Que sont nos technocrates devenus ?

Un commentateur de ce blog m’avait il y a quelques semaines suggéré d’aborder la question de la technocratie. Ne reculant devant rien pour satisfaire mon public, j’essaierai en quelques paragraphes d’ouvrir le débat sur un sujet qui me semble essentiel dans toute réflexion sur l’avenir de nos institutions et sur la démocratie en général, à savoir, celui du rôle des “techniciens” (1) dans le gouvernement de l’Etat.

 

Le technicien, ce pelé, ce gâleux…

 

Il faut dire que l’époque est particulièrement dure pour les “techniciens”. Entre l’idéologie écologique influencée par le romantisme allemand qui fait du “technicien” un docteur Faustus prêt à signer un pacte avec le diable pour servir ses intérêts et la vision gauchiste qui refuse toute sorte de médiation entre le peuple et le pouvoir, ne jure que par l’exercice direct de la souveraineté par la masse et voit dans l’intervention des “techniciens” (les “sachants”, les “experts”) une confiscation du pouvoir par une caste (2), ils ne sont pas à la fête. Il est d’ailleurs drôle de constater que ces visions considérées plutôt “de gauche” réjoignent une vision similaire mais plutôt “de droite” qui tend à vanter la supériorité de “l’intelligence de la main” et glorifie des personnages qui furent des cancres à l’école et mauvais étudiants à l’université, mais qui se révélèrent des entrepreneurs brillants, du moins par la seule mesure de la brillance d’un entrepreneur, qui est sa capacité à gagner de l’argent.

 

Car, et c’est là un point important, le monde “technicien” est un monde hiérarchisé et méritocratique. Hiérachisé, parce que dans ce monde où la légitimité vient du savoir et de la compétence, le savoir et la compétence accumulée donnent une norme objective de hiérarchisation. Chacun connaît le parcours des autres, les projets qu’ils ont réussi et ceux qu’ils ont ratés, et le jugement des pairs établit une échelle avec des “grands” en haut et des “petits” en bas. Et c’est un monde méritocratique parce que ni le savoir ni la compétence n’étant héréditaires, la norme qui établit la hiérarchie teste essentiellement un mérite individuel. Or, ce qui caractérise – à gauche comme à droite – l’idéologie post-moderne du monde dans lequel nous vivons aujourd’hui est le rejet dans un même mouvement de la notion de hiérarchie et de celle de méritocratie, deux concepts contradictoires avec l’individu-roi qu’on nous vend à longueur de journée.

 

Le paradoxe, c’est que jamais auparavant une société humaine n’a autant dépendu de la qualité de ses techniciens. Jamais une société humaine n’aura accumulé tant de connaissances scientifiques et techniques, et dépendu autant de la mise en oeuvre de ces connaissances – et de leur bonne utilisation dans le processus de décision public comme privé – pour son optimisation. Grace à cette optimisation, notre qualité de vie a augmenté exponentiellement en un siècle, mais en contrepartie nous dépendons chaque fois plus de processus et d’objets qui ne peuvent pas être gérés – ou même compris – par n’importe qui. Pour qu’ils donnent tous leurs fruits, nous sommes obligés à les confier à des spécialistes. Notre société qui hier était une deux-chevaux, au faible rendement mais qui pouvait être bricolée par n’importe qui avec un outillage limité, est devenue une Maseratti, qui ne peut être entretenue – du moins si l’on veut quelle donne toute sa performance – que par des gens très qualifiés utilisant un outillage de pointe.

 

Ce paradoxe est en fait celui d’une société qui adhère à une idéologie de plus en plus individualiste alors qu’elle ne doit son haut niveau de vie à une division du travail qui rend ces individus de plus en plus interdépendants et les oblige à consentir une délégation de pouvoir aux “techniciens”, seuls capables de gérer la complexité. L’idéal qu’on nous vend est celui de l’individu mangeant les légumes de son jardin, tirant l’eau de son puits, produisant lui même l’électricité avec ses panneaux solaires ou son éolienne personnelle, construisant lui même sa maison. On nous offre en modèle l’individu auto-suffisant. C’est l’idéal de l’individu-île. Un peu comme si Robinson Crusoe devenait une sorte de modèle, celui de l’homme parfaitement libre parce que ne dépendant pas des autres. Alors que pour Defoe, le personnage de Robinson était exactement l’inverse: un homme dissipé qui avait refusé de devenir un membre respectable de la société humaine et que Dieu punit en lui montrant combien l’être humain est malheureux lorsqu’il est seul. Et quand Robinson de Defoe a finalement l’opportunité de revenir dans la société humaine, il n’hésite pas un instant, tant sa rélégation lui est insupportable. Si Robinson devait être réécrit aujourd’hui par un écologiste, il se réjouirait au contraire de son sort “en communion avec la nature” et y resterait jusqu’à la fin de ses jours.

 

 

Le technicien et le démocrate

 

La question fondamentale de tout pouvoir est celle de la légitimité. En d’autres termes, qu’est ce qui rend tel ou tel individu ou groupe “légitime” à exercer un pouvoir donné ?

 

La source de légitimité du technicien est celle de la connaissance. Le technicien “sait” comment les choses fonctionnent et comment les faire fonctionner. Il semblerait logique de lui donner donc les manettes. Après tout, les Lumières ne nous ont-elles pas enseigné que la meilleure décision est celle prise par la Raison sur la base d’une connaissance scientifique de la réalité ?

