En France, nous avons de la chance. Cette déclaration peut paraître intempestive alors que le pays s’enfonce dans une crise qui – malheureusement – n’est pas qu’économique. Peut-être pensez-vous que je fais référence à nos vins, à notre foie-gras, à la douceur de vivre qui est encore l’une des marques de fabrique de note pays. Et bien non, je veux parler d’une toute autre chose.
En France, nous avons de la chance avec nos élus et nos fonctionnaires. Des élus et des fonctionnaires qui persistent à vouloir doter notre pays d’infrastructures de premier ordre: routes, ponts, autoroutes, trains à grande vitesse, lignes électriques, et bien entendu, aéroports. Et qui sont prêts pour cela à affronter non seulement les difficultés techniques et financières, mais aussi et surtout toute sorte de minorités et groupuscules agissants dont la raison d’être est de s’opposer à pratiquement tout. Et ces serviteurs publics sont d’autant plus admirables qu’ils ne retirent pas des ouvrages qu’ils réalisent d’autre avantage que la satisfaction du devoir accompli: d’une part, la plupart d’entre eux sont fonctionnaires, et leur rémunération sera la même qu’ils s’occupent de construire une ligne électrique ou de gérer le budget de communication de leur ministère. D’autre part, le délai de réalisation d’un équipement aujourd’hui est tel que celui qui se sera battu pour le faire construire a peu de chances de se trouver dans les environs lorsque le ruban – si ruban il y a – sera coupé. Même la reconnaissance publique, qui pourtant ne coûte pas grande chose, leur est refusée. Tout le monde se pâme devant l’Abbé Pierre, mais tout le monde a oublié Paul Delouvrier, le haut fonctionnaire discret dont les “grands ensembles” ont permis d’éradiquer les bidonvilles. Qui se souvient de Raoul Dautry, de Pierre Guillaumat, de Marcel Boiteux ? Qui se souvient comment Pompidou et Messmer ont lancé un programme électronucléaire dont ils savaient, l’un et l’autre, qu’ils ne seraient plus là le jour où les centrales démarreraient ? Et si Georges Besse échappe un peu à l’oubli, c’est plus grâce à son assassinat qu’à son œuvre…
Mais au moins, ces grands commis de l’Etat, ces grands élus avaient naguère un privilège: on les laissait travailler. Ce n’est bien entendu plus du tout le cas: aujourd’hui, civilisation médiatique aidant, n’importe quel groupuscule peut prendre un otage un équipement public et en empêcher la réalisation. L’affaire de l’aéroport de Notre Dame des Landes est de ce point de vue une caricature. Voici un projet qui a fait l’objet de toutes les consultations, débats publics, discussions parlementaires, votes des collectivités locales depuis près de cinquante ans. Sans aller chercher les travaux de la DATAR en 1963 et du CIAT en 1970, on peut se concentrer sur ce qui s’est passé depuis 2000: décision du Comité interministériel examinant les “Schémas de transports collectifs” le 26 octobre 2000, constitution en janvier 2002 du “syndicat mixte d’études de l’aéroport de Notre Dame des Landes” comprenant quinze collectivités locales (communes, intercommunalités, département) pour étudier le projet, débat public organisé par la Commission Nationale du Débat Public pendant un an (2002-2003) (1) puis enquête publique (2006) aboutissant à la déclaration d’utilité publique de 2008. Ce n’est donc pas une décision prise à la légère et sans consultation. D’ailleurs, les différents recours contre la déclaration d’utilité publique ont tous été rejetés par le Conseil d’Etat, instance d’habitude particulièrement sourcilleuse lorsqu’il s’agit d’examiner les conditions de consultation du public.
Bien entendu, on a le droit d’être contre l’aéroport de Notre Dame des Landes. Mais est-il normal que dans une démocratie un projet qui a été jugé nécessaire par plusieurs gouvernements (de couleur politique différente, d’ailleurs), qui compte avec l’appui de l’immense majorité des élus du territoire concerné, qui a fait l’objet de toutes les consultations et enquêtes prévues par la loi puisse être mis en échec par quelques milliers de manifestants ? La question se pose. Et elle se pose avec d’autant plus d’acuité que si la réponse devait être positive, il deviendrait impossible de construire quelque aménagement public d’importance que ce soit. Car il est toujours possible, dans notre beau pays de France, de trouver quelques milliers de personnes qui sont contre à peu près tout. Car il faut bien comprendre que derrière l’opposition aux “grands projets inutiles” – pour utiliser la formule que les leaders de la “gauche radicale” ont inventé, se cache une opposition générale à tout projet. Je vous conseille une petite expérience: demandez à l’un de ces opposants aux “grands projets inutiles” de vous indiquer un seul “grand projet” qu’il jugerait utile et digne d’être défendu. Et vous verrez le résultat.
Tout ça n’est pas nouveau. J’ai dans mon grenier une collection assez complète de revues “alternatives” des années 1970-80, genre “Antirouille”. En les compulsant quelquefois, je ne peux qu’être d’accord avec ce que disait un grand homme de presse américain à ses journalistes: “souvenez vous que les lecteurs ne relisent jamais le journal de la veille”. Dans ces revues, on trouve la dénonciation des “grands projets inutiles” de l’époque. Il y avait les autoroutes, dont on nous expliquait qu’elles étaient “pharaoniques” et resteraient inutilisées puisqu’on ne trouverait jamais assez de voitures pour les remplir, et qu’elles seraient trop chères. Il y avait les centrales nucléaires, dont on nous prédisait qu’elles seraient tout le temps en panne puisque leur technologie n’était pas fiable et de toute manière trop chère. Il y avait le TGV, dont on nous expliquait que vu le prix des billets il ne serait pris que par les grands bourgeois. Et ainsi de suite. Quiconque a deux doigts de jugeote peut juger de l’inanité de ces prédictions: les autoroutes sont au contraire surchargées (et pas que par des Ferrari et des Maserati), les centrales nucléaires sont fiables et délivrent un courant qui est le moins cher d’Europe, comme l’a montré le récent rapport de la Cour des Comptes, et le TGV est non seulement un succès commercial – c’est devenu la vache à lait de la SNCF – mais aussi un succès de fréquentation. Les “grands projets inutiles” dont on proclamait l’inutilité ont prouvé leur utilité dans les faits. Et on attend toujours des brillants analystes qui avaient prédit leur échec qu’ils reconnaissent leurs erreurs…
Le gouvernement avait donc raison d’être intransigeant dans cette affaire. Mais l’intransigeance a été de courte durée: on parle maintenant de “rouvrir le débat” et bien entendu d’attendre encore des mois pour donner le premier coup de pioche. On se demande bien à quoi tout cela peut servir: des débats, cela fait dix ans qu’on en a. Si les opposants ne se sont pas laissés convaincre par un débat d’un an organisé par l’instance indépendante qu’est la CNDP, on voit mal ce qui pourrait leur faire changer d’avis. Et de toute manière, le seul “débat” que les opposants sont prêts à accepter c’est celui qui aboutirait à l’abandon du projet (2). Surseoir aux travaux pendant six mois, c’est la garantie de se retrouver dans six mois exactement dans la même situation. Seulement on aura perdu six mois… et de six mois en six mois on arrive aux butées de la DUP, ce qui oblige à recommencer la procédure depuis le début. Cette méthode pour saboter les projets est utilisée par ces groupuscules depuis des années. Pourquoi les laisser faire ? A cette question, il y a deux réponses. La première nous est dictée par une comparaison édifiante: lorsque des dizaines de milliers d’ouvriers manifestent pour leur emploi, leurs salaires ou leurs retraites, ils n’obtiennent généralement rien. Lorsque quelques milliers d’enfants des classes moyennes manifestent pour la sauvegarde des terres agricoles de Notre Dame des Landes, ils sont tout de suite entendus. Comme quoi, on peut se mettre à dos les ouvriers, pas les couches moyennes.
La seconde réponse est bien plus inquiétante. Le fait est que les héros sont fatigués. De plus en plus, les fonctionnaires et les élus jettent l’éponge devant la capacité de ces groupuscules de manipuler l’opinion à travers les médias. Le fait est que personne ne sort manifester pour soutenir la ligne à grande vitesse, la ligne électrique ou l’aéroport. La majorité silencieuse laisse ses élus et ses fonctionnaires tous seuls devant la déferlante médiatique – même si, il faut le reconnaître, à l’heure de voter elle leur renouvelle souvent sa confiance. Je suis d’ailleurs toujours surpris qu’on ait encore des agents publics qui se battent pour défendre les programmes d’équipement alors que cette attitude ne leur rapporte finalement que des ennuis. J’en discutais d’ailleurs avec un vieil ami, haut dirigeant du Réseau de Transport de l’Electricité, à propos de la ligne THT Cotentin-Maine. Et ma question était simple: comment se fait-il que les responsables du projet continuent à se battre comme des chiffonniers pour le faire aboutir, alors qu’ils pourraient au contraire tomber dans “l’aquabonisme” et toucher en fin de comptes le même salaire ? Sa réponse m’a paru profondément inquiétante: pour la génération qui est là, la mystique du service public opère encore, et si demain l’échec d’un projet de ligne devait conduire à un “black-out”, les gens responsables du système sentiraient cette situation comme un échec personnel. Mais les générations montantes ont une réaction bien plus rationnelle, que l’on peut résumer ainsi: “si ces crétins ne comprennent pas pourquoi on cherche à construire la ligne, c’est leur problème; faudra pas venir pleurer après quand on leur coupera le courant”. Et qui pourrait le leur reprocher ? C’est à nous, citoyens, de soutenir nos serviteurs publics lorsqu’ils réalisent des projets d’intérêt général.
Je ne sais pas si le projet d’aéroport à Notre Dame des Landes est “utile” ou “inutile”. Je ne suis pas un expert en matière aéroportuaire. Mais en tant que citoyen rationnel, je me dis que si la DATAR, le CIAT, la Préfecture, et les collectivités locales concernées, les élus dans leur grande majorité et la Commission Nationale du Débat Public, tous des gens qui n’ont personnellement rien à gagner à défendre le projet plutôt que son contraire, ont conclu à l’intérêt de l’équipement, il doit bien y avoir une raison. Et je me dis aussi que ceux qui aujourd’hui s’opposent au projet se sont opposés hier, avec les mêmes arguments, à toute une liste d’ouvrages qui, à l’usage, se sont révélés des succès. A partir de là, je me dis qu’on a moins de chance de faire une erreur en choisissant le camp des “pour” plutôt que des “contre”.
Ce que je sais par contre, c’est que le pouvoir disproportionné des groupuscules et des intérêts particuliers est en train d’augmenter massivement les délais et les coûts des projets d’équipement, lorsqu’ils ne les rendent totalement impossibles. Pour reprendre l’exemple de la ligne Cotentin-Maine, elle coutera 300 M€ dont 100 M€ seront distribués entre différentes catégories d’emmerdeurs – qui ont bien compris qu’on peut racketter impunément l’ensemble de la collectivité – pour permettre au projet de se faire. Et je sais aussi qu’il n’y a qu’une seule manière de mettre fin à ce désastre: il faut que la majorité silencieuse s’exprime. Que ceux qui ne veulent pas que la France devienne un musée ou une réserve naturelle le disent haut et fort et aillent dans la rue et dans les forums publics défendre les projets qui, du Canal du Midi construit par Colbert aux projets des années 1970-80 ont rendu la France plus agréable à vivre et constituent pour notre pays le seul “avantage compétitif” qui permettra à notre économie de payer des bons salaires tout en étant compétitive. Je dois dire que, pour une fois, il faut saluer l’attitude des dirigeants du PCF qui, malgré les vents gauchistes qui soufflent sur le Front de Gauche, ont tenu bon et publié un communiqué de soutien au projet d’aéroport, même si l’on peut regretter certaines ambiguïtés dans celui-ci. Avec le refus pendant la campagne électorale d’épouser la ligne antinucléaire du PG, ces prises de position montrent que le vieux fond jacobin et productiviste – et sous ma plume ce n’est pas un gros mot – du PCF n’est pas encore mort…
Alors, nantais, nantaises, français, françaises, vous savez ce qui vous reste à faire. Rendez-vous sur le site de Notre Dame des Landes avec les écriteaux “oui à l’aéroport”. Et si vous ne le faites pas, ne venez pas pleurer après, lorsque le projet aura été abandonné et que les “hubs” aéroportuaires, avec leurs dizaines de milliers d’emplois, seront en Grande Bretagne ou aux Pays-Bas…
Descartes
(1) Le débat public organisé par la CNDP, curieusement, n’est pas cité dans les documents et les déclarations des opposants au projet. Ainsi, par exemple, le dossier “Notre Dame des Landes, genèse d’un projet anti-écologique” publié sur le site du PG (consultable ici) évoque les différents étapes de la procédure à l’exception de celle-ci. Un oubli sans doute… et un oubli fort convenable, car les documents issus du débat public sont très éclairants. En particulier, on y trouve les points de vue des uns et des autres ainsi que les expertises complémentaires qui ont été demandées pour trancher les différends, et qui confirment les hypothèses des “pro”… ces documents (bilan, compte-rendu, dossier porteur de projet) sont consultables ici.
(2) On l’a vu avec le “débat national sur l’énergie”. Greenpeace refuse d’y participer sous prétexte que dans le comité d’organisation il y a deux membres aux sympathies pro-nucléaires (les trois restants, parmi lesquels se compte Bruno Rebelle, ancien dirigeant de Greenpeace, étant anti-nucléaires). Même la démission d’un des deux, Pascal Colombani, n’a pas été jugée suffisante par l’organisation. On ne peut que conclure que Greenpeace est prête au débat… à condition que le débat se passe entre anti-nucléaires.
La seule vraie question est effectivement de savoir si ce projet est utile ou non, je dirai encore utile, compte tenu de son ancienneté.
On voit bien, et de plus en plus, la convergence, sinon la connivence, des idéologies libertaires et libérales. Autrement dit de l’ultra-gauche et de l’ultra-libéralisme.
Ce qui me frappe depuis maintenant quelques années c’est que les mouvements écologistes qui ont fait la guerre à EDF contre les lignes à THT ont laissé s’installer un peu partout sans réagir des
éoliennes qui défigurent tout autant les paysages, qui apportent de réelles nuisances aux habitants, mais dont l’intérêt économique semble pour le moins incertain.
Une fois de plus c’est un aménagement du territoire qui au lieu d’être conçu et exécuté au niveau national et dans l’intérêt du plus grand nombre est abandonné à des intérêts privés et locaux.
La seule vraie question est effectivement de savoir si ce projet est utile ou non, je dirai encore utile, compte tenu de son ancienneté.
Il n’est pas si “ancien” que ça. Le projet a été remis à jour pour le débat publique de 2002-03 et examiné à l’époque sous toutes les coutures.
On voit bien, et de plus en plus, la convergence, sinon la connivence, des idéologies libertaires et libérales. Autrement dit de l’ultra-gauche et de l’ultra-libéralisme.
Rien de neuf là dedans. Après tout, le come-back libéral commence en mai 1968…
Ce qui me frappe depuis maintenant quelques années c’est que les mouvements écologistes qui ont fait la guerre à EDF contre les lignes à THT ont laissé s’installer un peu partout sans réagir
des éoliennes
Ce n’est pas tout à fait vrai. Les recours juridiques contre les ZDE, par exemple, sont massives. Mais il faut se souvenir aussi qu’il y a une petite différence: les lignes THT comme les
centrales électriques sont l’oeuvre du “méchant état central”…
C’est sûr qu’un nouvel aéroport s’impose dans cette région… depuis 1967. Puis que l’ancien préfet ayant tout avalisé soit devenu un cadre de Vinci qui a remporté l’appel d’offres, ça n’a pas de
quoi étonner vu que nos brillants administrateurs ne se trompent jamais et qu’ils ont toujours fait les bons choix ! La preuve, la crise actuelle qui n’est pas “que” économique en effet
lol
“Ce fameux décret d’utilité publique est finalement publié le 10 février 2008, suite à une enquête publique dans laquelle 80 % des contributions faites aux sept enquêteurs
étaient opposées au projet. Mais comme on arrête pas le progrès, l’enquête s’est quand même avérée positive pour déclarer une DUP
L’esprit mal tourné pourra s’indigner de ce que la présidente de la section des travaux publics au Conseil d’Etat fut Madame Marie Dominique Monfraix, épouse du préfet
Bernard Hagelsteen en charge du décret en question.”
Hasard toujours si “Monsieur Bernard Hagelsteen a pris sa retraite le 1er décembre 2011 pour devenir non pas conseiller à la Cour des comptes comme il l’avait annoncé initialement, mais
conseiller auprès du DG de Vinci Autoroutes, puis responsable des péages pour ASF, filiale de Vinci. Vinci en charge du projet du nouvel aéroport.
La France compte plus de 156 aéroports, contre 44 en Allemagne et 43 en Grande-Bretagne. S’il faut bien qu’on les batte sur quelque chose, c’est fait.
Cette piste permettrait d’absorber 35 avions par heure, même s’il n’y en a que 10 à 12 actuellement, mais c’est un argument de gauchiste en tongs pas rasé.
Les même experts de prévisions de trafic de l’époque annonçaient donc entre 5 et 9 millions de passagers pour l’an 2000, et comme vous l’avez compris puisqu’ils ne se trompent jamais, l’aéroport
de Nantes Atlantique en accueille aujourd’hui 3,2 millions par an.
La surface [de l’actuel aéroport] existant est plus grande que celle de l’aéroport de Londres-Gatwick, qui, par comparaison, assure 280 000 mouvements par an et reçoit 31
millions de passagers, et quasi-égale à celle de l’aéroport de San Diego, en Californie (USA) qui voit passer annuellement 223 000 mouvements et achemine
17 millions de passagers.
Pensez-donc, avec 1 650 hectares cet aéroport de Notre Dame des Landes sera donc plus grand que celui de Roissy Charles de Gaulle qui accueille, lui, sur 1 400
hectares, 540 000 mouvements d’avions et 55 millions de passagers par an.
Forcément, il a toujours un collectif de crypto-anarchistes pilotes de lignes doutant de la pertinence du projet de Notre-Dame-des-Landes pour affirmer que “30 % des avions qui survolent le
centre-ville pourraient l’éviter en passant par le sud de l’agglomération”. Comment croire Thierry Masson, cet officier-pilote de ligne de 50 ans basé à Nantes qui a tout du
conspirationniste notoire quand il déclare : “Deux tiers du trafic transitent par le sud-est de l’agglomération. J’aimerais bien savoir pourquoi, en arrivant de Limoges, de Poitiers ou de
Bordeaux, il faut faire un détour par le nord-est de l’agglomération et survoler le centre de Nantes” “
http://www.pierrederuelle.com/notre-dame-des-landes-un-projet-de-1967-pour-repondre-aux-defis-de-notre-temps/
Bon c’est pas grave, puiqu’on vous affirme que c’est l’avenir 🙂 et que les opposants sont extraordinairement minoritaires 🙂
En effet, Nantaises, Nantais et riverains de la région, allez donc manifester votre sentiment vis-à-vis de cet aéroport pour soutenir ceux qui ont encore une tête et ont décidé de s’en servir –
de temps en temps, pas tout le temps quand même.
Ou que les pouvoirs publics organisent donc un référendum décisionnel local : j’ai bien écrit décisionnel ! Ca tranchera le débat entre minorité et majorité silencieuse…
Puis que l’ancien préfet ayant tout avalisé soit devenu un cadre de Vinci qui a remporté l’appel d’offres, ça n’a pas de quoi étonner vu que nos brillants administrateurs ne se trompent
jamais et qu’ils ont toujours fait les bons choix !
Faut quand même éviter de tomber dans les théories de conspiration. Bernard Hagelsteen a été préfet des Pays de Loire de 2007 à 2009. L’appel d’offres pour l’aéoroport a été arbitré début 2010,
alors que Hagelsteen avait déjà quité la préfectorale pour exercer ses talents à la Cour des Comptes. J’ajoute que Hagelsteen ne “pantoufle” pas à Vinci, mais dans l’une de ses filiales:
Autoroutes du Sud de la France. Où ses activités n’ont aucun rapport avec Notre Dame des Landes…
Par ailleurs, j’attire ton attentionsur le fait que même si “nos administrateurs font toujours le bon choix”, dans le cas présent ton accusation est infondée: le choix du prestataire n’a pas été
fait par le préfet, mais par le ministre des transports (décret du 29 décembre 2010) sur avis d’une commission technique de l’Etat. Je doute que le ministre ait des ordres à recevoir d’un
préfet… qui de plus n’était plus en poste depuis plus d’un an!
Ce fameux décret d’utilité publique est finalement publié le 10 février 2008, suite à une enquête publique dans laquelle 80 % des contributions faites aux sept enquêteurs étaient opposées au
projet. Mais comme on arrête pas le progrès, l’enquête s’est quand même avérée positive pour déclarer une DUP
Une enquête publique ce n’est pas un référendum. C’est la qualité des arguments qui importe, et non le nombre de contributions. Maintenant, j’aimerais comprendre ton point de vue. Penses-tu que
dans une enquête publique l’avis rendu devrait aller dans le sens de la majorité des contributions ? Si oui, il faut le dire (et alors les enquêtes se réduiront à des campagnes électorales des
“pro” et “anti” pour obtenir le plus de signatures). Si non, je ne comprends pas bien ton “ironie”…
L’esprit mal tourné pourra s’indigner de ce que la présidente de la section des travaux publics au Conseil d’Etat fut Madame Marie Dominique Monfraix, épouse du
préfet Bernard Hagelsteen en charge du décret en question.”
Je trouve détestable dans ce genre de discussion de procéder par suspicion et par insinuation. Pourrais tu m’expliquer en quoi les fonctions de Mme Hagelsteen ont pu avoir la moindre influence
dans cette affaire ? La section des travaux publics – comme toutes les sections administratives du Conseil – n’a qu’une fonction: celle de conseiller juridique du gouvernement. Son travail
consiste, à partir du projet de décret envoyé par le gouvernement, de répérer les difficultés juridiques qu’il pourrait poser et de proposer un projet révisé qui répond à ces objections. Le
gouvernement ayant par ailleurs le choix entre adopter le texte tel que proposé par la section ou de conserver son projet original. Mais les sections administratives n’ont aucun pouvoir pour
modifier un choix de prestataire… et ce ne sont pas elles qui examinent les recours éventuels. Que Mme Hagelsteen préside la section des travaux publics n’a pas le moindre effet sur le choix du
prestataire ou sur l’examen des recours contre la DUP.
Hasard toujours si “Monsieur Bernard Hagelsteen a pris sa retraite le 1er décembre 2011 pour devenir non pas conseiller à la Cour des comptes comme il l’avait annoncé initialement, mais
conseiller auprès du DG de Vinci Autoroutes, puis responsable des péages pour ASF, filiale de Vinci. Vinci en charge du projet du nouvel aéroport.
Encore une théorie de complot… franchement, je ne vois pas trop le rapport. Quel rapport avec ND des Landes ? Lorsque l’appel d’offres a été arbitré en faveur de Vinci, Hagelsteen avait quitté
la préfecture de Loire Atlantique depuis plus d’un an. De plus, il n’avait aucun poids dans le processus de choix du prestataire. Dans ces conditions, Vinci a pu avoir beaucoup de raisons pour
prendre Hagelsteen pour s’occuper des péages, mais il est difficile de voir quels sont les “services” en relation avec ND des Landes que ce recrutement aurait pu recompenser, comme tu l’insinues.
