Fais moi mal, Johnny Johnny Johnny !

Les hystéries se suivent et ne se ressemblent pas. Après les débordements de l’affaire « #balancetonporc », la mort de Jean-Philippe Smet dit « Johnny Hallyday » occupe depuis deux jours 90% de l’espace médiatique. Et chaque personnalité, quel que soit son domaine d’action quel que soit sa célébrité, se voit tenue à prendre position sur le phénomène, sous peine de bannissement médiatique. Du docte sociologue qui écrit une tribune dans la section « idées » du Monde à l’homme politique qu’on voit étouffer des sanglots de crocodile devant les caméras, tout le monde s’y met.

 

Le plus drôle, dans cette affaire, c’est que s’il était né quelques années plus tard, Hallyday serait probablement trouvé cloué au pilori en tant que « porc » libidineux : en 2003 une femme, hôtesse sur son yacht, l’accuse de l’avoir violée. Mais à l’époque, on n’écoute pas encore « la parole des femmes » et on exige des preuves : l’affaire se conclut par un non-lieu, les juges estimant qu’aucune preuve sérieuse n’accuse le chanteur, et la plaignante sera lourdement condamnée, certaines des pièces utilisées dans sa plainte étant des faux. O tempora, o mores…

 

Mais trêve de méchancetés. Comme disait ma grand-mère, femme sage a défaut d’être sage-femme, « des morts, rien que du bien ». Le problème, c’est qu’avec Hallyday, les opportunités de dire du bien ne sont pas si nombreuses que ça. Oui, il avait une voix magnifique, une résistance physique rare, un sens profond du spectacle. Il était semble-t-il généreux, du moins avec ses amis, parce que lorsqu’il s’agissait de payer des impôts, ce n’était pas tout à fait le cas. Mais ce serait faire insulte à la vérité que de dire que Johnny avait une intelligence hors du commun et même une intelligence tout court, qu’il eut dans sa vie un comportement héroïque, qu’il se distinguait par son engagement civique ou pour son attention aux autres.

 

Alors, à quoi rime cette église de la Madeleine avec trois présidents de la République – deux anciens et un en exercice – entourés de tout ce qui compte de célébrités des arts et de la politique, retransmise par toutes les chaînes de télévision en direct ? A quoi rime le qualificatif de « héros français » que lui accorde le président de la République en exercice ?

 

Johnny Hallyday a été beaucoup de choses, mais certainement pas un « héros ». Et encore moins un « héros français », lui dont la source d’inspiration était plutôt de l’autre côté de l’Atlantique. Johnny Hallyday n’était pas un « héros » tout simplement parce qu’il n’a jamais, au cours d’une très longue vie, fait rien qui puisse être qualifié de « héroïque ». Il n’a jamais sauvé quelqu’un d’un incendie au péril de sa vie. Il n’a jamais pris le risque de chanter une chanson ou de publier un texte qui aurait pu lui valoir la prison ou la mort. En plus d’un demi-siècle de vie publique, il n’a pas une seule fois défié un pouvoir, pris un risque. Et s’il s’est engagé pour des « causes » – essentiellement en participant dans des concerts au bénéfice de celles-ci – c’était toujours des causes fort sages et conformistes : la famine en Ethiopie, les Restaurants du Cœur. Où est l’héroïsme là-dedans ?

 

Il n’y a pas de honte : il n’est pas donné à tout le monde d’être un héros. Et ce n’est pas seulement une question de qualités personnelles. Pour être un héros, il faut aussi avoir de la chance, vivre dans un contexte qui s’y prête. La génération qui avait 20 ans en 1940 avait devant elle une voie qui la conduisait à l’héroïsme. Une voie étroite, sans doute. Une voie difficile, c’est certain. Une voie qu’ils n’ont pas été si nombreux à emprunter. Mais une voie quand même. Johnny Hallyday appartient, lui, à une génération qui n’a pas eu cette possibilité. Tout au contraire : une génération choyée, élevée dans du coton dans une société devenue « libérale-libertaire ». Une génération chez qui être « rebelle » c’était porter un blouson noir et écouter une musique que les adultes trouvaient barbare. Une « rébellion » qui ne risquait pas de les conduire à Buchenwald ou devant le poteau d’exécution, comme ce fut le cas pour la génération précédente.

 

Lorsque nous pleurons les morts, c’est sur nous que nous pleurons. Johnny Hallyday est le symbole de cette génération, celle qui a eu la chance de vivre dans une société riche, fruit de l’immense effort de reconstruction accompli par leurs parents. Une génération qui n’avait pas à se soucier du chômage ou des responsabilités, et qui s’est amusée comme si la fête devait durer toujours. Une génération de « rebelles sans cause », pour reprendre le titre du film qui le mieux illustre sa problématique, et qui met en scène l’icône absolue de cette génération, James Dean. Une génération aussi à qui l’héroïsme était très largement étranger : leurs grands-parents étaient les héros de la première guerre mondiale, leurs parents ceux de la deuxième, de la Résistance et de la reconstruction. Pour la génération de Johnny, il fallait chercher dans les guerres coloniales finissantes – où l’héroïsme était toujours ambigu – ou l’engagement dans les aventures aux côtés de Bob Denard ou de Che Guevara. Pour les moins courageux, il restait « l’héroïsme de substitution » consistant à lancer des pavés sur les CRS – substitut symbolique des SS -, à porter des sacs de riz, à aider les sans-papiers, ou à faire un stage chez les « humanitaires ».

 

Johnny fut l’icône culturelle de la génération yé-yé, cette génération qui a pu se permettre le luxe de vivre en se regardant le nombril (1). Une génération rythmée par Sheila, Vartan ou Johnny là où la précédente avait écouté Brel, Brassens, Barbara, Ferré, Ferrat, Reggiani (sans compter les chanteurs plus commerciaux et cependant merveilleux comme Aznavour). Ce n’est pas une question de qualité, c’est une question de profondeur : Brel ou Barbara chantent le tragique. Vartan ou Johnny peuvent au mieux faire du dramatique. Brassens ou Ferré chantent pour des adultes, Sheila ou Johnny ont chanté – et cela jusqu’à la fin de leur vie –  pour des adolescents parce qu’ils sont restés eux-mêmes de grands adolescents. Et cela est aussi vrai pour leur public. Cela s’est vu d’ailleurs lors des obsèques : à seize ans pleurer hystériquement parce que votre chanteur préféré est mort, c’est compréhensible. A cinquante ans, cela pose problème.

 

Emmanuel Macron a raison quand il ajoute « qu’il faut des héros pour qu’un pays soit grand ». Mais le héros a une fonction exemplaire. Quel est l’accomplissement civique, artistique, scientifique, politique qu’on veut offrir à travers lui en exemple aux générations futures ? En quoi souhaiterions-nous que nos jeunes l’imitent ? En d’autres termes, de quoi Johnny est-il l’exemple ? Peut-être d’un homme qui parti de rien a gagné beaucoup d’argent. Pour un président qui disait il y a pas si longtemps qu’il fallait que nos jeunes rêvent de devenir milliardaires, c’est peut-être suffisant pour le rendre exemplaire… un « héros macronien », à défaut d’être un « héros français »…

 

 

Descartes

 

 

(1) La comparaison entre les figures produites par cette génération et celles héritées de la génération précédente est éclairante. La génération yé-yé – qui est en fait la génération 68 – a consommé l’héritage intellectuel de la génération précédente mais ne produira guère de figures de premier plan.

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63 réponses à Fais moi mal, Johnny Johnny Johnny !

  1. Francis dit :

    Comme souvent, je partage votre point de vue. Pourtant, j´ai été surpris, plusieurs fois, en regardant certaines vidéos sur YouTube, de ressentir une émotion, un pincement au cœur, à la vue de cette ferveur populaire un peu exagérée. Rien à voir avec la vedette concernée, juste une tendresse pour ce peuple en manque de repères, en manque de vrais héros, dont je suis issu et que je connais si bien.
    Ceci dit, une ou deux coquilles ont attiré mon attention au paragraphe 7. J´espère que vous ne m´en voudrez pas. On a beau se relire, certaines fautes de frappe nous échappent toujours. Il s´agit de `une génération (…) qui s´est amusé(e)´, puis, phrase suivante : ´ícône absolu(e)´ et enin, ´o(ù) l´héroisme´. Un lecteur assidu.

    • Descartes dit :

      @ Francis

      [Comme souvent, je partage votre point de vue. Pourtant, j´ai été surpris, plusieurs fois, en regardant certaines vidéos sur YouTube, de ressentir une émotion, un pincement au cœur, à la vue de cette ferveur populaire un peu exagérée. Rien à voir avec la vedette concernée, juste une tendresse pour ce peuple en manque de repères, en manque de vrais héros, dont je suis issu et que je connais si bien.]

      Mais c’est tout à fait normal. Après tout, Johnny fait aussi partie de notre jeunesse, qu’on le veuille ou non. Que sa disparition conjure chez nous toute une série de souvenirs un peu oubliés et les émotions qui vont avec, quoi de plus normal. Par contre, devant cette « ferveur populaire » plus qu’un pincement de cœur je ressens un souffle d’effroi. Voir un quinqua en blouson de cuir déclarer les larmes aux yeux « je ne sais pas comment on va faire pour continuer à vivre maintenant » ce n’est pas émouvant, c’est effrayant.

      [Ceci dit, une ou deux coquilles ont attiré mon attention au paragraphe 7. J´espère que vous ne m´en voudrez pas. (…)]

      Pourquoi devrais-je vous en vouloir, alors que vous m’aidez à améliorer mon texte ? Je l’ai déjà dit, j’aimerais beaucoup publier des textes parfaits. Les fautes qui restent après relecture sont un compromis entre le désir de publier le plus vite possible pour coller à l’actualité et mon emploi du temps…

      [Un lecteur assidu.]

      Et qui le demeurera, j’espère !

  2. Votre chronique est une sorte d’écho au sérieux recadrage de Finkelkraut pour Causeur. N’avez-vous rien à nous dire sur Jérusalem ?
    Bien sur que cela fut excessif, mais que voulez-vous les islamistes se loupent sans cesse et il n’y a plus de débat politique, faut bien que les rédacteurs-animateurs fassent quelques chose … soyez généreux pensez aux actionnaires de BFM !
    Johnny, dont l’amour de l’Amérique fut à sens unique, représentait quelques chose pour nous tous, un lien avec cette France que nous voyons se défaire, il fut l’enfant des 30 glorieuses n’est-ce pas l’objet de notre nostalgie ?
    Je me souviens avoir eu du mal à choisir au moment de “cheveux longs, idées courtes”, Antoine me semblait plus “intelligent”, c’était quelqu’un de mon milieu (colonial) il avait vécu dans mon cher Cameroun (ici une petite histoire camerounaise : https://lesouverainiste.wordpress.com/2009/07/11/le-grand-pere-de-tous-les-hommes/) et à Tana, et puis n’étais-je pas immergé dans le progressisme politique … Johnny, c’était plus brutal, moins fin, mais franchement dans les boums pour emballer c’était quand même plus efficace !
    Pour le reste vous avez raison, bien sur, mais c’est tristounet ; puisque l’Orient est compliqué ne voulez-vous pas faire plaisir à vos lecteurs en nous concoctant du vitriol explosif d’origine “pur Corse” garantie ?

    • Descartes dit :

      @ Gérard Couvert

      [Votre chronique est une sorte d’écho au sérieux recadrage de Finkelkraut pour Causeur. N’avez-vous rien à nous dire sur Jérusalem ?]

      Que voulez-vous que je vous dise sur Jérusalem ? Franchement, je trouve que c’est un conflit qui n’a pas de solution. Le problème est que tant la société palestinienne que la société israélienne ont besoin d’un ennemi extérieur pour garder leur cohésion. Sans cette menace extérieure, les divisions dans les deux camps auraient conduit de part et d’autre à la guerre civile. Autant dire que ni le gouvernement israélien, ni la direction palestinienne ne sont pressés d’aboutir à la paix. Ce qui était possible du temps d’Arafat et Rabin – qui tous deux étaient des « constructeurs » – a disparu avec eux.

      Bien entendu je ne peux que condamner l’irresponsabilité de Trump qui jette de l’huile sur le feu. Mais que dire de l’hypocrisie des autres puissances, l’UE en tête, qui condamnent toujours mais ne sanctionnent jamais ?

      [Johnny, dont l’amour de l’Amérique fut à sens unique, représentait quelques chose pour nous tous, un lien avec cette France que nous voyons se défaire, il fut l’enfant des 30 glorieuses n’est-ce pas l’objet de notre nostalgie ?]

      Pas de la mienne. Je suis nostalgique – et encore, il faudrait voir ce qu’on entend par ce terme – de la France des « trente glorieuses ». Pas de ses « enfants », généralement parricides.

      [puisque l’Orient est compliqué ne voulez-vous pas faire plaisir à vos lecteurs en nous concoctant du vitriol explosif d’origine “pur Corse” garantie ?]

      J’y compte bien… mais mon boulot me laisse très peu de temps ces jours-ci…

    • Tythan dit :

      Cher Descartes, quand vous dites ” Je suis nostalgique – et encore, il faudrait voir ce qu’on entend par ce terme – de la France des « trente glorieuses ». Pas de ses « enfants », généralement parricides.” vous ne pouviez pas plus mal tomber avec Johny Hallyday.

      Abandonné par son père biologique (qui aurait, si j’ai bien compris même vendu le couffin du bébé), Jean-Philippe Smet a eu la désagréable surprise de voir un jour son père débarquer pour des retrouvailles qu’il avait organisé contre un petit chèque donné par la presse à scandales. A plusieurs reprises, ce père indigne a par la suite clamé qu’il se contrefoutait des succès de son fils. J’ai cru comprendre que la fascination pour l’Amérique vient de ce que le père de substitution de Johnny Hallyday était américain.

