“Le réel, c’est ce qui refuse de disparaître lorsqu’on cesse d’y croire”
(Philip K Dick)
Hier, j’ai pris mon courage à deux mains, et je suis allé au meetingue. Faut dire que ma curiosité avait été sérieusement piquée par les tracts: sur celui du PCF, on pouvait lire “meeting du Parti de la Gauche européenne”, alors que celui du PG invitait à un vague “meeting pour mener une politique de gauche en France et changer l’Europe” sans aucune référence au PGE. Du coup je me suis dit: “il faut que je sache”. Et j’y suis allé.
Au départ, tout démarre bien. Sans être pleine, la salle du meeting accueillait tout de même quelque 700 personnes, ce qui reste une audience honorable. Quant aux intervenants, le parterre comptait ce qui se fait de mieux dans l’orbite du Front de Gauche: la troïka Laurent-Mélenchon-Piquet, bien sur, plus Martine Billard (co-presidente du PG), Pierre Khalfa (co-président de la Fondation Copernic), Aurelie Trouvé (co-présidente d’Attac France, c’est fou ce que le co-président est à la mode dans la gauche radicale), Patrick Le Hyaric (pas encore co-président, mais directeur de l’Humanité) et trois invités étrangers.
Tout allait bien donc, et la soirée promettait donc d’être intéressante. Mais alors, d’ou vient cette lassitude, cette tristesse qui m’envahit au fur et à mesure des interventions ? Vient-elle de la l’inévitable succession de discours identiques expliquant combien Sarkozy est méchant, combien Barroso est libéral, combien l’Europe est faite pour les gros et les puissants, tous ces discours qui n’ajoutent absolument rien à ce que le public ne sait déjà ? Non. Aussi pénibles que soient ces discours mille fois entendus, le problème ne se situe pas là.
Le problème est bien plus profond, et se situe dans le fonds du discours. Ou plutôt, pour être précis, dans son absence de fonds. En fait, en écoutant cette superposition de discours j’ai vu avec horreur le Front de Gauche reprendre les vieux arguments des partisans du traité de Maastricht: “l’Europe est absolument indispensable”, “ceux qui ne veulent pas l’Euro sont pour un repli nationaliste et xénophobe” et ainsi de suite. En fait, les organisations qui composent le Front de Gauche ont fait leur le discours des fédéralistes européens: il n’y a pas d’avenir en dehors de l’Europe, les nations sont des structures dépassées (et accessoirement colonialistes, racistes, xénophobes…), les problèmes du XXIème siècle ne peuvent être traités qu’au niveau européen, etc. C’est ce discours qu’on a entendu hier soir dans un bel ensemble.
Mais le discours fédéraliste du Front de Gauche est superficiel et contradictoire. Prenons un premier exemple, celui qui concerne la souverainété. Où réside la souveraineté ? Si l’on écoute Christian Piquet, elle pourrait résider dans le “peuple européen”, puisqu’il appelle – et ce n’est pas la première fois – à l’élection d’une assemblée constituante européenne. Mais lorsqu’on entend Jean-Luc Mélenchon, on a l’impression au contraire que la souveraineté réside dans le “peuple français”. Or, ces deux positions sont incompatibles: la souveraineté est par essence indivisible, elle ne peut se partager. Et deux souverains ne peuvent coexister dans le même domaine.
Prenons un deuxième exemple. Jean-Luc Mélenchon se propose, s’il devait demain conduire le pays, de “ne pas appliquer le traité de Lisbonne”. Or, pour qu’un traité régulièrement ratifié ne s’applique pas, il faut le dénoncer. Autrement, n’importe quelle personne physique ou morale pourra obtenir des tribunaux que le traité en question soit appliqué. Une loi ne suffit pas a priver un texte d’effet, puisque la constitution indique que les traités régulièrement ratifiés sont supérieurs aux lois, même postérieures. Et dénoncer le traité, cela revient, en droit, à sortir de l’Union Européenne et de l’Euro. Car on ne peut pas unilatéralement revenir en arrière et retablir le traité de Maastricht que le traité de Lisbonne a remplacé. Comment concilier cette position avec les discours des autres intervenants condamnant toute sortie de l’Euro comme une politique “démagogique et ethniciste” ?
Prenons un troisième exemple: comme on est fédéraliste, il n’est plus question d’abolir la BCE et de revenir aux monnaies nationales, ni même à la monnaie commune qui était le leitmotiv des économistes proches du PCF. Mais si on garde la banque centrale, on change radicalement son fonctionnement et, proposition novatrice, on lui impose de racheter les titre de dette émis par les pays de la zone euro. Seulement, les proposants de cette solution ne se rendent pas compte que ce système équivaut à donner à chaque pays le droit de faire fonctionner sans limite la planche à billets commune, tout en faisant supporter les coûts par l’ensemble de la zone euro. Quel serait le mécanisme de rappel qui empêcherait un pays de puiser sans limite dans la caisse commune ?
Ce discours fédéraliste n’apparaît pas par hasard. Il n’est pas inutile de rappeler que le PRS avait milité en son temps pour la ratification du traité de Maastricht et que s’il a condamné “l’Europe libérale”, son crédo a toujours été fondamentalement fédéraliste (par exemple, sur la question de la constituante européenne). Mais il est plus étonnant de la part du PCF, qui avait pris clairement position – et justifié théoriquement cette position – contre toute instance supra-nationale portant atteinte à la souveraineté populaire. Que le PCF ait intégré sans débat interne ce discours montre le niveau du désarroi idéologique de cette organisation.
Si le discours fédéraliste du Front de Gauche est aussi superficiel et contradictoire, c’est bien pour cela. Il n’est pas le résultat d’une prise de position consciente après un débat interne et un vote. Il est le résultat d’une politique de chien crevé au fil de l’eau, et ce qui est encore plus grave, d’une aliénation à la position du Front National. Si Marine dit “blanc”, il faut dire “noir”. Le Front de Gauche n’a jamais été aussi véhément dans sa défense de l’Euro que depuis que Marine a dit qu’il faut le quitter.
Hier soir, les orateurs étaient bons. L’intervention de Jean-Luc Mélenchon en particulier était techniquement excellente. Mais le meilleur tribun du monde ne peut pas aller très loin avec un discours aussi indigent. Pire: en choisissant par défaut la position fédéraliste, le Front de Gauche prend clairement position pour les classes moyennes, qui sont les grandes gagnantes de la construction européenne et de l’Euro, contre les couches populaires qui en sont les grandes perdantes. Il y a peut-être de bons arguments pour garder l’Euro, mais “c’est l’Euro ou la xénophobie” n’est pas l’un d’eux. Et ce genre d’argumentation rappelle désagréablement le terrorisme intellectuel des défenseurs du TCE.
Mais l’image qui résume peut-être le mieux ce meeting est sa fin: à la sortie, deux jeunes militantes faisant une “collecte au drapeau”… sur un drapeau européen. Si l’on m’avait dit qu’un jour on verrait ça…
Descartes
Cher Monsieur, l’UPR vous tend les bras.
Ne restez pas à contempler un trou noir vous vous y noieriez. Savoir pourquoi la gauche de la gauche se perd dans l’inepte rêve européen est une question philosophique profonde. Offrir une
alternative positive àce la relève de l’action et passe par un parti. Je vous le redis, l’UPR vous attend.
La proposition est tentante, je vous l’avoue. Mais je dois décliner pour la raison que je vous ai expliqué: je ne crois plus à la politique groupusculaire. Un engagement politique militant
implique l’existence d’une organisation qui a la possibilité d’accéder à une parcelle de pouvoir, soit en accédant aux positions électives, soit par l’influence qu’il peut avoir sur ceux qui
accèdent. Or, je ne vois pas dans le positionnement de l’UPR la moindre chance de faire ni l’un, ni l’autre. Que voulez vous, je me suis trop cassé le nez dans ma jeunesse en poussant des portes
qu’il aurait fallu tirer pour vouloir recommencer.
Cela étant dit, je n’ai jamais refusé de participer à un débat avec personne. Si l’UPR ouvre des initiatives qui me semblent intéressantes, je serai ravi d’y participer.
Salut Descartes,
Je me trouvais également à ce meeting. Je partage ton point de vue mais j’y ajouterais un propos plus sombre du tableau.
Ce que j’ai ressenti, dans cette réunion c’est qu’hélas les composantes du Front de Gauche sont dans le maintien de notre pays dans l’Union Européenne et l’euro. Elles bougent plus ou moins les
marqueurs des marges mais ils sont clairement dans le fédéralisme pardon le fédérastisme ! Tu l’expliques très bien et cela n’est point nécessaire d’en rajouter.
Jean-Luc Mélenchon lors de son passage sur France Inter I-TV dimanche dernier n’a t-il pas que l’Euro était neutre ! En 1992, il faisait avaler avec ses amis Dray et Lienemann, qu’il fallait voter
pour le traité de Maastricht parce ce que c’était un rempart contre le dollar ! En 1999, il a fait avaler encore et toujours avec ses amis Dray et Lienemann, l’euro au couran de la Gauche
socialiste parce que cela éviterai une spéculation contre le franc et aussi nous protégerais encore et toujours du dollar. JLM rentrait 4 mois plus tard dans le gvt Jospin comme ministre délégué.
Rappelons-nous qu’en 1996, la GS, avait déposé un amendement au texte national du PS pour un autre traité (sic)donc encore et toujours européiste et cet amendement fut majoritaire dans le PS mais
les 3 dirigeants de la GS ne ruèrent pas dans les branquarts alors que la Direction Jospiniste ne validait pas le choix des militants en faveur de l’amendement GS ! D’alleurs Pierre Broué et Denis
Collin (Revue le Marxisme aujourd’hui) s’en étaient emus dans l’un de leur numéro. En 1997, la GS s’opposa violemment à Jospin à propos du Traité d’Amsterdam et de la reculade de JOspin. Bref, JLM
crie, hurle, critique durement mais au final accepte l’Europe libérrale et anti Etat-Nation ! S’il a essayé de sortir un peu de ce schéma stérile en 2005, lors du TCE, il est vite rerentré dans le
rang avec l’alliance avec Fabius au congrès du Mans. TU (émanation de PRS) vota la synthèse du Mans avec les pires européistes (DSK, Royal et HOLLande) seul Montebourg, Filoche (D&S) refusèrent
!
Le problème du FDG sur l’Europe c’est avant il avait une toute petite marge de manoeuvre (on critique fortement, on parle de révolution, on propose de sortir du Traité de Lisbonne, on propose une
modification des statuts de la BCE, on propose un Smic européen…) bref c’était différent du diable (le PS social libéral et de DSK) mais là, le Front de Gauche, avec la poussée de Marine
LePen(*), l’appropriation par cette dernière de la question européenne (sortie de la France de l’UE et de l’euro; souveraineté nationale, lutte contre la mondialisation etc…)a pris de court le
Front de Gauche et ne laisse plus de porte de sortie à Mélenchon qui sera un candidat radical dans le verbe et mou dans le programme. Un nouveau Mollet (la résistance et les troupes en moins)! De
plus, avec l’annonce ce matin de la candidature de Jean-Pierre Chevènement l’espace de Mélenchon se réduit et sur l’Europe et bien, les premières flèches des amis du co-Président du PG sont que
Chevènement est un nationaliste et qui va faire perdre la gauche ! Mélenchon va devoir jouer intelligent et prendre des risques qui peuvent(?) l’amener à franchir le Rubicon sur la question
européenne. J’ai bien peur que non ! Il jouera la lutte contre l’oligarchie (financière et médiatique)ce qui ne veut rien dire ! Bref, coincé entre Besancenot, peut-être Gérin, d’un côté,
Chevènement de l’autre, Mélenchon va avoir du mal à ce faire attendre et aussi à faire une place au premier tour ! Il lui restera peut-être la magistère de la lutte contre les méchants journalistes
et les méchants banquiers mais si DSK est choisi, il pourra le faire devenir son diable de confort et avec quelques miettes du gâteau électoral. Décidément, est-ce que le Front de Gauche était la
meilleure option pour Mélenchon ?
(*) lors du débat avec MLP, le 14 fév dernier sur RMC-BFM TV, on a vu un JLM défendre l’euro et l’UE contre les propositions de MLP de sortir notre pays de l’UE et de l’euro.
Nota :
Le Front de Gauche dérive vers une idéologie de négation de l’Etat-Nation. Le débat Mélenchon-Besancenot dans Regards le montrait amplement. Mélenchon le jacobin républicain allait plus que
largement sur le terrain du guévariste anti républicain Besancenot. Comme pour la sortie du nucléaire, JLM, sur l’anti nation en met des couches et un peu comme les nouveaux convertis, il y met
zèle d’où bien souvent son verbe agressif et gauchiste !
Salut et Fraternité.
D-P.
Le lien de mon dernier article :
http://darthe-payan-lejacobin.over-blog.com/article-jean-pierre-chevenement-candidat-en-2012-73134563.html
Dis donc, tu as bouffé du lion, ce soir…
Je te réjoins sur beaucoup de points, même si je n’ai pas une connaissance aussi approfondie que toi des querelles internes au PS du temps ou Jean-Luc en était encore membre. Mais je connais bien
le PCF de l’intérieur, et je t’avoue que j’ai été surpris lors de la convention nationale de mars et maintenant lors de ce meeting de voir à quel point le Parti a dérivé sur la question
européenne.
Plus généralement, je pense que ce glissement confirme la doctrine que veut que quand on n’a pas d’idées claires à soi, on finit tôt ou tard à suivre les idées des autres. Sur des notions aussi
fondamentales que celles de la souveraineté, de l’Etat, de la Nation, de la République, la “gauche radicale” en général et le PCF en particulier ont depuis longtemps renoncé à toute réflexion. On
se contente de mouvements réflexes. La Nation ? C’est un truc de nationaliste. La souveraineté ? On ne sait plus vraiment ce que c’est (souviens toi des statuts du 28ème congrès qui proclamaient
“la souveraineté de l’adhérent”…) mais c’est bien alors on l’adopte tout en se refusant à assumr les conséquences. Et ainsi de suite.
Défendre une position rigoureuse sur l’Europe nécessite un investissement en réflexion et en formation des militants. La posture “molle” est beaucoup plus économique, puisqu’il suffit de suivre
la vulgate “bienpensante” dans laquelle nous plongeons depuis trente ans. On arrive ainsi à dédouanner l’idée européenne au nom d’une “autre Europe” qui est logiquement impossible. Et si cela ne
suffit pas, on utilise l’argument terroriste qui assimile toute contestation fondamentale de l’UE et de l’Euro à l’ethno-fascisme (pour reprendre les termes de l’intervenant grec à la charmante
soirée d’hier).
Quant à la candidature Chèvenement… j’ai bien peur qu’il ne s’agisse que d’un baroud d’honneur. JPC ferait mieux d’adouber quelqu’un d’un peu plus jeune que lui et de faire avec lui une
campagne “à deux voix” de manière à permettre à son oeuvre de lui survivre.
Bonsoir
Merci pour ces info et commentaire une fois de plus intéressants !
Questions:
– qu’en ont pensé les personnes dans la salle ou comment ont-elles réagit ?
– et avec tout ça on fait quoi de concret maintenant ?
– :.?
qu’en ont pensé les personnes dans la salle ou comment ont-elles réagit ?
Très difficile à dire. Je m’étais placé à l’avant, pour pouvoir bien regarder les intervenants, alors je n’avais pas une très bonne vue de l’ensemble de la salle. Ce que je peux dire, c’est que
malgré les efforts des distributeurs de drapeaux, il y avait très peu de monde pour les agiter. Mon impression personnelle est que les “ressortissants” des trois organisations étaient assis à des
endroits différents, et qu’ils applaudissaient préférentiellement “leurs” orateurs. Certains commentaires (notamment des invités étrangers, qui ont fait une ou deux gaffes avec des déclarations
qui sont certainement conformes à la culture politique de leurs pays respectifs, mais qui, c’est triste à dire, illustraient une méconnaissance crasse de la notre) ont été accueillies
froidement, mais dans l’ensemble le public était plutôt acquis. L’intervention de Mélenchon, la seule qui n’eut en fait qu’un rapport lointain avec la question européenne et qui était en fait un
vrai discours de campagne présidentielle a été très applaudie. Faut dire qu’elle était excellente du point de vue de l’art oratoire.
et avec tout ça on fait quoi de concret maintenant ?
