J’avoue avoir du mal en ce moment à tenir ce blog. Lorsque je l’ai lancé, ma seule ambition était de lancer un débat sur les sujets de l’actualité. Mais l’actualité se dérobe. Elle est de moins en moins actuelle. L’actualité qui devrait nous conduire le plus au débat, parce qu’elle détermine notre avenir – ou du moins notre avenir proche – semble rentrer dans une sorte de boucle, d’où rien de nouveau ne sort. Paraphrasant le personnage de Sacha Guitry, “tout ce que j’ai le droit de te dire aujourd’hui, ce n’est pas la peine, je l’ai déjà dit; tout ce que tu pourrais répondre, ce n’est pas la peine, je l’ai déjà entendu.”
La triste vérité est que nous irons aux urnes dans deux semaines sans véritable choix politique. Non pas parce que les politiques proposées ne sont pas différentes entre elles: il y a un gouffre entre le projet proposé par Mélenchon et celui défendu par Hollande, celui proposé par Hollande par rapport à celui de Sarkozy. S’il n’y a pas de véritable choix, c’est parce qu’au delà des promesses et des rodomontades, aucun de ces programmes ne se donne les moyens de faire quelque chose de différent de ce qui se fait aujourd’hui.
L’histoire des trente dernières années est l’histoire de la victoire du consommateurs et du rentier sur les producteur. La construction européenne, la privatisation générale de l’économie, le libre-échange généralisé et la financiarisation ne sont que la manifestation de cette victoire. La conséquence a été la paupérisation des producteurs: pression à la baisse des salaires, chômage de masse, délocalisation des productions. Il faut bien comprendre que l’enrichissement des consommateurs et l’appauvrissement des producteurs sont les deux faces de la même médaille: on ne peut pas avoir des chemisettes bon marché “made in China” et une industrie textile française payant de bons salaires, des voitures pas chères “made in Roumanie” et des usines automobiles installées en France.
Mais alors, me direz vous, si chacun de nous est en même temps producteur et consommateur, pourquoi avons nous accepté de sacrifier une moitié de nous mêmes en l’honneur de l’autre ? La raison est que ce sacrifice n’a pas été fait d’une manière homogène. Si la “concurrence libre et non faussée” a pu s’imposer dans les années 1980 comme l’idéal économique, c’est parce qu’elle fait l’affaire des hordes de consommateurs mais ne sacrifiait qu’une partie des producteurs: ceux des industries de main d’oeuvre (métallurgie, textile…). Les classes moyennes ont cyniquement sacrifié la classe ouvrière pour maintenir et augmenter leur niveau de vie. Il n’y a qu’à voir la manière dont ces industries ont été restructurées pendant les deux septennats de François Mitterrand, par des gouvernements socialistes qui ont poussé les feux de l’Europe libérale tout en compatissant médiatiquement aux malheurs d’un prolétariat en plein désarroi.
Seulement, le mécanisme ne s’est pas arrêté là. Après avoir rasé l’appareil industriel, la “concurrence libre et non faussée” est en train de menacer d’autres couches sociales. Et du coup, les classes moyennes commencent à prendre peur. Ceux-là même qui prêchaient la patience quand les ouvriers perdaient leurs emplois commencent à prêcher la révolte quand ce sont les “bac+4” qui ne trouvent plus du travail (1). Que voulez-vous, pour le professeur le chômage de l’ouvrier lorrain est une question théorique, le chômage du diplômé est celui de ses enfants, et chacun sait très bien pour qui sonne le glas. Les couches moyennes se sont comportées comme l’aventurier qui jette successivement ses amis au crocodile avec l’espoir qu’il sera mangé en dernier. Seulement, on arrive au moment où il n’y a plus rien à jeter au reptile, et celui-ci est toujours affamé. Mais les classes moyennes n’ont toujours pas compris que de continuer dans cette voie elles se feront dévorer comme se sont fait dévorer ceux qui sont passés avant eux. Au contraire, elles cherchent toujours ce qu’on pourrait jeter au crocodile pour retarder le moment fatal: à gauche, certains proposent, après lui avoir jeté en pâture les ouvriers, de lui faire manger “les riches” (c’est assumé chez Mélenchon, plus feutré chez Hollande). A droite, on est moins explicite, mais on multiplie aussi les clins d’oeil et les mesures en faveur des classes moyennes alors que le discours général est celui de la “rigueur”. Tout ça contribue à maintenir dans les couches moyennes l’illusion que le “bon vieux temps” des années 1980 peur revenir. Tant qu’elles partagent cette illusion, il n’y a guère d’ouverture pour une “autre politique”.
Nos politiques ne manquent pas d’imagination. Mais ils se rendent compte que tout changement de voie implique une remise en cause de cet équilibre entre consommateurs et producteurs, et qu’une telle remise en cause serait de nature à leur aliéner les couches moyennes, grandes bénéficiaires de la victoire du consommateur. C’est pourquoi, de l’extrême gauche à la droite libérale, personne n’ose toucher aux vaches sacrées de la construction européenne: le marché unique, la monnaie unique, la libre circulation. Seuls ceux qui ne craignent pas la sanction des couches moyennes peuvent s’y risquer sans être immédiatement marginalisés. Mais tous les autres sont tétanisés par cette question.
Le plus paradoxal, c’est que la seule remise en cause sérieuse de l’équilibre entre production et consommation vient… de la droite. Avec le slogan “travailler plus pour gagner plus”, le candidat Sarkozy avait réussi à capter une bonne partie de l’électorat populaire. Ce slogan, dénoncé – et ce n’est pas un hasard – par l’ensemble de la gauche, est l’illustration parfaite du conflit entre producteurs et consommateurs. “Travailler plus pour gagner plus” est une formule qui rétablit le lien entre la production de richesse et sa consommation, avec le corollaire évident et souvent ignoré qu’à force de produire moins, on finit forcément à la longue par consommer moins. En face, le discours de la réduction du temps du travail et l’illusion que “les riches peuvent payer” tend au contraire à distendre le rapport entre production et consommation: on peut consommer plus tout en travaillant moins.
Au fonds, le discours politique actuel à gauche – et notamment dans la gauche dite “radicale” – repose sur une illusion: celle qui consiste à croire qu’il y a dans la société des vastes réserves de richesse non utilisé, et qu’il suffit d’en déposséder leurs propriétaires et de les répartir justement pour que tout le monde soit heureux. Mais les chiffres et l’expérience historique montrent le contraire, une fois qu’on laisse de côté l’illusion monétaire pour se concentrer sur l’économie réelle. D’abord, on constatera que les révolutions n’ont jamais amélioré le niveau de vie par simple redistribution des biens des “riches” vers les “pauvres”. Ni la révolution russe, ni la révolution française n’ont eu cet effet. Si les révolutions ont, dans le long terme, amélioré le niveau de vie c’est en créant les conditions pour une augmentation de la productivité des activités économiques existantes et la création de nouvelles. La raison est que la plusvalue globale produite par l’économie est bien moins importante qu’on ne le croit généralement: les revenus “des riches” sont impressionnants individuellement, mais a cause de l’effet pyramide leur redistribution ne suffirait pas pour résoudre tous les problèmes. Prenons les chiffres (tableau complet ici): la moyenne du niveau de vie est en France en 2011 de 22140 € (soit un peu moins de 2000 € par mois). En d’autres termes, si l’on répartissait le revenu uniformément, avec une parfaite égalité, entre tous les français, on aboutirait à ce chiffre exprimé en niveau de vie. Les 10% les plus riches reçoivent en moyenne par tête de pipe 53000 € par an (soit quelque 4400 € par mois) alors que les 10% suivants recoivent eux en moyenne 31000 € par an (soit 2600 € par mois). Maintenant, imaginons qu’on décide de “raboter” le dixième décile pour l’amener au niveau du 9ème. Cela permettrait de remonter le niveau de vie de l’ensemble de chacun de… 180 € par mois. Pas de quoi se rouler par terre.
L’erreur historique de la gauche depuis 1945 est d’avoir préféré à la pensée marxienne, centrée sur la question de l’expansion des forces productives, une ligne qui rappelle beaucoup plus la tradition chrétienne avec sa vision malthusienne de la redistribution. Elle ne comprend pas qu’une politique qui ferait gagner un point de croissance par an ferait infiniment plus pour la prospérité des plus pauvres – et des autres – que la pure redistribution des revenus des riches (2). Il est grand temps de sortir de cette erreur, et de se rendre compte que le problème essentiel qu’il faut traiter aujourd’hui est celui de la manière dont les biens sont produits autant que celle dont ils sont distribués. Mais il est peut-être trop tôt pour que les classes moyennes admettent cette réflexion. Aussi longtemps qu’ils penseront pouvoir trouver quelqu’un pour jeter aux crocodiles…
Descartes
(1) On trouve sans difficulté des discours qui révèlent cette distinction sans ambages. Ainsi par exemple, Pierre Laurent peut-il déclarer que “la situation de l’emploi est grave, puisque même les diplômés bac+4 ne trouvent pas de travail”…
(2) J’insiste sur la question du revenu, parce que la question du patrimoine est le résultat d’une illusion: l’essentiel du patrimoine des riches est en fait une promesse de revenu, et n’est pas liquide en lui même.
Très bon résumé, merci.
Je ne suis pas optimiste dans le sens où je ne compte pas du tout sur un sursaut patriote des classes moyennes consommatrices. J’en ai 2 dans ma famille, et si elles sentent que leurs
enfants vont subir l’enfer des stages non rémunérés, délits de faciès réel ou imaginés, accumulation de CDD, etc, ils n’en sont pas moins égocentriques. La gauche qui essaie d’allier les
classes moyennes et populaires se trompe lourdement à mon sens.
Ah et puis tu as remarqué tous ces magazines ou ces émissions où on pleure le déclassement des classes moyennes sur l’autel de la finance et autres bétises. Jamais la classe ouvrière n’a eu
droit de telles lamentations médiatiques.
Par contre, je reste confiante dans le bon sens des français par rapport aux malthusiens, et spécialement les écolos culpabilisateurs.
Je me demande également si l’ambition de faire revenir des industries délocalisées est réalisable du fait des habitudes qu’a pris une génération ; je pense que viser le
développement d’autres industries de pointe (et il reste des secteurs non délocaliseables, tels que énergie ou transports) est plus pérenne, mais comme tu le soulignes, il faut s’en donner les
moyens pour que tout le reste suive (éducation, formation, financement). Et tant qu’on reste dans l’euro, on se bride.
La gauche qui essaie d’allier les classes moyennes et populaires se trompe lourdement à mon sens.
Sur le court terme, oui. Sur le long terme, c’est moins évident. Il faut un travail politique pour faire comprendre aux classes moyennes que les années 1980 ne reviendront pas, et que, pour
reprendre la métaphore du crocodile, il n’y a plus rien à jeter. Je ne désespère pas qu’on puisse y arriver, puisqu’à un moment donné le comprendre te l’intégrer deviendra leur intérêt bien
compris.
Ah et puis tu as remarqué tous ces magazines ou ces émissions où on pleure le déclassement des classes moyennes sur l’autel de la finance et autres bétises. Jamais la classe ouvrière n’a eu
droit de telles lamentations médiatiques.
Bien entendu. Lorsqu’il s’agissait de la classe ouvrière, le discours se voulait pédagogique: il fallait que ces gens là “comprennent” qu’il fallait accepter les sacrifices. Lorsqu’il s’agit des
classes moyennes, curieusement, personne ne se risque à demander des sacrifices…
Par contre, je reste confiante dans le bon sens des français par rapport aux malthusiens, et spécialement les écolos culpabilisateurs.
Je partage votre optimisme. Les idéologies malthusiennes n’ont jamas eu beaucoup de prise dans le pays de Voltaire…
Je me demande également si l’ambition de faire revenir des industries délocalisées est réalisable du fait des habitudes qu’a pris une génération ; je pense que viser le
développement d’autres industries de pointe (et il reste des secteurs non délocaliseables, tels que énergie ou transports) est plus pérenne, mais comme tu le soulignes, il faut s’en donner les
moyens pour que tout le reste suive (éducation, formation, financement).
Je suis d’accord avec toi, cela va être très dur. Notamment parce que notre école reste très “anti-technique” et forme les jeunes dans cet esprit, ce qui fait que ceux-ci refusent souvent de
travailler dans l’industrie. Il y a ainsi des dizaines de branches de l’emploi sinistrées, ou la demande est grande et n’est pas couverte par l’offre. Un bon soudeur de catégorie I ou II peut se
faire “les couilles en or” tellement les entreprises peinent à en trouver. J’ai eu l’occasion de discuter avec des jeunes lors de journées d’orientation professionnelle, et tous mes efforts pour
“vendre” ces métiers ont buté sur un mur d’incompréhension: travailler dans une usine c’est un travail de con.
@ Descartes
Inutile de dire que j’approuve entièrement vos propos, qui rejoignent assez largement ceux que j’ai développé dans plusieurs billets sur mon blog. Du coup, je ne vois pas très bien ce que je
pourrais ajouter ! A part bien sûr un ou deux liens autopromotionnels, vous m’excuserez cet accès
d’orgueil. D’ailleurs je compte bien en remettre une couche, et même plusieurs, dans les semaines, les mois et les années qui viennent… Merci encore, et si vous avez du mal à tenir ce blog,
surtout ne vous arrêtez pas. Les voix telles que la vôtre sont bien rares.
Merci de vos encouragements. J’ai regardé un peu vos liens… et je suis d’accord sur beaucoup de choses. Sauf peut-être sur votre idée que “nous voulons un monde ou tout le monde pourrait rouler
en Panamera”. Cette idée me parait absurde ne serait-ce que parce que ce qui donne de la valeur au fait de rouler en Panamera est justement que tout le monde ne peut pas le faire…
Mais il y a un élément qui revient dans tous vos articles et sur lequel vous n’allez pas jusqu’au bout de la réflexion, et c’est la question du travail. Oui, il est aberrant de maintenir une
partie de la main d’oeuvre au chômage – rémunéré par un prélèvement sur l’économie – et en même temps dépenser de l’argent à acheter à l’étranger ce que ces mêmes chômeurs pourraient produire. Si
l’on raisonne à coût complet, on aboutit trivialement à ce résultat. Seulement, pour que l’économie raisonne à coût complet il faudrait transférer le coût du chômage sur les importations… et
cela implique un transfert de richesse du consommateur vers le producteur. Exactement ce que les classes moyennes rejettent.
Tout votre raisonnement revient à subventionner les travailleurs moins productifs par un prélèvement sur les plus productifs. Ce qui peut être accepté dans un cadre national, où les solidarités
inconditionnelles existent. Mais pas dans un cadre européen.
Bonjour,
Même si j’apprecie cette analyse, il me semble qu’elle se situe en dehors du véritable probleme.
En effet, ce n’est pas à mon sens, un probleme de “croissance”.
Dans un systeme délimité (la terre) , chaque point de croissance,
représente innévitablement et entre, plus de déstruction (environnementale par ex) et plus d’innégalité.
Ce modele repose sur la consommation.
Hors la France par exemple, qui n’est pourtant pas la plus mal dottée sur la planète, reste en crise grâve.
Ce n’est pas a mon sens une crise de richesse.
Mais bien plutot une crise civilisationnelle.
La perte des repères est evidente, la remise en cause de ce modele ne cesse de croitre.
Quid de plus de croissance sur le dos “du reste du monde”.
Quid d’une croissance bourrée de pesticides, ogm.
Quid d’une croissance avec des liens sociaux détricoté et un individualisme forcené.
Quid de la croissance avec aucun véritable choix sur la politique.
Quid de la croissance dans une olligarchie corporatiste et “securitaire”
Quid de la croissance avec une déconnexion de la nature.
Etc Etc
Non, il ne s’agit pas de la croissance.
Le Pib n’est pas un indicateur de bonheur.
Quid de la consommation d’anti depresseur.
Quid de la culture Rihanna.
ETc Etc…
La réalité à mon sens, c’est que la population aspire a retrouver un appaisement.
Un pays plus juste evidement, mais surtout un autre model de developpement.
Un model ou la consommation et la promotion de l’individualisme
passent au second plan.Un model avec une justice, et une morale largement retrouvée.
A cet égard , un film comme Zeitgeist apporte quelques elements de réponse
Bien à vous
Même si j’apprecie cette analyse, il me semble qu’elle se situe en dehors du véritable probleme. En effet, ce n’est pas à mon sens, un probleme de “croissance”. Dans un systeme délimité (la
terre) , chaque point de croissance, représente innévitablement et entre, plus de déstruction (environnementale par ex) et plus d’innégalité.
Eh non, justement. La théorie qui veut que “dans un monde délimité” la croissance infinie soit impossible n’est en fait qu’un retour des vieilles théories malthusiennes. Le défaut de la théorie
en question est pourtant assez évident: la croissance économique est une croissance en valeur, et non pas en masse. On peut croître de deux manières: soit en
multipliant les biens, soit en multipliant la valeur ajoutée contenue dans ces biens. Or, s’il y a une limite physique à la multiplication des biens, il n’y en a pas à la valeur qui peut être
contenue.
Pour vous donner un exemple: je peux consommer le bois en le brûlant, et je peux consommer le bois en faisant des meubles et des objets utilitaires. Le passage de la première à la deuxième forme
d’usage ne change pas “la destruction environnementale”, mais dégage bien plus de valeur…
Ce modele repose sur la consommation.
Tout modèle économique repose sur la consommation. Il faut revenir à l’injonction fondamentale: “tu gagneras ton pain à la sueur de ton front”. Si nous étions des êtres de pur esprit, nous
n’aurions pas besoin d’activités économiques. L’économie naît justement parce que pour survivre nous sommes obligés à consommer certains biens, et donc à les produire…
Hors la France par exemple, qui n’est pourtant pas la plus mal dottée sur la planète, reste en crise grâve. Ce n’est pas a mon sens une crise de richesse. Mais bien plutot une crise
civilisationnelle.
Diable! Rien que ça ? Mais en quoi cette crise serait plus “civilisationnelle” que celle de 1789, celle de 1848, celle de 1900 ou celle de 1929 ?
Votre commentaire me rappelle un commentaire d’un historien célèbre qui disait que “toute époque aime à se concevoir elle même comme singulière”. La dénonciation de la “crise civilisationnelle”,
comme celle de la “der des der”, se retrouve à toutes les époques historiques. La fin du monde et la venue de l’Antchrist a été annoncée depuis les temps bibliques, et on attend toujours…
La perte des repères est evidente, la remise en cause de ce modele ne cesse de croitre.
Pardon mais… de quels “repères” parlez-vous ?
Quid de plus de croissance sur le dos “du reste du monde”.
Réponse: Pourquoi “plus de croissance” devrait nécessairement se faire “sur le dos du reste du monde” ? Après tout, si l’on regarde l’histoire des ces derniers deux siècles, c’est l’ensemble du
monde qui a bénéficié d’une croissance exceptionnelle.
Quid d’une croissance bourrée de pesticides, ogm.
Personnellement, cela ne me dérange pas. Quand vous avez des cafards chez vous, qu’est ce que vous faites: vous les laissez divaguer et se reproduire à leur guise ? Non, bien sur, vous mettez un
bon petit coup de Baygon (ou equivalent, je ne veux pas faire de publicité). Bien sur, le Baygon, c’est pas terrible pour votre santé. Mais les cafards non plus. Et lorsqu’on fait le calcul, on
voit que l’augmentation de l’espérance de vie liée à l’extermination des cafards compense largement la diminution due au Baygon. Et la vie est faite de ces petits compromis.
Notre vie “bourrée de pesticides et d’OGM” nous permet de jouir non seulement d’une espérance de vie jamais égalée dans l’histoire, mais d’y arriver en bien meilleure condition que nos ancêtres.
Comme dirait Georges Marchais, le bilan est donc largement positif.
Quid d’une croissance avec des liens sociaux détricoté et un individualisme forcené.
Réponse: Je préférerais une croissance avec des liens sociaux tricotés et un individualisme limité. Pourquoi demander moins ? Vous semblez penser qu’une société de croissance conduit forcément à
“l’individualisme forcéné” et un “lien social détricoté”. Je n’en vois pas la nécessité…
Quid de la croissance avec aucun véritable choix sur la politique.
Oh! Mais c’est là que vous vous trompez! Il y a eu des “véritables choix sur la politique” et les gens ont choisi. Arrêtons de faire comme si la politique qui a été faite ces trente dernières
années avait été mise en oeuvre par des gens venues de la planète Mars et dans le dos des gens. Cette légende est utile parce qu’elle permet à ceux là même qui ont voté systématiquement ces
politiques de se laver aujourd’hui les mains en disant “nous n’avons pas eu de véritable choix”. Mais si, ils l’ont eu. Ils ont eu le choix de voter Mitterrand en 1981, et de le revoter en 1988.