Encore une fois, il faut se tenir aux faits, et laisser les insinuations à la presse de caniveau.
La France compte plus de 156 aéroports, contre 44 en Allemagne et 43 en Grande-Bretagne.
Pourrait-on connaître l’origine de ces chiffres ? Mais quand bien même elles seraient exactes, elles ne prouveraient rien. Il y a beaucoup de domaines ou les équipements dans notre pays sont
meilleurs que ceux de nos voisins. Faut-il le regretter ?
Cette piste permettrait d’absorber 35 avions par heure, même s’il n’y en a que 10 à 12 actuellement, mais c’est un argument de gauchiste en tongs pas rasé.
Je ne sais pas si c’est un argument de gauchiste en tongs pas rasé, mais c’est un argument parfaitement idiot. Lorsqu’on pense à construire des infrastructures, il faut les penser non pas en
fonction de ce qui est “actuellement” mais en fonction de ce qui sera lorsque l’équipement sera complètement opérationnel, dans dix ou quinze ans. Le temps de la planification des infrastructures
est le temps long. Lorsqu’on a construit Roissy, l’aéroport d’Orly n’était même pas saturé…
Les même experts de prévisions de trafic de l’époque annonçaient donc entre 5 et 9 millions de passagers pour l’an 2000, et comme vous l’avez compris puisqu’ils ne se trompent jamais,
l’aéroport de Nantes Atlantique en accueille aujourd’hui 3,2 millions par an.
“A l’époque” ? A quelle époque ? Le dossier de DUP et celui présenté au débat public table sur un trafic entre 3,7 et 4,5 millions de passagers par en en 2020.
La surface [de l’actuel aéroport] existant est plus grande que celle de l’aéroport de Londres-Gatwick, qui, par comparaison, assure 280 000 mouvements par an et reçoit
31 millions de passagers, et quasi-égale à celle de l’aéroport de San Diego, en Californie (USA) qui voit passer annuellement 223 000 mouvements et
achemine 17 millions de passagers.
Pourrait-on savoir d’où sortent ces chiffres ? Selon le site officiel, l’aéroport de Gatwick occupe une surface totale de 683 km2, soit trente fois plus que les 1650 hectares prévues pour Notre
Dame des Landes…
Mais cela n’a aucune importance: Le trafic qu’un aéroport peut gérer n’est pas seulement fonction de sa surface (l’orientation des pistes, les routes accessibles comptent plus que la surface), et
la surface n’est pas utilisé que pour faire décoller des avions (parkings, ateliers, entrepots… sans compter avec la réserve foncière pour extensions futures). Je te conseille de relire les
dossiers présentés au débat public et les conclusions de ce débat, ils expliquent clairement l’ensemble des problématiques.
Forcément, il a toujours un collectif de crypto-anarchistes pilotes de lignes doutant de la pertinence du projet de Notre-Dame-des-Landes pour affirmer que “30 % des avions qui survolent le
centre-ville pourraient l’éviter en passant par le sud de l’agglomération”.
Non. Mais il y a toujours un collectif de crypto-anarchistes pour croire qu’on peut faire ce genre de déroutement sans toucher à la capacité totale de l’aéroport.
Masson, cet officier-pilote de ligne de 50 ans basé à Nantes qui a tout du conspirationniste notoire quand il déclare : “Deux tiers du trafic transitent par le sud-est de l’agglomération.
J’aimerais bien savoir pourquoi, en arrivant de Limoges, de Poitiers ou de Bordeaux, il faut faire un détour par le nord-est de l’agglomération et survoler le centre de Nantes” “
Voyons si je comprends bien: depuis des années, les deux tiers du trafic transitent au dessus de l’aglomération alors qu’il pourrait sans inconvénient passer ailleurs. Et les raisons de ce choix
sont si étranges que même un pilote de ligne expérimenté ne peut les retrouver. Je ne vois que deux explications possibles: ou bien les contrôleurs aériens de Nantes sont débiles, ou bien il y a
un Grand Complot International pour faire passer les avions au dessus de la ville. Laquelle vous semble la plus vraisemblable ?
Ou que les pouvoirs publics organisent donc un référendum décisionnel local : j’ai bien écrit décisionnel ! Ca tranchera le débat entre minorité et majorité silencieuse…
Pourquoi “local” ? Les infrastructures de transport sont une question nationale, et non locale. Mais je n’ai rien contre un référendum national: comme ça, les gens auraient à prendre leurs
responsabilités. Et je propose même de l’étendre à d’autres domaines: le nucléaire, les LGV… cela étant dit, faut qu’on se mette d’accord avant: si le référendum leur donne tort, les opposants
arrêtent de faire de l’obstruction. On est d’accord ?
J’étais à Nantes pour raisons professionnelles la semaine passée.
j’ai fait remarqué à plusieurs personnes rencontrées sur place qu’on ne voyait que les opposants dans les médias et qu’on avait l’impression que les locaux étaient contre cet aéroport.
Et bien en guise de réponse un chauffeur de taxi m’a expliqué que les opposants étaient un groupe de zulus et les propriétaires fonciers mécontent du prix proposé par l’état. Il m’a confié
attendre avec impatience cette nouvelle infrastructure. Il m’a parlé du dynamisme de Nantes, des perspectives encourageantes pour lui.
En fait la population n’est pas habituée à cette situation nouvelle d’une minorité de blocage professionnalisée. Et on voit aussi pour qui subrepticement les medias ont pris fait et cause.
Et bien en guise de réponse un chauffeur de taxi m’a expliqué que les opposants étaient un groupe de zulus et les propriétaires fonciers mécontent du prix proposé par l’état. Il m’a confié
attendre avec impatience cette nouvelle infrastructure. Il m’a parlé du dynamisme de Nantes, des perspectives encourageantes pour lui.
C’était exactement mon point. Pour beaucoup de projets, la majorité silencieuse est prise en otage par une majorité militante qui confisque les porte-voix. Ton chauffeur de taxi est pour le
projet, mais ne va pas sortir dans la rue derrière une banderolle pour le faire savoir. Et dans notre civilisation hyper-médiatisée, cela donne l’illusion d’une contestation massive du projet.
J’avais fait ce commentaire dans un autre papier: sous nos yeux apparaît une nouvelle formule de l’économie de prédation. Hier, des seigneurs profitaient du fait qu’ils controlaient un pont, une
vallée, un port pour préléver un péage. Aujourd’hui, des gens profitent du fait que leur terrain est nécessaire pour construire une infrastructure pour soutirer des juteuses indemnisations. Et
les porteurs de projets sont de plus en plus nombreux à céder au racket pour avoir la paix…
En fait la population n’est pas habituée à cette situation nouvelle d’une minorité de blocage professionnalisée.
Non. Surtout parce que les politiques omettent de lui expliquer que ces blocages coutent cher à l’ensemble de la collectivité.
Et on voit aussi pour qui subrepticement les medias ont pris fait et cause.
Les médias prennent fait et cause pour ce qui fait vendre du papier. Dans le contexte “libéral-libertaire” d’aujourd’hui, ce qui fait vendre ces des histoires où les “petits” gagnent contre les
“gros”. Le méchant Etat cherchant à imposer ses décisions a des gentils écolos qui vivent dans des cabannes dans les arbres, cela fait une belle histoire…que voulez-vous, on n’est plus du tout
au temps où l’on donnait “La meilleure part” à lire aux jeunes…
Pourrait-on savoir d’où sortent ces chiffres ? Selon le site officiel, l’aéroport de Gatwick occupe une surface totale de 683 km2, soit trente fois plus que les 1650 hectares prévues pour
Notre Dame des Landes…
Sur le site de l’aéroport, je n’ai pas trouvé quoi que ce soit qui indique sa taille… En français, les sites annoncent 642 ha (hectares) et non pas 642 km². De toute façon, 642km² ne serait pas
égal à “6 fois la surface de NDDL” mais environ à 4 fois. Mais peu importe. Peut-être que tous les chiffres annoncés par l’auteur du billet sont faux. C’est un débat d’experts.
Les citations (un peu longues) de ce billet, c’était surtout pour te titiller 😉
Disons que ça expose un certain nombre d’arguments pour le moins intéressants.
Très brièvement :
Non, si la majorité des contributions étaient pourries, ça ne compte pas plus que les bonnes contributions minoritaires.
Franchement, peu importe que l’ancien préfet n’ait plus été en poste au moment de la “dernière” DUP. Il l’était avant. Pendant tout un tas de procédures et d’actes adminsitratifs préparatifs et
autres. Je ne sais pas qui a attribué le marché public (intercommunalité, ministère – ou l’Elysée lol) : ce qui compte c’est que son passage presque concomittant chez Vinci fait tache d’huile
pour ce projet…
La collusion, les conflits d’intérêts multiples sont… récurrents. Les sections consultatives n’étudient pas que les lois mais tous les textes normatifs, dont très probablement certains des
actes administratifs concernant l’aéroport.
“Pourquoi “local” ? Les infrastructures de transport sont une question nationale, et non locale. Mais je n’ai rien contre un référendum national: comme ça, les gens auraient à prendre leurs
responsabilités. Et je propose même de l’étendre à d’autres domaines: le nucléaire, les LGV… cela étant dit, faut qu’on se mette d’accord avant: si le référendum leur donne tort, les opposants
arrêtent de faire de l’obstruction. On est d’accord ?”
En l’occurrence, c’est plutôt un référendum décisionnel local qu’il faudrait à mes yeux. Ca s’impose car la France entière n’est certainement pas concerné par le développement local de
l’agglomération de Nantes et des allentours. Mais vraiment pas… Aucun aéroport national n’est surchargé à cause des “lacunes” de l’actuel aéroport de Nantes ; le fait de savoir s’il faut
contruire un tout nouveau aéroport (notamment sur une zone naturelle classée) et laisser l’actuel à l’abandon OU faire les modifications nécessaires pour l’actuel aéroport relève de la compétence
des collectivités territoriales en vertu du principe constitutionnel de la libre administration (et du simple bon sens vu la première premisse exposée juste avant).
Mais pourquoi pas un référendum national sur le fondement de l’article 11 C° : ça peut éventuellement, mais très difficilement, se justifier pour cet aéroport ou certaines LGV peu désirées dans
certaines régions.
Pour les autres sujets qui sont plus objectivement d’ordre national tels que le nucléaire, les OGM, le “champ” des ondes électromagnétiques à réglementer etc., je suis carrément favorable
puisqu’il y aura un véritable et authentique débat (auquel la majorité silencieuse ne pourra pas se soustraire par fainéantise intellectuelle et bourrage des cerveaux).
IL faudra que ce soit réellement sérieux bien sûr.
Le sens du vote peut aller dans l’un ou l’autre sens : les anti ou pro peuvent perdre la partie, avec de réels arguments ou des arguments fallacieux et démagogiques. Un référendum quoi !!!
Le référendum de 2005 sur le TECE est un bon exemple. Quoi qu’on pense de la qualité du débat, plusieurs peuples ont clairement dit non à cette Europe purement économique et uniquement
néolibérale. Et quelques années plus tard, le 16 septembre 2008 officiellement (mais bien avant officieusement), il s’est avéré qu’ils avaient bien raison d’avoir répondu non à “cette Europe”…
des nantis…
Mais nous sommes d’accord : le jour où il y aura, ENFIN, ce genre de débat public suivi d’un référendum obligatoirement respecté par les pouvoirs publics, si le référendum donne tort aux “pro”,
ils arrêtent de faire du forcing médiatico-politique pour obtenir systématiquement ce qu’ils veulent. On est d’accord ?
Moi je le suis ! (Même si le référendum est perdu par les anti : je préfère préciser pour être parfaitement clair)
Peut-être que tous les chiffres annoncés par l’auteur du billet sont faux. C’est un débat d’experts.
Tu n’as toujours pas indiqué la provenance de tes chiffres… pour que le débat puisse avoir lieu, il faut au minimum indiquer ses références. On ne peut pas se limiter à dire “c’est un débat
d’experts” (au demeurant, je ne voispas de quelle “expertise” on a besoin pour comparer la surface de deux aéroports…).
Les citations (un peu longues) de ce billet, c’était surtout pour te titiller 😉
Je ne vois pas de quel “billet” tu parles. Dans ton commentaire, tu n’as donné aucune référence à un quelconque “billet”. Quant à me “titiller”… je n’ai rien contre, mais j’aurais préféré être
“titillé” par des arguments sérieux et des références précises. C’est nettement plus stimulant que des insinuations et des théories du complot…
Non, si la majorité des contributions étaient pourries, ça ne compte pas plus que les bonnes contributions minoritaires.
L’argument “80% des contributions venaient d’opposants au projet” est donc hors de propos. Dont acte. Mais la question qui se pose est de savoir pourquoi les opposants au projet répètent un
argument hors de propos… peut-être parce que – comme on l’a vu avec le pseudo-accident de Fessenheim il y a un mois, ce genre de pseudo-arguments crée un “effet de sens” chez les personnes qui
ne s’arrêtent pas pour réflechir un peu. Je te laisse juger de l’effet que ce genre de méthodes a sur la qualité du débat public…
Franchement, peu importe que l’ancien préfet n’ait plus été en poste au moment de la “dernière” DUP.
Pourquoi “dernière” ? Il y en a eu d’autres ? Première nouvelle. En tout cas, elles ne sont mentionnées nulle part… encore un “effet de sens” ?
Il l’était avant. Pendant tout un tas de procédures et d’actes adminsitratifs préparatifs et autres.
En d’autres termes, tous les préfets qui se sont succédés en Loire-Atlantique depuis 1967 (ou peut-être même avant) sont “suspects” ? Avec un peu de chance, tu trouveras que eux aussi ont eu des
rapports ou travaillé pour une entreprise de travaux publics quelconque… Faut être sérieux. On ne peut pas procéder par allusions et par sous-entendus comme tu l’as fait. Avant de jeter la
suspicion sur Hagelsteen – que j’ai eu l’honneur de connaître personnellement lorsqu’il était préfet de la Seine-Saint-Denis – il faut être capable de citer des faits ou du moins des présomptions
sérieuses. Je pense d’ailleurs que tu surestimes considérablement les pouvoirs d’un préfet: ce n’est pas parce qu’il signe formellement lesactes administratifs préparatoires qu’il contrôle leur
déroulement ou leurs conclusions.
Je ne sais pas qui a attribué le marché public (intercommunalité, ministère – ou l’Elysée lol) : ce qui compte c’est que son passage presque concomittant chez Vinci fait tache d’huile pour ce
projet…
Je vois mal pourquoi. Je n’aime pas personnellement le “pantouflage” des hauts fonctionnaires, en même temps je ne peux que constater qu’avec la “contraction” permanente de l’Etat depuis trente
ans et la tendance à vouloir nommer aux plus hautes fonctions des gens jeunes, se pose la question de ce qu’on fait des hauts fonctionnaires lorsqu’ils atteignent la soixantaine. Je vois mal un
homme d’action et de contacts comme Hagelsteen végéter à la Cour des Comptes. A partir de là, ils vont naturellement là où leurs compétences et leur carnet d’adresse leur ouvrent des portes. De
là à y voire systématiquement et sans autre preuve une collusion… je trouve que tu exagères.
La collusion, les conflits d’intérêts multiples sont… récurrents.
Mais moins recurrent que les insinuations de collusion ou de conflit d’intérêt sans le moindre élément factuel. Encore une variante des “théories de conspiration” si prisées dans certains cercles
de la gauche… car je te fais remarquer que dans ton histoire, il n’y a pas le moindre élément concernant Hagelsteen qui puisse faire penser à une “collusion”. Tu n’as proposé la moindre trace
d’une telle “collusion” dans une décision signée de lui, pas le moindre élément qui fasse penser qu’il a cherché à privilégier Vinci par rapport aux autres candidats. La suspicion que tu cherches
à créer n’est fondée que sur une coïncidence.
Les sections consultatives n’étudient pas que les lois mais tous les textes normatifs, dont très probablement certains des actes administratifs concernant l’aéroport.
Excuse moi, mais tu dis n’importe quoi. Les sections administratives n’étudient pas “tous les textes normatifs”. Les sections administratives sont le conseil juridique du gouvernement, et à ce
titre elles répondent aux questions que le gouvernement adresse et examinent les textes que celui-ci leur propose. Il n’y a que deux types de textes qui sont systématiquement soumis à leur
examen: les projets de loi présentés par le gouvernement, et les “décrets en Conseil d’Etat”. Ce qui fait une partie infime des textes normatifs. Dans le cas de Notre Dame des Landes, il n’y a eu
qu’un seul acte normatif examiné par les sections administratives du Conseil, c’est le décret accordant la concession à Vinci, qui est un décret en Conseil d’Etat.
Une fois encore, tu procèdes par suspicion. Tu n’as aucune idée quels sont les textes concernant l’aéroport qui ont été examinés par la Section des travaux publics, mais tu te permets d’affirmer
que “très probablement” elle en a examiné certains. Ce n’est pas sérieux…
En l’occurrence, c’est plutôt un référendum décisionnel local qu’il faudrait à mes yeux. Ca s’impose car la France entière n’est certainement pas concerné par le développement local de
l’agglomération de Nantes et des allentours. Mais vraiment pas…
Je ne suis pas d’accord. L’aménagement du territoire est une question qui concerne tout le monde, pas seulement les nantais. Lorsqu’un aéroport, une ligne TGV, une centrale électrique sont
implantés, cela a un effet sur l’architecture de l’ensemble du territoire, et non seulement sur la commune concernée. Et si Notre Dame des Landes devait être un gouffre, c’est finalement l’Etat
qui serait appelé à le combler.
le fait de savoir s’il faut contruire un tout nouveau aéroport (notamment sur une zone naturelle classée) et laisser l’actuel à l’abandon OU faire les modifications nécessaires pour l’actuel
aéroport relève de la compétence des collectivités territoriales en vertu du principe constitutionnel de la libre administration (et du simple bon sens vu la première premisse exposée juste
avant).
Du bon sens peut-être, mais de la “libre administration” certainement pas. Il ne faut pas faire dire n’importe quoi à la Constitution. Tu oublies que la “libre administration” est prévue par la
Constitution “dans les conditions prévues par la loi”. Et une ample jurisprudence montre que la loi peut parfaitement faire échapper aux collectivités locales les questions jugées d’intérêt
national. Ainsi, par exemple, les permis de construire pour les installations de production d’électricité sont toujours données par l’Etat, et non par les collectivités locales. Un aéroport est
une infrastructure d’intérêt national, tout simplement parce qu’il s’insère dans un réseau de contraintes qui est géré au niveau national.
Mais pourquoi pas un référendum national sur le fondement de l’article 11 C° : ça peut éventuellement, mais très difficilement, se justifier pour cet aéroport ou certaines LGV peu désirées
dans certaines régions.
Je vois mal comment. Il faudrait prévoir une disposition constitutionnelle spécifique permettant de soumettre à référendum les projets d’une certaine importance. Mais j’insiste, il faut les
prévoir au niveau national. Autrement, c’est NIMBY qui gagne. Même si tout le monde est d’accord qu’il faut une station d’épuration, personne ne votera jamais pour l’avoir à côté de chez soi.
Pour les autres sujets qui sont plus objectivement d’ordre national tels que le nucléaire, les OGM, le “champ” des ondes électromagnétiques à réglementer etc., je suis carrément favorable
puisqu’il y aura un véritable et authentique débat (auquel la majorité silencieuse ne pourra pas se soustraire par fainéantise intellectuelle et bourrage des cerveaux).
Pourquoi pas. Mais il faut aussi en comprendre les risques. Une disposition votée par référendum a une légitimité très considérable. Elle sera donc très difficile à modifier. Imaginons par
exemple que l’on vote une loi autorisant les OGM, et qu’une étude vienne montrer quelques mois plus tard qu’ils sont dangereux. Comment fait un gouvernement pour changer la décision prise par
référendum ? Par une loi ordinaire ? Cela présente un problème de légitimité. Par un nouveau référendum ? Outre le fait qu’un référendum ne s’organise pas en deux semaines, on ne peut en principe
consulter le peuple sur la même question à intervales rapprochés…
Au dela du fait qu’il est séduisant de faire trancher les questions importantes par le peuple souverain lui même, je pense qu’en pratique les risques dépassent de très loin les avantages. Lorsque
la décision est prise par un ministre, on sait tous qui sera responsable si cela tourne mal. Et cela encourage les ministres à la prudence. Lorsqu’une décision est prise par référendum, il n’y a
pas de véritable responsable, et les hommes politiques peuvent s’en donner à coeur joie…
IL faudra que ce soit réellement sérieux bien sûr.
Bien sur… mais comment accomplir ce miracle ?
Mais nous sommes d’accord : le jour où il y aura, ENFIN, ce genre de débat public suivi d’un référendum obligatoirement respecté par les pouvoirs publics, si le référendum donne tort aux
“pro”, ils arrêtent de faire du forcing médiatico-politique pour obtenir systématiquement ce qu’ils veulent. On est d’accord ?
Je ne vois pas très bien pourquoi. Les décisions prises doivent être appliquées, bien entendu. Mais je trouve très dangereuse cette idée de faire taire ceux qui ne seraient pas d’accord avec la
décision… vous remarquerez la différence entre nos propositions: moi, je vous proposais que les opposants au projet arrêtent l’obstruction si le projet est approuvé, pas qu’ils
cessent de s’exprimer. Vous, vous proposez que les partisans d’un projet rejeté “arrêtent le forcing politico-médiatique”…
Moi je le suis ! (Même si le référendum est perdu par les anti : je préfère préciser pour être parfaitement clair)
En fait, si l’on revient sur le passé, les référendums auraient été souvent perdus par les “anti”: au lancement des programmes, ceux-ci bénéficiaient en général d’un large soutien. En 1974, le
programme nucléaire aurait par exemple passé le référendum haut la main… et cela empêcherait aujourd’hui toute remise en cause du programme… du moins si l’on suit votre idée d’empêcher les
opposants de “faire le forcing politico-médiatique pour obtenir systématiquement ce qu’ils veulent”…
Ah mais, le billet en question est celui-ci (déjà présent dans le premier commentaire)
http://www.pierrederuelle.com/notre-dame-des-landes-un-projet-de-1967-pour-repondre-aux-defis-de-notre-temps/
L’immense majorité du texte du premier commentaire sont en fait des citations 😉
En d’autres termes, tous les préfets qui se sont succédés en Loire-Atlantique depuis 1967 sont “suspects” ? Avec un peu de chance, tu trouveras que eux aussi ont eu des rapports ou travaillé
pour une entreprise de travaux publics quelconque… Faut être sérieux.
Ben oui : il faut être sérieux Descartes : à 2 ans d’intervalle et dans la même entreprise puis dans une de ses filiales, c’est une collusion d’intérêts. Point. IL faut que cela cesse pour tous
ces hauts fonctionnaires… La collusion est évidente dans ce dossier.
Mais oui : bien sûr ! Les préfets n’ont pas de pouvoir en France, je surestime…
Excuse moi, mais tu dis n’importe quoi. Les sections administratives n’étudient pas “tous les textes normatifs”.
