Le discours de la méthode (IX): Pour en finir avec les destructeurs de confiance

Huit heures trente, station Auber du RER parisien. Je monte dans le train avec quelques centaines de compagnons d’infortune. Les portes se ferment, le train s’engouffre dans le tunnel. Et tout à coup, voici qu’on sent une forte odeur de transformateur qui crame, et le wagon se remplit d’une fumée assez épaisse. C’est angoissant, et cette angoisse est certainement partagée par l’ensemble des passagers. Et pourtant, personne ne s’affole. Personne ne tire le signal d’alarme. On demande à ce que les fenêtres soient dans la mesure du possible ouvertes, et on attend, sagement, que le train arrive à la prochaine station. Quand les portes s’ouvrent, pas d’affolement, les gens quittent le train en bon ordre et restent sur le quai, ou les haut-parleurs expliquent que suite à un dégagement de fumée à la station précédente, le trafic est temporairement arrêté sur la ligne.

Un dégagement de fumée dans un lieu clos et plein de monde est un évènement potentiellement dangereux. Pourquoi alors les passagers n’ont pas tiré le signal d’alarme ? Pourquoi n’ont-ils pas cherché à provoquer l’arrêt du train, à ouvrir les portières ou casser les vitres pour le quitter le plus vite possible ? La réponse entre dans un seul mot: confiance. Nous vivons – et cela malgré les tentatives de certains, j’y reviendrai – dans une société de confiance. Les passagers du RER ont confiance que leur train est raisonnablement bien conçu, raisonnablement bien entretenu, conduit par un agent raisonnablement bien formé et qui prend raisonnablement à coeur son travail. Dans ces conditions, la conduite la plus raisonnable, c’est de laisser les gens compétents se débrouiller avec les problèmes.

Et le même raisonnement se retrouve partout: lorsque nous achetons une boîte de médicaments chez le pharmacien, nous n’avons aucun moyen de vérifier que les petites gélules blanches qu’elle contiennent un principe actif plutôt que de la farine (ou pire encore, du poison). Nous faisons confiance au pharmacien, à l’industriel, à la chaîne de contrôle. Lorsque nous buvons l’eau du robinet, nous n’avons aucun moyen de vérifier qu’elle ne contient pas une dangereuse bactérie. Nous faisons confiance au distributeur d’eau et aux laboratoires de contrôle.

Cette confiance est profondément rationnelle. Elle s’appuie d’abord sur l’expérience. N’importe lequel d’entre vous pourra me citer des exemples où cette confiance a été trahie. Mais lorsqu’on regarde de plus près, on voit que ces exemples sont marginaux: pour un hamburger frelaté qui tue son consommateur, combien de centaines de millions d’hamburgers sains – pour autant qu’on puisse appeler “sain” un hamburger – sont consommés chaque jour ? Pour un Mediator, combien de médicaments qui sauvent des vies tous les jours ?

Cette confiance a aussi un rôle économique. Imaginons un monde ou cette confiance n’irait pas de soi. Cela laisserait à chaque individu le soin de se protéger tout seul contre les risques qui nous entourent et de vérifier par lui même la qualité des biens et des services qui lui sont proposés. Ainsi, chacun de nous devrait avoir les moyens d’analyser l’eau du robinet avant de la boire, ou de soumettre le conducteur du train que nous prenons à un examen pour vérifier ses compétences, ce qui suppose accessoirement que nous sachions nous mêmes conduire le train. On voit bien qu’une telle position est inconcevable.

La division du travail, inséparable de tout développement d’une société complexe, implique nécessairement une délégation de confiance à des individus spécialisés. Dès lors qu’un individu ne peut concentrer en lui toutes les connaissances, il est obligé de faire confiance à d’autres individus spécialisés. Nous faisons confiance à l’ingénieur pour concevoir le train et au conducteur pour nous amener à bon port. Nous faisons confiance au médecin pour nous soigner et à la chaîne pharmaceutique pour nous délivrer le bon médicament. Nous faisons confiance à chaque instant de notre vie au fait que d’autres font pour nous des travaux que nous ne saurions pas faire, et dont souvent nous ne sommes pas en mesure de juger la qualité. Cette confiance n’est pas un choix, elle est une nécessité de civilisation.

