Dimanche 23 août, le PSG jouera face au Bayern de Munich la finale de la Ligue des champions. Il pourrait venir à l’idée des supporteurs du PSG présents dans la cité phocéenne de vouloir regarder le match ensemble, voir de célébrer son résultat, sur le Vieux Port. Une intolérable provocation, paraît-il, pour les supporteurs du club local, l’Olympique de Marseille, qui selon la préfecture pourraient le faire savoir en agressant les supporteurs du PSG. Ce qui fut le cas déjà lors de la demi-finale contre Leipzig : des supporteurs de l’OM se sont rassemblés sur le Vieux-Port, ont débranché les grands écrans installés pour permettre aux Parisiens de regarder le match, ont pris à parti les supporteurs du PSG présents, et ont forcé les bars du port à éteindre leurs postes de télévision.
N’écoutant donc que son courage, la préfecture des Bouches-du-Rhône, représentant l’Etat dans le département, a pris donc l’arrêté suivant : « Du dimanche 23 août 2020 à 15 heures au lundi 24 août à 3 heures il est interdit à toute personne se prévalant de la qualité de supporter du Paris Saint Germain, ou se comportant comme tel, de circuler ou de stationner sur la voie publique sur le Vieux Port et sa périphérie dans les 1er, 2ème, 6ème et 7ème arrondissements de la commune de Marseille ». Après une intervention du gouvernement, l’arrêté – dont on peut mettre sérieusement en doute la légalité – a été abrogé. La préfecture a justifié sa décision par l’incompréhension du public, qui a vu dans l’arrêté une mesure contraire aux libertés, alors que le seul but de l’autorité préfectorale était de protéger les supporteurs du PSG eux mêmes…
Etonnant, n’est-ce pas ? Les supporteurs du PSG, qui n’ont rien fait d’autre que de regarder ensemble le match de leur équipe et célébrer le résultat, ce qui est somme toute parfaitement légal, sont interdits de célébration « dans leur intérêt ». Un peu comme si on interdisait aux femmes de sortir la nuit pour les protéger du viol. Les voyous, eux, n’auront même plus besoin de se déplacer pour « nettoyer » leur ville des influences qu’ils rejettent, l’Etat s’en charge à leur place.
Cette affaire illustre parfaitement les dérives d’un communautarisme qui atomise la société française, et où chaque groupe prétend imposer sa loi dans son territoire. Une loi qui aliène autant les membres de la communauté qui sont tenus en toute situation de montrer leur soumission sous peine d’en être chassés, quel les « estrangers » à qui l’on exige de montrer « patte blanche ». Pour illustrer ce propos, je vous propose ce commentaire de lecteur publié sur le site du journal « Le Monde » :
« Le principal intérêt de cet épisode, c’est qu’il nous renseigne sur les changements que connaît Marseille. Jusqu’aux années 2010, cet arrêté aurait été impensable, car aucun Marseillais n’aurait imaginé trahir sa ville et porter un maillot parisien. A l’époque, la ville formait une communauté bien intégrée autour de son club et de son identité. Apparemment aujourd’hui, ce n’est plus le cas : avec la gentrification et l’arrivée des bobos parisiens, ces derniers forment une population encore mal intégrée, et qui de toute évidence n’a pas envie de s’intégrer à sa ville d’accueil (contrairement à tous les autres immigrés) puisqu’elle refuse ses codes culturels fondamentaux. Qu’on sente le besoin d’interdire le maillot du psg, c’est le signe que certains pourraient le porter, le signe d’une déliquescence de l’identité marseillaise que j’aie connue. »
Intéressant, n’est-ce pas ? Commençons par le commencement : porter un maillot parisien, c’est « trahir sa ville », chose que « aucun Marseillais n’aurait imaginé » faire. La question intéressante serait de savoir pourquoi ce manque d’imagination. Peut-être parce que celui qui aurait « imaginé » pareille chose aurait précisément été considéré comme un « traître ». Et vous savez ce qui arrive aux « traîtres », n’est-ce pas ?
Mais on est encore plus surpris d’apprendre de notre commentateur que les parisiens installés à Marseille « forment une population encore mal intégrée, et qui de toute évidence n’a pas envie de s’intégrer à sa ville d’accueil (contrairement à tous les autres immigrés) puisqu’elle refuse ses codes culturels fondamentaux ». Déjà, on notera que les Parisiens sont, pour ce commentateur, assimilés à des étrangers, car on voit mal comment on pourrait être un « immigré » dans son propre pays. Mais surtout, on reproche à ces « immigrés parisiens » de refuser d’intégrer les « codes culturels fondamentaux ». Mais c’est quoi, exactement, ces « codes culturels fondamentaux » à Marseille ? Le fait de porter le maillot de l’OM ? Faisons le raisonnement inverse : les marseillais qui « montent à Paris », et ils sont nombreux, devraient-ils renoncer à porter le maillot de l’OM au nom de « l’intégration des codes culturels fondamentaux » de l’Ile de France ?
On voit bien la logique qui se cache derrière le commentaire cité : la France n’est plus une nation, mais une accrétion de territoires ayant chacun des « codes culturels fondamentaux » que les natifs sont tenus des respecter sous peine d’être considérés des traîtres. Quant à ceux qui viendraient d’un autre territoire, ils sont considérés comme des étrangers tenus de « s’assimiler » de gré ou de force.
Ici, nous avons un exemple de communautarisme qui montre que le séparatisme n’est pas forcément lié à l’immigration. Ici, une communauté « française » décide d’imposer à une autre communauté « française » sa manière de s’habiller – et au-delà, ses fidélités sportives. Le plus drôle est que cette communauté se vante collectivement de sa capacité à gérer la diversité. Il faut croire que cette diversité a des limites : la femme voilée, oui. Le porteur de maillot PSG, non.
Certains de mes lecteurs, qui suivent régulièrement ce blog, seront peut-être étonnés qu’ayant toujours défendu la logique d’assimilation de l’étranger venu en France je puisse trouver scandaleux que les habitants d’un territoire exigent l’assimilation de celui qui vient de l’extérieur. Mais justement, il y a une différence fondamentale entre l’étranger qui s’installe en France et le Parisien qui s’installe à Marseille. Le Parisien, même lorsqu’il ne vit pas à Marseille, est lié à Marseille par un devoir de solidarité inconditionnelle : s’il arrive une catastrophe à Marseille, l’impôt payé par le Parisien sera utilisé pour aider les Marseillais. Si Marseille était attaquée par un ennemi, le Parisien serait requis pour la défendre. Et ce devoir de solidarité inconditionnelle donne des droits, entre eux, celui de s’installer à Marseille sans avoir à montrer « patte blanche ». L’étranger qui vient s’installer en France n’a, lui, aucune obligation de solidarité inconditionnelle. Et c’est pourquoi il n’a aucun droit acquis à s’installer chez nous.
Le texte de notre commentateur marseillais – représentatif d’une certaine pensée régionaliste qu’on retrouve dans beaucoup de territoires – est intéressant parce qu’il met a nu les mécanismes du communautarisme. Dans un monde qui devient de plus en plus froid et mercantile, et alors que l’idéologie dominante bat en brèche l’identification à une collectivité nationale, les gens cherchent à recréer des solidarités inconditionnelles à un niveau local. En d’autres termes, l’affaiblissement de l’Etat-nation provoque l’apparition de quasi-nations au niveau local, des ensembles qui revendiquent des frontières, qui séparent « natifs » et « estrangers », qui exigent une forme « d’assimilation » autour de symboles – drapeau, maillot – et d’institutions – la religion, le foot. Ailleurs, on a pu voir l’éclatement de l’Etat-nation pour constituer des micro-nations : la Yougoslavie, la Belgique, l’Espagne sont de bons exemples. Chez nous, on n’est pas encore là. Pour combien de temps ?
Le plus amusant, si l’on peut dire, c’est que nos élites politico-médiatiques qui professent leur détestation de tout « nationalisme » lié à l’Etat-nation n’ont que les yeux de Chimène pour ces chauvinismes locaux au point de soutenir un charlatan local comme dans le cas du Pr Raoult (1) qui joue à fond sur la corde du chauvinisme local. Un commentaire comme celui cité plus haut mais qui aurait accusé les migrants de refus d’intégration aurait probablement été considéré « raciste » et aurait valu sinon la censure au moins une volée de bois vert à son auteur. Mais constater que les « Parisiens » sont inassimilables, quoi de plus banal ? Cela permet d’ailleurs aux élites locales de trouver un bouc émissaire commode : si les écoles marseillaises tombent en ruine, si les élus locaux piquent dans la caisse, si la corruption règne sur le Vieux Port, c’est de toute évidence la faute aux méchants Parisiens (2). Ah, si seulement on pouvait revenir à cette époque dorée où « la ville formait une communauté bien intégrée autour de son club et de son identité »…
Ces élites jouent d’ailleurs un jeu très dangereux. Car ce chauvinisme local est appauvrissant. Il repose non pas sur l’ambition conquérante et l’ouverture, mais sur les vieilles rancœurs recuites, le culte des petites différentes et le victimisme élevé au rang de système. Et pourtant, on fait tout ce qu’il faut pour lui donner de l’air. Avec la décentralisation et le « droit à l’expérimentation » qui aboutira bientôt à donner aux collectivités la capacité législative, on risque de favoriser une divergence des réglementations locales qui non seulement mettra les territoires en concurrence sans que l’Etat puisse jouer son rôle d’arbitre, mais rendra très difficile la mobilité entre les territoires.
Et à terme, certains habitants des territoires riches commenceront à se demander s’il est opportun de continuer à payer pour des concitoyens qui les détestent au point de se réjouir de leurs défaites. Après la défaite du PSG dimanche soir, La Provence titre « Finale de la Ligue des champions : les Marseillais fêtent la victoire du Bayern », et indique que « Sur le Vieux-Port de Marseille, l’heure est à la fête. Le Bayern Munich avait de nombreux supporters ce soir et notamment à Marseille. Alors lorsque le club bavarois a ouvert le score, les terrasses du Vieux-Port se sont levées comme un seul homme. Au coup de sifflet final, les Marseillais n’ont pas hésité à fêter le titre allemand… ».
Descartes
(1) « Somoza est peut être un fils de pute, mais c’est notre fils de pute » (F. D. Roosevelt)
(2) Cela ne se réduit pas à Marseille. On trouve exactement les mêmes discours en Corse, en Bretagne, à Toulouse ou ailleurs.
Diviser pour mieux régner, Un certain président d’une certaine république doit se frotter les mains : covid, foot et LERM, même combat ! L’unité de la France qui a été construite avec beaucoup de difficultés et de peines, est attaquée de toute part et cela doit réjouir certains milliardaires (ne suivez pas mon regard). Bien sûr, en toute logique, les “territoires” qui veulent faire sécession ne bénéficieront plus ni de notre électricité, ni de notre police, ni de notre armée, ni de notre justice (ce serait plutôt un bien)…
@ Jean Louis COUVERT
[Diviser pour mieux régner, Un certain président d’une certaine république doit se frotter les mains : covid, foot et LERM, même combat !]
Franchement, je doute qu’un certain président se frotte les mains à propos du Covid. Quant au foot, vous noterez que c’est le président qui a pesé pour que la préfecture des Bouches-du-Rhône remballe son arrêté. Vous noterez aussi qu’il est l’un des rares dirigeants qui aient chez nous osé parler de « séparatismes »… Je veux bien donc qu’on accuse Macron de tous les maux de la terre, mais dans le cas d’espèce il est difficile de trouver quelque chose à leur reprocher.
[Bien sûr, en toute logique, les “territoires” qui veulent faire sécession ne bénéficieront plus ni de notre électricité, ni de notre police, ni de notre armée, ni de notre justice (ce serait plutôt un bien)…]
C’est pourquoi on ne parle pas chez nous d’indépendance, mais seulement « d’autonomie », mot qui signifie en bon français « vous nous donnez l’argent, et nous on en fait ce qu’on veut ».
@ Descartes
[C’est pourquoi on ne parle pas chez nous d’indépendance, mais seulement « d’autonomie », mot qui signifie en bon français « vous nous donnez l’argent, et nous on en fait ce qu’on veut ». ]
C’est quand même un jeu dangereux sur le long terme. A force de tirer sur un élastique, il finit par claquer et vous fouetter la trogne. Le jour où “les Parisiens” en auront marre de payer pour des ploucs qui ne leur apportent rien et passent leur temps à leur cracher à la gueule, nombreux sont les provinciaux qui le lendemain se rendront compte que leur “métropole” est un village Potemkine…
Le commentaire que tu cites est d’ailleurs assez représentatif d’une sorte de fantasme régionaliste, le “Parisien” jacobin, sorte de national-rationaliste jaloux des gens du terroir, tyran intraitable et inflexible… Un croque-mitaine territorial en quelque sorte. Honnêtement, j’ai connu bien plus de jacobins en province qu’à Paris, ou l’essentiel des bobos qui peuvent se permettre d’y vivre trouvent les provinciaux grincheux d’une rusticité absolument charmante…
@ BolchoKek
[C’est quand même un jeu dangereux sur le long terme. A force de tirer sur un élastique, il finit par claquer et vous fouetter la trogne. Le jour où “les Parisiens” en auront marre de payer pour des ploucs qui ne leur apportent rien et passent leur temps à leur cracher à la gueule, nombreux sont les provinciaux qui le lendemain se rendront compte que leur “métropole” est un village Potemkine…]
Tout à fait. Lorsqu’on regarde les chiffres, on s’aperçoit rapidement qu’il y a des régions qui sont contributrices nettes au pot commun, et d’autres qui sont bénéficiaires nettes. Mais alors que dans d’autres nations européennes le séparatisme est plus fort dans les régions les plus riches (Italie du nord, Catalogne, Flandre) chez nous c’est l’inverse : ce sont les territoires d’outre-mer, la Corse, la Bretagne, le Pays Basque qui abritent les mouvements « séparatistes » les plus forts. Le paradoxe n’est qu’apparent : chez nous, ce n’est pas du séparatisme « vrai ». Nos séparatistes ont vite compris que le gouvernement central tient avant tout à l’unité de la République. La menace séparatiste reste donc un bon levier de pression pour obtenir des avantages particuliers. C’est pourquoi le risque de voir Simeoni ou Talamoni demain proclamer l’indépendance de la Corse – comme l’a fait Puigdemont en Catalogne – est très faible…
Dans les années 1960, la Rainier de Monaco avait décidé de montrer son indépendance par rapport à la France en renvoyant comme un malpropre son premier ministre (qui par convention était toujours un haut fonctionnaire français proposé par Paris). Que croyez-vous que le général De Gaulle fit ? Pas la peine d’envoyer l’armée pour laver l’affront. Il a appelé le président d’EDF, et lui a demandé de couper le courant. Au bout de trois jours, Rainier a rappelé son premier ministre…
[Le commentaire que tu cites est d’ailleurs assez représentatif d’une sorte de fantasme régionaliste, le “Parisien” jacobin, sorte de national-rationaliste jaloux des gens du terroir, tyran intraitable et inflexible… Un croque-mitaine territorial en quelque sorte.]
Le rapport de la province à Paris est très ambigu. D’un côté, personne ne conteste le rayonnement de la capitale. Lorsqu’on ouvre un magasin de mode à trifouillis le canard, on vous explique que les modèles vendus « viennent de Paris ». Personne n’essaye de vous vendre une robe en expliquant qu’elle a été dessinée à Rennes, à Toulouse ou à Marseille. D’un côté on admire la sophistication et l’efficacité des parisiens, de l’autre on leur reproche leur artificialité quand on ne les plaint parce que « ils ne savent pas prendre le temps de vivre »….
On retrouve la même ambiguïté vis-à-vis des pouvoirs. D’un côté les gens apprécient l’autorité centrale, perçue comme étant moins partiale et plus soucieuse de l’intérêt général, d’un autre on peste contre les décisions « prises à Paris » sans tenir compte des questions locales. Un préfet me racontait qu’une fois il avait reçu une délégation de maires qui lui demandaient de prendre un arrêté d’interdiction. Et lorsqu’il leur a demandé pourquoi ils ne le prenaient pas eux-mêmes, puisqu’ils en avaient le pouvoir, la réponse a été « parce que si c’est le préfet qui le prend, tout le monde l’acceptera, si c’est nous qui le prenons, on nous accusera de le faire pour des raisons électorales »…
[Honnêtement, j’ai connu bien plus de jacobins en province qu’à Paris,]
Bien sûr. Il est inimaginable qu’on ait pu maintenir un système centralisé depuis Louis XIII jusqu’à nos jours si un tel arrangement ne bénéficiait pas d’un large consensus non seulement à Paris, mais aussi en province. Croire qu’une ville d’une dizaine de millions d’habitants peut imposer son pouvoir à un pays de soixante millions est une illusion. La décentralisation n’est pas une demande des citoyens, mais des élites locales qui veulent le gâteau pour elles. Mais on voit bien comment fonctionnent les citoyens : dès que la règle chez eux n’est pas la même que chez le voisin, la question est immédiate : « pourquoi lui peut et moi pas » ? La passion de l’égalité nous condamne à la centralisation, puisque seule la centralisation garantit l’uniformité.
@Descartes,
supporter du PSG depuis 1983, toutes les réactions que vous décrivez concernant l’attitude des Marseillais ne me surprennent absolument pas: ce sont les toujours les mêmes depuis que je soutiens ce club!!!
Bien avant l’avènement des pétrodollars du Qatar, s’il y avait bien un sujet à propos duquel l’anti-parisianisme primaire a toujours trouvé sa pleine expression, c’était dans la détestation du PSG. J’en fis l’amère expérience quand, étudiant en province dans les années 90, donc les grandes années du club pré-Qatar, j’ai pu voir à quel point ce club était honni non seulement par les provinciaux, mais également par une partie des banlieusards parisiens, qui préféraient soutenir…L’OM!!!!! Il faut bien se rendre compte qu’à l’époque, lors des soirées de foot européennes, qu’on pouvait suivre dans la salle télé de la résidence universitaire, tout le monde voulait voir perdre le PSG!!!
Toutefois, avant la victoire de l’équipe de France au Mondial 1998, le foot en région parisienne et dans le reste de la France n’était qu’une affaire d’aficionados, et le chambrage entre supporters de clubs était généralement bon enfant, sauf…A Marseille: je n’ai jamais compris pourquoi on pouvait porter sans danger un maillot de l’OM à Paris alors qu’à l’inverse, porter l’uniforme du PSG sur la Canebière a TOUJOURS été impossible!!!!
Comme quoi, à Marseille, rien de très nouveau sous le soleil, sauf qu’aujourd’hui, la brutalité des “marseillais” du cru est celle des “jeunes” qui commettent des actes de violence gratuite un peu partout en France…
Par contre, depuis que le Qatar a repris le club parisiano-germinois, cette attitude “anti-PSG” s’est largement atténuée ailleurs en France : d’une part, parce que les victoires attirent toujours plus de courtisans, et que d’autre part, le foot est devenu bien moins “identitaire” qu’il ne le fut autrefois.
Enfin, il faudrait nuancer: naguère, le foot représentait l’identité d’une ville (PSG, OM), d’une région (cf les clubs corses), voire d’une classe sociale (cf St-Etienne, Lens). Aujourd’hui, le PSG reste “identitaire”, mais de façon différente: j’ai toujours eu des préventions à l’égard des propriétaires Qatari, qui financent allègrement des mosquées et des imams radicaux dans nos villes et banlieues. Sans compter que la majorité des “nouveaux” supporters parisiens aujourd’hui le sont principalement pour raisons éthnico-religieuses; en clair, ils soutiennent le PSG parce que c’est devenu un club “arabe”!!! Pas sûr que ce soit pour le mieux…
Tout ça pour dire que malgré toutes ces victoires et ces trophées, une partie de moi attend avec impatience le départ des Qatari, quitte même à ce que le PSG perde son standing, voire soit rétrogradé: ainsi, le club sera enfin rendu à ses vrais supporters!
@ CVT
[Bien avant l’avènement des pétrodollars du Qatar, s’il y avait bien un sujet à propos duquel l’anti-parisianisme primaire a toujours trouvé sa pleine expression, c’était dans la détestation du PSG.]
Je ne sais pas si l’on doit voir dans la détestation des supporteurs du PSG une preuve de « anti-parisianisme primaire », mais il faut reconnaître que les supporteurs en question n’ont pas cherché à se faire apprécier par leur esprit sportif. Afficher lors de la finale de la Ligue 2010 contre Lens au Stade de France une banderole « pédophiles, chômeurs, consanguins, bienvenus chez les ch’tis » ne me semble pas être très bon pour le karma. Sauf le respect que je vous dois, les supporteurs du PSG ne valent guère mieux que ceux de l’OM.
La seule différence, c’est que contrairement à Marseille les parisiens dans leur grande majorité n’investissent pas le PSG de leur « identité », et se foutent royalement du foot en général et du PSG en particulier. C’est pourquoi vous pouvez porter un maillot de l’OM dans la rue si cela vous chante, et qu’il ne viendrait pas à l’idée d’un préfet de police de Paris d’interdire le port du maillot de l’OM. Franchement, pensez-vous que si demain l’OM jouait une coupe d’Europe, « on se lèverait comme un seul homme » place de la Concorde pour saluer la défaite des Marseillais ?
[Il faut bien se rendre compte qu’à l’époque, lors des soirées de foot européennes, qu’on pouvait suivre dans la salle télé de la résidence universitaire, tout le monde voulait voir perdre le PSG !!!]
Au risque de me répéter, le PSG n’a pas fait grande chose pour se rendre aimable, et ses supporteurs ont même à une époque flirté ostensiblement avec l’extrême droite la plus fascisante. La banderole sur les ch’tis n’est qu’un exemple parmi d’autres.
[Toutefois, avant la victoire de l’équipe de France au Mondial 1998, le foot en région parisienne et dans le reste de la France n’était qu’une affaire d’aficionados, et le chambrage entre supporters de clubs était généralement bon enfant, sauf…A Marseille:]
Oui et non. Comme souvent, le fric a tout pourri. Dans les années 1970, la plupart des clubs étaient des institutions sociales et sportives locales. Beaucoup avaient des centres de formation de joueurs, et leurs équipes étaient composées d’enfants du pays ou à la rigueur du pays d’à côté. Les clubs avaient encore les moyens d’imposer une certaine discipline, un certain code moral. Aujourd’hui, les joueurs sont devenus des « stars », des vedettes qu’on fait venir de très loin à coups de millions et qui pensent pouvoir tout se permettre. Et à leur tour les clubs sont devenus dépendants de l’argent des promotions et donc des clubs de supporteurs. L’esprit sportif d’un Platini ou d’un Giresse n’ont pas leur équivalent aujourd’hui. Pensez à la manière dont un Glassman a payé le fait d’avoir dénoncé une tentative de corruption… dans laquelle était engagé l’OM
[je n’ai jamais compris pourquoi on pouvait porter sans danger un maillot de l’OM à Paris alors qu’à l’inverse, porter l’uniforme du PSG sur la Canebière a TOUJOURS été impossible!!!!]
Parce que les marseillais investissent l’OM de leur « identité », ce qui n’est pas le cas à Nantes, à Lille, à Lyon ou à Bordeaux, et certainement pas à Paris. De toutes les villes françaises que je connais, Marseille est peut-être celle qui a l’identité la plus fragile, la plus incertaine. C’est une ville portuaire dont le port est en train de disparaître, une ville industrielle qui n’a plus d’industrie, une ville coloniale sans colonies, peuplée de communautés qui n’ont guère de choses en commun les unes avec les autres et dont l’arrivée est souvent récente… alors, on se cherche des symboles et des ennemis communs.
[Tout ça pour dire que malgré toutes ces victoires et ces trophées, une partie de moi attend avec impatience le départ des Qatari, quitte même à ce que le PSG perde son standing, voire soit rétrogradé: ainsi, le club sera enfin rendu à ses vrais supporters!]
Je crains malheureusement que le sport-spectacle et donc le sport-business ait de beaux jours devant lui.
Bonjour,
“Du pain et des jeux”.
Faute de pain, l’Etat a voulu donner des “jeux” et des gages aux fanatiques “marseillais” : déchainez-vous, on vous soutient dans votre connerie (pardon, “passion”) !
L’Etat de droit, les arrêtés préfectoraux ? De simples instruments de communication où seuls les “messages” comptent, pas le fond, ni l’application : nous en avons encore l’exemple avec les arrêtés à la carte et conditionnel sur le porte du masques sur la voie publique : une chatte n’y retrouverait plus ses petits, bon courage aux fonctionnaires de police chargés de verbaliser ce merdier !
@ Gautier Weinman
[Faute de pain, l’Etat a voulu donner des “jeux” et des gages aux fanatiques “marseillais” : déchainez-vous, on vous soutient dans votre connerie (pardon, “passion”) !]
Je ne crois pas que le raisonnement soit celui-là. Que demande-t-on d’abord à un préfet ? « Pas de vagues ». S’il veut garder sa casquette, un préfet a intérêt à éviter les ennuis. L’arrêté « anti-PSG » est l’illustration même de ce tropisme : pour éviter les violences, le plus simple est de supprimer l’objet des violences. Cachons les supporteurs du PSG et le problème est résolu.
[L’Etat de droit, les arrêtés préfectoraux ? De simples instruments de communication où seuls les “messages” comptent, pas le fond, ni l’application :]
Malheureusement, l’exemple vient d’en haut, avec la multiplication des textes législatifs ou de décrets purement « déclaratifs », sans véritable caractère normatif. Je me souviens même d’un cas où un article de loi énonçant un principe clairement contraire à la constitution avait été défendu devant le Conseil constitutionnel avec l’argument qu’étant purement déclaratif et n’ayant aucun caractère normatif, la question de constitutionnalité ne se posait pas ! Et le Conseil constitutionnel a accepté cet argument !
Je commence par résumer de manière très synthétique et personnelle les points que vous développez :
1°) Le communautarisme et la pression des caïds qui veulent imposer leur mode de vie par la violence en vient à faire céder l’Etat, qui impose ce que demandent les caïds pour éviter les heurs. Ce qui est choquant
2°) Il y a des créations d’identités locales, qui en viennent à se créer contre un adversaire, qui est choisi au sein du Pays, Paris étant un excellent candidat dès qu’on est dans des régions périphériques.
Au passage, je pense que vous ne devriez pas vous limiter autant dans votre liste d’antiparisianistes. Je ne pense en effet pas que des villes comme Nantes ou Bordeaux soient fondamentalement différentes de ce que vous décrivez pour Marseille (même si c’est certainement plus discret).
Puis une petite remarque en passant :
“Faisons le raisonnement inverse : les marseillais qui « montent à Paris », et ils sont nombreux, devraient-ils renoncer à porter le maillot de l’OM au nom de « l’intégration des codes culturels fondamentaux » de l’Ile de France ?”
1°) Non, car personne à Paris n’en a rien à faire du PSG. Le foot n’est pas une religion à Paris comme elle l’est à Marseille. Et il y a des gens qui se baladent à Paris avec un maillot de l’OM sans que personne n’en ait rien à faire.
2°) Il faut reconnaitre qu’il y a dans la France une jalousie contre le concurrent qui est un peu plus gros que soi. Et ça n’est pas forcément seulement contre Paris.
Dans ce que j’appellerais la France « ultrapériphérique » (en gros, dans le sens des aiguilles d’une montre, dans les régions des villes suivantes : Lille, Strasbourg, Lyon, Nice, Marseille, Montpellier, Toulouse, Bordeaux, Nantes, Rennes), un anti-parisianisme, qui fait qu’il ne fait pas toujours bon s’y afficher parisien. Je ne suis pas certain que ce soit un phénomène si récent que cela.
Une petite anecdote, qui n’a rien à voir avec Marseille : un ami d’origine nantaise, dont une partie de la famille est en Vendée, mais qui habite et travaille à Paris, a choisi d’avoir sa plaque d’immatriculation en « 85 » (Vendée), en m’expliquant : quand je suis à Paris, tout le monde s’en moque que je sois immatriculé 44 ou 85. Quand je suis à Nantes, c’est mieux de ne pas être immatriculé 75, mais les nantais s’en moquent si je suis 85. Et quand je suis en Vendée, par contre, je risque de me faire engueuler si je suis étiqueté parisien ou nantais.
J’en viens à la manière dont je réagis à ces évènements. Qui n’est aucunement contradictoire avec vos points de vue :
Traditionnellement, en France, on considérait que les opinions politiques, idéologiques, et religieuses, devaient être laissées au placard dans l’espace public, pour éviter la provocation. On parle souvent du voile islamique ou de la kippa, dont certains disent qu’il n’a pas sa place dans l’espace public, et d’autres que c’est une liberté fondamentale de le porter.