 

A cette légitimité s’oppose à celle du peuple. Ce qui nous conduit à nous interroger sur cette dernière. Qu’est ce qui rend le peuple légitime pour exercer – directe ou indirectement – non seulement le pouvoir, mais la souveraineté ? Là, je pense qu’il faut tout de suite dissiper quelques illusions. La légitimité ne vient pas de la qualité de la décision prise par le peuple. Comment en effet imaginer que l’ensemble de gens qui en moyenne ne connaissent rien puisse produire des décisions de meilleure qualité que celles d’une technocratie, dont les membres ont souvent passé leur vie à traiter les problèmes qu’ils traitent ? Si vous aviez mal au ventre, quel diagnostic prendriez vous ? Celui que vous donnent trois professeurs de médécine, ou celui qui serait issu d’un référendum de l’ensemble des patients de l’hôpital ? Seuls les idéalistes de la “gauche radicale” ont encore la croyance que le peuple dispose d’un savoir immanent, et qu’en mettant tous les ignorants dans une salle on peut fabriquer par on ne sait quelle magie des sages décisions. Qu’une décision soit prise démocratiquement ne garantit nullement qu’elle soit optimale.

 

La légitimité du peuple à décider des affaires qui le concernent est pourtant pour nous incontestable, et constitue le fondement de toute démocratie. Mais elle a une toute autre source: le peuple a le droit de décider parce que c’est lui qui paye le coût des décisions prises et en dernière instance les pots cassés si les décisions sont mauvaises. En d’autres termes, être celui qui paye les musiciens et supporte leurs fausses notes vous donne le droit de choisir l’orchestre et la partition. La légitimité du peuple est “essentielle”, elle est liée à ce que le peuple paye et supporte les décisions. Celle des techniciens n’est que déléguée. Mais le peuple est aussi intelligent et comprend qu’il est de son intérêt de déléguer une partie de ses pouvoirs à ceux qui peuvent les exercer plus efficacement.

 

Mais, pour reprendre la métaphore musicale plus haut, si le peuple est légitime pour choisir l’orchestre et la partition, il n’est pas pour autant capable de jouer du violon. S’il veut de la musique de qualité, il est obligé de confier la tâche de la jouer à ceux qui ont été formés pour le faire.

 

 

La délégation: une nécessité


La société dans laquelle nous vivons est incroyablement complexe. Chacun d’entre nous peut, avec un peu d’effort et d’intérêt, comprendre comment certaines choses fonctionnent, voir être capable de les faire fonctionner. Mais il est illusoire de penser qu’un être humain pourrait aujourd’hui dominer l’ensemble des champs de la connaissance dont dépend son bien-être. Chacun d’entre nous peut, en y investissant un certain travail, devenir “expert” dans quelques uns de ces champs. Il peut, là aussi en investissant un certain effort, acquérir des connaissances suffisantes pour comprendre à peu près ce qui se passe dans d’autres. Mais l’exhaustivité est aujourd’hui hors de question: Un même individu ne peut comprendre comment fonctionne un ordinateur, comment on opère un rein, comment fonctionne l’institution familiale, la différence entre la philosophie de Platon et celle d’Aristote et comment est construite la théorie de la relativité générale. Et si l’on passe du champ de la compréhension à celui de l’action, c’est encore pire: pour pouvoir agir à bon escient dans un domaine il faut des connaissances et une pratique telle que cela exclue qu’on puisse les acquérir dans tous.

 

Cela implique nécessairement dans notre société un haut niveau de délégation: lorsque j’amène ma voiture au garagiste et que je lui décris les symptômes de la panne, je me remets à lui pour faire un diagnostic, ensuite pour choisir le meilleur moyen de réparer le défaut, et ensuite pour exécuter la réparation. Je serais incapable d’indiquer au mécanicien quelle vis il doit dévisser et avec quel outil, quelle pièce il faut changer et comment (3). En lui confiant ma voiture et en l’autorisant à faire la réparation, j’opère donc une délégation de pouvoir. Dans une société complexe comme la notre, cette délégation est inévitable. Je l’accorde chaque fois que je m’adresse à un “technicien”: lorsque je confie mon téléphone portable au réparateur, lorsque je mets mon corps dans les mains du médecin, lorsque je souscris un contrat de fourniture d’électricité avec EDF, à chaque fois je fais confiance à des gens pour faire des choses que je ne suis pas capable de faire moi-même, et dont je peux à peine évaluer le travail.

 

Ce mécanisme de délégation est présent aussi dans la sphère des politiques publiques. Est-il raisonnable de penser que le citoyen moyen puisse embrasser l’ensemble des sujets dont le gouvernement doit s’occuper ? Imagine-t-on Madame Michu – ou même le Professeur Michu – être capable de donner un avis éclairé sur la réforme du Code Pénal le lundi, sur la politique énergétique mardi, sur les comptes de la Sécurité Sociale mercredi, sur la liste des pesticides autorisés sur les cultures alimentaires le jeudi, et ainsi de suite ? Bien sur que non. La question se pose donc de l’organisation du rapport entre le citoyen, qui délègue le pouvoir, et le “technicien” qui reçoit cette délégation. C’est pourquoi l’idée – si présente dans l’idéologie de la gauche radicale – d’une société sans délégation de pouvoir est absurde: plus une société est complexe, plus la délégation est nécessaire. La question n’est pas de savoir si la délégation est nécessaire, elle l’est évidement. La question est de savoir comment l’encadrer pour éviter deux vices au moins aussi dangereux l’un que l’autre: la délégation abusive, dans laquelle le technicien se substitue au pouvoir politique, et la délégation insuffisante, qui laisse dans les mains des ignorants des décisions qui nécessitent une compétence technique importante.

