Ce soir, j’ai regardé l’entretien de Mélenchon à l’émission “Cuntrastu” sur FR3 Corse (disponible ici). Et bien, pour une fois, j’ai beaucoup apprécié. Ce n’était pas parfait, loin de là. Il n’a toujours pas perdu l’habitude de répéter des choses matériellement fausses (par exemple, l’idée saugrenue que l’article L410-1 du code pénal permet la confiscation des entreprises), mais il commence à parler raisonnablement d’économie. Et surtout, il a été clair et précis sur une question capitale, celle de la question et des langues régionales.
Et pour une fois, il n’a pas cédé aux réflexes gauchistes. Oui à la langue et aux identités, pour autant que cela ne met pas en cause l’unité et l’indivisibilité de la République et du peuple français. Oui, la loi doit être la même pour tous (même s’il admet la possibilité d’aménager la loi en fonction des spécificités, ce qui semble un peu contradictoire). L’enseignement de la langue ? Oui, mais à condition que la langue n’apporte aucun droit, ce qui revient à rejeter la co-oficialité. Ca va faire grincer un certain nombre de dents gauchistes…
Ayant ici beaucoup exercé mon droit de blâmer Mélenchon, mon éloge n’en sera que plus flatteur…
Descartes
On s’en fout aussi de ton éloge, tu peux te la foutre au cul, inculte, médiocre, vulgaire crétin !
“Passer pour un idiot aux yeux des imbéciles est un plaisir de fin gourmet” (Courteline)
Bonjour Descartes,
depuis le temps que je suis votre blog, je pense avoir assez de recul pour formuler deux critiques.
Vous avez écrit beaucoup d’articles sur le nucléaire et une série d’articles titrés discours de la méthode. Il manque je pense un article sur l’information. Où aller chercher l’info de qualité,
comment traiter, vérifier et digérer l’info. Nous sommes dans une société de la surabondance d’infos. Mais quantité n’est pas synonyme de qualité. Donc je pense qu’il est important d’indiquer à
vos lecteurs où aller chercher.
Deuxième critique, vous ne posez pas la question de ce que signifie ou ce que devrait signifier être de gauche en ce début de XXIe siècle. Est-ce vouloir réduire les inégalités ? Est-ce vouloir
une société ou tout le monde puisse trouver un emploi ? Ou les deux objectifs ? En tout cas la question de la finalité de l’action politique se pose.
Troisième point, mais qui n’est pas critique, vous n’indiquer pas un cheminement et des références pour les militants souhaitant acquérir une culture solide sur l’ensemble des sujets de société.
Tant qu’on ne comprend pas finement ce qui se passe on ne peut pas apporter de solution efficace.
Il manque je pense un article sur l’information. Où aller chercher l’info de qualité, comment traiter, vérifier et digérer l’info.
Vous n’avez pas tort. Mais je vous avoue que j’hésite à écrire sur le sujet, d’une part parce que je ne le connais pas bien et que cela me demanderait un gros effort de documentation, et d’autre
part parce que je ne suis pas persuadé qu’il existe une méthode “universelle” qu’on puisse appliquer en dehors de toute considération d’histoire personnelle.
Je viens d’une famille de sceptiques. Ma première réaction, lorsqu’on me donne une information même si elle me fait plaisir – surtout si elle me fait plaisir – est de chercher à la recouper. Et
pour cela, trois méthodes: la première, c’est le contrôle de cohérence interne, c’est à dire se poser la question des contradictions internes (l’exemple classique est la celèbre histoire où un
pilote militaire qui raconte comment son avion avait été descendu par l’artillerie antiaérienne et comment il n’avait pas voulu abandonner son copilote blessé jusqu’au crash final. La question
évidente est: si l’avion s’est crashé avec lui à bord, comment peut-il raconter l’histoire ?); la seconde, c’est le rasoir d’Occam, qui nous dit schématiquement que l’explication la plus simple
est généralement la bonne; et la troisième, bien entendu, est la recherche de l’information auprès de sources que la pratique et l’expérience a révélé comme relativement fiables. Si un candidat
dit quelque chose qui contredit les chiffres de l’INSEE, il y a 99% de chances que l’INSEE ait raison.
