Avec la publication des projets d’ordonnance portant réforme du vénérable Code du travail, le gouvernement est finalement entré dans le vif du sujet. Après un long été au cours duquel la politique s’est limitée à de gestes symboliques et d’annonces – souvent contradictoires – on rentre finalement dans un sujet ultra-politique, qui est celui de la réforme du texte qui règle la vie de la plupart de nos concitoyens-travailleurs. Autant dire qu’on est sur un sujet qui devrait être l’opportunité d’un grand débat politique au sens le plus noble du terme.
Mais ça commence mal. Et ça commence mal parce que loin d’aller regarder la réalité des rapports entre employeur et salarié, partisans et adversaires de la réforme partent d’une vision faussée de ce que ces rapports sont dans la réalité. Du côté des partisans, on imagine des employeurs paternalistes dont l’action serait guidée d’abord par le souci de faire le bonheur de leurs salariés, dont ils augmentent les salaires dès qu’ils le peuvent et qu’ils ne licencient que lorsqu’ils ne peuvent vraiment pas faire autrement. Du côté des adversaires, on imagine au contraire des patrons dont le seul moteur serait le profit, et qui seraient prêts à tout – et je dis bien à tout – pour l’augmenter. Les uns voient dans le Code un obstacle posé par le législateur à la bienveillance infinie du patron-philanthrope, les autres comme une protection indispensable contre le patron-voyou. Ces deux visions sont aussi caricaturales l’une que l’autre, mais surtout, elles négligent la très grande diversité des situations selon la taille de l’entreprise, son histoire, son domaine d’activité.
Pour comprendre le problème, il faut comme toujours revenir à l’histoire. Pendant très longtemps, le contrat de travail – on parlait alors de « contrat de louage » – était régi par les règles générales du contrat, telles qu’elles figurent dans le Code civil. Celui-ci repose sur le principe d’autonomie de la volonté : chacun étant libre de contracter ou de ne pas contracter, l’existence du contrat implique un accord des volontés librement exprimé, et les règles inscrites sur le contrat deviennent « la loi de ceux qui les ont conclus ».
Mais assez vite, il s’avère que dans un contrat de travail, les parties ne sont pas vraiment égales, et que l’une d’elles est placé dans une position d’infériorité si évidente par le fait que sa subsistance dépend de la conclusion du contrat que l’application des règles du Code civil aboutirait à la toute-puissance de l’employeur. C’est pourquoi le législateur a été obligé d’intervenir par des dispositions d’ordre public chaque fois plus nombreuses en mettant des limites à la liberté contractuelle. Ainsi, on a commencé par limiter les horaires de travail, l’âge des travailleurs, les conditions de sécurité dans les lieux de travail. Plus tard, on a établi des salaires minimums, des cotisations obligatoires pour protéger les salariés des accidents de travail, de la maladie ou pour assurer leur vieillesse… Mais la légitimité de ces dispositifs repose toujours sur la même idée : dans la mesure ou le rapport entre l’employeur et l’employé est fondamentalement inégalitaire, le législateur doit intervenir pour éviter l’asservissement de l’employé.
Cette asymétrie entre les parties du contrat est illustrée par le « principe de faveur », qui permet à l’employeur de déroger à la loi dès lors qu’il le fait dans le sens favorable à l’employé, alors qu’il est par contre interdit à l’employé d’accorder à son employeur une « faveur » similaire. Mais l’existence même du « principe de faveur » – qui n’a rien d’un principe théorique, et qui s’applique en pratique dans un très grand nombre d’entreprises – montre la complexité de l’affaire. Car il faut se souvenir que but du capitaliste n’est pas de torturer ses ouvriers, mais d’augmenter la rentabilité de son capital. Or, les patrons intelligents ont compris depuis longtemps que baisser les salaires ou dégrader les conditions de travail ne se traduit pas mécaniquement par une meilleure rentabilité. Les machines modernes, les organisations complexes ont besoin pour déployer toute leur efficacité de gens qui aillent un peu plus loin que de simplement obéir des ordres et suivre des procédures. Dans les industries modernes, dans les organisations complexes le travailleur a un réel pouvoir de négociation, puisque sa bonne volonté est une composante importante de la productivité. Pour ce type de travaileur, le Code du travail offre une protection « plancher », moins intéressante que celle dont il bénéficie dans les faits. Le Code du travail reste donc une référence surtout pour les travailleurs qui n’ont pas ce pouvoir de négociation, parce qu’ils font des tâches simples, sur des machines simples, et que de ce fait ils sont facilement substituables. Ce sont ces travailleurs-là qu’une modification du Code affectera au premier chef, parce que la logique de concurrence les place au niveau minimum de protection prévu par la loi.
Cette division n’est pas nouvelle. Déjà du temps de Lénine on parlait d’une « aristocratie ouvrière », qui du fait de son pouvoir de négociation avait déjà réussi à accumuler des conquêtes en termes de salaire, de conditions de travail, de protection sociale. Le capitalisme moderniste des « trente glorieuses » avait élargi cette catégorie en multipliant le besoin de main d’œuvre qualifiée capable de s’intégrer dans les nouvelles modalités d’organisation et de tirer le jus des nouvelles machines. Mais ces dernières années, pour faire face aux conséquences de la désindustrialisation, la lutte contre le chômage a consisté essentiellement à développer les métiers peu qualifiés à grands coups d’emplois subventionnés. C’est dans cette même logique que s’inscrit la réforme proposée aujourd’hui : permettre aux entreprises qui ont le coût du travail le plus faible de le baisser encore. Au risque d’agrandir encore le fossé qui sépare les salariés qualifiés exerçant dans les secteurs à haute valeur ajoutée et les autres.
Et on voit bien ce problème dans les réactions particulièrement modérées des structures syndicales : il est difficile d’imaginer qu’on puisse mobiliser massivement pour s’opposer à une réforme qui ne touche finalement que les couches dont le poids politique a été réduit à presque rien. Qui ira faire la grève ? Qui ira manifester ? Les salariés des petites entreprises qui savent que leur patron peut trouver cinq, dix, vingt personnes prêtes à prendre leur poste ? Les précaires, dont l’emploi ne tient qu’à un fil ? Non, bien entendu, ces gens n’ont guère des chances de peser dans la balance. Alors qui ? Les salariés à statut ? Les ouvriers qualifiés, les techniciens, les ingénieurs, les cadres ? Pas davantage, puisqu’ils ne sont que peu ou pas touchés, leurs conditions de travail et leurs salaires étant largement déterminés par leur pouvoir de négociation, et non par le plancher fixé par le Code du travail. Le mouvement d’opposition risque donc très rapidement d’être confisqué par des intérêts politiques qui n’ont rien à voir avec ceux du monde du travail. Comme l’a dit assez naïvement François Ruffin, le but est de faire « un front anti-Macron ». Je ne suis pas persuadé qu’en se définissant « contre » on fasse beaucoup avancer le schmilblick. Souvenez-vous que le « front anti-Sarkozy » n’a finalement abouti qu’à cinq ans de François Hollande.
D'autant plus que, l'expérience de trente ans l'a démontré, les batailles défensives sont pratiquement toujours perdues. La nostalgie ne constitue pas une politique, et ceux dont le seul objectif déclaré est de garder les choses comme elles sont – voire revenir en arrière – sont pratiquement toujours battus. Il n'y aura pas de victoire du camp progressiste si celui-ci n'est pas capable de proposer une alternative crédible à ce qui est proposé par les autres. S'opposer à tout changement, imaginer des fronts anti-ceci ou anti-cela n'est pas une solution.
Il faut attaquer la réforme sur son contenu, et non par l’homme qui la porte. L’idée de cette réforme, de l’aveu même de ceux qui la défendent, c’est de stimuler l’embauche des moins qualifiés. Or, tous ces dispositifs qui visent ce but ont une chose en commun : des effets de seuil qui fabriquent des « trappes à pauvreté », c'est-à-dire, des situations ou le chef d’entreprise n’a pas intérêt de monter en gamme ou en taille de crainte de perdre le bénéfice du dispositif. Si au dessous de N salariés on a toutes sortes d’avantages, quel chef d’entreprise sera assez fou pour embaucher son N+1ème salarié ? Qui ira investir dans les domaines à forte valeur ajoutée et dans les technologies complexes alors que des dispositifs de toutes sortes subventionnent le travail le moins qualifié ?
C’est exactement le contraire qu’il faut faire. Les dispositifs publics doivent stimuler les entreprises pour qu’elles grandissent, et non pas privilégier celles qui restent petites. Ils doivent pousser vers les activités à haute valeur ajouté, et non vers la livraison de pizzas. Ils doivent aider ceux qui qualifient leur personnel et investissent dans la productivité, et non ceux qui reviennent à une logique de sous-qualification ou – pire – d’embauche à la tâche digne du XIXème siècle.
On accuse Macron de servir les intérêts du capital. A mon avis, c’est faux. La réforme proposée par Macron est économiquement absurde et ne sert l’intérêt de personne. Si elle est mise en oeuvre, c’est parce qu’elle répond à un fantasme très français quant au rôle du chef d’entreprise. Dans cette vision, les travailleurs ne sont pas des partenaires avec qui il faut négocier, mais des serfs que les méchants syndicats détournent de leur devoir d’obéissance. Quant à l’Etat, les lois, les règles, les impôts sont d’insupportables immixtions dans la liberté absolue du chef d’entreprise de gérer son affaire comme il l’entend. En fait, les français ont transposé au domaine industriel une vision bien plus ancienne, celle du paysan indépendant enfermé dans sa ferme fortifiée, gérant ses ouvriers agricoles en tyran paternaliste, et se méfiant de tout ce qui vient de l’extérieur. C’est pourquoi chez nous le « dialogue social » se transforme rapidement en monologue d’un côté, en jacquerie de l’autre.
Après la Libération, le droit français a créé la fiction de « l’Entreprise », une entité ayant des « intérêts » propres, qui ne sont ni ceux de ses actionnaires, ni ceux de ses dirigeants, ni ceux de ses travailleurs. C’était une tentative – fort idéaliste – de canaliser la lutte des classes en créant une sorte « d’intérêt général » au niveau de l’entreprise. Mais si cette idée a bien fonctionné dans les entreprises publiques et dans certaines grandes entreprises privées au moins jusqu’au retour du libéralisme « dur » dans les années 1980, elle n’a jamais vraiment pris dans les petites et moyennes entreprises, ou le modèle paternaliste-féodal est resté la norme. Aujourd’hui, l’idée même vole en éclats lorsqu’on nous explique que la fonction de l’entreprise est de « créer de la valeur pour l’actionnaire ». Vous me direz, cela a le mérite de la franchise…
Combattre ces idées nécessite chez les progressistes une réflexion sur la place du travail et sur son organisation. Non pas dans la société idéale que nous construirons un jour, mais ici et maintenant, dans le contexte de ce qu’il est possible de faire aujourd’hui. On ne peut pas continuer à avoir des slogans du genre « non à l’ubérisation » ou « un emploi bien payé pour tous » pour tout programme. Mais réfléchir au travail nécessite d’abord reconnaître son rôle fondamental dans la structuration des rapports sociaux. Ce ne sont pas nos loisirs, ce ne sont pas nos engagements qui nous donnent une place dans la société. C’est notre contribution au fardeau commun de « gagner le pain à la sueur de notre front ». Et le reconnaître, c’est placer au centre du débat les questions de la production, du partage des efforts et de ses fruits, des moyens d’accroître la productivité, de la meilleure manière d’utiliser les technologies et les ressources. Tous sujets tellement « ringards »…
Descartes
beau blog. un plaisir de venir flâner sur vos pages. une belle découverte et un enchantement.N’hésitez pas à venir visiter mon blog (lien sur pseudo)
au plaisir
@ Angelilie
[beau blog. un plaisir de venir flâner sur vos pages. une belle découverte et un enchantement.]
Je me trouve très surpris. Si j’avais à qualifier mon blog, ce n’est certainement pas “lieu de flânerie” qui me viendrait à l’esprit. Je ne le trouve pas particulièrement “beau”, et encore moins “enchanteur”… enfin, c’est comme ça que je le vois. En fait, je pense que vous ne l’avez pas lu, et que votre commentaire n’a d’autre objet que d’attirer des lecteurs vers votre blog, qui a l’air de consister juste de photos avec des légendes. Aucun rapport avec les sujets qui intéressent mon blog…
Alors, un bon conseil: si vous voulez vous faire de la pub, adaptez votre langage à votre public. Autrement, le lecteur aura l’impression que vous vous foutez de lui, et il aura parfaitement raison.
Au plaisir…
Mon père a fait partie de cette aristocratie ouvrière que vous évoquez.
Essentiellement,car il a été embauché à Alsthom en 1949 par un contre-maitre qui attendait qu’en retour il adhère au syndicat maison CFTC.
Or il a adhéré à la cgt au grand dépit du contre maitre qui n’avait pas le rapport de force.
Mais,lorsque quelques années aprés,ce contre maitre ,zélé pro-patronat,s’est fait molester par des grévistes cgt,mon père l’a protége pour le sortir de cette mauvaise passe.
Une entreprise,c’est ça aussi,un ensemble complexe de relations humaines.