Ils ont eu le choix de voter le traité de Maastricht. Ils ont eu plein d’opportunités de manifester leur choix.
Quid de la croissance dans une olligarchie corporatiste et “securitaire”
Je ne vois pas très bien à quoi vous faites référence. On peut accuser notre oligarchie de beaucoup de choses. Mais elle n’est pas vraiment “corporatiste” et encore moins “sécuritaire”. Vous
remarquerez d’ailleurs que la droite ne devient “sécuritaire” que lorsqu’elle veut capter le vote populaire. Les couches supérieures ne sont guère “sécuritaires” en France.
Quid de la croissance avec une déconnexion de la nature.
Réponse: Je lui dis Bravo! Vous devriez relire Hobbes, qui fait une excellente description de la vie de l’homme dans l’état de nature: “Dans un tel état, il n’y a pas de place pour
une activité industrieuse, parce que le fruit n’en est pas assuré : et conséquemment il ne se trouve ni agriculture, ni navigation, ni usage des richesses qui peuvent être importées par la mer ;
pas de constructions commodes ; pas d’appareils capables de mouvoir et d’enlever les choses qui pour ce faire exigent beaucoup de force ; pas de connaissances de la face de la terre ; pas de
computation du temps ; pas d’arts ; pas de lettres ; pas de société ; et ce qui est le pire de tout, la crainte et le risque continuel d’une mort violente ; la vie de l’homme est alors solitaire,
besogneuse, pénible, quasi-animale, et brêve”.
Dieu merci, l’homme s’est “déconnecté de la nature” pour devenir homme. Et ceux qui parlent d’y revenir oublient ce que signifie exactement ce retour…
Non, il ne s’agit pas de la croissance. Le Pib n’est pas un indicateur de bonheur.
Peut-être. Mais alors, pourquoi à votre avis les gens fuyent les pays ou le PIB par tête est faible et cherchent – quelquefois au péril de leur vie – à s’installer dans les pays ou le PIB par
tête est important ? Sont-ils masochistes ? Comme disait mon grand père, l’argent ne fait pas le bonheur des gens qui ne l’ont pas.
Quid de la consommation d’anti depresseur.
A ma connaissance, elle n’est pas obligatoire.
Quid de la culture Rihanna.
Je ne sais pas. C’est quoi la culture Rihanna ? Vous regardez trop la télévision…
La réalité à mon sens, c’est que la population aspire a retrouver un appaisement. Un pays plus juste evidement, mais surtout un autre model de developpement. Un model ou la consommation et la
promotion de l’individualisme passent au second plan.Un model avec une justice, et une morale largement retrouvée.
Mais si “la population” aspire à tout ça, comment expliquez vous que les magasins soient pleins de consommateurs avides ? Comment expliquez vous que le politiques qui proposent ce modèle où “la
consommation passe au second plan” restent marginaux ? Que cette “population” défende bec et ongles un individualisme forcéné et refuse chaque fois qu’elle a l’opportunité tout sacrifice de son
bien-être individuel à un besoin collectif ?
Je crois que vous projetez vos propres envies sur “la population”.
A cet égard , un film comme Zeitgeist apporte quelques elements de réponse
Ah… que ferions nous sans le Grand Complot…
Cordialement,
Bonjour,
Pouvez-vous décrire ce que vous entendez par produire et distribuer autrement s’il vous plaît ?
“Il est grand temps de sortir de cette erreur, et de se rendre compte que
le problème essentiel qu’il faut traiter aujourd’hui est celui de la manière dont les biens sont produits autant que celle dont ils sont distribués.”
Cela n’empêche pas de vouloir une autre répartition des richesses. Même si
taxer les riches ne résout pas tous les problèmes. D’une, ça améliorerait quand même la situation financière de l’ensemble des foyers. De deux, c’est une question de justice. Peut-être que cela
enlèvera cette idée aberrante selon laquelle quelqu’un qui travaille beaucoup mérite de gagner 6000 fois ce que gagne un autre. Comment le travail même très appliqué, même très méritoire de
quelqu’un peut-il conduire à un tel écart de traitement/salaire ? Laisser de tels écarts de salair contribue à une vision absurde la vie.
Mais il est peut-être trop tôt pour que les classes moyennes admettent
cette réflexion. Aussi longtemps qu’ils penseront pouvoir trouver quelqu’un pour jeter aux crocodiles…
Ou peut-être quand les gens penseront que de servir la justice ne peut
qu’améliorer notre vie à tous et conduire au bonheur. Pourquoi les classes moyennes ont cinyquement sacrifié la classe ouvrière pour améliorer leur niveau de vie ? Parce que, entre autre, on a
associé le bonheur à la consommation, à l’argent, au pouvoir. Et visiblement vous prenez vôtre le fait que l’argent fasse le bonheur. Alors oui il faut une quantité d’argent pour être heureux :
pour pouvoir se loger, se nourrir, s’habiller, partir en vacances, etc. Cependant c’est loin d’être la condition suffisante et on dit aux gens de tout sacrifier pour ça : ne pas s’occuper de ses
enfants, se moquer de la misère des autres, ne plus tisser de liens. Comment expliquer que des gens riches et en bonne santé soient malheureux si seul l’argent fait le bonheur ? Et quand bien
même sont-ils heureux, ne le serait-il pas autrement si leur bonheur était partagé par le plus grand nombre ? Arrêtons de croire que c’est bien naturel de n’avoir que cette volonté de s’enrichir
et de consommer. C’est bien des idées qu’on a mis dans la tête des gens. Eduquer et inculquer des valeurs de partage, de tolérance, d’exigence envers soi-même plus qu’envers son voisin, voilà ce
qui est essentiel aussi. Montrer que l’épanouissement personnel passe par l’équilibre de différentes choses : une activité professionnelle qui nous plaît, avoir une rémunération correcte, avoir
certain confort sans tomber dans l’obsession de la consommation, avoir des amis, une personne qui partage sa vie, vivre dans une société solidaire.
Bref, ne négligeons pas le rôle de l’éducation.
Bien cordialement,
Clémence
Pouvez-vous décrire ce que vous entendez par produire et distribuer autrement s’il vous plaît ?
Je ne me souviens pas d’avoir utilisé l’expression “produire et distribuer autrement”, donc j’aurais du mal à vous dire ce que j’entends par là. Le terme “autrement” a été tellement galvaudé…
Mon point est que la gauche se préoccupe un peu trop de nouvelles manières de partager les richesses mais consacre finalement assez peu de réflexion à la manière de les produire, et aux moyens
d’en produire plus. Il y a même un courant à gauche qui prétend qu’on peut vivre mieux en produisant moins, c’est dire que la question a été peu analysée.
Cela n’empêche pas de vouloir une autre répartition des richesses. Même si taxer les riches ne résout pas tous les problèmes. D’une, ça améliorerait quand même la situation financière de
l’ensemble des foyers.
Oui, mais je vous ai montré chiffres en main que l’amélioration en question est marginale, et représente quelque chose comme 15% de mieux pour les foyers les plus modestes. Si l’on veut aller au
delà, ce n’est pas seulement à la répartition qu’il faut consacrer les efforts, mais aussi à la production.
De deux, c’est une question de justice. Peut-être que cela enlèvera cette idée aberrante selon laquelle quelqu’un qui travaille beaucoup mérite de gagner 6000 fois ce que gagne un autre.
Et à votre avis, “un qui travaille beaucoup” mériterait de gagner combien de fois plus que l’autre ?
Ou peut-être quand les gens penseront que de servir la justice ne peut qu’améliorer notre vie à tous et conduire au bonheur.
Quand les poules auront des dents, quoi. Il faudrait que les gens deviennent très bêtes pour croire une chose pareille. L’histoire de l’humanité et l’expérience quotidienne montre abondamment que
ceux qui ont la vie la plus plaisante sont rarement ceux qui “servent la justice”.
Pourquoi les classes moyennes ont cinyquement sacrifié la classe ouvrière pour améliorer leur niveau de vie ? Parce que, entre autre, on a associé le bonheur à la consommation, à l’argent, au
pouvoir.
C’est qui, “on” ?
Et visiblement vous prenez vôtre le fait que l’argent fasse le bonheur. Alors oui il faut une quantité d’argent pour être heureux : pour pouvoir se loger, se nourrir, s’habiller, partir en
vacances, etc.
Je ne vois pas très bien ce qui vous permet de m’attribuer l’idée que “l’argent fait le bonheur”. Tout ce que je dis, c’est qu’on est rarement heureux quand il manque. L’expérience m’a enseigne
que plus on a d’argent, plus on tend à penser que “l’argent ne fait pas le bonheur” et de raconter cette imbécilité aux gens qui n’en ont pas pour les convaincre que leur sort est le plus
enviable…
Cependant c’est loin d’être la condition suffisante et on dit aux gens de tout sacrifier pour ça :
Encore une fois, c’est qui “on”. Vous semblez croire qu’il y a là dehors un Grand Méchant qui se plait à dire aux gens ce qu’ils doivent penser, croire ou faire.
Je pense que le monde est plus complexe que vous ne le pensez. Si la vision irénique que vous soutenez était si naturelle, pourquoi y a-t-il si peu de gens pour la mettre en oeuvre ? Pourquoi
tout le monde tient le discours du “bonheur modeste” et fait ensuite exactement le contraire en pratique ? Croyez-moi, il doit bien y avoir une raison…
Cela n’empêche pas de vouloir une autre répartition des richesses. Même
si taxer les riches ne résout pas tous les problèmes.
@ Descartes
Juste une ou deux choses :
-Le coup de la Panamera, c’était (aussi) une provocation, une outrance tout à fait délibérée. Personnellement, je peux vous dire que j’ai un super bilan-carbone®. D’un autre côté, je
comprends qu’on puisse aimer les bagnoles, et je ne partage pas du tout cette sorte de pudibonderie bien-pensante en vertu de laquelle toute grosse voiture devrait être perçue comme un objet
satanique. D’où la provocation avec la Panamera (tant qu’à faire j’aurais pu choisir un énorme 4 X 4, mais comme je n’y connais foutrement rien, j’ai pris la première caisse de luxe qui me
tombait sous la main).
-“Oui, il est aberrant de maintenir une partie de la main d’oeuvre au chômage – rémunérée par un prélèvement sur l’économie – et en même temps dépenser de l’argent à acheter à l’étranger ce
que ces mêmes chômeurs pourraient produire.”
Je trouve que c’est un très bon résumé.
-“… cela implique un transfert de richesse du consommateur vers le producteur.”
Vous avez raison, mais le producteur est aussi un consommateur ; du moins je crois que c’est le point qui mériterait décidément d’être rappelé (du reste c’est quand même un peu ce que vous faites
dans votre billet il me semble).
-“Tout votre raisonnement revient à subventionner les travailleurs moins productifs par un prélèvement sur les plus productifs.”
Là encore, je trouve que c’est un bon résumé. C’est exact, et j’assume complètement.
-“Ce qui peut être accepté dans un cadre national, où les solidarités inconditionnelles existent. Mais pas dans un cadre européen.”
Vous avez encore raison. Ce n’est pas pour rien que j’ai adhéré à l’UPR. Je sais bien que vous avez quelques réserves vis-à-vis d’Asselineau (dont certaines que je partage d’ailleurs), mais vous
admettrez qu’il y a là une certaine cohérence.
Enfin, deux choses à propos du commentaire de Mehdi Brissan et du “système délimité” :
-Tout d’abord, je suis très intéressé par la réponse que vous faites, qui me paraît tout à fait percutante en elle-même ;
-Et cependant, pour aller plus loin (c’est le cas de le dire), je ne saurais trop recommander le dernier billet de Yann ; et, à l’appui de la même thèse,
ce
billet sur mon blog.
-Par ailleurs, il semble que vous ne connaissiez pas Rihanna, donc je mets ce lien. Je m’attends à ce que vous répondiez un truc du genre : “Quelle horreur !”, eh bien moi je trouve cette
musique tout à fait valable.
Vous avez encore raison. Ce n’est pas pour rien que j’ai adhéré à l’UPR. Je sais bien que vous avez quelques réserves vis-à-vis d’Asselineau (dont certaines que je partage d’ailleurs), mais
vous admettrez qu’il y a là une certaine cohérence.
Je ne dis pas le contraire. Si j’ai repris quelques éléments de vos articles, ce n’est pas parce que j’étais en désaccord. J’ai simplement voulu les réformuler à ma manière pour être sur que
j’avais bien compris.
Le point important de votre raisonnement est que le plein emploi a des conditions de vie raisonnables ne peut être atteint que par une subvention croisée des travailleurs les plus productifs vers
les moins productifs. Ce qui suppose un “pacte social” dans lesquels les premiers acceptent un revenu moindre avec pour compensation le fait de vivre dans une société plus civilisée. Ce qui
suppose deux choses: d’une part, violer les classes moyennes adeptes du “toujours plus”, et d’autre part, prendre en charge ces coûts par un mécanisme qui ne dégrade pas la compétitivité
apparente de nos entreprises, comme le “protectionnisme intelligent” que je proposais dans un autre papier. Vaste programme.
-Par ailleurs, il semble que vous ne connaissiez pas Rihanna,
Je connais Rihanna. Ce que je ne savais pas, c’est qu’il existe une “culture Rihanna”. C’est faire un peu trop d’honneur à une chanteuse somme toute assez médiocre…
Je m’attends à ce que vous répondiez un truc du genre : “Quelle horreur !”, eh bien moi je trouve cette musique tout à fait valable.
Faut bien que quelqu’un fasse la musique d’ambiance des supermarchés…
“Et à votre avis, “un qui travaille beaucoup” mériterait de gagner combien de fois plus que l’autre ?”
Déjà pourquoi ne pas penser à “travail (nombre d’heures) égal, salaire égal”, corrigé suivant conditions de travail en rapport avec l’espérance de vie correspondante ?
Ensuite, c’est théoriquement simple si l’on part du principe que personne ne peut travailler plus que 24h/24 .
On pourrait déjà en déduire un premier coefficient max de 1 à 3. ( environ 8 heures travaillées sur une journée de 24 h).
Sinon, pour déterminer un SMIR = Salaire Maximum Interprofessionnel Républicain, le législateur pourrait décider d’un salaire horaire de référence ( à voir, j’ai pas étudié la question
en détail, par exemple un salaire horaire moyen calculé à partir de n sigma sur la courbe de répartition statistique de tous les salaires
); salaire horaire de référence que l’on multiplierait ensuite par le nombre d’heures mensuelles théoriquement possible pour le travailleur qui travaillerait le
plus au monde puisqu’il ne se reposerait jamais soit SMIR mensuel = SHref x 24 x 365 / 12 .
Pour les revenus autres, on s’aligne sur ces chiffres (100% imposition au dessus) , pas de raison que le capital rapporte plus que le travail !
Au moins ce raisonnement, contrairement à la situation surréaliste actuelle, suit, même s’il est critiquable, une certaine logique , et à vue de nez, ça devrait écrêter passablement ! J’ai pas
les données pour calculer.
D’ailleurs, j’ai entendu Christophe de Margerie répondre qu’il ne savait pas très bien justifier pourquoi il avait besoin de son niveau de rémunération. Donc si ces gens là ne savent pas, on peut
leur expliquer qu’ils peuvent s’en passer, de gré ou de force ! Même si cela ne devait pas résoudre tous les problèmes économiques, un peu de décence, il me semble qu’il y a eu jadis un
certain 4 Aout !
Ah, je viens d’entendre un grand bruit, Descartes vient de se prendre la tête entre ses deux mains de désespoir me concernant et de tomber à la renverse sur sa chaise ! Bah au moins cette fois il
ne pourra pas crier “théorie du complot” ! Quoique…on ne sait jamais, les diables de confort surgissent parfois là où on ne les attend pas !
Mais non, tout ça c’est absurde, complètement en dehors de toutes les règles et principes ! Allons Descartes, remets-toi, je plaisantais d’un
bout à l’autre ! Je rigole !
Quoique…
Allez, à tous, salut et que liberté, égalité, fraternité ne soient pas que des mots en l’air !
(profitons-en tant qu’on peut encore en faire état …) !
“Et à votre avis, “un qui travaille beaucoup” mériterait de gagner combien de fois plus que l’autre ?” Déjà pourquoi ne pas penser à “travail (nombre d’heures) égal, salaire égal”, corrigé
suivant conditions de travail en rapport avec l’espérance de vie correspondante ?
En d’autres termes, si je vous comprends bien, vous proposez de payer au même poste de travail “un qui travaille beaucoup” et “un qui ne travaille pas beaucoup” le même salaire ?
Ce débat s’est posé au début de la révolution cubaine entre les idéalistes, qui refusaient tout “incentif matériel” et les matérialistes, qui soutenaient que la ferveur révolutionnaire et la
conscience individuelle ne pouvaient suffire à pousser les gens à faire leur travail correctement. Les idéalistes – dont le leader le plus visible était Guevara – ont mis en oeuvre leur solution,
avec des résultats désastreux. Il a fallu rapidement faire machine arrière, et Guevara est allé se suicider ailleurs.
Ton système aboutit fatalement à deux conséquences: la première, c’est que puisque toutes les heures de travail se valent, personne n’est poussé à se former. A quoi bon dépenser des efforts et
des nuits blanches pour devenir ingénieur, si l’on peut sortir avec les copains et travailler comme ouvrier avec le même salaire (et suivant ton barême, avec un salaire plus élevé puisque
l’espérance de vie est plus faible…) ? Par vocation ? Oui, tu trouveras toujours quelques individus qui rêvent d’être ingénieur, pianiste ou gardien de phare. Mais l’immense majorité des gens
choisit son métier pour des raisons bassement matérielles. Entre autres choses, parce que la plupart des métiers ne donne que des satisfactions bassement matérielles. C’est triste, mais c’est
comme ça.
Pour les revenus autres, on s’aligne sur ces chiffres (100% imposition au dessus) , pas de raison que le capital rapporte plus que le travail !
J’ai l’impression que tu oublies un élément essentiel: le rôle régulateur que joue la variation des rémunérations. Imaginons une économie de plein emploi (car j’imagine que tes propositions sont
faites pour pouvoir fonctionner dans une telle société). Dans un système où tu permets aux gens de choisir librement leur métier, comment fais-tu pour t’assurer qu’il y ait le nombre nécessaire
d’éboueurs, de médecins, de sociologues, de soudeurs, de professeurs, de femmes de ménage et d’ingénieurs ? Et de la même manière, comment faire pour que le capital aille vers les activités les
plus productives et ne soit pas gâché ?
La réponse à cette question est le marché des rémunérations: celles-ci montent ou descendent en fonction de la rarété: un bon soudeur gagne aujourd’hui plus qu’un ingénieur, non pas parce que son
travail soit plus utile ou plus pénible, mais parce qu’il est plus rare. Et cette rémunération attire les gens vers ce métier, ce qui à son tour met fin à la rareté et fait baisser le salaire. De
la même manière, le capital est attiré vers les activités les plus productives parce que celles-ci sont plus rémunératrices.
Si tu institues un système de rémunérations “plat” (ou avec des écarts faibles), tu fais peut-être oeuvre de justice. Mais comment la régulation se fera-t-elle ? Pourquoi les gens choisiront
plutôt de devenir soudeur (métier dont on a besoin) et non pas sociologue (métier où l’offre excède la demande) puisqu’ils gagneront la même chose ? La seule autre régulation possible, c’est la
régulation administrative: il faudrait alors créer des “numerus clausus” pour chaque métier… tu vois la difficulté ?
D’ailleurs, j’ai entendu Christophe de Margerie répondre qu’il ne savait pas très bien justifier pourquoi il avait besoin de son niveau de rémunération.
Tout à fait. A on niveau, les rémunérations ne répondent pas à un “besoin” matériel. Ils sont une forme de reconnaissance pure. Autrefois, cette reconnaissance prenait une forme institutionnelle.
De Margerie aurait eu un plus faible salaire, mais il aurait eu la Légion d’Honneur (qu’on ne donnait pas encore aux chanteurs pop et aux amis du chef), une place à l’Académie, un quai à son nom,
une médaille à son effigie… et cela lui aurait suffi pour se sentir reconnu. Aujourd’hui, après le dynamitage des institutions ces quarante dernières années, il n’est resté qu’un seul “signe”
qui permet de reconnaître une place dans la hiérarchie: l’argent. Séguéla n’avait pas tout à fait tort lorsqu’il disait que sans Rolex à 50 ans on avait raté sa vie: notre société a du mal à
exprimer une reconnaissance autrement que par des signes de richesse.
