Lendemain de bataille

J’ai l’angoisse de la page blanche. Oui, je sais, il ne faut pas décevoir ses lecteurs. Et mes lecteurs, je le sais, attendent un commentaire des résultats du premier tour de l’élection municipale de dimanche dernier. Or, je ne suis pas sûr d’avoir quelque chose de nouveau à dire. J’imagine ce qu’a pu ressentir Cassandre en regardant Troie en flammes : lorsqu’on a répété pendant des mois qu’on allait dans le mur, on n’a pas grand-chose à dire lorsque la collision arrive. Sauf peut être « iodegezugt » (« je vous l’avait bien dit », en yiddish), comme aimait dire mon grand père.

Mais bon, puisqu’il le faut, essayons de tirer quelques enseignements de ce champ de ruines. Mais avant d’aller aux résultats, il ne me paraît pas inutile de rappeler quelques éléments du fonctionnement de notre système électoral, essentiels à connaître si l’on veut comprendre les stratégies des uns et des autres. Pour commencer, le système est totalement différent pour les petites communes – moins de 1000 habitants – et dans les autres. Dans les petites communes, le scrutin est personnel à deux tours. C'est-à-dire que les candidats se présentent à titre individuel, et au premier tour les électeurs doivent glisser dans l’urne un bulletin comprenant au maximum autant de noms qu’il y a des sièges à pourvoir. A l’issue du premier tour les candidats qui obtiennent plus de 50% des suffrages exprimés sont élus. S’il y a des sièges non pourvus à l’issue du premier tour, un deuxième tour est organisé pour pourvoir aux sièges non pourvus. Là encore, les électeurs mettent dans l’urne un bulletin comportant au maximum autant de noms qu’il y a des sièges à pourvoir et les candidats ayant obtenu le plus grand nombre de voix sont proclamés élus jusqu’à remplir la totalité des sièges à pourvoir (1).

Pour les municipalités de plus de mille habitants, le système est un scrutin de liste à deux tours à prime majoritaire (ouf !) (2). Ici, les candidats ne se présentent pas individuellement, mais au sein de listes comportant autant de candidats que de sièges à pourvoir – nombre qui dépend de la population de la commune – et rangés dans un ordre précis. Au premier tour, les électeurs peuvent introduire dans l’urne le bulletin correspondant à l’une des listes, sans panachage ni ajout, sans quoi le vote est considéré nul. A l’issue du premier tour, si une liste obtient plus de 50% des voix elle obtient d’entrée la moitié des sièges à pourvoir. L’autre moitié est distribuée entre les différentes listes (liste arrivée en tête comprise) ayant fait plus de 5% des voix, proportionnellement aux scores de chacune. Ainsi, par exemple, s’il y a cent sièges à pourvoir et trois listes A, B et C ayant fait respectivement 60%, 30% et 10%, la liste A obtiendra la moitié des sièges (50) du fait qu’elle a dépassé les 50%, et on repartira les 50 sièges restants entre les différentes listes proportionnellement soit 30 pour A, 15 pour B et 5 pour C. En conclusion A obtiendra 80 sièges, B en obtiendra 15 et C en obtiendra 5.

Si à l’issue du premier tour personne n’a atteint les 50%, un second tour est organisé et c’est là que les choses se compliquent. Pour commencer, les listes ayant obtenu au premier tour moins de 5% des suffrages exprimés sont purement et simplement éliminées. Celles qui auront obtenu plus de 10% peuvent se maintenir au deuxième tour. Et celles qui auront obtenu entre 5% et 10% ont la possibilité de « fusionner » avec une autre liste à condition que cette dernière ait fait au moins 10%. En quoi consiste la « fusion » ? Eh bien, le « chef » – c'est-à-dire le candidat placé en tête – d’une liste ayant fait plus de 10% a la possibilité de déposer pour le deuxième tour sa liste originale, ou bien une liste modifiée en enlevant des candidats de la liste originale et en les remplaçant par les candidats pris dans une autre liste ayant fait au moins 5%. Comprenez bien la mécanique : il n’y a pas de démocratie à l’intérieur de la liste. C’est le chef de la liste « fusionnée » qui compose la liste qu’il déposera pour le deuxième tour selon son bon plaisir. Il a besoin de l’accord des candidats qui seront sur la liste définitive pour les présenter, mais pas de ceux qu’il choisit d’éliminer, pas plus que du chef de la liste chez qui il sélectionne les candidats.

Lors du deuxième tour les électeurs ont le choix entre les listes ayant reçu plus de 10% des voix au premier et qui auront choisi de se maintenir, éventuellement modifiées par le processus de « fusion ». Au deuxième tour, la liste arrivée en tête recevra 50% des sièges à pourvoir (3), le reste étant réparti entre toutes les listes (y compris la liste arrivée en tête) à proportion des voix obtenues.

Ce système oblige les partis politiques à faire des choix cornéliens. Si vous êtes sûr de faire plus de 10% au premier tour, vous avez tout intérêt à vous présenter tout seul. Vous êtes sûr d’avoir des élus, et pouvant vous maintenir au deuxième tour vous serez souvent en position de force pour négocier votre désistement en échange d’une « fusion » avantageuse. Si vous êtes persuadé de faire moins de 5%, votre seule chance d’avoir des élus est de négocier une liste commune dès le premier tour avec une autre liste capable de se maintenir au deuxième tour. Si vous êtes entre les deux, le choix optimal dépend des traditions locales et des rapports de force. Sans compter que la « prime majoritaire » permet à une liste arrivée en tête au premier tour de proposer à ceux qui la rejoignent des fusions avantageuses. Voilà donc le genre de calculs qui égayent les soirées électorales dans les sièges des partis politiques…

Ce bref survol permet par exemple de comprendre pourquoi le conflit entre le PG et le PCF a été si violent sur la stratégie électorale. Les deux partis ont en fait des objectifs divergents. Pour le PCF, pour qui les élus sont les pivots de la présence sur le terrain et un vecteur d’influence essentiel – sans compter leur poids financier – la question fondamentale était de maximiser son nombre d’élus. Pour le PG, la question fondamentale pour cette élection – comme pour toutes les élections qui ont précédé depuis sa création – était au contraire de maximiser l’exposition médiatique. Le PG avait donc choisi la stratégie de « l’indépendance conquérante » consistant à refuser tout accord de premier tour avec les socialistes. Le PCF, lui, a choisi une stratégie au cas par cas en fonction des contraintes locales. Lorsqu’il se voyait dangereusement proche de la barre des 5%, il a préféré un accord de premier tour – comme à Paris – plutôt que le risque d’être éliminé dès le premier tour sans avoir d’élus. Et les résultats de dimanche dernier lui ont donné raison dans ce cas particulier : la liste Front de Gauche à Paris ne dépasse les 10% que dans un seul arrondissement (et encore, de justesse) et n’arrive à 5% que dans moins de la moitié des arrondissements. Lorsqu’il avait au contraire une bonne chance de pouvoir se maintenir au deuxième tour devant un PS n’ayant aucune chance de l’emporter au premier, il a choisi les listes autonomes, avec généralement de bons résultats. Il faut attendre le deuxième tour pour voir, mais j’ai l’impression en regardant les résultats que le PCF ne tire pas trop mal son épingle du jeu, contrairement aux élections cantonales ou régionales où la stratégie « Front de Gauche » lui a coûté cher.

Mais venons-en aux résultats d’un point de vue plus large que celui, finalement assez anecdotique, du Front de Gauche. Pour ceux qui comme moi suivent depuis longtemps les élections de toutes sortes, ce qui impressionne cette fois-ci est l’illisibilité politique du scrutin. Je m’explique : dans les scrutins précédents, on avait l’habitude de voir au niveau municipal la traduction des équilibres politiques nationaux. Il y avait un « communisme municipal », un « socialisme municipal », un « centrisme municipal », un « gaullisme municipal ». Chaque parti avait une conception de ce que devait être le gouvernement d’une municipalité, et les programmes municipaux étaient souvent la traduction de cette conception, même si elle était mise à la sauce locale. Les listes étaient présentées par des organisations politiques, et lorsque des alliances étaient conclues elles étaient elles aussi la traduction d’un choix politique fait au niveau national. Cette fois-ci, rien de tel. Chaque municipalité a son écologie politique particulière, sans connexion avec les autres. Dans telle municipalité le « Front de Gauche » se fait avec le PCF, dans telle autre sans. « Union de la Gauche » est l’alliance du PS et de EELV dans une municipalité, du PS et du PCF dans une autre. Dans telle municipalité il y a deux, trois voire quatre « candidats UMP » ou « candidats PS », certains investis par les instances locales alors que d’autres le sont par les instances départementales, régionales ou nationales. Beaucoup de listes ne comportent même pas la mention « soutenue par tel ou tel parti politique » ni la mention de l’organisation politique d’appartenance de chaque candidat (4). Cette illisibilité rend difficile toute analyse en termes de positionnement politique et exige une grande prudence devant les tentations de généraliser une situation locale pour lui donner une signification nationale. Heureusement que j’ai promis à la Vierge de ne pas dire du mal de Mélenchon, autrement je me verrais obligé de critiquer fermement sa tendance à déduire du cas de Grenoble – cas particulier s’il en est – des leçons définitives, sans compter avec les sycophantes du Chef qui concluent benoîtement que « Grenoble (est) la preuve que notre nouvelle alliance est une promesse d’avenir ». Expressions qui confirment les signes mille fois commentés sur ce blog qui pointent depuis des mois à un renversement des alliances du PG après l’échec patent de l’OPA sur le PCF. Le plus amusant c’est qu’au nom de la stratégie de « l’autonomie conquérante » le PG est prêt à conclure une « nouvelle alliance » avec un parti ayant des ministres dans le gouvernement « solférinien » et participant donc à la mise en œuvre de la « politique austéritaire » tant décriée. Mais bon, on n’est pas à une contradiction près… En tout cas, cette élection risque de sonner le glas du Front de Gauche. Le PG parle d’aller à l’élection européenne avec ses nouveaux copains de EELV – ça risque d’être amusant – alors qu’un accord PCF-EELV semble aussi improbable que la conversion du Pape François à l’Islam.

Mais revenons à nos moutons. Le deuxième élément clé de ce premier tour, c’est la réussite du FN (5). En fait, les performances en pourcentage ne sont pas en elles mêmes si exceptionnelles que ça, et ne font que confirmer les scores des dernières élections. Ce qui est par contre remarquable, c’est la distribution du vote. Le « nouveau » FN est sorti de ses clientèles habituelles pour s’implanter dans des régions à forte tradition ouvrière. Le choix de faire de Hénin-Beaumont la « vitrine » de l’implantation du FN n’est pas un choix au hasard, et le FN touche aujourd’hui les fruits d’un investissement de très long terme. La performance de Philippot à Forbach est encore plus révélatrice, si l’on tient compte du fait qu’il avait été parachuté dans les dents d’une bande de militants du « vieux FN » qui avaient juré de lui faire la peau. Il est clair à partir des résultats que le « nouveau » FN s’est bien imposé à l’ancien.

Il est aussi apparu très clairement que le FN s’est cette fois très bien préparé à sa victoire. Et si Marine Le Pen a participé aux débats du soir du premier tour, il faut admettre qu’elle a gardé un profil remarquablement discret. On peut comprendre la prudence du FN. La stratégie entamée par Marine Le Pen conseillée par Florian Philippot pour sortir le FN de son ghetto et en faire un grand parti populaire semble avoir porté ses fruits. Mais avec le succès viennent les responsabilités. Avec sa victoire à Hénin-Beaumont et une chance non négligeable de se voir à la tête d’une dizaine de municipalités, le FN se trouve pour la première fois depuis 1995 dans en situation de gouverner. On se souvient que la dernière fois cela s’était terminé en désastre. Le sectarisme des militants, l’incompétence crasse des cadres, le revanchisme et la rapacité des élus, une préparation inexistante à l’exercice des responsabilités avaient vite abouti à une gestion erratique, à des fautes politiques. Le FN est sorti divisé, et les Français ont conclu, à juste titre, que c’était un parti protestataire incapable de gouverner.

Le défi n’est certes pas facile. Par certains côtés, Briois part en bien plus mauvaise posture que Mégret à Vitrolles. Vitrolles est une ville riche, alors qu’Hénin-Beaumont est une ville pauvre. Le FN a gagné Vitrolles alors que la situation économique était avantageuse, il gagne à Hénin-Beaumont au milieu d’une cure d’austérité sans précédent. Hénin-Beaumont a été contrôlée depuis des décennies par la maffia socialiste – et croyez-moi, la maffia socialiste dans le Pas de Calais, c’est quelque chose… – et le nouveau maire aura certainement à faire face à un sabotage systématique à l’intérieur et d’une mise en quarantaine par les autres collectivités (conseil général, conseil régional…).

Mais aujourd’hui, le FN semble infiniment mieux préparé pour gérer une ville. D’abord, parce qu’il est devenu prudent et modeste. On est très loin des activistes revanchards de 1995. Le premier duplex avec Steeve Briois après l’annonce de sa victoire au premier tour était d’ailleurs révélateur : à la question de Pujadas « quelle sera votre première mesure », dont le but évident était de susciter en réponse une mesure symbolique, Briois hésite puis répond « faire voter un budget, parce que l’équipe précédente ne l’a pas fait ». Pujadas a du insister lourdement pour que Briois finisse par comprendre ce qui était demandé de lui et s’exécute en répondant « la réorganisation de la police municipale, parce que la sécurité est notre priorité ». Un maire « sympa » tenant un discours raisonnable et s’occupant plutôt que du symbole d’une question éminemment technique, le budget. En d’autres temps, que n’aurait-on entendu ! Mégret gagnant Vitrolles en 1995 avait promis le soir de son élection le monument aux rapatriés d’Algérie et la « préférence nationale » dans les cantines scolaires et les crèches. Rien de tel à Hénin-Beaumont. Le FN a compris qu’il n’a pas le droit à l’erreur, qu’il sera surveillé à chaque pas, et qu’il joue en grande partie sa crédibilité. Il sera très intéressant d’observer comment il gère ce défi.

Comme souvent, la meilleure analyse est venue le soir de l’élection d’Henri Guaino. Interrogé sur un éventuel « front républicain », il a expliqué que dès lors que le FN est structurellement implanté, le « front républicain » est une aberration. Le citoyen a voté, et par son vote envoie un message. Si les principaux partis paraissent s’entendre entre eux pour que ce vote soit sans conséquence, cela pose un problème majeur. Car il ne faut pas se voiler la face : si le « front républicain » permet dimanche prochain de préserver les intérêts des uns et des autres en faisant élire des maires socialistes et UMP plutôt que FN, nos politiques se déclareront satisfaits et oublieront rapidement le mécontentement qui s’est exprimé au premier tour. Souvenez-vous de 2002, et du « front républicain » pour faire élire Chirac. Quelles conclusions ont été tirées par la classe politique, de gauche comme de droite ? Qu’il fallait faire gaffe au premier tour de ne pas trop se disperser. C’est tout. On a réduit la question politique à une question tactique. Le problème, nous expliquent les doctes politiques, ce n’est pas que les électeurs rejettent les partis de gouvernement, ce n’est pas la faillite des politiques à proposer une vision, c’est qu’on a pas su acheter le désistement de tel ou tel candidat assez tôt pour être présent au deuxième tour.

Et Guaino a été encore plus explicite. Interrogé sur sa position par rapport au Front National, il a répondu que pour lui « le FN n’est pas un repoussoir, c’est un défi. C’est la preuve qu’on ne peut continuer comme ça ». Et dans le contexte, sa critique s’adressait autant à la majorité qu’à l’opposition. « On ne peut continuer comme ça », cela veut dire continuer à faire comme si le peuple n’existait pas, ignorer ses votes, faire la sourde oreille à ses préoccupations. Et c’est d’ailleurs le grand problème auquel est confronté le Parti Socialiste. Si l’on croit Le Monde – ce qui entre nous est fort imprudent – les hiérarques socialistes ont « entendu le message des Français ». Admettons. Mais que se passe-t-il ensuite ? Ont nous parle de « remaniement » comme si c’était la panacée universelle. Maisà quoi servirait-il d’avoir une nouvelle équipe si la politique restait la même ? Bon, il est vrai que le fonctionnement du gouvernement et des cabinets ministériels est désastreux, mélange d’incompétence et d’amateurisme. Mais la compétence ne suffit pas, il faut aussi montrer qu’on change de politique. Or, on voit mal quelle est la politique nouvelle que le président pourrait proposer, le nouveau cap qu’il pourrait fixer à son nouveau gouvernement. Si l’on reste sur le « pacte de responsabilité » et les 50 milliards d’économies budgétaires, autant garder Ayrault…

Désolé donc de ce papier décousu, c’est un papier de circonstance. Peut-être verrons nous plus clair après le deuxième tour…

Descartes

(1) Il y a encore d’autres subtilités, mais je ne rentrerai pas plus dans les détails pour ne pas ennuyer mes lecteurs.

(2) A Paris, Lyon et Marseille le vote ne se fait pas dans la commune dans son ensemble, mais dans des circonscriptions électorales plus petites : les « secteurs ».

(3) Cette « prime » de 50% à la liste arrivée en tête a pour objectif de garantir à celle-ci une confortable majorité, et éviter que la commune devienne ingouvernable. C’est la traduction du principe majoritaire dans un scrutin de liste.

(4) Même les règles de désistement deviennent erratiques. Même s’il y avait souvent des accrocs, la règle générale restait jusqu’il y a peu « le désistement pour le candidat de gauche (ou de droite) arrivé en tête ». Cela n’a plus l’air d’être la règle. Ainsi à Montreuil Patrice Bessac, candidat « officiel » du PCF, semble vouloir se maintenir avec le soutien des socialistes contre Jean-Pierre Brard, ancien communiste arrivé en tête. Mais peut-être que Brard n’est plus considéré « de gauche » ?

(5) Oui, je sais, beaucoup de sites gauchistes s’égosillent cherchant à démontrer que cette réussite n’existe pas, que finalement les résultats du FN sont comparables à ceux de 1995, que la « gauche radicale » a gagné bien plus de mairies au premier tour que le FN sans que le système médiatique s’en émeuve… C’est drôle d’ailleurs : les gauchistes passent la moitié du temps à nous parler de la « lépénisation de la société » et à nous appeler à la lutte contre le FN, et l’autre moitié à nous affirmer que le FN est un tigre de papier fabriqué par les médias. Faudrait savoir…

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54 réponses à Lendemain de bataille

  1. Gérard Couvert dit :

    Bon, l’écran blanc -vous ne ferez croire à personne que vous écrivez sur un papier avec une plume – n’a pas accouché d’une nuit noire, c’est déjà pas mal … si vous lisez cela Madame Taubira ne vous méprenez pas aucune allusion à ce qui n’existe plus depuis votre modification de la constitution, je suis Toulousain, donc Nougaro ça me cause. Et puisque nous parlons de la ville de T, enfin de boboland pinkfriendly, je pense que si dans le nord c’est la mafia, alors ici c’est la Camora, et encore nous n’avons pas à nous plaindre en Ariège c’est la ‘Ndrangheta !
    Sinon à force de lutter contre leur fantasme FN, le FN réel se développe, cette pute de Mitterand doit bine se marrer.

    • Descartes dit :

      @Gerard Couvert

      [Bon, l’écran blanc -vous ne ferez croire à personne que vous écrivez sur un papier avec une plume]

      Si, si. Avec une plume d’oie ! Quant on se choisit un pseudonyme au XVIème siècle, il y a un rang à tenir…

      [Et puisque nous parlons de la ville de T, enfin de boboland pinkfriendly, je pense que si dans le nord c’est la mafia, alors ici c’est la Camora, et encore nous n’avons pas à nous plaindre en Ariège c’est la ‘Ndrangheta !]

      C’est vrai que les règlements de comptes locaux sur ces municipales sont particulièrement croquignolets. Il faut dire que l’élection municipale est de moins en moins « politique », et de plus en plus ouvertement l’expression des ambitions personnelles…

  2. Courtial des Pereires dit :

    Franchement, avec les torrents de commentaires dont on a été abreuvé par les médias depuis dimanche soir 20h pétantes, je comprends que vous ayez du mal à trouver quelque chose de spécial à raconter. Ce petit résumé est quand même bienvenu.

    Je crois que le Front National, avec Hénin-Beaumont et s’il gagne d’autres villes, se trouvera dans une position très délicate. J’ai un peu peur que l’expérience soit difficile et que les organismes départementaux et régionaux s’amusent à refuser des subventions, etc. (là je m’avance, je ne sais pas si cela et possible après tout, certaines clauses garantissent peut-être un droit à la subvention pour les villes, etc., mon expérience en ce domaine est nulle, mais je crois que tous les coups bas sont permis en politique et surtout s’il s’agit de détruire la réputation du Front National). Aussi, il y a déjà eu une manifestation à Hénin-Beaumont, organisée par SOS Racisme et ce genre d’associations qui, selon moi, sont de véritables poisons, fourrent leur nez partout et crée du désordre là où il n’y en a pas forcément pour pouvoir exister et toucher les chèques (qui tombent toujours, eux, pour le coup) et j’ai bien l’impression que des antifas seront tentés de redécorer les murs de la cité à coup de graffitis comme toujours laids et stupides, etc. En gros, je pense que, malheureusement pour les équipes du Front National qui je crois comptent des gens de bonne volonté (je peux me tromper, je n’en connais aucun en vérité), tout sera fait pour que leurs villes aillent à la catastrophe.

    Je n’ai jamais voter pour le Front National, mais je pense que je le ferai pour les européennes, contrairement à un autre de vos lecteurs qui pensait que l’abstention était la bonne réponse car il ne reconnaissait pas la légitimité du parlement européen. Ce qui est malheureux, c’est que le FN est devenu, selon moi, le seul véritable parti suffisamment important pour exprimer son mécontentement de l’UE, de l’euro, etc.

    J’écoute énormément d’interview de politique (je lis peu, et en général pas des livres de politiques actuelle) et je dois dire qu’en général je préfère de loin les interventions de Marine Le Pen et de Florian Phillipot en matière d’économie (soyons honnête, je n’y connais rien ou presque), de souveraineté et de politique internationale à celles des intervenants des autres partis politiques. Il y a bien Nicolas Dupont-Aignan aussi qui parle de ces sujets, Chevènement un peu, et plus "underground" François Asselineau de l’UPR.

    En vérité, je suis devant un choix étrange, puisque je me sens plus proche de DLR ou de l’UPR mais que ces partis sont si petits que j’ai l’impression que seul le vote FN comptera et qu’après tout, même si c’est encore le diable, il vaut mieux voter FN que s’abstenir, juste histoire que ma voie compte comme "opposant" à l’UE.