 

Revenons à l’exemple du mécanicien auto. La délégation de pouvoir que je lui confère pour réparer ma voiture est contrôlée par deux mécanismes. D’une part, c’est une délégation limitée puisque je lui accorde le pouvoir d’agir pour réparer le symptôme que j’ai décrit, et seulement celui-là. En d’autres termes, je délègue au technicien le pouvoir de choisir les moyens, mais pas celui de choisir la finalité. D’autre part, le mécanicien est tenu d’agir “dans les règles de l’art”, ce qui suppose que son travail est soumis à la critique des autres mécaniciens. Si l’un d’eux observe des méthodes peu orthodoxes, il est problable que le chef d’atelier soit averti et que le mécanicien en question ait quelques explications à donner. On voit ici l’essence de ce qui fait le contrôle du technicien dans une société démocratique: la séparation entre les buts et les moyens, et le contrôle par les pairs.

 

Pour ce qui concerne la séparation entre les buts et les moyens. L’idée est séduisante en théorie, mais présente en pratique une difficulté. Fixer les buts implique une appréciation de la faisabilité et du rapport coût/avantages de chaque solution. Or seul le technicien est capable de dire ce qui est faisable et à quel prix. Par ce biais, le technicien récupère du pouvoir sur le choix des buts, puisqu’il lui suffit de présenter un but comme irréalisable ou très couteux pour tordre la décision en faveur de la solution qu’il juge la meilleure. Si ce jugement est purement technique, le risque est réduit. Mais les techniciens ne sont pas des êtres de pur esprit, ils ont aussi des intérêts matériels. Le mécanicien auto peut nous conseiller une solution qui n’est pas la plus avantageuse pour nous, mais qui est la plus avantageuse pour lui.

 

C’est pourquoi il est important que l’expertise publique soit portée par des “techniciens” dont la paye et la carrière soient indépendantes des solutions techniques choisies. Par exemple les ingénieurs de l’autorité de sûreté nucléaire sont fonctionnaires. Ils sont payés exactement le même salaire qu’ils déclarent un réacteur dangereux ou qu’ils le déclarent sûr. Leur carrière se fait à l’ancienneté. Par opposition, les experts de la CRIIRAD ou ceux de Greenpeace sont payés sur des dons, et ces dons sont à proportion directe du sentiment antinucléaire dans l’opinion. A votre avis, qui de l’ASN ou de la CRIIRAD-Greenpeace donnera les expertises les plus indépendantes ?

 

Pour ce qui concerne le contrôle des pairs, le problème est plus classique: c’est celui que posait Juvenal dans sa formule célèbre “quis custodiet ipsos custodes ?” (“qui garde les gardes ?”). Le contrôle par les pairs n’est efficace que si ces “pairs” n’ont pas un intérêt commun qui les pousse à se serrer les coudes. La solution napoléonienne à ce dilemme est de séparer l’expertise publique dans des corps distincts et de préférence concurrents, ce qui assure une saine émulation et une surveillance croisée efficace…

 

Technocratie et politique

 

Parce qu’elle est hierarchisé et méritocratique, une technocratie est nécessairement élitiste – au meilleur sens du terme. En d’autres termes, c’est un processus qui réserve le pouvoir en fonction de la connaissance et du mérite jugé par les pairs, et non par une mécanique de popularité ou d’élection. C’est pourquoi les rapports entre techniciens et politiques sont historiquement des rapports de défiance réciproque. Pour les techniciens, la politique est le lieu où les “bons choix”, optimaux du point de vue technique, sont sacrifiés aux préjugés et à l’ignorance de la masse par des politiciens qui n’ont en tête que leur popularité. Pour les politiques, le technicien est l’homme qui dit “non”, qui met des obstacles aux projets grandioses, qui montre que ce que le peuple veut – ou du moins ce pour quoi il a voté – est impossible. Cette tension entre le règne de la liberté qu’est le politique et le règne de la nécessité, qui est le technique, est saine. A condition que se tisse entre les deux pôles un véritable débat.

 

Ce débat a beacoup varié avec les époques. Il y a eu des “âges d’or” où le politique et le technique ont marché la main dans la main dans des rapports de confiance – les “trente glorieuses” en sont peut-être le meilleur exemple. Et ce n’est pas une exclusivité de la droite: le PCF a eu traditionnellement des rapports étroits avec les “techniciens”, et porta une idéologie moderniste et “technicienne” – on dirait “productiviste” aujourd’hui – y compris contre d’autres secteurs de la “gauche radicale”. Il fut d’ailleurs un temps où énarques, scientifiques et ingénieurs siégeaient aux plus hautes instances du Parti ou dirigeaient des commissions spécialisées du Comité Central (4) et leurs compétences étaient mises en avant, et on oublie souvent que l’un des ministres qui porta l’ENA sur les fonts baptismaux n’était autre que Maurice Thorez.