Pour que cette dynamique soit la plus positive possible,le code du travail doit protéger les plus faibles,c.a.d les simples salariés,non?
@ luc
[Une entreprise,c’est ça aussi,un ensemble complexe de relations humaines.]
Exactement. Et du coup, il faut se méfier des raisonnement mécaniques. Globalement les rapports dans l’entreprise s’organisent autour du rapport d’exploitation, qui voient s’affronter le capitaliste et le travailleur pour la répartition de la valeur ajoutée produite. Mais cet affrontement ne se manifeste pas nécessairement en tout temps et en tout lieu comme une guerre civile ou tous les coups sont permis. Des traditions, une histoire, les lois ont au cours du temps canalisé le conflit et permis que le rapport de force s’exprime avec un coût réduit.
C’est là où la vision “gauchiste” est déconnectée de la réalité. L’atelier n’est pas un lieu de souffrance et de malheur, un champ de bataille permanent. C’est un lieu de vie, ou s’exprime souvent le meilleur, parfois le pire des êtres humains. Il n’y a d’ailleurs qu’à voir l’attachement qu’ont souvent les travailleurs industriels pour “leur” entreprise…
[Pour que cette dynamique soit la plus positive possible,le code du travail doit protéger les plus faibles,c.a.d les simples salariés,non?]
Pour moi, les institutions sont le fléau de la balance qui mesure les rapports de force. En d’autres termes, elles existent pour que le rapport de force puisse s’exprimer à un coût réduit pour la société. Il est donc illusoire de croire que le Code du travail – ou n’importe quel autre code – peut par lui même “protéger les simples salariés”. C’est le rapport de forces sous-jacent qui les protège, et si ce rapport leur est très défavorable, alors le Code sera changé pour tenir compte de ce fait ou deviendra obsolète et ne sera tout simplement pas respecté. C’est pourquoi je suis pessimiste sur les capacités des couches populaires à résister à la réforme en cours. Le rapport de force leur est terriblement défavorable.
Peter Sloterdjik,interviewé ds le Point,a t il conscience que ses propos sur ‘la frivolité des français’,loin d’être philosophique,n’est qu’un élément de propagande Macronien,pour culpabiliser une fois de plus les salariés de l’hexagone?
Comment répliquer à cette idéologie dominante véhiculée par tant de médias,que ce brainstream ressemble à un perpétuel tsunami?
N’est on pas plus que jamais ‘dans l’idéologie dominante’ telle que K.Marx la définissait dans son livre,’lidéologie allemande’,il y a plus de 130 ans?
@ Maurice
[Peter Sloterdjik,interviewé ds le Point, a t il conscience que ses propos sur ‘la frivolité des français’, loin d’être philosophique,n’est qu’un élément de propagande Macronien,pour culpabiliser une fois de plus les salariés de l’hexagone?]
Non, je ne crois pas. Sloterdijk est un grand philosophe, mais il n’est pas un politique. Ses propos sur la “frivolité des français” ne sont pas de lui, mais reflètent une longue tradition philosophique dans la manière comme les Allemands voient les français, et cela depuis le début du XIXème siècle. Et cette perception ne se réduit pas aux philosophes: ceux qui ont travaillé avec des entreprises allemandes auront certainement eu droit au couplet sur la frivolité et le manque de sérieux des français.
[N’est on pas plus que jamais ‘dans l’idéologie dominante’ telle que K.Marx la définissait dans son livre, ‘lidéologie allemande’, il y a plus de 130 ans?]
Peut-être, mais à mon avis pas de la façon dont vous l’imaginez. Je pense qu’on trouve l’idéologie dominante dans le sens qu’on donne au mot “frivolité” – derrière lequel se cache en fait le mot “hédonisme”. Posez-vous la question: en quoi le fait d’être “frivole”, de chercher les plaisirs plutôt que la douleur et le sacrifice serait-il un défaut ? Derrière la vision allemande se trouve en fait la logique de la rédemption par la souffrance, qui veut que l’homme soit sur terre pour souffrir afin de gagner le paradis. En France, la profonde laïcisation de la pensée fait que nous n’avons pas assez confiance dans l’au-delà pour penser que cela vaut le sacrifice, alors nous cherchons à nous amuser ici bas. En quoi serait-ce condamnable ?
L’idéologie dominante est là: dans cette logique qui exige – particulièrement des couches populaires, vous l’aurez remarqué – un sacrifice permanent de leur cadre de vie aux besoins de la compétitivité. Et il ne s’agit nullement d’un sacrifice provisoire qui prépare des jours meilleurs, comme celui qui était demandé aux français par le gouvernement de la Libération, mais un sacrifice permanent pour les siècles des siècles. Comme disait je ne sais plus qui, “la compétitivité est une guerre permanente sans espoir de victoire”..
Bonjour Descartes,
Quelques commentaires :
Vous dites que la réforme est liée à une vision bien française des relations employeur-employé. Mais des recettes similaires ont été appliquées, je crois, en Allemagne avec les lois Hartz, avec en ligne de mire la modération salariale (ou désinflation).
Vous dites que la réforme de Macron ne sert les intérêts de personne, et notamment pas ceux du capital. Or, premièrement, la réforme reprend en partie des revendications du MEDEF ; elle correspond au minimum à ce que les détenteurs de capital (et, concernant le MEDEF, il s’agit plutôt du *grand* capital) *pensent* être leurs intérêts. Deuxièmement, en incitant à la baisse des coûts dans les secteurs les moins productifs de l’économie (principalement les services), elle concourra à améliorer le niveau de vie des classes moyennes-supérieures, friandes des dits services.
@ Antoine
[Vous dites que la réforme est liée à une vision bien française des relations employeur-employé. Mais des recettes similaires ont été appliquées, je crois, en Allemagne avec les lois Hartz, avec en ligne de mire la modération salariale (ou désinflation).]
Pas vraiment. Si vous regardez les lois Hartz, vous verrez qu’elles sont en fait assez différentes du projet du gouvernement. Mais surtout, elles étaient appelées à fonctionner dans un contexte très différent : pas de salaire minimum, des syndicats forts – du moins dans les grandes entreprises – et une logique de cogestion très particulière qui n’existe pas chez nous.
[Vous dites que la réforme de Macron ne sert les intérêts de personne, et notamment pas ceux du capital. Or, premièrement, la réforme reprend en partie des revendications du MEDEF ; elle correspond au minimum à ce que les détenteurs de capital (et, concernant le MEDEF, il s’agit plutôt du *grand* capital) *pensent* être leurs intérêts.]
Exactement. Mais les détenteurs du capital ne sont pas infaillibles. On trouve dans l’histoire pas mal d’exemples où en poursuivant un intérêt à très court terme – ou même une fantaisie – le patronat a joué contre ses intérêts à long terme. Marx pensait même que c’était inévitable : les contradictions du capitalisme font que les capitalistes, en poursuivant leurs intérêts, créent les forces qui in fine provoqueront leur chute.
[Deuxièmement, en incitant à la baisse des coûts dans les secteurs les moins productifs de l’économie (principalement les services), elle concourra à améliorer le niveau de vie des classes moyennes-supérieures, friandes des dits services.]
C’est vrai, je n’avais pas pensé à cet effet de second ordre…
@Descartes
> Si vous regardez les lois Hartz, vous verrez qu’elles sont en fait assez différentes du projet du gouvernement. Mais surtout, elles étaient appelées à fonctionner dans un contexte très différent : pas de salaire minimum, des syndicats forts – du moins dans les grandes entreprises – et une logique de cogestion très particulière qui n’existe pas chez nous.
Mais justement : si l’Allemagne mène (ou a mené) une politique de baisse ou modération des coûts du facteur travail, ceci malgré une logique différente de la nôtre (logique de cogestion plutôt que d’affrontement radicalisé), que la France mène une politique visant des buts similaires est assez difficile à expliquer par la culture franco-française de relations salariales.
Quant au salaire minimum, c’est son existence qui entraîne le gouvernement à utiliser des moyens différents et à s’attaquer aux coûts « annexes » du travail : cotisations patronales, risques financiers liés au licenciement et autres litiges, coût des différentes instances de contrôle ou de concertation (type CHSCT)… Macron ne peut probablement se risquer à faire exploser le SMIC.
@ Antoine
[Mais justement : si l’Allemagne mène (ou a mené) une politique de baisse ou modération des coûts du facteur travail, ceci malgré une logique différente de la nôtre (logique de cogestion plutôt que d’affrontement radicalisé), que la France mène une politique visant des buts similaires est assez difficile à expliquer par la culture franco-française de relations salariales.]
Je n’ai pas compris la question. La France et l’Allemagne poursuivent parallèlement des politiques de modération du coût du travail faiblement qualifié depuis des années… mais cela n’a qu’un rapport marginal avec les ordonnances Macron, qui touchent plutôt à l’organisation des entreprises et à la gestion du contrat de travail.
[Quant au salaire minimum, c’est son existence qui entraîne le gouvernement à utiliser des moyens différents et à s’attaquer aux coûts « annexes » du travail : cotisations patronales, risques financiers liés au licenciement et autres litiges, coût des différentes instances de contrôle ou de concertation (type CHSCT)… Macron ne peut probablement se risquer à faire exploser le SMIC.]
Mais encore une fois, quel est le poids du CHSCT ou le risque financier dans les litiges sur le coût du travail ? C’est extrêmement faible… quant aux cotisations patronales, elles étaient déjà largement exonérées sur les bas salaires. Quant à l’idée de financer la protection sociale non par des cotisations prélevées sur le travail, mais par un impôt qui péserait aussi sur les revenus du capital (comme la CSG) ou sur les produits importés (comme la TVA), je trouve que ce serait plutôt une mesure progressiste, et j’ai du mal à comprendre pourquoi certains à gauche s’y opposent…
@Descartes
> Mais encore une fois, quel est le poids du CHSCT ou le risque financier dans les litiges sur le coût du travail ?
Je ne sais pas… Mais quel est l’intérêt de supprimer (ou simplifier) le CHSCT si ce n’est pas un centre de coûts ? Quant au risque financier lié notamment aux prud’hommes, c’est tout de même une complainte récurrente du patronat : pourquoi s’en plaindrait-il si résoudre le problème ne représentait pour lui qu’une très médiocre amélioration ?
@ Antoine
[Je ne sais pas… Mais quel est l’intérêt de supprimer (ou simplifier) le CHSCT si ce n’est pas un centre de coûts ?]
Je pense qu’en France le patronat ressent chaque instance représentative du personnel comme une remise en question de sa toute puissance. Réduire le nombre d’instances est une satisfaction symbolique que le gouvernement donne au patronat. Je ne pense pas que cela ait le moindre effet, et d’ailleurs les patrons les plus modernes ne le demandent pas.
[Quant au risque financier lié notamment aux prud’hommes, c’est tout de même une complainte récurrente du patronat : pourquoi s’en plaindrait-il si résoudre le problème ne représentait pour lui qu’une très médiocre amélioration ?]
Ce que le patron veut éviter ce n’est pas le risque, mais l’effet dissuasif qu’à ce risque sur le licenciement abusif. Il faut bien insister sur ce point : il ne s’agit pas d’un risque financier en cas de licenciement LEGITIME, mais de risque dans le cas d’un licenciement ABUSIF. Ce que les patronat veut, c’est de pouvoir licencier « abusivement » à faible coût. L’histoire du « risque » et de « l’incertitude » est un prétexte. Le patronat a un bon moyen de supprimer l’incertitude en question : ne pas licencier abusivement !
@Descartes
> Le patronat a un bon moyen de supprimer l’incertitude en question : ne pas licencier abusivement !
Je pense qu’il vous serait répondu que les choses ne sont pas toujours noires ou blanches et qu’un licenciement de bonne foi peut très bien être apprécié comme abusif par un tribunal…
@ Antoine
[Je pense qu’il vous serait répondu que les choses ne sont pas toujours noires ou blanches et qu’un licenciement de bonne foi peut très bien être apprécié comme abusif par un tribunal…]
Il ne faut pas prendre les gens pour des imbéciles. Les juges ne qualifient pas « d’abusif » un licenciement lorsque le licenciement a une cause réelle et sérieuse, et que l’employeur a fait tout ce qui était dans son pouvoir pour respecter les garanties que la loi accorde au salarié. Allez suivre quelques jours les audiences au TGI, et vous verrez que les employeurs en général savent parfaitement que sur le fond le licenciement qu’ils ont tenté est abusif, mais ont tenté le coup quand même. Et ces gens-là méritent d’être sévèrement punis. Un licenciement abusif peut briser une vie.
