A quand la croissance ?

La croissance ne reviendra pas. Ce n’est pas moi qui le dit, ce sont des doctes économistes, de ceux qui n’ont aucune difficulté à se faire inviter dans les émissions les plus en vue de nos étranges lucarnes. Et le pire, c’est qu’ils ont raison. D’abord, parce qu’avec la politique économique que nos gouvernants mettent en œuvre sous l’œil attentif des gnomes de Bruxelles, il n’y a guère de chance que dame Croissance vienne s’installer dans nos contrées. Mais ces économistes ont raison sur un point au moins : la croissance des « trente glorieuses » ne reviendra pas. Elle ne peut pas revenir. Et il est important de comprendre pourquoi.

D’abord, lorsqu’on parle de « croissance », on parle de croissance de quoi, exactement ? D’une manière générale, la notion de « croissance » fait référence à la quantité de richesse produite par une économie. Bien entendu, il y a débat sur la manière de mesurer cette richesse. Dans notre comptabilité publique, cette richesse est mesurée par le PIB (produit intérieur brut).

Au-delà des détails techniques fort complexes du calcul du PIB, la logique de cette mesure repose sur la notion de « valeur ajoutée ». On postule que la richesse créée par une activité économique est mesurée par sa « valeur ajoutée », qui est la différence entre la valeur – mesurée par le prix – des intrants nécessaires à sa fabrication (matières premières, capital immobilisé, travail) et la valeur – mesurée là encore par le prix – du produit fini. L’addition des « valeurs ajoutées » des différentes activités qui composent l’économie française constitue le PIB de la France. La « croissance » étant la variation de ce PIB.

La mesure de la richesse produite par ce moyen présente de sérieux problèmes. D’abord, il y a les questions techniques de mesure, par exemple, la manière de prendre en compte la valeur créée par les activités non marchandes. Comment évaluer la richesse créée par le travail d’un instituteur, d’un policier, d’un militaire, par exemple ? Et celle d’un bénévole travaillant dans une association d’aide aux malades ou d’enseignement dans les prisons ? Dans la mesure où les services qu’ils rendent ne sont pas vendus sur un marché, il est difficile de savoir quel « prix » leur assigner. D’autres critiques sont plus idéologiques. Ainsi, par exemple, certains reprochent à la mesure du PIB de ne prendre en compte que le « prix » d’un bien et non son utilité. Ou pour le dire d’une autre manière, de se placer dans une logique utilitariste dans laquelle le prix est censé être la traduction de l’utilité. Dans cette logique, fabriquer un médicament qui guérit le cancer peut créer autant de « valeur » que la fabrication d’un médicament homéopathique qui ne guérit rien. Il suffit pour cela que quelqu’un soit prêt à payer l’homéopathie aussi cher que le médicament efficace. La mesure de la valeur ajoutée ne fait pas la différence entre l’indispensable, le superflu et l’inutile. La difficulté est que pour faire cette différence il faut énoncer des critères d’utilité qui dépassent le critère subjectif du consommateur… et qu’une telle définition n’est pas facile !

La mesure de la richesse par le PIB a aussi le défaut de produire certains effets paradoxaux. Ainsi, par exemple, une destruction massive de valeur a… un effet positif sur le PIB. La raison est que la mesure de la « valeur ajoutée » n’est pas symétrique. En d’autres termes, une activité – ou un évènement externe – qui détruit de la valeur n’est pas compté négativement dans le PIB. Le voyou qui casse un abribus ne produit pas de la « valeur négative » qu’il faudrait retrancher du PIB, mais le travailleur qui le répare produit de la « valeur positive » qui s’ajoute au PIB. En d’autres termes, le voyou qui casse l’abribus – et qui procure de ce fait des chantiers au réparateur – contribue à faire monter le PIB. C’est la raison pour laquelle les guerres, les révolutions et grands accidents naturels sont généralement suivis de périodes de forte croissance, dite « de rattrapage ».

Pour comprendre donc ces problématiques il faut bien réaliser que « la croissance » n’est pas un animal fantastique qu’on peut conjurer ou au contraire repousser avec des incantations. La « croissance » n’est ni plus ni moins que la mesure des variations de ce que notre économie produit comme richesse. Il faut donc regarder les facteurs qui permettraient à l’économie française de produire plus. Il y a deux manières de produire plus : augmenter la quantité de facteurs de production, ou améliorer l’utilisation de ceux-ci.

D’abord, la quantité. Le premier facteur de production est le travail. Comment pourrions nous augmenter la quantité de travail disponible ? D’abord, par la démographie : une augmentation du nombre d’habitants implique une augmentation du travail disponible. Mais la population de notre pays croit relativement lentement, à un taux compris entre 0,5 et 1% par an, et personne n’envisage une politique d’immigration massive qui pourrait faire croître la population plus rapidement (1). Nous sommes donc limités sur ce levier. Une deuxième manière d’avoir plus de travail, c’est d’augmenter le taux d’activité ou le temps de travail. Mais on voit bien que ces deux leviers sont des fusils à un coup. Pour ce qui concerne l’activité, mettre tous nos chômeurs au travail augmenterait de 10% le volume d’heures disponibles, mais une fois tout le monde mis au travail, l’augmentation annuelle du nombre d’heures disponibles reviendrait à celle fixée par la démographie. Même chose pour le temps de travail.

Le deuxième facteur de travail est le capital. Il a pour effet d’augmenter la productivité du travail. Mais le problème ici, c’est que le rendement du capital décroît au fur et à mesure qu’il s’accumule. Si je remplace la machine à écrire de ma secrétaire par un ordinateur dernier cri, je gagne beaucoup en productivité. Mais si je lui achète un deuxième ordinateur, sa productivité n’augmentera que marginalement. Dans un pays comme la France, où le niveau d’équipement en capital fait que la productivité du travail est l’une des plus élevées du monde, l’augmentation du capital investi n’aurait que des faibles effets sur la croissance à long terme.

Il nous reste à regarder l’utilisation qui est faite des facteurs de production. C’est là qu’entre en ligne de compte l’innovation technologique. Grâce à l’inventivité des hommes, on trouve des nouvelles technologies, de nouvelles manières d’organiser la production, qui permettent d’augmenter la productivité des facteurs. L’innovation fonctionne souvent par ruptures : une nouvelle technologie apparaît et se diffuse, provoquant une augmentation relativement importante de la productivité pendant quelques années, puis se banalise et la croissance de la production revient à sa valeur de croisière, jusqu’à la prochaine innovation. Il y a débat sur les chiffres, mais sur le long terme on peut raisonnablement estimer que l’innovation technologique fait croître la production de 1% par an en moyenne.

Sur le long terme, les facteurs qui font la croissance du PIB sont donc la démographie et l’innovation technologique. Ce qui met notre croissance de long terme entre 1,5 et 2% par an. C’est déjà beaucoup mieux que le marasme dans lequel nous précipitent les politiques économiques des dix dernières années, mais ce n’est pas la croissance des « trente glorieuses ». Je ne dis pas que des croissances plus fortes soient impossibles. Elles peuvent se produire chaque fois qu’il y a un « rattrapage » : la reconstruction après une guerre, la modernisation d’une économie archaïque, la reprise après une période de désindustrialisation, la résorption du chômage par une politique keynésienne peuvent produire pendant des temps plus ou moins longs des croissances très supérieures à la croissance de long terme. Mais une fois le rattrapage effectué, la croissance doit forcément y revenir. A moins d’avoir une politique d’innovation capable d’augmenter fortement la production en permanence… On comprend pourquoi il est si important, pour un pays comme le notre, d’investir dans l’éducation, dans la recherche, dans l’innovation. C’est la seule manière que nous ayons d’accéder à une croissance importante (2).

Quel est l’état de la France ? Et bien, si notre croissance de long terme se trouve aux alentours des 2%, nous avons alors un « retard de croissance » important à combler après des années de croissance atone. On voit bien d’ailleurs que notre appareil de production est loin de tourner à plein régime, avec un chômage devenu massif est une destruction quotidienne de moyens de production. Il est clair donc que notre problème aujourd’hui est un problème de demande insuffisante. Non pas parce que les français consomment moins, mais parce que la logique de l’Euro et de la « libre circulation » a reporté la demande vers les produits importés. La consommation française crée de la croissance et de l’emploi… en Chine.

Ce qui laisse une question en suspens : avons-nous besoin de croissance ? Pourquoi ne pourrions nous pas renoncer à ce désir de croissance permanente ? N’avons-nous pas déjà assez – certains diront trop – de biens et de services, dont certains parfaitement superflus ? Ce discours des « objecteurs de croissance » est séduisant, mais butte sur une contradiction : personne n’a l’air disposé à voir son salaire réduit. Or, qu’est ce que le salaire, sinon la mesure des biens et des services dont nous pouvons disposer (3) ? Une théorie qui repose sur l’idée que les autres doivent faire des sacrifices n’a pas, à mon avis, beaucoup d’avenir.

Le retour de la croissance est vu par beaucoup à gauche comme une sorte de messie. La croissance serait le remède magique qui permettrait d’en finir avec le chômage. Cette vision est trompeuse : comme je l’ai montré plus haut, il est pratiquement impossible de maintenir sur le long terme une croissance suffisante pour résorber le chômage. La croissance forte à l’image des « trente glorieuses », seul moyen de revenir au plein emploi sans avoir à toucher au niveau de vie des classes moyennes est une illusion.

Descartes

(1) Par ailleurs, il faut noter que si l’augmentation du nombre de travailleurs permet de produire plus, elle implique que la richesse produite soit distribuée sur un plus grand nombre de têtes. La démographie fait croître le PIB, mais n’a pas d’effet sur le PIB par habitant.

(2) Bien entendu, cette condition est nécessaire mais pas suffisante. C’est la démographie et l’innovation technologique qui bornent la croissance de long terme, mais cette borne supérieure n’est pas forcément atteinte. Contrairement à ce que croient les économistes libéraux, l’offre ne crée pas sa propre demande. L’appareil de production peut être en mesure de produire, et cette production être bridée par une demande insuffisante. C’est ce que Keynes a démontré dans les années 1930. Pour tirer profit de l’innovation technologique, encore faut-il que la demande suive.

(3) La vision « décroissante » oublie qu’il y a dans notre société de très nombreuses personnes qui aimeraient, à juste titre, vivre mieux. Or, à croissance nulle l’amélioration du niveau de vie de ces personnes passe nécessairement par une dégradation du niveau de vie des autres. Et personne ne semble pressé de voir son niveau de vie se dégrader. Dans ces conditions, on ne peut que conclure que l’idéologie de la « décroissance » est au fond – comme toutes les théories de la frugalité qui se sont succédés depuis la Grèce antique au moins – une manière pour une couche privilégiée de prêcher l’abstinence aux autres.

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79 réponses à A quand la croissance ?

  1. Baumgarten dit :

    J’apprécie beaucoup cette argumentation. Je vous renvoie à un article que j’ai écris qui me parait complémentaire.

    C’est la crise finale ♪♫♪…. (Y a-t-il une spécificité française à la crise ?)

    • Descartes dit :

      @baumgarten

      [J’apprécie beaucoup cette argumentation. Je vous renvoie à un article que j’ai écris qui me parait complémentaire.]

      J’admire votre ouverture d’esprit. Parce que nos positions sont « complémentaires » au sens qu’elles sont radicalement opposées. Votre vision, si j’ai bien compris votre article, est que la crise a pour cause « le modèle même de société dans lequel nous vivons : la course aveugle à la production pour la production et son corollaire, la surconsommation ». Or, j’ai dit exactement le contraire. Je ne crois pas aux théories « décroissantes », qui ne sont à mon avis qu’un prétexte pour une couche sociale privilégiée – qui est ravie de pouvoir surconsommer – de prêcher l’abstinence à l’ensemble de la société, et particulièrement à ceux qui ont du mal à joindre les deux bouts. Il y a quelque chose d’indécent à voir les bobos germanopratins reprocher aux habitants de la Seine-Saint-Denis leur « surconsommation »…

      Vous écrivez aussi : « Pour maintenir l’emploi il faut atteindre des niveaux de croissance désormais inatteignables, même lorsque tout va bien ». Je suis en total désaccord avec dette formule. Elle laisserait croire que le plein emploi ne peut être atteint que par la croissance. C’est faux : l’emploi dépend de beaucoup de paramètres. De la croissance, bien entendu, mais aussi du temps de travail et de l’équilibre de la balance commerciale. On peut parfaitement avoir du plein emploi avec une croissance nulle. Par contre, si l’on se fixe comme contrainte de ne pas toucher le niveau de vie des classes moyennes – ce qui suppose leur permettre d’acheter des produits importés bon marché, par exemple – alors effectivement la seule manière est d’avoir une croissance très élevée… mais en introduisant implicitement cette contrainte comme si c’était une évidence, vous aboutissez à une conclusion qui est à l’opposé de la mienne.

      Vous parlez ensuite des « trois solutions » proposées par Edgar Morin, qui vous semblent de toute évidence souhaitables puisque vous vous posez la question « peut-on mener de telles politiques » sans au préalable vous poser la question de leur intérêt. Pour ensuite décréter que « à crise mondiale, réponse mondiale » sans, là encore, la moindre argumentation. Je ne peux partager ce mode de raisonnement par évidences. Il n’est nullement évident que les solutions de Morin – si tant est qu’on puisse appeler quelques idées vagues dans l’air du temps des « solutions » – puissent résoudre quoi que ce soit, ou que la crise ait besoin de « réponse mondiale ». Vous semblez vous poser la question du « comment faire » comme si celle de « quoi faire » était résolue. Ce n’est pas le cas.

      Et finalement, votre proposition – faite au nom de l’analyse marxiste, rien de moins : « Imaginons un printemps global mêlant les plus défavorisés et une bonne partie des classes moyennes. Pas impossible ». Pas impossible ? Imaginez-vous un « printemps » dans lequel les classes moyennes, qui depuis trente ans sont les plus fidèles alliées de la bourgeoisie et dont la grande peur est de voir les enfants des « plus défavorisés » concurrencer leurs propres enfants, iraient s’allier aux couches populaires ? Allons, soyons sérieux…

      Désolé donc… mais je crains que si vous appréciez mon argumentation, c’est parce que vous n’en avez pas saisi toute la portée…

  2. cyberic dit :

    Bonjour Descartes,

    Votre analyse me semble juste mais incomplète (de mon point de vue). En l’état aucun espoir avant 2020 (d’après les experts) Je crois que la relance est possible sans modifier "la société actuelle", en effet la consommation des ménages, notamment les moins aisés, pourrait augmenter assez fortement si on leur en donne les moyens. Ci-dessous ma proposition.

    http://www.wikipol.fr/Discussion_Utilisateur:Cyberic

    • Descartes dit :

      @cyberic

      [Votre analyse me semble juste mais incomplète (de mon point de vue). En l’état aucun espoir avant 2020 (d’après les experts) Je crois que la relance est possible sans modifier "la société actuelle", en effet la consommation des ménages, notamment les moins aisés, pourrait augmenter assez fortement si on leur en donne les moyens. Ci-dessous ma proposition.]

      Je partage, et je l’ai dit dans un papier sur ce blog, votre proposition du transfert du coût de la protection sociale du travail vers la consommation. Le gros avantage de ce transfert est de faire financer notre protection sociale par les produits importés à parité avec nos propres productions. Par contre, je pense que votre raisonnement sur la relance par la consommation sans « changer la société actuelle » est vicié : aussi longtemps que l’on maintien la libre circulation des marchandises, toute augmentation de la consommation des ménages se reporte prioritairement sur les produits importés. Cela tient au fait que la consommation des ménages demande d’abord des produits de fabrication de masse, qui peuvent toujours être fabriqués moins cher dans les pays émergents. La relance par la consommation ne peut que produire les effets qu’on avait observés lors de la relance de 1981, avec une forte dégradation de la balance extérieure.

      Une relance de la consommation et de l’emploi des couches populaires n’est possible qu’associée à une politique protectionniste. Ceux qui disent le contraire se trompent… et nous trompent.

    • cyberic dit :

      Je ne me souvenais pas d’avoir échanger ici sur ce thème. Je crois utile de préciser qu’utiliser les règles actuelles me semble plus efficace et surtout beaucoup plus rapide qu’ initier politiquement une réforme profonde de l’économie mondiale. Ceci reste a faire néanmoins.

      Mon propos est axé pour l’essentiel sur la baisse des prix provoqué par le transfert des cotisations (maladie et famille uniquement) sur la consommation, en pratiquant un blocage des prix au départ. De fait, les ménages les plus pauvres étant les plus consommateurs, une relance pourrait s’amorcer tout en privilégiant le "fabriqué en France" Il est bien évident qu’un protectionnisme se mettrait alors en place naturellement.

      De mémoire (sous réserve donc) la part des produits importés dans la consommation des ménages est de 28%.

    • Albert dit :

      Votre réponse à Cyberic:
      "Une relance de la consommation et de l’emploi des couches populaires n’est possible qu’associée à une politique protectionniste. Ceux qui disent le contraire se trompent… et nous trompent."

      ca me parait évident. mais le seul mot de protectionnisme donne des boutons( voire met en fureur, à droite comme à gauche.) pourquoi??

