De la retraite des vieux à la retraite des jeunes

Il est rare d’avoir l’opportunité d’assister à un lapsus collectif en direct. Bien entendu, chacun de nous fait des lapsus, exprimant dans un moment d’inattention non pas ce que nous voulions communiquer à l’autre, mais le fond intime de nos pensées. Mais voire une foule faire le lapsus en même temps que le dirigeant qui lui parle, c’est un spectacle rare et que je m’en vais partager avec vous.

Le théâtre du Grand Lapsus fut le discours de Pierre Laurent lors du traditionnel meeting politique du dimanche soir. Voici les paroles exactes prononcées par l’orateur transcrites à partir de la vidéo de son intervention (consultable ici, à la 23ème minute). Tout à coup, après avoir enfilé des perles sur la Syrie et sur la politique gouvernementale, il est venu à Laurent l’idée de poser une question à la foule :

« J’ai envie de vous demander quelque chose, puisque parmi vous il y a beaucoup de jeunes. Que celles et ceux qui sont parmi les jeunes, parmi nous, que celles et ceux qui croient qu’ils n’auront pas demain droit à une retraite à taux plein à 60 ou a 62 ans lèvent la main [levée unanime des mains dans le public]… et bien voilà le problème : c’est que la très grande majorité des jeunes sont aujourd’hui persuadés, et malheureusement ils ont raison, que si l’on continue dans cette voie-là ils n’auront plus droit à la retraite. Et bien, nous n’acceptons pas une société qui sacrifie la jeunesse, une société qui dit à la jeunesse « vous vivrez moins bien que les générations précédentes » ».

Mes lecteurs les plus pervers, et j’espère qu’ils sont très nombreux, auront remarqué qu’il y a une faille logique dans le raisonnement : Laurent demande de lever la main à ceux qui « croient qu’ils n’auront pas une retraite pleine à 60 ou 62 ans » puis tire comme conclusion que les jeunes sont persuadés « que si on continue comme ça » ils n’auront plus droit à la retraite. Or, la question ne faisait pas la réserve du « si on continue comme ça ». Par ailleurs, il y a une différence évidente entre « ne pas avoir une retraite pleine à 60 et 62 ans » et « ne pas avoir droit à la retraite » tout court. La conclusion aurait qu’on peut tirer du vote à main levé des jeunes est que « les jeunes sont persuadés qu’ils auront pas une retraite pleine à 60 ou 62 ans ».

Cette conclusion est très intéressante. Si l’on écoute les discours des dirigeants du Front de Gauche, on aurait pu s’attendre à ce qu’à la question posée la réponse des jeunes soit « nous aurons bien une retraite à taux plein à 60 ans puisque lorsque l’heure de notre retraite aura sonné dans trente ou quarante ans la « révolution citoyenne » aura eu lieu et nous vivrons dans une société juste ». Mais voici qu’à la Fête de l’Humanité, rassemblement de gens dont on suppose qu’ils croient à un changement profond de la société dans les années qui viennent, lorsqu’on demande aux jeunes ce qu’ils pensent de la situation de la France dans trente ou quarante ans leur réponse est profondément pessimiste. En fait, pas plus les jeunes que les dirigeants de la « gauche radicale » ne semblent croire à un changement profond dans les trente ou quarante années qui viennent. Pourquoi sinon considérer que la réforme des retraites d’aujourd’hui reviendrait à « sacrifier » une jeunesse qui prendra sa retraite au mieux dans plusieurs décennies ?

Voilà donc le Grand Lapsus auquel je faisais référence. Malgré tous les grands discours sur la « révolution citoyenne » qui serait déjà commencée – « regardez l’Amérique Latine » -, malgré la « colère qui monte » et les « nous n’accepterons pas ceci ou cela », dans leur for intérieur les jeunes militants de la « gauche radicale » tout comme leurs dirigeants n’y croient pas un mot. Au contraire : ils ont une vision d’une remarquable stabilité, au point de penser que les règles qui seront fixées pour les retraites aujourd’hui s’appliqueront encore dans trente ou quarante ans.

Plus remarquable encore est la dernière phrase du paragraphe cité, cette idée que retarder l’age de la retraite reviendrait à « sacrifier la jeunesse », à lui dire « vous vivrez moins bien que les générations précédentes ». Après tout, la retraite n’est qu’une étape, et pas la plus longue ni la plus importante, de notre vie. Ce n’est pas parce qu’on part plus tard à la retraite qu’on « vit moins bien » qu’une autre génération. Que dire alors de ceux qui ont le malheur de mourir à 60 ans après une vie de bonheur ? Doit on considérer qu’ils n’ont pas « bien vécu » ?

Il y a dans ce surinvestissement dans la retraite quelque chose d’étrange qu’il faut à mon avis souligner. Le discours politique des opposants à la réforme des retraites se construit un peu comme si la vie active était une longue « vallée des larmes », une époque d’asservissement et de souffrance dont la retraite serait en quelque sorte à la fois la libération et la récompense. Un peu comme si l’on ne commençait véritablement à « vivre » que lorsqu’on quitte la vie active.

Cette vision est un renversement complet par rapport à celle qu’avaient les générations précédentes. Il faut rappeler que la retraite a été créée non pas pour récompenser une vie de travail, mais pour prendre en charge la situation des personnes qui, l’âge avançant, n’étaient plus en mesure de travailler et donc de subvenir à leurs besoins. Le départ à la retraite n’était donc pas une libération ou une récompense, c’était la conséquence d’une déchéance physique ou intellectuelle qui vous empêchait de faire ce que la société trouvait normal : gagner votre vie par votre travail. Ceux qui ont bâti notre système de retraite ne l’ont certainement pas conçu pour que des gens dans la plénitude de leurs capacités, pouvant encore produire de la richesse par leur travail, se « retirent » pour vivre de leurs rentes. Car c’est bien là que se trouve la question fondamentale. Le retraité est avant tout un rentier. Il reçoit la rémunération d’un capital qu’il s’est constitué tout au long de sa vie (1) : cette vision de la retraite comme une « libération » et une « récompense » n’est qu’une illustration de plus de la manière dont notre société survalorise depuis quelques décennies le rentier par rapport le travailleur. Pour les générations précédentes, le travail était l’élément essentiel de la dignité sociale. C’est pourquoi on travaillait aussi longtemps qu’on le pouvait, et seule l’impossibilité de travailler – les âges de départ à la retraite correspondaient à une baisse importante de la productivité du travailleur – justifiait socialement qu’on se « retire » (2) du processus productif tout en restant à la charge de la société. L’idéologie libérale-libertaire a changé tout çà : on considère aujourd’hui – même dans les partis de la « gauche radicale », que penserait le Marx qui citait l’adage « celui qui ne travaille pas ne mange pas » pour qualifier le sort qu’on devait réserver au rentier – tout à fait digne socialement qu’une personne capable de travailler puisse vivre de ses rentes. La retraite, c’est la démocratisation symbolique du statut de rentier.

Pourquoi pas, me direz vous. Mais cette logique conduit à une conclusion immédiate : pour que le système soit juste, il faut que la somme de ce que chaque génération consomme tout au long de sa vie soit égale à la somme de ce qu’elle produit pendant la même période. Autrement, on se trouverait dans la situation où une génération vivrait aux crochets des autres, ce qui serait foncièrement injuste. Or, lorsque l’espérance de vie s’allonge, cela implique que chaque génération consommera pendant plus longtemps que la précédente. Il lui faut donc, à niveau de vie constant, produire plus. Il y a donc plusieurs paramètres sur lesquels on peut jouer : le niveau de vie aux différentes étapes de la vie, la durée de la vie active, le temps de travail quotidien ou hebdomadaire, la productivité du travail… et en jouant sur ces paramètres on peut arriver à des compromis différents. Certains préféreront peut-être travailler moins intensément mais plus longtemps. Certains préféreront avoir un plus haut niveau de vie quitte à partir à la retraite plus tard. D’autres au contraire voudront partir plus vite, quitte à vivre moins bien leur retraite. D’autres encore se diront qu’il vaut mieux vivre une jeunesse pauvre et une vieillesse riche… les combinaisons sont inépuisables. La réforme qui est proposée aujourd’hui par le gouvernement fait un choix mixte : vivre un peu moins bien lorsqu’on est actif – on augmente les cotisations – et partir un peu plus tard pour pouvoir maintenir le niveau des pensions et la durée hebdomadaire du travail. On aurait pu faire le choix inverse : garder le départ à 60 ans mais rallonger la semaine de travail à 40 heures.

Il y a là une problématique qui mériterait une réflexion progressiste : faut-il un système uniforme, dans lequel l’équilibre entre ces différents curseurs est fixé de la même manière pour tous, ou faut-il laisser une mesure de choix individuel dans l’optimisation ? Faut-il laisser aux individus le choix de leur date de départ à la retraite, étant entendu que la pension sera calculée en proportion ? Faut-il permettre aux individus de moduler leurs cotisations étant entendu, là encore, que ceux qui auront choisi de plus cotiser auront des retraites plus conséquentes ? Le problème avec la « gauche radicale », c’est qu’elle veut tout, tout de suite : qu’on augmente les pensions, qu’on parte plus tôt, qu’on travaille moins, et qu’on fasse des études plus longues. Au lieu de chercher une solution rationnelle et donc crédible, on préfère plaire à tout le monde en demandant l’impossible. Et lorsqu’on demande l’impossible on n’est généralement pas suivi. Les travailleurs français ont beaucoup de bon sens, et comprennent très bien que face aux propositions du gouvernement, il n’y a pas véritablement de projet alternatif autre que celui de dire « non » à tout.

Mais quelque soit le choix qui sera fait… est-ce que celui-ci concerne véritablement la « jeunesse » ? Pierre Laurent le pense, reprenant en cela un discours qui est commun à l’ensemble de la « gauche radicale ». Plus loin dans son discours à la Fête de l’Humanité il le dit :

« Je vous donne rendez-vous pour un premier rendez-vous de mobilisation devant l’Elysée le 18 septembre à l’appel de quatorze organisations de jeunesse qui appellent ce jour là à manifester (…) pour dire qu’ils veulent de vrais progrès pour la jeunesse dans la réforme des retraites ».

Ainsi, quatorze organisation de jeunesse se mobilisent. Non pas par solidarité avec les « quinqua » qui sont proches de la date fatidique, ce qui à la rigueur serait compréhensible, mais pour exiger « des vrais progrès pour la jeunesse » dans la réforme des retraites. J’avoue avoir du mal à comprendre en quoi la reforme des retraites concerne les jeunes… qui peut penser aujourd’hui que les règles qui seront posées aujourd’hui seront en vigueur dans un demi-siècle ?

Au cours de l’histoire, la jeunesse a beaucoup manifesté : quelquefois pour défendre ses intérêts immédiats – pour que les garçons puissent visiter le dortoir des filles, pour exiger le droit sacré de porter du rouge à lèvres au lycée – souvent pour des causes nobles et plus détachées du quotidien – les guerres d’Algérie ou de celle du Vietnam, la solidarité avec les républicains espagnols ou l’union contre le fascisme. Mais je ne trouve pas dans l’histoire un seul exemple où les organisations de la jeunesse soient descendues dans la rue préoccupées par leurs propres retraites. Jouhandeau avait apostrophé les « enragés » de mai 68 avec ces mots prémonitoires « rentrez chez vous, dans vingt ans vous serez tous notaires ». Aujourd’hui, Pierre Laurent renverse la formule : « sortez dans la rue, dans quarante ans vous serez tous retraités ».

Que Laurent, Mélenchon et le reste de la clique soient préoccupés par la retraite, on peut le comprendre. Après tout, ils sont tous plus près de la harpe que de la guitare, comme disait mon père. Mais qu’ils plaquent cette préoccupation sur la « jeunesse », c’est beaucoup plus inquiétant. Qu’est ce qui fait le charme de la jeunesse, sinon le fait que c’est l’âge de tous les possibles ? J’en appelle à ceux de mes lecteurs qui, comme moi, ont leur jeunesse derrière eux. Au printemps, de quoi rêviez vous ? De construire un grand barrage, de porter le maillot jaune sur les Champs Elysées, de faire la révolution, d’inventer un vaccin, d’écrire une symphonie, de gagner la finale de la Coupe du Monde, de sauver la France, de poser le pied sur la Lune… Nos références étaient Robespierre ou Merckx, Lénine ou Pasteur, Che Guevara ou Curie. Imaginez vous Robespierre ou Che Guevara, Lénine ou Pasteur préparant leur retraite ?