Je n’en sais rien. Comme je l’ai expliqué dans mon papier, je vois une dérive dangereuse vers le fédéralisme européen qui finalement ne laissera à ceux qui sont attachés à la souverainété
populaire qu’un choix entre les groupuscules “républicains” (Chèvenement, Dupont-Aignant) et le FN.
– :.?
Je ne suis pas sûr de comprendre votre question…
Je suis assez content que vous n’ayez pas publié mon commentaire, j’ai tendance à interpréter cela comme la marque d’une tentation. Tout est à faire à l’UPR. Si vous le souhaitez je peux vous
organiser une rencontre avec François Asselineau.
Cordialement.
Ce n’est pas parce que je tarde à répondre qu’il faut désespérer. Quelquefois, je prends le temps de réflechir avant de commenter… 😉
Mais votre interprétation est juste. Dans le désert actuel, comme disait Malraux, chaque idée est un miracle. Et si vous jugez qu’une rencontre pourrait être utile, je ne dirais pas non.
Vous avez raison de rapporter l’évolution du discours des dirigeants du Front de Gauche et en particulier de Jean-Luc Mélenchon vis-à-vis de l’Euro et de l’Europe aux positions de Marine Le Pen sur
ce sujet. C’est particulièrement net dans le cas du co-président du PG qui pouvait donner l’impression il y a quelques mois encore d’avoir renoncé au fédéralisme pour revenir à une vision plus
nationale, conforté par son expérience du parlement européen. Son débat avec Marine Le Pen, pour la préparation duquel il ne s’est pas forcément entouré des personnes les plus aptes, a marqué une
inflexion significative dans ces domaines. Du jour au lendemain ou presque, il s’est beaucoup raidi sur la question de l’Euro et n’a eu de cesse de promouvoir un Smic européen, autant dire qu’il
était certain de faire carton plein ! Si le Front de Gauche adapte son discours à la volée aux propositions du Front National avec pour seul souci de s’en démarquer même au mépris de toute
cohérence, c’est simple, il a déjà perdu.
Sinon je suis agréablement surpris de voir ce billet placé sous le patronage de K. Dick, cela tranche un peu avec vos références habituelles (toujours bienvenues).
Si le Front de Gauche adapte son discours à la volée aux propositions du Front National avec pour seul souci de s’en démarquer même au mépris de toute cohérence, c’est simple, il a déjà
perdu.
Tout à fait. Ceux qui repètent que le Front de Gauche ne doit pas reprendre les problématiques traitées par le FN (sécurité, immigration) ne se rendent pas compte que se sentir obligé de dire le
contraire de ce que dit le FN est une aliénation aussi grave que de se sentir obligé de le suivre…
Je pense que le problème de la gauche en général et du FdG en particulier est profond. La gauche a perdu le goût pour la réflexion théorique et doctrinale. Dans son ensemble, elle a renoncé
(ou plutôt ne voit pas l’intérêt) à avoir une réflexion de fonds sur les problèmes. Et lorsqu’on n’a pas des idées claires à soi, on finit toujours par suivre la mode que font les autres. Si la
gauche parle aujourd’hui de “sécurité”, ce n’est pas parce qu’elle est intimement convaincue que c’est une question de fonds, mais parce qu’elle a peur de se laisser distancer électoralement. Et
cela se voit. Et c’est la même chose sur l’Europe: parce qu’il ne faut pas laisser le terrain à X, parce qu’il faut se différentier de Y, on finit par dire n’importe quoi.
Sinon je suis agréablement surpris de voir ce billet placé sous le patronage de K. Dick, cela tranche un peu avec vos références habituelles (toujours bienvenues).
Faut varier les plaisirs… je ne suis pas trop fan de Dick, mais j’ai trouvé que sa formule résume bien un problème.
Très bonne analyse de fond. Je suis d’accord avec tout sauf avec le dernier paragraphe : les classes moyennes ne sont pas “gagnantes” dans la construction européenne. L’Union européenne ne les a
pas protégées de la crise financière et l’euro non-plus, contrairement à ce qu’ils avaient promis…
Je suis d’accord avec tout sauf avec le dernier paragraphe : les classes moyennes ne sont pas “gagnantes” dans la construction européenne. L’Union européenne ne les a pas protégées de la
crise financière et l’euro non-plus, contrairement à ce qu’ils avaient promis…
Bien sur que si. Imagine un instant qu’au lieu de soutenir les banques l’UE les avait laissées faire faillite, et donc engloutir l’ensemble de l’épargne privée. Qui y aurait perdu le
plus ? Pas les plus modestes, qui ont une épargne très limitée et en tout état de cause sous les limites de garantie. Pas les plus riches, qui en général placent leurs biens directement sous
forme réelle: actions, immobilier, etc.
Les classes moyennes ont été les grandes gagnantes de la construction européenne pour une raison très simple: la logique du “marché unique” est de privilégier le citoyen-consommateur, qui voit
baisser les prix des biens et services qu’il consomme, par rapport au citoyen-travailleur qui voit son salaire baisser et son emploi s’envoler. La “concurrence libre et non faussée” détruit
l’emploi et fait aussi baisser le prix des biens et services. Mais les emplois détruits sont essentiellement ceux des couches populaires. Ceux des classes moyennes sont en effet plus qualifiés,
plus protégés et moins facilement délocalisables.
D’ailleurs, les classes moyennes ne se sont pas trompées: il suffit de voir quelles sont les couches sociales qui ont le plus soutenu la construction européenne, et quelles sont les couches
sociales qui lui sont les plus hostiles…
Ça n’est pas spécifiquement l’Union Européenne qui a renflouée les banques, ce sont les États qui se sont endettés pour cela. Les États membres de l’UE ont été particulièrement affectés par la
crise financière en raison de ses mécanismes ultra-libéraux (que tu décris très bien). La crise de l’euro qui s’en suit et qui n’est pas terminée le montre bien. Certes, les classes moyennes
souffrent moins du chômage et de la précarité qu’engendrent l’euro-libéralisme et ses crises que les classes populaires. Rien de neuf là-dedans : le capitalisme affecte plus les plus faibles ! Mais
le soutien massif des classes moyennes à la construction européenne dont tu parles n’est plus d’actualité : les classes moyennes payent la crise (c’est-à-dire les dettes de l’État) et sont touchées
par le chômage et la précarité de masse comme jamais auparavant. Le temps de l’euro-béatitude s’achève, l’euro n’apparait plus comme la monnaie protectrice qu’elle prétendait être. Les politiques
libérales de l’UE n’ont pas profité aux classes moyennes qui attendaient une “promotion” sociale qui n’est jamais venue (voir tout le baratin des élites libérales sur les bienfaits attendus de la
baisse d’impôts). La classe dominante se gave mais le cercle est fermé.
Ça n’est pas spécifiquement l’Union Européenne qui a renflouée les banques, ce sont les États qui se sont endettés pour cela.
Oui et non. Les Etats sont intervenus en fonction des problèmes de leur système bancaire, ce qui fait par exemple que la Grande Bretagne ou l’Irlande, les deux temples du néo-libéralisme a du
renflouer des banques en injectant massivement du capital, alors qu’en France, ou l’on est resté quand même assez “étatiste”, les banques n’ont eu besoin que des prêts de liquidités que l’Etat a
aujourd’hui récupéré. D’un autre côté, la BCE est intervenue massivement pour inonder le marché de liquidités, et le coût de cette intervention n’est pas encore connu.
Mais le soutien massif des classes moyennes à la construction européenne dont tu parles n’est plus d’actualité
Tu crois ? Je te trouve bien optimiste… Comment expliques-tu que l’ensemble de la classe politique à l’exception du FN et de certains “républicains” soit fédéraliste ? Même à l’extrême gauche
on défend l’Euro, maintenant…
Oui, le temps de l’euro-béatitude est terminé. Les classes moyennes ont perdu bien des illusions. Mais elles restent persuadées que sans la construction européenne, leur sort serait bien pire. Et
elles ont raison: c’est le “marché unique” qui constitue le grand rempart contre des politiques nationales plus redistributives… et si on redistribue plus aux pauvres, ce sont les classes
moyennes qui trinquent. Tout simplement parce que les riches sont très riches, mais très rares.
Bonjour,
Merci pour ce compte rendu et cette analyse. Le débat est très important.
Peut-on être communiste est pour l’UE ?
Clairement, non. La BCE, le traité de Lisbonne, sont incompatibles avec un programme communiste, même avec un programme réformiste, d’ailleurs. Cela est compris par les dirigeants du Front de
gauche.
Mais, peut-on être communiste est pour l’Europe ?
Non plus, à mon avis. On a le droit de se sentir européen.
Il existe une culture européenne (et encore, à préciser : en quoi un Français est-il plus “proche” d’un Anglais qu’un Cubain ?).
Nous avons une histoire européenne, et des brassages humains importants ont eu lieu en Europe.
Mais, pour difficile que soit la démarche, un communiste doit être internationaliste. En clair, un communiste français n’a aucune raison de vouloir se limiter à l’Europe pour établir une
solidarité, il doit ouvrir une solidarité mondiale, et non pas européenne.
Et cette solidarité doit se faire non pas sur des questions géographiques ou culturelles, mais de classe : un communiste doit être pour l’union mondiale des travailleurs exploités.
Concrètement : en cas de victoire du PCF aux élections nationales (présidentielles et législatives), pourquoi ne pas faire adhérer la France à l’ALBA, qui regrouperait alors des pays plus “proches”
que nous que l’Allemagne de Merkel et le Royaume-Uni de Cameron ?
Fraternellement
Gautier WEINMANN
Merci de ton commentaire, et excuse moi si je suis un peu dur dans ma réponse. Mais je crois que tu nages en pleine confusion. C’est un peu le problème de ce genre de débat: il faut savoir de
quoi on parle.
Ainsi tu demandes: “Mais, peut-on être communiste et pour l’Europe ?”. Mais ça veut dire quoi “être pour l’Europe” ? “L’Europe” n’est pas une essence. Il y a beaucoup “d’Europes” possibles, et on
peut être favorable à certaines et défavorable à d’autres. Poser la question d’être pour ou contre “l’Europe” n’a pas de sens. Et le même problème se pose pour ce qui concerne “être communiste”.
Ca veut dire quoi, exactement, “être communiste” ? Pose cette question aux adhérents du PCF, et tu obtiendras une réponse différente de chacun d’entre eux. On ne peut pas réflechir avec des
concepts aussi vagues.
Tout projet politique implique l’existence d’une communauté politique, c’est à dire, d’une communauté dont chaque individu considère les autres comme “un autre soi même”. C’est sur cette base que
nous sommes prêts à reconnaître à l’autre les mêmes droits (et de lui exiger les mêmes devoirs) que nous acceptons nous mêmes, et de faire preuve envers lui d’une solidarité dont on exige une
reciprocité. Aujourd’hui, qu’on le veuille ou non, la plus grande communauté politique qu’on ait réussi à construire est la Nation. Il n’y en a pas d’autre. Il n’y a pas de “citoyen européen” ni
de “peuple européen” parce qu’il n’existe pas de “nation européenne”. Si un tremblement de terre touche Marseille ou Pointe-à-Pitre, le fait de payer pour la reconstruction nous paraît si naturel
qu’il ne faut même pas un débat pour le faire: l’Etat le fait pour nous automatiquement. Mais si demain un tremblement de terre affectait Copenhague ou Berlin, notre réaction serait la même que
s’il touchait Alger ou New York. Nous serions probablement solidaires, mais cette solidarité n’est pas inconditionnelle, comme celle qui existe à l’intérieur de la Nation.
A partir de là, je pense que tout projet politique qui se fait en dehors de l’idée de Nation est condamné à l’échec. Que ce soit un projet communiste, social-démocrate ou même capitaliste.
L’abolition fantasmée de la Nation est l’abolition de la politique.
Il existe une culture européenne
Il existe une culture qu’on appelle abusivement “européenne”, qui est celle qui continue la filiation de Grèce et de Rome. Bien plus que le judéo-christianisme (qui sont des réligions orientales,
nées bien loin du continent européen) c’est cette filiation qui nous sépare du reste du monde. Nous sommes la culture qui a inventé la philosophie, la seule qui se soit posé la question “pourquoi
quelque chose au lieu de rien”.
en cas de victoire du PCF aux élections nationales (présidentielles et législatives), pourquoi ne pas faire adhérer la France à l’ALBA, qui regrouperait alors des pays plus “proches” que nous
que l’Allemagne de Merkel et le Royaume-Uni de Cameron ?
En quoi les pays de l’ALBA seraient ils plus “proches” de nous ? Faut arrêter cette séduction de l’exotisme. Chavez ou Morales, avec leurs références aux “valeurs ancestrales”, à la “pachamama”
et à la “divine bergère” et leur vision de l’économie réduite à un partage de la rente sont bien plus loin de nous que Merkel ou Cameron.
Finalement, je ne comprends pas le but de l’action politique de Mélenchon. Faire un Front de Gauche, ça je comprends, même si on voit que concrètement, c’est pas facile. Mais se présenter à la
présidentielle avec un discours mi-NPA, mi-écolo, mi-Europe, à part diviser un peu plus les voix de gauche, je ne vois pas à quoi ça sert. A moins que l’extrême-gauche, les écolos-européistes et le
PS lui cèdent la place, ce qui n’est pas prévu, je crois. (On en est à combien de candidature à gauche maintenant ? 5 ? 12 ? 30 ?)
Si on ajoute à ça la probable candidature de Chevènement, il faut être extrêmement optimiste pour pouvoir imaginer faire un score. Quand je pense qu’il avait un boulevard…
Bonne journée, cher Descartes.
Finalement, je ne comprends pas le but de l’action politique de Mélenchon.
J’avoue que j’ai du mal à suivre. Lorsqu’il a créé le PG, j’étais sous l’impression que le but était de refonder un projet de “gauche radicale” en confrontant dans une “organisation creuset” ce
qu’il y a de mieux dans les traditions de la gauche: la pensée marxiste, l’esprit des lumières, les valeurs républicaines. Or, ce n’est pas du tout cette voie qu’on a prise. Le FdG est au
contraire en train de prendre ce qu’il y a de pire dans la gauche: l’opportunisme politique, la croyance qu’un discours moral peut remplacer un projet politique… j’avoue que je ne vois pas très
bien où l’on va.
Je ne jette pas la pierre à Mélenchon. Je pense que la tâche était difficile, et dépasse de loin les forces d’un seul homme, fut-il exceptionnel. Je pense, oui, que sa formation “gauchiste” lui a
fait négliger les questions d’organisation et d’institutionnalisation et la nécessité de travailler sur le “temps long” pour construire une organisation politique. Je pense aussi que son
obsession de faire grandir le PG vite pour peser sur le PCF l’a rendu très peu regardant sur les gens qu’il prend à son bord. L’OPA de la bande à Billard en est un bon exemple.
La parole d’Obama pour vous est sacrée mais par contre je vous trouve plus enclin à douter de la parole de Jean-Luc Mélenchon et de ses capacités réelles à parvenir à rallier à lui les classes
laborieuses ! je pourrais tout autant que vous le faites à mon encontre au sujet de Ben Laden, vous taxer de conspirationnisme envers le front de gauche car vos arguments sont bien souvent sans
fondements véritables et partent d’extrapolations en improbables dénigrements ! il est de votre droit d’avoir une vision négative quant aux chances de Jean-Luc Mélenchon de l’emporter en 2012 mais
il existe toujours une part non prévisible des évènements à venir et sans doute seriez-vous bien surpris des pas de géant que notre remarquable tribun serait capable de faire en un délai très court
!!!! Vous le reconnaissez vous-même , il est excellent dans l’art oratoire mais cela ne fait pas de lui, selon vous, un expert accompli ! sachez que de tels talents ne sont pas accessibles à tous
et pour que le tribun soit réellement remarquable et perçu comme sincère, il faut tout de même qu’il y mette ses tripes sur la table et qu’un fond de véracité soit perceptible par le public !