    • Baumgarten dit :

      Désolé. A la relecture attentive des deux articles, je ne les trouve pas si opposés que cela. Je ne crois pas non plus aux théories décroissantes. Je ne crois guère plus aux théories d’une nouvelle croissance. Non pas que je ne la souhaite pas, mais je crois et c’est le sens fondamental de mon article qu’elles sont inaplicables avec succès dans UN pays, dans un monde globalisé. Car elles se font au prix d’une perte de compétivité qui génère rapidement des effets négatifs. Je ne dis pas que nous sommes d’accord sur tout. Et je vous redis exactement ce que j’avais écrit. J’apprécie votre argumentation (Ce qui veut dire qu’elle me parait très intéressante, même si je ne la partage pas totalement) et je la trouve COMPLEMENTAIRE de la mienne, ce que je maintiens à la relecture car elles donnent deux visions de la même réalité dans des espaces différents. Cela étant je vous concède que je suis sans doute plus "amateur" que vous. Et aussi sûrement plus pessimiste.

    • Descartes dit :

      @cyberic

      [Il est bien évident qu’un protectionnisme se mettrait alors en place naturellement.]

      Cela ne me semble nullement « évident »…

      [De mémoire (sous réserve donc) la part des produits importés dans la consommation des ménages est de 28%.]

      La question n’est pas de savoir quelle est la part de produits importés dans la consommation, mais la part de produits importés qui seraient achetés avec un supplément de pouvoir d’achat. En effet, il y a une partie de la consommation de produits « made in France » qui n’est guère élastique au revenu : celui qui paye une Carte Orange trois zones pour aller à son travail ne prendrait pas une deuxième carte si son revenu doublait… Aujourd’hui, une augmentation du revenu dans les couches populaires se traduit en général par une dépense en biens intermédiaires : électroménager, multimédia, téléphone, voiture… et sur ces créneaux, l’industrie française est peu présente.

    • Descartes dit :

      @Albert

      [ca me parait évident. mais le seul mot de protectionnisme donne des boutons( voire met en fureur, à droite comme à gauche.) pourquoi?]

      Là encore, c’est une question d’intérêt. Le libre-échange permet d’aller chercher les produits là où ils sont le moins chers à produire. A l’inverse, il permet aussi d’aller chercher le travail là où il est moins cher, et pousse vers le bas les salaires des travailleurs dont les activités sont délocalisables quand il ne les condamne pas au chômage. En d’autres termes, le libre-échange profite à ceux dont le revenu dépend d’activités difficiles à délocaliser au préjudice de ceux qui exercent des métiers facilement déplaçables.

      Les classes moyennes et les rentiers appartiennent à la première catégorie, la classe ouvrière dans sa grande majorité, à la seconde. Or, dans notre société ce sont les classes moyennes qui dominent la politique, à gauche comme à droite…

    • Descartes dit :

      @Baumgarten

      [Je ne crois guère plus aux théories d’une nouvelle croissance. Non pas que je ne la souhaite pas, mais je crois et c’est le sens fondamental de mon article qu’elles sont inaplicables avec succès dans UN pays, dans un monde globalisé.]

      Et pourquoi ça ? Je pense que vous cédez un peu trop facilement à l’air du temps. Je sais que c’est la mode aujourd’hui de répéter que « dans un monde globalisé il n’y a que des solutions globales » et que « l’Etat-nation est impuissant ». Curieusement, ces articles de dogme ne sont jamais argumentés. Or, je me méfie beaucoup des affirmations dogmatiques qui concluent au fait qu’on ne peut rien faire…

      [Car elles se font au prix d’une perte de compétivité qui génère rapidement des effets négatifs.]

      Vous savez… le problème de la « compétitivité » ne se pose que si on entre dans la course. Si on s’y refuse, la « compétitivité » cesse d’être un problème. Or, il n’y a aucune loi divine qui nous oblige à rentrer dans la « compétition ».

    • Baumgarten dit :

      Il se trouve que je vios depuis 12 ans en Argentine et que je vois depuis environ 8 ans le pays mener des politiques hétérodoxes de relance par la consommation, de strict contrôle des importations et du change, de soit disant relance de la production nationale etc… Toutes politiques relativement cohérentes. Quels en sont les résultats? Baisse importante du chômage, à 8%, principalement grâce à l’emploi public, inflation de 25% par an depuis 6 ou 7 ans, coûts élevés de production nuisant aux exportations industrielles (les exportations agricoles ont les prix du marché international), baisse drastique des investissements nationaux et internationaux, non accès au crédit. Autrement dit, una amélioration à court terme et des lendemains qui déchantent déjà…avant la prochaine grosse crise. La compétivité détruite se paye cash! Le niveau de pauvreté et d’indigence, élevé, ne bouge plus depuis 8 ans. De son côté le Brésil qui mène des politiques plus classiques et qui surveille de près ses grands équilibres macro, s’en tire mieux, malgré des difficultés. la npauvreté a été réduite en 10 ans de plus de la moitié et pour la première fois une classe moyenne apparait (c’est d’ailleurs ses nouvelles exigences qui ont provoqué les récentes révoltes).

    • Descartes dit :

      @baumgarten

      [Il se trouve que je vis depuis 12 ans en Argentine et que je vois depuis environ 8 ans le pays mener des politiques hétérodoxes de relance par la consommation, de strict contrôle des importations et du change, de soit disant relance de la production nationale etc… Toutes politiques relativement cohérentes. Quels en sont les résultats? Baisse importante du chômage, à 8%, principalement grâce à l’emploi public, inflation de 25% par an depuis 6 ou 7 ans, coûts élevés de production nuisant aux exportations industrielles (les exportations agricoles ont les prix du marché international), baisse drastique des investissements nationaux et internationaux, non accès au crédit. Autrement dit, une amélioration à court terme et des lendemains qui déchantent déjà…avant la prochaine grosse crise.]

      Vous ne donnez pas tous les éléments du problème. La politique du gouvernement argentin n’est pas si « cohérente » que vous le dites. D’abord, après avoir sous Nestor Kirchner pratiqué une politique monétaire qui laissait le change flotter, on est revenu à la politique monétaire traditionnelle qui consiste à maintenir la monnaie nationale surévaluée, politique qui vise à permettre aux classes moyennes de continuer à consommer des produits importés et à voyager à l’étranger, condition nécessaire pour avoir son soutien politique.

      Pour conserver l’appui des classes moyennes le gouvernement argentin se voit obligé aussi de maintenir la pression fiscale extrêmement basse. Non seulement le niveau d’imposition est faible, mais la fraude fiscale est massive sans parler de la corruption et du copinage qui coûtent cher au trésor public. Cela se traduit entre autres choses par un sous investissement chronique dans les infrastructures : pour ne donner qu’un exemple, les trains suburbains de Buenos Aires utilisent encore du matériel roulant acheté dans les années 1960, et les équipements de production et de transport d’électricité datent pour beaucoup des années 1970 !

      [La compétivité détruite se paye cash! Le niveau de pauvreté et d’indigence, élevé, ne bouge plus depuis 8 ans. De son côté le Brésil qui mène des politiques plus classiques et qui surveille de près ses grands équilibres macro, s’en tire mieux, malgré des difficultés.]

      Faut dire que, contrairement à l’Argentine, l’ Brésil n’a pas une immense classe moyenne à faire vivre…

      [la pauvreté a été réduite en 10 ans de plus de la moitié]

      La pauvreté a été réduite, mais reste très supérieure à celle de l’Argentine. Quand on part de plus loin, il est toujours plus facile d’avancer vite. C’est la logique même de la « croissance de rattrapage ». Mais il est vrai que le Brésil a eu une politique d’investissement en infrastructures là où l’Argentine préfère la consommation…

      [et pour la première fois une classe moyenne apparait (c’est d’ailleurs ses nouvelles exigences qui ont provoqué les récentes révoltes).]

      C’est la fin des haricots…

  3. Albert dit :

    Bonjour, Descartes.
    Je retrouve votre blog avec un réel plaisir. Excellent article (je l’envoie à mon petit-fils, en terminale ES).

    [ "personne n’envisage une politique d’immigration massive…"]
    En êtes-vous bien sûr? Les émules d’Attali sont nombreux à gauche (ouvertement), et…à droite (sans le crier sur les toits).

    Pour en revenir à votre thèse centrale sur les classes moyennes (plaidable au niveau sociologie), ne croyez-vous pas que celles-ci sont plus instrumentalisées par les puissances économiques et financières maitresses des medias qu’elles ne sont à l’origine des évolutions économiques et politiques actuelles?

    • Descartes dit :

      @Albert

      [Je retrouve votre blog avec un réel plaisir. Excellent article (je l’envoie à mon petit-fils, en terminale ES)].

      C’est gentil de votre part. Encouragez-le aussi à commenter !

      [En êtes-vous bien sûr? Les émules d’Attali sont nombreux à gauche (ouvertement), et…à droite (sans le crier sur les toits).]

      Certains patrons – ou des politiques qui leur sont acquis – proposent, il est vrai, des politiques d’immigration plus flexibles pour faire baisser les salaires dans certains secteurs. Mais personne ne propose une politique d’immigration suffisamment massive pour avoir un effet important sur la croissance.

      [Pour en revenir à votre thèse centrale sur les classes moyennes (plaidable au niveau sociologie), ne croyez-vous pas que celles-ci sont plus instrumentalisées par les puissances économiques et financières maîtresses des medias qu’elles ne sont à l’origine des évolutions économiques et politiques actuelles?]

      Non, je ne le crois pas un instant. Une « instrumentalisation » impliquerait que les classes moyennes jouent contre leurs propres intérêts en succombant à l’influence des « puissances économiques et financières ». Or, c’est exactement le contraire qu’on observe. L’histoire de ces trente dernières années est celle de politiques qui ont sacrifié les couches populaires pour maintenir et améliorer le niveau de vie des classes moyennes. Plus que d’instrumentalisation, je pense qu’il faut parler d’alliance. Les « puissances économiques et financières » rétrocèdent aux classes moyennes une partie de la plus-value extraite en échange d’un soutien politique. C’est une convergence d’intérêts.

    • Albert dit :

      ["Mais personne ne propose une politique d’immigration suffisamment massive pour avoir un effet important sur la croissance."]
      Permettez-moi d’en douter.
      Je ne citerai qu’un exemple, très significatif: il n’y a pas si longtemps (quelques années quand même) je lisais dans Le Monde (ça m’arrive!) un texte d’un certain H.J. FILIPPI, banquier de son état et ancien Inspecteur des Finances (comme papa jadis) et aussi ancien Dir-Cab de Mme Aubry au ministère du travail (un bon condensé, donc, de notre classe politique passée, présente et à venir).
      Ce monsieur expliquait doctement que le problème majeur de l’économie française (et de sa stagnation) était de manquer de travailleurs et rejoignait les thèses d’un certain J.L.GUIGOU prônant un afflux massif de main-d’œuvre africaine dans le cadre d’un échange gagnant-gagnant Nord-Sud.

      ["Non, je ne le crois pas un instant. Une « instrumentalisation » impliquerait que les classes moyennes jouent contre leurs propres intérêts en succombant à l’influence des « puissances économiques et financières »."]

      Et pourquoi pas? Croyez-vous donc que l’intérêt bien compris des gens soit le seul moteur des comportements humains? Hélas! Les gens sont souvent beaucoup plus c. que ça!
      En outre, on ne peut pas ne pas s’interroger sur l’évolution de ces dernières années, qui -au dire de beaucoup- n’est pas spécialement favorable aux classes moyennes dans nos pays occidentaux.

    • Descartes dit :

      @Albert

      [Je ne citerai qu’un exemple, très significatif: il n’y a pas si longtemps (quelques années quand même) je lisais dans Le Monde (ça m’arrive!) un texte d’un certain H.J. FILIPPI, banquier de son état et ancien Inspecteur des Finances (comme papa jadis) et aussi ancien Dir-Cab de Mme Aubry au ministère du travail (un bon condensé, donc, de notre classe politique passée, présente et à venir).]

      Oui, mais enfin, vous m’accorderez que ce genre d’expression est marginale…

      ["Non, je ne le crois pas un instant. Une « instrumentalisation » impliquerait que les classes moyennes jouent contre leurs propres intérêts en succombant à l’influence des « puissances économiques et financières »." Et pourquoi pas?]

      Parce que ce n’est de toute évidence pas le cas. Les classes moyennes ont au contraire réussi ces trente dernières années à imposer leurs intérêts comme l’alpha et l’oméga des politiques publiques.

      [Croyez-vous donc que l’intérêt bien compris des gens soit le seul moteur des comportements humains? Hélas! Les gens sont souvent beaucoup plus c. que ça!]

      Des individus, pas toujours. Des groupes sociaux, oui, sans aucun doute.

      [En outre, on ne peut pas ne pas s’interroger sur l’évolution de ces dernières années, qui -au dire de beaucoup- n’est pas spécialement favorable aux classes moyennes dans nos pays occidentaux.]

      Vraiment ? Et qu’est ce qui vous fait dire ça ? Je pense au contraire que l’évolution de ces trente dernières années est celle que les classes moyennes ont souhaité.

    • dsk dit :

      ["Oui, mais enfin, vous m’accorderez que ce genre d’expression est marginale…"]

      Pas si marginale que ça. Karine Berger, par exemple, qui n’est quand même pas n’importe qui, puisqu’il s’agit d’une personne "extraordinairement influente dans l’équilibre croissance – austérité", a récemment écrit un livre pour nous expliquer, entre autres, que l’économie française aurait besoin de 10 millions d’immigrés d’ici 2040.

      http://www.latribune.fr/actualites/economie/france/20110321trib000609557/l-economie-francaise-a-besoin-de-10-millions-d-immigres-d-ici-a-2040.html

    • Descartes dit :

      Je ne suis pas aussi convaincu que vous que Karine Berger soit "extraordinairement influente". Par ailleurs, je remarque que sur son "site officiel", il n’y a aucune trace de cette proposition. Je persiste: ce genre de propositions restent extrêmement marginales. A ma connaissance, aucun parti politique n’a inscrit ces dernières dix années une telle proposition sur son programme.

    • Albert dit :

      ["Je persiste: ce genre de propositions restent extrêmement marginales. A ma connaissance, aucun parti politique n’a inscrit ces dernières dix années une telle proposition sur son programme."]

      Voyons, Descartes! Vous voyez un parti politique inscrire pareille proposition dans son programme? Même Mélenchon n’oserait pas!
      Mais que de projets ont été ou sont souhaités, voire poursuivis avec ténacité sans le dire -ou en déclarant le contraire !
      Alors, marginales ,ces positions? En nombre certes, mais n’émanant pas de n’importe qui !
      Par exemple: Qui connait la "politique de voisinage" de l’UE?
      Point n’est besoin d’être paranoïaque pour penser que les opinions publiques ne connaissent pas le quart de ce que trament en secret les décideurs (économiques et politiques) avec leurs "think-tanks"et réseaux en tous genres.

    • dsk dit :

      ["Je ne suis pas aussi convaincu que vous que Karine Berger soit "extraordinairement influente""]

      Ma conviction, c’est surtout qu’elle est extraordinairement moche.

      ["A ma connaissance, aucun parti politique n’a inscrit ces dernières dix années une telle proposition sur son programme."]

      A quoi bon ? Dix millions d’immigrés d’ici 2040, il me semble que l’on atteindra facilement ce chiffre en se contentant de poursuivre au rythme actuel.

    • Descartes dit :

      @dsk

      ["Je ne suis pas aussi convaincu que vous que Karine Berger soit "extraordinairement influente"". Ma conviction, c’est surtout qu’elle est extraordinairement moche.]

      Vous savez… les goûts et les couleurs…

      [A quoi bon ? Dix millions d’immigrés d’ici 2040, il me semble que l’on atteindra facilement ce chiffre en se contentant de poursuivre au rythme actuel.]

      Pas vraiment. Il arrive bon an mal an 100.000 immigrés en France. D’ici 2040, on atteindrait donc à peine le chiffre de 3.000.000.

    • Albert dit :

      [A quoi bon ? Dix millions d’immigrés d’ici 2040, il me semble que l’on atteindra facilement ce chiffre en se contentant de poursuivre au rythme actuel.](DSK)

      "- Pas vraiment. Il arrive bon an mal an 100.000 immigrés en France. D’ici 2040, on atteindrait donc à peine le chiffre de 3.000.000."(Descartes).

      Pas sérieux, Descartes! Désolé. Votre chiffre de 100 000 par an n’est pas crédible.

      Et vous n’avez pas répondu à ma question sur la "politique de voisinage" de l’UE. Notamment. Dois-je vous rappeler ce rapport de la Commission européenne de 2004 qui préconisait l’entrée de la Turquie en indiquant que sa démographie compenserait le déclin démographique de l’UE actuelle? Vous me direz peut-être que ce n’est pas pareil. Oh que si!

    • Descartes dit :

      [Pas sérieux, Descartes! Désolé. Votre chiffre de 100 000 par an n’est pas crédible.]

      C’est pourtant les chiffres que donne le Ministère de l’Intérieur. Mais peut-être pourriez vous proposer les chiffres qui vous paraissent "crédibles" ?

      [Et vous n’avez pas répondu à ma question sur la "politique de voisinage" de l’UE. Notamment. Dois-je vous rappeler ce rapport de la Commission européenne de 2004 qui préconisait l’entrée de la Turquie en indiquant que sa démographie compenserait le déclin démographique de l’UE actuelle? Vous me direz peut-être que ce n’est pas pareil. Oh que si!]

