Il serait prématuré d’envoyer les faire-part et les condoléances. Et cependant, on peut déjà prévoir la cravate noire: si le projet de faire surgir un pôle de la “gauche radicale” à l’occasion des élections présidentielles de 2012 n’est pas encore mort, le moins que l’on puisse dire c’est qu’il est l’heure d’appeler le prêtre pour lui administrer les ultimes sacrements.
C’est la montée de Marine Le Pen dans les sondages qui risque de donner au blessé le coup de grâce. Peu importe en fait que la présidente du Front National arrive en tête ou en troisième position. Le point important est que les trois premiers candidats, celui du PS, celui de l’UMP et celui du FN arrivent dans un mouchoir de poche. Ce qui veut dire qu’un scénario ou Marine Le Pen serait au deuxième tour est aujourd’hui vraisemblable.
Or, cette vraisemblance sonne le glas du projet de la “gauche radicale”. Celui-ci peut se résumer à une équation simple: faire un bon résultat au premier tour qui permette de négocier avec le PS en position de force un programme de gouvernement et des sièges aux législatives. Toutes les rodomontades sur les possibilités d’arriver en tête de la gauche au premier tour ne doivent pas faire illusion: ni Jean-Luc Mélenchon, ni le tandem Pierre Laurent-Marie George Buffet, ni même Besancenot ne sont des perdreaux de l’année. Ils sont tous pleinement conscients que le rapport de forces à gauche ne s’inversera pas en 15 mois, et que la question restera celle de “PS or not PS”. C’est pourquoi d’ailleurs le NPA fait dès le départ cavalier seul, sachant pertinemment que le Front de Gauche négociera son ralliement au deuxième tour au candidat de gauche mieux placé. Qui ne sera pas celui du Front.
Mais que devient ce projet dès lors qu’un bon résultat du Front de Gauche “siphonerait” les vois du candidat socialiste empêchant la gauche d’être présente au second tour ? Beaucoup de choses ont changé depuis 2002, mais si l’on se fie aux réactions dépressives de l’électorat de la gauche dispersée après l’annonce des résultats, on peut anticiper un ras de marée du “vote utile” en faveur du candidat socialiste, quel qu’il soit. La “gauche radicale” aura beaucoup de mal à refuser un appel à l’unité pour “barrer la route au FN”. Anticipant ce scénario, un certain nombre d’options s’ouvrent à la “gauche radicale”:
La première – et celle qui aurait ma préférence – est de chercher à conquérir un électorat sans entrer en compétition avec le PS. Cela veut dire aller rechercher l’électorat populaire que le PCF a perdu dans les années 1990 et qui, orphelin de toute représentation politique se tourne vers le seul candidat qui parle de ses problèmes avec son langage, Marine Le Pen. Cela suppose une totale transformation du discours politique, la formulation d’un projet crédible donnant la priorité au social sur le “sociétal”… une révolution copernicienne, en somme. Une reconquête de cet électorat ferait croître le réservoir de voix à gauche sans compromettre le score du PS, et en plus ferait descendre le score de Marine Le Pen, éloignant donc le spectre du “vote utile”.
Mais si cette solution paraît trop difficile à mettre en oeuvre, l’alternative est pire: il s’agit de dédiaboliser le Front National. Car le discours qui fait du Front National un croquemitaine alimente le “vote utile”. Si Marine Le Pen est l’émule de Satan, alors par comparaison DSK devient presque aimable, et l’appel à voté pour lui dès le premier tour pour “barrer la route au fascisme” devient irrésistible. En peignant le FN en noir, on fait le lit du “vote utile”.