Vous m’objecterez que ces personnages appartiennent tous aux classes supérieures, là où le travail vous rapporte, outre de l’argent, une satisfaction. C’est en partie vrai, mais en partie seulement. Mes grands parents étaient ouvriers, et ils racontaient avec une vraie nostalgie – et cela malgré la dureté du travail – leur vie sociale, politique, syndicale à l’atelier. J’ai retrouvé cette même vision chez la plupart des anciens ouvriers que j’ai connu. Discutez avec les anciens mineurs, et ils vous raconteront la mine avec un mélange de fierté et de nostalgie, alors qu’on peut difficilement imaginer travail plus dur. On peut le retourner comme on veut, le fait est que l’homme crée par le travail, que cette création soit un vaccin nouveau où une pièce de voiture. Quitter le monde du travail, c’est socialement mourir un peu (3).

Alors, jeunesse de mon pays, permets moi d’utiliser le privilège de mon âge, qui est de donner de bons conseils pour se consoler de ne pas pouvoir donner de mauvais exemples. Jeunesse de mon pays, tu n’est pas une « victime ». Méfie toi de cette idée absurde que « pour la première fois une génération vivra plus mal que la précédente ». C’est le contraire qui est vrai : rarement une génération aura été aussi choyée par les dieux que la tienne. Aucune génération n’a bénéficié, dans toute l’histoire, d’un tel niveau d’éducation, d’une telle protection contre la maladie, d’un tel niveau de vie et de consommation, d’une espérance de vie équivalente à la tienne, d’une aussi faible exposition aux guerres et aux catastrophes. Si les régimes de retraite sont en crise aujourd’hui, c’est entre autres pour cette dernière raison. Tout n’est pas rose, bien entendu, mais dis toi bien que tout n’était pas rose non plus dans la vie de tes aînés, loin de là. Qu’il y a à peine un demi siècle on avait encore les toilettes sur le palier, les études universitaires réservées à une petite minorité, et que les dernières épidémies de poliomyélite datent des années 1950. Et que si une génération, celle de mai 68, a pu profiter de l’exceptionnel effort de reconstruction des « trente glorieuses » préférant manger le capital plutôt que de le réinvestir cela constitue l’exception et non la règle.

Jeunesse de mon pays, n’écoute pas ces dirigeants qui veulent t’enfermer dans la vision petite-bourgeoise du rentier heureux. La retraite c’est loin, et d’ici à ce que tu arrives à l’âge où elle te sera nécessaire, beaucoup d’eau aura coulé sous les ponts, des ponts qui pour beaucoup ne sont pas encore construits, et qu’il t’appartiendra de construire. Profite du seul privilège que tu as, celui d’avoir le temps devant toi pour imaginer, pour rêver, pour construire, pour t’engager sur de grandes choses. Et si tu sors dans la rue, fais-le pour des causes qui en valent la peine aujourd’hui, et pas pour exiger ce que tu toucheras dans quarante ans. Jeunesse de mon pays, sois lucide sur les discours de ceux qui veulent te faire croire que tu est sur terre pour souffrir jusqu’au jour béni ou tu seras comme eux – c'est-à-dire vieux – et que tu pourras toucher ta retraite. Ce n’est pas vrai.

Jeunesse de mon pays, la retraite que tu toucheras dans trente ou quarante ans, ne sera pas assurée – pas plus qu’elle ne sera compromise – par des lois faites aujourd’hui. Elle sera assurée si l’économie de notre pays est en mesure de la payer, et compromise si elle ne l’est pas. Ce n’est pas sur la réforme des retraites que ta retraite se joue. C’est sur les questions de la politique industrielle, de la recherche, de l’innovation, des investissements dans les infrastructures, de l’Euro et de l’économie. Ce sont ces politiques qui conditionnent non seulement ta retraite mais l'ensemble de ta vie. N’imagine pas que tu pourrais être le citoyen d’un pays appauvri et devenir par on ne sait quelle magie riche à l’heure de ta retraite. Alors, si ta retraite te préoccupe…

Descartes

(1) Et cela indépendamment du choix du système de constitution de la rente, par « capitalisation » ou par « répartition ». Dans le premier cas, la rente se constitue par des apports en monnaie à un fond dont on touche ensuite le revenu viager qui est prélevé sur les entreprises dans lequel le fond est investi, dans le second la rente se constitue par apport de « trimestres » qui sont rémunérés par un prélèvement sur l’ensemble de l’économie. La « répartition » permet donc de distribuer le risque d’une manière plus large et donc de mieux sécuriser le système. Mais dans les deux cas, il s’agit d’une rente.

(2) Il faut noter d’ailleurs que les premiers régimes de retraite modulaient d’une manière importante l’âge de départ à la retraite en fonction de la pénibilité du travail. On l’oublie souvent, mais le départ « avancé » de certains régimes spéciaux est historiquement lié à une pénibilité particulière : mineurs, électriciens travaillant en centrale thermique, conducteurs de locomotives, policiers… ce n’est que parce que cette pénibilité a quelquefois disparu que ces régimes semblent aujourd’hui « injustes ».

(3) Pour finir sur une note personnelle, je dois avouer que j’ai toujours eu peur de la retraite. Peut-être ais-je été traumatisé d’avoir vu à mon premier poste des collègues mis à la retraite d’office alors qu’ils avaient encore la force et l’envie de continuer à travailler, à produire, à se sentir utiles. Je me souviens de ces pots de départ sinistres, ou l’on faisait tous semblables – surtout le principal concerné – d’être heureux de son départ. J’ai redouté et je redoute toujours le jour ou cela m’arriverait aussi. Bien sur, un jour je ne serai plus capable de travailler, et je serai bien content d’avoir alors de quoi vivre mes dernières années. Mais en toute franchise, je ne suis pas pressé.

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43 réponses à De la retraite des vieux à la retraite des jeunes

  1. Baumgarten dit :

    Bravo pour cet article très intelligent. J’ajoute, vivant depuis 11 ans en Argentine, un de ces soi-disant pays de la "Révolution citoyenne", que tout n’y est que discours. La réalité, surtout pour les plus pauvres, ne change que peu. Au mieux pour un temps au gré de la conjoncture internationale. Mais les retours en arrière restent brutaux. Par contre le discours néo-populiste des dirigeants est très attrayant.

    • Descartes dit :

      @Baumgarten

      C’est ce que les dirigeants de la "gauche radicale" française ont du mal à comprendre: que les soi disant "révolutions latino-américaines" reposent sur une dissociation entre le discours et la réalité. Il ne s’agit pas du fait que les politiciens ne tiennent pas leurs promesses – ça, ça arrive partout – mais que le monde politique finit par décrire une situation qui n’a aucun rapport avec la réalité. Un peu comme si Hollande venait à dire que jamais la France n’a eu une croissance aussi rapide, les inégalités aussi faibles et l’éducation meilleure. En France, un gouvernement qui s’amuserait a ça serait rapidement critiqué par ses partisans eux mêmes. En Argentine ou au Vénézuela, mettre en doute le discours du Chef est assimilé à un acte de haute trahison,sur le modèle du "celui qui n’est pas avec moi est contre moi".

  2. Albert dit :

    Excellent, Descartes. Vraiment.

  3. CVT dit :

    [Et que si une génération, celle de mai 68, a pu profiter de l’exceptionnel effort de reconstruction des « trente glorieuses » préférant manger le capital plutôt que de le réinvestir cela constitue l’exception et non la règle].

    Cher Descartes,
    pour une fois, je ne suis pas certain d’approuver votre poste, et je crois que c’est dû à un conflit de générations. Je fais justement partie de la génération des enfants de mai 68, celle qui est née avec le mot "crise" et qui a pu un peu finir de profiter des Trente Glorieuses finissantes. Je ne vais pas jouer les Caliméro, mais franchement, la grande caractéristique de votre génération était la stabilité de l’emploi, sur au moins une génération. C’est un privilège les enfants et désormais petits-enfants de soixante-huitards n’ont plus, étant donné le caractère désormais cyclique du marché de l’emploi.
    En France, outre la concurrence (alias la compétitivité) qui minent les travailleurs tant d’un point de vue financier que moral, et qui finit par être contre-productive d’un point de vue économique, le grand problème que vous soulevez est celui du choix fait par nos élites du refus de l’investissement dans l’amélioration de l’outil de production, et donc dans l’enseignement des savoirs et l’amélioration des outils, au nom d’une politique favorable à la rente immédiate. Dès lors, étant donné l’incertitude qui règne sur le marché du travail, on ne peut pas tout à fait en vouloir aux jeunes et moins jeunes comme moi de songer à préparer leur retraite, ou du moins, avoir quelques assurances sur l’avenir, étant donné que les deux modes de rentes (répartition ou capitalisation) seront inopérants en cas d’écroulement de l’économie. En bon vieux peuple thésauriseur, c’est presque normal…
    Votre point de vue tend à militer pour une société de travail contre la civilisation des loisirs, dont notre génération est sensée être la plus digne représentante. Il faut croire que la gauche actuelle soit la descendante de Proudhon et de son fameux "droit à la paresse", où le travail était perçu comme une source d’enrichissement et d’épanouissement, mais plutôt comme de l’exploitation, voire de l’esclavage. Même si pour moi, la retraite n’est pas un statut forcément désirable, peut-être qu’il est moins difficile de s’y imaginer dans notre société de loisir quand une société où le travail donnait un statut social.
    Simplement, il faut bien comprendre que, quand vous parlez de ces ouvriers ou ces mineurs qui partent à la retraite, c’est précisément le type de chose à laquelle les générations suivantes n’assisteront plus, car rester aussi longtemps au même poste n’est plus la norme aujourd’hui. Par exemple, à ce jour, j’ai bien dû célébrer un seul pot de départ à la retraite…

    • Descartes dit :

      [Je fais justement partie de la génération des enfants de mai 68, celle qui est née avec le mot "crise" et qui a pu un peu finir de profiter des Trente Glorieuses finissantes. Je ne vais pas jouer les Caliméro, mais franchement, la grande caractéristique de votre génération était la stabilité de l’emploi, sur au moins une génération.]

      Je crains que vous me donniez un âge que je n’ai pas… Lorsque je suis entré au marché du travail, on avait déjà dépassé les deux millions de chômeurs… en ce qui me concerne, j’ai changé au moins trois fois de métier dans ma vie, et changé d’employeur au moins six fois. Ne me parlez donc pas de « stabilité »…

      [le grand problème que vous soulevez est celui du choix fait par nos élites du refus de l’investissement dans l’amélioration de l’outil de production,]

      Par « nos élites » ? Où ais je parlé de « nos élites » ? Je trouve très dangereuse l’idée que nous pâtirions de choix faits par « nos élites » au mépris de la volonté de citoyens trompés. Le choix de la consommation plutôt que de l’investissement a été un choix approuvé à chaque fois par l’électorat. Ce qui suppose qu’il bénéficie d’un appui largement plus important que celui fourni par « nos élites »…

      [Dès lors, étant donné l’incertitude qui règne sur le marché du travail, on ne peut pas tout à fait en vouloir aux jeunes et moins jeunes comme moi de songer à préparer leur retraite, ou du moins, avoir quelques assurances sur l’avenir, étant donné que les deux modes de rentes (répartition ou capitalisation) seront inopérants en cas d’écroulement de l’économie. En bon vieux peuple thésauriseur, c’est presque normal…]

      Je ne dis pas le contraire. Mais vous m’accorderez que cette attitude ne montre pas un optimisme excessif quand à la possibilité que les choses changent dans un avenir proche ou même, dans le cas de la jeunesse, lointain… et qu’il est assez paradoxal que des dirigeants qui affirment croire dans la « révolution citoyenne » pour demain encouragent par ailleurs la jeunesse à se préparer au pire.