[Allez suivre quelques jours les audiences au TGI, et vous verrez que les employeurs en général savent parfaitement que sur le fond le licenciement qu’ils ont tenté est abusif]
Il se trouve que je n’ai jamais fait cet effort mais que je connais un certain nombre d’avocats spécialisés en droit du travail dont le pain quotidien est de représenter les entreprises licenciant certains de leurs salariés devant le conseil des prud’hommes (le TGI, qui n’est compétent que pour les litiges collectifs comme lors de l’examen des plans sociaux). Et si effectivement elles défendent parfois des employeurs qui se conduisent comme des malpropres et qui se font d’ailleurs très logiquement condamner, j’ai la très nette impression que les cas où les licenciements sont parfaitement justifiés sont pourtant sanctionnés sont légions. Et parmi ces cas, non seulement il y a ceux où l’employeur se fait avoir pour une bête question de procédure (exemple tiré d’une jurisprudence récente : un salarié délégué syndical pique dans la caisse, l’employeur demande et obtient l’autorisation de licenciement auprès de l’inspection du travail mais ensuite oublie de rappeler dans la lettre formelle lui notifiant sa convocation à l’entretien préalable de licenciement de mentionner le vol… Licenciement abusif et indemnisation de cet escroc!), mais aussi des décisions absolument iniques pour l’affreux capitaliste bourgeois que je suis, où des employeurs, parfois de grosses entreprises aux reins solides mais aussi souvent des sociétés à la santé plus fragiles, se font condamner à payer des indemnités à des personnes s’étant conduites comme de parfaites crapules…
Je regrette de n’avoir pas la compétence ni une connaissance suffisamment fine de ces phénomènes pour en parler plus utilement, en vous fournissant des chiffres un peu plus précis, mais j’ai si souvent entendu ce discours de la part de professionnels du droit (qui ne sont pas tous d’affreux suppôts du capital ni non plus des membres de cette classe moyenne méprisante d’autrui ne cherchant qu’à légitimer leur position) que je ne peux m’empêcher de penser que votre vision ne correspond pas complètement à la réalité.
Pour continuer dans le commentaire de votre phrase sur un autre plan, les conditions pour une entreprise pour pouvoir déclencher un plan social sont tellement drastiques qu’il est très fréquent que les employeurs, confrontés à des difficultés économiques réelles mais ne remplissant pas les conditions juridiques précises pour pouvoir autoriser le licenciement économique, le fassent quand même pour ne pas invoquer un motif personnel ne correspondant pas à la réalité, sachant toutefois qu’ils n’en remplissent pas la condition. Mais quelle autre alternative ont-ils s’ils sont contraints de licencier (et ne me dites pas de ne pas licencier, ce serait une pirouette trop facile)? prétexter un motif personnel qui serait lui aussi par hypothèse abusif?
Il faut réguler le contrat de travail, c’est entendu. Mais la régulation, si elle doit intervenir pour rétablir l’équilibre dans une situation deséquilibrée par hypothèse, ne doit pas dénégérer en un déséquilibre manifeste au bénéfice des salariés, sous peine de se transformer en protection pour les seuls “insider”.
@ Tythan
[Il se trouve que je n’ai jamais fait cet effort mais que je connais un certain nombre d’avocats spécialisés en droit du travail dont le pain quotidien est de représenter les entreprises licenciant certains de leurs salariés devant le conseil des prud’hommes (le TGI, qui n’est compétent que pour les litiges collectifs comme lors de l’examen des plans sociaux).]
Pardon, je vous ai invité par erreur à suivre les audiences du TGI par erreur : je voulais dire la chambre sociale de la Cour d’appel (mon erreur s’explique parce que chez moi les deux cours sont dans le même bâtiment). En effet, les cas ou les prudh’hommes accordent des indemnités très importantes suite à des licenciements prétendument abusifs sont souvent jugés en appel. J’ai fait l’exercice, et je peux vous assurer que les juges ont souvent du mal à garder leur sérieux devant des avocats défendant l’indéfendable.
[Et si effectivement elles défendent parfois des employeurs qui se conduisent comme des malpropres et qui se font d’ailleurs très logiquement condamner, j’ai la très nette impression que les cas où les licenciements sont parfaitement justifiés sont pourtant sanctionnés sont légions.]
Ce n’est pas mon expérience.
[Et parmi ces cas, non seulement il y a ceux où l’employeur se fait avoir pour une bête question de procédure (exemple tiré d’une jurisprudence récente : un salarié délégué syndical pique dans la caisse, l’employeur demande et obtient l’autorisation de licenciement auprès de l’inspection du travail mais ensuite oublie de rappeler dans la lettre formelle lui notifiant sa convocation à l’entretien préalable de licenciement de mentionner le vol… Licenciement abusif et indemnisation de cet escroc!),]
Excusez-moi, mais le salarié en question a-t-il été condamné pénalement pour vol ? Si ce n’est pas le cas, je ne comprends pas que vous parliez du vol comme s’il était établi… l’exemple que vous donnez est excellent pour montrer que derrière ce qu’on présente comme des simples « erreurs de procédure » sont en fait des atteintes caractérisées aux garanties des droits des salariés. Dans le cas que vous donnez, l’employeur ACCUSE son salarié d’avoir piqué dans la caisse. Mais à l’heure de licencier, il « oublie » de mentionner dans la lettre de convocation le motif. Or, l’obligation de citer le motif est une garantie essentielle, puisqu’elle permet au juge d’apprécier si le licenciement est ou non abusif. Accepteriez-vous d’être jugé sans que l’accusation vous soit notifiée ?
[mais aussi des décisions absolument iniques pour l’affreux capitaliste bourgeois que je suis, où des employeurs, parfois de grosses entreprises aux reins solides mais aussi souvent des sociétés à la santé plus fragiles, se font condamner à payer des indemnités à des personnes s’étant conduites comme de parfaites crapules…]
C’est que, dans une société libre, les pires crapules ont des droits. Acceptez vous que la police passe à tabac les personnes accusées d’un délit ou d’un crime ? Non ? Alors pourquoi acceptez vous aussi facilement qu’un employeur viole les droits de ses salariés au prétexte que ceux-ci se sont conduits comme des « parfaites crapules » ?
[Je regrette de n’avoir pas la compétence ni une connaissance suffisamment fine de ces phénomènes pour en parler plus utilement, en vous fournissant des chiffres un peu plus précis, mais j’ai si souvent entendu ce discours de la part de professionnels du droit (qui ne sont pas tous d’affreux suppôts du capital ni non plus des membres de cette classe moyenne méprisante d’autrui ne cherchant qu’à légitimer leur position) que je ne peux m’empêcher de penser que votre vision ne correspond pas complètement à la réalité.]
Avez-vous entendu ces propos de la bouche des professionnels du droit qui défendent des salariés ?
[Pour continuer dans le commentaire de votre phrase sur un autre plan, les conditions pour une entreprise pour pouvoir déclencher un plan social sont tellement drastiques qu’il est très fréquent que les employeurs, confrontés à des difficultés économiques réelles mais ne remplissant pas les conditions juridiques précises pour pouvoir autoriser le licenciement économique, le fassent quand même pour ne pas invoquer un motif personnel ne correspondant pas à la réalité, sachant toutefois qu’ils n’en remplissent pas la condition.]
Demandez-vous pourquoi les conditions pour déclencher un plan social sont « tellement drastiques ». Ne serait-ce pas parce que les employeurs ont historiquement abusé systématiquement du dispositif, utilisant chaque opportunité qui leur était offerte pour détourner le dispositif de son objet ? Peut-être que si les employeurs n’avaient pas ce type de comportement, la jurisprudence ne se serait pas progressivement durcie, non ?
[Mais quelle autre alternative ont-ils s’ils sont contraints de licencier (et ne me dites pas de ne pas licencier, ce serait une pirouette trop facile)? prétexter un motif personnel qui serait lui aussi par hypothèse abusif?]
Dura lex, sed lex. L’argument que vous citez, on l’entend dans beaucoup d’autres domaines. Le policier qui explique que comme la procédure pénale est trop contraignante, il passe a tabac les accusés pour les faire avouer est un bon exemple. Je me demande d’ailleurs quelle serait la réaction des employeurs si les salariés prenaient des libertés avec la législation a prétexte qu’elle est trop contraignante…
[Il faut réguler le contrat de travail, c’est entendu. Mais la régulation, si elle doit intervenir pour rétablir l’équilibre dans une situation deséquilibrée par hypothèse, ne doit pas dénégérer en un déséquilibre manifeste au bénéfice des salariés, sous peine de se transformer en protection pour les seuls “insider”.]
Je n’ai pas l’impression que chez nous les capitalistes vivent dans la misère alors que les salaries vivent de Champagne et de caviar. Corrigez-moi si je me trompe…
Petite faute d’orthographe (à moins que ce ne soit fait exprès???) :
“permettre aux entreprises qui ont le coup du travail le plus faible”
==> coût
@ Vincent
[Petite faute d’orthographe (à moins que ce ne soit fait exprès???) :]
Argh! Non, ce n’est pas fait exprès. C’est encore le correcteur automatique de mon traitement de texte qui a fait des siennes…
bonjour très bonne analyse encore une fois et de plus tous ceux qui ont contribuer a l’élection de notre président en appelant soit à voter pour lui soit en appelant a faire barrage ce qui ne fait pas trop de différence , ont contribué en quelque sorte a l’éclosion des fameuses ordonnances . Comme vous le dites justement ce n’est pas avec les slogans actuels qu’on fera avancer le schmilblick
Pas de désaccord fondamental, mais cet article me laisse un arrière goût d’inachevé. Je vais essayer de m’expliquer :
> il est difficile d’imaginer qu’on puisse mobiliser massivement pour s’opposer à une réforme qui ne touche finalement
> que les couches dont le poids politique a été réduit à presque rien. Qui ira faire la grève ? Qui ira manifester ? Les
> salariés des petites entreprises qui savent que leur patron peut trouver cinq, dix, vingt personnes prêtes à prendre
> leur poste ?
Je peux me tromper, avec ma faible culture marxiste, mais je crois comprendre que vous dites que ce n’est pas le lumpen qui ira manifester. Marx avait déjà fait cette constatation, qui, comme vous le mentionnez implicitement, ne date pas d’hier.
> Le Code du travail reste donc une référence surtout pour les travailleurs qui n’ont pas ce pouvoir de négociation, parce qu’ils
> font des tâches simples, sur des machines simples, et que de ce fait ils sont facilement substituables. Ce sont ces travailleurs-là
> qu’une modification du Code affectera au premier chef, parce que la logique de concurrence les place au niveau minimum de
> protection prévu par la loi.
C’est donc le lumpen qui est concerné par les réformes, et pas le vrai prolétariat. Or c’est ce dernier prolétariat qui a la capacité de bouger, de s’opposer. Voilà comment je comprends votre analyse, qui me semble tenir tout à fait la route. Et qui, là encore, se tient avec des théories marxistes.
Mais voilà ce qui me gène : comme vous le mentionnez, tout cela n’est pas nouveau. Et c’est pourtant le prolétariat, et pas le lumpen, qui s’est battu à la fin du XIXème et au XXème pour gagner des acquis sociaux qui, comme vous l’expliquez, apportent surtout au lumpen. J’y vois comme une forme de contradiction.
Vous me direz qu’en France, les luttes prolétariennes n’ont abouti qu’à des actions syndicales (donc des conventions sociales et accords d’entreprises), et pas à des lois. C’est sans doute vrai. Et ces lois auraient donc été généreusement octroyées par des élus, soucieux du peuple. Mais ces élus provenaient justement de partis qui étaient portés par des prolétaires ; dont, selon votre analyse, les avancées légales n’étaient que le cadet de leur souçis…
Bref, en quoi la situation aujourd’hui est elle si différente de celle qu’elle était, pour qu’on puisse faire le chemin inverse ? Est ce le fait que le lumpen soit moins nombreux qu’avant ? Mais cela contredirait les analyses marxistes traditionnelles sur leur faible poids politique, qui n’est pas nouveau.
Est ce le fait que le prolétariat se désolidarise du lumpen, suite à une individualisation de la société ?
Sinon, merci pour ce très beau blog sur lequel j’aime beaucoup flaner 😉
Vincent
@ Vincent
[Je peux me tromper, avec ma faible culture marxiste, mais je crois comprendre que vous dites que ce n’est pas le lumpen qui ira manifester. Marx avait déjà fait cette constatation, qui, comme vous le mentionnez implicitement, ne date pas d’hier.]
C’est pas tout à fait ce que je dis. Indépendamment de la question du lumpenprolétariat, il y a une scission au sein même de la classe ouvrière, entre ce que Lénine appellait “l’aristocratie ouvrière”, qui détient un important pouvoir de négociation du fait de son niveau de qualification ou de la particulière sensibilité du service qu’ils prêtent (on est là à la frontière de ce que j’appelle les “classes moyennes”), et une masse de travailleurs faiblement qualifiés et facilement substituables qui n’en ont aucun.
Il y a malheureusement chez beaucoup de politiques et de penseurs “de gauche” une certaine tendance à la simplification excessive. On traite “le patronat” ou “la classe ouvrière” comme si c’étaient des ensembles monolithiques. Mais ces ensembles sont divers, et il faut en saisir toute leur complexité pour comprendre leur dynamique. La réforme proposée par Macron est habile en ce qu’elle ne touche finalement qu’une partie seulement du monde du travail, et la partie qui a le moins les moyens de se défendre.
[C’est donc le lumpen qui est concerné par les réformes, et pas le vrai prolétariat. Or c’est ce dernier prolétariat qui a la capacité de bouger, de s’opposer. Voilà comment je comprends votre analyse, qui me semble tenir tout à fait la route. Et qui, là encore, se tient avec des théories marxistes.]