Mais n’y a-t-il pas une troisième solution ? Si, bien sur. C’est celle qui a choisi Jean-Luc Mélenchon: tirer sur les sondages. L’objectif est non pas de changer la réalité, mais de changer la représentation que les gens s’en font. En d’autres termes, pour sauver le projet du “Front de Gauche” il faut convaincre les gens qu’il n’y a pas de risque de voir le 21 avril 2002 se répéter (que le risque existe ou non n’a pas d’importance). Et que le “vote utile” est donc parfaitement inutile. Ce faisant, on joue quitte-ou-double: en 15 mois, beaucoup de choses peuvent changer. Si Marine Le Pen arrive troisième le soir du premier tour, cette stratégie permet au Front de Gauche de maximiser son score et donc de négocier en position de force. Mais en même temps, elle accroît le risque de voir le candidat de gauche éliminé, et donc de tout perdre…
Il est tout de même regretable qu’on ait choisi de privilégier les gains tactiques à court terme plutôt que l’enracinement de la “gauche radicale” dans un électorat populaire à long terme. Le gauchisme n’a pas fini de nous jouer des tours…
Descartes
Descartes, avez-vous pu croire à un moment que la « gauche radicale » aurait pu capter le vote populaire ?
Il suffit de voir les différents petites formations politiques et associations qui gravitent autour et les personnes qui les constituent ( métiers de l’éducation, ex-CFDTiste qui sont restés dans
l’idéologie prônée dans les années 70…) pour savoir qu’ils n’avaient que peu d’anicroches avec les gens ordinaires, leurs besoins et leur mode de vie.
Ils sont dans une logique de clients dans un supermarché qui prendraient ce qu’ils veulent comme vous en avez parlé dans un de vos billet précédent.
Ne connaissant pas assez le camarade Mélenchon, est-ce une erreur stratégique qui lui a fait prendre cette voie gauchiste ou alors est-ce son véritable corpus idéologique ?
Descartes, avez-vous pu croire à un moment que la « gauche radicale » aurait pu capter le vote populaire ?
Oui, pourquoi pas ? Je ne vois pas d’objection de principe, et le précédent historique du PCF est là pour montrer que c’est possible. Je ne vous cache pas que j’ai toujours craint que la
sur-réprésentation des classes moyennes dans les organisations existents ne soit un handicap presque insurmontable… mais bon, l’espoir fait vivre.
Ne connaissant pas assez le camarade Mélenchon, est-ce une erreur stratégique qui lui a fait prendre cette voie gauchiste ou alors est-ce son véritable corpus idéologique ?
C’est une question ouverte. Je pense qu’il y a des deux: d’une part, JLM a eu une formation gauchiste (à l’OCI) puis une éducation politique dans le PS de François Mitterrand. Pas facile de
dépasser un tel héritage.
Il y a un sondage de l’institut CSA qui date de quelques jours et dont pratiquement personne ne parle.
Je cite la synthèse:
« Mais les tendances divergent, de manière parfois surprenante, en fonction de la catégorie socioprofessionnelle des personnes interrogées.
Ainsi, 46% des ouvriers déclarent « souvent ou parfois » adhérer aux idées de la présidente du Front National, contre 33% seulement pour le leader du Parti de Gauche.
A l’inverse, Marine Le Pen ne recueille que 13% d’adhésion de la part des cadres et professions libérales, alors que Jean-Luc Mélenchon en convainc 47%. »
J’avoue avoir de la peine à comprendre deux choses:
-JLM et son parti ne semblent pas considérer ce que cela représente électoralement et en matière d’influence à court et moyen terme
– j’ai tenté dans l’heure qui précède de faire paraitre, à deux reprises,sur son blog, un commentaire qui l’évoque,résultat: une première fois rapidement censurée, une seconde, impossible d’accéder
à la parution. Ce n’est plus le commentaire mais le commentateur qui est censuré.
Lettres de cachet disait on ?
Personnellement ça ne me gène pas plus que ça, néanmoins, ce qui pourrait être le plus intéressant et de loin, ce sont les causes.
PANIQUE DANS LA DEMEURE DITES VOUS ????