Nous sommes dans une société de la surabondance d’infos. Mais quantité n’est pas synonyme de qualité. Donc je pense qu’il est important d’indiquer à vos lecteurs où aller chercher.
Je ne pense pas que le problème soit “où aller chercher” (j’essaye tout de même dans mes papiers de mettre mes références) mais d’avoir le reflexe de le faire. Par exemple, quand Mélenchon fait
dire à l’article L410-1 du Code Pénal qu’il permet la confiscation de Petroplus, pas la peine d’indiquer où il faut “aller chercher” pour vérifier l’information. Il suffit d’aller vérifier sur le
Code (disponible sur Legifrance et sur toute une série de sites juridiques). Le problème, c’est que les gens n’ont pas le réflexe naturel d’aller vérifier ce que les autres disent, surtout quand
c’est dit par quelqu’un qu’on aimerait croire… encore une fois, l’envie de croire est l’une des forces les plus puissantes que je connaisse.
Deuxième critique, vous ne posez pas la question de ce que signifie ou ce que devrait signifier être de gauche en ce début de XXIe siècle.
Je me la pose, et j’y ai répondu. Pour moi, la “gauche” n’est pas une essence. La “gauche” est une catégorie qui est née à un moment de l’histoire, et c’est ce moment qui lui a donné son sens. Si
le contexte qui lui donnait son sens change, alors le mot “gauche” perd sa signification et il faut trouver d’autres mots. Aujourd’hui, “être de gauche” veut dire donner son allégéance aux
organisations qui détiennent historiquement le label “gauche”. Ainsi, des libéraux comme Delors, Rocard ou DSK sont considérés “de gauche” parce qu’ils ont une carte du PS, et à l’inverse
Philippe Séguin ou Nicolas Dupont-Aignan sont “de droite” parce qu’ils ont une trajectoire qui passe par le gaullisme. La “gauche” aujourd’hui désigne une tribu, un clan politique, pas un bagage
idéologique.
Est-ce vouloir réduire les inégalités ? Est-ce vouloir une société ou tout le monde puisse trouver un emploi ? Ou les deux objectifs ? En tout cas la question de la finalité de l’action
politique se pose.
Bien entendu. Mais pourquoi mettre la “gauche” là dedans ? Posons nous plutôt la question de la finalité de l’action politique en termes de ce que nous voulons, et oublions les solidarités
claniques qui veulent qu’au deuxième tour on se sent obligé de voter pour un libéral “de gauche” plutôt que pour un républicain “de droite”. Pensons en termes d’objectifs: construire une société
où les recompenses, inégales, soient distribuées à proportion des mérites et des efforts de chacun; une société où les politiques publiques soient conduites en fonction de l’intérêt général et
non des intérêts particuliers; une société où la sphère publique soit strictement séparée de la sphère privée, et où la liberté absolue dans la sphère privée soit protégée; une société qui donne
à chacun la possibilité (mais pas l’assurance, parce que pour y arriver il faut bosser) de réaliser ses capacités, qui protège contre les accidents de la vie, qui garantit une vie paisible.
Troisième point, mais qui n’est pas critique, vous n’indiquer pas un cheminement et des références pour les militants souhaitant acquérir une culture solide sur l’ensemble des sujets de
société. Tant qu’on ne comprend pas finement ce qui se passe on ne peut pas apporter de solution efficace.
Je suis d’accord, mais ce que vous me demandez dépasse de loin ce qu’on peut faire dans un blog. J’essaye, chaque fois que c’est possible, de donner mes références. Mais je suis pleinement
conscient que cela ne suffit pas nécessairement.
