“Zeus aveugle ceux qu’il veut perdre” (Sophocle)
La fête des Jeux Olympiques étant finie on retourne à la normalité. Le succès des Jeux avait permis de constater que les Français étaient capables de se mobiliser et de réussir un projet pour peu qu’il y ait une volonté politique et qu’on se donne les moyens. L’après-jeux risque de montrer que nos élites politico-médiatiques sont incapables – ou peu désireuses – de mettre cette énergie en mouvement pour poursuivre un projet qui dépasse celui d’une compétition sportive. Le discours présidentiel sur la nécessité de transposer dans le champ politique l’unanimité nationale qui s’est manifestée à l’occasion des Jeux n’y changera rien, et d’ailleurs le principal intéressé ne semble pas y croire lui-même, tant le ton de ses discours semble disconnecté de l’état du pays. Quant aux partis politiques, ils sont restés étrangement muets pendant les Jeux, et ne semblent pas pressés d’analyser ce phénomène de société, ou de lui donner un prolongement politique.
J’avoue que j’ai beaucoup de mal à m’intéresser au bal des ambitions, des palinodies et des coups fourrés qu’est devenue la politique nationale. Un film dont le suspense est aussi haletant que celui d’une comédie romantique à l’eau de rose. Parce qu’à la fin, vous verrez, tous ces gens se marieront en blanc, auront beaucoup d’enfants, et feront la même politique qu’on connaît déjà pour l’avoir testée au fil des différentes alternances. Macron a raison de ne pas admettre sa défaite parce qu’il n’a pas été défait. En fait, le résultat des élections légitime sa démarche de construction d’un « bloc central » réunissant droite et gauche pour gouverner. Avec le « front républicain », on a vu des gens « de gauche » appeler à voter pour des candidats « de droite », et vice-versa. C’est donc bien le « ni gauche ni droite » qui a triomphé. C’est exactement le fondement du macronisme : une « troisième force » regroupant des hommes venant de l’arc qui va de la droite modérée à la gauche social-démocrate. Et regardez l’Assemblée aujourd’hui : une fois le Rassemblement National renvoyé dans son ghetto, il n’y a qu’une majorité possible, celle qui regrouperait Les Républicains, le centre, les écologistes et les socialistes. C’est-à-dire, exactement la convergence sur laquelle Macron s’appuie depuis 2017. Et parce que c’est la seule majorité possible, c’est la politique portée par cette convergence qui sera mise en œuvre. Le gouvernement sera peut-être conduit par Lucie Castets. Ou par Xavier Bertrand. Ou par Bernard Cazeneuve. Cela n’a en fait aucune importance. Est-ce que le fait que ce soit l’un plutôt que l’autre changera quelque chose ? Après tout, on a vu aux manettes se succéder un Edouard Philippe ou un Jean Castex (venus de la droite) puis une Elisabeth Borne et un Gabriel Attal (venus de la gauche). Avez-vous noté une différence quelconque dans les politiques mises en œuvre ? Aucune : la réforme des retraites posée par Philippe a été votée sous Borne.
Les leaders du Nouveau Front Populaire répètent sur tous les tons que les électeurs ont placé en tête le programme du NFP. C’est là travestir gravement la volonté des électeurs – et au passage se mentir à soi-même. On peut à la rigueur prétendre qu’au premier tour les électeurs ont voté sur des programmes. Mais ce vote a placé en tête non pas le NFP, mais le Rassemblement National avec 33%, contre 29%. Au deuxième tour, avec le « front républicain », les électeurs n’étaient pas appelés à choisir un programme, mais conjurés à choisir pour ou contre le RN, en votant le candidat le mieux placé pour le battre quelle que soit sa couleur politique et le projet qu’il porte. Les électeurs qui voulaient du programme du NFP ont voté pour des candidats portant le programme d’Ensemble ou des Républicains, ceux qui voulaient du programme de la droite ou du centre ont voté pour ceux qui portaient le programme du NFP.
A partir de là, le fait que tel ou tel bloc soit arrivé à la première place tient moins à l’adhésion des électeurs à son programme qu’au hasard de la distribution des voix entre les circonscriptions au premier tour et de la qualité des désistements (1). C’est le problème du « front républicain » : il incarne un rejet et non un projet. Les élections législatives de 2024 en sont un bon exemple : elles ont peut-être délégitimé le projet politique du RN en montrant qu’une majorité le rejette, mais n’ont légitimé aucun autre, n’en déplaise aux choristes du NFP… Affirmer dans ces conditions que les électeurs ont manifesté leur désir de voir tel ou tel programme mis en œuvre, c’est se moquer du monde.
Mais cela n’a pas d’importance, parce que la dynamique politicienne qui s’étale aujourd’hui dans les gazettes ne doit rien à un quelconque projet politique. Comme disait un politicien chevronné, « gouverner est devenu une pénible corvée entre deux élections ». Jamais comme aujourd’hui la caste politique n’est apparue aussi peu soucieuse de gouverner le pays, de le conduire vers quelque chose. Côté Macron, on s’accommode parfaitement d’une interminable « gestion des affaires courantes » qui paralyse progressivement l’Etat. A gauche, le vaudeville du choix du candidat à la fonction de premier ministre a clairement montré que le souci principal des socialistes comme des insoumis n’était pas de diriger le pays, mais d’empêcher l’autre d’avancer ses pions. Ce fut un jeu de massacre où tous les candidats crédibles ont été tour à tour blackboulées – soit qu’ils fussent trop socialistes, soit qu’ils eussent des liens trop étroits avec les insoumis – pour laisser finalement, lorsque le jeu a lassé tout le monde, la place à une candidate inconnue, sans surface politique, suffisamment proche de la mafia de la Mairie de Paris pour être socialo-compatible, et que LFI a accepté précisément parce qu’elle n’avait que peu de chances d’élargir son soutien au-delà du NFP et donc d’être acceptée par le président de la République. Et pour s’assurer que cette candidature n’irait nulle part – on n’est jamais assez prudent – Mélenchon et son fan club, tout en exigeant à cor et à cri sa nomination à Matignon, glissent périodiquement sous ses pieds des peaux de banane. Sachant qu’une majorité ne peut être formée qu’au prix d’une négociation et de concessions réciproques, le gourou et ses équipes font ce qu’il faut pour dynamiter une telle négociation : une petite déclaration affirmant qu’il est hors de question de ne pas appliquer « tout le programme » par-ci, une tribune appelant à la destitution du président par-là…
Le but des insoumis – ou plutôt celui de Mélenchon, parce qu’on ferait trop d’honneur à supposer que Bompard ou Panot ont une pensée autonome – n’est pas de gouverner, mais au contraire, de rendre le pays ingouvernable. Le gourou et les siens continuent à penser – quand on a été trotskyste, on ne se refait pas – que leur meilleure chance réside dans la « bordélisation » du système, dans une crise institutionnelle qui serait l’accoucheuse de la révolution. Révolution citoyenne, s’entend. C’est pourquoi, tout en exigeant du président qu’il nomme un premier ministre, ils font tout ce qu’il faut pour rendre cette nomination impossible. Pendant des semaines, ils ont clamé pour que Macron confie le gouvernement au NFP, tout en empêchant le NFP de proposer un candidat qui aurait pu être nommé. Et lorsque le candidat est finalement choisi, ils font tout ce qu’il faut pour rendre sa nomination impossible. Parce qu’on ne me convaincra pas que menacer le président de la République d’une procédure de destitution qui n’a aucune chance d’aboutir soit le meilleur moyen de le persuader, au contraire : aujourd’hui, Macron ne peut nommer Castets sans perdre la face, sans apparaître comme ayant cédé au chantage. Exactement ce que Macron, qui tient à son statut de « maître des horloges », déteste.
Et dans cette partie d’échecs, Mélenchon reste comme toujours un tacticien de génie mais un piètre stratège. Sur le plan tactique, il joue sur du velours parce qu’il tient les socialistes, les écologistes et les communistes par une partie de leurs anatomies que la décence m’empêche de nommer ici. Car il ne faut pas oublier que dans dix-huit mois, il y aura des élections municipales. Et que dans ces élections socialistes, communistes et écologistes ont beaucoup à perdre à ouvrir un conflit avec LFI. Alors qu’à l’inverse, LFI n’a pas beaucoup de municipalités à perdre, de bastions à défendre. Voilà pourquoi le NFP tient, pourquoi socialistes et écologistes ne sont pas en train de négocier un contrat de majorité avec le centre et la droite : parce que les « barons » municipaux ont peur, et l’ont fait savoir.
