Il est dur d’être haï par des cons

Ya no hay locos, amigos, ya no hay locos.
Se murió aquel manchego, aquel estrafalario fantasma del desierto (…)
Todo el mundo está cuerdo, terrible, monstruosamente cuerdo.(1)
Leon Felipe

Je ne crois pas qu’il soit nécessaire, en préambule à cet article, de m’étendre sur l’évidente condamnation de l’attentat dont l’équipe de Charlie Hebdo a été victime hier matin. C’est avec une grande tristesse et une grande indignation que je prends la plume aujourd’hui. Tristesse parce que cet attentat à coûté la vie à 12 êtres humains, et parmi eux des hommes remarquables d’intelligence, d’humour, d’humanité, dont l’un était d’ailleurs un ami personnel très cher. Indignation, parce qu’on a osé s’attaquer, et de quelle manière, à ce qui fait pour moi l’essentiel du capital intellectuel de notre République. Non pas tant la « liberté d’expression », tant galvaudée, mais la « liberté d’examen », celle qui permet soumettre toutes les affaires humaines, même les plus sacrées, à la critique. Or, il n’y a pas de « liberté d’examen » sans prise de distance, et l’humour, la caricature, la satire sont indispensables pour cela. Ce n’est pas étonnant si la caractéristique commune de tous les obscurantistes est le manque de sens de l’humour. Je ne suis pourtant pas de ceux qui aiment qu’on piétine les autels, surtout les leurs. J’adore le coup de crayon de Cabu, j’ai adoré le Wolinski de la période « Humanité » (alors que son côté érotomane me gonflait). Je n’aimais pas le style de Charb, et je détestais les dessins de Tignous. Je n’aimais pas et ne partageais pas « l’esprit Charlie Hebdo ». Mais on n’a pas besoin d’aimer pour être indigné. Le prix à payer pour avoir la liberté de penser ce qu’on veut et de le dire, c’est d’abord d’avoir à souffrir que les gens avec qui on n’est pas d’accord fassent de même. C’est pourquoi, en vrai Voltairien, il n’y a aucune ambigüité dans ma condamnation de cet acte barbare et odieux.

Cependant, j’avoue que je suis un peu gêné par la forme que prennent les manifestations qui se multiplient, et notamment celles de notre caste politico-médiatique. Je méfie comme de la peste des expressions d’hystérie publique, des hommes politiques et des vedettes pleurant devant les caméras de télévision, des appels à arborer des pins ou des pancartes dans une sorte d’expression de deuil obligatoire. Dans notre société hyper-fragmentée, nous avons la nostalgie des grands rassemblements, un besoin de nous retrouver ensemble autour des valeurs qui font encore consensus. Le prétexte peut être un évènement festif – la victoire dans une compétition sportive – ou, comme c’est le cas aujourd’hui, un deuil. C’est une sorte de Saint Jean laïque, le riche et le pauvre, le bobo et l’ouvrier, le jeune et le vieux, Hollande et Sarkozy portant ensemble des pancartes, allumant des bougies, pleurant ensemble. Ces occasions remplacent les modes et rituels de brassage social aujourd’hui disparus, du bal du 14 juillet au service militaire. Mais tout cela est trop démonstratif, trop bruyant pour être honnête. Comme disait Sénèque, « Les peines légères s’expriment aisément, les grandes douleurs sont muettes ». Et ces moments d’hystérie collective se prêtent un peu trop à diverses manipulations. Cela a commencé, d’ailleurs, avec les débats sur l’admission ou non du Front National à la manifestation de dimanche, et l’éventuelle participation à cette manifestation du président de la République. Ne vous attendez donc pas à ce que je proclame « je suis Charlie ». Non, je ne suis pas Charlie. Je suis la liberté d’expression, la liberté d’examen. Et ce n’est pas du tout la même chose. Si les fanatiques, au lieu de s’en prendre à la rédaction de « Charlie » s’en étaient pris à la rédaction de « Minute », ma réaction aurait été la même. La votre aussi, n’est ce pas ? N’est ce pas ? Eh ! c’est à vous que je parle !

Le meilleur hommage que nous puissions rendre à ceux dont la vie a été si horriblement interrompue mercredi est de tirer les leçons de cet épisode. Puisqu’on a cherché à tuer Voltaire, il n’est pas inutile de le ressusciter en le citant : « nous devons des égards aux vivants, aux morts nous ne devons que la vérité ». Et la vérité n’est pas très ragoûtante. Il faut d’abord revenir en arrière quelques années, au moment ou la rédaction de Charlie Hebdo, avec un courage – ou une inconscience – remarquable qu’elle paye aujourd’hui au prix fort, avait décidé de publier les « caricatures de Mahomet » par anticléricalisme, par solidarité avec le Jyllands-Posten, le journal danois qui les avait publiées originalement et qui avait reçu des menaces de ce fait, et plus tard à la publication du numéro spécial « Chariah hebdo » qui ridiculisait les islamistes tunisiens. A l’époque, « Charlie » était bien seul dans son propre camp. Ceux-là même qui aujourd’hui se drapent de la défense de la liberté d’expression avaient à l’époque chanté une chanson très différente. Pour beaucoup, ils ont regretté ou fustigé « l’irresponsabilité » du journal satyrique, la « provocation » contre les musulmans. Certains sont allez jusqu’à dénoncer « l’islamophobie » derrière Charlie Hebdo et même d’exiger la saisie des numéros incriminés par voie de justice. D’autres, comme le rappeur Akhenaton, ont appelé dans une chanson à « faire la peau des chiens de Charlie Hebdo ». En d’autres termes, ils ont appelé à censure pour les plus extrémistes, à l’autocensure pour les plus modérés. Et cette position n’était que la continuité d’une longue suite de lâchetés. On ne compte plus les pièces de théâtre, les opéras, les expositions, les manifestations culturelles de toute sorte annulées ou amputées pour satisfaire les exigences de telle ou telle « communauté ». On a censuré l’Idomenée de Mozart – il y avait une représentation de Mahomet à côté de celles de Christ, Moïse et Bouddha sur scène – et on a interdit Orelsan de festival sous prétexte qu’il offensait les féministes. Il n’y a pas en France de censure officielle, bien entendu. Personne ne vous fera taire. On vous fera simplement savoir que votre expression est « inopportune », qu’il ne faut pas « provoquer » telle ou telle minorité. Sinon… les propriétaires de salles refusent de vous louer, les journaux de vous publier, les assureurs d’assurer. Normal, personne ne veut d’ennuis. Et cette lâcheté diffuse finit par accréditer l’idée qu’on peut dire tout ce qu’on veut… mais pas maintenant. Plus tard. Un jour, peut-être.

Ce matin, sur France Inter, on a diffusé un témoignage d’une enseignante qui avait évoqué l’affaire Charlie-Hebdo dans sa classe, en montrant un certain nombre de caricatures antireligieuses, et parmi elles les caricatures de Mahomet. Elle relevait, avec une apparente surprise, que l’ensemble de ses élèves d’origine maghrébine ou turque en avaient immédiatement tiré la conclusion que « Charlie-Hebdo a bien cherché » ce qui lui est arrivé. En particulier devant la caricature montrant Allah pleurant sur les mots « Il est dur d’être aimé par des cons », les élèves concluaient que l’auteur « avait traité les musulmans de cons ». Et l’enseignante alors de chercher à leur montrer que ce n’est pas « les musulmans » qui étaient visés, mais les intégristes.

Cette anecdote est révélatrice. Je trouve personnellement surprenant que l’enseignante soit elle-même surprise de la conclusion de ses élèves. Après tout, dans notre société qui cultive soigneusement la « culture de l’offense », quoi de plus normal ? La moindre plaisanterie grivoise devient une « attaque machiste ». La moindre blague sur un obèse devient une « insulte aux handicapés ». Comment s’étonner alors qu’une blague sur le Prophète soit ipso-facto interprétée comme un acte d’islamophobie ? Mais surtout, il faut noter la réaction de l’enseignante. Car en cherchant à démontrer que le dessin vise les intégristes et non les musulmans en leur ensemble elle laisse entendre que si le dessin visait effectivement l’ensemble des musulmans, l’assassinat de son auteur serait justifié. C’est cela qui cloche : ce qu’il faut expliquer aux enfants, c’est que dans une société libre, on a le droit de se moquer des musulmans dans leur ensemble, comme on a le droit de se moquer des juifs, des chrétiens, des communistes ou des mangeurs de glaces. Les intégristes qui ont massacré kalachnikov à la main la rédaction de Charlie Hebdo ne sont que la continuation du puritanisme du « politiquement correct » par d’autres moyens. En admettant, jour après jour, le droit des minorités à imposer leurs règles dans l’espace public et à faire taire ceux qui les « offensent », notre société a préparé le terrain. Un zeste de fanatisme a fait le reste pour qu’il y ait passage à l’acte.

Nos élites intellectuelles et politico-médiatiques vivent depuis trop longtemps dans une vision irénique de la « société civile », supposée être le réservoir de toutes les vertus, qui empêche de voir les problèmes. Nos intellectuels, adorateurs d’Althusser et de Foucault, restent persuadés que la plus grande menace contre les libertés vient de l’Etat, alors que les individus, regroupés vaguement dans une « société civile » auto-organisée, n’aspirent naturellement qu’à vivre libres et égaux et respectent tout aussi naturellement la liberté des autres. Certains, comme Edwy Plenel ou la rédaction de « Le Monde », ont fait de ce combat une croisade : pour protéger la liberté de la presse, l’essentiel, nous disent-ils, c’est de protéger le secret des sources et les « fadettes » des journalistes, sans quoi l’Etat, le méchant Etat, contrôlera tout. Charlie-Hebdo a pendant de très longues années participé à cette vision ou l’ennemi est l’Etat, le flic, le juge, le professeur – dont l’école n’est que l’une des « structures répressives de l’Etat », pour reprendre la formule althussérienne – et l’ami est, partout et toujours, le faible, le « petit » (sauf lorsqu’il est ouvrier, parce qu’alors il devient beauf et est chassé du paradis terrestre) (2).

Mais tous ces gens se sont trompés. En France, et cette affaire le montre, un humoriste, un journaliste a mille fois plus à craindre les foudres de la « société civile » que la répression de l’Etat. Le véritable danger ne vient pas des institutions étatiques, il vient au contraire du retrait de celles-ci, qui laissent la « société civile » livrée à elle même. Le danger est multiplié d’ailleurs par la fragmentation de la société civile en petites unités, jusqu’à la limite des « individus-île », chacun persuadé de posséder la vérité et d’avoir raison contre le reste du monde. Les « vérités » transcendantes d’hier avaient ceci de bon qu’elles étaient collectives, et non individuelles. On pouvait tuer au nom de la foi – qu’elle fut religieuse ou politique – mais c’était toujours une foi collective, et donc régulée par des institutions. Avec l’individu-île, la vérité devient personnelle, et chacun peut se persuader qu’étant dans le vrai, il a le droit d’imposer ses vues aux autres, kalachnikov ou cocktail Molotov à la main s’il le faut (3). Robespierre ou Napoléon l’avaient bien compris : agnostiques, ils ont assumé le besoin de réguler collectivement les croyances privées. Ils ont tous deux, l’un en cherchant à créer un nouveau culte, l’autre en encadrant les cultes existants sous la férule de l’Etat, cherché à maintenir un contrôle collectif sur les « vérités ». La « vérité individuelle », lorsqu’elle n’est pas accompagnée d’une prise de distance qui permet de relativiser, de nuancer, de douter, est un énorme danger. Elle permet de justifier n’importe quoi en toute bonne conscience.

La Grande Communion à laquelle nous sommes appelés ne doit pas faire oublier non plus une autre réalité, celle d’une société qu’on laisse se communautariser. L’exemple le plus extrême – et le plus absurde – est l’injonction faite aux « musulmans » de renier, par la voix des autorités religieuses musulmanes, l’acte meurtrier de leurs coreligionnaires. Il y a là une double aberration. D’abord, une telle demande accrédite l’idée que les imams « représentent » les musulmans français, ce qui est bien entendu aussi absurde que de prétendre que les évêques représentent les catholiques ou les rabbins les juifs français. Les leaders religieux ne sont pas élus, ils ne sont pas mandatés pour représenter qui que ce soit. Et le principe républicain est que les citoyens sont représentés par des élus, et représentés collectivement, et non pas en raison de leurs croyances, leurs origines ou leur couleur de peau. La République ne reconnait pas de catégories de citoyens, pas plus qu’elle ne reconnaît des représentants de ces catégories. Elle ne reconnaît que les citoyens eux-mêmes. Demander des « musulmans » une repentance collective, c’est violer ce principe fondamental.

Ce qui nous conduit à la deuxième aberration : la République est fondée sur l’idée que la religion est une affaire privée. En demandant des musulmans un acte public de contrition ou de rejet, on admet de fait la religion dans l’espace public. C’est-à-dire, on rompt le principe républicain de laïcité. En d’autres termes, après avoir fait des lois pour chasser les voiles et les cornettes de l’espace public au prétexte que rien ne doit « marquer » une catégorie de citoyens en fonction de leurs croyances, on exigerait maintenant exactement le contraire : que cette catégorie s’avance publiquement et fasse amende honorable.

Tout ça est absurde. En ces jours difficiles, il faut au contraire réaffirmer ce principe fondamental de la République : il n’y a pas de « français musulmans » représentés par leurs imams, pas plus qu’il n’y a de « français chrétiens » qui seraient représentés par leurs curés. Il n’y a pas de « français musulmans » à qui on pourrait faire injonction de faire ce à quoi les autres français ne seraient pas astreints. Il n’y a, dans notre République, qu’une seule et unique catégorie de citoyens. Le massacre à la rédaction de Charlie-Hebdo a été commis par deux criminels fanatiques. Il se fait que ces criminels fanatiques étaient des musulmans. Mais cet élément est contingent. Il n’explique pas en lui-même leur geste, puisque des millions de musulmans vivent en France et ne tuent personne et qu’au contraire, des hommes ont commis des massacres équivalents – pensez à Action Directe – sans être le moins du monde musulmans. Toutes les religions sont dangereuses en ce qu’elles prétendent détenir l’absolue vérité. La République a limé les dents de la religion catholique non pas en jouant les Bisounours, mais en tapant dessus chaque fois qu’elle a eu la prétention d’imposer sa vérité dans la sphère publique. Ces derniers temps elle hésite à faire de même avec l’Islam, au nom d’une vision « diversitaire ». Et on sait ce qui arrive en politique à ceux qui hésitent.

Je ne sais pas si j’irai manifester dimanche. D’instinct, j’ai envie d’y aller, pour contribuer à montrer que les français sont unis derrière un certain nombre de valeurs républicaines. J’ai envie d’aller aussi pour favoriser une prise de conscience dont je dois dire que je vois les prémisses encourageantes : ainsi, on entend des vois autrefois « libertaires » faire l’éloge de la police et rappeler qu’à côté des journalistes deux policiers ont perdu la vie dans l’exercice de leurs fonctions ; on entend d’autres voix rappeler que la défense de la laïcité et le refus du communautarisme doivent être intransigeants. Les français, dans leur immense majorité, ne sont pas tombés dans le piège de la terreur : ils continuent à vaquer à leurs occupations, et peu de voix se sont levées pour demander un raidissement immédiat de l’arsenal répressif. Tout le contraire de la réaction américaine aux attentats du 11 septembre. Notre peuple – désolé de me répéter – est un peuple politique et un peuple adulte. Il sait que la liberté a un prix, et il est prêt à le payer. Il est conscient que la vie n’est ni un jeu vidéo ni un film hollywoodien.

Mais l’instinct n’est pas tout, et la Raison pointe les risques. De récupération d’abord : je n’ai pas envie d’être l’idiot utile d’une opération pour redorer le blason de l’hôte de l’Elysée, et la polémique sur la participation ou non du FN montre que les arrière-pensées ne sont pas absentes chez les organisateurs. Mais surtout, et c’est plus sérieux, je n’ai pas envie de ma contribuer à une cérémonie de catharsis collective qui permettrait aux des gens qui pendant trente ans ont chéri les causes dont nous observons aujourd’hui les effets – et qui à ce titre portent une sérieuse responsabilité – de jouer les Ponce Pilate. L’attentat contre Charlie-Hebdo doit beaucoup à un contexte géopolitique. Mais il doit encore plus à la manière dont on a laissé – quant on ne l’a pas fait exprès – se déliter les institutions républicaines qui nous permis, pendant si longtemps, de nous exprimer sans crainte d’être mitraillés.

Le massacre de la rédaction de Charlie-Hebdo marque symboliquement la fin d’un cycle. La fin d’une époque d’une exceptionnelle liberté, ou à l’abri d’un Etat qui remplissait son rôle de gendarme avec bien plus de bienveillance que l’on croit généralement, on pouvait se permettre de tout brocarder, de tout satiriser, de tout contester. Cette époque où l’on n’avait pas encore lâché la bride aux dragons de vertu du « politiquement correct » et aux détenteurs de vérités flingue à la main. Quand l’individualisme anarchisant est affaire de gens cultivés et minoritaires, ca passe. L’esprit bon enfant, l’humour potache, l’anarchisme gentillet qui ont fait la gloire et le charme de Charlie-Hebdo étaient possibles aussi longtemps que des idéologies, des institutions solides, un « roman national » partagé assuraient un large consensus sur le fait que certaines choses – par exemple, assassiner des humoristes – « ne se faisaient pas ». Mais lorsque ce même anarchisme devient une idéologie de masse, lorsque la société érige la toute-puissance individuelle en principe, cet esprit, cet humour sont en danger. En danger mortel.

Descartes

(1) Il n’y a plus de fous, mes amis, il n’y a plus de fous/Il est mort celui de la Mancha, cet excentrique fantôme du désert/tout le monde est sain d’esprit, terriblement, monstrueusement sain d’esprit.

(2) Il y a d’ailleurs une ironie macabre dans cette affaire : ce sont deux « petits » qui auront commis le massacre, et non les forces répressives de l’Etat. Au contraire : on a vu des policiers donner leur vie pour protéger les « anti-flics », et les plus hautes autorités de l’Etat rendre hommage à ceux qui de leur vivant conchiaient l’Etat et son protocole. Si on avait dit à Cabu que sa mort aurait les honneurs d’un deuil national, il aurait pensé à une plaisanterie.

(3) Car, on ne le dira jamais assez, du Jihad à la ZAD il n’y a pas une distance aussi grande qu’on veut bien le croire chez les bisounours.

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169 réponses à Il est dur d’être haï par des cons

  1. Jean-François dit :

    Merci Descartes.

    Depuis cet évènement, je n’avais pas encore trouvé la moindre personne qui soit dérangée par l’ampleur de la réaction, et je lis votre article avec soulagement.

    Il y a une question que vous n’abordez pas : cet attentat met-il en danger la liberté d’expression ?

    Je pense que la réponse est : oui, mais seulement si on lui donne plus d’importance qu’il n’en mérite : du moment que la liberté d’expression existe, le risque que des personnes que cela dérange aient des envies de meurtre et passe à l’action existe aussi. Cela pouvait arriver, avec une très faible probabilité, et cela est malheureusement arrivé. Demain il est possible qu’on fasse sauter un bureau de vote pour protester contre le suffrage universel, ou un centre des impôts pour protester contre le devoir fiscal. Ce sont des possibilités, mais comme c’est très improbable y accorder trop d’importance est absurde. L’évènement n’a pas changé cette probabilité, ou très peu. Mais il a engendré une peur collective qui peut pousser à une autocensure collective. La liberté d’expression est donc bien menacée.

    Je ne sais pas ce qu’il en sera. Mais après cet évènement, il me paraît évident que très peu de journalistes auront l’audace de se livrer aux même "provocations" que celles de Charlie Hebdo, en tout cas dans un futur proche.

    • Descartes dit :

      @ Jean-François

      [Depuis cet évènement, je n’avais pas encore trouvé la moindre personne qui soit dérangée par l’ampleur de la réaction, et je lis votre article avec soulagement.]

      Je suis moins dérangé par l’ampleur de la réaction que par sa forme. Et surtout par certaines ficelles exploitant l’émotion – au demeurant compréhensible – de certains acteurs pour créer une ambiance hystérique.

      [Il y a une question que vous n’abordez pas : cet attentat met-il en danger la liberté d’expression ?]

      Si, mais je n’ai pas été suffisamment clair. La liberté d’expression a été érodée petit à petit. Pour ne pas « avoir des ennuis », les éditeurs, les producteurs de spectacle, poussés par leurs actionnaires et leurs assureurs, refusent de plus en plus de publier, de produire des textes et des spectacles qui sortent du « politiquement correct ». Cet attentat ne fera que renforcer ce mécanisme.

      [Je ne sais pas ce qu’il en sera. Mais après cet évènement, il me paraît évident que très peu de journalistes auront l’audace de se livrer aux même "provocations" que celles de Charlie Hebdo, en tout cas dans un futur proche.]

      Il y en avait déjà très peu avant…

    • Marcailloux dit :

      @ Descartes,
      Bonjour
      [La liberté d’expression a été érodée petit à petit. Pour ne pas « avoir des ennuis », les éditeurs, les producteurs de spectacle, poussés par leurs actionnaires et leurs assureurs, refusent de plus en plus de publier, de produire des textes et des spectacles qui sortent du « politiquement correct ». Cet attentat ne fera que renforcer ce mécanisme.]
      Ce qui me parait un phénomène tout aussi significatif, c’est cette généralisation du « floutage » des témoins – non impliqués souvent – dans les reportages télé.
      Être témoin est-il devenu dangereux dans notre pays ?
      L’omerta est-elle en passe de recouvrir la loi d’une burqa?
      Qui sème la lâcheté et le laxisme, récolte la violence et le terrorisme.
      C’est aussi cette acceptation complice des faits qualifiés d’incivilité, que l’on légitime involontairement en les acceptants sans réagir.
      On ne peut souhaiter une société apaisée, respectueuse de bonnes manières, en laissant aux seules autorités le soin de faire respecter l’ordre, la loi, le respect d’autrui, les biens publics et privés, etc……
      Exemple frappant de cette démission généralisée : la prison des Baumettes où se constitue un contrepouvoir mafieux, accepté implicitement par l’autorité pénitentiaire sous prétexte que cela favorise l’ordre intérieur. Mais quel ordre ?
      Il est à craindre que le bel élan d’indignation orchestré par les média et les autorités morales et politiques ne soit qu’un soufflé qui retombe dans l’oubli à l’occasion du prochain buzz national.
      Par contre, je ressens une ambiguïté dans votre propos lorsque dans le même paragraphe, vous écrivez :
      [Tout ça est absurde. En ces jours difficiles, il faut au contraire réaffirmer ce principe fondamental de la République : il n’y a pas de « français musulmans » représentés par leurs imams, pas plus qu’il n’y a de « français chrétiens » qui seraient représentés par leurs curés———–Il se fait que ces criminels fanatiques étaient des musulmans. Mais cet élément est contingent.——– La République a limé les dents de la religion catholique non pas en jouant les Bisounours, mais en tapant dessus chaque fois qu’elle a eu la prétention d’imposer sa vérité dans la sphère publique. Ces derniers temps elle hésite à faire de même avec l’Islam, au nom d’une vision « diversitaire ». Et on sait ce qui arrive en politique à ceux qui hésitent.]
      S’il n’y a pas de Français musulmans représentés par une une autorité, il y a tout de même les musulmans français qui le sont et dont les représentants sont reçus par les autorités, tout comme les chrétiens et les juifs d’ailleurs.
      C’est tout de même bien à eux de « faire le ménage » dans leurs rangs, car s’ils ne le font pas avec suffisamment de fermeté et d’efficacité, ce sont les imams ou autres, autoproclamés qui s’emparent de ce besoin d’autorité supérieure que ressentent les individus en raison inverse de leur force de caractère.
      Les réseaux ‘internetisés » constituent un formidable arsenal devant lequel nos démocraties ne se donnent que de très faibles moyens d’opposition.
      J’apprécie et partage cependant entièrement votre réaction – dont je ne doutais pas avant l’édition du billet- au spectacle des événements actuels.

    • Descartes dit :

      @ Marcailloux

      [Ce qui me parait un phénomène tout aussi significatif, c’est cette généralisation du « floutage » des témoins – non impliqués souvent – dans les reportages télé. Être témoin est-il devenu dangereux dans notre pays ? L’omerta est-elle en passe de recouvrir la loi d’une burqa?]

      Oui. Cela témoigne d’un repli des gens sur la sphère privée. Les gens « ne veulent pas d’ennuis » pour leur action dans la sphère publique qui pourraient compromettre leur bonheur privé. A quoi bon risquer tout pour une caricature du prophète ?

      [Qui sème la lâcheté et le laxisme, récolte la violence et le terrorisme. C’est aussi cette acceptation complice des faits qualifiés d’incivilité, que l’on légitime involontairement en les acceptants sans réagir.]

      Oui. Tout à fait. Pour moi, au fond de nos problèmes se trouve une réflexion sur le rapport à la norme, à la règle, à la loi. C’est au cœur de ce qui fait une société.

      [S’il n’y a pas de Français musulmans représentés par une une autorité, il y a tout de même les musulmans français qui le sont et dont les représentants sont reçus par les autorités, tout comme les chrétiens et les juifs d’ailleurs.]

      Non. Le CFCM est un organisme dont la fonction est l’organisation du culte. Rien de plus. En dehors de cette mission bien précise, elle n’a mandat pour « représenter » qui que ce soit. Et c’est la même chose pour les chrétiens ou les protestants. D’ailleurs, ces « représentants » ne sont pas élus : les évêques, par exemple, sont nommés par le Pape sans demander l’avis de personne. Comment pourraient-ils « représenter » leurs ouailles ? C’était là précisément mon point. En dehors des questions qui affectent le culte, il n’y a aucune raison que les « autorités » reçoivent les « représentants » des religions. Ces « représentants » ne représentent qu’eux-mêmes.

    • Marcailloux dit :

      @ Descartes,
      Bonjour,
      [D’ailleurs, ces « représentants » ne sont pas élus : les évêques, par exemple, sont nommés par le Pape sans demander l’avis de personne. Comment pourraient-ils « représenter » leurs ouailles ?]
      Point n’est besoin d’être « élu » pour représenter un ensemble d’individus. Il suffit d’être désigné par une autorité légitime à qui on accorde le pouvoir de désigner. François Delattre, par exemple, représentant permanent de la France auprès des Nations unies parle bien, devant cette instance, au nom de la France, donc du peuple français, et nous engage, ainsi, tous. Il n’est pourtant pas élu, mais désigné par le Président de la République.
      Selon Wikipédia, « Le Conseil français du culte musulman (CFCM) est une association régie par la loi de 1901 destinée à représenter les musulmans de France. La consultation initiée en 1999 par Jean-Pierre Chevènement, et poursuivie par Daniel Vaillant, aboutit à la création du conseil en 2003. Il est officiellement créé et soutenu par Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’Intérieur.
      Le CFCM intervient dans les relations avec le pouvoir politique français, dans la construction des mosquées, dans le marché des aliments halal, dans la formation de certains imams et dans le développement de représentations musulmanes dans les prisons et dans l’armée française. Il essaye de coordonner les dates des fêtes religieuses (dont celles du ramadan). »
      Je veux bien que les articles de Wikipédia ne soient pas paroles d’évangiles. Cependant, sur un sujet aussi sensible, la moindre contre vérité ne manque pas d’être instantanément corrigée.
      De toute façon, ce qui compte, ce n’est pas l’approche juridique stricto sensu mais bien l’idée que s’en font les citoyens, et en l’occurrence les 9 millions de musulmans de France. Et même s’il n’y a qu’une infime minorité, 1 à 2% par exemple, qui se radicalisent et adhèrent plus ou moins au fondamentalisme, cela représente l’équivalent de l’effectif de l’Armée de Terre française……………….un détail !
      Il s’agit là d’un « terreau » potentiellement sensible, et les autorités musulmanes ne se sont même pas dotées de l’équivalent catholique qu’est l’excommunication.
      Or, le procès intenté et perdu en 2007 par la Grande Mosquée de Paris, l’Union des organisations islamiques de France (UOIF) et la ligue islamique mondiale, avec les habituels débordements verbaux de plaidoirie, a probablement marqué les esprits de manière durable, et contribué à développer un anti judéo christianisme – un anti Français de souche pour parler simple – auprès d’une population malmenée par des erreurs politiques de longue date. Il ne vous a pas échappé que les auteurs des derniers attentats avaient environ 25 ans au moment de ce procès. De là à conclure qu’il a eu sur eux un effet majeur ?
      Je vis, depuis des années, des séjours au Maroc de courte ou moyenne durée. J’y côtoie régulièrement les autochtones, musulmans pour la quasi-totalité, mais pas tous pratiquants. Il ressort que pour le citoyen lambda, le Coran une base essentielle de leur mode de vie et le fondement de leur opinion « géopolitique ».
      L’Islam me parait véhiculer une série de problèmes qui le rend difficilement miscible dans les sociétés occidentales sans qu’un positionnement fort des acteurs mondiaux ne se réalise.
      Que peut-on penser de la position ambiguë de la Turquie face à Daech en particulier. Pourquoi sur les drapeaux ou logos de l’Arabie Saoudite et des Frères musulmans, entre autres, figure un ou plusieurs glaives. Je ne donne là que quelques exemples qui me dérangent.
      Et pourtant, agnostique, je suis loin de réprouver la pratique religieuse islamique.

    • Descartes dit :

      @ Marcailloux

      [« D’ailleurs, ces « représentants » ne sont pas élus : les évêques, par exemple, sont nommés par le Pape sans demander l’avis de personne. Comment pourraient-ils « représenter » leurs ouailles ? ». Point n’est besoin d’être « élu » pour représenter un ensemble d’individus. Il suffit d’être désigné par une autorité légitime à qui on accorde le pouvoir de désigner. François Delattre, par exemple, représentant permanent de la France auprès des Nations unies parle bien, devant cette instance, au nom de la France, donc du peuple français, et nous engage, ainsi, tous.]

      L’exemple est très mal choisi. François Delattre ne représente nullement « le peuple français ». Il représente le gouvernement français, lui-même élu – indirectement – par le peuple. La meilleure preuve en est qu’il reçoit des instructions du gouvernement quant aux positions qu’il doit prendre, et qu’il est hiérarchiquement soumis à lui.

      Il y a des cas très rares ou le « représentant » n’est pas élu, mais désigné suivant une autre procédure – par exemple, le tirage au sort d’un représentant syndical lorsqu’aucun candidat ne se présente, ou la désignation d’un tuteur. Mais il s’agit en général d’une représentation de nature administrative ou sociologique. La représentation politique repose toujours sur un acte de délégation ou le « représenté » donne mandat à son « représentant ». Lorsque le « représenté » est collectif, seule l’élection permet ce type de délégation.

      [Selon Wikipédia, « Le Conseil français du culte musulman (CFCM) est une association régie par la loi de 1901 destinée à représenter les musulmans de France (…) ». Je veux bien que les articles de Wikipédia ne soient pas paroles d’évangiles. Cependant, sur un sujet aussi sensible, la moindre contre vérité ne manque pas d’être instantanément corrigée.]

      Admettons. Vous remarquerez que le texte de Wikipédia que vous citez n’indique nulle part que le CFCM représente les musulmans de France. Il dit seulement qu’il était « destiné » à les représenter. Au même titre, on peut dire que le Titanic était « destiné » à transporter des milliers de passagers en toute sécurité. Par ailleurs, le CFCM n’a aucun rôle de représentation politique des musulmans. Il ne les « représente » qu’au titre de l’organisation du culte, et cette « représentation » est purement administrative.

      [De toute façon, ce qui compte, ce n’est pas l’approche juridique stricto sensu mais bien l’idée que s’en font les citoyens, et en l’occurrence les 9 millions de musulmans de France.]

      Je ne pense pas que les 9 millions de musulmans de France se sentent politiquement représentés par Dalil Boubakeur. Etant donné le fonctionnement du CFCM, je ne pense même pas que les membres du CFCM – qui pourtant son censés élire leur président – se sentent politiquement représentés par lui…

      [Et même s’il n’y a qu’une infime minorité, 1 à 2% par exemple, qui se radicalisent et adhèrent plus ou moins au fondamentalisme, cela représente l’équivalent de l’effectif de l’Armée de Terre française……………….un détail !]

      Je ne vois aucune raison de penser qu’il y a 1% plutôt que 0,001% qui se radicalisent. Et accessoirement, tous ceux qui se radicalisent ne passent pas forcément à l’acte, de la même manière que toutes les sectes apocalyptiques ne se suicident pas.

      [Il s’agit là d’un « terreau » potentiellement sensible, et les autorités musulmanes ne se sont même pas dotées de l’équivalent catholique qu’est l’excommunication.]

      Bien sur que si. Les autorités musulmanes ont parfaitement le pouvoir de chasser un fidèle de la communauté ou de lui refuser les sacrements.

      [Or, le procès intenté et perdu en 2007 par la Grande Mosquée de Paris, l’Union des organisations islamiques de France (UOIF) et la ligue islamique mondiale, avec les habituels débordements verbaux de plaidoirie, a probablement marqué les esprits de manière durable, et contribué à développer un anti judéo christianisme – un anti Français de souche pour parler simple – auprès d’une population malmenée par des erreurs politiques de longue date. Il ne vous a pas échappé que les auteurs des derniers attentats avaient environ 25 ans au moment de ce procès. De là à conclure qu’il a eu sur eux un effet majeur ?]

      S’il avait eu un « effet majeur », ils n’auraient pas attendu dix ans pour venger le Prophète. Posez-vous la question : pourquoi avoir attendu dix ans ? Encore une fois, je pense qu’on voit un phénomène politique alors qu’il vaut mieux aller chercher du côté de la psychiatrie. Si l’acte des frères Kouachi était un acte de vengeance politique, ils auraient cherché à le commettre en rapport immédiat avec l’acte qu’ils entendaient venger. Le fait qu’il ne soit commis qu’aujourd’hui montre qu’il faut aller chercher ailleurs. Et il y aura toujours dans une population des individus instables et frustrés qui auront besoin de donner un sens à leur vie, ou plus banalement de passer à la télé. Et qui se raccrocheront à la première idéologie qui leur offrira la possibilité. S’ils avaient eu 25 ans en 1968, les Kouachi auraient été chez Action Directe ou les Brigades Rouges. Aujourd’hui, c’est plutôt l’armée du Prophète qui a la cote.

      [Je vis, depuis des années, des séjours au Maroc de courte ou moyenne durée. J’y côtoie régulièrement les autochtones, musulmans pour la quasi-totalité, mais pas tous pratiquants. Il ressort que pour le citoyen lambda, le Coran une base essentielle de leur mode de vie et le fondement de leur opinion « géopolitique ».]

      Le contraire serait étonnant. Le Coran reste dans beaucoup de pays la base de la législation civile. Comme la Bible l’a été pour nous pendant des siècles, avant les Lumières.

      [L’Islam me parait véhiculer une série de problèmes qui le rend difficilement miscible dans les sociétés occidentales sans qu’un positionnement fort des acteurs mondiaux ne se réalise.]

      Tout à fait. C’est pourquoi nous ne pouvons pas nous permettre, en France, la moindre ambigüité. Les français – quelque soient leurs origines – doivent savoir que dans ce pays il n’y a qu’une loi civile, et qu’elle n’est séparée de toute loi religieuse. Ceux qui veulent vivre sous une loi civile fondée sur une croyance religieuse – que ce soit la Charia, l’Halakha ou ce que vous voudrez – n’ont qu’à aller vivre là ou cela est possible. Mais toute tentative de créer de zones communautaires ou la loi de la République ne s’appliquerait pas doit être combattue avec la plus extrême rigueur.

      [Pourquoi sur les drapeaux ou logos de l’Arabie Saoudite et des Frères musulmans, entre autres, figure un ou plusieurs glaives. Je ne donne là que quelques exemples qui me dérangent.]

      Je ne vois pas pourquoi cela vous « dérange ». Des symboles guerriers figurent dans les emblèmes et les drapeaux de plusieurs nations parmi les plus civilisées. Le sceau des Etats-Unis représente un aigle qui porte dans l’une de ses serres des flèches, et les armes de la Lituanie un chevalier en armure épée dégainée et prêt à frapper. On retrouve des aigles avec les serres ouvertes, des lions avec les griffes déployées dans les emblèmes de plusieurs états européens, et on peut difficilement considérer ces animaux héraldiques comme signes de paix.

  2. bovard dit :

    @DescartesBonjour,cette citation de vous m’interroge:
    « Les peines légères s’expriment aisément, les grandes douleurs sont muettes ».
    Attention,si la peine peut être intime ici nous parlons d’un évènement social qui,vous le soulignez très bien,marque l’ouverture d’une nouvelle époque tout en exprimant,comme vous le montrez ,excellemment dans ce texte,les multiples contradictions.C’est la raison pour laquelle ,l’expression publique est possible.Mais ne soyons pas naïf,les sous entendus politiques sont à l’oeuvre de façon ,puissante,actuellement comme toujours,ainsi que vous le suggérez.
    J’essaierai plus tard,d’assimiler plus en profondeur les idées de ce texte pour y répondre moins légèrement que dans ce post.
    Mon humeur est plutôt ,à la recherche de la légèreté plus qu’à l’évocation de ce drame.
    Celui ci,répétition d’autres est pour moi,enseignant en peine, face aux totalitarismes religieux,la déplorable et simple émergence d’un problème sous jacent depuis longtemps.
    Sur ce blog,Descartes a laissé publié les narrations de mes ‘misères’ quotidiennes..
    Donc,j’ai envie,ici et maintenant,d’amener quelques sourires sur les lecteurs du blog de notre cher Descartes.
    Nos amis perdus ne reviendront pas même si nous pleurons toutes les larmes et même plus.
    Hélas,ils sont partis pour le voyage dont on ne revient pas,comme ça été dit sur ce blog.
    C’est pourquoi,avant tout ,je rends un hommage que je sais partagé sur ce blog,aux assassinés du siège de Charlie Hebdo et aux blessés,trés nombreux.
    Ces personnalités comme Bernard Maris,Charb de notre génération,Wolinsky,Cabu, et les autres sont les ‘étoiles’ athées de notre firmament français où notre jeunesse fut vécue.
    Ni haine,ni Oubli,ni Amalgame.
    Contre cette islamofolie,seule la rationnalité est efficace sur le long terme.
    Pour l’anecdote,cela faisait des heures que j’étais sonné par cette tuerie,vécue à l’instar d une ‘nouvelle ‘Saint Barthélémy’,
    Ce n’est qu’en prenant mon clavier (rationaliste bien sûr)de chez Descartes,que le moral est revenu.
    Bien sûr,le texte de Descartes ici,est exigeant,non-sentimentaliste, dans le ton de son blog.
    C’est pour cela que nous l’aimons et que lui,aime s’exprimer.Qui aime bien ,châtie bien et le théatre politique actuel a besoin de la critique.
    De plus en ces temps de violence,d’abus médiatique,sa rationalité est bénéfique.
    Merci à lui!C’est la règle contraignante du site.
    Cela n’empêche pas,j’en suis sûr l’humour.
    Car ce blog n’est pas un enterrement mais au contraire un lieu de contribution à la santé du Monde athée !
    Les assassinés de charlie hebdo,ne verraient aucun problème à ce que l’on souligne la dérision de certaines scènes actuelles.
    Ainsi ,une image,à la tv m’a marqué ce matin:
    la salle du pc des opérations pour la gestion de crise concernant Dammertin en goële.
    Depuis ce moment là une irrépressible envie de me moquer de ce déferlement médiatique m’a envahi.
    Alors,cher Descartes,vous connaissez mes démons et ma tendance,à faire comme Oscar wilde : pour éloigner la tentation..il conseillait d’y succomber !
    Au centre donc de cette image tv,ce matin sur itélé, ‘Normal 1er’,lui même, remuant dans tous les sens ,parlant, agitant les bras,gérant la crise.
    Un vrai Don Quichote selon Léon Filipe !
    A sa gauche,Valls,grimaçant,silencieux,regardant ailleurs,mécontent du jeu de ‘Normal premier’.
    A la droite de Culbuto (surnom que je préfère à Normal 1er),Cazeneuve,taiseux,l’oeil mauvais avec le même masque que Valls,pour les mêmes raisons:Culbuto leur vole la vedette de chef de guerre!.
    Eh Oui!
    Si,Culbuto revient en chefaillon de guerre,les terroristes ont du souci à se faire…Les électeurs peuvent être rassurés,culbuto dirige !
    Bien sûr,la récupération politique,(cf la polémique à propos du FN,)bat son plein.
    Normal 1er ne va pas laisser passer l’occasion de se refaire une santé dans les sondages et à de distancer certains concurrents.
    Sacré Culbuto qui va bientôt lancer son nouveau soutien le plus populaire.
    Sa première ex connue,Ségolène qui a aujourd’hui a les yeux de Chimène pour son Monarque républicain,d’ex mari et néanmoins président du conseil des ministres où elle ne cesse de le couver du regard en veillant au grain.
    Alors que maintenant ,il dirige la traque des frères Kouachi…Elle le soutiendra à coup sûr pour un second mandat!
    Ma tendance à l’humour,au secours duquel comme Descartes ,j’ai recours a vraiment pris le dessus.
    Ma compagne et internet m’ont fourni quelques traits d’humour supplémentaires pour alléger notre affliction.
    Allez si vous le voulez,Rions un peu..quand même..sinon cessez de lire:
    ‘Puisque les jihadistes ont affirmé qu’ils avaient vengé Mahomet…Une interrogation demeure:
    Ce Mahomet,quel mal élevé !!!!!!!!…… Il n’a pas dit merci !!’
    Autre paradoxe:
    ‘Pourquoi les Jihadistes se proclament ils les meilleurs féministes ?..parce que ils ne tuent pas les femmes…’
    3ième rayon d’humour,trouvé sur le net,et pas si déplacé que ça:
    ‘Les 4 dessinateurs viennent à peine d’arriver devant les portes du Paradis où se trouve Saint Pierre, qu’une dizaine de djihadistes morts en Syrie les bousculent pour passer devant eux.
    St Pierre leur dit : "Un peu de respect svp, mettez-vous à la queue comme tout le monde"
    Un des djihadistes répond : "Si les dessinateurs de Charlie passe avant nous, il ne restera plus une vierge au Paradis,pour nous" ‘.

    A tous,bon courage:une info,j’irai à la manif ‘œcuménique’,mais je comprends tout à fait les critiques exprimées dans le texte de descartes puisqu’en effet les sous entendus politiques sont nombreux!

    • Descartes dit :

      @ bovard

      [« Les peines légères s’expriment aisément, les grandes douleurs sont muettes ». Attention,si la peine peut être intime ici nous parlons d’un évènement social qui,vous le soulignez très bien, marque l’ouverture d’une nouvelle époque tout en exprimant,comme vous le montrez, excellemment dans ce texte,les multiples contradictions.]

      Désolé de faire un peu de psychanalyse de comptoir. Mais lorsque quelqu’un pleure sur la mort de quelqu’un qu’il ne connaît pas personnellement, il ne pleure pas pour la personne, il pleure pour lui-même. C’est pourquoi ces larmes – comme celles qu’on a versé sur la princesse Diana, peut-être le meilleur exemple récent d’hystérie collective – me posent un problème. Vous confirmez d’ailleurs cette perception dans la suite : en pleurant les morts de Charlie Hebdo, nous pleurons d’abord notre propre jeunesse. Et nous pleurons – ou du moins je pleure – ce monde insouciant et poli dans lequel j’ai eu le privilège de vivre ma jeunesse. Cette « chose belle, précieuse, fragile et périssable » dans les mots de Finkielkraut…

      [Bien sûr,la récupération politique,(cf la polémique à propos du FN) bat son plein. Normal 1er ne va pas laisser passer l’occasion de se refaire une santé dans les sondages et à de distancer certains concurrents.]

      Ca bat son plein. La manif de dimanche est en train de devenir une espèce de réunion mondaine de chefs d’Etat et de gouvernement. Je ne suis pas persuadé d’avoir envie de manifester pour les valeurs de la République à côté d’Angela Merkel ou de Barack Obama, personnes fort estimables peut-être, mais dont la vision de la laïcité par exemple n’est pas tout à fait celle de notre République.

    • CVT dit :

      @Descartes,
      [Ca bat son plein. La manif de dimanche est en train de devenir une espèce de réunion mondaine de chefs d’Etat et de gouvernement. Je ne suis pas persuadé d’avoir envie de manifester pour les valeurs de la République à côté d’Angela Merkel ou de Barack Obama, personnes fort estimables peut-être, mais dont la vision de la laïcité par exemple n’est pas tout à fait celle de notre République.]

      pour moi, cette manif risque de ressembler au défilé du 14 juillet 1989!
      Aussi anti-nationalistes que furent les journalistes et dessinateurs de Charlie Hebdo, je dénie le droit aux socialistes et aux puissants de ce monde de s’approprier ce qui a fait depuis la Révolution notre fierté et notre âme: l’irrévérence envers les puissants, y compris et surtout les dieux et les religions!
      C’est précisément ce qui fut reproché à Charlie Hebdo par ceux-là même qui appellent à manifester dimanche: combien de fois leur a-t-on dit qu’ils devait être "mesurés" et "responsables" dans leur liberté d’expression? A tel point que le sous-titre du journal était "journal irresponsable"! Ce sont les mêmes qui les ont traité de la sorte qui vont appeler au défilé "républicain" (il y aurait aussi beaucoup à dire sur ce terme).
      J’arrête là, parce que j’ai vraiment envie de vomir…

    • Descartes dit :

      @CVT

      [Aussi anti-nationalistes que furent les journalistes et dessinateurs de Charlie Hebdo, je dénie le droit aux socialistes et aux puissants de ce monde de s’approprier ce qui a fait depuis la Révolution notre fierté et notre âme: l’irrévérence envers les puissants, y compris et surtout les dieux et les religions!]

      De toute manière, on voit se réveiller à cette occasion tous les sectarismes et tous les calculs politiques. Sans compter avec quelques réflexes pavloviens. On nous parle d’une « manifestation d’unité nationale ». Fort bien : cela suppose qu’il existe un socle de « valeurs républicaines » – ici la liberté d’expression, la liberté de critique – auquel on peut tous adhérer au-delà de nos conflits d’intérêts et de nos différences d’opinion. Et que tous ceux qui adhèrent à ce socle sont invités à manifester. Mais voilà que le FN déclare adhérer à ce socle – ce qui, entre nous, demande une bonne dose de courage. Je doute fort que dans l’électorat « traditionnel » du FN l’équipe de Charlie-Hebdo fut en odeur de sainteté. Et au lieu de s’en réjouir, on s’indigne. Scandale ! On ne va pas manifester bras-dessus bras-dessous avec Marine Le Pen ! Ce serait trahir l’esprit Charlie ! Pourtant, personne ne semble gêné de voir participer à ce rassemblement Merkel, Obama ou Porochenko. Qu’en aurait pensé Cabu ? De son côté, Filoche prends le langage de la guerre civile sur le mode « il faut une manifestation de gauche », seule représentante des idées républicaines sur cette planète.

      Je vais encore me tailler une réputation de crypto-FN, mais tant pis. Le geste de Marine Le Pen mérite à mon avis qu’on s’y arrête. Il témoigne de la rupture que j’ai plusieurs fois mis en évidence dans ce blog entre un FN « ancien » et un FN « nouveau ». Croyez-vous vraiment que rendre hommage à Cabu, à Charb, à Wolinski ou à Tignous permette à Marine Le Pen de marquer des points chez les anciens de l’Algérie Française et de l’OAS, chez les admirateurs de Pétain, chez les intégristes catholiques ? Pensez-vous que chez l’électeur traditionnel du FN les principes de liberté d’expression, de liberté d’examen, d’irrévérence envers les religions aient la côte ? Bien sûr que non. En prenant une position « républicaine », en condamnant sans ambiguïté le massacre de la rédaction de Charlie-Hebdo en tant qu’attaque contre la presse et la liberté d’expression, la direction du FN fait un choix sans ambiguïté entre ses deux électorats. Elle fait le choix d’offenser les « tradis » pour mieux s’adresser à son électorat populaire, ouvrier et républicain. Ce n’est pas neutre. Et c’est peut-être ce qui énerve le plus les tenants du « politiquement correct ».

    • CVT dit :

      @Descartes,
      [ Pensez-vous que chez l’électeur traditionnel du FN les principes de liberté d’expression, de liberté d’examen, d’irrévérence envers les religions aient la côte ? Bien sûr que non. En prenant une position « républicaine », en condamnant sans ambiguïté le massacre de la rédaction de Charlie-Hebdo en tant qu’attaque contre la presse et la liberté d’expression, la direction du FN fait un choix sans ambiguïté entre ses deux électorats.]

      Dans le mille! (si je puis me permettre…).
      Marine Le Pen a donc choisi la ligne Philippot. Egalement, sa nièce Marion (décidément, elle m’a l’air plus douée que sa tante, surtout à son âge…) a condamné le sectarisme de cette "marche républicaine", alors qu’elle incarne une ligne plus traditionnelle d’extrême-droite: même les "tradis" ont changés et sont plus républicains sur ce terrain-là que l’axe PS-Modem-UMP!
      De toute façon, avec cet appel partisan, le vers était le fruit: une marche républicaine ne doit concerner QUE les citoyens et les individus, et être au-dessus des partis. C’est d’ailleurs l’argument de Hollande pour trancher la question et ne pas se mouiller: il appelle tous les citoyens à manifester et non les partis…

    • Descartes dit :

      @ CVT

      [De toute façon, avec cet appel partisan, le vers était le fruit: une marche républicaine ne doit concerner QUE les citoyens et les individus, et être au-dessus des partis. C’est d’ailleurs l’argument de Hollande pour trancher la question et ne pas se mouiller: il appelle tous les citoyens à manifester et non les partis…]

      Pas forcément. Je ne diabolise pas les partis, ils sont des relais indispensables en démocratie. Il aurait été parfaitement concevable qu’un groupe de partis prenne l’initiative d’inviter tous les autres sur la base d’une « déclaration ». Ceux qui sont prêts à y souscrire sont invités à se joindre à la manifestation. Si la déclaration en question se limite à des valeurs communes partagées par tous, il n’est pas impossible d’obtenir l’unanimité, et donc de manifester dans un esprit d’unité.

      L’idée d’appeler à une manifestation « au-dessus des partis » me paraît au mieux un simulacre. Il n’y a pas de place pour l’unanimisme dans l’espace politique. Nous sommes tous différents, et avons des opinions différentes. Pourquoi le cacher ? Une manifestation d’unité peut et doit mettre l’accent sur le fait qu’on peut tous être d’accord sur un « socle commun ». Mais on ne peut pas demander plus.

  3. Ruben dit :

    [ Mais surtout, il faut noter la réaction de l’enseignante. Car en cherchant à démontrer que le dessin vise les intégristes et non les musulmans en leur ensemble elle laisse entendre que si le dessin visait effectivement l’ensemble des musulmans, l’assassinat de son auteur serait justifié. C’est cela qui cloche : ce qu’il faut expliquer aux enfants, c’est que dans une société libre, on a le droit de se moquer des musulmans dans leur ensemble, comme on a le droit de se moquer des juifs, des chrétiens, des communistes ou des mangeurs de glaces. ]
    De toutes les conneries que j’ai pu lire et voir, je crois que c’est cela qui m’énerve le plus. L’assertion explicite ou implicite que critiquer les musulmans sort du cadre autorisé se restreignant à la critique des islamistes et intégristes de tous bords et vous range dans la catégorie infamante des malades avec la magnifique étiquette d’islamophobe, ce qui empêche toute critique, tout humour et toute argumentation raisonnée : eh oui, il n’y a pas à débattre, on ne va certainement pas vous laissez vous exprimer, vous êtes malade ! Pas le droit donc d’être anti-islam ou de se moquer des musulmans.
    Tout va bien dans le meilleur des mondes…
    Profondément désolé pour votre perte. Vous êtes touché de la plus cruelle des manières par ces décennies de décomposition de l’Etat et du roman national auxquels vous tenez tant.

    • Descartes dit :

      @ Ruben

      [Pas le droit donc d’être anti-islam ou de se moquer des musulmans.]

      C’est bien là le problème. Comme souvent, les plus grands malheurs viennent de l’oubli de notre histoire. Comment croyez-vous qu’on a réussi à rogner les ailes de l’Eglise catholique et à la cantonner poliment mais fermement dans l’espace privé ? Pas en ayant des pudeurs de jeune vierge à l’heure de critiquer ou de se moquer des catholiques. Au contraire : il faut relire les textes qui ont jalonné ce combat. Vous verrez qu’on ne prenait pas de gants : du mot d’ordre « écrasez l’infâme » de Voltaire à la « marseillaise anticléricale » composée par Leo Taxil pour les élections de 1881 et dont voici les paroles complètes :

      – 1 –
      Allons ! Fils de la République,
      Le jour du vote est arrivé !
      Contre nous de la noire clique
      L’oriflamme ignoble est levé. (bis)
      Entendez-vous tous ces infâmes
      Croasser leurs stupides chants ?
      Ils voudraient encore, les brigands,
      Salir nos enfants et nos femmes !
      Refrain
      Aux urnes, citoyens, contre les cléricaux !
      Votons, votons et que nos voix
      Dispersent les corbeaux !
      – 2 –
      Que veut cette maudite engeance,
      Cette canaille à jupon noir ?
      Elle veut étouffer la France
      Sous la calotte et l’éteignoir ! (bis)
      Mais de nos bulletins de vote
      Nous accablerons ces gredins,
      Et les voix de tous les scrutins
      Leur crieront : A bas la calotte !
      – 3 –
      Quoi ! Ces curés et leurs vicaires
      Feraient la loi dans nos foyers !
      Quoi ! Ces assassins de nos pères
      Seraient un jour nos meurtriers ! (bis)
      Car ces cafards, de vile race,
      Sont nés pour être inquisiteurs…
      A la porte, les imposteurs !
      Place à la République ! Place !
      – 4 –
      Tremblez, coquins ! Cachez-vous, traîtres !
      Disparaissez loin de nos yeux !
      Le Peuple ne veut plus des prêtres,
      Patrie et Loi, voilà ses dieux (bis)
      Assez de vos pratiques niaises !
      Les vices sont vos qualités.
      Vous réclamez des libertés ?
      Il n’en est pas pour les punaises !
      – 5 –
      Citoyens, punissons les crimes
      De ces immondes calotins,
      N’ayons pitié que des victimes
      Que la foi transforme en crétins (bis)
      Mais les voleurs, les hypocrites,
      Mais les gros moines fainéants,
      Mais les escrocs, les charlatans…
      Pas de pitié pour les jésuites !
      – 6 –
      Que la haine de l’imposture
      Inspire nos votes vengeurs !
      Expulsons l’horrible tonsure,
      Hors de France, les malfaiteurs ! (bis)
      Formons l’union radicale,
      Allons au scrutin le front haut :
      Pour sauver le pays il faut
      Une chambre anticléricale.
      Et notez que Taxil ne s’embarrasse pas de faire la distinction entre les « intégristes » et les autres. Imaginez-vous aujourd’hui ce qui arriverait à l’imprudent qui oserait publier un texte d’une telle violence sur une autre religion – au hasard, l’Islam ?