Je crois que vous avez mal compris. Non, ce n’est pas le “lumpenprolétariat” au sens marxiste du terme qui est concerné, car justement ce qui caractérise le lumpenprolétariat est qu’il échappe largement à la protection du Code du travail. Ce sont bien les prolétaires, mais la fraction qui est la moins qualifiée, la moins insérée, et qui a de ce fait le plus faible pouvoir de négociation.
[Mais voilà ce qui me gène : comme vous le mentionnez, tout cela n’est pas nouveau. Et c’est pourtant le prolétariat, et pas le lumpen, qui s’est battu à la fin du XIXème et au XXème pour gagner des acquis sociaux qui, comme vous l’expliquez, apportent surtout au lumpen. J’y vois comme une forme de contradiction.]
Je pense que vous avez une vision très extensive du lumpenprolétariat. Non, les acquis sociaux ne concernent pas “surtout” le lumpen, qui souvent est employé dans l’économie parallèle et ne bénéficie guère de la protection du Code du travail. Les conquêtes sociales “légales” concernent la fraction de la classe ouvrière qui a un faible pouvoir de négociation, et qui grâce à la loi bénéficie du pouvoir de négociation de l’ensemble.
[Vous me direz qu’en France, les luttes prolétariennes n’ont abouti qu’à des actions syndicales (donc des conventions sociales et accords d’entreprises), et pas à des lois. C’est sans doute vrai.]
Non, c’est faux. Les “luttes prolétariennes” en France ont pendant très longtemps eu un volet syndical, mais aussi un volet politique, à travers la SFIO d’abord, du PCF après 1920. Plus fondamentalement, les lois traduisent un rapport de forces, et sans les luttes ouvrières les lois sociales – qui doivent autant à la droite qu’à la gauche – n’auraient été faites.
[Bref, en quoi la situation aujourd’hui est elle si différente de celle qu’elle était, pour qu’on puisse faire le chemin inverse ? Est ce le fait que le lumpen soit moins nombreux qu’avant ? Mais cela contredirait les analyses marxistes traditionnelles sur leur faible poids politique, qui n’est pas nouveau.]
Très bonne question. En fait, ce qui a changé est l’élargissement de la portion de la classe ouvrière – au sens large du terme – dont les membres n’ont aucun pouvoir de négociation. Cela résulte du chômage de masse et de l’internationalisation des échanges, qui permet de mettre en concurrence les travailleurs “substituables” les uns avec les autres. Seuls sont protégés ceux qui, du fait de compétences rares, d’un haut niveau de qualification ou de leur insertion dans des organisations complexes sont difficiles à substituer, et détiennent donc un pouvoir de négociation.
[Sinon, merci pour ce très beau blog sur lequel j’aime beaucoup flaner ;)]
Je détecte comme une certaine ironie…
Bon article, je suis en accord complet avec votre dernier paragraphe.
2 remarques :
« On accuse Macron de servir les intérêts du capital. A mon avis, c’est faux. » Pourtant le MEDEF, le gouvernement Allemand et la commission européenne se réjouisse de la loi travail ce sont quand même des représentant du capital.
Vous dites que cette loi ne vas concerner empiriquement que les salariés qui ont déjà un faible pouvoir de négociation. Si la condition des salariés les plus faibles se détériorent encore plus est-ce que cela ne va pas favoriser le patronat dans ses négociations avec les salariés ayant un pouvoir de marché supérieur ? Par exemple si le salaire médian baisse est-ce qu’il ne sera pas plus facile pour un patron ayant un salarié payé 3000 euro net de le payer 2800 euro net sous le prétexte que même si sa condition se détériore elle est encore largement supérieur à celle d’un travailleur pauvre précaire.
Un troisième point qui a un rapport un peu plus distant avec votre article. Je suis vraiment surpris de ce qui m’apparaît comme une fébrilité du pouvoir. Je veux dire par là , même si je me trompe peut-être, que j’ai l’impression en observant les médias que le gouvernement et même certains journalistes craignent le mouvement social contre la loi travail. Je me demande bien pourquoi parce qu’à mes yeux il m’apparaît évident que la loi va passer et ce avec bien moins de résistance que ce qu’il y a eu contre la loi travail de 2016. Il y aura quelques journées d’actions et quelques grèves mais ça ne va pas aller plus loin.
@ jo2
[Vous dites que cette loi ne vas concerner empiriquement que les salariés qui ont déjà un faible pouvoir de négociation. Si la condition des salariés les plus faibles se détériorent encore plus est-ce que cela ne va pas favoriser le patronat dans ses négociations avec les salariés ayant un pouvoir de marché supérieur ?]
Je n’en suis pas persuadé. Le pouvoir de négociation d’un salarié est lié à la difficulté de le substituer. Si je sais que mon patron aura du mal à me remplacer parce que je possède des compétences rares ou parce que je suis inséré dans une organisation complexe, je pourrais négocier ma rémunération en position de force. C’est un simple calcul de coût: si je demande une augmentation de 1000€ pour ne pas partir, et que mon remplacement coûterait à mon employeur 2000€ (en frais de recherche, en production perdue), celui-ci a tout intérêt à satisfaire ma demande.
Or, en quoi le fait que la femme de ménage puisse être plus facilement licenciée affectera mon pouvoir de négociation ? On voit bien que les deux questions sont décorrélées. C’est bien là le problème: la segmentation du marché du travail fait que les travailleurs “à fort pouvoir de négociation” n’ont pas grande chose à perdre dans la dégradation de la situation de leurs collègues “à faible pouvoir de négociation”.
[Par exemple si le salaire médian baisse est-ce qu’il ne sera pas plus facile pour un patron ayant un salarié payé 3000 euro net de le payer 2800 euro net sous le prétexte que même si sa condition se détériore elle est encore largement supérieur à celle d’un travailleur pauvre précaire.]
Les salaires ne sont pas négociés par rapport à une référence “médiane”, mais par rapport à un marché. Le fait que les salaire médian stagne n’a jamais empêché les hauts salaires de monter très vite.
[Un troisième point qui a un rapport un peu plus distant avec votre article. Je suis vraiment surpris de ce qui m’apparaît comme une fébrilité du pouvoir. Je veux dire par là , même si je me trompe peut-être, que j’ai l’impression en observant les médias que le gouvernement et même certains journalistes craignent le mouvement social contre la loi travail. Je me demande bien pourquoi parce qu’à mes yeux il m’apparaît évident que la loi va passer et ce avec bien moins de résistance que ce qu’il y a eu contre la loi travail de 2016. Il y aura quelques journées d’actions et quelques grèves mais ça ne va pas aller plus loin.]
Comme le disait si bien Sarkozy, “il ne faut jamais oublier que le peuple français est essentiellement un peuple régicide”. Je persiste à croire que Macron est un président faible, qui est parfaitement conscient d’avoir été élu par défaut sans pouvoir compter sur une véritable adhésion. Quand Macron déclare – à l’étranger, en plus – que les français “n’aiment pas les réformes”, c’est bien plus qu’une maladresse, c’est un aveu. Lorsqu’un peuple “qui n’aime pas les réformes” élit un président qui fait de la “réforme” son leitmotiv, il y a forcément un malentendu. Parce que les peuples n’élisent pas en général les gens qui leur proposent de faire ce qu’ils n’aiment pas.
Macron sait parfaitement qu’il a été élu par défaut, que son élection ne vaut pas soutien à ses politiques. Et dans ces conditions, il ne faut pas grande chose pour enflammer la rue et provoquer la coalition des mécontents. La menace pour Macron, pour les raisons que j’ai expliqué dans mon papier, ne vient pas du monde du travail, mais du vide politique qui peut ouvrir un boulevard aux “égo-politiciens” comme Mélenchon. Et ce dernier l’a d’ailleurs parfaitement compris.
“Les salaires ne sont pas négociés par rapport à une référence “médiane”, mais par rapport à un marché. Le fait que les salaire médian stagne n’a jamais empêché les hauts salaires de monter très vite.”
Vous pensez donc que si Macron supprimait le SMIC cela ne se traduirait pas par une baisse généralisé de tous les salaires mais uniquement par une baisse des bas salaires, c’est à dire les salaires inférieures au salaire médian.
” La menace pour Macron, pour les raisons que j’ai expliqué dans mon papier, ne vient pas du monde du travail, mais du vide politique qui peut ouvrir un boulevard aux “égo-politiciens” comme Mélenchon”
Il peut donc y avoir des manifestations importantes suivant cette analyse mais pas de grève suivit fortement dans de nombreux secteurs d’activités comme en 2016. Je me trompe peut-être mais la grève est bien plus dangereuse pour le pouvoir que les manifestations, même celle mettant 1 millions de personnes dans les rues.
En 2016 le gouvernement eut l’air vraiment inquiet uniquement quand les grèves dans des secteurs d’activités pouvant bloquer le pays ont commencé à prendre notamment dans les raffineries et les centrales. Le seul moment ou le gouvernement a fait mine de flancher c’est quand les stations services ont commencé à être vide. Les grandes manifestations intersyndicales n’ont pas eu d’effet hormis comme moyen de mobilisation pour les grèves.
Il y aura donc peut-être du monde le 23 et cela va renforcer Mélanchon mais sans grève cela va rester indolore pour le gouvernement surtout que les prochaines élections sont dans 2 ans, l’étoile de Mélanchon à le temps de s’estomper.
@ Descartes
Bonjour
“”C’est un simple calcul de coût: si je demande une augmentation de 1000€ pour ne pas partir, et que mon remplacement coûterait à mon employeur 2000€ (en frais de recherche, en production perdue), celui-ci a tout intérêt à satisfaire ma demande.””
Pas si simple, loin de là !
Si votre patron vous donne ces 1000 euros, il devra tout d’abord vous les consentir “à vie” et pas sur le mois suivant la demande. Le coût n’est pas le même. d’autre part, le précédent ainsi crée risque d’entrainer une série de demandes analogues, plus ou moins justifiées. Ensuite, même si à l’instant “t” votre activité peut justifier une augmentation de 1000 euros, rien ne dit que dans 1 an, les conditions n’auront pas changées et que votre patron n’y retrouvera pas son compte
et qu’il devra se séparer de vous à grands frais et gros ennuis.
@ jo2
[« Les salaires ne sont pas négociés par rapport à une référence “médiane”, mais par rapport à un marché. Le fait que les salaire médian stagne n’a jamais empêché les hauts salaires de monter très vite. » Vous pensez donc que si Macron supprimait le SMIC cela ne se traduirait pas par une baisse généralisé de tous les salaires mais uniquement par une baisse des bas salaires, c’est à dire les salaires inférieures au salaire médian.]
Oui, le fait de supprimer le SMIC n’a d’effet que sur les salariés qui ont un très faible pouvoir de négociation, c’est-à-dire essentiellement ceux dont les salaires sont déjà aujourd’hui proches du SMIC. Pour donner un exemple caricatural, je doute que la suppression du SMIC affecterait le salaire de Neymar ou de Carlos Ghosn. J’apporterais quand même un bémol à votre remarque sur la question du « salaire médian ». A mon avis, ce n’est pas la frontière pertinente. Le tout est de savoir quel est le pouvoir de négociation du salarié, et non le niveau du salaire : même avec un pouvoir de négociation normal, un salarié aura du mal à arracher durablement un salaire supérieur à la valeur qu’il créé, par exemple…
[Il peut donc y avoir des manifestations importantes suivant cette analyse mais pas de grève suivit fortement dans de nombreux secteurs d’activités comme en 2016. Je me trompe peut-être mais la grève est bien plus dangereuse pour le pouvoir que les manifestations, même celle mettant 1 millions de personnes dans les rues.]
Exactement. En 1995, ce sont les grèves et non pas les manifestations qui avaient mis la réforme Juppé en difficulté. Mais il faut bien chercher pour trouver dans notre histoire une seule manifestation qui par elle-même ait obligé un gouvernement à renoncer à une réforme contraire aux intérêts de la classe ouvrière…
[Il y aura donc peut-être du monde le 23 et cela va renforcer Mélenchon mais sans grève cela va rester indolore pour le gouvernement surtout que les prochaines élections sont dans 2 ans, l’étoile de Mélenchon a le temps de s’estomper.]
Je ne suis pas sûr. Le parallélisme entre Macron et Mélenchon est d’ailleurs plus criant chaque jour. Le premier a été élu président par défaut, parce que les français ne voulaient pas des autres candidats. Le second est le premier opposant par défaut, porté par le rejet de tous les autres. La logique anti-institutionnelle jouant à fond contre les organisations, le succès est lié à la capacité de produire un leader charismatique. Nous vivons décidément l’ère de l’égo-politique.
@ Marcailloux
[« C’est un simple calcul de coût: si je demande une augmentation de 1000€ pour ne pas partir, et que mon remplacement coûterait à mon employeur 2000€ (en frais de recherche, en production perdue), celui-ci a tout intérêt à satisfaire ma demande. ». Si votre patron vous donne ces 1000 euros, il devra tout d’abord vous les consentir “à vie” et pas sur le mois suivant la demande.]