      Je sais bien que la révolte des fils à papa de 1968 peut horripiler les communistes comme vous, mais le cas particulier de Johny Hallyday est si édifiant qu’il en devient contre-productif.

    • Descartes dit :

      @ Tythan

      [Cher Descartes, quand vous dites ” Je suis nostalgique – et encore, il faudrait voir ce qu’on entend par ce terme – de la France des « trente glorieuses ». Pas de ses « enfants », généralement parricides.” vous ne pouviez pas plus mal tomber avec Johny Hallyday. Abandonné par son père biologique (qui aurait, si j’ai bien compris même vendu le couffin du bébé),]

      Pardon, pardon. Relisez l’échange dans lequel mon commentaire s’inscrit. On parlait de Hallyday comme « enfant de la France des trente glorieuses ». Quand je parle de « parricide », je parle donc du meurtre de cette France-là. Aucune référence donc aux parents biologiques de ce pauvre Jean-Philippe Smet.

      [Je sais bien que la révolte des fils à papa de 1968 peut horripiler les communistes comme vous, mais le cas particulier de Johny Hallyday est si édifiant qu’il en devient contre-productif.]

      Je ne crois pas avoir jamais traité Johnny Hallyday de « fils à papa ». Au contraire, j’ai souligné qu’il « était parti de rien ». Au fond, ce n’est pas Johnny – paix à ses cendres – que je critique. Ce sont plutôt ses « fans », et surtout cette hystérie médiatique induite à qui j’adresse mes flèches.

  3. CVT dit :

    @Descartes,
    [un « héros macronien », à défaut d’être un « héros français »]
    oui, mais Macron, c’est bien le héros de…l’A-France :-).

    Sinon, grâce vous, je me sens moins seul: ayant fait parti des détracteurs de Johnny depuis que je suis né, je suis triste malgré tout, car c’est une partie de ma vie qui s’en va, du moins en terme médiatique, et je partage la douleur de mes compatriotes…
    Le plus drôle, c’est que, quand j’étais gamin, ce sont mes parents qui m’ont saoulé avec les Yéyés (déformation de l’exclamation “yeah yeah”…) et particulièrement avec Johnny et Sylvie Vartan, qui avait été leurs idoles de jeunesse… Alors qu’ils étaient de jeunes adolescents en Afrique, peu après les indépendances ! Ce qui ne manque pas de piquant, surtout quand on constate le peu de “diversité” de la foule qui a suivi le cortège du cercueil de feu Jean-Philippe Smet.
    A vrai dire, c’est un véritable acte de divorce culturel de la part de nos “banlieues”, et également une scission inter-générationelle entre descendants d’Africains: j’ai quarante-cinq ans, et parce que mon père m’avait auparavant vacciné avec Brel, Brassens et Le Forestier (pas de hauts cris pour ce dernier, s’il vous plaît…), que je suis un grand fan de William Sheller devant l’éternel, je suis trop vieux pour avoir été acculturé par le rap, que j’ai connu adolescent; mais apparemment, mes frères et soeurs sommes des cas isolés, puisqu’avec des parents africains, je suis un grand fan de chanson française, et je vomis les chanteurs français qui chantent en anglais par paresse et par incompétence ! Je n’ai également plus aucune considération pour les rappeurs depuis…MC Solaar (oui, ça date!), qui toute proportion gardée, reproduisent le phénomène … Yéyé en transposant le Gangsta Rap américain (RAP=”Rythm And Poetry”) en français, alors que les contextes ne sont pas les mêmes, là où les jeunesses américaines et françaises se faisaient écho durant les 30 Glorieuses, et que les chansons rock’n’roll traduites en français respiraient l’optimisme et la joie de vivre de l'”American way of Life”. Au passages, même les Anglais singeaient les Amerloques, à l’époque, c’est dire! Tout ça pour dire que Johnny est plus pour moi l’incarnation de l’américanisation de France que l’âme de notre cher pays…
    D’ailleurs, il est étonnant que vous n’ayez pas évoqué le décès de Jean D’Ormesson, qui pour moi représentait bien plus l’âme française que Johnny. D’accord, j’ai toujours pensé qu’il était un poil surfait question oeuvre littéraire, et son passé de directeur de la rédaction du Figaro m’a longtemps incité à la méfiance, mais il avait un trait de caractère typiquement français, celui des mots d’esprits et une grande élégance…
    Dans les deux cas, nous avons enterré une certaine idée de notre pays, et je ne me réjouis guère que des incultes comme Napoléon le Micron et ses séides déclament, à cette occasion, l’oraison funèbre de la culture de notre pays…

    • Descartes dit :

      @ CVT

      [Alors qu’ils étaient de jeunes adolescents en Afrique, peu après les indépendances ! Ce qui ne manque pas de piquant, surtout quand on constate le peu de “diversité” de la foule qui a suivi le cortège du cercueil de feu Jean-Philippe Smet.]

      C’est en effet un sujet qui n’a pas donné lieu à beaucoup de commentaires…

      [A vrai dire, c’est un véritable acte de divorce culturel de la part de nos “banlieues”, et également une scission inter-générationelle entre descendants d’Africains: j’ai quarante-cinq ans, et parce que mon père m’avait auparavant vacciné avec Brel, Brassens et Le Forestier (pas de hauts cris pour ce dernier, s’il vous plaît…),]

      Pourquoi voulez-vous que je pousse des hauts cris ? Des goûts et des couleurs chacun est libre. Mais si les chansons de Le Forestier sont souvent belles, elles n’arrivent pas à la cheville d’un Brel ou un Brassens…

      [D’ailleurs, il est étonnant que vous n’ayez pas évoqué le décès de Jean D’Ormesson, qui pour moi représentait bien plus l’âme française que Johnny. D’accord, j’ai toujours pensé qu’il était un poil surfait question oeuvre littéraire, et son passé de directeur de la rédaction du Figaro m’a longtemps incité à la méfiance, mais il avait un trait de caractère typiquement français, celui des mots d’esprits et une grande élégance…]

      L’actualité dense et un temps limité par ma charge de travail m’obligent à laisser tomber certains sujets. Mais puisque vous l’évoquez, je vous dirai que je regretterai certainement plus d’Ormesson que Johnny. Ce n’est certes pas un grand écrivain – et lui-même ne se faisait aucune illusion à ce sujet – et son passage au Figaro n’a pas laissé que de bonnes choses. Mais il avait une élégance, un raffinement, un amour communicatif des belles choses… et puis, il reste à ma connaissance l’un des très rares hommes de droite à avoir reconnu en Aragon le plus grand poète français du XXème siècle, défendant son œuvre y compris devant des représentantes de cette « gauche » anticommuniste triomphante dans les années 1980.

    • Pierre dit :

      ((Je n’ai également plus aucune considération pour les rappeurs depuis…MC Solaar (oui, ça date!))

      En aparté, j’ai emprunté dernièrement à ma médiathèque préféré l’album “Pris sous les bombes” de NTM, par curiosité, n’ayant pas été très “attentif” au mouvement rap français lors de son apogée. Et j’ai été frappé non pas par l’écriture, mais par le ton général des paroles.

      De quoi parlait NTM ? de volonté d’assimilation, de fierté de classe (banlieusarde) et jamais d’origine, d’une irrépressible envie de faire bouger la société française… aujourd’hui de quoi parlent les groupes de rap ? de fric, de traffic, de défonce, de prison, de gonzesses… quand ce ne sont pas de “superbes” textes crachant sur leur pays d’accueil, pour lesquels tous les bobos antiracistes se dépêchent de signer une pétition de soutien…

    • Descartes dit :

      @ Pierre

      [De quoi parlait NTM ? de volonté d’assimilation, de fierté de classe (banlieusarde) et jamais d’origine, d’une irrépressible envie de faire bouger la société française…]

      On n’a pas du les écouter de la même oreille. Moi j’ai plutôt entendu un discours pleurnichard et « victimiste » : « Des hors-la-loi n’ayant pas d’autre choix/Que de développer une vie parallèle/Business illicite, la survie t’y invite/Comme persuadé de prendre le chemin de la réussite/Mais pour ça, qui fait quoi ? Quelle chance nous à donné l’État ? » (dans « Qui paiera les dégâts »). Quant à « l’irrépressible envie de faire bouger la société française », je vous propose de réfléchir sur le morceau suivant : « Mais il est temps que cela cesse, fasse place à l’allégresse/Pour que notre jeunesse d’une main vengeresse/Brûle l’état policier en premier et/Envoie la république brûler au même bûcher,/Ouais ! » (dans « Qu’est ce qu’on attend »).

      Je n’ai pas trouvé chez NTM le moindre texte qui ferait référence à une « volonté d’assimilation ». Avez-vous un exemple ? Quant à la « fierté de classe (banlieusarde) », je ne vois pas à quelle « classe » vous faites référence. Les « classes » sont définies par une fonction dans le mode de production, et les textes de NTM ne font jamais référence à une activité productive quelle qu’elle soit…

      [aujourd’hui de quoi parlent les groupes de rap ? de fric, de traffic, de défonce, de prison, de gonzesses…]

      Dans le disque de NTM auquel vous faites référence, l’une des chansons porte le titre « pass pass le oinj ». Et ce n’est pas précisément une critique de la « défonce »… Il est vrai que les textes de NTM paraissent plutôt bon enfant comparés à ceux de leurs successeurs… mais de là à en faire des chants révolutionnaires…

  4. morel dit :

    Dans la même veine, il y a eu cette députée macroniste qui a osé le comparer à Victor Hugo…
    Dans cette hystérie copieusement alimentée par les politiques et les médias, ce texte de Boris Vian à propos d’une autre canonisation à l’époque :

    Qu’il soit minuit, qu’il soit midi
    Vous me faites chier, docteur Schweitzer.
    Si vous entrez dans la légende
    Mettez des semelles de caoutchouc
    Vos godasses de vieux trappeur
    Ça fait du bruit sur les cailloux.

  5. bernard dit :

    Le PC de Marchais a su en son temps faire venir Johnny pour attirer les foules , et ca fait longtemps que le PC est disparu des radars et mort et enterré

    • Descartes dit :

      @ bernard

      [Le PC de Marchais a su en son temps faire venir Johnny pour attirer les foules,]

      N’étais-ce pas Lénine qui disait que la fin justifie les moyens ? Si vous saviez le nombre de thons avec qui j’ai dansé dans ma jeunesse dans les bals populaires organisés par le Parti avec l’espoir de les faire adhérer…

      [et ca fait longtemps que le PC est disparu des radars et mort et enterré]

      Souvent je me dis ça… et puis j’entends les anticommunistes. Et je me dis que si le PCF peut encore susciter autant de haine, c’est qu’il ne doit pas être aussi mort qu’on le pense…

    • BolchoKek dit :

      @ Descartes

      >Souvent je me dis ça… et puis j’entends les anticommunistes. Et je me dis que si le PCF peut encore susciter autant de haine, c’est qu’il ne doit pas être aussi mort qu’on le pense…< C’est amusant, n’est-ce pas ? C’est un des petits plaisirs que j’avais et qui me motivait pour aller diffuser au marché chaque dimanche : la lividité subite des bourgeois quand on leur donne un tract estampillé “Parti Communiste Français”. S’il porte le marteau et la faucille, points bonus. On aurait presque dit qu’ils avaient vu un fantôme, un “fantôme qui parcourt l’Europe” ;)…

    • bernard dit :

      Ce que je voulais dire c’est que tout simplement même au PC de l’époque on savait que faire venir une vedette de la chanson on pouvait récupérer son audience pour attirer les foules a la fête de l huma , et qu’aujourd’hui les politiques savent utiliser l’image de Johnny pour se faire une certaine publicité et qu’enfin je crois que Johnny n’a rien demandé a personne et surtout pas devenir un Héros n’as t’il pas chanté ( JE NE SUIS PAS UN HEROS) pour le reste d’accord avec vous

    • Descartes dit :

      @ bernard

      [Ce que je voulais dire c’est que tout simplement même au PC de l’époque on savait que faire venir une vedette de la chanson on pouvait récupérer son audience pour attirer les foules a la fête de l’huma,]

      Bien entendu. Une des premières choses qu’on enseignait dans les écoles du Parti était précisément qu’il faut toujours partir de ce que les gens ont dans la tête, et construire la conscience politique à partir de là. Si les jeunes – car à l’époque ils étaient jeunes – écoutent Johnny, alors loin de balayer la chose d’un revers de manche il faut s’en saisir. Non pour la récupérer, mais pour chercher à la dépasser.

      [qu’enfin je crois que Johnny n’a rien demandé a personne et surtout pas devenir un Héros n’as t’il pas chanté ( JE NE SUIS PAS UN HEROS) pour le reste d’accord avec vous]

      Ce n’est pas Johnny qui a chanté « je ne suis pas un héros », mais Daniel Balavoine. Un chanteur qui avait une conscience bien plus profonde des ambiguïtés de son statut – il faut écouter sa chanson « le chanteur », c’est une pure merveille !

    • bernard dit :

      Johnny a chanté je ne suis pas un héros en mémoire a Balavoine vous pouvez vérifier !

    • Descartes dit :

      @ bernard

      [Johnny a chanté je ne suis pas un héros en mémoire a Balavoine vous pouvez vérifier !]