Mais que dirait-on, encore aujourd’hui, si quelqu’un se promenait dans la rue avec un T-Shirt à l’effigie de Marine le Pen, d’Emmanuel Macron, d’Eric Zemmour, de Mélenchon, ou du Pape ? Cela choquerait à peu près tout le monde, car chacun sent bien qu’on ne doit pas trop afficher des opinions en public pour ne pas choquer les autres.
Ceux qui, il y a quelques décennies, portaient des portraits du Che Guevara, d’une part, avaient choisi une personnalité étrangère, et surtout, le faisaient par pure provocation. Et cela donnait régulièrement lieu à des rixes, me semble-t-il. Autrement dit, quelqu’un qui affichait ses opinions idéologiques acceptait implicitement de devoir se bagarrer pour les défendre.
Encore aujourd’hui, même les militants politiques, qui distribuent des tracts en période électorale, portent un T-shirt ou un k-way à l’effigie de leur candidat, mais l’enlèvent dès qu’ils ont fini de distribuer les tracts, pour rentrer chez eux depuis le point de distribution.
Il n’y a pour moi pas de différence à faire entre les opinions politiques et les opinions religieuses, et il serait bon que chacun évite d’afficher ses opinions clivantes en public.
Quel rapport avec le foot ? Manifestement, le préfet a considéré que les différences d’opinion en matière de clubs de foot étaient aussi de nature à créer de l’agitation ou à choquer les gens dans la rue. Et que la tranquillité publique impose qu’on évite de porter des maillots de foot pouvant choquer les gens. Pourquoi pas après tout ?
Ce qui est choquant, dès lors, c’est qu’un seul club soit stigmatisé. Je soupçonne que, si le préfet avait décidé d’interdire tous les maillots de foot dans la ville, quel que soit le club, pour des raisons de sureté publique, celui-ci n’aurait pas été cassé (et aurait été inapplicable à Marseille, certes…).
Il me semble que ce qui peut être imposé, au nom du “vivre ensemble” pour les questions de foot, peut aussi l’être pour les questions politiques, idéologiques, et religieuses.
@ Vincent
[1°) Le communautarisme et la pression des caïds qui veulent imposer leur mode de vie par la violence en vient à faire céder l’Etat, qui impose ce que demandent les caïds pour éviter les heurs. Ce qui est choquant]
Vous m’avez bien compris.
[2°) Il y a des créations d’identités locales, qui en viennent à se créer contre un adversaire, qui est choisi au sein du Pays, Paris étant un excellent candidat dès qu’on est dans des régions périphériques.]
Il faudrait s’entendre sur ce que c’est une « identité ». L’identité, c’est ce qui fait que nous sommes nous-mêmes, et pas un autre. En d’autres termes, c’est l’ensemble des éléments qui nous rendent différents de l’autre. Mais peut-on parler d’une « identité marseillaise » ? Je ne suis pas persuadé. Marseille est une ville très diverse et communautaire. Mais les différentes communautés sont chacune enfermée dans sa logique, et il n’est pas facile de trouver des éléments communs qui aboutissent à une véritable « identité ». D’où cette construction artificielle d’une identité à partir de rituels de communion comme le foot, et d’une vision victimiste qui désigne un ennemi commun.
[Au passage, je pense que vous ne devriez pas vous limiter autant dans votre liste d’antiparisianistes. Je ne pense en effet pas que des villes comme Nantes ou Bordeaux soient fondamentalement différentes de ce que vous décrivez pour Marseille (même si c’est certainement plus discret).]
Très différentes, au contraire. D’une part, vous noterez que les marseillais ont un rapport difficile non seulement avec Paris, mais avec le reste du monde. Demandez à un marseillais ce qu’il pense des Aixois, et vous verrez que c’est pire qu’avec les parisiens. Ni les Bordelais ni les Nantais n’ont cette fixation obsessionnelle et conflictuelle avec le reste du monde. Je n’ai pas non plus entendu chez les Bordelais ou les Nantais – ni chez les Dunkerquois, les Strasbourgeois, les Lyonnais ou toute autre ville que j’ai eu le plaisir de connaître – cette plainte victimiste digne de Calimero.
[1°) Non, car personne à Paris n’en a rien à faire du PSG. Le foot n’est pas une religion à Paris comme elle l’est à Marseille. Et il y a des gens qui se baladent à Paris avec un maillot de l’OM sans que personne n’en ait rien à faire.]
Et bien, justement, l’Etat est laïque, et à ce titre devrait refuser de privilégier telle ou telle religion. Ce n’est pas parce que les Marseillais ont fait de l’OM une église que la préfecture doit interdire aux fidèles des églises concurrentes de manifester leurs croyances.
[Dans ce que j’appellerais la France « ultrapériphérique » (en gros, dans le sens des aiguilles d’une montre, dans les régions des villes suivantes : Lille, Strasbourg, Lyon, Nice, Marseille, Montpellier, Toulouse, Bordeaux, Nantes, Rennes), un anti-parisianisme, qui fait qu’il ne fait pas toujours bon s’y afficher parisien. Je ne suis pas certain que ce soit un phénomène si récent que cela.]
Possible. Mais à ma connaissance, vous pouvez vous balader à Lille, Strasbourg, Lyon, Nice, Montpellier, Toulouse, Bordeaux, Nantes et Rennes avec un maillot du PSG ou regarder votre équipe jouer pour une coupe d’Europe dans un bar sans risquer votre vie. Et je doute qu’il y ait eu des foules dans le centre-ville de Lille, Strasbourg, Lyon, Nice, Montpellier, Toulouse, Bordeaux, Nantes et Rennes pour « se lever comme un seul homme » pour fêter la défaite du PSG.
[Quel rapport avec le foot ? Manifestement, le préfet a considéré que les différences d’opinion en matière de clubs de foot étaient aussi de nature à créer de l’agitation ou à choquer les gens dans la rue. Et que la tranquillité publique impose qu’on évite de porter des maillots de foot pouvant choquer les gens. Pourquoi pas après tout ?]
Parce que cela revient à donner au foot une importance qu’il ne devrait pas avoir. Une religion, une position politique déterminent des choix de vie des individus et l’avenir des nations. Des gens sont morts – et continuent de mourir – parce qu’ils sont du mauvais côté dans leurs choix politiques et religieux. On comprend donc qu’on puisse s’entretuer pour cette raison. Mais la victoire ou la défaite d’un club de foot ne change rien ni aux choix de vie, ni à l’avenir.
[Ce qui est choquant, dès lors, c’est qu’un seul club soit stigmatisé. Je soupçonne que, si le préfet avait décidé d’interdire tous les maillots de foot dans la ville, quel que soit le club, pour des raisons de sureté publique, celui-ci n’aurait pas été cassé (et aurait été inapplicable à Marseille, certes…).]
Il aurait probablement été cassé, puisque l’Etat a les moyens de faire face aux désordres en question. L’Etat ne peut pas interdire quelque chose simplement parce que cela risque de provoquer du désordre.
[Il me semble que ce qui peut être imposé, au nom du “vivre ensemble” pour les questions de foot, peut aussi l’être pour les questions politiques, idéologiques, et religieuses.]
Ce serait triste de constater que la seule façon de « vivre ensemble » est de gommer toute différence, de n’exprimer dans l’espace public aucun choix.
@Descartes
L’identité, c’est ce qui fait que nous sommes nous-mêmes, et pas un autre. En d’autres termes, c’est l’ensemble des éléments qui nous rendent différents de l’autre. Mais peut-on parler d’une « identité marseillaise » ? Je ne suis pas persuadé. Marseille est une ville très diverse et communautaire. Mais les différentes communautés sont chacune enfermée dans sa logique, et il n’est pas facile de trouver des éléments communs qui aboutissent à une véritable « identité ». D’où cette construction artificielle d’une identité à partir de rituels de communion comme le foot, et d’une vision victimiste qui désigne un ennemi commun.
[[1°) Non, car personne à Paris n’en a rien à faire du PSG. Le foot n’est pas une religion à Paris comme elle l’est à Marseille. Et il y a des gens qui se baladent à Paris avec un maillot de l’OM sans que personne n’en ait rien à faire.]
Et bien, justement, l’Etat est laïque, et à ce titre devrait refuser de privilégier telle ou telle religion. Ce n’est pas parce que les Marseillais ont fait de l’OM une église que la préfecture doit interdire aux fidèles des églises concurrentes de manifester leurs croyances.]
Je ne suis pas en désaccord. Mais à partir du moment où le foot à Marseille est une religion, et que les habitants sont hyper pieux, limite intégristes, on peut comprendre pourquoi, à Paris, largement athée de ce point de vue là, il y a moins de problèmes.
[Possible. Mais à ma connaissance, vous pouvez vous balader à Lille, Strasbourg, Lyon, Nice, Montpellier, Toulouse, Bordeaux, Nantes et Rennes avec un maillot du PSG ou regarder votre équipe jouer pour une coupe d’Europe dans un bar sans risquer votre vie.]
Naturellement. Le foot n’est pas une religion de masse en dehors de Marseille. Et les marseillais ont de plus “le sang chaud” plus qu’ailleurs. Le mélange des deux suffit à mon sens à expliquer la différence.
Mais peut être y a-t-il en plus à Marseille une forme de séparatisme culturel qui n’existe pas ailleurs… Je serais mal placé pour en juger.
[Parce que cela revient à donner au foot une importance qu’il ne devrait pas avoir. Une religion, une position politique déterminent des choix de vie des individus et l’avenir des nations. Des gens sont morts – et continuent de mourir – parce qu’ils sont du mauvais côté dans leurs choix politiques et religieux.]
Et vous considérez que le foot n’est qu’un sport, bien moins important que ces grands enjeux. Je suis totalement d’accord avec vous, et je ne suis pas plus triste quand j’apprends que le PSG a perdu en coupe du monde que si on m’apprenait que l’équipe de ping-pong de mon ancien lycée avait perdu un challenge contre le lycée voisin.
Mais force est de constater qu’il y a des gens pour qui c’est devenu plus qu’une religion. Faut il lutter contre ? En tirer les conséquences ? Les deux ?
Je ne pense pas que l’attitude de l’autruche, de refuser d’en tenir compte, du fait que ça ne devrait pas exister, soit pertinente.
[Ce serait triste de constater que la seule façon de « vivre ensemble » est de gommer toute différence, de n’exprimer dans l’espace public aucun choix.]
Je me rappelle que vous aviez écrit que, dans votre jeunesse, les curés qui portaient des soutanes se faisaient croasser. Et qu’à force d’en avoir marre d’être victimes de moqueries, ils ont fini par faire tomber les soutanes. Ne s’agit il pas d’un parfait exemple de ce que vous déplorez, à savoir qu’il faille gommer toutes les différences pour pouvoir coexister de manière pacifique ?
Je suis un peu ambivalent moi même sur ce sujet. Je ne souhaite pas que l’on porte des signes distinctifs (religieux, politiques, etc.) dans l’espace public, mais je ne souhaite pas non plus qu’il soit interdit de le faire.
Je ne souhaite pas qu’on interdise de célébrer les fêtes religieuses, les victoires électorales, les victoires au foot, etc. Mais je souhaiterais que chacun fasse preuve de discrétion de sa propre initiative : ne pas afficher clairement ses convictions, célébrer de manière plus ou moins discrète en fonction du contexte. Exemples de situations où la bienséance impliquerait de célébrer de manière discrète ses fêtes ou victoires :
– Victoire de l’OM sur le PSG : un supporter de l’OM habitant à Paris serait bien inspirer de se réjouir en petit comité
– De même pour un supporter italien habitant en France, et dont l’équipe nationale vient de gagner (surtout si c’est contre la France),
– Toutes les célébrations religieuses, surtout quand la religion est minoritaire,
– Les victoires politiques, surtout quand on sait que, localement, ceux qui ont gagné étaient minoritaires.
Mais je ne souhaite pas non plus une société où ceux qui ne respecteraient pas ces préceptes de bon sens risqueraient quelque chose, qu’il s’agisse d’une sanction policière ou pénale, ou d’une atteinte à leur sécurité physique.
Mais ensuite, les vœux pieux de qui que ce soit, fut il président de la République, n’ont aucun impact sur le réel. Comment avoir un impact sur le réel. Je suis d’accord qu’il serait triste qu’on en vienne à gommer toute différence dans l’espace public. Mais y a-t-il une alternative ?
@ Vincent
[Je ne suis pas en désaccord. Mais à partir du moment où le foot à Marseille est une religion, et que les habitants sont hyper pieux, limite intégristes, on peut comprendre pourquoi, à Paris, largement athée de ce point de vue-là, il y a moins de problèmes.]
Tout à fait, c’était là mon point. A Marseille, le foot est une religion au sens étymologique du terme (religio = ce qui relie). Ce qui me gêne, c’est que la préfecture dans notre pays laïque cède aux prétentions d’une secte particulière de chasser les autres sectes de son territoire. Si les Marseillais – ou les autres – sont prêts à sacrifier des sommes considérables sur l’autel du foot, c’est leur problème. Cela devient le mien quand l’argent du sacrifice vient du trésor public.
[Mais peut-être y a-t-il en plus à Marseille une forme de séparatisme culturel qui n’existe pas ailleurs… Je serais mal placé pour en juger.]
Oui, il y a une forme de séparatisme qui, comme beaucoup de séparatismes régionaux, exploite le côté « victimiste ». On justifie ses défauts en les déguisant sous l’apparence du folklore, on justifie ses échecs en rendant les autres coupables de ce qui vous arrive. C’est cela qui est le plus déroutant : à Marseille – mais c’est aussi vrai dans d’autres régions, la Corse pour ne pas la nommer – on vous présente le clientélisme comme quelque chose de « sympatique »… alors que ce clientélisme maintient ces territoires dans le sous-développement.
Je me souviens lors du 50ème l’anniversaire d’une institution locale, pas très loin de Marseille, comment un « ancien » racontait qu’à son époque un élu local était connu pour pouvoir obtenir que les jeunes de sa circonscription soient embauchés dans l’institution sur un simple coup de fil. L’ancien en question terminait son article par « et le soir de l’embauche, la famille du nouvel employé apportait à l’élu une bonne bouteille. C’était tellement sympathique, et tellement différent de la corruption qu’on voit aujourd’hui… ». Je vous laisse tirer vos conclusions.
[Mais force est de constater qu’il y a des gens pour qui c’est devenu plus qu’une religion. Faut-il lutter contre ? En tirer les conséquences ? Les deux ? Je ne pense pas que l’attitude de l’autruche, de refuser d’en tenir compte, du fait que ça ne devrait pas exister, soit pertinente.]
Je suis tout à fait d’accord. Il faut en tenir compte. Et faire ce qu’il est possible de faire pour contrer le mouvement. Où à minima, ne pas alimenter la machine.
[Je me rappelle que vous aviez écrit que, dans votre jeunesse, les curés qui portaient des soutanes se faisaient croasser. Et qu’à force d’en avoir marre d’être victimes de moqueries, ils ont fini par faire tomber les soutanes. Ne s’agit-il pas d’un parfait exemple de ce que vous déplorez, à savoir qu’il faille gommer toutes les différences pour pouvoir coexister de manière pacifique ?]
Non, je ne crois pas. Le croassement n’est pas une agression physique, et n’empêchait pas d’exercer leur ministère comme ils l’entendaient. J’aurais trouvé malvenu que les anticléricaux aillent perturber les offices, par exemple. Mais dans le croassement, je vois au contraire un exemple de coexistence démocratique : chacun exprime sa position (les curés portant la soutane, les anticléricaux en croassant) de manière pacifique, et chacun tire ses conclusions. Ce qui est en cause pour moi n’est pas le droit des supporteurs de l’OM de croasser au passage de ceux du PSG, mais de couper leurs écrans ou de les agresser physiquement.
[Je suis un peu ambivalent moi même sur ce sujet. Je ne souhaite pas que l’on porte des signes distinctifs (religieux, politiques, etc.) dans l’espace public, mais je ne souhaite pas non plus qu’il soit interdit de le faire.]
Tout est une affaire de mesure. Je défends le droit de chacun d’exprimer ses convictions dans l’espace public, dès lors que cette expression ne porte pas atteinte – ou alors une atteinte raisonnable – aux droits des autres.
En fait, on peut relier tout cela à la culture de l’offense, venue des Etats-Unis, comme pas mal de calamités. On construit une sorte de “droit à ne pas être offensé”. Les supporteurs du PSG qui célébreraient leur victoire à Marseille – ou qui simplement voudraient regarder le match en portant le maillot de leur équipe – constitueraient une “offense” pour les supporteurs de l’OM, et à ce titre porteraient atteinte à leur “droit” de ne pas être offensé. Ce raisonnement a été déjà utilisé pour condamner ceux qui se sont permis d’exprimer publiquement leur opinion sur la présence d’une femme voilée dans une enceinte publique, par exemple. Personnellement, je trouve ce raisonnement très dangereux, parce qu’on trouvera toujours quelqu’un pour “s’offenser” de presque tout.
@Descartes et Vincent,
Je ne sais pas s’il y a eu des prêtres pour renoncer à la soutane pour ne plus entendre des coassements. Mais je pense plus probable qu’ils l’ont fait, traditionalistes exceptés, parce que le Concile Vatican II (1962- 1965) les a dispensés du port de cet accessoire malcommode (qui ne leur a été imposé que par le Concile de Trente, au XVIème siècle) .
@ xc
[Je ne sais pas s’il y a eu des prêtres pour renoncer à la soutane pour ne plus entendre des coassements. Mais je pense plus probable qu’ils l’ont fait, traditionalistes exceptés, parce que le Concile Vatican II (1962- 1965) les a dispensés du port de cet accessoire malcommode (qui ne leur a été imposé que par le Concile de Trente, au XVIème siècle) .]
C’est une dialectique. Les croassements – et tout ce qui vint avec en termes de laïcisation de la France – a probablement contribué à convaincre l’Eglise que le port de la soutane n’était pas forcément le meilleur moyen pour attirer vers elle des fidèles et garder une certaine influence sur la société. Vatican II est aussi la conséquence de cette prise de conscience.
Cela étant dit, ce choix se pose à toutes les institutions symboliques : faut-il « vivre avec son temps » au risque de perdre sa singularité, ou bien faut-il affirmer une singularité intemporelle ? Si le curé s’habille comme tout le monde, parle comme tout le monde, se marie comme tout le monde, en quoi restera-t-il « spécial » par rapport au président d’un club local quelconque ? Et à l’inverse, si on impose au curé la soutane, le célibat et le latin, ne risque-t-on pas de perdre le contact avec les fidèles ?
La stratégie de la banalisation et celle de la distinction s’opposent depuis Vatican II, et il est difficile de dire laquelle est plus efficace. Il y a chez les gens une demande contradictoire, à la fois de proximité et de familiarité, mais aussi d’une distance inséparable du sacré. Et en période de crise et d’incertitude, lLes communautés « traditionnalistes » sont souvent plus florissantes que les communautés « modernistes »…
[Ce raisonnement a été déjà utilisé pour condamner ceux qui se sont permis d’exprimer publiquement leur opinion sur la présence d’une femme voilée dans une enceinte publique, par exemple. Personnellement, je trouve ce raisonnement très dangereux, parce qu’on trouvera toujours quelqu’un pour “s’offenser” de presque tout.]
Je ne prédis pas un grand avenir à ce principe : si n’importe quoi peut être sujet à offense, le simple fait d’exprimer une opinion dans l’espace public ou dans un média devient une offense pour ceux qui ne sont pas d’accord. Et ce sans aucune limite (y compris pour un responsable religieux ou politique).
Suivant celle logique, le Pape qui déclarerait que “Dieu nous aime” pourrait être traité d’offensant vis à vis des athées, car l’expression de l’idée qu’il existe un Dieu va à l’encontre de leurs convictions.
Personnellement, je me sens outré quand j’entends M. Bayou dire, à propos du prolongement des réacteurs nucléaires au delà de 40 ans : “Je ne peux pas vous laisser dire que l’énergie nucléaire est la moins carbonée. C’est l’éolien, c’est le photovoltaïque”. Alors que, surtout s’agissant de prolongation de la vie de centrales existantes, le nucléaire est totalement imbattable.
[Question de l’auditeur à 16’15 sur : https://www.youtube.com/watch?v=GUEUW02yg1E ]
Dès lors, immanquablement, il existe des opinions qui peuvent être dites, et d’autres qui ne peuvent pas l’être ; des offenses légitimes, et d’autres illégitimes. Et c’est ceux qui ont le pouvoir qui choisissent les opinions qui peuvent être dites, ou pas.
Fort heureusement, je ne crois pas que ça puisse fonctionner : les “offenses” autorisées vont s’autodétruire en raison de leurs contradictions :
– Entre les défenseurs des “minorités visibles” et les défenseurs des droits des femmes,
– Entre les défenseurs des LGBT et les défenseurs du droit des musulmans à imposer leurs vues politiques,
– Entre les défenseurs du climat et les pourfendeurs du nucléaire (quoiqu’il s’agit d’une question technique, donc ça peut rester caché),
– Entre ceux qui veulent que les religions s’affichent dans l’espace public, et ceux qui veulent protéger les juifs,
– Entre les libéraux qui s’insurgent que les Etats puisse s’impliquer dans les activités économiques des entreprises, et les libéraux qui s’insurgent contre les situations d’oligopoles ou de contrôle du marché par un unique intervenant,
– etc.
Je ne m’exprime pas très bien, mais même en mettant sous le tapis les causes inacceptables (un français de souches qui se sentirait offensé par la venue de personnes étrangères à sa culture ; un royaliste qui se sentirait offensé par les “Vive la République” du Président, ou les inscriptions sur les frontons des mairies…), les seules causes “à la mode” contiennent tellement de contradictions qu’elle ne pourront pas subsister longtemps.
@ Vincent
[Je ne prédis pas un grand avenir à ce principe : si n’importe quoi peut être sujet à offense, le simple fait d’exprimer une opinion dans l’espace public ou dans un média devient une offense pour ceux qui ne sont pas d’accord. Et ce sans aucune limite (y compris pour un responsable religieux ou politique).]
Bien entendu. Mais cette logique de l’offense n’est pas universelle. Le fait qu’on puisse trouver facilement quelqu’un pour s’offenser de quoi que ce soit n’implique pas qu’on ira le chercher, ni qu’on lui donnera le crachoir. Car il y a des « offenses » qu’on jugera légitimes, et d’autres qui seront déclarées illégitimes. Et qui a le pouvoir de séparer les « bonnes » et les « mauvaises » offenses ? La classe qui contrôle les idées, c’est-à-dire, les classes intermédiaires. L’idéologie de l’offense est une arme puissante dans les mains de cette classe : c’est un outil qui permet de délégitimer tout combat qui va contre leur intérêt. La manière dont pendant des années tout débat sur les politiques de sécurité ou d’immigration ont été virtuellement interdits donne un bon aperçu de la façon dont cet outil peut être employé
[Personnellement, je me sens outré quand j’entends M. Bayou dire, à propos du prolongement des réacteurs nucléaires au delà de 40 ans : “Je ne peux pas vous laisser dire que l’énergie nucléaire est la moins carbonée. C’est l’éolien, c’est le photovoltaïque”. Alors que, surtout s’agissant de prolongation de la vie de centrales existantes, le nucléaire est totalement imbattable.]
Là, on est dans un autre ordre, celui des « réalités alternatives » chères aux postmodernes. Qui aujourd’hui crient au meurtre quand la droite trumpienne reprend leurs techniques, en oubliant qu’ils ont été les premiers à contester l’idée même de réalité objective. Si, comme le prétendent les postmodernes, tout est discours, il n’y a plus de réalité objective. Dans VOTRE discours, le nucléaire est l’énergie la moins carbonée. Mais dans une AUTRE discours, celui de Bayou, c’est l’éolien et le solaire qui émettent moins de carbone. Et comme il n’y a aucune hiérarchie entre les discours puisque ce sont tous des créations idéologiques, on ne peut pas dire que l’un soit plus « vrai » que l’autre…
C’est Sokal je crois qui avait signalé comment un éminent post-moderne avait prétendu que la théorie du « big bang » et le mite de la genèse des indiens Zuni étaient tous les deux vrais. Devant la contradiction évidente, il avait été précisé qu’ils étaient tous deux vrais « dans leur cadre de référence ». Ce qui implique qu’il n’existe aucune hiérarchie en termes de « véracité » entre les deux « récits » : chacun est vrai dans son cadre de référence, et faux dans le cadre de référence de l’autre. L’idée qu’une confrontation avec l’expérience pourrait déterminer que l’un est UNIVERSELLEMENT vrai et l’autre UNIVERSELLEMENT faux apparaît comme une position « raciste », puisqu’elle prétend que c’est Descartes qui a raison, et les Zuni qui ont tort.
[Fort heureusement, je ne crois pas que ça puisse fonctionner : les “offenses” autorisées vont s’autodétruire en raison de leurs contradictions :]
Vous êtes très optimiste en supposant que ceux qui propagent ces théories ont quelque chose à faire du principe de non-contradiction. Le problème est que vous raisonnez comme un vieux cartésien, sans voir que tout cela est démodé, out, pas beau. Comme je l’ai expliqué schématiquement plus haut, dès lors que vous acceptez l’hypothèse relativiste, la contradiction n’est plus un problème puisqu’une chose peut être « vraie » dans un cadre de référence et « fausse » ailleurs. Le mérite d’une affirmation ne se juge pas à sa compatibilité avec la réalité observable, mais à son intérêt politique. L’opprimé a raison même lorsque son discours contredit la réalité, dès lors que ce discours lui permet de se libérer. L’oppresseur a tort même lorsque son discours est confirmé par l’expérience, parce que lui donner raison perpétue l’oppression. La contradiction n’est donc plus un problème, puisque des choses contradictoires peuvent être vraies selon le contexte.
Et vous voyez bien comment cela fonctionne en pratique. Vous avez des organisations politiques qui défendent les droits des femmes mais présentent aux élections des candidates voilées, des gens qui se prétendent fils des Lumières et qui reprennent le discours des charlatans ou des complotistes…
@Descartes
[Là, on est dans un autre ordre, celui des « réalités alternatives » chères aux postmodernes. Qui aujourd’hui crient au meurtre quand la droite trumpienne reprend leurs techniques, en oubliant qu’ils ont été les premiers à contester l’idée même de réalité objective.]
On sort complètement du sujet. Mais de ce que j’ai compris, le coup des “réalités alternatives” a été pas mal moqué en Europe et pas les démocrates américains, mais ça correspond à quelque chose de plus profond.
Un exemple : En Syrie, de 2011 à 2018 environ, on a eu le droit à des discours, en occident, qui nous expliquaient que Bacchar avait fait 300 000 morts, que c’était un boucher qui massacrait son peuple, etc.
Et on nous donnait des exemples de fait réels, bien choisis, pour appuyer cette version.
Les Russes, eux, expliquaient qu’il y avait une armée islamiste qui s’était montée pour créer un califat sur la Syrie, et que le peuple syrien faisait courageusement face à ces hordes terroristes, au prix de nombreux morts.
Et ils donnaient des exemples de fait réels, bien choisis, pour appuyer cette version.
Les deux récits correspondaient à des réalités. Chacun avait fait du “cherry picking” (je ne connais pas d’expression équivalente en français), et monté un récit autour. On était donc bien face à 2 réalités différentes.
On retrouve souvent cela quand on parle de sujets controversées, comme la sécurité, le niveau scolaire, l’immigration (ou certains donneront des statistiques pour dire que la France est totalement submergée, d’autres des statistiques pour dire que l’immigration reste epsilonnesque en France. Les deux chiffres sont exacts, mais l’interprétation qui en est faite est diamétralement opposée).
Voilà ma compréhension de ce que sont réellement les vérités alternatives / réalités alternatives.
Nos politiciens sont devenus très forts pour donner des chiffres et des statistiques pour appuyer le moindre de leur dire. Ca fait sérieux.
Pour avoir été confronté à ça, des politiques refusent de prendre la parole sur un sujet s’il n’y a pas suffisamment de chiffres sourcés pour étayer l’argumentation.
Et des journalistes demandent des chiffres à l’appui de n’importe quelle explication, comme si le bon sens et le raisonnement ne servaient à rien du tout…
Du coup, comme chacun veut avoir ses faits, ses statistiques, ses chiffres, et ses sources, forcément, quand les récits divergent, on a des réalités alternatives.
