Quand François Hollande nous parle des années 1970

Merci monsieur le président !

Cette ouverture pourra surprendre ceux de mes lecteurs qui connaissent mon opinion sur François Hollande. Il n’empêche que, dans un éclair de franchise, notre président de la République a par inadvertance ouvert une porte sur l’histoire politique récente qui reste d’habitude, et pour des raisons qui apparaîtront évidentes dans ce qui suit, soigneusement fermée.

Qu’a fait donc notre président ? Participant à une émission d’info-divertissement (1) il s’est permis, en réponse à une question, le commentaire suivant :

«Mme Le Pen parle comme un tract du Parti communiste des années 70, parce que c’est ça en réalité, en pensant qu’on peut fermer les frontières, qu’on peut nationaliser les industries, qu’on peut sortir un certain nombre de capitaux de notre pays sans qu’il y ait de risque (…). Sauf que le Parti communiste, il ne demandait pas qu’on chasse les étrangers, qu’on fasse la chasse aux pauvres, parce que même les pauvres finissent par penser qu’il y a plus pauvre qu’eux qui leur prennent le peu qu’ils ont.»

La lecture de ce paragraphe est nécessaire. Elle devrait être rendue obligatoire. Elle montre combien la gauche a changé en quarante ans, et combien sa mémoire sur sa propre histoire est fragmentaire. Hollande a tout simplement oublié que dans les années 1970 le PCF n’était pas seul à croire qu’on pouvait « fermer les frontières », « nationaliser les industries », « sortir des capitaux sans qu’il y ait de risques ». Tout ce qu’il est convenu d’appeler « la gauche » y croyait à l’époque. Y compris le Parti Socialiste. Toutes ces mesures figuraient dans le Programme Commun que socialistes, communistes et radicaux de gauche ont ratifié en 1972 et défendu devant les électeurs jusqu’en 1977. C’est bien Mitterrand qui proclame au congrès d’Epinay, en juin 1971, « Celui qui n’accepte pas la rupture – la méthode, ça passe ensuite -celui qui ne consent pas à la rupture avec l’ordre établi – politique, ça va de soi, c’est secondaire- avec la société capitaliste, celui-là, je le dis, il ne peut pas être adhérent du Parti socialiste ». En 1981 encore le PS y croyait suffisamment pour chercher à mettre en œuvre « la fermeture des frontières » et « les nationalisations ». C’est bien le Parti socialiste au pouvoir qui a instauré en 1981 le contrôle des changes, qui instaure des barrières à l’importation (souvenez-vous du dédouanement des magnétoscopes à Poitiers…) et qui nationalise par la loi du 13 février 1982 l’ensemble du secteur bancaire non encore nationalisé ainsi que les plus importantes compagnies industrielles.

Ce qui fait froid dans le dos dans le discours de Hollande, c’est de constater à quel point la gauche a changé en quarante ans. Combien elle stigmatise avec dégout et horreur les idées qu’elle considérait comme allant de soi il y a seulement quarante ans. Et je dis bien « la gauche » et non pas le PS, car cette attitude est également partagé par la « gauche radicale ». Trouverait-on beaucoup de gens à gauche pour soutenir aujourd’hui les idées-force du programme commun – idées qui, rappelons-le, ont attiré en son temps la moitié du corps électoral ? Qui trouverait-on aujourd’hui pour s’opposer à l’Europe maastrichienne ?

Vous me direz que changement ne veut pas dire dégradation. Qu’il est tout à fait normal que le temps fasse son œuvre. Admettons. Mais alors venons-en à la première partie de la phrase présidentielle. Pourquoi tous ces cris d’orfraie devant la comparaison du discours de Mme Le Pen en 2015 avec celui du PCF des années 1970 ? Si la gauche d’aujourd’hui n’a plus rien à voir avec celle de l’époque, pourquoi s’en formaliser ? Pourquoi en faire tout un fromage ? En quoi le « nouveau PCF » peut-il se sentir concerné par les attaques contre « l’ancien PCF » ?

Parce que la mémoire de la gauche en général et celle du PCF en particulier n’est pas tant mauvaise que sélective. Le « nouveau PCF » est très soucieux de toucher le capital politique de son ancêtre, et cela suppose de réaffirmer à chaque instant sa filiation. Mais dans les faits, le « nouveau PCF » a trahi la filiation dont il se réclame : pour le dire vite, le PCF tel qu’il est aujourd’hui n’a rien à voir avec celui de 1940-1990. De ce PCF « ancien », il a tout renié : l’organisation, le marxisme, l’attachement à la nation, au progrès, à la vision humaniste des lumières, à la logique jacobine de la Révolution, à la subordination du syndical au politique et aussi, à une vision bienveillante des expériences socialistes et, last but not least, à son rôle de représentation des couches populaires. Il est aujourd’hui comme ces magasins du Marais qui ont conservé le décor et l’enseigne d’une ancienne boucherie, pour vendre des téléphones portables. Or, la mémoire a cela de terrible qu’elle met les choses en perspective. Rappeler ce que fut « l’ancien PCF », c’est mettre en évidence combien le « nouveau PCF » en a tourné le dos non seulement les principes, mais aussi ses électeurs. Et ce n’est guère mieux au PS, ou l’on se revendique en permanence de l’héritage d’Epinay alors qu’on piétine quotidiennement les principes qui y ont été proclamés. La « trahison » des principes socialistes en 1983 était réelle, et pour beaucoup de dirigeants socialistes de l’époque ce fut une tragédie personnelle avant de devenir une question politique. Aujourd’hui, les dirigeants socialistes font des choses infiniment plus éloignées de l’héritage qu’ils revendiquent, et tout cela sans le moindre état d’âme.

C’est pour toutes ces raisons que les cris d’orfraie de la « gauche radicale » sur cette affaire me laissent perplexe. Voire Clementine Autain sur une demie-page du « Monde » (2) prendre sa lance pour défendre le PCF, non pas celui d’aujourd’hui mais celui de toujours, a quelque chose de surréaliste. Mais l’article en question vend assez vite la mèche. Il ne s’agit pas de l’honneur perdu du PCF. Ce qui intéresse Clémentine, c’est de se placer du côté des victimes, elle qui « n’a jamais été membre du PCF », en faisant du commentaire présidentiel une attaque « qui vise tous les tenants d’une gauche de transformation sociale ». Comme si la « transformation sociale » telle que la conçoivent Clémentine Autain et consorts avait le moindre rapport avec ce qu’était vraiment le PCF des années 1970.

Quant à Pierre Laurent, il s’est fendu d’une déclaration pour demander à François Hollande des « excuses publiques ». Mais s’excuser de quoi, exactement ? D’avoir dit la vérité ? Parce que cela plaise ou non à Pierre Laurent, le FN a effectivement repris le discours économique qui était celui du PCF dans les années 1970. Et si l’on regarde bien, cette reprise est un hommage du vice à la vertu. Pensez donc : dans les années 1970 le PCF avait si bien analysé les besoins et les intérêts de l’électorat populaire pour construire son discours, que lorsqu’un autre parti, un parti dont que tout oppose au PCF, souhaite s’adresser à ce même électorat il n’a de meilleur choix que de reprendre ce discours. N’est là un hommage rendu à la qualité de la réflexion du PCF, surtout si l’on tient compte du fait que ce discours tient encore la route plus de quarante ans après avoir été inventé ?

Mais pour prolonger la réflexion, il faut se poser une question bien plus intéressante : quelle serait la réaction de Pierre Laurent, de Jean-Luc Mélenchon, de Clémentine Autain si une organisation politique « de gauche » venait à reprendre les positions qui étaient celles du PCF dans les années 1970 ? Et bien, je pense qu’ils seraient les premiers à dénoncer là des positions « racistes », « nationalistes », « xénophobes » et autres termes du même acabit. Prenons par exemple la politique migratoire. Dans les années 1970, le PCF était bien loin de la vision irénique qui est la sienne aujourd’hui. Oui, le PCF a défendu une politique de contrôle strict de l’immigration, de fermeture de l’immigration légale et de répression de l’immigration clandestine. Pas parce que le PCF fut « raciste » ou « xénophobe », mais parce qu’il avait correctement analysé le fait que les flux migratoires permettaient de pousser les salaires et les avantages sociaux dont bénéficient les couches populaires à la baisse, en changeant le rapport de force à l’avantage du patronat, et que le sort des couches populaires était pour lui prioritaire par rapport aux bonnes consciences des « classes moyennes ». Le patronat avait d’ailleurs fait la même analyse, et c’est pourquoi il était, lui, unanime pour réclamer au contraire des politiques d’ouverture des frontières à l’immigration légale et une moindre répression du travail clandestin. En d’autres termes, la position de la « gauche de la gauche » en 2015 est proche de celle du CNPF des années 1970 (remarquez, c’est la même que celle du MEDEF aujourd’hui). Quel dommage que notre président de la République ait omis de le rappeler…

Oui, le PCF pouvait en 1970 imprimer des affiches dont la formule serait impensable aujourd’hui : « soutenez le Parti communiste français, parti de la classe ouvrière, du peuple, de la nation ». Comment les Laurent, Mélenchon, Autain et consorts réagiraient-ils devant une telle affiche ? Certainement en critiquant son « nationalisme ». Quelle serait leur réponse à un maire qui agirait comme le fit Paul Mercieca le fit a Vitry-sur-Seine le 24 décembre 1980 avec le plein appui de son Parti ? Il serait certainement taxé de « racisme et xénophobie ». Quelle est leur réponse à ceux qui proposent une sortie de l’Euro ? C’est une position « maréchaliste ». En d’autres termes, s’il avaient à juger « à l’aveugle » les positions du PCF de l’époque, ils le jugeraient certainement un parti « nationaliste », « raciste » et « maréchaliste »… ca ne vous rappelle pas quelque chose ?

De cette époque, on ne voit que les documentaires-fleuves de Moati sur la gauche au pouvoir, visite du Panthéon rose en main à l’appui. On oublie une face beaucoup plus sombre, celle du « deuxième McCarthysme français », qui commence avec la rupture du programme commun en 1977 et connaît son apogée dans la période 1981-86. Période au cours de laquelle rien n’a été épargné pour dépeindre le PCF sous les traits d’un parti stalinien, dictatorial, populiste. Rien n’aura été alors épargné à la direction de l’époque, ni par les socialistes – y compris les gauchistes nouvellement ralliés, comme Mélenchon – ni par les « ennemis de l’intérieur », « juquinistes », « rénovateurs » et autres « refondateurs » dont Ensemble est le lointain héritier. Entendre ces gens-là – n’est ce pas, n’est ce pas Jean-Luc Mélenchon, n’est ce pas Roger Martelli ? – défendre l’honneur perdu du PCF « Marchaisien » des années 1970 tout en se scandalisant que le FN lui ait « volé » son discours… franchement, mieux vaut être sourd.

Que cela vous plaise ou pas, camarades, le FN a repris le discours du PCF des années 1970, ce même discours qui matérialisait politiquement la défense des intérêts des couches populaires. Et si le FN a pu le faire, c’est parce que vous l’avez laissé tomber, fascinés que vous étiez par le discours « sociétal ». Il est temps d’assumer.

Descartes

(1) « Supplement » sur Canal+, le dimanche 19 avril 2015.

(2) « Le Monde » daté du jeudi 23 avril 2015

Ce contenu a été publié dans Uncategorized. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.

204 réponses à Quand François Hollande nous parle des années 1970

  1. Georges Dubuis dit :

    Très bien.
    Voici ce qui arrive à ceux qui parlent de lutte des classes alors qu’ils organisent la lutte des places, qui elle, fait fureur. Le PS est le stade sénile du communisme, le parti sociétal…..parti dans le décor du communautarisme à tout va.

    • Descartes dit :

      @ Georges Dubuis

      [Voici ce qui arrive à ceux qui parlent de lutte des classes alors qu’ils organisent la lutte des places, qui elle, fait fureur. Le PS est le stade sénile du communisme, le parti sociétal…..parti dans le décor du communautarisme à tout va.]

      Le PS ne me préoccupe guère. La SFIO était déjà devenue une sorte de confédération d’élus incapable de la moindre créativité politique, et le cycle initié à Epinay en 1971 n’a duré finalement qu’une décennie et demie, pour s’épuiser rapidement à l’épreuve du pouvoir. Aujourd’hui, le PS est incapable de la moindre créativité politique. Il ne sert plus que comme machine de conquête du pouvoir au bénéfice de ses élus et de ses « notables » – et du petit personnel qui les assiste.

      Ce qui me préoccupe plus, c’est que le PCF soit lui aussi au « stade sénile du communisme ». Parce que je ne vois pas de ce côté-là pointer grande chose de nouveau…

      PS : Je profite de cette réponse pour m’excuser auprès du commentateur qui signe Cyril. Son commentaire a disparu suite à une fausse manip, et j’ai pas réussi à le récupérer… alors s’il pouvait le reposter, il sera traité avec la plus grande célérité !

    • rodolphe dit :

      Bon rappel des choses. Il y a quelque chose de perverti au royaume de France. Petite anecdote si vous le permettez mais je sais pas si cela sera utile au débat. J’ai pas mal d’ami(e)s assistances sociales et un soir on faisait un dîner. L’une d’elle travaille pour une association sur rennes pour s’occuper d’afghans en demande d’asiles. Soit. Mais un moment donné je lui ai dit mais en France, il y a pas mal de monde aussi en difficultés qui aimeraient avoir autant de gens qui les aide avec autant d’énergie et de foi dans leur travaille. Elle me répondit qu’elle n’avait pas le droit de s’en occuper Ha si ! se reprit-elle un sourire en coin, une fois c’est arrivé. Gros malaise autour de la table à l’impression que de parler des français était devenus une tare, un problème. A la fin, on m’a presque traité de fn alors que je le suis pas du tout et même plutôt de gauche et j’ai fini par faire diversion sinon on allait au clash. Et j’étais le seul à défendre cette idée d’une régulation. Alors bien sûr ils étaient tous pour l’euro, le sans frontières etc… J’ai aussi vécu 10 ans dans le 93 et ce que j’ai vu n’est vraiment pas beau à voir. Tout ça pour dire, qu’une certaine élite qui vit bien, a complètement lâché une grosse partie de la France dont je suis. Pour eux, elle n’existe pas et n’a pas son mot à dire. Mais à mon avis, le réveille va âtre terrible. Car il est pas normal de se faire traiter de tous les noms, dès qu’on veux défendre son pays et ses habitants, au moins qu’il y ai un débat. En tout cas ce soir là c’était gauche contre gauche. Mais je comprend toujours pas la haine que j’ai suscité en parlant des Français. Il y a quelque chose dans l’éducation de ces bac plus 5 qui va vraiment pas. Le problème est mental, et à mon avis ça sera très difficile de réorienter les enjeux, de les ramener à la raison, car ce que j’ai vu c’est de la haine, quelque chose d’une idéologie qui relève de la religion. Ses gens n’aiment pas ce pays dans ce qu’il est mais pour ce qu’il peux devenir selon leurs pensées universalistes, sorte de bricolage pour les nuls en mal d’exotisme et de défis en tous genres. J’irais même plus loin, après plusieurs soirées de batailles verbales, je crois que les Français dont vous parlez, ne sont pas encore assez pauvres, oubliés, perdus, sans travaille, au même niveau que ces damnés de la terre venus d’ailleurs que je rejette pas du tout, pour avoir un témoignage de sympathie pour leur condition actuelle et à qui on demande de dire merci.

    • Georges Dubuis dit :

      Descartes, il me semble que les propriétaires du concept de prolétariat qui ont voulu en faire une communauté se sont trompés dés le départ, le cadre c’est la nation, le reste s’est éparpillé dans des revendications parcellaires, tout le décor .
      Cette société réellement anonyme est enfin arrivé au stade d’ IKEA où tout le monde se sous traite. Il n’y a qu’une seule classe qui lutte et elle a un point d’appui pour soulever le monde: la finance, un vrai conte de faits. Les cocus du marxisme où de l’anarchisme sont très rageurs, je les comprends, de profundis.
      Tout est là, dans le modeste livre de JPVoyer, le seul critique conséquent de Marx, 1976, qui aurait pu être sous titré “le spectacle de la société” pour inverser la dernière fumisterie debordienne gauchiste uber alles, du vraisemblabla.
      http://leuven.pagesperso-orange.fr/enquete.htm

    • Descartes dit :

      @ rodolphe

      [Tout ça pour dire, qu’une certaine élite qui vit bien, a complètement lâché une grosse partie de la France dont je suis. Pour eux, elle n’existe pas et n’a pas son mot à dire.]

      C’est bien là le problème… Nous nous sommes habitués pendant quarante ans à un contexte où les classes dominantes avaient besoin d’un consensus social au niveau national. Pour cela, elles étaient prêtes à écouter des revendications à accepter un haut niveau de redistribution de la richesse. La « révolution libérale » des années 1980 a marqué la fin de cette époque. Aujourd’hui, les classes dominantes ne voient aucun intérêt à chercher le compromis.

      [Mais à mon avis, le réveille va âtre terrible.]

      J’avoue que je ne vois pas le réveil venir… les rapports de force étant ce qu’ils sont, le retour des couches populaires dans le jeu politique ne semble pas être pour demain.

      [Car il n’est pas normal de se faire traiter de tous les noms, dès qu’on veut défendre son pays et ses habitants, au moins qu’il y ait un débat. En tout cas ce soir-là c’était gauche contre gauche. Mais je ne comprends toujours pas la haine que j’ai suscitée en parlant des Français. Il y a quelque chose dans l’éducation de ces bac plus 5 qui va vraiment pas.]

      Rassurez-vous, le jour où les immigrés afghans commenceront à prendre les emplois d’assistante sociale, le discours changera et vos interlocuteurs – tout « de gauche » qu’ils sont – commenceront à vous expliquer combien il faut se consacrer aux « français d’abord »… vous n’imaginez pas combien de fois j’ai entendu des gens qui naguère m’expliquaient qu’il ne fallait pas avoir peur de la « diversité » m’expliquer qu’ils avaient mis leurs enfants dans le lycée privé parce que « vous comprenez, il y a trop d’enfants d’immigrés dans le lycée public, et le niveau s’en ressent ».

      C’est le problème aujourd’hui : nos élites, nos « classes moyennes » sont convaincues qu’elles n’ont besoin de personne. C’est pourquoi elles se retirent du « pacte national » qui avait permis de donner des institutions qui assuraient une solidarité entre les différentes couches sociales. Et ce retrait se traduit par ce langage, cette posture « anti-française » qui vous a choqué, et qui me choque aussi. Cette « haine de soi » qui nous appelle à aimer tous les hommes, sauf nous-mêmes.

    • Descartes dit :

      @ Georges Dubuis

      [Descartes, il me semble que les propriétaires du concept de prolétariat qui ont voulu en faire une communauté se sont trompés dés le départ, le cadre c’est la nation, le reste s’est éparpillé dans des revendications parcellaires, tout le décor.]

      Je ne sais pas à qui vous faites référence avec la formule « les propriétaires du concept de prolétariat ». Personne n’est « propriétaire » d’un concept. Mais j’imagine que vous faites référence aux penseurs de la lignée marxienne. Il est vrai que Marx a peu travaillé la problématique de l’Etat-nation. Cela tient en grande partie aux spécificités de l’époque ou cette pensée est née. L’Etat n’était pas encore l’Etat-providence construit au XXème siècle, mais l’Etat-gendarme, dont la fonction essentielle était de protéger le droit de propriété. Quant à la Nation, elle se posait essentiellement comme la structure permettant d’abriter les intérêts coloniaux de la bourgeoisie. Pas étonnant dans ces conditions que Nation et Etat fussent regardés avec méfiance. Elles étaient vues par les penseurs du mouvement ouvrier – et pas seulement par Marx – comme des instruments au service de la bourgeoisie, et comme des facteurs de division de la classe ouvrière.

      Les choses changent progressivement au début du XXème siècle. En 1914, les prolétaires allemands, français, russes et britanniques – et les partis politiques censés les représenter – loin de s’unir contre la bourgeoisie contribuent au contraire sans états d’âme avec l’effort de guerre. Une réaction aussi massive oblige les penseurs marxistes à réviser certaines certitudes. La « question nationale » devient importante, et des révolutionnaires éminents comme Lénine ou Staline écrivent sur la question. C’est chez Staline que l’analyse est la plus moderne, et d’ailleurs si Staline l’emporte politiquement contre Trotsky, c’est en grande partie parce qu’il définit une conception « nationale » du socialisme qui était bien plus conforme à la réalité que la vision « internationaliste » de Trotsky, beaucoup plus proche du marxisme classique. En France, le PCF lui aussi prend progressivement conscience de l’importance du fait national, et lorsque Thorez prononce son célèbre discours sur le mariage « du drapeau rouge et du drapeau tricolore » en 1937 il marque la fin d’un processus.

      Mais sans mépriser la question nationale, il reste que le prisme de lecture et d’analyse que Marx propose à travers des classes sociales reste totalement pertinent. La classe ouvrière n’est pas seulement une « communauté » : elle est une classe, capable d’agir en fonction d’un intérêt de classe qui ne se réduit pas à l’addition des intérêts de ses membres.

      [Cette société réellement anonyme est enfin arrivé au stade d’ IKEA où tout le monde se sous traite. Il n’y a qu’une seule classe qui lutte et elle a un point d’appui pour soulever le monde: la finance, un vrai conte de faits. Les cocus du marxisme où de l’anarchisme sont très rageurs, je les comprends, de profundis.]

      Votre discours est moins une démonstration qu’une incantation. D’abord, c’est quoi « la finance » ? Je connais des financiers, mais je ne connais pas « la finance ». Ces financiers sont, en fait, des capitalistes. Mais si vous admettez qu’ils « luttent », contre quoi luttent-ils ? Pour qu’il y ait « lutte », il faut bien être au moins deux, non ? L’idée qu’il y aurait « une seule classe qui lutte » est donc auto-contradictoire. Admettre qu’il existe une classe qui lutte implique admettre qu’il existe une deuxième classe qui, elle aussi, lutte contre la première.

      [Tout est là, dans le modeste livre de JPVoyer, le seul critique conséquent de Marx, 1976, qui aurait pu être sous titré “le spectacle de la société” pour inverser la dernière fumisterie debordienne gauchiste uber alles, du vraisemblabla.]

      Bof… les jeux intellectuels de Voyer étaient amusants après 1968, mais bon, quarante ans plus tard c’est un peu passé de mode.

  2. bernard dit :

    bonsoir , en abordant ce sujet la avec des (camarades) je me suis fait traité de lepéniste , des mots comme souveraineté , monnaie , traités européens sont des mots interdits y compris dans le monde syndical , il y a du boulot !

    • Descartes dit :

      @ bernard

      [bonsoir , en abordant ce sujet la avec des (camarades) je me suis fait traité de lepéniste , des mots comme souveraineté , monnaie , traités européens sont des mots interdits y compris dans le monde syndical , il y a du boulot !]

      Oui, beaucoup de boulot. En relisant des vieux tracts et affiches – j’ai la chance d’avoir gardé un bel archive – je me suis rendu compte à quel point un vocabulaire qui était le notre, celui du « peuple », de « l’Etat », de la « nation », de la « souveraineté » et de ses attributs, mais aussi « l’immigration » est ses problèmes a été progressivement abandonné au point que lorsqu’on le reprend aujourd’hui dans une réunion du PCF, il sonne étranger. Et maintenant que ce même vocabulaire a été repris par le Front National, le simple fait de prononcer ces mots vous rend suspect, tant le tropisme à se définir par opposition au FN est fort.

      Et s’il ne s’agissait que des mots… mais derrière l’abandon des mots, il y a l’abandon des concepts. Or, sans ces concepts il est difficile de penser une politique en général, et une politique progressiste en particulier. Le véritable combat progressiste aujourd’hui est de faire tomber les anathèmes. On critique le PCF « marchaisien », mais le débat était infiniment plus libre dans ce PCF-là que dans celui d’aujourd’hui, ou l’on a bien entendu la liberté de tout dire… à condition de ne pas toucher les sujets qui fâchent ou de prononcer les mots-tabous. Et cela est vrai dans la plupart des organisations politiques « de gauche ». Le combat progressiste aujourd’hui, c’est de restaurer la possibilité d’un débat serein et respectueux entre des camarades qui ne sont pas d’accord, et sur tous les sujets même les plus difficiles. Si on y arrivait, on aurait déjà gagné quelque chose.

  3. bovard dit :

    Qui aime bien,châtie bien !
    Pourtant les critiques rudes formulées ici,par Descartes ,ne manifeste aucun philopcfisme actuel.
    Avant tout cher Descartes,n’oublions pas que Hollande a intérêt à avoir Du fait des échecs de la politique gouvernementale, de la faiblesse du PS et des mauvais chiffres des sondages, Hollande pourrait avoir la tentation de gouverner avec le centre lors d’un deuxième mandat, voire de séduire une partie de la droite qui serait mécontente de revoir Sarkozy à l’Elysée (mauvais cheval) et qui, fine analyste (notre droite n’est pas toujours “la plus bête du monde”), ne voit pas grande différence entre les politiques “de droite “et “de gauche”.Bref,François Hollande prépare un retournement d’alliances vers le centre droit d’où son oubli du ‘programme commun’.
    Quant à Autain,elle fait comme elle peut sa rééducation politiqueElle a en effet du travail…Je lui ai déjà conseillé de lire ce cher Descartes.Cela portera t il ces fruits?
    Quant à Pierre Laurent,il aurait certainement préféré vivre dans les années 70..C’est déjà mission-impossible d’être au pcf alors en être son SG?
    Pour équilibrer par rapport au texte de Descartes,je vais être élogieux du PCF,futur et idéal que je conçois.
    Par esprit de contradiction,maintenant,je ferai donc l’éloge du PCF:ça équilibrera …
    En effet ,je crois qu’il est temps de passer à l’aprés-mutation.
    Voici une critique d’un membre comme moi, d’une organisation le PCF,composée d’individus libres et exigeants.
    Depuis,’le mouvementisme,’ ,Regards,’les gens’,la mutation,et ‘la chose ‘ qu’elle engendra,les comités antilibéraux,le pge,le fdg,le M6r,’allumer les étoiles’,’les chantiers de l’espoir’ ,’AAA’,et autres gadgets,seule survit,se développe et m’intéresse,comme pour les millions de gens de France, le PCF.
    Faisons les comptes sur l’évolution de mon organisation,le PCF.
    Force est de constater que son potentiel d’élus et organisationnels a considérablement diminué depuis 2013.
    En plus, beaucoup de communistes ont quitté sans rejoindre d’autres(improbables) organisations ou sont allés à InitiativeCommuniste,Vive le pcf,ou réveil communiste.
    En 2015,il faut arrêter de se disperser et revenir à l’essentiel:l’union,dans des blogs certes mais aussi dans le pc,?ne le croyez vous pas?
    Il est temps d’arrêter de dénigrer le PCF,temps de promouvoir le PCF,de faire voter PCF,avoir des élus PCF,de se rassembler autour du PCF,de pousser ensemble pour le PCF!
    Vieux,jeunes,sans idées clivantes(frontdegauchistes,trotskystes ou bolchéviks),nous sommes très nombreux,à vouloir que le PCF ressurgisse comme force politique sur la scène nationale.
    Car le bilan du PCF est extraordinaire depuis 1947 et nous nous cachons!!!!!!!!!!!!
    Aucun parti en France n’a un tel bilan de progrès social.
    Seul l’aspect bureaucratique,limité,somme toute chronique et désagréable mais sans drames,est à déplorer.
    Le pcf a effectué son auto-critique sur cette question,y compris du temps de l’URSS avec l’eurocommunisme de Marchais.
    Pour le reste,en peu de mots ..et j’en oublie:Internationalisme,décolonisation,résistances,antiracismes,pacifisme,état providence,animations locales,cuilture,sciences,santé,aides sociales,moeurs,éducation,avancéessyndicales, démocratiques et développements… bravo le PCF!
    Il faut le dire,avancer notre sigle,PCF,et arrêter de travailler pour d’autres orgas… F.Hollande,les comités anti-libéraux et les blogs mélenchonistes ,nous démontre qu’aucune ‘reconnaissance’ ne compensera l’effacement du pcf au profit d’autres,anti-pcf de toutes façons.

    • Descartes dit :

      @ bovard

      [(…) Hollande pourrait avoir la tentation de gouverner avec le centre lors d’un deuxième mandat, voire de séduire une partie de la droite qui serait mécontente de revoir Sarkozy à l’Elysée (mauvais cheval) et qui, fine analyste (notre droite n’est pas toujours “la plus bête du monde”), ne voit pas grande différence entre les politiques “de droite “et “de gauche”.Bref,François Hollande prépare un retournement d’alliances vers le centre droit d’où son oubli du ‘programme commun’.]

      Encore une fois, je ne le crois pas. Hollande est avant tout un tacticien sans idées. Il cherchera donc à élargir son électorat dans toutes les directions. Il cherchera à l’élargir à la « gauche de la gauche » en agitant l’épouvantail d’un deuxième « 21 avril ». Et la « gauche de la gauche », qui doit le fait de ne pas être la plus bête du monde à l’importance de la concurrence, tombera dans le panneau, comme vous le verrez bientôt. Il cherchera aussi à élargir son électorat vers la droite, certainement, aidé par les discours du couple Valls-Macron. Et il pourra expliquer que, vu du point de vue du CAC40, les gouvernements socialistes ont toujours fait mieux que la « droite dure » façon Sarkozy.

      Mais l’électorat est une chose, et les partis politiques en sont une autre. Je ne pense pas que les politiciens centristes aient intérêt à parier sur Hollande plutôt que sur Sarkozy ou Juppé. Il n’y aura donc pas d’alliance au centre.

      [En effet ,je crois qu’il est temps de passer à l’aprés-mutation. Voici une critique d’un membre comme moi, d’une organisation le PCF, composée d’individus libres et exigeants.]

      Les militants du PCF ont beaucoup de qualités. Mais « l’exigence » n’en est certainement pas de leur nombre. Difficile d’imaginer moins « exigeant » que le militant PCF, qui pousse la loyauté jusqu’à accepter n’importe quoi. Cela me rappelle une vieille plaisanterie : « combien de communistes faut-il pour changer une ampoule ? Un seul, mais il lui faut trente ans pour s’apercevoir qu’elle est grillée ».

      [Depuis, ‘le mouvementisme’, Regards, ‘les gens’, la mutation, et ‘la chose ‘ qu’elle engendra, les comités antilibéraux, le pge, le fdg, le M6r, ‘allumer les étoiles’, ‘les chantiers de l’espoir’, ‘AAA’, et autres gadgets, seule survit, se développe et m’intéresse, comme pour les millions de gens de France, le PCF.]

      « Se développe » ? Allons, soyons sérieux…

      [Faisons les comptes sur l’évolution de mon organisation,le PCF. Force est de constater que son potentiel d’élus et organisationnels a considérablement diminué depuis 2013.]

      Et depuis 2012, et depuis 2010, et depuis 2000 et depuis… en fait, depuis la proclamation du « nouveau parti communiste » à Martigues par le père UbHue, le potentiel en élus et en militants actifs est grosso modo divisé par deux à chaque élection. Mais plus grave encore, le PCF a perdu sa capacité à fabriquer des idées et à constituer un pôle de débat dans la société. Il fut un temps ou les gens se demandaient « que vont penser les communistes » de telle ou telle question. Plus maintenant. On peut prévoir ce qu’ils vont dire sans même prendre la peine de les interroger.

      [En plus, beaucoup de communistes ont quitté sans rejoindre d’autres(improbables) organisations ou sont allés à InitiativeCommuniste, Vive le pcf, ou réveil communiste. En 2015, il faut arrêter de se disperser et revenir à l’essentiel: l’union, dans des blogs certes mais aussi dans le pc, ne le croyez vous pas?]

      « L’union » autour de quoi, exactement ? Autour de la ligne eurolâtre du PGE ? Autour d’une stratégie illisible dont le seul point cardinal est la préservation des situations des « notables » ? Autour d’un projet incohérent construit par addition de revendication – souvent contradictoires – et dont le but est de faire plaisir aux différents groupuscules internes et externes ? Non : « l’union » ne sert que si elle se fait sur des bases claires. « L’unité », cela a été toujours l’argument de la direction du PCF pour faire taire toute opposition. Attention, je ne dis pas qu’elle ait eu tort : l’argument était recevable du temps ou la direction du PCF écoutait en permanence la base, parce que cette écoute justifiait qu’on limite des « oppositions » qui souvent étaient des luttes de pouvoir. Mais depuis que la direction du PCF est devenue autiste, l’argument ne tient plus. Il se traduit par un chèque en blanc donné aux directions, c’est-à-dire, aux « notables » et aux apparatchiks enkystés. J’ai voté en toute conscience beaucoup de conneries en mon temps parce que je savais qu’à l’heure de la mise en œuvre mon opposition serait prise en compte. Aujourd’hui, c’est fini.

      [Il est temps d’arrêter de dénigrer le PCF, temps de promouvoir le PCF, de faire voter PCF, avoir des élus PCF, de se rassembler autour du PCF, de pousser ensemble pour le PCF!]

      C’est « dénigrer le PCF » que de dire la vérité ? Si c’est le cas, on est mal partis.
      Je ne vois aucune raison de « promouvoir » ou de « faire voter » pour une organisation qui ne défend rien de ce qui m’est cher, et qui au contraire promeut des idées qui me sont répugnantes. Et pourquoi le ferais-je ? Parce qu’il y a quarante ans j’étais d’accord avec lui ?

      Vous parlez comme si le PCF était une « essence ». Et que cette « essence » méritait d’être défendue et protégée quelque soient le fonctionnement de ses instances et les positions politiques prises. Mais cette « essence » n’existe pas. Le PCF d’aujourd’hui a le même nom et le même siège que celui d’hier, mais il n’a rien à voir avec lui. Et votre proposition, si elle était couronnée de succès, n’aurait qu’un effet : confirmer le PCF dans sa ligne actuelle. Pourquoi changerait-il, puisqu’elle lui apporte soutien et élus ?

      [Vieux, jeunes, sans idées clivantes (frontdegauchistes, trotskystes ou bolchéviks), nous sommes très nombreux, à vouloir que le PCF ressurgisse comme force politique sur la scène nationale.]

      Le genre de PCF que « frontdegauchistes, trotskystes ou bolchéviks » veulent voire ressurgir ne m’intéresse vraiment pas. Je doute qu’une telle organisation puisse porter vraiment mes espoirs…

      [Car le bilan du PCF est extraordinaire depuis 1947 et nous nous cachons!!!!!!!!!!!!]

      Non. Le bilan du PCF de la période 1947-1983 est extraordinaire. Mais depuis 1984, le « bilan » est plutôt maigre. Et depuis 1994, il est inexistant. Alors arrêtez de faire comme si le PCF de 1970 et celui d’aujourd’hui étaient la même chose. Le PCF a rompu en 1995 avec son passé stalinien. Il ne peut donc pas se prévaloir du « bilan » de ce passé à son avantage. Faut savoir ce qu’on veut.

  4. yann dit :

    C’est un petit rappel salutaire à ceux qui ont la mémoire courte et qui veulent réduire la politique au temps présent. Cependant jouer avec les faits historiques n’est pas une spécialité de la gauche malheureusement, c’est une pratique courante des dominants. Il suffit de voir les discours économiques aux USA par exemple. Combien d’Américains sont ils ainsi persuadés que leur nation a construit sa prospérité sur le libre-échange ? Probablement une large majorité parce que c’est ce qui est répété depuis quarante ans par les médias et les hommes politiques locaux. Pourtant les faits historiques disent le contraire Paul Bairoch ayant bien décrit dans ses œuvres le caractère hautement protectionniste de l’Oncle Sam entre la fin de la guerre de Sécession et l’après-guerre. C’était un pays qui a pratiqué en moyenne 50 % de droit de douane pendant une période de plus d’un siècle. Et ce fut la période la plus prospère de leur histoire. Et pourtant cela n’empêche pas les politiciens locaux de travestir l’histoire pour favoriser les multinationales et le libre-échange. Ils ont oublié Alexander Hamilton et son traité sur les manufactures. On peut donc affirmer ici que l’histoire officielle n’est bien souvent qu’un outil de propagande. Il en va de même pour les discours du parti socialiste actuel, ou du parti communiste qui rejette leur passé protectionniste et patriotique. Même chose avec les pseudo-gaulliste de droite qui ne comprennent d’ailleurs pas grand chose à la question de la souveraineté axe fondamental de la pensée gaullienne.

    • Descartes dit :

      @ yann

      [Cependant jouer avec les faits historiques n’est pas une spécialité de la gauche malheureusement, c’est une pratique courante des dominants. Il suffit de voir les discours économiques aux USA par exemple. Combien d’Américains sont ils ainsi persuadés que leur nation a construit sa prospérité sur le libre-échange ? Probablement une large majorité parce que c’est ce qui est répété depuis quarante ans par les médias et les hommes politiques locaux. Pourtant les faits historiques disent le contraire (…)]

      Je ne pense pas qu’une « large majorité » des américains soit « libre-échangiste », ou puisse croire que la prospérité des Etats-Unis se soit construite sur le libre-échange. Au contraire, les américains sont dans leur grande majorité protectionnistes, et ne s’en cachent nullement : les politiciens américains n’hésitent d’ailleurs pas à voter des lois comme la « buy american act » (« loi achetez américain »), loi qui oblige les acheteurs publics à acheter des produits « made in USA » et dont le nom lui-même est une déclaration. Les américains exigent des autres qu’ils ouvrent leurs marchés aux produits américains, mais l’américain de la rue n’a jamais été « libre-échangiste ».

      En fait, la situation américaine n’est pas très différente de la nôtre : le libre-échangisme est le crédo des élites, qui y ont un intérêt évident. Pas de l’homme de la rue.

  5. bovard dit :

    Différentes conjectures,se présentent à moi,à la lecture du trés bon texte de Descartes.Les discours politiques répétés à l’identique sont ils d’égale pertinence même si les conjonctures ont changé?C.a.d,PCF 1979= FN 2015?
    Cela n’est pas raisonnable par contre il est très probable que la famille politique FN,(ou PCF..) adapte des tactiques différentes.e
    D’autant plus que le FN a deux visages au moins.Nous pouvons imaginer qu’un(e) Gorbatchev y existe (MLP),comme un Guevdanov (Goldsmith).D’ailleurs,voilà ce qu’on peut lire sur le blog de M.Gollnisch:’derriere cette petite polemique se cache en realite un probleme de fond beaucoup plus inquietant a mon avis . On a effectivement de plus en plus l’impression que la ligne incarnee par Monsieur Philippot , ligne dite « Chevenementiste » prenne de l’ampleur et de l’importance. Electoralement cette ligne a pu apporter certains succes notamment dans l’electorat de gauche du Nord de la France qui a delaisse par les partis traditionnels de gauche mais pour progresser d’avantage ce discours pro laicite et etatiste au niveau economique va devenir une difficulte qui se traduira dans le systeme electoral actuel par de bons resultats au 1er tour et rien au 2 eme……….pour pouvoir esperer conquerir l’electorat de l’aile droite de l’UMP etr de la droite en general un discours economique qui prone la liberte d’entreprendre et qui soit pro PME-PMI, en developpant une strategie industrielle a haute valeur ajoutee avec des formations adaptees a ces besoins. On entend helas peu parler de tout ca que soit au FN ou chez les autres partis d’ailleurs. De plus je ne suis pas sur de l’efficacite de user et d’abuser du terme de laicite au lieu de proner et rappeler sans en rajouter les valeurs chretiennes de la France. Le challenge de l’equipe dirigeante actuelle sera d’arriver a une synthese entre les « anciens » et les nouveaux » mais je ne suis pas sur que les » nouveaux » soient majortaires au sein du FN . Le discours ni droite, ni gauche a des limites surtout dans un scrutin a 2 tours majoritaires, de plus il limite ou empeche la possibilite de la reunion de toutes les droites nationales . droite nationale , terme qui a disparu du language des dirigeants actuels du FN. La responsable du FN souffre de 2 problemes a mes yeux: le 1er sur sa la maitrise et la precision de son discours economique , et 2eme d’etre influence fortement par Monsieur Philippot. ( Laicite, problemes societaux ,etc…), pas sur que ce soit payant sur le long terme.’
    Autrement dit le discours au FN, PCF19880/chevénementiste n’est qu’un habillage tactique provisoire,n’est ce pas?

    • Descartes dit :

      @ bovard

      [D’autant plus que le FN a deux visages au moins.]

      Non. Le FN a un visage, et c’est celui de sa ligne officielle. On ne peut pas dire que le PCF a « deux visages » parce qu’il y a André Gérin qui en est toujours membre. Certaines personnalités du FN sont en désaccord, c’est de notoriété publique, avec la ligne officielle incarnée par Marine Le Pen. Mais vous ne pouvez pas d’un côté affirmer qu’au FN on pratique le « culte du Chef », et de l’autre qu’il aurait « deux visages » au prétexte qu’une minorité est en désaccord avec lui.

      [D’ailleurs, voilà ce qu’on peut lire sur le blog de M.Gollnisch: (…)]

      Ce qu’on peut lire dans le blog de M Gollnisch est l’opinion de M Gollnisch.

      [Autrement dit le discours au FN, PCF19880/chevénementiste n’est qu’un habillage tactique provisoire,n’est ce pas?]

      C’est en tout cas l’avis de M Gollnisch, qui de toute évidence est plus préoccupé par des considérations tactiques que par des considérations idéologiques.

  6. bovard dit :

    @Descartes
    Votre très instructive réponse à Georges Dubuis,a succitée chez loi une série de questions.D’abord voici en partie votre réponse:[la formule « les propriétaires du concept de prolétariat ». Personne n’est « propriétaire » d’un concept. Mais j’imagine que vous faites référence aux penseurs de la lignée marxienne. Il est vrai que Marx a peu travaillé la problématique de l’Etat-nation. Cela tient en grande partie aux spécificités de l’époque ou cette pensée est née. L’Etat n’était pas encore l’Etat-providence construit au XXème siècle, mais l’Etat-gendarme, dont la fonction essentielle était de protéger le droit de propriété. Quant à la Nation, elle se posait essentiellement comme la structure permettant d’abriter les intérêts coloniaux de la bourgeoisie. Pas étonnant dans ces conditions que Nation et Etat fussent regardés avec méfiance. Elles étaient vues par les penseurs du mouvement ouvrier – et pas seulement par Marx – comme des instruments au service de la bourgeoisie, et comme des facteurs de division de la classe ouvrière.Les choses changent progressivement au début du XXème siècle. En 1914, les prolétaires allemands, français, russes et britanniques – et les partis politiques censés les représenter – loin de s’unir contre la bourgeoisie contribuent au contraire sans états d’âme avec l’effort de guerre. ..Une réaction aussi massive oblige les penseurs marxistes à réviser certaines certitudes. La « question nationale » devient importante, et des révolutionnaires éminents comme Lénine ou Staline écrivent sur la question. C’est chez Staline que l’analyse est la plus moderne, et d’ailleurs si Staline l’emporte politiquement contre Trotsky..]
    Voici,mes questions:
    -Les idées de Nationalisme ne sont elles pas irrationnelles,puisqu’elles se sont manifestées par des boucheries en 14/18 prolongées par 39/45 ?
    -Aulard,Mathiez,Jaurès,tous ces historiens sont des laudateurs de la révolution frnaçaise.Ce courant, qui intègre la Révolution française dans la continuité de l’Histoire de France, est également partiellement incarné par des ouvrages de vulgarisation tel que le Petit Lavisse (1876) du républicain conservateur Ernest Lavisse, manuel historique officiel de la IIIe République. Ce livre, qui reconstruit pour une part l’Histoire fait cependant essentiellement de la Révolution un élément fondateur du patriotisme républicain et de la Nation.Ces théories qui lient Nation française,et progrès sociaux(thèse centrale du livre de G.Marchais,le défi démocratique) ne sont pas fondées selon vous?

    • Descartes dit :

      @ bovard

      [-Les idées de Nationalisme ne sont elles pas irrationnelles, puisqu’elles se sont manifestées par des boucheries en 14/18 prolongées par 39/45 ?]

      Comme le disait Althusser, « le concept de chien ne mord pas ». Une « idée » ne se manifeste jamais par elle-même. Si les gens se sont entretués en 14/18 ou en 39/45 ce n’est certainement pas pour des « idées ». Derrière les « idées », il faut chercher des intérêts. Et c’est là que la rationalité de la chose apparaît. Il faut arrêter d’utiliser le terme « irrationnel » à tort et à travers. Les « boucheries » des deux guerres mondiales n’ont rien de « irrationnel ».

      Ceux qui rejettent tout « nationalisme » parce qu’il aurait conduit aux deux guerres mondiales sont comme celui qui voudrait détruire tous les marteaux au prétexte qu’il s’est tapé sur les doigts en voulant planter un clou. Les idées sont des outils, elles n’ont pas de vie propre. Les « nationalismes » peuvent produire la guerre ou au contraire la paix, la construction comme la destruction, tout dépend comment elles sont utilisées.

      [-Aulard, Mathiez, Jaurès, tous ces historiens sont des laudateurs de la révolution française. Ce courant, qui intègre la Révolution française dans la continuité de l’Histoire de France, est également partiellement incarné par des ouvrages de vulgarisation tel que le Petit Lavisse (1876) du républicain conservateur Ernest Lavisse, manuel historique officiel de la IIIe République. Ce livre, qui reconstruit pour une part l’Histoire fait cependant essentiellement de la Révolution un élément fondateur du patriotisme républicain et de la Nation. Ces théories qui lient Nation française, et progrès sociaux (thèse centrale du livre de G.Marchais, le défi démocratique) ne sont pas fondées selon vous?]

      Il faut faire la distinction entre le « roman national » et la vérité historique. Les historiens de la IIIème République veulent construire un « roman national », mais ils veulent le construire alors que la République n’est pas encore tout à fait consolidée. Mettre l’accent sur « la France de mille ans », c’est donner à la monarchie un rôle fondamental dans la constitution de la nation, et donc affaiblir la République. D’un autre côté, l’héritage de la Révolution est encore trop controversé pour pouvoir constituer le socle unique du « roman national ». D’où cette ambiguïté permanente : on fait de la Révolution l’instant fondateur, et on récupère l’histoire antérieure en faisant d’elle une sorte de « préparation » à la Révolution. Quitte à oublier que la « nation » est un concept qui n’apparaît que graduellement au XVIIIème siècle. Comme si pour construire la nation, il fallait croire qu’elle existait de tout temps : Pour Lavisse, Jeanne d’Arc devant Orléans, c’est Valmy au moyen-âge.

      Mais si l’on revient à l’histoire, la constitution de la Nation a constitué un puissant moteur du progrès social parce qu’il constitue une « communauté de destin ». Cette « communauté de destin », tant refusée par certains penseurs du mouvement ouvrier, est réelle : la défense des intérêts de la bourgeoisie passe par l’existence d’une armée de conscription dont les classes populaires font l’essentiel. Il bourgeoisie a donc tout intérêt à ce que ces soldats soient en bonne santé, bien nourris, qu’ils sachent lire et écrire. C’est ainsi que s’amorcent les mécanismes de redistribution qui aboutiront à l’Etat-providence. L’espace national, parce qu’il est clos, oblige la bourgeoisie à acheter la paix sociale, un peu comme l’homme qui est enfermé dans une cage avec un tigre est obligé de le nourrir correctement s’il veut survivre. Mais si on laisse l’homme en question choisir sa cage, il n’a plus besoin de nourrir le tigre.

    • BolchoKek dit :

      > D’où cette ambiguïté permanente : on fait de la Révolution l’instant fondateur, et on récupère l’histoire antérieure en faisant d’elle une sorte de « préparation » à la Révolution.<
      Ce n’est pas si absurde que cela d’un point de vue strictement historique : le jacobinisme républicain aurait-il été ce qu’il fut sans l’héritage du centralisme monarchique ? N’y a-t-il pas une continuité frappante entre l’opposition entre les nobles et la monarchie pendant la Fronde d’un côté et les insurrections fédéralistes sous la Convention de l’autre ? Robespierre et Bonaparte auraient-ils gouverné ainsi si un Richelieu ou un Colbert n’avaient été ?

    • Descartes dit :

      @ BolchoKek

      [Ce n’est pas si absurde que cela d’un point de vue strictement historique : le jacobinisme républicain aurait-il été ce qu’il fut sans l’héritage du centralisme monarchique ?]

      Bien sur que non. Ce qui est absurde n’est pas de récupérer l’histoire antérieure, mais de croire que la Révolution est un « moment fondateur », comme si la France était née en 1789. Le « roman » de la « gauche » en général et du PCF en particulier a fait très peu de place à tout ce qui se passe avant la réunion des Etats généraux de 1789. Qui, parmi les historiens communistes, qui parmi les formateurs dans les « écoles » du Parti parlait de Richelieu ou de Colbert, de la longue marche de l’absolutisme monarchique pour mettre fin aux guerres civiles provoquées par les querelles seigneuriales ? Pendant très longtemps – et cela n’a pas tout à fait changé – il n’y a pas d’autre histoire de France que celle de la République. Même l’œuvre napoléonienne est mal connue et souvent mal interprétée…

    • @ Descartes & Bolchokek,

      “Ce qui est absurde n’est pas de récupérer l’histoire antérieure, mais de croire que la Révolution est un « moment fondateur », comme si la France était née en 1789.”
      La Révolution est bien un moment fondateur pour la France en tant que nation, puisque la nation en tant que corps politique souverain est bel et bien portée sur les fonts baptismaux par les hommes de la Révolution.

      A mon avis, le problème vient du mot “France”. Comme je l’explique à mes élèves, quand on parle de “la France”, chacun croit qu’il évoque quelque chose d’évident. Or “la France” est en fait une réalité complexe: c’est à la fois une patrie (un territoire et des paysages façonnés par l’histoire), un espace administratif, une nation (une communauté de destin) et, du moins de nos jours, une République (soit un ensemble de principes et une certaine conception de la citoyenneté). Ces différents éléments ne se recoupent qu’imparfaitement.

      Lorsqu’un bobo immigrationniste parle de “la France”, il ne voit que de vagues principes comme les droits de l’homme et un territoire, simple espace administratif, sans histoire ni identité, qui peut héberger n’importe quelle population qui a envie de venir. Quand un réac comme moi parle de “la France”, ce n’est pas la même définition…

      De ce point de vue-là, le refrain sur la “Révolution fondatrice” est pratique: il permet de donner corps à l’affirmation “la France, c’est les droits de l’homme”. Comme si la France avait tout sacrifié depuis 1789 aux droits de l’homme. Ce qui est faux, bien sûr. Ensuite, les “droits-de-l’hommistes” ont tendance à mon avis à faire certains amalgames: la Déclaration de 1789 concerne “l’homme et le citoyen”, et pas seulement “l’homme”. De plus une rapide lecture suffit pour s’apercevoir que le texte de 1789 est fort différent de la “Déclaration universelle des droits de l’homme” de 1948. Malgré leurs intitulés proches, qui entretiennent une certaine confusion, ces textes ne disent pas la même chose, parce qu’ils sont rédigés à des époques différentes, par des gens différents et avec des objectifs différents.

    • Descartes dit :

      @ nationalistejacobin

      [La Révolution est bien un moment fondateur pour la France en tant que nation, puisque la nation en tant que corps politique souverain est bel et bien portée sur les fonts baptismaux par les hommes de la Révolution.]

      C’est discutable. On peut dire que la Révolution est le « moment fondateur » de la République française. Mais de la France « en tant que nation » ? Je n’en suis pas si sûr. La nation connaît une longue et complexe gestation, et perce déjà derrière l’absolutisme de Louis XIII. Au fur et à mesure que l’Etat se sépare de la personne du roi, les sujets deviennent des citoyens, même s’ils n’ont pas encore la souveraineté politique.

      [A mon avis, le problème vient du mot “France”. Comme je l’explique à mes élèves, quand on parle de “la France”, chacun croit qu’il évoque quelque chose d’évident. Or “la France” est en fait une réalité complexe: c’est à la fois une patrie (un territoire et des paysages façonnés par l’histoire), un espace administratif, une nation (une communauté de destin) et, du moins de nos jours, une République (soit un ensemble de principes et une certaine conception de la citoyenneté). Ces différents éléments ne se recoupent qu’imparfaitement.]

      Je vous l’accorde. Cela étant dit, le « roman national » sert justement à donner à tous ces éléments une cohérence fictive.

      [De plus une rapide lecture suffit pour s’apercevoir que le texte de 1789 est fort différent de la “Déclaration universelle des droits de l’homme” de 1948. Malgré leurs intitulés proches, qui entretiennent une certaine confusion, ces textes ne disent pas la même chose, parce qu’ils sont rédigés à des époques différentes, par des gens différents et avec des objectifs différents.]

      Tout à fait. Beaucoup de « bienpensants » sont tous surpris lorsqu’on leur rappelle que la Déclaration de 1789 met la « propriété » au même rang que la « sûreté » et la « liberté »…

    • odp dit :

      @ Descartes et Nationaliste Jacobin

      Bonjour,

      Je ne sais pas si NJ voulait dire que la Révolution Française fut LE moment fondateur pour la France en tant que Nation; si c’était le cas, ce serait à la fois surprenant et un peu triste pour un professeur d’histoire car il y en eut en effet bien d’autres; et même avant Louis XIII. D’ailleurs, à part chez les enragés type Matthiez et Aulard, ces débats sont tranchés depuis bien longtemps ; on connaît la phrase de Marc Bloch: “qui ne vibre pas au souvenir du sacre de Reims ou au récit de la Fête de Fédération ne comprends rien à la France”.

      En revanche, peut-être a-t-il voulu dire (et c’est la lettre de son commentaire) que la Révolution fut UN moment fondateur de la Nation française ; et en ce cas c’est indéniable…

      Quant à l’explication un peu alambiquée sur le corps politique souverain, elle me semble tout à fait superfétatoire: qui oserait dire qu’il n’y a pas de nation anglaise quand bien même son “corps politique souverain” (zzzz) ne fut jamais réellement porté sur des fonts baptismaux?

    • Descartes dit :

      @ odp

      [Quant à l’explication un peu alambiquée sur le corps politique souverain, elle me semble tout à fait superfétatoire: qui oserait dire qu’il n’y a pas de nation anglaise quand bien même son “corps politique souverain” (zzzz) ne fut jamais réellement porté sur des fonts baptismaux?]

      Bien sur qu’il l’a été. Et il l’a été un siècle et demi avant la Révolution française, en 1642 lorsque les « élus du peuple » se sont permis de mener contre le roi « de droit divin » une guerre qui aboutit en 1649 à la décapitation du roi Charles I. Et même si la monarchie a été formellement rétablie en 1660 et survit jusqu’à nos jours, le régime politique a été profondément changé. Pour reprendre la formule d’un grand historien anglais, « les successeurs de Charles I savaient que ce qui a été fait une fois peut être refait, et ont agi en conséquence ». Même si le Roi reste symboliquement le « souverain », les « conventions de la constitution », règles non écrites qui tiennent lieu de cadre constitutionnel en Grande Bretagne, prescrivent au roi de suivre les « conseils » – en fait les décisions – de son Parlement. De facto, la souveraineté est issue du peuple, comme dans n’importe quelle nation moderne, et déléguée à la Chambre des Communs.

    • odp dit :

      @ Descartes

      C’est un débat un petit peu bizantin dans lequel nous nous engageons mais je ne crois pas que la notion de Nation soit réductible ni même homogène à celle de souveraineté populaire. De même que la Nation française a existé bien avant la Révolution Française (en général on retient la Guerre de 100 ans pour en dater l’émergence), la Nation anglaise ne débute pas avec Cromwell.

      Que la notion de Nation implique une communauté de destin et que cette communauté de destin implique des liens politiques, je vous l’accorde. Mais ces liens politiques ne prennent pas la forme exclusive de la souveraineté populaire. Ils interdisent certes le despotisme car il faut un consentement (y a-t-il une Nation nord-Coréenne?) mais, à mon avis, pas les gouvernement monarchiques de l’Europe post-renaissance.

    • Descartes dit :

      @ odp

      [C’est un débat un petit peu byzantin dans lequel nous nous engageons mais je ne crois pas que la notion de Nation soit réductible ni même homogène à celle de souveraineté populaire. De même que la Nation française a existé bien avant la Révolution Française (en général on retient la Guerre de 100 ans pour en dater l’émergence), la Nation anglaise ne débute pas avec Cromwell.]

      Je ne suis pas sur que le débat soit aussi « byzantin » que ça. Vous m’accordez que la Nation implique une communauté de destin, et vous admettez alors que cette communauté de destin implique des « liens politiques » qui impliquent une forme de consentement. Mais comment se construit ce « consentement » ? Si le monarque n’écoute pas le peuple, pourquoi le peuple se sentirait le moins du monde engagé par ses décisions ?

      La Nation française n’est pas née un jour de 1789. Elle se construit pas à pas au fur et à mesure que le peuple devient protagoniste de l’histoire. Si on peut dire que sur le plan formel le peuple n’acquiert la pleine souveraineté avec la Révolution, sur le plan réel son poids politique s’accroit d’une manière lente mais continue à partir de la Renaissance, à travers de tout un réseau d’autorités municipales, de Parlements régionaux, de la naissance d’une « bourgeoisie de robe ». Je pense que le processus de construction de la Nation est en fait celui de la construction de cette « souveraineté populaire ».

    • @ odp & Descartes,

      “si c’était le cas, ce serait à la fois surprenant et un peu triste pour un professeur d’histoire”
      Sacré odp! Toujours aussi doué pour les petites piques. Allez, je l’avoue, vous m’avez manqué.

      Puisque vous insistez, je vais vous en faire un, un cours d’histoire:
      La nation française est en effet en gestation depuis la fin du Moyen Âge, et la Guerre de Cent ans de ce point de vue a eu un rôle important. On voit d’ailleurs dans les enluminures des manuscrits apparaître la première personnification de la France sous les traits d’une femme couronnée.
      Mais si les élites commencent à utiliser le mot, à “penser le concept” comme on dit, il ne faut pas s’exagérer le sentiment national de la masse des Français avant 1789. Louis XIV et Louis XVI, lorsqu’ils s’adressent à leurs sujets, disent “mes peuples”. Point, ou fort peu, de solidarité entre le Breton et le Provençal, entre l’Alsacien et le Basque. Pourquoi? Mais tout simplement parce que ces gens ne se connaissent pas, parce que l’horizon de beaucoup de ces gens ne dépassent pas l’équivalent d’un canton. D’ailleurs, les coutumes, les idiomes, les unités de mesure diffèrent d’une province à l’autre malgré le processus d’unification engagé par la monarchie.
      Auriez-vous l’extrême amabilité de m’indiquer quand la “nation” a cherché à s’exprimer, à se faire reconnaître, à affirmer son existence avant 1789? C’est bien lorsque les états généraux se proclament “Assemblée nationale” que le pas est franchi. Donc la Révolution est à la fois l’aboutissement d’un lent cheminement souterrain et le baptême politique de la nation qui, pour la première fois, affirme son existence d’une part, exige qu’on la reconnaisse d’autre part, et enfin proclame que la souveraineté réside “essentiellement” en elle, ce qui est un fait nouveau. Avez-vous un exemple antérieur de manifestation politique de la “nation”? Cherchez bien…

      La Révolution “fonde” la nation comme Auguste fonde le régime impérial de Rome: c’est une rupture mais qui (comme souvent) est le résultat d’un long processus. Il n’empêche que la transformation est entérinée à ce moment-là.

      Par ailleurs, votre immense culture ne vous permet pas d’ignorer qu’à travers la levée en masse, puis la conscription obligatoire, innovations de la Révolution, la nation est devenue une réalité pour une masse de paysans qui, comme je l’ai dit, n’avaient guère quitté les environs de leur village jusqu’à présent. Des hommes de toutes les provinces se sont retrouvés côte-à-côte à défendre les frontières, mais aussi à se battre au loin, en Italie, en Allemagne, en Belgique. On ne saurait sous-estimer l’importance de cette expérience militaire, de ce brassage sans précédent (jusque là les affaires militaires étaient laissées à des professionnels, dont bon nombre de mercenaires étrangers, les milices n’ayant qu’un rôle secondaire et local) dans le développement d’une conscience nationale. Les guerres de la Révolution et de l’Empire ont “fait la nation” bien plus que vous semblez le croire. Et s’imaginer que la nation était une donnée préexistante et ancienne me semble un peu osé. La Révolution parachève un processus, en même temps elle l’accélère et l’approfondit. La Révolution révèle une nation en gestation autant qu’elle la construit.

      Alors oui, la Révolution est le moment fondateur de la nation française. Peut-être pas pour les élites, les bourgeois, les lecteurs de l’Encyclopédie. Mais pour la masse des Français, paysans et artisans, qui, pour la première fois ont participé à la vie politique (même si ce fut éphémère ou de manière indirecte) et ont été appelés à défendre la France, je pense que la nation a effectivement commencé à prendre du sens à ce moment. D’ailleurs, pourquoi les philosophes allemands comme Fichte se sont-ils sentis obligés de penser la nation allemande suite aux invasions françaises? C’est bien la preuve que la Révolution marque l’avènement de l’ère des nations.

      “”corps politique souverain” (zzzz)”
      Que signifie ce “zzzz” qui me paraît bien ironique? L’expression est-elle trop compliquée pour vous? Il est vrai qu’elle compte trois mots, dont deux ont plus de deux syllabes. Ou bien est-ce le mot “souverain” qui vous fâche?

    • odp dit :

      @ Descartes

      C’est un débat bien compliqué. “Consentement” et “participation” son deux choses différentes. La communauté de destin et donc la Nation exige le consentement ; pas forcément la participation. Le monarque ne devait pas “écouter” ses sujets mais agir en fonction de leurs intérêts, sous peine de devenir un tyran que n’importe quel citoyen pouvait alors légitiment assassiner, rompant ainsi le consentement préalable. De même, on peine à trouver l’expression d’une réelle “souveraineté populaire” dans l’URSS de Lénine ou de Staline. Ce fut pourtant indéniablement un Nation. Qui se construisit par la “liquidation” de tous les éléments allogènes et au prix de dizaines de millions de morts certes, mais une Nation tout de même.

      D’ailleurs, on pourrait gloser longtemps pour savoir si la démocratie libérale est le cadre idéal d’expression de la Nation ou si celle-ci n’exprime pas tout son potentiel (destructeur?) dans des régimes plus autoritaires (la Chine du XXIème siècle ou la Russie de Poutine) voire franchement dictatoriaux (j’ai parlé de l’URSS mais j’aurai pu également parler l’Allemagne du IIIème Reich ou du Japon de l’entre-deux guerre).

    • Descartes dit :

      @ nationalistejacobin

      [Mais si les élites commencent à utiliser le mot, à “penser le concept” comme on dit, il ne faut pas s’exagérer le sentiment national de la masse des Français avant 1789. Louis XIV et Louis XVI, lorsqu’ils s’adressent à leurs sujets, disent “mes peuples”. Point, ou fort peu, de solidarité entre le Breton et le Provençal, entre l’Alsacien et le Basque. Pourquoi? Mais tout simplement parce que ces gens ne se connaissent pas, parce que l’horizon de beaucoup de ces gens ne dépassent pas l’équivalent d’un canton. D’ailleurs, les coutumes, les idiomes, les unités de mesure diffèrent d’une province à l’autre malgré le processus d’unification engagé par la monarchie.]

      Oui. Mais aussi parce qu’il n’y a pas, de fait, une « communauté de destin ». Le Pays Basque, l’Alsace ou la Provence sont des possessions « personnelles », que le roi peut vendre ou échanger avec d’autres princes en fonction de ses objectifs politiques. Et lorsque le roi cède par traité un territoire, il le cède avec les populations qui s’y trouvent, qui deviennent « sujets » d’un autre prince, d’un autre « Etat », sans que cela change véritablement leur vie quotidienne, sauf peut-être en ce qui concerne la pratique religieuse, selon la formule bien connue du traité de Westphalie. Chacune de ces « provinces » a ses lois et ses « coutumes », et celles-ci perdurent lorsque leur rattachement change d’un Etat à l’autre.

      Il faut réaliser combien cette logique est différente de la notre. Lorsque l’Allemagne annexe l’Alsace-Moselle en 1870, les alsaciens-mosellans émigrent massivement (ou sont expulsés) parce qu’ils ne veulent pas être allemands. Lorsqu’à la fin de la deuxième guerre mondiale des territoires sont cédées par l’Allemagne à la Pologne, les allemands « natifs » partent en masse pour ne pas devenir polonais… et l’Allemagne les accueille comme tels. En fait, la construction de la Nation nous fait passer d’un attachement à un sol à l’attachement à une communauté humaine. On était « sujet du roi de France » parce qu’on habitait dans les territoires sous son autorité, pour devenir « sujet du roi d’Espagne » si le territoire était cédé à ce monarque. Aujourd’hui, on est « français », et on le reste même lorsque le territoire ou vous êtes né a cessé d’être soumis à l’autorité de la France. Cette permanence traduit une « communauté de destin » qui n’existe pas – du moins chez le « bas peuple » – avant le XVIIIème siècle. Et cette « communauté de destin » n’est pas seulement issue de la connaissance mutuelle, elle est réelle.

      [Auriez-vous l’extrême amabilité de m’indiquer quand la “nation” a cherché à s’exprimer, à se faire reconnaître, à affirmer son existence avant 1789? C’est bien lorsque les états généraux se proclament “Assemblée nationale” que le pas est franchi.]

      Je suis d’accord avec vous – et donc en désaccord avec odp : la Nation s’est constituée lentement, mais la monarchie absolue a maintenu la fiction – on revient aux « fictions nécessaires » – de maintien immuable de l’ordre ancien. Alors même que la monarchie écoutait de plus en plus le « peuple », elle maintenait la fiction d’un roi au pouvoir absolu mais qui, étant « bon », légiférait pour le bonheur de ses sujets. Et si l’aristocratie s’était contentée de cette « fiction », on aurait peut-être abouti à un régime à l’anglaise, ou la Nation existe mais reste un « non-dit ». Seulement voilà, en faisant échouer toutes les réformes voulues par la Nation – et notamment celle de la fiscalité – et en fuyant à Varennes, l’aristocratie a obligé la Nation à sortir du bois et à déchirer la fiction en s’affirmant explicitement comme source de toute autorité.

      [La Révolution “fonde” la nation comme Auguste fonde le régime impérial de Rome: c’est une rupture mais qui (comme souvent) est le résultat d’un long processus. Il n’empêche que la transformation est entérinée à ce moment-là.]

      Tout à fait. Mais comme souvent les « fondations » traduisent non pas le début d’un processus, mais son accomplissement. La Révolution se place plutôt vers la fin du processus de construction de la Nation française, et non pas au début.

      [Par ailleurs, votre immense culture ne vous permet pas d’ignorer qu’à travers la levée en masse, puis la conscription obligatoire, innovations de la Révolution, la nation est devenue une réalité pour une masse de paysans qui, comme je l’ai dit, n’avaient guère quitté les environs de leur village jusqu’à présent. Des hommes de toutes les provinces se sont retrouvés côte-à-côte à défendre les frontières, mais aussi à se battre au loin, en Italie, en Allemagne, en Belgique. On ne saurait sous-estimer l’importance de cette expérience militaire, de ce brassage sans précédent (jusque là les affaires militaires étaient laissées à des professionnels, dont bon nombre de mercenaires étrangers, les milices n’ayant qu’un rôle secondaire et local) dans le développement d’une conscience nationale. Les guerres de la Révolution et de l’Empire ont “fait la nation” bien plus que vous semblez le croire.]

      J’imagine que ce paragraphe s’adresse plutôt à odp qu’à moi, puisque je pense avoir insisté souvent dans ce blog sur le rôle à mon avis fondamental que le « brassage » des populations que les institutions révolutionnaires puis napoléoniennes ont voulu et sciemment organisé. La « communauté de destin » s’est matérialisée dans ces combats communs menés par des troupes qui, le temps aidant, sont devenues de moins en moins « régionales » et de plus en plus « nationales ». Je n’y avais pas pensé, mais je trouve intéressante votre suggestion que la Nation s’est constituée intellectuellement d’abord au niveau des élites, pour s’étendre ensuite à l’ensemble de la société.

      [Et s’imaginer que la nation était une donnée préexistante et ancienne me semble un peu osé.]

      Ce n’est pas ce que j’ai dit. La Nation n’était pas « préexistante et ancienne ». Plus que d’un objet « achevé », la Nation est pour moi un processus. Ce processus s’est initié chez nous avec l’érosion progressive des structures féodales d’abord par la centralisation du pouvoir dans les mains d’un « seigneur » unique – le roi – puis par la dépersonnalisation du pouvoir avec la naissance d’un Etat distinct de ce « seigneur », processus dont la devise de Colbert qui sert d’en-tête à ce blog donne une idée. Les nouvelles élites – notamment les élites bourgeoises en formation – commencent à se sentir « françaises » parce que leurs intérêts sont de plus en plus liés à la prospérité ou à la disette de l’Etat. C’est là qu’apparaît cette « communauté de destin » qui caractérise notre idée de Nation. Et parce que leur destin est lié à celui de l’Etat, ces élites exigent de plus en plus d’avoir leur mot à dire sur sa conduite. C’est le processus qui produira plus tard l’idée de « souveraineté populaire ».

      La Révolution est une étape importante de ce processus. Et d’abord d’un point de vue intellectuel : En balayant les fictions anciennes, elle a ouvert la voie à l’affirmation politique de l’idée de Nation, alors que la philosophie politique anglaise restait prise dans la nécessité de soutenir une fiction qui n’était plus conforme à la réalité. Et cette liberté intellectuelle a permis à la France de se donner les institutions politiques qui permettaient de consolider cette Nation naissante, et notamment l’école et la conscription.

      [Alors oui, la Révolution est le moment fondateur de la nation française. Peut-être pas pour les élites, les bourgeois, les lecteurs de l’Encyclopédie. Mais pour la masse des Français, paysans et artisans, qui, pour la première fois ont participé à la vie politique (même si ce fut éphémère ou de manière indirecte) et ont été appelés à défendre la France, je pense que la nation a effectivement commencé à prendre du sens à ce moment.]

      Sur ce point je pense qu’on peut être d’accord. Pour la grande masse des français, la Révolution a transformé « la Nation en soi » dans la « Nation pour soi ». Son rôle symbolique, en France mais aussi à l’étranger, est immense. Mais je continue à penser qu’il ne faut pas retenir le moment en oubliant le processus, au risque d’encourager les tentations d’une pensée « de rupture » qu’adorent les gauchistes. La « rupture » de la Révolution a été possible parce qu’il y eut un long processus de construction préalable. Et si nous voulons une « rupture » demain, il faut nous intéresser aux processus qui la préparent aujourd’hui…

      [D’ailleurs, pourquoi les philosophes allemands comme Fichte se sont-ils sentis obligés de penser la nation allemande suite aux invasions françaises? C’est bien la preuve que la Révolution marque l’avènement de l’ère des nations.]

      Symboliquement, cela ne fait aucun doute. Encore une fois, je ne néglige nullement l’importance intellectuelle de la Révolution, en ce qu’elle a révélé un processus, celui de la construction des Etats-nations, qui était resté caché sous les fictions monarchiques.

    • Descartes dit :

      @ odp

      [C’est un débat bien compliqué. “Consentement” et “participation” son deux choses différentes. La communauté de destin et donc la Nation exige le consentement ; pas forcément la participation.]

      En fait, il est difficile de séparer l’un de l’autre. Dès lors qu’on admet la nécessité du « consentement », on admet la nécessité de procédures pour que ce consentement se construise et surtout pour qu’il se manifeste. Et il est difficile d’imaginer comment le « consentement » pourrait se construire et se manifester si chacun restait chez lui. C’est d’ailleurs pourquoi l’édification de la Nation est accompagné en général, quelque soit le régime politique, de manifestations populaires plus ou moins ritualisées pour permettre au gouvernant d’écouter les gouvernés et à ceux de manifester leur « consentement ».

      [Le monarque ne devait pas “écouter” ses sujets mais agir en fonction de leurs intérêts, sous peine de devenir un tyran que n’importe quel citoyen pouvait alors légitiment assassiner, rompant ainsi le consentement préalable.]

      Mais comment pouvait-il agir « en fonction des intérêts » de ses sujets sans les connaître ? Et comment pouvait-il les connaître sans les « écouter » ?

      [De même, on peine à trouver l’expression d’une réelle “souveraineté populaire” dans l’URSS de Lénine ou de Staline.]

      J’ai l’impression que votre difficulté vient surtout de ce que vous n’avez pas une idée très claire du sens de « souveraineté populaire ». La question de la « souveraineté » est celle de la justification de l’autorité du gouvernant sur le gouverné. Pourquoi diable je dois obéir à l’homme qui est assis sur la chaise la haut plutôt qu’à un autre, ou même à aucun ? La première justification est celle de la force : j’obéis à celui qui a le plus gros gourdin. Mais dès lors que la société devient un peu plus complexe, cela ne suffit pas. Alors, on théorise par exemple l’idée d’un gouvernant d’essence divine – soit qu’il soit dieu lui-même, comme en Egypte ancien, soit qu’il soit élu par dieu. Ou bien on explique que le gouvernant doit être obéi parce qu’il détient une délégation de l’ensemble du peuple. Ce qui suppose que le peuple détient le pouvoir originel, dont tous les autres émanent. C’est cette idée qu’on appelle « souveraineté populaire ».

      Dans l’URSS de Lénine ou Staline, d’où les gouvernants tiraient-ils leur légitimité ? Certainement pas d’une intervention divine. Le système politique soviétique reposait bien sur l’idée que la souveraineté réside dans le peuple, et que les gouvernants n’en sont que les mandataires. Vous pouvez aimer où pas les modalités d’octroi de ce mandat, mais vous ne pouvez pas ignorer son existence. Et d’ailleurs, le régime soviétique a toujours organisé des cérémonies, des rituels « participatifs » pour donner à ce « mandat » une réalité.

      Mais plus profondément, se pose ici la question de l’obéissance. Si Lénine ou Staline on pu gouverner, c’est parce que des gens ont obéi. Et pourquoi ont-ils obéi ? Par peur du NKVD, me direz vous. Mais pourquoi les dirigeants du NKVD ont-ils obéi ? Ils n’avaient tout de même pas peur d’eux-mêmes, non ? Pourquoi n’ont-ils pas assassiné Staline pour prendre sa place ? En d’autres termes, qu’est ce qui fondait « réellement » leur pouvoir, si ce n’est pas le consentement du peuple à son exercice ?

      [Ce fut pourtant indéniablement un Nation. Qui se construisit par la “liquidation” de tous les éléments allogènes et au prix de dizaines de millions de morts certes, mais une Nation tout de même.]

      Il ne faudrait pas exagérer. Si le régime soviétique a déplacé certaines populations, il n’a pas « liquidé tous les éléments allogènes ». Encore une fois, il serait temps d’abandonner le vocabulaire de la guerre froide et de regarder avec des yeux d’historien. Après tout, vous pouvez vous le permettre, non ? Je veux dire, puisque la guerre froide a été gagnée par le camp du « bien » et que le « mal » a été vaincu, il n’y a plus de danger, n’est ce pas ? A moins que la victoire du « bien » ne soit pas aussi complète qu’on veut nous le faire croire…

      [D’ailleurs, on pourrait gloser longtemps pour savoir si la démocratie libérale est le cadre idéal d’expression de la Nation ou si celle-ci n’exprime pas tout son potentiel (destructeur?) dans des régimes plus autoritaires (la Chine du XXIème siècle ou la Russie de Poutine) voire franchement dictatoriaux (j’ai parlé de l’URSS mais j’aurai pu également parler l’Allemagne du IIIème Reich ou du Japon de l’entre-deux guerre).]

      Pour cela, il faudrait commencer par s’entendre sur ce qu’est une « démocratie libérale »… y aurait-il des « démocraties non libérales » ? Mais bon, il n’est pas inutile de constater que la démocratie, libérale ou pas, s’est épanouie dans le cadre national. Pour le moment, il n’existe aucune institution « démocratique » qui dépasse les nations, tout simplement parce qu’on n’a pas trouvé comment constituer un « démos » en dehors du cadre national. En d’autres termes, la Nation constitue le préalable indispensable de la « démocratie ».

      A partir de là, ça veut dire quoi « exprimer son potentiel » pour une Nation ? Les Etats-Unis dominent le monde, à ce qu’on nous raconte, et pourtant j’imagine que vous les qualifieriez de « démocratie libérale »… peut on considérer que la démocratie ait constitué un obstacle à leur « expression » comme Nation ? Ou est-ce plutôt un avantage ? Je vous en laisse juge…

    • odp dit :

      @ NJ

      Vous aussi, vous m’avez manqué. D’ailleurs je vous dois des excuses: j’ai mal choisi ma formule qui apparaît plus “piquante” que ce que je souhaitais exprimer. Je voulais juste manifester ma surprise de voir un commentateur doté d’un très solide bagage de connaissance et d’une grande indépendance d’esprit (je suis sérieux), s’égarer dans le maximalisme révolutionnaire. J’y vois l’expression d’un certain romantisme qui vous rend sympathique mais qui, à mon avis, est erroné.

      Je ne vous répondrai pas dans le détail car les discussions théoriques ne sont pas celles que je préfèrent, à la fois parce qu’elles m’ennuie et parce que je m’y épuise, n’ayant pas votre productivité ou celle de Descartes. Pour faire simple, je dirai que l’existence d’une Nation n’est pas dépendante de la forme politique qu’elle prend (qui peut-être très diverse selon les périodes et les cultures) et qu’il suffit que les membres du groupe concerné s’y reconnaisse pour que l’on puisse parler de Nation. C’est un peu comme l’histoire de l’ethnogénèse que vous avez décrit dans l’un de vos papier ou les fictions nécessaire de Descartes: il suffit d’y croire pour que ça existe.

      Ainsi, je ne crois pas que la Nation française soit le seul apanage de la Révolution où alors il faut dire que sous l’Empire, le 1er comme le 2nd les français ne formaient pas une Nation. Etrange, tout de même: la Grande Nation pas une Nation. Quant à savoir si, sous la Monarchie, les français formaient une Nation, il est malheureusement impossible de réveiller les morts pour les interroger mais si j’en juge par la réaction prussienne par!ès Iéna, il me semble que le cadre monarchique le plus strict n’interdit pas l’émergence de l’idée de Nation.

    • @ Descartes,

      “Aujourd’hui, on est « français », et on le reste même lorsque le territoire ou vous êtes né a cessé d’être soumis à l’autorité de la France.”
      Allons donc! Aujourd’hui, cher ami, on est “citoyen du monde” ou “citoyen européen”, on profite des opportunités à Londres (où le droit du travail est plus flexible), à New York ou à Sydney, loin de ce pays rance en marge de l’histoire qu’est devenue la France… Mais, naturellement, il faut que la patrie honnie se mobilise sans délai si vous êtes condamné à mort en Indonésie ou victime d’une catastrophe naturelle au Népal…

      “La Révolution se place plutôt vers la fin du processus de construction de la Nation française”
      Je dirais plutôt “au milieu”, d’abord parce que, comme vous le rappelez, la nation est un processus qui n’est jamais complètement terminé, ensuite parce qu’il y avait encore beaucoup à faire dans les années 1790. Le XIX° siècle est fondamental pour la poursuite du processus: suffrage universel masculin (1848), école obligatoire (1881-82), conquête “républicaine” des campagnes sous la III°. L’intégration nationale s’est faite progressivement. Il faut aussi tenir compte des contrastes géographiques: les populations du Bassin parisien et certaines populations des frontières ont sans doute été “nationalisées” plus tôt que d’autres régions du Grand Ouest ou du Midi. Je crédite plutôt la monarchie d’avoir construit l’Etat fort dont a hérité la Révolution comme instrument de la construction nationale, même si, bien sûr, la loyauté à l’égard du roi, qui s’enracine avec le temps, est une première forme de patriotisme.

      “J’imagine que ce paragraphe s’adresse plutôt à odp qu’à moi,”
      Tout à fait. En réalité, j’ai ni plus ni moins piller votre raisonnement, sans vergogne. En travaillant sur les rapports entre guerre et Révolution, j’en suis arrivé à la conclusion que la guerre joue un rôle fondamental dans l’apparition et la diffusion d’une conscience nationale. J’ai repris votre analyse sur le brassage social et géographique qui s’opère dans l’armée. La nation et la patrie prennent une autre dimension lorsque la population se mobilise massivement pour les défendre. Par ailleurs, cette guerre permet aussi de définir “l’Autre”, celui qui est hors de la nation: le noble émigré, le traître, mais aussi les sujets “esclaves” des tyrans.

      “Et si nous voulons une « rupture » demain, il faut nous intéresser aux processus qui la préparent aujourd’hui…”
      En ce qui me concerne, je ne veux pas de “rupture”, je veux une “réaction”. Ce n’est pas pareil. Je souhaite un retour, même partiel et imparfait, à ce qu’il y avait avant: une nation unie, souveraine, fidèle à sa civilisation. Et j’avoue que si cela doit se faire en “omettant” les droits de l’homme ou en utilisant la violence… Eh bien, tant pis.

    • Descartes dit :

      @ nationalistejacobin

      [« Aujourd’hui, on est « français », et on le reste même lorsque le territoire ou vous êtes né a cessé d’être soumis à l’autorité de la France. » Allons donc! Aujourd’hui, cher ami, on est “citoyen du monde” ou “citoyen européen”, on profite des opportunités à Londres (où le droit du travail est plus flexible), à New York ou à Sydney, loin de ce pays rance en marge de l’histoire qu’est devenue la France…]

      Ne vous faites pas plus bête que vous ne l’êtes… je parlais du changement dans l’idée qu’on se fait de l’appartenance à une collectivité nationale. Pendant longtemps, on était « sujet », et celui-ci pouvait vous céder à un autre souverain. Aujourd’hui, la nationalité est conçue comme un attachement personnel. Par ailleurs, et vous le savez bien, ceux qui sont « citoyens du monde » ou « citoyens européens » ont certes une exposition médiatique exagérée mais sont beaucoup moins nombreux qu’on ne le croit. La manifestation du 11 janvier et la montée du FN ont au moins le mérite de nous montrer ça.

      [« La Révolution se place plutôt vers la fin du processus de construction de la Nation française » Je dirais plutôt “au milieu”, d’abord parce que, comme vous le rappelez, la nation est un processus qui n’est jamais complètement terminé, ensuite parce qu’il y avait encore beaucoup à faire dans les années 1790.]

      Je pense qu’on est d’accord. Je plaçait la Révolution à la fin de la période de construction de la Nation parce que je voulais faire une différence entre la période de « construction » et la période de « consolidation ». En 1790 – ou allez, disons à la fin de l’Empire – la nation française existe. Elle est totalement constituée. Mais cette « nation » n’a pas encore les contours que nous connaissons aujourd’hui. Si dans le droit l’ensemble des habitants de l’hexagone est devenu « français », il reste à traduire cela dans les faits. Et de ce point de vue, vous avez raison, le XIXème siècle et la IIIème République ont joué un rôle fondamental, en brassant les populations, en donnant au territoire un cadre administratif et juridique commun, en fabriquant un « roman national ».

      [En travaillant sur les rapports entre guerre et Révolution, j’en suis arrivé à la conclusion que la guerre joue un rôle fondamental dans l’apparition et la diffusion d’une conscience nationale. J’ai repris votre analyse sur le brassage social et géographique qui s’opère dans l’armée. La nation et la patrie prennent une autre dimension lorsque la population se mobilise massivement pour les défendre. Par ailleurs, cette guerre permet aussi de définir “l’Autre”, celui qui est hors de la nation: le noble émigré, le traître, mais aussi les sujets “esclaves” des tyrans.]

      Je voudrais lever une ambiguïté. Dite comme cela, cette idée semble aller dans les sens de ceux qui rejettent la Nation comme étant l’accoucheuse des guerres. Je pense que c’est le contraire : ce qui a poussé les hommes depuis les temps immémoriaux à mettre des ressources et des forces en commun, c’est avant tout et surtout le besoin de se protéger et de se défendre. C’est ce besoin qui permet de transcender les égoïsmes et de faire naître cette idée que « nous flottons ou coulons ensemble », en d’autres termes, l’idée d’un destin commun.

      [« Et si nous voulons une « rupture » demain, il faut nous intéresser aux processus qui la préparent aujourd’hui… ». En ce qui me concerne, je ne veux pas de “rupture”, je veux une “réaction”. Ce n’est pas pareil. Je souhaite un retour, même partiel et imparfait, à ce qu’il y avait avant: une nation unie, souveraine, fidèle à sa civilisation. Et j’avoue que si cela doit se faire en “omettant” les droits de l’homme ou en utilisant la violence… Eh bien, tant pis.]