      [Profondément désolé pour votre perte. Vous êtes touché de la plus cruelle des manières par ces décennies de décomposition de l’Etat et du roman national auxquels vous tenez tant.]

      Je vous remercie. Mon ami était un homme charmant, l’exemple même de la politesse et de la tolérance. Je n’étais pas d’accord avec lui sur beaucoup de choses, et nos discussions étaient passionnantes… Quelque temps avant sa mort, il avait avoué ses pêchés en reconnaissant que l’euro était finalement une erreur. J’espère que cette repentance lui vaudra le paradis quand il sera là haut devant Saint Pierre…

    • CVT dit :

      @Descartes,
      [Je vous remercie. Mon ami était un homme charmant, l’exemple même de la politesse et de la tolérance. Je n’étais pas d’accord avec lui sur beaucoup de choses, et nos discussions étaient passionnantes… Quelque temps avant sa mort, il avait avoué ses pêchés en reconnaissant que l’euro était finalement une erreur. J’espère que cette repentance lui vaudra le paradis quand il sera là haut devant Saint Pierre…]
      C’est donc que vous avez bien connu Bernard Maris?
      Pour ma part, avec un dessin de Cabu, il est à l’origine de mon éloignement de Charlie Hebdo depuis le référendum de 2005!
      Tout le temps que j’avais lu ses articles "Onc’Bernard" et son "Manuel d’anti-économie", j’étais assez fan car anti-libéral et archi-keynésien (pour ma part, je reste anti-libéral, keynésien par défaut et surtout socialiste au sens premier du terme, donc pas comme Hollande ou Macron). Mais j’avais été révulsé par sa décision de voter "oui" en 2005, considérant cet acte comme une trahison car contraire à tout ce qu’il avait écrit pendant des années dans ses éditos. Son revirement récent sur l’euro m’avais mis dans une rage folle, mais en même temps, je regrette que les balles de ces salopards ne lui ai pas laissé le temps de préparer des articles et des livres qui nous ouvrent des perspectives nouvelles pour l’après-euro…

    • @Descartes
      " Taxil ne s’embarrasse pas de faire la distinction entre les « intégristes » et les autres. Imaginez-vous aujourd’hui ce qui arriverait à l’imprudent qui oserait publier un texte d’une telle violence sur une autre religion – au hasard, l’Islam ?"

      En début de semaine, j’aurais dit qu’il se serait fait copieusement insulté et aurait reçu des menaces. Maintenant, je dirais qu’il se ferait abattre. Les partisans de la mise à mort des Blasphémateurs sont beaucoup plus nombreux qu’on aurait pu le croire (cf: https://pbs.twimg.com/media/B6vr_3LCYAA40Yt.jpg )

      Je pensais que l’année commençait mal à cause du nouveau roman de Houellebecq. C’est fou ce que qu’on peut se tromper parfois.

      Toutes mes condoléances pour votre ami. Ce sont toujours les meilleurs qui partent les premiers.

    • Descartes dit :

      @CVT

      [C’est donc que vous avez bien connu Bernard Maris? Pour ma part, avec un dessin de Cabu, il est à l’origine de mon éloignement de Charlie Hebdo depuis le référendum de 2005!]

      Bernard était un homme libre, et parce qu’il était libre et moi aussi nous n’arrivions pas toujours aux mêmes conclusions. Mais il avait dans sa jeunesse cru à « l’idéal européen » et avait beaucoup de mal à faire le deuil de ce mirage. Alors que toute sa vision économique aurait du le conduire naturellement à rejeter l’Euro, il gardait l’espoir qu’on pouvait en faire quelque chose de bien. Il avait fallu bien des désillusions et de longues discussions pour que finalement il change d’avis… dommage qu’il n’ait pas eu le temps d’en tirer toutes les conséquences.

  4. Ruben dit :

    Et vous n’en avez pas parlé, mais j’imagine votre colère face à la récupération religieuse… On a eu le droit à la désormais traditionnelle embrassade interconfessionnelle pleine de mièvrerie. La pudeur ce n’est pas pour les religieux non plus…

    • Descartes dit :

      @ Ruben

      [Et vous n’en avez pas parlé, mais j’imagine votre colère face à la récupération religieuse… On a eu le droit à la désormais traditionnelle embrassade interconfessionnelle pleine de mièvrerie. La pudeur ce n’est pas pour les religieux non plus…]

      Surtout, c’est un signe de l’incohérence idéologique des gens qui nous gouvernent. On passe la moitié du temps à chasser les religions de l’espace public, et l’autre moitié à les faire rentrer. Si les leaders religieux ont envie de s’embrasser sur la bouche devant les caméras, c’est leur problème. Mais pourquoi diable faut-il qu’ils soient invités dans les palais officiels ?

  5. BolchoKek dit :

    >L’exemple le plus extrême – et le plus absurde – et cette injonction faite aux « musulmans » de renier, par la voix des autorités religieuses musulmanes, l’acte meurtrier de leurs coreligionnaires. Il y a là une double aberration. D’abord, une telle demande accrédite l’idée que les imams « représentent » les musulmans français, ce qui est bien entendu aussi absurde que de prétendre que les évêques représentent les catholiques ou les rabbins les juifs français. […] En demandant des musulmans un acte public de contrition ou de rejet, on admet de fait la religion dans l’espace public. C’est-à-dire, on rompt le principe républicain de laïcité. <
    Je te suis infiniment reconnaissant. J’avais l’impression d’être le seul à avoir cette opinion ces deux derniers jours. Ceux qui me traitaient de laïcard ou de "communiste borné" lorsque je pointais le danger qu’il y a à donner la parole à des monseigneurs concernant des sujets civils, comme cela se fait malheureusement de plus en plus depuis une poignée d’années, qui nous débitaient leur catéchisme de "laïcité positive", aujourd’hui sont les mêmes qui me soupçonnent de sympathie islamiste lorsque je dis que les français musulmans (ou pour être exact, que l’on suppose comme tels) n’ont pas à faire preuve d’un zèle plus particulier dans la condamnation de ces actes que le reste de leurs concitoyens. Ça serait à croire que si les islamistes ne parlent pas "au nom des musulmans", monsieur Boubakeur serait habilité à le faire ? Faudrait déjà que "au nom des musulmans" ait un sens. Et si sens il y a, celui-ci n’est certainement pas républicain.

    • Descartes dit :

      @ BolchoKek

      [Je te suis infiniment reconnaissant. J’avais l’impression d’être le seul à avoir cette opinion ces deux derniers jours.]

      On n’est pas les seuls. J’ai entendu plusieurs commentateurs défendre la même vision à la télévision. Et surtout, plusieurs musulmans français interrogés au hasard dans la rue ont donné la même réponse. Ne vous découragez pas : les derniers événements montrent combien la vision républicaine est la seule qui permette une coexistence pacifique entre les différentes communautés et les différents cultes. Et combien le retrait de cette vision engendre des monstres.

  6. Bannette dit :

    Bonjour,

    On commence mal la nouvelle année et j’ai été très choquée par cette tragédie. Je te rejoins cependant en disant que si le massacre avait concerné Minute, il aurait fallu la même condamnation, même si je doute qu’on aurait eu droit au même cirque médiatique. Par contre, le courage de Charlie Hebdo lors de l’affaire des caricatures de Mahomet était tout à leur honneur (rappelons qu’à la base, elles avaient été publiées dans un journal de droite danois, alors que CH est plutôt gauchiste), j’avais entendu de nombreuses voix à gauche qui avaient à l’époque parlé d’islamophobie juste à cause de la couleur politique de Jyllands-Posten.

    Une des réactions les plus intelligentes et qui rejoint tes constatations est celle de Sapir :

    http://russeurope.hypotheses.org/3253

    Il a mis le doigt sur le narcissisme des affirmations identitaires, narcissisme c’est vraiment le bon mot, ça me rappelle la distinction entre les concepts de diversité et de distinction à tout prix lors des échanges entre toi, Nationaliste Jacobin et vs2 dans un débat récent. Et ce n’est pas la première fois que Sapir évoque Jean Bodin, mais cette piqûre de rappel sur son apport envers la laïcité fait toujours du bien.

    Il est plus qu’urgent de reprendre les drapeaux de la Nation !

    • Descartes dit :

      @ Bannette

      [On commence mal la nouvelle année et j’ai été très choquée par cette tragédie.]

      Très mal, en effet. Je n’ai pas voulu m’étendre sur la question, parce que je ne veux pas commencer l’année avec des papiers dépressifs. Mais cette tragédie m’a fait réfléchir au temps qui passe et au monde qui change. Chancel était très différent d’un Cabu, d’un Wolinski, d’un Maris. Mais tous étaient les rescapés d’une époque plus fine, plus courtoise, plus intelligente, plus tolérante. Avec leur disparition, il nous faut en faire notre deuil, et accepter le monde froid, intolérant, bête qui est le notre. Je commence à imaginer ce qu’ont pu ressentir les hommes des Lumières en voyant naufrager leur monde dans la tempête de la Révolution. Mais au moins ils avaient l’espoir que cette dernière accouche un nouveau monde.

      [Par contre, le courage de Charlie Hebdo lors de l’affaire des caricatures de Mahomet était tout à leur honneur (rappelons qu’à la base, elles avaient été publiées dans un journal de droite danois, alors que CH est plutôt gauchiste), j’avais entendu de nombreuses voix à gauche qui avaient à l’époque parlé d’islamophobie juste à cause de la couleur politique de Jyllands-Posten.]

      Oui, tout a fait. Je ne sais s’il s’agit de courage ou d’inconscience. Peut être que l’équipe de Charlie-Hebdo n’avait pas elle non plus réalisé que le monde enchanté des années 1970, quant on pouvait dire ce qu’on voulait en craignant au pire une fermeture administrative, n’était plus.

      Une des réactions les plus intelligentes et qui rejoint tes constatations est celle de Sapir : http://russeurope.hypotheses.org/3253%5D

      C’est un article vraiment excellent. Les lecteurs de ce blog retrouveront un certain nombre d’idées que j’ai défendu sur ce blog (la nécessité de la séparation entre sphère publique et sphère privée, le rangement de la religion dans cette dernière, l’interprétation de la soi-disante « montée du religieux » comme un pur phénomène narcissique) mais écrites, je dois l’admettre, avec des références plus solides et avec beaucoup plus de talent que mes papiers.

      [Il est plus qu’urgent de reprendre les drapeaux de la Nation !]

      Oui. Si la tragédie que nous vivons aujourd’hui pouvait ouvrir les yeux de nos élites, ce serait déjà quelque chose de gagné.

  7. Pyraquadel dit :

    Ce n’est pas Akhenaton mais Nekfeu qui avait appelé à un autodaffé sur Charlie Hebdo. Akhenaton, bien que présent sur le morceau, n’avait pas entendu le couplet de son collègue (ce qui est commun dans ce genre de posse-cut) et ne peut être pris pour responsable des paroles d’un autre.

    • Descartes dit :

      @ Pyraquadel

      [Ce n’est pas Akhenaton mais Nekfeu qui avait appelé à un autodafé sur Charlie Hebdo. Akhenaton, bien que présent sur le morceau, n’avait pas entendu le couplet de son collègue (ce qui est commun dans ce genre de posse-cut) et ne peut être pris pour responsable des paroles d’un autre.]

      Dont acte. Je vous avoue que je n’ai pas écouté moi-même le morceau, et que j’ai fait confiance à un commentateur. Mais si cela sauvegarde l’honneur d’Akhenaton, le fond de l’argument n’est pas pour autant moins pertinent. Que faisaient ces bonnes âmes qui aujourd’hui défendent la liberté d’expression à l’époque ?

  8. joelle dit :

    uau ! un grand merci vraiment !

  9. dsk dit :

    @ Descartes

    ["Je ne sais pas si j’irai manifester dimanche. D’instinct, j’ai envie d’y aller, pour contribuer à montrer que les français sont unis derrière un certain nombre de valeurs Républicaines. J’ai envie d’aller aussi pour favoriser une prise de conscience dont je dois dire que je vois les prémisses encourageantes : ainsi, on entend des vois autrefois « libertaires » faire l’éloge de la police et rappeler qu’à côté des journalistes deux policiers ont perdu la vie dans l’exercice de leurs fonctions ; on entend d’autres voix rappeler que la défense de la laïcité et le refus du communautarisme doivent être intransigeants. "]

    Personnellement, je vois dans cette manifestation le contraire d’une telle prise de conscience. Manifester, cela n’a de sens que pour s’opposer à un pouvoir d’État, de préférence démocratique. Or, les islamistes auraient-ils d’ores et déjà pris possession du pouvoir d’État en France ? Et croit-on vraiment qu’ils seraient disposés à écouter la "voix de la rue", et à renoncer à leurs actes terroristes, au motif que des français, si nombreux soient-ils, leur auraient ainsi exprimé leur réprobation ? Les islamistes ne sont pas le Général De Gaulle. Nous ne sommes pas ici dans un rapport de force démocratique, mais devant la force brute. Et si, comme vous le croyez, il y avait chez ces manifestants une réelle prise de conscience du rôle essentiel de l’État, alors ils ne s’imagineraient pas que leurs petites pancartes dérisoires pourraient, d’une quelconque manière, faire reculer les "méchants". Ils comprendraient, précisément, que seules l’armée et la police peuvent obtenir cet effet, et ils se contenteraient de s’en remettre à elles.

    • Descartes dit :

      @ dsk

      [Personnellement, je vois dans cette manifestation le contraire d’une telle prise de conscience.]

      Je ne sais pas. Lorsque j’ai écrit ce papier, on savait peu de choses sur la forme que prendrait la manifestation. On pouvait encore espérer que celle-ci prenne la forme d’un acte d’unité nationale, quelle serve à faire prendre conscience aux gens qu’au delà de nos différences d’opinion, nous constituons une même nation, nous partageons une même histoire et les valeurs qui en découlent. Ce soir, je suis beaucoup moins convaincu. Les bisbilles du genre « moi je veux pas manifester avec untel » sont en train de devenir franchement ridicules. Nous devrions au contraire être rassurés que le FN aujourd’hui ait envie de manifester contre l’obscurantisme et pour la liberté de la presse. Mais bon, que la gauche ait rejeté la présence du FN, soit. C’est le réflexe de Pavlov cultivé pendant plus d’un demi-siècle, il est difficile de s’en affranchir même un instant. Après tout, même en 1940 le PCF n’a pas accepté l’idée de travailler ensemble avec un général maurassien le premier jour. Mais la sortie de « Ensemble » refusant de participer à la manifestation au prétexte que l’UMP y participe est franchement grotesque. Si on ne peut pas être tous ensemble pour dire « non » à ceux qui prétendent nous ramener au Moyen-Âge, alors qu’est-ce qui reste du consensus démocratique ?

      [Manifester, cela n’a de sens que pour s’opposer à un pouvoir d’État, de préférence démocratique. Or, les islamistes auraient-ils d’ores et déjà pris possession du pouvoir d’État en France ?]

      Je ne suis pas d’accord avec vous. On peut certes manifester pour faire pression sur le pouvoir d’Etat. Mais on peut aussi manifester, pour montrer son poids dans les rapports de force entre les différents groupes sociaux. Ainsi, par exemple, les manifestations ouvrières ont longtemps servi comme démonstration de force dirigée vers le patronat, et pas nécessairement vers le « pouvoir d’Etat ». Par contre, je suis d’accord avec vous qu’il est ridicule pour un ministre – ou pire, pour un président de la République – de participer à une manifestation. Si le président ou le gouvernement veulent montrer leur force, ils ont d’autres leviers beaucoup plus efficaces à leur disposition. Le fait de manifester est souvent au contraire une opération de camouflage pour faire oublier le fait qu’ils ne s’en servent pas…

      [Et croit-on vraiment qu’ils seraient disposés à écouter la "voix de la rue", et à renoncer à leurs actes terroristes, au motif que des français, si nombreux soient-ils, leur auraient ainsi exprimé leur réprobation ?]

      Non, bien sur. Je ne crois pas que cette manifestation serve à faire pression sur qui que ce soit. Je la vois plutôt comme un rituel. Et souvent les rituels servent à prendre conscience de quelque chose, à marquer une transition, une étape. Si cette manifestation sert à faire le deuil du bisounoursisme de nos élites, si elle permet de marquer la rupture avec l’irénisme qui a préside aux politiques de gestion de l’intégration ces trente dernières années, ce sera déjà pas si mal.

      [Et si, comme vous le croyez, il y avait chez ces manifestants une réelle prise de conscience du rôle essentiel de l’État, alors ils ne s’imagineraient pas que leurs petites pancartes dérisoires pourraient, d’une quelconque manière, faire reculer les "méchants". Ils comprendraient, précisément, que seules l’armée et la police peuvent obtenir cet effet, et ils se contenteraient de s’en remettre à elles.]

      Tout a fait. Mais en même temps, un peuple n’abandonne pas ses illusions aussi facilement. Il lui faut en faire le deuil. Cette manifestation pourrait être, pourquoi pas, l’occasion de faire le deuil du multiculturalisme et d’une certaine idéologie « libérale-libertaire ». Que beaucoup de commentaristes aient considéré nécessaire de souligner de façon appuyé le rôle des forces de l’ordre et le sacrifice des policiers me paraît de bon augure. Reste à voir si l’essai est transformé.

    • dsk dit :

      @ Descartes

      ["Lorsque j’ai écrit ce papier, on savait peu de choses sur la forme que prendrait la manifestation. On pouvait encore espérer que celle-ci prenne la forme d’un acte d’unité nationale, quelle serve à faire prendre conscience aux gens qu’au delà de nos différences d’opinion, nous constituons une même nation, nous partageons une même histoire et les valeurs qui en découlent."]

      Eh oui… Effectivement, cette manifestation aurait peut-être pu avoir ce sens. Cela aurait été, en quelque sorte, non plus un "débat", à la sauce Sarkozy, mais une véritable manifestation, au sens d’une extériorisation, de notre "identité nationale". Sauf qu’une telle conception risquerait de nous conduire tout droit à voter Front National;-)

      ["Je ne suis pas d’accord avec vous. On peut certes manifester pour faire pression sur le pouvoir d’Etat. Mais on peut aussi manifester, pour montrer son poids dans les rapports de force entre les différents groupes sociaux. Ainsi, par exemple, les manifestations ouvrières ont longtemps servi comme démonstration de force dirigée vers le patronat, et pas nécessairement vers le « pouvoir d’Etat »."]

      Admettons. Quoiqu’il me semble que dans les manifestations ouvrières, il y a toujours, peu ou prou, des demandes adressées à l’État. Sinon, pourquoi investir l’espace public, si ce n’est pour toucher ledit public, et par voie de conséquence, obtenir son intervention, au travers de l’État ? Toujours-est-il qu’une manifestation s’adresse toujours, à tout le moins, à un pouvoir auquel on cherche à opposer le nombre. Or quel pouvoir vise donc cette manifestation ? A mon avis, c’est Le Pouvoir en tant que tel. Pour ces manifestants, l’islamisme représente avant tout l’expression d’un pouvoir qui entendrait remettre en cause leur idéal de vie libéral-libertaire. D’où le succès du slogan "Je suis Charlie", autrement dit : "je m’identifie à l’idéologie libérale-libertaire de Charlie".

      ["Par contre, je suis d’accord avec vous qu’il est ridicule pour un ministre – ou pire, pour un président de la République – de participer à une manifestation. Si le président ou le gouvernement veulent montrer leur force, ils ont d’autres leviers beaucoup plus efficaces à leur disposition. Le fait de manifester est souvent au contraire une opération de camouflage pour faire oublier le fait qu’ils ne s’en servent pas…"]

      Absolument. Mais je crois que c’est aussi, de la part de ce gouvernement, et de façon fortement paradoxale, une volonté de manifester contre Le Pouvoir, c’est-à-dire de réaffirmer son idéologie libérale-libertaire face à ses adversaires caricaturaux que sont les islamistes.

      ["Si cette manifestation sert à faire le deuil du bisounoursisme de nos élites, si elle permet de marquer la rupture avec l’irénisme qui a préside aux politiques de gestion de l’intégration ces trente dernières années, ce sera déjà pas si mal."]

      Je n’y crois pas une seconde. Je pense que cette manifestation s’annonce, au contraire, comme le summum du bisounoursisme, car on ne saurait lutter contre le terrorisme en brandissant de petites pancartes.

    • Descartes dit :

      @ dsk

      [Eh oui… Effectivement, cette manifestation aurait peut-être pu avoir ce sens. Cela aurait été, en quelque sorte, non plus un "débat", à la sauce Sarkozy, mais une véritable manifestation, au sens d’une extériorisation, de notre "identité nationale". Sauf qu’une telle conception risquerait de nous conduire tout droit à voter Front National;-)]

      Au contraire. Je pense que les partis « républicains » en général et la gauche en particulier ont commis une erreur stupide dans cette affaire. Inviter le FN aurait obligé ce dernier à se positionner clairement, alors que l’hommage à la « bande à Charlie » ne fait certainement pas l’unanimité dans son électorat. Cela aurait aussi intégré le FN dans le « système » et l’aurait empêché de jouer son jeu habituel « seul contre tous ». Les partis dits « républicains » ne comprennent toujours pas que l’isolement fait le jeu du FN, et surtout de ses franges les plus réactionnaires. Mais il est vrai que le but des socialistes n’est pas forcément d’affaiblir le FN…

    • BolchoKek dit :

      @Descartes
      >et surtout de ses franges les plus réactionnaires. <
      Nous n’avons pas du coup eu l’occasion d’en parler, même si c’est assez mineur, je veux dire la confirmation de l’homosexualité de Florian Philippot. En temps normal, cela me serait égal ; sauf que je pense que cela gêne certaines personnalités du FN, qui pourraient s’excentrer. Que le genre ceux qui détestent les pédés dégagent d’eux-mêmes me paraît assez positif.

    • Descartes dit :

      @ BolchoKek

      [Nous n’avons pas du coup eu l’occasion d’en parler, même si c’est assez mineur, je veux dire la confirmation de l’homosexualité de Florian Philippot. En temps normal, cela me serait égal ; sauf que je pense que cela gêne certaines personnalités du FN, qui pourraient s’excentrer. Que le genre ceux qui détestent les pédés dégagent d’eux-mêmes me paraît assez positif.]

      Là encore, on voit que des choix ont été faits par la direction du FN entre le « nouveau » et « l’ancien ». L’homosexualité de Philippot était de toute évidence bien connue de Marine Le Pen, qui était prête à prendre le risque politique de garder auprès d’elle un conseiller dont les mœurs pouvaient, dans la mentalité de « l’ancien FN » sentir le souffre. En même temps, les préférences sexuelles de Philippot n’ont pas été mises en avant, comme l’aurait fait sans doute un parti qui s’adresserait à l’électorat des classes moyennes boboisées, comme le PS ou le FdG. En fait, le choix qui a été fait est celui qui correspond le mieux à la vision de l’homosexualité qu’ont les classes populaires : la sexualité est une affaire privé, et chacun fait ce qu’il veut à condition que ce soit discret. On voit bien à quel électorat le FN « colle » le mieux…

    • dsk dit :

      @ Descartes

      ["Au contraire. Je pense que les partis « républicains » en général et la gauche en particulier ont commis une erreur stupide dans cette affaire."]

      Probablement. Mais ce n’est pas exactement le contraire de ce que j’ai voulu dire. Vous aviez formulé l’espoir que cette manifestation "serve à faire prendre conscience aux gens qu’au delà de nos différences d’opinion, nous constituons une même nation, nous partageons une même histoire et les valeurs qui en découlent". Je me suis borné à vous faire remarquer que ce sentiment, qui est incontestablement porté par le FN, me paraît en revanche assez largement remis en cause par les autres forces politiques, notamment à gauche. Dans ces conditions, il me paraissait peu probable qu’une "unité nationale" puisse se faire autour d’elle, sauf à imaginer une brutale conversion de celles-ci à l’idée de Nation, ce qui aurait constitué une victoire idéologique sans précédent pour le FN.

      ["Inviter le FN aurait obligé ce dernier à se positionner clairement, alors que l’hommage à la « bande à Charlie » ne fait certainement pas l’unanimité dans son électorat."]

      Et chez moi non plus. Je ne vois pas du tout ce que le FN serait venu faire dans cette galère d’un "hommage à la bande à Charlie". Ce serait un peu comme de s’inviter aux funérailles de son ennemi, alors même que sa veuve vous en a interdit l’entrée. La participation du FN n’aurait eu de sens que dans le cadre bien plus vaste d’un hommage à toutes les victimes, dont "Charlie", mais aussi la policière municipale de Montrouge ou les clients de l’hyper casher de Vincennes.

      ["Cela aurait aussi intégré le FN dans le « système » et l’aurait empêché de jouer son jeu habituel « seul contre tous »."]

      Eh oui. Seulement voilà : le "système" a préféré jouer son jeu habituel "tous sauf lui".

      ["Les partis dits « républicains » ne comprennent toujours pas que l’isolement fait le jeu du FN, et surtout de ses franges les plus réactionnaires."]

      Oui, mais que faire ? Car lorsque nous l’acceptons au sein de notre débat républicain, cela fait encore plus son jeu, car il apparaît alors de façon flagrante que nous autres, les républicains, ne sommes pas foutus d’opposer le moindre argument sérieux à ses discours. C’est à se flinguer cette histoire !

      ["Mais il est vrai que le but des socialistes n’est pas forcément d’affaiblir le FN…"]

      Je vous rappelle que les théories du complot sont strictement prohibées sur ce blog. Sa devise : "tenue correcte exigée et rasoir d’Occam obligatoire"…

    • Descartes dit :

      @ dsk

      [Vous aviez formulé l’espoir que cette manifestation "serve à faire prendre conscience aux gens qu’au delà de nos différences d’opinion, nous constituons une même nation, nous partageons une même histoire et les valeurs qui en découlent". Je me suis borné à vous faire remarquer que ce sentiment, qui est incontestablement porté par le FN, me paraît en revanche assez largement remis en cause par les autres forces politiques, notamment à gauche. Dans ces conditions, il me paraissait peu probable qu’une "unité nationale" puisse se faire autour d’elle, sauf à imaginer une brutale conversion de celles-ci à l’idée de Nation, ce qui aurait constitué une victoire idéologique sans précédent pour le FN.]

      Vous confondez « les gens » et les partis politiques. Les partis politiques ont montré dans cette circonstance et de manière éclatante leur sectarisme et leur totale incapacité à faire autre chose que de la tactique électoraliste à la petite semaine. Pas un leader politique qui ait été capable d’aligner une phrase dont on se souviendra la semaine prochaine. Pas un seul qui ait été capable de s’extraire de la tactique, de prendre de la hauteur. Ce sont tous des nains. Mais, et c’est peut-être le fait le plus remarquable dans cette affaire, les citoyens n’ont pas eu besoin des partis politiques pour rpendre conscience « qu’ils constituent une même nation ». Sans que personne – et surtout pas un parti politique – ils ont agité les drapeaux tricolores, chanté « La Marseillaise », invoqué la « nation française » et la « République ». N’est-ce pas là une « prise de conscience » ?

      [Et chez moi non plus. Je ne vois pas du tout ce que le FN serait venu faire dans cette galère d’un "hommage à la bande à Charlie". Ce serait un peu comme de s’inviter aux funérailles de son ennemi, alors même que sa veuve vous en a interdit l’entrée.]

      La manifestation d’hier ne rendait pas « hommage à la bande à Charlie ». Pensez-vous qu’on rende « hommage » à Charlie en agitant des drapeaux tricolores, en vivant les policiers et en chantant « La Marseillaise », c’est-à-dire en faisant tout ce que « la bande à Charlie » détestait ? Je ne le crois pas. Je pense que c’est le grand paradoxe apparent de cette manifestation : c’est une manifestation de « beaufs » protestant contre l’assassinat de Cabu. Une réaction dans le plus pur esprit voltairien du « je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites, mais je me battrai jusqu’à la mort pour que vous puissiez le dire ». Et non un « hommage ».

      [« Les partis dits « républicains » ne comprennent toujours pas que l’isolement fait le jeu du FN, et surtout de ses franges les plus réactionnaires. » Oui, mais que faire ?]

      Je ne sais pas. En ce moment, je désespère de la bêtise de nos partis politiques, toutes tendances confondues. Ce sont tous des politicards de sous-préfecture, des gens qui font leurs petits ragoûts dans leurs petits pots et incapables de la moindre hauteur de vues. Alors qu’on a un peuple éduqué et politique, nos élites sont incapables de dégager des dirigeants dignes de lui. Je commence à me demander s’il est vrai que les peuples ont les dirigeants qu’ils méritent. Nous n’avons pas mérité ça.

      [« Mais il est vrai que le but des socialistes n’est pas forcément d’affaiblir le FN… ». Je vous rappelle que les théories du complot sont strictement prohibées sur ce blog. Sa devise : "tenue correcte exigée et rasoir d’Occam obligatoire"…]

      Tout a fait. Mais je n’énonce là aucune « théorie du complot ». Il est de notoriété publique que les hiérarques socialistes considérent que la seule chance de Hollande de l’emporter en 2017 est un deuxième tour Hollande/Le Pen. Ce qui suppose que Marine Le Pen passe devant le candidat UMP. Le but des socialistes n’est donc pas d’affaiblir le FN. Il leur faut au contraire un FN suffisamment fort.

  10. Anne Iversaire dit :

    Excellent article, cher Descartes.
    La marche de dimanche ? Pas sûre d’y aller. Il aurait fallu, pour cela, pouvoir défiler avec un drapeau bleu, blanc, rouge, histoire de symboliser un minimum cette unité nationale que certains "redécouvrent" aujourd’hui… après avoir ridiculisé l’idée-même de nation depuis plusieurs dizaines d’années.
    Mais je serais immédiatement prise pour une sympathisante du FN…
    Ô tristes conséquences du politiquement correct 🙁

    • Descartes dit :

      @ Anne Iversaire

      [La marche de dimanche ? Pas sûre d’y aller. Il aurait fallu, pour cela, pouvoir défiler avec un drapeau bleu, blanc, rouge, histoire de symboliser un minimum cette unité nationale que certains "redécouvrent" aujourd’hui… après avoir ridiculisé l’idée-même de nation depuis plusieurs dizaines d’années.]

      Oui. Il aurait fallu une manifestation sans autre drapeau que le drapeau tricolore. Mais c’est beaucoup demander par les temps qui courent. Après les premières tentatives de récupération politique ou chacun cherche à exclure de la marche celui qu’il n’aime pas, il parait aujourd’hui que Hollande pourrait participer avec Merkel et autres chefs de gouvernement à ses côtés. Et pourquoi pas avec le drapeau européen, puisqu’ils y sont ?

      [Mais je serais immédiatement prise pour une sympathisante du FN… ]

      Mais non, mais non… certains pourraient aussi vous accuser d’être une stalinienne nostalgique tendance Georges Marchais…

  11. CVT dit :

    @Descartes,
    décidément, cette année commence bien mal, et ce que vous disiez redouter depuis des années vient de se produire: nous découvrons (pour certains…) que l’histoire EST TRAGIQUE.
    L’impression que j’ai éprouvée, bizarrement, c’est à la fois un sentiment d’immense tristesse (perdre la même journée Cabu, Charb, Wolinski et Maris, ça fait un choc effroyable: j’ai même failli pleurer au boulot, quand je l’ai appris…) et en même temps, un sentiment de fierté patriotique: oui, ils sont morts pour avoir défendu le droit au blasphème en 2015 comme d’autres sont morts dans notre histoire pour ce droit, et comme d’autres risquent de le faire plus tard. Mais ça, c’est quelque chose que nous avons en nous, FRANCAIS!
    Evidemment, j’aurais préféré qu’ils restent en vie, mais maintenant qu’ils sont tombés au champ d’honneur pour avoir voulu exprimer leurs opinions, faisons tout ce qui est possible pour que leur mort ne soit pas vaine!
    Je n’ai pas particulièrement envie de faire sur ce site le procès de ceux qui sont responsables (notamment au PS…) des conditions qui ont amenés des gens nés et grandis en France à commettre ce crime impardonnable pour tout partisan de la liberté de conscience (pas celle qui est brandie par le PS…). Je suis d’autant plus touché qu’il semblerait que le preneur d’otage de la porte de Vincennes a grandi dans la même ville que la mienne, et que j’ai peut-être dû l’avoir rencontré dans ma jeunesse! Et surtout, foin de slogans "vivrensemblistes" et autre "pasdamalgame", car je crois que ce n’est plus soutenable. Nous devons désormais faire face à un problème de taille: il semblerait qu’une partie des habitants de notre pays ont fait sécession, et que nos gouvernements successifs depuis 30 ans, par électoralisme, lâcheté et/ou indifférence, ait capitulé devant leurs demandes. Je veux parler bien entendu des lobbies pro-islam (j’en ai marre de mettre des gants), qui depuis la fameuse affaire du voile de Creil, ont creusé leur sillon.
    Car ce qu’il nous faudrait aujourd’hui, c’est un nouveau Richelieu! Oui, un nouveau Richelieu est nécessaire, car ce qu’on ne voit pas, c’est que ces islamistes contrôlent des pans entiers dans notre pays, un peu à l’instar des Calvinistes au XVIè siècle!
    Je risque d’être mal poli, mais tant pis: ces trois salopards qui sont morts aujourd’hui (je vous jure que je suis poli) sont morts pour imposer une religion sur notre territoire, mais en fait, derrière la religion, se cache souvent des intérêts mafieux: ici, des contrôles des cités pour le trafic et/ou les subventions et autres allocations de l’Etat, des collectivités locales ou européennes. Bref, un état dans l’état!
    Toute chose que nos dirigeants au cours de l’histoire ont toujours combattu.
    L’ennui, c’est que j’avoue éprouver un sentiment de méfiance à l’égard de TOUS les musulmans, que je dois combattre intérieurement: car je ne me vois pas vivre avec des gens qui, soit approuvent ce qui vient de se passer (leur nombre est largement sous-estimé, notamment dans les fameuses banlieues), soit désapprouve les meurtres, mais disent qu’il est interdit d’insulter Mahomet et/ou le coran. Car pour moi, être Français, c’est la liberté ABSOLUE de conscience, la liberté d’opinion, y compris celle de blasphémer (cela concerne des croyants) et d’insulter les religieux (bon pour athée, agnostique, incroyants, etc…). Attenter à ce droit et se prétendre Français, c’est une imposture, et surtout, une INSULTE! Insulte à Voltaire et aux Lumières, insulte à ceux qui ont combattu pour l’expression d’idée contraires à la majorité qui ont fini par changer les choses.
    C’est très bizarre, comme sentiment, car j’avais rarement l’occasion d’être aussi fier d’être Français: le problème arrive quand les socialistes veulent saisir cette occasion pour se refaire une virginité, eux qui sont justement à l’origine de l’abaissement de notre République et de notre démocratie! Sortie de la responsabilité individuelle des fanatiques, c’est bien eux et leur satané anti-racisme que je tiens pour responsable de ce qu’il se passe en se moment, à savoir fomenter une nouvelle guerre de religion…

    • Descartes dit :

      @CVT

      [décidément, cette année commence bien mal, et ce que vous disiez redouter depuis des années vient de se produire: nous découvrons (pour certains…) que l’histoire EST TRAGIQUE.]

      Je ne « redoutais » pas, au contraire. J’ai toujours souhaité qu’on reprenne conscience que l’histoire – et la politique donc, puisqu’elle est la fabrique de l’histoire – sont tragiques. Mais j’aurais préféré qu’on en prenne conscience d’une manière moins dramatique. Si cette affaire permettait une prise de conscience, tout n’aurait pas été perdu.

      [L’impression que j’ai éprouvée, bizarrement, c’est à la fois un sentiment d’immense tristesse (perdre la même journée Cabu, Charb, Wolinski et Maris, ça fait un choc effroyable: j’ai même failli pleurer au boulot, quand je l’ai appris…) (…)]

      Moi aussi. Au-delà des personnes, on a assassiné aussi un monde, ce monde charmant et léger où l’on pouvait se moquer de tous et combattre les « cons » en risquant au pire un procès. Tout à coup, on a compris que le monde est un endroit dangereux, et que les combats ont un prix. D’une certaine manière, c’est notre innocence qu’on a tué.

      [(…) et en même temps, un sentiment de fierté patriotique: oui, ils sont morts pour avoir défendu le droit au blasphème en 2015 comme d’autres sont morts dans notre histoire pour ce droit, et comme d’autres risquent de le faire plus tard. Mais ça, c’est quelque chose que nous avons en nous, FRANCAIS!]

      Oui. Décidément, cette affaire est pleine d’ironies. L’équipe de Charlie Hebdo, qui avec un esprit tout à fait gaulois conchiaient le drapeau et la patrie, auront finalement payé de leur vie leur attachement aux valeurs les plus « nationales », les plus « françaises » qui soient. Ils sont morts pour la liberté d’examen, pour le droit à soumettre à la raison tout, y compris ce qui est le plus sacré, pour la laïcité. Si on leur accordait la mention « mort pour la France », je ne serais pas choqué.

      [Nous devons désormais faire face à un problème de taille: il semblerait qu’une partie des habitants de notre pays ont fait sécession, et que nos gouvernements successifs depuis 30 ans, par électoralisme, lâcheté et/ou indifférence, ait capitulé devant leurs demandes. Je veux parler bien entendu des lobbies pro-islam (j’en ai marre de mettre des gants), qui depuis la fameuse affaire du voile de Creil, ont creusé leur sillon.]

      Je ne suis pas aussi pessimiste que vous. L’immense majorité des musulmans en France sont parfaitement assimilés, et beaucoup ne demandent qu’à le faire. Ce n’est pas « une partie des habitants qui a fait sécession ». Le problème est à mon avis ailleurs : la République a abdiqué certaines de ses valeurs, elle n’offre pas à sa jeunesse un cadre et une perspective commune. Les lobbies « communautaristes » et certains mouvements quasi-sectaires ne font que profiter de cet état de fait. Au-delà des mesures sécuritaires de court terme, il y a une question de long terme à résoudre. Et la meilleure garantie pour la sécurité de nous tous, c’est que notre jeunesse aime la vie. Lorsque certains à gauche peuvent écrire que « la jeunesse n’a rien à perdre », cela pose un problème fondamental. Convaincre la jeunesse – ou une partie de la jeunesse – qu’elle n’a « rien à perdre », c’est la meilleure manière de la pousser au terrorisme.

      [Car ce qu’il nous faudrait aujourd’hui, c’est un nouveau Richelieu! Oui, un nouveau Richelieu est nécessaire, car ce qu’on ne voit pas, c’est que ces islamistes contrôlent des pans entiers dans notre pays, un peu à l’instar des Calvinistes au XVIè siècle!]

      Je ne crois pas qu’on en soit là. Il nous faudrait certainement un Richelieu pour mettre au pas toutes les féodalités, et pas seulement « les islamistes ».

      [Je risque d’être mal poli, mais tant pis: ces trois salopards qui sont morts aujourd’hui (je vous jure que je suis poli) sont morts pour imposer une religion sur notre territoire, mais en fait, derrière la religion, se cache souvent des intérêts mafieux: ici, des contrôles des cités pour le trafic et/ou les subventions et autres allocations de l’Etat, des collectivités locales ou européennes. Bref, un état dans l’état!]

      Je ne le crois pas. Il est exact que le communautarisme sert souvent d’aliment et de couverture à des réseaux et des intérêts maffieux, et que la religion sert souvent comme instrument de discipline communautaire. Mais de là à voir une sorte de Grande Conspiration dont les « trois salopards » auraient été les instruments… Non, il faut raison garder. L’acte de ces « salopards » relève avant tout d’un passage à l’acte individuel. Il n’y a pas de « armée de l’ombre » obéissant aux ordres d’un grand état-major de la révolution islamique mondiale. Arrêtons la paranoïa.

      La ligne est étroite : il ne faut pas tomber dans l’angélisme traditionnel de la gauche qui ferait des terroristes des « victimes du système », mais il ne faut pas plus tomber dans les fantasmes de l’extrême droite et de sa « 5ème colonne ». Des excités à demi-fous qui, persuadés de détenir la vérité, se sont arrogé un droit de vie ou de mort pour faire avancer leurs idées, il y en a toujours eu. Souvenez-vous de Carlos, d’Action Directe, du FLNC ou de l’ALB. Ces excités se cherchent une idéologie qui justifie leurs besoins narcissiques, et ils en trouveront toujours une. Dans les années 1960, c’était le guévarisme, aujourd’hui c’est l’Islam, demain ce sera autre chose. Je ne pense pas qu’il faille faire une confusion entre cette petite frange d’excités, qu’il faut aujourd’hui surveiller et « traiter » de la même manière qu’on a « traité » naguère leurs prédécesseurs, et la question de l’assimilation des populations immigrées, qui est une autre affaire.

      [L’ennui, c’est que j’avoue éprouver un sentiment de méfiance à l’égard de TOUS les musulmans, que je dois combattre intérieurement: car je ne me vois pas vivre avec des gens qui, soit approuvent ce qui vient de se passer (leur nombre est largement sous-estimé, notamment dans les fameuses banlieues), soit désapprouve les meurtres, mais disent qu’il est interdit d’insulter Mahomet et/ou le coran. Car pour moi, être Français, c’est la liberté ABSOLUE de conscience, la liberté d’opinion, y compris celle de blasphémer (cela concerne des croyants) et d’insulter les religieux (bon pour athée, agnostique, incroyants, etc…). Attenter à ce droit et se prétendre Français, c’est une imposture, et surtout, une INSULTE! Insulte à Voltaire et aux Lumières, insulte à ceux qui ont combattu pour l’expression d’idée contraires à la majorité qui ont fini par changer les choses.]

      Il faut leur pardonner, car ils ne savent pas ce qu’ils font. Mais une fois pardonnés, il faut agir. Et agir, c’est d’abord éduquer, inlassablement. En finir partout, et notamment à l’école, avec la « culture de l’offense ». Montrer que tout progrès dans l’histoire a commencé par une « insulte », y compris d’ailleurs la geste mahométane : on ne peut pas dire que le Prophète ait été très gentil avec ses adversaires. C’est pourquoi je tiens autant à ce que notre enseignement reprenne un « roman national » dont Voltaire et Diderot sont les fleurons. Déclarer partout et toujours que les règles de neutralité qui protègent l’espace public des invasions privées ne sont pas facultatives, mais obligatoires. Nous avons un long chemin à parcourir.

      [C’est très bizarre, comme sentiment, car j’avais rarement l’occasion d’être aussi fier d’être Français:]

      Oui. C’est drôle, n’est ce pas ? Cela fait trente ans que nos médias, notre école, nos soi-disant élites évitent soigneusement de nous rappeler les raisons que nous avons d’être fiers de ce que nous sommes. Le paradoxe de cette tragédie, c’est qu’elle rompt avec le discours habituel qui fait des français des gros porcs racistes, machistes, paresseux et pétainistes. Tout à coup, on redécouvre que nous sommes héritiers de Voltaire et de Diderot. Que c’est nous qui avons poussé la liberté d’examen – qui je le répète, est pour moi beaucoup plus importante que celle d’expression – le plus loin. Que nous avons un Etat dont les fonctionnaires sont dévoués à l’intérêt général et à la sécurité des citoyens, même au péril de leur vie. Si ce drame permettait de poursuivre dans cette voie, s’il permettait de nous rendre « le souvenir des grandes choses faites ensemble et le désir d’en accomplir de nouvelles », on pourra dire qu’ils ne sont pas morts en vain.

    • BolchoKek dit :

      @Descartes
      >Si ce drame permettait de poursuivre dans cette voie, s’il permettait de nous rendre « le souvenir des grandes choses faites ensemble et le désir d’en accomplir de nouvelles », on pourra dire qu’ils ne sont pas morts en vain.<
      La plupart de mes amis d’enfance a fini dans la police ou dans la gendarmerie. Je leur ai justement demandé leur avis ce soir même sur ces manifestations d’amour spontanées pour nos forces de l’ordre. Ils ne croient pas que cela durera. C’est peut-être le pessimisme vers lequel ils ont été conduits par la considération générale de la population. Ils l’ont résumé de façon assez claire : " on ramasse la merde de la société pendant que la justice nous chie dans le cou. Maintenant, on a une pause." J’ai l’impression que le moral est au plus bas…

    • Descartes dit :

      @ BolchoKek

      [La plupart de mes amis d’enfance a fini dans la police ou dans la gendarmerie. Je leur ai justement demandé leur avis ce soir même sur ces manifestations d’amour spontanées pour nos forces de l’ordre. Ils ne croient pas que cela durera.]

      Il faut que ça dure. Vos amis font preuve d’un solide pessimisme de la raison, et ils ont raison de le faire dans la mesure ou l’affaire n’est pas sous leur contrôle : c’est aux politiques, aux intellectuels, aux enseignants de porter le message. Car il ne faut pas se faire des illusions : si la police a des « mauvaises relations » avec certaines populations, ce n’est pas parce qu’elle fait mal son boulot, c’est au contraire parce qu’elle le fait trop bien. Il y a des cités entières qui vivent de l’économie de la drogue et des trafics. Imaginez-vous que si les policiers étaient « sympa » ils seraient accueillis dans ces cités les bras ouverts ? Les accusations de « racisme » ou de « contrôle au faciès » sont souvent des prétextes pour empêcher la police de faire son boulot, qui est de faire appliquer la loi. Et si les policiers sont « caillassés » dans certaines cités, c’est parce qu’ils empêchent de trafiquer en rond.

      [C’est peut-être le pessimisme vers lequel ils ont été conduits par la considération générale de la population. Ils l’ont résumé de façon assez claire : " on ramasse la merde de la société pendant que la justice nous chie dans le cou. Maintenant, on a une pause." J’ai l’impression que le moral est au plus bas…]

      Oui. Comme celui de l’ensemble des fonctionnaires. Et il ne faut pas se faire d’illusions : une hirondelle ne fait pas le printemps. Mais une hirondelle peut l’annoncer. Cette tragédie ne changera pas en elle-même le regard de la société sur l’Etat en général et sur les services chargés de la répression en particulier. Mais elle pourrait annoncer une prise de conscience qui permettrait de changer un certain nombre de choses. Il est encore trop tôt pour savoir si nous sommes devant un feu de paille ou si au contraire il s’agit d’une rupture.

    • @ Descartes,

      "L’immense majorité des musulmans en France sont parfaitement assimilés, et beaucoup ne demandent qu’à le faire"
      Je me demande ce qui vous permet de poser cette affirmation… Vous avez des chiffres, des rapports officiels, des études universitaires? Pour ma part, et je ne suis pas le seul, j’observe une communautarisation croissante des populations musulmanes. Et le rapport de Keppel il y a quelques temps soulignait la réislamisation des banlieues parmi les jeunes nés en France. Non seulement l’assimilation n’avance plus, mais elle recule…

      "Il n’y a pas de « français musulmans » à qui on pourrait faire injonction de faire ce à quoi les autres français ne seraient pas astreints."
      Et pourquoi? Voilà des années que beaucoup de musulmans jouent la carte du communautarisme, peut-être est-il temps qu’ils en paient le prix, non? On ne peut pas être communautariste pour en tirer les bénéfices et s’étonner ensuite d’être associé aux crimes des brebis galeuses de la communauté…

      Au demeurant, les musulmans, dans ma ville ce matin, ont suivi votre conseil: ils n’étaient pas là en tant que musulmans… ni même en tant que citoyens français d’ailleurs, puisqu’ils n’étaient pas là du tout! J’ai croisé en tout et pour tout deux enfoulardées, c’est-à-dire bien moins que quand je fais mes courses au supermarché dans les heures creuses. Et je précise que le centre-ville est plus près de la ZUP que le centre commercial. Le profil des gens présents était globalement le suivant: plus de 40 ans et de type européen. Étrangement, la jeunesse colorée et multiculturelle (pourtant nombreuse dans cette ville) qui constitue "l’avenir de la France" était aux abonnés absents…

      Après avoir entendu mes élèves de culture musulmane m’expliquer qu’ "il fallait limiter la liberté" et que "ce que fait Charlie Hebdo, ça ne se fait pas", je pense que proclamer que "l’immense majorité des musulmans sont assimilés ou ne demandent qu’à l’être", c’est très contestable.

    • Ruben dit :

      Je vous trouve bien optimiste pour la prise de conscience.
      Une fois le soufflé de tout le déferlement d’émotion superficielle retombé, ça repartira comme avant.
      La récupération de la manifestation en gala mondain pour chefs d’Etat, les religieux aux côtés des politiques, la soirée à la synagogue, la connerie des media pendant toute cette semaine,…
      Enfin, les media vont vouloir montrer qu’ils sont unis contre les barbares et au nom de la liberté d’expression il y aura plus de "bite", "caca", "cul" et pleins de sketchs subversifs sur l’islam sur le mode "olala mais le prophète a jamais voulu ça bande de cons".
      Enfin, j’espère me tromper.

    • Descartes dit :

      @ nationalistejacobin

      [« L’immense majorité des musulmans en France sont parfaitement assimilés, et beaucoup ne demandent qu’à le faire ». Je me demande ce qui vous permet de poser cette affirmation… Vous avez des chiffres, des rapports officiels, des études universitaires?]

      Plusieurs éléments. D’abord, mon expérience personnelle : ayant vécu et fait de la politique locale dans les cités de banlieue depuis trente ans, j’ai pu observer la « demande de France » de ces populations. Et pas mal de problèmes viennent du refus des institutions françaises de répondre à cette demande. Si les jeunes vont chercher ailleurs des figures paternelles qui puissent représenter la Loi – une loi bien plus rigoureuse que celle de la République – c’est aussi en réponse à l’anomie qui règne dans ces territoires que les institutions républicaines ont abandonné. A ce propos, je dois souligner que l’application de la loi sur le voile dans les établissements scolaires a été appliquée sans la moindre difficulté, par exemple. Ce qui montre que lorsque l’Etat fait preuve de fermeté, les musulmans comprennent parfaitement.

      Il y a bien entendu beaucoup de rapports officiels qui confirment cette impression. D’abord, des études démographiques qui montrent que le mariage mixte reste extrêmement fréquent chez les descendants des immigrants musulmans. Là encore, je vous mets en garde contre la tendance à généraliser des phénomènes localisés. Que chez certaines populations on aille chercher des femmes « au pays » n’empêche que la grande majorité des immigrés forme son couple ici.

      [Pour ma part, et je ne suis pas le seul, j’observe une communautarisation croissante des populations musulmanes. Et le rapport de Keppel il y a quelques temps soulignait la réislamisation des banlieues parmi les jeunes nés en France. Non seulement l’assimilation n’avance plus, mais elle recule…]

      Ce n’est pas contradictoire avec ce que j’ai dit. Que l’immense majorité des immigrés soient en demande d’assimilation n’implique pas qu’une minorité rejette cette assimilation, et qu’elle soit de plus en plus nombreuse. Je ne suis pas partisan de l’angélisme, et je ne nie pas qu’il faille s’occuper sérieusement du combat contre la tendance communautariste qui se manifeste aujourd’hui – et pas que chez les musulmans, malheureusement. Mais il faut entamer ce combat sur un diagnostic sain de la réalité.

      [« Il n’y a pas de « français musulmans » à qui on pourrait faire injonction de faire ce à quoi les autres français ne seraient pas astreints. » Et pourquoi? Voilà des années que beaucoup de musulmans jouent la carte du communautarisme, peut-être est-il temps qu’ils en paient le prix, non?]

      Non. Ce n’est pas parce que les gens sont incohérents dans leurs demandes que nous devons être incohérents dans nos réponses. Si je combats le communautarisme, alors d’un côté je me dois de refuser revendications communautaristes, et d’un autre côté m’interdire de demander à telle communauté ce que je ne demande pas aux autres. Ou bien on ignore les communautés, ou bien on les reconnaît. Mais on ne peut pas avoir des demi-mesures. Exiger des musulmans qu’ils fassent telle ou telle chose revient tout simplement à reconnaître les musulmans comme communauté de droit. C’est précisément cela que je refuse.

      [On ne peut pas être communautariste pour en tirer les bénéfices et s’étonner ensuite d’être associé aux crimes des brebis galeuses de la communauté…]

      Tout à fait. Mais à l’inverse, on ne peut pas être anti-communautariste à l’heure de leur refuser les bénéfices, et ensuite les associer aux crimes des brebis galeuses de la communauté. Et même si eux ne sont pas cohérents, moi – et les institutions de la République – doivent l’être.

      [Au demeurant, les musulmans, dans ma ville ce matin, ont suivi votre conseil: ils n’étaient pas là en tant que musulmans… ni même en tant que citoyens français d’ailleurs, puisqu’ils n’étaient pas là du tout! J’ai croisé en tout et pour tout deux enfoulardées, c’est-à-dire bien moins que quand je fais mes courses au supermarché dans les heures creuses. Et je précise que le centre-ville est plus près de la ZUP que le centre commercial. Le profil des gens présents était globalement le suivant: plus de 40 ans et de type européen. Étrangement, la jeunesse colorée et multiculturelle (pourtant nombreuse dans cette ville) qui constitue "l’avenir de la France" était aux abonnés absents…]

      « Présents » où ? Je n’ai pas très bien compris de quoi vous parlez.

      [Après avoir entendu mes élèves de culture musulmane m’expliquer qu’ "il fallait limiter la liberté" et que "ce que fait Charlie Hebdo, ça ne se fait pas", je pense que proclamer que "l’immense majorité des musulmans sont assimilés ou ne demandent qu’à l’être", c’est très contestable.]

      En fait, si vous regardez mieux votre propre exemple, vous vous rendrez compte que vous apportez de l’eau à mon moulin. Vos élèves auraient pu se taire. Ils auraient pu garder leurs opinions « liberticides » pour eux et écouter votre discours avec indifférence. Mais ils font un choix très différent : ils cherchent à vous expliquer « qu’il faut limiter la liberté », ils vous provoquent – car il ne faut pas les prendre pour des imbéciles, ils savent parfaitement que ce qu’ils disent n’est pas « politiquement correct » – en vous disant que « ce que fait Charlie-Hebdo ne se fait pas ». Ils sont donc dans une logique de débat, et cherchent votre réaction. Pourquoi le font-ils à votre avis, sinon pour susciter chez vous un discours contraire ? Qu’attendent-ils de vous, sinon que vous leur expliquiez pourquoi ils ont tort ?

      Si nous croyons à la liberté de pensée, si nous refusons qu’il y ait un délit d’atteinte au sacré, alors il nous faut admettre que les gens qui n’ont pas nos opinions piétinent nos autels comme nous piétinons les leurs. C’est le droit de vos élèves de penser qu’il faut « limiter la liberté » ou que « ce que fait Charlie Hebdo ne se fait pas ». Je vous fais par ailleurs remarquer que lors de la publication des caricatures, des leaders politiques et religieux – dont Daniel Cohn-Bendit, qui semble l’avoir oublié – ont soutenu avec différentes variations les mêmes thèses. Mais vos élèves acceptent d’exprimer leurs opinions dans un contexte ou ils savent qu’elles seront disputées. Moi, je trouve cela très encourageant, au contraire de vous.