Cette situation a été bien comprise par des personnalités comme Zaki Laïdi et Daniel Cohn-Bendit, bien connues pour leur souci de voir les institutions refléter le moins possible le vote populaire. Quand le peuple n’est pas d’accord avec les élites – c’est-à-dire, avec eux – ils ne proposent même pas de dissoudre le peuple et d’en élire un autre. Il suffit, plus prosaïquement, de le bâillonner en rendant son vote inopérant. Ainsi, dans une tribune publiée par « Le Monde », ces éminents penseurs soutiennent la nécessité de modifier la loi électorale pour passer à un système proportionnel. Pourtant, les auteurs constatent que l’assemblée qui aurait été issue de la dernière élection si elle s’était tenue à la proportionnelle ne serait pas moins problématique que celle qui a été effectivement élue – la représentation du RN serait encore plus nombreuse, celle du centre et de la droite plus faible. Alors, en quoi changer le mode de scrutin conduirait à un résultat différent ? Leur argument est qu’alors qu’avec le scrutin majoritaire les coalitions doivent se constituer AVANT l’élection et se présenter devant les citoyens, le système proportionnel fait que chacun va avec ses couleurs, et que les accords de coalition se vont APRES l’élection – autrement dit, sans qu’on ait à rendre compte à l’électeur avant l’élection suivante. Pour le dire autrement, avec un système proportionnel les socialistes pourraient négocier dans les couloirs une alliance avec la droite après l’élection, alors qu’avec le système majoritaire cela leur est beaucoup plus difficile puisqu’il faudrait le faire avant, et l’assumer devant les électeurs…
Laïdi et Cohn-Bendit opposent – et ils ne sont pas les seuls – une « culture de compromis » qu’on retrouve dans ce pays merveilleux que nous ferions bien d’imiter et qui se trouve de l’autre côté du Rhin, à une « culture de l’affrontement » des indécrottables gaulois, dons les institutions ne fonctionnent que lorsqu’un parti a la majorité absolue. Ainsi, en Allemagne on gouvernerait par « coalition », notion inconnue dans notre bonne Vème République. Cette vision ne fait que montrer la méconnaissance qu’ont ces prétendus politologues de notre histoire politique. En fait, la règle sous la Vème République a été la coalition, et les cas où un parti a détenu à lui seul la majorité sont l’exception. Sur 17 élections législatives depuis 1958, il n’y a eu que 6 pour donner une majorité à un parti. Dans les 11 cas restants, il a fallu constituer des « coalitions » pour gouverner (2). Et elles n’ont pas été de tout repos : les majorités qui ont soutenu Raymond Barre entre 1976 et 1981 ou Michel Rocard après 1988 étaient tellement remuantes que ces deux personnalités, pourtant venues de bords opposés, ont utilisé massivement l’article 49.3 pour les discipliner. On trouve même un cas où la « coalition » s’est brisée avec le vote d’une motion de censure : en 1962, le gouvernement dirigé par Pompidou est censuré, les partis alliés des gaullistes les ayant abandonné en rase campagne. On notera d’ailleurs que c’est pendant la période 1958-81 que, à l’exception de l’accident de 1968, on ne trouve que des gouvernements appuyés sur des « coalitions », ce qui fait un sort à l’idée que la Vème République a été construite pour fonctionner avec des majorités monocolores.
Alors, pourquoi cela ne marche pas aujourd’hui ? Depuis 1958 les partis qui se sont désistés réciproquement devant les citoyens dans les scrutins législatifs avaient manifesté leur volonté de gouverner ensemble. L’élection de 2024 reste la première dans laquelle des partis qui n’avaient aucune intention de former un gouvernement, qui ne se réclamaient d’aucune coïncidence programmatique ou idéologique, se sont désistés réciproquement au second tour. C’est pour cette raison que le scrutin majoritaire, qui avait jusqu’ici réussi à assurer la gouvernabilité du pays, n’a pas produit une majorité de gouvernement. Et on a tort de s’en prendre au système électoral : celui-ci a bien fonctionné, et donné une majorité à la « coalition » qui s’est formée au deuxième tour. Ce n’est pas la faute du système électoral si cette « coalition » s’est formée non pas en vue de mettre en œuvre un projet, mais en vue d’empêcher l’autre de le faire. La réalité est que la gauche est « majoritaire » grâce aux voix de droite. C’est là où se trouve le paradoxe : tant la gauche que la droite ont fait voter les citoyens pour des candidats portant un programme qu’ils ne sont pas prêts à soutenir à l’Assemblée. Comme l’écrivait Borges « ce n’est pas l’amour qui les unit, mais l’épouvante ». Et l’épouvante ne semble pas suffisant pour produire un accord de gouvernement.
Alors, pendant que l’on change les meubles de place au salon du Titanic, le bateau coule. Les comptes se dégradent, les services publics s’étiolent, les infrastructures vieillissent. Le pays suit le chemin du chien crevé au fil de l’eau sans que personne parmi les élites ne s’en émeuve. Certains en sont à conseiller au peuple de manger de la brioche – pardon, à traverser la rue pour trouver du travail. Finalement, le tableau du spectacle d’ouverture des Jeux qui rappelait comment a fini une certaine reine qui a fait cela n’était peut-être pas aussi innocent qu’on croit…
Descartes
(1) Pour ceux pour qui ce raisonnement serait obscur, imaginons un système à trois circonscriptions avec le même nombre d’électeurs A, B et C, dans lesquelles se présentent trois partis : RN, LR NFP. Dans A, le RN fait élire son candidat au premier tour avec 63%, le candidat LR fait 32%, celui du NFP 5%. Dans les circonscriptions B et C, le RN fait 45%, le candidat LR fait 27%, celui du NFP 28%. Au premier tour, on a donc sur l’ensemble le RN à 51%, LR à 29%, le NFP à 20%.
Imaginons maintenant que le « front républicain » réunisse LR et le NFP et que les reports de voix soient parfaits. Le NFP pourra compter sur deux députés, le RN sur un seul, LR sur aucun. On aboutira à une Assemblée où le NFP aura une majorité… alors qu’il arrive en queue de peloton dans le pays. Et selon la logique de Mélenchon pourra revendiquer le fait que « les Français ont placé son programme en tête », alors que le programme du RN aura réuni globalement une majorité absolue…
Conclusion : le scrutin majoritaire n’a de sens que dans un contexte où des projets s’opposent à d’autres projets, des idéologies à d’autres idéologies. Lorsque les « coalitions » au deuxième tour se font entre candidats qui n’ont aucune convergence programmatique ou idéologique, que rien ne réunit sauf l’opposition à un autre, on aboutit à un résultat qui n’est en rien représentatif de la volonté des citoyens. La logique du « front républicain », dans un scrutin majoritaire, est profondément antidémocratique.
(2) En 1958, l’UNR gaulliste ne détient que 206 sièges sur 576. En 1962, 233 sièges sur 482. En 1967, 200 sièges sur 486. Ce n’est qu’en 1968, après les évènements que l’on sait et un raz de marée en sa faveur que l’UDR (nouveau nom du parti gaulliste) conquiert la majorité à lui seul : 293 sièges sur 487. Mais aux élections suivantes, on revient au régime antérieur. En 1973 l’UDR n’a plus que 183 députés sur 490 ; en 1978, le parti du président, l’UDF, n’a que 123 députés sur 491 et n’est que le deuxième groupe derrière les gaullistes avec 154 députés (le premier ministre, Raymond Barre, appartiendra donc au deuxième groupe parlementaire, et non au premier…). En 1981, le groupe socialiste aura 285 députés sur 491. Mais c’est là encore une exception. En 1986, le RPR est le premier groupe avec 155 députés sur 577, loin de la majorité absolue ; en 1988, les socialistes ont 275 députés sur 575 ; en 1993, le RPR a 257 députés sur 577 ; en 1997, les socialistes ont 250 députés sur 577. Ce n’est qu’à partir de 2002 qu’un seul parti détiendra durablement la majorité à lui seul : 365 et 320 sur 577 pour l’UMP en 2002 et 2007 ; 295 pour le PS en 2012 ; 314 pour LREM en 2017. Séquence rompue en 2022 avec seulement 172 députés pour LREM, puis en 2024 où le premier groupe est le groupe RN avec 123 députés.
@ Descartes
***Et regardez l’Assemblée aujourd’hui : une fois le Rassemblement National renvoyé dans son ghetto, il n’y a qu’une majorité possible, celle qui regrouperait Les Républicains, le centre, les écologistes et les socialistes***
C’était déjà, peu ou prou, des membres issus de ces partis qui composaient la majorité relative d’avant la dissolution. Je me demande pourquoi E.Macron nous a mis dans cette impasse en dissolvant l’assemblée, a-t-il pensé qu’il pouvait accroître cette majorité relative pour finir plus confortablement son quinquennat ? Si oui, c’est une immaturité politique, si c’est uniquement une décision d’orgueil suite à la déroute électorale des européennes, c’est de l’immaturité tout court!
***Alors, pendant que l’on change les meubles de place au salon du Titanic, le bateau coule. Les comptes se dégradent, les services publics s’étiolent, les infrastructures vieillissent. ***
Oui, observons par exemple ce qui se passe actuellement dans plusieurs services d’urgences des petites villes de province : pas de couverture les W.E, fonctionnement en mode dégradé en semaine…
A mon sens, pour sortir de ce marasme il n’y a pas 40 solutions, bien sur il faut plus de justice vis à vis des impôts, mais il faut avant tout se retrousser les manches et produire nous mêmes les richesses que nous consommons à crédit. Cela implique une régulation du capitalisme et une remise en cause de l’ordre établi, mais sur le Titanic ils sont nombreux à boire du champagne et à ne pas souhaiter une autre voie.
