Pluie de candidats…

La France a un incroyable talent. Pensez-y : en Grande-Bretagne, lors du départ de Cameron, il n’y eut que deux personnalités à s’estimer suffisamment qualifiées pour occuper la première place. Tous les autres – y compris ceux qui avaient mené la campagne victorieuse pour le « Brexit » – se sont désistés, ne s’estimant pas suffisamment représentatifs pour pouvoir mener le pays. En Allemagne, alors que l’inamovible Angela Merkel semble rencontrer des difficultés, la classe politique s’interroge : où trouver un candidat digne de s’installer à la Chancellerie fédérale ? Chez nous, rien de tel. Notre classe politique regorge au contraire de personnalités tout à fait capables de diriger et de représenter la France. Ce sont elles qui le disent, et s’agissant d’hommes et femmes de grande expérience, on ne peut que les croire. Comment ne pas voir en Nadine Morano la digne héritière – que dis-je, l’égale – du général De Gaulle ? Qui oserait dire que Marie-Noelle Lienemann n’est pas au niveau de François Mitterrand ?

Tous ces candidats n’ont rien à dire – outre le fait qu’ils veulent le poste – mais ils sont décidés à le dire haut et fort. Et chacun ira de son gadget : Pour le moment, c’est Bruno Le Maire qui gagne la course avec son « programme de mille pages ». Il faut croire que Bruno n’était pas très attentif à l’ENA, puisqu’on martèle aux élèves de cette institution que rien ne vaut l’esprit de synthèse. Comme disait un général américain, « si j’avais eu plus de temps, j’aurais fait plus court ». Mais d’autres lui font une rude concurrence : Mélenchon et son « tour de France des insoumis », Macron et ses « porte à porte » avec T-shirts et paillettes. En fait, tout est bon pour attirer le chaland. Tout, sauf le bon vieux débat sur les questions de fond. Ca fait poussiéreux, ringard, has been…

Il fut un temps où les gens avaient un minimum de conscience de leurs limites. Des hommes politiques de premier niveau, dont le parcours et la personnalité les mettaient bien au dessus d’un Didier ou d’un Hamon, ont renoncé à se présenter parce qu’ils étaient conscients que la fonction était trop grande pour eux. Bien des gens ont rêvé devant leur miroir de devenir président de la République. Mais avant l’invention de Facebook, les gens avaient le bon sens de garder ces rêves pour eux, au lieu de les infliger au reste de la collectivité. Il est vrai que François Hollande a donné le mauvais exemple. Candidat improbable avant de devenir président incapable, on peut dire qu’il a mis la barre très bas. Morano, Lienemann, Didier ou Hamon ne sont pas à côté de la plaque lorsqu’ils se disent « s’il le peut, pourquoi pas moi ? ». Et ils ont raison : ni les uns ni les autres ne feraient pire que Hollande. Mais tout de même…

Vous allez dire que je radote, mais je vais une fois encore étaler mes souvenirs pour le bénéfice d’une jeunesse qui ne m’a rien demandé, mais qui ferait bien de me lire. Il fut un temps – pas si lointain, en fait – où il existait en France des choses qui s’appelaient des « partis politiques ». Oui, je sais, des partis il y en a toujours, mais ils ne sont qu’un reste du passé. Des ruines magnifiques mais ruines quand même. Car contrairement aux partis d’aujourd’hui, les partis d’hier étaient peuplés de militants. Et c’est quoi un militant ? C’est une personne qui consacre une partie de son temps libre à assister à des réunions interminables, à lire des documents souvent fort mal écrits, à distribuer des tracts, à coller des affiches, à assurer des permanences, à discuter politique et à se faire engueuler par son conjoint parce qu’il est arrivé en retard, parce qu’il n’est pas là le week-end, bref, parce qu’il met le Parti avant la famille. Et tout ça, sans autre rétribution que la reconnaissance des autres militants, de certains de ses concitoyens et – pour une toute petite minorité – l’accès à des fonctions électives ou exécutives rémunérées (1).

Mais pour toutes leurs peines, ces militants gagnaient quelques droits : celui de discuter et de choisir le projet défendu par leur parti, et celui de sélectionner le candidat qui devait le porter. Ce droit était à eux, et à eux seuls. Et si le citoyen lambda voulait avoir son mot à dire à l’heure d’élaborer projets et candidatures, il n’avait qu’à prendre sa carte dans un parti et faire le boulot qui va avec. Car en ce temps là, les partis politiques étaient des corps vivants. Ils avaient des projets, qui étaient âprement discutés par une base militante que les directions écoutaient avec une grande attention. Parce que même si les processus démocratiques internes laissaient beaucoup à désirer, le militant pouvait toujours voter avec ses pieds. Et que les partis dépendaient d’eux pour coller les affiches, apporter les ressources financières et tenir les permanences. Mais surtout, à une époque ou les sondages étaient encore chers et les médias plus restreints, le corps militant était pour les hommes politiques à la fois un instrument de connaissance de l’état de l’opinion et un relais.

Bien sur, il y eut des excès. La discipline de parti et le contrôle que celui-ci exerçait sur les élus a conduit à un régime de négociation permanente qui fit l’impuissance de la IVème République. C’est cette logique qui a conduit De Gaulle à se dresser contre « le régime des partis », alors que le régime d’assemblée de la IVème République avait rendu les partis tout-puissants, et cela se manifestait par une logique dans laquelle on faisant passer l’intérêt du Parti devant l’intérêt général. Mais mongénéral n’a jamais voulu la disparition des partis politiques, au contraire. Il voulait simplement des institutions dans lesquelles le pouvoir des partis soit contrebalancé par un arbitre ayant pour lui une légitimité acquise en dehors des partis par la grâce du suffrage universel, et ayant devant lui un mandat suffisamment long pour échapper aux contingences du quotidien. Ce que De Gaulle ne pouvait pas prévoir, c’est que l’individualisme libéral-libertaire allait vider les partis politiques de toute substance en les transformant en clubs où les élus croisent ceux qui aspirent à l’être pour communier dans la seule religion qui vaille, celle de la conservation des postes et des avantages. Le militant a largement disparu de l’horizon politique et le citoyen est devenu un « client » (2) qui choisit un vote comme on choisit un hôtel ou une barre chocolatée : en fonction du dépliant ou de l’emballage, et sans engagement de ne pas suivre demain une meilleure offre.

Car c’est bien là le problème. Les partis politiques sont aujourd’hui des corps morts. Ils ne produisent rien ni intellectuellement, ni politiquement. Ce ne sont que des incubateurs d’ambitions personnelles. On n’y discute plus de politique, tout au plus tactique. Les questions de fond n’intéressent personne. Quelle est la dernière fois que vous avez vu un congrès, une convention, une université d’été, une réunion de quelque nature que ce soit ou l’on ait discuté d’un projet, qui ait produit un document qui serve de référence ? Congrès et conventions sont devenus en fait un prétexte pour le grand discours du non moins grand dirigeant, discours fabriqué avec quelques amis et surtout quelques communicants pour « cibler » au mieux les différentes tranches de l’électorat.

Vous noterez d’ailleurs que rares sont les réunions de ce type qui sont réservées aux militants. La plupart sont publiques et ouvertes à tous. De ce fait, tout désaccord, toute différence d’opinion qui pourrait s’exprimer se trouverait immédiatement sur la place publique et alimenterait les commentaires sur les ambitions d’untel ou d’untel. Comment dans ces conditions pourrait-il y avoir de véritables débats, de véritables confrontations d’idées ? Il serait temps de comprendre que la transparence absolue tue absolument le débat. La liberté de parole est intimement lié à la confidentialité de ce qui est dit et de celui qui le dit.

L’affaiblissement des partis a profondément transformé notre paysage politique, devenu un lieu de pure confrontation des ambitions personnelles. Le mécanisme des « primaires », qui soumet la désignation des candidats non pas aux militants engagés mais à des « clients » qui n’ont plus qu’à mettre quelques euros dans la tirelire et signer une déclaration qui n’engage pas à grande chose pour participer au tirage. Ce sont eux qui feront la légitimité du candidat, et non les militants. Dans ce contexte, quel intérêt y aurait-il à discuter d’un projet au niveau du parti puisque rien n’engage les candidats à le porter ? A quoi sert de militer, sauf à avoir l’honneur de coller des affiches et de distribuer les tracts d’un candidat qu’on n’aura même pas choisi ?

Le projet n’a d’ailleurs plus aucune espèce d’importance. Aujourd’hui, on peut se présenter comme candidat tout en laissant le projet pour plus tard, voire pour jamais : c’est ce que fait Jean-Luc Mélenchon en mettant en place une procédure d’élaboration du projet qui n’a pour le moment tenu aucun des jalons annoncés (3). Celui qui exprime peut-être le mieux cette situation reste quand même Manuel Valls, qui explique que si la gauche va à l’élection divisée elle perdra et en tire argument pour un candidat unique… alors que de toute évidence la gauche est profondément divisée sur les questions de fond. Quel projet pourrait porter ce « candidat unique » en dehors de celui de gagner l’élection ?

La primaire, c’est la prime au conformisme. Un projet audacieux porté par un homme convaincu peut éventuellement convaincre des militants politiquement formés, puis à travers eux percoler dans la société. Mais un tel projet ne convaincra jamais les « clients » d’une primaire, politiquement peu formés et donc esclaves de la « pensée unique ». A chaque fois, la primaire a produit le même résultat : elle a bénéficié au plus médiocre, au plus consensuel des candidats. Royal en 2007, Hollande en 2012. A droite, on s’achemine – sauf surprise – vers la victoire d’Alain Juppé, troisième couteau de l’ère chiraquienne qui n’a pas exprimé une idée originale en cinquante ans de vie politique. Mais la primaire n’est qu’un symptôme, elle ne constitue pas le véritable problème. Avec ou sans primaire, l’égo-politique domine le paysage. Macron et Mélenchon, malgré leurs différences, ont un point commun : dans les deux cas, l’organisation qu’ils ont créée est à leur service, et pas l’inverse. Ils n’en sont pas les représentants, mais les propriétaires. Ce sont eux, et non leurs militants, qui décident de tout : programme, campagne, candidat. Quant à Montebourg, il se présente sur son propre projet… tout en restant membre du Parti socialiste, démontrant ainsi par l’absurde combien les partis sont devenus des coquilles vides.

Bien entendu, il y aura des candidats qui – par électoralisme ou par conviction, peu importe – poseront des vrais débats. Mais avec la multiplication à l’infini des candidats charlots et la tendance à la banalisation qui caractérise nos médias, ils seront rapidement noyés sous les quolibets et les approximations. Le discours de Sarkozy sur l’assimilation – il y a des jours où je me dis qu’il doit lire mon blog… – est un bon exemple. Mais au lieu de saisir l’opportunité pour un vrai débat, la meute des candidats a préféré aboyer dessus, d’autant plus qu’étant d’accord sur l’essentiel, les candidats à la primaire sont forcés d’amplifier voire d’inventer des désaccords pour se différencier les uns des autres.

Tout ça ne peut que profiter au FN, seule organisation parmi les partis politiques de masse à présenter aujourd’hui un candidat devant sa désignation aux militants et à eux seuls, et qui porte un projet qui n’est pas purement personnel, mais qui résulte – au moins symboliquement – d’une délibération collective. Il est intéressant de noter par exemple que, conscient de la fracture qui traverse le FN sur la question de l’Euro, ce parti a organisé une réunion de son conseil national consacrée à cette question, réunion fermée où, si l’on croit les participants, le débat a eu lieu sur le fond. A contrario, on ne voit pas trace de ce genre de débat dans les instances dirigeantes des autres partis, et lors du dernier congrès du PCF en juin, la direction a même fait en sorte d’interdire tout débat sur une éventuelle sortie de l’Euro. Il est vrai que le congrès était retransmis en direct, et que cela fait mauvais genre de constater que la ligne du Chef est contestée par la base.

Ceux qui auront regardé dimanche 11 septembre le passage de Marine Le Pen sur TF1, puis le passage de Juppé sur France2, n’ont pu que constater combien le contraste était cruel entre la dirigeante sûre de ses arrières débitant un programme construit, et le dirigeant cherchant à plaire à tout le monde et ne pouvant même pas se réclamer du soutien de ses compagnons. D’un côté, le « nous », de l’autre, le « je »… Parti conservateur, le FN a « conservé » une conception à l’ancienne de ce qu’est un parti politique. Et ça paye, parce que les français sont un peuple politisé que la transformation du politique en spectacle avec ballons et paillettes à l’américaine rebute. Même Sarkozy a fini par s’en apercevoir, qui remplace de plus en plus le meeting-show par de véritables réunions politiques. A l’inverse, on voit Mélenchon faire une campagne fondée sur un logiciel importé d’outre atlantique, dont l’esprit est de remplacer la logique du militant engagé et discipliné par celle des « amis » et des « communautés » façon Facebook qui contribuent à la campagne comme ils veulent quand ils veulent. Si Mélenchon croit qu’il gagnera des voix en faisant appeler les électeurs indécis par ses « amis » pour leur lire au téléphone un argumentaire, comme cela se fait outre-atlantique, je pense qu’il se fout le doigt dans l’œil.

Il y a un autre facteur qui rend cette campagne étrange. C’est qu’en pratique, il n’y a qu’une seule alternative véritable. D’un côté, il y a le camp des européistes. Peu importe qu’ils soient pour cette Europe, pour une « autre » Europe, pour « l’Europe libérale » ou « l’Europe sociale », pour un plan A, B, ou X. Leur choix est de penser que l’avenir de la France se trouve dans une structure supranationale, à qui les pouvoirs seront délégués et dont les choix mutualisés s’imposeront à tous, que cela leur plaise ou non. En attendant bien sûr le jour radieux où cette Europe aura la pleine souveraineté. Et de l’autre côte, il y a ceux qui pensent que l’avenir de la France se trouve dans l’exercice plein et entier de la souveraineté nationale, ce qui n’exclut pas bien entendu des accords entre états souverains pour s’engager sur des projets communs.

Aujourd’hui, c’est ce choix capital qui est déterminant dans pratiquement tous les domaines. Or, ce choix est fort mal posé. Si la question divise la plupart des organisations politiques, la quasi-totalité des candidats présents aux différentes « primaires » penchent pour le premier terme de l’alternative, alors qu’il ne faudrait pas grande chose pour que l’opinion publique bascule dans l’autre sens – et que les couches populaires y ont déjà très largement basculé. Dans ce contexte, Marine Le Pen risque d’être le seul et unique candidat en mesure de prendre la tête du camp eurosceptique, puisque personne à gauche n’est capable de prendre position clairement sur cette question, et que l’audience de Dupont-Aignan reste honorable mais confidentielle. Le FN sera dans une position idéale pour drainer le vote de ceux qui estiment qu’il y a là un choix fondamental et qui détermineront leur vote en fonction de cette question. Et ça peut faire beaucoup de monde. Quel résultat Marine Le Pen ferait-elle si elle promettait un référendum sur un « Frexit » ? Je n’ose faire des hypothèses…

Descartes

(1) Pour ceux qui ne l’auraient pas vu, je recommande le magnifique film « Tout le monde n’a pas eu la chance d’avoir des parents communistes ». Croyez-moi, le personnage joué par Josiane Balasko est à peine caricatural. J’en ai connu, des militants communistes qui ont donné littéralement « leur vie au Parti », sans jamais rien demander en échange. Et je sais que c’était similaire – même si c’était à un moindre degré – chez les gaullistes ou les socialistes.

(2) « Client » que Robert Hue et ses amis ont théorisé sous la forme du « parti outil », dont les militants trimeraient non pas pour soutenir un projet élaboré en commun, mais pour se mettre au service du « client » et lui permettre de faire avancer SES revendications, de réaliser SES projets. L’échec de la « mutation » à la sauce Hue vient du fait qu’il s’est révélé difficile de trouver des militants disposés à donner leur vie pour que d’autres fassent ce qu’ils veulent. La philantropie a ses limites, même chez les communistes.

(3) Selon le texte publié sur le site JLM2017, une première mouture du programme devait être disponible avant l’automne. L’automne commence aujourd’hui, et on ne voit rien venir… d’ailleurs, dans ses derniers discours Mélenchon, qui sur son site promettait une « révision en profondeur » de « L’Humain d’abord », semble maintenant dire que son projet reprendra pour l’essentiel ce document…

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122 réponses à Pluie de candidats…

  1. tmn dit :

    Bonjour,

    il est à noter tout de même qu’un possible candidat a fait preuve d’une certaine humilité, avouant clairement se sentir dépassé et manquer d’une structure politique : Nicolas Hulot. Même si on a parlé à son sujet de “boules puantes” à venir et que cela a aussi pu jouer, il a clairement avoué qu’il ne se sentait pas prêt, pas capable, trop seul. Je ne suis pas trop fan ce ce Monsieur, mais pour le coup son discours tranchait avec celui des multiples candidats je trouve. Ce n’est sans doute pas un hasard (?), il n’a jamais vraiment appartenu très longtemps à un parti politique.

    Sinon il y a un point que j’ai du mal à comprendre : en quoi la Vème République rend-elle les partis moins puissants ? En quoi un député est moins aux ordres de son parti ? J’ai souvent entendu parler de De Gaulle contre le “régime des partis” sans vraiment comprendre de quoi il s’agissait j’avoue.

    Enfin si je partage votre diagnostic sur l’inutilité des partis, je ne suis pas sûr que “l’individualisme libéral-libertaire” soit une explication suffisante. Pourquoi le FN serait-il épargné dans ce cas ? Mais je n’ai pas de réponse satisfaisante… Les médias ont un rôle, ce sont eux qui entre autres font que le “choix capital” que vous évoquez n’est pas discuté. Mais d’un autre côté, les gens sont ils vraiment demandeurs de de débat ?

    Merci pour vos articles au passage, c’est toujours un plaisir de vous lire.

    • Descartes dit :

      @ tmn

      [il est à noter tout de même qu’un possible candidat a fait preuve d’une certaine humilité, avouant clairement se sentir dépassé et manquer d’une structure politique : Nicolas Hulot.]

      C’est vrai. Je dois dire que son explication m’a touché, et pourtant on ne peut pas dire qu’il soit saint de ma dévotion. Cela étant dit, lorsque Hulot a évoqué les difficultés d’une candidature, il s’agissait surtout de la campagne, et non de la fonction présidentielle elle même. Mais il est vrai que dans le bal des égos qui est notre quotidien, Hulot a tenu un langage de raison.

      [Sinon il y a un point que j’ai du mal à comprendre : en quoi la Vème République rend-elle les partis moins puissants ? En quoi un député est moins aux ordres de son parti ? J’ai souvent entendu parler de De Gaulle contre le “régime des partis” sans vraiment comprendre de quoi il s’agissait j’avoue.]

      Pour comprendre le discours de De Gaulle, il faut revenir sur ce qu’étaient les institutions de la IVème République. Pour résumer, je ne parlerai que de deux éléments. Le premier, c’est l’élection par liste. Le second, le régime d’assemblée.

      Les députés de la IVème Républiques étaient élus au scrutin proportionnel de liste à un tour. Pour être élu député, il fallait donc être inscrit en position éligible sur une liste, et comme c’étaient les partis qui composaient les listes, les instances des partis avaient un moyen de pression très puissant sur les députés. D’autant plus que le scrutin de liste contribue à une faible personnalisation des scrutins, et que les électeurs avaient l’habitude de voter plus pour un parti que pour un homme.

      La IVème République était en plus un régime d’assembleé. Le président de la République n’étant qu’une figure symbolique, le pouvoir résidait dans le président du Conseil (notre premier ministre). Le président du Conseil ne le devenait que lorsqu’il était investi par l’assemblée, et pouvait être renversé à tout moment. Pour survivre, le président du Conseil avait besoin d’une majorité… et donc du soutien des partis politiques – qui « tenaient » les députés par le mode de scrutin. Les instances dirigeantes des partis tenaient donc le système par le bas – par le choix des députés – qui leur permettait d’imposer à leurs députés une discipline de vote et donc le choix des présidents du Conseil. Et comme le renversement du gouvernement ne comportait pour les députés le moindre risque, celui-ci ne pouvait guère s’écarter des partis qui le soutenaient.

      La Vème République a brisé le pouvoir des partis de trois manières différentes. D’abord, avec le scrutin majoritaire à deux tour le député est beaucoup moins dépendant d’une investiture partisane. Une figure populaire localement peut se faire élire sur son nom, et les partis cherchent de telles figures pour leur donner l’investiture plutôt que l’inverse. Ensuite, en donnant au président de la République le pouvoir de dissolution l’Assemblée ne peut plus renverser le gouvernement sans prendre le risque d’être renvoyée devant les électeurs. Le vote de censure cesse d’être un acte banal et sans risque. En complément, l’article 49.3 permet au président de la République de mettre les partis politiques devant leurs responsabilités : le rejet d’une mesure jugée indispensable par le gouvernement les oblige à revenir devant leurs électeurs. Enfin, l’élection du président de la République pour sept ans crée dans le système un arbitre indépendant des appareils partisans.

      [Enfin si je partage votre diagnostic sur l’inutilité des partis, je ne suis pas sûr que “l’individualisme libéral-libertaire” soit une explication suffisante. Pourquoi le FN serait-il épargné dans ce cas ?]

      Parce que le FN est le seul des grands partis à ne pas avoir embrassé la logique « libérale-libertaire ». Il s’est d’ailleurs fait un point d’honneur à prendre sur cet aspect, comme sur beaucoup d’autres, le contre-pied du « politiquement correct ». Je pense que c’est cela qui lui permet aujourd’hui de se présenter comme « seule alternative » à un système politique ou, sous des étiquettes diverses, on communie en fait dans les mêmes logiques.

      [Mais d’un autre côté, les gens sont ils vraiment demandeurs de de débat ?]

      Vous savez… les gens sont trop occupés à survivre, à faire face aux mille et un petits problèmes du quotidien pour être « demandeurs » de grande chose. Lorsqu’on parle d’éducation, fusse-t-elle populaire, le mot « obligatoire » n’est jamais très loin. Je pense que les gens, en France, s’intéressent aux débats lorsqu’ils leur sont proposés. Mais de la à les « demander »…

      [Merci pour vos articles au passage, c’est toujours un plaisir de vous lire.]

      C’est gentil à vous. J’ai besoin d’encouragements, en ce moment…

    • tmn dit :

      @ Descartes

      [Pour comprendre le discours de De Gaulle, il faut revenir sur ce qu’étaient les institutions de la IVème République. (…) ]

      Merci pour vos explications très claires !

    • Bruno dit :

      @ Descartes

      Bonjour Descartes et merci pour votre papier!

      Je souhaiterais avoir votre opinion sur plusieurs mesures proposées par Bruno Le Maire (et d’autres “modernes”) :

      -Non-cumul strict des mandats
      Je ne crois pas avoir déjà lu votre avis sur ce sujet et serais curieux de le connaître. Pour ma part tout en déplorant l’existence de grands barons du genre Gaudin et Collomb, je n’aime pas l’idée d’interdire le cumul, mesure qui mettrait d’après moi les parlementaires dans la main des partis. Entre les grands féodaux trop puissants et les godillots, il faudrait trouver un juste milieu.

      -Diminution du nombre de parlementaires
      Ok avec Bruxelles et le développement de la supranationalité, le Parlement ne sert plus qu’à enregistrer des lois qu’il ne vote pas, il n’empêche, à l’heure d’une crise de la représentativité politique, je ne vois pas en quoi cela constituerait une solution. Ça fait très démagogue.
      Que penseriez-vous d’élire le Sénat à la proportionnelle intégrale (avec un minimum de X% au niveau national) tout en conservant le mode de scrutin actuel pour l’AN? Ça ouvrirait un peu les débats sans déstabiliser notre système institutionnel.

      -Suppression de l’ENA
      J’avoue ne pas bien comprendre cette mesure. Si la scolarité de cette école est mauvaise, le principe du concours pour accéder à la haute fonction publique reste primordial.

      -Limitation du nombre de mandats dans le temps
      Par principe, je suis opposé à l’idée d’une limite dans le temps, pour le Président et pour tout autre élu, ceci m’apparaissant comme une restriction au libre choix du citoyen. Cependant, je dois reconnaître qu’avec l’émergence de professionnels de la politique (Valls :”la politique est mon métier”) et la consanguinité croissante de ce petit milieu, cela pourrait être utile. On changerait les personnes à défaut, même si ce serait toujours la même classe qui dirigerait…

      Par ailleurs, je lisais plus-haut votre critique des primaires qui, schématiquement, permettent aux classes moyennes de choisir les candidats à l’élection présidentielle et ainsi le futur Président. J’entends la critique, toutefois, les partis étant déjà dans la main de ces classes, ce n’est ni moins ni plus démocratique. En somme, le statu-quo mais sous une forme différente, plus “moderne”.

    • Descartes dit :

      @ Bruno

      [Je souhaiterais avoir votre opinion sur plusieurs mesures proposées par Bruno Le Maire (et d’autres “modernes”) :]

      Le Maire « moderne » ? Mon dieu, qu’est ce qu’on a fait au mot « moderne »… en fait, je vais vous montrer que sur la plupart des sujets que vous évoquez loin d’invoquer des nouvelles idées c’est un retour en arrière d’un siècle.

      [-Non-cumul strict des mandats : Je ne crois pas avoir déjà lu votre avis sur ce sujet et serais curieux de le connaître. Pour ma part tout en déplorant l’existence de grands barons du genre Gaudin et Collomb, je n’aime pas l’idée d’interdire le cumul, mesure qui mettrait d’après moi les parlementaires dans la main des partis. Entre les grands féodaux trop puissants et les godillots, il faudrait trouver un juste milieu.]

      En fait, il faut savoir ce que l’on veut. Voulons-nous un système politique peuplé par des « politiciens professionnels », ou voulons-nous plutôt un système dans lequel les élus ont un autre métier et ne font qu’ un tour en politique ? Un politicien qui ne ferait qu’un seul mandat serait forcément obligé de se reconvertir ensuite. Le risque qu’il exerce son mandat de manière à préparer cette reconversion – par exemple, en étant très gentil avec des employeurs potentiels – n’est donc pas à exclure… comme le montrent les récents scandales à la Commission européenne. Par ailleurs, un politicien qui ne ferait qu’un seul mandat serait inexpérimenté en politique, et donc plus facile à manipuler par les hauts fonctionnaires qui, eux, sont là pour toujours…

      Je pense donc qu’il nous faut un système politique géré par des politiciens professionnels. Ce qui suppose leur offrir une certaine stabilité. Dans une logique d’alternance, cette stabilité ne peut être acquise que par le cumul de mandats obéissant à des logiques électorales différentes (local/national, municipal/régional).

      [-Diminution du nombre de parlementaires : Ok avec Bruxelles et le développement de la supranationalité, le Parlement ne sert plus qu’à enregistrer des lois qu’il ne vote pas, il n’empêche, à l’heure d’une crise de la représentativité politique, je ne vois pas en quoi cela constituerait une solution. Ça fait très démagogue.]

      Je pense qu’on oublie que le député ne sert pas seulement à votre les lois. Il est aussi le représentant de ses électeurs à Paris. C’est aussi une question de maillage territorial. Si on veut une représentation « juste » en termes démographiques (c’est-à-dire, des circonscriptions électorales de taille et d’effectif raisonnable), on tombe sur un nombre important de députés. Autrement, il y aurait soit des départements qui n’auraient pas de député. Ou alors, on ferait des quotients électoraux très différents dans les villes et dans les campagnes, ce qui aboutirait à une surreprésentation de ces dernières…

      [Que penseriez-vous d’élire le Sénat à la proportionnelle intégrale (avec un minimum de X% au niveau national) tout en conservant le mode de scrutin actuel pour l’AN? Ça ouvrirait un peu les débats sans déstabiliser notre système institutionnel.]

      Je pense que deux chambres élues représentant le même mandant mais avec deux modes de scrutin différents créent un conflit évident de légitimité. Si on a plusieurs chambres, c’est parce qu’elles ne représentent pas le même mandant : le sénateur représente les territoires, pas les électeurs.

      [-Suppression de l’ENA : J’avoue ne pas bien comprendre cette mesure. Si la scolarité de cette école est mauvaise, le principe du concours pour accéder à la haute fonction publique reste primordial.]

      L’ENA n’a pas toujours existé. Avant 1946, chaque ministère, chaque corps recrutait ses fonctionnaires par concours direct. Conséquence : chaque ministère était une citadelle, et les hauts fonctionnaires emportaient avec eux la culture dérivée de leur formation. L’idée de l’ENA était de créer une culture commune aux hauts fonctionnaires, et de permettre une plus grande mobilité entre ministères. Tous objectifs qui restent d’actualité aujourd’hui. Après, si on pense que la scolarité est mauvaise, ou que les épreuves du concours ne sont pas adaptées, on peut toujours les réformer. Mais supprimer l’ENA c’est revenir aux années 1940.

      [-Limitation du nombre de mandats dans le temps : Par principe, je suis opposé à l’idée d’une limite dans le temps, pour le Président et pour tout autre élu, ceci m’apparaissant comme une restriction au libre choix du citoyen. Cependant, je dois reconnaître qu’avec l’émergence de professionnels de la politique (Valls :”la politique est mon métier”) et la consanguinité croissante de ce petit milieu, cela pourrait être utile. On changerait les personnes à défaut, même si ce serait toujours la même classe qui dirigerait…]

      Et surtout, on aurait en permanence des politiciens inexpérimentés, ce qui revient à dire que c’est la haute fonction publique qui aurait les manettes. Et on forcerait les politiciens à préparer leur reconversion, avec de belles possibilités de corruption en perpective…

      [Par ailleurs, je lisais plus-haut votre critique des primaires qui, schématiquement, permettent aux classes moyennes de choisir les candidats à l’élection présidentielle et ainsi le futur Président. J’entends la critique, toutefois, les partis étant déjà dans la main de ces classes, ce n’est ni moins ni plus démocratique. En somme, le statu-quo mais sous une forme différente, plus “moderne”.]

      C’est en partie vrai. Il ne reste pas moins que les « classes moyennes » ne sont pas homogènes. Je préfère donner une prime à l’engagement durable (celui du militant) plutôt qu’au papillonnage…

    • Bruno dit :

      @ Descartes

      [Voulons-nous un système politique peuplé par des « politiciens professionnels », ou voulons-nous plutôt un système dans lequel les élus ont un autre métier et ne font qu’un tour en politique ? Un politicien qui ne ferait qu’un seul mandat serait forcément obligé de se reconvertir ensuite. Le risque qu’il exerce son mandat de manière à préparer cette reconversion – par exemple, en étant très gentil avec des employeurs potentiels – n’est donc pas à exclure… comme le montrent les récents scandales à la Commission européenne. Par ailleurs, un politicien qui ne ferait qu’un seul mandat serait inexpérimenté en politique…]

      J’avoue que j’ai du mal à reconnaître l’argument de la “supériorité” du politicien professionnel, notamment du fait de son expérience en politique. Notre personnel politique est aujourd’hui peuplé de ces individus, médiocres, sans vision et accrochés à leur seul gagne-pain. Peut-on véritablement dire que de Valls, Hamon ou El-Khomry qu’ils sont des “professionnels”? A mon sens ce sont des bons à rien qui n’ont jamais travaillé de leur vie…
      Du fait de leur impossibilité d’exercer un métier ils sont avant tout électoralistes.
      Pour les hauts fonctionnaires qui entrent en politique, je n’ai pas le même regard. Je ne mélange pas les porteurs de serviettes et les serviteurs de l’État.
      Par ailleurs, mon activité m’amène à rencontrer fréquemment des élus locaux, maires de villes moyennes en Ile-de-France. La plupart ont le profil du “professionnel”, certains toutefois dénotent, ont un métier à côté ou s’y sont mis sur le tard en fin de carrière. Ce ne sont pas les pires croyez-moi!
      Pour ce qui est de la Commission européenne, je pense que ce qui arrive est davantage lié au statut des commissaires, apatrides, “apolitiques” et déconnectés de la vulgaire plèbe. Notre regard ne leur pèse en rien; on peut les conchier, ils s’en foutent, ils vivent à part le monde. Il en va différemment pour les élus locaux.
      Enfin, on n’a pas attendu l’arrivée des politiciens “non-professionnels” pour avoir de la corruption en politique.

      PS : continuez à écrire, vous lire demeure une de mes rares satisfactions en ce moment!

    • Descartes dit :

      @ Bruno

      [J’avoue que j’ai du mal à reconnaître l’argument de la “supériorité” du politicien professionnel, notamment du fait de son expérience en politique. Notre personnel politique est aujourd’hui peuplé de ces individus, médiocres, sans vision et accrochés à leur seul gagne-pain.]

      C’est vrai. Mais imaginez-vous ce que ce serait si en plus d’être médiocres, sans vision et accrochés à leur gagne-pain, ils étaient inexpérimentés…

      [Peut-on véritablement dire que de Valls, Hamon ou El-Khomry qu’ils sont des “professionnels”? A mon sens ce sont des bons à rien qui n’ont jamais travaillé de leur vie…]

      Oui, ils sont des professionnels. Ils ont toute la technicité pour se faire élire, pour faire voter une motion, pour défendre une loi à l’Assemblée nationale et la faire voter. Je crois que vous confondez deux choses très différentes. Le professionnalisme qualifie des capacités techniques à réaliser un chantier, et non la pertinence du chantier lui-même. On peut prendre un excellent ingénieur et lui commander un pont qui ne conduit nulle part. Si le pont est bien réalisé, s’il tient au temps, aux charges, aux éléments, s’il est beau, diriez-vous que son constructeur est moins « professionnel » du fait qu’il ne sert à rien ?

      La « supériorité » du politicien professionnel sur l’amateur est que le professionnel a les moyens de gouverner. Cela est une condition nécessaire – mais non suffisante, on est d’accord – pour conduire une bonne politique. Le politicien amateur sera impuissant. A partir de là, peu importe que ses idées soient bonnes ou mauvaises, puisqu’elles resteront des idées…

      Cela étant dit, je pense que la politique professionnelle devrait être une « deuxième carrière ». Les meilleurs professionnels de la politique sont ceux qui après une première carrière professionnelle (pendant laquelle ils ont pu faire quelquefois de la politique en amateurs) où ils ont acquis une véritable expérience du monde réel, décident de se consacrer à la politique à plein temps. Ceux qui l’embrassent directement au lycée produisent de médiocres résultats…

      [Pour les hauts fonctionnaires qui entrent en politique, je n’ai pas le même regard. Je ne mélange pas les porteurs de serviettes et les serviteurs de l’État.]

      Personnellement, je pense que les hauts fonctionnaires ne devraient pas entrer en politique. Et s’ils le font, ils devraient abandonner définitivement tout lien avec la fonction publique.

      [Enfin, on n’a pas attendu l’arrivée des politiciens “non-professionnels” pour avoir de la corruption en politique.]

      Non… mais qu’est ce que ça aide !

      [PS : continuez à écrire, vous lire demeure une de mes rares satisfactions en ce moment!]

      Merci de votre encouragement !

  2. Gérard Couvert dit :

    2 Octobre congrès de Debout la France, à huis-clos …. normalement !
    Fréjus interventions de J. Sapir et de Brighelli.
    Marine le Pen à promis un référendum si les négociations n’aboutissent pas (idem pur l’Euro) ; les demandes françaises étant le démantèlement de tout ce qui ressemble de près ou de loin à une privation de souveraineté nationale : on connait le résultat.
    Elle à même laissé entendre une démission si ce, ces, référendums étaient perdus.
    Plus Dupont-Aignan sera fort (8 % ?) et plus une Marine Le Pen sera tenu au respect de sa ligne souverainiste, républicaine et colbertiste.
    Les “hypothèses” il faut les faire afin de se préparer au combat contre les libéraux-mondialistes, le pré-Brexit, l’Autriche, la Hongrie donnent une petite idée de ce que nous risquons d’endurer ; parce que la France sifflant la fin de partie de la mondialisation financière, mercantile et anti-cultures ancrées cela serait une révolution planétaire.

    • Descartes dit :

      @ Gérard Couvert

      [Plus Dupont-Aignan sera fort (8 % ?) et plus une Marine Le Pen sera tenu au respect de sa ligne souverainiste, républicaine et colbertiste.]

      Tout à fait. Dans le contexte actuel, plus il y aura des votes clairement identifiés comme souverainistes, plus cela renforcera les courants souverainistes des différents partis politiques. Et pas seulement chez le FN : c’est aussi vrai pour LR… ce qui me gêne, c’est qu’il n’y a pratiquement plus de personnalité incarnant le souverainisme à gauche.

      [Les “hypothèses” il faut les faire afin de se préparer au combat contre les libéraux-mondialistes, le pré-Brexit, l’Autriche, la Hongrie donnent une petite idée de ce que nous risquons d’endurer ; parce que la France sifflant la fin de partie de la mondialisation financière, mercantile et anti-cultures ancrées cela serait une révolution planétaire.]

      Si seulement…

  3. Jean-François dit :

    Bonjour Descartes.

    Ne déprimez pas. Les élections de 2017 seront probablement honteuses, mais ce n’est qu’un mauvais moment à passer. La dynamique est positive.

    Entre 2012 et 2017, on est passé de l’accusation d’infiltré du FN si on osait mentionner la sortie de l’euro, à un plan B de Mélenchon qui prévoit une “sortie de l’Union Européenne et de la zone euro et l’instauration d’un protectionnisme national”. Parmi les candidats potentiels, un bon nombre fait de la sortie de l’euro ou de l’UE un point central (Dupont-Aignan, Faudot, Asselineau…).

    On a aussi eu une réaction réconfortante du peuple français après les attentats de Charlie Hebdo, avec, pour la première fois de ma vie, des drapeaux français brandis par d’autres personnes que des militants du FN et des supporters de l’Équipe de France, et une véritable unité, derrière la valeur de la liberté d’expression.

    Plus généralement, il me semble qu’un basculement est proche. Je ne sais pas si votre définition des classes moyennes est pertinente, en tout cas j’ai l’impression que ceux qui ont intérêt à ce que les politiques actuelles soient appliquées ont de moins en moins de pouvoir.

    • Descartes dit :

      @ Jean-François

      [Ne déprimez pas. Les élections de 2017 seront probablement honteuses, mais ce n’est qu’un mauvais moment à passer. La dynamique est positive.]

      A défaut d’être très encourageantes, elles seront au moins intéressantes a observer…

      [Entre 2012 et 2017, on est passé de l’accusation d’infiltré du FN si on osait mentionner la sortie de l’euro, à un plan B de Mélenchon qui prévoit une “sortie de l’Union Européenne et de la zone euro et l’instauration d’un protectionnisme national”. Parmi les candidats potentiels, un bon nombre fait de la sortie de l’euro ou de l’UE un point central (Dupont-Aignan, Faudot, Asselineau…).]

      De ce point de vue, je vous accorde que l’évolution est encourageante. Non seulement l’idée se souveraineté est revenue au devant de la scène, mais il est clair que le camp europhile est en plein désarroi et ne croit plus aux lendemains européens qui chantent. Bien sur, la machine à propagande tourne à plein – écoutez Bernard Guetta le matin sur France Inter si vous ne me croyez pas – mais on sent bien que le cœur n’y est pas.

      Le camp souverainiste a maintenant des figures connues et respectées. Ce qui lui manque encore, c’est une pensée claire et réaliste qui lui permette de conquérir l’hégémonie intellectuelle. Je pense que c’est de ce côté-là qu’il faut travailler. Il faut donner aux mots « souveraineté » ou « protectionnisme » un sens précis et conforme au fonctionnement d’une société du XXIème siècle.

      [Plus généralement, il me semble qu’un basculement est proche. Je ne sais pas si votre définition des classes moyennes est pertinente, en tout cas j’ai l’impression que ceux qui ont intérêt à ce que les politiques actuelles soient appliquées ont de moins en moins de pouvoir.]

