faire qu’en renforçant nos principes.
@ nationalistejacobin
[A titre personnel, je ne suis pas prêt à m’entendre avec ce type de personne.]
J’espère alors que tes proches ne vont pas devenir végétariens, ou pire végétaliens ! Je suis tout à fait d’accord pour dire que le lobby halal (ou n’importe lequel) n’a pas à dicter le repas des cantines, mais si ça relève de la sphère privée ils peuvent manger ce qu’ils veulent.
[Désolé, mais la France n’est pas née en 1789]
Loin de moi, l’idée de nier l’héritage pré-révolutionnaire, d’ailleurs l’Édit de Nantes c’est déjà un pas vers la laïcité. Cependant l’identité elle évolue et les principes républicains qu’on a adopté ont remplacé certaines traditions ou certaines idées. Donc à partir de ça, je ne vois toujours pas où pourraient être les contradictions entre les principes républicains et l’identité de la France.
[S’y ajoutent la laïcité républicaine évidemment mais aussi la volonté de bâtir l’unité (cette "homogénéité" qu’on semble me reprocher) de la nation.]
Justement avec la laïcité on fait fi des pratiques cultuelles dans la sphère privée, donc on peut bâtir cette unité avec différentes religions du moment qu’elles se cantonnent à la sphère privée.
[Et on reste les bras croisés à regarder, attristés, ce spectacle? Que proposes-tu?]
Eh bien déjà on a eu la loi sur les signes religieux à l’école, c’est déjà un bon début. Je pense qu’il y a une prémisse sur laquelle pas mal de personnes peuvent être d’accord : les enfants ne sont pas en état de choisir une religion ou une pratique cultuelle. Tout comme les enfants ne sont pas en mesure de dire s’ils sont trotskistes ou conservateurs. À partir de ça, ça me paraîtrait pas aberrant de dire que les enfants ne doivent pas porter de signes religieux ou politiques. C’est juste une idée en l’air, j’ai aucune idée de son applicabilité. D’une manière générale, je dirais que ça ne peut se faire qu’en renforçant nos principes.
[Je ne le crois pas. Il y a un islam en France, mais pas un islam de France.]
Il ne faut pas exagérer. Il y a en fait les deux. En fait, il y a deux « islam » en France. D’un côté, il y a un islam laïcisé, comme il y a un catholicisme laïcisé ou un judaïsme laïcisé. Nous avons beaucoup de compatriotes musulmans qui vont à la mosquée peut-être une fois par an, qui boivent l’apéro et mangent des cochonnailles, et qui se souviennent qu’ils sont musulmans lorsqu’ils se marient, ou lorsqu’ils enterrent leurs morts. D’un autre côté, nous avons un islam intégriste, comme nous avons un catholicisme ou un judaïsme intégriste. Et l’islam intégriste n’est pas plus inféodé au Maroc ou l’Algérie que le judaïsme intégriste l’est à Israel ou le catholicisme intégriste au Vatican. Entre la religion laïcisée et la religion intégriste, il y a toutes les nuances. Il est vrai que l’islam pose un problème particulier parce qu’il sert comme point focal à un communautarisme installé dans des ghettos géographiques, et parce qu’il n’a pas accepté, contrairement aux autres religions, la séparation entre la loi civile et la loi religieuse, celle de la sphère publique et la sphère privée. Mais il ne faut pas en faire pour autant un croquemitaine.
[La majorité, je ne sais pas. Mais ils sont de plus en plus nombreux, je suis désolé de te le dire. Et dans les établissements scolaires, nous sommes bien placés pour nous en apercevoir.]
Vrai. Mais il faut dire que le discours idéologique d’une bonne partie de la gauche et de la droite réunies a consisté à encourager ces comportements, en faisant de la « diversité » une sorte de graal. Sarkozy n’a pas nommé le premier préfet musulman, mais il a nomme le premier préfet musulman nommé parce que musulman. Ce genre de mesures symboliques ne peut qu’encourager les « communautés » à se différentier pour bénéficier du statut de victime.
[De quels règles parles-tu ici ? Quelqu’un qui porte un voile religieux dans la rue respecte les règles, non ?]
Cela dépend dans quel contexte et avec quelle intention il est porté. Il y a dans le respect de la règle un élément objectif et un élément subjectif. Aucune règle n’interdit de manifester ses convictions, y compris dans l’espace public. Mais la règle enferme ces expressions dans les limites du respect de la décence et des convictions d’autrui, qui font partie de l’ordre public. Un punk qui porte une croix gammée dans un concert de son groupe préféré passe, un punk qui porte le même symbole dans une cérémonie du souvenir de la déportation, ne passe pas.
[Je suis tout à fait d’accord sur le fait que des minorités n’ont pas à imposer leur vues dans la sphère publique, mais là nationalistejacobin parlait d’autre chose qui était la difficulté de sociabiliser avec des gens ne mangeant pas comme nous. À ce moment là les végétariens doivent aussi en prendre pour leur grade, mais bizarrement ils ne sont jamais évoqués!]
Probablement parce que les végétariens fanatiques au point de refuser de serrer la main d’un mangeur de viande sont extrêmement minoritaires. Il y a une difficulté réelle dans le fait que certaines formes de socialisation dans notre culture sont en contradiction avec les interdits religieux de l’Islam. C’est d’ailleurs vrai pour le judaïsme aussi, sauf que les juifs qui observent strictement la kacherout sont très peu nombreux. D’ailleurs, ces juifs ultra-orthodoxes vivent en général entre eux et ne socialisent pas avec les non-juifs. Car le but des interdits religieux est aussi celui-là : conserver la cohésion de la communauté en empêchant ses membres d’avoir des rapports étroits avec l’extérieur. Pourquoi croyez-vous que les sectes passent leur temps à édicter des règles qui règlent la vie de leurs fidèles ?
L’assimilation n’est que rarement un processus volontaire. Pour avoir ses chances, elle doit être imposée par la collectivité assimilatrice comme une pré-condition pour accéder au statut de membre. Je partage avec nationalistejacobin l’idée qu’on ne peut pas avoir différentes catégories de français dont les interdits les empêchent de socialiser les uns avec les autres. Si on tolère cela, alors l’unité et l’indivisibilité de la Nation n’ont plus aucun sens.
[La croix du dôme des invalides, c’est du patrimoine. Par contre la croix dans les salles de classe, ils ne l’ont pas considérée de la même manière. Pour moi la croix de la salle de classe, c’est juste du religieux.]
Tout a fait. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’on les a enlevées.
[La question pertinente sur le vendredi saint à mon avis est alors : est-ce que cette tradition est plus que religieuse ?]
J’ai l’impression que j’ai manqué un épisode. De quelle « tradition » tu parles ? En France, c’est le lundi de Pâques qui est férié, et pas le vendredi saint…
@NJ
>Je ne le crois pas. Il y a un islam en France, mais pas un islam de France. <
On pourrait dire ça de tous les pays du monde dans lesquels se trouvent des musulmans, étant donné que c’est une religion qui ne reconnait pas les différences nationales ou ethniques. Comme l’église catholique, qui elle exerce une autorité sur le clergé français depuis l’étranger. Descartes a bien pointé le problème : la réislamisation des années 80 a été une vague de réaffirmation du droit et de la jurisprudence religieuse sur le droit civil, alors que l’influence du religieux diminuait de fait, dans la pratique, et à la faveur de régimes laïcs. Les "modernistes" Iraniens n’ont ainsi pas défendu la constitution du droit civil et l’encadrement du fait religieux par irréligion, mais par nécessité de modernisation. Beaucoup d’entre eux étaient d’ailleurs mollahs, pour la simple raison qu’ils formaient, avant l’ouverture d’établissements laïcs, l’essentiel des gens de lettres. La question de la séparation du droit civil et du droit musulman était en fait l’une des questions les plus étudiées lorsque les pays musulmans ont été confrontés, au XIXe siècle, à la domination sans conteste des occidentaux sur le monde, et la mise en place d’États laïques et constitutionnels était l’un des enjeux de la modernisation. D’une certaine façon, on voit ces mécanismes de façon accélérée et à moindre échelle dans l’histoire du Japon. Toutefois, il n’y a pas eu de séparation nette des deux formes de droit, à part en Turquie, mais plutôt une lente perte d’influence. La résurgence d’un Islam politique "de masse" est un fait récent. L’Islam n’est donc pas condamné à rester un acteur politique, mais la plupart des peuples ont bel et bien loupé le coche jusque là.
>En d’autres termes, cela s’appelle de l’ingérence, excuse-moi. Dans ma région, le roi du Maroc finance une mosquée.<
Je n’ai jamais dit le contraire. Il a l’occasion de maintenir son influence chez une partie de la population française, pourquoi se priverait-il ? Les musulmans locaux se voient offrir un lieu de culte, pourquoi refuseraient-ils ? Ce qui est beaucoup plus inquiétant, c’est à mon avis l’Imam que l’on importe. On peut financer quatre murs, si la prière est dirigée par un local, l’impact sera bien moindre…
>Il n’y a pas que l’islam, il y a aussi la référence nationale au pays d’origine, le culte de la différence mais aussi, pourquoi le nier, un sentiment "racial" parfois ("nous les noirs", "nous les Arabes"). Un cocktail détonnant.<
Et bien voilà ! Le problème du communautarisme c’est qu’il est communautaire, pas qu’il est musulman. Posons-nous une question : quel est le rôle du multiculturalisme et de l’idéologie diversitaire là dedans ? Est-ce que c’est en encourageant les gens à être "fiers d’être noirs" qu’on facilite leur émancipation et qu’on les sort de leur ghetto communautaire ? Enfin, la question de la délinquance "communautaire" endémique dans certains quartiers est pour moi déterminante dans l’accent mis sur le rejet de l’Islam d’une partie de la population. La "religion des prisons", on dit…
>Si j’invite quelqu’un chez moi et qu’il refuse de manger ce que je lui propose, je peux te dire qu’il n’est pas prêt de remettre les pieds chez moi.<
Si j’invite un végétarien, je m’assurerais de ne pas lui proposer de la viande. Dans les relations individuelles, on trouve toujours le moyen de s’arranger. Après, si votre invité vous fait la morale sur votre façon de manger, c’est que c’est un abruti et par conséquent ce n’est pas la peine de l’inviter… Et puis, si vous en voulez tellement à ceux qui ne mangent pas comme vous, ne vous transformeriez-vous pas en ce que vous dénoncez ?
>Dans la petite ville où je travaille cette année: 95 % des femmes et des jeunes filles musulmanes. Ce sont des Turcs pour la plupart et ils forment une communauté très fermée et plutôt traditionaliste.<
Oui là c’est "communauté" au sens littéral..
>Il y a des religions qui évoluent et d’autres pas…<
Vous savez, la pratique ça change beaucoup selon les individus. J’ai appris il y a peu de temps que l’un des mes amis avec qui j’ai déjà fait la tournée des bars et mangé de la charcuterie fait consciencieusement le ramadan, va à la mosquée le vendredi et est particulièrement pieux. Nous n’avions jamais parlé de religion jusqu’alors.
>Or, tu le sais, la religion divise toujours le monde en deux: les orthodoxes, ceux qui sont dans le droit chemin, et les autres, infidèles et hérétiques qui sont dans l’erreur. Et crois-moi, ce raisonnement reste très prégnant chez beaucoup de musulmans.<
Et vous feriez erreur, je vous le dis en tout respect, croire que les moralistes ne gonflent que les non-musulmans.
>"En bon laïcard athée, ça m’attriste de voir des jeunes embrigadés par des religions"
Et on reste les bras croisés à regarder, attristés, ce spectacle? Que proposes-tu?<
Quelqu’un ici avait comparé les punks et les gothiques et les jeunes filles qui portent le foulard. Pour avoir rencontré pas mal de ces jeunes oulémas en herbe, ils manifestent un attrait un peu comparable pour quelque chose qui leur permettrait d’être "quelqu’un" d’avoir des choses à dire, de se faire remarquer… Le problème c’est qu’ils peuvent rencontrer des gens qui prennent le littéralisme bien plus au sérieux.
@ Bolchokek :
[Ça ressemble en fait beaucoup plus à l’Arabie Saoudite qu’au Maroc…]
Si t’es basané et que tu manges un sandwich au Maroc pendant le ramadan, il vaut mieux avoir ses papiers français sur soi.
@ Descartes :
[Cela dépend dans quel contexte et avec quelle intention il est porté. Il y a dans le respect de la règle un élément objectif et un élément subjectif. Aucune règle n’interdit de manifester ses convictions, y compris dans l’espace public. Mais la règle enferme ces expressions dans les limites du respect de la décence et des convictions d’autrui, qui font partie de l’ordre public. Un punk qui porte une croix gammée dans un concert de son groupe préféré passe, un punk qui porte le même symbole dans une cérémonie du souvenir de la déportation, ne passe pas.]
L’exemple du voile me parait assez mal choisi alors. Le voile intégral quand il n’était pas encore interdit pouvait porter cette revendication de se dire différent et de ne pas respecter les règles. Mais si quelqu’un voudrait faire pareil avec le hijab ça tomberait un peu à l’eau vu que la très grosse partie des personnes le revêtant n’ont pas de revendication de ce genre, non ?
[Probablement parce que les végétariens fanatiques au point de refuser de serrer la main d’un mangeur de viande sont extrêmement minoritaires]
Totalement d’accord sur le fait qu’il y a moins de végétariens fanatiques que de musulmans fanatiques, mais là on change un peu les prémisses du débat vu que nationalistejacobin parlait du halal en général.
[ Je partage avec nationalistejacobin l’idée qu’on ne peut pas avoir différentes catégories de français dont les interdits les empêchent de socialiser les uns avec les autres. Si on tolère cela, alors l’unité et l’indivisibilité de la Nation n’ont plus aucun sens.]
Moi aussi je partage cela, mais je doute qu’on soit tous d’accord sur les interdits. Je ne pense pas que certains régimes alimentaires — du moment qu’ils n’ont pas d’incidences dans la sphère publique — empêchent les gens de socialiser entre eux.
[J’ai l’impression que j’ai manqué un épisode. De quelle « tradition » tu parles ? En France, c’est le lundi de Pâques qui est férié, et pas le vendredi saint…]
Je parlais du fait de ne pas manger de viande le vendredi toute l’année. J’ai toujours entendu et appelé ça le vendredi saint (ou c’était peut-être sain ?!)
http://www.vatican.va/archive/FRA0037/_P4L.HTM
@stu
[L’exemple du voile me parait assez mal choisi alors. Le voile intégral quand il n’était pas encore interdit pouvait porter cette revendication de se dire différent et de ne pas respecter les règles. Mais si quelqu’un voudrait faire pareil avec le hijab ça tomberait un peu à l’eau vu que la très grosse partie des personnes le revêtant n’ont pas de revendication de ce genre, non ?]
Encore une fois, cela dépend des circonstances. Lorsque des jeunes filles – encouragées quelquefois par leurs parents – ont choisi de porter le « hijab » au lycée, on a bien fait de sévir. La République doit montrer qu’elle est prête à faire face à toute provocation.
[Moi aussi je partage cela, mais je doute qu’on soit tous d’accord sur les interdits. Je ne pense pas que certains régimes alimentaires – du moment qu’ils n’ont pas d’incidences dans la sphère publique – empêchent les gens de socialiser entre eux.]
Bien entendu. Le problème, c’est que les interdits alimentaires ont des incidences dans la sphère publique. Que fait-on d’un musulman – ou d’un juif, d’ailleurs – qui refuse de participer à un pot parce qu’on y sert des cochonnailles ?
[Je parlais du fait de ne pas manger de viande le vendredi toute l’année. J’ai toujours entendu et appelé ça le vendredi saint (ou c’était peut-être sain ?!)]
Chez moi, le Vendredi Saint est le vendredi qui précède le lundi de Pâques… quoi qu’il en soit, il s’agit d’une pénitence, pas d’un interdit. On ne mange pas de la viande le vendredi pour montrer sa foi, et pas parce que la viande – et par extension ceux qui la mangent – est jugée « impure ». Rien n’interdit à un chrétien de vendre de la viande le vendredi, ou d’assister à un repas dans lequel de la viande est servie. Difficile de comparer aux interdits du judaïsme ou de l’Islam.
@ stu (très en retard, je le conçois)
>Si t’es basané et que tu manges un sandwich au Maroc pendant le ramadan, il vaut mieux avoir ses papiers français sur soi.<
Cela ne me choque pas si cela se passe dans un pays où le monarque de droit divin est "commandeur des croyants". Cela me choquerait dans un pays laïc dans lequel la religion est proscrite à la pure appréciation personnelle, lequel – et j’en suis content – se trouve être mon pays. Dans ton anecdote, cela ne me concerne pas, étant donné que pour commencer, ce n’est pas mon pays. Les laïcs et républicains marocains ont toute ma sympathie, mais je pense que la révolution et le progrès ne se font en dernière instance que par nos moyens propres.
cher Descartes
merci pour ton analyse passionnante à deux égards: je ne la vois pas comme "un appel à" (ce serait incongru et dommage), mais comme une étude d’abord, descriptive (analyse éclairante des faits) puis spéculative (tu proposes une hypothèse audacieuse sur les chemins à prendre – ou pris- par les républicains). Pour l’heure, je pense comme Marencau. Je ne suis pas prêt à franchir le pas.
J’avoue que dans le fond, je ne serais pas malheureux que d’autres mettent les mains dans le cambouis.
Je connais du monde très tenté par ce vote, et pas des prolétaires du tout !
A mon tour d’être transgressif: ton analyse me rappelle très bien ce comics (War of kings, marvel, 2008) où le fou (Maximus) dit au bon (sa cousine Crystal), lors de la guerre contre contre la brute (l’empereur Shiar) "si nous ne le vainquons pas, nous le changerons". C’est un peu ça non ?
Bon, on a les références de son age ;-))
cdt
[« Le nouveau est en train de naître et l’ancien n’est pas encore mort ». D’où ma question aux progressistes en général : avons-nous des moyens d’aider ceux qui au FN essayent de tuer l’ancien ? Avons-nous intérêt à le faire ?]
Tuer l’ancien FN ? Eh bien pour ma part, je trouve que ce ne serait pas très fair play. Car peut-être faudrait-il tout de même reconnaître à l’affreux réactionnaire Jean-Marie Le Pen le mérite d’avoir réussi, tel le troisième petit cochon du fameux conte, à construire cette solide maison de brique dans laquelle nous autres, petits cochons "progressistes", pouvons désormais venir nous réfugier…
L’histoire a toujours été pleine de paradoxes…
Bonjour ami et camarade,
En gros, vous nous expliquez de façon fort convaincante que le FN, vieux parti d’extrême droite infréquentable, se mue en un parti de droite d’autant plus fréquentable qu’il prend en charge seul, désormais, la défense de la Nation et de la souveraineté populaire. À vous lire, le FN d’aujourd’hui est quasi crypto-gaulliste.
Soit ! Votre point de vue peut s’entendre, et je n’ai pas l’intention de pousser les cris d’orfraie que vous redoutiez.
Mais moi, je préfère donner leur chance à ceux nombreux, communistes encartés ou en rupture de ban, qui veulent faire revivre le parti de Thorez et Duclos. Déjà, les contradictions insurmontables que vit la direction du PCF avec le PGE conduisent à une inflexion du discours des dirigeants du parti. Et on comprend tous qu’il y a aujourd’hui des tiraillements douloureux entre les partenaires du Front de gauche. Tout cela ne signifie pas que le PCF va retrouver automatiquement les rails de la défense des intérêts populaires. Mais ça laisse espérer au moins que tout n’est pas perdu.
En tout cas, vous le savez, je défend l’idée qu’après s’être plutôt bien conduit en mai 68, le PCF a eu tord d’initier la politique d’union de la gauche avec les mitterrandiens. Je persiste à croire qu’il aurait mieux valu défendre les acquis du CNR, notre système de protection sociale, les services publiques, les nationalisations et l’indépendance nationale.
Je suis convaincu que dès ces années, Giscard et Mitterrand incarnaient la même politique, en particulier européenne, que le Front national paraît combattre seul aujourd’hui.
Mais sous l’impulsion d’André Gerin et d’autres militants, le PCF peut évoluer positivement.
Pourquoi en douteriez-vous, puisque vous évoquez cette évolution au FN…
[En gros, vous nous expliquez de façon fort convaincante que le FN, vieux parti d’extrême droite infréquentable, se mue en un parti de droite d’autant plus fréquentable qu’il prend en charge seul, désormais, la défense de la Nation et de la souveraineté populaire. À vous lire, le FN d’aujourd’hui est quasi crypto-gaulliste.]
Je n’ai pas dit ça. Ce que j’ai dit, c’est qu’à force de ramasser les drapeaux que les autres ont laissé tomber, il est aujourd’hui le seul parti qui d’une part apparaît crédible auprès de l’électorat populaire et qui d’autre part défend des valeurs comme l’indépendance nationale, la souveraineté populaire, la République indivisible, la laïcité et autres valeurs qui appartiennent traditionnellement plutôt à la gauche jacobine.
[Mais moi, je préfère donner leur chance à ceux nombreux, communistes encartés ou en rupture de ban, qui veulent faire revivre le parti de Thorez et Duclos.]
Ce qui me gêne chez ces "communistes qui veulent faire revivre le parti de Thorez et de Duclos" est qu’ils tendent à croire que l’histoire repasse les plats, et qu’on peut revenir en arrière. Je regrette, le parti de Thorez et Duclos devrait être pour des communistes du XXIème siècle une référence, mais l’idée de le "revivre" est une illusion. Et on ne fait pas de la politique avec des illusions. Ce que j’ai à dire – en toute amitié – à ces camarades c’est qu’ils font fausse route. Qu’il faille analyser le monde d’aujourd’hui en utilisant l’ensemble des outils que le mouvement ouvrier a développé depuis sa naissance au XIXème siècle, je suis d’accord. Mais on ne peut pas plaquer mécaniquement sur la société du XXIème siècle des méthodes et des idées du XIXème.
[Déjà, les contradictions insurmontables que vit la direction du PCF avec le PGE conduisent à une inflexion du discours des dirigeants du parti.]
Ah bon ? Je n’ai pas remarqué une quelconque "inflexion". Pourrais-tu être plus précis ?
[Je suis convaincu que dès ces années, Giscard et Mitterrand incarnaient la même politique, en particulier européenne, que le Front national paraît combattre seul aujourd’hui.]
Cette phrase résume bien le problème…
[Mais sous l’impulsion d’André Gerin et d’autres militants, le PCF peut évoluer positivement. Pourquoi en douteriez-vous, puisque vous évoquez cette évolution au FN…]
Parce que même si ces militants – pour qui, je le répète, j’ai la plus grande estime personnelle – sont pratiquement les seuls à gauche qui osent donner des coups de pied devant quelques vaches sacrées (le "multiculturalisme", la vision "bisounours" de la sécurité…) ils n’osent pas s’attaquer au tabou majeur: celui de la "frontière gauche/droite". Or, comment peut-on être crédible auprès de la classe ouvrière quand on appelle à voter inconditionnellement Hollande au deuxième tour ? Ni Gérin ni aucun des siens n’a ose violer ce tabou. La force du FN, c’est de l’avoir fait. Si le FN avait appelé à chaque élection à voter sans conditions pour le candidat de droite, il serait resté un groupuscule.
>Mais moi, je préfère donner leur chance à ceux nombreux, communistes encartés ou en rupture de ban, qui veulent faire revivre le parti de Thorez et Duclos.<
J’en fais partie, et je ne me donne aucune chance. Il s’agit de sauver les meubles – enfin, les outils, mais même ça c’est loupé – de faire le baroud d’honneur et de profiter de l’expérience des "vieux". Enfin camarade, tu as vu comme moi les résultats qu’ont récolté les trois textes alternatifs, dont un posé par les trotskistes, lors du dernier congrès. C’était franchement minable. Ce qui est dommage, c’est que Gérin et Dang-Tran sont des personnes de qualité, qui en privé peuvent avoir un discours très innovant[1]. Mais ils ne s’entendent pas entre eux, encore moins avec le reste du Parti. Je ne serais pas de ceux qui incitent les camarades à dégager ; mais je suis bien conscient que le peu de qualité dans le discours que l’on peut encore trouver au PC est comme une flamme qui vacille dans le noir.
>En tout cas, vous le savez, je défend l’idée qu’après s’être plutôt bien conduit en mai 68, le PCF a eu tord d’initier la politique d’union de la gauche avec les mitterrandiens.<
Oui, mais c’est de l’histoire. Et ça commence à dater. On ne peut inclure une considération historique sur le PCF dans une argumentation politique.
[1].Ou même en moins privé…
[L’histoire a toujours été pleine de paradoxes…]
Justement, mon sentiment est qu’il ne s’agit pas tant d’un paradoxe que cela, car je crois, en effet, que Jean-Marie Le Pen est loin d’être le réactionnaire caricatural que l’on dépeint habituellement.
A ce propos, vous dîtes que le respect filial pousserait Marine Le Pen "à dire bien des bêtises, comme lorsqu’elle affirme que son père était un admirateur de Nelson Mandela, ce qui est bien entendu inexact.". Or, je vous invite à écouter le dernier "journal de bord" de Jean-Marie Le Pen du 27 juin 2013, visible sur le site du FN, dans lequel celui-ci confirme qu’il avait bien cherché, lors de sa campagne présidentielle de 2002, à rencontrer Nelson Mandela, dont il loue par ailleurs le rôle pacificateur lors des changements ayant affecté son pays.
Je ne sais pas en 2002. Mais la déclaration de Marine Le Pen affirmait que son père admirait le combat Mandela avant la fin de l’apartheid. Or, une entrevue avec Jean-Marie Le Pen est disponible sur le site de France-Inter où le vieil homme affirme que Mandela mérite bien d’être en prison comme "terroriste"…
@ Descartes
Pour moi, cher hôte, faire revivre le PCF de Thorez et Duclos, cela ne consiste pas à exposer des momies, mais bien à le faire "REVIVRE" : retrouver les bases saines du marxisme, de la conduite éclairée, lucide, du combat de classes, pour mener la lutte politique dans les conditions économiques et politiques d’aujourd’hui.
@ Bolchokek
Mon idée est qu’en faisant le choix de l’union de la gauche et du programme commun, le PCF ne faisait certes pas siennes les idées libérales-libertaires portées par le nouveau PS, mais qu’à tout le moins le parti communiste se mettait en porte-à-faux pour mener le combat idéologique contre ces conceptions petites-bourgeoises de la société. Et je considère que les communistes paient encore aujourd’hui cette contradiction. Bien entendu, j’ai conscience que leur (notre) échec a bien d’autres causes historiques. Il n’empêche : quand il a fallu affronter les revers historiques, nationaux ou internationaux, le PCF s’était en quelque sorte désarmé. Descartes a raison sur ce point : il faudrait oser la rupture. Quand ? Comment ? À quels risques ? Un front républicain est une idée séduisante, défendue depuis longtemps par Gerin.
Cela dit, ces options me paraissent très minoritaires dans notre corps social. Mais je serais ravi de me tromper…
[Mon idée est qu’en faisant le choix de l’union de la gauche et du programme commun, le PCF ne faisait certes pas siennes les idées libérales-libertaires portées par le nouveau PS,]
Voire… je me souviens qu’à cette époque la direction du PCF avait pour priorité de préserver l’unité du Parti. Et que chaque fois qu’il essayait de s’affranchir du rapport mortifère avec le PS, elle se retrouvait sous le feu des "rénovateurs" et autres "réfondateurs" qui avaient vite fait d’ameuter tout ce que la France comptait d’intellectuels pétitionnaire et de caciques médiatiques. On trouvait dans ces groupes pas mal de militants et de dirigeants qui avaient réjoint le Parti dans les années 1960 et qui ne se sont jamais consolés du fait que le PCF n’ait pas embrassé les idéaux de 1968. Ces gens avaient fait leurs les idées libérales-libertaires, et on les retrouvera jouant un rôle important dans la résistible ascension du père UbHue.
Ah ça c’est certain ! Et ce sont ceux-là mêmes qui conduisent aujourd’hui le PCF à se dissoudre dans un PGE qui n’est que E…
Bonjour,
Encore une fois j’éprouve ce soulagement à lire ton post ainsi que les nombreuses contributions qui s’ensuivent. Un débat est possible sur ton blog là où par ailleurs on ne s’autorise pas à dire et même à penser.
Ce qui n’empêche pas une certaine perplexité. La raison poussée à son extrême peut mener tellement loin. Robespierre n’était-il pas allé jusqu’à déifier la Raison, vouloir lui ériger un temple?
Ceci dit, lorsque je lis des contributions au débat politique telles que celles de la MPEP, toutes intéressantes qu’elles soient, elles butent toujours sur l’impensable prise en compte de la réalité du choix de l’électorat populaire. On pense bien, on pense ensemble, surtout pas avec ceux dont on pense qu’ils sont "mal",mais en définitive, combien de divisions?
En situation de crise, il y a une tendance grégaire (principe de Lucifer?). Cette tendance peut aussi expliquer la croissance du FN. Ton hypothèse de l’influence d’un réseau républicain expliquant l’ascension d’un Philippot me semble crédible, et importante pour réduire les risques de la tendance dure du FN. De là à ce que le FN soit un parti de recours républicain…
A quand une Université d’été cartésienne? Ce n’est pas un propos en l’air…
[Ce qui n’empêche pas une certaine perplexité. La raison poussée à son extrême peut mener tellement loin. Robespierre n’était-il pas allé jusqu’à déifier la Raison, vouloir lui ériger un temple?]
Vous me rappellez ce slogan: "si vous vous plaignez du coût de l’éducation, essayez l’ignorance!". La Raison peut conduire certainement à faire beaucoup de bêtises… mais somme toute, beaucoup moins que ses alternatives!
[Ceci dit, lorsque je lis des contributions au débat politique telles que celles de la MPEP, toutes intéressantes qu’elles soient, elles butent toujours sur l’impensable prise en compte de la réalité du choix de l’électorat populaire.]
Oui, c’est le problème de la réflexion politique de gauche. Au fonds, nous avons un peu tous une vision aristocratique de la société. Le peuple n’a qu’à suivre "les meilleurs". Le problème, c’est que le peuple n’est pas comme ça. Les "printemps arabes" nous en ont donné l’exemple: les penseurs, les intellectuels, les journalistes se sont investis dans la révolution, pour constater que lorsqu’on appelle aux urnes le peuple porte au pouvoir les islamo-conservateurs.
Vous m’accuserez de poursuivre ma marotte, mais j’y vois dans cette césure l’effet de la domination politique des classes moyennes. Dans l’après-guerre, les hommes politiques étaient très conscients – peut-être l’existence d’un PCF fort les poussait dans ce sens – de parler non seulement aux classes moyennes, mais aux couches modestes de la société. Depuis les années 1980, les partis parlent de moins en moins à ces couches, et parlent d’elles avec mépris. Le "beauf" de Cabu a la vie dure…
Mon article visait précisément à dénoncer cet état de fait. C’est en laissant ces couches sociales en déshérence qu’on a alimenté le FN. Il est urgent que les partis qui se veulent "progressistes" prennent conscience de ce problème et construisent un discours qui soit audible par elles. Le débat sur le "mariage pour tous" est peut-être le meilleur exemple de la manière dont les classes moyennes sont persuadées d’avoir raison et imposent leur vision de la société sans tenir compte des autres.
[Ton hypothèse de l’influence d’un réseau républicain expliquant l’ascension d’un Philippot me semble crédible, et importante pour réduire les risques de la tendance dure du FN. De là à ce que le FN soit un parti de recours républicain…]
On a vu des choses plus étranges… par exemple, un certain général "à titre provisoire" réfugié à Londres, entouré d’une "cour" réactionnaire, calotine et passablement antisémite…
Cher Descartes, dans la "cour" réactionnaire du général à titre temporaire, on l’oublie trop, il y avait aussi des Georges Boris (rallié le 19 juin) et René Cassin (rallié le 29), pour n’en citer que deux éminents non "antisémites"… et qui ne comptèrent pas pour rien sans doute dans la cristallisation républicaine de la France Libre.
Vrai… un peu comme dans la "cour" de Marine Le Pen il y a Philippot ? 😉
Je crois que ton exemple est excellent. Imagine-toi l’effort et la capacité d’abstraction de soi qu’il a fallu à Cassin ou Boris pour rejoindre un homme qui était politiquement à l’opposé d’eux et dont la seule chose qu’ils savaient, c’est qu’ils avaient un ennemi commun… combien de dirigeants dits "de gauche" seraient capables d’une telle abstraction aujourd’hui ?
[Je ne sais pas en 2002. Mais la déclaration de Marine Le Pen affirmait que son père admirait le combat Mandela avant la fin de l’apartheid.]
Ce que Marine Le Pen a dit sur France Inter c’est, précisément : "Il se trouve que Jean-Marie Le Pen a toujours condamné l’apartheid", ce qui est autre chose que de dire qu’il admirait le combat de Mandela, qu’il considérait effectivement comme un "terroriste", ce qui, après tout, était une réalité objective.
[Or, une entrevue avec Jean-Marie Le Pen est disponible sur le site de France-Inter où le vieil homme affirme que Mandela mérite bien d’être en prison comme "terroriste"…]
Le site de France Inter évoque deux extraits de l’Heure de vérité, l’un datant de 1985, l’autre de 1990. Il semblerait que ces deux extraits aient disparu du site. Je n’ai pas retrouvé l’extrait de 1985. Quant à l’émission de 1990, JMLP y déclare (à 57”) qu’il n’est "ni ému ni ravi" de la libération de Mandela, ce qu’il explique plus loin par sa crainte de voir advenir un "chaos sanglant" en Afrique du Sud. Or sur ce point, il faut noter qu’il se montre d’une grande cohérence lorsque, bien plus tard, en 2013, il salue l’action pacificatrice de Mandela.
http://www.youtube.com/watch?v=iF6ROa3DTCM
[Or sur ce point, il faut noter qu’il se montre d’une grande cohérence lorsque, bien plus tard, en 2013, il salue l’action pacificatrice de Mandela.]
Cohérence ou opportunisme ?
"Toutes les opportunités que le FN a eues de démontrer sa capacité à exercer le pouvoir conquis démocratiquement (Vitrolles, Orange…) se sont soldées par un désastre."
Vous confondez Orange et Toulon .
Jacques Bompard a été elu maire d’Orange en 1995 sous l’étiquette FN. Depuis il est réelu à chaque fois (2001,2008 au prmier tour avec 59,97 % et 60,97 % des suffrages exprimés[) , sous différentes étiquettes il est vrai : il est passé par le MPF , la ligue du Sud.
Il semble que la ville ne soit pas forcément pas mal gérée en tout cas si on en juge par les scores obtenus lors des réélections. Il est aussi le seul député situé à l’extrême-droite élu lors d’un duel et non d’une triangulaire.
[Vous confondez Orange et Toulon .]
Vous avez tout à fait raison. Autant pour moi. Avec votre permission, je corrigerai dans le texte.
[Cohérence ou opportunisme ?]
Nonobstant ce que beaucoup croient, Jean-Marie Le Pen n’est pas le petit fils caché de Belzébuth, même s’il a certainement quelques défauts. En tout cas, je ne pense pas que l’opportunisme puisse être rangé parmi ceux-ci, dans la mesure où c’est bien plutôt son goût prononcé pour la navigation par vents contraires qui me semble, précisément, être au cœur de sa personnalité.
« Non, l’abstention n’est pas un « vote »
Vous n’avez pas tort mais ce refus de choisir entre ce qui est proposé indique tout autant un public potentiel à d’autres aspirations. Le résultat de la partielle de Villeneuve/Lot indique qu’au second tour seuls 20,81 des inscrits, dans un contexte favorable pour ce parti se sont prononcés pour le FN. Ne faut-il pas en tenir compte dans nos analyses ?
2007 : « Je ne vois pas très bien ce que vous voulez dire »
Référence à l’élection présidentielle où Sarkozy a détourné à son profit une partie significative du vote FN.
« Pas du tout. J’ai même écrit « un Philippot ne fait pas le printemps »
Votre texte : « Vous me direz qu’une élection législative n’est pas, n’a pas la charge symbolique d’une élection présidentielle. Et qu’une hirondelle ne fait pas le printemps. »
Par ailleurs, vous avouez ne pas savoir où en est l’intéressé lui-même : « Pour le savoir, il faudrait discuter avec lui… et je n’ai pas ce privilège. » (réponse à mes doutes qu’il soit resté « un chevènementiste « pur sucre ».
Puis-je aussi vous faire remarquer que cette soudaine cooptation de M.Philippot au sommet du FN n’attire de votre part aucune des remarques que vous avez formulées lors d’identiques au PG ?
L’article de « Marianne » me semble plus compliqué que votre interprétation. Certes MLP cherche à se donner une façade « respectable » mais les liens y compris historiques sont là et « têtus ». J’aurais pu ajouter ses amitiés avec Ayoub, mais restons-en là.
Pour ma part, j’y vois plutôt un concert à deux mains et pour cela pas nécessairement besoin de lien officiels d’où ma référence à la Tunisie où le leader d’Ennahda loue en privé les groupes salafistes qualifiés de « ses enfants »…(vidéo piratée qui a provoqué de l’émoi dans ce pays).
[Les slogans nazis étaient d’apparence plus violemment « anti-capitalistes »…et je ne qualifie pas le FN de fasciste.]
Je me suis sans doute mal exprimé : entendre que les nazis allaient très loin « en gueule » contre le capitalisme, ce qui pouvait créer chez certains, l’illusion d’un mouvement « anti-capitaliste ».
Cette « excuse » ne saurait avoir cour avec le FN qui est plutôt révérencieux à l’égard du patronat.
Cela dit, je souligne que je ne qualifie pas le FN de fascisme…
[Vous n’avez pas tort mais ce refus de choisir entre ce qui est proposé indique tout autant un public potentiel à d’autres aspirations.]
Pas forcément. Il peut aussi indiquer qu’on n’a pas envie de se déplacer et faire la queue pour participer à un qui ne changera probablement rien. Et cela alors même que l’un ou l’autre candidat nous plait. Cela peut vouloir dire qu’on se désintéresse de la chose politique, qu’on fait confiance aux autres pour prendre les décisions. Il peut y avoir plein de raison. Je ne dis pas qu’il faille ignorer l’abstention. Ce que je dis, c’est qu’il n’est pas facile de l’interpréter.
[Le résultat de la partielle de Villeneuve/Lot indique qu’au second tour seuls 20,81 des inscrits, dans un contexte favorable pour ce parti se sont prononcés pour le FN. Ne faut-il pas en tenir compte dans nos analyses ?]
Peut-être. Mais cela veut dire aussi que seuls 2% se sont prononcés pour le Front de Gauche. Qu’est ce que vous tirez comme conclusion ?
[Référence à l’élection présidentielle où Sarkozy a détourné à son profit une partie significative du vote FN.]
Le vote n’a pas d’étiquette. Il n’y a pas de « vote FN » à détourner. Il y a des gens qui ont voté à une élection pour le FN et qui a la suivante ont voté Sarkozy. On peut dire que Sarkozy a attiré des électeurs du FN. Mais dire qu’il a « détourné le vote FN » me paraît trompeur.
[Puis-je aussi vous faire remarquer que cette soudaine cooptation de M.Philippot au sommet du FN n’attire de votre part aucune des remarques que vous avez formulées lors d’identiques au PG ?]
Au contraire : il attire exactement les mêmes remarques. Lorsque Martine Billard ou Leila Chahibi ont adhéré au PG et ont été immédiatement cooptées à des postes dirigeants, j’ai toujours dit que cela révélait combien le PG tombait sous l’influence de l’idéologie écolo-gauchiste. Lorque Philippot est coopté, je me demande si cela ne révèle le fait que le FN se rapproche du Chèvenementisme… et vous me le reprochez !
Vous noterez quand même que Philippot a réjoint le FN comme conseiller de la présidente du FN, et que contrairement à Billard ou Chahibi, il ne s’est vu confier des responsabilités que lorsque ses « conseils » ont fait leurs preuves…
Bonjour Descartes,
Au cas où vous ne seriez déjà au courant, ce soir, "arrêt sur images" propose une émission où Mélenchon et Sapir débattront de la sortie de l’euro :
http://www.arretsurimages.net/contenu.php?id=5964
@ Odp :
Non seulement l’Etat nouveau d’Algérie a pratiqué la politique de la « valise ou le cercueil » à l’égard des européens restant dans ce pays mais s’est aussi livré à des abominations sur les harkis et leurs familles biens plus graves que ce qui s’est passé lors de l’épuration en 1945 en France.
Pouvons-nous justifier ? De plus, ce même Etat proclame d’emblée l’islam religion d’Etat…
Contre toute « repentance » qui me semble ressortir de la religion mais pour la vérité historique incluant la torture et les massacres perpétués par l’armée française, bref, que la vérité soit de mise en tous lieux.
@ Bolchokek :
« Les pères de famille ouvriers, français musulmans, aujourd’hui, en ont marre de beaucoup de choses. Notamment de voir leur fils faire n’importe quoi, sans que l’Etat ne réagisse, »
Désolé, et leur responsabilité personnelle ? (je suis père).
@ Descartes :
« Mais les ancêtres n’ont pas besoin d’être réels. Ils peuvent être symboliques » Bien d’accord, prenons l’exemple de l’Etat d’Israël bâti sur une légende (Schlomo Sand). Il n’en reste pas moins que celle-ci a fait une réalité. Une réalité dérangeante : oui , déni d’existence pour les Palestiniens mais rejeter les « juifs » à la mer comme le préconisent certains ? J’appelle de mes vœux une paix réellement équilibrée (facile à dire, je sais…).
Nous ne partageons pas la même appréciation sur la « mue » du FN.
« Peut-être. Mais cela veut dire aussi que seuls 2% se sont prononcés pour le Front de Gauche. Qu’est-ce que vous tirez comme conclusion ? »
Une conclusion indépendante du « succès » du FN. Le ko par défaut ne peut être une réponse durable et c’est pourquoi je faisais référence au vote de 2007. « Le vote n’a pas d’étiquette » me répondez-vous. Alors pourquoi le pas l’appliquer à celui du FN ? Humaniste, je suis. Fils d’une famille nombreuse ouvrière, je reste et ne peux croire que les chiens font des chats. Le socialisme (authentique) reste mon horizon même si l’avenir immédiat ne le laisse pas entrevoir. Le FDG n’en prend pas le chemin.
Une dernière remarque : « Vous noterez quand même que Philippot a réjoint le FN comme conseiller de la présidente du FN, et que contrairement à Billard ou Chahibi, il ne s’est vu confier des responsabilités que lorsque ses « conseils » ont fait leurs preuves… »
Décision du Chef. On ne sort pas de l’auberge… « Ni Dieu, ni César, ni tribun » pas de propos d’anarchiste mais l’internationale…
Ne voyez aucune animosité à votre encontre dans mes propos.
[Contre toute « repentance » qui me semble ressortir de la religion mais pour la vérité historique incluant la torture et les massacres perpétués par l’armée française, bref, que la vérité soit de mise en tous lieux.]
Tout à fait d’accord. Il faut combattre cette vision qui prétend faire de l’histoire un conte édifiant avec ses saints et ses démons.
[Bien d’accord, prenons l’exemple de l’Etat d’Israël bâti sur une légende (Schlomo Sand). Il n’en reste pas moins que celle-ci a fait une réalité.]
Précisément. Si cette fiction a réussi à faire que les falachas d’Ethiopie et les ashkénazes allemands se sentent membres d’une même nation, on voit mal pourquoi cela ne serait possible pour un breton et un maghrébin…
[Fils d’une famille nombreuse ouvrière, je reste et ne peux croire que les chiens font des chats. Le socialisme (authentique) reste mon horizon même si l’avenir immédiat ne le laisse pas entrevoir. Le FDG n’en prend pas le chemin.]
Mais en attendant d’entrevoir quelque chose qui ressemble au socialisme "authentique", qu’est ce qu’on fait ? Voilà mon problème.
[Ne voyez aucune animosité à votre encontre dans mes propos.]
Merci beaucoup, je n’en vois aucune. Mais la question de la "décision du chef" traverse tous les partis. Croyez-vous vraiment que si Marie-George Buffet met le véto sur un candidat, celui-ci a la moindre chance d’accéder au Comité National du PCF ?
@ Morel
Bonjour – je n’ai jamais prétendu que l’Etat nouveau d’Algérie ou le FLN se soient comportés de manière exemplaire avant, pendant et après la guerre d’Algérie. A vrai dire, les événements d’Algérie ne m’intéressent pas plus que ça et mes connaissances en la matière ne dépassent pas celles que l’on m’a enseigné à l’école.
Dans cette discussion avec Descartes/NJ, j’ai voulu simplement établir une distinction claire tant sur le plan moral, politique que juridique entre le rapatriement des français d’Algérie et une éventuelle expulsion du territoire national de tous les individus de culture musulmane qu’ils soient étrangers, bi-nationaux ou uniquement français, tel qu’exprimé par "l’impensé" de NJ.
En ce qui me concerne, cela me semble évident, mais si ce n’est pas votre cas, je serai ravi d’en discuter plus avant avec vous.