Et pourtant, me direz-vous, on parle aujourd’hui d’une “société de défiance”, de la perte de confiance des citoyens dans les institutions, dans les entreprises, dans le politique, bref dans tout. Oui, on en parle beaucoup. Et ceux qui en parlent le plus sont les membres de l’establishment “libéral-libertaire” qui, quelle coïncidence, sont ceux qui ont fait les plus grands efforts pour installer cette défiance et qui aujourd’hui encore continuent à faire tout ce qui est dans leur pouvoir pour l’approfondir. Car la société de défiance est inséparable de l’émergence de l’individu-roi comme catégorie politique.

La confiance sociale, par essence, est le signe d’une interdépendance. Elle exprime le fait “qu’aucun individu n’est une île”, et que chacun de nous dépend pour survivre en tant qu’être social mais aussi physique des autres. Mais si je dépends des autres et les autres dépendent de moi, alors je suis enserré dans un réseau de droits et de devoirs qui sont inséparablement attachés les uns aux autres. Une telle conception est a l’opposée de l’individu-roi des “libéraux-libertaires”, qui ne doit rien à personne et dont la liberté ne saurait être limitée par des devoirs imposés de l’extérieur. On ne peut “jouir sans entraves” dès lors que cette jouissance a besoin des autres pour s’accomplir. Car leur idée de la “jouissance” peut être différente de la mienne…

C’est pourquoi le discours des “libéraux-libertaires” est un discours de méfiance permanente. Méfiance des institutions d’abord: justice, école, police, université, armée. Leurs membres, par définition, sont soit des larbins à la solde des “puissants”, soit des infâmes égoïstes qui ne songent qu’à défendre leurs intérêts catégoriels. Méfiance ensuite du politique, égoïste et corrompu. Méfiance de l’industriel, qui sacrifierait père et mère à son profit. Méfiance du citoyen, qui céderait trop vite aux sirènes racistes, sexistes, xénophobes, militaristes, nationalistes. Cette méfiance conduit rapidement vers toutes sortes de théories de complot. Ce n’est pas par hasard si l’on trouve chez les “libéraux-libertaires” une forte tendance au complotisme: entre le 11 septembre et Bilderberg, il y a de quoi faire…

Regrettablement, beaucoup de victimes de cette suspicion se rendent complices de leur propre dévalorisation sous prétexte de “transparence”. Leur argument est simple: la méfiance s’alimente de la suspicion que les “experts” et les institutions gardent de l’information par devers elles, qu’ils cacheraient au citoyen de base pour le manipuler. Dans cette logique, le citoyen éclairé par toute l’information disponible et convaincu que ses experts lui disent tout serait plus disposé à leur faire confiance. Mais en dehors du fait que cette stratégie ne marche pas empiriquement, cet argument souffre d’un défaut théorique. Dans une société complexe, la division du travail et la spécialisation sont des maux nécessaires. La compréhension des points techniques d’une opération du cerveau ou du fonctionnement d’un réacteur nucléaire reste confinée à un groupe d’individus relativement réduit. La “transparence” donne donc au citoyen lambda l’illusion qu’il peut juger d’une situation à égalité avec les experts, alors que c’est totalement faux. Sur des questions complexes, le citoyen est condamné à faire confiance. L’alternative, c’est l’individu-île totalement autosuffisant dans tous les domaines.

Les experts devraient d’ailleurs être les premiers à dénoncer cette imposture, au lieu de jouer les démagogues: Lorsque l’expert dit “faites moi confiance”, il ne cherche pas à “protéger son pouvoir” ou a “prendre les gens pour des imbéciles”. Il énonce au contraire la seule position logique: étant le seul à avoir les connaissances et l’expérience, il est le mieux placé pour donner une opinion. Mais vous trouverez très peu d’experts pour tenir ce discours, et en général il s’agit de vieux mandarins éduqués avant mai 1968 et qui sont au delà du bien et du mal. La plupart sont au contraire dans le discours du “citoyen expert” dont la parole doit être écoutée. Comment le citoyen pourrait avoir confiance dans un expert qui de lui même dévalue son expertise en acceptant, sous prétexte de “transparence”, de la soumettre au jugement de gens qui n’y connaissent rien ?