Tu confonds saisine obligatoire (t’as oublié les ordonnances par ailleurs) et saisine facultative. Mais c’est pas grave, j’ai l’habitude avec les gens en général…
Avant de d’affirmer que les autres racontent n’importe quoi, il faut se renseigner un peu
Dans le cas de Notre Dame des Landes, il n’y a eu qu’un seul acte normatif examiné par les sections administratives du Conseil, c’est le décret accordant la concession à Vinci, qui est un
décret en Conseil d’Etat.
http://www.conseil-etat.fr/fr/la-procedure-devant-les-formations/
“Je ne vois pas très bien pourquoi. Les décisions prises doivent être appliquées, bien entendu. Mais je trouve très dangereuse cette idée de faire taire ceux qui ne seraient pas d’accord avec
la décision…”
Encore une fois, il y a une erreur d’interprétation de mes propos. Le contraire de “faire de l’obstruction” a été traduit par “arrêter de faire du forcing politico-médiatique”. Je n’avais pas
trouvé mieux… Ca ne veut pas dire qu’il faudrait les faire taire : mais juste arrêter de céder à toutes les pressions lobbyistes, financières et… politico-médiatiques. Donc faire respecter la
décision référendaire.
Ah mais, le billet en question est celui-ci (déjà présent dans le premier commentaire) http://www.pierrederuelle.com/notre-dame-des-landes-un-projet-de-1967-pour-repondre-aux-defis-de-notre-temps/ L’immense majorité du texte du premier commentaire sont en fait des
citations 😉
En tout cas, ce monsieur Deruelle partage avec vous une caractéristique: lui non plus ne fournit pas une seule référence vérifiable à l’appui de ses affirmations… ça a l’air d’être un problème
récurrent, chez les écolos…
Ben oui : il faut être sérieux Descartes : à 2 ans d’intervalle et dans la même entreprise puis dans une de ses filiales, c’est une collusion d’intérêts.
Vraiment ? Et moi qui croyais que pour établir la “collusion” il fallait montrer que la personne en question avait par ses décisions avantagé l’entreprise dans laquelle il allait travailler plus
tard… Tiens, prenons un petit exemple, si vous le voulez bien: que penseriez vous d’une ministre de l’environnement qui, en quittant son ministère, ouvre un cabinet et devient l’avocate de
plusieurs organisations écologistes ? Là aussi, parleriez-vous de “collusion” ?
La collusion est évidente dans ce dossier.
Je suis peut-être vieux jeu, mais contrairement à vous je me méfie des “évidences” qui ne sont pas fondées sur des faits. Je vous mets au défi de citer une seule décision du préfet en question
qui ait avantagé Vinci. Une seule suffira. Mais si vous en êtes incapable, alors convenez que votre accusation de “collusion” est pour le moins legère…
Mais oui : bien sûr ! Les préfets n’ont pas de pouvoir en France, je surestime…
Oui. Enormément. Surtout si vous croyez qu’ils ont le pouvoir de dicter ses choix aux ministres.
Excuse moi, mais tu dis n’importe quoi. Les sections administratives n’étudient pas “tous les textes normatifs”.Tu confonds saisine obligatoire (t’as oublié les ordonnances par ailleurs) et
saisine facultative.
Tu noies le poisson pour ne pas admettre que tu as fait une erreur. Je te rappelle ton affirmation: les sections administratives étudient tous les textes normatifs. Tu maintiens
cette affirmation ? Tu crois vraiment que les sections administratives du CE étudient tous les décrets, tous les arrêtés, tous les réglements ? Prend la peine de regarder le
Journal Officiel: chaque jour sont publiés une trentaine de textes normatifs. Affirmes-tu qu’ils sont tous, sans exception, étudiés par une section administrative ? Oui ou non ?
La réponse est, bien entendu, non. Les sections administratives n’étudient qu’une infime minorité des textes normatifs. Elles étudient obligatoirement les décrets en Conseil d’Etat, les projets
(mais pas les propositions) de loi et d’ordonnances. Elles n’étudient que très exceptionnellement les décrets simples, les arrêtés ou les circulaires reglementaires.
Avant de d’affirmer que les autres racontent n’importe quoi, il faut se renseigner un peu
Pour affirmer que quelqu’un qui soutient que “les sections administratives étudient tous les textes normatifs” dit n’importe quoi, ce n’est pas la peine de se renseigner
beaucoup. La lecture d’un bon manuel de droit administratif suffit.
“Dans le cas de Notre Dame des Landes, il n’y a eu qu’un seul acte normatif examiné par les sections administratives du Conseil, c’est le décret accordant la concession à Vinci, qui est un
décret en Conseil d’Etat”. http://www.conseil-etat.fr/fr/la-procedure-devant-les-formations/
Je ne saisis pas trop le sens de cette réponse. Le lien cité ne fait que confirmer ce que je t’ai dit plus haut: la consultation “obligatoire” n’existe que pour les projets de loi, les
ordonnances et les “décrets en conseil d’Etat”. Le gouvernement peut soumettre d’autres actes aux sections administratives du CE s’il l’estime nécessaire, mais cette procédure est en pratique
exceptionnelle et n’est mise en oeuvre que pour des textes qui présentent une difficulté juridique particulière. On est loin de ton affirmation selon laquelle “les sections administratives
examinent tous les textes normatifs”. Dans l’histoire de Notre Dame des Landes, un seul texte a été soumis aux sections administratives du Conseil, c’est le décret DUP. Madame
Hagelsteen, depuis la présidence de la section des travaux publics, n’a pas pu faire grande chose pour faciliter les affaires de Vinci…
J’avais écrit un petit (et très modeste) article en faveur du projet de Notre-Dame des Landes.
Je précise avant toute chose que si je ne suis pas moi-même nantais, j’ai tout un groupe d’amis originaires de cette ville, dont le père de l’une est d’ailleurs aujourd’hui employé par
l’aéroport de Nantes. Pour l’anecdocte, cette personne est à titre personnel défavorable au projet d’aéroport, puisqu’elle habite dans le sud de Nantes, près de son lieu de travail, et que si le
projet se fait, cela augmentera considérablement son temps de transport. Mais sur le fond, elle est tout à fait favorable au projet.
Dans cette affaire, rappelons simplement que le site d’aéroport actuel est très proche du centre-ville et que depuis les années 1960, il est prévu un nouvel aéroport situé au nord de la
ville.
Pour résumer un peu, les arguments des pro-projets tiennent en ces propositions:
1) l’aéroport actuel est trop proche du centre-ville, engendrant des nuisances importantes pour les habitants du centre-ville qui se voient survoler. Je peux moi-même en témoigner: sans exagérer
non-plus les nuisances (le trafic reste modeste), elles sont réélles.
2) De ce fait, l’aéroport présente un certain nombre de dangers au niveau de la sécurité.
3) Toujours de ce fait, l’aéroport se verrait en surcapacité à moyen terme, son emplacement ne lui permettant pas de s’étendre.
4) La situation de Notre-Dame des Landes, au Nord de Nantes, permettrait de drainer une nouvelle clientèle en provenance de Rennes et de tout l’ouest. Un raccordement ferroviaire serait également
prévu.
Ce à quoi, les opposants répondent:
1) Les nuisances pourraient être évitées par de nouveaux plans de vols, avec l’argument de la majorité du trafic venant du sud-est (et Denis donne les chiffres contradictoires de 30% et des
deux tiers). Sans être un expert, il me semble qu’une large partie du trafic sur Nantes est lié à l’est et au nord-est (Paris, Londres, Amsterdam, Allemagne…). D’autre part, cette accusation me
paraît totalement complotiste.
2) La sécurité serait assurée à Nantes. Mais il y a quelques années, un avion avait défrayé la chronique en risquant de s’écraser en plein centre ville du fait d’erreurs de pilotage et d’un temps
exécrables si je me souviens bien. Surtout cet argument me fait un peu peur: oui, certains aéroports sont situés plus proches et ne connaissent pas d’accidents. Mais est-ce une raison pour
empêcher de réduire le risque de crash?
3) la surcapacité ne serait pas réélle, alors que l’aérien serait condamné à terme avec la raréfaction du pétrole. Sur le premier point, il est vrai que les opposants ont raison d’un certain
point de vue. Reste qu’à long terme, ils auront probablement tort et que les arguments sur la surface/nombre de piste ne sont pas forcément valables: la situation de Gatwick et de Genève ne sont
pas forcément comparables. Quant à la deuxième partie de l’argument, il me paraît tout à fait idéologique. Les réserves prouvées de pétrole assurent 40 ou 50 ans de consommation, on a encore
le temps de voir venir…
4) A cet argument, les écologistes ne répondent pas vraiment, du fait de leur argument 3. Mais c’est pour moi un point important: le projet de Notre Dame des Landes devrait être l’occasion de
fermer l’aéroport de rennes, qui ne draine que 400.000 passagers par an et ne tient que par des subventions très lourdes. La contrepartie pourrait être un meilleur raccordement de l’aéroport de
Nantes et de Rennes, et pourquoi pas (rêvons un peu), l’occasion de réaliser une ligne nouvelle entre les deux villes, distantes de moins de 100 km et reliées, tenez-vous bien, en 1h15 au mieux
(la ligne ferroviaire passe par Redon).
Bien à vous,
Tythan
Merci de votre contribution. Je ne voulais pas lancer un débat sur l’aéroport lui même. Je ne sais pas qui, des “pro” ou des “anti” a raison, et cela ne me paraît pas au fond le plus important.
La question que je voulais poser est celle de la décision publique: est il normal qu’une minorité – même si elle est persuadée d’avoir raison – puisse prendre en otage un projet qui a un soutien
majoritaire et qui a franchi toutes les étapes de la consultation démocratique ?
D’abord, merci pour ton blog. Même si je n’interviens pas, je suis un fidèle lecteur.
J’ai vécu 20 ans au bout des pistes de l’actuel aéroport.
J’ai quitté la région il y deux ans et depuis, je suis ce dossier par la presse en ligne.
Il y 2 ans encore, la contestation se limitait à 2,3 pékins avec des pancartes devant la préfecture. Depuis on peut dire que les écolos et la presse aux ordres (même pas, ils devancent leurs
désirs) ont fait du bon boulot. Maintenant on nage en plein délirium. C’est incroyable l’ampleur que cette histoire a prise. Je suis rentré à Nantes il y a 2 mois et tous les amis que j’ai là-bas
(même ceux qui ne sont pas impactés par l’actuelle piste) étaient écoeurés par ce qui se passe. ça n’a pas du s’arranger avec le débarquement de tous les zozos verts il y 2 semaines.
Tu dis que la majorité silencieuse doit se faire entendre, mais les rares commentaires en faveur du transfert de l’aéroport sont noyés dans le flôt hystérique des anti. Je ne sais même pas si on
avait eu un tel déferlement au sujet du nucléaire.
Personnellement, j’enrage que les élus n’aient pas appelé à soutenir le projet par une manifestation à Nantes quand la secte a débarqué à NDDL. La presse aurait été obligée de changer de
discours.
Mais nos élus ont tellement peur du peuple et de ses réactions.
Maintenant, moratoire de 6 mois : Vinci va pouvoir remplir ses caisses sans donner un coup de pioche. Avec des ennemis pareils, ils n’ont pas besoin d’amis.
PS : sur rue89 aujourd’hui, allez voir le portrait de 2 escrocs. ça explique beaucoup de choses.
D’abord, merci pour ton blog. Même si je n’interviens pas, je suis un fidèle lecteur.
Merci beaucoup de l’encouragement… et n’hésites pas à intervenir. Je ne mords pas ! Enfin, pas souvent… 😉
Je ne sais même pas si on avait eu un tel déferlement au sujet du nucléaire.
Tu as oublié Creys-Malville…
Mais nos élus ont tellement peur du peuple et de ses réactions.
Ils ont surtout peur des classes moyennes écolo-bobos…
Cher Descartes,
Est-ce que vous n’oubliez pas de prendre en compte les notions d’utilité décroissante et de désutilité croissante ? Ces notions s’appliquent à tous les projets d’infrastructures, sachant que les
ressources aussi bien financières qu’écologiques sont par essence limitées. Prenons l’exemple des autoroutes pour simplifier.
L’utilité décroissante : les besoins les plus forts sont satisfaits en premier. Autoroute “du nord”, autoroute “du sud”, équipement des plus grands axes, bretelles de contournement des grosses
agglomérations, aujourd’hui très utilisés comme vous le soulignez à juste titre. Puis les constructions sont de moins en moins indispensables, jusqu’à l’aberration de l’autoroute Annecy-Genève
qui permet, au prix de la destruction d’un paysage sublime, de gagner 10 minutes entre les 2 villes, et que personne n’utilise parce que c’est trop cher…plus vous construisez d’autoroutes, plus
vous aurez de tronçons vides.
Désutilité croissante : dans un territoire à l’étendue limitée, plus vous faites de saignées, plus les saignées sont douloureuses. La France est déjà quadrillée d’autoroutes et de voies
ferroviaires et plus en on construit, plus la nécessité de préserver les paysages et la tranquillité des habitants devient prégnante. Personnellement, je me félicite de l’abandon de la LGV
Marseille-Nice, un coût monstrueux en termes de finances aussi bien que d’écologie, tout cela pour gagner moins de 30 minutes entre les deux villes…
Sans vouloir entrer dans le débat de fond sur Notre Dame des Landes, il semble que l’utilité marginale de ce projet soit faible quand on sait que l’aéroport de Londres-Gatwick accueille 10 fois
plus de trafic que l’aéroport actuel de Nantes sur une suface légèrement inférieure, et que la nuisance soit grande en terme de destruction de terres agricoles…d’autant que NDDL étant fort loin
de Nantes, sa construction impliquera nécéssairement la construction d’autres infrastructures routières et ferroviaires si on ne veut pas qu’en plus ce nouvel aéroport se transforme en équipement
fantôme.
Quant aux “hubs”, votre commentaire me semble absurde dans la mesure où un hub étant une plaque tournante qui permet d’accueillir les passagers du monde entier pour les réorienter vers le maximum
de destinations possibles en France, en Europe et dans le monde, il ne peut pas y avoir 36 hubs dans notre pays et que ce rôle ne peut être dévolu qu’à Roissy.
Ecrire ce billet me coûte d’autant plus que je partage tout à fait votre analyse sur le scandaleux pouvoir de nuisance des sectes décroissantes. Quand je les vois et surtout quand je les entends,
j’ai spontanément envie, comme vous, de me ranger du côté des “pour” et plus encore m’opposer aux “contre”.
Une dernière question sur la ligne THT, dont je veux bien croire qu’elle est indispensable : n’y a t-il pas de possibilité de l’enterrer, cette ligne ? On m’objectera le coût…mais si on
abandonne l’aéroport de Notre Dame des Landes, ou si l’on cessait de distribuer 1% de la masse salariale d’EDF au comité d’entreprise, on pourrait peut-être avoir de la marge de manoeuvre
financière ?
L’utilité décroissante : les besoins les plus forts sont satisfaits en premier. Autoroute “du nord”, autoroute “du sud”, équipement des plus grands axes, bretelles de contournement des
grosses agglomérations, aujourd’hui très utilisés comme vous le soulignez à juste titre. Puis les constructions sont de moins en moins indispensables, jusqu’à l’aberration de l’autoroute
Annecy-Genève qui permet, au prix de la destruction d’un paysage sublime, de gagner 10 minutes entre les 2 villes, et que personne n’utilise parce que c’est trop cher…plus vous construisez
d’autoroutes, plus vous aurez de tronçons vides.
Vous avez raison: en matière d’infrastructures comme dans n’importe quel autre domaine, il faut savoir quand s’arrêter. Le but n’est pas non plus de couvrir tout le territoire d’aéroports, de
donner au moindre petit village l’accès à l’autoroute, et ainsi de suite. Personne, à ma connaissance, ne soutient le contraire. Mais vous remarquerez que les adversaires des autoroutes, des
centrales nucléaires ou des aéroports ont commencé à s’opposer à ces projets dès les premières constructions. Ce n’est donc pas “l’utilité décroissante” qu’ils contestent, même s’ils tendent
aujourd’hui à récupérer cet argument.
La France est déjà quadrillée d’autoroutes et de voies ferroviaires et plus en on construit, plus la nécessité de préserver les paysages et la tranquillité des habitants devient
prégnante.
La tranquilité… oui. Mais la “préservation du paysage” n’est pas un bien en soi. La vallée de la Loire est bien plus belle avec ses châteaux que sans eux. Le viaduc de Garabit, construit par
Eiffel, n’a pas enlaidi la vallée de la Truyère, pas plus que le viaduc de Millau sa vallée. Le barrage de Roselend ou de Sainte Croix, loin de dégrader le paysage, l’améliorent. Pourquoi
faudrait-il considérer le paysage naturel comme l’alpha et l’oméga ?
Personnellement, je me félicite de l’abandon de la LGV Marseille-Nice, un coût monstrueux en termes de finances aussi bien que d’écologie, tout cela pour gagner moins de 30 minutes entre les
deux villes…
Là, j’avoue que votre raisonnement m’échappe. Si vous vous “félicitez” d’un tronçon de LGV de 200 km sous prétexte qu’il ne fait gagner “moins de trente minutes”, alors si l’on suit votre
raisonnement il aurait fallu abandonner tous les tronçons de 200 km… et on n’aurait jamais construit aucune ligne TGV. La LGV Marseille-Nice n’est qu’un tronçon de la ligne Paris-Nice. Si on
abandonne Marseille-Nice, pourquoi ne pas abandonner aussi Avignon-Marseille, Valence-Avignon, Lyon-Valence, Troyes-Lyon et Paris-Troyes ? A chaque fois vous gagnez “moins de trente minutes”…
Sans vouloir entrer dans le débat de fond sur Notre Dame des Landes, il semble que l’utilité marginale de ce projet soit faible quand on sait que l’aéroport de Londres-Gatwick accueille 10
fois plus de trafic que l’aéroport actuel de Nantes sur une suface légèrement inférieure,
Les apparences sont trompeuses: Gatwick est, n’en déplaise à certains qui tendent à prendre des libertés avec les chiffres, beaucoup plus grand en surface que l’aéroport actuel de Nantes, et même
plus grand que la surface prévue pour Notre Dame des Landes. Accessoirement, je ne vois pas le rapport entre “l’utilité marginale” du projet et la surface…
d’autant que NDDL étant fort loin de Nantes, sa construction impliquera nécéssairement la construction d’autres infrastructures routières et ferroviaires si on ne veut pas qu’en plus ce
nouvel aéroport se transforme en équipement fantôme.
Un peu comme Roissy, quoi. Dont l’utilité marginale est pourtant considérable, non ?
Quant aux “hubs”, votre commentaire me semble absurde dans la mesure où un hub étant une plaque tournante qui permet d’accueillir les passagers du monde entier pour les réorienter vers le
maximum de destinations possibles en France, en Europe et dans le monde, il ne peut pas y avoir 36 hubs dans notre pays et que ce rôle ne peut être dévolu qu’à Roissy.
Entre “36 hub” et un seul, il y a une marge ? Roissy est aujourd’hui largement saturé, et l’extension de l’aglomération parisienne rend son extension difficile. Mais comme je l’ai expliqué
ailleurs, je ne voulais pas initier une discussion sur la pertinence technique de l’aéorport de Notre Dame des Landes. Peut-être est-il inutile, et peut-être pas. Je n’en sais rien. Je ne suis
pas expert en aéronautique. Ce qui m’intéresse aujourd’hui, c’est la possibilité donnée à certains groupuscules de prendre en otage un projet alors que celui-ci a fait l’objet de toutes sortes de
débats et de consultations démocratiques.
Une dernière question sur la ligne THT, dont je veux bien croire qu’elle est indispensable : n’y a t-il pas de possibilité de l’enterrer, cette ligne ? On m’objectera le coût…
Si l’on est prêt à jeter l’argent par les fenêtres, on peut tout faire. Je pense personnellement qu’il y a des choses bien plus intéressantes à faire avec l’argent public que d’enterrer des
lignes électriques qui ne font de mal à personne, et que personnellement – mais ce n’est bien sur que mon avis – je trouve fort esthétiques. Dans le cas de la ligne Cotentin-Maine, l’addition
serait tout de même très salée, et même en abandonnant l’aéroport et en supprimant le 1% du comité d’entreprise d’EDF, il n’y aurait pas assez…
Bonsoir Descartes,
je voudrais rebondir sur la remarque suivante de Tytan à
propos des écolos-bobos-freaks:
2) La sécurité serait assurée à Nantes. Mais il y a
quelques années, un avion avait défrayé la chronique en risquant de s’écraser en plein centre ville du fait d’erreurs de pilotage et d’un temps exécrables si je me souviens bien. Surtout cet
argument me fait un peu peur: oui, certains aéroports sont situés plus proches et ne connaissent pas d’accidents. Mais est-ce une raison pour empêcher de réduire le risque de
crash?
Le sujet me touche un peu car j’ai été trois ans étudiant à Nantes au milieu des années 90. à A l’époque, on parlait déjà de cet aéroport et je n’avais pas d’avis arrêté sur l’utilité
de cette construction; mais il semble que depuis le temps, les avis ont évolué car je me souviens que tout le monde était contre à ce moment-là, et le projet fut abandonné. Depuis, de l’eau
a coulé sous les ponts de l’Erdre, et je suppose que les conditions de vie ont changé dans la région et ont peut-être justifié la pertinence de l’ouvrage.
Je voulais souligner à nouveau l’incohérence des anti-aéroport NDDL, qui sont également les mêmes qui militent pour la sortie du nucléaire. Leur argument pour s’opposer aux centrales atomiques
est celui de la probabilité d’une catastrophe aux effets incalculables; probablilité infime, mais les anti-nucléaires agissent comme si l’accident était certain! Un peu dans le même esprit que
l’argument qui a présidé à la lutte contre le terrorisme en Occident: faire comme si une probabilité d’1% d’avoir un attentat devenait une certitude à 100% qu’il s’en passera un. C’est au nom de
cette logique que les anti-nucléaires veulent la fin de l’énergie atomique en France.
Par contre, les militant anti-NDDL s’accommodent très bien d’un risque de chute d’un avion en plein centre-ville de Nantes, accident bien plus probable qu’une catastrophe nucléaire!! La cohérence
aurait voulu que, au nom de la sécurité des Nantais, on déménageât l’aéroport: mais non! Les anti-NDDL veulent conserver les installations actuelles, avec tous les risques et les nuisances pour
les habitants de la ville!
Mais attention: le paysage de Notre Dame des Landes sera préservé et c’est bien l’essentiel !
Comme quoi, l’utilisation du critère de risque est à géométrie variable chez ces gens-là. Plus le temps passe, plus je me dis que les écolos-bobos-freak sont de fieffés réactionnaires!
Contrairement à des conservateurs, qui finissent parfois par en voir les vertus, ils ne croient pas au progrès, ils croient seulement en une nature toute puissante! Pour eux, seule la nature a
raison et gare à celui qui voudrait changer les choses. Et tant pour pis pour les classes populaires si la région devient arriérée, et perd des emplois à cause d’un refus d’améliorer les
infrastructures: car si ce n’est pas pour un aéroport, ce sera pour autre chose!