 

Notre époque est plutôt une époque de recul de ce rapport. La diffusion d’un écologisme radical qui porte une vision de la science et la technologie qui rappelle celle qu’on avait autrefois de la sorcellerie, la démagogie anti-élitiste, l’oscillation permanente du politique entre toute-puissance dans la promesse et impuissance dans la réalisation rend les rapports entre politique et technocratie difficiles. Qu’on me permette une anecdote: lors de la campagne présidentielle de 2012, un cher ami à moi, socialiste, ingénieur et énarque et “techno” jusqu’au bout des ongles – ça fait beaucoup de défauts pour une seule personne, n’est ce pas ? – a envoyé au responsable de la campagne de François Hollande une petite lettre offrant ses services pour concevoir des propositions, faire des chiffrages, écrire des notes dans son domaine d’expertise. Gratuitement et par dévouement militant. Et que croyez qu’on lui répondit ? “nous ne voulons pas de “technos” dans l’équipe de campagne, il nous faut des politiques”.

 

C’est une réponse logique: pour affirmer qu’il faut passer de 75% à 50% la part du nucléaire dans la production d’électricité à l’horizon 2025,  on n’a pas besoin de “technos”. Ces empêcheurs de promettre en rond ne serviraient qu’à pointer combien une telle proposition est irrationnelle, coûteuse et finalement difficilement réalisable. La transformation de la politique en rêve éveillé n’est possible qu’en chassant les “technos” de leur place. Et on retrouve le même type de fonctionnement dans les autres partis, d’une manière plus ou moins évidente. On le voit, pour les partis qui accèdent au pouvoir, dans une politisation de plus en plus grande de la haute fonction publique, avec la nomination de purs “politiques” sans compétences particulières à des postes qui nécessitent une véritable compétence technique, même si le “contrôle par les pairs” protège pour le moment notre fonction publique de nominations trop scandaleuses. On le voit encore plus fortement dans les partis de “témoignage”, et notamment dans la gauche radicale où le discours sur les “intelligents qui ont fait l’ENA” vaut condamnation sans appel.

 

Conclusion: travailler ensemble

 

Après ce survol forcément sommaire du problème, je voudrais conclure avec un message aux militants. Aujourd’hui, la doctrine de rejet de la technique est des techniciens est une impasse. On ne peut imaginer de gouverner une société aussi complexe que la notre sans – voire contre – la technique. Toutes les révolutions modernes ont d’ailleurs buté sur la question de constituer une “technocratie” avec laquelle travailler. Certaines l’ont résolu, en créant des institutions pour les former et les encadrer: ce fut le cas de la Révolution Française et de l’Empire, avec la création de corps techniques de l’Etat et des écoles pour former ses membres. D’autres ont négligé le problème et se sont retrouvées rapidement en difficulté – c’est le cas des “révolutions latino-américaines” dont on nous bassine les oreilles.

 

Un parti politique qui veut aborder les questions institutionnelles ne peut pas faire l’économie d’une réflexion sur ces questions, que ce soit dans son propre fonctionnement ou dans le fonctionnement de l’Etat. La difficulté, c’est d’aboutir à une réflexion réaliste qui sorte du discours facile de la démagogie anti-élitiste. En d’autres termes, il faut expliquer aux militants qu’ils ne sont pas tout-puissants, qu’il y a des gens qui savent des choses qu’ils ne savent pas, et qu’il faut confier le soin de prendre certaines décisions à ces gens là. Ce qui va contre exactement à l’opposé de la vulgate actuelle. Le problème, n’est pas dans la “France d’en bas”, qui est parfaitement consciente de ses limitations. Le problème est dans la “France du milieu”, qui croit tout savoir…

 

 

 

Descartes 

 

 

(1) Pour préciser les idées, le terme “technicien” sera utilisé dans tout ce qui suit dans le sens d’une personne ayant un savoir et/ou une compétence scientifique (c’est à dire, sur comment fonctionnent les choses) et/ou technique (c’est à dire, sur comment faire fonctionner les choses). Il ne s’agit donc pas de “technique” au sens purement industriel du terme: savoir opèrer un rein, savoir rédiger un décret sont des compétences “techniques” au même titre que savoir réparer une voiture ou une machine à laver.

 

(2) Voir par exemple les commentaires méprisants sur les “intelligents qui ont fait l’ENA” et autres du même ordre.

 

(3) Sauf, évidement, si vous êtes vous même mécanicien ou du moins si vous avez choisi de consacrer du temps et de l’effort à étudier ce domaine. Dans ce cas, transposez mon exemple au cas du chirurgien à qui vous confiez votre corps pour qu’il vous soigne une appendicite.

 

(4) Par exemple, Philippe Herzog, Anicet Le Pors, Frédéric Joliot…

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8 réponses à Que sont nos technocrates devenus ?

  1. marc.malesherbes dit :

    hors sujet – sur Chypre

    l’article ci-joint semble indiquer qu’il y aurait une dévaluation de fait de l’euro Chypriote.
    http://www.boursorama.com/actualites/lecon-d-economie-pourquoi-un-euro-a-chypre-n-aura-pas-la-meme-valeur-que-dans-un-autre-pays-de-l-euroland-be0f0a905202bce004aa80512bc6ebea

    Pouvez-vous m’indiquer si j’ai bien compris.