Combien même il aurait une technique irréprochable quant à diffuser son discours de manière implacablement talentueuse, sans convictions profondes et sans humanité dans les manières d’être et de
paraitre, il n’y aurait point d’auditeurs conquis ! c’est mon avis et cela n’engage que moi et si vous ne le partagez pas, c’est votre affaire, pas la mienne !
La parole d’Obama pour vous est sacrée
Pas particulièrement. Mais elle n’est pas honnie non plus. Si je n’ai pas de raisons objectives de douter de sa parole, je ne vois pas de quel droit je le traiterais de menteur.
je vous trouve plus enclin à douter de la parole de Jean-Luc Mélenchon
Je ne me souviens pas d’avoir mis une seule fois en cause “la parole de Jean-Luc Mélenchon”.
et de ses capacités réelles à parvenir à rallier à lui les classes laborieuses
Vous avez une certaine tendance à tout mélanger. Une chose est de douter de la véracité d’une affirmation, et une autre de douter de la capacité de quelqu’un à obtenir un résultat. Si vous ne
voyez pas la différence, je ne peux rien pour vous.
je pourrais tout autant que vous le faites à mon encontre au sujet de Ben Laden, vous taxer de conspirationnisme envers le front de gauche
Vous dites vraiment n’importe quoi… prenez un bon thé calmant, réposez vous et ensuite relisez ce que j’ai écrit.
il est de votre droit d’avoir une vision négative quant aux chances de Jean-Luc Mélenchon de l’emporter en 2012 mais il existe toujours une part non prévisible des évènements à venir
Vous avez raison. Il est toujours possible que par une étrange coïcindence vint-cinq millions d’électeurs se trompent de bulletin le même jour et mettent dans l’urne le bulletin à son nom croyant
en mettre un autre. La probabilité n’est pas nulle. Cependant, je pense qu’on peut raisonnablement exclure cette éventualité.
et sans doute seriez-vous bien surpris des pas de géant que notre remarquable tribun serait capable de faire en un délai très court !!!!
“Surpris” n’est pas vraiment le mot.
Combien même il aurait une technique irréprochable quant à diffuser son discours de manière implacablement talentueuse, sans convictions profondes et sans humanité dans les manières d’être et
de paraitre, il n’y aurait point d’auditeurs conquis !
Je le croyais aussi… et puis j’ai vu Mitterrand à l’oeuvre.
La chose qui me fout les boules dans les grandes largeurs, c’est qu’en laissant aux gars de la Marine, les armes politiques de la gauche,(c’est à dire en touchant avec le petit doigt en l’air un
certain nombre de chantiers de la gauche dont celui de l’UE, des fois que ce soit politiquement incorrect) et bien la Marine nationale, elle, a pris des cours de politique contemporaine (avec Alain
Soral et sa clique) et SE LES APPROPRIE :
– La souveraineté nationale faute de défenseurs devient “identité nationale”.
– La laïcité comme principe politique et non comme arbitrage du religieux, faute de défenseurs, devient la tolérance ouverte à la discrimination positive.
– La sortie politique, économique, monétaire et sociale du carcan libéral qu’est l’UE, faute de couillus capables d’en assumer au moins le vœux (même pieux !), devient la défense du patrimoine
franchouillard nationaliste….
S’il y a un problème d’identité aujourd’hui en France, ce n’est pas un problème d’identité nationale (la question de l’identité étant culturelle et certainement pas politique). Il y a par contre un
gros problème d’identification des valeurs de la gauche ! Masquer le VRAI clivage gauche/droite aujourd’hui qu’est la soumission des gouvernements nationaux à l’UE (l’eurolibéralisme), alimente le
brouillage de la construction culturelle politique de + de 50 % de la population (classe populaire + classe moyenne prolétarisée).
Donc … continuons à brouiller et enrober le message …
Complètement d’accord avec votre intervention, et merci pour l’info, même si malheureusement … ce n’est pas un scoop :o))
A très bientôt
Sabine
S’il y a un problème d’identité aujourd’hui en France, ce n’est pas un problème d’identité nationale
C’est discutable. L’expression “identité national” est tellement polysémique, qu’il devient difficile de se retrouver. Prise dans un sens stricte, l’identité nationale est (du moins dans l’esprit
des Lumières) un non-sens. Il n’y a d’identité que personnelle, puisque l’identité est ce qui nous caractérise comme individus, et qu’en tant qu’individus nous ne sommes pas déterminés par une
collectivité quelconque, fut-ce la collectivité nationale.
Mais je pense qu’il faut prendre “l’identité nationale” dans un autre sens. Pour moi, c’est l’ensemble d’éléments qui nous permettent de nous reconnaître en tant que français (et qui
réciproquement permettent de nous distinguer de ceux qui ne le sont pas). Pris dans ce sens, je pense que nous avons effectivement un problème, qui tient précisement à la négation de cette
identité par les élites pendant plus de trente ans…
Il y a par contre un gros problème d’identification des valeurs de la gauche
Ces débats byzantins me rappellent l’époque où le Nouvel Observateur se posait des questions vitales genre “quels sont les fromages de droite et les fromages de gauche ? “. Personnellement, je ne
vois pas un grand intérêt aux batailles d’étiquettes. Je me fous de savoir si une valeur ou une politique est “de droite” ou “de gauche”, et je trouve que c’est une perte de temps de distribuer
des certificats de bonne conduite. Ce qu’il faut regarder, c’est dans l’intérêt de qui telle ou telle politique, telle ou telle valeur sont défendues.
Cordialement
Bonjour,
J’ai voulu faire court dans un premier temps … Mais en ce qui concerne “l’identité nationale” je vais me permettre de faire un peu plus long …ci dessous.
Pour ce qui est du clivage droite/gauche, je complèterai plus tard.
A+
Sabine
– Ils ont vendu avec l’aide de la sociale démocratie les entreprises étatisées, entreprises qui avaient maintenu depuis la dernière guerre la structure industrielle de notre pays, avec ses
innovations enviées par le monde entier. A qui ? Aux capitaux anglo-saxons : France-Télécom, Total, Alcatel, Alsthom, etc. Ils sont en train de fournir la technologie Airbus à Boeing en installant
une usine aux Etats-Unis, avec obligation de fournir la technologie.
– Ils ont vendu de même, aux mêmes, l’essentiel de nos structures bancaires: le capital social du Crédit Lyonnais, de BNP, de la Société Générale, etc. appartient en majorité à du capital
étranger.
– Ils ont vendu notre souveraineté monétaire à l’Allemagne en promouvant l’Euro. Conséquence : tous nos secteurs économiques plongent au fur et à mesure de la baisse du dollar.
– Ils sont en train de casser notre système hospitalier public par technocratisation totale de la Sécurité Sociale, pour laisser les cliniques privées prendre la place. A qui appartiennent les
chaînes de cliniques privées ? Pour l’essentiel à des assureurs américains eux-mêmes dépendant de sectes religieuses aux USA (en particulier Blue Cross).
– Ils ont tué les publications scientifiques françaises, en obligeant les scientifiques français à publier dans les revues américaines, sous peine de blocage de carrière.
– L’UMP accepte que l’Elysée fasse appel à des sociétés de “conseil” américains pour “évaluer” l’État français. Ils vont obliger les jeunes élèves français à suivre des cours de physique et autres
en … anglais. La ministre des finances, américanophile bien connue, qui a travaillé à la Rand corporation pour vendre des F16 américains en Europe contre les Rafales français, a tenté d’obliger
ses hauts fonctionnaires à parler anglais dans les réunions, et à rédiger leurs rapports en anglais. Par ailleurs, c’est la première fois qu’un président français traite avec la plus grande des
désinvoltures l’assemblée générale de la Francophonie qui s’est tenue à Québec cette année.
– Ils démantèlent l’Etat et s’évertuent à mettre nos régions en concurrence les unes contre les autres, dans le seul grand pays européen, la France, où la diversité culturelle est telle que cela
contribuera inévitablement à son effacement comme le veut l’Allemagne (seul les principes d’égalité et de solidarité appliqués par un État présent partout peut en effet garantir l’unité de la
France).
– La laïcité est une des valeurs de la République, et on l’explique dans les cours d’éducation civique à l’usage des étrangers qui aspirent à un titre de séjour en France. Mais le vicaire de St
Jean de Latran pense qu’un curé ou un pasteur est plus apte à faire l’éducation des jeunes qu’un instituteur.
– La Liberté, symbole de notre République, n’est pas mieux traitée, quand des syndicalistes sont traînés devant les tribunaux pour avoir défendus leurs droits ainsi que ceux de leurs camarades.
– Que dire de l’Egalité, l’un des piliers du pacte républicain français inventée par la révolution française, quand on voit les étudiants issus des classes populaires contraints d’abandonner leurs
études, faute de moyens financiers, tandis qu’un jeune qui à 23 ans et qui est seulement en 2e année de droit, prétend gérer les milliards de l’EPAD, simplement parce qu’il est le fils de son père
?
– Quant à la fraternité, qu’ils aimeraient tant remplacer par la charité, ils la mettent à mal en remettant en cause tous les systèmes de protection sociale les livrant aux marchands, insécurisant
les citoyens pour les rendre plus dociles.
– Ils ont cassé l’image d’indépendance de la diplomatie française partout dans le monde : en Afrique (le désastreux discours de Dakar), au Moyen Orient (en tournant le dos à la politique arabe
traditionnelle), ou encore en la ridiculisant auprès de la Chine (suite à l’affaire du Tibet), en soumettant l’armée française au sein de l’OTAN, etc. Le ministre Kouchner, ce pro-américain ayant
promu en France la guerre “préventive” en Irak, n’a pas été mis à son poste ministériel comme homme d’ouverture, mais comme garant pour Washington.
Pire ! Ils sont en train de décourager les travailleurs français de leurs métiers et de leurs organisations productives, publiques et privées, comme par hasard dans un mouvement d’ensemble, par des
méthodes de management brutales … avec l’appui officiel du gouvernement et de l’État : qui peut croire aux institutions françaises dont l’objectif n’est plus de mobiliser mais de décourager,
n’est plus de protéger mais laisser les loups s’emparer de nos richesses ? Ne nous faisons pas d’illusion, ce découragement planifié ne créera jamais l’explosion, mais est plutôt propice à
l’implosion comme une orange qui pourrit sur elle-même.
Au fait pourquoi ?
Qui a réussi à mettre N. Sarkozy au pouvoir ? Les Bolloré, Arnaud, Lagardère, de Seillères … il est vrai qu’ils vivent à New York, y scolarisent leurs descendants, que l’essentiel de leurs
capitaux est libellé en dollar. Ils ont intérêt à soutenir l’oncle Sam. Cette haute bourgeoisie méprise la France.
Quelles sont les décisions qui concrétiseraient les valeurs françaises dans une politique de gauche ? : appliquer les principes républicains hérités de la Révolution française et du CNR (laïcité,
égalité, solidarité, valeurs à vocation universelle), se réapproprier les systèmes productifs et d’innovation ainsi que le système bancaire et financier, en ne cédant rien à ces titres à l’UE,
sortir de l’OTAN, reprendre l’initiative diplomatique autonome (ce que fait d’ailleurs de son côté l’Allemagne, sans états d’âme)… Il n’existe pas de peuple européen à ce jour. La nation demeure le
niveau le plus pertinent d’articulation entre le particulier et l’universel. Pour ce, elle a besoin des moyens de sa souveraineté.
Historique de la notion d’« Identité nationale ».
En l’absence de toute définition claire de l’objet de ce débat au moment de son lancement, nous pouvons nous appuyer sur les travaux du sociologue Gérard Noiriel, dont le dernier ouvrage « À quoi
sert « l’identité nationale » ? », a l’avantage d’être une approche scientifique et documentée.
Première idée fondamentale : la défense des identités nationales a d’abord eu en Europe au XVIIIe siècle un caractère progressiste. Ce fut d’abord le triomphe en France de la définition
révolutionnaire de la nation en 1789 ; le terme est alors synonyme de « peuple » ou de « Tiers-État ». Dans les États allemands s’ajoute à la même époque une dimension culturelle, celle de la
libération des cultures populaires.
En France, les premières définitions de l’identité nationale datent du XIXe siècle. Jules Michelet, défenseur de l’idéal de progrès des Lumières, y voit la « patrie de l’universel ».
La conférence d’Ernest Renan en 1882, « Qu’est-ce qu’une nation ? », est en fait d’après Gérard Noiriel, une intervention partisane contre l’Allemagne : il s’agissait en effet d’affirmer que
l’Alsace-Lorraine perdue lors de la guerre de 1870, quoique de langue et de « race » allemandes, était bien française par l’histoire. C’est donc à cette lumière qu’il faut lire cette célèbre
définition de la nation comme « la volonté de vivre ensemble » :
« Une nation est donc une grande solidarité, constituée par le sentiment des sacrifices qu’on a faits et de ceux qu’on est disposé à faire encore. Elle suppose un passé ; elle se résume pourtant
dans le présent par un fait tangible : le consentement, le désir clairement exprimé de continuer la vie commune. L’existence d’une nation est (pardonnez-moi cette métaphore) un plébiscite de tous
les jours, comme l’existence de l’individu est une affirmation perpétuelle de vie ».
Au cours de la Troisième République, la notion d’identité nationale trouve une définition juridique ; avec la loi sur le double jus soli couplée à la conscription obligatoire (1889), la «qualité de
Français » et l’appartenance à l’État deviennent des enjeux politiques et économiques majeurs, d’autant plus qu’elles commandent l’accès à la protection sociale naissante. C’est à cette époque que
le mot « immigration » s’impose dans le lexique.
Ces questions n’ont en fait jamais disparu, mais réapparaissent modifiées et travesties, elles se déplacent et renaissent, réactivées tout au long de notre histoire contemporaine :
Après que son usage public eut été discrédité dans l’immédiat après-guerre, elle renait dans diverses revendications des années 1960 en France, mais aussi en Europe et aux États-Unis, par exemple
dans la « réhabilitation des identités collectives dominées ». Pour la France on la voit portée par les mouvements de libération de la Corse, de l’Occitanie, de la Bretagne… Mais aussi par les
luttes des femmes, des homosexuels, des Noirs, etc.
Elle a été reprise à la fin des années 1970, au moment où Valéry Giscard d’Estaing lance sa politique de rapatriement massif des immigrés et singulièrement des travailleurs algériens.
A partir des années 1980, les thèmes de l’immigration et de l’identité nationale s�
Ils ont vendu (…) Ils sont en train de (…) Ils ont vendu (…) Ils sont en train de casser (…)
Excuse moi, mais ce qui ces “ils” ? Se fabriquer une sorte de croquemitaine abstrait ne me parait pas très productif à l’heure d’analyser la société. Car à chaque fois, les “ils” que tu dénonces
ne sont pas les mêmes “ils”.
Qui a réussi à mettre N. Sarkozy au pouvoir ? Les Bolloré, Arnaud, Lagardère, de Seillères …
Oui, enfin, il ne faudrait pas tout de même oublier les 53% des français qui lui ont apporté leur vote. Et qui l’ont fait parce qu’ils ont bien compris qu’entre le Sarkozy soutenu par Bolloré et
la Ségolène soutenue par Bergé, la différence est mince.
Quelles sont les décisions qui concrétiseraient les valeurs françaises dans une politique de gauche ? : appliquer les principes républicains hérités de la Révolution française et du CNR
Je ne vois pas ce que vient faire “la gauche” dans tout ça. Aujourd’hui, la “gauche” (que ce soit la “vraie” ou la “fausse”) a rompu fondamentalement avec les principes hérités de la Révolution
française. Et ce n’est pas moi qui le dit, c’est le conseil constitutionnel, qui a signalé fort pertinement combien la parité était contraire au principe d’égalité d’accès aux charges publiques
(“sans autre limite que les mérites et leurs talents”) contenue dans la déclaration de 1789. Quant au programme du CNR, la gauche le revindique sans l’avoir lu. Combien de dirigeants de gauche
font leur l’objectif de “défendre l’indépendance politique et économique de la nation, rétablir la France dans sa puissance, dans sa grandeur et dans sa mission universelle” ?