@ Manchego
[« Et regardez l’Assemblée aujourd’hui : une fois le Rassemblement National renvoyé dans son ghetto, il n’y a qu’une majorité possible, celle qui regrouperait Les Républicains, le centre, les écologistes et les socialistes » C’était déjà, peu ou prou, des membres issus de ces partis qui composaient la majorité relative d’avant la dissolution.]
Exactement. Les personnalités de poids du macronisme ne se sont pas formées dans le parti présidentiel. Elles sont arrivées majoritairement soit du PS (Collomb, Attal, Borne…) soit de LR (Darmanin, Le Maire…). Qu’est ce qui a fait que certains ambitieux sont allés à la soupe chez Macron et d’autres sont restés dans leur vieille maison ? Quand on regarde leurs parcours, leurs engagements, leurs discours, on a du mal à voir des différences fondamentales entre ceux qui sont partis et ceux qui sont restés. On est donc obligé de conclure que quelles soient les raisons qui ont présidé au choix – souvent des sordides calculs de carrière – elles n’ont rien à voir avec un positionnement idéologique ou un projet politique. Ce n’est pas un abîme qui sépare ces partis, tout au plus une petite pente, dans laquelle on glisse aisément…
C’est pourquoi il faut regarder ce qui se passe sur la scène politique avec une certaine distance. « Castets or not Castets » n’est pas la bonne question à se poser. Le fait est que le bloc central, socialistes et LR représentent les mêmes groupes sociaux, dépendent du même électorat. Et que quelque soit le nom qui sortira du chapeau, on voit mal comment ils feraient une politique autre que celle que ces groupes sociaux exigent, avec un vernis plus ou moins « social », plus ou moins « diversitaire », plus ou moins « rigueur ».
[Je me demande pourquoi E.Macron nous a mis dans cette impasse en dissolvant l’assemblée, a-t-il pensé qu’il pouvait accroître cette majorité relative pour finir plus confortablement son quinquennat ? Si oui, c’est une immaturité politique, si c’est uniquement une décision d’orgueil suite à la déroute électorale des européennes, c’est de l’immaturité tout court !]
Ce n’est pas comme ça que se pose la question à mon avis. La politique consiste souvent à choisir le moins pire. LR avait déjà manifesté son intention de déposer une motion de censure à l’occasion du vote de la loi de finances, et que cette motion serait votée à la fois par le RN et par la gauche. La question n’était donc pas tant « dissoudre ou pas dissoudre » mais quand. Macron aurait pu attendre la censure pour dissoudre – et donc laisser à ses adversaires la date qui leur convenait le mieux – ou bien les prendre de court en préemptant la décision. Les élections européennes lui on donné une opportunité en or : d’un côté, le vent de panique provoqué chez les bienpensants par un RN à 33% lui permettait de nous rejouer la chanson « c’est moi ou le fascisme » avec des chances de succès. D’un autre côté, la rupture de la NUPES et les noms d’oiseau échangés à gauche lui permettaient d’espérer qu’il n’y aurait pas de candidatures communes, et donc de faire passer ses candidats au premier tour. Et dites-vous bien que cela a failli marcher : sur le premier point, son calcul a été juste, et le « bloc central » a finalement pas mal sauvé les meubles – il aurait probablement été laminé si l’élection s’était déroulée en octobre, alors que les 33% du RN se seraient estompés dans la mémoire. Sur le second point, par contre, il a sous-estimé l’habilité tactique de Mélenchon qui a exploité le réflexe électoral unitaire de la gauche, et c’est pour cela que son plan n’a pas fonctionné. Mais même ainsi, je pense que toutes les autres options lui étaient encore plus défavorables…
[A mon sens, pour sortir de ce marasme il n’y a pas 40 solutions, bien sûr il faut plus de justice vis à vis des impôts, mais il faut avant tout se retrousser les manches et produire nous-mêmes les richesses que nous consommons à crédit. Cela implique une régulation du capitalisme et une remise en cause de l’ordre établi, mais sur le Titanic ils sont nombreux à boire du champagne et à ne pas souhaiter une autre voie.]
Il faut à mon sens trois choses : la première, de remettre à l’honneur l’activité productive pour finir avec la consommation à crédit. L’équilibre de la balance extérieure doit être considéré comme un objectif de premier rang, bien avant l’équilibre des comptes publics. La seconde, une révision du système fiscal – au sens large, c’est-à-dire, cotisations comprises – qui aujourd’hui grève de manière exagérée le travail et la production, alors que le secteur financier et spéculatif en est pratiquement libéré. Et finalement, une gestion rigoureuse de la dépense publique non pas pour la réduire, mais pour la concentrer sur ce qui est utile, ce qui suppose d’avoir le courage politique d’affronter les gros chiens qui gardent les « niches » de dépense. Mais ce sera là le sujet de mon prochain papier, alors j’en dirai pas plus.
[D’un autre côté, la rupture de la NUPES et les noms d’oiseau échangés à gauche lui permettaient d’espérer qu’il n’y aurait pas de candidatures communes, et donc de faire passer ses candidats au premier tour.]
Malgré les noms d’oiseaux échangés pendant les élections présidentielle la NUPES a été créée en 2022 par conséquent une NUPES 2.0 pouvait aussi arriver. Macron a sous-estimé la capacité d’union chez la “gauche”.
[Et dites-vous bien que cela a failli marcher : sur le premier point, son calcul a été juste, et le « bloc central » a finalement pas mal sauvé les meubles – il aurait probablement été laminé si l’élection s’était déroulée en octobre, alors que les 33% du RN se seraient estompés dans la mémoire.]
La lamination se ferait en faveur de qui selon vous ?
@ Glarrious
[Malgré les noms d’oiseaux échangés pendant les élections présidentielle la NUPES a été créée en 2022 par conséquent une NUPES 2.0 pouvait aussi arriver. Macron a sous-estimé la capacité d’union chez la “gauche”.]
Il faut dire qu’il a des circonstances atténuantes. Une semaine avant, les socialistes se répandaient sur l’antisémitisme des dirigeants de LFI, ces derniers accusaient les socialistes d’avoir déjà pacté avec le macronisme et le grand capital. Une semaine plus tard, les socialistes retiraient leurs candidats pour faire élire les « antisémites », LFI retirait les siens pour faire élire Hollande ou Rousseau. On a vu depuis la Rome antique des politiciens retourner leur veste – ou leur toge. Mais d’habitude, il y avait un délai de décence, le temps de faire oublier les discours d’hier avant de les contredire. Aujourd’hui, le délai a disparu… tout comme la décence.
En fait, l’erreur de Macron est d’avoir pris au sérieux les postures que les dirigeants de la gauche affichent pour la gallérie, d’avoir imaginé que parce que ces gens s’insultaient en public ils ne pouvaient pas travailler ensemble. Erreur fatale…
[« Et dites-vous bien que cela a failli marcher : sur le premier point, son calcul a été juste, et le « bloc central » a finalement pas mal sauvé les meubles – il aurait probablement été laminé si l’élection s’était déroulée en octobre, alors que les 33% du RN se seraient estompés dans la mémoire. » La lamination se ferait en faveur de qui selon vous ?]
D’abord et surtout, du PS. On l’a bien vu aux européennes, ou les déçus du maconisme se sont portés sur la liste Glucskmann. Et jusqu’à un certain point, c’est logique : les déçus du macronisme ont des alternatives de centre-droit sans nécessairement retourner à LR (Horizons, Modem). A gauche, il n’y a pas d’organisation de centre-gauche qui puisse les accueillir…
Bonjour Descartes,
[Le gourou et les siens continuent à penser – quand on a été trotskyste, on ne se refait pas – que leur meilleure chance réside dans la « bordélisation » du système, dans une crise institutionnelle qui serait l’accoucheuse de la révolution.]
Le gourou, adepte des régimes socialistes sud-américains, devrait pourtant savoir ce qu’il advint dans ces pays après les périodes de bordélisation…
@ François
[Le gourou, adepte des régimes socialistes sud-américains, devrait pourtant savoir ce qu’il advint dans ces pays après les périodes de bordélisation…]
Remarque fort pertinente. La « politique du pire », si chère aux trotskystes, a presque toujours donné des résultats désastreux. Au Chili, le MIR a pensé que la « bordélisation » allait obliger la timide expérience socialiste d’Allende à se radicaliser, ils ont aidé Pinochet à prendre le pouvoir. En Argentine, les gauchistes avec leurs délires de « lutte armée » ont préparé le lit de Videla. Les gauchistes s’imaginent que le désordre poussera les couches populaires à l’action révolutionnaire. En fait, il pousse ces couches sociales à demander de l’ordre. Ce sont toujours les plus faibles qui souffrent le plus de la rupture de l’ordre institutionnel. Parce que les riches n’ont pas besoin des institutions pour les défendre, ils ont les moyens de se défendre tout seuls.
Le cas le plus éclatant du caractère toxique de l’accélérationnisme est le Sentier lumineux au Pérou.