Il faut le dire tout net: le peuple est souverain, et il a donc le droit de décider. Mais il n’a pas toujours raison pour autant. L’expert, lui, a la connaissance technique. Il est donc de l’intérêt du peuple de lui faire confiance. Cette affirmation doit être soutenue hautement par tous ceux qui défendent la primauté de la Raison sur le sentiment. Dans un contexte ou les médias nous expliquent chaque jour qu’on ne peut faire confiance à personne, que les industriels sont pourris et les contrôleurs corrompus, les politiciens égoïstes et les savants fous, comment un projet collectif pourrait-il éclore ? Les marchands de méfiance sont en fait en train de nous conduire à une guerre de tous contre tous.

Heureusement, et quoi qu’en disent les classes bavardantes, la confiance sociale reste un pilier de notre République. La meilleure preuve est que dans le RER de 8h30 des centaines de personnes serrées comme des sardines dans un wagon enfumé ont fait tranquilement confiance dans la RATP et dans leur conducteur pour les conduire sains et saufs à bon port.

Descartes

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7 réponses à Le discours de la méthode (IX): Pour en finir avec les destructeurs de confiance

  1. ??? dit :

    Votre scenario aurait été une belle metaphore mais elle n’en est rien, car comme votre habitude, vous theorisez sur des faits fictifs ou marginaux. De ce fait vous pratiquez ce que l’on appelle de
    la “branlette Intellectuelle”

    “[…]J’avais la télé, mais ça m’ennuyait
    Je l’ai r’tournée… d’l’aut’ côté c’est passionnant[…]”
    C’est un peu vous assurement !

    Salutations

    • Descartes dit :

      vous theorisez sur des faits fictifs ou marginaux

      Des “faits fictifs ou marginaux” ? Qu’est ce que vous en savez ?

      De ce fait vous pratiquez ce que l’on appelle de la “branlette Intellectuelle”

      De toute évidence, c’est un domaine ou votre expérience pratique est incontestable.

  2. morel dit :

    A l’école de la République, en fin de primaire, l’instituteur nous a fait apprendre le poème « Un songe » de Sully Prudhomme qui m’a donné à réfléchir. Certes, nul ne peut prétendre qu’il s’agit là
    de poésie de la plus haute qualité. Reste la valeur humaine :
    « Je connus mon bonheur et qu’au monde où nous sommes
    Nul ne peut se vanter de se passer des [autres] hommes ».
    Le rajout entre crochets est de moi pour la compréhension.
    Les préhistoriens soulignent volontiers qu’un être aussi faible que l’homme, aussi démuni de défenses naturelles, n’aurait jamais pu se lancer à la conquête du monde sans coopération des hommes
    entre eux. Voilà ce qui devrait suffire pour rejeter tout individualisme et, par là l’idéologie du capitalisme (dans les faits, il sait fort bien socialiser les ressources, le travail,
    éventuellement les pertes mais rarement le profit).
    Et cela n’a rien à voir avec renoncer à son individualité.
    Je souscris volontiers à votre propos mais permettez moi de soulever quelques restrictions.
    Le manque de confiance actuel de nos concitoyens à l’égard des responsables politiques (sortes d’ « experts » en matière politique) ne doit pas tout aux « libéraux-libertaires ». De « rupture avec
    le capitalisme » en « refus de privatiser (pour Jospin) » en passant par la lutte « contre la fracture sociale » ou la « valeur travail » et j’en oublie, provoque une abstention endémique et une
    tentation vers le FN.
    Concernant un domaine d’expertise d’actualité, chacun se souvient du contournement de la France du « nuage de Tchernobyl ». Je ne me souviens pas d’expert contredisant la thèse officielle. Dans le
    même esprit, qui peut nier que des intérêts puissants font obstacle ou, à l’inverse, à certaines lois et réglementations, « experts » à l’appui.
    Oui, l’expertise et les experts sont un bien mais s’ils sont libérés des lobbies de toute nature.
    La République jusqu’au bout disait Jaurès.