      Les idées de la Commission sont dans ce domaine celles de l’Allemagne. Elles ne reflètent pas vraiment la position des dirigeants ou de l’establishment politique français…

    • Albert dit :

      Chiffres 2012 du ministère de l’Intérieur, rapportés en leur temps par "Le Monde".

      "Par nature sensibles, ces statistiques sont les premières publiées sous François Hollande. Mais comme il s’agit des données de 2011 et 2012, elles permettent surtout d’établir le bilan de la dernière partie du mandat de Nicolas Sarkozy.

      Ces chiffres révèlent que, excepté quelques variations, le flux annuel d’étrangers obtenant un titre de séjour en France est resté relativement stable durant toute cette période. Malgré les déclarations tonitruantes de la précédente majorité, quelque 193 600 personnes ont obtenu le droit de séjourner en France en 2012. Soit peu ou prou le même nombre qu’en 2011."

    • Descartes dit :

      [Malgré les déclarations tonitruantes de la précédente majorité, quelque 193 600 personnes ont obtenu le droit de séjourner en France en 2012.]

      Oui, mais le nombre de titres de séjour ne vous permettent pas de savoir combien d’étrangers s’installent définitivement dans notre pays. Pour calculer le nombre d’immigrés qui se seront installés en 2040 il vous faut retrancher du nombre de titres de sejour accordés les étrangers pourvus de titre de séjour qui quittent chaque année définitivement notre pays. Il est vrai que mon commentaire n’était pas bien formulé: au lieu d’écrire "il arrive 100.000 immigrés par an en France" j’aurais du écrire "chaque année 100.000 immigrés s’installent définitivement en France".

    • Albert dit :

      [Les idées de la Commission sont dans ce domaine celles de l’Allemagne. Elles ne reflètent pas vraiment la position des dirigeants ou de l’establishment politique français…].

      Possible, encore que ça reste à prouver. De toutes façons, qui gouverne la France, Bruxelles-Berlin ou Paris?

    • Descartes dit :

      @Albert

      Paris. Ce n’est pas la faute de Bruxelles ou Berlin si nos politiciens préfèrent la posture du caniche.

  4. Marcailloux dit :

    Exposé simple et concis sur l’économie d’une rare clarté, merci Descartes.
    Deux remarques sur le sujet :
    – l’objectif, à priori, d’un gouvernement, de quelque bord qu’il soit, est de satisfaire le besoin d’un sentiment de bien être du plus grand nombre possible de citoyens. Or la quantité de produits consommés n’est en rien corrélée avec l’atteinte de cet objectif. Comme vous l’indiquez, l’aspect quantitatif est privilégié par rapport au qualitatif. Résultat : les consommateurs préfèrent acheter trois fois plus souvent un produit (souvent importé) dont le prix est deux fois moindre.
    Et malheureusement, aucun des gouvernements successifs n’a pratiqué une politique vigoureuse de développement du qualitatif, ce qui aurait eu pour effet de favoriser une production nationale qui à niveau de PIB égal nécessiterait plus de travail « intra muros » que le type de consommation actuel.
    – vous écrivez : « …Pour ce qui concerne l’activité, mettre tous nos chômeurs au travail augmenterait de 10% le volume d’heures disponibles, mais une fois tout le monde mis au travail, l’augmentation annuelle du nombre d’heures disponibles reviendrait à celle fixée par la démographie » mais vous ne tenez pas compte qu‘en mettant tout le monde au travail – si tant est que ce soit possible – vous augmentez, en principe, l’efficience de la maison France sur le plan économique et sur le plan social, ce qui abouti inéluctablement à la satisfaction de l’objectif évoqué précédemment.
    Et, à ce sujet, vous aviez, dans un précédent billet que je ne suis pas parvenu à retrouver, évoqué le problème du niveau du Smic et son influence néfaste (de mémoire) sur l’économie. Il me semble qu’il y a là un sujet fondamental qu’il pourrait être extrêmement pertinent de reprendre et de développer. Il me semble, exprimé « à la louche », qu’un Smic à 800€ (par exemple) assorti d’un complément variable en fonction de critères tels que le type d’emploi ou d’activité économique, des caractéristiques personnelles du salarié concerné, du lieu géographique de l’activité, etc….boosterait de manière formidable notre industrie de production, créant par là même de nombreux emplois, et déclenchant une spirale vertueuse avec de nombreux effets positifs. Le coût direct et surtout indirect ( ses effets pervers) du chômage en France me semblent avoir atteint un niveau mortifère dont nous ne sortirons pas avec des mesures homéopathiques.
    Pour conclure, je propose à la réflexion de tous, cette parole d’ Épicure :
    « Grâce soit rendue à la bienheureuse nature qui a fait que les choses nécessaires sont faciles à se procurer tandis que les choses difficiles à se procurer ne sont pas nécessaires. »

    • Descartes dit :

      @Marcaillou

      [l’aspect quantitatif est privilégié par rapport au qualitatif. Résultat : les consommateurs préfèrent acheter trois fois plus souvent un produit (souvent importé) dont le prix est deux fois moindre.]

      Je n’en suis pas convaincu. Pourriez-vous donner quelques exemples ? Je crains que vous n’ignoriez un élément important, qui est celui de la mode et du goût de la nouveauté. Si j’aime changer de vaisselle tous les cinq ans, à quoi sert d’acheter un jeu en porcelaine qui dure tente ans ?

      [mais vous ne tenez pas compte qu‘en mettant tout le monde au travail – si tant est que ce soit possible – vous augmentez, en principe, l’efficience de la maison France sur le plan économique et sur le plan social, ce qui abouti inéluctablement à la satisfaction de l’objectif évoqué précédemment.]

      Je ne vois pas de quel objectif vous voulez parler. Je me contente de faire une analyse en termes de PIB, qui est la taille du gâteau qu’il y a à redistribuer. Je n’ai pas abordé la question de la redistribution du gâteau en question.

      [Et, à ce sujet, vous aviez, dans un précédent billet que je ne suis pas parvenu à retrouver, évoqué le problème du niveau du Smic et son influence néfaste (de mémoire) sur l’économie.]

      Je ne crois pas avoir parlé d’un effet « néfaste » du le SMIC. La seule chose que j’ai dit est que fixer un salaire minimum revient à fixer une limite de productivité en dessous de laquelle une activité ne peut être rentable, et donc de condamner toutes les activités dont la productivité est sous cette limite à disparaître. Il y a donc un compromis à trouver : un SMIC trop bas condamne les travailleurs les moins productifs à la misère, un SMIC trop haut les condamne au chômage.

      [Il me semble qu’il y a là un sujet fondamental qu’il pourrait être extrêmement pertinent de reprendre et de développer. Il me semble, exprimé « à la louche », qu’un Smic à 800€ (par exemple) assorti d’un complément variable en fonction de critères tels que le type d’emploi ou d’activité économique, des caractéristiques personnelles du salarié concerné, du lieu géographique de l’activité, etc….boosterait de manière formidable notre industrie de production, créant par là même de nombreux emplois, et déclenchant une spirale vertueuse avec de nombreux effets positifs.]

      Oui. C’est l’idée du SMIC sectoriel dont le niveau serait fixé par branche en tenant compte des spécificités économiques de chaque activité. C’est séduisant, mais cela ne résout pas le problème de base, qui est un choix de société. Ce problème peut être posé schématiquement de la manière suivante : la productivité du travail est variable avec les individus, et dès lors qu’on n’accepte pas que les individus les moins productifs aient un niveau de vie conforme à leur productivité, il faut un mécanisme qui retire de la richesse aux plus productifs pour la céder aux moins productifs. Ce qui suppose donc que la couche sociale la plus productive accepte ce mécanisme.

      Le problème aujourd’hui est que le « pacte social » qui permettait d’enlever aux classes moyennes pour donner aux couches populaires s’est brisé. Le consommateur préfère payer des chemisettes moins chères en les achetant en Chine plutôt que subventionner des emplois en France en les payant plus cher. A partir de là, les couches populaires ne peuvent que s’appauvrir. Et ça, vous ne l’arrangerez pas en ajustant le SMIC.

      [Pour conclure, je propose à la réflexion de tous, cette parole d’ Épicure : « Grâce soit rendue à la bienheureuse nature qui a fait que les choses nécessaires sont faciles à se procurer tandis que les choses difficiles à se procurer ne sont pas nécessaires. »]

      Comme quoi, même les grands hommes peuvent dire des bêtises… je crains que pour beaucoup de nos concitoyens beaucoup de choses vraiment nécessaires soient, regrettablement, bien difficiles à procurer…

  5. Jean-François dit :

    Bonjour Descartes.

    Mes compliments pour cet article à la fois succinct, précis, pédagogique et percutant (je vois d’ici votre bec frémir et votre proie vaciller !).

    Je profite que vous abordiez cette thématique pour mettre à l’épreuve de votre sagacité ce petit raisonnement optimiste.

    La diminution de la quantité de pétrole disponible engendrera une augmentation de son prix, ce qui aura principalement de l’influence sur les transports de marchandises et donc sur le prix des marchandises à l’arrivée (jusqu’ici je pense que nous somme d’accord). Or, j’ai l’impression que cela peut nous être profitable, au moins dans un premier temps, car cela constituerait un frein considérable pour l’ouverture des marchés. Du point de vue de la croissance, nous serions progressivement contraints de refermer notre économie, ce qui pourrait avoir une influence positive, en particulier parce que cela pourrait engendrer une baisse du chômage (par le biais, peut-être, d’une augmentation du SMIC). J’imagine en particulier cette croissance hypothétique combinée au spectre de la fin du pétrole mener à une augmentation massive du financement de la recherche, à des réalisations de projets du type Hyperloop en tous genres, à un monde uni où nous ne pleurerions plus que des larmes de joies (pardon je suis drôle aujourd’hui).

    • Descartes dit :

      @Jean françois

      [La diminution de la quantité de pétrole disponible engendrera une augmentation de son prix, ce qui aura principalement de l’influence sur les transports de marchandises et donc sur le prix des marchandises à l’arrivée (jusqu’ici je pense que nous somme d’accord).]

      Sauf que « la diminution de la quantité de pétrole disponible » est une hypothèse qui pour le moment ne s’est jamais vérifié. Au contraire : la quantité de pétrole disponible tend à augmenter à mesure que l’exploration découvre de nouvelles ressources et que le progrès technologique permet de mieux exploiter les ressources connues. Il n’y a qu’à voir combien le prix du gaz et du pétrole baissent aux Etats-Unis grâce aux gaz et huiles de schiste… Par ailleurs, le coût du transport n’est qu’une très faible part du prix des biens importés. Il faudrait que le pétrole devienne très, très cher et qu’on ne trouve pas de substitut pour que cela ait un effet sur le commerce international.

    • Jean-François dit :

      Bonjour Descartes,

      [le coût du transport n’est qu’une très faible part du prix des biens importés]

      Je viens de rechercher des sources pour cette affirmation mais j’ai du mal à en trouver. En auriez-vous sous la main ?

    • Descartes dit :

      Tu trouveras quelques chiffres dans ce rapport, notament au tableau I qui donne quelques chiffres pour le coût du transport "ad valorem", c’est à dire, en proportion de la valeur du bien. Tu verras que celui-ci est pratiquement toujours inférieur à 10% de la valeur.

      http://www.internationaltransportforum.org/pub/pdf/06RT130F.pdf‎

  6. Baruch dit :

    Une remarque qui n’est en aucun cas une objection à ce que vous dites des classes moyennes,de leur définition, de leur place dans les rapports sociaux et dans la répartition de la valeur produite par le travail humain.
    Je n’ai pas vraiment le vocabulaire économique, et quoique l’incompétence ne soit jamais une excuse, je vais essayer d’avancer avec mes propres mots.
    Il me semble que lorsque vous dites dans votre réponse à Albert :"L’histoire de ces trente dernières années est celle de politiques qui ont sacrifié les couches populaires pour maintenir et améliorer le niveau de vie des classes moyennes. " vous touchez juste.
    Mais n’y a t-il pas eu dans la transformation de l’organisation du travail lui-même , un" glissement", qui a brouillé la vision des limites entre "classes populaires" et "classe moyenne". Le travail est devenu me semble-t-il de plus en plus technique, complexe, l’imbrication des sciences et de la technique dans le procès de travail n’a cessé de croître et de transformer concrètement le travail. La formation de la force de travail du travailleur "populaire" a demandé de plus en plus de temps, de complexification, il ne suffisait plus du tour de main, de la coopération avec ses compagnons de travail, mais une formation, des capacités intellectuelles, technologiques (au delà même de techniques) qui du point de vue du travailleur, de l’ouvrier ne lui permet plus de "voir" "directement" qu’elle est sa place réelle. Car du point de vue de l’appropriation des fruits de son travail je pense que l"’opérateur" contemporain est tout autant dépossédé que l’ouvrier de l’usine des années 1950, mais qu’il ne se voit plus lui-même comme il se voyait avant. Il participe "est plus actif, responsable de l’organisation de son "propre" travail, il s’auto-régule " comme il le répète et surtout comme on le lui répète; en réalité il est tout autant "exploité" au sens non moral du terme, c’est à dire que sa force de travail, hautement compétente, en tous les cas plus qu’avant est toujours exploitée.
    Comme du fait même de cette compétence, il produit plus de valeur qu"un travailleur" dans le même temps de travail n’en produisait avant, et en un sens "objectif" il est totalement "prolétarisé", mais subjectivement il a le sentiment d’avoir "réussi", c’est à dire d’être passé de "l’autre côté" de la barrière de la lutte des classes.
    Ses connaissances, ses savoir- faire, lui donne la "conscience" d’avoir accédé à "autre chose".
    Toute l’idéologie contemporaine d’ailleurs renforce cette "conscience" du glissement, du décalage, mais bien sûr nous savons (en bons "marxistes survivant encore un peu" qu’il s’agit là d’un masque.
    Plus haut, en répondant à quelqu’un vous parliez des effet de la mode qui nous poussent à changer notre vaisselle tous les cinq ans, cela va dans le même sens, je crois. Les designers, publicitaires, journalistes, photographes qui façonnent gout, regard, proposent d’en changer tout le temps comme les programmateurs d’obsolescence de nos machines à laver, appartiennent aux classes moyennes, mais leur "créativité", leur "indépendance de vue", est totalement imbriquée dans le processus d’appropriation qu’il faut bien appeler capitaliste.
    Je pense qu’il y a donc deux,au moins, processus de brouillage complémentaires quoique opposés de la limite entre "classes populaires" et "classes" moyennes", d’une part les classes moyennes se pensent comme telles que parce que elles ont le sentiment que d’autres ont été (selon vos termes) "sacrifiés": "Nous y avons échappé à ce destin qui aurait fait de nous des ouvriers si…" disent-ils.
    D’autre part, les ouvriers sont acculés soit à la résignation :" c’est mon destin", soit à se penser comme "sortis du danger" ayant "passé le seuil" du populo. Il y a de moins en moins de place pour la "conscience de classe" dans la classe ouvrière, en donnant aux mots "conscience" et "classe" leur sens fort.
    Prêcher l’abstinence aux autres, vivre du sacrifice des autres, avec le souci prétendument " totalement moral " de la justice réduite à la justesse du calcul du taux de profit, me semble le mode de vie des classes moyennes en ces temps-ci.

    • Descartes dit :

      @Baruch

      [Mais n’y a t-il pas eu dans la transformation de l’organisation du travail lui-même , un "glissement", qui a brouillé la vision des limites entre "classes populaires" et "classe moyenne". Le travail est devenu me semble-t-il de plus en plus technique, complexe, l’imbrication des sciences et de la technique dans le procès de travail n’a cessé de croître et de transformer concrètement le travail.]

      Certainement. Et cette transformation a donné à certains travailleurs un pouvoir de négociation considérable devant leur employeur, liée à la possession d’un capital immatériel, ce qui est pour moi l’élément définissant l’appartenance aux classes moyennes. Cependant, ce processus ne touche pas, et loin de là, l’ensemble du monde du travail. L’immense majorité des activités productives a connu au contraire une simplification. Un mécanicien automobile naguère fabriquait des pièces au tour ou à la fraiseuse, aujourd’hui il se contente de les remplacer par des pièces prises en magasin.

      Par ailleurs, la valeur du « capital immatériel » que représente une compétence dépend aussi de l’état du marché. Lorsque les Baccalauréat étaient réservé à une petite élite, les bacheliers pouvaient obtenir de leur employeur le versement de l’intégralité de la valeur produite – et quelquefois même de partager la plus-value extraite aux autres travailleurs. Aujourd’hui que le bac se banalise, il ne permet plus d’assurer à leur titulaire cette situation.

      [Car du point de vue de l’appropriation des fruits de son travail je pense que l"’opérateur" contemporain est tout autant dépossédé que l’ouvrier de l’usine des années 1950, mais qu’il ne se voit plus lui-même comme il se voyait avant. Il participe "est plus actif, responsable de l’organisation de son "propre" travail, il s’auto-régule" comme il le répète et surtout comme on le lui répète; en réalité il est tout autant "exploité" au sens non moral du terme, c’est à dire que sa force de travail, hautement compétente, en tous les cas plus qu’avant est toujours exploitée.]