      Certes. Mais ce n’était pas une chanson à lui. Lorsqu’un chanteur reprend une chanson en hommage à un collègue, le but est de reprendre la chanson qui le mieux représente le disparu, et non pas celui qui la reprend. C’est pourquoi à mon avis vous faites fausse route lorsque vous tirez de cette reprise la présomption que Johnny ne se considérait pas lui-même un héros. Aucune chanson de Johnny lui même ne montre d’ailleurs une quelconque tendance à la modestie…

  6. Marcailloux dit :

    @ Descartes,
    Bonjour,
    Telle une partition de Mozart, pas une note à retrancher, pas une à ajouter.
    Si peut-être, une variation possible avec des jeux de maux :
    [tout le monde s’y met.]
    Non ! tout le monde s’y smet ! ! !  :-)))
    Merci Descartes de dire si bien ce que beaucoup pensent et doivent exprimer avec circonspection devant ce déchainement infantile et consumériste.
    Je présume et j’espère que votre billet va générer d’innombrables réactions.

  7. Marcailloux dit :

    Addendum au précédent commentaire.
    L’hommage national à Jean D’Ormesson est dans une mesure bien moindre, de la même veine émotionnelle que celle pour Jean Phillipe Smet. Jean d’O était un personnage admirable, faisant honneur à une certaine idée de la France, très agréable à écouter. Mais littérairement, il n’est pas encore établit qu’il laissera une trace indélébile. Il était un faire valoir des présidents successifs.
    Mais n’ont-ils pas l’un comme l’autre une fonction d’utilité politique, celle de fédérer, un instant et par la corde de l’émotion, une population individualiste en désagrégation. celle de séquencer le flux d’informations gouvernementales afin de limiter toute éventualité de fédération des oppositions.

    • Descartes dit :

      @ Marcailloux

      [L’hommage national à Jean D’Ormesson est dans une mesure bien moindre, de la même veine émotionnelle que celle pour Jean Phillipe Smet. Jean d’O était un personnage admirable, faisant honneur à une certaine idée de la France, très agréable à écouter. Mais littérairement, il n’est pas encore établit qu’il laissera une trace indélébile.]

      Qui sait ? Lorsqu’on regarde la liste des prix Nobel de littérature, on trouve de nombreux écrivains qui aujourd’hui sont totalement oubliés. Et à l’inverse, un compositeur comme Bach, qui de son vivant n’était qu’un Kapelmeister de seconde zone, est considéré aujourd’hui parmi les plus grands génies de tous les temps. Si on attendait pour rendre hommage de savoir qui laissera une trace indélébile, on ne rendrait pas beaucoup d’hommages…

      Je pense que les hommages ne concernent pas les morts, mais les vivants. Rendre hommage à une personnalité, c’est proposer ses qualités en exemple. Et Jean d’Ormesson avait des qualités qui le méritent : sa gentillesse, son raffinement, son amour de la langue et des belles choses…

      [Il était un faire valoir des présidents successifs.]

      Pas de Mitterrand, en tout cas. Ce fut lui qui révéla les commentaires de celui-ci sur « la nocivité du lobby juif »…

    • Marcailloux dit :

      @ Descartes

      [Mais littérairement, il n’est pas encore établit qu’il laissera une trace indélébile.]
      [[Qui sait ? . . . . . .]]
      Lui même l’a reconnu. Et s’il n’est pas “encore établit” cela ne présume en rien de ce qui pourrait être.
      Je vous suggère de lire plus attentivement, cher Descartes

  8. d'Aubrac dit :

    Heureusement que Jacques Delors n’a pas passé l’arme à gauche -si j’ose dire- dans la foulée de Jean d’O et de Johnny.
    Pour le coup, c’eût été la béatification immédiate. Avec obsèques directement au Panthéon.
    En attendant -Sancto Subito- la canonisation !
    Ouf.

    • Descartes dit :

      @ d’Aubrac

      [Heureusement que Jacques Delors n’a pas passé l’arme à gauche]

      Lui, on le garde pour une grande occasion… peut-être juste avant l’élection européenne de 2019 ?

  9. cdg dit :

    Vous avez la dent dure contre Johnny. Il faut quand meme reconnaitre qu il etait quand meme doué dans son metier. Combien de chanteurs ont fait comme lui une carriere de 1959 jusqu en 2017 ?
    Les pleurs sur la mort de Johnny c est aussi les pleurs sur la mort d une certaine France : celle des baby boomers, qui comme vous le dites a profité a plein de l expansion economique, de la fin des guerres (l algerie c est finit en 62). Une epoque ou vous etiez sur que demain serait meilleur qu aujourd hui et que vos enfants auront une meilleure vie que la votre.
    Cette France n existe quasiment plus, ravagee par le declin industriel et modifiee par l immigration (pas politiquement correct je sais mais les fans de Johnny sont quand meme pas souvent d origine africaine)
    Enfin pour finir de défendre le sieur Halliday, il faiut quand meme signaler qu il a fait son service militaire (troupe francaise en RFA, pas considéré comme un cadeau a l epoque) alors qu il etait deja celebre. Il ne s est pas fait reformer ou affecter a une planque (comme par ex Balkany a l elysee).
    A tout prendre, je prefere avoir une cérémonie pour un chanteur mort que pour célébrer la victoire de footballeurs dont le comportement est encore pire

    PS: je n appreciait pas Halliday comme chanteur mais il etait emblematique de la generation 68

    • Descartes dit :

      @ cdg

      [Vous avez la dent dure contre Johnny. Il faut quand même reconnaitre qu’il était quand même doué dans son métier.]

      Vous ne m’avez pas lu attentivement. Voici ce que j’ai écrit : « il avait une voix magnifique, une résistance physique rare, un sens profond du spectacle ». Je pense donc avoir suffisamment reconnu les mérites de Johnny Hallyday dans son métier.

      [Combien de chanteurs ont fait comme lui une carrière de 1959 jusqu’en 2017 ?]

      Charles Aznavour fait nette ment mieux : il commence à chanter en 1942 et n’a toujours pas arrêté, soit 75 ans de carrière contre seulement 58 pour Johnny. Tino Rossi fait à peine moins bien : il commence à chanter en 1930 et chante pour la dernière fois en 1982, soit 52 ans de chant. Compte tenu du gain d’espérance de vie, la performance de Rossi est nettement plus impressionnante…

      [Cette France n’existe quasiment plus, ravagée par le déclin industriel et modifiée par l’immigration (pas politiquement correct je sais mais les fans de Johnny sont quand même pas souvent d’origine africaine)]

      C’est un sujet intéressant, et sur lequel on n’a pas entendu beaucoup de commentaires…

      [A tout prendre, je prefere avoir une cérémonie pour un chanteur mort que pour célébrer la victoire de footballeurs dont le comportement est encore pire]

      Entre la peste et le choléra…

  10. luc dit :

    Merci,cher Descartes,pour ce texte Rock n’ Roll,dans un unanimisme médiatique soporofique…
    Pourtant,l’histoire dramatique du père de johny,mérite d’être connue.
    Ce technicien belge en électronique,travaillait aux pfemiers essais de la tv,la fernsehen,dans les studios au 3ième étage de la tour eiffel.
    Sous l’autorité de la wehrmacht,ce furent des jours heureux,pour le pére de Johny,qui se maria et conçu avec sa femme,sous les meilleurs auspices nazis de la France occupée.
    Mais vint Stalingrad,puis la défaite de l’hydre nazi.
    Le père de johny,ne supporta pas la libération,et devint clochard…
    Beaucoup des parents de nombre de vedettes actuelles sont les enfants des collaborateurs.
    N’est ce pas dans cette filiation qu’il faut trouver l’explication de ce culte du superficiel,et de la vacuité,des yéyés ou des bobos?

  11. BolchoKek dit :

    Recevant la bénédiction fortuite de ne pas avoir la télé, la mort de Johnny ne me touche même pas. Je pense parler pour ma génération – ceux nés entre 85 et 95 – en disant que pour nous, Johnny, c’est un truc de vieux que nous n’avons jamais vraiment compris. Même si moi-même, j’ai eu la chance de grandir dans un environnement familial qui écoutait Brassens et Ferré, j’ai toujours eu rétrospectivement cette impression qu’avec les « yéyé » une époque dont la culture populaire était admirable s’est enfoncée dans la débilité et l’infantilité la plus forcenée. Une autre époque, sans doute…

    • Descartes dit :

      @ BolchoKek

      Content de voir par ici l’un de mes plus fidèles lecteurs…

      [Recevant la bénédiction fortuite de ne pas avoir la télé, la mort de Johnny ne me touche même pas. Je pense parler pour ma génération – ceux nés entre 85 et 95 – en disant que pour nous, Johnny, c’est un truc de vieux que nous n’avons jamais vraiment compris.]

      Effectivement, Johnny est un personnage très daté. Il est très lié à l’esprit d’une époque, et c’est pourquoi je doute fort qu’il puisse prétendre à l’universalité qui fait les grands artistes. Une fois disparue la génération qui a vécu au rythme de ses chansons, il sera probablement vite oublié.

    • BolchoKek dit :

      @ Descartes

      >Content de voir par ici l’un de mes plus fidèles lecteurs…< Oh, je suis le blog assidument, tout comme les fils de commentaires. J’évite cependant de commenter trop en longueur car je sais à quel point il est facile de se laisser entraîner dans des conversations certes fascinantes, mais ô combien chronophages, et le temps est bien un luxe dont je ne dispose guère ces temps-ci… Sinon, je me faisais une réflexion aujourd’hui : il sera surtout intéressant de comparer le traitement médiatique de la mort de Johnny à celle de Renaud, quand elle adviendra. L’un est le chanteur pré-68, celui de l’insouciance, mais également un chanteur populaire et assez marqué « beauf » pour les classes bavardantes, ce qui explique une certaine ambiguïté de nombreux hommages. L’autre est le chanteur post-68 par excellence, le libertaire destructeur qui attaque tout ce qui reste de la société gaullienne, devenu ironie du sort le symbole parfait de la boboïté avec l’âge, et la coqueluche de la pensée dominante. On peut imaginer en société détester Johnny Hallyday ; détester Renaud c’est franchement plus difficile. Pour encore changer de sujet, je voulais te transmettre cet article :
      https://blog.causeur.fr/lavoixdenosmaitres/ce-que-le-media-nous-dit-des-medias-00662.html
      Le blog dans son intégralité est excellent, mais c’est surtout la citation de Aude Lancelin que je trouve pour le coup excellente :
      « la critique des médias n’est pas un sport très répandu chez mes confrères. Ça passe souvent pour un manque de « confraternité ». On entend souvent ce terme-là, que je n’ai pour ma part jamais compris. Si vous êtes charcutier, devez-vous vous sentir solidaire d’un confrère qui mettrait de la viande avariée dans ses saucisses ? C’est très curieux comme idée. »
      Cet aspect « guilde d’ancien régime » du journalisme moderne est en effet assez frappant…

    • Descartes dit :

      @ BolchoKek

      [Oh, je suis le blog assidument, tout comme les fils de commentaires. J’évite cependant de commenter trop en longueur car je sais à quel point il est facile de se laisser entraîner dans des conversations certes fascinantes, mais ô combien chronophages, et le temps est bien un luxe dont je ne dispose guère ces temps-ci…]

      Quel dommage… Je n’ai pas beaucoup de temps moi non plus – ce qui explique le ralentissement du rythme sur ce blog – mais les échanges avec les lecteurs sont souvent le point d’orgue de ma journée. Ca me sort des questions prosaïques du boulot… un peu comme un bistrot virtuel !

      [Sinon, je me faisais une réflexion aujourd’hui : il sera surtout intéressant de comparer le traitement médiatique de la mort de Johnny à celle de Renaud, quand elle adviendra.]

      Effectivement, la comparaison est intéressante. Johnny a été l’icône d’une jeunesse culturellement en rupture avec ses parents. Renaud, au contraire, est le chanteur d’une jeunesse en continuité culturelle avec la génération qui l’a précédé. Johnny scandalisait les parents des soixante-huitards, Renaud a été celui des enfants de soixante-huitards, ravis de voir leur progéniture entendre des chansons qui portaient leurs valeurs… Et on le voit dans les attitudes politiques. Johnny a appelé à voter pour Chirac, un homme politique proche de sa génération, qui se plaçait en rupture avec le style politique de son temps, alors que Renaud a appelé a voter pour Mitterrand, un politique de deux générations son ainé venant des profondeurs de la IVème République.

      Johnny a, en son temps, fait peur à quelqu’un. Renaud n’a jamais fait peur à personne. La banlieue de Renaud, c’est la banlieue telle que les classes bavardantes l’aiment. Un peu canaille, mais sympa. Dans le HLM de Renaud, il n’y a pas de place pour le salafiste ou la femme voilée, et personne ne pisse dans l’

      [Le blog dans son intégralité est excellent, mais c’est surtout la citation de Aude Lancelin que je trouve pour le coup excellente : « la critique des médias n’est pas un sport très répandu chez mes confrères. Ça passe souvent pour un manque de « confraternité ».]

      Aude Lancelin parcourt depuis bien longtemps les couloirs du système médiatique. Pourtant, jamais elle n’a exprimé publiquement une critique… jusqu’au jour où elle s’est elle-même faite lourder. Elle me fait penser à Kerviel, l’heureux trader qui empochait les primes et ne faisait pas de politique jusqu’au jour où il s’est fait virer. C’est curieux comment ces gens crachent dans la soupe quand on leur enlève la cuiller… Et le fait que la « France Insoumise » leur accorde une telle importance est là encore assez révélateur.

      [On entend souvent ce terme-là, que je n’ai pour ma part jamais compris. Si vous êtes charcutier, devez-vous vous sentir solidaire d’un confrère qui mettrait de la viande avariée dans ses saucisses ? C’est très curieux comme idée.]

