Beaucoup d'entre vous m'ont indiqué qu'il devenait difficile de continuer la discussion – passionnante par ailleurs – sur mon papier "Villeneuve sur Lot, panorama après la bataille" du fait du fonctionnement du blog qui prend un temps infini à charger dès lors que les commentaires sont très nombreux. Je vous propose donc d'ouvrir une "suite" avec un papier "virtuel" pour permettre à tous de continuer dans de meilleures conditions…
NB: desormais, tous les commentaires postés sur le message "Villeneuve sur Lot, panorama après la bataille" seront déplacés ici. Désolé si cela rompt certains fils de la discussion, mais avec plus de 200 commentaires cela devient difficilement gérable…
Je pense qu’il ne faut pas faire mine de créditer le FN d’une quelconque légitimité politique appuyée sur ses suffrages. Même s’il faut mesurer la puissance de ce poids, et si, effectivement, Marine Le Pen a fait le choix de transformer le FN pour l’adapter à cette nouvelle sociologie, ce parti demeure, même avec ça, le phare de l’extrême-droite, auquel se rallient, malgré tout, tous ceux qui pourtant contestent ces évolutions. Dès lors, une arrivée du FN, même transformé, au pouvoir, donnerait un feu vert à cette nébuleuse pour exprimer, bien plus ouvertement, ses revendications, ses valeurs, et sa violence aussi. Elle aurait aussi pour effet de destabiliser puissamment et pour longtemps la droite, et marginaliserait la droite républicaine, dont le pays, quel que soit le positionnement politique de chacun, a évidemment besoin.
Quand je parle de violence, je pense aux types de politique que le FN mettrait en place, mais aussi à la violence physique, à l’égard des étrangers, homosexuels, syndicalistes, militants progressistes, etc.
C’est la raison pour laquelle, cher Descartes, bien que votre analyse soit juste, il faut refuser de créditer le FN de quelque attrait que ce soit, et continuer à le combattre. Ceci passe par un combat direct contre son programme, mais aussi par un combat interne aux forces progressistes pour qu’elles réorientent leur ligne politique, et sortent du gauchisme post-soixante-huit pour revenir à une ligne de lutte de classes, appuyée sur un discours de salut national anti-impérialiste. On sent, sur la blogosphère, la crise aidant sans doute, que la ligne europhile, par exemple du PCF, a du plomb dans l’aile, et que la prise de conscience de la nécessité d’une rupture avec l’euro et l’UE s’affirme de plus en plus. Car c’est bien un drame que celui consistant à abandonner la question de la nation à la vision rabougrie qu’en a le FN, tout comme celui sur l’Etat fort, et j’en passe. Les récents échanges, par tribunes interposées, entre les économistes du PCF, et d’autres, sur l’euro, témoignent de la vivacité de ce débat, qui ne manquera pas de s’aiguiser encore.
Pour conclure, aller vers le FN, ce serait acter du désespoir définitif envers les forces qui, historiquement, sont amenées à abolir le capitalisme alors que, précisément, les conditions historiques me rendent moins pessimistes sur elles que pendant les décennies 1990-2000.
@jo
[Je pense qu’il ne faut pas faire mine de créditer le FN d’une quelconque légitimité politique appuyée sur ses suffrages.]
Sauf à ignorer la réalité, vous pouvez difficilement faire autrement. La démocratie repose sur le postulat que le peuple est souverain, et que c’est son vote qui confère la légitimité politique. Si vous refusez au FN cette légitimité, il faut alors la refuser aussi aux autres. Et vous vous retrouvez avec l’épineuse question de savoir quelle serait la « vraie » source de légitimité…
[Même s’il faut mesurer la puissance de ce poids, et si, effectivement, Marine Le Pen a fait le choix de transformer le FN pour l’adapter à cette nouvelle sociologie, ce parti demeure, même avec ça, le phare de l’extrême-droite, auquel se rallient, malgré tout, tous ceux qui pourtant contestent ces évolutions. Dès lors, une arrivée du FN, même transformé, au pouvoir, donnerait un feu vert à cette nébuleuse pour exprimer, bien plus ouvertement, ses revendications, ses valeurs, et sa violence aussi.]
Le raisonnement vaut pour d’autres partis. Après tout, l’extrême gauche se « rallie » régulièrement au PS lors des élections. Et pourtant, l’extrême gauche s’exprime bien plus fortement lorsque la droite est au pouvoir que lorsque le PS la remplace aux commandes. Par ailleurs, je n’ai pas l’impression que lorsque le PS arrive au pouvoir ces voix aient beaucoup de poids sur les politiques qui sont mises en œuvre. Pourquoi devrait-il en aller autrement avec le FN ? Ce n’est pas parce que quelqu’un – faute de mieux – appelle à voter pour vous que vous suivrez ses revendications une fois au pouvoir.
[Elle aurait aussi pour effet de destabiliser puissamment et pour longtemps la droite, et marginaliserait la droite républicaine, dont le pays, quel que soit le positionnement politique de chacun, a évidemment besoin.]
De quelle « droite républicaine » parlez vous ? La « droite républicaine » est depuis longtemps marginalisée par une droite euro-libérale dont les principes politiques ne sont pas très différents de ceux de la gauche euro-libérale. Je ne vois pas en quoi on aurait tous « besoin » d’une telle droite, dont la seule utilité est de faire croire qu’il existe une politique alternative à celle des euro-libéraux du PS.
[Quand je parle de violence, je pense aux types de politique que le FN mettrait en place, mais aussi à la violence physique, à l’égard des étrangers, homosexuels, syndicalistes, militants progressistes, etc.]
Je ne suis pas là pour défendre le FN, et je peux vous assurer que je n’ai aucune envie de le voir arriver au pouvoir. Je partage vos craintes concernant la violence physique, mais je ne pense pas que l’arrivée du FN rende la situation plus dangereuse. La violence sociale n’est pas magique : elle apparaît lorsque des couches sociales importantes ont le sentiment que les institutions ne tiennent pas compte de leurs intérêts, et que seule l’action directe leur permet de se faire entendre. Laisser une grosse partie de l’électorat populaire sans représentation politique me paraît bien plus dangereux que l’entrée du FN à l’Assemblée nationale. Et s’il faut l’y faire rentrer, je préfère que ce soit de la main de Florian Philippot plutôt que celle de Bruno Gollnisch.
[C’est la raison pour laquelle, cher Descartes, bien que votre analyse soit juste, il faut refuser de créditer le FN de quelque attrait que ce soit, et continuer à le combattre.]
Sans vouloir vous offenser, je trouve cette remarque très amusante. Ainsi, mon analyse serait juste mais il ne faudrait pas en tenir compte ? C’est élever la politique de l’autruche au niveau du dogme…
[Ceci passe par un combat direct contre son programme, mais aussi par un combat interne aux forces progressistes pour qu’elles réorientent leur ligne politique, et sortent du gauchisme post-soixante-huit pour revenir à une ligne de lutte de classes, appuyée sur un discours de salut national anti-impérialiste.]
Non, non, non et NON ! Vous essayez de plaquer votre vision sur le monde, au lieu de partir, comme l’enseignaient Marx et Lénine – vous voyez, j’ai de bonnes références – de l’analyse du réel. Pour faire de la politique, il ne suffit pas d’avoir raison, il faut que les gens vous suivent. Et pour qu’ils vous suivent, il faut pouvoir leur proposer une vision d’avenir qui ne se limite pas au très long terme. Il faut pouvoir marier l’idéal communiste et le grand soir avec un projet crédible qui soit réalisable ici et maintenant dans le système de contraintes qui est le notre. C’est cela qu’avait réussi le PCF en 1945, alors que sa « ligne de lutte des classes appuyée sur un discours anti-impérialiste » l’avait marginalisé pendant les années 1930. Au lieu de maudire par avance tout « compromis », il faut au contraire se donner les moyens d’en faire et surtout de les expliquer aux citoyens.
[On sent, sur la blogosphère, la crise aidant sans doute, que la ligne europhile, par exemple du PCF, a du plomb dans l’aile, et que la prise de conscience de la nécessité d’une rupture avec l’euro et l’UE s’affirme de plus en plus. Car c’est bien un drame que celui consistant à abandonner la question de la nation à la vision rabougrie qu’en a le FN, tout comme celui sur l’Etat fort, et j’en passe. Les récents échanges, par tribunes interposées, entre les économistes du PCF, et d’autres, sur l’euro, témoignent de la vivacité de ce débat, qui ne manquera pas de s’aiguiser encore.]
Sans doute. Mais on aura perdu beaucoup de temps, et aujourd’hui un changement de ligne du PCF et de ses alliés sur ces questions me paraît très difficile. D’une part, parce que cela supposerait une rupture sociologique radicale, les classes moyennes restant massivement europhiles. Et d’autre part, parce qu’un changement apparaîtrait aujourd’hui comme purement opportuniste et une reconnaissance implicite que le FN avait raison dès le début, ce que personne ni au PCF ni au FdG n’est prêt à assumer. Car c’est là le problème : pour que le demi-tour soit crédible, il faudrait que les dirigeants du PCF et du FdG qui hier nous expliquaient qu’il ne fallait pas sortir de l’Euro admettent qu’ils se sont trompés et nous donnent une version crédible de leur cheminement intellectuel. Ca risque d’être dur… sans compter sur la problématique du PGE, qui reste farouchement europhile.
[Pour conclure, aller vers le FN, ce serait acter du désespoir définitif envers les forces qui, historiquement, sont amenées à abolir le capitalisme alors que, précisément, les conditions historiques me rendent moins pessimistes sur elles que pendant les décennies 1990-2000.]
Je ne crois pas que ce soit « acter du désespoir définitif » de qui que ce soit, mais ce serait sans doute admettre une erreur politique fondamentale. Et pourquoi pas ? Après tout, n’était-ce pas Lénine qui disait que le plus grave n’est pas de commettre une erreur, mais de ne pas vouloir la reconnaître ? Reconnaître aujourd’hui que la « gauche radicale » a perdu tout contact avec l’électorat populaire, et que celui-ci est allé voir du côté du FN pour chercher la représentation politique qu’aucune autre formation ne leur propose me paraît déjà un grand pas en avant. Ce serait admettre que l’objectif fondamental de la gauche qui se veut « radicale » est la reconquête de l’électorat populaire, et que cette reconquête n’est possible que si cette gauche est prête à s’occuper des problèmes de ces couches sociales. Rien qu’arriver à cette conclusion serait un progrès immense.
@ Jo
"Quand je parle de violence, je pense aux types de politique que le FN mettrait en place, mais aussi à la violence physique, à l’égard des étrangers, homosexuels, syndicalistes, militants progressistes, etc."
Pardonnez-moi, mais il me semble que vous confondez le FN avec le NSDAP.
"C’est la raison pour laquelle, cher Descartes, bien que votre analyse soit juste, il faut refuser de créditer le FN de quelque attrait que ce soit, et continuer à le combattre."
Si vous voulez vraiment – je veux dire sérieusement – combattre le FN, alors il serait peut-être bon que vous fassiez l’effort de mieux le connaître, tant il est vrai qu’on ne combat efficacement un ennemi que lorsqu’on le connaît, comme disait Confucius. Ce faisant, je pense que vous vous rendriez sans doute compte que le FN n’est rien d’autre, aujourd’hui, qu’un parti conservateur libéral modéré, qui n’ambitionne que de préserver notre bon vieux modèle français face aux délires ultralibéraux. Vous allez peut-être m’objecter que c’est là une vision quelque peu "rabougrie" de la nation ? Et je vous répondrai : tiens, c’est drôle, vous, le pur marxiste, vous utilisez la même phraséologie que Pascal Lamy.
"On sent, sur la blogosphère, la crise aidant sans doute, que la ligne europhile, par exemple du PCF, a du plomb dans l’aile, et que la prise de conscience de la nécessité d’une rupture avec l’euro et l’UE s’affirme de plus en plus."
Effectivement, on sent nettement, sur la blogosphère, la prise de conscience qu’il est temps, à présent, de voter FN.
> Mais cela rend illisible votre système ! Lorsqu’un candidat emporte une majorité de « contre », qu’est ce que cela veut dire ? Qu’il est détesté, ou qu’il est inconnu ?
Ni l’un ni l’autre, simplement qu’une majorité des électeurs estiment qu’ils ne sont pas prêts à lui confier les responsabilités de la charge, quelles que soient leurs raisons. C’est une élection, Descartes, pas un concours de popularité. 😉
> Si les électeurs réagissent en mettant la « note minimale » au candidat qu’ils ne connaissent pas, alors vous donnez un énorme pouvoir aux médias, puisqu’il n’y a qu’eux qui, en rendant « connu » un candidat, peuvent le faire « décoller ». Il suffit de ne pas parler d’un candidat pour que celui-ci ait « la note minimale »…
Sauf qu’il y a des règles qui régulent le temps de parole dans les médias. Le candidat inconnu en bénéficiera comme les autres.
> Faut vous décider : la logique même du « vote de valeur » implique que le candidat inconnu obtienne la moyenne. Autrement, il vaut mieux être faiblement détesté qu’inconnu…
La logique du vote de valeur n’implique ça que dans vos études fantômes, pas dans celles que j’ai citées, et en outre un candidat inconnu dans une élection avec des règles qui imposent qu’aucun candidat ne reste inconnu, c’est un cas de figure qui n’a vraiment pas grande importance.
> Si le peuple est souverain, alors on fait ce qu’il pense qu’il faut faire. Qu’il ait raison ou pas.
Tout à fait. Ça ne veut pas dire qu’il faut renoncer à le convaincre qu’il s’est trompé.
> En d’autres termes, vous pensez que Mohammed Morsi est le gouvernant « légitime » de l’Egypte ? Après tout, il a la légitimité du vote, même s’il n’a pas celle de l’obéissance…
Vous êtes pénible, Descartes. Je n’ai jamais dit que ça ne comptait pas, au contraire. J’ai dit que la légitimité du vote comptait aussi.
> Votre analogie contient une faute : le diplôme est bien un « résultat », le résultat d’un travail validé par un examen. L’élection – hors le cas de ré-élection – n’est qu’une opinion, une anticipation des capacités de l’élu à remplir son office. D’une certaine manière, le peuple, en obéissant aux ordres du gouvernant, joue le rôle d’un jury d’examen.
Une opinion, une anticipation également basées sur un résultat (mandats précédents, même à un autre poste, programme, capacité à gouverner, etc.) La comparaison tient.
> Les simulations de vote vous permettent de voir qui aurait été élu. Mais pour savoir si un système falsifie la volonté des français il vous faudrait savoir quel est le gouvernant qu’ils voudraient vraiment voir élu… et cela est, par définition, impossible.
Pas du tout. Si j’imagine un ensemble de personnes qui ont telles et telles opinions à propos de tel ou tel candidat, je sais exactement quelle est leur opinion, puisque c’est moi qui l’ai fixée. Et je peux simuler l’élection à partir de ça, en implémentant différentes stratégies, différents modes de scrutin pour voir qui serait élu selon les cas, et quelle proportion de la population son élection satisfait.
> Relisez mon commentaire : « le préféré au sens qu’il regroupera le plus de voix sur son nom ». Chirac a regroupé sur son nom 80% des voix au deuxième tour. Ce n’est pas mal, vous ne trouvez pas ? Qui, à votre avis, aurait fait mieux ?
Jospin aurait pu faire un score équivalent sinon meilleur. On ne peut pas le prouver, bien sûr, mais c’est possible. Son score face à Le Pen n’exprime qu’une préférence entre Chirac et Le Pen, pas une préférence absolue. On ne peut pas en déduire qu’il est, dans l’absolu, le préféré des électeurs. (Surtout quand sa côte de popularité était inférieure à celle de Jospin, et que les sondages donnaient Jospin gagnant s’il avait pu l’affronter…)
> Pourriez-vous donner un exemple d’un candidat qui, à votre avis, aurait regroupé au deuxième tour plus de voix que les candidats retenus ?
Jospin et Bayrou, si l’on en croit les sondages de l’époque. On n’est pas obligé de les croire, mais il me semble difficile d’écarter totalement la possibilité qu’ils aient vu juste.
> Non, justement. Si la question était celle-là, la réponse ne pourrait qu’être binaire. Or, vous donnez plusieurs « graduations » possibles. Ce que vous demandez, c’est plutôt de classer les candidats sur une échelle d’excellence.
D’accord, j’ai un peu simplifié, mais l’essentiel est qu’on ne demande pas au gens celui qu’il pense être le meilleur, mais leur opinion sur chacun.
> Avec ce système, on privilégie les médiocres, ceux qui n’attirent peut-être pas beaucoup, mais qui ne repoussent pas.
C’est votre opinion. Mais même si elle était avérée, il suffirait de changer l’échelle de valeur comme je l’ai indiqué (par ex. -2, -1, 0, 5, 10) pour donner plus de poids aux opinions favorables que défavorables.
> Justement, le scrutin majoritaire à deux tours place le curseur à mon avis mieux que le système uninominal à un tour. Il permet à un candidat détesté par une minorité importante d’être élu, mais rend cette élection plus difficile.
Un peu plus difficile, oui. Elle rend l’élection de celui qui est le plus détesté à peu près impossible. Mais plus qu’une minorité importante, il laisse toujours la possibilité qu’un candidat détesté par une majorité sot élu.
> Soyons sérieux : il y a évidement des gens qui votent « utile » dans tous les systèmes de scrutin. La question était de savoir si ce vote était important ou pas. Clairement, en 2002 à gauche ce n’est pas l’idée de « vote utile » qui a dominé l’esprit des électeurs. Que vous-même et quelques amis aient voté « utile » ne change rien à ce fait, qu’on peut lire dans les résultats.
Je ne dis pas le contraire. Mais c’est justement à ce moment là que l’idée du vote utile s’est répandue, parce que si cette stratégie avait été adoptée, Jospin aurait pu affronter Chirac au second tour.
> Ce fait illustre pour moi le fait que la pénalité introduite par le scrutin majoritaire pour les petites formations est illusoire. Lorsque celles-ci ont une stratégie cohérente et une base sociologique solide, la barrière finit par céder.
Donc vous reconnaissez qu’il y a bien une barrière, et quelle n’est pas, ou pas seulement, illusoire — sinon elle ne pourrait pas céder.
Ceci dit, mon analyse c’est que le mode de scrutin actuel favorise (« favorise », pas « impose ») deux grands partis de gouvernement, et à leurs côtés deux partis plus petits d’orientation populiste/contestataire qui n’ont pour ainsi dire aucune chance d’accéder au pouvoir au niveau national, mais qui occupent l’espace médiatique. Le FN occupe cette niche à droite. La question de la montée du FN, ce serait de savoir qui occupait cette niche plus tôt… Je suis loin de connaître l’histoire des mouvements politiques en France assez bien pour véritablement l’analyser, mais j’aurais tendance à penser que la niche était simplement très réduite, en partie pour des raisons historiques liées à la seconde guerre mondiale et à l’influence et au prestige de de Gaulle, qui ne laissait à l’extrême droite qu’une place minime et véritablement extrême, du genre Occident — ou dans une aile droite au sein des autres partis. Bref, la niche est réapparue, et maintenant qu’elle est occupée, je la vois mal se libérer et un autre petit parti connaître une telle assension. Pour l’instant, c’est assez vérouillé. Et puis je vois mal le FN progresser beaucoup plus et franchir la deuxième barrière pour prendre la place de l’UMP.
> Mais… cette « posture », elle n’est pas venue par opération du Saint Esprit. C’est un choix stratégique qui, exercé avec une cohérence qui force l’admiration pendant trente ans, finit par payer. Peut-être que le FdG – et d’autres – ferait bien d’étudier cet exemple, au lieu de pleurnicher sur le mode de scrutin.
Hm. Je ne leur ferais pas crédit d’autant de perspicacité. J’ai l’impression pour ma part que cette stratégie s’est mise en place beaucoup plus récemment, et de manière très progressive. Ça a commencé dans les années 90 avec le slogan « ni gauche ni droite…. Français » (dont les origines remontent certes plus loin dans l’histoire de l’extrême droite, mais qui n’a vraiment été adopté par le FN qu’à partir de 95-96), mais en 2002 encore Jean-Marie Le Pen appelait à voter pour l’UMP aux législatives pour faire battre la gauche au second tour… J’ai plutôt l’impression que c’est Marine Le Pen qui a véritablement mis en place cette stratégie, et c’est sans doute à mettre en parallèle avec sa volonté de normaliser le FN. Du temps de son père, le RPR refusait absolument les alliances, et le FN se revendiquait de « droite nationale ». Ce n’est je crois qu’à partir de 2002, là encore, que Le Pen commencera à se dire « socialement de gauche » quoiqu’« économiquement de droite ». (Aujourd’hui, ils mettent plutôt en avant un positionnement économique de gauche, comme vous l’avez justement noté, et je suis d’accord avec vous que c’est à mettre en parallèle avec le changement de composition de leur électorat…)
Quant au Front de Gauche, il est clair qu’ils y réfléchissent (et j’aimerais bien qu’ils s’intéressent plus à la question du mode de scrutin…)
> L’échelle est symétrique, mais l’usage qu’en font les électeurs ne l’est pas. Autrement, les scores des candidats dans l’exemple étudié devrait être centré autour de zéro, ce qui n’est pas le cas.
Ah, je comprends mieux, mais vous perdez de vue quelque chose d’essentiel ici. Imaginez que les électeurs n’utilisent que les notes extrêmes : on est ramené à une échelle binaire, 1 pour ceux qu’on soutient, 0 pour les autres, c’est le principe du vote par assentiment. Dans ce cas le poids des notes maximales et minimales est amplifié, puisqu’on utilise plus les notes intermédiaires. Jusque là, d’accord ? Imaginez maintenant que les électeurs ne soutiennent que leur candidat préféré, et mettent 0 à tous les autres : c’est dans ce cas que les notes minimales seraient le plus utilisées, et auraient donc le poids maximal. Toujours d’accord ? Eh bien ce cas est équivalent à un premier tour classique de notre mode de scrutin. Voter comme on le fait pour un seul candidat, cela revient à voter contre tous les autres. Les notes minimales ont par construction le poids maximal dans ce cas. (En pratique, c’est une stratégie risquée dont on a vu dans les expériences pratique qu’elle était très marginale.) Autrement dit, si les notes négatives vous gênent, vous devriez soutenir le vote de valeur qui les minimise par rapport au mode de scrutin actuel, en donnant à l’électeur la possibilité de soutenir plusieurs candidats plutôt qu’un seul.
> Si vous vérifiez, vous verrez que vous avez tort. Les « grands électeurs » des candidats minoritaires, par exemple, changent souvent leur vote.
J’ai vérifié, et je pense qu’on peut dire que j’ai raison. Les cas sont documentés, on recense 157 « faithless electors » dans toute l’histoire des États-Unis. Sur ces 157 cas, 71 sont liés à la mort avant l’élection du candidat soutenu. Ça en laisse à peine 86, c’est très peu au regard du nombre total de mandats de grands électeurs qu’il y a eu sur cette période (de l’ordre de 24000 si j’ai bien compté). En outre, dans une majorité des États il y a aujourd’hui des loi qui punissent (quoi que légèrement, et bien que ces lois ne soient que rarement appliquées, mais vous apprécierez la valeur « symbolique ») le fait de voter pour un autre candidat que celui qu’on a annoncé. Dans certains États il y en a même qui considère qu’un vote « faithless » est nul. Donc décidément, ces cas sont marginaux.
> Quelle est pour vous la différence entre le scrutin « uninominal à un tour » et le scrutin « uninominal majoritaire à un tour » ?
Pour moi ? Eh bien, je ne connais qu’un seul mode de scrutin uninominal à un tour, et en outre comme je le disais l’expression « First past the post » est couramment traduite en « scrutin uninominal majoritaire à un tour » (ou « scrutin majoritaire uninominal à un tour », l’ordre des termes est parfois inversé), donc pour moi ces expressions désignent la même chose. Et pour vous ?
> Le fait est que ces débats ont fleuri pendant les années 1958-1980 et ont périclité ensuite alors que le système électoral n’avait pas changé. Je crains qu’il n’y ait donc aucune corrélation entre les deux…
C’est possible, mais je ne le crois pas. Le trop grand nombre de paramètres rend difficile de dégager une corrélation « à l’œil » et sur un nombre assez faible d’exemples. Ceci dit, pour revenir à ma question initial (pourquoi Sarkozy et Hollande s’opposaient-ils aux débats du premier tour ?) et à votre réponse (parce qu’on ne gagne pas de voix en débattant), je la trouve peu convaincante, ou en tout cas insuffisante. Parce que si c’est le cas, pourquoi dans ce cas les autres candidats demandaient-ils un débat ? Pourquoi Sarkozy réclamait-il trois débats pour l’entre deux tours, alors qu’il s’opposaient à ceux d’avant le premier ?
> Pas vous ?
Ben… Je peux faire une différence, mais j’ai l’impression que vous employez les deux expressions à peu près indifféremment. Pourriez vous prcéiser ?
> Mais comment les séparez-vous ?
Eh bien, les sondeurs leur avaient posé la question. Comme ça, ils ont pu connaître leur avis sans avoir besoin de lire dans les pensées. Mais bon, même en admettant qu’on ne puisse pas savoir, on peut toujours observer que dans certaines circonstances, un électeur peut avoir intérêt à voter pour un candidat qui n’est pas son préféré pour contrer l’élection d’un qu’il souhaite absolument éviter.
Pire, il y a des cas où un électeur peut être incité à voter pour un candidat qu’il souhaite voir perdre face à son champion, pour éliminer un rival plus dangereux. Prenez cet exemple :
10 votants ont les préférences : A > B > C
6 votants ont les préférences : B > A > C
5 votants ont les préférences : C > B > A
Si tout le monde vote sincèrement, A et B sont au deuxième tour, et B l’emporte par 11 voix contre 10.
Si deux électeurs de A, qui est largement en tête au premier tour, décident de voter pour C, alors A et C sont au second tour, et A l’emporte haut la main par 16 voix contre 5. Pour reprendre votre expression, on pourrait dire que C est le Le Pen de A, et les soutiens de A ont tout intérêt à le faire arriver au second tour s’ils veulent l’emporter.
> Je n’ai rien contre. Il y a des dizaines de partis politiques où il peut adhérer pour « exprimer » tout ce qu’il veut.
Je parlais de l’élection, Descartes, ne faites pas semblant de ne pas avoir compris.
> L’intérêt de la question était de vous faire toucher du doigt le fait que vous-même ne croyez pas à la capacité de gouverner de certains candidats. Mais bon, le fait que vous évadiez la question est une forme de réponse…
Et quel intérêt de me faire « toucher du doigt » un truc qui n’a aucune espèce d’importance ? Enfin si ce que vous voulez me faire dire c’est que je ne crois pas à la capacité à gouverner de certains candidats, je le reconnais volontiers, mais je ne vois vraiment pas ce que ça change.
> En d’autres termes, il choisira le candidat le plus tiède ? CQFD…
Seulement dans la mesure où le plus « tiède » est en moyenne le plus chaud, CQFD.
> D’accord, mais dans votre exemple, A ne perd pas « pour avoir amélioré son score ». Il perd parce que en même temps C l’a amélioré sa popularité encore plus. Mais en quoi est-ce gênant ? Il semble évident que dans n’importe quel système électoral un candidat qui augmente son score peut perdre si un autre candidat l’augmente encore plus vite…
Sauf que le score de C n’a absolument pas augmenté. Dans les deux cas, il y a toujours 8 votants qui le classent en dernier, 4 qui le classent deuxième et 5 qui le classent premier. Dans les deux cas, il y 8 votants qui classent A devant C, et 12 qui placent B devant C. Entre les deux exemples, l’opinion des votants sur C n’a pas bougé. La seule différence c’est leur opinion sur A par rapport à B. Quand deux votants préfèrent B à A et A à C, A l’emporte. Quand ces deux mêmes votants changent d’avis sur A et B, et préfèrent A à B, c’est C qui l’emporte, alors que C n’a pas bougé et que A a progressé. Ainsi, la progression de A lui fait perdre l’élection contre C qui n’ pas bougé.
[Ni l’un ni l’autre, simplement qu’une majorité des électeurs estiment qu’ils ne sont pas prêts à lui confier les responsabilités de la charge, quelles que soient leurs raisons. C’est une élection, Descartes, pas un concours de popularité. ;)]
Beh non. La logique de votre système était de juger la « valeur » du candidat, et de promouvoir au poste celui qui aurait, au jugement des électeurs, la plus grande « valeur ». Si le système élimine les candidats de grande valeur lorsqu’ils ne sont pas connus, alors quelle est la différence ? Finalement, s’il faut chercher des systèmes exotiques, je préfère plutôt le système de choix hiérarchisés (c’est-à-dire, ou l’on range les candidats par ordre de préférence) avec poids, plutôt qu’un jugement de « valeur » qui finalement donne un rôle prééminent au rejet par méconnaissance.
[« Si les électeurs réagissent en mettant la « note minimale » au candidat qu’ils ne connaissent pas, alors vous donnez un énorme pouvoir aux médias, puisqu’il n’y a qu’eux qui, en rendant « connu » un candidat, peuvent le faire « décoller ». Il suffit de ne pas parler d’un candidat pour que celui-ci ait « la note minimale »… ». Sauf qu’il y a des règles qui régulent le temps de parole dans les médias. Le candidat inconnu en bénéficiera comme les autres.]
Vous êtes naïf ou quoi ? Vous savez parfaitement qu’on peut parler pendant des heures d’un candidat sans que vous en sachiez plus sur lui. Il suffit de le faire d’une manière inintéressante, et le téléspectateur zappe. Ou bien en parler entre deux heures et quatre heures du matin. Ou bien noyer ses interventions dans un gloubi-boulga d’informations sans intérêt. Jacques Cheminade a été candidat à toutes les élections présidentielles depuis un bon bout de temps. Que savez-vous de lui ? Seriez-vous capable de juger de sa « valeur » rationnellement ?
[« Faut vous décider : la logique même du « vote de valeur » implique que le candidat inconnu obtienne la moyenne. Autrement, il vaut mieux être faiblement détesté qu’inconnu… ». La logique du vote de valeur n’implique ça que dans vos études fantômes, pas dans celles que j’ai citées, »]
Dans celle que vous avez il vaut mieux être faiblement connu que détesté. Ainsi, on voit Marine Le Pen derrière Poutou ou Dupont-Aignan, et à quasi-égalité avec Cheminade. Point n’est donc besoin de recourir à mes « études fantômes », la votre montre clairement que le « vote de valeur » pénalise les candidats « clivants » par rapport aux candidats « lisses » ou inconnus. Par ailleurs, ne vous attendez pas à ce que j’investisse le moindre effort à vous retrouver les études dont je vous avais parlé dans un autre message et que vous qualifiez ici de « fantômes ». J’essaye toujours de satisfaire la curiosité de mes lecteurs, mais je n’ai pas de temps à perdre avec des gens mal élevés.
[et en outre un candidat inconnu dans une élection avec des règles qui imposent qu’aucun candidat ne reste inconnu, c’est un cas de figure qui n’a vraiment pas grande importance.]
Ah… si les règles l’imposent… mais il faudrait m’expliquer comment vous faites pour appliquer les « règles » en question. Peut-être des séances de présentation des candidats avec présence obligatoire de chaque électeur ? Comme disait mon grand-père, on peut amener l’âne au puits, mais on ne peut l’obliger à boire…
[« Votre analogie contient une faute : le diplôme est bien un « résultat », le résultat d’un travail validé par un examen. L’élection – hors le cas de ré-élection – n’est qu’une opinion, une anticipation des capacités de l’élu à remplir son office. D’une certaine manière, le peuple, en obéissant aux ordres du gouvernant, joue le rôle d’un jury d’examen ». Une opinion, une anticipation également basées sur un résultat (mandats précédents, même à un autre poste, programme, capacité à gouverner, etc.) La comparaison tient.]
J’ai du mal à voir sur quoi se base l’anticipation de ceux qui votent pour Poutou, Arthaud ou Joly. A ma connaissance, ils n’ont eu aucun mandat, ils n’ont montré aucune « capacité à gouverner ». Le vote pour eux relève du témoignage.
[Si j’imagine un ensemble de personnes qui ont telles et telles opinions à propos de tel ou tel candidat, je sais exactement quelle est leur opinion, puisque c’est moi qui l’ai fixée. Et je peux simuler l’élection à partir de ça, en implémentant différentes stratégies, différents modes de scrutin pour voir qui serait élu selon les cas, et quelle proportion de la population son élection satisfait.]
Très bien. Et vous verrez que chaque système « falsifie » plus ou moins la volonté des électeurs selon le contexte et les rapports de forces. La difficulté, c’est que comme vous ne connaissez pas les pensées des électeurs dans la situation réelle, vous ne pouvez savoir si dans la pratique on se trouve dans une situation où le système électoral falsifie ou non la volonté des citoyens. Mon raisonnement essaye de résoudre ce problème : je postule que si le système falsifie très largement la volonté du citoyen, celui-ci aura tendance à se rebeller contre le gouvernant qui sortira de l’urne. Si par exemple l’élection présidentielle de 2012 avait donné par une erreur du système Cheminade, Poutou ou Joly gagnants, ceux-ci auraient eu le plus grand mal à gouverner. L’obéissance du peuple est pour moi un test a posteriori du système. Et je n’ai pas l’impression que la contestation de la légitimité du président de la République soit en France très forte…
[« Relisez mon commentaire : « le préféré au sens qu’il regroupera le plus de voix sur son nom ». Chirac a regroupé sur son nom 80% des voix au deuxième tour. Ce n’est pas mal, vous ne trouvez pas ? Qui, à votre avis, aurait fait mieux ? ». Jospin aurait pu faire un score équivalent sinon meilleur.]
Je ne crois pas. La gauche a voté Chirac presque comme un seul homme parce que l’automatisme « antifasciste » est très fort. Dans l’hypothèse d’un duel Jospin-Le Pen, une partie importante des électeurs de droite se serait probablement abstenue ou aurait voté Le Pen. C’est d’ailleurs ce qu’on observait dans les élections législatives lorsque le candidat de l’UMP était éliminé au premier tour.
[C’est votre opinion. Mais même si elle était avérée, il suffirait de changer l’échelle de valeur comme je l’ai indiqué (par ex. -2, -1, 0, 5, 10) pour donner plus de poids aux opinions favorables que défavorables.]
Mais qu’est ce que cela donne en termes de résultat ? Quel effet sur la légitimité du candidat qui sort des urnes ? Je crains que l’ajustage fin des coefficients soit un travail très compliqué, et que les coefficients qui permettent de corriger le biais mentionné tout en gardant la légitimité de celui qui sera élu dépendent du contexte.
[« Ce fait illustre pour moi le fait que la pénalité introduite par le scrutin majoritaire pour les petites formations est illusoire. Lorsque celles-ci ont une stratégie cohérente et une base sociologique solide, la barrière finit par céder ». Donc vous reconnaissez qu’il y a bien une barrière, et quelle n’est pas, ou pas seulement, illusoire — sinon elle ne pourrait pas céder.]
Bien sur qu’il y a une barrière ! Et j’en suis fort heureux ! Je ne souhaite pas avoir un système politique où une petite formation peut en un coup accéder au pouvoir simplement parce qu’elle a trouvé un candidat brillant sans avoir au préalable fait ses preuves par une longue participation dans la vie politique. Je préfère des partis à croissance lente que les « feux de paille »… mon point est que cette barrière est là pour tester la permanence et l’engagement en profondeur d’un parti. Elle n’empêche pas ceux que le peuple soutient d’arriver au pouvoir.
[Ceci dit, mon analyse c’est que le mode de scrutin actuel favorise (« favorise », pas « impose ») deux grands partis de gouvernement, et à leurs côtés deux partis plus petits d’orientation populiste/contestataire qui n’ont pour ainsi dire aucune chance d’accéder au pouvoir au niveau national, mais qui occupent l’espace médiatique.]
Je crois que vous oubliez l’histoire politique avant Mitterrand. En fait, on a connu toutes les situations. A droite, un parti dominant (UDR puis RPR) à l’assemblée mais partageant le pouvoir avec ses alliés plus « centristes » (RI, CDS puis UDF). On a connu la situation où la présidence échoit à un « petit » parti (Giscard, venu des RI). A gauche, un « grand » parti « populiste/contestataire » et un « petit » parti socialiste (la SFIO puis le PS), et ensuite une inversion avec un « grand » PS et un « petit » PCF. Contrairement au système britannique, qui force pratiquement au bipartisme avec un « troisième parti » faible, le scrutin majoritaire permet des fonctionnements très divers : la diversité des partis n’empêche pas d’accéder au pouvoir, à condition d’avoir une discipline claire de désistement au deuxième tour, et des alliances permettent à des « petits » partis d’accéder au pouvoir (pensez aux Verts aujourd’hui, aux communistes dans la « gauche plurielle », aux radicaux de gauche, aux centristes divers et variés…). Finalement, il est plus facile pour un « petit » de participer au pouvoir en France qu’en Allemagne ou en Angleterre…
[Le FN occupe cette niche à droite. La question de la montée du FN, ce serait de savoir qui occupait cette niche plus tôt…]
Justement, je pense qu’il faut approfondir l’analyse. Le FN occupait jusqu’il y a quelques années la « niche » qu’occupait l’extrême-gauche à gauche. C’est-à-dire, des organisations qui n’aspiraient pas à accéder au pouvoir, mais plutôt à exercer une influence en restant dans un splendide isolement. Seulement, le FN a acquis un potentiel électoral et un enracinement dans les couches populaires de l’électorat qui lui permet de viser d’autres horizons, mais qui en même temps exige de lui certains changements. De plus en plus, le FN commence à occuper à droite la place qu’occupait le PCF à gauche, c’est-à-dire celle d’un parti infréquentable mais dont on ne pouvait se passer parce qu’il contrôlait une base sociologique importante.
[Bref, la niche est réapparue, et maintenant qu’elle est occupée, je la vois mal se libérer et un autre petit parti connaître une telle ascension.]
Bien entendu. Un parti ne connaît une « ascension » que s’il trouve un groupe sociologique à représenter. Si toutes les couches sont bien représentées, alors l’espace pour l’apparition d’un nouveau parti est minime. Mais faut-il le regretter ? Je ne crois pas. Le but du système politique est d’assurer la représentation de la société. La multiplication des « petits partis » et leur ascension n’est pas un objectif en soi. Mais la montée du FN montre que le système électoral permet bien qu’un groupe qui ne se sent pas représenté trouve sa représentation. Ce n’est déjà pas si mal.
[Hm. Je ne leur ferais pas crédit d’autant de perspicacité. J’ai l’impression pour ma part que cette stratégie s’est mise en place beaucoup plus récemment, et de manière très progressive. Ça a commencé dans les années 90 avec le slogan « ni gauche ni droite…. Français » (dont les origines remontent certes plus loin dans l’histoire de l’extrême droite, mais qui n’a vraiment été adopté par le FN qu’à partir de 95-96), mais en 2002 encore Jean-Marie Le Pen appelait à voter pour l’UMP aux législatives pour faire battre la gauche au second tour…]
Je n’ai pas mémoire de cet « appel ». Avez-vous une référence ? En tout cas, la politique du FN a été pendant tout le mandat de Mitterrand de refuser ses voix à la droite « républicaine » sans un accord explicite. C’est d’ailleurs pour cela que Mitterrand a cherché à stimuler la croissance du FN. Quel intérêt aurait-il eu si Le Pen avait apporté ses voix au deuxième tour à la droite ? C’est ce modèle de refus du désistement automatique et inconditionnel qui a permis au FN de se forger une réputation de parti « en dehors du système ». Contrairement au PCF qui en s’engluant dans cette logique a perdu son âme.
[J’ai plutôt l’impression que c’est Marine Le Pen qui a véritablement mis en place cette stratégie, et c’est sans doute à mettre en parallèle avec sa volonté de normaliser le FN. Du temps de son père, le RPR refusait absolument les alliances, et le FN se revendiquait de « droite nationale ».]
Vous avez raison de dire que c’est sous MLP que le FN, qui revendiquait son appartenance idéologique à la droite, change son discours pour déclarer caduque la division gauche/droite. Mais je crois que nous parlons de deux choses différentes. Lorsque j’ai parlé de la stratégie menée constamment par le FN, je faisais référence à son refus du désistement automatique et inconditionnel au deuxième tour.
[Autrement dit, si les notes négatives vous gênent, vous devriez soutenir le vote de valeur qui les minimise par rapport au mode de scrutin actuel, en donnant à l’électeur la possibilité de soutenir plusieurs candidats plutôt qu’un seul.]
Les notes négatives ne me gênent nullement. Seulement, le fait que les notes négatives sont utilisées beaucoup plus fortement que les positives montrent que, loin de juger la « valeur » des candidats, les électeurs votent pour « leur » candidat et pénalisent tous les autres. En d’autres termes, qu’ils reconstruisent un vote « majoritaire »…
[J’ai vérifié, et je pense qu’on peut dire que j’ai raison. Les cas sont documentés, on recense 157 « faithless electors » dans toute l’histoire des États-Unis. Sur ces 157 cas, 71 sont liés à la mort avant l’élection du candidat soutenu. Ça en laisse à peine 86, c’est très peu au regard du nombre total de mandats de grands électeurs qu’il y a eu sur cette période]
Certes. Mais cela reste possible. Et considérant les faibles marges de certaines élections, cela rend possible un renversement du résultat. Il ne faut jamais négliger l’effet dissuasif de certains mécanismes qui, même s’ils ne sont pas utilisés, sont là.
[« Quelle est pour vous la différence entre le scrutin « uninominal à un tour » et le scrutin « uninominal majoritaire à un tour » ? ». Pour moi ? Eh bien, je ne connais qu’un seul mode de scrutin uninominal à un tour, et en outre comme je le disais l’expression « First past the post » est couramment traduite en « scrutin uninominal majoritaire à un tour » (ou « scrutin majoritaire uninominal à un tour », l’ordre des termes est parfois inversé), donc pour moi ces expressions désignent la même chose. Et pour vous ?]
Pour moi, le scrutin uninominal majoritaire à un tour est celui utilisé pour l’élection du président de la République sous la IVème. L’élection n’est acquise que si le candidat (« uninominal ») reçoit dans un tour de scrutin (« à un tour ») la majorité des suffrages (« majoritaire »). Si la majorité n’est pas acquise, personne n’est élu et un nouveau vote est organisé. Ce nouveau vote n’est pas un « second tour » puisque des nouveaux candidats peuvent être présentés.
Je sais bien qu’on traduit souvent le « first past the post » par « scrutin majoritaire à un tour », mais c’est une mauvaise traduction. Ce n’est pas un scrutin « majoritaire »… j’avais un professeur de droit constitutionnel qui expliquait très bien la différence : dans les scrutins « majoritaires », on cherche à donner au candidat élu la légitimité de pouvoir compter sur la moitié plus un des suffrages à un stade de la procédure. Dans les scrutins « non-majoritaires », un candidat peut être élu sans jamais réunir sur son nom plus de la moitié des électeurs.
[Ceci dit, pour revenir à ma question initial (pourquoi Sarkozy et Hollande s’opposaient-ils aux débats du premier tour ?) et à votre réponse (parce qu’on ne gagne pas de voix en débattant), je la trouve peu convaincante, ou en tout cas insuffisante. Parce que si c’est le cas, pourquoi dans ce cas les autres candidats demandaient-ils un débat ?]
J’avais compris que votre question ne faisait référence qu’aux débats entre Hollande et Sarkozy. Je vais donc préciser ma réponse. Il y a deux types de candidats : ceux dont la crédibilité est acquise avant l’élection – c’est-à-dire, que l’opinion est persuadée qu’ils sont en mesure de gouverner – et les autres. Et la problématique des uns et des autres n’est pas la même. Pour les « petits », il s’agit de passer au fenestron le plus souvent et si possible dans un contexte qui les crédibilise. Il est donc intéressant de passer dans un débat télévisé, et si c’est possible avec un « grand » candidat, qui étant lui-même crédible tend à crédibiliser son opposant. Les « grands », au contraire, ont tout intérêt à ne pas partager leur capital de crédibilité qu’ils détiennent. Ils repoussent donc fermement tous les défis lancés par les « petits » (par exemple, celui de Mélenchon à Hollande) de participer à des débats.
[Pourquoi Sarkozy réclamait-il trois débats pour l’entre deux tours, alors qu’il s’opposaient à ceux d’avant le premier ?]
Parce qu’il a compris qu’il était dans les cordes, et qu’il fallait jouer le tout pour le tout. Pour un « grand » candidat, un débat en face à face a un rapport gain/risque très négatif. C’est pour cela qu’ils les évitent aussi longtemps qu’ils ont quelque chose à perdre. Et pour ce qui concerne le débat « traditionnel » avant le deuxième tour, il est devenu depuis quelque temps un exercice d’évitement.
> Pas vous ?
Ben… Je peux faire une différence, mais j’ai l’impression que vous employez les deux expressions à peu près indifféremment. Pourriez vous prcéiser ?
> Mais comment les séparez-vous ?
Eh bien, les sondeurs leur avaient posé la question. Comme ça, ils ont pu connaître leur avis sans avoir besoin de lire dans les pensées. Mais bon, même en admettant qu’on ne puisse pas savoir, on peut toujours observer que dans certaines circonstances, un électeur peut avoir intérêt à voter pour un candidat qui n’est pas son préféré pour contrer l’élection d’un qu’il souhaite absolument éviter.
Pire, il y a des cas où un électeur peut être incité à voter pour un candidat qu’il souhaite voir perdre face à son champion, pour éliminer un rival plus dangereux. Prenez cet exemple :
10 votants ont les préférences : A > B > C
6 votants ont les préférences : B > A > C
5 votants ont les préférences : C > B > A
Si tout le monde vote sincèrement, A et B sont au deuxième tour, et B l’emporte par 11 voix contre 10.
Si deux électeurs de A, qui est largement en tête au premier tour, décident de voter pour C, alors A et C sont au second tour, et A l’emporte haut la main par 16 voix contre 5. Pour reprendre votre expression, on pourrait dire que C est le Le Pen de A, et les soutiens de A ont tout intérêt à le faire arriver au second tour s’ils veulent l’emporter.
[« Je n’ai rien contre. Il y a des dizaines de partis politiques où il peut adhérer pour « exprimer » tout ce qu’il veut ». Je parlais de l’élection, Descartes, ne faites pas semblant de ne pas avoir compris.]
Je ne fais semblant de rien. Simplement, je n’ai pas comme vous une fixation sur l’élection. Ce n’est pour moi que l’un des modes de participation démocratique, et pas forcément le plus déterminant même s’il a un poids symbolique essentiel.
[Et quel intérêt de me faire « toucher du doigt » un truc qui n’a aucune espèce d’importance ?]
Je pense que c’est au contraire fondamental. Dans votre plaidoyer pour une réforme électorale, vous montrez que le système que vous proposez aurait abouti à faire élire Bayrou. Si vous admettez par ailleurs que Bayrou serait incapable d’exercer la fonction présidentielle, ne trouvez-vous pas que cela pose un petit problème ?
[« D’accord, mais dans votre exemple, A ne perd pas « pour avoir amélioré son score ». Il perd parce que en même temps C l’a amélioré sa popularité encore plus. Mais en quoi est-ce gênant ? Il semble évident que dans n’importe quel système électoral un candidat qui augmente son score peut perdre si un autre candidat l’augmente encore plus vite… ». Sauf que le score de C n’a absolument pas augmenté.]
Son score de premier tour non, mais sa popularité oui. C’est cela qui fait perdre A, et non le fait qu’il ait "augmenté son score".
"Encore une fois, je vous invite à éviter ce genre d’agression personnelle gratuite. Dernier avertissement. La prochaine fois,à mon je me verrais à mon grand regret obligé de vous exclure temporaire du blog. C’est clair ?"
Avertissement noté. Je ne suis pas un habitué des interventions sur blog. J’ai commencé, autour de la question de l’euro, par hasard, chez Edgar puis chez vous, il y a moins de 6 mois. Il semblerait que je n’en maîtrise pas tous les codes.
Il faut que je trouve un vecteur d’expression qui tout en restant incisif (sinon à quoi bon) ne soit pas agressif. Je cherche.
Par ailleurs ne connaissant suffisamment ni vous-mêmes ni vos commentateurs les plus "hétérodoxes"; peut-être suis-je enclin à faire des procès d’intention. Qui vivra verra!
[Il faut que je trouve un vecteur d’expression qui tout en restant incisif (sinon à quoi bon) ne soit pas agressif. Je cherche.]
J’en suis persuadé, et j’apprécie votre présence sur ce blog, autrement je vous aurais exclu sans prendre la peine de vous avertir. Mais j’aimerais conserver à ce blog un climat de débat qui soit respectueux, et pour cela il me faut quelquefois tirer les oreilles à certains…
Puisque vous n’avez pas l’habitude d’intervenir, je vais me permettre quelques conseils. Je ne peux que vous encourager à relire vos textes avant de les poster. Il y a des choses qui "passent" dans un débat oral, mais qui semblent inutilement agressives lorsqu’elles sont écrites. Je vous encourage aussi à vous concentrer sur les arguments, et d’éviter d’attaquer les personnes ou de faire des procès d’intention. Cela n’implique nullement d’être moins "incisif". J’encourage ici un débat franc, et certains intervenants peuvent être très mordants dans leurs arguments, tout en restant respectueux des personnes.