Mais il ne faut pas se tromper: les gens comme De Margerie, pour qui le salaire est une forme de reconnaissance pure sont très, très rares. Pour l’immense majorité des salariés (y compris les
plus riches) le revenu n’est pa au delà du dépensable, et la réduction de revenu s’accompagnerait d’une reduction de niveau de vie. Ecrêter le salaire de De Margerie est un acte symbolique, qui
n’a pas de véritable traduction économique.
Donc si ces gens là ne savent pas, on peut leur expliquer qu’ils peuvent s’en passer, de gré ou de force !
“Ces gens là” peuvent parfaitement s’en passer, et en sont en général très conscients. Ce n’est pas par hasard si les déclarations genre “taxez-nous” proférées par des gens qui ont le même niveau
de paye que De Margerie se multiplient. Pour ces gens-là, l’argent n’est plus de l’ordre de la consommation ou du niveau de vie, mais du symbole. Les gens qui risquent de résister l’écrêtage ne
sont pas ceux-là, mais plutôt les classes moyennes supérieures, parce que pour elles la compression de la pyramide salariale représente une véritable réduction de niveau de vie.
Si tu proposes à De Margerie ou à Lévy une reconnaissance institutionnelle en échange de leur argent, ils seront ravis de te le céder. D’ailleurs, c’est exactement ce qui se passe lorsque ces
gens là demandent à être taxés: cela revient à échanger la reconnaissance sociale de leur vertu par de l’argent…
Même si cela ne devait pas résoudre tous les problèmes économiques, un peu de décence, il me semble qu’il y a eu jadis un certain 4 Aout !
Tout à fait. Et le 4 août a consisté à substituer les privilèges de la fortune à ceux de la naissance. Tu n’avais pas remarqué ?
Ah, je viens d’entendre un grand bruit, Descartes vient de se prendre la tête entre ses deux mains de désespoir me concernant et de tomber à la renverse sur sa chaise !
Oh, tu sais… j’en ai entendu d’autres. Si je tombais à la renverse de ma chaise à chaque fois…
Bonjour,
Merci d’avoir répondu. Votre point de vue en économie (pour autant que j’en puisse juger) est nuancé, pointu et convainquant. Ca m’a même fait déchanter sur le programme économique du FdG
mais pas décourager à voter pour eux. De même vous êtes implacable sur l’utilisation des termes appropriés (ce qui est une très bonne chose). D’ailleurs je persiste et vous demande humblement
d’expliciter la manière dont devraient être produits et distribuer les biens : “Il est grand temps de sortir de cette erreur, et de se rendre compte que
le problème essentiel qu’il faut traiter aujourd’hui est celui de la manière dont les biens sont produits autant que celle dont ils sont distribués.”
Autant, je pense que vous pouvez progresser dans les autres domaines. Votre analyse me laisse l’impression que tout s’explique par l’économie.
Quand je vous ai écrit, j’avais aussi en tête la réponse que vous veniez de faire un autre intervenant :
– le problème des pesticides se résume au produit contre les cafards et la disparition des cafards c’est dû à ces produits et c’est bien.
– la culture Rihanna : vous regardez trop la télé… euh, non Monsieur se renseigne sur ce qui se passe à la télé et qui touche une grande part de la population
– et je finis par la réponse qui me concerne : l’injuste apporte beaucoup plus de bien c’est évident. C’est drôle puisque cela m’étonnerait que l’injuste guide votre vie. Enfin dites-moi vous
aimez écraser les autres ? Votre but c’est d’avoir le plus d’argent possible ? Vous ne supportez pas l’idée de faire quelque chose gratuitement ? J’ai lu une de vos réponse à un billet dont je
partageais le contenu et qui voyait en vous l’homme de gauche qui a la volonté de hisser son parti grâce à sa contribution anonyme puisque vous ne recherchez pas la renommée. Mince alors vous ne
seriez qu’un hyprocrite puisque c’est évident tout le monde cherche le maximum de profit à son travail.
J’y pense, l’article sur Mohamed Merah, très juste par certains égards, vous arrivez à placer que les prisons sont bien en France. Je vous rejoins sur le fait que ce n’est pas l’école du
terrorisme. Mais les prisons échouent complètement : conditions d’incarcération décriées par les organisations internationales, échec de la réinsertion, etc.
Je pense qu’il n’y a pas que M. Généreux qui se laisse aveugler par les connaissances qu’il a acquises. Vous êtes tellement un as de l’économie, possédez une bonne culture générale et avez une
telle maîtrise du français que des idées exprimées un peu schématiquement, un peu maladroitement, ne trouvent aucun écho. Alors tant pis, je me contenterai à l’avenir de profiter de vos
connaissances et je n’exprimerai plus mon point de vue pour qu’il soit si grossièrement écarté.
D’ailleurs je persiste et vous demande humblement d’expliciter la manière dont devraient être produits et distribuer les biens
Vous me posez une question dont la réponse nécessiterait plusieurs livres… je ne prétend pas avoir la solution à tous les problèmes. Ce que je voudrais, c’est que les partis politiques,
notamment à gauche, démarrent une véritable réflexion sur la question. Je me tiens bien entendu prêt à apporter ma – petite – pierre à l’édifice.
Votre analyse me laisse l’impression que tout s’explique par l’économie.
Sûrement pas. Je n’ai jamais prétendu pareille chose. La question du voile islamique ou celle du mariage homosexuel, par exemple, font intervenir des paramètres dominants qui ne sont pas de
nature économique.
– la culture Rihanna : vous regardez trop la télé… euh, non Monsieur se renseigne sur ce qui se passe à la télé et qui touche une grande part de la population
C’est votre droit. Mais de là à en faire une “culture”…
Enfin dites-moi vous aimez écraser les autres ?
Pas plus que la moyenne, pourquoi ?
Votre but c’est d’avoir le plus d’argent possible ?
Personne, en dehors de quelques cas d’avarice pathologique, n’a ce genre de but. Il y a des gens qui cherchent l’argent parce que cela permet d’accéder à des biens, d’autres parce que cela permet
d’avoir du pouvoir, d’autres encore parce que l’argent est une manière de marquer leur “score” sur l’échelle sociale. Mais personne ne se fixe comme but l’argent pour lui même. D’ailleurs, vous
trouverez peu de gens qui gardent leur fortune sous forme d’argent…
Vous ne supportez pas l’idée de faire quelque chose gratuitement ?
Absolument. Je ne fais rien gratuitement. Tout ce que je fais, je le fais soit parce que cela me procure un avantage, soit parce que cela m’apporte une satisfaction, soit parce que cela m’évite
une punition. Mais je ne fais rien “gratuitement”. Et j’imagine que vous non plus. Je n’imagine pas ce qui pourrait passer par la tête de celui qui accomplirait un acte purement, totalement
gratuit…
J’ai lu une de vos réponse à un billet dont je partageais le contenu et qui voyait en vous l’homme de gauche qui a la volonté de hisser son parti grâce à sa contribution anonyme puisque vous
ne recherchez pas la renommée. Mince alors vous ne seriez qu’un hyprocrite puisque c’est évident tout le monde cherche le maximum de profit à son travail.
Ce n’est pas parce que vous avez mal compris que je deviens un “hypocrite”. Que je ne recherche pas la renommée n’implique pas que je ne retire aucun avantage. Dans le cas d’espèce, j’en
retirerais une énorme satisfaction…
J’y pense, l’article sur Mohamed Merah, très juste par certains égards, vous arrivez à placer que les prisons sont bien en France. Je vous rejoins sur le fait que ce n’est pas l’école du
terrorisme. Mais les prisons échouent complètement : conditions d’incarcération décriées par les organisations internationales, échec de la réinsertion, etc.
Je ne me souviens pas d’avoir pris aucune position sur les conditions dans les prisons. Mon commentaire était simplement que ceux qui y vont ne sont pas des “victimes”, ce qui est tout de même
très différent. Accessoirement, je ne trouve pas que les prisons “échouent complètement”. Pensez-vous que si elles n’existaient pas, la criminalité serait plus faible ?
Alors tant pis, je me contenterai à l’avenir de profiter de vos connaissances et je n’exprimerai plus mon point de vue pour qu’il soit si grossièrement écarté.
Désolé, mais je ne suis pas très doué pour la calinothérapie. Le débat libre implique une certaine dose de ce que vous appelez “grossièreté”, c’est à dire, de l’ironie, du sarcasme, de l’attaque
de vos arguments. Si l’on doit s’interdire de qualifier une affirmation d’absurde alors qu’elle l’est, il n’y a plus de débat possible. Si vous prenez cela pour une offense personnelle, c’est
votre problème. Comme disait un président américain, “si vous ne supportez pas la chaleur, n’allez pas dans la cuisine”.
Quand même pour répondre à ta question, pour moi ce sont l’éducation par les parents (la famille) et par l’école et les influences de l’entourage, du mileu social, de la culture et des médias qui
forgent l’idée du bonheur et de la réussite. Ce n’est pas seulement l’instinct primaire de l’homme. Je pense que la société individuelle actuelle crée de graves carences affectives. Pourquoi
pendant longtemps les petites filles voulaient être institutrices et plus maintenant ? Comment se fait-il que tant de jeunes recherchent la reconnaissance pour la reconnaissance déconnectée de
tout talent ?
Quand même pour répondre à ta question, pour moi ce sont l’éducation par les parents (la famille) et par l’école et les influences de l’entourage, du mileu social, de la culture et des médias
qui forgent l’idée du bonheur et de la réussite.
Mais par une étrange coïncidence, l’idée du bonheur et de la réussite ainsi forgée est toujours conforme à l’idée qu’il vaut mieux être riche et bien portant que pauvre et malade. Ce qui tend à
prouver qu’il y a une idée du bonheur et de la réussite qui est sociale, et non simplement individuelle.
Je pense que la société individuelle actuelle crée de graves carences affectives. Pourquoi pendant longtemps les petites filles voulaient être institutrices et plus maintenant ?
Je ne saisis pas trop le rapport entre les “carences affectives” et le fait de vouloir être institutrice.
Comment se fait-il que tant de jeunes recherchent la reconnaissance pour la reconnaissance déconnectée de tout talent ?
Désolé, mais cela n’a rien de nouveau… cela devient plus visible avec le développement des médias, c’est tout…
Moi aussi je sais chercher dans le dictionnaire et le peu de mots que j’emploie je connais en partie leur définition: http://atilf.atilf.fr/dendien/scripts/tlfiv5/search.exe?23;s=100306800;cat=0;m=grossi%8Arement;
Dans le cas j’entendais par grossièrement : d’une manière sommaire. Je ne remets pas en cause le ton de vos billets. Donc non je ne lui donnais pas la signification que vous me
prettez Le débat libre implique une certaine dose de ce
que vous appelez “grossièreté”, c’est à dire, de l’ironie, du sarcasme, de l’attaque de vos arguments.
http://atilf.atilf.fr/dendien/scripts/tlfiv5/advanced.exe?8;s=100306800;
J’entendais par gratuitement : sans contrepartie pécuniaire.
A aucun moment j’ai dit qu’on agissait sans contrepartie mais cette contrepartie n’est pas forcément de l’argent ou de la reconnaissance.
L’exemple des filles qui voulaient être instit illustrait le rôle de l’éducation et celui de l’influence de la société dans les choix de vie de l’individu. Je ne dis pas qu’il n’y a pas des biens
que tout le monde veut (santé, argent en quantité suffisante pour atteindre un certain confort, reconnaissance, amour, la liste n’est pas exhaustive), cependant il y a différents moyens
d’atteindre ces biens et qu’actuellement ceux mis en avant par l’éducation ne sont pas les bons puisque trop axés sur l’argent, le plaisir immédiat, la paresse intellectuelle, la reconnaissance à
moindre frais, toujours plus de technologies, etc. Et quand je disais que vous étiez hypocrite, je ne le pensais pas, c’était une provocation pour vous montrez qu’il n’y avait pas que l’argent et
la santé qui guidait vos choix et que par conséquent on peut penser que la masse des gens peut désirer aussi autre chose.
Dialoguer demande à ce qu’on écoute (lise) et analyse un minimum les arguments de l’autre, même mal exprimés, au lieu de s’attacher uniquement à la forme. Les réponses teintées d’humour ne me
dérangent pas du tout, bien au contraire, mais le trait d’humour ne doit pas être la seule réponse sauf à montrer que les idées de l’autre ne sont même pas digne d’intérêt. Il y a un grand
décalage entre la qualité de vos billets et la qualité des réponses aux intervenants. Je me moque bien de ce que vous pouvez penser de moi. En vous lisant, je remarque que vous êtes intelligent,
cultivé et critique mais comme très souvent cela s’accompagne d’une certaine suffisance (II. [Corresp. à suffisant II]
Synon. fatuité, prétention, vanité. )
Si j’étais blessée par vos propos, je ne vous dirais pas que je continuerai à vous lire. Je ne prends rien personnellement, je voulais juste vous mettre en garde contre votre façon systématique
d’écarter ceux qui vous semble défendre des idées absurdes sans réfléchir un seul instant à ce qu’ils disent.
PS : Et je ne remets pas en cause l’existence de prisons, je sais que je suis un gros bisounours qui attend vos calins mais je remets en cause les conditions carcérales et l’échec de la
réinsertion.
Comment se fait-il que tant de jeunes recherchent la reconnaissance pour la reconnaissance déconnectée de tout talent ?
Désolé, mais cela n’a rien de nouveau… cela devient plus visible avec le développement des médias, c’est tout…
Non les médias ont accentué le phénomène, ils ne l’ont pas seulement rendu plus visible. Certains sont connus pour n’avoir vraiment aucun talent et emporte l’adhésion ou du moins l’intérêt de
millions de personnes : les lofteurs et autres candidats à des émissions comme secret story ou des Michael Vendetta. Et ces gens là font des émules.
J’entendais par gratuitement : sans contrepartie pécuniaire. A aucun moment j’ai dit qu’on agissait sans contrepartie mais cette contrepartie n’est pas forcément de l’argent ou de la
reconnaissance.
Je ne comprends pas très bien pourquoi vous faites une distinction entre la contrepartie en argent ou en reconnaissance, et les autres. Un acte qui vous procure une immense satisfaction, est-ce
pour vous un acte “gratuit” ou pas ?
Les actes véritablement gratuits – c’est à dire, accomplis sans qu’il y ait l’espérance d’aucune contrepartie de quelque nature que ce soit – sont extraordinairement rares, et cela dans toutes
les cultures et toutes les civilisations. Comme l’avait bien compris Marx, l’intérêt est le moteur de l’histoire…
L’exemple des filles qui voulaient être instit illustrait le rôle de l’éducation et celui de l’influence de la société dans les choix de vie de l’individu.
Franchement, si le but était de montrer le rôle que joue l’éducation et la société dans nos choix de vie, ce n’était pas la peine d’aller si loin… je pense que c’est une évidence que tout le
monde accepte. Mais une chose est l’influence, et un autre la détermination. Après tout, seule une petite minorité de filles devenait effectivement institutrice.
Je ne dis pas qu’il n’y a pas des biens que tout le monde veut (santé, argent en quantité suffisante pour atteindre un certain confort, reconnaissance, amour, la liste n’est pas exhaustive),
cependant il y a différents moyens d’atteindre ces biens et qu’actuellement ceux mis en avant par l’éducation ne sont pas les bons puisque trop axés sur l’argent, le plaisir immédiat, la paresse
intellectuelle, la reconnaissance à moindre frais, toujours plus de technologies, etc.
Je ne crois pas que l’éducation aujourd’hui mette en avant l’argent, le plaisir immédiat ou la paresse intellectuelle. Je pense que le problème est ailleurs: là encore, Marx l’avait bien prévu,
lorsqu’il écrivait dans le “Manifeste” (1848, ça ne date pas d’hier) que le capitalisme substituait à tous les rapports hiérarchiques et corporatifs anciens le rapport marchand. La phase du
capitalisme commencée avec la fin des trente glorieuses, et dont mai 1968 fut le creuset idéologique, a rétiré sa valeur à toutes les formes de reconnaissance institutionnelle, pour ne laisser
subsister que celle de l’argent. La dignité du professeur, du fonctionnaire, du décoré, de l’élu se sont toutes dissoutes dans l’argent.
Dialoguer demande à ce qu’on écoute (lise) et analyse un minimum les arguments de l’autre, même mal exprimés, au lieu de s’attacher uniquement à la forme.
S’ils sont mal exprimés, alors il est difficile de les comprendre et donc de les analyser. La question n’est pas seulement une question de forme. Essayez de relire votre texte avec des yeux
extérieurs: ce que vous écrivez est peut-être très clair pour vous, mais ce n’est pas le cas pour les autres. Quant à “lire un minimum”, vous pouvez me reprocher beaucoup de choses, mais
certainement pas de ne pas lire vos messages – et tous les autres – avec attention.
Bonjour Descartes. Libéral convaincu, je manque de m’étouffer en lisant certains de vos articles sur le blog même si j’en partage certains. Votre délire marxiste va parfois un peu loin.
Franchement, je gagne bien ma vie et je ne le dois a personne. Je n’ai pas fait de formation superieure payée par l’état ou autre luxe. Je me suis juste bougé et fais ma place moi meme,c’est tout.
En quoi devrais-je payer de lourds impôts sur la fortune ? Je n’exploite personne selon vos propres termes. Je bosse et mon boulot fournit une valeur ajoutée qui m’est reversée en partie, point. Je
ne vois pas pourquoi le travailleur productif devrait fournir plus de 50% de son revenu qu’il n’a volé a personne ? Une flat taxe et en VALEUR les plus riches payeront de toute manière plus
d’impôts…
Bonjour Descartes. Libéral convaincu, je manque de m’étouffer en lisant certains de vos articles sur le blog même si j’en partage certains.
Vous m’en voyez ravi: qu’un véritable libéral s’étouffe à la lecture de mes articles montre que je ne dois pas être si “vendu au néolibéralisme” que d’autres lecteurs le prétendent… 😉
Franchement, je gagne bien ma vie et je ne le dois a personne.
Ah bon ? Quand vous étiez petit, vous vous changiez les couches et donniez le biberon vous même ? L’hôpital ou votre mère a accouché, c’est vous qui l’avez construit ? Le parc ou vous jouiez
enfant, c’est vous qui l’aviez planté ?
“No man is an island, entire on its own” (“aucun homme n’est une ile, qui se suffit à elle même”). Chacun de nous est le produit du travail et du sacrifice de beaucoup de gens: de nos parents,
qui nous ont soigné et élevé, de nos professeurs qui nous ont instruit, et de tous nos concitoyens qui ont payé les infrastructures que nous utilisons chaque jour et sans lesquelles nous ne
serions certainement pas ce que nous sommes. Il est un peu trop facile dans ces conditions de déclarer qu’on “ne doit rien à personne”.
En quoi devrais-je payer de lourds impôts sur la fortune ?
En ce que vous utilisez de nombreux services publics qui n’existent que parce que les citoyens les payent à travers de l’impôt.
Je ne vois pas pourquoi le travailleur productif devrait fournir plus de 50% de son revenu qu’il n’a volé a personne ?
Et moins de 50%, disons 49%, c’est OK ? Quelle serait pour vous la limite, et pourquoi ?
Une flat taxe et en VALEUR les plus riches payeront de toute manière plus d’impôts…
Je ne suis pas forcément contre… Mais dites vous bien que si vous préférez une “flat tax”, le taux de celle-ci se situera autour de 30%. En d’autres termes, vous réduirez de 30% le revenu de
ceux qui ne sont pas imposables aujourd’hui, donc des plus modestes. Et alors, vous avez deux possibilités: soit vous créez un mécanisme de redistribution pour compenser ce prélèvement –
ce qui annule tout l’intérêt de la flat tax – soit vous admettez qu’un nombre plus important vive dans la pauvrété. Quelle serait votre préférence ?
Clémence a dit: “Dialoguer demande à ce qu’on écoute (lise) et analyse un minimum les arguments de l’autre, même mal exprimés, au lieu de s’attacher uniquement à la forme”
Je plussoie à 100%, d’ailleurs, je m’apprêtais à l’exprimer autrement en demandant à Descartes s’il lisait le commentaire en entier avant de le détricoter phrase par phrase, quelques fois
paraissant à la limite de la mauvaise foi en jouant sur le sens des mots employés grâce aux possibilités de notre langue. D’où la remarque qui en découle de source sur l’intégrisme par rapport à
la forme. A contrario, il faut lui reconnaitre une bonne dose de patience et de pugnacité et de son point de vue il fait de la (sapédagogie !