      Soyons optimistes…

  4. luc dit :

    Sarkozy dit ne pas exclure un référendum sur le Frexit,s’il est élu.Voilà une preuve supplémentaire du savoir faire qui manque à Juppé.
    Le PCF,se prive une fois de plus de l’excellente caisse de résonance constituée par une élection présidentielle au profit de JLM après avoir baladé le parti sciemment pendant 4ans,Voilà une preuve supplémentaire du savoir faire qui manque à Laurent.
    La vie est plus mordante avec l’idée que la politique est une fournaise cruelle,blessante , le sel sur nos blessures,qui ramène à l’actualité.
    Avec mon père âgés de 86 nous arrivons à communiquer ainsi,pas avec ma mère,81ans et demi,en HP pour l’instant à cause d’une dépression trés sévère.Oui la politique rattache à la vie.Ainsi hier soir Montebourg engaussé,gauche était à la TV sur la 2.Ce matin J.Sapir le critique en faisant l’apologie de Mélenchon.
    Montebourg semble si maladroit par rapport à Mélenchon.
    Comme en 2012,JLM,brille de mille feux d’autant plus qu’il a la posture d’un communiste du 20ième siècle.Alors que Pierre Laurent soutient JLM car il ne veut pas d’un candidat PCF,comme en 1965,1974,2007.
    Jacques Sapir sur son blog Sapir-Russie,présente trés clairement la comparaison entre Montebourg et JLM.
    JLM y est encensé,non?
    Mais c’est peut-être justement pour tenter d’éviter la question qui tue: qui de mélenchon ou MOntebourg est le meilleur ersatz d’un candidat communiste .Est-ce un hasard si nous sommes dans le temps des ersatz? Est-ce dû à la malignité d’un groupe d’imbéciles et traîtres où faut-il pour comprendre cela s’en référer à l’étude beaucoup plus complète des rapports sociaux en France où un Sapir peut alternativement faire l’apologie de Mélenchon et celle d'(un bloc souverainiste au frontières indistinctes?… Bref, c’est une mauvaise période à passer. L’aventure Melenchon n’aura aucune incidence sur l’avenir si ce n’est qu’elle va sans doute encore diminuer la représentation parlementaire des communistes, mais ce n’est pas de sa faute… pour le reste, il est incapable de construire une force politique dans laquelle les idées du fdg/PCF péseront…

    • Descartes dit :

      @ luc

      [Sarkozy dit ne pas exclure un référendum sur le Frexit, s’il est élu.Voilà une preuve supplémentaire du savoir faire qui manque à Juppé.]

      Je ne sais pas quelle mouche a piqué Sarkozy. J’aimerais savoir qui sont les gens qui le conseillent aujourd’hui. Jusqu’ici, l’approche « souverainiste » était l’apanage des candidatures de témoignage. C’est je pense la première fois qu’un candidat parmi les « éligibles » va aussi loin dans ce sens, et c’est plutôt encourageant. Est-il sincère ? Je ne sais pas. Mais j’ai trouvé son intervention sur l’assimilation magistrale, particulièrement en ce qu’elle faisait référence à sa propre histoire d’assimilation. Des fois je me demande s’il lit mon blog…

      [Le PCF,se prive une fois de plus de l’excellente caisse de résonance constituée par une élection présidentielle au profit de JLM après avoir baladé le parti sciemment pendant 4ans. Voilà une preuve supplémentaire du savoir faire qui manque à Laurent.]

      Je ne jette pas la pierre – enfin, pas toutes les pierres – à Laurent. Il n’est finalement que le syndic d’une faillite dont il n’est pas le principal responsable. Ses marges de manœuvre, entre les « lobbies » internes et les « barons » locaux est minime.

      Jacques Sapir sur son blog Sapir-Russie,présente trés clairement la comparaison entre Montebourg et JLM.

      [JLM y est encensé,non?]

      Je ne vois pas en quoi il est « encensé ». Sapir juge qu’il a tiré les leçons de la crise grecque, ça ne va pas plus loin que ça.

      [Mais c’est peut-être justement pour tenter d’éviter la question qui tue: qui de mélenchon ou Montebourg est le meilleur ersatz d’un candidat communiste.]

      Ni l’un ni l’autre. Quand il y aura eu une discussion sur le projet entre les dirigeants communistes et Montebourg ou Mélenchon, on verra. Les ralliements inconditionnels à un homme providentiel, ce n’est pas le genre du PCF.

    • Bannette dit :

      A propos de Sarkozy : opportuniste comme il est, je pense qu’il serait réellement prêt à menacer d’un Frexit en cas de crise gravissime de l’euro. Je ne pense pas qu’il le mettrait en route en cas de victoire à l’élection présidentielle, mais seulement poussé par les événements.
      Un diplomate belge avait dit de lui à propos de la Crise de 2008 qu’il était arrivé comme Talleyrand vaincu à Vienne, et a fait en sorte que tout tourne autour de lui. Talleyrand avait une plus belle plume et culture que Sarko mais je ne trouve pas l’hommage si exagéré que ça car il parlait de la capacité à négocier et la pugnacité de Sarko. Bref au bout du ravin, il nous a fait reculer de plusieurs mètres même s’il n’a pas vaincu le système financier per se, ce qui fait que les meubles français aient pu être à peu près sauvés.

      Pour ce qui est de sa phrase sur les gaulois, l’hystérie des bobos est d’un ridicule achevé. Pourquoi la BD Astérix est si populaire chez nous, et que les romains bien qu’ils soient sensés être les méchants de l’histoire, y sont plutôt présentés de manière positive, et non pas comme d’odieux colonisateurs ? C’est un peu comme Richelieu sensé être le méchant chez les Mousquetaires de Dumas, sans qu’il soit permis de douter de l’admiration de l’auteur pour le grand homme.
      Je pense que ce qu’il dit de l’assimilation est sincère de sa part, même si on peut retrouver d’anciennes déclarations grotesques sur le métissage politiquement correctes. C’est Juppé et son identité heureuse qui sont à vomir, où a-t-il vu cette identité heureuse avec cette injonction faite aux français depuis 35 ans de renier leur histoire et leur culture, de ne plus la transmettre, au nom de l’anti-racisme ? Cette idéologie de l’Homme Nouveau par les bobos est effrayante quand on y pense.

    • Descartes dit :

      @ Bannette

      [A propos de Sarkozy : opportuniste comme il est, je pense qu’il serait réellement prêt à menacer d’un Frexit en cas de crise gravissime de l’euro. Je ne pense pas qu’il le mettrait en route en cas de victoire à l’élection présidentielle, mais seulement poussé par les événements.]

      Chez Sarkozy, il est difficile de faire la part de ce qui est chez lui une conviction profonde, et de ce qui est langage d’opportunité. Toute sa trajectoire montre qu’il n’est certainement pas un europhile de cœur, et que son adhésion à la construction européenne est purement opportuniste. Je pense qu’il est parfaitement capable de mettre un Frexit en route s’il perçoit que l’opinion va dans ce sens.

      [Un diplomate belge avait dit de lui à propos de la Crise de 2008 qu’il était arrivé comme Talleyrand vaincu à Vienne, et a fait en sorte que tout tourne autour de lui. Talleyrand avait une plus belle plume et culture que Sarko mais je ne trouve pas l’hommage si exagéré que ça car il parlait de la capacité à négocier et la pugnacité de Sarko.]

      Je pense que l’image est très bonne. Sarkozy est un instable, mais certainement pas un incapable…

      [Pour ce qui est de sa phrase sur les gaulois, l’hystérie des bobos est d’un ridicule achevé.]

      Le plus drôle, c’est que l’hystérie en question montre que les bobos n’ont pas cherché à comprendre le commentaire de Sarkozy. La palme du ridicule revient à des doctes universitaires qui ont écrit des tribunes pour dénoncer que les gaulois n’existaient pas, et qu’en tout cas ils n’étaient pas les ancêtres des Français. Or, cela apporte au contraire de l’eau au moulin de Sarkozy. Lorsqu’on devient français, on adopte comme siens les ancêtres du peuple français. Mais le fait que ces ancêtres soient réels ou mythiques n’a aucune espèce d’importance. L’important, c’est que tous les français, de descendance comme d’adoption, partagent les mêmes références, qu’elles soient mythiques ou réelles. Les gaulois n’ont peut-être jamais existé comme peuple réel, mais ils existent comme fiction. Et partager une fiction est aussi opérant que partager une réalité.

      [Je pense que ce qu’il dit de l’assimilation est sincère de sa part, même si on peut retrouver d’anciennes déclarations grotesques sur le métissage politiquement correctes.]

      Oui, je pense que son discours sur l’assimilation est sincère parce qu’il est issu d’une expérience personnelle qui de toute évidence est marquante pour Sarkozy : celle de son père hongrois et de son gran-père juif de Smyrne. Sarkozy se considère lui-même un assimilé, et cela se voit chaque fois que cette question est abordée. Souvenez-vous de sa réponse à une étudiante algéro-française qui lui avait parlé de la France en disant « ce pays »…

      [C’est Juppé et son identité heureuse qui sont à vomir, où a-t-il vu cette identité heureuse avec cette injonction faite aux français depuis 35 ans de renier leur histoire et leur culture, de ne plus la transmettre, au nom de l’anti-racisme ?]

      Mais Juppé, contrairement à Sarkozy, est un français de souche et de longue tradition, élevé dans un milieu ou la question de l’identité et de la transmission est une évidence, et qui n’a jamais eu dans sa vie à maintenir un contact avec des gens différents de lui. L’identité malheureuse, vous la trouvez dans les gens qui, soit parce qu’ils ont à coexister avec des gens très différents, soit parce qu’ils viennent d’une origine différente, sont obligés de se poser des questions. Ce n’est pas par hasard si la question de l’identité malheureuse et posée par un Finkiekraut ou par un Sarkozy. Lorsqu’on vit en vase clos dans le 7ème arrondissement et à l’Inspection des finances, on peut avoir l’identité très heureuse…

    • CVT dit :

      @Descartes,
      [Lorsqu’on devient français, on adopte comme siens les ancêtres du peuple français. Mais le fait que ces ancêtres soient réels ou mythiques n’a aucune espèce d’importance. L’important, c’est que tous les français, de descendance comme d’adoption, partagent les mêmes références, qu’elles soient mythiques ou réelles. Les gaulois n’ont peut-être jamais existé comme peuple réel, mais ils existent comme fiction. Et partager une fiction est aussi opérant que partager une réalité.]

      Et bien, c’est exactement la même chose qu’une adoption :-):Malika Sorel avait dit un jour que devenir Français, pour un étranger ou un enfant d’étrangers, c’était changer d’arbre généalogique, et faire sien celui des habitants du pays.
      Tout à fait ce qui se produit lorsqu’une famille adopte un enfant quand celle-ci en a déjà d’autres: le nouveau venu sera sur le même pied d’égalité que des frères et soeurs biologiques, y compris aux yeux de la loi, et quand bien même il n’y aurait pas de ressemblance physique (je songe ici à la couleur de peau). Et par conséquent, sur le livret de famille, tous ces enfants seront réputés avoir les mêmes ancêtres! Et bien c’est pareil pour l’assimilation, et Sarkozy n’a fait que rappeler cette évidence. Jadis, le droit romain, ancêtre de notre droit, parlait de fiction crédible…

      Et comme d’habitude, l’A-France (je crois que cette formule est de vous :-)…), a encore frappé sous les traits méprisants et condescendants de « l’Arabe de service » (désolé, c’est elle-même qui met en avant cette « qualité »….), la ministre Vallaud-Belkacem. Au passage, sa réponse aux propos de l’ex (futur?) président de la République m’a profondément choqué : nier que des gaulois romanisés aient pu servir de socle de base pour fonder notre pays, c’est tout simplement en refuser l’héritage! Parler de vision « étriquée » de l’histoire, comme elle le fait, est particulièrement culotté de sa part, car c’est bien sa vision du monde qu’elle plaque sur NOTRE pays, et pas l’inverse; qui fragmente le pays, en donnant la liste une longue liste d’ancêtres “non-gaulois”? NVB ou Nicolas Sarkozy?
      A titre personnel, mes parents, qui ont connu la colonisation, ne sont pas plus choqués que ça, même aujourd’hui, d’avoir dû chanter à l’école « Nos ancêtres les Gaulois »…

      Enfin, j’ai envie d’en remettre un couche sur l’incohérence intellectuelle de ceux qui ont hurlé à la mort contre la sortie de Sarkozy: il est étonnant de voir que les mêmes qui rejettent nos ancêtres symboliques dans le cas de la Nation, sont ceux qui défendent les familles…homoparentales, arguant du caractères symbolique (et non biologique) du rôle de père et de mère, sans voir qu’ils attentent à la filiation des enfants!

      Décidément, on n’échappe pas au parallèle entre famille et nation…

    • Descartes dit :

      @ CVT

      [Et bien, c’est exactement la même chose qu’une adoption :-):Malika Sorel avait dit un jour que devenir Français, pour un étranger ou un enfant d’étrangers, c’était changer d’arbre généalogique, et faire sien celui des habitants du pays.]

      Tout à fait. Je pense que l’erreur des « penseurs » qui font le discours la gauche aujourd’hui est de négliger l’importance des constructions symboliques, de penser que seul le réel compte. On le voit bien dans la logique énoncée par Mélenchon – mais qui est plus ou moins celle de l’ensemble de la gauche – dans sa formule « être français c’est avoir une carte d’identité française ». Comme si l’appartenance à la nation se réduisait à un statut administratif. C’est ainsi que la gauche a laissé tomber les symboles dans les mains de l’extrême droite…

      [Tout à fait ce qui se produit lorsqu’une famille adopte un enfant quand celle-ci en a déjà d’autres: le nouveau venu sera sur le même pied d’égalité que des frères et soeurs biologiques, y compris aux yeux de la loi, et quand bien même il n’y aurait pas de ressemblance physique (je songe ici à la couleur de peau). Et par conséquent, sur le livret de famille, tous ces enfants seront réputés avoir les mêmes ancêtres!]

      Oui, mais cette égalité n’est pas seulement administrative et juridique, elle est aussi symbolique. La société attend et encourage l’enfant adopté à appeler « papa » et « maman » ses parents adoptifs, « mémé » et « pépé » ses grands parents… alors que les intéressés savent tous que c’est une fiction. Une fiction que d’ailleurs personne de sensé ne chercherait à contester. C’est ça qui est curieux : la bienpensance estime normal qu’on appelle « papa » ou « pépé » des personnes avec lesquelles on n’a aucune filiation réelle, mais pousse des cris d’orfraie lorsque quelqu’un insinue que le descendent d’immigrants pourrait appeler « pépé » Vercingétorix. En quoi la « fiction » est moins crédible dans un cas que dans l’autre ?

      [Et bien c’est pareil pour l’assimilation, et Sarkozy n’a fait que rappeler cette évidence. Jadis, le droit romain, ancêtre de notre droit, parlait de fiction crédible…]

      Tout à fait. Le droit romain est empreint de ce que j’appelle des « fictions nécessaires ». A commencer par celle de la paternité : à l’époque, il n’y avait aucun moyen de déterminer la paternité réelle d’un enfant. Et le droit romain était parfaitement conscient du problème : « mater semper certissima, pater incertus ». La paternité était donc un rapport fictif, et assumé comme tel, puisqu’un homme pouvait adopter facilement un enfant et même un adulte…

      [Au passage, sa réponse aux propos de l’ex (futur?) président de la République m’a profondément choqué : nier que des gaulois romanisés aient pu servir de socle de base pour fonder notre pays, c’est tout simplement en refuser l’héritage!]

      Najat Vallaud-Belkacem me rappelle ces puritains qui en réponse à la publication de « L’origine des espèces » de Darwin défilaient avec des banderoles ou l’on pouvait lire « nous ne sommes pas des singes, et nous nous refusons à descendre d’eux ». Tout ça est absurde. Les « gaulois » – si l’on entend par là l’ensemble des populations installées en Gaule – ont été romanisées et sont le socle sur lequel la France s’est construite. Tous ceux qui sont arrivés après ont repris progressivement le droit, les coutumes, la langue et pour une grande partie la religion des gaulois romanisés. Et du coup, le sont devenus, puisque « les gaulois » n’existent qu’en tant que définition géographique et non ethnique.

      [A titre personnel, mes parents, qui ont connu la colonisation, ne sont pas plus choqués que ça, même aujourd’hui, d’avoir dû chanter à l’école « Nos ancêtres les Gaulois »…]

      Mais bien sur. La contestation sur cette question ne vient pas des descendants d’immigrés, mais curieusement d’une élite « gauloise » dans un exercice de haine de soi devenu traditionnel à force de répétition. Souvenez-vous lorsque le gouvernement a songé à instaurer une cérémonie de prestation de serment pour les nouveaux naturalisés. Qui a protesté hautement ? Les candidats à la naturalisation ? Bien sur que non : ils étaient au contraire massivement pour cette cérémonie d’initiation qui aurait marqué symboliquement un statut auquel ils tenaient. Ce sont au contraire les élites boboisées qui ont poussé des cris d’orfraie confisquant sans vergogne la parole des personnes concernées.

      [Enfin, j’ai envie d’en remettre un couche sur l’incohérence intellectuelle de ceux qui ont hurlé à la mort contre la sortie de Sarkozy: il est étonnant de voir que les mêmes qui rejettent nos ancêtres symboliques dans le cas de la Nation, sont ceux qui défendent les familles…homoparentales, arguant du caractères symbolique (et non biologique) du rôle de père et de mère, sans voir qu’ils attentent à la filiation des enfants!]

      Leur position est pourtant assez cohérente, lorsqu’on cherche à comprendre leur vision du « rôle du père et de la mère ». En fait, les partisans de l’adoption par les homosexuels ne visent pas à établir une filiation symbolique, mais à détruire l’idée même de filiation.

      [Décidément, on n’échappe pas au parallèle entre famille et nation…]

      Non, parce que la nation et la famille partagent une caractéristique commune : ce sont les seules collectivités dont les membres sont liés par des règles impératives de solidarité inconditionnelle. Je dois honneur, respect et aliments à mes parents, et il faut de leur part un comportement extrême pour que je sois relevé de cette obligation. Je dois soins et aliments à mes enfants, quelque soit leur comportement sauf en cas extrêmes. Et de même, être membre de la collectivité nationale implique l’obligation de défendre mes concitoyens, de financer les charges communes… la seule différence, est que dans la famille la solidarité est personnelle, alors qu’à l’intérieur de la nation elle est impersonnelle.

      C’est pourquoi on ne peut échapper au parallèle : la nation, c’est une extension de la famille par le passage du concret à l’abstrait. La famille a construit la solidarité entre des gens qui se connaissent et ont des ancêtres réels communs, la nation la solidarité entre des gens qui ne se connaissent pas, mais qui ont en commun des ancêtres symboliques.

    • CVT dit :

      @Descartes,
      [Leur position est pourtant assez cohérente, lorsqu’on cherche à comprendre leur vision du « rôle du père et de la mère ». En fait, les partisans de l’adoption par les homosexuels ne visent pas à établir une filiation symbolique, mais à détruire l’idée même de filiation.]
      c’est après l’envoi de mon commentaire que j’ai fini par comprendre que ce n’était pas une contradiction insoluble, mais un paradoxe: les militants pour la famille LGTBQI ne cachent pas que leur objectif à terme, c’est la famille d’élection (ou affective) qui doit primer sur la famille biologique! En gros, on choisirait ses enfants (ou ses parents…) parmi des gens inconnus, au départ, pourvu que l’on ait eu un coup de coeur pour eux… Tenez, un peu comme quand on choisirait son pays, d’ailleurs: c’est une des raisons pour lesquels les bobos sont “si” apatrides…

    • Descartes dit :

      @ CVT

      [c’est après l’envoi de mon commentaire que j’ai fini par comprendre que ce n’était pas une contradiction insoluble, mais un paradoxe: les militants pour la famille LGTBQI ne cachent pas que leur objectif à terme, c’est la famille d’élection (ou affective) qui doit primer sur la famille biologique!]

      C’est ce qu’ils disent, mais leurs actes s’inscrivent dans une logique différente. Plus que de remplacer la famille biologique par la famille d’élection, leur but est de remplacer la famille par la non-famille. En d’autres termes, la question n’est pas de savoir si les liens indissolubles doivent être fondés sur la filiation ou sur l’élection, mais de contester le caractère indissoluble du lien lui-même.

      Le fait que la famille repose à la fois sur la filiation et l’élection est aussi vieux que le droit romain, qui prévoyait déjà l’adoption plénière. Mais l’adoption est un acte irrévocable. Elle n’est donc « élective » qu’au moment où elle s’accomplit. Une fois accomplie, il n’y a plus d’élection possible. L’idée de famille que le mouvement LGBT défend ne repose ni sur la filiation ni sur l’élection, mais sur l’affect. On « fait » famille parce qu’on s’aime. Et il s’ensuit avec une implacable logique que la famille disparaît lorsqu’on ne s’aime plus.

      La « famille affective » est éminemment instable est c’est là son absurdité. Les institutions – et la famille en est une – sont créées pour donner au monde stabilité et prévisibilité. La famille n’est pas constitué pour permettre aux gens de s’aimer – ils peuvent le faire parfaitement en dehors d’elle – ni pour les rendre heureux. Elle s’est constituée pour permettre la reproduction physique, sociale et culturelle de la société. C’est pourquoi sa régulation est traditionnellement conçue dans l’intérêt des enfants, et non des parents. La « famille affective » d’aujourd’hui renverse ce rapport, suivant en cela la logique individualiste « libérale-libertaire ». Hier, des parents évitaient de divorcer en pensant à leurs enfants. Aujourd’hui, on explique à l’enfant qu’il faut qu’il supporte tout parce que son papa et sa maman ne sont pas heureux ensemble.

      Votre parallèle avec la nation est très juste, parce que les « libéraux-libertaires » rejetent la famille et la nation pour les mêmes raisons : ils refusent de voir l’individu soumis à des obligations envers une collectivité, de voir le présent conditionné par le futur.

  5. luc dit :

    SVP,En Angleterre,pas en ‘en Allemagne’, lors du départ de Cameron..à reprendre pour parfaire cet excellent papier comme à l’accoutumé..

  6. René dit :

    Voilà un éloge des partis politiques d’hier qui les peint avec de bien jolies couleurs. On ne contestera pas le dévouement, l’engagement ni les sacrifices des militants d’autrefois. Vous nous citez le parti communiste par référence au film « Tout le monde n’a pas eu la chance d’avoir des parents communistes ». C’est un bon exemple de militantisme corps et âme. Mais voilà aussi un exemple de décisions prises d’en haut (le centralisme démocratique) que le militant de base n’avait plus qu’à approuver, sous peine d’exclusion. A-t-on oublié les revirements de bord, les exclusions soudaines de dirigeants ou de simples militants qui n’étaient plus dans la ligne ou qui gênaient ? Souvenons-nous du héros de la Résistance Georges Guingoin, exclu après d’atroces campagnes de dénigrement. Et Charles Tillon et Roger Garaudy, d’autres encore, exclus au fil des années parce qu’ils exprimaient d’autres idées.
    Au-delà du parti communiste, où avez-vous vu « des projets, qui étaient âprement discutés par une base militante que les directions écoutaient avec une grande attention ». L’histoire des partis politiques est malheureusement pleine de congrès pipés d’avance, de manœuvres de couloir entre dirigeants. Oubliez-vous les élections truquées au PS. Ségolène Royal est battue par Martine Aubry qui s’en cachait à peine. Bourrage d’urnes au RPR, organisé par Charles Pasqua pour faire accéder Jacques Chirac à la présidence du parti gaulliste.
    Vous nous dites « que les partis dépendaient d’eux (les militants) pour coller les affiches, apporter les ressources financières et tenir les permanences ». Les affiches, les permanences : oui. Le financement ! Avez-vous entendu parler du racket des municipalités socialistes, communistes, de l’argent de l’UIMM, des subsides de l’étranger, des valises de billet de l’ex Président Bongo ?
    J’arrête là ma litanie. Les partis politiques ne servent plus qu’à sélectionner les candidats, mais c’était déjà le cas auparavant. Ils n’ont plus d’idée ; ils en avaient auparavant, non pas du fait des militants mais des cercles dirigeants. Et s’ils n’ont plus d’idées, c’est que la plupart d’entre eux se sont ralliés à un libéralisme économique, conçu ailleurs, qu’ils inscrivent dans des programmes, qu’ils n’appliquent d’ailleurs pas, une fois arrivés au pouvoir. En ce sens, et comme vous le dites, le projet n’a plus d’importance car c’est le même. On vote alors pour une personnalité, une incarnation, dont on espère vaguement qu’elle saura cuisiner à la sauce française ce libéralisme mondialisé perçu comme un fait historique incontournable.
    Quant aux primaires, attendons les résultats. Il est en tous cas certain que les Français ne veulent pas de Sarkozy ni de Hollande. Un système de parti traditionnel les aurait à coup sûr désignés. Les primaires donnent une chance à d’autres candidats. Avec tous les défauts qu’on peut trouver à ce mode de désignation, il me paraît supérieur à l’ancien, moins susceptible de trucage, et pour tout dire plus démocratique.

    • Descartes dit :

      @ René

      [Voilà un éloge des partis politiques d’hier qui les peint avec de bien jolies couleurs.]

      Rassurez-vous, je n’oublie jamais que « rien n’embellit autant le passé qu’une mauvaise mémoire »…

      [Mais voilà aussi un exemple de décisions prises d’en haut (le centralisme démocratique) que le militant de base n’avait plus qu’à approuver, sous peine d’exclusion.]

      C’est beaucoup plus compliqué que cela. J’ai essayé d’en dire deux mots dans mon article, mais j’ai renoncé à approfondir pour ne pas allonger inutilement. Mais puisque vous évoquez la question, je vais y répondre. Le « centralisme démocratique » n’implique nullement que les décisions soient prises en haut, et que le militant de base n’ait qu’à les mettre en œuvre sous peine d’exclusion. Ce que faisait le « centralisme démocratique », c’est de séparer le temps du débat du temps de la mise en œuvre. Le « cendem » postulait qu’on discute librement les décisions, mais qu’une fois la décision prise dans les formes, elle est exécutoire par tous sans contestation possible. Ne faisons donc pas dire au « cendem » ce qu’il ne disait pas. J’ajoute que le centralisme démocratique était un instrument pour discipliner non pas les militants, mais les élus, les dirigeants, les permanents. En effet, pour un adhérent de base, l’exclusion était une peine assez peu dissuasive : en excluant, le Parti perdait plus que l’exclu. Par contre, pour un élu ou un permanent, l’exclusion s’accompagnait d’une perte – de revenu, de pouvoir – bien réelle…

      Il est vrai que les statuts – plus que le « centralisme démocratique » – donnaient aux instances du PCF un pouvoir considérable, qui leur permettait en théorie de « prendre des décisions en haut » alors que l’adhérent « n’avait plus qu’à obéir ». Mais ça, c’est la théorie. En pratique, un parti politique n’est pas comme un Etat. Ses normes ne sont obligatoires que parce que les adhérents le veulent bien, et ceux-ci ont toujours l’option de rendre leur carte. Or, un parti qui repose pour son fonctionnement sur ses militants ne peut s’offrir le luxe de les perdre. Il se crée donc une dialectique complexe entre dirigeants et dirigés. Dans le PCF que j’ai connu, les décisions venaient d’en haut. Mais les gens « d’en haut » mettaient une énergie considérable a chercher à savoir ce que les gens « d’en bas » pensaient, et de ne jamais prendre de décisions qui pouvaient heurter l’opinion majoritaire. Le manque de démocratie formelle était compensé par une démocratie dans le fonctionnement réel. D’ailleurs, pensez-vous vraiment qu’un militantisme qui demandait de tels sacrifices pour de si petites récompenses aurait tenu si les gens ne s’étaient pas sentis vraiment écoutés par ceux « en haut » ?

      [A-t-on oublié les revirements de bord, les exclusions soudaines de dirigeants ou de simples militants qui n’étaient plus dans la ligne ou qui gênaient ? Souvenons-nous du héros de la Résistance Georges Guingoin, exclu après d’atroces campagnes de dénigrement. Et Charles Tillon et Roger Garaudy, d’autres encore, exclus au fil des années parce qu’ils exprimaient d’autres idées.]

      Des exclusions « soudaines » ? Franchement, je n’en ai pas connu. La plupart des exclusions reflétaient des désaccords politiques ou stratégiques profonds, qui ne sont jamais nés du jour au lendemain. Je trouve sain que dans une organisation politique ceux qui ne partagent pas la ligne majoritaire au point de ne pas pouvoir la mettre en œuvre et de la combattre publiquement la quittent pour aller voir ailleurs. Pourquoi rester ensemble alors qu’on n’est pas d’accord sur l’essentiel ? L’alternative, c’est le système des « courants », ou des gens qui se détestent, tout en étant membres du même parti, passent leur temps dans des combats intestins et où le citoyen ne sait plus s’il faut croire X ou Y lorsqu’ils vous disent quelle est la ligne du Parti. L’exclusion était peut-être dure au point de vue personnel, mais elle clarifiait les choses.

      [Au-delà du parti communiste, où avez-vous vu « des projets, qui étaient âprement discutés par une base militante que les directions écoutaient avec une grande attention ». L’histoire des partis politiques est malheureusement pleine de congrès pipés d’avance, de manœuvres de couloir entre dirigeants. Oubliez-vous les élections truquées au PS. Ségolène Royal est battue par Martine Aubry qui s’en cachait à peine. Bourrage d’urnes au RPR, organisé par Charles Pasqua pour faire accéder Jacques Chirac à la présidence du parti gaulliste.]

      Je parlais des partis politiques avant les années 1980. Le processus qui a vidé les partis politiques et les a transformés en club d’ambitions s’est enclenché dans ces années-là. Les exemples que vous donnez sont tous postérieurs… Notez aussi que je n’ai pas dit qu’auparavant les partis étaient plus DEMOCRATIQUES. Ce que j’ai dit, c’est qu’ils étaient plus créatifs, plus capables de conduire des débats de fond, et que les militants avaient plus de pouvoir. Cela n’excluait pas, loin de là, le bourrage des urnes ou les élections truquées.

      [Vous nous dites « que les partis dépendaient d’eux (les militants) pour coller les affiches, apporter les ressources financières et tenir les permanences ». Les affiches, les permanences : oui. Le financement ! Avez-vous entendu parler du racket des municipalités socialistes, communistes, de l’argent de l’UIMM, des subsides de l’étranger, des valises de billet de l’ex Président Bongo ?]

      Tout cela est vrai, mais marginal. Pour pouvoir « racketter des municipalités », encore fallait-il les tenir. Et pour les tenir, il fallait des militants. L’UIMM donnait de l’argent, mais ne le donnait pas à n’importe qui. Cet argent achetait du pouvoir, et pour avoir du pouvoir à vendre, il faut avoir des militants. L’or de Moscou, l’argent du patronat pouvaient aider, mais leur poids était bien moindre globalement qu’on ne le dit.

      [J’arrête là ma litanie. Les partis politiques ne servent plus qu’à sélectionner les candidats, mais c’était déjà le cas auparavant. Ils n’ont plus d’idée ; ils en avaient auparavant, non pas du fait des militants mais des cercles dirigeants.]

      Ne croyez pas ça. Tout le monde ne réfléchissait pas, et le travail intellectuel avait lieu en grande partie dans les cercles dirigeants. Mais il y a une dialectique dans la réflexion, et on ne réfléchit pas de la même façon quant on est en vase clos avec des gens qui vous ressemblent que quand on a pour « miroir » un corps de militants attentifs et qui, à défaut d’apporter des réponses, posent des questions. Je vous parle là d’une observation personnelle : les écoles du PCF n’étaient pas seulement utiles pour former des militants. Elles permettaient aussi aux « cercles dirigeants » de dialoguer avec la base et d’avoir une idée de comment les idées élaborées « en haut » étaient comprises – et répondaient aux demandes – « d’en bas ».

      [Quant aux primaires, attendons les résultats. Il est en tous cas certain que les Français ne veulent pas de Sarkozy ni de Hollande. Un système de parti traditionnel les aurait à coup sûr désignés.]

      Je suis loin d’être persuadé que « les Français » ne veuillent pas de Sarkozy. Mais à supposer que ce soit le cas, je ne pense pas un instant qu’un « système de parti traditionnel » aurait désigné Hollande candidat à la présidence.

      [Les primaires donnent une chance à d’autres candidats. Avec tous les défauts qu’on peut trouver à ce mode de désignation, il me paraît supérieur à l’ancien, moins susceptible de trucage, et pour tout dire plus démocratique.]

      En quoi serait-il plus « démocratique » ? Où est le « démos » ?

  7. El Diablo dit :

    Bonjour – je vous signale une petite erreur dans votre article:
    ” Penses-y : en Allemagne, lors du départ de Cameron”

  8. Damien dit :

    La citation de votre général américain est souvent attribué à Churchill …
    Les décodeurs du Monde l’attribuent à … Pascal !

    « Je vais faire un long discours aujourd’hui ; je n’ai pas eu le temps d’en préparer un court. »

    Si l’homme d’Etat a un jour prononcé cette phrase, il ne faisait que reprendre Blaise Pascal : « Je n’ai fait celle-ci plus longue que parce que je n’ai pas eu le loisir de la faire plus courte » (Les Provinciales, 16e lettre).

    En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2015/01/27/ces-citations-que-winston-churchill-n-a-jamais-prononcees_4563755_4355770.html#ppjWP89BMrhHY3AX.99

    Bien cordialement – je vais prendre un peu de temps pour répondre sur le fond.

    • Descartes dit :

      @ Damien

      [La citation de votre général américain est souvent attribué à Churchill … Les décodeurs du Monde l’attribuent à … Pascal !]

      Ils ont probablement tous raison. Ce n’est pas une idée si révolutionnaire qu’elle ne puisse être exprimée par beaucoup de monde indépendamment…

  9. C. dit :

    Je continue sur ma lancée avec un commentaire sur le fond. Vous affirmez souvent faire confiance à la maturité du corps électoral et à l’intelligence des électeurs “lambda”. J’ai donc été surpris de vous voir écrire
    [ Mais un tel projet ne convaincra jamais les « clients » d’une primaire, politiquement peu formés et donc esclaves de la « pensée unique ». ]
    Après tout, s vous pensez que l’on peut faire confiance aux Français lors d’une présidentielle, je ne vois pas pourquoi ce serait moins le cas lors des primaires. Au contraire, on pourrait penser que pour se donner la peine d’aller voter pour une primaire, ça montre qu’on s’intéresse un minimum à l’actualité politique.

    • Descartes dit :

      @ C.

      [Après tout, s vous pensez que l’on peut faire confiance aux Français lors d’une présidentielle, je ne vois pas pourquoi ce serait moins le cas lors des primaires.]

      Parce que dans les primaires, ce ne sont pas « les français » qui votent. C’est un groupe social spécifique. L’expérience montre que l’on vote beaucoup dans les primaires à Paris, très peu à Grigny ou à Hénin-Beaumont. La primaire, c’est la présélection par les « classes moyennes » des candidats qui seront soumis ensuite au vote de tous…

      [Au contraire, on pourrait penser que pour se donner la peine d’aller voter pour une primaire, ça montre qu’on s’intéresse un minimum à l’actualité politique.]

      Ou qu’on est sensible aux appels « politiquement corrects » à barrer la route à tel ou tel candidat…

      Merci en tout cas des corrections sur mon article, je les ai toutes portées sur le texte.

  10. Jacques Payen dit :

    Je suis un peu peiné que vous n’évoquiez pas la candidature ( en candidat libre !) d’Henri Guaino. Certes, trouver 500 parrains dans vingt départements différents ne lui sera pas chose aisée, sans organisation, sans militants derrière lui. Les apparatchiks (depuis Giscard via Mitterrand et Hollande) ont bien verrouillé la seule élection nationale qui passionne encore nos compatriotes !

    Toujours est-il que Guaino apporte au débat (mais s’ouvrira-t-il sérieusement ?) autre chose que des tweets et des saillies de comptoir :
    il y apporte, excusez du peu, un ouvrage de 650 pages, “En finir avec l’économie punitive” qui est le socle d’une alternative profonde, cohérente et responsable à la politique du bouchon au fil de l’eau qui caractérise la nôtre depuis au moins 20 ans.

    Bien entendu on prend ou on ne prend pas. Mais on pourrait au moins en discuter…pour une fois qu’un candidat à la présidentielle n’aurait pas besoin de fiches, d’antisèches ou de béquilles !

    Ou bien, faut-il -déjà- déjà hélas ! se résigner au 2ème tour annoncé, méticuleusement élaboré et instillé dans les crânes depuis des mois et des mois, par des médias subventionnés et/ou à la botte du Cac 40 ?

    • Descartes dit :

      @ Jacques Payen

      [Je suis un peu peiné que vous n’évoquiez pas la candidature ( en candidat libre !) d’Henri Guaino.]

      Ne le soyez pas. Vous devriez au contraire vous réjouir que dans un article ou je critique les égo-candidats, je ne parle pas de Henri Guaino…

      J’ai la plus grande estime pour Henri Guaino. Mais quelque soit mon estime pour lui, je ne crois pas qu’il ait le profil d’un président de la République. Guaino est une mécanique intellectuelle impressionnante et il a la République chevillée au corps. Il a le profil idéal du haut fonctionnaire, pas celui d’un politique. Intellectuellement, il pourrait être un grand président. Mais il lui manque cette empathie, ce contacte avec le peuple, cette intuition indispensable au métier de politique au plus haut niveau.

      Guaino a beaucoup de choses à dire, et sa candidature a donc un sens en tant que candidature de témoignage. Je lui souhaite de trouver les 500 parrains pour pouvoir faire campagne. Mais il faut être conscient des limites de cette candidature.

  11. Bannette dit :

    Il est vrai qu’avec un tel gouvernement de nuls, je comprends que ça monte à la tête de personnalités égotiques. La “désacralisation” de la fonction politique, vue comme du simple management, est un poison pour la République.
    Le hold up pour la prochaine présidentielle, si vigoureusement dénoncé par Henri Guaino, est tellement voyant que j’espère de la part du peuple français un nouvel accès de mauvaise humeur comme il a su si bien le faire souverainement en 2002 et en 2005. Toutes ces personnalités qui pensent que si elles gagnent leur primaire, la présidentielle face à Marine le Pen qui sera très certainement au 2ème tour, sera remportée les doigts dans le nez se trompent lourdement. La râclée peut venir du 3ème tour (les législatives), l’impossibilité de gouverner à cause du manque de confiance, de majorité et de programme (sans compter une probable prochaine crise financière ou drame terroriste) les balaiera de l’Histoire.

    Pour ce qui est du FN qui nage à contre courant par rapport à tous ces candidats égotiques, je partage ton observation sur le fait que c’est le seul à suivre une logique de parti très conventionnelle, et c’est cette stabilité qui fait sa force. Et la « crise » de 2015 (éviction de Jean Marie Le Pen) ne lui a pas porté préjudice. Il faut reconnaître le travail fait par Philippot, mais aussi l’intelligence politique de Marine de Le Pen qui a bien compris qu’il lui fallait travailler à la convergence d’intérêts entre des cathos/tradi libéraux plus sensibles à un discours identitaire, et les classes populaires du Nord, qui sont les plus sensibles au discours chevènementiste de Philippot. J’avais vu stupéfaite une longue interview de Gilbert Collard qui admettait, par rapport à la question de l’euro, que lui était personnellement pour, mais que dans leurs débats internes au FN, ceux qui étaient comme lui se sont démocratiquement inclinés devant la ligne Philippot (alors même qu’on sent Collard ne pas réellement l’apprécier) au nom de l’intérêt supérieur de la Nation ! Il faut voir Marion Maréchal suivre une discipline de parti par rapport au rôle de l’Etat, encore une fois d’inspiration chevènementiste, alors qu’elle est personnellement plus néolibérale, quand les journalistes en face d’elle essaient à tout prix de la monter contre Philippot. Je me dis que si le p’tit Florian (qui n’est au FN que depuis 2011) a réussi ce tour de force dans un parti très familial où l’attachement à une figure relève plus du rapport charnel que de la raison, il ne faut pas sous-estimer l’intelligence de MLP qui a compris qu’elle devait aussi écouter les déclassés du Nord si elle veut peser sur le réel.

    Quand je compare au témoignage d’amis ex-PG qui ont été débarqués à cause de la question de l’euro, de la souveraineté et de l’UE (alors que leur motion souverainiste faisait dans les 40 %), les accusations du Camps du Bien envers le FN sont grotesques. Je ne dis pas que le fonctionnement interne du FN est génial, mais il y a aussi pas mal de personnalités douteuses qui tourne autour de la gauche radicale ou écolo (cf les antifas).

    Une petite pensée pour Guaino, qui a déclaré se porter candidat tout seul. J’ai de sérieux doutes qu’il puisse obtenir ses 500 signatures (alors que des médiocres comme Duflot ou Arthaud les auront, ce qui me fout la rage), car il n’a pas les trucs de communiquants, ni de réseaux. Il devrait rejoindre DLF car ce parti n’évoluera jamais s’il reste le p’tit club de Dupont-Aignan.