      Sans vouloir vous offenser, cette vision « réactionnaire » – au sens stricte du terme – vous condamne à l’échec. Marx avait résumé ce problème dans une formule magnifique : « un adulte ne peut redevenir enfant sans être puéril ». Le passé ne reviendra pas. Moi aussi j’aimerais avoir « une nation unie, souveraine, fidèle à sa civilisation ». Mais si vous placez cet objectif dans une perspective de retour en arrière, vous aurez perdu la partie. La « nation unie, souveraine, fidèle à sa civilisation » de l’avenir ne sera pas identique à celle du passé. Elle sera différente. Parce que les techniques ont changé, parce que les gens sont plus – ok, d’accord, disons différemment – éduquées, parce que nous avons accumulé une expérience que nous ne pouvons pas désapprendre. La France « souveraine » de De Gaulle n’était pas celle de Napoléon. Et elle n’était pas pour autant pire.

      Ce que je veux dire, c’est qu’il nous faut penser une France « souveraine, unie et fidèle à sa civilisation » qui nous projette dans l’avenir. Quant à la « violence » et les libertés prises avec les « droits de l’homme »… « l’histoire nous jugera ».

    • dsk dit :

      @ nationalistejacobin

      [“Auriez-vous l’extrême amabilité de m’indiquer quand la “nation” a cherché à s’exprimer, à se faire reconnaître, à affirmer son existence avant 1789? C’est bien lorsque les états généraux se proclament “Assemblée nationale” que le pas est franchi. Donc la Révolution est à la fois l’aboutissement d’un lent cheminement souterrain et le baptême politique de la nation qui, pour la première fois, affirme son existence d’une part, exige qu’on la reconnaisse d’autre part, et enfin proclame que la souveraineté réside “essentiellement” en elle, ce qui est un fait nouveau. Avez-vous un exemple antérieur de manifestation politique de la “nation”? Cherchez bien…”]

      Je dirais que tout dépend ce qu’on entend par “Nation”. S’il s’agit d’une collection d’individus exprimant ensemble une volonté, alors il est évident que ce “concept” a vu le jour en 1789. Mais si l’on entend par là une collectivité humaine liée par une communauté de destin, alors il me semble que ceci est d’abord l’œuvre de la monarchie, et si 1789 est le “baptême politique” de quelque chose, c’est bien au contraire celui de l’individu souverain, tel qu’il est exprimé dans la Déclaration de 1789 par exemple. Mais si cet affranchissement des individus par rapport à la collectivité nationale a été possible, c’est grâce au cadre national préalablement constitué par les rois de France. On peut être un individu libre, en effet, à condition qu’il existe un État, une armée, une police, une justice capables de vous protéger et de garantir effectivement cette liberté. Incidemment, c’est là l’erreur incroyable de nos dirigeants actuels. Il s’imaginent que la liberté individuelle que nous connaissons pourraient venir s’établir ex nihilo dans des pays tels que la Libye ou la Syrie, qui n’ont même pas encore franchi le stade de la constitution d’une véritable nation. Le résultat ne peut alors en être, évidemment, que le retour à la barbarie, au chaos et à la guerre de tous contre tous. Ironiquement, ils rejoignent ainsi les “robinsonnades” de certains philosophes des lumières, qui avaient pu s’imaginer que la société avait pu réellement découler d’un contrat originaire, par lequel l’homme aurait décidé un beau jour de sortir de l’état de nature. Ils ne veulent pas admettre, par pure idéologie, que la démocratie a besoin, pour exister, de s’appuyer sur une phase préalable non-démocratique. Et j’ajouterais, malheureusement, que cette erreur qu’ils ont pu commettre à l’extérieur, il n’y a pas de raison qu’ils ne la commettent aussi à l’intérieur…

    • Descartes dit :

      @ dsk

      Je dirais que tout dépend ce qu’on entend par “Nation”. (…) Mais si l’on entend par là une collectivité humaine liée par une communauté de destin, alors il me semble que ceci est d’abord l’œuvre de la monarchie,]

      Il y a là une question fondamentale. Vous semblez penser que la Nation pourrait être une notion objective, c’est-à-dire, qu’elle existerait alors même que les hommes n’en ont pas conscience. Des hommes unis par une « communauté de destin » formeraient une nation alors même qu’ils n’ont pas conscience du fait que leurs destins sont liés. On voit bien les dangers d’une telle définition, qui permet finalement d’inventer des « nations qui s’ignorent ».

      Je pense que, comme la plupart des concepts politiques, la Nation est une notion subjective. La « communauté de destin » sur laquelle elle est fondée, même si elle est réelle, ne suffit pas : encore faut-il qu’il y ait conscience de cette communauté. La construction de la Nation, c’est la construction de cette conscience. Or, si l’on voit apparaître à partir du XVIIème siècle des signes de cette prise de conscience, d’abord chez les élites puis par diffusion dans des couches de plus en plus étendues de la société, il faut attendre 1789 pour que cette conscience s’exprime politiquement sans restrictions.

      [et si 1789 est le “baptême politique” de quelque chose, c’est bien au contraire celui de l’individu souverain, tel qu’il est exprimé dans la Déclaration de 1789 par exemple.]

      La déclaration de 1789 n’exprime rien de tel. Dans la conception de 1789, il y a séparation entre la sphère privée, ou l’individu n’est « souverain », et la sphère publique, régie par la loi, et dans laquelle « la souveraineté réside essentiellement dans la Nation » et qu’aucun individu ne peut exercer une autorité que sur délégation expresse. Les critiques libéraux – surtout les anglais – ont d’ailleurs beaucoup reproché à la Déclaration sa méfiance envers l’individu, qui conduit ses rédacteurs à expliciter le fait qu’aucun droit est absolu, que tous s’exercent dans le cadre des lois qui les réglementent.

      [Mais si cet affranchissement des individus par rapport à la collectivité nationale a été possible, c’est grâce au cadre national préalablement constitué par les rois de France. On peut être un individu libre, en effet, à condition qu’il existe un État, une armée, une police, une justice capables de vous protéger et de garantir effectivement cette liberté.]

      C’est là une conception très française, qui fait de l’Etat le protecteur des libertés. Cette conception est en effet liée à notre histoire politique, dans laquelle le Roi centralisateur et relativement éclairé a constitué historiquement une protection contre la rapacité et l’obscurantisme des seigneurs locaux. Mais il faut être conscient que cette vision de l’Etat est minoritaire. Dans le monde anglo-saxon comme dans le monde germanique l’Etat est plutôt perçu comme une menace pour les libertés, et c’est au contraire l’association locale des citoyens voire le citoyen – armé – solitaire qui en est le rempart. Cette différence dans la conception de l’Etat explique que la vision de la Nation soit, elle aussi, très différente dans ces différentes cultures. C’est peut-être aussi ce qui explique que le marxisme, théorie influencée essentiellement par la pensée allemande et anglaise, soit si pauvre dans sa réflexion sur le rôle de l’Etat.

      [Incidemment, c’est là l’erreur incroyable de nos dirigeants actuels. Ils s’imaginent que la liberté individuelle que nous connaissons pourraient venir s’établir ex nihilo dans des pays tels que la Libye ou la Syrie, qui n’ont même pas encore franchi le stade de la constitution d’une véritable nation. Le résultat ne peut alors en être, évidemment, que le retour à la barbarie, au chaos et à la guerre de tous contre tous.]

      Effectivement. Peut-être parce que nos dirigeants sont très influencés par la pensée américaine, qui néglige l’importance de la Nation comme objet politique alors qu’elle voit dans la « communauté » la forme absolue d’organisation. Les américains connaissent assez mal leur propre histoire, et tendent à en faire un mythe, celui des communautés de pionniers qui ont construit le pays sans aide et sans soutien de l’Etat. Ils ont oublié combien le rôle de l’Etat – dans la défense des pionniers, dans la construction des voies de communication, dans la politique migratoire – a joué un rôle majeur.

      [Ironiquement, ils rejoignent ainsi les “robinsonnades” de certains philosophes des lumières, qui avaient pu s’imaginer que la société avait pu réellement découler d’un contrat originaire, par lequel l’homme aurait décidé un beau jour de sortir de l’état de nature. Ils ne veulent pas admettre, par pure idéologie, que la démocratie a besoin, pour exister, de s’appuyer sur une phase préalable non-démocratique.]

      Je vous trouve un peu trop sévère. Les « contractualistes » n’étaient pas nécessairement des démocrates, au contraire. Le « contrat social » était d’abord une délégation du « pouvoir de nuire » de chacun en un seul, seule manière de mettre fin à la guerre de tous contre tous. Il est vrai que l’idéalisme Rousseauien a fait beaucoup de mal, surtout lorsqu’il a été mal interprété. Mais la plupart des contractualistes suivent plutôt Hobbes ou Locke que Rousseau.

    • dsk dit :

      @ Descartes

      [« Je dirais que tout dépend ce qu’on entend par “Nation”. (…) Mais si l’on entend par là une collectivité humaine liée par une communauté de destin, alors il me semble que ceci est d’abord l’œuvre de la monarchie »] [« Il y a là une question fondamentale. Vous semblez penser que la Nation pourrait être une notion objective, c’est-à-dire, qu’elle existerait alors même que les hommes n’en ont pas conscience. »]

      J’avoue que je ne saisis pas bien par quel chemin vous avez pu passer pour déduire de mes propos que je penserais que la Nation pourrait être une « notion objective », mais en tout cas, c’est fort bien vu, et il est un fait que j’ai de la Nation une conception objective, voire même carrément matérialiste. Pour moi, en effet, la Nation française n’est rien d’autre, à l’origine, qu’une association entre des sortes de « patrons de PME », les seigneurs féodaux, dans l’objectif de mieux résister à la concurrence, aussi bien interne qu’externe. Au cours du temps, l’un d’entre eux, le Roi, au prétexte louable de rendre cette association plus performante, accroît son leadership sur les autres, jusqu’à les rendre parfaitement soumis et inutiles. Il se retrouve alors seul à la tête d’une véritable multinationale d’échelle mondiale : la France. C’est alors que les cadres opérationnels, les bourgeois, emmenés par un syndicaliste du nom de Sieyès, se rebiffent : ils se tapent tout le vrai boulot, et pourtant, ils ne sont rémunérés qu’à la portion congrue, tandis que les anciens seigneurs féodaux, désormais totalement superfétatoires, sont payés des fortunes à jouer au golf ! Il faut que cela cesse ! Le ras le bol est à son comble ! Une AG est alors organisée, au cours de laquelle les bourgeois décident de se proclamer « assemblée nationale des actionnaires ». Désormais, tous les actionnaires seront « libres et égaux en droit », et leur droit de propriété sur l’entreprise France « inviolable et sacré ». Et voici comment est né le régime sous lequel nous vivons encore aujourd’hui…

      [« Des hommes unis par une « communauté de destin » formeraient une nation alors même qu’ils n’ont pas conscience du fait que leurs destins sont liés. »]

      Je ne suis pas sûr de bien vous comprendre. Voulez-vous dire que, sous l’Ancien régime, les « sujets » du roi n’étaient pas conscients d’être liés entre eux par une communauté de destin ? Je vous répondrais qu’en 1789, l’unité de la France était irréversible, puisque les seigneurs féodaux n’étaient plus en état de faire sécession, tandis que les bourgeois n’y avaient aucun intérêt, le commerce ayant besoin, pour fructifier, de vastes espaces unifiés. Dès lors, les français étaient effectivement liés entre eux par une communauté de destin, et je ne vois pas comment ils auraient pu l’ignorer.

      [« On voit bien les dangers d’une telle définition, qui permet finalement d’inventer des « nations qui s’ignorent ». »]

      Sans doute ma définition n’était-elle pas suffisamment précise. J’y ajouterais qu’une Nation, au sens matériel, est une collectivité humaine soumise à un pouvoir unique, ce qui implique que ses membres sont liés entre eux par une communauté de destin. La condition de l’existence de ce « pouvoir unique » ne permet pas, à mon sens, d’ « inventer des nations qui s’ignorent ».

      [« Je pense que, comme la plupart des concepts politiques, la Nation est une notion subjective. La « communauté de destin » sur laquelle elle est fondée, même si elle est réelle, ne suffit pas : encore faut-il qu’il y ait conscience de cette communauté. La construction de la Nation, c’est la construction de cette conscience. »]

      D’accord. Mais vous admettez ici, me semble-t-il, que la « construction de cette conscience » ne suffit pas non plus. Encore faut-il qu’elle soit fondée sur une « communauté de destin » bien réelle, ce qui est exactement ma position. Sans quoi, je vous signale que vous commettriez la même erreur que certains de nos amis « eurolâtres », qui croient que c’est à coup de séjours Erasmus, de beaux discours lénifiants, et autres écoutes recueillies de l’« hymne à la joie », que va petit à petit réussir à s’édifier une « conscience européenne ».

      [et si 1789 est le “baptême politique” de quelque chose, c’est bien au contraire celui de l’individu souverain, tel qu’il est exprimé dans la Déclaration de 1789 par exemple.] [« La déclaration de 1789 n’exprime rien de tel. »]

      Fichtre ! Je vous trouve pour le moins excessif. Qui est donc cet « Homme », d’après vous, dont on déclare les droits en 1789, si ce n’est l’Individu ? Et qu’est-ce qu’être « libre et égal », si ce n’est souverain ? L’article 2, surtout, est extraordinaire. Il nous explique que le « but » même de toute « association politique », c’est la « conservation » des « droits naturels » de l’Homme. Autrement dit, ces droits, l’Homme ne les tient nullement de cette « association politique » qu’est la Nation, mais de la Nature elle-même. Et s’il a pris la peine de s’associer politiquement avec les autres hommes, ce n’était que dans le but de pouvoir mieux « conserver » de tels droits. Peut-on exprimer de façon plus radicale que la Nation n’existe que par et pour l’Individu ?

      [« Dans la conception de 1789, il y a séparation entre la sphère privée, ou l’individu n’est « souverain », et la sphère publique, régie par la loi, et dans laquelle « la souveraineté réside essentiellement dans la Nation » et qu’aucun individu ne peut exercer une autorité que sur délégation expresse. »]

      Certes. Car il faut bien qu’en s’associant politiquement, l’individu cède une partie de sa souveraineté à la Nation. Mais il ne le fait que dans l’unique but de pouvoir mieux conserver ses droits naturels, et la Nation ne saurait outrepasser ce but, sans quoi il pourrait alors user de son droit naturel de « résistance à l’oppression ».

      [« Les critiques libéraux – surtout les anglais – ont d’ailleurs beaucoup reproché à la Déclaration sa méfiance envers l’individu, qui conduit ses rédacteurs à expliciter le fait qu’aucun droit est absolu, que tous s’exercent dans le cadre des lois qui les réglementent. »]

      Je pense que vos critiques libéraux anglais avaient dû un peu trop forcer sur le whisky. On ne peut imaginer plus absolu que des « droits naturels, inaliénables et sacrés ». Quant à la Loi, elle est elle-même, justement, très sévèrement « réglementée » par la Déclaration, afin de n’apporter à ces droits que les limitations strictement nécessaires à la poursuite de l’unique but de l’association politique, qui est leur « conservation ».

      [« On peut être un individu libre, en effet, à condition qu’il existe un État, une armée, une police, une justice capables de vous protéger et de garantir effectivement cette liberté. »] [« C’est là une conception très française, qui fait de l’État le protecteur des libertés. »]

      Peut-être parce que les français, c’est bien connu, sont des individualistes ? Plus on l’est, plus on a besoin, paradoxalement, de l’État.

      [Ironiquement, ils rejoignent ainsi les “robinsonnades” de certains philosophes des lumières, qui avaient pu s’imaginer que la société avait pu réellement découler d’un contrat originaire, par lequel l’homme aurait décidé un beau jour de sortir de l’état de nature. Ils ne veulent pas admettre, par pure idéologie, que la démocratie a besoin, pour exister, de s’appuyer sur une phase préalable non-démocratique.] [« Je vous trouve un peu trop sévère. Les « contractualistes » n’étaient pas nécessairement des démocrates, au contraire. »] 

      Ce n’était pas leur propos, qui était plutôt celui de la liberté de l’individu face à l’État. Mais dans l’esprit de nos dirigeants actuels, cette notion se confond avec celle de démocratie. C’est pourquoi je me suis permis d’opérer ce raccourci entre « contractualisme » et démocratie. Peut-être aurais-je dû dire : « Ils ne veulent pas admettre, par pure idéologie, que les droits de l’Homme ont besoin, pour exister, de s’appuyer sur une phase préalable autoritaire de construction d’un État. ».

    • Descartes dit :

      @ dsk

      [J’avoue que je ne saisis pas bien par quel chemin vous avez pu passer pour déduire de mes propos que je penserais que la Nation pourrait être une « notion objective », mais en tout cas, c’est fort bien vu, et il est un fait que j’ai de la Nation une conception objective, voire même carrément matérialiste. Pour moi, en effet, la Nation française n’est rien d’autre, à l’origine, qu’une association entre des sortes de « patrons de PME », les seigneurs féodaux, dans l’objectif de mieux résister à la concurrence, aussi bien interne qu’externe.]

      On peut parfaitement avoir une « conception matérialiste » d’un concept « subjectif », l’un n’empêche pas l’autre. Mais sur le fond, j’ai donc bien analyse votre discours. Pour vous, la Nation est un concept objectif, indépendant de la conscience de ses membres. Une telle vision pose beaucoup de problèmes. D’abord, cela suppose que les serfs de cette « association des PME » devenaient membres de la « nation » à partir du moment où leurs seigneurs décidaient d’y adhérer, et cela même s’ils n’avaient pour ce seigneur le moindre attachement, qu’il leur était indifférent d’être rattachés à lui plutôt qu’à un autre. Pire : chaque PME étant régie par ses propres lois et n’étant nullement solidaire des autres PME en cas de difficulté sanitaire ou économique, il n’y avait aucune « communauté de destin » entre les serfs des différents seigneurs. Pire : ces seigneurs se faisaient périodiquement la guerre pour prendre le contrôle de « l’association »…

      Je pense que votre vision de la Nation n’a guère de rapport avec la construction historique de celle-ci. Le royaume féodal ne constitue pas une Nation au sens moderne du terme précisément parce qu’il lui manquent les deux éléments qui font la Nation : l’élement objectif que constitue la communauté d’intérêts, et l’élément subjectif qui est la conscience de cet intérêt. La Nation commence à se construire lorsque le roi cesse d’être le propriétaire du royaume et en devient le gestionnaire. Parce qu’en tant que gestionnaire il est amené non pas à défendre ses intérêts personnels, mais un intérêt qui devient de plus en plus large commençant par la noblesse et s’étendant sans cesse jusqu’à devenir l’intérêt général. Et cet intérêt ne se constitue pas par hasard : il correspond à une évolution des techniques qui, en permettant la circulation rapide du capital, des marchandises, du travail, fond les innombrables économies villageoises dans un ensemble unique dont les membres sont interdépendants. Mais pour que la Nation existe, pour que les gens soient prêts sans un murmure et même dans l’enthousiasme à aller mourir dans les tranchés de Valmy ou de Verdun, la communauté d’intérêts ne suffit pas : il faut que les individus soient conscients de cette communauté, qu’ils y croient. C’est pourquoi la Nation ne peut être réduite à un concept purement objectif.

      [Au cours du temps, l’un d’entre eux, le Roi, au prétexte louable de rendre cette association plus performante, accroît son leadership sur les autres, jusqu’à les rendre parfaitement soumis et inutiles. Il se retrouve alors seul à la tête d’une véritable multinationale d’échelle mondiale : la France.]

      Tout à fait. Mais à cette époque, que pensent les employés de la « multinationale » en question ? Et bien, ils n’ont envers elle aucun lien particulier, aucune loyauté durable. D’ailleurs, de temps en temps des parties de la multinationale changent de propriétaire soit à l’issue d’OPAs inamicales, soit parce que le Roi décide de vendre, soit parce qu’il veut faire plaisir à quelqu’un de sa famille. Et dans ce cas, les serfs – pardon, les employés – sont simplement transférés comme de vulgaires objets.

      [C’est alors que les cadres opérationnels, les bourgeois, emmenés par un syndicaliste du nom de Sieyès, se rebiffent : ils se tapent tout le vrai boulot, et pourtant, ils ne sont rémunérés qu’à la portion congrue, tandis que les anciens seigneurs féodaux, désormais totalement superfétatoires, sont payés des fortunes à jouer au golf ! Il faut que cela cesse ! Le ras le bol est à son comble ! Une AG est alors organisée, au cours de laquelle les bourgeois décident de se proclamer « assemblée nationale des actionnaires ».]

      Pas tout à fait. Ils décident, et c’est ce qui est véritablement révolutionnaire, que les décisions concernant l’avenir de l’entreprise ne peuvent être pris que par des organes issus non pas des « cadres opérationnels », mais de l’ensemble des employés. En d’autres termes, cette AG a transformé l’ensemble des employés en actionnaires. Et en particulier, que ceux-ci ont le droit de décider comment les bénéfices seront partagés, et de toucher leur part. Et du coup, les employés prennent conscience qu’ils ont, eux aussi, un intérêt à ce que la boite marche bien, qu’elle soit puissante et respectée. Et les dirigeants ne peuvent plus céder des morceaux de la boîte sans demander l’avis de ceux qui y travaillent, parce que ceux-ci ont une véritable loyauté envers celle-ci. Vous avez décrit là la naissance de la Nation… mais vous voyez bien que cette naissance nécessite une prise de conscience…

      Pour prolonger votre analogie, la naissance de la Nation, c’est la transformation de cette « multinational » en « coopérative ». Et une coopérative ne peut pas fonctionner si les « coopérateurs » ignorent leur statut, avec ses droits et ses obligations…

      [« Des hommes unis par une « communauté de destin » formeraient une nation alors même qu’ils n’ont pas conscience du fait que leurs destins sont liés. »][Je ne suis pas sûr de bien vous comprendre. Voulez-vous dire que, sous l’Ancien régime, les « sujets » du roi n’étaient pas conscients d’être liés entre eux par une communauté de destin ?]

      Bien entendu. Et pour une bonne raison : ils ne l’étaient pas. Un serf au XVème siècle n’avait rien à foutre de dépendre du Roi de France, du duc de Bretagne ou du comte de Provence. Et d’ailleurs, suivant les mariages, les traités et les alliances il pouvait se trouver transféré de l’un à l’autre en conservant ses droits et ses devoirs garantis par les « coutumes » locales sans que cela pose le moindre problème à personne. Comment dans ces conditions parler de « communauté de destin » entre tous les sujets d’un même seigneur, puisque leur « destin » restait le même quand leur seigneur changeait ? Quel intérêt pouvait avoir le serf du duc de Bourgogne à se battre dans les tranchées pour « rester bourguignon » ?

      Ce n’est qu’au fur et à mesure que la législation devient uniforme – ce qui était loin d’être achevé à la fin de l’ancien régime, même si des progrès considérables avaient été faits – et que des systèmes de redistribution se mettent en place que la « communauté de destin » se construit, et avec elle la conscience de son existence. Il est clair que cette « communauté » existait largement déjà en 1789 (sans quoi la révolution aurait été impossible) mais au XVème siècle, cela paraît un peu prématuré.

      [Je vous répondrais qu’en 1789, l’unité de la France était irréversible, puisque les seigneurs féodaux n’étaient plus en état de faire sécession, tandis que les bourgeois n’y avaient aucun intérêt, le commerce ayant besoin, pour fructifier, de vastes espaces unifiés.]

      En 1789, certainement. Sinon, la Révolution n’aurait pas eu lieu. C’est souvent le cas : les révolutions ne font que traduire dans le droit les changements qui ont déjà eu lieu dans les faits. Lorsque la Révolution proclame que la souveraineté réside dans la Nation, elle prend acte que cette Nation existe, ce qui suppose que le long processus de sa création était déjà bien entamé. La question est : si la Nation existait bien en 1789, depuis quand existait-elle ? A partir de quel moment peut on reconnaître l’apparition d’une « proto-nation » ? Philippe-Auguste ? Louis XI ? Richelieu ? Louis XIV ? Personnellement, j’aurais tendance à situer le point de rupture entre Richelieu et Louis XIV, lorsque l’Etat se sépare de la personne du Roi et qu’il y a un véritable effort d’unification administrative.

      [Sans doute ma définition n’était-elle pas suffisamment précise. J’y ajouterais qu’une Nation, au sens matériel, est une collectivité humaine soumise à un pouvoir unique, ce qui implique que ses membres sont liés entre eux par une communauté de destin. La condition de l’existence de ce « pouvoir unique » ne permet pas, à mon sens, d’ « inventer des nations qui s’ignorent ».]

      Je ne pense pas que la question du pouvoir soit pertinente. Autrement, il faudrait considérer que la « Nation » disparaît pendant une guerre civile, par exemple. Est-ce que la Nation allemande « disparaît » lorsque l’Allemagne est divisée en deux en 1945 ? C’est là peut-être le meilleur exemple de l’importance de l’élément subjectif dans la constitution de la Nation. Alors même qu’ils étaient soumis à deux pouvoirs différents, alors même que l’identité de leurs « intérêts » n’était pas évidente, personne n’a jamais considéré qu’il pouvait y avoir deux « nations allemandes »…

      [D’accord. Mais vous admettez ici, me semble-t-il, que la « construction de cette conscience » ne suffit pas non plus. Encore faut-il qu’elle soit fondée sur une « communauté de destin » bien réelle, ce qui est exactement ma position.]

      Bien entendu. Vous savez bien que je suis un matérialiste de stricte obédience. Un élément subjectif qui ne s’appuie pas sur une réalité matérielle sous jacente n’est qu’une illusion. Il ne faut pas confondre « conscience » et « imagination ». La conscience, c’est la représentation du réel au plan des idées.

      [Sans quoi, je vous signale que vous commettriez la même erreur que certains de nos amis « eurolâtres », qui croient que c’est à coup de séjours Erasmus, de beaux discours lénifiants, et autres écoutes recueillies de l’« hymne à la joie », que va petit à petit réussir à s’édifier une « conscience européenne ».]

      Je partage totalement votre diagnostic. C’est précisément parce qu’il n’existe pas de « communauté de destin » entre les européens que toutes les tentatives de donner à l’Union européenne les attributs symboliques d’une Nation tombent à plat, quand ils n’aboutissent au grotesque. La liberté ne guidera jamais le peuple drapeau européen à la main, et l’hymne européen ne fera jamais pleurer personne comme a pu le faire « La Marseillaise », « God save de King » ou « Deutschland über Alles ».

      [Fichtre ! Je vous trouve pour le moins excessif. Qui est donc cet « Homme », d’après vous, dont on déclare les droits en 1789, si ce n’est l’Individu ?]

      C’est l’homme – et accessoirement citoyen – abstrait. Un homme qui n’existe d’ailleurs que par et pour la société. Cela commence dès l’exposé des motifs au préambule : « Les Représentants du Peuple Français (…) considérant que l’ignorance, l’oubli ou le mépris des droits de l’Homme sont les seules causes des malheurs publics et de la corruption des Gouvernements (…) ». En d’autres termes, si l’on proclame ces droits, ce n’est pas parce qu’on veut être gentil avec les « individus » ou parce qu’on voit chez ceux-ci quelque chose de sacré, mais parce que « l’oubli ou le mépris » des droits de l’homme sont « la cause des malheurs publics » et « la corruption des gouvernements ». En d’autres termes, il faut protéger l’individu seulement parce que cette protection est la condition du bon fonctionnement de la société dans son ensemble.

      [Et qu’est-ce qu’être « libre et égal », si ce n’est souverain ?]

      D’abord, la « liberté » définie par la Déclaration est vision la moins individualiste qui soit : « la liberté consiste à pouvoir faire ce qui ne nuit pas à autrui ». En d’autres termes, la liberté de l’individu trouve sa limite dans le droit de l’autre, et c’est la société qui est juge de ce qui est « nuisible » ou pas. Là encore, on est loin de la vision individualiste anglo-saxone, qui rend l’individu maître absolu de ce qu’il possède. Quant à la souveraineté, la Déclaration est très claire : elle ne réside pas dans les individus, mais dans la Nation.

      [L’article 2, surtout, est extraordinaire. Il nous explique que le « but » même de toute « association politique », c’est la « conservation » des « droits naturels » de l’Homme. Autrement dit, ces droits, l’Homme ne les tient nullement de cette « association politique » qu’est la Nation, mais de la Nature elle-même.]

      Bien entendu. Mais pour les « conserver », la déclaration juge qu’il faut les limiter par la loi. En d’autres termes, que la pire menace pour ces « droits naturels » serait de laisser l’homme totalement libre de les exercer, et que le but de l’association politique est bien de limiter cet exercice pour empêcher que la liberté des uns empiète sur la liberté des autres. Je pense donc que vous faites une mauvaise interprétation en déduisant que, pour les rédacteurs de la déclaration, « la Nation n’existe que pour l’individu ». C’est plutôt l’inverse : l’individu n’existe que parce que la Nation est là pour « conserver » ses droits.

      [Certes. Car il faut bien qu’en s’associant politiquement, l’individu cède une partie de sa souveraineté à la Nation.]

      Mais ce n’est pas ce que dit la Déclaration. Pour les rédacteurs, « le PRINCIPE de toute souveraineté réside ESSENTIELLEMENT dans la Nation ». Il n’y a donc pas dans la déclaration – contrairement à la déclaration d’indépendance américaine, par exemple – l’idée que le « principe » de la souveraineté résiderait dans les individus, et que ceux-ci la céderaient à la Nation. Au contraire : c’est « l’essence » de la Nation que d’être le « principe » de toute souveraineté. Difficile d’être moins « individualiste »…

      [Je pense que vos critiques libéraux anglais avaient dû un peu trop forcer sur le whisky. On ne peut imaginer plus absolu que des « droits naturels, inaliénables et sacrés ».]

      Bien sur que si. On aurait pu imaginer que ces droits soient considérés « absolus » – comme c’est el cas dans le droit anglo-saxon. Mais les rédacteurs de la Déclaration, même dans le feu de l’action révolutionnaire, se sont bien gardés de proclamer ces droits « absolus ». Et tout notre droit est construit sur l’idée qu’aucun droit n’est « absolu », que les droits n’étant accordés que dans le but d’un meilleur fonctionnement de la société, il est légitime de les limiter dès lors que leur exercice mettrait en danger ce même fonctionnement.

      Les critiques anglais n’avaient pas « forcé sur le whisky », d’ailleurs certains d’entre eux étaient teetotalers. Mais ils avaient abusé d’une tradition juridique pour laquelle les droits – et notamment le droit de propriété – sont véritablement « absolus », tout simplement parce que la méfiance envers l’Etat est telle que personne n’est prêt à lui accorder la possibilité de limiter les droits et libertés fondamentales. Pensez par exemple à la liberté d’expression telle qu’elle est accordée par le 1er amendement à la Constitution des Etats-Unis, et l’interprétation « absolutiste » qui en est faite par la Cour Suprême, et comparez à l’interprétation de cette même liberté faite par les juridictions françaises et appuyée sur la Déclaration de 1789.

      [Quant à la Loi, elle est elle-même, justement, très sévèrement « réglementée » par la Déclaration, afin de n’apporter à ces droits que les limitations strictement nécessaires à la poursuite de l’unique but de l’association politique, qui est leur « conservation ».]

      Pas tout à fait : « La Loi n’a le droit de défendre que les actions nuisibles à la Société ». On voit une fois encore que l’objectif de l’action publique pour les rédacteurs est la préservation avant tout de la « société », la sauvegarde des droits de l’homme n’étant qu’un moyen pour éviter « les malheurs publics » et la « corruption des gouvernements ». Au risque de me répéter : je pense que vous faites une lecture superficielle de la Déclaration. Comparez-là au Bill of Rights ou à la constitution américaine, et vous verrez la différence.

      [Peut-être parce que les français, c’est bien connu, sont des individualistes ? Plus on l’est, plus on a besoin, paradoxalement, de l’État.]

      Tout à fait. Et c’est pour cela que notre Déclaration est si différente de la conception anglo-saxonne. Les anglo-saxons ont une tradition politique « communautaire », et le droit se devait donc de protéger l’individu contre l’immixtion excessive de la communauté dans ses affaires. A l’inverse, notre tradition politique est fortement individualiste. Notre droit se devait donc de protéger les droits de la « société » à se mêler des affaires de chacun.

    • dsk dit :

      @ Descartes

      [« On peut parfaitement avoir une « conception matérialiste » d’un concept « subjectif », l’un n’empêche pas l’autre. Mais sur le fond, j’ai donc bien analyse votre discours. Pour vous, la Nation est un concept objectif, indépendant de la conscience de ses membres. »]

      Non, car je pense que la conscience existe nécessairement, dès lors que la réalité objective existe. On ne saurait donc concevoir que l’une puisse exister indépendamment de l’autre. Je dirais que cette « conscience » naît, concrètement, de ce que la Nation, une fois constituée d’un point de vue « matériel », est une entité trop vaste et trop complexe pour n’être dirigée que par un seul. Dès lors, le gouvernement se décentralise, se délègue, et c’est alors que progressivement, le pouvoir se dilue jusqu’à ne plus appartenir au seul Roi. Ce n’est donc pas d’abord, à mon sens, une affaire de « conscience », mais avant tout de dilution des centres de pouvoir. Et comme il se produit généralement un décalage temporel entre cette dilution et sa traduction dans la réalité constitutionnelle, c’est ici qu’intervient la conscience : on prend conscience que le pouvoir n’appartient plus au seul Roi, mais à quelque chose qui commence à ressembler à une Nation.

      [« Une telle vision pose beaucoup de problèmes. D’abord, cela suppose que les serfs de cette « association des PME » devenaient membres de la « nation » à partir du moment où leurs seigneurs décidaient d’y adhérer, et cela même s’ils n’avaient pour ce seigneur le moindre attachement, qu’il leur était indifférent d’être rattachés à lui plutôt qu’à un autre. »]

      Je crois que vous m’avez mal compris. J’ai dit que la France était « à l’origine » une association entre « patrons de PME », ce qui était un peu comme de dire qu’une plante est « à l’origine » une graine, mais je suis évidemment d’accord pour dire que la Nation proprement dite est née bien plus tard.

      [« Je pense que votre vision de la Nation n’a guère de rapport avec la construction historique de celle-ci. Le royaume féodal ne constitue pas une Nation au sens moderne du terme précisément parce qu’il lui manquent les deux éléments qui font la Nation : l’élement objectif que constitue la communauté d’intérêts, et l’élément subjectif qui est la conscience de cet intérêt. »]

      Sans doute, sauf que je crains qu’avec votre « élément subjectif » vous n’en veniez à idéaliser quelque peu le « sentiment national ». Pour moi, celui-ci découle nécessairement d’une réalité bien concrète, qui est l’interdépendance entre les membres de la Nation, telle celle du collégien de Marseille, par exemple, qui doit étudier des programmes conçus à Paris. Mais alors, me direz-vous, qu’en est-il, justement, lorsque ce « programme conçu à Paris » fait tout pour lutter contre le « sentiment national » ? Eh bien, je vous répondrais qu’on nage ici en plein absurde, car on cherche à introduire une contradiction entre l’élément objectif et l’élément subjectif. On en est réduit, du reste, à imposer autoritairement ce qui sape les fondements mêmes de son autorité, ce qui, quelque part, est assez logique. Tout ceci ne saurait donc durer éternellement, et je pense qu’à terme, l’élément objectif devrait de nouveau s’imposer à l’élément subjectif, qui lui est par essence subordonné.

      [« Tout à fait. Mais à cette époque, que pensent les employés de la « multinationale » en question ? Et bien, ils n’ont envers elle aucun lien particulier, aucune loyauté durable. D’ailleurs, de temps en temps des parties de la multinationale changent de propriétaire soit à l’issue d’OPAs inamicales, soit parce que le Roi décide de vendre, soit parce qu’il veut faire plaisir à quelqu’un de sa famille. Et dans ce cas, les serfs – pardon, les employés – sont simplement transférés comme de vulgaires objets. »]

      Tout dépend de l’époque à laquelle vous faîtes référence. A partir du XVe siècle, se dégage le fameux principe de l’« inaliénabilité des biens de la couronne », au travers duquel on voit d’ailleurs poindre l’idée de Nation.

      [« Pas tout à fait. Ils décident, et c’est ce qui est véritablement révolutionnaire, que les décisions concernant l’avenir de l’entreprise ne peuvent être pris que par des organes issus non pas des « cadres opérationnels », mais de l’ensemble des employés. En d’autres termes, cette AG a transformé l’ensemble des employés en actionnaires. Et en particulier, que ceux-ci ont le droit de décider comment les bénéfices seront partagés, et de toucher leur part. Et du coup, les employés prennent conscience qu’ils ont, eux aussi, un intérêt à ce que la boite marche bien, qu’elle soit puissante et respectée. Et les dirigeants ne peuvent plus céder des morceaux de la boîte sans demander l’avis de ceux qui y travaillent, parce que ceux-ci ont une véritable loyauté envers celle-ci. Vous avez décrit là la naissance de la Nation… mais vous voyez bien que cette naissance nécessite une prise de conscience… »]

      Je dirais qu’il convient d’opérer une distinction, que je n’avais d’ailleurs pas moi-même faite dans mon analogie de la « multinationale ». Si la Révolution déchoit le Roi de son titre de propriétaire, ce n’est pas du tout pour le remettre au Peuple, et faire de chaque citoyen un « actionnaire de l’entreprise France ». Tout ce que la Déclaration accorde à celui-ci, c’est la qualité de membre d’une « association politique » dont le seul « but » est la « conservation » des propriétés individuelles. Mais en tant que simple membre de cette association, le citoyen ne possède rien. La Nation, au sens de 1789, ce serait donc un peu comme un syndic de copropriété qui, par lui-même, ne serait pas propriétaire. Mais il est vrai que depuis, le Peuple ne l’a pas toujours entendu de cette oreille et a cherché, périodiquement, à faire sortir cette association de son rôle de pur gardien de la propriété privée, afin de la faire entrer dans celui de véritable propriétaire, s’opposant en cela aux héritiers de 1789.

      [« L’article 2, surtout, est extraordinaire. Il nous explique que le « but » même de toute « association politique », c’est la « conservation » des « droits naturels » de l’Homme. Autrement dit, ces droits, l’Homme ne les tient nullement de cette « association politique » qu’est la Nation, mais de la Nature elle-même. »] [« Bien entendu. Mais pour les « conserver », la déclaration juge qu’il faut les limiter par la loi. En d’autres termes, que la pire menace pour ces « droits naturels » serait de laisser l’homme totalement libre de les exercer, et que le but de l’association politique est bien de limiter cet exercice pour empêcher que la liberté des uns empiète sur la liberté des autres. Je pense donc que vous faites une mauvaise interprétation en déduisant que, pour les rédacteurs de la déclaration, « la Nation n’existe que pour l’individu ». C’est plutôt l’inverse : l’individu n’existe que parce que la Nation est là pour « conserver » ses droits. »] 

      Exactement. Mais je ne vous dis pas autre chose depuis le début : sans ce pré-requis qu’est la Nation, pas d’individu « libre et égal », et pas de Droits de l’Homme. Il est du reste amusant, à la lumière de cette réflexion, de relire le préambule de la Déclaration de 1789 :

      «  Les Représentants du Peuple Français, constitués en Assemblée Nationale, considérant que l’ignorance, l’oubli ou le mépris des droits de l’Homme sont les seules causes des malheurs publics et de la corruption des Gouvernements, ont résolu d’exposer, dans une Déclaration solennelle, les droits naturels, inaliénables et sacrés de l’Homme, afin que cette Déclaration, constamment présente à tous les Membres du corps social, leur rappelle sans cesse leurs droits et leurs devoirs ; »

      En réalité, on n’avait rien « oublié » du tout : ces principes sont tout simplement nés en 1789. Et les Droits de l’Homme ne sont en aucun cas « naturels » : ils reflètent au contraire un état élaboré de la société.

    • Descartes dit :

      @ dsk

      [Non, car je pense que la conscience existe nécessairement, dès lors que la réalité objective existe. On ne saurait donc concevoir que l’une puisse exister indépendamment de l’autre.]

      C’est beaucoup moins évident que vous ne le croyez. Il peut y avoir classe sans qu’il y ait « conscience de classe », comme Marx l’a bien établi il y a un siècle et demi.

      [Sans doute, sauf que je crains qu’avec votre « élément subjectif » vous n’en veniez à idéaliser quelque peu le « sentiment national ». Pour moi, celui-ci découle nécessairement d’une réalité bien concrète, qui est l’interdépendance entre les membres de la Nation,]

      Certes. Mais ce n’est pas parce qu’il y a une dialectique entre deux choses que ces deux choses ne font plus qu’une seule. L’interdépendance peut exister sans que ceux qui sont « interdépendants » en aient conscience. Et il y a des « interdépendances » fantasmées qui n’ont pas de fondement réel. Par exemple, prenez l’idéologie médiévale qui voulait qu’une collectivité puisse souffrir une punition divine – peste, sécheresse – du fait des péchés commis par un seul de ses membres. Une telle idéologie crée une forme d’interdépendance sans aucune base matérielle.

      [Tout dépend de l’époque à laquelle vous faîtes référence. A partir du XVe siècle, se dégage le fameux principe de l’« inaliénabilité des biens de la couronne », au travers duquel on voit d’ailleurs poindre l’idée de Nation.]

      Tout à fait.

      [Je dirais qu’il convient d’opérer une distinction, que je n’avais d’ailleurs pas moi-même faite dans mon analogie de la « multinationale ». Si la Révolution déchoit le Roi de son titre de propriétaire, ce n’est pas du tout pour le remettre au Peuple, et faire de chaque citoyen un « actionnaire de l’entreprise France ». Tout ce que la Déclaration accorde à celui-ci, c’est la qualité de membre d’une « association politique » dont le seul « but » est la « conservation » des propriétés individuelles. Mais en tant que simple membre de cette association, le citoyen ne possède rien.]

      C’est très discutable. Lorsque l’e Roi est « déchu de son titre de propriétaire », ce qu’il possédait en tant que Roi devient propriété de l’Etat. Et la Déclaration confie à cette « association politique » un contrôle sur l’Etat. Si la Déclaration ne socialise guère la propriété privée, il le fait largement pour la propriété publique.

      [La Nation, au sens de 1789, ce serait donc un peu comme un syndic de copropriété qui, par lui-même, ne serait pas propriétaire.]

      L’analogie est intéressante : dans une copropriété, chacun possède son appartement, grand ou petit… mais l’ensemble des copropriétaires possède en indivision les parties communes. Ce que fait la Révolution – en apportant la dernière touche à un processus commencé deux siècles plus tôt – c’est de transférer la propriété des parties communes du Roi à cette « copropriété » qui est la Nation.

      [Mais il est vrai que depuis, le Peuple ne l’a pas toujours entendu de cette oreille et a cherché, périodiquement, à faire sortir cette association de son rôle de pur gardien de la propriété privée, afin de la faire entrer dans celui de véritable propriétaire, s’opposant en cela aux héritiers de 1789.]

      Je le formulerai autrement : depuis 1789, il y a eu beaucoup de débats pour savoir jusqu’où allaient les parties communes de notre copropriété. Je ne crois pas que dans les idées des conventionnels de 1789 l’Etat n’ait eu d’autre fonction que la préservation de la propriété : la législation sur l’éducation, par exemple, montre le contraire.

      [En réalité, on n’avait rien « oublié » du tout : ces principes sont tout simplement nés en 1789. Et les Droits de l’Homme ne sont en aucun cas « naturels » : ils reflètent au contraire un état élaboré de la société.]

      Nous sommes d’accord.

  7. Benjamin dit :

    Un sondage est un sondage et nous n’en avons pas besoin pour mesurer l’influence du PCF dans le débat public et son poids électoral, mais quand on songe à ce que fut ce grand parti il y a tout de même de quoi pleurer:

    http://m.leparisien.fr/politique/sondage-pour-les-francais-le-parti-communiste-appartient-au-passe-25-04-2015-4724409.php

    Comme vous l’ecriviez récemment, le poids politique de la gauche dite radicale tend dangereusement vers zéro. Hors le FN “marchaisien”, point de salut pour un marxiste jacobin ?

    • Descartes dit :

      @ benjamin

      [Un sondage est un sondage et nous n’en avons pas besoin pour mesurer l’influence du PCF dans le débat public et son poids électoral, mais quand on songe à ce que fut ce grand parti il y a tout de même de quoi pleurer:]

      Pourquoi « pleurer » ? Finalement, les résultats sont assez conformes non seulement à ce qu’on sait, mais surtout à ce qui a toujours été. Le PCF a toujours été un parti « clivant ». Déjà lorsqu’il faisait 20% des voix, les 80% restants avaient une « mauvaise opinion » de lui. Quand à la question du « passéisme », il faut prendre ces réponses avec un grain de sel. Dans une époque où l’on commence à être fatigué de « l’innovation » permanente, être « passéiste » n’est pas forcément une mauvaise chose. « Passéiste » est certainement une insulte dans les allées de « l’Obs », mais je ne suis pas persuadé que ce soit le cas dans la banlieue d’Amiens. Quant au fait que l’électorat populaire préfère aujourd’hui le FN au PCF, c’est aujourd’hui une donnée bien connue…

      Mais le problème fondamental pour moi n’est pas tant la « mauvaise opinion », mais la perte d’influence – j’ai failli écrire « la disparition » – du PCF en tant que pôle du débat public. Il y a trente ou quarante ans, une décision de la direction du PCF pouvait provoquer des débats passionnés qui remplissaient les discussions dans les cafés et les pages dans les journaux – et pas seulement des journaux communistes, il n’y a qu’à regarder les archives de « Libération » ou du « Monde ». Et cela que la décision fut politique, économique, philosophique ou littéraire. Aujourd’hui, Pierre Laurent pourrait apparaître devant le Comité national en tutu avec une plume dans le cul, et il aura au mieux droit à un entrefilet dans les pages « société » de Libé. Ce que le PCF pense de telle ou telle question, de tel ou tel auteur, tout le monde s’en fout. Le PCF est incapable de lancer un débat sur la place publique. Alors que le FN, avec infiniment moins d’élus, y arrive.

      [Comme vous l’ecriviez récemment, le poids politique de la gauche dite radicale tend dangereusement vers zéro. Hors le FN “marchaisien”, point de salut pour un marxiste jacobin?]

      Pour un « marxiste jacobin », le « salut » n’existe pas…

  8. Ribus dit :

    « Elle montre combien la gauche a changé en quarante ans, et combien sa mémoire sur sa propre histoire est fragmentaire… »

    C’est une spécialité de la gauche, digne héritière de Robespierre, de tronquer, de falsifier et d’enfouir l’Histoire car ils n’ont pas le courage de la détruire contrairement au djihadistes qui sont leurs alliés objectifs actuellement dans le cadre du programme d’islamisation de la France et de l’Europe.
    La « réforme » du collège en est une illustration supplémentaire s’il en était besoin du funeste projet visant à abattre les derniers vestiges de l’Instruction publique avec comme objectif prioritaire l’effacement de l’Histoire et donc de notre Mémoire.

    « Il est aujourd’hui comme ces magasins du Marais qui ont conservé le décor et l’enseigne d’une ancienne boucherie, pour vendre des téléphones portables. »

    Jolie formule pleine de vérité qui traduit bien les postures idéologiques des bobos qui font les révolutions la panse pleine.

    « mais parce qu’il avait correctement analysé le fait que les flux migratoires permettaient de pousser les salaires et les avantages sociaux dont bénéficient les couches populaires à la baisse, »

    Par une dialectique qui leur était propre, les communistes avaient perçu ce qui allait se passer mais dans un pays qui avait encore une souveraineté, une diplomatie, des frontières et une monnaie.

    Ces mêmes communistes sont aujourd’hui du côté des immigrationnistes prêts à livrer un pays et un continent à des réfugiés venant de partout. Les gauchistes dont font partie les communistes vomissent la nation et sont disposés à livrer leur pays à l’étranger. A ce titre, il faut lire le livre «  cent d’erreurs de la gauche » de Bruno de la Palme qui rappelle magnifiquement l’incurie socialiste.

    Cela démontre aussi que tout ce qui peut sortir d’un cerveau communiste est faux, frelaté et cousu de mensonges.

    « Et si le FN a pu le faire, c’est parce que vous l’avez laissé tomber, fascinés que vous étiez par le discours « sociétal ». Il est temps d’assumer. »

    Ce qui dit le FN n’a rien d’une percée conceptuelle, c’est du simple bon sens. Entendre chaque jour des politiciens de tous bords refuser de voir l’évidence est minant.

    Eric Zemmour ne cesse pourtant de dire que l’UMP doit prendre la question de l’immigration à bras-le-corps pour faire disparaître le FN. Le problème est que des responsables de l’UMP ( et d’autres) sont compromis avec les monarchies sunnites ( cf le PSG et les conférences de Sarkozy ).

    Je n’en suis plus à savoir qui a raison ou qui a tort. Je penche naturellement vers l’offre politique la plus proche des intérêts vitaux de mon pays, un point c’est tout, mais je commence à désespérer…..

    Aussi, si les communistes revenaient à leur programme de 1970, je voterais peut être pour eux.

    • Descartes dit :

      @ Ribus

      [C’est une spécialité de la gauche, digne héritière de Robespierre, de tronquer, de falsifier et d’enfouir l’Histoire (…)]

      Que vient faire Robespierre dans cette galère ? Je ne me souviens pas que « l’incorruptible » ait été particulièrement porté sur la troncature ou la falsification de l’Histoire. En fait, si on relit ses textes on s’aperçoit que l’histoire l’intéressait fort peu.

      Il ne faudrait pas d’ailleurs exagérer les pêchés de « la gauche » dans ce domaine. Lorsqu’il s’agit de tronquer, de falsifier et d’enfouir l’Histoire, la droite n’est guère en reste. Si l’histoire de Vichy est restée si longtemps sous le boisseau, ce n’est pas à la gauche qu’on le doit.

      [car ils n’ont pas le courage de la détruire contrairement au djihadistes qui sont leurs alliés objectifs actuellement dans le cadre du programme d’islamisation de la France et de l’Europe.]

      Je vois que les paranoïaques sont de sortie… Sans vouloir vous offenser, s’il faut placer les djihadistes quelque part, ce serait plutôt du côté de la droite que de la gauche. Faire des djihadistes des « alliés de la gauche » est aussi ridicule que de faire de Mgr Lefevre et de la Fraternité Pie X des alliés du PCF. Que vous n’aimiez pas la gauche, c’est votre droit. Que vous n’aimiez pas les islamistes, aussi. Mais ce n’est pas parce que vous n’aimez ni l’un ni l’autre qu’ils deviennent des « alliés » dans on ne sait quelle Grande Conspiration pour « islamiser la France »…

      [Par une dialectique qui leur était propre, les communistes avaient perçu ce qui allait se passer mais dans un pays qui avait encore une souveraineté, une diplomatie, des frontières et une monnaie. Ces mêmes communistes sont aujourd’hui du côté des immigrationnistes (…)]

      Eh non, justement. Ce ne sont pas « ces mêmes » communistes. Ce sont d’autres communistes. Tout le but de mon papier était justement de montrer combien la continuité entre le PCF des années 1970 et le PCF « muté » de 2015 est artificielle. Vous avez aimé mon analogie de la boucherie du marais qui a conservé son enseigne mais vend des téléphones portables, mais vous n’avez pas compris le sens : ce n’est pas le même magasin.

      [(…) prêts à livrer un pays et un continent à des réfugiés venant de partout. Les gauchistes dont font partie les communistes vomissent la nation et sont disposés à livrer leur pays à l’étranger.]

      Vous n’exagérez pas un tout petit peu ? Souvenez vous que « tout ce qui est excessif est négligéable »… Non, les communistes ne « vomissent » pas la nation, pas plus qu’ils ne sont pas prêts à « livrer » quoi que ce soit à qui que ce soit. Vous voyez une conspiration là où il y a une erreur, une volonté de faire le mal alors qu’il y a plutôt de l’inconscience…

      [A ce titre, il faut lire le livre « cent d’erreurs de la gauche » de Bruno de la Palme qui rappelle magnifiquement l’incurie socialiste.]

      L’antisocialisme primaire façon Figaro m’est aussi insupportable que l’antisarkozysme primaire façon libération.

      [Cela démontre aussi que tout ce qui peut sortir d’un cerveau communiste est faux, frelaté et cousu de mensonges.]

      Vous voulez dire qu’ils ont eu tort de combattre Vichy et les allemands ? Franchement, vous dites n’importe quoi. Vous avez le droit de penser ce que vous voulez, mais si vous voulez être crédible je ne peux que vous conseiller d’aligner quelques arguments sérieux, au lieu de vous défouler par des injures gratuites. Finalement, il avait raison l’écrivain qui déclara : « rien ne vous réconcilie autant avec les communistes que de lire les livres des anticommunistes »

      [Eric Zemmour ne cesse pourtant de dire que l’UMP doit prendre la question de l’immigration à bras-le-corps pour faire disparaître le FN. Le problème est que des responsables de l’UMP ( et d’autres) sont compromis avec les monarchies sunnites ( cf le PSG et les conférences de Sarkozy ).]

      Le FN deblatère sur l’immigration depuis des décennies, et avec ça il s’est stabilisé à 10%. Si le FN connaît un nouveau départ, c’est aussi parce qu’il a renoncé au discours ultralibéral, anti-fonctionnaire, anti-Etat. C’est peut-être dans cette direction que l’UMP et Zemmour devraient plutôt regarder…

  9. morel dit :

    A propos de la question nationale : « C’est chez Staline que l’analyse est la plus moderne »

    Moderne la déportation des Allemands de la Volga, des Karatchaïs, Kalmouks, Tchétchènes et Ingouches, Balkars de Kabardino-Balkarie, Tatars de Crimée, Arméniens, Azéris, Grecs, Meskhètes ?
    Moderne la déportation, notamment, de baltes après 1945 (estimée de 300 000 à 400 000) et l’entrée de colons russophones ?
    Ne serait-ce pas plutôt la poursuite de la vieille politique impériale de la Russie éternelle des tsars ?
    Désolé, s’il faut chercher une référence socialiste en matière de nation, je la trouve dans mon propre pays : Jean Jaurès ; la spécialité de Staline c’est- je pèse mes mots- le « socialisme » de goulag.

    • Descartes dit :

      @ morel

      [A propos de la question nationale : « C’est chez Staline que l’analyse est la plus moderne ». Moderne la déportation des Allemands de la Volga, des Karatchaïs, Kalmouks, Tchétchènes et Ingouches, Balkars de Kabardino-Balkarie, Tatars de Crimée, Arméniens, Azéris, Grecs, Meskhètes ?]

      Très moderne en effet. L’idée de déportation de masse n’a été inventée qu’au XXème siècle. Auparavant, on préférait l’extermination sur place, comme cela s’est fait par exemple dans les Amériques ou en Armenie, ou l’expulsion, pratiquée depuis les temps romains.

      [Ne serait-ce pas plutôt la poursuite de la vieille politique impériale de la Russie éternelle des tsars ?]

      Pas vraiment. A ma connaissance, les tsars n’ont déporté personne.

      [Désolé, s’il faut chercher une référence socialiste en matière de nation, je la trouve dans mon propre pays : Jean Jaurès ; la spécialité de Staline c’est- je pèse mes mots- le « socialisme » de goulag.]

      Je ne connais pas de texte théorique de Jean Jaurès sur la question nationale. Pourriez-vous être plus précis ? Par contre, il existe un certain nombre de textes théoriques sur la question écrits par le petit père des peuples (à une époque où il n’était pas encore le petit père des peuples) qui ne manquent pas d’intérêt. Les avez-vous lues ?

    • morel dit :

      Jaurès colonialiste ? :

      1896, La Petite République :
      « La politique coloniale […] est la conséquence la plus déplorable du régime capitaliste, […] qui est obligé de se créer au loin, par la conquête et la violence, des débouchés nouveaux. […]
      Nous la réprouvons [aussi] parce que, dans toutes les expéditions coloniales, l’injustice capitaliste se complique et s’aggrave d’une exceptionnelle corruption : tous les instincts de déprédation et de rapines, déchaînés au loin par la certitude de l’impunité, et amplifiés par les puissances nouvelles de la spéculation, s’y développent à l’aise : et la férocité sournoise de l’humanité primitive y est merveilleusement mise en œuvre par les plus ingénieux mécanismes de l’engin capitaliste. »
      L’Humanité éditoriaux :
      – 3 mars 1912 :
      « Pendant que diplomates et financiers accommodent le Maroc à tous les appétits nationaux, ultra-nationaux et internationaux, les Marocains défendent à coups de fusil ce qui leur reste d’indépendance. Une de nos colonnes vient d’avoir six tués, une trentaine de blessés ; nous avons, il est vrai, la consolation d’apprendre que le nombre des Marocains couchés par nos balles sur la terre de la « patrie » est sensiblement supérieur. C’est la civilisation qui progresse. C’est « la douce France » qui s’établit. «
      – 22 avril 1912 :
      « La politique de rapine et de conquête produit ses effets. De l’invasion à la révolte, de l’émeute à la répression, du mensonge à la traîtrise, c’est un cercle de civilisation qui s’élargit. Nous n’avons rien décidément à envier à l’Italie, et elle saura ce que valent nos pudeurs.
      Mais si les violences du Maroc et de Tripolitaine achèvent d’exaspérer, en Turquie et dans le monde, la fibre blessée des musulmans, si l’Islam un jour répond par un fanatisme farouche et une vaste révolte à l’universelle agression, qui pourra s’étonner ? Qui aura le droit de s’indigner ? Mais si les contrecoups redoublés de ces entreprises injustes ébranlent la paix de l’Europe, de quel coeur les peuples soutiendront-ils une guerre qui aura son origine dans le crime le plus révoltant ? » (22 avril 1912)

      Jaurès et les nations :
      Meeting août 1907 Paris :
      « Oui, il est impossible aux prolétaires de se désintéresser de l’indépendance des nations dans l’état présent du monde. L’unité humaine se réaliserait dans la servitude si elle résultait de l’absorption de toutes les nations vaincues par une nation dominatrice ; l’unité humaine ne peut se créer dans la liberté que par la fédération des nations autonomes.
      Hervé dit — il l’a répété ces jours-ci — que toutes les patries, au moins celles qui sont arrivées à peu près au même moment de l’évolution, se valent… C’est possible ; mais c’est précisément parce qu’elles se valent qu’aucune n’a le droit d’asservir les autres… Les anciens disaient : Plaignez l’esclave, car il n’a que la moitié de son âme… Eh bien ! il en est ainsi des nations esclaves, des nations serves : leur âme est mutilée, leur génie est incomplet et nous avons besoin, pour la grande œuvre de libération ouvrière et d’organisation humaine, que tous les cerveaux aient toute leur puissance, que tous les individus aient toute leur force de pensée et que toutes les nations aient leur force originale, leur génie et leur faculté propre de développement. »
      La pensée de Jaurès sur ce sujet n’est pas cristallisée dans un seul ouvrage mais disséminée dans ses textes.
      La politique impériale de la vieille Russie concernait la main basse sur les territoires au sortir de la guerre.
      Enfin, plus que ces petites polémiques, le minimum est, pour ce qui me concerne, un rejet ferme et définitif de Staline et du stalinisme. Le vieux mot d’ordre « le pain et la liberté », en clair.

    • Descartes dit :

      @ morel

      [Jaurès et les nations : « Oui, il est impossible aux prolétaires de se désintéresser de l’indépendance des nations dans l’état présent du monde. L’unité humaine se réaliserait dans la servitude si elle résultait de l’absorption de toutes les nations vaincues par une nation dominatrice ; l’unité humaine ne peut se créer dans la liberté que par la fédération des nations autonomes » (…) La pensée de Jaurès sur ce sujet n’est pas cristallisée dans un seul ouvrage mais disséminée dans ses textes.]

      Le problème est justement là. Comme Jaurès n’a pas écrit de véritable texte théorique, il est difficile de savoir exactement ce que les mots signifiaient pour lui. Lorsqu’il parle des « nations », de quoi parle-t-il exactement ? En lisant ses textes les plus « régionalistes », on a l’impression que pour Jaurès Occitans ou Bretons étaient une « nation » eux aussi. Dans d’autres, on est plus proche de la vision de la Nation politique telle qu’elle a été établie par les jacobins au cours de la Révolution française. Jaurès avait certainement beaucoup de qualités, mais il ne restera pas parmi les grands théoriciens du socialisme.

      [La politique impériale de la vieille Russie concernait la main basse sur les territoires au sortir de la guerre.]

      Je n’ai pas compris de quoi vous parlez. A quelle guerre faites-vous référence ?

      [Enfin, plus que ces petites polémiques, le minimum est, pour ce qui me concerne, un rejet ferme et définitif de Staline et du stalinisme.]

      Pour ce qui me concerne, je trouve l’activité qui consiste à épingler des médailles ou marquer du sceau de l’infamie des personnages morts et enterrés depuis des décennies voire des siècles profondément inutile. Lire Staline, comprendre Staline a son intérêt. Mais « le rejeter » ? Quel intérêt ?

      [Le vieux mot d’ordre « le pain et la liberté », en clair.]

      Vous vous contentez de peu…

    • morel dit :

      D’abord, mes excuses, je ne comptais pas abandonner le débat mais parti en week-end prolongé avec un long parcours auto, j’ai traîné la fatigue…

      Jaurès n’a pas écrit de « véritable texte théorique » assurément, mais il me semble qu’il est tout à fait possible d’extraire de son œuvre des concepts présidant à sa pensée.

      « il est difficile de savoir exactement ce que les mots signifiaient pour lui. Lorsqu’il parle des « nations », de quoi parle-t-il exactement ? En lisant ses textes les plus « régionalistes », on a l’impression que pour Jaurès Occitans ou Bretons étaient une « nation » eux aussi. Dans d’autres, on est plus proche de la vision de la Nation politique telle qu’elle a été établie par les jacobins au cours de la Révolution française. Jaurès avait certainement beaucoup de qualités, mais il ne restera pas parmi les grands théoriciens du socialisme. »

      Pour ma part, je crois qu’il faut se référer à ce qu’il appelle « la petite patrie » lorsqu’il évoque le « local », le « pays » où l’on vit avec ses « façons » locales y compris le parler. Ce qui, bien sûr, peut sembler bien étrange actuellement, à l’heure où tout est « lissé » nationalement voire au-delà…
      Il faut se souvenir que notre beau pays ne s’est pas fait en un seul jour et que, par exemple, les régiments de 14-18 étaient formés au chef-lieu de département voire en-deçà, tout le monde (à majorité rurale) n’usant pas habituellement de la langue française.
      Précisons immédiatement : rien à voir avec les actuels tenants des « pays » et de la remise en selle forcenée d’idiomes quasi-disparus.
      Si Jaurès n’hésitait pas à utiliser l’occitan dans des conversations avec paysans et ouvriers (sortis de la paysannerie), toutes ses interventions publiques étaient en Français.
      Pour Jaurès, la « petite patrie » n’est pas contradictoire à la grande : l’endroit où l’on vit, parfois où nous sommes nés n’est-il pas aussi la base matérielle de l’insertion dans ce qu’il appelle « la grande patrie » ?
      Dans ce que j’ai pu lire (et je regrette de ne posséder ni son œuvre complète, ni d’avoir le temps) de Jaurès les deux notions sont complémentaires avec la précision « petite » et « grande », en somme le reflet plus marqué en son temps mais peut-on le lui reprocher alors qu’un théoricien comme Lénine écrivait « L’Etat et la révolution » bien plus dépassé pour notre époque ? (aucune haine ou « anticommunisme » dans mon propos).

      « Je n’ai pas compris de quoi vous parlez. A quelle guerre faites-vous référence ? »

      1939-1945 et les gains territoriaux que s’accorde Staline.

      « Mais « le rejeter » ? Quel intérêt ? »

      Pour donner un avenir à un socialisme authentique, il faut tirer le bilan du passé. A ce titre, je veux bien étudier le stalinisme mais avec une condamnation ferme et définitive.

      « Vous vous contentez de peu… »

      Personnellement, c’est vrai. Part les habitudes prises dans une famille ouvrière nombreuse, mon petit bonheur n’a pas besoin de richesses (vous jugerez paradoxal pour un syndicaliste). Mon regret de ne pas posséder ces livres et (c’est trop tard) ces études pour comprendre. Mais aussi, de l’ambition pour que mes enfants possèdent tout cela et connaissent un monde meilleur (peut-être est-ce idéaliste).
      Plus « politiquement » : la réalisation de « liberté-égalité-fraternité » dans le progrès pour tous. (toujours l’idéalisme ?).

    • Descartes dit :

      @ morel

      [Jaurès n’a pas écrit de « véritable texte théorique » assurément, mais il me semble qu’il est tout à fait possible d’extraire de son œuvre des concepts présidant à sa pensée.]

      Oui et non. Parce qu’il n’a pas fait lui-même un travail de clarification et d’organisation des idées, l’extraction dont vous parlez laisse une très large place à l’interprétation. On trouve d’ailleurs dans son œuvre – essentiellement des articles de journal et des discours – un peu de tout. Difficile à partir de là de dégager une vision claire. Il y a bien entendu des constantes : son pacifisme, par exemple. Son républicanisme intransigeant. Mais sa pensée économique est tellement schématique qu’il est difficile d’en tirer quelque chose.

      [Pour Jaurès, la « petite patrie » n’est pas contradictoire à la grande : l’endroit où l’on vit, parfois où nous sommes nés n’est-il pas aussi la base matérielle de l’insertion dans ce qu’il appelle « la grande patrie » ?]

      Oui, mais cela ne nous dit pas vraiment comment interpréter le texte sur la « nation » que vous m’avez proposé comme exemple. Sur cette question, Jaurès réagit plus par intuition qu’en développant une véritable théorie du fait national. De ce point, de vue, le texte de Staline « la question des nationalités » est un effort beaucoup plus intéressant.

      [Dans ce que j’ai pu lire (…) de Jaurès les deux notions sont complémentaires avec la précision « petite » et « grande », en somme le reflet plus marqué en son temps mais peut-on le lui reprocher alors qu’un théoricien comme Lénine écrivait « L’Etat et la révolution » bien plus dépassé pour notre époque ? (aucune haine ou « anticommunisme » dans mon propos).]

      On ne peut pas comparer. L’œuvre de Newton conserve son intérêt théorique alors même qu’elle a été rendue obsolète par la théorie de la relativité. Le fait est que Lénine a écrit un texte théorique qui analyse le rôle de l’Etat. Que la mutation de l’Etat ait rendu cette analyse obsolète n’empêche pas qu’on ne peut construire une théorie moderne de l’Etat que contre le texte de Lénine. Jaurès s’est contenté d’exprimer une opinion intuitive, de décrire son propre attachement à sa « petite patrie » au sein de la « grande ». C’est une opinion très respectable, mais on ne peut rien construire contre elle.

      [« Je n’ai pas compris de quoi vous parlez. A quelle guerre faites-vous référence ? » 1939-1945 et les gains territoriaux que s’accorde Staline.]

      De quels « gains territoriaux » parlez-vous ? Ah, j’y suis… vous parlez des territoires qui ont été détachés de l’empire russe – dont l’URSS était l’héritier – par les armées « blanches » et par les pays voisins pendant la guerre civile et les interventions du début des années 1920 ? Diriez-vous que l’Alsace-Lorraine est un « gain territorial » de la France en 1918 ? Que la République en 1918 a « fait main basse » sur le territoire allemand ? En quoi la revendication de la Republique française sur l’Alsace ou la Corse était-elle plus légitime que celle de l’Etat soviétique sur les territoires de l’ancien empire Russe ?

      [« Mais « le rejeter » ? Quel intérêt ? » Pour donner un avenir à un socialisme authentique, il faut tirer le bilan du passé. A ce titre, je veux bien étudier le stalinisme mais avec une condamnation ferme et définitive.]

      En d’autres termes la condamnation « définitive » d’abord, l’étude ensuite… vous me rappelez la Reine de Cœurs dans « Alice au pays des merveilles » : « l’exécution d’abord, le procès ensuite ». Etudions le stalinisme, tirons de lui les leçons qui doivent être tirées, en bien comme en mal. Et laissons les « condamnations » aux juges.

    • @ Descartes,

      Excusez-moi d’intervenir dans votre débat avec morel, mais une de vos remarques m’interpelle.

      “En quoi la revendication de la République française sur l’Alsace ou la Corse était-elle plus légitime que celle de l’Etat soviétique sur les territoires de l’ancien empire Russe ?”
      Eh bien, pour ma part, je vois une différence de légitimité qui tient en un mot: nation. L’Alsace a été annexée par la France après une guerre, comme la plupart des provinces à cette époque. On n’a pas demandé aux Alsaciens leur avis, et je serais bien incapable de vous dire s’ils se sont réjouis ou pas de devenir sujets de Louis XIV. A la limite, cela ne changeait pas grand-chose pour eux, puisqu’ils conservaient leurs coutumes et même certains privilèges (les protestants alsaciens n’ont pas été inquiétés par la révocation de l’Edit de Nantes qui, de toute manière, ne les concernait pas, puisque antérieur à l’annexion).

      Mais en 1870, les Alsaciens appartiennent à la nation française. Leurs députés protestent avec véhémence contre les dispositions du Traité de Francfort. A cette occasion, la France ne perd pas seulement un territoire, une province périphérique, elle perd une partie de sa communauté nationale. Cela explique la réelle déchirure et l’essor d’une forme d’irrédentisme.

      Or, les Lettons, Lituaniens, Estoniens, Moldaves de Bessarabie ou Ukrainiens occidentaux n’ont jamais fait partie de la nation russe, ils n’étaient qu’une composante d’un vaste empire multiethnique. Lorsque l’Empire russe est emporté dans la tourmente révolutionnaire, ces populations optent pour l’indépendance (Lettonie, Lituanie, Estonie), tentent de l’obtenir (Ukrainiens de l’Ouest) ou rejoignent un autre ensemble national auquel elles sont liées (Roumanie pour les Moldaves de Bessarabie, séparés du reste de la Moldavie un siècle auparavant). Ces populations ne se sentent pas russes, et les tsars n’ont pas vraiment chercher à en faire des Russes. En 1870, les Alsaciens se sentaient Français. Leurs élus aux Etats Généraux avaient participé à la Révolution en 1789. Leur intégration nationale était réelle et complète. Rien de tel chez les peuples périphériques de l’Empire russe. Je serais d’ailleurs curieux de savoir si l’URSS, avant 1939, a tenu sur les “provinces perdues” le discours irrédentiste qu’on trouve en France entre 1870 et 1914 sur la “ligne bleue des Vosges”.

      Ensuite, durant l’Entre-deux-guerres, ces populations n’ont pas manifesté, globalement, une volonté forte d’intégrer l’URSS, preuve qu’elles ne se sentaient guère “soviétiques” a priori. Et lorsque Staline récupère ces territoires, il ne semble pas avoir soulevé l’enthousiasme des foules, si j’en juge par le nombre relativement important de Lettons et d’Ukrainiens, par exemple, qui se sont rangés aux côtés des Allemands, allant jusqu’à participer aux violences contre les juifs et s’engager dans la Waffen SS. En 1918, je ne connais pas précisément le sentiment des Alsaciens, mais il n’y a pas eu de réelle hostilité lors du retour au sein de la France. Et, en 1940, je ne crois pas que les Alsaciens aient accueilli les Allemands en libérateurs.

      Cela fait, je pense, une grosse différence. Lorsque Staline “reprend” les pays baltes, il ne réintègre pas dans l’URSS une partie de la “nation soviétique” ou de la “nation russe” qui aurait été séparée du reste par les malheurs de l’histoire. D’ailleurs, Lettonie, Lituanie, Estonie et Moldavie reçoivent chacune le statut de “République socialiste soviétique”, preuve qu’on reconnaît leur spécificité nationale, avec leur drapeau, leur hymne, leur constitution.

      Si vous jugez que Staline était fondé à “reprendre” des provinces de l’empire tsariste, sous le seul prétexte qu’elles avaient appartenu à cet empire, alors la Pologne était tout aussi fondée à réclamer la Biélorussie et l’Ukraine, l’Allemagne, héritière du Saint Empire, était fondée à réclamer l’Alsace, la Lorraine, la Bohême et la Suisse. Si on pousse la logique plus loin, la Grèce, héritière de l’Empire byzantin, pourrait réclamer toute la Turquie, le sud de l’Italie, l’Egypte, la Syrie, les états balkaniques (Bulgarie, Macédoine, Albanie, Serbie) et ainsi de suite… Pourquoi ces ambitions seraient-elles moins “légitimes” que celles de Staline? N’est-ce pas une forme de progrès que de quitter la logique impériale pour une logique plus nationale?

      D’autant que l’URSS s’est toujours affirmée comme étant en rupture avec l’Empire tsariste. La dimension multinationale a d’ailleurs posé problème à Lénine: au début, une partie des bolcheviks, par réaction contre la politique impériale des tsars, semble avoir été favorable à une forme de “droit des peuples à disposer d’eux-mêmes”. Mais il a fallu faire marche arrière face à la puissance inquiétante des mouvements centrifuges qui risquaient de réduire comme peau de chagrin la toute jeune “patrie socialiste”.

      Je n’ai jamais bien compris le but ultime de l’URSS par rapport à la question nationale: les dirigeants soviétiques concevaient-ils l’URSS comme une fédération de nations? Ou bien l’aspect “fédératif” cachait-il en fait la volonté de forger une véritable “nation soviétique”? J’ai l’impression qu’une certaine ambiguïté régnait. Qu’en pensait Staline (qui lui-même n’était pas russe à proprement parler)?

    • Descartes dit :

      @ nationalistejacobin

      [Or, les Lettons, Lituaniens, Estoniens, Moldaves de Bessarabie ou Ukrainiens occidentaux n’ont jamais fait partie de la nation russe, ils n’étaient qu’une composante d’un vaste empire multiethnique.]

      Votre remarque est intéressante. Je vous accorde qu’il s’était passé un certain nombre de choses en France depuis la chute de la monarchie, qui font que la France est une « nation » unitaire. Pour que ma comparaison fut légitime, il faudrait comparer plutôt avec les régions qui auraient pu être arrachés à la France pendant les guerres revolutionnaires. Sauf que la France, contrairement à l’URSS naissante, a réussi à gagner les guerres en question, et à éviter donc les pertes territoriales.

      Mais votre argumentation présente un point faible. L’empire Russe était un empire unitaire. Il n’y avait pas de différence entre un letton, un ukrainien ou un russe. Même si l’énormité des distances rendaient cet unitarisme difficile à réaliser en pratique, on ne peut considérer les états baltes, l’ukraine ou la biélorussie comme des « colonies ».

      [Lorsque l’Empire russe est emporté dans la tourmente révolutionnaire, ces populations optent pour l’indépendance (Lettonie, Lituanie, Estonie), tentent de l’obtenir (Ukrainiens de l’Ouest) ou rejoignent un autre ensemble national auquel elles sont liées (Roumanie pour les Moldaves de Bessarabie, séparés du reste de la Moldavie un siècle auparavant).]

      C’est une présentation qui travestit un peu l’histoire. Ce ne sont pas les « populations » qui ont choisi l’indépendance. Les indépendances ont été la conséquence des interventions des armées étrangères (polonaises, roumaines) avec l’appui des grandes puissances de l’époque. Certaines régions, comme la Bessarabie, la Boucovine, certaines parties de la Biélorussie sont directement annexées par les pays voisins. La seule province de l’Empire russe qui acquit son indépendance sans intervention étrangère fut la Finlande. Et vous noterez que c’est la seule ancienne dépendance russe que l’URSS ne chercha jamais à annexer, alors même qu’elle aurait pu le faire.

      [Ensuite, durant l’Entre-deux-guerres, ces populations n’ont pas manifesté, globalement, une volonté forte d’intégrer l’URSS, preuve qu’elles ne se sentaient guère “soviétiques” a priori.]

      Personne ne leur a demandé leur avis, et ceux qui ont manifesté un quelconque désir d’intégration à l’URSS ont été fusillés ou déportés. On oublie un peu vite ce que fut la répression anti-soviétique et anticommuniste dans les pays baltes et en Pologne pendant l’entre-deux guerres.

      [Et lorsque Staline récupère ces territoires, il ne semble pas avoir soulevé l’enthousiasme des foules, si j’en juge par le nombre relativement important de Lettons et d’Ukrainiens, par exemple, qui se sont rangés aux côtés des Allemands, allant jusqu’à participer aux violences contre les juifs et s’engager dans la Waffen SS.]

      Cela semblerait indiquer que les raisons de l’engagement dans la Waffen SS peut se trouver plus dans l’antisémitisme de ces populations plutôt que dans leur antisoviétisme. Ce qui n’est pas déraisonnable, si l’on tient compte de ce que fut la propagande antisémite en Pologne et dans les pays baltes pendant l’entre deux guerres. Etant donné ces années de propagande, il n’est pas étonnant que les baltes – et notamment leurs élites – aient craint une intégration dans la sphère soviétique. Que voulez-vous, contrairement aux occidentaux, les soviétiques n’ont pas protégé ceux qui ont collaboré avec les nazis…

      [En 1918, je ne connais pas précisément le sentiment des Alsaciens, mais il n’y a pas eu de réelle hostilité lors du retour au sein de la France.]

      C’est très loin d’être évident. Pourquoi croyez-vous qu’on a choisi de permettre aux Alsatiens de garder la législation allemande et le concordat ? S’ils étaient si contents de réintégrer la France, pourquoi n’ont-ils pas embrassé ses lois ? Je pense que la situation en 1870-18 est plus ambiguë que vous ne le pensez…

      [Cela fait, je pense, une grosse différence. Lorsque Staline “reprend” les pays baltes, il ne réintègre pas dans l’URSS une partie de la “nation soviétique” ou de la “nation russe” qui aurait été séparée du reste par les malheurs de l’histoire. D’ailleurs, Lettonie, Lituanie, Estonie et Moldavie reçoivent chacune le statut de “République socialiste soviétique”, preuve qu’on reconnaît leur spécificité nationale, avec leur drapeau, leur hymne, leur constitution.]

      Je reconnais que cet argument a un certain poids. Vous avez signale deux points qui posent question dans ma comparaison. La première est que les territoires perdus en 1870 le sont après un siècle de construction post-révolutionnaire de la nation, alors que l’URSS se voit arracher ces territoires immédiatement après la révolution. La seconde est que l’URSS est une construction fédérale, alors que la France reste un état unitaire. Mais si ces différences posent question, je ne crois pas qu’ils l’invalident complètement. Contrairement à la Finlande, avec laquelle le divorce en 1917 fut amiable, l’URSS a ressenti la perte des autres territoires comme l’effet d’une intervention étrangère, profitant de la faiblesse du nouvel état. Un peu comme si l’armée des princes avait profité en 1793 pour arracher à la France le nord-pas de Calais ou la Lorraine. A votre avis, qu’aurait fait la France dès qu’elle aurait eu l’opportunité ?

      [Si vous jugez que Staline était fondé à “reprendre” des provinces de l’empire tsariste, sous le seul prétexte qu’elles avaient appartenu à cet empire, alors la Pologne était tout aussi fondée à réclamer la Biélorussie et l’Ukraine, l’Allemagne, héritière du Saint Empire, était fondée à réclamer l’Alsace, la Lorraine, la Bohême et la Suisse.]

      Et chacun de ces pays l’a fait. Je ne me souviens pas qu’il y ait beaucoup de protestations lorsque la Pologne en 1924 arrache à l’URSS des portions entières de la Lituanie, la Bielorussie, de l’Ukraine. Au contraire, à l’époque on parlait d’un juste retour des territoires qui avaient fait la Grande Pologne au sein de la mère Patrie. Pourquoi Staline aurait-il été moins légitime lorsqu’il a repris ces territoires que ne l’était Pilsudski ? Quant à l’Allemagne, elle a bien elle aussi revendiqué la Bohême (qui lui fut cédé par traité signé par la France et l’Angleterre, si ma mémoire ne me trompe pas), puis l’Alsace et la Lorraine qu’elle annexe en 1940 par la force des armes.

      [Si on pousse la logique plus loin, la Grèce, héritière de l’Empire byzantin, pourrait réclamer toute la Turquie, le sud de l’Italie, l’Egypte, la Syrie, les états balkaniques (Bulgarie, Macédoine, Albanie, Serbie) et ainsi de suite…]

      Elle peut toujours. Seulement, ce n’est pas la même chose pour un Etat de revendiquer un territoire qui lui a été arraché par les armes que de réclamer un territoire perdu par un autre Etat dont vous êtes l’héritier présomptif il y a deux millénaires. Je trouve vos comparaisons spécieuses.

      [Pourquoi ces ambitions seraient-elles moins “légitimes” que celles de Staline?]

      Pour la raison que je vous ai expliqué. C’est à l’URSS que les territoires en question ont été arrachés, pas à l’un de ses lointains ancêtres. Vous remarquerez d’ailleurs que la Finlande, seul état à avoir fait sécession par lui-même et sans l’intervention d’armées étrangères, n’a jamais vu son indépendance menacée par son voisin. La guerre sovieto-finlandaise de 1939 ne portant que sur des bases militaires et des concessions territoriales jugées nécessaires à la défense de Léningrad, Staline n’a pas essayé d’utiliser sa victoire militaire chèrement acquise pour annexer le territoire finlandais.

      [N’est-ce pas une forme de progrès que de quitter la logique impériale pour une logique plus nationale?]

      Je ne vois pas en quoi l’intégration des pays baltes dans l’URSS s’éloigne de la logique « nationale ». Les pays baltes ont acquis le statut de républiques fédérées, elles n’ont pas été intégrées dans la RFSSR.

      [D’autant que l’URSS s’est toujours affirmée comme étant en rupture avec l’Empire tsariste. La dimension multinationale a d’ailleurs posé problème à Lénine: au début, une partie des bolcheviks, par réaction contre la politique impériale des tsars, semble avoir été favorable à une forme de “droit des peuples à disposer d’eux-mêmes”. Mais il a fallu faire marche arrière face à la puissance inquiétante des mouvements centrifuges qui risquaient de réduire comme peau de chagrin la toute jeune “patrie socialiste”.]

      Il y a eu effectivement un conflit entre les « internationalistes » – avec Trotsky en tête – pour qui le fait national était une institution bourgeoise qui ne pouvait que disparaître avec le communisme, et les « nationalistes » – dont Staline – qui pensaient au contraire que le fait national était une réalité puissante, et qu’on ne pouvait pas organiser l’Etat en l’ignorant. Lénine, qui était surtout un pragmatique, a oscillé entre ces deux positions pour finalement retenir la position stalinienne d’un Etat construit et fondé sur les « nationalités ». Non seulement parce que les forces centrifuges risquaient de morceller l’Etat, mais parce que ces forces centrifuges donnaient une porte d’entrée aux interventions étrangères, qui utilisaient les revendications nationales pour affaiblir le gouvernement révolutionnaire. Une tactique que Hitler utilisera avec le succès que l’on sait contre la Tchécoslovaquie.

      [Je n’ai jamais bien compris le but ultime de l’URSS par rapport à la question nationale: les dirigeants soviétiques concevaient-ils l’URSS comme une fédération de nations? Ou bien l’aspect “fédératif” cachait-il en fait la volonté de forger une véritable “nation soviétique”? J’ai l’impression qu’une certaine ambiguïté régnait. Qu’en pensait Staline (qui lui-même n’était pas russe à proprement parler)?]

      Franchement, c’est une question historique passionnante, à laquelle il est difficile de donner une réponse. Le point le plus complexe est que le système politique soviétique était dual. D’un côté, le système administratif était fédéral, avec des Républiques fédérées ayant de larges pouvoirs d’organisation, ayant chacun deux ou plus de langues officielles, maintenant jalousement sa culture. Chapeautant ce système d’essence fédérale, le système du Parti-Etat, qui était lui strictement unitaire. L’interpénétration de ces deux systèmes a été différente selon les époques, et rend assez difficile de comprendre comment le système fonctionnait vraiment. En tout cas, il semble avoir été très efficace à l’heure de créer un véritable « sentiment national ». On l’a vu dans les combats de la deuxième guerre mondiale. Il semble aussi que le système ait réussi à éviter l’écueil des conflits communautaires. Lorsqu’on regarde la liste des hauts dirigeants soviétiques, on retrouve un éventail d’origines très larges – le cas de Staline étant certainement le plus emblématique.

    • morel dit :

      Jaurès parle de « petite patrie », la nation n’est évoquée que pour la « grande ». Ce concept de nation est beaucoup mieux explicité dans son « histoire socialiste de la Révolution française » si mes souvenirs sont exacts.
      « vous parlez des territoires qui ont été détachés de l’empire russe – dont l’URSS était l’héritier – par les armées « blanches » et par les pays voisins pendant la guerre civile et les interventions du début des années 1920 ? »
      Pouvez-vous sérieusement affirmer que les populations de ces territoires réclamaient à cor et à cri leur rattachement ? Les déportations massives accompagnées d’installation de colons russophones démontrent le contraire.
      Quant à l’URSS, sa construction se voulait en rupture avec les pratiques de l’empire russe.
      La Finlande et les pays Baltes avaient obtenu leur indépendance du nouveau régime.
      Le dur échec en Finlande de Staline, en application du pacte germano-soviétique et malgré le pacte de non-agression de 1932 a été dissuasif pour la suite.