Cela ne m’étonne pas, JLM a toujours été un républicain intransigeant en ce qui concerne les caprices des obsédés des langues régionales. Son allocution lorsqu’il était encore sénateur à propos
de la polémique Diwan était formellement et “républicainement” excellente, http://www.senat.fr/seances/s200805/s20080513/s20080513002.html#int180 . C’est très bien qu’en tant que candidat
à la présidence, il n’ait pas dérogé à cela.
Sur certains points, les interventions de JLM montrent qu’il n’est pas totalement irrécupérable : lors des polémiques sur le foulard qui cache le visage, il était à l’opposé des hystériques
gauchistes criant au racisme, et défendait le refus de la dissimulation du visage dans l’espace public. J’avais apprécié.
Récemment, il a encore pris le contrepieds des gauchistes : à propos de la vente éventuelle d’armes à l’Inde, il se positionnait comme favorable et défendait l’idée d’une industrie de la défense
à préserver. Quelle horreur pour les gauchistes : la paix passe forcément par le désarmement unilatéral de la France bien sûr !
Notre Jean-Luc a encore des éclairs républicains, c’est pour ça qu’on l’aime bien. On aimerait tant que cette intransigeance républicaine touche les gros sujets (tels que UE, politique
industrielle, etc).
Cela ne m’étonne pas, JLM a toujours été un républicain intransigeant en ce qui concerne les caprices des obsédés des langues régionales.
“Toujours” ? “Intransigeant” ? Pas tout à fait… je ne me souviens pas qu’il ait exprimé cette “instransigeance” quand il s’est agi du processus de Matignon initié par Jospin en Corse,
et qui fut la cause de la démission de Jean-Pierre Chèvenement, notamment parce qu’il contenait en germe toute une série de concessions aux “caprices des obsédés”. Comme beaucoup de socialistes,
Mélenchon est plus “intransigeant” lorsqu’il est dans l’opposition que lorsqu’il goûte au pouvoir. Il est difficile d’être intransigeant sur les principes lorsqu’on adhère à la vision
mitterrandienne de la Realpolitik.
Sur certains points, les interventions de JLM montrent qu’il n’est pas totalement irrécupérable : lors des polémiques sur le foulard qui cache le visage, il était à l’opposé des hystériques
gauchistes criant au racisme, et défendait le refus de la dissimulation du visage dans l’espace public. J’avais apprécié.
Que c’est joliment dit… Je suis d’accord avec vous, il n’est pas “irrécupérable”. Si je pensais le contraire, je le traiterais comme un vulgaire Bayrou au lieu de consacrer autant d’espace dans
mon blog à analyser ses faits et gestes. Ce qui m’énerve, c’est qu’en dehors de ces quelques sorties sur les principes républicains, il s’enfonce de plus en plus dans un gauchisme bobo qui à mon
sens le conduit à une impasse. C’est parce qu’il vaut infiniment mieux qu’un leader de la gauche radicale boboisée que j’enrage de le voir s’enfermer dans ce rôle.
Notre Jean-Luc a encore des éclairs républicains, c’est pour ça qu’on l’aime bien. On aimerait tant que cette intransigeance républicaine touche les gros sujets (tels que UE, politique
industrielle, etc).
Sans doute. La difficulté, je pense, c’est qu’il ne réalise pas que les “gros sujets” soient aussi importants pour la République que les sujets symboliques.
« C’est parce qu’il vaut infiniment mieux qu’un leader de la gauche radicale boboisée »
Vraiment ? Et peut-on savoir ce qui fonde cette conviction ? La culture (il paraît que Mélenchon en a) ? Le talent d’orateur ?