Dans cette attente, si le sujet des rapatriés d’Algérie vous intéressent vraiment, je vous conseille de lire (ainsi qu’à Descartes et NJ) les documents suivants qui mettent un peu de perspective sur cette fameuse politique de la valise et du cercueil.
http://www.monde-diplomatique.fr/2008/05/DAUM/15870
http://tel.archives-ouvertes.fr/docs/00/37/94/84/PDF/Texte.pdf
[Dans cette discussion avec Descartes/NJ, j’ai voulu simplement établir une distinction claire tant sur le plan moral, politique que juridique entre le rapatriement des français d’Algérie et une éventuelle expulsion du territoire national de tous les individus de culture musulmane qu’ils soient étrangers, bi-nationaux ou uniquement français, tel qu’exprimé par "l’impensé" de NJ.]
La distinction n’est pas aussi claire que vous le pensez. D’abord, vous déclarez qu’on ne peut parler d’expulsion dans le cas des français d’Algérie, puisque leur départ serait "volontaire". Ce qui revient à ignorer le fait que le gouvernement algérien a créé volontairement un climat de terreur dans lequel les populations en question avaient de bonnes raisons de craindre pour leurs vies. Le deuxième point sur lequel vous faites à mon avis erreur, c’est lorsque vous considérez l’expulsion des français d’Algérie comme l’expulsion d’étrangers. Les français d’Algérie bénéficiaient des dispositions des accords d’Evian, qui leur accordaient les droits du citoyen dans la nouvelle Algérie indépendante.
[Dans cette attente, si le sujet des rapatriés d’Algérie vous intéressent vraiment, je vous conseille de lire (ainsi qu’à Descartes et NJ) les documents suivants qui mettent un peu de perspective sur cette fameuse politique de la valise et du cercueil.]
Deux liens fort intéressant. Le premier démontre qu’on peut trouver en Algérie une soixantaine de pieds-noirs qui sont restés après l’indépendance et qui ne le regrettent pas. Et accessoirement, il démontre que "le monde diplomatique" ne prend jamais la peine dans un reportage de prendre l’opinion de ceux qui ne sont pas dans la "ligne". Il semble qu’il ait été impossible de trouver un seul pied-noir qui soit resté en Algérie et qui ait eu des difficultés. Ce que "le monde diplomatique" fait – c’est son habitude – c’est de prendre un exemple et d’en faire une généralité…
Le deuxième lien est un peu plus sérieux. Je recommande la lecture des pages 280 et suivantes, qui expliquent fort bien ce qu’étaient les "disparitions". Les auteurs de l’article du "monde diplomatique" n’ont pas l’air de l’avoir lu, en tout cas…
>« Les pères de famille ouvriers, français musulmans, aujourd’hui, en ont marre de beaucoup de choses. Notamment de voir leur fils faire n’importe quoi, sans que l’Etat ne réagisse, »
Désolé, et leur responsabilité personnelle ?<
J’aurais peut-être dû développer ce point, j’ai juste rapporté un sentiment très courant.
Disons que parfois, la responsabilité d’avoir négligé l’éducation d’un fils est bien là. Mais lorsque ceux-ci perdent le contrôle sur leur enfants, ils ne peuvent plus faire grand chose. Il y a dans les "quartiers difficiles" un mécanisme social particulièrement malsain chez les jeunes, qui pousse à la délinquance. Parfois, les parents se sentent directement victimes de la démission des pouvoirs publics vis-à-vis de la délinquance. C’est peut-être pour cela que les ministres de l’intérieur "musclés" ont tant la côte… Beaucoup ont envie de foutre une rouste à leur fils, mais ils savent que cela se retournera contre eux. J’aimerais bien envoyer nos militants bobo du FdG faire leur couplet sur le "paternalisme" et ses vices devant ce genre de public, on risquerait de rigoler !
[Disons que parfois, la responsabilité d’avoir négligé l’éducation d’un fils est bien là. Mais lorsque ceux-ci perdent le contrôle sur leur enfants,]
Il y a aussi un problème de légitimité. L’autorité des parents, comme celle des instituteurs par exemple, n’est pas "naturelle". La famille est une institution, et l’autorité parentale dérive de cette institution. Les parents immigrés dans beaucoup de cas ont pour référence une institution familiale qui n’est pas tout à fait celle qui a cours chez nous, et qui rentre rapidement en conflit avec les aspirations de jeunes qui ont grandi dans un environnement différent. Là encore, il y a un raté dans le processus d’assimilation…
Descartes – j’ai le plus grand respect pour votre culture et la finesse de votre esprit. C’est, avec la question de l’euro (qui me paraît cruciale dans la période actuelle), la seule raison de ma présence sur ce blog.
C’est également pour cela (entre autres facteurs qui tiennent plus à mon caractère et mon "style") que, quand j’ai l’impression (peut-être à tort) que vous sortez de l’épure, mes réactions excédent parfois le cadre normal d’un échange policé. Il est également évident que le mode de communication qui est le nôtre (le billet) favorise malentendus et procès d’intention.
Aussi, pour essayer de faire avancer le débat qui nous a occupé sur les rapatriés d’Algérie, j’effectuerai les remarques suivantes:
1. Partez du principe que je ne suis pas un représentant de la "bienpensance" de gauche. Si je suis allergique à la xénophobie militante, je reconnais, comme l’a dit JPC que vous avez avez cité par ailleurs, que les ni les peuples ni les individus (y compris moi) ne sont xénophiles par nature. C’est le fruit de l’éducation, de l’expérience et des inclinaisons personnelles qui pousse les individus à accepter puis à s’ouvrir (ou non) à la culture d’autrui. Néanmoins, si personne ne doit être sommé de se passionner pour les cultures étrangères, il me semble que la tolérance (liberté, égalité) et l’empathie (fraternité) doivent rester des vertus cardinales dans un ordre républicain.
2. Je ne pense pas, ni n’ai écrit, que les pieds-noirs soient partis de leur plein gré. Nul ne quitte jamais sa maison, ses repères, ni la terre de ces ancêtres pour le plaisir. D’ailleurs, si vous relisez mon premier commentaire sur le sujet, vous verrez que j’ai comparé l’exode des pieds noirs à l’échange, forcé, de population qui s’est opéré entre la Grèce et la Turquie à l’issue du Traité de Lausanne, et ai qualifié leur expérience historique de "dramatique". S’il m’est difficile d’avoir pour rapatriés d’Algérie beaucoup de compassion, c’est uniquement parce que, dans cette histoire, elle va d’abord aux dizaines de mille, français et algériens (harkis), qui sont tombés pour la France et aux centaines de mille, algériens quasi exclusivement, qui sont tombés pour l’Algérie. Quitter tout ce qu’on a est une épreuve difficile; perdre la vie est évidemment encore pire.
4. Aussi, quand j’ai parlé de départ "techniquement "volontaire"", c’était dans mon second commentaire et dans le cadre d’une discussion (certes assez oiseuse) sur la qualification juridique de cet épisode, indiquant que, puisqu’il s’était agi d’un exode et non d’une expulsion, le chef de crime de guerre ne pouvait être (de mon point de vue) retenu; sans qu’il en soit nié, encore une fois, le caractère dramatique pour ceux qui l’ont vécu. Je note d’ailleurs qu’aucune association de rapatriés n’a cherché à mener ce combat; ce qui, étant entendu la sensibilité de ces derniers sur le sujet, me laisse à penser qu’il n’y avait pas de base juridique suffisante pour le faire.
5. Ceci posé, il me semble, et je pense que vous serez d’accord avec moi, qu’on ne peut mettre sur le même plan cet exode des pieds-noirs et une éventuelle expulsion, en 2013, de tous les individus de "culture musulmane", français et étrangers, présents sur notre territoire.
6. Certes pour ceux qui partent, le résultat est identique (il faut faire ses bagages), mais sur le plan moral et politique, cela n’a (de mon point de vue) rien à voir. Comme je l’ai indiqué, le départ des pieds noirs s’est fait dans le cadre du règlement d’un conflit armé entre Etats, l’Etat français et l’Etat nouveau algérien. L’Etat de guerre justifie bien des choses que la vie civile ne tolère pas (comme le fait d’avoir à envoyer ad patres d’autres êtres humains). Presque toutes les guerres se terminent par des débordements et des vengeances de la part des vainqueurs à l’encontre des vaincus et la guerre d’Algérie n’y a pas dérogé. A ce titre, puisque vous avez refusé l’analogie entre l’expérience historique des pieds noirs et celle des grecs d’Asie Mineure après la guerre Greco-Turque de 1919-1922, je vous en propose deux autres qui, j’espère, recueilleront vos suffrages: celle des 200 000 Allemands d’Alsace-Lorraine qui ont été expulsés par les autorités françaises en 1918 et celles des Républicains espagnols qui ont fui l’avancée des armées franquistes en 1939.
7. Bien différent, évidemment, de tout cela serait le projet d’expulser, en pleine paix, tous les individus de culture musulmane, français ou étrangers, de notre territoire. Comme je l’ai indiqué, cela relèverait du Crime contre l’Humanité tel que défini par l’Article 7 du Statut de Rome de la Cour Pénale Internationale. Il est en effet une chose que de faire ses bagages parce que l’on pense que sa sécurité n’est plus assurée et une autre que d’envoyer, au sein d’un Etat souverain, les représentants de la force publique (police et armée) rafler les membres d’une ethnie ou les adeptes d’une religion parce qu’ils ne sont plus considérés comme étant "conformes" à l’éthos national. L’un est, malheureusement, un fait commun à presque toutes les guerres; l’autre, une mentalité génocidaire ou proto-génocidaire. J’ai qualifié le commentateur qui a exprimé cet "impensé" comme étant le digne héritier d’Alfred Rosenberg, j’ai du mal à voir en quoi je me suis fourvoyé. Pour simplifier à l’extrême, c’est une chose que de vouloir faire la peau des membres du clan adverse (les étrangers); c’en est une autre que de vouloir dévorer ses propres enfants (les citoyens non-conformes).
[Descartes – j’ai le plus grand respect pour votre culture et la finesse de votre esprit.]
En tout cas, vous avez une drôle de manière de le montrer.
[C’est également pour cela (entre autres facteurs qui tiennent plus à mon caractère et mon "style") que, quand j’ai l’impression (peut-être à tort) que vous sortez de l’épure, mes réactions excédent parfois le cadre normal d’un échange policé.]
Et bien, avec moi cela ne marche pas. Je donne toujours le bénéfice du doute à mes interlocuteurs, et c’est pourquoi je ne supporte pas qu’on m’accuse de mauvaise foi.
[1. Partez du principe que je ne suis pas un représentant de la "bienpensance" de gauche.]
Je n’ai jamais pensé le contraire. Ce que je constate, c’est que vous reprenez un certain nombre d’arguments et de dogmes de cette « bienpensance ».
[Néanmoins, si personne ne doit être sommé de se passionner pour les cultures étrangères, il me semble que la tolérance (liberté, égalité) et l’empathie (fraternité) doivent rester des vertus cardinales dans un ordre républicain.]
Certainement. Mais avons-nous le droit d’exiger le même esprit « d’ouverture » des étrangers qui viennent vivre sur notre sol ? A eux aussi on peut exiger de faire preuve de « tolérance » et « d’empathie » ? Et qu’est ce qu’on fait quand ils manquent à ce devoir ?
[2. Je ne pense pas, ni n’ai écrit, que les pieds-noirs soient partis de leur plein gré.]
Exact. Mais vous avez écrit que « leur départ était techniquement volontaire ». Il faudra m’expliquer comment un départ peut être « techniquement volontaire » tout en étant forcé.
[Nul ne quitte jamais sa maison, ses repères, ni la terre de ces ancêtres pour le plaisir.]
Certes. Mais « volontaire » et « pour le plaisir » ne veut pas dire la même chose. « Volontaire » implique le choix entre plusieurs options, dont toutes sont raisonnablement acceptables. Lorsque le choix en question c’est « la valise ou le cercueil », on ne peut pas parler de « volontaire ». C’est un départ « forcé », même si on n’a pas utilisé la force directement sur chaque individu.
[S’il m’est difficile d’avoir pour rapatriés d’Algérie beaucoup de compassion, c’est uniquement parce que, dans cette histoire, elle va d’abord aux dizaines de mille, français et algériens (harkis), qui sont tombés pour la France et aux centaines de mille, algériens quasi exclusivement, qui sont tombés pour l’Algérie.]
Ce n’est pas, pour moi, une question de « compassion », mais de vérité historique. Le débat pour savoir si les pieds-noirs méritaient une punition collective ou pas ne m’intéresse pas vraiment. Il n’en reste pas moins qu’il est historiquement vrai que le gouvernement de l’Algérie indépendante, qui avait signé avec la France des accords qui prévoyaient la protection des français d’Algérie, a choisi volontairement de les forcer à partir. Et que les principes sont indivisibles : on ne peut pas condamner l’idée que la France puisse expulser les étrangers qui sont installés chez nous et en même temps approuver – ou excuser – l’attitude du gouvernement algérien qui a fait exactement la même chose.
[Je note d’ailleurs qu’aucune association de rapatriés n’a cherché à mener ce combat; ce qui, étant entendu la sensibilité de ces derniers sur le sujet, me laisse à penser qu’il n’y avait pas de base juridique suffisante pour le faire.]
Ou plus simplement parce que l’Algérie indépendante n’était pas signataire des accords de Genève et autres conventions qui fondent le droit de la guerre. Par ailleurs, le faire reconnaître comme « crime de guerre » n’aurait eu aucun effet autre que punir des gens qui sont morts et enterrés depuis bien longtemps.
[5. Ceci posé, il me semble, et je pense que vous serez d’accord avec moi, qu’on ne peut mettre sur le même plan cet exode des pieds-noirs et une éventuelle expulsion, en 2013, de tous les individus de "culture musulmane", français et étrangers, présents sur notre territoire.]
Je ne suis pas persuadé que les deux situations soient différentes. Pour le cas des individus « de culture musulmane » étrangers, les deux situations sont très proches au moins juridiquement sinon historiquement. Pour les français de culture musulmane, la question se pose. Peut-on considérer que les français d’Algérie, étant donnés les droits que leur accordait la déclaration d’Evian, étaient des citoyens de l’Algérie indépendante ? La réponse est loin d’être évidente, puisque la déclaration en question leur donnait accès automatique à cette nationalité et un certain nombre de droits civiques immédiatement.
[6. Certes pour ceux qui partent, le résultat est identique (il faut faire ses bagages), mais sur le plan moral et politique, cela n’a (de mon point de vue) rien à voir. Comme je l’ai indiqué, le départ des pieds noirs s’est fait dans le cadre du règlement d’un conflit armé entre Etats, l’Etat français et l’Etat nouveau algérien.]
Non, justement. Il s’est fait lorsque l’un des Etats a décidé de tourner le dos aux engagements qu’il avait pris dans le cadre de ce règlement. Cette décision engage sa responsabilité au même titre que la décision d’expulser tous les étrangers de « culture musulmane » engagerait celle de la France. Du point de vue « moral et politique » il n’y a pas de différence entre ces deux décisions.
[L’Etat de guerre justifie bien des choses que la vie civile ne tolère pas (comme le fait d’avoir à envoyer ad patres d’autres êtres humains). Presque toutes les guerres se terminent par des débordements et des vengeances de la part des vainqueurs à l’encontre des vaincus et la guerre d’Algérie n’y a pas dérogé.]
Oui. Mais dans le cas présent, il ne s’agit pas de « débordements et vengeances », mais d’une politique d’Etat. Le gouvernement algérien n’a rien fait pour calmer le jeu, et une fois le calme revenu n’a fait aucun effort pour réparer les dommages ou faire revenir les personnes parties.
[A ce titre, puisque vous avez refusé l’analogie entre l’expérience historique des pieds noirs et celle des grecs d’Asie Mineure après la guerre Greco-Turque de 1919-1922, je vous en propose deux autres qui, j’espère, recueilleront vos suffrages: celle des 200 000 Allemands d’Alsace-Lorraine qui ont été expulsés par les autorités françaises en 1918 et celles des Républicains espagnols qui ont fui l’avancée des armées franquistes en 1939.]
Vous essayez à tout prix de trouver une analogie… mais vous avez choisi des cas qui n’ont rien à voir. Dans le cas du traité de Lausanne qui mit fin à la guerre gréco-turque, il ne s’agit pas d’une expulsion unilatérale décidée par l’un des états en contradiction des accords signés avec l’autre, mais d’un échange de population qui faisait partie intégrante de l’accord. Le cas des républicains espagnols est totalement différent, puisqu’il s’agit de l’exil forcé de citoyens espagnols. Dans le cas des « 200.000 allemands », il s’agit de l’expulsion d’étrangers résidant sans titre ni autorisation (leur statut n’était pas protégé par le Traité de Versailles). Rien à voir donc avec les français d’Algérie, qui ont été expulsés en violation des accords d’Evian.
[7. Bien différent, évidemment, de tout cela serait le projet d’expulser, en pleine paix, tous les individus de culture musulmane, français ou étrangers, de notre territoire. Comme je l’ai indiqué, cela relèverait du Crime contre l’Humanité tel que défini par l’Article 7 du Statut de Rome de la Cour Pénale Internationale.]
Peut-être. Mais dans ce cas, l’expulsion des français d’Algérie entrerait elle aussi dans la définition. Pour être plus précis, dans les paragraphes h (persécution en raison d’une appartenance nationale) et i (disparitions forcée).
En pratique, je ne partage pas votre analyse. L’article 7 du statut précise que la déportation et l’expulsion rentrent dans le cadre du crime contre l’humanité seulement si elles sont faites sans motif « admis en droit international ». L’expulsion des étrangers est admise en droit international, ainsi que celle des nationaux bénéficiant d’une seconde nationalité. Le seul acte qui tomberait sous le coup du statut de Rome serait l’expulsion de français n’ayant que cette nationalité.
[Il est en effet une chose que de faire ses bagages parce que l’on pense que sa sécurité n’est plus assurée et une autre que d’envoyer, au sein d’un Etat souverain, les représentants de la force publique (police et armée) rafler les membres d’une ethnie ou les adeptes d’une religion parce qu’ils ne sont plus considérés comme étant "conformes" à l’éthos national.]
La différence n’est évidente que si l’état d’insécurité n’est pas organisé sciemment par le gouvernement en question. Entre envoyer les représentants de la police et l’armée pour expulser les gens, ou envoyer des paramilitaires qui font « disparaître » des personnes pour terroriser les autres jusqu’à ce qu’ils partent, j’avoue que je ne vois pas trop la différence.
@ Descartes
Veuillez m’excuser de pousser cette conversation au delà des limites du raisonnable, mais le patronage sous lequel vous avez placé ce blog et l’exigence intellectuelle dont vous vous revendiquez et faites habituellement preuve m’empêchent de laisser les choses en l’Etat.
1. A l’issue des accords d’Evian, les Pieds Noirs, à la différence des musulmans, ne bénéficiaient pas de la nationalité algérienne. Ils pouvaient, après une période de transition de 3 ans, la réclamer, et elle devait alors leur être automatiquement attribuée. Dans l’intervalle, ils étaient considérés comme des "nationaux français" et non comme des "Algériens".
2. Aussi, quand bien même l’Etat algérien aurait procédé à l’expulsion des Pieds Noirs (ce qui, comme on l’a vu, n’a pas été le cas, puisqu’il s’est agi en réalité d’un exode), cette expulsion, quoiqu’en contradiction flagrante avec les accords d’Evian, aurait été considérée comme celle de ressortissants étrangers par un Etat souverain.
3. Or, ce que NJ a mentionné, est l’expulsion "forcée" des étrangers et des français "de culture musulmane". On bascule donc dans un tout autre registre puisqu’il ne s’agit plus exclusivement de l’expulsion de ressortissants étrangers (qui, comme je l’ai dit, est, sous certaines conditions, une prérogative légitime d’un Etat souverain) mais bien de l’expulsion, par un Etat, de ses propres citoyens pour des motifs religieux.
4. Ceci est bien évidemment totalement illégal au regard du droit international, puisque "quand un Etat octroie souverainement sa nationalité à une personne, il marque sa volonté et son engagement à ne pas l’exclure de son territoire" (je cite là la thèse de Droit Public consacrée à l’expulsion des étrangers dont j’ai donné déjà les références). Ceci vaut également pour les bi- ou multi-nationaux. De fait, comme je l’ai indiqué, un telle expulsion serait considérée comme un crime contre l’Humanité.
5. Aussi, au delà donc de toute considération morale, on a donc d’un côté ce qui peut être assimilé à l’exercice légitime de sa souveraineté par un Etat (l’expulsion des étrangers) et de l’autre ce qui ne serait ni plus ni moins qu’un crime contre l’Humanité. Je ne vois pas comment vous pouvez justifier de les mettre sur le même plan.
6. A ce titre, je vous engage à jeter un coup d’oeil sur la proposition de loi déposée en 2010 par Messieurs Mariani, Lucas et Goasgen (que l’on range rarement dans la catégorie de la gauche bienpensante) "visant à établir la reconnaissance par la France des souffrances subies par les citoyens français d’Algérie victimes de crimes contre l’humanité": http://www.assemblee-nationale.fr/13/propositions/pion2477.asp. Vous verrez que si ces députés cherchent (à juste titre) à faire qualifier de crimes contre l’Humanité les exactions dont ont été victimes les Pieds Noirs après la signature de l’accord de cessez le feu (i.e. les "enlèvements" et les massacres d’Oran), ils ne cherchent pas à qualifier de la sorte leur exode; pour la simple et bonne raison que, comme je l’ai indiqué, il n’y a aucune base juridique pour le faire.
7. Vous verrez également que s’il fallait rechercher et faire comparaître devant un tribunal pénal international les coupables de ces crimes, l’Etat français figurerait probablement également sur le banc des accusés, comme complice, puisqu’il est noté que ces crimes ont été perpétrés "sur un territoire qui était français sous les yeux des autorités françaises, que les autorités françaises, tant en Algérie qu’en France, tant militaires que civiles, étaient au courant de ces exactions et persécutions que subissaient les citoyens français", mais que "rien n’a jamais été fait pour protéger les citoyens français habitant en Algérie à l’époque. Rien n’a jamais été fait pour rétablir la loi et l’ordre. Rien n’a jamais été fait pour rechercher, arrêter, juger et punir les assassins et violeurs. Au contraire, des ordres stricts ont été donnés aux forces de l’ordre et à l’armée française pour ne pas intervenir". On peut comprendre que la Représentation Nationale n’ait pas souhaité voter cette proposition de loi…
8. Au delà de ces arguties juridiques, qui ont leur intérêt mais qui sont un peu artificielles, il y a un point qui est, selon moi, le point essentiel, mais sur lequel vous êtes restés pour l’instant silencieux: c’est celui du contexte. Le contexte de la guerre d’Algérie ce sont des dizaines de milliers de morts côté européen et de centaines de milliers de morts côté musulman. A cette aune, l’exode des Pieds Noirs, pour dramatique et funeste qu’il fut, n’apparaît pas "hors d’échelle". Le sang appelle le sang et le retour à une vie civile "normale" après un conflit de cet ordre ne pouvait être immédiat. En France, les exécutions extra-judicaires de la Libération ou les expulsions d’allemands en Alsace-Lorraine en 1918 procèdent de mécanismes similaires.
9. Bien différente, évidemment, serait l’expulsion, en pleine paix (et j’insiste la dessus), de millions de personnes, étrangers ou nationaux, sur le simple motif de leur "culture" ou de leur religion. Je ne sache pas, en effet, que le choc des "cultures" tel que vécu et décrit par NJ sur notre territoire (et que vous semblez avaliser) ait fait des centaines de milliers de morts. Si j’ai bien lu, l’essentiel des griefs se limitent des éléments d’ordre vestimentaire ou alimentaire. C’est un peu maigre pour se lancer dans un crime contre l’Humanité.
@odp
[1. A l’issue des accords d’Evian, les Pieds Noirs, à la différence des musulmans, ne bénéficiaient pas de la nationalité algérienne. Ils pouvaient, après une période de transition de 3 ans, la réclamer, et elle devait alors leur être automatiquement attribuée. Dans l’intervalle, ils étaient considérés comme des "nationaux français" et non comme des "Algériens".]
Exact. Et ce statut de « nationaux français » d’Algérie leur garantissait un certain nombre de droits affines à ceux du citoyen, notamment le droit de demeurer sur le territoire algérien. L’expulsion des pieds-noirs n’est donc pas assimilable à celle d’un étranger, dont le droit de résider sur le territoire est toujours précaire.
[2. Aussi, quand bien même l’Etat algérien aurait procédé à l’expulsion des Pieds Noirs (ce qui, comme on l’a vu, n’a pas été le cas, puisqu’il s’est agi en réalité d’un exode),]
D’un exode voulu et provoqué par l’Etat algérien au moyen d’une politique de terreur. On peut toujours jouer sur les mots, mais je ne vois pas très bien dans le fait quelle est la différence entre envoyer un gendarme vous sortir de chez vous par la force ou d’envoyer un paramilitaire vous menacer de mort. Si, pardon : dans le premier cas, vous avez un recours juridique, pas dans le second.
[cette expulsion, quoiqu’en contradiction flagrante avec les accords d’Evian, aurait été considérée comme celle de ressortissants étrangers par un Etat souverain.]
Non. Le droit international reconnaît aux états souverains la liberté absolue de décider les conditions dans lesquelles les étrangers peuvent rentrer et résider sur leur territoire. L’Etat algérien s’étant engagé à reconnaître aux français d’Algérie un statut particulier dans lequel leur droit de résidence était garanti, ils ne peuvent plus être considérés comme des simples « ressortissants étrangers ». Pacta sunt servanda…
[3. Or, ce que NJ a mentionné, est l’expulsion "forcée" des étrangers et des français "de culture musulmane". On bascule donc dans un tout autre registre puisqu’il ne s’agit plus exclusivement de l’expulsion de ressortissants étrangers (qui, comme je l’ai dit, est, sous certaines conditions, une prérogative légitime d’un Etat souverain) mais bien de l’expulsion, par un Etat, de ses propres citoyens pour des motifs religieux.]
Cela n’est vrai que pour les « français de culture musulmane » ne disposant que de la citoyenneté française. Le droit international n’interdit pas de déchoir de sa nationalité un citoyen dès lors qu’il peut revendiquer une autre nationalité.
[4. Ceci est bien évidemment totalement illégal au regard du droit international, puisque "quand un Etat octroie souverainement sa nationalité à une personne, il marque sa volonté et son engagement à ne pas l’exclure de son territoire" (je cite là la thèse de Droit Public consacrée à l’expulsion des étrangers dont j’ai donné déjà les références).]
Exactement. Seulement, la République algérienne avait pris ce même engagement par rapport aux « français d’Algérie ». Je trouve surprenant que vous invoquiez la violation de cet engagement comme constituant un « crime contre l’humanité » pour la France et que vous n’acceptiez pas la même logique lorsqu’il s’agit de l’Algérie. Le raisonnement que fait l’auteur de la thèse que vous citez rend les deux situations parfaitement analogues…
[ils ne cherchent pas à qualifier de la sorte leur exode; pour la simple et bonne raison que, comme je l’ai indiqué, il n’y a aucune base juridique pour le faire.]
Cette « simple et bonne raison » n’est que votre interprétation des motifs des auteurs de la loi. L’exposé des motifs ne donne aucun élément qui permette d’étayer cette interprétation.
[7. Vous verrez également que s’il fallait rechercher et faire comparaître devant un tribunal pénal international les coupables de ces crimes, l’Etat français figurerait probablement également sur le banc des accusés, comme complice, puisqu’il est noté que ces crimes ont été perpétrés "sur un territoire qui était français sous les yeux des autorités françaises, que les autorités françaises, tant en Algérie qu’en France, tant militaires que civiles, étaient au courant de ces exactions et persécutions que subissaient les citoyens français", mais que "rien n’a jamais été fait pour protéger les citoyens français habitant en Algérie à l’époque.]
J’ai mes doutes. Cela reviendrait à considérer qu’un Etat a le devoir d’intervenir sur le territoire d’un autre Etat souverain lorsqu’il a connaissance d’exactions et persécutions contre ses citoyens. Cela risque de nous amener un peu loin…
[Rien n’a jamais été fait pour rétablir la loi et l’ordre. Rien n’a jamais été fait pour rechercher, arrêter, juger et punir les assassins et violeurs. Au contraire, des ordres stricts ont été donnés aux forces de l’ordre et à l’armée française pour ne pas intervenir".]
L’Algérie n’était pas un Etat souverain ? Aux algériens alors de « rétablir la loi et l’ordre » et de « rechercher, arrêter, juger et punir les assassins et les violeurs ». Et à eux d’assumer les responsabilités s’ils ont laissé faire. Faut savoir ce que l’on veut. A partir du moment où l’on reconnaît la souveraineté de l’Algérie, il semble normal de donner « aux forces de l’ordre et à l’armée » l’ordre de se retirer en bon ordre et ne pas se mêler des affaires qui ne les concernent plus. Intervenir, c’eut été violer les accords d’Evian.
[On peut comprendre que la Représentation Nationale n’ait pas souhaité voter cette proposition de loi… ]
On peut surtout comprendre que des députés qui veulent faire une fleur au lobby des rapatriés rédigent une loi qui en pratique vise à faire reconnaître « les crimes de la France » sous prétexte de dénoncer ceux de l’Algérie indépendante.
[8. Au delà de ces arguties juridiques, qui ont leur intérêt mais qui sont un peu artificielles, il y a un point qui est, selon moi, le point essentiel, mais sur lequel vous êtes restés pour l’instant silencieux: c’est celui du contexte.]
Vous voulez dire que dans certains contextes les crimes contre l’humanité sont excusables ?
[Le contexte de la guerre d’Algérie ce sont des dizaines de milliers de morts côté européen et de centaines de milliers de morts côté musulman. A cette aune, l’exode des Pieds Noirs, pour dramatique et funeste qu’il fut, n’apparaît pas "hors d’échelle". Le sang appelle le sang et le retour à une vie civile "normale" après un conflit de cet ordre ne pouvait être immédiat.]
Et pourquoi pas ? Regardez l’Afrique du Sud. Des dizaines d’années de colonisation puis d’apartheid ont laissé un bilan bien pire… et pourtant, il n’y a pas eu un bain de sang, pas de volonté de voir les blancs quitter le pays sous la menace. Au contraire, l’intelligence de Mandela et les siens fut de comprendre que les vengeances collectives ne servent à rien et qu’elles peuvent coûter très cher en vidant le pays des élites intellectuelles, techniques et politiques.
[En France, les exécutions extra-judicaires de la Libération ou les expulsions d’allemands en Alsace-Lorraine en 1918 procèdent de mécanismes similaires.]
Je ne me souviens pas que les allemands d’Alsace-Lorraine aient eu à subir des viols ou des assassinats par des groupes paramilitaires. Pourriez-vous être plus précis ? Même après la deuxième guerre mondiale, qui aurait justifié, par l’ampleur des atrocités, une vengeance massive, les alliés n’ont pas eu recours à la terreur sur la population allemande.
[ Je ne sache pas, en effet, que le choc des "cultures" tel que vécu et décrit par NJ sur notre territoire (et que vous semblez avaliser) ait fait des centaines de milliers de morts.]
Je ne crois pas avoir « avalisé » rien de tel. Je ne partage pas, et je l’ai écrit, la vision que NJ défend du « choc des cultures ». J’ai aussi écrit qu’à mon avis la solution à ces problèmes n’est pas une « expulsion » mais au contraire une politique forte d’assimilation. C’est là d’ailleurs ma différence avec NJ : je reste convaincu qu’une telle politique est possible, lui en doute. Mon point dans l’échange avec vous ne concerne que l’expulsion éventuelle des étrangers – et encore, je n’y suis pas favorable pour ceux qui ont une résidence légale.
@ Descartes
Je pourrai arguer a) qu’au regard du droit international les "accords d’Evian" (qui apparemment n’étaient d’ailleurs nullement des "accords" mais des "déclarations d’intention") n’avaient aucune valeur (puisque celui-ci ne reconnaît que les traités entre Etats et ne saurait se prononcer pas sur ce qui était de jure une guerre civile) ou b) que le FLN, aurait pu prétendre, tout comme François 1er après Pavie, que le statut des Pieds Noirs lui avait été arraché sous la contrainte (en tout cas, il paraît clair, au vu des événements ultérieurs, qu’une éventuelle "nationalisation" des Pieds Noirs n’aurait pas été "souverainement accordée").
Néanmoins, cette argumentation serait, non pas stérile (car tout échange a sa vertu), mais à tout le moins inutile, puisqu’à la lecture de votre conclusion, je vois que nous convergeons sur l’essentiel.
Je me permettrai donc juste une dernière précision sur un point que vous avez soulevé: je ne pense pas que certains crime contre l’humanité soient "excusables". Je constate simplement que dans le cadre de conflits armés, la montée aux extrêmes chère à Clausewitz, se traduit très souvent par des crimes de guerre et fréquemment par des crimes contre l’humanité.
Et puisque vous parlez de l’après seconde guerre mondiale, je vous engage à lire (ou à feuilleter car c’est assez fastidieux), si vous ne l’avez déjà fait, l’Europe barbare de Keith Lowe. Vous verrez que bien après la fin des hostilités, les crimes de guerre furent légion et les crimes contre l’humanité, pris dans la définition extensive qui est celle du statut de Rome, assez nombreux.
Pour finir, je voudrais prendre ma (très large) part de responsabilité dans les multiples malentendus, procès d’intention et autres qui ont émaillé nos échanges. Clairement, j’ai très mal calibré ma première adresse (sur le thème du FN), ce qui a disqualifié non seulement le fond de ce que je souhaitais exprimer à ce sujet, mais également mes propos ultérieurs.
Même si, selon la grille de lecture qui m’est propre, je n’ai pas franchi de "ligne rouge" et suis resté dans le cadre "normal" du débat d’idées, je constate que ce n’est manifestement pas votre opinion (ni celle d’autres commentateurs de ce blog). A l’avenir, je ferai donc de mon mieux pour éviter cet écueil.
@odp
[Vous verrez que bien après la fin des hostilités, les crimes de guerre furent légion et les crimes contre l’humanité, pris dans la définition extensive qui est celle du statut de Rome, assez nombreux.]
Je vous prend là en flagrant délit d’anachronisme. Pourquoi faire référence à la deuxième guerre mondiale, et pas à la guerre de cent ans, puisque vous y êtes ? La définition du statut de Rome ne peut être appliquée sans précaution à des faits qui se sont déroulés plus d’un demi-siècle plus tôt.
@Descartes : tu dis :
Il n’y a pas de « vote FN » à détourner. Il y a des gens qui ont voté à une élection pour le FN et qui a la suivante ont voté Sarkozy. On peut dire que Sarkozy a attiré des électeurs du FN. Mais dire qu’il a « détourné le vote FN » me paraît trompeur.
Disons qu’à mon sens, Sarkozy fut surtout le seul des candidats durant l’élection présidentielle de 2007, à avoir digéré, réfléchi et compris la présence de Le Pen au 2ème tour en 2002. Le contraste avec la "gauche du bien" est édifiant. Je me rappelle très bien durant la campagne de 2007 (et après lorsqu’il fut élu) l’attitude de Sarko face aux journalistes bienpensants lui demandant s’il n’a pas honte de braconner sur "l’électorat" du FN : non il n’avait pas honte, il assumait parfaitement sa communication offensive et conquérante, et sa main tendue vers cet électorat, et il estimait qu’il était irresponsable pour un politique prétendant à la plus haute fonction politique de ne pas en tenir compte.
En fait, il avait une attitude que j’ai perçue comme un "Je vous ai compris" (pour reprendre la formule du Général) à propos de tous les débats sur l’immigration illégale, le voile à l’école, une certaine délinquance de banlieue, etc, en fait l’exaspération d’une grande partie des français (et surtout des couches populaires) envers la surdité de la gauche qui n’a que la lutte contre le racisme et les emplois aidés à la bouche, et la déliquescence des institutions. Il y avait ça et son fameux "travailler plus pour gagner plus" (qui rappelait aussi en sourdine que seule la production de richesses permettait de faire grossir le gâteau – après seulement on peut débattre du partage) : ce furent ses deux intuitions pertinentes à un moment donné qui lui assurèrent la victoire.
Je ne crois pas à l’argumentaire cliché de la gauche selon lequel Sarko était plein de fric entouré de conseillers qui ont fait une étude de marché sur les obsessions de l’électorat FN afin de copier-coller ses thèmes, pour moi son "Je vous ai compris" était personnel.
Le "Je vous ai compris" fonctionnait à la fois auprès des français et des immigrés assimilés : lui-même est un descendant d’immigré dont la réussite tenait également d’un parcours suivant scrupuleusement le parcours de la méritocratie à la française, et une adhésion totale de son paternel aux institutions de la République. Je ne connais pas Sarkozy Père, mais mon paternel n’a jamais cessé de louer les services publics, l’école, l’organisation et l’administration française et de nous expliquer à quel point il ne regrettait pas ce qu’il avait quitté. Il ne supporte pas le discours type "Nique la France" de certains, qu’il appelle les sales enfants gâtés. Enfin, tout bling bling et parvenu qu’il soit, Sarko a toujours eu une certaine pudeur vis-à-vis des origines de son père.
Ceux des classes populaires qui ont voté Sarko en 2007 n’étaient pas naïfs au point de croire qu’il règlerait tout, et étaient lucides sur les défauts du personnage, mais ils ont donné leur bulletin de vote car il était le seul candidat susceptible d’être président qui avait entendu leurs doléances. Le gros problème de la gauche c’est de vivre dans sa bulle et de ne pas chercher à conquérir cet électorat des couches populaires qui n’ont plus aucune représentation politique. Enfermée dans ses préjugés selon lesquels électorat FN (ou Sarko) = adhésion au racisme ordinaire, elle ne peut que continuer à perdre du terrain et à se trouver des tas de boucs émissaires (la presse raciste qui nous fait vivre dans un climat anxiogène, les sondages truqués, etc). Je suis sûre que si elle osait aborder une attitude à la "Je vous ai compris", même si certaines solutions seraient boiteuses (chez Sarko, par exemple la prime de départ à des roms qui veulent bien rentrer chez eux, je trouve ça absurde), elle commencerait à être regardée d’une autre façon. On le voit d’ailleurs dans les succès locaux de Valls ou de Gérin.
Mais encore une fois, la dernière fois qu’un leader de gauche a voulu affronter un leader frontiste (Mélenchon VS Marine), ce fut avec tous les travers possibles : agression et insultes (que ceux qui votent pour elle reçoivent en pleine figure), autosatisfaction, attitude virile arrogante de celui qui veut "se la faire"… et c’est lui qui perd à plate couture, à la télé et dans les urnes. Très loin de l’attitude intuitive de Sarko, pourtant pas le plus fin des hommes.
Je suis pessimiste car le terrorisme intellectuel à gauche des classes moyennes est trop fort pour tourner la barre : il n’y a qu’à voir comment les leaders du PG exigent presque de la direction du PCF l’expulsion de Gérin le "coco raciste". J’ai déjà eu des échos de camarades pour le coup réellement issus des classes populaires qui ont vainement tenté d’essayer d’orienter les débats sur l’euro, l’immigration illégale, le logement social sur d’autres voies que celles clichetonnes véhiculées par la gauche : ils sont souvent tous seuls dans des réunions où des étudiants parisiens en science-po conseillers de Mélenchon savent mieux qu’eux ce qu’est la vie.
[Je ne connais pas Sarkozy Père, mais mon paternel n’a jamais cessé de louer les services publics, l’école, l’organisation et l’administration française et de nous expliquer à quel point il ne regrettait pas ce qu’il avait quitté. Il ne supporte pas le discours type "Nique la France" de certains, qu’il appelle les sales enfants gâtés. Enfin, tout bling bling et parvenu qu’il soit, Sarko a toujours eu une certaine pudeur vis-à-vis des origines de son père.]
Je pense que pour Sarkozy le personnage qui joue ce rôle, plus que son père, fut son grand-père maternel, un émigré juif.
[Je suis sûre que si elle osait aborder une attitude à la "Je vous ai compris", même si certaines solutions seraient boiteuses (chez Sarko, par exemple la prime de départ à des roms qui veulent bien rentrer chez eux, je trouve ça absurde), elle commencerait à être regardée d’une autre façon. On le voit d’ailleurs dans les succès locaux de Valls ou de Gérin.]
Oui. Mais il ne s’agit pas seulement d’une « attitude ». Il faut qu’il y ait un véritable travail de compréhension derrière. Valls ou Gérin ont fait un véritable travail d’élu local et bien analysé la réalité de leur ville à partir de leur expérience.
[Mais encore une fois, la dernière fois qu’un leader de gauche a voulu affronter un leader frontiste (Mélenchon VS Marine), ce fut avec tous les travers possibles : agression et insultes (que ceux qui votent pour elle reçoivent en pleine figure), autosatisfaction, attitude virile arrogante de celui qui veut "se la faire"… et c’est lui qui perd à plate couture, à la télé et dans les urnes. Très loin de l’attitude intuitive de Sarko, pourtant pas le plus fin des hommes.]
Tout à fait. Le défaut de la gauche bienpensante en général et de Mélenchon en particulier est de créer un modèle dans la société et de plaquer ensuite ce modèle sur la réalité. A Hénin-Beaumont, Mélenchon et les siens se sont auto-persuadés qu’il suffirait de sonner fort les trompettes pour que les murailles tombent. Que le bon peuple n’attendait qu’un leader. Ils se sont affreusement trompés.
[Je suis pessimiste car le terrorisme intellectuel à gauche des classes moyennes est trop fort pour tourner la barre : il n’y a qu’à voir comment les leaders du PG exigent presque de la direction du PCF l’expulsion de Gérin le "coco raciste".]
C’est un combat très dur. Je n’ose imaginer le calvaire qu’a du être pour Gérin de se voir traiter de « suppôt du FN », de s’entendre accuser de contribuer à la « lépénisation des esprits ». Et ce genre d’arguments terroristes sortent chaque fois qu’un camarade s’écarte de la « ligne ». C’est d’ailleurs étonnant de constater à quel point le langage des militants populaires change lorsqu’on sort de la réunion et qu’on va au bistrot en confiance. Cette schizophrénie peut être très dangereuse à terme : comment un parti peut former ses militants lorsque ceux-ci sont obligés d’occulter leurs interrogations ?
[J’ai déjà eu des échos de camarades pour le coup réellement issus des classes populaires qui ont vainement tenté d’essayer d’orienter les débats sur l’euro, l’immigration illégale, le logement social sur d’autres voies que celles clichetonnes véhiculées par la gauche : ils sont souvent tous seuls dans des réunions où des étudiants parisiens en science-po conseillers de Mélenchon savent mieux qu’eux ce qu’est la vie.]
C’est l’histoire de ma vie…
@ Descartes
Je viens de tomber là-dessus :
http://www.humanite.fr/tribunes/luttons-pour-sortir-de-l-euro-et-de-l-union-europe-545041
J’ai bien noté, Descartes, que tu étais quelque peu allergique à Nikonoff, mais tu m’accorderas j’espère que si le Front "de gauche" était sur la même ligne, on n’en serait pas là. Voir ce genre de tribune publiée dans l’Humanité me donne quelque espoir. Il est possible que les lignes finissent par bouger.
Avant-hier, Mélenchon était confronté à Sapir sur @si, je ne sais pas si tu as vu ce débat (je t’imaginais avec ta boîte de chocolats…), mais c’était assez extraordinaire. On a découvert un autre Mélenchon, moins tonitruant, qui avait l’air d’avoir le cul posé sur le bord de la chaise, et qui avait à moitié renoncé à déployer ses arguments habituels qui se fracassaient à chaque fois sur le scepticisme bien argumenté de Sapir. Non seulement le petit timonier avait l’air d’un capitaine de pédalo, mais il était bien obligé de mettre la pédale douce, et il avait totalement renoncé à monter sur ses grands chevaux. Très étonnant.
[Je viens de tomber là-dessus :
http://www.humanite.fr/tribunes/luttons-pour-sortir-de-l-euro-et-de-l-union-europe-545041%5D
J’espère qu’en tombant là-dessus, tu ne t’est pas fait trop mal…
[J’ai bien noté, Descartes, que tu étais quelque peu allergique à Nikonoff, mais tu m’accorderas j’espère que si le Front "de gauche" était sur la même ligne, on n’en serait pas là.]
C’est vrai. On serait encore plus dans la merde. Cet article illustre d’ailleurs parfaitement les raisons pour être « allergique à Nikonoff ». Le principal problème qu’ont les partisans de la sortie de l’Euro, c’est un problème de crédibilité. La question n’est pas de convaincre les gens que l’Euro est néfaste, mais leur exposer une voie de sortie qui soit crédible et d’un coût raisonnable. Les gens comme Nikonoff, qui proposent à côté de la sortie de l’Euro des idées absurdes ou carrément dangereuses, jouent en fait contre la sortie de l’Euro en faisant passer cette proposition pour une idée de charlots.
Car que proposent Nikonoff et Danglot dans leur article ? « L’État (…) imposer aux banques et compagnies d’assurances qui auront été nationalisées l’achat obligatoire de quotas de titres d’État à faible taux; permettre à la Banque de France de faire des avances au Trésor à taux nul ou non remboursables ». Prenons la première proposition : avec quel argent les banques et les compagnies d’assurances « qui auront été nationalisées » achèteront les quotas de titres d’Etat à faible taux ? Qui fournira des fonds aux banques pour que celles-ci les investissent « à faible taux » ?. La deuxième proposition est encore plus loufoque : permettre à la Banque de France de « faire des avances non remboursables » revient à faire tourner sans limite la planche à billets. Comment Nikonoff se propose d’éviter que cela résulte en une hyperinflation ? D’autant plus qu’il propose dans le même article un autre classique : « remettre en vigueur l’échelle mobile des salaires et des prix pour les salariés et retraités ». En dehors du fait qu’on ne voit pas très bien ce que serait une « échelle mobile des prix » (les prix augmenteraient chaque fois qu’on augmente les salaires ?), c’est une mesure qui garantirait, dans un contexte d’utilisation de la planche à billets, une inflation toujours croissante.