    • dsk dit :

      @ nationalistejacobin

      ["Après avoir entendu mes élèves de culture musulmane m’expliquer qu’ "il fallait limiter la liberté" et que "ce que fait Charlie Hebdo, ça ne se fait pas", je pense que proclamer que "l’immense majorité des musulmans sont assimilés ou ne demandent qu’à l’être", c’est très contestable."]

      Permettez-moi, mais je trouve qu’ils n’ont pas tout à fait tort. Je vous rappelle que dans notre droit, la liberté d’expression ne s’étend pas à l’injure. Or, ce qu’a fait Charlie avec ses mauvaises caricatures me paraît tout à fait relever de l’injure vis-à-vis des musulmans. Si nos tribunaux, plutôt que de se soumettre au libéralisme-libertaire dominant, s’étaient montré vraiment impartiaux, ils auraient condamné "Charlie", et nous n’en serions peut-être pas là aujourd’hui.

    • Descartes dit :

      @ Ruben

      [Je vous trouve bien optimiste pour la prise de conscience. Une fois le soufflé de tout le déferlement d’émotion superficielle retombé, ça repartira comme avant.]

      Je ne sais pas. J’ai trouvé dans la manifestation d’hier une envie, une demande de retour de la Nation et de l’Etat qui m’a semble trop profonde pour que ça « reparte comme avant ». Il est vrai que nos soi-disant élites et notre caste politique en particulier ne sont pas à la hauteur de cette demande. Mais je crois qu’une digue a cédé avec les attentats de mercredi.

    • Bannette dit :

      @ BolchoKek à propos de ton message sur le pessimisme de tes amis policiers :

      j’étais à la manif dimanche pendant toute la durée, et j’ai remarqué une chose qui m’a fait très plaisir : des manifestants sont allés spontanément vers les CRS qui encadraient, surveillaient la manif ou s’occupaient de guider les gens quand les stations de métros ont été réouvertes progressivement, ainsi que les agents de la RATP, pour leur dire "merci", pour leur glisser un petit mot gentil, pour les encourager. Je l’ai vu à plusieurs points et que ça venait de gens très différents. C’était amusant car on voyait que certains policiers n’étaient pas habitués à ce genre de sollicitude, ou étaient à 2 doigts de rougir de plaisir sous leur professionnalisme sans faille.
      Honnêtement, j’ai "senti" que certains redécouvraient que : Oui nous avons des policiers compétents, très dévoués et professionnels (honnêtement, la façon dont été conduits les assauts contre des forcenés psychopathes -ceux-là et l’affaire Merah-, il faut leur rendre hommage). Je suis sûre qu’on a au moins gagné à ce que le discours habituel des bobos soixante-huitards sur le refrain CRS=SS se meure à l’avenir. Il est très important que la confiance entre le peuple et les force de Police soit cultivée, et par leur action impeccable dans des cas si graves (et la gestion de cette manif) il ont marqué beaucoup de points dans la conscience des gens.

    • Bannette dit :

      @nationalistejacobin

      Je comprends que dans ton coin tu sois choqué, vu qu’apparemment la République s’est retirée là où tu habites et que tu as du mal à faire passer un enseignement républicain et laïc vu le travail de sape qu’ont fait les médias, l’Education Nationale, les people et les associations anti-racistes depuis 30 ans.

      J’étais à la manif hier, et des magrébins j’en ai vu beaucoup. Par contre, j’avoue que j’ai été agacée par les panneaux qui veulent se désolidariser des terroristes islamistes du genre « Pas au nom de ma religion », « l’islam n’est pas responsable », « Oui à la Liberté d’expression ET au droit au respect de ma MA religion », les quelques drapeaux algériens ou autres couplés avec le drapeau bleu/blanc/rouge (tout en précisant que j’ai aussi vu quelques « Juif et français »). Comme l’a rappelé Descartes, on ne parle pas que de « Liberté d’expression », mais aussi liberté d’Examen et droit au blasphème inaltérable, deux notions qui ne sont pas rentrées dans la tête de certains. Néanmoins, beaucoup de ces panneaux de magrébins réellement choqués mais aussi communautaristes se trouvaient surtout dans les cortèges des gauchistes infantiles (devinez lesquels…) et qu’à mon sens, c’est la faute des organisateurs.

      Mélenchon et les siens ont commis une grosse erreur politique sur ce coup-là, dont à mon avis il ne s’en remettra pas.
      Cette manif aurait dû être l’occasion de faire un peu de pédagogie de sa part auprès de ses supporters pour expliquer ce que recouvrent la laïcité, la liberté d’expression et de conscience, la nécessaire séparation des sphères publique/privée et de donner les consignes à son SO pour refuser poliment et fermement ce type de drapeaux. A force de caresser dans le bon sens du poil les « immigrés » au nom de l’anti-racisme, ils se retrouvent avec des militants qui revendiquent le droit au… respect de sa religion. D’ailleurs, certains de ses militants en avaient conscience, j’ai discuté avec beaucoup d’entre eux, et ils se rendent compte de l’ampleur des dégâts. Le problème c’est que Méluche et sa bande ne cherchent pas à faire de pédagogie, il peut personnellement être très laïc et favorable au droit au blasphème, mais ce sera toujours pour les cathos et le FN (cibles privilégiées des caricaturistes de Charlie Hebdo), les autres en étant dispensés du fait qu’ils se trouvent dans le camp des victimes.

      Moi perso, je suis allée poliment faire quelques remarques à ceux qui avaient ce genre de drapeaux pour leur rappeler qu’ils seraient priés de prendre compte le fait qu’il y a des athées, des mécréants, des agnostiques qui ont aussi le droit au « respect » et à la liberté d’expression, qu’on a le droit de rire de tout, de contester la réalité historique de son prophète, etc, et qu’on ne peut faire société et développer une sphère publique commune que si on laisse toutes ces questions chez soi, sans les afficher orgueilleusement sous le nez des autres.

      Dans les mêmes ratés, il y a leur repli (parcours à part), parce que les gens n’avaient pas la tête à savoir si la présence des « puissants, la Troïka, les austéritaires, les impérialistes, les bourreaux du peuple palestiniens » était légitime ou non. Ils prennent vraiment les gens pour des cons j’ai l’impression, car ceux-ci voient très bien quand il y a des tentatives de récupération grossière. Ils feraient bien de revoir l’histoire récente : à chaque fois qu’un politicien a voulu se servir de la mort tragique de personnes pour son bénéfice, il s’est pris un camouflet : Aznar en 2004 de même que l’affaire Merah n’a pas servi à faire gagner Sarkozy ni à avoir Le Pen au second tour en 2012. Eh oui, il reste de la décence commune chez les gens. Donc ces vociférations sur les invités indésirables n’ont pas lieu d’être, de même que les rappels sur le « camp » politique auquel appartenaient les morts de Charlie Hebdo sont de mauvais goût (en gros ce seraient des martyrs du Front de gauche, alors qu’une partie d’entre eux les ont traités d’islamophobes…).

      Par contre, j’ai trouvé que les communistes ont été corrects dans l’ensemble, la plupart de leurs panneaux dans la manif étaient des rétrospectives des couvertures de Charlie Hebdo (dont celles qui lui valurent des menaces de morts sur les islamistes).

      Quant à Marine Le Pen, certes il y eu la petite provoc sur le referendum de la peine de mort (mais les français se doutent bien que c’est adressé à une partie de son électorat), mais elle a été « impeccable » dans cette affaire, on voit qu’elle est vraiment très bien conseillée.

    • @ Descartes,

      "D’abord, mon expérience personnelle : ayant vécu et fait de la politique locale dans les cités de banlieue depuis trente ans, j’ai pu observer la « demande de France » de ces populations."
      Je ne demande qu’à vous croire, même si j’avoue être très sceptique.

      "Et pas mal de problèmes viennent du refus des institutions françaises de répondre à cette demande. Si les jeunes vont chercher ailleurs des figures paternelles qui puissent représenter la Loi – une loi bien plus rigoureuse que celle de la République – c’est aussi en réponse à l’anomie qui règne dans ces territoires que les institutions républicaines ont abandonné."
      Cela, je veux bien l’entendre. Si on avait fait de l’école une "Fabrique des Français", au lieu d’en faire la "Fabrique des crétins", nous n’en serions sans doute pas là. Malgré tout, je pense qu’il y a un certain confort à se laisser aller au communautarisme, à la victimisation, au rejet des fautes sur la "société". Je ne peux pas admettre que tous les problèmes viennent du manque de fermeté de la République. Les immigrés et leurs descendants ont aussi choisi la facilité.

      "le mariage mixte reste extrêmement fréquent chez les descendants des immigrants musulmans. Là encore, je vous mets en garde contre la tendance à généraliser des phénomènes localisés. Que chez certaines populations on aille chercher des femmes « au pays » n’empêche que la grande majorité des immigrés forme son couple ici."
      Qu’appelez-vous précisément "mariage mixte"? Il est vrai que beaucoup d’immigré(e)s de nationalité étrangère épousent des Français(e)s, mais ce que ne nous disent pas toujours les études, c’est que le conjoint français peut être assez souvent issu de l’immigration, en provenance du même pays que le conjoint étranger. Par ailleurs, il est très optimiste de conclure que ces unions mixtes sont un signe d’assimilation. Lorsque l’un des conjoints est musulman par exemple, il est très fréquent que les enfants reçoivent des prénoms arabes, culturellement marqués. En tant qu’enseignant, j’ai pu l’observer à plusieurs reprises. Du coup, je me pose une question: lequel "assimile" l’autre? Par ailleurs, on peut constater que des femmes françaises "de souche" en ménage avec un musulman sont confrontées à un retour de ce dernier à sa religion, et à la pression religieuse.
      Les unions mixtes sont à double tranchant: elles peuvent illustrer l’assimilation des immigrés de culture musulmane… ou la capacité des musulmans à absorber des non-musulmans.

      "et pas que chez les musulmans, malheureusement."
      Je ne vous le fais pas dire. Je profite de l’occasion pour dire que je n’ai pas du tout apprécié la venue de M. Netanyahou, qu’on croyait là comme chef de la communauté juive plutôt que comme dirigeant de l’Etat d’Israël. Cette ingérence est inacceptable. Si, comme je l’ai entendu, les victimes juives de Coulibaly sont inhumées en Israël, je suis indigné de cette attitude (déjà, on nous avait fait le coup après Merah). Que dans ces conditions M. Cukierman ose dire que "si les juifs partent, la France sera livrée à la chariah ou au Front National" comme il l’a affirmé à Créteil il y a quelques semaines, je trouve cela très choquant.

      "Ou bien on ignore les communautés, ou bien on les reconnaît."
      J’avoue que je ne sais plus trop ce qu’il faut penser en la matière.

      "« Présents » où ? Je n’ai pas très bien compris de quoi vous parlez."
      Pardon, je parlais de la marche républicaine qui s’est déroulée dans ma ville dimanche matin et à laquelle j’ai assisté.

      "écouter votre discours avec indifférence."
      Non, car j’ai voulu d’abord les écouter, afin d’adapter mon discours à ce qu’ils allaient me dire. Je ne suis pas un prédicateur.

      "ils savent parfaitement que ce qu’ils disent n’est pas « politiquement correct »"
      Tout à fait. D’ailleurs, j’ai bien vu (car je les connais un peu mes gamins) qu’ils choisissaient leurs mots avec grand soin.

      "Ils sont donc dans une logique de débat, et cherchent votre réaction."
      Sans doute. Mais je vous avoue que j’ai très peur de ne pas avoir trouvé les mots justes, et cela me tourmente. A un moment, j’ai senti l’atmosphère si pesante, que j’ai dû la détendre avec un peu d’humour. Cela a fait retomber la pression. Mais ont-ils entendu mon discours? Je n’en suis pas sûr.

      Ce qui m’inquiète aussi, c’est que les autres, les non-musulmans, eux, ne réagissaient pas beaucoup. Je pense que tout n’a pas été négatif dans cet échange (après tout, nous nous sommes écoutés, c’est déjà cela, vous avez raison). Mais pour la suite… Il m’est décidément difficile d’adhérer à l’optimisme cartésien.

    • Descartes dit :

      @ dsk

      [Permettez-moi, mais je trouve qu’ils n’ont pas tout à fait tort. Je vous rappelle que dans notre droit, la liberté d’expression ne s’étend pas à l’injure. Or, ce qu’a fait Charlie avec ses mauvaises caricatures me paraît tout à fait relever de l’injure vis-à-vis des musulmans.]

      Ce n’est pas ce qu’on considéré les tribunaux. Et c’est fort heureux, parce qu’avec une vision de ce qui constitue une « injure » aussi extensive, on serait tous en prison. Moi le premier : dans le titre de ce papier, j’ai qualifié les assassins de Cabu de "cons". N’est ce pas une "injure", ça ?

    • Descartes dit :

      @ Bannette

      [Honnêtement, j’ai "senti" que certains redécouvraient que : Oui nous avons des policiers compétents, très dévoués et professionnels (honnêtement, la façon dont été conduits les assauts contre des forcenés psychopathes -ceux-là et l’affaire Merah-, il faut leur rendre hommage). Je suis sûre qu’on a au moins gagné à ce que le discours habituel des bobos soixante-huitards sur le refrain CRS=SS se meure à l’avenir.]

      On peut l’espérer. Mais je ne suis pas sûr d’avoir tout compris dans cette affaire. Ce qui me surprend, c’est la spontanéité du fait. Il y a d’un côté le sentiment populaire, qui est massif, et de l’autre le discours idéologique qui est, lui, contrôlé essentiellement par les « classes moyennes ». Comment ces deux éléments interagissent ? Comment le discours des idéologues, qui n’a pas véritablement changé, se trouve tout à coup débordé par le sentiment populaire ?

      [Il est très important que la confiance entre le peuple et les force de Police soit cultivée, et par leur action impeccable dans des cas si graves (et la gestion de cette manif) il ont marqué beaucoup de points dans la conscience des gens.]

      Tout à fait. Si vous suivez ce blog, vous aurez remarqué que je n’ai pas attendu cet événement tragique pour soutenir ce point de vue. Le discours « anti-flic » des gauchistes n’est qu’un moyen de se fabriquer un « ennemi » sur lequel on peut lancer des cocktails Molotov, ennemi d’autant plus commode qu’il a les mains liés par des lois et des règlements stricts et ne peut donc pas riposter n’importe comment. Nous avons la chance d’avoir une police – et d’une manière général, une fonction publique – républicaine. Respectons-là.

      Je trouve très intéressant par ailleurs le témoignage des survivants de la rédaction de Charlie sur la personnalité du policier Brinsolaro, celui qui était chargé de la sécurité de Charb. Le récit qui est fait semble montrer que lorsque ce policier entre dans le cercle fermé qu’est la rédaction, il a suscité un mouvement de curiosité. Les « anti-flics » de Charlie découvrent ce qu’est un flic de près. Et loin d’entrer en conflit avec lui, ils l’apprécient, comme être humain et comme professionnel. Ce qui montre qu’on a du mal à détester ce qu’on connaît, et que ce sentiment « anti-flic » est en fait alimenté par une méconnaissance de cette profession.

    • Descartes dit :

      @ Bannette

      [Mélenchon et les siens ont commis une grosse erreur politique sur ce coup-là, dont à mon avis il ne s’en remettra pas. Cette manif aurait dû être l’occasion de faire un peu de pédagogie de sa part auprès de ses supporters pour expliquer ce que recouvrent la laïcité, la liberté d’expression et de conscience, la nécessaire séparation des sphères publique/privée et de donner les consignes à son SO pour refuser poliment et fermement ce type de drapeaux.]

      J’ignorais que Mélenchon avait défilé en tant que leader politique avec un SO à lui. Pourriez-vous être plus explicite ?

      En tout cas, Mélenchon n’est qu’un parmi beaucoup. Ces cinq derniers jours éclairent d’une lumière crue l’état de délabrement de nos partis politiques, et le niveau extrêmement bas de leurs dirigeants. Alors que nous vivons une rupture historique, on ne trouve pas un seul dirigeant pour faire preuve de hauteur, pour tenir un discours qui sorte de l’ordinaire, pour prononcer une formule que l’Histoire puisse retenir. Ils en sont tous restés aux termes d’indignation convenues, aux condoléances larmoyantes… et aux petites manœuvres en coulisse. « Ensemble » n’a rien d’autre à dire que « je ne veux pas défiler avec l’UMP » ?

      [A force de caresser dans le bon sens du poil les « immigrés » au nom de l’anti-racisme, ils se retrouvent avec des militants qui revendiquent le droit au… respect de sa religion. D’ailleurs, certains de ses militants en avaient conscience, j’ai discuté avec beaucoup d’entre eux, et ils se rendent compte de l’ampleur des dégâts.]

      Oui, tout le monde est en train de prendre conscience d’un certain nombre de réalités. Les Cassandres comme Finkielkraut auront finalement eu tort d’avoir raison trop tôt. Cette prise de conscience permettra-t-elle de faire tomber les barrières du « politiquement correct » et de penser les problèmes lucidement ? On peut le souhaiter, mais pour le moment on ne voit personne pour prendre la tête du mouvement.

      [Quant à Marine Le Pen, certes il y eu la petite provoc sur le referendum de la peine de mort (mais les français se doutent bien que c’est adressé à une partie de son électorat), mais elle a été « impeccable » dans cette affaire, on voit qu’elle est vraiment très bien conseillée.]

      Je n’en suis pas aussi persuadé que vous. Elle avait été impeccable dans les médias nationaux, tout comme ses principaux conseillers. Mais je pense qu’elle a fait une erreur en allant à Beaucaire et en transformant le défilé local en meeting politique. Elle aurait mieux fait d’aller sur les terres de son « nouvel » électorat, à Hénin-Beaumont par exemple, ou les risques de dérapage étaient moins évidents. La sortie de son père montre que le conflit entre « l’ancien » FN et le « nouveau » arrive à une phase critique…

    • dsk dit :

      @ Descartes

      ["Ce n’est pas ce qu’on considéré les tribunaux. Et c’est fort heureux, parce qu’avec une vision de ce qui constitue une « injure » aussi extensive, on serait tous en prison. Moi le premier : dans le titre de ce papier, j’ai qualifié les assassins de Cabu de "cons". N’est ce pas une "injure", ça ?"]

      Non. Car vous exprimez là une opinion. C’est là toute la différence : une injure n’est pas une opinion. Elle n’exprime aucune pensée. Elle n’a pour fonction que de blesser celui à qui elle s’adresse. Elle se sert des mêmes moyens que la véritable expression, à savoir le langage, mais elle n’en est pas une, elle n’est qu’une agression. Votre blog est d’ailleurs un très bon exemple: vous en bannissez, me semble-t-il les injures. Diriez-vous que par là, vous limitez la liberté d’expression ? Bien sûr que non. C’est le contraire. Vous la protégez. En ce sens, on peut dire que la prohibition des injures n’est en rien une "limite" à la liberté d’expression. Elle en est une condition. Maintenant, lorsque je prends, par exemple, le dessin de Charlie Hebdo montrant un musulman tentant de se protéger inutilement des balles avec le Coran, et légendé "le Coran c’est de la merde, ça n’arrête pas les balles", quelle sorte de pensée, à votre avis, cela est-il censé exprimer ? Aucune. L’intention est juste d’insulter les musulmans, en les représentant sous les traits d’un pauvre crétin qui s’imaginerait que son livre sacré serait physiquement en mesure d’arrêter des balles.

    • Descartes dit :

      @ nationalistejacobin

      [Malgré tout, je pense qu’il y a un certain confort à se laisser aller au communautarisme, à la victimisation, au rejet des fautes sur la "société". Je ne peux pas admettre que tous les problèmes viennent du manque de fermeté de la République. Les immigrés et leurs descendants ont aussi choisi la facilité.]

      Bien entendu. Le ressort du « victimisme », c’est bien la paresse intellectuelle. Il est beaucoup plus facile intellectuellement de se dire qu’on est condamné par des forces obscures à être ce qu’on est que de se battre pour s’en sortir. Et c’est sur ce ressort qu’on joué les « classes moyennes » depuis la fin des années 1960 pour s’assurer que chacun reste à sa place. Mais c’est trop demander des gens qu’ils renoncent par eux-mêmes à cette facilité. Si les institutions, et en premier lieu l’école, ne propagent pas le message que l’effort est récompensé et la paresse punie, les gens vont pas se mettre à travailler tous seuls.

      [Qu’appelez-vous précisément "mariage mixte"?]

      Le mariage ou les deux époux appartiennent à des traditions culturelles différentes.

      [Il est vrai que beaucoup d’immigré(e)s de nationalité étrangère épousent des Français(e)s, mais ce que ne nous disent pas toujours les études, c’est que le conjoint français peut être assez souvent issu de l’immigration, en provenance du même pays que le conjoint étranger.]

      Dans les études sociologiques, on ne considère pas ce type de mariages comme des mariages mixtes.

      [Par ailleurs, il est très optimiste de conclure que ces unions mixtes sont un signe d’assimilation. Lorsque l’un des conjoints est musulman par exemple, il est très fréquent que les enfants reçoivent des prénoms arabes, culturellement marqués. En tant qu’enseignant, j’ai pu l’observer à plusieurs reprises. Du coup, je me pose une question: lequel "assimile" l’autre?]

      Je ne saurais pas vous dire pour les prénoms. Mais lorsque les conjoints ont des origines différentes, même si elles sont étrangères pour les deux conjoints, la langue parlée au foyer est généralement le français. De même, lorsque les parents ont des religions différentes les enfants sont nécessairement soumis à un relativisme religieux qui rend difficile une vision intégriste du monde. L’union mixte n’est pas nécessairement un signe d’assimilation, mais reste tout de même assez corrélée avec celle-ci.

      [Je ne vous le fais pas dire. Je profite de l’occasion pour dire que je n’ai pas du tout apprécié la venue de M. Netanyahou, qu’on croyait là comme chef de la communauté juive plutôt que comme dirigeant de l’Etat d’Israël. Cette ingérence est inacceptable.]

      Il faut arrêter de se voiler la face. L’immense majorité des juifs français sont assimilés, et n’ont guère de pratique religieuse ou communautaire qui les distingue fondamentalement des français d’autres origines. Du coup, les organisations communautaires ne représentent que les franges les plus ghettoïsées – et donc les plus paranoïaques. Les gouvernement israéliens ont toujours utilisé ces organisations comme instruments de sa politique extérieure, ce qui suppose d’ailleurs de renforcer chaque fois que c’est possible la paranoïa en question. Faut dire les choses comme elles sont : le CRIF est une officine israélienne, et son président est élu ad référendum du gouvernement israélien. Il ne représente en fait qu’une toute petite partie des juifs français.

      [« Ou bien on ignore les communautés, ou bien on les reconnaît. » J’avoue que je ne sais plus trop ce qu’il faut penser en la matière.]

      Moi, en tout cas, j’en reste à la tradition française en la matière : « tout en tant qu’individus, rien en tant que communauté ».

      [« Ils sont donc dans une logique de débat, et cherchent votre réaction. » Sans doute. Mais je vous avoue que j’ai très peur de ne pas avoir trouvé les mots justes, et cela me tourmente. A un moment, j’ai senti l’atmosphère si pesante, que j’ai dû la détendre avec un peu d’humour. Cela a fait retomber la pression. Mais ont-ils entendu mon discours? Je n’en suis pas sûr.]

      Si vous ne les avez pas trouvés aujourd’hui, vous les trouverez peut-être la prochaine fois. Qui a dit que le métier d’enseignant était facile ? Ce n’est pas pour rien que c’est le plus beau métier du monde. Pensez à l’instituteur qui à la fin du XIXème siècle allait en Bretagne enseigner les sciences « laïques ». J’imagine que là aussi l’atmosphère devait être « pesante »…

      [Ce qui m’inquiète aussi, c’est que les autres, les non-musulmans, eux, ne réagissaient pas beaucoup.]

      Peut-être parce que le poids du « politiquement correct » est plus grand pour eux. Etre dans le rôle de « victime » vous donne une supériorité morale dont ne bénéficient pas les enfants de « l’oppresseur ».

      [Je pense que tout n’a pas été négatif dans cet échange (après tout, nous nous sommes écoutés, c’est déjà cela, vous avez raison). Mais pour la suite… Il m’est décidément difficile d’adhérer à l’optimisme cartésien.]

      Laissez-vous tenter… et continuez votre œuvre pédagogique. Nous sommes nombreux à compter sur vous…

    • Bannette dit :

      @Descartes

      J’ignorais que Mélenchon avait défilé en tant que leader politique avec un SO à lui. Pourriez-vous être plus explicite?

      Je me suis mal exprimée, je voulais dire que son cortège où il défilait en tête était encadré par ses camarades, et le SO habituel de son parti.

      Pour ce que tu dis à propos de la petitesse des dirigeants politiques, j’enrage également de voir qu’il y a un boulevard tout tracé pour qu’un républicain fin, ambitieux et intelligent "cueille" le peuple français pour répondre à cette demande de patrie républicaine et ramasse toute la mise si j’ose dire. C’est fou ça, la place est libre et il n’y a personne pour la prendre (ou personne qui la mérite) !

      Chevènement trop vieux et fait partie des Cassandre qui ont eu raison trop tôt : mais je lui en "veux" terriblement de ne pas avoir formé une armée de poulains pour prendre sa relève.
      Mélenchon, des qualités formelles indéniables (je parle de tribun) mais à + 60 ans, n’a toujours pas tué son père Tonton Mitterrand, toujours bloqué dans le rêve européïste de sa jeunesse, sans compter son entourage de gauchistes infantiles. Enorme sentiment de gâchis, comme pour Chevènement (même si c’est pour des raisons différentes, le Che a au moins la rigueur intellectuelle et la bien nommée fondation Res Publica pour se faire pardonner).
      Guaino ? A des qualités et une intelligence indéniable mais trop connoté "sarkozyste" (à tord ou a raison) et a un poids trop faible dans son propre parti.
      Dupont-Aignan ? Pas assez mûr et trop isolé. Il a encore l’avenir devant lui, mais quel dommage qu’il n’arrive pas au moins à rassembler les "républicains de droite".
      Villepin ? A connu son 1/4 d’heure de gloire le jour où il s’est pris pour De Gaulle lors de son fameux discours à l’ONU en 2003 (où il a un peu joué ce rôle d’homme d’état qui répond à une attente des français – la combinaison France Libre+Souveraineté dans la conduite de sa politique étrangère), et… c’est tout. Et contrairement à Guaino, ne s’est jamais confronté au suffrage universel.

    • @ dsk,

      "Permettez-moi, mais je trouve qu’ils n’ont pas tout à fait tort. Je vous rappelle que dans notre droit, la liberté d’expression ne s’étend pas à l’injure. Or, ce qu’a fait Charlie avec ses mauvaises caricatures me paraît tout à fait relever de l’injure vis-à-vis des musulmans. Si nos tribunaux, plutôt que de se soumettre au libéralisme-libertaire dominant, s’étaient montré vraiment impartiaux, ils auraient condamné "Charlie", et nous n’en serions peut-être pas là aujourd’hui."

      Je vous répondrai ce que j’ai répondu à mes élèves (en substance): "Je comprends tout à fait que les musulmans soient choqués par les caricatures de Charlie Hebdo. Personne n’est obligé de trouver que ce que fait Charlie Hebdo est bien ou drôle. On a le droit de penser – et de dire – qu’on n’aime pas le travail de Charlie Hebdo. Certains d’entre vous me disent qu’il faudrait limiter la liberté. Admettons. Demain, donc, décidons qu’il n’y aura plus de caricatures sur les musulmans ou sur le Prophète. Mais il faut respecter le principe d’égalité: plus de caricatures sur Jésus ou sur le pape, ni sur Moïse, ni sur Bouddha, car ces gens sont sacrés pour telle ou telle religion. Bien. Mais pourquoi s’arrêter là? Pour certains fans, Johnny Halliday ou Rihanna sont des idoles vénérées, alors plus de caricatures sur eux non plus. Et puis il y a des gens qui apprécient le Président de la République: interdisons aussi les caricatures des hommes politiques. Vous voyez bien qu’on en arrivera à ne plus rien autoriser… Vous savez, vivre dans une société libre présente beaucoup d’avantages et quelques inconvénients. Les inconvénients, c’est qu’on est obligé de supporter que des gens pensent différemment de nous et que, parfois, ils puissent dire des choses qui nous choquent, qui nous blessent. Je sais que c’est difficile, et je ne vous dirai pas qu’il est simple et naturel d’être tolérant, mais il faut l’accepter. Comprenez bien que le respect, la tolérance, n’implique pas qu’on approuve ce que font, ce que pensent ou croient les autres. Charlie Hebdo a peut être choqué les musulmans, mais Charlie Hebdo ne posait pas de bombes devant les mosquées, il n’empêchait pas les musulmans de prier, de croire ou de construire des lieux de culte. Charlie Hebdo laissait les musulmans vivre en respectant les préceptes de leur religion. Mais laisser les gens libres de croire, de prier, n’empêche pas qu’on peut se moquer d’eux ou trouver leurs croyances ridicules. Vous devez essayer de comprendre que ce qui est sacré pour vous ne l’est pas forcément pour les autres."

      Maintenant, à titre personnel, je suis pour le droit à l’injure, je pense que cela fait pleinement partie de la liberté d’expression. Hormis l’appel explicite au meurtre ou à la violence (qui engendre un trouble à l’ordre public), j’estime qu’on devrait être autorisé à dire pis que pendre de.n’importe quel groupe humain, ethnique, religieux, national, politique. A partir du moment où la loi ne connaît que des citoyens, pourquoi accepter le principe même de "l’offense collective"? J’ajoute qu’être musulman en France est un choix (contrairement au fait d’être originaire de tel ou tel pays par exemple). Personne ne s’est jamais privé de critiquer (et d’insulter) les gens qui choisissent d’aller à la messe ou de voter FN. Pourquoi en serait-il autrement pour les personnes qui choisissent de faire ramadan et d’aller à la mosquée?

      @ Bannette,

      "Je comprends que dans ton coin tu sois choqué, vu qu’apparemment la République s’est retirée là où tu habites"
      Tout à fait. Et je dois dire que je suis très surpris quand Descartes nous explique que "la majorité des musulmans en France sont assimilés ou ne demandent qu’à l’être". Nous ne vivons manifestement pas dans la même France… En tant que professeur, je n’ai pas connu beaucoup d’élèves musulmans, par exemple, qui "ne demandaient qu’à être assimilés". J’ai plutôt entendu "nous, les noirs", "nous, les Arabes", "nous, les musulmans", "notre religion", etc. Je suis également perplexe en lisant ce qu’écrit le commentateur "Raptor": je ne doute pas de sa bonne foi, mais là où j’habite, les Turcs sont extrêmement communautaristes, fermés, nationalistes (tout ce qui n’est pas turc, c’est de la m…); d’ailleurs les Turcs ont leurs propres associations cultuelles, leurs propres mosquées, les femmes portent le foulard d’une certaine façon… De tous les musulmans que j’ai côtoyés, les Turcs sont les plus farouchement communautaristes, parce que leur islam est associé à une identité nationale forte et ils méprisent les Maghrébins. Du moins, c’est ce que j’ai observé.

      Ensuite, je pense être à peu près capable de reconnaître un Maghrébin quand j’en croise un. Eh bien je dois dire que la majorité des femmes maghrébines que je croise sont voilées, et il devient rare d’en voir qui ne le soient pas. Est-ce lié au fait que la population immigrée est regroupée dans la ZUP? Est-ce lié au fait que la plupart des Maghrébins dans ma ville sont des Marocains (ou d’origine marocaine), qui passent souvent pour plus "religieux" et communautaristes que les Algériens ou les Tunisiens? Je ne saurais dire, mais il semble bien, d’après ce que m’ont dit certains collègues, qu’il existe une pression assez forte, un contrôle communautaire, au sein de la population d’origine marocaine, notamment au moment du ramadan si vous voyez ce que je veux dire.

      Il y a quelques années une étude (je n’ai pas les références, désolé) indiquait qu’un peu moins de 50 % des gens de "culture musulmane" fréquentaient une mosquée, avec une régularité inégale. La même étude précisait que 70 % environ faisaient le ramadan, un chiffre en hausse depuis une vingtaine d’années. Il est clair que tous les Français originaires du monde musulman ne sont pas des musulmans pratiquants, ni a fortiori des islamistes. Il n’empêche que beaucoup cultivent une identité "arabo-musulmane" (ou simplement musulmane) qui peut virer au communautarisme, qui est un frein à l’assimilation et qui pose des petits soucis même quand le respect des "racines" se borne à suivre les prescriptions alimentaires par exemple… Le "vivre-ensemble", en France surtout, se cultive aussi autour d’une bonne table.

    • morel dit :

      Nationalistejacobin

      Comment vous dire l’estime qui doit vous revenir avec tant de patience déployée et la volonté d’instruire qui vous anime ?
      Ce qui me choque dans vos propos est surtout qu’il ne semble guère y avoir de soutien concret dans l’institution qui me semble laisser l’enseignant bien seul.

      « Ce qui m’inquiète aussi, c’est que les autres, les non-musulmans, eux, ne réagissaient pas beaucoup. »

      Mes souvenirs scolaires me rappellent que nous ne réagissions pas non plus beaucoup lors de « polémiques » entre prof et élève. J’étais, très honnêtement, dans les moutons. C’est idiot mais ne vaut pas acquiescement, je vous l’assure.

      Par ailleurs, je crois que si l’on veut sortir de cette situation étouffée par le polically correct, il faut poser tous les problèmes sur la table : moi aussi dans ma ville de plus de 200 000 habitants, je n’ai guère vu de manifestants provenant de l’émigration ancienne ou récente. Il n’y a eu, à ma connaissance, aucune attaque de mosquée ou autre.
      Puis-je dire que la seule fois où j’ai vu massivement des « émigrés » dans nos manifs (et, de par mes mandats et convictions, j’en ai fait plus d’une) c’est lors de l’opération « plomb fondu » d’Israël où les mosquées avaient appelé, je l’ai su plus tard. Ça s’est traduit à Paris, par une prière de rue où les organisateurs ont eu du mal à chasser ces calotins.
      Peut-on honnêtement faire un bilan sans fard et sans faux fuyants inutiles ???
      Bilan sans idée préconçue, qui cherche seulement une solution Républicaine.

    • Descartes dit :

      @ dsk

      [Non. Car vous exprimez là une opinion. C’est là toute la différence : une injure n’est pas une opinion. Elle n’exprime aucune pensée. Elle n’a pour fonction que de blesser celui à qui elle s’adresse.]

      Mais alors, ou avez-vous vu Charlie-Hebdo « injurier les musulmans » ? La bande à Charb s’est contenté d’exprimer une « opinion ». Qu’est ce qui vous permet de conclure qu’en publiant des caricatures du Prophète l’équipe de Charlie Hebdo à cherché à « blesser » et non à exprimer une opinion ? Par ailleurs, vous introduisez là une nuance entre « injure » et « opinion » que la loi ne contemple pas. Je pense que la distinction que vous faites entre « opinion » et « injure » est totalement subjective et hors de propos. Dire « untel est un con » est à la fois une opinion et une injure.Que dit la loi ? « Toute expression outrageante, termes de mépris ou invective qui ne renferme l’imputation d’aucun fait est une injure » (loi du 29 juillet 1881 sur la presse, art 29). La jurisprudence a défini, non sans tâtonnements, quelles sont les injures considérés comme ne dépassant les limites tolérables dans le débat public, et quelles sont celles jugées punissables. Il est extrêmement difficile de définir a priori et sans référence au contexte cette limite.

      [Votre blog est d’ailleurs un très bon exemple: vous en bannissez, me semble-t-il les injures. Diriez-vous que par là, vous limitez la liberté d’expression ? Bien sûr que non.]

      Bien sur que si. J’ai parfaitement conscience de « limiter la liberté d’expression », et je le fais parce que je souhaite sauvegarder une liberté qui me paraît ici plus importante, la liberté de débat. Je ne fais ici qu’appliquer une conception qui fait partie du droit français : les droits ne sont jamais absolus, ils se contredisent quelquefois les uns les autres, et il faut trouver le meilleur compromis entre eux, quitte à restreindre tel droit pour en protéger tel autre.

      [Maintenant, lorsque je prends, par exemple, le dessin de Charlie Hebdo montrant un musulman tentant de se protéger inutilement des balles avec le Coran, et légendé "le Coran c’est de la merde, ça n’arrête pas les balles", quelle sorte de pensée, à votre avis, cela est-il censé exprimer ?]

      Ou voyez-vous une « injure » là dedans. Je vous rappelle qu’en droit français une « injure » vise nécessairement une personne, quelquefois une institution, mais jamais une chose. On ne peut « injurier » un arbre, pas plus qu’on ne peut « injurier » le Coran.

      [L’intention est juste d’insulter les musulmans, en les représentants sous les traits d’un pauvre crétin qui s’imaginerait que son livre sacré serait physiquement en mesure d’arrêter des balles.]

      Quant bien même ce serait le cas, je ne peux que vous citer : c’est une « opinion », et non une « injure »… Après tout, c’est vous qui décidez que celui qui pense que le livre sacré peut le protéger des balles – ou que celui qui meurt en martyr a droit à 72 vierges à usage exclusif – est un « crétin ». D’autres pensent au contraire que ceux qui pensent ainsi sont des saints et des martyrs et méritent hommage et imitation.

      Il n’y a rien à faire : la notion de « injure » est terriblement subjective. Ceux qui écrivent que Staline était un dictateur sanguinaire commettent-ils le délit d’injure à la mémoire d’un mort ? Ne cherchent-ils à « blesser » les staliniens survivants ? Alors, pourquoi irait-il autrement pour ceux qui qualifieraient de la même manière le Prophète ?

    • Descartes dit :

      @ Bannette

      [Chevènement trop vieux et fait partie des Cassandre qui ont eu raison trop tôt : mais je lui en "veux" terriblement de ne pas avoir formé une armée de poulains pour prendre sa relève.]

      C’est un peu la tragédie de ce genre de personnage. « Rien ne pousse à l’ombre des grands arbres », disait je ne sais plus qui… Reste le travail de la fondation Res Publica, qui est loin d’être négligeable, mais qui relève plus du travail entre technocrates – le mot n’est pas injurieux dans ma bouche – que du véritable travail politique. Il faut dire aussi que n’ayant pas d’espoir d’accéder à la fonction suprême, Chevènement n’a pas pu garder les jeunes poulains ambitieux qui avaient été séduits par ses idées. Beaucoup ont compris qu’il fallait aller chercher la carrière politique ailleurs. Philippot est un excellent exemple.

      [Mélenchon, des qualités formelles indéniables (je parle de tribun) mais à + 60 ans, n’a toujours pas tué son père Tonton Mitterrand, toujours bloqué dans le rêve européïste de sa jeunesse, sans compter son entourage de gauchistes infantiles. Enorme sentiment de gâchis,]

      Oui, tout à fait. Tacticien hors pair, Mélenchon a montré ses limites comme stratège et comme penseur lorsqu’il a essayé de voler de ses propres ailes. Son dernier livre est pitoyable.

      [Guaino ? A des qualités et une intelligence indéniable mais trop connoté "sarkozyste" (à tord ou a raison) et a un poids trop faible dans son propre parti.]

      Oui, tout à fait. En plus, il a mauvais caractère…

      [Dupont-Aignan ? Pas assez mûr et trop isolé. Il a encore l’avenir devant lui, mais quel dommage qu’il n’arrive pas au moins à rassembler les "républicains de droite".]

      Il pourrait faire de grandes choses, si seulement il acceptait de sortir d’une vision groupusculaire de la politique.

    • dsk dit :

      @ Descartes

      ["Par ailleurs, vous introduisez là une nuance entre « injure » et « opinion » que la loi ne contemple pas."]

      Possible. Je vous ai donné ma définition personnelle, sans forcément chercher à imiter celle de la loi.

      ["Que dit la loi ? « Toute expression outrageante, termes de mépris ou invective qui ne renferme l’imputation d’aucun fait est une injure » (loi du 29 juillet 1881 sur la presse, art 29)."]

      Très bien. Dans ce cas, lorsque vous traitez les frères Kouachi de cons, il ne s’agit pas d’une injure, puisque vous leur imputez le fait d’avoir commis des meurtres. Tandis que quel fait est imputé au Coran lorsque "Charlie" dit que "c’est de la merde" : son incapacité à arrêter les balles ? Bien sûr que non. Ce n’est qu’un prétexte, et tout le monde le comprend ainsi.

      ["La jurisprudence a défini, non sans tâtonnements, quelles sont les injures considérés comme ne dépassant les limites tolérables dans le débat public, et quelles sont celles jugées punissables."]

      C’est pourquoi la définition de la loi me semble plus imprécise que la mienne. Je pense qu’elle aurait moins à "tâtonner" si elle ne faisait que distinguer entre la pure agression verbale et l’expression de sentiments peut-être violents, mais qui resterait tout de même une "expression".

      ["Bien sur que si. J’ai parfaitement conscience de « limiter la liberté d’expression », et je le fais parce que je souhaite sauvegarder une liberté qui me paraît ici plus importante, la liberté de débat."]

      La "liberté de débat", c’est quoi ? Vous recherchez juste un débat, enrichi par la liberté d’expression totale que vous laissez aux participants. Mais si l’un d’eux se mettait à pratiquer l’injure, alors ce ne serait plus un débat. Ce serait un pugilat avec des mots.

      ["Je ne fais ici qu’appliquer une conception qui fait partie du droit français : les droits ne sont jamais absolus, ils se contredisent quelquefois les uns les autres, et il faut trouver le meilleur compromis entre eux, quitte à restreindre tel droit pour en protéger tel autre."]

      Je dirais que traiter quelqu’un de "fils de pute", cela peut être une opinion, lorsque cela s’appuie sur un fait. Mais détaché de tout fait, alors c’est une injure pure et simple, et l’on n’est plus dans l’échange d’opinions, donc dans l’expression. Vous voyez que la définition de la loi n’est finalement pas très éloignée de la mienne.

      ["Ou voyez-vous une « injure » là dedans. Je vous rappelle qu’en droit français une « injure » vise nécessairement une personne, quelquefois une institution, mais jamais une chose. On ne peut « injurier » un arbre, pas plus qu’on ne peut « injurier » le Coran."]

      Soyons sérieux. Injurier le Coran, c’est injurier les musulmans.

      ["Quant bien même ce serait le cas, je ne peux que vous citer : c’est une « opinion », et non une « injure »… Après tout, c’est vous qui décidez que celui qui pense que le livre sacré peut le protéger des balles – ou que celui qui meurt en martyr a droit à 72 vierges à usage exclusif – est un « crétin ». D’autres pensent au contraire que ceux qui pensent ainsi sont des saints et des martyrs et méritent hommage et imitation.]

      Il ne fait aucun doute que pour "Charlie-Hebdo", ceux qui pensent ainsi sont des crétins. Et qui sont ceux qui pensent ainsi ? Les croyants musulmans. CQFD.

      ["Il n’y a rien à faire : la notion de « injure » est terriblement subjective. Ceux qui écrivent que Staline était un dictateur sanguinaire commettent-ils le délit d’injure à la mémoire d’un mort ? Ne cherchent-ils à « blesser » les staliniens survivants ?"]

      Poser la question c’est y répondre. Ils expriment évidemment une opinion, puisque basée sur des faits.

    • Descartes dit :

      @ nationalistejacobin

      [Je vous répondrai ce que j’ai répondu à mes élèves (en substance): (…)]

      En lisant ce paragraphe, je me suis demandé comment vous avez pu un instant craindre de n’avoir pas trouvé les mots justes pour vous adresser à vos élèves. C’est parfait, c’est impeccable. Mais bien sur, je l’écoute du haut de ma perspective culturelle, qui n’est pas forcément celle de vos élèves. Quelle a été leur réaction à ce discours ?

      [« Je comprends que dans ton coin tu sois choqué, vu qu’apparemment la République s’est retirée là où tu habites ». Tout à fait. Et je dois dire que je suis très surpris quand Descartes nous explique que "la majorité des musulmans en France sont assimilés ou ne demandent qu’à l’être". Nous ne vivons manifestement pas dans la même France…]

      Si, mais nous n’en avons pas le même point de vue. Moi, je vous parle d’un point de vue statistique. Vous, vous parlez d’un point de vue sensible. Je persiste : la majorité des musulmans de France sont assimilés ou aspirent à l’être. Mais cela laisse tout de même une minorité dont le poids est loin d’être négligeable, et qui est en tout cas largement suffisante pour remplir votre classe d’adolescents réfractaires…

      L’objet de mon commentaire était de mettre le problème que vous signalez en perspective, pas de le nier. Il y a bien une partie de la population d’origine immigrée qui ne souhaite pas s’assimiler. Et cette partie n’est en rien négligeable. Je l’ai d’ailleurs dit plusieurs fois : je ne crois pas à l’assimilation volontaire. Je pense qu’il y a dans toute assimilation un élément de contrainte. Et si je pense cela, c’est précisément parce qu’il existera toujours une frange minoritaire mais importante pour qui la nécessité de l’assimilation n’est pas une évidence.

      [En tant que professeur, je n’ai pas connu beaucoup d’élèves musulmans, par exemple, qui "ne demandaient qu’à être assimilés". J’ai plutôt entendu "nous, les noirs", "nous, les Arabes", "nous, les musulmans", "notre religion", etc.]

      Le contraire serait étonnant. Vous admettrez que ce discours leur est soufflé en permanence par les médias, par les politiques, par les commentateurs… et par l’éducation nationale elle-même. Quand on affiche dans les écoles des planisphères avec la formule « je suis fier d’être de tel endroit », cela pose des questions évidentes.

      [Est-ce lié au fait que la plupart des Maghrébins dans ma ville sont des Marocains (ou d’origine marocaine), qui passent souvent pour plus "religieux" et communautaristes que les Algériens ou les Tunisiens?]

      Probablement. Il faut faire attention avec le terme « maghrébin », qui en fait regroupe des gens très différents entre eux. Alors que les tunisiens sont en général extrêmement bien intégrés, à l’autre extrême les marocains restent souvent très attachés à leur pays et leur culture d’origine, et d’ailleurs leur pays fait ce qu’il faut pour les encourager dans cette voie. Quant aux algériens, il y a des coupures significatives selon l’époque d’arrivée.

    • Descartes dit :

      @ dsk

      [« Par ailleurs, vous introduisez là une nuance entre « injure » et « opinion » que la loi ne contemple pas. » Possible. Je vous ai donné ma définition personnelle, sans forcément chercher à imiter celle de la loi.]

      Dans la mesure où vous reprochiez aux tribunaux de ne pas avoir fait leur travail en condamnant « Charlie » pour injures, j’imaginais que vous vous référiez à la loi. Un tribunal ne peut condamner sur la base d’une définition personnelle.

      [« Que dit la loi ? « Toute expression outrageante, termes de mépris ou invective qui ne renferme l’imputation d’aucun fait est une injure » (loi du 29 juillet 1881 sur la presse, art 29). » Très bien. Dans ce cas, lorsque vous traitez les frères Kouachi de cons, il ne s’agit pas d’une injure, puisque vous leur imputez le fait d’avoir commis des meurtres.]

      Non. Le fait de les traiter de « cons » ne leur impute, en soi même, aucun fait. C’est toute la différence. Si je dis « les frères Kouachi sont des assassins, ils ont massacré la rédaction de Charlie », je commets une « diffamation », mais non une « injure », puisque je leur impute un fait précis. Si je me contente de dire « les frères Kouachi sont des assassins », je commets une « injure », puisqu’il n’y a pas d’imputation précise. La question de l’imputation permet de séparer la diffamation de l’injure.

      [Tandis que quel fait est imputé au Coran lorsque "Charlie" dit que "c’est de la merde" : son incapacité à arrêter les balles ? Bien sûr que non. Ce n’est qu’un prétexte, et tout le monde le comprend ainsi.]

      L’absence d’imputation ne suffit pas pour caractériser le délite de « injures ». Encore faut-il qu’il y ait « une expression outrageante, des termes de mépris ou invective » à l’encontre d’une personne. On ne peut « injurier » une chose.

      [C’est pourquoi la définition de la loi me semble plus imprécise que la mienne.]

      Je n’ai pas compris quelle est la votre. Pourriez-vous l’expliciter formellement ?

      [Je pense qu’elle aurait moins à "tâtonner" si elle ne faisait que distinguer entre la pure agression verbale et l’expression de sentiments peut-être violents, mais qui resterait tout de même une "expression".]

      Sauf que votre définition semble renfermer un critère extrêmement subjectif, difficile à établir sauf à pouvoir lire les pensées de l’auteur de l’acte. Il est très difficile de déterminer quand un acte est purement gratuit.

      ["Bien sur que si. J’ai parfaitement conscience de « limiter la liberté d’expression », et je le fais parce que je souhaite sauvegarder une liberté qui me paraît ici plus importante, la liberté de débat."][La "liberté de débat", c’est quoi ? Vous recherchez juste un débat, enrichi par la liberté d’expression totale que vous laissez aux participants. Mais si l’un d’eux se mettait à pratiquer l’injure, alors ce ne serait plus un débat. Ce serait un pugilat avec des mots.]

      Mais sur ce blog je ne réprime pas que l’injure, je réprime aussi les manquements à la politesse lorsqu’ils dépassent certaines limites, sans pour autant relever de l’injure (même avec votre définition). J’accepte donc de « limiter la liberté d’expression » – qui inclut, je suis désolé de le dire, l’impolitesse – pour protéger la qualité du débat. Et je l’assume pleinement.

      ["Je ne fais ici qu’appliquer une conception qui fait partie du droit français : les droits ne sont jamais absolus, ils se contredisent quelquefois les uns les autres, et il faut trouver le meilleur compromis entre eux, quitte à restreindre tel droit pour en protéger tel autre."][Je dirais que traiter quelqu’un de "fils de pute", cela peut être une opinion, lorsque cela s’appuie sur un fait.]

      Excellent exemple. Sur ce blog, j’interdis les commentateurs de se traiter mutuellement de « fils de pute », même s’ils sont en mesure de prouver que cela s’appuie sur un fait incontestable. Je suis donc bien en train de limiter la liberté d’exprimer une opinion.

      [Mais détaché de tout fait, alors c’est une injure pure et simple, et l’on n’est plus dans l’échange d’opinions, donc dans l’expression. Vous voyez que la définition de la loi n’est finalement pas très éloignée de la mienne.]

      Vous faites erreur. Une « une expression outrageante, des termes de mépris ou invective » reste une injure – et si elle fait une imputation précise, une diffamation – alors même qu’elle s’appuie sur des faits incontestables. Vous semblez suivre un critère différent – en fait, vous avez deux positions contradictoires : l’une distingue en fonction de l’intentionnalité, l’autre en fonction de la factualité.

      ["Ou voyez-vous une « injure » là dedans. Je vous rappelle qu’en droit français une « injure » vise nécessairement une personne, quelquefois une institution, mais jamais une chose. On ne peut « injurier » un arbre, pas plus qu’on ne peut « injurier » le Coran."][Soyons sérieux. Injurier le Coran, c’est injurier les musulmans.]

      Et critiquer « tintin au pays des soviets », c’est injurier les tintinophiles ? Déjà que nous avons le malheur d’être dans une société de l’offense, si en plus il faut considérer qu’en critiquant un objet on critique du même coup tous ceux qui le tiennent pour important, on n’est pas sortis de l’auberge.

      [« Quant bien même ce serait le cas, je ne peux que vous citer : c’est une « opinion », et non une « injure »… Après tout, c’est vous qui décidez que celui qui pense que le livre sacré peut le protéger des balles – ou que celui qui meurt en martyr a droit à 72 vierges à usage exclusif – est un « crétin ». D’autres pensent au contraire que ceux qui pensent ainsi sont des saints et des martyrs et méritent hommage et imitation ». Il ne fait aucun doute que pour "Charlie-Hebdo", ceux qui pensent ainsi sont des crétins.]

      Peut-être. Mais lorsque « Charlie » dit que ceux qui croient qu’un livre sacré peut les protéger des balles sont des crétins, n’énonce-t-il pas une vérité factuelle ? Vous voyez bien le problème : ce qui est un « fait » dépend ici de votre croyance. Dire que Jeanne-d’Arc était psychotique, est-ce une « injure aux catholiques » ? Ou une tentative de diagnostic ?

      [« Il n’y a rien à faire : la notion de « injure » est terriblement subjective. Ceux qui écrivent que Staline était un dictateur sanguinaire commettent-ils le délit d’injure à la mémoire d’un mort ? Ne cherchent-ils à « blesser » les staliniens survivants ? ». Poser la question c’est y répondre. Ils expriment évidemment une opinion, puisque basée sur des faits.]

      Mais alors, dire que Mahomet était un délirant qui entendait des voix, et accessoirement un guerrier sanguinaire et intolérant, n’est là aussi se fonder sur un « fait » ?

    • @ Descartes,

      "Quelle a été leur réaction à ce discours ?"
      Leur réaction a été, pour certains, d’essayer de me montrer la gravité de l’offense en me décrivant précisément certaines caricatures. Ce n’est pas très clair, mais il semble qu’un collègue leur ait montré certaines caricatures en leur disant en substance: "voilà la liberté d’expression, ça mérite d’être défendu, non?", ce qui me paraît très maladroit… Un élève musulman m’a paru vraiment ému et affecté par le contenu de certaines caricatures: clairement, on touchait là à quelque chose d’intime. Moi, mon boulot n’est pas de blesser les consciences, il faut savoir parfois ménager les sensibilités. Une autre élève m’a fait remarquer que "puisque l’islam ne signifiait rien pour les gens de Charlie, pourquoi donc dessinaient-ils sur le sujet?". J’ai répondu que, malheureusement, l’actualité plaçait régulièrement les musulmans, et notamment les plus extrémistes d’entre eux, sous les projecteurs. Ensuite, un élève (non-musulman) a fait judicieusement remarquer que "la liberté d’expression est de toute façon limitée: les propos racistes, par exemple, sont interdits par la loi". Ce qui nous a fait retomber sur le débat: critiquer l’islam, est-ce du racisme? Et là, il y a une fracture: pour les non-musulmans, ce n’est pas du racisme, pour les musulmans, si (merci aux officines antiracistes, au passage). Qu’ils tiennent ce discours n’est pas surprenant: on a tellement entendu que l’islamophobie était du racisme…

      Je demande donc à un élève:
      "Pourquoi critiquer l’islam relève du racisme à ton avis?
      – Parce que.
      – Parce que quoi?
      – Parce que… c’est tout.
      – Si tu poses des vérités, comme ça, sans les discuter, tu n’es plus dans une logique de liberté."
      Et l’on n’est pas allé plus loin. Le dialogue avait atteint ses limites.