“La question n’est pas seulement une question de forme.”
Donc on est d’accord sur ce point !
“Essayez de relire votre texte avec des yeux extérieurs: ce que vous écrivez est peut-être très clair pour vous, mais ce n’est pas le cas pour les autres.”
Euh ben pour tous les autres, je sais pas, mais moi, Clémence je la reçois 5 sur 5 du début à la fin!
je m’apprêtais à l’exprimer autrement en demandant à Descartes s’il lisait le commentaire en entier avant de le détricoter phrase par phrase
Tout à fait. Et après avoir commenté, je relis le message original pour m’assurer d’avoir bien compris et de faire un minimum d’erreurs. J’ai un grand respect pour mes commentateurs, et le fait
de “détricoter” phrase par phrase est un moyen de donner à la discussion une continuité et d’être sur d’avoir répondu à tous les arguments.
Euh ben pour tous les autres, je sais pas, mais moi, Clémence je la reçois 5 sur 5 du début à la fin!
Comment le savez-vous ? Moi je croyais aussi. Et puis elle m’a expliqué qu’elle utilisait le mot “grossier” non pas dans le sens ou je l’avais compris, mais dans un autre sens également
admissible.
Quand je dis que je ne dois rien à personne, je dis cela simplement à cause de vos élucubrations sur la plus-value. http://www.wikiberal.org/wiki/Plus-value Je n’exploite personne, j’offre un
service qui a une valeur et je suis bien payé selon la valeur ajoutée que j’apporte, point. D’ailleurs, vous auriez bien du mal à parler de votre plus-value pour un agent immobilier… “En ce que
vous utilisez de nombreux services publics qui n’existent que parce que les citoyens les payent à travers de l’impôt.” Quant aux services publics, pourquoi tout le monde doit payer pour tout et
chacun ne paye-t-il pas ce qu’il utilise/consomme ? Cela engendre uniquement les ressentiments entre les individus : ceux qui payent pour les autres finissent par leur en vouloir… Et pour les
services publics communs (école,etc.) eh bien c’est bien pour ça que nous payons des d’impôts et que je parle d’une flat tax ! Mais nul besoin de taux délirants comme actuellement. “Et moins de
50%, disons 49%, c’est OK ? Quelle serait pour vous la limite, et pourquoi ?” Il faut raisonner dans l’autre sens: si pour avoir une école et une justice performante il faut 25% de flat tax, soit.
Si c’est 30%, ce sera 30%. C’est ça l’égalité dont vous vous revendiquez si facilement ! “Et alors, vous avez deux possibilités: soit vous créez un mécanisme de redistribution pour compenser ce
prélèvement – ce qui annule tout l’intérêt de la flat tax – soit vous admettez qu’un nombre plus important vive dans la pauvrété. Quelle serait votre préférence ? ” Pas forcément dans la pauvreté !
Au contraire, une libéralisation totale favorisera la création de richesses et ils en bénéficieront plus ! Il faut d’abord faire grossir le gâteau… De plus, si on n’est pas incité à être moins
entreprenant comme actuellement avec une multitude d’aides et de services, ces personnes sortiront d’elles même de la pauvreté au lieu d’attendre une redistribution…
Je n’exploite personne, j’offre un service qui a une valeur et je suis bien payé selon la valeur ajoutée que j’apporte, point.
C’est bien possible. Je ne connais pas votre activité professionnelle et j’aurais donc du mal à exprimer une opinion à ce sujet. D’ailleurs, si dans la société il y a des gens qui produisent plus
de valeur qu’ils n’empochent (c’est à dire qu’ils laissent de la plusvalue) et d’autres qui empochent plus de valeur qu’ils ne produisent, il faut bien qu’il y ait des gens situés à l’endroit ou
la différence entre valeur produite et valeur empochée s’annule.
D’ailleurs, vous auriez bien du mal à parler de votre plus-value pour un agent immobilier…
Et pourquoi ça ? Je ne vois aucune difficulté. Imaginons un agent immobiliaire qui est propriétaire de son agence et qui a un salarié. Pourquoi a-t-il choisi d’avoir un salarié ? Si le salarié
lui coute autant qu’il lui rapporte, alors autant rester tout seul et s’éviter les emmerdements. Si le propriétaire de l’agence cherche à croître, cela veut dire que chaque agent supplémentaire
lui apporte plus qu’il ne lui coûte. En d’autres termes, que la valeur restituée à l’agent est inférieure à celle qu’il produit. C’est cette différence qui est empochée par le propriétaire, et
qui s’appelle la plusvalue…
Vous remarquerez que mon raisonnement n’a aucun élément moral: je ne dis pas que ce soit juste ou injuste, bien ou mal. Je ne fais que décrire un mécanisme…
Quant aux services publics, pourquoi tout le monde doit payer pour tout et chacun ne paye-t-il pas ce qu’il utilise/consomme ?
Pour deux bonnes raisons: la première, c’est que beaucoup de ces services ont un caractère assurantiel. Ce que vous payez n’est pas le service lui même, mais la garantie de l’avoir le jour ou
vous en avez besoin. Ainsi, par exemple, comment feriez vous pour payer les pompiers en fonction de ce que vous “utilisez/consommez” ? Une partie de vos impôts a le caractère d’une prime
d’assurance. Ce qui au passage justifie un impôt progressif: après tout, celui qui a une mansion a plus à perdre si les pompiers n’arrivent pas à temps que celui qui habite un deux pièces
cuisine, non ?
La deuxième raison, est qu’il est très difficile pour certains services publics d’établir un lien précis entre la “consommation/utilisation” d’un service et son payement. Ainsi, par exemple si
l’on suivait votre idée qui devrait payer le service public de l’éducation ? Qui “consomme/utilise” ce service ? L’elève qui suit les cours ? L’employeur qui grâce au système peut disposer d’une
main d’oeuvre formée et productive ? Le simple citoyen qui sait qu’un peuple éduqué est généralement moins violent ? En fait, nous bénéficions tous à des degrés différents des retombées du
système éducatif. Mais il serait très difficile de repartir la dépense autrement que d’une manière égalitaire ou proportionnelle au revenu.
Le même raisonnement peut être appliqué aux transports: qui bénéficie du transport en commun en Ile de France, par exemple ? Les usagers, certainement. Mais aussi les employeurs, parce qu’ils
n’ont pas à organiser eux mêmes le transport de leurs travailleurs…
Cela engendre uniquement les ressentiments entre les individus : ceux qui payent pour les autres finissent par leur en vouloir…
C’est pourquoi il faut expliquer inlassablement que les services publics ne fonctionnent pas sur le modèle “certains payent pour d’autres”. Que le propre du service public est justement que
tout le monde bénéficie, directe ou indirectement, de leur fonctionnement. Et que la question “pourquoi devrais-je payer pour les autres” n’a pas de sens: en fait, nous payons
pour nous mêmes.
Votre commentaire me rappelle un incident que Jean-Marc Sylvestre – commentateur libéral bien connu – avait commenté dans l’une de ses chroniques radio. Victime d’un malaise, il avait été
récupére par le SAMU et amené aux urgences de l’Hopital public. Silvestre avait raconté comment cette expérience avait changé totalement sa perception du service public, lui faisant découvrir que
l’impôt qu’on paye n’est pas un sacrifice dévoré par un Leviathan, mais qu’il permet d’entretenir toute une infrastructure souterraine qu’on ne voit pas jusqu’au jour où on en a besoin.
Et pour les services publics communs (école,etc.)
Je ne comprend pas très bien votre distinction. Quels sont les services publics “non communs” ?
eh bien c’est bien pour ça que nous payons des d’impôts et que je parle d’une flat tax !
Mais pourquoi ? Si je suis votre raisonnement qui veut qu’on paye ce qu’on “consomme/utilise”, n’est-il pas normal que ceux qui utilisent plus payent plus ? Après tout, ce sont les plus
riches qui fréquentent les meilleurs lycées, les meilleurs hôpitaux, qui ont les meilleures routes et la plus grande densité de policiers et de pompiers se trouve dans les beaux quartiers. Je ne
suis pas à priori contre une “flat tax”, mais je crois que vous faites erreur de croire que la “flat tax” est plus “juste” qu’une taxe progressive…
Il faut raisonner dans l’autre sens: si pour avoir une école et une justice performante il faut 25% de flat tax, soit. Si c’est 30%, ce sera 30%.
Et si c’est 60% ? Je ne comprends pas comment à partir de votre raisonnement vous arrivez à la conclusion que les taux actuels sont “délirants”.
Pas forcément dans la pauvreté !
Non, pas “forcément”. Mais très fréquemment tout de même. L’expérience a montré au delà de toute contestation que les “flat tax” augmentent les inégalités de revenu. Les riches deviennent plus
riches et les pauvres deviennent plus pauvres par rapport aux systèmes progressifs.
Au contraire, une libéralisation totale favorisera la création de richesses et ils en bénéficieront plus !
Il faut tout de même tirer les leçons de l’expérience: la “libéralisation totale” a considérablement augmenté l’éventail de rémunérations. Elle a aussi, et c’est plus grave encore pour les
menages modestes, augmenté l’amplitude des cycles économiques, avec une succession de périodes de croissance frénetique et de dépression. Pourquoi c’est grave pour les gens modestes ?
Parce que pour résister aux cycles, il faut des réserves que l’on accumule pendant les périodes d’euphorie et qu’on dépense pendant les périodes de disette. Or, les gens modestes sont ceux
précisement qui n’ont pas les moyens d’accumuler des réserves.
Il faut d’abord faire grossir le gâteau…
Tout à fait d’accord. Mais l’expérience là encore a montré que la libéralisation ne fait pas nécessairement grossir le gâteau. Elle fait plutôt grossir l’illusion de gâteau – ce fut le cas avec
les différentes “bulles” qui ont suivi la vague libérale des années 1980. En fait, la croissance moyenne de l’économie – c’est à dire de la taille du gâteau – a été plus forte pendant les trente
ans “dirigistes” 1945-1974 que pendant les trente ans “libéraux” 1980-2010.
De plus, si on n’est pas incité à être moins entreprenant comme actuellement avec une multitude d’aides et de services, ces personnes sortiront d’elles même de la pauvreté au lieu d’attendre
une redistribution…
Je suis partiellement d’accord avec ce commentaire, et je vous accorde volontiers que dans beaucoup de domaines on est allé trop loin dans l’assistance au point de décourager l’effort et d’avoir
créé des populations d’assistés. Mais point trop n’en faut: il faut un équilibre juste qui encourage les gens à l’effort et à la prise du risque tout en les protégeant raisonnablement contre les
aléas de la vie.
Produire et consommer français, n’est-ce pas la quintessence du programme économique du Front National ? Alors comment se fait-il que vous ne l’évoquiez même pas dans cet article ?
Produire et consommer français, n’est-ce pas la quintessence du programme économique du Front National ?
Pas du tout. Si l’on prend le critère d’antériorité, c’est surtout la “quintessence” du programe du PCF, qui en avait fait de “produisons français” son slogan de campagne dans les années 1970. Et
à l’époque, de l’extrême droite à l’extrême gauche tout le monde était tombé dessus à bras raccourci. Georges Marchais rigolerait beaucoup s’il savait qu’aujourd’hui de Bayrou à Le Pen tout le
monde reprend son idée…
Le “nouveau” Front National a repris une grande quantité de messages et de slogans qui étaient brandis par le PCF dans les années 1970. Et ce n’est pas étonnant: c’est avec ces messages que le
PCF attirait à lui le vote ouvrier. La grande intelligence de Marine Le Pen est de l’avoir compris.
J’ai nettement le souvenir que le Front National prônait le protectionnisme bien avant l’arrivée de Marine Le Pen, ce qui est somme toute logique, pour un parti nationaliste. Toutefois, même en
admettant que le PCF de Georges Marchais possède l’antériorité sur cette question, je ne vois pas bien en quoi ceci démontrerait que le projet actuel de Marine Le Pen ne serait quant à lui “pas
du tout” protectionniste. A moins que vous ne mettiez en doute sa sincérité sur ce point, mais sur quel fondement ?
je ne vois pas bien en quoi ceci démontrerait que le projet actuel de Marine Le Pen ne serait quant à lui “pas du tout” protectionniste
Ce n’est pas ce que j’ai dit: mon “pas du tout” répondait à votre affirmation selon laquelle le protectionnisme serait “la quintessence du projet du Front National”. Je n’ai jamais nié que
le protectionnisme fasse partie du programme du Front, et cela depuis un certain temps. Mais il ne constitue pas sa “quintessence”, puisque pendant longtemps le Front National a pris des
positions plutôt libérales, difficilement conciliables avec une politique protectionniste.
A moins que vous ne mettiez en doute sa sincérité sur ce point, mais sur quel fondement ?
Je n’ai aucune raison de mettre la sincérité personnelle de Marine Le Pen en doute sur ce point. Par contre, je pense qu’on est en droit de s’interroger sur la sincérité d’un parti qui pendant
des années a été clairement libéral en matière économique et institutionnelle, et notamment anti-Etat, anti-fonctionnaire et anti-impôt. La conversion spectaculaire à un discours qui rappelle
plus celui du PCF dans ls années 1970 que celui de Jean-Marie Le Pen pendant les années 2000 pose un certain nombre de questions, et notamment la suivante: s’agit-il d’un changement sincère
d’opinion, ou bien d’un discours purement électoraliste ? Dans la mesure où aucun dirigeant du Front National n’a expliqué les raisons de ce changement d’orientation, j’ai tendance à privilégier
la deuxième explication.
PS : Par exemple, voici un lien qui mène à un débat de 1998 entre François Léotard et Jean-Marie Le Pen, dans lequel ce dernier déclare : “Il faut résoudre le problème du chômage en rétablissant
un protectionnisme minimal.”
http://www.ina.fr/politique/elections/video/CAB98008682/mots-croises-special-le-pen-leotard.fr.html
PS : Par exemple, voici un lien qui mène à un débat de 1998 entre François Léotard et Jean-Marie Le Pen, dans lequel ce dernier déclare : “Il faut résoudre le problème du chômage en
rétablissant un protectionnisme minimal.”
Vous illustrez mon propos: en 1998, pour Le Pen, le protectionnisme était une concession idéologique, admissible à condition qu’il fut “minimal”. Il me semble intéressant de se demander comment,
en dix ans, on est passé d’un libéralisme qui était prêt à faire une concession “minimale” au protectionnisme à un protectionnisme finalement assumé.
Peut-être l’explication réside dans le même mécanisme qui oblige aujourd’hui le Front de Gauche à défendre l’Euro. Lorsque “produire français” était le lemme du PCF, le FN ne pouvait le reprendre
sans y laisser des plumes. Il n’a pu se reconvertir au protectionnisme que depuis que l’ensemble de la gauche est devenue libre-échangiste, de jure ou de facto.
Vous calculez 15% d’amélioration pour les plus modestes, premier décile, en fait les plus modestes c’est 15% de la population, arrondissons à 20%. Ca représente tout de même un volume de
consommation global supplémentaire conséquent pour une économie. Sachant que 70% de cette consommation est produite en France selon certains.
Il y a aussi un stock de richesse, le patrimoine, pas seulement le flux, les revenus. Une répartition moins concentrée du patrimoine est un deuxième élément à considérer dans le calcul.
Vous calculez 15% d’amélioration pour les plus modestes, premier décile, en fait les plus modestes c’est 15% de la population, arrondissons à 20%.
Vous avez des drôles de manières de calculer. D’abord, s’il s’agit d’arrondir, il n’y a aucune raison d’arrondir 15% à 20% plutôt qu’à 10%. Mais en dehors de cet arrondi, j’ai du mal à comprendre
ce que vous voulez dire par “les plus modestes c’est 15%”. Les 10% plus modestes c’est 10%. Les 20% plus modestes, cela fait 20%. Et la moitié la plus modeste, cela fait 50%…
Je n’ai peut-être pas été assez précis: lorsque j’ai dit “15% d’amélioration pour les plus modestes” j’aurais du en fait écrire “15% d’amélioration en moyenne pour le premier décile”.
Ca représente tout de même un volume de consommation global supplémentaire conséquent pour une économie. Sachant que 70% de cette consommation est produite en France selon certains.
J’ignore qui sont ces “certains”. Mais lorsque je fais la liste des choses que je pourrais m’acheter si mon revenu augmentait de 15%, je ne tombe certainement pas sur des produits faits en
France. Je mangerais certainement plus de fruits (made in Maroc, Espagne, Tunisie, Afrique du Sud, Argentine…). Je m’acheterait peut-être une nouvelle télé (faite en Corée, en Chine, en
Malaisie…). Changer de voiture ? Il est vrai que ls Dacia et les Hyundai sont pas chères… mais même si je prenais une Renault, plus de 70% de la voiture viendrait de l’étranger. Un
ordinateur, un téléphone portable ? Vous pouvez chercher du “made in France”, vous ne trouverez pas. Peut-être quelques vêtements de plus ? La femme aurait du mal à résister à ces robes si bon
marché faites en Chine, et elle achêterait certainement pour moi quelques jeans (fait en Tunisie). Même les slips viennent aujourd’hui d’ailleurs !
Paradoxalement, si vous voulez augmenter la demande du “produit en France”, il faut plutôt donner de l’argent aux classes moyennes: ce sont eux qui consomment des produits de luxe et des
services, deux produits qui ne sont pas – du moins pas encore – délocalisés. Mais croire qu’on peut relancer la production française de produits bas de gamme – ceux que par force achètent les
plus modestes – c’est à dire ceux pour lesquels la compétitivité-prix est le critère dominant de choix – en augmentant la demande… c’est une illusion.
Il y a aussi un stock de richesse, le patrimoine, pas seulement le flux, les revenus. Une répartition moins concentrée du patrimoine est un deuxième élément à considérer dans le calcul.
Le patrimoine n’a un effet économique que parce qu’il produit des flux. Si vous avez votre patrimoine sous forme de lingots d’or dans un coffre fort quarante mètres sous terre et que vous
n’ouvrez jamais, à toutes fins utiles c’est comme si cette patrimoine n’existait pas. Il ne commence à exister que si vous le dépensez (c’est à dire, si vous crééz un flux de dépense) ou si vous
l’investissez (et donc crééz un flux de revenu). Il est donc normal de considérer uniquement les flux, puisque ce sont eux qui déterminent le niveau de vie.
Vous avez oublié les dépenses de logement, produit local, même les pauvres se logent, souvent en location, et ca représente une part importante de leurs dépenses.
Sinon, un stock, patrimoine, via l’ISF par exemple, devient un flux redistribué.
Vous avez oublié les dépenses de logement, produit local, même les pauvres se logent, souvent en location, et ca représente une part importante de leurs dépenses.
Mais c’est une dépense qui ne produit rien en termes d’activité: si l’on ne construit pas plus de logements, ce n’est certainement pas parce qu’il n’y a pas de demande solvable: le fait que les
prix augmentent continument bien au delà de l’inflation le montre bien. Ce n’est pas en donnant plus d’argent aux gens que vous relancerez la construction…
Sinon, un stock, patrimoine, via l’ISF par exemple, devient un flux redistribué.
Les impôts sur le patrimoine sont, en dernière analyse, des impôts sur le revenu de ce patrimoine.
Je sais bien que les écoles, transports, hôpitaux, etc. sont utilisé par tous, je ne le conteste pas ! Mais pour ces services, combien d’autres qui ne servent pas à grand chose ? Des
administrations interminables à la CAF ou autre ? Combien d’argent perd l’Etat en gardant des entreprises publics ou en suventionnant des entreprises non compétitives ?
Soyons sérieux !! Un Etat qui est dans son role n’impliquerait pas une taxe à 60%… mais bien plus bas.
Quant à votre agent immobilier, alors s’il gagne 8000€ par mois, c’est quand même un prolétaire selon vous ? Amusant…
Je récuse également votre référence aux années dirigistes. C’est bien parce qu’on était en pleine reconstruction à la sortie dela guerre que ça fonctionnait. Faut bien se poser une
question: pourquoi a-t-on abandonné ce modèle si parfait ? Peut-être parce qu’on était arrivé en stagflation ? Qu’on avait plus de croissance et que les prix explosaient ? Heureusement qu’il y a
eu Tatcher et Reagan !
Mais pour ces services, combien d’autres qui ne servent pas à grand chose ?
Pourriez-vous donner des exemples précis de “services qui ne servent pas à grande chose” ?
Des administrations interminables à la CAF ou autre ?