Certaines parties de l’article rélèvent du délire. Ainsi : « Pour mettre un terme à la crise, l’annulation de la dette publique est incontournable. Les créanciers remboursés le seront en francs (par création monétaire) ! Comme le franc ne sera pas convertible, ces créanciers regarderont ces francs comme une poule regarde un couteau. ». On a du mal à comprendre comment on peut en même temps « annuler la dette publique » et « rembourser les créanciers en francs ». Quant à l’idée d’un franc non convertible… elle implique une économie quasi-autarcique. Qui va nous vendre du pétrole en « francs non convertibles », par exemple ?
[Voir ce genre de tribune publiée dans l’Humanité me donne quelque espoir. Il est possible que les lignes finissent par bouger.]
Moi, voyez-vous, c’est le contraire. C’est la preuve que dans la gauche radicale on préfère toujours le langage incantatoire et les « faut qu’on y’a qu’a » plutôt que de se coltiner les problèmes du réel. Proposer au peuple français une perspective économique qui ressemble drôlement à la Corée du Nord est la meilleure manière de saper toute crédibilité.
[Avant-hier, Mélenchon était confronté à Sapir sur @si, je ne sais pas si tu as vu ce débat (je t’imaginais avec ta boîte de chocolats…), mais c’était assez extraordinaire.]
J’avoue que non. J’essaye de perdre du poids, et regarder Mélenchon sans chocolats à portée de main c’est un coup à se flinguer. Est-ce que la vidéo est disponible quelque part ?
http://www.arretsurimages.net/contenu.php?id=5976
J’ose espérer que vous êtes quand même pour une certaine monétisation de la dette publique Descarte. Car je ne vous apprendrai pas, qu’une bonne part de cette dette n’est que le fruit des intérêts cumulé dans l’agglomération rend le remboursement à terme par des moyens traditionnels hautement improbables. Car si tel est le cas mes propres modestes propositions ne vous plairont pas:
http://lebondosage.over-blog.fr/article-comment-la-france-peut-elle-se-sortir-de-son-bourbier-118859452.html
Il est vrai cependant que Nikonoff est un personnage agaçant avec cette manière de faire la guerre à ceux qui ne pensent pas exactement pareil que lui. Mais je le remercie tout de même pour m’avoir fait découvrir, il y a quelques années, la charte de La Havane qui reste un texte d’une très grande importance à mes yeux.
Sinon je regarde en ce moment même l’émission d’ASI. Je ne suis moi-même pas abonné, mais l’on peut la regarder gratuitement pendant 24h à cette adresse:
http://www.arretsurimages.net/contenu.php?id=5976
Je note pour l’instant que je suis tout à fait d’accord avec Meluch sur l’incroyable affaire du président bolivien, l’attitude des dirigeants français est une honte.
@ Descartes
Merci pour la courte analyse du texte du MPEP, c’est très instructif. Sinon la vidéo de Mélenchon et Sapir est disponible ici : http://tendanceclaire.npa.free.fr/breve.php?id=5375
@edgar
Merci
[J’ose espérer que vous êtes quand même pour une certaine monétisation de la dette publique Descarte.]
Tout à fait. Mais une monétisation prudente et contrôlée. L’illusion qu’en forçant la banque centrale à fournir des "avances" chaque fois que le gouvernement a envie de faire une dépense est une illusion très dangereuse. Si l’on veut crédibiliser l’idée de monétisation de la dette, il faut expliquer au citoyen comment on fait pour éviter que les "avances" finissent en hyperinflation.
[Car je ne vous apprendrai pas, qu’une bonne part de cette dette n’est que le fruit des intérêts cumulé dans l’agglomération rend le remboursement à terme par des moyens traditionnels hautement improbables.]
Admettons. Je vous rappelle qu’une partie de cette "dette" est constituée des retraites des agents de la fonction publique ou des fonds des déposants du Livret A. Il va falloir leur expliquer que le remboursement de leurs créances est "hautement improbable". Vous êtes volontaire ?
[Car si tel est le cas mes propres modestes propositions ne vous plairont pas:]
Certaines me terrifient. Par exemple, l’idée que "l’émission monétaire n’aura plus qu’alors comme seul critère le plein emploi, même si le taux d’inflation annuel est de 4% par an". Et s’il est de 8% ? de 16% ? de 32% ? de 64% ? On continue à faire tourner la planche à billets ?
[Il est vrai cependant que Nikonoff est un personnage agaçant avec cette manière de faire la guerre à ceux qui ne pensent pas exactement pareil que lui.]
Pas seulement. C’est aussi un opportuniste de la pire espèce. Lisez un peu ce qu’il écrivait lorsqu’il était un des "bébés Hue"…
[Je note pour l’instant que je suis tout à fait d’accord avec Meluch sur l’incroyable affaire du président bolivien, l’attitude des dirigeants français est une honte.]
Je crains que ce ne soit plus compliqué que ça. Certains vous diront que si Snowden avait mis le pied sur le sol français, on n’aurait eu d’autre choix que de l’extrader, puisque dans un état de droit comme le notre les lois et les traités s’appliquent. Si l’on veut éviter cette situation, interdire à l’avion l’espace aérien français était la meilleure option…
Bonjour Descartes,
Ravi de vous voir aborder le sujet, ça me permet de replacer ma marotte des dernières élections : la question du mode de scrutin. C’est un paramètre qu’il me semble crucial de prendre en compte quand on analyse la dynamique du FN. Je suis plus que jamais convaincu que le scrutin majoritaire à deux tours joue un rôle fondamental et trop peu commenté dans l’organisation de la vie politique en France. Lors de la dernière présidentielle j’avais suivi de près l’expérience du vote de valeur (http://www.votedevaleur.org), dont les résultats sont allés dans le sens que j’attendais : les participants (après redressement des données brutes) ont placé Le Pen bien loin derrière les autres candidats : il ne devance guère qu’Arthaud et Cheminade. La raison est claire, si on imagine le score qu’elle aurait fait dans un duel face à chacun des autres… Au contraire, Mélanchon et Joly se retrouvent à faire jeu égal avec Sarkozy, juste derrière Bayrou et Hollande.
Bien sûr ce n’était qu’une expérience, et la campagne s’est déroulée en fonction du mode de scrutin officiel. Mais tout m’incite à penser qu’une vraie campagne pour une élection de ce type donnerait le même type de résultat. En effet contrairement au mode de scrutin actuel qui favorise la bipolarité et bloque le débat (cf. l’attitude récurrente des partis de gouvernement qui, partant favoris, évitent au maximum le débat d’idées au premier tour, préférant débiner leurs concurrents, adversaires de fait dans leur propre camps), un mode de scrutin tel que le vote de valeur limite cet effet de concurrence : au lieu de sélectionner un champion, l’électeur a la possibilité de soutenir chaque candidat à la mesure de ses préférences, de soutenir toute la gauche face à la droite s’il le souhaite, ce qui met beaucoup plus l’accent sur les différences de programme plutôt que sur la capacité individuelle de l’un ou l’autre à simplement être présent au second tour — jeu auquel les partis de gouvernement partent avec un avantage énorme. Et une campagne où tout le monde sait qu’il n’y a que deux, allez, trois candidats qui comptent vraiment — ceux du PS et de l’UMP, quels qu’ils soient ; et François Bayrou, qui serait presque assuré de l’emporter s’il était au second tour — focalise toute l’attention sur le pseudo-enjeu du premier tour au détriment des idées. La seule question devient de savoir si les candidats du FdG et du FN vont réussir à faire élire leur adversaire désigné en éliminant leur allié dès le premier tour — d’où l’appel efficace au vote utile — où si le suspense durera deux semaines de plus avant l’élection du candidat du PS ou de celui de l’UMP…
Bref, je serais curieux de savoir ce que vous (et vos lecteurs) en pensez. (Il me semble que j’avais déjà évoqué le sujet, mais j’ai la flemme de vérifier, et puis votre point de vue depuis a pu évoluer.)
[Ravi de vous voir aborder le sujet, ça me permet de replacer ma marotte des dernières élections : la question du mode de scrutin. C’est un paramètre qu’il me semble crucial de prendre en compte quand on analyse la dynamique du FN.]
Crucial, crucial… n’exagérons rien. Il est vrai que le mode de scrutin, en excluant le FN durablement de la représentation nationale, à influencé la manière dont il se positionne, et notamment renforcé son caractère de parti « seul contre tous ». En même temps, un scrutin proportionnel aurait depuis longtemps rendu le pays difficilement gouvernable… Il est donc difficile de savoir si toutes questions prises en compte le mécanisme électoral a pénalisé ou au contraire aidé le FN.
[Je suis plus que jamais convaincu que le scrutin majoritaire à deux tours joue un rôle fondamental et trop peu commenté dans l’organisation de la vie politique en France.]
Fondamental, oui. « Trop souvent commenté… », non. C’est au contraire un « marronnier » de toutes les formations en sciences politiques et un sujet de débat permanent dans les gazettes.
[Lors de la dernière présidentielle j’avais suivi de près l’expérience du vote de valeur (http://www.votedevaleur.org), dont les résultats sont allés dans le sens que j’attendais : les participants (après redressement des données brutes) ont placé Le Pen bien loin derrière les autres candidats : il ne devance guère qu’Arthaud et Cheminade. La raison est claire, si on imagine le score qu’elle aurait fait dans un duel face à chacun des autres… Au contraire, Mélanchon et Joly se retrouvent à faire jeu égal avec Sarkozy, juste derrière Bayrou et Hollande.]
J’ai regardé cette expérience, et franchement je ne vois pas très bien l’avantage de ce mode de scrutin. En dehors des biais de l’essai – notamment la formation de l’échantillon et la question de la campagne – il est clair que ce type de scrutin favorise les candidats « consensuels ». Dans la mesure où l’électeur note tous les candidats, il est non seulement essentiel de séduire ceux qui vous préfèrent, mais aussi de déplaire le moins possible aux gens qui ne vous aiment pas. Malheureusement, les organisateurs de l’étude n’ont pas pensé à introduire un candidat inexistant – c’est-à-dire, un nom inventé que les sondés ne connaissent pas. Il y a fort à parier que ce candidat inexistant aurait reçu en moyenne la note « 0 » (c’est-à-dire, indifférent), puisque les électeurs n’ont aucune raison ni de lui mettre une bonne note, ni une mauvaise. Or, avec une moyenne de zéro il serait arrivé en troisième position, à quasi égalité avec le second (Hollande)…
Il faut le dire et le répéter. Un système de scrutin est une méthode pour élire un gouvernant, pas pour « s’exprimer ». Sa finalité est d’abord et avant tout de fournir au pays un gouvernement dont la légitimité soit acceptée par tous. La question de savoir s’il est « juste » ou « injuste » dépend ensuite de ce qu’on veut : préfère-t-on avoir le gouvernement qui plait au plus grand nombre, ou celui qui déplaît au moins grand ? Veut-on un gouvernement qui ne puisse gouverner que par consensus, ou veut-on au contraire que la plus grosse minorité puisse prendre la tête et diriger le pays ? Il n’y a pas de mode de scrutin « juste », il y a juste des modes de scrutin qui donnent des réponses différentes à ces questions.
[Bien sûr ce n’était qu’une expérience, et la campagne s’est déroulée en fonction du mode de scrutin officiel. Mais tout m’incite à penser qu’une vraie campagne pour une élection de ce type donnerait le même type de résultat.]
Oui, celui de faire de Bayrou un président de la République. Est-ce cela qu’on veut ? L’avantage du système à deux tours, c’est qu’il y a le premier pour modérer les effets du second. Si au second tour gagne celui qui est le moins détesté, pour passer le premier il faut être parmi les deux les plus désirés. Avec le système du « vote de valeur », c’est celui qui déplaît le moins qui est privilégié aux deux tours. Et l’essai auquel tu fait référence le montre en donnant Bayrou élu dans un fauteuil…
[En effet contrairement au mode de scrutin actuel qui favorise la bipolarité et bloque le débat (cf. l’attitude récurrente des partis de gouvernement qui, partant favoris, évitent au maximum le débat d’idées au premier tour, préférant débiner leurs concurrents, adversaires de fait dans leur propre camps),]
Avec le « vote de valeur », ce serait pire. Dans le système actuel, l’intérêt de débiner ses concurrents est relatif : cela ne sert que s’il est possible de convaincre quelques électeurs de vos concurrents de voter pour vous. Avec le « vote de valeur » l’intérêt de débiner ses concurrents est LE point essentiel, puisque vous avez intérêt à ce que CHAQUE électeur donne une « mauvaise note » à vos concurrents… Franchement, si j’étais candidat dans une logique de « vote de valeur », mon intérêt serait de présenter un profil le plus « lisse », le plus « séducteur » possible, tout en payant des officines pour qu’elles jettent le plus possible de merde sur mes concurrents.
Je ne partage pas votre idée que le scrutin majoritaire à deux tours stérilise le débat d’idées. Il n’y a qu’à voir les exemples : nous avons eu pendant les vingt premières années un système de scrutin majoritaire et un débat d’idées particulièrement vif. Et je n’ai pas l’impression que dans le pays au scrutin proportionnel intégral – au hasard, Israël – on débatte beaucoup des idées pendant les campagnes électorales. Si l’on veut rétablir le débat d’idées, ce n’est pas vers le mode de scrutin qu’il faut se tourner. C’est sur le fonctionnement du système de sélection des politiques, du fonctionnement des partis et de l’éducation des électeurs.
[un mode de scrutin tel que le vote de valeur limite cet effet de concurrence : au lieu de sélectionner un champion, l’électeur a la possibilité de soutenir chaque candidat à la mesure de ses préférences, de soutenir toute la gauche face à la droite s’il le souhaite, ce qui met beaucoup plus l’accent sur les différences de programme plutôt que sur la capacité individuelle de l’un ou l’autre à simplement être présent au second tour — jeu auquel les partis de gouvernement partent avec un avantage énorme.]
Ne nous voilons pas la face. L’objet de l’élection est de sélectionner un homme pour lui confier le gouvernement du pays, pas de juger un concours de beauté. Les partis de gouvernement partent avec un avantage énorme, et c’est normal : après tout, ils ont montré leur capacité à gouverner, bien ou mal, mais gouverner quand même. Rien à voir avec le mode de scrutin. Vous remarquerez que dans les autres pays européens, avec des modes de scrutin tout à fait différents, « les partis de gouvernement partent avec un avantage énorme ». Ce n’est donc pas une question de mode de scrutin.
[Et une campagne où tout le monde sait qu’il n’y a que deux, allez, trois candidats qui comptent vraiment — ceux du PS et de l’UMP, quels qu’ils soient ; et François Bayrou, qui serait presque assuré de l’emporter s’il était au second tour — focalise toute l’attention sur le pseudo-enjeu du premier tour au détriment des idées.]
Mais qu’est ce que les idées viennent faire là dedans ? Encore une fois, une élection n’est pas un concours de beauté, c’est le choix d’un gouvernant. Si l’électeur pense que les qualités personnelles de celui-ci sont plus importantes que leurs idées, il n’y a pas de mode de scrutin qui puisse privilégier les idées par rapport aux personnes. Encore une fois, vous voulez corriger par le mode de scrutin un problème qui est ailleurs : dans l’attente des électeurs. Et les électeurs sont très intelligents : ils ont compris que les meilleures « idées » du monde ne servent à rien si le gouvernant n’a pas le courage, la volonté, la compétence nécessaire pour les mettre en place. En 1981, on a voté pour de belles « idées » portées par un salaud, et on a vu le résultat. Pourquoi un système qui juge autant la personnalité des candidats que leurs idées serait-il par essence mauvais ?
Tu veux, par le mode de scrutin, corriger des problèmes qui viennent d’ailleurs. De la formation des hommes politiques, de leur sélection, du fonctionnement des partis, de la confiscation du pouvoir par des couches moyennes qui sont intéressées d’abord par leur propre bien-être. Aucun mode de scrutin ne peut arranger ça.
[La seule question devient de savoir si les candidats du FdG et du FN vont réussir à faire élire leur adversaire désigné en éliminant leur allié dès le premier tour — d’où l’appel efficace au vote utile — où si le suspense durera deux semaines de plus avant l’élection du candidat du PS ou de celui de l’UMP…]
Le fait est qu’il n’y a pas d’autre candidat capable de gouverner. Et cela n’est pas la faute du système de scrutin. Penses-tu qu’on serait mieux si le « suspense » était entre Mélenchon et Le Pen ?
"Tu veux, par le mode de scrutin, corriger des problèmes qui viennent d’ailleurs. De la formation des hommes politiques, de leur sélection, du fonctionnement des partis, de la confiscation du pouvoir par les couches moyennes qui sont intéressées d’abord à leur propre bien-être. Aucun mode de scrutin ne peut arranger ça".
Bien d’accord, Descartes, et votre démontage du " vote de valeur" me semble sans appel.
Il existe, au demeurant, une technique qui serait susceptible de régénérer, au moins partiellement, le fonctionnement des partis sinon la vie politique elle même. A tout le moins favoriserait-elle la structuration de courants émergents.
Cette mesure est celle du "crédit d’impôt" alloué à chaque électeur pour lui permettre de financer directement le ou les partis de son choix.
Chaque année, lors de la souscription des déclarations de revenus, le citoyen inscrit sur une liste électorale (condition nécessaire) se voit attribuer un crédit d’impôt en fonction de la dotation "financement des partis" votée par le Parlement.
Que l’électeur soit, in fine, assujetti ou non à l’IRPP ne change rien au mécanisme.
L’électeur ayant la capacité d’affecter en totalité ou de fractionner le dit crédit d’impôt, une ou plusieurs formations politiques seraient bénéficiaires de son libre choix, choix pouvant être évidemment reconsidéré chaque année.
Sans financement de départ, des formations émergentes pourraient ainsi, en quelques années, acquérir de grandes capacités d’action électorale.
Inversement, les partis dominants verraient leur rente de situation mise en danger.
Je ne dis pas, bien entendu, qu’il s’agit là de la panacée. Mais, outre la mise sous tension permanente des partis de gouvernement qu’il induirait, pour, qui sait, une meilleur prise en compte des réalités, je vois dans ce mécanisme un petit progrès non négligeable, par le jeu d’une plus grande responsabilité donné à l’électeur-contribuable.
Cela étant dit, je ne suis pas naïf. Ce mécanisme n’a, hélas, en l’état, aucune chance de "sortir" un jour d’un vote parlementaire. Les apparatchiks et élus des formations gouvernementales ayant moins la vocation du suicide que celle de la perpétuation de l’espèce.
"Si l’on veut crédibiliser l’idée de monétisation de la dette, il faut expliquer au citoyen comment on fait pour éviter que les "avances" finissent en hyperinflation."
La monétisation n’est pas plus inflationniste en elle-même que n’importe quelle autre forme de création monétaire. Aujourd’hui, la préférence pour la liquidité stérilise les montants colossaux fournis par les banques centrales aux banques, ce qui en d’autres circonstances générerait une inflation violente.. La monétisation concernerait des montants beaucoup plus faibles, mais comme elle dégagerait des marges budgétaires, la liquidité pourrait être injectée dans l’économie productive au lieu de s’engloutir dans le secteur rentier.
Si cette politique réussit, elle stimulera la production et dans un second temps les prix. Cette inflation réduira le poids des dettes sans spolier totalement les prêteurs, ce qui me semble une option bien plus favorable que le défaut ( nous avons connu après guerre des dettes encore plus importantes qui ont été absorbées grâce à la croissance et l’inflation).
Si les républicains arrivaient aux affaires, ils devraient mener à bien des réformes extraordinairement difficiles pour reconvertir une économie de rente en économie de production, et pour obtenir des résultats rapides et spectaculaires sur l’emploi. Or l’inflation est le moyen le plus efficace de réaliser une telle reconversion sans toucher aux revenus nominaux et en "euthanasiant les rentiers" (dans lesquels je n’inclus pas pour ma part les retraités !).
Combien d’inflation pourrions-nous supporter ? La réponse n’est pas évidente. Après le premier choc pétrolier, le Japon a suscité une inflation d’une quinzaine de %, l’a rapidement résorbée ; et sa croissance à repris jusqu’en 1992.
Une forte inflation représenterait un moindre mal, mais il est en revanche impératif d’empêcher qu’elle s’installe et nourrisse des anticipations inflationnistes chroniques : tu as raison de souligner la nécessite de prévoir les dispositifs qui permettront de dompter le tigre quand nous l’aurons sorti de sa cage. Mais le rationnement par les taux d’intérêt sur les marchés financiers ne fonctionne pas : c’est quand la relance macroéconomique est la plus nécessaire (et l’inflation proche de zéro) que les marchés risquent de s’affoler ; et en revanche ils prêtent sans restriction en phase de prospérité (quand, au contraire, il faudrait freiner les dépenses). De plus la charge des intérêts produit une redistribution indésirable vers le secteur rentier (aujourd’hui le déficit français rémunère les rentiers, qui ne consomment ni n’investissent dans la production). Il faut une procédure de contrôle du déficit, mais pas le recours aux marché. On pourrait par exemple imaginer une double surveillance par la cour des comptes et le parlement.
"L’illusion qu’en forçant la banque centrale à fournir des "avances" chaque fois que le gouvernement a envie de faire une dépense est une illusion très dangereuse."
En période de dépression, le danger est minime. En période de croissance, ces avances soit deviendraient inflationnistes, soit rationneraient l’investissement privé. On peut justifier, dans certains cas, de prioriser l’investissement public, mais il s’agit évidemment d’un choix politique dont le coût doit être pris en compte…
Je trouve votre idée intéressante. Je me demande cependant ce qu’elle donnerait en pratique. Pour les citoyens qui votent, il est probable qu’ils donneraient leur obole au parti pour lequel ils votent, ce qui donnerait des résultats proches de la répartition actuelle du financement des partis politiques. La question serait de savoir quel serait le choix des abstentionnistes…
@ J Halpern
[La monétisation n’est pas plus inflationniste en elle-même que n’importe quelle autre forme de création monétaire.]
Bien entendu. Mais les autres formes de création monétaire ont des cordes de rappel. La création monétaire par le crédit, par exemple, est limitée par le multiplicateur de crédit. Par contre, la création monétaire par utilisation de la planche à billets n’a d’autre limite que la volonté de celui qui la fait tourner. Il faut donc m’expliquer quel est le critère qui sera utilisé pour éviter l’utilisation excessive de l’émission monétaire par la banque centrale.
[Aujourd’hui, la préférence pour la liquidité stérilise les montants colossaux fournis par les banques centrales aux banques, ce qui en d’autres circonstances générerait une inflation violente…]
Tout à fait. Et nous savons aussi que les banques centrales sont à l’affût pour retirer de la circulation ces « montants colossaux » dès que cette préférence pour la liquidité faiblira.
[La monétisation concernerait des montants beaucoup plus faibles, mais comme elle dégagerait des marges budgétaires, la liquidité pourrait être injectée dans l’économie productive au lieu de s’engloutir dans le secteur rentier. Si cette politique réussit, elle stimulera la production et dans un second temps les prix.]
Mais il y a le risque que ce ne soit l’inverse : qu’elle stimule d’abord les prix… et que l’agitation politique qui en résultera n’empêche d’aller suffisamment loin pour constater l’effet sur la production.
[Cette inflation réduira le poids des dettes sans spolier totalement les prêteurs, ce qui me semble une option bien plus favorable que le défaut ( nous avons connu après guerre des dettes encore plus importantes qui ont été absorbées grâce à la croissance et l’inflation).]
Je ne suis pas contre. J’ai défendu sur ce blog plusieurs fois l’idée de monétisation des dettes. Mais la proposition Nikonoff/Danglot va beaucoup plus loin que la simple monétisation des dettes, et propose l’utilisation de la planche à billets comme une solution « magique » qu’on peut aussi employer pour financer des déficits sans limite.
[Combien d’inflation pourrions-nous supporter ? La réponse n’est pas évidente. Après le premier choc pétrolier, le Japon a suscité une inflation d’une quinzaine de %, l’a rapidement résorbée ; et sa croissance à repris jusqu’en 1992.]
C’est là pour moi toute la question. Et c’est le reproche que je fais à Nikonoff/Danglot mais aussi au discours mélenchoniens. Tous ces beaux esprits ont une vision magique des banques centrales, qui pourraient faire à l’Etat des « avances non remboursables » (sic) ou prêter à taux nul (ce qui revient au même) sans limite, comme si le problème de l’inflation n’existait pas. Ce faisant, on évite le débat crucial de toute politique de relance, celui du taux d’inflation qu’on peut supporter.
[Mais le rationnement par les taux d’intérêt sur les marchés financiers ne fonctionne pas : c’est quand la relance macroéconomique est la plus nécessaire (et l’inflation proche de zéro) que les marchés risquent de s’affoler ; et en revanche ils prêtent sans restriction en phase de prospérité (quand, au contraire, il faudrait freiner les dépenses).]
Mais… je ne suis pas contre l’encadrement du crédit…
[De plus la charge des intérêts produit une redistribution indésirable vers le secteur rentier (aujourd’hui le déficit français rémunère les rentiers, qui ne consomment ni n’investissent dans la production). Il faut une procédure de contrôle du déficit, mais pas le recours aux marché. On pourrait par exemple imaginer une double surveillance par la cour des comptes et le parlement.]
Encore une fois, je ne défends pas le financement des Etats par les marchés. Je n’ai rien en principe contre le financement par la planche à billets. La question que je pose est qu’est ce qu’on prévoit comme mécanisme pour maintenir l’inflation résultante à un niveau raisonnable. Le contrôle par la Cour des Comptes est à mon sens inimaginable : cela nous amène au gouvernement des juges, sauf à définir clairement les critères de ce contrôle. Et on sait bien que le contrôle par le Parlement ne fonctionne pas.
["L’illusion qu’en forçant la banque centrale à fournir des "avances" chaque fois que le gouvernement a envie de faire une dépense est une illusion très dangereuse."
En période de dépression, le danger est minime.]
Mais que se passe-t-il lorsqu’on sort de la dépression et que toutes ces « avances » sont dans la nature ? Car dans la logique de la proposition Nikonoff/Danglot, ces « avances » ne sont jamais remboursées, et donc la monnaie mise en circulation n’est pas retirée…
@ Odp
Bonjour
Mon propos insiste, comme je l’ai écrit, sur la vérité historique qui doit primer sur toute autre considération morale, politique ou juridique. Je ne m’inscrivais pas dans une discussion ayant pour prémisse une hypothèse que je trouve sidérante.
Je ne connais pas d’historien digne de ce nom qui soutienne les thèses développées dans l’article du « Monde diplomatique ».
Par contre, les faits et témoignages tels que signalés dans « Les archives ouvertes » portant sur les « disparitions », agressions, viols d’européens après le cessez le feu, figurent bien notamment dans la revue « L’histoire » éditée par des professionnels sérieux.
@ Bolchokek
Ma remarque valait surtout pour ceux qui dédouanent un peu trop facilement au motif qu’ils sont immigrés, d’une « culture » autre etc…
Je connais des familles d’origine étrangère y compris dans les « quartiers difficiles » qui se « tiennent ».
@ Descartes
Désolé rien pour vous. S’il faut militer, autant que ce soit pour ce qu’on souhaite. Je me retire, non sous ma tente, mais dans mon syndicat.
PS : une initiative qui, après réflexion, me semble intéressante :
http://www.liberation.fr/societe/2013/07/06/des-athees-lancent-un-conseil-des-ex-musulmans-de-france_916455
[Désolé rien pour vous. S’il faut militer, autant que ce soit pour ce qu’on souhaite. Je me retire, non sous ma tente, mais dans mon syndicat.]
Sans vouloir vous offenser, je trouve ce commentaire un peu contradictoire: est-ce que ce que vous "souhaitez" se limite à ce que peut atteindre l’activité syndicale ? Je ne le crois pas une minute ! 😉
Malheureusement, le monde n’est pas comme on le voudrait. Moi aussi j’aimerais trouver une organisation politique qui me permette de "militer pour ce que je souhaite" et changer le cours de l’histoire. Le fait, c’est que cette organisation n’existe pas: je peux bien entendu militer chez les chèvenementistes ou DLR et me faire plaisir en me réunissant avec des gens comme moi, mais cela n’a aucun poids sur les éventements. Où alors, je peux travailler avec des gens qui ne sont pas comme moi, et avoir l’opportunité de changer quelque chose. Quel est le meilleur choix ? A minima, la question mérite d’être posée.
[PS : une initiative qui, après réflexion, me semble intéressante :]
A encourager certainement. Il y en a eu d’autres qui sont restées confidentielles. Moi qui vous parle, à une époque j’animais dans mon quartier un groupe qui s’appelait "les joyeux apostates"…
@ Morel,
Bonjour,
Désolé de m’être mal fait comprendre, mais je n’ai jamais souhaité dire (car je n’ai jamais pensé) que les pieds-noirs n’avaient pas l’objet d’exactions diverses et variées après le cessez-le-feu. Je connais tout ça; et si ce que l’on apprend à l’école n’était pas suffisant, il s’avère que la famille d’un de mes meilleurs amis était originaire d’Oran et que plusieurs des cousins de son père ont fait partis des "disparus" mentionnés dans la thèse de Marie Muyl.
En ce qui concerne l’article du Monde Diplomatique (que je ne lis jamais par ailleurs), je n’ai jamais dit que c’était vérité d’évangile. Pour être honnête, je n’en sais rien, car, comme je l’ai déjà indiqué, je connais très mal l’histoire de la guerre d’Algérie pour la simple et bonne raison qu’elle ne m’intéresse guère. Ceci dit, si je l’ai également soumis à la sagacité de chacun, c’est parce que, contrairement à ce que vous dites, il est "validé" par un historien sérieux en la personne de Benjamin Stora. Si ce n’avait pas été la cas je ne l’aurai pas fait. Qu’une minorité de pieds-noirs soit restée après l’indépendance, c’est un fait. Quant à leur importance réelle, je n’en sais rien. L’article cite le chiffre de 200 000 personnes soit 25% de la population de départ en faisant référence à un ouvrage des éditions du CNRS, une maison à qui l’on peut généralement accorder sa confiance.
Un fois la vérité historique établie (et je pense que tout le monde sera d’accord pour dire que l’exode de la très grande majorité des pied-noirs a été déclenché par de multiples facteurs dont la peur des exactions est le principal), la question que je pose, et qui me paraît quand même assez central dans un blog qui se veut à la fois Républicain et adapte de la dispute argumentée, est la suivante: n’est-il pas profondément choquant a) de rêver d’expulser "les immigrés et fils d’immigrés de culture musulmane" hors de France et b) de mettre cet acte sur le même plan que l’exode des pieds-noirs d’Algérie en 1962.
En ce qui me concerne la réponse est oui dans les deux cas. Je crois comprendre que vous êtes d’accord avec moi mais peut-être me trompe-je. En tout état de cause, j’attends la réponse du maître des lieux à l’argumentation que j’ai développé sur le sujet.
@ Descartes
Sur Nikonoff et ses propositions. J’ai bien du mal à te suivre. Même si tu as raison de souligner certaines incohérences et imprécisions (sur l’annulation de la dette publique ; mais je pense qu’il imaginent plutôt une restructuration, d’où le remboursement de certains créanciers – pas tous). Ce qui m’embête, c’est que tu parles de Corée du Nord… sous prétexte que les auteurs proposent de nationaliser les banques. Laisser entendre que la nationalisation des banques, autrement dit la propriété collective de certains grands moyens de production et d’échange, c’est la Corée du Nord, ça ne me paraît ni crédible ni surtout raisonnable quand on est progressiste.
Sur l’échelle mobile des salaires et des prix, on est d’accord qu’ils parlaient plutôt de l’échelle mobile des salaires tout court… A propos du nouveau mode de financement de l’Etat, là encore, ce que proposent Nikonoff et Danglot m’évoque davantage la IVè République et le début de la Vè. A l’époque, l’idée que l’Etat se finance sur les marchés financiers n’avait pas cours (le prétexte pour imposer cette idée ayant été, par la suite, la lutte contre l’inflation sur fond de crise pétrolière ; reste à savoir si ce prétexte était valable). Donc je crois plutôt comprendre que les auteurs veulent en finir avec l’indépendance de la Banque centrale, avec l’article 123 du traité de Lisbonne, et plus généralement, réactiver ce qu’on appelait le "circuit du Trésor" (sans oublier un appel à l’épargne nationale).
http://www.laviedesidees.fr/Dette-publique-debat-confisque.html
La création monétaire présente certes un risque d’inflation, mais d’une part ce risque est plus limité dans un contexte de sous-utilisation des outils de production (chômage de masse), en tout cas c’est ce que disent Sapir et quelques autres (du moins ils le disent à propos de la monétisation des dettes, mais il est vrai que c’est un problème un peu différent), et d’autre part, surtout, il me semble que ce risque est très variable en fonction de l’utilisation qui est faite de la masse monétaire supplémentaire créée : si c’est pour faire fonctionner des comités théodule ou verser des allocations diverses, le risque est réel ; si c’est pour créer de nouveaux actifs (écoles, hôpitaux, voies ferrées, aéroports, centrales nucléaires), le risque est bien plus limité. Enfin, c’est ce que j’ai compris… Par contre, je reconnais volontiers que l’échelle mobile des salaires renforce le risque d’inflation. C’est d’ailleurs pour cette raison (ou sous ce prétexte) que le gouvernement socialiste y avait mis fin en 1982 je crois. Mais si ce risque n’existe pas vraiment ? Enfin, je n’ai pas vraiment de religion là-dessus. Il me semble que de toute façon l’évolution des salaires est liée avant tout à l’offre et à la demande sur le marché du travail : plein emploi, salaires élevés, chômage de masse (ou précarité de masse), salaires bas. A la limite je veux bien admettre que l’échelle mobile puisse être réservée aux pensions de retraite, le fond du problème n’étant pas là.
Sur l’histoire du franc non convertible, là encore je veux bien admettre que les auteurs pêchent par imprécision. Mais franchement, il m’a paru assez clair qu’il ne parlent nullement d’autarcie monétaire, mais de contrôles des mouvements de capitaux et de contrôle des changes. Ils le disent d’ailleurs de manière bien plus claire dans un autre passage de leur texte. Donc il ne s’agit pas d’un franc non convertible mais d’un franc non convertible librement. Un peu comme le yuan. Nikonoff n’est peut-être pas un grand économiste, mais enfin il doit quand même être au courant qu’on a besoin d’acheter du pétrole (il en parle aussi, en proposant de faire affaire avec le Venezuela) et qu’on ne peut le payer qu’en devises étrangères (et plutôt en dollars).
Pourquoi donc tout cela ne serait-il pas crédible ? Je crois plutôt que la gauche, ou ce qu’il en reste, s’honore en proposant de vraies réformes structurelles en matière de propriété et de financement de l’Etat. Changer la répartition du capital (et des revenus) dans le sens d’une plus grande égalité, et en dotant à nouveau l’Etat d’outils macroéconomiques permettant de mettre en œuvre une certaine planification, n’est-ce pas un objectif louable ?
En bref je te trouve sévère, et pas très juste – dans le sens où tu as (selon moi) un peu tendance à caricaturer.
A priori la vidéo Sapir/Mélenchon n’est accessible qu’aux abonnés. Pour 1 € tu peux te l’offrir.
http://www.arretsurimages.net/contenu.php?id=5964
@joe liqueur
[sur l’annulation de la dette publique ; mais je pense qu’il imaginent plutôt une restructuration, d’où le remboursement de certains créanciers – pas tous].
Alors il faudrait dire lesquels. Autrement, c’est une proposition qui relève de la pensée magique.
[Ce qui m’embête, c’est que tu parles de Corée du Nord… sous prétexte que les auteurs proposent de nationaliser les banques.]
Non. Je parle de « Corée du Nord » sous prétexte que les auteurs proposent de rendre la monnaie française inconvertible.
[A propos du nouveau mode de financement de l’Etat, là encore, ce que proposent Nikonoff et Danglot m’évoque davantage la IVè République et le début de la Vè. A l’époque, l’idée que l’Etat se finance sur les marchés financiers n’avait pas cours (le prétexte pour imposer cette idée ayant été, par la suite, la lutte contre l’inflation sur fond de crise pétrolière ; reste à savoir si ce prétexte était valable).]
Sauf que la IVème et la Vème à leurs débuts bénéficiaient d’une croissance très importante, qui permettait d’atténuer les effets de la création monétaire. Lorsque la croissance ralentit brusquement à la fin des années 1960, on découvre le danger que représente le recours sans limite aux avances de la Banque de France et on arrête la chose. La question que je pose est simple : si on fait en sorte que l’Etat puisse recourir sans limite aux avances de la Banque Centrale, comment fait-on pour maintenir ce recours dans des limites qui empêchent l’inflation de partir hors de tout contrôle ?
Je pense en fait que derrière le raisonnement de Nikonoff se trouve une illusion dangereuse : celle de croire que l’utilisation de la planche à billets est gratuite, alors que le recours au marché financier a un coût, celui de l’intérêt. Le recours à l’émission monétaire a un coût, qui est payé par tous les citoyens : l’inflation.
[Donc je crois plutôt comprendre que les auteurs veulent en finir avec l’indépendance de la Banque centrale, avec l’article 123 du traité de Lisbonne, et plus généralement, réactiver ce qu’on appelait le "circuit du Trésor" (sans oublier un appel à l’épargne nationale).]
Ce n’est pas ce qu’ils disent. Comment fait-on pour « avoir recours à l’épargne nationale » sans payer des intérêts ?
[La création monétaire présente certes un risque d’inflation, mais d’une part ce risque est plus limité dans un contexte de sous-utilisation des outils de production (chômage de masse), en tout cas c’est ce que disent Sapir et quelques autres (du moins ils le disent à propos de la monétisation des dettes, mais il est vrai que c’est un problème un peu différent),]
Sapir et les autres ont raison à condition de se situer dans un contexte d’économie ouverte. Mais dans un tel contexte, le risque d’utiliser la planche à billets n’est pas l’inflation, mais le déséquilibre de la balance extérieure, les gens se précipitant à acheter avec les billets nouvellement imprimés des biens importés. Si l’on sort de l’économie ouverte, alors il faudra que l’appareil productif couvre les besoins que les importations couvraient. A ce moment là, on sera proche de la pleine utilisation de l’appareil productif, et le risque est l’inflation. Dans les deux cas, l’injection monétaire a un coût.
[et d’autre part, surtout, il me semble que ce risque est très variable en fonction de l’utilisation qui est faite de la masse monétaire supplémentaire créée : si c’est pour faire fonctionner des comités théodule ou verser des allocations diverses, le risque est réel ; si c’est pour créer de nouveaux actifs (écoles, hôpitaux, voies ferrées, aéroports, centrales nucléaires), le risque est bien plus limité.]
Non. Le risque est exactement le même : s’il y a plus de monnaie en circulation, chaque unité monétaire pourra acheter moins de marchandises. Que l’unité monétaire ait été mise en circulation pour payer des comités théodule ou des centrales nucléaires ne change rien à l’affaire.
[Sur l’histoire du franc non convertible, là encore je veux bien admettre que les auteurs pêchent par imprécision. Mais franchement, il m’a paru assez clair qu’il ne parlent nullement d’autarcie monétaire, mais de contrôles des mouvements de capitaux et de contrôle des changes.]
Les mots ont un sens. Si l’on parle de rendre inconvertible la monnaie, cela veut dire quelque chose, et ce n’est pas la même chose que le contrôle des changes.
[Nikonoff n’est peut-être pas un grand économiste, mais enfin il doit quand même être au courant qu’on a besoin d’acheter du pétrole (il en parle aussi, en proposant de faire affaire avec le Venezuela) et qu’on ne peut le payer qu’en devises étrangères (et plutôt en dollars).]
Relis l’article : Nikonoff parle de payer le pétrole par envoi de matière grise, et donne même l’exemple de Cuba…
[Pourquoi donc tout cela ne serait-il pas crédible ?]
Faut-il vraiment que j’explique pourquoi une proposition de rendre la monnaie française après sortie de l’Euro « inconvertible » est peu crédible ?
[Je crois plutôt que la gauche, ou ce qu’il en reste, s’honore en proposant de vraies réformes structurelles en matière de propriété et de financement de l’Etat.]
Des vraies réformes, oui. Des « réformes » magiques qui ne coûteront rien à personne – sauf aux « riches », bien entendu – et feront le bonheur de tout le monde, non.
[Changer la répartition du capital (et des revenus) dans le sens d’une plus grande égalité, et en dotant à nouveau l’Etat d’outils macroéconomiques permettant de mettre en œuvre une certaine planification, n’est-ce pas un objectif louable ?]
Tout à fait. Mais pour être crédible, il faut expliquer comment on compte atteindre cet objectif, et à quel coût pour les différentes catégories de la population.
@ Nationaliste jacobin
Il est clair nous ne sommes pas d’accord sur l’immigration (un sujet qui semble vous préoccuper, mais il faut bien reconnaître que cela préoccupe aussi un grand nombre de nos concitoyens). Nous avons déjà eu l’occasion d’en parler sur votre blog. En restant tout à fait courtois, donc je propose que l’on continue sur la même voie. Cependant je dois vous dire qu’à mes yeux vous allez trop loin.
Je commence par les rapatriés d’Algérie. Près d’un million sont arrivés en quatre mois. Comme quoi la capacité d’accueil de la France est considérable, surtout quand le gouvernement fait une politique de plein emploi et s’occupe de planifier l’économie. Le problème, il me semble, c’est que vous passez totalement sous silence le fait que la population indigène (les Algériens-de-souche) avait subi pendant plusieurs générations une discrimination politique notoire et une certaine forme d’oppression économique (celle-ci prêtant sans doute à davantage de discussions). Ce qui n’est pas le cas des Français-de-souche aujourd’hui. Vous et moi n’avons pas subi de discrimination politique, les immigrés algériens et Français d’origine algérienne ne jouissent pas et n’ont jamais joui de droits politiques supérieurs aux nôtres. Le rapprochement que vous faites me semble donc totalement inapproprié.
Et il y a une chose qui me paraît totalement impensable en effet : que des "descendants d’immigrés" soient contraints de faire leur bagage (i. e. soient déchus de leur nationalité sans motif particulier). J’ai bien lu les échanges entre vous, Descartes et odp, simplement, il me semble que la grande majorité des descendants d’immigrés sont français. Et que vous évoquez bien une expulsion forcée de nos compatriotes musulmans – comme Descartes le note d’ailleurs (finalement) dans une de ses réponses. Certains immigrés d’ailleurs sont eux-mêmes français…
Alors là, oui, c’est impensable. Là, ce n’est plus la France. Expulser des étrangers est une chose (qui me paraît totalement aberrante, mais passons) ; expulser des Français en est une autre. C’est là que, de mon point de vue, vous allez trop loin. Et du reste, vous allez plus loin que le FN… Que certains de ces Français aient la double nationalité, ou même qu’ils brandissent des drapeaux algériens, ne change rien à l’affaire. Ce ne sont pas pour autant des demi-Français. Voilà pourquoi vos propos ne me paraissent pas défendables. Quant à évoquer les expulsions de Polonais ou d’Italiens dans les années trente, pourquoi pas… mais l’histoire n’a pas montré que cela eût tellement réussi à notre pays. La crise économique a-t-elle été jugulée de cette façon ? En réalité, il me paraît évident qu’on peut avoir le plein emploi (et une économie prospère) avec une forte immigration élevé, et le chômage de masse (et une économie déprimée) avec un taux d’immigration zéro. Je ne crois pas du tout que les deux soient liés ; pour moi tout dépend la la politique économique mise en œuvre par l’Etat. Et puis encore une fois, comme le dit Descartes, "une chose très différente serait d’expulser des citoyens français et d’en faire des étrangers ailleurs".
Vous noterez par contre que pour ma part j’ai toujours été totalement hostile à l’idée de double nationalité. Que l’on demande aux citoyens de choisir me semblerait donc tout à fait normal et même judicieux. Mais je crois qu’il faut bien distinguer les deux questions. On peut décider demain d’abolir la double nationalité (encore une fois je suis pour) mais on ne peut en aucun cas "empêcher ceux qui ont eu des condamnations de conserver la nationalité française". Encore une fois, ce ne serait plus la France. Il me semble exact qu’il n’est pas attentatoire aux droits de l’homme de priver un binational de l’une de ses nationalités (alors qu’il en va différemment pour un homme n’ayant qu’une seule nationalité, cf. article 25 du Code civil : "sauf si la déchéance a pour résultat de le rendre apatride), mais une chose me paraît certaine : un Français est un Français, qu’il ait ou non une autre nationalité, qu’il soit français depuis 2 minutes ou depuis 50 ans, ou depuis sa naissance, et on ne saurait le déchoir de sa nationalité française parce qu’il a volé dix téléphones portables. A cet égard, et même si l’on ne parle plus de vol de portables, je trouve que les articles 25 et 25-1 du Code civil vont déjà trop loin puisqu’ils créent six catégories de Français (ce qui est incompatible avec la Déclaration de 1789 et donc avec la Constitution) : Français n’ayant que cette seule nationalité et Français binationaux, Français depuis plus ou moins de 10 ou 15 ans.
Le progressisme est-il nécessairement immigrationniste, demandez-vous.