Les écolos-bobos-freaks peuvent paraître sympas comme ça (encore que là, non!!), avec leur côté hurluberlu parfois, mais ça reste des réacs et des dogmatiques quasi-religieux! Ca me fait drôle de
penser qu’on puisse classer ces gens à gauche! Pour moi, ils agissent exactement comme les paysans du 19è siècle qui voyait l’arrivée du train dans les campagnes…
Je voulais souligner à nouveau l’incohérence des anti-aéroport NDDL, qui sont également les mêmes qui militent pour la sortie du nucléaire. Leur argument pour s’opposer aux centrales
atomiques est celui de la probabilité d’une catastrophe aux effets incalculables; probablilité infime, mais les anti-nucléaires agissent comme si l’accident était certain!
Oui. Il y a une difficulté pour les sociétés modernes a gérer l’idée même du risque. Nous avons collectivement du mal à accepter le fait que le risque zéro n’existe pas – même si nous sommes
arrivés à réduire les risques à un niveau jamais atteint par aucune société avant nous – et à nous résigner quand le risque se réalise. Ce que font les antinucléaires, c’est d’exploiter cette
difficulté à gérer le risque en jouant sur les peurs. Et ils ne sont pas les seuls: il y a des millions de personnes qui vivent du “business” de la peur, et ce n’est pas nouveau. Entre ceux qui
te vendent des armes et des kits de survie pour le jour du Grand Cataclysme et les églises qui se font payer des messes pour te permettre d’échapper au chaudron de souffre dans l’au-delà, il n’y
a que l’embarras du choix.
Par contre, les militant anti-NDDL s’accommodent très bien d’un risque de chute d’un avion en plein centre-ville de Nantes, accident bien plus probable qu’une catastrophe nucléaire!!
Jusqu’au jour où elle arrivera. Ce jour là, on trouvera les mêmes bonnes âmes médiatiques qui défendent les cabannes dans les bois hurler contre les imbéciles – c’est à dire les fonctionnaires et
élus – qui ont permis à un aéoroport dont la piste pointe sur le centre ville de Nantes de fonctionner. Et on aura à la télé le défilé des “je-vous-l’avais-bien-dit” qui vous expliqueront qu’on
aurait du fermer Nantes-Atlantique depuis longtemps.
En fait, le raisonnement des écolo-bobos met toujours l’Etat en faute. S’il prévoit des vaccins pour la grippe H1N1 et l’épidémie ne se produit pas, on lui reprochera d’avoir gaspillé l’argent
public. S’il n’achète pas les vaccins et que l’épidémie arrive, on lui reprochera amèrement son imprévision. Comme dans l’histoire juive ou la mère offre à son fils deux chemises, et le jour où
il met pour la première fois l’une d’elles lui demande en pleurant “alors, l’autre ne t’a pas plu ?”, l’Etat est toujours en faute. Et bien entendu, il ne reste alors qu’a insinuer qu’une telle
faute n’est possible que parce qu’il y a “collusion” entre les élus et les fonctionnaires et d’obscurs intérêts privés (bétonneurs, labos pharmacéutiques, industrie nucléaire…). Point n’est
besoin de prouver, bien entendu, il suffit d’insinuer. Et c’est comme cela qu’on détruit petit à petit la confiance des français dans leur Etat et dans ses agents, et qu’on ouvre la porte aux
privatisations et à l’idéologie libérale.
Par chance, les français restent – et notre système éducatif n’est pas de ce point de vue neutre – des positivistes cyniques. Ils savent très bien au fond qui sont ceux qui servent l’intérêt
général et qui sont ceux qui cherchent à les manipuler. Contrairement à ce qui se passe en Allemagne, par exemple, la masse fait globalement confiance aux institutions et à l’Etat en premier lieu
pour faire les bons choix. L’opposition aux infrastructures est souvent superficielle et se concentre dans une couche sociologique bien particulière: les étudiants – qui font leurs classes de
“révolutionnaires” avant d’aller dans les affaires – et les bobos qui, ayant tout, peuvent se permettre d’expliquer aux autres tout ce dont il faut se priver.
Mais attention: le paysage de Notre Dame des Landes sera préservé et c’est bien l’essentiel !
J’avoue que je n’ai toujours pas très bien compris l’idéologie de la “préservation des paysages”. La France est un pays relativement densement peuplé depuis des millénaires, et les paysages que
nous voyons sont, dans leur immense majorité, dejà artificiels. Depuis l’époque romaine le déboisement, la conversion des terrains sauvages dans l’agriculture, la construction de toutes sortes
d’habitations et d’ouvrages publics ont changé radicalement le paysage. Alors, cela veut dire quoi exactement “préserver le paysage” ? Garder les paysages du XXème siècle ? Du XVème ? Du Xème ?
De l’époque de Vercingétorix ? Faut il démolir les châteaux de la Loire pour rendre à cette vallée son aspect “naturel” ?
L’idéologie de la “préservation du paysage” repose sur la croyance qu’il existe un “paysage naturel” originel, libre de toute souillure humaine, ou l’on pourrait se “resourcer”. Mais cela
n’existe pas. Ces “paysages” qu’on voudrait “préserver” sont largement le résultat de l’action de l’homme.
Comme quoi, l’utilisation du critère de risque est à géométrie variable chez ces gens-là. Plus le temps passe, plus je me dis que les écolos-bobos-freak sont de fieffés réactionnaires!
Au contraire. Ce sont des révolutionnaires dans le sens que Marx donne à ce terme lorsqu’il qualifie la bourgeoisie de “classe révolutionnaire”. Les écolos-bobos sont le fer de lance de la
révolution libérale-libertaire commencée à la fin des années 1960 et qui a connu son apogée dans les années 1980, avec la conversion de la gauche française au libéralisme europhile. La logique de
la méfiance envers les institutions publiques que le discours écolo-bobo véhicule prépare merveilleusement le terrain pour le capital privé. Après tout, si les élus sont corrompus et les
hauts-fonctionnaires ne cherchent qu’a se caser, pourquoi leur confier les affaires publics ? Mieux vaut laisser faire le marché, qui donne le pouvoir au consommateur…
Contrairement à des conservateurs, qui finissent parfois par en voir les vertus, ils ne croient pas au progrès, ils croient seulement en une nature toute puissante! Pour eux, seule la nature
a raison et gare à celui qui voudrait changer les choses.
Il ne faut pas confondre ce que les gens disent – et font – avec ce que les gens croient. Tu trouveras sans difficulté des écolo-bobos qui te feront l’éloge de l’école publique comme creuset de
la mixité sociale, pour ensuite t’expliquer qu’ils envoyent leurs enfants à l’école privée parce que “tu comprends, il faut leur assurer l’avenir…”. De même, ils te feront l’éloge de la “nature
toute puissante” et dans les minutes qui suivent ils te parleront de ce magnifique outil de mobilisation qu’est l’internet ou le SMS, oubliant au passage que ces deux moyens de communication
reposent sur des industries fort polluantes et d’immenses investissements en infrastructure.
Les écolos-bobos-freaks peuvent paraître sympas comme ça (encore que là, non!!), avec leur côté hurluberlu parfois, mais ça reste des réacs et des dogmatiques quasi-religieux!
Franchement, je ne les ai jamais trouvé “sympathiques”. Je n’ai jamais aimé les ayatollahs prêts à justifier n’importe quoi du moment où c’est “pour la bonne cause”. Et je me suis toujours méfié
de ceux qui sont capables de rire des autres mais jamais d’eux mêmes.
Ca me fait drôle de penser qu’on puisse classer ces gens à gauche!
Tu sais, les étiquettes, faut se méfier… combien d’infâmes piquettes sont vendues par des gens peu scrupuleux sous une étiquette de grand cru. D’autant plus qu’en politique, on n’a pas encore
réussi à trouver un système pour contrôler les AOC!
Pour moi, ils agissent exactement comme les paysans du 19è siècle qui voyait l’arrivée du train dans les campagnes…
Pas du tout, justement. Les paysans du 19ème siècle agissaient par ignorance. Et d’ailleurs, une fois qu’ils comprenaient les avantages du train, ils demandaient une gare pour chaque village. Les
écolo-bobos, au contraire, appartiennent aux couches de la société qui jouissent abondamment de l’accès aux savoirs et aux biens, et leur préoccupation est d’empêcher que d’autres, moins
favorisés, viennent leur disputer cette situation. C’est pourquoi ils génèrent une idéologie qui, sous des apparences généreuses, est en fait une idéologie de l’immobilisme où chacun est prié de
rester à sa place et de se consoler en assumant le rôle de victime. Ce n’est pas par hasard si dans les années 1980 dans l’idéologie gaucho-bobo-écolo les politiques sociales – dont le but est de
sortir les gens de leur condition – ont été remplacés par les restaurants du coeur.
Cher Descartes,
je suis assez d’accord avec vos remarques, mais à une nuance près: si, dans l’action et le discours, les gaucho-écolo-bobos agissent en bons révolutionnaires li-li, le résulat de leur politique
est l’immobilisme! C’est le fameux adage du Guépard, comte de Lampédusa: “il faut tout changer pour rien ne change”!
Je me trompe peut-être, mais c’est un principe furieusement réactionnaire! C’est à cet aune que je juge l’action des gaucho-écolos-bobos: ce sont les idiots utiles de la réaction!
C’est à cet aune que je juge l’action des gaucho-écolos-bobos: ce sont les idiots utiles de la réaction!
C’est là où nous sommes en désaccord. La formule du Guépard est très belle, mais elle ne s’applique pas ici. Le Guépard était un homme nostalgique d’un monde aristocratique qu’il voyait
s’effondrer et qu’il aurait voulu préserver. Sa formule revient à sacrifier le symbole pour garder la substantifique moelle des rapports sociaux. Les écolos-bobos, au contraire, ne sont
“nostalgiques” de rien du tout. C’est d’ailleurs ce qui caractérise les classes moyennes: contrairement à la bourgeoisie et au prolétariat, qui ont une mémoire de leur propre histoire, les
classes moyennes préfèrent l’oublier, peut-être parce qu’elles n’ont pas toujours de quoi être fières. En ce sens, c’est une couche véritablement “révolutionnaire” au sens que donnait Marx a ce
qualificatif appliqué à la bourgeoisie.
Je pense que l’utilisation même du terme de “réaction” est trompeuse. On n’est plus dans le contexte des années 1930 ou 1950, d’une lutte entre ceux qui veulent aller de l’avant (les
progressistes) et ceux qui veulent revenir en arrière (les réactionnaires). Avec la fin des “trente glorieuses”, on a assisté à un renversement des fronts: ce sont les capitalistes et les classes
moyennes qui veulent approfondir le “changement” libéral, alors que les couches populaires restent attachés à un passé qui, comparé à leur présent, leur semble ilyllique. C’est pourquoi l’époque
est particulièrement difficile pour ceux qui veulent combattre le capitalisme: ils se trouvent à défendre “le changement” alors que seuls les bourgeois le veulent…
Bonsoir amis, camarades, voire les deux,
Si être révolutionnaire, c’est aligner la société et ses institutions sur l’idéologie dominante, alors les Verts sont parfaitement révolutionnaires.
Si par contre, dans une société capitaliste, il s’agit de renverser la domination de classe et de bouleverser les structures économiques par l’appropriation collective des moyens de production et
d’échange, d’instaurer le socialisme, alors les Verts sont des réacs de première !
Moi, je suis un révolutionnaire, un collectiviste, pas un Vert
Si être révolutionnaire, c’est aligner la société et ses institutions sur l’idéologie dominante, alors les Verts sont parfaitement révolutionnaires.
Etre “révolutionnaire”, c’est vouloir provoquer une rupture dans la manière dont la société fonctionne. Et de ce point de vue, il est difficile de nier que les “ultra-libéraux” ont été des
révolutionnaires. Contesterais-tu qu’entre la société française de la fin des années 1960 et la notre il y a eu une rupture ?
Bonsoir,
j’interviens par rapport à certaines insinuations de Denis75 par rapport à un préfet qui a pantouflé dans le prié et plus précisément chez VINCI.
Je trouve ces insinuations dégueulasses car elles tendent à salir la réputation de quelqu’un alors qu’aucune preuve formelle n’est apportée et
c’est étonnant pour quelqu’un qui se dit juriste si ma mémoire est bonne.
Prenons un exemple, si demain je suis embauché chez un prestataire de mon entreprise actuelle, cela signifie-t-il obligatoirement que toutes les décisions que j’ai prises ou toutes les
orientations préconisées à ma hiérarchie avaient pour but d’obtenir ce poste ou que ce poste constitue une récompense pour un hypothétique lobbying ?
Puisqu’on parle d’infrastructures, une pensée pour Nicolas Sarkozy et “son” réseau de transport public du Grand Paris. Si le projet voit le jour, ce sera un fantastique outil de développement de
la région parisienne avec des répercussions nationales et qui placera encore Paris en tête des villes qui comptent.
Certes non, je ne le conteste pas.
Il y eut rupture aussi entre la Convention et le Directoire, entre la IIe République et le Second Empire, entre la IIIe République et l’État français de Pétain.
Ce dernier appelait d’ailleurs l’instauration de son pouvoir fasciste la “Révolution nationale”.
Il n’en reste pas moins que de mon point de vue, il y a des révolutions qui vont dans le sens de l’Histoire, et d’autres qui font reculer l’Humanité.
Mais bon, l’Histoire n’est pas linéaire; elle n’a pas de régulateur de vitesse.
Et pour autant, bien entendu, je suis globalement d’accord avec vos thèses, cher Descartes.
@Gugus69,
Je ne suis pas d’accord pour qualifier de “fasciste” le pouvoir de Pétain. L’Etat français rejetait certes la démocratie, mais son idéologie était plutôt conservatrice, réactionnaire et
agrarienne. Malgré le nom de “Révolution nationale”, Vichy était plutôt dans l’optique d’un retour à la terre, au village, aux provinces… Le fascisme et le nazisme, eux, voulaient bâtir une
nouvelle “civilisation” (si l’on peut dire) avec de nouvelles villes, une nouvelle architecture, un homme nouveau. Et surtout, le fascisme suppose un nationalisme virulent fondé sur l’orgueil et
le patriotisme. Vichy se réclamait de la patrie bien sûr, mais diffusait aussi un discours sur la repentance (déjà… mais pas la même qu’aujourd’hui) et sur le déclinisme…
Je pense qu’il est un peu réducteur de qualifier de “fasciste” tout régime autoritaire.
Je pense qu’il est un peu réducteur de qualifier de “fasciste” tout régime autoritaire.
Tout à fait d’accord. Il faut se méfier des “mots-valise” surtout lorsqu’ils sont utilisés dans un but de diabolisation. En donnant l’illusion que tout est pareil, ces mots empêchent de saisir la
diversité du réel. Non, toutes les extrêmes droites ne sont pas “fascistes”…
Oui, quelle honte de vouloir diaboliser le régime de Vichy…
Le culte du chef, “Maréchal, nous voilà” chanté dans les écoles, la suppression des assemblées élues, les lois anti-juives et la déportation, “l’Europe nouvelle”, la rue Lauriston, Bousquet,
Touvier, Darquier de Pellepoix, le nationalisme (“Es-tu plus Français que Lui ?”), l’interdiction du syndicalisme et l’instauration du corporatisme, le PPF, la Milice, la LVF, “Je Suis Partout”,
la presse aux ordres…
Benet que je suis, j’appelle ça du fascisme ! Faut-il que je manque de jugeote. Cela n’a, à l’évidence, aucun rapport avec un régime fasciste comme le fascisme mussolinien.
D’ailleurs le symbole de Vichy, c’était la francisque. Ce qui ne ressemble ni de près ni de loin à des faisceaux de licteur qui ont donné le nom du “fascisme”, n’est-ce pas ?
Vous avez raison, Vichy était franciste, pas fasciste. Les survivants de Drancy rigolent encore de ma confusion !
Oui, quelle honte de vouloir diaboliser le régime de Vichy…
Ou n’importe quel autre régime. La “diabolisation” est une technique politique, mais n’aide pas à comprendre. L’approche manichéenne et moralisante tue l’Histoire.
Le culte du chef, “Maréchal, nous voilà” chanté dans les écoles, la suppression des assemblées élues, les lois anti-juives et la déportation, “l’Europe nouvelle”, la rue Lauriston, Bousquet,
Touvier, Darquier de Pellepoix, le nationalisme (“Es-tu plus Français que Lui ?”), l’interdiction du syndicalisme et l’instauration du corporatisme, le PPF, la Milice, la LVF, “Je Suis Partout”,
la presse aux ordres…
Tout cela est très méchant, mais ce n’est pas nécessairement du “fascisme”. Le “culte du Chef” et la police politique ont existé aussi sous Staline. Dirais-tu que le “petit père des peuples”
était “fasciste” ? Le pétainisme a eu beaoucoup d’éléments communs avec le fascisme. Il en a eu aussi beaucoup de caractéristiques qui le séparent des régimes fascistes. Pour ne donner qu’un
exemple, ses rapports avec la réligion catholique, qui furent excellents alors que les régimes fascistes n’ont jamais supporté un pouvoir qui ne leur était pas soumis et ont été généralement
néo-païens. Les régimes fascistes ont aussi pour caractéristique d’avoir des partis uniques qui “doublent” les structures de l’Etat. Ce ne fut pas le cas sous Vichy, et Pétain a réfusé toutes les
avances de ceux qui l’encourageaient à créer un tel parti.
Benet que je suis, j’appelle ça du fascisme ! Faut-il que je manque de jugeote. Cela n’a, à l’évidence, aucun rapport avec un régime fasciste comme le fascisme mussolinien.
“Aucune rapport” non, ne serait-ce parce que certains, dans l’entourage de Pétain, avaient été séduits par les expériences fascistes et auraient voulu instaurer un “fascisme français”. Mais ces
gens-là ont échoué, et le régime de Vichy doit beaucoup plus à la tradition de la réaction girondine et catholique (celle du maurrassisme, de l’Action Française, de tous ceux qui n’ont jamais
accepté la Révolution française ou la séparation des églises et de l’Etat) que d’un véritable “fascisme”.
D’ailleurs le symbole de Vichy, c’était la francisque. Ce qui ne ressemble ni de près ni de loin à des faisceaux de licteur qui ont donné le nom du “fascisme”, n’est-ce pas ?
Pas franchement. La francisque de Vichy – mal nommée, puisque la véritable francisque est une arme de jet à un seul tranchant, alors que le symbole choisi par le régime pétainiste est une hache à
deux tranchants – n’est pas, contrairement à ce que beaucoup de gens croient, prise dans un faisceau de licteur. Si vous prenez la peine de regarder une pièce de monnaie de l’époque, ou bien
d’aller regarder (sous wikipédia par exemple) le drapeau personnel de Pétain, vous constaterez qu’il s’agit d’une hache à double tranchant toute seule… et sans “faisceaux”. Par contre, vous
remarquerez que la hache (à simple tranchant) prise dans un faisceau figure dans les armes actuelles de la République Française, et qu’il figure sur le grand sceau de la Ière et IIème républiques
(qui est toujours en usage). C’est d’ailleurs la Constituante qui en 1790 adopte “les antiques faisceaux” comme emblème de la France. Difficile donc de s’appuyer sur une ressemblance
symbolique pour faire du régime de Vichy un régime “fasciste”. Au contraire: Pétain a substitué au symbole “fasciste” qui était celui de la République la Francisque nue, qui s’en éloigne…
Vous avez raison, Vichy était franciste, pas fasciste. Les survivants de Drancy rigolent encore de ma confusion !
Il devraient pleurer plutôt, en constatant que des gens comme vous sont prêts à les récupérer pour appuyer avec un argument purement sentimental une argumentation branlante. Point n’est besoin
d’être “fasciste” pour commettre un génocide, et ce n’est pas faire injure aux survivants de Drancy que de dire qu’ils ont été victimes d’un régime criminel, mais certainement pas
“fasciste”.
Descartes, le débat et la contradiction, oui, bien sûr. Mais vous êtes blessant en m’accusant de “récupérer” les
anciens déportés. Nombre de mes vieux camarades anciens des camps et de la Résistance, n’hésitaient jamais à qualifier de fasciste le régime de Pétain. Je n’en connais plus qu’un seul de vivant.
Je n’imagine pas un seul instant qu’il pleurerait devant ma “récupération”. Mais vos arguments d’amphithéâtre le laisseraient sceptique.
Pour en finir (car je ne veux pas polémiquer), vous me décrirez à l’envi les différences notables entre les
régimes terroristes de Franco, de Mussolini, de Hitler, d’Antonescu, de Horthy, de Pétain… Vous ne m’enlèverez pas de l’idée qu’il ne s’agit que de différentes formes de fascisme, modelées par
l’histoire des différents pays.
“L’arrivée du fascisme au pouvoir, ce n’est pas la substitution ordinaire d’un
gouvernement bourgeois à un autre, mais le remplacement d’une forme étatique de la domination de classe de la bourgeoisie – la démocratie bourgeoise – par une autre forme de cette domination, la
dictature terroriste déclarée.”
Cette citation de Dimitrov me suffit à déclarer fasciste le régime de Pétain. Mais
je ne doute pas que vous écraserez doctement mes arguments faiblards et sentimentaux…
Descartes, le débat et la contradiction, oui, bien sûr. Mais vous êtes blessant en m’accusant de “récupérer” les anciens déportés.
Et vous êtes blessant lorsque vous m’accusez de faire injure aux anciens déportés de Drancy parce que je me refuse de qualifier de “fasciste” le régime de Vichy. Nous sommes donc quittes. Et si
vous n’avez pas envie d’être blessé, faites attention à ne pas blesser les autres.
Nombre de mes vieux camarades anciens des camps et de la Résistance, n’hésitaient jamais à qualifier de fasciste le régime de Pétain. Je n’en connais plus qu’un seul de vivant.
Quand bien même ils le feraient, à mon avis ils seraient dans l’erreur. Ce n’est pas parce qu’on a eu le malheur d’être déporté qu’on devient tout à coup extralucide. Et comme disait Voltaire,
“nous devons des égards aux vivans, aux morts nous ne devons que la vérité”.
Je n’imagine pas un seul instant qu’il pleurerait devant ma “récupération”. Mais vos arguments d’amphithéâtre le laisseraient sceptique.
Si vous ne voyez pas d’inconvénient, je préférerais laisser ce qu’auraient où n’auraient pas dit les morts hors de nos échanges.
Pour en finir (car je ne veux pas polémiquer), vous me décrirez à l’envi les différences notables entre les régimes terroristes de Franco, de Mussolini, de Hitler, d’Antonescu, de Horthy, de
Pétain… Vous ne m’enlèverez pas de l’idée qu’il ne s’agit que de différentes formes de fascisme, modelées par l’histoire des différents pays.
Ecoutez, faut savoir ce que pour vous veut dire “fascisme”. Si le “fascisme” est un mouvement politique surgi en Italie dans les années 1920-30 et par extension les régimes qui ont repris ses
principales caractéristiques, vous avez tort. Maintenant, si l’on fait du “fascisme” une étiquette à coller sur tout ce qu’on n’aime pas, c’est autre chose. Mais je ne suis pas sur que cet usage
soit bénéfique pour le débat historique et politique. En 1968, on avait traité le gouvernement du Général de “fasciste” et les CRS de “SS”…
“L’arrivée du fascisme au pouvoir, ce n’est pas la substitution ordinaire d’un gouvernement bourgeois à un autre, mais le remplacement d’une forme étatique de la domination de classe de la
bourgeoisie – la démocratie bourgeoise – par une autre forme de cette domination, la dictature terroriste déclarée”. Cette citation de Dimitrov me suffit à déclarer fasciste le régime de
Pétain.