    Dans ce cas cela simplifierait énormément une sortie éventuelle de l’euro de la France. Il suffirait qu’elle décide un contrôle des changes et qu’elle demande à ses banques d’émettre des euros à
    son profit à des conditions qu’elle déciderait (en gros de se créer une banque de France autonome sans le dire. Elle s’appellerait ou Sté Gle ou BNP ou Crédit agricole … ou on la créerait sans
    l’appeler Banque de France, comme le fait aujourd’hui une banque Chypriote pour Chypre). Et selon cet article elle peut le faire sans drame, sans quitter la zone euro, remettre en cause les
    traités …

     

    • Descartes dit :

      l’article ci-joint semble indiquer qu’il y aurait une dévaluation de fait de l’euro Chypriote.

      Il n’y a pas “d’euro chypriote”. Ce qui se passe, c’est que ce qui caractérise une “monnaie unique” dans un espace monétaire donné est la possibilité de convertibilité inconditionnelle. Sans
      cela, vous ne pouvez pas garantir que la valeur de la monnaie soit la même partout. Si je propose à un banquier londonien ou parisien 100 € placés dans un compte en chypre en échange d’un billet
      de 100 €, ils n’accepteront pas. Pourquoi échangeraient ils un billet qui peut être dépensé partout contre un billet de 100 € qui ne peut être dépensé qu’à Chypre ? Ils demanderont dans l’échange
      une “prime” de mobilité, qui rémunère le fait que le billet basé à Chypre est plus difficile à utiliser: par exemple, ils m’échangeront mes 100€ “chypriotes” contre 80€ “londoniens” ou
      “parisiens”. Ce qui revient à une dévaluation de 20%…

      Mais le problème que signale l’article est que, selon les traités, un tel dispositif ne peut être que temporaire. Or, à cause de cette différence de valeur il suffira de lever les restrictions
      pour provoquer un “bank run”…

      Dans ce cas cela simplifierait énormément une sortie éventuelle de l’euro de la France. Il suffirait qu’elle décide un contrôle des changes et qu’elle demande à ses banques d’émettre des
      euros à son profit à des conditions qu’elle déciderait

      Relis l’article. Nulle part il ne parle de faire émettre des euros par les banques nationales. Je te rappelle que l’émission de monnaie “banque centrale” est un monopole de la BCE.
      Violer ce monopole en faisant émettre de la monnaie par des banques nationales – qu’elles s’appellent ou non banques centrales – nous met en dehors des traités. Faut arrêter avec les
      pudeurs de vierge mélenchoniennes. Ou bien on décide de sortir de l’Euro, et on dénonce les traités qui l’instituent, ou bien on décide de rester. Chercher des astuces d’avocat pour “contourner”
      les traités et sortir de l’Euro sans le dire, c’est de l’enfantillage.

  2. dudu87 dit :

    Bonjour à vous tous,

    Difficile de parler des « technocrates et de la technocratie » pour un ouvrier de l’industrie même si ses fonctions syndicales lui ont permis
    d’enrichir sa culture générale.

    Mais voyons d’abord :« Il est d’ailleurs drôle de constater que ces visions
    considérées plutôt “de gauche” rejoignent une vision similaire mais plutôt “de droite” qui tend à vanter la supériorité de “l’intelligence de la main” et glorifie des personnages qui furent des
    cancres à l’école et mauvais étudiants à l’université, mais qui se révélèrent des entrepreneurs brillants, du moins par la seule mesure de la brillance
    d’un entrepreneur, qui est sa capacité à gagner de l’argent. »

    Plutôt de gauche, je ne suis pas convaincu. La vision de la « science et des techniques » n’est pas
    simplement de gauche par contre que le PCF, dans ses années de rayonnement, ait apporté beaucoup dans ce domaine, oui! La partie réformiste de la gauche (SFIO et PS) n’a été véritablement
    prolifique dans ce domaine que sous le Front Populaire et encore parce qu’il y avait concurrence ou émulation avec le PCF. Tant qu’à la droite, seul De Gaulle a mis en place une politique
    scientifique sur laquelle ses successeurs ont surfé.

    Tant qu’à « l’intelligence de la
    main », à la 1° lecture, c’était pour moi l’intelligence du travail manuel. J’aurai plutôt
    cette vision, celle de M.Crawford et « l’éloge du carburateur ».

    http://www.laviedesidees.fr/L-intelligence-de-la-main.html Mais il est vrai que Raffarin avait disserté un jour devant
    les entrepreneurs du bâtiment  sur ce sujet et nous avons aussi le prix…Liliane Bettencourt !!! Mais revenons à la technocratie et les technocrates.

    Dans le monde ouvrier, nous préférons parler de techniciens. Les technocrates sont plutôt des parasites, les
    « technocrates de Bruxelles », les « technocrates de la statistique »… C’est aussi vrai dans le monde agricole.

    Le « bon technicien » sera celui qui mettra en place le bon processus pour créer de bonnes conditions de
    travail aux réalisateurs (ceux qui créent la plus-value finale). Cet ensemble ne fonctionne que s’il y a concertation constructive entre les différentes parties (elles peuvent être nombreuses à
    être partie prenante). Le technicien sait qu’il peut avoir la meilleur solution du monde, si le réalisateur se sent frustrer dans sa façon de travailler, sa solution ne marchera pas et/ou le
    réalisateur ne s’investira pas pour la faire marcher. Entre le technicien ou les technicien de différentes disciplines et les réalisateurs, il y a donc dialogue, échange, proposition de solution
    même si le technicien a les contraintes du « gestionnaire » qui lui ne parle que coût.