      [Votre point de vue tend à militer pour une société de travail contre la civilisation des loisirs,]

      Oui, et j’assume. La civilisation des loisirs à mon sens a failli lorsqu’il s’est agi de produire un ciment social capable de remplacer celui qui résulte du travail. Le travail tend à insérer l’être humain dans un tissu de rapports sociaux d’interdépendance, alors que le loisir tend au contraire à favoriser l’individu-île.

      [Il faut croire que la gauche actuelle soit la descendante de Proudhon et de son fameux "droit à la paresse", où le travail était perçu comme une source d’enrichissement et d’épanouissement, mais plutôt comme de l’exploitation, voire de l’esclavage.]

      Le « droit à la paresse » c’est Lafarge, pas Proudhon. Mais vous avez raison, la « gauche radicale » préfère aujourd’hui Lafarge plutôt que Marx. Ce qui est parfaitement compatible avec sa composition sociologique.

      [Simplement, il faut bien comprendre que, quand vous parlez de ces ouvriers ou ces mineurs qui partent à la retraite, c’est précisément le type de chose à laquelle les générations suivantes n’assisteront plus, car rester aussi longtemps au même poste n’est plus la norme aujourd’hui.]

      Vous vous trompez si vous croyez que la « stabilité » était la règle dans « le monde d’avant ». Je vous rappelle que les crises cycliques et les périodes de chômage ont existé tout au long des années 1900-1940. La « stabilité » dont vous parlez n’a guère duré que trente ans… Encore une fois, les « trente glorieuses » sont l’exception, pas la règle.

      [Par exemple, à ce jour, j’ai bien dû célébrer un seul pot de départ à la retraite…]

      Je vous fais remarquer que le nombre de personnes partant à la retraite est exactement le même quelque soit la stabilité de l’emploi…

    • Bernard dit :

      Moi je trouve stupéfiant qu’on ose parler aux jeunes des retraites sans penser au changement climatique menaçant la survie de l’humanité bien avant leur age de retraite .

    • Descartes dit :

      @Bernard

      Je doute fort que le réchauffement climatique menace la survie de l’humanité "bien avant" trente ou quarante ans. Ce genre d’argumentation qui repose sur le terrorisme intellectuel n’aide pas l’écologie, la vraie…

    • giz dit :

      Il a fallu que j’atteigne 45 ans pour enfin acheter un logement, pas forcément une bonne idée d’ailleurs puisque je n’y ai habité qu’un an du fait de ma mobilité professionnelle et géographique. Avant je ne me souciais ni d’être propriétaire, ni de ma retraite, ni d’une épargne à long terme, seul faire des études supplémentaires me souciait et innover pendant qu’autour de moi, de gauche ou de droite, la plupart accédaient à la propriété.

      L’attrait de la retraite est peut être de ne plus enfin pour beaucoup supporter les chefaillons au management idiot, les procédures bureaucratiques de plus en plus pesantes, y compris dans le privé, la novlangue sous powerpoint…

      Bref retrouver une autonomie, et produire autrement, car nombre de retraités produisent, mais ça n’est pas comptabilisé dans le PIB.

  4. edgar dit :

    très beau texte. Quand le coup de gueule atteint une dimension littéraire.

  5. Nicolas 70 dit :

    Bonjour Descartes,

    le mardi 10 septembre, j’étais en grève le matin et j’ai manifesté par habitude, par discipline et également pour voir et discuter avec les copains et les copines.

    Cette mobilisation n’était pas seulement contre la réforme des retraites, mais également pour de meilleurs conditions de travail.
    La place du travail est important dans une vie, mais si l’on veut en garder des souvenirs agréables quand sera venu le temps de la retraite, faut-il que cela reste vivable. C’est pour cela qu’au delà de l’avenir radieux et béni (oui, oui !) de la révolution citoyenne, c’est au quotidien au travail que l’on tente de maintenir une société décente. C’est pour cela que le syndicalisme est important dans ce rapport quotidien avec ses collègues en tant que délégué du personnel ou au CHSCT ! Des petites victoires, des petites avancées.

    Je vous rejoins sur le fait que nous n’avons surement jamais eu "d’un tel niveau d’éducation, d’une telle protection contre la maladie, d’un tel niveau de vie et de consommation, d’une espérance de vie équivalente à la tienne, d’une aussi faible exposition aux guerres et aux catastrophes"., mais vu que les syndicats se sont détachés du quotidien des gens, nous ne pouvons que revendiquer de nouveaux droits, encore et encore.

    PS : Le début de votre billet ("la jeunesse") m’a donné envie d’écouter FERRAT. C’est tombé sur le FERRAT 66.

    Bon week-end.

    • Descartes dit :

      @Nicolas70

      [La place du travail est important dans une vie, mais si l’on veut en garder des souvenirs agréables quand sera venu le temps de la retraite, faut-il que cela reste vivable. C’est pour cela qu’au delà de l’avenir radieux et béni (oui, oui !) de la révolution citoyenne, c’est au quotidien au travail que l’on tente de maintenir une société décente.]

      Tout à fait d’accord. Toute réflexion politique commence par une réflexion sur la manière dont les biens sont produit, et la vie de ceux qui les produisent. C’est à partir de la lutte sur le lieu de travail que les grandes questions politiques peuvent être posés. Le PCF avait réussi à représenter la classe ouvrière non pas parce qu’il parlait de révolution mieux que ne le faisaient les gauchistes, mais parce que contrairement à eux il avait implanté l’essentiel de son activité politique sur les lieux de travail et à partir des problèmes concrets des travailleurs…

      [PS : Le début de votre billet ("la jeunesse") m’a donné envie d’écouter FERRAT. C’est tombé sur le FERRAT 66.]

      Ah Ferrat… l’écouter, c’est prendre un élixir de jeunesse…

  6. bernard dit :

    bonsoir Descartes que répondez vous a la gauche radicale qui dit y qu’a taxer les profits et les revenus financiers pour maintenir la retraite a 60 ans , pour ma part je considére que ce slogan fait sourire !

    • Descartes dit :

      @Bernard

      [que répondez vous a la gauche radicale qui dit y qu’a taxer les profits et les revenus financiers pour maintenir la retraite a 60 ans]

      Je réponds… que je veux voir les chiffres. Combien rapporterait la taxation des profits en question ? Combien coûterait de maintenir la retraite à 60 ans compte tenu de l’augmentation de l’espérance de vie ? Si les deux chiffres s’accordent, on peut discuter, sinon… par ailleurs, il faudrait m’expliquer comment on fait pour taxer les profits et les revenus financiers tout en restant dans l’UE et dans l’Euro, c’est à dire en conservant la possibilité pour les capitaux d’aller chercher la meilleure rentabilité ailleurs.

      Mais plus profondément, la retraite "obligatoire" à 60 ans me pose un problème. Je connais beaucoup de gens qui à 60 ans n’ont tout simplement pas envie d’arrêter de travailler. Pourquoi faudrait-il les obliger ? Je me demande s’il ne faudrait pas supprimer l’age limite de départ à la retraite, et le remplacer par une règle qui lierait l’âge de départ avec le montant de la pension. Plus on part tôt, plus la pension est faible, et chacun est libre de choisir s’il préfère travailler plus ou gagner moins…

  7. Joe Liqueur dit :

    D’accord avec Edgar, c’est un très beau texte. Surtout la fin, avec cette adresse aux jeunes qu’il faudrait diffuser largement… (Je compte d’ailleurs y contribuer avec mes très modestes moyens – mes dix visiteurs uniques par jour ; mais avec un peu de chance y aura bien un ou deux jeunes parmi eux.)

    Et la proposition de réforme que tu fais dans ta réponse à Bernard est très intéressante. Pour ma part j’avais imaginé de remplacer simplement l’âge de la retraite par un âge à partir duquel on toucherait une pension financée par les cotisations sociales, mais en supprimant toute notion de retraite – ce serait disons une "pension vieillesse" (il serait alors possible, bien sûr, de continuer à travailler en cumulant le revenu et la pension). Mais ton idée me semble assez pertinente aussi.

    Dernière chose : si je reprends la fin de ton texte sur mon blog, comment je complète cette phrase ?
    "Ce sont ces politiques qui conditionnent non seulement ta retraite."
    Je propose d’ajouter quelque chose comme "mais aussi ta vie active". Ou, moins sobre : "mais aussi ta jeunesse, tes études, ta vie active, ton emploi et ton chômage". Ou alors, plus sobre, enlever le "non" et déplacer le "seulement" après "sont".

    • Descartes dit :

      @Joe Liqueur

      [Et la proposition de réforme que tu fais dans ta réponse à Bernard est très intéressante. Pour ma part j’avais imaginé de remplacer simplement l’âge de la retraite par un âge à partir duquel on toucherait une pension financée par les cotisations sociales, mais en supprimant toute notion de retraite – ce serait disons une "pension vieillesse" (il serait alors possible, bien sûr, de continuer à travailler en cumulant le revenu et la pension). Mais ton idée me semble assez pertinente aussi.]

      Ton idée revient en fait à « lisser » la productivité d’un individu sur l’ensemble de la vie. En d’autres termes, à partir d’un certain âge, lorsque la productivité de l’individu décline on toucherait une pension qui compenserait ce déclin. On pourrait même lui donner une autre forme : à partir d’un certain âge, l’employeur recevrait la « pension » en question, censée compenser la moindre productivité du travailleur âgé auquel il continuerait à verser son salaire.

      Les deux mécanismes sont économiquement équivalents – au cas des travailleurs âgés payés au SMIC près, mais ils sont relativement rares – et donnent le même résultat. Dans le premier, le travailleur âgé a une pension, et acceptera donc, pour conserver son travail, un moindre salaire. Dans le second, l’employeur bénéficie d’une réduction de salaire par le biais d’un versement. En conclusion, ce mécanisme encourage les employeurs à garder les travailleurs âgés malgré une productivité moindre. Et c’est là la principale objection, du moins dans une économie malthusienne comme la notre. Dès lors qu’on est loin du plein emploi, l’intérêt économique de la société est de mettre au travail les individus les plus productifs. C’est pour cela a mon avis qu’on voit une pression telle sur les deux extrémités du spectre les jeunes et des seniors, qui tendent à être moins productifs que les travailleurs adultes. La prolongation forcée – généralement inutile – des études et l’avancement de l’âge de la retraite dans les années 80-90 correspondent à mon avis à cette réaction malthusienne.

      [Dernière chose : si je reprends la fin de ton texte sur mon blog, comment je complète cette phrase ? "Ce sont ces politiques qui conditionnent non seulement ta retraite."]

      Je vois qu’il y en a qui suivent… La fin de la phrase avait sauté dans la version publiée. J’ai corrigé.

  8. Jean-François dit :

    Bonjours Descartes,

    [Pourquoi pas, me direz vous. Mais cette logique conduit à une conclusion immédiate : pour que le système soit juste, il faut que la somme de ce que chaque génération consomme tout au long de sa vie soit égale à la somme de ce qu’elle produit pendant la même période. Autrement, on se trouverait dans la situation où une génération vivrait aux crochets des autres, ce qui serait foncièrement injuste.]

    Je ne serais pas si catégorique. Grâce aux nouvelles sources d’énergie et à l’innovation, et d’autres facteurs, il peut être beaucoup plus facile de produire pour une génération donnée que pour la génération précédente. Dans ce cas de figure, il ne me paraîtrait pas injuste que la génération précédente vive au crochet de la suivante.

    [Or, lorsque l’espérance de vie s’allonge, cela implique que chaque génération consommera pendant plus longtemps que la précédente. Il lui faut donc, à niveau de vie constant, produire plus. Il y a donc plusieurs paramètres sur lesquels on peut jouer : le niveau de vie aux différentes étapes de la vie, la durée de la vie active, le temps de travail quotidien ou hebdomadaire, la productivité du travail…]

    Si on se limite au PIB réel et au nombre d’habitants, depuis la fin des trente glorieuses, selon l’Insee, l’un a doublé quand l’autre n’a été multiplié que par 1,3. Le choix du PIB réel est bien sûr discutable, de même que celui de l’Insee comme source. Mais cela illustre la question que je pose plus haut. Si la productivité par habitant augmente suffisamment, il n’est pas nécessaire de jouer sur les autres paramètres que vous mentionnez. Et d’après les chiffres que je viens de mentionner, il me semble possible que ce soit le cas aujourd’hui.