@ Descartes,
Tu écris:
"Nos ancêtres les gaulois » était un coup de génie, parce qu’en cherchant des ancêtres dans un peuple largement imaginaire, très lointain, sans religion, sans espace géographique défini, on ne faisait une figure qui était une fiction acceptable par tous. L’école de la troisième n’a pas insisté sur le côté catholique et croisé de Charlemagne, elle a plutôt insisté sur son égalitarisme social, sa volonté unificatrice et l’accent mis sur l’éducation des élites. Et quitte à tordre un peu le cou à l’histoire, l’école devrait continuer à faire de la sorte."
Mais c’est là que je ne te suis plus, pour plusieurs raisons. Non, on ne peut pas "tordre le cou à l’histoire", et faire de l’histoire comme à la fin du XIX° siècle. Nous avons un devoir de rigueur. La discipline a évolué, on ne reviendra pas en arrière. Les Gaulois, aujourd’hui, sont mieux connus, ce n’est plus une population imaginaire, sans religion, sans espace géographique. Il n’y a pas de "peuple gaulois", mais un ensemble de tribus rivales. Le refrain "nos ancêtres les Gaulois" n’a plus aucun sens. Et on ne peut pas jeter le travail des spécialistes sur la question sous prétexte qu’il faut trouver des "ancêtres symboliques" acceptables pour les immigrés. D’autre part, le mythe des ancêtres gaulois s’inscrivait dans une vision de la "France éternelle" comme donnée naturelle depuis la nuit des temps. La Gaule préfigurait la France dans cette logique. Si l’on admet (et ça a toujours été mon cas) que la France est une construction humaine, un Etat et une nation qui doivent tout à la volonté des hommes et à l’histoire et pas grand-chose à Dieu ou à la nature, alors on ne peut pas diffuser ce type de mythe réducteur. Ce qui, je tiens à le souligner, ne rend pas la France moins belle et moins digne d’être aimée.
Ensuite il y a la question de l’héritage: choisir des ancêtres symboliques, d’accord, mais quand ils ne vous ont rien légué… Or les Gaulois ne nous ont pas laissé grand-chose hormis quelques toponymes. De ce point de vue, nos ancêtres symboliques sont plutôt les Romains. Le hic, c’est que la France n’est pas la seule à les revendiquer: Portugais, Espagnols, et je ne parle pas des Italiens naturellement.
Ensuite, je pense que le contexte joue: après 1870, les Gaulois étaient ce qui nous convenait, Vercingétorix, battu mais avec les honneurs, courageux meneur de la résistance "nationale". Vaincu mais glorieux dans la défaite, voilà qui pouvait flatter l’orgueil national. Aujourd’hui, le contexte a changé.
@ nationalistejacobin
[Mais c’est là que je ne te suis plus, pour plusieurs raisons. Non, on ne peut pas "tordre le cou à l’histoire", et faire de l’histoire comme à la fin du XIX° siècle. Nous avons un devoir de rigueur.]
Oui et non. Il faut faire une différence entre l’Histoire, la vraie discipline scientifique, et le « récit national ». L’école – et surtout l’école primaire – enseigne essentiellement la première. Et cette distinction existait déjà au XIXème siècle. Croyez-vous vraiment que les historiens sérieux de l’époque voyaient en Charlemagne « le géant à la barbe fleurie » qui fondait des écoles, grondait les cancres d’origine noble et récompensait les roturiers qui faisaient leurs devoirs ?
Le mythe et la légende a toujours coexisté avec l’histoire. Tout simplement parce que chacun satisfait un besoin différent. Pourquoi faudrait-il renoncer à l’une ou à l’autre ? Et surtout, il faut être conscient que si l’école ne propose pas des mythes et des légendes, les gens iront les chercher ailleurs, et particulièrement chez les institutions religieuses, dont c’est la spécialité. Je préfère voir les jeunes communier dans l’image d’un Charlemagne trafiqué pour porter les valeurs républicaines plutôt que dans Mahomet ou Jesus, tout aussi trafiqués mais pour porter des valeurs de soumission.
[La discipline a évolué, on ne reviendra pas en arrière.]
Décidément, on trouve de plus en plus dans ce blog des prophètes de la résignation. Bien sur qu’on ne reviendra pas en arrière. On recommencera à aller de l’avant. On est allé en arrière lorsqu’on a cru qu’on pouvait impunément descendre les mythes républicains de leur piédestal…
[Les Gaulois, aujourd’hui, sont mieux connus, ce n’est plus une population imaginaire, sans religion, sans espace géographique. Il n’y a pas de "peuple gaulois", mais un ensemble de tribus rivales. Le refrain "nos ancêtres les Gaulois" n’a plus aucun sens.]
Mais tout cela était parfaitement connu de ceux qui ont crée le mythe de « nos ancêtres les gaulois » à la fin du XIXème siècle. Les gaulois sont une création idéologique. Ils ont toujours été un peuple mythique qui est notre ancêtre symbolique. C’est cela leur « sens ».
[Et on ne peut pas jeter le travail des spécialistes sur la question sous prétexte qu’il faut trouver des "ancêtres symboliques" acceptables pour les immigrés.]
Mais il n’y a rien à « jeter ». Il faut simplement comprendre qu’il y a une progression à l’école qui va de la mythologie à l’Histoire. Et que chacune a sa fonction. Il n’y a pas de nation sans mythologie.
[D’autre part, le mythe des ancêtres gaulois s’inscrivait dans une vision de la "France éternelle" comme donnée naturelle depuis la nuit des temps. La Gaule préfigurait la France dans cette logique.]
Je pense que c’est beaucoup plus compliqué que cela. C’est d’ailleurs toute l’ambiguïté du nationalisme français. « Nos ancêtres les gaulois » sont d’abord des vaincus, et nous sommes autant enfants des vaincus que des vainqueurs, puisque nous nous reconnaissons dans la filiation de Rome et d’Athènes. La leçon « nos ancêtres les gaulois » se terminait d’ailleurs par une description de la vie misérable des gaulois en question pour conclure sur la formule « je n’aimerais pas être un petit gaulois, je préfère être un petit français » (je cite le texte publié par Gaston Bonheur dans « Qui a cassé le vase de Soissons », un livre délicieux que je recommande chaleureusement).
[Si l’on admet (et ça a toujours été mon cas) que la France est une construction humaine, un Etat et une nation qui doivent tout à la volonté des hommes et à l’histoire et pas grand-chose à Dieu ou à la nature, alors on ne peut pas diffuser ce type de mythe réducteur.]
Je ne tiens pas particulièrement à ce mythe-là. Si tu as mieux à proposer, je suis prêt à l’entendre. Mais quelque soient nos positions idéologiques, l’être humain a besoin d’ancêtres symboliques. C’est un besoin qui traverse toute la société. Et si le récit national ne propose rien là-dessus, les gens iront les chercher ailleurs…
[Ensuite il y a la question de l’héritage: choisir des ancêtres symboliques, d’accord, mais quand ils ne vous ont rien légué…]
C’est le propre des ancêtres symboliques : ils ne lèguent rien. Autrement, ils ne seraient pas symboliques. Ils ne sont pas là pour « léguer » quoi que ce soit. Leur fonction, est de servir de point de départ, de pouvoir nous dire « nous venons tous d’une origine commune ».
[Or les Gaulois ne nous ont pas laissé grand-chose hormis quelques toponymes. De ce point de vue, nos ancêtres symboliques sont plutôt les Romains.]
Comme je l’ai dit plus haut, le « récit national » de la France n’a jamais – contrairement à ce qui s’est passé en Allemagne – opposé une origine « nationale » aux influences étrangères. L’héritage romain et grec a une part essentielle dans notre « récit », et la défaite de Vercingetorix, loin d’être racontée comme une humiliation nationale, est vue comme un jalon nécessaire.
[Ensuite, je pense que le contexte joue: après 1870, les Gaulois étaient ce qui nous convenait, Vercingétorix, battu mais avec les honneurs, courageux meneur de la résistance "nationale". Vaincu mais glorieux dans la défaite, voilà qui pouvait flatter l’orgueil national. Aujourd’hui, le contexte a changé.]
Alors changeons de mythe. Je ne propose pas de revenir au « récit national » de 1870. Ce que je dis, c’est qu’il nous faut un « récit national » à raconter dans les écoles. Qu’il nous faut proposer à tous les petits français un mythe des origines qui soit commun.
Je profite de la mention des gaulois pour réagir.
"Sur l’identité nationale, qu’on me corrige
Mais mes ancêtres avaient-ils vraiment la gueule de Vercingétorix ?"
Youssoupha – Espérance de vie
"Et vos programmes scolaires, mes ancêtres ne sont pas gaulois"
Mokless – Ca tourne pas rond
Alors on peut sans doute ricaner de ces rappeurs en pensant qu’ils ont rien compris, mais ce serait peut-être à prendre en compte pour un nouveau récit national, non ?
Je ne dirai pas que ces rappeurs n’ont rien compris. Au contraire, ils ont parfaitement compris de quel côté souffle le vent, et ils suivent le mouvement. C’est d’ailleurs remarquable, non ? L’union sacrée qui va des intellectuels germanopratins jusqu’aux rappeurs de banlieue pour nous expliquer que "nos ancêtres n’étaient pas des gaulois"…
Comme tu dis, c’est à prendre en compte pour un "nouveau récit". Et "prendre en compte" dans ce cas veut dire comprendre que définir le "récit national" ne sera jamais une partie de plaisir. Ce ne sera jamais un choix consensuel. Ecrire un récit national implique engager le combat contre des forces réactionnaires très puissantes, celles qui tirent leur pouvoir de la division de la collectivité nationale en "communautés" séparées et qui se méfient les unes des autres.
Avant de renoncer à nos "gaulois", regardons ce que fait l’Eglise catholique, par exemple, une institution qui a une certaine expérience quand il s’agit de survivre aux changements. Plus d’un milliard de catholiques reconnaissent comme "ancêtres symboliques" de l’humanité à Adam et Eve. Comment fait Adam pour ressembler en même temps aux catholiques noirs, jaunes, blancs et rouges ?
Et pour finir, comment sait Youssoupha que ses ancêtres ne ressemblaient pas à Vercingétorix, puisque personne ne sait exactement à quoi il ressemblait le chef gaulois ? Comment peut Mokless être si sûr qu’aucun gaulois voyageur ne s’est inséré dans son arbre généalogique ? En fait, ni l’un ni l’autre n’en savent rien. Lorsqu’ils écrivent que leurs ancêtres ne sont pas gaulois, qu’ils ne ressemblent pas à Vercingétorix, ils ne font qu’écrire eux aussi un récit mythique. Eux aussi s’inventent des "ancêtres symboliques" qui bien entendu sont "purs" de tout sang gaulois. C’est l’invention d’un "récit communautaire" qui se développe dans le vide laissé par la destruction depuis 1968 du "récit national". Comme vous dites, il est essentiel d’en tenir compte.
@Stu,
je pense pouvoir répondre aux objections des rappeurs qui vont se chercher des ancêtres non gaulois :)…
En fait, mes parents ont appris à l’école, lors de la colonisation, que leur ancêtres étaient gaulois :). Par contre, ce n’est pas ce que j’ai appris à l’école en banlieue parisienne! Donc les rappeurs affabulent.
De plus, mes parents, qui étaient des enfants colonisés et lettrés, n’étaient pas aussi bêtes que le laissent entendre les rappeurs et leurs mentors bobos-lilis, qui pour le coup, font preuve d’une condescendance crasse: ils savaient parfaitement ce que les symboles signifiaient, et ils comprenaient qu’ils allaient symboliquement rentrer dans la grande famille des nations civilisées, au même titre que le reste des Français, ce qui était bien le but initial de la colonisation! Il ne faut pas oublier le contexte dans lequel la colonisation s’est produite: elle était le symbole du progrès, et surtout, d’une vie meilleure, ce qu’on a du mal à saisir aujourd’hui après quarante ans de stagnation économique (je ne parle pas de crise car la période est trop longue…).
C’est peut-être le plus grand problème de l’inculture des gens d’aujourd’hui, en particulier des banlieusards et des bobos-lilis: ils sont incapables de comprendre les symboles, et prennent tout au premier degré, ce qui dénote un manque de civilisation, ou plutôt, un déclin de la civilisation…
[C’est peut-être le plus grand problème de l’inculture des gens d’aujourd’hui, en particulier des banlieusards et des bobos-lilis: ils sont incapables de comprendre les symboles, et prennent tout au premier degré, ce qui dénote un manque de civilisation, ou plutôt, un déclin de la civilisation…]
Je reprends ce commentaire avec lequel je suis tout à fait d’accord – sauf peut-être avec l’usage du mot "déclin", que je n’aime pas trop. Il me semble incontestable que la capacité à symboliser, c’est à dire à savoir opérer à la fois sur le plan symbolique et sur le plan réel sans confondre les deux, est une caractéristique essentielle d’une société en bonne santé mentale. Je suis d’accord avec toi: les parents des enfants noirs à qui on faisait répéter "nos ancêtres les gaulois" comprenaient parfaitement qu’il s’agissait d’une opération symbolique, et non réelle. Penser que ces gens-là croyaient "réellement" que Vercingétorix était leur ancêtre et qu’ils ont attendu les luttes de la décolonisation ou les hurlements des rappeurs pour découvrir que ce n’était pas le cas, c’est prendre les gens pour des imbéciles.
Le problème, c’est que nous vivons dans une société sans imagination. Ces trente ans ont vu se développer la culture de l’explicite. On ne suggère plus rien, on le dit et on le montre de la manière la plus crue qui soit. Pour ne donner qu’un exemple, il fut un temps – eh oui, jeunes lecteurs, vous aurez du mal à le croire – où l’acte sexuel lui même n’était jamais montré à l’écran. Il était simplement suggéré, et je me souviens d’un film français ou des rapports de Jeanne Moreau avec son partenaire on ne voit que sa main serrant les plis d’un drap de soie. Et bien, cette scène est infiniment plus érotique que ne l’aurait été la scène explicite. Mais pour cela, il faut que l’imagination travaille, alors que le sexe explicite – qui est la règle de nos jours – ne nécessite aucune imagination. Tout est là pour être vu.
La symbolisation nécessite l’imagination. Et l’imagination se forme. C’est pourquoi je suis contre l’idée "moderne" de faire entrer les écrans à images dans l’école. L’école doit être le lieu de l’imagination, et donc du texte. Le film "Madame Bovary" impose à tous les élèves une image unique. C’est pourquoi il ne remplacera jamais le texte de Flaubert, qui permet à chaque élève de se fabriquer mentalement une "Madame Bovary" personnelle. Avec l’argument de "faire rentrer le réel à l’école" on a écrasé ce travaiol de l’imagination qui est pourtant absolument nécessaire. Et nous avons fabriqué une génération de jeunes incapables de se projeter dans l’avenir et, ce qui est plus grave, d’anticiper les conséquences de leurs actes. Une génération incapable de s’émouvoir au souvenir de Valmy comme du baptême de Clovis.
Manque d’imagination ou pas, manque de culture ou pas, qu’est-ce qu’on fait concrètement quand le récit national est rejeté ?
Encore un exemple :
"Je me passerais bien de tous vos héros historiques
De l’Education Nationale et ses enseignants alcooliques"
Scred Connexion – Bouteille de gaz
Mais… je me réponds à moi-même! Tu t’ "assimiles" à moi, Descartes? 🙂
"Pourquoi faudrait-il renoncer à l’une ou à l’autre ?"
Je pense qu’il serait préférable, dans la mesure du possible, de se passer des mythes. La III° République avait une conscience nationale unitaire à bâtir, après un siècle de soubresauts déclenchés par la Révolution. Il fallait enraciner la République, et souder les Français contre l’ennemi allemand. Aujourd’hui, on peut (peut-être) travailler dans une autre direction. Mais je reconnais la pertinence de ton argumentation. J’ai la faiblesse de penser que le citoyen éclairé n’a plus vraiment besoin de mythe. Sans doute est-ce trop optimiste.
"Je préfère voir les jeunes communier dans l’image d’un Charlemagne trafiqué pour porter les valeurs républicaines plutôt que dans Mahomet ou Jesus, tout aussi trafiqués mais pour porter des valeurs de soumission."
Les gens sont souvent déçus lorsqu’ils s’aperçoivent qu’on leur a menti. Et aujourd’hui, ils peuvent s’en rendre compte plus facilement qu’il y a un siècle. Par ailleurs, tu sais fort bien que la République ne détruira ni l’islam, ni le christianisme. Le catholicisme n’a pas toujours ni systématiquement été un obstacle au patriotisme, et même au patriotisme républicain. L’exemple de Mongénéral est assez parlant, je crois.
"Décidément, on trouve de plus en plus dans ce blog des prophètes de la résignation"
Comment, tu l’ignorais? Mais oui, je suis un prophète et j’en suis fier 😉 Mais, dis-moi: souhaites-tu qu’on modifie le théorème de Thalès pour arranger quelques opérations? Cela revient à "tordre le cou" aux mathématiques, non? Je pense, n’en déplaise à certains historiens, qu’on peut faire de l’histoire de France, du "roman national", sans recourir aux mythes.
"Mais tout cela était parfaitement connu"
C’est faux. Au XIX° siècle, les historiens se contentaient du témoignage de César. Les découvertes archéologiques des dernières décennies ont apporté beaucoup d’informations et renouvelé la connaissance des Gaulois.
"Si tu as mieux à proposer, je suis prêt à l’entendre."
A titre personnel, je suis plutôt adepte des "grands hommes"… un filon d’ailleurs largement exploité par la III°, à côté des Gaulois. Si je devais faire une liste, je commencerai à Philippe Auguste (affirmation de l’autorité royale et bases de l’Etat), puis Philippe le Bel, Charles V, Louis XI, François Ier, Richelieu, Louis XIV, puis les Révolutionnaires (Robespierre, Danton, Carnot), les empereurs, les républicains de la III° (Ferry, Clemenceau…). L’avantage du grand homme, c’est qu’il est plutôt la figure de l’exemple que de l’ancêtre. Le problème de "nos ancêtres" symboliques, c’est qu’on peut glisser vers la question des ancêtres réels.
"C’est le propre des ancêtres symboliques : ils ne lèguent rien."
Du coup ils ne servent plus à grand-chose dans une société suffisamment éduquée pour que la majorité se rende compte qu’il s’agit de mythes grossiers…
"Comme je l’ai dit plus haut, le « récit national » de la France n’a jamais – contrairement à ce qui s’est passé en Allemagne – opposé une origine « nationale » aux influences étrangères."
Je crois que tu idéalises un peu le "récit national" français. La France n’a jamais beaucoup aimé payer ses dettes. Le récit national a toujours encensé l’exception française et le "génie" propre de la France… Sans oublier un petit couplet sur la supériorité du modèle français et ce qu’elle a apporté aux autres.
"Qu’il nous faut proposer à tous les petits français un mythe des origines qui soit commun."
C’est là que nous divergeons. De mon point de vue, le "mythe des origines" n’a de sens que dans un pays où la diversité reste quand même marginale. A partir du moment où la politique migratoire fait de la France un pays bariolé semblable aux Etats-Unis, il me semble très difficile de faire passer un mythe des origines communes, à moins de remonter à Toomaï.
Mais, au fait, connais-tu un exemple probant d’un pays, d’immigration de préférence, très divers au niveau de sa population, ayant réussi à construire avec succès ce type de mythe?
[Oui et non. Il faut faire une différence entre l’Histoire, la vraie discipline scientifique, et le « récit national ». L’école – et surtout l’école primaire – enseigne essentiellement la première. Et cette distinction existait déjà au XIXème siècle.]
Parfois, on croit rêver, et on se pince après avoir relu !
Ce que vous décrivez à un nom, ça s’appelle la propagande. On peut aussi ne pas s’en tenir à l’école et à l’histoire. On peut appliquer votre principe aux médias, presse télévision etc .. a quoi bon s’imposer la rigueur et le respect de la réalité objective du moment ? Pour parvenir à ses fins rien de mieux que de réécrire l’histoire, réécrire l’actualité …
Mais alors il faut habiter la Russie de Poutine (et de ses prédécesseurs) ou la Corée du Nord communiste des Kim Jong.
@vent2sable
[Ce que vous décrivez à un nom, ça s’appelle la propagande.]
Certainement pas. Ce serait de la "propagande" si on voulait faire passer le "récit national" pour de l’Histoire scientifique. Mais cela n’a jamais été le cas. On enseignait "nos ancêtres les gaulois" à l’école primaire, mais pas à l’Université.
[On peut aussi ne pas s’en tenir à l’école et à l’histoire. On peut appliquer votre principe aux médias, presse télévision etc .. a quoi bon s’imposer la rigueur et le respect de la réalité objective du moment ?]
Ah bon ? Parce qu’on "impose la rigueur et le respect de la réalité objective" aux médias ? Vous faites bien de vous pincer, mon ami. Avec un peu de chance, vous pouvez encore vous reveiller…
[Manque d’imagination ou pas, manque de culture ou pas, qu’est-ce qu’on fait concrètement quand le récit national est rejeté ?]
On analyse pourquoi, et éventuellement on le réécrit. Mais encore une fois, je ne vois pas où le récit national est aujourd’hui rejeté. Il aurait d’ailleurs du mal à l’être, vu qu’on ne l’enseigne plus… les rappeurs que tu cites font référence à des choses qui ont disparu des programmes depuis quarante ans !
Encore un exemple :
"Je me passerais bien de tous vos héros historiques
De l’Education Nationale et ses enseignants alcooliques"
Scred Connexion – Bouteille de gaz
Ce texte ne fait que formuler l’idéal soixante-huitard sous une formulation moins élégante. Rien de neuf sous le soleil…
@nationalistejacobin
[Mais… je me réponds à moi-même! Tu t’ "assimiles" à moi, Descartes? :)]
Je suis rouge de honte… une fausse manip a dénaturé ma réponse. Je suis sincèrement désolé, mais avec la nouvelle interface j’ai peur que si je corrige cela fera un désastre encore plus grand…
[Je pense qu’il serait préférable, dans la mesure du possible, de se passer des mythes.]
Certainement. Dommage que ce soit impossible… l’homme est un animal symbolique, et donc mythique. Le mythe est inséparable de ce que nous sommes. Un enfant peut-il vivre avec l’idée que ses parents ne sont pas les meilleurs parents du monde ? Et pourtant c’est un mythe. Peut-il vivre en sachant que ses parents peuvent l’abandonner à tout moment ? Qu’ils ne seront pas toujours là pour le protéger ? Qu’ils ne sont pas tout-puissants ? Et pourtant, c’est la stricte vérité.
Si la République ne fournit pas des mythes de référence, les gens iront les chercher ailleurs. Chez les religions, par exemple. Robespierre l’athée qui a pourtant établi le culte de l’être suprême l’avait parfaitement compris.
[La III° République avait une conscience nationale unitaire à bâtir, après un siècle de soubresauts déclenchés par la Révolution. Il fallait enraciner la République, et souder les Français contre l’ennemi allemand.]
Vrai. La Vème République (ou ce qui en reste) a une conscience nationale à bâtir dans un monde mondialisé et avec une immigration qui est ce qu’elle est. Si l’on veut pouvoir combattre le communautarisme, il nous faut des mythes puissants, du moins aussi puissants que ceux de la crémerie d’en face.
[J’ai la faiblesse de penser que le citoyen éclairé n’a plus vraiment besoin de mythe. Sans doute est-ce trop optimiste.]
C’est surtout ignorer la psyché humaine. Un monde de raison pure est un monde où nos parents peuvent nous abandonner et ne sont pas en mesure de nous protéger de tout. C’est un monde où, pour reprendre la formule de Robespierre, l’homme n’est pas bon et le juge est corruptible. C’est un monde terriblement stressant, ne trouvez-vous pas ?
[Les gens sont souvent déçus lorsqu’ils s’aperçoivent qu’on leur a menti.]
En voulez-vous beaucoup à vos parents de ne pas vous avoir dit, lorsque vous étiez petit enfant, qu’ils seraient toujours là pour vous protéger ? Bien sur que non. Au risque de me répéter, je vous dirai qu’il faut à tout prix faire la différence entre un « mensonge » et une « fiction ». La différence est que le menteur essaye de persuader que ce qu’il dit est vrai, alors que dans la fiction il y a un « contrat de faire semblant » entre celui qui parle et celui qui écoute. Le père rassure son enfant, l’enfant fait semblant de le croire. La logique de « nos ancêtres les gaulois » est une logique de fiction, pas de mensonge.
[Et aujourd’hui, ils peuvent s’en rendre compte plus facilement qu’il y a un siècle.]
Croyez-vous vraiment qu’il y a un siècle les enfants noirs qui répétaient « nos ancêtres les gaulois » ne s’apercevaient pas que quelque chose clochait ?
[Par ailleurs, tu sais fort bien que la République ne détruira ni l’islam, ni le christianisme. Le catholicisme n’a pas toujours ni systématiquement été un obstacle au patriotisme, et même au patriotisme républicain. L’exemple de Mongénéral est assez parlant, je crois.]
La République ne détruit pas les religions, et n’a pas à le faire. Mais elle doit les confiner dans la sphère privée. De ce point de vue là, Mongénéral est aussi un bon exemple.
[Mais, dis-moi: souhaites-tu qu’on modifie le théorème de Thalès pour arranger quelques opérations? Cela revient à "tordre le cou" aux mathématiques, non?]
Les mathématiques aussi ont leurs « fictions crédibles »… et ce qu’on enseigne dans l’école primaire n’est pas toujours mathématiquement vrai…
[Je pense, n’en déplaise à certains historiens, qu’on peut faire de l’histoire de France, du "roman national", sans recourir aux mythes.]
Je vois mal comment. Un « roman national » est là pour susciter un réflexe d’identification. Or, la réalité est bien trop complexe pour qu’on puisse s’identifier à elle. L’identification nécessite des archétypes, alors que la réalité n’en produit pas… à moins de lisser quelques aspérités !
[A titre personnel, je suis plutôt adepte des "grands hommes"… un filon d’ailleurs largement exploité par la III°, à côté des Gaulois. Si je devais faire une liste, je commencerai à Philippe Auguste (affirmation de l’autorité royale et bases de l’Etat), puis Philippe le Bel, Charles V, Louis XI, François Ier, Richelieu, Louis XIV, puis les Révolutionnaires (Robespierre, Danton, Carnot), les empereurs, les républicains de la III° (Ferry, Clemenceau…).]
Mais étaient-ils vraiment si « grands » ? Si on les regarde non pas avec l’œil du conteur, mais avec celui de l’historien, on fait apparaître chez eux tous les défauts, toutes les corruptions des gouvernants de toutes les époques. Peut on, à ton avis, obtenir que les enfants et les adolescents s’identifient avec un Richelieu avare et profiteur, avec un Danton corrompu ? Je ne le crois pas. Particulièrement quand dans la crémerie d’en face, celle des religions, on offre des figures d’identification pures et parfaites…
["C’est le propre des ancêtres symboliques : ils ne lèguent rien." Du coup ils ne servent plus à grand-chose dans une société suffisamment éduquée pour que la majorité se rende compte qu’il s’agit de mythes grossiers…]
Bien sur que si. Il suffit de regarder combien les jeunes aujourd’hui se cherchent des ancêtres – qui dans l’histoire régionale, qui dans celle du pays d’origine de ses parents – pour s’identifier à eux. Les ancêtres symboliques ne lèguent rien d’autre qu’un sentiment d’appartenance à un collectif.
["Comme je l’ai dit plus haut, le « récit national » de la France n’a jamais – contrairement à ce qui s’est passé en Allemagne – opposé une origine « nationale » aux influences étrangères."
Je crois que tu idéalises un peu le "récit national" français. La France n’a jamais beaucoup aimé payer ses dettes. Le récit national a toujours encensé l’exception française et le "génie" propre de la France… Sans oublier un petit couplet sur la supériorité du modèle français et ce qu’elle a apporté aux autres.]
Ca n’a rien à voir. Un récit national qui n’encenserait pas ne serait pas un récit national. On n’invente pas un récit national pour dire « nous sommes dans la moyenne » ou « nous ne sommes pas mieux que les autres ». Mais le récit national français a une particularité qui est presque unique : dans le conflit entre le « natif » Vercingétorix et l’envahisseur « estranger » César, il se considère héritier à parts égales de l’un et de l’autre. Il est d’ailleurs remarquable qu’on ait choisi, à la fin du XIXème siècle, d’élever le monument « nationaliste » qu’est la statue monumentale de Vercingétorix non pas sur le site d’une victoire (comme Gergovie) mais sur le site d’une défaite gauloise (Alésia)…
[A partir du moment où la politique migratoire fait de la France un pays bariolé semblable aux Etats-Unis, il me semble très difficile de faire passer un mythe des origines communes, à moins de remonter à Toomaï.]
Et pourtant, difficile de trouver un pays qui ait un « roman national » aussi fort que les Etats-Unis…
[Mais, au fait, connais-tu un exemple probant d’un pays, d’immigration de préférence, très divers au niveau de sa population, ayant réussi à construire avec succès ce type de mythe?]
Les Etats-Unis me paraissent un excellent exemple. L’Argentine en est un autre. En fait, presque tous les pays d’immigration on pris un grand soin de forger un « roman national » puissant.
> En fait, presque tous les pays d’immigration on pris un grand soin de forger un « roman national » puissant.<
En lisant ceci, j’ai tout de suite repensé au très bon commentaire de Bannette sur le papier principal, lorsqu’elle écrit :
>Le jour où je suis allée à la Préfecture chercher mon certificat, j’ai même été déçue de ne pas avoir eu droit à une cérémonie plus solennelle et grave (je ne m’attendais pas à une cérémonie du type défilé du 14 juillet, mais quand même !)<
Ce n’est pas le seul témoignage de naturalisé que j’entende de la sorte. On aurait du mal à me qualifier d’admirateur des États-Unis, mais la cérémonie d’accès à la nationalité États-unienne semble jouer pour beaucoup un rôle important, de par sa solennité, dans la prise de conscience pour les nouveaux citoyens qu’ils participent de la même communauté nationale, et deviennent dépositaires du même "roman national".
@ Descartes,
"Peut-il vivre en sachant que ses parents peuvent l’abandonner à tout moment ? Qu’ils ne seront pas toujours là pour le protéger ? Qu’ils ne sont pas tout-puissants ?"
Tu as raison: les mythes sont faits… pour les enfants, précisément. Pas pour les citoyens majeurs et instruits.
"Chez les religions, par exemple. Robespierre l’athée qui a pourtant établi le culte de l’être suprême l’avait parfaitement compris."
Je ne crois pas que Robespierre était "athée". Anticlérical à la limite, et encore, pas forcément dans les plus virulents. Critique en tout cas des plus violents partisans de la déchristianisation.
"Mais étaient-ils vraiment si « grands » ?"
Oui, à un moment de leur vie, ils ont su faire preuve de grandeur, par leurs actes ou la mise en oeuvre d’un projet. En 1214, à Bouvines, Philippe Auguste y était. Philippe le Bel a renforcé l’Etat royal, comme Charles V. Pour François 1er, il y a Marignan, Chambord et l’édit de Villers-Coterêts. Pour Louis XIV, il y a plus encore. Je n’ai pas dit que ces hommes étaient bons, vertueux, généreux, bref des saints. J’ai dit qu’ils étaient grands, notamment dans l’idée que la plupart d’entre eux se sont faits de la France. Grands par l’oeuvre accomplie, aussi.
"Particulièrement quand dans la crémerie d’en face, celle des religions, on offre des figures d’identification pures et parfaites…"
Question de point de vue. Je crois plus aisé de s’identifier à des hommes, avec leurs défauts et leurs qualités. Raison pour laquelle, enfant, je préférais les rois de France à Jésus.
"Les Etats-Unis me paraissent un excellent exemple."
Avec quels ancêtres symboliques communs aux Amérindiens, aux blancs, aux afros, aux jaunes, aux latinos, aux protestants, aux catholiques, etc.? Le "roman national" américain a été essentiellement écrit par et pour les Wasp. Et la place des autres… De ce point de vue, la devise américaine "E pluribus unum" est trompeuse: les Etats-Unis restent un pays de communautés. La cohésion nationale n’a pas le même sens ici que là-bas. Et malgré cela, l’immigration hispanique provoque inquiétude et débat. Ce n’est manifestement pas si facile de faire cohabiter des gens de toutes origines.
@ Nationaliste Jacobin
[De mon point de vue, le "mythe des origines" n’a de sens que dans un pays où la diversité reste quand même marginale. A partir du moment où la politique migratoire fait de la France un pays bariolé semblable aux Etats-Unis, il me semble très difficile de faire passer un mythe des origines communes, à moins de remonter à Toomaï.]
Si je puis me permettre, NJ, il me semble que la diversité des couleurs est un faux problème. Lorsqu’un enfant de couleur est adopté dans une famille blanche, il fait naturellement siens les ancêtres blancs de sa famille d’adoption, ce qui ne l’empêche pas, s’il en éprouve le besoin, de s’intéresser aussi à ses origines biologiques. Pourquoi n’en serait-il pas de même pour une personne de couleur devenant française ? Va-t-on exiger de sa famille adoptive qu’elle modifie les premières branches de son arbre généalogique afin de mieux nous adopter ? A mon avis, ce que cache ce discours critique à l’égard de "nos ancêtres les gaulois", c’est avant tout le défaut d’assimilation à la nation française de la part de ceux qui le tiennent. Ce n’est, du reste, pas un hasard s’il rencontre un certain succès chez le rappeurs, qui préfèreraient sans doute pouvoir s’intégrer à la nation américaine…
"On enseignait "nos ancêtres les gaulois" à l’école primaire, mais pas à l’Université."
La propagande est encore plus pernicieuse à l’école primaire qu’à l’université, à cet âge là, ce n’est même plus de la propagande, c’est de l’embrigadement.
Si on vous suit, pourquoi, tant qu’on y est, ne pas rétablir aussi le catéchisme à l’école primaire, pour bien faire comprendre à tous que nous sommes une terre de « culture gréco-latine et de tradition chrétienne » comme vous dites.
@ Descartes, alias "Nationaliste Jacobin" :
["Les gaulois sont une création idéologique. Ils ont toujours été un peuple mythique qui est notre ancêtre symbolique. C’est cela leur « sens »."]
Désolé, Descartes, mais je ne vous suis pas. Il me semble que les gaulois ont bien existé, et qu’ils sont les ancêtres, non pas "symboliques", mais biologiques, et parfaitement réels, du peuple français, en tout cas tel qu’il s’est constitué à l’origine, non ?
@bolchokek
[Ce n’est pas le seul témoignage de naturalisé que j’entende de la sorte. On aurait du mal à me qualifier d’admirateur des États-Unis, mais la cérémonie d’accès à la nationalité États-unienne semble jouer pour beaucoup un rôle important, de par sa solennité, dans la prise de conscience pour les nouveaux citoyens qu’ils participent de la même communauté nationale, et deviennent dépositaires du même "roman national".]
Tout à fait. Toi et bannette vous évoquez là le complément nécessaire du mythe, qui est le rituel. De la même manière que le mythe nous rattache au passé, le rituel nous rattache à une communauté présente.
@ nationalistejacobin
[Tu as raison: les mythes sont faits… pour les enfants, précisément. Pas pour les citoyens majeurs et instruits.]
J’ai donné l’exemple des enfants parce qu’il est le plus évident. Mais les adultes aussi ont besoin de mythes et de fictions. As-tu fait une analyse ADN pour t’assurer que tes enfants sont bien de toi ? Non ?
["Mais étaient-ils vraiment si « grands » ?". Oui, à un moment de leur vie, ils ont su faire preuve de grandeur, par leurs actes ou la mise en oeuvre d’un projet.]
Et pour qu’ils puissent rester « grands », on crée la « fiction » qu’ils n’ont fait que cela dans leur vie, et rien d’autre. Comme disait Beaumarchais, aucun homme n’est grand au regard de son valet de chambre. Le « grand homme » est aussi une création fictive obtenue en cachant tout ce qui, dans la vie de l’homme en question, ne correspond pas à l’idée qu’on se fait de la grandeur.
[Question de point de vue. Je crois plus aisé de s’identifier à des hommes, avec leurs défauts et leurs qualités. Raison pour laquelle, enfant, je préférais les rois de France à Jésus.]
Mais quels rois, précisément. Les vrais, tels qu’ils ont été, où leur légende ? Personnellement, mon héros d’enfance était Richelieu (dans « Les trois mousquetaires »). J’ai toujours eu une certaine tendresse pour le méchant…
[Avec quels ancêtres symboliques communs aux Amérindiens, aux blancs, aux afros, aux jaunes, aux latinos, aux protestants, aux catholiques, etc.?]
Les « pilgrim fathers ». Tous les américains que je connais, noirs, blancs, jaunes, hétéros, homos, fêtent Thanksgiving.
[Le "roman national" américain a été essentiellement écrit par et pour les Wasp.]
Je ne crois pas. On peut dire qu’il a été écrit pour les immigrants européens (italiens, polonais, juifs…). Et ça a marché : en une génération, ces minorités ont été intégrées. La faiblesse du « roman national » américain étaient les noirs… mais c’est logique : jusqu’aux années 1960, la volonté était précisément de NE PAS les intégrer… D’ailleurs, depuis quelques années le « roman national » américain est soigneusement réécrit, pour essayer d’inclure quelques ancêtres noirs, indiens ou « latinos »…
[Et la place des autres… De ce point de vue, la devise américaine "E pluribus unum" est trompeuse: les Etats-Unis restent un pays de communautés. La cohésion nationale n’a pas le même sens ici que là-bas.]
C’est un pays de communautés avec une très grande cohésion interne. Seulement, la cohésion se fait autour de valeurs, et non autour d’un Etat – ce qui suppose un projet politique.
Je ne fais pas l’éloge du modèle américain. Je donne simplement l’exemple d’un pays d’immigration qui a réussi à élaborer et à maintenir un "roman national".
@vent2sable
[La propagande est encore plus pernicieuse à l’école primaire qu’à l’université, à cet âge là, ce n’est même plus de la propagande, c’est de l’embrigadement.]
Vous continuez à ignorer la différence entre un mensonge et une fiction. Pensez-vous qu’on ment aux enfants quand on leur parle du père Noël ? Pensez-vous que ce soit "de l’embrigadement" ?
[Si on vous suit, pourquoi, tant qu’on y est, ne pas rétablir aussi le catéchisme à l’école primaire,]
Mais… c’est déjà fait. Au cas où vous l’ignorerez, il existe dans ce pays des écoles libres en contrat avec l’Etat où l’on enseigne le catéchisme. Pensez-vous qu’il faudrait l’interdire ? La "propagande" serait-elle légitime dès lors qu’elle a l’accord des parents ?
@dsk
[Désolé, Descartes, mais je ne vous suis pas. Il me semble que les gaulois ont bien existé, et qu’ils sont les ancêtres, non pas "symboliques", mais biologiques, et parfaitement réels, du peuple français, en tout cas tel qu’il s’est constitué à l’origine, non ?]
Non. Les "gaulois" sont un ensemble de plusieurs peuples celtes qui, du temps des romains, habitaient une partie de la Gaule. Mais il y avait en Gaule d’autres peuples. Certains n’étaient pas celtes (par exemple les Ligures qui occupaient la basse vallée du Rhône et la côte d’Azur). D’autres sont arrivés plus tard, bien avant la formation de la France: les Francs, peuple germanique installé dans le nord de la France et qui fut allié des romains, les vikings qui se sont installés en Normandie à partir du VIIème siècle, les basques, peuple dont l’origine n’est pas clairement établie. En quoi les gaulois seraient plus les "ancêtres biologiques" des français que les francs, les romains, les normands ?
Bien sur que les gaulois "existent". La fiction consiste à croire que toute la gaule était peuplée de gaulois…
@ Descartes,
Tu es convaincant, je l’admets… mais je reste sceptique (faut toujours être un peu sceptique :). Sur les tests ADN: oui, certains hommes élèvent des enfants en croyant que ce sont les leurs, alors que ce n’est pas le cas. Mais c’est une minorité (4 % je crois selon une étude britannique). La paternité, dans la majorité des cas, n’est donc pas une "fiction" au sens strict.
"Et pour qu’ils puissent rester « grands », on crée la « fiction » qu’ils n’ont fait que cela dans leur vie, et rien d’autre."
C’est vrai. Il n’empêche que leur grandeur n’est pas purement fictive.
"Les vrais, tels qu’ils ont été, où leur légende ?"
Ceux dont la personnalité était complexe. Saint Louis ne m’a jamais attiré: trop parfait, trop vertueux, trop "saint" (d’après la légende, la réalité est plus compliquée). Louis XI m’a toujours fasciné: révolté contre son père, tortueux, calculateur. Mais quel homme d’Etat! Henri III, également, qui, confronté à une situation très difficile, a déployé beaucoup d’énergie pour essayer de maintenir l’autorité royale. Et pourtant, ce souverain fut l’un des plus calomniés.
Sur les Etats-Unis: ton exemple est probant, j’en conviens.
Je voudrais enfin te remercier. D’autres l’ont déjà fait, mais je tiens à te dire que j’apprécie beaucoup ton travail, et l’espace de débat que tu as réussi à créer. Je sais que ce blog te prend beaucoup de temps. Voilà, j’apprends beaucoup ici, en lisant et en échangeant avec toi et les autres. Que chacun trouve ici l’expression de ma gratitude pour ce débat passionnant et civilisé.
@ dsk,
"Lorsqu’un enfant de couleur est adopté dans une famille blanche, il fait naturellement siens les ancêtres blancs de sa famille d’adoption,"
"Naturellement", ça me paraît un peu excessif. On construit une fiction… et ça n’est pas toujours facile.
Comme l’a dit Descartes, il n’est pas absolument nécessaire de ressembler à ses ancêtres symboliques, allez, disons les gros mots, d’être de la même couleur, du même groupe racial qu’eux. On n’a pas besoin de tous descendre des Gaulois ou des sujets d’Hugues Capet pour être français.
En revanche, ce que je crois, c’est qu’il est quand même préférable que les ancêtres symboliques ressemblent à la majorité de la population. Cela rend la fiction… disons plus crédible. On parlait de Jésus: est-ce un hasard si, en Europe, Jésus est le plus souvent représenté avec des traits européens? Dans la Chapelle Sixtine, à Rome, les personnages bibliques sont blancs avec des traits européens. C’est comme ça, on aime bien que nos ancêtres, même symboliques, nous ressemblent. C’est humain après tout.
A partir du XIX° siècle, on peut trouver des gens de couleur parmi les "grands hommes" (un peu subalternes quand même): Dumas, Monnerville, Eboué, nous en avons parlé. Mais avant, cela devient plus difficile. A partir du XIV° siècle, nous avons des représentations des rois, des principaux ministres (peintures et sculptures). Et ils ne sont ni de type maghrébin, ni de type subsaharien. On peut réécrire le roman national, mais ça va être quand même très dur de contenter les minorités visibles sauf à tordre avec excès la réalité. La France n’a pas toujours été un pays d’immigration, et cela, les immigrés devraient l’accepter (certains en ont tout à fait conscience).
Un certain antiracisme a choisi de valoriser les origines, les racines immigrées. Descartes pense qu’on peut inverser la vapeur, même s’il sait que ce sera difficile. Moi, je suis plus sceptique. J’ai défendu le modèle assimilationniste républicain. Mais je commence à me demander si, au-delà du discours "diversitaire" et "multiculturel" à la mode, la République n’a pas été quand même trop ambitieuse. Quand dans une classe de 25 élèves, il y a 15 petits Maghrébins, 7 petits Subsahariens, 2 petits Roumains et 1 petit Français "de souche", j’avoue que je ne vois pas bien comment l’assimilation va se faire… On peut même se demander s’il n’y aura pas une "assimilation inversée": après tout, à Trappes, le musulman intégriste à l’origine des récents troubles s’appèle Mickaël et est un "Français converti", sa femme en voile intégrale est, elle, antillaise d’après ce que j’ai lu. Ils ne sont pas des immigrés. Et l’idée de "forcer la mixité dans l’attribution des HLM", je n’y crois pas trop. Il y aura toujours des stratégies d’évitement, des communes qui ne joueront pas le jeu.
Voilà, je suis plutôt pessimiste. Mais je puis me tromper.
["Bien sur que les gaulois "existent". La fiction consiste à croire que toute la gaule était peuplée de gaulois…"]
D’ accord. Donc, si je comprends bien, vous voulez dire que la formule "nos ancêtres les Gaulois" serait un mythe, en ce qu’elle tendrait à introduire dans les esprits l’idée fausse selon laquelle le peuple français aurait toujours existé, et qu’il ne serait pas, dès lors, qu’une pure création de la monarchie ?
Dans ce cas, que répondriez-vous à ceux qui en tireraient argument pour nous expliquer que puisque les Celtes, les Ligures, les Basques, les Francs et les Vikings, ont pu autrefois former une nation, pourquoi pas, aujourd’hui, les Français, les Allemands, les Anglais, etc. ?
Personnellement, à cette question, j’ai envie de répondre : certes, mais pourquoi faire ? Abandonner notre souveraineté au profit de celle d’un capitalisme hors de contrôle ? Non merci…
@ nationalistejacobin
[Tu es convaincant, je l’admets…]
Venant d’un dur à cuire comme toi, c’est un grand compliment… 😉
[La paternité, dans la majorité des cas, n’est donc pas une "fiction" au sens strict.]
Elle l’est au sens que pratiquement tout le monde préfère ne pas savoir la vérité et accepte volontiers de croire sans la moindre preuve qu’il est fils du compagnon de sa mère.
[C’est vrai. Il n’empêche que leur grandeur n’est pas purement fictive.]
Non. Mais souvent les fictions ont une pointe de vérité. « Nos ancêtres les gaulois » n’était pas une affirmation purement fictive…
[Je voudrais enfin te remercier. D’autres l’ont déjà fait, mais je tiens à te dire que j’apprécie beaucoup ton travail, et l’espace de débat que tu as réussi à créer. Je sais que ce blog te prend beaucoup de temps. Voilà, j’apprends beaucoup ici, en lisant et en échangeant avec toi et les autres. Que chacun trouve ici l’expression de ma gratitude pour ce débat passionnant et civilisé.]
C’est très gentil de ta part. Ca fait du bien à l’égo, et ça m’encourage à continuer. En plus, cela démontre une hypothèse qui m’est chère : qu’il est possible créer des espaces de débat affranchis du « politiquement correcte » sans qu’ils deviennent pour autant de déversoirs pour discours haineux. Qu’avec une certaine discipline intellectuelle, on peut débattre de tous les sujets, même les plus controversés, d’une manière civilisée.
[En revanche, ce que je crois, c’est qu’il est quand même préférable que les ancêtres symboliques ressemblent à la majorité de la population. Cela rend la fiction… disons plus crédible.]
Bien sur, c’est préférable… lorsque c’est possible. Malheureusement, il y a très peu de nations qui soient ethniquement suffisamment homogènes pour le permettre. J’ajoute que c’est un signe de la force du modèle républicain français que d’avoir réussi à soutenir un mythe aussi peu « crédible ».
[La France n’a pas toujours été un pays d’immigration, et cela, les immigrés devraient l’accepter (certains en ont tout à fait conscience).]
Bien entendu. Mais encore une fois, je pense qu’on peut parfaitement accepter comme référence dans un récit national un personnage qui ne nous ressemble pas. La théorie qu’on ne peut s’identifier qu’à ceux qui nous ressemblent physiquement est une théorie que je récuse totalement. Je connais beaucoup de noirs qui admirent De Gaulle, et des blancs qui admirent Eboué. Je suis sur que l’histoire de l’un et de l’autre racontée à l’école peut émouvoir et faire exemple quelque soit l’origine des élèves.
[Mais je commence à me demander si, au-delà du discours "diversitaire" et "multiculturel" à la mode, la République n’a pas été quand même trop ambitieuse. Quand dans une classe de 25 élèves, il y a 15 petits Maghrébins, 7 petits Subsahariens, 2 petits Roumains et 1 petit Français "de souche", j’avoue que je ne vois pas bien comment l’assimilation va se faire…]
Et bien, elle se faisait. En Algérie avant l’indépendance, les instituteurs avaient des classes bigarrées, et ils arrivaient quand même à détecter un petit Camus. Les instituteurs américains ou argentins du debut du siècle dernier avaient le même problème, et ils ont réussi. La difficulté ne se trouve pas chez les élèves. La difficulté, c’est de trouver des instituteurs capables de soutenir le « récit national » sans faire aucune concession, mais aussi et surtout le fait que la société dans son ensemble ne les soutient pas dans cette direction. Au contraire.
[On peut même se demander s’il n’y aura pas une "assimilation inversée": après tout, à Trappes, le musulman intégriste à l’origine des récents troubles s’appèle Mickaël et est un "Français converti", sa femme en voile intégrale est, elle, antillaise d’après ce que j’ai lu.]
Je ne l’interpréterais pas comme une « assimilation inversée », plutôt comme une recherche d’un cadre, dans une société où la communauté nationale n’offre plus un encadrement, des règles et des rites. C’est la parfaite illustration de ce que je te disais dans un autre message : là ou la République ne propose ni mythe, ni règle, ni rituel, les gens iront chercher ces éléments ailleurs.
@ Nationaliste Jacobin
[En revanche, ce que je crois, c’est qu’il est quand même préférable que les ancêtres symboliques ressemblent à la majorité de la population. Cela rend la fiction… disons plus crédible.]
Sans doute serait-ce préférable, ou en tout cas plus facile, mais je ne vois pas comment la France pourrait s’inventer des "ancêtres symboliques" crédibles qui seraient de couleur. Surtout, il faut bien voir, à mon avis, que la critique de "nos ancêtres les gaulois" n’est rien d’autre qu’un discours racialiste identitaire. Dire que l’on ne saurait, en tant que noir, s’assimiler à la nation française, dès lors que les "ancêtres symboliques" de celle-ci étaient blancs, cela revient à lier la race avec la nationalité, ce qui est un discours finalement nettement plus "extrémiste" que celui du FN. En fait, la seule justification d’un tel discours est qu’il ne ferait, de toute façon, que répondre au racisme des français de souche. Or on ne saurait admettre que le racisme des uns justifie le racisme des autres. Il ne peut y avoir de racisme antiraciste.