Dans le cas de Bayou, on est dans quelque chose qui ne peut pas être étayé par quoi que ce soit, et qui est factuellement faux. Je ne le mélangerais donc pas avec ça…
@ Vincent
[Les deux récits correspondaient à des réalités. Chacun avait fait du “cherry picking” (je ne connais pas d’expression équivalente en français), et monté un récit autour. On était donc bien face à 2 réalités différentes.]
Il ne faut pas confondre les deux raisonnements. Le « cherry picking » consiste à ne retenir parmi les faits REELS que ceux qui vous arrangent, et ce faisant de construire une interprétation particulière de la réalité. Mais si selon le choix vous pouvez aboutir à des INTERPRETATIONS contradictoires de la réalité, on n’aboutit pas à une description contradictoire de la réalité elle-même. Le fait que les opposants à Bachar-el-Assad occultent la présence des djihadistes dans leur camp et que ses partisans occultent les excès et crimes du régime aboutit à des descriptions incomplètes, mais pas contradictoires.
La logique des « réalités alternatives » va beaucoup plus loin, en impliquant non seulement que deux INTERPRETATIONS du réel peuvent être contradictoires sans être inexactes, mais en postulant que deux FAITS peuvent être vrais tout en étant contradictoires. Voir l’exemple de la genèse des Zuni opposée à la théorie du Big Bang…
[On retrouve souvent cela quand on parle de sujets controversées, comme la sécurité, le niveau scolaire, l’immigration (ou certains donneront des statistiques pour dire que la France est totalement submergée, d’autres des statistiques pour dire que l’immigration reste epsilonnesque en France. Les deux chiffres sont exacts, mais l’interprétation qui en est faite est diamétralement opposée).]
Mais ces controverses reposent sur une contestation des chiffres du camp adverse. Personne ne prétend que l’immigration peut être A LA FOIS massive et epsilonesque…
[Dans le cas de Bayou, on est dans quelque chose qui ne peut pas être étayé par quoi que ce soit, et qui est factuellement faux. Je ne le mélangerais donc pas avec ça…]
Pensez-vous que la genèse telle que decrit par les légendes Zuni soit « factuellement vraie » ? Justement, la logique postmoderne ne reconnait pas l’idée que quelque chose puisse être « factuellement » vraie, puisqu’il n’y a plus de « faits », il n’y a que des récits.
Bonjour,
Personnellement, je dois dire que j’ai savouré la défaite du PSG, mais pas pour faire plaisir aux Marseillais (j’aurais tout autant souhaité la défaite de l’OM dans la même configuration), et j’ajoute que j’ai gardé pour moi cette joie mauvaise, car j’ai encore la courtoisie de ne pas emmerder les autres.
Ce qui m’a horripilé, c’est que le dénommé Castex ait déclaré que la France entière était derrière le PSG. Il aurait dit cela de l’équipe de France, passe encore (est-il cependant convenable qu’un blanc soutienne une équipe de “racisés”? Le débat est ouvert). Mais là, le chef du gouvernement français nous a expliqué calmement que tout bon citoyen s’honorerait en soutenant une équipe de mercenaires étrangers et multimillionnaires, financée de surcroît par un pays dont les prises de position diplomatiques n’en font pas un allié fiable. C’est scandaleux. Les clubs de foot sont des entreprises qui, comme beaucoup d’entreprises, n’ont pas de patrie (et sans doute moins que d’autres). Nos gouvernants sont incapables de défendre les grandes figures de notre histoire (je rappelle qu’un militant de la cause noire a, devant une foule conquise, traité Colbert de “fils de pute raciste”, et ça c’était à Paris; à part quelques réacs, toujours les mêmes, qui s’en est ému?) mais ils nous appellent à placer notre identité dans un vulgaire maillot de foot. Quelle honte!
Il serait temps d’ouvrir les yeux sur ce qu’est devenu le football: une école des mauvaises manières, de la vulgarité, de l’irrespect, de l’intolérance, du communautarisme. La “culture banlieue” s’est emparée de ce sport. Chaque année, nous avons droit désormais à un petit reportage sur la “Coupe d’Afrique des quartiers”. Quelle belle compétition en effet! Quelle preuve de “l’unité dans la diversité” pour cette masse de “Français comme les autres”! Quelle incommensurable joie de voir que la France est devenue la maison commune de l’Afrique entière!
@ nationaliste-ethniciste
[Personnellement, je dois dire que j’ai savouré la défaite du PSG, mais pas pour faire plaisir aux Marseillais (j’aurais tout autant souhaité la défaite de l’OM dans la même configuration), et j’ajoute que j’ai gardé pour moi cette joie mauvaise, car j’ai encore la courtoisie de ne pas emmerder les autres.]
Dites-vous bien que lorsque le PSG perd, le Bayern gagne. Et que les supporteurs du Bayern ne sont pas nécessairement plus intelligents, plus aimables ou plus respectables que ceux de leur adversaire. Personnellement, je ne partage pas votre schadenfreude. Je suis heureux des gens heureux, même si je ne partage pas leur bonheur. Et à tout prendre, je préfère que soient heureux des Français que des Allemands.
[Ce qui m’a horripilé, c’est que le dénommé Castex ait déclaré que la France entière était derrière le PSG.]
Vous êtes un peu injuste. La déclaration de Castex est un peu plus complexe que ça. Voici ses mots exacts : « “Je suis à fond derrière le PSG. Comme, je pense, tous nos compatriotes. Ce sont les couleurs nationales que va porter le PSG ce [dimanche] soir. Ils sentiront que la France les accompagne, et la poussera vers la victoire”.
L’idée que, dès lors qu’un Français exerce ses talents à l’étranger, il porte avec lui les « couleurs nationales » me semble personnellement intéressante. Et je trouve finalement positif qu’on tienne un discours qui appelle à enterrer nos divisions et nos différences dès lors qu’on est sur la scène internationale, ce qui revient à dire qu’on est Français d’abord, et Marseillais, Parisien, Bordelais ou Nantais ensuite. Que toute équipe française, dès lors qu’elle joue à l’extérieur, est un peu une « équipe de France ».
Cela étant dit, on peut se demander si l’équipe de première division du PSG est vraiment une « équipe française ». Comme vous le dites, ce sont des mercenaires, qui mettront le maillot de l’équipe qui mettra le plus d’argent sur la table, et qui n’hésiteront pas à en changer si le chèque est plus intéressant ailleurs. Tout le discours de « l’attachement au maillot » et à la collectivité humaine que ce maillot est censé représenter est une falsification : les clubs sont des entreprises, et le maillot n’est qu’un panneau publicitaire.
Ce qui me gêne chez Castex, c’est moins qu’il ait fait l’assimilation entre le PSG et l’équipe de France, que de supposer que « tous nos compatriotes » s’intéressent au football et ont un intérêt quelconque dans le résultat d’un match sportif, comme si le foot était un langage universel. Quand l’équipe de France de jardinage participe à une compétition internationale de jardins, personne ne dit « que tous nos compatriotes » sont derrière elle. Le foot a beau intéresser une majorité de nos compatriotes, il n’intéresse pas TOUS nos compatriotes.
[Nos gouvernants sont incapables de défendre les grandes figures de notre histoire (je rappelle qu’un militant de la cause noire a, devant une foule conquise, traité Colbert de “fils de pute raciste”, et ça c’était à Paris; à part quelques réacs, toujours les mêmes, qui s’en est ému?) mais ils nous appellent à placer notre identité dans un vulgaire maillot de foot. Quelle honte!]
100% d’accord. Pour moi, il faut séparer d’une bonne fois pour toutes le sport du spectacle. Le foot est un sport quand il est pratiqué sur un terrain municipal par des jeunes qui veulent s’amuser ensemble. Ce n’est plus un sport lorsqu’il est pratiqué par des stars surpayées qui participent à une aventure commerciale. Et si l’Etat et les collectivités locales ont un intérêt dans le développement du sport et des qualités qui vont avec, il n’y a absolument aucune raison pour qu’ils dépensent des sommes considérables pour aider ce qui n’est qu’un business comme un autre.
[Il serait temps d’ouvrir les yeux sur ce qu’est devenu le football: une école des mauvaises manières, de la vulgarité, de l’irrespect, de l’intolérance, du communautarisme. La “culture banlieue” s’est emparée de ce sport.]
Ce n’est plus un sport. On ne développe aucune qualité physique ou mentale en regardant un match à la télé bière à la main, ou en gueulant dans une tribune. Dans le foot, il y a vingt deux qui courent, et vingt deux mille qui regardent.
@ Descartes,
“le Bayern gagne. Et que les supporteurs du Bayern ne sont pas nécessairement plus intelligents, plus aimables ou plus respectables que ceux de leur adversaire.”
Vous n’avez pas tort. Mais je vous répondrai que je dois vivre avec les supporteurs du PSG alors que je croise rarement ceux du Bayern… Par ailleurs, le Bayern avait fait un superbe match contre le Barça, et selon moi, il méritait de gagner.
“Cela étant dit, on peut se demander si l’équipe de première division du PSG est vraiment une « équipe française ».”
C’était mon point. Si Castex avait soutenu l’équipe locale d’amateurs de Villefranche-en-Brousse, je ne dis pas. Mais les “grandes équipes” de foot sont composées comme le casting d’un film: on prend les plus connus, ceux qui sont “bankables” pour attirer sponsors et spectateurs. Et la patrie, on s’en fout. En revanche, aux Jeux Olympiques, il y a beaucoup d’authentiques sportifs, qui ne gagnent pas des sommes faramineuses, et qui eux mouillent le maillot pour la France. Au PSG, combien de joueurs parlent couramment le français?
“Ce qui me gêne chez Castex, c’est moins qu’il ait fait l’assimilation entre le PSG et l’équipe de France, que de supposer que « tous nos compatriotes » s’intéressent au football et ont un intérêt quelconque dans le résultat d’un match sportif, comme si le foot était un langage universel.”
Tout à fait d’accord. Castex aurait fort bien pu dire qu’en tant que passionné de foot et supporteur du PSG, il souhaitait ardemment la victoire de cette équipe. Mais mêler la nation à cela me paraît grotesque.
“Dans le foot, il y a vingt deux qui courent, et vingt deux mille qui regardent.”
Pardon mais le drame est que même quand il n’y en a que deux cents qui regardent, ce n’est pas mieux. J’ai eu des échos de matchs de petites équipes amateurs: insultes, violences,… y compris de la part de parents quand ce sont des enfants qui jouent! Aujourd’hui, un match de foot, c’est une bataille…
@ nationaliste-ethniciste
[Vous n’avez pas tort. Mais je vous répondrai que je dois vivre avec les supporteurs du PSG alors que je croise rarement ceux du Bayern…]
Je trouve étrange qu’on préfère voir heureux les gens avec qui on ne vit pas plutôt que ceux avec qui on vit…
[Par ailleurs, le Bayern avait fait un superbe match contre le Barça, et selon moi, il méritait de gagner.]
Là, on change de dimension. La question ici étaient les supporteurs, pas les équipes. Je ne suis pas le foot, et je serais donc bien incapable de vous dire qui « mérite » gagner. Je ne sais pas d’ailleurs si l’on peut parler de « mérite » dans ce qui est une opération commerciale : le Bayern « mérite » de gagner au même titre que telle entreprise « mérite » de gagner un appel d’offres…
[“Dans le foot, il y a vingt-deux qui courent, et vingt-deux mille qui regardent.” Pardon mais le drame est que même quand il n’y en a que deux cents qui regardent, ce n’est pas mieux. J’ai eu des échos de matchs de petites équipes amateurs: insultes, violences,… y compris de la part de parents quand ce sont des enfants qui jouent! Aujourd’hui, un match de foot, c’est une bataille…]
D’accord, mais là, on est dans un autre registre. On n’est plus sur une problématique « identitaire » ou « territoriale » comme c’est le cas dans l’affaire marseillaise. On est plutôt sur la question de la capacité des individus dans notre société à supporter une frustration, à accepter une défaite. Dans une société qui hyper-valorise le résultat plutôt que le processus (qui dirait comme Pierre de Coubertin que « l’important est de participer » ? Aujourd’hui ce serait plutôt « seule la victoire compte ») il devient presque impossible d’expliquer à son enfant que perdre un match ce n’est pas la fin du monde – et que dès lors qu’on accepte de jouer, comme il faut bien que l’un des deux équipes perde, on doit accepter cette éventualité.
Je pense que vous voyez suffisamment de cas dans votre expérience d’enseignant. Je le vois aussi dans mon activité professionnelle. Les gens ne jouent que pour gagner, au point qu’on voit des gens éviter de postuler à des postes ou se présenter à certains examens de peur d’essuyer un refus ou un échec – refus ou échec forcément injustes, bien entendu.
@ Descartes
Bonjour,
[Le foot a beau intéresser une majorité de nos compatriotes, il n’intéresse pas TOUS nos compatriotes.]
La majorité, que je sache, commence à la moitié d’une population plus 1. C’est à dire, en France, environ 34 millions de citoyens. Avec une audience télévisée de 5 à 6 millions, même si l’on ajoute tous les licenciés (dont une bonne partie dans le chiffre précédent), on est très loin de la majorité.
Alors cessons d’affirmer que le foot intéresse la plupart des Français, même si une très petite minorité fait un tel bazar qu’il est impossible aux autres de ne pas subir ce charivari permanent.
La Covid nous a au moins apporté ça: une pause dans le délire footbalistique.
Si le foot, comme sport d’équipe, peut présenter quelques belles figures de gestes acrobatiques, ce qu’il draine comme outrances, surtout auprès d’une certaine catégorie de jeunes, est probablement bien plus néfaste que l’image positive qu’il est sensé représenter comme activité sportive.
Comment voulez-vous susciter un désir de carrière à partir d’une formation supérieure qui sera rémunérée dans la plupart des cas entre 1 et 3 smic alors que leur voisin s’engage dans une voie – même si c’est illusoire – qui pourrait être rémunérée 1000 fois plus ? Dans un cas, l’humilité et le dédain, dans l’autre la gloire et la fortune.
N’attendez pas que les jeunes de banlieues et d’ailleurs construisent un raisonnement à la hauteur du vôtre. Le rêve leur suffit. Et les filles s’hameçonnent plus avec du rêve qu’avec de la sagesse et du sérieux. Ça compte aussi !
@ Marcailloux
[« Le foot a beau intéresser une majorité de nos compatriotes, il n’intéresse pas TOUS nos compatriotes. » La majorité, que je sache, commence à la moitié d’une population plus 1. C’est à dire, en France, environ 34 millions de citoyens. Avec une audience télévisée de 5 à 6 millions, même si l’on ajoute tous les licenciés (dont une bonne partie dans le chiffre précédent), on est très loin de la majorité.]
Vos chiffres couvrent l’audience d’un match en particulier. Mais ceux qui s’intéressent au football ne regardent pas forcément TOUS les matchs. Pour avoir une idée de l’intérêt pour le football, il faudrait examiner les audiences des matchs de coupe du monde, ou l’on peut supposer que l’ensemble des Français intéressés par le foot sont devant leur poste. Pour la finale de la coupe du monde 1998, l’audience a atteint 25 millions de téléspectateurs. Si vous comptez ceux qui pour des raisons diverses n’ont pas pu regarder du fait de contraintes personnelles, familiales ou professionnelles, vous n’êtes pas très loin d’une majorité.
[Alors cessons d’affirmer que le foot intéresse la plupart des Français, même si une très petite minorité fait un tel bazar qu’il est impossible aux autres de ne pas subir ce charivari permanent.]
Je persiste : si la plupart des français ne regarde pas systématiquement les matchs à la télé ou ne lit pas l’équipe, il reste qu’une majorité « s’intéresse » au sens le plus général du terme à la question, connaît le nom des vainqueurs des compétitions nationales ou internationales et le nom des clubs et des joueurs les plus titrés et a une idée vague du classement.
[Si le foot, comme sport d’équipe, peut présenter quelques belles figures de gestes acrobatiques, ce qu’il draine comme outrances, surtout auprès d’une certaine catégorie de jeunes, est probablement bien plus néfaste que l’image positive qu’il est sensé représenter comme activité sportive.]
L’argent, c’est bien connu depuis Saint Augustin, pourrit tout ce qu’il touche. Dès lors qu’un loisir sportif – mais c’est aussi le cas pour les autres – devient un moyen de gagner de l’argent, le vers est dans le fruit. Et quand on peut gagner BEAUCOUP d’argent, le vers devient très gros !
Pour moi, il faudrait en finir avec le sport professionnel. Promouvoir le sport amateur et ses valeurs, et faire la différence entre le sport et le « spectacle sportif ». On m’objectera que si les athlètes ont un métier « normal » qui les fait vivre, s’ils n’ont pas la possibilité de s’entraîner en permanence, s’il n’y a pas la perspective d’une carrière professionnelle, on aura du mal à attirer les meilleurs éléments et les performances baisseront. Et alors ? Quel est le problème ? Si le meilleur athlète français saute 50 cm de moins, si le meilleur perchiste français saute 2,80 au lieu de 3,10 qu’est ce que cela change ? Le monde ne s’arrête pas de tourner pour autant. Le but d’une politique sportive c’est la santé physique et morale pour le plus grand nombre, et non une minorité d’ultraperformants que le reste regarde à la télé.
[Comment voulez-vous susciter un désir de carrière à partir d’une formation supérieure qui sera rémunérée dans la plupart des cas entre 1 et 3 smic alors que leur voisin s’engage dans une voie – même si c’est illusoire – qui pourrait être rémunérée 1000 fois plus ? Dans un cas, l’humilité et le dédain, dans l’autre la gloire et la fortune.]
Tout à fait d’accord : le sport professionnel a remplacé – avec le Loto – « l’opium du peuple » qu’était la religion. Il donne l’illusion d’un paradis accessible aux plus modestes…
@Descartes
[On ne développe aucune qualité physique ou mentale en regardant un match (…) dans une tribune]
Raison pour laquelle, après le match, on peut choisir l’option course à pied, lutte, et catch, en compagnie des supporters adverses…
@Descartes
[Ce n’est plus un sport lorsqu’il est pratiqué par des stars surpayées qui participent à une aventure commerciale. Et si l’Etat et les collectivités locales ont un intérêt dans le développement du sport et des qualités qui vont avec, il n’y a absolument aucune raison pour qu’ils dépensent des sommes considérables pour aider ce qui n’est qu’un business comme un autre. ]
C’est Robert Ménard, que pourtant je n’apprécie pas particulièrement, qui a expliqué (j’écris tout cela de mémoire, on me pardonnera quelques approximations), qu’il était très attaché au club de rugby de Béziers, à son histoire, etc. Mais qu’il n’était pas possible à la mairie d’allonger davantage d’argent que ce qui était mis aujourd’hui, quand bien même cela devait entraîner la rétrogradation de l’équipe.
Et il a utilisé pour appuyer cela la comparaison, en disant que le soutien municipal à cette équipe était plus important que l’ensemble des subventions accordées à l’ensemble des associations sportives de la ville, hors ce club de rugby pro. En expliquant bien que pour lui, c’était les associations sportives qui étaient tout de même plus importantes qu’un unique club professionnel, quelle que soit son histoire, sa notoriété, ou ses résultats…
@ Vincent
[C’est Robert Ménard, que pourtant je n’apprécie pas particulièrement, qui a expliqué (j’écris tout cela de mémoire, on me pardonnera quelques approximations), qu’il était très attaché au club de rugby de Béziers, à son histoire, etc. Mais qu’il n’était pas possible à la mairie d’allonger davantage d’argent que ce qui était mis aujourd’hui, quand bien même cela devait entraîner la rétrogradation de l’équipe.]
Tout à fait d’accord sur le principe. Cela étant dit, je ne suis pas sûr que le choix de Ménard de ne pas allonger la sauce pour l’équipe de Béziers ait été déterminé seulement par ces considérations…
@ Descartes
L’arrêté préfectoral est effectivement stupéfiant et exprime avec une grande clarté l’affaissement volontaire de l’Etat et sa lâcheté face aux caïds.
[Le texte de notre commentateur marseillais – représentatif d’une certaine pensée régionaliste qu’on retrouve dans beaucoup de territoires]
Qu’est-ce qui vous fait penser que cette “pensée” est “représentative” ?
Certes, la centralisation de l’Etat n’a pas supprimé tout sentiment régionaliste, mais, sans être spécialiste du sujet, le caractère représentatif du commentaire que vous avez reproduit ne me semble pas évident.
Restons dans le domaine du sport. Je suis de la région Toulousaine et le Stade Toulousain Rugby est une fierté régionale.
Mais s’il est moins douloureux de se faire battre par des Agenais, des Brivistes, voire des Toulonnais (rivaux porteurs des mêmes couleurs !) que par les Parisiens, cela n’a jamais empêché les supporteurs de tous ces clubs de fraterniser les soirs de finale autour de quelques pintes … (En rugby, chacun sait qu’il n’y a qu’un ennemi : c’est l’Anglais)
Paris c’est le gros, (donc, les autres les petits).
Paris c’est le pouvoir.
Paris c’est l’argent.
Bref, battre Paris c’est dépasser toutes ces supériorités qu’un peuple égalitariste supporte difficilement.
En conclusion, je trouve que vous auriez dû donner moins d’importance à ce commentaire typiquement marseillais et typiquement footeux, pour développer votre commentaire de l’arrêté et de son annulation (qui me semble aussi digne d’intérêt !).
@ Bruno
[Qu’est-ce qui vous fait penser que cette “pensée” est “représentative” ?]
Mon expérience. J’ai travaillé quelques années à Marseille, et j’ai entendu ce genre de discours maintes fois, tenu par des gens de tous milieux sociaux, de toutes opinions politiques.
[Restons dans le domaine du sport. Je suis de la région Toulousaine et le Stade Toulousain Rugby est une fierté régionale. Mais s’il est moins douloureux de se faire battre par des Agenais, des Brivistes, voire des Toulonnais (rivaux porteurs des mêmes couleurs !) que par les Parisiens, cela n’a jamais empêché les supporteurs de tous ces clubs de fraterniser les soirs de finale autour de quelques pintes … (En rugby, chacun sait qu’il n’y a qu’un ennemi : c’est l’Anglais)]
Justement. Qu’il y ait des rivalités de clocher, cela ne me dérange pas. Après tout, c’est la dialectique entre les « petites patries » et la « grande » qui font le charme de la France. Cela devient un peu plus gênant quand ces rivalités se transforment en inimitiés, quand celui qui revêt le maillot de l’autre devient un « traître » et qu’on voit des bandes – il n’y a pas d’autre mot – faire le tour des bars pour débrancher de force les écrans pour empêcher l’image de l’autre d’apparaître ou pour agresser ceux qui portent le « mauvais » maillot. Vous noterez qu’on n’était même pas dans un contexte ou le club local jouait : les supporteurs de l’OM qui ont agressé ceux du PSG ou qui ont cherché à les empêcher de regarder le match ne voulaient pas la victoire de leur club, mais la défaite de « l’ennemi ».
[Paris c’est le gros, (donc, les autres les petits). Paris c’est le pouvoir. Paris c’est l’argent.
Bref, battre Paris c’est dépasser toutes ces supériorités qu’un peuple égalitariste supporte difficilement.]
Tout à fait. Mais j’insiste : dans l’affaire marseillaise, il ne s’agissait pas de « battre Paris », puisque l’OM ne jouait pas. Il s’agissant de voir Paris battu, ce qui n’est pas la même chose. Il y a un glissement notable entre vouloir la victoire de son club et vouloir la défaite de l’autre. La défaite du PSG devant le Bayern n’apporte rien la gloire de l’OM. La réaction des supporteurs marseillais n’a plus rien de sportif, c’est une logique primitive de « défense du territoire » fondée sur un sentiment fort peu recommandable : l’envie.
[En conclusion, je trouve que vous auriez dû donner moins d’importance à ce commentaire typiquement marseillais et typiquement footeux, pour développer votre commentaire de l’arrêté et de son annulation (qui me semble aussi digne d’intérêt !).]
Pardon, mais ce sont souvent les petites choses « typiques » qui révèlent ce que les gens ont dans la tête. Et non, je ne pense pas que ce soit un commentaire « typiquement footeux » : j’ai aussi travaillé pas loin de Lens, et je ne me souviens pas avoir entendu ce genre de discours.
Quant à l’arrêté et sa postérieure annulation, il n’y a pas grande chose à dire. Le fonctionnement du système préfectoral repose sur un postulat très simples : pas d’emmerdes. On ne vire pas un préfet parce qu’il prend un arrêté illégal ou contraire à aux principes, on le vire s’il n’est pas capable de « tenir » son département. C’est la grandeur du système, et sa faiblesse : les préfets sont d’abord et avant tout les gestionnaires du court terme. Je ne suis pas dans les secrets de la préfecture des Bouches-du-Rhône, mais connaissant le système je peux vous dire comment ça s’est passé : après les incidents qui ont émaillé la demi-finale, le préfet de police s’est demandé « qu’est ce qu’on peut bien faire pour éviter que ça se voie ? ». Mettre beaucoup de CRS ? Ca se voit, ça coûte de l’argent, et puis c’est le risque d’une bataille rangée entre police et supporteurs de l’OM (qui seront bien entendu soutenus par les élus locaux, qui savent de quel côté sont les voix). Alors, la façon la plus simple de supprimer le problème est de donner satisfaction aux plus forts, de faire leur travail de « nettoyage futbolistique » à leur place. Exactement le même mécanisme qui a fait de certains quartiers de nos villes des zones de non-droit. Malheureusement, il est plus facile aujourd’hui pour un haut fonctionnaire de marquer des points en occultant les problèmes qu’en les affrontant de face. On achète la paix en cédant aux caïds, pourquoi pas en cédant aux supporteurs ?
Seule exception à cette règle, les mouvements sociaux…
Pour connaitre un peu Marseille, j’y vois Paris telle qu’elle devait etre il y a une quarantaine d’année, au crepuscule du titi parisien, avant l’embourgeoisement massif de la capitale.
D’ailleurs, dans l’Histoire, on a souvent trouvé les 2 villes du même côté de la “barriere” : toutes les 2 passionnement républicaines du temps de la révolution, villes de barricades durant le XIXe siecle, et je note aussi que Petain a jugé sage de n’installer son gouvernement ni dans cette ville, ni à Paris en 1940… Il faut croire que le catholicisme réactionnaire ne s’y sentait pas chez lui.
Pour l’époque contemporaine, je me rappelerai toujours une remarque à brule pourpoint prise dans un kebab marseillais (avec les tenanciers aux origines correspondantes) :”ca se voit que vous n’etes pas marseillais”. On entretient et on assume la-bas un style franc et direct, presque choquant pour le normand que je suis… Je parle bien de style, hein, et pas de culture, mais il y a bien quelque chose de special dans les rapports humains qu’on ne retrouve pas vraiment ailleurs, et qui se perpetue.
L’autre facteur de detestation entre Paris et la Province, c’est que la capitale est devenue une bulle hors-sol. On y vote oui au TCE quand tout le reste du pays vote non à une majorité écrasante, on y regarde les gilets jaunes comme des betes sauvages, le FN n’y présente meme plus de candidat faute d’electeurs potentiels alors que c’est pourtant l’un des 1ers partis du pays (et meme regulierement le 1er) en terme de voix. Et on a les moyens d’y payer 10000 euros le m².
A coté de cela, Marseille est une ville restée populaire… Qui a d’ailleurs comme tu le precises aussi un probleme avec sa banlieue riche (Aix).
Si je n’avais pas peur de te provoquer un peu trop fort, j’aurais presque envie de considérer cette affaire comme un avatar caricatural de la lutte des classes (pas taper trop fort SVP)…
@ democ-soc
[Pour connaitre un peu Marseille, j’y vois Paris telle qu’elle devait être il y a une quarantaine d’années, au crépuscule du titi parisien, avant l’embourgeoisement massif de la capitale.]
Ni mes souvenirs, ni ce que m’ont raconté mes parents, ni ce qu’on peut lire ici où là n’appuient cette vision. Je n’imagine pas les titis parisiens « se levant comme un seul homme » pour applaudir la défaite d’un club de foot de province dans un match international. D’une façon générale, les titis parisiens étaient trop persuadés d’être le centre du monde pour se préoccuper de ce qui se passait en province.