      La comparaison avec l’Alsace-Moselle n’est pas de mise. Il n’y a jamais eu de déportation de ces populations vers l’intérieur français, pas plus d’implantation de colons (pratique impériale russe déjà notamment en Bessarabie et Moldavie). Il n’y a eu que le retour d’Allemands vers leur patrie d’origine en 18.

      « En d’autres termes la condamnation « définitive » d’abord, l’étude ensuite… »
      Vous jouez sur les mots. La condamnation est politique et n’exclut pas l’étude.

    • Descartes dit :

      @ morel

      [« vous parlez des territoires qui ont été détachés de l’empire russe – dont l’URSS était l’héritier – par les armées « blanches » et par les pays voisins pendant la guerre civile et les interventions du début des années 1920 ? »][Pouvez-vous sérieusement affirmer que les populations de ces territoires réclamaient à cor et à cri leur rattachement ? Les déportations massives accompagnées d’installation de colons russophones démontrent le contraire.]

      Sur cette question, personne ne peut rien affirmer parce qu’aucun étude d’opinion ne fut réalisé à l’époque, et qu’aucun des deux camps en présence n’a eu la bonne idée d’organiser un référendum libre et démocratique, ni en 1918, ni en 1940 – ce qui semble suggérer que personne n’était très sur du résultat. Quant aux « déportations massives », je vous rappelle qu’il y eut aussi des mouvements de population massifs dans les années 1920, mais dans le sens inverse. La « terreur blanche » n’est pas une invention, et les régimes instaurés dans les pays baltes après 1918 – dont l’idéologie « raciale » mériterait d’être rappelée – ont pratiqué aux aussi une forme de « nettoyage ethnique ». Je vous invite par ailleurs à consulter les fiches Wikipédia sur les pays baltes : vous remarquerez qu’elles restent carrément silencieuses sur les conditions dans lesquelles ces pays ont acquis leur indépendance en 1918. Une coïncidence, sans doute…

      [Quant à l’URSS, sa construction se voulait en rupture avec les pratiques de l’empire russe.]

      Et elles l’étaient, avec une constitution très largement fédérale – avec d’ailleurs plusieurs étages d’autonomie (région autonome, république autonome, république fédérative, etc.) et une valorisation des langues et les cultures locales. Mais ce n’est pas parce qu’on rompt avec les pratiques antérieures qu’on doit abandonner des territoires. La Révolution française s’est placée en « rupture » avec l’ancien régime, mais a défendu bec et ongles chaque territoire du royaume de France convoité par nos voisins, et a même conquis quelques uns qui n’avaient jamais été français…

      [La Finlande et les pays Baltes avaient obtenu leur indépendance du nouveau régime.]

      Non. La Finlande avait obtenu son indépendance régulièrement, et d’ailleurs le régime soviétique ne l’a jamais contesté ni cherché à ré-annexer son territoire (alors qu’il a eu l’opportunité de le faire). Les pays Baltes ont, eux, été arrachés par la force au jeune état soviétique par le traité de Brest-Litovsk, et leur indépendance résulte d’un accord entre les grandes puissances après la défaite de l’Allemagne en 1918. D’ailleurs, l’un de ces états, la Lituanie, voit son territoire amputé par la Pologne qui l’annexe dans les années 1920 sans que cela provoque de grandes protestations des puissances occidentales…

      [Le dur échec en Finlande de Staline,]

      Quel « dur échec » ? Je me dois de vous informer que la Finlande a finalement été vaincue, et a demandé l’armistice le 5 mars 1940… la nouvelle ne vous est-elle pas parvenue ?

      [La comparaison avec l’Alsace-Moselle n’est pas de mise. Il n’y a jamais eu de déportation de ces populations vers l’intérieur français, pas plus d’implantation de colons (pratique impériale russe déjà notamment en Bessarabie et Moldavie). Il n’y a eu que le retour d’Allemands vers leur patrie d’origine en 18.]

      Vous vous trompez. Que ce soit du côté allemand comme du côte français, on a implanté des colons et expulsé les populations jugées « dangereuses ». La seule différence est qu’au lieu de déplacer les populations dans son propre espace, on les a renvoyées dans l’espace étranger. En 1870 comme en 1940, les allemands ont largement eu recours aux expulsions et à l’installation de colons allemands. La France fera de même lorsqu’elle reprendra ces territoires. Je vous invite aussi à vous méfier des chiffres qui circulent sur les mouvements de population dans les pays baltes et en général en Europe orientale. Le statut de « victime » étant extrêmement rémunérateur, les chiffres ont tendance à subir une certaine inflation depuis quelques années. D’autant plus que certains mouvements de population cachent des questions peu avouables. Ainsi, on découvre tout à coup que des personnalités dont on nous dit qu’elles ont été persécutés pour leurs idées ont participé très activement aux persécutions antisémites pendant l’occupation allemande…

      [« En d’autres termes la condamnation « définitive » d’abord, l’étude ensuite… » Vous jouez sur les mots. La condamnation est politique et n’exclut pas l’étude.]

      Au contraire, et c’est bien là le problème. La « condamnation » oriente les études, puisque toute découverte qui pourrait aller contre la « condamnation » est par avance disqualifiée. Tenez, je vous propose un exercice pratique. Hier, on pouvait voir sur France 2 un documentaire assez bien fait sur l’histoire de l’escadrille Normandie-Niemen. Vous savez, ce groupe de courageux français qui sont allés se battre en terre soviétique. Bien entendu un tel documentaire doit contenir – au nom de cette « condamnation définitive » – sa « séquence antisoviétique », c’est-à-dire, une anecdote, un fait, un document destinés à nous persuader que Staline et ses sbires étaient très, très, très méchants et que tout ce qui a été fait de bien à l’époque a été fait malgré eux, voire contre eux. Cette séquence était une sorte de passeport que le documentaire doit montrer pour pouvoir être montré à la télévision. Hier, la séquence antisoviétique était la suivante : on nous racontait l’histoire d’une secrétaire (soviétique) qui étant tombé amoureuse d’un pilote français fut poussée au suicide par le « commissaire politique » de l’unité, agissant sans aucun doute sous les ordres de Staline lui-même.

      Seulement voilà : ais-je le droit, sans contrevenir à la « condamnation définitive » à laquelle vous m’appelez avant toute analyse, de dire que cette explication est proprement invraisemblable ? Les premiers aviateurs de Normandie-Niemen arrivent en URSS le 28 novembre 1942. Presque deux mois après l’annonce par Staline de la suppression des commissaires politiques dans l’Armée Rouge. Le « petit père des peuples » trouvait en effet que la dualité entre l’officier commandant et le commissaire politique nuisait à l’unité du commandement et à l’efficacité au combat…

    • morel dit :

      « La « condamnation » oriente les études, puisque toute découverte qui pourrait aller contre la « condamnation » est par avance disqualifiée. »

      Non. Condamner fermement l’esclavage n’interdit nullement les recherches historiques, c’est ce qu’a très bien fait Pétré-Grenouilleau, de même s’inscrire résolument contre le clientélisme victimaire.

      Sur l’anecdote du type que vous relatez pour Normandie-Niémen, sachez que ma position constante est une extrême circonspection.

      « Presque deux mois après l’annonce par Staline de la suppression des commissaires politiques dans l’Armée Rouge. »

      Vassili Grossman relate le relâchement de la pression politique du régime au cœur de la 2ième guerre, pour pouvoir gagner la guerre. La répression reprendra à la fin de celle-ci.

      « Que ce soit du côté allemand comme du côté français, on a implanté des colons »

      Avez-vous des chiffres ou des références ?

      « Je me dois de vous informer que la Finlande a finalement été vaincue, et a demandé l’armistice le 5 mars 1940… la nouvelle ne vous est-elle pas parvenue ? »

      La disproportion des forces et l’avance plus que limitée de l’URSS permettent de souligner une farouche volonté d’indépendance des finlandais. Staline avait une excellente mémoire concernant ses ennemis et leur capacité.

      Sur l’Alsace-Moselle, le cas est plus nuancé : volonté nette de rester Français au début (les premiers députés sont pour le retour à la France) mais l’Allemagne même bismarckienne apportera développement industriel et lois plus sociales qu’en France. Aussi, avec le désir de conserver cette avancée, la stupidité de l’administration militaire (quelques exemples non exhaustifs : prouver sa nationalité via des « certificats de réintégration », refaire les contrats de mariage car non-conformes au droit français, l’interdiction officielle qui défend aux Alsaciens-Lorrains de s’exprimer en dialecte ou en allemand en public ou dans les rues après 22 heures) se développera un fort mouvement autonomiste après 18.
      Dans le reichland Elsass Lothringen, la pratique du français n’a été interdite qu’à la déclaration de guerre. Cette occupation a vu l’essor de la faculté de Strasbourg quantité de construction, apparition de nouvelles industries (potasse), apparition de lois sociales.
      En 1874, décret instituant une assemblée Alsace-Moselle et en 1911 Constitution de l’Alsace-Moselle dans le cadre de l’autonomie alsacienne décidée par l’empire allemand.
      Tout ceci loin de la vision à la “Hansi”…

    • Descartes dit :

      @ morel

      [« La « condamnation » oriente les études, puisque toute découverte qui pourrait aller contre la « condamnation » est par avance disqualifiée. » Non. Condamner fermement l’esclavage n’interdit nullement les recherches historiques, c’est ce qu’a très bien fait Pétré-Grenouilleau, de même s’inscrire résolument contre le clientélisme victimaire.]

      Et qu’est arrivé à ce pauvre Pétré-Grenouilleau ? Il a été traîné dans la boue et poursuivi en justice. Et encore, il a eu la chance d’avoir été soutenu par ses collègues, ce qui n’est pas toujours le cas. Aux Etats-Unis, il est aujourd’hui impossible pour un chercheur d’aborder un certain nombre de questions concernant l’esclavage sans un risque très sérieux pour sa carrière. Et en France, cela devient de plus en plus difficile.

      [Vassili Grossman relate le relâchement de la pression politique du régime au cœur de la 2ième guerre, pour pouvoir gagner la guerre. La répression reprendra à la fin de celle-ci.]

      Vassili Grossman peut à la rigueur relater le relâchement de la pression politique du régime au cœur de la 2ème Guerre, parce qu’il a pu l’observer. Mais sauf à supposer qu’il pouvait lire dans les pensées de Staline, il ne pouvait « relater » le fait que ce relâchement avait pour objectif de « pouvoir gagner la guerre ». Vous donnez vous-même un bon exemple de la manière dont la « condamnation » à priori oriente le discours. Pourquoi ne pas accorder au « régime » le bénéfice du doute, et supposer qu’il a « relâché la répression » par conviction plutôt que par machiavélisme ? Réponse : parce que cela irait contre la « condamnation » prononcée à priori.

      [« Que ce soit du côté allemand comme du côté français, on a implanté des colons » Avez-vous des chiffres ou des références ?]

      Quelques unes. Le traité de Francfort qui met fin à la guerre de 1870 et consacre l’annexion des départements à l’Allemagne permettait aux habitants de conserver la citoyenneté française à la condition expresse de quitter le territoire avant le 1er octobre 1872. Pour la seule ville de Metz, 50% de la population a usé de cette clause. Plus d’un demi-million d’Alsaciens et de Lorrains, selon Vidal de la Blache, quittent le territoire. Ils sont remplacés par des émigrants allemands qui, en 1910, représentent entre 15 et 25% de la population selon les localités. A peu près autant que les russophones dans les pays baltes après les mouvements de population de la fin de la deuxième guerre mondiale.

      [« Je me dois de vous informer que la Finlande a finalement été vaincue, et a demandé l’armistice le 5 mars 1940… la nouvelle ne vous est-elle pas parvenue ? » La disproportion des forces et l’avance plus que limitée de l’URSS permettent de souligner une farouche volonté d’indépendance des finlandais. Staline avait une excellente mémoire concernant ses ennemis et leur capacité.]

      Possible. Mais les finlandais ont été vaincus, et cependant le traité de paix qui met fin à la guerre sovieto-finlandaise ne contient que les concessions territoriales demandées par l’URSS pour garantir la défense de Leningrad (et qui, accessoirement, permettront de sauver cette ville quelques années plus tard). Staline, qui n’a pas hésité à annexer les pays baltes, la Bessarabie ou la Bukovine lorsqu’il eut l’opportunité, ne songea pas à faire de même avec la Finlande. Cela semble indiquer que l’URSS n’avait pas la même position concernant les territoires qui devaient leur indépendance à un traité équilibré et ceux qui la devaient à l’action des armées étrangères.

    • morel dit :

      Suite à problème l’intégralité de mon texte ne vous est pas parvenu, je vous le retransmets dans son intégralité :

      Sur l’Alsace-Moselle, le cas est plus nuancé : volonté nette de rester Français au début (les premiers députés sont pour le retour à la France) mais l’Allemagne même bismarckienne apportera développement industriel et lois plus sociales qu’en France. Aussi, avec le désir de conserver cette avancée, la stupidité de l’administration militaire (quelques exemples non exhaustifs : prouver sa nationalité via des « certificats de réintégration », refaire les contrats de mariage car non-conformes au droit français, l’interdiction officielle qui défend aux Alsaciens-Lorrains de s’exprimer en dialecte ou en allemand en public ou dans les rues après 22 heures) se développera un fort mouvement autonomiste après 18.

      Dans le reichland Elsass Lothringen, la pratique du français n’a été interdite qu’à la déclaration de guerre. Cette occupation a vu l’essor de la faculté de Strasbourg quantité de construction, apparition de nouvelles industries (potasse), apparition de lois sociales.
      En 1874, décret instituant une assemblée Alsace-Moselle et en 1911 Constitution de l’Alsace-Moselle dans le cadre de l’autonomie alsacienne décidée par l’empire allemand.
      Tout ceci loin de la vision à la “Hansi”…

      Pour faire écho par anticipation à la stupidité militaire, les prussiens répondront présents à travers l’affaire de Saverne.
      En 1911 les partisans de la France n’obtiendront qu’un peu plus de 3 %, les partis Allemands (Zentrum, SPD…) étant largement majoritaires.

      Est-ce à dire que les plus de 150 années de présence françaises avaient été effacées ainsi que le rôle fervent lors de la Révolution (Kellermann, Kléber, armée du Rhin, Valmy avec forte présence d’Alsaciens ?
      Pas simple, Les alsaciens et mosellans étaient considérés comme peu fiables du fait de leur « francophilie » et de la présence de la langue française à différents degrés au sein de la population. Après quelques mois de guerre, ils seront envoyés systématiquement vers le front de l’est.

      En choisissant Pétré-Grenouilleau, je m’attendais à cette réaction : « Et qu’est arrivé à ce pauvre Pétré-Grenouilleau ? Il a été traîné dans la boue et poursuivi en justice. »
      N’est-ce pas plutôt un honneur au regard de la qualité des plaideurs (aussi ultra minoritaires que communautaristes forcenés) et que risquait-il devant un tribunal (c’est pourquoi toute plainte a été retirée) ? Si cela ne vous convient pas, reformulons : « Non. Condamner fermement le nazisme n’interdit nullement les recherches historiques »

      « Mais sauf à supposer qu’il pouvait lire dans les pensées de Staline, il ne pouvait « relater » le fait que ce relâchement avait pour objectif de « pouvoir gagner la guerre ».

      Grossmann pensait que ce nouveau cours né de la guerre allait perdurer et que le régime allait évoluer. Il reste que la reprise de la répression après la victoire est une réalité matérielle « têtue ».
      « Pour la seule ville de Metz, 50% de la population a usé de cette clause. Plus d’un demi-million d’Alsaciens et de Lorrains, »

      Précision : il ne s’agit pas de déportations. Les départs sont certes amers mais volontaires et dans des conditions bien plus décentes que pour les peuples limitrophes de l’URSS.
      Le chiffre me paraît très exagéré. La ville de Metz est un cas particulier avec la forte présence militaire française avec leurs familles. Quid plus généralement des fonctionnaires partant/entrant ?
      Strasbourg et plus généralement, l’Alsace, en est loin.
      Et sans négliger l’attachement qui se manifestera, comme je l’ai souligné, par l’élection de députés pro-Français, les principales destinations d’émigration des Alsaciens-Mosellans seront les Etats-Unis et l’Amérique Latine par la suite.

    • Descartes dit :

      @ morel

      [Suite à problème l’intégralité de mon texte ne vous est pas parvenu, je vous le retransmets dans son intégralité :]

      Mais la partie qui m’est arrivée m’est arrivée coupée et collée trois fois… un bon conseil pour tous les commentateurs de ce blog. Ecrivez votre commentaire sous traitement de texte, et faites un copier-coller pour le publier.

      Pour faire écho par anticipation à la stupidité militaire, les prussiens répondront présents à

      [En choisissant Pétré-Grenouilleau, je m’attendais à cette réaction : « Et qu’est arrivé à ce pauvre Pétré-Grenouilleau ? Il a été traîné dans la boue et poursuivi en justice. » N’est-ce pas plutôt un honneur au regard de la qualité des plaideurs (aussi ultra minoritaires que communautaristes forcenés) et que risquait-il devant un tribunal (c’est pourquoi toute plainte a été retirée) ?]

      C’était peut-être un honneur, mais un honneur cher payé. S’il ne risquait rien devant le tribunal judiciaire, eu égard au sérieux de son travail, il a été lourdement condamné par le tribunal médiatique. Et ce genre de chose a un effet délétère sur la carrière d’un universitaire. Si Pétré-Grenouilleau n’a pas été finalement condamné, cette affaire aura un effet fortement dissuasif sur ses collègues, et particulièrement ceux qui sont jeunes et qui ont leur carrière devant eux. Et ils réfléchiront deux fois avant d’écrire un texte qui risque de les obliger à porter la marque « raciste » pendant bien longtemps devant leurs collègues, et particulièrement de leurs collègues des commissions de promotion, qui bien entendu sont indépendants mais qui, comme tout un chacun, « ne veulent pas d’ennuis ». Dieu interdisit qu’on tue Caïn, mais il prit le soin de le marquer sur le front…

      [Si cela ne vous convient pas, reformulons : « Non. Condamner fermement le nazisme n’interdit nullement les recherches historiques »]

      D’abord, la condamnation du nazisme ne fut pas si « ferme » que ça. Je vous rappelle que la dénazification de l’Allemagne de l’Ouest fut assez superficielle, que des nazis éminent furent protégés par les alliés – surtout les américains d’ailleurs – et purent couler des jours heureux dans quelque havre de paix sud-américain, quand ils n’ont pas été recrutés dans la lutte anticommuniste pendant la guerre froide. Et que le « monde libre » a continué à soutenir des régimes « amis » du Reich – prenez Franco ou Salazar, par exemple – et à en instaurer d’autres qui n’étaient pas très éloignés – prenez Pinochet, par exemple. Dans certains pays de l’est européen, on rend encore aujourd’hui hommage aux troupes qui se sont battus aux côtés des troupes nazies, et personne ne semble s’en émouvoir. En fait, la seule chose qui ait été « fermement condamnée », c’est la Shoah. Si Hitler n’avait pas commis ce crime là, je ne doute pas qu’il aurait déjà été largement réhabilité…

      Et justement, parce que le régime nazi n’est « fermement condamné » que pour la Shoah, il est pratiquement impossible de publier sur ce sujet des recherches qui aboutiraient à des conclusions qui s’écartent peu ou prou de cette « condamnation ». En France, la publication d’une telle conclusion, quand bien même elle serait justifiée par des documents incontestables, constituerait un délit puni par la loi. La réalité de la Shoah, son étendue, ses méthodes mêmes constituent des « vérités instituées », que la loi interdit de contester. Je ne suis pas contre d’ailleurs : je suis le premier à reconnaître qu’une société a besoin quelquefois de « vérités instituées ». Mais c’est une question d’ordre public, et non une question de vérité historique. Et plus on institue des « vérités », plus on restreint le champ de la recherche. C’est pourquoi je me méfie des « condamnation fermes » formulées a posteriori : ce sont des tentatives d’instituer une vérité.

      [« Mais sauf à supposer qu’il pouvait lire dans les pensées de Staline, il ne pouvait « relater » le fait que ce relâchement avait pour objectif de « pouvoir gagner la guerre ». Grossmann pensait que ce nouveau cours né de la guerre allait perdurer et que le régime allait évoluer. Il reste que la reprise de la répression après la victoire est une réalité matérielle « têtue ».]

      Vous me dites donc que Grossman « relate » que « le régime a relâché la répression pour pouvoir gagner la guerre », et maintenant vous me dites que Grossmann pensait que le « nouveau cours » allait perdurer, et perdurer au-delà de la motivation qu’il attribuait lui-même ? Ne pensez-vous pas qu’il y a une petite contradiction ?

      Votre commentaire est très révélateur de la manière dont la « condamnation » à laquelle vous appelez pollue le raisonnement. Cette condamnation conduit à ce qu’on appelle une interprétation téléologique. Comme le régime est par définition méchant, il va de soi que tout acte positif de sa part ne peut être que le résultat d’un plan machiavélique et bien entendu des plus noirs. Grossmann, lui, ne fait pas cette interprétation. Il semble penser que les intentions du régime sont pures et annoncent une véritable évolution. Vous, au contraire, faites l’interprétation téléologique : si le régime à fait cela, c’était seulement dans le but de pouvoir gagner la guerre – ce qui implique qu’il reprendrait la répression ensuite. Et vous attribuez cette interprétation à Grossmann !

      Le propre de l’interprétation téléologique est qu’elle ne se demande jamais « pourquoi ». Une fois établi que le régime est méchant, la question du pourquoi de son comportement est une question qui perd tout intérêt. La méchancété étant une essence, sa compréhension est par avance impossible. C’est pourquoi ce genre d’interprétation conduit rapidement à des explications psychiatriques : Hitler était fou, Staline paranoïaque. C’est un peu trop facile.

      La réalité est un peu plus compliquée que cela. Le gouvernement de l’Union Soviétique des années 1920 et 1930 n’était pas le cabinet anglais. Les complots étaient permanents, les assassinats et morts suspectes n’étaient pas rares. Staline n’était pas le seul, loin de là, à chercher à éliminer ses adversaires politiques, ou à employer pour cela des méthodes qu’on ne jugerait pas tout à fait conformes dans une démocratie parlementaire. Zinoviev, Kamenev, Boukharine, Trotski et d’autres moins connus n’étaient pas des enfants de cœur. Et plusieurs d’entre eux s’allièrent avec Staline pour en éliminer d’autres, ce qui suggère que les méthodes du futur « petit père des peuples » ne les dégoûtaient pas plus que ça. Parce qu’ils ont été vaincus, et qu’ils n’ont pas eu l’opportunité de gouverner, on a tendance à en faire des saints. Mais croyez-vous vraiment que si Trotski ou Boukharine avaient décroché la timbale les choses auraient été très différentes ? Comment croyez-vous qu’ils auraient réussi à se maintenir au pouvoir dans un climat de guerre civile et de complot permanent, par l’opération du saint-esprit ?

      La terreur stalinienne, comme la terreur révolutionnaire en France, n’ont pas été le fruit d’un cerveau malade. Les « terreurs » ont une fonction : en finir avec une situation d’anarchie. Dans des sociétés qui se sont habituées au désordre, morcelées en fractions dont chacune estime avoir de bonnes chances de conquérir le pouvoir par des complots et des « combinazione », elle a l’effet d’une douche glacée. Elles permettent d’ouvrir la voie à l’établissement d’un pouvoir stable et organisé.

      [« Pour la seule ville de Metz, 50% de la population a usé de cette clause. Plus d’un demi-million d’Alsaciens et de Lorrains, » Précision : il ne s’agit pas de déportations. Les départs sont certes amers mais volontaires et dans des conditions bien plus décentes que pour les peuples limitrophes de l’URSS.]

      Lorsqu’on impose à une population le choix entre le départ et l’acceptation de conditions vexatoires on parle de « déportation ». Ainsi, on parle de la « déportation des juifs d’Espagne » par les rois catholiques, alors qu’en fait personne ne les forçait à partir : ils pouvaient rester à condition de se convertir au catholicisme. Les allemands ont utilisé la même méthode : les alsaciens-lorrains pouvaient rester, à condition de se « convertir » à la nationalité allemande.

      Quant aux « conditions » du départ, je ne sais pas. Je crains malheureusement qu’on manque cruellement de données factuelles. Les témoignages sont peu fiables parce que dans le climat de victimisme dans lequel nous vivons, chacun a intérêt à exagérer ses souffrances. Par ailleurs, il faudrait tenir compte d’un certain nombre de paramètres. Par exemple, du fait que les pays baltes comme l’URSS d’ailleurs avaient subi de larges destructions de guerre, ce qui n’était pas le cas de l’Alsace-Lorraine en 1870. Comment se compare la situation des « déportés » lettons ou estoniens avec la situation générale des soviétiques ?

      [Et sans négliger l’attachement qui se manifestera, comme je l’ai souligné, par l’élection de députés pro-Français, les principales destinations d’émigration des Alsaciens-Mosellans seront les Etats-Unis et l’Amérique Latine par la suite.]

      Auriez-vous des chiffres ou des références ?

    • morel dit :

      « Ecrivez votre commentaire sous traitement de texte, et faites un copier-coller pour le publier. »
      Je ne peux que vous assurer qu’ayant lu précédemment ce type de recommandation sous votre plume, je m’y conforme strictement. J’espère ne pas vous avoir donné bien involontairement du travail supplémentaire peu intéressant.
      Je crois que sur un certain nombre de points nous ne tomberons jamais d’accord.
      Pour ma part, je pense que les crimes du capitalisme ne justifieront jamais ceux commis au nom du socialisme et réciproquement et il est tout à fait nécessaire d’être clair là-dessus.
      Je m’étonne qu’une personne cultivée et condamnant le régime de Pol Pot n’ait pas la même rigueur concernant Staline et son régime.
      Une interrogation en passant : quelle analyse de classe tirez-vous du système stalinien ?

      Une précision à but non-polémique : « Une fois établi que le régime est méchant, la question du pourquoi de son comportement est une question qui perd tout intérêt. La méchanceté étant une essence, sa compréhension est par avance impossible. C’est pourquoi ce genre d’interprétation conduit rapidement à des explications psychiatriques : Hitler était fou, Staline paranoïaque »
      Je n’ai jamais écrit de telles choses que je vous défie de trouver dans mes commentaires.
      Je pense tout bonnement que le régime instauré est consubstantiel à la terreur aveugle d’où mes interrogations sur sa nature, son origine, etc… Je n’ai, à ce stade, que des approches parcellaires mais trop long à écrire et avancerions nous si j’entamais le chapitre ?

      Le mémorial d’Alsace-Moselle piloté par des historiens donne le chiffre de 125 000 départs volontaires au terme du délai fixé par les Allemands, loin du demi-million de Vidal de la Blache

      « Auriez-vous des chiffres ou des références ? »

      Bien joué. LAYBOURN Norman. L’émigration des Alsaciens et des Lorrains du XVIIIe au XXe siècles : essai d’histoire démographique.

    • Descartes dit :

      @ morel

      [Je ne peux que vous assurer qu’ayant lu précédemment ce type de recommandation sous votre plume, je m’y conforme strictement. J’espère ne pas vous avoir donné bien involontairement du travail supplémentaire peu intéressant.]

      Un petit peu mais ce n’est pas grave. En fait, Overblog ne donne aucun outil aux administrateurs pour modifier un commentaire. Quand il faut faire une correction, je suis obligé de reposter le commentaire sous votre nom… mais bon, ca fait partiedu boulot…

      [Je crois que sur un certain nombre de points nous ne tomberons jamais d’accord.]

      Certainement. Mais si nous arrivons à comprendre pourquoi nous ne pouvons tomber d’accord, nous aurons fait un très grand pas.

      [Pour ma part, je pense que les crimes du capitalisme ne justifieront jamais ceux commis au nom du socialisme et réciproquement et il est tout à fait nécessaire d’être clair là-dessus.]

      Sur ce point, on est d’accord. Mais ensuite, quelle conclusion tirez-vous de ce principe ? Si les crimes des uns ne peuvent pas être justifiés par les crimes des autres et vice-versa, où cela peut-il nous mener ? Seulement à la conviction que nous ne pouvons que sortir d’un régime criminel pour entrer dans un autre régime criminel, et que la comparaison des « crimes » commis par l’un ou l’autre est un vain exercice. Et que donc les « crimes » commis par l’un ou l’autre système ne sont pas un critère valable pour choisir entre eux. Ce qui est, schématiquement, ma position.

      L’erreur que vous commettez à mon avis est justement que vous usez des « crimes » comme un critère pour juger les différents systèmes, et que vous déclarez préférable celui qui aurait commis les moins. Ce qui au fond revient à faire ce que vous refusez formellement dans votre formule : « justifier » les crimes d’un système en affirmant que les autres en ont commis de pires. Mon choix est différent : ce qui m’intéresse est de comprendre pourquoi ces crimes ont été commis. Parce que ne je pense pas un instant que les gens commettent des crimes de masse juste par goût personnel. Il y a des sadiques qui tuent pour le plaisir de tuer, mais ils sont somme toute relativement rares, particulièrement dans les étages supérieurs du pouvoir. Il y a dans les grands crimes un élément subjectif, et la raison pour laquelle ils ont été commis n’est pas tout à fait indifférente. Pour le dire autrement, la terreur qu’on instaure pour permettre l’instauration de la République n’est pas comparable à la terreur qu’on instaure pour préserver les intérêts des multinationales géantes du cuivre. Et chacun de ces crimes doit être compris dans son contexte.

      [Je m’étonne qu’une personne cultivée et condamnant le régime de Pol Pot n’ait pas la même rigueur concernant Staline et son régime.]

      Mais si je condamne le régime de Pol Pot, ce n’est pas parce qu’il fut « criminel ». C’est parce que ce « crime » n’a servi à rien. Si la terreur polpotienne avait débouché sur de grandes réalisations civiles, scientifiques, culturelles, économiques ; si après quelques années de terreur le Cambodge était devenu un phare intellectuel et une puissance économique, doté d’institutions fortes et respectées, mon jugement du régime serait probablement très différent de ce qu’il est.

      J’attire votre attention sur le fait que vous usez inconsciemment du même procédé : vous condamnez « absolument » Staline, mais vous n’avez pas la même « condamnation absolue » pour ceux qui ont dirigé un régime capitaliste qui mettait les enfants au travail dans les mines à partir de huit ans dans des conditions qui valaient bien celles de la Sibérie. Pourquoi ? Ne serait-ce parce que le capitalisme, à côté de ses grands « crimes », laisse aussi derrière lui une grande œuvre ? Finalement, notre raisonnement est assez semblable : nous pardonnons assez facilement les « crimes » lorsqu’ils servent à quelque chose qui nous paraît désirable…

      [Une interrogation en passant : quelle analyse de classe tirez-vous du système stalinien ?]

      Je ne suis pas un expert, alors je ne peux que vous dire ce que je retire de mes lectures,au risque de dire des bêtises. Il est difficile de faire une analyse de classe des « régimes de transition » – Staline ou Napoléon sont des bons exemples – parce qu’ils se trouvent placés dans une situation de pacification, et que cette pacification nécessite des concessions autant vers l’ancien pour construire le nouveau. Ainsi, par exemple, tant Staline comme Napoléon conforteront en apparence une classe « réactionnaire », les prêtres, pour avoir la paix sur ce front et pouvoir se consacrer à d’autres.

      Du point de vue de classe, la société stalinienne se rapproche peut-être le plus près qu’on ait jamais été d’une société sans classes. La très grande majorité du capital – pour ne pas dire la quasi-totalité est socialisé, l’hérédité sociale est pratiquement supprimée avec un brassage social massif, la pyramide des rémunérations est très fortement aplatie, et elle correspond largement à une pyramide du mérite.

      [Une précision à but non-polémique : « Une fois établi que le régime est méchant, la question du pourquoi de son comportement est une question qui perd tout intérêt. La méchanceté étant une essence, sa compréhension est par avance impossible. C’est pourquoi ce genre d’interprétation conduit rapidement à des explications psychiatriques : Hitler était fou, Staline paranoïaque » Je n’ai jamais écrit de telles choses que je vous défie de trouver dans mes commentaires.]

      Je n’ai pas dit que vous les ayez écrites. Mais la position que vous avez choisie conduit très naturellement à ce type de raisonnement.

      [Je pense tout bonnement que le régime instauré est consubstantiel à la terreur aveugle d’où mes interrogations sur sa nature, son origine, etc… Je n’ai, à ce stade, que des approches parcellaires mais trop long à écrire et avancerions nous si j’entamais le chapitre ?]

      Vous donnez ici un bon exemple de la dérive que je signalais plus haut. Si « le régime instauré est consubstantiel à la terreur », alors la question de comprendre la motivation de ceux qui ont présidé à cette terreur n’a simplement plus de sens. En faisant de la terreur la « substance » du régime, vous faites de celle-ci une fatalité, une sorte de décret du destin, dans laquelle les choix des hommes n’ont finalement guère d’importance.

      J’ai envie de vous poser la question : Staline a-t-il choisi de déclencher la terreur ? A-t-il choisi d’envoyer ses adversaires politiques – ou supposés tels – dans les camps en Sibérie ou de les faire exécuter ? Et si oui, pourquoi ? Qu’avait-il à gagner ? Qu’avait-il à perdre s’il ne l’avait pas fait ? Quel aurait été le destin de la société soviétique s’il avait choisi l’autre voie ?

      [Le mémorial d’Alsace-Moselle piloté par des historiens donne le chiffre de 125 000 départs volontaires au terme du délai fixé par les Allemands, loin du demi-million de Vidal de la Blache]

      Et quel est le chiffre total de départs qu’ils proposent ? Il est possible que la définition de « volontaire » ne soit pas tout à fait la même. Par ailleur, Vidal de la Blache donne le chiffre de 500.000 pour le total des départs (hors fonctionnaires), et non pour les départs strictement « volontaires ».

      [« Auriez-vous des chiffres ou des références ? » Bien joué. LAYBOURN Norman. L’émigration des Alsaciens et des Lorrains du XVIIIe au XXe siècles : essai d’histoire démographique.]

      Un titre n’est pas une référence, et grâce à Google on peut en fournir autant qu’on en veut. Pourriez-vous indiquer les pages auxquelles vous faites référence, ou même si vous avez le temps reproduire le paragraphe concerné ? Merci…

    • morel dit :

      « J’attire votre attention sur le fait que vous usez inconsciemment du même procédé : vous condamnez « absolument » Staline, mais vous n’avez pas la même « condamnation absolue » pour ceux qui ont dirigé un régime capitaliste qui mettait les enfants au travail dans les mines à partir de huit ans dans des conditions qui valaient bien celles de la Sibérie »

      Pourquoi faites-vous ces déductions que je n’ai jamais formulées et qui ne correspondent pas à ma pensée ? Tout se passe, pour vous, comme si les seules alternatives possibles étaient capitalisme ou stalinisme.

      « Du point de vue de classe, la société stalinienne se rapproche peut-être le plus près qu’on ait jamais été d’une société sans classes. »

      Je ne prétends non plus à l’expertise mais quid de la Nomenklatura et de ses privilèges ?

      « Vous donnez ici un bon exemple de la dérive que je signalais plus haut. Si « le régime instauré est consubstantiel à la terreur », alors la question de comprendre la motivation de ceux qui ont présidé à cette terreur n’a simplement plus de sens. En faisant de la terreur la « substance » du régime, vous faites de celle-ci une fatalité, une sorte de décret du destin, dans laquelle les choix des hommes n’ont finalement guère d’importance. »

      Non pas une fatalité mais une résultante de conceptions et de mesures qui s’inscrivent dans une même logique. Fin et moyens s’inscrivent dans un rapport dialectique. En quoi l’assassinat et l’embastillement de masse mène au socialisme ?

      Restons en-là sur l’Alsace puisque la suspicion est de mise.

    • Descartes dit :

      @ morel

      [« J’attire votre attention sur le fait que vous usez inconsciemment du même procédé : vous condamnez « absolument » Staline, mais vous n’avez pas la même « condamnation absolue » pour ceux qui ont dirigé un régime capitaliste qui mettait les enfants au travail dans les mines à partir de huit ans dans des conditions qui valaient bien celles de la Sibérie ». Pourquoi faites-vous ces déductions que je n’ai jamais formulées et qui ne correspondent pas à ma pensée ?]

      Vous avez tout à fait raison. Je n’aurais pas du vous attribuer des pensées que vous n’avez pas exprimé. Je vous pose la question donc : condamnez-vous « absolument » Napoléon III, Poincaré ou Clémenceau pour avoir dirigé un régime qui envoyait les enfants au travail dans les mines à partir de huit ans de la même manière que vous condamnez « absolument » Staline et son régime ?

      [Tout se passe, pour vous, comme si les seules alternatives possibles étaient capitalisme ou stalinisme.]

      Pas du tout. Il y a plein d’autres alternatives. Mais il ne s’agit pas ici de cela, mais des régimes qui ont existé historiquement. Je m’étonne qu’a égalité de méfaits, certains soient condamnés « absolument » et d’autres le soient seulement « relativement ».

      [« Du point de vue de classe, la société stalinienne se rapproche peut-être le plus près qu’on ait jamais été d’une société sans classes. » Je ne prétends non plus à l’expertise mais quid de la Nomenklatura et de ses privilèges ?]

      D’abord, les privilèges exorbitants de la Nomenklatura sont un phénomène des années Brejnev, mais pas vraiment de la période stalinienne. Sous Staline, les « privilèges » des dirigeants et hauts fonctionnaires étaient fort limités, et se payaient très cher d’une disponibilité totale et du risque d’être emprisonné ou pire.

      [Non pas une fatalité mais une résultante de conceptions et de mesures qui s’inscrivent dans une même logique. Fin et moyens s’inscrivent dans un rapport dialectique. En quoi l’assassinat et l’embastillement de masse mène au socialisme ?]

      Mais dans quelle logique, justement ? Quelle était « la fin » en rapport dialectique avec els moyens ? Si l’embastillement et l’assassinat de masse ne mène pas au socialisme, que était le but de Staline lorsqu’il y a eu recours ? Votre « condamnation absolue » vous empêche de vous poser ces questions…

      [Restons en-là sur l’Alsace puisque la suspicion est de mise.]

      Pourquoi parlez-vous de « suspicion » ? Si je vous ai demandé une référence, ce n’est pas par « suspicion », mais parce que le sujet m’intéresse. Vous me donnez une référence très imprécise : celle d’un livre en plusieurs tomes, au surplus difficile de trouver aujourd’hui. Je vous demande donc de me donner la référence précise, pour pouvoir essayer de trouver le document dans Gallica, ou même de reproduire ici le paragraphe relevant s’il n’est pas trop long. Je ne mets nullement en doute votre parole, et je suis attristé que vous puissiez le penser.

    • Marcailloux dit :

      @ Descartes et à morel ainsi qu’à NJ, odp, pour les autres contributions.

      Grand merci à vous pour ce débat palpitant, digne d’un roman policier, avec ses rebondissements, ses mystères, son suspens. Et il est fréquent sur ce blog.
      Ce n’est pas de l’humour de ma part et je me plais à imaginer le plaisir et l’apport intellectuel dans leur réflexion pour les nombreux lecteurs de ce blog.
      Mon opinion de béotien était jusqu’à ce jour assez orientée selon la doxa dominante. L’échange, vif et courtois, documenté, argumenté, ouvre une lucarne sur ce que sont les vérités particulières, spectre – au sens de la physique – représentatif de LA vérité.
      N’en déplaise à vous Descartes, quelquefois dubitatif sur les bienfait d’internet – s’il est utilisé avec pertinence et circonspection – , il y a 10 ans, ou moins même, assister à un tel débat m’était – et nous sommes très nombreux dans cette situation – quasiment impossible, en tout cas l’occasion était très rare, et les efforts à y consacrer, en temps, argent, fatigue, complètement dissuasifs.
      D’aucun trouveront ce commentaire flagorneur, d’autres sur certains sites le considéreront complices de basses manœuvres occultes. Il se veut, pour moi le témoignage d’une époque sensationnelle et formidable. Avec pour corolaire le doute, la crainte de l’inconnu, du futur, de l’étrange, de l’étranger par conséquent, des risques inhérents à l’aventure humaine en perpétuelle accélération. Mais aussi l’espoir du progrès universel ou tout au moins du chemin sur sa tendance. Tout cela par un accroissement global des connaissances et une diffusion élargie de l’information, par le débat contradictoire enrichi d’éléments de comparaison.
      « Rien n’est simple, tout se complique », ………………vive l’avenir.

    • Descartes dit :

      @ Marcailloux

      [N’en déplaise à vous Descartes, quelquefois dubitatif sur les bienfait d’internet – s’il est utilisé avec pertinence et circonspection – , il y a 10 ans, ou moins même, assister à un tel débat m’était – et nous sommes très nombreux dans cette situation – quasiment impossible, en tout cas l’occasion était très rare, et les efforts à y consacrer, en temps, argent, fatigue, complètement dissuasifs.]

      Ne le croyez pas. Rappelez-vous qu’il fut une époque pas si lointaine ou l’on pouvait assister chaque soir à des conférences-débat sur les sujets les plus divers, ou être membre d’un parti politique impliquait au moins une réunion par semaine ou l’on discutait de pied ferme. Le débat n’est pas apparu avec Internet.

    • Marcailloux dit :

      @ Descartes,
      Bonsoir,
      [Rappelez-vous qu’il fut une époque pas si lointaine ou l’on pouvait assister chaque soir à des conférences-débat sur les sujets les plus divers, ou être membre d’un parti politique impliquait au moins une réunion par semaine ou l’on discutait de pied ferme.]
      C’est probablement vrai pour une part importante de la population près ou dans les grandes villes. Mais éloigné de ces opportunités, la fréquence et la qualité décroit très rapidement, en tout cas, c’est l’expérience que j’ai vécu, mais je dois reconnaitre que, devant la difficulté, j’ai peut être manqué de persévérance. Et puis, il y avait le “job” qui vous “bouffait” toutes vos disponibilités de temps et d’énergie( c’est là que je constate ce que peut apporter dans le domaine de la culture personnelle, une carrière d’enseignant)
      Ce que je veux souligné, c’est que l’accès au débat est multiplié, la meilleure qualité accessible à tous et c’est cela qui me ravit et me donne confiance dans l’avenir sur notre société. Et cela passe forcément par une “agitation” généralisée.
      Sans revenir au débat qui vous a occupé avec principalement nos trois collègues cités, pensez vous qu’un avènement du nazisme serait sinon imaginable,mais réalisable dans notre pays, ou en Allemagne, en Italie………?
      Internet est plus facteur de lumière que d’obscurité, même si ces deux états vont de pair. Il est nécessaire plus que jamais, les citoyens, et les plus jeunes particulièrement, acquièrent cette capacité à bien utiliser les outils mis définitivement maintenant, entre leurs mains. Avec les risques et opportunités que cela comporte.

    • morel dit :

      « condamnez-vous « absolument » Napoléon III, Poincaré ou Clémenceau pour avoir dirigé un régime qui envoyait les enfants au travail dans les mines à partir de huit ans »

      Me voyez-vous applaudir à ce sujet ? Vous savez bien que non et sur ce sujet comme sur bien d’autres ma condamnation reste absolue. Vous pouvez me faire le procès de jugement sur l’histoire mais que faisaient les militants ouvriers (et d’autres aussi) contemporains ?
      Par ailleurs, sous-produit du combat de classe le droit de grève (imparfait) est concédé par la loi du 25 mai 1864, complété par la loi Waldeck-Rousseau de 1884 sur le droit syndical ; impensables sous Staline. La liberté est aussi indispensable que le pain.
      NB : vous faites erreur concernant Poincaré et Clémenceau : loi du 19 mai 1874 interdisant le travail des enfants de moins de 12 ans révolus certes appliquée imparfaitement mais loi 1881 instaurant la scolarité obligatoire jusqu’à 13 ans qui mettra un terme.

      « D’abord, les privilèges exorbitants de la Nomenklatura sont un phénomène des années Brejnev, mais pas vraiment de la période stalinienne. Sous Staline, les « privilèges » des dirigeants et hauts fonctionnaires étaient fort limités, et se payaient très cher d’une disponibilité totale et du risque d’être emprisonné ou pire. »

      C’est là où une véritable étude serait la bienvenue. Les pouvoirs se concentrant dans le PCUS, ses cadres, en particulier sa couche supérieure avait de fait « l’usus, l’abusus et le fructus » comme l’on dit en matière de propriété. Sous Staline même s’ils étaient privilégiés au regard du commun, aucune couche ?, classe ? autre ? ne pouvait se cristalliser du fait de « l’insécurité permanente ». A la mort de Staline, la nomenklatura aspire logiquement à une stabilité. Après quelques fusillades, on ne voit plus ces « épurations », les privilèges montent et il serait intéressant de savoir son degré « d’auto-reproduction » (que deviennent ses enfants).

      « Mais dans quelle logique, justement ? Quelle était « la fin » en rapport dialectique avec els moyens ? Si l’embastillement et l’assassinat de masse ne mène pas au socialisme, que était le but de Staline lorsqu’il y a eu recours ? Votre « condamnation absolue » vous empêche de vous poser ces questions… »

      Il y a deux niveaux : 1/ l’analyse qui doit être la plus objective possible 2/ la réflexion politique qui conduit à des jugements.
      Le but affiché de tel ou tel personnage historique me semble moins important que l’étude de ses réalisations et de leur coût. Staline s’est peut-être imaginé construire le socialisme. L’industrialisation d’un pays nécessite-t-il la transformation de salariés en autant d’esclaves ? Pouvons-nous accepter sous couvert de socialisme ce que nous refusons au capitalisme ?
      La « morale » du stalinisme est qu’on ne peut faire d’omelette sans casser des œufs, fussent-ils humains.

      « Je vous demande donc de me donner la référence précise, pour pouvoir essayer de trouver le document dans Gallica, ou même de reproduire ici le paragraphe relevant s’il n’est pas trop long. Je ne mets nullement en doute votre parole, et je suis attristé que vous puissiez le penser. »

      J’ai lu ce livre il y a plusieurs années lorsque le sujet m’intéressait et cette réflexion de l’auteur m’avait frappé. Je ne me souvenais que de son nom qui me semblait un mélange curieux de britannique et de germain, parmi d’autres à consonance plus locale. J’ai recherché le titre.
      Qu’est-ce que Gallica ?

    • Descartes dit :

      @ Marcailloux

      [C’est probablement vrai pour une part importante de la population près ou dans les grandes villes.]

      Peut-être. Mais jusqu’aux plus petits villages on débattait dans les bistrots, au Conseil municipal, dans les usines et dans les salles de profs. Et n’oublions pas les débats par courrier : il suffit de voir ce qu’était la correspondance des gens jusqu’à une époque pas si reculée que ça. Je ne suis pas persuadé que la profusion des moyens de communication moderne aient vraiment accru le volume des échanges, même s’il a certainement multiplié la diversité des interlocuteurs.

      [Ce que je veux souligné, c’est que l’accès au débat est multiplié, la meilleure qualité accessible à tous et c’est cela qui me ravit et me donne confiance dans l’avenir sur notre société. Et cela passe forcément par une “agitation” généralisée.]

      Paradoxalement, tout le monde souligne les moyens d’échange… alors qu’à mon avis le progrès le plus important se trouve dans les moyens de documentation. Avant, pour répondre d’une manière documentée il fallait aller à la bibliothèque. Maintenant, grâce à des sites comme Gallica ou celui de l’INSEE je peux vérifier un détail, un chiffre, une référence avant de vous répondre avec un minimum d’efforts.

      [Sans revenir au débat qui vous a occupé avec principalement nos trois collègues cités, pensez vous qu’un avènement du nazisme serait sinon imaginable, mais réalisable dans notre pays, ou en Allemagne, en Italie………?]

      En Allemagne, certainement. Le nazisme n’est pas tombé d’une autre planète. Il prend ses racines très profondément dans l’histoire, dans la culture, dans la vision que l’Allemagne a d’elle-même et de ses rapports avec les autres. Et tous ces éléments sont là, présents. Croire que l’expérience nous dissuade de commettre deux fois les mêmes erreurs c’est se bercer de douces illusions. Bien sur, le nazisme ne prendrait pas aujourd’hui la forme qu’il a pris en 1930. Mais « le ventre est toujours fécond d’où est sortie la bête immonde »… Par contre, je ne vois pas un « nazisme » surgir en France ou en Italie. Les traditions politiques et sociales sont différentes. Mais quoi qu’il en soit, je ne crois pas qu’Internet change radicalement les choses de ce point de vue.

    • Descartes dit :

      @ morel

      [« condamnez-vous « absolument » Napoléon III, Poincaré ou Clémenceau pour avoir dirigé un régime qui envoyait les enfants au travail dans les mines à partir de huit ans ». Me voyez-vous applaudir à ce sujet ?]

      La question n’est pas là. Vous ne me demandiez pas de ne pas applaudir Staline, mais de le « condamner absolument ». Ce n’est pas tout à fait la même chose.

      [Vous savez bien que non et sur ce sujet comme sur bien d’autres ma condamnation reste absolue.]

      Vous voulez dire que la « condamnation absolue » d’un régime – mettons celui de Staline, pour donner un exemple – se fait par « sujets » ? Qu’on peut « condamner absolument » les déportations ordonnées par Staline tout en approuvant d’autres aspects de sa politique ? Franchement, je trouve étrange cette vision de « l’absolu ».

      [Par ailleurs, sous-produit du combat de classe le droit de grève (imparfait) est concédé par la loi du 25 mai 1864, complété par la loi Waldeck-Rousseau de 1884 sur le droit syndical ; impensables sous Staline. La liberté est aussi indispensable que le pain.]

      C’est vrai. En même temps, le régime soviétique accorde en dans les années 1920 les 40 heures, les congés payés et la sécurité sociale, chose impensable sous Waldeck-Rousseau, Poincaré ou Clémenceau.

      [NB : vous faites erreur concernant Poincaré et Clémenceau : loi du 19 mai 1874 interdisant le travail des enfants de moins de 12 ans révolus certes appliquée imparfaitement mais loi 1881 instaurant la scolarité obligatoire jusqu’à 13 ans qui mettra un terme.]

      Elle ne « mettra un terme » à rien du tout. Dans un pays fondamentalement agricole, les enfants continuent à travailler dans l’exploitation familiale, et le calendrier de la scolarité établis à partir de 1881 tiennent compte des calendriers agricoles locales de manière à ne pas priver les exploitations de cette main d’œuvre bon marché. Par ailleurs, la loi de 1874 n’a pas été appliquée faute d’un service d’inspection suffisant (l’inspection du travail ne sera créée qu’en 1892).

      [C’est là où une véritable étude serait la bienvenue. Les pouvoirs se concentrant dans le PCUS, ses cadres, en particulier sa couche supérieure avait de fait « l’usus, l’abusus et le fructus » comme l’on dit en matière de propriété.]

      Si, comme vous dites, les membres du PCUS avaient « l’usus, le fructus et l’abusus », alors il faudrait admettre qu’ils on fait preuve d’une remarquable frugalité. Ni Staline, ni aucun de ses ministres ou membres du Bureau Politique du PCUS de l’époque n’est connu pour avoir mené une vie luxueuse. Je ne connais aucune photo qui les montre portant des bijoux, des vêtements de prix, ou conduisant des voitures de prix. Mais en fait ils n’ont pas tant de mérite que cela : contrairement à ce que vous croyez, le pouvoir soviétique, même s’il est très concentré, est aussi très normé. Il est faux de croire que les cadres du PCUS étaient libres de faire ce qui leur plaisait. L’URSS est, au sens wébérien du terme, une société bureaucratique, pleine de règles et de normes qui s’appliquaient à tous, y compris aux dirigeants.

      [Sous Staline même s’ils étaient privilégiés au regard du commun, aucune couche ?, classe ? autre ? ne pouvait se cristalliser du fait de « l’insécurité permanente ». A la mort de Staline, la nomenklatura aspire logiquement à une stabilité. Après quelques fusillades, on ne voit plus ces « épurations », les privilèges montent et il serait intéressant de savoir son degré « d’auto-reproduction » (que deviennent ses enfants).]

      Certainement. Les années Brezhnev voient se former une « classe moyenne » importante, qui aspirera à devenir bourgeoisie et qui, in fine, provoquera la fin du régime. Lorsque les frontières s’ouvrent, les soviétiques – comme les allemands de l’est ou les tchèques ne se précipitent pas dans les cinémas ou les librairies, mais dans les supermarchés. C’est le désir de consommation, et non le désir de liberté, qui aura la peau des « socialismes réels ». Qui seront morts de n’avoir pas su satisfaire ce désir.

      C’est pourquoi je vous ai dit que la période stalinienne est probablement celle qui s’approche le plus d’une société sans classe, en grande partie à cause de la croissance rapide de l’économie et des brassages massifs de populations. Lorsqu’on regarde les biographies des dirigeants soviétiques jusqu’aux années 1970, on trouve très peu de « fils de ». C’est après que l’on voit apparaître des « clans familiaux », qui prendront le pouvoir sous la période Gorbatchev-Eltsine.

      [Le but affiché de tel ou tel personnage historique me semble moins important que l’étude de ses réalisations et de leur coût.]

      Je ne vous parle pas du « but affiché » mais du but réel. Ou plutôt que du « but », de la « cause ». Vous ne pouvez pas évaluer les réalisations d’un dirigeant et leur coût sans faire des hypothèses sur ce qui se serait passé s’il avait choisi une autre voie. Imaginons que Staline n’ait pas été homme à organiser des « purges ». Imaginons que de ce fait les différents « clans » du PCUS aient continué à conspirer les uns contre les autres jusqu’à la guerre civile, et qu’à la merci de celle-ci Hitler eut réussi à occuper l’URSS. Où en serions nous maintenant ? Et diriez-vous alors que Staline fut un « bon gouvernant » ? Eh bien, pas moi.

      L’évaluation de l’action politique butte et butera toujours sur cet obstacle : il est impossible de tester plus d’une solution. Nous ne pouvons que faire des hypothèses, mais rien de plus. Si en 1933 la France avait attaqué l’Allemagne en réponse au réarmement de la Rhénanie, on dirait probablement aujourd’hui qu’elle avait eu tort de sur-réagir à la décision politique d’un gouvernement qui ne cherchait qu’à s’affirmer sur le plan intérieur. Qui s’aventurerait à faire l’hypothèse que s’abstenir ouvrait la porte à une guerre mondiale ?

      [Staline s’est peut-être imaginé construire le socialisme. L’industrialisation d’un pays nécessite-t-il la transformation de salariés en autant d’esclaves ?]

      D’abord, vous donnez pour acquis que le stalinisme a « transformé les salariés en esclaves ». Mais est-ce le cas ? Il y a beaucoup d’éléments qui infirment cette hypothèse. La première, c’est l’effort de propagande autour du stakhanovisme, effort de propagande qui ne se justifie que si les gens ont une certaine liberté de choix. On n’a jamais besoin de faire de la propagande auprès des esclaves, le fouet suffit. De même, il est difficile de comprendre pourquoi le peuple soviétique a résisté aussi opiniâtrement au nazisme pour défendre un régime qui avait fait d’eux « des esclaves ».

      Encore une fois, il faudrait revenir à une vision plus rationnelle des choses. Le régime stalinien était certainement un régime totalitaire – au sens strict de ce mot, et sans que cela implique le moindre jugement moral. C’était aussi un régime répressif et qui pendant une période a utilisé la terreur d’Etat. Mais ce n’était pas l’enfer sur terre. Et en comparaison avec ce que les citoyens soviétiques avaient connu pendant la période tsariste puis pendant la guerre civile, c’était presque le paradis. A la fin des années 1930, un pays ou le servage existait encore cinquante ans plus tôt avait rattrapé dans beaucoup de domaines le niveau des puissances européennes développées. C’est un extraordinaire « bond en avant », dont il n’y a à ma connaissance que de très rares exemples dans l’histoire. Et aucun, je dois dire, sous un régime démocratique…

      [Pouvons-nous accepter sous couvert de socialisme ce que nous refusons au capitalisme ?]

      Nous n’avons rien à « accepter » ou « refuser » à personne. Nous avons à comprendre. Je vous le répète, je ne fais pas de jugement moral. La question qui m’intéresse est « pourquoi ». Et je m’intéresse autant au « pourquoi » de la répression stalinienne qu’à celui de la répression sous Franco, Hitler ou Pinochet.

      [La « morale » du stalinisme est qu’on ne peut faire d’omelette sans casser des œufs, fussent-ils humains.]

      Je crains que ce soit la « morale » de n’importe quel politique. Elle figure d’ailleurs sous la plume de personnages aussi distingués que Bismarck, Metternich ou Talleyrand. Et ce fut la philosophie des plus grands, même ceux dont on vante le sens moral. Au cas où vous ne le sauriez pas, Darlan n’est pas décédé de mort naturelle.

      [Qu’est-ce que Gallica ?]

      C’est le site de la Bibliothèque Nationale, ou l’on peut consulter l’ensemble des collections numérisées. Vous pouvez trouver des livres, des périodiques… c’est une véritable mine d’or. Un des rares sites qui me réconcilient avec Internet…

    • morel dit :

      « Vous voulez dire que la « condamnation absolue » d’un régime – mettons celui de Staline, pour donner un exemple – se fait par « sujets » ? Qu’on peut « condamner absolument » les déportations ordonnées par Staline tout en approuvant d’autres aspects de sa politique ? Franchement, je trouve étrange cette vision de « l’absolu ».

      Précision : condamner le régime de Napoléon III, oui, condamner le droit de grève même imparfait ou limité serait imbécile.

      « C’est vrai. En même temps, le régime soviétique accorde en dans les années 1920 les 40 heures, les congés payés et la sécurité sociale, chose impensable sous Waldeck-Rousseau, Poincaré ou Clémenceau. »

      En cela, je ne saurais que souscrire. J’en étais resté immédiatement après la révolution d’octobre, « un décret établit la journée de 8 heures et la semaine de 48 heure, décrets peu appliqués du fait de la guerre civile.
      Par contre avec Staline, l’URSS devient selon le titre de l’opposant Anton Ciliga « Le pays du mensonge déconcertant ». Selon ses dirigeants, elle s’était dotée de »la constitution la plus démocratique du monde » dont on ne perçoit pas l’application.
      Selon les auteurs Laurent Carroué, Didier Collet, Claude Ruiz dans « Les mutations de l’économie mondiale du début du 20è siècle aux années 1970 » p.162 :
      «Bien que la durée légale soit fixée à 40 heures, le temps de travail effectif dans l’industrie augmente pour atteindre 49 heures en moyenne à la veille de la guerre. Dans le même temps le livret ouvrier est rétabli en 1938. »

      « Elle ne « mettra un terme » à rien du tout. Dans un pays fondamentalement agricole, les enfants continuent à travailler dans l’exploitation familiale, et le calendrier de la scolarité établis à partir de 1881 tiennent compte des calendriers agricoles locales de manière à ne pas priver les exploitations de cette main d’œuvre bon marché. Par ailleurs, la loi de 1874 n’a pas été appliquée faute d’un service d’inspection suffisant (l’inspection du travail ne sera créée qu’en 1892 »

      Pas facile de dialoguer avec vous. Mon « certes appliquée imparfaitement » signifiait ce que vous dites à la dernière phrase. Vous m’obligez à être à mon tour tatillon : vous aviez évoqué le travail dans les mines dès 8 ans. Le rural a été longtemps un domaine de résistance au non-travail des enfants.

      « Si, comme vous dites, les membres du PCUS avaient « l’usus, le fructus et l’abusus », alors il faudrait admettre qu’ils on fait preuve d’une remarquable frugalité. Ni Staline, ni aucun de ses ministres ou membres du Bureau Politique du PCUS de l’époque n’est connu pour avoir mené une vie luxueuse. »

      Je n’ai évoqué que : « même s’ils étaient privilégiés au regard du commun, ». La remarque fructus, etc…souligne le danger de la concentration de TOUS les pouvoirs, y compris économique.

      « Hitler eut réussi à occuper l’URSS. Où en serions nous maintenant ? Et diriez-vous alors que Staline fut un « bon gouvernant » ? Eh bien, pas moi. »
      Me prêtez-vous sérieusement cette opinion ? L’histoire est bien sûr l’histoire mais aucune fatalité ne la préside. Et si on ne refait pas l’histoire, on peut du moins, s’interroger si les décisions de Staline, décapitant à travers un procès de Moscou le commandement militaire, refusant de croire, contre toute évidence, Sorge ou d’autres a le mieux préparé son pays à la défense contre le nazisme.

      « La première, c’est l’effort de propagande autour du stakhanovisme, effort de propagande qui ne se justifie que si les gens ont une certaine liberté de choix. On n’a jamais besoin de faire de la propagande auprès des esclaves, le fouet suffit. De même, il est difficile de comprendre pourquoi le peuple soviétique a résisté aussi opiniâtrement au nazisme pour défendre un régime qui avait fait d’eux « des esclaves ».

      L’image est sans doute décalée concernant un régime différent mais que penser d’un pays où, au-delà du simple exercice libre de la raison, la critique pouvait vous mener…Notre échange aurait-il pu avoir lieu ? Poser la question, c’est y répondre.
      Quant au stakhanovisme, il ne faut pas oublier qu’il s’est accompagné de gratifications intéressantes. Stakhanov n’a pas fait « long feu » en temps qu’ouvrier. De plus, il a été le moyen d’une concurrence inter-ouvriers avec élargissement de l’échelle des salaires.

      « Nous n’avons rien à « accepter » ou « refuser » à personne. »

      En ce qui me concerne, les leçons du passé ont un intérêt pour l’avenir d’un socialisme authentique sur lesquelles il faut s’appuyer pour formuler des propositions.

      Comme je vous l’ai dit, je crois que je ne vous convaincrais pas et réciproquement. Mon étonnement ne cesse de grandir de vous voir, intelligent, cultivé, attaché à la défense d’un tel régime. J’ai l’impression qu’émerveillé par l’industrialisation, le développement, de ce pays, vous en oubliez les frais et ce qui en a suivi pour tous les régimes se réclamant, selon moi, frauduleusement de Marx.

      Je n’abandonne pas le terrain mais des obligations de déplacement me contraignent à partir tôt mercredi matin.

    • Descartes dit :

      @ morel

      [« C’est vrai. En même temps, le régime soviétique accorde en dans les années 1920 les 40 heures, les congés payés et la sécurité sociale, chose impensable sous Waldeck-Rousseau, Poincaré ou Clémenceau. » En cela, je ne saurais que souscrire.]

      Mais alors, pourquoi condamner « absolument » les uns et pas les autres ?

      [Par contre avec Staline, l’URSS devient selon le titre de l’opposant Anton Ciliga « Le pays du mensonge déconcertant ». Selon ses dirigeants, elle s’était dotée de « la constitution la plus démocratique du monde » dont on ne perçoit pas l’application.]

      Je vous rappelle que selon le 5ème alinéa du préambule de la constitution du 27 octobre 1946 reprise dans le préambule de la constitution du 4 octobre 1958, « chacun a le devoir de travailler et le droit d’obtenir un emploi ». Comment « percevez-vous » l’application de cette sage et démocratique disposition ? Je me demande ce qu’Anton Ciliga en penserait, si l’on tient compte que plus de 3,5 millions de « chacuns » se voient privés d’emploi, alors que de nombreux actionnaires se dispensent allègrement du « devoir de travailler ».

      [Selon les auteurs Laurent Carroué, Didier Collet, Claude Ruiz dans « Les mutations de l’économie mondiale du début du 20è siècle aux années 1970 » p.162 : «Bien que la durée légale soit fixée à 40 heures, le temps de travail effectif dans l’industrie augmente pour atteindre 49 heures en moyenne à la veille de la guerre. Dans le même temps le livret ouvrier est rétabli en 1938. »]

      Et alors ? En temps de pénurie de main d’œuvre, c’est le cas partout. Dans la France des « trente glorieuses », le temps de travail effectif est toujours resté assez largement supérieur à la durée légale (48 heures contre 40 dans les années 1960), par le biais des heures supplémentaires.

      [« Si, comme vous dites, les membres du PCUS avaient « l’usus, le fructus et l’abusus », alors il faudrait admettre qu’ils on fait preuve d’une remarquable frugalité. Ni Staline, ni aucun de ses ministres ou membres du Bureau Politique du PCUS de l’époque n’est connu pour avoir mené une vie luxueuse. » Je n’ai évoqué que : « même s’ils étaient privilégiés au regard du commun, ». La remarque fructus, etc…souligne le danger de la concentration de TOUS les pouvoirs, y compris économique.]

      Alors j’ai mal compris. J’avais vu dans votre évocation au « usus, fructus, abusus » une référence à la possession, puisque ces trois éléments forment, pour le droit romain, le droit de propriété. Nous sommes donc d’accord que si les dirigeants de l’état soviétique avaient concentré dans leurs mains un pouvoir considérable sur l’économie, ils n’en avaient pas pour autant la propriété. Dont acte.

      La concentration du pouvoir est toujours un risque. La dispersion des pouvoirs aussi. Dans le premier cas, on risque l’abus, dans le second, l’impuissance. Le tout est de trouver un bon équilibre, adaptée aux contraintes et aux risques du moment. Mais cette remarque s’applique autant à l’URSS de 1930 qu’à la France de 2015…

      [L’histoire est bien sûr l’histoire mais aucune fatalité ne la préside. Et si on ne refait pas l’histoire, on peut du moins, s’interroger si les décisions de Staline, décapitant à travers un procès de Moscou le commandement militaire, refusant de croire, contre toute évidence, Sorge ou d’autres a le mieux préparé son pays à la défense contre le nazisme.]

      On peut, bien entendu, « s’interroger ». Ce qui est plus difficile, c’est de répondre à ces interrogations. En 1930 Staline décapite le commandement militaire. Mais pourquoi le fait-il ? Avait-il de bonnes raisons de craindre un complot de certains groupes au sein du Parti soutenus par l’armée ? Et si un tel complot l’avait effectivement emporté, aurait-il 1) gouverné mieux et 2) réussi à gagner la guerre ? N’y avait-il pas un risque que ce complot conduise à la guerre civile et à l’affrontement de l’Etat ? Selon comment je réponds à ces questions, la décision de Staline de décapiter l’Armée Rouge n’apparaît pas sous les mêmes termes. Et je me refuse à la facilité qui consiste à dire « la politique est mauvaise parce qu’il ne faut pas être méchant avec ses petits camarades ».

      Même question pour Sorge. Sorge avait annoncé à Staline l’attaque allemande, et il avait vu juste. Mais d’autres ont annoncé à Staline auparavant toutes sortes de complots, attaques et traités qui n’ont jamais vu le jour. Comment savoir qui disait la vérité, et qui était victime d’une intoxication. Nous savons que parmi tous les astrologues, il y en a forcément un qui prédit correctement l’avenir, mais nous n’avons aucun moyen de savoir lequel. Dans ces conditions, la conduite qui consiste à se méfier de tous les astrologues n’est pas irrationnelle.

      [L’image est sans doute décalée concernant un régime différent mais que penser d’un pays où, au-delà du simple exercice libre de la raison, la critique pouvait vous mener…Notre échange aurait-il pu avoir lieu ? Poser la question, c’est y répondre.]

      Mais… notre échange aurait-il pu avoir lieu dans l’Amérique de McCarthy ? « Poser la question, c’est y répondre ».

      [Quant au stakhanovisme, il ne faut pas oublier qu’il s’est accompagné de gratifications intéressantes.]

      Mais s’il fallait « gratifier » pour encourager les gens à travailler, c’est bien qu’ils avaient le choix de ne pas travailler. Vous apportez de l’eau à mon moulin…

      Je pense qu’il faut se méfier des visions manichéennes. L’URSS stalinienne, ce n’était pas l’enfer sur terre. Ce n’était pas le paradis non plus. C’était un équilibre compliqué, qui laissait aux gens de larges marges de liberté dans certains domaines – plus que dans bien de pays capitalistes occidentaux – alors qu’il était incroyablement répressif dans d’autres. Mais surtout, je pense qu’il faut se défaire des jugements moraux à priori : les marges de liberté qu’un système donne à ses citoyens ne sont pas contenus dans le système lui-même, mais dépendent de la vision que les couches dominantes ont des forces qui menacent leurs intérêts. Et quand la bourgeoisie s’est sentie menacée dans ses intérêts, elle n’a pas hésité à passer les libertés par pertes et profits. Il n’y a pas de raison pour que le socialisme soit très différent.

      [« Nous n’avons rien à « accepter » ou « refuser » à personne. » En ce qui me concerne, les leçons du passé ont un intérêt pour l’avenir d’un socialisme authentique sur lesquelles il faut s’appuyer pour formuler des propositions.]

      Pour moi aussi. Mais je n’ai pas besoin de « condamner absolument » le stalinisme pour en tirer les leçons.

      [Comme je vous l’ai dit, je crois que je ne vous convaincrais pas et réciproquement. Mon étonnement ne cesse de grandir de vous voir, intelligent, cultivé, attaché à la défense d’un tel régime.]

      Je ne défends pas un « régime », je défends une méthode d’analyse. Je vous mets au défi de me montrer où j’aurais traité différemment un autre régime. Je pense par exemple avoir dans ce blog souvent souligné combien la « condamnation absolue » du capitalisme me paraissait absurde, et combien il était importante de comprendre le capitalisme plutôt que de le condamner. Ce faisant, je ne fais que suivre la démarche de Marx dans le « manifeste »…

    • morel dit :

      Nous tournons, c’est manifeste, en rond. Lorsque je vous parle de l’URSS sous Staline vous me renvoyez le Mccarthisme, comme si je l’approuvais.
      Je vous parle du « pays du mensonge déconcertant » et vous me renvoyez aux 3,5 millions de chômeurs français, conséquence d’une politique et d’un système que je combats.

      « Mais s’il fallait « gratifier » pour encourager les gens à travailler, c’est bien qu’ils avaient le choix de ne pas travailler. Vous apportez de l’eau à mon moulin… »

      Il y a d’autres interprétations possibles, des salaires bas, le désir de fuir la condition ouvrière…j’avoue ne pas m’être penché sur la question ou, cela est avéré au moins à l’ère post-Staline, des salariés dépossédés de toute décision et de tout bénéfice concernant leur vie qui voyant les privilèges de la Nomenklatura, marquaient leur refus de « marcher » en « traînant la cadence » d’où aussi la chute de productivité.

      « chacun a le devoir de travailler et le droit d’obtenir un emploi ».

      Y compris les plus de deux millions comptabilisés en 1950 dans l’univers concentrationnaire ?
      (les prisonniers de guerre – 4 millions – figuraient dans un département spécial hors administration goulag).

      Staline et la guerre qui vient :

      1/ Le « procès des généraux » n’a pas lieu en 1930 mais en juin 1937 alors que la menace est bien présente. Toukhatchevski, vice-commissaire (ministre) à la défense, Gamarnik (qui s’est suicidé avant), Iakir, Primakov, Feldmann, etc…vainqueurs de la guerre civile sont tués sous l’accusation « d’Organisation militaire trotskiste antisoviétique ». Les purges toucheront les officiers et commissaires politiques jusqu’en mai 1938.
      Trois cinquième des maréchaux soviétiques et un tiers des officiers de l’Armée rouge sont arrêtés et/ou fusillés (Le siècle des excès, le XXe siècle de 1870 à nos jours, Touchard, Bermond, Cabanel, Lefebvre).
      En 1961, le XXIIe congrès du PCUS les réhabilitera en révélant qu’il n’y a eu aucun vrai procès contre les chefs de l’armée et que c’est le politburo qui a décidé de leur liquidation.

      2/ « Au moment où la guerre a commencé, beaucoup de commandants en chef et de généraux étaient en villégiature à Sotchi. Beaucoup d’unités blindées étaient occupées à changer les moteurs, beaucoup d’unités d’artillerie n’avaient pas de munitions, pas plus que, dans l’aviation, on n’avait de carburant pour les avions…. Lorsque, depuis la frontière, on commença à avertir par téléphone les états-majors supérieurs que la guerre avait commencé, certains s’entendirent répondre : « Ne cédez pas à la provocation ». Ce fut une surprise, au sens le plus strict, le plus terrible du terme »
      Vassili Grossman « Carnets de guerre »

      « En juin 1941, les violations de l’espace aérien soviétique par des avions de reconnaissance allemands ne provoquent aucune réaction et malgré les signes croissants d’une attaque allemande, Staline refuse les mesures les plus élémentaires de préparation au combat, comme la création de fortifications de campagne, la dispersion des matériels et la mise en alerte de l’Armée rouge. Staline interprétait les mouvements allemands comme des provocations, auxquelles il ne fallait pas répliquer en engageant des préparatifs de combats. »
      « Staline, la cour du tsar rouge » Simon Sebag Montefiore, historien.
      Et les hordes nazies déferleront sur l’URSS, comme auparavant sur la France, nourries des céréales et des produits pétroliers soviétiques résultant des échanges suite au pacte germano-soviétique.

      L’assassinat et l’emprisonnement de masse une « nécessité socialiste » ?

    • Descartes dit :

      @ morel

      [Nous tournons, c’est manifeste, en rond. Lorsque je vous parle de l’URSS sous Staline vous me renvoyez le Mccarthisme, comme si je l’approuvais. Je vous parle du « pays du mensonge déconcertant » et vous me renvoyez aux 3,5 millions de chômeurs français, conséquence d’une politique et d’un système que je combats.]

      Je ne vous ai jamais reproché « d’approuver » quoi que ce soit. Ce que je souligne, c’est votre côté « deux poids deux mesures ». Ainsi, par exemple, vous considérez que le fait que la constitution soviétique garantisse des droits sans que cela se traduise dans les faits ferait de l’URSS « le pays du mensonge déconcertant ». Par contre, lorsque je vous donne l’exemple d’une situation similaire chez nous, cela ne semble pas susciter le même jugement. Pourquoi ? En quoi la garantie de la liberté d’expression en URSS était plus « mensongère » que ne l’est le « droit d’obtenir un emploi » chez nous ?

      Je m’étonne que lorsqu’il s’agit des libertés en URSS vous considériez qu’il s’agit d’un défaut du système, alors que lorsque je vous parle des 3,5 millions de chômeurs vous attribuez la chose non pas au système lui-même, mais juste à une « politique ». Là aussi, il s’agit de « deux poids, deux mesures » dont je ne comprends pas très bien la justification.

      [« Mais s’il fallait « gratifier » pour encourager les gens à travailler, c’est bien qu’ils avaient le choix de ne pas travailler. Vous apportez de l’eau à mon moulin… ». Il y a d’autres interprétations possibles, des salaires bas, le désir de fuir la condition ouvrière…]

      Mais quelque en soient les raisons, la conclusion est toujours la même : si vous êtes obligé de « gratifier » les gens pour qu’ils fassent quelque chose, c’est qu’ils ont la liberté de ne pas la faire.

      [j’avoue ne pas m’être penché sur la question ou, cela est avéré au moins à l’ère post-Staline, des salariés dépossédés de toute décision et de tout bénéfice concernant leur vie qui voyant les privilèges de la Nomenklatura, marquaient leur refus de « marcher » en « traînant la cadence » d’où aussi la chute de productivité.]

      Admettons un instant que les travailleurs soviétiques aient « été dépossédés de toute décision et de tout bénéfice concernant leur vie ». Cela est vrai aussi dans beaucoup de pays capitalistes. Pensez-vous que l’ouvrier dans un grand atelier de couture bangladeshi soit dans une situation très différente ? N’est-il pas lui aussi « dépossédé de toute décision et de tout bénéfice concernant sa vie » ? Ne voit-il pas, lui aussi, les privilèges de son patron ? Quelle conclusion en tirez-vous ? Pensez vous que les ouvriers à Dacca « marquent leur refus de marcher » ? Et si non, pourquoi ?

      [« chacun a le devoir de travailler et le droit d’obtenir un emploi ». Y compris les plus de deux millions comptabilisés en 1950 dans l’univers concentrationnaire ?]

      Vous semblez ignorer que la formule « chacun a le devoir de travailler et le droit d’obtenir un emploi » est extrait du préambule de la constitution française de 1946, repris par la constitution de 1958… ou alors, c’est moi qui ignore qu’il y avait en 1950 en France «plus de deux millions comptabilisés dans l’univers concentrationnaire ». Merci de clarifier le point…

      [En 1961, le XXIIe congrès du PCUS les réhabilitera en révélant qu’il n’y a eu aucun vrai procès contre les chefs de l’armée et que c’est le politburo qui a décidé de leur liquidation.]

      Peut-on les croire ? Pourquoi faire plus confiance aux décisions du PCUS de 1961 qu’a celles de 1937 ? Pourquoi croire que Khroutchev – qui fut secrétaire du PC Ukrainien pendant l’époque stalinienne – était plus amoureux de la vérité et moins disposé à la tordre que ses prédécesseurs ?

      Personnellement, parce que je suis un cynique, je doute de tous. Le procès de 1937 n’était de toute évidence pas un « vrai procès » au même titre que le procès de Louis XVI ne fut un « vrai procès ». Robespierre l’a dit fort justement : « vous n’avez pas une décision de justice à rendre, mais une mesure de salut public à prendre ». Si Staline a décapité l’armée, c’est parce qu’il l’a considéré nécessaire pour des questions politiques et non par souci de justice. Et de la même manière, lorsque Khroutchev remet en cause la politique – et par voie de conséquence le personnel politique – de la période stalinienne, ce n’est pas par amour de la vérité historique, mais pour renforcer son pouvoir.

      Est-ce qu’il faut pour autant condamner les uns et les autres ? Je ne le crois pas. L’exécution de Louis XVI était peut-être injuste, mais elle était aussi nécessaire. Pour celle de Toukhatchevsky, je laisse aux historiens le travail d’établir si le maréchal était ou non en train de comploter, et quelles auraient pu être les conséquences de ce complot.

      [« Staline, la cour du tsar rouge » Simon Sebag Montefiore, historien.]

      Comme historien, Sebag Montefiore est plus proche de Stéphane Bern que de Eric Hobsbawm. Comme référence, on fait mieux.

      [L’assassinat et l’emprisonnement de masse une « nécessité socialiste » ?]

      Pourquoi « socialiste » ? Hitler, Mussolini, Suharto ou Pinochet n’étaient pas socialistes, que je sache…

    • morel dit :

      « Je m’étonne que lorsqu’il s’agit des libertés en URSS vous considériez qu’il s’agit d’un défaut du système, alors que lorsque je vous parle des 3,5 millions de chômeurs vous attribuez la chose non pas au système lui-même, mais juste à une « politique ». Là aussi, il s’agit de « deux poids, deux mesures » dont je ne comprends pas très bien la justification. »

      Vous faites erreur, ma phrase que vous reprenez met en cause le système lui-même ; le mot politique qui précède voulait souligner l’accompagnement/accommodation à cette tendance structurelle (armée de réserve de chômeurs).

      « Pensez-vous que l’ouvrier dans un grand atelier de couture bangladeshi soit dans une situation très différente ? N’est-il pas lui aussi « dépossédé de toute décision et de tout bénéfice concernant sa vie » ? Ne voit-il pas, lui aussi, les privilèges de son patron ? Quelle conclusion en tirez-vous ? Pensez vous que les ouvriers à Dacca « marquent leur refus de marcher » ? Et si non, pourquoi ? »

      Non, la situation n’est pas très différente mais nous sommes ici dans un autre monde. Le patronat ni le gouvernement ne se déclarent « la patrie des travailleurs ».
      Le bangladeshi qui se risquerait à traîner les pieds serait jeté à la rue, il n’a pas le choix, de plus, il n’y a guère de tradition d’auto-organisation ouvrière.
      Pour l’URSS, la terreur stalinienne passée, les règlements de « discipline au travail » (la grève n’était formellement pas interdite mais réellement via ces règlements) s’assouplirent comme l’ensemble de la société. Le problème est précisément que le salarié pouvait gagner de l’argent….sur son livret de caisse d’épargne sans beaucoup de possibilités d’utilisation, les biens de consommation étant fort limités sauf pour la nomenklatura et ses « magasins spéciaux ». Pour compléter le tableau, nulle prise pour la grande masse des salariés sur leur avenir via la démocratie politique.
      D’un autre côté, sur la même période, l’organisation bureaucratique du plan, lutte d’influence entre directeurs d’unités cadres du PCUS pour se procurer le maximum de ressources qui était loin de réaliser l’allocation maximale des ressources.

      « Peut-on les croire ? Pourquoi faire plus confiance aux décisions du PCUS de 1961 qu’a celles de 1937 ? Pourquoi croire que Khroutchev – qui fut secrétaire du PC Ukrainien pendant l’époque stalinienne – était plus amoureux de la vérité et moins disposé à la tordre que ses prédécesseurs ? »

      Pas vraiment puisqu’il avait tendance à attribuer tous les malheurs au « culte de la personnalité », la part du feu, en somme.
      Mais sur ce point, des archives du Kremlin sont sorties de longues listes de fusillades approuvées par Staline.

      « Vous semblez ignorer que la formule « chacun a le devoir de travailler et le droit d’obtenir un emploi » est extrait du préambule de la constitution française de 1946, repris par la constitution de 1958… ou alors, c’est moi qui ignore qu’il y avait en 1950 en France «plus de deux millions comptabilisés dans l’univers concentrationnaire ». Merci de clarifier le point… »

      Veuillez excuser mon étourderie. Il n’y a – Dieu merci – pas de camp de concentration en France.
      Vous semblez croire que dénonçant le stalinisme, j’aurais secrètement opté pour le capitalisme.
      Bien sûr, il peut, lui aussi, afficher des principes et les piétiner. Lorsque je vous parle de réalisation de « liberté-égalité-fraternité », la République jusqu’au bout (formule de Jaurès), c’est la recherche d’une rupture tant avec le capitalisme que du rejet du stalinisme.
      Je ne suis pas théoricien, mon intuition me dicte de préserver et d’étendre les acquis Républicains avec une socialisation des grands moyens de production sous une forme qui reste à définir.
      Ce que je résume sous la formule, peut-être malheureuse, le pain et la liberté.

    • Descartes dit :

      @ morel

      [« Pensez-vous que l’ouvrier dans un grand atelier de couture bangladeshi soit dans une situation très différente ? N’est-il pas lui aussi « dépossédé de toute décision et de tout bénéfice concernant sa vie » ? Ne voit-il pas, lui aussi, les privilèges de son patron ? Quelle conclusion en tirez-vous ? Pensez vous que les ouvriers à Dacca « marquent leur refus de marcher » ? Et si non, pourquoi ? ». Non, la situation n’est pas très différente mais nous sommes ici dans un autre monde. Le patronat ni le gouvernement ne se déclarent « la patrie des travailleurs ».]

      Non, ils se réclament du « monde libre », ce qui n’est guère moins hypocrite. Mais admettons un instant votre argument : si je comprends bien, si vous « condamnez absolument » du stalinisme et pas le capitalisme bangladeshi, c’est sur un fondement subjectif : l’un se réclame « des travailleurs », l’autre pas ?

      [Le bangladeshi qui se risquerait à traîner les pieds serait jeté à la rue, il n’a pas le choix, de plus, il n’y a guère de tradition d’auto-organisation ouvrière.]

      En d’autres termes, le travailleur bangladeshi « n’a pas le choix », alors que le travailleur soviétique de toute évidence l’avait, puisque vous admettez vous-même qu’il « faisait trainer » et que la productivité s’en ressentait. C’était bien là mon point.

      [Pour l’URSS, la terreur stalinienne passée, les règlements de « discipline au travail » (la grève n’était formellement pas interdite mais réellement via ces règlements) s’assouplirent comme l’ensemble de la société. Le problème est précisément que le salarié pouvait gagner de l’argent….sur son livret de caisse d’épargne sans beaucoup de possibilités d’utilisation, les biens de consommation étant fort limités sauf pour la nomenklatura et ses « magasins spéciaux ».]

      Sur ce point nous sommes je pense d’accord : l’échec du projet soviétique n’est pas tant politique qu’économique. C’est sur son incapacité à suivre les gains de productivité du capitalisme que tout s’est joué. Je ne pense pas par contre que les « magasins spéciaux » aient joué le moindre rôle. Après tout, le capitalisme a aussi ses « magasins spéciaux » – le carnet de chèques jouant le même rôle que la carte du Parti – ou les pauvres n’y vont jamais et cela ne semble pas constituer un problème pour personne…

      [Pour compléter le tableau, nulle prise pour la grande masse des salariés sur leur avenir via la démocratie politique.]