Vous pinaillez, mon ami… vous noterez que je n’ai pas parlé d’une augmentation « de 1000 € par mois », mais d’une augmentation de 1000€ sans préciser le terme. Il est assez évident en lisant mon commentaire qu’il s’agit de comparer des coûts TOTAUX. Si vous ajoutez implicitement le « par mois » au premier chiffre, il vous faut ajouter la même formule au second chiffre…
[Le coût n’est pas le même. d’autre part, le précédent ainsi crée risque d’entrainer une série de demandes analogues, plus ou moins justifiées.]
Là aussi, c’est une question de coût. L’augmentation d’un employé peut vous coûter par le jeu du précédent, le refus de cette augmentation peut aussi vous coûter en termes de départs d’autres employés qui sauront que leurs demandent risquent elles aussi d’être refusées. Mais mon point demeure : à chaque demande, l’employeur rationnel fait un calcul de coût, comparant ce que lui coûterait de l’accorder et ce qui lui coûterait de la refuser.
@Descartes
> Je n’en suis pas persuadé. Le pouvoir de négociation d’un salarié est lié à la difficulté de le substituer. Si je sais que mon patron aura du mal à me remplacer parce que je possède des compétences rares ou parce que je suis inséré dans une organisation complexe, je pourrais négocier ma rémunération en position de force.
À court terme, oui. Mais à moyen terme, si le patron voit que les couches basses du salariat sont de plus en plus largement exploitables, n’a-t-il pas intérêt à modifier ses structures de production afin de tirer parti de cette évolution ? Alors que si les dites couches basses restent bien protégées, le jeu n’en vaudra pas forcément la chandelle.
@ Antoine
[“Le pouvoir de négociation d’un salarié est lié à la difficulté de le substituer.” À court terme, oui. Mais à moyen terme, si le patron voit que les couches basses du salariat sont de plus en plus largement exploitables, n’a-t-il pas intérêt à modifier ses structures de production afin de tirer parti de cette évolution ?]
Le fait de changer les structures de production pour pouvoir se passer de moi est une forme de “substitution”…
@Descartes
> Le fait de changer les structures de production pour pouvoir se passer de moi est une forme de “substitution”…
Bien sûr, mais ma remarque est que la substituabilité dépend de l’échelle de temps. Ce qui n’est pas substituable à court terme (votre salarié qualifié à fort pouvoir de négociation) peut le devenir à moyen ou long terme, au terme d’un effort de mutation sociale ou technologique.
D’après votre analyse Descartes les ordonnances ne vont impacter que les salariés avec un faible pouvoir de négociation, pourquoi dans ce cas la CFE-CGC, le syndicat des cadres y est totalement opposé? Voir cette article du figaro:
http://www.lefigaro.fr/conjoncture/2017/09/26/20002-20170926ARTFIG00078-loi-travail-la-cfe-cgc-appelle-desormais-comme-la-cgt-a-un-mouvement-unitaire.php
@ jo2
[D’après votre analyse Descartes les ordonnances ne vont impacter que les salariés avec un faible pouvoir de négociation, pourquoi dans ce cas la CFE-CGC, le syndicat des cadres y est totalement opposé?]
Je crois qu’il y a deux raisons. La première, c’est que depuis quelques années la CFE-CGC cherche à sortir de son créneau de “syndicat des cadres” et construire une base syndicale plus large, incluant les techniciens et même les ouvriers et employés qualifiés. La deuxième, c’est que contrairement à ce qu’on croit souvent la ligne de partage entre ceux qui ont un fort pouvoir de négociation et ceux qui n’en ont aucun ne passe pas par la division “cadre/non-cadre”. D’autant plus qu’aujourd’hui le champ des “cadres” couvre en fait de nombreux postes de travail qui n’impliquent aucune autorité hiérarchique ou fonction d’encadrement.
Bonsoir,
« Mais ça commence mal. Et ça commence mal parce que loin d’aller regarder la réalité des rapports entre employeur et salarié, partisans et adversaires de la réforme partent d’une vision faussée de ce que ces rapports sont dans la réalité. »
En effet, tout à fait d’accord sur la dimension ontologique de la notion du travail humain.
Cet excellent article pose très bien la difficulté et les contradictions de cette question.
Est-ce ou non notre raison d’être, quelle place doit-elle occuper dans notre vie, dans quelle mesure les porteurs d’avis différents peuvent-ils cohabiter au sein d’une même communauté solidaire que constitue une nation moderne ?
Maintenant, que n’aurait-on entendu de cris d’orfraies si E. Macron, à l’instar de N.Sarkozy au sujet de l’identité française, avait posé la question et engagé un débat national sur le sujet de la place du travail dans notre société.
À quel point aurait-il été taxé d’attentisme, de procrastinateur, d’irresponsable, . . .
La vision qu’ont les Français du travail est probablement extrêmement diverse, probablement plus que dans la plupart des pays comparables. Et cela tient à un état d’esprit héritier de 68 mais aussi de la démission des gouvernements successifs qui ont tous privilégié l’indemnisation de l’inactivité plutôt que la promotion de l’activité.
Quand vous avez donné l’habitude à des millions de citoyens de bénéficier de plans sociaux, suite aux renoncements à développer une politique industrielle volontariste, et partir en préretraite à compter de 50 ans quelquefois, vous inscrivez dans le subconscient de beaucoup le sentiment d’un droit naturel à l’oisiveté.
Ajoutez à cela l’émergence d’une société de loisirs dans un contexte d’explosion d’une culture numérique qui absorbe goulument une bonne partie du temps disponible pour une production concrète, et vous avez là les ingrédients qui expliquent la sidération d’une partie de nos concitoyens lorsqu’on leur dit qu’on ne peut durablement pas consommer plus qu’on ne produit et qu’on ne peut pas produire et vendre des produits ou service de faible ou moyenne qualité au prix de l’excellence.
Fermer une usine et abandonner les capacités et compétences qu’elle possédait est très rapide, facile et sans douleur immédiate lorsque l’on bénéficie de l’argent public. Reconstruire l’équivalent trente ans plus tard, lorsqu’on s’est aperçu de la bourde monumentale, est une autre paire de manches.
Je suis convaincu que Macron ne visait pas tant les politiques que la mentalité d’une bonne fraction des Français quand il a, peut-être imprudemment, employé le terme de fainéant.
@ Marcailloux
[En effet, tout à fait d’accord sur la dimension ontologique de la notion du travail humain. Cet excellent article pose très bien la difficulté et les contradictions de cette question. Est-ce ou non notre raison d’être, quelle place doit-elle occuper dans notre vie, dans quelle mesure les porteurs d’avis différents peuvent-ils cohabiter au sein d’une même communauté solidaire que constitue une nation moderne ?]
Tout à fait. Je crois que la gauche en général et la “gauche radicale” en particulier ont pendant plus de trente ans frappé d’anathème la question des instittuions (l’entreprise, la nation, l’Etat), et que du coup elle s’est interdite une analyse fine de la question du travail. Car il y a là une articulation très complexe: nous sommes en même temps les membres de collectivités constituées par des règles de solidarité plus ou moins importantes et d’autre côté nous sommes membres de classes sociales qui s’affrontent pour la répartition de la richesse produite.
Le travail n’est certainement pas notre “raison d’être”, mais c’est notre “condition d’être”. Lorsqu’on fait dire à Dieu “tu gagneras le pain à la sueur de ton front”, on énonce une vérité absolue: le travail est la condition de la survie. Individuelle d’abord, collective au fur et à mesure que les sociétés deviennent plus complexes et mutualisent les risques. Mais dans un monde où personne ne nous doit la survie, le travail reste la source première de la légitimité à vivre…
[Quand vous avez donné l’habitude à des millions de citoyens de bénéficier de plans sociaux, suite aux renoncements à développer une politique industrielle volontariste, et partir en préretraite à compter de 50 ans quelquefois, vous inscrivez dans le subconscient de beaucoup le sentiment d’un droit naturel à l’oisiveté.]
Le problème est que l’idéologie soixante-huitarde a érigé le travail – et surtout le travail dans un contexte collectif – en repoussoir. Vous savez, “métro, boulot, dodo, c’est bon pour les veaux”. Le lieu de travail est, dans la fantasmagorie de la gauche, un lieu de souffrance, et l’homme ne se réalise que dans le loisir. Même si cette vision n’est guère partagée par les travailleurs eux-mêmes, elle imprègne fortement l’imaginaire des “classes moyennes”, et donc de l’establishement politico-médiatique.
[Je suis convaincu que Macron ne visait pas tant les politiques que la mentalité d’une bonne fraction des Français quand il a, peut-être imprudemment, employé le terme de fainéant.]
Je suis moins optimiste que vous. Je pense que Macron est de ce point de vue très proche du volontarisme thatchérien: celui qui veut vraiment s’enrichir et travaille dur y arrive. Et par voie de conséquence ceux qui sont pauvres le sont parce qu’ils ne travaillent pas assez dur, parce qu’ils n’ont pas assez de volonté. Cela lui avait déjà échappé lorsqu’il avait dit à des jeunes que la meilleure façon de se payer un beau costume était de bosser…
Merci!
Bonjour,
merci pour ce billet roboratif sur lequel pour ma part j’aurais du mal à réagir méconnaissant totalement la matière. C’est d’ailleurs pour ça que je me permes une suggestion: vous semble-t-il possible de temps à autre de suggérer une lecture sur le sujet abordé? Car après ce genre de post on a envie d’en savoir plus et de creuser le sujet. Le problème étant ensuite de trouver un ouvrage ou un article éclairant dans la masse existante.
Merci d’avanc pour votre réponse.
@ Tite
[C’est d’ailleurs pour ça que je me permes une suggestion: vous semble-t-il possible de temps à autre de suggérer une lecture sur le sujet abordé?]
Sur ce sujet, je vous conseille “Les métamorphoses de la question sociale” de Robert Castel. Je ne suis pas d’accord avec tout ce qui y est écrit, mais il pose intelligemment les problèmes.
@ Descartes,
Bonjour,
“” En fait, les français ont transposé au domaine industriel une vision bien plus ancienne, celle du paysan indépendant enfermé dans sa ferme fortifiée, gérant ses ouvriers agricoles en tyran paternaliste, et se méfiant de tout ce qui vient de l’extérieur.””
J’ajouterais à cela une propension à se satisfaire un peu trop de la faiblesse de la formation des salariés. Des salariés peu ou mal formés sont un peu prisonnier de celui à qui ils doivent leur moyen de subsistance. Un salarié bien formé est libre. Libre de partir de l’entreprise quand il le souhaite, libre même dans de nombreux cas de concurrencer son précédent employeur. De plus, il est inconfortable pour beaucoup d’employeurs et non des moindres, de disposer d’une main d’oeuvre incapable de dénoncer des erreurs de gestion, voire même de malversation.
Le positionnement de la France dans les classements PISA, entre autres, nous conduisent à des politiques hyper protectionnistes qui nous conduiront à terme à l’altération fatale de nos capacités économiques. Si nous avons des myriades d’excellents techniciens, nous n’avons pas besoin de nous calfeutrer derrière des barrières douanières illusoires et dangereuses. Notre niveau de compétence y pourvoit.
@ jo2
Bonjour,
“” Par exemple si le salaire médian baisse est-ce qu’il ne sera pas plus facile pour un patron ayant un salarié payé 3000 euro net de le payer 2800 euro net sous le prétexte que même si sa condition se détériore elle est encore largement supérieur à celle d’un travailleur pauvre précaire.””
Ce n’est pas certain, loin de là. Dans le salaire que paie un employeur il y a une part, issue des charges générales de l’entreprise, qui vient de la prise en compte de ce que coute la masse immense d’inactifs à laquelle la collectivité assure les moyens de survie.
Si vous supprimez le smic, les échanges se feront à la valeur du marché et vous aurez probablement un développement considérable de l’activité. S’ensuivra un enrichissement généralisé et ainsi une répartition de la richesse produite plus favorable aux travailleurs.
La question essentielle qui demeurera sera de savoir comment compenser le salaire de “marché” perçu par les moins qualifiés et le niveau de revenu décent que doit fournir une activité productrice.
Nous avons, en France, 5 ou 6 millions de personnes plus ou moins aidées, vivant dans l’angoisse du lendemain, qui ne produisent à peu près rien. Le coût de cette situation dépasse les 100 milliards en aides sans compter les coûts sociaux induits.
En raisonnant de manière simpliste, si la moitié de ces personnes produisent, en moyenne, pour 20000 euros de richesse par an ( la moyenne des travailleurs en France est de l’ordre de 100 000 euros), vous retrouvez là 50 ou 60 milliards d’euros à répartir entre les salaires et les investissements. Et vous réduisez beaucoup de maladies psycho somatiques, de délinquance, d’achats et de consommations compulsifs, de désordres divers, etc . .
Comme il est indiqué dans le billet, le code du travail doit protéger les plus faibles. Il ne faudrait pas que cela se transforme en machine à dissuader l’embauche. Et avoir un emploi est bien plus qu’avoir un revenu. Au matériel il ajoute la dignité.
Quand E. Macron parle de fainéants, il en dit trop ou trop peu. D’abord le terme est péjoratif et il s’adresse à tout le monde et à personne.