Quand la “guerre populaire” a débuté en 1981, c’était à la veille d’une élection démocratique où une junte militaire remettait le pouvoir à des autorités civiles élues (le dictateur militaire, sachant qu’il n’a lui-même jamais été élu, fit que la foule assistant à la cérémonie d’investiture transmette à sa place l’écharpe au nouveau président élu).
Quand Abimael Guzmán fut arrêté une décennie plus tard, Fujimori avait suspendu la Constitution péruvienne avec le soutien du peuple las des massacres et des tueries, le montant du coût total des sabotages équivalait à la dette extérieure du Pérou et des escadrons de la mort d’extrême-droite assassinaient ou du moins poussaient à l’exil les militants syndicaux, sociaux ou bien ruraux que le Sentier lumineux n’avait pas assassinés pour “révisionnisme.”
@ Jopari
[Le cas le plus éclatant du caractère toxique de l’accélérationnisme est le Sentier lumineux au Pérou.]
Là, vous touchez la limite entre politique et religion. Il y a dans cette affaire un mélange entre la vision gauchiste de la violence et le chaos comme accoucheur des révolutions, mais aussi un élément de millénarisme – l’apocalypse qui aboutira au jugement dernier, où les justes seront récompensés et les méchants punis pour les siècles des siècles.
[Quand la “guerre populaire” a débuté en 1981, c’était à la veille d’une élection démocratique où une junte militaire remettait le pouvoir à des autorités civiles élues (le dictateur militaire, sachant qu’il n’a lui-même jamais été élu, fit que la foule assistant à la cérémonie d’investiture transmette à sa place l’écharpe au nouveau président élu).]
Il faut d’ailleurs ajouter que le « dictateur militaire » en question avait renversé un gouvernement « démocratique », celui de Belaunde Terry, qui avait perdu toute légitimité suite à des scandales de corruption à répétition et surtout à un accord secret avec les « majors » américaines qui comportait la privatisation des champs pétroliers du pays. Le « dictateur » dont on parle, le général Velasco Alvarado entreprend au contraire une politique de développement national, de réforme agraire, de nationalisation du pétrole… Au point que son gouvernement recevra le soutien du Parti communiste péruvien. Il sera par contre regardé avec méfiance par les mouvances trotskystes et maoïstes, d’où sera issu le « Sentier Lumineux » !
[Car il ne faut pas oublier que dans dix-huit mois, il y aura des élections municipales. Et que dans ces élections socialistes, communistes et écologistes ont beaucoup à perdre à ouvrir un conflit avec LFI. Alors qu’à l’inverse, LFI n’a pas beaucoup de municipalités à perdre, de bastions à défendre. Voilà pourquoi le NFP tient, pourquoi socialistes et écologistes ne sont pas en train de négocier un contrat de majorité avec le centre et la droite : parce que les « barons » municipaux ont peur, et l’ont fait savoir.]
Je ne comprend pas cette partie de l’analyse. Pourquoi les socialistes et écologistes ont beaucoup à perdre lors des prochaines élections municipales ? LFI n’a pas d’implantations locales, a contrario du PS et de EELV- qui tiennent les métropoles dans leurs mains- sont dans un rapport de force plus favorable contre LFI. Ou bien vous parlez de la caisse de résonance de LFI qui leur permettrait de foutre le bordel contre eux et donc favoriser pendant ces élections les autres partis, est-ce cela que vous parlez si j’ai bien compris ou c’est d’autres choses ?
@ Glarrious
[Je ne comprend pas cette partie de l’analyse. Pourquoi les socialistes et écologistes ont beaucoup à perdre lors des prochaines élections municipales ? LFI n’a pas d’implantations locales, a contrario du PS et de EELV- qui tiennent les métropoles dans leurs mains- sont dans un rapport de force plus favorable contre LFI. Ou bien vous parlez de la caisse de résonance de LFI qui leur permettrait de foutre le bordel contre eux et donc favoriser pendant ces élections les autres partis, est-ce cela que vous parlez si j’ai bien compris ou c’est d’autres choses ?]
C’est bien cela. Socialistes, écologistes et communistes ont des centaines de maires – dont ceux des principales agglomérations – et des milliers de conseillers municipaux, qu’ils aspirent à faire réélire. Et pour cela, ils ont besoin que la gauche aille unie au scrutin. A l’inverse, LFI n’a que peu d’élus locaux, et donc pas grande chose à perdre à jouer la division. Quand les gens ont besoin de vous et vous n’avez pas besoin d’eux, vous êtes en position de force.
Vous me direz que LFI a quelque chose à perdre : les sièges de conseiller ou de maire qu’il pourrait conquérir dans cette élection comme prix de son soutien. Mais alors que les autres partis de gauche sont dominés par leurs élus locaux, la direction « insoumise » est essentiellement constituée d’élus nationaux, et le sauveur suprême ne s’intéresse pas particulièrement aux élections locales. Mélenchon n’aurait donc aucun scrupule à sacrifier ses chances de gain local au service de sa stratégie nationale.
@ Descartes
Votre “bas de page” (1) indique que “la logique du « front républicain », dans un scrutin majoritaire, est profondément antidémocratique.”
J’y souscris totalement. Je pense qu’il ne fonctionne que grâce au matraquage médiatique “mainstream”. Ne considérez-vous pas là qu’il y a un réel problème quant à la “couverture” médiatique de l’entre deux tours, où on nous refait à chaque fois le coup “des heures les plus sombres, etc.” ?
En outre, de deux choses l’une : soit le RN est un parti républicain, et alors on cesse avec ce ridicule “front” ou “arc” républicain ; soit il ne l’est pas et en conséquence on l’interdit purement et simplement. Cet arc républicain qui ne sert qu’à sauver les meubles au bon moment et à cacher les tambouilles m’est insupportable. J’ai l’impression qu’on prend les gens pour des c**s.
Vous écrivez que “elles ont peut-être délégitimé le projet politique du RN en montrant qu’une majorité le rejette”. Je ne crois pas. Les magouilles politiques – appelons un chat un chat – ont permis le bordel actuel mais vous l’écrivez juste avant “ce vote a placé en tête non pas le NFP, mais le Rassemblement National avec 33%, contre 29%.”. Je ne vois donc dans ce vote – le seul qui vale réellement, avec le 1er tour des élections législatives, soit avant la mise en place de la tambouille de sauvegarde des bonnes places – aucune “délégitimation”, bien au contraire.
Enfin, votre dernière phrase : “le tableau du spectacle d’ouverture des Jeux qui rappelait comment a fini une certaine reine qui a fait cela n’était peut-être pas aussi innocent qu’on croit…”. J’en doute. Ceux qui ont eu leur mot à dire sur le contenu de ce spectacle – difficile de croire que la Macronie voire Macron lui-même n’aient pas été “mis au parfum” avant le spectacle – n’ont rien à gagner (c’est le moins qu’on puisse dire) à rappeler au peuple français ce dont il a été capable il y a un peu plus de 200 ans lorsqu’il s’est estimé trahie par les “élites” et sans avenir radieux.
@ Bob
[J’y souscris totalement. Je pense qu’il ne fonctionne que grâce au matraquage médiatique “mainstream”. Ne considérez-vous pas là qu’il y a un réel problème quant à la “couverture” médiatique de l’entre deux tours, où on nous refait à chaque fois le coup “des heures les plus sombres, etc.” ?]
Le problème est plus général : il y a une idéologie dominante, et cette idéologie se transmet non seulement dans la couverture des campagnes électorales, mais dans le discours quotidien des institutions. Allez dans une école, et vous pourrez entendre dans chaque salle de classe le discours « le nationalisme, c’est mal » – tout en expliquant aux enfants qu’il faut qu’ils soient « fiers de leurs origines », on n’est pas à une contradiction près, même s’il est vrai que lorsqu’on parle d’origines, c’est dans le sens communautaire, et non national.
L’idéologie dominante est celle du « bloc dominant ». Pas étonnant dans ces conditions qu’elle prenne le contre-pied de ce que représente le parti qui aujourd’hui – pour de bonnes ou de mauvaises raisons – représente le vote populaire. Hier, c’était le PCF qu’on accusait d’être « raciste » et « xénophobe » parce qu’il réclamait une politique d’immigration rigoureuse, qui aurait privé le patronat d’une « armée de réserve » poussant vers le bas les salaires. Le PCF n’est devenu beaucoup plus fréquentable que du jour où il a cessé de représenter le vote ouvrier, et aujourd’hui on se trouve dans la situation où la droite met son véto à des ministres LFI… mais pourrait s’accommoder de ministres communistes.
[En outre, de deux choses l’une : soit le RN est un parti républicain, et alors on cesse avec ce ridicule “front” ou “arc” républicain ; soit il ne l’est pas et en conséquence on l’interdit purement et simplement. Cet arc républicain qui ne sert qu’à sauver les meubles au bon moment et à cacher les tambouilles m’est insupportable.]