Là encore, il faut sortir de cette sorte de néo-poujadisme et regarder les choses en face. Proposez vous de supprimer les allocations familiales ? Non ? Alors, il vous faut une “administration
interminable” pour encaisser les cotisations et distribuer les allocations. Vous savez, tout cela ne se fait pas par magie. Pour que les chèques arrivent au destinataire, il faut bien qu’il y ait
des gens qui les rédigent et qui les envoient. Lorsqu’on examine le coût de gestion des différents dispositifs publics, on trouve des ratios qui sont en général légèrement meilleurs que dans les
administrations privées.
Combien d’argent perd l’Etat en gardant des entreprises publics ou en suventionnant des entreprises non compétitives ?
Là encore, on aimerait des exemples. Ces entreprises rendent en général des services qui sont structurellement déficitaires. Si vous cédez l’activité au secteur privé le service ne sera pas
rendu. Où alors il faudra subventionner le service pour le rendre rentable, ce qui en fin de compte revient plus cher que de confier le service à une “entreprise publique non compétitive”…
Par ailleurs, l’Etat non seulement ne perd pas d’argent en gardant des entreprises publiques, mais il en gagne. Ainsi par exemple EDF a depuis sa fondation toujours contribué positivement aux
comptes publics de quelques milliards par an…
Soyons sérieux !! Un Etat qui est dans son role n’impliquerait pas une taxe à 60%… mais bien plus bas.
Combien coûtent à votre avis les services rendus “par un Etat qui est dans son rôle” ? Les avez-vous calculé ? Où sont les chiffres ?
Quant à votre agent immobilier, alors s’il gagne 8000€ par mois, c’est quand même un prolétaire selon vous ? Amusant…
Un prolétaire non. Un exploité, oui. L’exploitation n’est pas une question de salaire, mais une question de rapport entre ce qu’on produit et ce qui vous est restitué dans la paye. S’il produit
en valeur plus de 8000 € et qu’il est payé moins, c’est que quelqu’un empoche la différence…
Je récuse également votre référence aux années dirigistes. C’est bien parce qu’on était en pleine reconstruction à la sortie dela guerre que ça fonctionnait.
C’est à la rigueur un argument recevable en Europe. Mais à ma connaissance, les EEUU n’ont souffert que des destructions de guerre négligéables. Et pourtant, ils ont connu eux aussi les “trente
glorieuses”. Même chose pour le Canada, pour l’Australie, pour l’Argentine…
Faut bien se poser une question: pourquoi a-t-on abandonné ce modèle si parfait ?
La réponse est très complexe, mais on peut donner quelques éléments schématiques. D’abord, il y a eu la fin d’un cycle technologique qui a permis pendant trente ans d’avoir des augmentations
importantes de productivité. Cette augmentation, qui fut très rapide pendant les “trente glorieuses”, a repris un rhytme de croisière plus raisonnable, de l’ordre de 1% par an. Il était donc
fatal que la croissance se réduise (libéralisation ou pas). Ceci a eu un effet sur l’équilibre social. Lorsque la croissance était rapide, il était possible de contenter à peu près tout le monde.
Lorsque la croissance a ralenti, les intérêts des différentes couches sociales sont rentrés en conflit. Et les classes moyennes ont fait alliance avec la bourgeoisie pour confisquer les fruits de
la croissance: Ce fut l’arrêt de l’ascenseur social (qui mettait les enfants des classes moyennes en compétition avec ceux des classes plus modestes), la politique du franc fort (privilégiant la
rente sur le travail), la construction européenne (privilégiant le consommateur sur le producteur). C’est l’ensemble de ces politiques qui ont provoqué la stagflation.
Heureusement qu’il y a eu Tatcher et Reagan !
Heureusment pour les boursicoteurs et autres spéculateurs, qui leur doivent une fière chandelle…
Bonjour Descartes,
j’adore les échanges sur cet article qui deviendra un collector.
Je réagis sur la stagflation. Je pense que vous vous trompez parce que la stagflation est un phénomène des années 70. Une forte inflation combinée à une faible croissance. La faible croissance
peut en effet s’expliquer par la fin d’un cycle technologique et la réduction drastique des gains de productivité concommitants. Par contre l’inflation était élevée et il faut expliquer
pourquoi.
L’échec des politiques keynésiennes dans la lutte contre le chômage (ex plan de relance Chirac de 1975) dans les années 70 a permis le retour des politiques économiques néoclassiques.
Je pense que les politiques de relance keynésiennes ont échoué dans les années 70 parce que les libéraux en douce avaient déjà réussi avec la CEE a ouvrir largement les économies nationales –
abandon en 1973 du tarif douanier extérieur commun – et parce que l’argent injecté dans l’économie a été plus employé pour augmenter les salaires que pour augmenter la production ou moderniser
l’appareil productif.
Par contre l’inflation était élevée et il faut expliquer pourquoi.
Justement, je proposais une explication. Alors que la croissance a ralenti, la progression des salaires a continue à la même vitesse, d’une part parce que les classes moyennes ont rué dans les
brancards (ce fut mai 1968 et la suite) et d’autre part parce que l’économie française contenait des mécanismes d’indexation qui rendaient difficile de lier le salaire à la productivité. Or,
lorsque les salaires augmentent beaucoup plus vite que la productivité, on génère de l’inflation.
Je pense que les politiques de relance keynésiennes ont échoué dans les années 70 parce que les libéraux en douce avaient déjà réussi avec la CEE a ouvrir largement les économies
nationales
Je ne suis pas tout à fait d’accord. Les politiques de relance keynésiennes ne marchent que lorsqu’on se trouve dans une crise de la demande. Or, la crise n’était pas provoquée par une demande
insuffisante (si cela avait été le cas, il n’y aurait pas eu inflation sinon plutôt déflation, comme en 1929) mais par un ralentissement de la productivité. Dans ces conditions, la relance
keynésienne ne pouvait qu’échouer: il aurait au contraire fallu faire, comme vous le soulignez d’ailleurs – une relance par l’investissement et la productivité.
Les impôts sur le patrimoine sont, en dernière analyse, des impôts sur le revenu de ce patrimoine.
Euh non, c’est un impôt qui ponctionne des revenus globaux, du revenu et du patrimoine, le patrimoine ne fond pas du fait de cet impôt, sauf le jour où il faut vendre pour payer l’impôt sur le
patrimoine, qui est calculé sur cette base et pas sur celle des revenus. En revanche, il augmente moins puisque les revenus ainsi accumulés ne se transforment pas en épargne permettant
l’augmentation du patrimoine. C’est comme les calories, on les brule autant qu’on les absorbe, sinon on engraisse. C’est le principe de base des équations différentielles thermodynamiques.
Euh non, c’est un impôt qui ponctionne des revenus globaux, du revenu et du patrimoine, le patrimoine ne fond pas du fait de cet impôt,
Si le patrimoine ne rapporte pas de revenu, et que vous prelevez sur lui un impôt, il “fond” nécessairement. En fait, c’est parce que le patrimoine raporte un revenu que cet impôt est “durable”.
C’est comme les calories, on les brule autant qu’on les absorbe, sinon on engraisse. C’est le principe de base des équations différentielles thermodynamiques.
Un bon conseil: n’utilisez pas des expressions dont vous ne connaissez pas le sens.
“Un bon conseil: n’utilisez pas des expressions dont vous ne connaissez pas le sens.”
Si vous pouviez déjà vous l’appliquer à vous même, ce serait un bon début. Bon, allez salut et bonne route sur les chemins de l’autisme prétentieux qui tourne en boucle. Vous devriez songer à
consulter, un jour…
Votre réaction est infantile. Si vous intervenez publiquement, il vous faut accepter que votre intervention soit soumise à la critique. Lorsque vous écrivez “C’est comme les calories, on les
brule autant qu’on les absorbe, sinon on engraisse. C’est le principe de base des équations différentielles thermodynamiques”, il eest très clair pour quiconque a ouvert un livre de
thermodynamique que vous n’avez pas la moindre idée de ce que veulent dire les mots que vous utilisez. Tiens, juste par curiosité, c’est quoi pour vous une “équation différentielle
thermodynamique” ? Pensez-vous vraiment qu’en thermodynamique on puisse “brûler des calories” ? J’ai l’impression que vous confondez thermodynamique avec aérobic…
J’applique sur ce blog une règle: je ne laisse pas passer ce genre de bêtise. Et quand j’en fais une – ce qui m’arrive comme à n’importe qui – et bien je m’applique la même règle. Je n’ai jamais
censuré un commentaire qui signale une erreur, et je me fais un devoir d’y répondre avec un mot d’excuses. C’est ça, respecter ses interlocuteurs.
Vous, vous avez essayé d’utiliser une expression que vous avez entendu quelque part pour donner un petit vernis scientifique à votre affirmation. Vous avez été pris avec les doigts dans la
confiture, et au lieu de vous faire discret, vous essayez de cacher votre bêtise derrière le manteau de l’indignation…
L’indifférence et le mépris ne sont-elles pas des données et cela devient intéressant précisément maintenant, quand une parte des classes moyennes souffrent?
Je ne suis pas très sûr d’avoir compris votre point. Mais une chose m’inquiète: pourquoi “cela devient intéressant” seulement maintenant, parce que les classes moyennes “souffrent” ? Doit-on
comprendre que lorsque la souffrance était limitée aux couches populaires cela n’était pas “intéressant” ?
“Vous illustrez mon propos: en 1998, pour Le Pen, le protectionnisme était une concession idéologique, admissible à condition qu’il fut “minimal”. Il me semble intéressant de se demander comment,
en dix ans, on est passé d’un libéralisme qui était prêt à faire une concession “minimale” au protectionnisme à un protectionnisme finalement assumé.”
Tout d’abord, il me semble qu’un protectionnisme “minimal”, mais qui se fixerait néanmoins pour objectif de “résoudre le chômage”, serait un protectionnisme déjà passablement ambitieux.
D’autre part, je ne vois pas ce qui vous fait dire que Jean-Marie Le Pen aurait fait là une concession. Qui, selon vous, aurait pu exercer une pression sur lui en ce sens, en 1998 ? Il me semble,
en effet, que le protectionnisme y était encore plus “tabou” qu’aujourd’hui, et que rares étaient ceux qui osaient alors en réclamer l’application.
D’autre part, je ne vois pas ce qui vous fait dire que Jean-Marie Le Pen aurait fait là une concession. Qui, selon vous, aurait pu exercer une pression sur lui en ce sens, en 1998 ?
J’ai utilisé l’expression “concession idéologique”, et ce que je voulais dire n’est pas que JMLP aurait fait une concession de nature politique à une quelconque pression, mais qu’il s’était mis
lui même en contradiction avec sa vision politique de l’époque. Le fait qu’il ait utilisé le terme “minimal” (terme que MLP, par exemple, n’utiliserait certainement pas aujourd’hui) montre
combien ce coup de canif dans son idéologie lui coûtait à l’époque. Je peux me tromper, mais si mes souvenirs sont corrects le seul parti qui prônait sans complexes dans les années 1970 et 80 des
politiques protectionnistes était le PCF. Et cela s’explique: le protectionnisme sert essentiellement les intérêts de l’électorat ouvrier et populaire que l’ouverture des frontières pousse au
chômage, alors que les couches moyennes et supérieures tirent du moins dans un premier temps de cette même ouverture des frontières des bénéfices considérables à travers des produits importés bon
marché. Or, dans les années 1970-80, le PCF était la représentation politique de l’électorat ouvrier, alors que le FN dragait plutôt chez les classes moyennes inférieures (commerçants,
artisans…). Le virage du FN vers le protectionnisme correspond à un changement de son public: au fur et à mesure qu’il capte un électorat populaire, son discours – et dialectiquement ses idées
– s’adaptent.
Il faut aussi noter que le libre-échange, qui à ses débuts menaçait essentiellement l’emploi ouvrier, commence maintenant à menacer les couches moyennes. Ceci explique peut-être pourquoi
l’opinion – et donc le langage politique – sont en train de changer.
” Lorsqu’on examine le coût de gestion des différents dispositifs publics, on trouve des ratios qui sont en général légèrement meilleurs que dans les administrations privées. “
Alors là ! Non franchement, je demande des sources ! Parce qu’il est clair que dans le privé les employés sont bien plus motivés et rémunérés au résultat. Par conséquent, leur productivité est
bien plus élevée. Vous avez déjà vu la léthargie de certains employés de mairie ou des guichettiers de la CAF ? Comme s’ils auraient duré dans le privé…
“Combien d’argent perd l’Etat en gardant des entreprises publics ou en suventionnant des entreprises non compétitives ? “
De combien le PIB augmenterait si des entreprises privés s’occupaient de ces services “structurellement rentables” ?
“La réponse est très complexe, mais on peut donner quelques éléments schématiques. D’abord, il y a eu la fin d’un cycle technologique qui a permis pendant trente ans d’avoir des augmentations
importantes de productivité. C’est l’ensemble de ces politiques qui ont provoqué la stagflation. “
Comme c’est pratique ! Et aujourd’hui on est aussi à la fin d’un cycle je suppose ? Vous remarquerez que les politiques libérales de Tacher et Reagan ont fait effectivement repartir la
croissance, fin de cycle ou pas. Alors, qu’en dites-vous ?
Alors là ! Non franchement, je demande des sources !
Je vous renvoie par exemple aux rapports de la Cour des Comptes concernant les frais de gestion de la Sécurité Sociale.
Parce qu’il est clair que dans le privé les employés sont bien plus motivés et rémunérés au résultat. Par conséquent, leur productivité est bien plus élevée.
Les employés sont bien plus motivés dans le privé ? On voit que vous n’avez pas eu recours aux centres d’appel des fournisseurs de service Internet… mais en admettant même que ce soit vrai, a
quoi sont ils “motivés” exactement. Tiens, votre conseiller financier dans votre banque, il est certainement très “motivé”. Très motivé pour vous vendre les produits qui sont les plus profitables
pour la banque, même s’ils sont désastreux pour vous. Le récent scandale où un dirigeant de haut niveau de Goldman Sachs a dénoncé la manière dont la banque tondait ses clients – avec le plus
grand mépris pour ces derniers, qualifiés de “muppets” – devrait vous ouvrir les yeux. Je veux bien admettre que le privé est nettement plus efficace, et que ses employés sont nettement plus
motivés, lorsqu’il s’agit de gagner le plus possible d’argent. Mais pas lorsqu’il s’agit de rendre le meilleur service.
Vous semblez par ailleurs croire que la productivité ne dépend que de la “motivation” des employés. Et que celle-ci, à son tour, ne dépend que de la
rémunération… Je m’inscris bien entendu en faux contre cette idée. Tiens, j’ai envie de vous demander… pensez-vous qu’il faudrait rémunèrer les pompiers au résultat ? Réfléchissez bien avant
de répondre…
Vous avez déjà vu la léthargie de certains employés de mairie ou des guichettiers de la CAF ? Comme s’ils auraient duré dans le privé…
J’ai l’impression que vous idéalisez beaucoup le privé. Avez-vous dejà eu à faire aux guichetiers de votre compagnie d’assurances ? Au service clientèle de votre FAI ? Avez-vous essayé de vous
faire rembourser par un syndic de copropriété ? La léthargie, l’incompétence, le mépris du client ne sont pas, loin de là, limités au service public.
“Combien d’argent perd l’Etat en gardant des entreprises publics ou en suventionnant des entreprises non compétitives ? ” De combien le PIB augmenterait si des entreprises privés s’occupaient
de ces services “structurellement rentables” ?
Je ne suis pas très sur d’avoir compris votre question. La plupart des services publics concernent des secteurs qui sont structurellement non-rentables. Mais on peut répondre à votre question en
prenant quelques exemples. Ainsi, par exemple, la Grande Bretagne a choisi de confier le transport ferroviaire au secteur privé. Les prix se sont envolés alors que le service et la sécurité se
dégradaient au point qu’il a fallu rénationaliser pour éviter l’effondrement du système. Je pense que vous idéalisez beaucoup l’entreprise privée.
Et aujourd’hui on est aussi à la fin d’un cycle je suppose ?
Probablement. De la même manière que les excès libéraux des années 1920 ont amené les politiques keynésiennes, les excès libéraux des trente dernières années sont en train de montrer leurs fruits
empoisonnés. Un retour de balancier dans les prochaines années me parait très probable. Pour ne donner qu’un exemple, nous vivons en termes d’infrastructures sur l’énorme capital accumulé pendant
les années de dirigisme: les grands programmes (autoroutes, nucléaire, aéronautique, TGV, etc.) datent tous d’avant “Thatcher et Reagan”, et ce n’est guère mieux chez nos voisins. Au fur et à
mesure que ces infrastructures atteindront leur fin de vie, il faudra les renouveler. Or, le privé a montré abondamment son incapacité dans ce domaine (l’exemple américain est très révélateur à
ce sujet). Même les capitalistes les plus endurcis – voir par exemple le livre récent de Jean-Louis Beffa – commencent à réaliser combien les services et infrastructures publics sont vitaux pour
la compétitivité.
Vous remarquerez que les politiques libérales de Tacher et Reagan ont fait effectivement repartir la croissance, fin de cycle ou pas. Alors, qu’en dites-vous ?
D’abord, j’en dit que vous faites erreur. Vous trouverez les chiffres de la croissance britannique entre 1970 et 2009 ici. Vous constaterez qu’entre 1979 et 1990, la durée du mandat de Thatcher, le PIB britannique
n’a augmenté que de 27%, ce qui fait 2,1% en moyenne. Pendant les neuf ans qui ont précédé l’arrivée de Thatcher au pouvoir (c’est à dire, les années de la tant redoutée “stagflation”) le PIB a
augmenté de 26,4%, soit en moyenne 2,6%. En d’autres termes, la politique thatchérienne a eu un effet plutôt négatif sur la croissance…
Mais à supposer même que Thatcher et Reagan aient réussi à rédemarrer la croissance, je vous repondrai que le régime nazi, lui aussi, avait fait repartir l’économie allemande après les crises à
répétition des années 1920. Reagan et Thatcher ont fait répartir temporairement la croissance, en payant – ou plutôt, en faisant payer aux plus modestes – le prix. Pour les allemands des années
1930, le prix fut la guerre et la destruction. Pour les américains et les britanniques des années 1980, ce fut le creusement des inégalités, la misère pour des secteurs entiers de la société, le
détricotage du tissu social, l’égoisme généralisé, la précarité, etc. Libre à vous de penser que la relance de la croissance justifie tout. Ce n’est certainement pas mon cas…
” je vous accorde volontiers que dans beaucoup de domaines on est allé trop loin dans l’assistance au
point de décourager l’effort et d’avoir créé des populations d’assistés.”
Intéressant, pourriez-vous donner des exemples et préciser les domaines auxquels vous pensez
?
Je vais me concentrer sur deux exemples, l’un global, l’autre plus anecdotique si vous le voulez bien.
Le premier concerne le système des “trappes à pauvrété”. La multiplication des mécanismes d’aide et de soutien aux plus démunis non coordonnés entre eux fabrique ce paradoxe qui fait que pour un
certain nombre de chômeurs, le retour à l’emploi se traduit par une baisse du revenu disponible. En reprenant le travail le chômeur récupère certes un salaire, mais d’une part il encourt des
dépenses supplémentaires (transport pour se rendre à son travail, habillement, garde d’enfants…) et d’autre part il perd certaines aides, soit parce qu’elles sont conditionnées au fait qu’il
est chômeur, soit parce que l’augmentation de son revenu apparent lui fait dépasser les seuils qui conditionnent ces aides.
Il y a donc une population qui a tout intérêt à rester dans l’assistance, parce que le fait d’en sortir se traduit pour elle par une baisse de revenu. J’insiste: ce n’est certainement pas la
faute de cette population s’il en est ainsi. Je ne fais nullement un jugement moral. Il est normal qu’une personne choisisse, parmi les alternatives légales, celle qui correspond
à son son intérêt. C’est le système qui est mal conçu: les centaines d’allocations, d’aides et d’exonérations existantes devraient être coordonnées entre elles et les seuils fixés de telle
manière que le fait de reprendre le travail se traduise toujours par une augmentation du revenu disponible.
Le deuxième exemple, plus anecdotique mais aussi plus symbolique, est celui de certains dispositifs d’aide aux jeunes en difficulté. Dans certaines municipalités, on a mis en place des
dispositifs particuliers qui s’adressent aux jeunes en difficulté scolaire et sociale, qui prennent différentes formes: dans ma commune, la municipalité a par exemple organisé des stages de voile
encadrés par des animateurs pendant les vacances scolaires. En d’autres termes, si vous êtes un élève moyen, vous restez au centre aéré de votre banlieue, si vous êtes un cancre, vous partez à La
Rochelle tous frais payés. Pensez-vous que ce soit une bonne manière d’encourager les gens à l’effort ? Je n’en suis pas persuadé…
Là encore, je ne reproche rien aux “assistés” en question. C’est le système qui est mal construit. Le problème est, à mon sens, qu’on distribue les récompenses non pas à proportion de l’effort
fait, mais à proportion de la nécessité. Qu’on donne des cours de soutien à ceux qui en ont le plus besoin, tout à fait d’accord. Mais pourquoi un stage de voile, qui n’a aucun rapport avec le
besoin lui même ?