Mal nommer les choses, aurait, prétend t’on, jugé A. Camus, c’est ajouter au malheur du monde. Ne pas nommer les choses, c’est nier notre humanité.
Macron ne nomme rien ou nomme mal. Piteux pour un philosophe ! ! !
@ Marcailloux
[J’ajouterais à cela une propension à se satisfaire un peu trop de la faiblesse de la formation des salariés. Des salariés peu ou mal formés sont un peu prisonnier de celui à qui ils doivent leur moyen de subsistance. Un salarié bien formé est libre. Libre de partir de l’entreprise quand il le souhaite, libre même dans de nombreux cas de concurrencer son précédent employeur.]
C’est le grand paradoxe de la formation, et la raison pour laquelle en France les salariés sont peu formés… sauf dans les entreprises en situation de monopole ou disposant d’un statut. Former le salarié, c’est augmenter sa productivité, mais c’est aussi lui fournir un pouvoir de négociation et aussi, quelque part, les instruments de son émancipation. Les maîtres d’esclaves l’avaient bien compris, eux qui se sont toujours battu pour qu’il soit interdit d’enseigner aux esclaves à lire et écrire. En France, le désir des employeurs de conserver un contrôle étroit de leurs travailleurs a toujours primé sur celui d’augmenter leur productivité. Et malheureusement, le système de formation est trop dépendant des employeurs pour pouvoir aller contre leur avis.
[Le positionnement de la France dans les classements PISA, entre autres, nous conduisent à des politiques hyper protectionnistes qui nous conduiront à terme à l’altération fatale de nos capacités économiques.]
Où voyez-vous des « politiques hyper protectionnistes » ? Les politiques conduites depuis un demi-siècle, en parallèle d’ailleurs avec la dégradation de notre système éducatif, sont plus « hyper-libreéchangistes » que « hyper protectionnistes », vous ne trouvez pas ?
Quant au classement PISA, j’ai dit par ailleurs ce que j’en pense.
[Si nous avons des myriades d’excellents techniciens, nous n’avons pas besoin de nous calfeutrer derrière des barrières douanières illusoires et dangereuses. Notre niveau de compétence y pourvoit.]
Pas vraiment. Entre « l’excellent technicien » français qui coûte entre salaire et protection sociale 4000 € par mois, et le « technicien moyen » bangladeshi, qui produit moitié moins mais qui coûte le quart, lequel des deux préférera l’employeur ?
Si nous avons besoin de « nous calfeutrer derrière des barrières douanières », ce n’est pas que nos techniciens ou nos ouvriers soient moins « excellents » que les autres. C’est parce que nous avons chez nous un partage de la valeur ajoutée entre capital et travail qui n’est pas tout à fait celle de nos concurrents. Et que c’est le capital, facteur de production mobile par excellence, qui fait le choix de l’endroit où il ira s’investir.
C’est pour cela que la problématique n’est pas la compétitivité des PRODUITS, mais la compétitivité dans la RENTABILITE. Si construire une usine en Roumanie rapporte plus que de construire une usine en France, le capital ira en Roumanie même si les ouvriers français sont plus productifs et les techniciens français « excellents ». Or, pour qu’il soit rentable d’investir en France, il faudrait encore réduire la part de la valeur ajoutée qui va au travail et augmenter celle qui a au capital…
[Ce n’est pas certain, loin de là. Dans le salaire que paie un employeur il y a une part, issue des charges générales de l’entreprise, qui vient de la prise en compte de ce que coute la masse immense d’inactifs à laquelle la collectivité assure les moyens de survie. Si vous supprimez le smic, les échanges se feront à la valeur du marché et vous aurez probablement un développement considérable de l’activité.]
Par quelle magie ? Si vous supprimez le SMIC, vous baissez les rémunérations – car si ce n’est pas le cas, on voit mal l’intérêt de le supprimer. Et si vous baissez les rémunérations, vous baissez la demande. Et sans demande, comment aurez-vous ce « développement considérable de l’activité » ?
Il faut raisonner en termes macroéconomiques. In fine, ce qui est produit doit être consommé – une fois qu’on a défalqué la partie consacrée à l’investissement. Si la suppression du SMIC se traduit par une baisse du total des rémunérations, cela veut dire qu’on consommera moins. Et si on consomme moins, on doit produire moins… Où alors vous supposez que la suppression du SMIC se traduira par une hausse des rémunérations… mais dans ce cas, pourquoi le supprimer ?
La suppression du SMIC aurait un effet paradoxal : la réduction de la productivité du travail. D’une part, parce que la disparition du SMIC réduirait les situations où il est rentable de remplacer l’homme par la machine. On verra donc revenir dans le métro les poinçonneurs – payés des salaires de misère – là où aujourd’hui nous avons des portails automatiques. D’autre part, parce que la suppression fera rentrer dans le marché du travail les individus les moins productifs.
En fait, le SMIC joue un double rôle. D’une part, il maintien la rémunération des salariés dont la productivité est supérieure à celle nécessaire pour le financer et dont les missions ne sont pas délocalisables dans des conditions économiquement rentables. De l’autre, il condamne au chômage ceux dont la productivité n’est pas suffisante pour qu’il soit intéressant de les employer, ou dont les missions sont délocalisables vers des pays ou le rapport salaire/productivité est meilleur.
[S’ensuivra un enrichissement généralisé et ainsi une répartition de la richesse produite plus favorable aux travailleurs.]
Curieusement, ce n’est pas dans les pays ou le SMIC n’existe pas que la « répartition de la richesse produite est plus favorable aux travailleurs »…
[La question essentielle qui demeurera sera de savoir comment compenser le salaire de “marché” perçu par les moins qualifiés et le niveau de revenu décent que doit fournir une activité productrice.]
Je ne comprends pas : d’un côté vous expliquez que la suppression du SMIC se traduira par un « enrichissement généralisé » avec une « répartition de la richesse plus favorable aux travailleurs », et de l’autre vous semblez croire qu’il faudra « compenser » des salaires de marché devenus misérables… ne trouvez-vous pas qu’il y a là une petite contradiction ?
[Nous avons, en France, 5 ou 6 millions de personnes plus ou moins aidées, vivant dans l’angoisse du lendemain, qui ne produisent à peu près rien. Le coût de cette situation dépasse les 100 milliards en aides sans compter les coûts sociaux induits.
En raisonnant de manière simpliste, si la moitié de ces personnes produisent, en moyenne, pour 20000 euros de richesse par an ( la moyenne des travailleurs en France est de l’ordre de 100 000 euros), vous retrouvez là 50 ou 60 milliards d’euros à répartir entre les salaires et les investissements. Et vous réduisez beaucoup de maladies psycho somatiques, de délinquance, d’achats et de consommations compulsifs, de désordres divers, etc…]
Vous reprenez ici un vieux débat, qui est celui de savoir s’il vaut mieux mettre les chômeurs au travail (quitte à leur accorder des rémunérations très faibles) plutôt qu’en faire des assistés dépendant exclusivement des allocations et autres dispositifs d’aide. Sur le fonds, je suis d’accord avec vous : il vaudrait mieux que ces gens travaillent, parce que le travail a un effet de stabilisation et de structuration à la fois sur les personnes et sur la société. Mais la question est de savoir comment on pourrait les mettre au travail sans que cela dégrade la situation des gens qui sont déjà employés, et notamment de ceux qui ont des salaires faibles.
[Quand E. Macron parle de fainéants, il en dit trop ou trop peu. D’abord le terme est péjoratif et il s’adresse à tout le monde et à personne.]
Au contraire. Je pense que Macron, avec sa petite phrase, a mis a nu sa vision de la société, qu’on avait déjà pu apercevoir lors de sa sortie sur le « costard ». Comme beaucoup de leaders issus des « classes moyennes » modestes et arrivés aux plus hautes fonctions, Macron légitime sa position à partir d’une logique qui avait été clairement formulée par Margaret Thatcher en sont temps : « si j’ai pu y arriver, les autres aussi ». Et à contrario, si les autres n’ont pas réussi, c’est qu’ils n’ont pas fait assez d’efforts. En d’autres termes, les pauvres sont pauvres par leur faute, parce qu’ils sont « fainéants ». Et du coup, la position des classes dominantes est légitime, puisque leur richesse et leur position est le produit de leur effort et de leur volonté.
Cette position est le double inversé de la position prise par la gauche soixante-huitarde, qui à l’inverse exonérait l’individu de toute responsabilité dans sa condition, considérant – voir Bourdieu – que la position sociale et la richesse de chacun est déterminée par des circonstances qui lui sont extérieures.
@ Descartes
[Quant au classement PISA, j’ai dit par ailleurs ce que j’en pense.]
Souvent, vous faites référence à des articles que vous avez écrits antérieurement.
Pourriez-vous, dans ces cas-là, préciser l’URL ou tout du moins le titre de l’article pour chercher dans google ?
@ BJ
[Pourriez-vous, dans ces cas-là, préciser l’URL ou tout du moins le titre de l’article pour chercher dans google ?]
http://descartes.over-blog.fr/2013/12/pisa-faut-il-casser-le-thermom%C3%A8tre.html
Je pense qu’il y a trois types de salariés :
* ceux qui ont un pouvoir de négociation, lié à des compétences recherchées
* ceux qui ont des statuts, les protégeant des conséquences de la fainéantise ou de l’incompétence.
* les sans-dents
Effectivement, les sans-dents ont peu de pouvoir politique.et ne pourront bloquer cette réforme. Et ceux qui défilent dans les rues en ce moment sont surtout des “statutaires” menaçant le président pour bien dire que les réformes sont applicables aux sans-dent mais pas à eux.
Pour le reste, je dirais que cette réforme à trois effets :
* elle va permettre aux entreprises privées de virer moins difficilement des salariés non désirés (mais ce sans impact sur le public ni le para public).
* elle va réduire les coûts administratifs du licenciement et du dialogue social. Les entreprises auront moins besoin de dépenser des milliers d’euros en frais d’avocat pour réduire leur risque juridique. C’est une excellente chose.
* elle va permettre de se débarrasser de salariés parasites et procéduriers. En tant qu’employé d’une multinationale anglo-saxonne qui compare pour chaque pays le coût moyen par salarié, je suis content que l’on facilite le licenciement de la personne ayant un arrêt maladie de complaisance depuis un an. L’emploi et/ou les salaire ne s’en porteront que mieux, cela revient de facto à se débarrasser d’une “taxe privée”. Une sorte de taxe prélevée au bénéfice de seuls intérêts privés.
A moyen terme, il faudra poser la question des droits politiques des salariés médiocres. Il y a trois options :
* l’extrême gauche propose le revenu universel, pour leur permettre de ne travailler que s’ils en ont envie et à des conditions qui leur convienne. Quitte à exproprier les producteurs de richesses du fruit de leur travail pour financer cela.
* l’extrême droite propose l’arrêt de l’immigration et la préférence nationale pour leur redonner un vrai pouvoir de négociation
* le centre macroniste (ce que vous appelez les classes moyennes) propose de les euthanasier, ou à minima de les laisser crever en silence.
J’ai fait mon choix, j’ai voté pour avoir une femme présidente.
@ Jordi
[Je pense qu’il y a trois types de salariés :
* ceux qui ont un pouvoir de négociation, lié à des compétences recherchées
* ceux qui ont des statuts, les protégeant des conséquences de la fainéantise ou de l’incompétence.
* les sans-dents]
Je pense que vous faites une erreur en séparant les deux premières catégories. D’abord, les statuts – en dehors du statut du fonctionnaire, qui est un cas très particulier – ne sont pas tombés du ciel. S’ils ont pu être conquis par les salariés, c’est parce qu’ils avaient un pouvoir de négociation important. Les statuts des travailleurs du gaz et de l’électricité, celui des cheminots ou celui des mineurs ont été créés parce qu’il a fallu fidéliser des travailleurs qui possédaient des compétences rares et qu’il fallait faire travailler dans des conditions particulières, et non pour faire plaisir aux intéressés ou les « protéger des conséquences de la fainéantise ou de l’incompétence ».
Par ailleurs, contrairement à ce que vous semblez croire, les statuts en question n’empêchent pas le licenciement des salariés, y compris le licenciement économique. Et si les employeurs des entreprises soumises au statut ne licencient que rarement, c’est pour des considérations purement économiques : la protection contre le chômage est bien intégrée dans les grilles salariales, et les salariés de ces entreprises acceptent des salaires inférieurs à ceux du secteur concurrentiel. Pour ne donner qu’une exemple, combien d’entreprises peuvent se permettre de geler les salaires pendant dix ans, comme le fait la fonction publique ? Le surcoût lié au fait de devoir garder quelques « fainéants et incompétents » est largement compensé par cette différence.
Le statut du fonctionnaire est à séparer des autres parce que son objectif n’est pas purement économique, mais est aussi de protéger ceux qui ont à exercer le pouvoir de l’Etat des pressions politiques. C’est pourquoi il est le seul qui offre des garanties formelles contre le licenciement. Mais là encore, ces garanties se payent d’une grille salariale particulièrement défavorable, surtout en haut de l’échelle.