Je dirais que prendre position sur l’immigration exige de répondre à trois questions simples (quant à parler de progressisme, je ne suis pas sûr que ce soit le sujet) :
1- La France est-elle déjà ou bientôt surpeuplée ?
2- Quel solde migratoire la France peut-elle intégrer sereinement ?
3- Certains immigrés sont-ils plus difficiles à intégrer que d’autres, en raison de leur culture d’origine ?
A la première question, je réponds non. A la deuxième, je réponds : sans doute plusieurs centaines de milliers (il serait donc avantageux pour tout le monde de lever toutes les restrictions à l’immigration). A la troisième, je réponds : évidemment que oui, un Wallon est plus facile à intégrer qu’un Afghan ; mais la France peut intégrer n’importe quel homme, parce que c’est la France, parce qu’elle est républicaine, jacobine et laïque, parce qu’elle porte ces idées universalistes qui sont justes et bonnes, des idées capables de séduire le monde entier ; des idées dont le monde a besoin. Vous comprenez, j’y crois, à la France ; j’y crois tellement que de mon point de vue, non seulement la France a un avenir, mais elle est l’avenir. Encore faut-il que notre gouvernement cesse de s’aplatir devant les diverses revendications communautaristes qui vont justement à l’encontre de nos principes fondateurs. Il faut d’urgence abandonner toute cette logorrhée immonde à base de "diversité", de "parité", de "minorités visibles" et autres délires antirépublicains (cf cette histoire de tract en arabe évoquée par Descartes). La France, c’est pas les Etats-Unis… La France c’est beaucoup mieux.
Et bien sûr, au-delà (ou plutôt en-deçà) de ces considération de nature idéologique, il faut être clair sur une chose : il n’y a pas d’intégration possible sans plein emploi. Sans plein emploi, même les Français-de-souche ne peuvent plus être intégrés. Au contraire, avec le plein emploi et comme le suggère BolchoKek, "on ne les distinguerait plus (les immigrés) en une génération". Avec le chômage de masse, c’est la France qui se désintègre. Et cette désintégration menace tous les résidents, elle menace le corps social dans son ensemble.
J’avais été assez frappé, je dois dire, par le discours de Marine Le Pen en janvier 2011. J’avais même écrit quelque chose là-dessus (j’en profite pour ressortir mes notes). Car s’y côtoyaient (déjà) le pire…
"Les Français sont victimes de discriminations organisées légalement par l’Etat (sic)"
… ou encore :
"La carte nationale d’identité a pris la forme d’une hideuse carte de crédit que les préfectures se plaisent à délivrer à qui la demande (sic)”. Mensonge pour le moins grossier (même si la caricature est délibérée) : voir le Code civil, voir livre Ier, titre Ier bis, chapitre III, section 1, paragraphe 5.
http://www.legifrance.gouv.fr/affichCode.do;jsessionid=E4909A61D1E010D967D99B771D40098A.tpdjo12v_2?idSectionTA=LEGISCTA000006165459&cidTexte=LEGITEXT000006070721&dateTexte=20130707
… Ou encore :
"Personne ne doit être conduit contre son gré ou a son insu à manger hallal. (sic)"
… ou encore :
"L’Europe n’est pas un califat, la France n’est pas un califat, elle ne l’a jamais été, elle ne le sera jamais. (sic)"
Là, on ne sentait pas trop la volonté de rupture avec l’héritage xénophobe.
Mais il y avait aussi le meilleur :
"A l’inspiration du Comte de Clermont-Tonnerre nous proclamons : « tout pour les citoyens, rien pour les communautés » : nous ferons inscrire dans la Constitution : « La République ne reconnait aucune communauté »". “Et pour cause il n’y a qu’une seule communauté, la communauté nationale” (dernière phrase ajoutée à l’oral, elle n’était pas dans le texte). La phrase est en effet inspirée d’un discours prononcé par Clermont-Tonnerre en faveur de l’accession des juifs à la citoyenneté : "Il faut tout refuser aux juifs comme nation et tout accorder aux juifs comme individus".
http://www.frontnational.com/videos/congres-du-fn-a-tours-discours-d%E2%80%99investiture-de-marine-le-pen/
Quant à cette phrase archi-connue attribuée à de Gaulle, elle confirme simplement que celui-ci n’était pas favorable à la solution de la francisation qu’il avait pourtant évoquée en termes assez neutres dans son discours de septembre 59. Peut-être était-il déjà bien trop tard (la discrimination politique et l’oppression économique ayant trop duré), peut-être est-on passé à côté de quelque chose, franchement j’ai du mal à me faire une idée là-dessus. Mais si vous voulez nous dire que de Gaulle n’était pas "immigrationniste", je crois qu’on est tous d’accord, c’est assez évident et il n’y a vraiment aucune raison de douter qu’il ait réellement prononcé cette phrase.
Moi, ce qui me frappe, c’est de voir à quel point nos immigrés deviennent français. Et même, à quel point les Algériens sont devenus (un peu) français. Entre l’indépendance et aujourd’hui, les Algériens, même indépendants, ont continué à devenir de plus en plus français. Parce que la France, même à travers les turpitudes coloniales, avait semé des idées libérales, égalitaristes et universalistes qui ont continué de prospérer, même sous des régimes autoritaires, et même à travers la guerre civile opposant des militaires plus ou moins corrompus à des fanatiques religieux (et bien sûr elle avait aussi construit certaines infrastructures qui constituaient un acquis pour le jeune Etat algérien). Si les premiers opposants algériens remettaient en cause le système colonial, c’était parfois au nom des principes républicains et démocratiques importés par la France. Je me répète, mais ces principes sont justes et bons, ils sont justes et bons pour la France, et ils sont juste et bons pour le monde. Ils peuvent intéresser et convaincre le monde, "même" en terre arabo-musulmane. Dès les années vingt, l’émir Khaled réclamait l’égalité des droits et… la séparation de l’islam et de l’Etat.
Ce que la colonisation, qui était fondée sur la discrimination politique et s’est terminée par un bain de sang, a réussi à faire (notez que je n’ai pas de problèmes avec les aspects positifs de la colonisation, ne me confondez pas non plus avec un militant EELV…), eh bien il me semble que l’immigration pacifique doit pouvoir le faire encore bien mieux. C’est pourquoi je m’interroge encore à propos de la solution de francisation : sans doute n’était-elle pas très réaliste et raisonnable (en tout cas en 59 ; quelques années avant c’était peut-être différent), mais quand je vois nos immigrés d’origine algérienne, et quand je vois les Algériens d’Algérie, je me dis qu’on y était presque. Peut-être était-il simplement trop tard. Décidément j’ai du mal à me positionner sur cette question, moi qui ai pourtant des idées sur tout et surtout des idées… Descartes me signalait récemment que les défenseurs actuels (très isolés) de la francisation s’inscrivent dans un courant issu des nostalgiques de l’OAS, mais ça ne m’empêche pas de m’interroger. En imaginant que la francisation ait été mise en œuvre, et mise en œuvre à temps, alors de deux choses l’une : ou bien la population française actuelle serait d’environ 100 millions, avec un bon tiers de musulmans ou athées d’origine musulmane (ce qui a priori et selon moi ne poserait pas de problème particulier), ou bien, entretemps, l’Algérie aurait acquis son indépendance, mais sur des bases plus saines, la discrimination politique ayant alors pris fin avant. Mais cette histoire-fiction n’a pas beaucoup d’intérêt.
Une chose est sûre je crois : la France a tout intérêt à soigner ses relations avec les pays du Maghreb, et tout spécialement avec l’Algérie. C’est un atout géopolitique majeur. Et vous ne pouvez pas nouer des relations cordiales avec des gens à qui vous dites qu’ils ne sont pas les bienvenus pour venir vivre et travailler chez vous. Surtout quand ces gens sont quasiment français, parlent français, et viennent avec des intentions tout à fait pacifiques.
Je dois dire que personnellement, les immigrés (même arabes et/ou musulmans) ne "m’emmerdent" pas du tout. Je vis dans un quartier où les immigrés sont largement majoritaires. Je travaille dans un quartier où les les immigrés d’origine maghrébine sont très nombreux, et très intégrés – c’est un quartier "beurgeois". Je mange hallal presque à tous les repas, et ça m’en touche une sans faire bouger l’autre. Le bruit et l’odeur sont très supportables. Il y a des bidonvilles roms à quelques mètres de chez moi, leur présence n’est ni urticante, ni odorante, ni délinquante – il est simplement aberrant qu’on ne fournisse pas un véritable emploi à ces gens, il y a tant de choses à faire, et ils pourraient alors se loger ailleurs que dans des bidonvilles. Alors je ne suis peut-être pas normalement constitué, mais je suis un peu tenté de vous dire : si ces gens vous "emmerdent", c’est un peu votre problème aussi…
Pourtant, moi non plus, j’aime pas qu’on m’emmerde. Quand des représentants dévoyés prétendent m’interdire de consommer du cannabis, au mépris de la Déclaration de 1789 et de la Constitution, et sous prétexte de santé publique, alors qu’il s’agit de protéger des intérêts sonnants et trébuchants, par exemple, ça m’emmerde. Chacun ses emmerdeurs, finalement. Pour rester dans ce registre, il y a une chose qui m’a fait rire dans vos commentaires : cette histoire de voisin qui voudrait pas prendre l’apéro avec vous… J’imagine qu’on n’a pas les mêmes voisins. Dans presque toute l’Ile-de-France, on trouve à peu près tous les 50 mètres des cafés reubeus où la bière coulait à flots. Mais ça ne passe pas à la télé. A la télé, il n’y rien entre les prières de rue et Sifaoui. Mais dans la rue, il y a des vrais reubeus avec qui vous pouvez prendre l’apéro tous les jours si ça vous chante.
Ne prenez pas ces propos comme une sorte d’attaque personnelle. Il y a quand même des choses qui m’emmerdent dans les pratiques religieuses des musulmans. A commencer par la circoncision pratiquée sur des personnes mineures, une pratique barbare qui est un véritable scandale et qu’il faut interdire définitivement de toute urgence (évidemment cela concerne aussi les juifs). Et puis cette manie qu’ont certains musulmans (une petite minorité cette fois) de vouloir se plier à des rites réactionnaires pour ne pas dire obscurantistes – je pense essentiellement à ces accoutrements de type hijab et autres. Mais là encore il faut être clair. Premièrement, chacun doit pouvoir s’habiller comme il veut même dans l’espace public (il doit certes en aller différemment dans les lieux publics). Et défendre (soi-disant) les droits-des-femmes sans défendre le plein emploi n’a aucun sens. Donc j’y reviens. On n’a pas un problème avec l’immigration ou avec les immigrés ou avec les musulmans, on a d’abord un problème avec des représentants dévoyés qui nous imposent le chômage de masse (et/ou la précarité de masse). Les femmes doivent pouvoir travailler, à temps plein, avec un salaire décent. Et il est là, le progressisme. Pour moi, cela consiste à aborder les problèmes en termes de structures économiques, lesquelles déterminent fortement les modes d’intégration des populations immigrées. Peu importe que certaines femmes portent le niqab, pourvu qu’elles puissent toutes acquérir leur indépendance financière dès le moment où elles le souhaitent, en travaillant à temps plein, et pourvu que la loi de la République assure leur droit à disposer d’elles-mêmes. Et on aussi un problème avec ces mêmes représentants qui n’ont pas le courage et/ou la volonté de faire appliquer les principes républicains et cèdent au communautarisme.
J’y reviens, l’obscurantisme religieux et la culture de la délinquance (puisque, finalement, ce sont les deux choses dont on parle) ne peuvent rien contre des structures économiques et politiques libérales (au sens des libertés publiques et individuelles), égalitaristes et progressistes, porteuses de progrès scientifique et technologique et de mobilité sociale (les deux étant liés). Le problème que nous avons en France, c’est que nous avons continué de voter pour des représentants qui ne cessent de vomir sur ces structures économiques et politiques – puisque "l’Europe" et "marché" s’occupent de tout, c’est-à-dire que plus personne ne s’occupe de rien. La "diversité" et la concurrence ont remplacé la liberté et l’égalité, l’insaisissable "développement durable" a remplacé la planification, qui elle-même était la condition de tout projet collectif, qui lui-même était la condition pour bâtir une certaine forme de fraternité. J’arrête là, parce que je sens que je vais encore dire du mal des écolos (ça se termine toujours comme ça avec moi : tout est toujours de la faute aux écolos. Le pire c’est que je le pense).
Mais j’insiste : il faut un vrai projet collectif, il faut une planification économique, il faut le plein emploi. Sans cela, on seulement la France ne sera plus capable d’intégrer les immigrés, mais elle ne sera plus capable d’intégrer qui que ce soit. On en voit hélas les prémices.
@ Joe Liqueur
Je passais jusqu’à présent sur différents blogs pour l’immigrationniste de service, je constate avec plaisir que vous me concurrencez sérieusement sur ce créneau !
Je suis d’accord avec la plupart de vos assertions ; mais je n’irai pas aussi loin que vous quant à la capacité d’accueil de la France :
«il serait donc avantageux pour tout le monde de lever toutes les restrictions à l’immigration »
En dehors de circonstances exceptionnelles qui peuvent s’accompagner de mesures d’urgence, comme le rapatriement des Pieds-Noirs, le flux d’entrées supportable dépend des disponibilités en logement, des capacités d’intégration de l’école, et bien sûr de la dynamique de l’emploi. L’accueil de nouveaux migrants est une politique défendable, mais certainement pas la renonciation au contrôle des flux, qui devraient être régulés en fonction des circonstances.
À ces considérations générales s’ajoutera le degré de cohésion de la société d’accueil : une société forte, soudée autour de valeurs et d’une conscience collective, est à même d’assimiler des immigrés de n’importe quelle origine – prétendre le contraire serait supposer l’hérédité des cultures, ce qui est la marque du racisme. Mais nous ne somme pas, hélas, dans cette situation : nos élites pensent à New-York ou Berlin ; la société est fragmentée (segmentation de l’emploi, ségrégation des quartiers…) et désorientée. Un lumpenprolétariat drogué aux minima sociaux, au travail clandestin et aux trafics, n’est guère propice à l’assimilation : c’est au contraire un entre-soi malsain où s’apprennent le mépris de la loi, la détestation de la nation et où prolifèrent les irrédentismes religieux. Connectez cette situation à une forte immigration, et vous allez droit à la constitution de contre-cultures et de minorités inassimilables.
Vous en êtes certainement d’accord (« il faut un vrai projet collectif, il faut une planification économique, il faut le plein emploi. Sans cela, on seulement la France ne sera plus capable d’intégrer les immigrés, mais elle ne sera plus capable d’intégrer qui que ce soit »). Mais cela signifie que nous ne sommes plus en mesure pour un certain temps d’absorber un flux continu d’immigrés.
La priorité aujourd’hui devrait être l’intégration des populations marginalisées. Ces populations se définissent par leur exclusion des circuits « normaux » de participation à la société et leur distance croissante à la culture nationale. Il ne s’agit (en grande partie) d’immigrés que par une singularité historique. La source du problème est bien dans la dislocation sociale, pas dans l’immigration. Mais cette dernière vient se greffer sur une situation pourrie d’avance et lui donne la coloration « exotique » qui fait le lit du racisme. Dès lors s’engage le renforcement réciproque des discours d’exclusion, d’un côté, et de l’irrédentisme culturel ou religieux de l’autre. Aux « identitaires » répond l’image inversée du CRAN ou de » l’intégrisme islamiste. Le problème politique et social se transforme en conflit ethnico-religieux, qui laissé à lui-même mène au jihad et/ou à la purification ethnique.
Alors, bien sûr, on peut discuter de la difficulté pour l’islam de s’adapter à la laïcité, de l’antisémitisme ou de la délinquance endémique des quartiers. Mais il n’y a rien d’ « ethnique » là-dedans ; la plupart de ces traits détestables n’ont pas été apportés par les migrants mais on poussé sur le fumier de la crise sociale franco-française.
Quand ces points seront établis, nous pourrons nous concentrer sur l’essentiel : l’emploi d’abord, et ensuite le redressement de l’école et l’application à tous de la loi républicaine.
@ Joe Liqueur,
"Cependant je dois vous dire qu’à mes yeux vous allez trop loin."
Sans doute. Il y avait quand même une part de provoc dans ma remarque initiale. Je dois dire que je suis moi-même un peu surpris de ce que j’ai déchaîné… Comme quoi, ces questions d’immigration ne sont pas si secondaires que cela. Mais j’accepte de faire le "facho de service".
"Comme quoi la capacité d’accueil de la France est considérable"
On était dans les années 60. D’autre part, n’oublie pas que les rapatriés étaient déjà légalement français et largement francisés. Croire que la "politique économique" du gouvernement peut tout, c’est à mon avis se tromper. Qu’on le veuille ou non, il y a une conjoncture économique et on ne reviendra pas aux Trente Glorieuses. Et je précise que je suis favorable à l’intervention de l’Etat dans l’économie.
Pour ce qui est du cas algérien, je n’ai jamais nié la brutalité de la colonisation française et le fait qu’elle s’est faite au profit des pieds-noirs. Simplement, je faisais remarquer que les pieds-noirs étaient des "descendants d’immigrés", nés pour la plupart en Algérie, et qu’on les a… disons vivement "encouragés" à partir, alors que les accords d’Evian prévoyaient qu’ils puissent accéder à la nationalité algérienne. Sur le blog d’Edgar, tu as donné un lien vers un article du Monde diplomatique évoquant quelques pieds-noirs restés en Algérie, et heureux. Mais l’article oublie de se demander quelle place ont ces gens dans l’identité algérienne construite par les indépendantistes et l’Etat algérien ensuite: aucune.
"vous évoquez bien une expulsion forcée"
Oui enfin… il y a "forcée" et "forcée". J’ai quelques idées pour rendre la vie difficile aux immigrés sans lancer des hordes de skinheads à l’assaut du 9-3. On peut très bien imaginer une refonte de la politique sociale dans un sens moins généreux, l’assèchement des subventions aux "assoc", une politique très répressive dans les banlieues, un durcissement des conditions d’accès à la nationalité française. J’ai plein d’idées… Comme tu le proposes, on peut interdire la circoncision: ce sera l’exode garanti (et une condamnation du monde entier pour atteinte aux droits de l’homme, mais cela paraît vous échapper).
"vous allez plus loin que le FN… Que certains de ces Français aient la double nationalité, ou même qu’ils brandissent des drapeaux algériens, ne change rien à l’affaire."
Oui, je vais plus loin que le FN. J’ai toujours dit que le FN se contentait d’un constat mais n’était guère disert sur les éventuelles solutions. Ensuite, qu’un patriote ne trouve rien à redire au fait qu’un de ses concitoyens fête une élection présidentielle en brandissant un drapeau étranger, donc en montrant publiquement son allégeance à une autre patrie, j’avoue que ça me dépasse. C’est très significatif du fossé infranchissable qui nous sépare, que ce soit sur l’identité de la France ou la valeur de la nationalité.
"Là, ce n’est plus la France."
La France, je suis désolé, ce n’est pas seulement Jaurès et Blum. C’est aussi Péguy et Barrès (et je reste soft). Tu devrais dire: "ce n’est plus ma conception de la France", mais tu n’as pas le monopole de la France, sache-le. Comme disait de Gaulle, il y a deux grands courants en France: l’un moderniste, progressiste, révolutionnaire, universaliste, l’autre plus conservateur, plus "traditionaliste", plus "identitaire" on dirait aujourd’hui. Et il ajoutait que les deux courants avaient leur utilité. Je pense que ton progressisme t’aveugle, et te fait oublier qu’il y a une autre France que la tienne, et cette France traditionnelle, plus méfiante, plus fermée, elle a le droit d’exister, et elle a son mot à dire.
Quant à l’argument: "la France n’est pas surpeuplée, donc accueillons, accueillons!", je ne le comprends pas. La France a-t-elle vocation à adopter le même type de paysage que les Pays-Bas? C’est oublier les problèmes que cela pose: pression foncière, coût de l’immobilier, problème de circulation, difficultés à parvenir à l’autosuffisance alimentaire.
"j’y crois, à la France"
Moi aussi, mais nous ne croyons pas à la même. Vous êtes un "républicain de l’abstraction" qui considère que la France c’est avant tout les valeurs de la République et puis un "contenant", un territoire sur lequel peut venir s’installer la Terre entière. Pour moi, la France, c’est aussi une réalité humaine, une nation bien sûr, mais aussi un peuple historique, un peuple enraciné avec sa culture, son histoire et son identité. Des étrangers peuvent devenir français mais quand tu visites Verdun, il y aura toujours une différence entre celui qui peut dire "mon arrière-grand-père y était" et celui qui ne pourra pas le dire. Voilà, ma conviction profonde est que la France peut intégrer, assimiler, mais sans perdre de vue que ce sont les natifs qui imposent leurs références culturelles. Et pour cela, il faut qu’ils restent la majorité. C’est mon opinion.
"il n’y a pas d’intégration possible sans plein emploi"
Je pense qu’aujourd’hui le plein-emploi ne suffirait plus pour permettre l’intégration. Les commerces communautaires, la finance "islamique" montrent qu’une économie communautarisée peut voir le jour. Les Chinois ne sont pas au chômage, eux, pourtant ils font du communautarisme.
"c’est de voir à quel point nos immigrés deviennent français."
Tu vois le verre à moitié plein, je le vois à moitié vide. Là-dessus, nous divergeons, et tout dépend ce qu’on appelle "devenir français".
"la France a tout intérêt à soigner ses relations avec les pays du Maghreb"
Bof. Le Maghreb ne doit pas nous boucher l’horizon. Il y a d’autres perspectives pour la France ailleurs. Les pays du Maghreb ne nous sont pas (ou plus) indispensables.
"Je dois dire que personnellement, les immigrés (même arabes et/ou musulmans) ne "m’emmerdent" pas du tout. Je vis dans un quartier où les immigrés sont largement majoritaires. Je travaille dans un quartier où les les immigrés d’origine maghrébine sont très nombreux, et très intégrés – c’est un quartier "beurgeois". Je mange hallal presque à tous les repas, et ça m’en touche une sans faire bouger l’autre. Le bruit et l’odeur sont très supportables."
Chacun est libre de se fixer son seuil de tolérance. Tu acceptes de t’intégrer à tes voisins musulmans, c’est ton droit. Personnellement, personne ne m’obligera à faire les concessions que tu acceptes de faire.
"qu’on ne fournisse pas un véritable emploi à ces gens,"
Qui est "on"? Qu’est-ce qui te fait croire que ces gens ont nécessairement envie de travailler? Je te trouve un peu naïf. "Fournir un emploi", ce n’est pas si simple que tu sembles le penser, et surtout créer de l’emploi ne se fait pas forcément en deux jours. Or là, il faut gérer l’urgence. Tu es dans l’incantation.
"Mais dans la rue, il y a des vrais reubeus avec qui vous pouvez prendre l’apéro tous les jours si ça vous chante"
Tout à fait. Ce qui fait que beaucoup de musulmans sont de fieffés hypocrites. Et je n’aime pas les hypocrites. Cela étant, je ne sais pas ce que font tes voisins lors du ramadan, mais la pratique du jeûne rituel augmente, sondages et études le montrent. Et Kepel, islamologue, a expliqué dans un rapport que la réislamisation dans les banlieues est une réalité et que l’islam est clairement devenu un marqueur identitaire. Tout cela n’est pas bon signe. Tu es sans doute très heureux, mais il y a d’autres quartiers que le tien où les "blancs" (natifs ou immigrés d’origine européenne d’ailleurs) s’en vont. Donc non, tout le monde n’a pas tes voisins.
"Chacun ses emmerdeurs, finalement."
Exactement. Et si les enfoulardées, les bouffeurs de hallal, les petits merdeux que j’ai en classe qui se disent musulmans, méprisent les autres, ne supportent aucune remarque mais ne connaissent rien de leur religion, les "comités contre l’islamophobie", les adeptes de la laïcité de compromission, les défenseurs de la "fierté black" m’emmerdent, j’ai le droit de le dire. C’est ça la liberté, non?
"Ne prenez pas ces propos comme une sorte d’attaque personnelle."
J’ai de l’estime pour toi, même si nous avons des convictions inconciliables. Je te sais au-dessus des viles attaques personnelles (contrairement à un autre intervenant que je ne nommerai pas…).
"l’obscurantisme religieux et la culture de la délinquance (puisque, finalement, ce sont les deux choses dont on parle) ne peuvent rien contre des structures économiques et politiques libérales (au sens des libertés publiques et individuelles), égalitaristes et progressistes, porteuses de progrès scientifique et technologique et de mobilité sociale (les deux étant liés)"
Tu as tort. Ne sous-estime pas la force de l’obscurantisme et du sentiment tribal. Face à eux, rien n’est jamais gagné. Ton optimisme te fait honneur, mais je te le dis amicalement: je pense que tu te trompes.
"La "diversité" et la concurrence ont remplacé la liberté et l’égalité"
Il faut croire que ça arrange tout le monde… y compris une bonne partie des immigrés.
"il faut un vrai projet collectif, il faut une planification économique, il faut le plein emploi."
Tout cela ne suffit pas. Il faut une nation unie, et pour qu’elle le soit, je pense qu’il faut une certaine homogénéité. Autrement dit que les descendants d’immigrés restent minoritaires…
Mais tu parles beaucoup d’immigration. Dois-je comprendre que la question de la natalité ne t’intéresse pas? Tu sembles oublier un peu vite qu’il y a un autre moyen de peupler la France…
@ J. Halpern
Merci beaucoup, nous sommes sur la même ligne en ce qui concerne l’immigration, les questions "identitaires" et tout ce qui suit. Je modérerais un seul jugement :
> Mais il n’y a rien d’ « ethnique » là-dedans ; la plupart de ces traits détestables n’ont pas été apportés par les migrants mais on poussé sur le fumier de la crise sociale franco-française.<
L’Islam français a tout de même été influencé assez profondément par la vague de réislamisation des années 80, qui a été particulièrement puissante dans les pays arabes.
Mais disons-nous bien que les conséquences en France de ce phénomène sont très différentes, pour des raisons sociologiques assez évidentes.
@NJ
>Sans doute. Il y avait quand même une part de provoc dans ma remarque initiale. Je dois dire que je suis moi-même un peu surpris de ce que j’ai déchaîné… <
C’était franchement bien joué… j’ai fini par me poser des questions. Mais je crois que ce que vous avez "déchaîné" est bénéfique. A part certains doctrinaires qui affirment et refusent d’échanger des idées, vous n’avez rien généré de déraisonnable, et pour moi le débat a été intéressant. On n’est ni là pour s’envoyer des fleurs ou pour s’étriper, mais pour débattre.
>On peut très bien imaginer une refonte de la politique sociale dans un sens moins généreux, l’assèchement des subventions aux "assoc", une politique très répressive dans les banlieues, un durcissement des conditions d’accès à la nationalité française.<
Je suis tout à fait d’accord avec tout cela. Je n’ai rien contre les aides, mais certaines deviennent, sinon des aides à la fainéantise, au moins un encouragement néfaste à l’improductivité. Je pense de prime abord à la fiscalité des services à la personne, mais il y a sûrement d’autres cas. Vous savez que j’ai une aversion profonde – je les ai pratiquées sur le terrain – pour les associations communautaires. Je combinerais vos deux premières remarques. En fait, on se retrouve dans certains quartiers avec des associations "communautaires" avec du pathos post-colonial plein la bouche qui défendent des "communautés". En fait, quand on y regarde de près, il est frappant de voir que des subventionnés défendent des subventionnés. Je serais également favorable à une restriction de l’accès à l
>Pour moi, la France, c’est aussi une réalité humaine, une nation bien sûr, mais aussi un peuple historique, un peuple enraciné avec sa culture, son histoire et son identité.
@ NJ
"Des étrangers peuvent devenir français mais quand tu visites Verdun, il y aura toujours une différence entre celui qui peut dire "mon arrière-grand-père y était" et celui qui ne pourra pas le dire."
Puisque vous êtes un adepte du cute des ancêtres et des morts, j’imagine que vous faites un pèlerinage annuel au Tchad sur le tombeau de Toumaï et que vous vous découvrez à chaque fois que vous visitez le pavillon des singes au zoo.
Quant à moi, mes ancêtres ont accompagné Saint-Louis à la Croisade puis servi les rois de France sur tous les champs de bataille d’Europe. Cependant, je ne pense pas que cela me donne le droit de vous prendre de haut. Si je devais vous prendre de haut, ce serait pour ce que vous êtes ici et maintenant et pas pour ce que vos ancêtres ont fait ou pas fait.
Par ailleurs, je vous engage à jeter un coup d’oeil à ce lien qui recense les soldats français tombés en Afghanistan: http://www.soldatsdefrance.fr/Afghanistan_r5.html. Vous y verrez que, selon toute probabilité, plus du quart d’entre eux ne pouvait dire que leur arrière grand père fut à Verdun. Cela ne les a pas empêché de donner leur vie pour la France et de l’incarner bien plus que vous ne pourrez jamais le faire.
@ NJ
"Désolé, mais la France n’est pas née en 1789. Au cœur de l’identité française, il y a aussi l’héritage chrétien, surtout catholique, la culture gréco-latine. S’y ajoutent la laïcité républicaine évidemment mais aussi la volonté de bâtir l’unité (cette "homogénéité" qu’on semble me reprocher) de la nation".
Disons que, pour les républicains, la France est née en 1789 (ou en 1792). C’est d’ailleurs pour cela que, comme l’a dit Robespierre, il a fallu que Louis meure. Il est étrange que quelqu’un qui se revendique aussi explicitement du jacobinisme, mais ce n’est pas la moindre de vos confusions/contradictions.
Quant à l’héritage chrétien et l’homogénéité de la Nation, si c’est vraiment ce que vous cherchez, vous auriez mieux fait de choisir d’autres ancêtres.
S’il est en effet évident que la France fut chrétienne (la pratique religieuse actuelle permet, vous en conviendrez j’espère, de parler de cela au passé), il est tout aussi évident que ce qui distingue la France des autres pays européens (et donc fait son identité), c’est sa déchristianisation précoce et massive.
Je ne sais s’il faut remonter à François 1er et son alliance avec la Sublime Porte, à Richelieu et sa lutte contre le parti dévot ou à Louis XIV opposé aux jansénistes, mais l’Etat moderne s’est construit contre le Christianisme (Machiavel en fut d’ailleurs le théoricien).
La République acheva e travail de manière encore plus radicale, pendant la Révolution avec la constitution civile du clergé et sous la 3ème République avec la loi de 1905 sur la séparation de l’Eglise et de l’Etat.
Bref, moins chrétien, en Europe occidentale ça n’existe pas.
Quant à l’homogénéité de la Nation, le cas est, si j’ose dire, encore plus désespérée. Une géographie faite de contrastes (plaines/montagnes, nord/sud, atlantique/méditerranée); pas de langue commune (langue d’oil/langue d’oc); pas de religion commune (catholique/protestant); pas de système juridique commun (droit écrit/droit coutumier); un substrat anthropologique (famille souche/famille nucléaire/famille communautaire) parmi les plus diversifié au monde.
En définitive, une parfaite hétérogénéité. Comme dit Todd, la France n’existe pas, il a fallu l’inventer. Ce fut, après près d’un siècle de révolutions et de guerres civiles, l’oeuvre de la 3ème République: Turning peasants into Frenchmen selon Eugen Weber. Elle rechercha l’unité et non l’homogénéité; ce qui n’a rien à voir, puisque l’unité supposé l’altérité (qu’il s’agit de transcender) alors que l’homogénéité cherche à la supprimer. La France d’un côté, l’Allemagne de l’autre.
@odp
[Si je devais vous prendre de haut, ce serait pour ce que vous êtes ici et maintenant et pas pour ce que vos ancêtres ont fait ou pas fait. ]
Je partage votre sentiment. J’avoue que j’ai du mal à comprendre la référence aux ancêtres de NJ. Les mérites – et les pêchés – des parents ne s’étendent pas à leurs enfants. Le fait que mes grands parents aient fait Verdun ne me donne aucun droit particulier.
@odp
[Disons que, pour les républicains, la France est née en 1789 (ou en 1792).]
Je ne sais pas à quels « républicains » tu fais référence. Tous ceux que je connais savent que la République est l’aboutissement d’une histoire très longue, et que la France « une et indivisible » doit autant à Louis XIII et Richelieu, à Louis XIV et Colbert qu’à Robespierre ou Napoleon.
[Il est étrange que quelqu’un qui se revendique aussi explicitement du jacobinisme, mais ce n’est pas la moindre de vos confusions/contradictions.]
Encore une fois, je vous invite à éviter ce genre d’agression personnelle gratuite. Dernier avertissement. La prochaine fois,à mon je me verrais à mon grand regret obligé de vous exclure temporaire du blog. C’est clair ?
[Je ne sais s’il faut remonter à François 1er et son alliance avec la Sublime Porte, à Richelieu et sa lutte contre le parti dévot ou à Louis XIV opposé aux jansénistes, mais l’Etat moderne s’est construit contre le Christianisme (Machiavel en fut d’ailleurs le théoricien).]
C’est vrai. Mais si la nation s’est construite en France contre le catholicisme, c’est précisément parce que le catholicisme faisait partie de son histoire. La France est une nation de culture judéo-chretienne. C’est l’histoire qui veut ça.
[La République acheva e travail de manière encore plus radicale, pendant la Révolution avec la constitution civile du clergé et sous la 3ème République avec la loi de 1905 sur la séparation de l’Eglise et de l’Etat. ]
Certes. Mais la cérémonie de mariage à la mairie est calquée sur la cérémonie du mariage chrétien… on peut séparer l’Eglise de l’Etat, mais il est beaucoup plus difficile d’abolir un héritage culturel.
[En définitive, une parfaite hétérogénéité. Comme dit Todd, la France n’existe pas, il a fallu l’inventer. Ce fut, après près d’un siècle de révolutions et de guerres civiles, l’oeuvre de la 3ème République: Turning peasants into Frenchmen selon Eugen Weber.]
Mais pas seulement. L’édit de Villers-Cotterêts est le point de départ du long processus qui culmine avec la 3ème République. Je partage votre idée qu’en France la nation est une construction, et non une chose « naturelle ». Mais l’invention de la France commence bien avant la 3ème République.
@ odp
"Puisque vous êtes un adepte du cute des ancêtres et des morts"
Des morts pour la France… nuance. Quant au culte des ancêtres, il en est question chez Renan. Je dirais même que le culte des ancêtres est consubstantiel à toute nation. Après la question est: quels ancêtres?
"j’imagine que vous faites un pèlerinage annuel au Tchad sur le tombeau de Toumaï et que vous vous découvrez à chaque fois que vous visitez le pavillon des singes au zoo."
Je suppose que c’est de l’humour… Que voulez-vous que je vous réponde? Vous caricaturez mes propos et vous vous croyez malin. Mais je ne vois pas bien ce que cela apporte au débat.
"Quant à moi, mes ancêtres ont accompagné Saint-Louis à la Croisade puis servi les rois de France sur tous les champs de bataille d’Europe"
Ils doivent se retourner dans leur tombe… Comme quoi, l’adage "bon sang ne saurait mentir" est loin d’être vrai.
"je ne pense pas que cela me donne le droit de vous prendre de haut."
D’un autre côté, vous m’avez pris de haut dès le début, sans que je vous ai offensé à ma connaissance. On ne sait toujours pas ce qui vous en donnait le droit. Depuis, il n’y a de votre part que raccourcis, insinuations, mauvaise foi, travestissement de ma pensée et de mes écrits, voire insultes.
"Cela ne les a pas empêché de donner leur vie pour la France et de l’incarner bien plus que vous ne pourrez jamais le faire"
Pardon, mais pour qui vous prenez-vous? Vous m’êtes fort sympathique, mais je trouve que vous dépassez les bornes, cher ami.
"Disons que, pour les républicains, la France est née en 1789 (ou en 1792)."
Ah bon? Vous serez ravi d’apprendre que de Gaulle n’était pas républicain (c’est un "scoop odp"). Et puis, quand Monseigneur aura 5 mn, qu’il daigne feuilleter un manuel d’histoire de la III° République, il me dira s’il n’est pas question de la France d’avant 1789.
"Il est étrange que quelqu’un qui se revendique aussi explicitement du jacobinisme, mais ce n’est pas la moindre de vos confusions/contradictions."
Il est vrai que sur de nombreux thèmes ma pensée tâtonne et est traversée de contradictions. Je ne suis qu’un simple citoyen. Que voulez-vous, je n’ai pas votre intelligence supérieure.
"c’est sa déchristianisation précoce et massive."
Tout à fait. A côté de la tradition catholique, il y a un courant laïc, anticlérical voire athée qui a contribué à la construction de l’identité française. J’ai parlé d’ "héritage chrétien" et j’ai précisé que l’identité nationale puisait à d’autres sources. Monseigneur devrait me lire un peu plus attentivement.
"Je ne sais s’il faut remonter à François 1er et son alliance avec la Sublime Porte, à Richelieu et sa lutte contre le parti dévot ou à Louis XIV opposé aux jansénistes, mais l’Etat moderne s’est construit contre le Christianisme (Machiavel en fut d’ailleurs le théoricien)."
Bah oui, c’est bien connu. Je crois que Monseigneur confond deux choses: le christianisme et l’Eglise. L’Etat moderne s’est sans doute construit contre l’Eglise, contre le pouvoir du pape mais certainement pas contre le christianisme, du moins jusqu’à la Révolution, au contraire. Monseigneur s’oublie et débite des énormités.
"La République acheva e travail de manière encore plus radicale, pendant la Révolution avec la constitution civile du clergé et sous la 3ème République avec la loi de 1905 sur la séparation de l’Eglise et de l’Etat."
Oui enfin, c’est Monseigneur qui le dit. Il y a encore des catholiques en France quand même. Je pense qu’un homme comme de Gaulle, qui n’a jamais remis en cause la laïcité, avait une conception de la France qui n’excluait pas l’héritage chrétien.
"pas de langue commune"
Si, le français, qui se diffuse dès l’époque monarchique en Bretagne et dans les régions de langue d’oc.
"pas de religion commune"
Si, le catholicisme jusqu’à la Révolution. Votre grande culture ne vous a pas fait oublié qu’Henri IV a dû se convertir au catholicisme pour régner et que son petit-fils Louis XIV a chassé ou converti la plupart des protestants français… Le fait est que le protestantisme a perdu en France et est devenu assez marginal.
"pas de système juridique commun"
L’unification s’est faite lentement mais elle commence dès le Moyen Âge. Je pense que vous vous méprenez si vous imaginez que les Français de 1789 n’avaient rien du tout en commun. Des siècles passés à obéir à une même monarchie, croyez-moi, ça finit par créer des liens.
"un substrat anthropologique (famille souche/famille nucléaire/famille communautaire) parmi les plus diversifié au monde."
Oui, enfin, s’il ne faut pas la nier, il ne faut pas non plus exagérer l’hétérogénéité de la France d’avant 1789. Certes, la Révolution a porté sur les fonts baptismaux la nation au sens politique du terme. Mais cela n’a été possible que parce qu’un peuple français était en gestation depuis la fin du Moyen Âge, uni progressivement par les épreuves vécues en commun (c’est-à-dire surtout les guerres).
"Comme dit Todd, la France n’existe pas, il a fallu l’inventer."
Todd a le droit d’avoir des opinions, mais ce qu’il dit n’est pas parole d’Evangile. Si on considère la France comme royaume, cadre territorial, la France existe depuis longtemps. Mais la France, c’est à la fois un Etat, une nation, une patrie. Et tous ne naissent pas au même moment.
"Turning peasants into Frenchmen selon Eugen Weber."
Une thèse critiquée, ou du moins nuancée depuis. Le sentiment national n’a pas attendu la III° République pour se diffuser. Cela étant, je ne remets pas en cause l’oeuvre de la III° République (dont certains ministres tenaient des propos racistes, j’espère que vous allez saisir la Cour européenne des droits de l’homme).
"Elle rechercha l’unité et non l’homogénéité; ce qui n’a rien à voir, puisque l’unité supposé l’altérité (qu’il s’agit de transcender) alors que l’homogénéité cherche à la supprimer."
Sophisme séduisant mais concrètement? La République a-t-elle encouragé la survie des dialectes régionaux par exemple? Pourtant, parler une autre langue, c’est un signe d’altérité, n’est-ce pas?
>"Quant à moi, mes ancêtres ont accompagné Saint-Louis à la Croisade puis servi les rois de France sur tous les champs de bataille d’Europe"
Ils doivent se retourner dans leur tombe… Comme quoi, l’adage "bon sang ne saurait mentir" est loin d’être vrai.<
Et moi, mes ancêtres, aussi loin que je l’on s’en souvienne, étaient des paysans montés à Brest qui tenaient un bordel pour les gars de la Royale à Recouvrance. Sans doute suis-je "mauvais sang"… Franchement, cette dérive sur les ancêtres de chacun n’est pas seulement contre-productive, c’est aussi malsain.
>Si, le français, qui se diffuse dès l’époque monarchique en Bretagne et dans les régions de langue d’oc. <
Exactement. Si, pour reprendre les arguments de la Gironde éternelle, le patrimoine culturel breton a été violé, je suis bien content d’avoir été l’enfant d’un viol.
>Le fait est que le protestantisme a perdu en France et est devenu assez marginal.<
Nous parlons de gens qui demandaient des places autonomes armées sur le territoire.
Ceux qui sont restés se sont intégrés… et ceux qui sont partis n’avaient aucun problème à émigrer en Rhénanie, aux Pays-Bas et en Prusse, dans des milieux culturels étrangers. La religion était un moteur social bien plus puissant qu’aujourd’hui.
>"Comme dit Todd, la France n’existe pas, il a fallu l’inventer."<
C’est vrai de toutes les nations, parce que c’est vrai du concept même de Nation.
>Pourtant, parler une autre langue, c’est un signe d’altérité, n’est-ce pas ?<
La situation, la sociologie et les enjeux étaient différents en 1792 et en 1870. Pour centraliser, il faut avoir une langue nationale, et l’imposer à tous. Après tout, ces paysans si attachés à leur langue, ils auraient très bien pu perpétuer son héritage avec un minimum d’effort. En Bretagne, en Picardie et dans le Languedoc, ils ne l’ont pas fait. Il y a une raison, non ? Peut-être que le "localisme" si vanté par certains n’est pas si enviable…
@ Nationaliste Jacobin
Si je vous ai offensé, j’en suis désolé et vous présente mes excuses. C’est une facilité à laquelle je cède parfois mais qui en réalité n’apporte rien, ni au débat ni aux échanges.
Aussi, si je voulais résumer, sur un mode plus apaisé, mon point de vue sur le sujet qui nous occupe, je dirai que votre vision très exclusive de la Nation est, selon moi, une impasse; plus encore en France où celle-ci (la Nation) s’incarne dans la République, elle même fille des Lumières et de l’Universalisme.
Ceci dit, si vous souhaitez que nous continuions, dans des termes cordiaux, cette discussion, j’en serai ravi mais vous propose que nous le fassions sur votre blog, à la fois pour ne pas trop "polluer" celui de Descartes qui est déjà "passé à autre chose" avec son papier sur PRISM, et parce que comme l’on fait remarquer d’autres intervenants la "taille" de ce fichier commence à en rendre l’utilisation difficile.
@ nationalistejacobin
[Je dirais même que le culte des ancêtres est consubstantiel à toute nation. Après la question est: quels ancêtres?]
Exactement. Les ancêtres en question n’ont pas à être des ancêtres réels. Ils peuvent parfaitement être des ancêtres symboliques. Faire répéter aux enfants maghrébins « nos ancêtres les gaulois » n’était pas en soi absurde. Dès lors qu’on veut s’assimiler, les gaulois deviennent nos ancêtres.
[Si, le français, qui se diffuse dès l’époque monarchique en Bretagne et dans les régions de langue d’oc.]
Je partage votre point de vue. Je suis toujours étonné de voir combien s’est perdue la connaissance de la rupture essentielle dans notre histoire que fut l’édit de Villiers-Cottêrets : « De prononcer et expedier tous actes en langaige françoys Et pour ce que telles choses sont souventesfoys advenues sur l’intelligence des motz latins contenuz es dictz arretz. Nous voulons que doresenavant tous arretz ensemble toutes aultres procedeures, soient de nous cours souveraines ou aultres subalternes et inferieures, soient de registres, enquestes, contractz, commisions, sentences, testamens et aultres quelzconques actes et exploictz de justice ou qui en dependent, soient prononcez, enregistrez et delivrez aux parties en langage maternel francoys et non aultrement ». C’était en 1539… soit 250 ans avant la Révolution.
@ Bolchokek & Descartes,
Sur les ancêtres: désolé, ma réponse à odp était un peu abrupte. Je n’ai jamais voulu dire, Descartes, que les descendants de poilus présents à Verdun avaient plus de droits que les autres. Mon point était de dire qu’on a un autre rapport à l’histoire nationale quand la mémoire familiale s’en mêle. Je me souviens, enfant, quand ma grand-mère me racontait la guerre, l’Occupation… Voilà, c’est un rapport plus concret, plus vivant, c’est tout. Les mérites et les péchés ne s’héritent pas, mais je pense qu’on a le droit d’être fier quand ses ancêtres ont participé, un peu, à la "grande histoire" de la France. J’ai un membre de ma famille qui était dans les FFL, qui a reçu la médaille militaire et la légion d’honneur pour son engagement et son courage. Cela a du sens pour moi. Mais je n’en tire aucun sentiment de supériorité, je ne prétends pas appartenir à une quelconque aristocratie. En revanche je revendique le droit de cultiver le souvenir des membres de ma famille qui ont servi la France.