    Les frontières de partis sont étranges, j’ai du mal à comprendre comment certaines personnes peuvent choisir un parti particulier. On est forcément en accord avec des points et en désaccords sur d’autres. Vous même Descartes n’avez rien à voir avec bon nombre de personnes que je connais et qui se déclarent de la gauche radicale, communiste et autres. Je pense que je suis à la fois de "gauche" (au pif : pour un partage équitable des richesses, une moralisation des profits, la simplicité et l’efficacité en matière de consommation, un état fort qui garanti des services publiques) et de "droite" (au pif : pour la police, plutôt pour la préférence nationale, pour le roman national et la promotion de la culture Française avant les autres, pour des peines de prison plus sévères (mais je suis quand même sensible aux débat sur le bien fondé de la prison et cie, m’enfin là dans l’ici et maintenant…). Est-ce que ces notions veulent encore dire quelque chose d’ailleurs…

    Autrement, les alliances pour les municipales c’est assez drôle aussi… un coup de UMP et UDI seuls, un coup ils sont ensemble, un coup PS-EELV, un coup PG-EELV, un coup PCF-PG-EELV-PS… C’est curieux de voir qu’à gauche il n’y a plus aucun parti qui puisse rassembler sans faire d’alliance, sur son nom, comme le fait le FN à "l’extrême centre" (un mélange de valeurs conservatrice et de programme social).

    Bon, Descartes… au deuxième tour… Hidalgo ou NKM :p ?

    • Descartes dit :

      @Courtial des Pereires

      [Je crois que le Front National, avec Hénin-Beaumont et s’il gagne d’autres villes, se trouvera dans une position très délicate. J’ai un peu peur que l’expérience soit difficile et que les organismes départementaux et régionaux s’amusent à refuser des subventions, etc.]

      Bien sur. On en voit déjà les premiers signes avec la déclaration d’Olivier Py menaçant les avignonnais de déplacer le Festival s’ils s’obstinent à mal voter. Mes maires FN peuvent d’avance s’attendre non seulement à des campagnes de harcèlement permanent, mais aussi à une surveillance tatillonne de la part des médias.

      On a d’ailleurs une idée de ce que pourrait être le processus en regardant les méthodes utilisées dans le temps pour harceler les municipalités communistes. Entre le versement en retard des aides et des dotations dues, le renvoi vers ces municipalités des populations à problèmes – souvenez-vous de l’affaire dite « du bulldozer de Vitry » -, le boycott systématique à l’heure d’installer dans ces communes des établissements publics, des manifestations prestigieuses, des équipements départementaux, régionaux ou nationaux… vous savez, il y a beaucoup de moyens de saboter une municipalité.

      Mais comme souvent, le pire ennemi est soi-même. Les élus frontistes auront à gérer la pénurie de cadres, la difficulté à former des équipes compétentes, et aussi le revanchisme de leurs propres troupes. Non, on ne peut pas dire que ce sera simple pour eux.

      [Je n’ai jamais voter pour le Front National, mais je pense que je le ferai pour les européennes, contrairement à un autre de vos lecteurs qui pensait que l’abstention était la bonne réponse car il ne reconnaissait pas la légitimité du parlement européen. Ce qui est malheureux, c’est que le FN est devenu, selon moi, le seul véritable parti suffisamment important pour exprimer son mécontentement de l’UE, de l’euro, etc.]

      J’avoue que je suis très gêné par la possibilité que dans le prochain scrutin européen il n’y ait aucune autre organisation qui permettrait au refus de l’Euro de s’exprimer en dehors du Front National.

      [je dois dire qu’en général je préfère de loin les interventions de Marine Le Pen et de Florian Phillipot en matière d’économie (soyons honnête, je n’y connais rien ou presque), de souveraineté et de politique internationale à celles des intervenants des autres partis politiques. Il y a bien Nicolas Dupont-Aignan aussi qui parle de ces sujets, Chevènement un peu, et plus "underground" François Asselineau de l’UPR.]

      Philippot fait souvent des interventions assez « justes », rationnelles, construites, assez proches finalement du chvénementisme de ses origines et sans grand rapport avec les thèmes historiques de l’extrême droite française. Les interventions de Marine Le Pen sont plus laborieuses, on voit bien que lorsqu’elle parle de sujets « techniques » elle récite un discours appris par cœur, et elle emprunte quelquefois des éléments qui rappellent les origines du FN. Mais si leur discours attire, c’est parce qu’il a une fraîcheur qui manque aux politiques de leur génération, qui se réfugient souvent dans la langue de bois. Dupont-Aignan me déçoit un peu : je pensais qu’il se bonifierait avec l’âge, qu’ayant réussi à se faire connaître il chercherait plus à donner une cohérence intellectuelle et idéologique à ses propositions. Cela ne s’est pas produit : Dupont-Aignan n’est pas – ou pas encore – un Chevénement ou un Séguin. Quant à Chevénement, c’est un cas un peu différent : c’est aujourd’hui un vieux sage, qui peut donner des bons conseils et faire partager ses analyses toujours lumineuses, mais il n’est plus dans la politique active ;

      [En vérité, je suis devant un choix étrange, puisque je me sens plus proche de DLR ou de l’UPR mais que ces partis sont si petits que j’ai l’impression que seul le vote FN comptera et qu’après tout, même si c’est encore le diable, il vaut mieux voter FN que s’abstenir, juste histoire que ma voie compte comme "opposant" à l’UE.]

      Je partage un peu vos interrogations. J’avoue que je n’ai pas de réponse. La raison me pousserait à aller dans votre sens, mais l’idée de voter pour l’extrême droite n’est pas pour moi un pas facile.

      [Les frontières de partis sont étranges, j’ai du mal à comprendre comment certaines personnes peuvent choisir un parti particulier. On est forcément en accord avec des points et en désaccords sur d’autres. Vous même Descartes n’avez rien à voir avec bon nombre de personnes que je connais et qui se déclarent de la gauche radicale, communiste et autres.]

      Un parti, c’est – ou du moins c’était lorsque j’ai adhéré au PCF – une vision du monde. Bien sur que dans le programme du parti vous serez d’accord avec certains points et en désaccord avec d’autres. Mais vous partager avec vos camarades de Parti une idéologie – j’irais même jusqu’à dire une « cosmogonie ». Vous êtes d’accord avec eux sur ce qui constitue le moteur de l’histoire, sur la hiérarchie des problèmes, sur les méthodes d’analyse, sur un « récit » politique. Et cet accord est suffisant pour que vous soyez solidaire de cet être collectif qu’est le Parti, même lorsque sur un point précis vous n’êtes pas d’accord avec la position majoritaire. Je n’ai que peu de points communs avec la « gauche radicale » d’aujourd’hui, mais si vous avez l’opportunité de discuter avec des gens qui ont été communistes en même temps que moi, vous verrez que j’ai beaucoup de points communs avec eux.

      [Bon, Descartes… au deuxième tour… Hidalgo ou NKM :p ?]

      D’abord, le vote est secret. Et ensuite, je ne vote pas à Paris…

    • Albert dit :

      @ Descartes et à Courtial des Pereires.

      Je voudrais relever vos propos concernant à la fois Dupont-Aignan et son programme d’une part, et le problème du "vote utile" soulevé d’autre part.

      1. Je commence par le plus simple, à mes yeux: le "vote utile".
      J’ai été frappé, lors de la présidentielle de 2012, par le nombre de gens déclarant leur sympathie pour NDA – l’homme et son projet- et disant en même temps qu’ils ne pouvaient voter pour lui car les sondages le mettaient trop bas et qu’ils préféraient donc "voter utile"( i.e. FN, UMP, PS, selon les uns ou les autres). Dramatique! et contraire au bon sens populaire traditionnel qui disait qu’au 1er tour on choisit, au 2ème on élimine. Le bon sens a foutu le camp même dans ce domaine! Résultat, entre autres: NDA aurait pu faire au moins le double de son score, et acquérir ainsi un socle non négligeable sur lequel construire ensuite une dynamique nouvelle. Et le plus atterrant dans l’affaire, c’est que tous ces électeurs potentiels qui croyaient voter utile "rationnellement" , ne faisaient en réalité preuve que de mimétisme sous l’influence habile et puissante des merdia du système.

      2.Le programme et la cohérence de NDA.
      Je vois mal intellectuellement l’incohérence de son programme. Au contraire, c’est -de ce point de vue- le plus complet et cohérent à la fois. Ceux du PS et de l’UMP le sont beaucoup moins en réalité – si l’on veut bien en écarter les mots menteurs et les promesses qui n’engagent que ceux qui les entendent. Quant au FN, en quoi son programme est-il plus cohérent ou plus réaliste? Le programme de NDA n’est un peu ambigu, peut-être, qu’en matière européenne où il semble vouloir ne pas heurter de front les Français encore attachés au rêve européen, mais l’UE étant ce qu’elle est -et de façon de plus en plus évidente – le discours de NDA gagnerait à se durcir de plus en plus.

      J’ajoute que les Français (et notamment une partie des 50% d’abstentionnistes prévus, mais pas qu’eux) auront l’opportunité de donner un nouvel élan à Dupont-Aignan et quelques élus à DLR aux élections européennes (qu’ont-ils à y perdre ?), mais comprendront-ils que, comme il le dit, "c’est maintenant ou jamais"!!!

    • Descartes dit :

      @Albert

      [Et le plus atterrant dans l’affaire, c’est que tous ces électeurs potentiels qui croyaient voter utile "rationnellement" , ne faisaient en réalité preuve que de mimétisme sous l’influence habile et puissante des merdia du système.]

      Pas tout a fait. Les gens sont au contraire assez rationnels. C’est bien joli le coup de « au premier tour on choisit, au second on élimine ». Sauf que si les deux candidats présents au deuxième tour vous déplaisent, vous ne pouvez pas les éliminer tous les deux. Pour dépasser ce réflexe, il faut à un homme politique marginal une très grande autorité et une cohérence idéologique suffisante pour attirer un vote de témoignage. NDA – et je le dis avec autant plus de tristesse que j’ai voté pour lui aux dernières présidentielles – n’a pas la profondeur humaine et idéologique pour ça. Il répète toujours le même discours composite sans faire un véritable travail de fond.

      DLR est allé aussi loi qu’on peut aller sur un vote d’estime. Il lui faudrait maintenant faire un véritable travail de fond, se construire une vision, un projet global et cohérent qui permette de raconter aux électeurs un « roman » construit avec une perspective. « Je suis contre l’Euro » ne suffit pas.

      [Je vois mal intellectuellement l’incohérence de son programme. Au contraire, c’est -de ce point de vue- le plus complet et cohérent à la fois.]

      Pas vraiment. C’est un programme composite dans lequel vous trouvez des éléments gaulliens (sortie de l’Euro, défense de la souveraineté nationale) mais aussi des éléments poujadistes (réduction des impôts, petit commerce et artisanat) qui a la longue rend difficile de raconter une véritable « histoire ».

      [Quant au FN, en quoi son programme est-il plus cohérent ou plus réaliste?]

      Personne ne vote le FN pour son programme. On vote FN pour emmerder le système.

    • Albert dit :

      @ Descartes

      Je reconnais la pertinence de vos arguments.

      Mais si l’homme est ce qu’il est (d’ailleurs en net progrès par rapport à il y a 10 ans), un programme, lui, peut toujours s’améliorer (y compris au niveau de la communication) -et je pense en particulier, puisqu’on va entrer en campagne pour les européennes, que NDA gagnerait à afficher plus de clarté sur sa position et ses perspectives en matière européenne.Il est vrai que sur ce sujet, on marche sur des œufs, mais je dirais aussi qu’on ne fait pas d’omelette sans casser des œufs! Votre opinion sur ce point m’intéresserait.

    • Courtial des Pereires dit :

      @ Albert, @ Descartes (un peu plus et on se croirait sur touiteur).

      J’ai moi aussi voté NDA aux dernières présidentielles Albert, et je comprends donc tout à fait votre raisonnement. Cependant, j’ai l’impression que le vote DLR n’est jamais pris en compte dans les médias et par la classe politique. De plus, avant que al parti ne fasse un bon score… on risque d’attendre longtemps, sa popularité est très loin d’être acquise, et pourtant NDA séduit lorsqu’il s’exprime à la télévision (mais qui d’autre à part lui pou représenter le parti ? NDA semble seul, comparé aux myriades de potentats "UMPS" (oh oh oh !) qui envahissent les ondes).

      De plus, je peux me tromper mais je crois que d’une certaine façon, la renégociation des traités européens / sortie de l’UE / sortie de l’Euro sont des propositions tellement complexes, manipulés et donc impopulaires que le fait que plusieurs partis défendent ces idées risque d’anéantir toute possibilité qu’elles soient mises en place. Car si les voix du FN baisse et celle de DLR augmentent, elles n’atteindront pas un stade suffisant pour que l’un ou l’autre gagne le pouvoir, et cela m’étonnerai que l’UMP et le PS se fassent trop siphonner par FN/DLR.

      Aussi, par rapport au programme du FN, certains votent pour son programme c’est sûr. Tout n’est pas à jeter dans leur programme, ce qui rejoint la discussion que nous avions plus haut (on est d’accord avec des propositions et pas avec d’autre, alors il faut faire des concessions et voir l’élan général). Je pense aussi que si le FN gagne en popularité, il attirera des gens compétents qui, je l’espère, rendront leur programme plus crédible, qu’ils préparent véritablement un projet solide sur le plan économique et social (le sociétal étant le point qui m’intéresse le moins dans l’état de notre pays).

      J’ai vu que François Asselineau avait lancé un appel au don pour financer une campagne UPR pour les européennes… peut-être vais-je donner un peu, on ne sait jamais. Je ne suis pas décidé à 100% pour mon vote aux européennes, je verrai une fois les bulletins dans les mains, FN / DLR / Blanc / potentiellement UPR (à mon avis c’est mort).

      D’ailleurs messieurs, que pensez-vous de ce projet Union Populaire Républicaine ? (http://www.upr.fr/)

      Je trouve le principe intéressant, rassembler des gens de tous les horizons pour sortir du carcan de Bruxelles et de l’Euro. Toutefois, mon paragraphe sur la séparation des voix "souverainistes" est encore valable ici. Je note aussi qu’aucun parti de gauche ne parle de sortie de l’euro et cie alors que des économistes de "gauche" comme Sapir font des études et proposent des idées en ce sens. On en est donc là, Descartes, communiste à l’ancienne, a voté NDA… Le paysage politique Français gagnerait à être réorganisé.

      Du bipartisme, pourquoi pas !? Un camp pro euro / UE / libre-échange / mondialisme et un autre souverainiste / retour au franc / protectionnisme / étatisme. Là les résultats pourraient être rigolos.

    • Descartes dit :

      @Albert

      [et je pense en particulier, puisqu’on va entrer en campagne pour les européennes, que NDA gagnerait à afficher plus de clarté sur sa position et ses perspectives en matière européenne.]

      Certainement. Mais des « perspectives européennes » ne suffisent pas. Si on veut entraîner les gens, il faut être capable de raconter un « récit » qui définisse une perspective attractive. L’Europe, précisément parce que ce n’est pas une nation, ne peut être qu’un fragment de ce « récit ». Le problème de Dupont-Aignan, c’est que son « récit » est un peu trop composite. C’était flagrant dans la dernière campagne présidentielle : sa profession de foi mélangeait un souverainisme « gaullien » avec des propositions économiques dignes de Madelin.

      Je sais, dans la politique désidéologisée – en apparence, bien sur – qui est la notre, il n’est pas facile de se référer à un corpus idéologique. C’est pourtant absolument nécessaire. On ne peut pas jouer les papillons et prendre une idée sur chaque fleur…

    • Descartes dit :

      @Courtial des Pereires

      [NDA semble seul, comparé aux myriades de potentats "UMPS" (oh oh oh !) qui envahissent les ondes).]

      Il y a dans tous les « petits partis » la malédiction du Leader qui veut conserver le contrôle sur tout et du coup ne fait aucun effort d’institutionnalisation. Aucun parti ne peut grandir sainement sous la forme d’un club de fans.

      [Aussi, par rapport au programme du FN, certains votent pour son programme c’est sûr. Tout n’est pas à jeter dans leur programme, ce qui rejoint la discussion que nous avions plus haut (on est d’accord avec des propositions et pas avec d’autre, alors il faut faire des concessions et voir l’élan général). Je pense aussi que si le FN gagne en popularité, il attirera des gens compétents qui, je l’espère, rendront leur programme plus crédible, qu’ils préparent véritablement un projet solide sur le plan économique et social (le sociétal étant le point qui m’intéresse le moins dans l’état de notre pays).]

      Vous faites le raisonnement que j’avais fait dans un papier il y a quelques mois, et qui m’avait valu une avalanche de commentaires – pas nécessairement hostiles, d’ailleurs. Il y a dans cette affaire une dialectique complexe : pour dépasser son électorat traditionnel – le petit commerçant poujadiste, le rapatrié d’Algérie haïssant De Gaulle et l’intégriste catholique, pour faire court – et s’implanter dans les couches populaires, le FN a ripoliné son programme en adoptant des idées qui ne sont pas éloignées de celles que formulait le PCF dans les années 1970. De ce fait, le FN attire des troupes nouvelles, très différentes des anciennes. Et cela ne peut que changer profondément le parti lui-même. Même si la « dédiabolisation » était chez les dirigeants frontistes un choix hypocrite et machiavélique, le fait est qu’une fois le changement amorcé ils ne pourront conserver leur pouvoir qu’à condition de ne pas décevoir les nouveaux arrivants qu’ils ont attirés par la ruse. Ni les militants ni les électeurs ne sont des marionnettes, que la direction d’un parti peut manipuler à loisir. Il y a entre la base et le sommet un rapport dialectique dans lequel chacun est tenu par l’autre. A partir de là, on peut se demander ce que le FN sera devenu dans quelques années si sa direction continue à être envahie par des énarques chevènementistes comme Philippot…

      [Je trouve le principe intéressant, rassembler des gens de tous les horizons pour sortir du carcan de Bruxelles et de l’Euro.]

      C’est insuffisant. La collectivité politique est la Nation, pas l’Europe. Il s’ensuit qu’on ne peut convaincre ou entraîner les citoyens avec un projet qui se réduirait à l’Europe. Si l’on veut défendre la sortie de l’UE ou de l’Euro, il faut pouvoir inscrire cette sortie dans un « récit » national qui donne envie d’y aller. Je suis persuadé que si on était capable de raconter un tel « récit » mettant en perspective les risques d’une sortie de l’Euro avec ses avantages, on serait largement suivis.

      [Je note aussi qu’aucun parti de gauche ne parle de sortie de l’euro et cie alors que des économistes de "gauche" comme Sapir font des études et proposent des idées en ce sens. On en est donc là, Descartes, communiste à l’ancienne, a voté NDA… Le paysage politique Français gagnerait à être réorganisé.]

      C’est surtout les termes « gauche » et « droite » qu’il faut abandonner. Sapir est un « économiste de gauche ». Le libéral et eurolâtre Pisani-Ferry,, aussi. A partir de là, cela veut dire quoi exactement être « de gauche » ?

    • Dell Conagher dit :

      Pour ce qui est de NDA, j’ai l’impression qu’il se laisse aussi porter par l’image de la geste gaullienne. Son raisonnement me semble le suivant : le pays est en danger, mais des hommes courageux et de bonne volonté sont prêts à prendre les choses en main. Tôt ou tard, les français vont se rendre compte de l’escroquerie que représentent les principaux partis, et se tourner en masse vers DLR. Après cela, une fois la France remise sur ses rails, le parti pourra s’auto-dissoudre et NDA prendre sa retraite à Yerres.

      Dans pareille perspective, il n y a pas besoin de former un parti structuré et fort – ce qui de toute façon ne cadre pas avec la vision gaulliste -, il suffit de signifier aux français que DLR existe et d’attendre qu’ils votent pour. Cette vision me semble condamnée à l’échec – De Gaulle n’avait pas pu rassembler une majorité sur son nom seul alors qu’il s’agissait d’une figure charismatique qui avait participé à sauver le pays, comment Dupont-Aignan qui n’a pas de faits d’armes comparables ni de capacité à emporter les foules pourrait-il réussir ?

      @Descartes
      "Personne ne vote le FN pour son programme."

      Je ne suis pas sûr de comprendre. Vous nous dites régulièrement que le succès du FN tient entre autres à son aggiornamento idéologique et à sa reprise de thèmes auparavant chers à la gauche – ce avec quoi je suis d’accord -, puis vous affirmez que "personne ne vote FN pour son programme". Quelle est l’importance du programme, alors ?

    • Descartes dit :

      @Dell Conagher

      [Tôt ou tard, les français vont se rendre compte de l’escroquerie que représentent les principaux partis, et se tourner en masse vers DLR. Après cela, une fois la France remise sur ses rails, le parti pourra s’auto-dissoudre et NDA prendre sa retraite à Yerres.]

      Votre analyse est intéressante. Il y a en effet dans la légende gaulliste un fiction, celle d’un général seul appelé par les français au pouvoir. Bien entendu, cette fiction est loin de la réalité. De Gaulle n’était pas un homme de parti, et n’y a jamais mis les pieds. Mais il avait des amis qui, avec son approbation – tacite souvent, explicite quelquefois – faisaient le sale boulot de la « partidocratie ». Si NDA veut jouer ce jeu-là, il lui faut rapidement s’entourer de gens qui fassent fonctionner le parti à sa place.

      [Je ne suis pas sûr de comprendre. Vous nous dites régulièrement que le succès du FN tient entre autres à son aggiornamento idéologique et à sa reprise de thèmes auparavant chers à la gauche – ce avec quoi je suis d’accord -, puis vous affirmez que "personne ne vote FN pour son programme". Quelle est l’importance du programme, alors ?]

      Je n’ai pas été clair, et je m’en excuse. Je maintiens que le vote FN est aujourd’hui un vote d’adhésion, reposant sur la reprise par le FN de tout un patrimoine politique venant, pour faire rapide, du gaullo-communisme. Le programme est donc essentiel. Mais ce que je voulais dire c’est que les gens ne vont pas spontanément lire les programmes des candidats ou même les écouter l’exposer. Pour qu’un programme politique entre chez les gens, il faut pouvoir susciter chez eux un intérêt. Le FN a réussi à le faire en se posant en « parti antisystème », avec un discours du type « si vous n’êtes pas d’accord avec moi, vous pouvez quand même voter pour moi pour emmerder les autres ». Cela a suscité un intérêt qui a permis d’amorcer le processus. Le problème de Dupont-Aignan, c’est qu’il n’a pas ce recours-là pour amener les gens à s’intéresser à lui.