Relisez bien la citation de Dimitrov: il caractérise le fascisme par “une dictature terroriste déclarée”. Mais où est la “dictature terroriste déclarée” dans le cas de Pétain ? Pour ce qui
concerne la “dictature”, Pétain se garde bien de la “déclarer”. Et où est le “terrorisme déclaré” du régime de Pétain ?
Mais je ne doute pas que vous écraserez doctement mes arguments faiblards et sentimentaux…
Je n’ai pas la moindre intention d’écraser qui que ce soit. Ce blog n’est pas un champ de bataille, et nous ne sommes pas en train de nous battre. Vous avez qualifié de “fasciste” le régime de
Vichy, je vous ai expliqué pourquoi à mon avis ce n’etait pas le cas. C’est tout.
@ Gugus69,
Mais… le fait que le régime de Vichy ne soit pas “fasciste” au sens strict n’enlève rien à ses crimes. Crimes pour lesquels un certain nombre de dirigeants, en premier lieu Pétain lui-même et
Laval, ont été jugés si j’ai bonne mémoire. Cela étant, la confusion n’est jamais une bonne chose. Par exemple, vous citez le PPF (Parti Populaire Français) de Jacques Doriot. J’attire votre
attention sur le fait que les doriotistes n’ont jamais été de fervents pétainistes, et qu’à Vichy on n’aimait guère les agités du PPF. Les historiens font traditionnellement la distinction entre
les collaborateurs de Vichy, dont l’attitude vis-à-vis des Allemands a été parfois ambivalente (du moins tous les cadres de Vichy n’étaient pas tout à fait unanimes sur l’attitude à adopter), et
les collaborationistes de Paris (Doriot, Bucard, Déat), franchement fascistes ou pro-nazis ceux-là, et fervents partisans du III° Reich et du “Nouvel Ordre Européen”. A Vichy, on se résigne à
vivre dans une Europe allemande, à Paris, certains veulent participer activement à l’édification de cette Europe. Il y a quand même une nuance.
On a l’habitude aujourd’hui d’amalgamer fascisme et nazisme. Les deux ont des points communs, c’est certain, et Hitler a reconnu s’être inspiré de Mussolini (avant que ce ne soit le contraire).
Pourtant, il existe des différences notables, au niveau de l’idéologie (les fascistes italiens n’ont pas l’obsession de la race comme les nazis, ils sont moins anti-catholiques, leur
expansionnisme s’inscrit pour une part dans le colonialisme traditionnel plutôt que dans l’idée d’ “espace vital”). Et, désolé de la dire, mais, bien que Mussolini n’ait pas été un enfant de
choeur, la répression fasciste en Italie a tout de même été beaucoup moins meurtrière avant guerre que le régime nazi avant 39. Et ce n’est pas prendre la défense de Mussolini que de dire que son
régime a été globalement moins cruel et moins meurtrier que celui d’Hitler.
Horthy et Franco ne sont pas non plus fascistes au sens strict. Horthy est régent de Hongrie, il porte un titre institutionnel grâce auquel il a développé un pouvoir personnel, plutôt
conservateur et clérical. Quant à Franco, il faut rappeler qu’il a fédéré un camp nationaliste plutôt bariolé: fascistes de la Phalange, carlistes, monarchistes fidèles aux Bourbons,
catholiques… Ce n’est pas faire offense aux républicains espagnols que de reconnaître la complexité de la réalité.
La mémoire et l’histoire font rarement bon ménage. La première déforme la réalité et en offre une vision réductrice au gré du sentimentalisme ambiant et (il faut le dire) des intérêts de tel ou
tel lobby victimaire. L’histoire cherche à expliquer le passé, sans passion ni préjugé.
Amis, vous ne me convaincrez pas.
D’abord, Descartes, je n’ai jamais prétendu que vous attentiez à la mémoire des victimes de Pétain. Si vous l’avez compris ainsi, je vous prie de m’excuser et de croire que telle n’était pas mon
intention.
Cela dit, vous devez commencer à me cerner suffisamment pour savoir que je ne dirai jamais “de Gaulle fasciste” ou “CRS=SS”. Notre débat ici porte bien sur les régimes dictatoriaux
d’extrême-droite nés en Europe après la Première guerre mondiale et la Révolution bolchévique, puis installés à travers l’Europe à la faveur des victoires hitlériennes.
Aussi, ne jouez pas l’imbécile en prenant mot à mot la citation de Dimitrov (sans doute traduite, d’ailleurs). Évidemment, Pétain n’a jamais dit “Je prends le pouvoir”. Il a déclaré “Je fais don
à la France de ma personne”. Les pétainistes n’ont jamais dit “Nous allons instaurer un pouvoir criminel et terroriste” ; ils ont menacé : “Nous allons susciter la crainte chez les ennemis de la
Patrie !” Et ils s’en sont donné les moyens… D’ailleurs à ma connaissance, Mussolini n’a jamais “déclaré” être un “dictateur terroriste”. Mais Dimitrov a raison : il l’était de fait et surtout,
il n’essayait pas de le cacher sous le masque d’une démocratie de façade. Et Pétain non plus.
Quant à la nature de classe du fascisme en général, et du pétainisme en particulier, Annie Lacroix-Riz a suffisamment apporté d’éléments historiques édifiants sur le sujet.
Oui je le maintiens : selon la définition de Dimitrov, le pétainisme est un fascisme.
Alors bien sûr on peut disserter sur les différences entre tous ces régimes à ce moment précis de l’histoire du Monde. Il n’empêche que la tentation totalitaire d’une partie des capitalistes
européens terrifiés par l’irruption du bolchévisme, puis déstabilisés par la crise de 29, a créé un mouvement historique convergent à travers tout le continent. Mouvement combattu victorieusement
par l’URSS, les démocraties, y compris de droite, et les différentes résistances intérieures.
Soyez gentil de croire que je ne suis pas obtus au point de ne rien entendre de vos arguments sur la nature précise du fascisme italien. Ces analyses, je les ai déjà entendues. Mon souci, au
fond, c’est que ces dissections analytiques soient l’arbre qui cache la forêt : Ne perdons pas de vue la réalité historique globale : quand il s’est senti lourdement menacé, par la Révolution
soviétique, par le spartakisme, la République espagnole, le Front populaire, la crise de 29… le grand capital -en tout cas une partie de ses représentants- est allé au bout du pire sans hésiter.
Il peut être salutaire aujourd’hui de garder cela à l’esprit.
Ensuite, si vous tenez vraiment à cantonner le fascisme au-delà des Alpes… Je veux bien qu’on parle des différences idéologiques entre Pétain et Laval, des conflits entre Mussolini et Ciano
(fasciste ou monarchiste ?). Mais vous en savez sans doute plus long que moi là-dessus.
Amis, vous ne me convaincrez pas.
Tu veux dire que tu as décidé que quelque soient la qualité des arguments, des exemples, des raisonnements qui te sont offerts, tu resteras sur ta position ? C’est quand même triste, d’être aussi
fermé…
D’abord, Descartes, je n’ai jamais prétendu que vous attentiez à la mémoire des victimes de Pétain. Si vous l’avez compris ainsi, je vous prie de m’excuser et de croire que telle n’était pas
mon intention.
Il vaut mieux éviter dans un débat d’utiliser des arguments sentimentaux du genre “tous les déportés seraient d’accord avec moi”, ce qui revient implicitement à affirmer que te contredire revient
à contredire les déportés.
Cela dit, vous devez commencer à me cerner suffisamment pour savoir que je ne dirai jamais “de Gaulle fasciste” ou “CRS=SS”.
Tout à fait. Je voulais simplement te montrer à quel point l’utilisation du mot “fasciste” où les références au régime nazi à tout propos conduisaient à représenter le réel d’une manière absurde.
Évidemment, Pétain n’a jamais dit “Je prends le pouvoir”. Il a déclaré “Je fais don à la France de ma personne”. Les pétainistes n’ont jamais dit “Nous allons instaurer un pouvoir criminel et
terroriste” ; ils ont menacé : “Nous allons susciter la crainte chez les ennemis de la Patrie !”
Et bien, si tu regardes les dires de Mussolini ou d’Hitler, tu verras qu’ils étaient bien plus explicites quant à la terreur et ses méthodes. Il y a dans les régimes fascistes une symbolique
tanatique (références aux cadavres, aux os, utilisation de symboles comme la tête de mort…) qui est absente dans la symbolique pétainiste. Le décret “nacht und nebel”, exemple total d’une
politique terroriste, n’a pas d’équivalent chez Pétain.
Quant à la nature de classe du fascisme en général, et du pétainisme en particulier, Annie Lacroix-Riz a suffisamment apporté d’éléments historiques édifiants sur le sujet.
Et dans quel texte de Lacroix-Riz qualifie-t-elle le régime de Vichy de “fasciste” ?
Oui je le maintiens : selon la définition de Dimitrov, le pétainisme est un fascisme.
La répétition n’est pas un argument. Dimitrov fait de l’Etat terroriste une caractéristique fondamentale du fascisme. Or, vous n’avez donné aucun exemple de politique “terroriste” qui fut
attribuable à Vichy. Les propagandistes pétainistes cherchaient à faire de la figure du Maréchal une figure aimée, une sorte de “grand-père de la Nation”, et non une figure de crainte. Et si le
régime de Vichy a usé de la violence, ce fut toujours de manière honteuse. On ne trouve pas chez Pétain ce “culte de la violence” qu’on trouve dans les régimes fascistes.
Alors bien sûr on peut disserter sur les différences entre tous ces régimes à ce moment précis de l’histoire du Monde. Il n’empêche que la tentation totalitaire d’une partie des capitalistes
européens terrifiés par l’irruption du bolchévisme, puis déstabilisés par la crise de 29, a créé un mouvement historique convergent à travers tout le continent.
Cela n’est pas en discussion. Mais il faut comprendre que ce “mouvement historique” est fait de “mouvements historiqueS” multiples, très différents entre eux, et dont les différences reflètent
les traditions politiques locales mais aussi l’empreinte que la première guerre mondiale avait laissé dans chaque société. On ne peut pas penser tous ces mouvements comme s’ils étaient
identiques. J’irais même plus loin: il faut aussi comprendre pourquoi ces différents mouvements se sont opposés entre eux. Car si les collaborationnistes français rêvaient d’un “nouvel ordre
européen” (tiens, tiens…) fondé sur une entente entre la France et l’Allemagne (tiens, tiens, tiens…), Hitler a toujours été très méfiant envers Vichy et a repoussé toutes les tentatives
d’approfondir la collaboration. Loin de voir dans la France “fasciste” de Vichy un allié, il voyait une vache à lait à piller économiquement.
Soyez gentil de croire que je ne suis pas obtus au point de ne rien entendre de vos arguments sur la nature précise du fascisme italien.
Je veux bien vous croire… mais lorsque vous commencez votre commentaire en déclarant “Amis, vous ne me convaincrez pas”, j’avoue que j’ai un peu du mal…
quand il s’est senti lourdement menacé, par la Révolution soviétique, par le spartakisme, la République espagnole, le Front populaire, la crise de 29… le grand capital -en tout cas une partie
de ses représentants- est allé au bout du pire sans hésiter.
Oui… et non. Parler d’un “grand capital” come s’il s’agissait d’une entité unique, c’est trompeur. Le “grand capital” allemand et le “grand capital” français et britannique se sont fait la
guerre. Ce qui tend à faire penser que leurs intérêts n’étaient pas parfaitement alignés. Dans chaque pays, le “grand capital” a investi lourdement dans les mouvements qui lui ont semblé le mieux
pouvoir défendre ses intérêts. En Allemagne, ce fut Hitler parce que la faible République de Weimar semblait impuissante pour contenir l’avancée des communistes. En France, la droite
traditionnaliste profita de la “divine surprise” d’une défaite qui doit beaucoup au pacifisme de la gauche, alors qu’une bonne partie de la droite était bélliciste et antiallemande.
Incroyable !
Allons Descartes, ça suffit ! Si vos arguments ne me convainquent pas, ce n’est pas parce que je suis tristement “fermé” ; c’est parce que vos arguments ne tiennent pas la route !
Vous me demandez des références de Annie Lacroix-Riz :
Alors voila une conférence d’une heure et demie qu’elle a donné précisément sur le l’histoire du fascisme en France, et où elle balaie toutes vos thèses, pour conclure précisément que le fascisme
français est un vrai fascisme, “pas un sous-fascisme”…
http://www.youtube.com/watch?v=uh3MEbs3CMo
Faut-il rappeler qu’Annie Lacroix-Riz est professeur émérite d’histoire contemporaine à l’Université Paris VII, ancienne élève de l’école normale supérieure, agrégée d’histoire, docteur ès
Lettres, spécialiste des relations internationales dans la première moitié du XXe siècle et de la collaboration.
Alors, avec Dimitrov, avec Annie Lacroix-Riz, je le répète, quand bien même cela vous ennuierait : Vichy était fasciste ! de naissance, d’essence, de construction, d’idéologie fasciste !
Pour le reste… Je reste d’accord avec vous sur Notre-Dame-des-Landes comme sur bien d’autres sujets.
Allons Descartes, ça suffit ! Si vos arguments ne me convainquent pas, ce n’est pas parce que je suis tristement “fermé” ; c’est parce que vos arguments ne tiennent pas la route !
Si vous aviez écrit “vous ne m’avez pas convaincu”, je pourrais vous suivre. Mais vous avez écrit “vous ne me convaincrez” pas. Dans le futur. Or, comment pouvez vous savoir que même dans le
futur on ne vous proposera pas des arguments qui tiennent la route ? Lapsus révélateur… 😉
Vous me demandez des références de Annie Lacroix-Riz : Alors voila une conférence d’une heure et demie(…)
Une “conférence d’une heure et demie” n’est pas une référence. C’est l’équivalent audiovisuel de dire “c’est écrit dans l’encyclopédie universalis en 50 tomes”. Pour que ce soit une “référence”,
il faudrait que vous indiquiez à quel moment précis elle déclare que le régime de Vichy était “fasciste” et “balaye mes thèses”.
Alors, avec Dimitrov, avec Annie Lacroix-Riz, je le répète, quand bien même cela vous ennuierait : Vichy était fasciste ! de naissance, d’essence, de construction, d’idéologie fasciste !
Vous ne pouvez pas “répéter avec Dimitrov” quelque chose que Dimitrov n’a pas dit. Vous avez un peu trop tendance à faire parler les morts et à leur faire dire ce qui vous arrange. Hier les
déportés de Drancy, ici le pauvre Dimitrov…
cher Descartes,
Vous ne me convaincrez pas.
Et si un jour vous affirmez que Mazarin a découvert le vaccin contre la polyo, vous ne me convaincrez pas non plus.
Parce que l’Histoire, les documents, les archives montrent que vous avez tort.
Vous avez tort, mais vous êtes honnête. Ainsi : donner à vos lecteurs l’URL de la conférence de Lacroix-Riz que je vous proposais, c’est débattre honnêtement.
Bien entendu, vous déclarez que je ne vous offre pas là de “référence”. Bien… Alors je propose aux lecteurs intéressés par notre débat de s’y “référer” quand même. Ce ne sera pas une heure et
demie perdue.
Ils y comprendront que de “divine surprise” il n’y eut point, parce que la victoire allemande avait été voulue et préparée par le grand patronat (le Comité des forges), la grande banque, qui
avait créé dès les années vingt, sur le modèle et en complicité avec les fascistes italiens, les ligues fascistes françaises. Ces mêmes ligues, regroupées ensuite pour beaucoup dans la Cagoule,
ont servi de masse de manœuvre aux coups de 1934 et 1937.
Et si la vigilance, la combativité des communistes et des républicains ont mis en échec cette stratégie avant 1939, il n’en reste pas moins que c’est autour des mêmes hommes -déjà prêts !- que le
régime de Vichy s’est installé en 1940.
Pétain, le bon vieux pépé un peu gâteux mais si bonhomme, qui n’était autre que le chef militaire de la Cagoule, envoyé par Daladier prendre de la graine auprès de Franco en attendant son
heure.
Non, les fascistes français ne sont pas quelques excités arrivés sur le tard autour de Laval, comme on voudrait nous en persuader. Le renversement de la République a été organisé dès les années
vingt et largement financé, y compris par Rome, puis Berlin. Mais surtout voulu par le grand patronat, français comme étranger, terrifié par l’Union soviétique à un point qu’on mesure sans doute
mal aujourd’hui.
Oui, le fascisme est apparu au grand capital européen comme le seul rempart crédible, et aussi évidemment comme le meilleur moyen d’écraser toute velléité ouvrière. Ainsi, pendant l’occupation,
le pouvoir d’achat ouvrier a baissé de 50% !
Le même grand capital qui n’a pas hésité, cela va sans dire, à mettre ses œufs dans le panier américain quand a tourné le vent de l’Histoire…
Alors vous me reprochez de faire parler les morts parce que j’ai cité Dimitrov et sa définition du fascisme. Bon : chacun est juge.
Votre thèse est que Vichy n’était pas fasciste. Vous l’assumez. Bien…
Vous ne me convaincrez pas.
“Il n’est pas de pire sourd que celui qui décide de ne pas entendre”…
Et si un jour vous affirmez que Mazarin a découvert le vaccin contre la polyo, vous ne me convaincrez pas non plus.
Et si je vous le prouve ?
Vous avez tort, mais vous êtes honnête. Ainsi : donner à vos lecteurs l’URL de la conférence de Lacroix-Riz que je vous proposais, c’est débattre honnêtement.
Non. Si je vous donne l’URL de l’oeuvre complète de Marx et qu’ensuite je déclare “avec Marx, j’affirme que Vichy n’était pas un régime fasciste”, je serais malhonnête. Parce que je sais que
l’immense majorité de mes lecteurs n’auront pas le temps ou l’inclinaison de lire quelques milliers de pages avec l’espoir de trouver un développement de Marx qui justifie mon affirmation. C’est
un pur argument d’autorité. Pour être “honnête”, je dois indiquer les références qui permettent à mon lecteur de trouver sans effort déraisonnable le paragraphe que j’utilise à l’appui de mon
affirmation. Dans le cas d’espèce, vous pourriez par exemple indiquer à quel moment précis de la conférence Lacroix-Riz dit que “Vichy était fasciste ! de naissance, d’essence, de construction,
d’idéologie fasciste”.
Bien entendu, vous déclarez que je ne vous offre pas là de “référence”. Bien… Alors je propose aux lecteurs intéressés par notre débat de s’y “référer” quand même. Ce ne sera pas une heure et
demie perdue.
Que la conférence soit très intéressante n’est pas en discussion. Mais elle ne dit pas ce que vous lui faites dire…
Alors vous me reprochez de faire parler les morts parce que j’ai cité Dimitrov et sa définition du fascisme. Bon : chacun est juge.
Non. Je vous reproche de faire parler les morts parce que vous faites dire à Dimitrov que “Vichy était fasciste ! de naissance, d’essence, de construction, d’idéologie fasciste”Vichy était
fasciste ! de naissance, d’essence, de construction, d’idéologie fasciste”.
Votre thèse est que Vichy n’était pas fasciste. Vous l’assumez. Bien…
Oui. Cela n’ajoute ni n’enlève rien au caractère réactionnaire et criminel du régime. Mais ce n’est pas un fascisme.
@ Gugus69,
J’ai regardé le début de la conférence que vous citez, et je vous remercie de votre lien. Je dois le confesser (et m’en excuser), j’ai dû m’arrêter au bout de 30 mn. Je ne connaissais pas Mme
Lacroix-Riz, je la découvrais donc. Une fois de plus, il faut constater que les titres universitaires donnent le droit de débiter des inepties…
Simplement sur les 30 premières minutes que j’ai écoutées, il y a énormément de choses à dire. Je tâcherai d’être bref. Mes critiques vont porter autant sur la méthodologie que sur le fond.
La méthodologie d’abord: Mme Lacroix-Riz cite un texte, “très bien informé”, sans daigner préciser qui en est l’heureux auteur. Peut-être est ce noté dans son bouquin, mais on aurait aimé qu’elle
précise tout de même. Les quelques citations qu’elles donnent laissent à penser que ce texte est rédigé dans un style propagandiste dénonçant le “complot” du “Grand Capital” (rien de très
original). Ce texte n’est pas une preuve: pour qu’il le soit, il aurait fallu que Mme Lacroix-Riz précise qui a écrit ce texte et d’où il tient ses informations. Car, si complot il y a,
évidemment tout cela est secret. Si c’est secret, seul un “initié” a accès aux informations. Par conséquent, ce texte “bien informé” n’a pu être écrit que par… un des conspirateurs du Grand
Patronat. Est-ce le cas? J’ai comme un doute.
Ensuite, je constate que cette conférence porte sur le fascisme. Je ne sais pas vous, mais moi, je n’ai entendu aucune définition précise du fascisme durant les 30 premières minutes de la
conférence. Un universitaire qui ne définit pas son objet d’étude au début de son intervention, c’est très moyen. En revanche, ce que j’ai cru comprendre, c’est que Mme Lacroix-Riz emploie
indifféremment les termes “fascisme” et “extrême droite” comme des synonymes. Donc fascistes, nazis, catholiques tradi, monarchistes… ont tous marché main dans la main et coopéré dans le cadre
du “projet fasciste” des années 20-30, si j’ai bien compris? Comme si l’extrême droite formait une famille unie à l’histoire paisible. C’est du travail bâclé.
Sur le fond maintenant: je crois que Mme Lacroix-Riz se laisse aveugler par son anticléricalisme. A l’écouter, l’Eglise aurait soutenu le fascisme, le nazisme… Il est bien évident que l’Eglise
n’allait pas appeler à voter pour le PC. Mais les rapports entre l’Eglise et l’extrême-droite (voire avec le Grand Capital) sont loin d’être simples. Mussolini a signé les Accords du Latran en
1929, c’est vrai, mais de là à en déduire que les rapports entre le fascisme et l’Eglise ont toujours été cordiaux, il y a un pas. En tout cas, en Allemagne, les choses sont claires, et les nazis
n’ont jamais caché leur hostilité envers le christianisme de manière générale, et le catholicisme en particulier. On a beaucoup reproché aux évêques allemands d’avoir laissé déporter les juifs.
On oublie un peu qu’ils se sont mobilisés pour sauver les malades mentaux que le régime commençait à éliminer (j’aimerais d’ailleurs, puisque nous sommes en histoire comparative, qu’on me
présente les mesures comparables prises par Mussolini et Pétain… puisqu’ils sont tous fascistes, ils ont dû faire la même chose, non?).
En fait, on a l’impression que pour Mme Lacroix-Riz, tout régime autoritaire anticommuniste est par essence fasciste… Mais c’est un peu court, et cette définition extensive me paraît
inacceptable. Parce qu’elle revient à dire que Pétain, c’est pareil qu’Hitler, qui est pareil que Mussolini, que Franco, Horty, Metaxas, Pilsudsky, etc… Sauf que Hitler a détruit la Pologne de
Pilsudsky (qui était mort d’accord), humilié la France de Pétain et Mussolini a attaqué la Grèce de Metaxas. Pour des fascistes, c’est étrange qu’ils ne se soient pas mieux entendus, puisque tout
les rapprochait, non?