      Le problème, c’est que nous, enseignants, ne tenons pas tous le même discours. Le lendemain de cet échange, une autre classe est arrivée et les élèves m’ont dit: "Monsieur, on voudrait parler de ce qui s’est passé, parce que tel professeur nous a dit des choses qui ne correspondent pas à ce qu’on a vu avec vous en Education civique. Expliquez-nous." Dans cette situation, je marche sur des oeufs, car il faut éviter de contredire trop ouvertement le collègue. Cette classe-là avait vu des caricatures, et pour montrer que Charlie Hebdo s’en prenait à tout le monde, le collègue leur a aussi montré des caricatures sur les chrétiens, le pape, Jésus… Résultat: une élève probablement chrétienne était presque aussi choquée que les musulmans. Voilà, je ne suis pas sûr que tous les professeurs adoptent la bonne méthode, même si moi-même je ne connais pas la solution. L’école, en transmettant un certain nombre de connaissances, contredit de facto les dogmes religieux, elle les sape, mais elle le fait habilement, au nom de l’instruction, pas de la morale. C’est le bon angle d’attaque à mon avis. Mais je ne crois pas que heurter de front les convictions religieuses des élèves (qui sont souvent celles des parents) soit très productif. Contre la tentation de l’obscurantisme religieux, nous devons utiliser la science (au sens large) et la raison, et surtout pas mener une "croisade laïque" qui finit en fait par imposer d’autres dogmes. Parce qu’imposer la liberté et la laïcité au nom de la morale, cela revient à imposer une autre religion.

      En creusant le sujet, j’ai trouvé une interview intéressante de Cabu, où il explique sa démarche, il répond à la question qui lui est posée: "n’avez-vous pas le sentiment de choquer?", il parle des menaces de mort des islamistes, il explique qu’il accepte d’être traîné devant les tribunaux. Cela dure une dizaine de minutes. Je pense que je la diffuserai à certaines de mes classes, quand l’émotion sera un peu retombée, ce sera sans doute plus productif que de leur balancer les caricatures à la figure.

      Mais dites-vous bien que j’ai eu le privilège de pouvoir en parler avec mes élèves, parce que je travaille dans un établissement relativement calme, qui n’est pas classé ZEP. Mes élèves de culture musulmane ne sont pas des "lascars" pour la plupart, et ils ne sont pas majoritaires dans mes classes. Mais je sais que dans un établissement voisin, classé ZEP celui-là, le principal a ordonné aux professeurs de ne pas évoquer les événements… Du moins dans l’immédiat.

      "Le contraire serait étonnant. Vous admettrez que ce discours leur est soufflé en permanence par les médias, par les politiques, par les commentateurs… et par l’éducation nationale elle-même."
      Vous prêchez à un convaincu… Je pourrais vous parler par exemple des cours de "langue et civilisation turques" qui se tenaient le soir, après les cours classiques, à destination exclusive des élèves d’origine turque je précise, dans les locaux d’un collège (public) où j’ai travaillé. Pour casser les logiques communautaires, il n’y a pas mieux n’est-ce pas? Et devinez quoi: dans cette modeste commune rurale, simple chef-lieu de canton, le FN arrive à constituer une liste pour les municipales (ce qui est très rare pour une commune de ce genre, en tout cas dans ma région) et obtient plus de 20 %. Édifiant, n’est-ce pas?

    • Marcailloux dit :

      @Descartes et dsk,
      Bonsoir,
      [Il n’y a rien à faire : la notion de « injure » est terriblement subjective]
      Selon le site du gouvernement, "Une injure est une invective, une expression outrageante ou méprisante, non précédée d’une provocation et qui n’impute aucun fait précis à la victime. Le qualificatif attribué ne peut pas être vérifié"
      Nous sommes dans un état de droit et ce qui peut être considéré comme une injure à une divinité, c’est à dire le blasphème, ne rentre pas dans les actes répréhensibles par la loi. Premier point.
      Second point, si je considère que l’avortement légal est un attentat vis à vis de la vie, qui peut être considérée à juste titre comme sacrée – ce que pensent un bon nombre de Français – on peut raisonnablement penser là qu’il s’agit de blasphème, doublé d’un crime puisqu’il s’agit d’euthanasier un être vivant. Or la loi en a décidé autrement, et cela devient notre "vérité", même si, comme certains musulmans vis à vis de l’islam et de Mahomet, on peut être choqué.
      C’est pourquoi, en me répétant, je considère que l’assimilation des musulmans est très difficile compte tenu des pressions qu’exercent les fondamentalistes du monde entier, de certains caractères de l’islam, et que l’intégration des jeunes fils ou petits fils d’immigrés n’est ni facilitée par les politiques menées depuis 30 ou 40 ans ni favorisée par la situation économique actuelle du pays.Car bien que Français à part entière, combien, en situation d’échec, se retournent contre le milieu culturel qui les a éduqué (mal). La création d’un service national civil, ou pourquoi pas semi militaire pourrait probablement contribuer à la résolution d’une partie du problème. Mais il ne faudrait pas s’engager sur une demi mesure, et alors là! bonjour les manifs et les querelles.

    • dsk dit :

      @ Descartes

      [&amp;quot;Dans la mesure où vous reprochiez aux tribunaux de ne pas avoir fait leur travail en condamnant « Charlie » pour injures, j’imaginais que vous vous référiez à la loi. Un tribunal ne peut condamner sur la base d’une définition personnelle.&amp;quot;]

      Voire. La jurisprudence sait parfaitement, au besoin, se montrer très &amp;quot;créative&amp;quot;. Souvenez-vous, à cet égard, de l’affaire Dieudonné. Ceci dit, je déplore justement une telle &amp;quot;créativité&amp;quot;, qui permet en fait à certains juges de donner libre cours à leur &amp;quot;définition personnelle&amp;quot;. C’est pourquoi je crois utile, surtout dans cette matière essentielle de la liberté d’expression, de réfléchir à certaines précisions que l’on pourrait apporter à la loi, en vue d’éviter les &amp;quot;tâtonnements&amp;quot; des juges. Mais cela suppose alors nécessairement, dans un premier temps, d’élaborer une &amp;quot;définition personnelle&amp;quot;.

      [&amp;quot;Non. Le fait de les traiter de « cons » ne leur impute, en soi même, aucun fait.&amp;quot;]

      Je ne crois pas qu’il y ait de &amp;quot;fait en soi-même&amp;quot;, en cette matière. Tout &amp;quot;fait&amp;quot; de violence verbale s’apprécie en fonction de son contexte. Traiter quelqu’un de con est tantôt une injure, tantôt non. Dans votre exemple, on voit sans peine le &amp;quot;fait&amp;quot; qui justifie que vous traitiez les terroristes de &amp;quot;cons&amp;quot; : c’est leur absence totale de sens de l’humour que révèle leur violence disproportionnée. Maintenant, imaginez qu’un nouveau commentateur débarque et nous adresse cette seule remarque : &amp;quot;tas de cons&amp;quot;. Ce sera très clairement une injure, car il n’y aura aucun moyen de savoir à quoi il fait allusion. Peut-être à rien. Ce pourrait même être purement gratuit. Il aura juste voulu porter atteinte à notre ego. Par contre, s’il nous traite de cons au motif que nous ne parlons pas suffisamment de Mélenchon, ce sera son opinion, qu’il aura &amp;quot;exprimée&amp;quot;, c’est-à-dire sortie de lui. Il aura fait un pas dans notre direction. Ce sera donc, en soi, de sa part, une attitude non-violente, contre laquelle aucune répression, du moins légale, ne saurait se justifier.

      [&amp;quot;La question de l’imputation permet de séparer la diffamation de l’injure.&amp;quot;]

      Pas seulement. Elle sert à définir ce qu’est l’injure. Vous pouvez parfaitement avoir une expression outrageante, des termes de mépris ou des invectives qui renferment l’imputation d’un fait, sans que ce soit pour autant de la diffamation, dès lors que le fait en question est avéré, et ce ne sera pas non plus une injure.

      [&amp;quot;On ne peut « injurier » une chose.&amp;quot;]

      Ah bon ? Dans ce cas, j’imagine que vous ne le prendriez pas mal si l’on vous disait que votre blog, &amp;quot;c’est de la merde&amp;quot;. On ne ferait là, après tout, qu’injurier une chose. 

      [&amp;quot;Je n’ai pas compris quelle est la votre. Pourriez-vous l’expliciter formellement ?&amp;quot;]

      L’injure est un propos dont l’unique objet est de blesser son destinataire.

      [&amp;quot;Sauf que votre définition semble renfermer un critère extrêmement subjectif, difficile à établir sauf à pouvoir lire les pensées de l’auteur de l’acte. Il est très difficile de déterminer quand un acte est purement gratuit.&amp;quot;]

      Peut-être. Et alors ? Ce qui compte, c’est que le critère soit le bon. D’autre part, s’il existe une hypothèse plausible pour que l’auteur de l’injure se soit en fait &amp;quot;exprimé&amp;quot;, alors il ne devra pas être condamné, tout simplement. 

      [&amp;quot; Mais sur ce blog je ne réprime pas que l’injure, je réprime aussi les manquements à la politesse lorsqu’ils dépassent certaines limites, sans pour autant relever de l’injure (même avec votre définition). J’accepte donc de « limiter la liberté d’expression » – qui inclut, je suis désolé de le dire, l’impolitesse – pour protéger la qualité du débat. Et je l’assume pleinement.&amp;quot;]

      Vous soulevez là un point que je trouve très intéressant : c’est celui des règles de forme nombreuses que suppose la &amp;quot;qualité du débat&amp;quot; : politesse, écoute, respect de la langue française, bonne foi etc. Je dirais que paradoxalement, toutes ces règles ont pour objet de favoriser l’expression. Mais la loi ne saurait les imposer, car elle ne peut réprimer que les manquements les plus graves. Cela n’empêche que sa logique est fondamentalement la même : si elle réprime les injures, c’est aussi pour protéger la &amp;quot;qualité du débat&amp;quot;.

      [&amp;quot;Vous faites erreur. Une « une expression outrageante, des termes de mépris ou invective » reste une injure – et si elle fait une imputation précise, une diffamation – alors même qu’elle s’appuie sur des faits incontestables. Vous semblez suivre un critère différent – en fait, vous avez deux positions contradictoires : l’une distingue en fonction de l’intentionnalité, l’autre en fonction de la factualité.&amp;quot;]

      Disons que je recherche l’intention qui se cache derrière la &amp;quot;factualité&amp;quot;. Je me demande pourquoi une &amp;quot;expression outrageante, termes de mépris ou invective qui ne renferme l’imputation d’aucun fait&amp;quot; serait une injure. Quel rapport entre l’injure et cette &amp;quot;imputation d’aucun fait&amp;quot; ? Et je réponds que c’est parce que, lorsque l’on &amp;quot;impute un fait&amp;quot;, on exprime un jugement, une opinion, autrement dit on &amp;quot;s’exprime&amp;quot;, on dialogue.

       &amp;quot;Et critiquer « tintin au pays des soviets », c’est injurier les tintinophiles ?&amp;quot;]

      &amp;quot;Critiquer&amp;quot;, non. Mais &amp;quot;injurier&amp;quot;, peut-être, si le &amp;quot;tintinophile&amp;quot; à qui l’on s’adresse s’y identifie.

      [&amp;quot;Mais alors, dire que Mahomet était un délirant qui entendait des voix, et accessoirement un guerrier sanguinaire et intolérant, n’est là aussi se fonder sur un « fait » ?&amp;quot;]

      Tout à fait. A la différence de dire &amp;quot;Le Coran c’est de la merde&amp;quot;.

    • Descartes dit :

      @ nationalistejacobin

      [Leur réaction a été, pour certains, d’essayer de me montrer la gravité de l’offense en me décrivant précisément certaines caricatures. Ce n’est pas très clair, mais il semble qu’un collègue leur ait montré certaines caricatures en leur disant en substance: "voilà la liberté d’expression, ça mérite d’être défendu, non?", ce qui me paraît très maladroit…]

      Très maladroit en effet. J’ai lu un certain nombre de papiers sur les manières dont cet évènements a été vécu dans les établissements scolaires et les réactions des enseignants, et je dois avouer que je suis un peu effaré par les difficultés que ces affaires révèlent. Pour faire simple. Bien sur, j’étais conscient que les idéologies anti-institutionnelles martelées depuis plus de trente ans avaient un effet destructeur, mais je n’avais pas réalisé à quel point la dégradation est profonde. Pour le dire simplement, il n’y a plus dans l’éducation nationale d’épine dorsale idéologique qui serve de référence commune mais aussi de protection institutionnelle à l’ensemble du corps enseignant. En fait, les enseignants sont livrés à eux-mêmes, réduits à puiser dans leurs propres convictions et leur propre vision du monde les réponses aux interrogations et aux défis des élèves. Et particulièrement mal armés pour cela, pris entre leur « culpabilité coloniale », leur vision « libérale-libertaire », la pression de leur hiérarchie sur me mode « pas de vagues »… comment pourraient-ils dans ces conditions délivrer un message qui soit à la fois ferme et rationnel ?

      Je crois qu’il faut le dire et le répéter : que des musulmans se sentent offensés par les caricatures publiées par Charlie Hebdo est parfaitement normal. Les musulmans ont le droit de se sentir offensés, tout comme les staliniens ont le droit de se sentir offensés qu’on présente leur idole comme un tyran sanguinaire. Et ils ont le droit de le dire, ce qui ne veut pas dire qu’ils aient le droit d’agresser physiquement ceux qui les offensent. Ce qu’il faut faire comprendre aux élèves, c’est que s’ils ont le droit de se sentir offensés – et de le manifester dans le cadre quel a loi républicaine fixe – ils n’ont pas pour autant le droit de sortir de ce cadre. Que la République a pour objet précisément d’organiser un système dans lequel chacun de nous supporte de temps en temps d’être gravement offensé par les autres, et qu’en échange les autres doivent supporter la même offense quand c’est nous qui l’infligeons. Le plus difficile, c’est de faire comprendre aux jeunes qu’eux aussi offensent les autres, par leurs attitudes, par leurs déclarations, par leurs pratiques. Et que ces offenses sont quotidiennement tolérées.

      Les enseignants ne semblent pas se rendre compte que leur « sacré personnel » est aussi relatif que celui de leurs élèves. Que chacun de nous a le droit de décider ce qu’il entend sacraliser, et de se sentir offensé quand ce qu’il a sacralisé est violé. Admettre cette relativité du sacré n’implique pas tomber dans le relativisme. Si l’on peut rire de Mahomet – ou du Christ, ou de Jehova – et pas de la Shoah, c’est parce que la Shoah est sacralisée institutionnellement pour des raisons d’ordre public, et non parce qu’il y aurait une différence transcendente entre les différents « sacrés ». Mais seule une institution peut imposer une telle distinction, jamais un individu. Et c’est là que les enseignants se sont condamnés eux mêmes à une solitude mortifère. En se faisant les propagandistes d’un discours qui dénie aux institutions la possibilité de sacraliser, ils n’ont plus de référence possible. Ils sont réduits à présenter leurs convictions personnelles comme des évidences universelles, genre « c’est ça la liberté d’expression », comme dans votre exemple.

      [Un élève musulman m’a paru vraiment ému et affecté par le contenu de certaines caricatures: clairement, on touchait là à quelque chose d’intime. Moi, mon boulot n’est pas de blesser les consciences, il faut savoir parfois ménager les sensibilités. Une autre élève m’a fait remarquer que "puisque l’islam ne signifiait rien pour les gens de Charlie, pourquoi donc dessinaient-ils sur le sujet?". J’ai répondu que, malheureusement, l’actualité plaçait régulièrement les musulmans, et notamment les plus extrémistes d’entre eux, sous les projecteurs.]

      Je ne trouve là que des questionnements for intelligents, et qu’une école républicaine ne devrait pas avoir des difficultés à gérer. Oui, la religion est une affaire intime, et certaines caricatures peuvent bien évidement offenser. Il faut le comprendre et l’admettre. Et expliquer encore et toujours que ce que chacun de nous est « offensé » par des choses différentes, et que si on interdit en général à tous ce qui offense untel ou untel, on finira par vivre dans une prison. La question de savoir pourquoi, si « l’islam ne signifie rien pour les gens de Charlie » ils dessinaient sur le sujet ouvre un boulevard pédagogique. La réponse qui me vient à l’esprit est d’expliquer que l’islam « signifie » quelque chose pour les non musulmans. Qu’on peut s’intéresser aux religions, aux coutumes, à l’histoire des musulmans sans l’être, et avoir un avis là-dessus. Qu’ils sont eux aussi invités à s’intéresser – et éventuellement à critiquer – l’histoire, les coutumes et la religion des autres.

      [Ensuite, un élève (non-musulman) a fait judicieusement remarquer que "la liberté d’expression est de toute façon limitée: les propos racistes, par exemple, sont interdits par la loi". Ce qui nous a fait retomber sur le débat: critiquer l’islam, est-ce du racisme? Et là, il y a une fracture: pour les non-musulmans, ce n’est pas du racisme, pour les musulmans, si (merci aux officines antiracistes, au passage). Qu’ils tiennent ce discours n’est pas surprenant: on a tellement entendu que l’islamophobie était du racisme…]

      Bien entendu. Mais la fonction de l’école est aussi de démonter – toujours à partir d’une critique rationnelle – le discours ambiant. L’enseignant ne devrait pas d’ailleurs hésiter à critiquer lui-même « l’esprit Charlie Hebdo ». A force de n’exercer la critique rationnelle que contre certaines positions, on donne l’impression que l’institution est biaisée.

      [Je demande donc à un élève:
      "Pourquoi critiquer l’islam relève du racisme à ton avis?
      – Parce que.
      – Parce que quoi?
      – Parce que… c’est tout.
      – Si tu poses des vérités, comme ça, sans les discuter, tu n’es plus dans une logique de liberté."
      Et l’on n’est pas allé plus loin. Le dialogue avait atteint ses limites.]

      Je suis gêné par cette conclusion. Mon interprétation est que ce ne sont pas les limites du dialogue que vous avez atteint, mais les limites de la capacité de l’élève de retour sur lui-même. Les jeunes ont souvent des « vérités » auxquelles ils se raccrochent, mais ne se posent que très rarement la question de savoir comment ces « vérités » se construisent. Je me souviens d’avoir discuté avec des jeunes chrétiens qui essayaient de me convaincre que la bible était la parole de Dieu. Ils ont été très surpris quand je leur ai expliqué que le texte biblique tel que nous le connaissons aujourd’hui est extrait à partir de traductions, elles mêmes faites à partir de traductions du texte original, et qui en plus ont été mutilés par les premiers conciles sous prétexte que certaines parties étaient apocryphes. Qu’aucun des textes dont on dispose n’est autographe, et que le texte dont nous disposons aujourd’hui n’est probablement pas fidèle à l’original, si tant est que cet original ait existé un jour. Comment, dans ces conditions, être sur que c’est la parole de Dieu ?

      Un des problèmes de l’enseignement est qu’il ne consacre finalement pas beaucoup de temps de réflexion à la nature des « vérités » qu’il enseigne. Dans l’idéal, quand on dit à l’élève que « le Mont Blanc fait 4810m » sa réaction devrait être de demander « comment le sait-on ».

      [Le problème, c’est que nous, enseignants, ne tenons pas tous le même discours. Le lendemain de cet échange, une autre classe est arrivée et les élèves m’ont dit: "Monsieur, on voudrait parler de ce qui s’est passé, parce que tel professeur nous a dit des choses qui ne correspondent pas à ce qu’on a vu avec vous en Education civique.]

      Oui. Ou plutôt c’est la le symptôme d’un problème plus profond. Le véritable problème, c’est que les enseignants tiennent chacun leur discours, et non pas un discours institutionnel. Et à partir du moment ou chacun tient son discours, les discours ne peuvent être que divergents, tout simplement parce que chacun a son opinion. Les enseignants devraient faire à chaque occasion la différence entre leur opinion personnelle – qui est nécessairement différente selon les individus, et qui doit être présentée comme éminemment relative – et la pensée institutionnelle. Encore faut-il que l’institution ait une pensée claire, ce qui est loin d’être évident.

      [Expliquez-nous." Dans cette situation, je marche sur des oeufs, car il faut éviter de contredire trop ouvertement le collègue.]

      Pourquoi ? S’il exprime une opinion personnelle, alors le fait que vous en ayez une autre ne pose aucun problème. Après tout, on enseigne bien aux élèves qu’en matière d’opinion, chacun a le droit de penser ce qu’il veut. Le problème est qu’on ne fait pas la différence entre la pensée de l’enseignant en tant que citoyen avec celle de l’enseignant en tant qu’agent d’une institution.

      [Cette classe-là avait vu des caricatures, et pour montrer que Charlie Hebdo s’en prenait à tout le monde, le collègue leur a aussi montré des caricatures sur les chrétiens, le pape, Jésus… Résultat: une élève probablement chrétienne était presque aussi choquée que les musulmans.]

      Bravo ! Cela donne une porte d’entrée pour expliquer ce qu’est une société libre : c’est une société ou chacun accepte d’être à son tour l’offenseur et l’offensé.

      [L’école, en transmettant un certain nombre de connaissances, contredit de facto les dogmes religieux, elle les sape, mais elle le fait habilement, au nom de l’instruction, pas de la morale. C’est le bon angle d’attaque à mon avis.]

      Tout à fait d’accord. Et les enfants sont parfaitement capables de concilier deux vérités, celle du savoir scientifique et celle de la foi. Ils comprennent parfaitement, même lorsqu’ils sont croyants, que leurs parents, devant une maladie grave, ne se contentent pas de la prière et vont consulter le médecin. On en revient au sujet abordé dans la célèbre circulaire Ferry, dite « lettre aux instituteurs ». L’école est là d’abord pour transmettre le savoir. Et lorsqu’elle s’aventure sur le terrain moral, elle doit se tenir à la morale que n’importe quel honnête homme peut accepter.

      [Mais je ne crois pas que heurter de front les convictions religieuses des élèves (qui sont souvent celles des parents) soit très productif. Contre la tentation de l’obscurantisme religieux, nous devons utiliser la science (au sens large) et la raison, et surtout pas mener une "croisade laïque" qui finit en fait par imposer d’autres dogmes. Parce qu’imposer la liberté et la laïcité au nom de la morale, cela revient à imposer une autre religion.]

      Tout à fait. La laïcité, il faut le dire et le répéter, c’est l’indifférence de l’espace public aux religions. L’école n’a pas à se mêler de ce qui appartient à la sphère privée.

      [Vous prêchez à un convaincu… Je pourrais vous parler par exemple des cours de "langue et civilisation turques" qui se tenaient le soir, après les cours classiques, à destination exclusive des élèves d’origine turque je précise, dans les locaux d’un collège (public) où j’ai travaillé. Pour casser les logiques communautaires, il n’y a pas mieux n’est-ce pas? Et devinez quoi: dans cette modeste commune rurale, simple chef-lieu de canton, le FN arrive à constituer une liste pour les municipales (ce qui est très rare pour une commune de ce genre, en tout cas dans ma région) et obtient plus de 20 %. Édifiant, n’est-ce pas?]

      Oui. Dieu se rit des hommes qui se plaignent des conséquences alors qu’ils en chérissent les causes…

    • Descartes dit :

      @ Marcailloux

      [Selon le site du gouvernement, "Une injure est une invective, une expression outrageante ou méprisante, non précédée d’une provocation et qui n’impute aucun fait précis à la victime. Le qualificatif attribué ne peut pas être vérifié"]

      Tout à fait. Mais puisque le code pénal prévoit que l’injure est punie d’une peine assez lourde, il est clair que cette définition n’est pas véritablement utilisée. Autrement, nous risquerions tous la correctionnelle. Qui n’a jamais qualifié un collègue dans une réunion de « connard » ? Que celui qui ne l’a jamais fait lance la première pierre.

      [Second point, si je considère que l’avortement légal est un attentat vis à vis de la vie, qui peut être considérée à juste titre comme sacrée – ce que pensent un bon nombre de Français – on peut raisonnablement penser là qu’il s’agit de blasphème, doublé d’un crime puisqu’il s’agit d’euthanasier un être vivant.]

      Le blasphème est l’injure envers la divinité. Violer un commandement peut être considéré un « pêché », mais ce n’est pas un « blasphème ».

      [Or la loi en a décidé autrement, et cela devient notre "vérité", même si, comme certains musulmans vis à vis de l’islam et de Mahomet, on peut être choqué.]

      Non, justement. La loi civile n’a rien à voir avec la « vérité ». La loi peut même consacrer un mensonge (pensez à la présomption irréfragable de paternité au bénéfice du mari, inscrite dans le code civil). Les législateurs votent des normes parce qu’elles sont utiles, voire nécessaires, mais jamais parce qu’elles sont « vraies ».

      [C’est pourquoi, en me répétant, je considère que l’assimilation des musulmans est très difficile compte tenu des pressions qu’exercent les fondamentalistes du monde entier, de certains caractères de l’islam, et que l’intégration des jeunes fils ou petits fils d’immigrés n’est ni facilitée par les politiques menées depuis 30 ou 40 ans ni favorisée par la situation économique actuelle du pays.]

      Je veux bien pour tout le reste… mais que vient faire dans cette liste les « caractères de l’Islam » ? Le judaïsme, lui non plus, ne connaît pas la différence entre le civil et le religieux, et je n’ai pas l’impression que les juifs français aient eu trop de difficulté à s’assimiler. En fait, seul le christianisme, parce qu’il est né dans le contexte particulier d’un pouvoir civil très fort et qui n’était pas lui-même chrétien, a théorisé dès le départ la séparation du civil et du religieux. Si je suivais votre raisonnement, seul le christianisme serait compatible avec la République laïque…

      [La création d’un service national civil, ou pourquoi pas semi militaire pourrait probablement contribuer à la résolution d’une partie du problème.]

      Pas tel que le service civil est conçu, c’est-à-dire, une sorte de volontariat associatif. L’avantage du service militaire était d’abord qu’il était obligatoire, et touchait donc l’ensemble d’une classe d’âge sans distinction sociale. Ensuite, qu’il organisait un véritable brassage social : c’était souvent le premier lieu ou des bourgeois avaient un contact avec le mode de vie ouvrier et vice-versa. Il avait aussi l’avantage d’arracher le conscrit à sa famille, à son quartier, à sa région, à ses amis, pour le plonger dans une situation différente, régie par des règles différentes et dont la légitimité n’était pas soumise à discussion. Enfin, il se faisait au sein d’une institution unitaire, aux traditions fortes, ayant un véritable sens du rituel et de l’initiation. Je ne crois pas que le service civil tel qu’on le conçoit aujourd’hui réunisse aucune de ces qualités.

    • dsk dit :

      @ nationalistejacobin

      [&amp;quot;Certains d’entre vous me disent qu’il faudrait limiter la liberté. Admettons. Demain, donc, décidons qu’il n’y aura plus de caricatures sur les musulmans ou sur le Prophète.&amp;quot;]

      Votre discours est juste, mais je me demande simplement s’il répondait bien aux questions de vos élèves. Par &amp;quot;’limiter la liberté&amp;quot;, entendaient-ils effectivement &amp;quot;interdire toute caricature sur les musulmans ou sur le prophète&amp;quot; ? Car ce que je tente par ailleurs d’expliquer à Descartes, c’est qu’en soi, il n’est pas absurde de dire qu’il faut &amp;quot;limiter la liberté&amp;quot;, et que &amp;quot;ce que fait Charlie Hebdo, ça ne se fait pas&amp;quot;. Il est vrai qu’étant donné l’actuelle hystérie collective &amp;quot;Je suis Charlie&amp;quot;, il serait peut-être un peu risqué de leur concéder ce point…

    • dsk dit :

      @ Marcailloux

      [&amp;quot;Nous sommes dans un état de droit et ce qui peut être considéré comme une injure à une divinité, c’est à dire le blasphème, ne rentre pas dans les actes répréhensibles par la loi. Premier point.&amp;quot;]

      Attendez. Comment un anti-religieux militant tel que &amp;quot;Charlie&amp;quot; pourrait-il donc &amp;quot;injurier une divinité&amp;quot; ? Cela signifierait qu’il croit à son existence… Il est évident que lorsqu’il injurie une divinité, il entend, en réalité, injurier ses adeptes. Quant au blasphème, c’est une notion toute différente: il s’agit juste d’une parole qu’une religion défend, mais ce peut être bien d’autres choses que de simples injures. Ce peut-être par exemple une critique qui, elle, doit bien évidemment être autorisée par la loi.

    • @ Descartes,

      &amp;quot;mais je n’avais pas réalisé à quel point la dégradation est profonde. Pour le dire simplement, il n’y a plus dans l’éducation nationale d’épine dorsale idéologique qui serve de référence commune mais aussi de protection institutionnelle à l’ensemble du corps enseignant.&amp;quot;
      Le mal est profond, très profond, croyez-moi. Les enseignants manquent d’esprit de corps au sens noble du terme. Le drame est que nous sommes les héritiers d’une profession jadis prestigieuse et créée dans un cadre idéologique solide. Nous avons perdu le prestige et l’idéologie…

      &amp;quot;En fait, les enseignants sont livrés à eux-mêmes, réduits à puiser dans leurs propres convictions et leur propre vision du monde&amp;quot;
      C’était exactement la raison pour laquelle je n’étais pas très chaud pour aborder la question en classe. Surtout après avoir entendu certains collègues raconter le discours qu’ils avaient tenu aux élèves…

      &amp;quot;Les enseignants ne semblent pas se rendre compte que leur « sacré personnel » est aussi relatif que celui de leurs élèves&amp;quot;
      Je peux vous l’affirmer: beaucoup ne s’en rendent pas compte. Plusieurs de mes collègues ont étalé ostensiblement leur soutien à Charlie Hebdo (autocollants &amp;quot;je suis Charlie&amp;quot; sur le manteau, fond d’écran &amp;quot;je suis Charlie&amp;quot;, caricatures affichées dans la salle de classe…). Les élèves, notamment musulmans, ont eu le sentiment de se retrouver en face de partisans déclarés de Charlie, et ils l’ont interprété en se disant que les enseignants en question trouvaient normal voire souhaitable qu’on insulte le Prophète. D’où le fait que certains m’ont demandé: &amp;quot;et vous, Monsieur, êtes-vous Charlie?&amp;quot;. J’ai simplement déclaré que j’étais pour la liberté d’expression et surtout pour le respect de la loi. J’ai senti que certains élèves étaient gênés par le soutien trop démonstratif à mon sens que des professeurs avaient accordé à Charlie Hebdo dans le cadre de leur fonction. Mais il faut noter que les mêmes enseignants qui vous parlent, la larme à l’œil, de liberté d’expression et de tolérance sont prêts à vous traiter de &amp;quot;fasciste&amp;quot; si vous n’êtes pas d’accord avec eux. Tenez, pas plus tard qu’aujourd’hui, j’ai entendu: &amp;quot;ah ben, si ça avait été Zemmour [qui s’était fait buter], je ne me serais pas déplacé dimanche, je le supporte pas celui-là, faut qu’il se taise&amp;quot;. Sans commentaire…

      &amp;quot;Mais la fonction de l’école est aussi de démonter – toujours à partir d’une critique rationnelle – le discours ambiant.&amp;quot;
      Dites plutôt &amp;quot;devrait être&amp;quot; de démonter le discours ambiant. Parce que je peux vous affirmer que beaucoup de professeurs abondent dans le sens du &amp;quot;discours ambiant&amp;quot;…

      Prenons le racisme, puisque j’évoquais cet exemple: il est courant de confondre racisme et xénophobie, voire d’associer le racisme à n’importe quelle forme de rejet, de stigmatisation ou de haine. Il est fréquent de commettre des anachronismes (le racisme n’apparaît véritablement qu’au XIX° siècle lorsque est créée la théorie des races, aussi parler de &amp;quot;racisme&amp;quot; au Moyen Âge n’a pas grand sens). Mais c’est une grave erreur que de penser que le racisme engendre systématiquement la haine et les génocides.

      Il a existé un racisme &amp;quot;paternaliste&amp;quot; au temps de la colonisation. Lorsque Jules Ferry déclare que &amp;quot;les races supérieures ont le devoir de civiliser les races inférieures&amp;quot;, il tient des propos racistes. Mais dans son esprit, il n’y a ni haine, ni rejet, au contraire: il pense (et je ne doute pas de sa sincérité) que la France peut réellement apporter des choses positives aux peuples colonisés. Ce racisme, même s’il nous choque aujourd’hui, est à la fois condescendant et bienveillant, car le but n’est pas d’exterminer, mais d’améliorer la condition des colonisés en rapprochant leur mode de vie de celui des Français. Le racisme ne se résume aux crimes du nazisme… Mais je ne doute pas que Ferry est présenté comme un immonde fasciste dans certains cours.

      &amp;quot;Et à partir du moment ou chacun tient son discours, les discours ne peuvent être que divergents, tout simplement parce que chacun a son opinion.&amp;quot;
      Tout à fait. Mais trop d’enseignants prennent leur opinion pour une vérité indiscutable, sans comprendre qu’ils tombent dans le même travers que celui qu’ils reprochent à leurs élèves…

    • dsk dit :

      @ nationalistejacobin

      [&amp;quot;Maintenant, à titre personnel, je suis pour le droit à l’injure, je pense que cela fait pleinement partie de la liberté d’expression.&amp;quot;]

      Ah bon ? Vos élèves ont le droit de vous injurier ? La vie en société implique certaines règles. On ne peut, d’un côté, regretter que certains ne fassent pas l’effort de s’assimiler, et de l’autre leur expliquer qu’en France, tout est permis, même l’injure.

      [&amp;quot;Hormis l’appel explicite au meurtre ou à la violence (qui engendre un trouble à l’ordre public), j’estime qu’on devrait être autorisé à dire pis que pendre de.n’importe quel groupe humain, ethnique, religieux, national, politique.&amp;quot;]

      &amp;quot;Dire pis que pendre&amp;quot;, c’est autre chose qu’injurier. L’injure est une agression, non une critique.

      [&amp;quot;A partir du moment où la loi ne connaît que des citoyens, pourquoi accepter le principe même de &amp;quot;l’offense collective&amp;quot;?&amp;quot;]

      Ce n’est pas exact. Aujourd’hui, beaucoup d’associations, telles SOS racisme par exemple, sont investies du droit de défendre des intérêts collectifs. De même les syndicats.

      [&amp;quot;J’ajoute qu’être musulman en France est un choix (contrairement au fait d’être originaire de tel ou tel pays par exemple). Personne ne s’est jamais privé de critiquer (et d’insulter) les gens qui choisissent d’aller à la messe ou de voter FN. Pourquoi en serait-il autrement pour les personnes qui choisissent de faire ramadan et d’aller à la mosquée?&amp;quot;]

      Encore une fois, vous amalgamez critique et insulte. S’il est du plus haut intérêt d’autoriser la critique, pourriez-vous m’expliquer celui qu’il y aurait à permettre l’insulte ?

    • Descartes dit :

      @ dsk

      ["La question de l’imputation permet de séparer la diffamation de l’injure." Pas seulement. Elle sert à définir ce qu’est l’injure. Vous pouvez parfaitement avoir une expression outrageante, des termes de mépris ou des invectives qui renferment l’imputation d’un fait, sans que ce soit pour autant de la diffamation, dès lors que le fait en question est avéré, et ce ne sera pas non plus une injure.]

      Je crois que vous avez mal compris le droit. Que le fait soit avéré ou pas ne change en rien la qualification de diffamation. Si au passage d’un homme vous criez « cocu », vous commetez une diffamation, et cela est vrai que sa femme lui soit ou non infidèle. Même chose pour l’injure : une expression outrageante est toujours une injure, qu’elle repose ou non sur une réalité. Vous confondez en fait la qualification et l’infraction. Une expression outrageante est toujours une injure, mais toute injure n’est pas punissable.

      ["On ne peut « injurier » une chose."][Ah bon ? Dans ce cas, j’imagine que vous ne le prendriez pas mal si l’on vous disait que votre blog, "c’est de la merde". On ne ferait là, après tout, qu’injurier une chose.]

      Je le prendrais peut-être mal, mais ce ne serait quand même pas une injure du point de vue du code pénal. Dans la loi de 1881, qui définit l’injure, celle-ci est classée dans la section « délits contre les personnes ». Il s’ensuit qu’il est impossible d’injurier une chose.

      ["Je n’ai pas compris quelle est la votre. Pourriez-vous l’expliciter formellement ?"][L’injure est un propos dont l’unique objet est de blesser son destinataire.]

      Ce n’est pas la définition retenue par notre législation. Mais admettons. Dans ce cas là, les caricatures de Charlie Hebdo ne relèvent pas de « l’injure », puisque ses « destinataires » sont les lecteurs de Charlie Hebdo, parmi lesquels on ne compte pas beaucoup de musulmans de stricte obédience. Encore une fois, personne n’est obligée de lire Charlie Hebdo…

      [Vous soulevez là un point que je trouve très intéressant : c’est celui des règles de forme nombreuses que suppose la "qualité du débat" : politesse, écoute, respect de la langue française, bonne foi etc. Je dirais que paradoxalement, toutes ces règles ont pour objet de favoriser l’expression. Mais la loi ne saurait les imposer, car elle ne peut réprimer que les manquements les plus graves. Cela n’empêche que sa logique est fondamentalement la même : si elle réprime les injures, c’est aussi pour protéger la "qualité du débat".]

      C’est peut-être l’effet secondaire, mais je ne crois pas que ce soit le but poursuivi par le législateur. Autrement, pourquoi réprimer l’injure dans des domaines où il n’y a pas de débat – en matière commerciale, par exemple ? Je pense que si la loi ne peut imposer le respect d’un certain nombre de règles de politesse, pourtant nécessaires au débat, c’est parce que ces règles sont forcément subjectives, alors que la loi est tenue à un minimum de généralité.

      [Disons que je recherche l’intention qui se cache derrière la "factualité". Je me demande pourquoi une "expression outrageante, termes de mépris ou invective qui ne renferme l’imputation d’aucun fait" serait une injure. Quel rapport entre l’injure et cette "imputation d’aucun fait" ? Et je réponds que c’est parce que, lorsque l’on "impute un fait", on exprime un jugement, une opinion, autrement dit on "s’exprime", on dialogue.]

      Je pense que vous avez mal interprété les textes. En fait, on distingue deux infractions distinctes, celle qui consiste à vous accuser d’avoir fait quelque chose, et celle qui consiste à vous reprocher d’être quelque chose. La première, celle qui vous « impute un fait » – « fait » se lit en langage juridique comme un acte – et la seconde non.

    • Marcailloux dit :

      @ Descartes
      Bonjour,
      [Pas tel que le service civil est conçu, c’est-à-dire, une sorte de volontariat associatif.]
      Pour les raisons que vous évoquez, j’ai employé le terme de &amp;quot;semi militaire&amp;quot;, car il n’est pas question de former des millions de &amp;quot;bidasses&amp;quot; en vue d’une hypothétique guerre de tranchée contre l’Allemagne.
      Il s’agirait là d’un vaste projet d’intégration massive de l’ensemble des citoyens à leur majorité. Il est alors considéré, non pas comme un dispositif destiné aux immigrés, mais comme un outil de réduction de l’anomie dans laquelle se développe notre société. Alors que le service militaire, abandonné par J.Chirac, était devenu, pour la majorité des appelés, une vaste &amp;quot;garderie&amp;quot; avec un sentiment de temps perdu, ce service national civil – vous noterez le terme de &amp;quot;national&amp;quot;, soulignant son caractère universel dans le pays – aurait, entre autres, la vocation de permettre à tous les jeunes gens, à partir de 18 ans, de réaliser des actions constructives,sur 1 an, dans un cadre contraint et réglementé.
      Les activités &amp;quot;d’utilité nationale&amp;quot; pourraient porter entre autres, sur l’environnement et le cadre de vie, la sécurité civile, le suivi scolaire, l’aide aux personnes âgées, des surveillances diverses, l’entretien et la création d’espaces de sports et loisirs……ainsi que permettre à certains, de recevoir une formation complémentaire.
      L’encadrement des 600 000 jeunes que constitue une classe d’age pourrait faire appel, en partie, à des chômeurs qui retrouveraient là, moyennant une rémunération complémentaire à leur allocation, un moyen de réinsertion ainsi qu’un revenu supplémentaire, et surtout, un sentiment d’utilité.
      Entre les charges financières et le rapport socio économique (une partie des prestations pourraient être facturées aux bénéficiaires), je suis persuadé que l’État serait bénéficiaire, ne serait ce qu’en économie des coûts sociaux occasionnés par une fraction de notre société en voie de délitement.
      Hélas, je dois atterrir !………on peut toujours rêver. Nos politiques des &amp;quot;petits pas&amp;quot;, à force de raccourcir ceux ci pour ne fâcher personne et garder toutes chances de réélection, font maintenant du sur place.
      Plutôt que voir descendre dans la rue 4 millions de personnes brandissant un panneau &amp;quot;Je suis Charly&amp;quot; je préférerais un mouvement moitié moindre en effectif, et avec une multitude de panneaux réclamant des actions courageuses, des suggestions, l’évocation d’initiatives réussies, etc….mais là, je ne vois pas quel événement non émotionnel pourrait le déclencher, ni quel média prendrait le risque d’en faire la promotion. A moins que le chômage atteigne 10 millions de personnes, et que l’on nous prête à 10%, que les salaires et pensions soient rognées de 25%…..
      Quelques politiques l’évoquent, mais de manière éthérée, sans consistance ni construction concrète, et restent dans le yaka. Ce n’est pas suffisant pour mobiliser les foules, évidemment.

    • Descartes dit :

      @ nationalistejacobin

      [Le mal est profond, très profond, croyez-moi. Les enseignants manquent d’esprit de corps au sens noble du terme. Le drame est que nous sommes les héritiers d’une profession jadis prestigieuse et créée dans un cadre idéologique solide. Nous avons perdu le prestige et l’idéologie…]

      Je partage votre diagnostic que je formulerais autrement. Quand l’institution était forte, c’était très sympa d’être le prof « copain », le prof « alternatif », celui qui partageait les révoltes adolescentes de ses élèves. Ce que les enseignants n’ont pas compris, c’est que cette position ne marche que si l’enseignant en question est entouré par des collègues qui ne sont pas « copains » et une institution forte. Quand l’institution est faible et que tout le monde joue le même jeu du « copinage », enseigner devient impossible. C’est gentil d’être « rebelle » dans une société forte. Mais quand la « rébellion » devient la norme, c’est le bordel.

      Les enseignants n’ont pas compris que ce qui rendait la profession « prestigieuse », c’était son institutionnalisation. Que ce qu’on respectait en eux autrefois, ce n’était pas la personne, mais le représentant de l’institution. Et tant qu’on n’aura pas compris ça…

      [Plusieurs de mes collègues ont étalé ostensiblement leur soutien à Charlie Hebdo (autocollants "je suis Charlie" sur le manteau, fond d’écran "je suis Charlie", caricatures affichées dans la salle de classe…). Les élèves, notamment musulmans, ont eu le sentiment de se retrouver en face de partisans déclarés de Charlie, et ils l’ont interprété en se disant que les enseignants en question trouvaient normal voire souhaitable qu’on insulte le Prophète.]

      Le « soutien » que vous décrivez est une grosse erreur pédagogique. La liberté d’expression a pour contrepartie la liberté d’écoute. Charlie Hebdo a le droit de blasphèmer, mais personne n’est obligé à lire Charlie Hebdo. En affichant les caricatures en question, un enseignant viole la neutralité de l’institution scolaire, en obligeant les élèves à prendre connaissance d’une opinion particulière, qu’ils ont parfaitement le droit de ne pas partager et même de se sentir choqués par elle.

      Le problème, c’est qu’on mélange tout. Charlie Hebdo a le droit de publier des choses jugées choquantes par une partie de la population, et cette partie de la population a le droit d’être choquée et d’exprimer son rejet, le tout bien entendu dans le cadre de la loi. Et l’école n’a pas à prendre parti, à se mettre d’un côté ou de l’autre. L’école est du côté de la connaissance, de la méthode cartésienne. C’est tout. Et les enseignants devraient s’en tenir à ça, et laisser leurs propres préjugés au vestiaire.

      [Prenons le racisme, puisque j’évoquais cet exemple: il est courant de confondre racisme et xénophobie, voire d’associer le racisme à n’importe quelle forme de rejet, de stigmatisation ou de haine. Il est fréquent de commettre des anachronismes (le racisme n’apparaît véritablement qu’au XIX° siècle lorsque est créée la théorie des races, aussi parler de "racisme" au Moyen Âge n’a pas grand sens). Mais c’est une grave erreur que de penser que le racisme engendre systématiquement la haine et les génocides.]

      Il y aurait beaucoup à dire sur la manière dont les termes « race » et « racisme » sont utilisés. Jusqu’au ridicule suprême de vouloir modifier l’article 2 de la Constitution au prétexte qu’il utilise le mot « race »… alors même que le texte déclare illégale toute discrimination sur ce critère. Si par « racisme » on entend que l’espèce humaine est divisée en ethnies dont les caractéristiques intellectuelles et morales sont différentes, le racisme existe de tout temps, même si le mot, lui, est très récent.

      [Il a existé un racisme "paternaliste" au temps de la colonisation. Lorsque Jules Ferry déclare que "les races supérieures ont le devoir de civiliser les races inférieures", il tient des propos racistes.]

      C’est assez discutable. Dans le discours de Ferry, le terme « race » est utilisé pour désigner le concept qu’aujourd’hui nous désignerions plutôt par les termes « culture » ou « civilisation ». Si Ferry avait été véritablement « raciste » au sens moderne du terme, il aurait conclu que les « races inférieures » ne pouvaient pas être « civilisées », puisque leur infériorité intellectuelle et morale était inscrite dans leur patrimoine génétique. Ferry, au contraire, pose comme principe que les « races inférieures », par le biais de l’éducation et en adoptant les institutions occidentales, sont capables d’accéder à la civilisation, et donc au statut des « races supérieures ».

      [Mais dans son esprit, il n’y a ni haine, ni rejet, au contraire: il pense (et je ne doute pas de sa sincérité) que la France peut réellement apporter des choses positives aux peuples colonisés. Ce racisme, même s’il nous choque aujourd’hui, est à la fois condescendant et bienveillant, car le but n’est pas d’exterminer, mais d’améliorer la condition des colonisés en rapprochant leur mode de vie de celui des Français. Le racisme ne se résume aux crimes du nazisme… Mais je ne doute pas que Ferry est présenté comme un immonde fasciste dans certains cours.]

      Je n’en doute pas, moi non plus. C’est malheureux, mais bien peu d’enseignants résistent à la tendance moralisatrice – et souvent anachronique – qui a remplacé la véritable étude historique. Au lieu de chercher à comprendre chaque figure en son temps et en sa complexité, on classe en « bons » et « méchants » suivant les critères d’aujourd’hui.

    • @ dsk,

      [Ah bon ? Vos élèves ont le droit de vous injurier ?]
      En tout cas, certains l’ont pris parfois ce droit… Et ce serait mentir que dire qu’ils ont pris un gros risque au vu de ce qu’est devenu notre institution scolaire. Mais il ne vous aura pas échappé que les établissements scolaires ont des règlements intérieurs et que, par conséquent l’école républicaine est non seulement soumise à la loi commune mais également à des règles spécifiques. Et ces règles proscrivent l’injure.

      Maintenant, que dans la rue, en-dehors de l’établissement et en mon absence, un de mes élèves s’écrie &amp;quot; M. X est un con! Il m’a encore foutu un 3/20! &amp;quot;, j’avoue que peu me chaut. Et je ne ferai pas un procès pour ça, même si je l’entendais. Mais si je vous comprends bien, vous-même portez plainte chaque fois qu’un quidam vous traite de &amp;quot;connard&amp;quot; ou d’ &amp;quot;imbécile&amp;quot;? Non?

      Oui, je pense qu’il y a un droit à l’injure. Je dirais même qu’il y a un art de l’injure, et que les &amp;quot;belles&amp;quot; injures ne sont pas les gros mots usuels, mais des périphrases, des métaphores, des images, bien moins vulgaires et infiniment plus blessantes que les grossièretés courantes. Ainsi, Napoléon aurait dit à Talleyrand: &amp;quot; Monsieur, vous êtes de la merde dans un bas de soie &amp;quot;. Excusez-moi de vous dire que je serais scandalisé qu’on interdise ce type d’injures qui fait presque partie de l’esprit français. Du temps où la France était un pays libre, dans la première moitié du XX° siècle, la presse avait un art consommé de l’injure. Mais je vous accorde que les patrons de presse ou les parlementaires pouvaient régler ces affaires d’honneur en duel… Evidemment, on imagine guère Giesbert, Joffrin ou Plenel se battre au sabre ou au pistolet. Pour défendre son honneur, il faut déjà en avoir…

      On imagine mal à quel point la presse était violente au début du XX° contre l’Eglise, les juifs, les patrons, les militaires, les politiques… Et je dois dire que, même si cette société avait bien des défauts, elle était à la fois bien plus civilisée et plus irrévérencieuse à certains égards, et en tout cas intellectuellement plus dynamique et stimulante que notre société engoncée dans sa bienpensance, tétanisée par ses tabous, lisse au point d’en être ennuyeuse. Le politiquement correct est triste à pleurer. Toutefois, l’art de l’injure, la vraie celle qui est &amp;quot; enrobée dans des calembours mouillés d’acide &amp;quot; pour reprendre une chanson d’Aznavour, suppose une culture, une urbanité que nous avons perdue, je vous le concède. Je m’en désole.

      &amp;quot; Dire pis que pendre &amp;quot; signifie &amp;quot; dire beaucoup de mal &amp;quot;. Cela n’est nullement synonyme de critique, mais bien plutôt d’insulte.

      D’ailleurs, faites une expérience: essayez de critiquer (publiquement) l’islam ou les musulmans, et vous verrez si on ne vous accusera pas d’ &amp;quot; injurier &amp;quot; le Prophète ou la religion.

      [Ce n’est pas exact. Aujourd’hui, beaucoup d’associations, telles SOS racisme par exemple, sont investies du droit de défendre des intérêts collectifs. De même les syndicats.]
      Et après? Je puis vous dire qu’on entend bien des gens dire publiquement que les professeurs (voire les fonctionnaires en général) sont des feignasses surpayées, ou bien tous des gauchistes. Pour celui qui tient ce propos, c’est sans doute une critique. Pour celui qui est critiqué, c’est une injure, d’autant plus que c’est faux: tous les enseignants, et a fortiori les fonctionnaires, ne sont pas des feignasses. Auriez-vous l’amabilité de me signaler une seule condamnation pour de tels propos? Pouvez-vous citer une seule personne condamnée, par exemple, pour avoir repris le slogan &amp;quot; CRS = SS &amp;quot; (et ne venez pas me dire que c’est une critique…)?

      [Encore une fois, vous amalgamez critique et insulte.]
      La différence que vous établissez entre les deux est séduisante, mais demeure très théorique. Tenez, traiter un partisan de la corrida de &amp;quot;barbare&amp;quot; et un toréador de &amp;quot;tortionnaire&amp;quot;, pour vous, c’est une insulte ou une critique?

    • Descartes dit :

      @ Marcailloux

      [Alors que le service militaire, abandonné par J.Chirac, était devenu, pour la majorité des appelés, une vaste "garderie" avec un sentiment de temps perdu, ce service national civil – vous noterez le terme de "national", soulignant son caractère universel dans le pays – aurait, entre autres, la vocation de permettre à tous les jeunes gens, à partir de 18 ans, de réaliser des actions constructives, sur 1 an, dans un cadre contraint et réglementé.]

      « Contraint et réglementé » ne suffit pas. D’abord, il faut sortir les jeunes de leur cadre, de leur quartier, de leur famille, les forcer à vivre ensemble, à se brasser. Ensuite, il faut donner un cadre institutionnel à la chose. Quelle serait l’institution qui encadrerait le dispositif ? L’armée pouvait le faire parce que c’est une institution ou l’on assume la discipline, le don de soi et la supériorité des intérêts de la Nation sur les siens comme une évidence. Quelle autre institution aurait cette capacité ?

      [Les activités "d’utilité nationale" pourraient porter entre autres, sur l’environnement et le cadre de vie, la sécurité civile, le suivi scolaire, l’aide aux personnes âgées, des surveillances diverses, l’entretien et la création d’espaces de sports et loisirs……ainsi que permettre à certains, de recevoir une formation complémentaire.]

      Et qui priverait d’emploi les gens qui font déjà ces travaux. Par ailleurs, si l’on s’occupe des espaces verts, quelle est la différence avec un jardinier municipal ? Le fait de ne pas être payé ? Je doute qu’une telle situation soit de nature à renforcer la conscience nationale… La fonction militaire, parce qu’elle est liée à la Nation en armes, parce qu’elle se pose comme situation limite, fonctionne d’une manière très différente. On y parle de la vie et de la mort. Comment pourrait-on sacraliser la fonction civile comme on le fait pour la fonction militaire ?

      [L’encadrement des 600 000 jeunes que constitue une classe d’age pourrait faire appel, en partie, à des chômeurs qui retrouveraient là, moyennant une rémunération complémentaire à leur allocation, un moyen de réinsertion ainsi qu’un revenu supplémentaire, et surtout, un sentiment d’utilité.]

      C’est une plaisanterie ? L’encadrement ne peut être qu’un encadrement institutionnel. Cela ne peut être le fait de gens isolés que rien ne relie entre eux.

    • Marcailloux dit :

      @ Descartes
      Bonjour,
      [C’est une plaisanterie ?]
      Le sujet ne prête, hélas, pas à sourire. C’est l’assistance généralisée à l’oisiveté en France qui crée le terreau où pousse toutes, ou presque, les mauvaises plantes comme prospèrent les maladies sournoises qui nous affligent.
      Sommes nous incapables d’imaginer, de créer, d’organiser et d’imposer une institution nouvelle permettant à tous les citoyens, à leur majorité par exemple, de participer à l’effort national pour l’amélioration de notre cadre de vie?
      Ce ne serait que &amp;quot;rembourser&amp;quot; partiellement les efforts du pays pour l’apport dont ils ont déjà bénéficié. S’y ajouteraient les effets vertueux que vous reconnaissez à l’ex service militaire. Devons nous attendre que la situation atteigne un degré de désastre confirmé pour réagir avec audace et fermeté ?. Par ailleurs, il n’est aucunement question dans mon propos de laisser l’encadrement de ces jeunes à des chômeurs hors un cadre institutionnel stricte. Cependant, parmi les 5 ou 6 millions de demandeurs d’emploi, il y en a des centaines de milliers qui possèdent une expérience d’encadrement au moins égale à beaucoup de caporaux, sergents, adjudants ou même officiers, et qui ne demanderaient pas mieux que d’être reconnus comme utiles à la nation. Il me semble que votre position et vos arguments démontrent que vous manquer totalement d’expérience dans le domaine de la psychologie d’un chômeur. Après, il s’agit de constituer des règles de fonctionnement ad hoc.
      Un large débat à ouvrir devrait porter sur la &amp;quot;gouvernance&amp;quot; de nos institutions. Que veut-on ? des résultats ou du formalisme ?
      La position du curseur entre ces deux facteurs est bien sur difficile à déterminer au cas par cas. Il me semble que nos lois deviennent plus un frein qu’un rempart dans notre projet républicain. Les acteurs du public (de l’employé de mairie jusqu’aux ministres) sont prisonniers d’un formalisme législatif qui paralyse l’action publique.
      Question qui me parait au centre de bien des débats actuels: faut-il contrôler à priori ou à posteriori ? Comment organiser ce changement de paradigme dans la fonction publique ? Quels en sont les risques et les opportunités ?