Surtout, cet « arc républicain » déguise de moins en moins une communauté d’intérêts et une convergence des électorats. Les gens qui appartiennent à cet « arc républicain » pourraient appartenir au même parti. Ils se prennent le bec pour la galerie – ou pour des questions d’ambition personnelle – mais à l’heure de gouverner, ils sont tous d’accord. Ils l’ont montré quant ils étaient aux affaires. Aurait-on oublié que Mélenchon fut un ardent partisan du traité de Maastricht, qu’il fit partie du gouvernement qui détient le record en matière de privatisations ?
[Vous écrivez que “elles ont peut-être délégitimé le projet politique du RN en montrant qu’une majorité le rejette”. Je ne crois pas. Les magouilles politiques – appelons un chat un chat – ont permis le bordel actuel mais vous l’écrivez juste avant “ce vote a placé en tête non pas le NFP, mais le Rassemblement National avec 33%, contre 29%.”.]
Il y a une différence entre « placer en tête » et « légitimer ». En Grande Bretagne la tradition politique légitime le projet qui aurait une majorité relative pour le soutenir. En France, les institutions légitiment le projet qui n’a pas une majorité contre lui. C’est toute la logique du système à deux tours : « au premier tour on choisit, au second on élimine ». Et de ce point de vue, les résultats ont montré que le projet du RN avait une majorité contre lui. Si on avait un système à l’anglaise, le RN aurait aujourd’hui 95% des députés – puisqu’il est arrivé en tête dans 95% des circonscriptions.
[Enfin, votre dernière phrase : “le tableau du spectacle d’ouverture des Jeux qui rappelait comment a fini une certaine reine qui a fait cela n’était peut-être pas aussi innocent qu’on croit…”. J’en doute. Ceux qui ont eu leur mot à dire sur le contenu de ce spectacle – difficile de croire que la Macronie voire Macron lui-même n’aient pas été “mis au parfum” avant le spectacle – n’ont rien à gagner (c’est le moins qu’on puisse dire) à rappeler au peuple français ce dont il a été capable il y a un peu plus de 200 ans lorsqu’il s’est estimé trahie par les “élites” et sans avenir radieux.]
Mon commentaire était ironique. Je doute en effet que Joly ait pensé à Macron en montant ce tableau – ou que les séides de Macron l’auraient laissé passer s’ils y avaient vu une allégorie de notre président. Mais je trouve que cela prouve plutôt leur manque de subtilité et de culture. Pour moi, le rapprochement est assez évident…
@ Descartes
[les résultats ont montré que le projet du RN avait une majorité contre lui.]
Le résultat du 2e tour, admettons. Cependant ce résultat n’a-t-il pas été obtenu “aux forceps”, par un bourrage de crâne indigne d’une démocratie respectant la pluralité des opinions ? A ce titre, jusqu’à quel point est-il légitime ?
Je me souviens avoir entendu entre les deux tours sur France Culture un économiste invoquant l’aspect moral pour mettre en garde contre le vote RN. Je me suis dit : ils osent décidément tout.
[Si on avait un système à l’anglaise, le RN aurait aujourd’hui 95% des députés – puisqu’il est arrivé en tête dans 95% des circonscriptions.]
Absolument, ce chiffre – RN en tête dans 95% des circonscriptions – m’avait laissé bouche bée. Un tel raz de marée est plus coutumier en Afrique…
Aussi, voir qu’après ce “hurlement” des électeurs on fait aujourd’hui comme si de rien n’était, business as usual, doit sans doute écœurer une grande partie de l’électorat. Finalement, à quoi bon continuer à aller voter dans ces conditions ?
@ Bob
[« les résultats ont montré que le projet du RN avait une majorité contre lui. » Le résultat du 2e tour, admettons. Cependant ce résultat n’a-t-il pas été obtenu “aux forceps”, par un bourrage de crâne indigne d’une démocratie respectant la pluralité des opinions ? A ce titre, jusqu’à quel point est-il légitime ?]
La démocratie est fondée sur le principe que les électeurs font un choix raisonné, et qu’ils sont capables de voir leur intérêt à travers les « bourrages de crâne ». Si on met en question ce principe, alors on arrive à en conclure que les électeurs ne sont que des marionnettes manipulables, et aucun résultat électoral ne peut être dit « légitime ». Le principe en question n’est pas si déraisonnable qu’il paraît : en 2005, on est allé très loin dans le « bourrage de crâne ». Et pourtant le « non » l’a emporté sans ambiguïté.
Il faut accepter la réalité. Le RN est certes le premier parti en France, et il est proche de la majorité dans les couches populaires et dans la France périphérique. Mais il y a une majorité de Français qui ne souhaite pas le voir gouverner. Pour des raisons qui ne sont pas irrationnelles. Pour une partie des Français – ceux dont les intérêts coïncident avec ceux du bloc dominant – les tropismes populaires du RN sont une menace réelle pour leurs intérêts. Ces couches sont très contentes de voir appliquer les politiques hollando-macroniennes, et ne voient aucune raison d’en changer. Une autre partie n’a pas d’objection aux propositions du RN, mais n’a pas confiance dans leur capacité réelle à les mettre en œuvre. Une troisième partie enfin n’a pas confiance dans l’affirmation du RN d’avoir rompu avec les fantômes du passé. Ensemble, cela fait une majorité contre.
Je me souviens, lorsque j’étais militant au PCF, de la tendance de certains camarades d’accuser les « médias » des mauvais résultats. Et je me souviens de la réponse d’un grand dirigeant, aujourd’hui décédé : « au lieu de maudire des médias dominants – sur lesquels on ne peut rien et qui seront toujours là – mieux vaut nous demander ce qui dans notre discours ou dans notre action – sur lesquels on peut quelque chose – ne marche pas. Si notre projet est crédible, si notre action est efficace, cela finira bien par se savoir. »
[Je me souviens avoir entendu entre les deux tours sur France Culture un économiste invoquant l’aspect moral pour mettre en garde contre le vote RN. Je me suis dit : ils osent décidément tout.]
A votre avis, combien d’électeurs ont changé d’avis en entendant ledit économiste ? L’effet des médias est beaucoup moins important qu’on ne le dit, parce que les gens écoutent les médias non pas pour s’informer, mais pour confirmer leurs opinions. Je connais peu de gens de gauche qui écoutent CNEWS ou lisent « Le Figaro », peu de gens de droite qui regardent les vidéos des « insoumis » ou lisent « l’Humanité ». Chacun choisit son média en fonction de ses opinions, et il y a donc peu de chances que le « bourrage de crâne » du média que vous avez choisi vous conduise à en changer.
[« Si on avait un système à l’anglaise, le RN aurait aujourd’hui 95% des députés – puisqu’il est arrivé en tête dans 95% des circonscriptions. » Absolument, ce chiffre – RN en tête dans 95% des circonscriptions – m’avait laissé bouche bée. Un tel raz de marée est plus coutumier en Afrique…]
Ce résultat est d’autant plus « parlant » que le 5% restant correspond dans leur très grande majorité aux circonscriptions situées dans ou autour des grandes métropoles. Que le parti qu’une certaine France aime détester arrive en tête dans l’ensemble des circonscriptions de la France périphérique montre non seulement qu’il y a « deux France » qui s’opposent, mais surtout que l’une d’entre elles essaye de faire passer un message à l’autre. Je ne sais pas si ceux qui ont voté RN croient qu’il a une chance de gouverner, ou même le souhaitent. Mais il est clair pour moi que cette France-là veut un changement radical des priorités politiques. On a vu ces dernières années se développer des mouvements « expressifs » comme celui des « Gilets Jaunes ». Ces mouvements n’aspiraient pas à prendre le pouvoir, mais à obtenir de ceux qui gouvernent le pays un changement de cap. Contrairement à ce que voudrait l’extrême gauche, nos compatriotes ne sont nullement dans une logique « qu’ils s’en aillent tous », pas plus qu’ils ne rejettent par principe les « élites ». Mais ils veulent que les « élites » soient au service de l’intérêt général, et non de leurs propres intérêts particuliers. Et si vous voulez aujourd’hui transmettre ce message dans les urnes, quels sont les choix possibles ? LFI, qui veut tout bordéliser mais rien construire ? La gauche traditionnelle, obsédée par les questions sociétales et qui se satisfait parfaitement de la politique du chien crevé au fil de l’eau en matière économique et sociale ? Le centre, qui n’a pour souci que de se maintenir au pouvoir et qui depuis sept ans détruit pierre à pierre l’héritage du CNR ? La droite, obsédée par sa propre survie et dont le seul projet est « pas d’impôts » ?
[Aussi, voir qu’après ce “hurlement” des électeurs on fait aujourd’hui comme si de rien n’était, business as usual, doit sans doute écœurer une grande partie de l’électorat. Finalement, à quoi bon continuer à aller voter dans ces conditions ?]
Exactement. Ou alors on va voter pour le plus méchant, le seul qui peut faire peur aux « élites ». Je ne suis pas persuadé que ce que vous appelez « bourrage de crâne » ne joue finalement pas en faveur d’un RN que certains commencent à trouver trop « gentil », trop « normalisé ». Combien se disent qu’un parti qui fait peur aux Glucksmann et aux Macron ne peut pas être si mauvais…
@ Descartes
[en 2005, on est allé très loin dans le « bourrage de crâne ». Et pourtant le « non » l’a emporté sans ambiguïté.]