    PS : Bravo pour cet article de la plus haute envolée. Votre blog est un peu à Internet ce que C dans l’air est à la télévision 😉

    • Descartes dit :

      @Jean François

      [Je ne serais pas si catégorique. Grâce aux nouvelles sources d’énergie et à l’innovation, et d’autres facteurs, il peut être beaucoup plus facile de produire pour une génération donnée que pour la génération précédente. Dans ce cas de figure, il ne me paraîtrait pas injuste que la génération précédente vive au crochet de la suivante.]

      Vous avez en partie raison. Je n’ai pas voulu rentrer dans les détails du mécanisme pour ne pas alourdir l’article, mais puisque vous évoquez la question, allons-y.

      En fait, une génération cotise aux conditions économiques du temps où elle travaille, et touche la retraite aux conditions économiques du moment où elle quitte le monde du travail. En cela, elle bénéficie de l’augmentation générale du niveau de vie – qui est corrélative à la croissance de l’économie et donc de la productivité – pendant la durée de sa vie. Dans un système par répartition, cela se fait par le biais du rendement capitalistique des sommes investies : lorsque je prends ma retraite, je ne reçois pas seulement le capital que j’ai accumulé, mais aussi le rendement de ce capital investi, rendement qui est lui aussi corrélé – en moyenne du moins – à la croissance de la productivité. Dans un système par répartition, le retraité profite de la croissance par le biais de l’augmentation générale des salaires qui suit les augmentations de la productivité.

      Cela étant dit, peut-on dire que cela revient à vivre « aux crochets » de la génération suivante ? Oui, si l’on considère que celui qui investit un capital gagne de l’argent « aux crochets » de celui qui produit. Non, si l’on considère qu’une rémunération du capital au niveau qui permet de garder sa valeur exprimée en parts de la production nationale est juste.

      [Or, lorsque l’espérance de vie s’allonge, cela implique que chaque génération consommera pendant plus longtemps que la précédente. Il lui faut donc, à niveau de vie constant, produire plus. Il y a donc plusieurs paramètres sur lesquels on peut jouer : le niveau de vie aux différentes étapes de la vie, la durée de la vie active, le temps de travail quotidien ou hebdomadaire, la productivité du travail…]

      [Si on se limite au PIB réel et au nombre d’habitants, depuis la fin des trente glorieuses, selon l’Insee, l’un a doublé quand l’autre n’a été multiplié que par 1,3. Le choix du PIB réel est bien sûr discutable, de même que celui de l’Insee comme source. Mais cela illustre la question que je pose plus haut. Si la productivité par habitant augmente suffisamment, il n’est pas nécessaire de jouer sur les autres paramètres que vous mentionnez.]

      Tout à fait… mais l’augmentation de la productivité est partagée sous différentes formes. Elle peut financer une amélioration du niveau de vie des actifs, une augmentation des pensions, une plus grande durée de versement, une réduction du temps de travail, des techniques de santé chaque fois plus complexes… et on ne peut pas tout avoir. Si l’on réduit la durée du travail de 11%, la durée de la vie active de 20% (par le biais de l’avancement de la retraite et de la prolongation des études), qu’on double le chômage, et qu’on augmente l’espérance de vie de presque 12%, alors un compte rapide montre qu’on a déjà bouffé une augmentation de productivité de l’ordre de 50%. Et cela sans compter l’amélioration du niveau de vie des actifs… qui a été très forte depuis la fin des « trente glorieuses »…

      Vous avez raison de dire que l’augmentation de la productivité couvre largement l’extension de l’espérance de vie. Le problème, c’est que la société ne veut pas nécessairement consacrer toute la richesse issue de l’augmentation de la productivité à financer les retraites. Elle veut aussi réduire la semaine de travail, partir à la retraite plus tôt, étudier plus tard, se soigner plus intensément, et gagner plus… et qu’on ne peut pas tout avoir. Le débat sur les retraites seraient en fait l’occasion idéale d’un débat plus large, qui a en fait deux volets : comment on fait pour produire plus, et comment on repartit cette meilleure productivité entre les différents objectifs. Ce qui, bien entendu, mettra à nu des oppositions de classe : là où les couches populaires voudront plus de niveau de vie quitte à travailler plus, les couches moyennes qui ont leurs besoins satisfaits préfèrent l’extension des loisirs…

      [PS : Bravo pour cet article de la plus haute envolée. Votre blog est un peu à Internet ce que C dans l’air est à la télévision ;)]

      Grrrr ! La première fois, c’était une plaisanterie. La deuxième…

    • Marcailloux dit :

      @ Descartes et Jean François
      Bonjour,
      Pardonnez ma façon de mettre les pieds dans le plat sur cette comparaison avec l’émission C dans l’air. Etant l’auteur de cette évocation anodine, j’avoue ne pas très bien comprendre le sens de vos réponses.Je ne vois là, ni matière à ironie, ni matière à condescendance.Cette émission, facilement accessible, réunit tous les jours des spécialistes sur des sujets importants qui nous concerne.Et cela sans les excès des débats auxquels on assiste trop souvent avec leur lot de mauvaise foi, de langue de bois, d’attaques ad hominem, de boniment de tout genre. Les interlocuteurs se respectent, donc respectent le téléspectateur qui est libre ensuite d’adhérer ou non à ce qui est dit. Il est vrai que la tendance de l’émission à inviter toujours les mêmes intervenants me gène un peu. Il n’empêche que les argumentations sont généralement assez claires. Et d’autre part, j’aimerais connaitre une alternative aussi pratique. Ça ne vaut évidemment pas une plongée dans des manuels techniques ou des documents sophistiqués, mais l’accessibilité est essentiel pour permettre au plus grand nombre de se faire une opinion.
      J’aimerai connaitre les raisons qui semblent vous conduire à un rejet en bloc de ce type d’information. Il s’agit là, il me semble d’un médium nécessaire à l’exercice de la démocratie, même s’il n’est pas indemne d’imperfections. Et comme sur ce blog, on n’est pas obligé de prendre pour argent comptant, tout ce qui est exprimé. Cependant cela se fait avec un ordre et une forme agréables à vivre.
      Un mot concernant la retraite. Depuis la mise en oeuvre de la loi sur les 35 heures, je déplore que l’avancée qu’elle pouvait constituer pour beaucoup, n’ait pas été inscrite dans une négociation beaucoup plus large sur la durée du travail dans la vie des citoyens.L’approche m’a paru alors dogmatique, politique et conjoncturelle, sans vision à long terme et sans contrepartie de réforme structurelle.Une réduction de 10% du travail hebdomadaire, justifié par des considérations à court terme, aurait été pertinente si elle s’était accompagnée d’un rallongement de l’ordre de 5 à 6 % de la durée de vie au travail( age légal et cotisations), d’une remise à plat des multiples systèmes de retraites opaques pour la plupart d’entre nous. C’était là mener une politique de gagnant gagnant pour les individus et pour la collectivité.On s’est offert alors un joli jouet à crédit, et la note nous est aujourd’hui présentée.Je rappelle que l’idée d’une réduction du temps de travail était le fait de la majorité de droite, au moyen des lois de Robien, en 1996 qui proposaient même une durée hebdomadaire de 32 heures, à négocier par des accords d’entreprise ou de branche. On voit bien là ce qui nous pénalise face au concurrent allemand: en France, les politiques sont incapables génétiquement de reconnaître – et d’en tenir compte – les aspects positifs des dispositions à l’initiative des adversaires politiques, incapable de tisser des compromis constructifs.Nous ( nos politiques) ne savons que démolir. C’est à nous citoyens de sanctionner sans faiblesse ces sectarismes endémiques de tous bords.

    • Descartes dit :

      @ Marcailloux

      [Pardonnez ma façon de mettre les pieds dans le plat sur cette comparaison avec l’émission C dans l’air. Etant l’auteur de cette évocation anodine, j’avoue ne pas très bien comprendre le sens de vos réponses.Je ne vois là, ni matière à ironie, ni matière à condescendance. Cette émission, facilement accessible, réunit tous les jours des spécialistes sur des sujets importants qui nous concernent.]

      Personnellement, je ne suis pas un fan de l’émission en question. Je trouve que le choix des « experts » – ou plutôt des pseudo-experts, parce quelquefois l’expertise des gens en question est fort contestable – et la manière dont l’animateur conduit les débats en fait une émission qui sous couvert d’un débat ouvert et sérieux distille en fait un message orienté. Si je n’ai pas réagi à votre comparaison, c’est parce que je vous accorde qu’il s’agit aujourd’hui de l’émission de débat la plus sérieuse qu’on puisse trouver sur les ondes… . Mais cela tient moins à l’émission en elle même qu’au niveau abyssalement bas des émissions politiques aujourd’hui.

      [Les interlocuteurs se respectent,]

      Normal, ils viennent tous du même côté de la barrière…

      [Il n’empêche que les argumentations sont généralement assez claires.]

      Souvent on a recours à l’argument d’autorité plutôt qu’à l’argumentation. Sans compter sur les « experts » qui disent aujourd’hui le contraire de ce qu’ils disaient hier sans qu’ils daignent jamais reconnaître une erreur…

      [J’aimerai connaître les raisons qui semblent vous conduire à un rejet en bloc de ce type d’information. Il s’agit là, il me semble d’un médium nécessaire à l’exercice de la démocratie, même s’il n’est pas indemne d’imperfections. Et comme sur ce blog, on n’est pas obligé de prendre pour argent comptant, tout ce qui est exprimé. Cependant cela se fait avec un ordre et une forme agréables à vivre.]

      Il ne s’agit pas de « rejeter en bloc », du moins en ce qui me concerne. Et « C dans l’air » vaut certainement mieux que les émissions imbéciles de Mireille Dumas ou les soi-disant débats-spectacle genre « des paroles et des actes ». Il n’en reste pas moins que « C dans l’air » distille, sous prétexte de neutralité et de technicité, un message politique qui est toujours le même. Or, je n’aime pas les gens qui avancent masqués. Quelque soient les défauts de ce blog, je ne pense pas qu’on puisse m’accuser de ça. Je n’ai jamais caché mes partis pris derrière une fausse neutralité.

      [Un mot concernant la retraite. Depuis la mise en oeuvre de la loi sur les 35 heures, je déplore que l’avancée qu’elle pouvait constituer pour beaucoup, n’ait pas été inscrite dans une négociation beaucoup plus large sur la durée du travail dans la vie des citoyens.]

      Tout a fait. Cela aurait été aussi l’opportunité de se pencher sur les transferts de richesse entre les différentes couches sociales que cette « avancée » a entraîné avec elle.

      [On s’est offert alors un joli jouet à crédit, et la note nous est aujourd’hui présentée]

      Tout à fait. Il ne faut pas oublier que derrière la réduction du temps de travail se trouve une idéologie foncièrement malthusienne, celle du partage du temps de travail. En d’autres termes, qu’une réduction du temps de travail se traduit non pas par une réduction concomitante de la richesse produite, mais qu’au contraire la production restera constante et que les employeurs compenseront les heures de travail manquantes par des embauches. Cela ne marche déjà pas dans une économie fermée, mais cela est catastrophique dans une économie ouverte. En effet, un raisonnement simple sur la productivité marginale montre qu’en mettant plus de gens au travail, on dégrade la productivité et donc la compétitivité de nos industries…

    • Jean-François dit :

      @Descartes
      Oui finalement, c’est simplement une question de point de vue. Je vous remercie pour toutes ces précisions.