    • Descartes dit :

      @ nationalistejacobin

      [Oui, je pense qu’il y a un droit à l’injure. Je dirais même qu’il y a un art de l’injure, et que les "belles" injures ne sont pas les gros mots usuels, mais des périphrases, des métaphores, des images, bien moins vulgaires et infiniment plus blessantes que les grossièretés courantes.]

      Tout à fait d’accord : de « Napoléon le petit » à « capitaine de pédalo », les injures qui « marquent » le plus, celles qui restent dans l’histoire, ne font pas appel aux gros mots. C’est d’ailleurs pourquoi traiter quelqu’un de « connard » n’est guère considéré comme une injure, puisque c’est à la portée de tout le monde… Regardez par contre l’échange d’injures entre Lady Astor et Churchill : « si j’étais votre femme, j’empoisonnerais votre café », « si j’étais votre mari, je m’empresserais de le boire ! ». Pour ça, il faut de la repartie, de la finesse, de la grâce…

      [On imagine mal à quel point la presse était violente au début du XX° contre l’Eglise, les juifs, les patrons, les militaires, les politiques… Et je dois dire que, même si cette société avait bien des défauts, elle était à la fois bien plus civilisée et plus irrévérencieuse à certains égards, et en tout cas intellectuellement plus dynamique et stimulante que notre société engoncée dans sa bienpensance, tétanisée par ses tabous, lisse au point d’en être ennuyeuse. Le politiquement correct est triste à pleurer.]

      Je n’aurais pas pu mieux dire. Oui, cette société de l’offense, ou le créateur doit slalomer entre les susceptibilités des différentes catégories, étant obligé d’être gentil avec tout le monde et réservant sa méchanceté aux cibles définies par avance comme étant le camp du « mal » est d’un ennui mortel. C’est comme cela que j’imagine l’enfer : le monde des bisounours, ou tout le monde est désespérément gentil avec tout le monde. C’est pour moi le grand paradoxe : alors que nous vivons dans une société qui n’a jamais été aussi sûre de tous points de vue, nous vivons dans la peur : peur d’offenser, peur du changement climatique, peur d’être rejeté, peur de l’autre, peur du chômage, peur de la vieillesse, peur de la maladie, peur de la mort. Le discours de nos hommes politiques est d’abord un discours de peur. Chez les écologistes, c’est la peur de la dégradation de notre environnement, chez la gauche, peur de la perte des conquêtes sociales, à droite, peur de la dissolution de la nation. Avez-vous un projet ? Un barrage ? Une usine ? Une centrale nucléaire ? De toutes parts surgiront les bataillons de citoyens apeurés pour vous expliquer qu’il ne faut surtout rien toucher.

      La société du début du XXème siècle était, comme vous le dites, infiniment plus dynamique intellectuellement, plus stimulante, plus « irrévérencieuse » parce qu’elle n’avait peur de rien, et surtout pas d’elle-même. Certains diront que cela a rendu possibles de grands crimes, et c’est en partie vrai. Mais cela a rendu possibles aussi de grandes choses. On ne peut pas avoir l’un sans l’autre, malheureusement : dès lors qu’on fait, on peut faire beaucoup de mal ou beaucoup de bien. L’alternative est de ne rien faire.

      [Toutefois, l’art de l’injure, la vraie celle qui est " enrobée dans des calembours mouillés d’acide " pour reprendre une chanson d’Aznavour, suppose une culture, une urbanité que nous avons perdue, je vous le concède. Je m’en désole.]

      Moi aussi.

    • Descartes dit :

      @Marcailloux

      [Sommes nous incapables d’imaginer, de créer, d’organiser et d’imposer une institution nouvelle permettant à tous les citoyens, à leur majorité par exemple, de participer à l’effort national pour l’amélioration de notre cadre de vie?]

      Je crains que oui. Comme le dit un officier cité par « Le Monde », le service militaire est mort en fait lors de la première guerre du golfe, lorsque Mitterrand a choisi de ne pas envoyer les appelles sur le théâtre des opérations, cédant en cela aux protestations des parents des conscrits. Dans la mesure où les citoyens ne sont pas prêts à assumer un sacrifice pour le bien du pays, difficile d’imaginer une « nouvelle institution » permettant de remplir les fonctions que remplissait naguère le service militaire.

      [Ce ne serait que "rembourser" partiellement les efforts du pays pour l’apport dont ils ont déjà bénéficié. S’y ajouteraient les effets vertueux que vous reconnaissez à l’ex service militaire.]

      Non, justement. L’idée d’un « remboursement » implique un rapport économique. Tout le contraire de la mystique républicaine du service militaire. La fonction militaire implique la possibilité du sacrifice suprême, sacrifice dont seuls les autres peuvent bénéficier. Un sacrifice dont l’auteur ne peut en aucun cas bénéficier individuellement. On est donchors de tout rapport économique.

      [Par ailleurs, il n’est aucunement question dans mon propos de laisser l’encadrement de ces jeunes à des chômeurs hors un cadre institutionnel stricte. Cependant, parmi les 5 ou 6 millions de demandeurs d’emploi, il y en a des centaines de milliers qui possèdent une expérience d’encadrement au moins égale à beaucoup de caporaux, sergents, adjudants ou même officiers, et qui ne demanderaient pas mieux que d’être reconnus comme utiles à la nation.]

      Peut-être, mais ces « capacités d’encadrement » sont acquises dans des contextes divers, sans aucune unité, sans le moindre « esprit de corps », contrairement aux caporaux, sergents, adjudants ou officiers.

      [Il me semble que votre position et vos arguments démontrent que vous manquer totalement d’expérience dans le domaine de la psychologie d’un chômeur. Après, il s’agit de constituer des règles de fonctionnement ad hoc.]

      Je n’ai jamais prétendu avoir de l’expérience dans le domaine de la psychologie du chômeur. Mais je n’en ai pas besoin pour savoir que les chômeurs, par définition, ne constituent pas un ensemble homogène, ni un « corps » qu’on pourrait constituer.

      [Il me semble que nos lois deviennent plus un frein qu’un rempart dans notre projet républicain. Les acteurs du public (de l’employé de mairie jusqu’aux ministres) sont prisonniers d’un formalisme législatif qui paralyse l’action publique.]

      Je ne suis pas d’accord. Je pense plutôt que ce formalisme sert de prétexte à l’inaction, alors que la vraie cause et le manque de projets. Rien dans la loi n’oblige le gouvernement à multiplier les consultations, à supporter que les intérêts particuliers déforment jusqu’à les rendre méconnaissables ses projets législatifs. Le 49.3 n’est pas fait pour les chiens, pas plus que le référendum.

    • Marcailloux dit :

      @nationalistejacobin
      Bonjour,
      Échange avec dsk:
      [ [Ah bon ? Vos élèves ont le droit de vous injurier ?]
      En tout cas, certains l’ont pris parfois ce droit… Et ce serait mentir que dire qu’ils ont pris un gros risque au vu de ce qu’est devenu notre institution scolaire…]
      En analysant les différentes acceptions du terme injure, suite à une réponse de dsk, je découvre qu’une injure proférée à l’encontre d’un enseignant est un outrage, car l’enseignant est chargé alors d’une mission de service public. Ce délit est passible d’une amende de 7500 € et de 6 mois de prison. C’est une conséquence inscrite dans la loi. Elle me semble disproportionnée au regard du fait en cause. Or on constate à cet égard que la plupart des enseignants, à votre instar, ne relèvent même pas cette faute.
      On est tombé bien bas, bien bas ! et je n’incrimine pas pour autant les enseignants victimes du délitement généralisé des comportements et des valeurs, ce que Descartes nomme anémie qui est le véritable cancer de notre société. Et curieusement, plus le discours des élites se polit, estompe ses aspérités, plus le langage des citoyens – de certains tout au moins – devient ordurier, tout cela étant toléré par la société. Symptôme ? conséquence ? ou syndrome d’une décomposition irréversible ?
      Notre système législatif est devenu tel, à mes yeux, qu’il est absolument opaque, tant dans ses lois que dans les modalités de leur application, et plus personne n’y comprend plus rien. D’où ces recours aux instances constitutionnelles au plus haut niveau de nos instances politiques, comme cette paralysie dénoncée par les enquêteurs du renseignement ou encore cette multiplication exponentielle des jugements en appel, puis en cassation.
      La coupe est pleine et la catalepsie guette.

    • dsk dit :

      @ nationalistejacobin

      [Mais il ne vous aura pas échappé que les établissements scolaires ont des règlements intérieurs et que, par conséquent l’école républicaine est non seulement soumise à la loi commune mais également à des règles spécifiques. Et ces règles proscrivent l’injure.]

      Et je suppose que vous approuvez ces règles ? Pourtant, si je vous suis bien, vous semblez contester ce que vous nommez la loi commune, et qui prohibe, de son côté, l’injure en général. Pour quelle raison ?

      [Maintenant, que dans la rue, en-dehors de l’établissement et en mon absence, un de mes élèves s’écrie [M. X est un con! Il m’a encore foutu un 3/20!] j’avoue que peu me chaut.]

      Je crois que vous n’avez pas bien saisi la distinction que j’opère entre injure et expression. La définition de l’injure que j’ai fournie à Descartes, c’est : tout propos dont l’unique objet est de blesser son destinataire. Dans votre exemple, il semble, tout d’abord, que vous surpreniez dans la rue un propos qui ne vous est pas adressé. D’autre part, il s’agit là d’une opinion, basée sur un fait précis : l’élève estime que vous avez commis une injustice à son égard en lui mettant un 3/20, c’est pourquoi il juge que vous êtes un con. Ce n’est donc pas une injure au sens où je l’entends.

      [Mais si je vous comprends bien, vous-même portez plainte chaque fois qu’un quidam vous traite de [connard] ou d'[imbécile] Non?

      Certainement pas, si cela exprime une opinion, fondée sur des faits précis. Maintenant, s’il s’agit d’une véritable injure, il y a de fortes chances que je ne porte pas plainte, car cela serait, dans l’immense majorité des cas, totalement disproportionné. Mais cela ne signifie en aucun cas que je permets que l’on m’injurie.

      [Ainsi, Napoléon aurait dit à Talleyrand: [Monsieur, vous êtes de la merde dans un bas de soie];. Excusez-moi de vous dire que je serais scandalisé qu’on interdise ce type d’injures qui fait presque partie de l’esprit français.]

      Moi aussi. Mais ceci n’est pas du tout une injure. C’est une opinion, fondée sur des faits précis.

      [Et je dois dire que, même si cette société avait bien des défauts, elle était à la fois bien plus civilisée et plus irrévérencieuse à certains égards, et en tout cas intellectuellement plus dynamique et stimulante que notre société engoncée dans sa bienpensance, tétanisée par ses tabous, lisse au point d’en être ennuyeuse. Le politiquement correct est triste à pleurer.]

      Bien sûr. Mais tout cela, c’est très exactement de l’ordre de la liberté d’expression, à l’encontre les opinions lisses, bienpensants, politiquement corrects etc. Encore une fois, je veux bien qu’on emploie les termes les plus grossiers, les plus argotiques, les plus violents, dès lors que l’on exprime une opinion.

      [Dire pis que pendre] signifie [dire beaucoup de mal]. Cela n’est nullement synonyme de critique, mais bien plutôt d’insulte.

      Ah bon ? Dans ce cas, Descartes insulte vraiment beaucoup trop les classes moyennes sur ce blog…;-)

      [Et après? Je puis vous dire qu’on entend bien des gens dire publiquement que les professeurs (voire les fonctionnaires en général) sont des feignasses surpayées, ou bien tous des gauchistes. Pour celui qui tient ce propos, c’est sans doute une critique. Pour celui qui est critiqué, c’est une injure, d’autant plus que c’est faux: tous les enseignants, et a fortiori les fonctionnaires, ne sont pas des feignasses.]

      Vous voyez ? La preuve qu’il s’agit d’une opinion, et non une injure, c’est que vous pouvez la réfuter. Une injure, précisément, ne peut jamais être réfutée.

      [Auriez-vous l’amabilité de me signaler une seule condamnation pour de tels propos? Pouvez-vous citer une seule personne condamnée, par exemple, pour avoir repris le slogan [CRS = SS] (et ne venez pas me dire que c’est une critique…)?]

      C’est une opinion, parfaitement débile et outrancière, je vous l’accorde, mais une opinion. La liberté d’expression est aussi accordée aux débiles.

      [La différence que vous établissez entre les deux est séduisante, mais demeure très théorique. Tenez, traiter un partisan de la corrida de [barbare] et un toréador de [tortionnaire], pour vous, c’est une insulte ou une critique?]

      Je ne comprends même pas que vous posiez la question. C’est à l’évidence une critique. Diriez-vous que de tels propos ont pour unique objet de blesser les afficionados ?

    • Descartes dit :

      @ dsk

      [Je crois que vous n’avez pas bien saisi la distinction que j’opère entre injure et expression. La définition de l’injure que j’ai fournie à Descartes, c’est : tout propos dont l’unique objet est de blesser son destinataire. Dans votre exemple, il semble, tout d’abord, que vous surpreniez dans la rue un propos qui ne vous est pas adressé.]

      Avec cette logique, les caricatures publiées par Charlie Hebdo ne peuvent pas non plus être considérées comme « injure ». En effet, quels sont ses « destinataires » ? De toute évidence, les lecteurs de Charlie Hebdo, parmi lesquels on trouvera je pense fort peu de musulmans pratiquants, susceptibles de se sentir « insultés » par elles. Ceux qui auraient vu les caricatures sont donc aussi dans la position d’avoir « surpris un propos qui ne leur était pas adressé »…

      [Ainsi, Napoléon aurait dit à Talleyrand: [Monsieur, vous êtes de la merde dans un bas de soie];. Excusez-moi de vous dire que je serais scandalisé qu’on interdise ce type d’injures qui fait presque partie de l’esprit français.][Moi aussi. Mais ceci n’est pas du tout une injure. C’est une opinion, fondée sur des faits précis.]

      Faudrait savoir. Il me semble très probable que le propos de l’Empereur était bien de blesser son ministre. C’est donc bien, selon votre définition, une « injure », quand bien même elle serait fondée sur un « fait précis ».

      [Et je dois dire que, même si cette société avait bien des défauts, elle était à la fois bien plus civilisée et plus irrévérencieuse à certains égards, et en tout cas intellectuellement plus dynamique et stimulante que notre société engoncée dans sa bienpensance, tétanisée par ses tabous, lisse au point d’en être ennuyeuse. Le politiquement correct est triste à pleurer.]

      [[Dire pis que pendre] signifie [dire beaucoup de mal]. Cela n’est nullement synonyme de critique, mais bien plutôt d’insulte.][Ah bon ? Dans ce cas, Descartes insulte vraiment beaucoup trop les classes moyennes sur ce blog…;-)]

      Certainement pas. Je n’ai jamais dit du mal des classes moyennes. J’ai dit qu’elles sont avares, égoïstes, narcissiques, et qu’elles sont prêtes a jeter leurs concitoyens aux crocodiles pour sauver leur peau. Mais tout cela ne constitue que des constatations objectives. Il n’y a aucun jugement moral là dedans…

      [Et après? Je puis vous dire qu’on entend bien des gens dire publiquement que les professeurs (voire les fonctionnaires en général) sont des feignasses surpayées, ou bien tous des gauchistes. Pour celui qui tient ce propos, c’est sans doute une critique. Pour celui qui est critiqué, c’est une injure, d’autant plus que c’est faux: tous les enseignants, et a fortiori les fonctionnaires, ne sont pas des feignasses.]

      Vous voyez ? La preuve qu’il s’agit d’une opinion, et non une injure, c’est que vous pouvez la réfuter. Une injure, précisément, ne peut jamais être réfutée.

      [Pouvez-vous citer une seule personne condamnée, par exemple, pour avoir repris le slogan [CRS = SS] (et ne venez pas me dire que c’est une critique…)?][C’est une opinion, parfaitement débile et outrancière, je vous l’accorde, mais une opinion. La liberté d’expression est aussi accordée aux débiles.]

      Là, je ne vous comprends plus. Ici vous dites que traiter un CRS de « SS », remarque de toute évidence destinée à blesser le destinataire, n’est pas une « injure » mais une « opinion ». Bien. Si au lieu de dire « CRS=SS » on disait « musulman=SS », est-on dans l’ordre de « l’injure », punie par la loi ? ou dans celui de l’opinion, dont vous écrivez qu’elle est libre même pour les débiles ? Et en quoi le fait de dire « musulman=con » – que vous avez qualifié d’injure dans un autre commentaire – serait-il plus injurieux que « musulman=SS » ?

    • @ dsk,

      [je vous suis bien, vous semblez contester ce que vous nommez la loi commune, et qui prohibe, de son côté, l’injure en général.]
      Non, l’injure publique, nuance. Je ne conteste pas la loi, puisqu’elle est appliquée avec une modération qui permet aux usagers des termes &amp;quot;connard&amp;quot; et &amp;quot;crétin&amp;quot; de courir libres dans notre beau pays de France… Mais si vous voulez me faire dire que je trouve que la liberté d’expression est bridée en France, je vous réponds sans hésitation: oui. Mais ôtez-moi d’un doute: m’est-il encore permis de contester la loi, du moment que je la respecte?

      [l’élève estime que vous avez commis une injustice à son égard en lui mettant un 3/20, c’est pourquoi il juge que vous êtes un con.]
      C’est vous qui le dites. Peut-être que si vous interrogez ledit élève, il admettra qu’il n’a pas révisé pour son devoir. Je vous fais remarquer que votre définition d’injure est bancale: en effet, en cherchant bien, toute insulte peut trouver un fondement. Si je traite de connard l’automobiliste qui m’a embouti, c’est parce qu’il n’a pas fait attention. Si je traite Cécile Duflot d’idiote, c’est parce qu’elle a dit des idioties. Et si je dis de Depardieu qu’il est un gros cochon, je peux très facilement fonder mon injure en prouvant qu’il est obèse et assez peu raffiné… Donc toutes les injures entrent finalement dans la catégorie opinion.

      [Certainement pas, si cela exprime une opinion, fondée sur des faits précis.]
      En cherchant bien, on trouve toujours des faits précis. D’ailleurs, ne pas aimer quelqu’un est un fait précis, non? Et il est rarissime d’injurier des gens à qui on ne reproche rien.

      [Mais cela ne signifie en aucun cas que je permets que l’on m’injurie.]
      Ah bon? Mais si vous ne portez pas plainte, à quel moyen, légal s’entend, comptez-vous recourir pour empêcher qu’on vous injurie? Votre réponse m’intéresse.

      [La preuve qu’il s’agit d’une opinion, et non une injure, c’est que vous pouvez la réfuter.]
      Je ne comprends pas. Vous m’avez dit qu’une opinion est fondée sur des faits précis. Or ici, le terme &amp;quot;feignasse&amp;quot; ne repose sur aucun fait précis, au contraire, il s’agit d’une généralisation abusive dénuée de tout fondement. Par conséquent, quelle peut être son utilité sinon blesser le destinataire? Je crois qu’une chose vous échappe: toute injure exprime en elle-même à la fois une opinion et un désir de blesser.

      [C’est une opinion, parfaitement débile et outrancière, je vous l’accorde, mais une opinion]
      D’accord, mais si je dis que les musulmans sont des crétins obscurantistes et que leur Prophète est un pédophile, c’est une opinion. Nous sommes bien d’accord?

      [Diriez-vous que de tels propos ont pour unique objet de blesser les afficionados ?]
      Pour objet principal de blesser, oui. La simple critique consisterait à dire que la corrida est une torture pour l’animal et que savourer un tel spectacle relève de la sauvagerie, c’est-à-dire s’en prendre à la pratique, et non aux pratiquants. Mais dire que le toréador est un tortionnaire et les aficionados des sauvages relève de l’injure. D’autant que les actes de torture, y compris sur les animaux, sont punis par la loi. Or, à ma connaissance, la corrida est autorisée par la loi… Le toréador n’étant pas en infraction, le traiter de tortionnaire relève quasiment de la diffamation, non?

    • Bannette dit :

      @Nationaliste Jacobin :

      tu dis : &amp;quot; Et je dois dire que, même si cette société avait bien des défauts, elle était à la fois bien plus civilisée et plus irrévérencieuse à certains égards, et en tout cas intellectuellement plus dynamique et stimulante que notre société engoncée dans sa bienpensance, tétanisée par ses tabous, lisse au point d’en être ennuyeuse. Le politiquement correct est triste à pleurer. Toutefois, l’art de l’injure, la vraie celle qui est &amp;quot;enrobée dans des calembours mouillés d’acide&amp;quot; pour reprendre une chanson d’Aznavour, suppose une culture, une urbanité que nous avons perdue, je vous le concède. Je m’en désole.&amp;quot;

      L’art de la pointe et de la réplique qui liquéfie sur place demandent une vraie culture, et de ne jamais céder à la grossièreté. Personnellement, j’avais hurlé de rire à la sortie de Nigel Farage, en plein Parlement Européen, où il s’en était pris à Van Rompuy, en le qualifiant de « charisme d’une serpillière humide et l’aspect d’un petit guichetier de banque », « l’assassin de la démocratie européenne et de toutes les nations européennes » et de finir sur le cultissime « Vous n’avez aucune idée de ce que peut être un pays uni, tout cela parce que vous venez de Belgique, qui est plutôt un non-pays ».

      Le coup du &amp;quot;non-pays&amp;quot; pour qualifier la Belgique est un chef d’oeuvre de vacherie mouchetée so british, qu’aurait applaudie Churchill. Bien évidemment, Farage reçu une grosse amande et s’est fait réprimander, les belges se sont sentis offensés, les bienpensants on hurlé au racisme, mais il avait appuyé là où ça fait mal, car il avait tout dit : l’UE détruit les nations.

    • dsk dit :

      @ Descartes

      [Même chose pour l’injure : une expression outrageante est toujours une injure, qu’elle repose ou non sur une réalité.]

      Je ne comprends pas. Ce sont les termes mêmes de la loi : il ne suffit pas d’une [expression outrageante, termes de mépris ou invective], encore faut-il que celle-ci [ne renferme l’imputation d’aucun fait].

      [Vous confondez en fait la qualification et l’infraction. Une expression outrageante est toujours une injure, mais toute injure n’est pas punissable.]

      C’est le contraire. Une expression outrageante n’est pas toujours une injure, puisqu’il faut, en outre, aux termes mêmes de la loi, qu’elle [ne renferme l’imputation d’aucun fait]. Et toute injure est bien punissable. D’où tirez vous qu’il y aurait des exceptions ?

      [Je le prendrais peut-être mal, mais ce ne serait quand même pas une injure du point de vue du code pénal. Dans la loi de 1881, qui définit l’injure, celle-ci est classée dans la section « délits contre les personnes ». Il s’ensuit qu’il est impossible d’injurier une chose.]

      Il est vrai qu’il est impossible d’injurier une chose, car ce serait totalement absurde. C’est pourquoi l’on n’injurie jamais une chose, mais la personne qui s’y s’identifie. L’unique but de celui qui dirait que [votre blog c’est de la merde], ce serait bien que vous le preniez mal.

      [Dans ce cas là, les caricatures de Charlie Hebdo ne relèvent pas de « l’injure », puisque ses « destinataires » sont les lecteurs de Charlie Hebdo, parmi lesquels on ne compte pas beaucoup de musulmans de stricte obédience. Encore une fois, personne n’est obligée de lire Charlie Hebdo…]

      Avec ce raisonnement, on pourrait impunément vous injurier au journal de 20h sur TF1. Après tout, personne n’est obligé de regarder celui-ci non plus. Quoi qu’il en soit, cette injure [le coran c’est de la merde] figurait sur une couverture de Charlie Hebdo. Elle était donc exposée à la vue du public.

      [C’est peut-être l’effet secondaire, mais je ne crois pas que ce soit le but poursuivi par le législateur. Autrement, pourquoi réprimer l’injure dans des domaines où il n’y a pas de débat – en matière commerciale, par exemple ?]

      Je en vois pas ce qui vous fait dire qu’il n’y a pas de débat en matière commerciale. Au contraire, la concurrence engendre, me semble-t-il, un sacré débat. Ne parle-t-on pas d’argument de vente ?

      [Je pense que vous avez mal interprété les textes. En fait, on distingue deux infractions distinctes, celle qui consiste à vous accuser d’avoir fait quelque chose, et celle qui consiste à vous reprocher d’être quelque chose.]

      Justement. Comment peut-on reprocher à quelqu’un d’être quelque chose ? Un noir, une femme, un vieux, un gros, un con etc. ? Et comment contredire un tel reproche ? C’est en ce sens que l’injure n’appartient pas au débat.

    • Descartes dit :

      @ dsk

      [Même chose pour l’injure : une expression outrageante est toujours une injure, qu’elle repose ou non sur une réalité.][Je ne comprends pas. Ce sont les termes mêmes de la loi : il ne suffit pas d’une « expression outrageante, termes de mépris ou invective », encore faut-il que celle-ci « ne renferme l’imputation d’aucun fait ».]

      Vous n’avez pas compris le sens de la définition légale, parce que vous confondez « imputer un fait » – et « fait » s’entend dans cette formule comme un « acte » – et « reposer sur une réalité ». Si je dis a quelqu’un « vous êtes un imbécile », même si cela repose sur une réalité vérifiable, je ne suis pas en train de vous « imputer un fait ». Par contre, si je lui dis « vous avez tué votre femme », alors je suis en train de lui imputer un fait.

      Si la loi définit l’injure comme une expression outrageante, un terme de mépris ou invective « qui ne renferme l’imputation d’aucun fait », c’est pour la distinguer de la diffamation, qui implique, elle, l’imputation d’un fait.

      [Vous confondez en fait la qualification et l’infraction. Une expression outrageante est toujours une injure, mais toute injure n’est pas punissable.][C’est le contraire. Une expression outrageante n’est pas toujours une injure, puisqu’il faut, en outre, aux termes mêmes de la loi, qu’elle [ne renferme l’imputation d’aucun fait]. Et toute injure est bien punissable. D’où tirez vous qu’il y aurait des exceptions ?]

      Je n’ai pas été clair, j’en suis désolé. Ce que je voulais dire, c’est que ce n’est pas parce que quelque chose est une injure qu’elle est punissable. Ainsi, la loi de 1881 précise que l’injure n’est punissable que si elle n’est pas précédée d’une provocation. La jurisprudence a rajouté beaucoup de situations ou d’injures qu’on considère faire partie de la vie sociale. Notre droit pénal fonctionne ainsi : on définit d’abord une infraction, et ensuite on indique dans quels cas elle est punissable. Ainsi, l’article 225-1 définit la « discrimination » comme « toute distinction opérée entre les personnes physiques à raison de leur origine, de leur sexe, de leur situation de famille (…) », mais l’article 225-2 précise qu’une « discrimination » n’est punie que dans certains cas bien précis : lorsque elle tend à « refuser la fourniture d’un bien ou d’un service », « refuser d’embaucher, à sanctionner ou à licencier une personne », etc. C’est-à-dire qu’il y a des discriminations punissables, et autres qui ne le sont pas.

      [Il est vrai qu’il est impossible d’injurier une chose, car ce serait totalement absurde. C’est pourquoi l’on n’injurie jamais une chose, mais la personne qui s’y s’identifie. L’unique but de celui qui dirait que [votre blog c’est de la merde], ce serait bien que vous le preniez mal.]

      Mais dans la mesure où l’identification est purement subjective, votre théorie ouvre un champ immense à la logique de l’offense. Il me suffit de me déclarer « identifié » à la chose – ou à la personne – injuriée pour pouvoir m’estimer injurié moi-même ?

      [Dans ce cas là, les caricatures de Charlie Hebdo ne relèvent pas de « l’injure », puisque ses « destinataires » sont les lecteurs de Charlie Hebdo, parmi lesquels on ne compte pas beaucoup de musulmans de stricte obédience. Encore une fois, personne n’est obligée de lire Charlie Hebdo…][Avec ce raisonnement, on pourrait impunément vous injurier au journal de 20h sur TF1. Après tout, personne n’est obligé de regarder celui-ci non plus.]

      Tout à fait. C’est pourquoi je trouve votre définition bancale – car je vous rappelle que je ne faisais que raisonner à partir de votre définition, et non de celle figurant dans notre droit. L’idée que l’injure est une expression qui a pour but de « blesser le destinataire » implique de déterminer les intentions de l’auteur, d’identifier le destinataire, de rentrer dans la tête de ce dernier pour évaluer ce qui est de nature à le « blesser »… et tout ça est très subjectif. Prenez le cas du politique qui avait traité Thorez de « stalinien », et qui s’était vu réponde que « ce que vous estimez être une injure est pour nous un compliment que nous nous efforçons de mériter chaque jour ». Ce « stalinien », était-elle une « injure » ? Le politique qui l’a employé le pensait certainement, et avait bien l’intention de « blesser ». Le « destinataire », lui, ne le pensait pas.

      [Justement. Comment peut-on reprocher à quelqu’un d’être quelque chose ? Un noir, une femme, un vieux, un gros, un con etc. ?]

      Un noir, une femme, un vieux, un gros, je ne dis pas… mais un con, un escroc, un salaud… personne n’y est condamné à l’être.

    • dsk dit :

      @ nationalistejacobin

      [Mais ôtez-moi d’un doute: m’est-il encore permis de contester la loi, du moment que je la respecte?]

      Contester, oui. Injurier, non. 😉

      [C’est vous qui le dites. Peut-être que si vous interrogez ledit élève, il admettra qu’il n’a pas révisé pour son devoir. Je vous fais remarquer que votre définition d’injure est bancale: en effet, en cherchant bien, toute insulte peut trouver un fondement. Si je traite de connard l’automobiliste qui m’a embouti, c’est parce qu’il n’a pas fait attention. Si je traite Cécile Duflot d’idiote, c’est parce qu’elle a dit des idioties. Et si je dis de Depardieu qu’il est un gros cochon, je peux très facilement fonder mon injure en prouvant qu’il est obèse et assez peu raffiné… Donc toutes les injures entrent finalement dans la catégorie opinion.]

      Objection excellente. Je dirais qu’une injure doit être appréciée de manière objective, et non subjective. Les propos injurieux doivent être examinés en eux-mêmes, sans chercher à savoir si, éventuellement, leur auteur aurait pu songer à des faits précis qu’il n’aurait pas évoqués. Par exemple, si je me borne à traiter Duflot d’idiote, alors c’est une injure, même si, à ce moment là, je songeais à des propos précis qu’elle aurait pu tenir. Il me semble que c’est assez logique : on juge, précisément, une expression, non une pensée. Et chacun est maître de son expression.

      [D’ailleurs, ne pas aimer quelqu’un est un fait précis, non? Et il est rarissime d’injurier des gens à qui on ne reproche rien.]

      Certes. Mais le problème est justement que l’injure, elle, ne reproche rien. Si l’on a des reproches à faire à quelqu’un, pourquoi ne pas les exprimer, plutôt que de l’agresser verbalement sans qu’il en connaisse la raison ?

      [Ah bon? Mais si vous ne portez pas plainte, à quel moyen, légal s’entend, comptez-vous recourir pour empêcher qu’on vous injurie? Votre réponse m’intéresse.]

      Je vous répondrais que c’est à cela que sert souvent la loi : dissuader, même si elle est peu appliquée.

      [Je ne comprends pas. Vous m’avez dit qu’une opinion est fondée sur des faits précis. Or ici, le terme [feignasse] ne repose sur aucun fait précis, au contraire, il s’agit d’une généralisation abusive dénuée de tout fondement.]

      Là, il me semble que vous êtes un peu excessif. Je crois que les gens qui tiennent ces discours se fondent sur certains faits bien réels, notamment la longueur des congés dont bénéficient les enseignants.

      [Je crois qu’une chose vous échappe: toute injure exprime en elle-même à la fois une opinion et un désir de blesser.]

      Ce n’est pas faux. Je dirais que c’est justement cette opinion qui est blessante dans l’injure, car elle tend à rabaisser l’image de soi du destinataire. Mais c’est là toute la différence : il s’agit d’une opinion qui ne cherche pas à s’exprimer, mais plutôt à blesser, en s’attaquant à l’image du destinataire.

      [D’accord, mais si je dis que les musulmans sont des crétins obscurantistes et que leur Prophète est un pédophile, c’est une opinion. Nous sommes bien d’accord?]

      Bien sûr. Tout ceci s’appuie sur des faits.

      [Mais dire que le toréador est un tortionnaire et les aficionados des sauvages relève de l’injure. D’autant que les actes de torture, y compris sur les animaux, sont punis par la loi. Or, à ma connaissance, la corrida est autorisée par la loi… Le toréador n’étant pas en infraction, le traiter de tortionnaire relève quasiment de la diffamation, non?]

      Je ne suis pas moins que vous, je crois, en faveur de la liberté d’expression. C’est pourquoi je pense que toutes les expressions, même les plus outrancières, doivent être autorisées. Pour certains défenseurs de la cause animalière, ces expressions, me semble-t-il, correspondent à ce qu’ils ressentent de bonne foi. Et s’il y a ici une part de provocation, voire même de désir de blesser, cela fait partie du jeu, du débat. L’essentiel est que la personne visée puisse répondre, qu’elle puisse démontrer, le cas échéant, qu’elle n’est pas une barbare ou une tortionnaire. Tandis que vous répondriez quoi, si vous étiez musulman, à [Le Coran c’est de la merde, ça n’arrête pas les balles] ?

    • @ dsk,

      [Contester, oui. Injurier, non. ;-)]
      Rassurez-vous, je ne suis pas fan de l’injure…

      [si je me borne à traiter Duflot d’idiote, alors c’est une injure, même si, à ce moment là, je songeais à des propos précis qu’elle aurait pu tenir]
      Même si vous arrivez à prouver factuellement que Mme Duflot a dit des sottises?

      [Mais le problème est justement que l’injure, elle, ne reproche rien.]
      Mais, traiter quelqu’un d’idiot, n’est-ce pas lui reprocher d’avoir eu un comportement stupide ou de dire des sottises? Pensez-vous qu’il soit si aisé de distinguer l’injure du reproche?

      [Je crois que les gens qui tiennent ces discours se fondent sur certains faits bien réels, notamment la longueur des congés dont bénéficient les enseignants]
      Ces [faits réels] sont sujets à caution: d’abord les enseignants ont un salaire qui prend en compte les congés (ce qui fait que les profs ne sont pas sous-payés contrairement à ce que certains d’entre eux croient), et ensuite, pouvez-vous prouver que les enseignants ne travaillent pas pendant leurs congés? On n’en sait rien… Conclusion: les faits réels sont en réalité des hypothèses contestables et difficilement vérifiables.

      [il s’agit d’une opinion qui ne cherche pas à s’exprimer, mais plutôt à blesser, en s’attaquant à l’image du destinataire]
      J’avoue ne pas comprendre comment on peut distinguer une opinion qui blesse d’une opinion qui s’exprime simplement, sans entrer dans des querelles byzantines sur le sens des mots, l’intention de l’auteur, la sensibilité du destinataire…

      [Tout ceci s’appuie sur des faits.]
      Diriez-vous que les musulmans ne se sentent pas injuriés par de tels propos? Je prends les paris…

      [Tandis que vous répondriez quoi, si vous étiez musulman, à [Le Coran c’est de la merde, ça n’arrête pas les balles] ?]
      Je répondrai ceci: bien sûr que le Coran n’arrête pas les balles, car Dieu ne nous l’a pas révélé pour cela, mais pour montrer à l’homme de bien le chemin du Paradis. Ceux qui disent que le Coran c’est de la merde ne l’ont pas lu ou ne l’ont pas compris. Ils sont aveugles ou malfaisants. Mais il ne faut pas désespérer: le Prophète fut chassé comme un malpropre par les Mecquois, et les mêmes Mecquois sont plus tard devenus des croyants, après avoir éprouvé la puissance de Dieu à leurs dépens. Voilà.

  12. morel dit :

    Manifester ? Pas simple. Mon premier mouvement : révolte, envie de « faire quelque chose ». Ma réflexion : l’union ne pouvait se réaliser que pour la défense républicaine (donc le droit de tous) de la liberté d’expression à l’exclusion de tout autre. Ce n’est pas le cas.
    Dans cette partition, je ne défendrais pas plus Hollande, manœuvrier, que Le Pen jouant les calimero. Autre chose, il est question de manifestation silencieuse "sans mot d’ordre ni slogan, sans banderole ni bannière", a précisé la LDH. Il est même question de bougies allumées. Messe d’enterrement ?
    Pire, on apprend que Hollande a invité à Paris les chefs d’états de l’UE qui a bien besoin de redorer son blason.
    Dans ma ville, j’aviserai.

    « La Grande Communion à laquelle nous sommes appelés ne doit pas faire oublier non plus une autre réalité, celle d’une société qu’on laisse se communautariser. L’exemple le plus extrême – et le plus absurde – et cette injonction faite aux « musulmans » de renier, par la voix des autorités religieuses musulmanes, l’acte meurtrier de leurs coreligionnaires. »

    D’accord avec vous sur tout ce paragraphe. Permettez-moi d’ajouter que ce qui revient souvent dans la bouche de nos élites politiques, c’est aussi après la dénonciation de l’islamisme la sempiternelle mise en garde contre l’amalgame avec l’islam et les musulmans qui répétée comme avec un moulin à prières ne peut que produire l’effet inverse. C’est la segmentation confessionnelle des citoyens là où un élu de la République devrait affirmer celle-ci : Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 : Art. 10. Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la Loi. Sans particulariser car en République la loi est égale pour tous et ne connaît que le citoyen.

    « Ce matin, sur France Inter, on a diffusé un témoignage d’une enseignante qui avait évoqué l’affaire Charlie-Hebdo dans sa classe, en montrant un certain nombre de caricatures antireligieuses, et parmi elles les caricatures de Mahomet. »

    Elle serait, me semble-t-il, mieux inspirée en leur faisant étudier la Déclaration de 1789 de préférence à ces « discussions » dans un climat passionnel.

    En conclusion :
    Un petit article d’un personnage éminent : http://www.marianne.net/Quand-Cohn-Bendit-qualifiait-les-dirigeants-de-Charlie-Hebdo-de-cons-et-de-masos_a243700.html
    Une citation :

    "Je suis solidaire avec Charlie Hebdo, comme nous devons l’être tous, pour défendre l’art de la satire, qui a toujours été une arme de la liberté contre la tyrannie, la malhonnêteté et la bêtise. ‘Respect pour la religion’ est devenu un nom de code pour dire ‘Peur de la religion’. La critique, la satire et, oui, notre irrévérence intrépide doivent pouvoir s’appliquer aux religions"
    Salman Rushdie qui sait de quoi il parle.

    • Descartes dit :

      @ morel

      [Mon premier mouvement : révolte, envie de « faire quelque chose ». Ma réflexion : l’union ne pouvait se réaliser que pour la défense républicaine (donc le droit de tous) de la liberté d’expression à l’exclusion de tout autre. Ce n’est pas le cas.]

      Ce n’est pas le cas, en effet. Si l’on s’était limité à la défense du principe républicain, on aurait pu parfaitement défiler tous ensemble. Le fait qu’on ait cherché immédiatement à exclure untel ou untel montre que le but n’est pas, du moins pour certains parmi ceux qui appellent à manifester, celui-là. Filoche, par exemple, l’écrit sans fard : il s’agit d’une manifestation de la gauche, ou la droite – et à fortiori l’extrême gauche – n’ont pas leur place. L’ensemble de la gauche ne veut pas que le FN y participe. Et ainsi de suite.

      [Autre chose, il est question de manifestation silencieuse "sans mot d’ordre ni slogan, sans banderole ni bannière", a précisé la LDH. Il est même question de bougies allumées. Messe d’enterrement ?]

      Par certains côtés, c’est bien une cérémonie funèbre. Les bougies ne me dérangent donc pas. Sans banderole ni bannière ? Cela n’a pas de sens. Il faut au minimum qu’on se mette d’accord sur ce pour quoi on manifeste. Mais il me semble évident qu’il ne faut pas de drapeaux ou bannières partisanes, de symboles religieux. Seul le drapeau de la République aurait à mon avis sa place. Mais je sais bien que cette discipline est irréaliste. Chaque parti, chaque secte aura envie qu’on sache qu’il est là, et de capitaliser médiatiquement sa présence.

      [Pire, on apprend que Hollande a invité à Paris les chefs d’états de l’UE qui a bien besoin de redorer son blason.]

      C’est ce qu’on appelle des « funérailles de travail ». Les leaders chrétiens-démocrates défilant en honneur de Cabu et en défense de la laïcité, on aura vraiment tout vu.

      « La Grande Communion à laquelle nous sommes appelés ne doit pas faire oublier non plus une autre réalité, celle d’une société qu’on laisse se communautariser. L’exemple le plus extrême – et le plus absurde – et cette injonction faite aux « musulmans » de renier, par la voix des autorités religieuses musulmanes, l’acte meurtrier de leurs coreligionnaires. »

      [Un petit article d’un personnage éminent : http://www.marianne.net/Quand-Cohn-Bendit-qualifiait-les-dirigeants-de-Charlie-Hebdo-de-cons-et-de-masos_a243700.html%5D

      Intéressant rappel. Mais Cohn-Bendit est tout sauf incohérent. Ce qu’il déteste par-dessus tout, c’est ce qui est institué. C’est ce qu’il entend lorsqu’il dit que « la provocation, c’est taper sur ceux qui ont le pouvoir ». Et il ajoute « ce ne sont pas les salafistes et les crétins dans le monde musulman qui ont le pouvoir ». Taper sur les salafistes n’est donc pas utile. Pire, on peut s’allier éventuellement avec eux pour renverser « ceux qui ont le pouvoir », un peu comme en mai 1968 les « libéraux-libertaires » s’étaient alliés avec les maoïstes les plus rigides pour renverser mongénéral. Or, la tragédie de mercredi dernier montre l’erreur de cette vision : les salafistes ont bien le pouvoir, ne serait-ce que le pouvoir de tuer les « provocateurs », comme le montrent les derniers évènements… mais Cohn-Bendit est trop intelligent – et trop opportuniste – pour ne pas se joindre au cœur des pleurs en disant aujourd’hui le contraire de ce qu’il a dit hier.

    • CVT dit :

      @Descartes,
      [Intéressant rappel. Mais Cohn-Bendit est tout sauf incohérent. Ce qu’il déteste par-dessus tout, c’est ce qui est institué. C’est ce qu’il entend lorsqu’il dit que « la provocation, c’est taper sur ceux qui ont le pouvoir ». Et il ajoute « ce ne sont pas les salafistes et les crétins dans le monde musulman qui ont le pouvoir ». Taper sur les salafistes n’est donc pas utile. Pire, on peut s’allier éventuellement avec eux pour renverser « ceux qui ont le pouvoir », un peu comme en mai 1968 les « libéraux-libertaires » s’étaient alliés avec les maoïstes les plus rigides pour renverser mongénéral. Or, la tragédie de mercredi dernier montre l’erreur de cette vision : les salafistes ont bien le pouvoir, ne serait-ce que le pouvoir de tuer les « provocateurs », comme le montrent les derniers évènements… mais Cohn-Bendit est trop intelligent – et trop opportuniste – pour ne pas se joindre au cœur des pleurs en disant aujourd’hui le contraire de ce qu’il a dit hier.]

      J’ai lu le dernier article de Jacques Sapir sur ces tristes événements, et un mot m’a frappé: anomie.
      Ce n’est pas pour rien que, dans la langue française, anarchie et anomie sont synonymes: le premier abouti fatalement au deuxième!
      Car c’est bien l’esprit libéral-libertaire qui a produit l’anomie et l’impuissance de l’état, car les idées de "Dany le Rouge" ont pris le pouvoir depuis les années Mitterrand, formant un style de pouvoir qu’on pourrait décrire comme un anarchisme d’état (je ne me rappelle plus de l’auteur de cette formule, mais elle décrit bien ce qu’il se passe depuis 1983).

      Tout ça pour dire que l’impuissance et/ou la démission de l’Etat à faire respecter ses propres lois, mais également ses usages, vient de loin, et explique pour beaucoup le parcellisation de notre société, dont nous avons vue jusqu’où elle peut mener: à la justice privée, de la plus "soft" (le terrorisme intellectuel du "politically correct") à la plus "hard" ("Charlie Hebdo" ce maudit mercredi 7 janvier).
      Il n’a vraiment pas de quoi être fier, l’ "anarchiste juif allemand", comme le qualifiait Georges Marchais en 68…

    • Descartes dit :

      @ CVT

      [J’ai lu le dernier article de Jacques Sapir sur ces tristes événements, et un mot m’a frappé: anomie.
      Ce n’est pas pour rien que, dans la langue française, anarchie et anomie sont synonymes: le premier abouti fatalement au deuxième!]

      Les deux mots ne sont pas équivalents : l’anarchie est la disparition de l’autorité, l’anomie la disparition des normes. Les théories anarchistes prétendent montrer que la disparition de l’autorité ne se traduit pas forcément par la disparition des normes, soit parce que certaines normes sont « naturelles », soit parce que les collectivités peuvent produire des normes sans l’intervention d’une autorité. Il faut dire que l’histoire prouve plutôt le contraire…

    • Jean-François dit :

      @Decartes

      [les salafistes ont bien le pouvoir, ne serait-ce que le pouvoir de tuer les « provocateurs », comme le montrent les derniers évènements…]

      Je ne suis pas d’accord avec cela. Je ne dirais pas que les salafistes ont "le" pouvoir. Ils ont plutôt *un* pouvoir, et c’est un pouvoir que chacun a : celui d’essayer de tuer quelqu’un (et d’ensuite se faire enfermer ou tuer). Ils ont peut-être même moins ce pouvoir que les autres, puisqu’ils sont en général repérés et suivis, et souvent neutralisés avant que l’acte n’ait pu être commis.

      Je suis peut-être complètement à côté de la plaque, mais j’ai l’impression que le pouvoir qu’ils ont est plutôt d’engendrer "facilement" la peur, et que cela est dépendant de notre irrationalité collective. Statistiquement, il me semble que très peu de dessinateurs ou journalistes provocateurs français ont été tués ces dernières années, et ils avaient plus de chances de mourir à cause d’autre chose, comme la cigarette, ou un accident de voiture.

    • Descartes dit :

      @ Jean-François

      [Je suis peut-être complètement à côté de la plaque, mais j’ai l’impression que le pouvoir qu’ils ont est plutôt d’engendrer "facilement" la peur, et que cela est dépendant de notre irrationalité collective. Statistiquement, il me semble que très peu de dessinateurs ou journalistes provocateurs français ont été tués ces dernières années, et ils avaient plus de chances de mourir à cause d’autre chose, comme la cigarette, ou un accident de voiture.]

      Objectivement, vous avez raison. La profession d’humoriste reste relativement sûre, et il y a d’autres professions qui assument un risque métier bien supérieur au leur : pompiers, policiers, inspecteurs du travail, ouvriers du bâtiment…

      Cela étant dit, il y a des éléments subjectifs au risque. D’abord, ce n’est pas la même chose de mourir victime d’un accident ou d’une maladie – qui sont des fatalités – ou comme conséquence d’une mauvaise hygiène de vie que l’on s’est soi même choisie que de mourir par la volonté d’un autre. Le traumatisme d’un assassinat n’est pas tout à fait le même que celui que provoque un accident.

    • Marcailloux dit :

      @Descartes,
      Bonsoir,
      [Objectivement, vous avez raison. La profession d’humoriste reste relativement sûre, et il y a d’autres professions qui assument un risque métier bien supérieur au leur : pompiers, policiers, inspecteurs du travail, ouvriers du bâtiment…]
      D’accord pour les pompiers, les policiers, les ouvriers . . . . . ; .du batiment, ,de la métallurgie, de la chimie, du pétrole,etc, etc, les chauffeurs routiers, les infirmiers, les cheminots,. . . . . mais combien d’inspecteurs du travail sont morts dans l’exercice de leur fonction? Je n’ai rien contre eux, mais pourquoi les singulariser. Ils sont de très bons représentants de la classe moyenne que vous fustigez.

    • Descartes dit :

      @ Marcailloux

      [D’accord pour les pompiers, les policiers, les ouvriers . . . . . ; .du batiment, de la métallurgie, de la chimie, du pétrole, etc, etc, les chauffeurs routiers, les infirmiers, les cheminots,. . . . . mais combien d’inspecteurs du travail sont morts dans l’exercice de leur fonction?]

      Le métier d’inspecteur du travail est relativement dangereux. Les agressions physiques lors des contrôles ne sont pas rares, et en 2004 deux inspecteurs ont été tués dans l’exercice de leurs fonctions par un employeur irascible. Proportionnellement, on a tué ou blesse plus d’inspecteurs du travail que d’humoristes…

    • BolchoKek dit :

      >Le métier d’inspecteur du travail est relativement dangereux. Les agressions physiques lors des contrôles ne sont pas rares<
      C’est aussi vrai pour les inspecteurs de l’URSSAF… C’est en fait le cas pour toutes les professions qui peuvent nuire aux magouilles d’employeurs indélicats. Il n’est pas si rare que certains sortent la barre de fer ou la carabine .22, et cela donne lieu à quelques faits divers. Ce qui explique que les contrôles "sensibles" peuvent être effectués avec une escorte policière.

  13. Jul dit :

    Merci Descartes.
    Étant devenu un lecteur de plus en plus régulier de votre blog j’ai longtemps hésiter a franchir le pas pour rentré dans la danse (probablement du a mon jeune age et mon manque de bagage intellectuel.) Je suis d’accord avec vous mais le plus surprenant est pour moi ceci je vous cite
    "Si les fanatiques, au lieu de s’en prendre à la rédaction de « Charlie » s’en étaient pris à la rédaction de « Minute », ma réaction aurait été la même. La votre aussi, n’est ce pas ? N’est ce pas ? Eh ! c’est à vous que je parle !"

    Dans mon entourage la plupart des gens de ma génération ne connait ni Minute (sauf depuis l’affaire avec M.e Taubira) et ne connaissaient pas non plus Charlie hebdo (enfin jusqu’à jeudi) de plus a partir du moment que ce sont de odieux fasciste, il n’y’a pas matière a debats…

    "Ne vous attendez donc pas à ce que je proclame « je suis Charlie ». Non, je ne suis pas Charlie. Je suis la liberté d’expression, la liberté d’examen. Et ce n’est pas du tout la même chose."

    Le plus surprenant dans cette histoire, c’est que si on a le malheur de pas rentré dans le moule, "je suis Charlie" je suis d’office considéré comme un ignoble personnage
    pour ma par je vivrais avec cette opprobre, mais force est de constaté qu’aujourd’hui ma générations semble réellement avoir une vision binaire des choses,a moins que les sentiments ont pris le dessus sur le coté rationnel des choses?!

    et la cerise sur le gâteau c’est cette phrase des journalistes que je trouve délicieuse
    "il ne faut pas faire l’amalgame, tout les musulmans ne sont pas des terroristes"
    comme si tout les français étaient racistes…

    • Descartes dit :

      @ Jul

      [Étant devenu un lecteur de plus en plus régulier de votre blog j’ai longtemps hésité à franchir le pas pour rentrer dans la danse (probablement dû à mon jeune âge et mon manque de bagage intellectuel.)]

      Osez, osez. Votre modestie est votre meilleure protection contre les erreurs. Et le bagage, on l’acquiert précisément en participant au débat !

      [« Ne vous attendez donc pas à ce que je proclame « je suis Charlie ». Non, je ne suis pas Charlie. Je suis la liberté d’expression, la liberté d’examen. Et ce n’est pas du tout la même chose. » Le plus surprenant dans cette histoire, c’est que si on a le malheur de pas rentré dans le moule, "je suis Charlie" je suis d’office considéré comme un ignoble personnage.]

      Nous vivons un moment de communion. Tout le monde veut sentir que tout le monde pense comme lui. Et c’est pourquoi il est difficile de rappeler ce qui après tout est un principe de la démocratie : nous ne sommes pas identiques. Nous pouvons être d’accord sur beaucoup de choses, mais nous serons – et c’est parfaitement normal – en désaccord sur beaucoup d’autres. Il faut rappeler ce que disait Slama : l’unanimité, c’est le propre des régimes totalitaires. Le propre des démocraties, c’est au contraire la diversité des opinions. Et la réaction saine, c’est de dire « nous pouvons vivre ensemble en dépit de nos différences », et non d’essayer de les cacher. Malheureusement, beaucoup de gens n’ont toujours pas compris, et cherchent cette « communion » impossible.

      [et la cerise sur le gâteau c’est cette phrase des journalistes que je trouve délicieuse "il ne faut pas faire l’amalgame, tous les musulmans ne sont pas des terroristes" comme si tous les français étaient racistes…]

      Et oui, il y a des amalgames permis, et les amalgames interdits…

  14. mivadeparis dit :

    je suis complètement d’accord avec descartes, je suis pleine de dégout d’avance pour les récupérations politiques qui ne vont pas manquer ; bien sûr je suis horrifiée de tous las assassinats y compris ceux de montrouge et porte de vincennes et je comprends et partage la douleur des familles.
    ,

  15. maleyss dit :

    Attention au terme "valeurs républicaines". La Corée du Nord, l’Iran, le Soudan, le Zimbabwe, Cuba, sont des républiques, au rebours, le Royaume-Uni, les Pays-Bas, la Norvège, la Suède, le Danemark, le Canada, l’Australie, la Nouvelle-Zélande, ne sont pas des républiques. En vous appuyant sur ces différents exemples, veuillez définir les "valeurs républicaines". J’aurais tellement préféré que vous parliez des valeurs Françaises, ou des valeurs d’une société dans laquelle certaines choses, comme vous dites si bien, "ne se faisaient pas".
    [En France, et cette affaire le montre, un humoriste, un journaliste a mille fois plus à craindre les foudres de la « société civile » que la répression de l’Etat. Le véritable danger ne vient pas des institutions étatiques, il vient au contraire du retrait de celles-ci, qui laissent la « société civile » livrée à elle même]
    Comme l’a dit je ne sais plus qui, en France, à notre époque, on ne risque plus d’être passé à tabac, ou pire, au fond d’un commissariat, mais, merveille de notre société "ouverte", on le risque partout ailleurs!
    Post-Scriptum d’un emmerdeur : ne confondez pas les prémices (signes avant-coureurs) et les prémisses (première partie d’un raisonnement)

    • Descartes dit :

      @ maleyss

      [Attention au terme "valeurs républicaines". La Corée du Nord, l’Iran, le Soudan, le Zimbabwe, Cuba, sont des républiques, au rebours, le Royaume-Uni, les Pays-Bas, la Norvège, la Suède, le Danemark, le Canada, l’Australie, la Nouvelle-Zélande, ne sont pas des républiques.]