      Ah bon… parce que vous pensez que chez nous, par exemple, la « grande masse des salariés » a prise sur son avenir via la démocratie politique ? Dans ce cas, comment expliquez-vous l’abstention massive des couches populaires ou leur vote purement protestataire ? Et je ne vous parle même pas du Bangladesh…

      [D’un autre côté, sur la même période, l’organisation bureaucratique du plan, lutte d’influence entre directeurs d’unités cadres du PCUS pour se procurer le maximum de ressources qui était loin de réaliser l’allocation maximale des ressources.]

      Ce qui, bien entendu, n’est certainement pas le cas chez nous, ou les entreprises travaillent en parfaite harmonie et ne dépensent pas un sou à se faire la guerre. Tout l’argent dépensé en marketing, en publicité, en OPA’s de toutes sortes est strictement utile et fait partie d’une « allocation maximale des ressources ». Je me demande aussi si le fait de laisser la force de travail de 3,5 millions d’individus se perdre inutilement rentre dans une « allocation maximale »… Une fois encore, vous faites « deux poids deux mesures ». Si l’allocation des facteurs de production en URSS était très sous-optimale, bien plus que chez nous, ce n’est pas à cause de « l’organisation bureaucratique » ou des « luttes d’influence ». C’est bien plus complexe que cela.

      [Mais sur ce point, des archives du Kremlin sont sorties de longues listes de fusillades approuvées par Staline.]

      Certes, mais nulle part la main de petit père des peuples n’a écrit « celui là n’a rien fait, mais je n’aime pas sa gueule. Le débat ici ne porte pas sur la réalité des fusillades, mais sur leur motivation.

      [Vous semblez croire que dénonçant le stalinisme, j’aurais secrètement opté pour le capitalisme.]

      Pas du tout. Pour la N-ième fois, je ne vous fais aucun procès d’intention. Ce n’est pas ainsi que je conçois le débat. Ce que je signale, c’est qu’il y a dans votre discours une asymétrie, un « deux poids deux mesures ». Des choses qui ne vous indignent pas plus que ça, voire que vous êtes disposé à accepter comme « normales » lorsqu’elles arrivent sous le capitalisme deviennent « absolument condamnables » sous un régime socialiste. Et j’aimerais bien comprendre pourquoi.

      [Bien sûr, il peut, lui aussi, afficher des principes et les piétiner. Lorsque je vous parle de réalisation de « liberté-égalité-fraternité », la République jusqu’au bout (formule de Jaurès), c’est la recherche d’une rupture tant avec le capitalisme que du rejet du stalinisme.]

      Nous sommes d’accord sur ce point. Je pense avoir été assez clair dans mes différents commentaire sur le fait que mon idéal de société n’était pas le stalinisme. Seulement voilà, le chemin vers cette « République jusqu’au bout » n’est pas un long fleuve tranquille. Jaurès n’a pas « rejeté absolument » la Terreur révolutionnaire, parce qu’il avait bien en tête que l’aristocratie n’allait pas se laisser déposséder du pouvoir sans employer la force. Et bien, le capitalisme ne va pas vous laisser « rompre avec lui » sans se défendre, lui aussi. Et les moyens de cette défense – le nazisme et le fascisme l’ont montré – peuvent être terribles. Dans ces conditions, pensez-vous pouvoir faire en toute circonstance l’économie d’une nouvelle « terreur » ? Je n’en suis pas convaincu.

      Bien sur, en principe il ne faut pas « afficher des principes et les piétiner ». Mais des fois, on est obligé. C’est là le tragique de l’histoire. Robespierre l’avait bien compris, lui qui voulait l’abolition de la peine de mort. Et Robespierre n’était pas un hypocrite : simplement, il a su séparer les valeurs qu’on défend sur le long terme et les expédients qu’une situation concrète peut exiger. Allende ne l’a pas compris, et lui et son peuple ont payé très lourdement son erreur. Et de la même manière que Jaurès ne « condamnait absolument » Robespierre, je ne peux « condamner absolument » Staline sans me demander quels ont été les ressorts de son action, quels sont les périls qu’il entendait conjurer et quelle a été l’efficacité de son action de ce point de vue.

      [Je ne suis pas théoricien, mon intuition me dicte de préserver et d’étendre les acquis Républicains avec une socialisation des grands moyens de production sous une forme qui reste à définir.]

      La mienne aussi. Et je reste convaincu par les travaux que le PCF a fait dans les années 60 et 70 pour aboutir à la conclusion que les traditions politiques de la France permettaient d’envisager un passage à une économie socialisée par la voie démocratique. Mais ces travaux ont justement montré que le passage au socialisme par cette voie n’est pas possible partout, et que sa viabilité dépend des traditions politiques et des rapports de force.

    • morel dit :

      Le crime de masse est inexcusable. Vous évoquez Robespierre mais il est démontré qu’il était totalement étranger à Carrier et ses noyades dans la Loire ou Tureau et ses colonnes infernales.
      Les crimes de Staline n’ont même pas « l’excuse » de la guerre civile. Tout homme de bonne foi ne peut prétendre qu’ils auraient « contribué » au socialisme.
      C’est même l’inverse, lorsque la vérité s’est répandue.
      Y opposer, les crimes réels du capital ou le gâchis de ressources qu’il engendre (même des économistes libéraux reconnaissent la pertinence de la critique de Marx à ce sujet) ne saurait nous avancer.
      Il faut allier « justice sociale » et liberté, c’est la seule voie pour le progrès de l’humanité.
      Je constate avec plaisir que c’est aussi votre option pour notre pays.
      Peut-être est-il temps de mettre un terme (provisoire) à notre débat.

    • Descartes dit :

      @morel

      [Le crime de masse est inexcusable.]

      Formuler la question dans ces termes n’a pas de sens. En matière historique, il n’est pas question « d’excuser » quoi que ce soit. Qu’est ce que cela changerait, « d’excuser » les actes d’hommes morts depuis belle lurette ?

      [Vous évoquez Robespierre mais il est démontré qu’il était totalement étranger à Carrier et ses noyades dans la Loire ou Tureau et ses colonnes infernales.]

      Peut-être, mais il n’était pas « étranger » à la terreur déclenchée par le Comité de Salut Public qu’il présidait. Il est certain que Robespierre a ordonné ou commis des actes qui ne peuvent être considérés que comme des crimes. Si pour vous les crimes sont « inexcusables », alors ils le sont pour les uns comme pour les autres.

      [Les crimes de Staline n’ont même pas « l’excuse » de la guerre civile.]

      C’est très discutable. Si la guerre ouverte entre rouges et blancs s’est terminée à la fin des années 1920, les affrontements à l’intérieur du camp « rouge » et la consolidation des institutions politiques soviétiques ne sont acquises que vers la fin des années 1930.

      [Tout homme de bonne foi ne peut prétendre qu’ils auraient « contribué » au socialisme.]

      En d’autres termes, celui qui se risquerait à soutenir le contraire ne peut être que de mauvaise foi. Décidément, le terrorisme intellectuel a de beaux jours devant lui…

      [Y opposer, les crimes réels du capital ou le gâchis de ressources qu’il engendre (même des économistes libéraux reconnaissent la pertinence de la critique de Marx à ce sujet) ne saurait nous avancer.]

      Et vice-versa ? Depuis bientôt un siècle pourtant, la propagande bourgeoise utilise systématiquement la dénonciation des crimes de l’autre camp comme justification des siens. Pourquoi reprocher à la propagande communiste de faire la même chose ?

    • odp dit :

      @ Descartes, Marcailloux et autres

      Je me joins à Marcailloux pour remercier notre hôte de faire vivre cet espace d’échanges et les autres contributeurs pour l’écot qu’ils y apportent. Il est clair que dans le monde très cloisonné qui est le nôtre, la confrontation d’idées que permet ce forum est une rareté qui doit être appréciée à sa juste valeur. Merci à tous donc.

  10. bovard dit :

    Suite à votre réponse,ma réflexion,s’est prolongée.

    En effet;aujourd’hui,les financiers peuvent quitter la cage et son tigre (le corps social salarisé).
    Avec l’UE,la mondialisation,la spéculation à la micro seconde par réseau planétaire informatique,c’est ce qui se fait.
    Tel est notre environnement;Le vieux monde s’est estompé.
    Chaque nation a un corps social salarisé,qui se retrouve isolé dans ‘sa cage’,l’état/Nation.
    Pendant ce temps,tel un feu-follet,la spéculation s’est dématérialisée.
    N’est il pas logique,que ce corps social,cherche à casser sa cage,à la recherche de son’dompteur perdu’,le Financier et sa ‘pitance’d’avantages redristibués ?

    Autrement dit,la construction européenne,ne participe t elle pas,un peu de ce phénomène,aujourd’hui,de tentatives d’adaptation des couches populaires et moyennes conscientes des changements de paradigmes?
    Plus de 60% des français seraient opposés à la sortie de l’euro,et posséderaient plus de 100000e de patrimoine.
    Le misérabilisme ne peut pas être un argument,en France,pour la sortie de l’euro,actuellement,car la BCE,a une politique adaptée depuis quelques semaines.

    Plus tard,ne faudra t il pas prolonger et construire un état mondial multinational ?

    Je pense connaître tous les arguments contrant cet objectif idéaliste et utopique de l’UE?
    C’est le plus vieux combat de ma vie que j’ai entamé dès 1979.
    Cependant,le rasoir d’Okam,me conduit à trouver cet idéal européen fort raisonnable,s’il est conduit sur des bases pacifistes,anti-spéculative,redistributives avec mise en commun des richesses .
    C’est le sens de mon communisme actuel.
    De plus je rejoins grâce à cet objectif,dans mon voyage solitaire,quelques indications de mes fidèles boussoles:-le PCF canal historique,prolongé par le pcf/pge.
    -Jaurès,qui est mort pour son combat socialiste, à cause du nationaliste Vilain.
    -L’utopie de la révolution française avec Robespierre,Baboeuf,Buoneretti pour qui la nation française pouvait s’étendre de Lisbone à Moscou parcequ’elle cassait les vieilles structures féodales.Cependant de cet idéal,naquit le ‘nationalisme militariste colonisateur’que je combats.Seuls les aristocrates et le clergé totaliaire, privilégiés étaient l’ennemi,pas les autres peuples ou cultures,selon les communistes Baboeuf et Buonoretti,à la findu 18ième etau début du 19ième.
    Mais,actuellement,aussi,ça ne va pas.
    En effet,le système actuel,est insatisfaisant.
    Il est construit pour amener des profits vers des paradis financiers,paradis fiscaux,paradis informatiques de spéculation .
    Il broie toutes nos valeurs:laïcité,liberté,égalité,fraternité,acquis sociaux,internationalisme.
    Alors pourquoi le laisser tel quel,puisque la modernité nous impose ces lois d’airain financiéristes?
    Il est probable que beaucoup pourrait acquiescer à cela s’il n’étaient pas trop occupé pour lire mon post ou trop déstabiliser par la fureur des débats actuels.

    • Descartes dit :

      @ bovard

      [Autrement dit,la construction européenne,ne participe t elle pas,un peu de ce phénomène,aujourd’hui,de tentatives d’adaptation des couches populaires et moyennes conscientes des changements de paradigmes?]

      Bien sur que non. Pour reprendre l’analogie de la cage, la seule chose que la construction européenne a permis est pour le capital de choisir les cages ou le fauve est le moins dangereux.

      [Plus de 60% des français seraient opposés à la sortie de l’euro,et posséderaient plus de 100000e de patrimoine.]

      Oui. Et pourtant, ils auraient intérêt à sortir quand même. Seulement voilà : ils ont peur. Peur de l’inconnu. Ce n’est pas la première fois qu’un peuple préfère l’enfer qu’il connaît au paradis qu’il pourrait avoir mais qu’il ne connaît pas. Déjà en 1940, il a choisi la figure rassurante du Maréchal, qui avait derrière lui la machinerie familière de l’Etat, plutôt que l’aventure de la France Libre…

      [Le misérabilisme ne peut pas être un argument,en France, pour la sortie de l’euro, actuellement,car la BCE, a une politique adaptée depuis quelques semaines.]

      Ah bon ? « Adaptée » à quoi ?
      La politique de la BCE ressemble à ceux qui ferment la porte de l’étable une fois que le cheval s’est échappé. La politique de la BCE est « adaptée » à la situation économique d’il y a trois ans. Aujourd’hui, elle ne produit presque pas d’effet. Par ailleurs, et contrairement à ce que croient Laurent et Mélenchon, le problème de l’Euro n’est pas la politique de la BCE. L’Euro a un défaut de conception : une monnaie unique sans transferts ne peut fonctionner durablement que si les cycles économiques et l’inflation sont les mêmes dans l’ensemble de la zone. Ce qui n’est pas le cas. Et aucune politique de la BCE ne peut changer ça. Pour corriger le problème de l’Euro, il n’y a qu’une voie : créer des transferts permanents entre les pays riches et les pays pauvres, de la même manière qu’ils existent dans une nation entre régions riches et régions pauvres. Et cela, les pays riches, Allemagne en tête, ne le veulent pas.

      [Plus tard, ne faudra t il pas prolonger et construire un état mondial multinational ?]

      Dans le monde magique de Disney, tout est possible. Dans le monde réel, il est inutile de se demander si « il faut » faire quelque chose qui relève de l’impossible.

      [Cependant,le rasoir d’Okam,me conduit à trouver cet idéal européen fort raisonnable,s’il est conduit sur des bases pacifistes, anti-spéculatives, redistributives avec mise en commun des richesses. C’est le sens de mon communisme actuel.]

      Si cela vous plaît de rêver éveillé, pourquoi pas. Mais ne croyez pas faire de la politique avec ça. Si vous voulez faire de la politique, posez vous la question de ce qui est possible. Votre « idéal européen » n’est réalisable que si vous trouvez l’unanimité parmi les 28 Etats pour soutenir des politiques « pacifistes, anti-spéculatives et redistributives ». Où voyez-vous cette majorité se dégager ?

      [-L’utopie de la révolution française avec Robespierre, Baboeuf, Buoneretti pour qui la nation française pouvait s’étendre de Lisbone à Moscou parce qu’elle cassait les vieilles structures féodales. Cependant de cet idéal, naquit le ‘nationalisme militariste colonisateur’ que je combats. Seuls les aristocrates et le clergé totaliaire, privilégiés étaient l’ennemi, pas les autres peuples ou cultures, selon les communistes Baboeuf et Buonoretti,à la findu 18ième et au début du 19ième.]

      Si vous voulez apprendre quelque chose de Baboeuf ou Buonarotti, posez-vous la question « pourquoi cela n’a pas marché » ? Et lisez Marx, qui apporte à cette question une excellente réponse… Vous faites erreur d’ailleurs en mettant Robespierre dans le même panier que les deux autres.

  11. bovard dit :

    mon grand père a fondé en 1924;la section nord du PCF,d’un département du centre:la haute vienne.mon père en a été membre,tout comme moi aujourd’hui qi suis membre du PCF.
    Mon grand père a été résistant,mon père décoré de l’ordre National du mérite!
    Pourtant,Toute ma vie,j’ai entendu ‘communiste pas français’.’Communiste =Moscoutaire!.’
    eh bien,Non celui !
    Aragon lu par des millions de communistes a écrit;Mon parti m’a rendu les couleurs de la France.Ces couleurs,ne sont pas les mêmes que les vôtres mais ‘quand les blés,sont sous la grêle..fou qui fait le délicat,que ce soit celui qui croyait au ciel,ou celui qui n’y croyait pas!’ .
    Quand à Jean Marie Lepen,les hommes politiques qu’il veut faire passer devant le tribunal pour haute trahison(à cause de leurs politiques migratoires) Sont ?…..Eh,Oui!Chirac et Giscard !!!..pour politique abusive d’immigrations massives,durant leur septennat.
    Quand à Charles de Gaulle,les multiples tentatives d’assassinat sont toutes venues du camp de l’Algérie française,sans parler de sa condamnation à mort par Pétain en 40.
    L’enseignement que j’ai tiré de tout ceci,c’est que la bêtise existe partout:chez certains communistes et chez certaines personnes,qui ne le sont pas.Cela me fait .penser à une blague,âme sensible,s’abstenir..:’La Citroën de Sarkozy remonte paisiblement dans les Champs-Elysées. Tout à coup, elle est rattrapé par la 407 de Delanoé. Quand les voitures sont côte à côte, Delanoé baisse sa vitre à Sarkozy:
    – “Espèce de bon à rien!” ,et il referme sa vitre. Sarkozy fait signe au chauffeur de rattraper Delanoé, il descend sa vitre et dit:
    – “Magouilleur!”. Delanoé rattrape Sarkozy, et crie:
    – “Escroc!”. Excédé, Sarkozy finit par crier:
    – “EMBRAYAGE!!”. Delanoé est tout surpris par cette “insulte” et renonce à continuer ce duel verbal. Il rentre chez lui en se demandant ce que ce mot pouvait contenir comme insulte. Il décide de regarder dans le dictionnaire si le mot a un double sens. Il ouvre son Petit Robert et lit:- Embrayage: .édale de gauche…’

    • odp dit :

      Bonjour Monsieur,

      Je suis surpris que vous vous gendarmiez du qualificatif de “moscoutaire” dont on affubla si longtemps le PCF.

      C’est un fait historique que le PCF a, bien longtemps (jusqu’à Juquin?), pris ses ordres à Moscou et placé les intérêts de la patrie du socialisme bien au dessus de ceux de la France. Les exemple foisonnent. Il est également indéniable que ni la Nation ni l’Etat ne sont l’horizon naturel du “socialisme international”. On ne fait pas impunément de L’Internationale sont chant de ralliement…

      Que cela soit explicable, voire compréhensible vu le schéma mental des hommes de l’époque, pourquoi pas; mais les faits sont là; s’étonner que les autres en tirent des conséquences me paraît, sauf votre respect, un petit peu puéril. Le PCF ne fut “patriote” que quand ce fut dans l’intérêt de Moscou qu’il le soit; sinon il fut “internationaliste”. Il faut assumer.

    • Descartes dit :

      @ odp

      [C’est un fait historique que le PCF a, bien longtemps (jusqu’à Juquin?), pris ses ordres à Moscou et placé les intérêts de la patrie du socialisme bien au dessus de ceux de la France.]

      Et comme la plupart des « faits historiques » sur ces questions, c’est un faux. Les rapports entre le PCF et le PCUS sont bien plus complexes qu’un simple rapport de subordination. Communistes français et communistes soviétiques ont eu leurs accords et leurs désaccords, leurs lunes de miel et leurs fâcheries. Je conçois que pour les guerriers froids cette vision manichéenne d’un PCF obéissant au doigt et à l’œil à Moscou soit séduisante – et surtout utile. Mais elle est fausse. Pensez-vous par exemple que lorsque le BP du PCF condamne l’intervention des forces du Pacte de Varsovie à Prague en 1968 il ait obéi à des « ordres » venues de Moscou ? Ce serait assez contradictoire, le PCUS donnant au PCF l’ordre de saboter en France la politique décidée à Moscou… mais peut-être qu’il s’agissait d’un infâme complot ourdi par Brezhnev, le Pacte de Varsovie envahissant la Tchécoslovaquie seulement pour permettre au PCF de se démarquer publiquement et d’améliorer son image ? Avec ces communistes, tout est possible, n’est ce pas ?

      [Il est également indéniable que ni la Nation ni l’Etat ne sont l’horizon naturel du “socialisme international”. On ne fait pas impunément de L’Internationale sont chant de ralliement…]

      Du « socialisme international », je ne sais pas. Mais des partis communistes, certainement. Du moins depuis que la vision stalinienne du « socialisme dans un seul pays » s’est imposée à la vision trotskyste de la « révolution mondiale ». C’est assez drôle d’ailleurs : ceux-là même qui vomissent Staline et regrettent que Trotsky ne l’ait pas emporté sont les mêmes qui reprochent aux communistes « staliniens » d’avoir des fidélités internationalistes « bien au dessus » de leur fidélité nationale. Oubliant que l’idée d’une Internationale communiste conçue comme « l’état major de la révolution internationale » dont les partis nationaux n’étaient que des « sections » obéissantes était la grande idée de Trotsky, et que c’est précisément Staline qui affaiblit l’Internationale pour la dissoudre en 1943. Mais bon, on n’est pas chez les anticommunistes à une contradiction près…

      Ajoutons qu’aujourd’hui il ne reste que deux « internationales » : l’internationale socialiste, aimable club de sociaux-libéraux, et la IVème internationale trotskyste, sorte de panier de crabes ou des groupuscules infinitésimaux passent leur temps à se disputer.

    • odp dit :

      @ Descartes

      Bien sûr que les rapports entre le PCF et l’URSS furent plus complexes qu’un lien strictement mécanique de subordination. Je ne crois jamais avoir dit une telle chose. Le PCF avait une base et des cadres qui n’étaient pas tous fanatiquement “moscoutaires” et dont il fallait “gérer” la sensibilité (la sensiblerie diriez-vous, j’imagine) et, en 1968, l’écrasement du Printemps de Prague était une couleuvre trop difficile à avaler, même pour l’estomac bien aguerri du PCF. Les gauchistes avaient déjà fait leur oeuvre… Je suis d’ailleurs loin d’être sûr que vous auriez vous-même voté sur cette ligne!

      Quoiqu’il en soit, l’opposition du PCF à l’invasion de la Tchécoslovaquie est l’exception qui confirme la règle, l’arbre qui cache la forêt, l’hirondelle qui ne fait pas le printemps etc… Il est d’ailleurs tout à fait significatif qu’il vous ait fallu chercher un événement postérieur de près d’un demi-siècle à la création du PCF pour trouver l’expression d’une franche opposition à Moscou. 50 ans pour atteindre la majorité c’est un peu long, même pour les esprits simples de la classe ouvrière française…

      De fait, sans viser à l’exhaustivité, la liste des menées “anti-nationales” du PCF est longue comme le bras et peut être inaugurée, à tout seigneur tout honneur, par la plus connue et la plus “infâme” de toutes: la défense du pacte germano-soviétique, la dénonciation de la “guerre impérialiste franco-britannique” puis la désertion de Maurice Thorez. Mais j’aurai également pu citer la ligne “classe contre classe” des années 20 et 30, les tentatives insurrectionnelles de 1947 ou l’armement des ennemis de la France en Indochine ou en Algérie.

      Il n’y a d’ailleurs rien de surprenant à cela ; et vous l’avez même, eût un temps, reconnu (dans un moment de faiblesse?): à partir du moment où le Parti défend la “classe ouvrière” et pas la “France”, s’il estime que les intérêts de celle-ci sont mieux défendus par un alignement systématique sur la Patrie du Socialisme, fût-ce au prix de l’abandon complet de la souveraineté nationale, comme les communistes des “pays frères” le décidèrent, il est alors tout à fait logique, “scientifique” auraient-ils dit, de s’aligner intégralement sur Moscou. De fait, à cette époque, comme le dit la blague, le PCF n’était pas à gauche, mais a l’Est!

      Aussi, moscoutaire le PCF fût, c’est évident; et s’il ne fût pas plus encore, en empruntant, comme ses homologues des “pays frères”, le chemin de mise sous tutelle complète du pays, c’est parce que l’Histoire ne lui en a laissât pas l’occasion, notamment parce que Jules Moch, digne héritier de Clémenceau, sut y mettre bon ordre.

    • Descartes dit :

      @ odp

      [Bien sûr que les rapports entre le PCF et l’URSS furent plus complexes qu’un lien strictement mécanique de subordination. Je ne crois jamais avoir dit une telle chose.]

      Dit, je ne sais pas. Mais écrit, oui. Vous l’avez écrit en toutes lettres dans votre message précédent. Je vous cite : « C’est un fait historique que le PCF a, bien longtemps (jusqu’à Juquin?), pris ses ordres à Moscou (…) ». Je suis ravi que vous admettiez que ce que vous considériez comme « un fait » jusque hier fasse aujourd’hui l’objet d’une vision plus nuancée…

      [Le PCF avait une base et des cadres qui n’étaient pas tous fanatiquement “moscoutaires” et dont il fallait “gérer” la sensibilité (la sensiblerie diriez-vous, j’imagine) et, en 1968, l’écrasement du Printemps de Prague était une couleuvre trop difficile à avaler, même pour l’estomac bien aguerri du PCF.]

      Je ne comprends pas. D’un côté vous admettez que les rapports entre le PCF et l’URSS n’étaient pas ceux d’une simple subordination, d’un autre vous persistez à essayer de démontrer le contraire. Qu’est ce qu vous permet d’affirmer que les membres du BP ont condamné l’intervention en Tchécoslovaquie pour ménager la sensibilité de la « base » et des « cadres », et non par conviction ? Les procès-verbaux des réunions du BP sont maintenant disponibles aux archives départementales de la Seine-Saint-Denis, et le moins qu’on puisse dire est qu’ils ne valident pas votre théorie. Mais peut-être que le procès-verbal ne reflète pas la vérité des discussions, et n’est qu’un élément de plus de la Grande Conspiration pour Occulter la Vérité ?

      Va falloir vous résigner : il n’y avait pas que « la base » et « les cadres » qui croyaient en un « mariage du drapeau rouge et du drapeau tricolore » produisant un « socialisme aux couleurs de la France » qui n’était nullement une copie servile de ce qui se faisait à Moscou. Il y avait aussi les dirigeants, et parmi eux plusieurs dirigeants de premier plan.

      [Les gauchistes avaient déjà fait leur oeuvre… Je suis d’ailleurs loin d’être sûr que vous auriez vous-même voté sur cette ligne!]

      Je ne sais pas ce que j’aurais voté à l’époque si j’avais eu usage de raison. Et si je vous donnais ma position aujourd’hui, vous pourriez raisonnablement me reprocher de réagir en connaissant la fin de l’histoire. Mais cela importe peu. Le débat ici porte sur ce qu’ont voté les membres du BP de l’époque, pas ce que j’aurais voté moi.

      [Quoiqu’il en soit, l’opposition du PCF à l’invasion de la Tchécoslovaquie est l’exception qui confirme la règle,]

      En entrée de ce commentaire vous aviez admis avoir commis une erreur en affirmant que le rapport entre le PCF et le PCUS était un rapport de subordination mécanique. Si vous acceptez cela, c’est que vous acceptez qu’il existe de nombreuses « exceptions », de nombreux exemples ou le PCF a pris des positions contraires aux souhaits du PCUS. Et maintenant, vous revenez à votre position d’origine, avec l’idée que la condamnation de l’intervention en Tchecoslovaquie serait un exemple isolé et unique…

      Je pourrais vous donner mille exemples, et ils resteraient pour vous mille exceptions. Des exceptions qui bien entendu confirmeront la règle que vous avez posé par avance. C’est ainsi que fonctionnent les dogmes. Si une exception confirme la règle, mille exceptions la confirment mille fois plus, non ?

      [Il est d’ailleurs tout à fait significatif qu’il vous ait fallu chercher un événement postérieur de près d’un demi-siècle à la création du PCF pour trouver l’expression d’une franche opposition à Moscou.]

      Rien de « significatif » là dedans. Je vous ai donné le premier exemple qui m’est passé par la tête, tout simplement parce que c’est un exemple très classique, sur lequel il a été beaucoup écrit y compris après l’ouverture des archives qui ont rendu les comptes-rendus du BP accessibles aux chercheurs. J’aurais pu vous donner d’autres exemples, mais comme ils sont beaucoup moins documentés on serait entré dans une longue discussion sur la réalité ou non de l’opposition.

      [De fait, sans viser à l’exhaustivité, la liste des menées “anti-nationales” du PCF est longue comme le bras et peut être inaugurée, à tout seigneur tout honneur, par la plus connue et la plus “infâme” de toutes: la défense du pacte germano-soviétique, la dénonciation de la “guerre impérialiste franco-britannique”(…)]

      Si vous considérez le pacifisme communiste des années 1930 comme une « menée anti-nationale », vous devriez alors mettre le même sceau d’infamie sur la plupart des partis français. Car le courant pacifiste était très fort, et touchait tous les partis. C’était le cas de la SFIO, mais aussi de la droite. Les « bellicistes » n’étaient pas nombreux : n’oubliez pas l’accueil triomphal que reçut Daladier après la signature des accords de Munich.

      Quant à la défense du pacte germano-soviétique, vous m’obligez à me répéter. Il n’y avait aucune raison de ne pas « défendre » le pacte, étant donné la manière dont la diplomatie britannique et française avaient traité les tentatives soviétiques d’établir des accords de sécurité collective. Français et Britanniques ont fait traîner les négociations, tout en faisant leur possible pour « chevaucher le tigre et l’envoyer vers l’Est » (la formule est de Chamberlain). Lors de l’affaire Tchèque, Français et Britanniques ont refuse l’offre d’une intervention militaire concertée pour assurer la souveraineté tchèque, préférant consentir le dépècement du pays. On ne peut pas blâmer Staline d’avoir cherché à gagner du temps pour se préparer à la guerre – et de récupérer au passage les territoires qui avaient été arrachés à l’Union Soviétique par les interventions militaires occidentales des années 1920. A sa place, qu’est ce que vous auriez fait, vous ?

      (…) puis la désertion de Maurice Thorez.]

      Comme disait sa veuve, l’avion qui mena Maurice Thorez en URSS était le même qui mené le général De Gaulle à Londres. Si Thorez a « déserté », il était en bonne compagnie. J’ajoute que Thorez, mobilisé en septembre 1939, rejoint son régiment pour se battre. Il ne déserte que sur instruction de l’Internationale en réponse au décret-loi du 26 septembre 1939 qui interdit le PCF et qui fait donc courir à ses dirigeants le risque d’être arrêtés et jetés en prison… et il avait raison : en avril 1940, le décret Sérol permettra la condamnation à mort des dirigeants et militants communistes, sous prétexte de « démoralisation de l’armée ». Plusieurs militants et dirigeants communistes seront embastillés ou exécutés en application de cette législation. Là encore, on ne peut reprocher à Thorez d’avoir refusé de se livrer en agneau sacrificiel.

      [Mais j’aurai également pu citer la ligne “classe contre classe” des années 20 et 30, les tentatives insurrectionnelles de 1947 ou l’armement des ennemis de la France en Indochine ou en Algérie.]

      La ligne « classe contre classe » des années 1920 et 30 serait une « menée antinationale » ? Tiens, tiens, expliquez-moi cela… en quoi un choix de tactique politique interne peut être considéré comme « antinational » ? Si on vous suit, si le Front de Gauche avait refusé de voter pour Hollande au deuxième tour, il aurait rejoint l’anti-France…

      Même problème sur les « tentatives insurrectionnelles de 1947 », « tentatives » qui n’existent que dans l’imagination des guerriers froids. Je vous mets au défi de m’indiquer un seul cas où le PCF ait tenté d’établir des autorités à la place des autorités légales. Les grèves dites « insurrectionnelles » de 1947 ont été certainement des grèves très dures, mais elles restent dans la logique de la grève. Jamais leurs dirigeants ne se sont posés comme objectif de renverser les pouvoirs constitutionnels. Parler « d’insurrection » est ridicule. Mais ce qui est intéressant, c’est que plus d’un demi-siècle plus tard la légende de « l’insurrection communiste » continue à être répétée comme parole d’évangile…

      [Il n’y a d’ailleurs rien de surprenant à cela ; et vous l’avez même, eût un temps, reconnu (dans un moment de faiblesse?): à partir du moment où le Parti défend la “classe ouvrière” et pas la “France”, s’il estime que les intérêts de celle-ci sont mieux défendus par un alignement systématique sur la Patrie du Socialisme, fût-ce au prix de l’abandon complet de la souveraineté nationale, comme les communistes des “pays frères” le décidèrent, il est alors tout à fait logique, “scientifique” auraient-ils dit, de s’aligner intégralement sur Moscou. De fait, à cette époque, comme le dit la blague, le PCF n’était pas à gauche, mais a l’Est!]

      J’aimerais que vous m’indiquiez la référence du texte où j’aurais « reconnu » pareille chose. A défaut, j’exige des excuses.

      [Aussi, moscoutaire le PCF fût, c’est évident; ]

      Ah… la puissance de « l’évidence »… décidément, la pensée dogmatique a encore de beaux jours devant elle.

      [et s’il ne fût pas plus encore, en empruntant, comme ses homologues des “pays frères”, le chemin de mise sous tutelle complète du pays, c’est parce que l’Histoire ne lui en a laissât pas l’occasion,]

      Procès d’intention… la vérité, c’est que vous n’en savez rien, et moi non plus. Vous êtes dans le royaume du « pourquoi pas ». Ce qui est plus grave, c’est que vous présentez ce « pourquoi pas » comme un fait, et qu’à partir de là vous vous permettez d’insulter pas mal de monde, dirigeants et simples militants, dont beaucoup ont risqué leur vie – ou l’ont perdue – pour défendre la souveraineté de leur pays. Je trouve très dommage que vous ne soyez pas capable de sortir de ce dogmatisme de guerrier froid.

      [notamment parce que Jules Moch, digne héritier de Clémenceau, sut y mettre bon ordre.]

      On a les héros qu’on peut.

    • odp dit :

      @ Descartes

      Je savais que tout cela vous énerverai et, d’une certaine façon, je m’en excuse car, sur le fond, telle n’était pas vraiment mon intention. Je ne suis en effet pas ici pour bouffer du coco ou refaire la guerre froide, qui, comme vous l’avez dit, s’est achevée il y a bien longtemps. De fait, je n’ai aucune hostilité de principe à l’égard des membres ou militants du PCF et je lis avec autant d’intérêt Michel Onfray ou Jean-Claude Michéa qu’Alain Finlkielkraut ou Alain de Benoit.

      Je suis ainsi “ici” pour nourrir ma réflexion, apprendre des choses et échanger. C’est ce que j’y trouve fréquemment et suis content ainsi. En revanche, j’avoue avoir du mal quand on me prend pour un imbécile et notamment quand on essaye de me faire croire qu’il fait nuit en plein jour. Or, pour tout ce qui touche à l’histoire du PCF et du mouvement communiste en général, c’est la fâcheuse impression que je retire généralement de vos affirmations et prises de positons. Je suis ravi d’écouter des arguments “révisionnistes” et d’écouter plusieurs sons de cloches mais il y a des limites, celle que doit fixer l’honnêteté intellectuelle. C’est un peu comme Lacroix-Riz: à trop en faire, elle perd toute crédibilité.

      Prenons l’exemple de Maurice Thorez. Comment osez-vous sérieusement comparer sa fuite à Moscou en Septembre 39 avec l’envol de de Gaulle pour Londres en Juin 40. C’est ahurissant. Thorez déserte AVANT la bataille de France et pour rejoindre un pays qui vient de signer un traité de “délimitation et d’amitié” avec l’Allemagne et lui livre des matières premières tandis que de Gaulle part, après la défaite française, pour rejoindre le seul pays Européen qui continue à se battre contre l’Allemagne. De Gaulle refusa l’armistice tandis que Thorez refusa le combat; c’est le jour et la nuit! De Gaulle ne s’y est d’ailleurs pas trompé puisqu’en 1944 il décida de gracier Thorez plutôt que de casser le jugement qui l’avait condamné à mort pour désertion.

      De la même manière, pour le pacte Germano-soviétique, votre argumentaire est incroyable! A l’accusation qui est faite au PCF d’avoir soutenu le pacte, vous répondez que, puisque celui-ci répondait répondait aux intérêt soviétiques, il était normal qu’il fût soutenu par le PCF. Mais c’est tout le sujet derrière l’accusation de parti de l’étranger et le point central de mon argumentation! On attend de membres du Parti Communiste Français qu’ils épousent les intérêts de la France; pas ceux de la Russie soviétique! Que ce traité fût bon pour Staline, on peut en gloser longtemps; qu’il fût mauvais pour notre pays c’est une évidence.

      Bref, que le PCF eût ses “raisons” (très franchement, la désertion de Thorez, la dénonciation de la “guerre impérialiste franco-britannique” et la mise en oeuvre d’actions antimilitaristes voire de sabotage reste difficile à avaler), pourquoi pas. Qu’il soit, comme vous l’avez indiqué ailleurs, un peu vain, voire malhonnête, de distribuer médailles et blâmes aux acteurs de l’Histoire confortablement assis des décennies après les événements, tout à fait. Que le passé n’engage pas le présent, également. En revanche, la vérité historique a une valeur intrinsèque et nier que le PCF fût pendant cette période comme en tant d’autres très largement inféodé à l’URSS plutôt qu’à la France, c’est lui faire insulte et espérer “qu’un mensonge répété 1000 fois devienne une vérité”. Vous le reconnaissez d’ailleurs vous même en indiquant benoîtement que si Thorez a déserté, c’est parce que l’IC le lui avait demandé. Entre les injonctions de l’IC et celles de la Défense Nationale, le choix, pour le 1er Secrétaire du PCF en 1939, est en effet vite fait.

      Pour finir, je citerai le Général de Gaulle, que l’on ne saurait qualifier d’anti-communiste primaire, dans un discours prononcé à Rennes en 1947. Il exprime bien, me semble-t-il, la réalité de l’époque. Nous avions d’ailleurs déjà échangé autour de ce discours et c’est à cette occasion que vous aviez formulé l’explication, d’ailleurs évidente pour les hommes de l’époque, de l’allégeance à l’URSS comme meilleur moyen de défendre les intérêts de la classe ouvrière française.

      “Car, voici où nous en sommes : sur notre sol, au milieu de nous, des hommes ont fait voeu d’obéissance aux ordres d’une entreprise étrangère de domination, dirigée par les maîtres d’une grande puissance slave. Ils ont pour but de parvenir à la dictature chez nous, comme leurs semblables ont pu réussir a le faire ailleurs avec l’appui de cette puissance. Pour eux, qui invoquent à grands cris la justice sociale et l’affranchissement des masses, il s’agit, en réalité, de plier notre beau pays à un régime de servitude totalitaire, où chaque Français ne disposerait plus ni de son corps, ni de son âme, et par lequel la France elle-même deviendrait l’auxiliaire soumise d’une colossale hégémonie.

      Pour atteindre leurs fins, il n’y a pas de moyens que ces hommes n’emploient. Suivant l’opportunité, on les voit préconiser des thèses aussi catégoriques que successives et contradictoires. Il n’existe pas une idée, un sentiment, un intérêt, qu’ils n’utilisent tour à tour. L’ordre ou la révolution, la production ou l’arrêt du travail, la liberté ou la contrainte, sont affichés dans leur programme et inscrits sur leurs bannières suivant ce qui leur paraît devoir être de meilleur rapport. Point de grande oeuvre, de noble figure, de gloire nationale, qu’ils n’aient parfois maudite et parfois accaparée. Vis-à-vis des idées, des actes, de la personne des autres, rien qui approche de l’équité, ni de la vérité ; seule compte l’utilité que dans l’instant, ils leur attribuent. Suivant qu’ils croient, ou qu’ils ne croient pas, pouvoir en tirer quelque chose, c’est tantôt la bonne grâce, la flatterie, la main tendue, et tantôt l’injure, la calomnie, la menace. Mais, à travers les méandres compliqués de leurs procédés, apparaissent l’habileté à tromper leur clientèle et l’acharnement à se placer dans les postes et dans les conditions où l’on peut le mieux agir et, surtout, il ne semble que trop ! le plan arrêté de développer dans tout le corps de la nation cette confusion qui la rendrait plus accessible à leur entreprise.

      Tout se passe, en effet, comme si, en revendiquant bruyamment l’union des républicains, le progrès social, l’indépendance nationale, ce groupement n’agissait, en fait, que pour aggraver sans relâche les difficultés multiples dans lesquelles la France se débat. Alors qu’il nous est si difficile de créer parmi nous un climat de concorde, le parti dont il s’agit ne cesse de jeter du sel sur chacune de nos plaies et d’ameuter les unes contre les autres les diverses catégories françaises. Alors que nous éprouvons tant de peine à nous doter d’institutions adaptées aux temps modernes, ces bons apôtres, jouant de l’illusion des uns et de l’inconsistance des autres, ont réussi à pousser la République dans un régime d’impuissance. Alors que nous avons tant de mal à trouver un équilibre économique, social, financier sur lequel nous puissions bâtir notre reconstruction, ces hommes interviennent aux moments et sous la forme les mieux appropriés pour jeter à bas l’édifice à mesure qu’il se construit. Alors que nous devons, sous peine d’en être dépouillés, faire l’Union française de telle sorte qu’elle soit une union et qu’elle soit française, ces gens travaillent, soit sur place, soit à Paris, pour soulever de frustes passions et saper l’autorité de la France. Alors que notre avenir est engagé dans une partie internationale très dangereuse et que se forme en Europe, par la force, un énorme bloc oriental, ces personnages ne se manifestent que pour soutenir parmi nous, exclusivement et avec fracas, les seules positions, les seules intentions, les seuls intérêts, de la Russie soviétique.

      Or, la faille profonde dont, par leur fait, est menacée l’unité française est d’autant plus grave et d’autant moins tolérable qu’elle se produit précisément en conjonction avec la situation extérieure créée par l’action de la Russie soviétique et dont le moins qu’on puisse en dire est qu’elle est nettement alarmante”.

      Quelle prose…

    • Descartes dit :

      @odp

      [Je savais que tout cela vous énerverais et, d’une certaine façon, je m’en excuse car, sur le fond, telle n’était pas vraiment mon intention.]

      Vraiment ? Je ne sais pas pourquoi, mais j’ai beaucoup de mal à vous croire…

      [En revanche, j’avoue avoir du mal quand on me prend pour un imbécile et notamment quand on essaye de me faire croire qu’il fait nuit en plein jour. Or, pour tout ce qui touche à l’histoire du PCF et du mouvement communiste en général, c’est la fâcheuse impression que je retire généralement de vos affirmations et prises de positons.]

      Le discours « de guerre froide » que vous tenez sur le ton de l’évidence n’a en fait rien d’évident. Et prétendre que toute contestation de ce discours reviendrait « à vous prendre pour un imbécile » ou pire encore, à essayer « de faire croire qu’il fait nuit en plein jour » est une forme de terrorisme intellectuel que je rejette par avance. Avez-vous entendu parler du traité franco-soviétique d’assistance mutuelle du 2 mai 1935 ? Non ? Ca ne m’étonne pas. Crémieux-Brilhac, pourtant peu suspect de « prendre les gens pour des imbéciles » ou de « faire croire qu’il fait nuit en plein jour » raconte très bien comment les protocoles nécessaires à l’application de ce traité n’ont jamais vu le jour, victimes du sabotage systématique de l’Etat-major de l’armée française et de l’antisoviétisme des gouvernements qui se sont succédés, Front Populaire inclus. Il raconte notamment comment une mission française s’était rendue à Moscou pour négocier les fameux protocoles en août 1939, et combien l’attitude obstructive des français a pesé dans la décision finale de signer le pacte germano-soviétique du 23 août 1939. Maintenant, si vous voulez croire que tout cela n’a jamais existé, que lorsque les puissances européennes ont toléré le réarmement de l’Allemagne, l’installation de Franco en Espagne, le dépècement de la Tchecoslovaquie, l’occupation de la Pologne tout en faisant obstruction à tout accord de sécurité collective avec l’URSS elles l’ont fait par inconscience et sans que jamais ait croisé leur esprit une idée impure, c’est votre affaire.

      [Je suis ravi d’écouter des arguments “révisionnistes” et d’écouter plusieurs sons de cloches mais il y a des limites, celle que doit fixer l’honnêteté intellectuelle.]

      En d’autres termes, ceux qui contesteraient votre vision non seulement « prennent les gens pour des imbéciles » et « font croire qu’il fait nuit en plein jour », mais en plus ils seraient « intellectuellement malhonnêtes ». Je vous le répète, je n’accepte pas ce genre de terrorisme intellectuel. Si vous avez des arguments, je suis prêt à les écouter. Mais je constate que vous préférez comme d’habitude attaquer le messager plutôt que le message…

      [Prenons l’exemple de Maurice Thorez. Comment osez-vous sérieusement comparer sa fuite à Moscou en Septembre 39 avec l’envol de de Gaulle pour Londres en Juin 40. C’est ahurissant. Thorez déserte AVANT la bataille de France et pour rejoindre un pays qui vient de signer un traité de “délimitation et d’amitié” avec l’Allemagne et lui livre des matières premières tandis que de Gaulle part, après la défaite française, pour rejoindre le seul pays Européen qui continue à se battre contre l’Allemagne.]

      Il n’y a rien de « malhonnête » là dedans. Lorsque Thorez s’envole pour Moscou, il appartient à un parti politique interdit, et dont les membres sont passibles d’emprisonnement et bientôt de la peine de mort. Lorsque De Gaulle s’envole pour Londres, il est un homme libre que rien ne menace. La « désertion » du premier me paraît donc bien plus justifiée humainement que la seconde.

      [De Gaulle refusa l’armistice tandis que Thorez refusa le combat;]

      Non. De Gaulle refusa l’armistice, Thorez refusa l’emprisonnement et la mort certaine. Et si l’on peut admirer le choix politique du premier, on ne peut reprocher au second de ne pas être allé devant le peloton d’exécution comme un agneau à l’abattoir. Encore une fois, il faudrait remettre les choses à leur place, et se souvenir que la répression anticommuniste a commencé avant la défaite, alors que la répression anti-gaulliste n’a commence que bien après.

      [c’est le jour et la nuit! De Gaulle ne s’y est d’ailleurs pas trompé puisqu’en 1944 il décida de gracier Thorez plutôt que de casser le jugement qui l’avait condamné à mort pour désertion.]

      Mais… il n’y avait rien à « casser » – à supposer même que De Gaulel ait eu le pouvoir de « casser » des jugements, prérogative réservée au pouvoir judiciaire. La condamnation contre Thorez avait été prononcée par une juridiction républicaine, en vertu des lois en vigueur à cette époque. Quel vice aurait-on pu invoquer pour la « casser » ? Techniquement, Thorez était un déserteur. Il faut d’ailleurs noter que les victimes communistes des lois « scélérates » de la fin des années 1930 n’ont jamais été réhabilitées. Comment auraient-elles pu l’être sans que la République reconnaisse elle-même d’avoir organisé la chasse aux communistes que les nazis poursuivront après la défaite ?

      [De la même manière, pour le pacte Germano-soviétique, votre argumentaire est incroyable!]

      « Qu’une chose soit vraisemblable n’implique pas quelle soit vraie. Remarque destinée aux ânes » (Nietzche). Encore une fois, évitez s’il vous plait ce genre de terrorisme intellectuel. Si vous avez des arguments, présentez-le, à lieu de préfacer chacun de vos paragraphes par une formule dévaluant par avance l’argument de l’autre.

      [A l’accusation qui est faite au PCF d’avoir soutenu le pacte, vous répondez que, puisque celui-ci répondait répondait aux intérêt soviétiques, il était normal qu’il fût soutenu par le PCF.]

      Non, je n’ai jamais répondu ça. Je vous mets au défi d’indiquer précisément le paragraphe ou j’aurais soutenu pareille chose. Mais je trouve votre inférence très intéressante… on dirait que pour vous la victoire de Stalingrad n’a servi que les intérêts de l’URSS…

      [Mais c’est tout le sujet derrière l’accusation de parti de l’étranger et le point central de mon argumentation! On attend de membres du Parti Communiste Français qu’ils épousent les intérêts de la France; pas ceux de la Russie soviétique!]

      Tout à fait. Et je continue à penser que la victoire de Stalingrad a mieux servi les intérêts de la France que ne l’aurait servie une défaite des soviétiques devant l’Allemagne nazie. Mais si je comprends bien, vous pencheriez plutôt pour l’avis opposé ?

      [Bref, que le PCF eût ses “raisons” (très franchement, la désertion de Thorez, la dénonciation de la “guerre impérialiste franco-britannique” et la mise en oeuvre d’actions antimilitaristes voire de sabotage reste difficile à avaler), pourquoi pas.]

      Encore une fois, vous m’attribuez des choses que je n’ai pas dites. Je ne me souviens pas d’avoir pris de position sur la dénonciation de la « guerre impérialiste franco-britannique ». Si vous voulez connaître mon avis, je vous le donne : je pense que ce fut une grosse erreur, qui s’explique par une erreur d’analyse sur ce qu’était la nature du nazisme. Une erreur d’ailleurs très partagée, puisque les puissances occidentales ont fait à peu près l’erreur symétrique en supposant qu’ils arriveraient de faire de Hitler l’instrument de la mise au pas de l’URSS.

      [En revanche, la vérité historique a une valeur intrinsèque (…)]

      Ah… si tout le monde pratiquait ce qu’il prêche, la terre serait habitée par des saints…

      [et nier que le PCF fût pendant cette période comme en tant d’autres très largement inféodé à l’URSS plutôt qu’à la France,]

      Bon, on progresse… au début, l’amateur de « vérité historique » que vous êtes avait affirmé (je vous cite) que le PCF « prenait ses ordres à Moscou ». Maintenant, on en est à « largement inféodé », ce qui est tout de même plus modéré. Quelques échanges encore et vous admettrez peut-être que les choses sont un peu moins mécaniques que cela, et que le PCF n’était pas plus « inféodé » à Moscou que la SFIO ou le MRP ne l’était à Washington…

      [c’est lui faire insulte et espérer “qu’un mensonge répété 1000 fois devienne une vérité”.]

      Ne jugez pas les autres à partir de vos propres méthodes…

      [Vous le reconnaissez d’ailleurs vous même en indiquant benoîtement que si Thorez a déserté, c’est parce que l’IC le lui avait demandé. Entre les injonctions de l’IC et celles de la Défense Nationale, le choix, pour le 1er Secrétaire du PCF en 1939, est en effet vite fait.]

      Bien entendu. La Défense Nationale avait pris des dispositions pour placer les militants communistes connus dans les postes les plus dangereux, pour les jeter en prison et, grâce au décret Sérol, devant le peloton d’exécution. L’IC offrait au contraire une protection relative. A la place de Thorez, vous auriez fait quoi ? Voyez-vous, si j’apprécie quelque chose dans l’idéologie communiste, c’est qu’elle ne prédispose pas au martyre. Et j’admire avant les gens qui sont morts pour la Révolution les gens qui ont vécu pour elle…

      [Pour finir, je citerai le Général de Gaulle, que l’on ne saurait qualifier d’anti-communiste primaire, dans un discours prononcé à Rennes en 1947.]

      On ne saurait pas qualifier De Gaulle d’anticommuniste primaire, mais sans lui faire injure on peut le qualifier de bête politique. En 1947, en pleine guerre froide, et alors qu’il essayait de regrouper l’électorat de droite autour de lui, De Gaulle n’était pas homme à hésiter à enfourcher le cheval de bataille anticommuniste, tout comme il avait enfourché le cheval de la coopération avec les communistes cinq ans plus tôt. En, 1945, nous dit Georgette Elgey, il chantait les louanges des ministres communistes, des ministres qualifiés de « patriotes » et de « mes meilleurs collaborateurs ». Deux ans plus tard, le contexte a changé et le discours aussi.

  12. bovard dit :

    Plus que la question de l’UE ,le vrai problème n’est il pas celui de la loi du 3/1/1973 ?
    Depuis la loi Pompidou-Giscard du 3 janvier 1973, le Trésor public ne peut plus présenter ses propres effets à l’escompte de la banque de France. En clair, la banque de France a interdiction de faire crédit à l’État, le condamnant à se financer par des emprunts, contre intérêts, auprès de banques privées, au lieu de continuer à emprunter sans intérêt auprès de la banque de France…
    Depuis l’application de cette loi, peu connue du grand public, l’État est obligé de passer par le système des banques privées pour financer son endettement. Une situation ubuesque en elle-même et qui s’est encore aggravée depuis la crise de 2008 où, en volant au secours des institutions financières, l’État est également devenu le fournisseur en premier ressort de ces mêmes institutions qui lui reprochent aujourd’hui son endettement et lui appliquent en conséquence des taux usuraires.

    • Descartes dit :

      @ bovard

      [Plus que la question de l’UE ,le vrai problème n’est il pas celui de la loi du 3/1/1973 ? Depuis la loi Pompidou-Giscard du 3 janvier 1973, le Trésor public ne peut plus présenter ses propres effets à l’escompte de la banque de France. En clair, la banque de France a interdiction de faire crédit à l’État, le condamnant à se financer par des emprunts, contre intérêts, auprès de banques privées, au lieu de continuer à emprunter sans intérêt auprès de la banque de France…]

      J’ai déjà expliqué mille fois pourquoi c’est le cas, mais je vais le faire une fois encore pour votre bénéfice. Comme disait un célèbre économiste, « en économie il n’y a pas de diner gratuit ». Lorsque l’Etat pouvait « emprunter sans intérêt » auprès de la banque de France, d’où sortait l’argent que cette dernière prêtait ? Etait-ce l’argent des épargnants ? Non, bien entendu, puisque les épargnants exigent un intérêt. Alors, d’où venait-il ? Il venait de la bonne vieille planche à billets. Mais lorsqu’on imprime un billet, on enlève un petit peu de valeur à chaque billet circulant. En d’autres termes, lorsque l’Etat « empruntait » à la Banque de France, ce n’était pas vraiment un emprunt, mais un prélèvement supplémentaire sur les détenteurs de monnaie. Un prélèvement bien commode, puisqu’il était « transparent » et ne nécessitait pas un vote du Parlement, comme l’aurait nécessité un véritable impôt. C’est ce qu’on appelle « l’impôt inflationnaire ».

      La loi du 3 janvier 1973 a été faite précisément parce que dans le contexte économique de l’époque, l’abus par le gouvernement de la facilité que constituait l’impôt inflationnaire risquait de pousser accidentellement la France dans une hyperinflation. Mais la loi du 3 janvier 1973 ne condamne nullement l’Etat à se financer auprès des banques privées, pas plus qu’il ne l’empêche pas l’Etat de se financer « sans intérêt ». Il lui suffit pour cela de voter un véritable prélèvement fiscal. Seulement, pour faire cela il faut que le gouvernement assume le fait de prendre de l’argent dans la poche des citoyens-contribuables-électeurs, alors qu’avant il pouvait toujours dire « si vous avez moins d’argent, c’est la faute à l’inflation ».

      [Depuis l’application de cette loi, peu connue du grand public, l’État est obligé de passer par le système des banques privées pour financer son endettement. Une situation ubuesque en elle-même et qui s’est encore aggravée depuis la crise de 2008 où, en volant au secours des institutions financières, l’État est également devenu le fournisseur en premier ressort de ces mêmes institutions qui lui reprochent aujourd’hui son endettement et lui appliquent en conséquence des taux usuraires.]

      Ou est-ce que vous avez vu des « taux usuraires » ? Au contraire, l’Etat emprunte aujourd’hui à un taux historiquement bas.

    • odp dit :

      @ Descartes

      [Le discours « de guerre froide » que vous tenez sur le ton de l’évidence n’a en fait rien d’évident. Et prétendre que toute contestation de ce discours reviendrait « à vous prendre pour un imbécile » ou pire encore, à essayer « de faire croire qu’il fait nuit en plein jour » est une forme de terrorisme intellectuel que je rejette par avance. Avez-vous entendu parler du traité franco-soviétique d’assistance mutuelle du 2 mai 1935 ? Non ? Ca ne m’étonne pas. Crémieux-Brilhac, pourtant peu suspect de « prendre les gens pour des imbéciles » ou de « faire croire qu’il fait nuit en plein jour » raconte très bien comment les protocoles nécessaires à l’application de ce traité n’ont jamais vu le jour, victimes du sabotage systématique de l’Etat-major de l’armée française et de l’antisoviétisme des gouvernements qui se sont succédés, Front Populaire inclus. Il raconte notamment comment une mission française s’était rendue à Moscou pour négocier les fameux protocoles en août 1939, et combien l’attitude obstructive des français a pesé dans la décision finale de signer le pacte germano-soviétique du 23 août 1939. Maintenant, si vous voulez croire que tout cela n’a jamais existé, que lorsque les puissances européennes ont toléré le réarmement de l’Allemagne, l’installation de Franco en Espagne, le dépècement de la Tchecoslovaquie, l’occupation de la Pologne tout en faisant obstruction à tout accord de sécurité collective avec l’URSS elles l’ont fait par inconscience et sans que jamais ait croisé leur esprit une idée impure, c’est votre affaire.]

      Non seulement je connais le traité de 1935 (signé par Laval) mais je connais l’histoire de la mission Franco-britannique à Moscou. Cependant, là n’est pas le sujet. Il ne s’agit pas disserter ad nauseam pour savoir si Staline a eu raison, du point de vue soviétique, de signer un pacte de non-agression avec les nazis, mais de s’interroger sur l’attitude du PCF à cette époque.

      Je me permets de vous rappeler que le point de départ de toute cette conversation est le commentaire de bovard se plaignant amèrement de l’accusation de “moscoutaire” dont les membres du PCF étaient régulièrement affublés; commentaire auquel j’avais répondu qu’au regard des états de service du PCF en matière de subordination au PCUS, il n’était pas surprenant que ce genre d’accusation fît surface.

      Le ton de mon propos était badin et le sujet bien balisé sur le plan historiographique; mais c’en était quand même trop pour vous; et, à ces mots, vous vous insurgeâtes. Pour étayer mes propos, je citais donc l’épisode le plus caricatural et le plus douloureux, celui du pacte germano-soviétique et de ses conséquences: défense du pacte par le PCF, désertion de Thorez, dénonciation de la guerre impérialiste franco-britannique, appels au sabotage dans les usines d’armement.

      Or, que voyons-nous? Après d’acrimonieux échanges, vous reconnaissez que l’attitude du PCF et de son premier secrétaire fut, dans cette épisode, dictée par Moscou (je vous cite: “Thorez ne déserta que sur instruction de l’Internationale Communiste”) et qu’elle fut, au moins pour partie, contraire aux intérêts de la France (vous mentionnez des réserves sur le thème de la “guerre impérialiste franco-britannique” mais j’imagine que vous avez les mêmes pour les appels au sabotage).

      Si, en plus de cette cerise sur gâteau que fut le Pacte, on rajoute tout le contexte de la ligne du PCF dans les années 20 et la première partie des années 30 au sujet de laquelle vous avez également, et pour les mêmes raisons j’imagine, exprimé des réserves, on en arrive à ma conclusion: l’accusation de “moscoutaire” fut, en de nombreux moments de l’histoire du PCF, et plus particulièrement de 1921 à 1941, loin d’être usurpée. Ni plus ni moins. C’est en effet une évidence; mais il a quand même fallu que vous fassiez de moi la réincarnation de Joseph McCarthy et un adepte du terrorisme intellectuel…

    • Descartes dit :

      @ odp

      [Non seulement je connais le traité de 1935 (signé par Laval) mais je connais l’histoire de la mission Franco-britannique à Moscou. Cependant, là n’est pas le sujet. Il ne s’agit pas disserter ad nauseam pour savoir si Staline a eu raison, du point de vue soviétique, de signer un pacte de non-agression avec les nazis, mais de s’interroger sur l’attitude du PCF à cette époque.]

      Mais l’attitude d’un parti ne peut être jugée indépendamment de la réalité des faits sur lesquels il a pris position. Si l’on admet la réalité du fait que Staline a été acculé à la signature du pacte germano-soviétique par la politique des puissances occidentales, peut-on raisonnablement exiger du PCF qu’il condamne le pacte ? Peut-on exiger du PCF qu’il condamne le pacte sous prétexte que Staline n’a pas aimé la France suffisamment pour se sacrifier, lui et son pays, à ses intérêts ? Faudrait-tout de même pas trop exagérer…

      [(…) commentaire auquel j’avais répondu qu’au regard des états de service du PCF en matière de subordination au PCUS, il n’était pas surprenant que ce genre d’accusation fît surface. Le ton de mon propos était badin et le sujet bien balisé sur le plan historiographique; mais c’en était quand même trop pour vous; et, à ces mots, vous vous insurgeâtes.]

      Si vous vous étiez contenté des « états de service », je ne me serais pas senti obligé de réagir. Mais ce n’est pas tout à fait la réponse que vous fîtes. Je vous cite : « C’est un fait historique que le PCF a, bien longtemps (jusqu’à Juquin?), pris ses ordres à Moscou (…) ». Et personnellement j’ai beaucoup de mal a admettre le procédé quoi consiste à faire passer une affirmation inexacte en la précédant de la formule « c’est un fait historique » pour refuser par avance toute contestation. Non, ce n’est pas un « fait historique » que le PCF ait « pris ses ordres à Moscou », et vous l’avez-vous-même admis au cours de l’échange.

      [Pour étayer mes propos, je citais donc l’épisode le plus caricatural et le plus douloureux, celui du pacte germano-soviétique et de ses conséquences: défense du pacte par le PCF, désertion de Thorez, dénonciation de la guerre impérialiste franco-britannique, appels au sabotage dans les usines d’armement. Or, que voyons-nous? Après d’acrimonieux échanges, vous reconnaissez que l’attitude du PCF et de son premier secrétaire fut, dans cette épisode, dictée par Moscou (je vous cite: “Thorez ne déserta que sur instruction de l’Internationale Communiste”)]

      Examinons le raisonnement. Vous dites que la défense du pacte germano-soviétique par le PCF, la dénonciation de la guerre impérialiste franco-britannique ou les appels au sabotage « étageraient » vos propos selon lesquels « le PCF prenait ses ordres à Moscou ». Pour que le raisonnement soit valable, il ne vous reste donc qu’à démontrer que ces trois actes ont été ordonnés par Moscou. Pourriez-vous indiquer sur quel document, témoignage ou indice vous fondez vous pour affirmer que de tels ordres aient existé ? Car on peut sérieusement douter que le PCF ai eu besoin de recevoir des « ordres » pour prendre ces positions, étant donné le contexte de l’époque. Le sentiment pacifiste était très fort dans l’ensemble de la gauche, et l’idée que la guerre n’était qu’une « guerre impérialiste » opposant le capitalisme anglais et le capitalisme allemand n’était pas l’apanage des communistes. Ainsi par exemple les syndicats d’instituteurs socialistes ont appelé à résister à la mobilisation et mettre « crosse en l’air », mais aussi à ralentir la production d’armements. Diriez-vous qu’ils prenaient leurs ordres de Moscou, eux aussi ?

      Toute la théorie des communistes prenant leurs ordres à Moscou repose implicitement sur l’idée que les communistes étaient prêts à se faire violence pour suivre les ordres en question. Mais dans les faits, ce n’est pas comme cela que ça se passait. Sur beaucoup de sujets, les analyses du PCF et du PCUS étaient convergentes et conduisaient à des positions semblables sans qu’il soit besoin « d’ordres ». Sur d’autres questions où il y avait des désaccords, on trouve des cas où le PCF s’est plié à la demande du PCUS, et des cas où il suivit une ligne indépendante. Un peu comme un certain nombre de partis « bourgeois » qui, tout à fait spontanément, prenaient la défense des politiques des Etats-Unis. Diriez-vous qu’ils « prenaient leurs ordres à Washington » ?

      [C’est en effet une évidence;]

      Tout ce que vous dites est « une évidence ». Il s’ensuite que suls les salauds et les imbéciles peuvent vous contredire… vous avez dit « terrorisme intellectuel » ?

      [mais il a quand même fallu que vous fassiez de moi la réincarnation de Joseph McCarthy et un adepte du terrorisme intellectuel…]

      Ce n’est pas moi qui fait de vous un « adepte du terrorisme intellectuel », c’est vous-même.

    • odp dit :

      Je vois que nous arrivons enfin à un échange intéressant, nuancé, presque fructueux oserai-je dire.

      L’histoire des liens du PCF et de l’IC est en effet plus complexe que la vision lapidaire que j’en ai donnée (mais qui répondait également à une interrogation aussi lapidaire qu’ingénue de bovard).

      De fait, je suis d’accord avec vous, la subordination du PCF à l’IC, n’était pas mécanique. “Prendre ses ordres à Moscou”, c’était une façon de parler, même si, techniquement, ce n’est pas parce que l’on reçoit des ordres qu’on est obligé de les exécuter et par conséquent ma métaphore pas complètement inappropriée.

      Il est également vrai que, sur nombre de sujets le PCF n’avait pas besoin “d’ordres” pour arrêter une position qui soit alignée sur celle de l’IC puisque les dirigeants communistes partageaient une vision du monde commune qui favorisait les convergences ; même si, en la matière, l’IC s’est souvent arrangée pour choisir parmi les cadres du PCF les dirigeants qui étaient le plus aligné sur ses propres intérêts.

      Enfin, il est tout aussi vrai que la force de l’emprise de l’IC sur le PCF ne fut pas stable dans le temps et qu’à des périodes de très forte emprise succédèrent des périodes de relative indépendance.

      Il n’empêche, ce qui compte dans le débat sur “le parti de l’étranger”, ce ne sont pas ces subtilités (bien qu’elles aient également leur importance); ce qui compte, c’est que l’IC a longtemps fait et défait les bureaux politique du PCF, déterminé sa ligne, dans certains cas, en opposition directe avec les intérêts de la France.

      Comment comprendre, sans l’existence de l’IC, le volte-face du PCF entre la politique « classe contre classe » et celle du « Front Populaire » ; comment comprendre, sans la subordination à Moscou, d’être passé, jusqu’au pacte germano-soviétique, de la défense d’une « guerre juste » contre l’Allemagne nazie à la dénonciation, après le pacte, de la « guerre impérialiste franco-britannique » ; comment comprendre enfin, la condamnation des grèves « anarcho-hitléro-trotskistes » en avril 1947 et le lancement, à partir de juin, de « grèves Molotov » partout en France parce que le vent avait tourné à Moscou.

      Evidemment, la liste n’est pas exhaustive.

      Bref, comment s’étonner que le PCF fut qualifié de « moscoutaire ». Il y a toujours les conséquences comme disait l’autre.

      PS : Et si je me suis permis de qualifier « d’évidente » la subordination du PCF à l’IC pendant de très longes périodes c’est parce qu’elle est reconnue par 95% des historiens, y compris communistes. http://projet.pcf.fr/22109.

    • Descartes dit :

      @ odp

      [L’histoire des liens du PCF et de l’IC est en effet plus complexe que la vision lapidaire que j’en ai donnée]

      Dont acte.

      [De fait, je suis d’accord avec vous, la subordination du PCF à l’IC, n’était pas mécanique. “Prendre ses ordres à Moscou”, c’était une façon de parler, même si, techniquement, ce n’est pas parce que l’on reçoit des ordres qu’on est obligé de les exécuter et par conséquent ma métaphore pas complètement inappropriée.]

      L’expression « prendre ses ordres à Moscou » suggère que le PCF allait les chercher, ces ordres. Et il est assez peu rationnel de ne pas obéir aux ordres qu’on a été demander. Non, votre métaphore est totalement inappropriée. D’une part, parce que le PCF à partir du milieu des années 30 « demande » de moins en moins d’ordres, et lorsqu’il en reçoit n’obéit que lorsque cela l’arrange.

      [Il n’empêche, ce qui compte dans le débat sur “le parti de l’étranger”, ce ne sont pas ces subtilités (bien qu’elles aient également leur importance); ce qui compte, c’est que l’IC a longtemps fait et défait les bureaux politique du PCF, déterminé sa ligne, dans certains cas, en opposition directe avec les intérêts de la France.]

      Pourriez-vous donner des exemples précis de situations ou « l’IC a fait et défait les bureaux politiques du PCF » ou « déterminé sa ligne » ? Je doute que vous en trouviez beaucoup postérieurs au milieu des années 1930…

      [Comment comprendre, sans l’existence de l’IC, le volte-face du PCF entre la politique « classe contre classe » et celle du « Front Populaire » ; (…)]

      C’est bien ce que je disais. La question « comment comprendre… ? » est le recours de ceux qui n’ont pas de preuves solides. Vous m’invitez à inférer, soi disant parce qu’il n’y aurait pas d’autre explication, que tous ces événements sont dus à l’influence de l’IC. Seulement, il y a beaucoup d’autres explications. Le PCF n’avait pas besoin de l’IC pour s’apercevoir que Hitler avait pris le pouvoir en Allemagne en 1933, et que cette prise de pouvoir avait été favorisée par la logique « classe contre classe ». Les socialistes d’ailleurs avaient eux aussi tiré les conclusions, et offraient une ouverture au PCF qu’ils n’auraient probablement pas accepté quelques années plus tôt.

      [comment comprendre, sans la subordination à Moscou, d’être passé, jusqu’au pacte germano-soviétique, de la défense d’une « guerre juste » contre l’Allemagne nazie à la dénonciation, après le pacte, de la « guerre impérialiste franco-britannique » ;]

      Peut-être parce que, comme les soviétiques l’ont fait, ils ont compris que les gouvernements britannique et français, loin de chercher à créer des accords de sécurité collective, cherchaient au contraire à lancer Hitler vers la « patrie du socialisme »… mais avaient-ils besoin de « ordres » de la part de Moscou pour cela ? Ces « ordres » ont-ils existé ? Une fois encore, le « comment comprendre… ? » ne peut remplacer les preuves documentaires.

      [comment comprendre enfin, la condamnation des grèves « anarcho-hitléro-trotskistes » en avril 1947 et le lancement, à partir de juin, de « grèves Molotov » partout en France parce que le vent avait tourné à Moscou.]

      Celle-là est facile. Ce n’est pas à Moscou que le vent avait tourné, mais à Paris. Le 5 mai 1947, Paul Ramadier – sous la pression des américains – rompt avec le PCF et renvoie les ministres communistes. Il est donc facile d’expliquer pourquoi le PCF soutenait la politique du gouvernement en avril et l’attaque en juin. Pas besoin d’imaginer on ne sait quelle « ordre » venue de Moscou… mais il c’est tellement commode, n’est ce pas ?

      [Bref, comment s’étonner que le PCF fut qualifié de « moscoutaire ». Il y a toujours les conséquences comme disait l’autre.]

      Moi, ça ne m’a jamais étonné. Le coup du « parti de l’étranger » est une vieille technique, dont d’ailleurs le PCF s’est lui-même servi lorsqu’il a dénoncé le « parti américain ». C’est d’ailleurs cela le plus drôle : les mêmes qui parlaient de « moscoutaires » étaient les premiers à prendre leurs ordres à Washington. Ceux qui ont canonisé Jean Monnet feraient bien de s’intéresser un peu plus à sa véritablebiographie…

      [PS : Et si je me suis permis de qualifier « d’évidente » la subordination du PCF à l’IC pendant de très longes périodes c’est parce qu’elle est reconnue par 95% des historiens, y compris communistes. http://projet.pcf.fr/22109.%5D

      J’attire votre attention sur le fait que l’article que vous citez ne parle nullement de « subordination » du PCF à l’IC, mais plutôt l’inverse. Il explique que c’est la délégation française qui « donne le ton » au VII congrès de l’IC de 1935, qui adoptera « le programme commun préconisé par le PCF ». Pour peu, c’était l’IC qui prenait ses ordres à Paris, et non l’inverse…

  13. bovard dit :

    [Je ne connais pas de texte théorique de Jean Jaurès sur la question nationale. Pourriez-vous être plus précis ?]
    Dans ‘l’armée nouvelle’,son ouvrage de référence,vous trouverez des textes théoriques de Jean Jaurès sur la question nationale.
    Jean jaurès,y décline sur toutes les versions possibles,son leitmotiv:la révolution française et ses acquis démocratiques doit être prolongée,par les droits sociaux.
    Bravo pour la qualité de vos réponses,et l’absences d’excés caricaturaux dans votre texte comme dans celui de Morel.Merci à vous 2!

    • Descartes dit :

      @ bovard

      [Dans ‘l’armée nouvelle’,son ouvrage de référence,vous trouverez des textes théoriques de Jean Jaurès sur la question nationale.]

      On peut difficilement dire ça. La réflexion sur la nation de Jaurès dans l’ouvrage en question est très liée à des considérations franco-françaises. On peut difficilement dire qu’il s’agisse d’une réflexion théorique sur la nation en général…

    • BolchoKek dit :

      @ Descartes et bovard
      > La réflexion sur la nation de Jaurès dans [l’Armée Nouvelle] est très liée à des considérations franco-françaises. On peut difficilement dire qu’il s’agisse d’une réflexion théorique sur la nation en général….< Pour le coup, je te trouve assez injuste. Jaurès parle d’une nation française comme universelle ; il vit de plus dans un monde où la Nation de l’autre, pour un français, est un peu une vue de l’esprit. “La Nation en général”, était à mon avis pour un homme comme Jaurès assez réductible à la Nation française, ce qui expliquerait son colonialisme qui serait si mal interprété de nos jours.

    • Descartes dit :

      @ BolchoKek

      [Pour le coup, je te trouve assez injuste. Jaurès parle d’une nation française comme universelle ; il vit de plus dans un monde où la Nation de l’autre, pour un français, est un peu une vue de l’esprit. “La Nation en général”, était à mon avis pour un homme comme Jaurès assez réductible à la Nation française, ce qui expliquerait son colonialisme qui serait si mal interprété de nos jours.]

      Je n’avais pas pensé à cette interprétation, mais vous avez peut-être raison. Il faudrait que je relise Jaurès avec cette interprétation en tête.

  14. odp dit :

    Bonjour Descartes,

    Vous vous souvenez peut-être des échanges que nous avions eu autour de Régis de Castelnau que vous aviez à l’occasion accusé de plagiat. Je m’étais alors permis d’indiquer, sans connaître le fond de l’histoire, qu’au regard de ce que je connaissais du personnage, arrière-petit-fils du Général de Castelnau, une tel comportement me paraissait hautement improbable. Aussi surprenant que cela puisse paraître, j’avais alors échoué à vous convaincre…

    Près d’un an plus tard, la lecture de cet article, publié par RdC en 2012 dans Causeur vous fera peut-être changer d’avis: http://www.causeur.fr/bulldozer-de-vitry-et-si-le-pcf-avait-raison-19545.html. Troublant de ressemblance n’est-il-pas? Impressionnant même. On dirait du Descartes 2015; et pourtant c’est du RdC 2012!

    A vrai dire, sans rien retirer à votre individualité ni à votre originalité, que des gens de la même génération et de la même culture politique aient une grille de lecture et une rhétorique communes n’a rien de surprenant; même si, en l’espèce, les convergences sont poussées à un point assez époustouflant. Tribut à l’efficacité de la propagande du PCF j’imagine… Réglée comme du papier à musique…

    • Descartes dit :

      @ odp

      [Vous vous souvenez peut-être des échanges que nous avions eu autour de Régis de Castelnau que vous aviez à l’occasion accusé de plagiat. Je m’étais alors permis d’indiquer, sans connaître le fond de l’histoire, qu’au regard de ce que je connaissais du personnage, arrière-petit-fils du Général de Castelnau, un tel comportement me paraissait hautement improbable. Aussi surprenant que cela puisse paraître, j’avais alors échoué à vous convaincre…]

      Je ne l’avais pas « accusé de plagiat ». J’avais signalé les ressemblances entre son papier et le mien, et j’avais bien indiqué que « je laissais mes lecteurs juges ». Lorsque vous m’avez écrit que, connaissant un peu De Castelnau, le plagiat vous paraissait improbable, je vous ai répondu « c’est possible ». Tout en estimant qu’étant donné la ressemblance entre les deux articles, avec reprise quasi textuelle de certaines formules qui me sont caractéristiques, j’avais du mal à croire à la coïncidence.

      Au demeurant, cela ne me dérange pas plus que ça. Je tiens De Castelnau pour un chroniqueur intelligent, et le fait que quelqu’un d’intelligent apprécie ma prose au point d’être disposé à y apposer sa signature me flatte plutôt qu’autre chose. Avis aux amateurs : si le directeur de « Le Monde » veut publier mes articles en première page de son journal en les signant de son nom, je l’y autorise !

      [Près d’un an plus tard, la lecture de cet article, publié par RdC en 2012 dans Causeur vous fera peut-être changer d’avis: http://www.causeur.fr/bulldozer-de-vitry-et-si-le-pcf-avait-raison-19545.html. Troublant de ressemblance n’est-il-pas? Impressionnant même. On dirait du Descartes 2015; et pourtant c’est du RdC 2012!]

      Oui et non. Les idées sont les miennes, mais pas le style… En tout cas, je trouve cet article magnifique. Tout y est dit.

      [A vrai dire, sans rien retirer à votre individualité ni à votre originalité, que des gens de la même génération et de la même culture politique aient une grille de lecture et une rhétorique communes n’a rien de surprenant; même si, en l’espèce, les convergences sont poussées à un point assez époustouflant.]

      Mais De Castelnau et moi nous ne sommes pas tout à fait de la même génération. Je suis plus jeune que lui. En 1980, il était déjà avocat, alors que moi je finissais mon lycée…

      [Tribut à l’efficacité de la propagande du PCF j’imagine… Réglée comme du papier à musique…]

      Certainement. Je ne connais pas De Castelnau, mais j’imagine qu’il était encarté au PCF ou du moins très proche, puisqu’il fut le défenseur de Paul Mercieca. Et il est incontestable que le PCF à l’époque fournissait à ses militants une grille et des méthodes d’analyse uniformes. Pas étonnant que lui et moi, non pas parce que nous avons le même âge mais malgré ce fait, nous soyons arrivés aux mêmes conclusions…

    • odp dit :

      @ Descartes

      “Mais De Castelnau et moi nous ne sommes pas tout à fait de la même génération. Je suis plus jeune que lui. En 1980, il était déjà avocat, alors que moi je finissais mon lycée…”

      Excusez-moi de vous avoir un peu vieilli, mais comme dans l’un de vos papiers j’avais cru comprendre que vous aviez plus que l’âge de raison durant les “événements d’Algérie”, j’en avais déduit que vous étiez de la génération de l’immédiat après-guerre.

  15. frederic_N dit :

    Bonjour Monsieur
    Je repasse sur votre blog, dont je dois saluer la tenue. Je ne suis pas d’accord avec vous. Mais il faut saluer vos articles “longues suites de raisons’, qui disent des choses, argumentent. Continuez comme cela et .. vous rejoindrez bientôt la longue liste des “renégats” qui peuplent les colonnes du Figaro dont on ne sait plus si c’est un journal de droite, ou la dernière version du chevénementisme ( J’aime bien les deux soit dit en passant)
    Ceci dit, la logique de votre argument qui défend l’idée d’une rupture avec la période des années “Epinay” et qui serait portée par le PS comme le PCF new look est erronée. Certes , beaucoup de ce que vous dites est vrai, mais ce n’est pas l’essentiel. L’essentiel est que tant le PS que le PCF se réclament aujourd’hui du concept d’égalité réelle – et qu’ils en suivent la logique politique . Une logique dont toute l’histoire montre qu’elle est despotique – jusques et y compris le communautarisme et le politiquement correct
    Dois-je vous rappeler que ce concept d’égalité réelle est le concept originaire de la gauche ? .Rappelez vous que les libéraux ont toujours opposé l’égalité en droit ( celle de notre “déclaration des droits” ) qu’ils jugent- porteuse de liberté – à l’égalité réelle porteuse de despotisme ? Et que c’est justement la position inverse que la gauche a toujours défendu ? Y compris pendant longtemps contre l’égalité en droit ?
    Vu sous cet angle vous m’accorderez que la gauche française n’a pas du tout trahi ses positions fondamentales, mais qu’au contraire elle y est revenue – car le programme commun avait été très discret sur ce thème lui préférant la rémunération au mérite .

    Et elle y est revenue dans les pires conditions : car la moindre des choses qu’on aurait pu demander aux intellectuels de gauche est qu’ils tirent la leçon du désastre des pays communistes qui justement ont fait de l’égalité réelle la pierre angulaire de toute leur organisation politique . Et si vous revenez sur ces 30 dernières années vous verrez que la gauche a tout fait pour éviter ce débat . Elle s’est accroché à ce concept quitte à en faire le drapeau du communautarisme et de la lutte exclusive des minorités

    Ce qui vous semble – à juste titre – le désastre de la gauche française vient de là : plutôt que de mener la réflexion sans concession sur ses dérives procommunistes, la gauche a préféré en garder le principe. Et avec elle la lente dérive vers le despostime “mou” que chacun , s’il est honnête, constatera dans la politique de M Hollande.
    Avec mes amitiés

    Non M Descartes, la gauche n’a toujours pas rompu avec sa matrice originelle, c’est à dire avec ses démons

    Ce débat a été

    • Descartes dit :

      @ Frederic N

      [Bonjour Monsieur]

      Ne soyons pas si formels… on est entre amis ici…

      [Continuez comme cela et .. vous rejoindrez bientôt la longue liste des “renégats” qui peuplent les colonnes du Figaro dont on ne sait plus si c’est un journal de droite, ou la dernière version du chevénementisme ( J’aime bien les deux soit dit en passant)]

      On ne peut pas l’exclure. La ligne de division « droite/gauche », qui devient chaque jour plus artificielle, occulte le fait que des gens classés « à gauche » et des gens classés « à droite » ont finalement des objectifs convergents. Et comme l’exemple de 1940 l’a abondamment montré, plus la situation devient critique, plus cette convergence sera visible. Souvenez vous de ce beau poème du plus grand poète français du XXème … « quand les blés sont sous la grêle / fou qui fait le délicat / fou qui songe à ses querelles / au cœur du commun combat »…

      [Ceci dit, la logique de votre argument qui défend l’idée d’une rupture avec la période des années “Epinay” et qui serait portée par le PS comme le PCF new look est erronée. Certes , beaucoup de ce que vous dites est vrai, mais ce n’est pas l’essentiel. L’essentiel est que tant le PS que le PCF se réclament aujourd’hui du concept d’égalité réelle – et qu’ils en suivent la logique politique . Une logique dont toute l’histoire montre qu’elle est despotique – jusques et y compris le communautarisme et le politiquement correct.]

      J’avoue que je ne comprends pas votre point. Dans votre première phrase, vous me dites que j’ai tort de penser que le PCF et le PS d’aujourd’hui ont « rompu » avec la vision de la gauche du début des années 1970. Ensuite, vous me dites que ces deux partis adhérent à l’idée de « égalité réelle », idée qui représente une rupture radicale avec la vision traditionnelle de la gauche française. Si l’extrême gauche française a été tentée par ce genre de théories, la gauche socialiste ou communiste est restée fortement attachée au principe méritocratique, qui est totalement incompatible avec l’idée de « égalité réelle ». Dans la « querelle des incentifs », le PCF a choisi la position « inégalitaire »…

      [Dois-je vous rappeler que ce concept d’égalité réelle est le concept originaire de la gauche ?]

      Non seulement vous devez me le rappeler, vous devez aussi me le démontrer. Je crains que vous ne vous laissiez emporter par un cliché traditionnel de la droite. Je vous redonne le même exemple : la gauche française – ou les instituteurs ont été toujours très nombreux – a pendant la plus longue partie de son histoire opposé le principe méritocratique au principe aristocratique. Comment peut-on soutenir en même temps la promotion au mérite et « l’égalité réelle » ?

      [Rappelez vous que les libéraux ont toujours opposé l’égalité en droit (celle de notre “déclaration des droits”) qu’ils jugent – porteuse de liberté – à l’égalité réelle porteuse de despotisme ? Et que c’est justement la position inverse que la gauche a toujours défendu ? Y compris pendant longtemps contre l’égalité en droit ?]

      Encore une fois, je pense que vous faites erreur. La querelle n’est pas tant l’opposition entre égalité en droit et égalité réelle, que l’égalité en droit et l’égalité en fait. Il est indiscutable que la loi qui interdit de dormir sous les ponts, pour reprendre un exemple classique, est parfaitement « égalitaire » en droit. Mais l’est elle en fait ? Non, bien sur, puisqu’elle ne s’applique qu’aux pauvres. Mais l’idée « d’égalité réelle » va beaucoup plus loin que ça.

      [Vu sous cet angle vous m’accorderez que la gauche française n’a pas du tout trahi ses positions fondamentales, mais qu’au contraire elle y est revenue – car le programme commun avait été très discret sur ce thème lui préférant la rémunération au mérite.]

      C’est bien ce que je vous dis. L’idée « d’égalité réelle » n’appartient pas au capital idéologique traditionnel de la gauche française. Au contraire : la gauche français est traditionnellement méritocratique. Lorsqu’à la Libération les communistes imposent à leurs partenaires l’idée d’un statut des fonctionnaires, ils voient dans le recrutement par concours la garantie suprême. Or, le concours au mérite est exactement le contraire de cette « égalité réelle » dont vous parlez. Et vous le rappelez vous-même : Lorsque socialistes et communistes signent le programme commun, ils ne proposent pas d’égaliser les rémunérations, mais de rémunérer « au mérite ». A chaque fois, on le voit, la gauche « d’avant » demandait non pas l’égalité des résultats, mais l’égalité des opportunités, cette « égalité en fait » qui est le complément nécessaire de l’égalité en droit chère aux libéraux.

      L’idée « d’égalité réelle » n’est pas tant l’apanage de la gauche que du gauchisme français. Ce sont les soixante-huitards qui rejettent toute sélection au mérite considérant que les inégalités sociales condamnent toute idée méritocratique. Pas le PCF.

      [Et elle y est revenue dans les pires conditions : car la moindre des choses qu’on aurait pu demander aux intellectuels de gauche est qu’ils tirent la leçon du désastre des pays communistes qui justement ont fait de l’égalité réelle la pierre angulaire de toute leur organisation politique.]