"Faire répéter aux enfants maghrébins « nos ancêtres les gaulois » n’était pas en soi absurde."
"Etait"… Est-ce encore possible? Les Antillais savent qu’ils descendent d’esclaves, les Maghrébins de Berbères et/ou d’Arabes. Tu as raison, les ancêtres peuvent être symboliques… Mais il ne faut pas pousser la fiction trop loin. Un roi catholique et croisé sera toujours un "ancêtre symbolique" plus difficile à adopter pour un musulman. Je ne dis pas impossible, mais plus difficile. En Afrique et au Maghreb, avec les indépendances, d’autres ancêtres symboliques se sont imposés. Et en France, il faut bien dire que certains ont encouragé le "culte des racines" chez les immigrés et leurs descendants. Nous en payons le prix.
@nationalistejacobin
[Mon point était de dire qu’on a un autre rapport à l’histoire nationale quand la mémoire familiale s’en mêle. Je me souviens, enfant, quand ma grand-mère me racontait la guerre, l’Occupation…]
Mais est-ce si vrai que ça ? J’ai un ami dont les parents étrangers sont arrivés en France dans les années 50. Il me raconte comment son grand-père lui lisait Victor Hugo et combien il admirait la France de loin, et comment ses parents sont arrivés à Paris comme d’autres arrivent à la Mecque. Est-ce que cette expérience ne vaut pas, en termes d’assimilation, le souvenir de la guerre ou de l’occupation ? D’ailleurs, en quoi le fait d’avoir vécu la guerre et l’occupation vous rendrait-il plus « assimilé » ? La guerre et l’occupation étaient-elles tellement différentes à celles de la Belgique, de la Hollande, de la Tchécoslovaquie ? La Résistance, le fait d’avoir combattu dans les armées françaises peut faire, je vous l’accorde, une différence. Et il y eut beaucoup d’étrangers, d’ailleurs, qui participèrent à ces combats. Mais le fait d’avoir subi une occupation en France ne vous rend pas plus « français » que le fait de l’avoir subie en Belgique ne vous rend belge…
[J’ai un membre de ma famille qui était dans les FFL, qui a reçu la médaille militaire et la légion d’honneur pour son engagement et son courage. Cela a du sens pour moi.]
Cela avait aussi un sens pour lui. Permettez-moi de penser que ces deux sens sont différents. Il me semble évident que sa participation à ces combats a pu créer chez lui, qu’il fut d’ailleurs né en France ou ailleurs, un lien très profond, une assimilation à la nation française qu’une expérience scolaire ou professionnelle ne peut pas donner. Mais pour vous ? C’est juste un souvenir de famille. Un souvenir glorieux certes, un souvenir qui vous aide peut-être à vous identifier avec une certaine idée de la patrie, mais je ne pense pas que ce genre de souvenir soit indispensable. L’être humain est capable de s’identifier à travers des symboles. Je peux faire de Richelieu, de Vauban , de Colbert, de Clemenceau ou de De Gaulle mon modèle sans en être le descendant « réel ».
[Mais je n’en tire aucun sentiment de supériorité, je ne prétends pas appartenir à une quelconque aristocratie. En revanche je revendique le droit de cultiver le souvenir des membres de ma famille qui ont servi la France.]
Tout à fait. Mais ce souvenir ne vous appartient pas. D’autres peuvent le « cultiver » et s’identifier avec votre ancêtre sans nécessairement en être les descendants biologiques.
["Faire répéter aux enfants maghrébins « nos ancêtres les gaulois » n’était pas en soi absurde."
"Etait"… Est-ce encore possible?]
Oui, et c’est d’ailleurs encore fait de manière plus subtile. Malheureusement, c’est surtout fait par des régionalistes de tout poil qui expliquent à des enfants d’immigrés qu’ils sont « provençaux » ou « bretons ». Et cela marche assez bien. Pourquoi la République ne pourrait-elle faire de même d’une manière systématique ?
[Tu as raison, les ancêtres peuvent être symboliques… Mais il ne faut pas pousser la fiction trop loin. Un roi catholique et croisé sera toujours un "ancêtre symbolique" plus difficile à adopter pour un musulman.]
Bien sur. Et c’est pourquoi il faut peut-être adapter les figures d’identification. « Nos ancêtres les gaulois » était un coup de génie, parce qu’en cherchant des ancêtres dans un peuple largement imaginaire, très lointain, sans religion, sans espace géographique défini, on ne faisait une figure qui était une fiction acceptable par tous. L’école de la troisième n’a pas insisté sur le côté catholique et croisé de Charlemagne, elle a plutôt insisté sur son égalitarisme social, sa volonté unificatrice et l’accent mis sur l’éducation des élites. Et quitte à tordre un peu le cou à l’histoire, l’école devrait continuer à faire de la sorte. C’est à ce pris qu’on peut assimiler.
[Je ne dis pas impossible, mais plus difficile. En Afrique et au Maghreb, avec les indépendances, d’autres ancêtres symboliques se sont imposés.]
Pas tant que ça, finalement. C’est bien pour cela que l’unité de ces pays est régulièrement mise en cause. Pensez au conflit entre chiites et sunnites qui déchire tant de pays musulmans.
[Et en France, il faut bien dire que certains ont encouragé le "culte des racines" chez les immigrés et leurs descendants. Nous en payons le prix.]
Tout à fait. Mais il faut comprendre pourquoi ils l’ont fait. Le « culte des racines » occulte en fait une idéologie conservatrice, celle qui veut que chacun soit plus heureux en restant à sa place, dans sa classe sociale, son village, sa région, sa communauté. Cette idéologie s’oppose à celle des Lumières, qui est au contraire une idéologie du mouvement, ou les individus sortent de leur trou pour se confronter au vaste monde. Dans notre histoire, ces deux idéologies se confrontent constamment. C’est ce que j’ai appelé dans un papier ancien la « petite France » contre la « grande France ». La Révolution a voulu le brassage : grâce à la conscription, les jeunes gens quittaient leur village et faisaient deux ans durant l’expérience de se mélanger à d’autres sous une discipline commune. Grâce à une école aux références nationales et non locales, les élèves étaient confrontés à des idées, des messages et des perspectives qui venaient d’ailleurs. C’est le pétainisme de la « révolution nationale » qui a le mieux résumé la position inverse : le retour au village, à la région, à la communauté comme références indépassables, la haine de la « ville » et de l’anonymat urbain qui permet justement aux individus d’échapper au contrôle communautaire.
Le « culte des racines » de l’après 1968, avec ses slogans à l’apparence progressiste genre « vivre et travailler au pays », est le symptôme de la peur des classes moyennes vis-à-vis du déclassement. Alors que l’économie ralentissait, le dynamisme social devient pour les couches moyennes une menace. Celles-ci se proposent alors de « congeler » la société en expliquant que chacun de rester à sa place, et en cassant tous les instruments – l’école d’abord – qui permettent d’en sortir. La crise de l’assimilation n’est qu’une manifestation de plus de ce phénomène que j’ai beaucoup – certains diront trop – dénoncé sur ce blog, mais qui reste à mon avis LE phénomène social fondamental pour comprendre la transformation de la société de ces quarante dernières années. De ce point de vue, il est exact de dire que les immigrés ne sont pas le problème. Le problème, c’est qu’une couche sociale puissante fait tout pour que ces immigrés ne soient pas assimilés.
">"Quant à moi, mes ancêtres ont accompagné Saint-Louis à la Croisade puis servi les rois de France sur tous les champs de bataille d’Europe"
Ils doivent se retourner dans leur tombe… Comme quoi, l’adage "bon sang ne saurait mentir" est loin d’être vrai.<
Et moi, mes ancêtres, aussi loin que je l’on s’en souvienne, étaient des paysans montés à Brest qui tenaient un bordel pour les gars de la Royale à Recouvrance. Sans doute suis-je "mauvais sang"… Franchement, cette dérive sur les ancêtres de chacun n’est pas seulement contre-productive, c’est aussi malsain."
=> C’était tout le sens de mon intervention auprès de NJ.
Malheureusement, les organisateurs de l’étude n’ont pas pensé à introduire un candidat inexistant – c’est-à-dire, un nom inventé que les sondés ne connaissent pas. Il y a fort à parier que ce candidat inexistant aurait reçu en moyenne la note « 0 » (c’est-à-dire, indifférent), puisque les électeurs n’ont aucune raison ni de lui mettre une bonne note, ni une mauvaise. Or, avec une moyenne de zéro il serait arrivé en troisième position, à quasi égalité avec le second (Hollande)…
Vous voteriez pour un type dont vous n’avez jamais entendu parler, vous ? faudrait vraiment être désepséré. Non, le fait qu’il soit inconnu est en soi une raison suffisante pour ne pas voter pour lui (« lui mettre une mauvaise note », si vous voulez.)
> Un système de scrutin est une méthode pour élire un gouvernant, pas pour « s’exprimer ».
D’accord, mais pour élire quel gouvernant ? Parce qu’on peut aussi l’élire par tirage au sort, hein. C’est je crois ce que propose Chouart…
> Sa finalité est d’abord et avant tout de fournir au pays un gouvernement dont la légitimité soit acceptée par tous.
Tout à fait, et justement, ce n’est pas le cas avec le mode de scrutin actuel. Vous avez oublié les appels à une nouvelle élection après la victoire de Chirac face à La Pen ? Et tous les commentaires critiquant les appels au « vote utile » ? Je ne vois pas comment un système permettant l’élection d’un candidat qui ne soit ni consensuel ni le gagnant de Condorcet pourrait conférer une quelconque légitimité.
> Veut-on un gouvernement qui ne puisse gouverner que par consensus, ou veut-on au contraire que la plus grosse minorité puisse prendre la tête et diriger le pays ?
Comment évaluez-vous quelle est la « plus grosse minorité » ? Autrement qu’avec un système du type « vote de valeur », je veux dire ? La seule alternative que je vois serait de proposer tous les duels possibles, en espérant trouver un candidat qui l’emporte sur tous les autres. Je ne serais pas contre, mais pour le coup ça paraît vraiment difficile à organiser.
La minorité des gens qui votent Le Pen est certes nettement plus grosse que celle des gens qui votent, mettons, Éva Joly ou Dupont-Aignan. Mais encore une fois, dans un duel, ce n’est pas du tout dit que Le Pen l’emporterait.
En outre, l’élection présidentielle ne vise qu’à élire le président… Pour gouverner, il faut encore former un gouvernement, élire des députés et des sénateurs… Et arriver à convaincre, non pas la plus grosse minorité, mais bien la majorité de la représentation nationale
> Oui, celui de faire de Bayrou un président de la République. Est-ce cela qu’on veut ?
Ben… oui ? C’est ça que voulaient les Français en 2007, en tout cas, d’après les sondages qui estimaient que Bayrou l’aurait emporté et face à Sarkozy et face à Royal.
Mais ça, c’était en 2007. Dans l’expérience de 2002, Bayrou arrivait derrière Hollande. Les résultat aurait été raccord avec le scrutin officiel, pour le coup.
> L’avantage du système à deux tours, c’est qu’il y a le premier pour modérer les effets du second.
Vous ne voulez pas dire le second pour modérer les effets du premier, plutôt ?
Enfin dans quelque sens qu’on le tourne, l’inconvénient, c’est que ça ne suffit pas. Le système majoritaire
> Si au second tour gagne celui qui est le moins détesté, pour passer le premier il faut être parmi les deux les plus désirés.
Pas forcément le plus désiré, non : celui dont on estime qu’il a le plus de chance d’aller au second tour. À chaque fois les électeurs qui ne préfèrent ni le candidat du PS ni celui de l’UMP sont amenés à évaluer les chances de leur favori d’être au second tour, et je pense que beaucoup choisissent de voter « utile ». C’est particulièrement vrai pour le PS, mais ça vaut aussi pour les autres partis : on va voter Mélenchon plutôt que Joly parce que Mélenchon est mieux placé ; ou, comme ça a été évoqué dans les commentaires, voter Le Pen plutôt que Dupont-Aignan parce que Dupont-Aignan n’a de toute façon aucune chance de passer au second tour (et, du coup, il en a encore moins…) Et seulement 7% des électeurs de Hollande au premier tour on vraiment voté pour Hollande (*). 29 % pour son projet, 30% pour son parti, 25% contre les autres, 4% pour un bilan (celui du candidat ou du parti ?)… Le seul qui ait vraiment bénéficié d’un vote en sa faveur, c’est Sarkozy. Tous les autres, c’est le projet (les idées, vous savez ?) ou par opposition (ou, pour Hollande, pour son parti).
> Avec le système du « vote de valeur », c’est celui qui déplaît le moins qui est privilégié aux deux tours.
Non, c’est celui qui à la fois déplaît le moins et convainc le plus. Et il n’y a qu’un seul tour.) Le candidat idéal, celui de la rencontre entre un homme et un peuple, sera élu sans problème avec le système du vote de valeur. Avec le scrutin majoritaire, il ne sera élu que s’il est issu du PS ou de l’UMP, vu que si par malchance il est issu d’un petit parti il sera étoufé avant d’avoir pu le rencontrer, le peuple. Et encore faut-il qu’il se présente…
Ceci dit, je ne tiens pas absolument au vote de valeur, même s’il a ma préférence (je trouve les explications données sur leur site assez convaincantes : http://www.votedevaleur.org/co/criteresNonRespectes.html) À défaut je me contenterais d’un système comme le vote alternatif qui contrairement au système actuel respecte le critère de Condorcet.
> Et l’essai auquel tu fait référence le montre en donnant Bayrou élu dans un fauteuil…
Nope, encore une fois. Dans l’expérience du vote de valeur, c’est Hollande qui l’emportait.
> Franchement, si j’étais candidat dans une logique de « vote de valeur », mon intérêt serait de présenter un profil le plus « lisse », le plus « séducteur » possible, tout en payant des officines pour qu’elles jettent le plus possible de merde sur mes concurrents.
N’est-ce pas exactement la stratégie adopté actuellement ? On évite au maximum le débat et les prises de position (cf. la date à laquelle Hollande et Sarkozy ont annoncé leurs programmes…), ça permet de se poser en candidat consensuel blanche colombe que n’atteint pas la bave des crapauds… Et on laisse les autres se tirer dans les pattes, avec quelques petites phrases visant à décrédibiliser sans trop l’attaquer un Mélenchon qui menace d’être au second tour…
Ce type de stratégie, avec le vote de valeur, serait beaucoup plus difficile à mettre en œuvre, parce que les autres candidats auraient une tribune beaucoup plus efficace pour faire leurs propositions. Plus efficace, parce que les sondages montreraient des différences bien moindres en termes d’intention de vote (cf. les scores des différents candidats dans l’expérience), ce qui en ouvrant le jeu obligerait les médias à leur accorder à tous beaucoup plus d’attention. Le PS et l’UMP n’auraient guère d’autre choix que de s’aligner.
> Je ne partage pas votre idée que le scrutin majoritaire à deux tours stérilise le débat d’idées.
Alors selon vous, quelles sont les raisons qui poussaient Sarkozy et Hollande à éviter le débat ? Je pense, moi, que c’est le risque pour eux que représentait la confrontation, non pas tant avec l’autre, mais avec ceux de leur propre camp. C’est particulièrement vrai à gauche, où Mélenchon et les Verts défendent des idées proches et qui ont une certaine popularité dans l’électorat. Il fallait pour Hollande éviter au maximum de mettre ça en évidence, et se poser à l’avance comme le futur vainqueur, ou au moins comme le futur adversaire de Sarkozy.
> Il n’y a qu’à voir les exemples : nous avons eu pendant les vingt premières années un système de scrutin majoritaire et un débat d’idées particulièrement vif.
Possible. (Je n’étais pas là… et j’avoue que je n’ai pas potassé le sujet.) Mais il me semble que dans les débuts de la cinquième république (je suppose que c’est de ces vingt premières années que vous parlez), la situation était très différente, notamment parce que le FN, le vote utile et l’idée d’envoyer des messages aux candidats n’existaient pour ainsi dire pas. Je me trompe ?
> Si l’on veut rétablir le débat d’idées, ce n’est pas vers le mode de scrutin qu’il faut se tourner. C’est sur le fonctionnement du système de sélection des politiques, du fonctionnement des partis et de l’éducation des électeurs.
Ah, je serais tout à fait pour instaurer le vote de valeur au niveau des primaires. Là pour le coup l’élection d’un « candidat à la candidature » sur le rassemblement et le consensus plutôt que le clivage de son propre camp serait essentiel. Pour les législatives, aussi, ce serai bien mieux que le mode de scrutin actuel (mais peut-être pas que la proportionnelle, je me pose encore la question à ce niveau là.)
Pour le reste, je ne vois pas trop ce que vous voulez dire, ni en quoi c’est contradictoire. L’éducation des électeurs et la sélection des politiques, elles ne se font pas aussi, sinon principalement lors des élections ? Et à quoi celà servirait-il d’être « éduqué » si le candidat qu’on préfère n’a aucune chance d’être entendu ?
> Les partis de gouvernement partent avec un avantage énorme, et c’est normal : après tout, ils ont montré leur capacité à gouverner, bien ou mal, mais gouverner quand même.
Bof. Les partis, si on veut, mais les hommes ? Vous ne disiez pas qu’on élit un gouvernant ? En terme d’expérience du pouvoir, à gauche et au centre en tout cas, il n’y avait pas de si grosses différences entre Mélenchon et Hollande, ou entre les candidats à la primaire socialiste. Ou en 2007 entre Royal et Bayrou. Si ?
> Vous remarquerez que dans les autres pays européens, avec des modes de scrutin tout à fait différents, « les partis de gouvernement partent avec un avantage énorme ». Ce n’est donc pas une question de mode de scrutin.
Des modes de scrutin pas si différents que ça, en gros c’est le scrutin majoritaire ou la proportionnelle. Le seul pays qui aient un mode de scrutin proche du vote de valeur, à ma connaissance, c’est l’Australie, l’Irlande et Malte, avec le vote alternatif. Je ne connais pas assez ces pays pour élaborer, mais ça me paraît insuffisant pour faire des statistiques. Je note quand même qu’apparemment, l’Irlande a pu élire à la présidence deux candidates indépendantes (le truc impensable en France).
Mais de toute façon, je ne voulais pas dire que c’était le mode de scrutin qui conférait cet avantage. Par contre, le mode de scrutin majoritaire contribue à le renforcer, parce qu’il focalise l’attention sur ces partis — qui sont de fait pratiquement les seuls à pouvoir l’emporter.
> Mais qu’est ce que les idées viennent faire là dedans ?
Ah. Euh… Je ne sais pas, je pensais qu’il s’agissait d’avoir un programme, pas seulement d’appliquer des trucs au hasard. Ou d’être le plus beau candidat. Ce n’est pas vous qui disiez que ce n’était pas un concours de beauté ?
> Pourquoi un système qui juge autant la personnalité des candidats que leurs idées serait-il par essence mauvais ?
Pourquoi en effet ? Sauf que là, ce ne sont ni les idées ni les qualités personnelles qui sont jugées, c’est essentiellement la capacité à être présent au second tour, ou a éliminer un autre candidat du second tour. Cf les sondages (*) qui montrent qu’en 2012 un quart des électeurs a voté pour s’opposer aux autres candidats. C’est le cas de près de la moitié des électeurs de Le Pen. À peine un électeur sur deux a voté pour que son candidat soit élu président. 10% ont voté « utile », et un quart pour « augmenter l’influence de son candidat ».
Pourquoi pas, hein, mais ce n’est pas vraiment la question telle, si ? Seulement voilà, c’est ce que font les gens. Vous qui aimez à répéter qu’il faut tenir compte de la réalité que pensez-vous de cette réalité-là ? On change le peuple, ou le mode de scrutin ?
> Le fait est qu’il n’y a pas d’autre candidat capable de gouverner.
C’est votre avis, ça, ce n’est pas un fait.
Et quand bien même, un autre usage de fait de l’élection présidentielle, c’est d’établir un rapport de force. Je ne dis pas que c’est son but, mais c’est bien comme ça qu’elle est utilisée par les partis et les médias. Le vote de valeur serait beaucoup plus efficace pour ça, beaucoup plus lisible.
(*) http://csa.eu/multimedia/data/sondages/data2012/opi20120422-sondage-jour-du-vote-premier-tour-election-presidentielle-2012-raisons-du-choix-et-profil-des-electorats.pdf
[Vous voteriez pour un type dont vous n’avez jamais entendu parler, vous ? faudrait vraiment être désepséré. Non, le fait qu’il soit inconnu est en soi une raison suffisante pour ne pas voter pour lui (« lui mettre une mauvaise note », si vous voulez.)]
Ben non. Les études montrent au contraire que si vous demandez de « noter » des candidats, un candidat inconnu reçoit une « note » neutre. Et cela rejoint mon expérience personnelle : si vous faites voter une assemblée pour élire un comité sur une liste de noms avec possibilité de rayer des noms et de rajouter, l’expérience montre que les gens ne rayent jamais les noms qu’ils ne connaissent pas. En d’autres termes, les candidats inconnus reçoivent généralement plus de voix que les candidats connus – et qui ont par conséquent des ennemis.
[D’accord, mais pour élire quel gouvernant ? Parce qu’on peut aussi l’élire par tirage au sort, hein. C’est je crois ce que propose Chouart…]
Non. Chouart propose le tirage au sort pour élire une assemblée, pas un gouvernant. A ma connaissance, personne ne propose de tirer le président de la République au hasard…
[Tout à fait, et justement, ce n’est pas le cas avec le mode de scrutin actuel.]
Bien sur que si. Quelle proportion de français considère qu’il est légitime de désobéir aux lois votées par le Parlement ? Ou aux décrets et arrêtés du gouvernement ? Ils sont rares, très rares. L’immense majorité des citoyens peut grogner contre les lois et décrets, peut chercher à les esquiver au plan individuel, mais ceux qui contestent leur légitimité sont très rares. On le voit bien avec des lois comme celle du « mariage pour tous » ou celles sur le voile : une fois que le parlement a voté, tout le monde pratiquement accepte qu’il faut appliquer. C’est donc qu’on reconnaît que l’autorité qui fait la loi ou le décret est « légitime ».
[Vous avez oublié les appels à une nouvelle élection après la victoire de Chirac face à La Pen ?]
Avez-vous l’impression que ces « appels » aient été véritablement suivis par les citoyens ? Qu’une majorité d’entre eux ait considéré Chirac comme « illégitime », refusant d’obéir à ses décisions ? Vous rêvez… il ne faut pas prendre des vessies pour des lanternes, et les « appels » de quelques militants avec la volonté du peuple.
[Et tous les commentaires critiquant les appels au « vote utile » ? Je ne vois pas comment un système permettant l’élection d’un candidat qui ne soit ni consensuel ni le gagnant de Condorcet pourrait conférer une quelconque légitimité.]
Et bien, à votre avis, pourquoi alors les gens persistent à obéir aux lois que les gouvernements qu’ils considèrent selon vous « illégitimes » font ? Pourquoi ne désobéissent-ils pas ? Pourquoi ne se rebellent-ils pas ? C’est là le véritable test de légitimité : un gouvernement qui arrive à se faire obéir sans avoir besoin d’une contrainte massive bénéficie d’une présomption de légitimité.
[Comment évaluez-vous quelle est la « plus grosse minorité » ? Autrement qu’avec un système du type « vote de valeur », je veux dire ?]
Avec un système uninominal à un tour.
[« Oui, celui de faire de Bayrou un président de la République. Est-ce cela qu’on veut ? ». Ben… oui ? C’est ça que voulaient les Français en 2007, en tout cas, d’après les sondages qui estimaient que Bayrou l’aurait emporté et face à Sarkozy et face à Royal.]
La volonté des français ne s’exprime pas dans les sondages, mais dans les urnes. Et lorsqu’il s’est agi de voter, Bayrou n’est pas arrivé en tête que je sache.
[Vous ne voulez pas dire le second pour modérer les effets du premier, plutôt ?]
Non. On pourrait avoir un système de scrutin uninominal à un tour – à l’anglaise. C’est par rapport à ce système qu’il faut lire mon commentaire.
[Pas forcément le plus désiré, non : celui dont on estime qu’il a le plus de chance d’aller au second tour. À chaque fois les électeurs qui ne préfèrent ni le candidat du PS ni celui de l’UMP sont amenés à évaluer les chances de leur favori d’être au second tour, et je pense que beaucoup choisissent de voter « utile ».]
Encore faut-il qu’ils considèrent cela « utile »… en d’autres termes, qu’ils désirent voir ce candidat au deuxième tour. En fait, j’ai toujours trouvé que le « vote utile » était en grande partie un fantasme. L’expérience de 2002 l’a abondamment montré.
[C’est particulièrement vrai pour le PS, mais ça vaut aussi pour les autres partis : on va voter Mélenchon plutôt que Joly parce que Mélenchon est mieux placé ;]
Mieux placé pour quoi faire ?
[ou, comme ça a été évoqué dans les commentaires, voter Le Pen plutôt que Dupont-Aignan parce que Dupont-Aignan n’a de toute façon aucune chance de passer au second tour (et, du coup, il en a encore moins…)]
Mais comment diable avec un tel système un Le Pen, qui avait à peine quelques points de pourcentage il y a trente ans, a réussi à faire que les gens votent pour lui ? Faut croire que les gens ne réagissent pas forcément comme vous le dites…
[Non, c’est celui qui à la fois déplaît le moins et convainc le plus.]
Les chiffres que vous avez donné montrent le contraire : les deux candidats arrivés en tête ont une note à peine supérieure à zéro. Ce qui montre que les votes négatifs sont beaucoup plus importants que les votes positifs.
[Le candidat idéal, celui de la rencontre entre un homme et un peuple, sera élu sans problème avec le système du vote de valeur. Avec le scrutin majoritaire, il ne sera élu que s’il est issu du PS ou de l’UMP]
Connaissez-vous un homme qui ait « rencontré le peuple » et qui n’ait pas réussi à se faire élire ? Moi pas. Arrêtez de délirer : s’il y avait « rencontre entre un homme et un peuple », cet homme n’aurait pas de difficulté à se faire élire au suffrage universel quelque soit le mode de scrutin…
[« Et l’essai auquel tu fait référence le montre en donnant Bayrou élu dans un fauteuil… » Nope, encore une fois. Dans l’expérience du vote de valeur, c’est Hollande qui l’emportait.]
Non. Sur le site dont vous avez donné la référence, Bayrou sort en tête avec une note de 0,25 alors qu’Hollande est deuxième avec une note de 0,05…
[« Franchement, si j’étais candidat dans une logique de « vote de valeur », mon intérêt serait de présenter un profil le plus « lisse », le plus « séducteur » possible, tout en payant des officines pour qu’elles jettent le plus possible de merde sur mes concurrents ». N’est-ce pas exactement la stratégie adopté actuellement ?]
Non. Jeter de la merde sur les concurrents s’est révélée en général une stratégie perdante. Les campagnes françaises sont beaucoup moins ordurières que les campagnes américaines, par exemple, et les exemples de publicité négative sont rares.
[Et on laisse les autres se tirer dans les pattes, avec quelques petites phrases visant à décrédibiliser sans trop l’attaquer un Mélenchon qui menace d’être au second tour…]
Mélenchon « menace » qui au second tour ? Ne me dites pas que vous êtes de ceux qui ont cru contre toute évidence que Mélenchon pouvait gêner l’élection de Hollande, voire lui passer devant… Mélenchon n’avait besoin de personne pour se décrédibiliser, il s’est décrédibilisé tout seul le jour où il a déclaré qu’il voterait Hollande inconditionnellement au deuxième tour.
[Plus efficace, parce que les sondages montreraient des différences bien moindres en termes d’intention de vote (cf. les scores des différents candidats dans l’expérience), ce qui en ouvrant le jeu obligerait les médias à leur accorder à tous beaucoup plus d’attention.]
Ben justement, lorsque je regarde, je vois des différences aussi grandes, voire plus, qu’avec le système actuel. Par exemple, pensez vous qu’on accorderait la même « tribune » à Bayrou à 0,25 qu’à Le Pen à -1,1 (soit 5 fois moins) ? J’en doute beaucoup…
[Alors selon vous, quelles sont les raisons qui poussaient Sarkozy et Hollande à éviter le débat ?]
Le fait qu’on ne gagne pas de voix en débattant. Mais cela est vrai quelque soit le mode de scrutin. J’ai l’impression que vous mettez tous les problèmes de fonctionnement du système politique sur le dos du mode de scrutin, alors que beaucoup d’entre eux tiennent aux attentes de l’électorat.
[Je pense, moi, que c’est le risque pour eux que représentait la confrontation, non pas tant avec l’autre, mais avec ceux de leur propre camp. C’est particulièrement vrai à gauche, où Mélenchon et les Verts défendent des idées proches et qui ont une certaine popularité dans l’électorat.]
Je pense que vous vous faites des illusions en croyant que Hollande avait quelque chose à craindre de Mélenchon ou de Joly. Que les « idées » des uns et des autres suscitent une certaine sympathie, c’est vrai. Mais ni l’un ni l’autre ne sont crédibles pour gouverner. Des idées sympathiques ne suffisent pas, il faut convaincre l’électeur qu’on est capable de les mettre en œuvre sans mettre le pays à feu et à sang.
[Mais il me semble que dans les débuts de la cinquième république (je suppose que c’est de ces vingt premières années que vous parlez), la situation était très différente, notamment parce que le FN, le vote utile et l’idée d’envoyer des messages aux candidats n’existaient pour ainsi dire pas. Je me trompe ?]
Oui, vous vous trompez. En 1965, le PCF a voté pour Mitterrand. Ce n’était pas du « vote utile », ça ? La configuration n’était pas très différente, sauf que le PCF jouait le rôle « repoussoir » que joue aujourd’hui le FN.
[Pour le reste, je ne vois pas trop ce que vous voulez dire, ni en quoi c’est contradictoire. L’éducation des électeurs et la sélection des politiques, elles ne se font pas aussi, sinon principalement lors des élections ?]
L’éducation des électeurs se fait à l’école, à la télévision, dans les partis politiques… l’élection n’est qu’un épisode parmi d’autres. Quant à la sélection des politiques, c’est essentiellement l’affaire des partis.
[Et à quoi celà servirait-il d’être « éduqué » si le candidat qu’on préfère n’a aucune chance d’être entendu ?]
Si le candidat qu’on préfère est crédible, il sera entendu par les gens qui ont intérêt à l’entendre. Il ne faut pas prendre les électeurs pour des imbéciles. Mais il est inutile d’espérer que les électeurs votent contre leurs intérêts.
[« Les partis de gouvernement partent avec un avantage énorme, et c’est normal : après tout, ils ont montré leur capacité à gouverner, bien ou mal, mais gouverner quand même ». Bof. Les partis, si on veut, mais les hommes ? Vous ne disiez pas qu’on élit un gouvernant ?]
Oui, et le gouvernant pour qui on vote a été formé et sélectionné par son parti. Un parti de gouvernement a montré qu’il était capable de faire ce travail. Ceux qui n’ont jamais gouverné sont une inconnue.
[En terme d’expérience du pouvoir, à gauche et au centre en tout cas, il n’y avait pas de si grosses différences entre Mélenchon et Hollande, ou entre les candidats à la primaire socialiste. Ou en 2007 entre Royal et Bayrou. Si ?]
Si. Imaginons que Mélenchon ait gagné l’élection, et que dans la foulée il eut une majorité à l’assemblée. D’où le PG sortirait-il 35 personnes formées capables de prendre en main un ministère ? Déjà le PS a du mal, alors le PG… Même question pour Bayrou.
[Des modes de scrutin pas si différents que ça, en gros c’est le scrutin majoritaire ou la proportionnelle.]
Pas du tout. Les anglais par exemple ont un système de scrutin uninominal à un tour.
[ Je note quand même qu’apparemment, l’Irlande a pu élire à la présidence deux candidates indépendantes (le truc impensable en France)].
Pourquoi pas ? Lorsque le président était une potiche qui inaugurait les chrysanthèmes, comme en Irlande, on a eu des présidents « indépendants ». C’est lorsqu’on élit un président qui gouverne que les électeurs préfèrent confier le mandat à quelqu’un qui a un parti solide derrière lui.
[« Mais qu’est ce que les idées viennent faire là dedans ? » Ah. Euh… Je ne sais pas, je pensais qu’il s’agissait d’avoir un programme, pas seulement d’appliquer des trucs au hasard.]
Les « idées » c’est une chose, un « programme » c’en est une autre. Lorsqu’on élit un gouvernant, on l’élit d’abord par sa capacité à gouverner. Parce que les meilleures « idées » du monde ne valent rien si elles ne sont pas mises en œuvre.
[Pourquoi en effet ? Sauf que là, ce ne sont ni les idées ni les qualités personnelles qui sont jugées, c’est essentiellement la capacité à être présent au second tour, ou a éliminer un autre candidat du second tour.]
Pensez-vous vraiment qu’en 2002 les électeurs de gauche aient voté en fonction de la « capacité à être présent au deuxième tour » ? Je n’en suis pas persuadé. Personne ne donnait Le Pen au deuxième tour, et pourtant il y a été. Et tout le monde pensait que Jospin y serait, et il n’y était pas. En 1995, tous les sondages donnaient Balladur au deuxième tour, et ce fut Chirac. Il faut croire que les gens votent selon d’autres critères que la simple capacité d’être au deuxième tour. Par ailleurs, les candidats n’arrivent pas au deuxième tour par opération du Saint Esprit. Il faut qu’ils aient quelque chose en eux pour séduire les électeurs.
[Cf les sondages (*) qui montrent qu’en 2012 un quart des électeurs a voté pour s’opposer aux autres candidats. C’est le cas de près de la moitié des électeurs de Le Pen. À peine un électeur sur deux a voté pour que son candidat soit élu président. 10% ont voté « utile », et un quart pour « augmenter l’influence de son candidat ».]
Faudrait savoir. Plus haut, vous souteniez que le système électoral pousse au vote « utile ». Ici vous affirmez que selon les sondages à peine 10% a voté « utile » et 75% a voté pour un candidat de sa préférence (50% pour qu’il soit élu et 25% pour « augmenter son influence »).
[« Le fait est qu’il n’y a pas d’autre candidat capable de gouverner ». C’est votre avis, ça, ce n’est pas un fait.]
Admettons. Partagez-vous cet avis ? Et si non, quels seraient les candidats à la dernière élection auxquels vous auriez confié la magistrature suprême et donc votre avenir, si c’était à vous seul de choisir ?
[Et quand bien même, un autre usage de fait de l’élection présidentielle, c’est d’établir un rapport de force. Je ne dis pas que c’est son but, mais c’est bien comme ça qu’elle est utilisée par les partis et les médias.]
Par les médias peut-être, mais certainement pas par les partis. A votre avis, qui pèse le plus aujourd’hui sur la politique du gouvernement ? Les verts (2%) ou le Front de Gauche (11%) ?
[ Les couches populaires, qui sont pour moi le pivot de toute résistance, ne vont pas chez Dupont-Aignan. C’est injuste, mais c’est comme ça.]
Cela n’a rien d’injuste. Il se trouve que le FN ose appeler un chat un chat, là où Dupont-Aignan ne fait que demeurer dans l’hypocrisie bourgeoise. Un parfait exemple en est d’ailleurs donné par le passage suivant, issu de son récent billet intitulé "Jamais deux sans trois…" :
"Troisième acte. Les déclarations déplorables de Jean-Marie Le Pen sur les Roms. Ces insultes ne méritent même pas qu’on les commente tant elles déshonorent celui qui les prononce. Je ne comprendrais jamais ni ne tolérerait le plaisir sadique qu’a M. Le Pen à salir les idées patriotes que d’autres défendent dignement. Les difficultés posées par les Roms, je les affronte, comme maire, comme député et comme Français. Ce n’est pas parce qu’ils sont Roms que leur présence en France sans contrôle est inacceptable mais parce que cette lâcheté n’offre aucun avenir à des populations qui ne peuvent s’intégrer tout en faisant subir un enfer aux Français. Ce n’est en rien la faute des Roms s’ils s’installent en France mais l’échec des responsables politiques à protéger nos frontières."
Or j’aimerais bien que l’on m’explique en quoi déclarer que les Roms font "subir un enfer aux français" serait moins raciste que de parler de leur présence "urticante et odorante". Peut-être Dupont-Aignan trouve-t-il quelque peu malséant d’évoquer ainsi leur manque d’hygiène, d’où l’idée que Jean-Marie Le Pen "salirait les idées patriotes" ?
http://blog.nicolasdupontaignan.fr/post/Jamais-deux-sans-trois…
[Or j’aimerais bien que l’on m’explique en quoi déclarer que les Roms font "subir un enfer aux français" serait moins raciste que de parler de leur présence "urticante et odorante".]
Parce que dans le premier cas on porte un jugement sur une situation, et dans l’autre sur des personnes. Le commentaire de Dupont-Aignan rejette la responsabilité de "l’enfer" que subissent les français sur la lâcheté de ceux qui permettent les Roms de s’installer chez nous. Le commentaire de Le Pen rejette la responsabilité sur les Roms eux mêmes.
Correction à mon message précédent, pas encore publié à l’heure où j’écris celui-ci : dans l’expérience du vote de valeur, c’est bien Bayrou qui arrivait en tête. J’avais en tête les résultats d’autres modes de scrutin testés où ce n’était pas le cas : http://www.slate.fr/story/54811/presidentielle-systeme-vote-alternatifs
Ce qui me paraît clair, c’est que le mode de scrutin a une influence profonde sur la dynamique de l’élection. Le scrutin uninominal majoritaire à deux tour suscite des jeux d’alliances, des appels au vote utile et au front républicain, et rend le choix des électeurs très difficile à interpréter. Le classement du premier tour devient en soi un enjeu médiatique où la place de troisième homme est éminemment convoitée, alors même que ce classement ne donne qu’une vision très déformée du poids des différents candidats et de leurs programmes dans l’électorat. Or élire, n’est-ce pas choisir ? Si le mode de scrutin actuel ne respecte pas le choix des électeurs, pourquoi le conserver ?
Tu mélanges deux choses qui n’ont rien à voir. D’un côté, la question "médiatique" ou l’interprétation des résultats du premier tour, et d’un autre côté l’élection du gouvernant, qui est en dernière instance le but de l’affaire. Qu’est ce qui te permet de dire que le système majoritaire à deux tours "ne respecte pas le choix des électeurs" ?
[Parce que dans le premier cas on porte un jugement sur une situation, et dans l’autre sur des personnes.]
Dans le premier cas, je ne sais pas. Je ne vois pas ce qui vous permet de penser que l’expression "faire vivre l’enfer aux français" ne contiendrait pas un jugement sur les personnes. Il est bien certain que sans cet "échec des responsables politiques à protéger nos frontières", les français ne vivraient pas un tel "enfer", mais c’est là une autre question. Quand la police reste inactive face à des "sauvageons" qui terrorisent une cité, je n’en conclus pas pour autant que ces derniers sont des innocents.
Quant au second cas, je ne sais pas non plus. Figurez-vous que moi-même, qui n’ai pas les mêmes a priori négatifs que vous sur Jean-Marie Le Pen, je n’ai jamais compris sa phrase comme dénonçant la "faute" des Roms. Il va de soi que des populations nomades, qui s’installent sur des campements de fortune, sans eau courante, ni tout-à-l’égout, sont nécessairement confrontés à quelques problèmes d’hygiène. Il s’agit bien là d’une situation, et non de personnes.
[Dans le premier cas, je ne sais pas. Je ne vois pas ce qui vous permet de penser que l’expression "faire vivre l’enfer aux français" ne contiendrait pas un jugement sur les personnes.]
Parce que Dupont-Aignan attribue la principale responsabilité à la "lâcheté" des responsables politiques qui créent la situation dans laquelle la présence des Roms "fait vivre un enfer aux français".
[Quand la police reste inactive face à des "sauvageons" qui terrorisent une cité, je n’en conclus pas pour autant que ces derniers sont des innocents.]
Non, mais vous ne leur attribuez pas la même responsabilité lorsque vous dites cela que lorsque vous vous référez à leur "urticance", non ?
[Il va de soi que des populations nomades, qui s’installent sur des campements de fortune, sans eau courante, ni tout-à-l’égout, sont nécessairement confrontés à quelques problèmes d’hygiène. Il s’agit bien là d’une situation, et non de personnes.]
Et le côté "urticant" ?
Quel article, et quelle série de commentaires, franchement bravo, c’est très intéressant. Le coup du punk à croix gammée à un concert ou à une cérémonie de déportation… je me permettrais de la ressortir, c’est bien trouvé !
Faites, faites… ce n’est pas breveté!
[Et le côté "urticant" ?]
Jean-Marie Le Pen joue probablement sur la polysémie du mot "urticant". Si j’en crois le dictionnaire du Trésor de la langue française, ce mot possède en effet deux sens. Au sens propre, il signifie : "Dont le contact produit une sensation de brûlure accompagnée de démangeaisons.". Sans doute est-ce là, de nouveau, une allusion à certains problèmes d’hygiène, tels que les poux ou la gale, par exemple. Pris en son sens figuré, "urticant" signifie : "Irritant, exaspérant; excitant", ce qui me paraît, en tout cas, nettement plus modéré que " faisant vivre un enfer".
http://www.cnrtl.fr/definition/urticant
> Ben non. Les études montrent au contraire que si vous demandez de « noter » des candidats, un candidat inconnu reçoit une « note » neutre. Et cela rejoint mon expérience personnelle : si vous faites voter une assemblée pour élire un comité sur une liste de noms avec possibilité de rayer des noms et de rajouter, l’expérience montre que les gens ne rayent jamais les noms qu’ils ne connaissent pas. En d’autres termes, les candidats inconnus reçoivent généralement plus de voix que les candidats connus – et qui ont par conséquent des ennemis.
À quelles études faites-vous référence ? Vraie question, ça m’intéresse. Si vous aviez raison ça serait effectivement un problème. Seulement, les sources que j’ai consultées (notamment Warren D. Smith : http://rangevoting.org/BetterQuorum.html ) affirment le contraire. Et puis franchement, je suis d’accord sur cette possibilité théorique, mais en pratique ça me semble complètement impossible. À moins d’interdire les sondages et tous les commentaires sur l’élection… Parce que si un candidat inconnu se classait en tête à cause d’une note neutre, les médias auraient tôt fait de le repérer, et il ne resterait pas inconnu bien longtemps. Le risque déjà faible à mon avis s’auto-détruit.
(Un scrutin de liste, si c’est bien à ça que vous faites allusion, a un fonctionnement très différent. Les candidats de la liste ont été choisi en amont par le parti : même s’il ne sont pas connus, ils bénéficient de cette aura. Le seul fait d’être sur la liste pour laquelle on souhaite voter leur confère une certaine acceptabilité. Ils ne sont pas connus, mais leurs soutiens, leur parti l’est. Et ça change tout. Sans compter que dans un scrutin de liste, la plupart des candidats élus resteront, après l’élection, de quasi inconnus.)
> Avez-vous l’impression que ces « appels » aient été véritablement suivis par les citoyens ? Qu’une majorité d’entre eux ait considéré Chirac comme « illégitime », refusant d’obéir à ses décisions ? Vous rêvez… il ne faut pas prendre des vessies pour des lanternes, et les « appels » de quelques militants avec la volonté du peuple.
Je pourrais vous faire une réponse à la Descartes (« ils n’ont rien dit mais ils n’en pensaient pas moins »), mais vous avez raison, ces appels n’ont guère été suivis. Il a été beaucoup question aussi de voter en se bouchant le nez, mais le risque évoqué de voir ces votes annulés l’a emporté. Finalement les législatives ont donné à la droite une majorité, et cette question de la légitimié est vite retombée. Mais elle a bien été soulevée.
> Et bien, à votre avis, pourquoi alors les gens persistent à obéir aux lois que les gouvernements qu’ils considèrent selon vous « illégitimes » font ? Pourquoi ne désobéissent-ils pas ? Pourquoi ne se rebellent-ils pas ? C’est là le véritable test de légitimité : un gouvernement qui arrive à se faire obéir sans avoir besoin d’une contrainte massive bénéficie d’une présomption de légitimité.
Un des problèmes ici est à mon sens que pour beaucoup la légitimité provient moins du peuple que des institutions. C’est un peu votre position, il me semble. À partir du moment où l’élection s’est déroulée selon les règles, son résultat est finalement accepté comme légitime, et la réaction initiale de contestation cède le pas à une acceptation résignée. Le gouvernement bénéficie, commes vous l’écrivez, d’une présomption de légitimité. Mais comme la présomption d’innocence n’est pas l’innoncence, la présomption de légitimité n’est pas la légitimité. Sans compter que les élus doivent se sentir mal placés, que ce soit pour critiquer un système quand ils en ont bénéficié, ou pour en proposer un autre dont ils bénéficieraient, indépendamment des qualités et des défauts objectifs des systèmes considérés.
Ceci dit, je voudrais nuancer mes propos précédents. J’ai écrit : « Je ne vois pas comment un système permettant l’élection d’un candidat qui ne soit ni consensuel ni le gagnant de Condorcet pourrait conférer une quelconque légitimité. » J’aurais plutôt dû parler d’une entière légitimité. Il est évident que Chirac en 2002 était plus légitime que Le Pen, par exemple. Pas complètement illégitime, donc. Mais pas pleinement légitime non plus, faute d’aoir pu affronter Jospin qui aurait pu l’emporter.