      L’esprit de corps a quelques avantages. Si les professeurs commençaient à taper publiquement les uns sur les autres, comment les étudiants pourraient avoir confiance en eux ? Seulement, pour que l’esprit de corps soit positif, il faut que le corps tout en faisant preuve de solidarité devant l’extérieur, fasse sa police correctement à l’intérieur. Que les journalistes soient solidaires, c’est bien. A condition que le journaliste qui se permet de manquer à la déontologie soit chassé de la corporation…

  12. morel dit :

    Une exception sur le sujet dans le domaine journalistique (et de plus, c’est drôle) :

    http://www.telerama.fr/television/saint-johnny-et-les-sept-cents-bikers,n5394698.php

    • Descartes dit :

      @ morel

      [Une exception sur le sujet dans le domaine journalistique (et de plus, c’est drôle) :]

      Très drôle. Il faut dire que le langage journalistique d’aujourd’hui est de piètre qualité, plein de métaphores mal construites, de pléonasmes, de pannes syntaxiques de toutes sortes, qui font sourire lorsque le sujet est banal, mais qui apparaissent franchement comiques dans le contexte d’un enterrement. Zitrone, qui était un grand journaliste, disait que rien n’est plus difficile que de commenter une cérémonie funèbre, et préparait minutieusement des fiches pour éviter les improvisations douteuses…

  13. Obelix dit :

    j’ai deux fils de 27 et 32 ans,le premier vit et travaille en Ecosse à Edinburgh et l’autre vit et travaille à Perth en Australie.
    Je leur ai posé la question de savoir ce qu’on en pensait la bas de johnny.
    A Edinbourgh: Hein! qui ça! fût la réponse.
    A Perth : poser la question peut vous faire passer pour un martien……ils ne savent même pas de quoi on leur parle!

    • Descartes dit :

      @ Obelix

      [j’ai deux fils de 27 et 32 ans,le premier vit et travaille en Ecosse à Edinburgh et l’autre vit et travaille à Perth en Australie. Je leur ai posé la question de savoir ce qu’on en pensait la bas de johnny.]

      Et que pense-t-on « là bas » de Barbara, de Brel ou de Ferrat ?

  14. @cdg & Descartes
    “sujet intéressant, et sur lequel on n’a pas entendu beaucoup de commentaires…”

    France 2 nous a gratifié d’une luxueuse minute d’extraits de Dominique Wolton et Laurent Joffrin sur ce thème (à vue de nez 45 secondes pour le journaliste et le reste pour le sociologue…), il y a quelque jours. Les deux ont dit “regretter” cette absence, Joffrin a aussi ajouté qu’il fallait se féliciter de cette visibilité inhabituelle de la “France périphérique”… tous ensemble avec le Rock ‘n’ roll, en somme.

    En parlant de France périphérique, je suis en train de finir le dernier C. Guilluy. Méfiez-vous Descartes, quelqu’un va écrire votre essai théorique avant vous si ça continue… :

    “L’hyperconcentration des catégories supérieures provoque une cohabitation de fait entre catégories supérieures de droite et de gauche. Si elles se distinguent notamment sur les questions sociétales, elles sont en accord sur l’essentiel: le modèle économique mondialisé.” (p.42)

    “C’est en effet à partir des métropoles que l’idéologie libérale-libertaire s’est épanouie. La sainte alliance de l’individualisme et de la loi du marché a ouvert la voie au modèle inégalitaire. Jean-Pierre Chevènement l’avait annoncé, il ne resterait rien de la droite et de la gauche si l’une abandonnait la nation et l’autre le social.” (p.43)

    “Il faut dire que les bobos n’entendent pas jouer avec l’avenir de leurs enfants. Dans la vie réelle, la logorrhée multiculturaliste ne pèse pas grand-chose, ce sera donc l’École alsacienne, le bon collègue public ou, au “pire”, l’inscription dans la privé. La mixité, le multiculturalisme réel, c’est pour les autres.” (p.70)

    Notons que Guilluy cite le premier ouvrage de M. Clouscard en 1973 (à la page p.43), honnêteté intellectuelle fort rare chez les multiples pourfendeurs du “libéralisme-libertaire” (de Soral à Michéa et Onfray en passant par Zemmour et N. Polony).

    • Descartes dit :

      @ Johnathan R. Razorback

      [France 2 nous a gratifié d’une luxueuse minute d’extraits de Dominique Wolton et Laurent Joffrin sur ce thème (à vue de nez 45 secondes pour le journaliste et le reste pour le sociologue…), il y a quelque jours. Les deux ont dit “regretter” cette absence, Joffrin a aussi ajouté qu’il fallait se féliciter de cette visibilité inhabituelle de la “France périphérique”… tous ensemble avec le Rock ‘n’ roll, en somme.]

      J’ai entendu des commentaires similaires. On a trouvé des gens pour « regretter » cette absence, mais personne à ma connaissance n’a proposé une explication. Faut-il voir le fait que Johnny s’inscrit dans une histoire que les jeunes « issus de l’immigration » n’ont plus la capacité d’intégrer comme étant la leur ?

      [En parlant de France périphérique, je suis en train de finir le dernier C. Guilluy. Méfiez-vous Descartes, quelqu’un va écrire votre essai théorique avant vous si ça continue… :]

      Ce ne sera pas la première fois… vous savez, il m’est arrivé déjà deux ou trois fois en lisant un livre de me dire « ça, c’est le livre que j’avais envie d’écrire il y a quelques années… ». Mais que voulez-vous, je suis fainéant…

      [“Il faut dire que les bobos n’entendent pas jouer avec l’avenir de leurs enfants. Dans la vie réelle, la logorrhée multiculturaliste ne pèse pas grand-chose, ce sera donc l’École alsacienne, le bon collègue public ou, au “pire”, l’inscription dans la privé. La mixité, le multiculturalisme réel, c’est pour les autres.” (p.70)]

      Tout à fait. Le plus drôle, c’est d’entendre ces élites pérorer sur les vertus de l’apprentissage et la revalorisation des métiers manuels. Aucun journaliste à ma connaissance n’a pris la peine de leur demander combien d’entre eux ont aiguillé leurs enfants vers ces filières…

      [Notons que Guilluy cite le premier ouvrage de M. Clouscard en 1973 (à la page p.43), honnêteté intellectuelle fort rare chez les multiples pourfendeurs du “libéralisme-libertaire” (de Soral à Michéa et Onfray en passant par Zemmour et N. Polony).]

      Il est vrai que la pensée progressiste a une énorme dette envers Clouscard, une dette rarement reconnue. Peut-être parce que sa perspective marxiste le rend sulfureux…

    • Antoine dit :

      Bonjour Descartes,

      > Il est vrai que la pensée progressiste a une énorme dette envers Clouscard, une dette rarement reconnue. Peut-être parce que sa perspective marxiste le rend sulfureux…

      Voudriez-vous conseiller, pour ceux qui ne l’ont jamais lu, un livre de Clouscard ?
      Merci d’avance 🙂

    • Descartes dit :

      @ Antoine

      Pour commencer par le plus facile, vous pouvez prendre “Le capitalisme de la séduction” ou “Les métamorphoses de la lutte des classes”. Après, il y a “l’Etre et le code” (qui est un texte difficile). Mais c’est un choix personnel, peut-être que Jonhathan R. Razorback, grand lecteur de Clouscard devant l’éternel, vous conseillera mieux que moi…

  15. Marcailloux dit :

    @ Descartes,
    Bonjour,
    Puisque nous en sommes au chapitre des décès, je suis étonné de ne pas lire, dans vos lignes, au moins une allusion à la disparition récente de Paul Boccara, éminent économiste post marxiste qui a abordé indirectement la notion de classe moyenne à laquelle vous accordez une place primordiale dans les rapports socioéconomiques.
    Pouvez vous en dire un mot ?

    • Descartes dit :

      @ Marcailloux

      [Puisque nous en sommes au chapitre des décès,]

      Mon dieu, vous êtes bien lugubre, ce soir…

      [je suis étonné de ne pas lire, dans vos lignes, au moins une allusion à la disparition récente de Paul Boccara, éminent économiste post marxiste qui a abordé indirectement la notion de classe moyenne à laquelle vous accordez une place primordiale dans les rapports socioéconomiques. Pouvez vous en dire un mot ?]

      Je peux, si vous y tenez. D’abord, je ne fais pas allusion à toutes les disparitions, sans quoi ce blog deviendrait vite une rubrique nécrologique. Je n’y fais référence que lorsque cette disparition met en évidence des aspects intéressants de notre dynamique sociale, comme c’est le cas de Johnny Hallyday, ou lorsque la personne disparue m’était particulièrement chère, soit parce que j’avais eu l’honneur de la connaître personnellement, soit parce que je me reconnais une filiation intellectuelle.

      Dans le cas de Boccara, je crois qu’il faut distinguer le Boccara d’avant la « mutation » et celui de l’après. Je rends hommage au grand économiste marxiste, autant pour ses efforts de comprendre les mutations de l’économie française que pour ses tentatives d’élaborer des propositions nouvelles en accord avec ces mutations. Mais je ne peux pardonner à Boccara son choix de devenir un intellectuel organique, accompagnant la lente déconfiture intellectuelle du PCF à partir de l’élection de Robert Hue. Boccara a parfaitement compris que la « mutation » impliquait pour le PCF la fin de toute pensée critique et son remplacement par une « vulgate » schématique et binaire. La « sécurité d’emploi et de formation », qu’il avait créée, est ainsi devenue un leitmotiv vide de sens que tout le monde répète mais personne ne comprend.

      Et pourtant, Boccara a choisi de se taire. Si tout le monde savait qu’il était fort critique de la politique suivie par la direction du PCF, il ne laissant transparaître ses critiques que de façon codée dans ses interventions, sans jamais aller à l’affrontement. Par lâcheté ? Par lassitude ? Parce qu’il voyait bien que c’était inutile ? Je ne saurais le dire, et maintenant qu’il est parti, il est probable qu’on ne le saura jamais.

      Ce qui est sûr, c’est que le PCF n’est pas près d’attirer des personnalités de ce niveau aujourd’hui. C’est d’ailleurs le cas dans toute la « gauche radicale ». Même Généreux a jeté l’éponge…

    • Antoine dit :

      @Descartes

      > Ce qui est sûr, c’est que le PCF n’est pas près d’attirer des personnalités de ce niveau aujourd’hui. C’est d’ailleurs le cas dans toute la « gauche radicale ». Même Généreux a jeté l’éponge…

      Vous piquez ma curiosité : Généreux n’est plus chez Mélenchon ? A-t-il critiqué publiquement la ligne « insoumise » ou s’est-il contenté de passer son chemin ?

      (et merci pour vos suggestions sur Clouscard, elles sont dûment notées)

    • Descartes dit :

      @ Antoine

      [Vous piquez ma curiosité : Généreux n’est plus chez Mélenchon ? A-t-il critiqué publiquement la ligne « insoumise » ou s’est-il contenté de passer son chemin ?]

      Vous n’avez pas remarqué qu’il n’a pas participé à la campagne présidentielle, qu’il ne signe plus aucun document – même pas un des livrets thématiques – et qu’il n’était pas présent à la “convention” ? Il n’a pas non plus été candidat aux législatives, alors qu’il était l’une des rares figures à avoir une véritable compétence technique sur les questions économiques…

      Non, Généreux n’a pas critiqué publiquement la ligne “insoumise”, mais de toute évidence il s’est mis en marge de l’opération FI depuis avril 2017. Une petite recherche sur Google vous montrera que depuis il garde un silence absolu. Est-ce un différend politique ou plus banalement un problème familial ou de santé ? Je ne saurais le dire. Mais le fait est qu’il a disparu de la circulation…

  16. Obelix dit :

    @ Descartes
    Barbara ,Brel ou Ferrat…je ne sais pas ,je vais poser la question.Hélas je crains que ce soit “un peu pareil”.Ce qui voudrait peut être signifier que le domaine de la “chanson populaire française” passe très très peu nos frontières……..et Johnny pas plus qu’un autre.

    • Descartes dit :

      @ Obélix

      [Ce qui voudrait peut être signifier que le domaine de la “chanson populaire française” passe très très peu nos frontières…]

      Exactement. La chanson populaire française n’a aucune raison de s’imposer ailleurs que dans le monde francophone…

  17. bip dit :

    A mon avis, vous ratez le point majeur qui liait Hallyday et son public.

    Alors je suis trop jeune pour avoir vécu les yéyés. Et je n’ai pas beaucoup entendu ses chansons (c’était plutôt Sardou dans la voiture familiale quand j’étais petit 😉 ). Si je le « connais » , c’est avant tout par la manière dont il a été moqué dans les médias.
    Et sur ce plan, il a incarné le « petit peuple de droite » comme aucun autre artiste. Il est le seul, à ma connaissance, à avoir été traité ainsi.
    Les journalistes le considéraient, ou devrais-je dire le « méprisaient », à l’égal de son public.

    Quand toute l’intelligentsia de « gauche » (= tout le spectre médiatique) se foutait de sa gueule (beauf, alcoolo, abruti, ringard, « être un johnny »), ce n’était pas la superstar qu’on moquait. Ce n’était pas le « riche à millions ». Ce n’était pas son mode de vie. Ce n’était pas sa musique. Mais c’était son public. Ou plutôt ce qu’ils avaient en commun.
    Et ça, son public l’a senti et l’aimait sans doute pour beaucoup pour cette raison. Car peu sont ceux qui auraient « assumé » ainsi. Avec sa manière de ne pas chercher à convenir au système médiatique, il n’a pas « trahi ». Il n’a pas trahi son public pour plaire à des médiocres qui se prennent pour le nombril du monde. Et de ça son public lui a été infiniment reconnaissant.
    Il était « eux-même » projeté dans tout en haut de la société médiatique. Et il a « assumé ».
    D’où, à mon avis, un lien qui dépassait de très loin le rapport star/fan. Et l’adoration que certains ont eu pour lui. Sans doute accentuée par un féroce manque de concurrence sur ce « créneau »…

    On pourrait ajouter que s’il n’a jamais franchi le « rubicon » politique, il n’a, à ma connaissance, pas passé son temps à cracher sur le FN ou à faire des leçons de morale. Là où tant d’autres se sont vautrés.