-JLM et son parti ne semblent pas considérer ce que cela représente électoralement et en matière d’influence à court et moyen terme
Je ne sais pas. Cela fait quelque temps que je n’ai plus échangé avec des gens du “premier cercle” de JLM. Mais j’ai du mal à croire que Jean-Luc ne se rendre pas compte que son discours
fonctionne essentiellement chez les classes moyennes. Il est trop intelligent et a trop d’expérience pour ça. Je commence à croire que JLM a fait une analyse réaliste de ses possibilités compte
tenue des forces militantes dont le PG et le PCF disposent, et qu’il a fait une croix sur la reconquête de l’électorat populaire.
– j’ai tenté dans l’heure qui précède de faire paraitre, à deux reprises,sur son blog, un commentaire qui l’évoque,résultat: une première fois rapidement censurée, une seconde, impossible
d’accéder à la parution.
Oui, j’ai remarqué. Comme je l’ai dit hier, j’ai fait l’exercice de consulter le blog de JLM très souvent pour essayer de voir les articles avant qu’ils ne disparaissent et d’avoir une idée de ce
qui était censuré. Car j’avais remarqué qu’on était passé en “modération lourde”. Lorsqu’on suit de près un blog, on remarque tout de suite le changement de ton, la brusque disparition de
certaines signatures… et surtout la disparition des petits messages du webmestre expliquant pourquoi telle ou telle contribution était effacée, qui suggère qu’on est passé aux choses sérieuses.
C’est cela qui m’a suggéré le titre “panique à bord” pour mon dernier billet: je suis convaincu que les sondages plaçant MLP dans le tiercé de tête ont provoqué et vont provoquer un virage très
net dans la communication du candidat prospectif… et on n’a encore rien vu.
Bonjour Descartes,
vous écrivez:
« Cela veut dire aller rechercher l’électorat populaire que le PCF a perdu dans les années 1990 et qui, orphelin de toute représentation politique se tourne vers le seul candidat qui parle de ses
problèmes avec son langage »,
Après une relecture de votre billet, la première option que vous évoquez semble en effet séduisante. Hors, à la réflexion cela me semble ne pas tenir compte d’un élément essentiel qui la rend
caduque. Supposons en effet que par une inspiration « céleste », JLM reformule, même sans se dédire, un solide programme, crédible et social. La première conséquence à mon avis, sera qu’il «
siphonera », comme on dit, d’abord une partie importante des électeurs du PS, car il présenterait ce que normalement le PS n’aurait jamais du abandonner. Le panurgisme électoral produisant son
effet, bon nombre d’électeurs déclarés du PS continuent avec lui, mais n’en sont pas très satisfaits. Sinon quid des courants à gauche du PS ? Il est bien évident qu’il « pomperait » aussi une part
des votes FN, mais surement pas autant qu’on peut imaginer.
Calculons simple ;
-MLP rassemble 20% : 10 à 12% d’inconditionnels, vous ne pouvez pas grand-chose pour eux ;
-5 à 7% de déçus de Sarkosi (au moins) , ils resterons au FN;
-il reste combien de « repêchables » ? 3 à 4 % tout au plus.
Par contre, si JLM se repositionnait sur la « zone » politique que vous évoquez, c’est-à-dire le cœur stratégique d’un parti socialiste digne de ce nom, et à condition qu’il « civilise » son
discours et ses interventions radio télévisées, je crois qu’il pourrait faire plus de dégâts au « PSK » qu’au FN.
Donc, objectivement, il n’y a aucune chance que le PS y consente même tacitement.
De plus, cette option ouvrant encore un peu plus le risque, comme vous l’évoquez, d’un second tour à droite, ne manquerait pas d’inspirer des « transfert », à visées 2017 de ceux qui au PS feraient
le pari d’une implosion de ce parti.
Si je partage avec vous la préférence d’une telle stratégie, je pense néanmoins qu’elle ne peut l’être qu’avec la conscience d’un affrontement avec le PS.