    Alors que le « technocrate » (de mon point de vue) est celui qui travaille dans l’ »ombre » et qui
    donne des directives (je ne parle pas de texte de loi à faire appliquer) sans savoir qu’elles en sont les répercussions.

    Depuis 5 ans que je suis sorti du monde du travail, je me suis aperçu qu’il y avait un décalage important entre le
    milieu d’où je venais et celui qui m’entourait. Ne serait-ce que le vocabulaire !

    Productivisme, technocratie, dépassement du capitalisme, rationalisme…et bien autres employées par la « gauche
    radicale ». Et voilà que je découvre qu’il y a une « bonne technocratie » comme il y aurait une bonne inflation!!! Ouf…

    Meunier, arrête ton moulin, il va trop vite…

    Suis-je ringard, dépassé à ce point? Dois-je abandonner le débat et le laisser aux seuls
    « experts »?

    EnuUn mot, laissez la vie politique de mon pays aux seuls spécialistes?

    Désolé mais c’est sincère !

     

     

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    • Descartes dit :

      Dans le monde ouvrier, nous préférons parler de techniciens. Les technocrates sont plutôt des parasites, les « technocrates de
      Bruxelles », les « technocrates de la statistique »… C’est aussi vrai dans le monde agricole.

      Je sais, mais c’est une erreur. Quand les “bons techniciens” dont vous parlez montent en grade, ils vont aller dans les administrations ou dans les
      cabinets recommander des politiques. Deviennent-ils du coup des “parasites” ? Les politiques scientifiques faites sous De Gaulle et que vous trouvez – moi aussi – si positives, elles ont été
      faites par des “technocrates” dans les cabinets ministériels…

      Le technicien sait qu’il peut avoir la meilleur solution du monde, si le réalisateur se sent frustrer dans sa façon de travailler, sa solution ne
      marchera pas et/ou le réalisateur ne s’investira pas pour la faire marcher.

      Ce n’est pas vrai. Le taylorisme, “l’organisation scientifique du travail” ont très bien marché, et cela malgré la résistance des “réalisateurs”… il
      faut arrêter de psychologiser les rapports de production. Ce n’est pas parce que le réalisateur est “frustré” que cela ne marche pas.

      Productivisme, technocratie, dépassement du capitalisme, rationalisme…et bien autres employées par la « gauche radicale ». Et voilà que
      je découvre qu’il y a une « bonne technocratie » comme il y aurait une bonne inflation!!! Ouf…

      Bien sur… lis les biographies de Dautry ou de Delouvrier. “Technocrate” vient des termes grecs “Technos” et “Kratos”. “Technocrate” est un technicien
      qui gouverne. Pourquoi cela devrait être péyoratif ?

      En un mot, laissez la vie politique de mon pays aux seuls spécialistes?

      Je crois avoir expliqué pourquoi la réponse est “non”. Vous êtes un citoyen et de ce fait la décision politique en dernière instance vous appartient. A
      vous d’interroger les techniciens pour avoir des réponses, à vous de fixer les buts, à vous de choisir à quel technicien vous déléguerez le pouvoir de réaliser ce but. Mais de grâce, n’essayons
      pas d’imposer aux techniciens des décisions que nous, citoyens, ne sommes pas préparés pour prendre…

  3. Axel dit :

    Bonjour Descartes,

     permettez moi tout d’abord de saluer l’effort d’écrire un billet – une belle dissertation – sur ce sujet épineux. Je suis malheureusement un peu déçu d’arriver à sa fin sans voir mon
    appétit, initialement aiguisé par un titre ambitieux, comblé. En effet, vous semblez préférer une mise en perspective générale à un diagnostique précis de l’état de la technocratie française en
    2013. Qu’est elle donc devenue ?

    Si vous pointez utilement les dérives possibles en même temps que la nécessité de la technocratie, vous ne proposez pas non plus de vision plus large d’autres modèles d’organisation sociales des
    techniciens. En effet, pourquoi après tout, faudrait-il passer un concours plutôt qu’un examen pour acquérir la science de l’écriture des décrets, ou de la chirurgie orthopédique contrairement à
    la coiffure ou la mécanique ? Comment d’autres sociétés, produisent elles ces techniciens, quels pouvoirs et statuts leur confèrent elles ? Pourquoi aussi faut il imposer une hiérarchie entre les
    techniciens de disciplines différentes: pourquoi l’Enarque est il plus haut dans la hiérarchie que le polytechnicien (dont vous êtes peut être) ?

    L’argument généralement invoqué (par ceux d’en haut le plus souvent d’ailleurs) est d’être ‘génraliste’ par opposition aux spécialistes. Mais il est antinomique de prétendre à une légitimité
    technique au prétexte d’une compréhension générale qui est forcément superficielle comme vous le démontrez dans un monde complexe – à moins que le raisonnement, la pensée soient eux-mêmes des
    techniques, au risque de rouvrir le débat entre sophistes et philosophes cher à Platon?

    Bref, la question de la structure de la relation technique/pouvoir est abordée, mais peu developpée – pour aboutir à une trop rapide légitimation d’un ‘élitisme républicain’ qui a donné le
    meilleur et le pire: les ingénieurs du 19eme siècles qui ont permis le rattrapage industriel et fourni quelques grands savants, mais aussi les états majors de la défaite de 40 – pour ne parler
    que de cet ‘échec’ tel que décrit par M Bloch dans l’Etrange Défaite que vous avez évoquée par ailleurs sur ce blog.