    • Descartes dit :

      Et cela n’a rien à voir avec renoncer à son individualité.

      Exactement. Le mot “individualisme” a en fait deux sens distincts. Il y a l’individualisme des Lumières, qui s’opposait à la logique holiste qui prétendait donner au groupe le pouvoir de
      déterminer l’ensemble des comportements individuels. De cette opposition est apparue la notion de séparation de la sphère privée (celle où l’individu est libre de faire ce qu’il veut) et de la
      sphère publique (ou la collectivité conserve le pouvoir d’imposer certains comportements). Mais il y a une deuxième vision de l’individualisme, celle qui prédomine dans le sillage des révolutions
      libérales commencées à la fin des années 1960. Celle-ci nie la séparation des sphères publique et privée par une extension illimitée de la sphère privée qui finit par occuper tout l’espace.

      Je pense qu’il ne faut pas confondre ces deux visions de “l’individualisme”. L’individualisme des Lumières est un formidable progrès, qui libère l’être humain de la dictature de la communauté, de
      l’ethnie, de la réligion et lui donne le statut d’être autonome. L’individualisme de mai 68 (pour faire court) est un facteur d’atomisation de la société et de transformation de celle-ci en un
      magma d’individus-îles, en guerre permanente les uns contre les autres.

      Je souscris volontiers à votre propos mais permettez moi de soulever quelques restrictions.

      Je vous le “permet” avec plaisir. Mes papiers ne prétendent énoncer aucune vérité révélée, je les écris justement pour lancer un débat. N’ayez aucune crainte de me contredire, j’adore ça!

      Le manque de confiance actuel de nos concitoyens à l’égard des responsables politiques (sortes d’ « experts » en matière politique)

      Permettez moi une précision. Lorsque je parle “d’experts”, je ne fais pas référence aux “responsables politiques”. L’expert, par définition, est une personne détenant une compétence
      technique. L’homme politique est souvent un “expert” en communication (qui est un domaine technique). Mais etre “expert en matière politique” n’a pas de sens, parce que la
      “matière politique” est par définition politique, et non technique.

      Vous avez compris je pense que ce que je propose est une séparation quasi étanche entre ceux qui exercent le pouvoir politique d’une part et les techniciens d’autre part. En introduisant l’idée
      des politiques comme “experts en matière politique”, vous annulez cette distinction.

      Par ailleurs, il faut distinguer le discours et les faits. Le “manque de confiance de nos concitoyens à l’egard des responsables politiques” est en fait tout relatif. La meilleure preuve est que
      nos concitoyens se tournent systématiquement vers les politiques lorsqu’un problème se pose. On ne se trouve pas dans une situation comme celle de l’Italie ou des USA, ou le discours des hommes
      politiques est pure et simplement ignoré par une large portion de l’opinion. La participation électorale des français est en fait relativement forte dans les élections qui pour eux “comptent”:
      législatives et présidentielles.

      Concernant un domaine d’expertise d’actualité, chacun se souvient du contournement de la France du « nuage de Tchernobyl ». Je ne me souviens pas d’expert contredisant la thèse
      officielle.

      Ce qui montre combien la mémoire peut être manipulée. En fait, tu te “souviens” d’une phrase qui n’a jamais été prononcée. Son auteur putatif, le directeur de l’SCPRI de l’époque, l professeur
      Pellerin. C’est en fait Noël Mamère qui le lui a attribuée ironiquement. Ce que Pellerin a vraiment dit (dans un communiqué) c’est que le niveau de radioactivité sur la France avait augmenté,
      mais qu’aucune mesure sanitaire n’était nécessaire. On peut être ou pas d’accord avec lui, mais il n’a jamais dit que “le nuage ait contourné la France”. Par ailleurs, il est inexact de dire
      qu’aucun expert n’a contredit la thèse officielle: certains ont pensé (et l’ont dit très fort) que des mesures sanitaires étaint nécessaires. L’histoire leur a donné tort.