      Oui. L’atomisation des collectifs de travail, l’individualisation des parcours, l’illusion de la « créativité » et les niveaux de vie croissants ont détruit la solidarité de classe et rendu moins lisibles les rapports de production. Mais l’appauvrissement des couches populaires est en train de ramener la conscience de classe. Dommage que le seul parti politique prêt à assumer cette conscience soit le FN…

      [Plus haut, en répondant à quelqu’un vous parliez des effet de la mode qui nous poussent à changer notre vaisselle tous les cinq ans, cela va dans le même sens, je crois. Les designers, publicitaires, journalistes, photographes qui façonnent gout, regard, proposent d’en changer tout le temps comme les programmateurs d’obsolescence de nos machines à laver,]

      La mode ne date pas d’hier. On peut dater une céramique romaine à la décennie près ou presque grâce au fait que déjà dans la Rome antique la mode changeait rapidement. Y voir un effet des « designers, publicitaires, journalistes » me paraît une erreur. Ce besoin de nouveauté est purement humain. Quant à « l’obsolescence programmée »… désolé, mais je ne tombe pas dans ce genre de pensée paranoïaque.

      [Prêcher l’abstinence aux autres, vivre du sacrifice des autres, avec le souci prétendument " totalement moral " de la justice réduite à la justesse du calcul du taux de profit, me semble le mode de vie des classes moyennes en ces temps-ci.]
      Tout à fait. Et c’est pourquoi les projets politiques qui s’appuient sur les classes moyennes n’ont aucune chance de changer véritablement la société dans un sens progressiste.

    • Albert dit :

      ["Ce besoin de nouveauté est purement humain. Quant à « l’obsolescence programmée »… désolé, mais je ne tombe pas dans ce genre de pensée paranoïaque."]

      Désolé à mon tour, Descartes, mais le capitalisme tout entier est fondé sur des mécanismes "purement humains". Et le problème de "l’accélération" (donc de l’obsolescence) n’a rien de paranoïaque. Voir "Accélération", de H . Rosa, marxiste bon teint (Ecole de Francfort).

    • Descartes dit :

      @Albert

      [Et le problème de "l’accélération" (donc de l’obsolescence) n’a rien de paranoïaque. Voir "Accélération", de H . Rosa, marxiste bon teint (Ecole de Francfort).]

      Il ne faut pas confondre la problématique de « l’obsolescence accélérée », qui est réelle, avec celle de « l’obsolescence programmée » qui est un fantasme paranoïaque qui suppose qu’une Grande Conspiration des industriels a décidé de « programmer » la défaillance des produits qu’ils fabriquent pour en vendre plus.

    • Albert dit :

      ["Il ne faut pas confondre la problématique de « l’obsolescence accélérée », qui est réelle, avec celle de « l’obsolescence programmée » qui est un fantasme paranoïaque qui suppose qu’une Grande Conspiration des industriels a décidé de « programmer » la défaillance des produits qu’ils fabriquent pour en vendre plus"].

      J’apprécie la nuance. En effet, je ne crois pas non plus à "une grande conspiration des méchants".

      En revanche, je persiste à croire qu’il y a , de fait, manipulation des consommateurs ( de certains biens) par les producteurs. L’utilisation des techniques quasi-scientifiques de marketing (commercial comme politique d’ailleurs) en atteste.

    • Descartes dit :

      [En revanche, je persiste à croire qu’il y a, de fait, manipulation des consommateurs ( de certains biens) par les producteurs.]

      Je n’ai pas dit le contraire. Mais il faut raison garder: si le producteur peut manipuler jusqu’à un certain point le choix du consommateur, cette manipulation a des limites et le producteur est loin d’être tout-puissant. L’idée qu’avec un bon marketing on peut vendre n’importe quoi à n’importe qui est une idée fausse. Il n’est pas facile de créer un besoin totalement artificiel, et les producteurs cherchent en général à s’appuyer sur un besoin réel.

    • Jean-François dit :

      [Sauf que « la diminution de la quantité de pétrole disponible » est une hypothèse qui pour le moment ne s’est jamais vérifié. Au contraire : la quantité de pétrole disponible tend à augmenter à mesure que l’exploration découvre de nouvelles ressources et que le progrès technologique permet de mieux exploiter les ressources connues.]

      Je propose de raisonner à partir de l’hypothèse d’une telle diminution (qui finira fatalement par arriver).

      [Par ailleurs, le coût du transport n’est qu’une très faible part du prix des biens importés. Il faudrait que le pétrole devienne très, très cher et qu’on ne trouve pas de substitut pour que cela ait un effet sur le commerce international.]

      Le coût du transport ne représente qu’une faible part des prix, justement parce que le pétrole est actuellement très bon marché de par son abondance. Mon hypothèse est qu’une fois le pic atteint, le prix du pétrole augmentera de manière exponentielle (la courbe du pétrole a grossièrement la forme d’une gaussienne, et en parallèle la demande ira en augmentant). Donc je pense que le pétrole pourrait devenir très, très cher très, très rapidement.

      « Trouver un substitut », il me semble que cela ne se fait qu’en finançant la recherche. Dans les conditions actuelles je serais très étonné que cela se produise.

    • Descartes dit :

      @Jean François

      [Je propose de raisonner à partir de l’hypothèse d’une telle diminution (qui finira fatalement par arriver).]

      Oui… mais quand ? Quel sera l’état des technologies le jour où le « peak oil » arrivera enfin ? Peut-être serons-nous capables à ce moment-là de fabriquer des carburants de synthèse à partir de la photosynthèse d’algues génétiquement modifiées, et le « peak oil » passera totalement inaperçu ! J’ai l’impression que votre hypothèse n’est pas seulement que le « peak oil » arrivera, mais qu’il arrivera bientôt. Le problème est que les faits ne soutiennent en rien cette hypothèse. Regardez ce qui se passe aux Etats-Unis : grâce à la fracturation hydraulique, le pays peut devenir auto-suffisant en carburant et cela pour plusieurs dizaines d’années…

      [« Trouver un substitut », il me semble que cela ne se fait qu’en finançant la recherche. Dans les conditions actuelles je serais très étonné que cela se produise.]

      Je crains que vous ne soyez mal informé. On finance la recherche dans ce domaine, et on la finance plutôt généreusement. Je connais au moins deux projets de recherche sur les carburants de deuxième génération, tous deux disposant d’un financement dépassant largement la centaine de millions d’Euro. Il s’agit des projets BioTFuel (auquel participent, outre l’IFP et le CEA, plusieurs industriels pétroliers dont Total) et Sindièse (animé lui par le CEA) .

    • Jean-François dit :

      [Je crains que vous ne soyez mal informé. On finance la recherche dans ce domaine, et on la finance plutôt généreusement. Je connais au moins deux projets de recherche sur les carburants de deuxième génération, tous deux disposant d’un financement dépassant largement la centaine de millions d’Euro. Il s’agit des projets BioTFuel (auquel participent, outre l’IFP et le CEA, plusieurs industriels pétroliers dont Total) et Sindièse (animé lui par le CEA) .]

      En effet, je ne connaissais pas ces projets, je vais m’y intéresser. Merci beaucoup, vous êtes comme toujours une source d’information intarissable !

  7. Marcailloux dit :

    @ Descartes

    [l’aspect quantitatif est privilégié par rapport au qualitatif. Résultat : les consommateurs préfèrent acheter trois fois plus souvent un produit (souvent importé) dont le prix est deux fois moindre.]

    [Je n’en suis pas convaincu. Pourriez-vous donner quelques exemples ?]
    Exemple : vous souhaitez acquérir du matériel de bricolage ( perceuse, rabot, outillage divers), vous n’avez aucune offre dans les grandes surfaces de bricolage qui ne provienne d’un pays à bas coût salarial, il s’agit très fréquemment d’un matériel dont la durée de vie est bien plus courte que le matériel que j’ai pu acquérir il y a maintenant 30 ou 40 ans que j’ai utilisé plusieurs dizaines d’années. D’autre part, l’organisation du système de distribution de masse a complètement laminé le commerce traditionnel où le plus bas prix (ou la plus grande marge) n’était pas le premier critère.
    Autre exemple : l’alimentation, et on l’a constaté lors du scandale Spanguerro. Plutôt que de se "bâfrer" avec des steaks de 200 ou 300 gr comme certaines publicités s’en vantent, avec des produits d’origine douteuse, si l’on dégustait 70 à 80 gr de viandes de qualité, à prix double certes mais en quantité trois ou quatre fois moindre, le consommateur serait triplement gagnant, sur le portefeuille, sur sa santé et sur la jouissance gustative. Le citoyen y gagnerait par des coûts de santé moindre et un emploi dans nos campagne préservé.
    Vous êtes libre de changer de vaisselle tous les cinq ans, tous les 6 mois même si c’est votre choix, mais il faudra bien assumer votre addiction et en supporter les conséquences. A ce petit jeu, ce sont les autres pays qui bossent, qui s’enrichissent, qui s’emparent des richesses du monde, etc….
    Et les gouvernements successifs depuis plus d’un demi siècle n’ont pas fait grand chose pour peser sur les modes de consommation des citoyens susceptibles de favoriser le choix d’une qualité nationale ( on en a les capacités) au détriment de la quantité produite dans des conditions souvent douteuse dans de nombreux pays.
    Dernier exemple, sans abuser de l’espace que vous offrez aux commentateurs de ce blog : il y a bientôt un an, j’ai été hospitalisé au CHU de Saint Etienne pendant 3 jours. Ma chambre dominait l’entrée de l’établissement et j’ai eu l’occasion de réaliser un "sondage" spontané, sans prétention scientifique, mais que je suggère à chacun de renouveler selon ses propres opportunités. Il s’agit des véhicules qui entraient pour le transport des malades, en général des taxis agrées. Il s’agit dans la plupart des cas de transports financés par la sécurité sociale, donc avec nos sous et au détriment de nos emplois. Eh bien dans pratiquement 9 cas sur 10 de véhicules étrangers, généralement allemands. De visite en Allemagne il y a quelques années, je n’avais pas eu l’occasion d’y voir beaucoup de taxis de marque française. Il s’agit là d’un problème de mentalité, "la soupe est toujours meilleure chez le voisin !", et le prix à payer c’est du chômage, un sentiment de mal être national, une autodévaluation de nos capacités et compétences.
    Avec de la volonté et du courage on ( les citoyens par l’influence d’une détermination gouvernementale forte) aurait pu, depuis longtemps, inversé la tendance.
    J’en arrive à espérer un taux de chômage à 20 % et les emprunts d’état à 8 %. Devant le cataclysme, trouverai–t- on le courage de modifier notre comportement?

    [Je ne vois pas de quel objectif vous voulez parler. Je me contente de faire une analyse en termes de PIB, qui est la taille du gâteau qu’il y a à redistribuer. Je n’ai pas abordé la question de la redistribution du gâteau en question.]

    L’objectif permanent et général est la recherche du bien être pour le maximum de citoyens
    Pour reprendre la métaphore, la taille du gâteau me semble moins importante que ce de dont il est fait. Je préfère une belle tarte aux pommes à un pavé de mousse à l’huile de palme, aux colorants artificiel, hyper sucré. Mais bien sur, l’éducation de masse est nécessaire avec une vigueur qui me semble, hélas, faire défaut à nos dirigeants depuis longtemps.

    [Il y a donc un compromis à trouver : un SMIC trop bas condamne les travailleurs les moins productifs à la misère, un SMIC trop haut les condamne au chômage.]

    Il s’agit de rechercher un solution radicale ( contrairement à l’homéopathie pratiquée) pour fournir un emploi pérenne à quelques millions de chômeurs condamnés durablement à se morfondre devant leur télé ou au bistrot avec un RSA ou un RMI leur permettant juste de survivre, sans qu’ils produisent la moindre richesse au service de la communauté. Dans l’état actuel du pays, la dépense sociale face au chômage me paraît n’être qu’une emplâtre sur une jambe de bois. A ménager la chèvre et le choux, il n’y restera bientôt plus de choux et par conséquent plus de chèvres en vie.

    [….il faut un mécanisme qui retire de la richesse aux plus productifs pour la céder aux moins productifs. Ce qui suppose donc que la couche sociale la plus productive accepte ce mécanisme.]

    Ce qu’il faut surtout, c’est bien faire comprendre aux plus productifs qu’ils ne profitent d’une certaine prospérité qu’à la condition que le plus grand nombre jouissent de conditions de vie satisfaisantes.

    [Comme quoi, même les grands hommes peuvent dire des bêtises… je crains que pour beaucoup de nos concitoyens beaucoup de choses vraiment nécessaires soient, regrettablement, bien difficiles à procurer…]

    Ce n’étaient probablement pas des bêtises il y a 2300 ans, et à mon avis, pas si contraire à bien des réalités d’aujourd’hui. Si la recherche du bien être constitue l’objectif n°1 de chacun d’entre nous, la recherche effrénée de la possession matérielle, l’adulation de l’argent, le goût maladif du nouveau, n’ont jamais fait la preuve de leur efficience.
    On peut vivre agréablement sans changer de – comment dit-on ? – téléphone portable, Iphone, Ipad tablette, tous les 6 mois, passez un week end par ci par là aux Seychelles, à la Martinique, à Phuket, ou à petaouchnok.
    On peut communiquer, échanger et se cultiver avec un ordinateur simple et peu coûteux, votre blog en est l’exemple plutôt que babasser avec du matériel toujours voué à devenir obsolète sitôt acquis. On peut aussi se faire un grand plaisir à parcourir notre propre pays , à l’instar de millions d’étrangers qui aimeraient bien vivre où nous vivons.
    Il est vrai qu’une éducation populaire – et ce terme n’a absolument rien de péjoratif, bien au contraire, dans mon esprit – c’était en effet le grand mérite du PC d’après la guerre, pourrait et devrait constituer un lieu de consensus des dirigeants politiques alternatifs. C’est à chacun d’entre nous de faire la promotion de cette attente – si elle existe vraiment, ce que je crois personnellement – et commencer par l’appliquer soi même.

    • Descartes dit :

      @Marcailloux

      [Exemple : vous souhaitez acquérir du matériel de bricolage ( perceuse, rabot, outillage divers), vous n’avez aucune offre dans les grandes surfaces de bricolage qui ne provienne d’un pays à bas coût salarial, il s’agit très fréquemment d’un matériel dont la durée de vie est bien plus courte que le matériel que j’ai pu acquérir il y a maintenant 30 ou 40 ans que j’ai utilisé plusieurs dizaines d’années.]

      Mais combien vous avait coûté ce matériel qui durait aussi longtemps ? Lorsque vous faites le bilan, lequel vous a coûté le plus cher par jour d’utilisation ? Je pense que rien n’améliore autant le passé qu’une mauvaise mémoire.

      [D’autre part, l’organisation du système de distribution de masse a complètement laminé le commerce traditionnel où le plus bas prix (ou la plus grande marge) n’était pas le premier critère.]

      Mais pourquoi, à votre avis ? Après tout, les clients ont le libre choix d’aller chez Carrefour ou chez le petit épicier du coin. Pourquoi choisissent-ils d’aller chez Carrefour ? Parce qu’ils sont masochistes ?

      [Autre exemple : l’alimentation, et on l’a constaté lors du scandale Spanguerro. Plutôt que de se "bâfrer" avec des steaks de 200 ou 300 gr comme certaines publicités s’en vantent, avec des produits d’origine douteuse, si l’on dégustait 70 à 80 gr de viandes de qualité, à prix double certes mais en quantité trois ou quatre fois moindre, le consommateur serait triplement gagnant, sur le portefeuille, sur sa santé et sur la jouissance gustative.]

      Mais encore une fois, le consommateur a le choix entre se « bâfrer » de steaks de 300g douteux ou déguster 80g de viande de qualité. Pourquoi choisit-il plutôt la première option ? Ce n’est pas le système qui privilégie « le quantitatif au qualitatif », ce sont les consommateurs eux-mêmes qui semblent manifester cette préférence. Pourquoi à votre avis ?

      [Et les gouvernements successifs depuis plus d’un demi siècle n’ont pas fait grand chose pour peser sur les modes de consommation des citoyens susceptibles de favoriser le choix d’une qualité nationale (on en a les capacités) au détriment de la quantité produite dans des conditions souvent douteuse dans de nombreux pays.]

      Mais quelle légitimité a un gouvernement dans un pays démocratique pour imposer aux citoyens qui préfèrent se goinfrer de steaks douteux de 300g de manger plutôt 80g de viande de qualité ?

      [Ce qu’il faut surtout, c’est bien faire comprendre aux plus productifs qu’ils ne profitent d’une certaine prospérité qu’à la condition que le plus grand nombre jouissent de conditions de vie satisfaisantes.]

      Le problème, c’est que c’est faux. Malheureusement, les plus productifs arrivent très bien à profiter de la vie même lorsque le plus grand nombre vit dans la plus abjecte misère…

      [On peut vivre agréablement sans changer de – comment dit-on ? – téléphone portable, Iphone, Ipad tablette, tous les 6 mois, passez un week end par ci par là aux Seychelles, à la Martinique, à Phuket, ou à petaouchnok.]