> La volonté des français ne s’exprime pas dans les sondages, mais dans les urnes. Et lorsqu’il s’est agi de voter, Bayrou n’est pas arrivé en tête que je sache.
Dialogue de sourds. Il n’a pas pu arriver en tête au second tour puiqu’il n’y était pas. C’est précisément le problème de ce mode de scrutin. Ce qui sort des urnes, dans le système actuel, ce n’est pas « la volonté des Français », c’en est un reflet déformé. La plupart des électeurs ne sont pas des militants à œillières pour qui un seul candidat est digne d’être élu, j’espère que vous me l’accorderez. Le système actuel se borne aux premiers choix et ignore toute la complexité des préférences. Le fait même qu’on organise un second tour reflète pourtant l’idée que le candidat qui arrive en tête n’est pas nécessairement le préféré des électeurs. C’est une évidence. Si on applique le même raisonnement, l’idée qu’aucun des deux candidats qui arrivent en tête n’est le préféré des électeurs devrait également s’imposer. Ce n’est malheureusement pas le cas, mais c’est pourtant la vérité. (À moins de définir « le candidat préféré » comme celui qui arrive en tête, ce qui suggère que le candidat qui arrive en tête au premier tour devrait nécessairement l’emporter, ce qui n’est bien sûr pas le cas. Sans compter qu’alors le candidat préféré dépend du mode de scrutin, ce qui n’est pas logique.)
> Non. On pourrait avoir un système de scrutin uninominal à un tour – à l’anglaise. C’est par rapport à ce système qu’il faut lire mon commentaire.
Vous seriez pour ce type de scrutin ? Pour ma part, j’en suis arrivé à me demander s’il ne vaudrait pas mieux que le mode de scrutin actuel à deux tours. Il rendrait nécessaire les aliances et désistements, ça aurait l’avantage de limiter l’éparpillement des voix. Mais je ne suis pas sûr que renforcer le « vote utile » si ces alliances ne se forment pas soit vraiment une bonne idée. Sans compter que les électeurs n’ont pas de contrôle direct sur ces alliances qui ne sont pas toujours bien acceptées. Non, décidément pas une si bonne idée. Mais si vous êtes pour vos arguments m’intéresseraient.
> Encore faut-il qu’ils considèrent cela « utile »… en d’autres termes, qu’ils désirent voir ce candidat au deuxième tour.
« Utile » plutôt dans le sens où ils ne souhaient pas voir certain autre candidat l’emporter. Ils désirent voir ce candidat au deuxième tour, pas tant parce que c’est leur préféré que parce qu’il représente un moindre mal face à un autre qui aurait des chances de l’emporter. C’est un vote tactique, ce qui n’est pas un mal en soi, mais qui empêche d’exprimer un vote d’adhésion, ce qui est plus problématique à mon avis.
> En fait, j’ai toujours trouvé que le « vote utile » était en grande partie un fantasme. L’expérience de 2002 l’a abondamment montré.
Comment ça ? C’est justement après 2002 que l’idée du vote utile s’est popularisée, pour éviter précisément « un nouveau 2 avril ». Pour le reste, voir plus bas.
> Mieux placé pour quoi faire ?
Pour arriver au second tour.
[ou, comme ça a été évoqué dans les commentaires, voter Le Pen plutôt que Dupont-Aignan parce que Dupont-Aignan n’a de toute façon aucune chance de passer au second tour (et, du coup, il en a encore moins…)]
> Mais comment diable avec un tel système un Le Pen, qui avait à peine quelques points de pourcentage il y a trente ans, a réussi à faire que les gens votent pour lui ? Faut croire que les gens ne réagissent pas forcément comme vous le dites…
Comment ça, comme je le dis ? Je ne vois pas la contradiction entre ce que j’i dit et l’assension de Le Pen. Pourriez-vous préciser votre critique ?
> Les chiffres que vous avez donné montrent le contraire : les deux candidats arrivés en tête ont une note à peine supérieure à zéro. Ce qui montre que les votes négatifs sont beaucoup plus importants que les votes positifs.
Ces chiffres ne permettent pas de généraliser. Entre deux candidats qui déplaisent aussi peu, c’est bien celui qui convainc le plus qui l’emportera. Un candidat qui a plus de votes négatifs qu’un autre peut pourtant l’emporter s’il a également plus de votes positifs.
> Connaissez-vous un homme qui ait « rencontré le peuple » et qui n’ait pas réussi à se faire élire ? Moi pas.
Vous avez l’air de juger du fait qu’il ait « rencontré le peuple » au fait qu’il ait été élu… Évidemment dans ces condtions tous les candidats qui ont rencontré le peuple ont été élu, mais c’est un peu circulaire comme raisonnement. Ceci dit je ne prends pas forcément à mon compte cette idée de rencontre, je n’en ai parlé que parce que c’est l’expression consacrée.
> Arrêtez de délirer : s’il y avait « rencontre entre un homme et un peuple », cet homme n’aurait pas de difficulté à se faire élire au suffrage universel quelque soit le mode de scrutin…
C’est ce que je dis, mais encore faut-il que la fameuse « rencontre » puisse avoir lieu.
> Non. Sur le site dont vous avez donné la référence, Bayrou sort en tête avec une note de 0,25 alors qu’Hollande est deuxième avec une note de 0,05…
En effet, j’ai confondu avec un autre mode de scrutin testé. plusieurs des autres modes de scrutin testés, en fait : https://www.gate.cnrs.fr/spip.php?article580#rst
> Non. Jeter de la merde sur les concurrents s’est révélée en général une stratégie perdante. Les campagnes françaises sont beaucoup moins ordurières que les campagnes américaines, par exemple, et les exemples de publicité négative sont rares.
Et pour ce qui est de présenter le profil le plus lisse, je dirais « rassembleur » possible ?
Quant à « jeter de la merde » et à la publicité négative, si ça n’atteint pas le niveau des États-Unis, le débat en France n’est pas toujours aussi élevé que vous avez l’air de le dire et les « petites phrases » fusent. On trouve des sites qui les recensent, et si on en n’a retenu que quelques unes (le « Capitaine de pédalo » de Mélenchon à Hollande), il y en avait d’autres d’assez gratinées : on a oublié « Babar, le roi des éléphants » (Hollande selon Chatel), « le Georges Marchais des temps modernes » et « la mascotte du Figaro » (Mélenchon selon Montebourg), la « dérive sectaire » (de Mélenchon face à Hollande, selon Hue), sans oublier les attaques sur le physique, l’accent et l’origine d’Éva Joly.
Donc bon, je manque peut-être d’imagination, mais j’ai du mal à voir comment un système plurinominal renforcerait cette tendance. Et votre exemple des États-Unis va dans mon sens : le système électoral est en effet comme en France un scrutin majoritaire uninominal, et l’absense de second tour et le côté indirect (qui le rend, d’une certaine manière, doublement uninominal : les grands électeurs sont choisis de manière uninominale, et votent pour le président de manière uninominale) amplifient ses défauts.
> Mélenchon « menace » qui au second tour ? Ne me dites pas que vous êtes de ceux qui ont cru contre toute évidence que Mélenchon pouvait gêner l’élection de Hollande, voire lui passer devant… Mélenchon n’avait besoin de personne pour se décrédibiliser, il s’est décrédibilisé tout seul le jour où il a déclaré qu’il voterait Hollande inconditionnellement au deuxième tour.
Je n’y ai pas cru, mais beaucoup l’ont pensé. Surtout parmi les électeurs de Mélenchon, bien sûr. Mélenchon était en troisième position dans les sondages, loin derrière les deux autres il est vrai. Et au delà du second tour, il y a la question du rapport des forces à gauche. Je note également que la droite et Sarkozy en particulier ne tarissaient pas d’éloges sur Mélenchon : http://www.lemonde.fr/election-presidentielle-2012/article/2012/03/15/comment-sarkozy-pousse-melenchon-pour-affaiblir-hollande_1667906_1471069.html
C’est logique, si le candidat au premier tour doit rassembler, alors semer la zizanie est une stratégie corrolaire.
[Plus efficace, parce que les sondages montreraient des différences bien moindres en termes d’intention de vote (cf. les scores des différents candidats dans l’expérience), ce qui en ouvrant le jeu obligerait les médias à leur accorder à tous beaucoup plus d’attention.]
> Ben justement, lorsque je regarde, je vois des différences aussi grandes, voire plus, qu’avec le système actuel.
? Mélenchon Joly Sarkozy
> Par exemple, pensez vous qu’on accorderait la même « tribune » à Bayrou à 0,25 qu’à Le Pen à -1,1 (soit 5 fois moins) ? J’en doute beaucoup…
Ben, dans la mesure où Bayrou serait arrivé en tête avec ce système, oui, on lui aurait accordé beaucoup plus d’attention que dans cette campagne où il se retrouvait en ciquième position. Pas forcément 5 fois plus qu’à Le Pen, la précision mathématique n’a pas ici beaucoup d’intérêt, mais beaucoup plus que ce dont il a bénéficié, et ce serait parfaitement légitime de mon point de vue.
> Le fait qu’on ne gagne pas de voix en débattant.
Ah ? Et on débat pour quoi, alors ? Pour passer le temps, ou pour occuper les médias ? Vraie question, hein.
> J’ai l’impression que vous mettez tous les problèmes de fonctionnement du système politique sur le dos du mode de scrutin, alors que beaucoup d’entre eux tiennent aux attentes de l’électorat.
Tous les problèmes, loin de là. Mais ça joue beaucoup, ça me paraît évident.
> Oui, vous vous trompez. En 1965, le PCF a voté pour Mitterrand. Ce n’était pas du « vote utile », ça ?
Non, justement, c’était une aliance. Le PCF n’avait pas de candidat à cette élection. La notion même de vote utile est caduque dans ces condtions.
> L’éducation des électeurs se fait à l’école, à la télévision, dans les partis politiques… l’élection n’est qu’un épisode parmi d’autres.
L’élection est bien plus qu’un épisode parmi d’autre, c’est pratiquement le seul où les citoyens sont directement invités à participer.
> Quant à la sélection des politiques, c’est essentiellement l’affaire des partis.
Et ils les sélectionnent pour quoi, sinon maximiser leurs chances aux élections ?
> Si le candidat qu’on préfère est crédible, il sera entendu par les gens qui ont intérêt à l’entendre.
Et donc, même remarque que plus haut : s’il n’est pas entendu, vous en déduisez qu’il n’était pas crédible ? N’est-ce pas un raisonnement circulaire ? Ou je vous ai mal compris ? Qu’est-ce qui vous permet de juger a priori si un candidat est ou non crédible ?
> Il ne faut pas prendre les électeurs pour des imbéciles. Mais il est inutile d’espérer que les électeurs votent contre leurs intérêts.
Les électeurs ont des intérêts complexes, et le système actuel impose des tactiques de vote qui rendent contradictoire l’expression de ces intérêt. Par exemple un électeur dont le premier choix serait Dupont-Aignan aurait intérêt à voter pour lui, mais également intérêt à voter pour Marine Le Pen, cf. toute la discussion plus haut. Dans le sysyème actuel il ne peut pas soutenir les deux, ce qui l’oblige à voter, quoi qu’il décide, contre ses intérêts.
> Oui, et le gouvernant pour qui on vote a été formé et sélectionné par son parti. Un parti de gouvernement a montré qu’il était capable de faire ce travail. Ceux qui n’ont jamais gouverné sont une inconnue.
Eh bien ? Prenons Mélenchon, par exemple : il était il n’y a pas si logntemps membre d’un « parti de gouvernement ». Pareil pour Dupont-Aignan. Pareil pour Bayrou. Le même mec perdrait toutes ses facultés en quitant le parti qui l’a formé ? Ça n’a pas de sens.
> Si. Imaginons que Mélenchon ait gagné l’élection, et que dans la foulée il eut une majorité à l’assemblée. D’où le PG sortirait-il 35 personnes formées capables de prendre en main un ministère ? Déjà le PS a du mal, alors le PG… Même question pour Bayrou.
Capables selon qui ? Ce n’est pas les candidats qui manqueraient pour faire partie d’un gouvernment. Sarkozy a bien réussi à recruter des socialistes, a plus forte raison le PG trouverait à s’entourer. Même chose pour Bayrou.
> Pas du tout. Les anglais par exemple ont un système de scrutin uninominal à un tour.
Scrutin uninominal MAJORITAIRE à un tour. Vous oubliez un peu vite un mot important… Un scrutin uninominal majoritaire à un tour et un scrutin uninominal majoritaire à deux tours sont bien deux cas de scrutin uninominaux majoritaires…
> Les « idées » c’est une chose, un « programme » c’en est une autre.
Vous jouez sur les mots. Mais soit.
> Lorsqu’on élit un gouvernant, on l’élit d’abord par sa capacité à gouverner. Parce que les meilleures « idées » du monde ne valent rien si elles ne sont pas mises en œuvre.
N’importe quoi. Entre un candidat dont vous estimez qu’il a de bonnes idées, un bon programme si vous préférez, mais qu’il ne va pas les apliquer, et un autre qui a la capacité à gouverner et appliquer un programme que vous désapprouvez, vous voteriez pour lequel, le second ou le premier ? On ne peut pas séparer le programme de la capacité à les appliquer et ne prendre en compte qu’un seul de ces aspects.
> Pensez-vous vraiment qu’en 2002 les électeurs de gauche aient voté en fonction de la « capacité à être présent au deuxième tour » ? Je n’en suis pas persuadé.
Moi je l’ai fait… Et j’en connais beaucoup qui ne l’ayant pas fait s’en sont mordu les doigts. Mais c’est justement qu’en 2002 le risque d’élimination de Jospin était largement sous-évalué, les sondages lui donnant une confortable avance sur Jean-Marie Le Pen. C’est à partir des scrutins suivants que cette stratégie du vote utile a commencé à être mise en avant.
> Faudrait savoir. Plus haut, vous souteniez que le système électoral pousse au vote « utile ». Ici vous affirmez que selon les sondages à peine 10% a voté « utile » et 75% a voté pour un candidat de sa préférence (50% pour qu’il soit élu et 25% pour « augmenter son influence »).
Eh bien ? 10%, pour moi, c’est déjà beaucoup. Et la notion de préférence est discutable. « Augmenter son influence », ça veut surtout dire qu’ils ont donné leur voix à un candidat dont ils estimaient qu’il n’avait aucune chance d’être élu, mais on ne peut pas en déduire qu’il s’agissait de leur premier choix. Je vois plutôt ça comme la volonté « d’envoyer un signal », et dans la mesure où il peut y avoir autant de signaux que d’électeurs, ces signaux sont extrêmement difficiles à interpréter.
En outre, il y a deux points qu’il convient de souligner : le premier, c’est qu’à côté de ce chiffre de 10% en 2012, l’enquête rappelle le chiffre obtenu en 2007 : 18%. On voit que la crainte d’un nouveau 21 avril était moins forte deux mandats après. Le second plus révélateur encore, c’est que la question posée lors de ce sondage qui donnait 10% de vote utile était une question à choix unique. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, on peut raisonablement penser que comme dans le cas du scrutin uninominal ce chiffre est sous-évalué. Et en effet, en cherchant des sondages qui proposaient plusieurs réponses possibles, je suis tombé sur celui-ci (http://www.ipsos.fr/ipsos-public-affairs/paroles-experts/2012-04-22-comprendre-vote-francais ) qui formule la question de manière plus ouverte, et dont les résultats indiquent que plus de la capacité du candidat à être présent au second tour était un critère déterminant pour plus de la moitié des électeurs. Pour les électeurs de Hollandeet Sarkozy, ce critère dépassait même en importance, et assez nettement, le programme des candidats.
Et cet autre (http://www.tns-sofres.com/points-de-vue/40E3960633EF4937AF1D3726FD78DCCC.aspx ) qui montre qu’en 2007, plus de la moitié des électeurs de Royal au premier tour ont voté pour un second choix.
Conclusion, le vote utile est bel est bien une réalité.
> Admettons. Partagez-vous cet avis ? Et si non, quels seraient les candidats à la dernière élection auxquels vous auriez confié la magistrature suprême et donc votre avenir, si c’était à vous seul de choisir ?
Quelle importance ? Si c’était à moi seul de choisir, autant dire que je serais de fait président… mais j’ose espérer qu’on ne me confierait pas une telle charge si je n’était pas capable de l’exercer.
> Par les médias peut-être, mais certainement pas par les partis. A votre avis, qui pèse le plus aujourd’hui sur la politique du gouvernement ? Les verts (2%) ou le Front de Gauche (11%) ?
Les Verts, évidemment. Mais justement, EELV avait passé un accord électoral avec le PS, que leur faible score a contribué à remettre en question. (http://www.leparisien.fr/lyon-69000/legislatives-l-accord-electoral-ps-eelv-regulierement-viole-sur-le-terrain-20-05-2012-2007954.php )
Honnêtement, je me suis demandé pourquoi ils avaient maintenu un candidat malgré cet accord, alors qu’il était évident qu’ils prenaient un gros risque dans ces condtions. Ils n’avaient sans doute pas compté sur la conversion du Front de Gauche à l’écologie, qui ajouté à l’accord avec le PS leur a je crois coûté bien des voix. Et la perspective de jouer les troisième hommes à gauche, aussi improbable qu’elle fut, a pu les tenter… Mais c’était vouloir le beurre et l’argent du beurre, ils auraient mieux fait de se retirer.
Ces accords et alliances d’avant le scrutin sont d’ailleurs à mes yeux un autre des défauts du système actuel, dans la mesure où elles sont fondées sur la capacité des « petits » partis à faire perdre leurs alliés. Elles court-circuitent en outrent le suffrage des électeurs, qui y voient volontiers des « magouilles » et ne comprennent pas pourquoi un parti qui a fait 2% à la présidentielle se retrouve avec un groupe à l’assemblée quand le FN n’a que deux députés. D’autres modes de scrutin permettraient je le pense une plus grande transparence à ce sujet.
> Tu mélanges deux choses qui n’ont rien à voir. D’un côté, la question "médiatique" ou l’interprétation des résultats du premier tour, et d’un autre côté l’élection du gouvernant, qui est en dernière instance le but de l’affaire.
Rien à voir ? Il me semble que la question médiatique a une influence considérable sur l’information des électeurs, et donc sur leur choix. On peut toujours supposer un électorat idéal qui choisit indépendamment de la représentation médiatique des candidats, mais en pratique ça me semble parfaitement irréaliste.
> Qu’est ce qui te permet de dire que le système majoritaire à deux tours "ne respecte pas le choix des électeurs" ?
Ce que j’ai compris des analyses mathématiques des modes de scrutins. Il semble qu’aucun des systèmes analysés ne satisfasse à tous les critères, mais je trouve le critère dit de monotonie particulièrement important : l’idée que si un candidat progresse dans l’électorat, il doit améliorer ses chances d’être élu. Ce n’est pas le cas avec le mode de scrutin actuel, où un candidat peut perdre l’élection pour avoir amélioré son score. Il semble que ce soit le cas avec le vote de valeur ou d’autres méthodes par note.
Si vous souhaitez en savoir plus, vous trouverez facilement des références sur le sujet. Outre les sites mentionnés précédemment, une rechercher rapide m’a donné les liens vers les documents suivants :
http://personal.lse.ac.uk/blanchen/research/Paradoxes_de_vote_en_France_v-ecran.pdf
http://www.lamsade.dauphine.fr/~galand/DMCS/choixSocial12_LG.pdf
Qui me paraissent intéressants. (Je me suis contenté de les parcourir rapidement, ceci dit, donc c’est sans garantie… N’hésitez pas à creuser le sujet : vu que vous partez d’un point de vue peu favorable au mien, vous êtes plus susceptible que moi de trouver des références qui contredisent mes présupposés, et ça m’intéresse…)
Ouf… J’espère que je n’ai rien oublié.
[À quelles études faites-vous référence ? Vraie question, ça m’intéresse. Si vous aviez raison ça serait effectivement un problème. Seulement, les sources que j’ai consultées (notamment Warren D. Smith : http://rangevoting.org/BetterQuorum.html ) affirment le contraire.]
Mais sans donner des chiffres… je crains aussi que le réflexe de vote soit très différent dans les sociétés « communautaires » à l’anglo-saxonne, où le personnage extérieur, l’inconnu est toujours vu avec méfiance, que dans les sociétés universalistes comme la notre. Quant aux études auxquelles je fais référence, je ne les ai pas sous les doigts mais je pourrais essayer de vous les retrouver (c’est le CEVIPOF qui avait travaillé à une époque sur ce sujet).
[Et puis franchement, je suis d’accord sur cette possibilité théorique, mais en pratique ça me semble complètement impossible. À moins d’interdire les sondages et tous les commentaires sur l’élection… Parce que si un candidat inconnu se classait en tête à cause d’une note neutre, les médias auraient tôt fait de le repérer, et il ne resterait pas inconnu bien longtemps.]
Pour une élection présidentielle, c’est possible parce que l’attention médiatique est très grande. Mais pour une élection législative, par exemple ?
[(Un scrutin de liste, si c’est bien à ça que vous faites allusion, a un fonctionnement très différent. Les candidats de la liste ont été choisi en amont par le parti :]
Non, ce n’est pas à cela que je faisais référence. Je pense aux scrutins internes de certains partis, où les congressistes reçoivent une liste de l’ensemble des candidats qui se sont présentés, et peuvent rayer des noms.
[Je pourrais vous faire une réponse à la Descartes (« ils n’ont rien dit mais ils n’en pensaient pas moins »),]
Oh ! C’est ça, pour vous « une réponse à la Descartes » ? J’en suis très triste…
[mais vous avez raison, ces appels n’ont guère été suivis.]
Voilà. Ce fait nous dit quelque chose sur le jugement que les français portent sur le mode de scrutin, même dans une situation limite, vous ne trouvez pas ?
[Un des problèmes ici est à mon sens que pour beaucoup la légitimité provient moins du peuple que des institutions. C’est un peu votre position, il me semble. À partir du moment où l’élection s’est déroulée selon les règles, son résultat est finalement accepté comme légitime, et la réaction initiale de contestation cède le pas à une acceptation résignée.]
Non, ce n’est pas tout à fait « ma position ». La légitimité vient des institutions, mais la légitimité des institutions elles mêmes vient du peuple. C’est parce que le peuple est convaincu qu’avec tous les défauts qu’on peut lui trouver le système électoral, qui est lui-même une institution, le protège efficacement contre le chaos – c’est la première demande que le peuple formule à un système politique – qu’il accepte d’obéir à ses gouvernants, même lorsqu’il ne les aime pas. Ce n’est pas une question d’inertie : en 1958, lorsque les institutions de la IVème se sont révélées incapables d’empêcher la République de sombrer dans les troubles, elles ont été balayées.
[Le gouvernement bénéficie, commes vous l’écrivez, d’une présomption de légitimité.]
Non. Ce que j’ai écrit, c’est qu’un gouvernement qui arrive à se faire obéir sans avoir recours à une contrainte massive a une présomption de légitimité. En d’autres termes, le fait qu’un peuple obéisse à ses gouvernants alors qu’il pourrait sans danger excessif se rebeller est prima facie une preuve qu’il est légitime, même dans le cas où il n’a pas été élu selon des procédures acceptées (pensez au GPRF).
[Il est évident que Chirac en 2002 était plus légitime que Le Pen, par exemple. Pas complètement illégitime, donc. Mais pas pleinement légitime non plus, faute d’aoir pu affronter Jospin qui aurait pu l’emporter.]
Le fait d’avoir affronté Jospin ou pas ne fait rien à l’affaire. Dès lors qu’il est obéi sans besoin de contrainte massive, il est le chef légitime. Pour moi, le consentement à obéir est beaucoup plus important dans la démocratie que le consentement du vote…
[C’est précisément le problème de ce mode de scrutin. Ce qui sort des urnes, dans le système actuel, ce n’est pas « la volonté des Français », c’en est un reflet déformé.]
Comment le savez-vous. Pour savoir que le reflet qui sort des urnes est « déformé », il vous faudrait pouvoir mesurer la « véritable » volonté des français. Comment faites-vous pour la déterminer ? Votre raisonnement est celui de quelqu’un qui possède plusieurs thermomètres, qui tous indiquent des températures différentes. Et vous décrétez que l’un d’eux montre la « vraie » température alors que les autres n’en donnent qu’un « reflet déformé ». Alors, je vous le demande encore une fois : quel est votre « thermomètre de référence » politique, qui vous permet de connaître la « vraie » volonté des français et donc de décider que les autres thermomètres sont faux ?
[La plupart des électeurs ne sont pas des militants à œillières pour qui un seul candidat est digne d’être élu, j’espère que vous me l’accorderez. Le système actuel se borne aux premiers choix et ignore toute la complexité des préférences. Le fait même qu’on organise un second tour reflète pourtant l’idée que le candidat qui arrive en tête n’est pas nécessairement le préféré des électeurs. C’est une évidence.]
Pas du tout. Le fait qu’on organise un second tour tient au fait que le candidat qui serait « le préféré des français » (au sens qu’il regroupera le plus de voix sur son nom) n’est pas nécessairement le mieux placé pour gouverner, puisqu’il est difficile de gouverner contre les gens. Et le deuxième tour permet, parmi les deux candidats « préférés » celui qui est le moins inacceptable aux électeurs qui auraient préféré un autre candidat.
[Si on applique le même raisonnement, l’idée qu’aucun des deux candidats qui arrivent en tête n’est le préféré des électeurs devrait également s’imposer.]
Mais cela veut dire quoi « préféré des français » ? Si c’est au sens « celui qui aura le plus de voix », il est évident qu’il arrivera en tête au premier tour. Comment définiriez vous « le candidat préféré » ? Comme celui qui a le moins d’ennemis ? Celui qui obtient le plus de votes ? Celui qui fait la meilleure moyenne arithmétique – ou pourquoi pas géométrique – entre ceux qui l’aiment et ceux qui le détestent ? Vous voyez, l’idée de « préférence » devient très vite arbitraire…
[Vous seriez pour ce type de scrutin (uninominal à un tour) ? Pour ma part, j’en suis arrivé à me demander s’il ne vaudrait pas mieux que le mode de scrutin actuel à deux tours. Il rendrait nécessaire les aliances et désistements, ça aurait l’avantage de limiter l’éparpillement des voix.]
Le système uninominal à un tour a d’autres défauts. Comme l’essentiel est d’arriver en tête, cela pousse à la bipolarisation et lamine les autres partis. Par ailleurs, il tend à produire des clivages forts, puisqu’un candidat détesté d’une majorité peut être élu s’il a suffisamment de partisans. Margaret Thatcher n’aurait pas pu être premier ministre en France… Personnellement, je pense que le scrutin majoritaire à deux tours est le système le mieux adapté à notre histoire politique.
[« Utile » plutôt dans le sens où ils ne souhaient pas voir certain autre candidat l’emporter. Ils désirent voir ce candidat au deuxième tour, pas tant parce que c’est leur préféré que parce qu’il représente un moindre mal face à un autre qui aurait des chances de l’emporter.]
Très bien. C’est précisément la force du scrutin majoritaire à deux tours : pour être élu, il ne faut pas trop cliver. Il faut avoir beaucoup de partisans et point trop d’ennemis. Je trouve que c’est un bon compromis.
[C’est un vote tactique, ce qui n’est pas un mal en soi, mais qui empêche d’exprimer un vote d’adhésion, ce qui est plus problématique à mon avis.]
Entre un candidat que 25% de l’électorat aime et 75% déteste, et celui que 20% aiment mais que 70% peuvent accepter et seulement 10% jugent inacceptable, lequel ferait le meilleur président ? Si vous appliquez le « vote d’adhésion », vous élirez le premier. Encore une fois, une élection n’est pas un exercice d’expression, mais la désignation d’un gouvernant. Le peuple a d’autres moyens d’exprimer adhésion ou rejet. Il n’y a qu’à voir les affres d’Hollande aujourd’hui.
[« En fait, j’ai toujours trouvé que le « vote utile » était en grande partie un fantasme. L’expérience de 2002 l’a abondamment montré ». Comment ça ? C’est justement après 2002 que l’idée du vote utile s’est popularisée, pour éviter précisément « un nouveau 2 avril ».]
Peut-être, mais le fait est qu’en 2002, après quarante ans d’élection au scrutin majoritaire, les gens n’ont pas voté « utile » au premier tour…
[Comment ça, comme je le dis ? Je ne vois pas la contradiction entre ce que j’i dit et l’ascension de Le Pen. Pourriez-vous préciser votre critique ?]
Vous avez écrit que le système majoritaire poussait au vote « utile » et empêchait un petit candidat de devenir grand. La raison, dites vous, est que les gens préfèrent voter pour un candidat qui a des chances d’arriver au deuxième tour, plutôt que de manifester leur adhésion à un candidat qui n’a aucune chance de s’y retrouver. Si je suis ce raisonnement, jamais un « petit candidat » ne pourrait se retrouver au deuxième tour. Et pourtant, un parti qui en 1981 n’avait qu’une fraction de pourcentage a réussi à accroître ses scores à chaque élection jusqu’à se trouver au deuxième tour. Pourquoi ce qui a été réussi par Le Pen ne pourrait être accompli par, disons, Mélenchon ou Bayrou ? Apparemment, ce n’est pas le système électoral qui l’empêche, puisque le FN y est arrivé…
[« Les chiffres que vous avez donné montrent le contraire : les deux candidats arrivés en tête ont une note à peine supérieure à zéro. Ce qui montre que les votes négatifs sont beaucoup plus importants que les votes positifs ». Ces chiffres ne permettent pas de généraliser.]
Certes. Mais c’est cela qu’elles montrent.
[Entre deux candidats qui déplaisent aussi peu, c’est bien celui qui convainc le plus qui l’emportera.]
Peut-être. Mais le paramètre essentiel reste, dans l’exemple analysé, le fait de ne pas déplaire.
[« Connaissez-vous un homme qui ait « rencontré le peuple » et qui n’ait pas réussi à se faire élire ? Moi pas ». Vous avez l’air de juger du fait qu’il ait « rencontré le peuple » au fait qu’il ait été élu…]
Pas du tout. En 1947, De Gaulle avait certainement « recontré le peuple » et il n’a pas réussi à obtenir à l’Assemblée Constituante une majorité prête à accepter sa constitution. Il faut dire qu’à l’époque elle était élue à la proportionnelle… C’est l’un des gros avantages du scrutin majoritaire : lorsqu’un leader apparaît et « rencontre le peuple », il est en général élu. On peut penser que ce n’est pas une bonne chose, mais le fait me semble difficilement contestable.
[Quant à « jeter de la merde » et à la publicité négative, si ça n’atteint pas le niveau des États-Unis, le débat en France n’est pas toujours aussi élevé que vous avez l’air de le dire et les « petites phrases » fusent. On trouve des sites qui les recensent, et si on en n’a retenu que quelques unes (le « Capitaine de pédalo » de Mélenchon à Hollande), il y en avait d’autres d’assez gratinées : on a oublié « Babar, le roi des éléphants » (Hollande selon Chatel), « le Georges Marchais des temps modernes » et « la mascotte du Figaro » (Mélenchon selon Montebourg), la « dérive sectaire » (de Mélenchon face à Hollande, selon Hue), sans oublier les attaques sur le physique, l’accent et l’origine d’Éva Joly.]
Comparé aux campagnes dans d’autres pays, c’est de la gnognotte. Ce genre de « petites phrases » font rire tout le monde, mais n’ont pratiquement aucune influence sur les résultats. On n’y voit pas des spots à la télé du genre « untel est un traître qui a vendu des secrets aux russes » sur fond de soldats mourants ou « une telle est une avorteuse qui a tué des milliers d’enfants » sur fond de fœtus ensanglantés.
[Et votre exemple des États-Unis va dans mon sens : le système électoral est en effet comme en France un scrutin majoritaire uninominal, et l’absense de second tour et le côté indirect (qui le rend, d’une certaine manière, doublement uninominal : les grands électeurs sont choisis de manière uninominale, et votent pour le président de manière uninominale) amplifient ses défauts.]
Vous faites erreur : le scrutin présidentiel américain n’est pas uninominal : on élit des « grands électeurs », et même si en pratique on les élit sur le nom du candidat à la présidence de leur parti, il ne reste pas moins qu’ils peuvent changer leur vote. Il n’est pas non plus « majoritaire » : c’est le parti qui a le plus de voix qui l’emporte, même s’il n’a pas la majorité. Franchement, tirer du système américain des leçons concernant le scrutin majoritaire à deux tours me paraît pour le moins osé…
[Je n’y ai pas cru, mais beaucoup l’ont pensé. Surtout parmi les électeurs de Mélenchon, bien sûr.]
Je veux bien qu’il faille avoir une araignée dans le plafond pour voter Mélenchon, mais il ne faut pas exagérer. La plupart de ses électeurs sont des gens rationnels, qui ont un minimum de contact avec la réalité. Il fallait être mystique pour croire que Mélenchon pouvait passer devant Hollande.
[Je note également que la droite et Sarkozy en particulier ne tarissaient pas d’éloges sur Mélenchon]
Certains ont cru que Mélenchon pouvait être le « Le Pen de gauche » et détourner des voix du candidat socialiste au deuxième tour, comme Le Pen l’avait fait avec le candidat Chirac en 1988, par exemple. Le problème, c’est que contrairement à Le Pen en 1988, Mélenchon a appelé à voter Hollande au deuxième tour inconditionnellement et avant le premier…
[« Ben justement, lorsque je regarde, je vois des différences aussi grandes, voire plus, qu’avec le système actuel ». Mélenchon Joly Sarkozy ?]
Je ne comprends pas votre question. Dans le système que vous proposez, l’ordre des candidats est différent mais les différences entre les « grands » et les « petits » restent aussi grandes que dans le système actuel. Ce n’est pas parce que le système rapproche Mélenchon et Joly et éloigne Le Pen qu’il est plus juste…
[« Par exemple, pensez vous qu’on accorderait la même « tribune » à Bayrou à 0,25 qu’à Le Pen à -1,1 (soit 5 fois moins) ? J’en doute beaucoup… ». Ben, dans la mesure où Bayrou serait arrivé en tête avec ce système, oui, on lui aurait accordé beaucoup plus d’attention que dans cette campagne où il se retrouvait en ciquième position.]
Donc, votre système ne change rien au système actuel. Le candidat qui arrive en tête bénéficie de l’attention médiatique, celui qui arrive en queue n’en bénéficie pas. Je vous rappelle que toute votre théorie était qu’avec le « vote de valeur » cette polarisation disparaîtrait. Et si vous trouvez « légitime » que le candidat en tête bénéficie de l’attention et pas les « arrivés en cinquième position », pourquoi le reprochez vous au système actuel ?
[« Le fait qu’on ne gagne pas de voix en débattant ». Ah ? Et on débat pour quoi, alors ?]
On débat de moins en moins. Je vous fais remarquer que les débats « face à face », qui étaient si courants dans les années 1970-80, ont pratiquement disparu. Les candidats ne participent pratiquement plus à des débats, en dehors de celui d’entre les deux tours, devenu traditionnel. C’est certainement une « vraie question », mais je ne vois pas le rapport avec le système électoral.
[« Oui, vous vous trompez. En 1965, le PCF a voté pour Mitterrand. Ce n’était pas du « vote utile », ça ? ». Non, justement, c’était une aliance.]
Quelle « alliance » ? En 1965, il n’y a eu aucune « alliance ». Le PCF a decidé de voter « utile » dès le deuxième tour en appuyant le seul candidat qui pouvait mettre De Gaulle en ballotage. C’était un geste typique de « vote utile ».
[L’élection est bien plus qu’un épisode parmi d’autre, c’est pratiquement le seul où les citoyens sont directement invités à participer.]
Ah bon ? Ils ne sont pas « directement invités » à rejoindre un parti politique, à participer à des débats ou des manifestations ?
[« Quant à la sélection des politiques, c’est essentiellement l’affaire des partis ». Et ils les sélectionnent pour quoi, sinon maximiser leurs chances aux élections ?]
Pas forcément. Un homme comme Séguin ou Chévenement ont occupé des positions importantes dans leurs partis, et on ne peut pas dire qu’ils étaient du genre à « maximiser les chances aux élections » de leurs partis respectifs… d’ailleurs, lorsqu’un parti sélectionne ses cadres il le fait pour le long terme, et il est difficile de décider, lorsqu’on promeut un jeune de 25 ans, ce qui fera gagner les élections lorsqu’il en aura 65 .
[« Si le candidat qu’on préfère est crédible, il sera entendu par les gens qui ont intérêt à l’entendre ». Et donc, même remarque que plus haut : s’il n’est pas entendu, vous en déduisez qu’il n’était pas crédible ? N’est-ce pas un raisonnement circulaire ? Ou je vous ai mal compris ? Qu’est-ce qui vous permet de juger a priori si un candidat est ou non crédible ?]
A priori, je peux analyser son discours, examiner sa cohérence interne et externe. Mais je parlais d’un test à posteriori : si un homme politique parle et que personne ne le suit, il y a deux options : ou bien il n’est pas crédible, ou bien son auditoire n’a pas intérêt à le suivre. Il n’y a rien de circulaire là dedans.
[Les électeurs ont des intérêts complexes, et le système actuel impose des tactiques de vote qui rendent contradictoire l’expression de ces intérêt. Par exemple un électeur dont le premier choix serait Dupont-Aignan aurait intérêt à voter pour lui, mais également intérêt à voter pour Marine Le Pen, cf. toute la discussion plus haut. Dans le système actuel il ne peut pas soutenir les deux, ce qui l’oblige à voter, quoi qu’il décide, contre ses intérêts.]
Pourquoi ? Si l’un des deux a des chances d’être choisi, il votera pour lui et ses intérêts seront défendus. Si aucun n’a cette chance, il votera pour l’un des deux et cela ne changera rien, son vote sera bien comptabilisé par les analystes comme souverainiste. Quel est le problème ? J’ajoute qu’avec votre système, le problème serait le même : en fin de comptes, il n’y a qu’un seul qui puisse être élu. C’est comme lorsqu’un groupe d’amis organise un repas et doit choisir un menu unique parmi ceux proposés par le traiteur. Cela veut dire que tout le monde ne peut pas avoir tout ce qu’il aime, et que finalement sera choisi celui qui en même temps plait globalement au plus grand nombre sans être inacceptable pour trop de monde.
[Eh bien ? Prenons Mélenchon, par exemple : il était il n’y a pas si logntemps membre d’un « parti de gouvernement ». Pareil pour Dupont-Aignan. Pareil pour Bayrou. Le même mec perdrait toutes ses facultés en quitant le parti qui l’a formé ? ]
Le problème, c’est que « le même mec » ne gouverne pas seul. Le président Mélenchon (ou Dupont-Aignan, ou Bayrou…) devra former un gouvernement, nommer des gens aux hauts emplois civils et militaires de l’Etat. Il lui faudrait donc trouver des dizaines de personnes qui aient des références communes, une même tournure d’esprit, pour assurer une certaine cohérence. Où trouvera-t-il ces équipes ? Au PG ?
[Capables selon qui ? Ce n’est pas les candidats qui manqueraient pour faire partie d’un gouvernment.]
Certainement. Mais encore faudrait-il d’en trouver des compétents, et qui aient des habitudes, des références, des visions politiques cohérentes pour pouvoir gouverner ensemble. Ce n’est pas si simple, contrairement à ce que vous pensez. Il n’y a qu’à voir les « couacs » a répétition provoqués chaque fois qu’on a recruté des ministres « de la société civile » ou dans des formations minoritaires.
[Sarkozy a bien réussi à recruter des socialistes, a plus forte raison le PG trouverait à s’entourer. Même chose pour Bayrou.]
Les « socialistes » recrutés par Sarkozy étaient d’abord très peu nombreux, et ensuite ont été des potiches.
[« Pas du tout. Les anglais par exemple ont un système de scrutin uninominal à un tour ». Scrutin uninominal MAJORITAIRE à un tour. Vous oubliez un peu vite un mot important…]
C’est vous qui inventez le « mot important ». Le scrutin britannique n’est pas « majoritaire », puisqu’un candidat est élu même s’il n’a pas la majorité. C’est bien un « scrutin uninominal à un tour » et non « scrutin uninominal majoritaire à un tour ».
[« Les « idées » c’est une chose, un « programme » c’en est une autre ». Vous jouez sur les mots. Mais soit.]
Non, ce n’est pas jouer sur des mots que de constater cette différence. Le malheur, justement, c’est qu’aujourd’hui on confond les deux…
[N’importe quoi. Entre un candidat dont vous estimez qu’il a de bonnes idées, un bon programme si vous préférez, mais qu’il ne va pas les apliquer, et un autre qui a la capacité à gouverner et appliquer un programme que vous désapprouvez, vous voteriez pour lequel, le second ou le premier ?]
Le second sans hésiter. Je signale en passant la manière dont vous formulez votre question : il ne s’agit pas de la capacité à appliquer son programme, mais de la capacité à gouverner. Le choix aurait du être formulé entre un candidat incapable de gouverner et un candidat capable mais dont les idées me déplairaient. Et je le répète, je choisis la deuxième option, et c’est d’ailleurs le cas de la plupart de mes concitoyens. Si l’on suivait votre raisonnement, un candidat qui promettrait la prospérité, le bonheur et la vie éternelle pour tous devrait être élu dans un fauteuil, puisque selon vous les gens préfèrent les idées à la capacité effective à les mettre en œuvre… Et qui pourrait être contre des « idées » aussi généreuses ?
La première demande que le peuple fait au gouvernant, c’est de le protéger du chaos. Les peuples préfèrent un ordre mauvais plutôt que pas d’ordre du tout. Et les exemples historiques sont légion. C’est pourquoi la question de la « capacité à gouverner » n’est pas neutre. Même s’il a d’excellentes idées, un candidat qui, par son incompétence, pourrait mettre en danger ce qui a été déjà acquis ne sera jamais élu.
[« Faudrait savoir. Plus haut, vous souteniez que le système électoral pousse au vote « utile ». Ici vous affirmez que selon les sondages à peine 10% a voté « utile » et 75% a voté pour un candidat de sa préférence (50% pour qu’il soit élu et 25% pour « augmenter son influence ») ». Eh bien ? 10%, pour moi, c’est déjà beaucoup.]
Je retiens…
[Et la notion de préférence est discutable. « Augmenter son influence », ça veut surtout dire qu’ils ont donné leur voix à un candidat dont ils estimaient qu’il n’avait aucune chance d’être élu, mais on ne peut pas en déduire qu’il s’agissait de leur premier choix.]
Avec ce genre de raisonnement, il ne vous reste plus qu’à lire dans leurs pensées… Soyons réalistes : les électeurs ne choisissent les candidats pour se mettre en ménage avec eux. On s’en fout de savoir quel est le candidat pour lesquels les électeurs ont une préférence sentimentale. Le choix du vote est un choix politique. Si l’électeur vote un candidat pour envoyer un message politique, il manifeste sa volonté par ce message. Qu’il « préfère » ou non le candidat en question n’a aucune importance.
[Conclusion, le vote utile est bel est bien une réalité.]
Mais une réalité minoritaire. Je constate par ailleurs que si vous ne croyez pas au choix des électeurs comme exprimant une pensée profonde, vous semblez croire sur parole ce que les électeurs disent lors d’un sondage. Comment savoir si l’argument du « vote utile » n’est pas une justification commode d’un acte idéologique ?
[« Admettons. Partagez-vous cet avis ? Et si non, quels seraient les candidats à la dernière élection auxquels vous auriez confié la magistrature suprême et donc votre avenir, si c’était à vous seul de choisir ? ». Quelle importance ? Si c’était à moi seul de choisir, autant dire que je serais de fait président…]
Vous évadez la question…
[Par les médias peut-être, mais certainement pas par les partis. A votre avis, qui pèse le plus aujourd’hui sur la politique du gouvernement ? Les verts (2%) ou le Front de Gauche (11%) ? ». Les Verts, évidemment. Mais justement, EELV avait passé un accord électoral avec le PS, que leur faible score a contribué à remettre en question.]
Peut-être, mais il reste que leur influence est plus forte que celle du FdG avec cinq fois moins de voix… et c’était là mon point. Dans une démocratie complexe, il n’y a pas que les scores aux élections présidentielles qui font le rapport de force.
[Elles court-circuitent en outrent le suffrage des électeurs, qui y voient volontiers des « magouilles » et ne comprennent pas pourquoi un parti qui a fait 2% à la présidentielle se retrouve avec un groupe à l’assemblée quand le FN n’a que deux députés. D’autres modes de scrutin permettraient je le pense une plus grande transparence à ce sujet.]
Oui, en cassant le thermomètre. Avec le système que vous défendez, le FN n’aurait pas eu plus de députés, mais il aurait eu moins de pourcentage…
[« Tu mélanges deux choses qui n’ont rien à voir. D’un côté, la question "médiatique" ou l’interprétation des résultats du premier tour, et d’un autre côté l’élection du gouvernant, qui est en dernière instance le but de l’affaire ». Rien à voir ? Il me semble que la question médiatique a une influence considérable sur l’information des électeurs, et donc sur leur choix.]
Quel rapport ? On parlait ici de l’élection comme événement médiatique, et non de l’influence des médias sur l’élection elle-même.
[Ce que j’ai compris des analyses mathématiques des modes de scrutins. Il semble qu’aucun des systèmes analysés ne satisfasse à tous les critères, mais je trouve le critère dit de monotonie particulièrement important : l’idée que si un candidat progresse dans l’électorat, il doit améliorer ses chances d’être élu. Ce n’est pas le cas avec le mode de scrutin actuel, où un candidat peut perdre l’élection pour avoir amélioré son score.]