    En tout cas, si tu ne l’as pas acheté, je te conseille vivement son livre « En finir avec l’économie du sacrifice », un pavé de + 600 pages, qui déconstruit un à un tous les mécanismes de l’impuissance politique, même s’il aborde surtout les questions économiques. Chaque chapitre comme par « les bons élèves ont appris que… » (reprise de Marc Bloch) et la grande culture historique de Guaino est oh combien précieuse pour envoyer balader toutes les foutaises idéologiques. En le lisant, on se rend compte à quel point les clivages gauche/droite sont stupides, car pour préserver l’intérêt supérieur de la Nation, les solutions politiques ne sont pas forcément partisanes (à condition de faire de la pédagogie). Il y a un apparent paradoxe car une lecture distraite du livre pourrait faire croire que Guaino est « de gauche » vu ses appels vibrants à la dépense publique et l’investissement massif qui parsèment son livre : or il a une vision de la dépense publique non pas utilitaire, ni forcément sociale (tout en ayant une réelle empathie pour les pauvres), mais avec toujours en vue la fabrique de français pouvant relever les défis d’une économie du XXIème siècle.
    Par exemple il fustige la fin du service militaire : une coupe budgétaire qui a permis sur le court terme de faire des économies, avec des conséquences sur le long terme sur les coûts immatériels qui ont été dramatiques, vu que ça a fait partie de l’arsenal de la dé-cohésion nationale (sachant sue le service national aurait aussi pu permettre de repérer les personnalités bordeline chez les ados – on a vu les résultats avec les récentes tueries commises par des « français de papier »). Ressusciter le Service National obligatoire à 18 ans pour tous les français nous coûtera cher nous dit Guaino (formation, réouvertures de casernes, etc), mais les gains immatériels seront immenses, et il fait des démonstrations analogues sur beaucoup de gains immatériels potentiels dans beaucoup de domaines.
    Autre qualité du livre : l’intérêt de Guaino pour d’autres expériences (modèles nippon, américain, allemand, etc) n’est pas celui de cette détestable manie qu’ont souvent les élites françaises à croire que l’herbe est toujours plus verte ailleurs, là où Guaino explique patiemment qu’on ne peut les comprendre sans connaître la culture et l’histoire de ces pays. Bref ces réussites (qui ensuite entrent en crise…) sont des produits historiques, tout comme l’est la France, et malgré la globalisation et le libre échange, il observe à quel point les spécificités des modèles perdurent. A nous de nous réconcilier avec nos atouts, et de recommencer à nous connaître nous mêmes.

    Je rejoins l’observation générale qu’on observe un retour des Nations et des peuples sur la scène de l’Histoire (montré de façon éclatante par le Brexit) et que loin d’être une source d’inquiétude (comme nous le serinent les bobos) c’est un formidable rebond en avant qu’il faut saisir.

    • Descartes dit :

      @ Bannette

      [Pour ce qui est du FN qui nage à contre courant par rapport à tous ces candidats égotiques, je partage ton observation sur le fait que c’est le seul à suivre une logique de parti très conventionnelle, et c’est cette stabilité qui fait sa force. Et la « crise » de 2015 (éviction de Jean Marie Le Pen) ne lui a pas porté préjudice.]

      L’éviction de Jean-Marie Le Pen n’a fait qu’exprimer publiquement la rupture entre le « nouveau » FN et l’ancien. Marine Le Pen a géré cette séquence très intelligemment : sans céder un pouce de terrain politique, elle a été d’une grande dignité sur le plan personnel, sans casser la vaisselle. Le fait que cela n’ai pas porté préjudice électoralement donne une idée du poids du « nouveau » FN par rapport à l’ancien.

      [Il faut reconnaître le travail fait par Philippot, mais aussi l’intelligence politique de Marine de Le Pen qui a bien compris qu’il lui fallait travailler à la convergence d’intérêts entre des cathos/tradi libéraux plus sensibles à un discours identitaire, et les classes populaires du Nord, qui sont les plus sensibles au discours chevènementiste de Philippot.]

      Tout a fait. Paradoxalement, le FN reste le seul parti dont la stratégie est guidée par une analyse de classe. Cela se voit dans le fait qu’il cherche à adapter effectivement son discours aux intérêts de classe de l’électorat qu’il cherche à conquérir. On peut comparer avec la logique actuelle du PG ou du PCF, qui prétendent conquérir l’électorat populaire avec un discours qui n’est attractif que pour les « classes moyennes ».

      [J’avais vu stupéfaite une longue interview de Gilbert Collard qui admettait, par rapport à la question de l’euro, que lui était personnellement pour, mais que dans leurs débats internes au FN, ceux qui étaient comme lui se sont démocratiquement inclinés devant la ligne Philippot (alors même qu’on sent Collard ne pas réellement l’apprécier) au nom de l’intérêt supérieur de la Nation ! Il faut voir Marion Maréchal suivre une discipline de parti par rapport au rôle de l’Etat, encore une fois d’inspiration chevènementiste, alors qu’elle est personnellement plus néolibérale, quand les journalistes en face d’elle essaient à tout prix de la monter contre Philippot.]

      Je crois que Philippot a bien lu « Le Prince » : il a préféré être craint plutôt que d’être aimé, et du coup il a réussi à inspirer le respect. Même ceux qui ne l’aiment pas – et ils sont nombreux au FN – s’inclinent devant l’intelligence de son analyse et sa cohérence stratégique. Même sur des questions comme l’Euro, ou la bataille n’était pas gagnée d’avance, Philippot l’a emporté parce que ses adversaires n’ont pas une stratégie cohérente à lui opposer.

      [Je me dis que si le p’tit Florian (qui n’est au FN que depuis 2011) a réussi ce tour de force dans un parti très familial où l’attachement à une figure relève plus du rapport charnel que de la raison, il ne faut pas sous-estimer l’intelligence de MLP qui a compris qu’elle devait aussi écouter les déclassés du Nord si elle veut peser sur le réel.]

      Marine Le Pen et Philippot sont parfaitement complémentaires. Et les deux sont suffisamment intelligents pour ne pas chercher à occuper la place de l’autre. Pas facile, quand on a l’intelligence de Philippot, de faire en sorte que le Chef ne se sente pas menacé…

      [En tout cas, si tu ne l’as pas acheté, je te conseille vivement son livre « En finir avec l’économie du sacrifice », un pavé de + 600 pages, qui déconstruit un à un tous les mécanismes de l’impuissance politique, même s’il aborde surtout les questions économiques.]

      Comme vous l’imaginez, il est dans ma liste de livres à lire !

      [Il y a un apparent paradoxe car une lecture distraite du livre pourrait faire croire que Guaino est « de gauche » vu ses appels vibrants à la dépense publique et l’investissement massif qui parsèment son livre : or il a une vision de la dépense publique non pas utilitaire, ni forcément sociale (tout en ayant une réelle empathie pour les pauvres), mais avec toujours en vue la fabrique de français pouvant relever les défis d’une économie du XXIème siècle.]

      Mais c’est ça, la véritable vision « de gauche ». La vraie gauche s’occupe des prolétaires, et laisse « les pauvres » aux dames patronnesses. Or, s’occuper des prolétaires, c’est aussi s’occuper de la production, de la cohésion de la société. Distribuer la richesse, c’est très bien, mais avant de la distribuer, il faut la produire. La « fabrique de français », c’est au départ une idée de gauche, que la gauche a laissé tomber.

      [Je rejoins l’observation générale qu’on observe un retour des Nations et des peuples sur la scène de l’Histoire (montré de façon éclatante par le Brexit) et que loin d’être une source d’inquiétude (comme nous le serinent les bobos) c’est un formidable rebond en avant qu’il faut saisir.]

      Tout à fait d’accord. Mais le combat contre la bienpensance va être dur…

  12. Bonjour Descartes,

    Je voudrais revenir si vous le permettez sur la question des partis. En effet, la IV° République, comme vous le rappelez, donnait un trop grand pouvoir aux partis mais la V°, au final, les a beaucoup affaiblis. Comme vous le soulignez, au scrutin uninominal, un “baron” local peut se faire élire en dehors des partis. Ces derniers, pour conserver suffisamment d’élus, acceptent les écarts des grands feudataires qui sont autant d’électrons libres. La ligne des partis devient illisible. Le scrutin uninominal a féodalisé le système politique français selon moi. Les directions des partis n’ont plus guère de prise sur les “barons” locaux, lesquels peuvent changer de parti ou se passer de parti tout en continuant à être élus et réélus.

    Pour ma part, je suis favorable au scrutin de liste à la proportionnelle, à condition d’accorder la majorité absolue des sièges au parti arrivé en tête, et éviter ainsi que des petits partis placés à la “charnière” puissent faire ou défaire les majorités tout en obtenant d’exorbitants avantages au moyen de ce juteux chantage. D’un autre côté, il est bon selon moi de maintenir le droit de dissolution du président (et son élection au suffrage universel direct), qui peut ainsi renvoyer les députés devant les électeurs en cas d’instabilité gouvernementale (si la majorité vient à se déchirer par exemple).

    • Descartes dit :

      @ nationaliste-ethniciste

      [Le scrutin uninominal a féodalisé le système politique français selon moi. Les directions des partis n’ont plus guère de prise sur les “barons” locaux, lesquels peuvent changer de parti ou se passer de parti tout en continuant à être élus et réélus.]

      Le scrutin uninominal n’a pas « féodalisé » le système politique. Celui-ci était largement féodalisé sous la IVème République. Ce que le scrutin uninominal a changé, c’est le niveau des feudataires. Avec le « régime des partis », les « petits » barons locaux étaient soumis aux « grands » barons régionaux ou nationaux, qui dominaient les structures des partis. Le scrutin uninominal permet aux « petits » barons d’échapper aux « gros ». Personnellement, je préfère une myriade de petits féodaux sans grand pouvoir plutôt qu’un petit groupe de grands féodaux puissants.

      Ce qui a féodalisé le système politique et affaibli les partis ce n’est pas tant le scrutin uninominal que la décentralisation. Même si le scrutin uninominal à affaibli les partis en permettant à un baron local de se faire élire sur son nom, ceux qui pouvaient se passer totalement d’une investiture et des moyens humains et financiers d’un parti – voire se faire élire contre leur parti – étaient relativement rares. La décentralisation, en donnant aux barons locaux les moyens de se faire des clientèles et des obligés, a changé la donne et permis aux barons de s’affranchir totalement de leur parti, voire de le mettre sous leur dépendance.

      [Pour ma part, je suis favorable au scrutin de liste à la proportionnelle, à condition d’accorder la majorité absolue des sièges au parti arrivé en tête, et éviter ainsi que des petits partis placés à la “charnière” puissent faire ou défaire les majorités tout en obtenant d’exorbitants avantages au moyen de ce juteux chantage.]

      Je ne suis pas convaincu. Les systèmes de « prime » majoritaire conduisent à la constitution d’alliances de circonstance dans le but de toucher la « prime », qui se défont le jour suivant l’élection et du coup ne garantissent en rien l’existence d’une majorité stable (on l’a vu avec le système des apparentements sous la IVème). Et la proportionnelle intégrale conduit, comme vous le signalez, à la dictature des partis « charnière ». Je reste persuadé que le scrutin uninominal reste le pire système… à l’exclusion de tous les autres.

      [D’un autre côté, il est bon selon moi de maintenir le droit de dissolution du président (et son élection au suffrage universel direct), qui peut ainsi renvoyer les députés devant les électeurs en cas d’instabilité gouvernementale (si la majorité vient à se déchirer par exemple).]

      Oui. Pour moi, ce sont les trois piliers du système : l’élection au suffrage universel et pour un mandat long (le quinquennat est un désastre), le pouvoir de dissolution (couplé avec le 49.3 utilisable sans restriction), l’interdiction de la cohabitation.

  13. Jo dit :

    Cher Descartes,
    vous visez juste, comme toujours. J’ai quitté le PCF il y a 2 ans après 10 ans de militantisme… Le gros problème, que vous pointez, est celui de la souveraineté. La souveraineté nationale est niée (au profit d’une Europe dont le PCF, pourtant avec emphase, peine à dire ce qu’il veut en faire) et la souveraineté des militants, en interne donc, est écrasée. Sur ce point, en dix ans, nos assemblées en tout genre étaient sans cesse suspendues au collectif machin, au front truc, etc. L’investissement désintéressé du militant communiste est certes en temps, mais aussi en argent : 1% pour le parti (somme importante !), sans compter l’abonnement à l’Huma (que j’ai maintenu, jusqu’à maintenant), et évidemment le renflouement de ces deux structures, tellement habituées à aller d’échecs en échecs qu’elles en viennent à implorer les pouvoirs publics de revoir leurs règles d’aides et de financement, et les militants de mettre la main à la poche… sans jamais s’interroger l’un sur sa ligne politique l’autre sur sa ligne éditoriale.
    Concernant le PCF, le “grand renversement” opéré par Hue est l’origine à la fois de la prise de pouvoir par les notables issus des classes moyennes et du déclin de ce parti. Une règle, fondamentale, qui était la mise en oeuvre du pouvoir du militant sur les notables, a été renversée : le reversement des indemnités des élus au parti, ceux-ci n’ayant pas vocation à s’enrichir de leurs fonctions. Or, d’affaiblissement en affaiblissement, la chute des effectifs militants (-7000 par an depuis l’an 2000 en moyenne) a affaibli leur pouvoir ; les élus continuent de reverser leurs indemnités mais, en conséquence, leur contribution étant désormais majoritaire dans les finances du parti, ce sont eux qui y ont le pouvoir. Et donc, de fait, leur intérêt est de s’adresser à leur clientèle plutôt qu’à leurs militants. Le PCF, de fait, est devenu, comme les autres, un incubateur d’ambitieux. On observera d’ailleurs que les ressources financières du parti sont à ce point en difficultés que, désormais, ce sont les salariés et permanents du parti qui sont présentés aux élections et deviennent élus eux-mêmes (dans des exécutifs socialistes néanmoins, le plus en plus souvent !), excluant donc, encore plus, les militants de toute influence dans leur parti. Les grandes décisions ne se prennent donc pas en congrès, en assemblée, en conseil, etc., mais dans des couloirs voire sur des oreillers (car la préservation du pouvoir passe aussi par des liaisons entre élus et permanents…), bref partout à l’écart de la délibération publique sous contrôle des militants. C’est ce qui explique le silence du PCF sur la question du candidat à la présidentielle : c’est, même avec ses défauts, le grand moment politique du débat en France ; mais cela n’intéresse pas le PCF ! En réalité, ses notables, ses élus, attendent de faire monter les enchères pour les législatives, véritables pompes à finance du financement des partis. En conséquence, le PCF ne participera que peu au débat politique français, tant en interne qu’en externe, au profit de combines de boutiques qui n’intéressent que ceux qui y ont des intérêts.
    De fait, les réunions sont réduites à de simples bavardages, des incantations et les rassemblements comme la fête de l’Huma, des manifestations d’appartenance un peu “communautaire” (le mot est peut-être mal choisi) ou “identitaire” (quand bien même ce mot met en émoi les gauchistes de la clientèle du Front de gauche) mais c’est le cas : plus aucun projet n’y est promu, au profit de la juxtaposition des marottes de petites chapelles formant l’archipel du PCF. En l’occurrence, la grande réussite de la direction mutante du PCF a été quand même de demeurer le centre d’attraction de cette galaxie, qui va de l’URCF à Mélenchon, de La Riposte à Ensemble, de la section du 15e Arrondissement à la version française du PGE. Pour revenir aux discussions et aux débats, ils ne sont jamais le lieu d’un débat rationnel, appuyé sur des faits, des problèmes identifiés à résoudre, des mesures à prendre, l’évaluation de l’atteinte des objectifs fixés, etc. ; au contraire, tout doigt pointé sur un problème réel qui implique la responsabilité de la direction du PCF est aussitôt qualifié de faux, de mensonge, de “stalinien” (dont la double fonction de disqualification de l’interlocuteur et d’auto-blanchiment est bien perçue par ceux qui utilisent ce qualificatif), etc. Si bien qu’on ne débat plus dans le PCF.
    Au-delà de la dénonciation ou du constat sur cet état de fait, je ne vois pas ce qui permettrait de redresser la situation : le libéralisme-libertarisme, le relativisme post-moderne complet, a tellement dissout toutes les règles, les principes, les exigences du débat rationnel, les règles de vie en commun, de séparation des pouvoirs, etc., que je vois pas ce qui pourrait contribuer à les reconstruire, sauf à ce qu’un péril vital (au sens littéral : un péril mettant la vie humaine en danger) s’abatte sur la France. D’ici là, nous voilà condamnés à subir le spectacle pathétique des primaires et de la présidentielle qui va suivre…
    Bien amicalement,
    Jo

    • Descartes dit :

      @ Jo

      [J’ai quitté le PCF il y a 2 ans après 10 ans de militantisme…]

      Vous avez donc adhéré vers 2004. Ce qui fait que vous n’avez connu que le PCF post-Martigues… j’y reviendrai.

      [Le gros problème, que vous pointez, est celui de la souveraineté. La souveraineté nationale est niée (au profit d’une Europe dont le PCF, pourtant avec emphase, peine à dire ce qu’il veut en faire)]

      Effectivement. Le PCF pré-Martigues avait une position très claire là-dessus : la souveraineté nationale étant la condition de l’existence d’une communauté politique, toute supranationalité ne pouvait avoir pour effet que de sortir les décisions du champ politique pour les confier à des structures bureaucratiques. C’est sur ce fondement que le PCF a combattu l’Acte unique, puis le traité de Maastricht. C’est avec la « mutation » UbHuesque qu’à partir de 1995 le PCF cherche à plaire aux « classes moyennes », et comme les « classes moyennes » adorent la construction européenne, on commence à mettre de l’eau dans son vin, jusqu’à l’affiliation en 2004 au « Parti de la Gauche Européenne », organisation dont l’engagement europhile – condition pour obtenir les financements européens – est assez évident.

      C’est au congrès de Martigues, en 2000, que la grande inflexion a eu lieu. Depuis, le PCF considère la question de la souveraineté comme secondaire, et accepte une Europe supranationale à condition qu’elle soit vaguement « sociale et démocratique ». Et, suivant la vieille tradition communiste de brûler aujourd’hui ce qu’on a adoré hier, les dirigeants du PCF condamnent toute velléité de « souverainisme » assimilé au pire chauvinisme.

      [et la souveraineté des militants, en interne donc, est écrasée.]

      Oui, mais la faute n’incombe pas seulement aux dirigeants. Les militants ont en grande partie consenti à cet écrasement.

      [Concernant le PCF, le “grand renversement” opéré par Hue est l’origine à la fois de la prise de pouvoir par les notables issus des classes moyennes et du déclin de ce parti. Une règle, fondamentale, qui était la mise en oeuvre du pouvoir du militant sur les notables, a été renversée : le reversement des indemnités des élus au parti, ceux-ci n’ayant pas vocation à s’enrichir de leurs fonctions.]

      Oui, mais ce renversement a été rendu possible par la fin du « centralisme démocratique », qui était l’outil indispensable pour discipliner les élus, les permanents et les « notables » et les empêcher de conduire leur propre politique. Pour être plus précis, c’est une dialectique : l’abolition du centralisme démocratique a permis la prise de pouvoir par les « notables », mais c’est aussi le pouvoir croissant des « notables » qui a permis son abolition.

      [les élus continuent de reverser leurs indemnités mais, en conséquence, leur contribution étant désormais majoritaire dans les finances du parti, ce sont eux qui y ont le pouvoir.]

      Tout a fait. Et d’ailleurs, tous ne reversent pas. Quand ça les arrange – parce qu’ils n’ont plus besoin du Parti pour se faire réélire, parce qu’ils ne sont pas d’accord avec la « ligne » – ils ne reversent plus. Et personne ne les sanctionne. J’étais de ceux qui au congrès de Martigues avait exigé du trésorier national qu’il fournisse au Congrès la liste des élus qui ne reversent pas leurs indemnités conformément aux statuts. Par trois fois il a refusé, prétextant qu’il ne fallait pas faire une « affaire personnelle ». En d’autres termes, les « barons » peuvent s’asseoir sur les statuts, sans craindre la moindre sanction.

      [Et donc, de fait, leur intérêt est de s’adresser à leur clientèle plutôt qu’à leurs militants. Le PCF, de fait, est devenu, comme les autres, un incubateur d’ambitieux.]

      Oh que oui… on assiste au même phénomène que dans les autres partis : le règne des attachés parlementaires, ces petits ambitieux qui a la sortie des études s’accrochent à un « notable » pour se faire un carnet d’adresses et accéder à une place d’élu. L’exemple le plus flagrant est celui de Patrice Bessac. A peine finie sa licence de philosophie, il devient attaché au groupe ou siègent les députés communistes au Parlement européen, puis attaché de presse de Marie-George Buffet… et de là poursuivra une très belle carrière qui le conduira au poste de maire de Montreuil – et le tout sans avoir jamais bossé, sans avoir jamais été dans un syndicat, sans avoir jamais fait grève, sans la moindre expérience du monde réel, qui n’est pas celui des couloirs du Parlement et des coulisses de congrès…

      [C’est ce qui explique le silence du PCF sur la question du candidat à la présidentielle : c’est, même avec ses défauts, le grand moment politique du débat en France ; mais cela n’intéresse pas le PCF ! En réalité, ses notables, ses élus, attendent de faire monter les enchères pour les législatives, véritables pompes à finance du financement des partis. En conséquence, le PCF ne participera que peu au débat politique français, tant en interne qu’en externe, au profit de combines de boutiques qui n’intéressent que ceux qui y ont des intérêts.]

      Tout à fait.

      [De fait, les réunions sont réduites à de simples bavardages, des incantations et les rassemblements comme la fête de l’Huma, des manifestations d’appartenance un peu “communautaire” (le mot est peut-être mal choisi) ou “identitaire” (quand bien même ce mot met en émoi les gauchistes de la clientèle du Front de gauche) mais c’est le cas : plus aucun projet n’y est promu, au profit de la juxtaposition des marottes de petites chapelles formant l’archipel du PCF.]

      Là encore, 100% d’accord avec vous. Mais surtout, ces « marottes » sont à chaque fois celles des « classes moyennes ». Lorsqu’on met en priorité la « lutte contre le patriarcat », personne ne semble se demander ce que peut en penser le chômeur d’Hénin-Beaumont ou l’ouvrier de Valenciennes. Ces petites chapelles pratiquent en plus un terrorisme intellectuel qui empêche tout débat sérieux en faisant régner une police de la pensée qui rappelle la pire période stalinienne.

      [Au-delà de la dénonciation ou du constat sur cet état de fait, je ne vois pas ce qui permettrait de redresser la situation : le libéralisme-libertarisme, le relativisme post-moderne complet, a tellement dissout toutes les règles, les principes, les exigences du débat rationnel, les règles de vie en commun, de séparation des pouvoirs, etc., que je vois pas ce qui pourrait contribuer à les reconstruire, sauf à ce qu’un péril vital (au sens littéral : un péril mettant la vie humaine en danger) s’abatte sur la France.]

      Je pense que la montée du FN traduit une prise de conscience dans une partie de la société – et en particulier dans les couches populaires – des maux que vous détaillez ci-dessus. Et ce n’est pas le seul signe positif: on voit des questions qui étaient tabou jusqu’à il n’y a pas si longtemps (souverainété, nation, assimilation) revenir sur le devant de la scène.Je ne suis donc pas aussi pessimiste que vous. Cela étant dit, il y a un long chemin à faire…

  14. cdg dit :

    Vous vous plaignez de la disparition des programmes dans les partis politiques. Mais a quoi bon un programme dont on sait qu il est bidon et qui ira a la poubelle ?
    En 81 Mitterrand avait un programme (issu de negociation avec le PCF). Il l a mit a la poubelle en moins d un an. A ma connaissance c etait le dernier programme détaillé basé sur une ideologie. Pour se faire reelire, il a juste proclamé le status quo (ni nationalisation ni privatisation) dans une fameuse “lettre aux francais”.
    Ensuite Chirac s est carrement moqué de l electeur pour triompher du traitre “couille molle” et Sarkozy promettait la rupture.Mais la seule qu il a reussit a faire, c est celle avec Cecilia.
    Quant a notre president actuel, on ne va pas detailler par charité

    Dans l etat actuel de notre democratie, les partis politique sont juste des boutiques ou certains vont faire carriere comme vous le dites. Donc confier aux militants la designation du chef c est au mieux avoir des gens indeboulonable comme Chirac qui avait le RPR a sa botte ou au pire des magouilles comme l election Cope/Fillon a l UMP (mais c est pas mieux ailleurs, le PS a eut la meme chose a Nevers)

    Les primaires ne sont pas forcement un jeu ou les plus mediocres gagnent. Regardez aux USA, Trump a reussit a deboulonner le candidat favori (Bush) et cote democrate Clinton a eut du mal malgre le soutien de l appariel et un opposant de plus de 70 ans. Combien de presidents US etaint des inconnus au debut des primaires ? Obama, Carter (Jimmy Who ), Bill Clinton ….

    PS: les souverainistes ne peuvent s allier car ils ne sont d accord sur rien. Dupon Aignant est de droite et donc peut difficilement faire campagne avec un Chevenementiste qui va parler d augmenter les impots et de nationalisation. Le meme chevenementiste va avoir du mal a appeller a voter pour quelqu un dont la priorite est de supprimer l ISF et la taxation des heritages

    • Descartes dit :

      @ cdg

      [Vous vous plaignez de la disparition des programmes dans les partis politiques. Mais a quoi bon un programme dont on sait qu il est bidon et qui ira a la poubelle ?]

      Me plaindre c’est un grand mot. Je constate, simplement… Et quand bien même un « bon programme » ne serait pas mis en œuvre – partiellement ou en totalité – le simple fait de le préparer, d’y réfléchir, de l’écrire implique un travail d’information, de réflexion et de formalisation qui sera toujours utile pour la suite.

      [En 81 Mitterrand avait un programme (issu de negociation avec le PCF).]

      Ce n’est pas exact. En 1981, le Programme commun avait été rompu. Mitterrand est allé à l’élection avec son propre programme. Mais il est vrai qu’il a puisé dans l’énorme travail de réflexion et de rédaction de celui-ci.

      [Il l a mit a la poubelle en moins d un an.]

      Là encore, ce n’est pas tout à fait vrai. Un grand nombre de mesures du programme mitterrandien ont été mises en œuvre : nationalisations, décentralisation, relance par la consommation, grand service public de l’éducation… et c’est lorsque ces mesures ont échoué – en partie parce qu’elles ont été mal conduites – qu’il a décidé de changer de cap. On peut reprocher à Mitterrand beaucoup de choses, mais paradoxalement, pas de ne pas avoir essayé d’appliquer son programme.

      [Ensuite Chirac s’est carrément moqué de l’électeur pour triompher du traître “couille molle” et Sarkozy promettait la rupture. Mais la seule qu il a reussit a faire, c est celle avec Cecilia.]

      Ni Chirac ni Sarkozy n’ont présenté de véritable projet. Comme vous le signalez, le Programme commun est probablement le dernier projet, préparé par une véritable réflexion de fond qui lui donnait une cohérence. Les suivants n’ont été que des catalogues de mesures sans aucune volonté de cohérence entre elles…

      [Dans l’état actuel de notre démocratie, les partis politique sont juste des boutiques ou certains vont faire carrière comme vous le dites. Donc confier aux militants la désignation du chef c’est au mieux avoir des gens indéboulonnables comme Chirac qui avait le RPR a sa botte ou au pire des magouilles comme l’élection Cope/Fillon a l’UMP (mais c’est pas mieux ailleurs, le PS a eut la meme chose a Nevers)]

      L’élection par le militant a une logique : puisque moi, militant, j’aurai à porter la candidature, à coller les affiches, à distribuer les tracts, à payer le fonctionnement, j’ai le droit de choisir celui qui portera mes couleurs et fixer son programme. L’élection par des « citoyens » au cours d’une primaire n’a tout simplement pas de logique. C’est laisser à un corps désigné au hasard et n’ayant la moindre légitimité pour le faire le choix du candidat et du programme.

      [Les primaires ne sont pas forcement un jeu ou les plus mediocres gagnent. Regardez aux USA,]

      La comparaison avec les USA n’a pas de sens. Dans ce pays, les primaires jouent le rôle d’un premier tour. Elles sont organisées par l’Etat, elles sont simultanées pour les deux partis, les électeurs doivent s’inscrire et les listes électorales sont publiques, et on ne peut voter dans les primaires des deux partis.

      [PS: les souverainistes ne peuvent s allier car ils ne sont d accord sur rien.]

      Pardon ! Ils sont d’accord sur un point fondamental : que la question de la nation est la question centrale aujourd’hui et qu’il faut tout faire pour restaurer le plein exercice de la souveraineté nationale. C’est déjà pas mal… Regardez en Grande Bretagne : malgré leurs désaccords sur beaucoup de points, les souverainistes ont pu s’allier pour faire gagner le « oui » au Brexit. Il ne s’agit pas de se marier, ou de s’accorder sur des détails, mais de conclure des accords pour faire avancer un programme minimal et bien délimité à la question que tous jugent essentielle, tout en gardant les désaccords sur le reste. Croyez-vous que les désaccords entre les souverainistes soient plus profonds que ceux qui traversaient le CNR ?

    • frederic_N dit :

      Ouh la la camarade vous parlez de mon « anticommunisme” . Je vous demande de retirer: c’est la formule préférée des staliniens, généralement utilisée pour déconsidérer ceux qui parlaient du Goulag. S’y référer encore c’est approuver les staliniens, c’est ignorer l’expérience humaine : le communisme a été pire que le nazisme, c’est hélas un fait. Maintenant je vous réponds sur le fond

      Car le fond est toujours le même dans ce blog très intelligent au demeurant . Il consiste à interroger la crise politique actuelle, ce qui est légitime, mais d’un point de vue antilibéral, ce qui ne l’est pas . Cela ne l’est pas, parce que vous êtes français ( cartésien de surcroit) et que quand on est français on doit d’abord faire la critique de sa propre tradition de pensée , sauf à reproduire les mêmes erreurs que nos “glorieux” anciens. Je parle des Sartre , des de Beauvoir, des Althusser etc… qui ne sont glorieux que pour certains d’ailleurs
      Un autre aurait parlé de “trace” de Marx, et cette trace est très claire chez vous et c’est ce que je cherche à faire ressortir : non pas pour le plaisir, mais pour que vous vous en rendiez compte. Comme vous êtes honnête vous allez jusqu’à la contradiction, alors je vous réponds sur quelques champs :
      Quelques questions d’abord
      1/ Vous me demandez si j’imagine Duclos exproprier le petit paysan ? Oui bien sûr et très facilement ( lisez Robrieux ) Lui et Thorez ont bien pactisé avec les nazis, que je sache ? 2/ Si Thorez aurait détruit la cathédrale de Reims ? Non bien sûr, le marxisme a toujours valorisé l’histoire et la culture de cette histoire. Les communistes n’ont d’ailleurs que très peu détruit d’églises. Comme les nazis d’ailleurs. Mais en réalité, Trostky a largement répondu ( par avance) à la question que vous soulevez. » Si Staline avait su ce qu’il allait faire, il se serait probablement suicidé ». Cela veut dire : il y a une logique profondément dans le système de pensée de Staline ( qui est en fait le marxisme orthodoxe ndlr) et qui s’impose aux individus malgré eux, jusqu’à l’inhumanité absolue.
      C’est ce que vous ne voulez pas reconnaitre : qu’il y ait une logique dans la tradition marxiste et que vous la subissiez encore
      PS : votre analyse du stalinisme qui consiste à plaquer sur la Russie de 17 les débats sur despotisme asiatique est une plaisanterie. Staline est dans la filiation de Lénine, et l’héritier du marxisme le plus orthodoxe. Sinon il n’aurait pas conquis le parti Bolchévique
      Vous en êtes maintenant à minimiser l’influence du parti communiste . On ne compare pas « le parti « et le parti gaulliste par exemple. Militant RPR vous alliez à quelques réunions, et vous applaudissiez De Gaulle. Point. Pas de lecture, de « formation ». Militant communiste vous étiez dans une contre société , on vous (ré) apprenait l’histoire et tous les aspects de la vie étaient structurés par la pensée marxiste. C’est un fonctionnement de type religieux qui, en France, est associé à la vie militante. 25 % des voix pour « le Parti » , c’est un ratissage systématique de la société Ce n’est pas par hasard que l’on parle de Peppone et Don Camillo . Sauf qu’en France Don Camillo a quasiment laissé la place à Peppone..
      Or la France est la patrie des intellectuels communistes, ce qui vous gêne visiblement , vous ne voulez pas l’admettre. La Patrie ? cela veut dire que vous ne pouviez pas être un intellectuel dans les années 50, 60 et même 70 si vous n’êtes pas peu ou prou procommuniste. En clair , vous vous faisiez flinguer si vous franchissiez la ligne rouge : exemple Camus . Cela veut dire qu’il a existé » une discipline” pour les intellectuels , une ligne rouge que l’on ne franchit jamais sous peine de mort intellectuelle. Quitte à la fauculterie maximum . Sartre, que je sache n’a jamais « désespéré Billancourt » , Althusser n’a jamais voulu parler de Lyssenko, car c’était cela sa motivation (pour mémoire : 80 % de l’université française avait approuvé Lyssenko). Althusser était comme vous : il fallait sauver Marx de ses propres dégats – quitte à accuser sa profession de tous les maux . Montand a gentiment attendu Mai 68 pour découvrir les procès de Prague. La ligne rouge avait été déplacée. Et j’en passe , et j’en passe . Vous parlez d’absence de discipline ? Vous plaisantez j’espère !
      Ce que vous ne voyez pas c’est qu’une situation de ce type a des effets sur de très longues décennies. Certes certains sont passés dans les mailles du filet. Direction le placard le plus souvent dans les facs sensibles. Mais la masse des intellectuels, des enseignants, de ce qui a structuré la pensée dans la France a été peu ou prou communiste. Presque tous ont été influencés. Un exemple ? Nous sommes le seul pays où les profs d’économie ignorent ce qu’est le libéralisme – et visiblement vous l’ignorez aussi – mais se référent à « alternatives économiques » en majorité. Encore aujourd’hui..
      Alors je pose la question .
      Vous croyez que Mme Michu que ma concierge ne s’en sont pas rendues compte ? Faites l’expérience. Allez voir les gens du peuple ; interrogez les – mais interrogez les vraiment – ce qui veut dire prendre le temps de rentrer dans leur référentiel. Beaucoup de temps hélas. Vous verrez s’ils n’ont pas la mémoire du communisme et de son militantisme ! Vous serez surpis de ce que vous découvrirez… Alors vous commencerez à comprendre ce qu’on appelle aujourd’hui la crise des élites.
      Re PS : pourquoi jugerait-on que De gaulle s’est trompé sous prétexte d’un misérable référendum perdu alors qu’il en avait marre du pouvoir ? De Gaulle a sauvé la Nation deux fois ( la deuxième à la sortie de la Guerre où il l’a sauvée du Parti), il l’a redressée dans les années 60 et a même à peu près réussi la décolonisation. Vous parlez d’un échec ! Rassurez vous Mme Michu pense que De Gaulle a réussi ..

    • Descartes dit :

      @ Frédéric N

      [Ouh la la camarade vous parlez de mon « anticommunisme”.]

      Faut assumer : vous passez votre temps à cracher sur le « communisme ». Pour ne donner qu’un exemple, je vous cite : « Moralité : là où le communisme est passé l’herbe du militantisme mettra plusieurs générations à repousser ». Dans ces conditions, vous qualifier d’anticommuniste n’est que la constatation d’un fait. Vous avez parfaitement le droit de condamner le communisme. Mais il faut assumer ses choix.

      [Je vous demande de retirer: c’est la formule préférée des staliniens, généralement utilisée pour déconsidérer ceux qui parlaient du Goulag. S’y référer encore c’est approuver les staliniens,]

      Vous savez, ce genre d’amalgame me laisse de marbre. Par ailleurs, vous montrez une remarquable ignorance historique. Si l’on croit le Robert, le terme anticommunisme date en fait de 1842. Lamennais, déjà, se qualifie « d’anticommuniste ». Un stalinien en herbe, peut-être ? J’ajoute que de nombreuses personnalités se sont qualifiées elles-mêmes « d’anticommunistes » et en ont fait un titre de gloire… ce fut par exemple le cas du sénateur Mc Carthy. Encore un stalinien caché…

      [c’est ignorer l’expérience humaine : le communisme a été pire que le nazisme, c’est hélas un fait.]

      Comment le « pire » – jugement de valeur qui dépend de critères purement subjectifs – pourrait être un « fait » ? Tiens, juste pour rigoler, pourriez-vous indiquer quels sont les critères de jugement qui vous conduisent à dire que « le communisme a été pire que le nazisme » ? Par ailleurs, vous noterez que si l’on suit votre raisonnement, ceux qui se sont alliés avec Staline contre Hitler étaient donc des criminels, puisqu’ils se sont alliés avec le « pire » contre le « moins pire », non ?

      [Car le fond est toujours le même dans ce blog très intelligent au demeurant . Il consiste à interroger la crise politique actuelle, ce qui est légitime, mais d’un point de vue antilibéral, ce qui ne l’est pas.]

      A cela deux remarques. La première, c’est que je ne suis pas particulièrement « antilibéral », comme l’ensemble des papiers publiés dans ce blog en témoignent. Mais surtout, pourquoi le point de vue antilibéral serait-il moins « légitime » qu’un autre ?

      [Cela ne l’est pas, parce que vous êtes français (cartésien de surcroit) et que quand on est français on doit d’abord faire la critique de sa propre tradition de pensée, sauf à reproduire les mêmes erreurs que nos “glorieux” anciens. Je parle des Sartre , des de Beauvoir, des Althusser etc… qui ne sont glorieux que pour certains d’ailleurs]

      Encore une fois, vous assenez des affirmations douteuses comme si c’étaient des vérités d’évidence. Où est il écrit que lorsqu’on a une nationalité on doit « d’abord » faire la critique de sa propre tradition de pensée ? Pourquoi un français ne pourrait « d’abord » s’intéresser à la tradition intellectuelle allemande ou britannique ? J’ajoute par ailleurs que Sartre est allé chercher sa « tradition de pensée » non dans la philosophie française, mais dans la philosophie allemande. C’est Heiddegger, et non Sartre, le père de l’existentialisme. Alors vous pouvez me demander de critiquer « d’abord » ma propre tradition de pensée ou de critiquer « d’abord » Sartre, mais pas les deux.

      [Un autre aurait parlé de “trace” de Marx, et cette trace est très claire chez vous et c’est ce que je cherche à faire ressortir : non pas pour le plaisir, mais pour que vous vous en rendiez compte.]

      Vous n’avez pas besoin de la faire ressortir, cette « trace » est chez moi revendiquée. Et c’est bien plus qu’une « trace »…

      [1/ Vous me demandez si j’imagine Duclos exproprier le petit paysan ? Oui bien sûr et très facilement (lisez Robrieux) Lui et Thorez ont bien pactisé avec les nazis, que je sache ?]

      J’ai lu Robrieux. Et je ne trouve nulle part la moindre référence à une quelconque position de Duclos sur la question de l’expropriation du petit paysan français. Pourriez-vous m’indiquer la référence exacte ? Quant au soi-disant « pacte » entre Duclos et Thorez et les nazis, je vois mal le rapport avec la position de Duclos sur l’expropriation des petits paysans…

      [2/ Si Thorez aurait détruit la cathédrale de Reims ? Non bien sûr, le marxisme a toujours valorisé l’histoire et la culture de cette histoire. Les communistes n’ont d’ailleurs que très peu détruit d’églises.]

      Pourtant, Staline en a détruit un grand nombre, si je crois « le livre noir du communisme », par exemple – référence dont j’imagine que vous ne contesterez pas le sérieux. Vous admettez donc une différence fondamentale entre la politique stalinienne et celle qu’aurait conduit Thorez sur la question religieuse. Dont acte.

      [Mais en réalité, Trostky a largement répondu ( par avance) à la question que vous soulevez. » Si Staline avait su ce qu’il allait faire, il se serait probablement suicidé ».]

      On cite Trotsky, on se réfère à Robrieux, on se vexe d’être traité « d’anticommuniste »… tiens, tiens, tiens…

      [C’est ce que vous ne voulez pas reconnaitre : qu’il y ait une logique dans la tradition marxiste et que vous la subissiez encore]

      Bien sur que je reconnais « qu’il y a une logique dans la tradition marxiste ». Pour un marxiste comme moi, le contraire serait absurde, vous ne trouvez pas ?