  3. Ifig dit :

    Assez d’accord avec tes points et en particulier sur l’importance du mode de scrutin. Quelques remarques:
    * sur les résultats de la ligne du PG, il faudrait faire un peu de comparatif. Par exemple entre Nantes et Rennes qui sont assez comparables. Dans les deux cas, je crois que le PC part avec le PS; à Nantes, EELV seule fait un peu moins de 15%, le PG un peu plus de 5%; à Rennes, EELV + PG fait un peu plus de 15%. Dans ce cas, pas trop de "synergie" à rajouter EELV + PG. Il faudrait savoir aussi si la campagne à Rennes (ou à Grenoble) était surtout écologiste ou surtout anti-austérité gouvernementale.
    * tu l’as dit plusieurs fois et c’est très vrai, le point important en France pour un parti minoritaire au vu du mode de scrutin est d’avoir une vision claire des rapports à établir avec le parti dominant de son camp. Les Verts, par exemple, ont une position claire et assez constante avec le PS: alliance pour obtenir des positions; se satisfaire et monter en épingle tout point obtenu même s’il ne correspond pas à la totalité du programme; revendication d’une liberté de parole totale en contrepartie de la fidélité au parti majoritaire. Tu peux ne pas apprécier, mais ça a le mérite d’une certaine cohérence. Le FN est lui sur une ligne d’autonomie totale. A noter que la première stratégie implique que les Verts ont plus d’influence politique que le FN avec moins de voix, puisque le FN doit devenir majoritaire pour arriver à implémenter sa politique. Un des problèmes du PG est que cette ligne n’est pas tranchée: vouloir convertir EELV à l’autonomie conquérante me semble vain. Sans même parler des problèmes de programme.
    * sur le FN, un autre problème qu’ils vont avoir est la coexistence de deux FNs assez distincts: le FN plus récent du Nord (Marine Le Pen), le FN plus ancien du Sud (Marion Maréchal). Ils n’ont pas la même ligne. Cela va finir par se voir.
    * sur le gouvernement, effectivement, Hollande ne va pas (ne peut pas) changer de politique. Il parie sur un retournement de conjoncture, alors que Mélenchon parie sur une aggravation de la conjoncture.

    • Descartes dit :

      @Ifig

      [* sur les résultats de la ligne du PG, il faudrait faire un peu de comparatif. Par exemple entre Nantes et Rennes qui sont assez comparables. Dans les deux cas, je crois que le PC part avec le PS; à Nantes, EELV seule fait un peu moins de 15%, le PG un peu plus de 5%; à Rennes, EELV + PG fait un peu plus de 15%. Dans ce cas, pas trop de "synergie" à rajouter EELV + PG. Il faudrait savoir aussi si la campagne à Rennes (ou à Grenoble) était surtout écologiste ou surtout anti-austérité gouvernementale.]

      La difficulté, c’est que la comparaison est difficile. Si tu prends Nantes et Rennes, par exemple, il te faut prendre en compte Notre Dame des Landes, affaire dans laquelle la « gauche de la gauche » a exaspéré une partie de l’électorat nantais. On ne peut tirer des conclusions statistiques de cas isolés. Il faudrait faire une véritable statistique, en prenant l’ensemble des villes ou la gauche radicale et les écologistes sont allés en ordre dispersé, et celui des villes ou ils sont allés ensemble. Et encore, cela suppose de considérer que le choix d’aller séparément ou ensemble n’est pas influencé par les expectatives quant aux résultats… l’attitude correcte me semble donc être une attitude de prudence. On ne peut tirer des résultats généraux à partir de la comparaison de situations locales.

      [* tu l’as dit plusieurs fois et c’est très vrai, le point important en France pour un parti minoritaire au vu du mode de scrutin est d’avoir une vision claire des rapports à établir avec le parti dominant de son camp.]

      Et d’une manière générale, des rapports à établir avec les autres organisations politiques. Sauf à prétendre arriver tout seul au pouvoir – ce qui est illusoire – il faut répondre aux questions simples du genre « avec qui je suis prêt à faire liste commune », « avec qui je suis prêt à gouverner », « pour qui je suis prêt à appeler à voter ». Et ces réponses, il faut les fournir longtemps à l’avance et s’y tenir, parce qu’il faut les expliquer aux électeurs, et que cela prend un temps long, et parce que les électeurs sont désorientés lorsque la ligne change tous les Lundi.

      [Les Verts, par exemple, ont une position claire et assez constante avec le PS: alliance pour obtenir des positions; se satisfaire et monter en épingle tout point obtenu même s’il ne correspond pas à la totalité du programme; revendication d’une liberté de parole totale en contrepartie de la fidélité au parti majoritaire. Tu peux ne pas apprécier, mais ça a le mérite d’une certaine cohérence.]

      Tout à fait. Les Verts vont au pouvoir avec le PS sur la base d’un accord limité : vous me donnez satisfaction sur tel ou tel point précis, en échange je vous soutiens sur tout le reste. En 1997 ce fut Superphénix et le canal Rhin-Rhône, en plus de quelques postes et sièges. Aux municipales à Paris, ce fut le plan de circulation. Du coup, à la fin du mandat les Verts peuvent au moins se dire « voilà ce que nous avons gagné ». Le PCF, au contraire, est toujours allé sur des objectifs généraux – genre « vaincre la droite et faire une politique de gauche » – et s’est toujours fait avoir…

      [Le FN est lui sur une ligne d’autonomie totale. A noter que la première stratégie implique que les Verts ont plus d’influence politique que le FN avec moins de voix, puisque le FN doit devenir majoritaire pour arriver à implémenter sa politique.]

      Pas forcément. « L’influence politique » ne se mesure pas au nombre d’élus. Elle se mesure aussi dans la capacité d’une organisation à imposer ses « marottes » dans le débat public et à attirer l’opinion – et donc les autres partis politiques – vers ses positions. Il est clair que dans des débats comme le vote des immigrés, par exemple, le FN a beaucoup plus de poids que les écologistes ou même les socialistes, puisque in fine c’est sa ligne qui s’est imposée. Et cela sans même qu’il y ait eu débat au Parlement…

      [Un des problèmes du PG est que cette ligne n’est pas tranchée: vouloir convertir EELV à l’autonomie conquérante me semble vain.]

      Bien entendu. Et Mélenchon, tu l’auras remarqué, n’a même pas essayé. Alors qu’il voue aux gémonies le moindre élu communiste qui oserait faire liste commune avec les socialistes, le fait que ses amis d’EELV aient des ministres au gouvernement ne semble lui poser le moindre problème. Les députés communistes qui se sont abstenus sur le budget étaient des traîtres, alors que les députés verts qui ont, eux, voté le budget sont des alliés potentiels. Soyons lucides : « l’autonomie conquérante » était une arme de guerre pour mettre la direction du PCF en difficulté, pas un positionnement intellectuellement réfléchi. Lorsqu’on est prêt à faire une « opposition de gauche » avec des gens qui participent au gouvernement, on est prêt à tout.

      [* sur le FN, un autre problème qu’ils vont avoir est la coexistence de deux FNs assez distincts: le FN plus récent du Nord (Marine Le Pen), le FN plus ancien du Sud (Marion Maréchal). Ils n’ont pas la même ligne. Cela va finir par se voir.]

      A un moment où un autre, il y aura un clash. Cela étant dit, le résultat de Philippot à Forbach montre que quand le « nouveau » FN va au clash avec l’ancien, c’est le « nouveau » qui gagne. Même Marion Maréchal semble avoir mis de l’eau dans son vin ces jours-ci.

      [* sur le gouvernement, effectivement, Hollande ne va pas (ne peut pas) changer de politique. Il parie sur un retournement de conjoncture, alors que Mélenchon parie sur une aggravation de la conjoncture.]

      Tous ces gens sont restés au temps de la marine à voile. La politique c’est pour eux parier sur un vent favorable, vent sur lequel on n’a pas le moindre contrôle. Il faudrait leur expliquer que depuis l’invention de la machine à vapeur, on peut faire que les bateaux aillent vers le port qu’on souhaite atteindre même lorsque les vents sont contraires. Ok, ça coûte un peu plus de charbon, mais du coup on n’est pas obligé de choisir le port de destination en fonction du vent…

      Hollande a tort parce qu’il espère le retournement de la conjoncture tout en faisant une politique déflationniste qui ne peut que contrer ce retournement. Mélenchon a tort parce que les périodes de crise économique n’ont jamais renforcé les projets progressistes, au contraire…

    • Ifig dit :

      Descartes: "Hollande a tort parce qu’il espère le retournement de la conjoncture tout en faisant une politique déflationniste qui ne peut que contrer ce retournement."

      Pas faux. En même temps, les déficits assez constants et significatifs depuis N années en France n’ont pas démontré un effet expansif incroyable. En Italie, Renzi peut commencer son mandat avec des cadeaux fiscaux, mais c’est parce qu’il dispose des marges de manoeuvre créées par les vilains technocrates Monti et Letta précédemment.

    • Descartes dit :

      @Ifig

      [Pas faux. En même temps, les déficits assez constants et significatifs depuis N années en France n’ont pas démontré un effet expansif incroyable.]

      Incroyable non, mais sensibles. A chaque récession, la France fait mieux que la plupart de ses voisins et partenaires. Cela tient au fait que nos « stabilisateurs automatiques » sociaux continuent à soutenir la consommation, au prix évidement du creusement des déficits.

      [En Italie, Renzi peut commencer son mandat avec des cadeaux fiscaux, mais c’est parce qu’il dispose des marges de manoeuvre créées par les vilains technocrates Monti et Letta précédemment.]

      Tu rigoles… les « vilains technocrates Monti et Letta » ont laissé une situation infiniment pire que la notre. A combien se monte la dette italienne ? 133% du PIB contre 93% pour la France. A combien le déficit public ? 3% contre 4,1%. On voit que la marge sur le déficit est minime considérant le montant de la dette…

    • Ifig dit :

      Descartes: "A combien se monte la dette italienne ? 133% du PIB contre 93% pour la France."

      L’Italie a depuis longtemps une dette publique plus importante que la France. Elle est aussi plus détenue proportionnellement par les particuliers italiens que la française, qui est plus sensible à la demande étrangère. Je persiste à dire que Renzi a plus de marges de manoeuvres aujourd’hui que Hollande.

      Sinon, si on retourne à la politique politicienne, la situation à Villejuif est croquignolette: accord UMP-EELV pour faire tomber la maire PCF. Ce sont les verts locaux (Alain Lipietz quand même) qui choisissent de soutenir l’UMP; ils ont été désavoués par leur direction nationale (c’est bien le moins.)

    • Descartes dit :

      @Ifig

      [L’Italie a depuis longtemps une dette publique plus importante que la France. Elle est aussi plus détenue proportionnellement par les particuliers italiens que la française, qui est plus sensible à la demande étrangère. Je persiste à dire que Renzi a plus de marges de manoeuvres aujourd’hui que Hollande.]

      En d’autres termes, l’un doit 133% du PIB, l’autre 96%, et vous persistez à penser que le premier a « plus de marges de manœuvre » que le second ?

      Si Renzi semble avoir plus de marges de manœuvre, c’est parce que l’Italie est habituée à un fonctionnement désastreux de l’Etat et des services publics. Les français attendent tout de Hollande, ils n’attendent rien de Renzi. Imaginez vous en France les ordures s’accumulant pendant des semaines dans les rues de Toulouse ? Et bien, c’est arrivé à Naples. Imaginez vous les murs du Louvre en train de s’effondrer ? Et bien cela arrive à Pompei. En France, pour beaucoup moins que ça on a fait tomber des ministres et mis des têtes sur des piques. En Italie, les gens ricanent mais rien ne se passe.

      [Sinon, si on retourne à la politique politicienne, la situation à Villejuif est croquignolette: accord UMP-EELV pour faire tomber la maire PCF. Ce sont les verts locaux (Alain Lipietz quand même) qui choisissent de soutenir l’UMP; ils ont été désavoués par leur direction nationale (c’est bien le moins.)]

      Ca vous étonne ? Pas moi. On trouve à foison à gauche des anciens maoïstes comme Lipietz, trotskistes comme Mélenchon, « libéraux-libertaires » comme Cohn-Bendit. Tous ces gens ont quelque chose en commun : la haine du PCF. C’est d’ailleurs pour beaucoup d’entre eux un meurtre du père sans cesse renouvelé. Ils ont beau avoir viré leur cuti, changé dix fois de parti politique et mille fois d’opinion sur chaque question, leur boussole continue sur une question au moins à pointer toujours dans la même direction. Et dès qu’une opportunité se présente de « casser du coco », ils la saisissent. Même si pour cela il faut s’allier à la droite, sujet tabou en temps normal. Souvenez vous de Noël Mamère se faisant élire avec les voix de droite à Bègles contre une municipalité communiste en 1983 – avec la bénédiction de Mitterrand. Aujourd’hui, c’est Lipietz qui traverse le Rubicon à Villejuif.

      Quant au « désaveu de la direction nationale »… on connaît. Si Lipietz est élu, il serai discrètement pardonné. S’il se fait battre… Vae victis.

  4. "Le FN semble infiniment mieux préparé pour gérer une ville. ", mieux préparé, cela reste à voir. La stratégie du FN n’est pas une implantation locale importante, car cela serait trop difficile à gérer, notamment les quelques "excitées revanchards" qui existent toujours, et qui font marcher la machine électorale du parti. Le parti nationaliste, veut seulement gagner quelque ville emblématique, dirigé par des personnes bien propres sur eux tel que Briois, Philippot, Collard (qui en cas de victoire sera cumulard comme ses modèles de l’UMP-PS, et il en va de même pour Philippot en cas de double victoire, à la fois aux municipales et aux européennes où il est candidat dans le grand est).
    Le seul bilan que l’on peut faire selon moi, est la volonté du peuple, d’un grand renouvellement de la caste politique en France, qui n’a pour seule alternative, à l’heure actuelle, l’extrême droite.

    • Descartes dit :

      @enfant de la patrie

      ["Le FN semble infiniment mieux préparé pour gérer une ville. ", mieux préparé, cela reste à voir.]

      Je voulais dire « infiniment mieux préparé qu’en 1995 ». Vous me direz que ce n’est pas difficile, l’état d’impréparation du FN en 1995 à l’exercice du pouvoir municipal frisait le grotesque. A Vitrolles, Mégret et ses boys avaient l’air de croire que diriger une municipalité consistait à s’asseoir dans le fauteuil, mettre les pieds sur la table et donner des ordres.

      [La stratégie du FN n’est pas une implantation locale importante, car cela serait trop difficile à gérer, notamment les quelques "excitées revanchards" qui existent toujours, et qui font marcher la machine électorale du parti. Le parti nationaliste, veut seulement gagner quelque ville emblématique,]

      Oui et non. Si je crois ce que j’ai entendu de quelques amis qui sont proches du Front – eh oui, j’ai des amis partout… – la stratégie est de construire une implantation locale solide, que ce soit au niveau des municipalités, des conseils généraux et régionaux. Seulement, l’équipe de Marine Le Pen est arrivé à la conclusion – à juste titre, à mon avis – que le FN n’a pas partout les moyens de gérer une commune. D’où la décision de concentrer, comme vous le dites, les efforts sur un certain nombre de « villes emblématiques ». Si la stratégie du FN n’est pas de chercher tout de suite une « implantation locale importante », ce n’est donc pas une question d’objectif, mais plutôt d’adaptation du rythme aux moyens.

      [Le seul bilan que l’on peut faire selon moi, est la volonté du peuple, d’un grand renouvellement de la caste politique en France, qui n’a pour seule alternative, à l’heure actuelle, l’extrême droite.]

      Je ne crois pas qu’on puisse tirer cette conclusion. Les français veulent des résultats : une bonne école pour leurs enfants, du travail pour leurs jeunes, des salaires corrects, de meilleurs services publics, des impôts justes, des rues sûres, et un « récit national » qui leur permette de regarder l’avenir avec confiance. Et si ces résultats étaient là, ils plébisciteraient leurs hommes politiques, qu’ils soient de « l’ancienne caste politique » ou pas.

      Je ne crois pas un instant que les français soient en train de demander « qu’ils s’en aillent tous », comme le croient certains à gauche. Le peuple français est à mon avis bien plus pragmatique et réaliste qu’on ne le croit. Il sait que le « renouvellement » de la classe politique n’est garantie de rien, et que souvent les « nouveaux » sont aussi mauvais sinon pires que les « anciens ». Avez-vous vu récemment des manifestations dans les rues pour demander la démission du gouvernement, comme cela s’est produit dans plusieurs pays européens ? Pas moi. Le message des français n’est pas du tout « allez vous en », mais plutôt « faites correctement le boulot pour lequel nous vous avons élus ».

  5. Paul dit :

    Serait-ce le début de la turbulence du systême que voulait Chevenement en son temps?
    Ce qui était intéressant lors de la soirée électorale de dimanche était le défaut des réponses convenues habituelles. Le instituts de sondage s’étant considérablement trompés sur l’ampleur de l’abstention différentielle, il y a eu surprise du personnel politique, et à part un Guaino, qui était le seul à vouloir mettre en équation l’expression des électeurs, et à ne pas opposer une réponse toute faite, il était intéressant de voir à quel point les autres étaient embarrassés.
    A Marseille, on sent les effets de la panique, notamment à gauche. Les vieux réflexes et les vieux démons ressortent rapidement. Seuls exultent les "diables utiles": Guerini sable le champagne et voit ses intérêts sauvegardés, la gauche se regroupe de façon machinale et n’offre plus aucune cohérence: une alliance de lignes politiques (si on peut dire) complètement contradictoires sur les enjeux de la métropole. "Sauve qui peut !" semble la seule ligne directrice.
    Qu’est-ce que çà va être aux Européennes ! J’espère seulement trouver une liste qui permette d’exprimer son "euroscepticisme" sans pour autant devoir voter Le Pen, ou cet inculte de Dupont-Aignan…
    Même si je trouve une certaine satisfaction à voir que çà "turbule", je suis néanmoins très inquiet. Avec un tel suicide du politique, où vont se jouer les enjeux de pouvoir?

    • Descartes dit :

      @Paul

      [Ce qui était intéressant lors de la soirée électorale de dimanche était le défaut des réponses convenues habituelles. Le instituts de sondage s’étant considérablement trompés sur l’ampleur de l’abstention différentielle, il y a eu surprise du personnel politique, et à part un Guaino, qui était le seul à vouloir mettre en équation l’expression des électeurs, et à ne pas opposer une réponse toute faite, il était intéressant de voir à quel point les autres étaient embarrassés.]

      Tout à fait. Guaino a été, comme d’habitude, remarquable. Son humour, sa capacité à exposer un raisonnement et l’appuyer sur les faits contrastait fortement avec le discours « langue de bois » des autres participants des soirées électorales. Qu’ils soient de droite ou de gauche d’ailleurs. Quel dommage que nos partis politiques confinent leurs meilleurs cerveaux, qu’ils s’appellent Guaino, Séguin ou Chevènement, dans le rôle de franc-tireur…

      Remarquez, il y a de quoi être embarrassé. Les socialistes se trouvent à mi-mandat avec une équation insoluble. Après avoir expliqué que leur politique était la bonne – et que d’ailleurs c’était la seule possible – ils se trouvent aujourd’hui, après un désaveu massif, à devoir expliquer qu’ils comptent « changer ». Je pense que le remaniement va être intéressant à observer.

      [A Marseille, on sent les effets de la panique, notamment à gauche. Les vieux réflexes et les vieux démons ressortent rapidement.]

      Pourtant, pour ceux qui connaissent la politique marseillaise, le résultat était largement prévisible. Le « système » clientéliste autour de Guérini est très puissant, et il était évident que Menucci allait se faire flinguer. D’autant plus que les programmes « mains propres » comme le sien font très joli vus de Paris, mais sur le terrain ils font peur à tout ce petit monde qui « touche ». Et pas seulement les élus, mais tous les « obligés » qui ont eu qui un emploi à la mairie, qui un logement social en doublant la queue, qui un permis de construire auquel il n’avait pas droit, qui une subvention de complaisance pour son association. A Marseille, ce vote « clientéliste » pèse très lourd.

      Ce qui m’étonne un peu, c’est le résultat du FN à Marseille. C’est la première fois qu’on voit les marseillais voter en masse pour quelqu’un qui n’a rien à distribuer…

      [Seuls exultent les "diables utiles": Guerini sable le champagne]

      Que veux-tu, la vengeance est un plat qu’on mange froid… mais Guérini aurait tort de trop se réjouir. En flinguant Menucci, il s’est fait des ennemis puissants, qui risquent de lui faire payer lors d’un de ces règlements de compte dont Marseille est coutumière.

      [Qu’est-ce que çà va être aux Européennes !]

      Ca risque d’être un massacre ! Participation minimale et le FN en tête, disent certains…

    • CVT dit :

      @Descartes,

      [Pourtant, pour ceux qui connaissent la politique marseillaise, le résultat était largement prévisible. Le « système » clientéliste autour de Guérini est très puissant, et il était évident que Menucci allait se faire flinguer. D’autant plus que les programmes « mains propres » comme le sien font très joli vus de Paris, mais sur le terrain ils font peur à tout ce petit monde qui « touche ». Et pas seulement les élus, mais tous les « obligés » qui ont eu qui un emploi à la mairie, qui un logement social en doublant la queue, qui un permis de construire auquel il n’avait pas droit, qui une subvention de complaisance pour son association. A Marseille, ce vote « clientéliste » pèse très lourd]

      Au fait, je suis en train de me dire une chose à propos de Marseille: je n’ai pas de preuves, mais j’ai bien la sensation que le vote ethnique a été à l’oeuvre sur la Canebière. Par rapport à JP Gaudin, P.Menucci accuse plus de 15 points de retard: à mon avis, c’est à peu près ce que pèse Samia Ghali, sa concurrente malheureuse lors de la primaire, en nombre de voix. Effectivement, cela rejoint ce que vous disiez sur le clientélisme: Guérini est le père spirituel de Ghali…
      Bref, il y a une sacré pétaudière qui se prépare à Marseille: le FN y est le deuxième parti de la ville, et les "Maghrébins" (en fait, les Français descendants des pays du Maghreb), risquent de se radicaliser. Ce qui se passe à Marseille est une bien mauvaise nouvelle pour la République: le choix entre le FN et le vote ethnique sont les deux écueils qui nous attendent à l’échelle nationale si les socialistes et l’UMP ne prennent pas garde…

    • Descartes dit :

      @CVT

      [Au fait, je suis en train de me dire une chose à propos de Marseille: je n’ai pas de preuves, mais j’ai bien la sensation que le vote ethnique a été à l’oeuvre sur la Canebière. Par rapport à JP Gaudin, P.Menucci accuse plus de 15 points de retard: à mon avis, c’est à peu près ce que pèse Samia Ghali, sa concurrente malheureuse lors de la primaire, en nombre de voix. Effectivement, cela rejoint ce que vous disiez sur le clientélisme: Guérini est le père spirituel de Ghali…]

      Faut pas faire des raisonnements sur la comète. Pour commencer, on n’a pas la moindre idée de combien pèse Samia Ghali sur Marseille. Ensuite, si vous regardez les résultats vous verrez que Ghali se prend une baffe dans son propre arrondissement. Enfin, et contrairement à ce que vous croyez, le vote de Ghali n’est pas exclusivement « ethnique ». A partir de là, toute votre théorie de « vote ethnique » me paraît assez spéculative…

      [Bref, il y a une sacré pétaudière qui se prépare à Marseille: le FN y est le deuxième parti de la ville, et les "Maghrébins" (en fait, les Français descendants des pays du Maghreb), risquent de se radicaliser.]

      Pitié ! Encore un qui se fait peur en imaginant la guerre civile à nos portes… Je pense que vous allez être très déçu, mais les français d’origine maghrébine ne semblent pas se « radicaliser », ni à Marseille, ni ailleurs.

    • Courtial des Pereires dit :

      "Pitié ! Encore un qui se fait peur en imaginant la guerre civile à nos portes… Je pense que vous allez être très déçu, mais les français d’origine maghrébine ne semblent pas se « radicaliser », ni à Marseille, ni ailleurs."