      Là aussi, vous cédez aux clichés. Les « pays communistes » n’ont que très exceptionnellement partisans de « l’égalité réelle ». Pour ne donner qu’un exemple, ni l’Union Soviétique ni aucun des pays du bloc socialiste européen ne se sont jamais fixés pour objectif l’égalité des rémunérations ni pris le moindre pas dans ce sens là. Ces mêmes pays ont toujours eu des systèmes scolaires fondés sur une sévère sélection au mérite. A Cuba, l’affaire fut réglée lors de la « querelle des incentifs » dont j’ai parlé plus haut : entre ceux qui voulaient l’égalité salariale parfaite au nom du rejet des « incentifs matériels » et ceux qui affirmaient la nécessité de salaires différentiés pour récompenser l’effort et le mérite, Fidel Castro a rapidement arbitré en faveur des derniers.

      [Et si vous revenez sur ces 30 dernières années vous verrez que la gauche a tout fait pour éviter ce débat . Elle s’est accroché à ce concept quitte à en faire le drapeau du communautarisme et de la lutte exclusive des minorités.]

      Exactement mon point : la gauche a rompu avec son passé et dérivé dangereusement vers le gauchisme « sociétal ».

    • Marcailloux dit :

      @ Descartes
      Et le capital n’est pas aussi égalitairement distribué que vous ne semblez le croire : en France, 80% du « capital » est détenu par quelques dizaines de milliers de citoyens.]
      Je souhaiterais connaitre votre interprétation sur la situation d’un ouvrier qui a placé les 10000€ d’héritage qu’il a reçu de ses parents – ce qui n’est pas une fortune – dans un fonds commun de placement à vocation spéculative. Il ne prend pas directement les décisions, mais réclame néanmoins un rendement qui implique des décisions qui, hors du cas de son intérêt personnel, le heurterait.

    • Marcailloux dit :

      @ Descartes
      [ Vous parlez comme si « l’initiative » était un bien en soi. Mais quand une entreprise prend « l’initiative » de fermer son usine en France pour en ouvrir une au Bangladesh, est-ce la une « initiative » que l’État démocratique doit « favoriser et protéger » ? Est-ce là un « facteur de progrès » ?]
      Ce n’est pas forcément un bien, évidemment. Prendre une bonne initiative à encourager n’a sans doute pas le même sens pour le Médef que pour l’Etat. Au Médef d’encourager et soutenir les initiatives qui concernent leurs adhérents et à l’Etat de définir celles qu’il faut aider ou celles qu’il faut enrayer voir interdire. Or, la difficulté que nous vivons est que nous sommes incapables de savoir ce que nous voulons, ou plutôt nous voulons le beurre et l’argent du beurre, avec pour conséquence des changements de règle à chaque alternance de majorité, pour satisfaire le clientélisme électoral. Et comme chaque parti de gouvernement sait très bien que sa principale faiblesse réside dans ces pas de clerc institutionnalisés, il louvoie, pris en étau entre le respect de ses engagement et le souhait de se faire réélire. Ajoutez à cela un lobbying de plus en plus puissant, l’Europe brouillant la donne en complément, vous avez tous les ingrédients de l’impuissance. Hollande ou Sarkozy ne peuvent pas faire autre chose qu’ils ne font. Le Pen n’a même pas une « boite à outil », elle n’a qu’un marteau.

    • Marcailloux dit :

      @ Descartes
      [Plus qu’une conviction, c’est un article de foi.]
      Je ne vois pas vraiment la différence et je l’assume. On ne peut vivre dans le doute systématique et l’intuition est parfois si forte qu’elle s’impose hors les limites de l’objectivité.
      [D’un côté on accuse le FN de vouloir instaurer un régime fasciste, de l’autre de ne pas avoir la moindre intention de changer quoi que ce soit. Faudrait savoir]
      Le « on » n’est pas hégémonique, en tout cas je m’en soustraie concernant l’accusation d’instaurer un régime fasciste. Ils sont probablement convaincu de l’inanité de cette option en France actuellement et dans un futur proche. L’action politique est devenue un marché, et chacun se positionne dans un « créneau » qu’il considère porteur en matière d’éligibilité et d’accession au pouvoir. Je crains que les véritables ambitions nobles et visionnaires soient une denrée extrêmement rare et que ceux là même qui en seraient détenteurs sont voués au qualificatif d’utopique.

    • Marcailloux dit :

      @ dsk,
      Bonjour,
      [Ici, je note que vous vous montrez à la fois libéral et anti-libéral, puisque vous regrettez d’un côté trop de répression, et de l’autre, trop de laxisme.]
      Vous atteignez ici, le point d’orgue de la position que je défends, et que vous avez disséqué avec pertinence dans vos précédentes lignes.
      Ce que je déplore profondément dans notre situation politique et particulièrement dans sa composante socioéconomique, c’est le degré de complexité et souvent d’incohérence des textes – lois françaises, directives européennes, décrets promulgués, pas encore promulgués, circulaires où en effet on tourne en rond pour s’y retrouver, codes divers s’épaississant au fil des alluvions électorales, et j’en passe – qui pour moi ont au moins trois conséquences extrêmement néfastes.
      – la première est que personne ne comprend vraiment le contexte législatif et règlementaire dans lequel il agit. Pour les uns, c’est l’occasion de jouer sur les mots, les interprétations, la difficulté pour les fonctionnaires à démasquer les irrégularités. C’est la jungle. Pour les autres, cela a un effet inhibitoire qui freine voire entrave l’initiative constructive et maintient un état de crainte défavorable à l’entreprenariat. Seuls les plus culotés, les plus magouilleurs, les moins légalistes sont à l’aise.
      – La seconde se situe dans la durée accordée à nos dirigeants pour réformer ce fatras. Le temps de la mise en oeuvre de véritables réformes est tel qu’il conduit à la révolution s’il se fait sur une mandature –ce qui devrait être- ou à l’enterrement s’il dépasse la mandature accordée. Je me demande ( j’ai ma réponse par la question posée) si un mandat de 6 ou 7 ans non renouvelable appliqué à la présidence et à l’Assemblée, ne résoudrait pas partiellement la difficulté.
      – La troisième est constituée par le cout financier de cette situation. Une grande partie de la compétence dans les entreprises et les administrations est consacrée à des taches qui ne sont pas productives de richesses consommables.
      Pour .illustrer ma conviction, j’emprunterais à Nationalistejacobin une de ses suggestions –certes très radicale et excessive- concernant les délinquants qui font la loi dans certaines banlieues. Il envisage le mitraillage ! c’est une image je présume, et l’idée du message clair et intransigeant est cependant nécessaire. J’opterais pour ma part pour une période conséquente de travail pour la communauté, dans un cadre rigoureux qui n’a rien à voir avec la colonie de vacances, associé à une éducation à la civilité républicaine. Au bout de 6 mois à 2 ans, les cas les plus récalcitrants pourraient bénéficier de conditions avantageuses pour s’installer dans des contrées prêtes à les accueillir. En blessant ou pire, en tuant un émeutier, on en fait un martyr, un héros qui suscite des vocations en chaine. Leur imposer un boulot d’O.S. 48h par semaine pendant 1 an, n’engendre aucune vocation imitatrice.
      En résumer, je suis partisan de la libération de toutes les initiatives qui apportent un progrès substantiel à la communauté. C’est à l’Etat de définir ce qui est bénéfique à la nation. Cela passe par des règles simples, compréhensives et connues de tous sans avoir à recourir sans cesse à des conseillers, des intercesseurs, des avocats, etc….
      Je suis en corolaire partisan d’un Etat qui contrôle à postériori et qui se montre inflexible dans le respect de l’esprit et de la lettre des règles qu’il a édictées de façon suffisamment claires pour qu’elles ne puissent faire l’objet d’une multitude de recours. Dans ce cas la force publique doit disposer de tous les moyens que lui confère la Constitution, avec bien entendu les possibilités de recours équitables qui préservent les droits du citoyen.
      A votre avis, où en sommes nous, actuellement, par rapport à cet idéal, contestable éventuellement, et qui est le mien.
      [Qu’avez-vous donc contre les entreprises familiales ?]
      Rien, à priori, à condition que les conditions d’héritage de l’entreprise construite en très grande partie par les salariés, ne se fasse pas sur le seul mérite des conditions de naissance.
      C’est encore plus prégnant quand il s’agit d’un parti politique agissant dans un cadre républicain. A constater la « valeur » médiatique organisée et accordée à la petite fille de JM Le Pen, je me demande sur quelles bases s’appuie cette tactique électoraliste digne des magazines peoples. C’est du nivellement par les bas instincts populistes.
      [Je crois que c’est exactement ce que fait aujourd’hui François Hollande, pour nettement moins cher.]
      Ce n’est pas Hollande sticto sensus qui coute cher, mais toute l’institution monarcorépublicaine qui s’étend à probablement quelques dizaines de milliers de personnes, avec pour conséquences désastreuses, hormis le cout direct que représentent moultes stuctures d’utilité plus que discutables, des dépenses quelquefois somptuaires, le plus gros du cout pour la nation réside dans la médiocre réalisation du travail qui devrait être assuré par des « courtisans » de tous niveaux qui se préoccupent plus de se placer dans une trajectoire porteuse que d’assurer la fonction pour laquelle ils sont rémunérés.
      [Étant donné que vous ne donnez pas d’argument concret de nature à m’ôter un tel « rêve », j’en déduis que pour vous, tous les discours politiques, d’où qu’ils viennent, sont fallacieux, et ne visent qu’à permettre à ceux qui les tiennent de conquérir les « attributs alléchants du pouvoir ». Toutefois, dans ces conditions, j’ai du mal à comprendre que vous puissiez être un « républicain convaincu »]
      Je ne vois pas où se situe la contradiction. Tous les discours ne sont sans doute pas fallacieux, n’exagérons rien, mais restent dans le domaine des bonnes intentions, oubliés dès les premières difficultés. C’est précisément parce que je me fais une autre idée de la République, que je suis insatisfait de celle que l’on m’impose. Et n’ayant pas les moyen de la changer, je témoigne, c’est le moindre que je puisse apporter à mes concitoyens.

    • Descartes dit :

      @ marcailloux

      [Je souhaiterais connaître votre interprétation sur la situation d’un ouvrier qui a placé les 10000€ d’héritage qu’il a reçu de ses parents – ce qui n’est pas une fortune – dans un fonds commun de placement à vocation spéculative. Il ne prend pas directement les décisions, mais réclame néanmoins un rendement qui implique des décisions qui, hors du cas de son intérêt personnel, le heurterait.]

      Prenons votre exemple. D’abord, reconnaissez que c’est un cas très rare en pratique : l’immense majorité des ouvriers qui ont un petit pécule à placer le utilisent le livret A ou autres instruments obligataires. La raison étant qu’un placement spéculatif implique un risque de perte, risque qu’un homme fortuné peut gérer en diversifiant ses investissements, mais qu’un ouvrier peut difficilement faire, n’ayant souvent ni la connaissance ni le temps ni surtout la quotité suffisante pour choisir ses investissements. L’ouvrier se place ainsi plus dans une logique de prêteurs d’argent que dans une logique d’investisseur. La rémunération du prêt tient plus de la logique de la « renonciation à consommer » (c’est la logique de celui qui préfère renoncer à couper le cerisier tout de suite pour récupérer le bois en espérant récupérer le bois plus tard avec les fruits en prime), qu’a une véritable logique d’extraction de plusvalue. Vous remarquerez d’ailleurs que la rémunération du livret A est très faible et que pourtant il continue à représenter l’instrument d’épargne préféré des couches modestes, ce qui valide à mon sens cette interprétation.

      Ensuite, à supposer même qu’un ouvrier investisse son petit pécule de 10.000 € dans un fond hyper spéculatif, qu’est ce qu’il peut attendre comme rémunération ? Disons 10% net l’an en moyenne sur une longue période (et je suis vraiment généreux, là) ? Cela représente donc 1000 € par an. S’il est smicard, il gagnera autour de 15.000 € net par an. En d’autres termes, son « revenu du capital » représente 6% de son revenu, et son « revenu du travail » 94%. Maintenant, à votre avis, ou se trouve son intérêt de classe ? Dans l’accroissement de l’exploitation, ou au contraire dans son abolition ?

    • Descartes dit :

      @ marcailloux

      [Or, la difficulté que nous vivons est que nous sommes incapables de savoir ce que nous voulons,]

      Je ne dirais pas ça. Chaque classe sociale sait parfaitement ce qu’elle veut. Le problème, c’est que nous sommes incapables de définir un « programme minimum » qui constitue un projet national. La croissance massive des « trente glorieuses » a permis de cimenter un compromis fondé sur les besoins mutuels : la bourgeoisie avait besoin d’une classe ouvrière stable, formée, capable d’opérer les nouvelles machines et suffisamment bien payée pour constituer une demande pour les produits qui sortaient des usines. La classe ouvrière voyait son ordinaire s’améliorer grâce aux investissements massifs en infrastructures, à l’augmentation des salaires liée à la pénurie de main d’œuvre. Et les classes moyennes pouvaient se développer sans craindre la concurrence des autres, puisque la croissance créait un appel d’air permanent.

      L’affaiblissement de la croissance a mis fin à ce fonctionnement et ravivé la « lutte des classes ». Sans croissance, l’économie est redevenue un jeu à somme nulle, ou chaque groupe ne peut gagner qu’en faisant perdre les autres. C’est cela qui explique à mon sens pourquoi faire aujourd’hui un « projet national » est si difficile. Le plus drôle, c’est que les partisans de la « décroissance » ne posent jamais ce problème, qui est pourtant fondamental : plus on réduit le gâteau, plus les luttes pour son partage risquent d’être sanglantes…

      [ou plutôt nous voulons le beurre et l’argent du beurre, avec pour conséquence des changements de règle à chaque alternance de majorité, pour satisfaire le clientélisme électoral.]

      Oui, enfin, pas tant que ça. Finalement, les politiques poursuivies par les différentes majorités sont assez cohérentes : elles donnent le beurre et l’argent du beurre au capital, et privent des deux le travail. Je ne connais pas un seul gouvernement depuis 1983 qui ait fait une politique différente de celle-là. Alors, il ne faudrait pas exagérer le « clientélisme ». Oui, c’est vrai, pour acheter une certaine paix sociale les gouvernements lâchent quelquefois temporairement du lest et distribuent quelques subventions. Mais l’essentiel de l’effort va toujours dans la même direction.

      In fine, c’est une question de rapport de forces. Le rapport de forces aujourd’hui est favorable au capital, et défavorable au travail. Et ce n’est pas une question purement nationale, c’est un phénomène international. Je ne connais pas de pays développé dans lequel on étende la protection sociale et on réduise la rémunération du capital, comme ce fut le cas dans les années 1950 et 1960. Et je ne pense pas que ce soit une coïncidence. Cela ne veut pas dire qu’il faille baisser les bras et ne rien essayer. Mais il faut être conscient, lorsqu’on fait de la politique, des limitations de ses propres actions.

    • Descartes dit :

      @ marcailloux

      [Plus qu’une conviction, c’est un article de foi.][Je ne vois pas vraiment la différence et je l’assume. On ne peut vivre dans le doute systématique et l’intuition est parfois si forte qu’elle s’impose hors les limites de l’objectivité.]

      L’expérience montre cependant que les « intuitions fortes » coïncident étrangement avec les idées qui servent le mieux nos intérêts. Raison de plus pour donner au « doute systématique » toute sa place…

      [L’action politique est devenue un marché, et chacun se positionne dans un « créneau » qu’il considère porteur en matière d’éligibilité et d’accession au pouvoir. Je crains que les véritables ambitions nobles et visionnaires soient une denrée extrêmement rare et que ceux là même qui en seraient détenteurs sont voués au qualificatif d’utopique.]

      Finalement, vous êtes bien plus pessimiste que moi… Non, je ne crois pas que les gens – hommes politiques inclus – soient aussi cyniques que vous ne le pensez. Ils ne tiendraient pas. Car faire de la politique, ce sont d’énormes sacrifices personnels. On voit toujours le côte paillettes, et je ne doute pas qu’il est agréable d’avoir un bel appartement de fonction, voiture avec chauffeur, un salaire confortable et un beau bureau. Mais que de sacrifices familiaux, que de stress, que de couleuvres avalées pour en arriver là. Et tous n’y arrivent pas… croyez-vous qu’on puisse s’embarquer sur une telle galère si l’on ne croit pas ne serait-ce qu’un peu à ce qu’on fait ? Personnellement, tous les politiques que j’ai croisé avaient des convictions fortes – même si elles étaient absurdes – et des intentions nobles. Le problème est surtout le décalage entre la théorie et la pratique…

    • Descartes dit :

      @ marcailloux

      [Ce que je déplore profondément dans notre situation politique et particulièrement dans sa composante socioéconomique, c’est le degré de complexité et souvent d’incohérence des textes – lois françaises, directives européennes, décrets promulgués, pas encore promulgués, circulaires où en effet on tourne en rond pour s’y retrouver, codes divers s’épaississant au fil des alluvions électorales,]

      Vous posez une question très intéressante. La question est : pourquoi toute cette complexité ? Pourquoi cette accumulation de normes ? Mon expérience – qui est loin d’être négligeable, je vous l’assure – du dédale administratif me conduit à une conclusion qui pourra vous paraître paradoxale : la multiplication des normes traduit ce qu’on pourrait appeler « la société de la suspicion ».

      Pendant des décennies nous nous sommes satisfaits de savoir que nous étions gouvernés par des bureaucraties – au sens wébérien du terme – qui savaient ce qu’elles faisaient. Pour réguler ces bureaucraties, l’autorité politique déléguée par le peuple souverain posait des règles assez générales, et laissait le détail de l’application de la norme à la sagesse du fonctionnaire pour l’adapter à chaque cas particulier. Il est vrai que ce système ouvrait la porte à une certaine forme d’arbitraire, mais à l’inverse elle permettait une réactivité et une adaptabilité des normes sans l’intervention permanente du législateur.

      Aujourd’hui, l’individu-roi ne peut admettre cela. La peur de l’arbitraire nous fait tomber dans l’excès inverse, celui de l’hyper régulation. Nous poussons donc le principe de légalité à sa dernière extrémité : personne ne doit avoir le droit de rien faire sans un texte qui fixe les limites, les critères, le pourquoi et le comment. Les textes doivent donc prévoir tous les cas possibles, et être modifiés en permanence pour incorporer les cas qui n’auraient pas été prévus. C’est de là que vient cette hyperactivité réglementaire.

      J’avais donné, dans un commentaire précédent, l’exemple de l’école : il y a trente ans, un professeur pouvait renvoyer un élève se changer tout simplement parce qu’il estimait que sa tenue ne correspondait pas aux normes de sa classe. Et les élèves comme les parents acceptaient son jugement sur un simple mot dans le cahier de correspondance. Aujourd’hui, il a fallu un avis du Conseil d’Etat, une loi et quatre circulaires pour obtenir le même résultat. Et lorsque la nature du vêtement change, il faut tout recommencer…

      [En résumer, je suis partisan de la libération de toutes les initiatives qui apportent un progrès substantiel à la communauté. C’est à l’Etat de définir ce qui est bénéfique à la nation. Cela passe par des règles simples, compréhensives et connues de tous sans avoir à recourir sans cesse à des conseillers, des intercesseurs, des avocats, etc….]

      Précisément. Mais lorsqu’on applique des règles « simples » à des situations complexes, on se trouve avec une large marge d’interprétation. Est-on prêt à donner au fonctionnaire chargé d’appliquer la règle ce pouvoir ?

      [Je suis en corolaire partisan d’un Etat qui contrôle à postériori et qui se montre inflexible dans le respect de l’esprit et de la lettre des règles qu’il a édictées de façon suffisamment claires pour qu’elles ne puissent faire l’objet d’une multitude de recours.]

      Vous cédez à une illusion, celle qu’il est possible de faire des règles qui soient à la fois « claires » – c’est-à-dire, sans ambiguïté – et applicables en toute circonstance. J’ai fait beaucoup de réglementation dans ma vie, et je peux vous assurer que c’est une utopie. Faites l’exercice : essayez d’écrire un texte interdisant quelque chose, la chose la plus simple que vous puissiez imaginer, et vous verrez. Tiens, prenons un cas ultra-simple : supposons que je veuille interdire l’entrée de ma chambre a toute personne qui n’aurait pas mon accord. Comment rédigeriez-vous l’interdiction ? « Entrée interdite sans l’accord de Descartes » ? Mais… imaginons que j’aie une crise cardiaque, et que je sois hors d’état de donner mon accord. Le médecin peut-il entrer tout de même ? Et si un feu se déclare alors que je ne suis pas là, les pompiers peuvent-ils rentrer ? Et puis, qu’est ce qui se passe si je donne mon accord oralement et puis je fais un recours contre la personne qui est entrée en affirmant qu’elle n’avait jamais recueilli mon consentement ? L’accord doit-il être écrit ?

      Vous voyez bien que « le respect inflexible de l’esprit et de la lettre » d’une règle n’est pas si évident que cela. Si la règle est simple, cela nécessite de la part de tous les acteurs – le médecin ou le pompier, dans mon exemple – un grand pouvoir d’appréciation pour décider si la règle s’applique ou non à eux dans telle ou telle condition. Et donc une interprétation. Si vous voulez que la règle puisse être appliquée « inflexiblement », alors il faut qu’elle soit si complexe qu’elle couvre tous les cas possibles…

  16. Brachet Alain dit :

    Je dois avouer que j’ai un problème à la lecture de votre texte actuel. Je peux dire que je suis en phase avec la plupart de vos analyses critiques du monde tel qu’il va, sur le rôle des « classes sociales » principales (en s’inspirant de Marx) (1). Mais je reste sur ma faim. Vos analyses, ne débouchent pas sur la question fondamentale qui me préoccupe : que faire ?
    En effet, il se dégage de vos analyses une absence de solution ; elles sont terriblement pessimistes.
    Les forces politiques qui, il y a trente ou quarante ans, cherchaient à répondre à la question (le PCF principalement) ont désormais abandonné toute volonté sérieuse d’y répondre. Ce qui contribue alors, entre autres choses, à laisser le champ libre au FN pour s’emparer de la part de l’héritage qui lui convient, et se donner à bon compte le rôle de nouvelle force de changement… à Hollande de gloser sur l’affaire ! C’est bien là ce qui me désespère… Sur qui compter aujourd’hui pour changer la donne et comment ?
    Ou bien on se tourne vers des groupuscules en nombre toujours croissant, que l’on peut qualifier de « gauchistes »…et qui n’ont jamais réussi à percer (c’est-à-dire à mobiliser les « masses »). Ou bien on se tourne vers des forces plus conséquentes. Mais, la principale (le PS) a déclaré clairement son obédience au Capital, ce qui la met hors jeu. L’autre, le PC, a non moins résolument accepté d’être à la remorque de la précédente…ce qui tend à la mettre de plus en plus hors jeu elle aussi. Par ailleurs, je ne vois aucun espoir sérieux dans la profusion de toutes ces organisations « sociétales » qui, par leur caractère « catégoriel », ne peuvent mobiliser également que des groupuscules divers et variés…
    J’aimerais donc que vous esquissiez une ou des voies de progrès, même si je comprends que vous vous attachiez à mettre en évidence plutôt les défauts en tous genres du système : c’est aux organisations politiques, qu’en toute rigueur, il incombe, à partir d’analyses de l’existant telles que celle-ci, de proposer quelque chose… mais chacun de nous peut les aider, ou en aider certaines, en allant au-delà de la seule critique !
    (1) Je ne reviens pas sur des réflexions que nous avons échangées antérieurement sur la définition précise de ces classes sociales actuelles, notamment sur votre idée, que je ne partage pas parfaitement, d’une « classe moyenne » au sens de Marx. Avec deux classes antagonistes, les choses sont déjà complexes. Comment s’en sortir avec trois (le Capital, la classe moyenne, la classe ouvrière ou populaire) ?

    • Descartes dit :

      @ Brachet Alain

      [En effet, il se dégage de vos analyses une absence de solution ; elles sont terriblement pessimistes.]

      Je suis un commentateur, un analyste. Je ne suis pas un leader politique. Si j’avais une « solution », je serais en train d’essayer de la promouvoir. Je ne suis pas pour autant « pessimiste ». Je crois toujours au progrès, à la roue de l’Histoire. Seulement voilà, il y a des périodes de progrès, et des périodes de stagnation, des périodes de rupture et des périodes de continuité. Et notre chance a fait que nous vivons une époque de stagnation, celle de l’épuisement d’un modèle. A la question « que faire ? », on ne peut donc qu’apporter des réponses qui peuvent vous sembler décourageantes : il faut sauver ce qui peut être sauvé et conserver et transmettre la mémoire de ce qu’on ne sauvera pas pour que d’autres puissent le reconstruire un jour. Je m’identifie avec les étrangers personnes qu’on voit apparaître à la fin de « Fahrenheit 451 » de Bradbury, ceux qui pour préserver les livres promis au feu les apprennent par cœur. Les conditions ne nous permettent pas aujourd’hui d’abolir le capitalisme, ni même de le dépasser. Mais nous pouvons essayer d’éduquer ceux qui demain le feront.

      En attendant, nous pouvons toujours essayer de faire du mieux qu’on peut dans le cadre capitaliste. Car tous les capitalismes ne se valent pas. Reprenons la logique qui a fait le succès du PCF : sans abandonner le rêve communiste pour l’avenir, il faut répondre du mieux qu’on le peut dans les contraintes du présent aux besoins des travailleurs. On a réussi à faire beaucoup de belles choses dans la période 1945-1980, et pourtant on n’avait pas aboli le capitalisme que je sache.

      La difficulté, c’est que nous n’avons pas d’organisation pour le faire. Le champ politique a été presque totalement occupé par les « classes moyennes ». A gauche, cela se traduit soit par une pensée sociale-libérale, soit par une pensée libérale-libertaire. Et aucune des deux ne laisse de place pour les couches populaires. Le FN occupe cette place-là. Est-il possible de construire une organisation capable d’échapper aux « classes moyennes » sans pour autant rejoindre le FN dans une logique protestataire ? C’est cela qu’il faudrait réussir.

      [Je ne reviens pas sur des réflexions que nous avons échangées antérieurement sur la définition précise de ces classes sociales actuelles, notamment sur votre idée, que je ne partage pas parfaitement, d’une « classe moyenne » au sens de Marx. Avec deux classes antagonistes, les choses sont déjà complexes. Comment s’en sortir avec trois (le Capital, la classe moyenne, la classe ouvrière ou populaire) ?]

      Mais la réalité ne va pas nous faire le cadeau de se simplifier pour nous faciliter la tâche. Si j’introduis la complexité d’une troisième classe, c’est parce que la réalité elle-même me l’impose. Je ne sais pas interpréter le réel sans cela.

    • Marcailloux dit :

      Bonjour,

      @Brachet Alain

      [Vos analyses, ne débouchent pas sur la question fondamentale qui me préoccupe : que faire ?]
      Raison garder, bien entendu !, et pour en rester à Aristote, adopter sa chrématistique sur ce qui fait l’essentiel des problèmes de notre pays, c’est-à-dire, de quoi vit-on au quotidien?.
      Hormis quelques questions sociétales, parfois pertinentes, pas toujours hélas, le débat récurrent en France porte, ou devrait porter, fondamentalement, sur la création de richesses, sa répartition et les moyens à mettre en œuvre pour qu’elle atteigne un niveau satisfaisant pour le plus grand nombre.
      Truisme me direz-vous ? Certainement pas quand l’on constate à quel point, à tous les niveaux, le débat se réduit à l’insignifiant, à la sensiblerie, au dérisoire.
      Avec pour corollaire la profonde frustration de la majorité des citoyens, spectateurs impuissants d’une vaste commedia dell’arte dans laquelle s’entremêlent les jeux de rôle, les postures, les déclamations et intrigues de toutes sortes, en perpétuelle improvisation et, en toile de fond, la misère plus sociale qu’économique du chômage.
      Alors que faire en effet ? Que chacun, individuellement, se détache du « bruit » ambiant, perturbateur et aliénant. Qu’on en revienne aux fondamentaux aristotéliciens, ou platoniciens – il y a là réel débat – et que chacun en tire les conséquences dans la construction et l’expression de son opinion. Et qu’ensuite, autour de lui il la diffuse avec conviction et arguments.
      Notre époque est marquée par la dépendance croissante du plus grand nombre aux influences multiples et variées qui font florès avec l’explosion des moyens médiatiques qui nous interpellent dans toutes les situations.

      [Mais, la principale (le PS) a déclaré clairement son obédience au Capital, ce qui la met hors jeu.]
      Un parti politique, quel qu’il soit, peut-il, à partir du moment où il s’engage à agir dans le domaine socioéconomique, ce qui est son rôle essentiel vous en conviendrez, déclarer l’inanité du capital ? Même en affublant d’un grand C le terme, ce qui n’est pas neutre, vous aurez toujours quelqu’un qui, propriétaire ou non, décidera de son usage dans le circuit économique. Donc, être « anticapitaliste » par principe, conduit rapidement à l’absurdité. Lorsque vous possédez quelques économies et que vous voulez acheter une automobile, votre décision est un peu celle d’un capitaliste, avec des conséquences sur l’environnement économique.
      Toute création de richesse est le produit de l’association capital+travail. Mais si nous réfutons la forme de répartition qui est la nôtre, alors, posons fermement la question à ce sujet.
      Un footballeur – ce n’est qu’un exemple populaire – que beaucoup encensent, est-il fondé à gagner pour son talent, 10 ou 20 fois ce que gagne le président de la République ? Ou faut-il une rémunération parfaitement égalitaire, du manœuvre au PDG ? Sinon, quelles règles de répartition équitable et sur quels critères de mérite faut-il appliquer ? Quand débat-on de tout cela ?

      @ Descartes
      [Et notre chance a fait que nous vivons une époque de stagnation, celle de l’épuisement d’un modèle.]
      Ah ! Vous trouvez ? Je la décrirais plutôt sous la forme d’un mouvement brownien, en agitation désordonnée permanente, sans règles bien définies, de provenance et de logiques contradictoires et aléatoires. La France passe d’un agité du bonnet à un assoupi du bidon et rêve d’une gretchen interlope.
      Mais au fond, il s’agit peut-être de la manifestation différenciée sous deux formes d’un état pré explosif. Le balancement entre révolte et résignation…..jusqu’à quand ?

      [Les conditions ne nous permettent pas aujourd’hui d’abolir le capitalisme, ni même de le dépasser. Mais nous pouvons essayer d’éduquer ceux qui demain le feront.]
      C’est un peu comme si l’on voulait supprimer l’oxygène dans l’organisme humain, et c’est de cette confusion d’esprit que nous viennent la plupart de nos problèmes.
      Qu’il soit individuel – les capitalistes – ou d’état – les communistes – il y a toujours un ou quelques-uns qui décident pour le plus grand nombre de ce que l’on fait de l’argent. Avec les succès et les échecs qui caractérise les décisions humaines. S’il n’y a pas de régime capitaliste satisfaisant dans notre champ de vision, aucun régime communiste ne peut prétendre avoir fait globalement mieux.
      La question qui peut se poser est de savoir comment instaurer et faire vivre un débat à l’échelle nationale sur ce que, démocratiquement nous souhaitons pour l’essentiel. Or, nos débats sont des débats de spécialistes, hors de portée ou/et d’intérêt du plus grand nombre. Quand j’emploie le terme « spécialiste », cela va du technicien, de l’expert, au politicard, hautement compétent dans l’esbroufe et préoccupé de ses petites affaires partisanes et électorales.

      [Le champ politique a été presque totalement occupé par les « classes moyennes »]
      Probablement parce que ce sont les seules qui s’intéressent à la politique. On est en démocratie et que je sache personne n’est empêché de se former politiquement et ne pas céder aux sirènes populistes.

      [Est-il possible de construire une organisation capable d’échapper aux « classes moyennes »…?]
      Oui, cela s’appelle la dictature du prolétariat. Est-ce souhaitable ?

    • Descartes dit :

      @ Marcailloux

      [Un parti politique, quel qu’il soit, peut-il, à partir du moment où il s’engage à agir dans le domaine socioéconomique, ce qui est son rôle essentiel vous en conviendrez, déclarer l’inanité du capital ? Même en affublant d’un grand C le terme, ce qui n’est pas neutre, vous aurez toujours quelqu’un qui, propriétaire ou non, décidera de son usage dans le circuit économique.]

      Ah… mais le « propriétaire ou non » change tout ! Ne vous faites pas plus bête que vous ne l’êtes : les « anticapitalistes » ne sont pas contre le capital, au sens économique du terme, ils sont contre le « capitaliste », qui est celui qui, parce qu’il possède le capital, peut extraire la plus-value du travail.

      [Donc, être « anticapitaliste » par principe, conduit rapidement à l’absurdité. Lorsque vous possédez quelques économies et que vous voulez acheter une automobile, votre décision est un peu celle d’un capitaliste, avec des conséquences sur l’environnement économique.]

      Non, justement. Lorsque je m’achète une voiture, je ne fais aucune considération de rentabilité. Si j’espère tirer un bénéfice d’usage du véhicule, mais rien de plus. Par contre, si j’achète un taxi avec l’objectif de faire travailler quelqu’un – et donc produire de la valeur – et empocher une partie de la valeur en question, là je raisonne comme un capitaliste. Vous confondez « patrimoine » et « capital ». Une somme d’argent, un bien ne sont pas du « capital ». Ils ne le deviennent que s’ils sont introduits dans le circuit de production de valeur.

      [Toute création de richesse est le produit de l’association capital+travail.]

      Oui, mais pas de l’association « travailleur+capitaliste ». On peut donc être « anticapitaliste » sans pour autant ignorer le rôle du capital…

      [« Et notre chance a fait que nous vivons une époque de stagnation, celle de l’épuisement d’un modèle ». Ah ! Vous trouvez ? Je la décrirais plutôt sous la forme d’un mouvement brownien, en agitation désordonnée permanente, sans règles bien définies, de provenance et de logiques contradictoires et aléatoires. La France passe d’un agité du bonnet à un assoupi du bidon et rêve d’une gretchen interlope.]

      Mais sur le fond, l’agité du bonnet et l’assoupi du bidon font les mêmes politiques. Bien sur, on peut s’agiter sur la forme, un « mariage pour tous » par-ci, un procès Dieudonné par-là… mais sur les questions qui font à la vie de l’immense majorité de nos concitoyens et à l’avenir de nos institutions, les différences sont assez faibles. Quand je parle de l’épuisement d’un modèle, je parle plutôt sur le plan économique et institutionnel, et non du théâtre politico-médiatique.

      [Qu’il soit individuel – les capitalistes – ou d’état – les communistes – il y a toujours un ou quelques-uns qui décident pour le plus grand nombre de ce que l’on fait de l’argent.]

      Ce n’est pas là la question. La différence n’est pas le choix de ce qu’on fait de l’argent-capital, mais ce qu’on fait de l’argent-plusvalue. Dans le capitalisme, la plusvalue extraite du travail humain va engrosser le capitaliste, dans le communisme, le travailleur récupère la totalité de la valeur produite. Ce que les communistes critiquent dans le capitalisme, ce n’est pas le fait que les capitalistes ne prennent pas les « bonnes » décisions, c’est qu’ils prélèvent sans contrepartie une partie de la valeur produite par les travailleurs.

      [Avec les succès et les échecs qui caractérise les décisions humaines. S’il n’y a pas de régime capitaliste satisfaisant dans notre champ de vision, aucun régime communiste ne peut prétendre avoir fait globalement mieux.]

      C’est une conclusion un peu rapide. D’abord, parce qu’il n’y a encore eu aucune expérience « communiste » qui se soit déroulée dans un contexte qui permette une comparaison. Toutes les expériences « communistes » ont été en permanence sabotées depuis l’extérieur, que ce soit par le blocage des échanges économiques, par l’intervention militaire, par le sabotage interne. Prenons par exemple l’expérience d’Allende au Chili : pensez-vous que son échec soit lié à ses défauts internes, ou à une intervention externe ?

      Compte tenu de ce sabotage, on ne peut pas dire que le communisme ait vraiment démérité. Cuba a beau être pauvre, elle reste à un niveau de développement humain très supérieur à des pays capitalistes équivalents comme Haïti, par exemple.

      [La question qui peut se poser est de savoir comment instaurer et faire vivre un débat à l’échelle nationale sur ce que, démocratiquement nous souhaitons pour l’essentiel.]

      Et une fois qu’on a décidé ce que nous voulons « démocratiquement », on fait quoi ? Parce que ce n’est pas parce qu’on a décidé « démocratiquement » que les capitalistes n’empocheront plus la valeur produite par d’autres que les capitalistes se laisseront faire… la « décision démocratique » n’a donc de sens que si nous acceptons de « décider » ce qui est acceptable par les capitalistes, sauf bien entendu si le rapport de forces est tel qu’il nous permettrait de les supprimer, ce qui n’est à mon avis pas le cas aujourd’hui.

      [Le champ politique a été presque totalement occupé par les « classes moyennes »][Probablement parce que ce sont les seules qui s’intéressent à la politique. On est en démocratie et que je sache personne n’est empêché de se former politiquement et ne pas céder aux sirènes populistes.]

      Bien entendu, personne n’est empêché de se former politiquement… mais à quoi bon le faire lorsque le rapport de forces vous est massivement défavorable ? A quoi bon passer des heures à étudier, des heures à se réunir, pour conclure qu’on n’a aucun moyen d’empêcher les délocalisations, les fermetures d’usines, la montée du chômage ?

      Ce n’est pas parce qu’elle s’intéressent à la politique que les classes moyennes occupent le terrain. C’est plutôt l’inverse. Les « classes moyennes » s’intéressent à la politique parce que le rapport de forces leur est favorable, et qu’elles savent donc qu’elles peuvent protéger leurs acquis et en obtenir de nouveaux par ce moyen. Les classes populaires s’en désintéressent pour exactement la même raison : le rapport de forces leur étant très défavorable, elles savent qu’il n’y a pas grande chose à attendre. C’est pourquoi elles s’abstiennent massivement, ou bien votent pour exprimer une colère.

      [Est-il possible de construire une organisation capable d’échapper aux « classes moyennes »…?][Oui, cela s’appelle la dictature du prolétariat. Est-ce souhaitable ?]

      J’avoue que je ne saisis pas le rapport. Etes-vous sur d’avoir compris ce qu’est la « dictature du prolétariat » ? Elle s’applique difficilement au fonctionnement d’un parti politique…

    • Marcailloux dit :

      @ Descartes
      Bonjour,
      [Ah… mais le « propriétaire ou non » change tout ! Ne vous faites pas plus bête que vous ne l’êtes : les « anticapitalistes » ne sont pas contre le capital, au sens économique du terme, ils sont contre le « capitaliste », qui est celui qui, parce qu’il possède le capital, peut extraire la plus-value du travail.]
      C’est là que le bât blesse ! Certes, mes termes sont un peu provocateurs.
      Ne vous faites néanmoins, pas plus aveugle que vous ne l’êtes car, indépendamment des discours officiels sur l’anticapitalisme, qui prennent toujours comme référence des cas indiscutables d’abus, la réalité quotidienne, la plus lourde en masse financière, est répartie parmi des millions de petits « capitalistes » avec tout le péjoratif que ce qualificatif représente et qui leur donne une image de suceur de sang.
      Notre société économique fonctionne sur un équilibre instable entre deux attitudes principales des individus, quel que soit leur statut social : les « entreprenants » et les « entretenants », sans jugement de valeur de ma part.
      Les uns se situent dans l’action risquée, débordante, volontariste, excessive et négative parfois. Les autres se cantonnent au nécessaire fonctionnement quotidien et rigoureux de l’activité économique.
      C’est très schématique, bien sûr.
      Seulement, le problème est de quantifier la valeur de chacune de ces actions. Les uns quand ils gagnent, ça se voit et ça peut provoquer, mais quand ils perdent, personne ne leur vient en aide et généralement ils sont accusés d’incompétence. Les autres, d’un naturel plus prudent, recherchent plus la sécurité, le confort modeste mais durable, les garanties sociales sur le long terme. Les uns comme les autres sont utiles à la nation. Néanmoins, ils ont d’énormes difficultés à se mettre d’accord sur des modalités de répartition des richesses créées (qu’elles soient produites ou obtenues par d’autres moyens)
      Autre point d’observation : on dit à juste titre que la France a choisi le chômage plutôt que l’emploi. Ce qui revient à dire qu’une partie du pays produit des richesses qu’elle doit partager avec une partie qui n’en produit pas ( durablement si ce n’est indéfiniment ) .
      Cela conduit à des situations ubuesques dans lesquelles il est infiniment plus contraignant de travailler que de rester à la maison. Je ne m’étend pas sur ce sujet, chacun ayant dans son entourage des cas qui illustrent mon propos avec la myriade de combinaisons possibles constituée par toutes les aides possibles et imaginables. D’ailleurs, ce sont les plus futés, les plus entreprenants, les plus « démerdarts » qui excellent dans l’exercice. Ils sont de la catégorie des « entreprenant »
      Ne s’agit – il pas là d’une forme de « capitalisme » d’exploitation de la masse des travailleurs.
      J’entends déjà poindre les qualificatifs d’oiseaux – pas de votre part, vous êtes trop courtois – que vont susciter mes propos.

      [Une somme d’argent, un bien ne sont pas du « capital ». Ils ne le deviennent que s’ils sont introduits dans le circuit de production de valeur.]
      A priori, oui. Cependant, si vous vous placez d’un point de vue nationaliste – ce qui généralement est votre position – selon que vous achèterez français ou allemand, vous alimenterez des bénéfices français ou allemands pour une répartition, certes discutable, entre soit des Français soit des Allemands.
      Dans un cas – d’école, j’en conviens – le bénéfice sera réparti à raison des ¾ en dividendes et ¼ en prime salariale, dans l’autre cas, la répartition se fera à hauteur de 50/50.
      Comment conciliez-vous la nécessité d’équité socialiste et la nécessité nationaliste ?
      Par ailleurs, le choix d’une BMW qui va flatter votre ego et qui par conséquent a une valeur d’estime est bien une rémunération du capital que vous aurez engagé dans l’achat de cette voiture.
      Comment chiffrez vous cette valeur, et si de sur-crois elle bénéficie à un “entreprenant” entretenu par la solidarité nationale, comment classer ce type de comportement économique.
      J’ai sous les yeux, chaque jour, en passant dans un quartier voisin, l’occasion de constater qu’il y a corrélation forte entre une minorité visible comme on dit et l’utilisation de leur part d’automobile provenant d’outre Rhin. Sans jeux de mot, j’en suis chaque fois outré. Et ces exemples sont très nombreux, peut-être de près de 50% en observations instantanées, ce sur des années entières. Ça m’interpelle ! Comment le communisme que vous souhaitez, répond à cette question?

    • dsk dit :

      @ Descartes

      [Est-il possible de construire une organisation capable d’échapper aux « classes moyennes » sans pour autant rejoindre le FN dans une logique protestataire ?]

      Je ne le crois pas, car le « système » est tout de même assez bien fait. Globalement, il sait encore accorder des places de choix à ceux qui auraient les capacités intellectuelles de faire autre chose que protester. C’est pourquoi il est pour ainsi dire fatal qu’un parti qui porte les intérêts des classes populaires manque de « cadres crédibles » et s’enferme dans une « logique protestataire ». Autrement dit, les « cadres crédibles » appartenant généralement aux « classes moyennes », vouloir échapper à celles-ci, c’est fatalement se condamner à une « logique protestataire ». Je pense, du reste, que cette problématique est sous-jacente dans le conflit entre Le Pen père et Le Pen fille. Pour le premier, les « énarques » ne peuvent porter les intérêts du peuple, tandis que pour la seconde, il faut bien des « énarques » pour que ces intérêts puissent être effectivement défendus.

    • dsk dit :

      @ Marcailloux

      [Hormis quelques questions sociétales, parfois pertinentes, pas toujours hélas, le débat récurrent en France porte, ou devrait porter, fondamentalement, sur la création de richesses, sa répartition et les moyens à mettre en œuvre pour qu’elle atteigne un niveau satisfaisant pour le plus grand nombre.]

      Peut-être vous a-t-il échappé que, pour les libéraux, c’est au marché, et seulement à lui, qu’il incombe de décider de « la création de richesses, sa répartition et les moyens à mettre en œuvre pour qu’elle atteigne un niveau satisfaisant pour le plus grand nombre. » ? Dès lors, en affirmant que tout ceci devrait être réglé par « le débat », vous vous opposez nécessairement à cette idéologie, dont je vous signale qu’elle imprègne désormais tous les cerveaux des partis prétendument « républicains ». Maintenant, si vous recherchez quelque chose qui s’apparente à votre souhait, sans pour autant remettre en cause le capitalisme, eh bien, j’ai l’extrême douleur de vous signaler que c’est chez la « gretchen blonde » que vous le trouverez : protectionnisme et «  État stratège », avec leur corollaire indispensable : sortie de l’UE et de l’Euro.

    • Marcailloux dit :

      @dsk
      Bonjour,
      [Peut-être vous a-t-il échappé que, pour les libéraux, c’est au marché, et seulement à lui, qu’il incombe de décider de « la création de richesses, sa répartition et les moyens à mettre en œuvre pour qu’elle atteigne un niveau satisfaisant pour le plus grand nombre. » ?]
      Peut-être et pourquoi pas ? Mais à condition que l’autorité supérieure que représente un état démocratique – qui doit l’être réellement – soit en mesure d’en imposer les règles. Encourager l’initiative, la favoriser et la protéger me semble un facteur de progrès dont l’ensemble de la communauté nationale doit profiter. C’est une évidence sur laquelle tout le monde sera probablement d’accord.
      C’est dans la mise en œuvre sur le terrain qui pose problème car à la première décision, les innombrables chœurs des pleureuses entament un lacrymosa outragé.
      Arrive alors la seconde phase des rustines et règlementations particulières et adaptées à chacune des « chorales » manifestante.
      Devant l’inefficacité généralisée, se sont constitués au fil des années, des décennies même, un fatras incommensurable de lois, règlements, codes, normes et autres directives, français puis européens constituent un marigot qui fait le bonheur et la prospérité des «diseux» pour le plus grand désarrois des «faiseux».
      Une quantité importante des activités en France est constituée par la gestion de la complication. La production de richesse est dans ce cas égale à zéro. La répartition de ce qu’il reste fait alors l’objet de lutte d’autant plus acharnées que ce qui est à répartir se réduit à la portion congrue.
      Notre société, sur le plan économique comme sur le plan sociétal est devenue trop compliquée, trop répressive et paradoxalement trop laxiste, trop alambiquée dans les prises de décision, trop pratiquante du copinage, du pantouflage, du deux poids deux mesure, etc. . . . .
      Et lorsque vous écrivez : [ j’ai l’extrême douleur de vous signaler que c’est chez la « gretchen blonde » que vous le trouverez : protectionnisme et « État stratège », avec leur corollaire indispensable : sortie de l’UE et de l’Euro.], c’est en partie vrai, mais n’importe qui – moi-même en l’occurrence – est capable de prononcer ces dénonciations, ou d’autres tout aussi pertinentes.
      La question essentielle qui se pose est de savoir dans quelle mesure une entreprise familiale, dynastique et à la limite de la secte est en mesure de réussir une mise en œuvre les mesures accompagnant une politique agissant efficacement sur les maux dénoncés.
      J’ai la profonde conviction que ce parti n’est qu’une organisation ambitionnant la conquête des attributs alléchants du pouvoir.
      Républicain convaincu, j’en arrive quelquefois à m’interroger sur l’intérêt d’une monarchie dans notre pays. Nous avons les moyens de fournir 1 milliard par an à une famille royale qui monopolise tous les honneurs prébendes et apparats du pays, on leur demande de faire bonne figure et d’assurer les inaugurations et célébrations et surtout de ne pas se mêler des affaires publiques.
      Aux responsables politiques de ne faire que le boulot pour lequel ils ont été désignés, par le vote ou par décret selon les cas. En réduire le nombre à la juste quantité strictement nécessaire (élus et hauts fonctionnaires) et les rémunérer correctement, pouvoir limoger les uns et limiter énergiquement les mandats pour les autres. On y gagnerait beaucoup en efficience.
      Pensez-vous que le FN, une fois en place, aurait la moindre intention de changer les règles du jeu qu’ils dénoncent ? Faut pas rêver !

    • Descartes dit :

      @ marcailloux

      [Ne vous faites néanmoins, pas plus aveugle que vous ne l’êtes car, indépendamment des discours officiels sur l’anticapitalisme, qui prennent toujours comme référence des cas indiscutables d’abus,]

      Je ne sais pas à quels « discours officiels » vous faites référence. Mais l’anticapitalisme n’est pas une question « d’abus » qui seraient commis par des capitalistes indélicats. Le capitaliste, par le simple fait de l’être, commet un « abus » qui est structurel, intrinsèque à la structure du système : alors qu’il ne produit rien, il prélève une partie de la valeur produite par les travailleurs.

      [la réalité quotidienne, la plus lourde en masse financière, est répartie parmi des millions de petits « capitalistes » avec tout le péjoratif que ce qualificatif représente et qui leur donne une image de suceur de sang.]

      Une fois encore, vous confondez « patrimoine » et « capital ». Toute masse financière n’est pas du « capital », et à l’inverse tout capital ne prend pas la forme d’une masse financière. Et le capital n’est pas aussi égalitairement distribué que vous ne semblez le croire : en France, 80% du « capital » est détenu par quelques dizaines de milliers de citoyens.

      [Notre société économique fonctionne sur un équilibre instable entre deux attitudes principales des individus, quel que soit leur statut social : les « entreprenants » et les « entretenants », sans jugement de valeur de ma part.]

      Quel rapport avec le « capital » ? On peut être « entreprenant » sans avoir du capital.

      [Néanmoins, ils ont d’énormes difficultés à se mettre d’accord sur des modalités de répartition des richesses créées (qu’elles soient produites ou obtenues par d’autres moyens)]

      Les richesses ne sont créées que par un seul processus : le travail. Votre distinction entre « entreprenants » et « entretenants » n’a aucun sens économique. Pour vous, un homme très riche qui confie la gestion de son capital à un employé est un « entreprenant » ou un « entretenant » ?

      [Autre point d’observation : on dit à juste titre que la France a choisi le chômage plutôt que l’emploi.]

      « A juste titre » ? Non. On peut dire que la France a choisi le chômage et le revenu décent plutôt que l’emploi et la misère.

      [Ce qui revient à dire qu’une partie du pays produit des richesses qu’elle doit partager avec une partie qui n’en produit pas ( durablement si ce n’est indéfiniment ) .]

      Non. Cela revient à dire qu’une partie du pays – les travailleurs – produit des richesses, et que ces richesses sont partagées avec deux parties qui n’en produisent pas : le capital et les chômeurs.

      [Cela conduit à des situations ubuesques dans lesquelles il est infiniment plus contraignant de travailler que de rester à la maison.]
      Pourquoi « ubuesques » ? Tout le monde trouve parfaitement normal que Madame Bettencourt trouve plus contraignant de travailler que de rester chez elle dans son hôtel particulier de Neuilly. Pourquoi la chose serait-elle plus grave quand elle arrive à Mme Dupont, habitant Aubervilliers ? Dans votre tableau, vous avez effacé très convenablement un personnage : le capitaliste. Comme si le prélèvement de richesse qui lui est destiné était tout à fait « normal », alors que celui consenti aux chômeurs était « ubuesque ». Il faut le dire et le répéter : la SEULE source de valeur est le TRAVAIL. Tous ceux qui ne tirent pas leur revenu de leur travail vivent nécessairement d’un prélèvement sur le travail des autres. A partir de là, le capitaliste oisif et fier de l’être n’est en rien plus scandaleux que le chômeur oisif et fier de l’être.

      [Comment conciliez-vous la nécessité d’équité socialiste et la nécessité nationaliste ?]

      J’avoue que je ne comprends pas très bien la question. La théorie et l’expérience montrent que la production se délocalise vers les endroits ou le facteur1 de production le plus mobile est le mieux rémunéré. Or, le facteur de production le plus mobile aujourd’hui – et pour longtemps – est sans conteste le capital. Les délocalisation se font toujours de manière à augmenter la rémunération du capital et donc réduire celle du travail.

      Par ailleurs, le cadre des luttes sociales est avant tout un cadre national. On peut le regretter, on peut rêver d’un monde ou le prolétariat international s’opposera au capital international. Mais en pratique, ce n’est pas comme cela que ça marche. La communauté nationale est la plus grande communauté politique possible aujourd’hui. Il s’ensuit que le combat pour une meilleure distribution de la valeur produite est nécessairement un combat dans le cadre national, et par conséquence tout départ de la production vers d’autres cieux se traduit par une diminution du gâteau à partager.

      [Par ailleurs, le choix d’une BMW qui va flatter votre ego et qui par conséquent a une valeur d’estime est bien une rémunération du capital que vous aurez engagé dans l’achat de cette voiture.]

      Non. Quand j’achète un yaourt, le goût du yaourt n’est pas une « rémunération ». La « rémunération » implique la récupération d’une valeur qui ne se trouvait pas au départ. Lorsque j’achète un appartement et que je le loue, le loyer est une « rémunération ». Mais si je l’habite, la vue que j’ai de ma fenêtre n’est pas une « rémunération ».

      [J’ai sous les yeux, chaque jour, en passant dans un quartier voisin, l’occasion de constater qu’il y a corrélation forte entre une minorité visible comme on dit et l’utilisation de leur part d’automobile provenant d’outre Rhin. Sans jeux de mot, j’en suis chaque fois outré.]

      Mais lorsque vous vous promenez à Neuilly-sur-Seine, et que vous voyez en abondance des voitures de luxe, êtes vous « outré » de la même manière ? Posez-vous la question : pourquoi le prélèvement de valeur au bénéfice d’une certaine « minorité visible » constitue pour vous un outrage, et celui effectué par une autre « minorité visible » pas ? En quoi le capitaliste a-t-il plus de légitimité pour prélever une partie de votre travail qu’un autre oisif quelconque ?

      [Comment le communisme que vous souhaitez, répond à cette question?]

      Avec la réponse donnée par Marx dès 1848 : « celui qui ne travaille pas ne mange pas ». Bien entendu, cela ne veut pas dire que ceux qui ne peuvent pas travailler – du fait d’un handicap, de leur âge ou de toute autre empêchement hors de leur contrôle – ne soient pas aidés. Mais cela veut dire que personne qui soit en état de travailler doit pouvoir prélever sur le travail des autres.

    • Descartes dit :

      @ dsk

      [Est-il possible de construire une organisation capable d’échapper aux « classes moyennes » sans pour autant rejoindre le FN dans une logique protestataire ?][Je ne le crois pas, car le « système » est tout de même assez bien fait. Globalement, il sait encore accorder des places de choix à ceux qui auraient les capacités intellectuelles de faire autre chose que protester.]

      De moins en moins. Mais surtout, les « classes moyennes » ont réussi à se réserver les « capacités intellectuelles », en détruisant systématiquement tous les lieux, toutes les institutions qui à une époque pouvaient permettre à d’autres d’y accéder. Que ce soit l’école, les systèmes de formation des partis politiques et des syndicats, les médias publics… Il faut remonter très loin pour retrouver une situation ou le savoir ait été aussi concentré dans les mains d’une seule classe sociale.

      [C’est pourquoi il est pour ainsi dire fatal qu’un parti qui porte les intérêts des classes populaires manque de « cadres crédibles » et s’enferme dans une « logique protestataire ».]

      Mais cela n’est pas nouveau. Les partis ouvriers et les syndicats ont eu ce problème dès leur création à la fin du XIXème siècle, et l’ont résolu par la création de systèmes de formation, par des écoles et des universités internes destinées à former des cadres de qualité. Pourquoi ne pourrait-on réussir le même tour de force aujourd’hui ?

      [Je pense, du reste, que cette problématique est sous-jacente dans le conflit entre Le Pen père et Le Pen fille. Pour le premier, les « énarques » ne peuvent porter les intérêts du peuple, tandis que pour la seconde, il faut bien des « énarques » pour que ces intérêts puissent être effectivement défendus.]

      Je le pense aussi. Il est paradoxal de voir Marine Le Pen traitée de « populiste » alors qu’elle se démarque nettement de la logique de méfiance envers les « experts » et autres « technocrates » si caractéristique du populisme français.

    • Descartes dit :

      @ Marcailloux

      [Peut-être et pourquoi pas ? Mais à condition que l’autorité supérieure que représente un état démocratique – qui doit l’être réellement – soit en mesure d’en imposer les règles. Encourager l’initiative, la favoriser et la protéger me semble un facteur de progrès dont l’ensemble de la communauté nationale doit profiter. C’est une évidence sur laquelle tout le monde sera probablement d’accord.]

      J’espère bien que non. Vous parlez comme si « l’initiative » était un bien en soi. Mais quand une entreprise prend « l’initiative » de fermer son usine en France pour en ouvrir une au Bangladesh, est-ce la une « initiative » que l’Etat démocratique doit « favoriser et protéger » ? Est-ce là un « facteur de progrès » ? Cet exemple vous montre que si l’Etat doit intervenir, il lui faut choisir quelles « initiatives » sont à protéger, et quelles « initiatives » sont à décourager. C’est précisément ce modèle que contestent les libéraux : pour eux, ce n’est pas à l’Etat mais au mécanisme de marché de choisir parmi les « initiatives » celles qui iront jusqu’au bout et celles qui se perdront en chemin.

      Vous ne pouvez pas avoir en même temps la logique de marché et celle de « l’Etat stratège », puisque cette dernière implique la possibilité pour l’Etat de « tordre » le verdict du marché.

      [J’ai la profonde conviction que ce parti n’est qu’une organisation ambitionnant la conquête des attributs alléchants du pouvoir.]

      Plus qu’une conviction, c’est un article de foi.

      [Pensez-vous que le FN, une fois en place, aurait la moindre intention de changer les règles du jeu qu’ils dénoncent ? Faut pas rêver !]

      D’un côté on accuse le FN de vouloir instaurer un régime fasciste, de l’autre de ne pas avoir la moindre intention de changer quoi que ce soit. Faudrait savoir…

    • dsk dit :

      @ Marcailloux

      [« Peut-être vous a-t-il échappé que, pour les libéraux, c’est au marché, et seulement à lui, qu’il incombe de décider de « la création de richesses, sa répartition et les moyens à mettre en œuvre pour qu’elle atteigne un niveau satisfaisant pour le plus grand nombre. » ? »] [« Peut-être et pourquoi pas ? »]

      Je ne sais pas. Mais en tout cas, si vous faîtes vôtre cette conception, alors vous ne sauriez reprocher aux hommes politiques qui la partagent de ne pas parler d’économie, puisqu’elle leur interdit, précisément, de s’en mêler.

      [« Mais à condition que l’autorité supérieure que représente un état démocratique – qui doit l’être réellement – soit en mesure d’en imposer les règles. »]

      Tout à fait d’accord. Mais dans ce cas, je vous signale que vous allez bien à l’encontre de l’idéologie libérale.

      [« Encourager l’initiative, la favoriser et la protéger me semble un facteur de progrès dont l’ensemble de la communauté nationale doit profiter. C’est une évidence sur laquelle tout le monde sera probablement d’accord. »]

      Là non plus, vous n’êtes pas libéral, puisque vous accordez un rôle actif à l’État dans l’existence ou non de l’initiative qui, par définition, ne saurait venir que des individus.

      [« C’est dans la mise en œuvre sur le terrain qui pose problème car à la première décision, les innombrables chœurs des pleureuses entament un lacrymosa outragé. »]

      Encore une fois, vous n’êtes pas ici un libéral, puisque vous semblez regretter les obstacles que l’État rencontre dans sa volonté d’intervenir sur l’économie. Qu’il cesse donc d’intervenir, et vous n’aurez plus de pleurs…

      [« Arrive alors la seconde phase des rustines et règlementations particulières et adaptées à chacune des « chorales » manifestante. Devant l’inefficacité généralisée, se sont constitués au fil des années, des décennies même, un fatras incommensurable de lois, règlements, codes, normes et autres directives, français puis européens constituent un marigot qui fait le bonheur et la prospérité des «diseux» pour le plus grand désarrois des «faiseux». »]

      Là, par contre, vous êtes un libéral, puisque vous regrettez les « réglementations », « lois », « règlements », « codes », « normes », et autres « directives ». Néanmoins, je vous rappelle que c’est vous, au départ, qui aviez souhaité que l’État impose des règles. Et le plus drôle, c’est que, si je vous ai bien compris, tout ce fatras de normes ne devrait son existence qu’à la volonté originelle de l’État d’encourager, favoriser et protéger l’initiative. Ne pensez-vous pas qu’il aurait mieux fait de rester sagement dans son coin ?

      [« Une quantité importante des activités en France est constituée par la gestion de la complication. La production de richesse est dans ce cas égale à zéro. La répartition de ce qu’il reste fait alors l’objet de lutte d’autant plus acharnées que ce qui est à répartir se réduit à la portion congrue. »]

      Je ne vois pas très bien à quelles luttes acharnées vous faîtes allusion. Le taux de grève dans le secteur privé en France est depuis longtemps l’un des plus bas du monde.

      [« Notre société, sur le plan économique comme sur le plan sociétal est devenue trop compliquée, trop répressive et paradoxalement trop laxiste, trop alambiquée dans les prises de décision, trop pratiquante du copinage, du pantouflage, du deux poids deux mesure, etc. . . . . »]

      Ici, je note que vous vous montrez à la fois libéral et anti-libéral, puisque vous regrettez d’un côté trop de répression, et de l’autre, trop de laxisme. L’ennui, me semble-t-il, c’est que l’on risque, en étant moins répressif, d’aggraver le copinage, le pantouflage etc., tandis qu’en étant moins laxiste, on risque d’aggraver la complication, l’inflation de normes etc. A moins que vous ne souhaitiez plus de répression dans certains cas et moins dans d’autres, mais lesquels exactement ?

      [« Et lorsque vous écrivez : [ j’ai l’extrême douleur de vous signaler que c’est chez la « gretchen blonde » que vous le trouverez : protectionnisme et « État stratège », avec leur corollaire indispensable : sortie de l’UE et de l’Euro.], c’est en partie vrai, mais n’importe qui – moi-même en l’occurrence – est capable de prononcer ces dénonciations, ou d’autres tout aussi pertinentes. »]

      Peut-être. Mais pourquoi l’UMPS ne les prononce-t-il pas, si elles sont pertinentes ?

      [« La question essentielle qui se pose est de savoir dans quelle mesure une entreprise familiale, dynastique et à la limite de la secte est en mesure de réussir une mise en œuvre les mesures accompagnant une politique agissant efficacement sur les maux dénoncés. »]

      Qu’avez-vous donc contre les entreprises familiales ? Je vous signale que la plupart des entreprises qui font la grandeur et le dynamisme économique de notre pays sont des entreprises familiales : Peugeot, Michelin, Leclerc, Bouygues, Pinault, Lagardère et j’en passe, sans oublier toutes ces formidables PME familiales dont on ne cesse de brider injustement l’initiative par toutes sortes de règles, normes, directives etc. Et je vous dirais que la France elle-même, au temps de sa splendeur, n’était rien d’autre qu’une entreprise familiale.

      [« J’ai la profonde conviction que ce parti n’est qu’une organisation ambitionnant la conquête des attributs alléchants du pouvoir. »]

      Vous faîtes preuve ici d’une assez grande originalité. On accuse plutôt, en général, le FN de ne pas rechercher sérieusement le pouvoir, mais de capitaliser tranquillement sur le mécontentement populaire, ce que sous-entend l’expression très prisée ces temps-ci de « PME familiale ».

      [« Républicain convaincu, j’en arrive quelquefois à m’interroger sur l’intérêt d’une monarchie dans notre pays. Nous avons les moyens de fournir 1 milliard par an à une famille royale qui monopolise tous les honneurs prébendes et apparats du pays, on leur demande de faire bonne figure et d’assurer les inaugurations et célébrations et surtout de ne pas se mêler des affaires publiques. »]

      Je crois que c’est exactement ce que fait aujourd’hui François Hollande, pour nettement moins cher.

      [« Aux responsables politiques de ne faire que le boulot pour lequel ils ont été désignés, par le vote ou par décret selon les cas. En réduire le nombre à la juste quantité strictement nécessaire (élus et hauts fonctionnaires) et les rémunérer correctement, pouvoir limoger les uns et limiter énergiquement les mandats pour les autres. On y gagnerait beaucoup en efficience. »]

      Tout cela suppose qu’il y ait, au dessus des responsables politiques, une sorte de patron capable de les diriger, de fixer leur quantité, leur rémunération, de les limoger etc. Qui donc ?

      [« Pensez-vous que le FN, une fois en place, aurait la moindre intention de changer les règles du jeu qu’ils dénoncent ? Faut pas rêver ! »]

      Étant donné que vous ne donnez pas d’argument concret de nature à m’ôter un tel « rêve », j’en déduis que pour vous, tous les discours politiques, d’où qu’ils viennent, sont fallacieux, et ne visent qu’à permettre à ceux qui les tiennent de conquérir les « attributs alléchants du pouvoir ». Toutefois, dans ces conditions, j’ai du mal à comprendre que vous puissiez être un « républicain convaincu ». A moins, précisément, que vous ne soyez satisfait d’une situation où les hommes politiques ne feraient rien de plus que « faire bonne figure et d’assurer les inaugurations et célébrations et surtout de ne pas se mêler des affaires publiques » et expédier, en nombre réduit, les affaires courantes ? Dans ce cas, je dirais que finalement, vous êtes un véritable libéral…

    • dsk dit :

      @ Descartes

      [Je ne le crois pas, car le « système » est tout de même assez bien fait. Globalement, il sait encore accorder des places de choix à ceux qui auraient les capacités intellectuelles de faire autre chose que protester.] [De moins en moins.]

      Tout à fait. Sans quoi vous occuperiez aujourd’hui la place de Ségolène Royal 😉

      [Mais surtout, les « classes moyennes » ont réussi à se réserver les « capacités intellectuelles », en détruisant systématiquement tous les lieux, toutes les institutions qui à une époque pouvaient permettre à d’autres d’y accéder. Que ce soit l’école, les systèmes de formation des partis politiques et des syndicats, les médias publics… Il faut remonter très loin pour retrouver une situation ou le savoir ait été aussi concentré dans les mains d’une seule classe sociale.]

      Sans doute. Mais je pense que la question n’est pas tant celle du « savoir » en général, que celle, plus précisément, des outils intellectuels permettant aux classes populaires de défendre efficacement leurs intérêts. Concrètement, par exemple, que peuvent-elles répondre à un membre éminent et diplômé des « classes moyennes » qui leur assénerait que la sortie de l’Euro serait « à l’évidence une pure folie, totalement démagogique de surcroît » ? Ou bien que « l’immigration, toutes les études le prouvent, est bénéfique pour l’emploi » ? Autrement dit, plutôt que de chercher simplement à le diffuser, ne faut-il pas surtout démystifier ce prétendu « savoir » des classes moyennes ?

      [Mais cela n’est pas nouveau. Les partis ouvriers et les syndicats ont eu ce problème dès leur création à la fin du XIXème siècle, et l’ont résolu par la création de systèmes de formation, par des écoles et des universités internes destinées à former des cadres de qualité. Pourquoi ne pourrait-on réussir le même tour de force aujourd’hui ?]

      En tout cas, il me semble que le seul endroit aujourd’hui où l’on trouve un électorat populaire politisé, c’est au FN. Ce ne peut donc être que là, à mon avis, qu’une telle formation peut avoir lieu. Du reste, il me semble qu’un tel processus est déjà en route, et que le FN s’extrait de plus en plus de son côté « protestataire ».

    • Descartes dit :

      @ dsk

      [Sans doute. Mais je pense que la question n’est pas tant celle du « savoir » en général, que celle, plus précisément, des outils intellectuels permettant aux classes populaires de défendre efficacement leurs intérêts.]

      Tout à fait. Mon expression était réductrice. Il va de soi que les « savoirs » ne sont rien sans les instruments pour opérer sur eux.

      [Concrètement, par exemple, que peuvent-elles répondre à un membre éminent et diplômé des « classes moyennes » qui leur assénerait que la sortie de l’Euro serait « à l’évidence une pure folie, totalement démagogique de surcroît » ? Ou bien que « l’immigration, toutes les études le prouvent, est bénéfique pour l’emploi » ? Autrement dit, plutôt que de chercher simplement à le diffuser, ne faut-il pas surtout démystifier ce prétendu « savoir » des classes moyennes ?]

      Vous soulevez un point très intéressant, qui est celui de la dégradation intellectuelle des « classes moyennes » elles mêmes. Vous allez me trouver peut-être un peu trop libéral, mais j’y vois un des effets négatifs du monopole. Dès lors que les « classes moyennes » se sont assurées le monopole de la pensée, dès lors que l’idéologie qui défend leurs intérêts n’a pas de concurrent, elles n’ont plus aucune raison pour continuer à penser sérieusement et rigoureusement. L’influence des penseurs keynésiens a été un aiguillon puissant pour les néolibéraux, tout comme l’influence marxiste à l’université a stimulé les penseurs non-marxistes. Aujourd’hui, la « pensée unique » des classes moyennes étant incontestée, personne n’éprouve le besoin de réfléchir. On peut se contenter d’affirmations à l’emporte-pièce, comme celles que vous évoquez, voire de la pensée magique genre « l’Europe nous sauvera ».

      [En tout cas, il me semble que le seul endroit aujourd’hui où l’on trouve un électorat populaire politisé, c’est au FN. Ce ne peut donc être que là, à mon avis, qu’une telle formation peut avoir lieu.]

      Pour le moment, on ne voit pas le FN stimuler un véritable travail intellectuel en son sein, pas plus qu’il n’a constitué un appareil de formation politique digne de ce nom. Il est vrai que les périodes de transition, parce que ce sont des périodes de syncrétisme idéologique, se prêtent peu à ce genre de construction. Mais on verra ce que le futur apportera…

    • Marcailloux dit :

      @Descartes
      Bonjour,
      Pardonnez moi le retard “à l’allumage” car je suis en voyage actuellement……
      [… J’avoue que je ne saisis pas le rapport. Êtes-vous sur d’avoir compris ce qu’est la « dictature du prolétariat » ? Elle s’applique difficilement au fonctionnement d’un parti politique]
      Sans avoir votre expertise es marxisme, elle a,( la dictature du prolétariat) si je m’en réfère à Wikipédia, été organisée dans le cadre de la Société Universelle des Communistes Révolutionnaires pour laquelle des statuts ont été rédigés par K. Marx et F. Engels en 1850. Cela ne ressemble-t-il pas précisément à un parti politique (unique, ce qui caractérise entre autres la dictature).Les classes moyennes, quelque soit l’acception de ce terme, représentent de nombreux salariés qui produisent le capital et le font fructifier, des prolétaires donc, je ne vois pas comment effacer, d’un revers de manche, leur contribution à la création de la richesse nationale. Le problème de la rémunération qu’ils reçoivent en contrepartie de leur activité est un autre débat qui doit rentrer dans un contexte bien plus large de la mesure de la valeur contributive de chacun et celle des moyens et avantages qui lui sont accordés en contrepartie.

    • Descartes dit :

      @ marcailloux

      [Pardonnez moi le retard “à l’allumage” car je suis en voyage actuellement……]

      Heureux homme !

      [Sans avoir votre expertise es marxisme, elle a,( la dictature du prolétariat) si je m’en réfère à Wikipédia, été organisée dans le cadre de la Société Universelle des Communistes Révolutionnaires pour laquelle des statuts ont été rédigés par K. Marx et F. Engels en 1850.]

      Comment a-t-il pu être « organisée » au sein d’une « association » ? Ca veut dire quoi, que dans la « Société Universelle des Communistes Révolutionnaires » seuls les membres appartenant au prolétariat pouvaient voter ou occuper des postes dirigeants ? Vous faites une confusion : les statuts de la Société Universelle des Communistes Révolutionnaires proclame dans son premier article que « Le but de l’association est la déchéance de toutes les classes privilégiées, de soumettre ces classes à la dictature du prolétariat ». En d’autres termes, que l’objectif de la Société est d’établir la dictature du prolétariat dans société toute entière, et non « d’organiser » une telle dictature dans son propre cadre.

      L’article de Wikipédia explique assez bien en quoi consiste la « dictature du prolétariat ». Il s’agit d’une phase de transition entre le capitalisme et le communisme, entre une société divisé en classes et une société sans classes. Pour permettre cette transition, la seule classe à produire de la valeur doit pouvoir détenir la totalité du pouvoir, d’où le mot « dictature ». Mais il s’agit d’une dictature « de classe » et non d’une dictature d’individus. La « dictature du prolétariat » ne préjuge pas d’un régime politique donné. De la même manière que la démocratie censitaire était une « dictature de la bourgeoisie ».

      [Les classes moyennes, quelque soit l’acception de ce terme, représentent de nombreux salariés qui produisent le capital et le font fructifier, des prolétaires donc, je ne vois pas comment effacer, d’un revers de manche, leur contribution à la création de la richesse nationale.]

      Je vous rappelle que le propre du prolétaire n’est pas de produire de la valeur, mais de produire de la plusvalue. C’est précisement pour cette raison que j’ai adopté une définition des « classes moyennes » qui exclut la production de plusvalue, et donc leur appartenance au prolétariat. Par ailleurs, je ne comprends pas très bien ce que vous voulez dire quand vous écrivez que les salariés « produisent le capital et le font fructifier ».

      Personne ne conteste la contribution des « classes moyennes » à la création de la richesse nationale. La seule chose que je dis, c’est que les « classes moyennes » empochent la totalité de la richesse qu’elles créent. Alors que les prolétaires empochent moins, et la bourgeoisie plus.

      [Le problème de la rémunération qu’ils reçoivent en contrepartie de leur activité est un autre débat qui doit rentrer dans un contexte bien plus large de la mesure de la valeur contributive de chacun et celle des moyens et avantages qui lui sont accordés en contrepartie.]

      Pourquoi un « autre débat » ? Il me semble assez trivial de dire que les intérêts de tel ou tel groupe social dépendent étroitement du rapport entre la valeur qu’il crée et la valeur qu’il récupère… Si vous ne retenez que la première partie de l’équation, vous manquez l’essentiel. Après tout, quelle différence entre le PDG de Renault et le manœuvre. Tous deux travaillent, n’est ce pas ? La seule différence, c’est leur rémunération…

  17. Au fond pourquoi dénier au FN le rôle de représentant d’un corpus républicain, égalitariste, national, Colbertiste, Jacobin, anti-capitalisme financier, bref promoteur d’une révolution réactionnaire de progrès
    Ce qui compte n’est-ce pas de savoir si cette évolution est souhaitée -il semble que , confusément, ce soit oui-, si elle est viable politiquement, et économiquement, quels sont ses ressorts culturels …

    • Descartes dit :

      @ Gerard Couvert

      [Au fond pourquoi dénier au FN le rôle de représentant d’un corpus républicain, égalitariste, national, Colbertiste, Jacobin, anti-capitalisme financier, bref promoteur d’une révolution réactionnaire de progrès.]

      Parce que le FN a un passé. Et que ce passé n’est pas, c’est un euphémisme, reluisant. On peut donc se demander jusqu’à quel point le discours du FN « rénové » reste un discours électoral, et jusqu’à quel point ce discours est porté par un véritable « corpus » idéologique sous-jacent. Si vous prenez le temps de discuter avec des militants et des électeurs du FN – ce que j’essaye de faire régulièrement – vous pourrez observer que les choses ne sont pas claires. Dans certains cas, vous vous trouvez avec des gens qui ont un cadre idéologique qui mélange allégrement des idées « républicaines » avec un racisme « à l’ancienne », le Colbertisme avec l’ultralibéralisme, pour donner une chose assez difficile à qualifier. Alors que d’autres militants – souvent à l’adhésion récente, d’ailleurs – assument parfaitement la rupture idéologique entre « l’ancien » FN et le « nouveau ». Personnellement, je pense qu’on est dans un moment de changement et de confusion au FN, et qu’on verra dans les prochaines années si le FN reste dans une logique « attrape-tout » ou s’il deviendra un grand parti « populaire-conservateur ». Pour le moment, difficile de définir le « corpus » qu’il porte.

      [Ce qui compte n’est-ce pas de savoir si cette évolution est souhaitée -il semble que , confusément, ce soit oui-, si elle est viable politiquement, et économiquement, quels sont ses ressorts culturels …]

      Tout a fait. Vous noterez d’ailleurs que si le FN peut s’approprier le « corpus » auquel vous faites référence, c’est en grande partie parce qu’il est le seul à le revendiquer. Dans mes pérégrinations, j’ai trouvé pas mal de militants et de sympathisants FN qui y sont allés « à regret », constatant que leurs idées ne trouvaient écho dans aucun autre parti. Beaucoup d’entre eux, au cours de la discussion, me posent la question « et vous voudriez que j’aille où ? ». Et la vérité vraie, c’est que je n’ai pas de bonne réponse. Ou peut aller un jeune qui aujourd’hui veut défendre une vision colbertiste, nationale, jacobine ?

  18. bovard dit :

    [il faut répondre du mieux qu’on le peut dans les contraintes du présent aux besoins des travailleurs. On a réussi à faire beaucoup de belles choses dans la période 1945-1980, et pourtant on n’avait pas aboli le capitalisme que je sache.]C’est vrai,nous avons un capitalisme à+de % de collectivisme dans le PIB.Seul le Danemark est à notre niveau!
    L’adhérent du PCF que je suis ,s’en félicite.C’est le fruit de siècles et décennies d’effort,par des millions et des millions d’hexagonaux,et habitants des différents empires français ,venant de tous les horizons culturels,idéologiques…
    En plus les 35 ans qui nous séparent de 1980,n’ont pas été sans avancées.
    la CMU,les 35h,les lois sur le mariage pour tous,les lois léonetti,de fin de vie,celles en gestation sur l’enterrement civil.Le développement de l’enseignement pour tous.La modernisation du système de santé,qui est au top,le développement des maisons de retraite,les multiplications des services de l’économie sociale.
    La stimulante diversité culturelle qui génère un esprit trés affuté dans tous les domaines de l’activité humaine.D’ailleurs les Terriens ne s’y trompent pas qui font de cette surface,de 560000 km2,arpent hexagonal,de l’extrémité occidentale de l’europe,la zone la plus visitée de la planète où les touristes sont à +de40% que les habiatants.
    La France,notre pays,qui met des étoiles dans les yeux des gens partout dans le Monde,à l’écoute de ce mot;La France!!!!!
    Pourquoi ,cher Descartes le pessimisme est il si présent dans les commentaires de ce blog?
    La Positive attitude,nous permettrait d’atteindre la zénitude ?Ou c’est la perpétuelle insatisfaction,qui nous permet d’optimiser?
    Oui,cher Descartes,je vais oser la tentation de formuler ainsi: Pourquoi sommes nous si bons,en France?
    Peut être,parce qu’ailleurs,ils ont vraiment,beaucoup ,beaucoup de progrès à faire,ne croyez vous pas?
    Pourquoi nous arrive-t-il,de tomber dans le pessimisme et le misérabilisme de clichés?
    L’estime de soi ne mérite t elle pas d’être remis au goût du jour en France?
    Une fois remise au goũt de jour,l’auto-satisfaction nous entrainera-t-il vers la décadence?

    • Descartes dit :

      @ bovard

      [En plus les 35 ans qui nous séparent de 1980, n’ont pas été sans avancées.]

      Franchement, les avancées des trente-cinq dernières années ont été essentiellement cosmétiques. Vous pouvez compter quelques très rares avancées sociales, et surtout des changements sociétaux. Mais il n’est pas toujours évident de les qualifier de « avancées ». Ainsi, vous donnez l’exemple de la CMU. Mais la CMU n’est pas une « avancée ». C’est plutôt une manière de freiner le recul de la couverture sociale de certaines catégories. Parler de la CMU comme d’une « avancée », c’est un peu comme parler de l’expansion des effectifs de Pôle Emploi comme d’un « progrès ».

      [la CMU,les 35h,les lois sur le mariage pour tous, les lois léonetti, de fin de vie,celles en gestation sur l’enterrement civil.]

      Le « mariage pour tous » est une avancée ? Ah bon…
      Comme je vous l’ai dit, il est difficile de qualifier la CMU comme une « avancée ». Les 35 heures sont une « avancée » bien ambiguë, qui a profité essentiellement aux « classes moyennes ». Les lois Leonetti, quelque soit leur intérêt, n’a guère changé les pratiques : le « laisser mourir » se pratiquait dans les faits depuis des décennies sinon des siècles « dans le silence de la loi ». Quant aux « lois en gestation », j’ai du mal à considérer cela comme une « avancée ». J’attends de voir quand elles seront promulguées.

      [Le développement de l’enseignement pour tous.]

      Je ne vois pas à quoi vous faites allusion.

      [La France, notre pays, qui met des étoiles dans les yeux des gens partout dans le Monde, à l’écoute de ce mot, La France!!!!! Pourquoi, cher Descartes le pessimisme est il si présent dans les commentaires de ce blog?]

      Parce que, si on continue comme ça, il n’y aura bientôt plus de France pour mettre des étoiles dans les yeux des gens partout dans le monde. Je ne sais pas si vous avez remarqué, mais Alstom a été vendue aux américains, Alcatel aux suédois, Arcelor aux indiens, on a poussé Areva dans un trou et on est en train de faire la même chose avec EDF… quant à notre système scolaire, on est en train de faire ce qu’il faut pour que nos chères têtes blondes oublient leur histoire. Faut-il que je continue ? Combien de temps pensez-vous qu’on arrivera à « mettre des étoiles dans les yeux des gens partout dans le monde » si on laisse ainsi se dégrader notre capital intellectuel et social ?

      [La Positive attitude nous permettrait d’atteindre la zénitude ? Ou c’est la perpétuelle insatisfaction,qui nous permet d’optimiser?]

      Il y a certainement des drogues qui permettent de voir la vie couleur de rose. Personnellement, je m’en suis toujours méfié, qu’elles viennent de la pharmacopée ou de l’idéologie…

      [Oui, cher Descartes, je vais oser la tentation de formuler ainsi: Pourquoi sommes nous si bons,en France?]

      Avant de chercher l’explication, il faudrait établir le fait. Sommes-nous toujours aussi « bons » en France ? Ne sommes-nous pas en train de vivre sur le capital accumulé par nos prédécesseurs ? Juste pour vous donner un exemple : seriez-vous en mesure de me citer un seul « grand projet » lancé dans les dix dernières années, et qui puisse se comparer à Concorde, au programme électronucléaire, au TGV ?

      [Pourquoi nous arrive-t-il, de tomber dans le pessimisme et le misérabilisme de clichés? L’estime de soi ne mérite t elle pas d’être remis au goût du jour en France?]

      Non, s’il s’agit de se raconter des histoires pour occulter les réalités.

  19. Frederic_N dit :

    Re-Bonjour Monsieur
    (Monsieur est un signe de respect ). V
    ous me gratifiez d’une longue réponse et je vous en remercie. Je me vois obligé d’y répondre sur le fond mais brièvement. Je n’ai pas à détourner un blog consacré à une recherche que j’ai menée et tranchée il y a déjà trente ans.
    * La discussion sur égalité réelle en droit ou en fait date des débuts de l’ére moderne, et donc d’avant l’invention de la gauche ( qui signifie en fait partie gauche du parlement français). Elle est donc native pour la gauche française, et sera renforcée par sa conversion au marxisme.
    * La position de la défense du mérite est la position traditionnelle de la bourgeoisie montante pour prendre les termes de Marx, ou si vous préférez Weber ( comme moi) , c’est la voix de la Réforme.
    P S Un réformé vous dira qu’il est bon d’interdire la mendicité car il s’agit d’une dégradation de l’homme et – accessoirement – qu’il convient d’inciter les “pauvres” à se prendre en charge. Il n’y a donc pas lieu d’opposer une telle loi au principe de l’égalité en droits
    *** Maintenant et à l’évidence vous vous réclamez de ces valeurs fondamentales , ce dont je vous sais gré : le mérite, le travail, la responsabilité. Mais ces valeurs ne sont “aussi de gauche” que depuis la troisième République, et le courant moteur dans la gauche ouvrière a toujours été celui de l’égalité réelle ou “en fait” comme vous dites . Et c’est ce courant d’égalité réelle qui resurgit depuis 15 ans au PS
    **** Que vous soyez opposé à ce courant de pensée, que votre coeur se soulève devant l’utilisation faite aujourd’hui de Bourdieu dans l’école est évident à vous lire. Un bourdivin ne discute pas il assène ses vérités “scientifiques” et accessoirement intrigue pour que les malpensants soient sanctionnés professionnellement voire même par la justice. Mais vous ne pouvez pas éluder le fait que les Bourdieu, les Foucault, les Althusser sont issus en ligne directe de la gauche marxiste. Et que c’est à travers eux que la gauche réelle en vient aujourd’hui à rejeter les valeurs auxquelles vous êtes attaché. Ne pas le reconnaître c’est à coup sûr partir battu dans le combat que vous menez .
    Mais hélas, je préfère vous mettre en garde : vous n’avez pas – vous ou la fondation Jaurés, c’est tout comme – le quart du commencement du début d’une chance de gagner. Vous en êtes visiblement déjà convaincu
    Cela veut tout simplement dire que les valeurs que vous prônez sont des valeurs libérales, on dirait aujourd’hui de droite. Qu’elles nous ont été transmises malgré le procès biséculaire que l’immense majorité des intellectuels ont fait au libéralisme sur ces deux derniers siècles. Un procès qui s’avoisine plus à la lutte de l’obscurantisme contre la civilisation qu’autre chose
    Je conviens que dans votre tradition de pensée – que je connais très bien soit dit en passant – il soit très difficile d’effectuer un tel retour critique. Mais il vous revient de l’assumer . amicalement .