      [PS : votre analyse du stalinisme qui consiste à plaquer sur la Russie de 17 les débats sur despotisme asiatique est une plaisanterie. Staline est dans la filiation de Lénine, et l’héritier du marxisme le plus orthodoxe. Sinon il n’aurait pas conquis le parti Bolchévique]

      Ah bon ? Parce que c’est écrit dans le Grand Livre que les marxistes les plus orthodoxes gagnent à la fin ? Allons, soyons sérieux : si Staline a conquis le parti Bolchévique, c’est parce qu’il a réussi à créer un rapport de forces à son avantage. La pureté de sa filiation et l’orthodoxie de son marxisme n’ont rien à voir là dedans.

      [Vous en êtes maintenant à minimiser l’influence du parti communiste . On ne compare pas « le parti » et le parti gaulliste par exemple. Militant RPR vous alliez à quelques réunions, et vous applaudissiez De Gaulle. Point.]

      Ce n’est pas tout à fait vrai. Lisez les mémoires de Charles Pasqua, et vous verrez que les militants du « parti gaulliste » ne se contentaient pas, loin de là, d’aller applaudir De Gaulle. Comme au PCF, il y avait plusieurs « cercles » de militants, depuis le plus extérieur qui se contentait d’aller aux réunions et d’applaudir le leader, jusqu’au plus interne ou l’on faisait des choses que la loi et la morale reprouvent. J’ajoute que vous faites un anachronisme : les militants RPR n’ont pas pu aller applaudir De Gaulle : quand le RPR a été créé, De Gaulle était mort depuis plusieurs années.

      [Pas de lecture, de « formation ».]

      Bien entendu, chaque parti avait ses spécificités. La lecture et la formation existaient par exemple à la SFIO, pas chez les gaullistes.

      [Militant communiste vous étiez dans une contre société , on vous (ré) apprenait l’histoire et tous les aspects de la vie étaient structurés par la pensée marxiste. C’est un fonctionnement de type religieux qui, en France, est associé à la vie militante.]

      Comme je vous l’ai expliqué plus haut, c’est une question de « cercles ». Les militants du « premier cercle » vivent dans une contre-société, dans une sorte de vie monastique, mais cela est vrai dans n’importe quel parti politique. Demandez sinon aux anciens du SAC… les militants du « dernier cercle », et bien, vivent comme vous et moi. Croire que la « pensée marxiste » structurait « tous les aspects de la vie » des militants du PCF (plus d’un demi-million jusqu’aux années 1980, ça en fait, du monde) est absurde.

      [Or la France est la patrie des intellectuels communistes, ce qui vous gêne visiblement, vous ne voulez pas l’admettre.]

      Vous avez une certaine facilité à mettre des mots sous ma plume. En quoi le fait que la France soit « la patrie des intellectuels communistes » pourrait me « gêner » ? Au contraire, ce serait plutôt pour moi un motif de fierté. Seulement, c’est faux : il n’y a pas plus d’intellectuels communistes en France qu’ailleurs. Marx, Engels, Lénine, Gramsci seraient-ils français sans le savoir ?

      [La Patrie ? cela veut dire que vous ne pouviez pas être un intellectuel dans les années 50, 60 et même 70 si vous n’êtes pas peu ou prou procommuniste.]

      Dommage que Raymond Aron ne soit pas là pour vous lire… je pense qu’il aurait beaucoup rigolé. Non, il y eut de nombreux intellectuels non communistes – Sartre et Beavoir, par exemple – et même anticommunistes dans cette période. Et contrairement à ce que vous pensez, ils avaient leur place dans l’université et dans le monde de l’édition, ainsi que pour certains de copieuses subventions de certaines officines…

      [En clair , vous vous faisiez flinguer si vous franchissiez la ligne rouge : exemple Camus.]

      Je ne me souviens pas que Camus se soit « fait flinguer ». Jusqu’à sa mort il a pu diriger un journal, publier ses écrits… en quoi a consisté son « flingage » ?

      [Cela veut dire qu’il a existé » une discipline” pour les intellectuels , une ligne rouge que l’on ne franchit jamais sous peine de mort intellectuelle.]

      J’attends toujours que vous me donniez un exemple d’une telle « mort ». Pour le moment, tous les noms que vous citez ont au contraire joui d’une excellente santé, ont publié, ont enseigné… A ma connaissance, Raymond Aron n’est pas mort en prison.

      [(pour mémoire : 80 % de l’université française avait approuvé Lyssenko).]

      Juste pour mémoire, pourriez-vous donner la référence exacte de ce vote ?

      [Ce que vous ne voyez pas c’est qu’une situation de ce type a des effets sur de très longues décennies. Certes certains sont passés dans les mailles du filet. Direction le placard le plus souvent dans les facs sensibles.]

      J’attends toujours que vous me donniez quelques exemples de personnalités ainsi « placardisées ». Moi je ne vois qu’une chose : les Aron, les Revel, les Canguilhem, les Ricœur ont tous gardé leurs chaires, ils ont continué à enseigner et à publier.

      [Mais la masse des intellectuels, des enseignants, de ce qui a structuré la pensée dans la France a été peu ou prou communiste. Presque tous ont été influencés.]

      Beaucoup l’ont été. Et ce n’est pas par hasard si cela coïncide avec l’âge d’or de l’Université française… avant la Grande Catastrophe de 1968. Parce que le débat entre marxistes et anti-marxistes a vivifié la pensée, obligé les gens à remettre en question des formes héritées de la tradition. Mais l’influence du marxisme a été intellectuelle, et non comme vous le suggérez le produit d’une quelconque « chasse aux sorcières ». Si « chasse aux sorcières » il y eut, c’est plutôt dans le sens inverse : révocation des chercheurs communistes (y compris les prix Nobel…), interdiction de passer les concours administratifs…

      [Un exemple ? Nous sommes le seul pays où les profs d’économie ignorent ce qu’est le libéralisme]

      Je me demande dans quel pays vous vivez. Diriez-vous que Jean Tirolle « ignore ce qu’est le libéralisme » ?

      [Vous croyez que Mme Michu que ma concierge ne s’en sont pas rendues compte ?]

      Rendu compte de quoi ? Que les professeurs d’économie ne savent pas ce qu’est le libéralisme ? Non, je ne le pense pas.

      [Faites l’expérience. Allez voir les gens du peuple ; interrogez les – mais interrogez les vraiment – ce qui veut dire prendre le temps de rentrer dans leur référentiel. Beaucoup de temps hélas. Vous verrez s’ils n’ont pas la mémoire du communisme et de son militantisme !]

      Bien sur qu’ils en ont la mémoire. Et avec beaucoup de nostalgie…

      [Re PS : pourquoi jugerait-on que De gaulle s’est trompé sous prétexte d’un misérable référendum perdu alors qu’il en avait marre du pouvoir ? De Gaulle a sauvé la Nation deux fois (la deuxième à la sortie de la Guerre où il l’a sauvée du Parti), il l’a redressée dans les années 60 et a même à peu près réussi la décolonisation. Vous parlez d’un échec ! Rassurez vous Mme Michu pense que De Gaulle a réussi…]

      Je trouve que vous parlez un peu trop au nom de Mme Michu sans l’avoir consultée…

  15. Frederic _N dit :

    L’avantage avec votre site c’est qu’on en a pour son argent. Vous affichez la couleur, vous argumentez. Bref, vous êtes un OVNI à notre époque. .. Il faut parfois féliciter les OVNI
    Mais cela ne vous autorise pas les raccourcis les plus malhabiles. Ainsi ce serait la maladie libérale – libertaire qui aurait eu la peau des partis ( libertaire je veux bien, mais libéral c’est la doctrine du premier parti de notre histoire européenne qui s’appelait, qui s’appelait … non vous ne vous souvenez plus ..comme dit la chanson )..
    Non ce que vous oubliez c’est que nous avons une expérience en France, des partis. Et une expérience qui ne passe pas.
    Vous oubliez que le principal parti au XXème siècle était communiste. Ce que vous y décrivez était la vie réelle de ce parti , peut-être même multipliée par 10 ( à ceci près que Madame n’eng…. que rarement Monsieur, car elle était elle aussi “au Parti’)
    Et ce que vous décrivez a été un véritable drame pour notre civilisation, une calamité : les millions de personnes que vous décrivez si bien ont consciemment œuvré pour le pire des projets politiques que nos sociétés ont connu en mille ans. Hélas mis en œuvre sur des centaines de millions de patients.
    Patiemment, rationnellement, passionnément
    Que de livres, de réunions enfiévrées , d’ostracisme contre les gens de bien etc..( les gens de bien s’opposaient forcément au parti, c’est quasi mécanique). Que d’illusions, d’autointoxication et de coups bas , de mensonges parce que c’était .. pour la cause. Il vaut mieux se tromper avec Sartre c’est bien connu
    Pire quand tout cela se fut achevé on s’aperçut que le système fonctionnait encore et que plutôt que de s’interroger sur ce qui les avait amenés si bas les meilleurs de ces militants ( les ci-devant intellectuels) se sont enfermés dans l’autojustification , dans le déni . Cela se comprend : notre intelligentsia a retrouvé très vite en 2, 3 années les réflexes d’ostracisme qui l’avaient si bien protégée du temps de l’affaire Marchenko, ou de la conférence de presse d’ A Gide. Cela s’est appelé “droitdel’hommisme” “antiracisme” ou autres. Mais on ne s’est donc toujours pas interrogé en France sur le pourquoi de nos errements. ..
    Un exemple ? Il suffit de vous lire .Vous êtes sans doute quelqu’un de très bien . Mais on se surprend à vous voir nous expliquer que si le programme de Mitterrand avait foiré , ce n’est pas parce qu’il était faux !!??!!, Mais mal appliqué. Pincez vous : ma concierge à qui je demande souvent son avis, généralement meilleur que celui de beaucoup de professeurs de Sociologie, me dit ” les communistes ils se sont trompés ! ” . Est-elle bête ! Mme Michu pense en son for intérieur que quand on se trompe comme Mitterrand, eh bien on se plante. Et que quand on se plante c’est qu’on s’est trompé. Est-elle stupide ! . Eh bien on n’en est pas encore là chez les intellectuels français. Si Mitterrand s’est trompé ce n’est pas parce que son programme était faux ( id est construit sur des prémisses faussées qu’il conviendrait de questionner au fond) c’est parce qu’il a été mal appliqué . Ben voyons, c’est lui le fautif pas les milliers d’intellectuels qui ont fait sa campagne pendant 20 ans à peu près .. 1962/63 à 1981 ! Qui ont eu tout faux et refusent de le reconnaître
    Et vous nous servez cela sans rire, après le dessert ( J Beaudoin ) !
    Dans ce simple exemple il y a tout le drame du militantisme en France. Les partis y seraient bien utiles , je vous le concède. Mais en France nous avons une expérience : celle du vol de la conscience de millions de personnes, par des milliers d’intellectuels déformés : car ils en sont encore à refuser de s’interroger sur leurs erreurs ! Alors Mme Michu – qui , elle , s’en est rendue compte , elle dit encore Non merci . Moralité : là où le communisme est passé l’herbe du militantisme mettra plusieurs générations à repousser

    PS : pour mémoire, les partis occidentaux sont des dérivés des courants religieux et notamment protestants

    • Descartes dit :

      @ Fréderic_N

      [L’avantage avec votre site c’est qu’on en a pour son argent.]

      Je n’ai pas vu l’argent encore. Quand j’aurai reçu votre chèque, je vous dirai…

      [Vous affichez la couleur, vous argumentez.]

      J’essaye, j’essaye…

      [Mais cela ne vous autorise pas les raccourcis les plus malhabiles. Ainsi ce serait la maladie libérale – libertaire qui aurait eu la peau des partis (libertaire je veux bien, mais libéral c’est la doctrine du premier parti de notre histoire européenne qui s’appelait, qui s’appelait … non vous ne vous souvenez plus… comme dit la chanson)…]

      Sans vouloir vous offenser, je n’ai pas dit que ce serait « la maladie libérale-libertaire qui aurait eu la peau des partis ». J’évite au contraire soigneusement d’utiliser ce genre de métaphore médicale, qui sent pour moi le fascisme. Ce que j’ai dit, c’est que c’est « l’individualisme libéral-libertaire » qui a vidé les partis de leur substance. Et il n’y a là aucun « raccourci ». L’idéologie « libérale-libertaire » a diffusé une vision de la politique comme quête individuelle, et non collective. Les organisations fondées sur des procédures de débat et de décision collectives – avec leur corollaire évident : un système disciplinaire permettant leur mise en œuvre – ont été vilipendées comme « imposant des décisions d’en haut », « bridant la créativité individuelle », et autres expressions que j’aurais honte de reproduire ici. Je vous renvoie aux débats des années 1970 sur la supériorité d’une organisation en « courants » – celle du PS – plutôt qu’une organisation « unitaire » – modèle choisi par le PCF. Combien de temps a-t-il fallu pour que ces « courants », censés défendre des idées et des projets différents – deviennent en fait des écuries au service de la prise du pouvoir par un groupe ? Je vous renvoie aussi à la ligne défendue par R. Hue à partir de 1995, celle du « parti outil », un parti organisé autour d’un militantisme « à la carte » permettant à chaque militant de poursuivre « les objectifs qui lui tiennent à cœur ».

      L’idée de parti politique s’est construite autour de l’idée de projet. L’idée est que les militants, qui chacun est à 80% d’accord avec le projet, accepte de mettre les 20% restants dans la poche à condition que les autres militants fassent de même. Et cette union fait la force pour faire avancer le projet en question. L’individualisme « libéral-libertaire » postule au contraire que personne ne doit jamais rien sacrifier, qu’aucune concession n’est permise, qu’il faut toujours et partout rester soi-même. Imaginez-vous Cohn-Bendit acceptant de garder le silence sur l’une de ses marottes ? Comment un parti pourrait se construire dans de telles conditions ?

      [Non ce que vous oubliez c’est que nous avons une expérience en France, des partis. Et une expérience qui ne passe pas. Vous oubliez que le principal parti au XXème siècle était communiste.]

      Je ne sais pas ce que vous appelez « principal ». Au niveau national, il n’aura exercé qu’un pouvoir fort limité, et encore pendant un temps très court. Au niveau local, son influence ne s’est manifestée qu’au niveau municipal : à son apogée, il aura présidé quatre conseils généraux – et encore, l’un d’eux par la suite d’une erreur de vote. Il n’aura jamais conquis la présidence d’un conseil régional. Et même au niveau municipal, son poids n’a jamais dépassé celui de la SFIO. Par contre, le PCF a certainement été celui des partis politiques qui a poussé le plus loin le militantisme de masse, et qui a constitué un corps militant formé, discipliné et dévoué sans comparaison ailleurs.

      [Et ce que vous décrivez a été un véritable drame pour notre civilisation, une calamité : les millions de personnes que vous décrivez si bien ont consciemment œuvré pour le pire des projets politiques que nos sociétés ont connu en mille ans. Hélas mis en œuvre sur des centaines de millions de patients.]

      Je ne le crois pas. Je pense que vous vous trompez quant au « projet politique » pour lequel ces gens-là ont œuvré. Croyez-vous vraiment que les militants du PCF auraient, s’ils avaient accédé au pouvoir, mis en place un système stalinien en France ? Que Maurice Thorez, qui a fait baptiser ses enfants, aurait fait démolir la cathédrale de Reims ? Imaginez-vous Jacques Duclos expropriant le petit paysan pour le mettre dans des fermes collectives ? Vraiment ? Soyons sérieux : le « projet politique » du PCF allait jusqu’à la collectivisation de la grande industrie, des banques, des services publics, peut-être aussi une régulation des prix agricoles… mais guère plus. Une sorte de projet du CNR qui aurait été un peu plus loin.

      Un « projet politique » prend une forme qui dépend essentiellement du contexte historique. Le projet capitaliste a pris en France ou en Grande Bretagne la forme démocratique, le même projet a pris en Amérique Latine ou en Asie les traits de dictatures plus où moins féroces. Les américains qui bombardaient le Vietnam au Napalm pour empêcher le Vietnam de mettre en place le résultat du référendum de 1954 défendaient-ils un autre « projet politique » que ceux qui se soumettaient volontiers au verdict du suffrage universel à New-York ou Washington ?

      Le projet socialiste – pour faire court – mis en place en Russie a pris une forme qui est moins issue de la pensée socialiste que de l’histoire et des institutions politiques russes. Staline est dans la filiation de la Grande Catherine comme De Gaulle est dans la filiation de Richelieu. Et le fait que la Russie soit retournée vers le capitalisme n’a pas fait fleurir la démocratie, au contraire : après une période de désordre et de corruption, on voit apparaître un nouveau Tsar. Parce que la tradition politique russe fait qu’on a le choix entre le Tsar et le chaos, et que les gens préfèrent, et on les comprend, la première option.

      Je crois que c’est là la grande leçon qu’on peut tirer de l’expérience soviétique : le rapport entre le mode de production et le régime politique est un rapport dialectique complexe. Il y a et il y a des capitalismes démocratiques et des capitalismes dictatoriaux, et la même chose est vraie pour le socialisme.

      [Un exemple ? Il suffit de vous lire .Vous êtes sans doute quelqu’un de très bien. Mais on se surprend à vous voir nous expliquer que si le programme de Mitterrand avait foiré, ce n’est pas parce qu’il était faux !!??!!, Mais mal appliqué.]

      Je ne sais pas si je suis quelqu’un de très bien ou pas, mais je sais une chose : vous me lisez très mal. J’ai écrit sur ce blog vingt fois que le programme de Mitterrand ne pouvait que foirer parce qu’il était mal construit. En particulier, j’ai ici même fait dix fois l’analyse de l’erreur qui consistait à croire qu’on pouvait faire en économie ouverte une relance par la consommation – utopie à laquelle une partie de la « gauche radicale » adhère toujours aujourd’hui, et que j’ai toujours combattue.

      [Pincez vous : ma concierge à qui je demande souvent son avis, généralement meilleur que celui de beaucoup de professeurs de Sociologie, me dit ” les communistes ils se sont trompés ! ” . Est-elle bête !]

      Vous devriez lui demander « en quoi se sont-ils trompés ? ». Vous découvrirez peut-être que Mme Michu n’est pas très différente de beaucoup de professeurs de Sociologie : l’un comme l’autre martèlent les préjugés de son milieu.

      [Mme Michu pense en son for intérieur que quand on se trompe comme Mitterrand, eh bien on se plante. Et que quand on se plante c’est qu’on s’est trompé. Est-elle stupide !]

      Très stupide. Si l’on suit cette logique, on aboutit à la conclusion que tout le monde s’est trompé, puisque tout le monde s’est « planté ». Churchill ? Il a été battu en 1945. De Gaulle ? Il a perdu en 1969. Trouvez moi un seul homme politique, un seul régime qui ne se soit « pas planté » ? S’il faut reprocher aux idées socialistes le plantage de Mitterrand, alors il faudrait reprocher aux idées libérales la guerre de 1914-18, la crise de 1929…

      En fait, il est très difficile à priori de savoir si un dirigeant « s’est planté » parce qu’il avait tort, ou bien parce que les circonstances n’étaient pas en sa faveur. Peut-on dire que Mossadegh s’est « trompé » parce que les américains l’ont renversé ?

      [Dans ce simple exemple il y a tout le drame du militantisme en France. Les partis y seraient bien utiles , je vous le concède. Mais en France nous avons une expérience : celle du vol de la conscience de millions de personnes, par des milliers d’intellectuels déformés : car ils en sont encore à refuser de s’interroger sur leurs erreurs !]

      Je crois qu’ici vous confondez tout. Les « intellectuels » dont vous parlez, dans leur très grande majorité, n’étaient pas dans un parti politique, et je dirais même, ont prêché contre les partis. Imaginez-vous Sartre, Beauvoir, Camus, Aron se soumettre longtemps à une discipline de parti ? Bien sur que non. Avec votre commentaire, vous apportez finalement de l’eau à mon moulin : la logique « libérale-libertaire » a construit – ou plutôt renforcé – l’image de l’intellectuel pensant seul contre toutes les institutions.

      [Alors Mme Michu – qui , elle , s’en est rendue compte , elle dit encore Non merci . Moralité : là où le communisme est passé l’herbe du militantisme mettra plusieurs générations à repousser]

      Mais pourquoi Mme Michu, qui est semble-t-il plus sage, n’en tire pas la conclusion qu’il faut aller militer chez les gaullistes, chez les lépénistes, chez les centristes ? En quoi les échecs du communisme l’empêchent de militer au MoDem ? Je pense que votre anticommunisme vous pousse à chercher le mal là où il n’est pas : si c’était l’échec du communisme qui dégoûtait les gens du militantisme, alors ce sera dans les organisations qui se sont réclamées du communisme que l’effet serait le plus fort. Or, le PCF est – avec l’extrême gauche – le parti qui a le moins souffert du déclin du militantisme pur, celui dont les élus et les aspirants à l’être sont le moins nombreux par rapport aux militants.

      [PS : pour mémoire, les partis occidentaux sont des dérivés des courants religieux et notamment protestants]

      C’est faux. Dans certains pays occidentaux, mais pas tous, il existe un – quelquefois deux – partis « chrétiens », qui s’inscrivent au départ dans la stratégie des églises – et particulièrement de l’église catholique – de conserver son pouvoir malgré la sécularisation des sociétés. Mais dire que « les partis occidentaux » sont dérivés des courants religieux, c’est clairement faux. Aucun des « partis » qui se sont formés pendant la Révolution française n’est d’origine religieuse. En France, il faut attendre 1945 pour voir se former un vrai parti d’inspiration chrétienne, qui n’a d’ailleurs pas survécu à la chute de la IVème République.

    • François dit :

      @ Descartes

      Autant je peux avoir de la sympathie pour une personnalité comme Georges Marchais, le plus profond respect pour une personnalité comme Marcel Paul, il n’en reste pas moins que j’ai la plus grande méfiance pour une personnalité comme Maurice Thorez, qui a entre autre déserté durant la drôle de guerre et été la courroie de transmission des ordres de Moscou en France.
      Dans l’hypothèse où les États-Unis auraient été complètement indifférents au sort de l’Europe durant la seconde guerre mondiale, qu’est-ce qui vous fait croire que les troupes soviétiques se seraient gentiment arrêtés au Rhin ? Qu’est-ce qui vous fait croire que le PCF aurait eu une attitude différente des PC des pays d’Europe orientale surtout quand on sait que ce premier a été farouchement stalinien sous Thorez ?

    • Descartes dit :

      @ François

      [il n’en reste pas moins que j’ai la plus grande méfiance pour une personnalité comme Maurice Thorez, qui a entre autre déserté durant la drôle de guerre et été la courroie de transmission des ordres de Moscou en France.]

      Je pense que vous êtes doublement injuste. Pour ce qui concerne sa « désertion », je vous ferai la même réponse que sa femme avait fait à un journaliste de télévision : l’avion qui a emmené Thorez à Moscou n’était pas très différent de celui qui a amené De Gaulle à Londres. Lorsque Thorez « déserte », le PCF vient d’être interdit et sa vie est en danger – souvenez-vous du décret Sérol.

      Sur la « courroie de transmission »… je trouve toujours drôle que Jean Monnet, dont on sait qu’il a été un agent américain, ait des rues et des places à son nom dans chaque ville de France, alors qu’on reproche à Thorez d’avoir été l’agent d’une puissance étrangère… En fait, la légende d’un PCF qui aurait été complètement soumis aux ordres de Moscou n’est que cela, une légende. Les rapports entre les partis communistes européens et Moscou ont été beaucoup plus complexes que cela. Il y eut des désaccords, des rébellions, des fâcheries. Les dirigeants français ont souvent tenu tête à Staline lui-même, faisant des choix que celui-ci désapprouvait, ce qui leur a valu une solide réputation d’emmerdeurs et des engueulades carabinées.

      [Dans l’hypothèse où les États-Unis auraient été complètement indifférents au sort de l’Europe durant la seconde guerre mondiale, qu’est-ce qui vous fait croire que les troupes soviétiques se seraient gentiment arrêtés au Rhin ?]

      Rien, au contraire. J’ose espérer qu’elles auraient eu la politesse de libérer la France de la botte nazi et peut-être même d’aller faire tomber Franco en Espagne. Mais peut-être auriez vous préféré, dans cette hypothèse improbable, que les soviétiques s’arrêtent au Rhin en laissant un état nazi croupion continuer en France ?

      [Qu’est-ce qui vous fait croire que le PCF aurait eu une attitude différente des PC des pays d’Europe orientale surtout quand on sait que ce premier a été farouchement stalinien sous Thorez ?]

      D’abord, le fait que les soviétiques se seraient comportés très différemment vis-à-vis de la France que vis-à-vis de l’Europe orientale, ne serait-ce que pour des raisons géopolitiques. La géographie russe est celle d’un pays ouvert aux invasions venues de l’ouest. La Russie a donc toujours été obsédée par le besoin de s’entourer d’un « glacis » de pays-tampons pour se donner une profondeur stratégique suffisante. C’est pourquoi après 1945 l’URSS a finalement laissé aux pays du Pacte de Varsovie une très large autonomie dans les affaires intérieures, en échange d’une totale soumission en matière de politique extérieure, de défense et de sécurité. Les Hongrois et les Tchèques ont ainsi pu pratiquer des politiques économiques « libérales » fort peu orthodoxes du point de vue soviétique sans que cela gêne personne. La France est trop éloignée des frontières russes pour que cette logique de « glacis » soit fonctionnelle.

      Par ailleurs, les partis communistes d’Europe de l’Est avaient eux aussi leur histoire. Sans exception, ils avaient été persécutés par leurs propres gouvernements, et leurs militants emprisonnés, torturés, assassinés par leurs propres compatriotes bien avant que les nazis ne viennent le faire à leur tour. On peut comprendre dans ces conditions qu’en 1945 ils n’aient pas été pour les autres formations politiques plus tendres que les autres n’avaient été à leur égard, et que le sens du mot « pluralisme » n’ait pas été le même pour eux qu’il aurait pu être pour les partis communistes français ou italien, par exemple. Encore une fois, les formes politiques tiennent beaucoup à l’histoire de chaque pays. Dans un pays ou la tradition politique est de trucider ses adversaires dès qu’on a l’opportunité, on peut difficilement reprocher aux communistes d’agir de la sorte.

    • François dit :

      @ Descartes

      Je tiens à vous rassurer, je n’ai pas plus de sympathie pour Jean Monnet et sa place n’est clairement pas au Panthéon. J’estime que n’importe quelle organisation politique ne devrait avoir d’ordres à prendre à l’étranger. Je crois également qu’il eut été préférable d’avoir eu un régime socialiste à la tête de la France que de rester avec le gouvernement de Vichy, si les États-Unis n’avaient pas trouvé d’intérêt à débarquer en Europe.

      Il n’en reste pas moins que le PCF a été profondément stalinien allant jusqu’à soutenir la répression lors du soulèvement de Budapest. L’excuse selon laquelle les communistes français ne savaient ce qui se passait en URSS n’est pas valable quand on sait que G. Orwell avait publié “1984” en 1948. Si l’on considère (à juste titre) insane le soutient d’Alain Badiou au régime des Khmers rouges alors le soutient du PCF au stalinisme l’est tout autant. Idéologiquement, je ne vois pas pourquoi le PCF se serait comporté autrement, surtout quand on connaît le comportement du PC Tchécoslovaque alors que ce pays dans l’entre deux guerre avait un régime multipartite et les élections après la guerre étaient libres.

      Concernant Maurice Thorez, à ma connaissance, il n’a pas lancé l’équivalent de l’appel du 18 juin et le PCF a cherché à faire croire qu’il a quitté la France en 1943. Si le général de Gaulle l’a amnistié, c’était pour ménager le PCF à la libération, pas parce-que sa condamnation était considérée comme injuste. De plus, le décret Sérol a été appliqué en avril 1940, hors Thorez avait déserté dès octobre 1939.

      Je tiens à le préciser, je ne pense pas que le PCF représente le mal absolu. En son sein, il y a eu des personnes sincères, qui ont joué un grand rôle pour la France et qui méritent que leur nom soit donné à des rues, y compris dans des villes de droite. Si le second tour de l’élection présidentielle venait à opposer Alain Juppé à Georges Marchais, alors je voterai pour Georges Marchais. L’abandon des Harkis par le général de Gaulle constitue la face sombre du Gaullisme, la période Thorézienne, la face sombre du PCF.

    • Descartes dit :

      @ François

      [Je tiens à vous rassurer, je n’ai pas plus de sympathie pour Jean Monnet et sa place n’est clairement pas au Panthéon.]

      Vous me voyez tout à fait rassuré…

      [J’estime que n’importe quelle organisation politique ne devrait avoir d’ordres à prendre à l’étranger.]

      Moi non plus. Mais doit-il écouter des suggestions, des propositions, des invitations ? Parce qu’il est souvent difficile de savoir où finit la suggestion et commence l’ordre… Sur le papier, le PCF cesse de recevoir des directives de qui que ce soit avec la dissolution de l’Internationale communiste en 1943. En pratique, les rapports entre le PCF et l’Internationale ont été assez orageux, précisément parce que le PCF n’était pas trop zélé dans son obéissance aux ordres…

      [Il n’en reste pas moins que le PCF a été profondément stalinien]

      J’aimerais bien que vous précisiez votre propos. C’est quoi pour vous « être stalinien » ? En quoi cela consiste précisément ? Quelles sont les caractéristiques, le comportement d’un parti « profondément stalinien » ?

      [allant jusqu’à soutenir la répression lors du soulèvement de Budapest.]

      Je ne vois pas ce qu’il y a de « staliniste » là dedans. Le « soulèvement de Budapest » avait pendu les communistes aux réverbères. Pourquoi les communistes auraient du soutenir un mouvement qui traitait leurs camarades de la sorte ? Si on accuse les communistes de « stalinisme » au prétexte qu’ils ont soutenu la répression en 1956, il faudrait tenir pour « maccarthystes » ceux qui s’y sont opposés…

      [L’excuse selon laquelle les communistes français ne savaient ce qui se passait en URSS n’est pas valable quand on sait que G. Orwell avait publié “1984” en 1948.]

      « 1984 » est une œuvre de fiction. Elle est une métaphore du totalitarisme, et ne prétend pas rendre compte de ce qui se « passait » dans un pays en particulier. J’avoue que je suis assez peu porté sur les échanges qui consistent à se jeter les morts à la figure. Il y eut ceux qui ont admiré l’URSS malgré la répression stalinienne, et ceux qui ont admiré les Etats-Unis malgré la déportation en camps des résidents d’origine japonaise, les horreurs de la guerre de Corée ou de celle du Vietnam, sans compter la mise en place et le soutien aux dictatures sanguinaires dans divers points de la planète. Je trouve plus intéressant de chercher à comprendre pourquoi que de faire une necro-comptabilité pour chercher à désigner un vainqueur…

      [Si l’on considère (à juste titre) insane le soutient d’Alain Badiou au régime des Khmers rouges alors le soutient du PCF au stalinisme l’est tout autant.]

      Je pense que votre comparaison est erronée. Lorsque le PCF soutient l’URSS stalinienne, il soutient un projet, et non une pratique. Plus tard, lorsqu’il a réalisé que la pratique ne correspondait pas au projet, il l’a dénoncée. Lorsqu’Alain Badiou écrit son célèbre article « Kampuchéa Vaincra », il ne soutient pas le projet mais la pratique.

      [Concernant Maurice Thorez, à ma connaissance, il n’a pas lancé l’équivalent de l’appel du 18 juin]

      Révisez vos connaissances : Maurice Thorez et Jacques Duclos signent un appel à la résistance le 10 juillet 1940, largement diffusé. Bien sur, ni l’un ni l’autre avaient accès à la radio…

      [et le PCF a cherché à faire croire qu’il a quitté la France en 1943.]

      J’ai manqué cet épisode. Vous auriez une référence ?

      [Si le général de Gaulle l’a amnistié, c’était pour ménager le PCF à la libération, pas parce-que sa condamnation était considérée comme injuste.]

      Si on veut faire du juridisme, il faudrait noter que De Gaulle a vu, lui aussi, sa condamnation à mort amnistiée. Elle était aussi « injuste » que celle de Thorez…

      [De plus, le décret Sérol a été appliqué en avril 1940, hors Thorez avait déserté dès octobre 1939.]

      Je ne vois pas le sens de cette remarque. Vous reprochez à Thorez de ne pas avoir attendu d’être condamné à mort pour se mettre hors d’atteinte ?

      [Je tiens à le préciser, je ne pense pas que le PCF représente le mal absolu. En son sein, il y a eu des personnes sincères, qui ont joué un grand rôle pour la France et qui méritent que leur nom soit donné à des rues, y compris dans des villes de droite. Si le second tour de l’élection présidentielle venait à opposer Alain Juppé à Georges Marchais, alors je voterai pour Georges Marchais. L’abandon des Harkis par le général de Gaulle constitue la face sombre du Gaullisme, la période Thorézienne, la face sombre du PCF.]

      Nous sommes d’accord. C’était précisément là mon point. La politique est une tragédie, et cela était particulièrement vrai dans les années du « court XXème siècle ». Lorsque je regarde les positions prises par les dirigeants du PCF, il me vient en tête la formule célèbre : « Antigone a raison, mais Créon n’a pas tort ». Thorez, Duclos ou Marchais n’étaient pas des saints, et ils ont certainement fait beaucoup d’erreurs. Mais leur histoire doit être regardée dans le contexte du monde tel qu’il leur a été donné de vivre, avec à chaque fois la nécessité de choisir entre des maux plus ou moins grands. Si Thorez ne s’était pas enfui en 1939, il aurait subi le sort d’un Mandel ou d’un Zay. C’eut été peut-être plus glorieux, mais nettement moins utile. Ce que je soutiens, par contre, c’est qu’au-delà des choix qu’ils ont fait leurs intentions ont toujours été valables et le sont toujours. Que le projet qu’ils ont cherché à réaliser n’est pas celui des bolchéviques russes, mais est profondément enracine dans notre histoire.

    • François dit :

      @ Descartes

      Quand je dis que le PCF a été Stalinien, c’est qu’il a voué un culte de la personnalité à Staline, la une de l’Humanité à sa mort en est un exemple, ou bien son soutient à Moscou lors de la répression de l’insurrection de Budapest. Même si les insurgés Hongrois se sont livrés à des exactions, rien n’obligeait le PCF à prendre parti pour la répression faite par des troupes étrangères.

      Plus généralement je considère la souveraineté comme le bien le plus précieux d’une nation et de son peuple, et je condamne toutes les ingérences d’une puissance extérieure, que ce soit en envoyant des chars ou en aidant des généraux à fomenter un coup d’état.

      Concernant l’attitude de Maurice Thorez durant la seconde guerre mondiale, je retire ce que j’ai dit, je reconnais ne pas avoir suffisamment de connaissances à ce sujet.

    • Descartes dit :

      @ François

      [Quand je dis que le PCF a été Stalinien, c’est qu’il a voué un culte de la personnalité à Staline,]

      Ah… ben si ce n’est que ça…

      [ou bien son soutient à Moscou lors de la répression de l’insurrection de Budapest. Même si les insurgés Hongrois se sont livrés à des exactions, rien n’obligeait le PCF à prendre parti pour la répression faite par des troupes étrangères.]

      En d’autres termes, vous pensez que le PCF aurait du prendre parti pour ceux qui pendaient leurs amis aux réverbères ? Vous avez une drôle d’idée de la solidarité internationale… Il faut arrêter de faire comme si l’insurrection de Budapest en 1956 était un mouvement qui opposait les démocrates aimant les libertés d’un côté, les affreux partisans de la dictature de l’autre. L’insurrection de Budapest était une insurrection de la droite hongroise appuyée par les services occidentaux contre le gouvernement de la gauche hongroise appuyée par les services soviétiques. Si l’insurrection avait gagné, il y aurait eu un bain de sang, et les gouvernements occidentaux auraient applaudi, comme ils ont applaudi Suharto. L’insurrection a perdu, et du coup le bain de sang – assez modéré – était du mauvais côté, et du coup tout le monde bienpensant a condamné.

      [Plus généralement je considère la souveraineté comme le bien le plus précieux d’une nation et de son peuple, et je condamne toutes les ingérences d’une puissance extérieure, que ce soit en envoyant des chars ou en aidant des généraux à fomenter un coup d’état.]

      Dans ce cas, je me vois obligé de vous rassurer : l’influence de Moscou sur les décisions du PCF n’est rien comparée avec l’influence de Washington sur l’ensemble des partis qui se sont succédés au gouvernement sous la IVème République et après 1981.

      [Concernant l’attitude de Maurice Thorez durant la seconde guerre mondiale, je retire ce que j’ai dit, je reconnais ne pas avoir suffisamment de connaissances à ce sujet.]

      Cette attitude vous honore.

    • François dit :

      @ Descartes

      Ce qui me gêne dans cette discussion, l’impression que vous me donnez, c’est que si je ne soutiens pas l’action des soviétiques, alors je soutiens forcément l’action de leurs opposants, y compris quand ils utilisent les moyens les plus critiquables contre ceux-ci. Je reconnais avoir mal engagé la conversation, j’aimerais sortir du binarisme de celle-ci.

      Je sais pertinemment que la guerre froide n’était pas la guerre du Bien contre le Mal, les États-Unis n’ayant jamais hésité à renverser à plus d’une reprise un gouvernement même démocratiquement élu, s’il venait à contrarier leurs intérêts, sans oublier les millions de morts que leurs opérations militaires ont causé. La doctrine Brejnev avait au moins le mérite de la sincérité à la différence de l’attitude hypocrite de États-Unis.

      Je le dis clairement : je n’apprécie pas les partis qui entretiennent des relations profondes avec des organisations étrangères, que ce cela ait été le PCF ou bien le MRP. De plus, les gaullistes n’avaient pas besoin d’être intégrés dans une organisation internationale pour produire une idéologie de qualité.
      Plus généralement, les relations entre nations ne devraient pas reposer sur des bases idéologiques, le principe de non ingérence être la règle. Les États-Unis ont beau partager un grand nombre de “valeurs” avec la France il n’en reste pas moins qu’en tant que Français, je considère ceux-ci comme un pays ennemi et, je préfère largement la Russie aux États-Unis, y compris la Russie socialiste.

    • Descartes dit :

      @ François

      [Ce qui me gêne dans cette discussion, l’impression que vous me donnez, c’est que si je ne soutiens pas l’action des soviétiques, alors je soutiens forcément l’action de leurs opposants, y compris quand ils utilisent les moyens les plus critiquables contre ceux-ci. Je reconnais avoir mal engagé la conversation, j’aimerais sortir du binarisme de celle-ci.]

      C’est le problème avec toutes les situations de polarisation – et la guerre froide était de ce point de vue un exemple de polarisation difficile à égaler. Dans le contexte de l’époque, il était absolument impossible de s’abstraire du conflit et distribuer les bons et les mauvais points d’un point de vue de stricte neutralité. Quelque soit le camp choisi, on condamnait vigoureusement les horreurs commises par l’autre camp et on détournait pudiquement les yeux des horreurs commises par le sien en se répétant que c’était pour la bonne cause.

      Qu’aurait-il fallu faire en 1956 ? Renvoyer dos à dos les insurgés anticommunistes et la répression des troupes du Pacte de Varsovie ? Connaissez-vous un seul intellectuel qui ait prise cette position ? Non, il n’y en a pas. Alors pourquoi reprocher aux uns d’avoir pris position dans un sens, et oublier ceux qui ont pris position dans l’autre ?

      [Je le dis clairement : je n’apprécie pas les partis qui entretiennent des relations profondes avec des organisations étrangères, que ce cela ait été le PCF ou bien le MRP. De plus, les gaullistes n’avaient pas besoin d’être intégrés dans une organisation internationale pour produire une idéologie de qualité.]

      A voir… vous oubliez un peu vite que mongénéral a passé la guerre à Londres, protégé, aidé et financé par le gouvernement britannique. Je pense que le monde est trop compliqué pour qu’on puisse ériger des règles générales et absolues, sauf peut être celle qui veut que « le salut du peuple est la loi suprême ». Le PCF a été entre sa création en 1920 et les années 1960 un parti persécuté, dont les militants étaient fichés, les biens saisis, les structures infiltrées par la police, les sympathisants harcelés sur le lieu de travail. Pour survivre, il avait besoin de soutien et de protection. Et il l’a prise la où il l’a trouvée, c’est-à-dire, auprès d’une organisation internationale et d’un Etat dont il partageait l’idéologie, sinon les méthodes. Et si pour cela il a fallu avaler quelques couleuvres, et bien, il faut ce qu’il faut. De Gaulle n’a pas agi différemment sur la période 1940-44. Quelle était l’alternative ? Se draper du principe « jamais accepter une ingérence étrangère » et couler avec le navire ?