Après que son usage public eut été discrédité dans l’immédiat après-guerre, elle renait dans diverses revendications des années 1960 en France, mais aussi en Europe et aux États-Unis, par
exemple dans la « réhabilitation des identités collectives dominées ». Pour la France on la voit portée par les mouvements de libération de la Corse, de l’Occitanie, de la Bretagne… Mais aussi
par les luttes des femmes, des homosexuels, des Noirs, etc.
Là, tu fais une contresens fondamental. L’idée de nation (telle qu’elle a été construite par la Révolution et telle que la formalise Renan) est une idée contractuelle. On appartient à la nation
en fonction d’un “pacte sans cesse renouvelé”. L’identité nationale n’est donc pas une identité imposée, mais une identité choisie. La “réhabilitation des identités collectives dominées” est tout
le contraire: on ne choisit pas d’être femme, noir ou homosexuel. La rehabilitation des “identités collectives” dont tu parles est justement une dérive qui rapproche des idéologies fascistes et
éloigne des lumières.
Je retiens de ton billet que le FdG n’est pas au clair sur son positionnement vis à vis de l’Europe, et de facto vis à vis du libéralisme. Le SMIC européen évoqué par Mélenchon, la fiche 138 du
pseudo programme partagé (désobéissance européenne), la fiche 142 (contrôle démocratique de la BCE), etc., ça ne me parait pas très sérieux ….. On est au pays des bisounours, tout ça c’est un peu
de la poudre aux yeux qui masque une absence de travail sur la question, une absence de positionnement clair et réaliste, bref une absence de programme. On pourrait même être tentés de croire que
Mélenchon a du mal à rompre avec ses antécédents maastrichtiens ?
Mais, il me semble, que la question de fond posée dans ton billet c’est : -faut-il sortir de l’union européenne et de l’euro ?
J’avoue que je n’ai pas de réponse personnelle à cette question éminemment complexe.
Rester dans l’union européenne et garder l’euro, c’est à mon sens continuer d’avancer dans le processus libéral dans lequel Mitterrand nous a engagés, au détriment des classes populaires, mais, à
moyen terme, des classes moyennes aussi.
D’un autre côté les problèmes sont aujourd’hui globalisés (énergie, climat, eau, finance…..) et les réponses sont de type « gouvernance européenne », voir mondiale, car ensembles on est
potentiellement plus forts et plus efficaces. La France peut-elle se singulariser dans ce contexte ? Pas si sur !
Dans l’absolu on peut être républicain et fédéraliste, je ne crois pas que ce soit incompatible. J’espère ne pas trop te choquer, mais je suis moi-même Républicain et Fédéraliste (peut-être parce
que suis un déraciné) et partisan de l’Euro, mais ce que je ne veux pas c’est une fédération de pays où la règle du jeu soit le libéralisme (c’est pourquoi j’ai voté non au traité de Maastricht et
au TCE de 2005).
Sortir de l’Europe, et de facto de l’euro, me semble être une condition sine qua non pour que la France change son mode de fonctionnement, rompe avec le libéralisme et retrouve les valeurs du CNR.
Mais j’imagine que la voie ne serait pas bordée de roses, cela provoquerait probablement une crise majeure en Europe et dans le monde, il y aurait un sacré « bras de fer » avec l’oligarchie, il
faudrait sans doute développer une certaine forme d’autarcie. Je pense que la France a le potentiel pour relever ce défi, mais il faudrait une sacrée concorde nationale.
C’est le rôle d’un parti politique de nous éclairer, et pour le moment le FdG ne nous apporte pas de réponses satisfaisantes
Je retiens de ton billet que le FdG n’est pas au clair sur son positionnement vis à vis de l’Europe, et de facto vis à vis du libéralisme.
Je crois qu’il faut aller un peu plus loin: le FdG n’est pas “au clair” parce qu’il suit au lieu de précéder. Sans une équipe d’experts qui réflechisse en profondeur à ces sujets, sans une
élaboration collective ensuite qui à partir du travail de ces experts tranche entre les différentes options et construise un proje qui engage les dirigeants du FdG, on va dans le mur.
Dans ce meeting, il est aparu comme une évidence que chacun exprime son opinion comme si c’était la position du FdG. Ce genre de cacophonie risque de coûter cher lors de
l’élection présidentielle, surtout si, comme on prétend le faire, on couple présidentielle et législatives. Il faut s’assurer que tous les candidats défendent le même discours.
On pourrait même être tentés de croire que Mélenchon a du mal à rompre avec ses antécédents maastrichtiens ?
Je commence à le croire.
Mais, il me semble, que la question de fond posée dans ton billet c’est : -faut-il sortir de l’union européenne et de l’euro ?
Je ne crois pas que le problème soit là. Je pense qu’avant d’aller à cette question se poser une question bien plus générale, qui est celle de notre conception de la construction européenne. Si
l’on considère que cette construction est un simple accord entre états, alors ne sont légitimes que les institutions qui apportent un bénéfice mutuel. Si l’on donne au contraire à cette
construction une signification trascendente, si c’est “notre avenir”, alors elle est légitime alors même qu’elle va conter nos intérêts.
Personnellement , j’adhère à la première idée, celle d’une “Europe des nations”. Et dans cette logique, rien n’est sacré. L’Euro ? On le garde si cela est dans notre intérêt, et dans le cas
contraire on propose des modifications et on en sort si on n’obtient pas satisfaction. Et même chose par rapport à l’UE. Il ne faut pas sacraliser l’Euro pas plus qu’il ne faut pas sacraliser la
sortie. Mais il faut déclarer que toutes les options sont ouvertes et qu’on choisira celle qui sera dans l’intérêt de la France.
Aujourd’hui, je pense qu’il faut sortir de l’Euro – ou plutôt laisser l’Euro s’effondrer – et réclamer de profondes modifications dans notre rapport à l’UE sans nécessairement en sortir pour le
moment. En fait, si l’on a la volonté politique, un pays a beaucoup de moyens pour “bloquer” les institutions européennes (les anglais l’ont bien montré).
D’un autre côté les problèmes sont aujourd’hui globalisés (énergie, climat, eau, finance…..) et les réponses sont de type « gouvernance européenne », voir mondiale, car ensembles on est
potentiellement plus forts et plus efficaces.
C’est ce que les fédérastes répètent à longueur de journée. Pour le moment, on n’a pas un seul exemple où l’UE ait été “plus forte” ou “plus efficace” dans une négociation internationale que ne
l’auraient été la France, l’Angleterre ou l’Allemagne. C’est la France qui a fait échouer la cause américaine à l’ONU lors de la deuxième guerre d’Irak.
Dans l’absolu on peut être républicain et fédéraliste, je ne crois pas que ce soit incompatible.
C’est totalement incompatible. Pour un républicain, tout pouvoir émane du peuple qui est le seul souverain. Or, il n’y a pas de “peuple européen”. Etre fédéraliste implique donc croire qu’il peut
y avoir une autorité légitime qui ne soit pas issue du peuple…
À l’encontre de l’antinationalisme qui sévit actuellement en France (plus que partout ailleurs en Europe, semble-t-il), et qui me consterne, est-ce que quelqu’un pourrait nous rappeler cette
merveilleuse citation de Marc Bloch, où il dit que l’amour de sa patrie ne l’empêchait nullement d’aimer celle des autres?
Une certaine partie de la gauche a manifestement une conception tout à fait tordue de ce qu’est l’internationalisme et la confond avec l’attaque et le dénigrement systématique de sa propre patrie.
J’y verrais la posture d’une bobocratie médiocre désireuse de se payer à très bon marché une petite teinte de cosmopolitisme qui leur permette de se hisser au-dessus de la masse franchouillarde et
de flatter leur égo; pour paraphrase Descartes (le vrai): je débine ma patrie, donc je suis. Pour ma part, l’amour que je peux avoir pour ma patrie ― je souligne que je ne suis pas Français et que
je ne vis pas en France ― n’implique aucunement que je méprise les pays voisins ou que je veuille en découdre avec eux. Au contraire, les cultures des autres pays, dans la mesure où elles sont
différentes de la mienne justement, est une source de PLAISIR et la garantie non seulement de la diversité (si je passe mes vacances en France, c’est bien parce que la France a d’autres choses à
m’offrir que mon pays natal, qu’elle me plonge dans un univers culturel différent) mais aussi d’une très utile émulation entre pays européens, et pas uniquement une cause de conflits sanglants,
comme se plaisent à le croire nos bobos. Évidemment, il ne m’échappe pas que cet amour de la patrie, perverti en nationalisme virulent et guerrier, puisse conduire à des catastrophes; mais je note
que le sentiment national a souvent été perverti, attisé, exacerbé, pour être ensuite exploité à des fins politiques par les mêmes classes dominantes (le Haut-Négoce, comme on les appelait à une
certaine époque) que celles que nous enjoignent aujourd’hui à nous couler dans le moule européen, plus conforme à leurs intérêts, car les mettant en mesure de contourner le cadre national, le seul,
jusqu’à nouvel ordre, où la démocratie puisse s’exercer à peu près correctement. À l’inverse, le contraire du patriotisme et de la souveraineté nationale, les constructions impériales
supranationales, peuvent elles-mêmes être causes de conflits militaires et de carnages. L’histoire européenne en fournit de nombreux exemples: la volonté de «faire l’Europe» des Habsbourgs au XVIe
et XVIIe siècles a donné lieu à une guerre de 80 ans aux Pays-Bas (ou 30 ans ailleurs); songez aussi à l’Autriche-Hongrie, cas-type de l’empire multinational, lequel menaçait de tomber en
capilotade au début du XXe, et dont on espérait ressouder les composantes hétéroclites par l’opportune évocation d’un ennemi extérieur et une bonne petite guerre ― on en connaît le résultat. Réunir
dans un même État une faune aussi diverse que celle présente sur le continent européen, ce n’est certes pas assurer la paix, c’est probablement le contraire.
Non, je ne vois aucune incompatibilité à être à la fois nationaliste français, italien, allemand, hollandais, etc., et ne vois pas davantage d’incompatibilité entre mes identités individuelle et
nationale, lesquelles se superposent simplement. Je me débrouille dans cinq langues, j’ai de la famille dans différents pays, c’est dire si l’internationalisme de quat’sous des péteux parisiens ne
m’impressionne pas. Du reste, je ne retire aucun orgueil de ce polyglottisme (j’ai été servi par les circonstances, c’est tout), qui ne m’a rendu ni plus beau, ni plus grand, ni plus intellignent,
ni plus sympa, ni même plus ouvert que la catégorie, qu’il est de si bon ton de mépriser, des gens «nés quelque part».
Une certaine partie de la gauche a manifestement une conception tout à fait tordue de ce qu’est l’internationalisme et la confond avec l’attaque et le dénigrement systématique de sa propre
patrie.
Tout à fait. Et ce n’est pas la première fois dans l’histoire. C’est même une constante française en temps de crise. Dans les années 1930, on parlait de “haine de soi” pour qualifier ce
fonctionnement.
Pour ma part, l’amour que je peux avoir pour ma patrie ― je souligne que je ne suis pas Français et que je ne vis pas en France ― n’implique aucunement que je méprise les pays voisins ou que
je veuille en découdre avec eux.
Voilà à mon avis une idée fondamentale. Je peux aimer ma mère sans pour autant me sentir obligé de cracher sur la mère de mon voisin. Je n’ai même pas besoin de considérer ma mère plus grande,
plus belle, plus gentille ou plus riche que les autre pour l’aimer. Je l’aime parce qu’elle m’a fait, et que je suis donc en quelque sorte son prolongement. Cela ne suppose aucun jugement de
valeur sur les autres mèers.
Évidemment, il ne m’échappe pas que cet amour de la patrie, perverti en nationalisme virulent et guerrier, puisse conduire à des catastrophes
C’est vrai. Comme il est vrai que cet amour de la patrie, bien conduit, permet de réaliser des choses magnifiques. Le nationalisme est un outil, et comme tout outil il ne fait que réfleter la
main qui le conduit.
Hé Descartes, tu te la joues facile !
Tu tires un élément d’un texte (de plus tronqué) et tu te le commentes à ta façon …
Je n’ai jamais dit que la réhabilitation des identités collectives dominées était une bonne chose, c’est juste un constat dans un historique : l’évocation de l’identité nationale a aussi servie à
ça à cette période et je le mentionne. Cela ne veut pas dire que je suis d’accord avec, je dis juste que au regard de l’historique ce cette notion, on trouve justement tout et son contraire, parce
que c’est une notion « fourre tout ». Dans la suite du texte, que tu n’as pas publié (long certes !), c’est largement argumenté.
Ensuite sur le clivage droite/gauche que tu t’évertues à ignorer … Si aujourd’hui les pistes sont brouillées c’est justement parce que ce clivage a été déstructuré. Mais n’en déplaise à la droite
ET à la gauche, il existe bien historiquement un projet de société de droite et un projet de société de gauche. Que les lignes soient brouillées par une classe dominante qui bouffe à tous les
râteliers certainement, mais il n’en reste pas moins que la droite et la gauche existent.
Pendant des années, l’idée qu’il n’y avait pas de différence entre la gauche et la droite a été à la mode. Il est vrai qu’une partie de la gauche avait tout fait pour alimenter cette idée, en
renonçant, une fois parvenue au pouvoir, à mener des politiques de gauche. La droite et les grands médias à son service avaient alors sauté sur l’occasion pour enfoncer le clou en évoquant la « fin
des idéologies » ou la « fin de l’Histoire ». La « mondialisation », se développant dans un univers de plus en plus complexe, ayant tendance à se rétrécir sous l’effet des nouvelles technologies de
l’information et de la communication, exposant la planète à des risques communs comme le réchauffement climatique, renforcerait la conscience d’habiter dans un « village planétaire » et rendrait
obsolète la séparation trop nette entre deux parties opposées : la gauche et la droite. C’est ce que Margaret Thatcher avait parfaitement bien résumé avec son fameux « There is no alternative
».
Cette époque est terminée ! La crise du capitalisme néolibéral vient rappeler à tous qu’il existe des politiques de gauche et des politiques de droite. Et que ce n’est pas du tout la même
chose.
D’abord, la droite est née de son opposition à la Révolution française de 1789, de la défense des privilégiés : « appartient à la coalition de droite tout ce qui s’appuie directement ou
indirectement sur l’église et le château ». La droite, c’est le parti des possédants, de l’aristocratie d’hier et de la bourgeoisie d’aujourd’hui.
C’est probablement à partir du revirement des principaux dirigeants du Parti socialiste, en 1982-1983, que les notions de gauche et de droite ont été remises en cause et leurs différences
contestées. C’est ainsi que la raison d’être de la gauche – la lutte pour l’égalité – a été perdue de vue alors qu’elle reste pourtant une valeur universelle.
Cette organisation entre droite et gauche, en France, date de la séance de l’Assemblée constituante du vendredi 28 août 1789. Les Etats généraux, en effet, s’étaient transformés par le processus
révolutionnaire, en Assemblée nationale constituante. Le protocole de cette assemblée, issu de l’ancienne monarchie, avait fait siéger du côté droit, réputé le plus honorable, les députés des
ordres privilégiés, et du côté gauche les députes du tiers état, qui étaient des roturiers ou des bourgeois (dans le langage religieux, les bons sont assis à la droite du Père et les mauvais à Sa
gauche). Ce jour-là, l’Assemblée devait se prononcer sur le veto, c’est-à-dire sur la possibilité offerte au roi d’annuler un vote de l’Assemblée. Les partisans du veto allèrent s’assoir à droite
du président ; ceux qui y étaient opposés se regroupèrent à sa gauche. Cette séparation rendait plus facile le calcul des voix dans le vote par assis et levé, qui avait été conservé. La plupart des
représentants des classes privilégiées étaient naturellement en faveur du veto, car il symbolisait la poursuite du pouvoir royal et correspondait au régime politique qui leur convenait le mieux
parce qu’il était le moins subversif : le pouvoir continuait à émaner du roi. De manière opposée, la plupart des bourgeois voulaient un autre régime – à l’époque une monarchie constitutionnelle -,
plus égalitaire, plus ouverte à l’activité économique, et préféraient donc le pouvoir de l’Assemblée, où ils étaient en force, à celui du roi.