    Ainsi, puis-je vous inviter à poursuivre votre réflexion par une description plus précise du présent de notre technocratie: ses tours de forces techniques, ses visions stratégiques (au delà son
    goût pour le chocolat belge ou les pantoufles de velour), ses défaillances (y a t il une ‘erreur technocratique’ structurelle, ou une difficulté spécifique à notre temps)  ?

    Merci pour votre blog passionant

    Axel

    • Descartes dit :

      permettez moi tout d’abord de saluer l’effort d’écrire un billet – une belle dissertation – sur ce sujet épineux.

      C’est gentil… mais je ne suis pas très satisfait. Je trouve le billet un peu lourd… mais il est vrai que le sujet n’est pas simple.

      Je suis malheureusement un peu déçu d’arriver à sa fin sans voir mon appétit, initialement aiguisé par un titre ambitieux, comblé. En effet, vous semblez préférer une mise en perspective
      générale à un diagnostique précis de l’état de la technocratie française en 2013. Qu’est elle donc devenue ?

      Vous pressez pas… il y aura une suite !

      En effet, pourquoi après tout, faudrait-il passer un concours plutôt qu’un examen pour acquérir la science de l’écriture des décrets, ou de la chirurgie orthopédique contrairement à la
      coiffure ou la mécanique ?

      La raison est simple: si vous sélectionnez par concours, vous pouvez garantir que chaque lauréat aura un poste. En d’autres termes, le critère pour accèder à un poste est le mérite. Par contre,
      si vous faites passer un examen, vous ne pouvez garantir que tous les lauréats auront un poste, puisque le nombre de lauréats dépend du nombre de candidats et de leur niveau. C’est à dire qu’il
      faut ensuite un système de sélection pour choisir parmi les lauréats lesquels auront la possibilité d’être nommés sur des postes. Maintenant, quel pourrait être ce système ? Soit vous
      sélectionnez sur des critères de compétence, et alors vous organisez de fait un concours dont l’examen n’est que l’épreuve d’admissibilité, soit vous sélectionnez sur des critères autres que la
      compétence… et alors vous n’avez pas une véritable “technocratie”…

      Comment d’autres sociétés, produisent elles ces techniciens, quels pouvoirs et statuts leur confèrent elles ?

      Pratiquement toutes par un système compétitif. Qui peut prendre la forme d’un concours formel, comme c’est le cas en France, ou bien un système de compétition permanente comme c’est le cas dans
      les cabinets d’avocats américains. Pour la raison que j’ai expliqué plus haut, il est difficile de constituer un corps hierarchisé dont la hiérarchie est fondée sur le mérite sans quelque part
      confronter les mérites dans une compétition…

      Pourquoi aussi faut il imposer une hiérarchie entre les techniciens de disciplines différentes: pourquoi l’Enarque est il plus haut dans la hiérarchie que le polytechnicien (dont vous
      êtes peut être) ?

      Et d’où sortez vous que l’énarque serait “plus haut dans la hiérarchie” que le polytechnicien ? Ce n’est pas du tout le cas. Si vous prenez par exemple le critère “rémunération”, l’énarque moyen
      gagne beaucoup moins que le polytechnicien moyen… Parmi les postes “à discrétion du gouvernement” qui constituent la couche supérieure des emplois de fonctionnaire, vous trouverez autant
      d’énarques que de polytechniciens.  

      L’argument généralement invoqué (par ceux d’en haut le plus souvent d’ailleurs) est d’être ‘génraliste’ par opposition aux spécialistes.

      Le système français privilégie en effet le “généraliste” par rapport au “spécialiste”. C’est d’ailleurs visible dans le fait que les grandes écoles “généralistes” (Polytechnique, Centrale…)
      sont plus prestigieuses que les spécialisées (Ponts & Chaussées, Supélec…). C’est une tradition qui considère que pour comprendre le monde qui nous entoure mieux vaut une vision embrassant
      plusieurs domaines de connaissance qu’une vision étroite réduite à un seul domaine, même si elle est plus approfondie. Ce n’est pas faux, et je peux vous dire par expérience que les “technos”
      français sont très respectés à l’étranger par leur capacité justement à rester “généralistes”. Mais vous faites erreur en pensant qu’un polytechnicien serait moins “généraliste” qu’un énarque. Un
      polytechnicien est un “généraliste” des techniques, capable de comprendre autant l’électronique que les travaux miniers, les travaux publics, la physique quantique ou l’économie. Un énarque est
      aussi un généraliste, mais plus orienté vers le droit, l’histoire, les techniques de l’administration, l’économie…

      Mais il est antinomique de prétendre à une légitimité technique au prétexte d’une compréhension générale qui est forcément superficielle comme vous le démontrez dans un monde complexe – à
      moins que le raisonnement, la pensée soient eux-mêmes des techniques, au risque de rouvrir le débat entre sophistes et philosophes cher à Platon?