      @Marcailloux
      Je ne suis pas anti-C dans l’air, je reconnais que l’émission a certains mérites, surtout étant données les contraintes télévisuelles actuelles. Quoi qu’il en soit, cela n’a rien à voir avec ce blog, et je trouvais ça amusant que vous compariez les deux. Je me moquais aussi gentiment de Descartes, qui, il m’a semblé, est particulièrement vulnérable à la flatterie…

      Si cela vous intéresse, l’émission C dans l’air a été objectivement « évaluée » par Acrimed. Plus précisément, ils ont quantifié combien d’émissions se partagent combien d’invités, et la diversité des orientations politiques et économiques représentées.
      http://www.acrimed.org/article3904.html

    • Descartes dit :

      @Jean François

      [Je me moquais aussi gentiment de Descartes, qui, il m’a semblé, est particulièrement vulnérable à la flatterie…]

      Pourquoi dites vous ça ? Non, je ne suis pas particulièrement sensible à la flatterie. Mais comme tout le monde, j’aime bien lorsqu’on me dit des choses gentilles – surtout lorsque cela vient de gens qui n’ont rien de particulier à attendre de moi ! Je me fais un devoir de répondre pour remercier les compliments, je trouve qu’il n’y a pas assez de gentillesse dans ce monde pour qu’on puisse se permettre de la gâcher…

  9. tmn dit :

    Sur le lapsus, j’ai bien rigolé, mais on peut quand même penser que le « si on continue comme ça » était implicite. Et puis le dispositif se prête mal à un début d’argumentation : essayez de dire « lorsque l’heure de notre retraite aura sonné dans trente ou quarante ans la révolution citoyenne aura eu lieu…etc.» au milieu de 3000 personnes et sans micro, je vous assure que ce n’est pas facile ! Ceci dit ce que vous en tirez est quand même intéressant… mais plus cruel et drôle que juste.

    Si la retraite est vécue comme une libération, c’est sans doute parce que la vie active est plus mal vécue qu’auparavant. Particulièrement sur la fin : les personnes proches de la retraite sont souvent traitées comme des inutiles bien avant 60 ans… Sans parler de la grande difficulté en France à retrouver un emploi passés 50 ans (!!). Mais même pour les plus jeunes : quand je lis « l’homme crée par le travail » et que je pense à mon travail et à celui de nombre de gens que je connais (tertiaire, immatériel, flou, sans grand sens, voire d’une utilité discutable…), le fossé est grand… et l’épanouissement n’est pas pour tout le monde. Là aussi il y a matière à réflexion.

    L’espérance de vie en bonne santé en France est de… 62 ans. Donc assimiler le retraité à un rentier qui profiterait de la vie et s’engraisserait sur le dos des jeunes qui travaillent, ça ne tient pas. De plus il me semblent que les cotisations ne sont pas un capital : elles permettent d’ouvrir des droits à la retraite. Certes plus on cotise longtemps, plus on a de droits, mais le concept me semble très différent… C’est d’ailleurs pour cela aussi que la retraite n’est pas toujours « proportionnelle » aux cotisations (décôte si on atteint pas un âge minimum… système discutable mais nécessaire à la survie économique de régimes par répartition). Et quand vous dites « Autrement, on se trouverait dans la situation où une génération vivrait aux crochets des autres, ce qui serait foncièrement injuste. », je crois que justement le système par répartition dans lequel les actifs du moment paient les retraites peut être injuste entre les générations, mais est juste au sein d’une génération.

    Sur l’uniformité du sytème de retraites, ce que vous dites est intéressant, mais le problème de votre idée de retraites « à la carte » c’est que c’est la fin annoncée du système solidaire de répartition : chacun fait ce qu’il veut, rapidement les plus aisés n’ont plus vraiment d’intérêt à faire partie du système, qui finit par s’écrouler. D’ailleurs… c’est un peu ce qui est en marche en France, avec le compte pénibilité (individuel), la possibilité de racheter des trimestres (pour soi), bientôt la dose de capitalisation « pour sauver la répartition » (précaution individuelle là encore)… tout est individualisé.

    Je pense qu’une réflexion progressiste consisterait aussi à montrer que le « problème des retraites » n’est pas le « bon » problème ; ce serait plutôt le problème plus général des actifs et des inactifs (au sens non productifs : jeunes, étudiants, chômeurs, retraités…etc.). Après tout même si c’est sous une autre forme, les lycéens par exemple sont bien eux aussi à la charge des actifs du moment ! Cela change les perspectives, et d’ailleurs ce ratio serait le même en 2050 qu’en 1993 ! (Voir cette série d’articles de Jean Gadrey : http://alternatives-economiques.fr/blogs/gadrey/2010/12/13/selon-l%E2%80%99insee-en-2050-on-aurait-le-meme-ratio-population-hors-emploiemploi-qu%E2%80%99en-1993/ )

    Il est logique que la retraite soit « assurée si l’économie de notre pays est en mesure de la payer ». Mais j’ai une question, sur un point que je n’ai jamais vraiment bien saisi : la productivité ayant augmenté de beaucoup dans les dernières décennies, le nombre d’actifs nécessaires par inactif ne devrait-il pas suivre ? Exemple théorique : pour une productivté de 1 en 1960, il faut 1 actif pour 4 retraités. Mais si la productivité est à 2 en 2013, 1 actif pour 2 retraité devrait suffire non ?

    Bon et puis je vous rassure, les trentenaires ne sont pas non plus obsédés par leur retraite ! Ceux qui manifestent le font surtout pour défendre un système de solidarité global qu’ils voient se déliter depuis des années. Et j’approuve ce que vous dites, notre génération est plutôt « choyée ». Mais ce qui lui manque, ce sont plutôt des perspectives d’avenir, un élan, une ambition… Le point d’où l’on part est important, mais celui où l’on pense pouvoir essayer arriver l’est aussi.

    • Descartes dit :

      @tmn

      [Sur le lapsus, j’ai bien rigolé, mais on peut quand même penser que le « si on continue comme ça » était implicite.]

      On peut le penser. Mais le fait c’est qu’il ne l’a pas dit… et c’est là le véritable lapsus.

      [Et puis le dispositif se prête mal à un début d’argumentation : essayez de dire « lorsque l’heure de notre retraite aura sonné dans trente ou quarante ans la révolution citoyenne aura eu lieu…etc.» au milieu de 3000 personnes et sans micro, je vous assure que ce n’est pas facile !]

      C’est vrai. Il faut d’ailleurs noter qu’on ne va pas à un meeting pour réfléchir, on y va pour communier. J’attire votre attention sur un point intéressant : le discours de Pierre Laurent était écrit. En d’autres termes, lorsqu’il demande « levez la main si vous êtes d’accord avec moi » et qu’il tire ensuite des conclusions du fait que tout le monde a levé la main, les conclusion sont écrites avant que la question soit posée. A votre avis, qu’aurait fait Pierre Laurent si personne n’avait levé la main ? Croyez-vous qu’il avait un autre discours écrit pour le cas où ? Qu’il aurait tiré la conclusion opposée ? Ou bien qu’il avait fait un sondage avant de l’écrire pour s’assurer que tout le monde pensait comme lui ? Bien sur que non. Le dirigeant qui, du haut du podium de la Fête pose une question « fléchée » est assuré d’obtenir la réponse souhaitée, même si la question est « n’est pas que le cheval blanc de Henry IV était noir ? », de la même manière que le prêtre qui dit la messe sait qu’à la phrase « que la paix soit avec vous » suivra la réponse « et avec ton esprit ». Pierre Laurent était assuré d’obtenir la réponse souhaitée, et c’est pourquoi son discours était écrit d’avance.

      Personnellement, je déteste le recours rhétorique de la « question fléchée », qui fait semblant de faire participer le public alors qu’en réalité il oblige le public à soutenir une proposition à laquelle il n’aurait pas souscrit s’il avait pu réfléchir dans un autre cadre. Ce qui est amusant dans le discours de Pierre Laurent c’est que l’orateur ne s’aperçoit même pas combien la question qu’il pose et la réponse qu’elle induit sont contradictoires avec ce que le Front de Gauche affirme par ailleurs. Bien entendu, le public n’est pas fautif, sa réponse est manipulée. Mais c’est drôle tout de même…

      Ce pouvoir que le podium confère au dirigeant est associé, comme tout pouvoir, à une responsabilité. Celle de ne pas dire n’importe quoi. On voit que Pierre Laurent a du mal à l’assumer…

      [Si la retraite est vécue comme une libération, c’est sans doute parce que la vie active est plus mal vécue qu’auparavant. Particulièrement sur la fin : les personnes proches de la retraite sont souvent traitées comme des inutiles bien avant 60 ans…]

      Tout à fait d’accord. Mais alors, le véritable combat est celui des conditions et de l’environnement de travail, et non d’avancer la retraite. Personnellement, je préfère vivre dans un pays de travailleurs heureux plutôt que dans un pays de retraités soulagés.

      [Sans parler de la grande difficulté en France à retrouver un emploi passés 50 ans (!!).]

      Ca, c’est une conséquence du chômage. Dès lors qu’on n’est pas en plein emploi, la logique économique pousse à réserver l’emploi aux travailleurs les plus productifs, et donc d’exclure en priorité les deux extrémités du spectre : les plus jeunes et les plus vieux.
      [Mais même pour les plus jeunes : quand je lis « l’homme crée par le travail » et que je pense à mon travail et à celui de nombre de gens que je connais (tertiaire, immatériel, flou, sans grand sens, voire d’une utilité discutable…), le fossé est grand… et l’épanouissement n’est pas pour tout le monde. Là aussi il y a matière à réflexion.]

      J’ignore quel travail vous faites, et je ne peux vous répondre que me basant sur ma propre expérience. Le travail a toujours un « sens » et une « utilité », puisque quelqu’un est prêt à payer pour qu’il soit exécuté. Vous pensez peut-être que ce n’est pas suffisant, qu’il faut un sens plus « transcendent »… mais dans ce cas, je pense que vous embellissez le passé. Il y avait un « sens » social au travail du médecin ou celui du cheminot. Mais le clerc de notaire, l’employé des assurances, l’ouvrier des abattoirs… quel « sens » avait leur travail ? Le fait que l’immense majorité des travailleurs sont employés pour maximiser le profit de leur employeur et non pour servir la communauté ne date pas d’hier.

      Si le travail avait un « sens », c’était avant tout parce qu’il était une activité sociale. Parce que les travailleurs constituaient un collectif hiérarchisé, avec un cursus honorum et un respect du aux « meilleurs ». Parce que le système organisait la reconnaissance du « travail bien fait », que ce travail fut une pièce automobile ou une feuille de comptabilité. Et une reconnaissance qui n’était pas seulement celle du patron, mais surtout celle de la collectivité des travailleurs. Et cela était aussi vrai dans les mines qu’à l’Université. Je reste persuadé que ce qui donne un « sens » au travail, c’est la reconnaissance par les pairs. C’est ce système qui a volé en éclats.

      [L’espérance de vie en bonne santé en France est de… 62 ans. Donc assimiler le retraité à un rentier qui profiterait de la vie et s’engraisserait sur le dos des jeunes qui travaillent, ça ne tient pas.]

      Ah bon ? Parce que les retraités en mauvaise santé ne « profitent pas de la vie » ? On peut les achever, donc ?

      Soyons sérieux : D’abord, la définition de « l’espérance de vie en bonne santé » est assez restrictive. Une personne est censé être « en bonne santé » si elle ne connaît pas, du fait de sa santé, de limitation d’activité dans les gestes de la vie quotidienne. Ainsi, une personne qui marche avec une canne est censé être en « mauvaise santé ». Et cela ne l’empêche pas de « profiter de la vie ». Par ailleurs, vous oubliez que si l’espérance de vie en bonne santé est en moyenne de 62 ans, elle est très différente en fonction des différentes catégories sociales…

      [De plus il me semblent que les cotisations ne sont pas un capital : elles permettent d’ouvrir des droits à la retraite. Certes plus on cotise longtemps, plus on a de droits, mais le concept me semble très différent…]

      Et ces « droits » cumulés, c’est quoi ? En quoi sont ils différents à un « capital » ?

      [C’est d’ailleurs pour cela aussi que la retraite n’est pas toujours « proportionnelle » aux cotisations (décôte si on atteint pas un âge minimum… système discutable mais nécessaire à la survie économique de régimes par répartition).]

      C’est la même chose pour un capital. Pensez-vous que vous obtiendrez le même rendement si vous investissez 100€ que si vous investissez 100 millions ?