      Mais quand bien même le scénario aurait été celui que les écologistes veulent accréditer aujourd’hui, il faut aussi tenir compte que dans ce sujet, on est non pas dans une question de “confiance”
      mais dans une problématique de gestion de crise. Dans une situation d’urgence, toutes vérités ne sont pas forcément bonnes à dire: est-ce qu’on reprochera au directeur d’un magasin en feu
      d’organiser l’évacuation par petits groupes en leur disant qu’il s’agir d’un incident technique au lieu d’entrer dans le magasin en criant “au feu, au feu” ? Bien sur que non. Songerait-on à lui
      reprocher son “manque de transparence” pendant la crise ? Je ne le crois pas.

      Encore une fois, la “confiance” ne dépend pas de la transparence. Les gens s’en foutent que les experts leur disent la vérité, aussi longtemps qu’ils sont en mesure de les protéger effectivement
      contre les risques.

      Dans le même esprit, qui peut nier que des intérêts puissants font obstacle ou, à l’inverse, à certaines lois et réglementations, « experts » à l’appui.

      Personne. Mais il faut raison garder. Dans l’immense majorité des cas, les experts jouent leur rôle. Il n’est pas si facile que ça de trouver des experts pour affirmer que la terre est plate.

       

       

       

       

       

  3. Marcailloux dit :

    @ ??? Votre commentaire n°1,
    Version moderne de
    « Quand on me parle de culture, je sors mon révolver » de l’auteur allemand Von Schirach Baldur ,( phrase souvent attribuée à Göering),et les gardes rouges de Mao Zédong ne l’auraient pas
    renié.
    !!!!!!!!! Bref,

    @Descartes
    Comme à l’accoutumé, votre billet sur la confiance est frappé du sceau de la pertinence.
    J’y adhère largement,….ou presque, cependant à une nuance près.
    Comme vous le dites fort justement, c’est le peuple qui décide, même s’il est dans l’erreur, et j’ajouterai qu’alors, la justification de son pouvoir se traduit par le passage à la caisse – sous
    une forme ou une autre – lorsqu’il se trompe.
    Cette nuance me semble, néanmoins, nécessaire à établir entre votre description sèche comme une équation et la réalité, protéiforme, plus molle, hors du noir ou blanc que vous évoquez, ou que je
    ressent dans ce que vous écrivez.
    Vous écrivez :
    “Et ceux qui en parlent le plus sont les membres de l’establishment “libéral-libertaire” qui, quelle coïncidence, sont ceux qui ont fait les plus grands efforts pour installer cette défiance et qui
    aujourd’hui encore continuent à faire tout ce qui est dans leur pouvoir pour l’approfondir…….”.
    Puis…..”C’est pourquoi le discours des “libéraux-libertaires” est un discours de méfiance permanente. Méfiance des institutions d’abord: justice, école, police, université, armée. Leurs membres,
    par définition, sont soit des larbins à la solde des “puissants”, soit des infâmes égoïstes qui ne songent qu’à défendre leurs intérêts catégoriels”.
    Avec des « ceux qui », vous êtes dans le « y en a qui……. », citant tout le monde et personne, et en fin de compte dégradez la crédibilité de votre réquisitoire.
    Car, à moins d’être un grand naïf béat, qui d’entre nous n’émet jamais de doute , de circonspection voire d’indignation devant tel ou tel évènement inacceptable vis-à-vis du respect des droits et
    devoirs collectifs. ?
    Est ce que cela fait de nous des « larbins » ou d’ « infâmes égoïstes » ?
    Sans citer des exemples précis – tout ce qui est excessif étant dérisoire – votre tentative de démonstration perd de sa vraisemblance et vous « faites le lit » de commentaires outranciers.
    Il me semble que dans le cadre de ce billet, il faut avoir le courage d’aller jusqu’au bout du pamphlet.
    D’autre part, et il s’agit là d’un fond récurrent de conception de la société dans vos écrits, -j’espère qu’il ne s’agit que d’une interprétation de ma part –vous semblez diviser la communauté
    française en deux camps : celui de ceux qui savent, et celui des autres, qui ne savent pas. Les « sachants » face aux décérébrés.
    C’est vrai, j’amplifie pour bien me faire comprendre. Or vous savez bien qu’il n’en est rien.
    Je note cependant que dans la foule du métro, il doit y avoir bon nombre de ces “renégats subversifs” qui néanmoins sont bien forcés de faire confiance.
    Je pense que le doute, quelquefois, porte non pas sur la connaissance des experts, – de quelques uns en tout cas – mais sur leur intégrité dans un certain nombre de situations.
    Ou alors comment départagez vous les compétences respectives des experts rémunérés par les lobbies qui s’affrontent sur tel ou tel sujet ?
    (nucléaire, médicaments,immigration,réchauffement climatique et tutti quanti…..)
    Le citoyen, même celui possédant un niveau culturel élevé est démuni face à ces embrouillaminis dont il est le témoin. Comme en fin de compte il a le sentiment qu’il sera peu ou prou le « cochon de
    payant » il est naturel qu’il se sente le devoir de « juger » à tort ou à raison du bien fondé de ce qu’on lui présente.
    J’aimerais connaitre l’alternative que vous proposer dans le cadre de ces grands débats que sont le nucléaire, la santé, le chômage, l’éducation, la justice, l’ingérence face aux dictatures
    sanguinaires, les écarts de rémunération, la fiscalité, etc…….etc.
    La voie à suivre passera forcément par l’éducation plus la formation plus l’information plus le débat, mais qui en dehors des experts, pas obligatoirement au plus haut niveau, est compétent pour
    transmettre ces savoirs ? En quoi le spécialiste mondialement reconnu dégraderait il son « image » en s’adressant au citoyen de base ? A condition qu’il ait quelques compétences ou talents
    pédagogiques bien sur et qui ne ferait pas pour autant de lui un expert en pédagogie.
    Nous sommes définitivement condamnés à vivre dans un univers d’incertitudes, de contradictions, de confrontations culturelles, de renversement des « vérités » établies, et c’est notre « rocher de
    Sisyphe » .
    Ce qui représente à la fois notre orgueil et notre vanité.