      C’est votre avis, mais pas celui des millions de personnes qui à travers le monde changent de téléphone portable, d’Iphone, d’Ipad ou de tablette tous les six mois. Le problème de votre discours, c’est que vous plaquez ce qui vous rend heureux vous sur le reste du monde. Vous postulez que tout le monde a les mêmes besoins que vous, et peut être heureux en vivant comme vous. Mais ce n’est pas le cas. Nous sommes tous différents, et nous n’avons pas tous les mêmes besoins pour être heureux. Je n’ai pas besoin de changer mon ordinateur tous les six mois, mais j’ai besoin d’un livre nouveau chaque semaine. Quelqu’un d’autre pourrait venir comme vous et me dire « vous savez, on peut parfaitement être heureux sans jamais lire un livre »…

    • BJ dit :

      [ Quant à « l’obsolescence programmée »… désolé, mais je ne tombe pas dans ce genre de pensée paranoïaque. ]

      Sans vouloir tomber dans la paranoïa, refuser la notion d’ « l’obsolescence programmée » est nier l’évidence. C’est un excellent moyen d’obliger à consommer, même celui qui est insensible à la mode. J’hésite à encombrer ce blog de détails personnels, mais bon, après tout, vous êtes libre de publier ou non. Je vis dans ce que l’on appelle une "famille recomposée". Une des conséquences est de se retrouver avec du matériel en double.

      Exemple 1 : la machine à laver. Celle de ma compagne, achetée bien avant la "recomposition" va fêter cette année ses 25 ans, sans jamais avoir vu un réparateur .La mienne, achetée il y a moins de 10, ans a décidé dernièrement de ne plus essorer. diagnostic du spécialiste : moteur à changer.

      Exemple 2 : le frigo. Le mien, récent donc, a été stocké dans un coin, on utilise celui de ma "recomposée" qui doit avoir un vingtaine d’années et toutes ses dents. Dernièrement, durant la chaleur de l’été, on décide de rebrancher le mien en plus. Sûrement vexé d’avoir été abandonné durant de nombreuses années, il a refusé de fonctionner (pire, même, il faisait du chaud avec près de 40 degrés à l’intérieur). Diagnostic du spécialiste : compresseur à changer.

      Exemple 3 : Imprimante. Le hasard a fait que nous avions le même modèle chacun. La mienne est donc stockée. La sienne est utilisée jusqu’au jour où paf ! en panne ! Rapide recherche sur internet, et je tombe sur le site d’un petit malin qui explique comment redémarrer ça avec une suite de manipulations et de combinaison de touches à enfoncer dans une ordre précis. En effet l’imprimante repart sans rien n’y faire d’autre. Quelques années plus tard, rebelote, la "panne". Re-recherche sur internet, mais là, aucune des solutions proposées n’a de résultat. Je cours rechercher celle qui avait dormi de longues années dans le placard et la branche. Macache, oui ! elle avait la même panne (même erreur affichée a l’écran). La panne" fabriquée" à la construction n’est même pas liée au nombre de pages imprimées, mais au temps ! Elle est pas belle, celle-la ?

      J’arrête là pour ne pas transformer votre blog en annexe de "60 millions de consommateurs". L’obsolescence programmée est une réalité, sinon, comment vendre des machines à laver quand tout le monde en est équipé ?

      [Je n’ai pas besoin de changer mon ordinateur tous les six mois, mais j’ai besoin d’un livre nouveau chaque semaine. Quelqu’un d’autre pourrait venir comme vous et me dire « vous savez, on peut parfaitement être heureux sans jamais lire un livre]
      Je ne pense pas que ce soit comparable. Vous ne changez pas de livre chaque mois parce qu’il est vieux ou parce que la couverture ne vous plait plus, mais à cause de son contenu, différent à chaque fois. Et en plus, vous n’êtes pas obligé de jeter l’ancien ! Quand à l’ordinateur, on est bien obligé d’en changer. Avec le mien (2002, autant dire préhistorique), impossible de mettre un commentaire sur votre blog depuis que vous avez choisi la nouvelle formule. Il a fallu que j’emprunte celui de ma fille, plus récent, pour pouvoir écrire cette prose !

      Bonne journée et merci pour votre blog (ancienne formule, j’entends 😉

      BJ

    • Albert dit :

      " [On peut vivre agréablement sans changer de – comment dit-on ? – téléphone portable, Iphone, Ipad tablette, tous les 6 mois, passez un week end par ci par là aux Seychelles, à la Martinique, à Phuket, ou à petaouchnok.]

      C’est votre avis, mais pas celui des millions de personnes qui à travers le monde changent de téléphone portable, d’Iphone, d’Ipad ou de tablette tous les six mois. Le problème de votre discours, c’est que vous plaquez ce qui vous rend heureux vous sur le reste du monde. Vous postulez que tout le monde a les mêmes besoins que vous, et peut être heureux en vivant comme vous. Mais ce n’est pas le cas."

      Sans vous offenser, Descartes, je crains que vous ne confondiez besoin et désir. Le marketing effréné ne joue pas tant sur les besoins que sur les désirs. Et ça change beaucoup de choses!

    • Descartes dit :

      @BJ

      [Sans vouloir tomber dans la paranoïa, refuser la notion d’ « l’obsolescence programmée » est nier l’évidence. C’est un excellent moyen d’obliger à consommer, même celui qui est insensible à la mode.]

      Raisonnons un peu. Imaginons qu’un fabriquant A programme dans ses produits une obsolescence qui les fait tomber en panne au bout d’un an, alors que pour le même prix il pourrait fabriquer un produit qui dure dix ans. Imaginons aussi que la préférence des consommateurs aille à un produit durable. Dans cette situation, un fabriquant B aurait tout intérêt à proposer un produit identique mais qui soit programmé pour durer deux ans : il raflerait la clientèle du fabriquant A… sauf qu’un fabriquant C comprendrait rapidement qu’en proposant un produit qui dure trois ans il raflerait la mise. Et le processus continuerait jusqu’à ce que l’obsolescence programmée disparaisse et que la durée de vie du produit soit égale à sa durée de vie « naturelle ».

      Pour que l’obsolescence programmée soit possible, il faudrait que A, B, C et tous les autres s’entendent pour adopter la même durée de vie, et que le cartel ainsi formé ait des armes pour dissuader un fabriquant de rompre le pacte. En d’autres termes, il faut une CONSPIRATION.

      [Exemple 1 : la machine à laver. Celle de ma compagne, achetée bien avant la "recomposition" va fêter cette année ses 25 ans, sans jamais avoir vu un réparateur .La mienne, achetée il y a moins de 10, ans a décidé dernièrement de ne plus essorer. diagnostic du spécialiste : moteur à changer.]

      Pour qu’on puisse comparer il faudrait que les deux machines aient la même performance et le même prix. Parce que si la première machine avait des performances deux fois inférieures et coûtait deux fois plus cher que la deuxième, cette dernière reste plus avantageuse quand bien même elle durerait moins longtemps.

      Vos autres exemples souffrent du même défaut de raisonnement. Il est clair que les machines « rustiques » d’il y a un demi siècle duraient bien plus longtemps que les machines hautement optimisées que nous avons aujourd’hui. Aucune ampoule électrique moderne n’a réussi à égaler la durée de vie d’une lampe à huile. En plus, la lampe à huile il suffisait de lui changer la mèche et ça repartait, alors que l’ampoule on ne peut pas lui changer le filament. Faut-il conclure à une « obsolescence programmée ?

      [J’arrête là pour ne pas transformer votre blog en annexe de "60 millions de consommateurs". L’obsolescence programmée est une réalité, sinon, comment vendre des machines à laver quand tout le monde en est équipé ?]

      Tout simplement en attendant qu’elles tombent en panne. Parce que même sans obsolescence programmée, les machines ont une vie utile finie. Par ailleurs, on change souvent les appareils bien avant qu’ils tombent en panne. C’est le cas évident pour les téléphones portables, par exemple.

      [Je ne pense pas que ce soit comparable. Vous ne changez pas de livre chaque mois parce qu’il est vieux ou parce que la couverture ne vous plait plus, mais à cause de son contenu, différent à chaque fois.]

      Non. Je le change parce que son contenu ne m’amuse plus.

      [Et en plus, vous n’êtes pas obligé de jeter l’ancien ! Quand à l’ordinateur, on est bien obligé d’en changer.]

      Mais vous n’êtes pas obligé de jeter l’ancien. Vous pouvez le garder si ça vous chante.

      [Avec le mien (2002, autant dire préhistorique), impossible de mettre un commentaire sur votre blog depuis que vous avez choisi la nouvelle formule. Il a fallu que j’emprunte celui de ma fille, plus récent, pour pouvoir écrire cette prose !]

      Vous pouvez garder l’ancien ordinateur et installer de nouveaux logiciels dessus…

      [Bonne journée et merci pour votre blog (ancienne formule, j’entends ;-)]

      Croyez que moi aussi, je la regrette…

    • Descartes dit :

      @Albert

      [Sans vous offenser, Descartes, je crains que vous ne confondiez besoin et désir. Le marketing effréné ne joue pas tant sur les besoins que sur les désirs. Et ça change beaucoup de choses!]

      En dehors des besoins élémentaires (X calories par jour, un lieu protégé du froid et de la pluie pour vivre), je ne vois pas comment vous faites une différence entre « besoins » et « désirs ». Un livre, c’est un « besoin » ou un « désir » ?

      Le problème de toutes les théories prêchant la « sobriété » est qu’elles reposent sur le postulat que quelqu’un a le droit de décider ce qui est nécessaire et ce qui est superflu en fonction d’une théorie morale. Ainsi, on décide par exemple que voir un film différent par semaine rentre dans le nécessaire, alors qu’avoir un téléphone portable différent par semaine est décidément « superflu ». Et cela quelque soit l’opinion des intéressés. Aller en vacances aux Seychelles se dorer au soleil est « superflu », alors qu’aller à Amsterdam contempler les Rembrandt du Rikjmuseum est, décidément, nécessaire…

    • dafy dit :

      Est-ce que vous pensez pouvoir organiser une société décente sans considérations morales ? Pensez-vous que nous avons atteint un optimum en termes d’organisation quand la production est intégralement laissé à l’initiative privée ? Dans le même temps, les océans agonisent, les sols se meurt, l’eau est vendu en bouteille, le lien social est à la charge des collectivités territoriales, alléluia, gloire à l’idole du progrès et espérons que le peuple en colère ne vienne pas lapider en masse l’idole comme le faisait les anciens grecs. Il y a dans vos commentaires une nette orientation libérale dans la conception du rôle de l’Etat. L’Etat dans sa conception républicaine n’est pas neutre sur le plan des valeurs, il produit une idée du bien commun qui n’est pas la somme des actions conduites par chacun. L’Etat républicain agit en vue d’une certaine idée de ce qu’est le bien commun, de ce qu’est un homme accompli etc. Il ne peut pas se désintéresser de la morale de ses concitoyens, pas plus que de leurs habitudes de consommations, surtout quand celles-ci les avilissent.

    • dafy dit :

      Ce quelqu’un est une personne morale, ce n’est pas le caprice que quelques hurluberlus, c’est l’Etat dans sa conception républicaine.

    • D3gl1ng0 dit :

      [Vous pouvez garder l’ancien ordinateur et installer de nouveaux logiciels dessus…]

      Euh…Non ! Essayez d’installer un Windows 7 actuel sur un PC vieux de 10 ans et vous verrez le résultat…

    • Descartes dit :

      @dafy

      @dafy

      [Est-ce que vous pensez pouvoir organiser une société décente sans considérations morales ?]

      Non, par définition. La définition même de ce qui est « décent » nécessite une théorie « morale »…

      Par contre, il faut être conscient que les règles que nous appelons « morales » n’ont souvent d’autre justification que de permettre à une société d’optimiser son fonctionnement. Il n’existe pas de « morale naturelle », de règle universelle qui nous dirait ce qui est « bien » et ce qui est « mal ». C’est plutôt à l’inverse que cela se passe : nous constatons qu’une société dans laquelle il est interdit de tuer son voisin est plus efficiente qu’une société dans laquelle n’importe qui peut tuer n’importe qui, et ce n’est ensuite que nous décrétons que tuer son voisin est « mal », voire que c’est contraire à l’ordre divin. La règle morale est donc relative, résultat d’un ordre social déterminé, et non absolue.

      [Pensez-vous que nous avons atteint un optimum en termes d’organisation quand la production est intégralement laissé à l’initiative privée ?]

      Non. Mais que vient faire la « morale » la dedans ?

      [Dans le même temps, les océans agonisent, les sols se meurt, l’eau est vendu en bouteille, le lien social est à la charge des collectivités territoriales, alléluia, gloire à l’idole du progrès et espérons que le peuple en colère ne vienne pas lapider en masse l’idole comme le faisait les anciens grecs.]

      Pitié… ce discours terroriste ou tout se flétrit, meurt, agonise, etc. est déjà assez pénible avec les bons accords, il devient insupportable lorsque « les sols se meurt » et « l’eau est vendu »…
      Libre à vous de penser qu’il faudrait « lapider l’idole progrès » en revenant à l’époque où l’eau, au lieu de sortir de la bouteille, sortait du puits avec sa charge de choléra, de fièvre jaune et d’autres charmantes maladies. Personnellement, je ne partage nullement cette vision apocalyptique.

      [Il y a dans vos commentaires une nette orientation libérale dans la conception du rôle de l’Etat. L’Etat dans sa conception républicaine n’est pas neutre sur le plan des valeurs, il produit une idée du bien commun qui n’est pas la somme des actions conduites par chacun.]

      Autant je suis antilibéral dans le domaine économique, autant je me considère un héritier des idées libérales des Lumières dans le domaine politique et social. Dans la « conception républicaine », c’est à l’Etat d’agir en fonction de « l’intérêt général », qui n’est pas l’addition des intérêts individuels mais bien une construction qui les transcende. Mais la séparation des sphères publique et privée interdit à l’Etat d’imposer des « valeurs » et encore moins une vision du « bien commun ». Dans une République, la loi peut interdire aux citoyens de faire certaines choses, peut les obliger à en faire d’autres. Mais certainement pas dire aux citoyens ce qu’ils doivent penser. Les lois de la République ne sont jamais des lois morales. On fait des lois non pas parce qu’elles sont « bonnes », mais parce qu’elles sont « nécessaires ». Ce n’est pas du tout la même chose.

      [L’Etat républicain agit en vue d’une certaine idée de ce qu’est le bien commun, de ce qu’est un homme accompli etc.]

      Chaque fois qu’on a décidé de faire ce genre de choses, ça s’est très mal fini. Personnellement, je reconnais à l’Etat le droit de me dire ce que je dois faire, mais certainement pas ce que je dois penser.

      [Il ne peut pas se désintéresser de la morale de ses concitoyens, pas plus que de leurs habitudes de consommations, surtout quand celles-ci les avilissent.]

      Et qui décide quelles sont les habitudes de consommation qui « avilissent » ? Vous ? Moi ? Le peuple souverain par référendum ? De quel droit vais-je décider qu’un Ipad dernier modèle « avilit » celui qui l’achète, et pas les œuvres complètes de Proust ?

      [Un article que vous auriez pu écrire : http://www.les-crises.fr/fin-de-la-mine-francaise/%5D

      Tout à fait. Ce n’est pas la première fois que je trouve sur ce blog-là un article que j’aurais pu écrire… je pense que son animateur et moi devons être assez proches!

    • [Mais la séparation des sphères publique et privée interdit à l’Etat d’imposer des « valeurs » et encore moins une vision du « bien commun ». Dans une République, la loi peut interdire aux citoyens de faire certaines choses, peut les obliger à en faire d’autres. Mais certainement pas dire aux citoyens ce qu’ils doivent penser]
      Y compris les valeurs de la devise nationale? La République n’a donc pas à promouvoir l’égalité, la liberté, la fraternité? Pourquoi vouloir imposer la laïcité et l’égalité homme-femme? Je crois au contraire que le projet républicain est profondément moral, pour le meilleur et pour le pire.

      On se demande bien pourquoi à gauche il est "républicain" de lutter contre le racisme et l’antisémitisme, par exemple, alors qu’on ne devrait combattre que ses manifestations qui troublent l’ordre public. Ce qui n’est pas tout à fait la même chose…

    • Descartes dit :

      @D3gl1ng0

      [Euh…Non ! Essayez d’installer un Windows 7 actuel sur un PC vieux de 10 ans et vous verrez le résultat…]

      Je le vois, puisque je suis en train de taper ce texte sur un PC sur Windows 7 qui a exactement 11 ans… avec un disque dur supplémentaire et un peu de mémoire ajoutée, cela marche très bien. Ça ne donne pas une bête de course, c’est entendu, mais cela reste tout à fait agréable à utiliser. Même si les progrès de l’informatique sont rapides, ils ne sont pas aussi spectaculaires qu’on veut bien nous le faire croire…

    • Descartes dit :

      @nationalistejacobin

      [« Mais la séparation des sphères publique et privée interdit à l’Etat d’imposer des « valeurs » et encore moins une vision du « bien commun ». Dans une République, la loi peut interdire aux citoyens de faire certaines choses, peut les obliger à en faire d’autres. Mais certainement pas dire aux citoyens ce qu’ils doivent penser ». Y compris les valeurs de la devise nationale? La République n’a donc pas à promouvoir l’égalité, la liberté, la fraternité?]

      Bien sur que si. Mais pas parce que l’égalité, la liberté ou la fraternité seraient le « bien ». Parce qu’une société ou règne l’égalité, la liberté et la fraternité est une société plus efficace, plus agréable, plus vivable pour tous. C’est là une question fondamentale qu’on peut résumer de la manière suivante : quels sont les fondements d’une morale laïque ? En d’autres termes, si l’on laisse de côté toute affirmation dogmatique, comment peut-on justifier l’idée que telle ou telle « valeur » soit dans le camp du « bien » alors que telle autre est dans le camp du « mal » ?