    Pourquoi seul Hallyday a eu ce parcours ? Calcul ? Bêtise ? Ou une absence profonde de mépris pour ce petit peuple et le courage de l’assumer ? Car si on a entendu des tonnes et des tonnes de choses sur lui ces derniers temps, moi j’ai pas entendu un seul témoignage où il a été dit qu’il aurait méprisé un « petit ». Mais des tas qui allaient dans l’autre sens.

    Il est possible que si on avait vu un peu plus de politiques montrer un pareil comportement, on ne serait peut-être pas dans cette merde…

    ps : j’ai pensé à vous quand j’ai vu cette foule, dans un silence respectueux, écouter l’ave maria. 😉
    Pas de racines, pas de racines, qu’est-ce que ce serait s’il y en avait ?

    • Descartes dit :

      @ bip

      [Alors je suis trop jeune pour avoir vécu les yéyés. Et je n’ai pas beaucoup entendu ses chansons (c’était plutôt Sardou dans la voiture familiale quand j’étais petit 😉 ). Si je le « connais » , c’est avant tout par la manière dont il a été moqué dans les médias. Et sur ce plan, il a incarné le « petit peuple de droite » comme aucun autre artiste. Il est le seul, à ma connaissance, à avoir été traité ainsi.]

      Je pense que vous faites erreur. Johnny n’a pas été « moqué » plus qu’un autre. Pensez à Dalida, à Tino Rossi, à Sardou lui-même, et à toute une série de chanteurs, populaires ou pas, qui ont été l’objet d’innombrables moqueries. Dans la génération de Johnny, toutes les célébrités du spectacle passaient à la moulinette de la satire. Et une satire plutôt cruelle, dont le meilleur exemple était Thierry Le Luron. Bien sûr, c’était avant que les « majors » du disque prennent le pouvoir et prennent leurs mesures pour protéger leur investissement : aujourd’hui qui oserait se moquer de Nolwenn ?

      [Les journalistes le considéraient, ou devrais-je dire le « méprisaient », à l’égal de son public.]

      Là encore, je pense que vous faites fausse route. Peut-être que les journaliste du « Monde » ou de « France Culture » méprisaient Johnny et son public. Mais ils constituent une toute petite minorité guère représentative de la profession. La grande presse populaire – « France Soir », « Le Parisien », la presse régionale – et la télévision naissante ont au contraire fait une place signalée à Johnny et ses « copains ». « Salut les copains », l’émission qui a lancé Johnny, Sheila et les autres a été l’une des émissions les plus regardées de l’époque. Et ça passait sur les ondes publiques.

      [Quand toute l’intelligentsia de « gauche » (= tout le spectre médiatique) se foutait de sa gueule (beauf, alcoolo, abruti, ringard, « être un johnny »), ce n’était pas la superstar qu’on moquait. Ce n’était pas le « riche à millions ». Ce n’était pas son mode de vie. Ce n’était pas sa musique. Mais c’était son public. Ou plutôt ce qu’ils avaient en commun.]

      Mais depuis quand le public de Johnny était « beauf, alcoolo, abruti, ringard » ? Vous oubliez me semble-t-il que Johnny a été une « star » des adolescents et des très jeunes adultes, un public qu’on peut difficilement qualifier de « beauf, alcoolo, abruti ou ringard ». Que ces jeunes cons soient devenus de vieux cons plus tard, c’est une autre affaire, mais lorsque cette transformation s’est opérée Johnny était déjà une idole depuis fort longtemps.

      [Et ça, son public l’a senti et l’aimait sans doute pour beaucoup pour cette raison. Car peu sont ceux qui auraient « assumé » ainsi. Avec sa manière de ne pas chercher à convenir au système médiatique, il n’a pas « trahi ». Il n’a pas trahi son public pour plaire à des médiocres qui se prennent pour le nombril du monde. Et de ça son public lui a été infiniment reconnaissant.]

      Je pense que vous reconstruisez l’histoire à posteriori pour alimenter votre démonstration. Mais vous partez d’une hypothèse fausse. Johnny a TOUJOURS CHERCHE A CONVENIR AU SYSTEME MEDIATIQUE. Faire de lui un « rebelle », un « marginal » qui aurait affronté l’establishment, c’est falsifier les faits. Johnny au contraire s’est parfaitement coulé dans le moule de l’industrie du disque, changeant son « style » en fonction de la demande de ses clients pour conquérir un public de masse et suivant en cela les conseils de ses producteurs. Oui, vous avez raison, il n’a pas « trahi son public » de la même façon que que McDonalds ne trahit pas ses clients. Cela étant dit, vous me permettrez de penser qu’un véritable artiste « défie » son public, à l’inverse du marchand de soupe qui donne au public ce que le public demande.

      [D’où, à mon avis, un lien qui dépassait de très loin le rapport star/fan. Et l’adoration que certains ont eu pour lui. Sans doute accentuée par un féroce manque de concurrence sur ce « créneau »…]

      Oui, le lien entre Johnny et son public « dépassait de très loin le rapport star/fan ». Mais pas pour la raison que vous citez. Johnny, à tort ou à raison, est devenu le symbole d’une génération, celle qui a eu la chance d’être jeune dans la société de la fin des années 1960. Un demi-siècle plus tard, c’est à travers lui que cette génération pleure sa jeunesse. Si votre raisonnement était juste, si Johnny était aimé parce que porte-drapeau d’une couche sociale, alors ses « fans » se recruteraient dans tous les âges. Or, ce n’est pas le cas, et on l’a bien vu ces derniers jours.

      [On pourrait ajouter que s’il n’a jamais franchi le « rubicon » politique, il n’a, à ma connaissance, pas passé son temps à cracher sur le FN ou à faire des leçons de morale. Là où tant d’autres se sont vautrés.]

      Un peu comme McDonalds. Vous savez, comme disait mon grand-oncle le vendeur de chemises, quand on est commerçant on ne fait pas de politique.

      [Pourquoi seul Hallyday a eu ce parcours ? Calcul ? Bêtise ? Ou une absence profonde de mépris pour ce petit peuple et le courage de l’assumer ?]

      Je dirais « calcul ». Pas forcément de sa part, mais de ceux qui l’ont fait. Car Johnny n’a jamais été tout seul. C’est une star fabriquée par un producteur de génie. Quant au « mépris », je ne me souviens pas que Barbara, Brel ou Brassens aient exprimé un « mépris du petit peuple ». Et pourtant, alors qu’ils avaient bien plus de talent que Johnny, ils ne sont pas devenus des « stars ».

      Je crois que vous négligez un aspect important des années 1960. A l’époque, le disque est devenu une industrie mature, et on commence à « fabriquer » les chanteurs comme produits industriels. Ce n’est plus la qualité artistique qui importe, mais le nombre de disques vendus. Les producteurs deviennent rois, imposant aux chanteurs non seulement le style de leurs chansons, mais aussi leur « look » et même leurs amourettes, largement relayées dans les magazines crées pour ça. Johnny n’est pas le seul : avant lui, il y a Claude François, que la mort prématurée a empêché de vieillir avec son public, ou Aznavour.

      [Car si on a entendu des tonnes et des tonnes de choses sur lui ces derniers temps, moi j’ai pas entendu un seul témoignage où il a été dit qu’il aurait méprisé un « petit ».]

      Mon grand oncle qui vendait des chemises disait qu’il ne faut jamais mépriser un client. Ou du moins, jamais en public. S’il vous plait, ne soyez pas ingénu. Ce que vous avez entendu ces derniers temps, ce sont des panégyriques. Quand une célébrité meurt, personne ne raconte qu’il était méchant avec le chien ou qu’il sodomisait la bonne. En général, cela vient quelque temps plus tard…

      [Il est possible que si on avait vu un peu plus de politiques montrer un pareil comportement, on ne serait peut-être pas dans cette merde…]

      Certainement. On serait dans une autre bien pire.

      [ps : j’ai pensé à vous quand j’ai vu cette foule, dans un silence respectueux, écouter l’ave maria. 😉
      Pas de racines, pas de racines, qu’est-ce que ce serait s’il y en avait ?]

      Oh… mais la génération que Johnny représente en avait encore, des racines. C’est une génération qui a pu se rebeller contre le grec et le latin au lycée parce qu’il y en avait encore, du grec et du latin.

    • Marcailloux dit :

      @ bip et Descartes

      Bonjour,

      Permettez moi me m’immiscer dans votre échange.

      Lorsque vous déclarez, Descartes: “Cela étant dit, vous me permettrez de penser qu’un véritable artiste « défie » son public, à l’inverse du marchand de soupe qui donne au public ce que le public demande.” je soulignerai le fait que nombre d’auditeurs et admirateurs de gens comme Brassens, Brel, Ferrat, Reggiani, etc avaient l’occasion, l’obligation même, de se confronter à leurs propres contradictions, s’ils possédaient la moindre probité intellectuelle. Et cela n’a pas de prix, ni de valeur marchande dans la noblesse de l’oeuvre dont les conséquences sont une élévation, même mineure, de l’esprit humain.
      Par ailleurs, et c’est remarquable, votre échange témoigne et illustre l’antagonisme insurmontable de deux raisonnements apparemment bien construits.

    • bip dit :

      @ Descartes

      [Je pense que vous faites erreur. Johnny n’a pas été « moqué » plus qu’un autre. Pensez à Dalida, à Tino Rossi, à Sardou lui-même, et à toute une série de chanteurs, populaires ou pas, qui ont été l’objet d’innombrables moqueries. Dans la génération de Johnny, toutes les célébrités du spectacle passaient à la moulinette de la satire. Et une satire plutôt cruelle, dont le meilleur exemple était Thierry Le Luron.]

      J’ai l’impression qu’ici et dans la suite de votre message, vous considérez principalement la 1ère partie de sa carrière (disons jusqu’aux années 80) et moi la 2nde.
      Par exemple Le Luron, ça n’évoque quasiment rien pour moi…

      Alors que si on regarde les guignols de l’info, c’est bien Hallyday qui était « invité » dès qu’on avait besoin de quelqu’un pour se payer sa tête « gratuitement ».
      J’ai pas le souvenir que d’autres « artistes » aient subi un traitement pareil. Renaud ou Goldman, je ne sais même pas s’ils avaient une marionnette.

      [aujourd’hui qui oserait se moquer de Nolwenn ?]

      Elle représente quelque chose ? Hallyday pouvait lui facilement être caricaturé en populo pas très futé.

      [Mais depuis quand le public de Johnny était « beauf, alcoolo, abruti, ringard » ?]

      Vous les avez vus comme moi sur les champs, non ?
      Des blancs qui n’habitent pas les grandes métropoles et dont quasiment aucun ne doit posséder le bon diplôme qui va bien.
      Ça suffit pour être qualifiés ainsi.

      [Johnny a TOUJOURS CHERCHE A CONVENIR AU SYSTEME MEDIATIQUE.]

      J’ai cru comprendre que lui n’avait pas cherché à lécher le derrière de Mitterrand dans les années 80 ?
      J’ai pas non plus entendu de chansons de lui vantant l’immigration, le métissage, la diversité ou la repentance. Mais je ne suis pas spécialiste.

      [Oui, vous avez raison, il n’a pas « trahi son public » de la même façon que que McDonalds ne trahit pas ses clients.]

      Donc si on considère les Quick qui sont passés au 100 % halal, ça valide l’hypothèse d’un « grand remplacement » ?

      [Cela étant dit, vous me permettrez de penser qu’un véritable artiste « défie » son public, à l’inverse du marchand de soupe qui donne au public ce que le public demande.]

      Un véritable artiste sûrement. Mais si les artistes actuels sont quasiment tous des marchands de soupe dans leurs productions, ils font en plus la morale dès qu’ils le peuvent.

      [Si votre raisonnement était juste, si Johnny était aimé parce que porte-drapeau d’une couche sociale, alors ses « fans » se recruteraient dans tous les âges. Or, ce n’est pas le cas, et on l’a bien vu ces derniers jours.]

      Je n’ai vu que quelques extraits de la cérémonie mais j’ai plutôt été surpris de voir autant de gens ayant moins de 40 ans.

      Si c’est par contre l’absence de diversité que vous soulignez comme étant une question de génération, je crois que vous êtes bien optimiste…

      [Un peu comme McDonalds. Vous savez, comme disait mon grand-oncle le vendeur de chemises, quand on est commerçant on ne fait pas de politique.]

      Votre grand-oncle était à la tête d’une multinationale ? Non parce que dire que les multinationales ne font pas de politique aujourd’hui, ça me semble un peu osé.

      [Quant au « mépris », je ne me souviens pas que Barbara, Brel ou Brassens aient exprimé un « mépris du petit peuple ».]

      Sans connaître beaucoup l’œuvre de Brassens, en 2 minutes je tombe là-dessus : https://www.youtube.com/watch?v=WscVYSu-O2w

      « Quand sonne le tocsin sur leur bonheur précaire,
      Contre les étrangers tous plus ou moins barbares,
      Ils sortent de leur trou pour mourir à la guerre,
      […]
      Cette race importune et qui partout foisonne :
      La race des gens du terroir, des gens du cru.
      Que la vi’ serait belle en toutes circonstances
      Si vous n’aviez tiré du néant tous ces jobards,
      Preuve, peut-être bien, de votre inexistence :
      Les imbécil’s heureux qui sont nés quelque part,
      Les imbécil’s heureux qui sont nés quelque part. »

      https://www.paroles.net/georges-brassens/paroles-la-ballade-des-gens-qui-sont-nes-quelque-part#pd4piGYZe05lo0D8.99

      [Certainement. On serait dans une autre bien pire.]