Même si elle revêt une partition spatiale, cette distinction entre droite et gauche avait un contenu de classe dès son origine : à droite, le conservatisme, ou au moins le minimum de changement,
bientôt la résistance à la Révolution ; à gauche, le progrès, le changement, bientôt la dynamique de la Révolution.
Si on cherche à qualifier ce qu’il y a de plus essentiel entre la droite et la gauche, ce qui caractérise la gauche avec le plus de pertinence et qui lui donne sa raison d’être, au-delà de ses
différentes sensibilités, car il existe en réalité des gauches et non une gauche, comme il existe des droites et non une droite, on trouvera la lutte pour l’égalité. Non pas seulement la lutte
contre les inégalités, mais à proprement parler la lutte pour l’égalité. L’égalité demeure l’idéal ultime de la gauche.
La gauche a besoin de clarifications et de courage politique, pas de disparaitre …
A+
Sabine
Tu tires un élément d’un texte (de plus tronqué) et tu te le commentes à ta façon …
Je cite un élément de ton texte pour “situer” mon commentaire. J’ai publié le tien in extenso, le lecteur peut donc sans difficulté vérifier la pertinence de ma réponse par rapport au texte
original.
Je n’ai jamais dit que la réhabilitation des identités collectives dominées était une bonne chose,
Je n’ai jamais dit le contraire. Tu as dit que la “réhabilitation des identités collectives” faisait partie d’un retour de l’idée de Nation. Je t’ai expliqué pourquoi c’est un contresens: la
“réhabilitation” en question fait au contraire partie d’un recul des idées de “nation” telles qu’elles sont apparues avec la Révolution.
Ensuite sur le clivage droite/gauche que tu t’évertues à ignorer …
Je ne “l’ignore” pas. Je dis simplement qu’il a aujourd’hui un sens historique, mais qu’il a perdu toute signification politique. Dire aujourd’hui que X ou Y est “de gauche” te dit comment il se
situe historiquement, mais ne te permet en rien d’anticiper ce qu’est son projet politique. Besancenot et DSK sont tous deux “de gauche”. Mitterrand était un président “de gauche”.
il existe bien historiquement un projet de société de droite et un projet de société de gauche
Et en quoi sont-ils différents ? Avant de répondre, répond s’il te plait à une question préalable: De Gaulle était-il de droite ? Mitterrand (le président) était-il de gauche ?
Que les lignes soient brouillées par une classe dominante qui bouffe à tous les râteliers certainement
Ce n’est pas la “classe dominante” qui a brouillé les répères. C’est le fait que la classe moyenne, qui pendant longtemps a porté les idées “de gauche”, a aujourd’hui plus intérêt au maintien de
l’existent qu’à le changer. Tu n’as qu’à regarder les dityrambes qui accompagnent le 30ème anniversaire de l’élection de Mitterrand: les classes moyennes célèbrent le président qui a “tout changé
pour que rien ne change”.
La crise du capitalisme néolibéral vient rappeler à tous qu’il existe des politiques de gauche et des politiques de droite.
J’avoue avoir du mal à voir en quoi la crise du capitalisme néolibéral “vient rappeler qu’il existe des politiques de gauche”. Où sont elles, les “politiques de gauche” ?
Si on cherche à qualifier ce qu’il y a de plus essentiel entre la droite et la gauche, ce qui caractérise la gauche avec le plus de pertinence et qui lui donne sa raison d’être, au-delà de
ses différentes sensibilités, car il existe en réalité des gauches et non une gauche, comme il existe des droites et non une droite, on trouvera la lutte pour l’égalité.
Et bien, je pense que l’homme de droite De Gaulle a fait bien plus pour l’égalité que l’homme de gauche Mitterrand. Si tu utilises la “lutte pour l’égalité” comme critère, alors tu vas devoir
virer de “la gauche” les deux tiers des hommes politiques et des militants qui s’y réclament.
D’après mon entourage familial immédiat de fonctionnaires de l’éducation nationale, mais je reconnais que l’échantillon n’est pas représentatif, il me semble que depuis peu les classes moyennes
fonctionnaires sont en train de perdre la foi européiste. De manière plus générale, il y a, à mon avis, un décalage de plus en plus fort entre les positions européistes* des partis politiques et
les positions personnelles des Français, cela est du au financement des partis par la Commission Européenne. Je ne saurais jamais assez vous conseillez de creuser sur le financement du Parti de la
Gauche Européenne afin de vous faire votre propre opinion. Pour moi, c’est pour cette raison que les membres dirigeants de ce PGE tiennent un discours que l’on croirait tiré de maître Pangloss
:
« Si les maîtres de l’Europe suivaient nos bons conseils, tout irait pour le mieux dans la meilleure des Europe possible ! »
*L’européisme est déjà une dégradation énorme du fédéralisme européen, un peu comme le fut le stalinisme à l’égard du communisme, mais le résultat est le même, un très large éventail de la
population ne veut ni des uns ni des autres.
il me semble que depuis peu les classes moyennes fonctionnaires sont en train de perdre la foi européiste
Je vous l’accorde volontiers, tout en soulignant qu’il reste encore un très long chemin à parcourir. Il faut dire que pour conserver la foi béate qui était la règle du temps du traité de
Maastricht, il faut vraiment se boucher les yeux et les oreilles…
Le contour des classes moyennes n’a jamais été simple à définir et on ne parle pas toujours de la même cose en utilisant ces mots. Le rôle politique de la Gauche est de parvenir à convaincre
l’essentiel des classes moyennes de faire alliance avec les classes populaires contre la classe dominante. Il y a plus de convergeance d’intérets entre les classes populaires et la majeure pasrtie
de l’ensemble hétérogène que constituent des classes moyennes, qu’entre cette dernière et la classe dominante. les classes moyennes n’ont pas a craindre les politiques redistributives : comme je le
rappelais plus haut, elles n’ont jamais bénéficié des retombées de la politique de baisses d’impôt pour laquelle elles ont voté en soutenant les candidats de la classe dominante. Pire encore :
cette politique a affaibli la puissance publique, or c’est vers elle que se tournent les classes moyennes lorsqu’elles sont victimes des logiques de concurence qu’impliquent les politiques
libérales (ce qui est de plus en plus le cas). La souffrance au travail affecte massivement les cadres, surtout les petits. C’est le marché unique et la dérégulation qui en découle qui permettent
aux grands actionnaires de modifier l’organisation du travail dans le sens d’une productivité toujours plus grande. Le capital d’aujourd’hui, ce sont les puissances financières, ce sont elles qui
sont les propriétaires du travail, même de celui des classes moyennes. Autre donnée de poids : le chômage massif résultant de la construction européenne fait exploser la délinquance qui n’est que
la conséquence du développement de l’économie parallèle. C’est pour la “sécurité” que votent les classes moyennes, en donnant leurs voix à ceux qui, pourtant, organisent l’insécurité. C’est cela
que la Gauche doit leur faire comprendre. Enfin, et pour terminer, les raisons pour lesquelles la plupart des organisations politiques soutiennent la construction actuelle de l’Union européenne n’a
pas de lien avec les intérêts des classes moyennes : il s’agit d’un comportement électtoraliste qui s’appuie sur le désir légitime d’une population cultivée (mais dépolitisée) de créer un ensemble
politque garantissant la paix et protégeant les peuples d’Europe des puissances américaines et chinoises. Un enfumage médiatique organisé par la classe dominante avec la collaboration active d’une
caste intellectuelle renégate.
Le contour des classes moyennes n’a jamais été simple à définir et on ne parle pas toujours de la même cose en utilisant ces mots.
Tout à fait: c’est pourquoi j’ai pris la peine de donner une définition précise, pour qu’on sache de quoi je parle. Pour schématiser, c’est le groupe social qui détient un capital (matériel et
immatériel) suffisant pour ne pas fournir un quantité significative de plus-value mais pas suffisant pour en extraire. Pour donner des exemples: professions libérales, professions
intellectuelles, enseignants, cadres supérieurs…
Le rôle politique de la Gauche est de parvenir à convaincre l’essentiel des classes moyennes de faire alliance avec les classes populaires contre la classe dominante.
C’est un rêve. Les classes moyennes se vendent toujours au plus offrant. Et l’histoire a montré que les classes dominantes peuvent toujours faire une meilleure offre.
Il y a plus de convergeance d’intérets entre les classes populaires et la majeure pasrtie de l’ensemble hétérogène que constituent des classes moyennes, qu’entre cette dernière et la classe
dominante.
Grave erreur… voyons les exemples que tu proposes:
les classes moyennes n’ont pas a craindre les politiques redistributives
Au contraire: ce sont les classes moyennes qui ont le plus à craindre. D’abord, parce que toute politique redistributive va chercher l’argent chez ceux qui en ont. Or, les riches sont très
riches, mais ils sont très peu nombreux. Les classes moyennes sont un peu moins riches, mais elles sont beaucoup plus nombreuses. Si l’on veut dégager des moyens importants, on ne peut donc pas
ne pas toucher les classes moyennes. Mais surtout, une politique redistributive aide forcément à la promotion sociale des plus pauvres… ce qui en fait des concurrents des enfants des classes
moyennes. C’est pourquoi les classes moyennes ont été toujours les plus farouches adversaires des politique redistibutives, quelque soient leurs déclarations larmoyantes. Il suffit de prendre un
exemple: quelle est la couche sociale qui a le plus cherché à contourner la carte scolaire ? Les riches ? Les pauvres ? Non, ce sont les classes moyennes.
comme je le rappelais plus haut, elles n’ont jamais bénéficié des retombées de la politique de baisses d’impôt pour laquelle elles ont voté en soutenant les candidats de la classe
dominante.
Au contraire, elles y ont beaucoup bénéficié: de la suppression des tranches hautes de l’impôt sur le revenu, des “niches” immobilières, la défiscalisation des investissements (PEA, assurance
vie)…
C’est pour la “sécurité” que votent les classes moyennes, en donnant leurs voix à ceux qui, pourtant, organisent l’insécurité.
Pas vraiment. Les classes moyennes ne vivent pas dans les quartiers “chauds”, ce qui leur permet d’ailleurs d’avoir une vision très “relax” de la question.
Vous avez relevé une série de contradictions entre le programme du PdG et l’attachement de ce parti à l’Europe fédérale actuelle: BCE, dénonciation du traité de Lisbonne, etc. Est-ce que je fais
erreur si j’ajoute à cette série un autre thème-vedette de J.-L. Mélenchon : la sortie de la France de l’OTAN? N’y a-t-il pas incompatibilité entre cette proposition et le traité de Lisbonne,
lequel, en des termes assez explicites, place la défense de l’Union européenne entre les mains de l’OTAN? En conséquence, pour s’affranchir de l’OTAN, ne faudra-t-il pas, là aussi, dénoncer le
traité de Lisbonne?
Non. La Défense n’étant pas un domaine “communautarisé”, les articles du Traité de Lisbonne sur la défense ont un caractère purement déclaratif. Il y a d’ailleurs des pays de l’UE qui ne sont pas
membres de l’OTAN: Suède, Finlande, Irlande
“Les banques centrales font tourner la planche à billet !”
Les banques privées ne font pas de même peut-être ? Bien sûr que si. Elles aussi créent de la monnaie quand elles prêtent aux Etats. Je constate que vous n’êtes pas plus rigoureux sur votre blog
que sur celui de Melenchon.
Les banques privées ne font pas de même peut-être ? Bien sûr que si.
Bien sur que non. Les banques privées, lorsqu’elles font du crédit, ne font que multiplier la masse monétaire créé par la banque centrale par un coéfficient appelé le “multiplicateur de crédit”.
En fait, cette idée (véhiculée hélas! par un certain nombre de pseudo-économistes de gauche) que les banques privées pourraient créer de la monnaie à volonté est fausse. Et pour s’en convaincre,
il suffit d’un petit raisonnement logique: si les banques pouvaient créer de la monnaie à volonté, pourquoi sont elles menacées par des crises de liquidité ?
Je constate que vous n’êtes pas plus rigoureux sur votre blog que sur celui de Melenchon.
“Etre traité d’idiot par un imbécile est un plaisir de fin gourmet”.
Que faire?
Effectivement, le Front de Gauche est une structure dont l’objet stratégique est pertinent: la conquête du pouvoir.
Mais à condition de reposer sur un projet cohérent.
Mais si l’absence de références aux idéaux républicains entraine un opportunisme, des adaptations tactiques ne permettant aucune lisibilité politique,
Si il ne s’agit alors que d’un nouvel instrument des classes moyennes,
Je ne vois pas quelle révolution citoyenne le FDG viendrait servir.
Est-ce néanmoins utile d’y militer dans une perspective à long terme, en laissant de côté les échéances de 2012, à Melenchon d’une part, aux élus qui défendent leur mandat d’autre part?
En tentant dans le long terme d’y affirmer la nécessité de redonner sens aux valeurs jacobines et de la nation,
En combattant les dérives européistes ou libertaires,
Dans le but de construire l’outil politique des classes populaires?
Ou est-ce une impasse programmée?
Redonner sens au clivage droite/gauche au sein du consensus républicain dans le sens de la reconnaissance du cadre national de la citoyenneté passerait-il pour cette échéance de 2012 par un vote
Chevènement et/ou Dupont-Aignan? Même marginal?
Est-ce néanmoins utile d’y militer dans une perspective à long terme, en laissant de côté les échéances de 2012, à Melenchon d’une part, aux élus qui défendent leur mandat d’autre part?
C’est une très bonne question. Pour la reformuler en d’autres termes, est ce que le FDG peut devenir sur le long terme le véhicule d’un changement politique de fonds ? Personnellement, je ne le
crois pas pour plusieurs raisons:
La première est une question de base sociologique: le FDG s’appuie aujourd’hui, que ce soit au niveau des militants, des dirigeants ou des électeurs, essentiellement sur les classes moyennes.
Pour contenter ce public, le FDG sera obligé de lui offrir ce qu”il veut: un discours humaniste et radical sur la forme et une politique libérale-libertaire sur le fonds. Le positionnement du
FdG sur l’Europe et sur l’Euro est une demonstration quasi-caricaturale de ce phénomène.
La deuxième, c’est que les composants du FdG n’ont aucune volonté de construction pour l’avenir. Le PCF poursuit son mouvement de des-institutionnalisation commencé au 28ème congrès: aujourd’hui,
la direction à Paris n’a aucun contrôle sur les “notables” locaux qui font ce qu’ils veulent. Au PG, ce n’est guère mieux: les décisions internes sont prises par des mécanismes totalement
opaques, et les dirigeants n’hésitent pas à s’asseoir sur les statuts votés au dernier congrès, comme j’ai eu l’occasion de le montrer dans un papier précédent. Or, sans institutionnalisation,
sans mécanismes perennes de décision, il n’y a pas de construction d’avenir. Aujourd’hui, le FdG ne survivrait probablement pas au départ de Mélenchon.
En tentant dans le long terme d’y affirmer la nécessité de redonner sens aux valeurs jacobines et de la nation. En combattant les dérives européistes ou libertaires, dans le but de construire
l’outil politique des classes populaires?
Pourquoi pas. Mais on pourrait “tenter” la même chose au sein du MRC, du PS voire des gaullistes sociaux. Aujourd’hui, le FdG n’est pas plus proche des objectifs que tu énonces que n’importe
laquelle de ces organisations.
Redonner sens au clivage droite/gauche au sein du consensus républicain dans le sens de la reconnaissance du cadre national de la citoyenneté passerait-il pour cette échéance de 2012 par un
vote Chevènement et/ou Dupont-Aignan? Même marginal?