      [Plus généralement, les relations entre nations ne devraient pas reposer sur des bases idéologiques, le principe de non ingérence être la règle.]

      En théorie, je ne peux qu’être d’accord. Mais dans un monde ou l’ingérence est une pratique courante, les choses ne sont pas aussi simples.

  16. P67 dit :

    Si vous avez besoin d’encouragements : en voici un !
    Je ne sais plus comment j’ai trouvé ce site mais il est vraiment excellent et soit vos billets me font réfléchir sur des sujets que je mettais de côté ou dont j’ignorais tout, soit ils abordent (beaucoup mieux que je n’aurais pu le faire) mes préoccupations sur des sujets tels ces “primaires” ou l’inculture historique totale de nos “dirigeants” politiques actuels. Si jamais vous passez par Strasbourg, la “capitale” de l'”Europe” et de la région Machintruc, je serai ravi de vous rencontrer. Chaleureusement,

    • Descartes dit :

      @ P67

      [Si vous avez besoin d’encouragements : en voici un !]

      Votre message me va droit au cœur… en attendant de pouvoir discuter directement – je vais rarement à Strasbourg – n’hésitez pas à vous exprimer ici !

  17. xc dit :

    Evoquant sa disparition, le Général De Gaulle a déclaré lors d’une conférence de presse: “Ce qui est à redouter, après l’événement dont je parle, ce n’est pas le vide politique, mais plutôt le trop-plein.”.
    Nous devons abandonner l’espoir d’une candidature envoyée par la Providence, et faire avec ce que nous avons.
    Pour cela, je verrai bien la fonction présidentielle mise au niveau général des candidats, non pas par une VIème république qui pourrait bien n’être qu’une copie de la IVème, mais par “retour aux fondamentaux” de la Vème, notamment avec une application effective de l’article 20 de la constitution (“Le gouvernement détermine et conduit la politique de la Nation”). Je verrai bien aussi, pour dissuader autant que faire se peut le Président de s’immiscer dans la fonction de Premier Ministre, le retour au septennat et à l’élection par un collège de grands électeurs, comme prévue en 1958. Sur ce dernier point, je ne suis pas sûr d’avoir beaucoup de succès… J’en resterai là, ne voulant pas m’embarquer dans une révision constitutionnelle-fiction.

    • Descartes dit :

      @ xc

      [Nous devons abandonner l’espoir d’une candidature envoyée par la Providence, et faire avec ce que nous avons.]

      Je me méfie toujours des appels à se contenter de ce qu’on a. On arrive quelquefois à dépasser les limites que les autres nos mettent, on ne dépasse jamais les limites qu’on se met soi-même. De toutes façons, ce sont les circonstances qui font les grands hommes : sans l’invasion allemande, De Gaulle serait resté un obscur colonel aux idées exotiques.

      [Pour cela, je verrai bien la fonction présidentielle mise au niveau général des candidats, non pas par une VIème république qui pourrait bien n’être qu’une copie de la IVème, mais par “retour aux fondamentaux” de la Vème, notamment avec une application effective de l’article 20 de la constitution (“Le gouvernement détermine et conduit la politique de la Nation”).]

      Vous ne faites que déplacer le problème. Maintenant, au lieu de devoir trouver un grand président, vous vous imposez de trouver un grand Premier ministre… pensez-vous que ce soit plus facile ?

      Par ailleurs, ce que vous proposez n’est pas un retour aux « fondamentaux de la Vème République » : même si De Gaulle a accepté en 1958 l’idée d’une élection par collège électoral pour ne pas trop exciter la méfiance des modérés qui le soutenaient du bout des doigts, il était clair que pour lui ce n’était pas une bonne solution. Et dès qu’il a réussi à stabiliser la situation et réglé la question algérienne, il a modifié le mode d’élection.

      [Je verrai bien aussi, pour dissuader autant que faire se peut le Président de s’immiscer dans la fonction de Premier Ministre, le retour au septennat et à l’élection par un collège de grands électeurs, comme prévue en 1958. Sur ce dernier point, je ne suis pas sûr d’avoir beaucoup de succès…]

      Je ne le crois pas, en effet. De Gaulle a pu gouverner malgré ce mode d’élection baroque parce qu’il était De Gaulle, et que sa légitimité ne procédait que très partiellement de son mode d’élection. Mais avec une élection par collège – avec les magouilles et les accords de maquignonnage qui l’accompagneraient – le président n’aurait rapidement qu’un rôle symbolique. Quelle serait d’ailleurs sa légitimité, pour dissoudre l’assemblée nationale si celle-ci renverse le gouvernement ? Vous voyez bien qu’on revient vite à la logique de la IVème…

  18. Roman dit :

    Bonsoir Descartes,

    Que pensez-vous de l’affaire Buisson ? Son analyse de Sarkozy “incapable d’incarner la fonction”, “sans conviction, juste à la recherche du logiciel qui lui permettra de se faire élire”me paraît aussi cruelle que véridique.
    Et plus globalement que pensez-vous du personnage Buisson et de ses idées ? Il se situe nettement plus dans la ligne de Nationaliste-Ethniciste que la vôtre, mais le trouvez-vous intéressant ?

    • Descartes dit :

      @ Romain

      [Que pensez-vous de l’affaire Buisson ? Son analyse de Sarkozy “incapable d’incarner la fonction”, “sans conviction, juste à la recherche du logiciel qui lui permettra de se faire élire” me paraît aussi cruelle que véridique.]

      Par principe, je traite avec la plus grande méfiance les plaintes proférées par les gens qui viennent de divorcer à l’encontre de leur ancien conjoint. Ces discours ne sont jamais équilibrés, et rarement honnêtes. D’ailleurs, il faut être logique : ou bien Buisson s’est complètement trompé sur Sarkozy en 2007, et cela ne nous rassure pas sur ses qualités d’analyste ; ou bien Buisson a bien cerné Sarkozy en 2007, et alors on peut douter de son honnêteté. Dans les deux cas, cela n’invite pas à l’écouter aujourd’hui. Je trouve par ailleurs cocasse que Buisson, l’homme des sondages et de la communication, celui qui a poussé Sarkozy à adapter sa campagne à ce qu’il pensait être le désir des électeurs, lui reproche aujourd’hui d’être « à la recherche du logiciel qui lui permettra de se faire élire »….

      Buisson veut régler des comptes. En détruisant Sarkozy, il veut prouver qu’il existe, pour reprendre la formule de Nietzche. Et accessoirement, faire peur à d’autres en montrant son pouvoir de nuisance. Pour moi, c’est un épiphénomène sans intérêt. Demain, on peut s’attendre à l’ancienne femme de chambre de Sarkozy expliquant qu’il battait sa femme et sodomisait son chien – ou l’inverse. Ce n’est pas l’idée que je me fais de la politique.

      [Et plus globalement que pensez-vous du personnage Buisson et de ses idées ? Il se situe nettement plus dans la ligne de Nationaliste-Ethniciste que la vôtre, mais le trouvez-vous intéressant ?]

      C’est certainement une personnalité intéressante. Ses idées, par contre, ne présentent aucun intérêt. C’est le vieux discours des nostalgiques de la « révolution nationale » de Vichy, qui n’ont rien oublié et rien appris. Je vous trouve très injuste de le comparer à Nationaliste-Ethniciste.

    • bip dit :

      @ Descartes

      [ou bien Buisson a bien cerné Sarkozy en 2007, et alors on peut douter de son honnêteté.]

      Sauf s’il a cerné que Sarkozy était manipulable et qu’il en a profité pour faire avancer ses idées. Et qu’après avoir constaté que ses idées s’étaient répandues massivement, il lâche Sarkozy puisque Sarkozy a rempli son rôle. Si de plus, comme le peuple, il le juge incapable de les appliquer, c’est logique. Surtout s’il pense que “sa” marionnette Sarkozy ne sert plus à rien dans le but de diffuser ses idées.
      Et donc il profite du moment pour développer et diffuser encore ses thèses dans un livre (si j’en crois notre presse c’est l’essentiel de son bouquin).

      [celui qui a poussé Sarkozy à adapter sa campagne à ce qu’il pensait être le désir des électeurs]

      Mais comme les idées qu’il disait être celles des électeurs coïncidaient avec les siennes, il a simplement fait avancer ses idées.

      [lui reproche aujourd’hui d’être « à la recherche du logiciel qui lui permettra de se faire élire »]

      Il juge peut-être que Sarkozy ne peut plus que jeter du discrédit sur son discours, s’il reprend le sien. Donc il essaye de l’affaiblir.

      Je pense que c’est très bien joué politiquement de sa part.

    • Descartes dit :

      @ bip

      [Sauf s’il a cerné que Sarkozy était manipulable et qu’il en a profité pour faire avancer ses idées.]

      Alors qu’il le dise : s’il écrivait « j’ai soutenu Sarkozy parce que je pouvais le manipuler, et maintenant qu’il ne m’est plus utile je crache dessus », il aurait au moins le mérite de l’honnêteté. Mais ce n’est pas ça qu’il raconte dans son livre…

      [Je pense que c’est très bien joué politiquement de sa part.]

      Ca dépend quels sont ses objectifs. Affaiblir Sarkozy sert aujourd’hui les intérêts de deux candidats : Marine Le Pen, qui voit disparaître un concurrent sur les thématiques identitaires, et Juppé qui voit disparaître un concurrent tout court. Est-ce que sur le long terme cela sert les idées catho-conservatrices de Buisson ? Je ne le pense pas.

    • bip dit :

      @ Descartes

      [Affaiblir Sarkozy sert aujourd’hui les intérêts de deux candidats : Marine Le Pen, qui voit disparaître un concurrent sur les thématiques identitaires, et Juppé qui voit disparaître un concurrent tout court. Est-ce que sur le long terme cela sert les idées catho-conservatrices de Buisson ? Je ne le pense pas.]
      S’il juge que le FN n’a aucune chance de l’emporter, il se fout de favoriser ou non Marine Le Pen… (ce qui a l’air d’être son avis d’après ce que je sais = ce qu’il a dit chez Pujadas)

      Par contre, favoriser Juppé est clairement le meilleur moyen de voir advenir une recomposition au niveau des partis politiques. (Au moins selon moi 😉 )
      Juppé couperait l’UMP et le PS en 2 pour créer un bloc libéral-européiste-multiculturaliste.
      Ce qui resterait du PS se rattacherait à un bloc libertaire avec EELV & co).
      Ensuite, tout dépend du score du FN. Si c’est du 60-40 ou plus large encore entre Juppé et MLP, le FN explose. Si c’est 51-49, peut-être pas.
      S’il explose alors la ligne Philippot constituerait la base d’un mouvement gaullo-chevènementiste (avec Guaino/Dupont-Aignan/MRC/Mélenchon ?) et le “FN du sud” rejoindrait la moitié de l’UMP sur la ligne catho-conservatrice de Buisson.

      Et alors tout serait ouvert en 2022.

      Si Sarkozy l’emportait, sans doute maintiendrait-il UMP unie 5 ans de plus.

    • Descartes dit :

      @ bip

      [Par contre, favoriser Juppé est clairement le meilleur moyen de voir advenir une recomposition au niveau des partis politiques. (Au moins selon moi 😉 ) Juppé couperait l’UMP et le PS en 2 pour créer un bloc libéral-européiste-multiculturaliste. Ce qui resterait du PS se rattacherait à un bloc libertaire avec EELV & co). Ensuite, tout dépend du score du FN. Si c’est du 60-40 ou plus large encore entre Juppé et MLP, le FN explose. Si c’est 51-49, peut-être pas.]

      A rien ne sert de faire des plans sur la comète. La politique, ce n’est pas un jeu vidéo. Les partis ne sont pas des pièces qu’on bouge sur un échiquier. Et du coup, on ne peut pas avoir une vision purement tactique, comme si tous les mariages étaient possibles. Le système politique a une histoire, les partis un fondement sociologique qui fait que tous les accords ne sont pas possibles, et qui leur donne une stabilité qui empêche les « explosions » que vous imaginez.

  19. BJ dit :

    @ Descartes, pour son commentaire du 29/09/2016 à 16:02

    Chapeau bas pour le calme que vous avez su garder lors de votre réponse à F_N et son commentaire du 26/09/2016 à 17:26, ramassis de poncifs et de mépris (couplets sur la célèbre Madame Michu, concierge de son état).
    Je n’ai toujours pas bien compris ce que vous cherchez à tenir ce blog, mais franchement, votre ténacité et votre constance m’épatent, voire m’émeuvent.
    Égoïstement, je nous (les lecteurs de ce blog) souhaite que vous vous continuiez encore longtemps…

    • Descartes dit :

      @ BJ

      [Je n’ai toujours pas bien compris ce que vous cherchez à tenir ce blog, mais franchement, votre ténacité et votre constance m’épatent, voire m’émeuvent.]

      Ce que je cherche ? Une stimulation intellectuelle. J’ai toujours été convaincu qu’on ne peut pas penser tout seul. La réflexion nécessite le jeu de ping-pong avec un interlocuteur qui soit différent de vous, tant le regard de l’autre est important pour nous obliger à garder la rigueur du raisonnement et pour nous dissuader de prendre nos désirs pour des réalités. Il n’y a qu’à voir ce qui arrive avec le discours des gens qui n’échangent qu’avec leur miroir – c’est-à-dire, avec des gens qui leur ressemblent…

      Ce blog est né d’un problème personnel : le climat de sectarisme actuel et les aléas de carrière m’ont privé de l’opportunité de discuter ouvertement avec des gens différents de moi. Or, j’ai besoin des idées de l’autre. Vous vous moquez du discours de Frédéric_N, mais ce discours m’est utile : il m’oblige à me poser des questions sur une histoire que j’ai vécue et qui, comme toute histoire, à sa part d’ombre. Mon objectif, c’était de créer un espace d’échange ou je pourrais échanger avec des gens d’opinions très différentes – et même diamétralement opposées aux miennes – dans un climat de respect mutuel. Et toute modestie a part, je ne suis pas fâché du résultat !

  20. odp dit :

    Bonjour Descartes,

    Vous qui préféreriez une présidence Sarkozy à une présidence Juppé, comptez-vous voter aux primaires de la droite? Pensez-vous, comme certains, que ce serait une “forfaiture” de la part de gens qui ne se sentent pas forcément d’affinités avec LR d’y participer?

    • Descartes dit :

      @ odp

      [Vous qui préféreriez une présidence Sarkozy à une présidence Juppé, comptez-vous voter aux primaires de la droite?]

      C’est une très bonne question… le léniniste qui est en moi répondrai « oui », puisque après tout celui qui veut la fin veut les moyens. Le descendant de juifs persécutés qui sommeille dans un coin de ma psyché me souffle « tu vas signer une liste ? ça ne peut que t’amener des ennuis plus tard… ». Et finalement, j’entends l’esprit de Robespierre qui m’en voudrait certainement beaucoup de renier mes convictions en adhérant « aux valeurs de la droite (beurk !) et du centre (BEURK ! BEURK !) »…

      Si j’ai l’impression que mon vote pourrait compter – en d’autres termes, si le scrutin est très serré – et que Sarkozy ne dit pas trop de conneries d’ici-là, j’irai peut-être voter. Je l’aurai certainement fait si Guaino avait été habilité à participer.

    • odp dit :

      @ Descartes

      Merci de votre réponse.

  21. Marcailloux dit :

    @ Descartes,
    Bonjour,
    Sarkozy ! Je pensais, depuis pas mal de temps, que votre préférence affichée en sa faveur était inspirée par un désir de provocation. Je crains que ce ne soit pas le cas et m’en désole.
    Car enfin, qu’est ce que cet homme a produit de vraiment constructif lors de son quinquennat ?
    Il me paraît une insulte permanente et universelle à tous ceux qui modestement privilégient les valeurs traditionnelles que sont la sincérité, la rectitude morale, le respect d’autrui, l’humilité, l’honnêteté intellectuelle, etc, etc . . . . . .
    Insulter la terre entière jusqu’à ses plus proches ne lui confère par une once de compétence à diriger le pays. C’est un rustre inculte dont le bilan est au moins aussi désastreux que celui de son successeur :
    – 600 milliards d’accroissement de la dette et aucun effet sur le chômage.
    – Attitude de Zorro en Lybie et le bordel ensuite, Daesch en prime,
    – Ingénuité complète dans l’affaire Bygmalion et prétention à gérer l’Etat français, de qui se moque-t-on ?
    – S’instaure héritier de de Gaulle ( qui payait son électricité à l’Elysée ) et se fait prendre en charge, entre autres, 26 lignes de téléphones par l’Etat,
    – Multiplie les affaires louches, dans lesquelles son innocence est très bien organisée, s’entoure d’une armée de gens sulfureux, copine avec le grand patronat, affirme vouloir faire “du fric”, sous entendu à n’importe quel prix . . . . .
    J’arrête là ma liste, vous êtes mieux à même que moi de la compléter.
    Comme cet homme n’a pas fait preuve d’un génie particulier en qualité de dirigeant de notre pays, je ne peux concevoir qu’un esprit éclairé, doté d’un minimum de moralité, et faisant montre d’une grande rigueur de raisonnement, puisse attendre quoi que ce soit de réellement positif de ce candidat.
    Il fait l’objet d’un tel rejet, y compris dans son propre camp, que d’entrée de jeu il est condamné à ne rien pouvoir réformer. Les autres non plus me direz vous ? Peut-être mais au moins ils ne passent pas pour une crapule aux yeux de la majorité des électeurs, et peuvent, si leur talent et les circonstances le favorisent, conduire à un réel changement dans le sens du progrès collectif.
    Avec Sarkozy, les risques de graves troubles sont probablement plus importants qu’avec Le Pen. Qu’avons nous à y gagner ?
    Seul aspect positif au tableau, Sarkozy candidat de LR, il demeure une toute petite chance pour Hollande, qui s’il n’a pas cassé trois pattes à un canard, ne m’inspire pas un sentiment de honte lorsque je vais à l’étranger face au regard narquois de mes interlocuteurs quand le sujet porte sur la gouvernance de mon pays.
    PS: je viens de passer deux semaines à Paris, en visite touristique, et je viens de mesurer deux choses qui s’imprimeront dans ma conscience.
    La première est que, comme j’en avais déja le sentiment, les ors de la république ont toutes les caractéristiques pour rendre un peu ou beaucoup fous ceux qui gouttent ou côtoient le pouvoir. La plupart de nos élites confondent exercer le pouvoir et jouir du pouvoir, et ce en grande pompes.
    La seconde, hors sujet qui est évoqué ci dessus, est la puissance culturelles et civilisationnelle qui se dégage de cette ville, représentative du pays dont elle est la capitale. Et là je m’adresse particulièrement à national ethniciste, je ne vois pas, dans les pratiques certes agaçantes, voire horripilantes des musulmans entre autres, un risque évident de mutation de notre société. Le jour où il y aura “overdose”, nous avons les moyens de réduire l’expression de ces particularismes qui à faible dose ne sont pas forcément néfaste à l’évolution de notre société. Que vaut la civilisation islamique par rapport à la civilisation occidentale ? Je vis alternativement dans l’une et dans l’autre et je suis convaincu qu’il n’y a pas photo, même si de très bonnes et belles choses existent dans le monde musulman.

    • Descartes dit :

      @ Marcailloux

      [Sarkozy ! Je pensais, depuis pas mal de temps, que votre préférence affichée en sa faveur était inspirée par un désir de provocation. Je crains que ce ne soit pas le cas et m’en désole.]

      Soyons précis. Une préférence n’a de sens que par comparaison avec les alternatives. Si vous aviez à exprimer une préférence parmi les candidats aujourd’hui présents à la primaire de la droite – primaire qui risque largement de désigner le prochain président de la République – lequel choisiriez vous ? Ma « préférence » pour Sarkozy ne vaut que dans ce contexte bien précis. Comme je l’ai indiqué, si Henri Guaino avait pu se présenter, il aurait emporté ma préférence sans la moindre hésitation. Hélas, ce ne sera pas le cas.

      [Car enfin, qu’est ce que cet homme a produit de vraiment constructif lors de son quinquennat ?]

      Un certain nombre ce choses, mais la question n’est pas là. La question est de savoir si lors du prochain quinquennat il pourrait produire plus de « vraiment constructif » que les candidats alternatifs. Pensez-vous que Copé, Fillon, Juppé ou Kosciusko-Morizet ferait mieux que lui ?

      [Comme cet homme n’a pas fait preuve d’un génie particulier en qualité de dirigeant de notre pays, je ne peux concevoir qu’un esprit éclairé, doté d’un minimum de moralité, et faisant montre d’une grande rigueur de raisonnement, puisse attendre quoi que ce soit de réellement positif de ce candidat.]

      Je n’attends pas beaucoup de lui. Mais j’attends encore moins des autres. Et voici pourquoi :

      1) D’abord, il a une dimension personnelle plus « plébéienne » que tous les autres candidats. Tout ce qu’il a – qui n’est pas beaucoup, voir sa déclaration de patrimoine – il l’a conquis lui-même, à la force du poignet. Cela lui donne une combativité, un pragmatisme qui est absent chez les autres. Par ailleurs, ses origines font qu’il est bien plus sensible que n’importe quel autre candidat aux problématiques de l’identité, de la nation, de la souveraineté.

      2) C’est un des rares candidats, pour ne pas dire le seul, qui s’intéresse aux questions industrielles. Moins intellectuellement – car ce n’est pas vraiment un cérébral – que charnellement. Il aime visiter les usines, il aime parler aux travailleurs de l’industrie, il est soucieux de la préservation du potentiel industriel et il a montré que lorsque cela était en jeu, il n’hésitait pas à agir y compris de façon hétérodoxe. Il reste le seul président français qui n’ait pas joué la corde « terroir », qui soit un véritable urbain.

      3) Il est le moins européen de tous les candidats. S’il ne s’affiche pas comme souverainiste, c’est surtout parce qu’il a bien compris qu’un souverainiste n’avait aucune chance d’être élu. Mais il n’est pas non plus du genre à se mettre à genoux devant les traités européens ou les autorités de Bruxelles.

      Cela étant dit, je vous accorde qu’il a plein de défauts. Mais en mai prochain, il faudra choisir parmi les plats du menu, et celui-ci n’a pas l’air de devoir contenir le candidat idéal que je voterais sans hésiter. Dites moi : parmi les candidats à la primaire de la droite et du centre, lequel mettriez-vous à l’Elysée si c’était à vous de faire le choix ? Nous pourrions alors comparer votre choix et le mien.

      [Il fait l’objet d’un tel rejet, y compris dans son propre camp, que d’entrée de jeu il est condamné à ne rien pouvoir réformer. Les autres non plus me direz vous ? Peut-être mais au moins ils ne passent pas pour une crapule aux yeux de la majorité des électeurs, et peuvent, si leur talent et les circonstances le favorisent, conduire à un réel changement dans le sens du progrès collectif.]

      Vous croyez vraiment ça ? Pensez-vous vraiment que si Juppé avait les mains libres pour exercer ses « talents » il conduirait un changement « dans le sens du progrès collectif » ? Avez-vous oublié 1995 ? Avec tous les autres, ce sera au mieux la totale soumission à Bruxelles et la politique du chien crevé au fil de l’eau sur le plan intérieur ; au pire les réformes néolibérales pures et dures, avec la privatisation de tout ce qui reste, les réductions d’impôts pour les riches et les « classes moyennes » et tutti quanti.

      [Seul aspect positif au tableau, Sarkozy candidat de LR, il demeure une toute petite chance pour Hollande,]

      Et vous trouvez ça « positif » ?

      [qui s’il n’a pas cassé trois pattes à un canard, ne m’inspire pas un sentiment de honte lorsque je vais à l’étranger face au regard narquois de mes interlocuteurs quand le sujet porte sur la gouvernance de mon pays.]

      Entre le regard narquois et le regard apitoyé, je sais ce que je préfère…

      [PS: je viens de passer deux semaines à Paris, en visite touristique, et je viens de mesurer deux choses qui s’imprimeront dans ma conscience. La première est que, comme j’en avais déjà le sentiment, les ors de la république ont toutes les caractéristiques pour rendre un peu ou beaucoup fous ceux qui gouttent ou côtoient le pouvoir. La plupart de nos élites confondent exercer le pouvoir et jouir du pouvoir, et ce en grande pompes.]

      Pourriez-vous élaborer ? Je ne vois pas très bien quelle expérience lors d’une visite dans la capitale a pu vous conduire à une telle conclusion.

      [La seconde, hors sujet qui est évoqué ci dessus, est la puissance culturelles et civilisationnelle qui se dégage de cette ville, représentative du pays dont elle est la capitale. Et là je m’adresse particulièrement à national ethniciste, je ne vois pas, dans les pratiques certes agaçantes, voire horripilantes des musulmans entre autres, un risque évident de mutation de notre société.]

      Avez-vous visité les quartiers au nord et nord-est de la capitale ? Avez-vous traversé le périphérique vers le nord ? Vous auriez alors vu ou se trouve le risque. Le problème n’est pas tant une « mutation de notre société » qui ferait se voiler les habitantes du 7ème arrondissement ou interdire l’alcool au Marais. Le problème est la création d’une société communautarisée, ou l’accès aux bénéfices de la « puissance culturelle et civilisationnelle » que vous avez ressentie soit réservée exclusivement à une communauté, pendant qu’une autre reste dans le moyen-âge.

      Lorsque je combats le « séparatisme », ce n’est pas à moi que je pense. Si demain des murs se dressent, j’ai toutes les chances d’être du bon côté de la barrière, c’est-à-dire, dans le groupe qui aura toujours de bonnes écoles pour accueillir ses enfants, de bons hôpitaux pour se soigner, des belles maisons pour vivre, avec en plus en prime le soulagement de ne plus devoir payer pour les autres. Si je combats le « séparatisme », c’est par souci pour ceux qui resteraient de l’autre côté du mur. Et parce que je préfère vivre dans une société ou ces murs n’existent pas, même si je dois payer un peu plus d’impôts.

    • @ Marcailloux,

      “Et là je m’adresse particulièrement à national ethniciste, je ne vois pas, dans les pratiques certes agaçantes, voire horripilantes des musulmans entre autres, un risque évident de mutation de notre société.”
      D’abord, je pense que notre société a déjà muté, qu’on le veuille ou non. Après, je ne dis pas qu’il n’y a pas une forme de paranoïa chez moi à l’égard de nos amis musulmans. Mais est-il indiscret de vous demander dans quel secteur vous travaillez? Pour ma part, en tant qu’enseignant, croyez-moi, la “mutation” se voit et est loin d’être anodine. Même des collègues depuis longtemps acquis au discours bienpensant commencent à changer de rhétorique… C’est trop tard à mon sens, mais c’est un basculement intéressant. Je pense que le personnel hospitalier ou les fonctionnaires de police feraient un constat similaire.

      @ Descartes,

      “Si je combats le « séparatisme », c’est par souci pour ceux qui resteraient de l’autre côté du mur.”
      Alors que moi pas du tout… Si je refuse qu’il y ait des murs, c’est par principe, parce que je défends l’idée de vivre dans une société cohérente, homogène, soudée, qui partage les mêmes valeurs patriotiques et les mêmes références culturelles. Et puis, le problème d’un mur, c’est qu’il existe quand même le risque qu’un accident de la vie vous jette du mauvais côté… C’est intéressant ce que vous dites: pour vous, on a l’impression qu’assimiler, c’est un peu faire oeuvre de justice sociale; pour ma part, je ne me préoccupe guère d’assimiler les populations musulmanes, je leur demande seulement de vivre dans la discrétion et le silence, invisibles, ou de partir si cela leur est insupportable. Je ne me sens aucun devoir particulier envers les musulmans de nationalité française. D’ailleurs, leur couper les vivres est selon moi le meilleur moyen de les pousser à partir. Que vaut la France pour certains d’entre eux sans le RSA, les allocations et l’hôpital public? Nous avons longuement parlé ensemble de la survie du judaïsme à travers les vicissitudes de l’histoire. Je pense de plus en plus que c’est la clé de la survie pour un peuple: refuser autant que possible le mélange et le métissage. Depuis la fin du XIX° siècle, la France a absorbé beaucoup de vagues d’immigration. On a eu l’illusion que tout cela ne changeait que marginalement la France, et je pense qu’on s’est lourdement trompé. Aujourd’hui, dans certaines de mes classes, à peine la moitié des élèves ont des noms à consonance française. L’identité française, tout le monde en parle parce qu’elle n’est plus une évidence aujourd’hui. Et si elle n’est plus une évidence, c’est aussi qu’à force de “mutation” et de “recomposition”, on a perdu le fil. On a abandonné le culte des grands hommes et des pères fondateurs sous l’influence des idées anti-nationales, certes. Mais, à côté des immigrés rétifs à l’assimilation, il y a aussi parmi les “blancs” (je ne trouve pas d’autre mots) beaucoup de gens aux origines diverses et variées, qui se sentent “européens” ou “franco-quelque chose”, pour qui l’identité française est une composante comme une autre de leur identité. Donc ces gens ne sont pas prêts à mourir pour la France, parce que la France ne signifie pas grand-chose pour eux: le grand-père est italien, la conjointe est suédoise, un frère vit en Finlande et un autre en Pologne. Et on navigue d’un pays à un autre sans être d’aucun. Il ne faut pas généraliser, mais cette réalité existe.

      Le peuple français est en passe de se diluer dans un magma informe. La France sature. Même si le gouvernement tenait demain le langage de l’assimilation, il y a une telle masse de gens à assimiler, de langues et de cultures différentes (des Maghrébins et des Subsahariens, mais aussi des Turcs, des Tchétchènes, des Roms de l’est, des Chinois, des Afghans, des Portugais…). C’est là je crois une grosse faiblesse de votre raisonnement et de votre optimisme méthodologique: même avec la meilleure volonté du monde, un pays a des capacités d’assimilation limitées, surtout en période de marasme économique. Je pense que nos capacités sont largement dépassées. Pour relancer l’assimilation, il faudrait certainement se résoudre à alléger le poids des allogènes. Je lisais que dans une ville comme Marseille, un quart des habitants est de tradition musulmane. Quand on arrive à de telles proportions, il est difficile selon moi de parvenir à assimiler une telle masse de population.

      La Russie en son temps (et l’URSS après elle plus plus encore) a déployé d’importants efforts pour russifier des populations en Asie centrale, en Ukraine, dans les pays baltes, parmi des populations qui n’avaient pas forcément une conscience nationale très forte à l’époque. Des populations russes ont été installées dans ces contrées, et rien n’y a fait. Les Lettons, les Estoniens, les Ukrainiens même, si proches culturellement et linguistiquement pourtant, des peuples qui n’avaient jamais eu d’Etat à eux (ou fort peu de temps), des peuples peu nombreux (les Lettons et les Estoniens sont moins de deux millions) dont les membres étaient citoyens de l’URSS avec les mêmes droits que les autres, aucun n’a été assimilé malgré un Etat centralisé, une idéologie égalitaire et la promotion d’un patriotisme soviétique. Cet échec devrait nous interpeller.

      “Par ailleurs, ses origines font qu’il est bien plus sensible que n’importe quel autre candidat aux problématiques de l’identité, de la nation, de la souveraineté.”
      J’avoue que je n’ai jamais bien compris cet argument. Des gens aussi différents que Le Pen, Chevènement, Dupont-Aignan, Debray, de Gaulle même en son temps, sont préoccupés par les questions d’identité et pourtant ils ne sont pas issus de l’immigration…

    • Carnot dit :

      @ Descartes

      Je suis d’accord avec vous sur les trois points que vous évoquez et concernant lesquels Sarkozy serait préférable à Juppé. J’irai même plus loin, étant donné la probabilité non-négligeable que l’euro s’effondre entre 2017 et 2022 plus le Président élu en 2017 sera capable de prendre du recul par rapport aux dogmes eurolâtres mieux ce sera. Je crains qu’un Juppé puisse faire beaucoup de mal à la France en tentant désespérément de sauver le Titanic plutôt que de prendre un canot de sauvetage…

      Cependant il y a deux éléments importants sur lesquels je pense que Juppé serait préférable à Sarkozy. Tout d’abord concernant l’Etat de droit le côté “populiste intégral” de Sarkozy, qui pourrait avoir des avantages sur l’UE me semble dans le contexte actuel assez dangereux. Ses déclarations sur l’internement sans limite de temps sur simple soupçon des fichés S et sur l’Etat de droit qualifié “d’arguties juridiques” m’inquiètent. Qui sait si un Sarkozy président ne serait pas capable, dans la foulée de nouveaux attentats faisant plusieurs centaines de victimes en France, de convoquer un référendum art 11 pour interner sans procès les fichiers S ? Si une telle chose se produisait non seulement l’Etat de droit se trouverait bafoué gravement mais le joyau même de la Constitution, l’article 11, sera sali et discrédité, ce serait un désastre biblique. Par ailleurs les propositions de Sarkozy (et de Montebourg et Le Maire d’ailleurs) en faveur de la mise en place d’un spoils system dans la haute fonction publique me scandalisent, un tel système serait la négation même de l’idée française du service de l’Etat à laquelle, comme vous le savez, mon attachement est viscéral.

      A ce stade je suis donc incapable de déterminer avec certitude ce qui serait véritablement le mieux pour la France à mon sens et je ne pense donc pas aller voter à la primaire de droite. Mais évidemment des énormités proférées par l’un ou l’autre d’ici novembre pourraient éventuellement me faire changer d’avis.

    • Descartes dit :

      @ nationaliste-ethniciste

      [Pour ma part, en tant qu’enseignant, croyez-moi, la “mutation” se voit et est loin d’être anodine. Même des collègues depuis longtemps acquis au discours bienpensant commencent à changer de rhétorique… C’est trop tard à mon sens, mais c’est un basculement intéressant. Je pense que le personnel hospitalier ou les fonctionnaires de police feraient un constat similaire.]

      Tout à fait. Le basculement d’une partie du corps enseignant est particulièrement intéressant parce que c’est lui qui fut le fer de lance de la conversion « libérale-libertaire » dans les années 1960. Je ne connais pas la sociologie de ce corps aussi bien que vous, mais il serait je pense intéressant de comprendre pourquoi il a mis si longtemps à comprendre combien le discours anti-institutionnel sciait la branche où ils était assis, alors même qu’il était idéalement placé pour en observer les dégâts. Peut-être faut-il aussi voir un changement dans la sociologie enseignante, de moins en moins tournée vers les « classes moyennes » et de plus en plus vers les couches populaires.

      [« Si je combats le « séparatisme », c’est par souci pour ceux qui resteraient de l’autre côté du mur. » Alors que moi pas du tout… Si je refuse qu’il y ait des murs, c’est par principe, parce que je défends l’idée de vivre dans une société cohérente, homogène, soudée, qui partage les mêmes valeurs patriotiques et les mêmes références culturelles.]

      Sans vouloir vous offenser – vous savez que ce n’est pas mon propos – je ne vous crois pas lorsque vous dites que vous « ne vous souciez pas du tout » de ceux qui resteraient de l’autre côté du mur. Je veux bien que vous défendiez d’une société unitaire « par principe ». Mais les « principes » ne viennent pas du ciel. Ils sont fonctionnels dans une conception globale de la société. Vous défendez ce « principe » parce que vous pensez qu’il est bon pour l’ensemble de la société, y compris ceux qui, sans lui, seraient de l’autre côté du mur. Vous vous souciez donc d’eux, non pas individuellement, mais en tant qu’ils sont une composante de la société.

      [C’est intéressant ce que vous dites: pour vous, on a l’impression qu’assimiler, c’est un peu faire oeuvre de justice sociale;]

      Pas seulement. Mais il y a de ça. Vous connaissez le texte de John Donne : « No man is an island entire of itself; every man is a piece of the continent, a part of the main (…); any man’s death diminishes me, because I am involved in mankind. And therefore never send to know for whom
      the bell tolls; it tolls for thee». (« Aucun homme n’est une île, suffisant à lui-même ; chaque homme est une partie du continent ; la mort d’un homme quel qu’il soit me diminue, parce que je suis engagé dans l’humanité ; et par conséquent, ne demande pas pour qui sonne le glas ; il sonne pour toi »)

      Mais je pense qu’au-delà du principe, il y a une formulation matérialiste : la justice n’est pas seulement un principe abstrait, c’est l’intérêt général. Une société plus juste est aussi une société plus pacifique, plus productive, plus dynamique.

      [pour ma part, je ne me préoccupe guère d’assimiler les populations musulmanes, je leur demande seulement de vivre dans la discrétion et le silence, invisibles, ou de partir si cela leur est insupportable.]

      Je ne crois pas que vous pensiez vraiment ce que vous dites ici. Et qui d’ailleurs contredit le principe que vous avez énoncé plus haut. A qui voulez-vous faire croire que cela vous est indifférent de vivre dans une société communautarisée pourvu que les communautés soient « discrètes et invisibles » ?

      [Je ne me sens aucun devoir particulier envers les musulmans de nationalité française.]

      Moi non plus. Dans les devoirs que j’ai envers mes concitoyens, il n’y a pas de catégories « particulières ».

      [Nous avons longuement parlé ensemble de la survie du judaïsme à travers les vicissitudes de l’histoire. Je pense de plus en plus que c’est la clé de la survie pour un peuple: refuser autant que possible le mélange et le métissage.]

      Mais les juifs se sont « mélangés et métissés ». Ce n’est pas par hasard si les juifs ashkénazes sont souvent blonds aux yeux clairs, et les séfarades bruns aux yeux foncés. C’est parce que la culture juive a un grand pouvoir d’assimilation que les mariages mixtes tendent à produire des familles culturellement juives…

      [Depuis la fin du XIX° siècle, la France a absorbé beaucoup de vagues d’immigration. On a eu l’illusion que tout cela ne changeait que marginalement la France, et je pense qu’on s’est lourdement trompé. Aujourd’hui, dans certaines de mes classes, à peine la moitié des élèves ont des noms à consonance française. L’identité française, tout le monde en parle parce qu’elle n’est plus une évidence aujourd’hui.]

      Dans certains quartiers, non. Mais encore une fois, si ces vagues d’immigration sont une menace c’est parce que la machine à assimiler s’est arrêtée. Un immigrant assimilé n’est nullement une menace pour l’identité française, au contraire : l’expérience a montré qu’ils en étaient parmi les plus acharnés défenseurs de cette identité.

      Je crois que vous investissez dans l’immigré une « menace » qui ne vient pas de lui, mais de la société française – et notamment de ses élites – elle-même. Ce ne sont pas les immigrés qui, par le truchement du l’idéologie « libérale-libertaire » ont attaqué frontalement les institutions, détruit le système scolaire et l’université. Ce ne sont pas non plus les immigrés qui, sous couvert de « construction européenne », ont dilué nos institutions dans un magma supranational. La « haine de soi », si destructrice dans notre histoire, ne vient pas des immigrés, et ce ne sont pas eux qui ont arrêté la machine à assimiler. Je crains malheureusement que vous ne fassiez l’erreur de vous concentrer sur le symptôme plutôt que sur la cause, en faisant au passage de l’immigré un bouc émissaire.

      Il suffirait donc d’expulser les immigrés pour que le problème disparaisse. Et bien non, ce n’est pas si simple. Cela ferait disparaître un certain nombre de symptômes qui vous irritent – et qui m’irritent aussi – mais le problème resterait entier. La bourgeoisie et les « classes moyennes » ont décidé qu’ils n’ont plus besoin de la nation. Que les couches populaires ne sont qu’un boulet qui nous coûtent trop cher, et qu’elles ont tout à gagner à parquer ces couches dans des réserves d’indiens. C’est là le véritable problème.

      [C’est là je crois une grosse faiblesse de votre raisonnement et de votre optimisme méthodologique: même avec la meilleure volonté du monde, un pays a des capacités d’assimilation limitées, surtout en période de marasme économique. Je pense que nos capacités sont largement dépassées. Pour relancer l’assimilation, il faudrait certainement se résoudre à alléger le poids des allogènes. Je lisais que dans une ville comme Marseille, un quart des habitants est de tradition musulmane. Quand on arrive à de telles proportions, il est difficile selon moi de parvenir à assimiler une telle masse de population.]

      Je ne dis pas que ce soit facile. Mais je dis qu’il faut essayer, d’abord parce que nous n’avons pas le choix – la seule autre option est de baisser les bras et de laisser faire. Mais il est clair qu’il faut se donner les moyens, et cela suppose violer la bourgeoisie et – plus difficile encore – les « classes moyennes ».

