Congrès du PCF: On ne change pas une équipe qui perd

Merveille de la technique! Aujourd’hui, on peut suivre le match de foot pardon le congrès du PCF mieux que s’y on était dans les tribunes, confortablement installé à son fauteuil. On peut même l’enregistrer pour se repasser les meilleures actions. Et puis, regarder le congrès du PCF et regarder jouer l’équipe de France c’est du pareil au même: tout le monde tire à hue et à dia, et à la fin on ne marque jamais un but.

 

J’ai regardé donc le congrès du PCF (1). C’était triste, c’était désespérant. Marie-George, dans une intervention remarquable, ne laissa aucun doute sur son soulagement à quitter une fonction qui de toute évidence lui pesait de plus en plus (2). Pierre Laurent, dans une intervention qui n’avait rien de remarquable, ne laissa aucun doute sur sa satisfaction d’avoir décroché la timbale. Entre les deux, il ne s’est rien passé qui ne fut prévisible au vu des congrès précédents: on a vu défiler au micro des dirigeants de premier plan pour nous expliquer que le parti fonctionne mal (mais bien sur, ce n’est jamais la faute à personne). On a entendu une succession d’interventions de militants allant de la plus sérieuse à la plus risible, de la plus dramatique à la plus farfelue. Toutes n’étaient pas inintéressantes, loin de là. Certaines étaient même pathétiques à force de sincérité. Beaucoup traduisaient une angoisse profonde devant l’impression que le Parti se délite et qu’il n’y a pas de pilote dans l’avion. Mais elles avaient toutes un point commun: une absence totale de perspective de changer quoi que ce soit. Derrière les jérémiades et les rodomontades, une impression de “on a tout essayé, et rien ne marche”.

 

Mais peut-être le texte qui le mieux capture les problèmes de ce congrès est la “résolution finale”, tant par son contenu que par son mode d’élaboration. Rappelons, fait unique dans l’ensemble de l’histoire du Parti, que ce congrès se sépare en ayant voté un texte qui n’a pas été soumis au débat des militants, et que ceux-ci n’ont pas eu la possibilité d’amender. Même les délégués n’en ont pris connaissance qu’au cours du congrès, et le débat en séance des amendements a été conduit par Patrick Le Hyaric avec ce style inimitable de garde chiourme qui fait ce qu’il veut (même s’il faut pour cela s’asseoir sur les statuts) qui fait son charme (3). Il en résulte un texte plein de bêtises et vide de contenu, qui, dans la droite ligne des textes des congrès précédents, sera certainement oublié dans les jours qui viennent.

 

Vous trouvez que j’y vais fort ? Eh bien, prenons si vous le voulez bien quelques exemples. J’ai dit que le texte était plein de bêtises. En voilà un échantillon: sous le titre “Nous changeons nos pratiques pour devenir le parti de la démocratie, de la coopération et de l’action militante” on écrit que “nous décidons que notre communication adopte une démarche féministe et nous devons parler au féminin. Les femmes ne sont pas un problème, elles sont la solution”. Oui, vous avez bien lu: les femmes ne sont pas une partie de la solution, elles ne participent pas à la solution, elles sont la solution. Quelle place cela laisse aux militants qui n’auraient pas d’ovaires à montrer à l’inspection ? Et plus sérieusement, est-ce que quelqu’un croit vraiment que les grands problèmes du PCF aujourd’hui (au hasard, l’absence de projet, la marginalisation, la perte de la moitié de ses élus à chaque élection, l’atomisation en courants) serait miraculeusement résolue si la parité était respectée et si le PCF “parlait au féminin” ?

 

Mais il y a pire. La déclaration finale du congrès brode sur un “pacte d’union populaire” (4) dont on a beaucoup de mal à comprendre en quoi il consiste. Qui dit “pacte”, dit accord. Mais qui seraient les parties à cet accord ? Les partis ? Les militants ? Les citoyens ? Les élus ? Ou alors tout ce monde dans une joyeuse pagaille ? Et en quoi consiste exactement l’accord ? Un programme de gouvernement ? Une déclaration de principes ? Une distribution des candidatures et des postes ? Vingt-cinq ans après le lancement du “pacte unitaire pour le progrès” (PUP pour les intimes), nous ne savons toujours pas ce qu’il était censé contenir. Ce qui fait froid dans le dos, c’est que vingt-cinq années se sont écoulées sans qu’on en ait tiré les leçons de cet épisode.