      [Et quand vous dites « Autrement, on se trouverait dans la situation où une génération vivrait aux crochets des autres, ce qui serait foncièrement injuste. », je crois que justement le système par répartition dans lequel les actifs du moment paient les retraites peut être injuste entre les générations, mais est juste au sein d’une génération.]

      Comme je l’ai expliqué, en régime de croisière – c’est-à-dire, en laissant de côte la situation de la première génération qui bénéficie du dispositif – les systèmes par répartition et ceux par capitalisation sont parfaitement équivalents du point de vue économique. Dans la capitalisation, le retraité achète pendant toute sa vie des titres (actions, obligations) avec ses contributions. A sa retraite, ces titres seront rachetés – à leur valeur actualisée – par les travailleurs de la génération suivante, qui à leur tour, lorsqu’ils seront à la retraite, les revendront… Dans un système de répartition, le retraité paye des cotisations et achète ainsi des « trimestres », et cet argent sert à « racheter » les trimestres des gens qui sont déjà retraités…

      La seule différence entre les deux systèmes est une question de volatilité. Dans le système par capitalisation, le retraité assume l’ensemble du risque et de l’opportunité du marché. S’il a mal choisi ses titres et que ceux-ci baissent, sa retraite se réduit. Mais au contraire, s’il a de la chance et a choisi les bons titres, sa retraite augmente. Dans le système par répartition, tous les retraités achètent les mêmes titres, les fameux « trimestres », et le risque se trouve donc distribué dans l’ensemble de la population.

      Mais dans aucun des deux cas on ne peut dire – sauf pour la première génération bénéficiaire d’un système de répartition – qu’une génération puisse vivre « aux crochets » de la suivante. Dans les deux cas, c’est en fait un lissage : chaque génération contribue d’abord, puis est remboursée avec les intérêts. Si la contribution et le remboursements ne sont pas proportionnés, il y a un problème.

      [Sur l’uniformité du sytème de retraites, ce que vous dites est intéressant, mais le problème de votre idée de retraites « à la carte » c’est que c’est la fin annoncée du système solidaire de répartition : chacun fait ce qu’il veut, rapidement les plus aisés n’ont plus vraiment d’intérêt à faire partie du système, qui finit par s’écrouler.]

      Je ne vois pas ce que cela change par rapport au système actuel. En fait, avec ma proposition, chacun reçoit du système exactement la même chose qu’il récit aujourd’hui. La seule différence est que chacun a le droit de choisir sur combien d’années il préfère étaler le capital qu’il reçoit. Plus je choisis de prendre ma retraite tard, plus j’aurais d’argent chaque mois, mais je le toucherai pendant moins longtemps…

      [D’ailleurs… c’est un peu ce qui est en marche en France, avec le compte pénibilité (individuel), la possibilité de racheter des trimestres (pour soi), bientôt la dose de capitalisation « pour sauver la répartition » (précaution individuelle là encore)… tout est individualisé.]

      Je pense que cette idée que toute individualisation est par essence mauvaise plombe dangereusement la réflexion dans le camp progressiste. Nous sommes tous différents, et nous aimons des choses différentes. Il est bon qu’une société permette chacun de faire des choix différents du voisin. Dès lors que l’individualisation permet d’offrir un plus grand choix aux uns sans contraindre les choix des autres, c’est un bien, et non un mal.

      [Je pense qu’une réflexion progressiste consisterait aussi à montrer que le « problème des retraites » n’est pas le « bon » problème ; ce serait plutôt le problème plus général des actifs et des inactifs (au sens non productifs : jeunes, étudiants, chômeurs, retraités…etc.). Après tout même si c’est sous une autre forme, les lycéens par exemple sont bien eux aussi à la charge des actifs du moment ! Cela change les perspectives, et d’ailleurs ce ratio serait le même en 2050 qu’en 1993 ! ]

      C’est vrai. Seulement, lorsqu’on regarde la série longue, on s’aperçoit que cela est du à une réduction des moins de 20 ans, qui compense largement l’augmentation des plus de 60 ans. Seulement voilà : ce phénomène annonce une réduction des actifs dans les années qui viennent, puisque les moins de vingt ans d’aujourd’hui sont les moins de quarante ans dans vingt ans. En d’autres termes, il ne faut pas confondre les phénomènes conjoncturels et structurels. Parce que la démographie française a une « bosse » liée au « baby boom » de l’après guerre, l’équilibre des actifs/inactifs se dégradera pendant vingt ans puis s’améliorera au fur et à mesure que cette génération disparaîtra. Mais cela ne retire rien au fait que, structurellement, la tendance sera au vieillissement de la population.

      [Il est logique que la retraite soit « assurée si l’économie de notre pays est en mesure de la payer ». Mais j’ai une question, sur un point que je n’ai jamais vraiment bien saisi : la productivité ayant augmenté de beaucoup dans les dernières décennies, le nombre d’actifs nécessaires par inactif ne devrait-il pas suivre ? Exemple théorique : pour une productivté de 1 en 1960, il faut 1 actif pour 4 retraités. Mais si la productivité est à 2 en 2013, 1 actif pour 2 retraité devrait suffire non ?]

      Tout à fait… à condition que ces actifs soient prêts à travailler en 2013 autant d’heures et autant d’années qu’en 1960, et d’avoir le même niveau de vie. Pensez-vous que ce soit le cas ?

      Je vous renvoie à la réponse que j’ai fait à un autre contributeur de ce blog. Les gains de productivité sont partagés entre réductions du temps de travail, avancement de l’âge de départ à la retraite, augmentation du niveau de vie, dépenses de santé, prise en compte de l’augmentation de l’espérance de vie… et on ne peut pas tout avoir. Il faut faire des choix.

      [Bon et puis je vous rassure, les trentenaires ne sont pas non plus obsédés par leur retraite !]

      Je n’en ai jamais douté. Ce que je constate, par contre, c’est que les dirigeants politiques soit disant « progressistes » pensent qu’ils devraient l’être…

      [Ceux qui manifestent le font surtout pour défendre un système de solidarité global qu’ils voient se déliter depuis des années. Et j’approuve ce que vous dites, notre génération est plutôt « choyée ». Mais ce qui lui manque, ce sont plutôt des perspectives d’avenir, un élan, une ambition…]

      Tout à fait d’accord. Et je me désole qu’au lieu de chercher à donner cet élan, cette ambition, les dirigeants du Front de Gauche fassent de la retraite l’alpha et l’oméga des problèmes de la jeunesse.

  10. Ifig dit :

    La partie de ton article où tu parles des grands discours sur la révolution citoyenne inéluctable est très juste aussi. Le PC et le PG, NPA et LO, sont des révolutionnaires en paroles mais incapables d’imaginer une révolution – et probablement à raison. Qui peut imaginer une révolution politique dans nos sociétés? Quelle forme ça prendrait? Il y a de plus en plus chez Mélenchon une fracture entre le discours ("la France est au bord de la révolution et/ou de la guerre civile avec le FN") et la réalité (c’est la crise certes, et la vie n’est pas facile pour beaucoup de monde, mais on n’est pas en Syrie quand même). Je pense que la stagnation du FG ces derniers temps a pas mal à voir avec ce contraste (sans parler tactique et bisbilles).

    En attendant, le score de die Linke en Allemagne (8.5%) montre en effet que l’inéluctabilité de la révolution citoyenne n’est pas très garantie…

    • Descartes dit :

      @ifig

      [Le PC et le PG, NPA et LO, sont des révolutionnaires en paroles mais incapables d’imaginer une révolution – et probablement à raison. Qui peut imaginer une révolution politique dans nos sociétés?]

      Il est toujours très difficile d’imaginer une « révolution », ne serait-ce que parce que l’idée même de révolution implique une rupture avec la société telle qu’elle est, et qu’il est difficile d’imaginer un fonctionnement qui serait en rupture avec notre environnement familier. Tout le monde parle du « besoin d’utopie », comme s’il suffisait de claquer les doigts pour qu’une utopie apparaisse. En fait, les utopies d’aujourd’hui ne sont pas très différentes de celles des anciens…

      [Il y a de plus en plus chez Mélenchon une fracture entre le discours ("la France est au bord de la révolution et/ou de la guerre civile avec le FN") et la réalité (c’est la crise certes, et la vie n’est pas facile pour beaucoup de monde, mais on n’est pas en Syrie quand même).]

      Oui. Mélenchon – comme beaucoup de gauchistes avant lui – agit sous une double contrainte : d’un côté, une réalité dans laquelle le capitalisme est loin d’avoir atteint la « crise finale », de l’autre l’exigence de ses troupes qui veulent « tout, tout de suite ». Comment expliquer aux militants gauchistes que la révolution, si tant est qu’elle advienne un jour, sera l’aboutissement d’un très long processus ? Que le travail du révolutionnaire ressemble à celui du personnage du Désert des Tartares de Buzzatti, qui passe sa vie à se préparer à combattre un ennemi qui ne viendra qu’après son départ ?

      Il faut rappeler que la première vertu d’un révolutionnaire, c’est la patience…

      [En attendant, le score de die Linke en Allemagne (8.5%) montre en effet que l’inéluctabilité de la révolution citoyenne n’est pas très garantie…]

      Ca… par contre, on peut tirer deux motifs de satisfaction des élections allemandes : le bon score relatif de l’AFD, et la contre-performance des verts… il semble aussi que le résultat de Die Linke est fort honorable dans l’ancienne RDA et plus faible dans la partie occidentale, ce qui tend à montrer que c’est la base de tradition communiste, et non celle des classes moyennes qui constitue l’essentiel du moteur du mouvement…

  11. BolchoKek dit :

    Je me retrouve beaucoup dans cet article.
    Je suis toujours étonné de voir de jeunes gens comme mes camarades des jeunesses communistes parler de "leur" retraite et à quel point il faut la défendre. J’ai toujours objecté comme tu l’as fait : s’il s’agit de défendre le droit à la retraite de ceux qui sont susceptibles d’y arriver sous peu, je suis tout à fait partant. Mais croire qu’une loi votée sous Jean-Marc Ayrault sera inchangeable me parait assez incongru de la part de militants révolutionnaires.
    Je constate en outre une déconnexion entre le discours qui se veut prolétarien, et qui consiste à essayer d’attirer "la jeunesse" sur la question de leur propre retraite – c’est un peu faire appel à leur égoïsme potentiel à mon avis, et le désintérêt total concernant les retraites de la part des jeunes des couches populaires, qui cherchent avant tout à avoir un boulot avant de penser à le quitter. Ce désarroi est encore plus manifeste pour ceux qui manquent de qualifications. Je pourrais faire une lecture de classe de cette contradiction, mais j’aurais peur qu’on me dise que "maintenant au Parti on ne parle plus comme ça". O tempora, o mores…
    Je suis aussi surpris de l’invocation permanente de certains à "la jeunesse" en permanence. Comme si la jeunesse était par essence bonne, généreuse, pleine de ressources, inventive, là où la vieillesse serait mauvaise, égoïste et rétrograde. "La jeunesse" ne constitue pas une catégorie politique, et n’a donc aucune autonomie. Un jeune bourgeois et un jeune prolétaire ont autant d’intérêts divergents que leurs aïeux…

    • Descartes dit :

      @Bolchokek

      [Mais croire qu’une loi votée sous Jean-Marc Ayrault sera inchangeable me parait assez incongru de la part de militants révolutionnaires.]

      C’est cela que je trouve le plus étrange. Comment peut-on tenir le discours de la révolution imminente, et en même temps penser que la retraite qu’on prendra dans trente ou quarante ans sera encore régie par les règles posées aujourd’hui ?

      [Je suis aussi surpris de l’invocation permanente de certains à "la jeunesse" en permanence. Comme si la jeunesse était par essence bonne, généreuse, pleine de ressources, inventive, là où la vieillesse serait mauvaise, égoïste et rétrograde.]