      [La Russie en son temps (et l’URSS après elle plus plus encore) a déployé d’importants efforts pour russifier des populations en Asie centrale, en Ukraine, dans les pays baltes, parmi des populations qui n’avaient pas forcément une conscience nationale très forte à l’époque. Des populations russes ont été installées dans ces contrées, et rien n’y a fait. Les Lettons, les Estoniens, les Ukrainiens même, (…) dont les membres étaient citoyens de l’URSS avec les mêmes droits que les autres, aucun n’a été assimilé malgré un Etat centralisé, une idéologie égalitaire et la promotion d’un patriotisme soviétique. Cet échec devrait nous interpeller.]

      Mais justement, l’URSS n’a pas eu une véritable politique d’assimilation. Au contraire, la politique des nationalités après 1917 – on en a parlé ici même – était plutôt à la promotion des différences nationales, à la fédéralisation de l’empire, à la promotion des langues et des coutumes locales. L’URSS se définissait elle-même comme un « état multinational » et non comme une nation « unitaire ».

      [« Par ailleurs, ses origines font qu’il est bien plus sensible que n’importe quel autre candidat aux problématiques de l’identité, de la nation, de la souveraineté. » J’avoue que je n’ai jamais bien compris cet argument. Des gens aussi différents que Le Pen, Chevènement, Dupont-Aignan, Debray, de Gaulle même en son temps, sont préoccupés par les questions d’identité et pourtant ils ne sont pas issus de l’immigration…]

      Je n’ai peut-être pas été clair. Beaucoup de gens se sont préoccupés des questions d’identité, mais leur rapport à la question est plus extérieur. Pour De Gaulle, pour Le Pen, pour Chevènement, Dupont-Aignan ou Debray leur rapport à l’identité française, à la nation, à la souveraineté est de l’ordre de l’évidence. Ni De Gaulle ni Le Pen n’ont jamais eu le moindre doute quant au fait qu’ils étaient français, qu’ils appartenaient à la nation. Pour un Finkielkraut, pour un Sarkozy, c’est LEUR propre rapport, personnel et charnel, qui est interrogé. Et cela donne à leur pensée une dimension différente.

    • Marcailloux dit :

      @ nationaliste-ethniciste
      Bonjour,
      Il y a bien longtemps maintenant, j’ai essentiellement oeuvré dans les secteurs de la métallurgie par des activités en organisation et ressources humaines. J’ai donc une vision de retraité, en retrait des affaires socioéconomiques et j’admet ne pas vivre ce que beaucoup vivent et ressentent dans leur quotidien. C’est pourquoi sans doute je suis moins réactif que vous à une menace qui ne me parait pas aussi subversive que vous semblez la craindre.
      Tout d’abord, sans me référer particulièrement à un débat entre postulants à l’Elysée, le Français “pur jus” est indéfinissable et ce n’est pas à un professeur d’histoire que je vais chercher à le démontrer. Depuis le néolithique, l’hexagone que forme notre pays a vu s’y implanter des peuples d’une multitude d’ethnies avec cependant une origine commune: l’est africain. Ensuite se sont succédés des milliers d’années durant des peuplements diversifiés qui font ce que nous sommes. Un élément de ma constitution physique indique que je serais un descendant de Viking. Vous, si cela se trouve, avez peut-être des ancêtres du Caucase.
      Si la réputation mondiale de notre civilisation fait que la France est une sorte de modèle pour beaucoup, en tout cas une sorte de référence, c’est sans doute une conséquence, entre autres, de sa position de carrefour des migrations.
      Ce n’est donc pas forcement un mal à terme, bien que ce puisse être inconfortable pour ceux qui sont impactés fortement par le désordre culturel que cela provoque.
      Là où je vous rejoins, c’est sur l’intensité actuelle que revêt ce brassage. Nous ne nous sommes pas donné les moyens, ni dans le passé ni actuellement pour faire face aux mutations que cela représente. Néanmoins, je suis convaincu que la puissance culturelle et institutionnelle de notre pays a les moyens soit de rejeter les éléments indésirables – et ce scénario semble se profiler- soit assimiler avec vigueur ceux qui le désirent réellement.
      Peut-être sommes nous à la croisée des chemins et l’association des deux attitudes sera probablement initiée lorsque le point critique de tolérance sera atteint et qu’un évènement déclencheur adviendra, provoqué ou non.

    • @ Descartes,

      “Je ne connais pas la sociologie de ce corps aussi bien que vous, mais il serait je pense intéressant de comprendre pourquoi il a mis si longtemps à comprendre combien le discours anti-institutionnel sciait la branche où ils était assis, alors même qu’il était idéalement placé pour en observer les dégâts”
      Mais parce que les enseignants ont longtemps tiré profit de ce discours, mon cher… Ils n’ont pas seulement affranchi leurs élèves de leur propre autorité, ils se sont eux-mêmes affranchis de l’autorité de l’institution. Quid de la neutralité du fonctionnaire quand vous entendez des collègues critiquer devant leurs élèves le FN ou faire l’apologie de l’environnementalisme? Chacun peut prêcher à peu près ce qu’il veut dans sa classe, et il faut vraiment aller très loin pour risquer quelque chose. Beaucoup d’enseignants ont oublié leurs devoirs de fonctionnaire. Les inspections? Une fois tous les cinq ou dix ans, et la vérité est que l’inspecteur ne peut presque rien contre un titulaire, qu’il soit gauchiste déclaré ou simple tire-au-flanc.

      “Vous défendez ce « principe » parce que vous pensez qu’il est bon pour l’ensemble de la société, y compris ceux qui, sans lui, seraient de l’autre côté du mur.”
      Je pense surtout qu’il est bon pour moi. En géographie, avec mes élèves, nous abordons parfois la question de la ségrégation spatiale dans les villes africaines par exemple, avec des quartiers sécurisés et protégés par des milices privées pour les riches. Je n’ai pas envie de vivre dans une telle société, mais je sens qu’on s’y achemine lentement…

      “Une société plus juste est aussi une société plus pacifique, plus productive, plus dynamique.”
      Une société où il fait bon vivre, en somme. C’est la société dont je rêve. Mais la réalité, s’il ne faut pas la noircir exagérément, est un peu différente. Les crispations et les tensions se multiplient. Ce n’est pas l’apocalypse, mais nous sommes sur la mauvaise pente.

      “A qui voulez-vous faire croire que cela vous est indifférent de vivre dans une société communautarisée pourvu que les communautés soient « discrètes et invisibles » ?”
      De deux maux, je choisis le moindre. Puisqu’on s’achemine vers une société communautarisée, je préfère à tout prendre appartenir à la communauté dominante qui impose crainte et respect aux autres.

      “C’est parce que la culture juive a un grand pouvoir d’assimilation que les mariages mixtes tendent à produire des familles culturellement juives…”
      Ce qui m’inquiète, c’est que d’autres mariages mixtes tendent à produire des familles culturellement musulmanes. Le “pouvoir d’assimilation” de la culture musulmane est pour moi un danger.

      “Ce ne sont pas les immigrés qui, par le truchement du l’idéologie « libérale-libertaire » ont attaqué frontalement les institutions, détruit le système scolaire et l’université. Ce ne sont pas non plus les immigrés qui, sous couvert de « construction européenne », ont dilué nos institutions dans un magma supranational. La « haine de soi », si destructrice dans notre histoire, ne vient pas des immigrés, et ce ne sont pas eux qui ont arrêté la machine à assimiler.”
      Je suis d’accord avec vous. Les défaitistes, les repentants, les “collabos” du communautarisme méritent amplement un juste châtiment. Je voudrais simplement vous dire que, pour moi, cela n’excuse pas les incivilités, les provocations et les expressions d’hostilité. Je suis d’accord avec vous pour dire que beaucoup de jeunes issus de l’immigration sont poussés à la haine par le discours antiraciste victimaire. Mais cela excuse-t-il pour autant la haine qu’ils nous portent? Non. Les nazis ont poussé les Allemands à la haine et à la cruauté envers diverses minorités et peuples d’Europe. Cela fait-il des Allemands des victimes? Je ne le crois pas. Nous sommes des produits historiques, mais je ne pense pas que nous soyons les jouets du destin. Je suis un tenant du libre-arbitre: en dernier lieu, c’est l’homme qui choisit sa voie, même si on ne saurait tenir pour négligeable les contraintes.

      Prenons les frères Kouachi, le tueur de Nice ou de “paisibles” salafistes: d’accord, ils ont grandi dans une société trop permissive, rongée par l’autoflagellation et un antiracisme contre-productif, qui les a poussés dans les bras du démon des “racines” fantasmées et de la fierté inconsidérée des origines. Et pourtant, ce sont bien eux qui décident à un moment, ceux-là de mitrailler la rédaction de Charlie, celui-ci de lancer un camion sur la foule, les autres de se voiler de noir ou de ne plus serrer la main des femmes.

      “Je crains malheureusement que vous ne fassiez l’erreur de vous concentrer sur le symptôme plutôt que sur la cause, en faisant au passage de l’immigré un bouc émissaire.”
      Pas l’immigré en général. Un type d’immigré particulier: celui de tradition musulmane, généralement maghrébin, turc ou subsaharien. L’histoire montre que la France est un pays profondément divisé. C’est le danger qui peut nous unir, parce que le danger nous rappelle que nous avons besoin les uns des autres. Le danger nous rappelle que cette “solidarité inconditionnelle” que vous évoquez régulièrement est une chose rare et précieuse. Les circonstances font que les musulmans aujourd’hui représentent un danger pour notre identité aux yeux de beaucoup de Français, et je pense que ce n’est pas du pur fantasme. L’arrivée de ces populations extra-européennes en l’espace de quelques décennies a bouleversé l’équilibre ethnique et culturel de la France métropolitaine, bien plus profondément que les vagues précédentes d’immigration européenne. Ce ne sont pas les descendants d’Italiens ou de Polonais qui ont réintroduit la religion sur la place publique (en dépit de certaines inquiétudes lorsque leurs ancêtres sont arrivés). Serais-je prêt à sacrifier les musulmans sur l’autel de l’unité nationale retrouvée? La réponse est oui. Et ceux qui ont soutenu et encouragé le communautarisme musulman devraient par la même occasion rendre des comptes…

      “mais le problème resterait entier.”
      Bien sûr. Nos élites ont trahi, je le sais parfaitement. Mais je préfère réintégrer le jeune picard ou le jeune lorrain “de souche” dans la nation, avant de m’occuper du beur ou du black (exception faite des ultra-marins qui sont une composante historique de la France).

      “Mais je dis qu’il faut essayer, d’abord parce que nous n’avons pas le choix”
      Je ne sais pas. Quoi qu’il en soit, on ne peut pas exclure que la tentative échoue, parce qu’on n’aura trop attendu ou parce qu’il n’y aura pas un consensus assez fort pour imposer l’assimilation. Ou parce que les communautés entreront en résistance. L’assimilation telle qu’elle a existé au XX° siècle correspond à une séquence de l’histoire nationale, dans ses dimensions sociales, économiques et géopolitiques (la France est constamment en guerre ou menacée par la guerre jusqu’en 1962). Peut-on vraiment revenir en arrière?

      “Ni De Gaulle ni Le Pen n’ont jamais eu le moindre doute quant au fait qu’ils étaient français, qu’ils appartenaient à la nation.”
      Ils ont bien de la chance… Moi, qui suis un Français de vieille souche, je vous avoue, et ce n’est pas une boutade, que je ne suis plus très sûr de ma “francité”. Est-ce que finalement je n’adhère pas à une identité française surannée, dépassée, déjà morte et enterrée? Ne suis-je pas un vestige, le reliquat d’une période déjà révolue? Pourquoi n’ai-je pas la possibilité, moi aussi, de m’enorgueillir d’un grand-père portugais ou algérien, de me dire fièrement “fils d’immigrés” comme les autres? Ce serait plus simple, au fond. Parfois, voyez-vous, je me le demande: et si c’étaient les autres qui avaient raison? Est-ce que vous ne doutez jamais Descartes?

    • Descartes dit :

      @ Carnot

      [Cependant il y a deux éléments importants sur lesquels je pense que Juppé serait préférable à Sarkozy. Tout d’abord concernant l’Etat de droit le côté “populiste intégral” de Sarkozy, qui pourrait avoir des avantages sur l’UE me semble dans le contexte actuel assez dangereux. Ses déclarations sur l’internement sans limite de temps sur simple soupçon des fichés S et sur l’Etat de droit qualifié “d’arguties juridiques” m’inquiètent.]

      Il est clair que Sarkozy a les défauts de ses qualités. En bon pragmatique, il a un respect très limité pour les normes et tout particulièrement pour les normes juridiques. Remarquez que c’était un peu aussi le cas de De Gaulle (voir les affaires Canal ou Rubin de Servens…) Cependant, je pense que notre système institutionnel est suffisamment solide pour limiter le danger.

      [Qui sait si un Sarkozy président ne serait pas capable, dans la foulée de nouveaux attentats faisant plusieurs centaines de victimes en France, de convoquer un référendum art 11 pour interner sans procès les fichiers S ?]

      Vous avez mal lu l’article 11… le référendum ne peut concerner qu’un texte « portant sur l’organisation des pouvoirs publics, sur des réformes relatives à la politique économique, sociale ou environnementale de la nation et aux services publics qui y concourent, ou tendant à autoriser la ratification d’un traité qui, sans être contraire à la Constitution, aurait des incidences sur le fonctionnement des institutions ». Le droit et la procédure pénale ne peuvent donc pas être traités par ce biais…

      [Par ailleurs les propositions de Sarkozy (et de Montebourg et Le Maire d’ailleurs) en faveur de la mise en place d’un spoils system dans la haute fonction publique me scandalisent, un tel système serait la négation même de l’idée française du service de l’Etat à laquelle, comme vous le savez, mon attachement est viscéral.]

      Pas vraiment. En fait, Sarkozy joue avec l’ignorance des électeurs : le système qu’il décrit existe déjà, puisque les postes de directeur d’administration centrale – comme ceux de préfet ou d’ambassadeur – sont à la discrétion du gouvernement, qui peut nommer ou démettre les titulaires de manière discrétionnaire. La logique du « service de l’Etat » à laquelle nous sommes tous deux attachés implique un équilibre subtil entre une fonction publique de carrière – qui sert indifféremment les gouvernements de quelque signe politique qu’ils soient dès lors qu’ils sont investis par le souverain – et la nécessité pour le gouvernement élu d’avoir à la tête des administrations des personnes dont la loyauté est incontestable. Le « spoil system » à l’américaine implique la possibilité pour le gouvernement de nommer ses gens à tous les niveaux de la hiérarchie administrative. Ce n’est certainement pas ce que propose Sarkozy ou personne d’autre d’ailleurs.

      J’ajoute que lorsque Sarkozy a été en position de pouvoir, il a été finalement assez modéré à l’heure de démettre préfets et directeurs…

      [Mais évidemment des énormités proférées par l’un ou l’autre d’ici novembre pourraient éventuellement me faire changer d’avis.]

      En effet !

    • Descartes dit :

      @ Marcailloux

      [Tout d’abord, sans me référer particulièrement à un débat entre postulants à l’Elysée, le Français “pur jus” est indéfinissable et ce n’est pas à un professeur d’histoire que je vais chercher à le démontrer.]

      Je ne suis pas d’accord avec vous : le Français « pur jus » est celui qui se reconnaît héritier de l’histoire de France, et qui se considère lié avec les autres français par un lien de sociabilité et de solidarité inconditionnelle et impersonnelle. Etre français « pur jus », c’est souscrire à un contrat, contrat ouvert à tous. Les origines n’ont rien à voir là dedans. On a vu des fils d’immigrés devancer l’appel et se faire tuer à Verdun, et des fils de « gaulois » de plusieurs générations se « planquer » sans vergogne.

      [Si la réputation mondiale de notre civilisation fait que la France est une sorte de modèle pour beaucoup, en tout cas une sorte de référence, c’est sans doute une conséquence, entre autres, de sa position de carrefour des migrations.]

      Qu’est ce qui vous fait penser ça ?

      [Néanmoins, je suis convaincu que la puissance culturelle et institutionnelle de notre pays a les moyens soit de rejeter les éléments indésirables – et ce scénario semble se profiler- soit assimiler avec vigueur ceux qui le désirent réellement.]

      Les moyens, certainement. Mais l’envie ?

    • Descartes dit :

      @ nationaliste-ethniciste

      [Mais parce que les enseignants ont longtemps tiré profit de ce discours, mon cher… Ils n’ont pas seulement affranchi leurs élèves de leur propre autorité, ils se sont eux-mêmes affranchis de l’autorité de l’institution. Quid de la neutralité du fonctionnaire quand vous entendez des collègues critiquer devant leurs élèves le FN ou faire l’apologie de l’environnementalisme? Chacun peut prêcher à peu près ce qu’il veut dans sa classe, et il faut vraiment aller très loin pour risquer quelque chose. Beaucoup d’enseignants ont oublié leurs devoirs de fonctionnaire. Les inspections? Une fois tous les cinq ou dix ans, et la vérité est que l’inspecteur ne peut presque rien contre un titulaire, qu’il soit gauchiste déclaré ou simple tire-au-flanc.]

      Je ne doute pas que votre explication soit la bonne. Mais je reste assez effaré que la profession n’ait pas elle-même anticipé qu’en s’affranchissant de l’institution elle sapait les bases de sa propre autorité. Quand le professeur s’estime autorisé à faire « à peu près ce qu’il veut dans sa classe », il doit anticiper que tôt ou tard l’élève prendra exemple sur lui. Quant aux « devoirs du fonctionnaire », ce que vous dites est tout à fait vrai. Je me souviens d’un diner chez un couple de professeurs au cours duquel on avait évoqué je ne me souviens plus pourquoi les devoirs des fonctionnaires de police, avec force « principe de légalité » et autres « devoir de neutralité et de réserve ». A un moment, je n’ai plus tenu ma langue et je leur ai dit « mais vous, vous aussi vous êtes fonctionnaires, non ? ». Ca a jeté un froid…

      [« Vous défendez ce « principe » parce que vous pensez qu’il est bon pour l’ensemble de la société, y compris ceux qui, sans lui, seraient de l’autre côté du mur. » Je pense surtout qu’il est bon pour moi.]

      Sans vouloir vous offenser, je pense que vous êtes bien plus généreux que vous ne voulez le faire entendre. Si votre seule motivation était votre intérêt personnel, vous diriez « je le défends parce que c’est bon pour moi » sans besoin de l’ériger en « principe ». Si vous en faites un principe, c’est parce que vous pensez que c’est bon non seulement pour vous, mais pour le citoyen abstrait en général, c’est-à-dire, pour nous tous.

      Pour vous le dire franchement, et sans vouloir vous offenser : je pense qu’en réponse à une inquiétude légitime – et que je partage – vous vous défendez en vous faisant une carapace d’un prétendu égoïsme du « moi d’abord », d’un « ethnicisme » artificiel. Mais sous cette carapace vous laissez transparaître régulièrement une vision bien moins égoïste, bien moins ethniciste… vous savez, un républicain, même déguisé, ça se reconnaît toujours… 😉

      [« Une société plus juste est aussi une société plus pacifique, plus productive, plus dynamique. » Une société où il fait bon vivre, en somme. C’est la société dont je rêve. Mais la réalité, s’il ne faut pas la noircir exagérément, est un peu différente. Les crispations et les tensions se multiplient. Ce n’est pas l’apocalypse, mais nous sommes sur la mauvaise pente.]

      Oui. Mais ce n’est pas pour autant qu’il faut baisser les bras.

      [« C’est parce que la culture juive a un grand pouvoir d’assimilation que les mariages mixtes tendent à produire des familles culturellement juives… » Ce qui m’inquiète, c’est que d’autres mariages mixtes tendent à produire des familles culturellement musulmanes. Le “pouvoir d’assimilation” de la culture musulmane est pour moi un danger.]

      Je partage. Mais cela ne rend que plus essentiel le redémarrage chez nous de la machine à assimiler, et le refus de tout compromis sur cette question. L’assimilation ne doit pas être un choix, mais une exigence.

      [Je voudrais simplement vous dire que, pour moi, cela n’excuse pas les incivilités, les provocations et les expressions d’hostilité. Je suis d’accord avec vous pour dire que beaucoup de jeunes issus de l’immigration sont poussés à la haine par le discours antiraciste victimaire. Mais cela excuse-t-il pour autant la haine qu’ils nous portent? Non.]

      Non, cela n’excuse rien. Mais cela permet de comprendre. J’avais écrit il y a déjà quelque temps un papier dont le titre était « qu’il est dur d’être jeune », et je continue à le penser. Nous avons bénéficié dans notre enfance et dans notre jeunesse d’une société qui nous dictait des règles, des normes, des références. Nous pouvions les accepter, et nous pouvions nous rebeller contre elles, mais elles étaient là. Les jeunes dont vous parlez ont été livrés à eux-mêmes, dans une société qui se refuse à leur fournir des règles, des normes, des cadres au nom de la « culpabilité coloniale », et qui les enferme dans un statut de « victimes » dont ils ne peuvent pas sortir. Comment dans ces conditions pourraient-ils se construire comme membres d’une société qui dépasse leur « tribu » ? La haine que ces jeunes sentent pour nous est la haine que peut éprouver un jeune pour un père qui l’a abandonné, qui a refusé de remplir son rôle de père. C’est une haine que, collectivement, nous avons amplement méritée. Même si cela paraît injuste à ceux qui, comme vous et moi, ont vigoureusement combattu les politiques d’abandon.

      Cela étant dit, je fais toujours la différence entre le niveau individuel et le niveau collectif. Au niveau individuel, chacun est né libre et donc responsable de ses actes. Toute autre position conduit à l’irresponsabilité générale. Si « l’abandon » peut être une circonstance atténuante, il ne diminue ni l’importance du crime, ni la responsabilité de son auteur.

      [L’histoire montre que la France est un pays profondément divisé. C’est le danger qui peut nous unir, parce que le danger nous rappelle que nous avons besoin les uns des autres. Le danger nous rappelle que cette “solidarité inconditionnelle” que vous évoquez régulièrement est une chose rare et précieuse. Les circonstances font que les musulmans aujourd’hui représentent un danger pour notre identité aux yeux de beaucoup de Français, et je pense que ce n’est pas du pur fantasme.]

      Non, ce n’est pas du « pur fantasme ». La question, c’est comment on caractérise ce danger et comment on y fait face. Il faut éviter à mon sens deux écueils. Le premier, c’est de confondre les questions individuelles et les politiques collectives. Le second, est de tomber dans les logiques de facilité du genre « on expulse tout le monde ». Je persiste à croire qu’il n’y a qu’une seule solution : la remise en marche du mécanisme d’assimilation – ce qui implique de faire rendre gorge aux catégories sociales qui s’y opposent, c’est-à-dire, la bourgeoisie et les « classes moyennes » – en en faisant une exigence, et non un choix. L’alternative, c’est une société fragmentée.

      [Quoi qu’il en soit, on ne peut pas exclure que la tentative échoue, parce qu’on n’aura trop attendu ou parce qu’il n’y aura pas un consensus assez fort pour imposer l’assimilation.]

      Bien entendu. Il faudra alors soit se résigner à la communautarisation, soit entrer dans une logique de guerre civile. Mais je me refuse à considérer cette éventualité avant d’avoir essayé l’assimilation.
      [L’assimilation telle qu’elle a existé au XX° siècle correspond à une séquence de l’histoire nationale, dans ses dimensions sociales, économiques et géopolitiques (la France est constamment en guerre ou menacée par la guerre jusqu’en 1962). Peut-on vraiment revenir en arrière?]

      Il n’est pas question de revenir en arrière. Mais la guerre n’a pas cessé : elle s’est transformée. Aujourd’hui, elle est économique et non plus militaire. Le problème est que nos élites ont des difficultés à reconnaître qui est l’ennemi… Il nous reste à inventer l’assimilation qui correspond à cet affrontement.

      [Parfois, voyez-vous, je me le demande: et si c’étaient les autres qui avaient raison? Est-ce que vous ne doutez jamais Descartes?]

      De mes opinions, souvent. De mon identité, jamais. Et je pense que vous – quoi que vous puissiez en dire par coquetterie – non plus…

    • @ Marcailloux,

      “Depuis le néolithique, l’hexagone que forme notre pays a vu s’y implanter des peuples d’une multitude d’ethnies avec cependant une origine commune: l’est africain. Ensuite se sont succédés des milliers d’années durant des peuplements diversifiés qui font ce que nous sommes. Un élément de ma constitution physique indique que je serais un descendant de Viking. Vous, si cela se trouve, avez peut-être des ancêtres du Caucase.”
      Peut-être. Peut-être que je descends d’un juif de la diaspora arrivé dans l’Antiquité et converti au cours des âges, ou de militaires romains d’origine germanique ou syrienne, ou de marchands catalans ou italiens, ou de Goths… Mais ça, c’était il y a des siècles. Depuis plusieurs siècles, mes ancêtres vivent en France, et comme la quasi-totalité de ceux que je connais étaient paysans, ils se sont enracinés dans ce pays. A tel point qu’on a oublié depuis des générations lequel est arrivé le premier et d’où il venait…

      Je voudrais vous faire remarquer une chose: l’idée selon laquelle la France serait “depuis toujours une terre d’immigration et de brassage” est un roman alternatif à celui de “nos ancêtres les Gaulois et l’homme de Cro-Magnon”. Le “tous fils d’immigrés” est aussi faux que l’idée selon laquelle nous serions des autochtones depuis l’aube des temps. Oui, notre espèce est apparue (d’après les découvertes les plus récentes) quelque part en Afrique de l’est. Mais les ancêtres des Européens “de souche” ont quitté l’Afrique pour l’Eurasie il y a 40 000 ans. La néolithisation de l’Europe est le fait de populations venues du Proche-Orient il y a environ 6 000 ans. Je me souviens avoir lu dans le magazine L’Histoire (qui n’est pas une revue identitaire, je vous retrouverai la référence si vous le souhaitez) que, d’après la génétique, la majorité des Français (et des habitants des pays voisins) descendent en grande partie de cette “vague néolithique” qui a colonisé et peuplé l’Europe dans une mesure inédite jusqu’alors. Il paraît que c’est en Sardaigne, où la population est restée assez isolée, qu’on trouve les génotypes les plus proches de cette population néolithique originelle, apparemment assez différente des actuels proche-orientaux, d’après une étude citée par notre inspecteur au cours d’une formation il y a cinq mois environ. Je ne relaie pas, vous le voyez, les élucubrations de groupuscules extrémistes, je vous parle de science.

      A ce substrat néolithique s’est ajouté ensuite d’autres vagues migratoires (Celtes, Italiques, Germains) et de colons (phéniciens, grecs). Mais il ne faut pas s’exagérer les effectifs de ces nouveaux arrivants, même quand leur influence a été décisive. Les Celtes auraient en effet amené le fer et le cheval, avantage technique et militaire qui leur aurait permis d’imposer leur civilisation aux descendants des populations néolithiques. Même les fameuses “Grandes invasions” n’ont concerné que des effectifs modestes: les Francs étaient une poignée, l’ “innombrable peuple des Wisigoths” n’excédait pas 100 000 âmes, les Burgondes peut-être 80 000… Dans une Gaule romaine peuplée de 6 à 10 millions de Gaulois romanisés et christianisés, d’après les estimations. D’ailleurs, dans les régions où l’élément germanique était numériquement dominant (régions de Trêves et de Cologne en Rhénanie, Alsace, Flandres), on a cessé de parler des langues romanes. Là où l’élément romanisé était dominant, le conquérant a adopté le bas-latin et s’est fondu dans la population.

      Tout cela nous ramène au V° siècle, il y a 1 500 ans. La France n’existait pas. Et ensuite? Eh bien quasiment rien pendant plus d’un millénaire. L’immigration normande a été aussi modeste que localisée, et l’idée selon laquelle tous les Normands descendraient des blonds Scandinaves est une farce. L’étude de la toponymie, de l’archéologie et de la génétique tendent à prouver que la colonisation scandinave s’est limitée au secteur côtier. Ailleurs, les ducs d’origine norvégienne semble-t-il ont reçu l’allégeance de la population indigène, rien de plus.

      Pendant tout le temps où la France est en gestation, depuis le Haut Moyen Âge jusqu’à l’époque moderne, il n’y a eu que des apports migratoires extrêmement ponctuels: marchands ou artistes italiens, mercenaires écossais, entrepreneurs hollandais… Jusqu’au milieu du XIX° siècle, il faut rappeler un élément aujourd’hui oublié: la France était la Chine de l’Europe, bien plus peuplée que le Royaume-Uni, l’Allemagne ou l’Italie. Les chercheurs ont ainsi constaté que la France compte beaucoup plus de noms de famille que les pays voisins, parce que ces noms sont apparus au Moyen Âge, à une époque où nous étions les plus nombreux, et de loin.

      L’idée que la France est un finisterre où sont venus s’échouer toutes les vagues migratoires venus des steppes d’Eurasie est un mythe séduisant (et commode) mais rien de plus qu’un mythe. Depuis la chute de l’empire romain jusqu’à la fin du XIX° siècle, la population du territoire français n’a connu que des brassages très limités, comme un mince filet d’eau qui alimenterait un large fleuve sans en modifier la nature. Les influences culturelles étrangères sont le fait de minorités, souvent invitées et protégées par les rois. En revanche, des Français n’ont pas manqué de s’installer en Terre sainte du temps des Croisades, en Italie du sud lors de la conquête normande puis de l’installation d’un frère de Saint Louis sur le trône de Naples au XIII° siècle. Qui sait aujourd’hui qu’au début du XVII° siècle il y avait plus de 400 000 Français en Espagne (laquelle devait compter 7 à 8 millions d’habitants), objets des réactions xénophobes de nos voisins? Et je ne parle pas des Huguenots dont les descendants portent toujours des noms français, en Allemagne, en Hollande et jusqu’en Afrique du Sud. Nous avons été un pays d’émigration.

      Pardonnez ce long point historique, mais il me semble important de dénoncer avec force cette idée selon laquelle la France est depuis toujours une terre de brassage et de migration. Elle ne l’est pas plus que ces voisins, notamment la Grande-Bretagne qui est pourtant une île. Paradoxalement, elle l’est moins que l’Allemagne dont beaucoup de citoyens de l’est descendent sans doute de Slaves germanisés (il n’y a qu’à voir les noms des Silésiens) et dont les Prussiens sont d’origine balte, elle l’est bien moins que la Russie, ouverte aux vagues migratoires centre-asiatiques depuis des siècles. Et elle ne l’est pas plus que la Chine ou l’Inde dont les civilisations se réclament d’une tradition millénaire. Nous ne sommes ni les Etats-Unis d’Amérique, ni le Brésil ou l’Australie…

    • Jérémy dit :

      @Descartes

      Permettez-moi de réagir (ce que je ne fais pas souvent) à ce passage: “Il n’est pas question de revenir en arrière. Mais la guerre n’a pas cessé : elle s’est transformée. Aujourd’hui, elle est économique et non plus militaire. Le problème est que nos élites ont des difficultés à reconnaître qui est l’ennemi…”

      Quels sont aujourd’hui, selon vous, nos alliés et nos ennemis dans la guerre économique ? Et quelles sont les constantes de temps ? Nos alliés et ennemis sont-ils les mêmes qu’il y a 10, 20, 30 ans ?
      Ce thème de la guerre économique est souvent évoqué, mais je trouve assez mal explicité. Pourriez-vous m’éclairer ?

      Par ailleurs, vous avez, auparavant, fait référence à ces français qui se vendent cher à l’expatriation, en condamnant ce comportement. Est-ce que seule l’expatriation au sein d’une grande entreprise française trouverait grâce à vos yeux ?

    • Carnot dit :

      @ Descartes

      [Vous avez mal lu l’article 11… le référendum ne peut concerner qu’un texte « portant sur l’organisation des pouvoirs publics, sur des réformes relatives à la politique économique, sociale ou environnementale de la nation et aux services publics qui y concourent, ou tendant à autoriser la ratification d’un traité qui, sans être contraire à la Constitution, aurait des incidences sur le fonctionnement des institutions ». Le droit et la procédure pénale ne peuvent donc pas être traités par ce biais…]

      En théorie c’est vrai, mais vous n’êtes pas sans savoir que le Conseil constitutionnel a précisé dans sa jurisprudence qu’il ne contrôlait pas les projets de lois référendaires (CC, 1962, Election du PR). Or étant donnée la grande confusion actuelle et l’incompréhension large de nos institutions par ceux qui les dirigent serait-il vraiment impossible qu’un tel projet soit malgré tout présenté en s’appuyant sur l’article 11 ? Je ne peux pas totalement l’exclure dans le contexte d’une vive émotion de l’opinion après des attentats dévastateurs…

      [Pas vraiment. En fait, Sarkozy joue avec l’ignorance des électeurs : le système qu’il décrit existe déjà, puisque les postes de directeur d’administration centrale – comme ceux de préfet ou d’ambassadeur – sont à la discrétion du gouvernement, qui peut nommer ou démettre les titulaires de manière discrétionnaire.]

      Je n’ai peut-être pas été assez précis. Ma crainte ce n’est pas vraiment le « spoils system » (qui d’ailleurs n’existe plus aux E-U depuis Teddy Roosevelt), ni d’ailleurs qu’on modifie les textes. C’est un changement de pratique dans l’usage des nominations aux emplois à la discrétion du gouvernement qui pourrait s’avérer dévastateur à terme. Imaginons que Sarkozy en arrivant décide de remplacer tous les directeurs d’administration centrale pour tenir sa promesse de campagne ? Je n’y crois pas trop, surtout qu’il a dû avoir le temps de comprendre entre 2007 et 2012 à quel point l’infrastructure administrative est compétente et indispensable mais je ne peux pas totalement l’écarter non plus… Voici en tout cas le lien d’un article résumant le discours de Sarkozy sur la question. Je suis peut-être trop naïf d’y prêter attention me direz-vous, mais sur ce sujet je suis particulièrement sensible…

      http://www.lefigaro.fr/politique/le-scan/citations/2016/10/04/25002-20161004ARTFIG00126-en-cas-de-victoire-sarkozy-veut-faire-le-menage-dans-la-haute-administration.php

      [J’ajoute que lorsque Sarkozy a été en position de pouvoir, il a été finalement assez modéré à l’heure de démettre préfets et directeurs…]

      C’est vrai avec un bémol cependant pour la police ou les affidés de Sarkozy – au sens de l’Etat souvent fort douteux – se sont vus propulsés à des sommets. L’exemple de Squarcini pour ne prendre que le plus spectaculaire, qui est aujourd’hui traîné devant la justice pour des chefs d’accusation particulièrement graves, reste à mon sens une tâche sur le bilan de Sarkozy en matière de gestion de l’Etat.

      D’ailleurs un haut fonctionnaire me disait la semaine dernière que Hollande avait été particulièrement modéré concernant les nominations et les avaient très peu politisées. On pourra au moins lui reconnaître ça…

    • Descartes dit :

      @ Jérémy

      [Quels sont aujourd’hui, selon vous, nos alliés et nos ennemis dans la guerre économique ?]

      Posez vous la question : quel est le pays qui cherche à nous imposer sa monnaie, sa vision de l’économie, ses règles budgétaires ? L’Allemagne, bien entendu. Notre meilleur allié ? La Grande Bretagne, dont les choix économiques sont souvent complémentaires aux nôtres, et qui ne cherche à nous imposer quoi que ce soit…

      [Et quelles sont les constantes de temps ? Nos alliés et ennemis sont-ils les mêmes qu’il y a 10, 20, 30 ans ?]

      Les questions géopolitiques sont relativement stables. Ce qui fait que finalement les constantes de temps dans ce domaine sont très longues…

      [Ce thème de la guerre économique est souvent évoqué, mais je trouve assez mal explicité. Pourriez-vous m’éclairer ?]

      Souvent, on utilise la terminologie « guerre économique » pour parler d’affrontements concurrentiels. Ce n’est pas dans ce sens que j’utilise le terme. Je parle ici non pas de la conquête des marchés, mais de l’utilisation de l’économie comme instrument de puissance. Lorsque l’Allemagne utilise son poids économique pour imposer une discipline budgétaire au reste de l’Europe, on n’est pas dans une dispute de marchés, mais dans la puissance pure.

      [Par ailleurs, vous avez, auparavant, fait référence à ces français qui se vendent cher à l’expatriation, en condamnant ce comportement. Est-ce que seule l’expatriation au sein d’une grande entreprise française trouverait grâce à vos yeux ?]

      Exactement. Je trouve scandaleux que la collectivité paye pour l’éducation d’une personne qui ira ensuite toucher les fruits ailleurs sans avoir à payer en retour…

    • Descartes dit :

      @ Carnot

      [En théorie c’est vrai, mais vous n’êtes pas sans savoir que le Conseil constitutionnel a précisé dans sa jurisprudence qu’il ne contrôlait pas les projets de lois référendaires (CC, 1962, Election du PR).]

      Vous avez mal analysé le problème… il ne s’agit pas dans cette affaire du contrôle des lois référendaires par le conseil constitutionnel, mais du contrôle de l’acte du président de la République soumettant le projet au référendum. Car si le CC refuse de contrôler le contenu d’une loi votée par référendum, le CE peut exercer un contrôle sur le décret soumettant un tel projet au référendum…

      [C’est un changement de pratique dans l’usage des nominations aux emplois à la discrétion du gouvernement qui pourrait s’avérer dévastateur à terme. Imaginons que Sarkozy en arrivant décide de remplacer tous les directeurs d’administration centrale pour tenir sa promesse de campagne ?]

      Quel serait le problème ? Il est admis que les emplois supérieurs impliquent un rapport de confiance avec le pouvoir politique et une adhésion au moins à ses objectifs. Pourquoi sinon laisser ces emplois « à la discrétion du gouvernement » ? La neutralité de l’administration ne repose pas sur les directeurs ou les préfets, mais sur les étages intermédiaires (chefs de service, sous-directeurs, chefs de bureau). Parce que ces gens-là, eux, ne sont pas « à discrétion du gouvernement ». Pour les faire travailler, il faut que les directeurs aient au moins une compétence et une carrure suffisante pour s’imposer dans leurs services… pas si simple de trouver suffisamment de gens de cette carrure pour provoquer un « big bang » administratif…

      [D’ailleurs un haut fonctionnaire me disait la semaine dernière que Hollande avait été particulièrement modéré concernant les nominations et les avaient très peu politisées. On pourra au moins lui reconnaître ça…]

      Votre haut fonctionnaire ne doit pas être très bien renseigné…

      PS: j’ai fini le livre que vous m’aviez donné… je l’ai trouvé excellent!

    • @ Descartes,

      “Mais sous cette carapace vous laissez transparaître régulièrement une vision bien moins égoïste, bien moins ethniciste… vous savez, un républicain, même déguisé, ça se reconnaît toujours… ;-)”
      Si ça vous rassure de le penser… Votre optimisme et votre gentillesse vous poussent à mon avis à voir le bon côté chez les gens. Je ne crois pas être “égoïste” dans le sens où j’ai une vive inquiétude pour l’avenir de la France, bien plus que pour mon avenir personnel. Quant à l’ethnicisme… Je n’aime pas beaucoup ce mot, mais quand on veut défendre les Français “de souche”, blancs, chrétiens, qu’on rejette vigoureusement le métissage comme moi, il faut se rendre à l’évidence. Ou choisir le mot “raciste”…

      “C’est une haine que, collectivement, nous avons amplement méritée.”
      Alors il nous faut accepter de mourir, mitraillés par ces jeunes, puisque c’est le prix de nos péchés. Tout en continuant à dire à leurs frères et soeurs: “devenez Français!”.

      “Je persiste à croire qu’il n’y a qu’une seule solution : la remise en marche du mécanisme d’assimilation”
      Si vous avez raison, ne tardez pas trop… Parce que la situation se dégrade. Et je peux vous citer des gens d’origine maghrébine assimilés qui commencent à faire les frais de la colère qui monte.

      “Mais la guerre n’a pas cessé : elle s’est transformée.”
      Oui, à tel point que la majorité des gens pense vivre en paix… Quant à la bourgeoisie et à ses alliés des classes moyennes, ils sont en parfait accord avec leurs homologues des pays voisins. La concurrence économique pèse sur les couches populaires, les autres s’en sortent bien pour le moment. Et comme politiquement ce sont ces autres qui comptent vraiment…

      “Et je pense que vous – quoi que vous puissiez en dire par coquetterie – non plus…”
      Mes doutes portent moins sur ce que je suis, que sur ce qu’est l’identité de la France. Suis-je encore le “Français type”? Quand j’entends des binationaux ou des immigrés me donner des leçons sur ce qu’est la France – et je crois pouvoir dire quand même que je connais assez bien l’histoire de mon pays – j’ai des doutes, en effet. Je ne sais plus ce qu’il faut défendre, ce qu’il faut sauver, en admettant qu’on puisse sauver quelque chose. D’une certaine manière, je me sens coupable parce que j’ai laissé se déliter l’héritage de mes pères. C’est pourquoi je n’arrive plus à alimenter un blog. Si j’étais sûr de mes idées et de mon identité, je les défendrais comme je l’ai fait plusieurs années durant, croyez-moi. Mais chaque fois que j’essaie de rédiger un texte, je dois abandonner: à part appeler à la vengeance et à la sédition contre un Etat qui nous a trahis, je n’ai plus rien à dire. Et comme je ne souhaite pas être convoqué devant un tribunal pour incitation à la haine…

    • Descartes dit :

      @ nationaliste-ethniciste

      [Si ça vous rassure de le penser… Votre optimisme et votre gentillesse vous poussent à mon avis à voir le bon côté chez les gens.]