    • Descartes dit :

      @ Frederic_N

      [Re-Bonjour Monsieur (Monsieur est un signe de respect ).]

      Je vous en remercie.

      [* La discussion sur égalité réelle en droit ou en fait date des débuts de l’ére moderne, et donc d’avant l’invention de la gauche (qui signifie en fait partie gauche du parlement français). Elle est donc native pour la gauche française, et sera renforcée par sa conversion au marxisme.]

      Je ne suis pas sur de vous suivre. S’il est vrai que l’égalité en droit comme principe universel s’est formée entre le XVème et le XVIIIème siècle, au fur et à mesure qu’apparaît l’idée d’unité générale du genre humain, la discussion sur l’égalité en droit ou en fait dans un groupe restreint se retrouve depuis l’antiquité. Pensez à la réforme de Clisthène, fondée sur le principe d’isonomie (« règle d’égalité », en grec). La question de savoir si l’égalité devant la règle était suffisante alors même qu’elle laissait subsister des différences énormes selon la fortune s’était déjà posée dans le contexte classique.

      [* La position de la défense du mérite est la position traditionnelle de la bourgeoisie montante pour prendre les termes de Marx, ou si vous préférez Weber ( comme moi) , c’est la voix de la Réforme.]

      Oui et non. La défense du mérite plutôt que de la naissance est la position traditionnelle de toutes les classes montantes qui prétendent disputer la position d’une classe établie. Dès lors que la classe dominante appuie son pouvoir dans la transmission de positions acquises, la classe montante ne peut contester rationnellement cette domination qu’en remplaçant la légitimation par héritage par une légitimation présentée comme plus efficace. Et le mérite fournit une bonne réponse à cette nécessité. C’est pourquoi presque toutes les révolutions sont, au départ, méritocratiques. La Révolution anglaise du milieu du XVIIème siècle provoqua l’horreur parmi la noblesse en admettant dans la « new model army » des officiers au mérite, pendant que Cromwell affirmait préférer « un officier qui sait commander plutôt qu’un officier avec des plumes dans son chapeau ». La Révolution française fit de même, avec le recrutement par concours et l’affirmation que tous les postes publics sont ouverts à tous « sans autre limite que leurs talents ». Et la Révolution russe fit de même.

      Dire donc que la défense du mérite est « la position traditionnelle de la bourgeoisie montante » revient donc à prendre une partie pour le tout. Je dirais plutôt que la sélection au mérite est l’alternative traditionnelle à la sélection par la naissance. La « bourgeoisie montante » adopta le mérite pour pouvoir contester la naissance. Et dans notre société qui devient de plus en plus une société de « fils de », la revendication méritocratique est aussi « révolutionnaire » qu’elle pouvait l’être en 1789.

      [P S Un réformé vous dira qu’il est bon d’interdire la mendicité car il s’agit d’une dégradation de l’homme et – accessoirement – qu’il convient d’inciter les “pauvres” à se prendre en charge. Il n’y a donc pas lieu d’opposer une telle loi au principe de l’égalité en droits]

      Je n’ai pas très bien compris cette remarque. Quelque soit la justification qu’on utilise pour interdire la mendicité, il ne reste pas moins qu’une telle interdiction ne s’applique pas « réellement » à tous, même si en droit elle est égalitaire.

      [*** Maintenant et à l’évidence vous vous réclamez de ces valeurs fondamentales , ce dont je vous sais gré : le mérite, le travail, la responsabilité. Mais ces valeurs ne sont “aussi de gauche” que depuis la troisième République, et le courant moteur dans la gauche ouvrière a toujours été celui de l’égalité réelle ou “en fait” comme vous dites . Et c’est ce courant d’égalité réelle qui resurgit depuis 15 ans au PS]

      Deux remarques : la première est que vous semblez penser que l’idée de « égalité réelle » et celle de égalité « en fait » sont la même chose. Or, il y a une nuance importante. Très souvent, « l’égalité réelle » est conçue en termes d’égalité de résultats. Cette idée s’appuie sur la théorie selon laquelle il y a une unité absolue de l’espèce humaine, que tous les êtres humains sont en fait identiques. Soumis aux mêmes règles et aux mêmes contraintes, ils ne peuvent qu’aboutir aux mêmes résultats. En d’autres termes, s’ils n’aboutissent pas aux mêmes résultats, c’est parce qu’il y a une « inégalité » dans les règles et les contraintes auxquels ils sont soumis. Pour prendre un exemple, le fait qu’il y ait plus de chirurgiens de sexe masculin que de sexe féminin est considéré comme la preuve qu’il y aurait une « inégalité » dans la sélection des chirurgiens. Mais on peut se demander si, même si le processus de sélection était parfaitement égalitaire, il y aurait autant d’hommes que de femmes candidats au métier de chirurgien. Peut-on imaginer que, même en dehors de tout conditionnement inégalitaire, il puisse y avoir plus de femmes que d’hommes à vouloir embrasser telle ou telle profession ?

      C’est pourquoi je fais une différence entre « l’égalité réelle » – qui est rattachée au résultat – et l’égalité « de fait », qui est rattachée aux possibilités. Moi je veux vivre dans une société ou l’homme et la femme ont la même possibilité de devenir chirurgien, pas dans une société ou l’on trafique les règles jusqu’à obtenir que la moitié des chirurgiens appartienne à chaque sexe.

      Cela étant dit, je ne crois pas que « le courant moteur dans la gauche ouvrière ait été celui de l’égalité réelle ». Historiquement, ce serait l’égalité « de fait » qui est le plus souvent revendiquée par le mouvement ouvrier. Les mouvements politiques représentant les couches populaires – contrairement aux « classes moyennes » – n’ont jamais demandé qu’on abolisse examens et concours. Elles ont plutôt demandé qu’on donne aux enfants d’ouvriers les mêmes possibilités de s’y préparer.

      [Mais vous ne pouvez pas éluder le fait que les Bourdieu, les Foucault, les Althusser sont issus en ligne directe de la gauche marxiste.]

      Faut pas exagérer. Althusser est issu « en ligne directe de la gauche marxiste ». Mais ce n’est pas le cas de Foucault, dont l’œuvre ne montre guère d’influence marxiste, et dont les contacts avec les organisations « de la gauche marxiste » tiennent plus de son amitié avec Althusser – ils étaient condisciples à l’Ecole Normale – et à l’agitation des milieux intellectuels en mai 1968. Bourdieu, lui non plus, ne vient pas « en ligne directe de la gauche marxiste ». En fait, il « viendrait » plutôt de la « droite libérale », à l’image de Raymond Aron, qui fut son maître et son protecteur jusqu’à 1968.

      [Et que c’est à travers eux que la gauche réelle en vient aujourd’hui à rejeter les valeurs auxquelles vous êtes attaché. Ne pas le reconnaître c’est à coup sûr partir battu dans le combat que vous menez.]

      Mais… je pense être le premier à le « reconnaître ». Foucault comme Bourdieu ont beaucoup servi comme caution aux « classes moyennes » pour imposer leur idéologie. Le fait que la gauche bienpensante attaque depuis 1968 la même logique « méritocratique » qui lui a permis de prendre le pouvoir traduit en fait la transformation des « classes moyennes » : de « classe montante » elle est devenue « classe établie ». Aujourd’hui installée, elle entend transmettre sa position à ses enfants sans les soumettre à la concurrence des « méritants » venus d’en bas. Et elle se sert pour cela – paradoxe des paradoxes – du Bourdieu de « la distinction ». Car le discours bourdieusien est ouvert à l’ambiguité : affirmer que notre école « républicaine » tend à reproduire les différences sociales est une banalité. Dans une société inégalitaire comme la notre, il ne peut pas en être autrement : croyez-vous vraiment que ceux « d’en haut » laisseraient subsister une école qui menacerait leur positions ? Qui risquerait de mettre leurs enfants en concurrence avec ceux « d’en bas » ? Bien sur que non. Mais il ne reste pas moins que, inégalitaire comme elle est, notre école « républicaine » est plus égalitaire que toutes les alternatives.

      [Mais hélas, je préfère vous mettre en garde : vous n’avez pas – vous ou la fondation Jaurés, c’est tout comme – le quart du commencement du début d’une chance de gagner. Vous en êtes visiblement déjà convaincu.]

      Cela dépend ce qu’on appelle « gagner ». A court terme, certainement pas. A long terme… je reste convaincu que le futur nous appartient. Et quoi qu’il en soit, il y a des batailles qu’on s’honore à perdre.

      [Cela veut tout simplement dire que les valeurs que vous prônez sont des valeurs libérales, on dirait aujourd’hui de droite.]

      Libérales, oui. De droite, non. Ce sont au contraire des valeurs structurellement de gauche, du moins si l’on entend par « gauche » le parti du progrès. Elles ont été adoptées par les libéraux au temps des Lumières, quand le libéralisme était le courant révolutionnaire. Elles sont totalement rejetées par les « libéraux » d’aujourd’hui, devenus « de droite », qui ne croient plus au mérite mais au résultat – et en arrivent même à confondre les deux, ce qui n’est pas tout à fait la même chose. C’est ce mouvement qui crée un paradoxe apparent, mais qui n’en est pas un.

      [Je conviens que dans votre tradition de pensée – que je connais très bien soit dit en passant – il soit très difficile d’effectuer un tel retour critique. Mais il vous revient de l’assumer.]

      A condition de sortir du « marxisme vulgaire » et de regarder la chose avec perspective historique, je n’en vois pas la difficulté. Marx n’a jamais nié la valeur de l’héritage libéral. Il connaissait et admirait les penseurs libéraux, notamment David Ricardo, dont il a repris pas mal d’éléments.

  20. Brachet Alain dit :

    Je voulais répondre à votre commentaire du 30/4/15 au mien, du même jour. Mais cela ne marchant pas, je prends mon tour à nouveau au fil des interventions.
    Bien qu’ estimant à juste titre, comme je le disais d’ailleurs, que ma question: “que faire?” s’adressait plutôt à un leader de parti politique, je vous remercie de la réponse donnée. Attendre des jours meilleurs, se préparer en attendant en maintenant la pression, c’est à dire en conservant un esprit critique, des analyses actives dans le sens de garder des connaissances et de les avoir le moment venu sous la main. C’est peut-être ce que font de leur côté des partis politiques comme le PCF? Mais j’aimerais qu’ils le disent, plutôt que laisser les choses aller, en brassant du vent…Car les choses vont, et elles n’iront pas de la même manière, si les tenants de la “transformation sociale” (la révolution, pour moi) reste présente dans les esprits ou non.
    Ancien membre du PC, je ne peux me résoudre à ne rien faire (ou presque). D’où ma question. Je n’ai pu rester adhérent d’un parti dont je ne comprenais plus grand’chose. Persuadé comme vous qu’il faut maintenir vivace une certaine éducation politique populaire, j’avais tenté des approches du côté d’ATAC, du M’PEP…qui se proposent d’aller dans ce sens…Mais, malgré certaines idées partagées, j’ai vite découvert que je n’étais pas à ma place. Encore une fois: que faire? On ne peut pas rester l’arme au pied, il faut intégrer son combat aux “masses”…sinon ce seront d’autres avec d’auttres objectifs qui prendront le dessus…
    Je pense utile, de ce point de vue, de tenter une expérience (une nouvelle expérience) d’union, dont je ne vois pas d’autre nature, que celle qui réunirait couches populaires et moyennes: un Front de Gauche animé par des partis politiques se disant de “transformation sociale” et donnant l’impression de vouloir travailler ensemble (PC et PG). On n’en prend plus le chemin. Et ce qui se dessine me parait totalement en dehors de la plaque: un mouvement brownien d’organisations qui, si leurs objectifs témoignent d’une certaine opposition au capitalisme mortifère actuel, n’ont pas de liens fondamentaux, de volonté, pour travailler en commun à un objectif clair et partagé… Que faire, bon dieu, que faire?…

    • Descartes dit :

      @ Brachet Alain

      [Attendre des jours meilleurs, se préparer en attendant en maintenant la pression, c’est à dire en conservant un esprit critique, des analyses actives dans le sens de garder des connaissances et de les avoir le moment venu sous la main. C’est peut-être ce que font de leur côté des partis politiques comme le PCF?]

      Je ne crois pas. Quand je vois l’effort que consacre aujourd’hui le PCF – et chez les autres c’est pire – à la formation politique et intellectuelle de ses militants, je me dis que vraiment l’idée de former des esprits critiques et des connaissances est le cadet de leurs soucis. Quant aux « analyses actives »… quand on voit l’indigence des textes et des débats internes…

      [Ancien membre du PC, je ne peux me résoudre à ne rien faire (ou presque).]

      Nous sommes beaucoup dans ce cas. Et pourtant…

      [D’où ma question. Je n’ai pu rester adhérent d’un parti dont je ne comprenais plus grand’chose. Persuadé comme vous qu’il faut maintenir vivace une certaine éducation politique populaire, j’avais tenté des approches du côté d’ATAC, du M’PEP…qui se proposent d’aller dans ce sens…Mais, malgré certaines idées partagées, j’ai vite découvert que je n’étais pas à ma place. Encore une fois: que faire? On ne peut pas rester l’arme au pied, il faut intégrer son combat aux “masses”…sinon ce seront d’autres avec d’autres objectifs qui prendront le dessus…]

      Tout à fait. Mais j’avoue en toute honnêteté que je n’ai pas de réponse à votre question. Comme vous, je traîne aussi mon « mal-être » de débat en débat, d’organisation en organisation… sans trouver chaussure à mon pied. Et pourtant, je suis accommodant : je ne demande pas à être d’accord, je demande seulement que le débat, la confrontation, l’élaboration soit intéressante…

      [Je pense utile, de ce point de vue, de tenter une expérience (une nouvelle expérience) d’union, dont je ne vois pas d’autre nature, que celle qui réunirait couches populaires et moyennes:]

      A un moment ou les intérêts des couches populaires et des « classes moyennes » restent largement antagoniques, on voit mal par quelle magie une « union » pourrait les réunir…

  21. odp dit :

    @ Descartes

    Une autre réflexion sur les méfaits de votre défense “fanatique” du PCF du congrès de Tours à 1984. Je n’avais, avant de vous connaître, aucune culture “anticommuniste”. J’appartiens en effet à une génération (je suis né dans les années 70) qui a baigné dans une atmosphère plutôt favorable aux idées communistes, certes pas staliniennes, mais communistes, oui. D’anathème, nulle part autour de moi: c’était le temps de l’Union de la Gauche, de la victoire de Mitterrand, des Ministres communistes au gouvernement, de SOS Racisme et de la lutte “antifasciste”.

    Aussi, n’ayant longtemps eu que peu d’intérêt pour l’Histoire de France après 1918, je vivais nimbé dans l’atmosphère plutôt indulgente à l’égard du PCF que diffusait les manuels scolaires de l’époque ainsi que l’esprit du temps. J’ai même, voyez-vous, voté communiste en 1995, lors de mes premières élections présidentielles. Plus pour saluer un héritage que par conviction, mais tout de même. Les “méchants” de l’époque c’étaient les fascistes, les nazis, les collaborateurs; certainement pas les communistes français.

    Il a donc fallu que je vous rencontre pour que, réagissant à ce qui m’apparaissait comme des détournements manifestes de la vérité, je m’intéresse de plus près à l’histoire du PCF. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que ce que j’y trouvé est bien moins “joli” que ce que j’avais en tête. L’agitation antimilitariste des années 20, la fraternisation avec les ouvriers allemands lors de l’occupation de la Ruhr, la dénonciation de la “guerre impérialiste franco-anglaise” en 1940 et l’appel au sabotage de la production dans les usines d’armement lors du soutien à la Finlande; tout ça m’était inconnu et est inconnu du plus grand nombre. Je ne me s’y serais jamais intéressé si, par votre maximalisme, vous n’aviez piqué ma curiosité.

    D’une certaine façon, je dois vous remercier car cela m’a permis d’améliorer très sensiblement ma culture politique; mais pour ce qui est de la défense de votre “cause” (le PCF de 1921 à 1984), cela s’est avéré totalement improductif car je ressors de ces échanges bien plus méfiant à l’égard de l’idéal communiste que je n’y étais rentré. Limites de la “propagande”: trop visible, elle se retourne contre son émetteur.

    • Descartes dit :

      @ odp

      [Une autre réflexion sur les méfaits de votre défense “fanatique” du PCF du congrès de Tours à 1984.]

      Je ne pense pas avoir mérité l’adjectif « fanatique ». Je pense au contraire avoir fait la preuve de mon esprit critique envers le PCF. Et vous me donnez ici une occasion supplémentaire de le faire : je ne me souviens pas d’avoir « défendu » le PCF pour la période qui va du congrès de Tours au milieu des années 1930… la raison étant précisement que je suis assez critique sur les politiques suivies par le PCF à l’époque.

      [Je n’avais, avant de vous connaître, aucune culture “anticommuniste”. J’appartiens en effet à une génération (je suis né dans les années 70) qui a baigné dans une atmosphère plutôt favorable aux idées communistes, certes pas staliniennes, mais communistes, oui.]

      Je dirais plutôt que vous avez baigné dans la culture anticommuniste, au point qu’elle vous semble si naturelle que vous n’en avez pas conscience. Si vous êtes né dans les années 1970, cela veut dire que vous avez acquis l’usage de la Raison dans les années 1980. C’est-à-dire, pendant ce qu’on peut appeler le « deuxième McCarthysme français ». Que vous puissiez imaginer que cette période était « plutôt favorable aux idées communistes » montre à quel point l’anticommunisme est pour vous naturel.

      Quand à la subtile distinction entre « communiste » et « stalinien »… oui, bien sur. A partir de 1968 on a vu fleurir toutes sortes de figures et d’organisations prétendant représenter le « vrai » communisme, et dont le premier – et on pourrait dire l’unique – objectif était, mais c’était certainement une coïncidence, de taper sur la seule organisation « communiste » qui pouvait prétendre représenter la classe ouvrière. La plupart de ces figures et de ces partis ont ensuite, mais c’est là aussi certainement une coïncidence, alimenté les rangs des « sociaux libéraux » et des « néoconservateurs »…

      [Aussi, n’ayant longtemps eu que peu d’intérêt pour l’Histoire de France après 1918, je vivais nimbé dans l’atmosphère plutôt indulgente à l’égard du PCF que diffusait les manuels scolaires de l’époque ainsi que l’esprit du temps.]

      Dans les années 1980 les « manuels scolaires » diffusaient « une atmosphère plutôt indulgente à l’égard du PCF » ? Je crains que vous souffriez d’un cas sévère de mémoire reconstituée. Les années 1980 furent au contraire une période où, de la radio aux manuels scolaires, de la télévision au cinéma, on martelait au contraire le message « communisme=goulag ».

      [J’ai même, voyez-vous, voté communiste en 1995, lors de mes premières élections présidentielles.]

      En 1995 vous avez peut-être voté Robert Hue, à la rigueur PCF… mais vous n’avez pas voté « communiste ». Je trouve curieux que vous faites la différence entre « communistes » et « staliniens », mais pas entre « communistes » et « mutants »…

      [Plus pour saluer un héritage que par conviction, mais tout de même. Les “méchants” de l’époque c’étaient les fascistes, les nazis, les collaborateurs; certainement pas les communistes français.]
      Je commence à me demander si vous ne vous êtes pas rajeuni d’une décennie au moins. Dans les années 1980, celles de Reagan, Thatcher et Mitterrand, c’était bien les communistes qui étaient les « méchants ». Quand on monte des manipulations comme l’affaire « Fabien » ou celle dite « du bulldozer de Vitry », ce n’est pas contre le FN qu’on le fait. Les campagnes de Bernard-Henri Lévy ou de André Glucksman, elles visent bien les communistes. Quand Duras qualifie de « chiens » les dirigeants d’un parti politique, ce n’est pas du FN qu’elle parle, c’est du PCF. Avez-vous oublié l’époque où chaque « dissident » recevait un accueil enthousiaste, chaque communiste en délicatesse avec son parti avait tribune ouverte dans les médias ? Et pendant ce temps, on réélisait un président dont on savait les liens avec les collaborateurs…

      [Il a donc fallu que je vous rencontre pour que, réagissant à ce qui m’apparaissait comme des détournements manifestes de la vérité, je m’intéresse de plus près à l’histoire du PCF. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que ce que j’y trouvé est bien moins “joli” que ce que j’avais en tête.]

      Tiens, j’aimerais savoir quels ont les auteurs dans lesquels vous vous êtes plongé lorsque vous vous êtes « intéressé de plus près à l’histoire du PCF ». Simple curiosité.

      [D’une certaine façon, je dois vous remercier car cela m’a permis d’améliorer très sensiblement ma culture politique; mais pour ce qui est de la défense de votre “cause” (le PCF de 1921 à 1984), cela s’est avéré totalement improductif car je ressors de ces échanges bien plus méfiant à l’égard de l’idéal communiste que je n’y étais rentré. Limites de la “propagande”: trop visible, elle se retourne contre son émetteur.]

      Franchement, comme mon intention n’était nullement « propagandiste », cela me laisse un peu indifférent. Je ne me fais guère d’illusion sur la possibilité de changer les préjugés des gens, et si vous partiez de l’idée que les années 1980 l’idéologie ambiante et les « manuels scolaires » étaient « plutôt favorables » aux communistes, c’est que votre opinion était faite. Peut-être que nos échanges ont servi à vous montrer que votre anticommunisme « naturel » manquait d’assises solides, et qu’il était opportun d’aller chercher dans la littérature de quoi le soutenir. Vous êtes donc allé chercher les auteurs qui vous confirmeraient dans votre première opinion. J’en vois pour preuve le fait que lorsque vous vous êtes plongé « dans l’histoire du PCF » vous n’avez trouvé que du mauvais. En général, plus on s’intéresse à un sujet, et plus on découvre sa complexité, la difficulté de l’exprimer en termes manichéens. Dans votre cas, c’est l’inverse.

      J’en déduis que ce long plaidoyer fait partie de votre technique de terrorisme intellectuel. Ici, vous cherchez à me manipuler par la culpabilité, avec un discours du genre « c’est votre faute si je suis anticommuniste ». Malheureusement pour vous, je suis insensible à ce genre de discours. Si cela vous plait de ressembler au général « Buck » Turgidson, c’est votre affaire.

    • odp dit :

      @ Descartes

      Si pour vous refuser l’équivalence entre de Gaulle en Juin 40 et Thorez en Septembre 39 ou encore estimer que le soutien apporté par le PCF au Pacte Germano-soviétique fut une faute politique s’apparente à du terrorisme intellectuel, il est en effet difficile de continuer la conversation sur ce sujet. Je note quand même que vous dites avoir une appréciation assez critique du PCF mais refusez cette même critique quand c’est moi qui la formule.

      Ce qui m’amène à une autre réflexion: à vous lire, il semblerait que vous estimiez que la critique du stalinisme équivaut à une critique du communisme et/ou qu’il n’y ait pas de “vrai” communisme sans stalinisme. C’est la position classique des anticommunistes qui estiment que le totalitarisme est inscrit dans les gènes du communisme; c’est en revanche beaucoup plus original chez ceux qui se revendiquent encore de l’idéal communiste. Je peux comprendre, voire apprécier, une lecture “révisionniste” du stalinisme qui permette d’avoir une appréhension plus “équilibrée” des événements de la période. En revanche, vouloir en faire un horizon souhaitable, un programme politique, me paraît assez ahurissant, tant du point de vue théorique que celui de l’efficacité politique. Chercher, dans la France d’aujourd’hui, à mobiliser les masses pour faire la peau de millions de koulaks me paraît être un programme non seulement criminel mais totalement inaudible. C’est par ailleurs en contradiction complète avec le respect du légalisme et le rejet de la violence sur lequel vous avez insisté à plusieurs reprises dans ce blog. A moins que, sur ce sujet, votre pensée évolue et que vous pensiez que le temps est revenu de sortir le couteau du fourreau pour le mettre entre les dents…

      Je note à ce titre qu’à Nationaliste Jacobin qui évoque l’éventualité de rejoindre une OAS 2.0 pour retrouver une Nation “unie, souveraine et fidèle à sa civilisation…” (vaste programme contre-révolutionnaire entre-nous soit dit), vous ne cherchez pas à le dissuader mais répondez au contraire que “l’histoire nous jugera”; ce qui semble impliquer que vous vous associez, au moins en pensée, à ces velléités factieuses. Me trompe-je?

    • Descartes dit :

      @ odp

      [Si pour vous refuser l’équivalence entre de Gaulle en Juin 40 et Thorez en Septembre 39 ou encore estimer que le soutien apporté par le PCF au Pacte Germano-soviétique fut une faute politique s’apparente à du terrorisme intellectuel,]

      Pas du tout. Le « terrorisme intellectuel » se trouve dans la forme, et non dans le fond. Vous pouvez parfaitement refuser l’équivalence ou estimer que tel ou tel acte du PCF est une erreur. Mais lorsque vous écrivez que tous ceux qui ne seraient pas d’accord avec vous sont, au choix, des aveugles, des menteurs ou des suppôts du Mal, vous faites du terrorisme intellectuel. Encore une fois, c’est une question de forme, et non de fond.

      [Je note quand même que vous dites avoir une appréciation assez critique du PCF mais refusez cette même critique quand c’est moi qui la formule.]

      Peut-être parce quand ce vous qui la formulez, elle est toujours formulée sous la forme du terrorisme intellectuel, et que je n’accepte pas ce genre de méthodes.

      [Ce qui m’amène à une autre réflexion: à vous lire, il semblerait que vous estimiez que la critique du stalinisme équivaut à une critique du communisme et/ou qu’il n’y ait pas de “vrai” communisme sans stalinisme.]

      Je ne suis pas trop intéressé par ces querelles sur le fait de savoir ce que serait le « vrai » communisme et le « faux » communisme. Ces querelles sont issues en fait d’un abus de langage. Au sens strict, communisme, socialisme, capitalisme sont des modes de production. Ils ne préjugent nullement d’un régime politique. Nous avons connu des sociétés capitalistes et pourtant totalitaires, tout comme nous avons connu des sociétés socialistes et libérales.

      Maintenant, si l’on parle de « communisme » pour désigner autre chose qu’un mode de production, alors il faut définir exactement de quoi on parle. En France, quand on dit « communiste » dans le contexte du XXème siècle, tout le monde comprend qu’il s’agit de la branche du mouvement ouvrier qui passe par la séquence Marx-Lénine-Staline. Dans ce sens, les « vrais » communistes ont été historiquement staliniens, avant d’en faire la critique.

      [C’est la position classique des anticommunistes qui estiment que le totalitarisme est inscrit dans les gènes du communisme; c’est en revanche beaucoup plus original chez ceux qui se revendiquent encore de l’idéal communiste.]

      Mais je suis quelqu’un de très original… En l’espèce, vous avez mal compris ma position : je n’ai jamais dit que le totalitarisme soit « inscrit dans les gènes du communisme ». Un mode de production ne préjuge pas d’un régime politique. On a connu des capitalismes totalitaires, et personne pourtant ne soutient que les gènes du capitalisme soient pollués par le totalitarisme…

      [Je peux comprendre, voire apprécier, une lecture “révisionniste” du stalinisme qui permette d’avoir une appréhension plus “équilibrée” des événements de la période. En revanche, vouloir en faire un horizon souhaitable, un programme politique, me paraît assez ahurissant, tant du point de vue théorique que celui de l’efficacité politique.]

      Je ne comprends pas très bien de qui vous parlez, là. Personne, à ma connaissance, pas même ce qui reste de staliniens, ne prétend en faire un « horizon souhaitable ». Le stalinisme appartient à un lieu et à une époque, et c’est dans le contexte de ce lieu et de cette époque qu’il faut chercher à le comprendre. Croyez-vous vraiment que le communistes français aient jamais envisagé un régime « stalinien » en France ? Je vous recommande la lecture d’un ouvrage – maintenant relativement ancien – de François George, « Pour un dernier hommage au Camarade Staline ». Il explique bien la différence qu’il pouvait y avoir entre le fait d’être stalinien en URSS et le fait de l’être en France.

      Quant à moi, mon intérêt dans le stalinisme est celui de l’historien. Je suis trop jeune pour avoir connu cette époque, et même pour avoir été stalinien « de religion ». Lorsque je suis entré en politique, le « petit père des peuples » était déjà le mouton noir de la famille que tout le monde faisait semblant de ne pas connaître. Ce qui me fascinait, c’était de comprendre comment un homme qui fut l’objet d’un culte quasi-religieux avait pu en quelques années passer du statut de saint à celui de repoussoir. Et plus je lis sur lui, plus je trouve que la question est complexe. Mais je n’ai jamais cru qu’on pouvait puiser dans la pratique stalinienne des leçons pour faire de la politique en France.

      [Je note à ce titre qu’à Nationaliste Jacobin qui évoque l’éventualité de rejoindre une OAS 2.0 pour retrouver une Nation “unie, souveraine et fidèle à sa civilisation…” (vaste programme contre-révolutionnaire entre-nous soit dit), vous ne cherchez pas à le dissuader mais répondez au contraire que “l’histoire nous jugera”; ce qui semble impliquer que vous vous associez, au moins en pensée, à ces velléités factieuses. Me trompe-je?]

      Vous vous trompez. Doublement. D’abord, je ne crois pas que ce que propose NJ ait le moindre rapport avec une « OAS 2.0 ». En passant, vous donnez là encore un exemple de votre tendance à avoir recours au terrorisme intellectuel, ici par la voie de l’amalgame. Ensuite, parce qu’il n’y a là dedans rien de « factieux ». NJ parle de « violence », mais ne dit nulle part que cette violence doive être illégale. Je vous rappelle que si l’Etat détient le monopole de la violence légitime, cela ne l’interdit pas de l’utiliser. De même, je n’imagine pas que lorsqu’il parle de « omettre les droits de l’homme », il puisse parler des droits comme la liberté, la sûreté, la propriété ou la résistance à l’oppression. Je pense qu’il fait référence à la multiplication de « droits » plus ou moins loufoques voulue par l’idéologie droit-de-l’hommiste.

      J’ai peut-être mal compris, mais ce que j’ai vu dans la remarque de NJ c’est l’idée qu’on n’arrivera pas à retrouver une nation « unie, souveraine et fidèle à sa civilisation » par la persuasion gentillette façon bisounours. Et de ce point de vue, oui, je suis d’accord avec lui.

      Maintenant, je trouve assez révélateur que pour vous le programme de « retrouver une Nation unie, souveraine et fidèle à sa civilisation » soit un programme « contre-révolutionnaire ». Doit on comprendre que la « révolution » pour vous aboutit à une nation désunie, asservie et trahissant sa civilisation ? Pourriez-vous être plus explicite sur la « révolution » à laquelle l’idée d’une nation unie, souveraine et fidèle à sa civilisation est censée s’opposer ?

    • @ odp,

      “Je note à ce titre qu’à Nationaliste Jacobin qui évoque l’éventualité de rejoindre une OAS 2.0 pour retrouver une Nation “unie, souveraine et fidèle à sa civilisation…” (vaste programme contre-révolutionnaire entre-nous soit dit), vous ne cherchez pas à le dissuader”

      Je me permets d’intervenir, cher odp, car je vois que mes propos sont sujets à diverses interprétations et je souhaite clarifier les choses.

      D’abord sur la violence: la violence n’est peut-être pas souhaitable en soi, mais l’histoire est remplie de violence. On peut le regretter, mais la violence est un moyen, certes contestable, d’atteindre des objectifs politiques. A partir de 1792, les révolutionnaires français, par exemple, ont utilisé la violence. Je sais que beaucoup de gens (peut-être en êtes-vous) pensent qu’il s’agit là d’une dérive, orchestrée par des fanatiques criminels comme Robespierre. Pour ma part, je n’en crois rien, et d’ailleurs l’usage de cette violence n’a cessé de faire débat parmi les différentes factions révolutionnaires. Il y a des moments dans l’histoire où il faut choisir: accepter de disparaître ou lutter les armes à la main. Je vous renvoie aux paroles de la Marseillaise. Par ailleurs, si les anti-révolutionnaires l’avaient emporté, il y a fort à parier que la répression ferait couler de nos jours autant d’encre que la Terreur…

      Ensuite, il me semble que les révolutionnaires français ont toujours voulu créer une “nation unie et souveraine” et si certains se sont laissés aller à l’idée de faire table rase du passé, il faut reconnaître que leurs héritiers de la III° République ont compris que l’histoire et la civilisation françaises formaient un tout, et se sont attelés à diffuser une image syncrétique de l’histoire nationale, faisant toute sa place aux grandes figures de la période monarchique. Et, à ma connaissance, on n’a pas cessé de lire Ronsard, Bossuet, Molière ou Racine sous le prétexte qu’ils étaient bien vus par la monarchie…

      Ensuite, le refus systématique de la violence n’est pas une bonne chose, à mon avis, car cela conduit parfois à des violences plus grandes encore. Quelques exemples:
      1) Nous avons refusé d’intervenir militairement lorsque Hitler a remilitarisé la Rhénanie ou envahi la Tchécoslovaquie. On connaît la suite…
      2) On a empêché Kadhafi de massacrer ses ennemis à Benghazi. Depuis, le chaos s’est installé en Libye, les Libyens s’entre-tuent ou fuient leur pays avec le risque de mourir en Méditerranée. Pensez-vous que les vies sauvées lors de notre intervention militaire sont plus nombreuses que les vies sacrifiées du fait des conséquences de cette intervention?
      3) On a voulu soutenir et armer (mais pas trop) les rebelles syriens pour empêcher qu’Al-Assad massacre des milliers d’opposants. Bilan: nous en sommes à des centaines de milliers de morts et des millions de déplacés.

      C’est sans doute choquant, mais, après tout, si des opérations musclées étaient menées dans un certain nombre de “quartiers”, et qu’à la première tentative d’émeute, on mitraillait sans états d’âme les jeunes agités, il se pourrait bien que certains y réfléchissent à deux fois avant de défier la police…

      Enfin, je voudrais faire une remarque sur le terme “OAS 2.0” que vous employez. Je trouve intéressant que vous usiez de ce sigle. Je crois me rappeler que l’OAS regroupait des colons français partisans du maintien de l’Algérie française. Vous sous-entendez par conséquent que je suis un “colon” sur la terre de France alors que mes ancêtres y sont présents depuis bien plus longtemps que les “indigènes” musulmans. Vous inversez les rôles: ici, nous ne sommes pas en Algérie, ici c’est moi l’autochtone qui se sent menacé (à tort ou à raison, c’est un autre débat) par l’implantation de populations étrangères. Dans ces conditions, ne faudrait-il pas parler de “FLN 2.0”? Vous semblez condamner la violence de l’OAS, j’aimerais que vous nous disiez ce que vous pensez de celle du FLN. Quoi qu’il en soit, je trouve votre choix sémantique très révélateur…

    • Descartes dit :

      @ nationalistejacobin

      [Enfin, je voudrais faire une remarque sur le terme “OAS 2.0” que vous employez. Je trouve intéressant que vous usiez de ce sigle. Je crois me rappeler que l’OAS regroupait des colons français partisans du maintien de l’Algérie française. Vous sous-entendez par conséquent que je suis un “colon” sur la terre de France alors que mes ancêtres y sont présents depuis bien plus longtemps que les “indigènes” musulmans. Vous inversez les rôles: ici, nous ne sommes pas en Algérie, ici c’est moi l’autochtone qui se sent menacé (à tort ou à raison, c’est un autre débat) par l’implantation de populations étrangères. Dans ces conditions, ne faudrait-il pas parler de “FLN 2.0”?]

      Chapeau bas ! J’avoue que je n’avais pas perçu ce paradoxe en lisant le texte d’ODP. Mais vous avez parfaitement raison. Il est intéressant de se demander pourquoi ceux qui en leur temps avaient justifié l’expulsion des « colons » au nom du droit des « autochtones » aujourd’hui récusent avec horreur le droit des « autochtones » d’imposer des restrictions aux « colons »…

    • odp dit :

      @ NJ, Descartes

      Tout d’abord une petite précision: Descartes, tout à sa diabolisation, m’accuse de terrorisme intellectuel quand j’assimilais vos projets à ceux de l’OAS en indiquant que “nulle part vous ne dîtes que cette violence doive être illégale”. Je me permets de lui faire remarquer que, ce dont vous parlez, c’est de “prendre les armes” contre les “musulmans” parce que les “moyens légaux” sont “insuffisants”. On est donc bien loin, d’une utilisation un peu plus ferme de l’appareil d’Etat pour imposer des “restrictions” aux “colons”.

      De fait, peut-être que ma métaphore OAS 2.0 n’était pas parfaite, mais elle avait tout de même le mérite de mettre en avant le côté factieux du projet ainsi que d’en souligner les cibles communes (les “musulmans”). A la réflexion, néanmoins, il est vrai que Cagoule 2.0 aurait probablement été plus pertinent, car tout aussi factieux mais focalisé sur l’ennemi de l’intérieur: hier le communiste et le juif, aujourd’hui le musulman et le gauchiste.

      Ce qui m’amène à développer un autre sujet que Descartes avait également contesté: celui de l’assimilation de votre souhait de restaurer une “nation unie, souveraine et fidèle à sa civilisation” à une démarche typiquement contre-révolutionnaire.

      Pour tout dire, cela ma paraît assez évident. En effet, que reprochaient les contre-révolutionnaires et plus particulièrement l’Action Française à la Révolution? Bien évidemment d’avoir tourné le dos à la “civilisation française” telle que l’incarnaient les classiques (il est intéressant de noter que Maurras commence sa carrière comme critique littéraire) mais surtout d’avoir créé un fossé au sein de la Nation, de l’avoir désunie en décapitant son Roi qui en était le trait d’union et le garant pour le remplacer par le “règne des partis” et de la “démocrassouille”. Plus généralement, mêlant la critique culturelle et politique, ils estimaient que l’accouchement de l’individu moderne par la Révolution sonnait le glas de la Nation, comme l’avait d’ailleurs illustré l’Affaire Dreyfus, où, pour le salut d’un seul (Dreyfus), on avait été prêt à scarifier le tout (l’Armée). Je m’arrête là, mais vous voyez le raisonnement. Rien que vous ne puissiez réellement renier.

      L’autre point de convergence entre vos positions et celles des tenants du nationalisme intégral, c’est évidemment l’obsession de l’Unité (je remarque par exemple que ce dossier est le plus fourni de votre Blog); avec les mêmes conséquences: la recherche éperdue de l’épuration d’un corps social jamais homogène. Hier les 4 confédérés, aujourd’hui, les musulmans et les “collabos”.

      Il serait donc temps, à mon avis, d’assumer et de retirer le qualificatif de de Républicain de vos références: c’est un aimable cache-sexe, mais il est vide de sens. Quant à vos développements sur l’opportunité de l’usage de la violence dans l’Histoire, je commencerai par vous poser une question: que voulez-vous vraiment faire les armes à la main? Tirer dans le tas à la sortie d’une mosquée? Par ailleurs, les guerres civiles accouchent rarement d’une Nation plus forte; c’est même 9 fois sur 10 le meilleur moyen d’un affaiblissement profond et durable.

    • Descartes dit :

      @ odp

      [Tout d’abord une petite précision: Descartes, tout à sa diabolisation, m’accuse de terrorisme intellectuel quand j’assimilais vos projets à ceux de l’OAS en indiquant que “nulle part vous ne dîtes que cette violence doive être illégale”. Je me permets de lui faire remarquer que, ce dont vous parlez, c’est de “prendre les armes” contre les “musulmans” parce que les “moyens légaux” sont “insuffisants”. On est donc bien loin, d’une utilisation un peu plus ferme de l’appareil d’Etat pour imposer des “restrictions” aux “colons”.]

      Arrêtez de nous prendre pour des imbéciles. Je viens de vérifier : l’expression « prendre les armes », que vous mettez entre guillemets – ce qui suppose une citation – ne figure nulle part dans les commentaires de ce blog. Pas plus que l’expression « moyens légaux ». Ici, vous ajoutez au terrorisme intellectuel et à l’amalgame l’invention pure et simple. Je vous le dis, je trouve ce genre de méthodes détestable.

      [Ce qui m’amène à développer un autre sujet que Descartes avait également contesté: celui de l’assimilation de votre souhait de restaurer une “nation unie, souveraine et fidèle à sa civilisation” à une démarche typiquement contre-révolutionnaire.]

      Je n’ai rien « contesté » du tout. Je me suis demandé à quelle « révolution » vous faisiez référence. Vouloir une « nation unie, souveraine et fidèle à sa civilisation » paraît assez conforme aux objectifs proclamés de al Révolution française. C’est donc une autre révolution que vous avez en tête. La « Révolution de 1968 », peut-être ?

      [Pour tout dire, cela ma paraît assez évident. En effet, que reprochaient les contre-révolutionnaires et plus particulièrement l’Action Française à la Révolution? Bien évidemment d’avoir tourné le dos à la “civilisation française” telle que l’incarnaient les classiques]

      Pourriez-vous citer un texte précis ou l’Action Française aurait formulé ce reproche ?

      [(…) mais surtout d’avoir créé un fossé au sein de la Nation, de l’avoir désunie en décapitant son Roi qui en était le trait d’union et le garant pour le remplacer par le “règne des partis” et de la “démocrassouille”.]

      J’en doute. Je ne me souviens pas que l’Action Française ait montré la moindre préoccupation pour la « Nation », terme honni qui justement lui rappelait trop la Révolution française. Je crois me souvenir que l’AF a reproché à la Révolution d’avoir divisé « la Patrie », mais « la Nation » ? Non, je ne le pense pas…

      [Plus généralement, mêlant la critique culturelle et politique, ils estimaient que l’accouchement de l’individu moderne par la Révolution sonnait le glas de la Nation,]

      Je crois que vous confondez « Nation » et « Patrie »…

    • @ odp, cher ami même, n’ayons pas peur des mots, car nous nous connaissons bien maintenant,

      “De fait, peut-être que ma métaphore OAS 2.0 n’était pas parfaite, mais elle avait tout de même le mérite de mettre en avant le côté factieux du projet ainsi que d’en souligner les cibles communes (les “musulmans”).”
      Si vous le dites. Mais j’aimerais qu’on parle du FLN, s’il vous plaît. Je réitère ma question: la violence pratiquée par le FLN à l’encontre des colons et des “collabos” vous paraît-elle légitime? Votre réponse m’intéresse beaucoup, et je dois vous avouer que je suis un peu déçu de ne pas avoir votre avis.

      “A la réflexion, néanmoins, il est vrai que Cagoule 2.0 aurait probablement été plus pertinent, car tout aussi factieux mais focalisé sur l’ennemi de l’intérieur: hier le communiste et le juif, aujourd’hui le musulman et le gauchiste.”
      Je ne comprends pas bien où vous voulez en venir. En me comparant à un cagoulard, et peut-être demain à un franciste, à un maurrassien, à un pétainiste voire à un nazi, qu’espérez-vous montrer? Que je suis dangereux? Que je suis une ordure, le dernier avatar de la Bête immonde? Mais, mon bon ami, ce n’est pas moi qui ai mitraillé Charb et cie, ce n’est pas moi qui cherche sans cesse l’épreuve de force avec les lois de la République, avec la laïcité, ce n’est pas moi qui remet en cause le mode de vie et les habitudes françaises. Et je puis vous l’affirmer: si vous me croisiez dans la rue, vous seriez bien incapable de deviner mes convictions politiques ou religieuses. Je vous inquiète m’avez-vous dit, mais je ne fais que réagir face à des gens qui envahissent l’espace public avec leur identité religieuse, leur origine nationale, leur mémoire vindicative. Vous me parlez de “cagoule”, eh bien, que pensez-vous des enfoulardées dont le nombre a progressé de manière exponentielle en 20 ans? Vous me faites de la peine, cher odp. Si, si. Je n’ai tué personne. Kelkal, Kouachi, Coulibaly, si. Et pourtant, vous préférez me combattre. De nombreux jeunes musulmans tiennent des propos haineux vis-à-vis de la France, voire des “blancs”, mais c’est moi que vous traitez de factieux et de facho. Très bien, vous avez choisi votre camp, et c’est votre droit.

      Moi je ne fais que constater: aujourd’hui, dans les banlieues, des armes de guerre circulent en toute quiétude. Ces armes, on l’a vu, peuvent tomber entre les mains d’islamistes. Cela ne vous inquiète pas le moins du monde. Non, ce qui est vraiment grave, c’est qu’un modeste blogueur s’inquiète et se demande s’il ne serait pas légitime de s’armer pour se défendre contre les fous d’Allah. Sur mon blog, j’ai en effet écrit qu’une guerre civile était selon moi possible. Je n’ai jamais dit que c’était souhaitable, ni que je comptais la déclencher. Maintenant oui, il est vrai que je serais disposé à me battre pour défendre ce que je crois être la France. Mais je ne pense pas avoir appelé à renverser le gouvernement.

      “Pour tout dire, cela ma paraît assez évident.”
      Eh bien ça ne l’est pas. Je me contenterai de vous rappeler la devise de la République de 1792: “Unité, Indivisibilité de la République, Liberté, Egalité, Fraternité ou la Mort”. Tout y est: la nation unie, souveraine (“liberté” s’applique aussi à la nation) et même la référence à la violence. Alors, convaincu?

      Pour le reste, que vous dire? D’abord que je ne regrette pas l’époque des rois, que je ne suis pas hostile à la démocratie. Je constate simplement qu’il est difficile aujourd’hui de défendre la civilisation française sans être taxé de maurrassien ou de cagoulard, comme vous l’avez remarquablement démontré. Ensuite, ma vision de la France est une vision syncrétique: je prends l’héritage de la monarchie, de François 1er à Louis XIV en passant par Richelieu (je sais que Descartes nourrit une secrète admiration pour le cardinal), de la Révolution, de l’Empire (Napoléon 1er et Napoléon III, comme Philippe Séguin, j’aime assez le deuxième), de la République, surtout la III° et le début de la V°. Je vais être honnête: ma loyauté envers la République n’est pas inconditionnelle, je suis républicain tant que la République garantit la grandeur de la France et veille à pérenniser sa civilisation. Il est vrai que j’ai l’impression que la République, en ce début de XXI° siècle, tend à s’éloigner de ce qui est pour moi sa mission sacrée.

      “Il serait donc temps, à mon avis, d’assumer et de retirer le qualificatif de de Républicain de vos références: c’est un aimable cache-sexe, mais il est vide de sens.”
      Là encore, ce que vous dites me peine sincèrement, mon ami. Nous avons déjà eu ce débat et je vous réponds la même chose: vous n’avez pas le monopole de la République, et en effet, je défends une conception de la République plus dure, plus autoritaire, moins tolérante et moins conciliante sans doute, plus nationaliste aussi (m’enfin, ça paraît évident non?). Et après? La tristesse m’accable de lire que vous m’accusez d’avancer masqué, de ne pas assumer mes idées. On peut me reprocher énormément de choses, et je suis prêt à entendre la critique, mais je pense m’être toujours efforcé d’être honnête, d’avoir mis sur la table les problèmes qui me paraissent importants. Aucun lecteur de mon blog, aucun commentateur de ce blog ni Descartes lui même, personne ne peut nier que je n’ai jamais caché mon islamophobie, mon hostilité à l’immigration, au multiculturalisme, mon attachement à une certaine vision “traditionnelle”, et un peu passéiste j’en conviens, de la France. Vous donnez l’impression de découvrir mes idées, cela m’étonne beaucoup de votre part.

      “c’est évidemment l’obsession de l’Unité”
      Oui, je suis obsédé par l’Unité. Un mot qui apparaît d’ailleurs dans la devise républicaine de 1792. Mais il me vient une idée: et si cette devise avait été rédigée par des maurrassiens et des cagoulards?

      “que voulez-vous vraiment faire les armes à la main?”
      Tout d’abord, je prendrais le contrôle du trafic de drogue dans ma ville, car mon traitement de fonctionnaire de l’Education Nationale me semble un peu faible, vu que le point d’indice est gelé.
      Ensuite, je compte exiger des faveurs sexuelles des jolies femmes qui, en temps normal me les refus… Ah ma femme ne semble pas d’accord.
      Et après, je ne sais pas. Peut-être que j’obligerais les enfoulardées à faire le tour de la ZUP à poil en courant. Ou bien j’rais au resto sans payer.

      Trêve de fantasme et de plaisanterie. Vous me confondez avec un terroriste cher ami. Si je devais prendre les armes, ce serait pour mener des opérations militaires: contrôler le terrain, les communications, neutraliser les forces de l’ordre, s’emparer des lieux de pouvoir; Les islamistes veulent la terreur. Moi, si toutefois j’avais des armes et la volonté de m’en servir, je pense que j’essaierai de prendre le pouvoir.

      “Par ailleurs, les guerres civiles accouchent rarement d’une Nation plus forte; c’est même 9 fois sur 10 le meilleur moyen d’un affaiblissement profond et durable.”
      Vous avez entendu parler de la guerre de sécession? Même un épouvantable dictateur comme Franco a mis fin à l’instabilité chronique que l’Espagne connaissait depuis le XIX° siècle. Et que dire de Napoléon qui récupère un pays ravagé par plusieurs années de guerre civile et qui va pourtant dominer l’Europe pendant 15 ans. Voulez-vous que je continue?

    • odp dit :

      @ Descartes

      Il y a, me semble-t-il, un malentendu.

      J’ai, dès le début, fait allusion, à travers la citation “nation unie, souveraine et fidèle à sa civilisation”, au texte, intitulé “Il faut savoir s’arrêter”, que NJ a publié sur son blog et que vous avez longuement commenté. C’est dans ce texte que NJ parle de “prendre les armes” contre les “musulmans” parce que les moyens “légaux” sont “insuffisants”. Nulle invention de ma part donc; mais peut être une lecture un peu trop rapide de la vôtre…

      Quant à l’Action Française et la Nation, c’est un peu comme le Port Salut, c’est écrit dessus: théoriciens du Nationalisme Intégral, il est clair que la Nation (et son Unité) se situe au coeur de leurs préoccupations. Et contrairement à ce que vous dites, cela n’a rien à voir avec le patriotisme ou un ethnicisme quelconque. Maurras est un héritier de Renan et de Taine et pense la Nation en termes politiques. J’avais déjà constaté que votre compréhension du phénomène AF n’était pas à la hauteur du reste de votre imposant bagage; cela se confirme. C’est un peu dommage, car non seulement l’influence de ce mouvement sur la vie politique et intellectuelle française fut, pendant près de 40 ans, considérable, mais en plus quand on se penche dessus on est souvent bien surpris parce qu’on y découvre. Je ne saurai donc que trop vous conseiller de combler cette lacune en lisant le livre de François Huguenin ou celui, plus ancien, d’Eugen Weber. Vous pouvez aussi commencer par la notice Wikipédia sur le Nationalisme Intégrale qui est assez bien faite. http://fr.wikipedia.org/wiki/Nationalisme_int%C3%A9gral

    • Descartes dit :

      @ nationalistejacobin

      [Je ne comprends pas bien où vous voulez en venir. En me comparant à un cagoulard, et peut-être demain à un franciste, à un maurrassien, à un pétainiste voire à un nazi, qu’espérez-vous montrer? Que je suis dangereux? Que je suis une ordure, le dernier avatar de la Bête immonde? Mais, mon bon ami, ce n’est pas moi qui ai mitraillé Charb et cie, (…)]

      Même si vous vous adressez à ODP, je me permets de glisser une remarque. Vous soulevez ici un point que j’avais noté dans mon papier sur la manifestation du 11 janvier. Pendant des longues années, la gauche a pensé que si un jour quelqu’un mettait le feu à « Charlie », ce serait l’extrême droite, les militaires, la police, « les riches ». C’est peut-être pour cela que le massacre de l’équipe de « Charlie » a autant choqué : l’attaque est venue de là où on ne l’attendait pas. Cabu n’a pas été assassiné par ceux qu’il a ridiculisé pendant trois décennies, il a été assassiné par ceux au contraire qu’il voulait défendre, ceux vers qui allaient ses sympathies.

      Alors, la question se pose : ou sont aujourd’hui les « séditieux » ? Qui menace aujourd’hui la République et ses libertés ? Au risque de déplaire, je me risquerais à dire que les gens comme nationalistejacobin arrivent assez loin dans la liste.

      [(…) je prends l’héritage de la monarchie, de François 1er à Louis XIV en passant par Richelieu (je sais que Descartes nourrit une secrète admiration pour le cardinal),]

      Pourquoi dites vous « secrète » ? Franchement, peut-on lire le « testament politique » du Cardinal et ne pas l’admirer ?

    • Descartes dit :

      @ odp

      [J’ai, dès le début, fait allusion, à travers la citation “nation unie, souveraine et fidèle à sa civilisation”, au texte, intitulé “Il faut savoir s’arrêter”, que NJ a publié sur son blog et que vous avez longuement commenté. C’est dans ce texte que NJ parle de “prendre les armes” contre les “musulmans” parce que les moyens “légaux” sont “insuffisants”. Nulle invention de ma part donc; mais peut être une lecture un peu trop rapide de la vôtre…]

      Et en plus vous avez le culot de me reprocher « une lecture un peu trop rapide » ? Vous discutez trop souvent avec des gens doués de pouvoirs magiques, et du coup vous oubliez que nous, pauvres mortels, n’avons pas le don de double vue. La formule « nation unie, souveraine et fidèle à sa civilisation » figure dans le commentaire que nationalistejacobin a publié sur ce blog. Comme c’est à ce commentaire que vous avez répondu, n’importe quelle personne normalement constituée se dit que c’est ce texte-là que vous êtes en train de discuter. Que voulez-vous, je ne suis pas disciple de madame soleil, et je ne lis pas dans vos pensées.

      Par ailleurs, si quelqu’un se rend coupable d’une « lecture rapide » c’est vous. Voici la phrase incriminée. Nationalistejacobin écrit : « Faut-il envisager de prendre les armes pour contraindre les musulmans à cesser de nous provoquer avec leur religion ? ». D’abord, vous noterez le mode interrogatif, alors que vous lui attribuez une affirmation. Ensuite, vous l’accusez d’appeler à « prendre les armes contre les musulmans », alors que dans le texte il s’agit de « prendre les armes » non contre les musulmans en général, mais seulement contre ceux qui voudraient « nous provoquer avec leur religion ». Et finalement, nulle part il n’est fait allusion au fait que les « moyens légaux » seraient « insuffisants », ces mots – que vous mettez entre guillemets, notez-le bien – ne figurant nulle part dans l’article que vous citez. Il y a donc bien « invention » de votre part, et non « mauvaise lecture » de la mienne…

      [Quant à l’Action Française et la Nation, c’est un peu comme le Port Salut, c’est écrit dessus: théoriciens du Nationalisme Intégral, il est clair que la Nation (et son Unité) se situe au coeur de leurs préoccupations.]

      Au contraire, rien de « clair » là dedans. Vous cédez ici à la magie des mots, confondant « nationalisme » et Nation. Je vous rappelle que cette discussion partait de votre affirmation selon laquelle l’Action française aurait eu pour soucis « l’unité de la Nation ». Le problème est précisément que la doctrine du « nationalisme intégral », posée par Maurras et reprise par l’Action Française, est un « nationalisme sans Nation » pour reprendre la formule de Slama. Le « nationalisme intégral » est bâti sur l’idée que la Révolution française aurait sacrifié le concept de « patriotisme » en érigeant la Nation en source de toute souveraineté. Le « nationalisme intégral » n’est pas une doctrine de la Nation, mais une doctrine contre la Nation.

      [Et contrairement à ce que vous dites, cela n’a rien à voir avec le patriotisme ou un ethnicisme quelconque.]

      Je vous mets au défi d’indiquer ou j’aurais parlé de « ethnicisme ». Encore une de vos inventions…

      [Maurras est un héritier de Renan et de Taine et pense la Nation en termes politiques. J’avais déjà constaté que votre compréhension du phénomène AF n’était pas à la hauteur du reste de votre imposant bagage; cela se confirme.]

      L’attaque ad hominem ne constitue pas un argument.

      [Je ne saurai donc que trop vous conseiller de combler cette lacune en lisant le livre de François Huguenin ou celui, plus ancien, d’Eugen Weber. Vous pouvez aussi commencer par la notice Wikipédia sur le Nationalisme Intégrale qui est assez bien faite. http://fr.wikipedia.org/wiki/Nationalisme_int%C3%A9gr%5D

      Vraiment ? C’est très drôle…parce que la « notice » en question vous contredit. Je cite la notice : « Le nationalisme intégral a pour ambition d’être une doctrine contre-révolutionnaire, assurant la cohésion de la France et sa grandeur. Elle part d’un mot d’ordre, « Politique d’abord », d’un postulat, le PATRIOTISME, que la Révolution aurait effacé au profit du nationalisme (…) » (c’est moi qui souligne). Je vous rappelle votre affirmation : « Et contrairement à ce que vous dites, cela [la doctrine de l’AF] n’a rien à voir avec le PATRIOTISME (…) ». QED…

    • odp dit :

      @ Descartes

      Sur la confusion effectuée entre le texte de NJ sur son blog et ses commentaires sur le vôtre, je vous dois raison: j’ai été insuffisamment clair ; je dirai même plus: tout dans mes propos prêtait au malentendu. Toutes mes excuses donc. En revanche, sur le fond, je suis au regret de devoir réitérer mon effronterie: vous avez probablement lu un peu vite le texte de ce cher NJ. Je le cite : « Pourquoi ne pas adhérer au FN me direz-vous? Pour deux raisons. La première (…) est que je doute qu’il obtienne un jour la majorité à une présidentielle. La deuxième est bien plus terrible: (…) le FN a fait le choix dès l’origine de mener un combat légal. Or on est en droit de se demander si la civilisation française peut être sauvée légalement. J’en viens donc à la deuxième possibilité : (…) l’activisme violent ». Si ce n’est pas assez clair pour vous, je ne sais quoi faire de plus.

      Quant à la place de la Nation dans la pensée de l’Action Française, vous faites, de mes propos, un contre-emploi. Bien sûr qu’une doctrine d’essence monarchiste s’oppose à l’acception révolutionnaire de la Nation comme expression de la volonté populaire. En revanche, comme je l’indiquais, le concept de nation comme communauté de destin et de symboles est le cœur de la pensée de l’AF. Il se détache d’ailleurs du simple patriotisme (qui est à la fois territorial et biologique) puisqu’il s’agit de défendre la culture française (qui est un classicisme) contre l’Ennemi de l’intérieur qui cherche à la dévoyer. Comme je l’ai également dit, le combat de l’AF commence par un combat culturel. Je cite Maurras : « Patriotisme s’est toujours dit de la piété envers le sol national, la terre des ancêtres et, par extension, le territoire historique d’un peuple. Nationalisme s’applique plutôt qu’à la Terre des Pères, aux Pères eux-mêmes, à leurs œuvres, à leur héritage moral et spirituel, plus encore que matériel. Le nationalisme est la sauvegarde due à tous ces trésors qui peuvent être menacés sans qu’une armée étrangère ait passé la frontière. Il défend la nation contre l’Etranger de l’intérieur. »

      Du temps de Maurras, l’Etranger de l’intérieur était le Juif, le Protestant, le Franc-Maçon et le Métèque ; dans la vision de NJ c’est le Musulman, le Gauchiste et le Bobo. Comme je l’ai dit, le problème avec la nationalisme, c’est qu’à force d’obsession d’unité on en vient toujours à une conception obsidionale de la société.

    • Descartes dit :

      @ odp

      [Sur la confusion effectuée entre le texte de NJ sur son blog et ses commentaires sur le vôtre, je vous dois raison: j’ai été insuffisamment clair ; je dirai même plus: tout dans mes propos prêtait au malentendu. Toutes mes excuses donc.]

      Excuses acceptées. L’incident est clos.

      [En revanche, sur le fond, je suis au regret de devoir réitérer mon effronterie: vous avez probablement lu un peu vite le texte de ce cher NJ. Je le cite : « Pourquoi ne pas adhérer au FN me direz-vous? Pour deux raisons. La première (…) est que je doute qu’il obtienne un jour la majorité à une présidentielle. La deuxième est bien plus terrible: (…) le FN a fait le choix dès l’origine de mener un combat légal. Or on est en droit de se demander si la civilisation française peut être sauvée légalement. J’en viens donc à la deuxième possibilité : (…) l’activisme violent ». Si ce n’est pas assez clair pour vous, je ne sais quoi faire de plus.]

      D’abord, il me « faut » que vous admettiez que « on est en droit de se demander » indique une hypothèse, et non une certitude. Ce qui change du tout au tout le message. Je suis un grand partisan de la pensée spéculative, et je rejette avec vigueur la logique dogmatique qui veut que certaines options soient « impensables ». Il me semble parfaitement légitime de se poser la question « est si on avais recours à l’activisme violent », quitte à le rejeter après avoir entendu les arguments. Je pense que c’est dans cette logique que NJ posait la question. D’ailleurs, il montre combien cette option lui paraît terrifiante. C’est lui-même qui qualifie cette option de « terrible », qui « avoue » – le terme n’est pas neutre – que « la haine le gagne » devant certaines provocations. Je me trompe peut-être, mais je ne vois pas là un appel à la violence, plutôt un cri de désespoir devant la possibilité que cette violence puisse effectivement se déchaîner. Et aussi longtemps que des gens comme NJ auront peur de cette violence alors même que toutes les autres voies leur semblent bouchées, on peut garder espoir. Je pense que vous avez tort de confondre ce questionnement avec une quelconque proposition politique de « prendre les armes ».

      [Quant à la place de la Nation dans la pensée de l’Action Française, vous faites, de mes propos, un contre-emploi. Bien sûr qu’une doctrine d’essence monarchiste s’oppose à l’acception révolutionnaire de la Nation comme expression de la volonté populaire. En revanche, comme je l’indiquais, le concept de nation comme communauté de destin et de symboles est le cœur de la pensée de l’AF.]

      Faut savoir de quoi on parle. Ici, la confrontation a commencé à partir de l’usage que fait du mot Nation notre ami NJ. Il est donc évident qu’il s’agit de la « Nation » au sens que lui donne la tradition jacobine depuis la Révolution française. Dans ce contexte, associer le discours de NJ a celui de l’Action Française sous prètexte qu’ils utilisent le même mot alors qu’il n’y a pas la même idée derrière relève de l’amalgame. La « nation » telle que l’AF utilise le mot est en fait ce qu’on entend généralement par « patrie » au sens étymologique du terme, avec un accent particulier sur la question de « l’héritage ».

      [Il se détache d’ailleurs du simple patriotisme (qui est à la fois territorial et biologique) puisqu’il s’agit de défendre la culture française (qui est un classicisme) contre l’Ennemi de l’intérieur qui cherche à la dévoyer.]

      Oui, mais c’est une « culture » qu’on ne peut partager que si vos ancêtres vous l’ont transmise. On est en plein dans le discours « patrimonial »…

      [Comme je l’ai également dit, le combat de l’AF commence par un combat culturel. Je cite Maurras : « Patriotisme s’est toujours dit de la piété envers le sol national, la terre des ancêtres et, par extension, le territoire historique d’un peuple. Nationalisme s’applique plutôt qu’à la Terre des Pères, aux Pères eux-mêmes, à leurs œuvres, à leur héritage moral et spirituel, plus encore que matériel. Le nationalisme est la sauvegarde due à tous ces trésors qui peuvent être menacés sans qu’une armée étrangère ait passé la frontière. Il défend la nation contre l’Etranger de l’intérieur. »]

      En d’autres termes, la « nation » pour Maurras est un « héritage ». On est bien dans la logique « patrimoniale », qui est celle de la Patrie, et non dans la logique « contractuelle » qui est celle de la Nation telle que les jacobins la conçoivent. CQFD

      [Du temps de Maurras, l’Etranger de l’intérieur était le Juif, le Protestant, le Franc-Maçon et le Métèque ; dans la vision de NJ c’est le Musulman, le Gauchiste et le Bobo.]

      Encore une fois, vous procédez par amalgame. Le raisonnement de NJ n’est nullement fondé sur ce concept « d’étranger ». Au contraire : NJ fait une différence constante entre les musulmans qui acceptent les coutumes et les traditions de leur pays d’accueil, et les autres. Car c’est là la différence fondamentale : pour Maurras le juif est « inassimilable ». Pour NJ, au contraire, la tragédie est qu’après les avoir assimilé pendant des décennies, la République n’arrive plus aujourd’hui à le faire. Quant aux gauchistes et aux bobos, je ne vois pas ou NJ les aurait qualifiés de « étrangers ».

      Je n’accepte pas votre amalgame. Ce n’est pas parce qu’on définit ses adversaires qu’on doit être comparé avec Maurras au prétexte que lui aussi définissait les siens. Ce n’est pas parce que je déteste Mitterrand que je suis l’égal de Maurras au prétexte que celui-ci détestait Blum.

      [Comme je l’ai dit, le problème avec la nationalisme, c’est qu’à force d’obsession d’unité on en vient toujours à une conception obsidionale de la société.]

      Je ne vois pas en quoi le nationalisme prédisposerait à une vision « obsidionnale ». Je trouve d’ailleurs la conception de ce qu’on appelle les partisans d’une « société ouverte » autant sinon plus « obsédés » par les questions de « diversité ». Je ne pense pas que le débat gagne avec ce genre d’anathèmes. La question de la Nation et l’identité nationale est une question sérieuse. Evitons donc de diaboliser telle ou telle position avec des amalgames qui n’ont pas lieu d’être. Non, NJ n’est pas plus fasciste que vous n’êtes porte-parole de l’antifrance.

    • odp dit :

      @ NJ, cher ami

      Non, je ne vous qualifie pas de Cagoulard ou de Maurrassien pour laisser entendre que vous êtes une ordure ou le dernier avatar de la Bête Immonde, pour la simple et bonne raison que je ne pense pas que les sympathisants de l’Action Française aient été des ordures, ni même des fascistes et encore moins des nazis. Quant au collaborationnisme, vous savez aussi bien que moi que si le Maître fut pétainiste, les Disciples peuplèrent très largement les rangs de la Résistance tant à Londres qu’en France. M’eussiez-vous posé la question il y a 2 ou 3 ans que je vous aurais peut être servi, par ignorance, ce type de discours (et encore, le pire n’est pas toujours certain); mais depuis que je me suis intéressé de plus près à l’antilibéralisme de droite comme de gauche, je m’en garderai bien.

      De fait, si je vous associe à la pensée Maurrassienne, c’est tout simplement parce que j’y vois beaucoup de similarités avec la vôtre; et votre dernier paragraphe sur les fondements de vote attachement à la République en tant que garant de la grandeur de la France ne fait que renforcer ma conviction car c’est exactement par un raisonnement de ce type, mais débouchant sur une autre conclusion, que Maurras et les autres fondateurs de l’AF se sont “convertis” au royalisme. C’est aussi, il faut le dire, une invite à vous intéresser de plus près à ce mouvement de pensée ainsi qu’à ses successeurs (comme les anticonformistes des années 30) car j’en ai trouvé l’étude passionnante et à des années-lumière de ce à quoi je m’attendais. Condamnée par l’Histoire (on connait l’aphorisme de Bernanos), cette pensée a littéralement disparu de l’espace public ; en effectuer l’archéologie est très stimulant et remet énormément de choses en perspective.

      Ceci dit, je ne vous prendrai pas pour un naïf. Ce que j’essaie également de souligner c’est, sinon la dangerosité de votre raisonnement, du moins, me semble-t-il, l’impasse dans lequel il vous mène. Il est suicidaire d’estimer que les musulmans (ou les juifs) vous « provoquent » par leur simple existence et d’en concevoir « plus que de la haine ». A ce rythme, vous allez devenir fou. Quant à la volonté de « prendre les armes », nul besoin d’en souligner l’inanité ; à moins, bien sûr, de vouloir vous forger un destin à la Anders Breivik, ce que je ne souhaite ni pour vous ni pour vos éventuelles victimes.

      Et pourtant votre souhait de « protéger » ce qui vous semble être « la France » n’est pas illégitime en tant que tel ; mais c’est sur le terrain des idées que vous devez l’exprimer et probablement de manière moins radicale si vous voulez être audible. Votre blog sert déjà à ça mais peut être devriez-vous chercher une audience plus large en militant dans une organisation politique, le FN s’il le faut. A ce titre, je ne partage pas votre « pessimisme » sur le FN et son action.

      PS : Et puisque vous m’interrogez sur le FLN, je vous donnerai ma réponse, qui n’est que de bon sens. Comme nous en avons déjà discuté, il n’y aurait selon-moi aucune équivalence entre l’action du FLN jusqu’aux accords d’Evian et une éventuelle tentative de se « débarrasser » des musulmans de France. Les algériens étaient alors dans une lutte de libération nationale alors que vous vous situez dans une logique de nettoyage d’une minorité. En revanche, passés les accords d’Evian qui donnaient aux indigènes les mêmes droits politiques qu’aux pieds noirs, on pourrait rapprocher les exactions à l’encontre des Européens de vos rêves. Rapprocher, mais pas mettre sur un pied d’égalité. En effet, d’une part la présence des Européens en Algérie était le fruit d’une intervention armée quand la présence des musulmans en France est la conséquence d’un choix de l’Etat français. D’autre part, le contexte n’a évidemment rien à voir puisque Français et Algériens sortaient alors d’une guerre longue, cruelle et meurtrière, avec tous les éléments de brutalisation que cela implique. L’épuration en France après la 2ème guerre mondiale ou les Corps Francs en Allemagne après la 1ère donnent un bon exemple de ce que peuvent être ces moments d’explosion de violence.

    • odp dit :

      @ Descartes

      [En d’autres termes, la « nation » pour Maurras est un « héritage ». On est bien dans la logique « patrimoniale », qui est celle de la Patrie, et non dans la logique « contractuelle » qui est celle de la Nation telle que les jacobins la conçoivent. CQFD. Car c’est là la différence fondamentale : pour Maurras le juif est « inassimilable » alors que NJ fait une différence constante entre les musulmans qui acceptent les coutumes et les traditions de leur pays d’accueil et les autres].

      Le sujet est complexe et je n’en suis pas un expert, mais d’après ce que j’en sais on ne peut pas dire que, pour Maurras, le Juif soit inassimilable. Il se situe, selon moi, dans l’exact ligne de NJ: le juif francisé est Français (ce qui explique qu’il y eut des Juifs “d’Action Française”), le Juif non francisé appartient au peuple d’Israël et par conséquent ne saurait être Français. Comme je l’ai déjà dit, il n’y a pas de biologisme ni de racisme chez Maurras et donc pas d’hérédité à proprement parler. L’héritage que vous mentionnez est culturel et peut donc être transmis mais également acquis. A noter également que, selon Maurras, les Juifs mais également les Protestants, les Métèques et même les Francs Maçons auraient toute leur place sous la Monarchie qu’il appelle de ses voeux puisqu’ils “serviraient” plutôt que de “se servir”. Je le cite dans un texte de 1905 publié dans la semaine littéraire de Genève en réponse à l’ouvrage d’un politologue suisse:

      “La monarchie se contentera de remettre à sa place, c’est-à-dire de chasser du pouvoir, sans retard, comme sans inutiles violences, l’oligarchie des étrangers. Mais le point de vue national ainsi rétabli et la France remise au centre de ses affaires, l’oppresseur d’hier redevient parfaitement utilisable comme serviteur de demain.

      Nous pouvons concevoir quel service déterminé pourraient rendre au pays une Finance, même juive, et une Juiverie, même prospère, si elles dépendaient du gouvernement au lieu de lui commander. Nous concevons de même, sans que personne nous en prie, la contribution mentale et morale du monde protestant, dont les relations anglaises et allemandes seraient propres à nous servir au lieu de servir l’Étranger. Beaucoup d’étrangers amis de la France, qui ne servent que leur pays pendant leur séjour à Paris, pourraient être priés d’utiliser, en notre faveur, leurs talents et leur amitié pendant leur séjour à Berlin, à Rome ou à Londres. Je ne vois pas bien quels offices un gouvernement national pourrait tirer de la franc-maçonnerie, mais je n’aperçois pas non plus le mal qu’il pourrait avoir envie de lui faire. L’unité vraie ne consiste pas à détruire, mais à distribuer les choses et les gens au lieu qui convient à chacun.”

      Notez que je n’appartiens à aucun cercle maurrassien ou néo-maurrassien et que seule la curiosité intellectuelle m’a amené à m’intéresser à la droite non-libérale telle que l’incarnât Maurras et ses émules.

    • odp dit :

      [D’abord, il me « faut » que vous admettiez que « on est en droit de se demander » indique une hypothèse, et non une certitude. Ce qui change du tout au tout le message. Je suis un grand partisan de la pensée spéculative, et je rejette avec vigueur la logique dogmatique qui veut que certaines options soient « impensables ». Il me semble parfaitement légitime de se poser la question « est si on avais recours à l’activisme violent », quitte à le rejeter après avoir entendu les arguments. Je pense que c’est dans cette logique que NJ posait la question. D’ailleurs, il montre combien cette option lui paraît terrifiante. C’est lui-même qui qualifie cette option de « terrible », qui « avoue » – le terme n’est pas neutre – que « la haine le gagne » devant certaines provocations. Je me trompe peut-être, mais je ne vois pas là un appel à la violence, plutôt un cri de désespoir devant la possibilité que cette violence puisse effectivement se déchaîner. Et aussi longtemps que des gens comme NJ auront peur de cette violence alors même que toutes les autres voies leur semblent bouchées, on peut garder espoir. Je pense que vous avez tort de confondre ce questionnement avec une quelconque proposition politique de « prendre les armes ».]

      Je suis d’accord avec tout ce que vous écrivez. C’est d’ailleurs pour ça que je vous ai interrogé sur la réalité de votre soutien à cet appel à l’activisme violent (certes de manière peu claire) et que j’ai fait de même avec NJ. Je ne crois pas avoir jeté d’anathème; ou alors c’est que je me suis mal fait comprendre.

      Je ressens en effet du désespoir chez NJ, mais ce désespoir me paraît désespérant: les musulmans pas plus que les juifs ne souillent le sol de France en tant que tel. Que NJ s’inquiète de la thèse du Grand Remplacement, pourquoi pas. Qu’il veuillent en conséquence limiter les flux migratoires, très bien. Mais qu’il éprouve “plus que de la haine” quand il voit un musulman, là il y a problème si j’ose dire.

      Ce qui m’amène à une autre réflexion: vous estimez que NJ n’est pas “fasciste”. Certes non tant qu’il ne passe pas à l’acte; mais si il s’adonnait à des ratonnades, ou même s’il ne pouvait entrer en relation avec un “musulman” sans dégoût ni mépris, je vois mal comment il échapperait à ce qualificatif.

      Ceci dit, comme vous le sous-entendez, on comprend bien son raisonnement: il estime que le monde qu’il aime, ses valeurs et son identité sont menacés et cherche à les défendre. Quoi de plus naturel? Y compris, potentiellement, par la violence, puisque la démocratie est “verrouillée” (un autre thème Maurrassien d’ailleurs)? Puisqu’il le dit…

      Au delà du cas précis de notre camarade NJ, ces secousses que l’on perçoit dans le pays donnent, je trouve, une vision in vivo assez saisissante du processus de radicalisation des années 20 et 30 et, par ricochet, du corps à la thèse d’Enrst Nolte. Car, pour tout, dire la menace islamiste est bien moins prégnante que ne le fut la menace communiste dans ces années là; et la Révolution Verte bien moins radicale que la Révolution Rouge. Et pourtant, ceux qui, à l’époque, se sont dressés contre cette dernière le faisait aussi pour défendre un monde qu’ils ne voulaient pas voir disparaître; tout comme les contre-révolutionnaires d’ailleurs… Vae Victis…

    • Descartes dit :

      @ odp

      [Je ne crois pas avoir jeté d’anathème; ou alors c’est que je me suis mal fait comprendre.]

      Oui… cela vous arrive souvent, en effet…

      [Je ressens en effet du désespoir chez NJ, mais ce désespoir me paraît désespérant: les musulmans pas plus que les juifs ne souillent le sol de France en tant que tel. Que NJ s’inquiète de la thèse du Grand Remplacement, pourquoi pas. Qu’il veuillent en conséquence limiter les flux migratoires, très bien. Mais qu’il éprouve “plus que de la haine” quand il voit un musulman, là il y a problème si j’ose dire.]

      Sur ce point, je ne partage pas du tout la position de NJ, surtout celle qu’il a exprime dans son papier « Le combat continue » sur son site, et je comptais d’ailleur publier un commentaire pour lui faire savoir. Je suis en particulier gêné par la généralisation concernant « les musulmans ». Ainsi, lorsqu’il écrit que « les musulmans ne sont pas nos frères car ils ne nous considèrent pas comme leurs égaux, à peine comme des êtres humains », j’ai du mal à concilier cette affirmation avec les rapports que j’ai avec mes amis et mes collègues qui pratiquent – ou plutôt gardent un attachement familial à – la religion de leurs ancêtres musulmans. Et qui ont été les premiers à se réjouir lorsque la République a interdit le voile dans les écoles. A vrai dire, j’ai du mal à croire que NJ soit vraiment sur cette position. Je prefère penser que les mots ont dépassé sa pensée. En tout cas, c’est à lui de clarifier ce point.

      Je partage avec NJ l’idée qu’une immigration importante alors que la machine à assimiler est en panne est un énorme danger. Mais contrairement à lui, je pense que la machine à assimiler peut être redémarrée, et que dès lors qu’elle fonctionne le danger est sérieusement réduit.

      [Ce qui m’amène à une autre réflexion: vous estimez que NJ n’est pas “fasciste”. Certes non tant qu’il ne passe pas à l’acte; mais si il s’adonnait à des ratonnades, ou même s’il ne pouvait entrer en relation avec un “musulman” sans dégoût ni mépris, je vois mal comment il échapperait à ce qualificatif.]

      Pourquoi ? A ce qu’il me semble, en République on peut refuser d’entrer en relation avec qui on veut. J’ajoute qu’à moins de pouvoir lire dans les pensées, il est impossible d’éprouver quoi que ce soit à la vue d’un « musulman ». C’est pour cette raison que je pense que lorsqu’il parle des « musulmans », NJ parle en fait des seuls « musulmans » qui portent leur religion en bandoulière.

      [Ceci dit, comme vous le sous-entendez, on comprend bien son raisonnement: il estime que le monde qu’il aime, ses valeurs et son identité sont menacés et cherche à les défendre. Quoi de plus naturel? Y compris, potentiellement, par la violence, puisque la démocratie est “verrouillée” (un autre thème Maurrassien d’ailleurs)? Puisqu’il le dit…]

      Vous ne pouvez pas vous empêcher de faire de l’amalgame… Non, je ne crois pas qu’on puisse rapprocher la vision que NJ exprime de la démocratie avec celle de Maurras. Ce n’est pas parce qu’on dénonce la même chose à un siècle de distance qu’on est d’accord. NJ parle d’une galaxie « bienpensante » prête à traîner dans la boue et devant les tribunaux toute voix discordante, en profitant d’une législation liberticide. Je ne crois pas que Maurras ait jamais formulé ce genre de reproche à l’encontre de la République. Plutôt tout le contraire : il reprochait aux institutions républicaines d’être trop « libérales »…

      [Au delà du cas précis de notre camarade NJ, ces secousses que l’on perçoit dans le pays donnent, je trouve, une vision in vivo assez saisissante du processus de radicalisation des années 20 et 30 et, par ricochet, du corps à la thèse d’Enrst Nolte. Car, pour tout, dire la menace islamiste est bien moins prégnante que ne le fut la menace communiste dans ces années là;]

      Là, je ne vous suis plus. Si pour vous la « menace communiste » était réelle dans les années 1930 alors que la « menace musulmane » n’est qu’un fantasme, comment pouvez-vous rattacher la situation actuelle aux réflexions de Nolte, dont la thèse répose précisément sur la réalité de la menace ?

      [et la Révolution Verte bien moins radicale que la Révolution Rouge. Et pourtant, ceux qui, à l’époque, se sont dressés contre cette dernière le faisait aussi pour défendre un monde qu’ils ne voulaient pas voir disparaître; tout comme les contre-révolutionnaires d’ailleurs… Vae Victis…]

      Pas vraiment « vae victis », puisque ceux qui « se sont levés pour défendre un monde qu’ils ne voulaient pas voir disparaître » l’ont finalement emporté. Sauf erreur de ma part, ce sont les communistes qui ont été vaincus… non ?

    • Descartes dit :

      @ odp

      [Le sujet est complexe et je n’en suis pas un expert, mais d’après ce que j’en sais on ne peut pas dire que, pour Maurras, le Juif soit inassimilable. Il se situe, selon moi, dans l’exact ligne de NJ: le juif francisé est Français (ce qui explique qu’il y eut des Juifs “d’Action Française”), le Juif non francisé appartient au peuple d’Israël et par conséquent ne saurait être Français.]

      Je ne connais pas de juif qui ait été membre de l’Action Française. Pourriez-vous donner quelques exemples ? En tout cas, Maurras a toujours soutenu que le « juif » était inassimilable, et couvrait du même opprobre les juifs arrivés récemment en France que les juifs de vieille souche française. Jusqu’à sa mort, il a soutenu que les juifs constituaient une nation, et qu’un juif ne pouvait donc jamais être véritablement « français ». Rappelez-vous ce qu’il a écrit sur Blum, dont la famille était pourtant française de plein droit depuis 1791.

      [Comme je l’ai déjà dit, il n’y a pas de biologisme ni de racisme chez Maurras et donc pas d’hérédité à proprement parler. L’héritage que vous mentionnez est culturel et peut donc être transmis mais également acquis.]

      Vous vous trompez : « Contre l’hérédité de sang juif, il faut l’hérédité de naissance française, et ramassée, concentrée, signifiée dans une race, la plus vieille, la plus glorieuse et la plus active possible. » (Ch Maurras, 1910 in « Action Française »). Si vous ne voyez pas là du biologisme et du racisme, c’est que vous avez une bien mauvaise vue.

      [A noter également que, selon Maurras, les Juifs mais également les Protestants, les Métèques et même les Francs Maçons auraient toute leur place sous la Monarchie qu’il appelle de ses voeux puisqu’ils “serviraient” plutôt que de “se servir”.]

      Oui, un peu comme les esclaves avaient une place dans l’Athènes antique.

      [Notez que je n’appartiens à aucun cercle maurrassien ou néo-maurrassien et que seule la curiosité intellectuelle m’a amené à m’intéresser à la droite non-libérale telle que l’incarnât Maurras et ses émules.]

      Vous n’avez pas à vous excuser. Je ne suis pas du genre, comme vous, à faire des amalgames ou à coller des étiquettes…

    • @ odp & Descartes,

      Messieurs, même si quelque part cela flatte mon ego, je m’en veux un peu que vous vous écharpiez sur ce que j’ai écrit ailleurs qu’ici.

      Maintenant, je voudrais préciser ma conception de la nation. La nation est pour moi à la fois “contractuelle” et “patrimoniale”, et d’ailleurs, dans mon idée, nationalisme et patriotisme ne s’excluent nullement, ils peuvent même se nourrir l’un l’autre. Le patriotisme, c’est la défense de la terre des pères, de la patrie charnelle. Le nationalisme, c’est pour moi l’attachement à la cité comme communauté politique des égaux, une conception issue de la cité grecque classique chère à mon coeur d’antiquisant. J’aime la France comme patrie et comme nation, parce que je pense que la nation française s’est historiquement enracinée dans un territoire. Et je pense qu’un de Gaulle, pardonnez-moi, ne renierais pas une telle approche. On peut soutenir et tâcher de démontrer que j’ai des points communs avec l’Action Française. On peut critiquer ma conception de la nation en soulignant qu’elle est ambiguë, qu’il y a une tension, voire une contradiction, entre une vision républicaine et jacobine et une vision plus ethniciste. Cette tension existe et je l’assume. Ma conviction est que la France est une réalité très complexe qui se nourrit de différentes traditions.