[* elle va permettre aux entreprises privées de virer moins difficilement des salariés non désirés (mais ce sans impact sur le public ni le para public).]
Oui et non. Les salaires sont, in fine, déterminés par le marché. Si le privé peut virer plus facilement, cela augmentera l’offre de travail et donc fera baisser les salaires dans le public aussi. Même si les grilles statutaires dans le secteur public et para public ont une certaine inertie, elles s’adaptent aux conditions de marché. Encore une fois, pensez-vous qu’on aurait pu geler le point d’indice des fonctionnaires pendant dix ans si on était en plein emploi ?
[* elle va réduire les coûts administratifs du licenciement et du dialogue social. Les entreprises auront moins besoin de dépenser des milliers d’euros en frais d’avocat pour réduire leur risque juridique. C’est une excellente chose.]
Pour les actionnaires, certainement. Pour les autres… croyez-vous vraiment que les employeurs dans leur grande magnanimité utiliseront les « milliers d’euros » ainsi économisés pour augmenter les salaires ou améliorer les conditions de travail ?
[* elle va permettre de se débarrasser de salariés parasites et procéduriers.]
Malheureusement, je ne vois pas dans le dispositif ce qui permettra de faire la distinction entre les salariés « parasites et procéduriers » et les salariés travailleurs et productifs mais soucieux de défendre leurs droits. Je crains que les nouvelles règles permettent surtout de se débarrasser à bon compte des salariés « procéduriers », qu’ils soient « parasites » ou productifs, pour ne laisser dans l’entreprise que les salariés dociles et prêts à accepter n’importe quoi.
[En tant qu’employé d’une multinationale anglo-saxonne qui compare pour chaque pays le coût moyen par salarié, je suis content que l’on facilite le licenciement de la personne ayant un arrêt maladie de complaisance depuis un an.]
Je suis d’accord. Mais que se passera-t-il quand la même règle permettra de licencier la personne ayant un arrêt maladie pleinement justifié depuis un an ? Parce qu’il ne vous aura pas échappé que la logique de la loi ne fait pas la différence entre l’une et l’autre. Mais vous me direz que les patrons étant des philanthropes, on peut leur faire confiance pour garder le salarié vraiment malade et virer l’autre, non ?
[A moyen terme, il faudra poser la question des droits politiques des salariés médiocres.]
Je trouve curieux que vous vous intéressiez tant aux droits des salariés médiocres, mais jamais aux droits des autres salariés, ceux qui sont compétents, professionnels et travailleurs. Comment proposez-vous de protéger leurs droits ?
[Je trouve curieux que vous vous intéressiez tant aux droits des salariés médiocres, mais jamais aux droits des autres salariés, ceux qui sont compétents, professionnels et travailleurs. Comment proposez-vous de protéger leurs droits ?]
Réponse courte : on ne le fait pas, c’est inutile
Réponse moins courte : parce qu’ils sont productifs, ils sont (raisonnablement) recherchés car il est rentable de les employer. A ce titre, ils ont un relatif (et parfois énorme) pouvoir de négociation. Ils ont donc très peu à perdre d’un allègement, même fort, du code du travail (les mesures de Macron sont relativement légères par rapport à ce qui a lieu dans d’autres pays occidentaux)
Dans des pays ou le licenciement est quasi-complètement libre (USA par exemple) la plupart des salariés gardent leur job des années. Ils ont d’ailleurs un niveau de vie supérieur à celui des Français.
A l’inverse, il y a de nombreux citoyens qui n’ont ni compétence rare, ni professionnalisme ou capacité de travail exceptionnelle, ni réseau social fort, … . Si on faisait sauter le code du travail et las aides sociales, ils seraient condamnés à accepter des conditions de travail et de salaires dignes du tiers-monde.
@ Jordi
[« Je trouve curieux que vous vous intéressiez tant aux droits des salariés médiocres, mais jamais aux droits des autres salariés, ceux qui sont compétents, professionnels et travailleurs. Comment proposez-vous de protéger leurs droits ? » Réponse courte : on ne le fait pas, c’est inutile. Réponse moins courte : parce qu’ils sont productifs, ils sont (raisonnablement) recherchés car il est rentable de les employer.]
Pas du tout. Quand on licencie les travailleurs d’une usine automobile pour la déménager en Roumanie, croyez-vous vraiment que ces travailleurs sont tous des incompétents et des tire-au-flanc ? Non, bien sur que non. Simplement, il est bien plus rentable d’employeur un Roumain qui est peut-être deux fois moins productif, mais qu’on peut payer dix fois moins.
Vous êtes d’un grand idéalisme si vous croyez que le fait d’être productif, compétent et travailleur suffit à protéger vos droits. Cela est vrai lorsque ces qualités sont rares. Mais si elles sont courantes, si l’employeur peut compter sur une « armée de réserve » de chômeurs compétents, productifs et travailleurs, il peut parfaitement dégrader les conditions de travail, faire baisser les salaires, etc.
[A ce titre, ils ont un relatif (et parfois énorme) pouvoir de négociation.]
Seulement si ces qualités sont rares. Mais ce n’est très souvent pas le cas, notamment dans un monde où le capital est mobile et peut mettre les travailleurs en concurrence au niveau international. Pensez aux mineurs du Nord-Pas de Calais lorsque les mines ont fermé. A quoi cela leur a servi, d’être travailleurs, compétents et productifs ?
[Dans des pays ou le licenciement est quasi-complètement libre (USA par exemple) la plupart des salariés gardent leur job des années. Ils ont d’ailleurs un niveau de vie supérieur à celui des Français.]
Un revenu supérieur, c’est possible. Un niveau de vie supérieur ? Je suis sceptique. Il faudrait évaluer ce que représente par exemple la couverture maladie obligatoire, la garantie des retraites… Mais pour revenir à la question discutée, la problématique n’est pas de savoir si la liberté du licenciement augmente ou non le chômage ou les chances d’être licencié, mais son effet global sur la condition du salarié. Il est très possible que le fait que le licenciement soit totalement libre ne fait pas qu’on licencie plus, mais quel effet cela a sur la négociation des salaires ou des conditions de travail ?
[A l’inverse, il y a de nombreux citoyens qui n’ont ni compétence rare, ni professionnalisme ou capacité de travail exceptionnelle, ni réseau social fort, …]
Encore une fois, le professionnalisme ou la capacité de travail ne vous servent à rien si elles ne sont pas « rares ». C’est la rareté qui fait le pouvoir de négociation, et non la qualité du produit…
[Si on faisait sauter le code du travail et las aides sociales, ils seraient condamnés à accepter des conditions de travail et de salaires dignes du tiers-monde.]
C’est un peu ce que risque de faire Macron…
Imaginons un retour au travail sans statuts,quels sont les lecteurs de ce blog qui en serait satisfait?
Pas moi,mais vous ,quel aavantage tirerez vous de ne plus avoir de statuts?
@ luc
[Imaginons un retour au travail sans statuts,quels sont les lecteurs de ce blog qui en serait satisfait?]
Je crois que vous avez mal compris. La grande majorité des travailleurs dans notre pays aujourd’hui est dans le régime général du Code du travail. Ses droits, ses conditions de travail, sa rémunération sont négociées lors de la conclusion du contrat de travail, dans le cadre fixé par les lois et les conventions collectives. Il n’y a qu’une minorité de travailleurs dont le travail est réglé par un “statut” particulier avec des droits et obligations exorbitantes du droit commun : les fonctionnaires, les agents des industries électriques et gazières, les cheminots…
Il y a un fantasme selon lequel les statuts seraient par essence plus avantageux que le droit commun du Code du travail. Ce n’est pas toujours vrai. Ainsi, par exemple, le régime de sanctions prévu par le statut de la fonction publique est bien plus sévère que celui en vigueur dans les entreprises, puisqu’un fonctionnaire peut par exemple être sanctionné d’une révocation avec perte de ses droits à pension, alors qu’un salarié ordinaire ne peut en aucun cas perdre ces droits du fait d’une sanction. De même, le statut des agents des industries électriques et gazières est bien moins avantageux que la convention collective des industries pétrolières, au point que les agents qui ont eu le choix lors de la vente de l’opérateur TIGF ont choisi de rester à la convention plutôt que de se voir appliquer le statut…
@Descartes
> Il n’y a qu’une minorité de travailleurs dont le travail est réglé par un “statut” particulier avec des droits et obligations exorbitantes du droit commun : les fonctionnaires, les agents des industries électriques et gazières, les cheminots…
Mentionnons aussi les travailleurs non-salariés (“indépendants”), qui sont plus de 2 millions, nombre en hausse récente avec le recours grandissant au statut d’auto-entrepreneur.
@ Antoine
[“Il n’y a qu’une minorité de travailleurs dont le travail est réglé par un “statut” particulier avec des droits et obligations exorbitantes du droit commun”. Mentionnons aussi les travailleurs non-salariés (“indépendants”), qui sont plus de 2 millions, nombre en hausse récente avec le recours grandissant au statut d’auto-entrepreneur.]
Non. Le statut d’auto-entrepreneur est un statut FISCAL, et non pas un statut PROFESSIONNEL. Le statut d’auto-entrepreneur ne règle en rien le travail de celui qui y est soumis, pas plus qu’il ne lui donne en cette matière des droits ou obligations particulières.
@Descartes
> Le statut d’auto-entrepreneur ne règle en rien le travail de celui qui y est soumis, pas plus qu’il ne lui donne en cette matière des droits ou obligations particulières.
Le travailleur non-salarié, par définition, sort du champ du salariat et donc du “droit commun” appliqué à la majorité des travailleurs. Quand vous dites “La grande majorité des travailleurs dans notre pays aujourd’hui est dans le régime général du Code du travail”, je mentionne simplement une catégorie en croissance récente qui échappe à ce régime général.
@ Antoine
[je mentionne simplement une catégorie en croissance récente qui échappe à ce régime général.]
Ok. J’avais mal compris. J’avais cru que vous vouliez classer les travailleurs sous “statut” d’auto-entrepreneurs parmi les “travailleurs sous statut”…
– grande entreprise : + 5000 salariés et CA + 1,5 milliard, 4,5 millions salariés 30% total.
– Une entreprise de taille intermédiaire est une entreprise qui a entre 250 et 4999 salariés, et soit un chiffre d’affaires n’excédant pas 1,5 milliards d’euros soit un total de bilan n’excédant pas 2 milliards d’euros.
Une entreprise qui a moins de 250 salariés, mais plus de 50 millions d’euros de chiffre d’affaires et plus de 43 millions d’euros de total de bilan est aussi considérée comme une ETI. 22% salariés.
– La catégorie des petites et moyennes entreprises (PME) est constituée des entreprises qui occupent moins de 250 personnes, et qui ont un chiffre d’affaires annuel inférieur à 50 millions d’euros ou un total de bilan n’excédant pas 43 millions d’euros. 22% salariés.
– Une microentreprise est une entreprise occupant moins de 10 personnes, et qui a un chiffre d’affaires annuel ou un total de bilan n’excédant pas 2 millions d’euros. 20 % salariés 3 millions.
Cette notion, utilisée à des fins d’analyse statistique et économique, diffère de celle du régime fiscal de la micro-entreprise et ne s’apparente pas non plus au statut de micro-entrepreneur, appelé auto-entrepreneur avant le 19 décembre 2014.
(Insee)
« Si au-dessous de N salariés on a toutes sortes d’avantages, quel chef d’entreprise sera assez fou pour embaucher son N+1ème salarié ? »
Plus compliqué que ça : l’avantage peut aussi d’être de franchir le seuil.
« Ce ne sont pas nos loisirs, ce ne sont pas nos engagements qui nous donnent une place dans la société. C’est notre contribution au fardeau commun de « gagner le pain à la sueur de notre front ». Et le reconnaître, c’est placer au centre du débat les questions de la production, du partage des efforts et de ses fruits, des moyens d’accroître la productivité, de la meilleure manière d’utiliser les technologies et les ressources. »
Oui mais la question est : comment arriver à cette position ?
Il y a une autre question que j’aimerai vous soumettre : au-delà du mal intrinsèque causé par l’offensive sur le code du travail, qui serait réussie, il faut considérer ce formidable encouragement à aller plus loin (il est d’ores et déjà question des retraites, statuts, protection sociale…). Avons-nous le choix ?
Veuillez excuser ce style lapidaire, trop fatigué, j’y reviendrai dès que possible.
@ morel
[- grande entreprise : + 5000 salariés et CA + 1,5 milliard, 4,5 millions salariés 30% total.]
Il y a quelque chose qui ne va pas dans vos statistiques. Si avec 4,5 millions de salariés on avait 30% du total, cela voudrait dire qu’il n’y dans notre beau pays que 14 millions de salariés, ce qui de toute évidence est un peu faible pour une population de 26 millions de personnes ayant un emploi…
[« Si au-dessous de N salariés on a toutes sortes d’avantages, quel chef d’entreprise sera assez fou pour embaucher son N+1ème salarié ? ». Plus compliqué que ça : l’avantage peut aussi d’être de franchir le seuil.]
Mais quel est l’avantage ?