Dans l’anti-parisianisme de certaines localités il y a une bonne dose d’insécurité quant à sa propre identité. C’est pourquoi le cas de Marseille me paraît très intéressant, parce que c’est parmi les grandes villes françaises celle qui a le problème d’identité le plus criant. Toulouse, Bordeaux, Nantes ou Lyon ont une histoire locale ancienne et des références partagées par l’ensemble des habitants. Marseille est florissante dans l’antiquité, mais décline déjà à l’époque romaine et joue un rôle secondaire pendant le moyen-âge et la Renaissance. Ce n’est qu’avec la colonisation de l’Algérie qu’elle reprend des couleurs. Et encore : là où la plupart des villes en France pratiquent la mixité sociale, la bourgeoisie marseillaise se distingue en pratiquant une politique de séparation spatiale entre les quartiers riches (au sud) et les quartiers populaires (au nord). Ensuite, les vagues d’immigration mal assimilées et le communautarisme ont en grande partie effacé l’histoire de la ville. La plupart des Marseillais ignore l’histoire de sa ville avant la fin du XIXème siècle, et ne s’y intéresse guère, parce que très souvent ce n’est pas leur histoire. A Marseille, l’histoire se réduit très souvent au folklore.
[D’ailleurs, dans l’Histoire, on a souvent trouvé les 2 villes du même côté de la “barrière” : toutes les 2 passionnément républicaines du temps de la révolution, villes de barricades durant le XIXe siecle,]
« Passionnément républicaine » Marseille ? A voir. La ville participe avec enthousiasme à la révolte royaliste/girondine de 1793, fait exécuter les dirigeants jacobins locaux, forment même une « armée départementale des Bouches-du-Rhône » dont le commandement est confié à un officier royaliste et dont le but est de livrer bataille aux troupes de la Convention. Le comité de sûreté générale de la ville prend même contact avec les flottes anglaise et espagnoles, deux pays en guerre avec la France… Il a fallu l’intervention des troupes républicaines pour rétablir l’ordre dans Marseille… qui fut pendant un mois « débaptisée » pour être connue sous la formule « la ville sans nom ».
[et je note aussi que Petain a jugé sage de n’installer son gouvernement ni dans cette ville, ni à Paris en 1940… Il faut croire que le catholicisme réactionnaire ne s’y sentait pas chez lui.]
Le choix de ne pas installer le gouvernement à Paris ou à Marseille ne tient en rien aux inclinaisons politiques de ces villes. Le choix de Paris était tout simplement impossible parce que Paris se situait en zone occupée. A partir de là, il fallait trouver une ville en zone libre qui fut suffisamment centrale pour permettre aux représentants du gouvernement de se rendre facilement à Paris et sur l’ensemble de la zone libre, et qui eut la capacité d’accueillir les ministères et administrations repliées. Vichy, ville d’eaux florissante disposant d’une grande capacité hôtelière et de liaisons téléphoniques, ferroviaires et routières de bonne qualité pour l’époque, et occupant une position relativement centrale était un choix rationnel.
[Pour l’époque contemporaine, je me rappellerai toujours une remarque à brule pourpoint prise dans un kebab marseillais (avec les tenanciers aux origines correspondantes) :”ca se voit que vous n’êtes pas marseillais”. On entretient et on assume là-bas un style franc et direct, presque choquant pour le normand que je suis…]
Ce que vous appelez « un style franc et direct » est une façon élégante d’excuser le chauvinisme et l’impolitesse. Ca me rappelle la chanson de Brassens :
N’est-ce pas qu’ils sont plaisants, tous ces petits villages
Tous ces bourgs ces hameaux, ces lieux-dits, ces cités
Avec leurs châteaux-forts, leurs églises, leurs plages
Ils n’ont qu’un seul point faible, et c’est d’être habités
Et c’est d’être habités par des gens qui regardent
Le reste avec mépris du haut de leurs remparts
La race des chauvins, des porteurs de cocardes
Des imbéciles heureux qui sont nés quelque part
[Je parle bien de style, hein, et pas de culture, mais il y a bien quelque chose de spécial dans les rapports humains qu’on ne retrouve pas vraiment ailleurs, et qui se perpétue.]
Oui, malheureusement. Malheureusement pour les « étrangers » qui essayent de vivre à Marseille, et malheureusement pour les Marseillais eux-mêmes, qui restent prisonniers d’un système qui n’est chaleureux et accueillant qu’en apparence, mais qui derrière le folklore est régi par les lois d’airain du clientélisme et du clanisme, et qui compense son propre sentiment d’infériorité en crachant sur les autres. C’en est même triste : les mêmes Marseillais qui vous diront pis que pendre de la saleté, de la corruption, de l’insécurité de leur ville seront les premiers à cracher sur les autres. Si Marseille est une ville sale, si la mairie est corrompue, si le clanisme règne, ce n’est pas la faute des Parisiens, tout de même.
[L’autre facteur de détestation entre Paris et la Province, c’est que la capitale est devenue une bulle hors-sol. On y vote oui au TCE quand tout le reste du pays vote non à une majorité écrasante, on y regarde les gilets jaunes comme des bêtes sauvages, le FN n’y présente même plus de candidat faute d’électeurs potentiels alors que c’est pourtant l’un des 1ers partis du pays (et même régulièrement le 1er) en terme de voix. Et on a les moyens d’y payer 10000 euros le m².]
Faudrait pas exagérer. Il n’y a pas que Paris qui ait voté « oui » au TCE. Lyon, Rennes ou Strasbourg ont eux aussi vote « oui » à une large majorité. Faut-il conclure que ce sont des villes « hors sol » ? J’ajoute que certains arrondissements de Marseille (6ème, 8ème) ont donné des majorités au « oui ».
[A côté de cela, Marseille est une ville restée populaire… Qui a d’ailleurs comme tu le précises aussi un problème avec sa banlieue riche (Aix).]
Aix n’est pas une « banlieue » de Marseille. C’est une ville qui a une histoire indépendante de Marseille. Jusqu’au XIXème siècle, elle a une importance institutionnelle bien plus grande que Marseille, étant d’abord le siège des Etats de Provence, puis du Parlement.
On peut difficilement dire que « Marseille est une ville restée populaire ». Marseille est surtout une ville qui s’est beaucoup appauvri depuis le début du XXème siècle. Son port, qui était le premier d’Europe à la fin du XIXème, a reculé inexorablement au classement face à la concurrence des ports « nordiques » (Rotterdam, Anvers, Le Havre) et à la diminution des échanges avec le Maghreb. Le tissu industriel marseillais, déjà bien léger, qui dépendait essentiellement du port, s’est lui aussi délité. Marseille est resté populaire parce qu’elle n’a pas eu le choix : ceux qui ont pu partir l’ont fait, et la preuve en est que la ville perd de la population : la ville avait plus de 900.000 habitants en 1936. En 1954, ils n’étaient plus que 660.000. On voit la population remonter grâce aux rapatriés, et en 1975 la ville est revenue à 900.000 habitants. Depuis, elle décroit à nouveau et 2000 elle repasse au-dessous des 800.000. Aujourd’hui, elle a 850.000 habitants. Quand on confronte cette évolution à celle de l’ensemble des grandes villes françaises, la conclusion s’impose.
[Si je n’avais pas peur de te provoquer un peu trop fort, j’aurais presque envie de considérer cette affaire comme un avatar caricatural de la lutte des classes (pas taper trop fort SVP)…]
Oui, mais de quelles classes ? Si je n’avais pas peur de provoquer, je dirais que Marseille paraît plus représentative du lumpenprolétariat que du prolétariat…
Le foot est un formidable bien commun pour notre humanité,fracturée et prière à s’entretuer.
L’Iran,la Corée du Nord,peuvent exposer leur savoir faire au foot sans les censurés des forces dominantes.
Il faut sauver le foot autant que la planète,non?
@ Luc
[Le foot est un formidable bien commun pour notre humanité, fracturée et prête à s’entretuer.]
J’aurais tendance à penser que loin d’aider à résorber les fractures et d’éviter que les gens s’entretuent, le foot aurait plutôt l’effet inverse. Non, le foot n’est en rien “un bien commun pour notre humanité”. Le foot est un sport pour ceux qui le pratiquent en amateur, un spectacle pour ceux qui le regardent, et une affaire commerciale pour ceux qui en font leur métier.
[L’Iran,la Corée du Nord,peuvent exposer leur savoir faire au foot sans les censurés des forces dominantes.]
Ils peuvent le faire aussi au macramé. Et alors ?
[Dans le foot, il y a vingt deux qui courent]
Mais pourquoi ne leurs donne-t-on pas 22 ballons ? Ils n’auraient plus besoin de courir !
Allez, un petit rappel pour rire un peu des hordes encaleçonnées sudoripares:
http://dardel.info/Textes/Football.html
@ BJ
[Allez, un petit rappel pour rire un peu des hordes encaleçonnées sudoripares:(…)]
Franchement, je ne trouve pas le texte en question très amusant. Je préfère l’humour subtil…
Bonjour ami et camarade. Vous dites :
“Il y a un glissement notable entre vouloir la victoire de son club et vouloir la défaite de l’autre. La défaite du PSG devant le Bayern n’apporte rien la gloire de l’OM.”
Je me contrefous du football ; je ne supporte aucune équipe professionnelle de quelque discipline que ce soit. Mais il me semble qu’il y a un aspect du problème que vous ne prenez pas en compte : l’OM est le seul club français à avoir remporté la coupe d’Europe des clubs champions (dans des circonstances très particulières d’ailleurs). Pour cette seule raison, les Marseillais se sont convaincus que leur club est le plus prestigieux de l’hexagone. Une victoire du PSG les aurait ipso facto relégués à la seconde place, puisque Paris a déjà une coupe d’Europe (C2) sur ses étagères… inacceptable pour eux !!! Mais pas pour les supporters Lyonnais, Bordelais ou Nantais, qui ne sont pas concernés par cette dispute pour savoir qui a la plus grosse.
Comme tout cela est dérisoire, désolant, navrant… Si on faisait les comptes, on s’apercevrait peut-être que les guéguerres de supporters depuis un siècle, ont tué autant de monde à l’échelle de la planète que la Covid 19 !
@ Gugus69
[Mais il me semble qu’il y a un aspect du problème que vous ne prenez pas en compte : l’OM est le seul club français à avoir remporté la coupe d’Europe des clubs champions (dans des circonstances très particulières d’ailleurs). Pour cette seule raison, les Marseillais se sont convaincus que leur club est le plus prestigieux de l’hexagone. Une victoire du PSG les aurait ipso facto relégués à la seconde place, puisque Paris a déjà une coupe d’Europe (C2) sur ses étagères… inacceptable pour eux !!! Mais pas pour les supporters Lyonnais, Bordelais ou Nantais, qui ne sont pas concernés par cette dispute pour savoir qui a la plus grosse.]
Effectivement, j’avais oublié ce détail. Je ne sais pas si ce calcul est présent dans la tête des supporteurs de l’OM, mais c’est possible. Quoi qu’il en soit, je reste convaincu qu’il y a une différence de nature entre celui qui souhaite la victoire des siens et celui dont la priorité est la défaite de l’autre. Il y a dans la deuxième attitude une négativité qui n’est pas présente dans la première. Comme disait ma grand-mère, il ne faut jamais se réjouir de la mort de quelqu’un.
[Comme tout cela est dérisoire, désolant, navrant… Si on faisait les comptes, on s’apercevrait peut-être que les guéguerres de supporters depuis un siècle, ont tué autant de monde à l’échelle de la planète que la Covid 19 !]
Quand même pas… Personnellement, ce qui me gêne dans ces « guerres » c’est qu’on y investit une énergie physique et mentale, une quantité d’argent et de moyens en pure perte, dans une logique purement sacrificielle, alors que ces moyens pourraient être si utiles ailleurs… Pensez à ce qu’on pourrait faire si le temps passé à “supporter son équipe” était consacré à des choses plus utiles. Imaginez ce qu’on pourrait faire avec les 400 M€ de masse salariale du PSG. Et si l’on pense au spectacle, je ne pense pas que Mbappé ou Neimar joueraient moins bien si leur salaire était divisé par dix.
@Descartes,
un gros hors-sujet : tenez, j’ai appris hier que le célèbre livre d’Agatha Christie, “Les dix petits nègres”, vient d’être débaptisé: https://www.francetvinfo.fr/culture/livres/roman/litterature-un-roman-dagatha-christie-renomme_4085957.html
Je n’ai jamais ce livre, mais sachant votre érudition en matière de littérature britannique, j’aurais aimé avoir eu votre opinion sur la question…
Décidément, l’infantilisation des citoyens par cette “élite” bien-pensante masque très mal le caractère vaniteux et narcissique de cette dernière: de toute ma vie, je n’ai jamais été heurté par le titre de ce livre, quand bien même je suis Noir. Ce genre de procédé ultra-moralisateur et hypocrite est vexatoire, mais pas dans le sens qu’on pourrait croire: cette culture de l’indignation/offense est un vrai poison pour notre culture en général, et le révisionnisme qu’elle génère est prodigieusement dangereux non seulement pour notre passé, mais surtout pour notre avenir…
@ CVT
[un gros hors-sujet : tenez, j’ai appris hier que le célèbre livre d’Agatha Christie, “Les dix petits nègres”, vient d’être débaptisé: (…) Je n’ai jamais ce livre, mais sachant votre érudition en matière de littérature britannique, j’aurais aimé avoir eu votre opinion sur la question…]
C’est dommage, vous devriez le lire… il s’agit d’une intrigue policière comme les aimait Agatha Christie : l’intérêt est moins dans la psychologie des personnages ou la vraisemblance de l’intrigue que dans la mécanique des meurtres, qui semble magique à première vue mais qui est en fait très simple une fois expliquée. Le titre vient d’une comptine populaire, qui traduite en Français donne :
Dix petits nègres s’en furent dîner;
L’un d’eux s’étouffa et il n’en resta plus que neuf.
Neuf petits nègres veillèrent très tard;
L’un d’eux à jamais s’endormit et il n’en resta plus que huit.
Huit petits nègres voyagèrent dans le Devon;
L’un d’eux voulut y demeurer et il n’en resta plus que sept.
Sept petits nègres fendirent du petit bois;
En deux l’un se coupa et il n’en resta plus que six.
Six petits nègres jouèrent avec une ruche;
Un bourdon piqua l’un d’eux et il n’en resta plus que cinq.
Cinq petits nègres étudièrent le droit;
L’un d’eux finit en haute cour et il n’en resta plus que quatre.
Quatre petits nègres s’en allèrent à la mer;
Un hareng saur avala l’un d’eux et il n’en resta plus que trois.
Trois petits nègres se promenèrent au zoo;
Un gros ours en étouffa un et il n’en resta plus que deux.
Deux petits nègres s’assirent au soleil;
L’un d’eux fut grillé et il n’en resta plus qu’un.
Un petit nègre se trouva tout seul;
Il alla se pendre et il n’en resta plus aucun.
Le roman tourne autour d’un groupe de dix personnes (aucune n’est noire, d’ailleurs) qui meurent l’une après l’autre, chaque mort étant ponctuée par la disparition d’une sculpture de « nègre » parmi un groupe de dix qui se trouvent sur la table au début de l’histoire.
Quiconque lit le texte verra qu’il n’y là rien de « raciste » là-dedans. La comptine pourrait remplacer le mot « nègre » par n’importe quel autre attribut (blanc, pompier, soldat, ouvrier, femme enceinte… sauf qu’on trouve difficilement des sculptures de femmes enceintes ou de pompiers en groupe comme élément décoratif). Et le fait que le mot « nigger » ait été utilisé comme injure dans un autre contexte ne change rien. Est-ce que parce que le mot « juif » a été utilisé comme injure dans un autre contexte qu’il faut expurger « le marchand de Venise » et remplacer « juif » par… par quoi déjà ? Quel autre mot utiliser sans rendre la pièce incompréhensible ? Prenez le fameux monologue de Shylock :
« Je suis un juif ! Un juif n’a-t-il pas des yeux ? Un juif n’a-t-il pas des yeux, des organes, des proportions, des sens, des affections, des passions ? N’est-il pas nourri de la même nourriture, blessé des mêmes armes, sujet aux mêmes maladies, guéri par les mêmes moyens, échauffé et refroidi par le même été et par le même hiver qu’un chrétien ? Si vous nous piquez, est-ce-que nous ne saignons pas ? Si vous nous chatouillez, est-ce-que nous ne rions pas ? Si vous nous empoisonnez, est-ce-que nous ne mourons pas ? »
Enlevez le mot « juif », et ce monologue devient incompréhensible. Alors qu’en le mettant, il devient non seulement sublime, mais un puissant discours contre l’antisémitisme.
[Décidément, l’infantilisation des citoyens par cette “élite” bien-pensante masque très mal le caractère vaniteux et narcissique de cette dernière: de toute ma vie, je n’ai jamais été heurté par le titre de ce livre, quand bien même je suis Noir.]
Que voulez-vous, lorsqu’on n’a pas envie de changer les grandes choses, il ne reste plus qu’à se donner bonne conscience en changeant les détails. On s’imagine combattre le racisme en changeant le titre d’un livre qui, comme vous le dites, n’a rien de choquant, et qui au pire est le témoignage d’une époque où ce mot était encore utilisé couramment. Je trouve plus respectueux pour les « personnes de couleur » de garder ces textes qui nous rappellent combien la société du passé était raciste que de mettre la poussière sous le tapis en faisant un geste qui ne coûte finalement pas grande chose et qui nous rend ignorants de notre histoire ;
[cette culture de l’indignation/offense est un vrai poison pour notre culture en général, et le révisionnisme qu’elle génère est prodigieusement dangereux non seulement pour notre passé, mais surtout pour notre avenir…]
Tout à fait d’accord. C’est une tentative de rompre nos liens avec le passé. Et on sait bien où cela conduit.
@ Descartes,
“Et on sait bien où cela conduit.”
Que voulez-vous dire?
@ nationalite-ethniciste
[« Tout à fait d’accord. C’est une tentative de rompre nos liens avec le passé. Et on sait bien où cela conduit ». Que voulez-vous dire ?]
L’histoire a montré que les révisionnismes ne se contentent de rompre les liens avec le passé. L’oubli du passé est un préalable à son remplacement par une pseudo-histoire construite en fonction des intérêts du groupe dominant. Comme l’écrit Orwell dans « 1984 » : « Celui qui contrôle le présent contrôle le passé, celui qui contrôle le passé contrôle l’avenir.
@ Descartes,
“L’histoire a montré que les révisionnismes ne se contentent de rompre les liens avec le passé. L’oubli du passé est un préalable à son remplacement par une pseudo-histoire construite en fonction des intérêts du groupe dominant.”
Je sais que mes interventions ne respirent pas la joie et je crains de vous lasser avec mes propos de mauvaise augure… Mais ce que vous décrivez est déjà en train de se produire.
Prenons l’histoire comme discipline universitaire: l’ampleur du mal est déjà colossale. Je suis effaré lorsque je regarde les livres “grand public” publiés par des universitaires ou que j’écoute les émissions “le cours de l’histoire” sur France Culture. Toute l’histoire est relue sous le prisme obsédant de l’ “idéologie de la domination” (avec au choix: l’oppression patriarcale, le racisme systémique, le mépris de l’environnement et de la biodiversité). Je ne prétends évidemment pas que les mécanismes de domination sont absents de l’histoire des sociétés humaines. Mais tout ramener à cela me paraît caricatural et réducteur. On oublie qu’un cadre social contraignant n’efface pas toujours toute marge de manoeuvre, individuelle ou collective. Un dominé n’est pas forcément qu’un spectateur, il peut être acteur jusqu’à un certain point.
Pour prendre un exemple, au Moyen Âge, un serf est soumis à son seigneur, c’est entendu. Mais les serfs représentent la majorité de la population de la seigneurie, et les revenus du seigneur dépendent de leur ardeur au travail et de leur consentement au paiement des taxes. Or le servage a une contrepartie: le seigneur ne peut pas chasser le serf de son exploitation. Comme je l’explique à mes élèves, un seigneur n’a pas intérêt à pousser les serfs à se révolter, à s’enfuir ou simplement à faire preuve de mauvaise volonté. C’est pourquoi le rapport dominant-dominé est plus complexe qu’il n’y paraît. Il y a des compromis nécessaires et le rapport de force évolue: qu’une épidémie décime les campagnes, et le paysan devient une denrée précieuse qu’il faut attirer et fixer sur la seigneurie. D’ailleurs, dès la fin du Moyen Âge, le servage recule parce que les paysans sont en état d’obtenir un statut juridique plus avantageux… Et le seigneur doit s’y résigner: en période de pénurie de main d’oeuvre, un seigneur ne fera pas une longue enquête pour savoir si le paysan qui se présente est un serf fugitif (s’il vient d’assez loin) alors qu’il a besoin de tenanciers sur ses domaines.
L’histoire revue et corrigée par nos “progressistes” conduit tout droit à une vision théologique de l’histoire: d’un côté le Bien (les Amérindiens, les cultures africaines, les Aborigènes d’Australie, la civilisation islamique…) et de l’autre le Mal, c’est-à-dire ce démiurge maléfique qu’est l’homme blanc occidental, coupable de tout pervertir, des peuples premiers au climat.
Si je vous comprends bien, pour vous, cette idéologie, cette lecture du monde, est dans l’intérêt des classes dominantes. Elle permettrait de “scléroser” en quelque sorte la société, de geler la hiérarchie sociale en poussant chacun à rester ce qu’il est, notamment par le biais de la victimisation (dites-moi si je trahis votre pensée). A court terme, je comprends la logique. Mais à moyen et long terme? Parmi les classes dominantes, les blancs occidentaux sont une écrasante majorité. Ne croyez-vous pas que c’est jouer les apprentis sorciers en semant des haines dont on ignore après tout quelle récolte amère elles pourraient donner un jour? Vous me répondrez sans doute: “à long terme nous sommes tous morts, et les classes intermédiaires se moquent de l’avenir” (il me semble que vous utilisez parfois l’image du mulet qui n’a pas de descendance, je ne me souviens plus de votre formule).
Il n’en demeure pas moins, je trouve, que les classes dirigeantes de notre époque présentent à mon sens une singularité: elles produisent un discours totalement négatif sur elles-mêmes et leur héritage culturel. Dans le passé, les classes dirigeantes produisaient un discours valorisant pour elles-mêmes: certes, les seigneurs du Moyen Âge font des pèlerinages et des pénitences, mais d’un autre côté, il y a toute une culture qui valorise la guerre, la bravoure, les prouesses chevaleresques. Ces gens-là demandent pardon de leurs péchés, mais s’efforcent de préserver l’honneur et la réputation de leurs lignées. Au XIX° siècle, la bourgeoisie a produit un vrai récit positif sur le progrès, la technique, la science, la modernité qui mettait en avant ses valeurs (travail, esprit d’entreprise) en même temps que ses intérêts. Tout ça pour dire qu’au Moyen Âge, être chevalier, ou au XIX° siècle, être bourgeois, ça pouvait faire envie. Aujourd’hui, être membre des classes intermédiaires, franchement, ça ne fait pas rêver (si on s’en tient au discours). Certes, ces gens ont le confort matériel, ce qui n’est pas rien, mais leur mauvaise conscience est telle qu’ils ne peuvent quasiment rien faire et que certains vont jusqu’à s’en priver. A force de dénigrer le travail, l’effort, la science, la connaissance en général, on voit de plus en plus d’enfants des classes intermédiaires végéter (si j’ose dire) en devenant maraîcher bio ou éleveurs de chèvres. Je précise que je n’ai rien contre les maraîchers ou les éleveurs de chèvre. Seulement le manque d’ambition intellectuelle et professionnelle se répand aussi chez les enfants des bobos. Comment pourrait-il en être autrement puisque même être cadre, à en croire certains, est un boulot abêtissant et pénible?
@ nationaliste-ethniciste
[“L’histoire a montré que les révisionnismes ne se contentent de rompre les liens avec le passé. L’oubli du passé est un préalable à son remplacement par une pseudo-histoire construite en fonction des intérêts du groupe dominant.” Je sais que mes interventions ne respirent pas la joie et je crains de vous lasser avec mes propos de mauvaise augure… Mais ce que vous décrivez est déjà en train de se produire.]
Bien sûr. Mais si cela peut vous remonter un peu le moral, ce n’est pas la première fois que cela arrive. Je dirais même que c’est une constante dans l’histoire. Notre déception tient surtout à ce que nous avons cru aux promesses des Lumières. Nous avons cru à la possibilité pour la société de s’affranchir des obscurantismes grâce à la méthode scientifique, y compris en matière historique. Par certains côtés, nous revenons à la vision antérieure, celle où l’on réécrivait – ou on inventait – la vie des saints, des rois et des empereurs en fonction des besoins et des intérêts de l’Eglise.
[Je ne prétends évidemment pas que les mécanismes de domination sont absents de l’histoire des sociétés humaines. Mais tout ramener à cela me paraît caricatural et réducteur. On oublie qu’un cadre social contraignant n’efface pas toujours toute marge de manoeuvre, individuelle ou collective. Un dominé n’est pas forcément qu’un spectateur, il peut être acteur jusqu’à un certain point.]
Ce qui me gène le plus n’est pas tant qu’on ramène tout aux logiques de domination, mais que ces logiques de domination sont traitées comme purement magiques. La domination se constate, elle ne s’explique pas. Les historiens « féministes » décrivent « l’oppression patriarcale », mais ne se posent jamais la question de savoir pourquoi et comment un tel rapport a vue le jour. Et c’est logique : une telle compréhension rendrait beaucoup plus difficile le jugement moral, le découpage du monde en « victimes » et « bourreaux ». Or, c’est là l’objectif politique des classes dominantes.
[Pour prendre un exemple, au Moyen Âge, un serf est soumis à son seigneur, c’est entendu. Mais les serfs représentent la majorité de la population de la seigneurie, et les revenus du seigneur dépendent de leur ardeur au travail et de leur consentement au paiement des taxes. Or le servage a une contrepartie: le seigneur ne peut pas chasser le serf de son exploitation. Comme je l’explique à mes élèves, un seigneur n’a pas intérêt à pousser les serfs à se révolter, à s’enfuir ou simplement à faire preuve de mauvaise volonté. C’est pourquoi le rapport dominant-dominé est plus complexe qu’il n’y paraît.]
Je ne vous savais pas aussi matérialiste… ! On reconnaît dans votre raisonnement la dialectique du maître et de l’esclave décrite par Hegel et raffinée par Marx. Le maître dépend de la production matérielle de l’esclave, et cette dépendance construit un rapport de forces. Le maître peut certes par caprice tuer l’esclave, mais ce n’est pas son intérêt. Et ce sont les intérêts, et non les caprices, qui gouvernent le monde.
[L’histoire revue et corrigée par nos “progressistes” conduit tout droit à une vision théologique de l’histoire: d’un côté le Bien (les Amérindiens, les cultures africaines, les Aborigènes d’Australie, la civilisation islamique…) et de l’autre le Mal, c’est-à-dire ce démiurge maléfique qu’est l’homme blanc occidental, coupable de tout pervertir, des peuples premiers au climat. Si je vous comprends bien, pour vous, cette idéologie, cette lecture du monde, est dans l’intérêt des classes dominantes. Elle permettrait de “scléroser” en quelque sorte la société, de geler la hiérarchie sociale en poussant chacun à rester ce qu’il est, notamment par le biais de la victimisation (dites-moi si je trahis votre pensée).]
C’est un peu plus compliqué que cela. En fait, les amérindiens, les africains, les aborigènes et les musulmans ont servi de paravent pour cacher la lutte des classes, c’est-à-dire, le rapport fondamental qui structure notre société. Pour le comprendre, il faut revenir un peu en arrière, à la fin des années 1960, lorsque le « bloc dominant » se forme. Qu’est ce qui fait à l’époque vraiment peur aux dominants ? La classe ouvrière, organisée en France autour du PCF et de la CGT, et qui a un véritable poids politique. Pour en finir avec la classe ouvrière, on commencera par essayer de détacher la classe ouvrière de la CGT et du PCF et d’en prendre le contrôle. Les gauchistes auront essayé – avec un succès très limité – en mai 1968, Mitterrand y réussira en grande partie à la fin des années 1970. L’outil idéologique qui accompagne ces tentatives consiste à noyer les revendications ouvrières dans une foule de revendications diverses, de préférence venant de groupes inorganisés et dont les classes intermédiaires peuvent facilement se faire les porte-parole et donc contrôler le discours. Car on ne peut pas ne pas remarquer que ceux qui parlent au nom des amérindiens, des africains, des aborigènes, des musulmans (mais aussi des taulards, des femmes, etc…) sont en fait les mêmes, et tiennent le même discours. Le seul interdit de parole est le « beauf » mâle et blanc, dont la figure cache à peine celle du prolétaire.
La « victimisation » est fonctionnelle à cette occultation. Parce que si nous sommes « tous victimes », finalement personne ne l’est. Et surtout pas le prolétaire qui arrive bien loin dans la hiérarchie des victimisations. La « victimisation » permet aussi au dominant – c’est-à-dire, aux classes intermédiaires – de se présenter sous les traits du dominé et donc de confisquer sa parole.