[D’ accord. Donc, si je comprends bien, vous voulez dire que la formule "nos ancêtres les Gaulois" serait un mythe, en ce qu’elle tendrait à introduire dans les esprits l’idée fausse selon laquelle le peuple français aurait toujours existé, et qu’il ne serait pas, dès lors, qu’une pure création de la monarchie ?]
Pas exactement. Je pense que "nos ancêtres les gaulois" est un mythe parce que cette formule introduit l’idée que nous tous, français, aurions des ancêtres communs, que d’une certaine manière nous appartenons tous à la même famille…
[Dans ce cas, que répondriez-vous à ceux qui en tireraient argument pour nous expliquer que puisque les Celtes, les Ligures, les Basques, les Francs et les Vikings, ont pu autrefois former une nation, pourquoi pas, aujourd’hui, les Français, les Allemands, les Anglais, etc. ?]
Je répondrai plusieurs choses. La première, c’est que pour faire des Celtes, des Ligures, des Basques, des Francs et des Vikings une nation, il a fallu plus d’un millénaire. Peut-être que dans un millénaire Français, Anglais, Allemands, etc. constitueront une seule et même nation…
La deuxième réponse est que la nation française ne s’est pas constituée parce que Celtes, Ligures, etc. ont décidé de signer un traité. Elle s’est constitué parce que l’un de ces peuples – les Francs – a constitué une entité politique et qu’il a réussi à agglomérer progressivement les autres autour de lui, soit par la force, soit par des alliances. Cela était possible entre autres choses parce que ces "peuples" n’avaient pas encore constitué des "nations". Je vois mal aujourd’hui en Europe une nation qui aurait aujourd’hui un tel pouvoir de séduction ou la force nécessaire pour agglomérer les autres autour de lui. L’Allemagne a bien essayé pourtant en 1939… et on sait ce qu’il advint.
[Personnellement, à cette question, j’ai envie de répondre : certes, mais pourquoi faire ? Abandonner notre souveraineté au profit de celle d’un capitalisme hors de contrôle ? Non merci…]
Je suis moins fermé que vous. Si l’on devait abandonner la souveraineté française, anglaise, allemande pour une souveraineté européenne, je serais presque prêt à m’embarquer dans le projet. Le problème, c’est que l’Europe, même dans l’imagination des europhiles, n’aspire pas à la souveraineté. La conception du marché qui est celle du projet européen est justement qu’il faut le moins possible de "souveraineté" et le plus possible de mécanismes automatiques qui soustraient les décisions au politique.
@dsk
>Or on ne saurait admettre que le racisme des uns justifie le racisme des autres. Il ne peut y avoir de racisme antiraciste.<
Comme tout égalitarisme, on ne l’imagine pas inégalitaire et différentialiste… On pourrait faire la même remarque pour les féministes, les régionalistes, les LGBT…
@ Bolchokek
["Comme tout égalitarisme, on ne l’imagine pas inégalitaire et différentialiste… On pourrait faire la même remarque pour les féministes, les régionalistes, les LGBT…"]
Exactement. Et dans le genre raciste antiraciste, rappelez-vous aussi de la "superbe couleur marron que montrent les plus beaux êtres humains", de l’excellent Mélenchon…
@ Descartes & dsk
"Je connais beaucoup de noirs qui admirent De Gaulle, et des blancs qui admirent Eboué."
Bien sûr. Mais admirer est une chose, s’identifier en est une autre. J’ai de l’admiration pour Charles XII, Tamerlan ou Shaka en tant qu’hommes d’Etat ou chefs militaires. Cela ne suffit pas pour que je me sente Suédois, Mongol ou Zoulou…
"La théorie qu’on ne peut s’identifier qu’à ceux qui nous ressemblent physiquement est une théorie que je récuse totalement"
"Dire que l’on ne saurait, en tant que noir, s’assimiler à la nation française, dès lors que les "ancêtres symboliques" de celle-ci étaient blancs, cela revient à lier la race avec la nationalité"
En ce qui me concerne, j’imagine demain m’installer au Mali, et devenir citoyen malien. Mes "ancêtres symboliques" seraient Mansa Moussa, empereur du Mali, les empereurs Songhaï, etc. Tous noirs et musulmans. Eh bien je dois avouer que je me sentirais assez mal à l’aise de n’avoir que des ancêtres "fictifs" qui me sont aussi différents par l’onomastique, la religion, la couleur de peau, (l’apparence physique étant un élément parmi d’autres). Je n’ai pas une imagination aussi puissante, désolé. Je dois en déduire que je suis raciste…
@nationalistejacobin
[Bien sûr. Mais admirer est une chose, s’identifier en est une autre. J’ai de l’admiration pour Charles XII, Tamerlan ou Shaka en tant qu’hommes d’Etat ou chefs militaires. Cela ne suffit pas pour que je me sente Suédois, Mongol ou Zoulou…]
Non, mais c’est un bon début. Qu’on puisse admirer quelqu’un qui ne nous ressemble pas montre qu’il y a un niveau d’identification possible avec un tel personnage. Et qu’on peut donc créer un « récit national » fondé sur ce levier.
[En ce qui me concerne, j’imagine demain m’installer au Mali, et devenir citoyen malien. Mes "ancêtres symboliques" seraient Mansa Moussa, empereur du Mali, les empereurs Songhaï, etc. Tous noirs et musulmans.]
Cela dépend. Il y a peut être aussi des européens ayant participé à l’histoire coloniale du Mali qui font, eux aussi, partie du « roman national ». C’est par exemple le cas en Afrique du Sud. Mais si tu aimais le Mali au point de vouloir passer le reste de ta vie là bas, d’en faire le pays où tes enfants auront leur destin… c’est probablement parce que tu aurais assimilé d’une certaine manière cette histoire comme la tienne.
[Eh bien je dois avouer que je me sentirais assez mal à l’aise de n’avoir que des ancêtres "fictifs" qui me sont aussi différents par l’onomastique, la religion, la couleur de peau, (l’apparence physique étant un élément parmi d’autres). Je n’ai pas une imagination aussi puissante, désolé. Je dois en déduire que je suis raciste…]
Je pense surtout que tu n’as pas fait l’expérience de l’assimilation. Tu n’as jamais envisagé de faire ton nid ailleurs qu’en France. Je peux t’en parler, venant d’une famille qui a émigré trois fois en trois générations en changeant de continent… et je peux t’assurer que c’est bien plus facile que tu ne le penses. Mais il est vrai que j’ai une imagination débordante…
@NJ
>Bien sûr. Mais admirer est une chose, s’identifier en est une autre.<
Ca peut être lié. L’un de mes meilleurs amis est né de parents immigrés iraniens et a une admiration sans bornes pour François Ier. Un jour, il m’a demandé "d’ailleurs, tu ne trouves pas que je lui ressemble un peu ?"
>Cela ne suffit pas pour que je me sente Suédois, Mongol ou Zoulou…<
Pourtant encore aujourd’hui De Gaulle est une figure à laquelle beaucoup s’identifient comme modèle de détermination politique, des hommes de bien des couleurs et des religions différentes.
>Eh bien je dois avouer que je me sentirais assez mal à l’aise de n’avoir que des ancêtres "fictifs" qui me sont aussi différents par l’onomastique, la religion, la couleur de peau, (l’apparence physique étant un élément parmi d’autres).<
L’assimilation à une société est toujours quelque chose de difficile. Mais après tout, si des maliens peuvent le faire dans le sens inverse, pourquoi pas vous ? Douteriez-vous de vos capacités 😉 ?
Paradoxalement, votre exemple est excellent pour rappeler à la fois que l’assimilation à une société très différente est difficile, et également pour souligner l’importance d’un roman national puissant.
>Je n’ai pas une imagination aussi puissante, désolé.<
C’est peut-être que le "roman national" malien manque d’épaisseur, et que l’on ne connait pas vraiment de flux migratoires dans ce sens qui ait établi un précédent.
>Je dois en déduire que je suis raciste…<
Vous pensez que s’assimiler à une société ait quoi que ce soit à voir avec le sang ? Cela supposerait que l’organisation sociale aurait une origine génétique, et ne serait pas auto-générée. C’est à dire que les mœurs, l’État, la religion répondraient à des prédestinations ethniques et non pas à une construction sociale et une histoire. Si c’étaient vos convictions, vous seriez raciste. Mais je sais bien que ce n’est pas le cas.
Vous savez, le racisme le plus profond et haineux que j’ai pu observer était entre gens de même couleur, de même religion et de même culture…
@dsk
[Exactement. Et dans le genre raciste antiraciste, rappelez-vous aussi de la "superbe couleur marron que montrent les plus beaux êtres humains", de l’excellent Mélenchon..]
Cette remarque, que j’avais commenté sur ce blog, est en effet un bon exemple de la "haine de soi" qui se présente ici sous la forme de "racisme inversé". Si le raciste dit "les blancs sont supérieurs aux noirs", l’antiraciste à la Mélenchon se sent obligé de dire "les noirs sont supérieurs aux blancs". De la même manière que si Le Pen demande à sortir de l’Euro, Mélenchon se sent obligé de demander qu’on y reste.
Mélenchon n’est pas le seul à faire ce genre de raisonnement, mais chez lui c’est tellement automatique que cela devient comique. Dans le dernier papier sur son blog, il écrit sur la détermination du point de latitude zéro: "Sur ce mont pelé, on trouve un bloc doré au point de La Condamine et, à quelques mètres de là, le lieu où les indigènes pré-incaïque avaient eux-mêmes situé la chose. Verdict du GPS : les indigènes avaient le bon endroit, pile poil, et La Condamine le rate de peu". Sans vouloir vexer Mélenchon, il s’est probablement fait gruger: à supposer que les "indigènes pré-incaiques" aient déterminé la position de l’équateur "pile poil", leur point ne serait pas exact aujourd’hui, puisque l’axe de rotation terrestre se déplace lentement et la position de l’équateur avec. Le "point déterminé par les indiens" a donc probablement été fixé récemment, à l’intention des touristes crédules… et qui ont une certaine tendance à vouloir croire que nos instruments "modernes" ne sont pas précis que les méthodes "ancestrales"…
["Le "point déterminé par les indiens" a donc probablement été fixé récemment, à l’intention des touristes crédules…"]
Oh la la, vous êtes dur, Descartes…
Mais avouez que le sujet le mérite. J’ai horreur de l’attitude qui consiste à afficher une méfiance permanente – qui confirme au "complotisme" – pour tout ce que disent "les autres" associée à une crédulité presque enfantine pour n’importe quelle histoire racontée par "les nôtres". Y en a marre, à la fin: ce n’est pas parce qu’un patron dit quelque chose qu’il dit faux, ce n’est pas parce qu’un descendant d’indiens opprimés parle qu’il dit vrai. Marre de ce manichéisme!
Je me demande d’ailleurs ce qu’aurait été la réaction de Mélenchon si son GPS avait donné raison à La Condamine plutôt qu’à la sagesse ancestrale des indiens…
Je suis en train de finir "Les possédés" de Dostoïevski et il y est beaucoup question des "nôtres" chez les possédés. 🙂
@ Descartes
["Je me demande d’ailleurs ce qu’aurait été la réaction de Mélenchon si son GPS avait donné raison à La Condamine plutôt qu’à la sagesse ancestrale des indiens…"]
Peut-être aurait-il déclaré que son GPS n’était pas des "nôtres" ?
@dsk
[Peut-être aurait-il déclaré que son GPS n’était pas des "nôtres" ?]
Je n’y avais pas pensé… mais effectivement, on voit ici Mélenchon choisir le système de positionnement mis en place par l’armée de l’Oncle Sam pour arbitrer entre les calculs du français La Condamine et ceux du "savoir ancestral" des indiens… si le GPS avait donné raison à La Condamine, il en aurait probablement conclu à un complot des impérialistes français et étatsuniens contre l’Amérique indienne…
@ inquiet
["Je suis en train de finir "Les possédés" de Dostoïevski et il y est beaucoup question des "nôtres" chez les possédés. :)"]
Je n’irais pas jusqu’à dire que Mélenchon est un possédé. Je dirais qu’il est un semi-possédé.
@ Descartes
J’avais posté il y a quelques jours une réponse à Nationaliste Jacobin, qui n’a toujours pas été publiée. Non point que j’y tienne absolument, car j’écrirais sans doute autre chose aujourd’hui, mais peut-être cela est-il dû à un "bug", ce qui expliquerait l’absence de nouveaux commentaires depuis quelques jours sur ce fil ?
@dsk
[Je n’irais pas jusqu’à dire que Mélenchon est un possédé. Je dirais qu’il est un semi-possédé.]
"Pour les traîtres, douze balles dans la peau. Pour les demi-traîtres, six balles suffiront" (Clemenceau).
[J’avais posté il y a quelques jours une réponse à Nationaliste Jacobin, qui n’a toujours pas été publiée.]
J’ai publié toutes les contributions que j’ai reçu. Et ce fil s’enrichit chaque jour de quelques commentaires… alors ce doit être un bug chez vous…
Évidemment, je ne vois pas Méluche comme un Piotr Stepanovitch, les enjeux ne sont pas les mêmes. Nous sommes en fin de course et il ne s’agit plus que de se rallier au pouvoir "mondial" (ou OTANesque en ce qui nous concerne). Mais la question qui me taraude par rapport à ce que Descartes nous a dit du bonhomme est que je ne comprends pas son attitude par rapport à son personnage (à moins de tomber dans le complot radical). Le mec est cultivé, intelligent, sympathique et il fait ce qu’il fait ? Ça me dépasse complètement. Je n’y comprends rien. A moins que Descartes ne se trompe.
Et puis ce soutien mi-figue mi-raisin à Hugo Chavez. Hugo Chavez est (à ce que je sais) un patriote (nationaliste ?) très chrétien. Je vois mal le rapport avec Mélenchon, à part la dose de socialisme. Tout ça est assez fouilli à mon sens…
Il m’arrive d’être assez négatif… Cordialement.
@ inquiet
["Le mec est cultivé, intelligent, sympathique et il fait ce qu’il fait ? Ça me dépasse complètement."]
Il est sympa et attirant.
Mais, mais, mais, mais, mais, mais, mais, méfiez-vous :
C´est un truand.
http://www.youtube.com/watch?v=NmIuaWhplZc
@ Nationaliste Jacobin
["Eh bien je dois avouer que je me sentirais assez mal à l’aise de n’avoir que des ancêtres "fictifs" qui me sont aussi différents par l’onomastique, la religion, la couleur de peau, (l’apparence physique étant un élément parmi d’autres). Je n’ai pas une imagination aussi puissante, désolé. Je dois en déduire que je suis raciste…"]
Notez bien que l’onomastique et la religion n’ont rien à voir avec la race. A mon avis, l’expérience qui permettrait véritablement de déduire que vous êtes "raciste", serait celle dans laquelle vous vous retrouveriez au milieu d’individus de type pygmées, par exemple, qui parleraient néanmoins tous français sans accent, s’appelleraient Robert, François ou Paul, et iraient à la messe ou joueraient au tiercé le dimanche. Sans doute subsisterait-il chez vous un malaise, qui tiendrait à votre différence physique, qui rendrait plus difficile votre intégration au groupe. Mais ce malaise signifierait-il pour autant que vous êtes "raciste" ? Je ne le crois pas.
En fait, je pense qu’il est de la plus haute importance de bien distinguer, justement, ce qui tient aux différences de races, et ce qui ne tient qu’aux différences de cultures. En effet, la plupart du temps, nos prétendus "antiracistes" ne font que désigner abusivement sous le nom de "racisme" ce qui ne tient qu’à des oppositions parfaitement naturelles entre cultures.
@ J. Halpern,
"les jeunes filles voilées restent minoritaires, par exemple"
Qu’est-ce qui vous permet d’être aussi affirmatif? A-t-on des études fiables sur la proportion de jeunes filles maghrébines qui portent le voile? Peut-être est-ce une minorité, mais une minorité qui grossit depuis quelques années tout de même.
"quand j’enseignais en ZEP"
Et à quand remonte cette expérience? La situation évolue, vous savez, et pas forcément dans le bon sens…
"pour l’observateur malveillant"
Merci du compliment…
@ nationalistejacobin
[""les jeunes filles voilées restent minoritaires, par exemple"
Qu’est-ce qui vous permet d’être aussi affirmatif?"]
Simplement l’observation des rues de Marseille, y compris les quartiers Nord.
["A-t-on des études fiables sur la proportion de jeunes filles maghrébines qui portent le voile?"]
Non, et ce serait de toute manière problématique, il faudrait définir la population de référence, et contrôler la véracité des réponses (porter le voile, c’est-à-dire : foulard, hijab… ?).
["Peut-être est-ce une minorité, mais une minorité qui grossit depuis quelques années tout de même."]
Je suis bien d’accord là-dessus. Mais si cette minorité grossit, c’est bien parce qu’il ne s’agit pas d’un héritage, mais d’une perversion nourrie par la communautarisation de la société. Et je ne vois pas pourquoi cette évolution devrait être considérée comme définitive.
[""quand j’enseignais en ZEP"
Et à quand remonte cette expérience?"]
De septembre 1999 à juin 2011 – et je fréquente toujours les mêmes quartiers.
["La situation évolue, vous savez, et pas forcément dans le bon sens…"]
Certes, mais encore une fois ce changement prouve que nous sommes dans l’ordre de la conjoncture. La prolifération des maoïstes en 1969 ne préfigurait pas le ralliement de la France à la Chine Rouge. J’aime assez cette comparaison, car rien dans l’éducation, les aspiration et le mode de vie de nos petits fascistes verts ne les prédispose à renoncer aux délices de la permissive société de consommation. Comme les "maos" d’hier, ils sont symptomatiques d’un malaise mais certainement pas d’une perspective.
[""pour l’observateur malveillant"
Merci du compliment…"]
Je ne pensais pas spécialement à vous en écrivant cela (encore qu’à lire quelques passages de vos interventions, j’aurais pu être tenté). Je décrivais en général le processus de stigmatisation qui procède par généralisations abusives pour prêter à toute une population les travers d’une petite minorité.
@ J. Halpern
"Simplement l’observation des rues de Marseille, y compris les quartiers Nord."
C’est très intéressant, car vous donnez l’exemple d’une grande ville. Moi qui ai surtout l’expérience de petites villes rurales, je constate que le voile y est largement et parfois majoritairement porté par les immigrés du Maghreb et de Turquie. Ce qui m’amène à me demander si la grande ville n’est pas un antidote relatif au communautarisme.
"Non, et ce serait de toute manière problématique"
Mais… il y a des sondages qui ciblent les catholiques, les protestants, les juifs…
"Mais si cette minorité grossit, c’est bien parce qu’il ne s’agit pas d’un héritage, mais d’une perversion nourrie par la communautarisation de la société."
Je me pose quand même une question: pourquoi l’islam finit-il par faire débat un peu partout en Europe, y compris dans des pays de tradition communautariste qui devraient s’en accommoder? En Allemagne, aux Pays-Bas, en Suède, même en Grande-Bretagne, de plus en plus de citoyens "ont un problème" avec l’islam. Je veux bien être parano sur les bords, mais il doit quand même y avoir quelque chose…
"Comme les "maos" d’hier, ils sont symptomatiques d’un malaise mais certainement pas d’une perspective"
Puissiez-vous avoir raison. Mais rien ne prouve que votre comparaison soit justifiée. Vous sous-estimez aussi, à mon avis, le lien qui unit les musulmans d’Europe au monde musulman tout proche. Bien plus proche que ne l’était la Chine de Mao en 69. Et cette proximité a une influence. Vous négligez peut-être aussi des liens persistants avec un pays d’origine, ce qui fait une grosse différence avec les maoïstes.
"Je ne pensais pas spécialement à vous en écrivant cela (encore qu’à lire quelques passages de vos interventions, j’aurais pu être tenté)"
Mais j’admets volontiers n’avoir aucune bienveillance pour les musulmans.
@ nationalistejacobin
[Ce qui m’amène à me demander si la grande ville n’est pas un antidote relatif au communautarisme.]
C’est bien connu. Au village, tout le monde se connaît, s’observe et la communauté peut donc contrôler les faits et gestes de chacun. L’anonymat de la grande ville permet d’affaiblir le contrôle que la communauté exerce sur les individus. C’est l’une des raisons pour lesquelles l’église catholique s’est toujours opposée à une modernité qui amenait avec elle l’exode rural ver une ville qu’elle qualifiait « d’antre du péché ». Le communautarisme apparaît avec une ségrégation spatiale qui permet de reconstruire au sein de la ville le « village » d’antan.
Bonsoir Descartes,
l’été s’annonce caniculaire, et les esprits s’échauffent avec! En moins de deux mois, nous avons eu droit à quelques séquences médiatiques qui vont encore souffler dans les voiles du FN.
Pour commencer, je ne sais pas si vous êtes adepte du PSG version QSI, mais les incidents aux Champs Elysée et au Trocadéro lors de la célébration du titre de champion de France ont dû déciller la France BCBG! Surtout, les médias ont au départ accuser les hooligans expulsés du club, mais il s’est avéré après coup que les pillards et les casseurs venaient de la banlieue, brandissant des drapeaux algériens et marocains… Bizarrement, les Parisiens des beaux quartiers ont eu un avant-goût de ce que vivent les banlieusards lors d’émeutes soi-disant protestataires, et on a attenté à l’intégrité des touristes, donc aux affaires: en clair, on a brisé un tabou! Cela ressemble étrangement à ce qu’il s’était passé en 2006 lors des manifs anti-CPE, quand les casseurs des banlieues s’en sont pris aux enfants des classes moyennes…
Deuxième séquence, plus proche de nous, celle des sifflets du 14 juillet adressés au président de la République par les opposants au mariage gay: dieu seul sait si j’exècre Hollande, mais cette manifestation de mauvaise humeur est au minimum malvenue, mais surtout, elle signe une atmosphère de guerre civile! En effet, une la loi promulguée, il faut respecter la légalité républicaine, faute de quoi, l’état de droit, la république et surtout l’ordre sont menacés! Il n’y a pas de raison supérieure autre que celle de la volonté commune, et la république en est l’incarnation! Revenir sur cela signifie qu’on veut délibérément créer une atmosphère de guerre civile…
Troisième séquence, et j’avoue que je suis tombé à la renverse, c’est ce qu’il s’est passé à Bretigny-sur-Orge lors des secours des victimes du déraillement du train: d’ultimes pourritures (je ne vois pas comment on pourrait les qualifier autrement) se sont avisées qu’elles avaient mieux à faire que de secourir les blessés. Ces "sombres crétins inhumains" (dixit Jérôme Guedj) ont donc profité, avant l’arrivé des secours, pour détrousser les victimes, et pire, une fois arrivés, pour leur jeter des pierres afin de les entraver dans leur mission. J’ai l’intime conviction que des Français ou des étrangers bien élevés et intégrés n’auraient jamais commis une infamie pareille; je peux me tromper, mais mon vécu me laisse à penser que ces barbares méconnaissent la solidarité telle qu’on la pratique dans les moeurs françaises…
Enfin, dernière séquence, et j’en finirai là, ce qu’il s’est passé à Trappes hier soir, où 250 personnes ont attaqué un commissariat en représailles d’un contrôle anti-burka. Le cas s’est déjà produit dans plusieurs cités en France, notamment à Marseille, mais il n’avait pas pris un tour aussi grave. Comment se fait-il que ces gens qui ont fait ça se croit dispensés de respecter les lois de la république? Désolé, mais la charia n’est pas opposable à la loi générale, et les policiers qui ont contrôlé la contrevenante en burka ne l’agressait pas, mais ne faisait qu’appliquer la loi. Or un organisme de propagande, le CCIF, affirme que la police républicaine a agressée une croyante bigote, et estime que cette attaque de commissariat était légitime: qu’est ce qu’attend le gouvernement pour dissoudre cette association qui incite au crime, et pire, à la guerre civile?
En gros, quelque soit le bout qu’on prenne, il règne une atmosphère extrêmement malsaine, avec un sentiment d’impunité pour les fauteurs de trouble, et cela fera encore les affaires de ces démagogues du FN…
Ma litanie est longue, mais c’est justement pour montrer une accumulation de faits devant lesquels le gouvernement n’a pas su agir de manière adéquate. J’espère que vous aurez une vision moins noire que la mienne, mais il y a de quoi déprimer…
@CVT
[l’été s’annonce caniculaire, et les esprits s’échauffent avec! En moins de deux mois, nous avons eu droit à quelques séquences médiatiques qui vont encore souffler dans les voiles du FN.]
C’est là qu’il faut se poser des questions. Lorsque chaque « séquence » souffle dans les voiles d’une organisation politique donnée, c’est souvent parce que cette organisation à analysé correctement le réel. Avant qu’on m’accuse de « frontiste », j’ajoute que ce n’est pas parce qu’on a fait une analyse juste du réel que les solutions proposées sont les bonnes.
[Pour commencer, je ne sais pas si vous êtes adepte du PSG version QSI, mais les incidents aux Champs Elysée et au Trocadéro lors de la célébration du titre de champion de France ont dû déciller la France BCBG! Surtout, les médias ont au départ accuser les hooligans expulsés du club, mais il s’est avéré après coup que les pillards et les casseurs venaient de la banlieue, brandissant des drapeaux algériens et marocains…]
Je ne sais pas si les faits tels que vous les racontez sont « avérés ». Pourriez-vous donner la référence de vos informations ? Je n’ai trouvé, quant à moi, qu’une image où l’on trouve en haut d’un échafaudage pris d’assaut par les « hooligans » un drapeau algérien. Mais aucun des « hooligans » en question ne brandit un drapeau, pas plus que les « pillards » ou « casseurs » qu’on voit dans d’autres images. Sur ce genre d’affaires, il faut rester rigoureux. Ce n’est pas parce que certains députés de droite font des amalgames qu’il faut les croire.
[Deuxième séquence, plus proche de nous, celle des sifflets du 14 juillet adressés au président de la République par les opposants au mariage gay: dieu seul sait si j’exècre Hollande, mais cette manifestation de mauvaise humeur est au minimum malvenue, mais surtout, elle signe une atmosphère de guerre civile!]
Tout à fait. Cela tient en partie à la difficulté qu’à notre société à opérer sur le plan symbolique. Dans l’affaire en question, les protestataires sont incapables de faire la différence entre un contexte où Hollande est le gouvernant qui fait la loi sur le « mariage pour tous », et le contexte où Hollande, président de la République et chef des armées, représente la Nation.
[En effet, une la loi promulguée, il faut respecter la légalité républicaine, faute de quoi, l’état de droit, la république et surtout l’ordre sont menacés! Il n’y a pas de raison supérieure autre que celle de la volonté commune, et la république en est l’incarnation! Revenir sur cela signifie qu’on veut délibérément créer une atmosphère de guerre civile…]
Oui. Et il y a de ça dans les deux « camps ». Les « faucheurs OGM », ou ceux qui empêchent les réunions du débat public sur le site de stockage de déchets nucléaires de Bure se placent dans la même logique : celle d’empêcher les institutions républicaines de fonctionner et la loi républicaine de s’appliquer. Sans compter avec l’idéologie « antifa » que j’ai commenté dans mon papier sur l’affaire Méric.
[Troisième séquence, et j’avoue que je suis tombé à la renverse, c’est ce qu’il s’est passé à Bretigny-sur-Orge lors des secours des victimes du déraillement du train: d’ultimes pourritures (je ne vois pas comment on pourrait les qualifier autrement) se sont avisées qu’elles avaient mieux à faire que de secourir les blessés. Ces "sombres crétins inhumains" (dixit Jérôme Guedj) ont donc profité, avant l’arrivé des secours, pour détrousser les victimes, et pire, une fois arrivés, pour leur jeter des pierres afin de les entraver dans leur mission. J’ai l’intime conviction que des Français ou des étrangers bien élevés et intégrés n’auraient jamais commis une infamie pareille;]
Là, vous vous avancez un peu, mon pauvre. L’histoire a montré le contraire. Ainsi, pendant l’exode de 1940 on a compté pas mal de cas de pillage des victimes de l’exode ou des habitations qu’ils avaient laissé derrière eux. Ce ne fut pas massif, mais les exemples ne sont pas si rares que cela. Et ce ne fut pas le fait d’étrangers, loin s’en faut…
Mais les faits que vous citez sont, effectivement, très graves. Ils montrent un délitement du lien social, avec l’apparition d’une population jeune qui est incapable d’empathie. On revient toujours au même problème, celui de l’imagination, de la représentation et du symbole. Un animal n’hésite pas à dépouiller un congénère mort ou en situation de faiblesse. Un homme ne le fait pas parce que son imagination lui permet de se représenter lui-même à la place de l’autre, de s’identifier à l’autre. C’est cette capacité d’identification qui est à l’origine de toute réflexion morale.
[Enfin, dernière séquence, et j’en finirai là, ce qu’il s’est passé à Trappes hier soir, où 250 personnes ont attaqué un commissariat en représailles d’un contrôle anti-burka. Le cas s’est déjà produit dans plusieurs cités en France, notamment à Marseille, mais il n’avait pas pris un tour aussi grave. Comment se fait-il que ces gens qui ont fait ça se croient dispensés de respecter les lois de la république?]
On paie ici trente ans d’accommodements avec la loi. Pendant des années, au nom d’une idéologie « diversitaire » ou plus banalement pour avoir la paix, les élus locaux et les préfets ont pris des libertés avec la loi républicaine, accordant de fait des dérogations sous la pression des communautés. Des horaires séparés réservés aux femmes aux prières de rue, du financement public des lieux de culte aux subventions aux associations « tenues » par des « grands frères » à leur profit, on a fait beaucoup de choses que la loi interdit. Comment s’étonner que des leaders communautaires continuent à appliquer une stratégie qui s’est révélée par le passé aussi payante ?
Maintenant, il faut remonter la pente. Il faut rendre hommage à Valls qui, du moins en public, ne s’est pas dégonflé. Nous allons voir s’il arrive à tenir le cap.
[En gros, quelque soit le bout qu’on prenne, il règne une atmosphère extrêmement malsaine, avec un sentiment d’impunité pour les fauteurs de trouble, et cela fera encore les affaires de ces démagogues du FN…]
Tout à fait. Comme je le disais plus haut, le FN a fait une excellente analyse de l’état de la société française. Et c’est pourquoi il peut se permettre de laisser les faits faire campagne pour lui, et attendre que les voix viennent chez lui d’elles mêmes. Il n’y a qu’à voir les réactions des passants – souvent d’origine immigrée eux-mêmes – de Trappes. La plupart ont déclaré aux journalistes qui les interrogeaient en avoir marre des casseurs et des troublions. Je ne serais pas étonné que ces gens-là, tout descendants d’immigrés qu’ils sont, apportent leur voix au FN, le seul parti politique qui eut la prescience d’annoncer la couleur.
[Ma litanie est longue, mais c’est justement pour montrer une accumulation de faits devant lesquels le gouvernement n’a pas su agir de manière adéquate. J’espère que vous aurez une vision moins noire que la mienne, mais il y a de quoi déprimer…]
Je suis plus optimiste que vous parce que je pense que ces évènements, aussi graves soient-ils, sont le fait d’une petite minorité. Il y a un effet d’optique médiatique qui amplifie le singulier et le transforme artificiellement en paradigmatique. Avec quelques dizaines de jeunes « casseurs », on peut mettre la pagaille et se faire la « une » des journaux. Mais il ne faut pas tomber dans le piège des médias. L’immense majorité de la population n’est pas dans cette logique-là. Les organisations islamistes – rebaptisées « contre l’islamophobie », mais cela ne trompe que ceux qui veulent être trompés – n’osent même pas organiser des manifestations contre les lois en question, parce qu’elles savent qu’elles réuniront trois pelés et deux barbus, et encore, au prix d’une réaction négative du reste de la population.
Je suis plus inquiet par la dégradation en profondeur des institutions du pays. Une dégradation qui ne fait pas la « une » des journaux, qui n’est pas spectaculaire, mais qui est bien plus lourde de menaces pour l’avenir. C’est la chute de l’investissement public, la transformation des administrations de l’Etat en villages Potemkine…
@ CVT
["Deuxième séquence, plus proche de nous, celle des sifflets du 14 juillet adressés au président de la République par les opposants au mariage gay: dieu seul sait si j’exècre Hollande, mais cette manifestation de mauvaise humeur est au minimum malvenue, mais surtout, elle signe une atmosphère de guerre civile! En effet, une la loi promulguée, il faut respecter la légalité républicaine, faute de quoi, l’état de droit, la république et surtout l’ordre sont menacés! "]
A la décharge de ces manifestants, il faut tout de même se souvenir que le 14 juillet, c’est l’anniversaire de la prise de la Bastille, évènement qui n’évoque pas particulièrement la paix civile, le respect de l’ordre et de la légalité…
["Il n’y a pas de raison supérieure autre que celle de la volonté commune, et la république en est l’incarnation!"]
Voire… Rappelons que l’un des piliers de notre République, la Déclaration des Droits de l’Homme de 1789, se fonde sur le "droit naturel", qui est un droit qu’il n’appartient pas au législateur, normalement, de méconnaître. Or il ne me paraît pas abusif d’estimer que le mariage homosexuel contrevient à un tel "droit naturel".
@dsk
[Voire… Rappelons que l’un des piliers de notre République, la Déclaration des Droits de l’Homme de 1789, se fonde sur le "droit naturel", qui est un droit qu’il n’appartient pas au législateur, normalement, de méconnaître.]
Oui. Mais la DDH ne reconnaît que quatre « droits naturels » : la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l’oppression. Tous les autres droits sont « artificiels »…
[Or il ne me paraît pas abusif d’estimer que le mariage homosexuel contrevient à un tel "droit naturel".]
Je ne sais pas si c’est « abusif », mais je vois mal en quoi le mariage homosexuel violerait l’un des quatre droits que la Déclaration reconnaît comme « naturels ».
["Oui. Mais la DDH ne reconnaît que quatre « droits naturels » : la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l’oppression. Tous les autres droits sont « artificiels »…"]
Je pense que ce n’est pas aussi simple. Par l’emploi de l’expression "droits naturels", la DDH ne fait que reprendre expressément à son compte une doctrine, celle du "droit naturel", qui considère l’existence d’un droit "naturel" immuable, supérieur au "droit objectif".
Ainsi se comprend le préambule de la DDH : "Les Représentants du Peuple Français, constitués en Assemblée Nationale, considérant que l’ignorance, l’oubli ou le mépris des droits de l’Homme sont les seules causes des malheurs publics et de la corruption des Gouvernements, ont résolu d’exposer, dans une Déclaration solennelle, les droits naturels, inaliénables et sacrés de l’Homme, afin que cette Déclaration, constamment présente à tous les Membres du corps social, leur rappelle sans cesse leurs droits et leurs devoirs".
Il ne s’agit donc que de "rappeler" ce qui aurait été "ignoré", "oublié" ou "méprisé". Or, en premier lieu, un partisan du droit naturel pourrait parfaitement soutenir que les rédacteurs de la DDH auraient très bien pu eux-mêmes "oublier" certains "droits naturels", ceux-ci ne pouvant être limités par aucune définition humaine. Au reste, comment en vouloir aux rédacteurs de n’avoir pas pensé à "rappeler" que le mariage consistait en l’union d’un homme et d’une femme ?
Mais surtout, l’objet de la DDH n’est que d’énumérer "les" droits naturels et imprescriptibles de l’Homme, ce qui n’est pas la même chose que de définir ce que serait "le" droit naturel. Or, si le principe du mariage ente un homme et une femme n’est pas "un" droit naturel de l’Homme, il ne me paraît pas abusif de considérer qu’il ferait quand même partie de ce "droit naturel", dont la valeur suprême est bel et bien, par ailleurs, consacrée par la DDH.
@dsk
[Je pense que ce n’est pas aussi simple. Par l’emploi de l’expression "droits naturels", la DDH ne fait que reprendre expressément à son compte une doctrine, celle du "droit naturel", qui considère l’existence d’un droit "naturel" immuable, supérieur au "droit objectif".]
Je ne partage pas votre point de vue. La DDH ne parle pas de « droit naturel » (au sens d’un système juridique) en général, mais de « droits naturels » qu’elle énonce de manière limitative.
[Or, en premier lieu, un partisan du droit naturel pourrait parfaitement soutenir que les rédacteurs de la DDH auraient très bien pu eux-mêmes "oublier" certains "droits naturels", ceux-ci ne pouvant être limités par aucune définition humaine.]
Mais avec la même autorité il pourrait soutenir exactement le contraire. Il n’y a aucune raison de penser que les rédacteurs de la DDH aient « oublié » un droit naturel. Avec votre raisonnement, n’importe qui pourrait décider que se promener à poil sur les champs élysées ou tuer une vieille pour lui piquer son magot est un « droit naturel » de même hiérarchie que la propriété, la sûreté, la liberté ou la résistance à l’oppression, seulement que les rédacteurs de la DDH l’auraient « oublié ».
Je pense que les rédacteurs de la DDH étaient justement très conscients de ce danger, et qu’ils ont sciemment voulu fonder le nouveau droit français sur un nombre très limité de « droits naturels ».
[Au reste, comment en vouloir aux rédacteurs de n’avoir pas pensé à "rappeler" que le mariage consistait en l’union d’un homme et d’une femme ?]
Moi je n’en veux à personne…
[Or, si le principe du mariage ente un homme et une femme n’est pas "un" droit naturel de l’Homme, il ne me paraît pas abusif de considérer qu’il ferait quand même partie de ce "droit naturel", dont la valeur suprême est bel et bien, par ailleurs, consacrée par la DDH.]
Relisez votre DDH. Vous verrez qu’elle ne consacre nullement le « droit naturel ». Il ne fait mention que de « droits naturels » et l’utilisation du pluriel montre bien qu’ils sont quantifiables et énumérables.
["Relisez votre DDH. Vous verrez qu’elle ne consacre nullement le « droit naturel »."]
Mais si, Descartes, puisqu’elle n’établit pas de nouveaux droits, mais ne fait que "rappeler" des droits "oubliés", ce qui est la définition même du "droit naturel" : un droit dont l’existence ne dépend pas du législateur, et que celui-ci ne peut, par conséquent, que "rappeler".
|"Avec votre raisonnement, n’importe qui pourrait décider que se promener à poil sur les champs élysées ou tuer une vieille pour lui piquer son magot est un « droit naturel » de même hiérarchie que la propriété, la sûreté, la liberté ou la résistance à l’oppression, seulement que les rédacteurs de la DDH l’auraient « oublié »"]
Bien sûr. C’est effectivement la grande critique que l’on peut faire au "droit naturel". Mais je n’ai nullement dit que j’adhérais personnellement à une telle doctrine. Je n’ai fait que faire remarquer que notre République, à travers la DDH, reconnaît bel et bien, à travers le "droit naturel", une "raison supérieure à la volonté commune".
["Je pense que les rédacteurs de la DDH étaient justement très conscients de ce danger, et qu’ils ont sciemment voulu fonder le nouveau droit français sur un nombre très limité de « droits naturels »."]
Peut-être. Mais notez-bien que ce serait alors totalement illogique. Ce serait prétendre qu’eux-mêmes, animés d’une sorte de science infuse, inspirés peut-être par "l’Être suprême", auraient été en mesure de circonscrire entièrement l’étendue des "droits naturels de l’Homme". Or au nom de quoi auraient-ils pu soutenir n’avoir, de leur côté, "oublié" aucun de ces fameux "droits naturels de l’Homme" ?
@dsk
[Mais si, Descartes, puisqu’elle n’établit pas de nouveaux droits, mais ne fait que "rappeler" des droits "oubliés", ce qui est la définition même du "droit naturel" : un droit dont l’existence ne dépend pas du législateur, et que celui-ci ne peut, par conséquent, que "rappeler".]
Je crois qu’on ne se comprends pas. Je vous ai dit que la déclaration ne reconnaît aucun « droit naturel » au sens d’un système de droit. Elle reconnaît quatre « droits naturels » bien précis, et postule que tout système de droit positif doit respecter ces quatre droits. C’est tout. Il n’y a là aucune affirmation qu’au-delà de ces quatre droits explicitement proclamés il y aurait d’autres « droits naturels » qui attendraient d’être « rappelés ».
[Bien sûr. C’est effectivement la grande critique que l’on peut faire au "droit naturel". Mais je n’ai nullement dit que j’adhérais personnellement à une telle doctrine. Je n’ai fait que faire remarquer que notre République, à travers la DDH, reconnaît bel et bien, à travers le "droit naturel", une "raison supérieure à la volonté commune".]
Encore une fois, je pense que vous confondez le « droit naturel », l’idée qu’il existe un système de droit dicté par la nature, avec les « droits naturels », qui ne sont qu’une liste de droits limitativement énoncés qui seraient donnés comme étant issus de la nature des choses.
[Peut-être. Mais notez-bien que ce serait alors totalement illogique. Ce serait prétendre qu’eux-mêmes, animés d’une sorte de science infuse, inspirés peut-être par "l’Être suprême", auraient été en mesure de circonscrire entièrement l’étendue des "droits naturels de l’Homme". Or au nom de quoi auraient-ils pu soutenir n’avoir, de leur côté, "oublié" aucun de ces fameux "droits naturels de l’Homme" ?]
Parce qu’ils ont bien travaillé, qu’ils ont utilisé la Raison et l’étude de l’histoire… C’est un article de dogme, de la même manière que la « loi ultime » l’est dans le constitutionnalisme de Kelsen.
["Je crois qu’on ne se comprends pas."]
Pardonnez-moi, mais je suis un peu sourd.
["Je vous ai dit que la déclaration ne reconnaît aucun « droit naturel » au sens d’un système de droit."]
Comment ? Ma déclaration d’impôt n’est pas naturelle ?
["Elle reconnaît quatre « droits naturels » bien précis, et postule que tout système de droit positif doit respecter ces quatre droits."]
Je ne vois vraiment pas comment un système de droit positif pourrait respecter un "droit de résistance à l’oppression", car il faudrait alors qu’il admette qu’on ait le droit de lui résister, ce qui est une impossibilité logique.
En réalité, il faut bien voir que ce "droit de résistance à l’oppression" contient quasiment à lui seul tout le principe du droit naturel, en tant qu’il s’agit d’un droit qui s’impose au droit positif, et donc notamment à la DDH elle-même, puisque celle-ci fait partie du droit positif. Dès lors, si je vous disais qu’il existe un cinquième "droit naturel de l’Homme", qui consiste à pouvoir se balader à poil sur les Champs Élysées, tout en jouant du ukulele, vous ne sauriez, Descartes, m’opposer le caractère limitatif des quatre droits naturels de la DDH, car je vous répondrais alors qu’en vertu de cette même DDH, j’ai parfaitement le droit de résister à l’oppression que constitue le caractère scandaleusement limitatif des quatre droits qu’elle énumère.
["Parce qu’ils ont bien travaillé, qu’ils ont utilisé la Raison et l’étude de l’histoire… C’est un article de dogme"]
Arrêtez un peu, Descartes. Entre nous, vous savez bien que les rédacteurs de la DDH n’étaient rien d’autre qu’une bande d’excités subversifs, des sortes d’ancêtres de Mélenchon, qui ne se sont servi de la "théorie du droit naturel" que dans le but de légitimer la révolution bourgeoise de 1789.
@dsk
[Pardonnez-moi, mais je suis un peu sourd.]
Oui… et il n’est pas de pire sourd que celui qui ne veut pas entendre…
[Je ne vois vraiment pas comment un système de droit positif pourrait respecter un "droit de résistance à l’oppression", car il faudrait alors qu’il admette qu’on ait le droit de lui résister, ce qui est une impossibilité logique. ]
Certainement pas. Le droit de « résistance à l’oppression » n’est finalement que la généralisation au niveau de la société du droit de légitime défense individuel. Et si le droit positif n’a pas de problème à reconnaître l’un, on ne voit pas quelle serait la difficulté à reconnaître l’autre. Dans les deux cas, le « droit » en question revient à admettre que dans des circonstances exceptionnelles il est permis au citoyen de ne pas respecter la loi.
[En réalité, il faut bien voir que ce "droit de résistance à l’oppression" contient quasiment à lui seul tout le principe du droit naturel, en tant qu’il s’agit d’un droit qui s’impose au droit positif, et donc notamment à la DDH elle-même, puisque celle-ci fait partie du droit positif.]
Vous vous contredisez. Sil la DDH « fait partie du droit positif », il s’ensuit nécessairement que la « résistance à l’oppression » fait partie du droit positif, puisqu’il est contenu dans la DDH…
[Dès lors, si je vous disais qu’il existe un cinquième "droit naturel de l’Homme", qui consiste à pouvoir se balader à poil sur les Champs Élysées, tout en jouant du ukulele, vous ne sauriez, Descartes, m’opposer le caractère limitatif des quatre droits naturels de la DDH, car je vous répondrais alors qu’en vertu de cette même DDH, j’ai parfaitement le droit de résister à l’oppression que constitue le caractère scandaleusement limitatif des quatre droits qu’elle énumère. ]
Et dans ce cas je vous traînerais devant un juge, et celui-ci apprécierait si le fait de vous interdire de vous balader à poil en jouant de l’instrument de votre choix est ou non constitutif d’une situation d’oppression. Je n’ai pas de doute quant à son jugement. Je pense que vous vous trompez dans l’interprétation de la formule « résistance à l’oppression ». Celle-ci n’est qu’une « légitime défense » au niveau social. Et la légitime défense ne vous autorise pas à faire tout et n’importe quoi : ce n’est pas vous qui jugez si vous êtes en situation de légitime défense, c’est la société par l’intermédiaire du juge pénal.
[Arrêtez un peu, Descartes. Entre nous, vous savez bien que les rédacteurs de la DDH n’étaient rien d’autre qu’une bande d’excités subversifs,]
C’est peut-être votre vision mais ce n’est certainement pas la mienne.
[des sortes d’ancêtres de Mélenchon, ]
Mélenchon « subversif » ? Vous lui faites beaucoup d’honneur…
@ Descartes
["Oui… et il n’est pas de pire sourd que celui qui ne veut pas entendre…"]
Croyez bien, pourtant, que je fais de mon mieux. Il se peut que nous ayons quelque difficulté à nous comprendre du fait qu’en réalité, ici, plusieurs questions s’entremêlent: La DDH a-t-elle consacré le droit naturel dans notre droit positif ? En bref, je dirais oui, en théorie, mais non en pratique.
Le mariage gay peut-il être considéré comme contraire à la Constitution, en tant qu’il serait contraire au droit naturel, lui-même consacré, en théorie, par la DDH ? Je dirais qu’en tout cas, j’ai le sentiment très net que la majorité actuelle a outrepassé ses pouvoirs en l’autorisant.
Cela étant, je vous rappelle que je ne voulais, à l’origine, que pointer la contradiction entre le respect de la loi et de l’ordre "républicains" que d’aucuns opposent aux manifestants du 14 juillet, avec les fondements révolutionnaires de notre République.
["Le droit de « résistance à l’oppression » n’est finalement que la généralisation au niveau de la société du droit de légitime défense individuel. Et si le droit positif n’a pas de problème à reconnaître l’un, on ne voit pas quelle serait la difficulté à reconnaître l’autre."]
Je pense que votre parallèle serait plus pertinent si vous considériez plutôt un agresseur qui permettrait à sa victime de lui résister. Il me semble que vous comprendriez alors mieux pourquoi il est moins difficile au droit de reconnaître le droit de légitime défense que celui de résistance à l’oppression.
["Vous vous contredisez. Sil la DDH « fait partie du droit positif », il s’ensuit nécessairement que la « résistance à l’oppression » fait partie du droit positif, puisqu’il est contenu dans la DDH…"]
Je ne me contredis pas. C’est le droit positif qui se contredit, lorsqu’il admet un droit de résistance à lui même.
["Et dans ce cas je vous traînerais devant un juge, et celui-ci apprécierait si le fait de vous interdire de vous balader à poil en jouant de l’instrument de votre choix est ou non constitutif d’une situation d’oppression. Je n’ai pas de doute quant à son jugement."]
Bien entendu. Ce n’est que l’illustration de l’impossibilité logique que constitue l’insertion de ce "droit de résistance à l’oppression" dans notre droit positif.
Quand, à votre avis, un juge me donnera-t-il raison de violer la loi au nom de mon prétendu "droit de résistance à l’oppression" ? Tout simplement jamais, car la fonction même du juge est de faire appliquer la loi, et non de nous féliciter de l’avoir violée.
["C’est peut-être votre vision mais ce n’est certainement pas la mienne."]
Si un révolutionnaire n’est pas un excité subversif, alors je me demande qui peut bien l’être…
["Mélenchon « subversif » ? Vous lui faites beaucoup d’honneur…"]
Disons plutôt qu’il prétend subvertir ce qui l’a déjà été depuis longtemps.
@ dsk
[Croyez bien, pourtant, que je fais de mon mieux. Il se peut que nous ayons quelque difficulté à nous comprendre du fait qu’en réalité, ici, plusieurs questions s’entremêlent: La DDH a-t-elle consacré le droit naturel dans notre droit positif ? En bref, je dirais oui, en théorie, mais non en pratique.]
Non. La DDH a consacré quatre droits naturels. Elle ne consacre pas le « droit naturel » en général, et rien dans la DDH ne suggère qu’il pourrait en exister d’autres que les quatre qu’elle mentionne limitativement.