      La formule « valeurs républicaines » se réfère habituellement aux valeurs de la République telle qu’on la conçoit en France. Il va donc de soi qu’elles ne s’entendent pas comme étant celles de toute république digne de ce nom dans la planète.

  16. Allan dit :

    « Je n’aimais pas et ne partageais pas « l’esprit Charlie Hebdo ». Mais on n’a pas besoin d’aimer pour être indigné. »
    « Si on leur accordait la mention « mort pour la France », je ne serais pas choqué. »

    Cabu assassiné. Même les beaufs peuvent l’encenser.

    • Descartes dit :

      @ Allan

      [« Je n’aimais pas et ne partageais pas « l’esprit Charlie Hebdo ». Mais on n’a pas besoin d’aimer pour être indigné. » « Si on leur accordait la mention « mort pour la France », je ne serais pas choqué. » Cabu assassiné. Même les beaufs peuvent l’encenser.]

      Je ne suis pas sûr du sens de votre commentaire. Mais au risque de mal l’interpréter, je vous répondrai que oui, même les beaufs peuvent l’encenser. Et je dirai même que ce sont les beaufs, en grand nombre, qui manifestent aujourd’hui pour défendre ces libertés si chères à Cabu. Finalement, Cabu était un grand dessinateur mais un piètre analyse : il ne s’est pas rendu compte que le véritable danger ne venait pas du « beauf ». Ce ne sont pas des « beaufs » qui ont mitraillé la rédaction de Charlie-Hebdo, comme ce n’étaient pas des « beaufs » qui ont incendié la rédaction en 2010. Cette affaire tragique devrait pousser chacun à se demander s’il a bien saisi les priorités du moment. Peut-être que finalement exiger la parité dans le conseil d’administration des entreprises du CAC40 n’était pas tout en haut de la liste des urgences…

  17. morel dit :

    @ CVT

    « Il n’a vraiment pas de quoi être fier, l’ "anarchiste juif allemand", comme le qualifiait Georges Marchais en 68 »

    Choqué par la formule que vous utilisez, j’ai procédé à toutes les vérifications nécessaires. Il s’ensuit que jamais Georges Marchais ne l’a écrite ou prononcée. C’est dans un éditorial de l’Humanité en 1968 qu’il utilise les termes « anarchiste allemand ». C’est en réalité Minute du 2 mai 68 qui écrit : « Ce Cohn-Bendit, parce qu’il est juif et allemand »

    Que l’on soit partisan (comme vous ?) ou désapprobateur, comme moi, de Georges Marchais, je crois que nous avons tout à gagner avec la rigueur des faits et des dires.

    @ Descartes

    Veuillez m’excuser mais il me semble qu’une partie de la réponse à mon message a disparu (après « Grande communion »).

    Dans votre réponse à Jul :
    « Le propre des démocraties, c’est au contraire la diversité des opinions »
    Sans doute d’aucuns préfèrent cultiver d’autres diversités qui creusent le chemin des « identités » et du communautarisme qui sont l’inverse.
    A quand l’éloge de ce qui nous rassemble ?

    • Descartes dit :

      @ morel

      [« Il n’a vraiment pas de quoi être fier, l’ "anarchiste juif allemand", comme le qualifiait Georges Marchais en 68 ». Choqué par la formule que vous utilisez, j’ai procédé à toutes les vérifications nécessaires. Il s’ensuit que jamais Georges Marchais ne l’a écrite ou prononcée.]

      Merci de cette mise au point. Je m’en veux d’avoir laissé passer cette calomnie sans réagir. C’est un peu comme la fameuse phrase « le nuage de Tchernobyl s’est arrêté à nos frontières » qu’on attribue au Professeur Pélérin alors qu’en fait c’est Noël Mamère qui l’a prononcée. C’est une vieille méthode gauchiste qui consiste à attribuer à quelqu’un une formule qui n’a pas prononcé et ensuite à marteler jusqu’à ce que l’opinion publique soit convaincue qu’elle a été prononcée par la personne en question. Marchais n’a jamais traité Cohn-Bendit de « juif », pas plus qu’il n’a prononcé dans sa vie politique une formule qu’on puisse qualifier d’antisémite. Tout ça, c’est un fantasme.

      [Dans votre réponse à Jul : « Le propre des démocraties, c’est au contraire la diversité des opinions »
      Sans doute d’aucuns préfèrent cultiver d’autres diversités qui creusent le chemin des « identités » et du communautarisme qui sont l’inverse. A quand l’éloge de ce qui nous rassemble ?]

      Vous devriez lire le livre de Slama. « Ce qui nous ressemble », c’est en particulier cette conviction que le vivre ensemble passe par la coexistence d’opinions différentes, et non par l’unanimisme de façade qui obligerait tout le monde à dire la même chose. C’est cela qui fait que la France est, profondément, une démocratie, et que notre première réaction quand survient un évènement comme celui de mercredi n’est pas d’édicter une « patriot act ».

      Chez nous, des écoliers ont pu dire publiquement dans leurs classes que Charlie Hebdo avait bien cherché ce qui lui est arrivé, puisqu’ils avaient insulté les musulmans. Je voudrais souligner qu’ils ont pu exprimer cette opinion ouvertement au sein d’une institution républicaine. Imaginez-vous ce qui serait arrivé à un écolier américain qui aurait exprimé la même opinion dans sa classe aux Etats-Unis le 13 septembre 2001 ? Et bien, je suis fier que dans mon pays une telle opinion ait pu être exprimée, que les élèves chez nous se sentent intellectuellement libres au point de pouvoir exprimer une opinion dont ils sont parfaitement conscients qu’elle peut de choquer. On peut juger cette opinion erronée, monstrueuse même, mais qui dès lors qu’elle est exprimée elle peut être analysée, débattue, refutée par la Raison. Quelqu’un qui exprime cette opinion dans un débat accepte qu’elle soit discutée, et prend donc le risque de changer d’avis. Je préfère infiniment cette situation à celle ou chacun se sentirait obligé de montrer une unanimité de façade, mais n’en penserait pas moins.

      Bien sûr, il n’y a pas que cela qui nous rassemble. Et je suis d’accord qu’il serait grand temps de remettre à l’honneur un « roman national » qui nous serve de ciment social.

    • CVT dit :

      @Descartes,
      Un mise au point: "le terme juif allemand" ne doit pas être mal interprété! Désolé pour cette sortie, je ne pensais pas à mal, sachant que Cohn-Bendit n’a jamais revendiquer sa religion par ailleurs!
      Je songeais plutôt au slogan "nous sommes tous juifs allemands" qui avait été repris suite justement après cette accusation qui avait justifié son expulsion…

      Je répète: je suis désolé de cette maladresse, eu égard à ce contexte. J’ai bien des reproches à faire à DCB, mais ils sont sur le terrain des idées et politiques, nullement religieux et/ou soit disant complotistes (cf "Minute", Soral, and co).

    • CVT dit :

      @Morel,
      au temps pour moi, je ferais bien de vérifier mes sources. Je n’ai nullement voulu diffamer Marchais, ni accuser un quelconque complot judéo-maçonnique.
      Mille excuses, et merci d’avoir rectifié.
      Je n’ai JAMAIS été antisémite, et la fin de mon texte pourrait le laisser penser, j’ai beaucoup de reproches à faire à DCB en tant que leader d’opinion, et aucun sur le terrain religieux, qui relève de sa vie privée et qui en plus ne m’intéresse absolument pas.

      Merci encore d’avoir rectifié.

    • Descartes dit :

      @ CVT

      [Un mise au point: "le terme juif allemand" ne doit pas être mal interprété! Désolé pour cette sortie, je ne pensais pas à mal, sachant que Cohn-Bendit n’a jamais revendiquer sa religion par ailleurs!]

      Il ne peut être que « mal interprété » non pas à l’encontre de Cohn-Bendit, mais à l’encontre de Georges Marchais, puisque lui attribuer cette formule revient tout simplement à l’accuser d’antisémitisme. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle cette « légende urbaine » est régulièrement propagée par l’extrême gauche.

      [Je songeais plutôt au slogan "nous sommes tous juifs allemands" qui avait été repris suite justement après cette accusation qui avait justifié son expulsion…]

      Je ne vois pas que quelle « accusation » vous voulez parler. Cohn-Bendit a été expulsé comme étranger constituant une menace pour l’ordre public, et non parce qu’il aurait été « juif allemand ».

    • CVT dit :

      @Descartes,
      [Il ne peut être que « mal interprété » non pas à l’encontre de Cohn-Bendit, mais à l’encontre de Georges Marchais, puisque lui attribuer cette formule revient tout simplement à l’accuser d’antisémitisme. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle cette « légende urbaine » est régulièrement propagée par l’extrême gauche.]

      d’où ma confusion 🙁 : j’avais justement retenu ce procédé infâme d’imputation d’antisémitisme à l’encontre de Marchais…

      Procédé qui me pend au nez (et à beaucoup de sceptiques à propos de l’union nationale…) quand il s’agit de désigner les responsables du massacre du 7 janvier 2015: oui, je le confesse, je suis coupable d’islamophobie. Pour moi, c’est bien l’islam qui est en cause, et non une quelconque interprétation des textes. Je trouve que c’est trop facile d’exonérer cette religion et certains de ses croyants de leurs responsabilités, en les faisant tout deux passer pour des victimes de cet attentat! Pour dire à quel point l’omerta règne, le seul fait de dire que les assassins étaient des croyants (et non des déséquilibrés…) a été censuré, alors que j’ai le sentiment que bien des Français pensent comme moi.

      En plus, l’argument de fanatisme me paraît bien éculé: pour prendre des exemples historiques, qui peut croire que Ravaillac était fou quand il poignardé Henri IV? Pareil pour l’assassin (pour le coup, juif, et non arabe) d’Izahak Rabin?
      Le pompon étant décroché quand tous les bien-pensants défendent l’islam (feu Charlie Hebdo en savait quelque chose…) , alors qu’ils passent leur temps à cracher à la gueule du pape et du christianisme (Vive les Femen, qui bizarrement oublient d’attaquer les mosquées et les synagogues…)
      J’attends des bien-pensants et autres anti-racistes qu’ils ne défendent pas l’islam pour des raisons bassement électoralistes, alors que manifestement, ses visées sont incompatibles avec notre république et l’histoire de notre nation; car ce faisant, ils attisent la colère et l’exaspération de bien des Français, faisant craindre des débordements (malheureusement, des exactions sont commises sur plusieurs mosquées, heureusement, sans mort ni blessé grave.Tout délit doit être puni!).
      Tout ça pour dire que l’intimidation "islamophobique" ne prend pas avec moi: je suis anti-clérical, anti-religion, et j’ai le droit de dire dans mon pays, la France! Charlie Hebdo est mort pour ça, que tout ceci ne soit pas vain…

    • morel dit :

      @ CVT

      Vous savez, je ne prétends nullement à jouer à la « référence morale » et ai horreur des procès en sorcellerie. C’est pourquoi j’ai voulu insister sur la vérification « des faits et dires » qui forme alors le fond incontestable d’une argumentation.
      Quant au judaïsme, il est, comme toute religion : « La misère religieuse est tout à la fois l’expression de la misère réelle et la protestation contre la misère réelle. La religion est le soupir de la créature accablée, l’âme d’un monde sans cœur, de même qu’elle est l’esprit d’un état de choses où il n’est point d’esprit. Elle est l’opium du peuple. ».
      Le communautarisme juif doit, lui aussi être combattu.

      @ Descartes

      Je n’ai pas trouvé les références du livre de Slama : « Ce qui nous ressemble ». Et quel coût ?

    • BolchoKek dit :

      @CVT
      >quand il s’agit de désigner les responsables du massacre du 7 janvier 2015: oui, je le confesse, je suis coupable d’islamophobie<
      Je ne sais pas. Je pense d’ailleurs qu’il serait grand temps de revoir ce mot, "islamophobie". Sa construction n’est pas anodine : on parle généralement de "phobie" pour désigner une aversion irrationnelle, comme l’arachnophobie ou la technophobie. Le terme a été en fait popularisé par ceux qui justement voulaient faire passer toute critique de l’islam, des musulmans et de tout ce qui a un rapport plus ou moins vague avec eux pour irrationnel. Je ne pense pas qu’il soit une bonne idée de reprendre le vocabulaire de ces gens là…
      Ensuite, je pense que votre raisonnement a plusieurs failles. Pour pouvoir parler d’une culpabilité "des musulmans", il faudrait que "les musulmans" constitue un groupe doté d’une unité d’action, de structures décisionnelles représentatives. Or, ce que l’on voit ces derniers jours nous démontre le contraire : on observe diverses associations ou groupements qui nous expliquent que "ce n’est pas l’islam", tout comme les terroristes nous diraient probablement que ces associations "ne sont pas l’islam".

      >J’attends des bien-pensants et autres anti-racistes qu’ils ne défendent pas l’islam pour des raisons bassement électoralistes, alors que manifestement, ses visées sont incompatibles avec notre république et l’histoire de notre nation; car ce faisant, ils attisent la colère et l’exaspération de bien des Français, faisant craindre des débordements <
      Je pense que nos dirigeants prendraient de la hauteur en ne mettant pas le doigt dans l’engrenage communautaire. Ils n’ont pas à se mêler de la tambouille communautaire du "dialogue interreligieux". Ils n’ont pas à prendre position concernant quelque religion que ce soit, déjà car ce n’est pas leur place, ensuite parce qu’ils n’y comprennent rien. Mais voilà, on a eu droit à la cérémonie à la synagogue avec des personnalités musulmanes. C’est dommage.

    • Descartes dit :

      @ CVT

      [Pour dire à quel point l’omerta règne, le seul fait de dire que les assassins étaient des croyants (et non des déséquilibrés…) a été censuré, alors que j’ai le sentiment que bien des Français pensent comme moi.]

      Le fait d’être croyant n’empêche pas d’être déséquilibré…

      Plus sérieusement, je pense que vous faites une erreur, et une erreur qui peut se révéler tragique. Il faut séparer ce qui relève d’une véritable conviction idéologique, ou la finalité prime sur les moyens, et ce qui relève d’une forme de narcissisme ou les moyens priment sur la finalité. Des aventuriers qui cherchaient un peu d’adrénaline pour pimenter une vie décidément trop terne, des gens en quête de sens qui se cherchent une « cause » pour donner une signification à leur vie, des frustrés qui cherchent le sentiment de toute-puissance oui plus banalement leur quart d’heure de gloire, il y en a toujours eu. Et qui trouvent dans une idéologie à la mode le prétexte symbolique qui justifie leur passage à l’acte. Hier, ils se seraient engagés chez Action Directe ou dans les Brigades Rouges pour venger les torts faits au prolétariat mondial. Aujourd’hui, ils s’engagent dans le djihadisme pour venger les torts faits par les impérialistes et les sionistes. Il est donc à mon avis faux de lier ces attentats à une « grande conspiration islamiste », un peu comme il était absurde de faire d’Action Directe une manifestation du « complot marxiste international ».

      Même dans les plus nobles causes, comme les Brigades Internationales ou dans la France Libre, on a trouvé à côté de militants politiques conscients des aventuriers prêts à tous les excès. Mais dans ces causes-là, il y avait généralement une autorité centrale qui avait le monopole de l’idéologie et qui faisait la police pour modérer les excès. Dans le cas du djihadisme, cette autorité n’existe pas. Chaque cinglé, chaque frustré est libre d’interpréter le Coran comme il le veut et agir en fonction de ses fantasmes. D’où la difficulté à prévenir ce type d’attentat.

      [En plus, l’argument de fanatisme me paraît bien éculé: pour prendre des exemples historiques, qui peut croire que Ravaillac était fou quand il poignardé Henri IV? Pareil pour l’assassin (pour le coup, juif, et non arabe) d’Izahak Rabin?]

      Moi. Mais quand bien même ils auraient été en pleine possession de leurs moyens mentaux, il y a une différence importante. Ravaillac a assassiné un roi, et Itzakh Rabin était premier ministre quand il a été assassiné. Les tuer avait donc un sens politique. Massacrer la rédaction de Charlie Hebdo n’en a aucun. Si l’objectif était « venger le Prophète », avouez qu’avoir attendu dix ans pour le faire n’est pas un signe de bonne santé mentale.

      [Le pompon étant décroché quand tous les bien-pensants défendent l’islam (feu Charlie Hebdo en savait quelque chose…) , alors qu’ils passent leur temps à cracher à la gueule du pape et du christianisme (Vive les Femen, qui bizarrement oublient d’attaquer les mosquées et les synagogues…)]

      Bien entendu. Certaines conceptions de la liberté sont assez sélectives. Ainsi, par exemple, certains ont jugé que le fait de caricaturer le prophète par voie de presse était une injure intolérable pour les musulmans, mais que la Femen qui a mimé un avortement devant l’autel de la Madeleine lors d’un office catholique était resté dans les limites de la liberté d’expression.

    • Descartes dit :

      @ morel

      [Je n’ai pas trouvé les références du livre de Slama : « Ce qui nous ressemble ». Et quel coût ?]

      Je n’ai pas compris votre question. Je ne connais pas de livre de Slama avec ce titre…

  18. Anninat dit :

    C’est rassurant de constater qu’il subsiste dans cette confusion quelques esprits vraiment libres. Merci pour cet article.

    • bovard dit :

      @Descartes
      Je n’ai pas de mots pour exprimer ma joie après les magnifiques manifestations de ces 10 et 11/01/2015,dignes sans haine ni racismes.
      Enfin,le peuple des quartiers,les policiers,les enseignants,les obscurs,tous ceux qui souffrent de cette islamofolie ont pu exprimer par millions leur refus des abus des imbéciles fanatiques qui nous pourrissent la vie.
      Oui,hier j’ai fait preuve d’islamo ras le bol,d’islamophobie (non violente,évidemment par définition de ce qu’est une phobie)!
      Cependant en discutant avec mon fils,il m’a dit que selon lui,j’étais nationaliste.Non,ais je répondu car pour moi le nationalisme,c’est le nasdp!
      Qui aurait cru qu’ à presque 60 ans ,cela se passe ainsi pour moi,enfant de la libération et d’il est interdit d’interdire?
      Alors je dois préciser que c’est parceque la nation est le lieu politique d’un état social;laïc,pacifique,tolérant et francophone(langue maternelle) que je suis patriote.
      En ce sens,cela me distingue des Maurassiens puisque vous l’avez compris et pour faire court je suis Jauressien(inspiré par Jaurès).
      Pourrons nous cohabiter sur ce site de notre cher Descartes?Les réactions publiées après les magnifiques manifestations de ces 10 et 11/01/2015,seront déterminantes pour moi.
      ah !que les claviers et crayons s’activent,SVP!

    • Descartes dit :

      @ bovard

      [Je n’ai pas de mots pour exprimer ma joie après les magnifiques manifestations de ces 10 et 11/01/2015,dignes sans haine ni racismes.]

      Je ne vais pas déflorer le sujet avec ma réponse, puisque je prépare un papier sur ça…

    • Marcailloux dit :

      @ bovard,
      Bonsoir,
      [Je n’ai pas de mots pour exprimer ma joie après les magnifiques manifestations de ces 10 et 11/01/2015,dignes sans haine ni racismes]
      C’est vrai qu’il est attendrissant d’assister à cette formidable orchestration mobilisant 4 millions de citoyens pour la liberté d’expression. Espérons seulement que cela aura des conséquences réellement positives et n’aura pas, tout simplement, fait office de catharsis à l’échelle du pays. Sinon, prenons garde au retour des barbares!

  19. v2s dit :

    @Descartes
    [c’est en particulier cette conviction que le vivre ensemble passe par la coexistence d’opinions différentes, et non par l’unanimisme de façade qui obligerait tout le monde à dire la même chose.]
    Tout à fait d’accord, Descartes, c’est même un peu pour ça que je « fréquente » votre blog, ce lieu de dialogue ou je me sens pourtant un peu un intrus, étiqueté une fois pour toute « bobo, libéral-libertaire et millénariste ».
    Comme vous le dites très bien, exposer publiquement une opinion à contre-courant du cercle ou l’on s’exprime, c’est prendre le « risque » de devoir changer d’avis et c’est pourquoi je persiste à me faire tailler en pièces, pas par masochisme, mais parce que j’écoute et que je suis pret à faire évoluer mes convictions.

    Sinon, aujourd’hui, du haut de son paradis des athées, Cavanna doit bien se marrer et se se dire :
    « Tout le monde est, a été ou sera Charlie ».
    Ainsi, puisque unanimement, nous sommes tous « Charlie », chacun peut affirmer bien haut :
    « Ah mais, Môsieur, ce rassemblement n’est qu’un début ! Maintenant il va bien falloir désigner haut et fort les coupables !»
    Et les opinions les plus extrêmes et les plus contradictoires vont se faire entendre.
    Depuis ceux qui réclament implicitement plus de fichage, plus de « patriot act » :
    « en Amérique, Môsieur, ça ne serait pas arrivé, là bas, les Amedy Koulibaly sont depuis longtemps en liste noire »,
    Jusqu’à ceux qui affirment candides et angéliques :
    « Mais moi, je ne suis en guerre avec personne, je n’en veux à personne, il faudrait mieux expliquer les valeurs républicaines dans les écoles, pour éviter à ces jeunes de se radicaliser ». Comme si, à ce stade, le mal pouvait encore etre extirpé par les mots, il ya bien longtemps que les Kouachi et les Koulibali ne fréquentent plus les bancs des écoles.
    Et, bien entendu, il y aura a les souverainistes nationalistes qui ne manqueront pas de brocarder les bobos libéraux-libertaires, leur « relativisme culturel », leur « individualisme victimaire » et surtout, surtout, Môsieur, leur «multiculturalisme invertébré ».
    Pour ma part, je crois que cette attaque peut être suivie, en politique intérieure, de décisions à la fois efficaces et respectueuses des valeurs de La France.
    Le constat :
    1/ Oui nos sommes en guerre. Et nous pouvons nommer nos ennemis : ce sont les extrémistes musulmans sunnites, sallafistes. Les riches monarchies sunnites du golf, rêvent d’en découdre avec l’Iran chiite. Elles considèrent, plus ou moins ouvertement, les fondamentalistes sunnites comme dignes d’être soutenus financièrement, en qualité de bras armé potentiel dans leur combat avec les chiites. Il leur semble donc semble tout à fait logique d’une part, de financer DEASH et, d’autre part, de recruter de la chaire à canon là ou c’est possible, chez les jeunes occidentaux désabusés (musulmans ou convertis), et aussi parmi les peuples en guerre comme en Tchétchénie, en Irak, en Syrie.
    2/ Arrêtons de croire que La France est principalement concernée par les attaques islamistes. Nous sommes les victimes collatérales des guerres de religion et des guerres d’influence dans lesquelles s’entre-déchirent les pays arabes. 75% des victimes du terrorisme islamique sont des musulmans. Les 25% restants se répartissent sur la surface du globe (Russie, Afrique, Malaisie, Indonésie..et nous aujourd’hui)
    3/ Pour des raisons principalement économiques et courtermistes, La France a, une politique étrangère bien peu cohérente.
    D’abord, dans le conflit israélo-arabe, nous votons inlassablement les résolutions de l’ONU tout en laissant la situation des palestiniens pourrir et se dégrader. Ce qui alimente le ressentiment des peuples arabes et le discours « les juifs et les croisés veulent notre peau ».
    Mais surtout, nous pactisons dangereusement avec l’ennemi quand nous fermons les yeux sur le financement des Imans sallafistes dans nos banlieues et sur le financement de DAESH et d’AlKaida.
    Les actions possibles :
    1/ Les prédicateurs extrémistes dans les banlieues et les prisons sont connus. Un coup de balai est possible. Ils ne sont pas, pas toujours, (ou faut-il dire pas encore !) français. Ils sont majoritairement issus des monarchies de la péninsule arabique ou des ex membres du GIA Algériens. Les expulser nous attirera sans doute les foudres du Qatar et de l’Arabie Saoudite ? Et alors ? Pour vendre quelques rafales ou quelques centrales de plus sommes-nous prêt à risquer la poursuite de l’embrigadement des jeunes des quartiers ?
    Il existe un arsenal législatif pour combattre les dérives sectaires, s’il est insuffisant ou inadapté, le parlement est là pour y remédier. L’Etat doit etre aux cotés des familles, musulmanes ou pas, pour les protéger des dérives sectaires.
    2/ Internet, les réseaux sociaux existent, ils sont libres et c’est tant mieux. Ils sont cependant un des principaux vecteurs de recrutement de nos ennemis. En France, la presse et les radios sont libres également, et pour autant, elles se plient à la loi, et on n’y retrouve pas des appels au meurtes en provenance du monde entiers. C’est le role de l’Etat de mettre en place, sous le stricte contrôle d’une commission d’élus des assemblées, de mettre en place les mêmes barrières que celles qui existent pour les journaux ou l’audio-visuel. Les techniques existent, elles sont abondement utilisées par les dictatures*, les démocraties n’auraient-elles pas le droit de se défendre ? *Une firme française s’enorgueilli d’avoir fourni à Bachar el-Assad le logiciel pour contrôler l’Internet en Syrie.
    3/ Donc, la lutte contre le terrorisme ne peut pas se limiter à assécher son terreau en s’attaquant aux conditions économiques, sociales (vous voyez, Descartes, votre fréquentation fait évoluer mes convictions).
    Au point ou nous en sommes, il faudra désormais aussi prendre des mesures d’urgence que j’évoque plus haut.
    Il reste qu’on aurait du essayer « d’assécher le terreau » plus tôt.
    Si on ne s’attaque jamais au « terreau » économique et social, qu’on se contente d’expulser les Imans et les extrémistes non français, de réprimer, d’étouffer les tribunes et les vidéos You tube des prédicateurs et autres rappeurs, alors, le feu continuera de couver sous la braise.
    Il faudra bien créer aussi les conditions économiques et sociales pour intégrer ceux de nos 8 ou 10 millions de concitoyens musulmans qui ne parviennent pas à s’en sortir.
    Le chômage de masse n’a rien arrangé, la faillite de l’école non plus.

    • Descartes dit :

      @ v2s

      [Tout à fait d’accord, Descartes, c’est même un peu pour ça que je « fréquente » votre blog, ce lieu de dialogue ou je me sens pourtant un peu un intrus, étiqueté une fois pour toute « bobo, libéral-libertaire et millénariste ».]

      De quoi vous plaignez vous ? Cela pourrait être bien pire… En tout cas, rassurez-vous, cela ne fait pas de vous un « intrus ». Nous avons ici de nombreux bobos, des écolos et même un libéral, un vrai de vrai !

      [Et, bien entendu, il y aura a les souverainistes nationalistes qui ne manqueront pas de brocarder les bobos libéraux-libertaires, leur « relativisme culturel », leur « individualisme victimaire » et surtout, surtout, Môsieur, leur «multiculturalisme invertébré ».]

      Et ils auront bien raison…

      [1/ Oui nos sommes en guerre.]

      Dans ce cas là, il faut déclarer l’état de siège, ce qui implique la censure préalable de la presse et des média, la suspension des élections, la soumission de l’autorité civile à l’autorité militaire et la soustraction de certaines affaires à la juridiction du juge civil pour les confier au juge militaire. Nous sommes d’accord ?

      Non, nous ne sommes pas « en guerre ». Le mot « guerre » est trop sérieux pour être galvaudé de pareille manière. Cela ne veut pas dire que la situation ne soit pas sérieuse, qu’il ne faille pas faire une politique étrangère plus ferme, qu’il ne faille pas rétablir certains contrôles sur nos frontières ou sur certains media, et de ce point de vue je partage en grande partie vos propositions. Mais il faut arrêter d’agiter le spectre de la « guerre ».

      [Il faudra bien créer aussi les conditions économiques et sociales pour intégrer ceux de nos 8 ou 10 millions de concitoyens musulmans qui ne parviennent pas à s’en sortir.]

      « Intégrer » ne sert à rien. Il faut a-si-mi-ler.

      [Le chômage de masse n’a rien arrangé, la faillite de l’école non plus.]

      "La faillite de l’école" ? Quelle "faillite" ? Dans une autre discussion, vous m’aviez convaincu que le niveau scolaire des élèves augmente continûment… et maintenant vous me dites le contraire ?

    • Marcailloux dit :

      @ v2s
      Bonsoir,
      [ Et nous pouvons nommer nos ennemis : ce sont les extrémistes musulmans sunnites, sallafistes. Les riches monarchies sunnites du golf,………]
      Je vous en prie, n’insultez pas les golfeurs, une balle est si vite adressée en direction de la tête qui lui est destinée!

    • v2s dit :

      @Marcailloux
      +1

  20. Tim dit :

    Cher Descartes,

    Tout d’abord permettez-moi de vous présenter mes plus profondes et sincères condoléances pour la perte de votre ami, je souhaite de tout cœur que vous puissiez retrouver la paix de l’âme et de l’esprit et que vous saurez trouver les mots pour le réconfort de sa famille.

    Votre billet m’a inspiré plusieurs réflexions. Tout d’abord, sur la manifestation, je vous rejoins tout à fait sur cette nostalgie des grands rassemblements. Qui plus est, nous avons pu le voir, il s’est agi principalement de faire valoir des slogans plus ineptes les uns que les autres: "je suis Charlie", "je suis policier", "je suis juif" etc participent à mon sens de cette idéologie victimaire qui gangrène la société. Ces slogans ne veulent rien dire sinon que "moi aussi je suis une victime, nous sommes tous une victime" histoire je pense de ne pas s’attarder sur les bourreaux (et non nous ne sommes pas des victimes et ils ne sont ni des martyrs ni des héros). Une deuxième chose qui m’a exaspéré c’est le qualificatif de "républicain" appliqué à la marche… on met cet adjectif partout, tout le temps, histoire sûrement de faire oublier qu’on serait bien en peine de dire ce qu’il recouvre. Le fait que l’on s’extasie sur le fait que l’on trouve dans la manifestation des drapeaux israéliens et palestiniens attachés ensemble plutôt que d’appeler ces personnes à dresser en communion le drapeau français ne m’engage pas à y voir le sursaut d’une société vers l’unité.

    Pour ce qui est de la défense de liberté d’expression, vous avez tout à fait raison: combien dans ceux qui crient aujourd’hui à la liberté en danger ont critiqué les caricatures à l’époque? Et combien aurait réagis s’il c’était agis de la rédaction de Minute?

    Pour ma part, en tant que catholique pratiquant, j’ai toujours accepté la critique de ma religion pour une raison essentielle: la séparation de l’Eglise et de l’Etat, et une raison plus personnelle: la critique de la religion catholique permet souvent aux fidèles de s’interroger sainement sur leur culte, leur foi, la pertinence, la cohérence du message évangélique et de son interprétation par l’Eglise. Néanmoins, je n’ai jamais vu autre chose que de l’insulte gratuite dans les unes de Charlie Hebdo (quel que soit le culte concerné) et je pense sincèrement que le débat démocratique n’y a jamais rien gagné bien au contraire.

    Pour ce qui est des auteurs, je ne saurais réduire avec vous leur engagement au simple besoin narcissique et l’Islam à un "élément contingent". Cette religion est au coeur même de leur motivation et doit figurer au banc des accusés de ce massacre. Certes comme vous le dites fort justement, des millions de musulmans ne versent pas dans le terrorisme et des millions réprouvent ces actes mais le fait est que le Coran regorge de sourates guerrières et violentes: ceux des musulmans qui ne commettent pas ces crimes sont ceux qui ne respectent pas leur livre sacré. Pour ce qui est des demandes faites aux musulmans de France de prendre leurs distances, je suis à 100% d’accord avec vous mais qu’il me soit permis de souligner comme l’a fait nationalistejacobin (11/01/2015 15:47) avant moi qu’a trop vouloir jouer la carte du communautarisme cela se paye! Il est tout de même invraisemblable qu’il y ait pour les journalistes, les politiques et beaucoup de musulmans un bon communautarisme (pour bénéficier de lieux de cultes, de dérogation diverses et variées) et absence de communautarisme à l’heure des drames.

    Je terminerai en disant que Charlie Hebdo a une part de responsabilité dans le drame (je vous prie de croire que je ne dis pas cela par volonté de choquer). Cette revue me semble-t-il participe largement de ce mouvement libertaire qui voit tout cadre comme un carcan et toute limite comme un tabou insupportable qu’il s’agit de démonter. Oui c’est la fin d’une époque et surtout la fin d’une génération, la seule qui ait eu le luxe de l’insouciance et dont le legs sera j’espère de nous convaincre de ne pas la suivre.

    • Descartes dit :

      @ Tim

      [Tout d’abord permettez-moi de vous présenter mes plus profondes et sincères condoléances pour la perte de votre ami, je souhaite de tout cœur que vous puissiez retrouver la paix de l’âme et de l’esprit et que vous saurez trouver les mots pour le réconfort de sa famille.]

      Je vous remercie.

      [Qui plus est, nous avons pu le voir, il s’est agi principalement de faire valoir des slogans plus ineptes les uns que les autres: "je suis Charlie", "je suis policier", "je suis juif" etc participent à mon sens de cette idéologie victimaire qui gangrène la société.]

      Tout a fait d’accord. Je trouve ce slogan inepte. Mais que voulez-vous… nos organisations politiques ont déserté le champ politique. Et ce sont les publicitaires qui proposent maintenant les slogans…

      [Une deuxième chose qui m’a exaspéré c’est le qualificatif de "républicain" appliqué à la marche… on met cet adjectif partout, tout le temps, histoire sûrement de faire oublier qu’on serait bien en peine de dire ce qu’il recouvre.]

      Pardon, mais on sait très bien ce que le terme « républicain » recouvre. Les gens le savent. Et ils ne se sont pas trompés.

      [Le fait que l’on s’extasie sur le fait que l’on trouve dans la manifestation des drapeaux israéliens et palestiniens attachés ensemble plutôt que d’appeler ces personnes à dresser en communion le drapeau français ne m’engage pas à y voir le sursaut d’une société vers l’unité.]

      Les seuls qui « s’extasient » de ce genre de chose sont les journalistes façon « Libération » ou « Le Monde », c’est-à-dire, les plus anti-républicains qui soient. Il y avait très peu de drapeaux étrangers dans la manifestation, et en général ils étaient portés par des étrangers, étudiants, touristes ou visiteurs. J’ai passe cinq heures dans la manifestation, et je n’ai pas vu un seul drapeau israélien ou palestinien, pas plus que de drapeau européen. L’immense majorité des drapeaux étaient tricolores.

      [Pour ma part, en tant que catholique pratiquant, j’ai toujours accepté la critique de ma religion]

      C’est tout à votre honneur. J’ai cru comprendre que Reporters sans Frontières compte proposer aux différentes autorités religieuses de signer une charte acceptant le « droit au blasphème ». On va rigoler, je le sens…

      [Pour ce qui est des auteurs, je ne saurais réduire avec vous leur engagement au simple besoin narcissique et l’Islam à un "élément contingent". Cette religion est au coeur même de leur motivation et doit figurer au banc des accusés de ce massacre.]

      Comme je vous l’ai dit, je ne le crois pas. Je pense qu’il y a des gens cinglés à toutes les époques, et que ces gens s’accrochent aux idéologies à la mode dès lors qu’elles leur permettent de justifier leurs désirs. Hier, quand j’étais fasciné par les armes et que j’avais envie de m’en servir j’allais chez les Brigades Rouges. Aujourd’hui, je me fais jihadiste.

      [Certes comme vous le dites fort justement, des millions de musulmans ne versent pas dans le terrorisme et des millions réprouvent ces actes mais le fait est que le Coran regorge de sourates guerrières et violentes: ceux des musulmans qui ne commettent pas ces crimes sont ceux qui ne respectent pas leur livre sacré.]

      Oui, enfin, la bible judaïque regorge elle aussi de massacres et génocides. Certains épîtres de Paul et d’autres docteurs de l’Eglise aussi. Et l’immense majorité des musulmans, des juifs et des chrétiens interprètent ces écrits de manière allégorique. Mais vous trouverez toujours quelques uns pour prendre la chose au pied de la lettre. Et qui iront assassiner un médecin avorteur au nom du Christ, ou un humoriste au nom de Mahomet.

      [Je terminerai en disant que Charlie Hebdo a une part de responsabilité dans le drame (je vous prie de croire que je ne dis pas cela par volonté de choquer). Cette revue me semble-t-il participe largement de ce mouvement libertaire qui voit tout cadre comme un carcan et toute limite comme un tabou insupportable qu’il s’agit de démonter.]

      Cela ne me choque pas, mais je pense que vous faites erreur. On peut dire que Charlie a contribué à propager une idéologie qui, en dernière instance et indirectement, a favorisé le passage à l’acte de deux cinglés. Ce n’est pas faux. Mais cela ne constitue pas une « responsabilité ». La responsabilité implique la conscience de l’acte.

      [Oui c’est la fin d’une époque et surtout la fin d’une génération, la seule qui ait eu le luxe de l’insouciance et dont le legs sera j’espère de nous convaincre de ne pas la suivre.]

      Peut-être. Mais elle avait aussi une certaine grâce, une joie de vivre… sic transit gloria mundi.

  21. Raptor dit :

    Bonjour Camarade Descartes,

    Je voudrais tout d’abord te souhaiter (si tu permets que je te tutoie) une bonne année 2015. Quelle soit faite de réussite professionnelle, personnelle et surtout de santé !

    Je dois dire que c’est la 1ière fois que je commente un de tes articles, Je suis ton blog depuis de nombreuses années, et je dois dire que j’approuve à 90% la plupart de tes articles, mais je ne m’exprime pas avec autant de talent que toi (sans compter les fautes d’orthographe…) alors j’hésitais à donner mon opinion.

    Pour en revenir à l’article, je suis content que quelqu’un dénonce l ‘ "injonction faite aux « musulmans » de renier, par la voix des autorités religieuses musulmanes, l’acte meurtrier de leurs coreligionnaires." car ces musulmans sont avant tout des français !
    Je dois dire que je suis choqué de voir sur certains journaux comme le figaro ou Causeur (dont pourtant j’apprécie la plupart des articles) des commentateurs s’amuser d’avoir vu peu d’arabes/musulmans (c’est comme on veut) dans les manifestations ou même parfois s’amuser à les compter (véridique). Je pense aussi à l’article de JC Brighelli (qui est pourtant un républicain) http://blog.causeur.fr/bonnetdane/dieu-est-amour-00608.html se plaindre dans un commentaire qu’il n’y ai pas eu assez de musulmans à manifester à Marseille.

    J’aimerais demander à tous ces gens (journalistes et commentateurs) comment décide-t-on qui est musulman et qui ne l’est pas ? Et qui le décide ? Est-ce marqué sur la tête des gens ? Car si pour ces personnes musulman=mec barbu avec un djelaba et musulmane=femme voilée alors ils sont loin très loin de la réalité de la majorité des "français musulmans" de ce pays. J’admets volontiers que malheureusement une petite minorité de musulmans, minorité qui augmente, ne s’assimile pas et montre des signes extérieurs de religion, mais pour avoir côtoyé le "monde" musulman (je suis d’origine immigrée turc) la plupart accepte les principes et valeurs républicains et s’amusent de toutes ces enfoulardées.

    Pour le comptage des musulmans dans une manifestation j’aimerais donner un exemple précis : le mien. Je suis français d’origine turc mais avant tout français, avec ma famille (au sens large la famille, et parmi nous il y avait des athées (moi), des agnostiques, des croyants et/ou pratiquants) nous sommes allés manifester ce dimanche. Bon moi j’avoue moi et mon père on a une tête de "bronzé" donc on nous aurait facilement reconnus mais par contre pour ma mère et sa famille rien je dis bien rien (même pour la couleur de peau) ne saurait les distinguer des autres français : pas de foulard (non mais !) pas de signes extérieurs rien. Alors je demande comment fait-on concrètement pour compter ces français musulmans ? On va leur demander directement ? Sans compter qu’il y aussi les convertis.

    Autre point, un détail numérique : qui décide de quel est le bon taux d’arabes/musulmans dans une manif ? A combien fixons-nous ce taux ? Il semblerait qu’il y est 6 millions de français musulmans sur 66 millions de français, soit 1 français sur 11. Donc on estime que si il y a 1 musulman sur dans une manif c’est un bon taux ? Mais on pourrait dire que dans ce genre d’événements ils devraient être plus : alors 1/10, 1/5 ou encore 1/3 ?

    Enfin comme vous le dites plus haut on peut pas à la fois être républicain anti-communitariste et remarquer qu’il n’y a pas assez de bronzés dans une manif. Si on est communitariste alors oui on peut, mais il faut savoir choisir et être cohérent. Surtout que ce point de vue est dangereux et peut entraîner des dérives, après tout un des barbares était noire. Va-t-on commencer aussi à compter le nombre de noire ?

    Pour en revenir à la notion de musulman : j’ai l’impression qu’il y a une grande confusion sur les termes d’arabe et de musulman. Déjà tout arabe n’est pas un musulman et tout musulman n’est pas arabe (loin de là). Ensuite qu’est ce qu’on met en dessous de musulman ? Est-ce que c’est juste quelqu’un apparenté comme musulman ? Quelqu’un qui est né dans un pays musulman ou de parents (et dans ce cas c’est indépendant de la volonté de l’individu puisque ca c’est fait avant sa naissance) mais qui s’en fout de la religion comme moi ? Juste quelqu’un qui croît en un certain Dieu ? Quelqu’un qui pratique certains rites mais qui est assimilé ou quelqu’un qui pratique se religion de manière rigoriste et qui refuse de s’assimiler ?

    • Descartes dit :

      @ Raptor

      [Je voudrais tout d’abord te souhaiter (si tu permets que je te tutoie) une bonne année 2015. Quelle soit faite de réussite professionnelle, personnelle et surtout de santé !]

      Pas de problème. Tu peux me tutoyer ! J’avoue que moi-même, j’ai du mal à me tenir à une ligne de conduite, et je passe du tutoiement au vouvoiement assez erratiquement dans mes réponses… n’y vois donc pas un choix délibéré de ma part. Et mes meilleurs vœux pour toi aussi !

      [J’aimerais demander à tous ces gens (journalistes et commentateurs) comment décide-t-on qui est musulman et qui ne l’est pas ? Et qui le décide ? Est-ce marqué sur la tête des gens ?]

      Tout à fait d’accord. Malheureusement, il existe dans la gauche et l’extrême gauche une tendance à essentialiser la religion. Comme si un maghrébin n’avait d’autre choix que d’être « musulman ». Il faut relire ce livre fabuleux, « je suis noir et j’aime pas le manioc » de Gaston Kelman, ce noir qui se revendique bourguignon, et qui a écrit « Je ne me réveille pas tous les matins au son du djembé. Je ne me réveille pas avec sur le visage le crachat qu’a pris mon père colonisé. Je ne me réveille pas le corps meurtri par les coups qu’ont reçus les ancêtres des Noirs américains ou des Noirs antillais. Je voudrais cesser d’être un Noir. Je voudrais être tout simplement un homme ».

      [J’admets volontiers que malheureusement une petite minorité de musulmans, minorité qui augmente, ne s’assimile pas et montre des signes extérieurs de religion, mais pour avoir côtoyé le "monde" musulman (je suis d’origine immigrée turc) la plupart accepte les principes et valeurs républicains et s’amusent de toutes ces enfoulardées.]

      C’est bien mon point. Il arrive à la « communauté » musulmane un peu ce qui arrive à la « communauté » juive. Les musulmans assimilés, tout comme les juifs assimilés, ont les mêmes modes de vie que les français en général. Et comme les français en général, ils ont une pratique religieuse très occasionnelle – voire pas de pratique du tout – et participent à une vie associative très largement débarrassée des références communautaires. Les organisations communautaires deviennent donc le refuge de ceux qui ne s’assimilent pas, donc de ceux qui vivent le plus repliés sur la religion et sur la tradition, ceux qui se sentent le plus menacés par le monde extérieur.

      C’est pourquoi il est dangereux de prendre ces gens pour « représentants » de l’ensemble d’une religion ou d’une origine. L’immense majorité des juifs français sont français d’abord, et juifs ensuite. Ils n’ont aucune intention d’aller vivre en Israel, et ne se sentent pas menacés en permanence par leurs concitoyens. Mais lorsqu’on pose la question au CRIF, on entend au contraire la voix de ceux qui sont le moins assimilés et donc les plus paranoïaques. Et c’est la même chose avec les musulmans.

      Pour le comptage des musulmans dans une manifestation j’aimerais donner un exemple précis : le mien. Je suis français d’origine turc mais avant tout français, avec ma famille (au sens large la famille, et parmi nous il y avait des athées (moi), des agnostiques, des croyants et/ou pratiquants) nous sommes allés manifester ce dimanche. Bon moi j’avoue moi et mon père on a une tête de "bronzé" donc on nous aurait facilement reconnus mais par contre pour ma mère et sa famille rien je dis bien rien (même pour la couleur de peau) ne saurait les distinguer des [Pour en revenir à la notion de musulman : j’ai l’impression qu’il y a une grande confusion sur les termes d’arabe et de musulman. Déjà tout arabe n’est pas un musulman et tout musulman n’est pas arabe (loin de là). Ensuite qu’est ce qu’on met en dessous de musulman ? Est-ce que c’est juste quelqu’un apparenté comme musulman ? Quelqu’un qui est né dans un pays musulman ou de parents (et dans ce cas c’est indépendant de la volonté de l’individu puisque ca c’est fait avant sa naissance) mais qui s’en fout de la religion comme moi ? Juste quelqu’un qui croît en un certain Dieu ? Quelqu’un qui pratique certains rites mais qui est assimilé ou quelqu’un qui pratique se religion de manière rigoriste et qui refuse de s’assimiler ?]

      En France, lorsqu’on dit « untel est juif » ou « untel est catholique », cela veut dire grosso modo qu’il y a dans son arbre généalogique une majorité de gens qui en leur temps ont pratiqué les rites de la religion en question. Lorsqu’on fait des statistiques, on le fait en général par enquête en demandant aux individus d’un échantillon de la population comment ils se classent eux-mêmes, et c’est assez évident de constater que c’est ainsi que la question est interprétée, puisque les chiffres donnés ne correspondent pas et de très loin à la fréquentation des lieux de culte. Ainsi, par exemple, les places en synagogue à Paris ne permettent d’accueillir qu’une toute petite fraction des parisiens qui se déclarent eux-mêmes juifs. On en déduit donc que la majorité des juifs français n’est pas pratiquante, et les rabbins se plaignent d’ailleurs du fait que seule une petite fraction des juifs français continue à pratiquer les rites les plus « solennels » (mariage et enterrement). Ainsi, alors que je me considère « juif », mes parents ne se sont pas mariés religieusement, et aucun de mes oncles n’a reçu de sépulture religieuse.

      Pourquoi appliquer un critère différent aux musulmans ? Je doute que parmi ceux qui se déclareraient musulmans à l’enquête il y ait beaucoup pour fréquenter la mosquée toutes les semaines. Probablement une majorité continue de se marier et de se faire enterrer religieusement – c’est le cas aussi des catholiques – mais je doute qu’on trouve une majorité pour pratiquer les « cinq piliers » de l’Islam.

  22. Bruno dit :

    Bonsoir Descartes,

    Je suis assez partagé au sortir de ce que les communicants d’aujourd’hui appelleraient une "séquence". Ainsi, je vais tenter de rapporter les événements de la semaine dernière, à la façon dont je les ai ressentis, tout en essayant de mettre les choses en perspectives.

    En premier lieu, j’ai comme beaucoup été choqué par l’assassinat du "symbole" Charlie Hebdo. Je n’ai que 24 ans et je dois bien avouer que je ne connais, comme 99% de ceux de ma génération, presque pas ce journal. Cela étant, il incarnait pour moi, par sa volonté de désacraliser tout, de tourner en dérision, vulgairement et sans finesse, nos politiques, les cultes et tout ce qu’il y a de supposément respectable dans notre société, un des derniers vrais représentants de l’esprit de 68.
    De fait, loin des anciens lanceurs de pavés, désormais rentiers, journalistes et gens de biens, ils avaient, j’en ai l’impression, su conserver leur authenticité. Je ricane quand je vois que c’est un quotidien comme Libé, ô combien dévoyé, qui les accueille en ne manquant pas de se faire une bonne pub au passage.

    Avec Charlie, c’est une époque ou plutôt ses derniers vestiges qui disparaissent. Ce qui me frappe c’est le fait que ces hommes, derniers grands représentants de leur génération, qui incarnaient cet ordre, ou plutôt ce désordre moral (n’y voyez pas un jugement de valeur), post 68, par lequel il était désormais interdit d’interdire, ont été frappés au coeur par les tenants d’un autre ordre, radical, et qui fait actuellement des émules.

    Qui critiquera tout demain? Ceux qui accusaient hier encore Charlie d’être un torchon raciste et islamophobe? Ceux, associations et groupements grassement subventionnés, qui multipliaient les procès contre lui et ont défilé hier? Les médias sont devenus tristement conventionnels, ce qui est certainement lié, d’une part à la conformité de plus en plus grande des journalistes à l’esprit du temps, moralisateur et bourgeois dans son soi-disant anticonformisme, et d’autre part, à l’achat de la plupart d’entre eux par de grandes fortunes.

    On a le droit de caricaturer autant qu’il nous plaît, et si d’aucuns affirmaient il y a quelques années que Charlie offensait les musulmans, personne ne les obligeaient à acheter le journal! Quand bien même d’ailleurs ce serait le cas, on n’a pas réintroduit le délit de blasphème dans ce pays à ce que sache! Au nom de quoi une partie des croyants français auraient le droit de poursuivre un journal, au nom de quoi il ne faudrait pas heurter leur susceptibilité! Les juifs et les chrétiens l’acceptent depuis longtemps, sans trop rechigner; ils ne lisent pas Charlie et c’est tout!

    J’abhorre plus que tout l’idée de revendications communautaires, comme quoi telle ou telle "groupe" ne doit pas être insulté. Il n’y a qu’une communauté, la communauté nationale. Je sais bien que la pratique va de plus en plus à l’encontre de ce mythe, pourtant fondamental et indispensable au maintien de notre République, mais en droit, et dans la parole publique, rien d’autre ne doit avoir de place.
    Les "musulmans de France", expression inepte et antirépublicaine, n’existent pas! Je suis désolé de le dire, notamment à notre Premier ministre qui se complaît à répéter cette bêtise, mais en France ne résident que deux types de gens : les Français et les étrangers. Le reste n’est que balivernes ou plutôt du grain apporté au moulin de la désunion nationale. Qu’entend-t-on par musulmans de France? On parle d’un français qui vit en France depuis 50 ans, d’un émir de passage à Roissy ou encore d’un enfant français aux parents de confession musulmane qui vient de naître? Fadaises. On dit la même chose pour les français de confession juive "les juifs de France". Je n’aime pas ça, la consonance apparente ces français à des gens hors-sol, des corps étrangers.

    Quand les politiques se résolvent à employer ce vocable, ça en dit long sur l’état de la Nation. Je pense qu’il est grand temps de remettre l’idée nationale et républicaine au centre du jeu, et pas seulement par un verbe incantatoire et fumiste sur les prétendues valeurs républicaines que nos politiciens sont les derniers à respecter.

    Par ailleurs, face aux événements ayant eu lieu dans une épicerie casher à Paris, je n’ai pas été surpris. On sait que les français de confession juive sont une des cibles principales de ces islamistes, qu’on refuse d’ailleurs d’appeler par leur nom. On a tout entendu, fous (c’est plus simple ainsi), barbares, fanatiques, mais pour que nos représentants parlent d’islamistes, c’est une autre paire de manche. Comme si on refusait de voir les choses en face, pour ne pas choquer untel ou untel ou pour se voiler la face. Nier un problème ne le fera pas disparaître. Espérons que ces drames fassent évoluer la situation.

    Face au tragique, le citoyen-consommateur français, usuellement anesthésié par sa télévision, les soldes, son smartphone et son lexomyl s’est pour ainsi dire réveillé. Dans un premier temps, en accord avec son époque, il s’indigne et s’émeut. Il grogne, tweet, se regimbe… Progressivement, avec l’appui de médias, pas Charlie pour un poil, mais inquiets, il se redresse. On a touché à l’élite, indirectement, mais aussi à notre sacré. Dix journalistes français morts sous les balles d’islamistes, ça noircit incomparablement plus de papiers que milles bangladais expirant sous les décombres d’une usine H&M.

    Dès lors, on passe de la pure l’indignation improductive et puérile à une forme de contestation franche et sincère. Le surmoi républicain, niché au fond de chacun de nous, s’exprime. Certes, les politiques, inévitablement s’en mêlent et clivent, politisant un événement qui n’avait pas lieu de l’être. Toutefois, les français, unis autour de valeurs fondamentales, se déconnectent l’espace d’une journée et communient ensemble.

    J’ai beaucoup hésité avant de marcher hier à Paris. Je ne voulais pas être associé au "nous" que prononcerait les partis, être récupéré, ou encore, partager l’affiche avec Bongo, Netanyahou, la LICRA, SOS RACISME, Sarkozy, Hollande, Cambadélis (horresco referens) et tous les autres.

    Néanmoins, par cette marche, digne et sobre, j’ai voulu, comme beaucoup, exprimer mon attachement aux valeurs de la République et à notre belle Nation française. Oui, les français ne sont pas seulement des beaufs, racistes, chômeurs et débiles. Ils sont attachés, bien plus que leurs élites, à certains principes, en premier lieu desquels se trouve la liberté d’expression. Ce n’est pas l’homme de la rue qui les bafoue, contrairement à l’islamiste ou au politique. Désolé, on va m’accuser de faire un "amalgame", de "stigmatiser", ou d’être un "populiste" (mon Dieu quel ignoble vocable que souffre notre époque) mais je pense que nos élites sont aujourd’hui notre plus grande menace, du fait de leur impéritie et de leur doxa.

    En effet, si Valls et consorts parlent de la République et de ses valeurs, c’est pour mieux les fouler aux pieds. Qui mieux que nos politiques, les associations et autres corps intermédiaires ont depuis 30 ans une tendance fâcheuse à judiciariser la parole publique et son expression? Qui communautarise notre société et joue la division pour mieux régner, au détriment de la Nation?

    La liberté d’expression n’est plus sacrée dans ce pays, et ce n’est pas un hasard si, rabaissée et tancée par nos représentants, elle est violemment prise d’assaut par certains.

    La vérité est que beaucoup de français n’ont aujourd’hui plus de sacré, la France les accueille par défaut, mais elle ne leur offre plus de récit collectif, de destinée manifeste et unificatrice. Il est urgent d’y remédier et de redonner à certains français déboussolés une raison d’aimer leur pays.

    Dans notre société sécularisée, c’est à l’Histoire que doit revenir cette place. Redonnons à tous les français le goût de leur patrie par cette voie. La France a tant à offrir de ce côté-ci. Quelle patrie autre que la notre peut se targuer d’un tel parcours? Sans vouloir faire dans le patriotisme de bistrot nous pouvons être fiers du chemin parcouru. Arrêtons un peu de tirer sur la corde en n’ayant de cesse d’évoquer la supposée France rance et pétainiste ou encore de forcer le trait sur l’esclavage et la colonisation. Oui la France, comme toutes les Nations, a une histoire tragique, mais cet événement ne fait que le rappeler, l’Histoire est tragique.
    Napoléon, Saint-Louis, Descartes (le philosophe), Hugo, Balzac, Voltaire… La France est grande, il y a tant à transmettre.