[A court terme, je comprends la logique. Mais à moyen et long terme? Parmi les classes dominantes, les blancs occidentaux sont une écrasante majorité. Ne croyez-vous pas que c’est jouer les apprentis sorciers en semant des haines dont on ignore après tout quelle récolte amère elles pourraient donner un jour? Vous me répondrez sans doute: “à long terme nous sommes tous morts, et les classes intermédiaires se moquent de l’avenir” (il me semble que vous utilisez parfois l’image du mulet qui n’a pas de descendance, je ne me souviens plus de votre formule).]
« les classes moyennes sont comme un mulet : sans fierté de ses ancêtres, sans espoir de postérité ». La formule n’est pas de moi, mais je ne me souviens pas où je l’avais lue. Oui, avec le développement du capitalisme on en arrive à une situation où le « bloc dominant » n’a pas idée de lignée ou de postérité. C’est d’ailleurs conforme à ce que l’analyse marxiste avait prédit : la préoccupation pour le long terme implique une capacité de dépasser sa propre existence qui est la marque des systèmes aristocratiques, ou l’individu s’inscrit dans une histoire et dans une lignée. Or, le capitalisme – Marx l’écrivait déjà dans le « manifeste » détruit impitoyablement ce type d’identification, pour ne laisser subsister qu’un seul rapport, « le paiement au comptant ». Je ne me souviens plus maintenant qui écrivait que le capitalisme repose pour son fonctionnement sur des structures antérieures qu’il n’est pas capable d’entretenir et de renouveler (l’honneur, la lignée, l’honnêteté…).
[Il n’en demeure pas moins, je trouve, que les classes dirigeantes de notre époque présentent à mon sens une singularité: elles produisent un discours totalement négatif sur elles-mêmes et leur héritage culturel. Dans le passé, les classes dirigeantes produisaient un discours valorisant pour elles-mêmes: certes, les seigneurs du Moyen Âge font des pèlerinages et des pénitences, mais d’un autre côté, il y a toute une culture qui valorise la guerre, la bravoure, les prouesses chevaleresques.]
Mais à côté, elles produisaient aussi un discours qui condamnait le luxe et glorifiait la pauvreté et la frugalité, qui mettait le « vrai bonheur » du côté des gens simples, et non du côté des puissants accablés de préoccupations et de contraintes. Le mythe du roi prêt à tout lâcher pour devenir berger est vieux comme le monde. Il y a des moments de l’histoire – en général des moments de très grande expansion – ou les couches dominantes s’assument pleinement comme telles. Mais cela reste rare. En général, la tendance des dominants est plutôt à avoir un discours négatif sur eux-mêmes, qui permet d’expliquer aux dominés que leur situation est enviable. C’est en fait une inversion : le dominant se présente comme esclave de sa condition, alors que seul le dominé serait vraiment « libre ».
[Au XIX° siècle, la bourgeoisie a produit un vrai récit positif sur le progrès, la technique, la science, la modernité qui mettait en avant ses valeurs (travail, esprit d’entreprise) en même temps que ses intérêts.]
Tout à fait : cela correspond à une période de grande expansion, comme je l’ai expliqué plus haut. Lorsque les portes de la promotion sociale sont ouvertes, présenter le sort des dominants comme désirable ne présente aucun danger. Quand les portes sont fermées, cela devient très dangereux de jouir publiquement d’un bonheur qui n’est pas ouvert à tous… mieux vaut prétendre que le vrai bonheur est dans la pauvreté.
[Aujourd’hui, être membre des classes intermédiaires, franchement, ça ne fait pas rêver (si on s’en tient au discours)]
Normal : quand la promotion sociale est impossible, il est très dangereux de « faire rêver » ceux d’en bas avec elle. Ca pourrait leur donner de très mauvaises idées. Quand on a cassé l’ascenseur social, il vaut mieux tenir le discours « ce n’est pas la peine de monter, en haut c’est terrible ».
[Certes, ces gens ont le confort matériel, ce qui n’est pas rien, mais leur mauvaise conscience est telle qu’ils ne peuvent quasiment rien faire et que certains vont jusqu’à s’en priver. A force de dénigrer le travail, l’effort, la science, la connaissance en général, on voit de plus en plus d’enfants des classes intermédiaires végéter (si j’ose dire) en devenant maraîcher bio ou éleveurs de chèvres.]
Vous voulez dire qu’on les voit de plus en plus dans les reportages dont nos abreuvent les étranges lucarnes. Ne vous en faites pas pour les rejetons des classes intermédiaires, on ne voit pas les beaux arrondissements de Paris et des grandes métropoles se dépeupler pour le moment, et il y a toujours autant de candidats à l’entrée des écoles de commerce. Je ne sais pas non plus où vous voyez une « mauvaise conscience ». Au contraire : les classes intermédiaires réussissent ce tour de force d’être du côté des « victimes » tout en jouissant des avantages d’une position de dominant. Elles ont au contraire une « bonne conscience » à toute épreuve !
Je crains que votre raisonnement reste largement marqué par une vision aristocratique. Il faut comprendre que les classes intermédiaires, aujourd’hui dominantes, ne se sentent en rien héritières des classes dominantes du passé. Elles ne vivent pas la remise en cause de Colbert ou Napoléon comme une remise en cause de leur propre rôle.
@Descartes,
[ Je ne me souviens plus maintenant qui écrivait que le capitalisme repose pour son fonctionnement sur des structures antérieures qu’il n’est pas capable d’entretenir et de renouveler (l’honneur, la lignée, l’honnêteté…).]
Il s’agit du philosophe Constantin Castoriadis. J’ai trouvé cette citation à de multiples reprises dans les oeuvres de Jean-Claude Michéa, qui le cite très souvent comme une de ses références, avec Orwell et Marcel Mauss…
C’est certainement la meilleure formulation à ce jour a pu trouver sur les méfaits du capitalisme; elle complète et raffine les critiques de Marx sur le Capital, à savoir celles de l’abolition de toute créance envers la société par le “paiement au comptant” et la dilution de toute aspiration humaine dans les “eaux glacées du calcul égoïste”…
@ CVT
[Il s’agit du philosophe Constantin Castoriadis. J’ai trouvé cette citation à de multiples reprises dans les oeuvres de Jean-Claude Michéa,]
Effectivement. Michéa et moi avons très souvent les mêmes références…
[C’est certainement la meilleure formulation à ce jour a pu trouver sur les méfaits du capitalisme; elle complète et raffine les critiques de Marx sur le Capital]
Plus que parler de “méfaits” (ce qui suppose un jugement moral) je pense que cette contradiction dit beaucoup sur la fragilité d’un système qui ne peut survivre qu’en se renouvelant.
qui le cite très souvent comme une de ses références, avec Orwell et Marcel Mauss…
@ Descartes,
“Notre déception tient surtout à ce que nous avons cru aux promesses des Lumières.”
Pour moi, ce qui arrive n’est pas complètement étranger aux Lumières. Les Lumières sont responsables de l’avènement de l’individu, libéré de la tradition, des carcans religieux, des hiérarchies sociales. Hier les philosophes des Lumières ont jeté à bas l’emprise de l’Eglise et la tradition monarchique. Leurs héritiers détruisent aujourd’hui la nation et la filiation. J’ai toujours beaucoup de mal à comprendre que vous refusiez de voir le lien.
“Je ne vous savais pas aussi matérialiste… !”
Ah bon? Je suis étonné, je ne me souviens pas avoir manifesté une aversion particulière pour le matérialisme. Je me réfère en l’occurrence à un entretien avec un historien spécialiste du Moyen Âge. Pour moi, tout bon historien doit intégrer une dose de matérialisme dans ses analyses.
“Parce que si nous sommes « tous victimes », finalement personne ne l’est.”
Sauf que nous assistons à une surenchère. Hier le musulman était “plus victime” que les autres, depuis “Black Lives Matter”, on voit bien que ce sont les noirs qui sont “plus victimes” que les autres, en attendant les homosexuels au prochain crime homophobe ou à la prochaine “Manif’ pour Tous”. Le seul point d’accord porte sur l’identité du bourreau: l’homme blanc occidental cisgenre hétéronormé…
“Je ne me souviens plus maintenant qui écrivait que le capitalisme repose pour son fonctionnement sur des structures antérieures qu’il n’est pas capable d’entretenir et de renouveler (l’honneur, la lignée, l’honnêteté…).”
Dans ce cas, le capitalisme est condamné. Mais le retour à un ordre féodal est-il souhaitable? Il y a des aspects bénéfiques du capitalisme (et au-delà de la modernité en général) qu’il serait bon de conserver.
“Mais à côté, elles produisaient aussi un discours qui condamnait le luxe et glorifiait la pauvreté et la frugalité, qui mettait le « vrai bonheur » du côté des gens simples, et non du côté des puissants accablés de préoccupations et de contraintes.”
Oui et non. Au Moyen Âge, la classe dirigeante se scinde en deux groupes: le clergé et l’aristocratie laïque. Bien sûr, les deux ne sont pas imperméables, et le discours du clergé a une influence sur l’aristocratie laïque. Il n’en demeure pas moins que cette dernière affirme pendant tout le Moyen Âge et au-delà ses propres valeurs, qui sont parfois en contradiction avec celles défendues par l’Eglise: un culte de la violence, de l’honneur guerrier, et un art du paraître (d’où les nombreux textes des clercs dénonçant la violence et l’orgueil des grands seigneurs). La noblesse laïque fait des pèlerinages et donne des terres au clergé, mais elle bâtit des châteaux (plutôt confortables pour l’époque) bien visibles, elle organise des tournois et des banquets où l’on se pavane, elle doit montrer sa magnificence pour justifier son pouvoir. A partir du XIV° siècle, on voit apparaître une mode vestimentaire pour les plus riches. On est quand même très loin des élites austères et puritaines que produira le protestantisme…
“mieux vaut prétendre que le vrai bonheur est dans la pauvreté.”
Je ne suis pas convaincu que les gens modestes soient dupes, que ce soit le serf médiéval ou le prolétaire d’aujourd’hui.
“Vous voulez dire qu’on les voit de plus en plus dans les reportages dont nos abreuvent les étranges lucarnes.”
Pas du tout, je ne regarde pas la télévision. Non, je pensais aux enfants du milieu auquel j’appartiens, celui des enseignants. Bien sûr, il ne faut pas généraliser: certains enfants d’enseignants font de très bonnes études. Mais je vois aussi beaucoup de collègues dont les enfants ne manifestent guère de grandes ambitions professionnelles, préférant une activité artisanale basique (genre faire des crêpes sur les marchés), un “retour à la terre” (le maraîcher bio que j’évoquais) ou la précarité dans “le monde du spectacle” (tout le monde peut gratter une guitare, quant à en vivre, c’est une autre affaire). Je vous avouerai que je n’ai pas fait de statistiques, mais les exemples que je vous donne ne sont pas si rares.
“et il y a toujours autant de candidats à l’entrée des écoles de commerce.”
Oui, mais quelques uns abandonnent tout au bout de quelques temps pour devenir maraîcher bio… Quand on sait le prix des études, quel gâchis.
“Je ne sais pas non plus où vous voyez une « mauvaise conscience ».”
Autour de moi: “je sais, je mange de la viande, je ne devrais pas, c’est mauvais pour la planète”; “j’ai une grosse voiture qui pollue, ce n’est pas bien”; “bon j’ai pris l’avion pour aller à New York, ce n’est pas très écolo”; “j’achète des jouets en plastique à mes enfants, c’est mauvais pour la planète”; “j’ai un i-phone dont certains composants sont extraits dans des conditions environnementales désastreuses”. Personnellement, j’entends ce discours à longueur de temps. Notez bien que ces gens ne changent leur mode de vie qu’à la marge, mais ils se sentent obligés d’avoir honte de jouir d’un certain confort, je vous assure.
“Elles ne vivent pas la remise en cause de Colbert ou Napoléon comme une remise en cause de leur propre rôle.”
Probablement. Mais réveiller le démon des origines chez les dominés et “racialiser” les problèmes de la société n’est sans doute pas un bon calcul. Les tensions peuvent déboucher sur une violence endémique et rien ne dit que toutes les classes intermédiaires auront les moyens de se barricader dans des quartiers fermés.
@ nationaliste-ethniciste
“Notre déception tient surtout à ce que nous avons cru aux promesses des Lumières.” Pour moi, ce qui arrive n’est pas complètement étranger aux Lumières. Les Lumières sont responsables de l’avènement de l’individu, libéré de la tradition, des carcans religieux, des hiérarchies sociales. Hier les philosophes des Lumières ont jeté à bas l’emprise de l’Eglise et la tradition monarchique.]
Dire que ce qui arrive « n’est pas étranger aux Lumières » est à mon avis trivial : étant donné l’énorme influence des Lumières sur notre présent, on peut dire que dans tout ce qui peut nous arriver « les Lumières ne sont pas étrangères ». Cela étant dit, on pourrait dire la même chose de la monarchie absolue ou du christianisme. Après tout, c’est le christianisme bien avant les lumières qui, d’une certaine manière, à constitué l’individu comme tel… Il y a un sous-texte implicite à votre affirmation, c’est que d’une certaine manière ce qui nous arrive « est la faute aux Lumières », que c’est ce que les hommes des Lumières ont voulu. Cela me semble très exagéré.
Par ailleurs, je pense que vous faites dire aux Lumières des choses qu’elles n’ont jamais dites. Les Lumières ont voulu un individu libéré de la tradition mais certainement pas de l’Histoire. Libéré non pas des « hiérarchies sociales », mais d’une hiérarchie particulière fondée sur la naissance. Du carcan religieux en ce qu’il commandait une obéissance inconditionnelle, et non de la spiritualité. L’individu des Lumières n’est pas l’individu romantique, qui s’est construit largement dans une logique de réaction contre l’illuminisme.
[Leurs héritiers détruisent aujourd’hui la nation et la filiation. J’ai toujours beaucoup de mal à comprendre que vous refusiez de voir le lien.]
Je ne vois pas beaucoup d’héritiers des Lumières dans ceux qui détruisent la Nation ou la filiation. La toute-puissance de l’individu et de ses désirs me semblent plus proches de la réaction anti-lumières des romantiques. Vous imaginez Voltaire ou Robespierre manifestant pour la PMA ?
[“Parce que si nous sommes « tous victimes », finalement personne ne l’est.” Sauf que nous assistons à une surenchère.]
Tout à fait : à partir du moment où « tout le monde est victime », la seule façon de se distinguer est d’être « plus victime » que les autres. Et du coup on passe d’une logique d’opposition entre « victimes » et « bourreaux » à une logique de concurrence entre victimes.
[Hier le musulman était “plus victime” que les autres, depuis “Black Lives Matter”, on voit bien que ce sont les noirs qui sont “plus victimes” que les autres, en attendant les homosexuels au prochain crime homophobe ou à la prochaine “Manif’ pour Tous”. Le seul point d’accord porte sur l’identité du bourreau: l’homme blanc occidental cisgenre hétéronormé…]
Oui, sauf que ce « bourreau » est de plus en plus théorique. Il y a de moins en moins « d’hommes blancs occidentaux cisgenre hétéronormés » et fiers de l’être. La plupart se trouvent un groupe d’identification qui leur permet de passer du côté des victimes : s’ils sont gros, ils sont victimes de « grossophobie ». S’ils sont pauvres ils sont victimes de la pauvreté. S’ils sont contribuables ils sont victimes de l’Etat, et ainsi de suite. En fait, le « dominant » devient rapidement un ensemble vide.
[“Je ne me souviens plus maintenant qui écrivait que le capitalisme repose pour son fonctionnement sur des structures antérieures qu’il n’est pas capable d’entretenir et de renouveler (l’honneur, la lignée, l’honnêteté…).” Dans ce cas, le capitalisme est condamné.]
A terme, oui, si l’on croit Marx. Mais pour le moment il a montré une remarquable capacité d’adaptation qui lui ont permis à chaque fois de dépasser ses contradictions, au prix d’en créer de nouvelles. Personnellement, je n’enverrais pas trop vite les faire-part de décès.
[Mais le retour à un ordre féodal est-il souhaitable? Il y a des aspects bénéfiques du capitalisme (et au-delà de la modernité en général) qu’il serait bon de conserver.]
On ne se baigne jamais deux fois dans la même rivière. Si le capitalisme devait tomber, ce ne sera certainement pas pour revenir à un ordre pré-moderne, même si cela doit faire de la peine aux écolos. Tout simplement parce que, comme le signalait Marx, l’homme ne peut « désapprendre » ce qu’il a appris. Une fois que l’homme a compris que le tonnerre est le produit d’une décharge électrique et non d’une volonté divine, il n’ira plus jamais prier pour faire cesser la tempête.
[“Mais à côté, elles produisaient aussi un discours qui condamnait le luxe et glorifiait la pauvreté et la frugalité, qui mettait le « vrai bonheur » du côté des gens simples, et non du côté des puissants accablés de préoccupations et de contraintes.” Oui et non. Au Moyen Âge, la classe dirigeante se scinde en deux groupes: le clergé et l’aristocratie laïque. Bien sûr, les deux ne sont pas imperméables, et le discours du clergé a une influence sur l’aristocratie laïque. Il n’en demeure pas moins que cette dernière affirme pendant tout le Moyen Âge et au-delà ses propres valeurs, qui sont parfois en contradiction avec celles défendues par l’Eglise: un culte de la violence, de l’honneur guerrier, et un art du paraître (d’où les nombreux textes des clercs dénonçant la violence et l’orgueil des grands seigneurs).]
Ce n’est pas contradictoire : il y a le discours que les dominants produisent pour eux-mêmes, et celui qu’ils produisent pour les dominés. Au moyen-âge, l’Eglise parlait aux paysans chaque dimanche, alors que le seigneur « dominant » était une entité lointaine dont on entendait rarement la parole. L’aristocratie laïque dominante construisait un discours essentiellement pour elle-même, alors que l’Eglise tenait un discours pour les autres.
[La noblesse laïque fait des pèlerinages et donne des terres au clergé, mais elle bâtit des châteaux (plutôt confortables pour l’époque) bien visibles, elle organise des tournois et des banquets où l’on se pavane, elle doit montrer sa magnificence pour justifier son pouvoir. A partir du XIV° siècle, on voit apparaître une mode vestimentaire pour les plus riches. On est quand même très loin des élites austères et puritaines que produira le protestantisme…]
Quand l’aristocratie construisait des châteaux « bien visibles », c’était essentiellement pour impressionner d’autres aristocrates susceptibles de les attaquer. Même chose pour les tournois et les banquets. Si le protestantisme produit des élites austères, c’est parce que le capitalisme naissant abolit la distance qui permettait à l’aristocratie de ne se montrer qu’à ses égaux. En fait la logique des dominants a toujours été de montrer sa richesse à ses égaux, et l’occulter des dominés. Seule exception : la munificence, qui consiste à montrer sa richesse en la distribuant…
[“mieux vaut prétendre que le vrai bonheur est dans la pauvreté.” Je ne suis pas convaincu que les gens modestes soient dupes, que ce soit le serf médiéval ou le prolétaire d’aujourd’hui.]
Une partie l’était certainement. Pourquoi croyez vous que des formules comme « l’argent ne fait pas le bonheur » et des idées comme « le paysan est plus heureux dans sa chaumière que le roi dans son palais » – dont le dernier avatar est le « retour à la terre » des bobos pour élever des chèvres, sous les applaudissements d’un grand quotidien du soir – aient traversé les siècles ? Mais à côté l’histoire nous a laissé pas mal de textes populaires ironiques ou critiques sur la question.
[Non, je pensais aux enfants du milieu auquel j’appartiens, celui des enseignants. Bien sûr, il ne faut pas généraliser : certains enfants d’enseignants font de très bonnes études.]
Si j’en crois les statistiques, ce sont eux qui font les meilleures études. Pour ne prendre qu’un exemple, si je crois les derniers chiffres publiés 47% des admis à l’ENA ont aujourd’hui au moins un parent enseignant…
[Mais je vois aussi beaucoup de collègues dont les enfants ne manifestent guère de grandes ambitions professionnelles, préférant une activité artisanale basique (genre faire des crêpes sur les marchés), un “retour à la terre” (le maraîcher bio que j’évoquais) ou la précarité dans “le monde du spectacle” (tout le monde peut gratter une guitare, quant à en vivre, c’est une autre affaire). Je vous avouerai que je n’ai pas fait de statistiques, mais les exemples que je vous donne ne sont pas si rares.]
Il faut bien que jeunesse se passe. Quand j’étais lycéen, j’avais pas mal de camarades qui trouvaient l’effort scolaire décidément trop barbant, et qui étaient attirés par l’élevage des chèvres, le grattage de la guitare ou les crêpes artisanales. Aujourd’hui ils sont qui polytechnicien, qui notaire, qui médecin…
[“et il y a toujours autant de candidats à l’entrée des écoles de commerce.” Oui, mais quelques uns abandonnent tout au bout de quelques temps pour devenir maraîcher bio… Quand on sait le prix des études, quel gâchis.]
N’en déplaise au « Monde », ce genre de mouvement est encore marginal. Là où je pense que vous avez raison est que l’investissement scolaire est perçu comme ayant une rentabilité de plus en plus faible, particulièrement pour les classes intermédiaires. Il est vrai que de plus en plus les carrières se font plus par connaissance et par réseau que par le diplôme.
[“Je ne sais pas non plus où vous voyez une « mauvaise conscience ».” Autour de moi: “je sais, je mange de la viande, je ne devrais pas, c’est mauvais pour la planète”; “j’ai une grosse voiture qui pollue, ce n’est pas bien”; “bon j’ai pris l’avion pour aller à New York, ce n’est pas très écolo”; “j’achète des jouets en plastique à mes enfants, c’est mauvais pour la planète”; “j’ai un i-phone dont certains composants sont extraits dans des conditions environnementales désastreuses”. Personnellement, j’entends ce discours à longueur de temps. Notez bien que ces gens ne changent leur mode de vie qu’à la marge, mais ils se sentent obligés d’avoir honte de jouir d’un certain confort, je vous assure.]
Qu’ils se sentent obligés de le DIRE, je suis d’accord avec vous. Mais s’agit-il d’une véritable « mauvaise conscience », ou seulement d’une expression purement rituelle voire un substitut à l’action ? D’une certaine façon vous répondez à cette question en notant que cela ne provoque aucun changement de comportement.
[“Elles ne vivent pas la remise en cause de Colbert ou Napoléon comme une remise en cause de leur propre rôle.” Probablement. Mais réveiller le démon des origines chez les dominés et “racialiser” les problèmes de la société n’est sans doute pas un bon calcul. Les tensions peuvent déboucher sur une violence endémique et rien ne dit que toutes les classes intermédiaires auront les moyens de se barricader dans des quartiers fermés.]
Au contraire, vu du côté des classes intermédiaires, c’est un excellent calcul : réveiller le démon des origines et racialiser les problèmes sociaux, c’est la garantie qu’aucune unité des dominés n’est possible. Et pendant qu’ils se battent entre eux, ils ne s’en prennent pas à vous. Parce qu’il ne faut pas se tromper de statistique : un noir aux Etats Unis a infiniment plus de probabilité de tomber sous les balles ou sous les coups d’un autre noir ou d’un latino que d’un blanc. “Divide ut regnam”
@Descartes : “Enlevez le mot « juif », et ce monologue devient incompréhensible. Alors qu’en le mettant, il devient non seulement sublime, mais un puissant discours contre l’antisémitisme.”
Et cette tirade de Shylock a été génialement reprise dans “To be or not to be” de Lubitsch, devant le public le plus adéquat qui soit : des nazis. Une mise en abîme proprement vertigineuse.
Dans la série on n’arrêt pas le progrès, j’ai vu passer une affiche d’une adaptation théâtrale de 12 Angry Men (cette pièce est connue chez nous surtout grâce à l’adaptation ciné avec Henry Fonda), sous le titre…. 12 hommes et femmes en colère. L’intérêt de l’oeuvre d’origine est justement de ne jamais nommer les 12 hommes en colère (ni même l’accusé), mais focaliser sur leur statut et milieu social. Ce titre inclusif est très instructif sur le glissement idéologique de la classe sociale vers le sexe.
Changer le sexe de certains jurés de la pièce ne me gène pas sur le principe (mais il faut alors la situer dans un autre contexte que celui des USA en 1950), mais ça ne justifie pas le changement du titre, les hommes en question ne sont pas définis en fonction de leur genre, mais comme citoyens.
Toutes les idéologies de la Tabula Rasa sont infectes, ce néo-maoïsme de la “cancel culture” ne résistera pas au temps j’espère.
@ Bannette
[Dans la série on n’arrêt pas le progrès, j’ai vu passer une affiche d’une adaptation théâtrale de 12 Angry Men (cette pièce est connue chez nous surtout grâce à l’adaptation ciné avec Henry Fonda), sous le titre…. 12 hommes et femmes en colère. L’intérêt de l’oeuvre d’origine est justement de ne jamais nommer les 12 hommes en colère (ni même l’accusé), mais focaliser sur leur statut et milieu social. Ce titre inclusif est très instructif sur le glissement idéologique de la classe sociale vers le sexe.]
Tout à fait. Il y a d’ailleurs une version « douze femmes en colère », qui reprend la pièce mais avec un jury exclusivement féminin. Comme vous le dites, ce glissement n’est pas innocent.
[Changer le sexe de certains jurés de la pièce ne me gêne pas sur le principe (mais il faut alors la situer dans un autre contexte que celui des USA en 1950), mais ça ne justifie pas le changement du titre, les hommes en question ne sont pas définis en fonction de leur genre, mais comme citoyens.]
La question est moins qu’on rende le jury mixte (cela ne change rien à l’esprit de la pièce) mais la volonté justement de marquer que cela changerait quelque chose. Je suspecte par ailleurs que la transformation de la pièce va beaucoup plus loin que le caractère mixte du jury. Je ne serais pas étonné d’apprendre que la pièce « transformée » présente valorise la partie « féminine » du jury contre la partie « masculine »…
[Toutes les idéologies de la Tabula Rasa sont infectes, ce néo-maoïsme de la “cancel culture” ne résistera pas au temps j’espère.]
Je suis moins optimiste que vous.
@ CVT
Bonjour
[Décidément, l’infantilisation des citoyens par cette “élite” bien-pensante masque très mal le caractère vaniteux et narcissique de cette dernière: de toute ma vie, je n’ai jamais été heurté par le titre de ce livre, quand bien même je suis Noir. Ce genre de procédé ultra-moralisateur et hypocrite est vexatoire, mais pas dans le sens qu’on pourrait croire: cette culture de l’indignation/offense est un vrai poison pour notre culture en général, et le révisionnisme qu’elle génère est prodigieusement dangereux non seulement pour notre passé, mais surtout pour notre avenir…]
S’agissant du sujet du livre d’Agatha Christie, il n’y a rien d’évident que l’« élite bien pensante » soit derrière ce micro événement, monté en épingle pour des besoins médiatiques. L’origine de cette « débaptémisation » décidée selon toutes apparences par le petit-fils de l’auteur, en charge des intérêts financiers des droits d’auteur, peut tout aussi bien consister en une relance commerciale de l’attention et de la diffusion du patrimoine littéraire de la famille.
Nos sociétés se caractérisent par une sorte de boulimie évènementielle. Il faut sans cesse alimenter l’ogre populaire par toute une série de petits, moyens, grands évènements, et tout y passe avec un manque outrancier de hiérarchisation. Seul, le temps qui passe pourvoit à cette nécessaire objectivité, mais le temps efface aussi, partiellement la mémoire.
Mais au passage, cette formidable dépense d’énergie profite à certains, soit idéologiquement, soit financièrement, car il y a toujours quelque chose à tirer d’une agitation populaire.
Ce qui rend largement nos sociétés plus complexes à vivre – contrairement à ce qu’en pense notre hôte – c’est ce mouvement brownien d’informations contradictoires qui s’amplifie au fil du temps et propulsé par les évolutions technologiques des systèmes médiatiques, dans lequel il devient impossible, à l’« honnête homme » de faire véritablement la part du vrai de celle du faux, celle du bon et celle du mauvais, celle du bien et celle du mal.
Est-ce un phénomène réel ou un phénomène ressentit ? J’aurais tendance à penser qu’il s’agit des deux, mais sur des critères d’appréciation différents.