Ce n’est cependant pas ce que je souhaite pour le « sport », mais je ne vois pas d’alternative possible.
J’avais « suggéré » à JLM il y a qques jours dans un commentaire qui a été « censuré » de se mettre au vert quelques semaines pour se reconstruire un « virginité » dans l’esprit que vous évoquez,
avec la révision des formes de ses interventions.
Peut être est ce à cela que nous assistons ?
Supposons en effet que par une inspiration « céleste », JLM reformule, même sans se dédire, un solide programme, crédible et social. La première conséquence à mon avis, sera qu’il « siphonera
», comme on dit, d’abord une partie importante des électeurs du PS, car il présenterait ce que normalement le PS n’aurait jamais du abandonner.
Votre raisonnement se fonde sur une prémisse cachée: celle de supposer qu’une “partie importante des électeurs du PS” continue à voter pour celui-ci malgré ses “abandons”, et qu’il serait donc
ravi de voter pour un véritable programme de gauche. Cela revient à mon avis à prendre les électeurs pour des imbéciles.
A mon avis, les électeurs savent très bien pourquoi ils votent. Les électeurs PS ne votent pas socialiste malgré les abandons, mais a cause d’eux. Parce qu’au
fond d’eux mêmes, et quelque soient les rodomontades verbales, les politiques conduites par le PS au pouvoir – et celles qu’il conduirait s’il y revenait – arrangent leurs intérêts. Si par une
“inspiration céleste” un “solide programme social” répondant aux demandes des couches populaires était proposé, l’électorat socialiste le rejetterait avec horreur. Parce qu’il ne faut pas se
cacher la face: on ne peut pas aujourd’hui répondre aux demandes des couches populaires sans toucher les couches moyennes. Et cela, l’électorat socialiste ne l’admettra jamais.
Le panurgisme électoral produisant son effet, bon nombre d’électeurs déclarés du PS continuent avec lui, mais n’en sont pas très satisfaits. Sinon quid des courants à gauche du PS ?
Des gens qui ont le coeur à gauche, mais le portefeuille à droite. Il ne faut pas se laisser abuser par la complainte des classes moyennes qui, à les entendre, seraient prêtes à tout faire pour
que les pauvres soient moins pauvres, mais prennent soin d’envoyer leurs enfants dans les écoles privées pour qu’ils ne se mélangent pas à la “racaille”.
Il est bien évident qu’il « pomperait » aussi une part des votes FN, mais surement pas autant qu’on peut imaginer.
Admettons. Mais il faut aussi prendre en compte la grande armée des abstentionnistes, à laquelle les couches populaires prêtent ses plus gros bataillons… or dans ton calcul, tu ne tiens pas
compte de ce facteur. Ne crois tu pas qu’un “solide programme crédible et social” permettrait de récupérer beaucoup de voix de ce côté-là ?
Par contre, si JLM se repositionnait sur la « zone » politique que vous évoquez, c’est-à-dire le cœur stratégique d’un parti socialiste digne de ce nom, et à condition qu’il « civilise » son
discours et ses interventions radio télévisées, je crois qu’il pourrait faire plus de dégâts au « PSK » qu’au FN.
Certainement. Mais pas assez pour passer devant lui et rester au deuxième tour. Et avec le risque d’ouvrir la voie à un deuxième tour FN-UMP. Est-ce cela l’objectif ?
Je pense qu’on a tort de penser à l’élection présidentielle comme la fin de l’histoire. On ne gagnera pas du premier coup, et il faut donc placer cette échéance dans un processus de construction
politique de long terme. Entrer en compétition avec le PS pour l’électorat du PS suppose qu’on reste sur le même périmètre à gauche. Or, toutes les études montrent combien ce périmètre est
étriqué et réduit essentiellement aux classes moyennes. (Re-)conquérir les couches populaires, c’est au contraire étendre le périmètre de la gauche en introduisant un contrepoids à la logique des
classes moyennes. Un contrepoids indispensable si l’on veut que la politique de la gauche au pouvoir soit autre chose que celle des classes moyennes, c’est à dire, des sociaux-libéraux.