      Et surtout, comme si « la jeunesse » constituait un tout homogène, et non une population traversée par les barrières de classe. Cela fait partie d’un discours général qui, comme tu le soulignes, vise à rendre impossible toute analyse de classe. On parlera de « la jeunesse » ou « du peuple », qu’on opposera aux « riches ». Ce tour de passe-passe permet aux classes moyennes de déguiser leur place privilégiée et lui permet de confisquer la parole des opprimés et de parler en leur nom. Quand on entend des jeunes syndicalistes étudiants – qui seront les futurs députés PS, n’est ce pas, Pouria Amirshahi ? – parler au nom de « la jeunesse » en général…

      ["La jeunesse" ne constitue pas une catégorie politique, et n’a donc aucune autonomie. Un jeune bourgeois et un jeune prolétaire ont autant d’intérêts divergents que leurs aïeux…]

      Tout a fait. Et en plus, la jeunesse est un état temporaire. Les « jeunes » ne souffriront pas de la réforme des retraites. Lorsqu’ils prendront leur retraite, ils ne seront plus des « jeunes »…

  12. Marencau dit :

    Bonjour Descartes,

    Voici des réponses en vrac à tes derniers billets… désolé de passer du coq à l’âne mais je pense que c’est plus simple comme ça.

    > Sur les retraites

    Beau texte, et ça fait du bien de voir reprécisé que système par capitalisation ou par répartition sont la même chose et dépendent de l’état de l’économie à l’instant t. Le travail ne se stocke pas ! Pour que ce qu’on a accumulé vaille quelque chose, il faut que le système continue de tourner.

    En revanche, je ne vois pas pourquoi "Le retraité est avant tout un rentier. Il reçoit la rémunération d’un capital qu’il s’est constitué tout au long de sa vie". Après tout, pourquoi ne consommerait-il pas son capital sans rémunération ?

    Pour moi le rentier est celui qui vit des fruits de son capital. Si un retraité économise 100, ses 100 ne valent certes rien si l’économie s’est effondrée, pour autant s’il n’en tire aucun profit et consomme 10 chaque année ce n’est pas un rentier pour autant.

    Sinon, le système que tu défends ressemble fort à un un système de "retraite à points" pour lequel militent également de nombreux politiciens comme Bayrou par exemple (je te vois devenir tout blanc…), je me trompe ?

    Enfin, je te confirme que de nombreux jeunes actifs croient sincèrement qu’ils n’auront pas de retraite. C’est assez déprimant. Même ma banquière recommande d’épargner beaucoup et très tôt à cet effet (bien sûr, c’est aussi dans son intérêt) car "de toute façon nous allons cotiser toute notre vie et nous ne toucherons rien".

    Je trouve que ces discours sont dangereux car nuisent à la solidarité entre les générations. Et si demain on disait qu’on réduisait de 50% les pensions actuelles car on ne veut pas payer pour ne rien toucher au bout ? Sans compter l’aspect défaitiste qui trace un chemin unique de déliquescence sociale à suivre. Et je te vois venir, on n’entend pas ça que chez les classes moyennes.

    > Sur l’éventuelle panthéonisation

    Je n’avais pas entendu parler de cette histoire. Typiquement Hollande de ne pas vouloir choisir lui-même…

    D’accord sur le fait que Diderot aurait sa place au Panthéon. En revanche, ça n’en ferait pas un grand symbole politique dans la France d’aujourd’hui. Tout simplement parce que – hélas – il n’évoque plus grand chose à de nombreux Français qui ne savent que très vaguement qu’il s’agit ‘d’un philosophe d’il y a quelques siècles" (sic, j’ai fait le test sur des professions et âges divers). Tu me diras que ce serait l’occasion de parler de son oeuvre, et c’est vrai. Mais j’espère qu’on est pas obligé d’utiliser le Panthéon à chaque fois qu’on veut évoquer l’oeuvre de quelqu’un…

    Cela dit, je n’ai pas de noms à proposer. Pas l’abbé Pierre, on est d’accord. Mais j’ai l’impression que tu ne lui reconnais aucun mérite. Ce n’est peut-être pas lui qui a mené les grands projets de construction des logements, mais ne peut-on pas au moins saluer son action en tant que donneur d’alerte sur les conditions de vie des sans-abris ? Pourquoi n’y voir qu’une bonne conscience bourgeoise ?

    > Sur la Syrie

    Ah, je suis un peu déçu, je m’attendais à un billet sur le sujet pour lancer le débat. Bon, alors si tu permet, voici mon modeste avis.

    Je suis heureux qu’une éventuelle intervention militaire s’éloigne pour plusieurs raisons:
    – je n’aime pas les discours moraux qui au nom d’une cause juste (en admettant qu’elle soit vraie ce qui est une autre histoire) peuvent faire plus de mal que de bien aux populations concernés, directement (il y aurait eu des bombardements massifs) ou indirectement (après la chute du régime).
    – je ne pense pas que cela découragerait la prolifération des armes chimiques. Au contraire – le fait que des Etats peuvent en envahir d’autres sans que personne ne moufte me semble favoriser la prolifération des armes de défenses… quelles qu’elles soient.
    – à propos d’armes chimiques, sans même parler des utilisation passées par certaines grandes puissances, pourquoi 1 mort causée par une arme chimique serait abominable tandis que 50 criblés de balle ne pose de problème à personne ? Il y aurait une hiérachie dans la mort ?
    – je déteste le fait qu’on puisse passer au dessus de l’ONU quand elle ne va pas dans notre sens: quelle est son utilité alors ? Comment fera-t-on si un jour il y a des puissances qui n’ont pas les même vues que nous et veulent faire pareil ? Quelle est notre légitimité ?
    – l’opposition syrienne ne me semble pas en mesure de tenir les rennes de l’Etat en cas de chute du régime. La Lybie nous montre la voie à ne pas suivre.
    – je suis peut-être "un islamophobe" mais quand je vois à quoi ressemble cette opposition et ce qu’elle prône, je n’ai pas envie de lui faire confiance…

    Pour autant, je n’aime pas le relativisme culturel. J’aime "l’arrogance Française" qui prône des droits de l’Homme universels. Par conséquent, je ne pense pas que toutes les cultures se valent: une société qui ne respecte pas ces droits universels me paraît moins enviable que la nôtre. Notre objectif n’est certes pas de l’imposer par la force : chaque peuple doit pouvoir décider de son destin. Mais alors ? Doit-on essayer de propager nos idées et nos valeurs à qui veut l’entendre ? N’est-ce pas justement le point de vue neocon qui prône un système moral au dessus des autres et dont nous avons vu les limites et l’aveuglement par exemple en Irak ?

    Voilà, voilà, désolé pour tous les "je".

    > Sur la croissance

    Nous allons bientôt avoir les chiffres du 3ème trimestre. A priori, ils seront plutôt "bons" par rapport à ce que nous avons connu récemment et ça ne paraît pas absurde (reconstitution des stocks, etc.). Bien sûr, il faut s’en réjouir et ne pas tomber dans du cynisme pur comme le font certains de "regretter" que ça aille mieux car ça ne va pas dans le sens de leurs analyses.

    Pour autant, je pense que la situation actuelle de marasme économique peut durer encore longtemps. La révolution n’est pas pour demain – ni même une réorientation de notre système économique. Notre croissance peut continuer d’être tirée de manière par les USA ou par d’autres canaux pendant encore des années. Le chômage se stabiliser à peu près – voire se réduire légèrement – avec les déceptions récentes que rencontrent certains entreprises avec les "pays émergents".

    Je vais parler franchement : j’ai peur que nous nous habituions à cette situation. Qu’avoir une partie pas négligeable du tout de la population au chômage et entretenue par l’autre finisse par devenir normal. Les grands changements se font quand on touche le fond… faut-il finir par espérer creuser encore un peu à court terme pour remonter à long terme ? Difficile de s’y résoudre…

    Marencau

    • Descartes dit :

      @Marencau

      [En revanche, je ne vois pas pourquoi "Le retraité est avant tout un rentier. Il reçoit la rémunération d’un capital qu’il s’est constitué tout au long de sa vie". Après tout, pourquoi ne consommerait-il pas son capital sans rémunération ?]

      Cela pénaliserait gravement le travailleur, puisque dans cette hypothèse il prendrait sa retraite aux conditions économiques de l’époque où il a cotisé, et ne bénéficierait donc pas de l’augmentation de la productivité dans l’intervalle. Si le niveau de vie des retraités est indexé sur le niveau de vie des actifs, cela implique que le capital qui sera versé est supérieur à celui qui aura été cotisé. Et la différence, c’est la rémunération du capital.

      [Sinon, le système que tu défends ressemble fort à un un système de "retraite à points" pour lequel militent également de nombreux politiciens comme Bayrou par exemple (je te vois devenir tout blanc…), je me trompe ?]

      Oui et non. La différence par rapport à Bayrou, c’est la manière dont la valeur de rachat du point est calculée.

      [Enfin, je te confirme que de nombreux jeunes actifs croient sincèrement qu’ils n’auront pas de retraite.]

      Je ne le crois pas. Si tel était le cas, les jeunes se dépêcheraient, selon leur état de fortune, à économiser en masse et à faire des nombreux enfants, qui sont les deux recours pour préparer sa vieillesse. Or, on ne voit pas une augmentation massive du taux d’épargne des jeunes, pas plus qu’on n’observe une augmentation massive de la natalité. Ce qui semble indiquer qu’au-delà de ce que les gens disent aux sondeurs, ils ne croient pas vraiment qu’ils n’auront pas de retraite.

      [Cela dit, je n’ai pas de noms à proposer. Pas l’abbé Pierre, on est d’accord. Mais j’ai l’impression que tu ne lui reconnais aucun mérite. Ce n’est peut-être pas lui qui a mené les grands projets de construction des logements, mais ne peut-on pas au moins saluer son action en tant que donneur d’alerte sur les conditions de vie des sans-abris ?]

      Certainement. Mais c’est un bien pauvre mérite. Après tout, « donner l’alerte » ne lui a pas coûté grande chose, n’est ce pas ? Paul Delouvrier a fait infiniment plus que l’Abbé Pierre pour éradiquer les bidonvilles, et il est aujourd’hui oublié de tous. Peut-être parce que contrairement à l’abbé Pierre il n’a pas fait de son engagement un spectacle.

      [Pourquoi n’y voir qu’une bonne conscience bourgeoise ?]

      Pourquoi à ton avis l’abbé Pierre est encensé alors que Delouvrier est oublié ?

      [Ah, je suis un peu déçu, je m’attendais à un billet sur le sujet pour lancer le débat. Bon, alors si tu permet, voici mon modeste avis.]

      Ecrire un article sérieux sur la Syrie demande beaucoup de boulot de documentation. J’essaye de ne pas tomber dans le travers de faire du café du commerce…

      [- l’opposition syrienne ne me semble pas en mesure de tenir les rennes de l’Etat en cas de chute du régime. La Lybie nous montre la voie à ne pas suivre.]

      C’est cet argument qui à mon avis est rédhibitoire. Comme l’a dit Kissinger, il ne faut jamais aller à une guerre lorsqu’on est incapable de décrire ce qui viendrait après.

      [Notre objectif n’est certes pas de l’imposer par la force : chaque peuple doit pouvoir décider de son destin. Mais alors ? Doit-on essayer de propager nos idées et nos valeurs à qui veut l’entendre ? N’est-ce pas justement le point de vue neocon qui prône un système moral au dessus des autres et dont nous avons vu les limites et l’aveuglement par exemple en Irak ?]

      Non, précisément parce que contrairement aux néocons, l’Esprit des Lumières est de propager nos valeurs et nos idées par l’appel à la raison, et non à la force.

      [Nous allons bientôt avoir les chiffres du 3ème trimestre. A priori, ils seront plutôt "bons" par rapport à ce que nous avons connu récemment et ça ne paraît pas absurde (reconstitution des stocks, etc.). Bien sûr, il faut s’en réjouir et ne pas tomber dans du cynisme pur comme le font certains de "regretter" que ça aille mieux car ça ne va pas dans le sens de leurs analyses.]

      Tout a fait. Mais nous sommes toujours très loin de notre croissance potentielle. Il est ridicule de faire la politique du pire et de prier pour que les résultats soient mauvais, au prétexte que cela hâterait le jour de la révolution. Ceux qui ont fait ce genre de pari se sont toujours cassés la gueule. Cela ne doit pas empêcher d’expliquer que sans la politique d’austérité, la reprise serait bien plus rapide et plus forte.