A mon grand regret, je commence à penser que oui. Et crois moi, cela ne me fait pas particulièrement plaisir. J’ai pensé pensant quelque temps que le FdG pouvait être le “creuset” d’un nouveau
projet républicain. Aujourd’hui, je pense m’être trompé.
Comment ne pas être confus quand on ne s’appelle pas Descartes ?
Mon commentaire avait justement pour objet, en quelques lignes (je n’ai pas rédigé un roman avec des phrases pompeuses) de signifier qu’être pour l’Europe ne veut rien dire.
Si je me permets d’en parler, c’est parce que l’on entend ça dans les médias tous les jours : surtout, « ne pas se replier sur soi », « seule l’échelle européenne est pertinente »…
J’ai aussi expliqué, en définitive, que l’on ne peut pas « être favorable à certaines et défavorable à d’autres » Europe. Pour un marxiste, l’échelle pertinente, l’échelle cible, est mondiale, et
cela commence dans notre Nation, en France, là dessus je suis d’accord.
Mais, justement, l’ALBA est une référence absolue pour tout progressiste qui pense encore que la Nation n’est pas dépassée.
Être communiste, cher Descartes, je vais te dire ce que c’est pour moi. C’est être pour une société sans exploitation, du travail librement consenti, pour assurer la satisfaction des besoins de
tous.
Contrairement à ce que tu penses, beaucoup de camarades du PCF auront la même, ou avec des nuances.
Après, tu peux toujours dire que c’est vague : et alors ?
Pas plus vague que ta “communauté politique”, en tout cas, celle « dont chaque individu considère les autres comme “un autre soi même””… Et bla bla…
Désolé, mais le capitalisme n’a que faire des Nations. Il le démontre chaque jour. Veux-tu montrer que le capitalisme est donc condamné à l’”échec” (terme que tu utilises, et qui ne signifie rien
car ce n’est pas un jeu) ?
Enfin, Merkel et Cameron sont des laquais du capitalisme et de l’impérialisme. Cela diffère un peu, il me semble, de Castro, Moralas ou Chavez, quels que soient leurs défauts.
Ce n’est pas une “séduction pour l’exotisme”, comme tu le dis de manière condescendante, mais une séduction pour le communisme, car les peuples de ces pays tiennent leur destin entre leur main,
alors que celui de la France est tout entier conditionné à la volonté des actionnaires.
Mais, justement, l’ALBA est une référence absolue pour tout progressiste qui pense encore que la Nation n’est pas dépassée.
J’avoue que je ne vois pas très bien en quoi l’ALBA serait une “référence absolue pour tout progressiste”…
Être communiste, cher Descartes, je vais te dire ce que c’est pour moi. C’est être pour une société sans exploitation, du travail librement consenti, pour assurer la satisfaction des besoins
de tous. Contrairement à ce que tu penses, beaucoup de camarades du PCF auront la même, ou avec des nuances.
Je n’en suis pas convaincu. Entre autres choses, parce que “travail librement consenti” est un oxymoron. Marx le disait déjà, on ne peut pas arriver au royaume de la liberté sans passer par le
royaume de la nécessité. Pour un marxiste, le travail est une nécessité, il ne peut jamais être “librement consenti”.
Après, tu peux toujours dire que c’est vague : et alors ?
Tu as raison, ce n’est pas ça qui est grave. Ce qui est grave, c’est que cette vision idéaliste ne repose sur aucune construction rationnelle. C’est un “je veux” qui ne tient nullement compte de
ce qui est possible.
Pas plus vague que ta “communauté politique”, en tout cas, celle « dont chaque individu considère les autres comme “un autre soi même””… Et bla bla…
Sauf que la “communauté politique” est une construction qui existe dans la pratique, qu’on peut observer, qui a donc une réalité. Pas comme ton “travail librement consenti” et bla bla…
Désolé, mais le capitalisme n’a que faire des Nations. Il le démontre chaque jour.
Les Nations surgissent pourtant avec le capitalisme. Mais ça doit être une coïncidence…
Veux-tu montrer que le capitalisme est donc condamné à l’”échec” (terme que tu utilises, et qui ne signifie rien car ce n’est pas un jeu) ?
Je ne savais pas que “échec” était un terme qui n’avait pas de sens en dehors d’un jeu… Quoi qu’il en soit, je ne me souviens pas d’avoir utilisé ce terme en l’appliquant au capitalisme. Un
mode de production n’échoue pas, c’est une étape historique, voilà tout.
Enfin, Merkel et Cameron sont des laquais du capitalisme
Pour quelqu’un qui se dit marxiste, je trouve que tu as une drôle de tendance à personnaliser le capitalisme. Le capitalisme est un mode de production. Il n’a donc ni volonté, ni intelligence
propre. On ne peut donc pas être son “laquais”.
Cela diffère un peu, il me semble, de Castro, Moralas ou Chavez, quels que soient leurs défauts.
Pour Castro, sans doute. Pour les autres, je ne suis pas convaincu.
Ce n’est pas une “séduction pour l’exotisme”, comme tu le dis de manière condescendante, mais une séduction pour le communisme,
Chavez et Morales sont des “communistes”, maintenant ? Allons, soyons sérieux…
car les peuples de ces pays tiennent leur destin entre leur main, alors que celui de la France est tout entier conditionné à la volonté des actionnaires.
Tu crois vraiment ça ? Tu crois vraiment que le vénézuelien ou le bolivien moyen dans la rue a plus de pouvoir pour décider ce que sera “son destin” que le français moyen ? Franchement ? La main
sur le coeur ?
Il faut avouer que la proposition de faire rentrer la France dans l’alba est assez exotique, je ne crois pas en revanche que s’intéresser à ce que ces hommes font (j’ajouterai Correa)soit de
l’exotisme. Peut t-on vraiment réduire ces personnes à leurs références aux “valeurs ancestrales” ou à la “pachamama”? Merkel et Cameron et pourquoi pas Sarkozy plus proches de nous que Chavez ou
Correa? En tant qu’ouvrier j’en doute fort(sans doute un sentiment de classe)même si je comprends le sens de votre argumentation.
Enfin, moi qui lit régulièrement vos billets (et notamment sur le FG)et les trouves pertinent sur la dérive bobo-gauchiste de la gauche radicale, je suis surpris de votre indulgence envers un homme
comme Chevenement, évidemment il n’est pas gauchiste et c’est certainement l’un des hommes politiques les plus fidèles aux véritables valeurs républicaines, mais vous qui venez de faire un billet
réaliste sur Mitterrand et son meurtre de l’espoir (ce n’est peut être pas le terme que vous avez employé), comment cautionner un homme dont le seul but lors de cette présidentielle sera
certainement de négocier la réelection des élus de son parti,un homme parti se planquer au Senat avec notre argent. Pour ma part le fait de partager les idées Républicaines avec ce monsieur (et
qu’il oeuvre à les diffuser)ne me fera pas le soutenir. Un mouvement comme le MRC (vous me direz que contrairement à Mitterrand il n’a pas assumé le pouvoir avec la promesse de “changer la vie”) a
également contribué à faire penser à de nombreux français que Chevenement et son mouvement au final aller aussi à la casserole. Cordialement Fredo
Il faut avouer que la proposition de faire rentrer la France dans l’alba est assez exotique,
“Exotique” n’est pas le mot qui me vient à l’esprit…
Peut t-on vraiment réduire ces personnes à leurs références aux “valeurs ancestrales” ou à la “pachamama”?
On ne peut pas les “réduire”, mais on ne peut pas les ignorer non plus, surtout quand ces “références” échappent au domaine purement personnel et sont inscrites dans les lois et dans les
constitutions. Faut-il insister sur l’anti-humanisme contenu dans l’inclusion des “droits de la nature” dans un texte constitutionnel ?
Merkel et Cameron et pourquoi pas Sarkozy plus proches de nous que Chavez ou Correa? En tant qu’ouvrier j’en doute fort.
Bien entendu. Je n’imagine pas un instant Merkel ou Sarkozy constitutionnalisant l’idée qu’il existe des sujets de droits autres que les êtres humains. La question n’est pas simplement une
question de classe, c’est une question de cadre conceptuel: Merkel n’a certainement pas les mêmes solutions à proposer que vous, mais au moins elle et vous vous formulez les problèmes dans les
mêmes termes.
Je suis surpris de votre indulgence envers un homme comme Chevenement (…) comment cautionner un homme dont le seul but lors de cette présidentielle sera certainement de négocier la
réelection des élus de son parti.
Je ne crois pas un instant que le “seul but” de Chèvenement soit celui-là. Je pense plutôt qu’il voudrait profiter de l’agitation d’une campagne présidentielle pour faire passer ses idées. Mais
supposons un instant que vous ayez raison, et que ce soit son “seul but”. Cela ne le disqualifierait pas à mes yeux. En politique, je suis un réaliste. Quel peut être l’objectif raisonnable d’un
républicain aujourd’hui ? Pas de se faire élire président de la République, il n’y a pas de majorité pour ça. Alors, il faut se rabattre sur un objectif raisonnable, celui de faire connaître ses
idées et de provoquer des débats. Pour faire passer ses idées, il faut avoir des tribunes. Et pour avoir des tribunes, à moins d’avoir beaucoup d’argent comme BHL, il faut être élu. Faire
“réélire ses élus” est donc le moyen d’un objectif politique qui me semble éminement raisonnable.
Je suis d’accord, c’est symboliquement moins beau que de se faire crucifier pour ses idées. Mais c’est beaucoup plus sérieux.
Pour ma part le fait de partager les idées Républicaines avec ce monsieur (et qu’il oeuvre à les diffuser) ne me fera pas le soutenir.
En politique, il faut choisir entre des possibles. Si ma voix peut donner à Chèvenement les moyens de mieux diffuser ses idées (qui sont en grande partie les miennes), je voterai pour lui. Non
parce que j’aime l’homme – c’est le cas, mais cela n’a aucune importance – mais parce que n’importe quel autre vote me semble moins utile.
http://m.marianne2.fr/Terra-Nova-fossoyeur-de-la-gauche_a206059.html article intéressant.
Excellent, en effet. Le rapport de Terra Nova montre combien la gauche est en train d’arriver au bout de la logique qui s’est faite jour en mai 1968, et qui recentre progressivement la gauche
autour des intérêts des classes moyennes boboïsées.
« On ne peut pas les “réduire”, mais on ne peut pas les ignorer non plus, surtout quand ces “références” échappent au domaine purement personnel et sont inscrites dans les lois et dans les
constitutions ».
Bien voila un premier pas, je peut comprendre l’inquiétude d’un homme de « raison« concernant un pays qui donne des droits à la nature (ce qui n’est pas le cas du Venezuela par ailleurs), mais cela
fait partie de la culture d’un pays comme la Bolivie qui a longtemps été marqué par la lutte liés aux matières premières. Je n’approuve pas personnellement ce que je considère comme des « rites
ridicules«, mais respecte le fait que cela fasse partie de leur culture. Il ne me semble pas néanmoins que l’action de Morales ai été marquée principalement par la défense des « «rites ancéstraux
», de mon point de vue la reprise en main du secteur energetique, la politique sociale, de souveraineté nationale, la réduction du temps de travail et la laicisation de l’école me semblent êtres
plus représentatives. Doit t-on oublier cela sous pretexte de vieilles cultures locales qui nous déplaisent?
“Je n’imagine pas un instant Merkel ou Sarkozy constitutionnalisant l’idée qu’il existe des sujets de droits autres que les êtres humains. La question n’est pas simplement une question de classe,
c’est une question de cadre conceptuel: Merkel n’a certainement pas les mêmes solutions à proposer que vous, mais au moins elle et vous vous formulez les problèmes dans les mêmes termes”.
Je ne crois pas que la formulation des termes soient si différentes que ça entre la France et l’Amérique latine (dont les grandes figures de l’indépendance ont été inspirées par la Révolution
Française et y ont participés bien souvent comme Simon Bolivar ou Miranda). L’exigence de justice sociale et de souveraineté nationales sont les composantes essentielles des discours vénézuelien,
bolivien ou équatorien, bien avant les droits “ancestraux”. J’avoue avoir un peu de mal à comprendre la minimisation que vous faites de ces processus certes très imparfait au pretexte de références
faites à la “terre mère”. Je crois qu’un Républicain (au moins de gauche) devrait pouvoir apprécier à leur juste valeur ces changements qui incluent dans bien des cas une véritable
républicanisation des pays en question (malgré…).
En ce qui concerne Chevènement je maintiens mon avis sur le fait que sa candidature soit le fait d’une stratégie visant à faire réelire ses élus. Evidemment ce n’est pas un crime en soit,ce qui est
d’avantage désolant c’est que cet homme approuve qu’un programme fédéraliste et libéral d’un côté, et républicain et souverainiste de l’autre peuvent se mélanger et s’unir au prétexte de faire
avancer le second en ayant quelques élus “républicains” qui finissent en règle générale par s’aligner quasi exclusivement sur le vote des socialistes (peu importe l’échelon). Les élus MRC à part
quelques exceptions sont intégrés des le premier tour à des listes socialistes et s’accordent sur 90% des points. Il y a là un léger souci de cohérence même lorsque l’on est très pragmatique (ce
pragmatisme me rappelle celui du grande nombre des élus PCF).
“En politique, il faut choisir entre des possibles. Si ma voix peut donner à Chèvenement les moyens de mieux diffuser ses idées (qui sont en grande partie les miennes), je voterai pour lui. Non
parce que j’aime l’homme – c’est le cas, mais cela n’a aucune importance – mais parce que n’importe quel autre vote me semble moins utile”.
Pourquoi pas, mais lorsque j’entend que cet homme (pour qui j’ai du respect au demeurant) dire qu’il reviens pour faire bouger les lignes je ne peux m’empêcher de sourire. Je pense que les Français
ont bien compris que depuis qu’il s’est confortablement planqué au Sénat en 2008 pour finir sa carrière et que ses élus s’unissent dès le premier tour avec n’importe quel social-démocrate
européiste et libéral au prétexte de quelques sièges porte-voix (qui en réalité ne le sont que très peu), et bien il n’y a plus grand chose à attendre de Chevènement et de son mouvement. Esperons
que le comble de tout ceci ne soit pas que le “ché” revienne au final sur sa candidature en échange du maintien de ses élus, ce serait bien triste et malhonnête de sa part, mais ne nous avançons
pas trop.
Bien voila un premier pas, je peut comprendre l’inquiétude d’un homme de « raison« concernant un pays qui donne des droits à la nature (ce qui n’est pas le cas du Venezuela par ailleurs),
mais cela fait partie de la culture d’un pays comme la Bolivie qui a longtemps été marqué par la lutte liés aux matières premières.
Oui, au même type que l’esclavage, l’excission ou la torture “fait partie de la culture” de nombreux pays. Faut choisir: ou bien on adhère aux principes des Lumières, et alors on défend les
principes humanistes comme étant universels, où alors on accepte les arguments du relativisme culturel, et on abandonne toute prétension universaliste. On ne peut pas avoir les deux.
Je n’approuve pas personnellement ce que je considère comme des « rites ridicules«, mais respecte le fait que cela fasse partie de leur culture.
Ca veut dire quoi “respecter” dans ce contexte ? Je peux admettre comme un fait que cela “fait partie de leur culture” (au même titre que l’esclavage, la torture et les sacrifices humains, notez
le bien). Mais je n’ai rien à “respecter”.
Il ne me semble pas néanmoins que l’action de Morales ai été marquée principalement par la défense des « «rites ancéstraux », de mon point de vue la reprise en main du secteur energetique, la
politique sociale, de souveraineté nationale, la réduction du temps de travail et la laicisation de l’école me semblent êtres plus représentatives.