J’avais « suggéré » à JLM il y a qques jours dans un commentaire qui a été « censuré » de se mettre au vert quelques semaines pour se reconstruire un « virginité » dans l’esprit que vous
évoquez, avec la révision des formes de ses interventions. Peut être est ce à cela que nous assistons ?
Je ne le crois pas. Je crains qu’on soit dans une réaction purement tacticienne pour se défendre du danger que réprésente le “vote utile”.
Bonjours à tous,
Descartes, vous écrivez dans votre réponse:
“Parce qu’il ne faut pas se cacher la face: on ne peut pas aujourd’hui répondre aux demandes des couches populaires sans toucher les couches moyennes. Et cela, l’électorat socialiste ne l’admettra
jamais.
La dichotomie, que vous exprimez régulièrement entre les couches(classes) populaires et les couches(classes) moyennes, n’arrive pas à me convaincre et je ne pense pas être le seul parmi vos
lecteurs”.
Vos arguments ne sont pas cependant à rejeter en bloc, -voter pour ses intérêts entre autres-,néanmoins si les électeurs votaient autant que vous le dites pour leur véritable intérêt, la droite
(toutes sensibilités confondues) ne devrait jamais dépasser 5 à 10 %.
Je ne me permettrais pas d’affubler les électeurs, mes concitoyens, du vocable d’imbéciles, mais volontiers de celui de naïfs. Ils croient dans leur majorité que la démarche individualiste, peu ou
prou la loi de la jungle, va leur permettre de se « réaliser » fut ce au détriment de son voisin. L’égocentrisme généralisé, élevé au rang de paradigme dans notre société de l’image entretient et
promeut, en effet, cette aspiration à un « quant à soi » .socio-libéral.
Je tenterai là une petite hypothèse, c’est en tout cas ma conviction, qu’une partie importante des composants de la classe moyenne cherche, plus ou moins consciemment sans doute, à satisfaire un
besoin (j’en reviens à Maslow) d’estime de soi, au détriment – marginal, j’en conviens – de ses intérêts matériels, dans une certaine mesure bien entendu.
Se considérant partie intégrante du grand ensemble des acteurs qui créent la richesse dans le pays, ils ne peuvent vraiment s’assimiler à ceux qui « exploitent » à leur seul bénéfice cette masse
créatrice de richesse que j’appelle prolétariat.
Ensuite, que dans cette masse se crée des distensions, des rivalités, je n’en doute pas, mais ne sont t-elles pas secondaires dans l’esprit et le « cœur » de beaucoup de gens assez aisés qui ne
supportent pas le tort imposer à beaucoup et qui va en s’accriossant.
Sinon comment expliquez vous la réaction des classes moyennes supérieures (cadres sup – prof. libérales, etc) sondées par CSA il y a une quinzaine de jours . À moins de les soupçonner d’un rare
cynisme généralisé, et je ne verrais pas pourquoi d’ailleurs, on peut leur accorder un minimum de sincérité concrétisée dans l’isoloir.
Je suis persuadé que les « lignes de fracture » à l’intérieur de la population sont bien plus complexes et surtout très instables et ce pour pas mal de temps encore.
Là où je vous rejoins totalement, c’est dans l’impérieuse nécessité de construire un nouveau système, courant, paradigme même, refondateur du débat républicain et démocrate.
Cela peut prendre du temps car en effet, le ou les partis qui s’en donneraient l’objectif devront, avant tout, « investir » dans la formation de leurs partisans et des sympathisants d’alors et à
venir.
“Mais il faut aussi prendre en compte la grande armée des abstentionnistes, à laquelle les couches populaires prêtent ses plus gros bataillons… or dans ton calcul, tu ne tiens pas compte de ce
facteur. Ne crois tu pas qu’un “solide programme crédible et social” permettrait de récupérer beaucoup de voix de ce côté-là ?”