      Il semblerait d’ailleurs que des habitants des quartiers venus d’Afrique ont aussi voté pour le FN et ce probablement pour plusieurs raisons :

      – L’envie d’ennuyer le gouvernement et le PS local après l’histoire du mariage gay (j’ai toujours trouvé très curieux que les musulmans votent très majoritairement pour le PS qui représente la gauche sociétale libertaire alors qu’eux-mêmes ont souvent un mode de vie conservateur… alors font-ils ça pour la gamelle des aides sociales en se disant que de toutes façons ils vivront bien comme ils l’entendent dans leur communauté ? je ne sais pas mais cela ne me semble pas complètement farfelu), Dieudonné et Samia Ghali.

      – Les parents veulent de la sécurité dans les quartiers, avoir un autre avenir pour leurs enfants que la petite délinquance et la culture des bandes.

      – Chez les plus jeunes, peut-être la montée de l’influence du mouvement Égalité et Réconciliation d’Alain Soral, qui séduit pas mal de musulmans et qui défend en gros l’idée qu’un fils d’immigré, musulman, qui vote FN, ce n’est pas un débile profond qui se tire une balle dans le pied mais, quelque part, un citoyen bien intégré. Je caricature un peu mais il y a de ça. Aussi, bien sûr le fait que le FN représente l’anti-système en politique, le politiquement incorrect, la liberté d’expression sur des sujets sensibles comme Israël, le sionisme des élites, la sacralisation de la Shoah, etc. Il faudrait une véritable enquête sur l’influence de Soral (qui profite de l’ultra-popularité de Dieudonné) et de la mouvance E&R qui est en général sur une ligne FN / DLR (avec Marion Sigaut qui a été viré par NDA, ce qui est une erreur selon moi mais qui fait bien pour les médias et notamment après le livre de F. Haziza) / UPR.

    • Descartes dit :

      @Courtial des Pereires

      [Il semblerait d’ailleurs que des habitants des quartiers venus d’Afrique ont aussi voté pour le FN et ce probablement pour plusieurs raisons :]

      Exactement. Toutes les études montrent que les français d’origine étrangère s’assimilent en fait assez rapidement, et que leur vote ne diffère pas notablement des français « de souche ». Il faut noter d’ailleurs que toutes les tentatives de monter des listes « ethniques » ont abouti à des résultats minables.

      Le problème pour la gauche est que les immigrés tendent – comme la classe ouvrière « de souche » d’ailleurs – progressistes dans les domaines économique et social, mais conservateurs sur les questions sociétales. Ils veulent le SMIC, la protection sociale, les services publics de qualité, mais rejettent le mariage homosexuel ou l’enseignement de la théorie du genre à l’école. Ils veulent de l’ordre dans la rue, de la discipline à l’école. Et tout ça ne cadre pas trop avec ce que la gauche est devenue aujourd’hui.

      [Il faudrait une véritable enquête sur l’influence de Soral (qui profite de l’ultra-popularité de Dieudonné) et de la mouvance E&R]

      Je ne crois pas que l’influence de Soral soit grande en dehors d’une tribu assez réduite, même si elle a une capacité d’expression médiatique importante. Mais il est clair que les anathèmes lancés par la bienpensance, que ce soit contre Soral, contre le FN ou contre Dieudonné jouent dans certains cercles un effet inverse.

    • CVT dit :

      @Courtial des Pereires
      [Chez les plus jeunes, peut-être la montée de l’influence du mouvement Égalité et Réconciliation d’Alain Soral, qui séduit pas mal de musulmans et qui défend en gros l’idée qu’un fils d’immigré, musulman, qui vote FN, ce n’est pas un débile profond qui se tire une balle dans le pied mais, quelque part, un citoyen bien intégré. Je caricature un peu mais il y a de ça. Aussi, bien sûr le fait que le FN représente l’anti-système en politique, le politiquement incorrect, la liberté d’expression sur des sujets sensibles comme Israël, le sionisme des élites, la sacralisation de la Shoah, etc. Il faudrait une véritable enquête sur l’influence de Soral (qui profite de l’ultra-popularité de Dieudonné) et de la mouvance E&R qui est en général sur une ligne FN / DLR (avec Marion Sigaut qui a été viré par NDA, ce qui est une erreur selon moi mais qui fait bien pour les médias et notamment après le livre de F. Haziza) / UPR.]

      vous l’avez dit vous-même, vous êtes né à la fin des années 80, et il me semble que vous manquez quelque peu de vécu politique. Je ne tiens pas à faire mon vieux con, mais à votre place, je me méfierais terriblement d’Egalité et Réconciliation car son discours fleure bon le vichysme à plein nez: anti-1789, anti-Lumières, et surtout obsédé par le complot judéo-maçonnique. Ecoutez Soral et Sigaut, comparez leurs propos avec les affiches de propagande de Vichy et vous verrez: la seule cause de nos malheurs, ce sont les juifs et les francs-maçons. Ce sont des réactionnaires de la pire espèce, qui déguisés sous des oripeaux de la lutte contre le politiquement correct pour recycler à la mode du XXIè siècle les discours pétainistes. Au début, on peut penser qu’ils sont subversifs car, à leurs critiques basées sur un marxisme de bazar, on voit que Soral et Sigaut ont commencé à l’extrême-gauche (PCF pour Soral, Trotskyste pour Sigaut). Mais leur combat politique les a amenés à se commettre avec l’extrême-droite, sous couvert de populisme, et cela va bien plus loin: selon le bon d’August Bebel, ils se sont mis à pratiquer "le socialisme des imbéciles", à savoir la dénonciation du complot judéo-maçonnique.
      Cette seule obsession les discrédite à jamais à mes yeux, et c’est bien là dessus je fonde ma détestation de l’extrême-droite, contrairement à la propagande anti-FN qui nous abruti depuis 30 ans que les socialistes ont mis eux-mêmes ce parti au pinacle. D’une certaine manière, l’extrême-droite soralienne est en train de devenir l’ennemi jurée de celle de la PME Le Pen, qui est sur le point d’effectuer une mue à la façon du parti fasciste italien de GF Fini.

    • Descartes dit :

      @CVT

      [Je ne tiens pas à faire mon vieux con, mais à votre place, je me méfierais terriblement d’Egalité et Réconciliation car son discours fleure bon le vichysme à plein nez: anti-1789, anti-Lumières, et surtout obsédé par le complot judéo-maçonnique.]

      Je partage en partie votre commentaire, mais en partie seulement. Soral me fait penser à Céline – le talent en moins. Peut-on dire que Céline était « vichyste » ? Pas vraiment. Céline était surtout un écorché vif, un homme blessé qui haïssait l’ensemble de l’espèce humaine. Etait-il pour autant « fasciste » ? Probablement pas. En tout cas, difficile de conclure.

      Soral, un peu comme Céline, tend à se laisser emporter par son sens de la provocation. Et ce sens là amène généralement vers les rivages de l’abjecte si l’on ne fait pas très attention. Et c’est là que je vous donne raison. Suivre Soral en tant qu’écrivain, pourquoi pas. Mais le suivre en tant que politique, c’est aberrant.

    • Courtial des Pereires dit :

      Oh je vous suis volontiers sur votre analyse d’Égalité et Réconciliation, oui on y trouve des conférence anti-lumières, anti-1789, anti-tout, mais c’est pour ça que j’aime ce site aussi, car j’y découvre des choses auquel je n’aurais pas accès ailleurs et qui sont loin d’être toujours lamentables. J’ai beaucoup appris en écoutant les conférences de Marion Sigaut, et j’ai découvert un tas d’autres personnalités intéressantes là-bas aussi comme Étienne Chouard, Pierre Hillard mais même Jacques Sapir, Olivier Berrurier, Olivier Delamarche, etc.

      En fait il y a une offre très diverse sur E&R en matière d’articles et de vidéos et c’est ce que j’apprécie même si c’est orienté nationalisme / valeurs religieuses / sionisme / franc-macs / anti-atlantisme / anti-mondialisme, après libre à chacun de se faire sa propre opinion.

      Quand aux judéo-maçons… cette histoire de complot me passe un peu au dessus de la tête, mais malgré tout, je constate qu’il y a de très nombreux franc-maçons (qui pour moi et ma méconnaissance du monde sont des gens regroupés au départ pour contrer l’influence de l’Église catholique et les religions en général et crée un Homme nouveau, un Homme-Dieu en quelque sorte, un religieux laïc qui ne croit qu’en lui et qui décide ses nouvelles règles, etc.) et de juifs ou d’origine dans la politique de haut niveau et les médias. Moi je m’arrête là, mais je crois malgré tout que lorsque des gens ont un socle commun, que ce soit l’appartenance au "peuple juif" (puisqu’à priori on peut ne pas pratiquer la religion juive et se considérer du peuple juif, être juif par le sang…) ou à la franc-maçonnerie, et bien ils sont plus aptes à s’entre-aider et à prendre des décisions qui les renforcent, pratiquer le népotisme, etc. Les réseaux ça compte. Soral ne met d’ailleurs pas tous les juifs dans le même sac, il n’a jamais appelé à la violence contre les juifs ou quoi que ce soit. Il a une dent contre Israël et les personnalités médiatiques françaises qui font la leçon au FN chez nous mais lèchent copieusement le derrière de Netanyaou ça oui, et j’avoue que je partage cette méfiance et que l’attitude des politiques à l’égard du gouvernement Israëlien, avec l’ignoble CRIF toujours prêt chez nous à en remettre une couche dans la pleurniche et l’assimilation anti-sionisme = anti-sémite, me déplait fortement.

      On est largement sorti du sujet cependant :p. Ces questions là, antisémitisme, franc-maçonnerie sont en général tellement "clivantes" qu’il est difficile d’en parler, on passe très vite pour un Hitlérien. Je ne juge pas à l’emporte pièce, j’estime ne pas avoir suffisamment de recul, de culture et être par trop extérieur à ces univers (FM j’en connais aucun / Juifs aucun proche non plus…) pour avoir un avis définitif, mais je regarde, j’écoute tout le monde, je m’en tiens aux déclarations et aux faits, je ne fait pas de procès d’intention ni même à Soral qui cite souvent le général de Gaulle – curieux pour un pétainiste – et son "un peuple d’élite, sûr de lui-même et dominateur".

      Internet permet au moins ça, pouvoir aller chercher des analyses et des vidéos "subversives" du côté d’E&R, lire des articles indigestes sur la dernière indignation des LGBT sur Rue89, profiter de la vision du monde d’un Descartes et de ses lecteurs (j’ai d’ailleurs connu ce blog via… fdesouche), le tout en trois clics.

      Enfin, de toutes façons avec mon pseudo, je suis déjà tricard "Pétainiste"… Et pourtant, il n’y a chez moi aucune nostalgie pour cette période honteuse pour mon pays vaincu et soumis par l’ennemi Allemand… pour préserver la France et éviter la méga-boucherie pour le peuple français d’aucuns disent ? Je n’en sais rien, je devrais lire plus.

    • Descartes dit :

      @Courtial des Pereires

      [Moi je m’arrête là, mais je crois malgré tout que lorsque des gens ont un socle commun, que ce soit l’appartenance au "peuple juif" (puisqu’à priori on peut ne pas pratiquer la religion juive et se considérer du peuple juif, être juif par le sang…) ou à la franc-maçonnerie, et bien ils sont plus aptes à s’entre-aider et à prendre des décisions qui les renforcent, pratiquer le népotisme, etc.]

      Oui, mais ce raisonnement s’applique aussi aux rugbymen ou aux corses. Et si vous ne me croyez pas, demandez à quelqu’un qui ait travaillé chez Bouygues ou dans la police. Lorsque vous passez chez un recruteur et que vous vous découvrez un hobby, un sport, une région d’origine, une passion commune, vous marquez des points. On a tendance à se regrouper et à s’entre-aider avec les gens qui nous ressemblent. C’est pourquoi la logique « assimilationniste » cherchait à donner à tous les citoyens un socle commun qui les rende « semblables ». Singulariser « les juifs » et « les maçons » et pas « les corses » ou « les rugbymen » n’est pas neutre.

      [Les réseaux ça compte.]

      Oui. Mais croire que « les réseaux » juifs ou franc-maçons dominent le monde, cela relève du fantasme. Je suis d’origine juive, et je peux vous garantir qu’au cours de très longue carrière je n’ai pas une seule fois reçu l’appui – ou même une marque d’intérêt – d’un quelconque « réseau » juif, pas plus d’ailleurs que je n’ai eu à pâtir d’une discrimination antisémite. En fait, il y a des réséaux bien plus puissants que ceux des juifs ou des francs-maçons.

    • Courtial des Pereires dit :

      @ Descartes

      Je suis d’accord avec vous, tous les "communautarismes" sont à mettre dans le même sac. J’en connais un rayon sur la communauté portugaise moi plutôt, tout le monde se connait plus ou moins. Le problème avec les "juifs" je vais vous dire, c’est le CRIF, la Licra, l’UEJF et ce genre d’associations. Je ne parle même pas de la LDJ qui est capable de casser la gueule à un juif non sioniste de l’Agence Info Libre (http://www.youtube.com/watch?v=3Jkkb4uXe-U) ou l’auteur juif Jacob Cohen. Le communautarisme est naturel, je ne reproche même pas aux gens de se sentir plus proche de leurs semblables, mais lorsque ce communautarisme s’organise et a une telle influence médiatique et politique, ça me dépasse, surtout quand on blanchie un gouvernement et un état contestable comme Israël et qu’on veut absolument assimiler la critique d’Israël à de l’antisémitisme et je pense que beaucoup de visiteurs du site E&R sont dans le même cas.

      Et les gens sont assez facilement jaloux aussi, alors lorsqu’ils regarde les noms à Hollywood, dans les grandes banques anglo-saxonnes, dans les hautes sphères de l’économie, les médias, les politiques, les conclusions à l’emporte pièce sont faciles : il y a beaucoup de juifs et ils contrôlent des secteurs clés, donc ils dominent et le font dans un intérêt commun.

      Et tout ceci n’est pas facile à contrer, car s’il est impossible de prouver à 100% cet "intérêt commun" si ce n’est en mettant bout à bout des anecdotes et des faits qui n’ont pas forcément de rapport si ce n’est d’avoir été le fait de personnalités juives, il est aussi impossible de prouver le contraire à 100%. C’est ce qui fait en général que les théories du complot ont la vie dure.

      Et les personnalités juives font aussi beaucoup de tort aux "juifs du quotidien", notamment BHL qui est capable de lancer que la guerre en Lybie "était bon pour Israël" et qui met toujours en avant sa judéïté alors qu’il est très loin d’être plébiscité par le public. Enfin c’est un autre sujet, on sera peut-être amené à en reparler si l’actualité nous le commande.

      Bon, Descartes, s’il y a un quatrième Reich à cause de Soral ou du FN (les poncifs qu’on entend partout) et que vous ne trouvez pas de cave, moi j’en ai une bien grande et confortable où vous pourrez vous planquer :p.

    • Descartes dit :

      @Courtial des Pereires

      [Le problème avec les "juifs" je vais vous dire, c’est le CRIF, la Licra, l’UEJF et ce genre d’associations. Je ne parle même pas de la LDJ qui est capable de casser la gueule à un juif non sioniste de l’Agence Info Libre (http://www.youtube.com/watch?v=3Jkkb4uXe-U) ou l’auteur juif Jacob Cohen.]

      Le judaïsme, il faut le dire, a une histoire très particulière qui la met dans une position très particulière, du moins en Europe. Il y a d’abord l’accusation de « déïcide » que lui colle pendant presque mille ans l’église catholique, et qui conduit à des persécutions sporadiques, à des expulsions, à l’enfermement en ghettos autant géographiques – quartiers fermés dans certaines villes, interdiction de résider dans certains territoires – qu’économiques – interdiction de posséder de la terre ou de la cultiver. Pour des raisons religieuses, les juifs sont obligés de savoir lire et écrire dans une Europe qui reste pendant des siècles largement analphabète, ce qui les met aussi dans une position très particulière de concurrence dans les professions intellectuelles qui est fortement ressentie par les majorités chrétiennes. Et pour couronner le tout, il y a la Shoah, le seul génocide de masse commis dans l’Europe depuis le moyen âge qui a créé les conditions politiques pour que ce qui n’était qu’un fantasme – le retour en terre sainte – puisse devenir réalité avec l’appui des grandes puissances.

      Mais il est abusif de parler des « juifs » comme s’ils constituaient une unité. En fait, il est même abusif de parler d’une « collectivité juive » en France. D’abord, il y a le fossé entre les Ashkenazes (c’est-à-dire, les juifs qui viennent d’Europe centrale et orientale) et les Séfarades (ceux qui sont sortis d’Espagne par l’Afrique du Nord et le pourtour méditerranéen. Déjà entre ces deux « tribus », les rapports ne sont pas faciles. Les Ashkenazim, qui sont généralement plus cultivés, plus intégrés au monde européen, beaucoup moins pratiquants et souvent proches de la gauche ouvrière ont un solide mépris pour les Séfarades (ma grand-mère les appelait « les schwarze », c’est-à-dire, « les nègres » en Yddish) qui sont plus pratiquants et plus pauvres. Même sur la question israélienne les deux communautés ont des positions différentes : certains Ashkenazim soutiennent la politique du gouvernement israélien, d’autres pas, mais rares sont ceux qui ont envie d’y aller vivre… alors que les Séfarades représentent l’essentiel de l’émigration française vers Israel.

      Et même à l’intérieur de ces deux collectivités, on ne peut parler d’homogénéité. La grande majorité des juifs français, qu’ils soient séfarades ou ashkénazes, ne sont pas pratiquants, rejoignant en cela la majorité des français, sauf pour les moments traditionnels (baptêmes, mariages et enterrements). Ils n’ont pas non plus de « vie juive » : les organisations culturelles, religieuses, éducatives communautaires ne concernent qu’une toute petite minorité. Le CRIF est peut-être « représentatif des institutions juives de France », mais il ne représente qu’une toute petite minorité des juifs de France. Et comme vous le signalez, les conflits entre juifs « assimilés » et juifs « sionistes » sont extrêmement violents. Dans ces conditions, parler d’une « collectivité juive » ou d’un « réseau juif » est un abus de langage. Et c’est un juif dont le grand-père, militant communiste, organisait un barbecue avec du porc en face de la synagogue du village le jour de Iom Kipur et offrait des brochettes aux juifs pieux qui entraient et sortaient du bâtiment qui vous le dit !

      [surtout quand on blanchie un gouvernement et un état contestable comme Israël et qu’on veut absolument assimiler la critique d’Israël à de l’antisémitisme et je pense que beaucoup de visiteurs du site E&R sont dans le même cas.]

      Je rejette comme vous la confusion entre « les juifs » et « l’Etat d’Israël ». Israël n’est pas « l’Etat des juifs », c’est « l’Etat de certains juifs ». Il est vrai que l’Etat d’Israël a cultivé cette confusion pour en faire un instrument politique et notamment pour faire taire toute critique à l’intérieur même des collectivités juives avec l’argument terroriste « si vous critiquez Israël, vous êtes un traître » et à l’extérieur sur le thème « si vous critiquez Israël, vous êtes antisémite ». Cela n’a pas empêché d’éminents intellectuels juifs de prendre position contre les crimes commis par l’Etat d’Israël.

      [Et les gens sont assez facilement jaloux aussi, alors lorsqu’ils regarde les noms à Hollywood, dans les grandes banques anglo-saxonnes, dans les hautes sphères de l’économie, les médias, les politiques, les conclusions à l’emporte pièce sont faciles : il y a beaucoup de juifs et ils contrôlent des secteurs clés, donc ils dominent et le font dans un intérêt commun.]

      Le paradoxe, c’est que cette sur-réprésentation des juifs dans la banque, dans le cinéma, dans les médias tient non pas à une « volonté de domination » mais exactement à l’inverse : ces métiers étaient les seuls autorisés aux juifs parce que méprisés par les chrétiens. L’église catholique interdisait à ses fidèles le prêt d’argent à intérêt, et ceux qui montaient sur les planches étaient excommuniés et enterrés en fosse commune. Les juifs, interdits de cultiver la terre et d’exercer certains artisanats prestigieux, se sont concentrés sur certains métiers : le prêt d’argent, le commerce, le spectacle…

      Il faut dire que les juifs étaient culturellement très bien armés pour profiter de l’effondrement de la noblesse remplacé par la méritocratie bourgeoise, puisque la religion juive exige que chaque homme juif sache lire et écrire et pousse fortement à l’étude, considéré comme la plus noble des activités. La pression pour réussir les études chez les parents juifs est quelque chose de monstrueux. Je me souviens que quand j’amenais un 19/20 dans mon bulletin, la réaction de mon père était de me regarder tristement en me demandant « comment ça se fait que tu n’as pas eu 20/20 » ?

      [Et les personnalités juives font aussi beaucoup de tort aux "juifs du quotidien", notamment BHL qui est capable de lancer que la guerre en Lybie "était bon pour Israël"]

      C’est en partie vrai, mais lorsqu’on intervient au Mali pour soutenir l’Etat (chrétien) contre des rebelles (musulmans), personne ne considère qu’Hollande « fait du tort aux chrétiens ». Ceux qui utilisent BHL pour alimenter l’antisémitisme rappellent ceux qui pour tuer leur chien l’accusent de la rage. BHL est un imbécile, et il serait tout aussi imbécile s’il était chrétien.

      [Bon, Descartes, s’il y a un quatrième Reich à cause de Soral ou du FN (les poncifs qu’on entend partout) et que vous ne trouvez pas de cave, moi j’en ai une bien grande et confortable où vous pourrez vous planquer :p.]

      C’est très gentil à vous. Et je note l’offre… on ne sait jamais quand on peut en avoir besoin.

  6. GEO dit :

    Décousu, pas tant que ça, et très intéressant. L’effort pédagogique est donc payant.

  7. Bannette dit :

    Encore un aveuglément de la gauche et les cris d’orfaie par rapport au FN.

    Il est désolant de voir la troupe à Mélenchon saluer leurs résultats à Grenoble (alors qu’il reste encore un 2ème tour où le PS ne se désiste pas) avec l’accord PG/EELV au lieu de tirer des leçons d’Henin-Beaumont, où il s’était fait humilier lors des Législatives.
    La gauche devrait étudier le cas de HB qui est un laboratoire des préoccupations des français des classes populaires du fait qu’elle se trouve dans une région industriellement sinistrée. Oh ils préfèrent parler des pistes cyclables à Grenoble avec les Verts…

    Le cas de Montreuil aussi est parlant : l’ex-vieux routard communiste est remis en tête par les classes populaires, celui-là même que le PS et les verts avaient tout fait (et réussi) à dégommer au profit de la médiocre Voynet…

    A gauche, on dirait qu’ils manquent de Philippot, qui semble avoir une grande longueur d’avance dans la compréhension des électeurs, vraiment il a fait un travail remarquable dans cette compréhension, d’autant plus courageux qu’il est allé se salir les mains (en passant du RPR souverainiste au Che et en finissant au FN – en tout cas, il me semble très constant dans ses engagements). Quand bien même ils auraient des équivalents à Philippot, aucun parti à gauche ne le porterait au pinacle, voire le diaboliserait.