Morales fait la politique traditionnelle des “caudillos” dans les économies de rente. A savoir, récupérer la “rente”, souvent confisquée par les entreprises étrangères, pour acheter du crédit
politique en la distribuant. C’est ce qu’à fait Peron en Argentine en 1944-1955, c’est ce qu’a fait Getulio Vargas au Brésil, c’est ce qu’il font tous. Ce genre de politique a des côtés positifs
(une meilleure distribution de la richesse) et des cotés désastreux (un manque d’investissement chronique qui finit par réduire la rente au point de rendre le système insoutenable, une corruption
généralisée puisque c’est le Grand Homme qui distribue de ses mains la richesse). Mais l’aspect le plus négatif, est celui de l’asservissement du peuple au “Grand Timonier” dans un rapport de
type féodal. Au lieu de servir à construire l’avenir, la “rente” sert à congéler ces pays dans leur passé. Et c’est là où la question des “cultures ancestrales” pose problème. Parce que le
progrès est rarement du côté des “cultures ancestrales”.
Je ne crois pas que la formulation des termes soient si différentes que ça entre la France et l’Amérique latine (dont les grandes figures de l’indépendance ont été inspirées par la Révolution
Française et y ont participés bien souvent comme Simon Bolivar ou Miranda).
Le fait même qu’on ait pu constitutionnaliser la “pachamama” dans plusieurs pays alors que cela aurait été impossible dans n’importe lequel des pays européens devrait déjà te faire réflechir. Si
“la façon de poser les problèmes n’est pas très différente que ça”, comment expliques-tu cette constitutionnalisation ? Tu as raison de signaler que les héros des indépendances du début du
XIXsiècle en Amérique Latine étaient de culture européenne et inspirés par les idées européennes. Mais tu dois savoir aussi que les caudillos nationalistes qui sont à la tête des
“révolutions latinoaméricaines” marquent à chaque opportunité leur rupture avec ces mêmes idéaux. Au Vénézuela, on reprend la figure de Bolivar mais en la stérilisant de tout son côté “européen”.
En Bolivie où en Argentine, on remplace les grandes figures “européennes” de l’indépendence par des constructions plus ou moins imaginaires faisant intervenir des “héros natifs”.
L’exigence de justice sociale et de souveraineté nationales sont les composantes essentielles des discours vénézuelien, bolivien ou équatorien, bien avant les droits “ancestraux”.
Mais rentre plus profondément dans ces discours. Regarde ce que l’idée de “justice sociale” et même de “souverainété nationale” recouvrent en Amérique Latine, et tu verras que cela n’a aucun
rapport avec ce que nous entendons par là, alors que les “droits ancentraux” apparaissent nettement.
J’avoue avoir un peu de mal à comprendre la minimisation que vous faites de ces processus certes très imparfait au pretexte de références faites à la “terre mère”.
Parce qu’en bon républicain, je vois l’importance de ce qu’on sème pour l’avenir. Et que je prefère une société qui utilise la “rente” pour financer une école rationnaliste, bien avant celle qui
utilise cette même “rente” pour acheter des voix et accéssoirement pour financer une école où l’on enseigne à “aimer notre leader” et à “honorer la pachamama”. La référence à la “terre mère”
n’est pas une simple question folklorique. C’est un élément symbolique qui sert à fixer une population dans le temps, à lui expliquer que sa voie n’est pas celle de l’avenir, mais du retour à ses
“racines” et la recherche de ses structures sociales ancestrales.
Je crois qu’un Républicain (au moins de gauche) devrait pouvoir apprécier à leur juste valeur ces changements qui incluent dans bien des cas une véritable républicanisation des pays en
question (malgré…)
Pensez vous vraiment qu’un pays où le chef suprême donne audience à ses sujets (le fait que ce soit à la télévision ne change rien) pour recevoir directement leurs doléances et de sa main qui
peut tout résoudre les problèmes est le signe d’une “véritable républicanisation” ? Soyons sérieux: ces régimes répondent non pas à une “républicanisation” mais plutôt à une “féodalisation” de
ces sociétés.
ce qui est d’avantage désolant c’est que cet homme approuve qu’un programme fédéraliste et libéral d’un côté, et républicain et souverainiste de l’autre peuvent se mélanger et s’unir
Je ne crois pas que Chèvenement n’ait jamais “approuvé” pareille chose. Chèvenement admet – et c’est triste mais dans notre système électoral c’est comme ça – que des gens qui ne sont d’accord
sur rien puissent se présenter ensemble devant les électeurs pour espérer remporter des sièges. Cela ne va pas plus loin. Chèvenement n’a jamais prétendu, lorsqu’il avait renoncé à se présenter
contre Ségolène, que le PS allait faire un programme “républicain et souverainiste”.
en ayant quelques élus “républicains” qui finissent en règle générale par s’aligner quasi exclusivement sur le vote des socialistes (peu importe l’échelon).
Là tu est injuste. Sur les sujets sur lesquels il existe une véritable différence d’opinion entre jacobins et girondins, le élus “républicains” votent en général contre le PS.
Je pense que les Français ont bien compris que depuis qu’il s’est confortablement planqué au Sénat en 2008 pour finir sa carrière et que ses élus s’unissent dès le premier tour avec n’importe
quel social-démocrate européiste et libéral au prétexte de quelques sièges porte-voix (qui en réalité ne le sont que très peu), et bien il n’y a plus grand chose à attendre de Chevènement et de
son mouvement.
Je te trouve bien injuste. D’abord, loin d’être “planqué”, son poste au Sénat permet à Chèvenement de s’exprimer sur un certain nombre de sujets. Il fait un travail remarquable d’ailleurs au sein
de la fondation Res Publica, qui produit des travaux intéressants. Maintenant, sur la question des élus, on voit mal quelle stratégie alternative tu proposes: penses-tu qu’ils devraient se
présenter sous leur propre bannière ? Le système électoral étant ce qu’il est, cela signifie n’avoir pas d’élus. Proposes-tu une alliance avec le FdG ? Ce serait aussi “contre-nature” qu’une
alliance avec le PS, vu que le “fédéralisme” n’est guère moindre chez les uns que chez les autres. Alors ?
La politique est l’art du possible…
Puisque vous en êtes à parler de Chevènement, je me permets un léger hors-sujet. Jean-Luc Mélenchon conclut ainsi sa dernière note :
“Perplexité supplémentaire. Jean-Pierre Chevènement déclare sur Europe 1 qu’il ne peut me soutenir car je serai partisan de la sortie de l’Euro. Et moi qui croyait que c’était lui qui voulait cette
sortie. En ce qui me concerne, comme l’ensemble des partis du Front de Gauche, je ne suis pas partisan de la sortie de l’Euro. Donc Chevènement peut me soutenir si c’était sa seule objection. En
tous cas on peut se parler.”
Qu’en pensez-vous ?
Cordialement.
Je n’en pense rien. Je ne connais aucune déclaration de Chèvenement à cet effet, et je ne crois d’ailleurs pas un instant que le choix de Chèvenement soit guidé par un seul critère. S’il ne
soutient pas Mélenchon, ce n’est certainement pas pour cette raison-là.
Il faut dire que Mélenchon est depuis déjà quelques moins en train de jouer la même partition, celle qui consiste à minimiser systématiquement les désaccords entre les différentes composantes de
“la gauche de la gauche”. A l’entendre, le NPA et le MRC, les Verts et la FASE, tous pourraient le soutenir s’ils mettaient un petit peu de bonne volonté à lire correctement ses déclarations. Un
peu comme s’il est l’homme qui mettait tout le monde d’accord… même si tout le monde ne s’en rend pas compte.
Il faut arrêter ces bêtises: les désaccords entre Chèvenement et le FdG sont profonds et circonstantiés. On les a vu clairement lors de la discussion pour les listes communes aux européennes. Si
l’on veut travailler ensemble, il faut alors trouver un compromis. On ne peut pas se contenter de dire “en fait, l’autre est d’accord avec moi mais il ne le sait pas”.
PS: J’ai écouté depuis l’entretien de Chèvenement. De toute évidence, il n’a pas bien compris la position de Mélenchon sur l’Euro.
Tu y vas fort je trouve, comparer la constitutionnalisation du respect de la terre (ok cela nous parait délirant) à l’esclavage, l’excision ou la torture c’est tout de même de l’exagération
non?Nous ne parlons pas ici du Tibet, ces règles ne régissent pas l’Etat. Mais je comprends ton point de vue, tu estime que l’on ne devrait plus jamais donner de crédit à ces “traditions” si l’on
est véritablement progressiste et républicain. Dans l’absolu je suis entièrement d’accord avec toi, mais je ne crois pas que l’on puisse décrédibiliser un gouvernement ou un régime sur le seul fait
qu’il n’est pas éliminer tout cela. Il ne faut pas oublier que ce genre de point de vue à amener “nos” régimes inspirés des Lumières à aller coloniser massivement des pays féodaux. Je crois qu’il
faut, tout en restant vigiliant, observer les évolutions (en terme social évidemment, pour certains cela est anecdotique mais pas pour nous) des processus de ces pays. La place que prend la laicité
notamment est importante (même en Bolivie dont nous parlons-lire les positions de l’église cartholique face à la laicisation de l’éducation-), cela est peut être largement insuffisant à nos yeux
mais c’est une avancée significative pour ces pays.
“Morales fait la politique traditionnelle des “caudillos” dans les économies de rente. A savoir, récupérer la “rente”, souvent confisquée par les entreprises étrangères, pour acheter du crédit
politique en la distribuant. C’est ce qu’à fait Peron en Argentine en 1944-1955, c’est ce qu’a fait Getulio Vargas au Brésil, c’est ce qu’il font tous. Ce genre de politique a des côtés positifs
(une meilleure distribution de la richesse) et des cotés désastreux (un manque d’investissement chronique qui finit par réduire la rente au point de rendre le système insoutenable, une corruption
généralisée puisque c’est le Grand Homme qui distribue de ses mains la richesse).
Nous ne pouvons pas mélanger chacun des processus politiques en cours en Amérique latine dans un grand pot. Il y a des points communs évidents et aussi des différences profondes. Notamment entre la
Bolivie et les autres (Venezuela notamment). Dans les structures de ces pays et dans les processus eux-mêmes. Je peux t’assurer que je ne suis nourri d’aucun angélisme envers ces “révolutions”
(j’en connais que trop bien les imperfections et les difficultés), mais en tant que progressiste et de gauche je m’y intéresse forcément et me fait mon propre jugement. Dans le cas de Morales,
j’estime (je ne vais pas les énumérer à nouveau) que les avancées au niveau social, sociétal (rien à voir avec le notre), les nationalisations de secteurs stratégiques, la politique de souveraineté
(face aux Etats-Unis notamment) sont de très bonnes choses. Malheureusement, la faiblesse des ressources de l’Etat font que comme tu le dit ce pays a du mal à sortir pour le moment de son modèle de
“redistribution de rente”. A voir dans les années qui viennent avec la politique d’industrialisation lancée (autour du Lithium notamment). Pour le cas vénézuelien (que je connais un peu mieux), il
y a un véritable effort pour lancer une politique industrielle forte et sortir de la politique de rente (ce pays en a les moyens lui). Il est je crois dangereux de mettre en avant les arguments de
la droite latino américaine et européenne (ainsi que les sociaux-démocrates et beaucoup de “gauchistes”) selon lesquels tout ceci ne serait que reproduction des modèles rentiers caudillistes
(péronistes et autres comme tu les a cité, dans un autre contexte et une autre époque). Cela n’empêche nullement d’avoir un regard critique sur les processus en question.
Mais l’aspect le plus négatif, est celui de l’asservissement du peuple au “Grand Timonier” dans un rapport de type féodal. Au lieu de servir à construire l’avenir, la “rente” sert à congéler ces
pays dans leur passé. Et c’est là où la question des “cultures ancestrales” pose problème. Parce que le progrès est rarement du côté des “cultures ancestrales”.
Encore une fois je ne crois vraiment pas que tout cela serve à congéler ces pays dans leur passé bien au contraire. Il faut arriver selon moi à avoir le regard dont je parle au début de mon message
et ne pas faire de la question des “cultures ancestrales” un point sur lequel on s’appuit pour expliquer qu’aucune avancée, aucun progrès n’est possible. L’ensemble des avancées dans ces pays
indiquent plutôt le contraire en majorité. Sans parler d’asservissement (je crois que les peuples d’Amérique latine connaissent très précisément la signification de ce terme) il existe en effet une
personnalisation un peu forte au Venezuela surtout, ce qui risque de poser des problèmes pour l’après-Chavez, néanmoins nous ne pouvons pas parler de culte de la personnalité, une loi prohibe
d’ailleurs l’utilisation massive de l’image du président (mais pas uniquement pour des raisons “d’éthique” bien sûr).
Mais rentre plus profondément dans ces discours. Regarde ce que l’idée de “justice sociale” et même de “souverainété nationale” recouvrent en Amérique Latine, et tu verras que cela n’a aucun
rapport avec ce que nous entendons par là, alors que les “droits ancentraux” apparaissent nettement.
Je ne fait pas un stricte parallèle entre nos définitions et les leurs, je rappelle juste que les liens sont plus proches que ne peuvent le laisser penser les références “aux cultes ancéstraux”. Je
suis “rentré profondément dans ce discours” comme tu le dit et estime que la justice sociale à une définition très proche de celle que nous en avons, pour la souveraineté nationale il faut
évidemment se réferer à l’histoire. Mais ce sont des thèmes universels. Je suis en désaccord avec toi là-dessus. (mais nous pourrions débattre des heures de ces significations)
En bon républicain, je vois l’importance de ce qu’on sème pour l’avenir. Et que je prefère une société qui utilise la “rente” pour financer une école rationnaliste, bien avant celle qui utilise
cette même “rente” pour acheter des voix et accéssoirement pour financer une école où l’on enseigne à “aimer notre leader” et à “honorer la pachamama”. (…)Pensez vous vraiment qu’un pays où le
chef suprême donne audience à ses sujets (le fait que ce soit à la télévision ne change rien) pour recevoir directement leurs doléances et de sa main qui peut tout résoudre les problèmes est le
signe d’une “véritable républicanisation” ? Soyons sérieux: ces régimes répondent non pas à une “républicanisation” mais plutôt à une “féodalisation” de ces sociétés.
Je crois que j’ai déjà répondu la-dessus plus haut, mais comment ne pas rappeller à nouveau que parler “d’acheter des voix” et “d’enseigner l’amour du leader” est tellement caricatural par rapport
à ce que vivent ces pays. Il existe certes une forme de clientélisme (et il reste à définir ce que l’on entend par cela: construire une bibliothèque de quartier ou inaugurer un magasin à 3 semaines
des élections est peut être du clientélisme notamment). Je n’ai nullement connaissance d’écoles ou d’université ou le “culte de la pachamama” serait au même niveau que les matières essentielles.
Pareillement pour le culte du leader, vous confondez certainement le Venezuela et la Corée du Nord. Je le répete la personnalisation excessive d’un régime ne doit pas nous amener à carcicaturer
celui-ci, il faut une véritable analyse profonde. Et un pays ce n’est pas qu’un régime c’est aussi une population en action.
Pour Chevènement:
“ce qui est d’avantage désolant c’est que cet homme approuve qu’un programme fédéraliste et libéral d’un côté, et républicain et souverainiste de l’autre peuvent se mélanger et s’unir” : Je ne
crois pas que Chèvenement n’ait jamais “approuvé” pareille chose. Chèvenement admet – et c’est triste mais dans notre système électoral c’est comme ça – que des gens qui ne sont d’accord sur rien
puissent se présenter ensemble devant les électeurs pour espérer remporter des sièges.
Oui il dit donc que des gens opposés peuvent s’unir au delà des programmes, ce qui est pour moi la fin de la politique. Descartes c’est ton point de vue, je le respecte mais il légitime donc une
alliance entre le FG et le Modem par exemple. D’ailleurs c’était le sens de son appel à la formation d’un Grand parti de gauche pour avoir un candidat unique à gauche en 2012. De mon point de vue
personnel des alliances peuvent se faire sur la base d’un certain nombre de points de convergence, mais pas quand il existe quasiment aucun point. Cela va dans le pire des cas à l’exemple allemand,
et dans tous les cas la balance penchera toujours du coté libéral.
en ayant quelques élus “républicains” qui finissent en règle générale par s’aligner quasi exclusivement sur le vote des socialistes (peu importe l’échelon). Là tu est injuste. Sur les sujets sur
lesquels il existe une véritable différence d’opinion entre jacobins et girondins, le élus “républicains” votent en général contre le PS.