Très juste.
[Mais il est clair pour moi que cette France-là veut un changement radical des priorités politiques.]
Indéniablement.
A l’annonce des résultats est élections européennes, les plateaux de télé étaient remplis de politiciens (de tous les bords) nous assurant le cœur sur la main que “le message était clair”, que “les Français réclamaient un changement de politique”, etc. C’était beau à voir ! (et rare). C’est donc clair aussi pour eux. Et pourtant, dès le lundi matin, abracadabra, on oublie tout, et c’est “reparti comme en 40” avec copinages et tambouille.
Après la trahison magistrale du vote de 2005 que représenta le traité de Lisbonne, j’ai mis une dizaine d’années à retourner voter, tellement j’ai été marqué par cette escroquerie démocratique. Au vu de ce qui se passe en ce moment, je me demande si je ne vais pas repartir pour un cycle où “j’irai à la pêche” le jour des prochaines élections.
@ Bob
[« Mais il est clair pour moi que cette France-là veut un changement radical des priorités politiques. »
Indéniablement. A l’annonce des résultats est élections européennes, les plateaux de télé étaient remplis de politiciens (de tous les bords) nous assurant le cœur sur la main que “le message était clair”, que “les Français réclamaient un changement de politique”, etc. C’était beau à voir ! (et rare). C’est donc clair aussi pour eux. Et pourtant, dès le lundi matin, abracadabra, on oublie tout, et c’est “reparti comme en 40” avec copinages et tambouille.]
C’est un biais psychologique bien connu. Devant une « catastrophe » – une inondation, un décès, une défaite électorale, une rupture amoureuse, une guerre – les gens sont souvent sidérés et ont tendance à se dire que « rien ne sera jamais comme avant ». Et puis, un jour, une semaine, un mois après ils sortent de chez eux, vont acheter le pain, vont travailler… et découvrent finalement qu’on peut continuer à vivre, que rien n’a vraiment changé. Et bien, ce biais existe aussi pour nos politiques : le soir de l’élection, ils s’imaginent que tout sera différent. Et puis ils reviennent à l’Assemblée, et tout est pareil… alors on reprend les vieux réflexes, et comme ça jusqu’à la prochaine fois. Pourquoi faire l’effort de changer, pourquoi se remettre en cause, alors qu’on peut continuer comme avant ? Je vous conseille la lecture du premier tome de l’histoire de la IVème République de Georgette Elgey (le titre est « la République des illusions », je crois). Elle montre très bien comment après les quelques mois qui ont suivi la Libération – et pendant lesquels ont été construites une bonne partie des institutions qui ont permis le formidable essor des « trente glorieuses » et qu’on s’évertue à détruire systématiquement depuis 1981 – on est vite revenu au « business as usual » parlementaire en tout point semblable à celui de la IIIème République.
[Après la trahison magistrale du vote de 2005 que représenta le traité de Lisbonne, j’ai mis une dizaine d’années à retourner voter, tellement j’ai été marqué par cette escroquerie démocratique. Au vu de ce qui se passe en ce moment, je me demande si je ne vais pas repartir pour un cycle où “j’irai à la pêche” le jour des prochaines élections.]
Je ne connais pas votre âge, mais personnellement ce n’est qu’une trahison dans une très longue série, qui commence avec la volte-face de 1983. Mais la trahison de 2005 est particulière : jusqu’alors, la trahison consistait pour le parti au pouvoir à tourner le dos à certaines de ses promesses de campagne – et une promesse de campagne, comme je l’ai souvent expliqué ici, tient plus de l’acte de séduction que de l’engagement. Dans la mesure où personne, ni celui qui la formule, ni celui qui l’entend n’y croient, la trahison est limitée. En 2005, ce fut autre chose : ce fut une conjuration des partis « de gouvernement » pour tourner le dos à la volonté explicité des Français. La majorité des trois cinquièmes nécessaire à la ratification du traité de Lisbonne n’a été acquise que grâce à la convergence des voix de l’UMP et du PS. Certains diront que seule une minorité de députés PS ont joint leur voix à la droite. Certes. Mais il faut aussi dire que ces députés n’ont jamais été sanctionnés par leur parti, au contraire.
Cela étant dit, je n’ai jamais été « à la pêche » un jour de vote.
@ Descartes
Je ne connaissais pas ce biais psychologique, l’explication qu’il offre de la situation décrite est fort séduisante.
Je suis dans la quarantaine, la volte-face de 1983 et le “tournant de la rigueur” (je crois qu’il s’agit de ce à quoi vous faites allusion) ne m’a pas marqué, j’étais trop jeune ; c’est donc cette trahison de 2005, explicite et concertée, qui me “hante” toujours dès que je vois un politicien pointer le bout de son nez. C’est “tellement gros”, pour le dire trivialement, et scandaleux, que je ne m’en suis toujours pas vraiment remis.
Merci pour le conseil de lecture, je note la référence.
@ Descartes
***Je me souviens, lorsque j’étais militant au PCF, de la tendance de certains camarades d’accuser les « médias » des mauvais résultats.***
Dans la cellule du parti où moi-même j’étais militant dans les années 80, je me souviens qu’il y avait aussi ce type de débats. Un jour il y a un vieux communiste (résistant-déporté) qui nous a dit : “Chaque fois que Georges (Marchais) parle dans les médias, il nous fait perdre 100000 voix“.
***Et je me souviens de la réponse d’un grand dirigeant, aujourd’hui décédé : « au lieu de maudire des médias dominants – sur lesquels on ne peut rien et qui seront toujours là – mieux vaut nous demander ce qui dans notre discours ou dans notre action – sur lesquels on peut quelque chose – ne marche pas. Si notre projet est crédible, si notre action est efficace, cela finira bien par se savoir. »***
Qui était-ce ? Peut-être Henri Krasucki ?
***Et si vous voulez aujourd’hui transmettre ce message dans les urnes, quels sont les choix possibles ? LFI, qui veut tout bordéliser mais rien construire ? La gauche traditionnelle, obsédée par les questions sociétales et qui se satisfait parfaitement de la politique du chien crevé au fil de l’eau en matière économique et sociale ? Le centre, qui n’a pour souci que de se maintenir au pouvoir et qui depuis sept ans détruit pierre à pierre l’héritage du CNR ? La droite, obsédée par sa propre survie et dont le seul projet est « pas d’impôts » ?***
La droite et le centre ont un “discours schizophrène” (je mets des guillemets), du temps de Sarkozy-Fillon c’était “moins d’impôts et moins de fonctionnaires”, maintenant c’est toujours “moins d’impôts” mais il faut plus de policiers pour lutter contre l’insécurité, plus de dépenses militaires pour parer à un éventuel conflit avec la Russie, plus de moyens pour la transition écologique… Mais ils n’ont aucune vision de long terme sur la création de richesses qui permettrait de financer nos besoins, ils ont nommé F. Bayrou comme haut commissaire au plan, mais cela relève plus de la farce que d’une véritable volonté.
@ Manchego
[Dans la cellule du parti où moi-même j’étais militant dans les années 80, je me souviens qu’il y avait aussi ce type de débats. Un jour il y a un vieux communiste (résistant-déporté) qui nous a dit : “Chaque fois que Georges (Marchais) parle dans les médias, il nous fait perdre 100000 voix“.]
C’était d’autant plus injuste que ce genre de reproches sont arrivés dans les années 1980, alors que tout le monde avait oublié combien les apparitions de Marchais dans les médias avaient aidé à gagner les voix qu’on était en train de perdre. Mais bon, l’histoire a fait un sort à ce genre de reproches. On sait aujourd’hui maintenant que la « classe » d’un Berlinguer pas plus que son eurocommunisme n’ont empêché le PCI de disparaître. Si le PCF a perdu l’essentiel de son électorat dans les années 1980, ce n’est pas la faute aux médias…
[« Et je me souviens de la réponse d’un grand dirigeant, aujourd’hui décédé : « au lieu de maudire des médias dominants – sur lesquels on ne peut rien et qui seront toujours là – mieux vaut nous demander ce qui dans notre discours ou dans notre action – sur lesquels on peut quelque chose – ne marche pas. Si notre projet est crédible, si notre action est efficace, cela finira bien par se savoir. » »
Qui était-ce ? Peut-être Henri Krasucki ?]
Non, c’était Paul Laurent. C’était dans une discussion à bâtons rompus à la Fête de l’Humanité en 1977 (ou peut-être en 1978 ?).