Quand vous écrivez :
« Ce genre de procédé ultra-moralisateur et hypocrite est vexatoire, mais pas dans le sens qu’on pourrait croire : cette culture de l’indignation/offense est un vrai poison pour notre culture en général, et le révisionnisme qu’elle génère est prodigieusement dangereux non seulement pour notre passé, mais surtout pour notre avenir… »,
la culture que vous évoquez, je la reprends dans le sens où l’on cultive avec des buts divers tout ce qui passe à notre portée. Tout le monde a un avis sur tout, on vous demande de tout noter, du match de foot, de rugby, du grand prix de moto ou d’auto, de la valeur d’un resto, de l’action du président de la République et tutti quanti . . . . La compétence dans ces domaines n’est jamais requise et pourtant, vous avez la parole. Ce qui est vrai maintenant ne le sera pas forcément demain.
Cette incertitude généralisée ouvre la voie à ce révisionnisme que vous dénoncez. De plus elle est la cause de bien des déboires potentiels, et pas seulement dans le domaine culturel.
@ Marcailloux
[S’agissant du sujet du livre d’Agatha Christie, il n’y a rien d’évident que l’« élite bienpensante » soit derrière ce micro événement, monté en épingle pour des besoins médiatiques. L’origine de cette « débaptémisation » décidée selon toutes apparences par le petit-fils de l’auteur, en charge des intérêts financiers des droits d’auteur, peut tout aussi bien consister en une relance commerciale de l’attention et de la diffusion du patrimoine littéraire de la famille.]
On peut en effet penser que ce changement de titre est pour ceux qui l’ont initiée une opération commerciale qui permet de se faire de la publicité gratuitement. Mais la question n’est pas tant la motivation réelle du changement de titre, mais pourquoi ce changement fait la « une » des médias et semble récolter les applaudissements de la bienpensance, pourquoi le fait de trahir l’auteur, au lieu de provoquer une condamnation unanime, provoque une réaction de sympathie.
@ Marcailloux
[S’agissant du sujet du livre d’Agatha Christie, il n’y a rien d’évident que l’« élite bien pensante » soit derrière ce micro événement, monté en épingle pour des besoins médiatiques. L’origine de cette « débaptémisation » décidée selon toutes apparences par le petit-fils de l’auteur, en charge des intérêts financiers des droits d’auteur, peut tout aussi bien consister en une relance commerciale de l’attention et de la diffusion du patrimoine littéraire de la famille.]
Je suis étonné que mon post, à chaud, suscite autant d’intérêt😄…
Je n’avais pas vu cela sous cet angle et vous avez probablement raison à propos des ayant-droits et de leur droit de regard sur les oeuvres de leurs illustres ancêtres, il ne faut pas exclure des opérations bassement matérielles. Mais je nuancerais en affirmant que cela reste tout de même de l’arrogance: outre le comportement de rentier du petit-fils (ou arrière-petit-fils???) d’Agatha Christie, je pense que ce dernier a probablement abusé de son droit de regard moral de son aïeule dans le cas des “Dix Petits Nègres”, pour la bonne et simple raison qu’il a commis un anachronisme!!!
Certains brandiront le fait que dès 1940, le titre du livre dans sa version américaine avait déjà été amendé, mais qu’on le veuille ou non, en France et surtout en Angleterre, l’oeuvre était titrée telle que son auteur (oui, AUTEUR: sus à la grammaire inclusive😈…) l’avait souhaité, vu qu’il s’agit de l’intrigue se déroulait dans un lieu appelé…Ile du Nègre!!!
Bref, j’ai l’impression que n’ayant pas le talent de son ascendant, son descendant se comporte en inspecteur des travaux finis à son seul profit…
@ CVT
[Je suis étonné que mon post, à chaud, suscite autant d’intérêt😄…]
Vous ne devriez pas. Vous savez que la question passionne beaucoup de lecteurs de ce blog.
[Je n’avais pas vu cela sous cet angle et vous avez probablement raison à propos des ayant-droits et de leur droit de regard sur les oeuvres de leurs illustres ancêtres, il ne faut pas exclure des opérations bassement matérielles.]
Probablement. La question qui me semble intéressante dans cette affaire est de savoir pourquoi le fait de changer le titre dans un sens « politiquement correct » est devenu une bonne affaire…
@ CVT & Descartes
Bonjour
[[Je suis étonné que mon post, à chaud, suscite autant d’intérêt …] [Vous ne devriez pas. Vous savez que la question passionne beaucoup de lecteurs de ce blog.]]
Au-delà de la question évoquée, c’est la qualité générale des commentaires de certains contributeurs de ce blog qui suscite un intérêt constant sur leurs interventions . . . . . . . . malgré, quelquefois, une grammaire aléatoire 🧐 .
@ Marcailloux
[malgré, quelquefois, une grammaire aléatoire]
Je vous trouve bien sévère… bon, il est vrai que certains commentateurs pourraient faire un petit effort, mais si vous regardez ce qu’on trouve comme commentaires dans les différents blogs, je ne pense pas que les commentateurs du mien aient collectivement à rougir…
@ Descartes,
Bonjour.
[[malgré, quelquefois, une grammaire aléatoire]
[Je vous trouve bien sévère… bon, il est vrai que certains commentateurs pourraient faire un petit effort, mais si vous regardez ce qu’on trouve comme commentaires dans les différents blogs, je ne pense pas que les commentateurs du mien aient collectivement à rougir…]]
Bien sévère . . . ? à la rigueur un peu exigeant. Et puis, comme l’adage l’indique: “qui aime bien, châtie bien”.
Nous (vos lecteurs et commentateurs) avons la chance de pouvoir dialoguer, débattre sur un forum d’une qualité et d’une accessibilité qui, selon moi, est unique – je n’en connais pas d’autre à ce niveau d’approfondissement.
Lorsque je lis avec peine, avec pour seule cause la mise en forme de l’orthographe, de la syntaxe ou de la ponctuation le commentaire d’un contributeur qui me parait très pertinent et instructif, j’en suis désolé pour lui, pour nous, lecteurs, et pour notre magnifique patrimoine linguistique ainsi foulé du pied.
Si nous nous adressons à des dizaines, voire des centaines de lecteurs potentiels, il me semble que l’éthique minimum soit de présenter une forme grammaticale la plus soignée possible. C’est, pour moi , un signe de civilité.
Il est difficile de déplorer la dérive “médiocratique” de notre société si nous ne produisons pas un effort minimum dans la tenue du texte que nous exposons à la lecture publique.
Le respect mutuel commence par là.
Maintenant, je ne voudrais pas me transformer en ayatollah de la grammaire nationale et je trouve naturel qu’il puisse subsister quelques erreurs dans la précipitation des échanges, et je n’en suis pas plus que vous exempté. J’en conviens volontiers, la longueur de certains commentaires explique, si elle ne les justifie pas, des petits et grands écarts grammaticaux.
L’idée exprimée est le diamant, les phrases ne sont que l’écrin, mais un beau bijou dans du papier journal perd une part de sa valeur symbolique. 😃
@ Marcailloux
[Bien sévère . . . ? à la rigueur un peu exigeante. Et puis, comme l’adage l’indique : “qui aime bien, châtie bien”.]
Je ne doute pas un instant de la bonté de vos intentions. J’appelais juste à la bienveillance… mais sur le fonds, je suis d’accord avec vous sur un point: on ne peut séparer la forme et le fond. La richesse et la rigueur des idées tient aussi à la richesse et la rigueur de la forme dans laquelle elles sont exprimées.
[L’idée exprimée est le diamant, les phrases ne sont que l’écrin, mais un beau bijou dans du papier journal perd une part de sa valeur symbolique.]
Je trouve ce parallèle très juste…
___il me semble que l’éthique minimum soit de présenter une forme grammaticale la plus soignée possible.___
Lorsque la locution “il me semble” sert à exprimer un avis, une opinion, elle est suivie d’un verbe conjugué à l’indicatif :
“il me semble que l’éthique minimum EST de présenter une forme grammaticale la plus soignée possible.”
Non ! Pas sur la tête…
@ Gugus69
Bonjour,
[[. . . il me semble que l’éthique minimum soit de présenter une forme grammaticale la plus soignée possible.]
[Lorsque la locution “il me semble” sert à exprimer un avis, une opinion, elle est suivie d’un verbe conjugué à l’indicatif :
“il me semble que l’éthique minimum EST de présenter une forme grammaticale la plus soignée possible.”
Non ! Pas sur la tête…]]
Nous partageons – entre autres – le même intérêt pour notre magnifique langue, c’est pourquoi je m’abstiendrai, aujourd’hui de cogner sur la tête ! 😇
En fait, votre remarque m’a conduit à en examiner le bien-fondé (Saint Thomas un jour, Saint Thomas toujours !) et je constate, à l’aide du lien suivant, que nous sommes, l’un et l’autre dans le vrai. Mais à ce stade, cela devient affaire de spécialistes et mon propos ne visait pas à espérer un tel raffinement de la part des commentateurs.
D’ailleurs, vous aurez noté que je reconnais volontiers enfreindre quelquefois les règles grammaticales, soit par inattention soit par difficulté d’interprétation.
L’important, à mes yeux, comme aux vôtres je suppose, c’est l’effort consenti à rendre nos textes lisibles agréablement sans être heurté 2 ou 3 fois par ligne par des écarts grammaticaux.
https://www.lefigaro.fr/langue-francaise/expressions-francaises/
Extrait :
[N’oublions pas enfin que dans certains cas, le subjonctif et l’indicatif peuvent cohabiter. On pourra par exemple, tout aussi bien écrire « il semble qu’il est plus gentil que ton frère » comme « il semble qu’il soit plus gentil que ton frère ». On utilisera l’indicatif pour marquer une affirmation ou une certitude. A contrario, on emploiera le subjonctif quand la formule « il semble que » exprimera une incertitude, une éventualité. Idem après des formes négatives ou interrogatives. Exemple : « Il ne semble pas impossible qu’il revienne ce soir. »]
@ Marcailloux
Cher ami, il me semble que vous confondez (indicatif !) la locution “Il semble que” (ou sa négation “Il ne semble pas…”) avec “Il ME semble que…”
La première évoque une hypothèse, une probabilité.
La seconde, que vous utilisiez, marque un avis personnel.
Mais bon, j’aurais préféré : “Il me semble que l’éthique minimum commande (impose… exige…) de présenter une forme grammaticale la plus soignée possible.” Cela présente le double avantage de préciser l’idée et de… contourner le problème !
Cela dit, je vous remercie d’avoir épargné mon crâne.
Vous avez compris que je partage votre intérêt pour notre langue. Mon passé de correcteur de presse doit y être pour quelque-chose. Mais souvent, aussi, au fil des débats d’un forum en ligne, on est moins attentif à son texte. Je fais des tas de fautes qui m’arrachent les yeux… dès que publiées. C’est pourquoi je reste très indulgent avec les fautes des copains.
@Descartes
Cher ami et camarade, puisqu’on en est à défendre notre belle langue française, je pense que vous êtes comme moi, irrité par cette inénarrable connerie qu’est l’écriture inclusive.
Ça me rappelle les tant moqués “Incoyables et meveilleuses” qui se piquaient de ne pas prononcer les R pour ne pas s’écorcher la gueule. On était sous le Directoire, une période de restauration “bien pensante” bourgeoise après la terreur. C’était les bobos de l’époque, quoi…
Je rentrais hier de vacances en roulant pèpère sur une petite route de montagne, sinueuse et charmante.
Au détour d’un virage, inscrite à la peinture noire en grandes lettres capitales sur la glissière de sécurité, cette belle phrase militante : PRÉCAIRES SACRIFIÉ-E-S, PATRONS PROTÉGÉS.
Voilà qui éclaire comment fonctionne le cerveau embrumé d’un gauchiste-peintre. Un précaire est une victime, qui peut donc être UNE précaire ; un patron est un bourreau, ce ne peut donc être qu’un mâle. Pas de PATRON-NE-S PROTÉGÉ-E-S !
L’écriture inclusive est avant tout une construction idéologique détestable.
@ Gugus69
[Cher ami et camarade, puisqu’on en est à défendre notre belle langue française, je pense que vous êtes comme moi, irrité par cette inénarrable connerie qu’est l’écriture inclusive.]
Tout à fait. D’autant que l’interprétation qui est faite du fait que dans les langues latines « le masculin emporte le féminin » est en contradiction totale avec la manière dont les langues se sont construites. En fait, on pourrait dire que dans les langues latines le masculin est le genre « neutre », puisqu’on utilise le masculin lorsqu’on désigne une collection de personnes de sexe différent, et que c’est le genre féminin qui marque une distinction. En d’autres termes, que le genre féminin existe pour valoriser le caractère féminin, pour le distinguer.
[Au détour d’un virage, inscrite à la peinture noire en grandes lettres capitales sur la glissière de sécurité, cette belle phrase militante : PRÉCAIRES SACRIFIÉ-E-S, PATRONS PROTÉGÉS.
Voilà qui éclaire comment fonctionne le cerveau embrumé d’un gauchiste-peintre. Un précaire est une victime, qui peut donc être UNE précaire ; un patron est un bourreau, ce ne peut donc être qu’un mâle. Pas de PATRON-NE-S PROTÉGÉ-E-S !]
J’avais déjà noté dans ces colonnes cette étrange déformation qui fait que l’écriture inclusive ne féminise que les termes ayant pour les locuteurs une connotation positive (« citoyen-nes », « précaire sacrifié-e-s », « migrant-e-s » …), mais jamais ceux qui ont une connotation négative (patrons, exploiteurs, génocidaires…). Ce qui prouve, s’il en était encore besoin, le caractère idéologique de la manœuvre.
@Gugus69
Bonsoir,
Au fond du sac à malices de la grammaire française, en grattant bien, je dois reconnaitre que votre précision d’horloger l’emporte sur mon sablier grammatical.
Ce sont ces subtilités de la langue qui, comme une femme qui se refuse, la rendent encore plus attrayante !
Et puis, ayant découvert la littérature dans un recoin de la machine-outil que je pilotais lorsque j’avais 16 ans, au cours de séquences d’usinage automatique qui m’accordaient un peu de temps masqué, à la dérobée, bénéficiant d’une mansuétude à peine cachée de mon contremaitre, la rigueur grammaticale a infusée en moi de manière erratique.
Cependant, ces trésors acquis dans une semi-clandestinité n’en ont gardé que plus de valeur.
Il m’a donc fallu bien 10 minutes pour disséquer les subtilités que vous exposez. Voila pourquoi, probablement, beaucoup y renoncent.
@Descartes,
[En fait, on pourrait dire que dans les langues latines le masculin est le genre « neutre », puisqu’on utilise le masculin lorsqu’on désigne une collection de personnes de sexe différent, et que c’est le genre féminin qui marque une distinction. En d’autres termes, que le genre féminin existe pour valoriser le caractère féminin, pour le distinguer.]
Justement, j’ai quand même l’impression que cette écriture dite inclusive aboutit à deux effets qui me paraissent contradictoires, et dont je saisis mal les objectifs :
– soit les féministes veulent transformer la langue française pour que le féminin devienne le neutre, et donc le collectif: pourquoi pas, après tout, c’est bien le cas en allemand, par exemple 😬.
Dans ce cas, l’ objectif d'”inclusivité” sera atteint, mais au prix d’une effacement symbolique et ARBITRAIRE du masculin. Le plus grand inconvénient étant que cela entraînerait une confusion mentale pour tous: on efface pas comme cela plus de vingt siècles de conventions sur les genres (ici, le mot “genre” étant pris dans son acception initiale).
– soit les féministes veulent symboliquement abolir toute idée de collectif pour faire ressortir le féminin: cela aboutit alors à un idéal de vie qui ressemble bizarrement à celui d’un…musulman radical😈, où les hommes et les femmes sont séparés, voire opposés; bel effet pervers donc, et surtout tant pis pour l'”inclusivité”!
J’imagine que ce n’est pas moi qui vais réussir à résoudre les contradictions internes du discours féministe des années 2020😈😬…
@ CVT
[Justement, j’ai quand même l’impression que cette écriture dite inclusive aboutit à deux effets qui me paraissent contradictoires, et dont je saisis mal les objectifs :]
Je pense qu’il ne faut pas chercher midi à quatorze heures. Le but des féministes de genre, c’est d’abord de construire un récit qui les constitue comme victimes. C’est pourquoi il faut trouver des signes de sexisme partout. La langue étant le véhicule intellectuel qui permet de penser, affirmer que la langue est “sexiste” permet d’étendre ce postulat à l’ensemble de la pensée.
Pour construire ce récit, on n’hésite d’ailleurs pas à inventer des étymologies. Ainsi, par exemple, les féministes américaines rejettent le mot “history” (“histoire”) au prétexte que le préfixe “his” (“il” en anglais) serait “sexiste”, et prétendent le remplacer par “her” (“elle”). Dans beaucoup de textes féministes américains, vous trouverez donc le terme “herstory”. Sauf que l’étymologie du mot “history” ne justifie nullement cette théorie: le mot vient du mot grec “Ἱστορίαι” (“istoriai”) qui signifie “enquête”, et n’a aucun rapport avec le pronom personnel masculin grec “αυτός” (“aftos”).
@ Descartes
[En fait, on pourrait dire que dans les langues latines le masculin est le genre « neutre », puisqu’on utilise le masculin lorsqu’on désigne une collection de personnes de sexe différent, et que c’est le genre féminin qui marque une distinction.]
On pourrait le dire du point de vue linguistique, d’autant plus que le Français a absorbé le neutre latin dans le masculin, et à ma connaissance c’est aussi le cas des autres langues latines. Ce n’est d’ailleurs pas unique aux langues latines, puisque c’est le cas dans d’autres langues indo-européennes, en hindi-ourdou par exemple. D’ailleurs, le genre grammatical dans les langues indo-européennes n’est venu à recouvrir le genre sexuel que comme attribut secondaire. En proto-indo-européen reconstruit, le genre grammatical des noms est plus lié à la nature de ce qu’ils décrivent qu’à leur sexe. Ainsi, le neutre et le masculin, morphologiquement assez proches, semblent avoir eu comme fonction première de décrire des objets inanimés ou animés respectivement. Tandis que le féminin, assez distinct, servait avant tout à décrire des concepts abstraits. Que le genre grammatical en soit venu à décrire le genre des êtres sexués semble être un usage secondaire et plus tardif du système de genre nominal.
[Le foot est notre patrie]
En voyant votre titre, j’ai cru que vous alliez évoquer le seul domaine où exprimer son attachement à la France (sans faire mention de son régime politique) ne fait pas de vous un ennemi pour les forces qui y dominent.
Car s’il a été dit qu’on en était revenus, je ne le crois pas. Il n’y a qu’à écouter notre gouvernement qui n’a que les mots « République » et « républicain » à la bouche. Sans doute est-il conscient que nombre d’habitants en France la déteste, mais si son but est de rassembler les gens avec ces mots, c’est n’importe quoi. Pour la grande majorité des gens, en appeler à la République ou à ses prétendues valeurs sans rien préciser de concret n’a aucun sens.
Sinon, pour en revenir au sujet :
1) c’est surtout à Paris que cet arrêté aurait dû être pris puisqu’une nouvelle fois l’après match à donner lieu aux pillages et aux saccages.
2) l’interdiction devrait devenir permanente et s’étendre à tous les maillots de foot portés dans la rue par quiconque a plus de 12-13 ans et ne va ni jouer au foot ni assister à un match au stade. Je rigole qu’à moitié. Des types payent des fortunes pour être des panneaux publicitaires vivants… Et se pensent sur leur 31… Tristesse… Quand on regarde les images d’archives et la façon dont nos ancêtres s’habillaient il n’y a pas un siècle, quelle classe ils avaient.
3) il y avait sur la feuille de match plus de joueurs de nationalité française au Bayern qu’au PSG. Et les seuls portant des prénoms français étaient côté munichois. Les propriétaires des deux clubs ne sont pas plus Français les uns que les autres. Soutenir le PSG n’allait donc pas de soi pour un Français…
Surtout si l’on considère qu’à l’instar de l’équipe de France de foot, ça va être récupéré pour contribuer à la propagande qui glorifie les migrations, le métissage et l’effacement de la France : « Regardez comme les capitaux et la main d’œuvre étrangère est bonne pour notre pays », « Regardez ce merveilleux melting-pot de races et de cultures », « Regardez, l’époque où jouaient majoritairement des Français dans des équipes dirigées par des Français, ça ne gagnait pas », etc.
[le séparatisme n’est pas forcément lié à l’immigration. Ici, une communauté « française » décide d’imposer à une autre communauté « française » sa manière de s’habiller]
Je serais curieux de savoir combien d’individus au sein de ces communautés se considèrent comme Français. Les qualifier alors de « française » sans autre argument que la localisation en France de la ville où se trouve leur club me semble un peu hâtif.
Diriez-vous que les supporters du « CS Berbère de Villetaneuse », de l’« Union sportive Lusitanos Saint-Maur », du « Maccabi Créteil » ou de l’« US Turcs Bischwiller » forment des communautés « françaises » ?
[En d’autres termes, l’affaiblissement de l’Etat-nation provoque l’apparition de quasi-nations au niveau local, des ensembles qui revendiquent des frontières, qui séparent « natifs » et « estrangers », qui exigent une forme « d’assimilation » autour de symboles – drapeau, maillot – et d’institutions – la religion, le foot.]
Pourtant, si vous sélectionnez vos supporters au sein de la « France périphérique », parmi les autochtones, et bien vous aurez le public qui supporte l’équipe de France de football. Et je dis bien l’équipe de France. Et non tel ou tel joueur parce qu’il est de telle ou telle origine. Vous pouvez les reconnaître à ce qu’il leur arrive, à eux, d’arborer ce maillot.
De même pour la religion, je ne vois pas la religion catholique entrain de redevenir un symbole…
Votre propos me semble concerner essentiellement des gens qui ne sont pas d’origine française. Difficile donc de ne pas le « lie[r] à l’immigration ».
[Ailleurs, on a pu voir l’éclatement de l’Etat-nation pour constituer des micro-nations : la Yougoslavie, la Belgique, l’Espagne sont de bons exemples. Chez nous, on n’est pas encore là. Pour combien de temps ?]
La Yougoslavie et la Belgique n’ont jamais été des nations. La logique à l’œuvre dans leur formation était extérieure. Que ça éclate quand les forces extérieures disparaissent ou changent de sens, ma foi…
En France, je serais quand même curieux de voir ce qui se passerait si les individus d’origine non-européenne présents sur son sol étaient moins de 1 % de la population totale. A mon avis, les classes intermédiaires, la frange qui trahit, auraient la partie bien moins facile s’il ne leur était pas aussi aisé de profiter d’une telle masse d’aliénés.
[Et à terme, certains habitants des territoires riches commenceront à se demander s’il est opportun de continuer à payer pour des concitoyens qui les détestent au point de se réjouir de leurs défaites.]
Ça me fait penser à la coupe du monde de foot de 2002. J’étais alors collégien et je me souviens qu’après les cours (durant lesquels l’équipe de France perdait contre le Sénégal), mes « camarades » maghrébins ont bruyamment célébrer cette défaite. Je me rends d’ailleurs compte que j’en ai retenu jusqu’à aujourd’hui le nom du buteur sénégalais (pourtant peu connu)… Et ce n’était même pas pour chambrer les autres, c’était entre eux. Ils exprimaient juste leur joie de la défaite de la France.
Je crois que c’est ça en fait qui distingue ceux qui pensent l’« assimilation » possible et les autres. C’est qu’en général les premiers n’ont pas vécu au contact et observé les descendants d’immigrés arabo-africains moyens (pas des polytechniciens à QI>130) dans des contextes où ceux-ci étaient suffisamment nombreux pour laisser libre cours à leur vision des choses sans se soucier des autres. Et le fait est qu’une large majorité d’entre-eux détestent la France.
Ps : je serais quand même curieux de savoir comment on mesure les transferts des territoires riches vers les territoires pauvres. Par exemple pour Paris, à combien estime-t-on les avantages dont elle bénéficie au titre de capitale de la France et donc des autres territoires ?
Ou quand l’État central décide de l’aménagement du territoire (administrations, entreprises, écoles, urbanisme, etc), comment on estime qui y gagne et qui y perd ? J’imagine que Toulouse a pas mal gagné à l’implantation d’Airbus. Ne devrait-elle pas remercier les autres territoires à ce titre ?
Ou encore la balance commerciale vis-à-vis des pays étrangers. L’île de France endette la France vis-à-vis de l’étranger de manière colossale. Le Grand Est est au contraire exportateur net.
Ps2 : Dans un commentaire, vous avez pris l’exemple de Monaco et de comment l’électricité y avait été coupée. Si par exemple Paris décrétait son indépendance, qu’est-ce qui empêcherait de faire de même (via EDF ou par simple sabotage) ?
Ou pour les grandes villes (la plupart enclavées) qui « refuseraient de payer », ne pensez-vous pas que les territoires pauvres alentours pourraient décréter des droits de passage permettant aux personnes et aux marchandises de transiter librement par chez eux ?
A mon avis, le rapport de force est bien moins déséquilibré que ce que vous décrivez.
@ bip
[En voyant votre titre, j’ai cru que vous alliez évoquer le seul domaine où exprimer son attachement à la France (sans faire mention de son régime politique) ne fait pas de vous un ennemi pour les forces qui y dominent.]
Indirectement, c’est ce que j’ai fait. Ce qui est vrai pour les « petites patries » footballistiques devient vrai pour la « grande patrie » aussi.
[1) c’est surtout à Paris que cet arrêté aurait dû être pris puisqu’une nouvelle fois l’après match à donner lieu aux pillages et aux saccages.]
Je ne suis pas totalement persuadé que ce soit le fait des supporteurs du PSG. De plus en plus on voit le parasitage des manifestations publiques – qu’elles soient politiques, syndicales, sportives ou culturelles – par des groupuscules ou des individus qui y voient une bonne opportunité de jouer à l’émeute.
[2) l’interdiction devrait devenir permanente et s’étendre à tous les maillots de foot portés dans la rue par quiconque a plus de 12-13 ans et ne va ni jouer au foot ni assister à un match au stade. Je rigole qu’à moitié. Des types payent des fortunes pour être des panneaux publicitaires vivants… Et se pensent sur leur 31… Tristesse…]
Cela m’attriste aussi… mais je ne suis pas persuadé que l’interdiction soit la bonne façon de faire. Pour moi, lutter contre ces excès implique remettre dans notre société un sens de la hiérarchie entre les choses : Quand on voit qu’une école peut recevoir le vocatif de Colbert ou celui de Coluche indifféremment, on peut excuser les gens qui s’imaginent que le foot est important…
[Quand on regarde les images d’archives et la façon dont nos ancêtres s’habillaient il n’y a pas un siècle, quelle classe ils avaient.]
Moins que l’habillement, je pense à l’élégance du langage. Pensez à un homme comme Brassens, chanteur populaire s’il en est, et qui parsème ses chansons de références grecques et latines : pensez à « Pénélope » (« en attendant le retour d’un Ulysse de banlieue »), dont le texte est incompréhensible si l’on ne connaît ne serait-ce que schématiquement le récit de l’Odysée.
[3) il y avait sur la feuille de match plus de joueurs de nationalité française au Bayern qu’au PSG. Et les seuls portant des prénoms français étaient côté munichois. Les propriétaires des deux clubs ne sont pas plus Français les uns que les autres. Soutenir le PSG n’allait donc pas de soi pour un Français…]
Bien entendu. Si on laisse de côté le passé pour ne retenir que le présent, le PSG n’a rien de particulièrement parisien ou français. C’est une entreprise commerciale qui pour des raisons historiques a son siège social en France, c’est tout. Demain d’ailleurs il décidera de le transférer au Luxembourg ou en Irlande pour des raisons fiscales.
[Je serais curieux de savoir combien d’individus au sein de ces communautés se considèrent comme Français. Les qualifier alors de « française » sans autre argument que la localisation en France de la ville où se trouve leur club me semble un peu hâtif.]
Il ne faudrait pas exagérer. Je ne sais pas si les supporteurs de l’OM ou du PSG se « considèrent » rationnellement comme des Français, mais ils agissent comme tels en ce qu’au-delà des discours ils participent à la « solidarité inconditionnelle » qui constitue la nation.
[Diriez-vous que les supporters du « CS Berbère de Villetaneuse », de l’« Union sportive Lusitanos Saint-Maur », du « Maccabi Créteil » ou de l’« US Turcs Bischwiller » forment des communautés « françaises » ?]
Vos noterez que dans vos exemples on voit une référence explicite à une communauté étrangère, ce qui n’est pas le cas de l’OM ou de PSG. L’exemple n’est pas opérant. Mais pour moi, le test à l’acide est la question de la solidarité inconditionnelle. Si les supporteurs du Maccabi Créteil ou de l’Union sportive Lusitanos » estiment normal qu’on utilise leurs impôts pour soutenir le niveau de vie des marseillais ou des corses… je dirais que oui, ils font partie d’une communauté « française ».