Il y a une chose qui reste un mystère pour moi : c’est cette sympathie que Descartes conserve pour Jean-Luc Mélenchon. Je l’ai écouté autrefois, avec attention et sans hostilité, mais
l’entendre m’est devenu pénible. La violence verbale, l’outrance, la véhémence, je peux les comprendre mais à la longue, ça devient fatigant. Et je trouve, pour comparer deux
« tribuns », que Le Pen (père) avait un peu plus d’humour et parfois de distance par rapport à son personnage. Mélenchon se prend un peu trop au sérieux, on a l’impression qu’il ne
s’est pas remis des moqueries à l’école, quand il était un petit pied-noir déraciné.
Depuis la sortie sur les « petits blancs » pendant la campagne de 2007 jusqu’à « sa » guerre personnelle, presque sa vendetta contre Marine Le Pen (au fait, je n’ai pas le
souvenir qu’il était aussi virulent vis-à-vis du père ; il avait les pétoches ou il est un peu « macho », Jean-Luc ?), je cherche les « brillantes » interventions de
Mélenchon. Voyons : journalistes insultés et vilipendés, un magnifique discours où il nous expliquait que la boustifaille n’a rien à voir avec la laïcité (au sujet des Quick hallal à
l’époque) avant de nous revendre la bonne vieille comparaison, musulmans de 2010 = juifs des années 30, islamophobes = nazis en puissance, le beau mot de « maréchalisme » pour qualifier
les partisans de la sortie de l’euro… Les exemples, ce n’est pas ce qui manque.
Idéologiquement parlant, de quoi nous cause le brave Jean-Luc ? Interdiction des licenciements, droits des femmes, géothermie, SMIC européen, immoralité présumée des « riches »,
châtiment imminent de l’ « oligarchie », des ploutocrates bourgeois (c’est qui ? Il y a une liste ?). C’est du lourd, c’est du solide, on va redresser la France avec ça !
Décidément, je ne vois pas ce qui séduit le cérébral Descartes chez l’émotif Mélenchon.
Alors Mélenchon serait intelligent, cultivé, talentueux. D’accord. Ben j’aime mieux pas savoir ce que donne un leader bête, inculte et sans talent…
Vraiment ? Et peut-on savoir ce qui fonde cette conviction ? La culture (il paraît que Mélenchon en a) ? Le talent d’orateur ? Il y a une chose qui reste un mystère pour
moi : c’est cette sympathie que Descartes conserve pour Jean-Luc Mélenchon.
J’ai eu l’honneur de fréquenter un peu Mélenchon bien avant qu’il ne quite le PS. En dehors de sa culture et de ses talents d’orateur, j’ai trouvé chez lui une véritable intelligence et aussi une
grande qualité humaine. Voilà ce t’expliquera peut-être ma sympathie envers lui à titre personnel. Et pourquoi je souffre autant de le voir se fourvoyer politiquement et prêter son oreille à des
gens qui ne le méritent pas.
Je l’ai écouté autrefois, avec attention et sans hostilité, mais l’entendre m’est devenu pénible. La violence verbale, l’outrance, la véhémence, je peux les comprendre mais à la longue, ça
devient fatigant.
Tout à fait. D’autant que cette violence, cette véhémence est mise au service d’un discours désespérement creux.
Et je trouve, pour comparer deux « tribuns », que Le Pen (père) avait un peu plus d’humour et parfois de distance par rapport à son personnage. Mélenchon se prend un peu trop au
sérieux, on a l’impression qu’il ne s’est pas remis des moqueries à l’école, quand il était un petit pied-noir déraciné.
Je partage en grande partie cette analyse. Au risque de faire de la psychanalyse de bazar, je dirais que Mélenchon a un véritable complexe d’infériorité. Il s’est fait dans Mitterrand une image
du père, et il éprouve un constant besoin de prouver aux autres et à lui même qu’il est capable de reprendre l’affaire familiale. Du coup, il n’a plus aucune distance avec le personnage qu’il a
créé et dont il est aujourd’hui prisonnier.
Alors Mélenchon serait intelligent, cultivé, talentueux.
Oui. Mais en privé…