[Le mariage gay peut-il être considéré comme contraire à la Constitution, en tant qu’il serait contraire au droit naturel, lui-même consacré, en théorie, par la DDH ?]
Non, puisqu’il n’est contraire ni a la liberté, ni a la sûreté, ni a la propriété, ni a la résistance à l’oppression, les seuls « droits naturels » que la DDH reconnaisse. Vous voulez à tout prix faire de la DDH une sorte de « porte ouverte » permettant de reconnaître toute une série de « droits naturels ». Mais ce n’est pas le cas, et ce n’était certainement pas l’intention de ses rédacteurs.
[Je dirais qu’en tout cas, j’ai le sentiment très net que la majorité actuelle a outrepassé ses pouvoirs en l’autorisant.]
Question d’opinion. Personnellement, j’ai trop de respect pour la notion de souveraineté populaire pour refuser au Parlement le pouvoir d’instituer le mariage. J’estime que le « mariage pour tous » est une erreur grave, mais le peuple a le droit de commettre des erreurs…
[Je pense que votre parallèle serait plus pertinent si vous considériez plutôt un agresseur qui permettrait à sa victime de lui résister.]
Pour ce qui concerne la « résistance à l’oppression », personne ne vous « permet » rien, puisqu’il s’agit d’un « droit naturel ». Vous avez intrinsèquement, de par votre qualité d’humain, le droit de vous défendre contre un oppresseur. Ce n’est pas l’oppresseur en question qui vous « permet » quoi que ce soit. C’est en ce sens qu’on peut l’assimiler au droit d’autodéfense, un droit reconnu comme « naturel » par la plupart des cultures bien avant qu’il fut inscrit dans le droit positif.
[Il me semble que vous comprendriez alors mieux pourquoi il est moins difficile au droit de reconnaître le droit de légitime défense que celui de résistance à l’oppression.]
Je ne vois pas en quoi. En reconnaissant la « légitime défense » le droit admet qu’on puisse violer la loi, même la plus sacrée, lorsqu’il s’agit de défendre sa vie ou son intégrité physique contre un agresseur qui se place lui-même en dehors du droit. En reconnaissant la « résistance à l’oppression », le droit admet qu’on puisse violer la loi, même la plus sacrée, lorsqu’un agresseur vous prive de vos droits « naturels ». Je trouve les deux situations parfaitement symétriques.
[Quand, à votre avis, un juge me donnera-t-il raison de violer la loi au nom de mon prétendu "droit de résistance à l’oppression" ? Tout simplement jamais, car la fonction même du juge est de faire appliquer la loi, et non de nous féliciter de l’avoir violée.]
Votre raisonnement s’applique aussi bien à la « légitime défense »… d’ailleurs, je crois savoir que les résistants condamnés a perpétuité sous le régime de Vichy n’ont pas exécuté la totalité de leur peine…
"Non. La DDH a consacré quatre droits naturels. Elle ne consacre pas le « droit naturel » en général, et rien dans la DDH ne suggère qu’il pourrait en exister d’autres que les quatre qu’elle mentionne limitativement."]
Je me demande si vous ne confondez pas la DDH avec les dix commandements. Étant donné que ceux-ci émanent de Dieu lui-même, on peut raisonnablement supposer qu’il n’en existe pas de onzième. Toutefois, tel n’est pas le cas de la DDH, dont je vous rappelle, du reste, qu’elle a été rédigée et adoptée dans une certaine précipitation.
D’autre part, à supposer que la DDH ne fasse qu’énoncer limitativement quatre droits naturels, cela signifierait simplement que, pour elle, le droit naturel se limite à ces quatre droits. Mais alors, ce serait bien tout "le" droit naturel qu’elle entendrait ainsi consacrer.
["Non, puisqu’il n’est contraire ni a la liberté, ni a la sûreté, ni a la propriété, ni a la résistance à l’oppression, les seuls « droits naturels » que la DDH reconnaisse."]
Notez bien que ce n’est pas tout à fait ce qu’a dit le Conseil constitutionnel dans sa décision relative au mariage gay, puisqu’il a répondu, de façon beaucoup plus obscure : "qu’en outre, doit en tout état de cause être écarté le grief tiré de ce que le mariage serait « naturellement » l’union d’un homme et d’une femme;". A contrario, il me semble que l’on peut déduire de cette phrase que le Conseil constitutionnel n’exclut pas définitivement tout argument tiré d’une contrariété au droit naturel.
["Vous voulez à tout prix faire de la DDH une sorte de « porte ouverte » permettant de reconnaître toute une série de « droits naturels »."]
Ce que je dis, c’est que si la porte du droit naturel s’est gentiment ouverte devant nos révolutionnaires bourgeois de 1789, je ne vois pas au nom de quoi elle devrait désormais rester obstinément fermée devant les opposants aux mariage gay.
["Mais ce n’est pas le cas, et ce n’était certainement pas l’intention de ses rédacteurs."]
Peu importe l’intention des rédacteurs de la DDH. A supposer qu’ils aient souhaité conférer un caractère limitatif à leur liste de "droits naturels", ils n’en auraient pas eu le pouvoir, car l’existence de même que l’inexistence d’un droit naturel ne saurait dépendre de la volonté d’un législateur, quelque travailleur, raisonnable, et féru d’histoire qu’il puisse être.
["Pour ce qui concerne la « résistance à l’oppression », personne ne vous « permet » rien, puisqu’il s’agit d’un « droit naturel ». Vous avez intrinsèquement, de par votre qualité d’humain, le droit de vous défendre contre un oppresseur. Ce n’est pas l’oppresseur en question qui vous « permet » quoi que ce soit."]
Mais si, et c’est cela, du reste, qui est merveilleux, puisque l’État français, au travers de la DDH, me permet de lui résister, si d’aventure il s’avisait de m’oppresser.
["En reconnaissant la « légitime défense » le droit admet qu’on puisse violer la loi, même la plus sacrée, lorsqu’il s’agit de défendre sa vie ou son intégrité physique contre un agresseur qui se place lui-même en dehors du droit."]
On ne viole en rien la loi, puisque la légitime défense est prévue par l’article 122-5 du Code pénal.
["En reconnaissant la « résistance à l’oppression », le droit admet qu’on puisse violer la loi, même la plus sacrée, lorsqu’un agresseur vous prive de vos droits « naturels »."]
En théorie, oui, mais en pratique, non.
["d’ailleurs, je crois savoir que les résistants condamnés a perpétuité sous le régime de Vichy n’ont pas exécuté la totalité de leur peine…"]
Oui, mais il a fallu attendre pour cela que l’oppression cesse.
@dsk
[Je me demande si vous ne confondez pas la DDH avec les dix commandements. Étant donné que ceux-ci émanent de Dieu lui-même, on peut raisonnablement supposer qu’il n’en existe pas de onzième.]
C’est plutôt vous qui faites cette confusion. Puisque les dix commandements viennent de dieu, il pourrait a n’importe quel moment y avoir un onzième, puisque dieu tout puissant peut décider à tout moment d’en faire. La DDH, au contraire, énumère « les » droits naturels de l’Homme et ne laisse aucune place pour un droit supplémentaire. Revenons au texte : « Article 2 : Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l’homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l’oppression ». Relisez bien : « ces droits sont ». Il n’y a pas écrit « parmi ces droits il y a… » ou bien « ces droits sont notamment… ». Non : les rédacteurs de la DDH ont conçu une déclaration qui précise que l’homme a des droits « naturels et imprescriptibles », et que ceux-ci sont au nombre de quatre. Pas un de plus. Si vous voulez introduire de nouveaux « droits naturels », il vous faut sortir de la logique de la DDH et adopter une approche « jusnaturaliste », dans laquelle le juriste doit lire le « livre de la nature » pour dégager de celui-ci les règles de droit au fur et à mesure qu’il en a besoin. Dans ce sens, en fermant le « livre » en question on ne peut donc pas dire que la DDH ait une approche « droit naturel ».
[Toutefois, tel n’est pas le cas de la DDH, dont je vous rappelle, du reste, qu’elle a été rédigée et adoptée dans une certaine précipitation.]
Et alors ? Ce n’est pas parce qu’elle a été rédigée dans une certaine précipitation qu’il faut lui faire dire ce qu’elle ne dit pas.
[D’autre part, à supposer que la DDH ne fasse qu’énoncer limitativement quatre droits naturels, cela signifierait simplement que, pour elle, le droit naturel se limite à ces quatre droits. Mais alors, ce serait bien tout "le" droit naturel qu’elle entendrait ainsi consacrer.]
Comme vous ne voulez pas comprendre, il est inutile de vous expliquer les choses encore une fois. J’essaye quand même : « le » droit naturel est une approche qui implique toute question juridique trouve sa réponse dans la « nature ». Que les règles de droit ne sont pas faites par les hommes, mais qu’elles peuvent être dégagées de la « nature » humaine. Cela suppose qu’il y ait une infinité de règles de droit « naturelles ». En établissant limitativement quatre « droits naturels », la DDH prend au contraire la position contraire : en dehors de ces quatre droits, l’ensemble du droit est purement « artificiel » et fait par les hommes comme expression de la volonté générale, et non d’une « nature ».
["Non, puisqu’il n’est contraire ni a la liberté, ni a la sûreté, ni a la propriété, ni a la résistance à l’oppression, les seuls « droits naturels » que la DDH reconnaisse." Notez bien que ce n’est pas tout à fait ce qu’a dit le Conseil constitutionnel dans sa décision relative au mariage gay, puisqu’il a répondu, de façon beaucoup plus obscure : "qu’en outre, doit en tout état de cause être écarté le grief tiré de ce que le mariage serait « naturellement » l’union d’un homme et d’une femme;". A contrario, il me semble que l’on peut déduire de cette phrase que le Conseil constitutionnel n’exclut pas définitivement tout argument tiré d’une contrariété au droit naturel.]
Pas vraiment. Le fait qu’on exclue qu’il fasse jour à minuit le dimanche n’implique pas qu’on soit prêt à l’accepter pour les autres jours. Le Conseil estime que doit être écarté le grief fondé sur une définition « naturelle » du mariage précisément parce que le « naturel » n’a pas de place dans notre droit, et que tout argument tiré de la contrariété au droit naturel devrait être écarté de la même manière. Je ne connais pas de décision du Conseil dans lequel celui-ci ait accepté de contrôler la légalité d’une loi par rapport à une « loi naturelle » qui ne serait pas explicitement écrite par le constituant.
[Peu importe l’intention des rédacteurs de la DDH. A supposer qu’ils aient souhaité conférer un caractère limitatif à leur liste de "droits naturels", ils n’en auraient pas eu le pouvoir, car l’existence de même que l’inexistence d’un droit naturel ne saurait dépendre de la volonté d’un législateur, quelque travailleur, raisonnable, et féru d’histoire qu’il puisse être.]
L’existence ou non d’une « loi naturelle » est matière d’opinion. Par contre, la question de savoir si la « loi naturelle » est reconnue par les institutions est, elle, matière pour le législateur. Si vous voulez soutenir qu’il existe une loi naturelle qui s’oppose au mariage gay, c’est votre opinion et très respectable au titre d’opinion, comme le serait d’ailleurs l’opinion inverse. Mais pour que cette opinion ait un effet sur la réalité, il faut qu’elle soit adoptée institutionnellement. Et j’ai le regret de vous dire que ce n’est pas le cas. Nos juges et nos législateurs, y compris ceux qui ont rédigé la DDH, ont adopté la position inverse. N’est loi que ce qu’on écrit comme telle. Les « droits naturels » de la DDH n’existent que parce que la DDH les reconnaît, et même si cette pirouette leur donne une apparence « naturelle », elles ne sont pas moins des normes positives. Aucun tribunal français n’accepterait d’appliquer une « loi naturelle » qui n’ait pas au préalable été couchée dans le texte par un législateur. Il y a des pays ou ce n’est pas le cas, mais pas en France.
["Pour ce qui concerne la « résistance à l’oppression », personne ne vous « permet » rien, puisqu’il s’agit d’un « droit naturel ». Vous avez intrinsèquement, de par votre qualité d’humain, le droit de vous défendre contre un oppresseur. Ce n’est pas l’oppresseur en question qui vous « permet » quoi que ce soit." Mais si, et c’est cela, du reste, qui est merveilleux, puisque l’État français, au travers de la DDH, me permet de lui résister, si d’aventure il s’avisait de m’oppresser.]
Décidez vous. S’il s’agit d’un « droit naturel », l’Etat ne vous « permet » rien. Il se borne à constater que vous en avez le droit. Votre remarque montre que vous aussi, malgré vos invocations du « droit naturel », vous traitez les « droits naturels » de la DDH comme des droits positifs…
["En reconnaissant la « légitime défense » le droit admet qu’on puisse violer la loi, même la plus sacrée, lorsqu’il s’agit de défendre sa vie ou son intégrité physique contre un agresseur qui se place lui-même en dehors du droit." On ne viole en rien la loi, puisque la légitime défense est prévue par l’article 122-5 du Code pénal.]
Vous vous trompez. Tuer un homme, même en état de légitime défense, viole la loi, et l’article 122-5 du Code Pénal ne dit nullement que le fait de tuer en état de légitime défense soit légal. Il proclame l’irresponsabilité pénale de celui qui aurait tué un agresseur en état de légitime défense. J’attire votre attention sur le fait que l’article en question se trouve dans le chapitre « des causes d’irresponsabilité ou d’atténuation de la responsabilité ». La « légitime défense » a un effet sur la responsabilité de l’auteur de l’acte, mais ne rend pas pour autant légal l’acte lui-même.
["En reconnaissant la « résistance à l’oppression », le droit admet qu’on puisse violer la loi, même la plus sacrée, lorsqu’un agresseur vous prive de vos droits « naturels »." En théorie, oui, mais en pratique, non. ]
En pratique aussi. On peut interpréter d’ailleurs la légitime défense comme un acte de « résistance à l’oppression » puisque l’agresseur prétend vous « opprimer » en violant l’un de vos « droits naturels », celui à la sûreté. Je pense que vous concevez la résistance à l’oppression comme étant nécessairement une résistance à l’Etat – pas étonnant pour un libéral – mais la notion d’oppression est bien plus vaste…
["Comme vous ne voulez pas comprendre, il est inutile de vous expliquer les choses encore une fois. J’essaye quand même : « le » droit naturel est une approche qui implique toute question juridique trouve sa réponse dans la « nature ». Que les règles de droit ne sont pas faites par les hommes, mais qu’elles peuvent être dégagées de la « nature » humaine. Cela suppose qu’il y ait une infinité de règles de droit « naturelles »."]
Ah… voici peut-être la cause de notre incompréhension mutuelle : à ma connaissance, les adeptes du droit naturel reconnaissent qu’il ne saurait résoudre, à lui seul, toutes les questions juridiques. Pour eux, le droit naturel n’est constitué, en effet, que de quelques grands principes éternels, qu’il s’agit ensuite de compléter par des règles de droit plus contingentes. En ce sens je ne dirais pas non plus que, même en théorie, la DDH consacre un système juridique entièrement tiré du droit naturel.
["En établissant limitativement quatre « droits naturels », la DDH prend au contraire la position contraire : en dehors de ces quatre droits, l’ensemble du droit est purement « artificiel » et fait par les hommes comme expression de la volonté générale, et non d’une « nature »."]
Encore une fois, de quel droit les rédacteurs de la DDH pourraient-ils se permettre d’imposer leur définition du droit naturel ? Ce ne saurait être parce qu’ils sont raisonnables, travailleurs, et qu’ils ont beaucoup étudié l’histoire. Dans ce cas, je vous rétorquerais que c’est également mon cas, et que je vous affirme qu’il existe un sixième droit naturel consistant à pouvoir se balader à poil aux Champs-Élysées. En réalité, ce droit, qui leur permet effectivement, en pratique, d’imposer juridiquement leur définition du droit naturel, ils ne le tiennent que du vote des représentants de la Nation. Mais notez bien, s’il vous plaît, que cela est parfaitement absurde, puisque précisément, "droit naturel" signifie : "droit qui ne dépend pas de la volonté du législateur".
["Le Conseil estime que doit être écarté le grief fondé sur une définition « naturelle » du mariage précisément parce que le « naturel » n’a pas de place dans notre droit, et que tout argument tiré de la contrariété au droit naturel devrait être écarté de la même manière."]
Alors que ne l’a-t-il exprimé ainsi ? Ç’aurait été tellement plus clair… Au lieu de quoi, ce que l’on peut comprendre dans sa phrase, c’est que le mariage n’est pas de l’ordre du "naturel", ce qui est d’ailleurs tout à fait exact, puisque cela va même à l’encontre du "naturel". Mais dans ce cas, il n’est peut-être pas exclu qu’un jour, quelque chose apparaisse bien comme "naturel" aux neuf sages, et soit, dès lors, protégé comme tel par la Constitution.
["N’est loi que ce qu’on écrit comme telle. Les « droits naturels » de la DDH n’existent que parce que la DDH les reconnaît, et même si cette pirouette leur donne une apparence « naturelle », elles ne sont pas moins des normes positives."]
Effectivement, depuis le début de cette discussion, il est clair que vous refusez d’accorder la moindre valeur au qualificatif de "naturel". Pour vous, cela n’est qu’une "pirouette", et ces droits auraient pu être "essentiels" ou "fondamentaux" que le résultat aurait été rigoureusement le même. Ce en quoi vous avez du reste raison, mais en pratique, et non en théorie.
["Votre remarque montre que vous aussi, malgré vos invocations du « droit naturel », vous traitez les « droits naturels » de la DDH comme des droits positifs…"]
Tout à fait. Sauf que contrairement à vous, je ne les vois pas "que" comme des droits positifs.
["Je pense que vous concevez la résistance à l’oppression comme étant nécessairement une résistance à l’Etat – pas étonnant pour un libéral – mais la notion d’oppression est bien plus vaste…"]
Non. En tout cas pas dans la très libérale DDH. Voici la définition précise du mot "oppression" que donne le dictionnaire du Trésor de la langue française, pour le contexte du droit constitutionnel :
− DR. CONSTIT. ,,Violation répétée et systématique, par les pouvoirs publics, par un usurpateur, des principes constitutionnels et spécialement de ceux qui protègent les droits publics individuels“ (Cap. 1936).
http://www.cnrtl.fr/definition/oppression
@dsk
[Ah… voici peut-être la cause de notre incompréhension mutuelle : à ma connaissance, les adeptes du droit naturel reconnaissent qu’il ne saurait résoudre, à lui seul, toutes les questions juridiques.]
Mais alors, quelle est la légitimité des règles qui ne dérivent pas d’une « loi naturelle » ? Y aurait-il plusieurs sources de légitimité ? Et dans ce cas, comment sont elles hiérarchisées ? Les systèmes juridiques sont par essence des systèmes hiérarchiques, dans lequel toute norme « inférieure » est soumise à une obligation de conformité avec la norme « supérieure » dont elle est censé dériver. Ce qui pose nécessairement la question de la « norme suprême », celle qui occupe la tête du système. Pour les jusnaturalistes, cette norme réside dans la nature, et donc tout le système juridique, toute norme donc trouve sa légitimité dans la nature.
[Pour eux, le droit naturel n’est constitué, en effet, que de quelques grands principes éternels, qu’il s’agit ensuite de compléter par des règles de droit plus contingentes.]
Pas tout à fait : le droit naturel est constitué de quelques grands principes éternels dont toutes les autres règles de droit dérivent. Ce n’est pas tout à fait la même chose.
["En établissant limitativement quatre « droits naturels », la DDH prend au contraire la position contraire : en dehors de ces quatre droits, l’ensemble du droit est purement « artificiel » et fait par les hommes comme expression de la volonté générale, et non d’une « nature »."]
[Encore une fois, de quel droit les rédacteurs de la DDH pourraient-ils se permettre d’imposer leur définition du droit naturel ?]
De la légitimité qu’ils tiennent en tant que représentants du peuple souverain. C’est pourquoi je dis que la DDH déguise en fait une conception positiviste du droit malgré son invocation des « droits naturels ». Je vous fais remarquer que ses rédacteurs ont fait voter la DDH par la Constituante. S’il s’agir de reconnaître des droits « naturels », ce vote était superfétatoire, un vote sur un texte du type « la Constituante reconnaît la nature comme source de droit » aurait suffit. Que la Constituante se soit arrogé le droit de décider quels étaient les « droits naturels » et les énoncer limitativement montre que leur conception du droit était plutôt positiviste que jusnaturaliste…
[Dans ce cas, je vous rétorquerais que c’est également mon cas, et que je vous affirme qu’il existe un sixième droit naturel consistant à pouvoir se balader à poil aux Champs-Élysées.]
Essayez, plaidez devant un juge, et vous verrez ce qu’il vous dira… en Allemagne vous auriez peut-être une chance. Pas en France.
[« Le Conseil estime que doit être écarté le grief fondé sur une définition « naturelle » du mariage précisément parce que le « naturel » n’a pas de place dans notre droit, et que tout argument tiré de la contrariété au droit naturel devrait être écarté de la même manière. » Alors que ne l’a-t-il exprimé ainsi ? Ç’aurait été tellement plus clair…]
L’expression du Conseil tend à être « oraculaire » justement parce que le Conseil n’a pas envie de prendre position sur une question qui ne lui est pas explicitement posée. La question qu’il avait à trancher était de savoir si la conception « naturaliste » s’appliquait à ce litige, pas si elle pourrait un jour s’appliquer à un autre.
[Mais dans ce cas, il n’est peut-être pas exclu qu’un jour, quelque chose apparaisse bien comme "naturel" aux neuf sages, et soit, dès lors, protégé comme tel par la Constitution.]
En tout cas, le Conseil s’est gardé cette possibilité. Je pense personnellement qu’étant donné la force de la tradition positiviste dans le droit français, il y a peu de chances que cela arrive. Je ne crois pas que le Conseil ait jamais déclaré une disposition contraire à la constitution sur le fondement d’une loi « naturelle » qui ferait partie du bloc de constitutionnalité.
[Effectivement, depuis le début de cette discussion, il est clair que vous refusez d’accorder la moindre valeur au qualificatif de "naturel". Pour vous, cela n’est qu’une "pirouette", et ces droits auraient pu être "essentiels" ou "fondamentaux" que le résultat aurait été rigoureusement le même. Ce en quoi vous avez du reste raison, mais en pratique, et non en théorie.]
Peut-être parce que sur cette question la théorie est impuissante à répondre aux nécessités politiques. En effet, dès lors qu’on s’éloigne de la conception « jusnaturaliste » – et toute théorie politique faisant du peuple le « souverain » ne peut que s’en écarter – il est difficile d’établir une « norme fondamentale » qui serait intouchable. Or, de 1789 jusqu’à nous jours les citoyens ont toujours voulu croire que les droits les plus essentiels sont « sacralisés » et protégés de toute atteinte. C’est pourquoi la DDH a un statut ambigu. En droit, rien n’empêcherait une réforme constitutionnelle de faire une constitution qui rejetterait explicitement la DDH ou qui n’en tiendrait pas compte. L’idée que la DDH est la clé de voûte inamovible de nos institutions est une « fiction nécessaire ».
[« Je pense que vous concevez la résistance à l’oppression comme étant nécessairement une résistance à l’Etat – pas étonnant pour un libéral – mais la notion d’oppression est bien plus vaste… ». Non. En tout cas pas dans la très libérale DDH. Voici la définition précise du mot "oppression" que donne le dictionnaire du Trésor de la langue française, pour le contexte du droit constitutionnel : Violation répétée et systématique, par les pouvoirs publics, par un usurpateur, des principes constitutionnels et spécialement de ceux qui protègent les droits publics individuels ]
Et alors ? Cette définition est parfaitement conforme à ce que je vous disais : l’oppression ne résulte pas forcément d’une violation « par les pouvoirs publics », elle peut aussi être le fait d’un « usurpateur » (c’est-à-dire de celui qui se prétend investi d’un pouvoir public sans avoir la légitimité pour lui). Un « usurpateur » n’est pas l’Etat.
"Et pour finir, comment sait Youssoupha que ses ancêtres ne ressemblaient pas à Vercingétorix, puisque personne ne sait exactement à quoi il ressemblait le chef gaulois ?"
Jules César doit quand même avoir une petite idée là-dessus non ? Il parait qu’ils se sont fréquentés.
Le roman national peut évoluer en fonction des besoins du moment. Pour Louis XIV, le roman national ou plutôt le point de départ de l’histoire c’est Clovis. Il était le 14e Clovis.
Pour les hommes du 19e siècle il fallait unifier un espace géographique, l’hexagone, d’où le "nos ancêtres les gaulois", valable aussi bien pour un Basque qu’un Alsacien.
Je pense que pour le Français du 21e siècle, il faut faire commencer le roman national en 1539, au moment où le français devient langue de l’Etat car cette langue est notre ciment ou faire commencer le roman national en 1789. Nous pouvons nous considérer comme les enfants des Voltaire, Rousseau, Montesquieu, Diderot, D’Alembert, Saint Georges, Dumas père et Bonaparte. Pour le chercheur Patrick Weil il y a quatre piliers de la nationalité française : la passion de l’égalité, la mémoire positive de la Révolution française, la langue française et la laïcité. Je rajouterais un 5e pilier : notre art de vivre.
[Jules César doit quand même avoir une petite idée là-dessus non ? Il parait qu’ils se sont fréquentés.]
Très peu, en fait… il ne se sont vu en tête à tête qu’une fois, et dans une situation où le chef gaulois n’était pas vraiment à son avantage… quoi qu’il en soit, les éléments de description qu’on a de lui se limitent à la remarque générale que les gaulois étaient grands, barbus et chevelus, et à quelques monnais frappées à son nom sans qu’on puisse dire avec exactitude si le personnage représenté était lui ou la représentation standard d’une divinité. Dans la mesure où Youssoupha ne sait ni à quoi ressemblaient ses ancêtres, ni a quoi ressemblait Vercingétorix, il peut difficilement dire avec certitude si les premiers ressemblaient au second ou pas.
[Le roman national peut évoluer en fonction des besoins du moment. Pour Louis XIV, le roman national ou plutôt le point de départ de l’histoire c’est Clovis.]
Je ne sais pas si l’on peut parler de "roman national" à l’époque de Louis XIV. J’ai du mal à croire qu’on ait raconté la même histoire mythique aux enfants de Provence qu’à ceux des Flandres, qu’ils fussent nobles, bourgeois ou paysans. Le "roman national" apparaît avec le besoin de raconter une histoire commune à tous les citoyens. Mais tu as raison de souligner que le besoin de constituer des ancêtres mythiques est bien antérieur à la Révolution. C’est je pense un besoin humain qui vient de la nuit des temps, avec l’apparition des premières sociétés claniques.
[Je pense que pour le Français du 21e siècle, il faut faire commencer le roman national en 1539, au moment où le français devient langue de l’Etat car cette langue est notre ciment ou faire commencer le roman national en 1789.]
La difficulté, c’est que le "roman national" doit être acceptable par tous. Mettre son origine en 1539, au début des guerres de religion, pose un gros problème. L’avantage des gaulois – mais aussi des romains et des grecs, qui sont l’autre référence symbolique – c’était précisément qu’ils n’étaient pas chrétiens. Il faut une référence mythique qui ne puisse pas être récupérée par l’Eglise… c’est pourquoi la seule référence à mon avis qui peut remplacer les gaulois est celle des Lumières et de la Révolution – en y adjoignant l’Empire.
[Pour le chercheur Patrick Weil il y a quatre piliers de la nationalité française : la passion de l’égalité, la mémoire positive de la Révolution française, la langue française et la laïcité. Je rajouterais un 5e pilier : notre art de vivre.]
Je prends ces cinq "piliers", mais je pense que Weil fait une omission qui est révélatrice de la vision "bienpensante" de la nationalité. Il manque paradoxalement à ces "piliers" celui qui a joué un rôle fondamental dans la construction de la France: l’Etat centralisé. je pense que le premier plier, et le plus important, est la conscience d’être un pays divers et conflictuel, d’où la recherche d’un Etat fort qui puisse contrôler et mettre des limites aux féodalités.
Cet oubli de l’Etat, qui est pourtant l’institution autour de laquelle la nation s’est créée en France, contrairement à ce qui se passe chez nos voisins est, je le répète, symptomatique. Peut-être l’oubli de Weil tient à ce que son texte était un panflet contre Nicolas Sarkozy, et que son propos était construit autour de l’idée que celui-ci sapait systématiquement tous les piliers de la citoyenneté française… dans ce cas, mentionner l’Etat eut été contradictoire, puisque Sarkozy a plutôt cherché à renforcer son autorité. Mais je pense que l’omission a des racines plus profondes, et reflète une vision irénique de société sans Etat, chère aux "libéraux-libertaires"…
[Maintenant, il faut remonter la pente. Il faut rendre hommage à Valls qui, du moins en public, ne s’est pas dégonflé. Nous allons voir s’il arrive à tenir le cap.]
A mon avis, ce ne sera possible qu’à une seule condition: congédier Christiane Taubira.
Elle est le fer de lance d’une politique ultra-angéliste, plus compatissante envers certains délinquants et criminels qu’envers les victimes.
Ce qu’il y a d’écoeurant, c’est que ces bons sentiments servent d’alibi moral au gouvernement pour éviter de construire de nouvelles prisons, non pas parce que cela dérangerait l’électorat lib-lib, mais trivialement, pour faire des économies! En effet, bâtir de nouvelles prisons coûte cher, et en ces temps de restrictions budgétaires, cela ne semble pas être la priorité du gouvernement, car on le sentiment que tant que seules les couches populaires sont touchées par la délinquance (petite ou grande), cela n’a pas trop d’importance.
Hollande est ainsi fait: pour un Valls tentant un discours sécuritaire, il le prive de moyen d’agir en lui adjoignant une irresponsable comme Taubira. Vous aviez parlé plus haut d’Etat Potemkine? En matière d’exécutif, nous y sommes…
[Pour le chercheur Patrick Weil il y a quatre piliers de la nationalité française : la passion de l’égalité, la mémoire positive de la Révolution française, la langue française et la laïcité. Je rajouterais un 5e pilier : notre art de vivre.]
Encore une fois, la nation est un tabou chez bien des chercheurs français! C’est un vrai problème chez les économistes et autres sociologues dit "de gauche", à l’heure de trouver des solutions alternatives à l’économie néo-libérale qui sévit actuellement.
Elle dénote surtout du caractère irréaliste et abstrait d’une grande partie de la gauche non-socialiste, qui n’a aucune prise sur les couches populaires auxquelles il prétend s’adresser.
Comment cet auteur peut se figurer qu’un art de vivre ne soit pas délimiter dans un territoire donné? Et comme assurer l’égalité entre les citoyens sans un état derrière? Il s’avère qu’en France, cet état est incarné depuis la Révolution (plus précisément depuis la journée des Tuileries le 10 août 1792) par la nation. La nation remplaçait alors la personne royale, et d’une certaine manière, était la continuatrice du centralisme capétien; or comme de bien entendu, Weil occulte cet aspect. En France, il est quasi-impossible de séparer la Nation de l’Etat, et vouloir affaiblir l’un, c’est affaiblir l’autre. C’est pourquoi en affaiblissant l’Etat comme le font les dirigeants depuis Mitterrand, on affaiblit la nation…
Plus fort, j’ai la ferme impression que la seule période positive de la Révolution était avant Robespierre, personnage honni de la droite et d’une grande partie de la gauche li-li, traditionnellement girondine. Or le rad-soc Georges Clemenceau disait juste: la Révolution est d’un bloc, et la gauche (à l’exception des Jaurèsiens et des communistes par la suite) a du mal avec ce genre de subtilités…
Si Le Pen nettoie son parti à grande vitesse, le défi, pour 2017, ne risque-t-il pas d’être la compétence plutôt que le racisme? Si c’est cela, les fameux progressistes introuvables rateront encore le coche, comme d’habitude. Il me semble que nous allons à la catastrophe avec les hordes germanophiles, que le soutien à Le Pen est la seule option à interroger.
C’est un peu la question que je pose. Le FN aura très vite un problème de compétences. Imaginons qu’il gagne quelques municipalités en 2014. Il lui faudra les gérer, et les gérer raisonnablement sous peine de perdre une bonne partie de la crédibilité qu’il a réussi à gagner. La question est: où trouvera-t-il cette compétence ?
@ Descartes
Ce qui me gêne dans votre approche, c’est ce que vous souhaitez deux choses qui me paraissent contradictoires.
1/ Vous condamnez les classes dites moyennes (par exemple avec votre parabole favorite, celle du crocodile). Selon vous, ces classes moyennes s’arqueboutent sur la défense de leur privilèges, de leurs acquis. Soit.
2/ Ensuite, vous prêchez pour une prise en compte des aspirations des classes populaires, entre autre, en suggérant de mieux écouter les électeurs du FN et de mieux entendre ce que dit le FN.
Mais il me semble que vous négligez le fait que les classes populaires, aujourd’hui, en 2013, ceux qui occupent les emplois précaires, qui ont peu d’espoirs de s’en sortir, qui subissent l’exploitation, cette nouvelle classe populaire, ce sont précisément les français récemment immigrés, les Youcef et les Jasmina, ainsi que leur descendance de la seconde ou troisième génération.
Les électeurs du FN sont d’anciens membres des classes populaires, mais il n’en font plus partie.
Ou est passée « votre » classe populaire ?
Celle des années 60 70. Vous vous souvenez, ceux à qui vous vendiez simultanément la carte du PC, la carte de la CGT et pour faire bonne mesure, ceux à qui les militants collecteurs de fonds proposaient « je te fais aussi la France-URRSS ? ».
Oui, que sont ils devenus ? Et bien, grâce à la monté continue des salaires, des prestations sociales, donc des revenus, ils ont rejoint massivement ces classes moyennes que vous tenez pour responsables de tant de maux.
Votre discours ne tient pas parce qu’il se base sur une classification sociale imaginaire, qui ne correspond plus à la réalité.
@ Descartes
[Mais il me semble que vous négligez le fait que les classes populaires, aujourd’hui, en 2013, ceux qui occupent les emplois précaires, qui ont peu d’espoirs de s’en sortir, qui subissent l’exploitation, cette nouvelle classe populaire, ce sont précisément les français récemment immigrés, les Youcef et les Jasmina, ainsi que leur descendance de la seconde ou troisième génération.]
Oui, mais pas seulement. Il reste tout de même dans notre pays quelque 30 millions d’ouvriers et d’employés. Ceux-là aussi intègrent les « couches populaires ». « Populaire » n’est pas pour moi synonyme de « misérable » ou de « précaire ». J’utilise une grille de lecture marxiste, qui caractérise les couches sociales en fonction de leur position dans le mode de production. Les « couches populaires » sont les exploités, ceux qui vendent leur force de travail pour un prix inférieur à la valeur que cette force de travail produit.
[Celle des années 60 70. Vous vous souvenez, ceux à qui vous vendiez simultanément la carte du PC, la carte de la CGT et pour faire bonne mesure, ceux à qui les militants collecteurs de fonds proposaient « je te fais aussi la France-URRSS ? ».]
Nan… d’abord, les militants à l’époque savaient que « URSS » ne porte qu’un seul « R ». Ensuite, la carte du PC – pas plus que celle de la CGT – n’ont jamais été « vendues ». Je vous conseille de vous méfier de ce genre de discours caricatural digne du « Figaro » de la pire époque.
[Oui, que sont ils devenus ? Et bien, grâce à la monté continue des salaires, des prestations sociales, donc des revenus, ils ont rejoint massivement ces classes moyennes que vous tenez pour responsables de tant de maux.]
Eh non… je l’ai déjà expliqué plusieurs fois sur ce blog. Je n’utilise pas une définition des « couches moyennes » fondée sur le revenu, mais une fois encore sur leur position dans le mode de production. Je définis comme « classe moyenne » le groupe social qui possède un capital – matériel et immatériel – suffisant pour récupérer la valeur qu’il produit, mais insuffisant pour lui permettre d’exploiter les autres. Même si l’augmentation des salaires a permis aux ouvriers de s’acheter la télé et la voiture, cela n’a pas fait d’eux des « classes moyennes ». Et la meilleure preuve est que le comportement électoral et politique des ouvriers enrichis et des « classes moyennes » n’est pas du tout le même.
[Nan… d’abord, les militants à l’époque savaient que « URSS » ne porte qu’un seul « R ». Ensuite, la carte du PC – pas plus que celle de la CGT – n’ont jamais été « vendues ». Je vous conseille de vous méfier de ce genre de discours caricatural digne du « Figaro » de la pire époque.]
Ah ! C’est très bon signe ! Si vous en êtes à corriger mes fautes de frappe, c’est que mon argument vous a touché. Je ne lis pas « Le Figaro » !
Donner une carte en l’échange d’argent s’appelle bien une vente. La vente simultanée de la carte du PC, de la CGT ET de la carte de soutien à l’association France-URSS, je l’ai vue de mes yeux. Je tiens à votre disposition les noms des protagonistes, mes amis ouvriers qui cotisaient et aussi le nom du militant qui vendait simultanément les trois.
Quand à vos définitions des « couches moyennes » « classes moyennes », « possédantes » ou « exploitées », elles ont vécues, comme l’association France-URSS a vécue. Quand un fils de garagiste épouse une fille d’employé communal et que chacun d’eux héritent d’un appartement acquis à crédit par ses parents, alors qu’ils se sont eux-mêmes acheté un studio à La Grande Motte, qu’ils louent quand ils ne l’occupent pas, font ils parti du « peuple », des « possédants », des « exploités », des « exploiteurs », des « capitalistes », des « beaufs », des « couches moyennes » des déçus de Hollande ou des soutiens politiques de Marine Le Pen ?
Pour récupérer votre électorat passé au FN, vous êtes prêts à avaler votre chapeau.
Descartes, vous dites:
« Nan… d’abord, les militants à l’époque savaient que « URSS » ne porte qu’un seul « R ». Ensuite, la carte du PC – pas plus que celle de la CGT – n’ont jamais été « vendues ». Je vous conseille de vous méfier de ce genre de discours caricatural digne du « Figaro » de la pire époque. »
Ah ! C’est très bon signe ! Si vous en êtes à corriger mes fautes de frappe, c’est que mon argument vous a touché.
Non, je ne lis pas « Le Figaro » ! (ni aucun autre journal)
Donner une carte en l’échange d’argent s’appelle bien une vente. La vente simultanée des cartes du PC, de la CGT … ET de la carte de soutien à l’association France-URSS, je l’ai vue de mes yeux.
« J’te fais aussi la France-URSS ? » çà ne s’invente pas et surtout çà ne s’oublie pas !
Je tiens à votre disposition les noms des protagonistes, mes amis ouvriers qui cotisaient et aussi le nom du camarade militant qui vendait simultanément les trois.
Quand à vos définitions des « couches moyennes » « classes moyennes », « possédantes » ou « exploitées », elles ont vécu, comme feu l’association France-URSS a vécu. Quand un fils d’agent EDF épouse une fille d’employé communal, que chacun d’eux héritent d’un appartement acquis à crédit par ses parents, et loue celui qu’il n’habitent pas, alors qu’ils se sont eux-mêmes acheté un studio à La Grande Motte, qu’ils louent également quand ils ne l’occupent pas, font-ils partie du « peuple », des « possédants », des « exploités », des « exploiteurs », des « capitalistes », des « beaufs », des « couches moyennes » des déçus de Hollande ou des électeurs de Marine Le Pen ? Vous avez droit à plusieurs réponses.
Pour récupérer votre électorat passé au FN, vous êtes prêt à avaler votre chapeau.
@vent2sable
[Ah ! C’est très bon signe ! Si vous en êtes à corriger mes fautes de frappe, c’est que mon argument vous a touché.]
Pas vraiment. C’était un essai de vous faire comprendre poliment que votre affirmation était si pauvrement argumentée qu’elle n’appelait pas une réponse sérieuse. Je constate que c’est raté.
[Je ne lis pas « Le Figaro » !]
Pardon, pardon, j’avais voulu dire « le nouvel observateur »…
[Donner une carte en l’échange d’argent s’appelle bien une vente.]
En d’autres termes, lorsque vous payez votre timbre fiscal, vous êtes en train d’acheter votre carte d’identité ou votre passeport ? Allez, ne dites pas des bêtises. Pour adhérer à une association vous payez une cotisation, mais vous n’achetez pas pour autant votre carte de membre.
[La vente simultanée de la carte du PC, de la CGT ET de la carte de soutien à l’association France-URSS, je l’ai vue de mes yeux.]
Alors, j’imagine que vous n’aurez pas d’inconvénient à m’indiquer le lieu précis et la date de l’évènement… ainsi que le montant de la « vente » en question.
[Quand à vos définitions des « couches moyennes » « classes moyennes », « possédantes » ou « exploitées », elles ont vécues, comme l’association France-URSS a vécue.]
Décidément, vous avez une certaine difficulté à construire une argumentation cohérente, et préférez vous contenter d’affirmations gratuites. Et dans le cas présent, absurdes : une définition ne peut pas « avoir vécu ». Les définitions n’ont pas de date de péremption…
[Quand un fils de garagiste épouse une fille d’employé communal et que chacun d’eux héritent d’un appartement acquis à crédit par ses parents, alors qu’ils se sont eux-mêmes acheté un studio à La Grande Motte, qu’ils louent quand ils ne l’occupent pas, font ils parti du « peuple », des « possédants », des « exploités », des « exploiteurs », des « capitalistes », des « beaufs », des « couches moyennes »]
Votre question est très révélatrice : vous omettez de donner la seule information qui permettrait de répondre à votre question, à savoir, quelle est la position du « fils de garagiste » et de la « fille d’employé communal » dans le système de production. Supposons par exemple que le « fils de garagiste » en question est PDG de Microsoft France, et que la « fille d’employé communal » détient la majorité des actions de Bouygues. Dans ce cas, je dirais sans hésiter qu’ils sont tous les deux « exploiteurs » et « capitalistes » (ces deux mots sont synonymes, d’ailleurs). Maintenant, si vous me dites que le « fils du garagiste » et la « fille de l’employé communal » gagnent leur pain tous les deux sur une chaîne de montage à PSA, alors je dirais sans hésiter qu’ils sont « exploités », même s’ils ont un appartement à la Grande Motte.
[Pour récupérer votre électorat passé au FN, vous êtes prêts à avaler votre chapeau.]
Et même beaucoup plus que ça… pour avoir le soutien de l’électorat populaire pour mes idées, je suis prêt à avaler un magasin de chapeaux complet.
@ Descartes,
vous dites :
[En d’autres termes, lorsque vous payez votre timbre fiscal, vous êtes en train d’acheter votre carte d’identité ou votre passeport ? Allez, ne dites pas des bêtises. Pour adhérer à une association vous payez une cotisation, mais vous n’achetez pas pour autant votre carte de membre]
Mais oui ! bien sur ! le timbre fiscal, je n’y avais pas pensé. Ah si seulement la cotisation au triptyque CGT, PC, France-URSS avait été obligatoire et payable par chaque citoyen au moyen d’un timbre fiscal, vous auriez pu continuer à abreuver les ignorants de propagande, continuer à leur faire croire à l’avènement du grand soir, et continuer à financer des vacances aux cadres du parti dans les hôtels des bords de la mer noire. Là aussi, vous allez me demander des références ou vous les avez conservées ?
Et puis, vous n’en seriez pas à imaginer des raisonnements aussi intelligents que biaisés pour mêler vos suffrages à ceux des pétainistes même pas repentis, mêler vos voix à celles des Le Penistes, qui commémorent, tous les ans encore, l’anniversaire de la mort de Jacques Doriot à Saint Nicolas du Chardonnet.
[Alors, j’imagine que vous n’aurez pas d’inconvénient à m’indiquer le lieu précis et la date de l’événement… ainsi que le montant de la « vente » en question. ]
Comme je vous l’ai déjà dit précédemment, je tiens ces éléments à votre disposition, et je vous les communique si vous le souhaitez en message personnel, car je n’ai pas vocation à publier sur un site publique les noms des anciens militants communistes. Par ailleurs, la phrase « je te fais aussi la France-URSS », est une phrase qui ne s’invente pas et surtout qui ne s’oublie pas. Elle m’est revenue en mémoire 15 ans plus tard, lors de l’effondrement du bloc de l’EST et elle a été, pour moi, un des actes fondateurs de mon engagement personnel contre toutes les manipulations, tous les embrigadements.
[ [Je ne lis pas « Le Figaro » !] Pardon, pardon, j’avais voulu dire « le nouvel observateur »… ]
Je ne lis pas non plus le Nouvel Obs, ni le monde diplomatique, ni rien .. mes convictions je me les suis faites en observant le monde. Et l’observation par exemple, des enfants des cadres du PC Russe, qui, dans les années 90, se sont jetés sur toutes les entreprises publiques, les grandes pour les plus puissants, mais les petites, toutes les petites, pour tous les autres ! Il fallait entendre ces jeunes gens vous expliquer comment ça avait été dur, pour eux, eux que leur père et leurs écoles n’avaient préparé qu’à devenir à leur tour cadre du parti, comment il leur avait fallu être « hyper réactif » pour devenir du jour au lendemain patron de supermarché, entrepreneur en bâtiment ou patron d’une entreprise de transport.
Et puis, à la même époque, j’observais aussi toutes ces églises fermées par 50 ans de communisme, qui rouvraient et se remplissaient comme par enchantement.
Tous ceux qui, dans l’histoire, ont prétendu faire le bonheur de leurs congénères malgré eux, ont tous été, tôt ou tard … éjectés.
[et (vous) préférez vous contenter d’affirmations gratuites. Et dans le cas présent, absurdes : une définition ne peut pas « avoir vécu ». Les définitions n’ont pas de date de péremption…]
C’est juste, ce ne sont pas les définitions des Marx et de Staline qui ont vécu, c’est, fort heureusement, votre monde contre nature qui a vécu. Paix à ses cendres !
@vent2sable
@ Descartes,
[Mais oui ! bien sur ! le timbre fiscal, je n’y avais pas pensé.]
Oui, vous avez une certaine tendance à oublier de penser. Et du coup, vous affirmez des choses comme « donner une carte en l’échange d’argent s’appelle bien une vente » comme si c’était des évidences, sans même vous demander si elles sont si évidentes que ça. Dans le cas d’espèce, il m’a fallu trois secondes pour trouver un contre-exemple à votre affirmation. Mais le pire, c’est qu’au lieu de reconnaître votre erreur, vous faites l’andouille sur le mode « ironique »…
Non, « donner une carte en échange d’argent ne s’appelle pas une vente ». On peut vous donner une carte en échange d’un don (c’est le cas par exemple quand vous faites un don à l’UNICEF, on vous envoie en remerciement des cartes de vœux). On peut vous donner une carte comme certification que vous avez payé une cotisation (c’est le cas de la carte de membre d’un club ou d’une association). On peut vous en donner une après avoir perçu de l’argent en paiement des frais de dossier (comme c’est le cas pour le passeport ou la carte d’identité). Il y a une infinité de cas de ce type. Déclarer que « donner une carte en échange d’argent s’appelle bien une vente » est une bêtise. Et vous feriez bien de le reconnaître, au lieu de faire le mariole…
[Ah si seulement la cotisation au triptyque CGT, PC, France-URSS avait été obligatoire et payable par chaque citoyen au moyen d’un timbre fiscal,]
Vous m’obligez à vous répondre que détenir un passeport n’est nullement une obligation. Si vous en voulez un, vous payez le timbre. Si vous n’en voulez pas, vous ne le payez pas. Diriez-vous qu’on « vend » les passeports ?
[vous auriez pu continuer à abreuver les ignorants de propagande, continuer à leur faire croire à l’avènement du grand soir, et continuer à financer des vacances aux cadres du parti dans les hôtels des bords de la mer noire. Là aussi, vous allez me demander des références ou vous les avez conservées ?]
Je vais bien entendu vous les demander. Ou bien laissez moi deviner… peut-être Jean Montaldo ? J’ajoute qu’il faudrait savoir. Pendant des décennies on nous a expliqué que le PCF était financé par l’or de Moscou. Maintenant, vous expliquez que les vacances des cadres du Parti étaient financées par la « vente des cartes »… dois-je conclure que l’or de Moscou était insuffisant ?
[Et puis, vous n’en seriez pas à imaginer des raisonnements aussi intelligents que biaisés pour mêler vos suffrages à ceux des pétainistes même pas repentis, mêler vos voix à celles des Le Penistes, qui commémorent, tous les ans encore, l’anniversaire de la mort de Jacques Doriot à Saint Nicolas du Chardonnet.]
J’avoue qu’après ce paragraphe délirant je me pose sérieusement la question : que venez-vous chercher ici ? Quel intérêt de débattre avec un pétainiste qui commémore l’anniversaire de la mort de Jacques Doriot a Saint Nicolas du Chardonnet ?
[« Alors, j’imagine que vous n’aurez pas d’inconvénient à m’indiquer le lieu précis et la date de l’événement… ainsi que le montant de la « vente » en question ». Comme je vous l’ai déjà dit précédemment, je tiens ces éléments à votre disposition, et je vous les communique si vous le souhaitez en message personnel, car je n’ai pas vocation à publier sur un site publique les noms des anciens militants communistes.]
Je ne vous demande aucun nom. Je vous demande de m’indiquer le lieu précis, la date et le montant de la vente. Aucun élément donc qui puisse porter atteinte à quelque personne que ce soit. Ma demande était très claire et très précise et ne pose aucun problème de confidentialité. Je constate que vous préférez ne pas y répondre. Je laisse à nos lecteurs tirer leurs conclusions.
[Par ailleurs, la phrase « je te fais aussi la France-URSS », est une phrase qui ne s’invente pas et surtout qui ne s’oublie pas.]