      [Je vais parler franchement : j’ai peur que nous nous habituions à cette situation.]

      Je partage cette peur. En même temps, l’histoire de France montre que la résignation n’est pas dans nos traditions, et qu’elle n’a jamais duré bien longtemps. Quant à savoir quelle forme la révolte pourrait prendre… c’est une autre histoire.

  13. Axelzzz dit :

    Texte saisissant – je me joins aux louanges de Edgar et Joe Liqueur.
    En fait votre proposition ressemble a un système à points plutôt qu a annuité (avec peréquation redistribution sur les points j imagine mais c de second ordre). Piketty avait travaillé sur le sujet il y a quelques années (2006 je crois) et abouti à une proposition à mon avis satisfaisante. Je note que le centre droit n’est pas opposé à ce type de système (le tout est la négociation des paramètres) qui aurait le grand mérite de faire porter le débat plus clairement sur des arbitrages Inter generations. Il faut dépasser le faux débat quant à la préservation d’un système de retraite universel en France. Il y a une vaste majorité sur ce sujet or la répétition des réformes paramétriques alimente la paranoïa et la colère alors que la vraie question reste comment produire plus et mieux.

    • Descartes dit :

      @axelzzz

      [En fait votre proposition ressemble a un système à points plutôt qu’a annuité (avec peréquation redistribution sur les points j imagine mais c de second ordre).]

      Oui, je suis pour un système à points. Mais un système à points qui corrigerait l’inégalité fondamentale qui tient au fait que les couches populaires n’ont pas la même espérance de vie que les classes moyennes. En pratique, les ouvriers qui meurent à 60 ans après avoir cotisé toute leur vie payent la retraite des cadres qui vivent jusqu’à 80 ans. Il faudrait que les "points" soient plus faciles à acquérir dans les postes et les métiers qui réduisent l’espérance de vie, et plus durs à obtenir dans les autres. Je doute que vous ayez une "vaste majorité" pour approuver une telle réforme…

  14. xc dit :

    Juste un petit témoignage.
    J’ai vécu ma jeunesse dans un quartier de petits commerçants et d’artisans, ces ignorés de la Gauche. Il sont tous partis plus près de 80 que de 65 ans, en ayant commencé plus près de 14 ans (âge de fin de scolarité obligatoire à leur époque) que de 25 ans, et après avoir travaillé plus près des 70 heures hebdomadaires que de 35 heures. Et le dimanche pour tenir la comptabilité.
    Alors, je sais bien qu’il y a des emplois délétères pour la santé qui justifient un effort de solidarité en faveur de ceux qui les occupent.
    Mais ceux qui ne commencent à travailler que pour prendre la retraite me font sourire.
    PS: si on vous pose la question, vous pourrez toujours répondre qu’il y a au moins un catholique qui partage votre point de vue sur l’Abbé Pierre.

  15. Jean-Paul dit :

    La fin de l’article est presque suffisante pour prouver l’inanité sur la manière dont est posée la question de la retraite. C’est bien d’une question de répartition de la valeur dont il s’agit. Or bien évidemment, la répartition de la valeur dépend de la maîtrise du processus de création de la valeur et donc de la propriété. C’est de cette maîtrise qu’il me semble que tout dépend. On peut imaginer un système de départ progressif à la retraite, ou encore une baisse radicale du temps de travail, de façon à ce que tout le monde participe à l’effort productif. Mais si ces questions ne sont jamais posées, c’est parce qu’il me semble qu’on ne produit plus rien – plus rien d’utile – et que le rare travail qui reste est un travail de domestique dans le tourisme, la restauration et plus généralement dans le tertiaire.

    • Descartes dit :

      [Mais si ces questions ne sont jamais posées, c’est parce qu’il me semble qu’on ne produit plus rien – plus rien d’utile – et que le rare travail qui reste est un travail de domestique dans le tourisme, la restauration et plus généralement dans le tertiaire.]

      Faut quand même pas exagérer. Il est vrai que la France s’est beaucoup désindustrialisée. Mais nous avons encore des industries, qui produisent des choses éminemment "utiles". Si ces questions ne sont pas posées, c’est parce que la couche sociale qui contrôle aujourd’hui la création et la diffusion d’idées n’a pas d’intérêt pour ces questions-là. Elle est trop occupée avec le "mariage pour tous" et autres bêtises de ce genre.

  16. Lelien dit :

    Merci pour ce texte plein d’optimisme, véritable rafraichissement dans un pays qui en manque si cruellement.

  17. Yoann dit :

    Effectivement, il y a dans ce discours du Front de Gauche, quelque chose qui selon moi relève davantage du sophisme, ou dans le meilleur des cas du simple paralogisme (donc une bête erreur de logique sans intention de tromper) que du lapsus à proprement parler. Concernant l’article en tant que tel, il est très, très intéressant et bien écrit. Cela (ainsi que les commentaires) m’a ouvert des perspectives sociologiques sur la manière de percevoir différentiellement les jeunesses militantes de France et d’Amérique latine. Et concernant le renversement du rapport vie active / retraite et le fait que la retraite n’a pas été créée pour récompenser une vie de travail, c’est très vrai. Faisant partie de la génération Y, je vois le travail comme une torture organisée et la retraite comme une libération, effectivement…

    • Descartes dit :

      [du simple paralogisme (donc une bête erreur de logique sans intention de tromper) que du lapsus à proprement parler]

      Une "bête erreur de logique", lorsqu’elle a un sens, est un lapsus… et je pense profondément que l’erreur de logique de Pierre Laurent a un sens très profond. C’est d’ailleurs pour cela que cette erreur est partagée, et qu’on peut voir sur la première page de la revue "communistes" des jeunes défilant derrière une banderole qui déclare "la retraite est une affaire de jeunes"… Je n’imagine pas un instant qu’une personne qui croit vraiment à une "révolution" dans un les années qui viennent puisse raisonnablement appeler les jeunes à se mobiliser pour les régimes de retraite…

      [Faisant partie de la génération Y, je vois le travail comme une torture organisée et la retraite comme une libération, effectivement…]

      Dans ce cas, et sans vouloir vous offenser, je vous plains… car c’est une inversion complète. Comment peut-on envisager les années les plus productives – à tous les sens du terme – comme une torture, et celles qui sont, qu’on le veuille ou non, marquées par une lente déchéance comme une "libération" ? C’est triste de voir le monde ainsi…

  18. vent2sable dit :

    [Ceux qui ont bâti notre système de retraite ne l’ont certainement pas conçu pour que des gens dans la plénitude de leurs capacités, pouvant encore produire de la richesse par leur travail, se « retirent » pour vivre de leurs rentes.]

    [Le retraité est avant tout un rentier. Il reçoit la rémunération d’un capital qu’il s’est constitué tout au long de sa vie]

    [La retraite, c’est la démocratisation symbolique du statut de rentier.]

    Non on ne rêve pas, ces trois extraits sont bien de vous, Descartes !
    Pourrait-on imaginer un meilleur plaidoyer en faveur du recul de l’âge de la retraite ?

    Je voudrais rebondir sur vos propos, marqués au coin du bon sens, pour vous poser une question :
    A une époque où les retraités actifs sont si nombreux, et puisque vous les assimilez, fort logiquement, à des rentiers, ne serait-il pas également logique d’assimiler la masse financière des pensions qui leur sont versées, à une rémunération de leur travail passé ?
    Si tel est le cas, le fameux déséquilibre entre rémunération du travail et rémunération du capital, que vous dénoncez si souvent, ce déséquilibre existe-t-il encore ?
    On pourrait d’ailleurs se poser la même question sur toutes les formes de rémunération ou de prestations qui permettent à tout travailleur, passé, présent ou futur de gagner sa vie, ou de jouir de services, sans travailler et sans produire : par exemple le RSA, les allocations chômage … ainsi que l’ensemble des prestations sociales versées sans contrepartie d’un travail ou d’une production. (Le poids, de ces prestations sociales, dans le PIB, est ainsi passé de 25% en 1981 à 31,3% en 2009. Source officielle du portail « vie publique »).

    • Descartes dit :

      @vent2sable

      [Non on ne rêve pas, ces trois extraits sont bien de vous, Descartes ! Pourrait-on imaginer un meilleur plaidoyer en faveur du recul de l’âge de la retraite ?]

      Bien entendu. Qu’est ce qui vous fait penser que je suis contre le recul de l’âge de la retraite ? Je croyais avoir été clair sur ma position : la logique veut que ce que l’individu consomme pendant toute sa vie soit équivalent – à l’augmentation de productivité près – à ce qu’il produit pendant toute sa vie productive. Il s’ensuit que si l’espérance de vie s’allonge, il nous faut trouver un équilibre entre allonger la période d’activité, accepter un moindre niveau de vie pendant les années actives, ou accepter une baisse des pensions. Personnellement, je serais assez favorable de laisser une partie de ce choix à chaque individu : soit il choisit de partir plus tard à la retraite, soit d’avoir une retraite plus faible…

      [A une époque où les retraités actifs sont si nombreux, et puisque vous les assimilez, fort logiquement, à des rentiers, ne serait-il pas également logique d’assimiler la masse financière des pensions qui leur sont versées, à une rémunération de leur travail passé ?]

      Oui et non. On leur rémunère un travail passé à un taux qui tient compte de la productivité d’aujourd’hui. C’est donc un peu plus compliqué qu’une simple « rémunération de leur travail passé » mais cela reste assez proche.

      [Si tel est le cas, le fameux déséquilibre entre rémunération du travail et rémunération du capital, que vous dénoncez si souvent, ce déséquilibre existe-t-il encore ?]

      Je ne vois pas le rapport. Le « déséquilibre » que je dénonce inclut les retraités, par le biais des cotisations qui financent le « salaire différé ».

      [On pourrait d’ailleurs se poser la même question sur toutes les formes de rémunération ou de prestations qui permettent à tout travailleur, passé, présent ou futur de gagner sa vie, ou de jouir de services, sans travailler et sans produire : par exemple le RSA, les allocations chômage …]

      Pour celles qui sont financés par des cotisations prélevées sur le travail, ce n’est pas le cas puisque la répartition de la valeur ajoutée entre le capital et le travail inclut les cotisations en question. Par contre, ce n’est pas faux pour celles qui sont financées par la fiscalité : la part du RSA qui est financée par l’impôt sur les sociétés, par exemple, devrait être comptée comme un transfert du capital au travail. Cela étant dit, ce genre de transferts sont marginaux…

  19. vent2sable dit :

    @ Descartes
    [Je me souviens de ces pots de départ sinistres, ou l’on faisait tous semblant – surtout le principal concerné – d’être heureux de son départ.]

    Oui ! Oui ! trois fois oui ! Comment en sommes nous arrivés à faire croire et à faire semblant de croire que le bonheur c’est d’arrêter de travailler ?
    C’est ce même état d’esprit qui a permis de nous vendre le passage aux 35 heures comme une formidable avancée sociale. La société française répète à l’envie, comme si c’était une évidence : « être heureux c’est travailler moins ».
    C’était logique de luter pour s’opposer aux abus, de réglementer le temps de travail, d’obtenir un repos hebdomadaire et des congés payés, mais est-ce un progrès d’imposer à ceux qui sont bien au travail, de rester chez eux ? Que ce soit pour partir à la retraite à 62 ans ou lorsqu’ils ont fini leurs 35 heures ?
    Au risque de passer pour un « vieux con » (ce que j’assume), je dis au contraire que travailler ce peut être le bonheur.
    Je vois autour de moi, des jeunes gens, solides, sains de corps et d’esprit, dotés d’un parcours scolaire correct, qui décident que mieux vaut, si possible, éviter de travailler : Un jeune ami, quadra au chômage me disait : « Puisqu’il semble acquis que notre retraite sera moins généreuse que celle des générations qui m’ont précédées, je préfère, pendant que je suis jeune, et puisque la possibilité m’en est offerte, profiter de mes indemnités chômage le plus longtemps possible, faire du sport, lire et « farnienter » … c’est toujours ça de pris ! ».
    Au nom de la solidarité (nécessaire !) la société française finance son propre suicide collectif.

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