    • Descartes dit :

      @Bannette

      [Il est désolant de voir la troupe à Mélenchon saluer leurs résultats à Grenoble (alors qu’il reste encore un 2ème tour où le PS ne se désiste pas) avec l’accord PG/EELV au lieu de tirer des leçons d’Henin-Beaumont, où il s’était fait humilier lors des Législatives.]

      Vous savez qu’il y a dans la troupe de Mélenchon un côté cureton : il faut à tout prix qu’ils annoncent la « bonne nouvelle » 😉
      Bien entendu, une bonne nouvelle chasse l’autre. Souvenez vous : l’élection de Hollande était une « victoire » dont le FdG était naturellement « l’ayant droit ». Les résultats des législatives à Hénin-Beaumont étaient eux aussi la preuve que le FdG avançait (même si son leader s’est fait battre au premier tour). Les régionales et les cantonales, elles aussi, étaient des « victoires », même si le PCF laissait à chaque fois la moitié de ses élus. Et vous allez voir, les municipales vont-elles aussi être une « victoire » mélenchonesque. Que voulez-vous, c’est comme ça chez les gauchistes : chaque événement est lu comme une nouvelle preuve que leur stratégie est la bonne et que l’ennemi est aux abois…

      [Le cas de Montreuil aussi est parlant : l’ex-vieux routard communiste est remis en tête par les classes populaires, celui-là même que le PS et les verts avaient tout fait (et réussi) à dégommer au profit de la médiocre Voynet…]

      Drôle, non ? Faut dire que Brard, contrairement aux « rénovateurs » divers et variés n’a jamais voulu aller chez « Ensemble »…

  8. Bruno dit :

    Merci pour ce papier Descartes! J’ai également mené une bataille pour ces municipales, dans ma petite ville de la banlieue parisienne. Élu pour la première fois, j’espère contribuer un peu au renouvellement des idées politiques, à ma modeste échelle. Je suis un souverainiste forcené! 😉

    • Descartes dit :

      @Bruno

      Je ne te demande pas pour quel parti… mais te souhaite au contraire beaucoup de chance et de plaisir. Etre élu, c’est à dire mandaté par ses concitoyens pour gérer la chose publique – dit en latin, la res publica – c’est exaltant. Cela demande aussi beaucoup de patience, car les électeurs ne sont généralement pas tendres avec leurs mandants…

  9. @ Descartes,

    Je te trouve très sévère vis-à-vis de Nicolas Dupont-Aignan. Effectivement, il n’a peut-être pas la stature politique et intellectuelle d’un Séguin ou d’un Chevènement mais, eu égard à ses moindres qualités, il mène un combat valeureux qui est loin d’être inutile à mon avis. Par ailleurs, il n’a commencé la lutte qu’assez récemment. DLR souffre d’une faiblesse certaine: NDA est bien seul, et il ne peut sans doute pas tout faire, sachant qu’il est maire et député. Son entourage est encore peu étoffé, et DLR n’offre pour l’instant guère de perspectives de postes qui puissent attirer des intellectuels en quête d’un prince à conseiller. Raison pour laquelle Henri Guaino reste sagement à l’UMP, alors qu’il est sans doute plus proche de Dupont-Aignan que de Copé ou de Raffarin. Mais on ne devient un "vieux sage" comme Chevènement ou Séguin qu’après avoir tout raté et être tombé dans une demi-retraite. Or Dupont-Aignan est encore sur le champ de bataille, dans l’action.

    Ta déception m’étonne un peu, elle évoque celle d’un amoureux dépité. Aurais-tu été éconduit après avoir offert tes services à DLR?

    Sur le programme, je ne suis pas d’accord non plus avec ce que tu écris. Le "poujadisme", c’est la défense des artisans et petits commerçants associée à la haine de l’Etat. Or il n’y a pas de haine de l’Etat chez Dupont-Aignan, qui est au contraire un étatiste et un défenseur de la fonction publique. Je trouve un peu réducteur de qualifier de "poujadiste" toute personne qui s’intéresse aux artisans et petits commerçants. Faut-il vouloir flinguer ces catégories sociales pour avoir le droit d’être appelé "progressiste"? Et puis j’ajouterai que Dupont-Aignan a peut-être des raisons tactiques de tenir ce discours: il vient de la droite, il ne peut que difficilement compter sur les bobos acquis à la gauche, sur les bourgeois acquis à la droite, ou sur les ouvriers de plus en plus captés par le FN (malgré de réels efforts de Dupont-Aignan dans leur direction). Beh, que reste-t-il? Artisans, commerçants, certains corps de fonctionnaires…

    Je soutiens Dupont-Aignan. J’ai aussi voté pour lui à la présidentielle, j’aide au financement de ses campagnes lorsque je le peux. Je voterai pour ses listes aux Européennes. Ceux qui prêchent l’abstention se font des illusions: l’ "abstention militante", c’est du vent. Croire que le système va s’effondrer faute de légitimité, c’est se fourrer le doigt dans l’œil.

    Qu’est-ce qui te permet d’affirmer avec certitude que "les Français d’origine maghrébine ne semblent pas se radicaliser"? Pour ce que j’en vois, j’ignore s’ils se "radicalisent" à proprement parler, mais j’ai l’impression qu’ils se communautarisent et cultivent parfois un "entre-soi" pas toujours très tolérant. En tout cas, on le ressent dans bien des établissements scolaires de ma région… Et on est loin des banlieues chaudes du "9-3" si tu vois ce que je veux dire. Parler de guerre civile, c’est sans doute excessif. Mais la multiplication des tensions et des conflits, oui à mon avis.

    • Descartes dit :

      @nationalistejacobin

      [Je te trouve très sévère vis-à-vis de Nicolas Dupont-Aignan. Effectivement, il n’a peut-être pas la stature politique et intellectuelle d’un Séguin ou d’un Chevènement mais, eu égard à ses moindres qualités, il mène un combat valeureux qui est loin d’être inutile à mon avis.]

      Je suis dur avec mes ennemis… et encore plus dur avec mes amis. Peut-être parce que c’est à eux que j’exige le plus… 😉
      J’ai une grande estime pour NDA. Ce n’est pas facile de faire ce qu’il fait. Mais en même temps, il me laisse sur ma faim.

      [Par ailleurs, il n’a commencé la lutte qu’assez récemment. DLR souffre d’une faiblesse certaine: NDA est bien seul, et il ne peut sans doute pas tout faire, sachant qu’il est maire et député. Son entourage est encore peu étoffé, et DLR n’offre pour l’instant guère de perspectives de postes qui puissent attirer des intellectuels en quête d’un prince à conseiller.]

      Ne croyez pas ça. Il y a beaucoup des « intellectuels » en quête d’un prince à conseiller qui ne demandent rien d’autre que d’être écoutés, de sentir que leur travail est attendu et qu’il est mis à bon usage. Moi, sans aller plus loin, je participerai certainement à des groupes de réflexion si NDA prenait la peine de les organiser.

      [Raison pour laquelle Henri Guaino reste sagement à l’UMP, alors qu’il est sans doute plus proche de Dupont-Aignan que de Copé ou de Raffarin.]

      Je ne le crois pas. Guaino est peut-être proche de NDA sur les questions européennes. Mais sur sa conception de la politique en général et du pouvoir en particulier, Guaino est certainement plus proche de Copé ou de Raffarin. NDA est du bois dont on fait les martyrs. Pas Guaino.

      [Ta déception m’étonne un peu, elle évoque celle d’un amoureux dépité. Aurais-tu été éconduit après avoir offert tes services à DLR?]

      Pas du tout. Je n’ai eu aucun contact avec NDA autre qu’avoir mis un bulletin à son nom dans l’urne.

      [Sur le programme, je ne suis pas d’accord non plus avec ce que tu écris. Le "poujadisme", c’est la défense des artisans et petits commerçants associée à la haine de l’Etat.]

      Pas seulement. Il y a aussi cette défense obsessionnelle des « petits » contre les « grands ». Des « petits commerçants » contre « la grande distribution », des PME contre « le grand Kapital ». Et malheureusement, NDA tombe un peu trop dans la nostalgie de la « petite France ». Exemple (tire de son programme sur son site) : « Orienter l’épargne, le crédit et le capital vers le financement des PME/TPE en autorisant la déduction de l’ISF ou de l’impôt sur le revenu de la moitié des sommes investies par les particuliers dans l’économie productive pour des entreprises investissant en France ». Comment peut-on ainsi confondre « l’économie productive » avec les « PME/TPE » ?

      Mais vous avez raison de dire qu’on ne retrouve nullement chez NDA le poujadisme version « anti-Etat ». Au contraire, il conserve une vision assez gaulienne du rôle de l’Etat dans l’économie.

      [Je soutiens Dupont-Aignan. J’ai aussi voté pour lui à la présidentielle, j’aide au financement de ses campagnes lorsque je le peux. Je voterai pour ses listes aux Européennes. Ceux qui prêchent l’abstention se font des illusions: l’ "abstention militante", c’est du vent. Croire que le système va s’effondrer faute de légitimité, c’est se fourrer le doigt dans l’œil.]

      Je partage tout à fait. « L’abstention militante » c’est une position infantile. C’est une manière de ne pas avoir à choisir. Or, dans la réalité, il faut choisir. A chacun d’établir des priorités et de décider qu’on vote pour X non pas parce qu’on est d’accord avec lui sur tout, mais parce qu’on est d’accord avec lui sur ce qui est pour nous prioritaire. J’ai voté NDA pour la présidentielle, et je ne regrette pas. Et s’il présente des listes pour les européennes, il y a des chances que je vote pour lui aussi. Mais j’aurais aimé qu’il me donne envie de militer… et ce n’est pas encore le cas.

      [Qu’est-ce qui te permet d’affirmer avec certitude que "les Français d’origine maghrébine ne semblent pas se radicaliser"?]

      Avec certitude, rien. Mais la « radicalisation » se manifeste en général par des faits concrets. Par exemple, par l’apparition d’organisations s’exprimant publiquement et exprimant des revendications « radicales ». Or, on n’observe rien de tel. Les organisations « ethniques » que certains essayent de créer restent confidentielles. Les revendications « radicales » (port du voile dans les écoles, par exemple) sont le fait d’individus isolés qui d’ailleurs se soumettent dès que le législateur met des limites. On peut parler de « radicalistation » de certaines minorités en Grande Bretagne, par exemple. Mais en France ? Je ne le crois pas un instant.

      [Pour ce que j’en vois, j’ignore s’ils se "radicalisent" à proprement parler, mais j’ai l’impression qu’ils se communautarisent et cultivent parfois un "entre-soi" pas toujours très tolérant. En tout cas, on le ressent dans bien des établissements scolaires de ma région…]

      Ca, c’est autre chose. Dans notre société fractionnée, beaucoup de gens – et pas seulement les immigrés – ont l’impression que la meilleure manière de garantir sa sécurité et son avenir est de vivre au milieu de gens qui vous ressemblent. De là à l’intolérance envers tout ce qui n’est pas comme vous, il n’y a qu’un pas.

      Mais si vous examinez la chose, c’est une réponse logique au renoncement de la part de la République d’assimiler ses habitants. Qu’ils soient immigrés ou non, d’ailleurs. La force de la République, c’était le brassage. C’était d’envoyer des conscrits basques faire leurs classes en Alsace et des fonctionnaires bretons exercer leurs talents en Provence. Et de garantir par la loi les mêmes droits et les mêmes services en tout lieu du territoire tout en imposant en échange la même langue et le même droit. C’est ce brassage forcé des populations et ces règles communes qui ont empêché le communautarisme de se développer. Ce n’est pas par hasard si le communautarisme a levé la tête dans notre pays en même temps que la décentralisation, l’idéologie du « vivre et travailler au pays » et l’abandon des politiques assimilationnistes.

      [Parler de guerre civile, c’est sans doute excessif. Mais la multiplication des tensions et des conflits, oui à mon avis.]

      Certainement. Mais le problème ne touche pas que les immigres. La « multiplication des tensions et des conflits » touche tout le monde. Il n’y a qu’à voir ce que sont devenus les rapports de voisinage dans certaines immeubles…

  10. @ Descartes,

    Excuse-moi de revenir sur la question de l’immigration, mais c’est comme qui dirait ma marotte.

    "toutes les études montrent que les Français d’origine étrangère s’assimilent assez rapidement et que leur vote ne diffère pas notablement de celui des Français "de souche""
    De quelles "études" parles-tu? S’il s’agit des études produites par les chercheurs de la "Cité nationale de l’immigration", tu as certainement raison. Il faut dire que cette structure est profondément immigrationniste, et son but principal est d’expliquer que l’immigration c’est forcément bien et de toute façon, ces ploucs de Français ne seraient rien sans "les étrangers qui ont bâti nos autoroutes et trimé dans nos usines". Par exemple, pour preuve d’assimilation, certains citent à l’envie le taux de mariage mixte (un(e) Français(e) avec un(e) étranger(e)), très important en France. Mais quand on regarde l’origine du conjoint français, cela nuance tout de suite la réussite du "métissage à la française"…

    En revanche, je peux évoquer une étude assez récente: celle de l’islamologue Gilles Kepel sur l’islam des banlieues. Kepel, je le précise pour écarter tout soupçon, n’est pas un conseiller de Marine Le Pen. Or Kepel n’observe pas une "assimilation", bien au contraire: il constate une réislamisation y compris (et c’est le fait nouveau qu’il souligne) parmi les jeunes générations nées en France. Je n’ai plus les chiffres en tête, mais le ramadan semble bien être plus suivi aujourd’hui en France qu’il y a quinze ou vingt ans. Je crois qu’on est passé de 50 à 70 % de musulmans, ou plutôt de Français/étrangers de culture musulmane, qui déclarent suivre le ramadan. Or, dans le même temps, les églises catholiques (et sans doute la plupart des temples protestants) ont continué à se vider. Je vais de temps en temps au culte catholique et je puis témoigner que 80 % des présents ont plus de 60 ans. Même si les évangélistes et quelques autres se montrent offensifs, la pratique religieuse a globalement tendance à baisser en France… sauf chez les immigrés en général, et les musulmans en particulier. Il me paraît assez paradoxal d’affirmer que des gens, qui rament ostensiblement à contre-courant d’une société de plus en plus athée ou indifférente, "s’assimilent assez rapidement".

    Bien sûr, on pourrait rétorquer que le même problème s’est produit avec les Polonais par exemple, plus catholiques en leur temps que la majorité des Français. Sauf qu’au bout de deux générations, les descendants de Polonais ont une pratique religieuse comparable à celle des Français "de souche". Or Kepel insiste bien sur le fait que ce sont les jeunes nés en France qui se tournent de plus en plus vers l’islam, en font une identité communautaire (qu’ils mélangent le cas échéant avec une vision fantasmée du pays d’origine) qui peut les conduire à rejeter l’identité nationale. Tiens, dans ma ville récemment, un jeune a été renvoyé en correctionnel: Monsieur s’était offusqué d’avoir été surpris par la police en flagrant délit de non-respect du code de la route. Il déclara aux agents que "n’étant pas français, le code de la route français ne s’appliquait pas pour lui". Cas isolé? Récemment, dans l’Essonne, trois membres d’une même famille ont agressé quatre policiers qui refusaient de leur remettre un enfant placé à la suite d’une affaire de maltraitance. Les agresseurs (un homme et deux femmes) ont déclaré que "la loi de la République ne s’appliquait pas à eux". Et je ne doute pas qu’on peut trouver d’autres exemples.

    Je ne sais pas ce que tu mets derrière le mot "assimilation" et j’admets volontiers être un islamophobe compulsif doublé d’un xénophobe maniaque, mais tout de même, considérer que "les Français d’origine étrangère s’assimilent assez rapidement" me paraît être assez éloigné de la réalité, du moins pour beaucoup d’entre eux.

    Quant à la question du vote, il paraîtrait que: 1) en accord d’ailleurs avec leur mépris pour la République, beaucoup d’immigrés et de leurs descendants ne votent pas, quand ils daignent s’inscrire sur les listes électorales; tous les abstentionnistes ne sont pas d’origine étrangère, loin de là, mais il y a en a beaucoup; 2) pourquoi constituer des listes "ethniques"? Pour braquer le Français raciste? Ce serait prendre les immigrés et leurs descendants pour des idiots. Le communautarisme des immigrés est facilement récupéré par le clientélisme des notables. Il est notoire que des élus locaux accordent des avantages à telle ou telle communauté en échange d’un soutien, voire d’une place sur la liste (c’est la "prise en compte de la diversité"). Je pense que beaucoup d’immigrés se sentent plus représentés par leurs propres associations communautaires, lesquelles négocient directement parfois avec les élus.

    • Descartes dit :

      @nationalistejacobin

      [Excuse-moi de revenir sur la question de l’immigration, mais c’est comme qui dirait ma marotte.]

      Ne t’excuse pas. C’est une question importante et qui mérite d’être discutée.

      [« toutes les études montrent que les Français d’origine étrangère s’assimilent assez rapidement et que leur vote ne diffère pas notablement de celui des Français "de souche" »
      De quelles "études" parles-tu? S’il s’agit des études produites par les chercheurs de la "Cité nationale de l’immigration", tu as certainement raison.]

      Non. Ce sont des études qu’avaient fait les instituts de sondages il y a quelques années, dans le sillage du grand débat sur l’intérêt d’autoriser la « statistique ethnique ». Je me souviens que l’Insee avait fait toute une série d’études qui montraient que les descendants d’immigrés disparaissaient statistiquement en deux générations, leurs habitudes et leurs modes de vie étant très semblables à ceux des français « de souche » de même revenu et de même statut social. En d’autres termes, en France le niveau social reste le déterminant fondamental, bien avant l’origine. Dans le sillage de ces études, l’IFOP si ma mémoire ne me trompe pas avait fait une étude équivalente mais dans le domaine électoral. Et là encore, c’est le niveau social, et non l’origine, qui reste déterminante. Un ouvrier « immigré de la seconde génération » vote comme un ouvrier « français de souche », et la même chose est vraie pour les patrons, pour les fonctionnaires…

      Je n’ai pas en tête la référence exacte de l’étude, je peux essayer de la retrouver. Elle date du début des années 2000, ou peut-être même de la fin des années 1990. Bien entendu, elle s’adressait à une population de descendents d’immigrés arrivés en France dans les années 1960-70. Savoir si les immigrés arrivés aujourd’hui auront le même parcours d’assimilation… voilà une question à laquelle je n’ai pas de réponse.

      [Il faut dire que cette structure est profondément immigrationniste, et son but principal est d’expliquer que l’immigration c’est forcément bien et de toute façon, ces ploucs de Français ne seraient rien sans "les étrangers qui ont bâti nos autoroutes et trimé dans nos usines".]

      La Cité de l’Immigration est une institution-alibi. C’est malheureux, parce que la question méritait une véritable institution scientifique qui fasse de la vraie recherche. Mais la vraie recherche ne peut jamais garantir que les résultats obtenus seront politiquement corrects…

      [Je n’ai plus les chiffres en tête, mais le ramadan semble bien être plus suivi aujourd’hui en France qu’il y a quinze ou vingt ans. Je crois qu’on est passé de 50 à 70 % de musulmans, ou plutôt de Français/étrangers de culture musulmane, qui déclarent suivre le ramadan.]

      Ca, c’est certain. La machine à assimiler a été cassée avec persévérance depuis trente ans, et aujourd’hui elle ne fonctionne qu’au ralenti. Or, dès que la machine à assimiler s’arrête, le communautarisme reprend ses droits. Je pense qu’on est d’accord sur ce point.

      Cela étant dit, je pense que tu confonds la question de l’assimilation statistique, qui est celle dont je parlais, à l’assimilation aux valeurs de la République. Dans une société qui se fracture et ou l’on voit monter toutes sortes de communautarismes régionalistes, par exemple, le retour au Ramadan n’est pas forcément un signe de non-assimilation. La jeunesse immigrée ressemble en fait à la jeunesse française, avec cette difficulté à se construire une identité dans un pays qui n’offre plus de références. Que chez les uns cela prenne la forme de jouer du biniou et étudier le breton, et chez les autres d’observer le Ramadan et d’apprendre le Coran, c’est possible, mais c’est les deux faces du même phénomène.

      [Or Kepel insiste bien sur le fait que ce sont les jeunes nés en France qui se tournent de plus en plus vers l’islam, en font une identité communautaire (qu’ils mélangent le cas échéant avec une vision fantasmée du pays d’origine) qui peut les conduire à rejeter l’identité nationale.]

      Mais en ce sens ils sont très bien intégrés. La jeunesse française « de souche » rejette elle aussi l’identité nationale. Il n’y a qu’à voir la floraison de partis « régionalistes » ou l’attachement à « l’idéal européen » à grand coups d’émissions radio et télévision financées par la Commission. Seulement, pour les jeunes issus de l’immigration l’identité communautaire prend une forme empreinte de religiosité, alors qu’ailleurs elle est, pour des raisons historiques, laïque. Au-delà des manifestations de désarroi identitaire, nous ne sommes pas en France dans la situation anglaise ou américaine, ou des communautés exigent un statut juridique particulier. Chez nous, les jeunes immigrés acceptent que la loi est une et même pour tous. L’exemple de la loi sur le voile à l’école, dont l’application n’a soulevé finalement que peu de difficultés, le montre avec éloquence. De ce point de vue, on peut considérer que l’assimilation continue à fonctionner.

      [Tiens, dans ma ville récemment, un jeune a été renvoyé en correctionnel: Monsieur s’était offusqué d’avoir été surpris par la police en flagrant délit de non-respect du code de la route. Il déclara aux agents que "n’étant pas français, le code de la route français ne s’appliquait pas pour lui". Cas isolé? Récemment, dans l’Essonne, trois membres d’une même famille ont agressé quatre policiers qui refusaient de leur remettre un enfant placé à la suite d’une affaire de maltraitance. Les agresseurs (un homme et deux femmes) ont déclaré que "la loi de la République ne s’appliquait pas à eux". Et je ne doute pas qu’on peut trouver d’autres exemples.]

      Ce sont des exemples totalement isolés, et qui n’ont aucun écho communautaire. Aucune organisation musulmane ne demande aujourd’hui que les lois de la République ne s’appliquent pas à leur communauté. Et les cas comme ceux que tu cites restent aussi isolés que celui du chauffard breton qui avait contesté sa contravention sur le fondement de l’illégalité de l’annexion de la Bretagne par la France.

      [Je ne sais pas ce que tu mets derrière le mot "assimilation" et j’admets volontiers être un islamophobe compulsif doublé d’un xénophobe maniaque, mais tout de même, considérer que "les Français d’origine étrangère s’assimilent assez rapidement" me paraît être assez éloigné de la réalité, du moins pour beaucoup d’entre eux.]

      C’est pourtant une réalité, tout au moins pour ceux arrivés dans les années 1960-70. Et je pense que cela reste vrai, même si l’assimilation ne prend pas forcément la forme que toi et moi voudrions voir. Les jeunes d’origine immigrée ont des comportements qui ne sont pas très différents des jeunes français « de souche » du même milieu social.