Je vous crédite de suffisamment d’imagination pour l’inventer. Ou pour l’avoir lue dans une feuille de choux anticommuniste et l’avoir prise à voter compte.
[Je ne lis pas non plus le Nouvel Obs, ni le monde diplomatique, ni rien .. mes convictions je me les suis faites en observant le monde.]
Je vois mal comment vous avez fait pour vous faire des convictions sur l’URSS du temps de Staline en « observant le monde »… combien de fois êtes vous allé en URSS du vivant de Staline ? Mais peut-être avez-vous « observé » l’URSS des années 1940 à partir de Paris dans les années 1990 ?
[Et l’observation par exemple, des enfants des cadres du PC Russe, qui, dans les années 90, se sont jetés sur toutes les entreprises publiques, les grandes pour les plus puissants, mais les petites, toutes les petites, pour tous les autres !]
Combien d’enfants de cadres du PC Russe connaissez vous personnellement ? Et sinon, comment avez-vous fait pour les « observer » ? Je trouve votre pouvoir d’observation étonnant…
[Et puis, à la même époque, j’observais aussi toutes ces églises fermées par 50 ans de communisme, qui rouvraient et se remplissaient comme par enchantement.]
Et quelle conclusion vous en tirez ?
[Tous ceux qui, dans l’histoire, ont prétendu faire le bonheur de leurs congénères malgré eux, ont tous été, tôt ou tard … éjectés.]
Vous me rassurez quant à l’avenir de la construction européenne. Si je suis vos raisonnements, ses jours sont comptés.
[C’est juste, ce ne sont pas les définitions des Marx et de Staline qui ont vécu, c’est, fort heureusement, votre monde contre nature qui a vécu. Paix à ses cendres !]
Si cela peut vous rassurer de le croire… cela étant dit, ce genre d’affirmations sont généralement un signe d’insécurité. Si vous sentez le besoin de répéter comme un disque rayé que le communisme est mort, si vous réagissez si violemment lorsque on vous contredit sur ce point, c’est que vous n’êtes pas, au fond de vous-même, aussi sûr que ce soit vrai… Si vous étiez si sur de ce que vous dites, le fait que d’autres pensent le contraire ne devrait pas vous gêner plus que ça. Après tout, qu’est ce que vous en avez à foutre qu’il y ait des gens qui croient que la terre est plate ?
@ Descartes
[Combien d’enfants de cadres du PC Russe connaissez-vous personnellement ? Et sinon, comment avez-vous fait pour les « observer » ? Je trouve votre pouvoir d’observation étonnant…]
Comme je vous l’ai expliqué dans un autre fil, j’ai passé les 20 dernières années de ma vie professionnelle à travailler comme responsable de site industriel intérimaire sur tous les continents. En 2003 et 2004, j’ai effectué des missions de plusieurs mois à St Petersburg puis à Moscou sur des sites de production d’injection plastique. Qu’ils s’agissent de nos associés russes, ou des partenaires, fournisseurs ou clients, tous les jeunes dirigeants d’entreprise avec qui j’étais en relation, m’ont raconté comment ils en étaient arrivés là, et comment ils avaient vécu la chute de l’URSS. Ma grande surprise a été de constater que les rênes de la société et l’économie capitaliste naissante étaient entièrement dans les mains des anciens cadres du parti et de leurs enfants.
[J’avoue qu’après ce paragraphe délirant je me pose sérieusement la question : que venez-vous chercher ici ? ]
[Après tout, qu’est ce que vous en avez à foutre qu’il y ait des gens qui croient que la terre est plate ? ]
Je préfère répondre à ces deux phrases à la fois, parce que les deux choses se tiennent.
Je suis venu « ici », comme vous dites, sur les conseils d’un ami qui m’avait pourtant prévenu : « Ce type est d’une mauvaise foi sans bornes. La plupart du temps je prends plaisir à le lire, mais il ne faut surtout pas lui répondre car sa méthode de "débat", si l’on peut dire, est insupportable. »
Alors voilà, je suis venu « chez vous » pour lire et essayer de comprendre ce que les souverainistes avaient à dire. Essayer de comprendre pourquoi une France souveraine, s’en tirerait mieux qu’une France membre d’une fédération européenne.
Parce que s’il existe un point sur lequel nous pourrions peut-être être d’accord, c’est pour dire que notre pays est actuellement (et précédemment) administré par des gens qui nous donnent le sentiment désagréable que nous n’allons pas nous en sortir.
Une fois « ici », j’ai effectivement découvert des articles d’une grande clairvoyance. Je ne veux pas en rajouter sur les compliments, pour ne pas tomber dans la flagornerie, mais ce que vous écrivez aide souvent à voir plus clair.
Malheureusement, ce talent et cette facilité d’écriture, on découvre vite que vous n’hésitez pas les mettre au service de votre idéologie.
Et quand une personne s’arroge le droit, sans pudeur, de faire sa propagande mensongère sur un mouvement sectaire auquel il a appartenu, il est du droit de celui qui le voit de lui dire que, non, la terre n’est pas plate, et que non, le talent n’autorise pas le négationnisme.
@vent2sable
[« Combien d’enfants de cadres du PC Russe connaissez-vous personnellement ? Et sinon, comment avez-vous fait pour les « observer » ? ». Comme je vous l’ai expliqué dans un autre fil, j’ai passé les 20 dernières années de ma vie professionnelle à travailler comme responsable de site industriel intérimaire sur tous les continents. En 2003 et 2004, j’ai effectué des missions de plusieurs mois à St Petersburg puis à Moscou sur des sites de production d’injection plastique.]
Une fois encore, je constate que vous évitez de répondre à la question précise qui vous a été posée. Je constate qu’à partir d’une mission de « plusieurs mois » dans deux villes russes et en vous limitant aux « sites de production d’injection plastique » vous tirez des conclusions générales sur « les enfants de cadres du PC Russe » en général. J’ajoute d’ailleurs qu’à partir d’un voyage fait en 2003 vous tirez des conclusions sur ce qui s’est passé dans « les années 1990 »…
[Qu’ils s’agissent de nos associés russes, ou des partenaires, fournisseurs ou clients, tous les jeunes dirigeants d’entreprise avec qui j’étais en relation, m’ont raconté comment ils en étaient arrivés là, et comment ils avaient vécu la chute de l’URSS. Ma grande surprise a été de constater que les rênes de la société et l’économie capitaliste naissante étaient entièrement dans les mains des anciens cadres du parti et de leurs enfants.]
Je ne vois pas très bien ce qui vous étonne là dedans. La chute de l’URSS fut en fait une révolution oligarchique. Les couches dirigeantes, qui sous le régime socialiste étaient soumis à la loi commune, ont compris qu’ils avaient tout intérêt à s’affranchir de cette loi. Cela arrive tout le temps, et dans les régimes les plus respectables…
[Parce que s’il existe un point sur lequel nous pourrions peut-être être d’accord, c’est pour dire que notre pays est actuellement (et précédemment) administré par des gens qui nous donnent le sentiment désagréable que nous n’allons pas nous en sortir.]
Je pense, effectivement, qu’on peut être d’accord sur ce point. Mais nous n’avons probablement pas la même idée de ce que « s’en sortir » veut dire. C’est que, voyez-vous, je ne suis pas sûr que nous ayons la même idée de l’idéal vers lequel il faudrait se diriger, pas plus que la même interprétation des valeurs sur lesquels la République devrait être fondée..
[Malheureusement, ce talent et cette facilité d’écriture, on découvre vite que vous n’hésitez pas les mettre au service de votre idéologie.]
Vous auriez du vous en douter. Vous ne vous attendiez pas tout de même à ce que j’utilise le talent que vous me reconnaissez à combattre les idées auxquelles je suis attaché, tout de même… Mais je peux vous assurer que je le fais avec la plus parfaite honnêteté. J’essaye de m’en tenir aux faits, et je ne publie rien que je n’aie pas au préalable soigneusement vérifié.
[Et quand une personne s’arroge le droit, sans pudeur, de faire sa propagande mensongère sur un mouvement sectaire auquel il a appartenu, il est du droit de celui qui le voit de lui dire que, non, la terre n’est pas plate,]
C’est votre opinion. Et je la respecte en tant que telle. Mais ce n’est pas, loin de là, une vérité établie. Je vous fais remarquer que chaque fois que je vous ai demandé de soutenir cette opinion par des arguments ou des faits, vous vous êtes dérobé. Souffrez donc que moi aussi, à mon tour, j’essaie de vous dire que non, la terre n’est pas plate…
Le projet de ce blog est celui-là : refuser toutes les « vérités d’évidence », tous les dogmes, tous les « c’est comme ça parce que je le dis » (ou pire « c’est comme ça parce que tout le monde le dit »). Que vous trouviez cette posture « négationniste » m’attriste. Je ne « nie » rien du tout : je me contente de demander de substantier vos affirmations. Si elles sont tellement « évidentes » vous devriez être capable de le faire. Mais voilà, à chacune de mes demandes vous ne répondez ni avec des arguments, ni avec des exemples. Vous vous contentez de répéter l’affirmation sous une autre forme. Difficile dans ces conditions de vous prendre au sérieux…
@ Descartes
Je me moque bien d’être pris au sérieux par un manipulateur, un parleur, un homme qui se convainc lui-même qu’il va changer le monde parce qu’il maîtrise les techniques de la manipulation verbale.
Heureusement, l’humanité s’est, en tous cas provisoirement, débarrassé de l’idéologie communiste.
Le fait qu’elle ait provoqué plus de morts, d’enfermements, de déportation, de famines provoquées ( comme en Ukraine), de crimes contre l’humanité, qu’aucune autre idéologie, même les pires, devrait suffire à faire interdire une fois pour toute, l’apologie de cet perversion de l’esprit humain.
Les communistes, les salafistes, les extrémistes de tous bords, ont ceci en commun, que leurs membres les plus cultivés sont aussi les plus dangereux pour ceux qu’ils parviennent à séduire.
@vent2sable
[Je me moque bien d’être pris au sérieux par un manipulateur, un parleur, un homme qui se convainc lui-même qu’il va changer le monde parce qu’il maîtrise les techniques de la manipulation verbale.]
Je ne vois pas très bien de qui vous parlez… En tout cas, si cela vous était égal d’être pris au sérieux, vous ne répondriez pas systématiquement à mes commentaires. A moins que vous n’ayez une vocation de clown ?
[Heureusement, l’humanité s’est, en tous cas provisoirement, débarrassé de l’idéologie communiste.]
« En tout cas provisoirement » ? Et moi qui avais cru, en vous lisant, que c’était définitif…
[Le fait qu’elle ait provoqué plus de morts, d’enfermements, de déportation, de famines provoquées ( comme en Ukraine), de crimes contre l’humanité, qu’aucune autre idéologie, même les pires, devrait suffire à faire interdire une fois pour toute, l’apologie de cet perversion de l’esprit humain.]
C’est ce que j’adore chez les « défenseurs de la liberté » de votre genre. Leur première réaction, c’est d’interdire l’expression de toute idéologie autre que la leur. C’est une conception assez curieuse de la liberté… et de la politique en général. Celle qui pense que les peuples sont manipulables, et qu’il est donc essentiel de les préserver de certains discours. Et bien entendu, qu’il y a une petite minorité éclairée qui a le droit de décider quels sont les discours permis, et quels sont les discours interdits. Finalement, votre vision n’est pas si différente que cela de celle des régimes totalitaires : « je sais ce qui est bon pour le peuple, et il n’aura que ce que j’aurai décidé ». Bravo !
Pour le reste, si vous cherchez à faire interdire les idéologies sur le fondement des massacres commis sous leur empire, je crains que vous n’ayez de longs travaux devant vous. Vous pourriez commencer par interdire le christianisme (qui bénira le saccage du continent américain et l’asservissement ou l’extermination des indiens), le libéralisme (qui accompagnera la mise en coupe réglée par les empires coloniaux des deux tiers de la planète) et ainsi de suite…
[Les communistes, les salafistes, les extrémistes de tous bords, ont ceci en commun, que leurs membres les plus cultivés sont aussi les plus dangereux pour ceux qu’ils parviennent à séduire.]
A « séduire » ? Là, vous passez de la rhétorique « guerre froide » au registre du religieux, celui de la lutte contre les serviteurs de Satan qui « séduisent » les âmes faibles. Cela étant dit, continuons votre raisonnement : si ces gens là, « les plus cultivés », sont si dangereux, peut-on les laisser en liberté ? Ne faudrait-il pas, disons, les empêcher de « séduire » en les enfermant quelque part, un camp aménagé à leur intention, par exemple ? Ou peut-être même les réduire au silence définitivement, si vous voyez ce que je veut dire ? Comment un gouvernement responsable peut-il laisser ces gens « dangereux » – c’est votre terme – en liberté ?
Votre discours illustre à merveille la proximité qu’il y a entre la paranoïa anticommuniste et la demande d’un régime totalitaire et répressif. Votre raisonnement n’est pas très différent de celui qui aboutit à enfermer les communistes à Dachau et Buchenwald dès le début du régime nazi sous prétexte de les empêcher de « corrompre l’âme du peuple allemand ». Et une fois les communistes enfermés, on a étendu l’enfermement aux autres, comme le raconte un célèbre poème, jusqu’au moment où l’on vient vous chercher, vous…
"Votre raisonnement n’est pas très différent de celui qui aboutit à enfermer les communistes à Dachau et Buchenwald dès le début du régime nazi sous prétexte de les empêcher de « corrompre l’âme du peuple allemand ». Et une fois les communistes enfermés, on a étendu l’enfermement aux autres, comme le raconte un célèbre poème, jusqu’au moment où l’on vient vous chercher, vous…"
Et un point Godwin! Un!
Voilà, nous en arrivons au négationnisme et au révisionnisme :
Votre discours pouvait sans problème mystifier une partie de la population européenne quand régnait le black-out total sur les informations en provenance d’URSS. Mais aujourd’hui, n’importe quel voyageur curieux qui visite Kaliningrad (vol à partir de 199 euros au départ de Paris) peut se faire raconter par leurs enfants et petits enfants comment leurs pères et grands pères sont arrivés dans cette ville, alors que Staline avait affamé l’Ukraine. Les habitants de Kaliningrad aux yeux bridés vous expliqueront sans se faire prier comment le Régime Communiste, après avoir maté les révoltes à Vladivostok, a déporté leurs pères et grands pères pour leur passer l’envie de recommencer.
D’une manière générale, cette ville Prussienne, vidée en 48 heures, massacre compris, de ses 20000 habitants civils allemands, par la grâce de Staline, cette ville a été entièrement repeuplée de gré, volontaires affamés d’Ukraine et d’ailleurs, ou de force, déportation à la suite de chacune des rebellions dans l’empire coloniale de l’URSS.
Vous allez me demandez des références, les voici : Les guides du patrimoine de l’Oblast de Kaliningrad expliquent ça à qui veut l’entendre, et si vous séjournez chez l’habitant, comme je l’ai fait, chacun vous explique gentiment comment ses parents et lui sont arrivés là. C’est édifiant. J’ajouterais que lors de mes nombreux séjours à Kaliningrad, j’ai pu sympathiser avec de drôles de touristes, de jeunes allemands et même une française de descendance allemande, qui revenait visiter les rues et maisons familiales dont leurs grands parents avaient été chassés en 48H.
Vous comparez les crimes du communisme aux crimes de christianisme.
Faudrait-il interdire le christianisme ? Si le christianisme se rendait coupable à notre époque, XXeme ou XXIeme siecle, coupable de l’inquisition, de la christianisation par les armes de l’Amérique ou de l’Afrique, sans aucun doute il faudrait le combattre et l’interdire. L’originalité du communisme c’est d’avoir pousser la barbarie jusqu’à appliquer au XXeme siècle des pratiques du moyen âge. Comme les salafistes aujourd’hui.
@vent2sable
[Et un point Godwin! Un!]
Ne vous faîtes pas plus bête que vous ne l’êtes : dans cette discussion, la comparaison nazisme/communisme a été maintes fois évoquée. La référence n’est donc pas sans rapport avec la discussion. Je vous rappelle que les « points Godwin » ne s’appliquent qu’à la référence « ad hitlerum » dans une discussion n’ayant aucun rapport avec le nazisme…
[Votre discours pouvait sans problème mystifier une partie de la population européenne quand régnait le black-out total sur les informations en provenance d’URSS. Mais aujourd’hui, n’importe quel voyageur curieux qui visite Kaliningrad (vol à partir de 199 euros au départ de Paris) peut se faire raconter par leurs enfants et petits enfants comment leurs pères et grands pères sont arrivés dans cette ville, alors que Staline avait affamé l’Ukraine.]
Cela m’étonnerait beaucoup. Les famines en Ukraine datent de 1931-33. La ville de Kaliningrad – l’ancienne Koenigsberg allemande – et la Prusse orientale ne furent incorporées à l’URSS qu’après la défaite allemande de 1946, soit quinze ans plus tard. On voit donc mal le rapport entre les deux événements. Mais bon, comme vous dites, ce discours « pouvait sans problème mystifier une partie de la population »… celle qui a très envie de le croire, en tout cas.
Je vois mal en quoi cette longue litanie de crimes et massacres fait avancer le schmilblick. Je pourrais avec la même facilité vous sortir les récits du massacre des indiens d’Amérique faits avec la croix à la main, ou de la période coloniale faits au nom du libéralisme et du libre commerce. Franchement, à part démontrer que le monde est, à été et sera une place très dangereuse, je ne vois pas en quoi cela fait avancer le débat.
[D’une manière générale, cette ville Prussienne, vidée en 48 heures, massacre compris, de ses 20000 habitants civils allemands, par la grâce de Staline, cette ville a été entièrement repeuplée de gré, volontaires affamés d’Ukraine et d’ailleurs, ou de force, déportation à la suite de chacune des rebellions dans l’empire coloniale de l’URSS.]
Mon dieu… il y a tellement d’aberrations factuelles dans ce paragraphe, qu’on a du mal à savoir par où commencer… est-ce vraiment la peine ? Bon allez, je relève le plus évident de tous : l’URSS n’avait pas « d’empire colonial »…
[Vous allez me demandez des références, les voici : Les guides du patrimoine de l’Oblast de Kaliningrad expliquent ça à qui veut l’entendre, et si vous séjournez chez l’habitant, comme je l’ai fait, chacun vous explique gentiment comment ses parents et lui sont arrivés là.]
Des références incontestables, je vois. A quoi bon lire des livres et des thèses quand on peut connaître la vérité en écoutant les guides du patrimoine et en séjournant chez l’habitant… et il ne vous est pas passé par la tête que les guides de l’Oblast, tout comme les habitants, n’ont un certain intérêt à se présenter à l’étranger en victimes ? Croyez-moi, c’est très répandu… en Allemagne, il y a encore vingt ou trente ans, toutes les personnes âgées vous racontaient qu’ils avaient été des victimes sous la période nazi. On se demandait comment avec autant d’allemands hostiles Hitler est arrivé à se maintenir au pouvoir…
[C’est édifiant.]
Ce qui est « édifiant », c’est que vous puissiez croire que les présentations des guides touristiques et les témoignages de seconde main des habitants puissent être considérées comme des « références »….
[J’ajouterais que lors de mes nombreux séjours à Kaliningrad, j’ai pu sympathiser avec de drôles de touristes, de jeunes allemands et même une française de descendance allemande, qui revenait visiter les rues et maisons familiales dont leurs grands parents avaient été chassés en 48H.]
Oui… certains d’entre eux pourraient aussi raconter des choses bien intéressantes sur ce que leurs ancêtres allemands avaient fait pendant l’occupation nazie, avant d’être « chassés en 48h ». Mais peut-être n’avez-vous pas songé à leur demander ?
[Vous comparez les crimes du communisme aux crimes de christianisme.]
Non, moi je ne « compare » rien du tout. La « comparaison des crimes », c’est votre rayon. Je me contente de dire que si vous jugez les idéologies aux crimes commis en leur nom, vous allez trouver beaucoup d’idéologies « intrinsèquement criminelles », pour reprendre votre expression.
[Faudrait-il interdire le christianisme ? Si le christianisme se rendait coupable à notre époque, XXeme ou XXIeme siecle, coupable de l’inquisition, de la christianisation par les armes de l’Amérique ou de l’Afrique, sans aucun doute il faudrait le combattre et l’interdire.]
Voyons si je comprends bien : massacrer du Ier au XIXème siècle, c’est pas grave. Mais si le massacre était commis au XXème siècle, c’est autre chose… et là il faut « combattre et interdire ». Pourriez-vous m’expliquer pourquoi ce qui était acceptable jusqu’au 31 décembre 1899 devient blâmable le 1er janvier 1900 ?
[L’originalité du communisme c’est d’avoir pousser la barbarie jusqu’à appliquer au XXeme siècle des pratiques du moyen âge. Comme les salafistes aujourd’hui.]
Ou comme les libéraux capitalistes. Vous n’avez jamais entendu parler de l’apartheid ? Ne me dites pas que dans vos nombreux voyages personne ne vous en a parlé…
« Ou comme les libéraux capitalistes. Vous n’avez jamais entendu parler de l’apartheid ? Ne me dites pas que dans vos nombreux voyages personne ne vous en a parlé… »
Mais si bien sur, j’en ai entendu parler ! Et je me réjouis qu’il soit partout disparu ou en voie de disparition. Comme je me réjouis que les chrétiens et autres croyants aient cessé de penser qu’ils pouvaient imposer leur foi avec leurs sabres ou leurs cannons.
Comme je me réjouis que le communisme ne survive guère qu’en Corée du Nord et au Venezuela ou il a déjà bien du plomb dans l’aile.
Peut être que je ne pense pas assez, mais vous vous pensez trop. Vous croyez que la dialectique peut changer le monde, alors que ce sont les actions qui changent le monde et qui l’ont déjà beaucoup changé.
Et à tout regarder par le prisme réducteur de La France, ce minuscule pays de 0,9% de la population mondiale, vous n’avez pas vu la monté des émergents, des émergés qui aujourd’hui nous disent : « vos leçons gardez les pour vous, vous avez assis votre arrogance de colonisateurs sur l’exploitation de nos richesses et, aujourd’hui nous sommes là et nous ne vous devons rien ».
Le paradoxe, c’est que les donneurs de leçon comme vous, croient encore que leur voie porte dans le débat mondial, alors que, cette force perdue, vous la tiriez de la domination isolante de l’occident, domination aujourd’hui révolue.
Le paradoxe, c’est que les gens comme vous puisaient leurs forces dans les miettes de leurs ennemis. Et comme vos ennemis d’hier gardent leurs miettes pour survivre vous n’existez plus et vous en êtes réduits à tenter de pactiser avec les Le Penistes.
@vent2sable
[Et à tout regarder par le prisme réducteur de La France, ce minuscule pays de 0,9% de la population mondiale, vous n’avez pas vu la monté des émergents, des émergés qui aujourd’hui nous disent : « vos leçons gardez les pour vous, vous avez assis votre arrogance de colonisateurs sur l’exploitation de nos richesses et, aujourd’hui nous sommes là et nous ne vous devons rien ».]
Ils vous ont dit ça ? Remarquez, ça se comprend… avec votre tendance à donner des leçons à la terre entière…
[Le paradoxe, c’est que les donneurs de leçon comme vous, ]
Après vos jérémiades sur l’écologie et sur le communisme, je dois dire que cette dernière remarque présente une certaine ironie je suis sur involontaire…
Vous m’excuserez si je finis cet échange sur ce ton léger, mais comme je vous l’ai dit, j’ai de plus en plus mal à prendre vos discours délirants au sérieux.
Bonjour Descartes,
Désolé pour la réponse tardive, je viens seulement de voir que le nouveau sujet. (Au passage, je suis impressionné par votre capacité à répondre à autant de gens en aussi peu de temps.)
> Si le système élimine les candidats de grande valeur lorsqu’ils ne sont pas connus, alors quelle est la différence ?
La différence avec quoi ? Avec le système actuel ? Eh bien, le système actuel est non-monotone, incite au vote utile, ne permet pas aux électeurs d’exprimer leur soutien à plusieurs candidats, donne un poids maximal aux votes de rejet plutôt que d’adhésion, donne des résultats plus difficiles à interpréter… Mais c’est vrai, dans les deux cas, si un bon candidat se présente et n’arrive pas à se faire connaître, il ne sera pas élu, alors au fond, quelle différence ?
(Ceci dit, je suis peut-être naïf mais j’ai tendance à penser que si un candidat reste un parfait inconnu après des mois de campagne électorale, c’est que sa valeur n’était pas si grande que ça…)
> Finalement, s’il faut chercher des systèmes exotiques, je préfère plutôt le système de choix hiérarchisés (c’est-à-dire, ou l’on range les candidats par ordre de préférence) avec poids, plutôt qu’un jugement de « valeur » qui finalement donne un rôle prééminent au rejet par méconnaissance.
Ah la la, juste quand j’étais content de voir que vous sembliez vous ranger à mon avis qu’un candidat inconnu serait rejeté, voilà que vous semblez trouver que c’est une mauvaise chose, alors que jusqu’ici pour sembliez trouver que ce serait une mauvaise chose qu’un candidat inconnu ne soit pas rejeté. Finalement, quelle est votre position sur ce sujet ?
Je me demande aussi sur quoi vous vous basez pour dire que le « rejet par méconnaissance » aurait un rôle prééminent. Pouvez-vous préciser ? Prééminent par rapport à quels autres aspects de ce mode de scrutin ? Et par rapport au système actuel ?
Ceci dit, je suis content de vous voir soutenir les systèmes de vote préférentiels. Il en existe plusieurs variantes, qui je crois ne se valent pas, mais qui vaudraient toujours mieux que le système actuel. Et ceci dit encore, si on y rajoute une pondération, on retombe sur un système proche du vote de valeur, avec simplement une échelle plus étendue…
> Vous êtes naïf ou quoi ? Vous savez parfaitement qu’on peut parler pendant des heures d’un candidat sans que vous en sachiez plus sur lui. Il suffit de le faire d’une manière inintéressante, et le téléspectateur zappe. Ou bien en parler entre deux heures et quatre heures du matin. Ou bien noyer ses interventions dans un gloubi-boulga d’informations sans intérêt. Jacques Cheminade a été candidat à toutes les élections présidentielles depuis un bon bout de temps. Que savez-vous de lui ? Seriez-vous capable de juger de sa « valeur » rationnellement ?
Cheminade n’a pas été candidat à « toutes les élections depuis un bon bout de temps », sauf si ce bon bout de temps ne remonte qu’a moins de cinq ans. Avant 2012, il n’avait été candidat qu’une fois, en 95. Et j’en sais assez sur son programme pour n’avoir aucune envie de le voir président. C’est tout ce qu’on me demande dans une élection.
Quand au temps de parole, c’est le principe actuel des règles du CSA. Il n’est pas parfait, mais je n’ai pas mieux à proposer. Son principal défaut à mes yeux est que dans les premières phases il évalue l’« équité » du temps d’antenne en fonction de la représentativité supposée de chaque candidat, et les sondages qui évaluent ses chances de l’emporter sont pris en compte. Dans la mesure où les chances de l’emporter dans le système actuel ne reflètent pas uniquement la représentativité (vote utile, etc.), les règles du CSA contribuent à leur corps défendant à renforcer la domination du PS et de l’UMP. Avec un système type vote de valeur ce défaut serait sans doute largement atténué.
> Dans celle que vous avez il vaut mieux être faiblement connu que détesté. Ainsi, on voit Marine Le Pen derrière Poutou ou Dupont-Aignan, et à quasi-égalité avec Cheminade. Point n’est donc besoin de recourir à mes « études fantômes », la votre montre clairement que le « vote de valeur » pénalise les candidats « clivants » par rapport aux candidats « lisses » ou inconnus.
Pas forcément : certes par rapport au système actuel Le Pen est moins bien classée dans le vote de valeur, mais est-ce parce que le vote de valeur la pénalise, ou parce que le système actuel la favorise ? Il faut une référence pour trancher. Je vous en propose une : les duels hypothétiques de second tour. Dans l’expérience vote de valeur, les participants devaient évaluer ces possibilités. Les résultats détaillés n’ont pas été publiés, mais par exemple face à Le Pen Bayrou l’aurait largement emporté. Dans les résultats du vote de valeur, Bayrou est classé devant Le Pen ; dans le premier tour du scrutin officiel, il est classé après. J’en conclus que dans le scrutin officiel, Le Pen est favorisée.
> Ah… si les règles l’imposent… mais il faudrait m’expliquer comment vous faites pour appliquer les « règles » en question.
Je pensais aux règles du CSA. Cf. plus haut. Elles ne règlent pas tout mais c’est ce que j’ai de mieux à proposer.
> Mon raisonnement essaye de résoudre ce problème : je postule que si le système falsifie très largement la volonté du citoyen, celui-ci aura tendance à se rebeller contre le gouvernant qui sortira de l’urne. Si par exemple l’élection présidentielle de 2012 avait donné par une erreur du système Cheminade, Poutou ou Joly gagnants, ceux-ci auraient eu le plus grand mal à gouverner. L’obéissance du peuple est pour moi un test a posteriori du système. Et je n’ai pas l’impression que la contestation de la légitimité du président de la République soit en France très forte…
C’est un test, mais que le candidat élu avec le vote de valeur passerait également.
> Mais qu’est ce que cela donne en termes de résultat ? Quel effet sur la légitimité du candidat qui sort des urnes ? Je crains que l’ajustage fin des coefficients soit un travail très compliqué, et que les coefficients qui permettent de corriger le biais mentionné tout en gardant la légitimité de celui qui sera élu dépendent du contexte.
Il est certain qu’il manque encore des études sur ce sujet. Mais je trouve les résultats encourageants, et même en l’état actuel le système me paraît bien préférable au sysème actuel.
Une autre solution serait d’adopter une échelle plus grande, de 0 à 100 par exemple, qui laisserait à ceux qui le souhaitent la possibilité de classer tous les candidats avec les écarts (le poids) qu’ils souhaitent leur donner.
> Je n’ai pas mémoire de cet « appel ». Avez-vous une référence ?
Hm, je n’avais en tête qu’un souvenir, et en cherchant, je n’ai retrouvé que cette interview sur LCI qui semble en être la source : http://discours.vie-publique.fr/notices/023002070.html
Le Pen y appelle à voter contre certaines figures de la gauche, et de manière assez significative, à soutenir Jean Kiffer, un candidat UMP qui avait déclaré n’avoir « pas d’ennemi à droite ». Si c’est fait au cas par cas plutôt que de manière globale et automatique, ce n’est pas pour autant conditionné à un accord explicite.
> Les notes négatives ne me gênent nullement. Seulement, le fait que les notes négatives sont utilisées beaucoup plus fortement que les positives montrent que, loin de juger la « valeur » des candidats, les électeurs votent pour « leur » candidat et pénalisent tous les autres. En d’autres termes, qu’ils reconstruisent un vote « majoritaire »…
Pas d’accord. Les notes minimales sont utilisées beaucoup moins qu’elles ne le seraient dans un vote majoritaire. Même Le Pen, qui a suscité le plus de rejet, n’a que 60-65% de -2 et 20 à 25% de notes intermédiaires. Et pour des candidats moins clivants, les notes -2 n’atteignent même pas la moitié, même pour des candidats comme Poutou, Cheminade et Arthaud qui ont fait des scores très faibles au scrutin officiel, équivalent à plus de 95% de notes minimales. Sans parler de candidats comme Hollande et Bayrou, qui arrivent en tête de cette expérience, et qui ont même moins de votes -2 que de +2. Si vraiment les électeurs avait tenté de « reconstruire un vote majoritaire » (et ils en avaient la possibilité) on aurait eu des résultats très différents. Je pense que l’expérience montre clairement qu’ils ont largement utilisé (et l’enquète d’opinion montre aussi qu’ils ont apprécié) la possibilité de soutenir plus d’un candidat, c’est à dire de s’éloigner du premier tour classique.
> Certes. Mais cela reste possible. Et considérant les faibles marges de certaines élections, cela rend possible un renversement du résultat. Il ne faut jamais négliger l’effet dissuasif de certains mécanismes qui, même s’ils ne sont pas utilisés, sont là.
L’effet dissuasif ? Si vous voulez parler de l’effet dissuasif de l’interdiction faite aux grands électeurs dans une majorité d’états de voter pour un autre candidat que celui qu’ils avaient annoncé, renforçant ainsi encore la proximité avec un scrutin uninominal, je suis d’accord avec vous, mais vu que vous avez l’air de me contredire, je me demande de quoi vous voulez parler.
> Pour moi, le scrutin uninominal majoritaire à un tour est celui utilisé pour l’élection du président de la République sous la IVème. L’élection n’est acquise que si le candidat (« uninominal ») reçoit dans un tour de scrutin (« à un tour ») la majorité des suffrages (« majoritaire »). Si la majorité n’est pas acquise, personne n’est élu et un nouveau vote est organisé. Ce nouveau vote n’est pas un « second tour » puisque des nouveaux candidats peuvent être présentés.
> Je sais bien qu’on traduit souvent le « first past the post » par « scrutin majoritaire à un tour », mais c’est une mauvaise traduction. Ce n’est pas un scrutin « majoritaire »… j’avais un professeur de droit constitutionnel qui expliquait très bien la différence : dans les scrutins « majoritaires », on cherche à donner au candidat élu la légitimité de pouvoir compter sur la moitié plus un des suffrages à un stade de la procédure. Dans les scrutins « non-majoritaires », un candidat peut être élu sans jamais réunir sur son nom plus de la moitié des électeurs.
D’accord. Je n’avais pas pensé à ce mode de scrutin, parce qu’il me semble impraticable dans le cadre d’un scrutin direct — combien de tours faudrait-il avant d’atteindre une majorité absolue ? Pour le reste, la dé"finition me convient si vous restreignez le terme majorité à la majorité absolue plutôt que relative. Les anglais utilisent eux le terme de « pluralité »
Seulement, avec cette définition, le mode de scrutin actuel n’est pas non plus majoritaire. Les anglais le désignent d’ailleurs du même mot de pluralité. La majorité du second tour n’est absolue que par rapport au perdant de ce tour — en fait, on prendrait n’importe quelle paire de candidats, dans un duel l’un des deux aurait presque obligatoirement une majorité (sauf en cas d’égalité parfaite, mais c’est suffisamment peu probable pour être négligé). Ou alors il suffirait de rajouter un second tour après le vote de valeur entre les deux candidats les mieux classés, et le tour, si j’ose dire, serait joué. Non, quelque soit le nom qu’on lui donne, le mode de scrutin actuel n’est pas très différent du mode de scrutin anglais.
> J’avais compris que votre question ne faisait référence qu’aux débats entre Hollande et Sarkozy. Je vais donc préciser ma réponse. Il y a deux types de candidats : ceux dont la crédibilité est acquise avant l’élection – c’est-à-dire, que l’opinion est persuadée qu’ils sont en mesure de gouverner – et les autres. Et la problématique des uns et des autres n’est pas la même. Pour les « petits », il s’agit de passer au fenestron le plus souvent et si possible dans un contexte qui les crédibilise. Il est donc intéressant de passer dans un débat télévisé, et si c’est possible avec un « grand » candidat, qui étant lui-même crédible tend à crédibiliser son opposant. Les « grands », au contraire, ont tout intérêt à ne pas partager leur capital de crédibilité qu’ils détiennent. Ils repoussent donc fermement tous les défis lancés par les « petits » (par exemple, celui de Mélenchon à Hollande) de participer à des débats.
Voilà, c’est exactement là que je voulais vous amener : Sarkozy et Hollande refusaient le débat, parce qu’un débat avec eux favoriserait les autres candidats, et donc les défavoriserait. Je trouve particulièrement intéressant que vous citiez Mélenchon et Hollande, qui sont dans le même camps. Dans le mode de scrutin actuel, si Mélenchon marque des points, il les prends nécessairement à un autre candidat — Hollande, dans votre exemple. Avec le vote de valeur, Mélenchon peut marquer des points sans en faire perdre à Hollande, puisque les électeurs peuvent soutenir plusieurs candidats. Pour cette raison, avec le vote de valeur, une des raisons de refuser le débat dans le scrutin majoritaire disparaît, CQFD.
(Il semble ici que vous ayez fait une fausse manœuvre et simplement copié mon commentaire au lieu d’y répondre. Je passe…)
> Je ne fais semblant de rien. Simplement, je n’ai pas comme vous une fixation sur l’élection. Ce n’est pour moi que l’un des modes de participation démocratique, et pas forcément le plus déterminant même s’il a un poids symbolique essentiel.
D’accord, je reformule donc ma question : pourquoi choisir un mode de scrutin qui limite l’expression de l’électeur à un seul message — soutien à un seul contre tous les autres ? S’il souhaite soutenir plusieurs candidats, pourquoi ne pas lui en laisser la possibilité ?
[Et quel intérêt de me faire « toucher du doigt » un truc qui n’a aucune espèce d’importance ?]
> Je pense que c’est au contraire fondamental. Dans votre plaidoyer pour une réforme électorale, vous montrez que le système que vous proposez aurait abouti à faire élire Bayrou. Si vous admettez par ailleurs que Bayrou serait incapable d’exercer la fonction présidentielle, ne trouvez-vous pas que cela pose un petit problème ?
Non, pas du tout. Quelle que soit mon opinion sur Bayrou, à partir du moment où le mode de scrutin me convient, je ne conteste pas le résultat des urnes. Si Bayrou est élu, c’est que c’est lui que les électeurs estiment le plus capable d’exercer la fonction présidentielle : que je partage ou non cet avis n’a aucune importance à mes yeux sur la légitimité du résultat.
Je préfère qu’un candidat que je ne soutiens pas, voire que je trouve incapable, soit élu d’une manière qui me convient, plutôt que l’inverse, un candidat que je soutiens élu d’une manière qui ne me convient pas.
> Son score de premier tour non, mais sa popularité oui. C’est cela qui fait perdre A, et non le fait qu’il ait "augmenté son score".
???
Dans les deux cas, C a exactement le même nombre de soutiens et d’adversaires, le même nombre de gens qui le préfèrent à A ou à B. Entre les deux il me semble donc que sa popularité n’a absolument pas évolué. Puisque vous n’êtes pas d’accord, pourriez-vous expliquer ce que vous appelez popularité, à quoi vous la mesurez et quelle est selon vous la popularité des trois candidats dans les deux situations de cet exemple ? Parce que pour l’instant je suis désolé mais je n’ai aucune idée de ce dont vous voulez parler.
@Adrien
[(Au passage, je suis impressionné par votre capacité à répondre à autant de gens en aussi peu de temps.)]
J’écris très vite, heureusement. Mais j’avoue que j’ai eu du mal à répondre au flot de messages que le dernier papier a provoqué. Et cela fait plusieurs jours que la réponse aux messages ne me permet pas d’entamer l’écriture d’un nouvel article…
[Ceci dit, je suis peut-être naïf mais j’ai tendance à penser que si un candidat reste un parfait inconnu après des mois de campagne électorale, c’est que sa valeur n’était pas si grande que ça…]
Vous êtes, en effet, bien naïf… J’ai connu des hommes de grande valeur dont la candidature, malgré des mois voir des années de campagne, est resté parfaitement confidentielle.
[Je me demande aussi sur quoi vous vous basez pour dire que le « rejet par méconnaissance » aurait un rôle prééminent. Pouvez-vous préciser ? Prééminent par rapport à quels autres aspects de ce mode de scrutin ? Et par rapport au système actuel ?]
Je n’ai peut-être pas été très clair. Je vois dans le « vote de valeur » un problème, celui de la lisibilité du vote pour les candidats peu connus. Seront-ils rejetés au même niveau que les candidats détestés ? Il y a des raisons de penser que non : je vous ai donné quelques exemples de situations qui ressemblent à un vote de valeur où l’on observe que le fait d’être inconnu améliore les chances d’être élu. Mais puisque vous affirmez que les candidats inconnus seraient rejetés au même niveau que les candidats les plus détestés, j’ai essayé de raisonner dans cette hypothèse là. Dans cette situation, le vote hiérarchisé oblige à l’électeur à hiérarchiser entre les inconnus et les détestés.
[Ceci dit, je suis content de vous voir soutenir les systèmes de vote préférentiels. Il en existe plusieurs variantes, qui je crois ne se valent pas, mais qui vaudraient toujours mieux que le système actuel. Et ceci dit encore, si on y rajoute une pondération, on retombe sur un système proche du vote de valeur, avec simplement une échelle plus étendue…]
Non. La différence fondamentale est que le vote hiérarchisé ne permet pas de noter plusieurs candidats au même niveau. L’électeur est obligé de ranger les candidats dans l’ordre de sa préférence. Il échappe donc à la critique « concours de beauté »…
[Cheminade n’a pas été candidat à « toutes les élections depuis un bon bout de temps », sauf si ce bon bout de temps ne remonte qu’a moins de cinq ans. Avant 2012, il n’avait été candidat qu’une fois, en 95. Et j’en sais assez sur son programme pour n’avoir aucune envie de le voir président. C’est tout ce qu’on me demande dans une élection.]
Qu’est ce que vous savez de son programme ? Honnêtement, hein ? Sans regarder sur google…
[Quand au temps de parole, c’est le principe actuel des règles du CSA. Il n’est pas parfait, mais je n’ai pas mieux à proposer. Son principal défaut à mes yeux est que dans les premières phases il évalue l’« équité » du temps d’antenne en fonction de la représentativité supposée de chaque candidat, et les sondages qui évaluent ses chances de l’emporter sont pris en compte.]
Son principal défaut n’est pas celui-là. Le principal défaut est que le « temps » ne dit pas tout. Et qu’un reportage peut descendre un candidat tout en comptant hypocritement le temps comme lui étant consacré.
[Pas forcément : certes par rapport au système actuel Le Pen est moins bien classée dans le vote de valeur, mais est-ce parce que le vote de valeur la pénalise, ou parce que le système actuel la favorise ? Il faut une référence pour trancher. Je vous en propose une : les duels hypothétiques de second tour.]
D’accord. Vous pensez vraiment que Marine Le Pen et Jacques Cheminade soient à égalité de ce point de vue ? Que Poutou ait beaucoup plus de chance d’emporter un tel duel que Marine Le Pen ? Sur quoi vous fondez vous pour affirmer cela ?
[C’est un test, mais que le candidat élu avec le vote de valeur passerait également.]
Je ne sais pas. Et vous non plus, d’ailleurs. Le fait est que les français sont très attachés au vote majoritaire, ce qui semble indiquer que c’est celui qui pour eux a la plus grande légitimité. L’idée qu’ils accepteraient la légitimité de Bayrou pour présider sous prétexte qu’il a été choisi par le « vote de valeur » est un article de foi.
[Hm, je n’avais en tête qu’un souvenir, et en cherchant, je n’ai retrouvé que cette interview sur LCI qui semble en être la source : http://discours.vie-publique.fr/notices/023002070.html%5D
Attendez… cette référence dit exactement le contraire de ce que vous voulez lui faire dire. Le Pen dans ce texte appelle à des désistements ciblés et nullement inconditionnels. Il appelle à voter le candidat de droite dans certaines circonscriptions pour faire échec à certaines « personnalités » de la gauche, mais aussi à soutenir le candidat de droite lorsque celui-ci lui plaît – notamment parce qu’il déclare qu’il n’a pas d’ennemi à droite. C’est exactement le contraire de ce que fait Mélenchon, par exemple, qui annonce avant même le premier tour un désistement inconditionnel pour le candidat de gauche le mieux placé.
[Pas d’accord. Les notes minimales sont utilisées beaucoup moins qu’elles ne le seraient dans un vote majoritaire.]
Je n’ai pas parlé de « notes minimales », mais de notes « négatives ». Il est clair que les électeurs utilisent beaucoup plus les notes négatives que les positives, autrement il est difficile de comprendre que tous les candidats sauf un soient en dessous de zéro.
[Seulement, avec cette définition, le mode de scrutin actuel n’est pas non plus majoritaire. Les anglais le désignent d’ailleurs du même mot de pluralité. La majorité du second tour n’est absolue que par rapport au perdant de ce tour]
Pardon ? La seule manière de gagner le deuxième tour de l’élection présidentielle est de faire 50% des exprimés plus un vote, non ? Vous voyez une autre hypothèse ?
[Non, quelque soit le nom qu’on lui donne, le mode de scrutin actuel n’est pas très différent du mode de scrutin anglais.]
Bien sur que si. La raison est que dans le système français, au premier tour on choisit et au deuxième on élimine. Le deuxième a un effet modérateur du premier. Margaret Thatcher n’aurait jamais réussi à se faire élire avec le système français. Elle aurait réussi à passer le premier tour, mais elle déplaisait à trop de monde pour pouvoir passer le second…
[Avec le vote de valeur, Mélenchon peut marquer des points sans en faire perdre à Hollande, puisque les électeurs peuvent soutenir plusieurs candidats. Pour cette raison, avec le vote de valeur, une des raisons de refuser le débat dans le scrutin majoritaire disparaît, CQFD.]
Bien sur que non. Si Mélenchon gagne des voix et Hollande en perd, à un certain moment Mélenchon passerait devant Hollande. Et comme – c’est vous-même qui l’avez dit – les différences sont beaucoup plus faibles dans le système de « vote de valeur », le risque est réel. La raison de refuser le débat demeure donc…
[pourquoi choisir un mode de scrutin qui limite l’expression de l’électeur à un seul message — soutien à un seul contre tous les autres ? S’il souhaite soutenir plusieurs candidats, pourquoi ne pas lui en laisser la possibilité ?]
Parce que, comme je l’ai dit dans une réponse précédente, une élection n’est pas un concours de beauté. L’élection est organisée pour choisir un homme – et donc rejeter tous les autres. En donnant à l’électeur la possibilité de mettre la même « note » à tous les candidats on lui masque cette réalité essentielle : il n’est pas là pour noter, mais pour choisir.
[Non, pas du tout. Quelle que soit mon opinion sur Bayrou, à partir du moment où le mode de scrutin me convient, je ne conteste pas le résultat des urnes.]
Moi non plus, je ne contesterai pas post facto. Mais j’hésiterais beaucoup à soutenir l’établissement d’un mode de scrutin qui peut faire de Bayrou un président de la République alors qu’il n’a personne derrière lui, et qu’on ne vote pour lui que parce qu’il ne dit rien qui puisse offenser qui que ce soit.
[Dans les deux cas, C a exactement le même nombre de soutiens et d’adversaires, le même nombre de gens qui le préfèrent à A ou à B. Entre les deux il me semble donc que sa popularité n’a absolument pas évolué. Puisque vous n’êtes pas d’accord, pourriez-vous expliquer ce que vous appelez popularité,]
Le fait que plus de gens le placent en deuxième position plutôt qu’en troisième.
Bonsoir Descartes,
> Vous êtes, en effet, bien naïf… J’ai connu des hommes de grande valeur dont la candidature, malgré des mois voir des années de campagne, est resté parfaitement confidentielle.
À qui pensez-vous ? Quoi qu’il en soit, je me plaçais dans le contexte d’un scrutin sur le mode du vote de valeur, qui donne un classement, et donc une visibilité, très différents du mode de scrutin actuel. Un candidat auquel le scrutin actuel ne confère que peu de visibilité peut se retrouver beaucoup mieux classé avec le Vote de valeur, et on peut penser que le vôtre aurait bénéficié de cet effet.
> Je n’ai peut-être pas été très clair. Je vois dans le « vote de valeur » un problème, celui de la lisibilité du vote pour les candidats peu connus. Seront-ils rejetés au même niveau que les candidats détestés ? Il y a des raisons de penser que non : je vous ai donné quelques exemples de situations qui ressemblent à un vote de valeur où l’on observe que le fait d’être inconnu améliore les chances d’être élu. Mais puisque vous affirmez que les candidats inconnus seraient rejetés au même niveau que les candidats les plus détestés, j’ai essayé de raisonner dans cette hypothèse là. Dans cette situation, le vote hiérarchisé oblige à l’électeur à hiérarchiser entre les inconnus et les détestés.
On peut voir facilement dans le tableau des résultats quelle proportion d’électeurs a accordé quelle note à chacun des candidats. Ainsi les petits candidats comme Poutou ou Cheminade ont obtenu bien plus de -2 que de 0. Par contre il est vrai qu’ils ont obtenu plus de 0 que de -1. Les auteurs de l’étude suggèrent qu’effectivement le 0 a pu être interprété comme un vote « nul », d’autant plus qu’il était associé à la mention « indifférent ». Ils proposent de la remplacer par « mitigé » et de rajouter un vote nul candidat par candidat.
Dans le mode de scrutin actuel, par contre, on n’a vraiment aucune lisibilité. Il est déjà difficile de savoir si les voix d’un candidats sont des votes d’adhésion ou des votes utiles ou des votes contre, alors pour tous les autres ! Si un candidat recueille peu de voix dans le système actuel, est-ce parce qu’il est inconnu, détesté, victime du vote utile ? Le vote de valeur enlève au moins la troisième hypothèse, et au pire, il ne peut pas être moins lisible que le mode de scrutin actuel. Je ne vois donc pas en quoi le « rejet par méconnaissance » serait « prééminent ». Si cette question de lisibilité vous pose problème, il me semble que cela devrait plutôt vous conduire à rejeter le mode de scrutin actuel. (Les scrutins par classement ne permettent pas mieux, ou guère, de trancher.)
> Non. La différence fondamentale est que le vote hiérarchisé ne permet pas de noter plusieurs candidats au même niveau. L’électeur est obligé de ranger les candidats dans l’ordre de sa préférence. Il échappe donc à la critique « concours de beauté »…
Il existe bien des variantes qui permettent de classer des candidats à égalité, comme la méthode VoteFair. À ma connaissances elles ne sont pour l’instant employées nulle part, mais a priori elles auraient ma préférence — comme les méthodes, celles-là plus courantes, qui n’obligent pas à classer tous les candidats : je ne vois pas l’intérêt de classer Arthaud par rapport à Poutou, par exemple.