      Remplacer les dix commandements par la triade républicaine ne suffit pas pour constituer une morale laïque. Les dix commandements tiennent leur légitimité de l’existence d’un dieu qui les pose. D’où tient sa légitimité la triade républicaine ? D’un point de vue laïque, il n’y a pas de dieu pour nous les donner, et pas non plus de peuple souverain puisque la triade est censée être au dessus de lui. Personnellement, je ne vois qu’un fondement possible, qui est un raisonnement de type rawlsien. Une règle est « bonne » lorsqu’elle a pour effet de maximiser la possibilité de choisir d’une société. En d’autres termes, lorsqu’elle augmente la possibilité de choix de certains en dégradant moins la possibilité de choisir des autres.

      C’est pourquoi il est difficile de parler d’une « morale » républicaine au sens que cette morale se confond en pratique avec une utilité. Il n’y a plus de règles ou de valeurs « bonnes », il n’y a que des valeurs et des règles « nécessaires ».

      [Pourquoi vouloir imposer la laïcité et l’égalité homme-femme?]

      Pourquoi, en effet, vouloir imposer la laïcité si c’est pour établir ensuite un nouveau dogme ? Je ne conçois pas le projet républicain comme la simple substitution d’un dogme par un autre. Le principe même de la République est que si personne n’a le droit de désobéir à la règle délibérée en commun, tout le monde a le droit de la discuter. L’idée qu’il y aurait une règle supérieure non susceptible d’examen rationnel me choque profondément.

      [Je crois au contraire que le projet républicain est profondément moral, pour le meilleur et pour le pire.]

      En pratique, certainement. Le projet rationaliste des Lumières a des limites, et la première d’entre elles est qu’il a un coût énorme. Il suppose que chaque citoyen consacre du temps et de l’effort à penser, à s’informer, à échanger sur les questions fondamentales. Il suppose aussi une disposition à remettre en cause en permanence ses convictions, y compris les plus profondes. Le problème, c’est que les citoyens n’ont pas, dans leur grande majorité, envie de faire ces efforts. De leur point de vue – et c’est un point de vue fort respectable – il est bien plus rationnel de se mettre d’accord pour établir dogmatiquement quelques « vérités » qui les guideront toute leur vie, et laisser le travail de réfléchir a ceux – fort minoritaires – qui ont envie de passer des heures dans des réunions et des lectures. Et j’aurais du mal à leur jeter la pierre sans violer le premier élément de notre triade républicaine qui établit que chacun a le droit de faire ce qu’il veut pourvu que cela ne nuise pas à autrui.

      La « morale républicaine » revient à remplacer le dogme des églises par un dogme certes plus moderne, mais dogme tout de même. Que la société ait besoin de cela, c’est malheureusement une triste réalité. Triste parce qu’elle implique que le projet des Lumières reste, deux cents ans plus tard, un projet fondamentalement élitaire.

      [On se demande bien pourquoi à gauche il est "républicain" de lutter contre le racisme et l’antisémitisme, par exemple, alors qu’on ne devrait combattre que ses manifestations qui troublent l’ordre public. Ce qui n’est pas tout à fait la même chose…]

      Je ne suis pas sûr d’avoir bien compris cette remarque. Pourriez-vous être plus explicite ?

    • @ Descartes,

      [Parce qu’une société ou règne l’égalité, la liberté et la fraternité est une société plus efficace, plus agréable, plus vivable pour tous]
      Et si c’était une bonne définition du "bien"?

      [Il n’y a plus de règles ou de valeurs « bonnes », il n’y a que des valeurs et des règles « nécessaires ».]
      Et si la morale, c’était précisément de rendre "bon" ce qui est "nécessaire"?

      Tu évoques les dix commandements. Indépendamment de l’intervention divine, est-ce que ces dix commandements n’ont pas aussi pour objectif de rendre la société "plus efficace, plus agréable, plus vivable pour tous"? Après tout, une société dans laquelle "tu ne tueras point", "tu ne voleras pas" et "tu honoreras ton père et ta mère" me paraît être beaucoup plus agréable et vivable qu’une société où le contraire serait licite…

      "Triste parce qu’elle implique que le projet des Lumières reste, deux cents ans plus tard, un projet fondamentalement élitaire."
      C’est triste, mais ce n’est pas très étonnant. Pouvait-il en être autrement? Je n’ai jamais été convaincu que les Lumières allaient de pair avec la démocratie et la liberté pour tous. Les philosophes des Lumières s’adressent avant tout aux élites. Les gens comme Voltaire s’intéressent aux despotes éclairés, pas au commun des mortels. De mon point de vue, la Révolution française emprunte certes aux Lumières, elle en revendique la filiation, mais elle s’en éloigne considérablement au point de vue politique. Raison pour laquelle je pense que les Lumières et l’idéal républicain français sont deux choses distinctes qui entretiennent des liens plus ambiguës qu’il n’y paraît.

      [Pourriez-vous être plus explicite ?]
      Je voulais dire que, si l’on suit ton raisonnement ("l’Etat n’a pas le droit de me dire ce que je dois penser"), alors on ne voit pas bien pourquoi des dirigeants républicains prétendent lutter, au nom de l’Etat, contre les idées racistes ou antisémites. La loi s’intéresse aux faits, pas aux convictions profondes des gens. Que la loi condamne les manifestations du racisme qui troublent l’ordre public, très bien. Mais est-il légitime que l’Etat interdise de détester les juifs ou les noirs? Or, dans leurs discours, certains dirigeants s’en prennent clairement aux idées qui ne leur plaisent pas, voulant les interdire (Mélenchon a déclaré dans une interview: "toutes les idées ne sont pas acceptables" ou "n’ont pas droit de cité" je ne sais plus la formulation exacte), et non plus seulement aux actes condamnés par la loi.

      La République a toujours été tiraillée entre le respect de la liberté et la volonté de provoquer l’adhésion à ses valeurs. Moi qui enseigne l’Education civique, je le vois bien: on nous demande de diffuser les valeurs de la République, avec l’idée que ce que propose la République, c’est mieux que le reste. Il est vrai que, souvent, la nécessité de ces valeurs est souligné. Malheureusement, certains professeurs adoptent un discours "moral" dans le mauvais sens du terme, du genre: "Ouh! Le racisme, c’est pas bien, il faut aimer les autres et leurs différences", alors qu’il faudrait dire qu’une société où régnerait le racisme serait tout simplement moins agréable et moins efficace…

    • CVT dit :

      [Autant je suis antilibéral dans le domaine économique, autant je me considère un héritier des idées libérales des Lumières dans le domaine politique et social. Dans la « conception républicaine », c’est à l’Etat d’agir en fonction de « l’intérêt général », qui n’est pas l’addition des intérêts individuels mais bien une construction qui les transcende. Mais la séparation des sphères publique et privée interdit à l’Etat d’imposer des « valeurs » et encore moins une vision du « bien commun ». Dans une République, la loi peut interdire aux citoyens de faire certaines choses, peut les obliger à en faire d’autres. Mais certainement pas dire aux citoyens ce qu’ils doivent penser. Les lois de la République ne sont jamais des lois morales. On fait des lois non pas parce qu’elles sont « bonnes », mais parce qu’elles sont « nécessaires ». Ce n’est pas du tout la même chose.]

      Juste une question de vocabulaire, cher Descartes: étymologiquement, "res publica" (chose publique, donc commune) et "bien commun" sont synonymes, ainsi que les notions d’"utilité commune" (telle qu’utilisée dans la Déclaration des Droits de l’Homme) et d’"intérêt général". En quoi, selon vous, est-ce que les deux premières notions diffèrent aujourd’hui?
      Je pinaille, mais je peine à faire la distinction entre toutes ces expressions, qui définissent pour moi ce qu’est la république. Merci d’avance pour votre avis.
      p.s.: Dafy a dû quelque peu surinterpréter l’oeuvre de JC Michéa, notamment sur la notion de société décente ( cf la célèbre common decency de G.Orwell). Selon moi, Michéa n’est pas très éloigné de ce que vous avez répondu à Dafy en matière d’antilibéralisme et de reconnaissance des Lumières. Là où vous et Michéa divergez radicalement, c’est sur la question du productivisme: contrairement à vous, Michéa est un partisan convaincu de la décroissance…

    • Albert dit :

      ["En dehors des besoins élémentaires (X calories par jour, un lieu protégé du froid et de la pluie pour vivre), je ne vois pas comment vous faites une différence entre « besoins » et « désirs ». Un livre, c’est un « besoin » ou un « désir » ?"]

      Je vous accorde que la distinction est souvent difficile à faire. Elle n’en est pas moins capitale, même en admettant qu’il ait aussi des "superflus"…nécessaires (les hommes-et femmes-étant ce qu’ils sont).
      Par ailleurs, je ne suis pas un adepte des théories de la "sobriété".

      Je crains que le plus parfait cartésianisme ne risque d’atteindre vite ses limites s’il ne prend en compte toute la part "irrationnelle" des hommes (qui a en réalité sa propre "rationalité").

    • Descartes dit :

      @ nationalistejacobin

      [Et si la morale, c’était précisément de rendre "bon" ce qui est "nécessaire"?]

      La difficulté, c’est que cette définition ôte à la morale toute transcendence. En d’autres termes, il n’y a pas de différence entre les règles « morales » et les autres. La règle qui interdit de payer moins que le SMIC ou celle qui interdit de se garer sur un passage clouté sont elles des règles « morales » ?

      Personnellement, je dirai que la morale est le fondement des comportements privés. Dans la sphère publique, il n’y a d’autres règles que celles que demande l’intérêt général.

      [Tu évoques les dix commandements. Indépendamment de l’intervention divine, est-ce que ces dix commandements n’ont pas aussi pour objectif de rendre la société "plus efficace, plus agréable, plus vivable pour tous"?]

      Certainement. Après tout, ce sont des règles faites par des hommes – vous n’êtes pas de ceux qui croient qu’elles ont été écrites par le doigt de Yahvé sur le mont Sinaï, je suppose – avec cet objectif. Seulement, leur mode de légitimation est différent : aucun prêtre ne vous dira qu’il faut obéir ces lois parce qu’elles sont « nécessaires ». Il faut obéir à elles parce que Yahvé l’a dit – et accessoirement, parce qu’il est capable de vous réduire en cendres si vous ne le faites pas.

      [Après tout, une société dans laquelle "tu ne tueras point", "tu ne voleras pas" et "tu honoreras ton père et ta mère" me paraît être beaucoup plus agréable et vivable qu’une société où le contraire serait licite…]

      Par contre, une société où l’on ne pourrait se faire des images taillées ni de représentation de ce qui existe serait bien triste… et ne parlons pas d’une cité où l’on ne pourrait convoiter la femme du prochain…

      ["Triste parce qu’elle implique que le projet des Lumières reste, deux cents ans plus tard, un projet fondamentalement élitaire." C’est triste, mais ce n’est pas très étonnant. Pouvait-il en être autrement?]

      Non, bien sur que non. Le projet des Lumières est incroyablement ambitieux et surtout incroyablement exigeant pour les individus. Il n’y a pas de raison pour que la majorité d’entre eux soit prête à payer le prix de la liberté…

      [Raison pour laquelle je pense que les Lumières et l’idéal républicain français sont deux choses distinctes qui entretiennent des liens plus ambiguës qu’il n’y paraît.]

      Tout à fait. En fait, l’idéal républicain français rejoint les Lumières dans la mesure où il reste un élitisme méritocratique. Dès qu’il prend les chemins de l’égalitarisme, il s’en éloigne.

      [Je voulais dire que, si l’on suit ton raisonnement ("l’Etat n’a pas le droit de me dire ce que je dois penser"), alors on ne voit pas bien pourquoi des dirigeants républicains prétendent lutter, au nom de l’Etat, contre les idées racistes ou antisémites. La loi s’intéresse aux faits, pas aux convictions profondes des gens. Que la loi condamne les manifestations du racisme qui troublent l’ordre public, très bien. Mais est-il légitime que l’Etat interdise de détester les juifs ou les noirs?]

      Non. Il n’en a d’ailleurs pas les moyens.

      [Or, dans leurs discours, certains dirigeants s’en prennent clairement aux idées qui ne leur plaisent pas, voulant les interdire (Mélenchon a déclaré dans une interview: "toutes les idées ne sont pas acceptables" ou "n’ont pas droit de cité" je ne sais plus la formulation exacte), et non plus seulement aux actes condamnés par la loi.]

      J’avais commenté cette tendance lorsque j’avais écrit un papier sur l’affaire Orelsan. Et je suis tout à fait d’accord avec votre position. Les dirigeants politiques trahissent les idéaux républicains lorsqu’ils prétendent que l’Etat devrait punir autre chose que des actes relevant de la sphère publique.

      [Malheureusement, certains professeurs adoptent un discours "moral" dans le mauvais sens du terme, du genre: "Ouh! Le racisme, c’est pas bien, il faut aimer les autres et leurs différences", alors qu’il faudrait dire qu’une société où régnerait le racisme serait tout simplement moins agréable et moins efficace…]

      Tout à fait d’accord. L’éducation civique n’est pas – ou plutôt ne devrait pas être – un catéchisme à l’envers. Il n’a pas à enseigner des vérités dogmatiques, mais au contraire montrer que les « valeurs de la République » dérivent d’une conception de l’intérêt général établie rationnellement. L’exemple du racisme est, pour un éducateur, une question faite exprès pour expliquer le raisonnement rawlsien : serions nous pour la discrimination raciale – positive ou négative, d’ailleurs – si nous ne savions pas quel est la couleur de notre propre peau ?

    • Descartes dit :

      @CVT

      [Je pinaille, mais je peine à faire la distinction entre toutes ces expressions, qui définissent pour moi ce qu’est la république. Merci d’avance pour votre avis.]

      Les mots sont importants. Chacune de ces expressions a son histoire, et elles ne sont pas interchangeables. La notion de « bien commun », de « utilité commune » impliquent la conjonction des intérêts particuliers. Une institution, une politique servent le « bien commun » lorsqu’ils servent les intérêts tous et de chacun de ses membres.

      La notion « d’intérêt général », dans sa conception française, dépasse la conjonction des intérêts particuliers. Ainsi, une politique qui porte atteinte à l’intérêt de l’un des membres de la communauté sera difficilement considérée comme servant l’intérêt commun. Mais ce n’est pas le cas pour « l’intérêt général » : celui-ci exige quelquefois de porter atteinte aux droits d’un membre de la communauté au nom d’un intérêt supérieur (pensez au cas de l’expropriation).

    • Descartes dit :

      @Albert

      ["En dehors des besoins élémentaires (X calories par jour, un lieu protégé du froid et de la pluie pour vivre), je ne vois pas comment vous faites une différence entre « besoins » et « désirs ». Un livre, c’est un « besoin » ou un « désir » ?". Je vous accorde que la distinction est souvent difficile à faire. Elle n’en est pas moins capitale,]

      Vous m’accorderez aussi qu’une théorie qui considère « capitale » une distinction qu’elle n’arrive pas à fonder sur un critère explicite est assez mal barrée…

      [Je crains que le plus parfait cartésianisme ne risque d’atteindre vite ses limites s’il ne prend en compte toute la part "irrationnelle" des hommes (qui a en réalité sa propre "rationalité").]

      Et ensuite… ?

    • Albert dit :

      [Je crains que le plus parfait cartésianisme ne risque d’atteindre vite ses limites s’il ne prend en compte toute la part "irrationnelle" des hommes (qui a en réalité sa propre "rationalité").]

      Et ensuite… ?

      Et ensuite? C’est assez simple: on va dans le mur si on renonce à voir clair. Si délicate qu’elle soit à déterminer, la distinction entre besoins et désirs est fondamentale pour une simple raison: les besoins sont relativement limités par nature alors que le désir est par nature illimité -donc facilement créé de toutes pièces. Il parait difficilement contestable que la société où nous vivons crée sans cesse de nouveaux "besoins"(en fait des désirs) qui aliènent toujours plus les gens toujours plus insatisfaits et frustrés. On est en plein délire!

    • Descartes dit :

      @Albert

      [Si délicate qu’elle soit à déterminer, la distinction entre besoins et désirs est fondamentale pour une simple raison: les besoins sont relativement limités par nature alors que le désir est par nature illimité -donc facilement créé de toutes pièces.]

      Que le désir soit illimité n’implique pas qu’on puisse "facilement le créer de toutes pièces". Le "donc" qui lie logiquement les deux propositions est donc – c’est le cas de le dire – de trop. C’est même contradictoire: si les désirs sont "illimités", ils n’ont pas besoin d’être créés, puisqu’ils existent sans limite.

      [Il parait difficilement contestable que la société où nous vivons crée sans cesse de nouveaux "besoins" (en fait des désirs) qui aliènent toujours plus les gens toujours plus insatisfaits et frustrés.]