Je vois mal comment un candidat peut perdre l’élection « pour avoir amélioré son score ». Pourriez-vous être plus explicite ?
Je regarde vos références, je vous répondrai un autre jour.
(zut la suite de mon commentaire n’est pas passé… mon navigateur peine un peu avec la taille de la page ! Je vous le remets en entier)
Quel article, et quelle série de commentaires, franchement bravo, c’est très intéressant. Le coup du punk à croix gammée à un concert ou à une cérémonie de déportation… je me permettrais de la ressortir, c’est bien trouvé !
(avertissement : ci-dessous vous allez trouver des CRIS D’ORFRAIE)
Je suis vraiment très étonné qu’un féru d’histoire comme vous semblez l’être en arrive à ce genre de questionnements. Je pense plutôt que le FN grossit inexorablement et assez naturellement "s’adoucit", mais reste et restera au fond un parti plus ou moins fasciste, qui ne saura gouverner qu’en trouvant des boucs émissaires… et ça ne sera pas joli à voir.
[Ce mélange (…) montre d’ailleurs le désarroi programmatique du FN. « Le nouveau est en train de naître et l’ancien n’est pas encore mort ».]
Franch ement vous vous montrez là bien compréhensif ! Si on compare ça avec vos critiques impitoyables (et souvent justes, je ne le nie pas) contre le programme et le rôle du front de gauche, ça fait tout drôle. Le FN a trente ans d’existence, mais est en train de renaître en parti néo-gaullien, donc on peut excuser de petits enfantillages sur les immigrés ou le trop d’impôt. Le front de gauche (qui n’a que 4 ou 5 ans je crois, et surtout n’est pas vraiment [encore?] un vrai parti, avec tout ce que ça implique de bordel et de tensions) n’a pas souvent droit a une telle excuse sur ce blog…
[Un excellent bouquin que je conseille à tous ceux que la politique intéresse. Cela se lit comme un roman, mais c’est profusément documenté et permet de se sortir de la tête un certain nombre de préjugés.]
Je prends au passage ce titre de bouquin, et j’en profite pour vous remercier pour "l’étrange défaite" que j’ai lu suite à un de vos articles… Quel bouquin !
D’ailleurs si un jour vous être en panne d’idée d’article, je suis pour ma part preneur de la liste de vos livres préférés…
@tmn
[Quel article, et quelle série de commentaires, franchement bravo, c’est très intéressant.]
Merci beaucoup. J’avoue que j’ai été un peu surpris de la quantité de commentaires – et je profite pour m’excuser auprès des lecteurs, cela m’a pris beaucoup de temps de publier et répondre à certains d’entre eux – mais cela montre qu’on a du mal à débattre de certains problèmes.
[(avertissement : ci-dessous vous allez trouver des CRIS D’ORFRAIE)]
« Laissez les orfraies venir à moi… »
[Je suis vraiment très étonné qu’un féru d’histoire comme vous semblez l’être en arrive à ce genre de questionnements. Je pense plutôt que le FN grossit inexorablement et assez naturellement "s’adoucit", mais reste et restera au fond un parti plus ou moins fasciste, qui ne saura gouverner qu’en trouvant des boucs émissaires… et ça ne sera pas joli à voir.]
J’ai du mal à voir sur quelle référence historique s’appuie votre raisonnement. Les partis « plus ou moins fascistes » en France n’ont jamais gouverné. Nous manquons donc d’expérience sur la manière dont ils pourraient le faire. Je vous rappelle d’ailleurs que certains dénonçaient périodiquement en De Gaulle un « général fasciste ». A-t-il si mal gouverné ?
[Franchement vous vous montrez là bien compréhensif ! Si on compare ça avec vos critiques impitoyables (et souvent justes, je ne le nie pas) contre le programme et le rôle du front de gauche, ça fait tout drôle. Le FN a trente ans d’existence, mais est en train de renaître en parti néo-gaullien, donc on peut excuser de petits enfantillages sur les immigrés ou le trop d’impôt. Le front de gauche (qui n’a que 4 ou 5 ans je crois, et surtout n’est pas vraiment [encore?] un vrai parti, avec tout ce que ça implique de bordel et de tensions) n’a pas souvent droit a une telle excuse sur ce blog…]
Je peux vous faire deux réponses : la première, c’est que je m’intéresse plus à la dynamique qu’à l’état des choses. En d’autres termes, un parti d’extrême droite qui dérive vers le gaullisme social m’intéresse plus, en terme de potentiel d’avenir, qu’un parti communiste qui dérive vers le gauchisme. La deuxième, est que je m’intéresse plus à la base sociologique d’un mouvement politique qu’à son discours. Parce qu’en dernière instance, c’est la base sociologique qui détermine l’action. Mitterrand pouvait parler dans les meetings de « rupture avec le capitalisme », il suffisait de regarder qui étaient les couches sociales qui votaient pour lui pour savoir qu’une fois au pouvoir la « rupture » serait remisée au magasin des accessoires électoraux. Or, ce qui est intéressant aujourd’hui est que le FN est en train de fonder sa stratégie sur la conquête de l’électorat populaire, là où le FdG préfère se consacrer aux revendications des classes moyennes. D’où ma critique mordante pour le dernier, et l’intérêt pour l’évolution du premier – intérêt qu’il ne faut pas confondre avec l’adhésion.
[D’ailleurs si un jour vous être en panne d’idée d’article, je suis pour ma part preneur de la liste de vos livres préférés…]
Je retiens la commande… 😉
@ Descartes
Rapidement, car je vois que tu es passé à autre autre chose (et que le compteur de commentaires a explosé, bientôt on ne pourra plus afficher cette page sans une connexion par fibre optique). Je reprends juste une partie de notre échange à propos de Nikonoff et de ses propositions :
[… il me semble que ce risque d’inflation est très variable en fonction de l’utilisation qui est faite de la masse monétaire supplémentaire créée : si c’est pour faire fonctionner des comités théodule ou verser des allocations diverses, le risque est réel ; si c’est pour créer de nouveaux actifs (écoles, hôpitaux, voies ferrées, aéroports, centrales nucléaires), le risque est bien plus limité.]
Tu réponds :
"Non. Le risque est exactement le même : s’il y a plus de monnaie en circulation, chaque unité monétaire pourra acheter moins de marchandises. Que l’unité monétaire ait été mise en circulation pour payer des comités théodule ou des centrales nucléaires ne change rien à l’affaire."
Mais justement, si je suis bien mon raisonnement (et si tant est qu’il soit juste…), alors il y a aussi plus de marchandises en circulation : plus de trains, plus d’électricité, etc.
@ Joël Halpern et Nationaliste Jacobin
Merci pour vos réponses. Je vois que mes réflexions convergent très largement avec celles de Joël Halpern ; je n’aurais pas grand-chose à ajouter. On est d’accord sur le fait que DANS LE CONTEXTE PRESENT, gérer un flux migratoire important est très délicat. Mais le contexte présent est inacceptable, et encore une fois, les Français-de-souche eux-mêmes ont de gros problèmes d’intégration… Je n’ai pas encore lu attentivement le billet de NJ sur son blog, mais il est exact que mon point de vue sur l’immigration s’inscrit dans une réflexion plus large. Et par ailleurs, si je défends une position aussi tranchée, c’est aussi en réaction aux ambiguïtés qui se manifestement systématiquement (il me semble) aussi bien dans les discours (vaguement) « immigrationnistes » que dans les discours prônant des restrictions drastiques.
Je crois qu’il faut être clair : si l’on veut régulariser tous les clandestins, il ne suffit pas de régulariser tous les clandestins ; il faut continuer de régulariser ceux qui continuent d’arriver – mais il faut le dire ! (Cherchez ça dans les déclarations de Désir ou de Mélenchon, et appelez-moi si vous trouvez : leur réflexion, ou du moins leur discours, ne va jamais jusque-là.) A moins de supprimer les visas et de partir du principe qu’un passeport étranger quelconque suffit pour entrer en France (ce que je propose). Du coup, on s’épargne les complications liées au processus de régularisation continuelle. Notez qu’il ne s’agit pas de supprimer les contrôles aux frontières ni les contrôles d’identité ; sur le principe il me paraît normal et nécessaire que l’Etat sache qui entre sur le territoire national, qui en sort, qui s’y trouve.
Et à l’autre extrême, si l’on veut expulser les clandestins (une idée qui ne me choque pas sur le principe, mais que je trouve simplement désagréable et par ailleurs absurde), alors il ne suffit pas d’expulser les clandestins. Pour que le travail des fonctionnaires ne ressemble pas à celui de Sisyphe, il faut construire une sorte de rideau de fer, comme l’ont fait les Américains à leur frontière mexicaine – mais là encore il faut le dire ! (Cherchez ça dans les déclarations de Marine Le Pen, et pareil, etc., même remarque…) Là encore c’est désagréable et aberrant de mon point de vue, mais je tiens à quand même à préciser que cela me paraîtrait légitime si les Français en prenaient la décision par référendum (ou par un vote) et/ou si un risque de surpopulation existait. NJ parle d’autosuffisance alimentaire, je considère que c’est un bon critère – et sans doute le critère essentiel. Et justement, il me semble qu’il y a de la marge de ce côté-là. D’un autre côté, j’ai bien conscience que c’est beaucoup plus compliqué que ça, et que si l’on commence à parler d’autosuffisance en matières premières, ça se corse un peu (surtout avec une agriculture aussi dépendante des intrants pétrochimiques…). A propos du référendum sur l’immigration (une idée figurant dans le programme de l’UPR, au fait), il est clair que je défendais plus haut MA vision de la France, et je que je dénie pas aux autres visions le droit d’exister ; c’est bien pourquoi je suis tout à fait favorable à cette idée de référendum. (Un peu comme pour le référendum sur la politique énergétique de la France, qui me paraît encore bien plus important : je suis pro-nucléaire, mais je crois que la question correspond exactement à ce qui est l’objet même de la démocratie ; d’ailleurs, d’une manière générale je suis pour tous les référendums ou presque – en dehors des libertés publiques et individuelles, et de la forme républicaine du gouvernement, j’estime que TOUT peut et éventuellement doit être objet de référendum… y compris le mariage homosexuel… sans oublier… la sortie de l’Union européenne…)
Je vous invite enfin à lire, si ce n’est pas déjà fait, le dernier billet de Lordon sur son blog (je crois que concernant l’immigration il tombe dans un travers que j’évoquais plus haut), et les commentaires de Sapir et du blogueur RST.
http://blog.mondediplo.net/2013-07-08-Ce-que-l-extreme-droite-ne-nous-prendra-pas
http://russeurope.hypotheses.org/1441
http://ecodemystificateur.blog.free.fr/index.php?post/Ce-que-la-gauche-critique-ne-nous-prendra-pas
@joe liqueur
[Rapidement, car je vois que tu es passé à autre autre chose (et que le compteur de commentaires a explosé, bientôt on ne pourra plus afficher cette page sans une connexion par fibre optique).]
Et je te raconte pas le travail pour y répondre avec la nouvelle interface qui met un siècle pour charger… enfin, le résultat en vaut la peine !
[Mais justement, si je suis bien mon raisonnement (et si tant est qu’il soit juste…), alors il y a aussi plus de marchandises en circulation : plus de trains, plus d’électricité, etc.]
Oui, bien sur. Seulement, il y a un effet de décalage temporel : l’argent dépensé génère de l’inflation tout de suite, alors que les TGV et les centrales nucléaires que tu auras payé ne commenceront à produire que dans plusieurs années. C’est pourquoi il faut faire attention à ce que l’inflation reste gérable même lorsque l’argent qu’on injecte dans l’économie est bien dépensé.
[Je crois qu’il faut être clair : si l’on veut régulariser tous les clandestins, il ne suffit pas de régulariser tous les clandestins ; il faut continuer de régulariser ceux qui continuent d’arriver – mais il faut le dire !]
Oui, tout à fait. La régularisation générale ne fait que vider le réservoir des clandestins, qui se remplira aussitôt. Car il faut bien comprendre le problème : il y a dans notre société un certain nombre de « places » pour des clandestins, un certain nombre de petits boulots temporaires, de taudis disponibles, etc. Lorsque ces places sont prises, cela dissuade des nouveaux arrivants de venir. Si l’on régularise, on ne fait que libérer des places qui attireront des nouveaux arrivants jusqu’à ce que les places soient réoccupées.
[Et à l’autre extrême, si l’on veut expulser les clandestins (une idée qui ne me choque pas sur le principe, mais que je trouve simplement désagréable et par ailleurs absurde), alors il ne suffit pas d’expulser les clandestins. Pour que le travail des fonctionnaires ne ressemble pas à celui de Sisyphe, il faut construire une sorte de rideau de fer, comme l’ont fait les Américains à leur frontière mexicaine – mais là encore il faut le dire !]
Il y a des solutions intermédiaires. Par exemple, maintenir un système de contrôles qui rend très difficile aux étrangers en situation irrégulière de travailler, de trouver un logement, d’ouvrir un compte en banque en France. Et se résigner au fait qu’il existera toujours un petit « réservoir » de postes et de logements misérables qui resteront accessibles et où il y aura des clandestins. Et il faut que ces logements et ces postes restent misérables, parce que c’est cela qui joue un rôle dissuasif pour éviter qu’il y ait de nouveaux arrivants. Ce n’est pas une solution jolie-jolie, mais il faut être pragmatique. Il n’y a pas de « bonne » solution à ce problème.
[A propos du référendum sur l’immigration (une idée figurant dans le programme de l’UPR, au fait), il est clair que je défendais plus haut MA vision de la France, et je que je dénie pas aux autres visions le droit d’exister ; c’est bien pourquoi je suis tout à fait favorable à cette idée de référendum.]
Je ne partage pas cet engouement pour le référendum à tort et à travers. Je crois à la démocratie représentative, avec des représentants qui jouent le rôle de médiateur. Le référendum oui, mais pour les grandes questions institutionnelles.
Tout d’abord @Descartes : je crois que c’est ton billet qui a le plus cartonné ou du moins qui a eu le plus de commentaires depuis que tu as ouvert ce blog ^^.
Comme quoi, la question de l’immigration (même si tu as lancé un billet avec un sujet une idée un peu provocatrice sur l’influence des nouveaux arrivants et leur sociologie parmi les cadres du FN), que la gôche du bien évacue par terrorisme intellectuel (vous êtes des racistes !), de façon lapidaire (il n’y a pas de problème d’immigration !), ou par lâcheté (le PS), doit être débattue publiquement. Le fait de ne jamais en parler, ou de façon lénifiante comme le font les gauchistes, ça finira par sauter à la figure. Je remercie d’ailleurs les participants d’avoir exposé leurs idées de façon franche et cordiale, comme quoi sur un tel sujet "polémique", c’est tout à fait possible d’argumenter entre gens sensés (les mauvaises langues et détracteurs de notre hôte diront que de toute façon, il n’attire que les suppôts du FN).
Je voudrais juste réagir par rapport à plusieurs interventions :
1. @Joe Liqueur par rapport à ta discussion avec Nationaliste Jacobin : tu sembles tout réduire à la question du chômage, hors si elle est importante, elle n’explique pas tout (et on a l’impression que pour toi, il suffirait qu’il baisse, pour régler tous les problèmes, et accueillir plein d’immigrés). Je suis plutôt en accord avec le constat fait par Halpern. Un pays comme l’Allemagne a un chômage bien plus bas que nous, une population vieillissante, et un "passé criminel", pourtant les allemands n’ont pas une politique repentante et portes ouvertes à l’immigration à tous vents. Ils ont culturellement une philosophie de la nation différente de nous (la fameuse opposition Fichte/Renan évoquée sur ce blog), mais qui fait consensus chez eux et qui est acceptée par leurs immigrés (dans leur équipe nationale de foot, on ne trouvera pas beaucoup de Mehmet). Nous avons une culture qui est assimilationniste (ce qui implique que l’immigré doit accepter de perdre de sa spécificité s’il veut rejoindre la République).
Je te ferai remarquer que même dans les pays anglo-saxons qui encouragent le communautarisme sous couvert de diversité (le blabla que tu critiques à juste sens), la réussite et la promotion sociale des "issus des minorités" est toujours passée par une mise en sourdine de leur côté exotique : Obama n’aurait jamais été élu président, et n’aurait même jamais été un élu tout court, s’il avait arboré une africanité à la mettons, Jacob Zuma (l’actuel président sud-africain). Métis issu de la classe moyenne, il a suivi le parcours du parfait petit Wasp qui a fait les grandes écoles. On oublie trop souvent que la France "raciste" elle avait eu des personnalités remarquables telles Gaston Monnerville (un noir président du Sénat) ou Felix Eboué qui ont occupé des fonctions particulièrement prestigieuses, qu’ils doivent à eux-mêmes, leur talent, leur dévouement à la partie républicaine et non pas par nomination condescendante ou quota-pro descendants d’esclaves) quand les USA pratiquaient encore la ségrégation raciale.
Je suis totalement attachée au modèle assimilationniste et républicain français, et je pleure de le voir piétiné par la gôche du bien, et n’être pas défendu avec plus de fermeté.
2. En parlant d’Afrique du Sud, et pour rebondir sur la discussion Odp/Descartes sur les pieds-noirs et la politique terroriste menée par les autorités algériennes après l’indépendance en violation des accords d’Evian : on remarquera le gouffre qui les sépare avec Nelson Mandela à la fin de l’apartheid. Mandela n’a jamais encouragé une quelconque vengeance envers les blancs ou de politique terroriste analogue. A la fois humaniste mais surtout très pragmatique quant à la société à construire post-apartheid, il savait que le capital matériel et immatériel était du côté des blancs. On pouvait crier à l’injustice historique, au fait qu’il s’est bâti de façon illégitime sur l’exploitation des noirs, etc, mais il n’empêche qu’il savait qu’il en avait besoin. On peut toujours exproprier brutalement du capital matériel, mis le capital immatériel (primordial pour administrer un pays), lui est très rare et met des années à se constituer. Donc, qu’est-ce qu’il a fait : il a négocié et a pacifié les relations avec les ex-exploiteurs. Ça démontre bien sa grande intelligence politique. S’il avait encouragé l’exode massif des blancs avec le recours à la violence (comme l’ont fait ceux qui ont repris les rênes de l’Algérie en 1962), le pays aurait aujourd’hui le niveau de vie du Malawi, et toutes les tares de nombreux pays africains : coups d’état à répétition, violence paramilitaire sans issue, etc. Il reste beaucoup de problèmes à résoudre en Afrique du Sud, mais le pays est considéré comme une puissance émergente et les investisseurs ont l’air de le considérer comme un des plus stable et fiable en Afrique.
En Algérie, après l’euphorie de l’indépendance et la satisfaction d’être "entre soi", ils ont poussé à la sortie des gens qui avaient un capital immatériel inestimable, et le paient toujours (les nouveaux administrateurs ont mis en place un état rentier, géré par des incompétents). Et la culture de la violence armée pour résoudre des conflits est restée : une fois qu’on l’a utilisée contre des "étrangers", la prochaine étape c’est de l’utiliser contre sa propre population, ce qui n’a pas manqué d’arriver.
3. J’avais déjà évoqué le problème que me pose le mariage endogame dans le billet http://descartes.over-blog.fr/article-la-gauche-et-la-philosophie-du-miroir-106195297.html : Joe Liqueur tu as dit que tu étais défavorable à la double nationalité, mois c’est la politique du regroupement familial qui doit être revue de fond en comble. Permets-moi de te demander : est-ce que tu discutes vraiment de sujets de fond avec les immigrés de ton quartier communautaire ? Parce que de par mon militantisme et mon bénévolat, j’ai souvent discuté avec eux, et je suis parfois très agacée par la vision utilitariste que beaucoup peuvent avoir de la nationalité française ou du droit français. Je parlais de l’échec de l’indépendance algérienne, je pourrais étendre avec les populations jeunes du Magreb dont la seule perspective d’avenir est souvent réduite à émigrer et devenir clandestin ou se marier avec un(e) cousin(e) vivant en France et qui a des papiers. Leurs discussions entre eux tournent à 80 % sur ça.
Je suis très réfractaire au regroupement familial tel qu’il est pratiqué aujourd’hui (et c’est pourtant de l’immigration légale), car quand on arrive à la 3ème génération de descendants d’immigrés qui cherchent un conjoint dans le pays "d’origine", c’est pour moi un problème. Je serais personnellement totalement favorable à une politique qui ferait du soi-disant regroupement familial un tel parcours du combattant (ou le supprimerait) que ça encouragerait ceux qui veulent à tout prix prendre un(e) conjoint(e) de la même origine/religion que lui à le chercher en France, chez les déjà installés et légaux, ou parmi les français naturalisés. Les mobiles du mariage endogame sont souvent obscurantistes (pression familiale, préjugés raciaux, sociaux et religieux, etc) la République n’a pas vocation à les encourager (et spéciale dédicace aux féministes : on lutte beaucoup plus efficacement contre le mariage forcé en amont que par des ministères à la con des droits des femmes).
Quand je lis les posts de Nationaliste Jacobin, je comprends son agacement et son malaise devant le délitement de la République (même si je ne souscris pas à l’ensemble de ses réflexions). Je suis moi-même une française naturalisée : l’année de mes 18 ans, de mon bac L et de ma naturalisation, j’avais écrit une très longue lettre pour mon dossier de naturalisation (qui dans mon cas était pure formalité), dont j’ai toujours une photocopie. C’était comme une dissertation, et je me souviens des longues heures que j’ai passées à la mettre en forme, à organiser mes idées, à m’appliquer dessus. Le jour où je suis allée à la Préfecture chercher mon certificat, j’ai même été déçue de ne pas avoir eu droit à une cérémonie plus solennelle et grave (je ne m’attendais pas à une cérémonie du type défilé du 14 juillet, mais quand même !). Chaque société à ses rites de passage, pour moi, l’année des 18 ans fut mon entrée dans ma vie adulte, avec un choix conscient et parfaitement assumé d’être française et de ne jamais revendiquer la nationalité de mes parents. Quand j’ai été bénévole pour faire office d’écrivain public pour des populations analphabètes ou des étrangers qui ne maîtrisaient pas le français, j’avoue que j’ai parfois été choquée par certaines personnes pour qui tout est dû, ou qui ont une vision utilitariste des institutions françaises.
4. En matière de nationalité, de régularisation ou de droit du sol, la gôche du bien raisonne (résonne plutôt…) souvent en attribution de droits : c’est parce qu’ils ne bénéficient pas de lois progressistes dans leurs pays d’origine qu’il faut leur donner ! Quand Sarkozy a voulu inclure des mesures qui sonnaient comme une forme d’allégeance aux lois de la république ou un engagement écrit, j’avoue ne pas du tout avoir été choquée. Pour moi, il faudrait inclure des cours d’instruction civique obligatoires parce que lesdites lois progressistes ne sont pas arrivées du jour au lendemain : ce ne sont pas des juristes qui se sont levés un jour et se sont dit qu’il fallait faire une société plus juste, elles sont le fruit d’une longue histoire et ont eu un parcours philosophique (dont la base principale fut le rejet de dogmes, notamment religieux). De même, la protection sociale est un prélèvement sur la richesse nationale collective produite dans le pays, ce n’est pas de l’argent qu’a la France dans un coffre bien caché. Ces principes qui te paraissent si évidents, et bien combien de fois j’ai eu à les expliquer à des étrangers en France dans le cadre de mon bénévolat !
Ça additionné avec le climat de repentance éternelle que les bobos veulent à tout prix nous faire gober, il ne faut pas s’étonner de l’existence d’un (je cite Halpern) lumpenprolétariat drogué aux minima sociaux, au travail clandestin et aux trafics.
Je suis d’accord sur la jolie formule mélenchonienne (on peut faire France de tout bois) en principe, à la seule condition de maintenir un haut sentiment républicain et en promouvant une politique assimilationniste assumée (faisant comprendre à ceux qui ne sont pas d’accord qu’il y a plein d’autres options dans le monde qu’ils sont libres d’essayer, mais on ne peut pas tout avoir, un haut niveau de protection sociale, un état de droit, la liberté de conscience, et … le communautarisme, vu que les avantages progressistes qu’on a en France se sont construits contre les réflexes communautaires).
5. L’exigence de régularisation de tous les travailleurs clandestins scandé par le Front de Gauche est une aberration irresponsable car c’est un appel d’air (en période de croissante atone et de chômage structurel, qui de plus est). Il y en a qui n’ont visiblement rien retenu du mandat de Zapatero : qu’est-ce qu’on a pu m’en rabattre les oreilles de ce gouvernant, le seul en Europe qui n’avait pas oublié les "valeurs de gauche", en légalisant le mariage homosexuel et en régularisant massivement les clandestins. Elle est belle la fin de son mandat : + 20 % de chômage, une croissance artificielle créée par l’illusion d’une bulle qui a éclaté, l’Espagne a des années à s’en remettre. La gauche là bas, elle dit quoi aux immigrés ? Rentrez chez vous on n’a plus de travail ?
Juste une remarque envers ceux qui profitent du travail clandestin : ce ne sont pas des ultra-riches très radins, mais essentiellement les classes moyennes qui veulent des travaux de ravalement bradés, des travaux d’aménagement chez soi pas chers, des loisirs et donc des restaus/hôtels nombreux et variés. En attendant que le clandestin soit régularisé (ça peut mettre plus de 10 ans) et bien des commandes ont pu être passées à des entreprises qui ne déclarent pas la moitié de leur personnel plutôt qu’aux sociétés qui sont assurées, ont du personnel qualifié et donc font des devis en conséquence. Pour moi, l’accueil des clandestins doit rester un parcours du combattant et la politique dissuasive.
[Tout d’abord @Descartes : je crois que c’est ton billet qui a le plus cartonné ou du moins qui a eu le plus de commentaires depuis que tu as ouvert ce blog.]
En effet, c’est la première fois que j’ai eu une telle avalanche. J’ai eu du mal à gérer et à répondre à tout le monde (d’autant plus que la nouvelle interface n’est pas vraiment très commode…). Je m’en excuse d’ailleurs auprès de mes lecteurs…
[Comme quoi, la question de l’immigration (même si tu as lancé un billet avec un sujet une idée un peu provocatrice sur l’influence des nouveaux arrivants et leur sociologie parmi les cadres du FN),]
Franchement, je regrette que le débat soit parti dans cette direction-là. Comme si le phénomène qu’est le FN était réductible à la question de l’immigration… mais bon, le débat a sa propre dynamique.
[On oublie trop souvent que la France "raciste" elle avait eu des personnalités remarquables telles Gaston Monnerville (un noir président du Sénat) ou Felix Eboué qui ont occupé des fonctions particulièrement prestigieuses, qu’ils doivent à eux-mêmes, leur talent, leur dévouement à la partie républicaine et non pas par nomination condescendante ou quota-pro descendants d’esclaves) quand les USA pratiquaient encore la ségrégation raciale.]
J’ai bien souligné moi-même ce paradoxe : la France a pratiqué la « diversité » bien avant que les classes bavardantes importent des Etats-Unis, ce pays obsédé avec la question raciale, l’idée militante. Mais elle l’a pratiqué à la française, c’est-à-dire en ignorant la couleur d’un Monnerville ou d’un Eboué, et non en la soulignant.
[En Algérie, après l’euphorie de l’indépendance et la satisfaction d’être "entre soi", ils ont poussé à la sortie des gens qui avaient un capital immatériel inestimable, et le paient toujours (les nouveaux administrateurs ont mis en place un état rentier, géré par des incompétents). Et la culture de la violence armée pour résoudre des conflits est restée : une fois qu’on l’a utilisée contre des "étrangers", la prochaine étape c’est de l’utiliser contre sa propre population, ce qui n’a pas manqué d’arriver.]
Exactement mon point.
[Je suis moi-même une française naturalisée : l’année de mes 18 ans, de mon bac L et de ma naturalisation, j’avais écrit une très longue lettre pour mon dossier de naturalisation (qui dans mon cas était pure formalité), dont j’ai toujours une photocopie. C’était comme une dissertation, et je me souviens des longues heures que j’ai passées à la mettre en forme, à organiser mes idées, à m’appliquer dessus. Le jour où je suis allée à la Préfecture chercher mon certificat, j’ai même été déçue de ne pas avoir eu droit à une cérémonie plus solennelle et grave (je ne m’attendais pas à une cérémonie du type défilé du 14 juillet, mais quand même !). Chaque société à ses rites de passage, pour moi, l’année des 18 ans fut mon entrée dans ma vie adulte, avec un choix conscient et parfaitement assumé d’être française et de ne jamais revendiquer la nationalité de mes parents. Quand j’ai été bénévole pour faire office d’écrivain public pour des populations analphabètes ou des étrangers qui ne maîtrisaient pas le français, j’avoue que j’ai parfois été choquée par certaines personnes pour qui tout est dû, ou qui ont une vision utilitariste des institutions françaises.]
Décidément, nous sommes nombreux à être naturalisés sur ce blog… oui, je partage avec toi et le sentiment, et l’expérience. Moi aussi j’ai été déçu de ne pas avoir à prêter serment ou à participer à une cérémonie de passage lorsque je suis devenu français. Moi aussi je suis énervé par la vision « utilitaire » qu’ont certains étrangers – y compris ceux qui viennent du même pays que moi – du passeport français. C’est d’ailleurs drôle : lorsqu’on avait parlé d’imposer une prestation de serment aux naturalisés, ce sont les bobos bienpensants qui ont saboté la chose. Je ne connais pas un seul naturalisé – et j’en connais un paquet – qui fut contre.
Comme d’autres l’ont signalé avant moi, la discussion que tu as suscitée est particulièrement riche. Malheureusement la forme du blog rend extrêmement difficile de la consulter. Ne serait-il pas possible de remanier tout cela en regroupant les échanges en fonction des thèmes (FN, immigration, institutions…) ?
@ Banette
Je suis d’accord avec vous, sauf sur un point : épouser une personne de nationalité étrangère n’est pas l’exclusivité de migrants endogames. Transformer, comme vous dites, en "parcours du combattant" un mariage à l’étranger, revient à priver d’un droit légitime nombre de personnes étrangères aux motifs que vous évoquez (s’il faut évoquer mon expérience personnelle, vous empêcheriez mon mariage et les bons petits français qui en sont issus ;-). D’ailleurs, de façon plus générale, n’oublions pas que la majorité des immigrés s’assimile sans bruit et souffre du tapage autour des minorités "à problème". Une politique d’assimilation devra donc marcher sur deux jambes : pleine application de la loi à l’encontre des communautaristes et intégristes, mais pleine ouverture pour ceux qui jouent le jeu (qui sont nombreux et le seraient plus encore si les règles étaient clarifiées).
[Malheureusement la forme du blog rend extrêmement difficile de la consulter. Ne serait-il pas possible de remanier tout cela en regroupant les échanges en fonction des thèmes]
Malheureusement, non. Le module de gestion des commentaires d’over-blog ne donne pratiquement aucune liberté pour organiser les commentaires – ou alors je n’ai rien compris, ce qui reste possible. C’est dommage parce qu’avec le nombre très important de commentaires cela devient impossible à lire, alors que le débat est passionnant…
[D’ailleurs, de façon plus générale, n’oublions pas que la majorité des immigrés s’assimile sans bruit et souffre du tapage autour des minorités "à problème".]
Tout à fait d’accord. L’un des problèmes de notre société médiatique, c’est de généraliser à l’infini à partir d’un exemple. Même si les politiques d’assimilation n’ont plus le soutien politique qu’elles avaient autrefois, la France reste une nation assimilationniste et la réaction naturelle des français est de privilégier cette voie par rapport à celle des "communautés". La plupart des immigrés s’assimile sans bruit, comme tu dis, et sans problème. Cela étant dit, il faut rester très vigilant. Et je suis d’accord sur les "deux jambes" auxquelles tu fais référence: pleine application d’une loi claire délimitant sans ambiguïté les droits et les obligations.
@ J. Halpern & Descartes,
"La plupart des immigrés s’assimile sans bruit,"
Qu’est-ce qui vous permet de l’affirmer?
Plusieurs choses. La première, c’est qu’on ne voit pas apparaître en France de véritables organes "communautaires", que ce soit des médias, des associations, des clubs sportifs, des syndicats. Les immigrés en situation régulière représentent plus de 4 millions de personnes, et presque 10% des résidents en âge de travailler. Il faut croire que ces gens là se sentent bien servis ou représentés par les médias, les associations, les clubs sportifs et les syndicats français. Quelle meilleure preuve d’assimilation ?
Le paradoxe français, c’est que les réflexes "communautaires" sont plus forts chez les descendants d’immigrés de première et deuxième génération que chez les immigrés eux mêmes…
D’accord avec la réponse de Descartes. Les "communautés" de bric et de broc qui se construisent ne sont pas des communautés d’origine mais le mélange d’un sentiment d’altérité, de la réaction à la relégation professionnelle et résidentielle, de l’identification fantasmatique à des modèles étrangers, le tout mijoté sur le laisser-faire et le culte de la "différence". En d’autre termes, il ne s’agit pas d’une incompatibilité culturelle mais d’une insertion ratée dans la société française.
Deuxième point : de qui parlons-nous ? Comme les trains qui arrivent à l’heure, les immigrés intégrés n’attirent pas l’attention. Le fait est pourtant que derrière le terme "immigrés" la plupart des intervenants ont en tête les jeunes musulmans d’origine nord-africaine, Or ils ne représentent que 3.5 millions de personnes sur 12 millions d’immigrés de 1ère et 2e générations… Et, même parmi ceux-ci, la plupart réduisent leur particularisme à quelques interdits alimentaires plus ou moins respectés. Une forte minorité joue la police des mœurs et cherche à souder une communauté élargie, mais n’y réussit que dans la mesure où ces jeunes sont sont enfermés dans l’entre-soi. Ce contrôle reste superficiel :les jeunes filles voilées restent minoritaires, par exemple. Mais pour l’observateur malveillant, ce sont ces voiles qui crèvent les yeux. De même, les incidents de type "pain au chocolat" soulèvent à juste titre l’indignation – mais les altercations auxquelles j’ai eu l’occasion d’assister dans ce registre ont toujours divisé les Musulmans présents. Sur le plan scolaire, le raidissement sur les dogmes communautaires (alimentation, place de la femme, antisémitisme…) concernait moins de la moitié de mes élèves quand j’enseignais en ZEP. La plupart (et parfois les mêmes) tentaient de leur mieux de surmonter leurs handicaps scolaires (surtout les filles) et d’absorber la culture commune. Et encore, mes élèves appartenaient à un établissement public "difficile". Les familles d’origine maghrébine les plus aisées envoient plutôt leurs enfants dans l’enseignement… catholique, où ils sont majoritaires dans certaines classes…
Et pour ce qui est des immigrés non maghrébins, j’ai pu constater parmi mes élèves et dans ma famille une réussite scolaire, une insertion professionnelle et un taux de mariage mixte tout à fait spectaculaires.
L’ennui, encore une fois, est que cette réalité là n’a aucune visibilité alors que pourtant elle montre la voie à suivre. La force des intégristes et des voyous n’est que le revers de la faiblesse de l’état et de la ségrégation résidentielle.
[L’ennui, encore une fois, est que cette réalité là n’a aucune visibilité alors que pourtant elle montre la voie à suivre. La force des intégristes et des voyous n’est que le revers de la faiblesse de l’état et de la ségrégation résidentielle.]
Tout à fait. La force de la troisième République a été le brassage. On a sorti les jeunes gens du village avec la conscription, on a fait entrer la nation dans le village à travers l’école primaire. Le pouvoir des communautés est le pouvoir de l’évidence pour des gens qui y sont enfermés et n’ont pas accès à d’autres références. Pour affaiblir le contrôle de la communauté, il faut rompre l’enfermement. Cela veut dire pour l’éducation d’être résolument « nationale » et ne faire aucun sacrifice, aucune adaptation sous prétexte de « respect » de telle ou telle particularité ou interdit communautaire. Et cela ne doit pas se limiter aux symboles comme le voile. Cela doit être au cœur des enseignements. Cela veut dire aussi, dans le domaine résidentiel, de forcer – oui, j’ai dit forcer, parce que les immigrés ont une tendance naturelle à se regrouper – la mixité des origines au niveau de l’attribution des HLM, ainsi que dans les schémas de circulation. L’idée de mettre les lycées au milieu des quartiers est une mauvaise idée : il faut pousser au contraire les gens à sortir.
> Quant aux études auxquelles je fais référence, je ne les ai pas sous les doigts mais je pourrais essayer de vous les retrouver (c’est le CEVIPOF qui avait travaillé à une époque sur ce sujet).
Bien volontiers, ça m’intéresse.
> Pour une élection présidentielle, c’est possible parce que l’attention médiatique est très grande. Mais pour une élection législative, par exemple ?
Le risque est sans doute plus grand dans ce cas, mais je le crois minime. Il y a les infos locales, et même au niveau national, si les sondages indiquaient que le parti qui arrive en tête n’en est pas un mais une foule d’inconnus indépendants, on verrait vite le problème. Et puis vous parliez d’éducation, il ne serait pas difficile je pense de faire passer la consigne de mettre la note minimale aux illustres inconnus. On pourrait aussi décaler l’échelle de valeurs pour qu’elle commence à zéro, ou rajouter un vote blanc, ou donner plus de poids aux votes positifs proportionnellement, ou instaurer un seuil de votes positifs… Enfin je ne crois pas trop à ce risque à la base, mais s’il le faut on peut toujours ajuster les règles pour s’assurer de le minimiser.
[Je pourrais vous faire une réponse à la Descartes (« ils n’ont rien dit mais ils n’en pensaient pas moins »),]
Oh ! C’est ça, pour vous « une réponse à la Descartes » ? J’en suis très triste…
Je vous taquine. Enfin vous voyez bien à quoi je faisais allusion…
> Voilà. Ce fait nous dit quelque chose sur le jugement que les français portent sur le mode de scrutin, même dans une situation limite, vous ne trouvez pas ?
Si si, mais seulement sur ça : le jugement que portent les Français. Ça ne dit pas qu’ils ont raison de le penser…
> Pour moi, le consentement à obéir est beaucoup plus important dans la démocratie que le consentement du vote…
D’accord. Vu comme ça je comprends mieux votre position… Mais je ne la partage pas. Et c’est marrant, ça me rappele l’autre débat récent sur la valeur des diplômes : au fond, ce que vous dites c’est que vous jugez les politiques au résultat… Ce n’est pas moi qui dirait que ça ne compte pas, mais le « diplôme » d’élu conféré par le vote est quand même un atout symbolique précieux.
> Alors, je vous le demande encore une fois : quel est votre « thermomètre de référence » politique, qui vous permet de connaître la « vraie » volonté des français et donc de décider que les autres thermomètres sont faux ?
Il y a les sondages, d’une part, mais vous n’avez pas l’air d’en faire grand cas. Et il y a aussi les modèles théoriques, d’autre part. S’il est impossible de connaître avec certitude ce que pensent les gens, on peut faire des simulations, avec des électeurs imaginaires qui pensent comme ci où comme ça, et voir qui serait élu par cette population selon le mode de scrutin.
> Pas du tout. Le fait qu’on organise un second tour tient au fait que le candidat qui serait « le préféré des français » (au sens qu’il regroupera le plus de voix sur son nom) n’est pas nécessairement le mieux placé pour gouverner, puisqu’il est difficile de gouverner contre les gens.
Je ne comprends pas comment vous pouvez écrire qu’un candidat préféré par 20% des électeurs (au premier tour, c’était grosso modeo le score de Chirac, et c’est encore lui qui était en tête) est LE préféré des électeurs. Ça montre qu’il est le préféré de 20% des électeurs, mais à mon avis c’est une erreur d’extrapoler. Enfin c’est une question de définition, mais supposons que Le Pen soit arrivé en tête cette fois-ci, et Chirac second. À quelques pourcents près ce n’est pas invraisemblable, je pense que vous me l’accorderez, et cette petite différence au premier tour n’aurait pas suffit à beaucoup affecter les résultats du second. Dans ce cas Le Pen pour vous serait le candidat préféré des Français ? Alors même que son score du second tour indiquerait que 80 % des Français préfèrent un autre candidat ? C’est paradoxal, non ? Comment peut-il être le préféré si 80% des gens en préfèrent un autre ?
> Comment définiriez vous « le candidat préféré » ? Comme celui qui a le moins d’ennemis ? Celui qui obtient le plus de votes ? Celui qui fait la meilleure moyenne arithmétique – ou pourquoi pas géométrique – entre ceux qui l’aiment et ceux qui le détestent ? Vous voyez, l’idée de « préférence » devient très vite arbitraire…
Oui et non. Selon les définitions on peut sans doute arriver à des résultats différents, mais il y en a quand même qui me semblent plus faciles à défendre que d’autres. Cf. le paradoxe relevé plus haut. Pour moi l’idée est assez simple : au lieu de mettre les candidats en concurrence, et de demander « pensez-vous que ce candidat ferait le meilleur président », on demande aux électeurs de les évaluer individuellement : pensez vous que ce candidat ferait un excellent président. Et on choisit non pas celui dont la plus grosse minorité pense qu’il serait le meilleur, mais celui dont une la plus grosse minorité pense qu’il serait excellent. Ça donne nécessairement une assise plus large au candidat élu, puisque ceux qui pensent que tel candidat serait le meilleur pensent aussi forcément qu’il serait excellent (enfin je simplifie un peu, mais ça ne change pas le raisonnement). Et ça assure qu’un candidat qu’une minorité trouve excellent et même le meilleur et une majorité trouve minable soit choisi contre un candidat qu’une plus large minorité sinon une majorité trouve excellent sinon le meilleur, et qu’une plus petite part de la population trouve donc mauvais.
> Le système uninominal à un tour a d’autres défauts. Comme l’essentiel est d’arriver en tête, cela pousse à la bipolarisation et lamine les autres partis. Par ailleurs, il tend à produire des clivages forts, puisqu’un candidat détesté d’une majorité peut être élu s’il a suffisamment de partisans.
Je peux vous paraphraser ? « La volonté des français ne s’exprime pas dans les sondages, mais dans les urnes. Et lorsqu’il s’est agi de voter, ce candidat soi-disant détesté d’une majorité est bien arrivé en tête que je sache. »
C’est exactement le problème que je dénonce. Le seond tour l’atténue un peu, en assurant que le candidat détesté par la plus large majorité ne puisse être élu, mais il permet toujours l’élection d’un candidat détesté par la deuxième plus large majorité.
Exemple théorique : imaginons des candidats A, B, C, D, E. La population se réparti ainsi en cinq groupes :
1) 26% des gens trouvent que A est le meilleur, trouvent C plutôt bon et détestent tous les autres.
2) 24% des gens trouvent que B est le meilleur, trouvent D plutôt bon et détestent tous les autres
3) 21% trouvent que C est le meilleur, que E n’est pas mal non plus, que D n’est pas terrible, et détestent A et B
4) 19% trouvent que D est le meilleur, que E n’est pas mal non plus, que C n’est pas terrible, et détestent A et B
5) 10% trouvent que le meilleur c’est E, apprécient quand même C et D et détestent A et B.
Avec le mode de scrutin actuel, A et B arrivent en tête et l’un des deux sera élu. Pourtant ils sont détestés respectivement par 74 et 76% des électeurs, alors que C et D, arrivé en 3e et 4e position, et qui bénéficient chacun du franc soutien de 20% des électeurs environ, soit à peine moins que pour A et B, sont en plus jugé bons par 35% de la population environ (groupes 1 et 5 pour C, 2 et 5 pour D), ce qui fait une majorité qui les trouve bons, plus 20% environ qui les trouvent potables et seulement 25% qui les détestent franchement.
Il me semble que la même raison qui vous conduit à rejeter le scrutin à un tour parce qu’il permet l’élection d’un candidat détesté d’une majorité devrait vour conduire à rejeter également le scrutin à ceux tours qui bien qu’il l’aténue possède également cette propriété.
J’ajoute que les électeurs qui préfèrent E, voire ceux qui préfèrent D, ont plutôt intérêt avec le système majoritaire à voter utile, puisqu’avec leurs voix le candidat C pourrait se qualifier, et l’emporter, et que ces électeurs préfèrent c à A et B.
(Avec un système par note, au contraire, si on projette sur l’échelle du vote de valeur, on obtient:
Candidat A: 26% de +2, 74% de -2, soit un score de -0,96
Candidat B: 24% de +2, 76% de -2, soit un score de -1,04
Candidat C: 21% de +2, 36% de +1, 19% de -1 et 24% de -2, soit un score de 0,11
Candidat D: 19% de +2, 34% de +1, 21% de -1 et 26% de -2, soit un score de 0.10
Candidat E: 10% de +2, 40% de +1, 50% de -2, soit un score de -0,40
Avec ce système c’est donc C qui serait élu.)
> Margaret Thatcher n’aurait pas pu être premier ministre en France…
Qu’en savez vous, puisque les Français n’ont pas voté :þ
> Très bien. C’est précisément la force du scrutin majoritaire à deux tours : pour être élu, il ne faut pas trop cliver. Il faut avoir beaucoup de partisans et point trop d’ennemis. Je trouve que c’est un bon compromis.
Oui et non. D’une part il laisse ouverte la possibilité d’élire un candidat franchement détesté, cf. ci-dessus. D’autre part, puisque d’autres systèmes ont aussi cette propriété de nécessiter beaucoup de partisans et peu d’ennemis, et qu’il facilitent en outre les choses pour l’électeur qui n’a pas besoin de se préoccuper pour voter que de sa propre évaluation des candidats, ne faudrait-il pas préférer ces derniers ?