[De même pour la religion, je ne vois pas la religion catholique entrain de redevenir un symbole…]
Ça dépend où. Souvenez-vous du débat lorsque le conseil général de Vendée à choisi un logo qui incluait une croix. La sécularisation de notre société est un fait, mais de là à supposer que l’église catholique a perdu toute influence, y compris comme instrument d’identification nationale… il y a un pas que je ne franchirais pas sans précautions.
[La Yougoslavie et la Belgique n’ont jamais été des nations. La logique à l’œuvre dans leur formation était extérieure. Que ça éclate quand les forces extérieures disparaissent ou changent de sens, ma foi…]
Cela me semble un peu exagéré. La Yougoslavie a vécu presque un siècle, et avec une véritable volonté de construction d’une nation. Une nation qui aurait probablement survécu unie si les puissances européennes – l’Allemagne surtout – n’avaient pas pris le parti de soutenir les forces centrifuges. Pour la Belgique, vous avez probablement raison.
[En France, je serais quand même curieux de voir ce qui se passerait si les individus d’origine non-européenne présents sur son sol étaient moins de 1 % de la population totale. A mon avis, les classes intermédiaires, la frange qui trahit, auraient la partie bien moins facile s’il ne leur était pas aussi aisé de profiter d’une telle masse d’aliénés.]
Je ne suis pas persuadé. Le séparatisme Occitan, Corse ou Breton ne doit pas grande chose à l’immigration. C’est plutôt lié à la rébellion des « barons » locaux contre le pouvoir central, une constante de notre histoire depuis Louis XI.
[Et ce n’était même pas pour chambrer les autres, c’était entre eux. Ils exprimaient juste leur joie de la défaite de la France.]
Exactement comme les supporteurs de l’OM peuvent se réjouir de la défaite du PSG. On trouve le même mécanisme du chauvinisme partout : on célèbre moins la victoire de soi que la défaite de l’autre.
[Je crois que c’est ça en fait qui distingue ceux qui pensent l’« assimilation » possible et les autres. C’est qu’en général les premiers n’ont pas vécu au contact et observé les descendants d’immigrés arabo-africains moyens (pas des polytechniciens à QI>130) dans des contextes où ceux-ci étaient suffisamment nombreux pour laisser libre cours à leur vision des choses sans se soucier des autres. Et le fait est qu’une large majorité d’entre-eux détestent la France.]
Personnellement, je fais l’interprétation inverse : l’arrêt de la machine à assimiler a laissé une partie de la population au milieu du gué. Ils ne sont plus véritablement citoyens de leur pays d’origine, et trouvent fermée l’accès à la pleine citoyenneté chez nous. Du coup, ils détestent tout : leur pays d’origine – dont ils sont pleinement conscients des défaillances – et le pays d’accueil qui les ignore. Ils se réfugient dans une identité fantasmagorique, celle d’une culture d’origine idéalisé, quand ce n’est pas dans l’espoir d’un « califat ».
[Ps : je serais quand même curieux de savoir comment on mesure les transferts des territoires riches vers les territoires pauvres. Par exemple pour Paris, à combien estime-t-on les avantages dont elle bénéficie au titre de capitale de la France et donc des autres territoires ?]
J’avais vu dans le temps une statistique reposant sur l’ensemble des impôts payés dans chaque région, comparée aux dépenses et transferts publics financés par le budget de l’Etat dans chaque région. Ainsi on détermine des « contributeurs nets » au pot commun, et des « receveurs nets ». Si ma mémoire ne me trompe pas, seules trois régions étaient « contributeurs nets » : l’Ile de France en premier, Rhône-Alpes en second, Alsace en troisième.
Ce mode de comptabilité désavantage les régions densement peuplées : en effet, les investissements dans les infrastructures nationales, qui ne sont pas territorialisées, ne sont pas comptées. Or, ces infrastructures sont rentabilisées grâce aux régions « denses ». Prenez le réseau électrique : c’est l’Ile de France qui paye pour la Lozère. Mais dans la mesure ou ce n’est pas l’impôt qui paye cet équipement et que ce l’investissement n’est pas territorialisé…
[Ou quand l’État central décide de l’aménagement du territoire (administrations, entreprises, écoles, urbanisme, etc), comment on estime qui y gagne et qui y perd ? J’imagine que Toulouse a pas mal gagné à l’implantation d’Airbus. Ne devrait-elle pas remercier les autres territoires à ce titre ?]
Mon commentaire se référait exclusivement à la dépense budgétaire. L’implantation d’une grande entreprise ou d’une grande infrastructure échappe à cette comptabilité. Mais comme je l’ai dit plus haut, les prendre en compte renforcerait encore le déficit des régions les plus peuplées…
[Ps2 : Dans un commentaire, vous avez pris l’exemple de Monaco et de comment l’électricité y avait été coupée. Si par exemple Paris décrétait son indépendance, qu’est-ce qui empêcherait de faire de même (via EDF ou par simple sabotage) ?
Ou pour les grandes villes (la plupart enclavées) qui « refuseraient de payer », ne pensez-vous pas que les territoires pauvres alentours pourraient décréter des droits de passage permettant aux personnes et aux marchandises de transiter librement par chez eux ?
A mon avis, le rapport de force est bien moins déséquilibré que ce que vous décrivez.]
Il semble difficile de revenir à un fonctionnement féodal, avec des « barons » locaux prélevant des droits de passage. La logique de la concurrence empêche ce type de comportement. Quand à couper le courant à la région parisienne… je vous rappelle que le dispatching national du réseau électrique est à Saint Denis !
Le « rapport de forces » se construit autour d’une interdépendance. Les états-nations se sont construits parce que les métropoles avaient besoin d’un arrière-pays pour fournir des travailleurs dans les usines et les champs et des soldats dans les armées. Et à son tour les arrière-pays bénéficiaient de la richesse des métropoles qui finançaient les infrastructures. Mais dans un monde ou les armées sont professionnelles, ou les usines peuvent être facilement délocalisées, la conscience que les métropoles n’ont plus besoin du reste du pays, qu’elles pourraient vivre plus richement en s’isolant de leur environnement (comme Singapour ou Hong Kong) devient un facteur de séparatisme important.
@Descartes,
[Cela me semble un peu exagéré. La Yougoslavie a vécu presque un siècle, et avec une véritable volonté de construction d’une nation. Une nation qui aurait probablement survécu unie si les puissances européennes – l’Allemagne surtout – n’avaient pas pris le parti de soutenir les forces centrifuges. Pour la Belgique, vous avez probablement raison.]
Volonté de construction? Mouais…
En 1920, lors du démantèlement de l’empire austro-hongrois, je dirais que les Serbes, Croates et Slovènes étaient enthousiastes à l’idée de former une nation, mais ça n’a pas duré longtemps, parce que là encore, comme dans beaucoup de pays en Europe au XXè siècle (je pense à…la Belgique😬), l’Allemagne nazie a servi de révélateur: les Croates ont profité de l’invasion de la Wehrmacht en 1941 pour proclamer une Croatie indépendante dirigée par les tristement célèbres oustachi. A l’inverse, les Serbes ont été une épine dans le pied de Hitler, et ont probablement fait basculer le destin de la Seconde Guerre Mondiale en retardant d’un semestre l’invasion de la Russie soviétique …
Le communiste croato-slovène Josip Broz, mieux connu sous son blase de Tito, a tenté pendant 40 ans de recoller les morceaux de la Yougoslavie, sans trop de succès: 11 ans sa mort, en 1991, son oeuvre a été une nouvelle fois détruite par l’Allemagne, qui en reconnaissant la sécession des Slovènes et des Croates (anciennement Austro-Hongroises: comme c’est étrange…), venait de commettre son premier méfait post-réunification (il y en aura d’autres par la suite, mais ce n’est pas l’objet de mon post…).
A vrai dire, avec le recul, le sort de la Yougoslavie a été l’un de mes grands crève-coeurs du temps où j’étais partisan de l’UE, car si le rassemblement de peuples aussi proches d’un point de vue ethnique, linguistique et culturel que celui des Slaves du Sud, en vue de former une nation, n’a pas fonctionné, alors comment une UE plus hétéroclite pourrait y arriver?
Sans compter qu’à l’époque des conflits ex-yougoslave, non seulement la France avait été montrée du doigt pour son soutien indéfectible à la Serbie, allié traditionnel de notre pays et cause de notre engagement dans la Première Guerre Mondiale, mais en plus, nous nous sommes reniés à ce moment-là en lâchant ce pays pour complaire à l’Allemagne.
Ce faisant, les Boches (désolé mais j’ai du mal à sympa avec nos voisins, sur ce coup-là…) avaient non seulement détruit toute possibilité de survie du pays, mais plus grave, avaient rendu impossible tout “divorce de velours”, façon tchécoslovaque.
Le pire, c’est que notre “élite intellectuelle” qui avait l’oreille de “Tonton” Mitterrand, avait montre, à cette occasion, d’une francophobie assez crasse : les plus ardents propagandistes de ce tournant historique étaient nos illustres philosophes à gages, nos 4 cavaliers de l’Apocalypse, j’ai nommé “BHV” (BHL), “FinkielCroate” (Finkielkraut, dont je me méfie toujours depuis lors), “Glucks” ( Ah Glucksmann Père, dont j’espère si que, l’Enfer existe, il y rôtisse…) et Bruckner (encore une autre groupie pro-US; toutefois, je ne le remercierai jamais assez pour son ouvrage “le sanglot de l’Homme Blanc”…).
Etant relativement jeune à l’époque, je me souviens surtout de la campagne anti-serbe qui avait régné comme ersatz de campagne anti-russe d’une URSS alors vaincue (attention, je ne défends absolument les Serbes!!! Je dis juste que dans un conflit comme celui-ci, et la suite l’a démontré, tout le monde a été un salaud à tour de rôle…).
@ CVT
[Le communiste croato-slovène Josip Broz, mieux connu sous son blase de Tito, a tenté pendant 40 ans de recoller les morceaux de la Yougoslavie, sans trop de succès: 11 ans sa mort, en 1991, son oeuvre a été une nouvelle fois détruite par l’Allemagne, qui en reconnaissant la sécession des Slovènes et des Croates (anciennement Austro-Hongroises: comme c’est étrange…), venait de commettre son premier méfait post-réunification]
C’est surtout la reconnaissance de la sécession de la Slovénie qui a mis le feu aux poudres. Comme dans le cas de la Belgique ou de l’Espagne – et contrairement à ce qui se passe en France – il s’agit d’un sécessionnisme « des riches », c’est-à-dire, une volonté de séparation des provinces les plus riches qui n’ont pas envie de payer pour les autres dans le cadre d’une « solidarité inconditionnelle » qui caractérise une nation unifiée. Ce qui d’ailleurs met en valeur la singularité française : alors que le poids de la « solidarité inconditionnelle » est bien étendu qu’ailleurs – puisque nous sommes un Etat unitaire – les régions les plus riches ne manifestent guère une volonté de séparation qui serait sans doute à leur avantage.
[A vrai dire, avec le recul, le sort de la Yougoslavie a été l’un de mes grands crève-coeurs du temps où j’étais partisan de l’UE, car si le rassemblement de peuples aussi proches d’un point de vue ethnique, linguistique et culturel que celui des Slaves du Sud, en vue de former une nation, n’a pas fonctionné, alors comment une UE plus hétéroclite pourrait y arriver?]
Effectivement. C’est la preuve vivante de la difficulté de créer cette « solidarité inconditionnelle » qui est pour moi au cœur de la construction nationale. On peut vivre des siècles côté à côté, commercer librement, avoir des institutions communes… sans pour autant voir dans l’autre un autre soi.
[les plus ardents propagandistes de ce tournant historique étaient nos illustres philosophes à gages, nos 4 cavaliers de l’Apocalypse, j’ai nommé “BHV” (BHL), “FinkielCroate” (Finkielkraut, dont je me méfie toujours depuis lors), “Glucks” ( Ah Glucksmann Père, dont j’espère si que, l’Enfer existe, il y rôtisse…) et Bruckner (encore une autre groupie pro-US; toutefois, je ne le remercierai jamais assez pour son ouvrage “le sanglot de l’Homme Blanc”…).]
Le problème est que nos « philosophes à gages », comme vous les appelez, sont avant tout des moralistes. Et le moralisme se marie mal avec la politique internationale, dans laquelle il n’y a pas des bons et des méchants, mais seulement des méchants qui sont dans des camps différents, pour reprendre la belle formule de Terry Pratchett. Je ne mettrais tout de même pas ces quatre « chevaliers » dans le même pot. Finkielkraut, même s’il s’est beaucoup trompé, est un homme intelligent et cultivé qui s’est largement rattrapé depuis. A l’opposé, BHL est un charlatan dont la position tient largement aux réseaux américains et israéliens et à la fortune paternelle.
Quant à « Glucks », je vous rassure, il rôtit bien en enfer : personne ne lit plus ses bouquins, personne ne cite plus ses paroles. Les romains pensaient qu’il n’y avait pas de pire châtiment posthume que la destruction de la mémoire…
[Etant relativement jeune à l’époque, je me souviens surtout de la campagne anti-serbe qui avait régné comme ersatz de campagne anti-russe d’une URSS alors vaincue]
Tout à fait. Nos moralistes avaient perdu leur croquemitaine, ils s’en sont trouvé un de substitution.
[Finkielkraut, même s’il s’est beaucoup trompé, est un homme intelligent et cultivé qui s’est largement rattrapé depuis. A l’opposé, BHL est un charlatan dont la position tient largement aux réseaux américains et israéliens et à la fortune paternelle.]
BHL est également un homme cultivé, et probablement assez intelligent.
Son souci, est qu’il utilise sa culture sans faire preuve de toute l’honnêteté intellectuelle qu’on pourrait attendre d’un “intellectuel”.
Dans chacun de ses “combats”, ce sont des gentils (vraiment très, très gentils, pauvre, héroïques, et généreux), contre des méchants (vraiment très, très méchants, vénaux, lâches, et assoiffés de sang).
Il utilise des références philosophiques et littéraires pour défendre son camp. Mais on a nettement l’impression que, dans chacun de ses combats, s’il le voulait, il pourrait défendre l’autre camp.
Et, comme par hasard, effectivement, le camp qu’il défend se trouve être celui de l’allié des USA…
@ Vincent
[« Finkielkraut, même s’il s’est beaucoup trompé, est un homme intelligent et cultivé qui s’est largement rattrapé depuis. A l’opposé, BHL est un charlatan dont la position tient largement aux réseaux américains et israéliens et à la fortune paternelle. » BHL est également un homme cultivé, et probablement assez intelligent.]
Intelligent, certainement. Cultivé… je suis plus dubitatif. Souvenez-vous de l’affaire Botul.
[Son souci, est qu’il utilise sa culture sans faire preuve de toute l’honnêteté intellectuelle qu’on pourrait attendre d’un “intellectuel”.]
Je ne crois pas que le problème se limite à ça. Un homme cultivé, ce n’est pas seulement un homme qui lit beaucoup, c’est un homme qui, sur une question donnée, connaît et comprend tous les points de vue, y compris ceux qui ne sont pas conformes aux siens. Ce n’est pas seulement quelqu’un qui lit beaucoup, mais c’est quelqu’un qui lit des choses diverses, et qui comprend ce qu’il lit.
L’affaire Botul est pour moi la parfaite illustration du fait que BHL n’est pas, au sens humaniste du terme, un homme cultivé. Il a certainement beaucoup lu, mais rien compris.
[Dans chacun de ses “combats”, ce sont des gentils (vraiment très, très gentils, pauvre, héroïques, et généreux), contre des méchants (vraiment très, très méchants, vénaux, lâches, et assoiffés de sang).]
Je n’imagine pas qu’un homme cultivé, toujours au sens humaniste du terme, puisse avoir une vision aussi manichéenne du monde.
Entièrement d’accord.
“Nègre” n’est pas une dévalorisation systématique, même si, à force, on a fini par le dévaloriser à notre époque. A Cuba, où les Blancs et les Noirs vivent plus harmonieusement qu’ailleurs* (merci qui ?…), le terme “Negra” est couramment utilisé dans de délicieuses chansons populaires (chantées et écoutées par tous) avec une connotation de tendresse, d’amour, de beauté… (“como baila mi Negra…”, “la Negra Tomasa”,… etc.). Et vous l’avez parfaitement expliqué, Agatha n’est à aucun moment dans l’insulte, le mépris ou la dévalorisation (elle est juste de son temps !).
Les mots sont magiques… Ils sont un peu comme l’humour : on peut rire de tout mais pas avec n’importe qui. Et le mot Juif ou Nègre (et même Arabe, par les temps qui courent…) peuvent être des mots “neutres” comme ils peuvent sinistrement devenir des insultes dans la bouche de certains. Dire “Nègre”, “Noir”, Black”… c’est exactement, dans mon esprit, la même chose. Senghor avait même revendiqué le mot “négritude” en le parant de toute la dignité et la flamboyance qu’il mérite (bien que le mal est fait, et que, à notre époque, de fait, le mot a “sombré”).
Mais dire “bamboula” (ou “youpin”, ou “bougnoule”, ou “face de citron”,…), oui, là, on est dans l’insulte caractérisée sans discussion et sans négociation sémantique.
Il faut donc arrêter avec ces folies anachroniques, qui poussent le politiquement correct dans la caricature la plus absurde (et il n’en avait déjà pas besoin !…).
Tintin au Congo a failli passer à la trappe. On n’a pas encore attaqué Balzac et son usurier Gobseck, ou son banquier Nucingen, qu’on peut présenter comme des “stéréotypes malsains” (le Juif et l’argent, etc.). Mais là aussi, Balzac est de son temps, et d’ailleurs, ce sont des personnages d’une grande profondeur, et pas que des stéréotypes. L’héritière de Gobseck, Esther, est un des personnages les plus émouvants et les plus beaux de la Comédie humaine…
etc etc etc…
C’est dire que les choses, heureusement, sont d’une infinie complexité, alors que la simplicité, le simplisme, c’est le premier pas dans une forme de totalitarisme qui peu à peu montre le bout du nez…
* l’île de la Réunion aussi, est un bel exemple d’apaisement “”””racial””””.
@ Sami
[“Nègre” n’est pas une dévalorisation systématique, même si, à force, on a fini par le dévaloriser à notre époque. A Cuba, où les Blancs et les Noirs vivent plus harmonieusement qu’ailleurs* (merci qui ?…), le terme “Negra” est couramment utilisé dans de délicieuses chansons populaires (chantées et écoutées par tous) avec une connotation de tendresse, d’amour, de beauté… (“como baila mi Negra…”, “la Negra Tomasa”,… etc.). Et vous l’avez parfaitement expliqué, Agatha n’est à aucun moment dans l’insulte, le mépris ou la dévalorisation (elle est juste de son temps !).]
Même pas. On trouve ça et là dans Agatha Christie des remarques « de son temps » notamment à l’égard des juifs ou des étrangers, qui là encore révèlent moins le racisme de l’auteur que la peinture d’une époque où ce genre de remarques était courante. Mais dans « Dix petits nègres », ce n’est même pas ça : la comptine utilise le mot « nigger » plus pour des questions de musicalité que pour viser une « race » particulière.
[Mais dire “bamboula” (ou “youpin”, ou “bougnoule”, ou “face de citron”,…), oui, là, on est dans l’insulte caractérisée sans discussion et sans négociation sémantique.]
Même pas. Pensez à la scène dans « La vie de Bryan » des Monthy Python ou Bryan découvre qu’il est en fait le fils d’un légionnaire romain, et en réaction réaffirme ses origines juifs, et pour cela s’attribue précisément tous les mots anglais équivalents à « youpin »… non, les mots ont un sens, mais ils n’ont pas une intention. Tout est une question de contexte.
[Il faut donc arrêter avec ces folies anachroniques, qui poussent le politiquement correct dans la caricature la plus absurde (et il n’en avait déjà pas besoin !…).]
Il faut surtout se demander pourquoi ces « folies anachroniques » ont tant d’écho dans les classes éduquées, dans les élites médiatiques, intellectuelles et politiques et cela de par le monde. Une telle unanimité me fait penser que cette folie n’est pas une coïncidence, que cette idéologie sert les intérêts dominants. Ou bien qu’elle est la conséquence nécessaire d’un autre telle idéologie.
On peut se demander si ce n’est pas la conséquence logique d’une société ou les classes dominantes cherchent une rupture avec l’histoire. En effet, c’est la connaissance du passé – et l’acceptation du fait que nous en sommes le produit – qui nous donne la possibilité de contextualiser, de comprendre que nous sommes le produit d’une histoire que nous ne pouvons pas changer rétroactivement et que nous devons par conséquent assumer. Reprocher à Colbert de ne pas avoir aboli l’esclavage est une absurdité, mais une absurdité qui vient d’abord de l’ignorance crasse de qui était Colbert et dans quel monde il agissait. Si Schoelcher a aboli l’esclavage et pas Colbert, ce n’est pas parce qu’il était plus intelligent, plus humain ou plus moral, mais surtout parce qu’il vivait dans une autre époque, avec des rapports économiques, sociaux et politiques différents. C’est pourquoi l’œuvre des hommes doit être jugée par rapport à leurs contemporains, et non avec les standards de notre époque.
[C’est dire que les choses, heureusement, sont d’une infinie complexité, alors que la simplicité, le simplisme, c’est le premier pas dans une forme de totalitarisme qui peu à peu montre le bout du nez…]
Tout à fait. Et le premier « simplisme », c’est l’oubli de l’histoire et la croyance naïve que le monde a toujours été comme il est aujourd’hui. Un simplisme qu’on trouve malheureusement dans une bonne partie de la fiction “historique” aujourd’hui…
“Je ne suis pas persuadé. Le séparatisme Occitan, Corse ou Breton ne doit pas grande chose à l’immigration.”
Ah bon ? La Bretagne et l’Occitanie sont dirigées par des partis indépendantistes prêts à tenter l’aventure du grand large ? Je n’avais pas remarqué…
Pour ce qui est de la Yougoslavie je pense que vous vous faites des illusions : on a créé le Royaume des Slaves du Sud comme récompense à nos amis Serbes en mettant ensemble des populations parlant des langues proches mais qui n’avaient jamais vécu ensemble. Tito a tenté de faire durer la mayonnaise en diluant l’influence des Serbes dans le fédéralisme autogestionnaire. A la fin des années 80 les Serbes ont voulu récupérer le pouvoir et déclenché le nationalisme des petits peuples en retour. L’Allemagne n’a pas aidé mais je trouve exagéré de faire de l’explosion de la Yougoslave la conséquence d’actions extérieures, les facteurs internes étaient largement suffisants. La nation française est le produit de plusieurs siècles d’histoire et le jacobinisme est très particulier à ce pays, vouloir le modèle de l’Etat jacobin français à d’autres peuples est une utopie dangereuse.
@ cd
[“Je ne suis pas persuadé. Le séparatisme Occitan, Corse ou Breton ne doit pas grande chose à l’immigration.” Ah bon ? La Bretagne et l’Occitanie sont dirigées par des partis indépendantistes prêts à tenter l’aventure du grand large ? Je n’avais pas remarqué…]
Je ne saisis pas le rapport entre mon commentaire te votre réponse.
Sur le fond de votre commentaire : personne en France n’est prêt à « tenter l’aventure du grand large ». Même en Corse, où la coalition entre les soi-disant « autonomistes » et « indépendantistes » est largement majoritaire, on se garde bien d’évoquer une indépendance qui mettrait fin aux subventions et autres avantages financés par l’ensemble des contribuables français. Pour ne donner qu’un petit exemple, les Corses paient leur électricité au même tarif que ceux de la métropole alors que les coûts de production de l’électricité sont six fois plus élevés, la différence étant payée par le budget de l’Etat. Je doute fort que les Corses soient prêts à payer leur électricité six fois plus cher comme prix d’une « indépendance ».
En France, le séparatisme se traduit plutôt par une volonté « d’autonomie » ou l’Etat central continue à donner l’argent mais les élus locaux décident de tout. Et de ce point de vue, oui, la Bretagne et l’Occitanie sont gouvernés par des majorités « autonomistes » toutes acquises à cette vision « décentralisée ».
[Pour ce qui est de la Yougoslavie je pense que vous vous faites des illusions : on a créé le Royaume des Slaves du Sud comme récompense à nos amis Serbes en mettant ensemble des populations parlant des langues proches mais qui n’avaient jamais vécu ensemble.]
C’est un peu schématique. Serbes, Croates, Bosniaques, Monténégrins ont « vécu ensemble » la domination ottomane pendant des siècles. La diversité des origines, notamment en Bosnie, montre qu’il y a eu brassage des populations. Difficile de parler d’un côté d’un « esprit européen » au prétexte que les peuples européen ont une histoire commune, et nier un « esprit yougoslave » au prétexte que ses composantes n’ont « jamais vécu ensemble ».
[Tito a tenté de faire durer la mayonnaise en diluant l’influence des Serbes dans le fédéralisme autogestionnaire.]
C’est peut-être ce qui a manqué à la Yougoslavie : une politique « d’assimilation intérieure » comme celle que la France aura pratiqué au XIXème siècle. Cela devrait nous faire réfléchir d’ailleurs sur notre propre histoire : ceux qui pensent que la politique d’assimilation intérieure était inutilement vexatoire devraient se demander si ce n’est cette politique qui a permis à la France d’éviter les guerres civiles qu’ont affecté, avec plus ou moins d’intensité, quelques-uns de nos voisins européens.
[A la fin des années 80 les Serbes ont voulu récupérer le pouvoir et déclenché le nationalisme des petits peuples en retour.]
Qu’on ait utilisé l’épouvantail Serbe, c’est un fait. Que cet épouvantail ait véritablement existé, c’est moins évident. Milosevic, à l’époque à la tête de la Serbie, n’a pris à ma connaissance aucune mesure de « récupération du pouvoir » vis-à-vis de la Slovénie ou de la Croatie. Le « nationalisme serbe » se limitait à une reprise de contrôle de deux provinces serbes disposant d’une autonomie large, le Kossovo et la Voïvodine. On peut même aller plus loin : le partage du pouvoir dans l’ancienne Yougoslavie reposait sur une domination relative de la province la plus pauvre et la plus peuplée (la Serbie) par des provinces plus riches (Slovénie, Croatie). Aux dernier congrès de la Ligue des Communistes de Yougoslavie, en janvier 1990, ce qui met le feu aux poudres c’est la demande de la délégation serbe de voir appliquer le principe « un homme, une voix », alors que les Slovènes et les Croates souhaitent garder le système de vote « ethnique » qui assure leur prédominance. Et tout cela dans le contexte d’une crise de l’économie yougoslave dans laquelle les « parents riches » allaient devoir payer pour les « parents pauvres ».
[L’Allemagne n’a pas aidé mais je trouve exagéré de faire de l’explosion de la Yougoslave la conséquence d’actions extérieures, les facteurs internes étaient largement suffisants.]
Je n’en suis pas convaincu. Je ne suis pas persuadé que les nationalistes slovènes et croates auraient poussé à un référendum d’indépendance s’ils n’avaient pas eu l’assurance d’une reconnaissance allemande – et donc européenne – qui leur garantissait une protection internationale et une situation économique confortable. On sait aujourd’hui que la diplomatie allemande a encouragé les nationalistes, les aidant même à organiser l’importation d’armes.
[La nation française est le produit de plusieurs siècles d’histoire et le jacobinisme est très particulier à ce pays, vouloir le modèle de l’Etat jacobin français à d’autres peuples est une utopie dangereuse.]
Je ne comprends pas le sens de cette remarque. Où voyez-vous une intention d’exporter le « modèle jacobin » ? Pas en Yougoslavie, en tout cas, puisqu’on a fait exactement le CONTRAIRE de ce que les jacobins on fait en France. Si j’étais méchant, je dirais que ce que je constate serait plutôt le contraire: une tentative d’imposer l’Etat “fédéraliste” à l’Allemande en France.
« Serbes, Croates, Bosniaques, Monténégrins ont « vécu ensemble » la domination ottomane pendant des siècles. »
Mouaif la plupart des Croates étaient plutôt du côté autrichien voire vénitien et ont donc connu une culture politique totalement différente sans compter les Slovènes. De plus Bulgares, Grecs et Albanais ont aussi connu le joug ottoman et se sont joyeusement étripés dès leur indépendance retrouvée.