Je pourrais ainsi donner bien d’autres exemples. Mais je me permets d’insister sur un poin. Mon propos n’était nullement de dénoncer les “assistés” comme s’ils étaient en quelque sorte des
“profiteurs”. Ce n’est nullement ma pensée. Je ne reproche pas aux gens de faire – tant qu’ils restent dans les limites de la légalité – ce qui est dans leur intérêt. C’est le système des aides
qui est mal construit, et qui encourage à des comportements qui sont contraires à l’intérêt général. Et c’est donc le système qu’il faut réformer.
Vous, vous savez leur parler, aux libéraux, m’sieur Descartes ! A propos, ne trouvez-vous pas que si l’on veut à tout prix chercher aujourd’hui, peut-être pas des fascistes, mais en tout cas des
exaltés, animés par une idéologie réductrice et inhumaine, il faudrait plutôt chercher de ce côté, et non de celui du FN ?
A propos, ne trouvez-vous pas que si l’on veut à tout prix chercher aujourd’hui, peut-être pas des fascistes, mais en tout cas des exaltés, animés par une idéologie réductrice et inhumaine,
il faudrait plutôt chercher de ce côté, et non de celui du FN ?
Je ne vois pas pourquoi. Après tout, ce n’est pas parce qu’il y a des “exaltés animés d’une idéologie réductrice et inhumaine” d’un côté qu’il faut s’abstenir de les rechercher de l’autre…
Mais plus sérieusement, je n’aime pas qu’on colle des étiquettes aux gens. Ce blog n’est pas pour moi un lieu de combat, mais un lieu de débat. Dès lors qu’une idéologie suscite l’adhésion de
quelqu’un, cela m’intéresse. Si un militant veut débattre avec moi, qu’il soit militant du FN ou du NPA, je suis toujours prêt. Parce que j’ai envie de comprendre pourquoi il adhère à ses idées.
Et parce que j’aimerais qu’il comprenne les miennes, même si je ne le convainc pas.
Les libéraux ne sont pas des monstres venus de l’espace. Ce sont des gens qui pour des raisons parfaitement humaines ont une certaine vision du monde.
“Les libéraux ne sont pas des monstres venus de l’espace. Ce sont des gens qui pour des raisons parfaitement humaines ont une certaine vision du monde.”
J’avoue très humblement qu’en ce qui me concerne, j’en suis resté à l’idée que la vision du monde libérale n’est autre que la vision du monde de la bourgeoisie, qui n’est certes pas peuplée que
de monstres venus de l’espace… Cela étant, je vous prie de croire que je serais tout disposé à découvrir une autre perspective, peut-être, d’ailleurs, à l’aide de votre blog ?
J’avoue très humblement qu’en ce qui me concerne, j’en suis resté à l’idée que la vision du monde libérale n’est autre que la vision du monde de la bourgeoisie,
Tout à fait d’accord. Mais il ne faut pas oublier que la bourgeoisie, c’est une classe révolutionnaire par excellence. Et ce n’est pas moi qui le dit, c’est Marx, dans le “manifeste”. Ce
qui me gêne chez certains “antilibéraux” est leur tendance à se placer dans une perspective a-historique dans laquelle la bourgeoisie c’est le “mal” et le reste de la société le “bien”.
Il faut à mon sens se placer toujours dans une perspective historique. La bourgeoisie a été la classe révolutionnaire qui a buté dehors le monde féodal, corporatif et hiérarchique et l’a remplacé
par un monde différent. Les droits de l’homme et l’esprit des Lumières sont intimement liés à cette révolution. Nous ne pouvons pas en même temps rejeter le libéralisme in toto et en même temps
revindiquer ce qui fait l’essentiel de son appareil idéologique. Personnellement, j’adhère à la position marxienne qui, loin de rejeter moralement le libéralisme, en fait la critique comme une
période du développement humain. Il faut construire le nouveau sur les épaules de l’ancien, et non sur ses ruines.
“c’est quoi pour vous une “équation différentielle thermodynamique” ? Pensez-vous vraiment qu’en thermodynamique on puisse “brûler des calories” ?”
Là je suis mort de rire, je m’en suis farci des pages de calculs de thermodynamique pendant mes études, sans compter les manips de vérification en labo. 1er principe, second principe, cycles de
Carnot, entropie, enthalpie, équa difs ou intégrales en tous genres, rendements. Avec l’appui de la théorie des ensemble appliquée aux resolutions d’intégrales toutes les plus tordues les unes
que les autres. Quelques lagrangiens par ci par là…
Bon, je vais être gentil, en physique on parle de Joules, convertibles en calories selon :
1 joule = 0,239005736 calories
Je m’en suis farci des pages de calculs de thermodynamique pendant mes études, sans compter les manips de vérification en labo. 1er principe, second principe, cycles de Carnot, entropie,
enthalpie, équa difs ou intégrales en tous genres, rendements.
Et dans toutes ces études, avez vous vu une seule fois qu’on “brûle des calories” ? Je dis bien une seule fois ? Pourriez-vous indiquer une seule
référence où l’on indique que le fait de “brûler des calories” soit à la base des “equations différentielles thermodynamiques” ?
Bien sur que non. Inutile de sortir vos oeuvres complètes. Vous ne faîtes qu’aggraver votre cas: croire qu’on peut “brûler des calories” lorsqu’on n’a pas eu la chance de faire des études, c’est
pardonnable. Mais que quelqu’un qui “s’est farcé des pages de calcul de thermodynamique” puisse encore croire qu’en thermodynamique on peut “brûler des calories”, c’est impardonnable.
Bon, je vais être gentil, en physique on parle de Joules
Ne me dites pas qu’on peut “brûler des joules”…
PS: J’ai dejà une fois supporté sur mon blog vos cacas nerveux de gamin mal élévé. A l’époque, vous écriviez sous le pseudo “Olaf”. Si vous croyez qu’en changeant votre pseudo vous allez tromper
quelqu’un, vous vous trompez. Les commentateurs de ce blog peuvent témoigner que j’ai toujours publié les commentaires, même lorsque j’étais en total désaccord avec eux, aussi longtemps qu’ils
ont respecté les règles minimales de correction. Ce n’est pas votre cas, et c’est pourquoi vous êtes personna non grata sur mon blog. Tenez-vous le pour dit.
Bonjour,
« Il est temps que cela s’arrête »
Bien que je comprenne votre baisse de motivation, permettez moi de tenter de vous dissuader de ce funeste sentiment. C’est justement lorsque tout est flou, biaisé, érodé,
falsifié, faisandé même, que des voix comme la votre deviennent indispensables, voire vitales. Ne voyez pas là une flagornerie de thuriféraire. Je n’adhère pas vraiment à votre obsession vis à
vis des classes moyennes, dont je ne sais toujours pas de qui il s’agit, ni de votre inconditionnel jacobinisme lié sans doute à votre état de parisien, ni enfin à votre rejet systématique d’une
opportunité européenne. Ça fait déjà pas mal !
Cependant votre regard est d’une telle lucidité, d’une telle rigueur, qu’il constitut – ou devrait constituer – pour tous vos lecteurs, une référence, une base de départ à leur
réflexion personnelle. Un navire dans le brouillard a un impératif besoin de se fixer un repère de référence, non pour le rejoindre ( surtout s’il s’agit d’un phare perché sur un récif ), mais
pour tracer une route personnelle en fonction de son objectif individuel. Et pour cela, il faut que ce repère soit fiable, constant, clair. Finalement, ce sont vos opposants « frontaux » qui vous
inspirent vos meilleures réponses. Je n’ai pas cette posture, comme beaucoup des commentateurs et les oppositions de nuances ne sont, souvent, pas aussi parlantes que celles adressées à des
commentateurs comme « libéral » par exemple.
Ce qu’offre votre blog, c’est un cours de citoyenneté. Je ne sais s’il en existe l’équivalent, mais son caractère pédagogique représente , à mes yeux, l’exemple de ce que
pourrait être un enseignement généralisé dans les lycées ou dans l’enseignement supérieur .
Et plus les « temps » sont troublés, incertains, nébuleux, incompréhensibles, plus le besoin d’éclairage – même si la lumière nous est quelquefois pénible à supporter, surtout
dans l’obscurité -, se fait qu’il est temps que cette campagne atone prenne fin, mais je n’ai pu résister , à votre ressentir. Il m’arrive souvent de vous comparer à Diogène de Sinope, le cynique
– au sens ancien et philosophique du terme – et particulièrement à l’épisode de l’ «homme » de Platon…… qui disait souvent aussi : « Diogène, c’est Socrate devenu fou ! »
Il resterait, maintenant, à faire l’éloge de la folie . Que ceux que cela motive, se réfèrent à Érasme.
P.S. : votre titre signifiait probablement qu’il est temps que cette campagne présidentielle atone, ennuyeuse, convenue, se termine. Je n’ai pu résister, à l’instar de votre
exemple, de « retourner en biais » une assertion qui permet de passer le message que l’on souhaite.
Cordialement votre.
Bien que je comprenne votre baisse de motivation, permettez moi de tenter de vous dissuader de ce funeste sentiment.
Oh, je vous rassure, je n’ai aucune intention d’arrêter ce blog. Réflechir par écrit me procure un grand plaisir, et échanger avec les – trop rares, hélas – commentateurs qui lisent ma prose m’en
procure un plus grand encore. En fait, je faisais référence à cette campagne électorale, dont l’ennui me submerge. Les candidats ont tout ce qu’ils avaient à dire – pas grande chose, hélas – et
on a la nette impression qu’ils se répétent à longueur de discours et d’interviews. On a vraiment envie que la campagne se termine et qu’on passe à autre chose.
C’est justement lorsque tout est flou, biaisé, érodé, falsifié, faisandé même, que des voix comme la votre deviennent indispensables, voire vitales. Ne voyez pas là une flagornerie de
thuriféraire.
J’en vois surtout une expression de votre très grande gentillesse. Je ne suis pas persuadé que ma voix soit “indispensable” à personne, mais si elle vous est utile, cela suffit à ma gloire 😉
Bonsoir,
Je suis particulièrement intéressée par l’argumentaire sur la hausse des salaires inefficace dans une économie ouverte aux 4 vents, et qui ne fait que creuser la balance commerciale. Si je
comprends bien l’erreur sous la gouvernance de Mitterrand, je voudrais savoir si celle obtenue par la CGT et le PCF lors de la grève de 1968 a eu un effet analogue ?
Merci de vos précisions.
Si je comprends bien l’erreur sous la gouvernance de Mitterrand, je voudrais savoir si celle obtenue par la CGT et le PCF lors de la grève de 1968 a eu un effet analogue ?
L’effet à été le même, mais beaucoup plus faible: Ainsi, entre 1960 et 1967 la balance commerciale tend à se dégrader légèrement, oscillant entre un excédent de 500 M€ (1960) et un déficit de 770
M€ (1964) pour s’améliorer légèrement ensuite à 750 M€ en 1967. Mais en 1968 on voit une rupture: un déficit de 920 M€ en 1968 (les augmentations du SMIC ont lieu en juin) puis 1800 M€ en 1969.
Ensuite, l’effet inflationniste rognant les augmentations, le déficit tend à redescendre: il est tout de même de 1000 M€ en 1970. Il reprend ensuite son rhytme de croisière (autour de 500M€)
jusqu’au choc pétrolier de 1973-14. A titre de comparaison, en 1981 le déficit avait été de 15 Md€ et il est passé en 1982 à 26 Md€.
L’effet de la relance salariale de 1968 a été plus faible pour deux raisons. D’une part, l’économie française était beaucoup moins “ouverte” en 1968 qu’en 1981, et la fuite vers les importations
du pouvoir d’achat injecté était donc plus faible. D’autre part, en 1968 le SMIC avait accumulé un retard considérable sur l’inflation, l’augmentation consentie en 1968 était en grande partie un
rattrapage. Ce n’était pas le cas en 1981: les mécanismes d’indexation mis en place dans les années 1970 étaient assez efficaces.
Mon propos n’était nullement de dénoncer les “assistés” comme
s’ils étaient en quelque sorte des “profiteurs”. Ce n’est nullement ma pensée. Je ne reproche pas aux gens de faire – tant qu’ils restent dans les limites de la légalité – ce qui est dans leur
intérêt. C’est le système des aides qui est mal construit, et qui encourage à des comportements qui sont contraires à l’intérêt général. Et c’est donc le système qu’il faut réformer.
Vous n’avez pas à vous justifier. Je comprends tout à fait votre position.
Votre discours est à l’opposé de ces politiques qui critiquent les pauvres et les présentent
comme des profiteurs faisant fi du fait qu’ils ont mené une politique économique qui installait durablement le chômage dans notre pays.
C’est pourquoi je préfère une politique protectionniste mesurée et de plein-emploi aux
pansements mis en place par la gauche et la droite depuis 1975.
“Personnellement, j’adhère à la position marxienne qui, loin de rejeter moralement le libéralisme, en fait la critique comme une période du développement humain. Il faut construire le nouveau
sur les épaules de l’ancien, et non sur ses ruines.”
Vous soulevez là une question extrêmement profonde, sur laquelle je ne saurais prétendre détenir une vérité définitive. Mais ne serait-ce pas précisément l’erreur commise par Marx, que d’avoir
considéré, en homme du XIXe siècle qui croyait en la science et au progrès, que le capitalisme n’était qu’une première étape en direction de la libération de l’humanité ? Après tout, la prise du
pouvoir par la bourgeoisie, qui était certes inéluctable, ne s’inscrit peut-être pas pour autant dans un “sens” de l’histoire, qui devrait nous conduire de l’obscurantisme au règne de la raison.
Et de ce point de vue, l’on pourrait voir finalement comme une simple péripétie l’accession au pouvoir de cette classe matérialiste, dont la vocation ne serait que d’assurer les échanges de biens
marchands, et non de gouverner la société. En tout cas, je ne vous cache pas que telle est plutôt ma position actuelle, qui serait celle d’un “anticapitaliste réactionnaire”, en quelque sorte.
Mais ne serait-ce pas précisément l’erreur commise par Marx, que d’avoir considéré, en homme du XIXe siècle qui croyait en la science et au progrès, que le capitalisme n’était qu’une première
étape en direction de la libération de l’humanité ?
Je ne vois pas très bien en quoi ce serait une “erreur”. Quelque soient les immenses défauts du capitalisme, on y est plus libre et moins aliéné que dans les sociétés féodales, non ? ON n’est
peut-être pas aussi près du “règne de la Raison” qu’on aimerait, mais on y est tout de même bien plus près qu’il y a un siècle, n’est ce pas ?
“Je ne vois pas très bien en quoi ce serait une “erreur”. Quelque soient les immenses défauts du capitalisme, on y est plus libre et moins aliéné que dans les sociétés féodales, non ?”
Selon Karl Marx en tout cas, la réponse était, de la façon la plus nette: non. Pour lui, la liberté du travailleur de “fabrique” du XIXe siècle était une fiction, tandis que l’artisan du
moyen-âge, protégé par ses corporations, était incomparablement plus libre.
Toutefois, qu’en est-il aujourd’hui ? Tout d’abord, dans un souci d’objectivité, il ne faudrait pas omettre, me semble-t-il, de poser cette question à nos actuels smicards, chômeurs et autres
sdf, de même qu’aux travailleurs des pays dits “émergents”, qui se chargent désormais de fabriquer nos objets de grande consommation. Quant aux “classes moyennes”, votre billet montre fort bien à
quel point elles sont, à leur tour, menacée par certains “crocodiles”, contre lesquels nos politiques ne se sont pas encore avisés de vouloir les protéger. Enfin, si après ce riant tour
d’horizon, on juge tout de même le bilan du capitalisme comme “globalement positif” au regard des libertés des travailleurs, encore faudrait-il faire la part de ce qui est dû à leur resistance
organisée, et de ce qui serait dû au libéralisme bourgeois.
Quoi qu’il en soit, si le capitalisme représentait certainement, pour Marx, le contraire d’un progrès en termes de libertés pour les travailleurs, il constituait néanmoins la première étape en
direction de leur libération définitive, paradoxe qui est exprimé dans le passage suivant du Capital :
“A mesure que diminue le nombre des potentats du capital qui usurpent et monopolisent tous les avantages de cette période d’évolution sociale, s’accroissent la misère, l’oppression,
l’esclavage, la dégradation, l’exploitation, mais aussi la résistance de la classe ouvrière sans cesse grossissante et de plus en plus disciplinée, unie et organisée par le mécanisme même de la
production capitaliste. Le monopole du capital devient une entrave pour le mode de production qui a grandi et prospéré avec lui et sous ses auspices. La socialisation du travail et la
centralisation de ses ressorts matériels arrivent à un point où elles ne peuvent plus tenir dans leur enveloppe capitaliste. Cette enveloppe se brise en éclats. L’heure de la propriété
capitaliste a sonné. Les expropriateurs sont à leur tour expropriés.”
Or c’est cette vision en quelque sorte optimiste de Marx, qui se prend ainsi à apercevoir une lumière au bout de la nuit la plus noire, qui me paraît une erreur. Je pense que son analyse
terrifiante du capitalisme est juste, mais non sa croyance en une rédemption finale.
Selon Karl Marx en tout cas, la réponse était, de la façon la plus nette: non. Pour lui, la liberté du travailleur de “fabrique” du XIXe siècle était une fiction, tandis que l’artisan du
moyen-âge, protégé par ses corporations, était incomparablement plus libre.
Est-ce que tu aurais la possibilité de citer le texte où Marx dit pareille chose ? Je pense que tu fais une erreur fondamentale. Marx est avant tout un progressiste: il conçoit l’histoire humaine
comme un progrès constant, partant des modes de production les plus arriérés et les plus primitifs pour aller vers les modes les plus avancés. L’idée que le capitalisme ait pu être un “recul” par
rapport aux sociétés féodales est totalement contradictoire avec la vision marxiste de l’histoire.
Marx est d’ailleurs très explicite sur cette question dans le “Manifeste”, dont il faut lire à ce sujet le chapitre Ier. J’en extrait quelques paragraphes:
La bourgeoisie a révélé comment la brutale manifestation de la force au Moyen âge, si admirée de la réaction, trouvait son complément approprié dans la paresse la
plus crasse. C’est elle qui, la première, a fait la preuve de ce dont est capable l’activité humaine: elle a créé de tout autres merveilles que les pyramides d’Égypte, les
aqueducs romains, les cathédrales gothiques; elle a mené à bien de tout autres expéditions que les invasions et les croisades (…).
Par l’exploitation du marché mondial, la bourgeoisie donne un caractère cosmopolite
à la production et à la consommation de tous les pays. (…) À la place des anciens besoins que la production nationale satisfaisait, naissent des besoins nouveaux, réclamant pour leur
satisfaction
les produits des contrées et des climats les plus lointains. À la place de l’isolement d’autrefois des régions et des nations se suffisant à elles-mêmes, se développent des relations
universelles, une interdépendance universelle des nations. Et il en va des productions de l’esprit comme de la production matérielle. Les oeuvres intellectuelles d’une nation deviennent la
propriété commune de toutes. L’étroitesse et l’exclusivisme nationaux deviennent de jour en jour plus impossibles; et de la multiplicité des littératures nationales et locales naît une
littérature universelle.
Ceux qui font de Marx un critique du capitalisme et de la mondialisation “en arrière” se trompent. Marx est au contraire enthousiaste quant aux oeuvres du capitalisme, qu’il juge une étape
éminement progressiste de l’histoire humaine, allant jusqu’à écrire que “La bourgeoisie a joué dans l’histoire un rôle éminemment révolutionnaire”.
Dans le troisième chapitre du Manifeste, Marx critique d’ailleurs votre conception de “l’artisan du moyen âge protégé par ses corporations” dans sa description du “socialisme petit bourgeois” et
son rejet de ceux qui prétendent, sous l’étiquette de “socialistes”, défendre un retour à une société pré-bourgeoise: “A en juger toutefois d’après son contenu positif, ou bien ce socialisme
entend rétablir les anciens moyens de production et d’échange, et, avec eux, les rapports de propriété antérieurs et toute l’ancienne société, ou bien il entend faire entrer de force les moyens
de production et d’échange modernes dans le cadre étroit des anciens rapports de propriété qu’ils ont brisé, qu’ils devaient nécessairement briser. Dans l’un et l’autre cas, ce socialisme est à
la fois réactionnaire et utopique. Régime corporatif pour la manufacture. économie patriarcale à la campagne, voilà son dernier mot”.