      Celui de ne pas mépriser le petit peuple et de l’assumer ? Ça rappelle pourtant quand même vachement le PCF du temps de Marchais, non ?

    • Descartes dit :

      @ bip

      [J’ai l’impression qu’ici et dans la suite de votre message, vous considérez principalement la 1ère partie de sa carrière (disons jusqu’aux années 80) et moi la 2nde. Par exemple Le Luron, ça n’évoque quasiment rien pour moi…]

      Le Luron était un très grand artiste, qui s’était fait une spécialité dans le pastiche satyrique des vedettes de la chanson. Actif à partir des années 1970, il est mort très jeune, ce qui explique probablement qu’il ne vous dise rien. Mais je voulais surtout vous donner un exemple pour montrer que Hallyday n’était pas, loin de là, le seul à être ridiculisé dans les médias.

      [Alors que si on regarde les guignols de l’info, c’est bien Hallyday qui était « invité » dès qu’on avait besoin de quelqu’un pour se payer sa tête « gratuitement ».]

      Stallone était bien plus présent que Johnny… non, désolé, je ne crois pas que Hallyday ait été plus maltraité que bien d’autres. Il est vrai que Johnny était particulièrement bête lorsqu’il s’exprimait en public, et cela donnait évidement une prise particulière. Mais de là à voir une conspiration des élites contre un chanteur « populaire »…

      [J’ai pas le souvenir que d’autres « artistes » aient subi un traitement pareil. Renaud ou Goldman, je ne sais même pas s’ils avaient une marionnette.]

      C’est aussi la rançon de la célébrité. Goldman était un monsieur tout le monde, et rien dans son expression ne donnait prise à la caricature. Renaud est un peu plus « typé », mais sa longue traversée du désert fait qu’il n’a pas le statut d’une icône.

      [Mais depuis quand le public de Johnny était « beauf, alcoolo, abruti, ringard » ? Vous les avez vus comme moi sur les champs, non ? Des blancs qui n’habitent pas les grandes métropoles et dont quasiment aucun ne doit posséder le bon diplôme qui va bien. Ça suffit pour être qualifiés ainsi.]

      Je pense que vous seriez surpris quant au niveau de diplôme de la foule qui s’est amassée sur les champs. Vous savez, les Harley-Davidson et les Perfecto, ce n’est pas donné de nos jours. Le public de Johnny aujourd’hui est son public d’hier, quelques années plus tard. Les petits jeunes de la civilisation du yé-yé et de « salut les copains ».

      [Johnny a TOUJOURS CHERCHE A CONVENIR AU SYSTEME MEDIATIQUE. J’ai cru comprendre que lui n’avait pas cherché à lécher le derrière de Mitterrand dans les années 80 ?]

      Mais il ne l’a pas affronté non plus. C’est en cela qu’il a « cherché à convenir au système médiatique » en bon commerçant : les hommes politiques passent, le business reste. Le public de la Fête de l’Huma ou celui des meetings à Chirac, c’est toujours du public, et l’argent qui achète les disques n’a pas d’odeur. D’autres se sont « marqués » politiquement, et ont disparu lorsque les vents ont changé. Pas lui…

      [J’ai pas non plus entendu de chansons de lui vantant l’immigration, le métissage, la diversité ou la repentance. Mais je ne suis pas spécialiste.]

      Pas plus que vous n’aurez entendu des chansons critiquant l’immigration, le métissage ou la repentance. Vous ne trouverez jamais d’affiches politiques dans un McDonalds, parce que le but est de vendre du hamburger à tout le monde, quelque soient ses opinions.

      [« Oui, vous avez raison, il n’a pas « trahi son public » de la même façon que que McDonalds ne trahit pas ses clients ». Donc si on considère les Quick qui sont passés au 100 % halal, ça valide l’hypothèse d’un « grand remplacement » ?]

      Pas vraiment, mais votre exemple illustre à la perfection mon propos. Si certains Quick vendent du Halal, ce n’est pas parce que Allah a parlé à leurs directeurs dans leur sommeil, mais parce que ceux-ci pensent pouvoir vendre plus de camelote en faisant ce geste. Ce sont des commerçants, pas des artistes. Et avec Johnny, c’est pareil : il s’est positionné politiquement de manière à maximiser son public : une touche de « rébellion » qu’on compense avec un positionnement politique vaguement à droite, un passage à la Fête de l’Huma compensé par un soutien à Chirac…

      [« Si votre raisonnement était juste, si Johnny était aimé parce que porte-drapeau d’une couche sociale, alors ses « fans » se recruteraient dans tous les âges. Or, ce n’est pas le cas, et on l’a bien vu ces derniers jours » Je n’ai vu que quelques extraits de la cérémonie mais j’ai plutôt été surpris de voir autant de gens ayant moins de 40 ans.]

      Je n’ai pas vu tant de gens de moins de 40 ans dans les reportages… plutôt des gens qui faisaient semblant d’avoir moins de 40 ans…

      [« Un peu comme McDonalds. Vous savez, comme disait mon grand-oncle le vendeur de chemises, quand on est commerçant on ne fait pas de politique ». Votre grand-oncle était à la tête d’une multinationale ? Non parce que dire que les multinationales ne font pas de politique aujourd’hui, ça me semble un peu osé.]

      Diriez-vous que McDonalds est « de droite » ou « de gauche » ? Progressiste ou conservatrice ? Pour ou contre le mariage homosexuel ? Pour ou contre une Europe fédérale ? McDonald’s est pour n’importe quelle politique qui lui permette de vendre plus d’hamburgers et de réduire ses charges. Et peu lui importe que cette politique soit faite par un socialiste, un communiste, un macroniste ou un lépéniste. Les multinationales pèsent sur la politique, c’est sûr. Mais elles ne font pas de politique. Vous ne verrez jamais une affiche prenant position sur une question politique dans un McDonald’s.

      [« Quant au « mépris », je ne me souviens pas que Barbara, Brel ou Brassens aient exprimé un « mépris du petit peuple » ». Sans connaître beaucoup l’œuvre de Brassens, en 2 minutes je tombe là-dessus : (…)]

      Je ne vois pas très bien où est le « mépris pour le petit peuple ». Vous savez, parmi les « imbéciles heureux qui sont nés quelque part » on trouve des gens de toutes les classes. Pensez au ci-devant marquis du Joli de Villiers, grand défenseur du terroir vendéen devant l’éternel. Diriez-vous qu’il fait partie du « petit peuple » ?

      Je pense que vous faites l’erreur qui consiste à identifier le « petit peuple » à la « petite France », comme si l’attachement chauvin au « terroir » était l’apanage des couches populaires, alors que l’adhésion à la « grande France » universaliste était le domaine exclusif des élites. Ce n’est pas vrai. C’est le « petit peuple » qui s’est engagé dans les armées de la Révolution et de l’Empire, c’est encore lui qui est allé coloniser l’Algérie, alors que les bourgeois de province commençaient à développer les premiers mouvements régionalistes, que la chanson de Brassens critique fort pertinemment. Plus près de nous, la « cause » bretonne, basque ou occitane a trouvé ses meilleurs soutiens dans les universités, pas dans les usines.

      [Celui de ne pas mépriser le petit peuple et de l’assumer ? Ça rappelle pourtant quand même vachement le PCF du temps de Marchais, non ?]

      Non. Le PCF du temps de Marchais s’adressait aux travailleurs, pas au « petit peuple »…

    • bip dit :

      @ Descartes

      [Goldman était un monsieur tout le monde, et rien dans son expression ne donnait prise à la caricature.]

      Le roi du bon sentiment qui a dû s’engager dans à peu près toutes les causes « humanitaires » possibles ?
      Bon, il est vrai aussi que c’est la gauche « morale » qui place les limites de l’humour toléré publiquement.

      [Je pense que vous seriez surpris quant au niveau de diplôme de la foule qui s’est amassée sur les champs. Vous savez, les Harley-Davidson et les Perfecto, ce n’est pas donné de nos jours.]

      Il y a quand même pas mal d’artisans et petits commerçants qui s’en sortent pas mal. Et la génération qui est née dans les années 60 a encore connu en partie la possibilité de faire carrière dans une même entreprise et de grimper un peu l’échelle sociale sans beaucoup de qualifications.
      Et la grosse majorité des gens n’avaient pas de Harley.
      J’ai quand même du mal à croire qu’il y ait eu beaucoup d’ingénieurs, d’avocats ou de médecins sur les Champs.
      Des routiers ou des petits commerçants, beaucoup moins.

      [D’autres se sont « marqués » politiquement, et ont disparu lorsque les vents ont changé.]

      Par exemple ?

      [Pas plus que vous n’aurez entendu des chansons critiquant l’immigration, le métissage ou la repentance.]

      Encore eut-il fallu que ce soit possible. Vous avez un exemple d’artiste qui aurait chanté (ou même filmé, élargissons) contre, au hasard, l’immigration et l’europe ?
      Le problème c’est que si vous ne trouvez ni producteur, ni gros distributeur et que vous n’avez pas accès aux médias pour vos chansons engagées de ce type, elles n’existent pas ou pour pas grand monde.
      Ne pas vanter l’idéologie dominante était peut-être le maximum qu’un artiste de variétés pouvait faire à cette époque là sans mettre fin à sa carrière. Encore aujourd’hui d’ailleurs…

      [Les multinationales pèsent sur la politique, c’est sûr. Mais elles ne font pas de politique. Vous ne verrez jamais une affiche prenant position sur une question politique dans un McDonald’s.]

      Et qu’est-ce qui distingue au final « peser sur la politique » et « faire de la politique » ? Simplement l’affichage clair et public de ses positions ?

      Utiliser vos réseaux pour faire monter médiatiquement quelqu’un, ce n’est pas faire de la politique ?

      Quand une entreprise donne des informations à certains services de renseignement sans passer par des procédures légales, elle ne fait pas de politique ?

      Une entreprise qui aurait des critères dits de « discrimination positive » dans sa politique d’embauche, sans y être obligée par des lois, ne fait pas de politique ?

      [Vous savez, parmi les « imbéciles heureux qui sont nés quelque part » on trouve des gens de toutes les classes.]

      Et ceux qui n’ont pas les capacités de s’en aller pour trouver une situation qui ne serait pas très probablement pire, on les trouve aussi dans toutes les classes ?

      Bizarrement, si vous avez les capacités de partir quand votre lieu de vie se dégrade, vous le faites. On peut donc penser que c’est celui dont les capacités rendent improbables de trouver au moins un équivalent qui va vouloir au maximum préserver son « quelque part » des choses qui le dégradent.
      Quitte à être de mauvaise foi. Car c’est pas en disant que vous vivez dans un coin pourri qu’on va vous épargner quand il va être question d’entreposer les déchets ou que vous vous mobiliserez pour vous y opposer.

      [Pensez au ci-devant marquis du Joli de Villiers, grand défenseur du terroir vendéen devant l’éternel. Diriez-vous qu’il fait partie du « petit peuple » ?]

      Celui qui a été ministre, a voyagé un peu partout dans le monde, qui cite régulièrement une discussion qu’il a eue avec Soljenitsyne, ce qui pourrait laisser penser qu’il en est particulièrement fier, et qui dit toute son admiration pour la Russie de Poutine ?
      A cette aune, les « imbéciles heureux qui sont nés quelque part » m’ont l’air particulièrement ouvert sur ce qu’il se passe ailleurs.

      Sinon vous trouvez ça mal qu’il n’ait pas oublié d’où il venait et continue à défendre ceux qui y vivent ?
      Qu’est-ce que vous voulez faire d’autre en France ? Changer la politique au niveau national sans profiter d’une crise majeur ? Même De Gaulle n’y est pas parvenu…
      Ce qui rend d’ailleurs compréhensible d’essayer de sauver ce qui peut l’être en usant de moyens plus ou moins farfelus, comme par exemple en Corse. Si vous ne voulez pas que votre village devienne « Colombée les 2 mosquées » ou « Colombée les 2 huttes en bouse », vous faites quoi aujourd’hui ?

      [Le PCF du temps de Marchais s’adressait aux travailleurs, pas au « petit peuple »…]

      Et en même temps qu’il s’adressait aux travailleurs, il méprisait le « petit peuple » ?

      Je m’aperçois que pour vous, l’expression « petit peuple » évoque l’idée de « petite France » ? Alors j’ai pas trop réfléchi sur cette expression et c’est beaucoup plus vague pour moi.
      Les « petits », les « petites gens », les « classes populaires », tout ça en est un peu synonyme dans mon esprit..

      Je ne sais pas trop comment définir ça précisément. Je dirais rapidement : ceux dont la compréhension du monde se résume en grande partie à leur expérience propre et qui ne cherchent à en convaincre personne dans le but de déboucher sur quelque chose de concret.
      Je vous avoue que je lance ça un peu en l’air et que je compte sur vous pour y voir plus clair. 😉

    • Descartes dit :

      @ bip

      [« Goldman était un monsieur tout le monde, et rien dans son expression ne donnait prise à la caricature ». Le roi du bon sentiment qui a dû s’engager dans à peu près toutes les causes « humanitaires » possibles ?]

      Mais en même temps, un homme trop « lisse » pour donner prise à la caricature. C’est d’ailleurs le lot commun de notre époque. C’est Cabu je crois qui signalait la difficulté qu’il avait à caricaturer Hollande, alors qu’il avait réussi un Sarkozy tout à fait remarquable. Sarkozy était sujet à caricature parce qu’il était excessif, rempli de tics qui le rendaient reconnaissable. Hollande, au contraire, n’avait aucun trait qui donnait prise à l’exagération.