      Je voudrais quand même rappeler que Renan, dans sa conférence où l’on cite toujours “la nation est un plébiscite de tous les jours” (je cite de mémoire, sans garantir l’exactitude du propos), ne dit pas que cela. Il parle aussi de l’héritage, du sang et des morts, et il ne prétend nullement que ces éléments sont inutiles à la conception française de la nation. Il reste que l’histoire, le rôle fondamental de l’Etat, la nature de la construction nationale française, tout cela fait que la conception française de la nation demeure plus “politique” que “culturelle”, par rapport à la conception allemande, par exemple.

      Mais cela n’empêche nullement de considérer qu’il existe une identité française, une culture nationale qui méritent d’être défendues. Le Français n’est pas seulement un citoyen abstrait égal aux autres citoyens. Le Français habite un pays millénaire avec des traditions, des paysages, j’oserais dire une âme. Le Français est un héritier, réel ou fictif. On n’est pas obligé d’être blanc, catholique et présent depuis vingt-cinq siècles sur le sol français pour faire sien cet héritage. Eric Zemmour défend cet héritage avec un rare acharnement, et il sait parfaitement, il l’a dit et répété, qu’il est un “fils de juif berbère”. Pourtant, il vibre autant que moi (si ce n’est plus) aux noms de Philippe Auguste, Jeanne d’Arc, Napoléon.

      En revanche, ce que je combats et ce que je combattrai toujours, c’est une conception de la nation française qui ferait de son premier et principal contributeur, le Français “de souche” blanc et catholique, un salaud de toute éternité, qui n’a fait que coloniser, réduire en esclavage, massacrer, violer, détruire sur le sol national (je pense aux discours des régionalistes bretons, occitans et autres qui parlent de “colonisation”, ce qui est un mensonge historique) avant d’étendre ses méfaits aux Amériques, à l’Afrique, à l’Asie, etc. Et oui, je souhaite que le Français de souche, blanc et catholique, qui a quand même fourni, désolé de le rappeler, l’essentiel des hommes morts pour la France, depuis les soldats de l’An II jusqu’aux guerres mondiales (en particulier la première), reste le modèle du Français. Et au risque de choquer, je pense que les Français d’origine immigrée doivent imiter ce Français-là et défendre son histoire. Ce que font d’ailleurs des Français issus de l’immigration mais assimilés comme Finkielkraut ou Descartes lui-même, notre hôte.

      Mais tous ceux qui veulent faire de l’ “homme blanc” le bourreau, le raciste, l’obstacle à une France multiculturelle et métissée, tous ceux-là me trouveront sur leur route. On n’a peut-être pas à être fier d’être un Français de souche, mais on n’a nulle raison d’en avoir honte.

      Sur le recours à la violence: oui, il m’arrive d’y penser. D’y penser, pas de l’essayer. Parce que, au-delà de la haine, du désir de vengeance, de la rancune (sentiments très humains qui ne me sont pas étrangers), j’ai aussi un côté pragmatique. D’abord, j’aurais des choses à perdre dans une guerre civile: j’ai une maison, j’ai un emploi stable, j’ai une famille. J’appartiens à la classe moyenne de ce pays et j’ai accès à une vie agréable. Je l’ai dit d’ailleurs sur mon blog, en réponse à un partisan déclaré de la manière forte et de la sédition violente: si un jour, je devais me lancer dans la lutte armée, ce ne serait pas sans avoir longuement pesé le pour et le contre. La guerre, pour moi, n’est pas un jeu vidéo. On parle là de choses graves: tuer d’autres humains et risquer sa propre vie. Je ne prendrais pas une telle décision sur un coup de tête.

      Ensuite, je n’aime pas l’improvisation et le coup d’éclat terroriste ne m’intéresse pas. Planifier une sédition demande des hommes, des armes, un plan de bataille. Je ne suis pas militaire, je ne connais la guerre que par les livres et j’ai conscience de mes limites. Je n’ai pas d’armes et je ne dirige aucune milice. Et si je cherchais à recruter, je sais très bien que les candidats ne se bousculeraient pas. Pour toutes ses raisons, je souhaite rassurer notre ami odp: je vais très probablement rester chez moi et siroter un apéritif sur ma terrasse, comme je m’apprête à le faire ce soir. Mais si un jour, les circonstances faisaient que j’étais amené à pouvoir choisir de me battre pour défendre ce que je crois être la France, que j’aurais acquis la conviction qu’il faut lutter ou accepter que disparaisse l’identité française, eh bien la question du recours à la violence, légale ou pas, mériterait d’être posée. Autrement dit, si quelqu’un vient frapper à ma porte et me dit preuve à l’appui: “nous avons des armes, nous sommes nombreux et nous avons la volonté de sauver la France que tu aimes, es-tu avec nous?”, eh bien la réponse n’a rien d’évident. Par conséquent, je m’autorise à discuter le problème dès maintenant. Et personne ne m’en empêchera.

    • Descartes dit :

      @ nationalistejacobin

      [Le patriotisme, c’est la défense de la terre des pères, de la patrie charnelle. Le nationalisme, c’est pour moi l’attachement à la cité comme communauté politique des égaux, une conception issue de la cité grecque classique chère à mon coeur d’antiquisant. J’aime la France comme patrie et comme nation, parce que je pense que la nation française s’est historiquement enracinée dans un territoire.]

      Mais que pensez-vous de ceux qui sans avoir des ancêtres sur cette terre, se sont « assimilés » ? Je n’aime pas, vous le savez, débattre des questions personnelles. Mais ici vous touchez mon propre cas. Pensez-vous que je puisse, moi l’assimilé dont les ancêtres ne sont pas enterrés dans cette terre, aimer la France comme « patrie » ? Je ne suis pas persuadé qu’on puisse aussi facilement que vous le faites séparer « nation » et « patrie ». Il existe bien entendu un « patrimoine français » construit par les générations qui ont vécu sur la terre de France avant notre arrivée. Mais cet héritage n’est pas l’exclusivité de ceux qui descendent réellement d’eux. Il est ouvert à tout celui qui le revendique. Même si aucun de mes ancêtres n’était au sacre de Reims pas plus qu’ils n’étaient à Valmy, je peux, moi l’assimilé, « vibrer » à l’évocation de ces deux épisodes. A partir de là, j’estime mon « héritage » français aussi valable que le votre.

      La difficulté, le risque pour l’identité française n’est pas que des gens nés sous d’autres cieux revendiquent cet héritage. C’est au contraire que certains « français de carte » ne le revendiquent pas…

      [Et je pense qu’un de Gaulle, pardonnez-moi, ne renierais pas une telle approche.]

      Je ne sais pas. J’aurais tendance à penser que cela dépend beaucoup de l’époque. Le jeune De Gaulle était probablement proche de votre position. Mais le De Gaulle de l’après-guerre…je ne suis pas persuadé.

      [Mais cela n’empêche nullement de considérer qu’il existe une identité française, une culture nationale qui méritent d’être défendues.]

      Tout à fait. La différence entre vous et moi, c’est que je ne crois pas que la défense cette identité, de cette culture, nécessite qu’on ait une longue lignée de citoyens – ou sujets – français derrière soi. Et que le processus d’assimilation, que la France a si bien organisé pendant des décennies, permet à beaucoup de gens d’origine étrangère de partager cette « identité ».

      [Le Français n’est pas seulement un citoyen abstrait égal aux autres citoyens. Le Français habite un pays millénaire avec des traditions, des paysages, j’oserais dire une âme. Le Français est un héritier, réel ou fictif. On n’est pas obligé d’être blanc, catholique et présent depuis vingt-cinq siècles sur le sol français pour faire sien cet héritage. Eric Zemmour défend cet héritage avec un rare acharnement, et il sait parfaitement, il l’a dit et répété, qu’il est un “fils de juif berbère”. Pourtant, il vibre autant que moi (si ce n’est plus) aux noms de Philippe Auguste, Jeanne d’Arc, Napoléon.]

      Là, je ne vous suis plus. Dans tout ce qui précède, j’avais compris au contraire que vous faisiez une différence entre la « nation », concept politique ouvert à tous par voie « contractuelle », et la « patrie », concept « charnel » qui implique nécessairement la transmission d’un héritage par des générations d’ancêtres français. Mais ici, vous calquez finalement ma position puisque vous acceptez l’idée que l’on puisse ressentir « charnellement » la France sans pour autant descendre d’une telle lignée. Zemmour, Finkielkraut sont de bons exemples. Je pense effectivement qu’il y a dans votre position une ambiguïté, une tension entre la tentation de voir la « francité » dans l’héritage réel et celle d’une réalité qui montre que très souvent l’héritage symbolique suffit.

      [Sur le recours à la violence: oui, il m’arrive d’y penser. D’y penser, pas de l’essayer. Parce que, au-delà de la haine, du désir de vengeance, de la rancune (sentiments très humains qui ne me sont pas étrangers), j’ai aussi un côté pragmatique. D’abord, j’aurais des choses à perdre dans une guerre civile: j’ai une maison, j’ai un emploi stable, j’ai une famille. J’appartiens à la classe moyenne de ce pays et j’ai accès à une vie agréable. Je l’ai dit d’ailleurs sur mon blog, en réponse à un partisan déclaré de la manière forte et de la sédition violente: si un jour, je devais me lancer dans la lutte armée, ce ne serait pas sans avoir longuement pesé le pour et le contre. La guerre, pour moi, n’est pas un jeu vidéo. On parle là de choses graves: tuer d’autres humains et risquer sa propre vie. Je ne prendrais pas une telle décision sur un coup de tête.]

      Je n’en ai jamais douté. Et c’est pourquoi j’ai interprété votre référence à la violence comme étant du domaine de la spéculation intellectuelle, et non d’une recommandation politique. Vous dites vous « autorisez à examiner la question », et je ne peux que vous soutenir dans cette voie. Je note d’ailleurs qu’on voit souvent dans les blogs d’extrême gauche – dont celui de Mélenchon, c’est dire – des commentateurs aborder la question de l’action violente d’une manière bien moins « spéculative » et bien plus irresponsable que vous ne le faites, sans pour autant susciter des réactions…

    • @ Descartes,

      “Mais que pensez-vous de ceux qui sans avoir des ancêtres sur cette terre, se sont « assimilés » ?”
      Je pense qu’ils sont pleinement français. Mais, d’une certaine façon, ils sont l’exception qui doit confirmer la règle: je suis favorable à une distribution très parcimonieuse de la nationalité française. Comme elle est à mes yeux un bien précieux, elle ne devrait pas être accordée massivement. Ce qui est plus difficile à obtenir est d’ailleurs plus désirable.

      “Pensez-vous que je puisse, moi l’assimilé dont les ancêtres ne sont pas enterrés dans cette terre, aimer la France comme « patrie » ?”
      Je ne le pense pas, j’en suis sûr. Est-ce que, dans ma façon de m’adresser à vous, vous avez eu l’impression que je vous parlais comme à un étranger? Je ne le crois pas. Je m’honore de pouvoir vous appeler “mon compatriote”. Seulement, vous n’êtes pas tous les immigrés, Descartes. Vous êtes venu ici, et vous avez aimé ce pays. Vous avez accompli un effort: celui de devenir français. Après tout, rien ne vous y obligeait. D’autres choix étaient possibles. Vous avez appris la langue et l’histoire de la France avec passion. D’un point de vue professionnel, je ne crois pas me tromper en disant que vous avez mis vos compétences au service de l’Etat et de la nation. Je ne dis pas que vous êtes un cas isolé mais, ce que je peux vous dire, c’est que beaucoup d’enfants d’immigrés que je suis amené à côtoyer dans mon travail ne sont pas dans cette logique.

      Il y a autre chose qui me chagrine: c’est que des enfants d’immigrés assimilés tournent le dos à la France pour choisir le communautarisme ethnique ou religieux. L’assimilation ne se mesure pas sur une seule génération. Si demain vos propres enfants, invoquant leurs origines juives, choisissaient de devenir israéliens, c’est que vous n’auriez pas réussi à leur faire partager l’envie de bâtir leur avenir dans ce pays que vous aimez. Peut-on vraiment, dans ce cas, affirmer que l’assimilation a fonctionné, alors qu’elle n’a duré qu’une génération? Qu’en pensez-vous? Si un jour mes enfants, tout “Français de souche” qu’ils sont, préféraient aller vivre en Australie ou en Suède, je sais que je le vivrais très mal.

      “Mais cet héritage n’est pas l’exclusivité de ceux qui descendent réellement d’eux.”
      Vous avez raison. Mais j’ai tendance à penser malgré tout que les “descendants réels” ont un devoir particulier vis-à-vis de cet héritage (devoir qu’à mon sens ils n’accomplissent pas convenablement). Notamment c’est à eux qu’il incombe de fixer les normes de l’identité française et de les imposer aux nouveaux membres de la nation. Pour qu’il y ait assimilation, il faut qu’il y ait un assimilé, bien sûr, mais il faut aussi un assimilateur.

      “Je pense effectivement qu’il y a dans votre position une ambiguïté, une tension entre la tentation de voir la « francité » dans l’héritage réel et celle d’une réalité qui montre que très souvent l’héritage symbolique suffit.”
      Je suis conscient de cette ambiguïté, mais je ne l’ai pas résolue à ce jour.

      “Je note d’ailleurs qu’on voit souvent dans les blogs d’extrême gauche – dont celui de Mélenchon, c’est dire – des commentateurs aborder la question de l’action violente d’une manière bien moins « spéculative » et bien plus irresponsable que vous ne le faites, sans pour autant susciter des réactions…”
      Vous signalez un point important: on dirait que, pour les gens comme notre ami odp par exemple, la violence d’extrême gauche, “antifasciste” n’est pas un problème. La violence n’est condamnable que si elle vient de l’extrême droite, des fachos, des “racistes”. J’avais déjà noté cela lors de l’affaire Méric: tout le monde s’indignait de la violence des crânes rasés, mais personne n’a condamné la violence des antifascistes… Pourtant l’enquête a montré que ce sont bien les amis de Clément Méric qui ont attendu les crânes rasés pour en découdre.

    • Descartes dit :

      @ nationalistejacobin

      [« Pensez-vous que je puisse, moi l’assimilé dont les ancêtres ne sont pas enterrés dans cette terre, aimer la France comme « patrie » ? ». Je ne le pense pas, j’en suis sûr. Est-ce que, dans ma façon de m’adresser à vous, vous avez eu l’impression que je vous parlais comme à un étranger? Je ne le crois pas.]

      Non, bien sur que non. C’est pourquoi je trouve votre discours si contradictoire : après avoir établi comme principe que la « patrie » est quelque chose de sensuel qui ne peut être transmis que par de nombreux ancêtres qui ont vécu dans ce pays et l’ont fait, vous me traitez, moi qui n’ai pas d’ancêtres français, comme votre « compatriote ». En d’autres termes, votre pratique est bien plus ouverte et généreuse, ou en tout cas bien plus proche de ma conception que de votre propre théorie…

      [Il y a autre chose qui me chagrine: c’est que des enfants d’immigrés assimilés tournent le dos à la France pour choisir le communautarisme ethnique ou religieux. L’assimilation ne se mesure pas sur une seule génération. Si demain vos propres enfants, invoquant leurs origines juives, choisissaient de devenir israéliens, c’est que vous n’auriez pas réussi à leur faire partager l’envie de bâtir leur avenir dans ce pays que vous aimez. Peut-on vraiment, dans ce cas, affirmer que l’assimilation a fonctionné, alors qu’elle n’a duré qu’une génération?]

      Je partage votre préoccupation. Mais je suis rassuré par le fait que l’immense majorité des enfants d’immigrés qui « tournent le dos à la France » sont les enfants de la génération d’immigrés qui sont arrivés alors que la machine à assimiler avait déjà été cassé. Ceux qui descendent de la génération arrivée avant sont au contraire complètement assimilés. Ce qui montre que l’assimilation n’est pas une impossibilité physique. La question est : comment remettre en marche la machine à assimiler, en sachant que cela ne peut se faire que contre les « classes moyennes »…

      [Qu’en pensez-vous? Si un jour mes enfants, tout “Français de souche” qu’ils sont, préféraient aller vivre en Australie ou en Suède, je sais que je le vivrais très mal.]

      Pas moi, s’ils y vont vivre comme français. Rappelez-vous cette magnifique chanson dont j’avais je crois publié les paroles ici, « Adelaïde »… Mais je vois ce que vous voulez dire. Si mes enfants – dieu merci ce n’est pas le cas – choisissaient de devenir israéliens, ce serait pour moi une tragédie.

      [« Mais cet héritage n’est pas l’exclusivité de ceux qui descendent réellement d’eux. » Vous avez raison. Mais j’ai tendance à penser malgré tout que les “descendants réels” ont un devoir particulier vis-à-vis de cet héritage (devoir qu’à mon sens ils n’accomplissent pas convenablement). Notamment c’est à eux qu’il incombe de fixer les normes de l’identité française et de les imposer aux nouveaux membres de la nation. Pour qu’il y ait assimilation, il faut qu’il y ait un assimilé, bien sûr, mais il faut aussi un assimilateur.]

      Nous sommes d’accord. Sauf que pour moi ce devoir s’applique aussi à mon sens aux « descendants symboliques ».

      [Vous signalez un point important: on dirait que, pour les gens comme notre ami odp par exemple, la violence d’extrême gauche, “antifasciste” n’est pas un problème. La violence n’est condamnable que si elle vient de l’extrême droite, des fachos, des “racistes”. J’avais déjà noté cela lors de l’affaire Méric: tout le monde s’indignait de la violence des crânes rasés, mais personne n’a condamné la violence des antifascistes…]

      Je l’avais noté aussi. J’avais même publié sur ce blog des dessins et des photos glanés dans des sites « antifa » appelant à la violence et montrant des soi-disant « fascistes » se faisant tabasser par des « antifa ». Je n’ose imaginer ce qu’auraient été les cris d’orfraie qui se seraient levés à gauche si de telles images s’étaient trouvées dans un site de droite… La gauche française est issue d’une tradition anarcho-syndicaliste, et cette empreinte est encore très présente, y compris dans la gauche « de gouvernement ». Cela conduit à une dichotomie entre la « violence des oppresseurs » – à laquelle on identifie la violence exercée par l’Etat – que rien ne saurait justifier, et que l’on oppose à la « violence des opprimés » qui, elle, est justifiée par avance. C’est pourquoi se poser la question de « prendre les armes » contre les patrons, les flics ou l’Etat peut être posée sans être accusé de « sédition », alors que l’idée de « prendre les armes » contre les immigrés, par exemple, provoque une réaction pavlovienne.

    • Marcailloux dit :

      @ Nationalistejacobin
      Bonjour,
      [Mais tous ceux qui veulent faire de l’ “homme blanc” le bourreau, le raciste, l’obstacle à une France multiculturelle et métissée, tous ceux-là me trouveront sur leur route. On n’a peut-être pas à être fier d’être un Français de souche, mais on n’a nulle raison d’en avoir honte.]

      Combien sont-ils “ceux-là” en France ? Une petite, très petite minorité sans doute, et le poids de leur influence est probablement négligeable. Ce qui est excessif est dérisoire selon l’adage…..
      C’est pourquoi il me semble que venant de votre part, une telle radicalité de propos est contreproductive. Tout en ayant conscience de l’immense rôle de la France dans la construction du monde que nous partageons avec l’humanité entière, en ressentant une légitime gratification d’avoir la chance d’y être né, éduqué, formé et employé, soigné puis maintenant assisté dans ma qualité de retraité, je ne peux, en toute lucidité, effacer d’un revers de manche, des épisodes ou évènements qui n’embellissent pas l’image de notre pays, et notamment au cours de la « magistrature » de Gaulle – qui demeure pourtant le plus illustre des Français de la période moderne- en 1945 à Sétif et en 1963 avec les harkis.
      Plus récemment, Sarkozy jouant les Zorro en Libye et en se « cassant comme un pauvre con », n’est tout de même pas à mettre à notre crédit. J’endosse, en tant que citoyen français ma part de responsabilité, mais ne souhaite pas pour autant, après ce constat, me battre la coulpe ad vitam æternam, ni l’oublier, comme pourraient avoir tendance à le faire nos voisins allemands en ce qui concerne des milliers d’ignominies pratiquées entre 39 et 45.
      Je déplore simplement, que nos dirigeants n’aient pas, au moment opportun, reconnu et réparé dans la mesure du possible les atteintes à la justice et ensuite, fermement n’aient déclaré : « un point, et c’est tout, on n’oublie pas et on n’en parle plus !». C’est en agissant ainsi que nous nous serions donnés les moyens de faire taire, énergiquement, tous les récriminateurs, les contestataires pour la contestation, les révisionnistes de tous poils. La lâcheté et la veulerie passée nous présentent aujourd’hui la note.
      Nous n’échapperons pas à une opération de curetage des abcès mal traités quand il était temps. Et ce n’est pas en ostracisant les plus bornés par une posture radicale, que nous pouvons espérer un règlement pacifique de ces scories du passé.

    • Descartes dit :

      @ Marcailloux

      [Mais tous ceux qui veulent faire de l’ “homme blanc” le bourreau, le raciste, l’obstacle à une France multiculturelle et métissée, tous ceux-là me trouveront sur leur route (…)][Combien sont-ils “ceux-là” en France ? Une petite, très petite minorité sans doute, et le poids de leur influence est probablement négligeable. Ce qui est excessif est dérisoire selon l’adage…..]

      Je me permets d’intervenir dans votre échange avec Nationalisejacobin. Je pense que vous faites erreur. « ceux-là » sont certes une « petite minorité », mais une minorité agissante et qui a un énorme pouvoir universitaire et médiatique. Ne nous cachons pas derrière notre petit doigt, ce sont eux qui aujourd’hui font la « vulgate » de nos élites politico-médiatiques. Et ces gens là onbeaucoup de pouvoir : il n’y a qu’à voir la succession de lois mémorielles, les excuses offertes par nos gouvernants à chaque déplacement à toutes sortes de « minorités opprimées », excuses qui servent ensuite à de juteux « dédommagements » exigés et souvent accordés aux minorités en question.

      [(…) effacer d’un revers de manche, des épisodes ou évènements qui n’embellissent pas l’image de notre pays, et notamment au cours de la « magistrature » de Gaulle – qui demeure pourtant le plus illustre des Français de la période moderne- en 1945 à Sétif et en 1963 avec les harkis.]

      Je vais vous poser une question personnelle. Lorsque vous vous réunissez avec votre famille pour noël, pour votre anniversaire ou pour toute autre fête de famille, prenez-vous la peine de parler à vos petits enfants des « épisodes ou évènements qui n’embellissent pas l’image » de votre famille ? De l’oncle X, fusillé à la Libération comme collabo ? De la tante Y, qui dénonçait des juifs et ensuite faisait main basse sur leurs biens ? De l’oncle Z qui employait des clandestins « au noir » ? Du grand-père T qui tenait un bordel ? Oui ? Bien sur que non. A ces occasions, vous voulez offrir à vos petits enfants un récit qui leur donne envie de se sentir membres de votre famille. Vous voulez leur offrir des exemples positifs, leur donner la fierté d’être les héritiers d’une longue succession de gens qui, à défaut d’avoir fait de grandes choses, ont tout de même été toujours du « bon » côté.

      Il y a l’histoire, et puis il y a le récit. Et c’est parce que vous comprenez cette différence que vous ne racontez pas cette partie de leur histoire à vos petits enfants lors des fêtes de famille. L’histoire, c’est l’affaire des historiens, et il faut les laisser travailler. Le récit, lui, est le domaine du politique, et il se construit en fonction de considérations d’utilité. A quoi – et surtout à qui – sert l’insistance permanente sur les « crimes de l’homme blanc » ?

      [Plus récemment, Sarkozy jouant les Zorro en Libye et en se « cassant comme un pauvre con », n’est tout de même pas à mettre à notre crédit.]

      Si « Sarkozy » n’était pas intervenu, les troupes de Khaddafi auraient massacré les révoltés de Misrata, les bienpensants auraient dénoncé la passivité de la France et vous seriez en train d’écrire que « ce massacre n’est tout de même pas à mettre à notre crédit ». Comme l’histoire ne repasse pas les plats, il est assez difficile de prouver que la solution qu’on a choisie est la meilleure, et on pourra toujours reprocher à l’homme politique d’avoir fait « le mauvais choix ». Il y a fort à parier que si la France avait réagi militairement au réarmement de la Rhénanie et renversé le pouvoir hitlérien naissant, on lui reprocherait amèrement aujourd’hui son bellicisme et son immixtion dans les affaires de l’Allemagne. En tout cas, je suis fier d’être citoyen d’une nation dont les dirigeants prennent des décisions – celles qu’ils jugent les meilleures – et qui se donne les moyens de les mettre en œuvre. Votre position, au contraire, pousse irrésistiblement vers l’inaction : on est toujours jugé moins sévèrement par omission que par action.

      [Je déplore simplement, que nos dirigeants n’aient pas, au moment opportun, reconnu et réparé dans la mesure du possible les atteintes à la justice et ensuite, fermement n’aient déclaré : « un point, et c’est tout, on n’oublie pas et on n’en parle plus !».]

      Pourquoi faire des reproches aux « dirigeants » ? Après tout, ils n’ont fait que ce que le peuple voulait. Je ne me souviens pas de manifestations massives exigeant la reconnaissance et la réparation des « atteintes à la justice » en question…

      [C’est en agissant ainsi que nous nous serions donnés les moyens de faire taire, énergiquement, tous les récriminateurs, les contestataires pour la contestation, les révisionnistes de tous poils. La lâcheté et la veulerie passée nous présentent aujourd’hui la note.]

      Absolument pas. Vous me semblez être sous l’emprise de l’illusion que la vérité a la moindre prise sur la politique. Réveillez vous : le raisonnement révisionniste s’appuie sur une « envie de croire ». C’est parce qu’on veut la peau de la République qu’on « découvre » tout à coup toutes sortes de crimes, et non l’inverse. Et lorsque l’envie de croire est là, on croit n’importe quoi, vrai ou faux. Si la République avait reconnu les crimes – réels ou imaginaires – qu’on lui reproche, on en trouverait d’autres et au besoin on en inventerait. D’ailleurs, on en invente beaucoup. Le « récit » des révisionnistes n’est pas moins « fantasmé » que le récit canonique.

    • @ Marcailloux,

      “Combien sont-ils “ceux-là” en France ? Une petite, très petite minorité sans doute, et le poids de leur influence est probablement négligeable.”
      Descartes a déjà répondu en partie, mais je me permets d’abonder dans son sens. Une minorité, dites-vous? Peut-être, mais je peux témoigner que “ceux-là” sont nombreux parmi les enseignants (j’en sais quelque chose), les journalistes (écoutez France Info, pour ne prendre qu’un exemple), les politiques (Taubira a bâti sa carrière sur ce discours), les “intellectuels”, les artistes, les écrivains. Une minorité, peut-être, mais qui, par le biais de l’école, des médias, des arts, dispose d’une audience énorme et d’une influence que vous semblez sous-estimer.

      “une telle radicalité de propos est contreproductive”
      Je ne vois pas bien où est la “radicalité” de mon propos. Je pense que vous inversez les rôles: il s’agit pour moi de combattre un discours repentant “radical”, celui de la “déconstruction du récit national”, mais qui aboutit en fait à la construction d’un nouveau récit, dans lequel la légende dorée, l’épopée nationale, laisse la place à un “roman noir” de l’histoire de France. On nous explique ainsi que l’histoire de France est une longue litanie de crimes, de reniements et d’atrocités, et que le “récit national” créé par la III° République, non seulement occulte ces crimes, mais sert de surcroît à en justifier de nouveaux. Notre époque a une sale manie, celle de juger les hommes du passé à l’aune des valeurs morales actuelles. Mais les hommes du passé n’étaient pas plus “mauvais” que nous, leurs actes nous choquent parce qu’ils raisonnaient différemment et que leurs principes n’étaient pas les nôtres, parce que leurs intérêts et les problèmes qu’ils avaient à gérer n’étaient pas les mêmes. Mais eux-mêmes seraient probablement horrifiés par nos actes et nos décisions… Pensez un instant à ce que pourrait signifier “le mariage pour tous” pour la société du XIX° siècle.

      “je ne peux, en toute lucidité, effacer d’un revers de manche, des épisodes ou évènements qui n’embellissent pas l’image de notre pays”
      Ah, mais il ne s’agit pas d’ “effacer d’un revers de manche” les heures sombres. Simplement, à l’heure de mesurer la “culpabilité”, j’aimerais qu’on pense aussi aux autres: les négriers musulmans et subsahariens, les Barbaresques pratiquant la traite des Européens, etc. On a commémoré récemment l’abolition des l’esclavage, je ne crois pas qu’on ait entendu parler d’autres choses que de la traite transatlantique. Quand on parle de la “colonisation”, c’est bizarre, les effroyables exactions des Turcs dans les Balkans (du XIV° au XIX° siècle tout de même), la cruauté proverbiale des conquérants mongols ou la violence de la conquête musulmane en Inde sont rarement évoquées. Étrange, vous ne trouvez pas?

      “reconnu et réparé dans la mesure du possible les atteintes à la justice”
      Mais c’est fait. L’esclavage a été aboli en 1848. L’abolir, c’était reconnaître son illégitimité. Les harkis que vous évoquez sont depuis longtemps citoyens français. Chaque port négrier français a son musée, son mémorial, sa statue pour rappeler l’esclavage. Cela fait déjà un certain temps que la France ne doit plus rien à personne…

    • Marcailloux dit :

      @ Descartes
      Bonsoir,
      [et vous seriez en train d’écrire que « ce massacre n’est tout de même pas à mettre à notre crédit]
      De quel massacre parlez-vous ? celui des révoltés de Misrata ? c’était celui de Khaddafi, pas le notre, ou alors il faut nous imputer toutes les atrocités commises dans le monde, depuis les carolingiens, pour lesquelles la France n’est pas intervenue. La liste va être longue.
      Mais de deux choses l’une
      – la France décide de ne pas s’engager militairement –une intervention humanitaire ne l’engage pas- et laisse avec le temps, l’abcès se vider, thèse que défend un intellectuel musulman (athée de surcroit) que je connais et dont je tairai le nom par sécurité à son égard, et qui, selon lui, serait la seule issue à terme au conflit chiites vs sunnites qui empoisonne une grande partie de la planète. Ce qui n’implique pas que nous nous protégions énergiquement des dégâts collatéraux.
      – La France s’engage dans le conflit, et là encore deux (pour faire simple) possibilités : la méthode « canonnière » pour terroriser l’objet de notre courroux, sous les applaudissement de BHL et consorts ou la méthode responsable qui consiste à bien envisager les conséquences à court et moyen terme de l’opération, obtenir les soutiens politiques et militaires requis pour aboutir à un résultat qui n’est pas pire que le mal.

      Dans cette seconde option, la canonnière barrée par BHL l’a emporté dans la décision stratégique. Son inspirateur est étrangement discret depuis et son auteur n’est pas beaucoup interpellé sur le bordel qu’il a installé dans ce pays et dans toute la région.
      Vous même n’avez, me semble-t-il pas vraiment relevé ce qui me parait être un échec majeur, vous contentant de me citer dans un commentaire antérieur à ce billet, comme « grande œuvre » de Sarkozy, son initiative concernant la lettre de Guy Mocquet. Y avait-il un brin d’humour dans cette révélation?
      [Réveillez vous : le raisonnement révisionniste s’appuie sur une « envie de croire ». C’est parce qu’on veut la peau de la République qu’on « découvre » tout à coup toutes sortes de crimes, et non l’inverse. Et lorsque l’envie de croire est là, on croit n’importe quoi, vrai ou faux]
      Sans doute, mais pensez vous que des siècles de révisionnisme concernant entre autres l’héliocentrisme, l’évolution des espèces pour ne citer que les plus célèbres ont un réel effet sur le savoir universel. Il est probablement inscrit dans les gènes d’une minorité ce besoin impérieux de contester ce qui est reconnu par les plus grandes sommités mondiales. Il faut s’en accommoder comme on doit bien s’accommoder de la bêtise ou de la folie.
      A votre tour, ne versez pas dans la théorie du complot. Des gens qui veulent la peau de la République, il y en a eu depuis Platon, pourquoi voudriez vous que cela cesse ? Les chiens aboient, la caravane passe.

    • Descartes dit :

      @ Marcailloux

      [De quel massacre parlez-vous ? celui des révoltés de Misrata ? c’était celui de Khaddafi, pas le notre, ou alors il faut nous imputer toutes les atrocités commises dans le monde, depuis les carolingiens, pour lesquelles la France n’est pas intervenue. La liste va être longue.]

      Je ne sais pas si vous avez remarqué, mais on nous les impute. Ce n’est pas nous qui avons tué les Tutsis au Rwanda, et pourtant… on a du droit à une véritable campagne de récriminations contre l’armée française pour le génocide Rwandais (dont Pierre Péan a d’ailleurs magistralement démonté les motivations dans un très beau livre qui fait froid dans le dos : « Noires fureurs, blancs menteurs »). Mais vous avez au fond raison : on risque moins à l’inaction qu’à l’action. Raison de plus pour applaudir nos dirigeants quand ils acceptent de prendre le risque.

      [Mais de deux choses l’une (…)]

      Ce n’est pas si simple. La stratégie de « laisser l’abcès se vider » ? C’est ce qu’on fait français et britanniques en 1938. Je ne suis pas persuadé que c’ait été une très bonne idée. En fait, je ne crois pas qu’on puisse faire le choix d’intervenir ou pas en termes de principe. La réponse dépend de chaque situation concrète. Et j’ajoute qu’il est très difficile d’évaluer le choix à posteriori, puisque l’évaluation suppose de faire des hypothèses sur ce qui se serait passé si on avait fait le choix contraire.

      [Dans cette seconde option, la canonnière barrée par BHL l’a emporté dans la décision stratégique.]

      C’est ce que BHL déclare. Vous le croyez ?

      [Vous même n’avez, me semble-t-il pas vraiment relevé ce qui me parait être un échec majeur,]

      Je ne vois pas à quel « échec » au juste vous faites référence. Pourriez-vous être un peu plus précis ?

      [vous contentant de me citer dans un commentaire antérieur à ce billet, comme « grande œuvre » de Sarkozy, son initiative concernant la lettre de Guy Mocquet. Y avait-il un brin d’humour dans cette révélation?]

      J’avoue que je ne vois pas le rapport…

      [Sans doute, mais pensez vous que des siècles de révisionnisme concernant entre autres l’héliocentrisme, l’évolution des espèces pour ne citer que les plus célèbres ont un réel effet sur le savoir universel. Il est probablement inscrit dans les gènes d’une minorité ce besoin impérieux de contester ce qui est reconnu par les plus grandes sommités mondiales.]

      Mais il ne s’agit pas forcément d’une « minorité »… dans beaucoup de domaines, on réussi à revenir au temps ou l’on croyait que la terre était plate.

      [A votre tour, ne versez pas dans la théorie du complot. Des gens qui veulent la peau de la République, il y en a eu depuis Platon, pourquoi voudriez vous que cela cesse ? Les chiens aboient, la caravane passe.]

      Absolument pas. Des gens veulent la peau de la République, c’est certain. Mais il n’y a pas de « complot », pas de Grand Comité qui décide des actions contre la République. Ces gens vont dans le même sens sans se coordonner, tout simplement parce qu’ils partagent un intérêt, leur intérêt de classe….

    • odp dit :

      @ Descartes

      Quelques précision sur l’antisémitisme de Maurras, tirées de “l’Action Française” de François Huguenin et de la notice Nationalisme intégral de Wikipédia.

      => Sur les Juifs d’Action Française

      “Charles Maurras reçut des témoignages de fidélité de juifs français, comme celui du sergent Pierre David que Maurras nommera le héros juif d’action Française. D’autres juifs deviendront des ligueurs d’Action française comme Marc Boasson, Georges et Pierre-Marius Zadoc, Raoul-Charles Lehman, le professeur René Riquier, les écrivains Louis Latzarus et René Groos. En 1914 le journal publie l’éloge funèbre d’Abraham Bloch, grand rabbin de Lyon, tué au cours de la bataille de la Marne”.

      “L’antisémitisme est un mal, si l’on entend par là cet antisémitisme “de peau” qui aboutit au pogrom et qui refuse de considérer dans le Juif une créature humaine pétrie de bien et de mal et dans lequel le bien peut dominer. On ne me fera pas démordre d’une amitié naturelle pour les Juifs bien nés”. L’AF, février 1937

      => sur le racisme.

      « Nous ne pouvions manquer, ici d’être particulièrement sensibles : le racisme est notre vieil ennemi intellectuel ; dès 1900, ses maîtres français et anglais, Gobineau, Vacher de Lapouge, Houston Chamberlain, avaient été fortement signalés par nous à la défiance des esprits sérieux et des nationalistes sincères. »

      « Nous sommes des nationalistes. Nous ne sommes pas des nationalistes allemands. Nous n’avons aucune doctrine qui nous soit commune avec eux. Toutes les falsifications, tous les abus de textes peuvent être tentés : on ne fera pas de nous des racistes ou des gobinistes ».

      « Ni linguisticisme, ni racisme : politique d’abord ! […] Entre tous, l’élément biologique est le plus faiblement considéré et le moins sérieusement déterminé. Dès lors, ces déterminations vagues d’une part, ces faibles déterminations d’autre part, ne peuvent porter qu’un effet : l’exaltation des fanatismes d’où sortent les exagérations et l’encouragement aux méprises et aux malentendus. » AF, Juillet 1938

      => sur l’hérédité

      “La qualité, le privilège, la naissance (…) séparés de leur rapport avec le service professionnel de l’Etat deviennent anachroniques, ridicules, incompréhensibles: on en en fait de petits absolus, des propriétés radicales et décisives au sis fausses chez un Gobineau que l’idée du devoir chez Kant ou l’idée de droit chez Rousseau.”

    • Descartes dit :

      @ odp

      [=> Sur les Juifs d’Action Française (…) “Charles Maurras reçut des témoignages de fidélité de juifs français, comme celui du sergent Pierre David que Maurras nommera le héros juif d’action Française. D’autres juifs deviendront des ligueurs d’Action française comme Marc Boasson, Georges et Pierre-Marius Zadoc, Raoul-Charles Lehman, le professeur René Riquier, les écrivains Louis Latzarus et René Groos. En 1914 le journal publie l’éloge funèbre d’Abraham Bloch, grand rabbin de Lyon, tué au cours de la bataille de la Marne”.]

      Il est vrai que Maurras était disposé à faire une exception – une toute petite exception, d’ailleurs – pour les juifs « bien nés » et ayant payé « l’impôt du sang » pendant la première guerre mondiale. Mais il ne s’est jamais départi de l’idée que le « juif » était par essence un étranger, et qu’il ne pouvait être assimilé. C’est pourquoi la citation suivante ne m’étonne pas :

      [“L’antisémitisme est un mal, si l’on entend par là cet antisémitisme “de peau” qui aboutit au pogrom et qui refuse de considérer dans le Juif une créature humaine pétrie de bien et de mal et dans lequel le bien peut dominer. On ne me fera pas démordre d’une amitié naturelle pour les Juifs bien nés”. L’AF, février 1937]

      Il en avait peut-être de l’amitié, mais l’amitié n’allait pas jusqu’à les reconnaître comme ses compatriotes, aussi « français » que lui…

      [=> sur le racisme.]

      Je n’ai jamais dit que Maurras ait eu la moindre sympathie envers les théories « racialistes » à la Gobineau ou Vacher de Lapouge. Mais il l’était au sens où il croyait que les juifs constituaient une « nation », nation qui de toute évidence il fondait sur une base ethnique.

      [« Ni linguisticisme, ni racisme : politique d’abord ! […] Entre tous, l’élément biologique est le plus faiblement considéré et le moins sérieusement déterminé. Dès lors, ces déterminations vagues d’une part, ces faibles déterminations d’autre part, ne peuvent porter qu’un effet : l’exaltation des fanatismes d’où sortent les exagérations et l’encouragement aux méprises et aux malentendus. » AF, Juillet 1938]

      Mais comment concilier cette position avec sa position antisémite ?

      [=> sur l’hérédité : “La qualité, le privilège, la naissance (…) séparés de leur rapport avec le service professionnel de l’Etat deviennent anachroniques, ridicules, incompréhensibles: on en en fait de petits absolus, des propriétés radicales et décisives au sis fausses chez un Gobineau que l’idée du devoir chez Kant ou l’idée de droit chez Rousseau.”]

      En d’autres termes, « la qualité, le privilège, la naissance » ne sont ni anachroniques ni ridicules, ni incompréhensibles lorsqu’elles sont associés avec « le service professionnel de l’Etat ». C’est une nouvelle version de « noblesse oblige », principe fondamental de toutes les aristocraties héréditaires…

    • Marcailloux dit :

      @ Descartes,
      Bonjour,
      [Je ne vois pas à quel « échec » au juste vous faites référence. Pourriez-vous être un peu plus précis ?]
      Gouverner, c’est prévoir, vous ne me contesterez surement pas cette assertion.
      Or, même avec les exemples de l’Afghanistan, de l’Irak, et autres de moindre envergure, Sarkozy, en rameutant à la hâte quelques associés, ce aux limites du mandat accordé –ou extirpé- à l’ONU, n’a aboutit qu’à l’instauration d’un régime faible, à l’autorité quasi inexistante laissant se développer un foyer du djihadisme ainsi qu’une base d’un envahissement migratoire qui n’ont pas fini de poser des problèmes. Vous trouvez que c’est une réussite?
      La situation actuelle était sans aucun doute prévisible, ou alors nos élites diplomatiques et politiques sont de véritables imbéciles. Le « service après-vente » n’étant pas, ou mal prévu, l’issue était prédéterminée. Ce qui devait arriver est arrivé. Ou alors, y avait-il des raisons plus souterraines à cette précipitation ?
      Depuis, un embryon de prudence s’est manifesté dans l’affaire syrienne. Cependant, nous avons, à un moment donné, été bien prêt d’aider indirectement Daesch, ce qui nous mettrait aujourd’hui dans une position inconfortable.
      Quant à mon évocation d’une position de retrait relatif dans l’évolution de ce « merdier » qu’est l’islam et les régimes islamiques, je trouve vos propos un peu fort de café en comparant notre situation actuelle avec celle de la France de 1939 et avant. Il s’agissait, je ne vous apprend rien, de la menace vitale d’un voisin direct, belliqueux, conquérant, se constituant la première puissance militaire de la planète.
      Comparaison n’est pas raison, n’est ce pas Monsieur Descartes ?

    • Descartes dit :

      @ marcailloux

      [Or, même avec les exemples de l’Afghanistan, de l’Irak, et autres de moindre envergure, Sarkozy, en rameutant à la hâte quelques associés, ce aux limites du mandat accordé –ou extirpé- à l’ONU, n’a aboutit qu’à l’instauration d’un régime faible, à l’autorité quasi inexistante laissant se développer un foyer du djihadisme ainsi qu’une base d’un envahissement migratoire qui n’ont pas fini de poser des problèmes. Vous trouvez que c’est une réussite?]

      Pour vous répondre, il me faudrait savoir ce qui se serait passé si la France n’était pas intervenue, un exercice qui, vous me l’accorderez, n’est pas simple surtout avec un recul historique aussi faible. Par ailleurs, je pense que votre diagnostic souffre d’un certain nombre de biais. Le premier, est de supposer que du temps de Kadhafi la Libye bénéficiait d’un « régime fort ». Ca n’a été jamais le cas : le régime libyen est depuis très longtemps un régime sémi-féodal, ou chaque « seigneur » local – chef de tribu – faisait à peu près ce qui lui plaisait en fonction de ses rapports de force avec la tribu régnante. Imaginer dans Kadhafi une sorte de Staline ou de Nasser c’est faire une erreur critique. La Libye n’a d’ailleurs pas attendu la chute de Kadhafi pour devenir un « foyer du djihadisme » : non seulement le territoire libyen a sous son règne accueilli toutes sortes de groupes et groupuscules terroristes auxquels le régime offrait non seulement refuge mais aussi financement, mais il fallait compter sur le terrorisme « officiel » organisé depuis le régime lui-même. Lockerbie, ça ne vous dit rien ?

      L’intervention française n’a fait qu’accélérer le processus de décomposition du régime. La guerre civile que nous voyons maintenant aurait probablement eu lieu dans quelques années, à la mort du « leader suprême ». Si l’on peut reprocher quelque chose à la France, c’est moins d’être intervenue pour détrôner Kadhafi que d’avoir ensuite refusé de choisir entre les différentes options politiques qui étaient sur la table. Mais faire cela eut été du « colonialisme », n’est ce pas ?

      [La situation actuelle était sans aucun doute prévisible, ou alors nos élites diplomatiques et politiques sont de véritables imbéciles. Le « service après-vente » n’étant pas, ou mal prévu, l’issue était prédéterminée. Ce qui devait arriver est arrivé. Ou alors, y avait-il des raisons plus souterraines à cette précipitation ?]

      Bien entendu. En matière internationale, il y a toujours des « raisons plus souterraines ». Une de ces « raisons » était de démontrer au monde entier, et aux américains en particulier, que la France – seule en Europe – était capable d’assumer militairement et logistiquement une intervention en dehors de ses frontières. La crédibilité de nos forces est une question qui est loin d’être négligeable, et sur ce plan, la réussite a été totale.

      [Depuis, un embryon de prudence s’est manifesté dans l’affaire syrienne. Cependant, nous avons, à un moment donné, été bien prêt d’aider indirectement Daesch, ce qui nous mettrait aujourd’hui dans une position inconfortable.]

      Au-delà des différences entre ces deux pays, on peut difficilement dire que la situation en Syrie – ou l’on a fait le choix de ne pas intervenir – soit bien meilleure qu’en Libye – ou l’on a fait le choix contraire. Dans ce genre d’affaires s’applique le principe résumé dans la formule « damned if you do, damned if you don’t » (« en enfer si vous le faites, en enfer si vous ne le faites pas »).

      [Quant à mon évocation d’une position de retrait relatif dans l’évolution de ce « merdier » qu’est l’islam et les régimes islamiques, je trouve vos propos un peu fort de café en comparant notre situation actuelle avec celle de la France de 1939 et avant. Il s’agissait, je ne vous apprend rien, de la menace vitale d’un voisin direct, belliqueux, conquérant, se constituant la première puissance militaire de la planète.]

      N’exagérons rien. En 1933, lorsque la France et la Grande Bretagne acceptent sans mot dire le réarmement de la Rhénanie, l’Allemagne n’est pas, et de très loin, la « première puissance militaire de la planète ». Pas même dans les trois premières. En 1938, l’Allemagne n’était pas non plus en état d’affronter la France ou l’Angleterre, bien mieux armées. Aujourd’hui tous les historiens sont d’accord : le réarmement de la Rhénanie et l’affaire de Munich ont été deux coups de bluff de Hitler, qui a habilement exploité des éléments : le premier, la force du sentiment pacifiste chez ses adversaires, après les massacres sans nombre de la première guerre mondiale. Et le second, la bienveillance des bourgeoisies française et britannique qui voyaient dans le régime nazi un « antidote » contre l’influence communiste et éventuellement un fer de lance dans une attaque contre l’URSS.

      Ensuite, il faut tenir compte du rétrécissement du monde. En 1933, il fallait six heures au Président du conseil français pour aller serrer la main du Chancelier allemand. Aujourd’hui, en six heures notre premier ministre se trouve à Bagdad. Une escadre allemande avait besoin de plusieurs heures pour aller bombarder nos lignes d’approvisionnement. Aujourd’hui, un bombardier iranien peut le faire en quelques minutes. Du point de vue stratégique, le monde musulman est aujourd’hui notre « voisin ». Nous ne pouvons pas plus nous désintéresser de lui aujourd’hui que nous ne pouvions nous désintéresser des conflits entre l’Allemagne et ses voisins hier.

    • odp dit :

      @ Descartes

      Bien sûr qu’il ne s’agit pas de faire de l’Action Française un parti républicain du type de ceux que l’on trouve dans la France de 2010 et encore moins un exemple, mais vous conviendrez que sur de nombreux sujets la réalité de ce que fut ce mouvement est à des années lumières de l’image folklorique ou manichéenne que l’on peut en avoir: royaliste mais fondé par des républicains de Salut Public (Vaugeois et Pujo), conservateur mais s’acoquinant avec Georges Sorel, catholique de principe mais athée de fait et mis à l’index par le Vatican en 1926, antisémite mais refusant le racisme, positiviste mais passionné de poésie et de littérature… Voilà une bien étrange construction intellectuelle qui régna sur les lettres et la pensée française pendant 40 ans et qui mérite mieux que les préjugés dont on l’accable généralement.

      Sinon, sur Nolte, nous sommes en fait, je pense, d’accord: quand on voit le niveau de tension que la “menace islamique”, pourtant très largement fantasmée, crée dans la société française, on peut aisément imaginer, ce que la “menace communiste”, bien plus “réelle” et radicale, pouvait créer après 1917.

    • odp dit :

      @ NJ et Descartes

      [Vous signalez un point important: on dirait que, pour les gens comme notre ami odp par exemple, la violence d’extrême gauche, “antifasciste” n’est pas un problème. La violence n’est condamnable que si elle vient de l’extrême droite, des fachos, des “racistes”. J’avais déjà noté cela lors de l’affaire Méric: tout le monde s’indignait de la violence des crânes rasés, mais personne n’a condamné la violence des antifascistes…]

      Franchement, vous me faites rigoler: je ne vois pas ce qui vous fait penser que j’ai une quelconque sympathie pour la violence d’extrême gauche. Ce n’est évidemment pas le cas et je ne trouve aucune excuse aux gens d’Action Directe, des FAR, des Brigades Rouges ou, plus près de nous, au couple Audry-Maupin.

    • odp dit :

      @ NJ

      On a un peu de mal à réconcilier le caractère très raisonnable de la première partie de de votre mise au point (“tous ceux qui veulent faire de l’ “homme blanc” le bourreau, le raciste, l’obstacle à une France multiculturelle et métissée, tous ceux-là me trouveront sur leur route. On n’a peut-être pas à être fier d’être un Français de souche, mais on n’a nulle raison d’en avoir honte”) et la radicalité de votre conclusion (“Autrement dit, si quelqu’un vient frapper à ma porte et me dit preuve à l’appui: “nous avons des armes, nous sommes nombreux et nous avons la volonté de sauver la France que tu aimes, es-tu avec nous?”, eh bien la réponse n’a rien d’évident”).

      Il me semble que le combat que vous menez doit être avant tout “culturel” et que sur ce plan les forces sont beaucoup plus équilibrées que ce que vous voulez bien laisser entendre. Après tout Eric Zemmour est éditorialiste sur la 1ère radio de France et vend des centaines de millier d’exemplaires de ses ouvrages, le FN est quasiment le 1er parti de France et impose son agenda à toutes les autres formations politiques; et ce qui est valable pour la France l’est pour quasiment tous les pays européens.

      Bref, à mon avis, nul besoin de penser à prendre les armes pour défendre le “roman national” ou la “dignité de l’homme blanc”.

    • @ odp,

      “Ce n’est évidemment pas le cas et je ne trouve aucune excuse aux gens d’Action Directe, des FAR, des Brigades Rouges ou, plus près de nous, au couple Audry-Maupin”
      Mais vous êtes toujours muet sur la violence du FLN, cher ami. Pourtant, vouloir émanciper un peuple opprimé, c’est de gauche, non? Et les amis de Clément Méric? Les condamnez-vous? Par simple curiosité, sur combien de sites antifascistes et d’extrême-gauche vous êtes-vous rendus pour dénoncer des appels à la violence? Parce qu’il y en a, figurez-vous, et plus explicites que les miens.

      “Après tout Eric Zemmour est éditorialiste sur la 1ère radio de France et vend des centaines de millier d’exemplaires de ses ouvrages”
      Et à part Eric Zemmour? Par simple curiosité, pouvez-vous me citer les innombrables journalistes qui se sont levés, non point pour approuver ses dires, mais au moins pour défendre son droit à exposer ses opinions? Je pense qu’ils se comptent sur les doigts d’une seule main.

      “le FN est quasiment le 1er parti de France”
      Avec 25 % des 50 % d’électeurs qui se déplacent encore… avec ça… Par ailleurs, je n’ai aucune confiance particulière dans le FN.

      “nul besoin de penser à prendre les armes pour défendre le “roman national” ou la “dignité de l’homme blanc”.”
      Pour défendre une idée, on n’a jamais besoin de prendre les armes. Mais pour imposer cette idée, c’est un peu différent… Les philosophes des Lumières ont “défendu” la liberté par leurs écrits, mais croyez-vous que ce mot ferait partie de la devise nationale s’il ne s’était rencontré personne pour imposer ce principe de liberté par les armes à tous ceux qui y étaient opposés, émigrés, clergé réfractaire, monarques d’Europe?

    • Descartes dit :

      @ odp

      [Bien sûr qu’il ne s’agit pas de faire de l’Action Française un parti républicain du type de ceux que l’on trouve dans la France de 2010 et encore moins un exemple, mais vous conviendrez que sur de nombreux sujets la réalité de ce que fut ce mouvement est à des années lumières de l’image folklorique ou manichéenne que l’on peut en avoir: royaliste mais fondé par des républicains de Salut Public (Vaugeois et Pujo), conservateur mais s’acoquinant avec Georges Sorel, catholique de principe mais athée de fait et mis à l’index par le Vatican en 1926, antisémite mais refusant le racisme, positiviste mais passionné de poésie et de littérature…]

      Je ne suis pas un grand connaisseur de l’Action Française, mais à ce que j’ai lu je ne peux qu’être d’accord avec vous. Je pense même qu’on peut aller plus loin : l’histoire de France et notamment l’importance de la Révolution française, qui a conféré à la gauche une certaine hégémonie intellectuelle a rendu la situation des droites françaises très compliquées. Contrairement aux droites britanniques ou allemandes, qui ont derrière elles la cohérence d’une véritable idéologie conservatrice et réactionnaire, la droite française s’est toujours trouvée écartelée. Après quelques tentatives de retour à l’Ancien régime, elle a compris que persister dans cette voie c’était accepter son propre effacement. Elle pouvait difficilement être « conservatrice », parce que la Révolution a fait en sorte qu’il n’y ait pas grande chose à « conserver ». Elle pouvait difficilement être libérale dans un pays ou la tradition étatiste datait de la monarchie. Le racialisme à l’allemande était pratiquement impossible dans un pays dont l’unité ethnique n’est qu’une fiction. L’intégrisme religieux n’était pas tenable dans un pays dont la population était traditionnaliste peut-être mais largement incroyante. C’est cet ensemble de contraintes qui fait que la droite française est idéologiquement assez biscornue. L’Action Française, avec ses énormes contradictions, illustre un peu cette situation. La figure de De Gaulle aussi, ce maurrassien qui finira par gouverner avec les communistes, qui en 1945 sera assis à la table des vainqueur grâce à Staline, et qui sera détesté… par l’extrême droite bien plus que par la gauche.

      [Voilà une bien étrange construction intellectuelle qui régna sur les lettres et la pensée française pendant 40 ans et qui mérite mieux que les préjugés dont on l’accable généralement.]

      Tout à fait. La période de l’entre-deux guerres souffre lourdement des non-dits imposés par le « roman national » de l’après-guerre. Maintenant que les principaux acteurs ont quitté la scène, on commencera probablement à revisiter ces années-là. Et il en sortira probablement une vision plus nuancée et moins moralisante des uns et des autres…

      [Sinon, sur Nolte, nous sommes en fait, je pense, d’accord: quand on voit le niveau de tension que la “menace islamique”, pourtant très largement fantasmée, crée dans la société française, on peut aisément imaginer, ce que la “menace communiste”, bien plus “réelle” et radicale, pouvait créer après 1917.]

      Oui, mais là vous inversez les termes du raisonnement. Votre position était que la confrontation avec la « menace islamique » est de même nature que la confrontation avec la « menace communiste » décrite par Nolte. Or, la « menace communiste » état réelle : les bourgeoisies européennes courraient un véritable danger de se voir remises en cause. La « menace islamique », elle, est largement fantasmée : les islamistes peuvent tuer des journalistes ou les clients d’un supermarché, mais ne menacent nullement la suprématie de la bourgeoisie. Et c’est pourquoi ne je crois pas un instant que nos classes dominantes consacreront à la lutte contre l’islamisme les mêmes moyens qu’ils ont consacré à la lutte contre le communisme.

    • @ odp,

      Je vous prie d’accepter mes excuses: je n’avais pas vu votre réponse du 13/05. Mea culpa. Je retire donc ma phrase sur le FLN dans mon précédent commentaire.

      Je souscris à ce que vous dites sur l’Action Française, un courant que manifestement vous connaissez bien mieux que moi. Je vous avoue que l’envie me manque de lire des ouvrages sur le sujet. Mais je vous dirai que Maurras est plus réactionnaire que moi: il est régionaliste, monarchiste et catholique “de raison” car il voit dans l’Eglise une institution garante de la cohésion de la France. Je n’aurai pas la prétention de vous dire que je suis “progressiste”, mais je pense ne pas en être tout à fait aux conclusion de Maurras. Je suis sans doute un mauvais fils des Lumières, mais je ne suis pas contre-révolutionnaire. Je pourrais sans doute me convertir au bonapartisme, qui est un avatar du jacobinisme et qui, d’une certaine manière, est une synthèse entre héritage monarchique et héritage révolutionnaire, mais certainement pas au royalisme. Je sais trop ce que mes ancêtres du tiers-état doivent à la Révolution et à la République. Je ne regrette pas l’Ancien Régime, et je préfère le mérite à la naissance.

      Votre référence à Breivik est très intéressante: elle montre que pour vous, la violence politique se limite à des actes terroristes. Il ne vous vient pas à l’esprit que la violence peut revêtir d’autres formes. Quand je parle de “prendre les armes”, il s’agit de faire la guerre, pas de faire sauter des bombes au hasard ou de mitrailler n’importe qui. Vous ne raisonnez qu’en terme de “violence aveugle”, mais la violence peut être utilisée d’une manière beaucoup plus méthodique et rationnelle.

      “c’est sur le terrain des idées que vous devez l’exprimer et probablement de manière moins radicale si vous voulez être audible. Votre blog sert déjà à ça mais peut être devriez-vous chercher une audience plus large en militant dans une organisation politique, le FN s’il le faut.”
      Je vous remercie de vos sages conseils, cher ami 🙂 Mais au fond, je dois taire mes réflexions et mes interrogations pour “faire de l’audience”, c’est ça? Vous me confondez avec un journaliste. Je ne cherche pas à plaire. Et non, je n’irai pas militer au FN, parce que je ne pense pas que le FN ait la moindre chance de changer les choses. Le militantisme au FN a par ailleurs un coût: celui de perdre des amis, d’être mal vu des collègues, de se brouiller avec la famille. Je ne suis pas prêt à payer ce prix, désolé. C’est très lâche sans doute, mais internet m’offre un anonymat qui m’épargne bien des ennuis.

      “la présence des musulmans en France est la conséquence d’un choix de l’Etat français.”
      C’est discutable. L’immigration a certes été encouragée dans une période d’expansion économique, mais le regroupement familial était censé mettre fin à cette immigration à la fin des années 70. Or cette dernière s’est poursuivie dans les années 80. Pire, le regroupement familial est devenu un appel d’air pour les migrants, alors qu’il n’avait pas été pensé ainsi. Le discours antiraciste et la montée du FN a empêché tout débat sérieux sur les questions migratoires. Je ne crois pas que l’Etat ait “choisi” de créer des banlieues islamisées, et je ne crois pas que les Français aient désiré que la présence musulmane prenne l’ampleur qui est la sienne aujourd’hui. En fait, la question de la diversité ethnique et du multiculturalisme n’a jamais véritablement été débattue. “On” a décrété que la France était désormais “black-blanc-beur”. “On” a décrété que désormais l’islam était installée pour longtemps sur le sol français. “On” a décrété que la France devait s’accommoder d’une religiosité étalée de manière provocante (je persiste) dans l’espace public. Mais si vous écoutez les partisans de cette situation, vous les entendrez toujours déclaré que “il faut l’accepter parce que c’est comme ça”. C’est la fatalité, il faut subir, donc autant s’en réjouir. Contrairement à la construction européenne, par exemple, la nation française ne s’est jamais vraiment prononcée sur ces questions.

  22. Marcailloux dit :

    @Descartes, hors sujet
    Bonsoir,
    Depuis la nouvelle disposition organisée par Overblog, je n’arrive toujours pas à comprendre quel est l’intérêt de la manœuvre, ni pour les rédacteurs, ni pour les lecteurs, ni pour Overblog, ni pour vous même. La roulette de ma souris en prend le tournis ! C’est un peu comme si pour labourer un champ, on déplaçait le soc de la charrue au dessus du futur sillon, et qu’au bout, on revenait en arrière au point de départ.(J’espère que mon image est parlante)
    Cordialement

  23. bovard dit :

    @Nationaliste jacobin
    Attention,au contre-sens quand vous écrivez:’Ensuite, le refus systématique de la violence n’est pas une bonne chose, à mon avis, car cela conduit parfois à des violences plus grandes encore.’
    Vous prenez comme exemple,l’affaire Lybienne.Or,au contraire,c’est la violence militaire exercée,en 2012-12,qui est à l’origine du chaos actuel..le comprenez vous ?
    Quand à votre FLN.2.0,nous les enseignants du type auquel j’appartiens, avons depuis longtemps,sans violence, entrepris un travail harassant pour casser les gangues abrutissantes qui empêchent la mutation des ‘indigènes’ de la république en autochtone;car l’enjeu crucial est dans cette métamorphose jamais connue dans l’histoire,par laquelle 10 millions de personnes issues des minorités musulmanes deviendront selon leur libre choix des autochtones de culture française.

    • Descartes dit :

      @ bovard

      [Quand à votre FLN.2.0, nous les enseignants du type auquel j’appartiens, avons depuis longtemps,sans violence, entrepris un travail harassant pour casser les gangues abrutissantes qui empêchent la mutation des ‘indigènes’ de la république en autochtone; car l’enjeu crucial est dans cette métamorphose jamais connue dans l’histoire, par laquelle 10 millions de personnes issues des minorités musulmanes deviendront selon leur libre choix des autochtones de culture française.]

      Ce discours est une illusion. D’abord, il est physiquement impossible de « devenir autochtone ». Etre « autochtone » implique avoir des ancêtres dans le pays, l’une des rares choses qu’on ne peut ni fabriquer, ni acheter. Alors, ce n’est pas la peine d’alimenter des illusions. Les immigrés – qu’ils soient italiens, espagnols, juifs, arabes – ne deviendront pas « autochtones ». Et c’est très bien ainsi : la grandeur de la France c’est d’avoir inventé un modèle d’assimilation qui ne repose pas sur « l’autochtonie ». On peut devenir français sans avoir quinze générations d’ancêtres français, n’en déplaise à Jean-Marie Le Pen.

      Mais il y a dans votre discours une deuxième illusion, c’est celle d’une assimilation issue d’un « libre choix ». L’assimilation n’est jamais un choix. Personne ne devient autre chose que ce qu’il est sans une pression extérieure. Si la France n’exige pas l’assimilation, si elle ne l’impose pas, alors les immigrés pourront être plus ou moins « intégrés », mais ils ne deviendront jamais « de culture française ». Et les enseignants devraient être les premiers à le comprendre. Ce qui, malheureusement, n’est globalement pas le cas.

    • @ bovard,

      “au contraire,c’est la violence militaire exercée,en 2012-12,qui est à l’origine du chaos actuel..le comprenez vous ?”
      Vous voulez dire la violence exercée par les troupes de Kadhafi? Dans ce cas, non, je ne comprends pas. La plupart des régimes arabes se sont installés et perpétués dans la violence. Si Kadhafi avait noyé la révolte dans le sang, sans que personne n’arrête ses troupes en route pour Benghazi, il n’est pas impossible que la Libye aurait retrouvé l’ordre. Kadhafi et ses partisans ont d’ailleurs subi le sort qu’ils réservaient à leurs opposants sans que les “défenseurs des droits de l’homme” disent quoi que ce soit. La façon dont son cadavre a été maltraité et exhibé aux yeux du monde est ignoble.

      “10 millions de personnes issues des minorités musulmanes”
      10 millions? Ah bon? Et d’où sortez-vous ce nombre? Un jour, on me dit que les “gens de culture musulmane” sont 4 millions, le lendemain ils sont 6 millions, et maintenant ils sont 10 millions? Si leurs effectifs augmentent à une telle vitesse, il y a matière à s’inquiéter… Vivement les statistiques ethniques, au moins on sera fixé.

      @ Descartes,

      “On peut devenir français sans avoir quinze générations d’ancêtres français, n’en déplaise à Jean-Marie Le Pen.”
      Encore faudrait-il donner envie d’être Français… Quand j’entends les discours pour la commémoration “des traites et de l’esclavage”, discours qui bien entendu soulignent la culpabilité de “l’homme blanc occidental” en général, et notamment de la France (quid des traites arabes et intra-africaines?), je me dis qu’on est mal parti. Toujours plus de monuments, de mémoriaux, de “cérémonies du souvenir”. Quand sortira-t-on de cette rhétorique victimaire, sinistre et au fond anti-française?

      “la grandeur de la France c’est d’avoir inventé un modèle d’assimilation qui ne repose pas sur « l’autochtonie ».”
      Et le drame de la France, c’est d’avoir abandonné ce modèle au moment où de nouvelles vagues d’immigration se produisaient, composées en outre de populations pouvant avoir un contentieux historique avec la France. Une erreur qui va nous coûter très cher.

    • Descartes dit :

      @ nationalistejacobin

      [Encore faudrait-il donner envie d’être Français…]

      Oui, tout à fait. Les moments ou l’assimilation a le moins bien marché et la xénophobie a été la plus forte coïncident avec les périodes ou la « haïne de soi » était la plus répandue. Pensez aux années 1930… On ne peut accueillir l’étranger et l’assimiler que si l’on s’aime soi-même.

      [Quand j’entends les discours pour la commémoration “des traites et de l’esclavage”, discours qui bien entendu soulignent la culpabilité de “l’homme blanc occidental” en général, et notamment de la France (quid des traites arabes et intra-africaines?), je me dis qu’on est mal parti.]

      Je partage. Je dois dire que j’ai beaucoup ri – jaune – en regardant hier sur France 2 le reportage sur le voyage de Hollande aux Antilles et l’inauguration du « mémorial de l’esclavage ». Une sorte de journaliste expliquait doctement que la traite négrière « bénéficiait aux marchands européens ». Elle semblait oublier que ce commerce était aussi très profitable aux roitelets africains de l’époque, ravis de vendre leurs prisonniers de guerre et même leurs sujets en échange de biens de consommation européens. Car les esclaves n’étaient pas des noirs libres réduits à l’esclavage par les méchants « blancs », mais des noirs réduits à l’esclavage par d’autres noirs, puis vendus aux marchands blancs. C’était donc très amusant de voir à la cérémonie d’inauguration des présidents africains invités pour l’occasion. Si Hollande s’estime l’héritier des marchands blancs à l’heure de demander pardon, ces présidents ne devraient eux aussi demander pardon au nom des roitelets dont ils sont les lointains descendants ?

      [Toujours plus de monuments, de mémoriaux, de “cérémonies du souvenir”. Quand sortira-t-on de cette rhétorique victimaire, sinistre et au fond anti-française?]

      Je ne sais pas. Je commence à détecter une certaine exaspération dans la société devant ce genre de cérémonies qui finalement sont l’alibi pour ne rien faire. A l’inauguration d’hier, pas mal d’antillais n’hésitaient pas à dire que l’argent dépensé dans ce genre de monuments aurait du aller plutôt aux infrastructures, à l’éducation, à l’emploi des jeunes.

      [Et le drame de la France, c’est d’avoir abandonné ce modèle au moment où de nouvelles vagues d’immigration se produisaient, composées en outre de populations pouvant avoir un contentieux historique avec la France. Une erreur qui va nous coûter très cher.]

      Je ne crois pas que le « contentieux historique » soit le véritable problème. Ce « contentieux » est largement artificiel. C’est la « culpabilité de l’homme blanc » complaisamment proclamée qui fabrique ce « contentieux ». Lorsque le statut de victime vous donne des droits, tout le monde se trouve un bourreau. D’ailleurs, le « contentieux historique » a bon dos : la France pouvait être tenue responsable de la pauvreté des algériens en 1962. Mais cinquante ans plus tard, on peut difficilement dire que c’est la faute de la France si les jeunes algériens doivent s’expatrier pour trouver du travail. Et les gens le savent parfaitement.

      Quant à moi, j’exige qu’on bâtisse un monument à l’esclavage gaulois. Pourquoi reprocher à Jules Ferry ce qu’on pardonne à Jules César ?

    • CVT dit :

      @Descartes,
      [Quant à moi, j’exige qu’on bâtisse un monument à l’esclavage gaulois. Pourquoi reprocher à Jules Ferry ce qu’on pardonne à Jules César ?]
      J’ai bien ri, car c’est exactement ce à quoi j’ai pensé…
      La conquête de la Gaule par Jules César, entre -52 à -50 avant JC, aurait coûté des MILLIONS de morts, ce qui pour l’époque, était déjà considérable! Dès lors, quand on veut demander des comptes, pourquoi ne pas réclamer des réparations à l’Italie, héritière présomptive de la République Romaine?
      Avec des raisonnements pareils, on n’en finira jamais, et c’est peut-être bien le but recherché par les rentiers du malheurs: une rente éternelle…

  24. bovard dit :

    @Nationaliste jacobin
    La meilleure façon de dissiper les illusions,est d’en revenir à la rigueur.Allons à la source,l’étymologie.
    Décidemment,l’Académie Française n’aide pas,(alors que chaque académicien couterait plus d’un million d’euros par an,selon Radio salle des profs!)…
    Pas de définition directement disponible sur internet.Je ne me fie pas au Larousse,trop dérivé en polysémies subjectives.
    Quant au Robert:’1560-pris au grec de autos et de chton’terre’.Il signifie ‘habitant du lieu même,indigène’ et devient adjectif 1835.
    Sur Wikipédia:Au sens courant, autochtone,plusieurs sens-1 qualifie ce qui habite en son lieu d’origine. Il peut prendre différents sens spécialisés :
    En ethnologie, le terme désigne le membre d’un peuple autochtone, ou qualifie ce qui lui est lié.
    En particulier, au Canada, le terme d’Autochtones désigne collectivement les Amérindiens, les Inuits et les Métis2.
    En biologie, l’autochtonie désigne le caractère local d’une espèce (animale, végétale, fongique…) équivalente à « indigène »
    En géologie, un terrain autochtone est un terrain qui n’a pas été déplacé par un chevauchement, ou une érosion.
    En mythologie grecque, un autochtone est un enfant né spontanément de la terre, sans parents.
    Voir aussi:-Présence autochtone, évènement festif annuel à Montréal
    les pensionnats autochtones étaient au Canada des institutions de scolarisation, d’évangélisation et d’assimilation des enfants amérindiens.
    Quant à ‘Indigène’,c’est un emprunt au Latin,introduit par Rabelais,de ‘in=dans,et de’gena’=né de,engendré..Donc,rien à voir avec l’INDE !
    L’Autochtone,étymologiquement grec,est le même que l’Indigène latin.
    Tous les deux sont nés dans le pays où,ils habitent,n’est ce pas?

    • Descartes dit :

      @bovard

      [La meilleure façon de dissiper les illusions, est d’en revenir à la rigueur. Allons à la source, l’étymologie.]

      L’étymologie n’est d’aucun secours pour déterminer le sens présent d’un mot. Beaucoup de mots ne sont pas utilisés dans leur sens étymologique. Prenez « télévision », par exemple… pensez-vous vraiment que la télévision soit un outil pour voir de loin ?

      [Décidemment,l’Académie Française n’aide pas,(alors que chaque académicien couterait plus d’un million d’euros par an,selon Radio salle des profs!)…]

      J’ignorais que les profs étaient aussi envieux.

      [L’Autochtone, étymologiquement grec, est le même que l’Indigène latin. Tous les deux sont nés dans le pays où, ils habitent, n’est ce pas?]

      Pas nécessairement. Le fils d’un esclave gaulois et d’une esclave gauloise né à Rome restait un « indigène » gaulois. L’autochtone, l’indigène n’est pas celui qui est né quelque part, mais celui qui y a ses racines, son passé, sa lignée.

  25. Alain Brachet dit :

    Je reviens un peu à la charge pour faire suite principalement à votre commentaire de la note de bas de page de mon intervention du 30/4 et votre réponse du même jour. Elle concernait, à nouveau, l’idée d’une troisième classe sociale (classe moyenne) pour interpréter correctement le monde d’aujourd’hui.
    Je me range, l’ayant mieux comprise, à votre interprétation faisant appel à cette troisième classe (moyenne), tout au moins pour en tirer certaines conséquences. Alors, 3 classes, comme vous l’envisagez, ou 2 classes (selon moi, mais avec un clivage marqué entre le haut et le bas, clivage non seulement quantitatif mais aussi qualitatif) permet de développer des raisonnements semblables.
    Je note au passage que vous m’avez éclairé sur le fond de votre pensée (ou sur un certain fond). Il rejoint le mien, sans doute par sa teneur marxisante. Dans une certaine mesure vous répondez à la question que je posais : que faire ?
    Mais je ne vous suis pas totalement dans votre « pessimisme de la raison », qui légitime un certain attentisme, il est vrai, actif et non passif…
    Pour comprendre le comportement des forces sociales en présence aujourd’hui, vous admettez que nous sommes dans une phase de domination forte du Capital (en tant que classe au sens de Marx : j’utilise la majuscule pour signifier qu’il s’agit ici de la classe capitaliste). Sa force est accrue par l’alliance qu’il a su bâtir avec les couches moyennes (la classe moyenne) qui acceptent résolument leur subordination, par intérêt, dans un monde où, toujours et même plus que jamais, la richesse de certains dépend de l’exploitation accrue des autres. Ce qui explique que ces classes moyennes soient parfaitement à l’aise (majorité électorale et/ou résultats de sondages) avec le gouvernement actuel, et le parti politique qui l’anime et le soutient (le PS). Ceux-ci participent allègrement à l’exploitation accrue (voir loi Macron) de la classe ouvrière ou populaire. D’où la confusion, le désarroi, qui règne de ce côté-là, notamment chez les partis qui s’étaient fondés pour la défense de cette classe (le PCF, « parti de la classe ouvrière »). Celui-ci est d’autant plus désorienté qu’il avait choisi, depuis qu’il est en perte de vitesse, une ligne politique d’alliance avec le PS. Ce dernier ayant fait le choix de la « collaboration de classes »… le PC, en persistant dans son alliance indéfectible, est de plus en plus mouillé, et dévalorisé auprès de ces couches populaires… Celles-ci abandonnent le combat politique et syndical (ce dernier n’ayant pratiquement plus qu’un rôle reconnu pour négocier des « plans sociaux » !). Ou se tournent vers le FN qui reprend le langage du PC d’il y a 40 ans, pour se placer sur ce flan de l’échiquier politique, mais évidemment pas pour reprendre en réalité le combat du PC…
    Dans ces conditions (je schématise peut-être un peu trop vos propos ?) vous jugez qu’il n’y a plus d’autres choses à faire que d’attendre des jours meilleurs (pour la lutte des classes à venir). Ce qui implique, à minima, de maintenir autant que faire se peut, une pensée critique, une certaine pensée marxisante, pour faire de la « veille de combat de classes », si l’on peut dire… Il est d’ailleurs certain que d’autres penseurs actuels abondent cette façon de voir. Je citerais les noms de Jacques Sapir, pour la pensée économique, Tony Andréani, pour une visée de transformation sociale, d’Yvon Quiniou, pour une morale politique … Il y en a d’autres (j’ai seulement cité quelques noms dont j’apprécie particulièrement la pensée). Ce qui montre que la « veille de combat de classes » existe, mais qu’elle se développe dans un cercle étroit, tout au moins en rapport avec les « masses » à animer… A noter au passage, aussi, que ces intellectuels progressistes ne constituent pas une unité véritablement unifiée de pensée : ils poursuivent leurs chemins, souvent individualistes. Mais ils décortiquent la réalité, ils pourraient être des ferments pour un parti politique (tel le PC) en vue de la formalisation d’une doctrine adaptée au monde actuel. Il reste à un tel parti de faire la synthèse correspondante, car les intellectuels en question n’ont pas vocation à faire ce travail…
    Pour mieux comprendre votre « attentisme intellectuel actif » (ou celui des penseurs cités), j’ai fait un parallèle avec la période similaire du féodalisme. Les serfs, les « exploités totaux »d’alors (vous m’accorderez cette dénomination qui m’est personnelle ?) étaient conscients de l’exploitation qu’ils subissaient de la part des féodaux. Leurs jacqueries en témoignent…mais elles étaient sans issue. Les bourgeois des bourgs (artisans, commerçants, usuriers et banquiers) étaient conscients des entraves à leur libre développement, imputables aux mêmes féodaux ou aristocrates. Mais aucun de ces « exploités d’alors » (ou « opprimés », pour reprendre une dénomination actuelle qu’on applique à l’ensemble des deux entités considérées, dans leur structure actuelle)n’était en mesure d’imaginer, à partir de l’existant, ce que serait le capitalisme et l’exploitation du salariat à venir…donc les actions à entreprendre pour favoriser l’éclosion de cette nouvelle étape de transformation de la société. Nous serions dans une situation analogue : les caractéristiques futures de la société à construire nous échappent, en dehors de généralités peu mobilisatrices… Il faut se résoudre à survivre en tentant de préserver le maximum de moyens de comprendre et d’agir le moment venu…
    Pour ma part, je subis évidemment, faute de mieux, cet état d’attente, cette angoisse de l’avenir, de déroute de l’action transformatrice. Mais j’ai de la peine à rester l’arme au pied… Je cherche (désespérément !) une voie, évidemment pour combattre mon désarroi personnel. Mais aussi pour surmonter avec d’autres l’attentisme, car je suis persuadé que celui-ci a besoin de confrontations autres que simplement verbales. Car, de l’autre côté, ce n’est pas l’attentisme qui prévaut mais un combat (de classe) qui accumule au jour le jour des avancées, des points d’ancrage, rendant de plus en plus difficile, non seulement un retour en arrière, mais l’adoption d’une bifurcation favorable.
    En somme, ce que je crois nécessaire pour ne pas sombrer, c’est, faute de mieux, de tenter une « expérience politique » d’envergure. En la poursuivant, ou bien on progressera et l’expérience fera « boule de neige » et ainsi, dynamisée, conduira à quelque chose d’utile et de nouveau, ou bien échouera… et on tentera une nouvelle expérience. Dans tous les cas, on fera de la « veille active », on maintiendra vivant un flambeau de transformation sociale, de « révolution », qui est une autre façon, plus solide que le débat académique, fut-il remarquable, d’ancrer dans les têtes des démarches crédibles, et la volonté de se battre.
    Evidemment, il ne s’agit pas de faire n’importe quoi au prétexte qu’on expérimente et que, dès lors, échouer, n’est pas si grave et apprend toujours quelque chose. La société n’est pas un laboratoire « d’essais et d’erreurs » désordonnés, qu’on a tout loisir ensuite de passer au crible, pour sélectionner la bonne solution. L’expérience soviétique, qui a échouée au sens strict, a duré 70 ans ; l’expérience chinoise n’a pas encore dit son dernier mot. Une expérience politique digne de ce nom a besoin de temps, et ce temps qui s’écoule modifie les conditions initiales : on ne peut pas faire deux fois la même chose, et certaines opportunités ne se présentent pas deux fois. Il faut donc s’engager dans une expérience longuement pensée, dans le court, moyen et long terme. Autrement dit, s’engager dans l’expérience qui, aujourd’hui, rassemble le maximum d’atouts… et advienne que pourra. Dernière expression qui ne veut pas dire non plus qu’on fonce tête baissée : à chaque étape on devra analyser l’acquis, et corriger en conséquence. On fera du « retour d’expérience », de la prospective, de l’autocritique, en continu…
    Alors, quelle expérience envisager ?
    Je ne prétends pas décrire l’affaire par le menu, mais proposer quelques idées qui me paraissent utiles dans le but proposé.
    1) Je ne crois pas que dans un pays « avancé » comme la France, dans l’environnement qui est le sien (Europe), une « révolution violente »soit à l’ordre du jour, même à l’issue d’un mouvement plus ou moins spontané du type de mai 68, ou de certaines révolutions arabes. Ou, plus exactement, une telle éventualité n’est pas à planifier, comme schéma de l’expérience envisagée. Si elle survient, on adaptera l’expérience au contexte… et plus on aura « travaillé » le projet, plus on sera à même de prendre le train en marche d’un mouvement social impromptu, et de ses aléas…
    2) Je pense qu’il faut tabler sur une « révolution citoyenne ». Je donne à ce concept la signification suivante : une prise du pouvoir d’état par les urnes, via une force politique décidée à tenter l’expérience. Ce qui implique qu’un électorat majoritaire acquis à l’expérience s’est constitué et la soutient fermement. Ce qui implique à son tour qu’on est entré, dans le pays, dans une période de mouvements sociaux puissants et impérieux. J’imagine quelque chose comme 1936 : un succès électoral dû à un large mouvement social et la mise en oeuvre de ce projet au niveau gouvernemental, toujours appuyée sur le mouvement social. Car le second terme a contribué à la définition du premier et tente de veiller à son application (il y a dans l’affaire grecque actuelle une esquisse d’un tel processus).
    3) Quelle force politique ? C’est évidemment la grande question !
    Je pense qu’elle ne peut être appuyée au départ que sur des partis politiques représentatifs de ces classes « opprimées »: a) un parti politique émanant pour l’essentiel des couches populaires, et porteur de leurs revendications : en somme un « parti de la classe ouvrière » ou des « classes populaires ». Sous cette forme, l’histoire montre qu’il ne peut être efficace qu’en s’inspirant de Marx (et évidemment de ses continuateurs, notamment pour être en phase avec le présent). C’est tout au moins le constat que je fais à partir de l’histoire « du court 20ème Siècle ». Si l’on regarde « l’offre politique » disponible à cet égard, il ne peut s’agir que du PC… tout au moins s’il ne s’efface pas davantage, au point de disparaître pratiquement. Dans ce cas, il faudra en réinventer un ! b) un parti de « couches moyennes », pardon ! De la « classe moyenne »!
    En effet, dans notre pays, il parait improbable aujourd’hui qu’un parti de la classe ouvrière soit à même d’être majoritaire au sens électoral. La sociologie de la nation ne le permet plus. La couche sociale que l’on peut qualifier de « moyenne » est devenue trop importante numériquement, et son poids idéologique trop important aussi. Il faut prendre acte de cette situation qui, après tout, n’est pas étrange. Elle est, pour nous, le fruit des « 30 glorieuses » et d’une époque qui a permis à une large partie des couches populaires d’accéder à un statut amélioré. Et ceci par l’action décisive, à cette époque, d’un parti politique comme le PC. N’est ce pas de cela qu’il s’agit pour l’avenir ? Amener l’ensemble d’une population, d’un pays comme la France, à un statut, un niveau de vie, dont les couches moyennes actuelles fournissent un modèle acceptable ? Il serait curieux que la poursuite de ce projet de progrès, entraine dans sa dynamique même, la formation de ses « propres fossoyeurs », en allant vers cette classe moyenne généralisée ! On ne peut donc ignorer cette contradiction. Il faut se préparer, dans l’expérience même à développer, à l’assumer. Mais aujourd’hui, nous n’en sommes pas là : une classe populaire existe, à côté d’une classe moyenne qui est elle-même fortement clivée entre une partie haute et une partie basse, ce qui rend complexe sa participation à l’affaire. Comme dit plus haut, sa fraction haute, est pour une large part entrainée, sur la gauche de l’échiquier, par le PS, et a pu prendre le pouvoir d’état en faisant alliance avec le Capital. Elle « fait », pour l’essentiel, sa politique, laquelle vise à tirer toujours plus de plus-value des couches populaires (et d’une fraction importante des couches moyennes basses). C’est pourquoi l’alliance entre couches populaires et la fraction haute des couches moyennes au pouvoir est impossible en l’état, ou vouée à l’échec. D’autant plus qu’une fraction de cette fraction, reste pour sa part à droite, c’est-à-dire encore plus liée au Capital…
    Fort heureusement une partie, pas forcément représentative en l’état des couches basses, mais plutôt de couches intellectuelles (des « experts et compétents » selon une formule du marxiste Jacques Bidet) trouve une expression vivante en provenance, ou en osmose avec ces penseurs marxisants et contestataires du capitalisme cités plus haut. Et pour certains sont même allés grossir les rangs d’un parti politique socialiste plus radical que le PS : le PG. Un tel parti, aussi faible soit-il actuellement, en termes de militants et partisans, s’est affiché disponible pour une alliance avec le PC : leur union formalisée constitue le Front de Gauche. Je n’entre pas dans le détail des raisons, bonnes ou mauvaises (par exemple, électoralistes) que l’on peut invoquer pour expliquer cette alliance. Je dis : il faut la prendre au mot, et un parti politique tel que le PC devrait agir ainsi, car il a encore du poids, et pourrait idéologiquement en avoir davantage encore en se comportant en « intellectuel collectif » marxiste, actualisé pour notre temps. Il me paraît évident que s’il se comportait ainsi, il serait le leader d’un tel mouvement. L’idée, défendue par certains que le PG absorberait le PC, me parait invraisemblable car, précisément, la grosse masse des couches moyennes de gauche, entrainée par sa fraction haute, est ailleurs (dans la « collaboration de classe »). Avant que le vent tourne, et pour qu’il tourne, il faut un parti « de la classe ouvrière » fort pour impulser la machine, avec son allié de la classe moyenne…
    Cette alliance constitue ainsi, vaille que vaille, l’embryon de l’union à développer entre des forces politiques susceptibles de constituer cette majorité à bâtir. S’il se développe il fera boule de neige et peut conduire à la majorité susceptible de prendre le pouvoir, dans cette « révolution citoyenne » évoquée plus haut…
    Pour moi, ce FdG embryonnaire et fragile, est donc la carte à jouer, est « l’expérience » à tenter…
    Il lui reste évidemment, d’une part à édifier ce projet de société et d’entraîner à sa suite les couches populaires et moyennes le soutenant. Ce qui est évidemment loin d’être réalisé. Mais travailler dans cette voie ouvre la porte à cette expérience politique à tenter… Cela suppose en outre que les deux partis (et leurs alliés éventuels) formant la trame de base de ce FdG jouent pleinement leurs rôles respectifs. C’est malheureusement là le hic ! Peut-on trouver le moyen de leur faire prendre conscience du rôle « historique » (selon la vision « volontaire et optimiste » que je tente de proposer)qui devrait être aujourd’hui leur vision, dans le « schéma expérimental » évoqué? A défaut, peut-on espérer en développant au maximum ce FdG, progresser un peu, et au pire, faire de la « veille active de transformation sociale, ou de combat de classes », dont il restera forcément quelque chose ?
    4) Cette idée « d’expérience politique » peut choquer. J’ai déjà indiqué plus haut qu’il ne s’agit pas de faire n’importe quoi et d’attendre les résultats pour conclure. Une expérience de ce type coute cher pour ceux qui s’y lancent surtout pour les catégories les plus opprimées. On n’a pas le droit de jouer avec la peine des hommes… Je pense néanmoins que cette idée d’expérience politique est à prendre au sérieux. J’ai exprimé ailleurs (site : La faute à Diderot, suite à article d’Yvon Quiniou) que l’édification du socialisme (c’est de cela qu’il s’agit) présente une énorme différence avec les transitions historiques passées (esclavage, puis servage et féodalité, puis capitalisme) : c’est une transformation de la société qui n’est plus mise en œuvre par une fraction riche et puissante, selon un processus « par défaut » (laissons les riches, les intelligents, les puissants, les égoïstes, les sans scrupules, etc… mener leur jeu : ils sauront le faire…et c’est ce que l’on a constaté, depuis toujours). La conquête du pouvoir par la majorité du peuple, n’est pas « par défaut », c’est une action collective à construire avec une pensée collective (démocratique), de manière « résistible » : en laissant les choses aller…on n’ira certainement pas de ce côté, mais de l’autre, une fois de plus. Dans de telles conditions, on ne peut penser que ce peuple rassemblé, trouvera d’emblée la bonne solution : il fera des « essais et erreurs », il remettra en chantier plusieurs fois son projet (si on lui en laisse le loisir !…ce qui soulève d’autres questions que je laisse ici de côté).
    Une raison complémentaire à cela est simplement l’histoire : on voit bien désormais qu’il y a eu des expériences de « révolutions prolétariennes » diverses et variées, et plus ou moins abouties, mais quelquefois valides un certain temps, ou encore en cours (j’ai cité la Chine). Enfin, en me référant à Marx, tout cela n’est pas étonnant : c’est tout de même une grande affaire que d’accéder à une société « sans classe sociale », c’est-à-dire sans exploitation ou oppression. Alors que toute l’histoire est jusqu’à maintenant « l’histoire des luttes de classes » ! Peut-on être si sûr de soi, au point de penser réussir à tout coup ?