Je ne l’ai en effet pas intégré, simplement je n’ai pas considéré l’abstentionnisme comme résultat partisan de rejet de l’un ou de l’autre des partis, mais du débat politique en général.
Néanmoins, un débat de qualité pourrait en convaincre beaucoup de réintégrer ce débat.
“….et avec le risque d’ouvrir la voie à un deuxième tour FN-UMP. Est-ce cela l’objectif ?”
Prendre des risques, c’est cela gouverner. Nous en sommes à choisir entre Charybde et Scylla, entre Chirac et Mitterrand entre NS et DSK.
Ça vous conviendrait ?
Très cordialement votre et bon dimanche.
Ps, habitant une bonne partie de l’année au Maroc, dont actuellement, je me propose si vous le jugez pertinent d’écrire quelques lignes –pas celles d’un expert que je ne suis absolument pas sur ce
sujet – sur les effets à très long terme d’une Politique visionnaire et humaniste que fut celle de Lyautey, il y a un siècle ici au Maroc et qui explique au moins partiellement une situation
singulière de ce pays dans le Maghreb.
néanmoins si les électeurs votaient autant que vous le dites pour leur véritable intérêt, la droite (toutes sensibilités confondues) ne devrait jamais dépasser 5 à 10 %.
Et pourquoi ça ? Croyez vous vraiment que “la gauche” lorsqu’elle est au pouvoir gouverne dans le sens des intérêts de 90% à 95% de nos concitoyens ? Je vous rappelle que “la gauche” a gouverné
pendant quinze des trente dernières années dans notre pays. Que “la gauche” a dirigé la moitié des gouvernements de la IVème République. Contrairement à ce que vous semblez penser, les intérêts
de la classe ouvrière ont été bien mieux servis par la droite gaulliste que par la gauche girondine.
L’idée même qu’un seul bord politique puisse représenter les intérêts de 90% à 95% de la population devrait vous interroger: étant donné que les intérêts des diverses couches sont souvent
contradictoires, on voit mal comment ce miracle pourrait être accompli.
Je tenterai là une petite hypothèse, c’est en tout cas ma conviction, qu’une partie importante des composants de la classe moyenne cherche, plus ou moins consciemment sans doute, à satisfaire
un besoin (j’en reviens à Maslow) d’estime de soi, au détriment – marginal, j’en conviens – de ses intérêts matériels, dans une certaine mesure bien entendu.
Mais pourquoi “au détriment” puisqu’elle peut avoir les deux ? On peut satisfaire son “besoin d’estime de soi” en tenant un discours généreux et universaliste, tout en agissant dans les faits
avec le plus grand souci de ses intérêts. Le comportement des classes moyennes a été dans beaucoup de cas celui-là.
Sinon comment expliquez vous la réaction des classes moyennes supérieures (cadres sup – prof. libérales, etc) sondées par CSA il y a une quinzaine de jours . À moins de les soupçonner d’un
rare cynisme généralisé, et je ne verrais pas pourquoi d’ailleurs, on peut leur accorder un minimum de sincérité concrétisée dans l’isoloir.
Je ne crois pas au cynisme. Comme le signalait Marx, toute classe génère une idéologie qui lui permet de faire passer ses intérêts propres pour l’intérêt général. Elle ne le fait pas d’une
manière cynique. Il n’y a pas de “complot des classes moyennes” pas plus qu’il n’y un “complot des bourgeois”. C’est la dialectique des intérêts de classe qui produit ce résultat. On l’a bien vu
en mai 68: les idées les plus “généreuses” ont abouti au social-libéralisme.
Prendre des risques, c’est cela gouverner.
Non. Gouverner, c’est prévoir. Prendre un risque sans l’évaluer, ce n’est pas du gouvernement, c’est de la follie. Il faut être fou pour croire que les gens nous suivront dans une aventure
pareille.