C’est une grave erreur de la “gauche radicale” que de tomber dans le discours misérabiliste comme vous le faites ci-dessous:
Toutefois, qu’en est-il aujourd’hui ? Tout d’abord, dans un souci d’objectivité, il ne faudrait pas omettre, me semble-t-il, de poser cette question à nos actuels smicards, chômeurs et autres
sdf, de même qu’aux travailleurs des pays dits “émergents”, qui se chargent désormais de fabriquer nos objets de grande consommation.
Si, comme vous le dites – ou plutôt comme vous l’attribuez à Marx – “leur liberté est une fiction”, alors je ne vois pas trop l’intérêt de leur demander leur avis sur quoi que ce soit, puisque
leur réponse n’est pas “libre”. Mais je doute que la proposition d’en revenir aux rapports de production du moyen-âge rencontre un grand succès dans les couches populaires. Les travailleurs
indiens qui “se chargent de fabriquer nos objets de grande consommation” sont peut-être misérables, mais ils l’étaient largement plus avant que ces industries ne s’installent. la meilleure preuve
en est que les paysans indiens désertent les campagnes pour s’entasser dans les villes où ces industries se créent.
La vision misérabiliste ne permet pas d’analyser correctement les raisons pour lesquelles les couches populaires ont soutenu et soutiennent encore le capitalisme. Le fait est que, quelque soient
ses immenses défauts, le capitalisme a réussi à améliorer les conditions de vie. Et les prolétaires ne sont pas prêts à “casser la machine” sans auparavant être convaincus qu’un projet alternatif
serait en mesure de leur procurer un niveau de vie au moins aussi haut.
Quant aux “classes moyennes”, votre billet montre fort bien à quel point elles sont, à leur tour, menacée par certains “crocodiles”, contre lesquels nos politiques ne se sont pas encore
avisés de vouloir les protéger.
Mais… nos politiques les ont au contraire très bien protégées. Ils ont arrêté l’ascenseur social. Ils ont transformé l’université en garderie pour leurs enfants. Ils ont affaibli la sélection
méritocratique pour permettre à ces mêmes enfants d’avoir un meilleur départ dans la vie. Les classes moyennes peuvent leur dire merci, et le font avec une certaine application. Ce ne sont pas
elles, et de loin, qui s’abstiennent le plus. Ce qui tendrait à prouver qu’elles ont toujours une certaine confiance – contrairement aux couches populaires – dans “nos politiques” pour défendre
leurs intérêts.
Enfin, si après ce riant tour d’horizon, on juge tout de même le bilan du capitalisme comme “globalement positif” au regard des libertés des travailleurs, encore faudrait-il faire la part de
ce qui est dû à leur resistance organisée, et de ce qui serait dû au libéralisme bourgeois.
Je ne comprends pas très bien votre raisonnement. Le bilan du capitalisme est “globalement positif” en ce sens qu’il constitue un progrès par rapport au mode de production féodal, et de la même
manière celui-ci représentait un progrès par rapport au mode de production antique. Ce n’est pas pour autant qu’il constitue la fin de l’histoire, et qu’on ne pourrait pas trouver un mode de
production encore meilleur.
Le capitalisme a transformé le serf en prolétaire, de la même manière que le féodalisme avait transformé l’esclave en serf. Cela ne doit rien à la “résistance organisée”, c’est intrinsèque au
système. Rien que pour cela, il constitue un progrès. La “résistance organisée” des travailleurs a un rôle fondamental lorsqu’il s’agit de distribuer le gâteau. Mais le mode de production
capitaliste a permis que la taille de ce gâteau augmente au delà tout ce que le mode de production féodal aurait pu réussir. Et cela a aussi son importance. A mon avis, la crédibilité d’un projet
véritablement socialiste aujourd’hui passe par la construction d’un projet dont la productivité soit au moins égale sinon meilleure que celle du système capitaliste.
“ON n’est peut-être pas aussi près du “règne de la Raison” qu’on aimerait, mais on y est tout de même bien plus près qu’il y a un siècle, n’est ce pas ?”
Je vois bien nos que dirigeants politiques actuels obéissent à la raison du grand Capital, mais je ne vois là en aucun cas l’amorce d’un règne de la Raison. Trouvez-vous, par exemple, la
politique actuelle de sauvetage de l’Euro raisonnable ?
Incidemment, qui seraient les grands penseurs, du niveau de Marx ou de Hegel, dont notre capitalisme contemporain, supposé plus proche du règne de la Raison, aurait favorisé l’éclosion ?
Je vois bien nos que dirigeants politiques actuels obéissent à la raison du grand Capital, mais je ne vois là en aucun cas l’amorce d’un règne de la Raison. Trouvez-vous, par exemple, la
politique actuelle de sauvetage de l’Euro raisonnable ?
Parfaitement raisonnable du point de vue des intérêts de ceux qui la défendent… et en tout cas bien plus rationnelles que ne furentles politiques de Hoover et des autres dirigeants occidentaux
lors de la crise de 1929. Les instruments d’analyse actuels ne sont certainement pas parfaits, mais ils sont infiniment meilleurs qu’il y a un siècle.
Incidemment, qui seraient les grands penseurs, du niveau de Marx ou de Hegel, dont notre capitalisme contemporain, supposé plus proche du règne de la Raison, aurait favorisé l’éclosion ?
Jacques Généreux, peut-être ? Sapir ? Lordon ? Jorion ?
Redevenons sérieux: notre époque n’est pas une époque de ruptures et de grands penseurs. Le postmodernisme – dont la victoire symbolique est mai 1968 – a progressivement détruit toutes les
institutions où cette pensée pouvait vivre et s’épanouir. L’idée même de “grand penseur” n’a plus cours. On peut le regreter ou au contraire s’en réjouir – et je suis, vous l’aurez compris, de
ceux qui le regretent – mais c’est comme ça. Cela n’a bien entendu rien à voir avec le “règne de la Raison”. Ou plutôt si: les grands penseurs rationnalistes ont surgi lorsque la raison avait
encore à batailler avec l’obscurantisme et la religion. C’est parce qu’on a gagné cette bataille que la pensée rationnaliste n’a plus autant de succès. Elle a cessé d’être “subversive”.
“C’est elle qui, la première, a fait la preuve de ce dont est capable l’activité humaine: elle a créé de tout autres merveilles que les pyramides d’Égypte, les aqueducs
romains, les cathédrales gothiques;”
La pyramide du Louvre ? L’échangeur de l’autoroute A 9 ? La cathédrale d’Evry ?
Bon. Je plaisante. Vous abordez une foule de questions, et j’aurai besoin d’un certain temps pour y répondre. A plus tard.
La pyramide du Louvre ? L’échangeur de l’autoroute A 9 ? La cathédrale d’Evry ?
La centrale nucléaire de Flamanville. Le viaduc de Millau. Le pont de Normandie. Le tunnel sous la manche… il y en a des centaines, que dis-je, des milliers…
Bon. Je plaisante. Vous abordez une foule de questions, et j’aurai besoin d’un certain temps pour y répondre. A plus tard.
J’attendrai le plaisir de vous lire…
“Je vous renvoie par exemple aux rapports de la Cour des Comptes concernant les frais de gestion de la Sécurité Sociale.” Ah oui, UN exemple. Et pendant ce temps là, le crédit lyonnais, Renault ou
Air France ont été des gouffres financiers pour l’Etat ! Depuis la privatisation, le service est bien meilleur ! Alors ? Si vous me dites que la CAF serait mieux gérée par le privée, je rigolerais
bien ! Vous critiquez les politiques libérales pour avoir creusé des inégalités… j’ai envie de dire: et alors ? Ceux qui réussissent ne sont pas des voleurs ? Que préfère-t-on: une gâteau qui
grossit et chacun en touche une part et certains plus que d’autres ou un gâteau qui ne grandit pas ? Encore une fois, les plus égalitaires et sociaux ne sont pas forcément ceux que l’ont croit !
“Je vous renvoie par exemple aux rapports de la Cour des Comptes concernant les frais de gestion de la Sécurité Sociale.” Ah oui, UN exemple.
Vous demandiez un exemple, je vous donne un exemple. J’aurais pu aussi vous parler de la construction de notre parc nucléaire (un exploit en matière de gestion industrielle et financière) qui n’a
couté pas un sou au contribuable et que l’usager a payé avec une électricité moitié moins chère que dans le reste de l’Europe.
Et pendant ce temps là, le crédit lyonnais, Renault ou Air France ont été des gouffres financiers pour l’Etat !
Trouvez-vous que cela va beaucoup mieux depuis qu’elles ont été privatisées ?
Depuis la privatisation, le service est bien meilleur !
Sur Air France ? Vous rigolez…
Vous critiquez les politiques libérales pour avoir creusé des inégalités… j’ai envie de dire: et alors ?
Et alors rien. Si cela ne vous dérange pas que des gens qui font honnêtement leur travail soient dans la misère pour qu’une poignée de privilégies – fussent-ils géniaux – vivent comme des
princes, c’est votre droit. Quant à moi, je ne partage pas ce point de vue. Cela ne me dérange pas que celui qui travaille plus gagne plus. Mais cela me gêne beaucoup que celui qui a de la chance
gagne des milliards. Je n’ai pas envie de vivre dans la société du Loto.
Ceux qui réussissent ne sont pas des voleurs ?
Certains le sont, d’autres pas. Mais je ne crois pas qu’il existe sur cette terre de “réussite” qui justifie qu’on gagne des centaines de milliers d’euros par mois, alors qu’un honnête ouvrier
doit se contenter de 1300 €.
Que préfère-t-on: une gâteau qui grossit et chacun en touche une part et certains plus que d’autres ou un gâteau qui ne grandit pas ?
Moi, je prefère un gâteau qui grossit et qui est justement reparti. Pas vous ?
Je n’aime pas karl marx, car ce qu’il a proposé pour dépasser le capitalisme a conduit à une impasse. L’expérience soviétique a mal fini. Et il faudra du temps avant qu’une autre alternative
puisse émerger.
Je regrette que ce ne soit pas le socialisme humaniste d’un Pierre leroux qui se soit imposé. le concept même de dictature du prolétariat n’annonçait rien de bon, il sentait trop
l’autoritarisme allemand.
Je n’aime pas karl marx, car ce qu’il a proposé pour dépasser le capitalisme a conduit à une impasse.
Marx n’a en fait rien “proposé” de concret. L’intérêt de l’oeuvre de Marx vient surtout des instruments d’analyse qu’il a inventé et qu’il a utilisé pour décortiquer le fonctionnement du mode de
production capitaliste. Ce sont surtout les disciples – au sens large – de Marx qui, à partir des travaux du maître, ont proposé concrètement des politiques de dépassement qui ont eu des fortunes
plus ou moins bonnes.
L’expérience soviétique a mal fini.
En histoire, c’est le propre de toutes les expériences: l’empire égyptien à mal fini, l’empire romain a mal fini, les seigneuries féodales, l’empire napoléonien, la commune de Paris ont mal
fini… à long terme, nous sommes tous morts, comme disait Keynes. Je ne crois pas qu’il faille analyser les expériences historiques en termes de “succès” ou “d’échec”, mais plutôt en termes de
progrès ou de recul. Napoléon a peut-être échoué, mais nos institutions portent encore aujourd’hui sa marque. L’expérience soviétique a peut-être mal fini, mais sans elle nous n’aurions jamais eu
le rapport de forces qui a permis dans l’ensemble de l’Europe les conquêtes sociales de l’après-guerre.
Je regrette que ce ne soit pas le socialisme humaniste d’un Pierre leroux qui se soit imposé.
On peut toujours regreter de ne pas vivre dans une planète magique ou les biens nécessaires et superflus poussent naturellement dans les arbres. Pour reprendre le vocabulaire marxiste, on ne peut
atteindre le royaume de la liberté qu’en passant par le royaume de la nécessité. La vision coopérativiste et mutualiste de Leroux n’est pas adaptée à une production moderne, mobilisant des grands
investissements en capital. C’est là où la vision de Marx est utile: elle nous dit que ce qui permet à un projet politique de “s’imposer” c’est sa capacité à accompagner l’expansion des forces
productives, et non sa rectitude morale.
Le capitalisme a transformé le serf en prolétaire, de la même
manière que le féodalisme avait transformé l’esclave en serf. Cela ne doit rien à la “résistance organisée”, c’est intrinsèque au système
je ne sais pas exactement quand s’arrête la féodalité. peut être le 4 aout 1789. En tout cas des pays comme la France auront connu et le servage et l’esclavage dans leur colonies du ouveau
monde.
La vision de l’histoire comme un progrès continu est fausse. Je vois que le genre humain peut connaitre des développements puis des régressions. Par exemple il faudra attendre près de 6 siècles
pour que le territoire qu’on nommera plus tard France retrouve la population qu’il avait avant la chute de l’empire romain. Je ne suis pas sûr que le capitalisme doit être nécessairement l’étape
postérieure à la féodalité dans une sorte de développement logique.
Par exemple, le peuple dont sont issus mes parents au Sénégal ne connaissait pas l’esclavage. De ce fait une organisation de la société où on produit peut-être plus mais dans laquelle X devient
la chose de Y sera plutôt considéré comme une régression.
je ne sais pas exactement quand s’arrête la féodalité. peut être le 4 aout 1789.
La féodalité ne s’arrête pas “exactement” à une date précise. Les transitions entre différents modes de production sont très graduels, et des modes de production “mixtes” peuvent subsister
pendant des décennies ou même des siècles avant que l’une de ses composantes disparaisse complètement et l’autre s’impose totalement. Les premières premisses du capitalisme apparaissent avec la
Renaissance: apparition des banques et d’un système financier, accession de “roturiers” à des fonctions économiques de premir plan, affranchissement de certains artisans du système corporatif,
etc. Lorsque les rois de France décident à partir de Louis XI de nommer des roturiers aux hautes fonctions de l’Etat (en réaction au pouvoir des Grands du Royaume…) ils affaiblissent la
noblesse et préparent l’accession de la bourgeoisie. La nuit du 4 août est la traduction sur le plan juridique d’une transformation sociale très graduelle qui avait commencé cent cinquante ans
plus tôt.
La vision de l’histoire comme un progrès continu est fausse. Je vois que le genre humain peut connaitre des développements puis des régressions.
Mais les regressions sont très partielles et très brèves. Ce sont des petites contre-offensives du “monde ancien” qui peuvent éventuellement retarder l’avancée du “monde nouveau”, mais qui ne
l’empêchent pas. Entre autres choses, parce que l’homme ne peut pas “désapprendre”. Une fois qu’on a fait exploser la bombe atomique, on ne peut pas oublier comment on fait pour la faire. Et le
monde d’après est donc nécessairement différent – et plus riche en possibilités – que le monde d’avant.
Ce qui rend l’histoire irréversible, d’une certaine manière, c’est cette incapacité de l’homme à désapprendre. Les cultures sont toutes passées du bois à la pierre, de la pierre au bronze, du
bronze au fer. Aucune n’a fait le chemin inverse, si ce n’est sous l’effet d’un cataclysme.
Par exemple il faudra attendre près de 6 siècles pour que le territoire qu’on nommera plus tard France retrouve la population qu’il avait avant la chute de l’empire romain.
Et alors ? La densité de population n’a jamais été un signe de “progrès”.
Je ne suis pas sûr que le capitalisme doit être nécessairement l’étape postérieure à la féodalité dans une sorte de développement logique.
Mais il y a pourtant de bonnes raisons de le penser. D’abord, la constatation qu’aucune culture n’a fait le chemin inverse (c’est à dire, passé d’abord par le capitalisme et ensuite par la
féodalité). Ensuite, parce que l’évolution humaine est avant tout une évolution de la productivité, et que le capitalisme est, des modes de production que l’humanité a expérimentés
successivement, celui qui permet les productivités les plus élevées.
Par exemple, le peuple dont sont issus mes parents au Sénégal ne connaissait pas l’esclavage.
Avant le mode de production antique, il y a un mode de production encore plus archaique, qui est le “communisme primitif”, et dans lequel il n’y a pas d’esclavage (ni de propriété privée,
d’ailleurs).
De ce fait une organisation de la société où on produit peut-être plus mais dans laquelle X devient la chose de Y sera plutôt considéré comme une régression.
La question évidente est alors pourquoi, si une telle transformation est considérée une regression, toutes les cultures “communistes primitives” qui ont eu l’opportunité de faire le saut vers des
modes de production fondés sur l’esclavage l’ont fait. Il est d’ailleurs difficile de comprendre pourquoi le fait de passer d’une organisation ou tout le monde crève la dalle dans la plus
parfaite égalité à une société où tout le monde mange à sa faim, mais certains sont “la chose” d’autres pourrait être considéré comme une “régression”. Si vous aviez le choix, dans laquelle des
deux sociétés préféreriez vous vivre ?
Ceux qui réussissent ne sont pas des voleurs ?
Certains le sont, d’autres pas. Mais je ne crois pas qu’il existe sur cette terre de “réussite” qui justifie qu’on gagne des centaines de milliers d’euros par mois, alors qu’un honnête ouvrier
doit se contenter de 1300 €.
très intéressant. La justification d’un tel écart peut être le principe de rareté. Un footballeur comme Maradona, notre espèce en connaitra peu et comme il y a une demande pour le voir jouer, on
comprend qu’il soit bien payé. Il était décisif – ce qu’aime les dirigeants de club – et un régal à voir jouer – ce qu’aiment les fans de foot – De l’autre côté le marché des postiers
connait un rapport de force favorable à l’offre de travail et de ce fait les salaires seront plutôt bas.
Que proposez-vous Descartes pour remédier à ça ? Une forte imposition sur les hauts revenus ? La limitation des revenus ? Autre chose ?
très intéressant. La justification d’un tel écart peut être le principe de rareté. Un footballeur comme Maradona, notre espèce en connaitra peu et comme il y a une demande pour le voir jouer,
on comprend qu’il soit bien payé.
Vous confondez explication et justification. Le principe de rareté explique pourquoi les gens sont prêts à payer Maradona des millions. De la même manière que la rareté explique
pourquoi les marchands de drogues se remplissent les poches. Mais cela ne fournit aucune justification.
Que proposez-vous Descartes pour remédier à ça ? Une forte imposition sur les hauts revenus ?
J’aurais tendance à pencher vers une solution utilitariste. Le salaire est le “signal prix” qui régule le marché des compétences: cela permet d’encourager les gens à aller vers les métiers ou
l’on a du mal à trouver des candidats, de pousser les gens à se former, à travailler plus et mieux, etc. Si payer plus permet d’avoir de meilleurs ingénieurs, médecins ou chercheurs, alors cela a
un intérêt pour la société. Par contre, avoir de meilleurs joueurs de football ou de tennis n’a pas un grand intérêt pour la société.
L’outil fiscal reste à mon avis le moyen le plus juste de corriger ces questions. Je ne crois pas véritablement à la “limitation des revenus” qui est trop facile à contourner.
Il faut aussi être conscient que les très hauts revenus n’ont pas le même caractère que les autres. A partir d’un certain niveau, le revenu est totalement déconnecté de la consommation, et prend
un caractère “sacrificiel”: de la même manière que les anciens sacrifiaient des boeufs pour montrer leur “adoration” envers les dieux, les organisations montrent leur “adoration” envers des êtres
exceptionnels en les rémunérant exceptionnellement.
A mon avis, la crédibilité d’un projet véritablement socialiste aujourd’hui passe par la construction
d’un projet dont la productivité soit au moins égale sinon meilleure que celle du système capitaliste.
À quoi il ressemblerait ce projet socialiste ? J’avoue que j’ai du mal à voir à quoi cette société
ressemblerait et d’une manière générale j’ai du mal à concevoir l’après capitalisme.
Et vous n’êtes pas le seul. On est en train de parler d’un projet qui n’est pas encore construit. Si c’était facile, ce serait dejà fait! Mais ce n’est pas une raison pour ne pas s’y mettre…
Bonsoir,
Très intéressante et pertinente votre distinction entre explication et justification. Tout autant votre propension pour
l’utilitarisme. Enthousiasmante votre incitation à se mettre à cogiter sur les bases d’un projet véritablement socialiste.