> Entre un candidat que 25% de l’électorat aime et 75% déteste, et celui que 20% aiment mais que 70% peuvent accepter et seulement 10% jugent inacceptable, lequel ferait le meilleur président ? Si vous appliquez le « vote d’adhésion », vous élirez le premier.
Non, cf. ci dessus. C’est dans le cas d’un vote uninominal a un tour qu’on élirait le premier. Le deuxième tour permettrait certes de l’éliminer, mais un vote par note également. (Exemple à trois valeurs, -1, 0, 1 pour inacceptable/déteste, acceptable, aimé : le candidat A a un score de -O,5, le candidat B de 0,1, c’est donc B qui est élu.)
> Peut-être, mais le fait est qu’en 2002, après quarante ans d’élection au scrutin majoritaire, les gens n’ont pas voté « utile » au premier tour…
Qu’est-ce que vous en savez ? Moi je l’ai fait, et j’en connais d’autres. On n’a pas été assez nombreux pour le faire passer, mais « des gens » sinon « les gens » l’ont fait.
> Vous avez écrit que le système majoritaire poussait au vote « utile » et empêchait un petit candidat de devenir grand. La raison, dites vous, est que les gens préfèrent voter pour un candidat qui a des chances d’arriver au deuxième tour, plutôt que de manifester leur adhésion à un candidat qui n’a aucune chance de s’y retrouver. Si je suis ce raisonnement, jamais un « petit candidat » ne pourrait se retrouver au deuxième tour. Et pourtant, un parti qui en 1981 n’avait qu’une fraction de pourcentage a réussi à accroître ses scores à chaque élection jusqu’à se trouver au deuxième tour. Pourquoi ce qui a été réussi par Le Pen ne pourrait être accompli par, disons, Mélenchon ou Bayrou ? Apparemment, ce n’est pas le système électoral qui l’empêche, puisque le FN y est arrivé…
Ohlala, vous extrapolez complètement. Je n’ai jamais prétendu que TOUS les gens réagissaient comme ça. Il y a aussi, et particulièrement au FN, des militants qui voteront pour leur parti quoi qu’il arrive. Des gens, particulièrement parmi ceux qui votent FN, qui ne veulent pas que leur candidat soit élu mais seulement faire peur pour passer un message aux partis de gouvernement… Donc je ne dis pas que c’est strictement impossible, je dis que c’est difficile. Et encore, plus ou moins difficile selon les partis, et c’est aussi le problème. La posture d’opposition du FN — et peut-être aussi, largement, la posture d’opposition au FN… — lui confère un attrait que n’ont pas d’autres partis qui sont moins diabolisés.
> Certes. Mais c’est cela qu’elles montrent.
Non. D’une part, votre « beaucoup plus important » est discutable, vu que les candidats arrivés en tête ont quand même des scores positifs. D’autre part, quoi qu’on en conclue, ce n’est valable que pour cette élection. En déduire des propriétés du mode de scrutin, c’est une erreur logique équivalente à examiner les résultats d’une seule présidentielle et en conclure que le candidat qui arrive en tête ne peut pas dépasser les 20% des voix, ou que la gauche arrivera toujours en tête, ou que la France est de droite ou quoi que ce soit.
> Mais le paramètre essentiel reste, dans l’exemple analysé, le fait de ne pas déplaire.
Pas d’accord. Dans ce système l’échelle est symétrique, donc mathématiquement déplaire et ne pas déplaire sont placés sur le même plan. (On pourrait d’ailleurs imaginer de changer cette échelle, de mettre par exemple -2, -1, 0, 1, 5 et donner beaucoup plus de poids au plaire qu’au déplaire. C’est vraiment un paramètre facile à ajuster.)
> Pas du tout. En 1947, De Gaulle avait certainement « recontré le peuple » et il n’a pas réussi à obtenir à l’Assemblée Constituante une majorité prête à accepter sa constitution. Il faut dire qu’à l’époque elle était élue à la proportionnelle… C’est l’un des gros avantages du scrutin majoritaire : lorsqu’un leader apparaît et « rencontre le peuple », il est en général élu. On peut penser que ce n’est pas une bonne chose, mais le fait me semble difficilement contestable.
Hm. ce n’est pas vraiment une question centrale pour moi, du coup j’hésite à vous relancer là-dessus, mais que signifie pour vous « rencontrer le peuple », si ça ne se traduit pas par « rencontrer une représentation proportionnelle du peuple » ? S’il faut en passer par l’amplification du scrutin majoritaire pour que celui qui a remporté le peuple obtienne une majorité à l’assemblée, c’est bien que la majorité du peuple, il ne l’avait pas rencontrée, non ? Comment peut-il avoir rencontré le peuple s’il n’en a convaincu qu’une minorité ?
> Vous faites erreur : le scrutin présidentiel américain n’est pas uninominal : on élit des « grands électeurs », et même si en pratique on les élit sur le nom du candidat à la présidence de leur parti
Exactement, en pratique ça marche comme un scrutin uninominal.
> il ne reste pas moins qu’ils peuvent changer leur vote.
Rien à voir avec le problème. En France non plus un élu n’est pas tenu de respecter son programme. Et en pratique je crois que les cas de grands électeurs qui retournent leurs vestes sont plus rares que les autres promesses non tenues… Ceci dit, je n’ai pas vérifié.
> Il n’est pas non plus « majoritaire » : c’est le parti qui a le plus de voix qui l’emporte, même s’il n’a pas la majorité.
Je ne comprends pas l’objection : c’est bien le principe d’un scrutin uninominal majoritaire à un tour, c’est celui qui arrive en tête (avec donc une majorité relative sinon absolue) qui l’emporte. C’est aussi le cas dans notre système actuel, où il est rare que le candidat qui l’emporte, l’emporte dès le premier tour (il n’est donc pas vraiment majoritaire…). Le terme est un peu trompeur, mais c’est bien le terme consacré.
> Franchement, tirer du système américain des leçons concernant le scrutin majoritaire à deux tours me paraît pour le moins osé…
Moins que d’en tirer des conclusions sur le fonctionnement d’un système plurinominal type vote de valeur. Vous reconnaissez vous même qu’en pratique le mode d’élection des grands électeurs est plus proche d’un scrutin uninominal à un tour que d’un scrutin de liste.
> Certains ont cru que Mélenchon pouvait être le « Le Pen de gauche » et détourner des voix du candidat socialiste au deuxième tour, comme Le Pen l’avait fait avec le candidat Chirac en 1988, par exemple.
Auquel cas Hollande aurait eu raison d’avoir peur, cqfd.
> Je ne comprends pas votre question. Dans le système que vous proposez, l’ordre des candidats est différent mais les différences entre les « grands » et les « petits » restent aussi grandes que dans le système actuel. Ce n’est pas parce que le système rapproche Mélenchon et Joly et éloigne Le Pen qu’il est plus juste…
Oui pardon, c’est une coquille, désolé. J’ai posté sans m’en rendre compre une version pas finie de mon texte en oubliant ce paragraphe ou j’avais seulement noté de vagues idées. Pour le reste, je crois que mon exemple plus haut illustre le problème mieux que je n’aurais pu le faire ici.
> Et si vous trouvez « légitime » que le candidat en tête bénéficie de l’attention et pas les « arrivés en cinquième position », pourquoi le reprochez vous au système actuel ?
Je ne reproche l’attention portée à ceux qui arrivent en tête que dans la mesure où elle amplifie les défauts d’un système où ceux qui arrivent en tête peuvent être détestés par une majorité.
> On débat de moins en moins. Je vous fais remarquer que les débats « face à face », qui étaient si courants dans les années 1970-80, ont pratiquement disparu. Les candidats ne participent pratiquement plus à des débats, en dehors de celui d’entre les deux tours, devenu traditionnel. C’est certainement une « vraie question », mais je ne vois pas le rapport avec le système électoral.
Eh bien, j’ai tendence à penser que le vote de valeur ou un système de ce type favoriserait plus ces débats. Vous noterez que l’émergence de ces débats correspond à l’apparition dans le système actuel des défauts que j’ai souligné. J’ai donc tendance à penser qu’un système plurinominal les favoriserait. Ceci dit, je ne vois pas pour l’instant d’argument plus robuste à avancer sur ce sujet.
> Quelle « alliance » ? En 1965, il n’y a eu aucune « alliance ». Le PCF a decidé de voter « utile » dès le deuxième tour en appuyant le seul candidat qui pouvait mettre De Gaulle en ballotage. C’était un geste typique de « vote utile ».
Dès le premier tour, vous voulez dire ? L’important ici, c’est que les électeurs qui auraient été tentés de voter pour un candidat PCF ne pouvant de toute façon pas le faire, la question du vote utile ne se posait pas. Quand on parle de vote utile, c’est bien des électeurs qu’il s’agit, pas des décisions des partis.
> Ah bon ? Ils ne sont pas « directement invités » à rejoindre un parti politique, à participer à des débats ou des manifestations ?
J’ai dit « pratiquement » le seul. En France il doit y avoir quarante millions d’électeurs et un million de militants à tout casser. Lors des élections on ne parle que de ça pendant des semaines voire des mois, les campagnes d’adhésion des partis passent inapperçues à côté. Vous ne pouvez pas comparer…
> Pas forcément. Un homme comme Séguin ou Chévenement ont occupé des positions importantes dans leurs partis, et on ne peut pas dire qu’ils étaient du genre à « maximiser les chances aux élections » de leurs partis respectifs… d’ailleurs, lorsqu’un parti sélectionne ses cadres il le fait pour le long terme, et il est difficile de décider, lorsqu’on promeut un jeune de 25 ans, ce qui fera gagner les élections lorsqu’il en aura 65 .
Mais il est plus facile d’estimer ce qui fera gagner les élections au moment où on le promeut. Un parti n’a pas intérêt à promouvoir un cadre dont il estime que sa promotion diminue les chances du candidat d’être élu. Après ce n’est pas forcément direct, il se peut que conserver un cadre du parti, même s’il a un effet néfaste sur l’opinion, soit préférable à l’écarter, si on estime que le ménager minimise son pouvoir de nuisance.
> A priori, je peux analyser son discours, examiner sa cohérence interne et externe. Mais je parlais d’un test à posteriori : si un homme politique parle et que personne ne le suit, il y a deux options : ou bien il n’est pas crédible, ou bien son auditoire n’a pas intérêt à le suivre. Il n’y a rien de circulaire là dedans.
D’accord. Seulement, pour gouverner, il faut être élu, d’accord ? Donc l’intérêt à suivre un candidat dépend à la fois de son programme et de sa capacité à être élu. Or dans le système actuel l’adhésion au programme des candidats ne suffit pas à déterminer cette capacité — cf l’exemple plus haut. Ça conduit à privilégier, au moins partiellement, des candidats dont on estime qu’ils ont un programme pas terrible mais une bonne capacité à être élu, par rapport à des candidats dont on trouve le programme plus convaincant mais les chances d’être élus plus faible. Pour moi, c’est un problème, et dans le cadre du vote de valeur il est largement minimisé (c’est la question du vote utile, autrement formulée).
> Pourquoi ? Si l’un des deux a des chances d’être choisi, il votera pour lui et ses intérêts seront défendus. Si aucun n’a cette chance, il votera pour l’un des deux et cela ne changera rien, son vote sera bien comptabilisé par les analystes comme souverainiste. Quel est le problème ?
Eh bien, les deux n’ayant tout de même pas exactement les mêmes programmes, il est vraisemblable qu’ils ne défendent pas aussi bien ses intérêts. S’il préfère Dupont-Aignan, en votant Le Pen il sacrifie une partie de ses intérêts — non seulement à court terme, mais aussi à long terme dans la mesure où son vote contribue à augmenter la visibilité de Le Pen par rapport à Dupont-Aignan. Choisir Dupont-Aignan pourrait être un meilleur calcul sur le long terme dans la mesure où sa accroîtrait sa visibilité — et qu’il ne peut se baser que sur les sondages et les scores passés pour évaluer les chances des deux candidats… Si ça se trouve tous les électeurs de Le pen sont des fans de Dupont-Aignan qui ne croient pas en ses chances de gagner… (C’est peu probable, mais bon, disons que c’est une possibilité 😉
> J’ajoute qu’avec votre système, le problème serait le même : en fin de comptes, il n’y a qu’un seul qui puisse être élu. C’est comme lorsqu’un groupe d’amis organise un repas et doit choisir un menu unique parmi ceux proposés par le traiteur. Cela veut dire que tout le monde ne peut pas avoir tout ce qu’il aime, et que finalement sera choisi celui qui en même temps plait globalement au plus grand nombre sans être inacceptable pour trop de monde.
Oui, tout à fait, mais le problème n’est pas le même dans la mesure où avec un système par note chacun peut exprimer ses préférences. En fait ce type de système est spontanément utilisé dans ce genre de cas, pour le choix d’un resto ou d’une date de réunion par exemple : on demande les préférences de chacun, et on choisit ce qui à la fois est préféré du plus grand nombre et détesté du plus petit. Dans l’exemple plus haut, remplacez les candidats par des menus ou des jours, et avec le scrutin majoritaire vous vous retrouvez dans une situation où un groupe composé à 75% de végétariens choisit de manger un menu steak frittes, ou une réunion fixée un jour où 75% des gens concernés ne peuvent participer.
> Certainement. Mais encore faudrait-il d’en trouver des compétents, et qui aient des habitudes, des références, des visions politiques cohérentes pour pouvoir gouverner ensemble. Ce n’est pas si simple, contrairement à ce que vous pensez. Il n’y a qu’à voir les « couacs » a répétition provoqués chaque fois qu’on a recruté des ministres « de la société civile » ou dans des formations minoritaires.
C’est votre opinion. Mais pas plus. Vous votez pour un candidat, ou vous vous abstenez, d’autres font des choix différents, et jugeront vos candidats peut-être aussi peu « crédibles » pour gouverner que vous, les leurs. Peut-être que pour certains électeurs, un élu qui ne met pas le pays a feu et à sang n’est pas crédible pour gouverner… Mon souci ici n’est pas de déterminer qui a tort ou raison, mais d’assurer que la voix de chacun soit au mieux représentée.
> C’est vous qui inventez le « mot important ». Le scrutin britannique n’est pas « majoritaire », puisqu’un candidat est élu même s’il n’a pas la majorité. C’est bien un « scrutin uninominal à un tour » et non « scrutin uninominal majoritaire à un tour ».
Descarte, je suis désolé de devoir encore le souligner, mais une fois de plus vous afirmez quelque chose qui est faux alors que vous pouriez facilement le vérifier. Je pense en fait que vous interprétez le terme de majorité de manière trop restrictive. La majorité dont il est question dans le système anglais comme dans le nôtre est une majorité relative, pas absolue. Le « first past the post » est bien un scrutin majoritaire, et l’expression « scrutin uninominal majoritaire à un tour » en est une traduction courante.
> Le second sans hésiter. Je signale en passant la manière dont vous formulez votre question : il ne s’agit pas de la capacité à appliquer son programme, mais de la capacité à gouverner. Le choix aurait du être formulé entre un candidat incapable de gouverner et un candidat capable mais dont les idées me déplairaient. Et je le répète, je choisis la deuxième option, et c’est d’ailleurs le cas de la plupart de mes concitoyens. Si l’on suivait votre raisonnement, un candidat qui promettrait la prospérité, le bonheur et la vie éternelle pour tous devrait être élu dans un fauteuil, puisque selon vous les gens préfèrent les idées à la capacité effective à les mettre en œuvre… Et qui pourrait être contre des « idées » aussi généreuses ?
D’accord, d’accord, je n’avais pas saisi que vous faisiez une différence entre gouverner et mettre en œuvre des idées. D’ailleurs ce n’est toujours pas clair. Vous aviez écrit : « Lorsqu’on élit un gouvernant, on l’élit d’abord par sa capacité à gouverner. Parce que les meilleures « idées » du monde ne valent rien si elles ne sont pas mises en œuvre. » Là, vous me reprochez de ne pas distinguer la capacité à appliquer son programme de la capacité à gouverner, mais juste après vous semblez assimiler la capacité à gouverner à « la capacité effective à [] mettre en œuvre [ses idées] ». J’ai franchement du mal à vous suivre.
> La première demande que le peuple fait au gouvernant, c’est de le protéger du chaos. Les peuples préfèrent un ordre mauvais plutôt que pas d’ordre du tout. Et les exemples historiques sont légion. C’est pourquoi la question de la « capacité à gouverner » n’est pas neutre. Même s’il a d’excellentes idées, un candidat qui, par son incompétence, pourrait mettre en danger ce qui a été déjà acquis ne sera jamais élu.
Même face à un candidat, qui, par sa compétence, est certain de mettre en danger ce qui a déjà été acquis ?
Personnellement, entre un candidat qui promet le bonheur pour tous et qui n’est pas capable de mettre en œuvre les mesures pour y arriver, et un autre qui promet d’empirer la situation (à mes yeux, hein) et qui a la capacité à y arriver, je préfère décidément donner sa chance au premier.
> Je retiens…
Houlà, je ne sais pas ce que vous avez en tête, mais je m’empresse de préciser : dans ce cas. Je n’énonçais pas une généralité.
> Avec ce genre de raisonnement, il ne vous reste plus qu’à lire dans leurs pensées…
Nan, il ne reste plus qu’à leur demander. C’est justement le principe des scrutins plurinominaux type vote de valeur ou vote alternatif.
> Soyons réalistes : les électeurs ne choisissent les candidats pour se mettre en ménage avec eux. On s’en fout de savoir quel est le candidat pour lesquels les électeurs ont une préférence sentimentale.
Qui a parlé de préférence sentimentale ? Je parle de préférence politique. Vous êtes peut-être un militant à œillères, c’est pourtant pas l’impression que vous donnez, qui trouve que tous les autres candidats que le sien méritent le bûcher, mais je doute que ce sentiment soit très partagé.
> Le choix du vote est un choix politique. Si l’électeur vote un candidat pour envoyer un message politique, il manifeste sa volonté par ce message.
Tout à fait. Mais pourquoi limiter son expression à ce seul message ? On pourrait sans rien perdre au change (non seulement ça, mais on y gagnerait
> Qu’il « préfère » ou non le candidat en question n’a aucune importance.
C’est le mot de préférence qui vous gène ? Remplaçons-le par opinion, si vous préférez. Ou part « estimer que le candidat a la meilleure capacité à gouverner dans l’intérêt de tous ».
> Mais une réalité minoritaire.
Évidemment. Par définition, il peut difficilement être majoritaire, même au sein de chaque camp, sinon le candidat préféré aurait toutes les chances de gagner, soutenu qu’il serait par la majorité. Seulement, ça suffit à déformer les résultats.
> Je constate par ailleurs que si vous ne croyez pas au choix des électeurs comme exprimant une pensée profonde, vous semblez croire sur parole ce que les électeurs disent lors d’un sondage. Comment savoir si l’argument du « vote utile » n’est pas une justification commode d’un acte idéologique ?
Je ne comprends pas votre question. Mais quoi qu’il en soit, peut importe je pense. Les exemples théoriques, cf. plus haut, montre des cas où l’électeur a intérêt à voter pour un candidat qui représente moins bien son choix que son candidat préféré. Dès lors, je n’ai pas de raison de mettre en doute ce que disent les électeurs quand ils reprennent exactement ces arguments dans des situations conformes aux exemples des modèles. Si les observations sont conformes aux prédictions je n’ai pas de raison d’en douter.
> Vous évadez la question…
Ben oui. Je ne vois pas l’intérêt d’y répondre : ce n’est pas mon avis seul, ni le vôtre, qui comptent. Qu’on soit d’accord ou non sur les candidats capables de gouverner n’a pas d’incidence sur la meilleure manière d’élire un candidat que l’ensemble des votants considère capable de gouverner.
> Peut-être, mais il reste que leur influence est plus forte que celle du FdG avec cinq fois moins de voix… et c’était là mon point.
Ben, je suis d’accord. D’autant plus que c’est cohérent avec ce qui resort des expériences de modes de scrutins alternatifs (ainsi d’ailleurs que leur score aux européennes qui ont lieu à la proportionnelle), qui suggèrent que le score d’EELV aux présidentielles est sous-évalué par rapport à la popularité de leurs idées dans l’électorat.
> Dans une démocratie complexe, il n’y a pas que les scores aux élections présidentielles qui font le rapport de force.
Je n’ai jamais dit ça, et justement, je préfèrerais que les scores aient un poids plus grand. Mais la condition pour ça, ce serait qu’ils soient plus représentatifs.
> Oui, en cassant le thermomètre. Avec le système que vous défendez, le FN n’aurait pas eu plus de députés, mais il aurait eu moins de pourcentage…
Casser le thermomètre ? La comparaison ne tient pas. Votre thermomètre ne retient que la température maximale en un point du corps électoral. Le mien mesure la température en plusieurs points, les minimales et les maximales, et empêche qu’un candidat soit élu même quand la majorité le trouve très froid, juste parce qu’une des deux plus grandes minorités le trouve très chaud. Si on parle de thermomètre, c’est bien vous qui en voulez le moins.
> Quel rapport ? On parlait ici de l’élection comme événement médiatique, et non de l’influence des médias sur l’élection elle-même.
Je ne vous suis pas. Pour moi, la question médiatique n’a d’importance que dans la mesure où les médias ont une influence sur l’élection. Prenons des médias étrangers, quelle importance qu’ils parlent de nos élections si nous ne sommes pas au courant ? (À partir du moment par contre où l’écho de leurs discussions parvient jusqu’à nous, ils peuvent nous influencer et ça leur confère de l’importance. Mais si non…)
> Je vois mal comment un candidat peut perdre l’élection « pour avoir amélioré son score ». Pourriez-vous être plus explicite ?
Avec plaisir. Voici un exemple théorique trouvé dans un des documents que j’ai consultés. Supposons trois candidats A, B, C et un électorat qui se réparti ainsi :
6 votants ont les préférences A > B > C
5 votants ont les préférences C > A > B
4 votants ont les préférences B > C > A
2 votants ont les préférences B > A > C
Avec le système actuel, si chacun vote pour son préféré, A et B seront au deuxième tour avec 6 voix chacun, et ensuite c’est A qui devrait l’emporter par 11 voix contre 6. Au dernier moment le candidat A fait un discours remarqué, et deux électeurs inversent leurs préférences par rapport à B. On se retrouve alors avec les préférences suivantes :
8 votants ont les préférences A > B > C
5 votants ont les préférences C > A > B
4 votants ont les préférences B > C > A
Dans ce cas, A et c sont au deuxième tour, et C l’emporte par 9 voix contre 8. En progressant dans l’électorat A a perdu les élections.
> Je regarde vos références, je vous répondrai un autre jour.
Prenez votre temps. En voici une autre, dont est tiré l’exemple ci-dessus : http://www.researchgate.net/publication/48444958_Thorie_du_choix_social_et_aide_multicritre__la_dcision/file/d912f50d2ae07330db.pdf
(C’est celle-ci que je voulais citer à la place de l’autre présentation, comme les titres sont les mêmes j’ai confondu les deux documents.)
[Et puis vous parliez d’éducation, il ne serait pas difficile je pense de faire passer la consigne de mettre la note minimale aux illustres inconnus.]
Mais cela rend illisible votre système ! Lorsqu’un candidat emporte une majorité de « contre », qu’est ce que cela veut dire ? Qu’il est détesté, ou qu’il est inconnu ? Si les électeurs réagissent en mettant la « note minimale » au candidat qu’ils ne connaissent pas, alors vous donnez un énorme pouvoir aux médias, puisqu’il n’y a qu’eux qui, en rendant « connu » un candidat, peuvent le faire « décoller ». Il suffit de ne pas parler d’un candidat pour que celui-ci ait « la note minimale »…
Faut vous décider : la logique même du « vote de valeur » implique que le candidat inconnu obtienne la moyenne. Autrement, il vaut mieux être faiblement détesté qu’inconnu…
[Si si, mais seulement sur ça : le jugement que portent les Français. Ça ne dit pas qu’ils ont raison de le penser…]
Si le peuple est souverain, alors on fait ce qu’il pense qu’il faut faire. Qu’il ait raison ou pas.
[D’accord. Vu comme ça je comprends mieux votre position… Mais je ne la partage pas.]
En d’autres termes, vous pensez que Mohammed Morsi est le gouvernant « légitime » de l’Egypte ? Après tout, il a la légitimité du vote, même s’il n’a pas celle de l’obéissance…
[Et c’est marrant, ça me rappele l’autre débat récent sur la valeur des diplômes : au fond, ce que vous dites c’est que vous jugez les politiques au résultat… Ce n’est pas moi qui dirait que ça ne compte pas, mais le « diplôme » d’élu conféré par le vote est quand même un atout symbolique précieux.]
Votre analogie contient une faute : le diplôme est bien un « résultat », le résultat d’un travail validé par un examen. L’élection – hors le cas de ré-élection – n’est qu’une opinion, une anticipation des capacités de l’élu à remplir son office. D’une certaine manière, le peuple, en obéissant aux ordres du gouvernant, joue le rôle d’un jury d’examen.
[Il y a les sondages, d’une part, mais vous n’avez pas l’air d’en faire grand cas. Et il y a aussi les modèles théoriques, d’autre part. S’il est impossible de connaître avec certitude ce que pensent les gens, on peut faire des simulations, avec des électeurs imaginaires qui pensent comme ci où comme ça, et voir qui serait élu par cette population selon le mode de scrutin.]
Vous n’avez pas compris la question. Le sondage vous permet de connaître l’opinion – et non la pensée – des sondés. Il vous dit ce que les sondées veulent qu’on sache, pas ce qu’ils voudraient voir mis en œuvre comme politique. Il y a des gens qui très généreusement déclarent au sondeur qu’ils sont pour qu’on construise des aires de passage pour les Roms, mais qui résisteraient à mort toute tentative de construire une aire à côté de chez eux.
Les simulations de vote vous permettent de voir qui aurait été élu. Mais pour savoir si un système falsifie la volonté des français il vous faudrait savoir quel est le gouvernant qu’ils voudraient vraiment voir élu… et cela est, par définition, impossible.
[Je ne comprends pas comment vous pouvez écrire qu’un candidat préféré par 20% des électeurs (au premier tour, c’était grosso modeo le score de Chirac, et c’est encore lui qui était en tête) est LE préféré des électeurs.]
Relisez mon commentaire : « le préféré au sens qu’il regroupera le plus de voix sur son nom ». Chirac a regroupé sur son nom 80% des voix au deuxième tour. Ce n’est pas mal, vous ne trouvez pas ? Qui, à votre avis, aurait fait mieux ?
[Ça montre qu’il est le préféré de 20% des électeurs, mais à mon avis c’est une erreur d’extrapoler. Enfin c’est une question de définition, mais supposons que Le Pen soit arrivé en tête cette fois-ci, et Chirac second. À quelques pourcents près ce n’est pas invraisemblable, je pense que vous me l’accorderez, et cette petite différence au premier tour n’aurait pas suffit à beaucoup affecter les résultats du second. Dans ce cas Le Pen pour vous serait le candidat préféré des Français ?]
Non. Et il l’aurait montré en regroupant moins de voix au deuxième tour que Chirac, même s’il était arrivé en tête au deuxième tour… Je n’ai jamais dit que le fait d’arriver en tête au premier tour garantissait d’être le candidat préféré des français. J’ai dit qu’en retenant les deux premiers, il y a une chance très raisonnable que parmi eux se trouve le candidat préféré des français (au sens qu’il regrouperait le plus grand nombre de voix au deuxième tour). Et historiquement, cela s’est assez bien vérifié. Pourriez-vous donner un exemple d’un candidat qui, à votre avis, aurait regroupé au deuxième tour plus de voix que les candidats retenus ?
[Pour moi l’idée est assez simple : au lieu de mettre les candidats en concurrence, et de demander « pensez-vous que ce candidat ferait le meilleur président », on demande aux électeurs de les évaluer individuellement : pensez vous que ce candidat ferait un excellent président.]
Non, justement. Si la question était celle-là, la réponse ne pourrait qu’être binaire. Or, vous donnez plusieurs « graduations » possibles. Ce que vous demandez, c’est plutôt de classer les candidats sur une échelle d’excellence. Avec ce système, on privilégie les médiocres, ceux qui n’attirent peut-être pas beaucoup, mais qui ne repoussent pas.
[Et on choisit non pas celui dont la plus grosse minorité pense qu’il serait le meilleur, mais celui dont une la plus grosse minorité pense qu’il serait excellent.]
Non. Les résultats que vous avez montré, qui sont négatifs pour la plupart des candidats et à peine positifs pour deux d’entre eux, montrent que loin de séparer celui qui « serait le meilleur », on retrouve celui qui pour la majorité serait « le moins détestable ».
[C’est exactement le problème que je dénonce. Le seond tour l’atténue un peu, en assurant que le candidat détesté par la plus large majorité ne puisse être élu, mais il permet toujours l’élection d’un candidat détesté par la deuxième plus large majorité.]
Justement, le scrutin majoritaire à deux tours place le curseur à mon avis mieux que le système uninominal à un tour. Il permet à un candidat détesté par une minorité importante d’être élu, mais rend cette élection plus difficile.
[« Peut-être, mais le fait est qu’en 2002, après quarante ans d’élection au scrutin majoritaire, les gens n’ont pas voté « utile » au premier tour… ». Qu’est-ce que vous en savez ? Moi je l’ai fait, et j’en connais d’autres. On n’a pas été assez nombreux pour le faire passer, mais « des gens » sinon « les gens » l’ont fait.]
Soyons sérieux : il y a évidement des gens qui votent « utile » dans tous les systèmes de scrutin. La question était de savoir si ce vote était important ou pas. Clairement, en 2002 à gauche ce n’est pas l’idée de « vote utile » qui a dominé l’esprit des électeurs. Que vous-même et quelques amis aient voté « utile » ne change rien à ce fait, qu’on peut lire dans les résultats.
[Ohlala, vous extrapolez complètement. Je n’ai jamais prétendu que TOUS les gens réagissaient comme ça. Il y a aussi, et particulièrement au FN, des militants qui voteront pour leur parti quoi qu’il arrive. Des gens, particulièrement parmi ceux qui votent FN, qui ne veulent pas que leur candidat soit élu mais seulement faire peur pour passer un message aux partis de gouvernement…]
Croyez-vous que ce soit très différent parmi ceux qui votent LO, NPA ou FdG ? Pensez-vous vraiment qu’à un moment donné plus d’un français sur vingt aurait voulu avoir Arlette Laguillier à l’Elysée ? Le fait, c’est que le FN était un parti marginal qui est devenu aujourd’hui l’un des trois premiers partis de France, et cela malgré les barrières dressées selon vous par le mode de scrutin. Ce fait illustre pour moi le fait que la pénalité introduite par le scrutin majoritaire pour les petites formations est illusoire. Lorsque celles-ci ont une stratégie cohérente et une base sociologique solide, la barrière finit par céder.
[La posture d’opposition du FN — et peut-être aussi, largement, la posture d’opposition au FN… — lui confère un attrait que n’ont pas d’autres partis qui sont moins diabolisés.]
Mais… cette « posture », elle n’est pas venue par opération du Saint Esprit. C’est un choix stratégique qui, exercé avec une cohérence qui force l’admiration pendant trente ans, finit par payer. Peut-être que le FdG – et d’autres – ferait bien d’étudier cet exemple, au lieu de pleurnicher sur le mode de scrutin.
[« Mais le paramètre essentiel reste, dans l’exemple analysé, le fait de ne pas déplaire ». Pas d’accord. Dans ce système l’échelle est symétrique, donc mathématiquement déplaire et ne pas déplaire sont placés sur le même plan.]
L’échelle est symétrique, mais l’usage qu’en font les électeurs ne l’est pas. Autrement, les scores des candidats dans l’exemple étudié devrait être centré autour de zéro, ce qui n’est pas le cas. L’usage fait par les électeurs montre que les notes négatives sont données plus généreusement que les positives. Et c’est normal : ceux qui voudraient voir gagner un candidat auront tendance à pénaliser le plus possible tous les autres. Vous oubliez qu’une élection n’est pas un concours de beauté. Les gens ne cherchent pas à élire le meilleur gouvernant, ils cherchent à donner le pouvoir à celui qu’ils perçoivent comme le plus à même de servir leurs intérêts.
[« il ne reste pas moins qu’ils peuvent changer leur vote ». Rien à voir avec le problème. En France non plus un élu n’est pas tenu de respecter son programme.]
Et c’est pourquoi voter pour un député ne s’apparente pas à un référendum sur une loi. Pour que le système américain pour l’élection présidentielle puisse s’apparenter à un scrutin uninominal, il faudrait que l’électeur, en élisant son « délégué », soit sûr du vote de ce dernier. Autrement, il s’agit d’un vote indirect.
[Et en pratique je crois que les cas de grands électeurs qui retournent leurs vestes sont plus rares que les autres promesses non tenues… Ceci dit, je n’ai pas vérifié.]
Si vous vérifiez, vous verrez que vous avez tort. Les « grands électeurs » des candidats minoritaires, par exemple, changent souvent leur vote.
[Je ne comprends pas l’objection : c’est bien le principe d’un scrutin uninominal majoritaire à un tour, c’est celui qui arrive en tête (avec donc une majorité relative sinon absolue) qui l’emporte.]
Quelle est pour vous la différence entre le scrutin « uninominal à un tour » et le scrutin « uninominal majoritaire à un tour » ?
[C’est aussi le cas dans notre système actuel, où il est rare que le candidat qui l’emporte, l’emporte dès le premier tour (il n’est donc pas vraiment majoritaire…). Le terme est un peu trompeur, mais c’est bien le terme consacré.]
Notre scrutin présidentiel est majoritaire : un candidat ne peut l’emporter que s’il a la majorité soit au premier, soit au deuxième tour. Notre scrutin législatif, en revanche, n’est pas majoritaire (on peut l’emporter sans avoir eu la majorité à aucun des deux tours).
[« Certains ont cru que Mélenchon pouvait être le « Le Pen de gauche » et détourner des voix du candidat socialiste au deuxième tour, comme Le Pen l’avait fait avec le candidat Chirac en 1988, par exemple ». Auquel cas Hollande aurait eu raison d’avoir peur, cqfd.]
A quel moment ? Le PS a pu avoir peur de cela au début du FdG, mais dès le début de la campagne présidentielle, Mélenchon a déclaré qu’il appellerait à voter le candidat de gauche le mieux placé sans conditions. Ce faisant, il a renoncé à toute possibilité de jouer les « Le Pen de gauche ». Et cela même avant la nomination d’Hollande comme candidat du PS. Hollande aurait donc eu tort d’avoir « peur »…
[Eh bien, j’ai tendence à penser que le vote de valeur ou un système de ce type favoriserait plus ces débats.]
Le fait est que ces débats ont fleuri pendant les années 1958-1980 et ont périclité ensuite alors que le système électoral n’avait pas changé. Je crains qu’il n’y ait donc aucune corrélation entre les deux…
[Dès le premier tour, vous voulez dire ? L’important ici, c’est que les électeurs qui auraient été tentés de voter pour un candidat PCF ne pouvant de toute façon pas le faire, la question du vote utile ne se posait pas. Quand on parle de vote utile, c’est bien des électeurs qu’il s’agit, pas des décisions des partis.]
Excusez moi, c’était bien du premier tour que je voulais parler. Et c’est bien d’une décision des électeurs que je parle. Le PCF n’avait pas un bouton qu’il suffisait d’appuyer pour que les électeurs votent. Dès lors qu’il n’y avait pas de candidat PCF, les électeurs communistes auraient pu voter un autre candidat, ou voter blanc. Ils se sont reportés massivement pour le candidat Mitterrand, alors que le programme de celui-ci était très éloigné de celui du parti qu’ils avaient l’habitude de voter. Pourquoi, à votre avis ? La plupart des analystes de l’époque donnaient une explication de « vote utile » : Mitterrand était le seul candidat qui pouvait mettre De Gaulle en ballotage.
[J’ai dit « pratiquement » le seul. En France il doit y avoir quarante millions d’électeurs et un million de militants à tout casser. Lors des élections on ne parle que de ça pendant des semaines voire des mois, les campagnes d’adhésion des partis passent inapperçues à côté. Vous ne pouvez pas comparer…]
Mais je peux remarquer que si les citoyens ne participent pas à la vie politique, ce n’est pas parce qu’ils manquent d’opportunités. Le vote n’est ni la seule ni la meilleure opportunité qu’on donne au citoyen de participer. Si les citoyens ne participent pas, ce n’est pas parce que le système électoral l’empêche, mais parce qu’ils n’ont pas envie, tout comme ils n’ont pas envie d’adhérer à un parti politique. S’ils préfèrent déléguer à d’autres le gouvernement de la cité, qui sommes nous, vous et moi, pour chercher à les obliger ? Après tout, ce sont eux le Souverain…
[Un parti n’a pas intérêt à promouvoir un cadre dont il estime que sa promotion diminue les chances du candidat d’être élu.]
Cela dépend. Un parti qui cherche à gouverner aura tendance à promouvoir ceux qui l’aideront à se faire élire. Même si dans certains cas ils pourront promouvoir des cadres qui sont moins « présentables » mais qui ont d’autres qualités nécessaires à l’organisation. Mais un parti qui recherche l’influence – comme ce fut le cas du FN ces trente dernières années ou du PCF dans la période 1947-80 – aura souvent d’autres critères de promotion.
[D’accord. Seulement, pour gouverner, il faut être élu, d’accord ?]
Pour occuper un poste de gouvernement, oui. Pour influencer une politique publique, non. Le FN a eu certainement plus d’influence sur la politique de sécurité ou de l’immigration des gouvernements qui se sont succédés ces vingt dernières années que le PCF, qui pourtant a infiniment plus d’élus. « Gouverner » est un terme ambigu : s’agit-il d’occuper les postes, ou de construire les politiques qui sont mises en œuvre ?
[Donc l’intérêt à suivre un candidat dépend à la fois de son programme et de sa capacité à être élu. Or dans le système actuel l’adhésion au programme des candidats ne suffit pas à déterminer cette capacité — cf l’exemple plus haut. Ça conduit à privilégier, au moins partiellement, des candidats dont on estime qu’ils ont un programme pas terrible mais une bonne capacité à être élu, par rapport à des candidats dont on trouve le programme plus convaincant mais les chances d’être élus plus faible.]
Je trouve cela très sain. La « chance d’être élus » est aussi la chance de regrouper plus de monde autour d’un programme. Et ce monde, on aura besoin plus tard pour mettre en œuvre effectivement le programme en question. Un candidat qui a le plus beau programme du monde n’a aucun intérêt s’il n’a pas ce qu’il faut pour rassembler autour de ce programme…
[Eh bien, les deux n’ayant tout de même pas exactement les mêmes programmes, il est vraisemblable qu’ils ne défendent pas aussi bien ses intérêts. S’il préfère Dupont-Aignan, en votant Le Pen il sacrifie une partie de ses intérêts ]
Mais c’est ça, la politique. Dans la mesure où il faut choisir, on ne peut contenter tout le monde. C’est l’analogie du menu : s’il faut choisir un menu unique, certains aimeront le plant principal mais pas le dessert. Et cela est vrai quelque soit le système électoral. La seule chose que le mode d’élection peut faire, c’est placer différemment le curseur pour savoir combien de couleuvres chacun devra avaler. Mais aucun système électoral ne pourra garantir qu’aucun électeur ne soit obligé de sacrifier quelque chose.
[En fait ce type de système est spontanément utilisé dans ce genre de cas, pour le choix d’un resto ou d’une date de réunion par exemple : on demande les préférences de chacun, et on choisit ce qui à la fois est préféré du plus grand nombre et détesté du plus petit.]
Vous serez peut-être étonné de l’apprendre, mais j’ai plus souvent vu utiliser le vote majoritaire à deux tours qu’un « vote de valeur » pour résoudre ce problème….
[« Certainement. Mais encore faudrait-il d’en trouver des compétents, et qui aient des habitudes, des références, des visions politiques cohérentes pour pouvoir gouverner ensemble. Ce n’est pas si simple, contrairement à ce que vous pensez. Il n’y a qu’à voir les « couacs » a répétition provoqués chaque fois qu’on a recruté des ministres « de la société civile » ou dans des formations minoritaires ». C’est votre opinion. Mais pas plus.]
Je regrette, mais les « couacs » en question ne sont pas que « mon opinion ». Ils sont connus et répertoriés. Et on le voit d’ailleurs en ce moment même, lorsqu’un parti – le PS dans le cas d’espèce – revient au pouvoir après une longue période d’opposition. On l’avait vu aussi en 1993, dans le contexte inverse.
[Vous votez pour un candidat, ou vous vous abstenez, d’autres font des choix différents, et jugeront vos candidats peut-être aussi peu « crédibles » pour gouverner que vous, les leurs.]
Pourtant, à l’heure de gouverner, lorsque les choses deviennent sérieuses, c’est toujours vers les mêmes que les voix convergent. Et je ne vous parle pas seulement des élections, mais aussi des « primaires ». Comment expliqueriez-vous ce fait ?
[D’accord, d’accord, je n’avais pas saisi que vous faisiez une différence entre gouverner et mettre en œuvre des idées.]
Pas vous ?
[D’ailleurs ce n’est toujours pas clair. Vous aviez écrit : « Lorsqu’on élit un gouvernant, on l’élit d’abord par sa capacité à gouverner. Parce que les meilleures « idées » du monde ne valent rien si elles ne sont pas mises en œuvre. » Là, vous me reprochez de ne pas distinguer la capacité à appliquer son programme de la capacité à gouverner, mais juste après vous semblez assimiler la capacité à gouverner à « la capacité effective à [] mettre en œuvre [ses idées] ». J’ai franchement du mal à vous suivre.]
Pourtant, ce que j’ai écrit est parfaitement cohérent : la capacité à gouverner est une pré-condition pour pouvoir « mettre en œuvre des idées ». Alors, si j’ai le choix entre quelqu’un qui a des belles idées et pas de capacité à gouverner, et quelqu’un qui a des idées peut-être moins belles mais possède la technique pour les mettre en œuvre… je choisis le second.
[Même face à un candidat, qui, par sa compétence, est certain de mettre en danger ce qui a déjà été acquis ?]
Même. Les gens préfèrent – et ils ont raison – le dérapage contrôlé, fut il certain, à la probabilité d’un dérapage incontrôlé. Il faudrait que l’ordre proposé par un candidat présente un danger très grand pour que les gens lui préfèrent prendre le risque du chaos.
[« Soyons réalistes : les électeurs ne choisissent les candidats pour se mettre en ménage avec eux. On s’en fout de savoir quel est le candidat pour lesquels les électeurs ont une préférence sentimentale ». Qui a parlé de préférence sentimentale ? Je parle de préférence politique.]
Mais comment les séparez-vous ? Même avec votre « vote de valeur », comment savoir si les gens ont mis un « +2 » à un candidat parce qu’il embrasse souvent sa mère ou parce qu’il a un programme politique cohérent, ou un « -2 » parce qu’il trompe sa femme ou qu’il se propose de démarrer la troisième guerre mondiale ? La réponse est que vous n’en savez rien. Et cela, quelque soit le système électoral.
[Tout à fait. Mais pourquoi limiter son expression à ce seul message ? On pourrait sans rien perdre au change (non seulement ça, mais on y gagnerait)]
Je n’ai rien contre. Il y a des dizaines de partis politiques où il peut adhérer pour « exprimer » tout ce qu’il veut.
[Ben oui. Je ne vois pas l’intérêt d’y répondre : ce n’est pas mon avis seul, ni le vôtre, qui comptent. Qu’on soit d’accord ou non sur les candidats capables de gouverner n’a pas d’incidence sur la meilleure manière d’élire un candidat que l’ensemble des votants considère capable de gouverner.]
L’intérêt de la question était de vous faire toucher du doigt le fait que vous-même ne croyez pas à la capacité de gouverner de certains candidats. Mais bon, le fait que vous évadiez la question est une forme de réponse…
[D’autant plus que c’est cohérent avec ce qui resort des expériences de modes de scrutins alternatifs (ainsi d’ailleurs que leur score aux européennes qui ont lieu à la proportionnelle), qui suggèrent que le score d’EELV aux présidentielles est sous-évalué par rapport à la popularité de leurs idées dans l’électorat.]
Dans une élection présidentielle, on ne choisit pas des « idées », on choisit un gouvernant. A partir de là je ne comprends pas très bien ce que veut dire un score « sous-estimé »… ce n’est pas les idées écologistes qui ont fait 2% en 2012, c’est Mme Eva Joly. On peut parfaitement avoir le souci de la nature et penser que Eva Joly est incapable de gouverner.
[Casser le thermomètre ? La comparaison ne tient pas. Votre thermomètre ne retient que la température maximale en un point du corps électoral. Le mien mesure la température en plusieurs points, les minimales et les maximales, et empêche qu’un candidat soit élu même quand la majorité le trouve très froid, juste parce qu’une des deux plus grandes minorités le trouve très chaud.]
En d’autres termes, il choisira le candidat le plus tiède ? CQFD…
[« Je vois mal comment un candidat peut perdre l’élection « pour avoir amélioré son score ». Pourriez-vous être plus explicite ? ». Avec plaisir. Voici un exemple théorique (…)]
D’accord, mais dans votre exemple, A ne perd pas « pour avoir amélioré son score ». Il perd parce que en même temps C l’a amélioré sa popularité encore plus. Mais en quoi est-ce gênant ? Il semble évident que dans n’importe quel système électoral un candidat qui augmente son score peut perdre si un autre candidat l’augmente encore plus vite…