[La droite et le centre ont un “discours schizophrène” (je mets des guillemets), du temps de Sarkozy-Fillon c’était “moins d’impôts et moins de fonctionnaires”, maintenant c’est toujours “moins d’impôts” mais il faut plus de policiers pour lutter contre l’insécurité, plus de dépenses militaires pour parer à un éventuel conflit avec la Russie, plus de moyens pour la transition écologique…]
Ils ne sont pas si « schizophrènes » que ça. La droite et le centre c’est toujours « moins d’impôts » parce qu’elles représentent les classes – classes intermédiaires et bourgeoisie – qui détiennent l’essentiel de la fortune et du revenu, et qui ont donc à supporter l’essentiel du poids de la redistribution. Mais pour pouvoir réduire les impôts, il n’y a que deux moyens : emprunter ou réduire les dépenses. Et on a fait les deux. Mais aujourd’hui, beaucoup de services publics sont « à l’os ». On ne peut plus réduire la dépense dans les hôpitaux sans risque le collapse, on ne peut réduire la dépense dans la police sans accepter des zones de non-droit… alors le discours « moins de fonctionnaires » devient difficile à tenir.
La droite française est la plus bête du monde parce que c’est une droite de tradition rentière, et donc malthusienne. Son réflexe pour équilibrer les comptes, c’est toujours de réduire les dépenses, jamais d’augmenter les recettes. C’est une droite qui a du mal à faire la différence entre la dépense de fonctionnement et celle d’investissement, qui avait critiqué systématiquement les grands programmes, de Concorde au programme électronucléaire en passant par la bombe atomique et le TGV, à chaque fois vilipendés comme des dépenses inutiles et des folies des grandeurs . Si le discours sarkozien du « travailler plus pour gagner plus » a marqué son époque par son caractère inattendu, parce qu’il suggérait une sortie par une augmentation de la production plutôt que par une réduction de la dépense. Et ce discours était d’ailleurs destiné non pas à l’électorat « bourgeois » de la droite, mais à l’électorat populaire tenté par le RN.
[Mais ils n’ont aucune vision de long terme sur la création de richesses qui permettrait de financer nos besoins, ils ont nommé F. Bayrou comme haut commissaire au plan, mais cela relève plus de la farce que d’une véritable volonté.]
La nomination de Bayrou à ce poste est peut-être la plus parfaite illustration du niveau de notre classe politique.
« Côté Macron, on s’accommode parfaitement d’une interminable « gestion des affaires courantes » qui paralyse progressivement l’Etat. »
Surtout que pendant ce temps la loi de l’UE, OTAN et autres traités internationaux qu’on oublie trop souvent continue de s’appliquer dans la plus grande discrétion y compris de la quasi totalité de l’arc-en-ciel politique qui ne les remettent pas en cause : du RN à LFI.
” A gauche, le vaudeville du choix du candidat à la fonction de premier ministre a clairement montré que le souci principal des socialistes comme des insoumis n’était pas de diriger le pays, mais d’empêcher l’autre d’avancer ses pions.”
Oui mais tous sont alignés, On a guère entendu son de trompe différent par EELV ou PCF rangés derrière Castets comme vu lors de la réunion auprès de Macron.
Assez amusant après les déclarations de cette dernière (outre son affiliation publique au lobby LGBT) :
“Cela reste des horizons”: Lucie Castets temporise sur le Smic à 1600 euros et le retour de l’ISF (msn.com)
J’avoue ne pas être un « accro » de ces mesures auxquelles j’ai envie d’opposer la belle sentence de Vauban selon laquelle l’impôt (direct pour moi, le seul vraiment proportionnel au revenu) doit être payé « à proportion de leur faculté » mais je constate qu’avant même d’avoir exercé une quelconque charge, cette dame se permet (et PERSONNE dans la coalition NFP ne la conteste, au contraire, on la présente presque en chef de délégation).
Faut-il souligner que cette personne représente, hélas, une progression de ces gens “hors sol” entendez par là qui n’ont jamais milité ni ne se sont présentés à un quelconque suffrage populaire ;sortie du chapeau de LFI où la démocratie se réduit à un nom.
Veuillez m’excuser si j’ose écrire une « techno » bourgeoise qui n’a pas grand-chose à voir avoir avec le monde ouvrier.
@ morel
[« A gauche, le vaudeville du choix du candidat à la fonction de premier ministre a clairement montré que le souci principal des socialistes comme des insoumis n’était pas de diriger le pays, mais d’empêcher l’autre d’avancer ses pions. » Oui mais tous sont alignés, On a guère entendu son de trompe différent par EELV ou PCF rangés derrière Castets comme vu lors de la réunion auprès de Macron.]
A quoi bon ? La question n’est pas de savoir ce qu’on fera une fois au gouvernement, mais de préparer les prochaines échéances – notamment municipales. C’est sur ce point qu’ils sont tous parfaitement alignés.
[Assez amusant après les déclarations de cette dernière (outre son affiliation publique au lobby LGBT) :
“Cela reste des horizons”: Lucie Castets temporise sur le Smic à 1600 euros et le retour de l’ISF (msn.com)]
Ca, ce serait plutôt du réalisme. Après tout, le programme du NFP n’a pas obtenu une majorité dans le pays, et ce n’est pas mal que la gauche réalise que finalement on ne peut rester sur la position « tout le programme, rien que le programme ». C’est plutôt LFI qui, avec sa position « pas de compromis sur rien » était irréaliste.
[Faut-il souligner que cette personne représente, hélas, une progression de ces gens “hors sol” entendez par là qui n’ont jamais milité ni ne se sont présentés à un quelconque suffrage populaire ;sortie du chapeau de LFI où la démocratie se réduit à un nom.]
C’est évident. Les politiques, comme les militants, puent de la gueule. Il faut aller chercher des gens qui ne se soient pas souillés en faisant de la politique… pour faire de la politique ! Le paradoxe de cette position ne semble interpeller personne…
[C’est exactement le fondement du macronisme : une « troisième force » regroupant des hommes venant de l’arc qui va de la droite modérée à la gauche social-démocrate. Et regardez l’Assemblée aujourd’hui : une fois le Rassemblement National renvoyé dans son ghetto, il n’y a qu’une majorité possible, celle qui regrouperait Les Républicains, le centre, les écologistes et les socialistes.]
Pourtant il y a des réformes qui ne peut pas passer sans le RN par exemple la réforme des retraites dont il y faudra compter sur leurs voix. Même si ils ont été renvoyé dans leur ghetto leur capacité d’influence dans la fabrique des voix n’est pas nulle. Et si il y a une majorité possible que va-t-elle faire durant cette mandature ?
@ Glarrious
[« Et regardez l’Assemblée aujourd’hui : une fois le Rassemblement National renvoyé dans son ghetto, il n’y a qu’une majorité possible, celle qui regrouperait Les Républicains, le centre, les écologistes et les socialistes. » Pourtant il y a des réformes qui ne peut pas passer sans le RN par exemple la réforme des retraites dont il y faudra compter sur leurs voix. Même s’ils ont été renvoyés dans leur ghetto leur capacité d’influence dans la fabrique des voix n’est pas nulle.]
Si une majorité est constituée entre le LR, le centre et la NFP, ce sera sur la base d’un « contrat » implicite ou explicite. Et celui-ci dira quels sont les éléments du programme des uns et des autres qui seront retenus ou sacrifiés. Si l’abrogation de la réforme des retraites est retenue, il y aura une majorité pour la voter même sans le RN, si elle est sacrifiée, les voix du RN ne suffiront pas à la faire approuver. Une majorité « à géométrie variable », où l’on peut passer telle réforme avec les voix de la droite, telle autre avec les voix de la gauche, est possible quand la un groupe a une majorité relative proche de la majorité absolue – comme Rocard en 1988. Mais quand chaque groupe de la « majorité » a la possibilité de faire censurer le gouvernement, cela devient beaucoup plus dur. Je vois mal le « centre » macroniste soutenir une coalition prête à abroger la réforme des retraites avec les voix du RN.
[Et si il y a une majorité possible que va-t-elle faire durant cette mandature]
Mais… ce qu’elle a fait jusqu’à maintenant. Une telle « majorité » est constituée d’organisations qui ont toutes été au pouvoir ces vingt ou trente dernières années. Elles ont toutes fait à peu près la même chose. Pourquoi changer une politique qui leur a si bien réussi ?
À Descartes
Merci pour ce papier, en particulier pour le rappel du rôle des coalitions sous la cinquième.
[Comme l’écrivait Borges « ce n’est pas l’amour qui les unit, mais l’épouvante ».]
Vous souvenez vous du texte dont vient cette formule ?
@ Geo
[Vous souvenez vous du texte dont vient cette formule ?]
Oui. Il s’agit des deux derniers vers d’un sonnet que Borges dédie à sa ville, Buenos Aires. Il date de 1963, et a été publié dans le recueil “El otro, el mismo”.
Buenos Aires
“Y la ciudad, ahora, es como un plano
De mis humillaciones y fracasos;
Desde esa puerta he visto los ocasos
Y ante ese mármol he aguardado en vano.
Aquí el incierto ayer y el hoy distinto
Me han deparado los comunes casos
De toda suerte humana; aquí mis pasos
Tejen su incalculable laberinto.
Aquí la tarde cenicienta espera
El fruto que le debe la mañana;
Aquí mi sombra en la no menos vana
Sombra final se perderá, ligera.
No nos une el amor sino el espanto;
Será por eso que la quiero tanto.”