      Dans la mesure où vous vous avouez vous même incapable de proposer un critère qui permette de savoir où le besoin s’arrête et le désir commence, je vois mal comment vous pouvez ensuite affirmer que notre société "crée sans cesse de nouveaux désirs". Quoi qu’il en soit, je vois mal pourquoi vous vous prenez à "notre société". En fait, c’est le propre de toute société humaine de faire surgir de nouveaux "besoins". Lorsque l’homme a commencé à cuire ses aliments, c’était un "besoin" ou un "désir" ? Après tout, on avait mangé cru pendant des millénaires sans fin…

      [On est en plein délire!]

      Qu c’est "on" ?

  8. edgar dit :

    "Le retour de la croissance est vu par beaucoup à gauche comme une sorte de messie. La croissance serait le remède magique qui permettrait d’en finir avec le chômage. Cette vision est trompeuse : comme je l’ai montré plus haut, il est pratiquement impossible de maintenir sur le long terme une croissance suffisante pour résorber le chômage. La croissance forte à l’image des « trente glorieuses », seul moyen de revenir au plein emploi sans avoir à toucher au niveau de vie des classes moyennes est une illusion."

    J’ai deux bémols à apporter à ce billet auquel, sur le fond, je n’ai rien à redire.
    D’une part, j’ai l’impression qu’une grande partie de la gauche a renoncé à la croissance. Parce que les gens ne sont pas stupides, ils ont compris que l’euro ruine la croissance. Mais comme ils sont attachés à l’euro, ils prêchent effectivement la modération pour les autres. Entendre des gens qui sont des "leaders d’opinion" de la gauche qui va au Rijksmuseum, les Meda, Maris et même Mélenchon m’a-t-il semblé, me fait m’interroger sur l’absence de réponse à gauche. Il ne me semble pas qu’un moscovici ou d’autres leur ait répondu que ce n’était pas tout à fait le moment de prôner la décroissance, on arrive spontanément à une croissance quasi-nulle.
    Deuxième point, vous démontrez assez valablement que le taux de croissance de long terme, d’équilibre ou naturel, comme on veut, est de 2% à 2,5%. On peut comparer avec les taux des trente glorieuses et trouver ça faiblard. Mais on peut aussi comparer avec les taux anémiques d’aujourd’hui et trouver que c’est byzance.
    surtout que, si l’on tient compte de l’accroissement des chômeurs et des inactifs, c’est une réserve de population occupée qui permettrait, temporairement, de grimper à 3 ou 3,5% si l’on changeait de politique macroéconomique (retour au franc plus report de charges sur la tva pourquoi pas).
    je ne sais pas si l’on peut juger que ce serait insuffisant à ramener le chômage à un taux faible tout en conservant le niveau de vie des classes moyennes.
    surtout qu’il y a des moyens de compenser une baisse du pouvoir d’achat monétaire (par exemple avec des crèches gratuites ou autres programmes sociaux).
    je ne dis pas que l’on peut sortir du marasme actuel sans frais. mais je pense que l’on peut se rapprocher d’une situation plus équilibrée sans bouleversement.
    après, on peut aussi noter que la croissance des trente glorieuses n’avait pas aboli les conflits sociaux. peut-être devrions-nous réapprendre à penser les questions de répartition séparément des questions d’emploi et de croissance. dans mes jeunes années en fac, il y avait un cours de répartition et des manuels assortis. Ils doivent caler les tables aujourd’hui !

    • Descartes dit :

      @edgar

      [D’une part, j’ai l’impression qu’une grande partie de la gauche a renoncé à la croissance. Parce que les gens ne sont pas stupides, ils ont compris que l’euro ruine la croissance. Mais comme ils sont attachés à l’euro, ils prêchent effectivement la modération pour les autres.]

      Je partage cette vision. Il est clair que lorsqu’il s’agit de choisir entre l’Euro et la croissance, la gauche choisit à chaque fois l’Euro. J’y vois d’ailleurs un signe évident de l’influence prépondérante qu’exercent les classes moyennes sur la gauche aujourd’hui.

      [Deuxième point, vous démontrez assez valablement que le taux de croissance de long terme, d’équilibre ou naturel, comme on veut, est de 2% à 2,5%. On peut comparer avec les taux des trente glorieuses et trouver ça faiblard. Mais on peut aussi comparer avec les taux anémiques d’aujourd’hui et trouver que c’est byzance.]

      Tout à fait. Sur ces dix ou quinze dernières années, on est en moyenne très en dessous de cette croissance de long terme. Je crois d’ailleurs que vous aviez montré sur votre blog une courbe montrant combien cet aplatissement de notre croissance était corrélée à la mise en place de l’Euro.

      [je ne sais pas si l’on peut juger que ce serait insuffisant à ramener le chômage à un taux faible tout en conservant le niveau de vie des classes moyennes. Surtout qu’il y a des moyens de compenser une baisse du pouvoir d’achat monétaire (par exemple avec des crèches gratuites ou autres programmes sociaux).]

      C’est là un débat complique sur ce que « niveau de vie » veut dire. Je suis d’accord qu’une amélioration des services publics permet souvent d’améliorer la vie des gens à un coût très inférieur au pouvoir d’achat supplémentaire qu’il leur faudrait pour atteindre la même situation individuellement. D’un autre côté, le niveau de vie de nos classes moyennes, alimenté non seulement par l’appauvrissement relatif des couches populaires, mais aussi par l’endettement est pour moi devenu clairement intenable. Même un gouvernement aussi dépendant des classes moyennes que celui de Hollande est obligé en ce moment de leur taper dessus, avec tous les risques politiques que cela comporte. C’est dire…

      [après, on peut aussi noter que la croissance des trente glorieuses n’avait pas aboli les conflits sociaux. peut-être devrions-nous réapprendre à penser les questions de répartition séparément des questions d’emploi et de croissance.]

      Tout à fait. Il faut arrêter de mélanger la politique économique et industrielle – dont le but est de produire de la manière la plus efficace possible les biens dont nous avons besoin – des politiques de distribution du revenu.

      [dans mes jeunes années en fac, il y avait un cours de répartition et des manuels assortis. Ils doivent caler les tables aujourd’hui !]

      Sic transit gloria mundi…

  9. Marcailloux dit :

    Bonjour Descartes,
    La première ligne de votre profession de foi:
    ["Blog de débat pour ceux qui sont fatigués du discours politiquement correct et de la bienpensance à gauche"]
    Vos réponses au sujet des modes de consommation me semblent pourtant aller parfaitement dans le sens du politiquement correct, avec la recherche d’une croissance quantitative sans fin, susceptible de régler tous nos problèmes de société hyper matérielle et nantie.
    Il ne s’agit pas de dicter les choix de chacun, mais de réagir vis à vis du matraquage permanent et effréné pour pousser le plus grand nombre à toujours consommer plus, et implicitement faire comprendre aux plus fragiles ( ils sont nombreux) que s’ils ne possèdent pas le matériel à la mode du dernier cri, ce sont de pauvres types. On organise ainsi un monde de frustrés avec toutes les conséquences fâcheuses qui en découlent.
    Je n’ai encore jamais vu une attaque à main armée dans une librairie ni un vol à l’arraché du dernier volume de Piketty.
    Pour ce qui est de votre argument en réponse à Albert sur l’obsolescence programmée […..sauf qu’un fabriquant C comprendrait rapidement qu’en proposant un produit qui dure trois ans il raflerait la mise.], il ne s’agit généralement pas de matériel qui dure 2 ou 3 ans mais plutôt 10 à 15 ans et qu’il faudrait respecter ce délai pour que les consommateurs puissent se faire une idée de la durabilité de leur achat.Et ceux ci ont la mémoire courte, et sont bien plus sensibles aux sirènes de la publicité. D’autre part, fabriquer un produit bien plus durable, coûte souvent un peu plus cher et l’industriel se pénaliserait d’entrée face à la concurrence.

    • Descartes dit :

      @marcailloux

      [Vos réponses au sujet des modes de consommation me semblent pourtant aller parfaitement dans le sens du politiquement correct, avec la recherche d’une croissance quantitative sans fin, susceptible de régler tous nos problèmes de société hyper matérielle et nantie.]

      C’était peut-être le « politiquement correct » d’il y a trente ou quarante ans. Ce n’est certainement pas celui d’aujourd’hui. Aujourd’hui la pensée unique ce serait plutôt celle du « développement durable » et du « nous n’héritons pas la terre de nos parents, nous l’empruntons à nos enfants »…

      [Il ne s’agit pas de dicter les choix de chacun, mais de réagir vis à vis du matraquage permanent et effréné pour pousser le plus grand nombre à toujours consommer plus, et implicitement faire comprendre aux plus fragiles (ils sont nombreux) que s’ils ne possèdent pas le matériel à la mode du dernier cri, ce sont de pauvres types.]

      Vous savez, ce discours n’est pas nouveau. On en trouve des traces dès l’antiquité. Diogène, le philosophe qui vivait dans une jarre et refusait les avances d’Alexandre le Grand critiquait déjà le luxe et prêchait les avantages d’une vie simple. On trouve une infinité de figures qui critiquaient la dictature de la mode et de la consommation dans la Rome ancienne, au moyen âge, à la Renaissance – c’est l’une des causes de la réforme protestante – et ainsi de suite. Un discours qui se répète aussi constamment sans pour autant obtenir le moindre résultat doit avoir une fonction. Laquelle, à votre avis ?

      [Je n’ai encore jamais vu une attaque à main armée dans une librairie ni un vol à l’arraché du dernier volume de Piketty.]

      – On vient de me voler !
      – Que je plains ton malheur !
      – Tous mes vers manuscrits !
      – Que je plains le voleur…

      Comme quoi, on volait bien des vers… Non, sérieusement : on ne vole pas à l’arrachée le dernier volume de Piketty, on n’attaque pas à main armée les librairies simplement parce que le livre a un prix à la revente faible. Le stock entier d’un libraire revendu aux puces ne vaut tout au plus que quelques milliers d’euros. Cela n’a rien à voir avec une question de « mode » et encore moins avec celle du « nécessaire » et du « superflu »…

      [Pour ce qui est de votre argument en réponse à Albert sur l’obsolescence programmée (…) il ne s’agit généralement pas de matériel qui dure 2 ou 3 ans mais plutôt 10 à 15 ans et qu’il faudrait respecter ce délai pour que les consommateurs puissent se faire une idée de la durabilité de leur achat.]

      Pensez-vous vraiment qu’un fabriquant de frigos ait une vision à quinze ans, au point de « programmer » la défaillance d’un produit espérant voir le client revenir ? Je croyais que le premier reproche qu’on faisait à l’entreprise privée, c’était d’avoir un horizon de temps de court terme….

      [D’autre part, fabriquer un produit bien plus durable, coûte souvent un peu plus cher et l’industriel se pénaliserait d’entrée face à la concurrence.]
      En d’autres termes, à l’heure de choisir le client préfère le prix plutôt que la durabilité. Et l’industriel ne fait que suivre le désir du client. CQFD.

    • kikid'auber dit :

      Pour rejoindre votre discussion sur la solidité des machines, un ami m’expliquait que l’entreprise ‘Gaston Moyse‘ fabriquant de locotracteurs à La Courneuve avait dû mettre la clé sous la porte dans les années 1970 car ces locotracteurs étant d’une incroyable robustesse une fois achetés il n’était pas la peine de les remplacer même après de longues années d’utilisation. Wikipédia semble dire la même chose sur cette ancienne entreprise.

    • Albert dit :

      La lecture de tous ces échanges me confirmerait dans mon opinion selon laquelle il n’y a pas qu’opposition d’intérêt entre les producteurs (et les marchands, n’oublions pas ceux-ci !) et les consommateurs, mais aussi complicité d’intérêt – à court terme, car à long terme on peut aussi penser que tous ensemble scient la branche sur laquelle ils sont assis. Ce qui voudrait dire, notamment, qu’à ce jeu-là les classes moyennes de nos pays se suicident.

    • Descartes dit :

      @kikid’auber

      [Pour rejoindre votre discussion sur la solidité des machines, un ami m’expliquait que l’entreprise ‘Gaston Moyse‘ fabriquant de locotracteurs à La Courneuve avait dû mettre la clé sous la porte dans les années 1970 car ces locotracteurs étant d’une incroyable robustesse une fois achetés il n’était pas la peine de les remplacer même après de longues années d’utilisation. Wikipédia semble dire la même chose sur cette ancienne entreprise.]

      Lisez bien l’article sur Wikipédia… on y lit plus précisément « On a d’ailleurs coutume de dire que c’est cette solidité qui a fait fermer l’entreprise, faute de commandes… ». Ce n’est pas parce qu’on a « coutume de dire » que c’est vrai !

      Je ne connais pas l’histoire de l’entreprise en question. Mais je note, d’après l’article que vous citez, que les locotracteurs étaient essentiellement utilisés dans l’industrie sidérurgique et charbonnière, et dans les centrales à charbon EDF, toutes activités qui nécessitent du transport ferroviaire interne. Dans la mesure où ces industries ont disparu en France, je trouve là une explication bien plus raisonnable à la fermeture de l’entreprise qu’une excessive durabilité de ses produits.

    • Descartes dit :

      @Albert

      [La lecture de tous ces échanges me confirmerait dans mon opinion selon laquelle il n’y a pas qu’opposition d’intérêt entre les producteurs (et les marchands, n’oublions pas ceux-ci !) et les consommateurs, ]

      Je ne comprends pas très bien comment vous arrivez rationnellement à cette conclusion. Il est assez clair au contraire qu’il y a un conflit d’intérêts entre producteurs et consommateurs. A quantité donnée, les producteurs ont intérêt à ce que les prix auxquels les biens sont échangés soient les plus faibles possibles, les producteurs ont au contraire intérêt à ce qu’ils soient le plus élevés possibles… pas la peine de faire de grands raisonnements, il suffit de faire son marché le dimanche pour le constater.

      [car à long terme on peut aussi penser que tous ensemble scient la branche sur laquelle ils sont assis.]

      A long terme, comme le notait Keynes, nous sommes tous morts…

    • Albert dit :

      ["Je ne comprends pas très bien comment vous arrivez rationnellement à cette conclusion. Il est assez clair au contraire qu’il y a un conflit d’intérêts entre producteurs et consommateurs. A quantité donnée, les producteurs [consommateurs] ont intérêt à ce que les prix auxquels les biens sont échangés soient les plus faibles possibles, les producteurs ont au contraire intérêt à ce qu’ils soient le plus élevés possibles… pas la peine de faire de grands raisonnements, il suffit de faire son marché le dimanche pour le constater."]

      Vous avez un gros avantage sur moi: vous avez un raisonnement beaucoup plus méthodique, quasi-scientifique, alors que je ne suis à cet égard qu’un amateur. Il n’empêche: j’ai ajouté les marchands aux producteurs, j’aurais presque pu substituer les uns aux autres , tant il est vrai que les marchands (occidentaux) ont pris le dessus sur les producteurs (occidentaux) -ce fut d’abord cela la "mondialisation heureuse"(c-à-d la délocalisation massive de la production occidentale qui n’a quand même pas été initiée par les classes moyennes! ni par les classes populaires, c’est vrai, mais rencontrait leur intérêt à court terme), qui s’est naturellement poursuivie par la financiarisation massive de l’économie -qui ne profite pas non plus particulièrement aux classes moyennes ou populaires occidentales, autrement ça se saurait.

      Pour ce qui est de notre échange précédent sur les besoins et les désirs, c’est vrai que n’étant pas un expert en la matière, je n’ai pas un argumentaire très carré, mais le fait qu’il n’y ait pas encore (à ma connaissance) d’analyses interdisciplinaires psychologie /économie / sociologie ne signifie pas que l’on puisse parler "sciences humaines" (c’est bien ce qu’on fait, non?) avec un discours scientiste de sciences exactes, donc réducteur, du genre: ce qui n’est pas précisément quantifiable a peu d’intérêt.
      Votre exemple sur les prix du marché le dimanche n’est-il pas un peu simple pour analyser la complexité des économies modernes ( voire "post-modernes")?

    • Descartes dit :

      @Albert

      [Il n’empêche: j’ai ajouté les marchands aux producteurs, j’aurais presque pu substituer les uns aux autres , tant il est vrai que les marchands (occidentaux) ont pris le dessus sur les producteurs (occidentaux) -ce fut d’abord cela la "mondialisation heureuse"(c-à-d la délocalisation massive de la production occidentale qui n’a quand même pas été initiée par les classes moyennes!]

      Vous croyez ça ? Et bien, je ne partage pas. Après tout, je me vois obligé de constater que ce sont les classes moyennes qui ont soutenu – c’est clair en France, c’est encore plus évident en Grande Bretagne – la mise en place du système de libre-échange qui a rendu possible ces délocalisations. Pourquoi ? Parce que cela lui permettait de satisfaire son appétit insatiable pour la consommation à faible coût, sans en souffrir les conséquences des localisations puisque ces couches tirent leur revenu d’activités difficilement délocalisables.

      [Votre exemple sur les prix du marché le dimanche n’est-il pas un peu simple pour analyser la complexité des économies modernes ( voire "post-modernes")?]

      Sans doute. Mais il est parfait par contre pour illustrer le fait que les intérêts des producteurs et ceux des consommateurs sont opposés…

  10. Baruch dit :

    Dès la première réponse que vous m’avez faite, j’ai été effectivement convaincue par vos arguments pointant le côté paranoïaque du concept d’"obsolescence programmée". Bien que,les expériences multiples de machine à laver qui s’arrête en plein cycle, qu’il faut vider à la main, et ceci juste deux mois après la date d’expiration de la garantie, de résistance de four claquant le jour de l’anniversaire d’un enfant où se trouvent préparés une tarte et un rôti m’ aient portée à croire spontanément à cette évidence: La matière nous résiste et les machines nous en veulent !
    Comme quoi il faut se méfier de l’évidence comme source de la connaissance alors qu’elle est plus souvent un obstacle épistémologique !
    Bref, vous avez raison.