      Si Johnny a été caricaturé et pas Goldman, c’est aussi à cause de ça. Il appartenait à une génération de fortes personnalités et qui extériorisaient cette force. Goldman, lui, appartient à une génération bien plus formatée.

      [J’ai quand même du mal à croire qu’il y ait eu beaucoup d’ingénieurs, d’avocats ou de médecins sur les Champs.]

      Vous auriez été surpris, je pense… mais en absence de toute statistique, cela restera une question indécidable.

      [« D’autres se sont « marqués » politiquement, et ont disparu lorsque les vents ont changé. » Par exemple ?]

      Sardou, chassé des médias pendant toute la première période Mitterrand.

      [Encore eut-il fallu que ce soit possible. Vous avez un exemple d’artiste qui aurait chanté (ou même filmé, élargissons) contre, au hasard, l’immigration et l’europe ?]

      Ils existent, et sont pratiquement inconnus. Il faut par exemple aller dans les groupes musicaux qui tournent dans le milieu skinhead pour les entendre. C’était bien mon point : le système de production des artistes « populaires » repose essentiellement sur la fabrication de « produits » – je pèse mes mots – tout à fait « lisses », consensuels, achetables par le plus grand nombre. Et cela suppose des prises de position plutôt « conformistes » mais sans excès. Exactement comme Johnny, marqué à droite ma non troppo.

      [Ne pas vanter l’idéologie dominante était peut-être le maximum qu’un artiste de variétés pouvait faire à cette époque-là sans mettre fin à sa carrière. Encore aujourd’hui d’ailleurs…]

      Non, justement. A « cette époque-là » un chanteur comme Ferrat pouvait contester fortement l’idéologie dominante. Cela lui fermait les médias « officiels », mais il lui restait un espace – celui des militants et sympathisants du PCF pour Ferrat – pour achetaient ses disques. Et du coup, des producteurs étaient à pour les produire. Le parcours de Johnny annonce déjà les Nolwenn d’aujourd’hui, chanteurs inscrits dans la veine conformiste et ne prenant fermement position sur rien qui ne soit rigoureusement consensuel.

      [« Les multinationales pèsent sur la politique, c’est sûr. Mais elles ne font pas de politique. Vous ne verrez jamais une affiche prenant position sur une question politique dans un McDonald’s. » Et qu’est-ce qui distingue au final « peser sur la politique » et « faire de la politique » ? Simplement l’affichage clair et public de ses positions ?]

      Ce qui distingue le fait de « peser sur la politique » et de « faire de la politique » est une question d’intention. Un militant, un dirigeant politique, un parti politique ont une intention politique. Ils ont pour objectif de réaliser une vision de la société. Les multinationales n’ont pas d’intention politique. Démocratie ou dictature, social-libéralisme ou fascisme, c’est égal pour eux tant qu’elles peuvent faire des affaires.

      [« Vous savez, parmi les « imbéciles heureux qui sont nés quelque part » on trouve des gens de toutes les classes. » Et ceux qui n’ont pas les capacités de s’en aller pour trouver une situation qui ne serait pas très probablement pire, on les trouve aussi dans toutes les classes ?]

      Je ne vois pas le rapport. D’abord, les « imbéciles heureux qui sont nés quelque part » n’habitent pas nécessairement le « quelque part » où ils sont « nés ». Vous trouvez des « bretonnants » qui vous font l’éloge de la « nation bretonne » alors qu’ils habitent Montparnasse depuis deux générations. Je ne vois vraiment pas dans la chanson de Brassens la moindre question de classe…

      [« Pensez au ci-devant marquis du Joli de Villiers, grand défenseur du terroir vendéen devant l’éternel. Diriez-vous qu’il fait partie du « petit peuple » ? » Celui qui a été ministre, a voyagé un peu partout dans le monde, qui cite régulièrement une discussion qu’il a eue avec Soljenitsyne, ce qui pourrait laisser penser qu’il en est particulièrement fier, et qui dit toute son admiration pour la Russie de Poutine ? A cette aune, les « imbéciles heureux qui sont nés quelque part » m’ont l’air particulièrement ouvert sur ce qu’il se passe ailleurs.]

      Peut-être, mais je note que vous ne répondez pas à la question posée…

      [Sinon vous trouvez ça mal qu’il n’ait pas oublié d’où il venait et continue à défendre ceux qui y vivent ?]

      Je ne fais aucun jugement de valeur. Je vous fais simplement noter que lorsque Brassens critique les « ces gens qui regardent le reste avec mépris du haut de leurs remparts, la race des chauvins, des porteurs de cocardes, des imbéciles heureux qui sont nés quelque part », ce n’est pas nécessairement les « petites gens » qui sont visées.

      Je n’ai rien contre les gens qui sont attachés à un terroir, à une culture, à un héritage Je trouve cela très sain, au contraire. Ce qui m’énerve – et je suis Brassens sur ce point – sont les gens chez qui cet attachement prend la forme d’une dévalorisation des terroirs, des cultures, des héritages des autres, persuadés que le leur est supérieur.

      [Ce qui rend d’ailleurs compréhensible d’essayer de sauver ce qui peut l’être en usant de moyens plus ou moins farfelus, comme par exemple en Corse. Si vous ne voulez pas que votre village devienne « Colombée les 2 mosquées » ou « Colombée les 2 huttes en bouse », vous faites quoi aujourd’hui ?]

      J’impose l’assimilation à ceux qui voudraient y vivre, évidemment.

      [« Le PCF du temps de Marchais s’adressait aux travailleurs, pas au « petit peuple »… » Et en même temps qu’il s’adressait aux travailleurs, il méprisait le « petit peuple » ?]

      Je ne crois pas que pour e PCF du temps de Marchais le concept même de « petit peuple » ait fait partie du vocabulaire. L’idée de « petit peuple », qui reformule la lutte de classes sous la forme d’un combat entre les « grands » et les « petits » fait partie de l’arsenal idéologique du poujadisme, pas du marxisme, pour qui c’est a position vis-à-vis du mode de production, et non la « grandeur » ou la « petitesse », qui est le prisme d’analyse de la société.

      [Les « petits », les « petites gens », les « classes populaires », tout ça en est un peu synonyme dans mon esprit…]

      Je pense qu’on a intérêt à travailler sur le vocabulaire, non pas purisme mal placé, mais parce que les idées subtiles ne peuvent être exprimées que par un vocabulaire nuancé. Parler de « travailleurs » ou « prolétaires » opposés à « capitalistes », c’est faire de la position vis-à-vis du mode de production le facteur de structuration de la société. Parler de « petites gens » – opposées à quoi, d’aileurs ? Aux « grandes gens » ? – c’est penser que la société est structurée plutôt en fonction de l’horizon intellectuel de chacun.

    • bip dit :

      @ Descartes

      [Sardou, chassé des médias pendant toute la première période Mitterrand.]

      Je pensais un exemple dans l’ « autre sens ». Quelqu’un qui se serait « marqué » politiquement pour Mitterrand et qui aurait disparu avec la droite.
      Mais je note quand même.

      [Peut-être, mais je note que vous ne répondez pas à la question posée…]

      Ça me semblait évident qu’un « marquis » ne pouvait pas être considéré comme du « petit peuple » et donc c’était implicite dans ma réponse.

      [Ce qui m’énerve – et je suis Brassens sur ce point – sont les gens chez qui cet attachement prend la forme d’une dévalorisation des terroirs, des cultures, des héritages des autres, persuadés que le leur est supérieur.]

      Je suis d’accord avec vous. Mais j’ajouterais qu’il y a quand même « des terroirs, des cultures, des héritages des autres » qui ne valent objectivement parfois pas grand chose. Alors quand ceux-là viennent vous cracher dessus…

      J’ai peut-être pris l’exemple de cette chanson un peu rapidement mais j’avais pas de mal à imaginer qu’en bon anarchiste, Brassens devait mépriser allègrement ceux qui ne pensaient comme lui.

      [J’impose l’assimilation à ceux qui voudraient y vivre, évidemment.]

      Concrètement, ça consiste en quoi si on ne dispose pas du pouvoir ? Déjà qu’avec le pouvoir cette tâche semble d’une ampleur démesurée, alors sans…

    • Descartes dit :

      @ bip

      [Je pensais un exemple dans l’ « autre sens ». Quelqu’un qui se serait « marqué » politiquement pour Mitterrand et qui aurait disparu avec la droite.]

      Ce serait difficile à trouver. Mitterrand laisse sa place à Chirac, homme de consensus à qui on peut reprocher beaucoup de choses, mais certainement pas d’avoir un penchant pour a chasse aux sorcières. En plus, pendant la période Mitterrand le système de production des « stars » a beaucoup changé : le chanteur « contestataire » a disparu pour être remplacé par le chanteur « engagé » dans des causes consensuelles, généralement humanitaires, et qui peut donc servir tous les régimes.

      [« Peut-être, mais je note que vous ne répondez pas à la question posée… » Ça me semblait évident qu’un « marquis » ne pouvait pas être considéré comme du « petit peuple » et donc c’était implicite dans ma réponse.]

      Donc, le reproche fait par Brassens aux « imbéciles heureux qui sont nés quelque part » ne s’adresse pas nécessairement aux « petites gens ». CQFD

      [Je suis d’accord avec vous. Mais j’ajouterais qu’il y a quand même « des terroirs, des cultures, des héritages des autres » qui ne valent objectivement parfois pas grand-chose. Alors quand ceux-là viennent vous cracher dessus…]

      Je ne vois pas très bien de quoi vous parlez. Quand il s’agit des « cultures locales », j’ai tendance à penser que toutes se valent, tout simplement parce qu’elles reposent sur les mêmes ressorts. Si certaines « cultures locales » sont plus riches que d’autres, c’est parce qu’elles ont incorporé des éléments qui n’ont rien de « local », mais qui viennent d’un héritage beaucoup plus large.

      [J’ai peut-être pris l’exemple de cette chanson un peu rapidement mais j’avais pas de mal à imaginer qu’en bon anarchiste, Brassens devait mépriser allègrement ceux qui ne pensaient comme lui.]

      Je ne crois pas. Le qualificatif d’anarchiste concernant Brassens me semble d’ailleurs bien excessif. On ne trouve pas dans les chansons de Brassens une prise de position proprement anarchiste. On trouve, oui, une constante revendication d’une liberté individuelle et le refus de se voir imposer des attitudes ou des règles par les autres, que ces autres soient des individus ou des institutions. Mais Brassens ne fait jamais de son choix individuel une règle générale. En ce sens, il est plutôt a-politique qu’anarchiste.

      [« J’impose l’assimilation à ceux qui voudraient y vivre, évidemment. » Concrètement, ça consiste en quoi si on ne dispose pas du pouvoir ? Déjà qu’avec le pouvoir cette tâche semble d’une ampleur démesurée, alors sans…]

      Je ne suis pas persuadé que sur cette question on soit aussi impuissant que vous le pensez. Je pense que les assimilationnistes sont en train de gagner la bataille de l’opinion – et les cris d’orfraie des différents courants « diversitaires » ces derniers temps me confirment dans cette hypothèse.

    • bip dit :

      @ Descartes

      [Donc, le reproche fait par Brassens aux « imbéciles heureux qui sont nés quelque part » ne s’adresse pas nécessairement aux « petites gens ». CQFD]

      Certes. De la même manière, les nombres premiers ne sont pas nécessairement impairs…

      [Je ne suis pas persuadé que sur cette question on soit aussi impuissant que vous le pensez. Je pense que les assimilationnistes sont en train de gagner la bataille de l’opinion – et les cris d’orfraie des différents courants « diversitaires » ces derniers temps me confirment dans cette hypothèse.]

      Et l’opinion elle est favorable à l’immigration depuis 40 ans ? Elle est favorable à la substitution de peuple ?
      Il y a donc des problèmes où la volonté de l’opinion est sans effet…

      Même la volonté exprimée par les urnes n’en a parfois aucun. Sarkozy a été élu pour « passer le karcher » et l’immigration a… augmenté.

      D’autant que je ne suis même pas sûr que « les assimilationnistes sont en train de gagner la bataille de l’opinion ».
      Déjà, il faudrait admettre qu’il existe une opinion et une seule. Si vous avez deux peuples, vous avez déjà au moins deux « opinions ».
      J’ai plutôt l’impression que l’opinion, pensée comme l’opinion majoritaire des habitants de France, n’intéresse plus les « diversitaires ». Le nombre de la « diversité » est déjà suffisant pour leur business.
      D’où le voile « antiraciste » derrière lequel on prend de moins en moins le soin de dissimuler un racisme visant les blancs.

      La bataille de l’ « assimilation », qui a eu lieu sur le terrain « culturel », et qui a durablement détruit les mécanismes assimilationistes, laisse donc peut-être place à une bataille dont le terrain sera «racial».

    • Descartes dit :

      @ bip

      [« Donc, le reproche fait par Brassens aux « imbéciles heureux qui sont nés quelque part » ne s’adresse pas nécessairement aux « petites gens ». CQFD » Certes. De la même manière, les nombres premiers ne sont pas nécessairement impairs…]

      Je crains que « les imbéciles heureux qui sont nés quelque part » soient, dans les « classes moyennes », la règle plutôt que l’exception.

      [Et l’opinion elle est favorable à l’immigration depuis 40 ans ? Elle est favorable à la substitution de peuple ? Il y a donc des problèmes où la volonté de l’opinion est sans effet…]

      Peut-être. Mais dans une démocratie, la conquête de l’opinion est le premier pas indispensable pour conduire une politique résolue, quelle qu’elle soit d’ailleurs. Et on peut se demander si l’opinion est aussi défavorable à l’immigration que vous le croyez. J’en connais qui m’expliquent qu’il faudrait restreindre l’immigration, mais qui en même temps sont ravis de trouver un artisan immigré qui travaille moins cher – et au noir – ou une nounou clandestine qu’on peut employer sans cotisations sociales. Encore une fois, il ne faut pas confondre ce que les gens disent à un sondeur et ce que les gens pensent.