@ Descartes
***C’était d’autant plus injuste que ce genre de reproches sont arrivés dans les années 1980, alors que tout le monde avait oublié combien les apparitions de Marchais dans les médias avaient aidé à gagner les voix qu’on était en train de perdre***
Dégueulasse aussi la campagne médiatique qui avait été orchestrée contre lui, au sujet de son séjour en Allemagne dans le cadre du STO. Il y a des centaines de milliers de Français qui ont été transférés contre leur gré en Allemagne, pour travailler dans les industries du Troisième Reich, des milliers en sont morts.
A ma connaissance, aucune des victimes du STO n’a été reconnue avec le statut de déporté, mais Marchais doit être un des rares à qui on en fait le reproche.
***On sait aujourd’hui maintenant que la « classe » d’un Berlinguer pas plus que son eurocommunisme n’ont empêché le PCI de disparaître.***
C’est vrai.
A noter que dans les années 70, le PCF sous Georges Marchais s’était aussi engagé dans cette voie alternative au marxisme-lénisme, dite “Eurocommunisme”, avant de faire marche arrière.
Santiago Carrillo a été aussi un des promoteurs de l’eurocommunisme, mais il fini par quitter le PCE et le faire éclater, après son retour en Espagne, suite à un très long exil en URSS. Carrillo n’était pas un enfant de coeur, au sein de son propre parti on lui a reproché ses méthodes sanguinaires pour accéder au pouvoir et le garder (voir les écrits de Lister, Jesus Monzon, Semprun…), mais c’est un autre débat…
@ Manchego
[Dégueulasse aussi la campagne médiatique qui avait été orchestrée contre lui, au sujet de son séjour en Allemagne dans le cadre du STO. Il y a des centaines de milliers de Français qui ont été transférés contre leur gré en Allemagne, pour travailler dans les industries du Troisième Reich, des milliers en sont morts.]
A l’époque, tout était bon pour descendre Marchais. Et ceux qui ont monté ces campagnes se gardent bien aujourd’hui de rappeler leur participation à ces basses besognes.
[A noter que dans les années 70, le PCF sous Georges Marchais s’était aussi engagé dans cette voie alternative au marxisme-lénisme, dite “Eurocommunisme”, avant de faire marche arrière.]
Il a eu raison. L’état du PCF n’est peut-être pas terrible, mais il n’a pas disparu comme le PCI.
[A l’époque, tout était bon pour descendre Marchais. Et ceux qui ont monté ces campagnes se gardent bien aujourd’hui de rappeler leur participation à ces basses besognes.]
Qu’est ce qu’il a été reproché précisément contre Marchais par rapport au STO ?
@ Glarrious
[Qu’est ce qu’il a été reproché précisément contre Marchais par rapport au STO ?]
Georges Marchais n’a jamais revendiqué une quelconque participation à la Résistance – il n’entrera au PCF qu’après la guerre – mais a toujours affirmé avoir été réquisitionné dans le cadre du STO et être allé travailler en Allemagne contraint et forcé. Après la rupture du programme commun et juste au moment où le PS cherchait à couler le PCF – coïncidence troublante – “l’Express” démarrera une campagne accusant Marchais d’être parti volontairement en Allemagne, et d’avoir menti sur la date et les raisons de son retour. Une campagne rejointe par un certain nombre d’anciens de la résistance communiste en froid avec le Parti (Tillon, Kriegel-Valrimont) qui se sentaient marginalisés par la nouvelle génération de dirigeants qui n’était pas issue de la Résistance, aigreurs sur lesquelles une certaine presse a joué à fond.
On l’a oublié maintenant, mais à cette époque ce genre de falsification était relativement courante chez les socialistes. On se souvient de l’attentat de l’observatoire, bien entendu, mais on pourrait aussi citer l’affaire “Fabien” – ou l’on avait vu un faux membre du bureau politique du PCF parler le visage caché et la voix déformée au journal d’une chaîne publique pour raconter les séances dont il aurait été prétendument témoin et salir la direction du Parti. D’autres forces politiques en ont été aussi victimes: par exemple l’affaire “Caton”, où un prétendu dirigeant de la droite publia sous ce pseudonyme un brulot contre son propre camp, brulot en fait écrit par Bercoff sur ordre du cabinet noir mitterrandien…
Bonjour camarade René,
Il y a une chose que je ne comprends pas: pourquoi le nfp s’évertue-t-il à reclamer un gouvernement nfp sachant que fatalement il aura à affronter une motion de censure? Pouvez-vous m eclairer?
@ Rogers
[Il y a une chose que je ne comprends pas: pourquoi le nfp s’évertue-t-il à reclamer un gouvernement nfp sachant que fatalement il aura à affronter une motion de censure? Pouvez-vous m eclairer?]
Je ne lis pas dans les pensées des dirigeants du NFP, et je ne peux donc qu’essayer de répondre à votre question à partir de ce que je connais des personnages en question. Mais on peut essayer de reconstruire leur raisonnement.
D’abord, si un premier ministre NFP aura à affronter certainement une motion de censure, cela n’arrivera pas immédiatement. La session ordinaire des assemblées parlementaires ne commence que le 1er octobre. D’ici-là, aucune motion de censure ne pourrait être déposée et votée. Autrement dit, un premier ministre nommé aujourd’hui disposerait pendant un mois du pouvoir réglementaire – c’est-à-dire, de la possibilité de faire des décrets et des arrêtés. Or, dans notre beau pays, on peut faire beaucoup de choses par décret. L’article 34 de la Constitution liste limitativement les sujets qui sont du domaine législatif, puisque l’article 37 précise que « Les matières autres que celles qui sont du domaine de la loi ont un caractère réglementaire ». Or, ce domaine n’est pas si large : en dehors des lois de finances, la loi fixe des principes, des garanties fondamentales, détermine les crimes et délits et l’état des personnes, les régimes de propriété… mais guère plus. La fixation du SMIC, par exemple, est purement réglementaire, comme l’est probablement la fixation de l’âge de la retraite. Un scénario dans lequel un premier ministre de gauche pourrait pendant un mois prendre toutes sortes de mesures démagogiques et serait censuré avant d’avoir à en payer le coût, ce qui permettrait de tenir ensuite le discours victimaire genre « vous voyez, nous allions faire le bonheur des Français et les méchants droitiers nous ont censurés ».
Mais ce scénario est peut-être trop élaboré et nécessiterait une capacité administrative que le NFP n’a pas. Elle se heurterait à trop d’obstacles pour paraître crédible. Je pencherais plutôt pour une autre analyse. Il me paraît clair que LFI réclame un gouvernement dirigé par le NFP tout en faisant ce qu’il faut pour rendre cette nomination impossible. C’est une opération politique qui vise deux objectifs : le premier, de pouvoir mettre la pression sur le président avec le discours du « déni démocratique » que consisterait le refus de nommer le candidat proposé par le NFP. Le second, d’empêcher les « modérés » du NFP de négocier un modus vivendi avec le centre puisque le premier qui rompra l’unité sera accusé de trahison. En jouant la surenchère, LFI oblige le reste de la gauche à le suivre.
@descartes
#D’abord, si un premier ministre NFP aura à affronter certainement une motion de censure, cela n’arrivera pas immédiatement. #
Sauf erreur de ma part, le président peut, pour contourner ce problème ,convoquer une session extraordinaire de l’AN avant de nommer le nouveau 1er ministre.
@ delendaesteu
[Sauf erreur de ma part, le président peut, pour contourner ce problème ,convoquer une session extraordinaire de l’AN avant de nommer le nouveau 1er ministre.]
Il le pourrait, mais une motion de censure ne peut être votée en moins de 48 heures…
[Ce fut un jeu de massacre où tous les candidats crédibles ont été tour à tour blackboulées – soit qu’ils fussent trop socialistes, soit qu’ils eussent des liens trop étroits avec les insoumis – pour laisser finalement, lorsque le jeu a lassé tout le monde, la place à une candidate inconnue, sans surface politique, suffisamment proche de la mafia de la Mairie de Paris pour être socialo-compatible, et que LFI a accepté précisément parce qu’elle n’avait que peu de chances d’élargir son soutien au-delà du NFP et donc d’être acceptée par le président de la République.]
Désigner la mairie de Paris comme une mafia, vous allez fort avec les mots, qu’est ce que dans cette mairie fait qu’elle fonctionne de la même manière d’une mafia ?
@ Glarrious
[Désigner la mairie de Paris comme une mafia, vous allez fort avec les mots, qu’est ce que dans cette mairie fait qu’elle fonctionne de la même manière d’une mafia ?]
Je n’ai pas “désigné la mairie de Paris comme une mafia”. J’ai dit qu’il y a une mafia à la mairie de Paris. Une mafia qui se partage les “territoires” entre les différents “clans” pour pouvoir y placer ses amis et obligés, et où chacun défend ongles et dents le sien et n’hésite pas à utiliser les procédés les plus bas pour se saisir des “territoires” de l’autre. Souvenez-vous des campagnes haineuses du “clan des lesbiennes” contre Christophe Girard… J’ai pas mal d’amis qui travaillent dans les services de la Ville, et qui me parlent du climat délétère et du fonctionnement clanique ou les carrières se font et se défont en fonction de votre “protecteur”.