« Aux dernier congrès de la Ligue des Communistes de Yougoslavie, en janvier 1990, ce qui met le feu aux poudres c’est la demande de la délégation serbe de voir appliquer le principe « un homme, une voix », alors que les Slovènes et les Croates souhaitent garder le système de vote « ethnique » qui assure leur prédominance. »
Quelque part, vous me donnez raison : c’est la volonté serbe de retrouver leur hégémonie qui met le feu aux poudres. Je pense moi que la Yougoslavie était difficilement viable dès le départ. Même sa langue officielle fédérale, le serbo-croate, n’était pas unifiée. Outre qu’elle utilise deux alphabets, il y a des centaines de mots du vocabulaire courant différents dans les deux langues et même la syntaxe est différente: le croate a conservé l’infinitif alors que le serbe à l’instar d’autres langues balkaniques comme le roumain ou le grec l’a éliminé. Vous ne pouvez pas parler serbo-croate, vous êtes obligé de choisir votre camp linguistique. On a eu une première Yougoslavie plus centralisée ce qui a déclenché le nationalisme croate largement utilisé par les Allemands pendant l’occupation puis la Yougoslavie titiste qui avait largement brimé les Serbes afin d’éviter d’exciter les tentations indépendantistes des autres nationalités. Aurait-on pu éviter la guerre ? Quand je vois l’histoire des Balkans faite de tueries j’ai des doutes.
Quant à l’imposition du fédéralisme en France, j’ai l’impression qu’on en est loin. On a quand même largement rogné la fiscalité locale, suppression de la taxe professionnelle, de la vignette, maintenant de la taxe d’habitation. C’est un peu facile de supprimer les impôts locaux et d’aller critiquer les élus locaux qui profitent de l’argent de l’Etat.
Je ne suis pas sûr par ailleurs que vos « amis » régionalistes soient satisfaits du nouveau découpage régional qui me semble franchement loufoque. Les anciennes régions avaient pourtant été découpées par un énarque et pas du tout dans une optique fédéraliste.
Si séparatisme il y a en France, il se trouve plus en Ile-de-France où toute une partie privilégiée de la population a fait sécession avec le reste du pays qu’elle méprise profondément. Et cela correspond davantage à votre schéma idéologique de régions riches qui font sécession pour éviter de mettre à la main à la poche pour aider les plus pauvres.
Enfin vous qui défendez la haute technocratie à la française, la situation politique actuelle doit vous plaire : un Président énarque et même inspecteur des finances (vous savez ces braves gens qui font la navette entre les banques privées et Bercy le tout pour le bien commun évidemment !;-)) et un Premier ministre énarque lui aussi. Enfin ! Nous venons de passer de l’obscurité à la lumière !
@ cd
[Mouaif la plupart des Croates étaient plutôt du côté autrichien voire vénitien et ont donc connu une culture politique totalement différente sans compter les Slovènes. De plus Bulgares, Grecs et Albanais ont aussi connu le joug ottoman et se sont joyeusement étripés dès leur indépendance retrouvée.]
C’était bien mon point : le fait de « vivre ensemble pendant longtemps » ne garantit nullement la capacité de constituer ensemble une nation. Et une fois constaté ce fait pour la Yougoslavie, il est difficile de tenir le discours inverse dans le débat sur la construction européenne. Serbes, Bosniaques, Croates et Monténégrins ont eu autant d’expériences communes que la France, l’Allemagne et la Grande Bretagne. Si ces expériences n’ont pas suffi aux premiers pour former ensemble une nation, on voit mal pourquoi ce serait le cas pour les seconds…
[« Aux dernier congrès de la Ligue des Communistes de Yougoslavie, en janvier 1990, ce qui met le feu aux poudres c’est la demande de la délégation serbe de voir appliquer le principe « un homme, une voix », alors que les Slovènes et les Croates souhaitent garder le système de vote « ethnique » qui assure leur prédominance. » Quelque part, vous me donnez raison : c’est la volonté serbe de retrouver leur hégémonie qui met le feu aux poudres.]
Je trouve un peu forte de café l’idée que demander une prise en considération de son poids démographique puisse être considéré comme « une volonté de retrouver l’hégémonie ». La démocratie est après tout fondée sur le principe « un homme, une voix ». Imaginez un instant que nous vivions sous un système où pour la constitution de l’Assemblée nationale chaque région élise le même nombre de députés, autrement dit, que la Martinique ou la Corse aient une représentation équivalente à celle de l’Ile de France. Pensez-vous qu’une demande de cette dernière région de restaurer la proportionnalité du nombre de députés au poids démographique doive être considéré comme une volonté de « retrouver son hégémonie » ?
[Je pense moi que la Yougoslavie était difficilement viable dès le départ. (…) Aurait-on pu éviter la guerre ? Quand je vois l’histoire des Balkans faite de tueries j’ai des doutes.]
Je partage bien entendu votre lecture de l’histoire. Je n’ai jamais dit que faire de la Yougoslavie une nation était un problème simple. Je fais d’ailleurs un parallèle avec l’Europe : créer une nouvelle nation en amalgamant des nations existantes, c’est extrêmement difficile. La France s’est constituée en amalgamant des structures pré-nationales et sa constitution était largement entamée lorsque les Etats-nations se sont formés. La Yougoslavie aurait pu être viable si une logique de « assimilation intérieure », avait pu être déclenchée. Le problème est que contrairement à l’Italie ou à l’Allemagne – deux autres Etats-nations de constitution moderne – la Yougoslavie naissante n’avait pas un centre de gravité suffisamment puissant pour imposer une telle assimilation. La Serbie n’est pas la Prusse. A partir de là, la Yougoslavie s’est constituée dans un équilibre précaire entre « nationalités » qui ne permettait pas une véritable « assimilation » et donc la construction d’une solidarité inconditionnelle entre yougoslaves qui puisse cimenter un Etat-nation.
[Quant à l’imposition du fédéralisme en France, j’ai l’impression qu’on en est loin. On a quand même largement rogné la fiscalité locale, suppression de la taxe professionnelle, de la vignette, maintenant de la taxe d’habitation. C’est un peu facile de supprimer les impôts locaux et d’aller critiquer les élus locaux qui profitent de l’argent de l’Etat.]
Je suis d’accord sur le fait que le fédéralisme n’est pas pour demain, ne serait-ce que parce que les Français ont la passion de l’égalité, et qu’ils passent leur temps à regarder dans l’assiette de l’autre pour vérifier qu’il n’est pas mieux servi. Du coup, vous pouvez toujours déconcentrer ou décentraliser les pouvoirs, les décideurs sont finalement sous pression et condamnés à chercher une certaine uniformité. Si les institutions de la France sont jacobines, ce n’est pas parce que les méchants parisiens les ont imposées, mais parce qu’elles correspondent à une demande fortement ancrée dans l’esprit des Français.
Le risque n’est pas tant celui d’un fédéralisme assumé que de l’imposition bancale sous pression européenne d’un régime politique qui brouille les pistes en instaurant un fédéralisme d’apparence, instaurant un pouvoir local sans responsabilité et affaiblissant le pouvoir central tout en le tenant pour responsable de tout. C’est un peu ce qu’on fait depuis les lois de décentralisation de 1983-84.
[Je ne suis pas sûr par ailleurs que vos « amis » régionalistes soient satisfaits du nouveau découpage régional qui me semble franchement loufoque. Les anciennes régions avaient pourtant été découpées par un énarque et pas du tout dans une optique fédéraliste.]
Le découpage en 22 régions qui précédait celui en vigueur aujourd’hui a été fixé par la loi du 5 juillet 1972, sous le mandat de Georges Pompidou, qui n’était pas énarque, et avec pour Premier ministre Jacques Chaban-Delmas, qui ne l’était pas non plus. Il est probable que des énarques sont intervenus dans le processus, mais il me semble difficile de dire que les régions ont alors été « découpées par un énarque ». Il est clair par contre qu’il n’y avait à l’époque derrière ce découpage aucun « projet fédéraliste », plutôt le contraire. C’est moins évident avec la réforme de 2016, ou l’on voit se reconstituer certaines « provinces » de l’ancien régime : la Normandie (par fusion de la Haute et la Basse Normandie), la Bretagne, le Languedoc (rassemblant Montpellier et Toulouse) ou la Guyenne. Mais il est difficile de voir une véritable tentation fédéraliste.
[Si séparatisme il y a en France, il se trouve plus en Ile-de-France où toute une partie privilégiée de la population a fait sécession avec le reste du pays qu’elle méprise profondément. Et cela correspond davantage à votre schéma idéologique de régions riches qui font sécession pour éviter de mettre à la main à la poche pour aider les plus pauvres.]
Sauf que je ne vois pas très bien où est la « sécession ». Je ne sais pas si les parisiens privilégiés « méprisent » le reste du pays, mais ils paient toujours leurs impôts, et personne à ma connaissance n’a pour le moment proposé que la région Ile de France déclare son indépendance ni même son autonomie fiscale. Même si les privilégiés se plaignent de devoir payer des impôts, ils n’y a pas pour le moment de mouvement organisé dans ce sens.
[Enfin vous qui défendez la haute technocratie à la française, la situation politique actuelle doit vous plaire : un Président énarque et même inspecteur des finances (vous savez ces braves gens qui font la navette entre les banques privées et Bercy le tout pour le bien commun évidemment !;-)) et un Premier ministre énarque lui aussi. Enfin ! Nous venons de passer de l’obscurité à la lumière !]
Ou voyez-vous un président « inspecteur des finances » ? Je vous rappelle qu’Emmanuel Macron a démissionné de la fonction publique. Il n’est donc plus « inspecteur des finances », tout au plus « ancien inspecteur des finances ». Inspecteur des finances est un grade dans un corps, pas un diplôme.
Et maintenant, plus sérieusement : ce n’est pas l’école qui fait le technocrate. Le technocrate est celui qui retire la légitimité de sa connaissance technique. Ce n’est pas le cas de Macron. Ses thuriféraires louent son intelligence, son charisme, son pouvoir de séduction. Aucun, à ma connaissance, ne mentionne sa parfaite connaissance des dossiers ou sa compétence technique, juridique, administrative. Macron est essentiellement un politique. Certes, il est passé par l’ENA. Mais cela ne suffit pas à en faire un « haut technocrate ».
Notre dernier président « haut technocrate » était Giscard. Relisez ce que raconte Peyrefitte des conseils des ministres sous De Gaulle. On y voit un Giscard qui écrase tous les ministres et même le président (qui ne l’aimait pas) par sa parfaite connaissance des dossiers, sa capacité à citer un chiffre ou un détail sans difficulté, par une compétence technique sans défaut. Dans sa très longue carrière, on a rarement pris Giscard en défaut citant une donnée factuelle fausse, se trompant sur une question juridique. Lorsqu’il est élu en 1974, sa compétence est un argument de poids. Après lui, nous avons eu trois présidents qui ont usé leur fond de culotte sur les bancs de l’ENA : Chirac, Hollande, Macron. Aucun ne retirait sa légitimité d’une compétence technique revendiquée.
[Je trouve un peu forte de café l’idée que demander une prise en considération de son poids démographique puisse être considéré comme « une volonté de retrouver l’hégémonie ». La démocratie est après tout fondée sur le principe « un homme, une voix ». Imaginez un instant que nous vivions sous un système où pour la constitution de l’Assemblée nationale chaque région élise le même nombre de députés, autrement dit, que la Martinique ou la Corse aient une représentation équivalente à celle de l’Ile de France. Pensez-vous qu’une demande de cette dernière région de restaurer la proportionnalité du nombre de députés au poids démographique doive être considéré comme une volonté de « retrouver son hégémonie » ? ]
C’était bien là mon point : à partir du moment où la Yougoslavie ne constituait pas une nation, la volonté des Serbes de faire jouer le jeu démocratique : « Un homme, une voix »était inacceptable pour les autres ethnies puisque cela venait à donner le pouvoir au Serbes. Finalement vous en venez à ma conclusion : la nation yougoslave n’existait pas. Et je pourrais étendre mon raisonnement aux Etats africains issus des frontières de la colonisation et aussi à votre chère URSS, issue de l’Empire russe, pour ne pas parler de la Belgique qui éprouve de plus en plus de mal à former un gouvernement fédéral. Un jour il faudra bien que les Belges en tirent les conséquences…
[Le découpage en 22 régions qui précédait celui en vigueur aujourd’hui a été fixé par la loi du 5 juillet 1972, sous le mandat de Georges Pompidou, qui n’était pas énarque, et avec pour Premier ministre Jacques Chaban-Delmas, qui ne l’était pas non plus. Il est probable que des énarques sont intervenus dans le processus, mais il me semble difficile de dire que les régions ont alors été « découpées par un énarque ». Il est clair par contre qu’il n’y avait à l’époque derrière ce découpage aucun « projet fédéraliste », plutôt le contraire. C’est moins évident avec la réforme de 2016, ou l’on voit se reconstituer certaines « provinces » de l’ancien régime : la Normandie (par fusion de la Haute et la Basse Normandie), la Bretagne, le Languedoc (rassemblant Montpellier et Toulouse) ou la Guyenne. Mais il est difficile de voir une véritable tentation fédéraliste. ]
Pour le découpage en 21 régions qui a précédé la loi de 1972 (Je vous rappelle que le projet de De Gaulle (lui aussi un affreux fédéraliste je suppose) date de 1969) je vous renvoie à ces deux articles de l’Express sur l’auteur de ce découpage et des raisons de ce découpage en régions qui n’avait qu’un but purement administratif.
https://www.lexpress.fr/region/l-homme-qui-a-dessine-les-regions_490366.html
https://www.lexpress.fr/actualite/politique/les-dessous-de-l-actuelle-carte-des-regions_743263.html
C’est assez amusant de voir que ce Serge Antoine, auteur du découpage, dit en 2004, qu’il aurait préféré mettre la Champagne-Ardenne, la Lorraine et l’Alsace dans une seule région, même chose pour le Midi-Pyrénées et le Languedoc-Roussilon et réunifier la Normandie. Choses qui se sont réalisées dans l’actuel découpage…
Remarquons que cet énarque, aujourd’hui disparu, était parfaitement européiste…
Mais vous avez sans doute raison, Descartes, les élites ne sont pour rien dans la situation dans laquelle nous sommes. Je suis un affreux populiste…
@ cd
[C’était bien là mon point : à partir du moment où la Yougoslavie ne constituait pas une nation, la volonté des Serbes de faire jouer le jeu démocratique : « Un homme, une voix »était inacceptable pour les autres ethnies puisque cela venait à donner le pouvoir au Serbes. Finalement vous en venez à ma conclusion : la nation yougoslave n’existait pas.]
Je dois dire que je trouve votre raisonnement très élégant. Effectivement, vous illustrez parfaitement la question de la « solidarité inconditionnelle » qui implique qu’on voit dans l’autre un autre soi-même. Accepter le principe « un homme, une voix » revient à constater que les gens sont citoyens d’abord, et membres de tel clan, telle ethnie, telle religion ensuite. Qu’ils font passer l’intérêt de la collectivité nationale avant leurs appartenances particulières. Mais dès lors qu’on suppose que la fidélité au clan, à l’ethnie, au groupe religieux passe devant, la logique « un homme une voix » organise la domination des ethnies, des religions, des clans majoritaires sur les minoritaires et devient inacceptable.
Finalement, le niveau d’acceptation de la logique majoritaire est un bon thermomètre de la capacité d’une collectivité à se constituer comme nation.
[Et je pourrais étendre mon raisonnement aux Etats africains issus des frontières de la colonisation et aussi à votre chère URSS, issue de l’Empire russe, pour ne pas parler de la Belgique qui éprouve de plus en plus de mal à former un gouvernement fédéral. Un jour il faudra bien que les Belges en tirent les conséquences…]
Sur « ma chère URSS », vous vous contredisez. L’URSS a toujours appliqué le principe « un homme, une voix » : il n’y a jamais eu de quota ethnique ni dans le PCUS, ni dans les structures de l’Etat, et cet état des choses n’a jamais été vraiment contesté. Si l’on suit votre raisonnement, on doit donc conclure que l’URSS constituait bien une nation… Dans le cas de l’URSS, il est difficile dans ce cas de savoir si l’éclatement est lié à une réaction populaire ou bien s’il est lié à l’action des puissances étrangères qui ont joué sur la volonté des élites locales d’augmenter leur pouvoir. S’il est incontestable que la rupture avec la Russie avait un large soutien populaire dans les pays baltes et peut-être en Ukraine c’est déjà moins évident en Biélorussie ou dans l’ensemble de l’Asie Centrale.
Pour le cas des états africains, je partage votre raisonnement : le fait que la victoire du candidat d’un groupe ethnique provoque le rejet immédiat des autres montre combien l’idée d’intérêt général détachée des intérêts de tel ou tel groupe est faible. Comment imaginer dans ces conditions une « solidarité inconditionnelle » ?
[Pour le découpage en 21 régions qui a précédé la loi de 1972 (Je vous rappelle que le projet de De Gaulle (lui aussi un affreux fédéraliste je suppose) date de 1969) je vous renvoie à ces deux articles de l’Express sur l’auteur de ce découpage et des raisons de ce découpage en régions qui n’avait qu’un but purement administratif.]
Les articles en question montrent bien que le découpage avait pour but l’efficacité administrative, et nullement de faire apparaître des « identités régionales » – qui d’ailleurs restent très faibles lorsque le découpage ne recouvre pas une région historique. La démarche de Serge Antoine pour dessiner son découpage était d’ailleurs totalement pragmatique : il s’agissait de regarder la pratique des différentes administrations, et trouver le découpage qui « collait » le mieux à ce qui se faisait déjà.
Mais je voudrais noter un point dans votre argument. Qui est l’auteur d’un acte de gouvernement ? Est-ce le fonctionnaire qui le prépare, ou le ministre qui prend la décision et la responsabilité politique ? Est-ce celui qui propose, ou celui qui dispose ? Curieusement, vous semblez pencher pour la première solution lorsque vous écrivez que les régions « ont été découpées par un énarque ».
[Remarquons que cet énarque, aujourd’hui disparu, était parfaitement européiste…]
Oui, mais remarquons aussi qu’il n’a pas laissé ses convictions européistes s’immiscer dans son travail. On lui avait demandé un découpage à finalité administrative, il n’a pas profité pour en faire un découpage euro-compatible… Comme disait un de mes chefs, « c’est là la grandeur du métier de fonctionnaire »…
[Mais vous avez sans doute raison, Descartes, les élites ne sont pour rien dans la situation dans laquelle nous sommes. Je suis un affreux populiste…]
Oui, vous êtes un affreux populiste non pas parce que vous pensez que les élites ont une responsabilité dans la situation, mais parce que vous vous trompez d’élites. Quand vous parlez de la responsabilité des élites, à qui pensez-vous exactement ? Aux banquiers ? Aux grands patrons ? Aux détenteurs du capital ? Aux directeurs des grands journaux ? Les hauts cadres d’entreprise ? Non, bien sûr que non. Les élites responsables de nos malheurs sont… les hauts fonctionnaires. C’est-à-dire, les gens qui ont préféré gagner moitié moins que dans le privé pour servir leur pays. C’est là où réside votre « affreux populisme »…
eH oUI !
VOUS L’EXPRIMEZ AVEC BRIO !
Les méfaits du capitalisme actuels détruisent notre connaissance de l’Histoire!
Je vous cite tellement votre expression est belle:
IEn effet, c’est la connaissance du passé – et l’acceptation du fait que nous en sommes le produit – qui nous donne la possibilité de contextualiser, de comprendre que nous sommes le produit d’une histoire que nous ne pouvons pas changer rétroactivement et que nous devons par conséquent assumer.I
Tout à notre triomphalisme collectiviste dès années 50 à 1990,nous l’avions oublié.
Comme le disait Marx le capitalisme peut détruire les anciennes cultures attachées au savoir et à l’érudition comme aussi celles aux anciens moyens de production.
Ce n’est pas éonnant que l’écoeurement nous gagne face à l’acculturation que la France vit même si nous nous devons à un devoir d’humanité vis à vis des masses migrantes qui nous arrivent sous les contraintes du capitalisme , non ?
Pourquoi ? Parcequ’ils sont comme nous ,ces gens adorent le footet ils sont soumis encore plus que nous au ravage du capitalisme.
Le foot est la religion moderne,l’opium du peuple qui soulage.
La raison en est simple,le foot se joue avec les pieds qui sont les fondements de notre humanité:la bipédie !
C’est la longue réflexion engendrée par votre article qui m’a permis de faire cette découverte dont je suis très fier:Seuls les bipèdes jouent au foot,et ce n’est pas untrait d’humour.
C’est un bipède,avec ses 2 prothèses de hanche, qui vous le dit.
Par cet extraordinaire séduction de ce jeu de bipèdes exclusif sur l’ensemble des hu-‘mains’ (interdites au foot,c’est ça son charme),le capitaisme en a fait son spectacle le plus fructueux.
A l’époque du collectivisme soviétique,et autre,le triathlon,le pentatlon,le bobsleigh,le curling,le Hand ball,le volley,le rugby,l’athlétisme étaient en proportion beaucoup plus diffusés qu’actuellement où le foot rafle tout car il est trop capistalo-compatible de part son côté séducteur pour l’humanité entière.
Rien d’étonnant à ce que nous soyons tous foot puisque nous sommes tous capitaliste aujourdh’ui,n’est ce pas ?
D’ailleurs ni la Corée du Nord ni la Chine ne brillent au foot,alors qu’au ping-pong ,moins TVprofitable,la plupart des champions sont chinois,à moins que je ne me trompe ?
@ luc
[Les méfaits du capitalisme actuels détruisent notre connaissance de l’Histoire!]
Je n’aime pas la formule « méfaits du capitalisme » qui implique un jugement moral. Le capitalisme est un mode de production, il est amoral. Les mécanismes du capitalisme, en réduisant tout rapport à un rapport monétaire, changent notre rapport au passé, à l’histoire, à la filiation.
[Ce n’est pas étonnant que l’écœurement nous gagne face à l’acculturation que la France vit même si nous nous devons à un devoir d’humanité vis à vis des masses migrantes qui nous arrivent sous les contraintes du capitalisme, non ?]
Ce « devoir d’humanité », il vient d’où ? D’une philosophie qui nous vient d’une histoire, qui du christianisme aux Lumières a abouti à proclamer l’unité du genre humain, à l’égalité intrinsèque en droit des hommes. Ecartez cette histoire, et vous n’avez plus aucune base intellectuelle pour soutenir que j’aurais un quelconque « devoir » envers les migrants. Vous donnez là un excellent exemple de ce qu’implique la réduction des rapports humains au « paiement au comptant ». Dans cette logique-là, il n’y a aucune place pour « le devoir d’humanité ».
[La raison en est simple, le foot se joue avec les pieds qui sont les fondements de notre humanité: la bipédie !]
C’est une théorie originale, mais peu crédible.
[C’est la longue réflexion engendrée par votre article qui m’a permis de faire cette découverte dont je suis très fier: Seuls les bipèdes jouent au foot, et ce n’est pas un trait d’humour.]
A ma connaissance, il n’y a qu’un seul bipède qui joue au foot, et c’est l’homme.
[D’ailleurs ni la Corée du Nord ni la Chine ne brillent au foot, alors qu’au ping-pong, moins TV profitable, la plupart des champions sont chinois, à moins que je ne me trompe ?]
Franchement, je ne vois pas le rapport. On trouve des pays socialistes qui ont excellé dans des disciplines très « TV profitables » (pensez à la gymnastique avec des « stars » comme Nadia Comaneci ou le patinage sur glace que les soviétiques ont très largement dominé), alors que les pays « capitalistes » dominent certains sports comme le cricket ou le curling, sports dont la transmission TV est d’un ennui mortel. Les sports d’excellence de chaque pays dépendent souvent des traditions nationales, et en particulier de l’enseignement.
Commentaire qui n’a rien à voir, à part qu’il s’agisse toujours de Marseille.
Voici un petit article rigolo :
https://www.laprovence.com/article/edition-marseille/6092486/marseille-prete-a-ouvrir-son-port.html
En résumé, à propos du nouveau bateau qui a fait un “sauvetage” de migrants, la maire de Marseille (Michèle Rurbirola, EELV) a dit :
“Marseille, ville d’accueil et solidaire ouvrira son port” si le navire en faisait la demande, appelant au passage l’État à “prendre ses responsabilités”.
Je pense que c’est un très bon résumé de ce qu’est EELV :
– on se place du bon coté de la barrière morale,
– on communique pour montrer qu’on prend des décisions morales, conforme à notre affichage,
– par contre, c’est aux autres de gérer les conséquences (financières, économiques, sociales, environnementales, etc.).
Où l’on voit qu’ils ne sont décidément pas prêts à gouverner. Et que, accessoirement, leur vrai moteur n’est pas l’écologie (d’un point de vue environnemental, des gros bateaux comme ça qui font des ronds dans l’eau en attenant qu’un naufragé se présente, c’est toujours du mazout brulé).
A la rigueur, si elle avait dit : “Je suis prête à ce que la ville de Marseille accueille ces migrants, et elle financera elle même l’hébergement et les frais d’accueil de ces personnes jusqu’à ce qu’elles puissent rentrer chez elles”, j’aurais dit qu’elle avait des convictions qu’elle poussait jusqu’au bout…
Toujours sur le même sujet, je ne comprends pas qu’on ne mette pas sur la Tunisie une pression comme on la met à la Turquie, pour qu’elle accepte de prendre les bateaux qui ont été secourus en mer…
@ Vincent
[En résumé, à propos du nouveau bateau qui a fait un “sauvetage” de migrants, la maire de Marseille (Michèle Rurbirola, EELV) a dit : “Marseille, ville d’accueil et solidaire ouvrira son port” si le navire en faisait la demande, appelant au passage l’État à “prendre ses responsabilités”.]
Rubirola a peine élue se prend déjà pour le Pape. D’abord, elle n’a aucun pouvoir pour « ouvrir son port » à qui que ce soit, vu que le port de Marseille est un établissement public de l’Etat (« Grand Port Maritime de Marseille ») sous l’autorité du ministère des transports. Rubirola fait ici des promesses qu’elle n’a pas les moyen de tenir.
Quant à « l’appel à l’Etat », c’est un grand classique à Marseille mais aussi ailleurs. Les élus locaux font des promesses et exigent ensuite de l’Etat qu’il les tienne. Les bâtiments s’effondrent ? L’Etat doit prendre ses responsabilités. Les bâtiments scolaires tombent en ruine ? L’Etat doit prendre ses responsabilités. Les élus locaux piquent dans la caisse ? C’est la faute à l’Etat, qui ne contrôle pas assez. Après trente ans de décentralisation, les élus locaux ne sont toujours pas responsables.
[Je pense que c’est un très bon résumé de ce qu’est EELV :]
Soyons honnêtes, les autres ne sont guère mieux.
[A la rigueur, si elle avait dit : “Je suis prête à ce que la ville de Marseille accueille ces migrants, et elle financera elle-même l’hébergement et les frais d’accueil de ces personnes jusqu’à ce qu’elles puissent rentrer chez elles”, j’aurais dit qu’elle avait des convictions qu’elle poussait jusqu’au bout…]
Je ne crois pas que ses électeurs l’auraient suivie dans cette voie. Si malgré tous les efforts des girondins la France reste un état centralisé, c’est parce que cela répond à une psychologie profonde. Les gens sont patriotes de leur « petite patrie » communale, départementale ou régionale, mais ne se font guère d’illusions sur la capacité de leurs élus à assurer les responsabilités quand les choses deviennent difficiles. Dès que le ciel se couvre, les gens se tournent vers l’Etat. Et ils ont raison : avec toutes ses limitations, l’Etat a toujours pris ses responsabilités.
[Toujours sur le même sujet, je ne comprends pas qu’on ne mette pas sur la Tunisie une pression comme on la met à la Turquie, pour qu’elle accepte de prendre les bateaux qui ont été secourus en mer…]
C’est très différent. La Turquie prend en charge les migrants qui transitent par son territoire. Or, les migrants repêchés en Méditerrannée n’ont pas transité par le territoire tunisien. La loi de la mer prévoit que les personnes repêchées doivent être débarquées dans « le port sûr le plus proche ». Et les passeurs le savent parfaitement…
(cette culture de l’indignation/offense est un vrai poison pour notre culture en général, et le révisionnisme qu’elle génère est prodigieusement dangereux non seulement pour notre passé, mais surtout pour notre avenir…)
Dans cet ordre d’idée:
https://www.lefigaro.fr/vox/societe/les-statues-que-l-on-deboulonne-les-mots-que-l-on-efface-la-syntaxe-que-l-on-manipule-destabilisent-notre-unite-nationale-20200828
@ GEO
[Dans cet ordre d’idée: (…)]
Excellent article. Ce qui me désole, c’est que de tels papiers soient publiés par le Figaro, et non par l’Humanité…