    • Descartes dit :

      @ Alain Brachet

      [Ceux-ci participent allègrement à l’exploitation accrue (voir loi Macron) de la classe ouvrière ou populaire. D’où la confusion, le désarroi, qui règne de ce côté-là, notamment chez les partis qui s’étaient fondés pour la défense de cette classe (le PCF, « parti de la classe ouvrière »).]

      « Confusion » ? « Désarroi » ? Pas tant que ça, en fait. Vous m’auriez dit la même chose il y a quinze ans, et j’aurais été d’accord avec vous. A l’époque, on voyait encore au sein du PCF les remous provoqués par la « mutation », le conflit présent chez chaque militant entre le désir d’embrasser ce qui semblait être un « nouveau départ » après les années sombres du mitterrandisme, et la conscience plus ou moins développée que la « mutation » était bâtie sur un changement sociologique majeur, qui consistait à embrasser les intérêts des « classes moyennes » et à abandonner de la base ouvrière. Mais aujourd’hui ce débat est fini. Le PCF est devenu un parti gauchiste de plus, quelque soient les efforts qu’il puisse faire pour garder une façade différente. Ses militants – le peu qu’il en reste – ont de moins en moins d’états d’âme. Le PCF n’est pas « désorienté », il est au contraire fermement orienté… dans la mauvaise direction.

      [Celui-ci est d’autant plus désorienté qu’il avait choisi, depuis qu’il est en perte de vitesse, une ligne politique d’alliance avec le PS.]

      Pas du tout. Le PCF a choisi une stratégie à géométrie variable en fonction des intérêts des « notables ». Là où l’alliance avec le PS est la meilleure manière de sauver la peau des « notables », on fait alliance sans états d’âme. Là où au contraire une candidature indépendante ou de rassemblement de « l’autre gauche » donne plus de perspective, on le fait. Peu importent les programmes et autres documents dont on sait que l’électeur ne les lit que d’un derrière distrait. L’essentiel, c’est le résultat.

      [Ou se tournent vers le FN qui reprend le langage du PC d’il y a 40 ans, pour se placer sur ce flan de l’échiquier politique, mais évidemment pas pour reprendre en réalité le combat du PC…]

      C’est un peu vite pour le dire. Tant que le FN n’a pas de pouvoir, on ne peut le savoir. Et le jour où il aura une parcelle de pouvoir, il ne pourra pas totalement négliger les intérêts de l’électorat populaire qu’il aura conquis sans risquer de perdre son soutien. Un parti politique est aussi, jusqu’à un certain point, soumis à son électorat. Je ne suis pas convaincu que le FN, lorsqu’il aura une parcelle de pouvoir, fera une politique anti-populaire.

      [Dans ces conditions (je schématise peut-être un peu trop vos propos ?) vous jugez qu’il n’y a plus d’autres choses à faire que d’attendre des jours meilleurs (pour la lutte des classes à venir). Ce qui implique, à minima, de maintenir autant que faire se peut, une pensée critique, une certaine pensée marxisante, pour faire de la « veille de combat de classes », si l’on peut dire…]

      Exacte. Le rapport de forces est trop défavorable pour imaginer qu’on puisse changer le monde aujourd’hui. Mais nous pouvons préparer le changement pour qu’il puisse avoir lieu demain. Et accessoirement, on peut faire pas mal de choses bien sans pour autant changer le monde…

      [A noter au passage, aussi, que ces intellectuels progressistes ne constituent pas une unité véritablement unifiée de pensée : ils poursuivent leurs chemins, souvent individualistes. Mais ils décortiquent la réalité, ils pourraient être des ferments pour un parti politique (tel le PC) en vue de la formalisation d’une doctrine adaptée au monde actuel. Il reste à un tel parti de faire la synthèse correspondante, car les intellectuels en question n’ont pas vocation à faire ce travail…]

      Tout à fait. Encore faut-il que des gens aient un intérêt à constituer un tel parti. Ce n’est pas évident aujourd’hui.

      [Pour mieux comprendre votre « attentisme intellectuel actif » (ou celui des penseurs cités), j’ai fait un parallèle avec la période similaire du féodalisme. Les serfs, les « exploités totaux »d’alors (vous m’accorderez cette dénomination qui m’est personnelle ?) étaient conscients de l’exploitation qu’ils subissaient de la part des féodaux. Leurs jacqueries en témoignent…mais elles étaient sans issue.]

      Non. Les jacqueries contestaient en général un seigneur trop rapace ou trop injuste, mais pas le système en lui-même. C’eut été absurde d’ailleurs : le servage – qui était en fait un rapport contractuel entre le seigneur et son serf, dans lequel chacun avait sa part à jouer – était la meilleure organisation compatible avec l’état des forces productives de l’époque. Il ne faut pas croire que les serfs n’ont pas fait la révolution parce que l’idée ne leur est pas venue…

      [Pour ma part, je subis évidemment, faute de mieux, cet état d’attente, cette angoisse de l’avenir, de déroute de l’action transformatrice. Mais j’ai de la peine à rester l’arme au pied…]

      Nous en sommes tous là…

      [En somme, ce que je crois nécessaire pour ne pas sombrer, c’est, faute de mieux, de tenter une « expérience politique » d’envergure.]

      Pourquoi pas. Seulement, en politique vous ne pouvez pas faire des choses tout seul. Il faut que cette « expérience politique » puisse attirer suffisamment de monde. C’est là la véritable difficulté. Les gens – même les plus modestes – ont des choses à perdre, et ils ne s’embarqueront pas dans une « expérience » que si elle leur assure au moins de garder ce qu’ils ont conquis.

      [Je pense qu’elle ne peut être appuyée au départ que sur des partis politiques représentatifs de ces classes « opprimées »: a) un parti politique émanant pour l’essentiel des couches populaires, et porteur de leurs revendications : en somme un « parti de la classe ouvrière » ou des « classes populaires ». (…) Si l’on regarde « l’offre politique » disponible à cet égard, il ne peut s’agir que du PC… tout au moins s’il ne s’efface pas davantage, au point de disparaître pratiquement.]

      Si vous cherchez un « parti représentatif des classes opprimées », c’est le FN plutôt que le PCF qui vient aujourd’hui à l’esprit.

      [Dans ce cas, il faudra en réinventer un ! b) un parti de « couches moyennes », pardon ! De la « classe moyenne »!]

      Pour quoi faire ? Ce n’est pas cela qui manque : PS, UMP, PCF, MODEM…

      [En effet, dans notre pays, il parait improbable aujourd’hui qu’un parti de la classe ouvrière soit à même d’être majoritaire au sens électoral. La sociologie de la nation ne le permet plus. La couche sociale que l’on peut qualifier de « moyenne » est devenue trop importante numériquement, et son poids idéologique trop important aussi.]

      Et donc, vous revenez à l’idée d’une alliance entre les classes populaires et les « classes moyennes ». Sauf que ces classes n’ont aucune raison de faire alliance. Tout les oppose. Sur que « projet » voyez-vous une telle alliance se constituer ?

      [Amener l’ensemble d’une population, d’un pays comme la France, à un statut, un niveau de vie, dont les couches moyennes actuelles fournissent un modèle acceptable ? Il serait curieux que la poursuite de ce projet de progrès, entraine dans sa dynamique même, la formation de ses « propres fossoyeurs », en allant vers cette classe moyenne généralisée !]

      Mais… d’où sortira la valeur nécessaire pour amener les couches populaires « au statut, au niveau de vie des couches moyennes » ? Des bourgeois ? Ca ne marche pas : ils sont trop peu nombreux. De la croissance ? A 1% par an, il vous faudra des siècles. Il vous faudra donc toucher les « classes moyennes » elles mêmes. Et celles-ci ne l’accepteront jamais. C’est là tout le problème : avec la croissance faible, l’économie est un jeu à somme nulle.

      [On ne peut donc ignorer cette contradiction. Il faut se préparer, dans l’expérience même à développer, à l’assumer. Mais aujourd’hui, nous n’en sommes pas là : une classe populaire existe, à côté d’une classe moyenne qui est elle-même fortement clivée entre une partie haute et une partie basse, ce qui rend complexe sa participation à l’affaire.]

      Je ne la vois pas si « clivée » que ça…

      [Fort heureusement une partie, pas forcément représentative en l’état des couches basses, mais plutôt de couches intellectuelles (des « experts et compétents » selon une formule du marxiste Jacques Bidet) trouve une expression vivante en provenance, ou en osmose avec ces penseurs marxisants et contestataires du capitalisme cités plus haut. Et pour certains sont même allés grossir les rangs d’un parti politique socialiste plus radical que le PS : le PG.]

      A quels « penseurs » faites vous référence ? J’ai du mal à voir quel « penseur » aurait rejoint le PG ces derniers temps…

      [Un tel parti, aussi faible soit-il actuellement, en termes de militants et partisans, s’est affiché disponible pour une alliance avec le PC : leur union formalisée constitue le Front de Gauche. Je n’entre pas dans le détail des raisons, bonnes ou mauvaises (par exemple, électoralistes) que l’on peut invoquer pour expliquer cette alliance. Je dis : il faut la prendre au mot, et un parti politique tel que le PC devrait agir ainsi, car il a encore du poids, et pourrait idéologiquement en avoir davantage encore en se comportant en « intellectuel collectif » marxiste, actualisé pour notre temps.]

      Vous semblez être sous l’empire de l’illusion que le PCF est encore un parti « marxiste », et qu’il pourrait se comporter en « intellectuel collectif ». Avez-vous lu récemment quelques textes de réflexion du PCF ?

      [Pour moi, ce FdG embryonnaire et fragile, est donc la carte à jouer, est « l’expérience » à tenter…]

      Pas pour moi. Je vois mal en quoi l’union de deux partis gauchistes des classes moyennes pourrait donner autre chose qu’un parti gauchiste des classes moyennes.

      [Il lui reste évidemment, d’une part à édifier ce projet de société et d’entraîner à sa suite les couches populaires et moyennes le soutenant. Ce qui est évidemment loin d’être réalisé.]

      Non seulement loin, mais impossible à réaliser. Le projet qui pourrait intéresser les couches populaires et les « classes moyennes » en même temps est tout bonnement impossible.

    • Marcailloux dit :

      @ Descartes et Alain Brachet
      Bonjour,
      [En effet, dans notre pays, il parait improbable aujourd’hui qu’un parti de la classe ouvrière soit à même d’être majoritaire au sens électoral. La sociologie de la nation ne le permet plus. La couche sociale que l’on peut qualifier de « moyenne » est devenue trop importante numériquement, et son poids idéologique trop important aussi.]
      [Et donc, vous revenez à l’idée d’une alliance entre les classes populaires et les « classes moyennes ». Sauf que ces classes n’ont aucune raison de faire alliance. Tout les oppose. Sur quel « projet » voyez-vous une telle alliance se constituer ?]
      A force de théoriser sur les états d’âme – ou leur absence – des différentes catégories sociales, ou couches si vous préférez, vous réduisez, l’un comme l’autre, l’individu, cette masse de chair, d’os et de méninges, qui macère dans un bouillon d’acculturation plus prégnant chaque jour, donc plus imprévisible et ingérable, à une quantité négligeable.
      Cet individu, pur représentant de la classe populaire – comme s’il était le seul représentatif du peuple, ce qui a des relents de dictature – n’a, en fait, de cesse que d’accéder à la classe moyenne. Et c’est tout à son honneur s’il emploie la voie de l’excellence, c’est à dire celle de l’effort.
      Comment voulez vous que l’ensemble qu’il constitue avec ses « coclassés » puisse fonder durablement une praxis basée sur un état de fait dont ils cherchent à s’extraire. Sauf à contester systématiquement, uniquement pour exister, tout ordre établit qui instaure une hiérarchie basée sur de multiples critères. Le FN, en France, en est la parfaite illustration. Il ne doit son influence substantielle qu’au puissant effet de noria entretenu par une société en profonde mutation qui rebat les cartes à une cadence inégalée de jours en jours.
      Vous écrivez, Descartes, dans un autre commentaire, qu’après les trente glorieuses où tout le monde, enfin presque, bénéficiait du grossissement du gâteau, cela n’est plus le cas maintenant, et que chacun se bat pour préserver ses acquis. Mais ce que vous semblez négliger, c’est qu’il s’agit là d’une loi immuable de la nature probablement, contre laquelle, comme la théorie de l’évolution, nous ne pouvons durablement et efficacement lutter. Dura lex sed lex ! comme le rappelle Bovard.
      Le besoin de posséder ce que l’autre n’a pas, ou encore posséder plus que lui, est inscrit dans les gènes de ce dogme du besoin de croissance quantitative que nous vivons. Le paradigme est, j‘en suis convaincu, à réviser, mais une forme de terreur intellectuelle se manifeste dès que cette suggestion est évoquée, avant, même, tout examen objectif de la situation. J’y vois là le mariage – suicidaire ou salutaire ?-contre nature du marxisme matérialiste avec le libéralisme capitaliste.
      Nous pouvons, pour la quasi totalité d’entre nous, vivre mieux, avec moins . C’est mon crédo, encore faut-il définir ce qui est mieux et ce que l’on peut supprimer ou limiter.

    • Descartes dit :

      @ Marcailloux

      [A force de théoriser sur les états d’âme – ou leur absence – des différentes catégories sociales, ou couches si vous préférez, vous réduisez, l’un comme l’autre, l’individu, cette masse de chair, d’os et de méninges, qui macère dans un bouillon d’acculturation plus prégnant chaque jour, donc plus imprévisible et ingérable, à une quantité négligeable.]

      Je ne vois pas en quoi j’aurais « théorisé sur les états d’âme ». Au contraire, je me contente de « théoriser sur les intérêts ». Quant à l’individu, s’il est « imprévisible et ingérable » à l’échelle individuelle, il est au contraire très prévisible et parfaitement gérable lorsqu’on l’agrège pour constituer une collectivité. Oui, certainement, il existe des bourgeois qui donnent leur fortune aux œuvres, et des prolétaires qui accèdent à la richesse. Mais ce sont des exceptions ultra-minoritaires. On ne fait pas de la politique sur des cas particuliers.

      [Cet individu, pur représentant de la classe populaire – comme s’il était le seul représentatif du peuple, ce qui a des relents de dictature – n’a, en fait, de cesse que d’accéder à la classe moyenne.]

      Mais pourquoi a-t-il si peu d’ambition, cet individu ? Pourquoi se contente-t-il de n’avoir pas de cesse d’accéder à la classe moyenne, alors qu’il pourrait n’avoir de cesse que de vouloir accéder à la bourgeoisie, ce qui reste, vous me l’accorderez, bien plus agréable ? Je pense que vous confondez deux choses : il y a un désir chez chaque individu, d’améliorer son sort. Chacun de nous a le désir de manger mieux, de vivre plus confortablement, de travailler le moins possible, d’avoir accès aux femelles – ou aux mâles, c’est selon – les plus saines, qui nous donneront les plus beaux enfants. Ce désir est programmé en nous par le simple processus d’évolution. Mais nous n’avons pas un désir d’appartenir à une classe particulière, d’être « classe moyenne » plutôt que « bourgeois ».

      [Comment voulez vous que l’ensemble qu’il constitue avec ses « coclassés » puisse fonder durablement une praxis basée sur un état de fait dont ils cherchent à s’extraire.]

      Mais… c’est l’histoire qui vous donne la réponse. Chaque révolution a été faite par des « co-classés » qui n’avaient qu’un désir, accéder aux privilèges de la classe supérieure. Et ils les ont faites dès que le rapport de force leur a été favorable parce qu’ils ont pris conscience qu’il était pratiquement impossible de « s’extraire » de son état par le simple effort individuel. Croyez-vous que si le bon roi Louis XVI avait anobli l’ensemble de la bourgeoisie il y aurait eu une révolution française ?

      Les « classes moyennes », en détruisant les échelles qui lui avaient permis de monter pour empêcher d’autres de faire le même chemin est en train de créer une situation analogue. Reste à savoir quand le rapport de force permettra aux couches populaires de renverser cet état de choses. Mais en attendant, on voit mal comment il pourrait y avoir, dans un contexte de croissance faible, une alliance entre des couches populaires qui veulent s’enrichir, et une alliance entre la bourgeoisie et les classes moyennes qui refuse de partager leur gâteau.

      [Sauf à contester systématiquement, uniquement pour exister, tout ordre établit qui instaure une hiérarchie basée sur de multiples critères.]

      Je n’ai pas compris cette remarque. On peut parfaitement contester un système qui vous confine dans la couche la plus basse de la société sans pour autant contester l’idée de hiérarchie elle-même.

      [Le FN, en France, en est la parfaite illustration. Il ne doit son influence substantielle qu’au puissant effet de noria entretenu par une société en profonde mutation qui rebat les cartes à une cadence inégalée de jours en jours.]

      Ah bon ? Vous trouvez que dans notre société les cartes sont « rebattues » à une cadence inégalée ? Pourtant, l’observation quotidienne et l’avis des analyses concorde : on est de plus en plus dans une société d’héritiers, ou la stabilité de la hiérarchie sociale se renforce. Les pauvres s’appauvrissent, les riches s’enrichissent, les « classes moyennes » s’en tirent bien, mais l’ascenseur social est résolument arrêté.

      [Vous écrivez, Descartes, dans un autre commentaire, qu’après les trente glorieuses où tout le monde, enfin presque, bénéficiait du grossissement du gâteau, cela n’est plus le cas maintenant, et que chacun se bat pour préserver ses acquis. Mais ce que vous semblez négliger, c’est qu’il s’agit là d’une loi immuable de la nature probablement, contre laquelle, comme la théorie de l’évolution, nous ne pouvons durablement et efficacement lutter. Dura lex sed lex ! comme le rappelle Bovard.]

      Je pense avoir insisté lourdement au contraire sur cette « loi de la nature », en particulier pour expliquer pourquoi une alliance entre les couches populaires et les « classes moyennes », qui violerait précisément cette fameuse loi, est aujourd’hui impossible. Cette « loi de la nature » n’implique pas cependant que rien ne doive bouger. Tout dépend du rapport de force entre les différentes couches sociales. Aujourd’hui, il est défavorable aux couches populaires, et c’est donc l’alliance de la bourgeoisie et des « classes moyennes » qui s’enrichit à ses dépens. Mais ce rapport de force n’est pas éternel…

      [Le besoin de posséder ce que l’autre n’a pas, ou encore posséder plus que lui, est inscrit dans les gènes de ce dogme du besoin de croissance quantitative que nous vivons. Le paradigme est, j‘en suis convaincu, à réviser, mais une forme de terreur intellectuelle se manifeste dès que cette suggestion est évoquée, avant, même, tout examen objectif de la situation. J’y vois là le mariage – suicidaire ou salutaire ?-contre nature du marxisme matérialiste avec le libéralisme capitaliste.]

      Là, j’avoue que j’ai du mal à vous suivre. Si vous pensez que ce besoin de posséder toujours plus est une « loi de la nature », « inscrite dans nos gènes », alors on voit mal – sauf à avoir recours à l’ingénierie génétique – comment on pourrait « changer de paradigme ». De ce point de vue, le « mariage » entre le « matérialisme marxiste » et le « libéralisme capitaliste » n’est en rien « contre nature ». Tous deux fondent leur analyse sur la réalité matérielle, et tous deux ne peuvent donc que s’accorder sur la « loi de la nature » que vous avez énoncé plus haut…

      [Nous pouvons, pour la quasi totalité d’entre nous, vivre mieux, avec moins.]

      Vraiment ? Mais alors, expliquez moi pourquoi personne ne s’est encore aperçu ? Pourquoi tout le monde demande à son patron d’augmenter son salaire, et personne ne demande de le réduire ? Je ne doute pas que ceux qui ont déjà beaucoup pourraient « vivre mieux » – et encore, il faudrait s’entendre sur ce que cela veut dire – avec « moins ». Ou plutôt, en transformant une catégorie de biens en une autre, par exemple de l’argent en temps. Mais pour « la quasi-totalité » des êtres humains, « moins » implique tomber dans la misère.

      [C’est mon crédo,]

      Vous voulez dire que c’est un article de foi ?

      [encore faut-il définir ce qui est mieux et ce que l’on peut supprimer ou limiter.]

      J’attends avec impatience vos propositions…

  26. bovard dit :

    Décidément ma colère ne disparaît pas après ces propos iniques de Hollande sur les tracts du PCF en 1970.
    A t il oublié le meeting de Charletty où,Mitterand tenait des propos extrémistes et gauchistes comme lors de la rupture du programme commun en 1979?
    François Hollande a til oublié que les chevénementistes du ceres ont fondé le PS à Epinays.Ne sont ils pas au FN maintenant pour certains d’entre eux?
    Et le François Hollandede 1970,militant UNEF pro-communiste, accepterait il jugements iniques du F.Hollande,en 2015, sur le PCF des années 70.
    Las,François Hollande,vous ne tuerez pas le PCF dont je suis membre.Le PCF vous survivra,je vais vous expliquer pourquoi tant votre suffisance présidentielle vous aveugle!
    Ce parti a fait la preuve qu’il ne disparaîtra pas au contraire,il nous survivra.
    Il a survécu à la seconde guerre,aux 2 MacCarthysmes,à l’URSS,à sa disparition,au programme commun,à sa rupture,à Robert Hue,à sa mutation,à MGB,à ses comités anti-libéraux,à Mélenchon,à son fdg.
    Le PCF est là,encore plus fort qu’en 2007 !
    ar le PCF,c’est une des cultures,majeure en France !

    • Descartes dit :

      @ bovard

      [Décidément ma colère ne disparaît pas après ces propos iniques de Hollande sur les tracts du PCF en 1970.A t il oublié le meeting de Charletty où Mitterand tenait des propos extrémistes et gauchistes comme lors de la rupture du programme commun en 1979? François Hollande a-t-il oublié que les chevènementistes du ceres ont fondé le PS à Epinays. Ne sont ils pas au FN maintenant pour certains d’entre eux?]

      J’avoue que je ne saisis pas bien le rapport entre tous ces événements. Quel rapport entre les tracts du PCF des années 1970 et le meeting de Charlety ?

      [Et le François Hollande de 1970, militant UNEF pro-communiste, accepterait il jugements iniques du F.Hollande, en 2015, sur le PCF des années 70.]

      Probablement oui. Mais là encore, quel rapport ?

      [Las, François Hollande, vous ne tuerez pas le PCF dont je suis membre.]

      Non, pas le PCF « dont vous êtes membre »…

      [Il a survécu à la seconde guerre,aux 2 MacCarthysmes,à l’URSS,à sa disparition,au programme commun,à sa rupture,à Robert Hue,à sa mutation,à MGB,à ses comités anti-libéraux,à Mélenchon,à son fdg.]

      Non. Le PCF a certainement survécu à la IIème guerre mondiale, aux deux McCarthysmes, à l’URSS et à sa disparition, au programme commun et à sa rupture. Mais pour le reste, non. Le PCF n’a pas survécu. La façade est toujours là, mais derrière il ne reste rien du « parti de la classe ouvrière, du peuple et de la Nation ». Vous avez bien tort de vous indigner contre François Hollande, qui n’a fait que dire les faits. Pierre Laurent fait bien plus pour « tuer » le PCF – le vrai – que ne fait François Hollande.

      [Le PCF est là, encore plus fort qu’en 2007 !]

      Ah bon ? Vraiment ? Et comment se manifeste cette « force » ?

  27. bovard dit :

    @Nationaliste Jacobin
    En aucune façon,vous êtes seul.
    Je partage avec vous cette conviction[‘c’est une conception de la nation française qui ferait de son premier et principal contributeur, le Français “de souche” blanc et catholique, un salaud de toute éternité, qui n’a fait que coloniser, réduire en esclavage, massacrer, violer, détruire sur le sol national (je pense aux discours des régionalistes bretons, occitans et autres qui parlent de “colonisation”‘]
    Pourtant je suis fier d’être Occitan,membre du PCF,pro-Algérien anti-colonialiste et islamophobe non-violent en même temps que passionné de théologoie musulmane,entre autre.pas
    Alors que penser de tout cela.C’est trés simple:Les idées ne sont transportées,par ‘le sang’.
    Cette notion Maurassienne du sang est fausse.Le Nationalisme;le patriotisme,sont des idées,réfléchissez y !
    Savez vous qu’indigène et autochtone signifient même chose (né là où j’habite) et que le patriotisme est acquis ,non inné,comme le nationalisme et toutes les idéologies!

    • Descartes dit :

      @ bovard

      [Pourtant je suis fier d’être Occitan, membre du PCF, pro-Algérien anti-colonialiste et islamophobe non-violent en même temps que passionné de théologoie musulmane,entre autre.pas ]

      Je comprends qu’on puisse être « fier » d’être membre du PCF ou pro-Algérien, puisque ce sont des choix que chacun fait librement. Mais qu’est ce qui fait que vous êtes « fier » d’être « occitan » ? Quel sens peut avoir le fait d’être « fier » de quelque chose sur laquelle on n’a pas le moindre contrôle ? Pourquoi être fier d’être né quelque part par hasard… ?

    • @ bovard,

      “Pourtant je suis fier d’être Occitan”
      Mais j’ai des racines “occitanes”, moi aussi, languedociennes, même. Cependant je suis français et rien d’autre. Depuis qu’un guide historique (payé par l’Etat), à Carcassonne, a déclaré: “ici, on est occitan, on n’est pas français, d’ailleurs être français, ça ne veut rien dire, qui se sent français ici?” et que j’ai été le seul à lever le doigt parmi les visiteurs, je puis vous dire que ma sympathie pour les “occitans” a beaucoup baissé. D’autre part l’ “Occitanie” a une consistance historique très discutable.

      “Les idées ne sont transportées,par ‘le sang’.”
      Je n’ai pas dit cela. J’ai seulement dit que je n’étais pas insensible “à la terre et aux morts” et au culte des ancêtres.

      “Le Nationalisme;le patriotisme,sont des idées,réfléchissez y !”
      Bien sûr. Et je passe mon temps à y réfléchir, tant ces questions m’intéressent…

    • Descartes dit :

      @ nationalistejacobin

      [« Depuis qu’un guide historique (payé par l’Etat), à Carcassonne, a déclaré: “ici, on est occitan, on n’est pas français, d’ailleurs être français, ça ne veut rien dire, qui se sent français ici?” et que j’ai été le seul à lever le doigt parmi les visiteurs, je puis vous dire que ma sympathie pour les “occitans” a beaucoup baissé. »]

      Il m’est arrivé un incident assez semblable. J’assistais à un meeting électoral pour les élections municipales lorqu’un membre de la liste issu du « partit occitan » a conclu sa péroraison par la formule « nous pouvons ici discuter ouvertement et librement, car nous sommes tous des vrais occitans et des hommes du Sud ». J’ai demandé donc la parole et je lui ai demandé si, étant donné que je n’étais nullement occitan ni d’ailleurs « homme du Sud » je devais me considérer comme exclu de la discussion.

      Et vous ne devinerez jamais sa réponse : il me déclara tout de go que selon un édit des comtes de Provence du XIIème siècle dont j’ai oublié la date exacte – mais qu’il a citée – toute personne ayant habité pendant plus d’un an dans le comté devait être considéré comme son sujet, et que j’étais donc un occitan que je le veuille ou non. Je me suis permis de lui faire remarquer que l’article 7 de la loi du 30 ventôse an XII instituant le code civil des français dispose que « À compter du jour où ces lois sont exécutoires, les lois romaines, les ordonnances, les coutumes générales ou locales, les statuts, les règlements, cessent d’avoir force de loi générale ou particulière dans les matières qui sont l’objet desdites lois composant le présent code. ». Et que l’édit du comte de Provence m’accordant que je le veuille ou non la citoyenneté occitane n’était probablement plus en vigueur. Nous nous sommes séparés fâchés.
      Cela étant dit, cet incident est assez révélateur de la vision archaique qu’ont ces régionalistes de la Nation, à l’opposé complet de la vision « contractualiste » moderne…
      [D’autre part l’ “Occitanie” a une consistance historique très discutable.]

      Aucune, en fait. L’Occitanie en tant unité politique est une invention du XIXème siècle, créé par des intellectuels réactionnaires, qui avaient besoin d’un modèle doré à opposer à la République.

    • CVT dit :

      @Descartes et NationalisteJacobin,
      [Et que l’édit du comte de Provence m’accordant que je le veuille ou non la citoyenneté occitane n’était probablement plus en vigueur. Nous nous sommes séparés fâchés.
      Cela étant dit, cet incident est assez révélateur de la vision archaïque qu’ont ces régionalistes de la Nation, à l’opposé complet de la vision « contractualiste » moderne…]
      J’ai été étudiant d’abord à Nantes, et puis à Toulouse, berceau supposé de l'”Occitanie”. Comme dans la cas de la relation Nantes-Bretagne, l’Occitanie a des contours extrêmement flous: votre “camarade” régionaliste invoque un arrêté du comte de Provence, mais la Provence historique n’a jamais figuré dans le pays occitan (si on parle de famille de langues) mais PROVENÇAL. Autre problème: faut-il également ajouter la Gascogne, le Béarn et les Landes à cette “Occitanie”?
      Bref, je galèje un peu, comme on dit là-bas, mais si ce débat est fumeux en apparence, il montre une chose d’assez inquiétant: que les mécanismes qui sapent la nation française, notamment au niveau de NOTRE langue et de notre territoire, sont bien en marche, et surtout, induit par l’Etat lui-même!
      Je songe à l’anglicisation, ou plutôt, l’américanisation à tout-va de nos documents techniques, politiques, médiatiques et même administratifs (je songe à la scélératesse de la loi Fioraso, mise en place par les larbins du gouvernement français pour complaire à Bruxelles…); et à un autre niveau, celui des couches populaires, à la réintroduction de langues régionales “chimiques” comme le “breton” ou l'”occitan” pour fragmenter les populations dites “de souche”. Et pour bien achever la sale besogne, introduction, voire propagation dans les écoles de type ZEP de langues étrangères des pays d’origine de certains immigrés comme l’arabe dialectal (et non littéraire: pas folle, la guêpe!), le soninké ou le wolof.
      Bref, la langue française est prise en tenaille: comme le disait Françoise Morvan, dans son livre “Le monde comme si”, le but est vraiment de transformer notre pays en tribus ethniques, avec avantages sonnants et trébuchants pour les fossoyeurs de notre langue française, payés par NOS deniers, notamment à cause, une fois encore, à cause de cette foutue course à la victimisation. Et tant pis si l’unité culturelle et politique du pays en prend un coup, préfigurant sur notre sol, les guerres tribales qui sont à l’oeuvre en Afrique (je refuse désormais de parler de guerre “civile”, car encore faudrait-il qu’il existe encore des citoyens, ce ne sera plus le cas si la dynamique de cette tenaille va au bout…).
      Il est assez effarant, de constater que l’efficacement de notre république aille de pair avec celui de la langue française sur son propre sol…

    • Descartes dit :

      @ CVT

      [J’ai été étudiant d’abord à Nantes, et puis à Toulouse, berceau supposé de l'”Occitanie”. Comme dans la cas de la relation Nantes-Bretagne, l’Occitanie a des contours extrêmement flous: votre “camarade” régionaliste invoque un arrêté du comte de Provence, mais la Provence historique n’a jamais figuré dans le pays occitan (si on parle de famille de langues) mais PROVENÇAL. Autre problème: faut-il également ajouter la Gascogne, le Béarn et les Landes à cette “Occitanie”?]

      Comme je l’ai dit, « l’occitanie » un concept inventé par le renouveau « régionaliste » – un mouvement puissamment réactionnaire – de la fin du XIXème et du début du XXème. Le format de l’occitanie a d’ailleurs beaucoup varié. Les nationalistes catalans d’Espagne, par exemple, décident en 1934 que le catalan n’est pas une langue occitane, et que la catalogne ne fait pas partie de la « nation occitane » mais est une nation à part entière. Alors que du côté français, les « catalanistes » se considèrent au contraire des « occitans ».

      [Bref, je galèje un peu, comme on dit là-bas, mais si ce débat est fumeux en apparence, il montre une chose d’assez inquiétant: que les mécanismes qui sapent la nation française, notamment au niveau de NOTRE langue et de notre territoire, sont bien en marche, et surtout, induit par l’Etat lui-même!]

      Les progressistes ont gagné avec la Révolution et la République, mais les réactionnaires n’ont jamais totalement renoncé. Il y en a pas mal encore qui rêvent d’une France revenue aux valeurs « authentiques », celles du village, de « l’agriculture paysanne », des « patois locaux » et qui vomissent tout ce qui sent la modernité.

      [(…) et à un autre niveau, celui des couches populaires, à la réintroduction de langues régionales “chimiques” comme le “breton” ou l'”occitan” pour fragmenter les populations dites “de souche”.]

      Je ne crois pas que ce soit le but. En fait, très rares sont les français « de souche » d’origine populaire qui montrent la moindre envie de revenir à la soi disante « langue de leurs ancêtres ». L’enseignement bilingue, c’est plutôt l’apanage des « classes moyennes » intellectuelles.

      [Il est assez effarant, de constater que l’effacement de notre république aille de pair avec celui de la langue française sur son propre sol…]

      Ce n’est pas étonnant, si l’on tient compte de l’importance qu’a revêtu la langue dans la construction de la République. Une République implique la possibilité pour tous les citoyens de débattre ensemble. Et donc de parler une langue commune.

    • CVT dit :

      @Descartes,
      [Les progressistes ont gagné avec la Révolution et la République, mais les réactionnaires n’ont jamais totalement renoncé. Il y en a pas mal encore qui rêvent d’une France revenue aux valeurs « authentiques », celles du village, de « l’agriculture paysanne », des « patois locaux » et qui vomissent tout ce qui sent la modernité.]
      Pourtant, il est bizarre qu’en 2015, ce type de propos soit tenu par la gauche, et plus précisément par les écologistes, fer de lance des classes moyennes!
      Si on excepte les excités d’extrême-droite du Bloc Identitaire, le discours vers les origines est désormais porté par une grande partie de la gauche, et c’est bien ce qui me rend perplexe, surtout quand celle-ci se dit être le héraut du progrès!
      Je pense déjà avoir discuté de ce point avec vous, mais j’aimerais avoir votre avis sur la question: comment se fait-il que la réaction soit désormais de plus en plus portée par la gauche? Pour moi qui me suis longtemps identifié à ce camp, alors que je défends une amélioration de la condition humaine, le triomphe de la raison et une société plus JUSTE, je me sens trahi!

    • Descartes dit :

      @ CVT

      [Pourtant, il est bizarre qu’en 2015, ce type de propos soit tenu par la gauche, et plus précisément par les écologistes, fer de lance des classes moyennes!]

      Cela devrait conduire à réexaminer le terme « gauche ». Qu’est ce qui permet de classer les écologistes « à gauche » ? Qu’ils ne portent pas de cravate ? Qu’ils n’aiment pas l’Etat ? Qu’ils sont antimilitaristes ? Personnellement, j’ai du mal à mettre « à gauche » des gens qui rejettent les idées des Lumières et leur préfèrent la « naturphilosophie ».

      [Je pense déjà avoir discuté de ce point avec vous, mais j’aimerais avoir votre avis sur la question: comment se fait-il que la réaction soit désormais de plus en plus portée par la gauche?]

      Je pense que l’explication est simple. La « gauche » s’est constituée pour représenter les couches populaires. Les ouvriers, les petits fonctionnaires, les employés formaient l’essentiel des troupes de la gauche. Et en retour, les dirigeants de la gauche pouvaient difficilement ignorer les exigences et rêves de ces couches. Mais tout à changé avec les « trente glorieuses ». Dans une première étape, une partie ces couches populaires a pu prendre l’ascenseur social et accéder aux « classes moyennes », tirant de plus en plus les centres d’intérêt des partis de gauche vers les intérêts de ces couches. Dans une deuxième étape, les « classes moyennes » ont expulsé ce qui restait des couches populaires du champ politique, notamment en détruisant le PCF. La « gauche » politique est donc totalement colonisée par les « classes moyennes » et ce sont donc elles qui dictent l’idéologie.

      Vinrent ensuite les « trente piteuses ». Avec une croissance faible, les intérêts des « classes moyennes » entre forcément en conflit avec celui des couches populaires, puisqu’il s’agit de se partager un gâteau qui ne grandit que très lentement, et dont la bourgeoisie prélève d’ailleurs une part chaque fois plus importante. Il fallait donc une idéologie qui protège les intérêts des « classes moyennes ». C’est précisément l’intérêt de cette idéologie qui cache son caractère réactionnaire sur le plan économique et social par un « progressisme » sociétal.

    • Anne Iversaire dit :

      @ Descartes

      [Cela étant dit, cet incident est assez révélateur de la vision archaique qu’ont ces régionalistes de la Nation, à l’opposé complet de la vision « contractualiste » moderne… (en réponse à NJ)]

      Vous pouvez développer un peu ce point (les deux “visions”) ?

    • Descartes dit :

      @ Anne Iversaire

      [Cela étant dit, cet incident est assez révélateur de la vision archaique qu’ont ces régionalistes de la Nation, à l’opposé complet de la vision « contractualiste » moderne… (en réponse à NJ)][Vous pouvez développer un peu ce point (les deux “visions”) ?]

      Oui, bien sur. La vision contractualiste française fait du rapport entre le citoyen et la collectivité nationale un rapport contractuel, c’est-à-dire, un rapport issu de la rencontre de volontés, et non d’une fatalité héréditaire ou autre. Ce n’est pas votre sang, ce n’est pas la décision d’une autorité extérieure qui fait de vous un français, mais c’est d’abord la volonté de l’être, contrairement par exemple à la vision allemande, plus ethnique que politique.

      Le régionaliste dans l’incident que j’ai raconté voulait faire de moi un « occitan » malgré moi. En d’autres termes, ce n’était pas ma volonté qui compte d’abord, mais une règle extérieure.

  28. bovard dit :

    Le discours du panthéon,aura permis à F.Hollande de citer en premier,comme résistants,selon leur parti politique les communistes,puis Marie Claude Vaillant Couturier.
    Mais alors pourquoi n’a t-il pas fait rentrer Charlotte delbo,ou Danièle Casanova ou Paul Nizan au panthéon?
    Révisioniste,François Hollande,l’est en éludant le rôle des communiste malgré de jolis phrases.
    Qui a signé les accords de Munich en et qui a voté les pleins pouvoirs à pétain en 1939?Des radicaux et des socialistes..
    En 2017,face au républicain,les faux et les vrais,la tâche sera rude.
    François hollande a non seulement dit des bétises sur le PCF des années 70 mais aussi sur 39/45.
    Comment a t il pu écrire,’les français n’acceptent jamais que les libertés,soient bafouées’,quelle bévue:et 39/45,l’état pétainiste,c’était libéral-libertaire?
    Et pourquoi tout mélanger anachroniquement,la pollution,les camps d’exterminations,les jeunes de banlieue et les résistants,hormis ceux du pcf non-panthéonolisable!
    Malgré les trémolos,ce discours du Panthéon,post 11/01/2015,ante 2017,est une nouvelle pantalonnade de Hollande..
    N’est pas Malraux qui veut!

  29. bovard dit :

    Insultes au PCF de Georges Marchais,insultes aussi en ne faisant pas entrer au Panthéon,une des figures du PCF,pourquoi Hollande cherche-t-il tant de noises au PCF,dont je suis membre?
    Avec ce choix, François Hollande n’a pas seulement opéré un détournement de l’histoire française. Il a aussi conforté symboliquement un tournant décisif pour l’avenir de la gauche. Depuis 1988 et l’inflexion centriste de François Mitterrand, les responsables socialistes s’étaient fixés pour objectif de désarmer les inquiétudes de la gauche de gauche. Vis-à-vis du PCF, il s’agissait soit de l’attirer dans un succédané d’union de la gauche (la “gauche plurielle” de 1997), soit d’émousser les critiques en donnant des gages de fidélité à la symbolique d’une gauche sociale.
    Le calcul stratégique de François Hollande

    À l’automne de 1997, à l’époque où le Livre noir du communisme faisait un tabac en librairie, quand la droite se livra à une provocation violente contre le PC et son histoire, le premier ministre lui-même, Lionel Jospin, prit la parole à l’Assemblée pour dire qu’il était fier que des communistes siègent dans son gouvernement. Aujourd’hui, nous en sommes loin. Il y a quelques semaines, le président de la République lui-même s’est permis de faire l’amalgame entre Georges Marchais et Marine Le Pen. Et c’est sous sa haute autorité que la mémoire communiste a été effacée officiellement de la geste patriotique de 1940-1944.
    Est ce pour François Hollande l’assurance d’arriver au second tour,en 2017?Rien n’est moins sur….

    • Descartes dit :

      @ bovard

      [Le discours du panthéon, aura permis à F.Hollande de citer en premier,comme résistants,selon leur parti politique les communistes, puis Marie Claude Vaillant Couturier. Mais alors pourquoi n’a t-il pas fait rentrer Charlotte Delbo, ou Danièle Casanova ou Paul Nizan au panthéon?]

      Parce qu’on ne peut pas faire plaisir à tout le monde. Franchement, le « communautarisme mémoriel » n’est guère meilleur que n’importe quel autre communautarisme. De Gaulle l’avait bien compris, lorsqu’il a fait entrer au Panthéon Jean Moulin, le seul dirigeant de la Résistance capable de représenter celle-ci dans son ensemble, en dehors des différences politiques. Faire entrer un autre ne pouvait qu’ouvrir ce type de surenchère : pourquoi un socialiste et pas un communiste ? Pourquoi un français et pas un étranger ? Pourquoi un protestant et non un juif. Basta !

      [Révisionniste, François Hollande,l’est en éludant le rôle des communiste malgré de jolis phrases.]

      Oui, mais ça, on le savait. On dirait que vous découvrez tout à coup que Hollande est socialiste…

      [Et pourquoi tout mélanger anachroniquement,la pollution,les camps d’exterminations,les jeunes de banlieue et les résistants,hormis ceux du pcf non-panthéonolisable! Malgré les trémolos, ce discours du Panthéon, post 11/01/2015, ante 2017, est une nouvelle pantalonnade de Hollande..]

      Ce discours ne fait que confirmer ce qu’on savait déjà : Hollande n’est pas un homme d’Etat. C’est un maître tacticien, c’est vrai. Mais il reste un politicien de sous-préfecture ou, pour le dire plus crûment, un magouilleur de coulisse de congrès du PS. La cérémonie de panthéonisation lui donnaît l’opportunité de prendre de la hauteur, de parler de grandes choses en oubliant les petites. Il en est totalement incapable.

      [Insultes au PCF de Georges Marchais, insultes aussi en ne faisant pas entrer au Panthéon, une des figures du PCF, pourquoi Hollande cherche-t-il tant de noises au PCF, dont je suis membre?]

      Je ne pense pas que vous soyez visé personnellement… Mais encore une fois, vous avez l’air de découvrir que les socialistes sont socialistes. En 1981, l’arrivée de Mitterrand au pouvoir s’est traduite par un « deuxième McCarthysme ». Qu’est ce qui a pu vous faire croire que les socialistes ont changé depuis ? Le PCF, et surtout le PCF façon Marchais reste pour eux le véritable ennemi. En son temps, les socialistes ont été prêts à soutenir n’importe quoi – OAS et Pétain inclus – plutôt que le PCF. Rien de nouveau sous le soleil.

      [À l’automne de 1997, à l’époque où le Livre noir du communisme faisait un tabac en librairie, quand la droite se livra à une provocation violente contre le PC et son histoire, le premier ministre lui-même, Lionel Jospin, prit la parole à l’Assemblée pour dire qu’il était fier que des communistes siègent dans son gouvernement.]

      Et il avait raison. Avoir réussi à abaisser l’ancien « parti des travailleurs » jusqu’à le faire soutenir la privatisation d’EDF, de GDF et d’Air France, avouez qu’il y avait de quoi être fier, pour un socialiste. Personnellement, je préfère que Hollande ne soit pas « fier » des communistes, tant qu’à faire. Quand un socialiste me dit qu’il est fier de moi, je me dis que j’ai du faire une connerie…

      [Est ce pour François Hollande l’assurance d’arriver au second tour, en 2017? Rien n’est moins sur….]

      Etant donné la connerie de la « gauche radicale », qui grogne mais finit toujours par voter socialiste pour “barrer la route à la droite”, je me le demande…

  30. Alain Brachet dit :

    Mes conclusions ( ?) pour faire suite à Descartes (du 12/5/15 14.13) et Marcailloux du (du 13/5/15 06.03).
    Marcailloux (mais aussi Descartes ?) :
    En récusant, me semble-t-il, une vision « de classes »dans la société d’aujourd’hui, vous vous privez d’un outil puissant de compréhension de celle-ci. Il ne vous reste, ou presque, qu’à analyser un mouvement brownien dans lequel il est difficile d’y voir clair. D’ailleurs, même quand on se réfère à une vision de classe, qui cherche à simplifier les choses en faisant appel à des concepts synthétiques, celles-ci restent bien compliquées encore, et on ne serait peut-être pas ici à en discuter, si tout était si simple… Comme le dit Marx, ce concept de classe est fondamental, « incontournable » dans le vocabulaire actuel. Il est toujours présent, « en dernier ressort » ; on ne doit jamais le perdre de vue, dans la recherche d’une compréhension de questions (politiques et sociales) complexes. Les explications que l’on formule alors restent « teintées » par ce concept et bien souvent totalement fondées sur lui. Descartes, de son côté, vous fait une réponse, que je partage.
    Ceci dit, ce concept de classe n’est pas un dogme figé, intouchable (façon de voir qui est souvent celle des gauchistes, et qui les empêche de suivre le monde tel qu’il va). C’est un concept à adapter au fil du temps, d’autant plus que, comme le dit Marx, « l’histoire jusqu’à ce jour a toujours été celle de la lutte des classes ». La controverse que, pour ma part, j’ai entamée sur le sujet avec Descartes, est un exemple de tentative d’actualisation au fil du temps : 2 ou 3 classes antagonistes pour rendre compte de la société d’aujourd’hui ? Ce que nous essayons d’exprimer, dans ce débat, n’est pas une querelle d’intellos pinailleurs et doctrinaires. Il s’agit de savoir si cette couche ou classe moyenne, qui tend à être majoritaire dans un pays comme la France, suffit à elle seule à initier une société qui répondrait à ses besoins à elle, mais aussi à ceux des couches populaires. On peut dire que la « gouvernance PS » actuelle démontre plutôt le contraire. Car elle est le pouvoir d’une catégorie qui ne peut gouverner qu’en alliance avec la classe capitaliste (que je nomme le Capital). Elle est conduite ainsi à participer à l’exploitation capitaliste en liaison avec cette dernière ou à sa place. Elle assume, dans ses fonctions politiques gouvernementales, spécifiquement en ce moment, une part de l’exploitation de la classe la plus exploitée (la « classe ouvrière » ou la classe ou catégorie des couches populaires) et aussi celle d’une fraction, en augmentation, de couches moyennes moins nanties que l’élite qui gouverne. Cette « élite » qui gouverne, reste cependant appuyée par une large fraction de ces couches moyennes, les mieux nanties évidemment, et aussi pour une part, moins favorisées, qui veut rejoindre cette fraction haute, mais le plus souvent se contente d’espérer ou de donner le change en copiant « sociétalement » ces fractions hautes. Elles pensent ainsi (égoïstement ?), se tirer d’affaire, ou simplement se faire illusion. Il faut dire toutefois qu’aucune force politique (classée à gauche) n’offre une autre perspective au sentiment de tous, d’être le jouet du Capital, leur oppresseur, mais qui est en même temps celui qui, contradictoirement, garantie leur statut encore privilégié, en regard de celui des couches populaires, et aux dépens de celles-ci.
    Descartes (mais aussi Marcailloux ?)
    Vous et moi pensons, en définitive, en termes de classes antagonistes. Notre divergence essentielle n’est pas formellement de savoir si on rend mieux compte de la société actuelle en faisant appel à 3 ou 2 classes, mais de savoir s’ il existe une majorité de citoyens pouvant constituer une force unie et suffisante pour changer les choses, et de quelle façon, et ceci, dès maintenant (tout au moins en entamant dès aujourd’hui un processus de « transformation sociale », dont la fin n’est évidemment pas pour demain…).
    Vous pensez (je résume et simplifie) que le moment n’est pas propice : le capitalisme d’aujourd’hui est encore trop fort, d’autant plus qu’il a mis « dans sa poche » un allié (la classe moyenne). Mais l’histoire progresse et le handicap actuel n’est pas définitif. Attendons donc des jours meilleurs (pour la lutte des classes). Mais pour s’y préparer il faut faire vivre une pensée marxisante de lutte de classes. Objectif auquel vous vous employez, avec quelques autres. Tous, dans les contradictions inhérentes à une telle pensée, ont stimulé des émules, tel que moi, ce qui génère diverses nuances de pensée, et donc de débats… mais aussi un embryon de ce groupe d’individus qui, bien qu’appartenant à la classe moyenne, a en commun de vouloir un changement, éliminant l’exploitation ou l’oppression.
    Je crois (toujours en résumant et simplifiant) que cette attente en forme de « veille active intellectuelle », ne suffit pas. Car, d’une part, nos « ennemis de classe » ne se contentent pas de ça, de leur côté, et qu’une veille de ce type ne met en jeu qu’une fraction limitée des intéressés (des intellectuels, pour l’essentiel). Une autre partie a intérêt à mener pour son compte une lutte de classe active : la « classe ouvrière » ou la « classe populaire ». Et c’est davantage en agissant, qu’à travers des livres ou des échanges intellectuels, qu’elle renforce son aptitude à se battre et à comprendre les mécanismes qui lui font obstacle. C’est cette « veille – disons – de combat » que je voudrais voir partagée par la classe moyenne, tout au moins, d’abord, par cette fraction embryonnaire définie ci-dessus. Je compte ensuite sur un effet d’entraînement, ou de rapport de force, pour y associer ceux qui sont « à la traîne ». Etant entendu que ceux qui, dans cette classe moyenne, se refuseraient à abandonner leur allié capitaliste, sont à passer par pertes et profits : on ne fera pas appel à eux pour changer les choses et même -tant pis pour eux !-on les confondra avec le Capital dans le combat à mener (ils n’en mourront pas, tout au plus ils rumineront leur perte de certains avantages). Associer les deux démarches (l’action et la pensée) contribue donc à « mobiliser » ces deux fractions (couches populaires et moyennes) pour constituer une majorité susceptible d’avoir le pouvoir. L’idée de les associer dans une « expérience politique » d’élaboration et de mise en œuvre d’une nouvelle société me parait répondre à ce double objectif. Je n’imagine pas une telle expérience conduite par la seule « classe populaire » aujourd’hui. Il s’agit donc bien d’une « expérience » conduite par une alliance de couches populaires et moyennes, ensemble largement majoritaire dans un pays comme le nôtre. En clair, une alliance entrainée par deux partis politiques « représentatifs » de ces couches. Ce devraient être le PC et le PS. Malheureusement, ce dernier est entièrement aux mains de la fraction privilégiée de ces couches moyennes. Celle-ci juge, pour l’instant, qu’elle a avantage à s’allier au Capital pour en recueillir des miettes, pas forcément misérables pour elle ! Que reste-t-il à unir, du côté des exploités ou opprimés ? Malheureusement aujourd’hui : pas grand-chose. Un parti qui fut un authentique « parti de la classe ouvrière » : le PC, mais qui a perdu de vue sa raison essentielle d’exister, et qui a beaucoup décliné, de ce fait, en influence (adhérents, électeurs). D’autre part, un tout petit parti de couches moyennes : le PG, qui a heureusement rompu avec sa matrice originelle, le PS. Il a le mérite de représenter, bon an mal an, des couches « intellectuelles », des « experts et compétents », catégorie dans laquelle se trouvent ces penseurs intellos et leurs émules, cités plus haut, motivés par la compréhension du monde d’aujourd’hui en s’inspirant de Marx, et moralement outrés par les injustices que secrète le Capitalisme, et par ceux qui ont, égoïstement, immoralement devrait-on dire, accepté de le suivre sans trop rechigner.
    Cet embryon, avec tous ses défauts, et surtout celui de son faible poids, existe incontestablement. Il faut en prendre acte et le développer sous la forme qu’il a eu le bonheur d’inventer: le Front de Gauche.
    Alors vous me dites : il n’y a rien qui permette d’espérer une alliance des classes populaires et moyennes, car ces dernières n’y sont pas prêtes, puisqu’elles préfèrent, dans leur masse, l’alliance avec le Capital. Comment en sortir ?
    1) On peut, tenant compte du fait qu’aujourd’hui, des couches moyennes plutôt désavantagées, tendent à l’être de plus en plus, pronostiquer que la masse des déshérités va augmenter, notamment par une dévalorisation d’une fraction de couches moyennes. Elle viendrait étoffer la masse des couches populaires, créant ainsi des conditions objectives de combat commun. On n’aurait donc qu’à attendre effectivement des jours meilleurs. Mais on a appris par l’histoire (notamment celle de la montée du nazisme en Allemagne dans les années 30) que l’appauvrissement général du peuple d’une nation, sans perspective d’un combat lui permettant de bâtir une société plus juste et fraternelle, est gros de catastrophes, et notamment par le biais de ces couches moyennes dévalorisées. Se contenter d’observer une tendance sociologique sans agir pour éviter la dérive (le FN nous donne un exemple d’une telle dérive) est donc gros d’incertitudes.
    2) Le mieux est donc d’anticiper et animer cette union qui, objectivement, peut être en construction (ne serait-ce que par le mécanisme sociologique précédent) afin qu’elle prenne la bonne voie. Je ne vois pas comment une telle démarche pourrait se faire sans que des partis politiques émanant des deux composantes (couches populaires et couches moyennes) n’en soient les artisans. Même si au début les embryons sont petits. C’est donc, pour moi, la vocation du FdG. Cet objectif devrait être aujourd’hui la « TACHE HISTORIQUE» du PC. C’est sur lui, en tant que seul porteur identifiable aujourd’hui d’une telle potentialité (vision qui reste encore de classe, et base militante encore issue de la « classe ouvrière » et de couches moyennes basses et intellos) qu’il faut compter. En effet, même si son compagnon (le PG) doit jouer son rôle au sein des couches moyennes, il n’est pas en position d’assumer toute la responsabilité de la lutte de classe actuelle dans ses deux composantes, populaire et moyenne. Pour le faire il faut un parti acquis dans les fondements de son idéologie à, la lutte des classes (qu’elles soient deux ou trois!), à l’analyse de la société à travers cette vision marxiste qui reste la mieux adaptée pour traiter de cette lutte, selon les conditions d’aujourd’hui.
    Evidemment – et je pense que nous nous rejoignons sur ce point- il faut constater que ces exigences ne sont pas réalisées aujourd’hui.
    3) Se pose alors une question , à laquelle je n’ai pas trouvé chez vous beaucoup d’éléments de réponse : comment expliquer le virage pris par le PC, dans les années 80, virage qui lui a fait abandonner la défense prioritaire du « prolétariat », des classes populaires, pour lui substituer celle d’une catégorie assez mal définie par lui d’ailleurs, qui s’apparente aux couches moyennes. Il me semble que si l’on s’attelait à expliquer cette dérive au grand jour, on aiderait beaucoup de communistes ou d’ex communistes (sans parler de futurs communistes !) à redresser le cap. Donc à reprendre une lutte de classes adaptée au monde actuel…avec ses deux ou trois classes ! Elle ferait apparaître, par exemple, qu’un FdG n’est pas seulement un artifice électoral, que l’on peut donc tordre dans tous les sens, et même abandonner du jour au lendemain, mais, c’est ma conviction, l’outil nécessaire pour changer en profondeur, pour faire une « révolution citoyenne » adaptée à la situation d’aujourd’hui. Je ne vais pas me lancer ici dans l’examen détaillé des raisons de la dérive du PC. Car je pense qu’elles sont multiples et souvent contradictoires. Le travail de cette réflexion-là est difficile et demande pas mal de matière grise. Il reste à faire. Il devrait aborder quelques thèmes qui me semblent importants :
    -des aspects sociologiques : le monde du travail a changé. Une fraction importante des exploités modernes relève de couches dites « nouvelles » (employés des services, techniciens, cadres…). Leur niveau d’éducation les confond dans la mouvance des couches moyennes. Tout naturellement, ce contexte les propulse vers les fonctions dirigeantes d’un parti comme le PC (de nos jours, il n’y a plus de « Mozart – politiques !- assassinés») Cette évolution rend ces cadres perméables aux préoccupations sociétales des couches moyennes, qui prennent même le dessus de leurs revendications. Et du même coup les écartent de celles des couches populaires, toujours et même plus que jamais, attachées à leurs conditions d’existence (salaires, services publics, logement, emploi, etc…), dont témoigne entre autres leur abandon du combat politique (l’abstention) et leur attirance pour le FN.
    -des aspects politiques : ceux-ci sont d’ailleurs liées aux précédents. Je mettrais en exergue le fait que le PC était resté trop suiviste à l’égard de l’Union Soviétique, et n’a pas su développer une pensée marxiste, de classe, originale. Comme les dirigeants soviétiques n’ont pas su ou pu, de leur côté, prendre le virage qu’imposait la transformation profonde du monde du travail soviétique, analogue à celle observée chez nous (développement considérable des couches nouvelles) le PC a sous-estimé ce mouvement et ne l’a pas convenablement pris en compte. Il n’a pas su intégrer en son sein ou sous son influence ces couches moyennes créées précisément par la réussite, d’un côté du système soviétique (ce qui est à examiner, j’en conviens, plus en détail !) de l’autre, par la réussite d’un mouvement social auquel le PC était partie prenante, et qu’on a nommé les « trente glorieuses ». Ce phénomène de transformation sociale (passage du statut couche populaire au statut couche moyenne) est fondamental. En effet, faute d’être bien compris, il est entaché d’une contradiction paralysante. En travaillant à améliorer le sort des plus exploités, des couches populaires, un parti tel que le PC, comme je le disais plus haut, tend à « créer ses propres fossoyeurs » (les couches moyennes, la classe moyenne). Il y a quelque chose qui cloche dans ce processus : il faut qu’un parti comme le PC se l’explique et l’intègre dans sa vision d’avenir, et ceci, autrement qu’en adoptant des « éléments de langage » issus de la vision sociétale des couches moyennes (les « -e-s », les « droits de l’homme », l’individualisme, etc…). Sinon, vous avez raison, ces classes moyennes (que le combat même d’un PC tend à construire sur la matrice des couches populaires, donc pour leur bien) deviennent des obstacles au but même que l’on poursuit. A cela il faut ajouter que la chute du socialisme réel n’a pas de son côté contribué à initier une réflexion en profondeur sur ce thème, mais au contraire et par facilité de pensée, à conduit à un rejet en bloc de « l’expérience » soviétique…et même du marxisme, de la lutte des classes, etc… Bref, de ce qui était fondamental dans la pensée communiste.
    La difficulté de l’autocritique nécessaire est énorme. N’est-elle pas en définitive la raison du déclin de la pensée communiste ? Y aura-t-il un sursaut ? Nos discussions (celles notamment de votre blog) y contribuent-elles ? Peut-on en favoriser la diffusion, et des réactions de la part des partis politiques concernés, qui se disent en principe « à l’écoute » du peuple ?

    • Descartes dit :

      @ Alain Brachet

      Toutes mes excuses pour le retard dans la réponse, mais votre commentaire était long et méritait une lecture attentive.

      [Ceci dit, ce concept de classe n’est pas un dogme figé, intouchable (façon de voir qui est souvent celle des gauchistes, et qui les empêche de suivre le monde tel qu’il va). C’est un concept à adapter au fil du temps, d’autant plus que, comme le dit Marx, « l’histoire jusqu’à ce jour a toujours été celle de la lutte des classes ».]

      Ce n’est pas le « concept de classe » qui est à réviser. Le terme « classe » désigne un objet particulier, et il n’y a aucun intérêt à en modifier la définition, ce qui rendrait confuse l’analyse des textes du passé, qui utiliseraient le terme dans un sens différent à celui qu’on adopterait aujourd’hui. Ce qui est à réviser, c’est la composition de « classe » de notre société : au fur et à mesure de son développement, il se peut que de nouvelles « classes » apparaissent, que d’autres disparaissent ou changent de position dans le mode de production. Mais le « concept » de classe reste toujours le même.

      [Il s’agit de savoir si cette couche ou classe moyenne, qui tend à être majoritaire dans un pays comme la France, suffit à elle seule à initier une société qui répondrait à ses besoins à elle, mais aussi à ceux des couches populaires.]

      Je ne vois pas ce qui vous permet de penser que les « classes moyennes » tendraient à devenir « majoritaires ». Si tel est le cas, on comprend mal pourquoi les organisations politiques qui défendent leurs intérêts voient leur part de marché politique s’éroder, alors que l’abstention et les organisations qui vont dans le sens inverse tendent au contraire à se renforcer. Non, les « classes moyennes » – je vous rappelle que je mets les guillemets pour souligner qu’il s’agit du groupe dont j’ai plusieurs fois donné la définition, et non le sens habituel du terme – ne sont pas et ne « tendent » pas à devenir « majoritaires ».

      [On peut dire que la « gouvernance PS » actuelle démontre plutôt le contraire. Car elle est le pouvoir d’une catégorie qui ne peut gouverner qu’en alliance avec la classe capitaliste (que je nomme le Capital).]

      Appelez-là plutôt « bourgeoisie », qui est le terme consacré. L’appeler « le Capital » conduit à une confusion entre la bourgeoisie et son instrument, erreur que Marx avait déjà dénoncé sous le terme de « fétichisme ».

      [Vous et moi pensons, en définitive, en termes de classes antagonistes. Notre divergence essentielle n’est pas formellement de savoir si on rend mieux compte de la société actuelle en faisant appel à 3 ou 2 classes, mais de savoir s’ il existe une majorité de citoyens pouvant constituer une force unie et suffisante pour changer les choses, et de quelle façon, et ceci, dès maintenant (tout au moins en entamant dès aujourd’hui un processus de « transformation sociale », dont la fin n’est évidemment pas pour demain…).]

      Mais les deux choses sont liées. Si la société actuelle peut être décrite à l’aide de « deux classes », alors la question de savoir « s’il existe une majorité de citoyens pouvant constituer une force unie et suffisante pour changer les choses » se réduit à savoir si la classe exploitée est majoritaire, et des moyens qui lui permettaient de se doter d’une superstructure politique lui permettant de « changer les choses ». C’est le problème que la gauche marxiste à discuté interminablement pendant toute la première moitié du XXème siècle. Mais si pour rendre compte des équilibres actuelles on doit faire appel à 3 classes, alors la question est complètement différente, puisqu’il faut prendre en compte les alliances possibles entre ces classes sur la base de convergences d’intérêts temporaires ou permanentes. On ne peut donc pas séparer la question de la constitution d’une « majorité de citoyens » de la constitution de classe d’une société.

      [Vous pensez (je résume et simplifie) que le moment n’est pas propice : le capitalisme d’aujourd’hui est encore trop fort, d’autant plus qu’il a mis « dans sa poche » un allié (la classe moyenne). Mais l’histoire progresse et le handicap actuel n’est pas définitif. Attendons donc des jours meilleurs (pour la lutte des classes).]

      Il y a de ça, mais ce n’est pas tout à fait ce que je dis. Vous parlez du « moment propice » comme s’il s’agissait d’une question de météorologie. Ce n’est pas tout à fait ça. Tout mode de production rencontre des difficultés au fur et à mesure que les forces productives se développent. L’introduction de nouvelles technologies nécessitent, pour prendre leur essor, de nouvelles organisations du travail, de la cité, de l’Etat. Et lorsqu’un mode de production devient un obstacle au développement des forces productives, il entre en crise, crise qu’il ne peut résoudre qu’en changeant. Un changement qui peut-être graduel ou rapide, révolutionnaire ou réformiste. Le servage est mort parce qu’il ne pouvait supporter une organisation du travail compatible avec la révolution industrielle, et le capitalisme d’aujourd’hui n’est pas celui du XIXème siècle.

      La question à se poser pour un « révolutionnaire » est donc de savoir si aujourd’hui le capitalisme est ou non un obstacle pour le développement des forces productives. La réponse me semble aujourd’hui assez évidente, du moins au niveau global : c’est non. Pour le moment, les technologies et les méthodes de production les plus modernes peuvent parfaitement se développer dans un cadre capitaliste. Le capitalisme n’est donc pas en crise – c’est de crise systémique qu’on parle ici – et la « révolution » n’est donc pas à l’ordre du jour. Ce qui ne veut pas dire qu’on ne puisse pas « réformer » le capitalisme dans un sens plus progressiste en fonction du rapport de forces. Or, c’est ce rapport de forces qui est défavorable, notamment parce que le développement du capitalisme permet à la bourgeoisie d’acheter les « classes moyennes ».

      [Mais pour s’y préparer il faut faire vivre une pensée marxisante de lutte de classes. Objectif auquel vous vous employez, avec quelques autres. Tous, dans les contradictions inhérentes à une telle pensée, ont stimulé des émules, tel que moi, ce qui génère diverses nuances de pensée, et donc de débats… mais aussi un embryon de ce groupe d’individus qui, bien qu’appartenant à la classe moyenne, a en commun de vouloir un changement, éliminant l’exploitation ou l’oppression.]

      De faire vivre une pensée mais aussi de la diffuser, de la partager, de l’enseigner. L’idée étant de donner aux citoyens – et particulièrement à ceux des couches populaires – les instruments intellectuels qui leur permettront d’exploiter au mieux les rapports de forces et peut-être un jour, lorsque le capitalisme sera vraiment en crise, de choisir la meilleure voie pour faire prévaloir les intérêts des travailleurs.

      [Je crois (toujours en résumant et simplifiant) que cette attente en forme de « veille active intellectuelle », ne suffit pas. Car, d’une part, nos « ennemis de classe » ne se contentent pas de ça, de leur côté, et qu’une veille de ce type ne met en jeu qu’une fraction limitée des intéressés (des intellectuels, pour l’essentiel). Une autre partie a intérêt à mener pour son compte une lutte de classe active : la « classe ouvrière » ou la « classe populaire ». Et c’est davantage en agissant, qu’à travers des livres ou des échanges intellectuels, qu’elle renforce son aptitude à se battre et à comprendre les mécanismes qui lui font obstacle.]

      C’est très discutable. D’abord, je ne pense pas qu’on doive imaginer une dichotomie entre la « populace » qui ne peut apprendre que en « agissant », et à l’opposé une sorte d’élite qui tirerait profit des « livres et échanges intellectuels ». Les ouvriers, les employés ne sont pas idiots. Ils sont eux aussi sensibles aux « échanges intellectuels », pour autant qu’ils soient organisés de manière à offrir une véritable progression. J’ai connu dans les écoles du PCF des philosophes, des historiens et des scientifiques qui étaient des merveilleux vulgarisateurs, capables de mettre les idées fondamentales dans des mots simples et de donner envie à l’auditoire d’aller plus loin.

      Enfin, ce que vous énoncez c’est finalement le crédo du gauchisme : le primat de l’action sur la réflexion, le mépris pour ceux qui « bavardent » par rapport à ceux qui « agissent ». Je ne suis pas un grand amateur des slogans de mai 1968, mais pour une fois je vais en adopter un : « assez d’actes, nous voulons de mots ». Non, l’action par elle-même ne vous apprends rien – si ce n’est à organiser l’action. Pour qu’elle vous permette de « comprendre les mécanismes », il faut des « livres et échanges intellectuels » capables d’organiser et de donner un sens aux observations. Marx avait raison : « la faim fait des révoltes, mais jamais de révolutions ». Pour faire une révolution, il faut aussi une théorie révolutionnaire.

      [C’est cette « veille – disons – de combat » que je voudrais voir partagée par la classe moyenne, tout au moins, d’abord, par cette fraction embryonnaire définie ci-dessus. Je compte ensuite sur un effet d’entraînement, ou de rapport de force, pour y associer ceux qui sont « à la traîne ». Etant entendu que ceux qui, dans cette classe moyenne, se refuseraient à abandonner leur allié capitaliste, sont à passer par pertes et profits : on ne fera pas appel à eux pour changer les choses et même -tant pis pour eux !-on les confondra avec le Capital dans le combat à mener (ils n’en mourront pas, tout au plus ils rumineront leur perte de certains avantages).]

      Au niveau des classes, c’est l’intérêt de classe qui prime. Vous pourrez toujours trouver des individus dans n’importe quelle classe pour partager une volonté de changement social. Mais sans un intérêt de classe, cela restera des défections individuelles. Vous ne pouvez pas fonder un raisonnement politique sur ce genre de processus. D’ailleurs, si « l’effet d’entraînement » auquel vous faites référence existait, pourquoi se contenter de chercher à attirer les « classes moyennes » ? Pourquoi ne pas appliquer votre raisonnement à la bourgeoisie elle-même ? Pourquoi ne pourrait-elle partager elle aussi cette « veille de combat » ?

      En fait, la différence que vous faites ici entre « classes moyennes » et bourgeoisie montre bien qu’il y a dans votre théorie un non-dit. Vous pensez qu’il y a entre « classes moyennes » et « classes populaires » une affinité, une communauté – ne serait-ce que partielle – d’intérêts, qui permettrait aux couches populaires « d’entrainer » une partie des « classes moyennes » avec elles. Affinité qui n’existerait pas entre la bourgeoisie et les « couches populaires ». C’est précisément cette « affinité sélective » que je trouve naïve. Les « classes moyennes » ont un intérêt de classe, et agissent collectivement en fonction de cet intérêts. Exactement comme la bourgeoisie. Pourquoi se laisseraient-elles entraîner dans une alliance avec les « classes populaires » qui irait contre leurs intérêts ? Qu’auraient-elles à gagner ?

      [L’idée de les associer dans une « expérience politique » d’élaboration et de mise en œuvre d’une nouvelle société me parait répondre à ce double objectif. Je n’imagine pas une telle expérience conduite par la seule « classe populaire » aujourd’hui. Il s’agit donc bien d’une « expérience » conduite par une alliance de couches populaires et moyennes, ensemble largement majoritaire dans un pays comme le nôtre.]

      Ce n’est pas parce qu’une branche de l’alternative – une « expérience conduite par la seule classe populaire » – vous paraît impossible que l’autre devient automatiquement possible. Je ne vois pas sur quelle base une « alliance » entre les couches populaires et les « classes moyennes » serait possible. Qu’est ce que les « classes moyennes » auraient à y gagner ? En quoi leur situation se trouverait améliorée par une telle « alliance » ?

      [D’autre part, un tout petit parti de couches moyennes : le PG, qui a heureusement rompu avec sa matrice originelle, le PS.]

      Pas tout à fait. Disons que le PG a rompu avec sa « matrice de passage » PS et a renoué avec sa « matrice originelle », le gauchisme. Est-ce « heureux » ?

      [Il a le mérite de représenter, bon an mal an, des couches « intellectuelles », des « experts et compétents », catégorie dans laquelle se trouvent ces penseurs intellos et leurs émules, cités plus haut, motivés par la compréhension du monde d’aujourd’hui en s’inspirant de Marx, et moralement outrés par les injustices que secrète le Capitalisme, et par ceux qui ont, égoïstement, immoralement devrait-on dire, accepté de le suivre sans trop rechigner.]

      Vous rêvez. Le PG n’a guère attiré des « experts compétents » en son sein. Si vous regardez les textes qu’il a produit – et les gens qui les produisent – vous arrivez rapidement à la conclusion que le plafond est bas. Et les rares personnalités qui avaient un peu d’épaisseur intellectuelle – comme Jacques Généreux – se sont éloignés.

      [Cet embryon, avec tous ses défauts, et surtout celui de son faible poids, existe incontestablement. Il faut en prendre acte et le développer sous la forme qu’il a eu le bonheur d’inventer: le Front de Gauche.]

      D’abord, le PG n’a pas « inventé » le Front de Gauche. Ensuite, vous butez toujours sur le même problème : je ne vois pas le Front de Gauche représenter les intérêts des couches populaires. C’est « les classes moyennes parlent aux classes moyennes ».

      [Alors vous me dites : il n’y a rien qui permette d’espérer une alliance des classes populaires et moyennes, car ces dernières n’y sont pas prêtes, puisqu’elles préfèrent, dans leur masse, l’alliance avec le Capital. Comment en sortir ?]

      Si je le savais…

      [1) On peut, tenant compte du fait qu’aujourd’hui, des couches moyennes plutôt désavantagées, tendent à l’être de plus en plus, pronostiquer que la masse des déshérités va augmenter, notamment par une dévalorisation d’une fraction de couches moyennes.]

      Je ne connais pas vos « couches moyennes ». Je connais des « classes moyennes » avec une définition précise. Les ouvriers qui avaient un emploi stable, une voiture et une maison ne sont pas devenus « classes moyennes ». Ils sont restés ouvriers, vendant leur force de travail et laissant une partie de la valeur produite dans les mains du patron. Et le fait qu’ils perdent leur voiture ou doivent vendre leur maison ne les « déclasse » pas. Ils étaient devenus des ouvriers enrichis, ils redeviennent des ouvriers pauvres. Et de la même manière, il n’y a pas de « classes moyennes désavantagées ». « Désavantagées » par rapport à quoi, d’ailleurs ?

      Il faut utiliser des termes précis, autrement on ne comprend plus rien. Vous imaginez que par on ne sait quel miracle les « classes moyennes » vont s’appauvrir et rejoindre la masse des « deshérités » (encore un terme fort peu précis). Ce sera peut-être vrai un jour, mais ce n’est certainement pas le cas aujourd’hui.

      [Elle viendrait étoffer la masse des couches populaires, créant ainsi des conditions objectives de combat commun.]

      Non. Si les membres des « classes moyennes » devenaient demain membres des « couches populaires », l’idée même d’un « combat commun » n’aurait pas de sens. « Commun » entre qui et qui, puisqu’ils seraient tous membres de la même classe ? Cela deviendrait le « combat » des « classes populaires ».

      Votre formulation même montre l’ambiguïté de votre position : vous pensez d’un côté aux « classes moyennes » s’appauvrissant jusqu’à être au niveau des couches populaires, mais sans se fondre avec elles puisque vous concevez toujours une logique « d’alliance ». On se trouverait alors dans le paradoxe de deux groupes qui auraient la même position dans le mode de production mais constitueraient deux « classes » différentes…

      [2) Le mieux est donc d’anticiper et animer cette union qui, objectivement, peut être en construction (ne serait-ce que par le mécanisme sociologique précédent) afin qu’elle prenne la bonne voie.]

      Vous n’avez toujours pas expliqué pourquoi les « classes moyennes » auraient intérêt à une telle « union ». Sans vouloir vous offenser, vous nagez en plein idéalisme. Vous imaginez que les « classes moyennes » rompraient une alliance avec la bourgeoisie – alliance qui leur est fort profitable – et qu’elles iraient conclure une « union » avec les « couches populaires », union dont la victoire aurait comme conséquence pour elles de perdre leurs privilèges. Et tout ça en échange de quoi ? Pour défendre la vérité et la justice ?

      [Je ne vois pas comment une telle démarche pourrait se faire sans que des partis politiques émanant des deux composantes (couches populaires et couches moyennes) n’en soient les artisans.]

      J’ai du manquer un chapitre. Pourriez-vous me rappeler quel est le parti politique « émanant des couches populaires » ? Serait-ce le FN ?

      [3) Se pose alors une question , à laquelle je n’ai pas trouvé chez vous beaucoup d’éléments de réponse : comment expliquer le virage pris par le PC, dans les années 80, virage qui lui a fait abandonner la défense prioritaire du « prolétariat », des classes populaires, pour lui substituer celle d’une catégorie assez mal définie par lui d’ailleurs, qui s’apparente aux couches moyennes.]

      Par le virage de la société, bien évidement. Avec le chômage de masse et l’ouverture des frontières, la classe ouvrière a vu le rapport de force social se modifier à son détriment. Elle a été chassée de l’espace politique. Le PCF avait alors le choix entre deux options : accompagner les couches populaires dans leur ghetto où les abandonner. La première voie impliquait un ostracisme du même type que celui qui frappe le FN, la seconde une conversion aux intérêts des « classes moyennes ». Il est d’ailleurs très intéressant de revenir sur ce que fut la rhétorique anticommuniste des années 1980-94, ou le PCF est trainé dans la boue accusé entre autres choses de racisme, de sexisme, d’antisémitisme ; et de comparer ce langage avec celui utilisé aujourd’hui contre le FN. Le « beauf » de Cabu a été successivement l’un et l’autre.

      La direction du PCF, harcelée par les « notables » qui craignaient la perte de leurs sièges et les « permanents » qui craignaient pour leur emploi, a choisi la solution de la conversion en parti des classes moyennes. Robert Hue fut le porte drapeau de cette « mutation ». Et oh ! miracle, dès qu’il est élu secrétaire national, le PCF cesse d’être trainé dans la boue. Tout à coup, l’élite politico-médiatique a les yeux de Chimène pour ce « nouveau PCF »… Une coïncidence, certainement…

      [Il me semble que si l’on s’attelait à expliquer cette dérive au grand jour, on aiderait beaucoup de communistes ou d’ex communistes (sans parler de futurs communistes !) à redresser le cap.]

      J’en doute. Pour les raisons que j’ai expliquées plus haut, la « mutation » du PCF ne me semble pas réversible. Tout simplement, parce que les forces qui pourraient avoir intérêt à « redresser le cap » ne sont pas là. Elles sont parties depuis longtemps dans l’abstention ou dans le vote FN. Aujourd’hui, le PCF ne pourrait pas renier ses dérives « sociétales » sans perdre le soutien des rares électeurs qui lui restent.

      [-des aspects sociologiques : le monde du travail a changé. Une fraction importante des exploités modernes relève de couches dites « nouvelles » (employés des services, techniciens, cadres…). Leur niveau d’éducation les confond dans la mouvance des couches moyennes.]

      Encore une fois, c’est l’économie et non la sociologie qui commande. Ce sont les intérêts qu’il faut regarder, et non le « niveau d’éducation ». La « sociologisation » des rapports sociaux après 1968 a servi à occulter ce principe fondamental : les classes sociales sont mues par leurs intérêts.

      [-des aspects politiques : ceux-ci sont d’ailleurs liées aux précédents. Je mettrais en exergue le fait que le PC était resté trop suiviste à l’égard de l’Union Soviétique, et n’a pas su développer une pensée marxiste, de classe, originale.]

      Pourtant, le PCF a été beaucoup plus « suiviste » à l’égard de l’URSS avant 1968 qu’après. Comment expliquer qu’un français sur quatre ait voté pour lui dans les années 1950 et 1960, et un sur dix dans les années 1980 ? Le « suivisme » est un argument qu’il faut prendre avec des pincettes…

      [Il n’a pas su intégrer en son sein ou sous son influence ces couches moyennes créées précisément par la réussite, d’un côté du système soviétique (ce qui est à examiner, j’en conviens, plus en détail !) de l’autre, par la réussite d’un mouvement social auquel le PC était partie prenante, et qu’on a nommé les « trente glorieuses ».]

      A lire votre discours, j’ai l’impression que vous attribuez les problèmes à des erreurs tactiques. Le PC devrait son déclin au fait qu’il « n’aurait pas pris la mesure » de ceci ou qu’il « n’a pas su » faire cela. Comme si en politique tout problème avait sa solution. Je ne crois pas que ce soit le cas. Le développement des « classes moyennes » et l’ouverture des frontières au libre-échange ont radicalement modifié le rapport de forces au détriment des couches populaires. Le PCF avait le choix entre suivre les couches populaires dans leur exil, devenant un parti « populiste » ostracisé par l’ensemble de la classe politique, ou les abandonner à leur sort et se reconvertir en porte-parole d’un secteur des « classes moyennes ». Il n’y avait pas de « troisième voie ». Il n’y avait pas de possibilité de « intégrer les couches moyennes » tout en restant le porte-parole des couches populaires. D’ailleurs, vous noterez que les différents partis communistes occidentaux ont adopté des stratégies très diverses, et que AUCUN n’a réussi l’exploit en question. Il doit y avoir une bonne raison…

  31. Alain Brachet dit :

    Petite réponse à votre commentaire ci-dessous, du 10/6:
    Vous n’avez pas à vous excuser du”retard” de votre réponse à mon commentaire du 7/6. Je trouve au contraire que vous répondez vite à une masse imposante d’intervenants. Pour ma part, je dois retourner plusieurs fois dans ma tête mes réflexions avant que je les juge “publiables”. Et cela ne s’améliore pas en prenant de l’âge!…
    Je ferai sans doute un point plus complet plus tard…dans cette disposition d’esprit!
    Une courte réflexion cependant à ce stade: je persiste à ne pas bien comprendre votre concept de “classe moyenne”. C’est certainement la clé des difficultés que j’ai à vous suivre sur certains développementsR