La majorité de nos compatriotes ont-ils une entière conscience de l’écart qu’il y a entre explication et justification ?.Je
n’en suis pas vraiment sûr et la complexité, amplifiée par le bruit médiatique sans précédent, devient inaccessible à la plupart d’entre nous. Comprendre les explications sur ces situations
brouillées, c’est déjà beaucoup, élaborer un raisonnement qui justifie telle ou telle option est autrement plus compliqué. C’est pourquoi les arguments politiques et électoraux font plus appel à
l’émotion qu’à la raison.
La justification des options politiques se basent sur une vision éthique du fonctionnement de notre société.
Utilitarisme. Voila une notion qu’il me semble indispensable de développer.
Car enfin, notre mode de consommation devra tôt ou tard, de gré ou de force, s’adapter à un contexte mondial qui ne peut
continuer sur sa trajectoire du siècle passé. Trop de superflu anesthésie nos sociétés et les valeurs humaines se mesurant de plus en plus à l’avoir, nos capacité à produire ce que nous
souhaitons consommer, rareté des matières premières aidant, nous conduit à brève échéance dans le mur, et sans airbag. Le principe et des règles claires de l’utilité des éléments de notre mode de
vie ne sont toujours pas au centre des débats.
Projet véritablement socialiste.
Il me semble qu’un projet politique se construit un peu comme le tableau d’un
peintre. Un équilibre général, une ligne d’horizon, un message fort, une tonalité et un ensemble de sujets ou de détails qui font la matière. Et avant tout, la cohérence. Chaque mesure doit
s’inscrire en harmonie avec la tonalité générale. Chaque citoyen ( ou chaque groupe de citoyen ) apporte les ingrédients qu’il souhaite prioritairement voir composer le menu et c’est aux
dirigeants d’accommoder cette multitude pour en faire une cuisine attractive qui satisfait le plus grand nombre.
Ainsi, le débat sur la rémunération (nette et définitive) de toutes les contributions qui construisent le PIB. Même chose pour
la transmission des outils de production, l’égalité des chances dans l’éducation, la politique de sécurité, de santé publique, d’attribution des moyens sociaux de subsistance, de législation du
travail avec notamment une actualisation équitable du problème des retraites, le logement social……etc.
Il y a du pain sur la planche !
Un blog comme le votre, interactif, rigoureux, pédagogique, et finalement pas très courant dans notre pays, peut avoir un effet
considérable à terme. Il serait aussi plus concret.
Bon courage
Ne vous arrêtez surtout pas ! Je ne partage pas toutes vos opinions, loin s’en faut, mais votre blog demeure une véritable bouffée d’air dans ce monde où les tenants de la parole se complaisent
dans la médiocrité !
Vous êtes trop indulgent. En tout cas, je vous rassure, même si ce blog me prend beaucoup de temps j’essaierai de continuer…
J’ai beaucoup apprécié les échanges entre toi et Libéral. J’aurais quelques questions. Est-ce que les exemples de dirigisme économique que tu cites sont liés à un raisonnement économique qui
dirait que le dirigisme est plus efficient que d’autres systèmes, par exemple en terme de coûts, de dévelopement ? Ou bien est-ce que l’efficacité de ce dirigisme serait contingente, par exemple
avec le contexte de reconstruction du pays ?
Autre question : Qu’est-ce que tu répondrais à un libéral qui te dirait qu’aux États-Unis ce n’était pas du vrai libéralisme et que c’est pour ça que les résultats n’étaient pas à la hauteur ?
J’ai déjà entendu cet argument, mais je sais pas vraiment ce qu’il vaut.
Est-ce que les exemples de dirigisme économique que tu cites sont liés à un raisonnement économique qui dirait que le dirigisme est plus efficient que d’autres systèmes, par exemple en terme
de coûts, de dévelopement ? Ou bien est-ce que l’efficacité de ce dirigisme serait contingente, par exemple avec le contexte de reconstruction du pays ?
Les deux. Il y a des domaines où le dirigisme est toujours plus efficient que le marché. L’exemple classique est l’électricité: un bien essentiel qui ne se stocke pas, qu’on distribue à l’aide
d’un réséau qu’on ne peut raisonnablement dupliquer, dont la production est d’autant plus efficiente que la taille de l’entreprise augmente (monopole naturel), et dont l’horizon de temps en
matière d’équipement est très long…
Mais il y a des marchés qui en temps normal fonctionnent d’une manière efficiente, et qui n’ont besoin de “dirigisme” qu’en temps de crise. L’exemple classique est le marché du pétrole. En temps
normal, c’est l’offre et la demande qui font les prix. Mais les Etats gardent sous le coude des “stocks stratégiques” qui leur permettent d’intervenir si une crise affolait les marchés…
Autre question : Qu’est-ce que tu répondrais à un libéral qui te dirait qu’aux États-Unis ce n’était pas du vrai libéralisme et que c’est pour ça que les résultats n’étaient pas à la hauteur
? J’ai déjà entendu cet argument, mais je sais pas vraiment ce qu’il vaut.
Je lui répondrai que ce genre d’arguments est le dernier réfuge des imbéciles. Vous trouverez des communistes qui vous diront que la révolution russe a échoué parce qu’elle n’était pas “assez
communiste”, des europhiles qui vous diront que si l’Europe ne marche pas, c’est parce qu’il n’y a pas “assez d’Europe”, et quand les libéraux sont dans la merde, ils expliquent que c’est parce
qu’on n’a pas été “assez libéral”. Rien de neuf sous le soleil…
Cher Descartes, ma misérable situation de travailleur exploité me laissant quelque court répit, je te fournis, comme promis, ma réponse :
Je t’avais dit :
“Selon Karl Marx en tout cas, la réponse était, de la façon la plus nette: non. Pour lui, la liberté du travailleur de “fabrique” du XIXe siècle était une fiction, tandis que l’artisan du
moyen-âge, protégé par ses corporations, était incomparablement plus libre.”
A quoi tu avais répliqué :
“Est-ce que tu aurais la possibilité de citer le texte où Marx dit pareille chose ?”
Tout-à-fait. Sur la prétendue liberté du travailleur en régime capitaliste, le passage à mon sens le plus frappant du Capital est le suivant :
“Au moment où nous sortons de cette sphère de la circulation simple qui fournit au libre échangiste vulgaire ses notions, ses idées, sa manière de voir et le critérium de son jugement
sur le capital et le salariat, nous voyons, à ce qu’il semble, s’opérer une certaine transformation dans la physionomie des personnages de notre drame. Notre ancien homme aux écus prend les
devants et, en qualité de capitaliste, marche le premier; le possesseur de la force de travail le suit par derrière comme son travailleur à lui; celui-là le regard narquois, l’air important
et affairé; celui-ci timide, hésitant, rétif, comme quelqu’un qui a porté sa propre peau au marché, et ne peut plus s’attendre qu’à une chose : à être tanné.”
Je crois qu’il est dificile d’être plus clair : vendre “librement” sa force de travail au marché, ce serait donc comme vendre “librement” sa propre peau.
Quant à la situation plus favorable des artisans du moyen-âge, elle se déduit, notamment, du passage suivant :
“Les lois des corporations du moyen âge empêchaient méthodiquement la transformation du maître en capitaliste, en limitant par des édits rigoureux le nombre maximum des compagnons qu’il avait
le droit d’employer, et encore on lui interdisait l’emploi de compagnons dans tout genre de métier autre que le sien. La corporation se gardait également avec un zèle jaloux contre tout
empiétement du capital marchand, la seule forme libre du capital qui lui faisait vis-à-vis. Le marchand pouvait acheter toute sorte de marchandises, le travail excepté. Il n’était souffert qu’à
titre de débitant de produits. Quand des circonstances extérieures nécessitaient une division du travail progressive, les corporations existantes se subdivisaient en sous genres, ou bien il
se formait des corporations nouvelles à côté des anciennes, sans que des métiers différents fussent réunis dans un même atelier. L’organisation corporative excluait donc la division
manufacturière du travail, bien qu’elle en développât les conditions d’existence en isolant et perfectionnant les métiers. En général le travailleur et ses moyens de production restaient
soudés ensemble comme l’escargot et sa coquille. Ainsi la base première de la manufacture, c’est à dire la forme capital des moyens de production, faisait défaut.”
Il est vrai que dans ce passage, Marx ne nous dit pas expréssément que la condition du compagnon du moyen-âge était plus enviable, car son propos n’était certes pas de prôner un retour à l’Ancien
régime. Cependant, le lecteur ne peut qu’en tirer nécessairement cette conclusion, puisque tout le malheur du prolétaire, selon Marx, provient précisément de cette dissociation d’avec ses
moyens de production.
Ensuite, tu écrivais :
Je pense que tu fais une erreur fondamentale. Marx est avant tout un progressiste: il conçoit l’histoire humaine comme un progrès constant, partant des modes de production les plus arriérés
et les plus primitifs pour aller vers les modes les plus avancés. L’idée que le capitalisme ait pu être un “recul” par rapport aux sociétés féodales est totalement contradictoire avec la vision
marxiste de l’histoire.
Je ne peux ici que t’inviter à bien relire l’extrait que je t’avais cité :
“A mesure que diminue le nombre des potentats du capital qui usurpent et monopolisent tous les avantages de cette période d’évolution sociale, s’accroissent la misère, l’oppression,
l’esclavage, la dégradation, l’exploitation, […]”
Tu vois bien que s’il y a progrès, il passe en tout cas dans un premier temps, pour Marx, par une phase de régression. C’est pourquoi j’employais pour ma part l’expression de “lumière au bout de
la nuit” pour qualifier un tel progrès.
Voilà. Je dois à présent aller dormir, afin de reconstituer ma force de travail pour l’unique profit de mon infâme patron capitaliste.
Merci de cette réponse détaillée. Mais elle ne répond pas à mon point, justement parce que vous n’avez pas trouvé un texte où le vieux Karl prefère la condition de l’artisan medieval plutôt que
celle du prolétaire moderne. Pour aboutir à la conclusion que le dernier est “plus libre” que le premier, vous êtes obligé defaire une interprétation qui me semble contraire à la vision de
Marx.
Marx était avant tout un matérialiste. Il faisait donc clairement la différence entre les libertés formelles – celles qui sont contenues dans les textes – et les libertés réelles – celles qui
sont permises par les conditions matérielles. Ainsi, par exemple, pour l’idéaliste Robinson Crusoe est l’exemple de liberté parfaite, puisqu’il n’est soumis “formellement” qu’à sa propre volonté.
Mais pour un matérialiste, Robinson Crusoe est au contraire un esclave: un esclave de sa situation matérielle puisqu’il lui faut travailler sans relâche pour survivre, et encore ne réussit-il que
grace au capital de départ qu’il reçoit.
Comparer la “liberté” de l’artisan medieval à celle du prolétaire moderne pose le dilemme hobbesien: qui est plus libre, l’homme primitif dont le “combat de tous contre tous” fait que la vie est
“pauvre, brutale et brève”, ou l’homme qui, ayant confié le pouvoir au Léviathan de règler sa vie est soumis à tout un ensemble de règles sociales, mais dont la vie est bien plus riche, douce et
longue ?
Cela n’implique pas que la vie du prolétaire soit un lit de roses, et Marx montre combien la liberté formelle du prolétaire n’est pas une liberté réelle. Mais ce n’est certainement pas pour
regretter la “liberté” elle aussi formelle du compagnon. Je pense que votre déduction selon laquelle “le malheur du prolétaire provient de la dissociation avec les moyens de production” reflète
votre conception, et non celle de Marx, qui d’ailleurs ne semble pas enthousiasmé par le statut de l’artisan “soudé à ses moyens de production comme l’escargot et sa coquille”. Après tout,
l’escargot n’est pas “libre” de quitter sa coquille…
Tu vois bien que s’il y a progrès, il passe en tout cas dans un premier temps, pour Marx, par une phase de régression.
Que certaines phases du capitalisme puissent voir un accroissement de la misère, l’oppression, etc. est une évidence. Mais cela ne suffit pas pour faire du capitalisme en général un mode de
production regressif.
Voilà. Je dois à présent aller dormir, afin de reconstituer ma force de travail pour l’unique profit de mon infâme patron capitaliste.
L’option de l’île déserte existe toujours…
“Mais cela ne suffit pas pour faire du capitalisme en général un mode de production regressif.”
Marx n’a évidemment jamais dit que le capitalisme était un “mode de production régressif”. Tout au contraire, il soutient, ainsi que vous l’avez souligné, qu’il permettrait de réaliser de “
toutes autres merveilles que les pyramides “. Pour lui, en revanche, c’est la condition des travailleurs qui régresse, et le mot est du reste faible. Il démontre que la logique implacable du
capitalisme est de ramener le coût de la force de travail à un minimum incompressible, ce qui, je crois, est effectivement le projet actuel du capitalisme, qui utilise pour cela le levier de la
mondialisation libérale.
Pour lui, en revanche, c’est la condition des travailleurs qui régresse, et le mot est du reste faible.
Dans certaines étapes peut-être, mais pas d’une manière générale. Sinon, il faudrait expliquer pourquoi lors de la révolution industrielle les campagnes se vident et les travailleurs migrent vers
les emplois industriels des cités. Il faut croire que leurs conditions de vie antérieures n’étaient guère meilleures.
Il démontre que la logique implacable du capitalisme est de ramener le coût de la force de travail à un minimum incompressible, ce qui, je crois, est effectivement le projet actuel du
capitalisme, qui utilise pour cela le levier de la mondialisation libérale.
Ce n’est pas tout à fait vrai. Si l’on regarde le coût du travail en Europe au cours des deux premier siècles du capitalisme, on observe au contraire un augmentation continue du coût de la force
de travail (en termes absolus, bien entendu).
“Sinon, il faudrait expliquer pourquoi lors de la révolution industrielle les campagnes se vident et les travailleurs migrent vers les emplois industriels des cités. Il faut croire que leurs
conditions de vie antérieures n’étaient guère meilleures.”
Marx consacre toute la huitième section du Livre premier du Capital à répondre à cette objection. En résumé, il explique que c’est l’expropriation préalable des petits paysans anglais de leurs
terres qui a contraint ceux-ci à venir se faire embaucher dans l’industrie, d’où la phrase, contenue dans le passage que je vous avais cité : “Les expropriateurs sont à leur tour
expropriés”, qui sonne presque aussi beau que du Mélenchon.
J’ajouterais, pour ma part, qu’une telle explication me paraît transposable aujourd’hui aux pays du tiers-monde, où la destruction des modes de vie paysans traditionnels génère des bataillons de
travailleurs pour nos usines délocalisées.
“Si l’on regarde le coût du travail en Europe au cours des deux premier siècles du capitalisme, on observe au contraire un augmentation continue du coût de la force de travail (en termes
absolus, bien entendu).”
Faut-il dès lors en conclure que Marx s’est trompé ? Pour ma part, j’attribue plutôt ce fait, non pas aux vertus intrinsèques du capitalisme, mais à la résistance organisée des travailleurs, soit
pour l’essentiel au mouvement communiste.
Marx consacre toute la huitième section du Livre premier du Capital à répondre à cette objection. En résumé, il explique que c’est l’expropriation préalable des petits paysans anglais de
leurs terres qui a contraint ceux-ci à venir se faire embaucher dans l’industrie, d’où la phrase, contenue dans le passage que je vous avais cité : “Les expropriateurs sont à leur tour
expropriés”, qui sonne presque aussi beau que du Mélenchon.
Pas vraiment. Marx dans le texte cité analyse le cas anglais, marqué par un phénomène très particulier, celui de “l’enclosure” et de la transformation de la terre arable en pâturage. Mais ce
phénomène n’est pas universel, et d’ailleurs Marx ne le prétend pas. Or, l’exode rural a eu lieu dans toutes les économies industrialisées, même lorsque les paysans n’ont pas été “expropriés”,
comme ce fut le cas en France, où la décadence de l’aristocratie puis la Révolution ont permis aux paysans de devenir propriétaires de leurs terres. Comment l’expliquer alors l’exode ?
Je pense qu’on peut expliquer l’exode rural anglais comme le fait Marx. C’est d’ailleurs pour cela qu’il commence à la fin du XVI siècle, avant la véritable révolution industrielle. Cette
abondance de main d’oeuvre disponible a peut-être permis à la révolution industrielle anglaise de démarrer bien avant qu’elle arrive sur le continent européen. Mais je ne crois pas qu’on puisse
utiliser cette explication pour les autres exodes ruraux. L’exode rural français a été tiré par l’attraction des meilleures conditions de vie offertes par l’emploi industriel, et non parce que
les paysans fussent “chassés de leurs terres”. C’est peut-être pour cela qu’elle est bien plus tardive.
J’ajouterais, pour ma part, qu’une telle explication me paraît transposable aujourd’hui aux pays du tiers-monde, où la destruction des modes de vie paysans traditionnels génère des bataillons
de travailleurs pour nos usines délocalisées.
La “destruction” par quel phénomène ? Pensez-vous que les conditions de vie dans les villes soient pires que celles offertes par l’agriculture de substistance pratiquée dans ces pays là ?
Faut-il dès lors en conclure que Marx s’est trompé ? Pour ma part, j’attribue plutôt ce fait, non pas aux vertus intrinsèques du capitalisme, mais à la résistance organisée des travailleurs,
soit pour l’essentiel au mouvement communiste.
Non, Marx ne s’est pas “trompé”. Il a décrit la situation et les processus à l’oeuvre tels qu’il pouvait les observer. Il ne pouvait pas prévoir qu’un siècle plus tard la main d’oeuvre allait
devenir un facteur de production rare, et que ce facteur allait se combiner avec des avancées politiques donnant aux prolétaires un pouvoir de négociation inimaginable à son époque. Marx n’était
pas un oracle: si les instruments d’analyse qu’il a conçu sont à mon avis toujours les meilleurs dont nous disposons, c’est à nous de les appliquer aux faits que nous pouvons observer. Mais nous
ne pouvons pas prendre les conclusions de Marx sur une société particulière à un moment particulier comme étant universelles.
Pour ma part, j’attribue plutôt ce fait, non pas aux vertus intrinsèques du capitalisme, mais à la résistance organisée des travailleurs, soit pour l’essentiel au mouvement communiste.
C’est certainement la “résistance organisée des travailleurs” – prise dans un sens très général – qui leur a permis d’obtenir un partage plus équitable du gâteau. Mais si leur situation s’est
améliorée, c’est aussi parce que la taille du gâteau lui même a augmenté sans cesse. Et cette augmentation doit beaucoup aux “vertus intrinsèques du capitalisme”, vertus que Marx lui même signale
dans le “manifeste”: sa capacité incomparable de mobiliser les moyens de production et d’augmenter leur efficacité.
> la moyenne du niveau de vie est en France en 2011 de 22140 € (soit un peu moins de 2000 € par mois). En d’autres termes, si l’on répartissait le revenu
uniformément, avec une parfaite égalité, entre tous les français, on aboutirait à ce chiffre exprimé en niveau de vie. Les 10% les plus riches reçoivent en moyenne par tête de pipe 53000 € par an
(soit quelque 4400 € par mois) alors que les 10% suivants recoivent eux en moyenne 31000 € par an (soit 2600 € par mois).
2000 € par mois ET environ 150000 € de patrimoine net, ce serait pas mal non ? D’autant qu’il faut prendre en compte le fait que cela engendrerait une
augmentation de la consommation, et donc une amélioration globale de l’économie. Il me semble que l’argument de la répartition des richesses n’est pas si absurde que vous le pensez en tout
cas.
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2000 € par mois ET environ 150000 € de patrimoine net, ce serait pas mal non ?
Beh… pas vraiment. Le problème, est que la distance entre la moyenne et la médiane est faible. Alors que le niveau de vie moyen (celui que chacun aurait si on distribuait le revenu
égalitairement) est autour de 22.000 €, le niveau de vie médian (celui qui partage la population en deux moitiés égales) est de 19400 €. Cela signifie que si l’on fait la révolution et l’on
partage égalitairement le revenu, il y a un peu plus de la moitié de la population qui se trouvera un petit peu mieux… et un peu moins de la moitié qui se trouvera nettement pire. Je doute fort
qu’un peuple accepte le risque d’une révolution pour une amélioration aussi faible.
Comme l’avait analysé Marx, un mode de production est remplacé par un autre lrosqu’il devient incapable d’accompagner “l’expansion des forces productives”. En d’autres termes, on fait les
révolutions non pas parce que le système partage mal le gâteau, mais parce qu’il est incapable de le faire grandir globalement. Et le calcul plus haut vous montre pourquoi: une société s’engage
dans une nouvelle voie avec l’espoir d’augmenter le niveau de vie d’une grosse majorité de la population, et cela ne peut être obtenu par une simple redistribution…