Ensuite, le couplet sur la “dictature de la Banque de France”, le Grand Patronat qui a “pensé, voulu et mis en oeuvre Vichy”, dans un projet global cohérent, défini “dès les années 20” (mais
oui!), cela m’a fait sourire. On connaît désormais les lectures des patrons du Front de Gauche. Résumons l’histoire:
Début des années 20, France. Une douzaine d’hommes, les plus puissants du Grand Patronat français, se réunissent en secret (quoique) pour élaborer une stratégie. La République ne leur convient
pas (tiens? Moi qui croyais que c’est la bourgeoisie qui avait installé la République… Ah mais c’est vrai, la bourgeoisie voltairienne est devenue ultra-catho après 1848, hantée par la peur des
“partageux”, j’avais oublié). Il faut donc changer de régime. Ils choisissent le fascisme. On va donc soutenir Mussolini bien sûr (peu importe que le Duce ait été assez peu francophile), puis
Hitler en 1933 en Allemagne, afin de provoquer en 39 une invasion désastreuse de la France qui permettra de balayer la République et d’installer Vichy, le régime idéal (dans un pays humilié,
occupé, pressuré et dépecé, rappelons-le, mais c’est un détail). Par ailleurs, Mme Lacroix-Riz a apperemment omis de lire “Mein Kampf” où Hitler dit tout le bien qu’il pense de la France (Grand
Patronat compris), de la même façon qu’elle feint d’ignorer les tentatives de rapprochement des gouvernements français (inféodés au Grand Capital apatride, je vous le rappelle) avec l’URSS.
Passons. Au passage, on notera que, pour des raisons obscures, ces douze hommes, cette petite fraction du patronat, a agi sans que les autres membres du patronat réagissent ou s’opposent. A se
demander si certains ne croient pas à la magie.
Qu’une partie des élites françaises (qui ne se résume pas au Grand Patronat…) ait été séduite par le fascisme, par rejet de l’instabilité ministérielle, fléau de la III°, et par anticommunisme,
nul ne songe à le contester. Que des mouvements d’extrême-droite aient été fondés et financés par de riches patrons, c’est un fait. Mais considérer que cette extrême droite fascisante (plutôt que
fasciste au sens strict) avait pour seul objectif d’instaurer Vichy pour plaire au Capital, jusqu’à encourager la défaite de la France en 39, il y a un pas qu’un esprit rationnel se gardera de
franchir. Le discours défaitiste d’extrême droite a existé, dire qu’il était nécessairement en faveur du Patronat, c’est excessif. Taittinger, comme De la Rocque, comme Darnand (qui deviendra un
collabo notoire) sont des héros (désolé si le mot choque) de la Grande Guerre. Il faudrait avoir une vision bien réductrice de l’être humain pour considérer que ces hommes ont pu, en 14-18,
risquer leurs vies juste pour le Grand Capital. Après tout, Taittinger aurait dû profiter de l’invasion allemande en 14 pour mettre en place un régime de type vichyste… C’est vrai, pourquoi
avoir attendu les années 20 pour élaborer le “projet fasciste”?
Mais parlons du 6 février 1934, quand le “fasciste” La Rocque a refusé de donner la main aux autres Ligues pour prendre d’assaut la Chambre. Mais qu’est-ce qui le retenait? Sans doute pas le
Grand Capital, qui avait fait le choix de la “solution fasciste” depuis plus de 10 ans. Alors? Puisque le Grand Capital contrôlait tout en sous-main, pourquoi avoir laissé l’extrême droite se
diviser, et Pujo de l’Action Française taxer La Rocque de traître? Allons plus loin: puisque, comme le dit Mme Lacroix-Riz, le Grand Capital tenait dans sa main tous les partis (sauf le PCF, le
parti des Purs, des Vertueux, des Saints), pourquoi diable changer de régime? Pourquoi virer le pauvre Herriot qui avait pourtant fait allégeance et renoncé à ses mesures anti-capitalistes?
Pourquoi l’Eglise, acquise au fascisme (comme l’Armée, la Banque…) a-t-elle excommunié l’AF, matrice du fascisme français? Mme Lacroix-Riz cite vaguement le “contexte international”, sans
préciser bien sûr…
Bref, l’argumentaire de la première demi-heure ne tient pas pour qui connaît un peu la période (et je ne m’en prétends pas spécialiste). Les incohérences de la version donnée par cette dame sont
légions. Il n’y a qu’une chose à dire: Mme Lacroix-Riz nous montre qu’une fois de plus, la vieillesse est un naufrage…
Je te trouve un peu sevère, mais somme toute juste. Annie Lacroix-Riz a fait un travail historique de bonne qualité dans ses bouquins, et notamment dans “le choix de la défaite”, où elle défend
très sérieusement la thèse selon laquelle une partie de la haute bourgeoisie française a fait le choix de la défaite. Malheureusement, elle est beaucoup moins sérieuse dans ses conférences, où
elle a une certaine tendance à céder à un certain “politiquement correct” soi disant antifasciste. C’est dommage parce que dans ses bouquins ses réflexions sont bien plus subtiles.
La gauche tombe souvent dans le panneau de simplifier les rapports sociaux pour aboutir à une vision “nous et eux”. Ca lui a toujours joué des tours. La doctrine de la “guerre capitaliste”, c’est
à dire d’une guerre voulue par les capitalistes de tous les pays pour faire s’entretuer les prolétaires, a conduit une bonne partie de la gauche française au pacifisme imbécile qui à la fin des
années 1930 préferait la rédition – devant Hitler ! – plutôt que la guerre. Plus tard, ce “tous fascistes” a empêché la gauche jacobine de comprendre ce qu’était véritablement le gaullisme et l’a
conduit à faire le jeu de la droite “libérale”… Il faudrait un jour se demander qui, de Mitterrand ou de De Gaulle, était le plus “fasciste”.
Bon !
http://www.dailymotion.com/video/xrxyhn_conference-a-metz-la-strategie-du-choc-annie-lacroix-riz-1-2_news#.UL5i97ZO6BE
Référence : je vous propose l’extrait de cette autre conférence, entre la 44e et la 50e minute.
Et si vous en voulez d’autres, y’a qu’à demander…
Des fascistes ? Quels fascistes ?
Référence : je vous propose l’extrait de cette autre conférence, entre la 44e et la 50e minute.
J’ignore si Annie Lacroix-Riz parle de Vichy ailleurs dans sa conférence, mais entre la 44ème et la 50ème minute elle ne parle que des années 1920 et 1930. Si vous voulez utiliser ceci comme
référence pour démontrer votre théorie d’un régime de Vichy “fasciste”, alors vous n’êtes pas sérieux.
C’est beau le débat !
On a un nationalistejacobin (!) qui avoue n’avoir visionné qu”une demi-heure d’une conférence d’Annie Lacroix-Riz, et qui n’a manifestement pas lu ses livres, mais qui refute a priori ses
arguments et trouve qu’elle ne cite pas ses sources.
Et on a un Descartes qui trouve mon argumentation “sentimentale et branlante” quand j’estime que la déportation des juifs marque le caractère fasciste de Vichy, mais qui trouve
“nationalistejacobin” “un peu sévère, mais juste”, quand il traite Annie-Lacroix-Riz de vieille gâteuse (elle a 65 ans).
Le même Descartes qui condescend à trouver que la chercheuse universitaire “a fait un travail universitaire de bonne qualité”, mais qu’elle est “beaucoup moins sérieuse dans ses conférences”,
alors que je fiche mon billet qu’il n’a assisté à aucune d’entre elles !
“J’ignore si Annie Lacroix-Riz parle de Vichy ailleurs dans sa conférence, mais entre la 44ème et la 50ème minute elle ne parle que des années 1920 et 1930”. écrivez-vous… Et bien si vous aviez
assisté à une de ses conférences, vous sauriez qu’elle en parle souvent !
mais qui trouve “nationalistejacobin” “un peu sévère, mais juste”, quand il traite Annie-Lacroix-Riz de vieille gâteuse (elle a 65 ans).
Pourquoi, vous ne trouvez pas “un peu sevère” de traiter quelqu’un de “vieux gâteux” à 65 ans ? Dans ce cas, je retire le “un peu sévère”…
Le même Descartes qui condescend à trouver que la chercheuse universitaire “a fait un travail universitaire de bonne qualité”, mais qu’elle est “beaucoup moins sérieuse dans ses conférences”,
alors que je fiche mon billet qu’il n’a assisté à aucune d’entre elles !
C’est quand même drôle: vous ne me connaissez pas, vous ne savez rien de mon emploi du temps, vous n’avez aucun moyen de savoir quelles sont les conférences que je fréquente… et vous vous
permettez pourtant de “ficher votre billet” de cette manière ? Vous êtes bien imprudent…
“J’ignore si Annie Lacroix-Riz parle de Vichy ailleurs dans sa conférence, mais entre la 44ème et la 50ème minute elle ne parle que des années 1920 et 1930”. écrivez-vous… Et bien si vous
aviez assisté à une de ses conférences, vous sauriez qu’elle en parle souvent !
Peut-être. Mais si vous preniez la peine de regarder les documents que vous même proposez en “référence”, vous vous auriez aperçu que dans la conférence en question elle n’en parle pas. Et vous
éviteriez de vous ridiculiser en voulant dire “avec Annie Lacroix-Riz” des choses qu’elle ne dit pas. Comme quoi, j’avais raison de me méfier: je vous rappelle qu’après avoir prêté à Annie
Lacroix-Riz – et à Dimitrov, accessoirement – l’affirmation “”Vichy était fasciste ! de naissance, d’essence, de construction, d’idéologie fasciste”, vous n’avez pas été capable de proposer une
seule référence où la dame en question dise pareille chose. Lorsqu’on vous demande une référence précise, vous êtes aux abonnés absents. Lorsque finalement vous en proposez une, elle ne contient
pas un mot sur la question… et vous vous en sortez avec une pirouette du genre “mais elle en parle souvent dans ses conférences”. Et vous voudriez qu’on vous prenne au sérieux ?
Descartes,
Tu me dis que le bouquin est bon, je te crois volontiers, mais j’observe que la conférence citée par Gugus69 n’en fait pas une bonne publicité…
Il ne suffit pas de qualifier, comme Mme Lacroix-Riz le fait, de “bienpensants” les “historiens de Sciences Po” pour les discréditer.
“elle défend très sérieusement la thèse selon laquelle une partie de la haute bourgeoisie française a fait le choix de la défaite”
Cela, je ne le conteste pas. Mais “une partie de la haute bourgeoisie” (le “une partie” a son importance…) devient dans la conférence “le Grand Patronat” en général. Par ailleurs, ne
pourrait-on pas dire qu’une certaine gauche pacifiste a choisi elle aussi la défaite, ou du moins le défaitisme? Je ne crois pas que le PCF lui-même ait développé une rhétorique très belliciste
après la signature du pacte germano-soviétique…
Je suis quand même étonné que Mme Lacroix-Riz développe dans ses conférences une véritable théorie du complot (elle évoque explicitement “la dictature de la Banque de France” et le fait que “le
Grand Patronat a choisi l’option fasciste dès le début des années 20″) et que ses livres ne s’en fassent pas l’écho.
Pour en revenir à la discussion sur la nature fasciste (ou non) de Vichy, peut-être devrions-nous proposer justement une définition du fascisme.
Voici les critères que je propose:
– Parti unique
– Anticommunisme viscéral, rejet du syndicalisme revendicatif, idéologie de la réconciliation des classes, corporatisme (de façade?)
– Culte du chef
– Nationalisme agressif (recherche de la gloire militaire, c’est très net chez Mussolini qui, durant la guerre, agira parfois sans consulter Hitler parce qu’il veut “sa” victoire)
– Volonté de créer un homme nouveau
– Encadrement de la totalité de la vie sociale par l’Etat-parti (et de ce point de vue, je ne suis pas d’accord avec Mme Lacroix-Riz qui rejette un peu vite le concept de totalitarisme que je ne
crois pas dénué de pertinence)
– Centralisation politique et tendance à l’uniformisation
A partir de là, je pense que Vichy partage des points communs avec le fascisme mais en diffère dans certains domaines (pas de parti unique, idéologie provincialiste, traditionalisme…).
Par ailleurs, ne pourrait-on pas dire qu’une certaine gauche pacifiste a choisi elle aussi la défaite, ou du moins le défaitisme? Je ne crois pas que le PCF lui-même ait développé une
rhétorique très belliciste après la signature du pacte germano-soviétique…
La gauche pacifiste a fait, elle aussi, le choix de la défaite. Que ce soit sous la forme du “défaitisme révolutionnaire” ou par pur pacifisme. Crémieux-Brilhac reproduit dans son livre “Les
français de l’an 40″ les textes “pivertistes” ou ceux du syndicat des instituteurs parlant d’une défaite qui vaut mille fois mieux qu’une guerre. Par contre, tu est injuste par rapport au PCF,
qui ne fut ni défaitiste, ni véritablement pacifiste. Je suis par ailleurs de ceux qui pensent que le “pacte” fut un succès de la diplomatie soviétique, à un moment où les puissances occidentales
refusaient tout pacte de sécurité collective et semblaient prêtes à “chevaucher le tigre et l’envoyer vers l’est”. Il n’était peut-être pas politiquement correcte de le dire dans la France de
1939, mais peut-on reprocher au gouvernement soviétique d’avoir négocié avec l’Allemagne alors que les puissances occidentales, à qui l’URSS avait proposé des accords militaires lui claquaient la
porte au nez ou faisaient trainer les négociations en longueur ?
Je suis quand même étonné que Mme Lacroix-Riz développe dans ses conférences une véritable théorie du complot (elle évoque explicitement “la dictature de la Banque de France” et le fait que
“le Grand Patronat a choisi l’option fasciste dès le début des années 20”) et que ses livres ne s’en fassent pas l’écho.
Dans le livre, elle explique le rôle politique joué avant guerre par la Banque de France – alors privée – et ses actionnaires, et comment les “deux cents familles” ont été tentées, devant la
montée de la contestation sociale, par les solutions autoritaires qui ressemblaient bien plus au “fascisme” que ce que fut finalement le régime de Vichy.
Pour en revenir à la discussion sur la nature fasciste (ou non) de Vichy, peut-être devrions-nous proposer justement une définition du fascisme. Voici les critères que je propose:
Plutôt que donner une liste, je pense qu’il faut le définir à partir de quelques éléments qui ont fait son historique:
D’abord, le fascisme est avant tout un anti-humanisme, une réaction aux valeurs des Lumières. On retrouve donc dans le fascisme l’annexion de la sphère privée par la sphère publique, ce
qui suppose la soumission totale de l’individu à la collectivité, la “biologisation” des rapports sociaux dans un “darwinisme social” qui proclame le droit du fort – que ce soit l’individu ou le
“peuple” – sur le faible et donc le mépris du droit.
Ensuite, le mouvement fasciste est aussi une réaction à l’ascendant pris dans la classe ouvrière par le mouvement communiste après la révolution d’Octobre. Le fascisme disputera cet ascendant et
sera donc violemment anticommuniste et cherchera à contrôler toute expression du conflit social à travers le contrôle des structures corporatives.
Enfin, le mouvement fasciste surgit en réaction à des gouvernements et des Etats faibles et souvent humiliés après la Ière guerre mondiale. Le fascisme sera donc partisan d’un régime “fort”, avec
un “chef” incontestable et incontesté et un Parti exerçant un contrôle absolu de la société.
La France n’a pas connu de régime fasciste d’une part parce que les valeurs des Lumières (et notamment la séparation des sphères publique et privée) restent trop puissament ancrées, et parce que
l’Etat reste trop fort pour que la tentation de lui substituer un “parti unique” ait des chances de réussir.
Cher Gugus69,
“un “nationalistejacobin” (!)”
J’interprète votre “(!)” comme une marque de perplexité. Je peux m’expliquer rapidement: pour moi, le nationalisme au sens strict consiste à défendre la nation en tant que communauté politique et
culturelle, son unité et sa souveraineté. Quant à “jacobin”, il signifie simplement mon attachement à l’Etat centralisé, ainsi qu’à la mémoire de Robespierre et Saint-Just. Voilà, je le dis parce
que “nationaliste” est trop souvent synonyme “d’extrémiste de droite”, ce qui est fâcheux, parce qu’une partie de l’extrême droite n’est pas nationaliste, préférant Dieu, la race ou l’Europe à la
France. Et qu’on peut aimer et défendre la nation sans émarger au FN ou dans quelque groupuscule affilié que ce soit.
“qui avoue n’avoir visionné qu’une demi-heure”
Je suis d’un naturel curieux et j’aime m’informer, mais ma patience a des limites. Les théories du complot, je connais. Et la conférence de Mme Lacroix-Riz part du postulat (réécoutez la
conférence et je vous mets au défi de me contredire) que “le Grand Patronat” a en quelque sorte “planifié” Vichy dès les années 20. Vous êtes libre d’y croire. Ayant fait quelques études
d’histoire, je récuse cette vision des choses qui relève pour moi de la pure reconstruction idéologique, avec manipulation des faits. Le “Grand Patronat” est certes très méchant et très puissant,
mais il est un peu facile de lui attribuer tous les maux de la Terre.
“qui n’a manifestement pas lu ses livres”
C’est vrai. Et après ce que j’ai entendu, je m’en voudrais d’en acheter un. Je vous ferai néanmoins remarquer que je n’ai commenté que ce que j’ai entendu (et ça m’a pris du temps). Au lieu de me
reprocher de n’avoir pas tout lu et tout écouté, si vous répondiez déjà aux points de divergence que je soulève?
Vous savez, un universitaire n’est pas un dieu infaillible. On peut, me semble-t-il, discuter les arguments, même d’un expert. Certains détracteurs de Mme Lacroix-Riz sont autant bardés de
diplômes qu’elle. Pourtant ils tiennent un discours bien différent. Pourquoi devrions-nous la croire elle et pas les autres? Je pense que vous accueillez bien sa parole, parce que, au fond, elle
vous dit un peu ce que vous avez envie d’entendre, et puis, politiquement parlant, ses affinités vous plaisent.
“Quand il traite Annie Lacroix-Riz de vieille gâteuse (elle a 65 ans)”
Je proteste! J’ai tâché d’être un peu plus poétique. J’ai écrit: “la vieillesse est un naufrage”, nuance. 65 ans, c’est tout de même l’âge moyen auquel mourait un ouvrier allemand au temps de
Bismarck. Pour une femme attachée à l’idéologie prolétarienne, c’est un signe… Mais, si vous le souhaitez, je peux traiter Pétain aussi de vieux papy gâteux. Pas de favoritisme.
@ Descartes,
Je souscris en partie à ta définition de fascisme. Mais du coup, on a l’impression à te lire que Vichy aurait souhaité être fasciste mais n’a pas pu à cause d’une pesanteur historique. Alors
Vichy, un fascisme avorté? Pour moi, Vichy est par essence différent du fascisme stricto sensu (idéologie de la repentance, rhétorique sur le déclin, retour à la terre, rejet de la modernité, du
monde industriel… alors que le fascisme, malgré son culte du passé, assume une certaine modernité).
Mais du coup, on a l’impression à te lire que Vichy aurait souhaité être fasciste mais n’a pas pu à cause d’une pesanteur historique. Alors Vichy, un fascisme avorté?
Il est difficile de parler d’un projet politique de “Vichy”, dans la mesure où l’Etat français fut une sorte de creuset dans lequel se sont fondus des mouvements politiques de nature et objectifs
divers – et de personnalités et “électrons libres” tout aussi divers – qui luttaient férocément pour faire passer leur ligne politique. Oui, il y eut à Vichy des gens, assez nombreux, qui ont été
séduits par les régimes fascistes, d’autant plus qu’ils pouvaient facilement observer les aspects “positifs” mais que la partie noire, celle des camps de concentration et de la terreur de masse,
leur était cachée. Lorsque les organisations de propagande allemande ont amené des politiques, des intellectuels, des dirigeants sociaux visiter l’Allemagne, on leur montrait une jeunessse saine,
propre, qui faisait du sport. On ne les amenait pas à Dachau ou Buchenwald.
Ces gens là auraient bien voulu “importer” le fascisme en France. Mais cela n’a pas marché, pour les mêmes raisons que le fascisme “autochtone” né dans les années 20 n’a pas marché: d’abord,
parce que le rôle de l’Etat est très différent de ce qu’il pouvait être en Italie ou en Allemagne. Il ne faut pas oublier le fait que les fascismes se sont épanoui là où l’Etat est faible, et où
la substitution des organes de l’Etat par un “Parti unique” est possible. En France, lorsque certains sous Vichy ont voulu substituer à l’autorité des structures étatiques celle de la “Légion”,
les préfets les ont envoyé se rhabiller. En Italie et en Allemagne, l’Etat a très vite abdiqué du monopole de la violence légitime en laissant se constituer des groupes armés et forces
d’autodéfense relevant de chaque organisation politique. En France, l’Etat n’a jamais admis cela.
Le fascisme n’a pas marché en France pour une autre raison, qui tient à l’individualisme “républicain” des français. Contrairement à l’Allemagne ou à l’Italie, en France le pouvoir central a
brisé les solidarités de village, de clan, de “pays”. Je crois l’avoir commenté dans un de mes papiers: l’idée géniale des jacobins en France, celle qui nous protège aujourd’hui des affres du
régionalisme à la Flamande ou à la Catalane a été la politique de brassage. Il fallait que les gens se mélangent, et pour cela on les a sorti de leur village en leur faisant aller “ailleurs” pour
la conscription, pour les études, pour le travail. On s’est débrouillé pour que les fonctionnaires, les enseignants, les militaires bougent tout le temps. Cette “bougeotte” fait qu’aujourd’hui,
sauf dans les régions très périphériques, les “lignées autochtones” sont rares. On a ainsi brisé l’idée de solidarité clanique et villageoise, et avec elle celle de la soumission de l’individu au
groupe. Or, cette soumission est au coeur de la pensée fasciste.
Pour moi, Vichy est par essence différent du fascisme stricto sensu (idéologie de la repentance, rhétorique sur le déclin, retour à la terre, rejet de la modernité, du monde industriel…
alors que le fascisme, malgré son culte du passé, assume une certaine modernité).
Tout à fait d’accord. Mais ce discours ne s’est pas imposé tout de suite, et certains de ses éléments ne sont apparus qu’avec le temps. Par ailleurs, la rhétorique de la répentance et du déclin
fait partie des classiques du fascisme. Tu as cependant raison de souligner que l’élement anti-industriel et anti-moderne est caractéristique de Vichy dès le départ, et traduit une différence de
fond avec le fascisme et un rattachement plutôt aux idéologies réactionnaires du “retour en arrière”.
La France, à contrario de l’Italie ou de l’Allemagne n’a pas
connu de vastes mouvements de masses imposant le fascisme, les « ligues » ont été défaites ou disloquées (34 et ses suites). C’est dans
cette situation qu’est arrivée la défaite. Le fascisme avait vaincu mais un fascisme étranger imposant ses conditions dès lors il manquera à ceux qui acceptent de « gouverner » dans ces
conditions une dimension consubstantielle du fascisme qui est l’expansion territoriale par la guerre pour imposer « l’homme nouveau ».
« Je suis par ailleurs de ceux qui pensent que le “pacte”
fut un succès de la diplomatie soviétique, à un moment où les puissances occidentales refusaient tout pacte de sécurité collective et semblaient prêtes à “chevaucher le tigre et l’envoyer vers
l’est” ».