    • Descartes dit :

      Car, à moins d’être un grand naïf béat, qui d’entre nous n’émet jamais de doute , de circonspection voire d’indignation devant tel ou tel évènement inacceptable vis-à-vis du respect des
      droits et devoirs collectifs. ?

      Res, non verba. L’indignation, comme aurait dit ma grand-mère, ne fait pas bouillir la marmite. Et si ls indignations sont nombreuses, les actions sont minces. Les gens à qui je fait référence
      dans l’extrait que vous citez (“les membres de l’establishment libéral-libertaire”) ont eu ces dernières trente ou quarante années un comportement assez homogène, au delà des discours.

      Est ce que cela fait de nous des « larbins » ou d’ « infâmes égoïstes » ?

      Je crois que vous avez mal lu mon paragraphe. Les “larbins” et les “infâmes égoistes” sont les “membres des institutions” dans l’imaginaire des libéraux-libertaires.

      D’autre part, et il s’agit là d’un fond récurrent de conception de la société dans vos écrits, -j’espère qu’il ne s’agit que d’une interprétation de ma part –vous semblez diviser la
      communauté française en deux camps : celui de ceux qui savent, et celui des autres, qui ne savent pas. Les « sachants » face aux décérébrés.

      Oui et non. Oui, je “divise” la communauté n deux camps, ceux qui savent et ceux qui ne savent pas. Il va de soi que cette division dépend du sujet traité. On peut être un “sachant” en biologie
      moléculaire tout en étant un parfait ignorant en droit ou en économie. Par contre, je recuse l’idée qu’on puisse en déduire une division “les “sachants” face aux décérébrés”. On peut être très
      intelligent et ne pas avoir le temps, l’envie ou les moyens de se consacrer à telle ou telle discipline. Il n’y a pas de honte à ne pas tout savoir (ce serait d’ailleurs impossible…). La
      frontière entre les “sachants” et les “non-sachants” est une frontière perméable. Je pars de l’hypothèse que tout citoyen peut devenir “sachant” dans un domaine détérminé, à condition bien
      entendu d’investir l’effort, le travail, l’étude nécessaire.  

      Je pense que le doute, quelquefois, porte non pas sur la connaissance des experts, – de quelques uns en tout cas – mais sur leur intégrité dans un certain nombre de situations.