      [Quant à la question du vote, il paraîtrait que: 1) en accord d’ailleurs avec leur mépris pour la République, beaucoup d’immigrés et de leurs descendants ne votent pas, quand ils daignent s’inscrire sur les listes électorales; tous les abstentionnistes ne sont pas d’origine étrangère, loin de là, mais il y a en a beaucoup;]

      Là encore, on observe le même comportement que chez les « français de souche ». Abstention dans les couches populaires, participation dans les couches aisées. Je ne crois pas que les médécins et les professeurs d’origine immigrée votent moins que leurs collègues « de souche »… En fait, je pense que tu fais l’erreur d’oublier la question sociale : tu compares les communautés immigrées à la communauté « de souche », en oubliant que la première est en moyenne beaucoup plus pauvre que la seconde. Il faut comparer ce qui est comparable, c’est-à-dire à égalité de statut social…

      [Le communautarisme des immigrés est facilement récupéré par le clientélisme des notables. Il est notoire que des élus locaux accordent des avantages à telle ou telle communauté en échange d’un soutien, voire d’une place sur la liste (c’est la "prise en compte de la diversité"). Je pense que beaucoup d’immigrés se sentent plus représentés par leurs propres associations communautaires, lesquelles négocient directement parfois avec les élus.]

      Mais là encore, cela ne s’applique pas qu’aux collectivités immigrés. Je me souviens encore du défilé des élus parisiens au fest-noz de l’Association des Bretons de l’Ile de France… et pourtant, on ne peut pas dire que les bretons en question ne soient pas "assimilés", non ?

    • @ Descartes,

      Effectivement, il serait intéressant que des études de 2010 se penchent sur le comportement des immigrés arrivés dans les années 80 et 90, quand la machine à assimilation s’est sérieusement grippée.

      "La jeunesse française « de souche » rejette elle aussi l’identité nationale."
      Je trouve que tu vas un peu vite en besogne. Ce rejet ne me paraît pas aussi massif et général qu’on le dit. D’ailleurs, je crois me souvenir que les moins de 30 ans sont loin d’être la partie de la population la plus européiste. Pour travailler avec des adolescents, je ne perçois pas chez les natifs un quelconque rejet de leur pays. En revanche, une certaine hostilité envers les immigrés est parfois perceptible, surtout dans les campagnes. Les jeunes natifs n’ont pas tant que cela "honte d’être français", surtout quand ils sont issus de milieux plutôt modestes. Les enfants de bobos, eux, pensent différemment bien sûr, comme leurs parents. En revanche, il est clair que ces jeunes, même lorsqu’ils ont un attachement sincère à leur pays, ont une vision pessimiste et pour tout dire un peu triste de la France: un pays affaibli, en déclin, miné par les difficultés, en voie de paupérisation (voire envahi par les étrangers). De ce point de vue, le discours décliniste les influence. En tant que professeur, je le reconnais: j’ai du mal à faire passer un message plus optimiste, à convaincre mes élèves que la France a les moyens de tenir son rang et de rayonner dans l’avenir, ou même à leur dire, tout simplement, que ce pays sera en grande partie ce que eux, futurs citoyens, voudront en faire. Je sens de la résignation et de la mélancolie dans notre jeunesse. Tiens, une anecdote: nous étions en train d’étudier les institutions de la V° République en Education civique (cours de 3ème), lorsqu’un élève (et un bon élève, je précise) me dit d’un ton désabusé: "ça sert à rien, tout ça". Ce n’est pas la première fois que j’entends cela.

      Bien sûr, mon expérience est partielle et je travaille dans une région dépourvue d’identité locale forte. Il n’y a pas chez moi de contentieux historique avec le pouvoir central. Malgré tout, je pense que ce que tu dis mérite d’être nuancé.

      Quant aux partis régionalistes, as-tu eu connaissance d’études montrant qu’elle rencontre un succès particulier auprès de la jeunesse? Après tout, le FN progresse aussi chez les jeunes, or voter pour ce parti, c’est plutôt exprimer un certain attachement à la France (raison pour laquelle j’ai toujours eu une certaine indulgence pour ce vote), non?

      "L’exemple de la loi sur le voile à l’école, dont l’application n’a soulevé finalement que peu de difficultés, le montre avec éloquence."
      Cette loi est loin d’être appliquée de manière satisfaisante. Le voile intégral se porte encore (j’ai été témoin personnellement d’un cas de non-respect de la loi dans ma ville, et j’ai eu connaissance d’autres témoignages qui laissent à penser que le voile intégral est encore porté dans certaines communes de la région parisienne). On peut contester la loi… ou s’en foutre et ne pas la respecter. Je serais très curieux de connaître les résultats d’une étude sérieuse sur l’application de cette loi et sur le "recul" du voile intégral (qui heureusement reste un phénomène assez marginal).

      "Les jeunes d’origine immigrée ont des comportements qui ne sont pas très différents des jeunes français « de souche » du même milieu social."
      Quand les premiers font le choix d’un retour à un certain ascétisme religieux alors que les autres optent plutôt pour le scepticisme et l’hédonisme, j’y vois pour ma part une très grande différence.

      "Je me souviens encore du défilé des élus parisiens au fest-noz de l’Association des Bretons de l’Ile de France…"
      Je suis d’accord, mais cela n’est pas généralisé pour les natifs. Dans les villes de ma région, on compte beaucoup de gens d’origine bretonne, mais il n’y a pas d’ "association des Bretons du Val-de-Loire". En revanche, chaque ville a son association marocaine ou turque. Et dans des petites villes, on peut aussi en trouver. Je suis d’accord avec toi pour dire que le communautarisme gagne les natifs, mais il est bien plus fort chez les immigrés. Et il ne faudrait pas négliger le fait que les immigrés, d’une certaine manière, donnent l’exemple, et que des natifs agissent ensuite par mimétisme. Puisque les Chinois et les Maghrébins ont leurs associations communautaires, qui obtiennent certains avantages et une relative reconnaissance, pourquoi les Bretons et les Occitans n’auraient-ils pas les leurs?

      Je pense que sur cette question complexe, on peut toujours avoir un avis divergent. Je crois que tu vois le verre à moitié plein alors que je le vois à moitié vide. Difficile de trancher. Mais, concernant l’évolution récente, je pense que tu pèches par excès d’optimisme. Allez, tu me réciteras dix Pater Noster 🙂

    • Descartes dit :

      @nationalistejacobin

      [Effectivement, il serait intéressant que des études de 2010 se penchent sur le comportement des immigrés arrivés dans les années 80 et 90, quand la machine à assimilation s’est sérieusement grippée.]

      Oui. Mais c’est difficile dans la mesure où la deuxième génération est encore un peu jeune…

      [« La jeunesse française « de souche » rejette elle aussi l’identité nationale. » Je trouve que tu vas un peu vite en besogne. Ce rejet ne me paraît pas aussi massif et général qu’on le dit.]

      C’est toujours difficile à savoir ce que pensent les jeunes, tout simplement parce que c’est l’âge ou l’on est le plus influencé par le discours médiatique. Les sondages montrent en tout cas que ce sont les jeunes qui – du moins c’est ce qu’ils déclarent – se reconnaissent le moins dans le concept de Nation. Par ailleurs, ce ne sont pas les jeunes qui se sont opposés à la suppression du service militaire, par exemple… Maintenant, savoir ce que les gens pensent vraiment une fois qu’on dégage la pression médiatique avec les choses qu’on peut dire et les choses qu’on ne peut pas dire…

      [D’ailleurs, je crois me souvenir que les moins de 30 ans sont loin d’être la partie de la population la plus européiste.]

      Cela dépend comment la question est posée. Les 60 ans et plus sont « européistes » parce qu’ils ont la mémoire des guerres et adhèrent à l’idée que « l’Europe c’est la paix ».

      [Pour travailler avec des adolescents, je ne perçois pas chez les natifs un quelconque rejet de leur pays. En revanche, une certaine hostilité envers les immigrés est parfois perceptible, surtout dans les campagnes. Les jeunes natifs n’ont pas tant que cela "honte d’être français", surtout quand ils sont issus de milieux plutôt modestes.]

      Franchement, je ne sais pas. Je ne sais pas s’il y a des études sur le sentiment national dans notre jeunesse, et je ne le pense pas, tant le sujet est explosif. J’ai aussi des contacts avec des jeunes et des adolescents, mais dans un milieu qui est très favorable au sentiment national. Je n’ai donc pas d’éléments scientifiques. Si je pense que les jeunes français rejettent l’identité nationale, c’est à partir de l’usage qu’elle fait de symboles. Je ne vois pas dans les mouvements de jeunesse une appropriation des signes et des symboles qui matérialisent l’attachement à la Nation. Je vois au contraire un très fort rejet de cette symbolique. Il est vrai que le discours des institutions n’aide pas.

      L’effet est bien entendu beaucoup plus marqué pour les enfants des classes moyennes. Ceux des classes populaires sont attachés encore à la Nation pour la raison expliquée par Jaurès : « à celui qui n’a plus rien, la Patrie est son seul bien ».

      [En tant que professeur, je le reconnais: j’ai du mal à faire passer un message plus optimiste, à convaincre mes élèves que la France a les moyens de tenir son rang et de rayonner dans l’avenir, ou même à leur dire, tout simplement, que ce pays sera en grande partie ce que eux, futurs citoyens, voudront en faire. Je sens de la résignation et de la mélancolie dans notre jeunesse.]

      Je partage ce sentiment. Lorsque je dis que les jeunes rejettent l’identité nationale, je ne dis pas que ce soit un rejet joyeux. Cela a pu être le cas du temps ou la propagande sur l’idéal européen fonctionnait. Ce n’est plus du tout le cas aujourd’hui. Comme tu le dis, c’est un rejet mélancolique, une sorte de détachement par la force des choses.

      [Bien sûr, mon expérience est partielle et je travaille dans une région dépourvue d’identité locale forte. Il n’y a pas chez moi de contentieux historique avec le pouvoir central. Malgré tout, je pense que ce que tu dis mérite d’être nuancé.]

      Je veux bien admettre une nuance…

      [Quant aux partis régionalistes, as-tu eu connaissance d’études montrant qu’elle rencontre un succès particulier auprès de la jeunesse? Après tout, le FN progresse aussi chez les jeunes, or voter pour ce parti, c’est plutôt exprimer un certain attachement à la France (raison pour laquelle j’ai toujours eu une certaine indulgence pour ce vote), non?]

      La jeunesse, c’est l’âge des extrêmes. Oui, on trouve autant je pense de jeunes dans le régionalisme militant que dans le nationalisme militant. Mais les militants sont toujours une couche minoritaire.

      [« L’exemple de la loi sur le voile à l’école, dont l’application n’a soulevé finalement que peu de difficultés, le montre avec éloquence. » Cette loi est loin d’être appliquée de manière satisfaisante. Le voile intégral se porte encore (…)]

      Je n’ai pas parlé de la loi sur le voile intégral, mais de la loi sur le voile à l’école. Quant à la loi sur le voile intégral, elle est beaucoup plus difficile à appliquer, puisque par définition l’infraction a lieu dans un espace qui n’est pas systématiquement contrôlé. Mais je n’ai pas l’impression que la loi soit si mal appliquée que ça. En tout cas, je n’ai pas vu de voile intégrale depuis plus d’un an, alors qu’avant j’en voyais assez fréquemment.

      [« Les jeunes d’origine immigrée ont des comportements qui ne sont pas très différents des jeunes français « de souche » du même milieu social. » Quand les premiers font le choix d’un retour à un certain ascétisme religieux alors que les autres optent plutôt pour le scepticisme et l’hédonisme, j’y vois pour ma part une très grande différence.]

      Je n’ai pas l’impression que les jeunes « français de souche » des quartiers déshérités fassent le choix du « scepticisme et de l’hédonisme ». C’est là d’ailleurs que se trouve le principal réservoir de conversions à l’Islam…

    • @ Descartes,

      "C’est toujours difficile à savoir ce que pensent les jeunes, tout simplement parce que c’est l’âge ou l’on est le plus influencé par le discours médiatique. Les sondages montrent en tout cas que ce sont les jeunes qui – du moins c’est ce qu’ils déclarent – se reconnaissent le moins dans le concept de Nation."
      Oui, c’est difficile de savoir. Quant aux sondages, il faudrait voir qui précisément est interrogé et comment les questions sont posées. Car si les sondeurs partent avec l’idée que la nation c’est ringard, ils sauront formuler les questions pour obtenir une réponse conforme à leurs attentes…

      "Franchement, je ne sais pas"
      C’est pourtant toi qui affirmais que "la jeunesse française "de souche" rejette aussi l’identité nationale"… Moi non plus, je ne sais pas pour l’ensemble de la jeunesse, mais ce que j’observe me fait penser que la généralisation est très abusive.

      "Je ne vois pas dans les mouvements de jeunesse une appropriation des signes et des symboles qui matérialisent l’attachement à la Nation."
      Reste à savoir ce que les "mouvements de jeunesse" représentent réellement… S’ils sont dominés et dirigés par les enfants des bienpensants, il ne faut pas trop s’étonner du résultat.

      "Mais les militants sont toujours une couche minoritaire."
      Je ne parlais pas de militantisme mais de comportement électoral. Le FN approche les 20 % d’intention de votes chez les jeunes, comme chez les autres. Cela fait donc au minimum un jeune sur cinq qui n’est pas complètement allergique à la défense de l’identité nationale.

      "Je n’ai pas parlé de la loi sur le voile intégral, mais de la loi sur le voile à l’école."
      Autant pour moi, je n’avais pas compris.

      "C’est là d’ailleurs que se trouve le principal réservoir de conversions à l’Islam…"
      Oui, enfin, j’aimerais connaître les chiffres précis des conversions de natifs à l’islam. Le phénomène existe, c’est certain, mais dans quelles proportions? Les jeunes "français de souche" des quartiers déshérités sont sans doute plus nombreux à voter Le Pen qu’à se convertir à l’islam. D’ailleurs, la conversion à l’islam touche aussi des milieux plus aisés, notamment les bienpensants "ouverts au monde" et fascinés par l’exotisme (même si le bouddhisme fait apparemment plus recette).
      La réislamisation des jeunes issus de l’immigration est loin de toucher uniquement les plus pauvres: parmi les musulmans pratiquants et revendiqués, il y a aussi beaucoup de gens économiquement intégrés, diplômés, avec un travail honnête et des revenus confortables. Il y a des musulmans pratiquants chez les cadres, les médecins, dans la fonction publique, dans l’armée… et pas seulement dans les quartiers populaires. J’ai connu des enseignants musulmans pratiquants qui faisaient le ramadan, ne consommaient pas de porc ni d’alcool. Et c’étaient par ailleurs des gens charmants. Mais je considère qu’ils n’étaient pas pleinement acculturés. Même les musulmans intégrés cultivent leur différence.

    • Descartes dit :

      @nationalistejacobin

      [« Franchement, je ne sais pas ». C’est pourtant toi qui affirmais que "la jeunesse française "de souche" rejette aussi l’identité nationale"…]

      Oui. Mais si je me contentais d’affirmer ce que je « sais », alors j’écrirais beaucoup moins. Je t’ai expliqué d’où je tire mon affirmation. Mais comme je l’ai expliqué aucun des éléments que je cite à l’appui de cette affirmation ne me paraît suffisamment solide pour passer du stade de « l’opinion » à celui d’un « savoir »…

      [Moi non plus, je ne sais pas pour l’ensemble de la jeunesse, mais ce que j’observe me fait penser que la généralisation est très abusive.]

      J’accepte ta remarque. Mais mes observations me conduisent à une opinion inverse. Je suis assez choqué par exemple de la manière dont les jeunes rejettent les symboles nationaux – sauf, je dois dire, dans les stades – et de la réaction qu’ils ont aux difficultés (« je me barre » plutôt que « je reste pour reconstruire »). La Nation est après tout un projet collectif. Comment penser que l’idéologie qui pousse les jeunes à ne faire que des projets individuels n’aura pas un effet ?

      [Je ne parlais pas de militantisme mais de comportement électoral. Le FN approche les 20 % d’intention de votes chez les jeunes, comme chez les autres. Cela fait donc au minimum un jeune sur cinq qui n’est pas complètement allergique à la défense de l’identité nationale.]

      Oui, mais il reste les 4/5èmes restants… plus les abstentionnistes !

      [Oui, enfin, j’aimerais connaître les chiffres précis des conversions de natifs à l’islam. Le phénomène existe, c’est certain, mais dans quelles proportions? Les jeunes "français de souche" des quartiers déshérités sont sans doute plus nombreux à voter Le Pen qu’à se convertir à l’islam.]

      Je ne sais pas, je n’ai pas de chiffres. Mais je remarque que lorsqu’un adolescent d’origine chrétienne a des problèmes d’identité qui se traduisent dans une crise mystique, il a plus tendance à se tourner vers un Islam rigoriste (conversion, voile, etc.) qu’à entrer au couvent. Probablement parce que l’Islam leur offre en même temps une discipline et une manière de se révolter contre leurs parents.

      [D’ailleurs, la conversion à l’islam touche aussi des milieux plus aisés, notamment les bienpensants "ouverts au monde" et fascinés par l’exotisme (même si le bouddhisme fait apparemment plus recette).]

      Oui, mais la conversion « rigoriste » est plus rare. Chez les bobos, on préfère les « spiritualités » qui n’imposent pas de contraintes.

      [La réislamisation des jeunes issus de l’immigration est loin de toucher uniquement les plus pauvres: parmi les musulmans pratiquants et revendiqués, il y a aussi beaucoup de gens économiquement intégrés, diplômés, avec un travail honnête et des revenus confortables. Il y a des musulmans pratiquants chez les cadres, les médecins, dans la fonction publique, dans l’armée… et pas seulement dans les quartiers populaires.]

      Honnêtement, je n’en connais pas. J’en connais des « traditionnalistes », qui « pratiquent » au même titre que les chrétiens qui se baptisent leurs enfants, se marient à l’église et vont à la messe à noël. Je travaille dans un milieu d’ingénieurs, et si j’ai des collègues musulmans aucun à ma connaissance ne pratique le jeune du Ramadan. Quant à faire les cinq prières quotidiennes… cela leur paraîtrait ridicule.

      [J’ai connu des enseignants musulmans pratiquants qui faisaient le ramadan, ne consommaient pas de porc ni d’alcool. Et c’étaient par ailleurs des gens charmants. Mais je considère qu’ils n’étaient pas pleinement acculturés. Même les musulmans intégrés cultivent leur différence.]

      Mais est-ce gênant ? Lorsque la « différence » en question est cultivée non pas dans un esprit de séparation mais comme une manière de garder une mémoire, est-ce un problème ? Je pense que tu donnes à l’assimilation un sens beaucoup trop radical. L’assimilation implique se considérer comme membre d’une même collectivité. Cela suppose donc l’abandon des pratiques et coutumes dont le sens est d’établir au contraire une division, de séparer les « communautés ». J’ai des amis juifs qui ne mangent pas de porc. Peut on dire qu’ils ne sont « pas pleinement acculturés » ? Pourtant, leur famille est en France depuis le XVIème siècle, ils ont un ancêtre qui fut maire révolutionnaire, et un autre qui fut colonel dans les armées napoléoniennes, plus une brochette de grands oncles morts en 1914-18 et encore quelques cousins décorés pour faits de résistance. Je pense que porc ou pas porc, on peut les considérer comme « assimilés », non ?

      Je pense que pour juger l’assimilation, il faut regarder les pratiques mais aussi l’esprit dans lesquelles elles sont pratiquées. Le juif français peut ne pas manger de porc et être pourtant parfaitement assimilé. Par contre, on peut se poser la question lorsque ce même juif agresse les autres juifs qui ne mangent pas de porc, en d’autres termes, qu’il met la loi communautaire au dessus de la loi républicaine. Même chose avec le voile : ce qui gêne n’est pas que les femmes portent un fichu sur la tête, c’est que ce fichu se porte non pas par plaisir, non pas par utilité, mais pour marquer une séparation, pour dire « il y a des femmes qui en sont, et des femmes qui n’en sont pas ».

    • @ Descartes,

      "Mais est-ce gênant ?"
      Oui, c’est très gênant. Parce que les populations musulmanes du Maghreb (qui fournissent le gros de la communauté musulmane en France) ont une histoire avec la France, et dans cette histoire, l’islam n’est pas un élément neutre. Je m’explique: l’islam a pour une part servi de socle aux identités nationales du Maroc, de l’Algérie et de la Tunisie, identités conçues en opposition à celle du colonisateur et oppresseur français. Les nationalistes algériens par exemple nous ont expliqué au milieu du XX° siècle que les autochtones d’Algérie n’avaient pas vocation à être français, parce que leur identité, arabe et musulmane, était "incompatible" avec l’assimilation à la nation française. Bref, en tant que musulmans, ils étaient étrangers. Donc, en 1962, c’était "nous ne pouvons pas être français parce que nous sommes arabes et musulmans" et en 2014 on serait passé à "nous sommes français, bien qu’arabe et musulman"? Pour moi, ce changement de discours au gré des circonstances est inacceptable. On ne se définit pas impunément comme "autre" pour venir cinquante ans après pleurnicher qu’on est considéré comme des étrangers. Etrangers, les musulmans d’Afrique du Nord (et cela s’applique aux Subsahariens également) ont voulu l’être. Qu’ils assument.

      « je me barre » plutôt que « je reste pour reconstruire »
      Tu as raison, et je condamne fermement cet individualisme qui méprise tant la grandeur d’une oeuvre collective. Mais je note qu’on pourrait reprocher la même chose à la jeunesse maghrébine et subsaharienne… Qui préfèrent venir ici profiter d’un meilleur niveau de vie que d’aider au développement de son pays (même si certains repartent). En Afrique subsaharienne, la misère est telle qu’elle explique et justifie beaucoup de choses. Mais dans les pays du Maghreb, émigrer est un peu devenu la solution de facilité pour certains.

      "Pourtant, leur famille est en France depuis le XVIème siècle, ils ont un ancêtre qui fut maire révolutionnaire, et un autre qui fut colonel dans les armées napoléoniennes, plus une brochette de grands oncles morts en 1914-18 et encore quelques cousins décorés pour faits de résistance."
      Et alors? N’est-ce pas toi qui, dans une autre discussion, m’a affirmé qu’on pouvait davantage se sentir français en étant fils d’immigré passionné par la lecture d’Hugo qu’en ayant eu un arrière-grand-père à Verdun? Si les Français "de souche" et catholiques n’ont pas à se réclamer des hauts faits de leurs ancêtres, pourquoi les autres y seraient-ils autorisés? Tes amis ne sont pas leurs ancêtres, d’une part, et d’autre part, l’assimilation n’est pas une donnée éternelle et systématiquement héréditaire: le jeune natif qui se convertit à l’islam et se fait appeler "Ali" ou "Mohammed" n’est plus, culturellement parlant, un Français "de souche". Le Corse ou le Breton qui adopte un discours indépendantiste radical, ne veut plus que parler sa langue régionale et voue une haine féroce à l’Etat français, peut-il encore être considéré comme "assimilé"? Les Français de confession juive, et je le regrette, sont parfois tentés par la même attitude. A titre personnel, j’ai été très choqué que les enfants juifs assassinés par Merah soient enterrés en Israël, et non en France. Ce geste est pour moi une marque de dédain vis-à-vis de la France. Si même dans la mort, les Français de différentes confessions ne peuvent plus partager la terre de France comme dernière demeure, où allons-nous!? De même je suis inquiet du fait que de plus en plus de juifs français fassent leur "aliyah" et partent s’installer en Israël. Et je ne puis m’empêcher de me poser la question: à qui va l’allégeance des juifs français aujourd’hui? A la France ou à Israël? Pouvons-nous encore compter sur les Français de confession juive ou bien faut-il se résigner à les voir tous partir progressivement pour Israël?