 

Et il y a pire encore. Les rédacteurs du texte ont cru nécessaire de le terminer par une partie réservée à la “transformation du PCF”. On y retrouve un assemblage de voeux pieux, qui ne le sont pas moins par le fait d’être rédigés dans un style martial. Car il ne suffit pas de dire “nous ferons ceci” ou “nous ferons cela” pour que cela soit fait, et la manière dont les décisions des congrès précédents ont été appliquées sont là pour le prouver. Mais surtout, le texte choque pour son incohérence. On créera ainsi une “direction unifiée du projet” (une “direction du projet” n’était apparemment pas assez “unifiée”) qui est “chargée de mettre en oeuvre les décisions et les objectifs définis par le congrès”. Mais au paragraphe suivant on apprend que le but de cette “direction” n’est plus la “mise en oeuvre” mais au contraire “de formuler [le projet] en termes clairs et précis” (5). On créera aussi une “direction nationale de la vie militante” (qui, contrairement à celle du projet, n’est pas “unifiée”) censée “permettre (…) l’efficacité du militantisme de proximité”. On lancera des dizaines d’initiatives pour le militantisme à l’entreprise, dans les quartiers populaires, pour la parité, la communication…

 

Il reste une question cruciale: aucune de ces idées n’est bien nouvelle. Elles tournent en boucle depuis au moins le 30ème congrès. Le CN élu au 34ème congrès a eu deux longues années pour y réfléchir et pour agir. Il ne l’a pas fait. Or, le CN qui sort du 35ème congrès est exactement le même. Alors, pourquoi ferait-il demain ce qu’il n’a pas fait hier ? Parce qu’on a changé de secrétaire national ? Faut-il conclure que Marie-George était le verrou qui empêchait le PCF de mettre en oeuvre toutes ces belles idées ?

 

Voilà le point fondamental: ce congrès ne changera rien parce que ceux qui détiennent les leviers du pouvoir interne après le congrès sont les mêmes qu’avant. Parce que aucun des problèmes qui poussent le PCF dans la voie de la marginalisation politique n’a été résolu, ni même discuté ouvertement. La direction sortante n’avait qu’un but, éviter qu’il y ait du grabuge. El y a largement réussi, exploitant habilement comme à son habitude la réticence des militants de base à montrer une image de désunion vers l’extérieur. Quant aux “notables”, chez qui ce réflexe est bien moins puissant, elle a pris soin de négocier avant le congrès avec chacune des “fractions” pour s’assurer le statu-quo. Si l’on ajoute à cela le fait que les héros étaient fatigués et souvent découragés…

 

Le seul domaine sur lequel l’expression de la salle est allée souvent contre le message de la direction ce fut la question du Front de Gauche, et notamment la possibilité de sacrifier le PCF aux ambitions présidentielles (ou du moins candidatiales) de Jean-Luc Mélenchon. Clairement, les militants ont, dans beaucoup de fédérations, donné des mandats clairs pour exiger un candidat communiste. Cela ne va pas simplifier les choses…

 

 

Descartes

 

(1) Et j’ai eu tort. Pourquoi faut-il qu’on se force à regarder couler le navire que l’on a quitté il y a quelques années après avoir constater que rien ne pouvait être fait pour le sauver ? Pourquoi ne peut on pas faire comme si l’on n’avait jamais été, et plein d’insouciance jouir du printemps ? Quelqu’un devrait un jour se pencher sur le psyché des anciens communistes…

 

(2) Elle sacrifia tout de même à la tradition qui veut que tout discours de MGB contienne au moins une fois le mot “patriarcat”. Nobody is perfect…

 

(3) Ainsi, lorsqu’un militant demande, conformément aux statuts, le vote secret, Le Hyaric ne se démonte pas et fait voter a main levée pour savoir s’il faut voter ou non par vote secret. Ce qui viole l’esprit et la lettre des statuts. L’esprit, parce que le droit à demander le vote secret existe justement pour empêcher les dirigeants d’exercer des pressions sur les votants. Et la lettre, parce que les statuts indiquent que le vote est secret à la demande d’un militant, sans qu’il soit besoin de faire approuver la demande. Le Hyaric a justifié ce viol en prétendant que “le congrès est souverain”, en oubliant convenablement que “souverain” n’est pas la même chose que “tout-puissant”.

 

(4) qui rappelle furieusement le “pacte unitaire pour le progrès” du père UbHue. Et le sigle est le même… faut-il voir une coïncidence ?

 

(5) Ce qui amène à la conclusion que, pour les congressistes, le “projet” est à l’heure actuelle formulé dans des termes obscurs et vagues. Ce n’est pas gentil pour la direction qui l’a préparé et soumis au 34ème congrès… la même qui siège aujourd’hui, maintenant que j’y pense…

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