Ceci dit, je n’ai pas vraiment compris à quoi vous faisiez référence en parlant de poids. La méthode Borda est un exemple de méthode qui demande un classement des candidats, et leur assigne ensuite un poids — 0 pour le dernier, un pour l’avant-dernier, etc. jusqu’à la note maximale pour le premier. Mais s’il y a beaucoup de candidats et qu’on n’est pas obligé de tous les classer, alors on se rapproche d’un vote par assentiment (la variante binaire du vote de valeur) dans la mesure où les candidats classés auront des notes assez proches (10,9,8 par exemple si on ne classe que ses trois préférés) et tous les autres 0 : si on arrondit les scores, c’est très proches de mettre 1 aux trois premiers à égalité, et 0 aux autres. En fait avec ces méthodes, plus il y a de candidats plus l’écart entre de candidats diminue proportionnellement, ce qui ne reflète pas vraiment les préférences de l’électeur qui peut conserver des avis tranchés. C’est pour ça que je préfère les méthodes qui permettent de classer explicitement des candidats à égalité.
(Une autre raison, mais j’avoue que je me suis penché dessus de moins près, c’est qu’on reproche également à ces systèmes d’être non-monotones et de favoriser la bipolarité, deux propriétés que je considère comme des défauts et que je préfèrerais éviter.)
De toute façon je ne vois pas bien en quoi « concours de beauté » est une critique. C’est toujours mieux que « concours de celui qui a la plus grosse », non ? La plus gross minorité, s’entend… Et puis la logique du vote de valeur n’est pas du tout celle d’un concours. Un concours, de beauté ou autre, c’est l’affaire d’un jury expert qui a des critères précis et communs pour juger de la valeur des candidats : des jurés idéaux mettraient tous la même note. Ce n’est pas applicable à une élection, où il n’existe pas de critère consensuel pour dire que la gauche vaut mieux que la droite, ou vice versa ou que tel ou tel est « capable de gouverner » — ni même s’il est important qu’il le soit. C’est pour ça que le vote de valeur utilise la moyenne plutôt que la médiane des notes, comme le faisait le Jugement majoritaire proposé l’an passé par Salte.fr.
> Qu’est ce que vous savez de son programme ? Honnêtement, hein ? Sans regarder sur google…
Aujourd’hui, plus grand chose, mais à l’époque je l’avais regardé d’assez près — par acquis de conscience, vu que j’étais à peu près sûr de ne pas voter pour lui. Avec le vote de valeur, où un système de classement, j’aurais pu envisager de lui mettre une note intermédiaire, mais avec le mode de scrutin actuel je n’avais guère de raison de m’intéresser à ses propositions. Sans regarder, je me rappelle quand même un programme spatial assez poussé, des projets assez spécifiques d’aide au développement, en Afrique notamment je crois, et plus généralement un programme qui avait l’air très ambitieux mais à peu près impossible à réaliser. Me rappelle aussi qu’on lui reprochait de défendre certaines théories du complot, et je crois me souvenir qu’il ne croyait pas à l’origine anthropique du réchauffement climatique.
> Son principal défaut n’est pas celui-là. Le principal défaut est que le « temps » ne dit pas tout. Et qu’un reportage peut descendre un candidat tout en comptant hypocritement le temps comme lui étant consacré.
Oui, c’est un autre aspect du même problème. Dans la dernière phase de la campagne, le CSA demande une stricte égalité — même temps de parole dans les mêmes conditions, pas l’un à trois heures du matin et l’autre au journal de 20h. Une des justifications contre l’extension de ces mesures à toute la campagne est qu’elle seraient extrêmement difficiles à appliquer, et qu’en outre il serait injuste que les candidats les plus populaires ne bénéficient pas d’une plus grande visibilité (ça se défend…). C’est possible. Mais dans une campagne basée sur un mode de scrutin type vote de valeur, le jeu étant plus ouvert, la même règle de l’équité devrait aboutir à des expositions plus proches de l’égalité.
> D’accord. Vous pensez vraiment que Marine Le Pen et Jacques Cheminade soient à égalité de ce point de vue ? Que Poutou ait beaucoup plus de chance d’emporter un tel duel que Marine Le Pen ? Sur quoi vous fondez vous pour affirmer cela ?
Avant de parler de Cheminade et Poutou, je me permet encore de souligner que de ce point de vue, le mode de scrutin actuel avantage déjà clairement Le Pen par rapport à Bayrou. Et à Mélenchon, d’ailleurs, puisqu’il semble qu’elle perdrait également en duel contre lui : http://voteaupluriel.org/resultats-des-votes-en-ligne On est d’accord là-dessus ? Que Le Pen est favorisée par le scrutin actuel ?
Quant à d’hypothétiques duels Cheminade-Le Pen ou Le Pen-Poutou… Honnêtement je ne sais pas qui pourrait l’emporter, je pense que le résultat pourrait être assez serré. Mon intuition est que Le Pen perdrait dans les deux cas, elle suscite trop de rejets. Les autres seraient sans doute incapables de gouverner, mais ils seraient sans doute aussi considérés comme plus facile à déloger (peut-être à tort…). Les gens miseraient sur eux et l’espoir de nouvelles élections. Enfin à mon avis, tout ça est très spéculatif.
Bref, on a des cas où Le Pen est clairement favorisée, et d’autres où c’est plus difficile à évaluer. Tant qu’on n’aura pas tranché ces cas, je continue à penser qu’elle est globalement favorisée par le mode de scrutin actuel.
(Et encore… Si on prolonge la comparaison avec Bayrou par exemple, il me semble clair qu’il l’emporterait haut la main, bien plus facilement que Le Pen, en duel contre Cheminade ou Poutou. Que Le Pen soit classée devant lui par le mode de scrutin actuel apparaît donc encore plus irréaliste.)
> Je ne sais pas. Et vous non plus, d’ailleurs. Le fait est que les français sont très attachés au vote majoritaire, ce qui semble indiquer que c’est celui qui pour eux a la plus grande légitimité. L’idée qu’ils accepteraient la légitimité de Bayrou pour présider sous prétexte qu’il a été choisi par le « vote de valeur » est un article de foi.
Pas plus que l’idée qu’ils la refuseraient. Ça indique surtout, à mon avis, ou plutôt ça reflète le fait, qu’ils n’y ont jamais pensé. Ceci dit, quand on les amène à y réfléchir : les expérimentations en bureau de vote ont été bien accueillies, avec plus de la moitié des votants qui ont accepté d’y participer, ce qui témoigne d’un certain intérêt. En outre, la majorité des participants ont estimé que ce système pourrait être utilisé pour la présidentielle. Et parmi ceux qui ont testé, et qui avait des doutes avant l’expérience, beaucoup en sont ressortis satisfaits. Ça ne fait jamais que la moitié de la moitié, mais pour un mode de scrutin dont la plupart entendait parler pour la première fois, je trouve que c’est le signe qu’il est plutôt bien accepté.
> Attendez… cette référence dit exactement le contraire de ce que vous voulez lui faire dire. Le Pen dans ce texte appelle à des désistements ciblés et nullement inconditionnels. Il appelle à voter le candidat de droite dans certaines circonscriptions pour faire échec à certaines « personnalités » de la gauche, mais aussi à soutenir le candidat de droite lorsque celui-ci lui plaît – notamment parce qu’il déclare qu’il n’a pas d’ennemi à droite. C’est exactement le contraire de ce que fait Mélenchon, par exemple, qui annonce avant même le premier tour un désistement inconditionnel pour le candidat de gauche le mieux placé.
Non, pas à des désistements : à voter contre la gauche, ou pour la droite, et sans contrepartie, dans des cas où le FN n’est pas au second tour. Ce n’est pas ce que fait Mélenchon, mais il ne s’agit pas non plus d’un accord politique, bien d’un soutien gratuit.
> Je n’ai pas parlé de « notes minimales », mais de notes « négatives ». Il est clair que les électeurs utilisent beaucoup plus les notes négatives que les positives, autrement il est difficile de comprendre que tous les candidats sauf un soient en dessous de zéro.
Sauf deux. Mais oui, c’est moi qui ai parlé de notes minimales. Dans ce cas, avec l’échelle choisie, il s’agit en effet de notes négatives. Mais on pourrait décaler les notes a posteriori (0, 1, 2, 3, 4, voire 10, 20, 30, 40, 50) sans changer le classement (par contre il est possible que les électeurs réagissent différemment à ces différentes échelles, bien qu’elles soit équivalentes d’un point de vue mathématique ; ce paramètre est encore à évaluer). Pour le reste, je ne peux que réitérer mon objection : ils utilisent beaucoup moins les notes minimales, négatives dans ce cas, que dans le système actuel, qui correspond au cas où elles seraient le plus utilisées.
> Pardon ? La seule manière de gagner le deuxième tour de l’élection présidentielle est de faire 50% des exprimés plus un vote, non ? Vous voyez une autre hypothèse ?
Descartes, les candidats au deuxième tour, par définition n’ont rassemblé au premier qu’une majorité relative. Selon la définition que vous avez donnée, ce n’est donc pas un scrutin majoritaire. Le fait que l’un des deux obtienne, par rapport à l’autre et uniquement par rapport à l’autre, une majorité absolue, n’a aucune pertinence ici. Il ne garanti pas que le gagnant aurait une majorité absolue sur tous les autres. D’ailleurs, lors de n’importe quel duel un des deux candidats obtient presque nécessairement la majorité absolue…
> Bien sur que si. La raison est que dans le système français, au premier tour on choisit et au deuxième on élimine.
Ce n’est pas une raison, ça, c’est un slogan. Je pourrais dire aussi bien le contraire, au premier tour on élimine et au deuxième on choisit, ça n’en serait ni moins faux ni moins vrai. Encore que, vu ce que j’ai dit plus haut sur les notes minimales, et que voter pour un seul candidat revient à voter contre tous les autres, il me paraît plus juste de dire qu’on élimine au premier tour. Qui en outre est identique au mode de scrutin anglais, donc il me semble délicat de nier leur grande proximité.
> Le deuxième a un effet modérateur du premier.
Ça c’est vrai, mais un effet limité. J’ai donné précédemment un exemple où les deux candidats qui arrivaient au deuxième tour étaient détestés par près des trois quarts des électeurs. En outre ce second tour a des effets pervers comme la non-monotonicité (cf. plus bas).
> Margaret Thatcher n’aurait jamais réussi à se faire élire avec le système français. Elle aurait réussi à passer le premier tour, mais elle déplaisait à trop de monde pour pouvoir passer le second…
C’est vous qui le dites. D’après les chiffres que j’ai consultés (*), en période électorale en particulier, elle avait plus d’opinions favorables que défavorables. En outre elle a été élue à la tête de son parti à la majorité absolue. Son impopularité me paraît largement à relativiser.
(*) http://www.ipsos-mori.com/researchpublications/researcharchive/3158/Margaret-Thatcher-19252013.aspx
> Bien sur que non. Si Mélenchon gagne des voix et Hollande en perd, à un certain moment Mélenchon passerait devant Hollande. Et comme – c’est vous-même qui l’avez dit – les différences sont beaucoup plus faibles dans le système de « vote de valeur », le risque est réel. La raison de refuser le débat demeure donc…
Je répète : contrairement au système actuel, avec le vote de valeur, Mélenchon peut gagner des points sans qu’Hollande n’en perde. Hollande a donc moins à perdre à débattre avec Mélenchon, CQFD. (Ce qui ne veut pas dire qu’il n’a rien à perdre, évidemment. Mais si Mélenchon marque des points plus vite que Hollande, au moins, ça n’affecte que ces deux-là. Dans le système actuel, si Mélenchon prends des électeurs à Hollande, ça peut améliorer les chances de Sarkozy…)
> Parce que, comme je l’ai dit dans une réponse précédente, une élection n’est pas un concours de beauté. L’élection est organisée pour choisir un homme – et donc rejeter tous les autres. En donnant à l’électeur la possibilité de mettre la même « note » à tous les candidats on lui masque cette réalité essentielle : il n’est pas là pour noter, mais pour choisir.
Pas d’accord : ce n’est pas l’électeur qui est là pour choisir, c’est l’électorat. Le vote de valeur comme le système actuel élisent un candidat, et donc rejettent tous les autres. Pas de différence de ce point de vue. La différence vient du fait que le vote de valeur prend en compte des avis plus nuancés et plus donc fidèles à la réalité, et n’oppose pas les candidats mais les juge indépendamment pour choisir le candidat préféré de l’ensemble de l’électorat. Alors que dans le mode de scrutin actuel, le vainqueur est l’un des deux candidats qui rassemblent les plus grosses minorités.
> Moi non plus, je ne contesterai pas post facto. Mais j’hésiterais beaucoup à soutenir l’établissement d’un mode de scrutin qui peut faire de Bayrou un président de la République alors qu’il n’a personne derrière lui, et qu’on ne vote pour lui que parce qu’il ne dit rien qui puisse offenser qui que ce soit.
Bof, si on va par là, je préfère ça à un système qui peut élire un candidat président de la République alors qu’il a une majorité d’électeurs contre lui, et qu’on ne vote pour lui que parce que son adversaire du second tour est encore pire.
> Le fait que plus de gens le placent en deuxième position plutôt qu’en troisième.
… Descartes, à ce stade je ne sais plus comment vous dire que ce n’est pas le cas. Faut-il vraiment que je vous redonne l’exemple ? Bon, le voici :
Situation 1 :
6 votants ont les préférences A > B > C
5 votants ont les préférences C > A > B
4 votants ont les préférences B > C > A
2 votants ont les préférences B > A > C
Situation 2 :
8 votants ont les préférences A > B > C
5 votants ont les préférences C > A > B
4 votants ont les préférences B > C > A
Vous voyez que dans les deux situations : 5 votants placent C en première position, 4 le placent en deuxième, et 8 le placent en troisième. À moins que vous ne souteniez que 4 est plus grand que 4, ou que 8, je ne vois pas comment vous pouvez affirmer que plus de gens placent C en deuxième position qu’en troisième. Sa popularité, dans les deux cas, est inchangée. Même relativement à A et B, dans les deux cas 8 votants préfèrent A à C, et 12 votants préfèrent B à C. Encore une fois, la seule chose qui change entre les deux situations, c’est le nombre de personnes qui préfèrent A à B. Et. C’est. Tout. A remporte l’élection dans la situation 1 et la perd dans la situation 2, alors que c’est dans la situation 2 qu’il a la plus forte popularité.
@adrien
[« Vous êtes, en effet, bien naïf… J’ai connu des hommes de grande valeur dont la candidature, malgré des mois voir des années de campagne, est resté parfaitement confidentielle ». À qui pensez-vous ?]
Je songeais à des exemples étrangers, qui je pense ne vous diront rien. Le cas de Rodolfo Ghioldi ou de Oscar Alende en Argentine, par exemple. En France cela ne s’est jamais produit… peut être grâce au scrutin majoritaire ?
[Quoi qu’il en soit, je me plaçais dans le contexte d’un scrutin sur le mode du vote de valeur, qui donne un classement, et donc une visibilité, très différents du mode de scrutin actuel. Un candidat auquel le scrutin actuel ne confère que peu de visibilité peut se retrouver beaucoup mieux classé avec le Vote de valeur, et on peut penser que le vôtre aurait bénéficié de cet effet.]
En même temps, un candidat auquel le scrutin actuel confère de la visibilité peut se retrouver beaucoup moins bien classé (le cas de Le Pen dans votre expérience). Peut-être c’est ce qui serait arrivé au mien ? Encore une fois, si le mode de scrutin bénéficie certains et punit d’autres, vous ne pouvez pas garantir qu’il bénéficiera les « bons » et punira les « mauvais ». C’est simplement un autre système, et les électeurs une fois qu’ils auront compris son fonctionnement chercheront à l’utiliser pour faire passer leur message. C’est pourquoi, d’ailleurs, je ne crois pas que l’expérience que vous citez soit en fait très utile pour comprendre comment un « vote de valeur » fonctionnerait dans la réalité en France.
[Dans le mode de scrutin actuel, par contre, on n’a vraiment aucune lisibilité. Il est déjà difficile de savoir si les voix d’un candidats sont des votes d’adhésion ou des votes utiles ou des votes contre, alors pour tous les autres ! Si un candidat recueille peu de voix dans le système actuel, est-ce parce qu’il est inconnu, détesté, victime du vote utile ? Le vote de valeur enlève au moins la troisième hypothèse, et au pire, il ne peut pas être moins lisible que le mode de scrutin actuel.]
Vous avez raison. La question est : faut-il combattre le « vote utile » ? Personnellement, je ne suis pas persuadé. La politique dans une démocratie moderne et complexe nécessite forcément des compromis. Le candidat qu’on élit doit être non seulement celui dont le programme et la personnalité plaisent au plus grand nombre, mais celui qui peut obtenir l’appui même de ceux qui à priori ne sont pas d’accord avec lui et lui préféreraient un autre candidat. C’est à mon sens la plus grande force de notre mode de scrutin actuel : il oblige l’électeur à se coltiner les réalités du monde politique. Et c’est la plus grande critique qu’on peut faire à mon sens au « vote de valeur » : celle d’occulter le fait que seul un candidat sera élu, et que ce candidat doit pouvoir compter sur une majorité derrière lui. Le « vote de valeur » (contrairement au vote hiérarchisé ou au scrutin majoritaire à deux tours) n’oblige pas l’électeur à choisir…
[Il existe bien des variantes qui permettent de classer des candidats à égalité, comme la méthode VoteFair. ]
Je ne vois pas trop la différence entre un système hiérarchique où l’on peut classer les candidats à égalité et le « vote de valeur ».
[Ceci dit, je n’ai pas vraiment compris à quoi vous faisiez référence en parlant de poids. La méthode Borda est un exemple de méthode qui demande un classement des candidats, et leur assigne ensuite un poids — 0 pour le dernier, un pour l’avant-dernier, etc. jusqu’à la note maximale pour le premier.]
On peut imaginer des distributions des poids différentes (par exemple, donner un poids beaucoup plus important au « premier choix » qu’au second).
[De toute façon je ne vois pas bien en quoi « concours de beauté » est une critique. C’est toujours mieux que « concours de celui qui a la plus grosse », non ?]
Pas forcément. Je pense que l’élection a une fonction pédagogique essentielle. En ce sens, il faut qu’elle mette l’électeur devant les « dilemmes » qui sont inhérents au processus politique. L’électeur doit être confronté au fait qu’un seul candidat peut gagner l’élection, qu’il ne suffit pas d’élire le « meilleur » candidat, encore faut-il qu’il ait le soutien nécessaire pour pouvoir gouverner, qu’on ne peut pas toujours avoir tout ce qu’on veut et qu’il faut par conséquent passer des compromis et accepter des choses qu’on ne veut pas pour pouvoir avoir certaines de celles qu’on veut. Le scrutin majoritaire à deux tours a cet énorme avantage : il met l’électeur dans la situation d’arbitrer un conflit politique. Le problème du « vote de valeur » est qu’il n’a pas ce côté pédagogique : on demande à l’électeur de « mettre une note » aux candidats, et ensuite d’un processus compliqué sortira comme d’un chapeau le candidat « mieux noté ». On ne demande pas à l’électeur de trancher une situation politique, mais d’exprimer un jugement de valeur.
[« Qu’est ce que vous savez de son programme ? Honnêtement, hein ? Sans regarder sur google… ». Aujourd’hui, plus grand chose, mais à l’époque je l’avais regardé d’assez près — par acquis de conscience, vu que j’étais à peu près sûr de ne pas voter pour lui.]
J’ai trop de respect pour votre mémoire pour croire que vous ayez pu tout oublier en douze mois…
[Avant de parler de Cheminade et Poutou, je me permet encore de souligner que de ce point de vue, le mode de scrutin actuel avantage déjà clairement Le Pen par rapport à Bayrou.]
« Avantage » au sens qu’elle fait un score meilleur alors qu’elle perdrait un duel de deuxième tour, oui. Mais j’attire votre attention sur le fait que cet « avantage » résulte du fait qu’une partie importante de l’électorat souhaite exprimer son rejet du « système ». Avec le « vote de valeur », cette expression serait noyée par la détestation dont fait l’objet la candidate du FN et n’est nullement lisible.
[Quant à d’hypothétiques duels Cheminade-Le Pen ou Le Pen-Poutou… Honnêtement je ne sais pas qui pourrait l’emporter, je pense que le résultat pourrait être assez serré. Mon intuition est que Le Pen perdrait dans les deux cas, elle suscite trop de rejets.]
Et pas Poutou ? Il ne faut pas confondre l’expression de la bienpensance médiatique avec celle des électeurs. Les journalistes trouvent Poutou « sympa », mais croyez-moi, c’est loin d’être le cas dans l’électorat, et Poutou fait l’objet d’un rejet de l’électorat de droite qui est parfaitement symétrique du rejet de Le Pen à gauche. Quant à Cheminade… je pense que vous méprisez beaucoup les français si vous pensez qu’ils pourraient préférer Cheminade à la présidence de la République.
[Les gens miseraient sur eux et l’espoir de nouvelles élections. Enfin à mon avis, tout ça est très spéculatif.]
Si c’est « spéculatif », vous m’accorderez que votre proposition des résultats projetés du deuxième tour comme critère pour juger si le système majoritaire falsifie ou non la volonté des électeurs est peu sérieux.
[ « Le fait est que les français sont très attachés au vote majoritaire, ce qui semble indiquer que c’est celui qui pour eux a la plus grande légitimité. L’idée qu’ils accepteraient la légitimité de Bayrou pour présider sous prétexte qu’il a été choisi par le « vote de valeur » est un article de foi ». Pas plus que l’idée qu’ils la refuseraient.]
Eh non. Le système majoritaire marche. Il est reconnu comme légitime. Et chaque fois qu’on a cherché à le modifier, les français n’ont pas véritablement suivi. Il a donc une présomption raisonnable en sa faveur…
[Ça indique surtout, à mon avis, ou plutôt ça reflète le fait, qu’ils n’y ont jamais pensé. Ceci dit, quand on les amène à y réfléchir : les expérimentations en bureau de vote ont été bien accueillies, avec plus de la moitié des votants qui ont accepté d’y participer, ce qui témoigne d’un certain intérêt.]
Les français sont curieux… mais de là à penser qu’ils accepteraient un système de ce type, il y a un pas qu’il ne faut pas franchir trop vite.
[Non, pas à des désistements : à voter contre la gauche, ou pour la droite, et sans contrepartie, dans des cas où le FN n’est pas au second tour.]
Ce n’est pas ce que dit l’article en question. Contre certaines personnalités de gauche, pour certains candidats de droite avec contrepartie (une contrepartie payée d’avance, celle d’accepter la possibilité d’alliance avec le FN)…
[Ce n’est pas ce que fait Mélenchon, mais il ne s’agit pas non plus d’un accord politique, bien d’un soutien gratuit.]
Gratuit, mais pas inconditionnel…
[« Pardon ? La seule manière de gagner le deuxième tour de l’élection présidentielle est de faire 50% des exprimés plus un vote, non ? Vous voyez une autre hypothèse ? ». Descartes, les candidats au deuxième tour, par définition n’ont rassemblé au premier qu’une majorité relative. Selon la définition que vous avez donnée, ce n’est donc pas un scrutin majoritaire.]
Non. « Selon la définition que j’ai donné », le scrutin majoritaire est celui où le candidat ne peut être élu que s’il a recueilli, à un moment de la procédure, la moitié plus un des suffrages. C’est le cas dans le système de scrutin retenu pour l’élection du président de la république.
[Le fait que l’un des deux obtienne, par rapport à l’autre et uniquement par rapport à l’autre, une majorité absolue, n’a aucune pertinence ici.]
Bien sur que si. Il exprime le fait que la moitié plus un des électeurs est prête à mettre un bulletin à son nom dans l’urne (et corrélativement, qu’il n’y a pas une majorité d’électeurs pour rejeter absolument son élection).
[« Bien sur que si. La raison est que dans le système français, au premier tour on choisit et au deuxième on élimine ». Ce n’est pas une raison, ça, c’est un slogan. Je pourrais dire aussi bien le contraire, au premier tour on élimine et au deuxième on choisit, ça n’en serait ni moins faux ni moins vrai.]
Bien sur que si. Au premier tour, vous avez le choix entre un grand nombre de candidats, et vous tendez à voter celui qui correspond le mieux à vos opinions. Au deuxième tour, on retrouve deux candidats qui souvent ne peuvent compter à eux deux sur le vote d’adhésion de la moitié des électeurs. Les autres sélectionnent en fait parmi les deux candidats retenus celui qu’ils ne veulent pas voir élu, et votent l’autre.
[« Margaret Thatcher n’aurait jamais réussi à se faire élire avec le système français. Elle aurait réussi à passer le premier tour, mais elle déplaisait à trop de monde pour pouvoir passer le second… ». C’est vous qui le dites.]
Non, c’est l’histoire. Tous les candidats qui se sont présentés avec un profil semblable à celui de Mme Thatcher ont perdu.
[D’après les chiffres que j’ai consultés (*), en période électorale en particulier, elle avait plus d’opinions favorables que défavorables.]
Les opinions ne sont pas des votes. Avant l’élection présidentielle de 1995, Balladur avait presque 60% d’opinions favorables. Cela ne lui a pas porté chance.
[Je répète : contrairement au système actuel, avec le vote de valeur, Mélenchon peut gagner des points sans qu’Hollande n’en perde. Hollande a donc moins à perdre à débattre avec Mélenchon, CQFD.]
Non. Si Mélenchon gagne des votes, qu’Hollande en perde ou pas, le risque existe qu’il finisse par passer derrière Mélenchon. Et les différences étant plus faibles, ce risque est plus réel. Il n’a donc toujours pas intérêt à débattre avec Mélenchon . CQFD]
[Pas d’accord : ce n’est pas l’électeur qui est là pour choisir, c’est l’électorat.]
C’est là notre point de désaccord fondamental. Non, je pense que c’est bien l’électeur qui doit choisir. Le choix de l’électorat n’est que l’agrégation des choix individuels. Demander à l’électeur de choisir est un élément fondamental de la pédagogie électorale. L’idée de demander une « opinion » à l’électeur et ensuite fabriquer un choix à partir de ces opinions me semble profondément contre-productive.
[Bof, si on va par là, je préfère ça à un système qui peut élire un candidat président de la République alors qu’il a une majorité d’électeurs contre lui, et qu’on ne vote pour lui que parce que son adversaire du second tour est encore pire.]
Mais c’est ça, la réalité… que faites vous lorsqu’il n’y a aucune politique qui puisse emporter le soutien d’une majorité de français ? Il faut bien tout de même qu’il y ait un gouvernement et qu’il fasse une politique, non ? Et il est inutile de faire semblant de croire qu’un système électoral quel qu’il soit pourrait fabriquer le miracle de sortir un candidat et une politique « consensuelle »…
[… Descartes, à ce stade je ne sais plus comment vous dire que ce n’est pas le cas. Faut-il vraiment que je vous redonne l’exemple ? Bon, le voici (…)]
Désolé, je n’avais pas bien compris. Merci d’avoir pris le travail de me l’expliquer une nouvelle fois. Effectivement, l’exemple établit la non-monotonie.
Bonjour Descartes,
L’article initial était fort intéressant et, ce qui est loin d’être incompatible, provocateur – sur ce dernier point, vous aviez noté que les réactions dans les commentaires étaient moins outragés que ce a quoi l’on pouvait s’attendre, mais cela ne serait-il pas en partie dû au fait que votre lectorat a déjà eu l’occasion de lire vos positions à plusieurs reprises et que la conclusion du billet ne lui paraisse donc pas si impensable ?
J’en rejoins en tout cas les grandes lignes, à savoir que le Front National devient le parti pour lequel les classes populaires votent, qu’il change (au moins en apparence) et qu’il faut en tenir compte, voir, pourquoi pas, s’allier avec lui – ou, plus encore, soutenir le camp réformateur en son sein. Après avoir lu ce point de vue, toutefois, une question me vient : vous nous avez expliqué pourquoi, selon vous, il faudrait soutenir le "nouveau FN"… mais en définitive, que reste t-il comme arguments pour ne pas le soutenir ? Quelles sont les raisons qui feraient qu’un militant progressiste partageant ces positions devrait se garder d’adhérer au FN et de soutenir Florian Philippot ?
Car on comprend bien à la lecture du billet et des commentaires que vous ne considérez pas le FN comme le possible parti progressiste auquel vous aspirez – et ce n’est pas non plus mon cas. Toutefois, quelles autres possibilités voyez-vous à l’émergence d’un parti défenseur des classes populaires, socialiste et/ou républicain, etc. ? De celles que je peux imaginer, aucune ne me semble crédible :
– L’entrisme dans un parti de gauche : les classes moyennes l’ont certes fait dans les années 70/80, et Philippot semble y parvenir au FN, mais un tel mouvement en faveur des classes populaires (et effectué par qui, avec quels moyens – qui seront vraisemblablement inférieurs à ceux dont disposaient les classes moyennes il y a quarante ans ?) me paraît, à vous lire, presque impossible au PCF et, de ma courte expérience d’adhérent PG, impensable au Parti de Gauche. Le PS, l’extrême-gauche, le centre et la droite n’en parlons même pas…
– Soutenir des partis proche de nos positions, comme Debout la République ou le MRC. Mais ces formations me semblent manquer de "quelque chose" pour entrer en contact avec les classes populaires et prendre une place plus importante sur la scène politique.
– Créer un parti ex-nihilo. Là, il n y aurait pas à s’embarrasser de la résistance des appareils partisans préexistants, mais cela me paraît encore plus difficile à réaliser que les deux autres options.
Bref, les trois voies que je peux envisager pour le mouvement progressiste me semblent impraticables – peut être en oublie-je ? Certes, la politique n’est pas quelque chose de facile. Toutefois, il y a d’un côté ces possibilités à la réussite improbable, et de l’autre un FN déjà existant et qui pourrait devenir une force "progressiste" à l’influence plus certaine que ce que les trois voies pourraient donner – et dans ce cas, pourquoi ne pas le soutenir carrément ?
@dell conagher
[L’article initial était fort intéressant et, ce qui est loin d’être incompatible, provocateur – sur ce dernier point, vous aviez noté que les réactions dans les commentaires étaient moins outragés que ce a quoi l’on pouvait s’attendre, mais cela ne serait-il pas en partie dû au fait que votre lectorat a déjà eu l’occasion de lire vos positions à plusieurs reprises et que la conclusion du billet ne lui paraisse donc pas si impensable ?]
C’est très possible. C’est un peu la difficulté du débat : on attire finalement les gens qui vous ressemblent, et en fin de compte le débat souffre du manque de diversité dans les points de vue. Mais même si les lecteurs du blog ont – à quelques exceptions près – joué le jeu du débat rationnel et sans injures, beaucoup d’interventions sont passionnées et j’ai été surpris agréablement par le nombre et la qualité des commentaires.
[J’en rejoins en tout cas les grandes lignes, à savoir que le Front National devient le parti pour lequel les classes populaires votent, qu’il change (au moins en apparence) et qu’il faut en tenir compte, voir, pourquoi pas, s’allier avec lui – ou, plus encore, soutenir le camp réformateur en son sein.]
En disant cela, vous allez un peu plus loin que moi. Je n’ai jamais dit qu’il faille « s’allier » avec le FN. Je me suis simplement interrogé sur l’attitude que devrait assumer aujourd’hui le camp « progressiste » pour mieux faire avancer ses idées. Je pense qu’il faut aider le « camp réformateur » à l’intérieur du FN, en particulier en acceptant le débat avec lui. Et que sous certaines conditions – par exemple, dans le contexte d’un référendum sur une question précise – un accord tacite ou explicite n’est pas à exclure. Mais je vois mal un tel accord aller jusqu’à une « alliance » en bonne et due forme, étant donnée la distance considérable qui sépare l’univers mental du FN de celui du « progressisme ».
[Après avoir lu ce point de vue, toutefois, une question me vient : vous nous avez expliqué pourquoi, selon vous, il faudrait soutenir le "nouveau FN"… mais en définitive, que reste t-il comme arguments pour ne pas le soutenir ? Quelles sont les raisons qui feraient qu’un militant progressiste partageant ces positions devrait se garder d’adhérer au FN et de soutenir Florian Philippot ?]
Vous y allez un peu vite. Soutenir les « réformateurs » du FN contre les « réacs », oui. Accepter de mettre ses forces en commun pour atteindre certains objectifs précis et partagés, oui. Mais adhérer au FN ? L’adhésion va bien plus loin que le partage de quelques objectifs politiques. L’adhésion implique aussi de partager un univers mental et symbolique. Et il faudrait que beaucoup de choses changent au Front National pour que je puisse me rédoure à recommander aux progressistes une telle extrémité…
Si vous me permettez de continuer le parallèle que je faisais dans mon papier, les communistes et les gaullistes ont passé un accord en 1943 sur des objectifs précis et limités, mais il n’a jamais été question pour les communistes – sauf quelques cas isolés – d’adhérer au parti gaulliste ou vice-versa. Gaullistes et communistes ont conservé – et certains comme Paul Marie de La Gorce l’ont beaucoup regretté – deux univers mentaux différents. Le gaullo-communisme était la constatation d’un certain nombre d’objectifs partagés, il n’a jamais abouti et n’aurait jamais pu aboutir à une fusion.
[Car on comprend bien à la lecture du billet et des commentaires que vous ne considérez pas le FN comme le possible parti progressiste auquel vous aspirez – et ce n’est pas non plus mon cas. Toutefois, quelles autres possibilités voyez-vous à l’émergence d’un parti défenseur des classes populaires, socialiste et/ou républicain, etc. ? De celles que je peux imaginer, aucune ne me semble crédible :]
C’est bien ce qui m’angoisse. Je serais en fait beaucoup plus rassuré s’il y avait à gauche un « parti des classes populaires » qui aurait pu discuter avec le FN d’égal à égal. Vous me direz que si un tel parti existait, le FN n’aurait jamais réussi à attraper le vote populaire, et nous n’en serions pas là. Dans le contexte actuel, effectivement, je ne vois pas apparaître un parti « socialiste/républicain » capable de représenter le vote populaire. C’est pourquoi, en bon pragmatique, je me pose la question de faire du mieux avec ce qu’on a. Et aujourd’hui, on a le Front National.
[Bref, les trois voies que je peux envisager pour le mouvement progressiste me semblent impraticables – peut être en oublie-je ? Certes, la politique n’est pas quelque chose de facile.]
Non. C’est même, j’insiste là-dessus, quelque chose de tragique. Peut-être que, dans le contexte actuel, il n’y a pas grande chose à faire. Certains diront qu’il vaut mieux attendre le moment où l’on pourrait faire quelque chose plutôt que d’aller se compromettre. Je respecte leur point de vue. Mais je commence à me demander si c’est la bonne solution. Comprenez moi bien : je ne prétend pas indiquer la voie à personne. Je ne suis qu’au début d’une réflexion.
[Toutefois, il y a d’un côté ces possibilités à la réussite improbable, et de l’autre un FN déjà existant et qui pourrait devenir une force "progressiste" à l’influence plus certaine que ce que les trois voies pourraient donner – et dans ce cas, pourquoi ne pas le soutenir carrément ?]
Bonne question…
@Dell Conagher
[Toutefois, il y a d’un côté ces possibilités à la réussite improbable, et de l’autre un FN déjà existant et qui pourrait devenir une force "progressiste" à l’influence plus certaine que ce que les trois voies pourraient donner – et dans ce cas, pourquoi ne pas le soutenir carrément ? ]
Influencer le FN serait plus réaliste qu’influencer le PG, qui a au minimum cinq fois moins d’adhérents et est beaucoup plus jeune ? Je trouve ça étonnant comme idée.
Pourquoi ne pas soutenir le FN ? Parce que choisir un parti en fonction de sa dynamique actuelle, de son influence à venir, quelles que soit ses idées, ça a un petit côté « concurence libre et non faussée sur le marché des partis politiques » ? Parce que si votre analyse se révèle erronése, vous aurez aidé un parti d’extrême-droite à arriver au pouvoir ?
@Dell Conagher
@Descartes
L’idée qu’un pouvoir ou un parti réflète son électorat est intéressante, c’est évidemment à prendre en compte. Mais ça ne peut pas être l’UNIQUE déterminant de l’action politique. Il y a aussi l’idéologie, les circonstances, les personnes… et sans doute beaucoup d’autres facteurs auxquels je ne pense pas.
Donc croire qu’un FN porté au pouvoir par les classes populaires se mettrait forcément au service de ces dernières, et dériverait vers un gentil petit gaullisme social, en oubliant ses origines d’extrême-droite, c’est un pari que je trouve pour le moins hasardeux. Je ne dis pas que c’est impossible, mais ce n’est à mon avis pas l’hypothèse la plus probable.
Pour finir, un choix plus raisonnable me paraîtrait d’essayer d’influencer le PG, d’y fédérer un courant autour de ces idées. J’ai bien compris depuis quelques mois que je lis ce blog ce que vous pensez du PG et de l’entourage de Mélenchon, mais :
1) ça m’étonnerait que les choses soient plus faciles à faire bouger au FN, qu’il soit moins personnalisé autour de Marine Le Pen que le PG autour de Mélenchon, et que la démocratie y soit plus réelle
2) en cas d’erreur d’analyse, les conséquences d’un accès au pouvoir du FN me semblent infiniment plus dramatiques (erreur à propos du PG, on aura un PS bis ; erreur à propos du FN, on aura un fascisme bis…)
3) je n’ai pas compté le nombre de déçus du PG passés par les commentaires de ce blog, mais si vous en réunissez ne serait-ce que la moitié ça vous fera un bon début !
@tMn
[L’idée qu’un pouvoir ou un parti réflète son électorat est intéressante, c’est évidemment à prendre en compte. Mais ça ne peut pas être l’UNIQUE déterminant de l’action politique.]
Bien sur que non. Mais en démocratie, il est difficile pour un parti politique de peser en déplaisant à ses militants et à ses électeurs. Quelque soient les convictions personnelles de ses dirigeants, un parti est toujours prisonnier de sa base sociologique, et la direction du parti ne peut l’affronter sans s’auto-détruire. L’histoire du PCF ces vingt ou trente dernières années est un bon exemple.
[Donc croire qu’un FN porté au pouvoir par les classes populaires se mettrait forcément au service de ces dernières, et dériverait vers un gentil petit gaullisme social, en oubliant ses origines d’extrême-droite, c’est un pari que je trouve pour le moins hasardeux.]
Mais imaginons que le FN soit porté au pouvoir par les classes populaires. Penses-tu qu’il serait ensuite en mesure de faire une politique qui irait totalement à l’encontre des intérêts de ses électeurs sans perdre rapidement leur appui et donc la capacité à gouverner ? Si les dirigeants du FN sont un minimum carriéristes, ils chercheront au contraire à caresser leur électorat dans le sens du poil, non ?
[Pour finir, un choix plus raisonnable me paraîtrait d’essayer d’influencer le PG, d’y fédérer un courant autour de ces idées.]
Faisons le même raisonnement : Quelle est à votre avis la composition sociologique de l’électorat de Mélenchon ? Pensez-vous que celui-ci pourrait impunément aller contre les intérêts de ces groupes sociaux sans être laminé électoralement ?
[1) ça m’étonnerait que les choses soient plus faciles à faire bouger au FN, qu’il soit moins personnalisé autour de Marine Le Pen que le PG autour de Mélenchon, et que la démocratie y soit plus réelle]
Ce n’est pas la personnalisation qui est le principal problème. Le problème est qu’alors que le FN capte une fraction croissante de l’électorat populaire, le PG est fermement ancré dans un électorat de classes moyennes. Pour défendre des positions progressistes, le FN n’a qu’à suivre les intérêts de son électorat, alors que le PG doit au contraire l’affronter.
[2) en cas d’erreur d’analyse, les conséquences d’un accès au pouvoir du FN me semblent infiniment plus dramatiques (erreur à propos du PG, on aura un PS bis ; erreur à propos du FN, on aura un fascisme bis…)]
Je n’en suis pas aussi persuadé que toi. Il y a au PG des tendances qui ne sont pas aussi innocentes que celles d’un « PS bis », et je ne suis pas persuadé qu’avec le FN on risquerait d’avoir un « fascisme bis ».
[3) je n’ai pas compté le nombre de déçus du PG passés par les commentaires de ce blog, mais si vous en réunissez ne serait-ce que la moitié ça vous fera un bon début !]
Oh… je n’en ai pas la prétension…
[Bien sur que non. Mais en démocratie, il est difficile pour un parti politique de peser en déplaisant à ses militants et à ses électeurs. Quelque soient les convictions personnelles de ses dirigeants, un parti est toujours prisonnier de sa base sociologique, et la direction du parti ne peut l’affronter sans s’auto-détruire. L’histoire du PCF ces vingt ou trente dernières années est un bon exemple. ]
Et l’histoire du PS de ces trente dernières années n’est elle pas un bon contre-exemple ? Elu par une partie de la classe populaire, composé en partie de militants sincèrement de gauche, une fois au pouvoir, il s’assoit sur tout cela. Déplaire à des militants et électeurs ne semble donc pas si infaisable. On a presque l’impression que ce sont les électeurs qui sont prisonniers des partis plutôt que l’inverse.
[Mais imaginons que le FN soit porté au pouvoir par les classes populaires. Penses-tu qu’il serait ensuite en mesure de faire une politique qui irait totalement à l’encontre des intérêts de ses électeurs sans perdre rapidement leur appui et donc la capacité à gouverner ? Si les dirigeants du FN sont un minimum carriéristes, ils chercheront au contraire à caresser leur électorat dans le sens du poil, non ? ]
Ça fait 30 ans que les gouvernements français font des choses qui vont à l’encontre des intérêts de leurs électeurs ! Une fois élus, ils se comportent en « responsables » comme ils disent, et se contrefoutent de l’intérêt de leur électorat, ou de son appui, qu’ils tentent de reconquérir tous les cinq ans. Rien ne permet de penser que le FN serait très différent.
Mais surtout surtout si, pour « caresser ses électeurs dans le sens du poil », le pouvoir FN décide de mettre les roms et les musulmans dans des camps ? De restreindre la liberté de la presse ? D’interdire l’avortement ? Et (n’ayant finalement pas tant beson que ça des classes populaires pour se maintenir au pouvoir), de ne rien changer de fondamental au plan économique ? Beaux résultats en perspective…
A partir de votre conception du nécessaire soutien d’une base sociologique et du carriérisme des élus, vous envisagez quand même éventuellement de consacrer de l’énergie à soutenir un parti qui a accumulé les déclarations racistes, qui est en partie composé de fachos bon teint… j’avoue que ça me laisse un peu pantois. Justifier cela par l’exemple de l’union contre-nature entre gaullistes et communistes, qui elle était dirigée contre le nazisme, c’est quand même… curieux.
[Faisons le même raisonnement : Quelle est à votre avis la composition sociologique de l’électorat de Mélenchon ? Pensez-vous que celui-ci pourrait impunément aller contre les intérêts de ces groupes sociaux sans être laminé électoralement ? ]
Tout ça est un peu « au jugé », à part quelques sondages qui valent ce qu’ils valent, j’avoue ne pas avoir beaucoup d’informations sur la composition de l’électorat de Mélenchon.
A mon avis cet électorat est essentiellement constitué de membres de la classe populaire (qui ne votent pas toujours FN faut pas exagérer) et de la classe moyenne. Pour ces derniers je pense en effet qu’une partie (mais une partie seulement) « joue à être de gauche » et cesserait tout simplement de voter Mélenchon si ce dernier était susceptible d’être élu ; mais l’autre partie est à mon avis constituée de gens qui sont prêts à perdre un peu (au plan matériel) pour vivre dans un monde plus juste… (quelle anomalie en 2013 de penser à autre chose qu’à ses propres biens, je vous l’accorde !).
Donc un PG/FdG protectionniste et anti-libéral pourrait être lâché par une partie des classes moyennes, mais il regagnerait largement ces voix par ailleurs. D’ailleurs je pense que les positions actuelles du PG/FdG (faire un ‘euro sympa’, faire un ‘protectionnisme gentil’…) évoluent (trop lentement mais bon), et que le problème est plus dans la tête de ses dirigeants que dans une envie de suivre sa « base sociologique ».
[Ce n’est pas la personnalisation qui est le principal problème. Le problème est qu’alors que le FN capte une fraction croissante de l’électorat populaire, le PG est fermement ancré dans un électorat de classes moyennes. Pour défendre des positions progressistes, le FN n’a qu’à suivre les intérêts de son électorat, alors que le PG doit au contraire l’affronter. ]
Je réécris un peu la même chose que précedemment, mais on dirait un peu que vous choisisez un parti « parce qu’il monte », sans tenir compte de ses idées.
Par ailleurs ne croyez vous pas qu’il existe un « plafond » aux scores du FN ? Et que (comme je l’évoque pour le PG/FdG) nombre d’électeurs qui votent « anti-système » pourraient se ressaisir et cesser de voter FN s’il devenait crédible qu’il arrive au pouvoir ?
[Je n’en suis pas aussi persuadé que toi. Il y a au PG des tendances qui ne sont pas aussi innocentes que celles d’un « PS bis », et je ne suis pas persuadé qu’avec le FN on risquerait d’avoir un « fascisme bis ». ]
Ah c’est sûr avec le FN on est pas sûr d’avoir un fascisme bis, d’ailleurs on est jamais sûr de rien… mais bon dans ce cas en votant Bayrou on peut aussi espérer avoir un homme providentiel, qui devienne anti-libéral et protectionniste, sait-on jamais ?
Sur le PG vous en dites trop ou pas assez… de quelles «tendances » du PG parlez-vous là ? Vous avez peur que des khmers écosocalistes viennent s’assurer les armes à la main que vous éteignez bien l’eau du robinet en vous brossant les dents ?
@tMn
[Et l’histoire du PS de ces trente dernières années n’est elle pas un bon contre-exemple ? Elu par une partie de la classe populaire, composé en partie de militants sincèrement de gauche, une fois au pouvoir, il s’assoit sur tout cela.]
Pas du tout : élu par une partie des classes populaires et par les classes moyennes, il est obligé dans l’exercice du pouvoir de choisir entre les intérêts opposés de ces deux groupes sociaux. Il choisit de servir les intérêts du groupe le plus lourd politiquement, celui des classes moyennes, et laisse tomber les couches populaires, ce qui lui permet de revenir régulièrement au pouvoir, ce qui lui aurait été impossible s’il avait fait le choix inverse. L’histoire du PS est au contraire une excellente illustration de mon raisonnement : un parti politique suit sa base sociologique, et lorsque celle-ci est divisée, suit la partie de sa base qui est la plus forte.
[Ça fait 30 ans que les gouvernements français font des choses qui vont à l’encontre des intérêts de leurs électeurs !]
Mais… qu’est ce qui te fait penser cela ? Au contraire, je trouve que depuis 30 ans les gouvernements ont assez bien servi les intérêts de leurs électeurs. La meilleure preuve est que les électeurs ont reconduit systématiquement les mêmes politiques, même s’ils n’ont pas reconduit les mêmes hommes pour se donner l’illusion du changement.
[Mais surtout surtout si, pour « caresser ses électeurs dans le sens du poil », le pouvoir FN décide de mettre les roms et les musulmans dans des camps ? De restreindre la liberté de la presse ? D’interdire l’avortement ? Et (n’ayant finalement pas tant beson que ça des classes populaires pour se maintenir au pouvoir), de ne rien changer de fondamental au plan économique ? Beaux résultats en perspective…]
Je doute fort que l’électorat populaire du Front National soit par exemple prêt à soutenir l’interdiction de l’avortement. Et tu remarqueras d’ailleurs que le « nouveau » Front National est très raisonnable sur cette question. Je ne pense pas non plus qu’ils accepteraient une restriction de la liberté de la presse ou de mettre les musulmans dans des camps, notamment parce qu’il y a pas mal de musulmans des classes populaires qui votent aujourd’hui Front National…
[A partir de votre conception du nécessaire soutien d’une base sociologique et du carriérisme des élus, vous envisagez quand même éventuellement de consacrer de l’énergie à soutenir un parti qui a accumulé les déclarations racistes, qui est en partie composé de fachos bon teint…]
Je vous recommande encore une fois de relire les déclarations des gaullistes qui entouraient De Gaulle à Londres. Vous trouverez des antisémites comme Cordier, des intégristes catholiques… pensez-vous que les communistes aient eu tort de « soutenir » cette engeance ?
[j’avoue que ça me laisse un peu pantois. Justifier cela par l’exemple de l’union contre-nature entre gaullistes et communistes, qui elle était dirigée contre le nazisme, c’est quand même… curieux.]
Non. L’union entre gaullistes et communistes était dirigée contre une armée d’occupation. Je me demande si la confiscation de la souveraineté nationale organisée par l’UE ne justifie pas, elle aussi, une « union sacrée ».
[Tout ça est un peu « au jugé », à part quelques sondages qui valent ce qu’ils valent, j’avoue ne pas avoir beaucoup d’informations sur la composition de l’électorat de Mélenchon.
A mon avis cet électorat est essentiellement constitué de membres de la classe populaire (qui ne votent pas toujours FN faut pas exagérer) et de la classe moyenne.]
En fait, très peu d’électeurs populaires ont voté Mélenchon. Son électorat est essentiellement celui des classes moyennes éduquées.