    Il faut impérativement revenir aux fondamentaux, enseigner à tous ce qu’est la France et ce que sont ses valeurs, cesser de transiger sur nos principes. Aucun accommodement ne saurait être raisonnable. Face à la société désincarnée du spectacle et de l’argent, proposons une France enracinée dans des valeurs et une histoire à des français qui ont besoin aujourd’hui plus que jamais de retrouver le sens des choses.

    Encore merci pour vos chroniques.

    • bovard dit :

      Prévenir la radicalisation,peut se faire avec quelques mesures de bon sens.
      Rétablir un service national pour canaliser les jeunes.
      Les prisons qui sont dénoncées comme des points de départ à une radicalisation sont à repenser. Une réflexion est à mener à ce sujet, pour refaire d’elles des points d’une future insertion et non-pas leur exact opposée.
      Egalement, et c’est une question délicate mais qu’il faut impérativement soulever, se pose le sujet de l’unification des imams de France. En juin, l’Union des mosquées de France a lancé des "états généraux contre la radicalisation". Premier objectif : unifier le discours. La formation des imams restant encore anarchique – il n’existe pour l’heure aucun programme d’apprentissage -, il s’agit de donner à tous les responsables religieux des éléments de réponse pour appréhender le problème. Chaque vendredi, environ un million de fidèles se rendent à la mosquée. Que les imams parlent d’une seule et même voix semble la méthode la plus efficace pour déconstruire méthodiquement le discours des djihadistes. Une manière également de contrer le discours de certains imams autoproclamés qui dispensent des prêches beaucoup plus radicaux. Pour ce faire, des conseils régionaux vont être mis en place pour favoriser le dialogue entre imams, aumôniers et gestionnaires de mosquées. Avons-nous moyen d’aller plus loin pour aider à cette structuration de l’islam de France ?

      Une réflexion à partager entre citoyens et futurs citoyens
      Enfin, reste la question de l’existence-même d’une « Société française ». Cette Société se construit entre citoyens, mais également avec les futurs citoyens. Elle est constituée de l’ensemble des liens entre tous, c’est donc également aux moyens de connexion, à ces liens à l’intérieur de notre Société que nous devons porter notre attention.
      L’école d’abord. Notre école forme de magnifiques mathématiciens, écrivains et physiciens. Mais est-elle adaptée, a-t’elle les moyens de l’être, au travail nécessaire pour tisser les liens ?
      « Si vous trouvez que l’éducation coûte cher,
      essayez l’ignorance. »
      (Pdt A. Lincoln, 1809-1865).

    • Descartes dit :

      @ Bruno

      [Qui critiquera tout demain? Ceux qui accusaient hier encore Charlie d’être un torchon raciste et islamophobe? Ceux, associations et groupements grassement subventionnés, qui multipliaient les procès contre lui et ont défilé hier? Les médias sont devenus tristement conventionnels, ce qui est certainement lié, d’une part à la conformité de plus en plus grande des journalistes à l’esprit du temps, moralisateur et bourgeois dans son soi-disant anticonformisme, et d’autre part, à l’achat de la plupart d’entre eux par de grandes fortunes.]

      Il n’y a pas que ça. Vous avez 25 ans – veinard ! – et vous n’avez donc pas connu cette époque, cette « parenthèse enchantée » qui commence avec la fin de la guerre d’Algérie et qui se termine vers le milieu des années 1980. Cette parenthèse avait été rendue possible d’une part parce qu’avec la richesse accumulée pendant trente années de croissance continue la société pouvait se permettre d’entretenir un certain nombre de parasites, et d’autre part parce que, comme des adolescents attardés, la « génération enchantée » savait que la société et l’Etat étaient là derrière pour les rattraper si les choses tournaient mal.

      Charlie était l’enfant de cette « parenthèse enchantée ». C’était la publication « rebelle » d’une époque ou cette rébellion pouvait au pire vous valoir une convocation devant la XVIIème chambre correctionnelle, celle qui s’occupe des délits de presse. Une époque ou l’on pouvait écrire « bal tragique à Colombey : un mort » sans qu’un groupe de jeunes gaullistes munis d’armes à feu se présentent pour venger l’injure faite à leur prophète. Cette époque est bel et bien terminée, out, kaput. La survie, chaque fois plus précaire, de Charlie-Hebdo nous avait caché ce fait. Maintenant nous savons ce qu’il en est.

      C’est pourquoi la réponse à votre question est évidente. « Qui critiquera tout demain » ? Et bien, personne. Le monde est devenu sérieux, terriblement, horriblement sérieux. Avez-vous remarqué un grand sens de l’humour chez les féministes ? Chez les anti-racistes ? Chez les « libéraux-libertaires » ? Dans les discours de Mélenchon ?

      [Je pense qu’il est grand temps de remettre l’idée nationale et républicaine au centre du jeu, et pas seulement par un verbe incantatoire et fumiste sur les prétendues valeurs républicaines que nos politiciens sont les derniers à respecter.]

      Comme vous l’imaginez, je suis à cent pour cent d’accord avec ce qui précède.

      [Dès lors, on passe de la pure l’indignation improductive et puérile à une forme de contestation franche et sincère. Le surmoi républicain, niché au fond de chacun de nous, s’exprime.]

      Ce qui, par ailleurs, montre que ce surmoi républicain existe toujours. C’est d’ailleurs cela qui fait que la manifestation de dimanche m’a requinqué. J’avais commencé à douter de son existence, à redouter qu’il soit mort pour toujours.

      [La vérité est que beaucoup de français n’ont aujourd’hui plus de sacré, la France les accueille par défaut, mais elle ne leur offre plus de récit collectif, de destinée manifeste et unificatrice. Il est urgent d’y remédier et de redonner à certains français déboussolés une raison d’aimer leur pays.]

      Tout à fait d’accord. J’aime bien la formule : « nul n’aime celui qui ne s’aime pas lui-même ». Sans un « récit national » qui nous unisse, comment pouvons nous rêver d’assimiler ceux qui viennent d’ailleurs ?

      [Dans notre société sécularisée, c’est à l’Histoire que doit revenir cette place. Redonnons à tous les français le goût de leur patrie par cette voie. La France a tant à offrir de ce côté-ci. Quelle patrie autre que la notre peut se targuer d’un tel parcours? Sans vouloir faire dans le patriotisme de bistrot nous pouvons être fiers du chemin parcouru. Arrêtons un peu de tirer sur la corde en n’ayant de cesse d’évoquer la supposée France rance et pétainiste ou encore de forcer le trait sur l’esclavage et la colonisation. Oui la France, comme toutes les Nations, a une histoire tragique, mais cet événement ne fait que le rappeler, l’Histoire est tragique.
      Napoléon, Saint-Louis, Descartes (le philosophe), Hugo, Balzac, Voltaire… La France est grande, il y a tant à transmettre. ]

      Oh que oui…

    • Descartes dit :

      @ bovard

      [Les prisons qui sont dénoncées comme des points de départ à une radicalisation sont à repenser. Une réflexion est à mener à ce sujet, pour refaire d’elles des points d’une future insertion et non-pas leur exact opposée.]

      Ne faisons pas de l’angélisme. Les gens qui se retrouvent en prison ne se trouvent pas par hasard, ou parce qu’ils sont victimes des circonstances. La radicalisation n’est pas une maladie contagieuse, c’est un choix que les gens font librement. Et s’ils font ce choix, c’est parce que la vision intégriste de la religion leur offre quelque chose dont ils sont en demande et que notre République ne leur propose pas : une référence identitaire, une communauté d’appartenance, une légitimation.

      [Egalement, et c’est une question délicate mais qu’il faut impérativement soulever, se pose le sujet de l’unification des imams de France. En juin, l’Union des mosquées de France a lancé des "états généraux contre la radicalisation". Premier objectif : unifier le discours. La formation des imams restant encore anarchique – il n’existe pour l’heure aucun programme d’apprentissage -, il s’agit de donner à tous les responsables religieux des éléments de réponse pour appréhender le problème. Chaque vendredi, environ un million de fidèles se rendent à la mosquée. Que les imams parlent d’une seule et même voix semble la méthode la plus efficace pour déconstruire méthodiquement le discours des djihadistes.]

      Ca, c’est le vieil projet napoléonien – qui ne fait que continuer sur ce point celui de Robespierre – de soumettre les discours religieux au contrôle de l’Etat. Pourquoi pas. Mais je ne me fais guère d’illusions sur cette question. Tout au plus, on aura un Islam « officiel » contrôlé et certifié, et un Islam des catacombes ou les jeunes en mal de vivre iront chercher la « bonne parole » radicale dans une ambiance de transgression. Il ne faut pas surestimer le pouvoir des Imams sur les musulmans radicalisés. A l’heure de Facebook et d’Internet, le contrôle napoléonien me semble utopique.

      [L’école d’abord. Notre école forme de magnifiques mathématiciens, écrivains et physiciens. Mais est-elle adaptée, a-t’elle les moyens de l’être, au travail nécessaire pour tisser les liens ?]

      Ce n’est pas son boulot. Il ne faut pas transformer l’école en couteau suisse des malheurs sociaux. L’instituteur, le professeur ne sont ni des moniteurs d’auto-école, ni des assistants sociaux, ni des animateurs de quartier. Ils sont là pour dispenser un savoir, pour concourir à la formation intellectuelle de leurs élèves. C’est déjà beaucoup.

      Si l’on veut « tisser des liens », ce n’est pas par des discours plus ou moins lénifiants qu’on le fera, mais par un redémarrage de l’ascenseur social méritocratique, le seul outil qui permet un brassage des populations. Mais pour cela, il faut que les « classes moyennes » acceptent de remettre en jeu leur statut à chaque génération. Ce n’est pas gagné…

    • v2s dit :

      @Descartes et @ Bovard
      [En juin, l’Union des mosquées de France a lancé des "états généraux contre la radicalisation". Premier objectif : unifier le discours.] (Bovard)
      [A l’heure de Facebook et d’Internet, le contrôle napoléonien me semble utopique.] (Descartes)

      Je trouve la remarque de Bovard pertinente. D’abord il ne faut pas assimiler la formation des Imams à un contrôle par l’état. Il ne s’agit pas pour l’état de réécrire un « Islam de France officiel ». Il s’agit, d’une part, comme le dit Bovard, de donner du poids, de la crédibilité, à une parole unifiée, et, d’autre part, de faire que le discours délivré par l’imam de quartier, ou l’imam de la prison, par ignorance ou par malveillance, ne véhicule des idées à caractère sectaire ou des recommandations contraires aux lois de notre pays.
      Ça ne supprimera certainement pas miraculeusement tous les risques, mais ça permettra à tous ceux dont la mission est d’éduquer, et en premier lieu aux parents, aux familles musulmanes, d’avoir un discours sur lequel s’appuyer pour s’adresser aux jeunes.

      Les crises ont rarement une cause unique, mais un faisceau de causes qui s’alimentent les unes les autres et alimentent ensemble la crise.
      La solution ne passe presque jamais par une « idée » unique qui résoudrait tout. La solution passe par un faisceau d’actions, de corrections grandes ou petites, qui vont dans le même sens et alimentent une spirale d’amélioration.
      La formation des Imams, le discours unifié des responsables du culte musulman a sa place dans le dispositif.
      Même si son impact est moindre que d’autres « grandes » actions plus radicales comme
      – l’expulsion des imams wahhabite-salafistes en provenance des monarchies du golf (ou de l’ex GIA algérien)
      – le contrôle et la fermeture des sites Internet de propagande
      – l’arrêt de la complaisance vis-à-vis du Qatar et de l’Arabie saoudite dont les individus ou les fondations financent Daesh et al Kaïda.
      – sans oublier ce que vous dénoncez comme l’expression d’une « attitude victimaire » et que d’autres appellent « l’assèchement du terreau », c’est-à-dire des actions spécifiques dans les banlieues de lute contre la ghettoïsation, la discrimination, le chômage et le décrochage scolaire.

    • v2s dit :

      @Descartes

      [Cette parenthèse avait été rendue possible d’une part parce qu’avec la richesse accumulée pendant trente années de croissance continue la société pouvait se permettre d’entretenir un certain nombre de parasites, (…) Charlie était l’enfant de cette « parenthèse enchantée ». (…) Cette époque est bel et bien terminée, out, kaput.]

      Oui la période est révolue "out kaput" et ce n’est pas du défaitisme ou de la résignation que de l’affirmer.

    • Descartes dit :

      @ v2s

      [Je trouve la remarque de Bovard pertinente. D’abord il ne faut pas assimiler la formation des Imams à un contrôle par l’état. Il ne s’agit pas pour l’état de réécrire un « Islam de France officiel ».]

      Ah bon ? Et qui contrôlera cette « formation » ? Comment empêcher l’apparition d’écoles de théologie concurrentes qui « formeraient » les imams selon les intérêts politiques de leurs fondateurs/commanditaires/financeurs ? Pour le catholicisme, c’était facile puisqu’il y a une autorité centrale qui décide qui est « in » et qui est « out ». Mais pour les autres, si l’Etat n’intervient pas pour décider ce qui est admissible et ce qui ne l’est pas, qui le fera ? Et de facto, si l’Etat exerce ce contrôle, cela revient à faire un « islam de France officiel ».

      [Il s’agit, d’une part, comme le dit Bovard, de donner du poids, de la crédibilité, à une parole unifiée, et, d’autre part, de faire que le discours délivré par l’imam de quartier, ou l’imam de la prison, par ignorance ou par malveillance, ne véhicule des idées à caractère sectaire ou des recommandations contraires aux lois de notre pays.]

      Mais encore une fois, cette « parole unifiée » n’existe pas, et l’Islam ne peut pas en lui-même la produire, puisqu’il n’y a pas dans l’Islam de hiérarchie religieuse. La parole islamique ne peut être « unifiée » que par une autorité politique, et chez nous il n’y a qu’une telle autorité, l’Etat. En dehors de l’Etat, qui a la légitimité pour décider que telle interprétation du Coran est « sectaire » ou « contraire aux lois » ? Qui a la légitimité pour faire taire tel ou tel prédicateur ?

      [Ça ne supprimera certainement pas miraculeusement tous les risques, mais ça permettra à tous ceux dont la mission est d’éduquer, et en premier lieu aux parents, aux familles musulmanes, d’avoir un discours sur lequel s’appuyer pour s’adresser aux jeunes.]

      Tous les exemples de radicalisation que nous connaissons en France se sont fait en rupture avec les institutions et contre elles. Ces jeunes en rupture se chercheront toujours un prédicateur qui dira ce qu’ils ont envie d’entendre, et n’accepteront pas sagement d’aller écouter l’Imam « officiel », dépositaire de l’interprétation « officielle » enseignée dans un système de formation « officiel ». Je ne suis pas contre l’idée napoléonienne de contrôle du culte à travers des organisations adaptées organisées sous la tutelle de l’Etat. Ce genre de structures peuvent résoudre toute une série de problèmes. Mais certainement pas celui de l’intégrisme.

      [La formation des Imams, le discours unifié des responsables du culte musulman a sa place dans le dispositif.]

      Vous voulez dire un discours « unifié » qui soit commun aux Chiites et aux Sunnites, aux Wahabites et aux Frères musulmans, aux Salafistes et aux Sufistes ? Je vous souhaite bien du plaisir dans votre campagne « d’unification »…

      [Même si son impact est moindre que d’autres « grandes » actions plus radicales comme
      – l’expulsion des imams wahhabite-salafistes en provenance des monarchies du golf (ou de l’ex GIA algérien)]

      En d’autres termes, que l’Etat choisisse certains groupes de l’Islam contre les autres. Cela est non seulement très dangereux, c’est juridiquement absurde, puisque cela revient à créer un délit d’opinion. On peut expulser les imams qui font des prêches politiques – puisque la loi de 1905 interdit les meetings politiques dans les lieux de culte. Mais cela est vrai quelque soit la secte particulière à laquelle appartient l’imam.

      [- sans oublier ce que vous dénoncez comme l’expression d’une « attitude victimaire » et que d’autres appellent « l’assèchement du terreau », c’est-à-dire des actions spécifiques dans les banlieues de lute contre la ghettoïsation, la discrimination, le chômage et le décrochage scolaire.]

      Je ne vois pas où j’aurais « dénoncé la lutte contre la ghettoïsation, les discriminations, le chômage ou le décrochage scolaire comme une « attitude victimaire » »…
      Ce qui relève de « l’attitude victimaire », est de penser que les musulmans auraient des « droits particuliers » parce qu’ils souffriraient – ou auraient souffert dans le passé – des souffrances particulières. Par exemple, qu’ils auraient le droit d’imposer les prières de rue ou la burqua à leurs femmes au prétexte que la France les a colonisés au XIXème siècle, ou même aujourd’hui. Effectivement, je ne vois aucune raison pour lutter contre « le chômage » des musulmans, et non contre celui des bouddhistes, des catholiques ou des juifs. Un chômeur est un chômeur, quelque soit sa religion.

    • Descartes dit :

      @ v2s

      [Cette parenthèse avait été rendue possible d’une part parce qu’avec la richesse accumulée pendant trente années de croissance continue la société pouvait se permettre d’entretenir un certain nombre de parasites, (…) Charlie était l’enfant de cette « parenthèse enchantée ». (…) Cette époque est bel et bien terminée, out, kaput.][Oui la période est révolue "out kaput" et ce n’est pas du défaitisme ou de la résignation que de l’affirmer.]

      Du défaitisme certainement pas… mais de la résignation, oui. Admettre la mort de quelque chose, c’est certainement s’y résigner puisque la mort est de toutes les choses la plus définitive. Admettre que la « parenthèse enchantée » est finie, c’est accepter qu’on doit faire attention à ce qu’on dit et à ce qu’on fait si l’on ne veut pas finir avec une balle dans la tête. Et que si vous voulez dire des choses qui gênent certains groupes, il vous faut vous procurer une « protection » adéquate. Ou alors, taire certaines vérités pour avoir la paix. Je crains que notre paysage intellectuel, déjà passablement ravagé par la prétention des groupes et chapelles de toutes sortes – des « féministes de genre » aux intérêts communautaires ethniques, pour ne donner que deux exemples – à imposer leur « politiquement correct », soit complètement détruit par une nouvelle forme d’autocensure. Jusqu’ici, à parler de certaines choses vous risquiez tout au plus d’être traîné dans la boue médiatique. Aujourd’hui, vous risquez la mort. Ca change beaucoup de choses.

      Le plus amusant dans toute cette histoire, c’est que nos mandarins intellectuels sont configurés pour penser que la menace aux libertés publiques vient forcément de l’Etat. Il va falloir changer de logiciel pour prendre en considération les menaces qui surgissent au sein de la tant vantée « société civile ». Pour eux, ce sera une révolution copernicienne…

    • Jérémy dit :

      Bonjour Descartes.
      J’aimerais que vous précisiez un point dans votre argumentation, si vous le voulez bien. Considérez-vous que les attaques de ce début d’année ne sont pas spécifiques à notre époque, dans la mesure où d’autres attaques d’un même genre ont eu lieu dans le passé (vous citiez Action Directe) ? Ou considérez-vous qu’elles manifestent quelque chose de différent, qui mérite qu’on remette en question l’évolution de nos institutions ? Je n’arrive pas à vous suivre.
      Cordialement.

    • Descartes dit :

      @ Jérémy

      [J’aimerais que vous précisiez un point dans votre argumentation, si vous le voulez bien. Considérez-vous que les attaques de ce début d’année ne sont pas spécifiques à notre époque, dans la mesure où d’autres attaques d’un même genre ont eu lieu dans le passé (vous citiez Action Directe) ?]

      Je me pose la question. Le problème est que finalement les cas de passage à l’acte sont statistiquement très peu nombreux : sur un ensemble de plusieurs millions de jeunes, seule une toute petite minorité franchit le pas et commet un acte terroriste. Dans ces conditions, très difficile de dire quels sont les paramètres qui provoquent le passage à l’acte. Même pour ceux qui vont faire le Jihad en Syrie, et qui sont un peu plus nombreux, la corrélation est difficile. On trouve des immigrés ou des français de première génération, mais on trouve aussi des français « de souche » convertis. Des gens pour qui ont un parcours d’intégrisme religieux dans leur famille, d’autres qui sont en rupture avec elles. Certains viennent des cités, d’autres pas. Alors, comment dire que tel ou tel paramètre est déterminant ?

      On peut constater des passages à l’acte du même type, on en a eu dans le passé. Pensez à Action Directe, aux Brigades Rouges, à certains mouvements autonomistes ou régionalistes… mais aussi d’autres mouvements violents comme les « antifa » et autres « zadistes ». Et à chaque fois on trouve les mêmes éléments. Au départ, des jeunes sans perspectives exaltantes qui se cherchent une « cause » qui donne un sens à leur vie. Ensuite, une fascination par la violence comme moyen de prendre une revanche immédiate, qui ne nécessite pas la patience d’une véritable action politique. Et finalement, une idéologie manichéenne qui réduit la confrontation politique à un combat du « bien » contre le « mal ». Bien sur, la « cause » change avec le temps et les modes, mais certains éléments se répètent avec une telle constance qu’il est difficile de ne pas y voir un même phénomène.

      En conclusion, je ne crois pas un instant que le massacre de Charlie Hebdo puisse être expliqué simplement à partir de quelques éléments du genre le chômage, les conflits au moyen orient ou les discriminations ethniques. Tout au plus, on peut trouver dans ces paramètres ceux qui augmentent ou réduisent la probabilité qu’un tel fait se produise.

    • Jérémy dit :

      Merci pour votre réponse.
      Mais dans ce cas, pourquoi considérez-vous aujourd’hui que la liberté d’expression est en danger suite à ces évènements ? Pour dire cela, il faut qu’il y ait une différence avec les attaques du passé. Quelle est cette différence ? Est-ce la première fois que des journalistes sont ciblés ? Pense-t-on réellement qu’on prend le risque d’être la prochaine cible en usant de la liberté d’expression, parce que la(les) cause(s) à laquelle (auxquelles) adhèreraient les jeunes &amp;quot;désorientés&amp;quot; d’aujourd’hui cibleraient particulièrement la liberté d’expression ? Il y a quelque chose qui m’échappe.

    • Descartes dit :

      @ Jérémy

      [Mais dans ce cas, pourquoi considérez-vous aujourd’hui que la liberté d’expression est en danger suite à ces évènements ? Pour dire cela, il faut qu’il y ait une différence avec les attaques du passé. Quelle est cette différence ?]

      Il y en a une, et elle est de taille. Le mécanisme qui amène au passage à l’acte tel que je l’ai décrit implique la rencontre entre les besoins d’un individu – donner un sens à sa vie, accéder à une reconnaissance médiatique, rompre avec son milieu, donner libre cours à sa fascination pour la violence… – et une idéologie. Il est très difficile pour un individu normal de tuer de massacrer douze personnes sans avoir derrière lui une idéologie qui donne à ce massacre un sens « positif ». Mais en même temps, il est très difficile de se fabriquer une idéologie personnelle. Les individus piochent donc dans la bibliothèque des idéologies à la mode, de préférence celles qui s’opposent à l’ordre établi.

      Dans la période qui va des années 1960 aux années 1990, ces idéologies ont été résolument « libérales-libertaires ». Les références de ces générations étaient les combattants de la guerre civile espagnole, de la Résistance, des mouvements de libération nationale du tiers-monde. Les cibles désignées par ces idéologies étaient les patrons, les industriels, les juges, les militaires, les politiciens. Quelquefois – mais c’est très rare – des journalistes très liés à l’extrême droite ou au « pouvoir ». Cette violence n’identifie donc pas la liberté d’expression comme un « ennemi ».

      A partir de la fin des années 1990, cette perspective change totalement. Les idéologies « libérales-libertaires », ne peuvent plus être considérées comme « contestataires », au contraire, elles sont devenues le comble du « politiquement correct », au point que les présentateurs des chaînes de télévision officielles font leur publicité en vantant leur « insolence » et leur « anticonformisme ». Ce sont les idéologies « antilibérales » – au sens social et non économique du terme – qui deviennent alors « révolutionnaires ». Après les années « amour libre », on revendique tout à coup les chaînes du mariage pour tous. Toute expression qui sort des limites du « politiquement correct » se trouve immédiatement qualifié de raciste/machiste/fasciste. Dans les milieux cultivés, cette « police de la pensée » s’exerce au nom du « post-modernisme » venu des Etats-Unis. Dans les autres, c’est au nom de la « tradition » et donc de la religion que cela se passe.

      Les jeunes excités qui se cherchent une idéologie contestataire ont donc aujourd’hui toutes les chances de tomber sur une idéologie « antilibérale » et conservatrice. Et donc une idéologie qui rejette une partie de la responsabilité des désordres actuels sur la liberté « excessive » qui s’attaque au sacré. Ce qui n’était pas le cas il y a vingt ans…

  23. Anne Iversaire dit :

    [Les seuls qui « s’extasient » de ce genre de chose sont les journalistes façon « Libération » ou « Le Monde », c’est-à-dire, les plus anti-républicains qui soient.]

    J’ai un ressenti proche du votre. Mais pourquoi dire que ces journaux sont anti-républicains ? Voire les plus anti-républicains qui soient ?

    • Descartes dit :

      @ Anne Iversaire

      [J’ai un ressenti proche du votre. Mais pourquoi dire que ces journaux sont anti-républicains ? Voire les plus anti-républicains qui soient ?]

      Parce que c’est la vérité. Et ce n’est pas moi qui le dit, ce sont eux-mêmes. Rappelez vous des dizaines de tribunes mettant en scène le débat entre « républicains » et « démocrates », les premiers étant considérés comme des « nouveaux réactionnaires », symboles de « la France moisie », attachés à une école méritocratique « de grand-papa », à un Etat fort et à des institutions politiques « verticales » considérés comme un reliquat bonapartiste bon à jeter aux poubelles de l’histoire, à un concepte de Nation jugé père de tous les vices et de toutes les guerres… alors que les autres, les « démocrates » étaient modernes, « participatifs », européens…

      Dans ce débat, « Libération » et « Le Monde » ont été militants dans le sens des « démocrates ». Ils ont dénoncé chaque projet, chaque mesure qui sentait vaguement le « républicanisme ». Je ne pense donc pas faire un excès de langage en les jugeant « anti-républicains ».

    • bovard dit :

      Mon post précédant contenait une imprécision,que vous n’avez pas manqué de relever,Monsieur Descartes;chapeau !
      Voici le chaînon manquant:La religion sunnite Malékite des algériens(Kalkal,Merah,Nemouche,les Kouachi, le sont culturellement en partie et ce n’est pas neutre vus leurs liens avec le GIA),n’est pas structurée comme l’église catholique.Coulybaly,malien est lui aussi une sorte d’algérien’ politiquement puisque l’armée française est au mali.
      Or,l’islam n’est pas, par essence,structuré.
      Cela change tout mais les journalistes et nombre de citoyens français ne le savent pas.
      Leur méconnaissance de l’islam est abyssale.
      Personne en France n’est habilité à parler au nom de l’islam:ni le ccmf,ni l’uoif,ni la mosquée de Paris.Personne !
      Chaque croyant a un lien personnel avec l’islam dans le rite sunnite Malékite .
      C’est pourquoi cette structure d’Union des mosquées de France ,intéressante si elle est obligatoire peut apporter un surplus de structuration en vue d’un hypothétique contrôle ‘bonapartiste’.
      Dans ces conditions,Oui,Descartes votre remarque est trés juste,j’y souscrit :
      [Tout au plus, on aura un Islam « officiel » contrôlé et certifié, et un Islam des catacombes ou les jeunes en mal de vivre iront chercher la « bonne parole » radicale dans une ambiance de transgression. Il ne faut pas surestimer le pouvoir des Imams sur les musulmans radicalisés. A l’heure de Facebook et d’Internet, le contrôle napoléonien me semble utopique.]
      Mais essayons,de structurer (sans le financer) cet islam,par essence protéiforme en pleine fermentation…Si nous n’essayons pas,nous serons certains d’échouer.Le problème restera pour des siècles.
      Puisque ,je suis poussé dans mes retranchements,quelques idées (fantasmatiques?) me sont venues en tête!
      Au vu des comportements des Kalkal,Merahn,Nemouche,les Kouachi,Coulybaly et de nombreux propos de mes élèves et anciens élèves,mâles,comment peuvent ils exorciser cette violence qu’ils ont en eux?
      Par l’islam radical bien sûr puisque la sexualité,l’alcool,la réussite sociale leurs sont interdits!
      Ils oublient qu’ils ont bénéficié de l’enseignement gratuit,de la santé,des aides sociales car cette violence de jeunes mâles n’a pas d’éxutoire.ce sont tous des jeunes mâles qui rèvent plus de faire la ‘Rambo’ que le saint religieux.
      De plus au paradis des musulmans le bon vin coule des fontaines intarissables et les vierges leur sont promises.Ici,ils n’ont droit à rien,cela facilite leur désir d’aller au paradis .Pourtant s’ils n’avaient pas cette religion,ils trouveraient le paradis des musulmans en Europe.
      Cela aussi,dans leur cerveau,ils n’y croient pas que cette Europe désirée par les musulmans depuis 17siècle,ils y vivent….
      Bref,ces contradictions doivent se résoudre d’où les idées exprimées dans mon précédent post que l’ai voulues expliciter car mes propositions ,critiquables certes,me semblent fonder.
      Voilà le fond de ma pensée qui débouche sur la proposition de recréer un service natioanal où cette violence leur servira a s’assimiler et à délaisser leur Jihad.
      Pour finir,l’espoir,le socle de la paix est entre les mains aussi et surtout,des filles de culture musulmane.C’est cette part féminine qui est le meilleur atout d’une paix civile laïque.Elles au moins n’ont pas le problème de la violence du mâle blessé dans son orgueil social…

    • Descartes dit :

      @ bovard

      [Or, l’islam n’est pas, par essence, structuré. Cela change tout mais les journalistes et nombre de citoyens français ne le savent pas. Leur méconnaissance de l’islam est abyssale.]

      Tout à fait. Comme le Judaïsme, l’Islam est d’abord la religion d’un peuple semi-nomade. Contrairement au catholicisme, qui s’est développé avec pour squelette la conception politique hiérarchisée et centralisée de l’Empire romain, l’Islam comme le Judaïsme n’ont pas d’autorité centrale, capable de « dire le droit ». Un rabbin, dès lors qu’il est suivi par une collectivité de fidèles, interprète librement les textes et il n’est soumis a aucune autorité, à aucun « archi-rabbin ». Et même chose pour les imams.

      La France étant de tradition catholique – et héritière du droit romain – notre système politique tend à concevoir les religions comme organisées sur le même modèle que le catholicisme. Et il cherche donc des représentants « qualifiés » de chaque religion, avec l’espoir qu’une fois un accord négocié avec ces représentants, ceux-ci le feront respecter. Or, ces représentants n’ont pas ce pouvoir, parce que leur autorité peut-être disputée à n’importe quel moment par n’importe quel groupuscule.

      [C’est pourquoi cette structure d’Union des mosquées de France, intéressante si elle est obligatoire peut apporter un surplus de structuration en vue d’un hypothétique contrôle ‘bonapartiste’.]

      Ca marche tant que l’on cantonne les « unions » à un rôle d’organisation du culte. Mais je doute qu’on puisse les utiliser pour faire du contrôle politique, c’est-à-dire, d’empêcher l’utilisation des structures culturelles à des fins de prosélytisme politique.

      [Au vu des comportements des Kalkal, Merahn, Nemouche, les Kouachi, Coulybaly et de nombreux propos de mes élèves et anciens élèves, mâles, comment peuvent ils exorciser cette violence qu’ils ont en eux? Par l’islam radical bien sûr puisque la sexualité, l’alcool, la réussite sociale leurs sont interdits!]

      Faudrait pas trop exagérer. Ni la sexualité, ni l’alcool, ni la réussite sociale n’étaient interdites à Kelkal, Merah, Nemouche ou les Kouachi. En tout cas, pas plus qu’à des centaines de milliers de jeunes, qu’ils soient français ou immigrés, noirs ou blancs. Pour la sexualité, et l’alcool, elles sont libres. Ce sont Kerlkal, Merah et consorts qui ont décidé, librement, de se les interdire eux mêmes. La question de savoir pourquoi dans une société aussi libérale dans les mœurs que la notre des jeunes « rambos » comme vous dites s’imposent eux-mêmes des interdictions qui confinent à l’absurde mériterait d’être posée.

      [Pour finir, l’espoir, le socle de la paix est entre les mains aussi et surtout, des filles de culture musulmane. C’est cette part féminine qui est le meilleur atout d’une paix civile laïque. Elles au moins n’ont pas le problème de la violence du mâle blessé dans son orgueil social…]

      Ne tombons pas dans les stéréotypes. D’autant plus que ces derniers temps on trouve des femmes pour participer à divers types d’attentats, y compris des attentats suicides. Je crains que votre optimisme sur la « nature » des femmes soit un peu surfait…

  24. Je me permet de relayer ici un article très instructif de Reporterre consacré à l’enfance des frères Kouachi : http://www.reporterre.net/L-enfance-miserable-des-freres

    • Descartes dit :

      @ Jonhathan R. Razorback

      [Je me permet de relayer ici un article très instructif de Reporterre consacré à l’enfance des frères Kouachi : http://www.reporterre.net/L-enfance-miserable-des-freres%5D

      Instructif surtout dans le genre « victimiste » et gnangnan. Mais bon, que voulez vous, de « Reporterre » on peut difficilement attendre autre chose. Peut-être le paragraphe le plus révélateur est le suivant : « Chérif [Kouachi] était un enfant comme les autres. Mais il n’aura pas reçu d’amour… Il a trouvé dans le fanatisme religieux, la famille qu’il n’a jamais eue. Ils ont su lui monter la tête. En même temps, c’est facile de s’en prendre à des gamins aussi isolés et fragiles. Personne n’était là pour le remettre dans le droit chemin. ». Et de se demander ensuite : « S’il avait eu une enfance heureuse, serait-il devenu terroriste ? ».

      En d’autres termes, Kouachi est une victime. Vous comprenez, il n’a pas eu d’amour, il a eu une enfance malheureuse… sans compter avec la méchante société qui a maltraité sa mère. Ils ne sont donc pas responsables de leurs actes. Faut savoir ce qu’on veut. Soit on dit que l’homme est libre et donc responsable de ses actes ; soit on considère qu’il est déterminé par ses origines, sa famille, la société… et dans ce cas la notion même de « liberté » n’a pas de sens. Car à quoi cela sert de se battre pour avoir la liberté de décider de ses actes, si de toute manière cette décision est prédéterminée par des choses que nous ne contrôlons pas ?

      Bien sur, notre liberté n’est pas absolue. Bien sur, nous sommes des êtres historiques et donc héritiers d’une histoire nationale, familiale, personnelle. Mais si cette histoire nous détermine au point qu’il faut nous « plaindre » d’avoir tué douze personnes plutôt que nous le reprocher, cela veut dire que notre liberté est si réduite au point d’annuler toute responsabilité. On est à fond dans l’idéologie « victimiste ».

    • bovard dit :

      Un dessin ne représente qu’un dessin.
      Tout le monde le sait.
      Nous ne sommes pas en 2015 retombé dans le conflit meurtrier entre les iconoclastes et les autres.
      Arrêtons de croire que quelqu’un peut se sentir insulter par un dessin !
      Le célèbre tableau,’Ceci n’est pas une pipe’ de Magritte,est explicite.
      C’est et reconnu depuis des dizaines d’années.
      Les chrétiens comme les musulmans ne sont pas plus bêtes que les autres.
      Ils savent très bien que la statue de la liberté n’est pas la liberté,les caricatures de Mahomet,pas Mahomet et l’ode à la joie,pas la joie.
      Un concept ne peut pas être cerné totalement par un dessin ou toute autre oeuvre artistique.
      J’ai toujours vu chez les parents de mes amis musulmans athées des dessins de la Mecque avec des figures de pélerins ou même du prophète jusqu’au début des années 80.
      Après,il y a eu la montée politique d’idéologie subversivo-religieuse aux services de potentas du moyen orient.
      Ces assassinats de nos chers amis sont de la propagande pour démontrer la suprématie de telle ou telle organisation.
      C’est la possibilité d’avoir un maximum d’écho qui a été recherché car la guerre est la prolongation du politique et la France est en guerre contre AlQuaïda et Daech qui ont armé les assassins.
      C’est un acte de guerre à couverture médiatico-religieuse.
      Arrêtons de tomber dans le panneau !
      Ce n’est pas une guerre de religion!
      Nous sommes dans une opération politique qui doit cesser de faire écran sur les réalités actuelles.
      Il est temps de sortir,si possible par ‘le haut’ de cette sinistre période!

    • « Soit on dit que l’homme est libre et donc responsable de ses actes ; soit on considère qu’il est déterminé par ses origines, sa famille, la société… et dans ce cas la notion même de « liberté » n’a pas de sens. Car à quoi cela sert de se battre pour avoir la liberté de décider de ses actes, si de toute manière cette décision est prédéterminée par des choses que nous ne contrôlons pas ? »

      La question appelle des réponses différentes selon le plan dans lequel on se situe. Métaphysiquement parlant, le contraire du déterminisme n’est pas la liberté, mais le hasard. On peut parfaitement croire, comme Spinoza, « qu’il n’est rien donné de contingent », et souhaiter davantage de liberté sur le plan social-historique (au sens de Castoriadis). Et encore, il faudrait préciser, politiquement parlant, ce qu’on entend par liberté (Dans l’exemple de la liberté d’expression, est-ce un droit naturel à faire valoir contre l’État comme aux USA ou une liberté politique accordée par l’État, comme dans la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen ?)

      « Bien sûr, notre liberté n’est pas absolue. »
      Moralement parlant, si. Dostoïevski a écrit quelque part sur la capacité de l’homme à verser arbitrairement dans le mal pour se prouver à lui-même qu’il est libre. La Justice repose sur cette idée que quelque soient les déterminants sociaux qui s’appliquent sur les individus (et qui ont fini par avoir raison d’eux, en dehors de quoi on serait condamné à voir les attentats comme une action absurde car dénuée de cause), ils demeurent responsables de leurs actes car ces derniers supposent de les choisir en conscience. Mais ça ne veut pas dire qu’ils sont « libres » comme si aucun facteur extérieur ne jouait une influence, comme si l’action se résumait à un acte de pure volonté.

      Par exemple, que ce serait-il passé si la mère des frères Kouachi était encore vivante ? Naturellement nous ne pouvons pas le savoir, mais il permit de croire qu’il n’aurait pas été si dispendieux de leurs existences (et par voie de conséquence, de celle des autres).

      « On est à fond dans l’idéologie « victimiste ». »
      Il me semble que l’article de Reporterre est utile en cela qu’il montre que le parcours des Frères Kouachi est marqué par des événements dramatiques dont l’occurrence reste très faible. Tout le monde n’est pas orphelin à dix ans. Si davantage de média avaient relayé ces faits, on serait moins facilement perméable aux annonces théâtrales de Mr. Pujadas qui essaye de terrifier les chaumières en évoquant des « milliers de djihadistes » pouvant potentiellement passer à l’acte, et qui demande (hier soir sur France 2) avec sa fausse candeur insupportable si les français vont devoir s’habituer pendant des mois à voir des militaires patrouiller dans les rues.

      Vous pouvez trouver que l’article de Reporterre évacue à tort la condamnation morale, ou qu’il ne devrait pas relayer des accusations contre le monde entier (« Evelyne tient pour responsable la politique de la Ville », etc), mais ça reste un éclairage utile, et moins lamentable que le travail journalistique du Figaro (ce « journal d’opinion de droite très bien fait », dixit Mr. Mélenchon) relayant l’AFP sur le pic de consommation d’anxiolytiques, qui se fait épingler quelque jours après pour désinformation…

    • Descartes dit :

      @ bovard

      [Arrêtons de croire que quelqu’un peut se sentir insulter par un dessin !]

      C’est un peu plus compliqué que cela. Les interdits religieux ont deux fonctions. La première, est de distinguer le « dedans » et le « dehors », en d’autres termes, de distinguer le croyant de l’incroyant. C’est d’ailleurs pour cela qu’il y a une surenchère permanente dans chaque « communauté des croyants », certains groupes marquant par une approche plus rigoriste leur singularité. Mais l’interdit a aussi une autre fonction : celle de manifester – et de mesurer – le pouvoir de la structure religieuse, en testant sa capacité d’imposer des règles plus ou moins absurdes non seulement aux croyants, mais aussi aux non-croyants.

      Le viol de l’interdit offense non pas en soi, mais par ce qu’il montre. Lorsque le non-croyant représente le Prophète – ou pire, se moque de lui – ce qu’il est en train de faire, c’est de montrer l’incapacité du religieux à imposer des règles en dehors de la communauté des croyants. C’est le fait de montrer cette faiblesse que les musulmans ressentent comme une « insulte », notamment parce qu’ils n’ont pas encore assimilé la séparation des sphères publique et privée, de la loi civile par rapport à la loi religieuse.

      [Les chrétiens comme les musulmans ne sont pas plus bêtes que les autres. Ils savent très bien que la statue de la liberté n’est pas la liberté,les caricatures de Mahomet,pas Mahomet et l’ode à la joie,pas la joie.]

      Bien sur. Mais ce n’est pas l’image qui a de l’importance. Les musulmans réagissent comme la mère qui, ayant interdit à son enfant de toucher au pot de confiture, le retrouve dans la cuisine en train de la manger à pleine cuillère. Au-delà de l’acte, il y a le fait qu’on a violé un interdit, qu’on a défié l’autorité. Même si la violation est bénigne et l’acte banal, aucune autorité ne peut accepter de se voir défiée sans réagir.

      [C’est un acte de guerre à couverture médiatico-religieuse. Arrêtons de tomber dans le panneau ! Ce n’est pas une guerre de religion!]

      Oui et non. Même si les guerres medio-orientales jouent un rôle, je ne crois pas que les frères Kouachi ou Amedy Coulibali soient des « soldats » répondant à un ordre d’une organisation menant une « guerre ». Mais c’est bien une « guerre de religion », ou pour être plus précis, un affrontement de pouvoirs, entre les hiérarchies religieuses et communautaires et la République.

      Il faut de ce point de vue se débarrasser des illusions. Les imams – pas plus que les curés ou les rabbins – ne sont pas et ne seront jamais des alliés sûrs dans le processus de sécularisation de leurs communautés. Tout simplement, parce que la sécularisation est la fin de leur pouvoir sur leurs ouailles, et que personne je scie sciemment la branche sur laquelle il est assis. Les religions ne deviennent « libérales » que lorsqu’elles n’ont pas le choix, lorsque la sécularisation est si avancée que toute tentative d’imposer des interdits se traduit par une perte massive de fidèles. Et si le catholicisme est dans cette phase, ce n’est pas du tout le cas de l’Islam de France.

    • Descartes dit :

      @ Jonhathan R. Razorback

      [« Soit on dit que l’homme est libre et donc responsable de ses actes ; soit on considère qu’il est déterminé par ses origines, sa famille, la société… et dans ce cas la notion même de « liberté » n’a pas de sens. Car à quoi cela sert de se battre pour avoir la liberté de décider de ses actes, si de toute manière cette décision est prédéterminée par des choses que nous ne contrôlons pas ? »][La question appelle des réponses différentes selon le plan dans lequel on se situe. Métaphysiquement parlant, le contraire du déterminisme n’est pas la liberté, mais le hasard (…).]

      Ma question n’était pas philosophique mais politique. Il s’agit une fois encore de la question des « fictions nécessaires ». Si l’on veut fonder un système politique sur la liberté, il faut admettre que l’homme est responsable de ses actes. Si à l’inverse on excuse les actes des hommes au nom d’une détermination – qu’elle soit sociale, ethnique ou ce qu’on voudra – alors on ne peut invoquer la liberté. Entre ces deux options, il y a un choix politique à faire.

      [Il me semble que l’article de Reporterre est utile en cela qu’il montre que le parcours des Frères Kouachi est marqué par des événements dramatiques dont l’occurrence reste très faible. Tout le monde n’est pas orphelin à dix ans.]

      Non, mais il y en a pas mal de cas. Et puis, il y a beaucoup d’autres malheurs en stock dans ce bas monde, et il est difficile d’en établir une hiérarchie entre eux. Comment savoir si à l’heure du passage à l’acte le fait d’être orphelin à dix ans est plus ou moins traumatique que le divorce de ses parents et la perte de contact avec son père ? Je ne crois pas que les malheurs d’enfance expliquent quoi que ce soit au niveau individuel. Après tout, Marcel Paul était un enfant trouvé, abandonné de ses parents, et cela ne l’a pas empêché de devenir dirigeant politique, résistant, député et ministre. Ce que je critique dans l’article de Reporterre, c’est bien de tomber dans l’idéologie « victimiste » qui prétend expliquer les gestes des hommes par les « traumatismes » dont ils ont été les victimes.

      [Si davantage de média avaient relayé ces faits, on serait moins facilement perméable aux annonces théâtrales de Mr. Pujadas qui essaye de terrifier les chaumières en évoquant des « milliers de djihadistes » pouvant potentiellement passer à l’acte,]

      Je ne le crois pas. Autant je déteste la technique des médias qui évoquent sans le moindre élément probant des « milliers de djihadistes » potentiels, autant je trouve insupportable le discours qui vise à nous rassurer sur le mode « ne vous en faites pas, il n’y a que les orphélins à 10 ans pour faire ça, et ils ne sont pas si nombreux que ça ». La vérité, est que nous ne savons rien du tissu complexe de faits et de rencontres qui fait que les Kouachi sont passés à l’acte, là ou la plupart des orphelins de mère n’y passent pas.

      [Vous pouvez trouver que l’article de Reporterre évacue à tort la condamnation morale, ou qu’il ne devrait pas relayer des accusations contre le monde entier (« Evelyne tient pour responsable la politique de la Ville », etc), mais ça reste un éclairage utile,]

      Je n’en vois pas l’utilité. Et je vois au contraire le caractère néfaste de cette logique qui accuse à tort et à travers pour finalement exculper les auteurs principaux.

  25. Bruno dit :

    Bonsoir Descartes,

    C’est un peu hors-sujet mais je souhaitais connaître votre opinion sur un personnage : Edwy Plenel, notamment au sujet de ses prises de position récente et de son livre &amp;quot;pour les musulmans&amp;quot;… Merci!

    • Descartes dit :

      @ Bruno

      [C’est un peu hors-sujet mais je souhaitais connaître votre opinion sur un personnage : Edwy Plenel, notamment au sujet de ses prises de position récente et de son livre "pour les musulmans"… Merci!]

      Plenel ? Trotskyste un jour, trotskyste toujours… Le grand épurateur de la rédaction du « Monde » du temps ou Colombani était directeur et voulait transformer le « quotidien de référence » en entreprise commerciale à l’américaine, avant d’être lui-même épuré. Plenel, c’est le journalisme de caniveau déguisé en « devoir sacré d’information ». Plenel est un manipulateur qui sait parfaitement utiliser le système à son profit et à celui de ses copains. Si vous voulez savoir qui est Plenel, lisez « La face cachée du Monde », de Péan et Cohen. C’est un homme sans idées, que seul le pouvoir fascine.

      J’avoue que connaissant son pedigree, je ne lis guère ses écrits et je ne suis guère ses prises de position.

    • bovard dit :

      @Descartes
      Avant tout un commentaire laudatif:une fois de plus vous tenez le cap de la Raison,avec brio dans une des périodes les plus troubles…Bravo,reconnaissance pour le plaisir bienfaisant de vous lire et meilleurs voeux pour la suite !
      Enfin cela n’empêche pas des points de vue complémentaires!Ainsi,Plenel a eu à mes yeux ,un mérite:celui d’animer quelques enquêtes d’investigations à médiapart comme l’affaire Cahuzac.
      A cette occasion,Apthie fut ramené à son triste rôle d’idéologue déblaitératif,animateur peu talentueux mais à ‘sehr Gross égo..’ totalement immérité,aux qualités journalistiques inversement proportionnées à sa vacuiité et à son temps d’antenne……..C’est une opinion personnelle que personne n’est obligée de partager.
      Enfin mon humeur n’est ni au badinage ni à l’apathie…mais une envie de rire srdoniquement ou sacartisquement à la lecture de certains commentaires sur d’autres blogs que le votre.
      mais le pompon vient une fois de plus de certains de mes élèves issus des cultures musulmanes .Voici le dernier tableau qu’ils m’ont fait de la France dont la naïveté révèle la vision du monde de leurs entourages.Qu’il est long le chemin pour devenir un républicain français!
      Les derniers attentats sont justifiés par les incessantes caricatures du prophète.De plus les juifs manipuleraient Charlie Hebdo et dirigeraient la France en sous main au profit d’IsraëlLes chrétiens,seraient de braves gens qui se fourvoiraient ens ‘alliant avec les juifs.les musulmans sont opprimés en france alors qu’ils sont destinés à diriger puisqu’ils ont de part leur religion le sens du commandement…Quant aux athée,ils sont sont dégénérés et vont diparaitre eux mêmes car au fond ils sont communistes et leurs systèmes s’est effondré…Bien sûr cette idéologie est ultra minoritaire chez les élèves de cultures musulmanes qui à 99,999% veulent s’en sortir et réussir leurs études ainsi que leur vie.
      Mais le remplacement des classes par les cultures:Classe dirigeante représentées par les juifs.Classes moyennes par les chrétiens;classes populaires par les musulmans;classes marginales par les athées,rappelle les discours de l’extrème droite nationaliste(pas Fillipot et ses troupes chevénementistes).
      Eh Oui,compagnons et camarades du blog Descartes,y a du boulot !
      Nous n’allons pas nous ennuyer à l’avenir!
      Déjà les touristes fuient la France.La fréquentation des musées chutent..Voilà pour les conséquences immédiates des attentats!
      Pour les conséquences de la crise,un exemple des problèmes parmi d’autres: la France est passée de la 6ième à 17ième place pour la qualité des maternités.La durée de vie en bonne santé baisse.
      Que va t il se passe en France,en Grèce en europe,si la BCE n’amplifie pas le changement de politique économique.
      .Il y a 30 ans:Les maires de Tours et Versailles voulaient interdire le film de Godard ‘je vous salue Marie’.Les cinémas qui projetaient’ la dernière tentation du christ’ de Scorsése étaient attaqués!
      La France s’en est sorti et se sortira par le haut(?)..ce 23/01/2015,un appel des imams auraient eu lieu dans les 2500 mosuqées de franceen l(honneur de la république.
      A Toulouse,un concert aura lieu avec une chorale juive,une chrétienne,une soufi musulmane,et une chorale laïque.
      Allez compagnins,camarades,amis et sympathisants ,Haut les coeurs!
      Continuons l’oeuvre de Baboeuf,Robespierre,Buonaroti dont voici l’histoire(cf:Wikipédia):
      ‘En 1789, il s’enthousiasme pour la Révolution et se rend en France, avant de passer en Corse, en novembre, pour y propager les idées révolutionnaires. Considérant l’île comme un conservatoire des formes primitives de communautarisme et d’égalitarismes agraires, il s’intéresse au régime de la propriété, notamment des propriétés communales. Il rédige en italien un journal intitulé Giornale Patriottico di Corsica et devient bientôt l’un des administrateurs des biens nationalisés du clergé. En juin 1791, profitant de l’attachement de la population au clergé réfractaire, les paolistes se soulèvent et l’expulsent vers Livourne, où il est emprisonné. Grâce à l’intervention de l’Assemblée constituante auprès de Léopold II, il est libéré et rentre en Corse, où il demande la nationalité française. En mars, le grand-duc de Toscane saisit ses biens.
      Nommé commissaire national auprès du tribunal du district de Corte le 23 octobre 1792, il se lie avec les Bonaparte et s’oppose à Pascal Paoli. Obligé de passer en France après la victoire des paolistes en mai 1793, il se rend auprès de la Convention pour dénoncer l’esprit « fédéraliste » du département. Il présente également la demande de rattachement à la France des habitants de l’île de Saint-Pierre. Grâce à l’intervention de Robespierre, qui l’apprécie et dont il est devenu un proche, il obtient la citoyenneté française et est envoyé en Corse comme commissaire du pouvoir exécutif. Cependant, les insurrections fédéralistes dans le sud-est l’empêchent de remplir sa mission (juin-octobre 1793). Il accomplit alors diverses missions dans le Midi. En avril 1794, il est nommé agent national général pour les territoires conquis sur le royaume du Piémont, à l’est de Menton. Durant onze mois, du 22 avril 1794 au 15 mars 1795, il tente de faire de l’ancienne principauté d’Oneglia, petit port piémontais sur la Riviera Ligure, un refuge pour les patriotes italiens et un modèle de république. Il est chargé de les former au propagandisme révolutionnaire.
      Arrêté à Menton comme « robespierriste » en mars 1795, il est enfermé à la prison du Plessis, à Paris, où il fait la connaissance de François-Noël Babeuf. Tous deux élaborent une doctrine communiste. Libéré, Buonarroti est parmi les fondateurs du club du Panthéon, dont il est un temps président, et y introduit les écrits et analyses de Babeuf.
      La fermeture du club par le Directoire détourne Buonarroti de suivre les troupes françaises en Italie ; il rejoint le « Directoire Secret de Salut Public » constitué par Babeuf le 30 mars 1796 et devient avec lui le principal théoricien de la conjuration des Égaux. Dénoncés, ils sont arrêtés le 10 mai 1796. Jugés devant la Haute-Cour de Vendôme, François-Noël Babeuf est condamné à mort le 25 mai 1797, Philippe Buonarrotti à la déportation.’
      Nos anciens comme Buonarotti nous indique le chemin de la persévérance.Cela nous rendra victorieux.
      La France en a vu d’autres pour défendre ce sommet de la pensée qui consiste à ne pas interdire le blasphème .Cela nous rend digne,de faire appel au sens de la responsabilité plutôt que de brimer la liberté de pensée..
      Pour terminer,une blagounette de nos chers et regrettés ‘Pépone et Don Camillo’ dont j’ai revu le très daté et succulent film:’Don Camillo à Moscou..’..
      Cette blague se passe au temps de Don Camillo et Pépone,au pays de naissance de Buonarroti ..
      notre ami Pépone a fait l’acquisition d’un bar ,
      ou il y a inscrit sur un panneau à l’entrée:
      Quoiqu’on en dise …on est bien mieux ici ,qu’en face…(désignant le cimetière)
      Don Camillo qui , comme vous le savez n’est pas en reste …met lui aussi un panneau à l’entrée du cimetière
      avec cette mention :
      Ici se trouvent la plus part de ceux qui ont été en face ……

    • Descartes dit :

      @ bovard

      [Enfin cela n’empêche pas des points de vue complémentaires!Ainsi,Plenel a eu à mes yeux ,un mérite:celui d’animer quelques enquêtes d’investigations à médiapart comme l’affaire Cahuzac.]