Cher Descartes,
Peut-être que ce pacte fût un bon traité pour l’URSS mais peut-on
en dire autant du point de vue de la France ? Sa conséquence immédiate était qu’Hitler avait les mains libres pour la guerre à l’ouest, garantie de plus par les livraisons soviétiques en
pétrole, caoutchouc, blé etc… sans compter les livraisons réciproques de ressortissants dont Mme Buber-Neumann qui, heureusement, survivra d’Auschwitz. Ne s’agissait-il pas de “chevaucher le
tigre et l’envoyer vers l’ouest” » en direction des travailleurs Français entre autres ?
La France, à contrario de l’Italie ou de l’Allemagne n’a pas connu de vastes mouvements de masses imposant le fascisme, les « ligues » ont été défaites ou disloquées (34 et ses suites).
C’est dans cette situation qu’est arrivée la défaite. Le fascisme avait vaincu mais un fascisme étranger imposant ses conditions
Exact. Et surtout, un “fascisme” qui se montrera fort peu solidaire avec les “fascistes” autochtones. En effet, les “fascistes” français avaient un raisonnement similaire à celui des communistes
par rapport à l’Internationale: ils imaginaient une sorte d’organisation où les fascistes de tous les pays prendraient le pouvoir et qu’ensuite ils travailleraient ensemble, fraternellement, pour
construire un monde fasciste. Ils n’ont pas compris qu’aux yeux de Hitler ou de Mussolini ils n’étaient que des “inférieurs”, qu’on pouvait piller mais avec qui il était hors de question de
collaborer d’égal à égal. Je pense que les fascistes français ont toujours été très “light” sur la question du darwinisme social et de la “supériorité” ou “infériorité” de certains peuples…
peut-être que même là l’influence de la Révolution s’est fait sentir ?
Peut-être que ce pacte fût un bon traité pour l’URSS mais peut-on en dire autant du point de vue de la France ?
Certainement pas. Mais on peut difficilement reprocher à l’URSS d’avoir fait une politique extérieure en fonction de ses intérêts, et non de ceux de la France. D’autant plus que la France, après
avoir signé le pacte d’assistance franco-soviétique de 1935 avait ensuite fait tous les efforts du monde pour le rendre inopérant. Le pacte avait été attaqué non seulement par la droite, qui
voyait un accord avec le Diable Rouge, mais aussi par la droite pacifiste qui en voyait une réédition de la politique des alliances qui avait conduit à la première guerre mondiale. Laval, qui
assure la direction de la politique extérieure française à la fin des années 1930 poussera l’idée d’une “alliance italienne” contre celle d’une “alliance russe”. Les négociations sur ce protocole
militaire se sont poursuivies cahin-caha jusqu’à la signature du Pacte germano-soviétique, et c’est l’évidente mauvaise volonté française qui a, entre autres choses, poussé les soviétiques à
conclure un accord avec l’Allemagne.
Ne s’agissait-il pas de “chevaucher le tigre et l’envoyer vers l’ouest” » en direction des travailleurs Français entre autres ?
Sans doute. Mais on ne peut pas reprocher à un Etat de conduire la politique extérieure la plus apte à protéger ses intérêts, surtout lorsqu’il se fait claquer la porte au nez lorsqu’il essaye de
négocier des accords de sécurité collective…
@ “nationalistejacobin
La conférence de Mme Lacroix-Riz part du postulat (réécoutez la conférence et je vous mets au défi de me contredire) que “le Grand Patronat” a en quelque sorte “planifié” Vichy dès les années
20. Vous êtes libre d’y croire.
Mais oui, j’y crois ! c’est exactement la thèse que défend Lacroix-Riz (plutôt que “planifié”, je dirais “préparé”) ! Inutile donc de me mettre au défi de vous contredire là-dessus.
“Vous savez, un universitaire n’est pas un dieu infaillible. On peut, me semble-t-il, discuter les arguments, même d’un expert. Certains détracteurs de Mme Lacroix-Riz sont autant
bardés de diplômes qu’elle. Pourtant ils tiennent un discours bien différent. Pourquoi devrions-nous la croire elle et pas les autres? Je pense que vous accueillez bien sa parole, parce que, au
fond, elle vous dit un peu ce que vous avez envie d’entendre, et puis, politiquement parlant, ses affinités vous plaisent.
C’est tout-à-fait juste : Annie Lacroix-Riz est membre du PRCF, communiste tendance Duclos et Marchais. Alors oui, je me sens en phase avec son discours. C’est honteux ?
Mais si je la crois elle plus que les autres, c’est aussi parce que, contrairement à vous, je connais ses livres, leurs références et leurs sources. Et puisqu’il s’agit souvent sur ce blog de
mettre les gens au défi, peut-être pourrez-vous me citer le travail universitaire d’un détracteur de Mme Lacroix-Riz, “bardé de diplômes”, qui réfute son travail et ses conclusions sur la base
des mêmes archives et sources ?
“Quand il traite Annie Lacroix-Riz de vieille gâteuse (elle a 65 ans)”
Je proteste! J’ai tâché d’être un peu plus poétique. J’ai écrit: “la vieillesse est un naufrage”, nuance. 65 ans, c’est tout de même l’âge moyen auquel mourait un ouvrier allemand au temps de
Bismarck. Pour une femme attachée à l’idéologie prolétarienne, c’est un signe… Mais, si vous le souhaitez, je peux traiter Pétain aussi de vieux papy gâteux. Pas de favoritisme.
Oui, je comprends, Lacroix-Riz et Pétain sur le même plan… Mais c’est révélateur de vos conceptions : Pétain n’était pas fasciste, il était gâteux ; peu importe, n’est-ce pas, qu’il fut chef
militaire de la Cagoule. Annie Lacroix-Riz n’est pas une historienne respectée, elle est gaga ; peu importe donc qu’elle soit “bardée de diplômes”.
Vous avouez n’avoir pas lu ses livres. Puis-je penser que c’est parce qu’au fond, elle dit ce que vous n’avez pas envie d’entendre ? C’est aussi votre droit.
@ Descartes
Me permettez-vous de poursuivre sur le sujet, ou préférez-vous qu’on passe à autre chose ? Après tout, nous sommes ici chez vous…
Pour ce qui est de mon “ridicule”, je m’en accomode fort bien, soyez sans inquiétude. Mais à quoi bon continuer à chercher des sources chez Lacroix-Riz, si son travail est réfuté par avance ? Je
cherche ailleurs. Mais vous savez, n’est-ce pas, que fouiller les archives est un long travail si on veut le faire sérieusement. Or je ne suis ni retraité, ni célibataire. Je n’ai donc -et je le
regrette- que peu de temps à consacrer à nos débats, si passionnants soient-ils. Pardonnez-moi.
Cela dit, j’ai déjà trouvé un texte de Jacques Duclos : “La trahison des trusts”, ainsi qu’un texte de Lucien Sampaix sur la nature du fascisme français, tout-à-fait édifiants.
Mais je sais que vous défendez l’idée que tous ces fascistes français des années vingt et trente n’ont pas instauré un régime fasciste stricto sensu, lorsqu’ils sont arrivés au pouvoir à
la faveur de la victoire nazie.
Ça n’est toujours pas mon avis.
Me permettez-vous de poursuivre sur le sujet, ou préférez-vous qu’on passe à autre chose ? Après tout, nous sommes ici chez vous…
Bien sur que vous pouvez. Je ne coupe jamais une discussion, même si je me réserve le droit de ne plus y participer…
Pour ce qui est de mon “ridicule”, je m’en accomode fort bien, soyez sans inquiétude. Mais à quoi bon continuer à chercher des sources chez Lacroix-Riz, si son travail est réfuté par avance
?
Mauvais argument. Vous avez par deux fois proposé une “source”, et par deux fois il s’est avéré que la “source” en question n’avait aucun rapport avec ce que vous vouliez démontrer. On est donc
en droit de se demander si vous n’avez pas essayé de nous “bluffer” avec des fausses références. Il est donc un peu tard pour se demander “à quoi bon chercher des sources”…
Mais vous savez, n’est-ce pas, que fouiller les archives est un long travail si on veut le faire sérieusement.
Je sais. Mais si vous voulez couvrir vos affirmations de l’autorité d’autres, il vous faudra faire ce travail. Personne ne vous oblige à utiliser des formules telles que “avec Dimitrov et
Lacroix-Riz, j’affirme telle ou telle chose”. Mais si vous le faites, le minimum c’est d’être capable de montrer où Dimitrov et Lacroix-Riz disent comme vous. Autrement, c’est une pure
manipulation. Et un manque de respect pour les gens dont on trahit la pensée.
Mais je sais que vous défendez l’idée que tous ces fascistes français des années vingt et trente n’ont pas instauré un régime fasciste stricto sensu, lorsqu’ils sont arrivés au pouvoir à la
faveur de la victoire nazie.
Tout à fait. Et qu’ils ne l’ont pas fait en partie parce qu’ils ne le voulaient pas, et en partie parce qu’ils n’y sont pas arrivés.
Ça n’est toujours pas mon avis.
Mais vous n’avez toujours pas argumenté votre “avis”. On a du droit à l’argument d’autorité (Lacroix-Riz, Dimitrov) utilisé à tort, à la répétition de votre affirmation, au terrorisme
intellectuel du recours mélodramatique aux “déportés de Drancy”. Mais des arguments, point. Vous pensez que Vichy était un régime “fasciste”. Très bien: pourriez-vous indiquer votre définition de
“fascisme”, et expliquer en quoi le régime de Vichy entre dans cette définition ? Ce serait nettement plus intéressant…
@ Gugus69
“C’est exactement la thèse que défend Lacroix-Riz”
Et c’est exactement ce que j’ai essayé de réfuter, non point en me réfugiant derrière la parole de tel ou tel historien, mais en exposant des faits. Je vous pose directement la question: pourquoi
le Grand Patronat, si puissant, si conscient de ses objectifs, a-t-il si mal “préparé” son projet fasciste en le confiant à une myriade de ligues et de groupes factieux (la Cagoule, que vous
citez) divisés, indisciplinés et parfaitement incapables d’agir de concert (le 6 février 1934 par exemple)? Pourquoi l’Etat, aux mains de la bourgeoisie capitaliste, a-t-il mis en échec la
Cagoule (dont le chef était Deloncle, et non Pétain, passons)? Comment Mme Lacroix-Riz explique-t-elle ce paradoxe, puisque vous l’avez lue?
“C’est honteux?”
Non, c’est humain. D’ailleurs, je ne vous adressais aucun reproche, je faisais juste un constat. Vous avez des convictions, et je le respecte. Mais je pense que, sur la question de Vichy et du
fascisme, vous vous trompez.
“peut-être pourrez-vous me citer le travail universitaire d’un détracteur de Mme Lacroix-Riz, “bardé de diplômes” qui réfute son travail […]?
Mme Lacroix-Riz les cite elle-même: Michel Winock, Pierre Milza. Il ne suffit pas de dire que ces gens-là sont “les historiens de Sciences-Po” pour balayer leurs travaux d’un revers de main. Mais
vous me demandez des références, je vous les donne: “Histoire de l’extrême droite en France”, sous la direction de Michel Winock, justement, aux éditions Point Seuil. Le Chapitre 4 (p.125) est
consacré à l’Action Française et le Chapitre 5 (p.157) à “l’ultra droite des années 30”. Et p.191, vous trouverez le chapitre consacré à Vichy. Les auteurs sont Winock, Milza et Azéma, des
historiens reconnus, quoiqu’en pense Mme Lacroix-Riz, qui travaillent depuis des années sur ces questions.
Quelques citations:
“Lui-même [de la Rocque] n’a rien d’un dirigeant fasciste aspirant à la dictature, et son programme, exposé dans un livre publié en décemble 1934, Service public, doit plus au
christianisme social et au nationalisme traditionnel qu’aux doctrinaires de la “révolution fasciste””(pp.166-167).
“ce que veut Taittinger, ce n’est pas en France l’installation d’une dictature totalitaire, mais la mise en place d’un exécutif fort, soutenu par un rassemblement des droites allant des
formations nationalistes à l’aile droite du parti radical […]” (p.164)
Mme Lacroix-Riz se demande ce qu’est une “République musclée”, voilà la réponse: une République avec un exécutif fort. C’est ce que de Gaulle s’est efforcé de faire. Est-il fasciste aux yeux de
Mme Lacroix-Riz?
Sur Vichy:
“Philippe Burrin nous semble avoir bien démontré qu’on ne saurait parler de fascisme à part entière, dans la mesure où l’extrême droite française [de Vichy] avait accepté pour la France un statut
de puissance résignée.” (p.213)
Tout le contraire de Mussolini et Hitler… la fiche de Philippe Burrin est disponible sur Wikipédia avec son parcours universitaire, vous verrez que ce n’est pas un amateur. De plus, il est
Suisse, et par conséquent apporte un regard extérieur, dépassionné.
“Oui je comprends, Lacroix-Riz et Pétain sur le même plan”
Non, vous n’avez pas compris. Un peu d’humour ne nuit pas.
“Pétain n’était pas fasciste”
Non, il ne l’était pas. C’était un réactionnaire, ennemi des principes républicains, un nationaliste agrarien et anti-moderniste. Je ne dis pas que c’était un homme bien, loin de là.
“elle dit ce que vous n’avez pas envie d’entendre”
Pas du tout. D’abord, je suis prêt à écouter toutes les parties. Si je ne suis pas allé au bout de la conférence que vous proposiez, c’est parce qu’au bout de 30 mn, j’avais compris les ressorts
et les postulats de l’argumentation de Mme Lacroix-Riz et je conteste, non pas idéologiquement (je ne suis ni un défenseur de l’extrême droite, ni un ennemi politique de cette dame) mais
factuellement ce qu’elle affirme. Et j’attends toujours que, sur les faits, vous répondiez à mes objections. Pourquoi l’extrême droite des années 30 apparaît si diverse et si divisée alors
qu’elle est pilotée par le Grand Capital qui a un projet cohérent? Comment se fait-il que l’extrême droite, choisie par le Patronat, ait dû attendre la défaite de 40 pour prendre le pouvoir,
alors même que ledit Patronat, aux dires de Mme Lacroix-Riz, contrôlait tous les partis de droite et de gauche, exception faite du PCF? Comment Annie Lacroix-Riz résout-elle cet étonnant
paradoxe? Si vous voulez me convaincre, vous allez devoir répondre sur ces points précis.
“je ne suis ni retraité, ni célibataire”
Moi non plus. Mais quand j’ai lu un livre, il me faut moins de dix minutes pour retrouver les passages qui peuvent m’être utiles.
Bien à vous.
@ nationalistejacobin
Pourquoi le Grand Patronat, si puissant, si conscient de ses objectifs, a-t-il si mal “préparé” son projet fasciste en le confiant à une myriade de ligues et de groupes factieux (la
Cagoule, que vous citez) divisés, indisciplinés et parfaitement incapables d’agir de concert (le 6 février 1934 par exemple)? Pourquoi l’Etat, aux mains de la bourgeoisie capitaliste, a-t-il mis
en échec la Cagoule (dont le chef était Deloncle, et non Pétain, passons)? Comment Mme Lacroix-Riz explique-t-elle ce paradoxe, puisque vous l’avez lue?
Assez simplement finalement : le rapport de force ne le leur a pas permis. La République était trop profondément installée en France et depuis trop longtemps (là-dessus je rejoins Descartes), et
le mouvement ouvrier puissant et organisé, à tel point que les révolutionnaires français ont été cités en exemple pour leur combat antifasciste par le Komintern. Les ligues fascistes étaient
certes puissantes, mais elles n’ont jamais réussi à entraîner une part déterminante du peuple français derrière elles. Tout faire pour installer un pouvoir politique est une chose ; y parvenir en
est une autre.
Et c’est finalement pour cette raison que le grand capital a en définitive choisi la victoire de l’Allemagne. Puisqu’on ne pouvait pas mettre les Français au pas de l’intérieur, on y parviendrait
de l’extérieur. Ça a été Munich…
Quant à Deloncle, il était un des fondateurs de la Cagoule. Je vous ai dit que Pétain en était le chef militaire.
“peut-être pourrez-vous me citer le travail universitaire d’un détracteur de Mme Lacroix-Riz, “bardé de diplômes” qui réfute son travail […]? Mme Lacroix-Riz les cite elle-même: Michel
Winock, Pierre Milza. Il ne suffit pas de dire que ces gens-là sont “les historiens de Sciences-Po” pour balayer leurs travaux d’un revers de main. Mais vous me demandez des références, je vous
les donne: “Histoire de l’extrême droite en France”, sous la direction de Michel Winock, justement, aux éditions Point Seuil. Le Chapitre 4 (p.125) est consacré à l’Action Française et le
Chapitre 5 (p.157) à “l’ultra droite des années 30”. Et p.191, vous trouverez le chapitre consacré à Vichy. Les auteurs sont Winock, Milza et Azéma, des historiens reconnus, quoiqu’en pense Mme
Lacroix-Riz, qui travaillent depuis des années sur ces questions.
Ah non ami ! Je ne vous a pas demandé une liste des travaux qui soutiennent vos thèses. Ces auteurs sont évidemment connus, et leurs travaux vont effectivement dans votre sens, pour le peu que
j’en connaisse. Mais vous avez réfuté très durement le travail d’Annie Lacroix-Riz : je vous demande donc les références d’un travail universitaire qui mette en doute ses conclusions sur la base
des sources. Il ne suffit donc pas de me dire : “elle a tord parce que quelqu’un dit autre chose !”
Par exemple, avant les publications de Paxton, on nous présentait fréquemment Pétain comme un vieux traineur de sabre qui avait fait tout son possible, dans la défaite, pour éviter le pire à la
France. Le bouclier pétainiste et l’épée gaulliste, n’est-ce pas ?
Mme Lacroix-Riz se demande ce qu’est une “République musclée”, voilà la réponse: une République avec un exécutif fort. C’est ce que de Gaulle s’est efforcé de faire. Est-il fasciste aux yeux
de Mme Lacroix-Riz?
Rassurez-moi : vous ne comparez pas Taittinger à de Gaulle ?
“Pétain n’était pas fasciste” Non, il ne l’était pas. C’était un réactionnaire, ennemi des principes républicains, un nationaliste agrarien et anti-moderniste. Je ne dis pas que c’était un
homme bien, loin de là.
Et bien ce “réactionnaire, ennemi des principes républicains, nationaliste agrarien et anti-moderniste” a, sans que les Allemands le demandent et sans que cela figure au traité d’armistice, aboli
la République, instauré le statut des juifs, placé les forces de repression politique (le SOL, puis la Milice) sous la responsabilité de l’État, et déclaré que les 10 000 légionnaires de la LVF
qui partaient combattre les rouges, étaient porteurs de nos meilleures traditions militaires ! On est un peu loin de l’Angelus de Millet… Il n’était pas fascho, mais il faisait des efforts, non ?
Par ailleurs, ne vous sentez pas obligé de protester de votre anti-pétainisme. Très sincèrement, je suis absoluiment convaincu que vous, comme Descartes, êtes de parfaits antifascistes.
(Je ne suis ni retraité, ni célibataire) Moi non plus. Mais quand j’ai lu un livre, il me faut moins de dix minutes pour retrouver les passages qui peuvent m’être utiles.
Oui… quand ce livre est chez vous…
Bien à vous. Pareil…
@ Gugus69
“le rapport de force ne le leur a pas permis. La République était trop profondément installée en France et depuis trop longtemps”
Tout à fait d’accord avec vous… Mais ce n’est pas du tout ce que laisse entendre Annie Lacroix-Riz dans la conférence que vous citiez. Elle explique que “tous les partis, de gauche comme de
droite, à l’exception du PCF” étaient dans la main du patronat. Comme l’électorat communiste était minoritaire, une grande majorité de Français votait pour les partis du Patronat. On voit mal
dans ces conditions comment le rapport de force aurait pu être défavorable au Grand Patronat…
“le mouvement ouvrier puissant et organisé”
Oui, enfin, il ne faudrait pas s’exagérer le poids du PC en France dans les années 30. 15,26 % des voix et 72 sièges aux élections de 1936 (avec l’effet Front Populaire tout de même). C’est très
honorable, m’enfin bon, ce n’est pas extraordinaire non plus. De toute façon, il ne faudrait pas oublier que la petite et moyenne paysannerie propriétaire pèsent encore très lourd en France à
cette époque en face du monde ouvrier (même si, bien sûr, il y a aussi des ouvriers agricoles). Je suis toujours étonné qu’une certaine gauche, en France, parle presque uniquement du prolétariat
et du patronat, comme si la société française au XX° s’était résumée à cela. Et que fait-on des millions de paysans, artisans et petits commerçants, tous forts nombreux dans les campagnes
françaises de la première moitié du XX° siècle?
“le grand capital a en définitive choisi la victoire de l’Allemagne”
On se demande pourquoi. Le Grand Patronat contrôlait Herriot et Daladier, si on suit la logique de Mme Lacroix-Riz. A quoi bon faire appel aux Allemands? Et puis, je serais curieux de savoir ce
que la partie juive du Grand Patronat (car tous les grands patrons n’étaient pas juifs, bien sûr, mais il y en avait tout de même) attendait d’Hitler…
“Ca a été Munich”
Ah bon? Munich est une victoire militaire de l’Allemagne? Il me semblait que Munich était un succès diplomatique du III° Reich, concédé par les gouvernements français et anglais justement pour
éviter une guerre, et éventuellement une victoire allemande. J’ai quand même le sentiment que vous prenez une certaine liberté avec les faits. Par ailleurs, Munich n’a pas empêché la France de
finalement déclarer la guerre à Hitler et de lui résister, moins mal qu’on l’a dit. Quelles preuves avez-vous que le Patronat français a influencé les négociations ou forcé la main de Daladier
pour apposer sa signature?
“Pétain en était le chef militaire”
D’où tenez-vous cette information? Sachant que Pétain était tenu en haute estime par une bonne partie de la classe politique, je vous avoue que j’ai un peu de mal à y croire. Pétain était trop
intelligent, je pense, pour tremper dans ces affaires-là. Mais je n’ai pas vérifié, peut-être avez-vous une source fiable pour appuyer vos dires?
“les références d’un travail universitaire”
A partir du moment où un universitaire rédige un article ou un ouvrage de synthèse qui reprend les résultats de ses propres recherches et qui s’appuie sur les travaux d’autres universitaires, je
ne vois pas pourquoi ledit article ou ouvrage ne serait pas “un travail universitaire”. “L’histoire de l’extrême droite en France” n’est pas un livre écrit par des journalistes du Monde donnant
leur opinion sur l’histoire de l’extrême droite française. Il s’agit d’un ouvrage rédigé par des historiens, qui citent leurs sources et les synthétisent en 6 pages de bibliographie. Azéma cite
la thèse de Philippe Burrin, soutenue en 1985, intitulée “le fascisme satellite”, parue ensuite en version livre sous le titre “La Dérive fasciste: Doriot, Déat, Bergery”, 1986. Azéma cite donc
un travail universitaire que je vous cite ensuite (car évidemment, personne ne peut tout lire, c’est pourquoi il existe des ouvrages synthétisant les principales thèses). A moins de considérer
qu’Azéma est un idiot incapable de comprende la thèse d’un collègue, je ne vois pas en quoi ma référence ne serait pas valable.