[Donc un PG/FdG protectionniste et anti-libéral pourrait être lâché par une partie des classes moyennes, mais il regagnerait largement ces voix par ailleurs. D’ailleurs je pense que les positions actuelles du PG/FdG (faire un ‘euro sympa’, faire un ‘protectionnisme gentil’…) évoluent (trop lentement mais bon), et que le problème est plus dans la tête de ses dirigeants que dans une envie de suivre sa « base sociologique ».]
Et bien, nous différons sur ce point. Je pense au contraire que la direction du PG/FdG a bien compris que donner un coup de pied, même gentil, dans le fétiche européen revient à se mettre les classes moyennes à dos. Par ailleurs, les dirigeants du PG/FdG sont eux-mêmes issus des classes moyennes. Pourquoi iraient-ils contre leurs propres intérêts ?
[ mais on dirait un peu que vous choisisez un parti « parce qu’il monte », sans tenir compte de ses idées.]
Non. La meilleure preuve est que j’ai suivi longtemps le PCF, alors qu’il descendait… seulement, je pense qu’il n’y a pas de politique progressiste possible sans avoir dans son camp une organisation capable de représenter le vote populaire. Et aujourd’hui, personne à gauche ne semble capable de remplir ce rôle.
[Par ailleurs ne croyez vous pas qu’il existe un « plafond » aux scores du FN ? Et que (comme je l’évoque pour le PG/FdG) nombre d’électeurs qui votent « anti-système » pourraient se ressaisir et cesser de voter FN s’il devenait crédible qu’il arrive au pouvoir ?]
Si le FN reste ce qu’il est, il y a certainement un « plafond ». Mais que se passera-t-il s’il change ? C’est justement ce changement qu’il me paraît intéressant d’observer.
[Sur le PG vous en dites trop ou pas assez… de quelles «tendances » du PG parlez-vous là ? Vous avez peur que des khmers écosocalistes viennent s’assurer les armes à la main que vous éteignez bien l’eau du robinet en vous brossant les dents ?]
Je vous recommande la lecture d’un texte de Alain Badiou dont le titre est « Kampuchéa Vaincra ». Vous le trouverez sur le net.
Bonjour Descartes,
Je m’étais juré de ne pas rentrer à nouveau dans ce débat, mais c’est plus fort que moi car, malgré les nombreux éclaircissements que vous avez apportés par le biais des réponses faites aux commentaires réalisés, plusieurs points me turlupinent encore.
1. Il me semble que votre papier initial était bien plus "flou" (peut-être à dessein afin de favoriser le "débat") que ce que vous décrivez ici quant aux modalités d’interactions avec le FN. En ce qui me concerne, je l’ai pris comme une réflexion à haute voix sur l’opportunité du vote et même d’une adhésion au FN. Je note d’ailleurs qu’un grand nombre des commentateurs l’a pris comme tel, probablement parce que votre texte s’y prêtait (référence aux "militants de la gauche jacobine" qui pourraient être "séduits" et "transformer le parti" de l’intérieur ou encore au "parti creuset"), mais aussi et surtout parce que sont les seules options qui soient offertes aux individus que nous sommes. Le Tartempion "progressiste", "social/républicain", ou quel que nom qui lui soit donné, ne peut pas "dans le contexte d’un référendum sur une question précise, passer un accord tacite ou explicite avec le FN". La seule chose qui lui soit permise, c’est de voter FN ou d’y adhérer; ce qui, comme vous l’avez vous-même indiqué, est quand même autre chose. Peut-être que si vous aviez précisé un peu plus votre pensée, vous auriez évité quelques échanges pénibles et parfois contreproductifs avec vent2sable ou moi-même.
2. D’une manière générale, ce que je ne suis pas sûr de bien comprendre dans votre papier c’est : pourquoi? et pour quoi faire? En ce qui concerne le pourquoi, la pierre angulaire de votre réponse est apparemment: "parce que c’est le parti qui recueille le plus de vote populaire". N’étant pas marxiste, cette réponse ne m’est pas naturelle, mais je pense pouvoir en comprendre les ressorts. Elle comporte néanmoins deux présupposés qui, selon moi, sont loin d’être vérifiés. Le premier est que les classes populaires votent toujours pour le parti qui représente le mieux leur intérêt ; le second est que le FN représente bien la majorité des aspirations populaires.
3. En ce qui concerne le premier point, une très longue tradition marxiste ou marxisante tend à montrer que ce n’est pas le cas, en raison notamment de "l’hégémonie culturelle" dont bénéficieraient les classes dominantes et qui détournerait le vote populaire de son chemin naturel. Plus prosaïquement, de nombreux économistes et sociologues se sont interrogées sur les raisons qui ont poussées, au cours des 30 dernières années, les classes populaires des pays anglo-saxons à favoriser des politiques fiscales d’allègement d’impôts qui accroissaient de fait les inégalités plutôt que de les réduire. En France, ce phénomène a été moins marqué, à la fois en ce qui concerne la conversion des classes populaires à l’idéologie libérale et la réalité de l’accroissement des inégalités. Néanmoins, le vote massif des milieux populaires pour Sarkozy en 2007 et son "travailler plus pour gagner plus" dont le contrepoint fiscal a été le bouclier fiscal, la baisse des droits de succession et l’aménagement, à la baisse, de l’ISF, illustre que, bien que tardive, cette conversion s’est également réalisée ; et à leur détriment. En effet, la présidence Sarkozy s’est distinguée, sur la base des chiffres dont nous disposons par un fort accroissement des inégalités: les revenus des plus pauvres baissant en 2009 et 2010 de plus d’1% par an tandis que les revenus des classes supérieures augmentait de près d’1% par an sur la même période. Par contraste, lors de la crise de 2002, les revenus des classes populaires étaient restés stables sur les 2 années suivantes tandis que ceux des classes supérieures baissaient de près d’1.5% par an. Pour les classes populaires, le vote Sarkozy s’est donc avéré être une "erreur" assez cuisante ; je ne vois pourquoi cela ne pourrait pas être également le cas du vote FN.
4. Le 2ème présupposé qui me semble contestable dans votre raisonnement est celui qui stipule que le FN représente réellement les aspirations de la majorité des classes populaires. Après tout, en Seine Saint-Denis, qui est quand même le département le plus pauvre de France MLP a fait, au 1er tour de la présidentielle de 2012 un score très nettement inférieur à sa moyenne nationale tandis FH et JLM ont tous deux bénéficié d’un score très sensiblement supérieur à leur moyenne nationale. Dans ce département, il n’y a clairement pas eu adéquation entre vote des classes populaires et vote FN et vous comme moi voyons clairement pourquoi : immigrés et descendants d’immigrés y sont très largement majoritaires. En utilisant les données publiées par l’INSEE, il me paraît très difficile de nier qu’immigrés et descendants d’immigrés représentent une frange très significative des classes populaires. Ainsi, le niveau de vie médians de immigrés et des enfants d’immigrés était en 2009 de 15 000 euro, ce qui correspond au 3ème décile des niveaux de vie de la population en général, impliquant que près de 40% de la population française située dans les 3 premiers déciles de revenus sont soit immigrés soit descendant d’immigrés. En utilisant les mêmes données, on arrive à un chiffre supérieur à 50% pour la population située dans le 1er décile de revenus.
5. Ceci m’amène à une autre interprétation du vote FN parmi les "classes populaires" et qui est une prolongation de votre métaphore du crocodile mais non plus entre les classes populaires et les classes moyennes mais au sein des classes populaires elles-mêmes : entre celles qui sont dans le premier décile de niveau de vie et vivent très largement des transferts sociaux et celles qui se situent au dessus et en bénéficient moins. C’est la théorie de "l’aversion pour la dernière place" qui, dans les pays anglo-saxons, a été utilisée, avec les oppositions "raciales", pour expliquer le rejet par de franges importantes des classes populaires des politiques redistributives. Dans ce cadre, plutôt qu’à l’expression de la frange la plus politisée des classes populaires (ce qui est implicitement votre raisonnement quand vous balayez le thème "abstention, premier parti chez les classes populaires"), le vote FN ressemblerait à un instrument de lutte fratricide au sein des classes populaires entre les plus pauvres (qualifiés "d’assistés") et les autres. Ceci est d’ailleurs corroboré par les études réalisées sur les quartiers périurbains au sein desquels le vote FN s’est considérablement développé au cours des dernières années et dont vous trouverez un exemple assez instructif sur le lien suivant: http://www.metropolitiques.eu/Les-votes-a-droite-en-periurbain.html.
6. Ce qui nous ramène à la question du "travailler avec le FN mais pour quoi faire" ? Si c’est pour favoriser la lutte pour éviter la dernière place au sein des classes populaires, ce n’est peut-être pas une bonne idée pour les "progressistes". S’il s’agit de favoriser la sortie de l’euro, condition sine qua non, selon vous, pour relancer la machine pourquoi pas. Mais encore faut-il le dire.
@odp
[Je m’étais juré de ne pas rentrer à nouveau dans ce débat, mais c’est plus fort que moi]
Vous avez raison de violer vos serments. Pourquoi se refuser un plaisir ? Je dois dire que cette déclaration est l’un des plus beaux compliments qu’on m’ait jamais fait…
[1. Il me semble que votre papier initial était bien plus "flou" (peut-être à dessein afin de favoriser le "débat") que ce que vous décrivez ici quant aux modalités d’interactions avec le FN.]
Peut-être aussi parce qu’au fur et à mesure que la discussion avançait ma position a légèrement changé. Vous savez, j’écoute beaucoup plus les autres que vous ne semblez le croire.
[ Elle comporte néanmoins deux présupposés qui, selon moi, sont loin d’être vérifiés. Le premier est que les classes populaires votent toujours pour le parti qui représente le mieux leur intérêt ; le second est que le FN représente bien la majorité des aspirations populaires.]
Je ne présuppose pas que les classes populaires votent « toujours » pour le parti que représente le mieux leurs intérêts. Je me contente de considérer que a) les électeurs ne sont pas idiots, b) ils choisissent leur vote en fonction de leurs intérêts et c) s’ils se trompent, ils apprennent de leurs erreurs et changent leurs votes. Or, qu’est ce que je constate ? Que le vote populaire se tourne depuis une dizaine d’années vers le FN d’une manière constante. J’en déduis que ce n’est pas un vote d’humeur, mais un vote réfléchi. Cela n’implique pas, bien entendu, que le FN porte leurs idées. On peut aussi penser qu’ils considèrent qu’en votant FN ils exercent une pression sur les partis du « système » pour que ceux-ci soient plus attentifs à leurs intérêts. Cela étant dit, les études d’opinion montrent qu’au vote protestataire succède un véritable « vote d’adhésion ».
[3. En ce qui concerne le premier point, une très longue tradition marxiste ou marxisante tend à montrer que ce n’est pas le cas, en raison notamment de "l’hégémonie culturelle" dont bénéficieraient les classes dominantes et qui détournerait le vote populaire de son chemin naturel.]
Je ne suis pas très convaincu par les arguments de cette branche du marxisme, je dois dire. Entre autres choses, parce que la conséquence évidente de ce raisonnement est qu’il faut faire le bonheur des gens malgré eux, puisque de toute manière ils sont incapables, les pauvres, de faire des choix rationnels…
[Plus prosaïquement, de nombreux économistes et sociologues se sont interrogées sur les raisons qui ont poussées, au cours des 30 dernières années, les classes populaires des pays anglo-saxons à favoriser des politiques fiscales d’allègement d’impôts qui accroissaient de fait les inégalités plutôt que de les réduire.]
Peut-être parce qu’ils n’avaient pas le choix. Quelque soit leur vote, les politiques mises en œuvre étaient les mêmes. Il est donc difficile de savoir exactement le genre de politiques que les couches populaires auraient favorisé si elles avaient eu véritablement le choix.
[Néanmoins, le vote massif des milieux populaires pour Sarkozy en 2007 et son "travailler plus pour gagner plus" dont le contrepoint fiscal a été le bouclier fiscal, la baisse des droits de succession et l’aménagement, à la baisse, de l’ISF, illustre que, bien que tardive, cette conversion s’est également réalisée ; et à leur détriment.]
Ah bon ? Pensez-vous vraiment qu’ils auraient été mieux lotis en votant pour Ségolène Royal ? Je pense que la politique du gouvernement actuel fournit une réponse négative à cette question. Je pense, au contraire de vous, qu’en votant Sarkozy les couches populaires ont voté le moins mauvais, et que c’était au contraire un choix très rationnel.
[4. Le 2ème présupposé qui me semble contestable dans votre raisonnement est celui qui stipule que le FN représente réellement les aspirations de la majorité des classes populaires. Après tout, en Seine Saint-Denis, qui est quand même le département le plus pauvre de France MLP a fait, au 1er tour de la présidentielle de 2012 un score très nettement inférieur à sa moyenne nationale tandis FH et JLM ont tous deux bénéficié d’un score très sensiblement supérieur à leur moyenne nationale.]
Ne faites pas l’ingénu… vous savez qu’au-delà des intérêts, l’histoire a elle aussi un certain poids. La Seine Saint-Denis, avec une population issue de l’immigration parmi les plus fortes de France est probablement bien plus sensible à l’effet repoussoir du Front National qu’à des considérations programmatiques. Il n’empêche que même en Seine Saint-Denis le vote FN progresse.
[En utilisant les données publiées par l’INSEE, il me paraît très difficile de nier qu’immigrés et descendants d’immigrés représentent une frange très significative des classes populaires. Ainsi, le niveau de vie médians de immigrés et des enfants d’immigrés était en 2009 de 15 000 euro, ce qui correspond au 3ème décile des niveaux de vie de la population en général, impliquant que près de 40% de la population française située dans les 3 premiers déciles de revenus sont soit immigrés soit descendant d’immigrés. En utilisant les mêmes données, on arrive à un chiffre supérieur à 50% pour la population située dans le 1er décile de revenus.]
Certes. Et alors ? Le résultat du FN dans les couches populaires est donc d’autant plus remarquable, puisque ce résultat nécessite de vaincre l’effet repoussoir que le FN exerce en matière d’immigration.
[5. Ceci m’amène à une autre interprétation du vote FN parmi les "classes populaires" et qui est une prolongation de votre métaphore du crocodile mais non plus entre les classes populaires et les classes moyennes mais au sein des classes populaires elles-mêmes : entre celles qui sont dans le premier décile de niveau de vie et vivent très largement des transferts sociaux et celles qui se situent au dessus et en bénéficient moins. C’est la théorie de "l’aversion pour la dernière place" qui, dans les pays anglo-saxons, a été utilisée, avec les oppositions "raciales", pour expliquer le rejet par de franges importantes des classes populaires des politiques redistributives.]
Sauf que, dans la métaphore du crocodile, les couches moyennes votaient pour des politiques qui leur profitaient au détriment des autres. Les propositions économiques du Front National, telles que la sortie de l’Euro, seraient au contraire plus bénéfiques à ceux qui sont les plus pauvres…
Je ne vois nulle part ce « rejet des politiques redistributives par les couches populaires ». Pourriezè-vous donner un exemple ? Je pense que vous confondez ici une politique redistributive avec une politique d’assistanat. Ce n’est pas la même chose. Que les couches populaires rejettent le parasitisme d’un certain lumpen-prolétariat qui refuse toute participation à l’effort commun, c’est une constante historique et Marx lui-même l’avait noté. Mais cela n’implique nullement que l’on rejette toute politique redistributive. Que je sache, le FN n’a jamais proposé de supprimer la sécurité sociale ou les HLM.
Pour être tout à fait exact concernant le virage économique du Front national, il faut rendre à César ce qui est à César :c’est alain soral qui lors de son court passage avait convaincu les dirigeants du parti d’amorcer un repositionnement dirigiste/colbertiste dans le domaine économique et de moins écouter les thèses du Club de l’Horloge sur ce sujet.L’émergence d’un Philippot s’explique bien plus comme étant l’effet collatéral de cette évolution que comme celui de l’artisan ou du théoricien de celui ci, même si c’est lui qui a convaincu le pen fille de tenir un discours favorable aux fonctionnaires et de ne rien lâcher sur l’euro.
Je ne crois pas qu’Alain Soral ait eu autant d’influence, particulièrement sur les questions économiques. Je pense que Philippot, qui a une véritable culture administrative et économique, a eu plus d’importance dans l’évolution du FN que vous ne le créditez.
Bonjour Descartes,
> Je songeais à des exemples étrangers, qui je pense ne vous diront rien. Le cas de Rodolfo Ghioldi ou de Oscar Alende en Argentine, par exemple. En France cela ne s’est jamais produit… peut être grâce au scrutin majoritaire ?
Les noms ne me disaient rien, en effet, mais internet sait tout… ou presque. Et il me semble difficile de qualifier la candidature d’Oscar Alende de confidentielle. S’il n’a fait que 2 et quelques pour cent en 83, il avait quand même obtenu le score honorable de 7,4% à la présidentielle de 73, et il a été en outre gouverneur de la province de Buenos Aires, et plusieurs fois député. Pas vraiment un inconnu, donc. Quant à Ghioldi, s’il n’a pas atteint cette notoriété, j’ai du mal à voir comment le scrutin à la française aurait pu l’aider : à la présidentielle de 51 où il a fait moins d’1%, Péron a fait 69% et il n’y aurait pas eu de second tour. D’ailleurs, le système argentin est très proche du système français, puisqu’il prévoit également un second tour… La différence étant qu’il suffit de passer les 45% pour être élu dès le premier.
> En même temps, un candidat auquel le scrutin actuel confère de la visibilité peut se retrouver beaucoup moins bien classé (le cas de Le Pen dans votre expérience). Peut-être c’est ce qui serait arrivé au mien ?
Non. Enfin, oui et non. Si on raisonne en terme de classement, c’est possible, quoique peu probable pour un petit candidat. Si on raisonne en terme de nombre de voix, c’est pratiquement impossible qu’un petit candidat en perde, dans la mesure où ceux qui ont voté pour lui peuvent toujours le faire. Les seuls candidats susceptibles de perdre des voix seraient des candidats qui bénéficieraient d’un effet vote utile — dans l’expérience du Vote de Valeur, Hollande et Sarkozy, et dans une moindre mesure Le Pen sont les seuls qui ont eu moins de +2 que de voix au premier tour.
> Encore une fois, si le mode de scrutin bénéficie certains et punit d’autres, vous ne pouvez pas garantir qu’il bénéficiera les « bons » et punira les « mauvais ».
Si, je le peux. Cf. la monotonicité : si un candidat qui s’améliore peut, parce qu’il s’améliore, perdre l’élection dans le système actuel, un système « monotone » offre la garantie qu’un candidat qui s’améliore n’est pas désavantagé. C’est un des grands avantages de ces systèmes.
> Vous avez raison. La question est : faut-il combattre le « vote utile » ? Personnellement, je ne suis pas persuadé. La politique dans une démocratie moderne et complexe nécessite forcément des compromis. Le candidat qu’on élit doit être non seulement celui dont le programme et la personnalité plaisent au plus grand nombre, mais celui qui peut obtenir l’appui même de ceux qui à priori ne sont pas d’accord avec lui et lui préféreraient un autre candidat. C’est à mon sens la plus grande force de notre mode de scrutin actuel : il oblige l’électeur à se coltiner les réalités du monde politique. Et c’est la plus grande critique qu’on peut faire à mon sens au « vote de valeur » : celle d’occulter le fait que seul un candidat sera élu, et que ce candidat doit pouvoir compter sur une majorité derrière lui. Le « vote de valeur » (contrairement au vote hiérarchisé ou au scrutin majoritaire à deux tours) n’oblige pas l’électeur à choisir…
Pas d’accord. D’une part, si le candidat élu devrait « pouvoir compter sur une majorité derrière lui » , c’est loin d’être toujours le cas — sinon on n’aurait jamais besoin de deuxième tour. Le vote de valeur le montre bien — on peut facilement voir comment le candidat qui arrive en tête a été jugé, et au contraire le système actuel l’occulte, le second tour donnant l’illusion que le candidat est élu avec la majorité des électeurs derrière lui — alors que la majorité peut simplement être contre son adversaire, cf le fameux slogan, et leur préférer un troisième à tous les deux, cf. Condorcet. D’autre part, je suis content de vous voir souligner que « La politique dans une démocratie moderne et complexe nécessite forcément des compromis », puisque c’est précisément l’idée du vote de valeur que de préférer un candidat capable de rassembler sur un compromis la majorité des votants à un candidat plus clivant, qui suscite peut-être un plus grand enthousiasme dans une partie de la population, mais qui est aussi plus fortement rejeté. Bref, les deux critères que vous mettez en avant ici favorisent nettement le vote de valeur par rapport au système actuel.
> Je ne vois pas trop la différence entre un système hiérarchique où l’on peut classer les candidats à égalité et le « vote de valeur ».
Moi non plus, c’est ce que je voulais dire.
> On peut imaginer des distributions des poids différentes (par exemple, donner un poids beaucoup plus important au « premier choix » qu’au second).
Oui, mais alors on se rapproche d’un système uninominal à un tour.
[De toute façon je ne vois pas bien en quoi « concours de beauté » est une critique. C’est toujours mieux que « concours de celui qui a la plus grosse », non ?]
> Pas forcément. Je pense que l’élection a une fonction pédagogique essentielle. En ce sens, il faut qu’elle mette l’électeur devant les « dilemmes » qui sont inhérents au processus politique. L’électeur doit être confronté au fait qu’un seul candidat peut gagner l’élection, qu’il ne suffit pas d’élire le « meilleur » candidat, encore faut-il qu’il ait le soutien nécessaire pour pouvoir gouverner, qu’on ne peut pas toujours avoir tout ce qu’on veut et qu’il faut par conséquent passer des compromis et accepter des choses qu’on ne veut pas pour pouvoir avoir certaines de celles qu’on veut. Le scrutin majoritaire à deux tours a cet énorme avantage : il met l’électeur dans la situation d’arbitrer un conflit politique. Le problème du « vote de valeur » est qu’il n’a pas ce côté pédagogique : on demande à l’électeur de « mettre une note » aux candidats, et ensuite d’un processus compliqué sortira comme d’un chapeau le candidat « mieux noté ». On ne demande pas à l’électeur de trancher une situation politique, mais d’exprimer un jugement de valeur.
Donc si je vous suis, l’avantage du système actuel, c’est qu’on demande à l’électeur de trancher une situation politique qu’il ne lui appartient pas de trancher (c’esten dernier resort le corps électoral qui est censé décider) en le confrontant à un choix complexe et parfois pénible, où son geste sera difficile à interpréter et peut même désavantager le candidat qu’il choisit (cf. la non-monotonicité). Franchement j’ai du mal à voir le bon côté de la chose.
[Avant de parler de Cheminade et Poutou, je me permet encore de souligner que de ce point de vue, le mode de scrutin actuel avantage déjà clairement Le Pen par rapport à Bayrou.]
> Mais j’attire votre attention sur le fait que cet « avantage » résulte du fait qu’une partie importante de l’électorat souhaite exprimer son rejet du « système ». Avec le « vote de valeur », cette expression serait noyée par la détestation dont fait l’objet la candidate du FN et n’est nullement lisible.
Pourquoi noyée ? Non, pas du tout, les résultats sont très lisibles sur le graphique, où l’on peut voir que 14% environ des électeurs lui ont mis la note maximale, ce qui en terme des notes maximales uniquement la place en quatrième position.
[Quant à d’hypothétiques duels Cheminade-Le Pen ou Le Pen-Poutou… Honnêtement je ne sais pas qui pourrait l’emporter, je pense que le résultat pourrait être assez serré. Mon intuition est que Le Pen perdrait dans les deux cas, elle suscite trop de rejets.]
Et pas Poutou ? Il ne faut pas confondre l’expression de la bienpensance médiatique avec celle des électeurs. Les journalistes trouvent Poutou « sympa », mais croyez-moi, c’est loin d’être le cas dans l’électorat, et Poutou fait l’objet d’un rejet de l’électorat de droite qui est parfaitement symétrique du rejet de Le Pen à gauche. Quant à Cheminade… je pense que vous méprisez beaucoup les français si vous pensez qu’ils pourraient préférer Cheminade à la présidence de la République.
Face à Le Pen ? J’ai plutôt l’impression de leur faire une faveur. Mais quoi qu’il en soit et comme pour Poutou, si le rejet de l’un par la droite est symétrique au rejet de l’autre par la gauche, alors on doit être à peu près à égalité, et il devient difficile de prédire lequel l’emporterait. C’est exactement le raisonnement que j’avais suivi pour dire que le résultat serait serré.
[Les gens miseraient sur eux et l’espoir de nouvelles élections. Enfin à mon avis, tout ça est très spéculatif.]
Si c’est « spéculatif », vous m’accorderez que votre proposition des résultats projetés du deuxième tour comme critère pour juger si le système majoritaire falsifie ou non la volonté des électeurs est peu sérieux.
Non, je ne vous l’accorde pas. Si une partie des cas est difficile à trancher, d’autres sont très clairs (Bayrou-Le Pen, encore une fois) et clairement en défaveur du système actuel.
[ « Le fait est que les français sont très attachés au vote majoritaire, ce qui semble indiquer que c’est celui qui pour eux a la plus grande légitimité. L’idée qu’ils accepteraient la légitimité de Bayrou pour présider sous prétexte qu’il a été choisi par le « vote de valeur » est un article de foi ». Pas plus que l’idée qu’ils la refuseraient.]
> Eh non. Le système majoritaire marche. Il est reconnu comme légitime. Et chaque fois qu’on a cherché à le modifier, les français n’ont pas véritablement suivi. Il a donc une présomption raisonnable en sa faveur…
Non, non, il ne marche pas, et il n’est reconnu comme légitime que par les gens qui ne se posent pas sérieusement la question. Et ce n’est faire injure à personne que de penser que c’est une minorité : regarder le temps qu’il vous a fallu pour admettre la non-monotonicité ! Le même genre de raisonnement montre que dans certaines configurations un électeur, pour faire gagner son candidat, peut avoir intérêt à ne pas voter, ou à voter pour un candidat qu’il souhaite voir perdre. Il ne s’agit donc pas de « présomption raisonable », mais de critères objectifs, et selon ces critères le système actuel est clairement un des plus mauvais.
> Les français sont curieux… mais de là à penser qu’ils accepteraient un système de ce type, il y a un pas qu’il ne faut pas franchir trop vite.
Ah ça… Pas trop vite, hein, c’est certain.
> Ce n’est pas ce que dit l’article en question. Contre certaines personnalités de gauche, pour certains candidats de droite avec contrepartie (une contrepartie payée d’avance, celle d’accepter la possibilité d’alliance avec le FN)…
Autrement dit, malgré sa posture le FN serait favorable à une alliance avec la droite, CQFD.
> Non. « Selon la définition que j’ai donné », le scrutin majoritaire est celui où le candidat ne peut être élu que s’il a recueilli, à un moment de la procédure, la moitié plus un des suffrages. C’est le cas dans le système de scrutin retenu pour l’élection du président de la république.
Descartes, vous aviez défini le scrutin uninominal majoritaire à un tour en prenant comme exemple « celui utilisé pour l’élection du président de la République sous la IVème », où il faut obligatoirement emporter la majorité absolue sinon un nouveau scrutin est organisé. Ce n’est pas du tout le cas avec le système actuel. C’est le cas certes du second tour, mais d’une part c’est presque nécessairement le cas quand il n’y a que deux candidats (la seule alternative étant l’égalité parfaite, très improbable), d’autre par les candidats qui sont au second tour, par définition, n’ont pas obtenu la majorité au premier, et cette sélection non majoritaire suffit à rendre le système non-majoritaire selon votre définition initiale. En outre, s’il suffit de recueillir, « à un moment de la procédure, la moitié plus un des suffrages », alors il suffit de rajouter à n’importe quel mode de scrutin un second tour pour avoir un scrutin majoritaire. On peut décider que les deux candidats présents au second tour seront ceux qui ont obtenu le moins de voix au premier, et élire celui des deux qui obtient le plus de voix au second, et ça serait un scrutin majoritaire selon votre deuxième définition, puisque l’élu aura réussi à recueillir, « à un moment de la procédure, la moitié plus un des suffrages ». Ça me paraît difficile à tenir, comme position…
> Bien sur que si. Il exprime le fait que la moitié plus un des électeurs est prête à mettre un bulletin à son nom dans l’urne (et corrélativement, qu’il n’y a pas une majorité d’électeurs pour rejeter absolument son élection).
Mais cette propriété est vraie pour pratiquement tous les candidats (sauf un, s’il existe un perdant de Condorcet) selon l’adversaire qu’on leur donne. On peut mettre n’importe qui au deuxième tour, il y en aura forcément l’un des deux qui obtiendra la majorité (la seule exception serait l’égalité parfaite, peu probable). Donc ça n’est pas pertinent pour garantir que le gagnant a bien la majorité absolue sur tous les autres comme le veut votre (première) définition d’un scrutin majoritaire.
> Bien sur que si. Au premier tour, vous avez le choix entre un grand nombre de candidats, et vous tendez à voter celui qui correspond le mieux à vos opinions. Au deuxième tour, on retrouve deux candidats qui souvent ne peuvent compter à eux deux sur le vote d’adhésion de la moitié des électeurs. Les autres sélectionnent en fait parmi les deux candidats retenus celui qu’ils ne veulent pas voir élu, et votent l’autre.
Ou l’inverse. On ne peut pas choisir sans éliminer, par définition. La phrase « au premier tour on choisit, au second on élimine » n’est qu’un slogan, la différence entre choisir et éliminer ne tient qu’à une question de point de vue. Tenez, ce serait comme de dire que le printemps et l’été sont les saisons où les jours sont plus long que les nuits, tout en niant que c’est aussi la période où les nuits sont plus courtes que les jours. C’est absurde.
> Non, c’est l’histoire. Tous les candidats qui se sont présentés avec un profil semblable à celui de Mme Thatcher ont perdu.
L’histoire ne prouve rien, vous connaissez le problème des précedents électoraux : http://xkcd.com/1122/
Et puis, « Tous les candidats » ? Vous pensez à qui, Alain Madelin ? Sérieusement, même si c’était vrai, ça ne prouverait rien, sinon que jusqu’ici, en France, aucun candidat avec le profil de Margaret Thatcher n’a été élu. Ça ne prouverait pas que Thatcher n’aurait pas pu être élue dans son pays avec un scrutin à deux tours. Comme je l’ai indiqué elle a d’ailleurs été élue à la tête de son parti avec la majorité absolue, donc elle l’aurait emporté aussi bien dans un système avec second tour, puisqu’elle aurait été élue dès le premier. « L’histoire » que vous invoquez ne nous apprend rien ici.
> Les opinions ne sont pas des votes.
Et donc, comment pouvez-vous affirmer que l’impopularité de Thatcher l’aurait empêchée d’être élue ? Puisque « les opinions ne sont pas des votes »…
> Non. Si Mélenchon gagne des votes, qu’Hollande en perde ou pas, le risque existe qu’il finisse par passer derrière Mélenchon. Et les différences étant plus faibles, ce risque est plus réel. Il n’a donc toujours pas intérêt à débattre avec Mélenchon . CQFD]
Admettons. Mais il n’y a pas que Mélelanchon dans la campagne. Les Verts étaient en porte-à-faux, avec une candidature indépendante malgré un accord électoral : l’accord soulignait à l’évidence leurs proximité avec le PS, quand le système les forçait à attaquer et montrer leurs divergences. Avec le vote de valeur leur campagne aurait pu être beaucoup plus lisible, le débat y aurait gagné en clarté. Et Sarkozy, qui a attendu avril pour dévoiler son programme ? S’il s’était retrouvé derrière Mélenchon et Bayrou, je doute qu’il n’aurait attendu si longtemps, et ça aurait laissé plus de temps pour discuter ses propositions.
> C’est là notre point de désaccord fondamental. Non, je pense que c’est bien l’électeur qui doit choisir. Le choix de l’électorat n’est que l’agrégation des choix individuels. Demander à l’électeur de choisir est un élément fondamental de la pédagogie électorale. L’idée de demander une « opinion » à l’électeur et ensuite fabriquer un choix à partir de ces opinions me semble profondément contre-productive.
Mais au bout du compte, c’est bien comme vous l’avez écrit « l’agrégation des choix individuels » qui détermine le résultat de l’élection. Ce n’est donc pas l’électeur qui choisit, mais l’ensemble des électeurs. À partir des choix individuels on « fabrique » de toute façon un choix collectif. Dès lors il m’apparaît important de ne pas placer l’électeur en situation d’agir comme si c’était lui qui décidait, alors que ce n’est pas le cas. C’est cette situation-là qui est contre-productive : dans la mesure où chaque électeur donne une réponse plus simple, et donc moins informative, il est donc moins facile d’en dégager un choix collectif — puisqu’on a moins d’informations à analyser.
[Bof, si on va par là, je préfère ça à un système qui peut élire un candidat président de la République alors qu’il a une majorité d’électeurs contre lui, et qu’on ne vote pour lui que parce que son adversaire du second tour est encore pire.]
> Mais c’est ça, la réalité…
Et alors, il faudrait renoncer à améliorer le système sous prétexte de « réalité » ? Je vous trouve bien défaitiste, Descartes. La réalité, c’est aussi qu’il existe d’autres systèmes objectivement plus efficaces, donc si on a un mauvais système, ce n’est pas parce que « c’est la réalité » qu’on ne peut pas en choisir un meilleur.
> que faites vous lorsqu’il n’y a aucune politique qui puisse emporter le soutien d’une majorité de français ? Il faut bien tout de même qu’il y ait un gouvernement et qu’il fasse une politique, non ?
Eh bien, oui, et ça tombe bien, le vote de valeur désigne aussi un vainqueur dans cette situation. Elle est pas belle, la vie ?
> Désolé, je n’avais pas bien compris. Merci d’avoir pris le travail de me l’expliquer une nouvelle fois. Effectivement, l’exemple établit la non-monotonie.
Bon, on avance 🙂 Mais voyez comme les propriétés de ce mode de scrutin sont contre-intuitives. Je ne crois pas exagérer quand je dis que la plupart des gens passent complètement à côté.
Sur ce, je vous souhaite de bonnes vacances.
@adrien
[Les noms ne me disaient rien, en effet, mais internet sait tout… ou presque. Et il me semble difficile de qualifier la candidature d’Oscar Alende de confidentielle. S’il n’a fait que 2 et quelques pour cent en 83, il avait quand même obtenu le score honorable de 7,4% à la présidentielle de 73, et il a été en outre gouverneur de la province de Buenos Aires, et plusieurs fois député.]
Ce que wikipédia a oublié de te dire, c’est que s’il a pu être gouverneur de Buenos Aires et faire un score honorable à la présidentielle de mars 1973, c’est parce que les militaires argentins avaient proscrit le péronisme après la chute de Péron en 1955. Il est clair que lorsqu’on empêche le parti majoritaire de concourir, cela ouvre une fenêtre pour les « petits » candidats… Aux élections de septembre 1973, auxquelles Peron a pu se présenter, Alende n’a même pas été candidat, tant il était convaincu que son score serait ridicule.
[D’ailleurs, le système argentin est très proche du système français, puisqu’il prévoit également un second tour…]
Seulement depuis l’élection présidentielle de mars 1973 pour le président. Et le système pour l’élection des députés et sénateurs est totalement différent. Un homme politique qui n’appartient pas à l’un des partis « dominants » n’a aucune chance de devenir député (sauf peut-être dans la Capitale Fédérale) et donc de se faire connaître pour pouvoir briguer la présidence.
Vous avez raison. La question est : faut-il combattre le « vote utile » ? Personnellement, je ne suis pas persuadé. La politique dans une démocratie moderne et complexe nécessite forcément des compromis. Le candidat qu’on élit doit être non seulement celui dont le programme et la personnalité plaisent au plus grand nombre, mais celui qui peut obtenir l’appui même de ceux qui à priori ne sont pas d’accord avec lui et lui préféreraient un autre candidat. C’est à mon sens la plus grande force de notre mode de scrutin actuel : il oblige l’électeur à se coltiner les réalités du monde politique. Et c’est la plus grande critique qu’on peut faire à mon sens au « vote de valeur » : celle d’occulter le fait que seul un candidat sera élu, et que ce candidat doit pouvoir compter sur une majorité derrière lui. Le « vote de valeur » (contrairement au vote hiérarchisé ou au scrutin majoritaire à deux tours) n’oblige pas l’électeur à choisir…
[Pas d’accord. D’une part, si le candidat élu devrait « pouvoir compter sur une majorité derrière lui » , c’est loin d’être toujours le cas — sinon on n’aurait jamais besoin de deuxième tour.]
Vous m’avez mal compris. Le deuxième tour oblige l’électeur à choisir entre deux candidats et donne donc nécessairement une majorité à l’un d’eux. En d’autres termes, la moitié au moins des électeurs se trouve obligée d’assumer le fait qu’elle a du voter pour le candidat qui a gagné. Ce qui est la réalité en politique. Le « vote de valeur » donne l’illusion qu’on n’est pas obligé de choisir.
[Le vote de valeur le montre bien — on peut facilement voir comment le candidat qui arrive en tête a été jugé, et au contraire le système actuel l’occulte, le second tour donnant l’illusion que le candidat est élu avec la majorité des électeurs derrière lui — alors que la majorité peut simplement être contre son adversaire,]
Justement, on s’en fout. Le fait est que dans un système politique, il faut bien que quelqu’un gouverne. Et celui qui gouverne le fait au nom de tous, et pas seulement au nom de ceux qui l’aiment bien. Qu’il soit élu parce qu’il est aimé, ou parce que son adversaire est détesté ne change rien à l’affaire, et le système doit accorder à l’un et à l’autre la même légitimité. C’est ce que fait le scrutin majoritaire, en « occultant » comme vous dites les raisons du vote. Encore une fois, je pense que vous vous trompez sur le sens du processus électoral. Il ne s’agit pas de « noter » les candidats, ou de faire un concours pour savoir lequel est le plus beau. Il s’agit de désigner un gouvernement et de le légitimer. Il est donc essentiel que le candidat élu, quelque soient les raisons pour lesquelles il l’a été, soit légitimé. Un système qui par le biais d’une notation dirait « ce candidat est élu, mais attention, ce n’est pas parce que les gens aiment son programme » serait handicapé dès le départ pour gouverner.
[D’autre part, je suis content de vous voir souligner que « La politique dans une démocratie moderne et complexe nécessite forcément des compromis », puisque c’est précisément l’idée du vote de valeur que de préférer un candidat capable de rassembler sur un compromis la majorité des votants à un candidat plus clivant,]
Vous n’avez pas compris mon point. Oui, la politique nécessite des compromis à l’heure de choisir la politique qui sera appliquée. Mais non, la politique ne nécessite pas de compromis sur la politique elle-même. En d’autres termes, je préfère l’application d’un programme cohérent et minoritaire plutôt qu’un programme incohérent mais ayant derrière lui un « compromis » des politiciens.
En d’autres termes, oui au compromis, mais au compromis jugé par les électeurs avant le deuxième tour, et non un compromis entre politiciens après l’élection. C’est pourquoi je préfère un système majoritaire qui oblige l’électeur à choisir parmi des candidats « clivants » celui qui lui déplait le moins plutôt qu’un système qui conduirait à élire le candidat le plus « lisse » en lui laissant faire les compromis après.
[« Je ne vois pas trop la différence entre un système hiérarchique où l’on peut classer les candidats à égalité et le « vote de valeur » ». Moi non plus, c’est ce que je voulais dire.]
Alors nous sommes d’accord qu’un système hiérarchique implique nécessairement un classement par ordre sans possibilité d’ex aequo… qed.
[Donc si je vous suis, l’avantage du système actuel, c’est qu’on demande à l’électeur de trancher une situation politique qu’il ne lui appartient pas de trancher (c’est en dernier ressort le corps électoral qui est censé décider)]
Je ne comprends pas votre commentaire. L’électeur est la cellule atomique du « corps électoral ». C’est l’agrégation du choix des électeurs qui fait le choix du « corps électoral ». Chaque électeur « tranche » le dilemme selon son choix, et c’est l’ensemble de ces choix qui donnera la décision finale.
[en le confrontant à un choix complexe et parfois pénible, où son geste sera difficile à interpréter et peut même désavantager le candidat qu’il choisit (cf. la non-monotonicité). Franchement j’ai du mal à voir le bon côté de la chose.]
Le « bon côté » de la chose, c’est que cette situation est la situation réelle. Et j’ai toujours pensé qu’il valait mieux obliger les électeurs à vivre dans le monde réel plutôt que dans on ne sait quel refuge théorique au pays des bisounours. Oui, dans le monde réel on peut faire tort à quelqu’un en lui apportant son soutien. Oui, dans le monde réel les choix sont complexes et parfois pénibles. Que gagnerait-on à isoler l’électeur de cette réalité, en lui donnant l’illusion de la toute puissance que donne un processus de « notation » ?
[« Mais j’attire votre attention sur le fait que cet « avantage » résulte du fait qu’une partie importante de l’électorat souhaite exprimer son rejet du « système ». Avec le « vote de valeur », cette expression serait noyée par la détestation dont fait l’objet la candidate du FN et n’est nullement lisible ». Pourquoi noyée ? Non, pas du tout, les résultats sont très lisibles sur le graphique, où l’on peut voir que 14% environ des électeurs lui ont mis la note maximale, ce qui en terme des notes maximales uniquement la place en quatrième position.]
Je vois mal comment vous lisez à partir de ce paramètre le rejet du « système » de la part des électeurs.
[« Et pas Poutou ? Il ne faut pas confondre l’expression de la bienpensance médiatique avec celle des électeurs. Les journalistes trouvent Poutou « sympa », mais croyez-moi, c’est loin d’être le cas dans l’électorat, et Poutou fait l’objet d’un rejet de l’électorat de droite qui est parfaitement symétrique du rejet de Le Pen à gauche. Quant à Cheminade… je pense que vous méprisez beaucoup les français si vous pensez qu’ils pourraient préférer Cheminade à la présidence de la République ». Face à Le Pen ?]
Oui, même face à Le Pen. Réflechissez cinq minutes à ce que pourrait être une présidence Cheminade ou Potou.
[J’ai plutôt l’impression de leur faire une faveur. Mais quoi qu’il en soit et comme pour Poutou, si le rejet de l’un par la droite est symétrique au rejet de l’autre par la gauche, alors on doit être à peu près à égalité, et il devient difficile de prédire lequel l’emporterait.]
Bien sur que non. La France est électoralement à droite. L’accession de la gauche au pouvoir a toujours été liée à des accidents électoraux (division de la droite en 1981, dissolution de 1997, détestation de Sarkozy en 2012) et elle a été rapidement rattrapée au scrutin suivant. Je vous fais remarquer que pour le moment jamais un candidat de l’extrême gauche n’a été au deuxième tour d’une élection présidentielle…
[Non, je ne vous l’accorde pas. Si une partie des cas est difficile à trancher, d’autres sont très clairs (Bayrou-Le Pen, encore une fois) et clairement en défaveur du système actuel.]
Pourquoi ? Je ne vois pas votre raisonnement.
[« Eh non. Le système majoritaire marche. Il est reconnu comme légitime. Et chaque fois qu’on a cherché à le modifier, les français n’ont pas véritablement suivi. Il a donc une présomption raisonnable en sa faveur… ». Non, non, il ne marche pas, et il n’est reconnu comme légitime que par les gens qui ne se posent pas sérieusement la question.]
Mais alors, pourquoi les gens continuent à obéir aux gens qui en sont issus ? Pourquoi l’administration, l’armée, la police, la justice appliquent la loi que ces « illégitimes » votent ? Et pourquoi toutes les tentatives de modifier le scrutin majoritaire rencontrent une forte hostilité du corps électoral ? Pourquoi les scrutins proportionnels (régionales et européennes) sont les plus boudés par les électeurs ? C’est votre droit de penser que le scrutin majoritaire est injuste et inefficace. Mais vous ne pouvez pas dire, sauf à ignorer la réalité, qu’il ne « marche pas » au sens qu’il ne remplit pas la fonction essentielle du processus électoral, qui est de faire apparaître un gouvernant légitime. Les français se trompent peut-être, mais il est pour moi évident qu’ils sont attachés au scrutin majoritaire. Et ceux qui comme vous proposent des modes de scrutin alternative feraient bien de se demander pourquoi.
[« Ce n’est pas ce que dit l’article en question. Contre certaines personnalités de gauche, pour certains candidats de droite avec contrepartie (une contrepartie payée d’avance, celle d’accepter la possibilité d’alliance avec le FN)… ». Autrement dit, malgré sa posture le FN serait favorable à une alliance avec la droite, CQFD.]
C’est votre opinion, mais ce n’est pas ce que dit l’article. Le FN est prêt à se désister pour les candidats de la droite qui acceptent un accord avec le FN. Point à la ligne. Aucune « alliance » n’est proposée, et aucun désistement inconditionnel offert.
[Descartes, vous aviez défini le scrutin uninominal majoritaire à un tour en prenant comme exemple « celui utilisé pour l’élection du président de la République sous la IVème », où il faut obligatoirement emporter la majorité absolue sinon un nouveau scrutin est organisé.]
C’était un exemple, pas une définition. Je le repète, un scrutin majoritaire est celui où, à un moment de la procédure, le candidat nécessite avoir une majorité des suffrages pour être élu. C’est le cas du scrutin pour l’élection du président sous la IVème (des tours de scrutin étant répétés jusqu’à ce que la majorité soit acquise) et c’est le cas pour l’élection du président sous la Vème, où le deuxième tour se joue entre deux candidats seulement, ce qui garantit que l’un d’eux aura une majorité des suffrages.
[En outre, s’il suffit de recueillir, « à un moment de la procédure, la moitié plus un des suffrages », alors il suffit de rajouter à n’importe quel mode de scrutin un second tour pour avoir un scrutin majoritaire.]
Tout à fait.
[On peut décider que les deux candidats présents au second tour seront ceux qui ont obtenu le moins de voix au premier, et élire celui des deux qui obtient le plus de voix au second, et ça serait un scrutin majoritaire selon votre deuxième définition, puisque l’élu aura réussi à recueillir, « à un moment de la procédure, la moitié plus un des suffrages ». Ça me paraît difficile à tenir, comme position…]
Un tel scrutin ne marcherait peut-être pas, et le candidat qui en serait issu ne serait probablement pas reconnu comme légitime… mais ce serait un scrutin « majoritaire » quand même. J’attire tout de même votre attention sur le fait qu’un tel scrutin est déjà utilisé dans certaines circonstances. On demande aux gens au premier tour de sélectionner non pas le candidat qu’ils voudraient, mais celui qu’ils rejettent absolument. Et on retient ainsi les deux candidats arrivés en dernier (c’est-à-dire ceux qui suscitent le moins de rejets violents) pour ensuite décider par un vote positif entre eux. Ce qui revient exactement à votre système.
[Mais cette propriété est vraie pour pratiquement tous les candidats (sauf un, s’il existe un perdant de Condorcet) selon l’adversaire qu’on leur donne. On peut mettre n’importe qui au deuxième tour, il y en aura forcément l’un des deux qui obtiendra la majorité (la seule exception serait l’égalité parfaite, peu probable).]
Bien entendu. Sauf que les candidats qui arrivent au deuxième tour ne sont pas tirés au sort ou « mis » par quelqu’un. Ils sont déjà sélectionnés par les électeurs. La combinaison des deux tours permet justement de trancher au deuxième tour entre les candidats qui ont reçu le plus grand soutien au premier tour.
[Donc ça n’est pas pertinent pour garantir que le gagnant a bien la majorité absolue sur tous les autres comme le veut votre (première) définition d’un scrutin majoritaire.]
Mais je n’ai jamais dit que le scrutin majoritaire garantisse que le candidat élu aurait « la majorité absolue sur tous les autres ». Je me contente de dire qu’il aura eu, à un moment de la procédure, la moitié plus un des électeurs au moins qui n’auront pas refusé de mettre son nom dans l’urne. Le choix d’un gouvernant est une combinaison subtile entre l’adhésion et le « nihil obstat ». Je n’aimais pas Chirac, mais je ne le considérais pas indigne de la fonction, contrairement à Le Pen.
[Ou l’inverse. On ne peut pas choisir sans éliminer, par définition. La phrase « au premier tour on choisit, au second on élimine » n’est qu’un slogan, la différence entre choisir et éliminer ne tient qu’à une question de point de vue.]
Ce n’est pas qu’un slogan. Elle reflète un point de vue, justement. Au premier tour on se pose la question « qui est-ce que je veux comme président ? », au second « lequel je ne voudrais pas voir à l’Elysée ? ». Si je posais les questions dans l’ordre inverse, les résultats seraient très différents, même si la réponse à chaque question entraîne par voie de conséquence la réponse à la question symétrique.
[« Non, c’est l’histoire. Tous les candidats qui se sont présentés avec un profil semblable à celui de Mme Thatcher ont perdu ». L’histoire ne prouve rien, vous connaissez le problème des précedents électoraux : http://xkcd.com/1122/%5D
Cela ne « prouve » rien, bien entendu, mais cela donne une présomption, non ?
[Et puis, « Tous les candidats » ? Vous pensez à qui, Alain Madelin ?]
Non, je pense plutôt au Jacques Chirac de 1988, qui se faisait à l’époque le chantre des privatisations et de la libéralisation européenne sans complexe. Il fut laminé.
[Ça ne prouverait pas que Thatcher n’aurait pas pu être élue dans son pays avec un scrutin à deux tours. Comme je l’ai indiqué elle a d’ailleurs été élue à la tête de son parti avec la majorité absolue, donc elle l’aurait emporté aussi bien dans un système avec second tour, puisqu’elle aurait été élue dès le premier.]