      Comme disait Bacon, « la pire trahison est de faire une bonne chose pour une mauvaise raison ». Je ne crois pas un instant qu’en « investigant » Cahuzac Plenel ait poursuivi un but d’utilité publique…

      [mais le pompon vient une fois de plus de certains de mes élèves issus des cultures musulmanes .Voici le dernier tableau qu’ils m’ont fait de la France dont la naïveté révèle la vision du monde de leurs entourages. Qu’il est long le chemin pour devenir un républicain français! Les derniers attentats sont justifiés par les incessantes caricatures du prophète.De plus les juifs manipuleraient Charlie Hebdo et dirigeraient la France en sous main au profit d’Israël. Les chrétiens, seraient de braves gens qui se fourvoieraient en s’alliant avec les juifs. Les musulmans sont opprimés en france alors qu’ils sont destinés à diriger puisqu’ils ont de part leur religion le sens du commandement…Quant aux athée, ils sont dégénérés et vont disparaître eux mêmes car au fond ils sont communistes et leurs systèmes s’est effondré…Bien sûr cette idéologie est ultra minoritaire chez les élèves de cultures musulmanes qui à 99,999% veulent s’en sortir et réussir leurs études ainsi que leur vie.]

      Vous savez, vous trouverez des imbéciles ou des ignorants dans toutes les cultures. Et les théories du complot ou du « pourquoi pas » sont malheureusement très répandues, et pas que chez les musulmans. Si vous fréquentez un peu les blogs de la gauche dite « radicale », vous trouverez des choses pas très différentes de celles qui précèdent. Avec « CIA » ou « Bilderberg » à la place de « juif ». Contre ça, il n’y a qu’un remède : enseigner l’examen rationnel et l’usage du rasoir d’Occam.

    • bovard dit :

      Cet accompagnement dans l’examen pluriel des multiples facettes du drame de Charlie,a été possible grâce à vous et votre blog.Merci cher Descartes !
      Si votre santé est défaillante sachez que je vous encourage et je vous soutiens.La vie est si intense !
      Ce post sera pour moi contenu par une idée Jauressienne non encore énoncée clairement.La voici:
      Arrêtons de faire semblant de croire,que ces assassinats de libres penseurs par des musulmans extrémistes violents sont une affaire religieuse.
      C’est un acte de propagande guerrière .
      Al Quaïda et Daech subissent depuis des mois les bombardements des français.
      Ils ont ripostés et nous ont fait subir ce qu’ils subissent.
      C’est une guerre non pas contre les athées mais entre la France et des potentats moyens orientaux.
      Si Charlie Hebdo a été massacré,c’est parce qu’il représente l’âme de notre république de libre pensée.
      Ni plus,ni moins !
      Comme les twins towers représentaient les USA,le métro de Londres,Le royaume uni.
      C’est cela qui doit être expliqué aux élèves.
      Les frappes françaises sont des guerres à l’origine des assassinats de libres penseurs par des musulmans extrémistes violents suicidaires parce que illuminés…
      C’est la diplomatie qui doit se mettre en oeuvre.
      L’entité sunnite du Daech,soutenu par la Turquie,le Qatar et les Saoudiens est elle légitime?
      L’Irak divisé entre Kurdes et chiites abritent des sunnites que vont ils devenir?
      Les autres minorités,pourquoi les laisser massacrer sans interventions?
      Quand,où la riposte française aura t elle lieu?
      L’amplification de la guerre,voie toujours suivie par les socialistes au pouvoir est elle judicieuse?
      Que fait la diplomatie française?

    • Descartes dit :

      @ bovard

      [Cet accompagnement dans l’examen pluriel des multiples facettes du drame de Charlie,a été possible grâce à vous et votre blog.Merci cher Descartes !]

      Merci, mais le mérite appartient aussi à mes commentateurs. Franchement, j’ai été moi-même étonné du niveau des commentaires. On a brassé beaucoup d’idées très intéressantes.

      [Ce post sera pour moi contenu par une idée Jauressienne non encore énoncée clairement. La voici: Arrêtons de faire semblant de croire,que ces assassinats de libres penseurs par des musulmans extrémistes violents sont une affaire religieuse. C’est un acte de propagande guerrière. Al Quaïda et Daech subissent depuis des mois les bombardements des français.
      Ils ont ripostés et nous ont fait subir ce qu’ils subissent.]

      J’étais d’accord avec la première phrase. Mais pas avec le reste. On est toujours séduit par les explications simples que proposent les manichéistes. Dans le cas présent, cela se traduit par une réduction d’un problème éminemment social à une « guerre » du « bien » contre le « mal », des obscurantistes de Al Quaida ou de Daesh contre la France. Je rejette avec la dernière vigueur cette explication. D’abord, parce qu’elle est fausse. L’acte de guerre implique un commandement unifié, capable de donner des ordres et de les faire exécuter. Pas plus les Kouachi que les Coulibaly n’étaient soldats d’une armée, soumis à une discipline et faisant partie d’unité opérationnelle. Que des admirateurs de Ben Laden ou de Daesh décident dans leur coin que les journalistes doivent être punis pour la plus grande gloire de l’Islam n’en fait pas de leur décision un « acte de guerre ». L’assassinat de Sadi Carnot par un anarchiste italien était-il un « acte de guerre » ? Faut pas trop pousser : les mots ont un sens, et le mot « guerre » est trop sérieux pour l’utiliser à tort et à travers. Il y a une guerre entre la France et Daesh en Irak et en Syrie. Il ne serait pas inconcevable que le gouvernement de l’Etat islamique envoie effectivement des commandos chez nous. Mais pour le moment, ce n’est pas le cas.

      D’autant plus que cette utilisation n’est pas innocente : comme disait Churchill, la première victime de toutes les guerres est la vérité. L’invocation de la « guerre » permet de justifier toutes sortes de restrictions aux libertés, toutes sortes d’actes qui en temps normal seraient considérés condamnables. Pensez à la torture, autorisée par le gouvernement des Etats-Unis et dont plusieurs états européens se sont rendus complices, justifié au nom de la « guerre » contre le terrorisme.

      Alors, arrêtons de parler de « guerre ». En son tems, l’assassinat de Georges Besse par les militants d’Action Directe avait été dénoncé comme la preuve d’une conspiration du « communisme international » faisant « la guerre au monde libre » – vous voyez, en termes de rhétorique guerrière, on n’a rien inventé aujourd’hui. Nous savons aujourd’hui que la dite « conspiration » n’a jamais existé, et que la « guerre » n’était alors qu’un prétexte. C’est la même chose aujourd’hui. Décréter que le massacre à « Charlie » est un acte de guerre ne permet pas d’analyser vraiment le phénomène. Il faut au contraire aborder cette affaire avec l’esprit ouvert. D’abord, pour constater qu’il s’agit du passage à l’acte de trois illuminés, et non d’une insurrection massive des jeunes musulmans de France. Sur plusieurs centaines de milliers de ces jeunes, sur plusieurs millions d’immigrés, trois sont passés à l’acte. La disproportion statistique devrait en elle-même inciter à la prudence ceux qui ont tendance un peu trop vite à lier cette affaire avec un « apartheid » ethnique ou social, avec le chômage ou la pauvreté. Rappelons que les illuminés d’Action Directe étaient tous bien « blancs », avaient devant eux une vie confortable, et que le chômage était à l’époque beaucoup plus faible. Et ils sont quand même passés à l’acte.

      [Si Charlie Hebdo a été massacré, c’est parce qu’il représente l’âme de notre république de libre pensée.]

      Attention à la sur-interprétation. Pour nous, le massacre de Charlie Hebdo symbolise le massacre de la liberté d’expression, de la liberté de blasphème, de « l’âme de notre République ». Mais comme tout symbole, il n’a pas d’autre signification que celle que nous lui assignons. Cette symbolisation n’a pas valeur d’explication. Charlie Hebdo a été massacré parce qu’il s’est trouvé deux jeunes qui ont ressenti le besoin de s’affirmer à travers un acte de ce type, et parce que les barrières qui chez les individus normaux empêchent le passage à l’acte n’ont pas fonctionné. Les Kouachi avaient-ils conscience de tuer « ce qui représente l’âme de notre République » ? Je n’y crois pas un instant.

      [Les frappes françaises sont des guerres à l’origine des assassinats de libres penseurs par des musulmans extrémistes violents suicidaires parce que illuminés…]

      Mais non… des illuminés, il y en a toujours eu. Et ils se trouvent toujours une « guerre » à venger. Pensez là encore à Action Directe…

      [L’entité sunnite du Daech,soutenu par la Turquie,le Qatar et les Saoudiens est elle légitime?]

      Aux yeux de qui ? La « légitimité » est une question assez subjective. L’occident à jugé que Pinochet ou Somoza étaient les gouvernements « légitimes » de leurs pays. Ils ont jugé que l’UCK pouvait « légitimement » déclarer l’indépendance d’une province serbe et se constituer en gouvernement « légitime ». Dans ce cas, pourquoi pas Daesh ? Qu’est ce qu’on peut reprocher à Daesh qui ne puisse pas l’être à Pinochet, à Somoza ou à l’UCK ?

      On n’intervient pas contre les gens parce qu’ils sont « illégitimes », on intervient contre eux parce qu’ils menacent nos intérêts. Arrêtons de croire que nous vivons au pays des bisounours.

    • bovard dit :

      @Descartes
      Oui,effectivement,cette période est incertaine,suspendue ,entre’ chiens et loups’.
      Dans ces conditions,cherchons chez Jaurès un éclairage au sujet de la France,sa place,la laïcité.
      Il aborde ces thèmes dans un article de 1904 publié par ‘la dépêche’:
      ‘Tout l’effort par lequel la France laïque a tenté de secouer le joug des moines serait compromis.
      Effort admirable qui restitue à la France dans le monde son grand rôle d’initiatrice.
      Il ne s’agit point ,quoi qu’en puissent dire les calomniateurs,de porter atteinte à une seule croyance.
      Le droit individuel des consciences est sacré.
      Mais,l’Etat comme tel,la communauté nationale,comme telle,doivent être affranchis de la tutelle des dogmes et de l’ingérence des Eglises.
      L’Etat n’est ni catholique,ni protestant,ni déiste,ni athée;l’Etat est laïque.’
      Admirable Concepteur aux fondements en phase avec l’actualité…..

    • Marcailloux dit :

      @Descartes
      Bonjour,
      [Il ne serait pas inconcevable que le gouvernement de l’Etat islamique envoie effectivement des commandos chez nous. Mais pour le moment, ce n’est pas le cas.]
      Votre interprétation est valide pour la plupart des états organisés sur un mode de type occidental, avec des lois, des codes militaires, des contre-pouvoirs, etc. L’est-il autant pour des mouvances autoproclamées et possédant une capacité de combattre similaire à celle d’un état ? S’agissant, en l’occurrence d’une organisation théocratique, soumise à l’islam version salafiste, le coran fait office, en quelque sorte de cadre juridique et de code militaire. Nous sommes dans des mondes différents, inconciliables à bien des égards, et ce depuis plus de 1300 ans et il ne faut surtout pas confondre mélange et miscibilité. C’est le mariage improbable du vin et de l’huile d’olive.
      Ci-dessous le rappel de deux sourates du coran :
      [[Termes des versets 89 et 90 de la sourate 4
      4.89 : « Ils voudraient qu’à leur instar vous sombriez dans la mécréance afin que vous en soyez au même point (sawâ’) qu’eux. Ne les prenez pas pour alliés tant qu’ils n’auront pas émigré pour la cause de Dieu et s’ils se détournent, emparez-vous d’eux et tuez-les où que vous les trouviez. Et ne les prenez ni pour alliés ni pour partisans ! »
      4.90 : «[tuez-les où que vous les trouviez à l’exception de ceux qui visitent une tribu (qawn’) à laquelle vous êtes liés par un traité ou de ceux qui viennent vous trouver le cœur serré à l’idée de vous combattre ou de combattre leur tribu ; si Dieu l’avait voulu, Il les aurait rendus maîtres de vous et ils vous auraient combattus. Aussi, s’ils vous évitent, ne vous combattent pas et vous offrent leur soumission, Dieu ne vous permet pas de leur témoigner de l’hostilité. » ]]
      où l’on voit que n’importe quel « innocent » sachant lire, peut, et y est encouragé par des cinquièmes colonnes omniprésentes dans le monde occidental, s’affranchir d’une structure hiérarchique, vecteur d’une chaîne de commandement ordonnant telle ou telle action avec chacun des détails la constituant. Par ailleurs, vous savez bien que l’islam présente cette particularité de n’avoir pratiquement pas de hiérarchie, et donc pas de clergé, ce qui accentue la légitimité d’actes isolés. La preuve en est faite par la promotion au rang de héros dans de nombreux pays ceux-là mêmes qui sont considérés comme des moins que rien dans les pays occidentaux. Un syncrétisme islamique mondial n’est pas à porter de vue. En France, où l’intégration est possible, avec de gros efforts, l’ assimilation des musulmans – en grande majorité – reste et pour longtemps indexée sur la physionomie de l’Islam.

    • Descartes dit :

      @ marcailloux

      [Votre interprétation est valide pour la plupart des états organisés sur un mode de type occidental, avec des lois, des codes militaires, des contre-pouvoirs, etc. L’est-il autant pour des mouvances autoproclamées et possédant une capacité de combattre similaire à celle d’un état ?]

      Si ces « mouvances » ont une hiérarchie, des règles, des codes et que leurs combattants suivent des ordres, alors on peut – à l’extrême rigueur – parler de « guerre ». Sinon, non. Le mot « guerre » est trop sérieux pour être utilisé à tort et à travers. La « guerre », je rappelle, justifie – en application de la célèbre formule « salus populo suprema lex esto » – presque tout : la suspension des libertés publiques, le mensonge institutionnalisé en propagande, la violation des droits des personnes, la torture, la mort. C’est pourquoi il faut tourner dix fois la langue dans sa bouche avant de parler de « guerre ». D’ailleurs, si nous sommes en « guerre » contre le terrorisme, alors les terroristes ont droit à la protection des Conventions de Genève, non ?

      [S’agissant, en l’occurrence d’une organisation théocratique, soumise à l’islam version salafiste, le coran fait office, en quelque sorte de cadre juridique et de code militaire. Nous sommes dans des mondes différents, inconciliables à bien des égards, et ce depuis plus de 1300 ans et il ne faut surtout pas confondre mélange et miscibilité. C’est le mariage improbable du vin et de l’huile d’olive.]

      Je ne suis pas d’accord. Nos mondes ne sont pas si différents que ça, et les lois de la guerre que nous appliquons aujourd’hui datent, dans beaucoup de cas, du XVIème siècle – et pour certaines viennent du monde islamique, d’ailleurs… Mais à supposer même que ce fut le cas, c’est à nous de décider si nous qualifions ce combat de « guerre » ou pas. Soyons cohérents : on ne peut pas prétendre que nous sommes en guerre, et refuser un « patriot act » à la française. Je crois par ailleurs me souvenir qu’en temps de guerre on reporte systématiquement les élections – pour des raisons évidentes. Pensez-vous qu’il faille le faire ? Non ? Alors, de grâce, ne parlons plus de « guerre »…

      [où l’on voit que n’importe quel « innocent » sachant lire, peut, et y est encouragé par des cinquièmes colonnes omniprésentes dans le monde occidental, s’affranchir d’une structure hiérarchique, vecteur d’une chaîne de commandement ordonnant telle ou telle action avec chacun des détails la constituant.]

      Pas besoin du Coran pour ça. Si j’ai envie, je peux m’acheter une Kalachnikov et tuer mon voisin au nom de Moïse ou de Staline sans problème, et sans l’intervention d’une chaîne de commandement. Et alors ? Je ne comprends pas très bien ce que vous voulez démontrer. La chaîne de commandement permet d’assurer une cohérence dans l’action. C’est cette cohérence qui est dangereuse au point que les Etats ont mis en place des dispositifs spéciaux – des dispositifs de « guerre » – pour y faire face. Les actes désordonnés de n’importe quel « innocent » qui lit le Coran de travers n’ont jamais mis un Etat en danger. Ils sont spectaculaires, mais rien de plus. Le nombre de morts victimes du terrorisme en France ces trente dernières années ne dépassent pas ceux d’un mauvais week-end de la Toussaint…

      Il faut raison garder. L’attentat terroriste le plus grave jamais réalisé (l’attaque du World Trade Center) a fait quelque 3000 morts et quelques milliards de dollars de dégâts. C’est beaucoup pour un acte terroriste, mais comparé à un véritable « acte de guerre », c’est de la gnognotte. A peine deux semaines de « plomb durci »…

    • Marcailloux dit :

      @ Descartes
      Bonsoir,
      Vous développez un réquisitoire contre l’utilisation, à tord et à travers, du mot &amp;quot;guerre&amp;quot; . Je suis globalement d’accord avec les arguments que vous présentez. Cependant, je ne vois pas très bien vis à vis de quoi, dans mon commentaire, ils sont adressés. Vous utilisez ce terme 10 fois dans votre réponse alors que moi même ne l’ai pas utilisé du tout dans mon commentaire, et même , si ma mémoire ne me trahit pas,aucunement dans le cadre de ce billet.
      Tout au plus, en prenant quelques précautions sémantiques, pourrions nous parler de &amp;quot;guerre asymétrique&amp;quot;, selon l’expression qui est utilisée par les spécialistes.
      Selon Wikipédia, une guerre asymétrique est une guerre qui oppose la force armée d’un État à des combattants matériellement insignifiants, qui se servent des points faibles de l’adversaire pour parvenir à leur but souvent politique ou religieux. Les guerres asymétriques englobent notamment le terrorisme ou la guérilla et se distinguent des guerres entre États. La cible est l’autorité contestée avec sa police et son armée. C’est l’arme de ceux qui se trouvent momentanément plus faibles. Le terrorisme de toute sorte est une manifestation d’une guerre asymétrique.

    • Descartes dit :

      @ Marcailloux

      [Vous développez un réquisitoire contre l’utilisation, à tord et à travers, du mot "guerre" . Je suis globalement d’accord avec les arguments que vous présentez. Cependant, je ne vois pas très bien vis à vis de quoi, dans mon commentaire, ils sont adressés. Vous utilisez ce terme 10 fois dans votre réponse alors que moi même ne l’ai pas utilisé du tout dans mon commentaire, et même , si ma mémoire ne me trahit pas,aucunement dans le cadre de ce billet.]

      Vous avez raison en partie. Mais si vous n’avez pas utilisé le mot « guerre », ce mot était implicite dans votre discours. Vous parliez de « capacité de combattre similaire à un Etat », du Coran qui jouerait le rôle de « code militaire », de « cinquième colonne ». Vous citez deux sourates du Coran qui clairement font référence à la guerre. Même si vous n’utilisez pas le mot, il était clair pour moi – mais si je me suis trompé je m’en excuse – que vous vous placiez dans une logique de guerre, et non dans celle d’une simple activité d’un groupuscule criminel.

      [Tout au plus, en prenant quelques précautions sémantiques, pourrions nous parler de "guerre asymétrique", selon l’expression qui est utilisée par les spécialistes.]

      Justement, c’est ce genre d’expressions que j’entendais dénoncer dans ma diatribe. Ici, l’adjectif « asymétrique » permet d’utiliser le mot « guerre », avec la charge symbolique qui s’y rattache, pour englober un peu n’importe quoi. Oui, on peut parler de « guerre asymétrique » en ce qui concerne la guerre du Vietnam, dans la mesure où il s’agissait d’une « vraie » guerre, avec de chaque côté des organisations hiérarchisées et disciplinées. Les Vietcong n’étaient pas des isolés qui avaient lu un peu trop de littérature révolutionnaire pour leur bien, ils étaient les agents d’une organisation disciplinée et agissaient sur ordre. Mais accepter qu’on étende le concept de « guerre asymétrique » à n’importe quel acte terroriste implique un énorme danger pour nos sociétés démocratiques et pour les libertés publiques.

      [Le terrorisme de toute sorte est une manifestation d’une guerre asymétrique.]

      Ah bon ? Quand Action Directe assassine George Besse, c’est un acte de « guerre » ?

    • Marcailloux dit :

      @ Descartes
      Bonsoir,
      [[Le terrorisme de toute sorte est une manifestation d’une guerre asymétrique.]
      Ah bon ? Quand Action Directe assassine George Besse, c’est un acte de « guerre » ?]

      Si les sommités intellectuelles de notre pays le définissent ainsi, je ne vois pas vraiment de raison de m’opposer devant ce qui n’est qu’une convention. D’autant que la plupart du temps ce terme est accompagné d’un adjectif précisant son contexte.
      Cet échange, dans lequel vous chicanez autour du mot « guerre » m’incite à compléter modestement la phrase attribuée à A. Camus et qui fait florès depuis quelques semaines. &amp;quot;Mal nommer les choses, c’est ajouter au malheur de ce monde, à laquelle on pourrait ajouter « pervertir les mots c’est tuer le débat »
      N’ayant pas la prétention de construire ni un vocabulaire ni quelque théorie que ce soit, je me réfère humblement, dans mes échanges avec quiconque, aux Maîtres qui m’ont donné accès à la connaissance et je ne m’arroge pas le droit de pervertir à mon usage rhétorique le sens des mots qu’ils emploient, soit dans les Larousse (petit ou en trois volumes) , l’Encyclopédie Universalis, le Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales, et souvent, pour la commodité des échanges le site Wikipédia, ainsi que bien d’autres évidemment.
      Ce qui fait lien, dans une société, c’est l’accord tacite de se référer à un socle commun sur le sens des mots que l’on emploie pour dialoguer. Si les fondamentalistes salafistes se sont extraits de l’immense majorité des musulmans, c’est entre autres, qu’ils avaient une lecture particulière du coran qui soutenait leurs aspirations profondes de violence.
      Je me sentais des « gènes » rebelles jusqu’à ce jour. Dans ce domaine vous semblez me surpasser de la tête et des épaules.

    • Descartes dit :

      @ Marcailloux

      [Ah bon ? Quand Action Directe assassine George Besse, c’est un acte de « guerre » ?][Si les sommités intellectuelles de notre pays le définissent ainsi, je ne vois pas vraiment de raison de m’opposer devant ce qui n’est qu’une convention. D’autant que la plupart du temps ce terme est accompagné d’un adjectif précisant son contexte.]

      Je ne vois pas à quelles « sommités intellectuelles » vous faites référence. BHL, peut-être ?

      [Ce qui fait lien, dans une société, c’est l’accord tacite de se référer à un socle commun sur le sens des mots que l’on emploie pour dialoguer.]

      Oui, mais cet « accord tacite » peut servir à un certain nombre de manipulation. Ainsi, par « accord tacite » le mot « guerre » fait référence à des situations dans lesquelles le gouvernement est fondé à censurer la parole, limiter les libertés publiques, se perpétuer au pouvoir, etc. D’où la tentation d’utiliser le mot « guerre » dans un sens qui va bien au-delà de la définition « consensuelle », quitte pour cela à lui accoler des qualificatif comme « asymétrique », « larvée », etc.

    • Marcailloux dit :

      @ Descartes
      Bonsoir,
      [Je ne vois pas à quelles « sommités intellectuelles » vous faites référence. BHL, peut-être ?
      Ah bon ! c’est le seul que vous pouvez me proposer?
      Je vais me faire un plaisir de vous rassurer, mais il existe, à vue de nez, j’en conviens, au moins 30 000 experts, érudits, savants reconnus, dont moins de 1% ont l’occasion de communiquer sur les ondes. Dans ma seule Encyclopédie Universalis en 22 volumes, plus de 7000 rédacteurs de haut niveau – mais pas ce BHL dont vous parlez – contribuent à ouvrir la connaissance au plus grand nombre.
      Pour ce qui est de l’utilisation du mot &amp;quot;guerre&amp;quot; que je n’approuve pas, nous somme en présence d’un phénomène qui n’est pas nouveau, celui du spectaculaire émotionnel, forme nouvelle de manipulation dans laquelle on paye avec des mots. Tout maintenant est &amp;quot;génial, extraordinaire, fantastique,………. .J’ai sous les yeux 133 synonymes de &amp;quot;extraordinaire&amp;quot; contre 18 antonymes. C’est un signe, non ?

    • Descartes dit :

      @ Marcailloux

      [Je ne vois pas à quelles « sommités intellectuelles » vous faites référence. BHL, peut-être ?][Ah bon ! c’est le seul que vous pouvez me proposer?]

      Moi je ne vous propose rien. Vous me parlez des « sommités intellectuelles » qui soutiennent votre point de vue, je me demandais à qui vous pouviez bien faire allusion… la seule sommité intellectuelle qui me vient à l’esprit dans ce cadre, c’est BHL. 😉

    • bovard dit :

      Les sommités intellectuelles ne sont pas identifiables actuellement.Le sentiment collectif qui s’est brièvement exprimé dans ce moment-Charlie est autant problématique à élucider ne serait-ce pas aussi parce qu’il échappe
      quelque peu à nos modèles dominants en matière de théorie critique ?Le citoyennisme des années 1980/1990 n’était pas présent dans ces marches, cesrassemblements. Pourquoi ? Parce que la figure traditionnelle de l’État-nation ne
      l’était guère non plus. Pour que des politiques citoyennistes, des organisationsciviques (modifier le Service civil comme le souhaite Hollande, par exemple)prennent corps socialement et idéologiquement, il faut que l’État assure les
      conditions institutionnelles et budgétaires de ces politiques. Or, ce n’est plus lecas aujourd’hui. Même la hiérarchie militaire ne veut pas du rétablissement du service militaire pour tous puisque la haute technicité de la guerre moderne
      implique uniquement des professionnels qualifiés. De plus les dernières orientations budgétaires visent une baisse structurelle des dépenses publiques dans ce secteur qu’une augmentation pour des raisons circonstancielles ne nous
      paraît pas infirmer. Tout au plus, suivant en cela les derniers sondages d’opinion,l’État peut-il opter pour un service de quelques mois gérable au niveau de l’État-réseau ? Un service décentralisé, par exemple au niveau des régions, dans le
      cadre de travaux d’intérêt général assortis d’un zeste d’instruction civique pour faire bonne mesure ? Mais l’effort risque d’être vain.Holland l’a t il copmpris,puisque possibilité sera donné à tout jeune qui le désire d’effectuer son srvice dès le 1er Juin 2015.Un début de vision chez ‘Culbuto’?

    • Descartes dit :

      @ bovard

      [Même la hiérarchie militaire ne veut pas du rétablissement du service militaire pour tous puisque la haute technicité de la guerre moderne implique uniquement des professionnels qualifiés.]

      Les militaires voient la question du point de vue militaire. Et du point de vue militaire, la conscription ne sert plus a rien. D’une part, il n’y pas véritablement de scénario militaire qui aurait besoin d’une armée de masse. La possession de l’arme nucléaire a rendu notre territoire inviolable, le climat européen n’offre aucune hypothèse vraisemblable d’une guerre généralisée à court terme, et on voit mal la France envoyant outre-mer des centaines de milliers de soldats. Par ailleurs, et cela a été pointé par beaucoup de gradés, l’expérience de 1992 et de la première guerre du Golfe a montré que le contingent est tout simplement inutilisable à l’étranger, étant donné la pression que peuvent exercer les « soldats-citoyens » et leurs familles pour empêcher le départ. Dès lors que les citoyens ordinaires ne sont plus prêts à risquer leur vie pour leur pays, le service « militaire » est voué à disparaître. Or, c’est clairement le cas. Le temps où chaque citoyen voyait comme son devoir de risquer sa peau sous ordre du gouvernement démocratiquement élu est derrière nous.

      [Tout au plus, suivant en cela les derniers sondages d’opinion, l’État peut-il opter pour un service de quelques mois gérable au niveau de l’État-réseau ? Un service décentralisé, par exemple au niveau des régions, dans le cadre de travaux d’intérêt général assortis d’un zeste d’instruction civique pour faire bonne mesure ?]

      Tout ça ne sert à rien. Le service militaire avait un rôle civique parce qu’il réunissait un certain nombre de caractéristiques. D’abord, le fait qu’il était universel – du moins pour les hommes – et obligatoire. Tous les français de sexe masculin, quelque soit leur origine, leur domicile, leur classe sociale, leur niveau d’éducation étaient astreints à le faire. Ensuite, le brassage des populations, qui permettait aux français de toute origine et toute condition de faire connaissance avec des français très différents d’eux. Il y avait aussi le processus initiatique: le conscrit était extrait de son village, de sa région, et envoyé dans un « ailleurs » ou les contacts avec son environnement habituel étaient rompus, échappant ainsi au contrôle de sa famille et de sa communauté. Rendu à son environnement, il n’était plus le même, ayant fait l’expérience de l’autonomie et ayant été initié à toute une série de pratiques (qui vont de l’alcool à la sexualité) réservées aux adultes. Enfin, il y avait l’encadrement par une institution habituée à pratiquer la discipline sans états d’âme, et où le fait que c’est le conscrit qui s’adapte à l’institution, et non l’inverse, était considéré comme un principe intangible. Unie institution qui par ailleurs manie à la perfection la symbolique de la vie et de la mort, du sacrifice et de l’effort.

      Il est absurde de croire qu’on pourrait obtenir le même résultat par un « service civique » qui en fait n’est autre chose qu’une sorte de volontariat associatif, réservé à des jeunes volontaires qui feront ça parce qu’ils n’ont pas d’offre plus rémunératrice, qui rentreront chaque soir coucher chez leurs parents.

    • bovard dit :

      A propos des’ incidents’ dans l’enseignement secondaire,évoqués par moi précédemment,voici une partie d’un texte de l’US, journal du snes n°749,p46 du 17/01/2015:’..Les enseignants ont répondu présents malgré les difficultés,rencontrées,notamment lors de la minute de silence et les échanges avec les élèves,se plaçant dans une perspective d’éducation et de dialogue.Pourtant certains recteurs,chefs d’établissement ont tenté-par lacheté-de sanctionner certains d’entre nous qui avec courage,avaient tenté de dialoguer avec leurs élèves pour promouvoir la liberté d’expression.A Poitiers,le recteur,s’appuyant sur des signalements..annonce une ‘trentaine’ d’incidents.Suite à des dénonciations deux professeurs d’école ont écopé d’un blâme et un professeur de philosophie d’une suspension de quatre mois et d’une menace de commission de discipline.Cette méthode expéditive et arbitraire favorise la délation,installe le malaise dans une profession qui a surtout besoin de sérénité et de confiance.
      A Strasbourg,un collègue est accusé à tort,condamné d’avance par le chef et le recteur,suspendu avant d’être blanchi et réintégré.Loin de s’excuser,l’administration prétendra ensuite avoir agi pour ‘protéger’ le collègue.
      C’est pour le moins faire preuve d’un grand manque de courage politique que de laisser les enseignants seuls face à l’injonction de transmettre et de défendre les valeurs républicaines,tout en brandissant la menace au moindre soupçon de difficulté.Le snes-fsu demande la levée des sanctions et la réintégration des collègues.
      Les libertés qui fondent notre démocratie ne sont jamais acquises,elles doivent être expliquées et défendues,en particulier dans l’école,tout comme doit l’être la laïcité.Redonnons de la voix pour l’éducation.’

    • Descartes dit :

      @ bovard

      [A propos des’ incidents’ dans l’enseignement secondaire,évoqués par moi précédemment,voici une partie d’un texte de l’US, journal du snes n°749,p46 du 17/01/2015:’..]

      J’ai trouvé ce texte très amusant – si l’on peut dire – parce qu’il montre la confusion dans laquelle sont les enseignants, ou du moins, leurs représentants syndicaux. L’article se scandalise des sanctions prises contre des enseignants en donnant des « exemples », mais sans une seule fois expliquer exactement la motivation de la sanction. En d’autres termes, le simple fait qu’il y ait eu sanction semble constituer une preuve suffisante qu’elle était injuste. Est-il concevable pour le SNES que quelque part un recteur, par hasard, sans s’en rendre compte, ait pris une sanction juste et proportionnée ?

      En fait, les syndicats enseignants naviguent comme toujours entre leur anarcho-syndicalisme qui les pousse à défendre le droit omnipotent de toute enseignant de faire ce qu’il estime juste et bon, et la demande adressé à l’institution de soutenir l’enseignant. Voici le paragraphe le plus révélateur :

      « C’est pour le moins faire preuve d’un grand manque de courage politique que de laisser les enseignants seuls face à l’injonction de transmettre et de défendre les valeurs républicaines,tout en brandissant la menace au moindre soupçon de difficulté. »

      Faut savoir ce qu’on veut. Si les enseignants veulent être protégés par l’institution, alors il leur faut se plier aux canons définis par elle, ce qui suppose des sanctions pour ceux qui ne se plient pas. Si les enseignants veulent pouvoir librement choisir l’attitude qu’ils prennent devant les élèves, alors il leur faut assumer individuellement cette attitude sans aide de l’institution. On ne peut pas exiger d’une institution qu’elle assume et défende les choix individuels de ses serviteurs.

  26. bovard dit :

    Voici une partie d’un texte de l’US, journal du snes n°749,p20 du 17/01/2015,consacré à Bernard Maris,apprécie par Descartes:’Oncle Bernard(=Bernard Maris),faisait partie de la famille…Il était de venu un auteur de référence pour ceux que la vision néolibérale du monde rebute..’Ces bon mot firent florés;’Menteur comme un statisticien’,’les pauvres sont trop riches’,,’Ah,dieu que la guerre économique est jolie’ et’la Bourse ou la vie’…Hétérodoxe et éclectique,sa culture apparaissait dans tous ses ouvrages et il n’hésitait pas à recommander dans’charlie hebdo’,en marge de sa rubrique les romanciers qu’il découvrait.
    Ainsi,il avait publié en 2013,’l’homme dans la guerre,Maurice Genevoix face à Ernst Junger’;Bernard Maris préférait la guerre du premier,auteur de ‘ceux de 14’,guerre de la chair et des sentiments à celle du second,guerre de l’idéologie’…[C’était il y a un mois,qu’il fut assassiné,à cause …de ses idées..je lui dédie ce texte en guise d’Hommage et de Respect !]

  27. bovard dit :

    Cher Descartes,il est difficile de se sentir solidaire de certains futurs citoyens,quelquees élèves de Banlieue ,dont je vous présente la prose anti-républicaine,anachronique et irresponsable.
    C’est un enseignant se présentant,en 2015,en France comme ‘colonisé’ et ‘victime absolue’,militant anti-républicain qui les présente.Il se réclame des militants anticolonialistes des années 50-60,Fanon,Curiel,Martin,Alleg…
    L’aspect anti républicain de leur interprétation de ce qu’ils appellent ‘l’Affaire Charlie Hebdo’ est présent selon eux dans la résistance des élèves indigènes de 5ième,4ième,3ième,seconde…C’est publié le 13 février 2015 un prof ‘indigène’,sur le site du Parti des ‘Indigènes’ de la république,constitué par 3 ou 4 enseignants de sociologie de l’université de vincennes.
    Ces propos d’élèves ont été assez fréquents mêmes s’ils furent très minoritaires et peut être induits par certains enseignants comme ce professeur.Il qualifie’ Marianne’ de ‘marâtre’ !
    Lisez le ,c’est d’une mauvaise foi repoussante mais cela conforte ‘lesprit anti-républicain’ comme des apprentis sorciers alimentent les incendies.Je vous livre ces déclarations écrites sur le site du PIR,sans plus de commentaires:
    ‘Mes élèves de Seine Saint-Denis, pour une majeure partie d’entre eux, sont de ceux qui ne se sentaient pas du tout Charlie. Ils sont de ceux qui ont refusé les termes de ce que la République leur imposait.La minute de silence imposée aux élèves pour rendre hommage aux victimes de Charlie Hebdo a, comme prévu, posé des problèmes. Je dis « comme prévu » car tout le monde savait que beaucoup de nos jeunes refuseraient de s’y plier aussi facilement. Côté République, certains s’en léchaient même déjà les doigts tant cela donnerait du grain supplémentaire à moudre dans leur machine idéologique à creuser le choc des civilisations. Impatients enfin de pointer du doigt ces ados non-blancs et musulmans, avec leur fanatisme larvé, leur barbarie naissante incompatible avec les valeurs de la République, comme ayant échoué « leur intégration ». Des profs ont été jusqu’à alerter leur hiérarchie, les journalistes et voire les autorités afin de cibler, d’isoler et d’exclure les éléments insolubles dans l’ambiance d’unité républicaine.Pour beaucoup d’enseignants, la rage, l’incompréhension et les doutes qu’ont exprimé ces élèves étaient tout simplement « insupportables ».
    Ils m’ont dit: « Ce sont des martyrs !», « C’est bien fait pour eux ! », « Ils insultent notre Prophète en le foutant à poil et en lui foutant une bombe sur la tête ? Mais qu’ils crèvent ! », « Si tout le monde est d’accord avec Charlie et ses insultes dans ce pays, c’est qu’ils ne nous aiment pas. Donc on s’en fout d’eux ! Nous aussi, on les aime pas ! ». Ou encore : « Pourquoi on devrait pleurer pour 12 Français ? Je dis pas que je souhaitais leur mort ou que je les aime pas, mais c’est juste 12 personnes Monsieur. En Palestine, cet été, ils étaient des milliers, et les Français s’en foutaient. Donc moi aussi je m’en fous. »Voici ce que j’ai pu entendre dans mes classes. Même la plus timide de mes élèves s’est exprimée en ces termes, avec une colère que je ne lui avais jamais soupçonnée. Leur regard, empli de rage, était aussi éloquent que leurs discours ; leurs postures, la crispation de leurs traits criant fort. Résistance. J’ai l’impression de me mettre d’emblée hors-la-loi en disant cela.Pour beaucoup d’adolescents indigènes et musulmans, pour leurs familles, qui sont rompus aux massacres des leurs perpétrés continuellement au nom des « valeurs occidentales », pour eux qui sont habitués à se sentir marginalisés, discriminés, stigmatisés, rejetés par ce même système et par les pouvoirs publics, être Charlie n’est même pas quelque chose d’envisageable. Charlie est l’ultime insulte. Charlie est celui qui démonte et humilie ce qu’il y a de plus noble, de plus sacré, de plus important et de plus intouchable chez eux, au sein de leur famille, leur communauté, dans leur histoire et leur origine. Lorsqu’ils voient leur Prophète être ainsi ridiculisé, ils ne peuvent pas penser autrement et n’entendent rien à cette notion de « liberté d’expression »[6]. Charlie est la face de cette France qui les déteste, qui les rabaisse, les dénigre, les nie, qui, de manière décomplexée, frappe joyeusement sur ceux qui sont en bas de l’échelle sociale et économique, en bas de l’échelle du pouvoir aussi bien en France que dans le reste du monde.Le ricanement des colonisés:Certaines sont obligées de retirer leur voile à l’entrée de l’école, d’autres doivent supporter de voir certains camarades juifs s’enrôler sans aucune restriction dans l’armée coloniale sioniste et clairement anti-arabe, pendant qu’ils suivent l’horreur de la colonisation et le massacre des leurs à la télévision, sans aucun espace réel et concret de résistance. Ils n’ont pas le droit de siffler la Marseillaise dans un stade, mais devraient au contraire se solidariser face au « sang impur » qui menace la patrie. Ils avancent en sachant déjà qu’ils auront beaucoup plus de mal que les autres à trouver du travail. Ils doivent comprendre, intégrer en eux et s’intégrer eux-mêmes à une devise « Liberté Egalité Fraternité », alors qu’ils vivent en parallèle ghettoïsation, deux poids deux mesures, discriminations, stigmatisation, répressions policières, hogra. « La violence avec laquelle s’est affirmée la suprématie des valeurs blanches, l’agressivité qui a imprégné la confrontation victorieuse de ces valeurs avec les modes de vie ou de pensées des colonisés font que, par un juste retour des choses, le colonisé ricane quand on évoque devant lui ces valeurs. »Frantz Fanon, les Damnés de la Terre.Ce « ricanement » des colonisés dont parle Fanon et qui serait un « juste retour des choses » : était une manière de résister, une manière de refuser, de se méfier. Même si les réseaux sociaux sont devenus une source à la fois d’information et de désinformation, même s’ils sont devenus le terreau des complotistes de tous types : ce refus de « la parole des maîtres » est une marque évidente d’insoumission. À une version portée par un appareil idéologique d’État qui les situe une nouvelle fois dans le camp de la barbarie, beaucoup de jeunes accorderont désormais plus de crédit aux versions qui mettent en cause l’État.”’État et sa « morale civique ».Le plus inquiétant reste l’Etat, qui pour rester dans son rôle et marquer ostensiblement son positionnement idéologique, vient de mettre en ligne le site http://www.stop-djihadisme.gouv.fr/. dont le contenu est un scandale qui stigmatise plus que jamais les musulmans et fait de chacun d’eux la cible systématique de tous les soupçons et d’une surveillance particulière. On y retrouve – entre autres aberrations – une plaquette éducative visant à prévenir des « signes de radicalisation djihadiste » tels que la pudeur (porter des vêtements « qui cachent le corps », ou refuser de se montrer à moitié nue dans une piscine en présence de garçons), ne pas regarder la télé, le port de la barbe, le refus de la consommation d’alcool ou d’autres aliments… Ces signes doivent piquer la conscience républicaine de chacun et être scrupuleusement dénoncés par les vigilants citoyens, afin de faciliter à l’État le fichage, la traque, l’exclusion voire l’arrestation de ces jeunes.Avec ce genre d’initiative, l’État ne peut que réactiver les pires instincts délateurs d’une population française déjà bien exposée à un matraquage islamophobe toujours plus opérant dans les médias et les discours politiques. La prétendue lutte du gouvernement contre le « djihadisme », telle qu’elle est menée, ne fait que renforcer davantage la stigmatisation des musulmans de son territoire et poursuit sa définition restrictive et néocoloniale de ce que doit être le bon « sujet musulman » de France. Le message très fort d’autant qu’il entre en résonance avec la multiplication d’arrestations d’enfants – âgés parfois de moins 10 ans – pour apologie du terrorisme. De quoi faire froid dans le dos, celui des musulmans en premier lieu.De plus, une concertation se poursuit sur un « enseignement moral et civique » qui devra prendre place dans l’emploi du temps de nos futurs élèves dès la rentrée prochaine. L’objectif proclamé d’un tel enseignement : ressouder le patriotisme de nos jeunes autour de valeurs (aimer Charlie, aimer l’interdiction « laïque » du voile à l’école), de symboles (aimer le drapeau tricolore) et de rites républicains (aimer la Marseillaise). Cet enseignement sera bien entendu « noté ». ou pour le dire plus radicalement : la mission est de faire de nos élèves des petits « Charlie » . Que tout le monde devienne Charlie pour le bien-être de Mme Vallaud-Belkacem et qu’elle dorme enfin sur ses deux oreilles. Nos jeunes du 93, par la magie de cet enseignement, devront donc être de meilleurs Français, plus assimilables, plus intégrés, moins « résistants » à leur dissolution.Cerise empoisonnée sur le gâteau : l’Éducation nationale a reconduit son partenariat avec la très sioniste LICRA (Ligue contre le Racisme et l’Antisémitisme) qui sera l’un des partenaires et intervenants privilégiés dans le cadre de l’enseignement civique et moral[7]. Au regard du contexte géopolitique mondial, ce partenariat signe une nouvelle fois la ligne de fracture idéologique, raciste et coloniale que représente le sionisme.Quelles valeurs souhaite-t-on véhiculer au juste ? Quel respect peut-on attendre de certains de nos élèves quand les institutions elles-mêmes les en privent ?Pour conclure
    L’État et la ministre de l’Éducation nationale devront s’y faire : ces enfants sont aussi nos enfants, et nous ne sommes pas là pour formater ou zombifier leur sensibilité et leur conscience politique. Qu’ils observent et perçoivent le monde depuis leur situation particulière d’indigènes postcolonisés est un fait qui porte son lot d’incidences, qu’aucun discours mystificateur sur l’égalité ou les valeurs ne peut camoufler. L’émotion n’a aucune place dans l’analyse que nous devons porter sur leur discours. En revanche, ce sont bien leurs émotions à eux – eux qui sont de la race qu’on opprime – que ce pays doit se résoudre à entendre.’
    Mes questions,Cher Descartes, sont les suivantes:Pourquoi au fond de moi,certaines remarques de cet ‘enseignant indigène font elles des ‘échos’ douloureux dans mon âme d’eneignant?
    N’est ce pas une particularité française d’avoir ce genre de débat chez des universitaires post marxistes?

    • Descartes dit :

      @ bovard

      Mon cher Bovard, j’ai hésité à publier cette contribution, étant donnée sa longueur. J’imagine que vous avez copié le texte sur le net, et donner une référence aurait pu suffire. Cependant, vu l’intérêt du texte, je le publie tout de même.

      [Cher Descartes,il est difficile de se sentir solidaire de certains futurs citoyens, quelques élèves de Banlieue, dont je vous présente la prose anti-républicaine, anachronique et irresponsable. C’est un enseignant se présentant,en 2015,en France comme ‘colonisé’ et ‘victime absolue’, militant anti-républicain qui les présente. Il se réclame des militants anticolonialistes des années 50-60, Fanon, Curiel, Martin, Alleg…]

      Si je comprends bien, la prose « anti-républicaine, anachronique et irresponsable » émane non pas des élèves de banlieue, mais d’un enseignant. Qu’il prétende se faire leur interprète ne change rien à l’affaire. Il n’y a pas une grande distance entre l’interprétation et l’invention tout court. Et on connaît très bien la capacité de ces type d’interprète d’entendre chez l’autre l’écho de ses propres pensées. Mais il est quand même intéressant de voir combien le gauchisme conduit les enseignants à scier la branche institutionnelle sur laquelle ils sont assis.

      [« (…) Voici ce que j’ai pu entendre dans mes classes. Même la plus timide de mes élèves s’est exprimée en ces termes, avec une colère que je ne lui avais jamais soupçonnée. Leur regard, empli de rage, était aussi éloquent que leurs discours ; leurs postures, la crispation de leurs traits criant fort. Résistance. J’ai l’impression de me mettre d’emblée hors-la-loi en disant cela. »]

      Ce qui est curieux dans le discours de cet enseignant, c’est qu’il nous raconte ce qu’on dit ses élèves (ou plutôt ce qu’il a cru percevoir chez eux) mais ne nous dit pas ce qu’il leur a lui-même répondu. Qu’est ce qu’il en pense, lui ? Que les journalistes de Charlie Hebdo méritaient la mort ? Qu’ils ne méritaient pas l’hommage qui leur était rendu ? Qu’il faudrait interdire le blasphème ? L’enseignant nous explique toutes les raisons que ses élèves ont d’être en colère. Mais comment l’enseignant se positionne-t-il par rapport à cela ? Cherche-t-il a les convaincre qu’ils ont tort ? Ou partage-t-il au contraire la vision de ses élèves ? Pense-t-il que les Kouachi sont des héros et qu’on aurait du faire une minute de silence pour eux aussi ? Oui ou non ?

      C’est là l’incohérence totale de la position défendue par cet enseignant. On ne peut pas en même temps défendre nos « valeurs occidentales » et leur cracher dessus. On ne peut défendre la liberté d’expression et s’indigner contre le blasphème. On ne peut porter le drapeau de la tolérance et justifier les appels à l’intolérance.

      [Pour beaucoup d’adolescents indigènes et musulmans, pour leurs familles, qui sont rompus aux massacres des leurs perpétrés continuellement au nom des « valeurs occidentales », pour eux qui sont habitués à se sentir marginalisés, discriminés, stigmatisés, rejetés par ce même système et par les pouvoirs publics, être Charlie n’est même pas quelque chose d’envisageable.]

      « Massacre des leurs » ? De quoi on parle ? Les adolescents « indigènes et musulmans » qui vont à l’école en France ne sont ni palestiniens, ni irakiens, ni syriens, ni afghans. C’est quoi « les siens » dans cette vision délirante ? Lorsqu’on massacre les chrétiens en Irak, s’agit-il pour la majorité des français des « nôtres » ?

      [Charlie est celui qui démonte et humilie ce qu’il y a de plus noble, de plus sacré, de plus important et de plus intouchable chez eux, au sein de leur famille, leur communauté, dans leur histoire et leur origine. Lorsqu’ils voient leur Prophète être ainsi ridiculisé, ils ne peuvent pas penser autrement et n’entendent rien à cette notion de « liberté d’expression ».]

      Mais ont-ils raison ? Encore une fois, l’enseignant nous explique les sentiments de ses élèves sans jamais nous dire s’il les partage ou pas. Ce recours est classique : il permet d’exprimer une opinion sans en prendre la responsabilité, sur le mode « moi ce que j’en dit… ». Il semble assez évident que l’enseignant en fait justifie la position de ses élèves, comme le montre la suite. Le problème, c’est qu’il n’y a pas d’alternative concevable, sauf à rétablir le délit de blasphème… a moins qu’il s’agisse de la fameuse « liberté responsable », celle qu’on a mais dont on ne se sert jamais.

      [Charlie est la face de cette France qui les déteste, qui les rabaisse, les dénigre, les nie, qui, de manière décomplexée, frappe joyeusement sur ceux qui sont en bas de l’échelle sociale et économique, en bas de l’échelle du pouvoir aussi bien en France que dans le reste du monde.]

      Le classique discours victimiste… mais admettons un instant que ce soit vrai. La « France de Charlie » est très largement majoritaire. Si elle « les déteste, les rabaisse, les dénigre, les nie », quelle solution peut on concevoir ? Dans cette logique, quel choix auraient les « indigènes » en dehors de rester dans leur condition de victime ? Emigrer dans les pays ou ils peuvent enfin être eux-mêmes, peut-être ? La vision de cet enseignant est en fait totalement fermée. Il n’y a pas de solution.

      [Ils n’ont pas le droit de siffler la Marseillaise dans un stade,]

      Bien sur qu’ils ont le droit ! Qui le leur a contesté ? A ma connaissance, personne n’a été emprisonné pour avoir sifflé la Marseillaise. Mais on ne peut avoir le beurre et l’argent du beurre. Lorsqu’on siffle la Marseillaise, on transmet un message. Et il ne faut pas s’étonner ensuite si ce message est interprété comme un acte de rejet par la majorité de la population. C’est d’ailleurs curieux : l’enseignant juge légitime que ses élèves s’insurgent lorsqu’on caricature le prophète, mais il trouve anormal que les français s’offensent quand on siffle leur hymne national. Peut-être parce qu’il ne conçoit pas qu’on puisse tenir « la Marseillaise » pour sacrée ?

      [« La violence avec laquelle s’est affirmée la suprématie des valeurs blanches, l’agressivité qui a imprégné la confrontation victorieuse de ces valeurs avec les modes de vie ou de pensées des colonisés font que, par un juste retour des choses, le colonisé ricane quand on évoque devant lui ces valeurs. » Frantz Fanon, les Damnés de la Terre. Ce « ricanement » des colonisés dont parle Fanon et qui serait un « juste retour des choses » : était une manière de résister, une manière de refuser, de se méfier.]

      Seulement, depuis Fanon beaucoup d’eau a coulé sous les ponts. Et on a pu remarquer combien ce « refus des valeurs » occidentales s’est finalement révélé un frein de taille au développement des anciens colonisés. Il serait temps de se demander pourquoi ces anciens colonisés, aujourd’hui libres dans leurs pays de revenir aux « modes de vie et de pensée des colonisés » risquent au contraire leur vie pour venir travailler, vivre, et – si l’on croit cet enseignant – être horriblement maltraité chez leurs anciens colonisateurs plutôt que de rester chez eux. On me dira que c’est notre richesse qui les attire. Le problème est que ces valeurs qui font « ricaner le colonisé » sont inséparables de ce qui rend nos société si attractives, nos économies si productives.

      La vision « victimiste » de Fanon a ceci de néfaste qu’elle condamne le colonisé à rester coincé dans l’histoire. Appelé à « résister » aux idées qui permettent le progrès, il ne peut avancer qu’en allant en arrière. On voit d’ailleurs les résultats.

      [ce refus de « la parole des maîtres » est une marque évidente d’insoumission.]

      L’ennui est que la « parole des maîtres » républicains est remplacée par la « parole des maîtres » religieux. Où est « l’insoumission » là dedans ?

      [À une version portée par un appareil idéologique d’État qui les situe une nouvelle fois dans le camp de la barbarie, beaucoup de jeunes accorderont désormais plus de crédit aux versions qui mettent en cause l’État.]

      Rien de nouveau là dedans. La jeunesse a toujours eu une certaine tendance à accorder crédit aux versions qui mettent en cause l’Etat. Remember 68…

      [Le plus inquiétant reste l’Etat, qui pour rester dans son rôle et marquer ostensiblement son positionnement idéologique, vient de mettre en ligne le site http://www.stop-djihadisme.gouv.fr/. dont le contenu est un scandale qui stigmatise plus que jamais les musulmans et fait de chacun d’eux la cible systématique de tous les soupçons et d’une surveillance particulière.]

      Mais… qu’est ce que cela a de « scandaleux » ? L’enseignant qui écrit ses lignes a expliqué qu’il y a une guerre entre les « indigènes » et l’Etat. Comment reprocher à l’Etat d’utiliser tous les moyens pour gagner cette guerre ? On ne peut poser la question du conflit en termes d’une « guerre » et ensuite reprocher qu’on utilise des moyens militaires. C’est peut-être là la plus grande contradiction de ce discours : il dépeint un conflit entre les « indigènes » et la République pour lequel il n’y a pas, il ne peut y avoir de solution. La guerre est donc inévitable, mais en même temps on ira reprocher à la société de se défendre.

      [Mes questions,Cher Descartes, sont les suivantes:Pourquoi au fond de moi,certaines remarques de cet ‘enseignant indigène font elles des ‘échos’ douloureux dans mon âme d’enseignant ? N’est ce pas une particularité française d’avoir ce genre de débat chez des universitaires post marxistes?]

      Ce n’est nullement une « particularité française ». En fait, le gauchisme est à peu près le même dans tous les pays. En fait, la haine des institutions – l’Etat, la Republique – conduit rapidement les gauchistes à regarder avec les yeux de Chimène tous ceux qui s’opposent aux institutions. L’auteur de l’article que vous citez le dit bien, lorsqu’il voit dans le « refus du discours du maître » une preuve d’insoumission. Le problème, c’est que ce genre de comportement fait d’étranges compagnons de lit.Souvenez-vous de Foucault chantant les louanges de Khomeiny et de son régime.

      Au risque de me répéter, l’affaire « Charlie » n’arrête pas de produire des paradoxes. Chez les indigènes, ce journal qui a passé des décennies a cracher sur les militaires, les juges, la police, les « beaufs », le colonialisme, Le Pen et tutti quanti devient tout à coup pour les « colonisés » le visage hideux du « colonisateur ». Les militaires, les juges, la police, les beaufs font sa se faire prier une minute de silence pour l’équipe « Charlie », pas les jeunes anticolonialistes. C’est ce paradoxe qui reste pour moi l’élément le plus passionnant dans toute cette affaire…

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