“Elle a tort parce que quelqu’un dit autre chose”
En l’occurence, ce “quelqu’un”, ce sont tout de même trois ou quatre historiens, diplômés, universitaires reconnus, qui travaillent sur l’histoire de l’extrême droite depuis quelques décennies…
Si je vous avais cité Jean-Louis Dupond, illustre inconnu, citoyen lambda, vos réserves seraient justifiées. Mais comme Mme Lacroix-Riz est elle-même une universitaire de quelque renom, je me
suis permis de convoquer quelques historiens dont les travaux, à ma connaissance, n’ont pas été taxés de grave défaillance méthodologique. En revanche, à écouter Mme Lacroix-Riz, elle a un compte
personnel à régler avec eux.
“le bouclier pétainiste et l’épée gaulliste”
Oui, cette thèse a vécu, en effet. Il est très clair qu’il n’y a jamais eu la moindre collusion entre de Gaulle et Pétain, et Vichy a toujours combattu les gaullistes. Après, dire que Pétain a
collaboré par pur plaisir, par volonté sadique de faire souffrir son peuple, il y a un pas que je ne franchirai pas. Si Vichy a collaboré, ce n’est quand même pas pour les beaux yeux d’Adolf,
hein. Les dirigeants de Vichy attendaient certainement quelque chose de cette collaboration, notamment un allègement de la pression exercée par l’Occupant. Je ne crois pas que les dirigeants de
Vichy étaient tous malhonnêtes. Mon opinion est que les Allemands les ont bernés… mais que les chefs de Vichy ont persévéré malgré tout, peut-être convaincus qu’à force de zèle, les nazis
finiraient par les prendre en affection. Oui, ça peut paraître stupide, mais regardez combien de sacrifices sont consentis par nos dirigeants actuels au nom de la Sainte Europe et de l’Amitié
franco-allemande. Ces gens-là croient qu’à force de se montrer dociles, coopératifs, qui sait? l’UE tiendra enfin ses promesses, en ramenant la croissance et le bonheur d’un coup de baguette
magique.
“Vous ne comparez pas Taittinger à de Gaulle?”
Le fait est que tous les deux souhaitaient un exécutif plus fort. Je pense cependant que les points communs s’arrêtent là. Et qu’est-ce que la comparaison a de choquant? C’est tout de même autre
chose que la télévision est-allemande qualifiant de Gaulle de “dictateur fasciste”, n’est-ce pas? Mais je note que vous n’avez pas répondu à ma question…
“sans que les Allemands le demandent”
Oui, mais soit Pétain et ses conseillers étaient des crétins, soit ils espéraient quelque chose en offrant leurs bons offices. Le retour des prisonniers par exemple… Après, on peut se dire,
rétrospectivement, que le jeu n’en valait pas la chandelle, vu qu’ils n’ont pas obtenu grand-chose. Mais qu’auriez-vous fait en 42, M. Gugus69? Pour ma part, je me garderai de juger hâtivement
les hommes de Vichy. Nous connaissons la suite de l’histoire, pour eux l’horizon était plus flou. Entendons-nous: je n’excuse rien. Mais je cherhe à comprendre les ressorts qui ont poussé
certains hommes (dont quelques uns dotés d’une personnalité de valeur, il faut le dire) à faire ce qu’ils ont fait. Et je crois que l’épithète “fasciste” est bien pratique pour éluder ce débat:
puisque Pétain et les autres sont des sales “fachos”, et que Gugus69, Descartes ou nationalistejacobin ne le sont pas, il est certain que les seconds (nous) n’auraient pas pu agir comme les
premiers (eux). Puisque le “facho” n’est pas un être humain, c’est une bête cruelle et féroce, alors que nous, nous sommes raisonnables et civilisés. J’aimerais être convaincu que c’est le cas,
mais je suis hanté par cette question: si je m’étais retrouvé haut fonctionnaire à Vichy en 41, qu’aurais-je fait, à la place de ces gens-là?
“vous êtes de parfaits antifascistes”
Vous êtes bien aimable… mais je crains de vous décevoir. Non, je ne suis pas un “parfait antifasciste”, dans la mesure où la lutte contre le “fascisme” en particulier ou l’extrême droite en
général ne me préoccupe que fort peu. Il m’arrive même de discuter avec des extrémistes de droite, cela ne me pose aucun problème. Nous pouvons même nous retrouver sur certaines questions (je
suis anti-immigrationniste), bien que de très importantes différences demeurent (je suis attaché à la démocratie parlementaire et aux principes r
“le grand capital a en définitive choisi la victoire de l’Allemagne” On se demande pourquoi.
La réponse est assez simple. La première guerre mondial s’est traduite par une destruction inégalée de capital. En 1939, la bourgeoisie française ne voulait pas d’une nouvelle guerre. Elle aurait
préféré la construction d’un “nouvel ordre européen” où l’on se serait partagés les marchés et les productions. Et beaucoup voyaient dans une défaite l’opportunité de bâtir une telle Europe. La
deuxième raison est qu’après le Front Populaire la grande bourgeoisie souhaitait un gouvernement fort qui puisse reprendre les conquêtes que le monde du travail avait accumulé depuis la fin du
XIXème siècle (l’amorce du Code du Travail, les premières nationalisations, l’impôt proportionnel sur le revenu…) et qu’ils rêvaient qu’un tel gouvernement pourrait arriver dans les wagons d’un
vainqueur, comme en 1870.
Je crois qu’on oublie aujourd’hui combien les français de 1939 avaient une vision différente de la notre de ce qu’était une défaite. La France avait été vaincue et “occupée” à la chute de
Napoléon, puis à nouveau en 1870. Elle avait vaincu et occupé partiellement l’Allemagne en 1914. A chaque fois, la bourgeoisie de l’époque n’avait pas eu trop à souffrir… ils n’ont tout
simplement pas compris combien le régime nazi était différent de Bismarck.
Oui, mais soit Pétain et ses conseillers étaient des crétins, soit ils espéraient quelque chose en offrant leurs bons offices. Le retour des prisonniers par exemple… Après, on peut se dire,
rétrospectivement, que le jeu n’en valait pas la chandelle, vu qu’ils n’ont pas obtenu grand-chose. Mais qu’auriez-vous fait en 42, M. Gugus69? Pour ma part, je me garderai de juger hâtivement
les hommes de Vichy. Nous connaissons la suite de l’histoire, pour eux l’horizon était plus flou.
Tout à fait d’accord. Moi que l’histoire de cette période passionne, j’ai mis du temps à réaliser qu’il faut lire l’action des hommes de l’époque en essayant de se replacer dans le cadre dans
lequel ils évoluaient, et en tenant compte de ce qu’ils savaient et de ce qu’ils ignoraient. Ce n’est pas facile.
Chers amis,
Je préparais une réponse aussi argumentée que possible. Mais j’ai le sentiment qu’on va tourner en rond…
Par ailleurs, mes recherches à l’occasion de cette discussion m’ont amené à saisir à quel point le concept de fascisme est finalement mal défini et encore en débat. Certains textes de Paxton que
je ne connaissais pas (les textes…) me poussent à la réflexion.
De plus, notre débat prend un sens qui m’embarrasse : on passe doucement de “Vichy était-il fasciste ?” à “les vichistes n’ont-ils pas quelques excuses ?”. On n’en est pas encore vraiment là,
mais je sens que ça vient.
Moi, la dernière fois que j’ai “discuté” avec un militant d’extrême-droite (un militant de la jeunesse identitaire lyonnaise), il m’affirmait qu’il faudrait bien, au nom de la chrétienté ciment
de notre civilisation, chasser les musulmans de France par la force avant qu’ils ne nous massacrent. Comme vous dites, il était anti-immigrationniste.
Alors voilà. Chacun pense ce qui lui convient, et je vous laisse volontiers le dernier mot.
De plus, notre débat prend un sens qui m’embarrasse : on passe doucement de “Vichy était-il fasciste ?” à “les vichistes n’ont-ils pas quelques excuses ?”. On n’en est pas encore vraiment là,
mais je sens que ça vient.
Non, cela ne “vient” pas. Il ne faut pas confondre le travail historique et la distribution de bons ou mauvais points. Vichy est un fait historique. L’important, c’est de comprendre ce qui s’est
passé, et pourquoi. Les qualifications morales, le fait de savoir si les méchants sont aussi méchants qu’on le dit ou pas est, franchement, le cadet de mes soucis.
C’est bien là le problème: les gens veulent une histoire sans nuances, faite d’héros et de villains. Et c’est pourquoi le travail historique leur fait peur: parce qu’une fois qu’on comprend les
pourquoi et les comment, les villains sont généralement moins villains et les héros moins héroiques. Le “héros” et le “villain” purs sont finalement très rares. La plupart des gens font le mal ou
le bien sans s’en apercevoir, et souvent en croyant bien faire. Mais pour des raisons que je ne suis pas sur de comprendre, cette réalité semble difficile d’accepter pour beacoup de gens.
Je n’ai rien contre l’idéalisation. Un peuple a besoin de figures héroiques et au contraire de répoussoirs. Mais il faut être conscient que cette “idéalisation”, aussi nécessaire soit elle, est
une falsification. Lorsque De Gaulle construit le mythe de “la France résistante” il sait que c’est un mythe.
Moi, la dernière fois que j’ai “discuté” avec un militant d’extrême-droite (un militant de la jeunesse identitaire lyonnaise), il m’affirmait qu’il faudrait bien, au nom de la chrétienté
ciment de notre civilisation, chasser les musulmans de France par la force avant qu’ils ne nous massacrent. Comme vous dites, il était anti-immigrationniste.
Je persiste à croire que pour faire de la politique progressiste il faut avant tout, comme disait l’un de mes anciens patrons, “aimer les gens”. Si vous essayez de comprendre pourquoi ce militant
est arrivé à ces positions, vous verrez qu’au fond, il est plus proche d’être une victime que d’être un bourreau. Et ce n’est qu’à partir de cette compréhension que vous pouvez envisager de le
changer. Le diaboliser vous procurera peut-être un plaisir, mais cela ne changera rien.
Ah, mais je ne dis pas qu’on peut discuter avec tous les extrémistes de droite! Cela, étant, je me souviens avoir eu quelques peines à engager la discussion avec certains gauchistes… De ce
point de vue-là, les extrémistes de gauche ne sont guère plus ouverts. Juste une anecdote: récemment, un ami doctorant se trouvait à Athènes avec d’autres étudiants. Ils visitent un musée
ensemble. Arrive la salle consacrée à la guerre d’indépendance grecque, eh bien, mon ami est passé pour un “facho” parce qu’il a été le seul à ressentir une certaine émotion en regardant les
portraits des pères de la Grèce indépendante, armés de pied en cap, bénis par des popes orthodoxes… Vous comprenez, pour les bien-pensants qui l’accompagnaient, la guerre, les armes, la
religion, tout ça c’est pas beau, et c’est louche de faire mine d’admirer des guerriers et des croyants. Ces bien-pensants de gauche, qui ont oublié que la liberté se conquiert, valent-ils mieux
que les identitaires?
“je vous laisse volontiers le dernier mot”
Alors il sera pour vous remercier de ce débat très stimulant, qui m’a beaucoup apporté.
Ah, mais je ne dis pas qu’on peut discuter avec tous les extrémistes de droite! Cela, étant, je me souviens avoir eu quelques peines à engager la discussion avec certains gauchistes…
Pour ma part, je pense qu’on peut discuter avec tout le monde dès lors que le but est de comprendre les ressorts de la pensée de l’autre, et non de le faire changer d’avis. Personnellement, j’ai
discuté avec des gauchistes, des antinucléaires, des anciens de l’OAS, des partisans de l’Algérie Française, avec des intégristes catholiques et des islamistes. Et chacune de ces conversations
m’a appris des choses.
“Pour ma part, je pense qu’on peut discuter avec tout le monde”
Du moment que tu fais parler les gens, oui, ce n’est pas très difficile. Un militant est une personne qui apprécie toujours d’avoir une oreille attentive. Tant qu’on est dans le monologue et dans
l’écoute complaisante, aucun souci. Mais ce n’est pas “discuter”. Or, il arrive, qu’à la fin de son monologue, l’interlocuteur demande: “et toi, qu’en penses-tu?” ou “tu n’es pas d’accord?”. Que
répondre? Si on est honnête, on est bien obligé de dire (avec tact et diplomatie, bien sûr) qu’on voit les choses un peu différemment… Et là, il y a deux cas de figure: celui qui va t’écouter,
parce que tu l’as écouté ou parce qu’il est curieux d’entendre un autre point de vue (il y en a heureusement); et celui qui ne t’écoutera pas, parce que ton discours te range immédiatement dans
la catégorie “ennemis à abattre” (ou au moins à faire taire), et ceux-là, il y en a aussi (notamment chez les soi-disants “antifascistes” chevelus qu’on croise dans les universités)… Je ne
reproche pas à ces gens d’avoir des convictions et de penser sincèrement qu’ils ont raison (car c’est aussi mon cas), mais je ne leur pardonne pas leur refus de concevoir que d’autres peuvent
tenir un discours cohérent et rationnel, allant à l’encontre de leurs idées.
“des islamistes”
Je donnerai cher pour savoir ce qu’ils t’ont dit…
Du moment que tu fais parler les gens, oui, ce n’est pas très difficile. Un militant est une personne qui apprécie toujours d’avoir une oreille attentive. Tant qu’on est dans le monologue et
dans l’écoute complaisante, aucun souci. Mais ce n’est pas “discuter”.
Bien entendu. La discussion implique un dialogue et confrontation des points de vue. Et on peut discuter, si j’en crois mon expérience, avec n’importe quel militant. Le problème est moins les
idées qu’on exprime, que la manière dont on les exprime. Lorsqu’on franchit la ligne qui sépare la critique rationnelle des idées de son interlocuteur de la qualification morale de
l’interlocuteur lui même, l’échange peut continuer. Si je dis à un ancien para partisan de l’Algérie Française – et je cite là un cas réel – que l’utilisation de la torture était une grave
erreur, puisqu’elle mettait en échec les valeurs mêmes que la République voulait défendre en Algérie et en fin de comptes a fini par déshonorer l’armée française, il peut être en désaccord, mais
l’échange est possible. Si je dis à la même personne “vous et les votres étiez des criminels sadiques”, la discussion ne peut que s’arrêter.
Or, il arrive, qu’à la fin de son monologue, l’interlocuteur demande: “et toi, qu’en penses-tu?” ou “tu n’es pas d’accord?”. Que répondre? Si on est honnête, on est bien obligé de dire (avec
tact et diplomatie, bien sûr) qu’on voit les choses un peu différemment…
Et alors ? Tant que c’est présenté comme une vue différente, et qu’on ne nie pas le droit de l’autre d’avoir son opinion, la discussion est possible. Par contre, si on énonce sa vérité comme si
c’était la vérité, la discussion devient impossible. La discussion avec des gens qui ont des idées très différentes – et surtout un cadre idéologique différent – est intéressante
parce qu’elle oblige à cette gymnastique intellectuelle qui consiste à se demander si nos repères idéologiques sont des absolus universels, où s’ils correspondent simplement à un choix
idéologique.
“des islamistes”. Je donnerai cher pour savoir ce qu’ils t’ont dit…
Ils m’ont expliqué pourquoi pour eux il ne pouvait y avoir de séparation entre la loi civile et la loi religieuse. J’ai découvert dans cette discussion que leur grand problème en fait était celui
de la légitimité de la loi: supposer qu’il y ait une loi autre que la loi religieuse implique trouver les conditions qui font qu’une loi est légitime. Et j’ai retrouvé en fait les positions
prises par les juristes pré-hobbesiens. Je leur ai à mon tour expliqué les arguments de Hobbes repris par la Révolution française: la légitimité de la loi n’a pas besoin d’une origine divine,
elle peut reposer la volonté du peuple souverain, qui la délegue à un législateur. C’est là qu’ils m’ont expliqué qu’on ne pouvait pas faire confiance au peuple pour défendre la vertu, et qu’il
était donc imprudent de faire de lui le souverain. Finalement, notre différence était plutôt la confiance que j’avais dans un peuple éduqué, et la méfiance qu’ils avaient, eux, à l’envers du
peuple qu’ils voyaient comme condamné à l’ignorance… Une discussion fort intéressante. Je ne sais pas si je les ai convaincu ou pas, mais je pense que chacun a apris quelque chose.
Mes amis,
J’avais dit que j’en restais là de notre débat.
Cependant, je ne résiste pas à l’envie de vous faire connaître ce texte.
Certes, il ne s’agit pas d’un document susceptible de faire avancer le débat sur la nature du régime vichiste. Mais il s’agit d’un texte militant que je trouve absolument magnifique.
J’espère que vous me pardonnerez cette nouvelle intrusion, que vous apprécierez ces lignes.
Très cordialement…
“En ce moment, le fascisme enserre le monde entier ou se prépare à le faire. Cette prise en possession signifie et annonce bien des menaces et bien des catastrophes futures, et c’est, en
vérité, un cri d’alarme, un cri d’angoisse, que doivent pousser ceux qui ont le sens des réalités.
Qu’est-ce exactement que le fascisme ? La création et l’évolution du fascisme résultent de l’état de malaise et d’incertitude, des difficultés grandissantes de la vie, des menaces
économiques et autres, qui surgissent de toutes parts, en un mot de la situation précaire où se débattent actuellement dans presque tous les pays toutes les couches moyennes de la
population.
Le vrai moteur du fascisme, ce sont les pouvoirs d’argent, qui ont su et qui ont pu, grâce aux moyens gigantesques de publicité, de propagande et d’action dont disposent ceux qui disposent
des richesses, attacher à leur politique la petite et la moyenne bourgeoisie en canalisant dans le sens de la conservation et de la réaction sociale son mécontentement, ses appréhensions et ses
souffrances.
Nul ne peut contester que de nos jours, et dans les institutions actuelles, tout ce qui est fait d’essentiel est plus ou moins conduit par les grands détenteurs du capital.
Si le capitalisme, c’est à dire la main mise de l’oligarchie de l’argent sur les choses sociales, a toujours plus ou moins conduit les affaires humaines, cette emprise et arrivée aujourd’hui
à toute sa plénitude.
Ce ne sont pas seulement les capitalistes américains qui l’affirment (et ils ont l’autorité de le faire), ce sont tous les économistes et tous les observateurs, à quelque opinion ou à quelque
caste qu’ils appartiennent.
Or, partout le capitaliste a suscité le fascisme. Il l’a mis sur pied et lui a donné l’élan. Et ce n’est un secret pour personne que le fascisme italien et tous les autres fascismes nationaux
sans exception se sont accrus grâce à l’appui financier de la grande bourgeoisie riche, de la grande industrie et des banques.
Le fascisme sort du capitalisme. Il en est la résultante logique, le produit organique.
C’est l’armée qu’il jette dans la lutte sociale pour maintenir coûte que coûte ce qu’il appelle ses droits et ce que nous appelons seulement : ses profits.
Le fascisme est en somme la réaction suprême et brutale, et poussée dans ses extrêmes conséquences, de l’ordre ancien contre un ordre nouveau.
En conséquences de ses principes constitutifs, le fascisme a deux buts, l’un politique, qui est l’accaparement de l’État ; l’autre économique, qui est l’exploitation du travail.
L’exploitation du travail est sa raison d’être. Le déchaînement fasciste tend à faire rentrer dans l’ordre, selon l’expression consacrée, la masse immense des producteurs, des travailleurs
des villes et des champs, qui sont en réalité la substance même et la force vitale de la société.
C’est qu’à notre époque, les yeux des masses ont commencé à s’ouvrir, elles ont commencé à s’étonner de cette anomalie prodigieuse que ceux qui sont tout ne sont rien, et que la multitude
produise, et peine, et soit jetée dans des guerres, pour les intérêts, contraires aux siens, d’une minorité de profiteurs.
Ayant commencé à ouvrir les yeux et à s’étonner, les travailleurs ont commencé à s’organiser, à s’unir pour résister à un destin inique.
Donc le vrai fait social est celui-ci : il y avait un prolétariat exploité et inconscient depuis des siècles, et voilà qu’il devient conscient.
On peut même dire que la guerre des classes n’est pas quelque chose de nouveau qui est survenu de notre temps, mais plutôt quelque chose que l’on s’est mis de notre temps à discerner et à
comprendre.
La guerre des classes a en réalité toujours existé du fait de l’oppression de la majorité par une minorité privilégiée. En réalité ce fut toujours, jusqu’aux temps contemporains, la défaite
des classes laborieuses. Mais ce n’en est pas moins une guerre.
A cette guerre d’écrasement, le prolétariat organisé oppose un arrangement basé sur l’égalité politique de tous, sur la juste souveraineté du travail et sur la solidarité des divers peuples
par dessus des frontières qu’il estime artificielles et néfastes.
La guerre des classes, comme l’a dit Lénine, doit aboutir, par la prépondérance, par la victoire, du prolétariat, à l’abolition des classes.
Elle doit aboutir également à l’abolition des guerres entre les nations puisque cette victoire referait entre les hommes une autre classification, plus profonde, plus rationnelle, plus réelle
que les divisions géographiques, et une alliance plus solide que les alliances diplomatiques.
C’est pourquoi le deuxième but du fascisme est l’accaparement de l’État. Il s’agit de maintenir en l’aggravant le vieux régime dictatorial d’oppression, enchevêtré étroitement avec le
nationalisme et l’impérialisme, il s’agit de faire triompher, comme par le passé, le principe de la concurrence à outrance et de la lutte, du chacun pour soi, aussi bien entre les individus
qu’entre les nations, il s’agit d’imposer la continuation du règne de la loi de guerre et de destruction.
A l’heure qu’il est, on ne peut pas dire que le fascisme ne soit pas partout.
On ne peut pas dire non plus qu’il ne soit pas partout le même.
Il a partout le même objectif essentiel : l’étouffement de la libération du peuple.
Même lorsque des groupements fascistes sont séparés, de pays à pays, par les convoitises nationales, ils sympathisent et ils se soutiennent de par le parallélisme de leurs tendances.
Ce ne sont pas par exemple les revendications des fascistes hongrois à propos de la Transylvanie, annexée par la Roumanie, qui ont empêché les fascistes roumains de défendre seuls dans la
presse roumaine les faux-monnayeurs fascistes de Budapest.
Et ce ne sont pas les déclarations agressives et menaçantes pour la France de M. Mussolini qui empêchent les fascistes français de le prôner et de le prendre comme modèle. Et cela est
dans l’ordre des choses.
Les fascistes de Bucarest sont plus fascistes que Roumains.
Et les fascistes français sont plus fascistes que Français.
Selon les pays où il opère, le fascisme est plus ou moins fort et en conséquence plus ou moins cynique. Partout, en proportion de sa réussite matérielle, il bénéficie déjà soit de la
complicité, soit de la complaisance des gouvernements constitués.
Partout il fait montre, tout au moins à ses débuts, de la même hypocrisie.
Il ne dit pas : Je suis le fascisme, il dit : Je suis le parti de l’ordre, ce qui est le plus commode de tous les mensonges démagogiques, ou bien il dit : Je suis républicain
national patriote, ou bien il arbore quelque autre étiquette. Il prend toutes sortes de noms différents. Il nous éberlue avec des mots.
Il forme beaucoup de catégories, mais au fond de tout cela, c’est la même espèce d’hommes.”
Henri Barbusse – 1926