N’importe quoi. Vous confondez le scrutin ouvert aux membres d’un parti avec celui ouvert à tous. Si l’on doit compter les votes de son parti, alors Hollande a été élu dans un scrutin majoritaire à quatre tours : deux pour la primaire PS, deux ensuite pour l’élection présidentielle.
[Admettons. Mais il n’y a pas que Mélelanchon dans la campagne. Les Verts étaient en porte-à-faux, avec une candidature indépendante malgré un accord électoral : l’accord soulignait à l’évidence leurs proximité avec le PS, quand le système les forçait à attaquer et montrer leurs divergences. Avec le vote de valeur leur campagne aurait pu être beaucoup plus lisible, le débat y aurait gagné en clarté.]
Je ne me souviens pas que l’accord électoral conclu pour les législatives ait empêché Eva Joly de dire tout ce qui lui passait par la tête. Franchement, l’exemple me paraît très mal choisi. D’ailleurs, on voit mal comment un parti qui conclut un accord pour une élection législative pourrait raisonnablement se déchaîner quelques mois avant celle-ci contre son allié sans désorienter complètement les électeurs, quelque soit le mode de scrutin.
[Et Sarkozy, qui a attendu avril pour dévoiler son programme ? S’il s’était retrouvé derrière Mélenchon et Bayrou, je doute qu’il n’aurait attendu si longtemps, et ça aurait laissé plus de temps pour discuter ses propositions.]
Je ne vois pas pourquoi. L’expérience a largement montré que l’élection se joue sur les personnalités et que les programmes sont plutôt un boulet. Et cet effet est encore plus fort pour le « vote de valeur » (car ce n’est certainement pas le programme de Bayrou qui le porte en tête…). J’ai tendance à penser – mais ce n’est que mon opinion – qu’au contraire, dans un système de « vote de valeur » les programmes disparaîtraient complètement.
[Mais au bout du compte, c’est bien comme vous l’avez écrit « l’agrégation des choix individuels » qui détermine le résultat de l’élection. Ce n’est donc pas l’électeur qui choisit, mais l’ensemble des électeurs. À partir des choix individuels on « fabrique » de toute façon un choix collectif.]
Oui, tout à fait. Et je tiens à ce que ce soit à partir des CHOIX individuels et non des OPINIONS individuelles que le choix collectif soit construit. C’est là, je pense, notre point fondamental de désaccord. Pour moi, il est important pour la pédagogie de l’élection d’obliger l’électeur à faire un CHOIX, c’est-à-dire, à trancher un dilemme.
[Dès lors il m’apparaît important de ne pas placer l’électeur en situation d’agir comme si c’était lui qui décidait, alors que ce n’est pas le cas. C’est cette situation-là qui est contre-productive : dans la mesure où chaque électeur donne une réponse plus simple, et donc moins informative, il est donc moins facile d’en dégager un choix collectif — puisqu’on a moins d’informations à analyser.]
C’est là où nous ne sommes pas d’accord. Je pense au contraire que placer l’électeur dans une situation de décideur, même si celle-ci est en partie fictive, est essentiel pour éduquer le citoyen, pour lui faire comprendre les contraintes de la réalité. C’est pourquoi d’ailleurs je serais prêt à admettre un scrutin de type hiérarchique, qui oblige à choisir tout en fournissant plus d’information sur la volonté de l’électeur. Mais je rejette totalement un mode de scrutin qui se réduirait à exprimer une « opinion », sans exiger de l’électeur qu’il tranche.
[Et alors, il faudrait renoncer à améliorer le système sous prétexte de « réalité » ?]
Très vaste question… ma réponse est qu’on doit améliorer la réalité, dont le système n’est que le reflet. Mettre en place un système électoral qui n’a pas d’assise sur la réalité me semble dangereux pour la légitimité du pouvoir qui en sera issu.
[« que faites vous lorsqu’il n’y a aucune politique qui puisse emporter le soutien d’une majorité de français ? Il faut bien tout de même qu’il y ait un gouvernement et qu’il fasse une politique, non ? ». Eh bien, oui, et ça tombe bien, le vote de valeur désigne aussi un vainqueur dans cette situation.]
Le tirage au sort aussi « désignerait un vainqueur ». Encore faudrait-il que ce vainqueur soit reconnu comme légitime. J’ai du mal à voir les français accepter Bayrou comme légitime sous prétexte qu’un système compliqué balançant les opinions sur les différents candidats a décidé que c’était le moins mal classé.
Bonjour Descartes.
J’avais tapé la réponse suivante il y a un bail, mais omis de la poster. Oubli réparé, si ça vous intéresse…
> Ce que wikipédia a oublié de te dire, c’est que s’il a pu être gouverneur de Buenos Aires et faire un score honorable à la présidentielle de mars 1973, c’est parce que les militaires argentins avaient proscrit le péronisme après la chute de Péron en 1955.
Il ne m’en paraît pas moins difficile de croire que la candidature d’un homme politique de son envergure ait pu rester confidentielle. que sa notoriété n’ait pas suffi face à Péron est une chose, mais elle n’en était pas moins réelle. M’enfin si vous y tenez…
> En d’autres termes, la moitié au moins des électeurs se trouve obligée d’assumer le fait qu’elle a du voter pour le candidat qui a gagné. Ce qui est la réalité en politique.
Je ne comprends pas bien votre argument de la réalité. Le système en place est la réalité, si c’est un système différent ce sera une autre réalité mais ça sera toujours la réalité.
Pour l’argument de la majorité, voir plus bas.
> Le « vote de valeur » donne l’illusion qu’on n’est pas obligé de choisir.
Je ne comprends pas, en quoi est-ce une illusion ? À titre personnel, on n’est pas obligé de choisir. On peut s’abstenir ou voter blanc. Ça n’empêche pas le scrutin de désigner un vainqueur, quelle que soit la situation.
> Justement, on s’en fout.
D’accord, je me suis mal exprimé. Je complète donc : avec le vote de valeur, on peut facilement voir comment le candidat qui arrive en tête a été jugé, et au contraire le système actuel l’occulte, le second tour donnant l’illusion que le candidat est élu avec la majorité des électeurs derrière lui — alors que la majorité peut simplement être contre son adversaire, et leur préférer à tous les deux un troisième candidat (vous savez que c’est une situation possible dans le système actuel). C’est ce cas de figure qu’évite le vote de valeur, ce qui rend le résultat à mes yeux beaucoup moins contestable, beaucoup plus légitime.
> Un système qui par le biais d’une notation dirait « ce candidat est élu, mais attention, ce n’est pas parce que les gens aiment son programme » serait handicapé dès le départ pour gouverner.
Je ne crois pas, non. Au contraire, même. « Ce candidat est élu, mais attention, ce n’est pas parce que les gens aiment son programme », c’est exactement ce que tout le monde a pensé de Chirac en 2002. Sans compter que le pourcentage de voix est également une forme de notation — on dit courramment d’un candidat qu’il a été « bien élu » ou « mal élu ». Seulement c’est une notation mal foutue, un peu comme si à l’école on ne prenait pas en compte les moyennes dans toutes les matières, mais seulement la meilleure note toutes matières confondues pour permettre le passage dans la classe supérieure. Bien sûr, il y a de bonne chances que ce soit bien le premier de la classe qui obtienne la meilleure note toutes matières confondues, mais pas forcément. Et avec notre mode de scrutin actuel, on prend en compte une note qui ne reflète que le classement en premier choix, et puis la préférence relative de la population entre celui qui a eu la meilleure note et le deuxième (et seulement ces deux-là !). Je dis qu’on ferait mieux de mesurer de manière absolue le soutien de la population à chacun des candidats pour choisir l’élu.
Bref, ce qu’apporte la « notation », c’est aussi la certitude, absente du système actuel, que tous les autres candidats (et pas seulement l’adversaire malheureux du second tour) sont jugés moins bons.
> En d’autres termes, je préfère l’application d’un programme cohérent et minoritaire plutôt qu’un programme incohérent mais ayant derrière lui un « compromis » des politiciens.
Pas moi. Enfin, ça dépend de ce que vous appelez cohérence. Les programmes tels qu’ils sont élaborés actuellement sont d’ores et déjà le résultat d’un compromis — particulièrement au PS et à l’UMP, qui sont de grosses machines avec des courants et des tendances parfois contradictoires. Seulement c’est un compromis qui vise à emporter une élection au scrutin majoritaire à deux tours, c’est à dire à rassembler au premier tour la plus large minorité. Pour cela le plus efficace semble être, au moins actuellement, de privilégier une certaine « cohérence » idéologique — un candidat PS risquerait gros à déclarer que son projet n’est pas socialiste — au détriment d’une cohérence intellectuelle. Et perso je préfèrerais un programme applicable et pertinent plutôt qu’un programme « idéologiquement » cohérent.
> En d’autres termes, oui au compromis, mais au compromis jugé par les électeurs avant le deuxième tour, et non un compromis entre politiciens après l’élection. C’est pourquoi je préfère un système majoritaire qui oblige l’électeur à choisir parmi des candidats « clivants » celui qui lui déplait le moins plutôt qu’un système qui conduirait à élire le candidat le plus « lisse » en lui laissant faire les compromis après.
? Pourquoi voudriez-vous que le candidat élu fasse des compromis une fois élu — du moins, pourquoi en ferait-il plus dans un système que dans un autre ? Il est élu, non ? Je ne comprends pas l’argument. Remarquez, il peut en faire entre les deux tours, et on pourrait estimer que ça fausse la donne — peut-être certains électeurs auraient-il voté différemment au premier tour s’ils avaient su que tel candidat allait faire tel compromis pour tenter de gagner l’élection. Le vote de valeur évite aussi ce problème-là.
De plus le vote de valeur comme mode de scrutin pour les primaires permettrait de dégager un candidat justement non-clivant, ce qui serait un gros atout pour lui assurer un soutien aussi large que possible au sein de son propre parti, au lieu des tensions que génère le scrutin majoritaire à deux tours largement utilisé pour les primaires — cf. la guéguerre Copé-Fillon, les petites phrases des verts contre Joly en 2012 ou des socialistes contre Royal en 2007 — et ce pendant la campagne et alors qu’elles étaient les candidates du parti. Au moins à ce niveau le vote de valeur consituerait un net progrès.
> Alors nous sommes d’accord qu’un système hiérarchique implique nécessairement un classement par ordre sans possibilité d’ex aequo… qed.
Non, ce que je veux dire c’est que le vote de valeur est un système hiérarchique. Les systèmes qui empêchent absolument les ex-æquo sont des cas particuliers. (Le vote de valeur aussi est un cas particulier, dans la mesure où il force un certain nombre d’ex-æquo.) (Sans compter que le vote blanc constitue dans tout les cas un moyen de mettre tout le monde ex-æquo.)
> Je ne comprends pas votre commentaire. L’électeur est la cellule atomique du « corps électoral ». C’est l’agrégation du choix des électeurs qui fait le choix du « corps électoral ». Chaque électeur « tranche » le dilemme selon son choix, et c’est l’ensemble de ces choix qui donnera la décision finale.
Non, l’électeur ne tranche rien, ou disons que s’il tranche un dilemme, c’est le sien propre, pas celui de l’élection. Il peut avoir l’impression de trancher quelque chose, mais c’est une illusion : il se contente en fait d’exprimer une opinion, un choix personnel.
> Le « bon côté » de la chose, c’est que cette situation est la situation réelle.
Comment ça ? Est-ce à dire que si on passe au vote de valeur, celui-ci sera la nouvelle situation réelle, et donc vaudra alors mieux que le scrutin majoritaire ? c’est un drôle d’argument.
> Et j’ai toujours pensé qu’il valait mieux obliger les électeurs à vivre dans le monde réel plutôt que dans on ne sait quel refuge théorique au pays des bisounours. Oui, dans le monde réel on peut faire tort à quelqu’un en lui apportant son soutien. Oui, dans le monde réel les choix sont complexes et parfois pénibles. Que gagnerait-on à isoler l’électeur de cette réalité, en lui donnant l’illusion de la toute puissance que donne un processus de « notation » ?
« L’illusion de la toute-puissance » ??? « Au pays des bisounours » ??? Si ce sont des arguments qui méritent une réponse plutôt que des attaques rhétoriques visant à décrédibiliser le système que je défends, pourriez-vous les étayer ? Parce que pour l’instant je ne vois pas trop sur quoi vous vous basez pour dire ça…
Quant à l’argument « dans le monde réel », il ne vaut guère mieux. Vous pourriez aussi bien écrire : Oui, dans le monde réel, il y a de la corruption, il faut donc mettre en place un système qui l’intègre. Oui, dans le monde réel, il y a une part de hasard, il faut dont rajouter aléatoirement un certain nombre de voix en faveur de chaque candidat pour prendre en compte cette part de hasard dans l’élection. C’est absurde, vous le voyez bien.
> Je vois mal comment vous lisez à partir de ce paramètre le rejet du « système » de la part des électeurs.
Ben, le programme auto-proclammé « anti-système » du FN ne dépend vraiment ni du mode de scrutin ni du nombre de personne qui vote pour leur candidat. Donc on peut voir que 14% des électeurs soutenaient fortement (+2), et 7 à 8% plus modérément (+1) ce programme anti-système aussi bien qu’on pouvait voir lors du premier tour officiel que tel pourcentage des votants avait choisi Le Pen.
> Oui, même face à Le Pen. Réflechissez cinq minutes à ce que pourrait être une présidence Cheminade ou Potou.
C’est tout réfléchi ! Si la dispersion des voix était telle qu’on se retrouvait avec un deuxième tour Cheminade-Le Pen, j’entends d’ici les commentaires appelant à voter Cheminade. Un des arguments serait qu’il faut refaire l’élection (sur le mode des appels à voter non au référendum sur le traité européen afin de mieux le « renégocier »), et que Cheminade serait plus enclin à remettre son mandat en jeu que Le Pen. Un autre, que l’élection de Cheminade laisserait le jeu beaucoup plus ouvert lors des législatives, alors que l’élection de Le Pen ouvrirait un boulevard à l’entrée du FN à l’assemblée. On se retrouverait peut-être avec Cheminade président, mais on pourrait toujours compter sur une majorité parlementaire de la couleur de son choix, et donc un premier ministre plus classique. Voire un gouvernement d’union nationale avec des membres du Modem, du PS et de l’UMP, qui seraient beaucoup moins réticents à dialoguer avec Cheminade si celui-ci se retrouvait en position de force, qu’avec Marine Le Pen. Bref, face à Le Pen, la victoire de Cheminade me paraît beaucoup plus probable que sa défaite — même si elle serait sans doute moins nette que celle d’un Bayrou.
> La France est électoralement à droite. L’accession de la gauche au pouvoir a toujours été liée à des accidents électoraux (division de la droite en 1981, dissolution de 1997, détestation de Sarkozy en 2012) et elle a été rapidement rattrapée au scrutin suivant.
Autrement dit, la gauche ne peut pas ganger les élections, sauf quand elle les gagne.
> Je vous fais remarquer que pour le moment jamais un candidat de l’extrême gauche n’a été au deuxième tour d’une élection présidentielle…
Ouais, et avant 1981, vous m’auriez fait remarquer que jamais un candidat de gauche n’avait été élu à la présidence… Vous savez ce que je pense de ce pseudo-argument des précédents électoraux.
> Pourquoi ? Je ne vois pas votre raisonnement.
C’est simple. Les duels donnent un résultat incontestable et sans ambiguïté : les électeurs préfèrent le vainqueur au vaincu. Je choisi donc de prendre les duels comme référence. Il est clair que Bayrou l’emporterait haut la main en duel face à Le Pen. Contrairement à ceux du scrutin officiel, les résultats du vote de valeur sont cohérent avec cette victoire de Bayrou. Avantage donc au vote de valeur à ce niveau. Pour le duel Le Pen-Cheminade, les résultats des deux modes de scrutin sont cohérents entre eux, donc aucun n’a l’avantage. Ce serait fastidieux de faire la comparaison pour tous les duels, mais globalement il est clair que l’avantage va au vote de valeur.
> Mais alors, pourquoi les gens continuent à obéir aux gens qui en sont issus ? Pourquoi l’administration, l’armée, la police, la justice appliquent la loi que ces « illégitimes » votent ? Et pourquoi toutes les tentatives de modifier le scrutin majoritaire rencontrent une forte hostilité du corps électoral ? Pourquoi les scrutins proportionnels (régionales et européennes) sont les plus boudés par les électeurs ? […] Les français se trompent peut-être, mais il est pour moi évident qu’ils sont attachés au scrutin majoritaire. Et ceux qui comme vous proposent des modes de scrutin alternative feraient bien de se demander pourquoi.
Parce que, comme je l’écrivais justement, la plupart des gens ne se posent pas la question. En outre, l’immense majorité de nos lois a été votée il y a si longtemps que le temps seul leur confère une certaine légitimité, quand bien même elle ne viendrait que du fait qu’on a « toujours fait comme ça ». (Et c’est malheureusement un arguement de poids, particulièrement dans ce débat, puisque c’est à peu de chose près celui que vous soulevez…)
> C’est votre droit de penser que le scrutin majoritaire est injuste et inefficace. Mais vous ne pouvez pas dire, sauf à ignorer la réalité, qu’il ne « marche pas » au sens qu’il ne remplit pas la fonction essentielle du processus électoral, qui est de faire apparaître un gouvernant légitime.
Tout mode électoral légal ferait apparaître un gouvernement « légitime », à ce compte là. Ce n’est donc pas là que porte ma critique. Je ne dis pas que le scrutin majoritaire ne marche absolument pas, mais qu’il marche mal, et que le vote de valeur permetrait l’élection d’un candidat plus légitime. (Ce qui signifie également que je ne considère pas non plus que le mode de scrutin actuel conduise à l’élection d’un candidat absolument illégitime.)
> C’est votre opinion, mais ce n’est pas ce que dit l’article. Le FN est prêt à se désister pour les candidats de la droite qui acceptent un accord avec le FN. Point à la ligne. Aucune « alliance » n’est proposée, et aucun désistement inconditionnel offert
Accord, alliance : vous jouez sur les mots. C’est la même chose dans ce contexte.
> J’attire tout de même votre attention sur le fait qu’un tel scrutin est déjà utilisé dans certaines circonstances. On demande aux gens au premier tour de sélectionner non pas le candidat qu’ils voudraient, mais celui qu’ils rejettent absolument. Et on retient ainsi les deux candidats arrivés en dernier (c’est-à-dire ceux qui suscitent le moins de rejets violents) pour ensuite décider par un vote positif entre eux. Ce qui revient exactement à votre système.
Non, je proposais qu’on demande bien au gens de voter au premier tour pour le candidat qu’ils préfèrent, et qu’on choisisse les deux qui ont eu le moins de voix. Le vainqueur du duel entre ces deux là aurait nécessairement un majorité des voix lors du duel, et votre critère serait satisfait. (C’est évidemment une proposition absurde. Outre que ça n’aurait guère de sens de procéder ainsi, les électeurs comprendraient vite et voteraient comme vous l’aviez compris pour les candidats dont ils ne veulent pas. Mais c’était pour l’exemple…)
> Je le repète, un scrutin majoritaire est celui où, à un moment de la procédure, le candidat nécessite avoir une majorité des suffrages pour être élu.
Et moi je vous répète que cette définition est absurde. Prenons un autre exemple : on organise tous les duels. À la fin, tous les candidats (sauf le perdant de Condorcet s’il existe) ont nécessairement obtenu la majorité des voix dans au moins un duel. Un mode de scrutin qui tirerait au sort le vainqueur parmi tous les candidats qui ont gagné au moins un duel, satisferait à votre critère et serait donc « majoritaire » selon votre définition — alors même que le premier tour n’aurait éliminé qu’un seul, voire aucun des candidats. Vous voyez bien que ça n’a pas de sens.
> Ce n’est pas qu’un slogan. Elle reflète un point de vue, justement. Au premier tour on se pose la question « qui est-ce que je veux comme président ? », au second « lequel je ne voudrais pas voir à l’Elysée ? ». Si je posais les questions dans l’ordre inverse, les résultats seraient très différents, même si la réponse à chaque question entraîne par voie de conséquence la réponse à la question symétrique.
Autrement dit, c’est bien un slogan qui reflète votre point de vue. J’ai bien compris, mais moi je ne procède pas ainsi (je me pose les deux questions à chaque fois, cf. le vote utile…), et je ne suis pas le seul (cf., encore une fois, le vote utile…)
> Cela ne « prouve » rien, bien entendu, mais cela donne une présomption, non ?
Non.
> Non, je pense plutôt au Jacques Chirac de 1988, qui se faisait à l’époque le chantre des privatisations et de la libéralisation européenne sans complexe. Il fut laminé.
Ah, donc selon vous la défaite de Chirac en France en 1988 prouve que Thatcher n’aurait pas pu être élue au Royaume-Uni avec un scrutin à deux tour ? C’est vraiment là tout votre argument ? Ce n’est pas sérieux, Descartes.
> N’importe quoi. Vous confondez le scrutin ouvert aux membres d’un parti avec celui ouvert à tous. Si l’on doit compter les votes de son parti, alors Hollande a été élu dans un scrutin majoritaire à quatre tours : deux pour la primaire PS, deux ensuite pour l’élection présidentielle.
Elle aurait emporté _la tête de son parti_, évidemment. C’est à peu près tout ce qu’on peut dire sur le sujet. L’exercice consistant à imaginer l’élection d’un chef d’état ou de gouvernement au scrutin uninominal majoritaire à deux tour au Royaume-Uni changerait trop de paramètres pour qu’on puisse avoir la moindre certitude quant au résultat. Que Thatcher ait eu pu emporter un tel scrutin est tout à fait envisageable, ne vous en déplaise. (Sa défaite également, bien entendu. On ne saura jamais…)
> Si Mélenchon gagne des voix et Hollande en perd, à un certain moment Mélenchon passerait devant Hollande.
Si Mélenchon gagne des voix, dans un système type vote de valeur Hollande n’en perd pas nécessairement. Mais soit.
> Et comme – c’est vous-même qui l’avez dit – les différences sont beaucoup plus faibles dans le système de « vote de valeur », le risque est réel. La raison de refuser le débat demeure donc…
L’écart étant plus faible, Hollande est menacé. Il a donc intérêt à jouer le tout pour le tout, et à débattre pour tenter de contrer l’assension de Mélenchon.
> Je ne me souviens pas que l’accord électoral conclu pour les législatives ait empêché Eva Joly de dire tout ce qui lui passait par la tête.
Précisément… Ses déclarations (et même en allant plus loin sa candidature) était en contradiction avec l’accord électoral préalablement signé. Avec le vote de valeur à la présidentielle _et aux législatives_, un tel accord n’aurait pas été nécessaire, et la liberté de parole de Joly aurait eu tout son sens.
> L’expérience a largement montré que l’élection se joue sur les personnalités et que les programmes sont plutôt un boulet.
L’expérience avec le scrutin majoritaire, peut-être…
> Et cet effet est encore plus fort pour le « vote de valeur » (car ce n’est certainement pas le programme de Bayrou qui le porte en tête…). J’ai tendance à penser – mais ce n’est que mon opinion – qu’au contraire, dans un système de « vote de valeur » les programmes disparaîtraient complètement.
Je ne vois pas pourquoi les électeurs prendraient moins en compte le programme de Bayrou que celui des autres pour le « le porter en tête ». Et sur quoi basez-vous votre opinion ? J’ai souligné plus haut les raisons qui font que dans le scrutin actuel les programmes comptent peu — seuls comptent vraiment ceux des candidats capables d’arriver au second tour, avec tous les biais que ça entraîne. Avec le vote de valeur ces biais disparaissent, et tous les programmes prennent la même importance. Comme il faut bien savoir ce que compte faire les candidats avant de leur accorder ou non son soutien, les programmes prendraient donc beaucoup plus d’importance qu’actuellement.
> Oui, tout à fait. Et je tiens à ce que ce soit à partir des CHOIX individuels et non des OPINIONS individuelles que le choix collectif soit construit. C’est là, je pense, notre point fondamental de désaccord. Pour moi, il est important pour la pédagogie de l’élection d’obliger l’électeur à faire un CHOIX, c’est-à-dire, à trancher un dilemme.
Je ne comprends même pas la nuance que vous faites entre « faire un choix » et « exprimer une opinion ». L’électeur fait de toute façon le choix d’exprimer ou non son opinion (en allant voter ou en s’abstenant ou en votant blanc ou nul), fait le choix de l’opinion qu’il souhaite exprimer (quel candidat soutenir dans le système actuel, quels candidats au pluriel, et à quel degré dans le vote de valeur). Ce sont à la fois des choix et des opinions, des choix qui reflètent des opinions. Je ne vois pas la différence.
> C’est là où nous ne sommes pas d’accord. Je pense au contraire que placer l’électeur dans une situation de décideur, même si celle-ci est en partie fictive, est essentiel pour éduquer le citoyen, pour lui faire comprendre les contraintes de la réalité. C’est pourquoi d’ailleurs je serais prêt à admettre un scrutin de type hiérarchique, qui oblige à choisir tout en fournissant plus d’information sur la volonté de l’électeur. Mais je rejette totalement un mode de scrutin qui se réduirait à exprimer une « opinion », sans exiger de l’électeur qu’il tranche.
Je comprends de moins en moins. En quoi le vote de valeur exigerait-il moins de l’électeur qu’il tranche que le mode de scrutin actuel ? Dans les deux cas, l’électeur peut choisir d’exprimer ou non une opinion. À la possibilité de s’abstenir ou de voter blanc ou nul s’ajoutent dans le cas du vote de valeur différentes manière de voter blanc en plaçant tous les candidats au même niveau. L’électeur qui souhaite exprimer une opinion peut le faire dans les deux cas, dans aucun des cas il n’y est contraint. S’il choisit de le faire, dans les deux cas il peut placer un et un seul des candidats devant tous les autres. Si on considère la question sous l’angle des duels qu’ils tranche, alors il en tranche n-1, pour n candidats. Le vote de valeur lui donne la possibilité de trancher plus de duels (il en tranche 2(n-2) s’il place deux candidats en tête à égalité, 2(n-1) s’il en place un en première position, un en seconde, et tous les autres à égalité, etc.) Ce n’est pas autant que s’il tranchait tous les duels, mais c’est plus que dans le système actuel. En outre on évite de l’obliger à classer tous les candidats, ce qui peut être un casse-tête et n’a à mon avis pas grand intérêt. C’est d’ailleurs un des rares avantages du système actuel sur le classement hiérarchique obligatoire qu’il n’oblige pas à trancher tous les duels. Par contre il empêche d’en trancher plus que le minimum. Le vote de valeur me semble donc un très bon compromis entre les deux.
> Mettre en place un système électoral qui n’a pas d’assise sur la réalité me semble dangereux pour la légitimité du pouvoir qui en sera issu.
Ça veut dire quoi, « pas d’assise sur la réalité », pour un système électoral ? Concrêtement, en quoi le système actuel en aurait-il plus que le vote de valeur ?
> J’ai du mal à voir les français accepter Bayrou comme légitime sous prétexte qu’un système compliqué balançant les opinions sur les différents candidats a décidé que c’était le moins mal classé.
Ben, s’ils acceptent Hollande comme légitime sous prétexte qu’un système encore plus compliqué (deux tours, non-monotone, etc.) prenant mal en compte leur opinion a décité que c’était le moins mal classé, a forciori ils devraient accepter comme légitime le résultat d’un scrutin organisé de manière plus simple et plus transparente. ‘Fin, il me semble, hein.
@andré
[J’avais tapé la réponse suivante il y a un bail, mais omis de la poster. Oubli réparé, si ça vous intéresse…]
Toujours…
[« En d’autres termes, la moitié au moins des électeurs se trouve obligée d’assumer le fait qu’elle a du voter pour le candidat qui a gagné. Ce qui est la réalité en politique ». Je ne comprends pas bien votre argument de la réalité. Le système en place est la réalité, si c’est un système différent ce sera une autre réalité mais ça sera toujours la réalité.]
La « réalité » ici est que c’est la majorité qui choisit celui qui gouverne. Dans notre système, la majorité des citoyens doit assumer le fait qu’elle a voté pour le candidat qui a été élu. Dans les systèmes du type majorité relative à l’anglaise ou même dans celui que vous proposez, une majorité peut toujours dire « moi je n’ai pas voté pour ce mec ».
[« Le « vote de valeur » donne l’illusion qu’on n’est pas obligé de choisir ». Je ne comprends pas, en quoi est-ce une illusion ? À titre personnel, on n’est pas obligé de choisir. On peut s’abstenir ou voter blanc.]
S’abstenir ou voter blanc, c’est aussi choisir. C’est faire le choix de laisser les autres choisir, et d’accepter leur verdict. Il me semble absolument crucial justement d’obliger les gens à choisir – et je ne serais pas adversaire d’un système de vote obligatoire comme en Belgique – justement parce qu’il me semble dangereux de donner aux citoyens l’échapatoire de dire « je n’ai pas choisi » et de contester à partir de cette position les institutions. Le citoyen a le pouvoir de choisir, et s’il ne l’utilise pas, c’est sa faute.
[D’accord, je me suis mal exprimé. Je complète donc : avec le vote de valeur, on peut facilement voir comment le candidat qui arrive en tête a été jugé,]
Mais c’est précisément là où réside le danger. Il est fondamental pour la démocratie que le candidat arrivé en tête soit légitimé par le processus électoral. Si l’on découvre que le candidat arrivé en tête est « mal jugé », quelles seraient les conséquences sur sa légitimité ?
[et au contraire le système actuel l’occulte, le second tour donnant l’illusion que le candidat est élu avec la majorité des électeurs derrière lui — alors que la majorité peut simplement être contre son adversaire,]
Mais c’est bien ce détail qui fait sa force. Dans le monde idéal, les électeurs éliraient le meilleur candidat. Dans le monde réel, ils élisent le moins pire. C’est triste, mais c’est comme ça. Et je préfère un système qui confronte les électeurs au monde réel.
[C’est ce cas de figure qu’évite le vote de valeur, ce qui rend le résultat à mes yeux beaucoup moins contestable, beaucoup plus légitime.]
Beh non… avec le « vote de valeur », le candidat qui est élu par défaut apparaît bien comme étant élu par défaut. Pensez-vous dans ces conditions qu’il serait pleinement reconnu comme « légitime » par l’électorat ?
[Je ne crois pas, non. Au contraire, même. « Ce candidat est élu, mais attention, ce n’est pas parce que les gens aiment son programme », c’est exactement ce que tout le monde a pensé de Chirac en 2002.]
Tout le monde l’a pensé, peut-être. Mais ce qu’on pense est une chose, et la fiction institutionnelle en est une autre. Et la fiction institutionnelle est que Chirac a été élu avec 80% des voix, point à la ligne.
[Sans compter que le pourcentage de voix est également une forme de notation]
Faudrait savoir : Chirac a obtenu 80% des voix au deuxième tour, et pourtant vous affirmez que tout le monde a pensé qu’il a été élu « par défaut »… c’est donc une notation assez relative.
[ on dit couramment d’un candidat qu’il a été « bien élu » ou « mal élu ».]
Je n’ai jamais entendu cette expressin. Giscard a été élu a une très courte majorité, et à ma connaissance personne n’a jamais prétendu qu’il fut « mal élu » ou contesté sa légitimité. Pourriez-vous me dire quel président a été considéré « mal élu » depuis 1958 ?
[Je dis qu’on ferait mieux de mesurer de manière absolue le soutien de la population à chacun des candidats pour choisir l’élu.]
Pourquoi ? Vous continuez à penser en termes de « concours de beauté », et votre analogie avec la notation scolaire le montre. Mais en politique, on n’élit pas une personne parce qu’elle est la meilleure, ou parce qu’elle a le programme qui plait au plus grand nombre. On l’élit aussi par sa capacité à représenter l’ensemble de la nation, c’est-à-dire, à constituer des alliances le plus larges possibles avec des forces qui ne partagent pas nécessairement son programme. L’avantage du scrutin majoritaire, c’est qu’elle privilégie ceux qui peuvent faire des alliances et des accords par rapport à ceux qui sont isolés, quand bien même leur programme ou leur candidat serait magnifique.
Le système actuel mesure déjà « le soutien de la population à chacun des candidats ». C’est à ça que sert le premier tour. Mais je ne pense pas qu’il faille faire de ce soutien « absolu » l’alpha et l’oméga de l’élection.
[Bref, ce qu’apporte la « notation », c’est aussi la certitude, absente du système actuel, que tous les autres candidats (et pas seulement l’adversaire malheureux du second tour) sont jugés moins bons.]
Mais pourquoi voulez-vous que le candidat élu soit le « plus bon » ? Encore une fois, vous vous placez dans une logique de concours de beauté…
[« En d’autres termes, je préfère l’application d’un programme cohérent et minoritaire plutôt qu’un programme incohérent mais ayant derrière lui un « compromis » des politiciens ». Pas moi. Enfin, ça dépend de ce que vous appelez cohérence. Les programmes tels qu’ils sont élaborés actuellement sont d’ores et déjà le résultat d’un compromis — particulièrement au PS et à l’UMP, qui sont de grosses machines avec des courants et des tendances parfois contradictoires.]
Peut-être. Mais ces « compromis » se font devant le peuple, qui peut les juger et les rejeter éventuellement par son vote. Pas après l’élection dans quelque arrière-salle obscure et dans le dos des électeurs.
[Seulement c’est un compromis qui vise à emporter une élection au scrutin majoritaire à deux tours, c’est à dire à rassembler au premier tour la plus large minorité. Pour cela le plus efficace semble être, au moins actuellement, de privilégier une certaine « cohérence » idéologique — un candidat PS risquerait gros à déclarer que son projet n’est pas socialiste — au détriment d’une cohérence intellectuelle. Et perso je préfèrerais un programme applicable et pertinent plutôt qu’un programme « idéologiquement » cohérent.]
Je ne suis pas très sur de comprendre votre raisonnement. D’abord, je pense que vous donnez beaucoup trop d’importance aux programmes électoraux. Le programme électoral, c’est un exercice imposé que chaque parti se sent obligé à produire, mais son poids dans le choix des électeurs est quasi-nul. Tout le monde sait que derrière le programme électoral il y a un programme de gouvernement porté par le candidat, qui n’est pas forcément énoncé comme tel mais qui découle logiquement de la personnalité et du positionnement du candidat. Tout le monde savait que Hollande ne renégocierait pas le TSCG, quoi qu’il ait pu dire pendant la campagne. Et beaucoup de gens qui ont voté pour lui ne l’auraient pas fait s’ils avaient pensé un instant qu’il allait foutre le bordel en Europe.
Hollande a été élu parce que c’est un homme de compromis et de synthèse, un modéré en matière sociale et économique et prêt à faire des choses en matière « sociétale ». Pas parce que « son programme était socialiste ». Ce que vous appelez « cohérence idéologique » est en fait un choix de langage.
[Pourquoi voudriez-vous que le candidat élu fasse des compromis une fois élu — du moins, pourquoi en ferait-il plus dans un système que dans un autre ? Il est élu, non ?]
Oui. Mais le président de la République n’est pas un monarque de droit divin. Il lui faut une majorité à l’Assemblée pour conduire sa politique. Le système de « vote de valeur » ne permet pas au président d’avoir une majorité automatique à l’assemblée, puisque les députés élus par « vote de valeur » le seraient en fonction de leurs « notation » par les électeurs, et non en fonction de l’injonction présidentielle….
[Je ne comprends pas l’argument. Remarquez, il peut en faire entre les deux tours, et on pourrait estimer que ça fausse la donne — peut-être certains électeurs auraient-il voté différemment au premier tour s’ils avaient su que tel candidat allait faire tel compromis pour tenter de gagner l’élection. Le vote de valeur évite aussi ce problème-là.]
C’est un problème inexistant. Les électeurs sanctionnent en général très lourdement ce genre de « surprise ». Les alliances possibles sont en général clairement annoncées dès le premier tour.
[De plus le vote de valeur comme mode de scrutin pour les primaires permettrait de dégager un candidat justement non-clivant,]
Mais c’est exactement ce que je ne veux pas !!! Moi je veux des candidats clivants, qui ouvrent de véritables débats sur des options opposées, et non des candidats « lisses » qui disent « oui » à tout le monde !
[Non, l’électeur ne tranche rien, ou disons que s’il tranche un dilemme, c’est le sien propre, pas celui de l’élection. Il peut avoir l’impression de trancher quelque chose, mais c’est une illusion : il se contente en fait d’exprimer une opinion, un choix personnel.]
Je vois que nous avons ici une différence fondamentale quant à l’appréciation de l’acte électoral.
> Et j’ai toujours pensé qu’il valait mieux obliger les électeurs à vivre dans le monde réel plutôt que dans on ne sait quel refuge théorique au pays des bisounours. Oui, dans le monde réel on peut faire tort à quelqu’un en lui apportant son soutien. Oui, dans le monde réel les choix sont complexes et parfois pénibles. Que gagnerait-on à isoler l’électeur de cette réalité, en lui donnant l’illusion de la toute puissance que donne un processus de « notation » ?
[« L’illusion de la toute-puissance » ??? « Au pays des bisounours » ??? Si ce sont des arguments qui méritent une réponse plutôt que des attaques rhétoriques visant à décrédibiliser le système que je défends, pourriez-vous les étayer ? Parce que pour l’instant je ne vois pas trop sur quoi vous vous basez pour dire ça…]
Pour ce qui concerne l’illusion de toute-puissance, j’aurais pensé que c’était assez clair, mais puisque vous le demandez, je vais expliciter. Dans un scrutin ordinaire, le candidat sollicite ma voix, et je suis libre de choisir à qui je la donne. Dans le « vote de valeur », je suis appelé à exprimer un jugement sur tous les candidats. Le premier système installe l’électeur dans un rôle de sélection, le second dans un rôle de juge.
L’allusion au « pays des bisonours » faisait référence, une fois de plus, à votre croyance que le meilleur système électoral serait celui qui choisirait le « meilleur candidat », alors que le but de l’élection est d’élire le candidat le plus représentatif.
[Quant à l’argument « dans le monde réel », il ne vaut guère mieux. Vous pourriez aussi bien écrire : Oui, dans le monde réel, il y a de la corruption, il faut donc mettre en place un système qui l’intègre.]
Bien entendu. Celui qui concevrait le système administratif en supposant que la corruption n’existe pas serait non seulement un imbécile, mais un criminel. Un système doit toujours être conçu en fonction des comportements réels des acteurs, et non de comportements idéalisés. Combien de temps un système bancaire conçu sur l’hypothèse que les gens ne prendraient que l’argent qui leur appartient et pas plus pourrait fonctionner, à votre avis ?
[« Je vois mal comment vous lisez à partir de ce paramètre le rejet du « système » de la part des électeurs ». Ben, le programme auto-proclammé « anti-système » du FN (…)]
Oui, mais dans le « vote de valeur », on note le candidat, pas le programme. Comment savez-vous que les 14% d’électeurs qui ont mis MLP en tête ne s’expriment en fait sur la personnalité de la candidate et non pas sur le « système » ?
[« Oui, même face à Le Pen. Réflechissez cinq minutes à ce que pourrait être une présidence Cheminade ou Potou ». C’est tout réfléchi ! Si la dispersion des voix était telle qu’on se retrouvait avec un deuxième tour Cheminade-Le Pen, j’entends d’ici les commentaires appelant à voter Cheminade.]
Sous le système majoritaire, la question est oiseuse puisqu’il faudrait une dispersion des voix absolument invraisemblable pour aboutir à ce résultat. Mais sous le « vote de valeur », la chose devient beaucoup moins invraisemblable…
[Un des arguments serait qu’il faut refaire l’élection (sur le mode des appels à voter non au référendum sur le traité européen afin de mieux le « renégocier »), et que Cheminade serait plus enclin à remettre son mandat en jeu que Le Pen. Un autre, que l’élection de Cheminade laisserait le jeu beaucoup plus ouvert lors des législatives, alors que l’élection de Le Pen ouvrirait un boulevard à l’entrée du FN à l’assemblée.]
Je vous rappelle que le bouton nucléaire se trouve sous le doigt du président, et de lui seul… J’ai trop de confiance dans le peuple français pour imaginer qu’ils seraient prêts à confier une telle responsabilité à une créature de Lyndon LaRouche. J’ai la nette impression en lisant votre commentaire que vous voyez le système politique idéal comme une affaire entre gens « raisonnables », et que vous cherchez par conséquent un système électoral susceptible d’écarter les gens « déraisonnables ». Ainsi, un homme « raisonnable » comme Cheminade devient préférable à la « déraison » du FN. Avec ce genre de raisonnement, on a donné le pouvoir à Pinay contre De Gaulle.
[« La France est électoralement à droite. L’accession de la gauche au pouvoir a toujours été liée à des accidents électoraux (division de la droite en 1981, dissolution de 1997, détestation de Sarkozy en 2012) et elle a été rapidement rattrapée au scrutin suivant ». Autrement dit, la gauche ne peut pas ganger les élections, sauf quand elle les gagne.]
Non. La gauche peut gagner les élections, mais parce qu’elle les gagne sans que l’opinion adhère réellement à ses options idéologiques, elle gouverne à droite.
[« Mais alors, pourquoi les gens continuent à obéir aux gens qui en sont issus ? Pourquoi l’administration, l’armée, la police, la justice appliquent la loi que ces « illégitimes » votent ? Et pourquoi toutes les tentatives de modifier le scrutin majoritaire rencontrent une forte hostilité du corps électoral ? Pourquoi les scrutins proportionnels (régionales et européennes) sont les plus boudés par les électeurs ? […] Les français se trompent peut-être, mais il est pour moi évident qu’ils sont attachés au scrutin majoritaire. Et ceux qui comme vous proposent des modes de scrutin alternative feraient bien de se demander pourquoi. » Parce que, comme je l’écrivais justement, la plupart des gens ne se posent pas la question.]
C’est un peu court… si les gens boudent les scrutins proportionnels, s’ils sont hostiles à l’abandon du scrutin majoritaire, c’est bien qu’ils se posent des questions et qu’ils y répondent.
[En outre, l’immense majorité de nos lois a été votée il y a si longtemps que le temps seul leur confère une certaine légitimité, quand bien même elle ne viendrait que du fait qu’on a « toujours fait comme ça ».]
Mais ce n’est pas vrai. On n’a pas fait toujours comme ça. Le scrutin majoritaire n’est pratiqué que depuis 1958. Et puis, le scrutin proportionnel pour les régionales ou les européennes est lui aussi installé depuis longtemps. Pourquoi les français persistent-ils alors à le bouder ?
Je ne pense pas qu’on puisse balayer d’un revers de manche la position des français concernant ces sujets. Et je trouve curieux que quelqu’un comme vous, qui souhaite changer le mode de scrutin, ne se pose d’abord la question qui tue : pourquoi, s’il a tant de défauts, les français restent aussi attachés au système majoritaire à deux tours ?
[« C’est votre droit de penser que le scrutin majoritaire est injuste et inefficace. Mais vous ne pouvez pas dire, sauf à ignorer la réalité, qu’il ne « marche pas » au sens qu’il ne remplit pas la fonction essentielle du processus électoral, qui est de faire apparaître un gouvernant légitime ». Tout mode électoral légal ferait apparaître un gouvernement « légitime », à ce compte là.]
Non. Vous confondez « légal » avec « légitime ». Les gouvernements de la fin de la IVème République étaient parfaitement « légaux », issus d’un processus électoral légal. Et pourtant, leurs ordres étaient ignorés par l’administration et par les citoyens…
[« C’est votre opinion, mais ce n’est pas ce que dit l’article. Le FN est prêt à se désister pour les candidats de la droite qui acceptent un accord avec le FN. Point à la ligne. Aucune « alliance » n’est proposée, et aucun désistement inconditionnel offert ». Accord, alliance : vous jouez sur les mots. C’est la même chose dans ce contexte.]
Pas du tout. Une « alliance » est un accord par lequel deux parties s’engagent à agir ensemble pour un but commun. Un « accord » n’implique nullement une communauté d’objectifs.
[« Je le repète, un scrutin majoritaire est celui où, à un moment de la procédure, le candidat nécessite avoir une majorité des suffrages pour être élu ». Et moi je vous répète que cette définition est absurde. Prenons un autre exemple : on organise tous les duels. À la fin, tous les candidats (sauf le perdant de Condorcet s’il existe) ont nécessairement obtenu la majorité des voix dans au moins un duel. Un mode de scrutin qui tirerait au sort le vainqueur parmi tous les candidats qui ont gagné au moins un duel, satisferait à votre critère et serait donc « majoritaire » selon votre définition]
Bien entendu. Et alors ? Je n’ai pas dit que tout mode de scrutin majoritaire était rationnel. On peut toujours inventer des scrutins proportionnels, majoritaires, au choix multiple et même « de valeur » qui sont absurdes. Cela n’implique pas qu’ils ne soient proportionnels, majoritaires, au choix multiple ou « de valeur » pour autant.
[L’écart étant plus faible, Hollande est menacé. Il a donc intérêt à jouer le tout pour le tout, et à débattre pour tenter de contrer l’ascension de Mélenchon.]
Je ne comprends pas très bien ce qui vous fait penser que le fait de débattre avec quelqu’un pourrait vous permettre de « contrer son ascension ». C’est exactement le contraire : quand un candidat réputé « sérieux » débat avec un « outsider », le simple fait de débattre avec lui le légitime à priori. C’est la raison pour laquelle les candidats dits « sérieux » refusent avec une remarquable cohérence tout débat avec les « outsiders ». Et cela ne dépend nullement du mode de scrutin…
[Précisément… Ses déclarations (et même en allant plus loin sa candidature) était en contradiction avec l’accord électoral préalablement signé. Avec le vote de valeur à la présidentielle _et aux législatives_, un tel accord n’aurait pas été nécessaire, et la liberté de parole de Joly aurait eu tout son sens.]
Je ne vois pas pourquoi le « vote de valeur » l’accord EELV-PS aurait cessé d’être nécessaire. L’accord en question permettait sur un certain nombre de circonscriptions au candidat EELV de partir avec le soutien du PS. De tels arrangements ne perdent en rien leur sens dans un système de « vote de valeur »… Quant aux déclarations d’Eva Joly, je ne vois pas en quoi le fait que l’accord existe ou pas change en quoi que ce soit le « sens » de la liberté de parole d’Eva Joly.
[« L’expérience a largement montré que l’élection se joue sur les personnalités et que les programmes sont plutôt un boulet ». L’expérience avec le scrutin majoritaire, peut-être…]
Je n’ai pas l’impression que ce soit très différent dans les scrutins proportionnels ou semi-proportionnels. Regardez par exemple les élections municipales… avez-vous l’impression que le programme municipal ait plus de poids que le nom du maire ?
[Je ne vois pas pourquoi les électeurs prendraient moins en compte le programme de Bayrou que celui des autres pour le « le porter en tête ».]
C’est certain que la personnalité du candidat a plus de poids par rapport au programme dans le cas de Bayrou que celui de Poutou, ne serait-ce que parce que la personnalité de Poutou n’est connue que de quelques intimes…
[Comme il faut bien savoir ce que compte faire les candidats avant de leur accorder ou non son soutien, les programmes prendraient donc beaucoup plus d’importance qu’actuellement.]
Mais vous croyez vraiment que c’est en lisant le programme que vous saurez ce que le candidat compte faire une fois élu ? Décidément, vous vivez au pays des bisounours…
[Je ne comprends même pas la nuance que vous faites entre « faire un choix » et « exprimer une opinion ».]
Simple. Si je dis « je veux qu’untel gouverne, je ne veux pas qu’untel autre gouverne », je fais un choix. Si je dis « celui la me plaît à tel niveau, celui là me plait à tel niveau », j’exprime une opinion. Faire un choix, c’est « exclure tous les possibles sauf un ». Exprimer une opinion, c’est classer des options.
[Je comprends de moins en moins. En quoi le vote de valeur exigerait-il moins de l’électeur qu’il tranche que le mode de scrutin actuel ?]
En ce qu’il peut mettre la même note à deux candidats.
[Dans les deux cas, l’électeur peut choisir d’exprimer ou non une opinion. À la possibilité de s’abstenir ou de voter blanc ou nul s’ajoutent dans le cas du vote de valeur différentes manière de voter blanc en plaçant tous les candidats au même niveau.]
Non. Voter blanc, c’est céder aux autres le droit de choisir le gouvernant. Cela n’exprime aucune « opinion » : on peut voter blanc par rejet du système, par manque d’intérêt, parce qu’on a mieux à faire, parce qu’on n’aime aucun candidat, parce qu’on fait confiance aux autres pour faire le bon choix ou parce qu’on est tellement convaincu que les jeux sont faits que ce n’est pas la peine d’aller faire la queue dans un gymnase non chauffé.
[« J’ai du mal à voir les français accepter Bayrou comme légitime sous prétexte qu’un système compliqué balançant les opinions sur les différents candidats a décidé que c’était le moins mal classé ». Ben, s’ils acceptent Hollande comme légitime sous prétexte qu’un système encore plus compliqué]
N’exagérez pas. Le système majoritaire a beaucoup de défauts, mais il n’est pas vraiment très compliqué. Votre exemple montre par ailleurs a quel point le système majoritaire est reconnu par nos concitoyens : son pouvoir légitimant est tel qu’il peut transformer Hollande en président de la République. Si ce n’est pas de la magie, ça… Le risque du « vote de valeur », est à mon sens qu’il peut produire un président qui ne serait pas reconnu comme légitime. Que votre système sorte Bayrou comme président est en ce sens révélateur. Car Bayrou est profondément illégitime. Les gens votent pour lui pour la même raison qu’ils votent pour Mélenchon. Parce qu’ils savent qu’il ne sera pas élu.