      "Je pense que porc ou pas porc, on peut les considérer comme « assimilés », non ?"
      Je ne sais pas. Je ne connais pas ces gens, comment ils vivent leur religion au quotidien, et je ne porterai pas de jugement. Mais je serais très curieux de savoir si les "grands ancêtres", en particulier le maire révolutionnaire et le colonel napoléonien, consommaient ou pas du porc… J’ai le sentiment que bien des juifs français sont en train de renier leur assimilation.

      "Je pense que tu donnes à l’assimilation un sens beaucoup trop radical."
      Oui. La France a été, de mon point de vue, beaucoup trop ouverte et tolérante depuis quelques décennies. Par conséquent, une remise en ordre brutale mais salutaire me paraît nécessaire. Je souhaite une pression politique et sociale forte pour contraindre tous les citoyens de ce pays à se sentir français. Et je précise qu’il s’agit autant de redonner une conscience nationale forte aux natifs que d’assimiler les immigrés et leurs descendants. Et l’avis des uns et des autres ne m’intéressent pas. Dans ce cadre, un service militaire ou civique, strictement obligatoire pour les jeunes Français des deux sexes, me paraît on ne peut plus souhaitable. Cela passe aussi par une école qui retrouverait son rôle pour forger le sentiment d’un destin commun, au lieu de se laisser aller au différentialisme (et je sais de quoi je parle…). J’ajoute que l’idée est également, d’une manière ou d’une autre, de pousser au départ ceux qui ne voudraient pas se couler dans le moule…

      "mais pour marquer une séparation"
      Quelle autre signification peut avoir le foulard lorsqu’il est porté aujourd’hui par des jeunes femmes ou des jeunes filles (volontairement ou pas d’ailleurs) nées en France? Et que peut signifier la kippa que certains juifs arborent en toute occasion et non plus seulement lors des événements religieux?

    • Descartes dit :

      @nationalistejacobin

      [Oui, c’est très gênant. Parce que les populations musulmanes du Maghreb (qui fournissent le gros de la communauté musulmane en France) ont une histoire avec la France, et dans cette histoire, l’islam n’est pas un élément neutre (…) Donc, en 1962, c’était "nous ne pouvons pas être français parce que nous sommes arabes et musulmans" et en 2014 on serait passé à "nous sommes français, bien qu’arabe et musulman"?]

      Les temps changent. En 1962, il s’agissait de bâtir un Etat séparé de la France. On mettait donc en avant tout ce qui rendait les algériens « différents » des français. Mais ce n’est pas parce que cette différence a été instrumentalisée qu’elle serait aujourd’hui « gênante ». On peut parfaitement être juif et français. Pourquoi ne pourrait-on pas être musulman et français ? A condition, bien entendu, d’admettre le principe fondamental de la République, qui est celui de la séparation entre la loi civile et la loi religieuse, la première appartenant à la sphère publique, la seconde à la sphère privée. Je t’accorde qu’accepter cette séparation est plus difficile pour un musulman que pour un catholique ou un juif, tout simplement parce que les autres religions ont – de gré ou de force – admis cette séparation au cours de notre histoire, alors que l’Islam nous arrive de pays ou cette séparation n’est pas admise.

      [Pour moi, ce changement de discours au gré des circonstances est inacceptable. On ne se définit pas impunément comme "autre" pour venir cinquante ans après pleurnicher qu’on est considéré comme des étrangers.]

      Mais ceux qui tiennent ces deux discours ne sont pas les mêmes ! On peut difficilement reprocher aux algériens installés en France les paroles prononcés par les militants du FLN en Algérie.

      [Tu as raison, et je condamne fermement cet individualisme qui méprise tant la grandeur d’une oeuvre collective. Mais je note qu’on pourrait reprocher la même chose à la jeunesse maghrébine et subsaharienne…]

      Bien entendu. Il y a tout de même une petite différence : les jeunes français sont citoyens d’une nation qui leur donne toutes sortes d’opportunités, avec un Etat qui s’occupe d’eux. Ce n’est pas tout à fait le cas des jeunes algériens ou ivoiriens…

      [Et alors? N’est-ce pas toi qui, dans une autre discussion, m’a affirmé qu’on pouvait davantage se sentir français en étant fils d’immigré passionné par la lecture d’Hugo qu’en ayant eu un arrière-grand-père à Verdun?]

      Certainement. Mais la question ici n’était pas celle de « se sentir français », mais celle de l’acculturation. Il me semble difficile de considérer qu’une famille qui participe à l’histoire de France depuis le XVIIème siècle ne soit pas « acculturée »…

      [Si les Français "de souche" et catholiques n’ont pas à se réclamer des hauts faits de leurs ancêtres, pourquoi les autres y seraient-ils autorisés?]

      Mais pourquoi les français « de souche et catholiques » seraient-ils empêchés de se réclamer des hauts faits de leurs ancêtres ?

      [Tes amis ne sont pas leurs ancêtres, d’une part, et d’autre part, l’assimilation n’est pas une donnée éternelle et systématiquement héréditaire: le jeune natif qui se convertit à l’islam et se fait appeler "Ali" ou "Mohammed" n’est plus, culturellement parlant, un Français "de souche".]

      Je serai plus nuancé que toi. La culture est aussi une transmission, et en ce sens elle est aussi « héréditaire », même si elle n’est pas incluse dans les gènes. Quant on a un ancêtre qui a combattu avec Napoléon et qu’on vénère cet ancêtre, on s’inscrit dans un héritage. On peut, bien entendu, refuser jusqu’à un certain point un héritage culturel. Mais jusqu’à un certain point seulement. Tu n’as qu’à voir les histoires récentes des jeunes musulmans français qui sont allés courir l’aventure en Syrie. Ils ont fini souvent par être rejetés par les islamistes locaux qui les jugeaient trop indépendants, trop rationnels, « trop français » pour le jihad…

      [Le Corse ou le Breton qui adopte un discours indépendantiste radical, ne veut plus que parler sa langue régionale et voue une haine féroce à l’Etat français, peut-il encore être considéré comme "assimilé"?]

      Non. Mais dans ce cas il s’agit d’une rupture avec un héritage. Une rupture qui, comme je le dis plus haut, n’est jamais complète, tant les années formatrices de l’enfance et de l’adolescence pèsent sur nous. C’est Finkielkraut qui fait ce point intéressant : les jeunes filles qui défendent le voile intégral le font non pas avec un argument religieux (« c’est la volonté de Dieu ») mais avec un argument purement laïque et illuministe, celui de la liberté personnelle. Leur « assimilation » à l’Islam est en fait une fausse assimilation…

      [Les Français de confession juive, et je le regrette, sont parfois tentés par la même attitude. A titre personnel, j’ai été très choqué que les enfants juifs assassinés par Merah soient enterrés en Israël, et non en France.]

      Je partage tout à fait ta réaction, d’autant plus que je suis d’origine juive et que j’y vois une tentative de récupération communautaire du drame. Mais il faut tenir compte du fait que la communauté en question est une communauté ultra-orthodoxe qui vit coupée de la société française. Ils n’ont rien à voir avec l’immense majorité des juifs français, qui pour la plupart enterrent leurs morts en France, et en plus dans des cimetières publics multiconfessionnels.

      [Ce geste est pour moi une marque de dédain vis-à-vis de la France.]

      Même pas. C’est un geste de repli communautaire. Ces gens-là ne se sentent pas partie de la communauté nationale française. Ils ne sont français qu’administrativement.

      [De même je suis inquiet du fait que de plus en plus de juifs français fassent leur "aliyah" et partent s’installer en Israël.]

      Le flux de juifs français allant en Israel est tout de même très faible. Pour une communauté qui dépasse largement le demi-million d’individus, il représente un millier d’individus par an. Et encore, on ne connaît pas – parce que l’Etat d’Israel refuse de fournir des chiffres – le nombre des candidats à « l’aliyah » qui après quelques mois dans la « terre promise » reviennent en courant dans ce beau pays de France.

      [Et je ne puis m’empêcher de me poser la question: à qui va l’allégeance des juifs français aujourd’hui? A la France ou à Israël? Pouvons-nous encore compter sur les Français de confession juive ou bien faut-il se résigner à les voir tous partir progressivement pour Israël?]

      Je peux te rassurer. Pour l’immense majorité des juifs français, Israël ne représente pas grande chose. N’oublie pas que les juifs français sont dans leur grande majorité non pratiquants, et qu’ils se marient majoritairement avec des non-juifs.

      [Je ne sais pas. Je ne connais pas ces gens, comment ils vivent leur religion au quotidien, et je ne porterai pas de jugement. Mais je serais très curieux de savoir si les "grands ancêtres", en particulier le maire révolutionnaire et le colonel napoléonien, consommaient ou pas du porc…]

      Ils ne « vivent la religion au quotidien » parce qu’ils ne pratiquent pas, sauf pour les trois grandes cérémonies que sont la naissance, le mariage et la mort. Ils ne mangent pas de porc par respect pour une tradition ancienne, mais ils ne respectent ni le Shabbat, ni les autres règles alimentaires. Je n’ai pas pensé leur demander si leurs « grands ancêtres » mangeaient ou non du porc… je le ferai la prochaine fois que je les verrai.

      [J’ai le sentiment que bien des juifs français sont en train de renier leur assimilation.]

      Il est certain qu’une partie de la collectivité – la plus rétrograde – a profité de l’ambiance pour monter dans le train du « communautarisme », d’autant plus que l’histoire récente permet facilement de se poser en victime. Mais encore une fois, la grande majorité des juifs français sont hautement assimilés.

      [Oui. La France a été, de mon point de vue, beaucoup trop ouverte et tolérante depuis quelques décennies. Par conséquent, une remise en ordre brutale mais salutaire me paraît nécessaire. Je souhaite une pression politique et sociale forte pour contraindre tous les citoyens de ce pays à se sentir français. Et je précise qu’il s’agit autant de redonner une conscience nationale forte aux natifs que d’assimiler les immigrés et leurs descendants.]

      On en a discuté plusieurs fois, et tu sais que je suis en grande partie d’accord avec toi. La question est : comment on crée cette « pression politique et sociale forte » ? Car il ne s’agit pas de taper sur les gens avec un gros bâton. L’assimilation fonctionne lorsque la récompense – le fait d’appartenir à une collectivité nationale solidaire – compense le coût. Faire repartir l’assimilation implique rétablir le pacte républicain, celui qui permettait aux jeunes immigrés et français « de souche » d’accéder aux responsabilités « sans autre limite que leurs vertus et leurs talents ». Et pour cela, malheureusement, il faut exterminer les classes moyennes…

      [Dans ce cadre, un service militaire ou civique, strictement obligatoire pour les jeunes Français des deux sexes, me paraît on ne peut plus souhaitable. Cela passe aussi par une école qui retrouverait son rôle pour forger le sentiment d’un destin commun, au lieu de se laisser aller au différentialisme (et je sais de quoi je parle…). J’ajoute que l’idée est également, d’une manière ou d’une autre, de pousser au départ ceux qui ne voudraient pas se couler dans le moule…]

      Tout à fait d’accord, à une condition : que la récompense pour ceux qui « se coulent dans le moule » soit à proportion de l’effort qui leur est demandé. Voilà tout le problème.

      [Quelle autre signification peut avoir le foulard lorsqu’il est porté aujourd’hui par des jeunes femmes ou des jeunes filles (volontairement ou pas d’ailleurs) nées en France? Et que peut signifier la kippa que certains juifs arborent en toute occasion et non plus seulement lors des événements religieux?]

      Je te rappelle que j’ai soutenu sur ce blog les lois sur les signes religieux ostentatoires…

    • @ Descartes,

      "Les temps changent." "Mais ceux qui tiennent ces deux discours ne sont pas les mêmes !"
      J’avoue que j’ai beaucoup de mal avec ce type d’argument. C’est fou comme "les temps changent" quand c’est en faveur des pauvres descendants de colonisés. En 1962, "les temps changeaient" donc les Arabes euphoriques ont flanqué les Européens dehors, maintenant les temps ayant à nouveau changé (on ne sait pas trop pourquoi), les Français doivent faire de la place aux descendants des mêmes Arabes qui, réflexion faite, se voient bien faire leur vie chez l’ancien oppresseur. J’en déduis que, quand "les temps changent", il vaut mieux être Arabe…
      L’argument sur "les temps qui changent" est aussi invoqué par ceux qui, par exemple, rêvent d’ "assouplir" la loi de séparation des Eglises et de l’Etat. Cela paraît souvent rétrograde et réactionnaire, mais je pense qu’il y a d’excellentes raisons pour défendre ce qui est, et se méfier de certains "changements" amenés par le temps.

      Plus généralement, la construction d’une nation est un projet collectif à long terme. C’est vrai pour la France comme pour l’Algérie ou la Côte d’Ivoire. L’idée de nation suppose que les générations nouvelles se sentent un tant soit peu engagées par les décisions des générations précédentes. Les Français de 2014 sont toujours engagés par la Constitution de 1958 ou le Traité de Maastricht de 1992. A titre personnel, je n’ai pas voté ces deux textes (n’étant pas né ou étant trop jeune) lors des référendums, et je ne suis pas sûr que j’aurais voté "oui". Pourtant, en tant que citoyen français, je me sens quand même engagé par les décisions prises à ces deux dates par la nation à laquelle j’appartiens. Il est un peu facile, je trouve, de s’asseoir sur les volontés des générations précédentes pour s’en aller faire le potin ailleurs, chez l’ancien colonisateur en l’occurrence, au motif que l’herbe est plus verte chez lui. Il y a un petit côté "les rats quittent le navire".

      "Mais pourquoi les français « de souche et catholiques » seraient-ils empêchés de se réclamer des hauts faits de leurs ancêtres ?"
      Ils n’en sont pas empêchés à proprement parler, mais ça n’est pas très bien vu ces temps-ci. J’ai plus souvent entendu des personnalités (politiques, médiatiques, artistiques) se vanter d’avoir un ancêtre immigré que d’avoir un grand-père ayant fait Verdun. Je ferai néanmoins une exception pour la Résistance: alors là, avoir un ancêtre résistant, c’est l’idéal. Parfois, j’ai l’impression que presque tout le monde a un grand-père ou un grand-oncle résistant. Etonnant, quand on connaît le nombre de (vrais) résistants…

      "Le flux de juifs français allant en Israel est tout de même très faible […] il représente un millier d’individus par an"
      3280 personnes pour l’année 2013. Cela reste faible, mais c’est en constante augmentation, au sein d’une communauté qui, du fait de sa natalité très modérée, a déjà tendance à s’étioler.
      Et malheureusement, le mouvement semble s’accélérer en 2014 (même si le titre de l’article est très excessif, je te l’accorde):

      http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2014/03/31/01016-20140331ARTFIG00169-les-juifs-de-france-emigrent-en-masse-vers-israel.php

      Après, je suis d’accord avec toi sur un point: on aimerait bien connaître le nombre de retours (le directeur de l’Agence juive reste plutôt évasif sur la question et se contente d’un conditionnel)… Il reste tout de même problématique qu’on autorise un Etat étranger à "débaucher" (je ne trouve pas d’autres termes) des citoyens français! Même si certains juifs reviennent ensuite en France, le simple fait qu’ils aient songé à partir définitivement en dit long, je trouve, sur leur attachement à notre pays.

      "que la récompense pour ceux qui « se coulent dans le moule » soit à proportion de l’effort qui leur est demandé. Voilà tout le problème."
      Oui. Car il faudrait mettre en place des formes de discriminations pour favoriser ceux qui se coulent dans le moule au détriment des autres. J’entends déjà les bienpensants hurler…

      "Je te rappelle que j’ai soutenu sur ce blog les lois sur les signes religieux ostentatoires…"
      Je n’ai jamais mis en doute ton attachement à la laïcité et au confinement de la religion à la sphère privée.

    • Descartes dit :

      @ nationalistejacobin

      ["Les temps changent." "Mais ceux qui tiennent ces deux discours ne sont pas les mêmes !"
      J’avoue que j’ai beaucoup de mal avec ce type d’argument. C’est fou comme "les temps changent" quand c’est en faveur des pauvres descendants de colonisés. En 1962, "les temps changeaient" donc les Arabes euphoriques ont flanqué les Européens dehors, maintenant les temps ayant à nouveau changé (on ne sait pas trop pourquoi), les Français doivent faire de la place aux descendants des mêmes Arabes qui, réflexion faite, se voient bien faire leur vie chez l’ancien oppresseur.]

      Ce ne sont pas les mêmes « Arabes ». Je n’imagine pas que tu puisses être partisan de la malédiction biblique qui fait tomber les pêchés des pères sur les fils, et cela jusqu’à la cinquième génération… En 1962, une génération a cru que la colonisation était le problème, et qu’une fois le colonisateur parti les anciennes colonies deviendraient des paradis sur terre ou, pour les plus réalistes, un pays où il ferait bon vivre. C’est une erreur qui d’ailleurs n’était pas seulement celle d’une génération d’Arabes : en France aussi les « tiers-mondistes » partageaient ces idées.

      Tu te demandes pourquoi « les temps ont changé ». Et bien, ils ont changé parce qu’il y a eu l’expérience. Trente ans plus tard, pas une seule des anciennes colonies n’a réussi à sortir de son sous-développement. Même si les anciens « tiers-mondistes » n’ont toujours pas – sauf rares et honorables exceptions – fait un retour autocritique sur leurs anciennes idées, on a quand même compris que la pauvreté dans les colonies n’était pas tant le fait du méchant colonisateur que du poids d’habitudes culturelles et économiques qui rendent difficile la construction d’une économie avancée. « Réflexion faite », beaucoup d’anciens colonisés découvrent que finalement les colonisateurs savent organiser une société bien mieux que leurs propres concitoyens…

      [J’en déduis que, quand "les temps changent", il vaut mieux être Arabe…]

      N’exagérons rien… la vie de l’Arabe en Algérie n’est pas une fête, et celle de l’algérien l’immigré en France n’est pas non plus un lit de roses. Simplement, nous avons à faire face aux conséquences de l’effondrement idéologique du « tiers-mondisme » sous les coups de la réalité. Et comme toute idéologie qui s’effondre, elle laisse des décombres assez toxiques, en particulier cette sorte de « culpabilité » implicite qui nous obligerait à payer nos péchés d’antan.

      [L’argument sur "les temps qui changent" est aussi invoqué par ceux qui, par exemple, rêvent d’ "assouplir" la loi de séparation des Eglises et de l’Etat. Cela paraît souvent rétrograde et réactionnaire, mais je pense qu’il y a d’excellentes raisons pour défendre ce qui est, et se méfier de certains "changements" amenés par le temps.]

      Je suis d’accord avec toi. Ce n’est pas parce que c’est nouveau que c’est bon. Mais je n’ai pas dit « les temps changent » dans ce sens. Ce que je voulais dire, c’est que le temps a passé, et que les algériens qui arrivent aujourd’hui à Orly avec l’espoir de s’installer en France ne sont pas les mêmes qui en 1962 ont poussé les européens à la mer. On ne peut pas reprocher aux enfants les pêchés de leurs parents…

      [Plus généralement, la construction d’une nation est un projet collectif à long terme. C’est vrai pour la France comme pour l’Algérie ou la Côte d’Ivoire. L’idée de nation suppose que les générations nouvelles se sentent un tant soit peu engagées par les décisions des générations précédentes. Les Français de 2014 sont toujours engagés par la Constitution de 1958 ou le Traité de Maastricht de 1992. A titre personnel, je n’ai pas voté ces deux textes (n’étant pas né ou étant trop jeune) lors des référendums, et je ne suis pas sûr que j’aurais voté "oui". Pourtant, en tant que citoyen français, je me sens quand même engagé par les décisions prises à ces deux dates par la nation à laquelle j’appartiens. Il est un peu facile, je trouve, de s’asseoir sur les volontés des générations précédentes pour s’en aller faire le potin ailleurs, chez l’ancien colonisateur en l’occurrence, au motif que l’herbe est plus verte chez lui. Il y a un petit côté "les rats quittent le navire".]

      Bien entendu, je suis d’accord avec cette position. Mais je pense qu’il faut faire ici la différence subtile entre les différentes natures de responsabilité. La responsabilité individuelle est par essence personnelle. Je ne suis pas personnellement responsable que des crimes que j’ai commis – ou laissé commettre – moi-même. Le jeune allemand d’aujourd’hui n’a pas à assumer personnellement la responsabilité pour la Shoah. Il serait injuste de le punir ou de le culpabiliser pour des actes accomplis avant sa naissance. Par contre, en tant qu’allemand, héritier des grandeurs et des misères de l’Allemagne, il assume une responsabilité qu’on peut qualifier d’historique. La nuance entre ces deux types de responsabilité est très délicate et les débats ne sont pas clos sur l’étendue de l’une et de l’autre. Personnellement, je soutiens que la responsabilité historique ne donne pas naissance à un droit à réparation autre que symbolique, mais les avis sont partagés.

      Pour ce qui concerne la construction d’une nation, l’émigration massive dans certaines anciennes colonies pose la question de l’existence même d’une nation. Il ne faut pas oublier que la nation est une création européenne du XVIIème siècle, et que la décolonisation a largement emprunté dans cette idéologie ses propres références. Mais il y a dans cette opération un côté artificiel. On a cherché à faire des « nations » là où le lent processus de constitution des nations n’avait pas eu lieu. Les ivoiriens se sentent-ils membres d’une « nation » ?

      [Ils n’en sont pas empêchés à proprement parler, mais ça n’est pas très bien vu ces temps-ci. J’ai plus souvent entendu des personnalités (politiques, médiatiques, artistiques) se vanter d’avoir un ancêtre immigré que d’avoir un grand-père ayant fait Verdun. Je ferai néanmoins une exception pour la Résistance: alors là, avoir un ancêtre résistant, c’est l’idéal. Parfois, j’ai l’impression que presque tout le monde a un grand-père ou un grand-oncle résistant. Etonnant, quand on connaît le nombre de (vrais) résistants…]

      Je t’accorde que la théologie « diversitaire » a fait beaucoup de mal. Paraphrasant mon grand-père, je dirais qu’avoir un ancêtre immigré n’est pas une honte, mais pas non plus de quoi être fier. J’ai été très choqué de voir dans les écoles des cartes avec les photos des enfants avec la formule « je viens de tel endroit, et j’en suis fier ». Il n’y a aucune « fierté » particulière à avoir par le simple fait de « venir » de tel ou tel endroit. Notre naissance est un hasard. On peut être fier d’appartenir à une histoire qu’on contribue à faire. Mais l’immigré qui s’installe « fait » l’histoire du pays d’accueil, et non celle du pays d’origine.