  11. Marcailloux dit :

    Bonjour,
    [……Un discours qui se répète aussi constamment sans pour autant obtenir le moindre résultat doit avoir une fonction. Laquelle, à votre avis ? ]
    J’imagine qu’il s’agit de satisfaire la "bonne conscience" des bourgeois. Et alors?
    Si je suis assez d’accord sur la répétition éternelle de ce type de discours, je le suis moins concernant les résultats. Comment pouvez vous affirmer que sans une barrière – certes très perméable- les probables excès qu’une absence de réaction hostile de Diogène ou d’autres, aurait conduit nos sociétés à plus de mal être, à plus d’incohérence?
    Votre exemple évoquant la réforme protestante est intéressant et je suis convaincu que ce large courant de pensée est à la source de l’économie rhénane qui sur bien des aspects s’oppose à l’économie anglo saxonne. Bien sur, il est difficile de donner des exemples irréfutables sans maîtriser les moyens documentaires sur le sujet, mais l’idée du durable basé sur la qualité me paraît plus développée outre Rhin. La structure des entreprises et les relations qu’elles entretiennent entre elles font une bonne partie de leur puissance. L’état d’esprit général de la population, conséquence de leur histoire va dans le même sens et cela se traduit par un sentiment de confiance en soit – en tant que nation – et ne fait que renforcer leur position dominatrice.
    Si Diogène était un de nos compatriotes, il demanderait à ses visiteurs pourquoi ont ils un tel engouement pour les "belles allemandes" alors que dans leur pays même on fabrique d’aussi bonnes voitures. Il s’étonnerait de constater qu’une jeune entreprise d’avenir qui se développe, est souvent absorbée par un groupe étranger quand elles ont eu la force de résister à la pression de leurs aînées, alors qu’en Allemagne la règle est à la collaboration et au soutien. Il s’étonnerait de constater que nos dirigeants politiques, sur bien des sujets qui transcendent l’organisation du pays, sont pratiquement incapables de produire un consensus à minima et s’échinent à démolir ce que les précédents ont réalisé.
    Diogène, ne voulant à aucun prix, être pris en otage par des gens de cet acabit, aurait probablement voté blanc à la plupart des scrutins…….Nous n’avons que les politiciens et les politiques que nous méritons.
    Et pour finir, je suis un peu sur ma faim de ne pouvoir lire de développement sur l’écart que l’on peut instaurer entre une croissance quantitative ( le PIB comme il est calculé actuellement) et une croissance qualitative ( avec de seuls critères d’appréciation nationaux, voire même européens si toutefois nous pouvions nous mettre d’accord sur le sujet)

    • Descartes dit :

      @Marcailloux

      [J’imagine qu’il s’agit de satisfaire la "bonne conscience" des bourgeois. Et alors?]

      Je pense que c’est beaucoup plus compliqué que cela. C’est un discours qui joue un rôle semblable à celui des moines du haut moyen âge : les rois meurtriers, ripailleurs et adultères payaient des moines purs et chastes pour qu’ils prient pour le salut de leur âme, et gagnaient le paradis par ce moyen. Nous n’aimons pas l’idée que nos actions ne sont pas en accord avec nos idées. Grâce à l’Abbé Pierre, nous pouvons continuer à consommer allègrement tout en étant rassurés du fait que quelqu’un s’occupe pour nous des pauvres.

      [Si je suis assez d’accord sur la répétition éternelle de ce type de discours, je le suis moins concernant les résultats. Comment pouvez vous affirmer que sans une barrière – certes très perméable- les probables excès qu’une absence de réaction hostile de Diogène ou d’autres, aurait conduit nos sociétés à plus de mal être, à plus d’incohérence?]

      J’ai tendance à penser le contraire : sans les Diogène et les Abbé Pierre, nous serions obligés à nous confronter avec notre « mauvaise conscience ». Le discours de la sobriété est un moyen d’éviter cette confrontation et donc d’avoir à faire quelque chose pour la résoudre. C’est un élément d’équilibre, et non de modération.

      [Votre exemple évoquant la réforme protestante est intéressant et je suis convaincu que ce large courant de pensée est à la source de l’économie rhénane qui sur bien des aspects s’oppose à l’économie anglo saxonne.]

      J’attire votre attention sur le fait que la réforme protestante fut à l’origine de l’économie anglo-saxonne… en fait, les princes rhénans sont restés en grande majorité catholiques, et voir dans « l’économie rhénane » une manifestation de la réforme protestante me paraît donc un peu osé… surtout parce que le « capitalisme rhénan » est plus proche, idéologiquement, du catholicisme, avec son aspect communautaire, que du protestantisme et son idée de salvation individuelle.

      [Bien sur, il est difficile de donner des exemples irréfutables sans maîtriser les moyens documentaires sur le sujet, mais l’idée du durable basé sur la qualité me paraît plus développée outre Rhin.]

      A voir l’âge moyen des voitures qu’on voit rouler dans les rues, on ne le dirait pas… je pense que vous tombez sous le charme de notre complexe national d’infériorité face à l’Allemagne qui nous pousse à voir chez eux toutes les qualités que nous aimerions avoir. La « deutsche qualität » est, je suis désolé de le dire, un mythe. Il y a des produits de qualité made in Germany, mais guère plus qu’ailleurs. J’ai longtemps travaillé avec du matériel professionnel Siemens, je peux vous assurer qu’il n’est guère plus fiable que le matériel équivalent fabriqué par Télémecanique… la seule différence étant que lorsqu’on s’adresse aux services de Télémécanique pour reporter une panne ils font quelque chose, alors que ceux de Siemens vous prennent de haut sur le ton « notre matériel est infaillible, c’est certainement votre faute s’il ne marche pas ».

      [La structure des entreprises et les relations qu’elles entretiennent entre elles font une bonne partie de leur puissance. L’état d’esprit général de la population, conséquence de leur histoire va dans le même sens et cela se traduit par un sentiment de confiance en soit – en tant que nation – et ne fait que renforcer leur position dominatrice.]

      Là encore, je pense que vous cédez à notre complexe national d’infériorité. Non, les allemands ne sont guère plus « sûrs d’eux » que nous. Et leur répétition obsessionnelle du « nous sommes les plus beaux, nous sommes les plus forts, nous sommes les plus grands » tient en grande partie à cette insécurité, fruit d’une longue histoire faite de recompositions permanentes et de frontières changeantes. Quand j’ai travaillé en Allemagne, j’ai été étonné de voir combien ils sont complexés par rapport à la France, sur le mode « nous sommes grands, beaux et forts et pourtant personne ne nous aime, alors que vous français vous chantez et dansez toute la journée, vous foutez rien et pourtant le monde vous adore. Nous avons de grands philosophes, des grands scientifiques, des grands écrivains… et pourtant aucun n’est aussi connu dans le monde que Voltaire, Curie ou Victor Hugo ». Cette problématique a été traitée magistralement par Peter Sloterdijk entre autres.

      La « puissance » de l’Allemagne est conjoncturelle. Il ne faudrait pas oublier qu’il y a quinze ans l’Allemagne était « l’homme malade de l’Europe ». Et cela malgré « la structure des entreprises et les relations qu’elles entretiennent entre elles » qui n’étaient pas très différentes de ce qu’elles sont aujourd’hui. Ce qui fait la puissance allemande, c’est l’Euro. Avoir à sa disposition une zone de libre-échange dans laquelle on a réussi à imposer sa monnaie – parce qu’il ne faut pas se voiler la face, l’Euro est un Mark déguisé – donne un avantage fondamental.

      [Si Diogène était un de nos compatriotes, il demanderait à ses visiteurs pourquoi ont ils un tel engouement pour les "belles allemandes" alors que dans leur pays même on fabrique d’aussi bonnes voitures.]

      Je ne voudrais pas vous offenser, mais l’engouement des français va surtout aux belles japonaises, coréennes et autres roumaines. Faudrait pas exagérer : si je regarde les chiffres 2011 (les dernières disponibles sur le site de la fédération des constructeurs automobiles) on voit que les voitures de marque allemande ont représenté 18% des immatriculations en France. Toutes les marques allemandes réunies vendent moins que Renault. Alors, pas de panique…

      [Il s’étonnerait de constater qu’une jeune entreprise d’avenir qui se développe, est souvent absorbée par un groupe étranger quand elles ont eu la force de résister à la pression de leurs aînées, alors qu’en Allemagne la règle est à la collaboration et au soutien. Il s’étonnerait de constater que nos dirigeants politiques, sur bien des sujets qui transcendent l’organisation du pays, sont pratiquement incapables de produire un consensus à minima et s’échinent à démolir ce que les précédents ont réalisé.]

      Ca, c’est certain. Les politiciens allemands se sont bien moins laissé séduire par les sirènes eurolâtres que les nôtres. Les gouvernements allemands ont protégé leur économie alors que les nôtres sont essentiellement préoccupés par le « mariage pour tous ». Le fait est que le citoyen français a beaucoup moins de culture économique – et même un mépris certain pour l’économie – que le citoyen allemand. On frémit lorsqu’on entend nos politiques dits « de gauche » décréter que « la politique doit passer avant l’économie »…

      [Et pour finir, je suis un peu sur ma faim de ne pouvoir lire de développement sur l’écart que l’on peut instaurer entre une croissance quantitative ( le PIB comme il est calculé actuellement) et une croissance qualitative (avec de seuls critères d’appréciation nationaux, voire même européens si toutefois nous pouvions nous mettre d’accord sur le sujet)]

      Je pense que vous posez un faux problème. Pour pouvoir évaluer un « écart », il faut pouvoir quantifier. L’idée d’une « croissance qualitative » est par essence contradictoire. Comment parler de « croissance » alors qu’on ne peut quantifier ?

  12. JMP dit :

    « Le projet rationaliste des Lumières a des limites, et la première d’entre elles est qu’il a un coût énorme. Il suppose que chaque citoyen consacre du temps et de l’effort à penser, à s’informer, à échanger sur les questions fondamentales. Il suppose aussi une disposition à remettre en cause en permanence ses convictions, y compris les plus profondes. Le problème, c’est que les citoyens n’ont pas, dans leur grande majorité, envie de faire ces efforts. De leur point de vue – et c’est un point de vue fort respectable – il est bien plus rationnel de se mettre d’accord pour établir dogmatiquement quelques « vérités » qui les guideront toute leur vie, et laisser le travail de réfléchir a ceux – fort minoritaires – qui ont envie de passer des heures dans des réunions et des lectures. Et j’aurais du mal à leur jeter la pierre sans violer le premier élément de notre triade républicaine qui établit que chacun a le droit de faire ce qu’il veut pourvu que cela ne nuise pas à autrui ».
    Il me semble que , de façon un peu élitiste,vous confondez le fait de ne pas avoir envie de faire ces efforts intellectuels et celui de tout simplement ne pas en avoir les moyens ; j’entends non pas les moyens intellectuels, ils sont statistiquement répartis, mais la simple disponibilité que nous laisse la vie quotidienne avec ses obligations et ses préoccupations : entre le boulot( quand on en a), les gosses a élever, les taches domestiques , bref le nez dans le guidon, difficile voire impossible pour la plupart de consacrer de longues heures a essayer de comprendre ce qui nous arrive . A titre d’exemple, je ne vous remercierai sans doute jamais assez pour votre blog, qui m’a ouvert les yeux sur nombre de problèmes essentiels , mais que je n’ai découvert et dont je n’ai pu profiter qu’une fois en retraite . Ce qui m’amène a une réflexion plus générale : le projet des lumières nécessite, pour être approché, d’un minimum de pluralisme de l’information ; au lieu de quoi, nous avons droit depuis l’élimination politique des défenseurs du programme du CNR, à une propagande a sens unique distillée par des médias aux ordres ; ce qui me paraît être la plus grave attaque contre la démocratie dans ce pays ; et je vois mal comment voir changer la donne , même avec internet, tant que nous n’arriverons pas a une situation catastrophique , avec tous les risques de dérive vers le n’importe quoi . ( a ce propos, je dois vous dire qu’après avoir relu vos articles sur l’ après Villeneuve , et les commentaires que vous avez pu y rajouter, je reste perplexe sur ce que vous avez voulu dire exactement : après avoir évoqué un vote pour le FN, voire une adhésion pour soutenir le courant Philipot, vous affirmez ne pas soutenir ces options pour envisager uniquement des accords au cas par cas sur des objectifs précis : a quel titre ? Individuel sûrement pas, alors ? Une option que vous voudriez voir adoptée par les diverses mouvances politiques républicaines?( DLR, MPEEP, communistes refondateurs, UPR …)

    • Descartes dit :

      @JMP

      [Il me semble que , de façon un peu élitiste,vous confondez le fait de ne pas avoir envie de faire ces efforts intellectuels et celui de tout simplement ne pas en avoir les moyens ; j’entends non pas les moyens intellectuels, ils sont statistiquement répartis, mais la simple disponibilité que nous laisse la vie quotidienne avec ses obligations et ses préoccupations : entre le boulot (quand on en a), les gosses a élever, les taches domestiques , bref le nez dans le guidon, difficile voire impossible pour la plupart de consacrer de longues heures a essayer de comprendre ce qui nous arrive.]

      La « vie quotidienne » a bon dos. Les gens sont certes pris par le boulot, les gosses à élever, les caches domestiques. Mais ces gens qu’on trouve dans les réunions des partis politiques, qui vont dans les conférences, qui lisent des journaux et des livres… sont ils tous chômeurs célibataires sans enfants ? Bien sur que non. Le boulot, les gosses, le ménage nous prennent du temps. Mais pas tout notre temps. Jamais comme auparavant nous avons des loisirs. Et nous faisons des choix sur comment les occuper. Nous pouvons choisir de regarder « qui veut gagner des millions », ou nous pouvons lire un livre. Nous pouvons jouer à un jeu vidéo débile, ou nous pouvons aller à une réunion politique. Nous pouvons choisir de lire l’Equipe ou Le Monde. Je ne jette la pierre à personne, et chacun est libre de choisir ce qui lui convient. Mais je ne peux que constater que si la moitié des français consacrait à la politique le temps qu’ils consacrent à regarder le foot à la télé, la France serait bien différente.

      Vous m’accusez « d’élitiste ». Je récuse en partie – mais seulement en partie – cette accusation. Je serais élitiste au mauvais sens du terme si je pensais que ceux qui choisissent de se consacrer aux affaires de la cité sont des « prédestinés » par le sang, par exemple. Mais ce n’est pas le cas : c’est par un choix librement consenti qu’on accède à cette « élite »…

      [Ce qui m’amène a une réflexion plus générale : le projet des lumières nécessite, pour être approché, d’un minimum de pluralisme de l’information ;]

      Je vais être grossier, et je m’en excuse d’avance : ce que le projet des Lumières nécessite, c’est du BOULOT, c’est de l’EFFORT. Il faut arrêter de croire qu’on peut apprendre en s’amusant. Bien entendu, on peut prendre un plaisir immense à lire Shakespeare dans sa langue, à comprendre le théorème de Cantor ou les théories de Marx, à participer à un débat politique… mais pour accéder à ces plaisirs, il faut un investissement, un gros investissement de départ. Le projet des Lumières, celui d’un citoyen éclairé, décidant par la Raison et ayant à sa disposition la connaissance accumulée par l’Humanité, nécessite un minimum de coopération du citoyen en question.

      Dans un pays comme la France, les sources d’information alternative existent. L’instrument le plus puissant dans les mains de ceux qui veulent que rien ne change n’est pas la propagande, mais la paresse des citoyens. C’est la tendance humaine à suivre le chemin du moindre effort.

      [a ce propos, je dois vous dire qu’après avoir relu vos articles sur l’ après Villeneuve , et les commentaires que vous avez pu y rajouter, je reste perplexe sur ce que vous avez voulu dire exactement : après avoir évoqué un vote pour le FN, voire une adhésion pour soutenir le courant Philipot, vous affirmez ne pas soutenir ces options pour envisager uniquement des accords au cas par cas sur des objectifs précis : a quel titre ? Individuel sûrement pas, alors ?]

      Je n’ai pas de réponse à vos questions. Ce n’était d’ailleurs pas mon but lorsque j’ai écrit l’article en question et dans le débat qui a suivi. Mon but était d’essayer de poser avec un minimum de clarté les questions qui à mon avis se posent aujourd’hui aux progressistes dans une situation politique où il y a un consensus dans les partis « respectables », de droite comme de gauche, pour tourner le dos aux couches populaires. Je suis convaincu qu’il n’y a pas de politique progressiste possible sans s’appuyer sur les couches populaires. Or, celles-ci n’ont pas d’autre représentation politique aujourd’hui que le FN. J’en conclus qu’il faut d’urgence chez les progressistes une réflexion sur nos rapports avec le FN. Je ne prétends pas pouvoir conduire tout seul une telle réflexion ou en tirer des conclusions universelles. Mais je suis convaincu que le rejet dogmatique de tout contact avec le FN ne sert pas la cause progressiste, au contraire.

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