      Appelez-le « optimiste méthodologique », si vous voulez. Mais oui, je tends à voir le bon côté des gens, et je vous avoue que j’ai été rarement déçu…

      [Je ne crois pas être “égoïste” dans le sens où j’ai une vive inquiétude pour l’avenir de la France, bien plus que pour mon avenir personnel.]

      C’était là mon point. Et je pense que vous avez de la France une idée bien plus généreuse que celle que vous exprimez ci-dessous :

      [Quant à l’ethnicisme… Je n’aime pas beaucoup ce mot, mais quand on veut défendre les Français “de souche”, blancs, chrétiens, qu’on rejette vigoureusement le métissage comme moi, il faut se rendre à l’évidence. Ou choisir le mot “raciste”…]

      Je me trompe peut-être, mais j’ai l’impression que votre « ethnicisme » – appelons-le comme ça – est moins une position idéologique qu’une réaction à un discours dominant qui fait du « métissage » un bien en soi, et qui soutient toutes sortes de revendications ethno-religieuses pourvu qu’elles émanent de « minorités ». Ce discours m’énerve autant que vous, mais je n’en tire pour autant l’envie de renverser ce discours en opposant à un ethnicisme un autre.

      [« C’est une haine que, collectivement, nous avons amplement méritée. ». Alors il nous faut accepter de mourir, mitraillés par ces jeunes, puisque c’est le prix de nos péchés. Tout en continuant à dire à leurs frères et soeurs: “devenez Français!”.]

      Vous avez mal lu – et mal cité – mon commentaire. Voici ce que j’avais écrit : « La haine que ces jeunes sentent pour nous est la haine que peut éprouver un jeune pour un père qui l’a abandonné, qui a refusé de remplir son rôle de père. C’est une haine que, collectivement, nous avons amplement méritée ». Mais la haine qu’on peut ressentir pour un père qui vous a abandonné n’a jamais justifié le meurtre de ce père, et encore moins le meurtre des autres membres de sa famille. Vous êtes chrétien, moi pas, et je ne me sens donc pas du tout concerné par cette histoire de « tendre l’autre joue », ou de « payer le prix de nos péchés ».

      Lorsque je dis que cette haine est « amplement méritée » ce que je veux dire c’est qu’on ne peut pas abandonner une jeunesse à son propre sort et ensuite exiger qu’elle vous aime. Cette détestation est la conséquence logique de choix politiques qui, dans une démocratie, sont de la responsabilité collective. Mais cette responsabilité collective n’est pas non plus également partagée. Car il y a des individus et des groupes sociaux qui se sont battus contre ces choix, qui ont tiré les sonnettes d’alarme.

      [« Je persiste à croire qu’il n’y a qu’une seule solution : la remise en marche du mécanisme d’assimilation ». Si vous avez raison, ne tardez pas trop… Parce que la situation se dégrade. Et je peux vous citer des gens d’origine maghrébine assimilés qui commencent à faire les frais de la colère qui monte.]

      Ce n’est pas forcément négatif. Cette « colère qui monte », si elle est bien canalisée, peut aboutir à une véritable pression sociale pour l’assimilation, cette même pression qui avait été abandonnée par une société devenue indifférente. Depuis quelques mois, un consensus commence à s’établir sur le fait que nous avons le droit d’exiger de ceux qui veulent s’installer chez nous des contreparties. Une idée que la bienpensance avait rendue tabou depuis trente ans. Le sujet est débattu sur la place publique, et même les candidats des partis « de gouvernement » commencent à parler d’assimilation. Bien sur, on ne reconstruira pas en trente jours ce qu’on a systématiquement détruit pendant trente ans, mais le vent souffle enfin dans la bonne direction.

      [« Mais la guerre n’a pas cessé : elle s’est transformée. » Oui, à tel point que la majorité des gens pense vivre en paix…]

      On revient toujours à la question du tragique en politique…

      [Quant à la bourgeoisie et à ses alliés des classes moyennes, ils sont en parfait accord avec leurs homologues des pays voisins. La concurrence économique pèse sur les couches populaires, les autres s’en sortent bien pour le moment. Et comme politiquement ce sont ces autres qui comptent vraiment…]

      Tout à fait… mais là aussi on commence à voir du changement. Les classes moyennes ont de moins en moins de gens qu’on peut jeter au crocodile…

      [« Et je pense que vous – quoi que vous puissiez en dire par coquetterie – non plus… » Mes doutes portent moins sur ce que je suis, que sur ce qu’est l’identité de la France. Suis-je encore le “Français type”? Quand j’entends des binationaux ou des immigrés me donner des leçons sur ce qu’est la France – et je crois pouvoir dire quand même que je connais assez bien l’histoire de mon pays – j’ai des doutes, en effet.]

      Mais de quels « binationaux ou immigrés » parlez-vous ? Ne me dites pas que vous prenez au sérieux les leçons imbéciles de quelques joueurs de football qui répètent le catéchisme bienpensant… et quand un « immigré » assimilé comme Finkielkraut vous « donne des leçons » sur ce qu’est la France, avouez que même sans ancêtres gaulois et sans être chrétien, il a quand même bien travaillé son sujet et que sa vision de la France n’est pas si différente de la vôtre.

      Je ne sais pas si vous êtes un « Français type », tout simplement parce que je ne crois pas qu’un tel « type » ait jamais existé. Qu’y a-t-il de commun entre le paysan ardéchois et le normalien parisien ? La France a toujours été un pays divers, et c’est justement la manière – juridique, politique, culturelle – dont nous avons su gérer cette diversité et créer des liens de solidarité réciproque et inconditionnelle entre des gens très différents qui fait l’identité de la France.

      [Je ne sais plus ce qu’il faut défendre, ce qu’il faut sauver, en admettant qu’on puisse sauver quelque chose. D’une certaine manière, je me sens coupable parce que j’ai laissé se déliter l’héritage de mes pères.]

      Oui, je l’avais compris cette angoisse, et je la partage jusqu’à un certain point – sauf que dans mon cas, il s’agit non pas de l’héritage de mes pères, mais de l’héritage symbolique que j’ai assumé le jour où je suis devenu français. Mais contrairement à vous, je pense savoir ce qu’il faut défendre : c’est « cette chose belle, précieuse, fragile et périssable » dont parle Finkielkraut. C’est une sociabilité, une forme de laïcité intellectuelle, l’attachement à une histoire, la grande et aussi la petite, et aux institutions qui en résultent. C’est l’héritage de Descartes et de Voltaire, de Richelieu et de Napoléon…

      Vous m’aviez reproché lors d’un précédent échange d’avoir écrit que les étrangers assimilés étaient souvent plus patriotes que les français « de souche » eux-mêmes. L’exemple de Finkielkraut – et le mien, car je partage beaucoup d’éléments de parcours avec lui, le génie en moins – illustre mieux mon propos : pour lui comme pour moi, devenir français n’est pas une évidence, c’est un problème. Et parce que la conquête de la « francité » a été pour nous difficile, nous avons peut-être une conscience plus aigue de ce que nous défendons et pourquoi nous le défendons. Je trouve que c’est une grande force de la France que d’être capable d’assimiler au point où les assimilés deviennent vos meilleurs alliés dans la défense de « l’héritage de vos pères ».

      [C’est pourquoi je n’arrive plus à alimenter un blog. Si j’étais sûr de mes idées et de mon identité, je les défendrais comme je l’ai fait plusieurs années durant, croyez-moi. Mais chaque fois que j’essaie de rédiger un texte, je dois abandonner: à part appeler à la vengeance et à la sédition contre un Etat qui nous a trahis, je n’ai plus rien à dire. Et comme je ne souhaite pas être convoqué devant un tribunal pour incitation à la haine…]

      Je vous propose une alternative : au lieu de concentrer votre énergie sur ceux qui ont trahi, concentrez-là sur ce que vous aimez. Sur cet héritage qu’il vous paraît – et me paraît aussi – si nécessaire à transmettre. Racontons cette France que nous aimons et que nous voyons aujourd’hui oubliée ou défigurée par les imbéciles. Invoquons ces figures qui peuvent encore aujourd’hui servir de référence et d’exemple.

    • Marcailloux dit :

      @ Descartes,
      Bonjour,
      [Qu’y a-t-il de commun entre le paysan ardéchois et le normalien parisien ?]
      Y aurait-il un message subliminal dans le choix du département rural invoqué ?
      Ou alors est-ce de l’ordre du lapsus calami ? Habitant en Ardèche et l’annonçant quelquefois sur ce lieu d’échange, l’emploi du terme connoté de « paysan » implicite de demeuré, peut surprendre. Sinon on emploie le mot « agriculteur ».
      J’en souris tout de même un peu.

      Et puisque vous évoquez ce « paysan ardéchois » j’en profite pour vous signaler le cas d’une assimilation exemplaire, celle de Pierre Rabhi,
      « essayiste, agriculteur bio, romancier et poète français, fondateur du mouvement Colibris. Il s’est engagé pour le développement de pratiques agricoles prenant en compte l’environnement et qui préservent les ressources naturelles, comme l’agroécologie et l’agriculture biodynamique. »
      selon les termes de Wikipédia qui précise aussi
      « Pierre Rabhi est né Rabah Rabhi en 1938 dans une famille musulmane de Kenadsa, près de Colomb-Béchar, une oasis dans le sud de l’Algérie. Sa mère meurt de tuberculose alors qu’il est âgé de 4 ans. Ses frères vivent à Béchar et Kenadsa.
      Son père, forgeron, musicien et poète le confie à l’âge de 5 ans à un couple de Français, un ingénieur gaulliste et une institutrice, venus travailler dans les houillères du Sud Oranais dans son village natal. Plus tard, le père est contraint de fermer son atelier et de travailler à la mine, ce qui marque la réflexion et la pensée du fils »

      J’apprécie hautement cet homme de valeur qui est un peu mon voisin et suis fier que mon pays lui ait permis de devenir ce qu’il est. A cet égard il est sans doute bien plus valeureux et méritant que nombre de normaliens parisiens nombrilistes et infatués. Ce qui les sépare peut-être est le degré d’humanisme qui les caractérise.
      Je n’adhère pas forcément à sa vision du monde mais je reconnais sa sagesse et la pondération dont il fait preuve.
      Ce qu’il a de commun avec le normalien, c’est qu’il est un produit de l’excellence française dans toute sa diversité, ce qui nous ramène aux apports positifs d’un certain « métissage » car son cas n’est pas unique.

    • Descartes dit :

      @ Marcailloux

      [« Qu’y a-t-il de commun entre le paysan ardéchois et le normalien parisien ? » Y aurait-il un message subliminal dans le choix du département rural invoqué ?]

      Pas du tout. Je l’ai choisi au hasard, peut-être parce que c’est un département que je connais bien et que j’aime beaucoup. Ma remarque n’implique d’ailleurs le moindre mépris envers les Ardéchois, que j’aime beaucoup.

      [l’emploi du terme connoté de « paysan » implicite de demeuré, peut surprendre.]

      Mais pourquoi « paysant » serait-il synonyme de « demeuré » ? Je trouve votre remarque très bizarre. Que je sache, le mot « paysan » n’est pas particulièrement « connoté ».

      [Sinon on emploie le mot « agriculteur ».]

      Certainement pas : les deux termes ne veulent pas dire la même chose. « Agriculteur » est un métier : on peut être « agriculteur » et vivre en ville. Le terme « paysan » implique la vie sur la terre. On parle d’ailleurs de « agriculture paysanne » pour la distinguer de l’agriculture industrielle…

      [Et puisque vous évoquez ce « paysan ardéchois » j’en profite pour vous signaler le cas d’une assimilation exemplaire, celle de Pierre Rabhi,]

      En effet. Comme quoi, le fait d’être assimilé n’est pas incompatible avec le fait d’être un escroc. Par contre, je ne vois pas trop le rapport avec le “paysan ardéchois”. Je crois me souvenir que Rabhi ne s’est guère “assimilé” aux traditions agricoles locales… un paysan ardéchois, ce n’est pas un paysan qui vit en Ardèche.

      [J’apprécie hautement cet homme de valeur qui est un peu mon voisin et suis fier que mon pays lui ait permis de devenir ce qu’il est. A cet égard il est sans doute bien plus valeureux et méritant que nombre de normaliens parisiens nombrilistes et infatués. Ce qui les sépare peut-être est le degré d’humanisme qui les caractérise.]

      C’est votre avis, ce n’est pas le mien. Personnellement, je pense que Rabhi est un escroc fort habile qui exploite sans vergogne la mode écolo-humaniste pour vendre sa camelote. Je vous conseille d’aller sur son site : on y condamne la société de consommation, mais on ne se gêne pas pour y vendre toutes sortes de « produits dérivés » : livres, DVDs, T-shirts, gadgets… On pourrait aussi passer quelque temps sur les rapports de Rabhi avec les sectes, notamment l’Anthroposophie qu’il soutient dans ses bouquins, ou son soutien « Centre d’information et de conseil des nouvelles spiritualités », fer de lance des mouvements sectaires contre le travail de surveillance des pouvoirs publics.

      Quant à « l’humanisme » de Rabhi, je ne peux pas vous suivre. L’idéologie de Rabhi est au contraire réactionnaire et anti-humaniste. Ce n’est pas parce qu’on est gentillet avec tout le monde qu’on est « l’humaniste ». L’humanisme est une idéologie qui met l’être humain au centre, et en fait un être a part dans l’ensemble de la création. D’une manière générale, l’écologie politique, avec son emphase sur la « nature » dont nous ne serions qu’une partie parmi d’autres, est un anti-humanisme.

      [Je n’adhère pas forcément à sa vision du monde mais je reconnais sa sagesse et la pondération dont il fait preuve.]

      Et le sens du commerce, n’oublions pas l’essentiel…

      [Ce qu’il a de commun avec le normalien, c’est qu’il est un produit de l’excellence française dans toute sa diversité,]

      L’escroquerie intellectuelle peut-elle être considéré un domaine de « l’excellence française » ? Je vous en laisse juge…

    • Marcailloux dit :

      @ Descartes,
      Bonsoir,
      [Comme quoi, le fait d’être assimilé n’est pas incompatible avec le fait d’être un escroc]
      Eh beh ! je m’accroche pour ne pas tomber de haut. J’avais, jusqu’à maintenant une tout autre image de cet homme.
      Mon regard était sans doute superficiel accompagné d’une bonne dose de sympathie tout en mesurant la relative utopie de son engagement après avoir parcouru deux de ses ouvrages.
      N’ayant pas votre sagacité à débusquer les imposteurs mais ne prenant pas pour argent comptant, en toute circonstance, ce que l’on me dit, je m’engage à élaborer ma propre opinion et vous en faire part le moment venu.
      Néanmoins je suis enclin à faire confiance à votre probité intellectuelle mais cela n’exclue pas le contrôle.
      Janus serait à mon sens le pseudo qui vous conviendrait si celui de Descartes s’évanouissait !

    • @ Descartes,

      “Mais oui, je tends à voir le bon côté des gens, et je vous avoue que j’ai été rarement déçu…”
      Heureux homme!

      “j’ai l’impression que votre « ethnicisme » – appelons-le comme ça – est moins une position idéologique qu’une réaction à un discours dominant qui fait du « métissage » un bien en soi, et qui soutient toutes sortes de revendications ethno-religieuses pourvu qu’elles émanent de « minorités ».”
      Vous avez tout à fait raison, d’ailleurs je ne m’en cache pas: puisque les autres ne cessent, en creux, de me renvoyer à mon identité d’ “homme blanc occidental”, pour la dénigrer qui plus est, eh bien ils ne peuvent pas s’étonner que je défende cette identité…

      “Cette « colère qui monte », si elle est bien canalisée, peut aboutir à une véritable pression sociale pour l’assimilation, cette même pression qui avait été abandonnée par une société devenue indifférente.”
      Mais qui est en mesure aujourd’hui de “bien” canaliser cette colère? La question mérite d’être posée. Par ailleurs, la pression que vous évoquez ne devrait pas s’appliquer uniquement aux immigrés, mais aussi à un certain nombre de groupes qui, passez-moi l’expression, commencent à nous pomper l’air: les véganes, les défenseurs des droits des animaux, les féministes de genre, les militants LGBT,… En fait, il y a une myriade de minorités à “mettre au pas”. Se démarquer du Français moyen (hétéro, mangeur de viande, etc) est devenu tellement conformiste que je ne suis pas sûr que la bataille pour préserver notre sociabilité puisse encore être gagnée. Les forces de l’obscurantisme et de la discorde, vous le savez, ne sont pas seulement du côté des religions.

      “Depuis quelques mois, un consensus commence à s’établir sur le fait que nous avons […] on ne reconstruira pas en trente jours ce qu’on a systématiquement détruit pendant trente ans, mais le vent souffle enfin dans la bonne direction.”
      Comme on dit, certains voient le verre à moitié plein, d’autres à moitié vide. J’ai tendance à penser que la période électorale pousse à “briser les tabous”. Mais de grands diseurs à grands faiseurs… il y a parfois de la distance. Une fois l’élection passée, si le souvenir des attentats s’estompent, m’est avis que l’on retombera dans la facilité, et dans le discours multiculturaliste lénifiant.

      “Mais de quels « binationaux ou immigrés » parlez-vous ? Ne me dites pas que vous prenez au sérieux les leçons imbéciles de quelques joueurs de football qui répètent le catéchisme bienpensant… et quand un « immigré » assimilé comme Finkielkraut vous « donne des leçons » sur ce qu’est la France, avouez que même sans ancêtres gaulois et sans être chrétien, il a quand même bien travaillé son sujet et que sa vision de la France n’est pas si différente de la vôtre.”
      Les leçons d’un Finkielkraut ne me dérangent pas, vous le savez bien. D’abord parce que c’est un penseur, un homme cultivé qui a une connaissance intime de son sujet, qui a énormément lu. J’ai un profond respect pour le savoir, pour le sien comme pour le vôtre. Même si Finkielkraut était étranger, j’écouterais avec intérêt ce qu’il aurait à dire sur la France s’il connaissait son sujet.
      Je ne pensais pas à des footballeurs, que je n’écoute guère. Je pensais plutôt à des artistes (qui pourtant ne sont pas tous des ignares) ou à des politiques d’origine étrangère et qui s’imaginent que tout le monde est comme eux: Charles Aznavour, Jacques Weber, Eduardo Rihan-Cipel, Esther Benbassa… Sans parler des “militants” Rockhaya Diallo et autres Houria Bouteldja qui ont les honneurs des plateaux TV pour diffuser leur discours raciste.

      “Je vous propose une alternative : au lieu de concentrer votre énergie sur ceux qui ont trahi, concentrez-là sur ce que vous aimez. […] Invoquons ces figures qui peuvent encore aujourd’hui servir de référence et d’exemple.”
      Je vais y penser. Merci en tout cas pour cet échange de qualité.

    • Descartes dit :

      @ Marcailloux

      [Eh beh ! je m’accroche pour ne pas tomber de haut. J’avais, jusqu’à maintenant une tout autre image de cet homme.]

      C’est vrai qu’il a l’air gentil, Rabhi. C’est souvent le cas avec les escrocs. J’avoue que je connaissais fort peu le personnage avant de l’avoir entendu chez les réacs de « CO2 mon amour » sur France Inter. Dans l’émission qui lui était consacré, il racontait son installation en Ardèche dans les années 50 – ou 60, je ne m’en souviens plus – expliquant que pendant dix ans il n’avait eu d’électricité. Banal, me direz vous. Sauf que quelques minutes plus tard, il racontait qu’à cette époque il écoutait souvent du Bach sur son électrophone. Alors, je me suis dit que faire marcher un électrophone sans électricité… du coup j’ai voulu savoir un peu plus sur le personnage !

      [Mon regard était sans doute superficiel accompagné d’une bonne dose de sympathie tout en mesurant la relative utopie de son engagement après avoir parcouru deux de ses ouvrages.]

      Vous êtes trop gentil avec les gens. Vous devriez vous méfier…

    • Descartes dit :

      @ nationaliste-ethniciste

      [« Mais oui, je tends à voir le bon côté des gens, et je vous avoue que j’ai été rarement déçu… » Heureux homme!]

      Oui, je l’avoue, je pense avoir eu beaucoup de chance…

      [« Cette « colère qui monte », si elle est bien canalisée, peut aboutir à une véritable pression sociale pour l’assimilation, cette même pression qui avait été abandonnée par une société devenue indifférente. » Mais qui est en mesure aujourd’hui de “bien” canaliser cette colère?]

      C’est là tout le problème. On trouve ici ou là des gens capables de canaliser la colère sur le terrain, mais ce sont des expériences locales. Au niveau global, nos élites politico-médiatiques ne produisent que des gens mous et sans caractère – comme Juppé, Hollande ou Laurent – et de temps en tems un fier-à-bras comme Sarkozy, Valls ou Mélenchon, qui ont la volonté et le caractère mais sans avoir la vision. Ni les uns ni les autres sont capables d’entraîner derrière eux une masse et transformer la colère en une force positive.

      [Par ailleurs, la pression que vous évoquez ne devrait pas s’appliquer uniquement aux immigrés, mais aussi à un certain nombre de groupes qui, passez-moi l’expression, commencent à nous pomper l’air: les véganes, les défenseurs des droits des animaux, les féministes de genre, les militants LGBT,… En fait, il y a une myriade de minorités à “mettre au pas”.]

      Bien entendu. C’est pour cette raison que j’ai voulu insister dans mon papier sur le fait que l’ennemi n’est pas l’Islam ou l’immigré, mais les idéologies « séparatistes » d’où qu’elles viennent. Dès lors qu’un groupe prétend vivre en marge des règles de la société et/ou imposer à la société ses propres règles, il doit être combattu sous peine de transformer notre pays en une confédération de tribus en guerre permanente les unes avec les autres pour conquérir la suprématie.

      [Se démarquer du Français moyen (hétéro, mangeur de viande, etc) est devenu tellement conformiste que je ne suis pas sûr que la bataille pour préserver notre sociabilité puisse encore être gagnée. Les forces de l’obscurantisme et de la discorde, vous le savez, ne sont pas seulement du côté des religions.]

      C’est tout à fait vrai. Mais il ne faut pas surestimer ce qui se passe dans le microcosme, ou imaginer que les problématiques de nos « stars » politico-médiatiques intéressent le reste du monde outre-mesure. Dans l’immense majorité des foyers, on mange sans complexe des steacks. Dans l’immense majorité des cafés les hommes – et les femmes, parce qu’il faut arrêter de croire qu’elles sont toutes pucelles – racontent leurs aventures de drague dans un langage qui dans les cercles bienpensants leur vaudrait une excommunication immédiate et le passage au pilori. Dans la grande majorité des foyers, l’homme et la femme fournissent des modèles différentiés fondés sur le sexe, quoi que puissent dire les idéologues du « genre ». Et, n’en déplaise à Mélenchon, rares sont ceux qui se précipitent devant la justice pour demander à changer de « genre » sur leur état civil.

      Le système médiatique a cela de pervers que de son fait les problèmes, les fantasmes et les marottes d’une toute petite couche des « classes moyennes » deviennent LE sujet, LA priorité. Il faut résister à ce genre de manipulation. La grande majorité des français sont blancs, hétéros, mangeurs de viande, et ne s’émeuvent pas outre mesure des outrages qu’ont fait vivre à l’oie dont le foie gras orne la table de Noël. Pire : la grande majorité de ceux qui ne sont pas hétéros, qui ne mangent pas de la viande et qui ne sont pas blancs ne mettent pas en scène leurs préférences et n’appellent pas l’Agence France Presse pour protester chaque fois qu’un morceau de foie gras passe dans leur voisinage.

      [Comme on dit, certains voient le verre à moitié plein, d’autres à moitié vide. J’ai tendance à penser que la période électorale pousse à “briser les tabous”. Mais de grands diseurs à grands faiseurs… il y a parfois de la distance. Une fois l’élection passée, si le souvenir des attentats s’estompent, m’est avis que l’on retombera dans la facilité, et dans le discours multiculturaliste lénifiant.]

      La tentation existera certainement. Cependant, cette fois-ci l’exigence qui vient de la masse du peuple est trop pressante, l’inquiétude trop grande pour que les politiques puissent se permettre, une fois l’élection passé, de retomber dans la politique du chien crevé au fil de l’eau dont le discours multiculturaliste n’est que la justification. Un ami qui avait fréquenté le cabinet de Charles Pasqua m’avait une fois raconté une histoire : lors de la rédaction de la loi sur l’immigration de 1987, un collaborateur de Pasqua lui avait dit « monsieur le ministre, vous savez bien que cette loi, vous parti, on ne trouvera personne pour l’appliquer ». Et Pasqua lui répondit : « ils ont intérêt à l’appliquer, parce que s’ils ne font pas, la prochaine loi c’est Le Pen qui la fera ». Et il a eu raison : les socialistes revenus au pouvoir en 1988 ont fait une politique bien plus proche de la sienne et bien moins « angélique » que dans la période 1981-86.

      [Les leçons d’un Finkielkraut ne me dérangent pas, vous le savez bien. D’abord parce que c’est un penseur, un homme cultivé qui a une connaissance intime de son sujet, qui a énormément lu. J’ai un profond respect pour le savoir, pour le sien comme pour le vôtre. Même si Finkielkraut était étranger, j’écouterais avec intérêt ce qu’il aurait à dire sur la France s’il connaissait son sujet.]

      Je ne crois pas que si Finkielkraut était étranger, vous l’écouteriez de ma même manière.

      [Je ne pensais pas à des footballeurs, que je n’écoute guère. Je pensais plutôt à des artistes (qui pourtant ne sont pas tous des ignares) ou à des politiques d’origine étrangère et qui s’imaginent que tout le monde est comme eux: Charles Aznavour, Jacques Weber, Eduardo Rihan-Cipel, Esther Benbassa… Sans parler des “militants” Rockhaya Diallo et autres Houria Bouteldja qui ont les honneurs des plateaux TV pour diffuser leur discours raciste.

      Esther Benbassa et Eduardo Rihan-Cypel ont bâti leur carrière sur leur « étrangéité ». Vous ne voudriez tout de même pas qu’ils renoncent à un positionnement qui, à l’heure de chiper une investiture, vaut de l’or… Tiens, à ce propos, une anecdote rigolote : ayant postulé pour un poste particulièrement intéressant et ayant été convoqué à un entretien, mon interlocuteur me fait comprendre que l’organisme cherche – pour des raisons de diversité – à recruter une femme, et que mes chances d’obtenir le poste sont minimes. Et puis, en lisant mon CV, il me dit tout à coup « mais je vois que vous êtes naturalisé… peut-être que je pourrais finalement vous prendre au titre de notre effort pour recruter des immigrés… ». Je crains à postériori avoir été légèrement impoli dans ma réponse… et je n’ai pas eu le poste. Peut-être que si au contraire j’avais accepté de porter mon origine en bandoulière, le résultat eut été différent.

      Je crains que le discours de bien de politiques ou d’artistes « diversitaires » tienne moins à des convictions profondes qu’à des raisonnements alimentaires. L’industrie de la « diversité », ça rapporte. Pourquoi se priver d’une référence qui ouvre tant de portes ?

    • Jean-François dit :

      @Descartes

      [La grande majorité des français sont blancs]

      Avez-vous une référence pour cette affirmation ? (Etant donné que les statistiques ethniques sont interdites en France, je croyais qu’il était impossible de le savoir.)

    • Descartes dit :

      @ Jean-François

      [Avez-vous une référence pour cette affirmation ?]

      L’observation et l’expérience…

    • @ Descartes,

      “Ni les uns ni les autres sont capables d’entraîner derrière eux une masse et transformer la colère en une force positive.”
      Alors que faut-il espérer selon vous?

      “Mais il ne faut pas surestimer ce qui se passe dans le microcosme, ou imaginer que les problématiques de nos « stars » politico-médiatiques intéressent le reste du monde outre-mesure.”
      Sans doute, mais le “microcosme” n’est pas dénué de pouvoir et d’influence. Par le biais d’alliances électorales, nombres d’écolo ont investi des postes de responsabilité à échelle locale (et j’en connais dans mon entourage), et réalisent parfois leurs lubies et leur propagande aux frais du contribuable… Même si, pour en avoir discuté avec l’un d’eux, je me suis aperçu que la pratique du pouvoir peut amener à une vision plus nuancée des choses.

      “Cependant, cette fois-ci l’exigence qui vient de la masse du peuple est trop pressante, l’inquiétude trop grande pour que les politiques puissent se permettre, une fois l’élection passé, de retomber dans la politique du chien crevé au fil de l’eau dont le discours multiculturaliste n’est que la justification.”
      Quels indices vous conduisent à cette conclusion très optimiste? Pardon, mais cette inquiétude, même si elle s’est amplifiée, n’est pas franchement nouvelle, elle existait déjà en 2007, en 2012… Et nous avons eu Hollande.

      “Je ne crois pas que si Finkielkraut était étranger, vous l’écouteriez de ma même manière.”
      Détrompez-vous: je suis toujours très intéressé par le regard que portent des étrangers sur la France, quand ils la connaissent bien s’entend. Il est souvent très instructif d’avoir un regard extérieur. Vous savez, je ne suis pas aussi fermé que j’en ai l’air…

      Cela étant, qu’est-ce qui me séduit dans le discours de Finkielkraut? La belle mécanique de la pensée ou le fait que, au fond, il pense un peu comme moi. Je me méfie toujours un peu des gens avec qui je suis d’accord: l’adhésion aux mêmes idées endort l’intelligence. Je me souviens d’une expérience, aux Pays-Bas je crois, où des chercheurs avaient constaté que la même proposition était condamnée ou accueillie avec bienveillance selon que son auteur était ou non du bord politique du citoyen qui jugeait ladite proposition. Je crains que nous ayons tendance à croire que les gens avec qui nous partageons de nombreuses idées sont très intelligents… Même si je ne doute pas de la culture et des qualités intellectuelles d’un Finkielkraut.

      “et je n’ai pas eu le poste. Peut-être que si au contraire j’avais accepté de porter mon origine en bandoulière, le résultat eut été différent.”
      Et pour un comme vous, combien auraient été tentés de jouer la carte de l’origine pour avoir ce poste? Je ne suis pas convaincu que tous les Français naturalisés aient vos scrupules, mon cher Descartes. Et d’une certaine façon, je ne leur jette pas la pierre, puisqu’ils épousent une logique certes inique mais encouragée par le discours ambiant.

      “Je crains que le discours de bien de politiques ou d’artistes « diversitaires » tienne moins à des convictions profondes qu’à des raisonnements alimentaires.”
      En ce qui me concerne, je fais crédit aux gens des opinions qu’ils expriment. Après tout, on peut toujours se taire. Certains artistes ne se sentent pas obligés de tresser des lauriers au multiculturalisme. Si d’autres sont malhonnêtes, cela n’enlève rien à la dureté de leurs propos. Je me souviens d’Aznavour déclarant: “les Français de souche, ça n’existe pas. Tout le monde a un grand-père ou un arrière-grand-père étranger”. Eh bien non, moi je n’en ai pas, j’en connais quelques autres dans le même cas, et j’avais trouvé ce propos extrêmement blessant. Personne n’a relevé à l’époque, personne n’a condamné cette phrase prononcée en plein JT à une heure de grande écoute. Aznavour ne s’est jamais excusé. Imaginons quelqu’un qui aurait déclaré “les Français juifs ou les Français d’origine arabe n’existent pas”…

    • Descartes dit :

      @nationaliste-ethniciste

      [« Ni les uns ni les autres sont capables d’entraîner derrière eux une masse et transformer la colère en une force positive. » Alors que faut-il espérer selon vous?]

      Que surgisse quelqu’un capable de le faire, bien entendu…

      [Quels indices vous conduisent à cette conclusion très optimiste? Pardon, mais cette inquiétude, même si elle s’est amplifiée, n’est pas franchement nouvelle, elle existait déjà en 2007, en 2012… Et nous avons eu Hollande.]

      Je pense que le 7 janvier 2015 a marqué une rupture. Ce jours là, le discours irénique de « l’intégration heureuse » a volé en éclats. Au point que même Hollande s’est senti obligé de répondre – même s’il l’a fait avec son incompétence habituelle – en reprenant une vieille revendication de l’extrême droite, celle de la déchéance de nationalité. Je ne crois pas que sur ces questions les hommes politiques puissent tourner le dos après les élections à leurs promesses.

      [« Je ne crois pas que si Finkielkraut était étranger, vous l’écouteriez de ma même manière. » Détrompez-vous: je suis toujours très intéressé par le regard que portent des étrangers sur la France, quand ils la connaissent bien s’entend. Il est souvent très instructif d’avoir un regard extérieur. Vous savez, je ne suis pas aussi fermé que j’en ai l’air…]

      Je n’ai jamais dit que vous étiez fermé, et jamais mis en doute que le regard extérieur vous intéresse. Notez bien que je n’ai pas écrit que vous n’écouteriez pas Finkielkraut s’il était étranger, j’ai dit que vous ne l’écouteriez pas « de la même manière ». On ne reçoit jamais la critique venue de l’extérieur de la même manière que celle d’un membre de la famille…

      [Cela étant, qu’est-ce qui me séduit dans le discours de Finkielkraut? La belle mécanique de la pensée ou le fait que, au fond, il pense un peu comme moi. Je me méfie toujours un peu des gens avec qui je suis d’accord: l’adhésion aux mêmes idées endort l’intelligence.]

      Vous avez raison de vous méfier. Mais dans mon cas, je suis libre de ce problème. Finkielkraut ne pense pas comme moi. Il vient d’une tradition intellectuelle qui n’est pas la mienne, qui s’est même durement affronté avec elle. Finkielkraut n’est pas vraiment « de mon bord politique », ou du moins ne l’a pas été pour l’essentiel de son parcours.

      [Et pour un comme vous, combien auraient été tentés de jouer la carte de l’origine pour avoir ce poste? Je ne suis pas convaincu que tous les Français naturalisés aient vos scrupules, mon cher Descartes. Et d’une certaine façon, je ne leur jette pas la pierre, puisqu’ils épousent une logique certes inique mais encouragée par le discours ambiant.]

      A partir de mon expérience et de mes contacts je pense que parmi les français assimilés – ce n’est pas la même chose que « naturalisés » – nous serions très nombreux à réagir comme cela. Mais je n’ai pas une statistique précise. Mais il est vrai qu’on peut difficilement reprocher à ceux qui ne le feraient pas de céder à ce qui finalement est devenu une injonction sociale.

      [En ce qui me concerne, je fais crédit aux gens des opinions qu’ils expriment.]

      Moi pas. J’ai tellement vu l’intérêt transformer des fornicateurs en saints et l’inverse…

  22. luc dit :

    Pierre Zarka et certains de ces amis d’ensemble,viennent de publier un texte:Ensemble contre Mélenchon;
    http://fischer02003.over-blog.com/2016/09/ensemble-contre-melenchon.html
    Ah,comme mon ancien secrétaire général du MJCF a changé…
    Une tempête dans un verre d’eau de plus,pour nos mondialistes frénétiques ou un règlement de compte?

    • Descartes dit :

      @ luc

      [Pierre Zarka et certains de ces amis d’ensemble, viennent de publier un texte: Ensemble contre Mélenchon;]

      Vous vous trompez. Pierre Zarka est quelques amis d’Ensemble ont envoyé un mail servant au débat interne et qui n’a aucune vocation à être rendu public. Un de leurs amis – qui leur veut certainement beaucoup de bien – a publié ce mail sur le blog que vous indiquez, en l’affublant d’ailleurs d’un titre de son cru. Comme quoi, c’est un vrai monde de loyauté et d’amitié, à Ensemble…

      En fait, c’est la guerre à Ensemble, et c’est pire qu’au PCF. Parce qu’il ne faut pas oublier que si on retrouve à Ensemble toute une théorie de gens venus des différentes « alternatives rouges et vertes », des juquinistes aux longues barbes blanches aux déçus des « collectifs antilibéraux », on y trouve aussi tout un groupe d’élus ex-PCF (Asensi, Fraysse, etc.) qui ont quitté le Parti pour jouir pleinement de leur statut de « notables » en disant et en faisant ce qui leur passe par la tête sans rendre compte à personne. Ces personnages, qui savent très bien que leurs sièges dépendent aussi de la bonne volonté du PS, n’ont guère envie de se laisser imposer leur ligne par Mélenchon…

      [Ah, comme mon ancien secrétaire général du MJCF a changé…]

      Faut dire que le pauvre a toujours parié sur le mauvais cheval…

  23. Françoise dit :

    La dernière fois qu’on a entendu la “base” débattre sur un projet, c’était au grand cirque de la nuit debout. Qu’est-ce qui en est sorti? rien, que du vent … et des détritus.

    Quant au “nous” de Marine Le Pen, demandez ce qu’en pense Marion Maréchal Le Pen!

  24. odp dit :

    @ NE ex NJ

    Bonjour,

    Evidemment nous radotons un peu (à nos âges, n’est-ce pas peu naturel…) ; mais il me semble que partant d’un constat légitime, celui du “seuil de tolérance”, vous effectuez un glissement à mon avis erroné en ne fondant, à la manière de Sparte, la Nation que sur l’agrégation des “semblables”.

    Or, comme vous le savez, c’est historiquement souvent inexact et tous les “grands peuples” ou presque se sont caractérisés par des tendances “exogames” et par conséquent impériales et assimilatrices: les Grecs, les Romains, les Francs, les Ottomans, les Français, les Anglais, les Russes, les Américains etc..

    Cela ne veut pas dire, une fois encore, qu’il faille ouvrir à tous vents les frontières, ni qu’il ne soit pas souhaitable, dans certaines circonstances, de les fermer totalement ; cela ne veut pas dire non plus que “l’idéal Européen” n’ait pas joué un rôle néfaste pour la cohésion nationale, mais plutôt en raison de l’idéologie post-nationale qu’il véhicule que de la présence accrue d’anglais, d’allemands, ou d’espagnols sur notre territoire.

    La force des idées a permis à des barbares de se sentir les dépositaires de la destinée de Rome, à des Écossais de former les bataillons de choc de la nation qui les avait pourtant subjugués, à des Corses et des Bretons de mourir en masse pour un pays dont ils parlaient à peine la langue ou à des Juifs de devancer l’appel pour se montrer à la hauteur de leur pays d’accueil. La première guerre mondiale a d’ailleurs montré que le pays universellement considéré comme le plus “cosmopolite”, le plus “individualiste” et le plus “dégénéré” d’Europe a su tenir le choc face à celui qui, a contrario, était considéré comme le plus “grégaire” et le plus “chimiquement pur”.

    Cela ne fait pas de votre volonté de tarir complètement le flux de l’immigration un non-sens car il existe en effet des effets de seuils ; en revanche, cela permet de faire des minorités visibles actuelles autre chose que des tâches au sein de la communauté nationale ou des traîtres en puissance. C’est un peu la discussion que nous avions engagé précédemment sur l’évolution de votre pseudonyme: nul besoin selon moi que vous deveniez “ethniciste” pour pouvoir vous opposer légitimement à l’immigration et promouvoir l’histoire et la culture française: la nationalisme républicain suffit. Le CNRS a récemment réédité “Les familles spirituelles de la France” de Barrès, conversion d’un nationaliste “identitaire” et “monolithique” à la “pluralité” des expériences françaises. Si le chantre de la “terre et des morts” a su rendre justice “aux corps étrangers” (les juifs, les protestants et les socialistes), c’est la preuve que, finalement, tout est possible.

    • Descartes dit :

      @ odp

      [La force des idées a permis à des barbares de se sentir les dépositaires de la destinée de Rome, à des Écossais de former les bataillons de choc de la nation qui les avait pourtant subjugués, à des Corses et des Bretons de mourir en masse pour un pays dont ils parlaient à peine la langue ou à des Juifs de devancer l’appel pour se montrer à la hauteur de leur pays d’accueil. La première guerre mondiale a d’ailleurs montré que le pays universellement considéré comme le plus “cosmopolite”, le plus “individualiste” et le plus “dégénéré” d’Europe a su tenir le choc face à celui qui, a contrario, était considéré comme le plus “grégaire” et le plus “chimiquement pur”.]