      Un “techno” est autant une tête bien faite qu’une tête bien pleine. En fait, les méthodes de raisonnement qu’on apprend en mathématiques ou en physique sont souvent utilisables en économie et en
      droit. Un généraliste a souvent une spécialité, un domaine où il a une connaissance approfondie. Mais par rapport au spécialiste il a une culture suffisante dans les autres domaines pour
      transposer la connaissance spécialisée qu’il a acquise à d’autres domaines. Ayant travaillé dans ces milieux, j’ai toujours été étonné de la facilité qu’ont ces gens là pour comprendre un
      raisonnement ou analyser un problème dans un domaine qui n’est pas celui qu’ils connaissent le mieux.

      Bref, la question de la structure de la relation technique/pouvoir est abordée, mais peu developpée – pour aboutir à une trop rapide légitimation d’un ‘élitisme républicain’ qui a donné le
      meilleur et le pire: les ingénieurs du 19eme siècles qui ont permis le rattrapage industriel et fourni quelques grands savants, mais aussi les états majors de la défaite de 40 – pour ne parler
      que de cet ‘échec’ tel que décrit par M Bloch dans l’Etrange Défaite que vous avez évoquée par ailleurs sur ce blog.

      Et bien non. Les états-majors de la défaite de 1940 sont un anti-exemple de technocratie. La hiérarchie militaire en 1940 n’était pas le résultat d’une promotion méritocratique, mais au contraire
      d’un mécanisme de sélection ou le “copinage” et les réseaux sociaux et les amitiés politiques étaient bien plus importantes que les connaissances ou les résultats sur le terrain. Gamelin dut son
      poste de commandant en chef à son passage comme officier d’ordonnance de Joffre – d’ailleurs grâce à l’influence de Foch – puis à la protection de Daladier.

      Ainsi, puis-je vous inviter à poursuivre votre réflexion par une description plus précise du présent de notre technocratie: ses tours de forces techniques, ses visions stratégiques (au delà
      son goût pour le chocolat belge ou les pantoufles de velour), ses défaillances (y a t il une ‘erreur technocratique’ structurelle, ou une difficulté spécifique à notre temps)  ?

      Faut attendre la saison II… 😉

       

       

  4. Bannette dit :

    Très bon article mettant bien en lumière les enjeux techniques et politiques du pays, merci !

    Je pense également que ce mépris de la technique a également une origine plus prosaïque : le refus de mettre la main au porte monnaie pour certains afin d’embaucher des personnes qualifiés pour
    effectuer un travail complexe. A mon travail, j’ai souvent été exaspérée par des clients qui veulent se passer de l’avis de concepteurs ou quand un architecte ou un ingénieur géotechnique
    concluent que leurs souhaits ne sont pas réalisables ou présentent des dangers ou des risques de non-conformité et qui veulent passer outre.

    Et cette prétention des M/Mme Michu d’être calé sur un sujet suite à 3 clicks sur google, grrrr !

    Il y a dans la classe politique (qui est pourtant charactérisée par son impuissance crasse et chronique) une illusion sur la toute-puissance du politique sur le réel : c’est manifeste avec les
    prétentions des écolos sur leur “scénario negawatt” qui ne prend même pas en compte les appels de puissance et l’énergie totale annuelle consommée par 65 millions d’habitants.

    Tout ça est à lier avec les absences de programmes sérieux présentés par les partis politiques remplacés par des brochures faites par des services marketing. Un politique peut avoir des idées
    mais il serait bien inspiré de monter une commission pour voir les possibilités pour le faire (ex : dernièrement Mélenchon parle d’un développement de la Marine française et de se donner comme
    ambition d’être leader dans l’exploration des fonds marins – idée séduisante mais as-t-il une équipe pour y réfléchir ? Au fait, les bâteaux ça ne marche pas avec des éoliennes hein… idem pour
    je cite “erradiquer le passage de camions entre l’Espagne et la Belgique” soit développer le ferroutage – là encore, très bien, mais un train ça marche le mieux grâce au nucléaire hein…).

    Je me désole à lire l’exemple de ton ami qui était prêt à bosser gratos en plus, je suis sûre qu’il y en a plein comme ça…

    • Descartes dit :

      Et cette prétention des M/Mme Michu d’être calé sur un sujet suite à 3 clicks sur google, grrrr !

      A force de leur répéter que les experts sont tous des fumistes qui ne cherchent qu’à les tromper, et que leur avis vaut bien le leur… comment ne finiraient-ils par le croire ?

      Il y a dans la classe politique (qui est pourtant charactérisée par son impuissance crasse et chronique) une illusion sur la toute-puissance du politique sur le réel : c’est manifeste avec
      les prétentions des écolos sur leur “scénario negawatt” qui ne prend même pas en compte les appels de puissance et l’énergie totale annuelle consommée par 65 millions d’habitants.

      Le “scénario négawatt” n’est pas un “scénario” mais plutôt la description d’une utopie. On “décide” qu’en 2050 on consommera moitié moins d’énergie (comment, on ne sait pas, mais on nous affirme
      que c’est possible) et à partir de ce postulat on démontre qu’on peut s’en sortir avec les énergies renouvelables. Que les politiques aient adopté ce scénario et en parlent en permanence montre
      combien l’envie de croire est la force la plus puissante connue de l’homme.

      Je me désole à lire l’exemple de ton ami qui était prêt à bosser gratos en plus, je suis sûre qu’il y en a plein comme ça…

      Oui, plein. Mais soit on refuse leurs services, soit ils se découragent à devoir démontrer que deux et deux font quatre à des petits jeunes “militants professionnels” qui sont convaincus que si
      le Grand Leader dit que ça fait cinq, c’est lui qui a raison.

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