D’une part je ne vois pratiquement plus de “Jacobins” au parlement ou ailleurs (mais nous serons sans doute d’accord la-dessus). Ensuite à part quelques votes d’opposition partiels (je ne nie pas
qu’il en existe-encore heureux ils n’auraient plus qu’à quitter le MRC-) le MRC s’aligne en règle générale sur le PS dans les votes. Cette culture de compromission “chevènementiste” au bénéfice de
quelques postes de “représentation” est aussi la porte ouvertes à tous les opportunismes. Je pense que ce manque de cohérence explique le départ de nombreux élus et miliants MRC.
Je te trouve bien injuste. D’abord, loin d’être “planqué”, son poste au Sénat permet à Chèvenement de s’exprimer sur un certain nombre de sujets. Il fait un
Tu y vas fort je trouve, comparer la constitutionnalisation du respect de la terre (ok cela nous parait délirant) à l’esclavage, l’excision ou la torture c’est tout de même de l’exagération
non?
Non, ce n’est pas une exagération. Ce qui était en discussion, c’était le fait de savoir s’il faut accepter comme normale ce que nous considérons une aberration sous prétexte que cette aberration
supposée fait partie de la “culture” de ceux qui le pratiquent. Et à ce titre, on voit mal pourquoi il faudrait “respecter” la pachamama au nom des “traditions ancestrales” et refuser le même
respect à d’autres traditions ancestrales comme l’excission, l’esclavage ou la torture.
En fait, ce qui est en cause ici est l’idée même d’universalité. Pensons nous que certains droits sont universels ? Si c’est le cas, alors nous nous devons de critiquer ceux qui ne les respectent
pas, et cela quelque soit leur “culture”. Par contre, si nous admettons que rien n’est universel, que tout est relatif à la “culture” de celui qui le pratique, et que par conséquent des choses
que nous regardons comme inacceptables chez nous peuvent être tenues pour acceptables ailleurs, alors il n’y a aucune raison de refuser à ceux dont la “culture” accepte l’esclavage ou l’excission
le droit de les pratiquer…
Universalisme ou relativisme, il faut choisir…
Nous ne parlons pas ici du Tibet, ces règles ne régissent pas l’Etat.
Le fait de constitutionnaliser les “droits de la nature” (ce qui n’est pas la même chose que “le respect de la terre”) revient à créer une règle qui “régit l’Etat”.
Mais je comprends ton point de vue, tu estime que l’on ne devrait plus jamais donner de crédit à ces “traditions” si l’on est véritablement progressiste et républicain.
Pas tout à fait. Je ne vois pas d’inconvénient à donner “du crédit à des traditions”. Ce que je conteste, est l’idée qu’on puisse rendre “acceptable” au nom de la tradition quelque chose que la
Raison déclare inacceptable. Je me refuse qu’on enseigne aux enfants le créationnisme à l’Ecole sous prétexte que c’est une “tradition”. Et je ne vois pas en quoi la Pachamama est plus défendable
que Yehova créant le monde en sept jours. Sauf, bien sur, que la Pachamama est bien plus exotique…
je ne crois pas que l’on puisse décrédibiliser un gouvernement ou un régime sur le seul fait qu’il n’est pas éliminer tout cela.
Moi non plus. Mais entre “éliminer tout cela” et inscrire dans la constitution les droits de la Pachamama il y a une marge.
Il ne faut pas oublier que ce genre de point de vue à amener “nos” régimes inspirés des Lumières à aller coloniser massivement des pays féodaux.
C’est vrai. Nous leur avons amené “notre” abolition de l’esclavage, “notre” idée que les hommes naissent libres et égaux en droit, “notre” vision d’un monde compréhensible par la Raison, “notre”
idée que les sacrifices humains n’étaient pas une bonne idée. Avons nous eu tort ? Devons nous, au nom de l’anti-impérialisme culturel, admettre que ces peuples ont parfaitement le droit de
revenir à des visions racistes ou esclavagistes ? Voilà bien la question.
La place que prend la laicité notamment est importante (même en Bolivie dont nous parlons-lire les positions de l’église cartholique face à la laicisation de l’éducation-), cela est peut être
largement insuffisant à nos yeux mais c’est une avancée significative pour ces pays.
Si la “laïcisation de l’éducation” consiste à remplacer le culte chrétien par celui de la terre-mère, je ne suis pas sur que ce soit une “avancée significative”. C’est cela que je trouve
énervant: qu’on ait pour les “cultes exotiques” une tolérance qu’on aurait pas pour le catholicisme ou le judaïsme au nom de l’exotisme. Que le chef de l’Etat bolivien participe à un culte de la
tèrre-mère ou qu’un président de la République française participe à une messe devrait être considéré par tout véritable partisan de la laïcité comme également choquant.
Pour le cas vénézuelien (que je connais un peu mieux), il y a un véritable effort pour lancer une politique industrielle forte et sortir de la politique de rente (ce pays en a les moyens
lui).
Pourrais-tu me citer trois ou quatre mesures qui illustrent cet effort ?
Il faut arriver selon moi à avoir le regard dont je parle au début de mon message et ne pas faire de la question des “cultures ancestrales” un point sur lequel on s’appuit pour expliquer
qu’aucune avancée, aucun progrès n’est possible.
Il ne peut pas en être autrement. La référence à la “culture ancestrale” entraîne avec elle un mythe de l’âge d’or. L’époque bénie ne se trouve plus du côté du progrès vers un projet, mais du
côté du retour à un passé mythifié. Les valeurs de référence ne sont pas ceux d’une société industrielle moderne qu’il faut atteindre, mais ceux d’une société paysanne et féodale du passé.
Sans parler d’asservissement (je crois que les peuples d’Amérique latine connaissent très précisément la signification de ce terme)
Ni plus ni moins que les autres. Nous gaulois, nous avons été “asservis” par la conquête romaine, et on ne peut pas dire que cela ne nous ait pas profité. Le discours victimiste de
l’asservissement a des limites. On peut être conscient de la brutalité et de l’injustice de la conquête espagnole sans pour autant en faire la source de tous les maux.
Je crois que j’ai déjà répondu la-dessus plus haut, mais comment ne pas rappeller à nouveau que parler “d’acheter des voix” et “d’enseigner l’amour du leader” est tellement caricatural par
rapport à ce que vivent ces pays.
Je n’en suis pas persuadé. Il faut voir les écriteaux “seremos como el Che” (“nous serons comme le Che”) dans les écoles cubaines. Et on voit le même type de fonctionnement apparaître au
Vénézuela aussi. Quant à l’achat de voix…
Il existe certes une forme de clientélisme (et il reste à définir ce que l’on entend par cela: construire une bibliothèque de quartier ou inaugurer un magasin à 3 semaines des élections est
peut être du clientélisme notamment).
Non. Le clientélisme est une structure sociale qui lie le dirigeant “achète” les voix de ses électeurs en leur réservant des prébendes et avantages. Ouvrir une bibliothèque ou un magasin à 3
semaines des élections n’est pas du “clientélisme” si la bibliothèque ou le magasin bénéficient également aux partisans et aux adversaires du candidat. Par contre, si le candidat construit des
bibliothèques et des magasins exclusivement dans les quartiers qui votent majoritairement pour lui…
Je n’ai nullement connaissance d’écoles ou d’université ou le “culte de la pachamama” serait au même niveau que les matières essentielles.
Moi j’en connais. Il existe dans les écoles de plusieurs pays d’amérique latine des matières qui peuvent s’appeler “education nationale” ou “tradition nationale”. Dans ces matières, à côté d’un
révisionnisme historique qui fait peur, on retrouve l’apprentissage obligatoire de certaines “traditions ancestrales”.
Pareillement pour le culte du leader, vous confondez certainement le Venezuela et la Corée du Nord.
Comment qualifieriez vous une émission comme “Allo présidente” ? Quelle serait votre réaction si Sarkozy s’amusait à faire la même chose ?
Oui il dit donc que des gens opposés peuvent s’unir au delà des programmes, ce qui est pour moi la fin de la politique.
Je dirais plutôt que c’en est le commencement. D’ailleurs, le système démocratique est construit sur ce principe, puisqu’il requiert une majorité. Or, aucun mécanisme ne peut garantir qu’en toute
circonstance il se trouvera une majorité de gens d’accord sur une mesure particulière. Ce qui suppose donc qu’on puisse trouver des compromis sur le mode “je te donne ce à quoi tu tiens, et tu me
donnes ce à quoi je tiens”. C’est ce compromis, et non un accors sur les programmes, qui fonde la politique.
Descartes c’est ton point de vue, je le respecte mais il légitime donc une alliance entre le FG et le Modem par exemple.
Et alors ? Si en échange d’un désistément à la présidentielle pour Bayrou le FdG pouvait mettre 100 députés à l’assemblée, je pense qu’il aurait tort de dire “non” par principe. Cet accord serait
tout à fait “légitime”, à une condition: qu’on explique aux élécteurs pourquoi on le fait, et qu’on n’essaye pas de leur raconter qu’on est “d’accord sur un projet”.
De mon point de vue personnel des alliances peuvent se faire sur la base d’un certain nombre de points de convergence, mais pas quand il existe quasiment aucun point.
Le fait d’avoir des intérêts complémentaires est un “point de convergence”. D’ailleurs, l’alliance entre le PG et le PCF fonctionne sur ce modèle: alors qu’ils sont en désaccord total sur
beaucoup de points, les communistes vont donner la candidature présidentielle en échange des candidatures aux législatives.
Suite du message coupé: Je te trouve bien injuste. D’abord, loin d’être “planqué”, son poste au Sénat permet à Chèvenement de s’exprimer sur un certain nombre de sujets. Il fait un travail
remarquable d’ailleurs au sein de la fondation Res Publica, qui produit des travaux intéressants. Maintenant, sur la question des élus, on voit mal quelle stratégie alternative tu proposes:
penses-tu qu’ils devraient se présenter sous leur propre bannière ? Le système électoral étant ce qu’il est, cela signifie n’avoir pas d’élus. Proposes-tu une alliance avec le FdG ? Ce serait aussi
“contre-nature” qu’une alliance avec le PS, vu que le “fédéralisme” n’est guère moindre chez les uns que chez les autres. Alors ? La politique est l’art du possible…
L’art du compromis a fait qu’après avoir perdu l’élection législative de 2007 il s’est retrouvé un poste de sénateur un après. Il s’exprime effectivement sur des sujets, et fait de bonnes
interventions notamment sur les questions de politique étrangère je suis d’accord. Je maintien néanmoins qu’il y est planqué confortablement, d’ailleurs c’est ce à quoi sert le sénat aujourd’hui
(le même reproche peut être fait à Mélenchon pour ses années passées dans cette chambre). J’aime beaucoup lire les travaux de Res Publica moi aussi et partage votre avis sur ce point.
Effectivement je pense (même avec le “sysème électoral actuel”) que le MRC devrait se présenter indépendemment du PS partout (et pas seulement partiellement). Pour ma part -nous sommes aussi en
désaccord la dessus- je ne trouverai pas incensé une alliance avec le FG malgré des divergences, oui j’estime le MRC plus proche du FG que du PS. D’ailleurs des alliances ont déja eu lieu au niveau
local, et de nombreux militants MRC ont rejoins (le PG) ou soutenu le FG. Et quand bien même trouvez vous une alliance avec le FG aussi contre nature qu’une alliance avec le PS, pour vous est-ce la
même chose? Tant qu’à s’allier avec des gens peu importe les orientations autant le faire avec les gens avec qui ont est le moins éloignés non? Car il est paradoxal de voir la direction du MRC
refuser toute alliance avec le FG au nom de trop grosses divergences mais de se jetter dans les bras du PS pour obtenir des élus. Ce ne serait pas plus contradictoire que de voir siéger Chevènement
aux côtés de Jean-Marie Bockel au Sénat. Ces pratiques ont dégoutés plus d’un électeur de gauche ou véritablement républicain. La politique n’est pas seulement l’art du possible, sur une certaine
période donné peut être, en s’adaptant à divers contextes et diverses conjonctures oui, mais c’est bien plus que ça.
Désolé pour la longeur du message ce n’est peut être pas toujours agréable mais je trouve que ce genre de débat est important. Et c’est le but de cet excellent blog.
Effectivement je pense (même avec le “sysème électoral actuel”) que le MRC devrait se présenter indépendemment du PS partout (et pas seulement partiellement).
En d’autres termes, il devrait renoncer à avoir des élus ? Parce qu’avec le système électoral actuel, se présenter seul revient en fait à ça.
Pour ma part -nous sommes aussi en désaccord la dessus- je ne trouverai pas incensé une alliance avec le FG malgré des divergences, oui j’estime le MRC plus proche du FG que du PS.
Nous divergeons en effet. Si c’est pour avoir des élus, autant faire une alliance avec le PS, qui est plus susceptible d’en avoir. Et si c’est pour les idées… comment voulez vous qu’il y ait un
compromis entre le jacobinisme de Chèvenement et le girondinisme gauchiste qui est celui du FdG aujourd’hui ? Comparez les vision de l’UE, de l’Euro. Regardez ce qu’ils ont dit les uns et les
autres sur le nucléaire ou la décentralisation. Croyez vous vraiment qu’un compromis sur les idées est possible ?
D’ailleurs des alliances ont déja eu lieu au niveau local, et de nombreux militants MRC ont rejoins (le PG) ou soutenu le FG.
Cela ne veut rien dire. Le MRC c’est une chose, et Chèvenement en est une autre. Le moins qu’on puisse dire est que les militants du MRC sont fort divers dans leurs convictions, et j’en ai trouvé
même quelques uns dont les idées auraient fait Chèvenement se retourner dans sa tombe s’il avait été mort. En plus, ces alliances concernent des élections locales. Ici, on parle d’une élection
présidentielle.
Et quand bien même trouvez vous une alliance avec le FG aussi contre nature qu’une alliance avec le PS, pour vous est-ce la même chose? Tant qu’à s’allier avec des gens peu importe les
orientations autant le faire avec les gens avec qui ont est le moins éloignés non?
Il vous reste à montrer que Chèvenement est plus proche du FdG que du PS. Pour moi, ce n’est pas une évidence. En plus, si on fait des alliances pour avoir des postes, autant s’allier avec des
gens qui peuvent en gagner. Tu crois vraiment que le FdG serait prêt à garantir à Chevènement un poste de sénateur et quelques sièges de député ? Tu rêves…
Car il est paradoxal de voir la direction du MRC refuser toute alliance avec le FG au nom de trop grosses divergences mais de se jetter dans les bras du PS pour obtenir des élus.
Je ne vois pas le paradoxe. A partir du moment où l’on se fixe comme objectif d’avoir des élus, quel est l’intérêt d’une alliance avec un parti qui n’a pas la possibilité d’offrir des
circonscriptions gagnables ?
Ce ne serait pas plus contradictoire que de voir siéger Chevènement aux côtés de Jean-Marie Bockel au Sénat.
Je pense qu’il y a une différence entre les alliances électorales et les gens avec qui on siège.
Ces pratiques ont dégoutés plus d’un électeur de gauche ou véritablement républicain.
Je ne crois pas. Ce qui a dégoûté plus d’un électeur, c’est que les politiques fassent des accords tactiques tout en les déguisant en accord idéologiques. Quand le PCF s’allie avec les
socialistes en racontant qu’il y a un “projet commun de gouvernement”, ou que la priorité c’est de “battre la droite”, on dégoûte les électeurs. Mais si on leur expliquait clairement que ces
“alliances” ne sont qu’un moyen d’avoir plus d’élus pour faire avancer ses idées, les électeurs comprendraient mieux. Il faut pas prendre les gens pour des imbéciles, ils sont bien plus
pragmatiques et réalistes qu’on ne le croit.
Désolé pour la longeur du message ce n’est peut être pas toujours agréable mais je trouve que ce genre de débat est important. Et c’est le but de cet excellent blog.
Ne t’excuses pas, tu est tout à fait dans l’esprit que je voulais donner à ce blog. Cordialement,