      [D’autant que je ne suis même pas sûr que « les assimilationnistes sont en train de gagner la bataille de l’opinion ». Déjà, il faudrait admettre qu’il existe une opinion et une seule. Si vous avez deux peuples, vous avez déjà au moins deux « opinions ».]

      C’est quoi ce raisonnement ? Qu’est ce que le fait d’avoir un ou plusieurs « peuples » change à l’affaire ? Toute société est diverse. Il y a toujours plusieurs « opinions » dans une société. Lorsqu’on parle de « gagner la bataille de l’opinion », il s’agit de créer un consensus aussi large que possible dans la société sur un sujet donné. Il est évident qu’il restera toujours des gens qui ne partageront pas ce consensus. Dire que « les libéraux ont gagné la bataille de l’opinion dans les années 1980 » n’implique nullement de dire que TOUS les français sont devenus libéraux, mais que les principes libéraux ont bénéficié d’un large consensus.

      Ces dernières années, on a vu s’affronter trois positions sur ces questions : outre les « assimilationnistes », on trouvait d’un côté les communautaristes qui défendaient un développement séparé des différentes communautés dans un « chacun pour soi », de l’autre côté les « intégrationnistes » persuadés que le mélange allait produire une nouvelle culture « métissée » ou tout le monde pourrait se reconnaître. Le moins qu’on puisse dire, c’est que l’opinion est aujourd’hui très méfiante envers l’intégration, et a compris les dangers du communautarisme. Ca ne laisse qu’une seule alternative, et c’est celle-là qui s’impose. Quand on écoute les discours de notre ministre de l’éducation actuel, on voit bien de quel côté le vent souffle.

    • Marcailloux dit :

      @ bip

      Bonjour,

      [Certes. De la même manière, les nombres premiers ne sont pas nécessairement impairs…]

      Votre argument, s’il est exact est tout de même spécieux car dans un cas « les petites gens » sont très nombreux alors que l’exception que constitue le nombre 2 est unique.
      D’autre part, l’attachement de la plupart des « gens qui sont nés quelque part » à leur lieu de naissance tient souvent au fait que ce sont très souvent des sédentaires, des personnes qui n’ont jamais ou très peu changé de résidence dans leur vie.
      Les « nomades », ceux que leur choix ou leur carrière ont conduit à de fréquents déménagements, s’ils restent souvent attachés à leur lieu de naissance, n’en font pas pour autant un éden.
      Le nomade, à l’inverse de l’autochtone, a généralement perçu la nécessité ou le goût de s’assimiler au moins partiellement aux cultures locales qu’il a vécues. Cela le rend plus tolérant sans doute à ce qui est « étranger ».
      Nomade autant par curiosité que par nécessité, je me suis installé dès le début de ma retraite dans une petite ville du nord de l’Ardèche où la plupart des gens se connaissent depuis l’école primaire et on très peu « émigré » ne serait-ce que dans une région ou un département voisin. L’attachement à ce qui est local, qui leur rappelle une jeunesse qu’ils ont vécue ensemble, avec le ciment des souvenirs communs, les pousse à magnifier ce patrimoine mémoriel qui leur sert de viatique d’usage quotidien. Ce genre de constat, je le vis en permanence, dans les groupes d’amis, en associations, sur les marchés ou les super marchés, etc . . . ..
      Et la « classe moyenne » de l’Insee du CREDOC ou de Descartes, ni n’échappe à la règle ni en est le dépositaire exclusif.

      @ Descartes

      Bonjour,

      [Quand on écoute les discours de notre ministre de l’éducation actuel, on voit bien de quel côté le vent souffle.]

      Vous serait-il possible d’être plus explicite ? JM Blanquer a le courage d’affronter un syndicat que ses prédécesseurs craignaient probablement en tolérant de possibles dérives dangereuses.

    • bip dit :

      @ Descartes

      [J’en connais qui m’expliquent qu’il faudrait restreindre l’immigration, mais qui en même temps sont ravis de trouver un artisan immigré qui travaille moins cher – et au noir – ou une nounou clandestine qu’on peut employer sans cotisations sociales. Encore une fois, il ne faut pas confondre ce que les gens disent à un sondeur et ce que les gens pensent.]

      Moi j’en connais qui expliquent que l’immigration c’est que du bonheur, mais qui préfèrent payer pour l’école de leurs enfants et surpayer leur logement pour ne pas vivre avec les immigrés dans une trop grande proximité. (1)
      Vous ne croyez pas qu’ils compensent les autres ?

      Est-ce qu’on est d’ailleurs bien sûr que les gens savent ce qu’ils pensent ? Si vous n’avez jamais réfléchi à un sujet, difficile de dire que vous en pensez quelque chose…

      Et comment on fait pour savoir ce que pense l’ « opinion » si sondage ou élection ne suffisent pas ? On imagine et on voit si ça passe ?

      [C’est quoi ce raisonnement ? Qu’est ce que le fait d’avoir un ou plusieurs « peuples » change à l’affaire ? Toute société est diverse. Il y a toujours plusieurs « opinions » dans une société. Lorsqu’on parle de « gagner la bataille de l’opinion », il s’agit de créer un consensus aussi large que possible dans la société sur un sujet donné. Il est évident qu’il restera toujours des gens qui ne partageront pas ce consensus. Dire que « les libéraux ont gagné la bataille de l’opinion dans les années 1980 » n’implique nullement de dire que TOUS les français sont devenus libéraux, mais que les principes libéraux ont bénéficié d’un large consensus.]

      Oui, je reconnais que ce que j’ai dit n’était pas très clair.
      Bien sûr qu’il y a toujours eu toutes sortes d’ « opinions » dans la société française. Mais ces « opinions » se confrontent et au final certaines s’imposent. Elles deviennent « l’opinion ».

      Mais des opinions qui n’ont aucun souci des autres opinions, qui considèrent quasiment que ces autres opinions n’existent pas, il y en a toujours eu aussi ?

      A ce compte là, on pourrait parler de « société européenne ».
      L’opinion française se fout de l’opinion allemande pour ce qui est des affaires strictement intérieures à la France, et réciproquement. Mais si ça n’empêche pas de parler d’ « opinion franco-allemande » ou de société franco-allemande, alors…

      (1) : Elles, par exemple : https://www.youtube.com/watch?v=dnIzfUyeSOQ#t=1m08
      Vous ne les trouvez pas merveilleuses ? Le moment où je fais commencer la vidéo a en tout cas beaucoup de succès sur le net pour dénoncer l’hypocrisie de certains.

    • Descartes dit :

      @ marcailloux

      [D’autre part, l’attachement de la plupart des « gens qui sont nés quelque part » à leur lieu de naissance tient souvent au fait que ce sont très souvent des sédentaires, des personnes qui n’ont jamais ou très peu changé de résidence dans leur vie.]

      Je me le demande. On peut prendre la chanson de Brassens au premier degré, et faire du « quelque part » dont il parle un lieu physique. On peut aussi imaginer qu’il fasse référence à un lieu symbolique, et que sa critique s’adresse non seulement à ceux qui ne sont jamais sortis du village de leur enfance, mais aussi à ceux qui restent prisonniers d’un milieu social, d’une tradition, d’une filiation en ignorant toutes les autres. Pensez à certains juifs religieux qui vous parlent d’Israel comme s’ils étaient nés là-bas…

      [Les « nomades », ceux que leur choix ou leur carrière ont conduit à de fréquents déménagements, s’ils restent souvent attachés à leur lieu de naissance, n’en font pas pour autant un éden.]

      Je ne crois pas que Brassens entende critiquer ceux qui restent attachés à leur terroir, à leur filiation. Lui-même a consacré des chansons à sa ville et sa région d’origine (« Prière pour être enterré à la plage de Sète »). Ce que Brassens critique, c’est ceux qui « regardent le reste avec mépris du haut de leurs remparts », c’est-à-dire, ceux qui font de cette filiation un élément de supériorité.

      [Le nomade, à l’inverse de l’autochtone, a généralement perçu la nécessité ou le goût de s’assimiler au moins partiellement aux cultures locales qu’il a vécues. Cela le rend plus tolérant sans doute à ce qui est « étranger ».]

      Je trouve que là encore vous confondez mobilité géographique et mobilité mentale. Il y a des « nomades » qui changent de région géographique tout en restant dans la même région mentale. Pensez par exemple aux « gens du voyage », ou plus banalement, aux immigrés maghrébins vivant dans des cités-ghettos. On ne perçoit pas chez eux une « perception de la nécessité » et encore moins le « goût » de s’assimiler à la culture locale, au contraire : on perçoit souvent une volonté de séparatisme, de refuser autant que faire se peut cette assimilation.

      Le « nomadisme » ne prédispose pas nécessairement à l’assimilation. Tout au plus, en mettant les « nomades » en contact avec les autres, pose la question.

      [« Quand on écoute les discours de notre ministre de l’éducation actuel, on voit bien de quel côté le vent souffle. » Vous serait-il possible d’être plus explicite ? JM Blanquer a le courage d’affronter un syndicat que ses prédécesseurs craignaient probablement en tolérant de possibles dérives dangereuses.]

      Je faisais bien entendu référence à l’épisode du séminaire « racialisé » organisé par SUD-Education, que vous avez aussi en tête.

    • Descartes dit :

      @ bip

      [Moi j’en connais qui expliquent que l’immigration c’est que du bonheur, mais qui préfèrent payer pour l’école de leurs enfants et surpayer leur logement pour ne pas vivre avec les immigrés dans une trop grande proximité. (1) Vous ne croyez pas qu’ils compensent les autres ?]

      Je pense que ce sont exactement les mêmes. Ils veulent des immigrés pour la même raison qu’ils veulent faire travailler les petits bangladeshis : pour avoir des produits et des services moins chers. Mais ils n’ont aucune envie de vivre avec eux. Leur idéal, c’est une société d’apartheid : d’un côté les « classes moyennes » vivant entre elles, de l’autre les immigrés et le prolétariat qui travaille pour eux vivant dans leurs territoires, en France ou à l’étranger.

      [Est-ce qu’on est d’ailleurs bien sûr que les gens savent ce qu’ils pensent ? Si vous n’avez jamais réfléchi à un sujet, difficile de dire que vous en pensez quelque chose…]

      Non, ces gens-là ne « savent pas ce qu’ils pensent » dans beaucoup de cas. Pire : si vous discutez avec eux, vous verrez qu’ils sont convaincus au contraire de défendre la veuve et l’orphelin. C’est le rôle de l’inconscient…

      [Et comment on fait pour savoir ce que pense l’ « opinion » si sondage ou élection ne suffisent pas ? On imagine et on voit si ça passe ?]

      L’élection est déjà plus « parlante » que le sondage. Dans le sondage, ce que vous dites n’a pas de conséquence sur vous. Vous avez tendance donc à prendre le parti le plus noble, puisque cela ne vous coute pas cher. Le vote, c’est déjà autre chose : ce que vous votez va vous revenir sous forme d’une politique. Dire dans un sondage « je suis prêt à payer le double d’impôts pour les pauvres » n’a pas tout à fait le même effet que de voter pour un candidat qui promet de mettre en œuvre cette mesure…

      Il est très difficile de savoir ce que l’opinion pense à un moment donné. Cela ne se voit en fait que rétrospectivement.

      [Bien sûr qu’il y a toujours eu toutes sortes d’ « opinions » dans la société française. Mais ces « opinions » se confrontent et au final certaines s’imposent. Elles deviennent « l’opinion ».]

      Oui, mais il faut faire la différence entre les opinions qui deviennent majoritaires – mais qui restent controversées – et les opinions qui deviennent consensuelles, qui d’une certaine manière sont « naturalisées », au point que ne pas les partager fait de vous une sorte de hurluberlu. Un exemple de cette dernière catégorie est le slogan « l’Europe est notre avenir »…

      [Mais des opinions qui n’ont aucun souci des autres opinions, qui considèrent quasiment que ces autres opinions n’existent pas, il y en a toujours eu aussi ?]

      Bien entendu. Pensez aux églises…

      [A ce compte-là, on pourrait parler de « société européenne ».]

      Ca dépend du sens que vous donnez au terme « société »…
      [L’opinion française se fout de l’opinion allemande pour ce qui est des affaires strictement intérieures à la France, et réciproquement. Mais si ça n’empêche pas de parler d’ « opinion franco-allemande » ou de société franco-allemande, alors…]

      En suivant cette logique peut-on aussi parler d’une « opinion franco-chinoise » ? Parler « d’opinion franco-allemande » n’a d’intérêt que si on pense qu’il y a une interaction entre français et allemands dans l’élaboration de cette « opinion ». Pensez-vous que ce soit le cas ?

  18. Jean-François dit :

    @bip

    [Certes. De la même manière, les nombres premiers ne sont pas nécessairement impairs…]

    J’adore la formule ! Est-elle de vous ?

    • bip dit :

      @Jean-François

      En tout cas elle ne m’est pas venue en pensant que c’était une citation !
      Au début je voulais citer Audiard et les “poissons volants qui ne sont pas la majorité de l’espèce” mais comme je n’étais pas sûr de la citation exacte et que Descartes aime bien les maths j’ai pensé à ça. 🙂

      Alors je ne sais pas si quelqu’un a déjà employé exactement les mêmes mots (j’aurais pensé que oui mais google ne me renvoie que ce résultat quand j’entre la dernière partie de cette phrase), mais l’idée derrière me semble trop banale pour que beaucoup de gens n’aient pas déjà dit quelque chose de ce genre là. 😉

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