      [3280 personnes pour l’année 2013. Cela reste faible, mais c’est en constante augmentation, au sein d’une communauté qui, du fait de sa natalité très modérée, a déjà tendance à s’étioler.]

      Non. La natalité de la communauté juive – et particulièrement des juifs pratiquants – n’a rien de « modérée ». Deux enfants c’est le minimum, et les familles de quatre enfants sont encore courantes. Mais là n’est pas la question. A 3000 individus par an pour une collectivité qui dépasse le demi-million, cela reste faible. Sans compter sur ceux qui après quelques mois de contact avec la société israélienne reviennent en France, phénomène qui est lui aussi loin d’être négligeable.

      [Il reste tout de même problématique qu’on autorise un Etat étranger à "débaucher" (je ne trouve pas d’autres termes) des citoyens français! Même si certains juifs reviennent ensuite en France, le simple fait qu’ils aient songé à partir définitivement en dit long, je trouve, sur leur attachement à notre pays.]

      Si la France était moins « coulante » sur les doubles nationalités, le problème serait résolu. Pour le reste, je pense qu’on ne peut pas tirer à partir de quelques milliers d’individus des conclusions sur l’attachement à notre pays d’une collectivité de plus d’un demi million d’individus.

    • @ Descartes,

      "Ce ne sont pas les mêmes « Arabes ». Je n’imagine pas que tu puisses être partisan de la malédiction biblique qui fait tomber les pêchés des pères sur les fils, et cela jusqu’à la cinquième génération…"
      En effet, et je te rappelle que je suis chrétien: pour moi, Dieu pardonne… Le problème demeure que beaucoup de ces jeunes Maghrébins sont binationaux, et qu’ils continuent éventuellement de se réclamer (même si c’est symbolique ou seulement provocateur) d’un Etat, l’Algérie, qui n’a pas tellement modifié son discours officiel sur les événements de 1962. Alors que j’ai le sentiment de vivre dans une France qui a fait un retour critique sur sa politique coloniale. Un peu excessif parfois, d’ailleurs.

      "« Réflexion faite », beaucoup d’anciens colonisés découvrent que finalement les colonisateurs savent organiser une société bien mieux que leurs propres concitoyens…"
      Possible. Le problème est qu’on imagine difficilement un retour en arrière, c’est-à-dire les Algériens rappelant la France en Algérie. Conclusion: la seule échappatoire pour les Algériens est d’émigrer vers la France. Or nous sommes quelques uns à ne pas être très favorables à ce flux migratoire, comme on dit. Donc, d’une certaine manière, c’est à la France de payer l’échec de ses anciennes colonies en accueillant, en logeant, en fournissant emplois et prestations sociales aux descendants des colonisés. Or cela est payé par les Français d’aujourd’hui… qui se retrouvent de fait à régler la "dette morale" de leurs ancêtres colonisateurs. Tu parlais de la non-hérédité des péchés, je crois? Mais quand bien même, est-ce scandaleux d’attendre un peu de gratitude des immigrés?

      "et celle de l’algérien l’immigré en France n’est pas non plus un lit de roses"
      Il est vrai que la France est un pays raciste et xénophobe, c’est notoire comme l’affirment les officines antiracistes et BHL. Mais apparemment, l’Algérien préfère être immigré ici, rejeté et méprisé que glorieux citoyen algérien de l’autre côté de la Méditerranée. J’en déduis que la vie en France a du bon. Tu ne m’arracheras pas une larme sur le sort des "pauvres" immigrés algériens. Le monde est vaste: qu’ils aillent donc tenter leur chance ailleurs…

      "J’ai été très choqué de voir dans les écoles des cartes avec les photos des enfants avec la formule « je viens de tel endroit, et j’en suis fier »."
      Il me semble avoir entendu Finkielkraut évoquer la même anecdote et s’en indigner également. Je partage ton point. Car si on suit cette logique, certains finiront par se dire fier d’être blanc, "de souche", voire aryen… On sait où cela mène. Par ailleurs, si "je viens de tel endroit", c’est que je n’y suis plus. Il serait peut-être plus judicieux de se demander: "pourquoi suis-je (moi ou mes parents) venu ici? Pour chercher quoi?".

      "Mais l’immigré qui s’installe « fait » l’histoire du pays d’accueil, et non celle du pays d’origine."
      S’il en a envie… S’il préfère se replier sur sa communauté, sa religion, ses traditions, les choses deviennent un peu différentes. Tu parlais des juifs orthodoxes (immigrés ou pas d’ailleurs), c’est un bon exemple: ils ne sont français qu’administrativement.

      "La natalité de la communauté juive – et particulièrement des juifs pratiquants – n’a rien de « modérée »"
      Mais les juifs pratiquants sont minoritaires. Pour les autres, il me semblait avoir lu qu’on était dans la moyenne nationale: 1,8 à 1,9 enfant par femme. Par ailleurs (puisque tu sembles connaître la question, excuse ma curiosité), que recouvre exactement la "communauté juive"? Comptabilise-t-on uniquement les juifs nés de deux parents juifs ou bien les gens issus d’au moins un parent juif? Je ne veux pas être indiscret, mais tu as écrit être "d’origine juive". Es-tu alors considéré comme membre de la "communauté juive"? Et qui décide ceux qui en font partie ou pas? D’autant que si la plupart des juifs ne pratiquent pas, alors compter les gens qui sortent des synagogues paraît insuffisant…

      Le point central de notre irréductible désaccord se trouve je pense dans la confiance que nous accordons respectivement à l’idéologie universaliste et laïque de la République. Je trouve que tu mets une confiance excessive dans cette idéologie qui, défendue correctement, serait, selon toi, à même d’assimiler n’importe quelle population, indépendamment de son effectif ou de sa culture d’origine. Pour toi, la machine est grippée, mais on peut la relancer avec de la volonté (du coup je comprends mieux ton indulgence pour Sarkozy qui avait ce côté volontariste, sur d’autres sujets du moins). Tu sais que ce sera difficile, mais tu penses que c’est possible. Clairement, je ne partage pas ton optimisme. Je reconnais que la machine est grippée, mais même si elle ne l’était pas, je crois qu’elle exploserait. Je pense que l’universalisme républicain a été suffisamment fort pour unifier la France avec sa diversité régionale et ses divisions séculaires, puis pour assimiler les immigrés originaires d’autres pays d’Europe. Mais je crois (peut-être à tort) qu’avec les vagues d’immigration du Maghreb et de l’Afrique subsaharienne, avec l’affirmation d’un "identitarisme" musulman plutôt anti-occidental (et pas qu’en France, cela concerne d’autres pays d’Europe et le monde musulman lui-même), cet universalisme a montré ses limites. Bien sûr, la France de 1789 était hétérogène, mais il y avait tout de même des points communs: un fond culturel marqué par la romanité et le christianisme, une structure sociale qui, malgré les nuances régionales, se retrouvait un peu partout (les trois ordres), de longs siècles déjà passés ensemble sous la domination des rois. Je suis attaché à la République, qui a fait de grandes et belles choses, mais, quelque part, j’ai le sentiment que la République ne suffit pas à faire la France. La France, pour moi, c’est bien plus que la République. Et je pense que l’universalisme républicain devient inopérant pour gérer une société trop "mondialisée", multiethnique et multiconfessionnelle. Je constate au demeurant que gérer ce type de société devient problématique pour de nombreux pays, y compris ceux qui optent pour le modèle communautariste. Voilà je crois où se situe notre principal désaccord.

    • Descartes dit :

      @ nationalistejacobin

      [Le problème demeure que beaucoup de ces jeunes Maghrébins sont binationaux, et qu’ils continuent éventuellement de se réclamer (même si c’est symbolique ou seulement provocateur) d’un Etat, l’Algérie, qui n’a pas tellement modifié son discours officiel sur les événements de 1962. Alors que j’ai le sentiment de vivre dans une France qui a fait un retour critique sur sa politique coloniale. Un peu excessif parfois, d’ailleurs.]

      Je partage. J’ai toujours été contre la double nationalité. Le passeport n’est pas un simple papier administratif. Ce n’est pas une carte de fidélité à un magasin, dont on peut en avoir plusieurs pour cumuler les avantages. La nationalité implique un contrat, une adhésion. Et on ne peut pas vendre le même objet à plusieurs clients. A un certain moment, il faut exiger des gens qu’ils fassent des choix.

      Pour ce qui concerne le « retour critique », je crains que tu t’avances beaucoup. Un « retour critique » implique qu’on puisse analyser et décrire la période d’un point de vue neutre, avec ses grandeurs et ses misères, ses crimes et ses réalisations. On n’en est pas là. Si « retour » il y a, c’est un retour qu’on pourrait plus qualifier de « moralisateur » que de « critique ». On en est toujours à désigner des bons et des méchants, sauf que les bons d’aujourd’hui ne sont pas ceux de la veille. On n’a fait que changer de manichéisme.

      [Possible. Le problème est qu’on imagine difficilement un retour en arrière, c’est-à-dire les Algériens rappelant la France en Algérie.]

      Oui et non. Bien entendu, on n’imagine pas un retour de l’Etat français en Algérie. Mais l’idée que l’Algérie pourrait attirer des ingénieurs ou des hauts fonctionnaires français pour réorganiser son industrie et son administration, des entrepreneurs français pour apporter du capital mais aussi des modes d’organisation, n’est pas aussi théorique qu’on le croit.

      [Conclusion: la seule échappatoire pour les Algériens est d’émigrer vers la France. Or nous sommes quelques uns à ne pas être très favorables à ce flux migratoire, comme on dit. Donc, d’une certaine manière, c’est à la France de payer l’échec de ses anciennes colonies en accueillant, en logeant, en fournissant emplois et prestations sociales aux descendants des colonisés.]

      Non. On n’est pas obligés de les accepter. J’ai toujours été contre l’idée de « réparation historique ». La France n’a aucune « dette » du fait de son passé colonial. Elle a le choix de ses politiques. Elle peut bien entendu garder un intérêt pour des peuples avec lesquels nous avons partagé une partie de notre histoire. Elle peut, du fait de cet intérêt, accorder des aides ou accueillir sur son territoire des gens venant de ces pays. Mais si elle le fait, c’est par une décision libre et souveraine. Pas au nom d’on ne sait quelle « dette ».

      [Mais quand bien même, est-ce scandaleux d’attendre un peu de gratitude des immigrés?]

      Non seulement ce n’est pas scandaleux, mais c’est à mon sens indispensable. Le citoyen de nos anciennes colonies n’a aucun droit acquis à venir chez nous. Cette idée de « dette » qui donnerait des « droits » est une bombe à retardement.

      [« et celle de l’algérien l’immigré en France n’est pas non plus un lit de roses ». Il est vrai que la France est un pays raciste et xénophobe, c’est notoire comme l’affirment les officines antiracistes et BHL.]

      Pas plus que les autres. Mais même s’il n’est pas particulièrement « raciste est xénophobe », c’est un pays qui, malgré les vents « diversitaires » qui soufflent ces derniers temps, exige encore de ses immigrés des efforts que d’autres pays n’exigent pas. Un immigrant indien à Londres peut vivre au sein de sa collectivité comme s’il vivait à Bombay. En France, c’est beaucoup plus difficile. Notamment parce que les institutions et notamment l’école n’acceptent que très difficilement des « arrangements ».

      [Tu ne m’arracheras pas une larme sur le sort des "pauvres" immigrés algériens. Le monde est vaste: qu’ils aillent donc tenter leur chance ailleurs…]

      Je ne prétend pas t’arracher des larmes. Simplement te faire prendre conscience que l’immigration n’est pas une fête. Qu’elle implique pour l’immigré des coûts, des risques et des efforts. Il est clair que ceux-ci sont inférieurs ou du moins plus rentables que ceux qu’il faut accepter pour vivre dans le pays d’origine, autrement les gens ne viendraient pas.

      [Car si on suit cette logique, certains finiront par se dire fier d’être blanc, "de souche", voire aryen… On sait où cela mène.]

      D’une façon générale, je trouve un peu ridicule d’être « fier » de ce sur quoi on n’a eu et on n’a aucun contrôle. C’est un peu comme être « fier » d’avoir dix doigts. Après tout, tout le monde vient de quelque part. Au nom de quoi devrait-on être « fier » d’être né à tel endroit plutôt qu’à un autre ?

      [Par ailleurs, si "je viens de tel endroit", c’est que je n’y suis plus. Il serait peut-être plus judicieux de se demander: "pourquoi suis-je (moi ou mes parents) venu ici? Pour chercher quoi?".]

      Bonne remarque !!!

      [« Mais l’immigré qui s’installe « fait » l’histoire du pays d’accueil, et non celle du pays d’origine. » S’il en a envie… S’il préfère se replier sur sa communauté, sa religion, ses traditions, les choses deviennent un peu différentes.]

      Effectivement. Dans ce cas, il sort de l’Histoire. Mais il ne fait pas l’histoire de son pays d’origine pour autant.

      [Tu parlais des juifs orthodoxes (immigrés ou pas d’ailleurs), c’est un bon exemple: ils ne sont français qu’administrativement.]

      Oui. Mais il sont sortis de l’Histoire. Ils forment une communauté qui est restée arrêtée dans le temps – elle s’habille encore comme on s’habillait en Pologne au XVIIIème siècle, par exemple – et isolée dans l’espace. C’est d’une certaine manière un refus du monde, un érémitisme collectif.

      [Mais les juifs pratiquants sont minoritaires. Pour les autres, il me semblait avoir lu qu’on était dans la moyenne nationale: 1,8 à 1,9 enfant par femme. Par ailleurs (puisque tu sembles connaître la question, excuse ma curiosité), que recouvre exactement la "communauté juive"? Comptabilise-t-on uniquement les juifs nés de deux parents juifs ou bien les gens issus d’au moins un parent juif? Je ne veux pas être indiscret, mais tu as écrit être "d’origine juive". Es-tu alors considéré comme membre de la "communauté juive"? Et qui décide ceux qui en font partie ou pas? D’autant que si la plupart des juifs ne pratiquent pas, alors compter les gens qui sortent des synagogues paraît insuffisant…]

      La Halakah – c’est à dire, la loi traditionnelle – dit que « est juif le fils d’un juive ». La « judéité » se transmet donc en principe par ligne matrilinéaire. Mais en pratique, tu poses une question extraordinairement compliquée. Tellement compliquée que même des personnalités de haut niveau s’y sont cassées les dents. Aux débuts de l’Etat d’Israel, l’un des problèmes qui s’est rapidement posé a été la définition des critères qui permettaient de qualifier quelqu’un de « juif ». C’était particulièrement important parce que le simple fait d’être ainsi qualifié donnait droit non seulement au passeport israélien, mais aussi à toutes sortes d’aides et de subventions. David Ben Gurion avait confié à une douzaine de personnalités du monde juif le soin d’écrire chacun un rapport sur la question, rapport qui devaient servir à écrire une loi. Le processus n’a jamais abouti. Les sages ne sont pas parvenu à se mettre d’accord, et Ben Gurion s’est rendu compte que trancher entre les différentes visions était le premier pas d’une guerre civile entre ceux qui voulaient s’en tenir à une vision strictement religieuse mais du coup très restrictive et ceux qui au contraire voulaient des critères souples pour prendre en compte l’extraordinaire diversité de la diaspora juive. Depuis, l’Etat d’Israel fonctionne sur une base pragmatique. Ceux qui sont considérés « juifs » par une autorité religieuse – qu’elle soit « orthodoxe » ou « libérale » – reconnue par le consistoire du pays en question est accepté comme tel par l’Etat. Mais l’Etat reconnaît aussi ceux qu’une autorité communautaire locale reconnaît comme juifs même s’ils n’ont jamais pratiqué. Certains produisent aussi des documents prouvant que leurs ancêtres ont eux-mêmes pratiqué… pour résumer, il règne sur la question un flou artistique dont personne ne sait comment on pourrait en sortir.

      Lorsque j’écris que je suis « d’origine juive », j’utilise cette expression pour indiquer clairement que je ne suis pas pratiquant. Mais je me considère personnellement comme « juif » au sens de l’héritage culturel et intellectuel du judaïsme laïque. Il y a un héritage culturel, une manière d’appréhender le monde qui est pour moi irréductiblement juive, et présente chez les juifs les plus assimilés de la même manière que l’héritage catholique ou protestant laisse des traces chez les français de cette tradition. Quant à savoir si « je suis considéré comme membre de la « communauté juive » »… la question est assez mal posée. Je suis reconnu comme membre de « ma » communauté juive, c’est à dire, des gens qui ont connu mes parents et mes grands parents, qui n’étaient eux mêmes pas pratiquants, qui étaient militants communistes et qui animaient le journal communiste en langue Yddish destiné aux immigrants juifs d’Europe centrale et la mutuelle des commerçants du quartier, dont beaucoup étaient juifs. Mais je ne sais pas si je serais reconnu par « la » communauté, à supposer qu’une telle communauté unifiée existe.

      [Le point central de notre irréductible désaccord se trouve je pense dans la confiance que nous accordons respectivement à l’idéologie universaliste et laïque de la République. Je trouve que tu mets une confiance excessive dans cette idéologie qui, défendue correctement, serait, selon toi, à même d’assimiler n’importe quelle population, indépendamment de son effectif ou de sa culture d’origine.]

      Oui, enfin, à condition que la base matérielle de l’assimilation soit aussi présente. Je ne crois pas à la force des idées par elles mêmes. Que veux tu, j’ai eu une formation matérialiste et on ne se refait pas…

      [Pour toi, la machine est grippée, mais on peut la relancer avec de la volonté (du coup je comprends mieux ton indulgence pour Sarkozy qui avait ce côté volontariste, sur d’autres sujets du moins). Tu sais que ce sera difficile, mais tu penses que c’est possible.]

      Oui. Et je pense d’ailleurs que la base idéologique et matérielle qui permet l’assimilation des étrangers est la même que fonde le pacte qui nous lie comme nation. Lorsqu’elle s’affaiblit, ce n’est pas seulement l’assimilation qui s’étiole, c’est le pacte républicain tout entier. Remettre la machine en marche n’est pas seulement une question d’assimilation, mais une question de notre survie comme nation.

      [Clairement, je ne partage pas ton optimisme. Je reconnais que la machine est grippée, mais même si elle ne l’était pas, je crois qu’elle exploserait. Je pense que l’universalisme républicain a été suffisamment fort pour unifier la France avec sa diversité régionale et ses divisions séculaires, puis pour assimiler les immigrés originaires d’autres pays d’Europe. Mais je crois (peut-être à tort) qu’avec les vagues d’immigration du Maghreb et de l’Afrique subsaharienne, avec l’affirmation d’un "identitarisme" musulman plutôt anti-occidental (et pas qu’en France, cela concerne d’autres pays d’Europe et le monde musulman lui-même), cet universalisme a montré ses limites.]

      Effectivement, c’est une différence fondamentale entre nous. Pour moi, « l’identitarisme » dont tu parles n’est pas un obstacle mais un symptôme. C’est la réponse que les immigrés s’inventent – avec l’aide de nos gentilles classes moyennes – pour remplir le vide laissé par le retrait de l’universalisme républicain et surtout, j’insiste lourdement, de sa base matérielle. Parce que tout ça n’arrive pas par hasard. Non seulement l’universalisme est cher pour les classes moyennes, mais en plus il menace leurs positions. J’ai donné dix fois ici l’exemple avec l’école : pour donner à tous une éducation de qualité, il faut des sous. Et en plus, cette école donnerait aux enfants d’origine modeste – qu’ils soient d’origine immigrée ou « de souche » d’ailleurs – les moyens de concurrencer les enfants des couches moyennes. Or, les classes moyennes n’ont pas envie de payer des impôts, et encore moins si ceux-ci servent à former des concurrents. C’est pour cela qu’on a systématiquement chassé l’universalisme pour le remplacer par les idéologies communautaristes ou « diversitaires » qui permettent de confiner chacun à sa place dans une société socialement immobile. Et ce faisant, on a laissé un vide que remplit chez les immigrés « l’identitarisme » ou l’islamisme, et chez les ouvriers bien français le Front National.

      [Bien sûr, la France de 1789 était hétérogène, mais il y avait tout de même des points communs: un fond culturel marqué par la romanité et le christianisme, une structure sociale qui, malgré les nuances régionales, se retrouvait un peu partout (les trois ordres), de longs siècles déjà passés ensemble sous la domination des rois.]

      Oui et non. En 1789 il y avait tout de même les protestants, avec dans certaines régions un équilibre précaire et des rancunes tenaces sans compter le souvenir d’affrontements violents, et les juifs qui vivaient séparés de la population et dans un climat de persécutions cycliques. La République puis l’Empire n’a eu aucune difficulté à les intégrer. Les collectivités juives ont accepté sans difficulté le refus de la République de les intégrer comme communauté en échange de l’offre de les intégrer comme individus. Même chose pour les protestants.

      [Je suis attaché à la République, qui a fait de grandes et belles choses, mais, quelque part, j’ai le sentiment que la République ne suffit pas à faire la France. La France, pour moi, c’est bien plus que la République. Et je pense que l’universalisme républicain devient inopérant pour gérer une société trop "mondialisée", multiethnique et multiconfessionnelle.]

      Bien entendu, la France ne se réduit pas à la République, et la République elle même l’a toujours vu ainsi, puisqu’elle s’estime l’héritière et continuatrice d’une construction bien plus ancienne. Les vrais républicains n’ont jamais cru que l’histoire commençait en 1789, au contraire. Ils ont cherché à enraciner l’expérience républicaine en établissant une continuité – quelquefois très artificielle quand elle n’est pas carrément fictive – avec une histoire qui commence dans l’antiquité. La République a cherché ses origines chez Vercingétorix, César, Clovis, Charlemagne, Philippe Auguste, François Ier, Henri IV, Louis XIII et Richelieu, Louis XIV. Elle a conservé pieusement leurs symboles et leurs palais. On parlait aux petits écoliers de Colbert – qui n’était jamais aussi content que lorsqu’il avait beaucoup de travail – autant que de Danton.

      La France ne se réduit pas à la République, mais la République sublime la France. L’universalisme républicain a réussi cette chose extraordinaire qui est de condenser ce qu’il y a de mieux dans notre histoire et de l’intégrer dans un processus de modernisation. C’est pourquoi je suis convaincu que c’est par là que la France peut gérer les changements liés à la mondialisation.

      [Je constate au demeurant que gérer ce type de société devient problématique pour de nombreux pays, y compris ceux qui optent pour le modèle communautariste.]

      Je dirais « surtout pour ceux qui optent pour le modèle communautariste ». Mais j’insiste sur un point qui me paraît important. Ce n’est pas l’universalisme républicain qui a un problème pour gérer des sociétés mondialisées, multiethniques ou multiconfessionnelles. C’est au contraire le retrait de l’universalisme républicain qui fait apparaître le problème. J’irai même plus loin : c’est le refus des classes moyennes de partager leur richesse qui est à la racine des difficultés.

  11. morel dit :

    Une des raisons pour laquelle la gauche a perdu les élections :
    http://www.lemonde.fr/asie-pacifique/article/2014/04/02/australie-la-justice-reconnait-le-genre-neutre-pour-les-personnes_4393923_3216.html
    Il est grand temps de ne plus se laisser distancer.

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