      Sans aucun doute. C’est pourquoi j’essaye de convaincre mes lecteurs qu’au lieu de chercher à se passer des experts – ce qui est utopique – mieux vaut réflechir aux moyens d’assurer leur
      contrôle.

      Ou alors comment départagez vous les compétences respectives des experts rémunérés par les lobbies qui s’affrontent sur tel ou tel sujet ?

      Par la diversité, bien entendu. L’expert “indépendant” est un rêve impossible. Alors, ce qu’il faut, c’est des experts divers, “dépendants” de différents lobbies et représentant une diversité
      d’intérêts, et qui s’affronteraient en permanence. C’est de cette diversité que peut naître la lumière. L’autre méthode est celle de Napoléon: organiser les choses de manière à mettre les experts
      en compétition et donner le prix à celui qui sert le mieux le souverain…

      Le citoyen, même celui possédant un niveau culturel élevé est démuni face à ces embrouillaminis dont il est le témoin. Comme en fin de compte il a le sentiment qu’il sera peu ou prou le «
      cochon de payant » il est naturel qu’il se sente le devoir de « juger » à tort ou à raison du bien fondé de ce qu’on lui présente.

      C’est naturel, certainement. Mais pas très efficient. L’idée que les citoyen pourrait départager les débats d’experts est absurde. Le mieux que le citoyen peut faire, c’est de choisir les experts
      à qui il décide de faire confiance. Et c’est là que les institutions jouent un rôle fondamental, en assurant une “police de l’expertise”. Et cela ne marche pas trop mal: l’exemple de l’Autorité
      de Sûreté Nucléaire est de ce point de vue très intéressant.

      J’aimerais connaitre l’alternative que vous proposer dans le cadre de ces grands débats que sont le nucléaire, la santé, le chômage, l’éducation, la justice, l’ingérence face aux dictatures
      sanguinaires, les écarts de rémunération, la fiscalité, etc…….etc.

      D’abord, il ne faut pas tout mélanger. Dans les débats techniques, la parole est aux experts. Cela ne sert à rien – en fait, c’est de la pure démagogie – de faire parler le citoyen sur des sujets
      sur lesquels il ne connait rien. Par contre, sur les débats politiques, le citoyen doit pouvoir choisir parmi les options proposées par les experts. Ce qui suppose de la part des experts une
      pédagogie et de la part des citoyens une confiance. Pour ne prendre qu’un exemple, “l’ingérence face aux dictatures sanguinaires” a un volet technique et un volet politique. C’est le citoyen qui
      doit décider ce qu’on fait, mais il ne peut le décider que sur la base des options que les experts jugent possibles. Ce qui suppose une confiance dans l’honnêteté des experts pour présenter
      toutes les options, et non seulement celles qui les arrangent.

      Et je reviens donc à mon dada: l’organisation et le contrôle de l’expertise…

       

  4. morel dit :

    Deux erreurs dans mon propos :
    1/ confusion avec l’actuelle perception des « politiques » dans un contexte de recul social et démocratique. Pour mieux me faire comprendre : la Poli-cité est l’affaire de tous les citoyens, la
    démocratie de délégation ne me gène pas.
    2/ après recherches, la perception du « nuage de Tchernobyl » que je m’étais faite s’avère erronée.
    Entre le discours et le chaos affectif, il faut choisir.
    « séparation quasi étanche entre ceux qui exercent le pouvoir politique d’une part et les techniciens d’autre part. »
    dites vous. Oui, mais allons plus loin : séparation d’avec les puissances d’argent, religieuses etc…
    « La République jusqu’au bout » n’est pour moi pas une posture. Même si je suis loin des théories calembredaines du complot, les experts bénéficiant d’une concrète liberté sont toujours préférables
    et, à ce titre, le statut de la fonction publique me convient.
    Rajoutons qu’il n’est d’exercice de l’expertise authentique que dans un régime de liberté permettant, de ce fait, la possibilité d’expressions d’opinions divergentes dans un cadre rationnel.
    Pas de pur idéalisme mais ne faudrait-il pas tendre vers cela ?

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