      Même si votre réponse s’adresse à N-E, je reprends la balle au bond. Je crois que vous avez trouvé les exemples que je cherchais pour illustrer la puissance de l’assimilation qui s’attache à la construction nationale. Car ce n’est pas la « force des idées » qui toute seule a accompli ce miracle, mais la capacité de l’empire romain, de l’empire britannique ou de la République française d’établir entre des citoyens finalement très différents les uns des autres un esprit de solidarité inconditionnelle dérivé d’un sens d’appartenance à un même corps vivant ayant un destin commun.

      Je partage donc votre conclusion.

    • @ odp,

      “c’est historiquement souvent inexact et tous les “grands peuples” ou presque se sont caractérisés par des tendances “exogames” et par conséquent impériales et assimilatrices: les Grecs, les Romains, les Francs, les Ottomans, les Français, les Anglais, les Russes, les Américains etc..”
      C’est vrai des Romains, moins des Grecs, du moins avant Alexandre. Les Chinois, les Coréens et surtout les Japonais ont une vision un peu différente des choses. Mais je vous accorde que les grands empires ont tendance à utiliser les talents issus de toutes les composantes de la population. Seulement, la logique impériale et la logique nationale diffèrent quelque peu. Allez demander aux Arméniens et aux Assyriens le prix qu’ils ont payé lorsque l’empire ottoman a commencé à muter en Etat national turc à partir de la fin du XIX°…
      La France a été un empire, et cet empire a été détruit au terme de deux longues guerres coloniales. Le repli sur le pré carré doit s’accompagner logiquement d’un repli identitaire. Certains poussent des cris d’orfraie à cette idée, mais c’est normal. Rester “ouvert” lorsque les autres vous ont rejeté et se sont fermés, c’est du suicide.

      “La force des idées a permis à des barbares de se sentir les dépositaires de la destinée de Rome”
      La force des idées? Je ne sais pas. L’intérêt bien compris, sans doute. Récupérer l’administration romaine et le droit romain, c’était se donner les moyens de pressurer le pays durablement et pacifiquement. Se convertir au christianisme, c’était s’assurer de pouvoir le faire avec la bénédiction du clergé, en acceptant de partager le gâteau avec ce qui restait des élites romanisées…

      “à des Écossais de former les bataillons de choc de la nation qui les avait pourtant subjugués”
      Je vous rappelle que c’est le roi d’Ecosse qui est devenu roi d’Angleterre au début du XVII°, et non l’inverse. Et lorsque les Stuarts furent détrônés, l’Ecosse jacobite s’est longtemps montrée hostile aux Hanovre. Après y a-t-il une nation britannique? Personnellement, j’ai tendance à le penser, malgré les velléités sécessionnistes en Ecosse.

      “à des Corses et des Bretons de mourir en masse pour un pays dont ils parlaient à peine la langue ou à des Juifs de devancer l’appel pour se montrer à la hauteur de leur pays d’accueil.”
      Sans doute. Il n’en demeure pas moins que ce pays était le leur, qu’ils lui avaient fourni avant la Grande Guerre (à laquelle vous faites allusion je pense) des marins, des députés de la Convention et quelques grands hommes: Du Guesclin pour la Bretagne, Napoléon pour la Corse. Mais croyez-vous que les Corses et Bretons seraient dans les mêmes dispositions s’ils avaient mené des guerres d’indépendance pour se débarrasser du joug de la France? On ne peut pas comparer les Bretons aux Algériens ou aux Malgaches.

      “Si le chantre de la “terre et des morts” a su rendre justice “aux corps étrangers” (les juifs, les protestants et les socialistes), c’est la preuve que, finalement, tout est possible.”
      L’évolution de Barrès est étonnante, et le personnage m’a toujours davantage intéressé que Maurras, car son nationalisme a toujours été plus syncrétique que celui de l’Action Française. Mais je ne crois pas pour autant que tout soit possible. Les “corps étrangers” issus du monde musulman, et tout particulièrement des anciennes colonies, présentent une spécificité: ils proviennent de territoires dont les populations ont choisi de vivre un destin hors du giron français. Je sais que Descartes va me dire que venir en France est un choix individuel, que les Subsahariens et Maghrébins d’aujourd’hui ne sont pas forcément tenus par les décisions de leurs pères, que de toute façon ils sont là et qu’on ne va pas les chasser. Mais pour moi, la présence de ces gens sur le sol français n’a aucun sens, elle est anormale et inacceptable. Le divorce est consommé, la cohabitation était devenue impossible dans les colonies, je ne vois aucune raison valable qu’elle le soit aujourd’hui en métropole. Par ailleurs, puisque vous citez les protestants, il convient de rappeler qu’il s’agit du reliquat protestant, celui qui a survécu à la Saint-Barthélémy et qui est resté après la révocation de l’Edit de Nantes. Le reste a péri ou a fui…

  25. C. dit :

    Bonjour Descartes,
    Un commentaire sur le sauvetage d’Alstom? Je ne comprends pas quelle pourrait être la justification du gouvernement pour sauver cette usine. C’est d’abord faire entorse à leur bien aimée réglementation européenne, sinon dans la lettre (ils ont apparemment réussi à finailler…), du moins dans l’esprit. C’est clairement une aide d’État, ce qui semble aller à l’encontre de leurs principes économiques (dont on sait bien ce qu’ils valent…). Ça pourrait se justifier au nom d’une certaine politique industrielle, mais ce gouvernement n’en a pas, et je doute fort que ce sauvetage s’inscrive dans une perspective d’avenir au-delà de mai 2017…
    Au final, ce qui pourrait être un œuvre méritoire (je ne connais pas assez la filière pour savoir si sauver ce site a un sens) devient particulièrement odieux lorsque ça résulte d’un calcul électoral. Je me demande comment c’est perçu par les salariés d’autres secteurs qui eux ont perdu leur travail parce qu’ils n’ont pas eu la chance de passer à la une en période électorale…

    PS: Si je communique une adresse mail lors de l’envoi de mon message, est-elle communiquée à tous ou seulement à vous-même?

    • Descartes dit :

      @ C.

      [Un commentaire sur le sauvetage d’Alstom?]

      Je compte faire un papier complet…

      [Je ne comprends pas quelle pourrait être la justification du gouvernement pour sauver cette usine.]

      Je ne sais pas si vous êtes au courant, mais en mai prochain, on va mettre des petits papiers dans l’urne…

      [Ça pourrait se justifier au nom d’une certaine politique industrielle, mais ce gouvernement n’en a pas, et je doute fort que ce sauvetage s’inscrive dans une perspective d’avenir au-delà de mai 2017…]

      En fait, c’est bien ça le problème : il n’y a pas de politique industrielle – et plus largement, de politique économique. Il n’y a plus que deux politiques en France : la politique budgétaire – faut pas fâcher Bruxelles – et la politique de l’emploi – faut pas fâcher l’électeur. Tout le reste est secondaire. Et ce n’est pas seulement au niveau du gouvernement : dans les autres partis, de l’extrême gauche à la droite, ce n’est guère mieux. Plus aucune réflexion sur les industries prioritaires ou stratégiques : Alstom ou Fralib, c’est la même chose.

      Cela laisse l’Etat exposé à tous les chantages. Parce que dites-vous bien que si Althom obtient pour quelques centaines de millions de commandes en menaçant de fermer une usine, il y en a d’autres qui ne vont pas se priver de jouer le même gambit. Au lieu de travailler sur les causes des problèmes, on déversera à chaque fois de tombereaux d’argent public – à la plus grande joie des patrons concernés – pour maintenir les emplois.

      [Au final, ce qui pourrait être un œuvre méritoire (je ne connais pas assez la filière pour savoir si sauver ce site a un sens) devient particulièrement odieux lorsque ça résulte d’un calcul électoral. Je me demande comment c’est perçu par les salariés d’autres secteurs qui eux ont perdu leur travail parce qu’ils n’ont pas eu la chance de passer à la une en période électorale…]

      Exactement…

      [PS: Si je communique une adresse mail lors de l’envoi de mon message, est-elle communiquée à tous ou seulement à vous-même?]

      Seulement à moi-même, qui bien entendu ne la communique à personne. Elle me sert dans l’hypothèse ou j’aurais un message personnel à vous adresser, par exemple pour vous expliquer pourquoi je décide de ne pas publier un commentaire.

  26. Anne Iversaire dit :

    Bonjour descartes

    Une petite réponse sur ce commentaire de Lutte Ouvrière à propos du “roman national” (et plus généralement sur l’article en lien) ?

    “dans l’histoire de la nation française, on trouve aussi bien les philosophes qui combattirent la monarchie et l’Église et les combattants de la Révolution que les massacreurs des conquêtes coloniales, les généraux qui firent tirer sur les ouvriers insurgés, les Pétain et les Massu. Alors, se référer à la nation ou au récit national est toujours une façon d’entretenir la confusion et de jeter un voile sur les luttes passées et futures.”

    http://journal.lutte-ouvriere.org/2016/10/05/le-roman-national-une-prison-pour-les-travailleurs_71187.html

    • Descartes dit :

      @ Anne Iversaire

      [Une petite réponse sur ce commentaire de Lutte Ouvrière à propos du “roman national” (et plus généralement sur l’article en lien) ?]

      Que voulez-vous que je vous dise… ces gens là, qui se réclament pourtant d’une vision scientifique de l’histoire, n’ont toujours pas compris que la méthode scientifique implique que le test vital de toute théorie est la confrontation avec la réalité. Chez LO, on explique que « (La classe ouvrière) n’a rien à gagner à défendre des institutions qui sont à la fois des vestiges du passé et des armes aux mains de ses ennemis », mais on ne se demande jamais pourquoi dans le monde réelle c’est précisément « la classe ouvrière » qui est le plus attachée à ces institutions et la plus prompte à les défendre, alors que ce sont au contraire les « classes moyennes » et la bourgeoisie qui sont les premières à les brader.

      Les gauchistes nous proposent depuis un demi-siècle une explication du monde, et le fait que cette explication soit contredite à chaque pas par les événements du monde réel ne les affecte en rien. A les lire, la première guerre mondiale n’aurait jamais du avoir lieu, puisque les ouvriers de part et d’autre de la tranchée auraient du fraterniser et s’unir contre leurs exploiteurs. Un siècle plus tard, ils n’ont toujours pas réussi à expliquer pourquoi les prolétaires ont suivi leurs « méchants bergers » nationalistes plutôt que les avocats du paradis internationaliste.

      La tragédie du marxisme, c’est que les disciples de Marx se refusent à lire Hobbes. Ayant caractérisé – à partir d’une lecture caricaturale de Marx – l’Etat comme l’instrument de la bourgeoisie et la nation comme un mensonge bourgeois, ils se sont dispensés de penser théoriquement l’un et l’autre. Et du coup, ils n’arrivent pas à comprendre pourquoi le prolétariat s’est attaché à la nation précisément au moment ou la bourgeoisie s’en est désintéressée. Ce qui conduit aux erreurs d’analyse comme celle qui a poussé LO à appeler à l’abstention lors du référendum sur le traité de Maastricht. Pour une fois, LO a fait l’histoire : grâce à cette abstention, le traité est passé…

    • Barbey dit :

      “pourquoi le prolétariat s’est attaché à la nation précisément au moment ou la bourgeoisie s’en est désintéressée.”

      Pouvez vous développer svp?

    • Descartes dit :

      @ Barbey

      [« pourquoi le prolétariat s’est attaché à la nation précisément au moment ou la bourgeoisie s’en est désintéressée. » Pouvez vous développer svp?]

      Depuis les années 1950 le PCF, qui assumait la représentation politique de la classe ouvrière, a progressivement intégré sous la pression de son électorat la dimension nationale dans son discours. Après son virage vers les « classes moyennes » au milieu des années 1990, la classe ouvrière s’est progressivement tournée vers le FN. En parallèle, l’expression politique de la bourgeoisie s’est progressivement éloignée de la nation pour se convertir à une vision supranationale de la construction européenne.

      On voit donc un double mouvement parallèle : le mouvement ouvrier s’éloigne d’une vision radicalement internationaliste pour intégrer l’idée de nation dans sa vision du monde, alors que la bourgeoisie ne jure que sur la supranationalité…

    • Barbey dit :

      Ma question, très vague, portait sur pourquoi ce changement a eu lieu. Cela me fait à une phrase de Bainville dans son Histoire de France “Que cette noblesse française était étrange! Tantôt fidèle, dévouée, prête à verser son sang, décimée à Crécy, décimée à Poitiers, décimée à Azincourt; tantôt insoumise et dressée contre l’État.”

      Bref, ce changement n’intervient que quand nos intérêts ne concordent plus avec les intérêts de l’Etat? C’est d’une tristesse et d’un malheur….

    • Descartes dit :

      @ Barbey

      [Ma question, très vague, portait sur pourquoi ce changement a eu lieu. Cela me fait à une phrase de Bainville dans son Histoire de France “Que cette noblesse française était étrange! Tantôt fidèle, dévouée, prête à verser son sang, décimée à Crécy, décimée à Poitiers, décimée à Azincourt; tantôt insoumise et dressée contre l’État.” Bref, ce changement n’intervient que quand nos intérêts ne concordent plus avec les intérêts de l’Etat? C’est d’une tristesse et d’un malheur….]

      Pourquoi serait-ce « triste » ? Le réel n’est jamais triste, il est comme il est. La noblesse française – comme toutes les noblesses, d’ailleurs – était prête à « verser son sang » lorsque son intérêt de classe l’exigeait. Quand elle dominait l’Etat – ou plutôt le proto-Etat, parce qu’on peut difficilement parler d’Etat au temps de Crécy ou de Poitiers – elle était prête à verser son sang pour le défendre. Quand l’Etat lui a échappé, elle a changé d’avis…

  27. “Ils n’ont toujours pas réussi à expliquer pourquoi les prolétaires ont suivi leurs « méchants bergers » nationalistes plutôt que les avocats du paradis internationaliste.”

    Je n’ai pas l’impression que Lénine, Luxembourg ou les autres figures du marxisme de l’époque soient quant à eux parvenus à apporter une explication (si ce n’est au moyen de concepts douteux, du style la “fausse conscience”, ou d’accusation envers la social-démocratie allemande). Ils vivaient tous l’événement avec un certain désespoir et un sentiment d’échec, même si ça ne les a pas détourné de la politique.

    “Ayant caractérisé – à partir d’une lecture caricaturale de Marx – l’Etat comme l’instrument de la bourgeoisie et la nation comme un mensonge bourgeois.”

    Ce n’est pas une lecture caricaturale, parce que la position de Marx sur ces questions est ambigüe, et on peut légitiment penser qu’elle a varié. Le Manifeste nous dit simultanément que les prolétaires n’ont pas de patrie ET que la lutte pour l’émancipation des travailleurs doit se faire dans un cadre national, contre la bourgeoisie nationale. Vous admettez que c’est ambigüe ?

    Ensuite sur l’Etat. Le Marx du Manifeste voit clairement l’Etat comme un moyen dont le prolétariat doit se saisir pour assurer la phase de transition vers le socialisme: “Le prolétariat se servira de sa suprématie politique pour arracher petit à petit tout le capital à la bourgeoisie, pour centraliser tous les instruments de production entre les mains de l’Etat, c’est-à-dire du prolétariat organisé en classe dominante, et pour augmenter au plus vite la quantité des forces productives.” (Karl Marx et Friedrich Engels, Le Manifeste communiste, II. Prolétaires et communistes, 1848).

    Et pourtant, dans les textes de la période de la Commune, Marx semble nettement moins étatiste (l’Etat était déjà vilipendé comme une machine oppressive tendanciellement autonome de la bourgeoisie dans le Dix-brumaire), justifiant toutes les lectures anarchisantes de son œuvre qui ont suivi (Pannekoek, Bruno Rizzi , Maximilien Rubel, Debord, plus récemment la tendance Toni Negri, etc.): « La Commune ne fut pas une révolution contre une forme quelconque de pouvoir d’État, légitimiste, constitutionnelle, républicaine ou impériale. Elle fut une révolution contre l’État comme tel, contre cet avorton monstrueux de la société (…) Elle ne fut pas une révolution ayant pour but de transférer le pouvoir d’État d’une fraction des classes dominantes à une autre mais une révolution tendant à détruire cette machine abjecte de la domination de classe. » (Karl Marx, Lettre à Louis Kugelmann, 17 avril 1871).

    • Descartes dit :

      @ Johnathan R. Razorback

      [Je n’ai pas l’impression que Lénine, Luxembourg ou les autres figures du marxisme de l’époque soient quant à eux parvenus à apporter une explication (si ce n’est au moyen de concepts douteux, du style la “fausse conscience”, ou d’accusation envers la social-démocratie allemande). Ils vivaient tous l’événement avec un certain désespoir et un sentiment d’échec, même si ça ne les a pas détourné de la politique.]
      Je ne connais pas l’œuvre de Luxembourg suffisamment pour commenter, mais chez Lénine ce n’est pas tout à fait exact. Lénine était pleinement conscient du problème, qu’on retrouve déjà dans les « notes critiques sur la question nationale » (1913):
      « Le capitalisme connaît au cours de son développement deux tendances historiques en ce qui concerne la question nationale. La première réside dans l’éveil de la vie nationale et des mouvements nationaux, la lutte contre toute oppression nationale, la création d’Etats nationaux. La seconde réside dans le développement et la multiplication de relations de toutes sortes entre les nations, dans la destruction des barrières nationales et la création de l’unité internationale du capital, de la vie économique en général, de la politique, de la science, etc.
      Ces deux tendances constituent la loi universelle du capitalisme. La première domine au début de son développement, la seconde caractérise le capitalisme déjà mûr et qui va vers sa transformation en une société socialiste. Le programme national des marxistes tient compte des deux tendances en défendant, en premier lieu, l’égalité des nations et des langues, l’opposition à tout privilège quel qu’il soit à cet égard (et en défendant aussi le droit des nations à disposer d’elles-mêmes, ce dont nous parlerons plus loin); en défendant, en second lieu, le principe de l’internationalisme et de la lutte intransigeante contre la contamination du prolétariat par le nationalisme bourgeois, fût il le plus raffiné. »
      A la lecture de ce texte, on réalise que Lénine est parfaitement conscient de la contradiction entre la puissance de la nation en tant qu’institution et le classique rejet des socialistes de l’époque pour toute idéologie « nationaliste » et le caractère international du combat du prolétariat. Dans ce même texte, il se fait d’ailleurs l’avocat de « l’assimilation », dénonçant durement ceux qui soutiennent la priorité à la défense de logiques « communautaires » (j’utilise le langage moderne) :

      « Les critiques les plus violentes contre l’« assimilationnisme » des marxistes orthodoxes russes viennent des nationalistes juifs de Russie en général, et des bundistes en particulier. Or, on a vu plus haut que sur dix millions et demi de Juifs dans le monde entier, près de la moitié vivent dans le monde civilisé, dans les conditions du plus grand « assimilationnisme », alors que les Juifs de Russie et de Galicie, malheureux, accablés, privés de droits, écrasés par les Pourichkévitch (russes et polonais), sont les seuls à vivre dans les conditions du moindre « assimilationnisme », du plus grand particularisme, qui va jusqu’à la « zone de résidence forcée » pour les Juifs, jusqu’au numerus clausus et autres beautés à la Pourichkévitch.
      Dans le monde civilisé, les Juifs ne constituent pas une nation; ils se sont assimilés plus que les autres, disent, K. Kautsky et O. Bauer. Les Juifs de Galicie et de Russie ne constituent pas une nation; malheureusement (paspar leur faute, mais par celle des Pourichkévitch) ils sont encore une caste. Tel est le jugement incontestable d’hommes qui connaissent incontestablement l’histoire juive et tiennent compte des faits cités plus haut.
      Qu’est ce que cela prouve ? Que seuls peuvent crier à l’« assimilationnisme » les petits bourgeois réactionnaires juifs qui veulent faire tourner à rebours la roue de l’histoire, non pas du régime de la Russie et de la Galicie vers le régime de Paris et de New York, mais inversement. »

      Lu avec un œil moderne, ces textes illustrent bien les difficulté dans laquelle se trouvait la social-démocratie marxiste sur cette question. Et d’une certaine manière, cette confusion semble persister encore aujourd’hui.

      [Ce n’est pas une lecture caricaturale, parce que la position de Marx sur ces questions est ambigüe, et on peut légitiment penser qu’elle a varié.]

      Lorsque je parle de « lecture caricaturale », je faisais en fait référence à une lecture anachronique. Marx a changé certainement d’opinion sur la question de l’Etat parce que l’Etat lui-même a changé. On tend à oublier que Marx né en 1818 en Rhénanie, à peine vingt ans après la Révolution française, dans une Allemagne qui était « une nation sans Etat » et dans une Europe ou le passage de l’Etat féodal et personnel à l’Etat-nation moderne était dans des stades très différents d’évolution selon les territoires. Dans ces conditions, on peut comprendre que Marx n’ait pas laissé une théorie cohérente de l’Etat, et que son appréciation ait changé au fur et à mesure du temps et de ses pérégrinations entre la Prusse, la France, la Belgique et l’Angleterre…

      [Le Manifeste nous dit simultanément que les prolétaires n’ont pas de patrie ET que la lutte pour l’émancipation des travailleurs doit se faire dans un cadre national, contre la bourgeoisie nationale. Vous admettez que c’est ambigüe ?]

      C’est doublement ambigu : il y a non seulement une contradiction apparente, mais un problème de définition de ce que peut vouloir dire « le cadre national » en 1848. C’est quoi le « cadre national » d’un sujet austro-hongrois né à Prague et dont la langue usuelle est l’allemand ? Est-ce que le concept a le même sens pour l’ouvrier parisien né à Lyon ? Sur cette question, la lecture de Marx est en général « caricaturale » en ce qu’elle ne prends pas en compte le contexte historique particulier dans lequel Marx écrit.

      Marx ne nous laisse malheureusement aucun travail sérieux sur les questions comme la nation ou l’Etat. Est-ce parce que la nation et l’Etat était encore un objet trop neuf, trop changeant à son époque pour pouvoir être analysé avec les instruments dont il disposait ? Est-ce parce que dans les débats du mouvement ouvrier de l’époque la question ne paraissait pas prioritaire ? Est-ce parce que la vision hégélienne dans laquelle Marx a été formé ne le conduisait pas dans cette direction ? Le débat reste ouvert.

  28. Anne Iversaire dit :

    @ Descartes, @ Marcailloux

    Belle réponse de Descartes sur Rabhi.

    Je suis régulièrement effarée d’entendre des ami-e-s s’ébaudir sur ses “miracles” ; pas plus tard que la semaine dernière, une amie revenant de visiter son domaine affirmer qu’il y avait “transformé un désert en oasis”…

    En fait, les thuriféraires de Rabhi confondent agriculture et jardinage ; et ne veulent, de surcroît, pas voir que ce qui “marche” dans ses expériences n’est dû, pour l’essentiel, qu’à son indifférence à la notion de rendement… et à la grande quantité de main d’oeuvre gratuite dont il bénéficie de la part de volontaires (j’allais dire de gogos) en “stage” sur le domaine.

    Pour mieux cerner cet aspect, voir cette enquête “de terrain” menée sur le domaine en question :

    http://afis-ardeche.blogspot.fr/2012/09/humanisme-notre-visite-chez-des.html

    • Marcailloux dit :

      @ Anne Iversaire
      Bonjour,
      [Belle réponse de Descartes sur Rabhi.]
      Nous n’avons pas la même notion du beau. Ce qui comporte une part de vérité ne correspond pas forcément aux canons de la beauté.
      Je ne conteste pas que le personnage pose question. Descartes, dans sa réponse lapidaire a, en effet, le mérite d’alerter.
      De là à employer le terme d’escroc . . . . je serais pour ma part plus circonspect.
      Ce que je ne trouve pas très esthétique, ni éthique au demeurant, c’est la suspicion spontanée de notre hôte à partir de ce qui n’est peut-être qu’une légère inexactitude sur un sujet secondaire à savoir le fait d’écouter Bach sur un électrophone après avoir indiqué qu’il n’avait pas l’électricité dans sa ferme. Cela peut vouloir dire et je l’ai quelquefois entendu, qu’il n’était pas raccordé au secteur EDF. Les Africains, forcé par la pénurie, ont une capacité extraordinaire à bricoler des systèmes bancals mais dotés d’une certaine efficacité, j’ai souvent l’occasion de m’en rendre compte.

      @ Descartes
      Bonjour,
      Il est probablement exact que s’est constituée, autour de ce personnage, une galaxie d’individualités poursuivant des buts divers et variés, certain chargés d’une utopie somme toute un peu folklorique, ils ne me semblent pas bien dangereux, d’autre poursuivent des buts moins altruistes sans doute.
      Ne peut-on pas imaginer que le bonhomme poursuivant une quête personnelle a, par son aura personnelle, agrégé une masse de disciples, d’admirateurs sans doute bobo en diable, et qu’il s’est laissé porter par la vague. Qui est escroqué dans l’affaire ? Tout au plus nous avons à faire à des naïfs.
      D’autre part, je constate qu’il fait l’objet d’une violente controverse d’assez peu d’associations ou d’individus qui sont par contre, eux, inconditionnellement favorables à l’agriculture intensive. On comprend qu’il les dérange, mais tout cela est affaire d’opinion. Le sectarisme me semble en l’occurrence assez bien partagé.
      Circonspection et bénéfice du doute, voilà ma position à son égard et je ne suis pas prêt à le vouer aux gémonies.
      C’est comme la religion, je n’y crois pas et j’accepte cependant que d’autres aient la foi du charbonnier.
      Après tout, n’est-ce pas plus une escroquerie pour un ancien président de la République de dénigrer le Conseil d’Etat, les élites, les experts et tutti quanti ?
      A ce train on pourrait presque le soupçonner d’être l’instigateur des tags anti flics de la Sorbonne !

    • Descartes dit :

      @ Marcailloux

      [Ce que je ne trouve pas très esthétique, ni éthique au demeurant, c’est la suspicion spontanée de notre hôte à partir de ce qui n’est peut-être qu’une légère inexactitude sur un sujet secondaire à savoir le fait d’écouter Bach sur un électrophone après avoir indiqué qu’il n’avait pas l’électricité dans sa ferme.]

      Accordez moi que je ne condamne pas Rabhi sur une « légère inexactitude ». Simplement, cette « légère inexactitude » – qui est plutôt une contradiction qu’une inexactitude – m’a donné envie de regarder plus avant le personnage, parce que mon expérience m’a tristement montré que lorsqu’on n’est pas rigoureux dans les petites choses, on l’est rarement dans les grandes, comme aurait dit Richelieu.

      [Ne peut-on pas imaginer que le bonhomme poursuivant une quête personnelle a, par son aura personnelle, agrégé une masse de disciples, d’admirateurs sans doute bobo en diable, et qu’il s’est laissé porter par la vague. Qui est escroqué dans l’affaire ? Tout au plus nous avons à faire à des naïfs.]

      Le génie a ses servitudes. Quant on « agrège des disciples », on est en partie responsable de ce qu’ils font en votre nom. Mais dans le cas présent, ce n’est pas une question de « disciples » : c’est Rabhi lui-même qui dirige son mouvement et empoche les bénéfices de cette foire.

      [D’autre part, je constate qu’il fait l’objet d’une violente controverse d’assez peu d’associations ou d’individus qui sont par contre, eux, inconditionnellement favorables à l’agriculture intensive. On comprend qu’il les dérange, mais tout cela est affaire d’opinion. Le sectarisme me semble en l’occurrence assez bien partagé.]

      Je regrette, mais je suis totalement en désaccord. Entre le scientifique et le charlatan, il n’y a pas de symétrie. Le médecin qui, en s’appuyant sur des statistiques et des essais en double aveugle, affirme que la pénicilline est efficace contre telle maladie infectieuse n’est pas sur le même plan que le gourou new age qui vous explique que tel ou tel jus de carotte guérit le cancer parce qu’il est « proche de la nature ». Il n’y a aucun « sectarisme » à affirmer que la terre est ronde ou que les objets tombent du haut vers le bas. Et tout cela n’est pas « affaire d’opinion ».

      [C’est comme la religion, je n’y crois pas et j’accepte cependant que d’autres aient la foi du charbonnier.]

      Non, justement. La réalité n’est pas affaire de foi. C’est plutôt le contraire : le réel est ce qui demeure quand on a cessé d’y croire. Lorsque Rabhi nous parle de l’efficacité de ses techniques agricoles, on est dans le domaine du réel, et non de la foi.

      [Après tout, n’est-ce pas plus une escroquerie pour un ancien président de la République de dénigrer le Conseil d’Etat, les élites, les experts et tutti quanti ?]

      Probablement. Mais les escroqueries intellectuelles des uns ne justifient pas les escroqueries intellectuelles des autres.

  29. luc dit :

    Une fois de plus vous présentez un texte dense,fouillé et inspirateur.
    Merci.
    Un peu d’humour en évoquant le dernier candidat connu:Monsieur Programme.
    Son prénom est il ‘Commun’ ou André?
    Soumis au vote des membres du pcf ,peut être en Janvier,il côtoie deux autres propositions:Celle de soutenir le candidat Mélenchon ou celle de ne soutenir aucune position.
    Pour moi,cette prise de position du clan Laurent/Dartigolles est excellente mais je me méfie d’eux.
    Pourtant soutenir Monsieur Programme est une excellente façon de recentrer le débat sur les vrais enjeux mais est ce adapté au format trés personnaliste de l’élection présidentielle?
    Au final,nous aurons certainement un pitoyable ralliement à la Mitterrandienne arrogance anti-pcf de JLM,non?

    • Descartes dit :

      @luc

      [Au final,nous aurons certainement un pitoyable ralliement à la Mitterrandienne arrogance anti-pcf de JLM,non?]

      Je ne sais pas. La direction du PCF s’est laissée enfermer dans un coin, et elle a maintenant à choisir entre de bien mauvaises solutions.

  30. @Descartes
    “Marx ne nous laisse malheureusement aucun travail sérieux sur les questions comme la nation ou l’Etat.”

    C’est ce que Maxime Rodinson est amené à dire (cf: http://www.persee.fr/doc/homso_0018-4306_1968_num_7_1_1104 ). Si on accepte d’ajouter à ça les thèses de Régis Debray sur le caractère utopique du communisme de Marx (cf: http://hydra.forumactif.org/t2763-regis-debray-proletariat-et-nation-le-pot-de-terre-contre-le-pot-de-fer?highlight=debray ), ça commence à faire beaucoup…

    J’en profite pour vous demander ce que vous pensez du PRCF ? (cf: http://www.initiative-communiste.fr/programme-candidat-2012/ ).

    • Descartes dit :

      @ Johnathan R. Razorback

      Désolé de ma réponse tardive… mais vous me donnez tellement de références à lire, qu’il me faut prendre mon temps pour vous répondre… 😉

      [C’est ce que Maxime Rodinson est amené à dire]

      Rodinson dans cet article parle plus de la Nation que de l’Etat. Au passage, c’est un article vraiment très intéressant. Je n’ai pas beaucoup lu Rodinson, mais je retrouve dans cet article mon idée de la Nation définie à partir d’une forme de solidarité particulière…

      [Si on accepte d’ajouter à ça les thèses de Régis Debray sur le caractère utopique du communisme de Marx (…), ça commence à faire beaucoup…]

      Thèses qu’au demeurant je partage. Là encore, je trouve cet article excellent. Personnellement, je suis un marxiste au sens que je revendique les outils d’analyse de la société développés par Marx, et tout particulièrement le matérialisme historique. Marx est un analyste brillant de la société capitaliste. Mais je suis bien plus réservé quant aux interprétations prophétiques qu’on a souvent donné à son œuvre. Le communisme de Marx est plus un état idéal, une sorte de « fin de l’histoire », qu’une organisation sociale réalisable.

      [J’en profite pour vous demander ce que vous pensez du PRCF ? (…).]

      J’ai un peu participé à la naissance du PRCF, en 1994, quand il s’agissait de créer un mouvement de résistance interne au PCF contre l’opération de démolition – pardon, la « mutation » – portée par Robert (Ub)Hue et sa bande de joyeux notables. A l’époque, il s’agissait de mener une bataille contre l’abandon – ou pire, la diabolisation – d’un patrimoine historique et symbolique qui était celui des militants du PCF. Et je garde une grande sympathie pour ces gens, d’abord parce qu’ils sont sincères, et ensuite parce qu’ils se sont désignés comme les gardiens d’un patrimoine qui me semble précieux. Sur beaucoup de points, ils continuent à porter le message progressiste, scientiste, souverainiste qui fut celui du PCF jusqu’aux années 1990. J’ai bien entendu de gros désaccords avec eux, et j’ai du mal à supporter leur côté passéiste et sectaire, leurs dérives gauchistes…

  31. Paul dit :

    Vous n’avez pas cité dans les candidats liant leur politique à l’exercice de la souveraineté nationale Henri Guaino.
    Je me dis que si Juppé est le candidat issu de la primaire de la droite, la candidature de Guaino peut devenir autre chose qu’une candidature de témoignage. Je me demande même ce que ferait Sarkozy ? Il me semblerait logique (même si ce ne serait pas simple pour lui) qu’il puisse soutenir son ancienne plume plutôt que Juppé.
    Vous avez déjà pu dire dans vos billets que Guaino n’a pas la stature d’un président, mais sommes-nous à la recherche d’un homme providentiel, je ne le pense pas plus que vous.
    Et Guaino, à la différence d’un Dupont-Aignan (qui n’a d’ailleurs pas son intelligence, il serait peut-être capable de réunir une majorité sur un programme de gaullisme social et de colbertisme.
    Je me demande aussi si Chevènement ne soutiendrait pas plus la candidature de Guaino que celle improbable de Montebourg.
    Sachant que dans les mois qui viennent et précèdent l’élection présidentielle, il peut se passer tant de choses: crise économique et financière, question de l’autorité de l’Etat (je pense à l’agression des policiers et ce qu’il peut se passer à Calais ou à NDDL, crise diplomatique (gesticulation française par rapport à la Russie, terrorisme bien sûr…
    Voilà pourquoi la candidature de Guaino me semble pertinente.”

    • Descartes dit :

      @ Paul

      [Vous n’avez pas cité dans les candidats liant leur politique à l’exercice de la souveraineté nationale Henri Guaino.]

      Je n’ai pas voulu associer Guaino au show des égos auquel nous assistons. Je pense que sa candidature est dans une autre logique, qui n’a rien à voir avec celle des « primaires » pas plus qu’avec les candidatures égotiques de Macron ou Mélenchon. Pour résumer : les autres sont candidats d’abord, et se cherchent ensuite des idées et des projets à défendre pour avoir l’air sérieux. Guaino a des idées et des projets – il les porte depuis vingt ans, et pas toujours dans des conditions faciles, on oublie qu’il s’est fait virer par Jospin du Commissariat au Plan pour hérésie – et il se résigne à être candidat pour pouvoir les porter. Et quand je dis « se résigne », c’est parce que je pense que Guaino, qui connaît parfaitement ses limites, serait ravi de mettre son cerveau au service d’un vrai politicien s’il en trouvait un qui acceptait de porter son discours.

      [Je me dis que si Juppé est le candidat issu de la primaire de la droite, la candidature de Guaino peut devenir autre chose qu’une candidature de témoignage. Je me demande même ce que ferait Sarkozy ? Il me semblerait logique (même si ce ne serait pas simple pour lui) qu’il puisse soutenir son ancienne plume plutôt que Juppé.]

      Je crains que vous ne sous-estimiez le poids et la pesanteur des intérêts des appareils et des notables de la droite, ces mêmes appareils et ces mêmes notables qui se sont tournés contre De Gaulle en son temps. Henri Guaino fait trop peur aux notables de la droite pour devenir une alternative à Juppé. Les notables et les appareils auront toujours le même raisonnement : mieux vaut un médiocre opportuniste avec qui on peut toujours négocier le partage du gâteau, qu’un homme de convictions. Pourquoi croyez-vous que le PS a choisi Hollande en 2012 ? Pour forcer la chance, il faut un caractère, un charisme, un sens politique que Guaino n’a pas. En 2007, Sarkozy a réussi à forcer la main des notables en les prenant au dépourvu. Aujourd’hui qu’ils sont avertis, le coup marche beaucoup moins bien…

      [Vous avez déjà pu dire dans vos billets que Guaino n’a pas la stature d’un président, mais sommes-nous à la recherche d’un homme providentiel, je ne le pense pas plus que vous.]

      Je ne crois pas avoir dit que Guaino n’a pas la « stature » d’un président. J’ai dit qu’il n’avait pas le « profil ». Etre président de la République, ce n’est pas seulement gouverner. Il faut aussi incarner. Il faut cette empathie, cette séduction si particulière qui fait que des gens sont prêts à mourir pour vous. Et je ne crois pas que Guaino ait cette capacité. J’irai même plus loin : je ne crois pas que Guaino ait la capacité de dissimulation, de mensonge, de faux-semblant qui est inséparable – merci Machiavel – du rôle du prince.

      [Et Guaino, à la différence d’un Dupont-Aignan (qui n’a d’ailleurs pas son intelligence, il serait peut-être capable de réunir une majorité sur un programme de gaullisme social et de colbertisme.]

      Dupont-Aignan n’a ni son intelligence, ni sa culture. Mais c’est un vrai politique, lui.

      [Je me demande aussi si Chevènement ne soutiendrait pas plus la candidature de Guaino que celle improbable de Montebourg.]

      Ca dépend… je ne sais pas si après ses expériences malheureuses le vieux lion de Belfort aurait le courage de traverser une fois de plus le Rubicon gauche/droite… par contre, n’excluez pas trop vite une candidature Montebourg : il a pris une sérieuse option pour le cas où Hollande ne se représenterait pas…

      [Voilà pourquoi la candidature de Guaino me semble pertinente.]

      Je pense qu’elle est tout à fait pertinente – et je voterais pour lui sans la moindre hésitation s’il allait jusqu’au bout. Mais je ne pense pas que dans le contexte actuel ce puisse être autre chose qu’une candidature de témoignage. Cela étant dit, j’aimerais tant me tromper…

  32. Baruch dit :

    Pour information, en Franche Comté ce 14 octobre Dupont-Aignan vient de faire la déclaration suivante:
    “Si j’étais élu président de la République, Arnaud Montebourg serait ministre. Montebourg et Henri Guaino (LR) et une union nationale de patriotes raisonnables en ministres ne me choquent pas. Mais pas avec le Front national ni Mélenchon. En revanche, moi, je ne vais pas dans un gouvernement sous Montebourg”
    Sur le site “macommune.info” le site de Besançon, que je lis car mes enfants y vivent !

    • Descartes dit :

      @ Baruch

      [Pour information, en Franche Comté ce 14 octobre Dupont-Aignan vient de faire la déclaration suivante:(…)]

      C’est déjà un progrès…

  33. Florent dit :

    En ce qui concerne les publications de partis, je me permets de signaler celle-ci du PCF, mensuel

    http://projet.pcf.fr/

    • Descartes dit :

      @ Florent

      [En ce qui concerne les publications de partis, je me permets de signaler celle-ci du PCF, mensuel]

      Il s’agit de la « revue du projet » du PCF. Je dois dire que c’est une publication très inégale : il y a des numéros très intéressants, d’autres sont noyés dans un fatras d’articles « de commande » écrits dans une langue de bois insupportable (notamment sur des sujets comme le féminisme, où tout écart par rapport au discours officiel est considérée comme une hérésie). Mais le plus terrible est que cette revue semble fonctionner en vase clos vis-à-vis du PCF. Ainsi, le numéro « Quatre essais sur la gauche » (octobre 2015) est très intéressant. On y retrouve des thèses qui seront familières aux lecteurs assidus de ce blog : le fait que les partis de gauche ont tourné le dos aux couches populaires pour adopter une lecture « victimiste » et communautariste, par exemple. Mais aucune conclusion n’est tirée quant aux choix politiques du PCF, qui se vautre précisément dans ce comportement depuis bientôt vingt ans. Les rédacteurs perçoivent-ils la contradiction entre ce qu’ils écrivent et ce que le PCF fait ? Ou vivent-ils dans une sorte de schizophrénie ?

      En résumé, un bon sujet de lecture critique… et il faut encore une fois souligner qu’à ma connaissance aucun autre parti politique ne fait l’effort de se doter d’une revue théorique. Comme quoi certains bons réflexes sont toujours vivants, au PCF…

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