[Il y a une autre question que j’aimerai vous soumettre : au-delà du mal intrinsèque causé par l’offensive sur le code du travail, qui serait réussie, il faut considérer ce formidable encouragement à aller plus loin (il est d’ores et déjà question des retraites, statuts, protection sociale…). Avons-nous le choix ?]
En politique, on a toujours le choix. Celui qui vous dit qu’il n’y a pas d’alternative est un menteur. Il y a toujours des alternatives, et chaque alternative a son coût. Il est clair que l’offensive sur le Code du travail cache une offensive sur l’ensemble des dispositifs de protection sociale. Seulement, il faut bien voir les rapports de force. S’attaquer au Code du travail, comme je l’ai expliqué, c’est s’attaquer aux travailleurs en bas de l’échelle, ceux qui n’ont aucun pouvoir de négociation, ceux pour qui le rapport de forces est le plus défavorable. S’attaquer aux retraites ou aux statuts, c’est au contraire s’attaquer à des groupes sociaux qui ont, eux, un fort pouvoir de négociation.
((Si avec 4,5 millions de salariés on avait 30% du total, cela voudrait dire qu’il n’y dans notre beau pays que 14 millions de salariés, ce qui de toute évidence est un peu faible pour une population de 26 millions de personnes ayant un emploi…))
26 millions de personnes ayant un emploi salarié mais seulement 17,8 dans le privé en 2014 selon l’ACOSS (recherche faite vite-fait, il doit y avoir des données plus récentes), ce qui colle déjà plus avec les stats sus-mentionnées.
http://www.acoss.fr/home/observatoire-economique/publications/acoss-stat/acoss-stat-n215.html
((Mais quel est l’avantage ?))
Sans parler d’avantages d’ordre administratifs (y en a t’il ?), il peut y avoir des avantages économiques qui compensent l’augmentation des charges… carnet de commande qui s’étoffe, etc… par contre c’est clair que ça ne vaut que dans le cadre d’une croissance sectorielle marquée et pérenne. Dans la majorité des cas aujourd’hui, ça peut être dissuasif.
((S’attaquer aux retraites ou aux statuts, c’est au contraire s’attaquer à des groupes sociaux qui ont, eux, un fort pouvoir de négociation))
Je ne sais pas si la difficulté à réformer ces secteurs vient tant du pouvoir de nuisance/négociation, que de la tradition de lutte de certaines corporations. On voit bien aujourd’hui que les gens qui défilent ne sont pas directement impactés par la réforme du travail, pour l’immense majorité d’entre eux. On ne peut pas non plus parler de solidarité, car ce sont les premiers à défendre leurs privilèges au détriment des autres, si ces privilèges venaient à être mis en danger. Je vois plus un réflexe, quasiment une raison d’être. Sans compter que les syndicats ont cruellement besoin d’exposition pour survivre en ce moment face à une FI qui tente d’occuper toute la place, y compris la leur. Donc peu importe le motif, il faut un pretexte pour se montrer. Les dernières manifs sont avant tout une lutte d’influence au coeur des acteurs sociaux.
@ Pierre
[« S’attaquer aux retraites ou aux statuts, c’est au contraire s’attaquer à des groupes sociaux qui ont, eux, un fort pouvoir de négociation » Je ne sais pas si la difficulté à réformer ces secteurs vient tant du pouvoir de nuisance/négociation, que de la tradition de lutte de certaines corporations.]
Une « tradition de luttes » ne se forme que si certaines de ces luttes sont victorieuses. Ce qui suppose qu’on ait un pouvoir de négociation important.
[On voit bien aujourd’hui que les gens qui défilent ne sont pas directement impactés par la réforme du travail, pour l’immense majorité d’entre eux. On ne peut pas non plus parler de solidarité, car ce sont les premiers à défendre leurs privilèges au détriment des autres, si ces privilèges venaient à être mis en danger.]
Je ne sais pas de quel « privilèges » vous voulez parler. Pourriez-vous être plus précis, et notamment indiquer en quoi ces « privilèges » s’exerceraient « au détriment des autres » ?
((Je ne sais pas de quel « privilèges » vous voulez parler. Pourriez-vous être plus précis, et notamment indiquer en quoi ces « privilèges » s’exerceraient « au détriment des autres » ))
Certain régimes de retraites par exemple.
Certaines catégories de la RATP par exemple, ont droit à une retraite anticipée à 52 ans (avec comme condition préalable d’avoir 27 ans d’exercice derrière soi, autrement dit d’être rentré dans le métier à 25 ans, rien d’exceptionnel). Pension calculée sur les 6 derniers mois.
On peut parler de régime privilégié par rapport au régime général, non ?
La plupart des caisses de retraite liées aux régimes spéciaux (ici la CRPRATP) sont reconnues comme structurellement déficitaires* et financées par le budget de l’état (= les impôts des contribuables).
donc régime des retraites de la RATP = privilège d’une catégorie sociale particulièrement vindicative au détriment des contribuables. CQFD.
*https://www.senat.fr/rap/r07-452/r07-452_mono.html#toc22
@ Pierre
[« Je ne sais pas de quel « privilèges » vous voulez parler. Pourriez-vous être plus précis, et notamment indiquer en quoi ces « privilèges » s’exerceraient « au détriment des autres » ». Certain régimes de retraites par exemple. Certaines catégories de la RATP par exemple, ont droit à une retraite anticipée à 52 ans (avec comme condition préalable d’avoir 27 ans d’exercice derrière soi, autrement dit d’être rentré dans le métier à 25 ans, rien d’exceptionnel). Pension calculée sur les 6 derniers mois. On peut parler de régime privilégié par rapport au régime général, non ?]
Voyons si je comprends bien. Pour vous, celui qui aurait un avantage que les autres n’auraient pas est un « privilégié ». Ainsi, par exemple, la caissière de supermarché est une « privilégiée » : elle a un boulot alors que d’autres n’en ont pas. Le chômeur de longue durée qui vit dans un studio dans une lointaine banlieue est un « privilégié », puisqu’il y en a qui sont SDF. Et ainsi de suite. Il n’y aurait donc chez nous qu’un seul non-privilégié : c’est l’homme le plus pauvre de France. Tous les autres ont par rapport à lui un petit avantage, et sont donc des « privilégiés »…
Le « privilège » ne se mesure pas au fait d’avoir un avantage sur une autre catégorie, mais de savoir si cet avantage est indu. La caissière de supermarché, qui touche un salaire de misère pour huit heures de travail n’est pas une « privilégiée » parce que même si elle est en meilleure situation que le chômeur ou le SDF, son maigre salaire n’est pas injustifié. Et pour reprendre votre exemple, si vous voulez démontrer que certains travailleurs de la RATP sont « privilégiés », il faudrait montrer que les avantages dont ils disposent sont injustifiés. Ainsi, par exemple, ces travailleurs font-ils un métier plus usant que les autres ? Jouissent-ils de cette retraite anticipée plus longtemps que les autres ?
Je trouve toujours très intéressant que lorsqu’on parle de “privilèges” personne ne pense à signaler ceux des actionnaires. Après tout, leur rémunération est parfaitement injustifiée, puisqu’ils ne travaillent pas…
(((Voyons si je comprends bien. Pour vous, celui qui aurait un avantage que les autres n’auraient pas est un « privilégié ». Ainsi, par exemple, la caissière de supermarché est une « privilégiée » : elle a un boulot alors que d’autres n’en ont pas. Le chômeur de longue durée qui vit dans un studio dans une lointaine banlieue est un « privilégié », puisqu’il y en a qui sont SDF. Et ainsi de suite. Il n’y aurait donc chez nous qu’un seul non-privilégié : c’est l’homme le plus pauvre de France. Tous les autres ont par rapport à lui un petit avantage, et sont donc des « privilégiés »…)))
j’ai bien peur que vous ne vous emportiez un peu dans cette comparaison…
Privilège = Avantage particulier considéré comme conférant un droit, une faveur à quelqu’un, à un groupe
source: larousse
Il va de soi que pour identifier un avantage particulier, on le fait toutes choses égales par ailleurs (en l’occurence, temps de travail, pénibilité, etc). je ne pensais pas que sur un blog de cette qualité il eut été nécessaire de le préciser mais vu la citation ci-dessus… Comparez le régime d’un chauffeur RATP avec celui d’un chauffeur livreur UPS à la rigueur… et encore, la comparaison ferait hurler bon nombre de chauffeurs UPS.
De plus, sous le sens de l’ancien régime, le privilège est concédé par une autorité. Le destin, ou la chance, ne compte pas dans l’affaire, car nous n’avons pas de maitrise de ce facteur. On se contentera d’évoquer les privilèges accordés par la loi car ce sont les seuls sur lesquels nous ayons prise. Votre comparaison avec l’homme le plus pauvre du monde est non pertinente, vous usez des ficelles de la mauvaise foi, sauf votre respect…
((Le « privilège » ne se mesure pas au fait d’avoir un avantage sur une autre catégorie, mais de savoir si cet avantage est indu.))
Reprenez votre dico, la notion de privilège n’a rien à voir avec celle d’indu. Les pompiers ont le privilège de pouvoir griller les feu rouges… CERTAINS privilèges sont indus. ça n’a rien de général.
((La caissière de supermarché, qui touche un salaire de misère pour huit heures de travail n’est pas une « privilégiée » parce que même si elle est en meilleure situation que le chômeur ou le SDF, son maigre salaire n’est pas injustifié.))
Ca n’a rien à voir. Elle n’est pas privilégiée car son statut ne déroge pas au statut “de base” pour un travail non qualifié, point. Elle ne fait pas l’objet d’une exception légale. Et nous sommes d’accord que ça n’enlève rien aux conditions misérables de ce travail.
Dans l’absolu, c’est cette base légale qui devrait être augmentée jusqu’à faire en sorte que personne n’ai besoin de privilèges, autrement dit de dérogation particulière pour mener une existance confortable. C’est comme le pourboire: le pourboire c’est sensé être un “bonus”. Mais si vous avez besoin du pourboire pour vivre, le mauvais réflexe est de défendre le pourboire. Le bon est de se battre pour pouvoir vivre sans. Défendre le privilège “vital”, l’exception indispensable, c’est in extenso défendre une base légale misérable.
((Et pour reprendre votre exemple, si vous voulez démontrer que certains travailleurs de la RATP sont « privilégiés », il faudrait montrer que les avantages dont ils disposent sont injustifiés))
Encore une fois, un privilège n’est pas fatalement injustifié, votre méprise est là. Même si je pense qu’en l’occurence ceux des chauffeurs de la RATP le sont en partie. Mais je suis toujours POUR que les pompiers puissent griller les feux.
((Ainsi, par exemple, ces travailleurs font-ils un métier plus usant que les autres ? Jouissent-ils de cette retraite anticipée plus longtemps que les autres ?))
C’est une tout autre question qui n’a presque rien à voir. Je peux néanmoins y répondre.
Métier plus usant qu’un tourneur-fraiseur, qu’un livreur, qu’un maçon ? vous êtes sérieux ?
Est-ce qu’un chauffeur RATP partant en retraite à 52 ans sur la base de ses 6 derniers mois de salaire jouit mieux et plus longtemps de sa retraite qu’un couvreur partant en retraite à 63 ans sur la base des 25 dernières années ? Vous êtes sérieux ?
Et cerise sur le gâteau: qui paye pour la retraite de notre chauffeur RATP ? Qui permet à ce régime structurellement déficitaire de survivre ? Vous connaissez la réponse. Alors oui, c’est vrai, ce serait formidable que tout le monde parte à la retraite quand il en a envie et avec une pension la plus confortable possible. Bienvenue sur terre, désolé.
excusez moi, j’ai oublié cette dernière phrase.
((Je trouve toujours très intéressant que lorsqu’on parle de “privilèges” personne ne pense à signaler ceux des actionnaires. Après tout, leur rémunération est parfaitement injustifiée, puisqu’ils ne travaillent pas…))
Encore une fois vous partez d’un mauvais postulat. Si des conditions de rémunération privilégiées ne sont pas forcément injustifiées, une rémunération injustifiée n’est pas forcément liée à un privilège. En l’occurence les actionnaires ne font l’objet d’aucune dérogation particulière au niveau légal. Le premier SDF venu peut s’offrir une action Eurotunnel, le jeu fonctionnera pour lui comme pour les gros investisseurs… à son échelle, mais selon les mêmes règles.
On peut ensuite bien sûr discuter sur le “privilège” d’être né une cuiller en argent dans la bouche… Mais on ne parle plus du privilège “royal” (octroyé par une autorité) mais de hasard. Cependant, on peut agir sur certains privilèges liés au hasard d’être né au bon endroit au bon moment. Abolir la notion de succession après tout, ce serait tout à fait faisable (avec suffisement de munitions)… mais il n’en restera pas moins que certains enfants naîtrons dans une famille cultivée et bienveillante avec un patrimoine génétique d’Apollon… et d’autres seront les avortons d’une mère alcoolique et violente et d’un père héroïnomane et pédophile (pas de bol).
Qu’on le veuille ou non, il ne faut jamais perdre de vue que l’être humain est un animal capitaliste par essence, dans le sens global du terme. Ôtez-lui tous les privilèges légaux, tous les privilèges liés à son ascendance, à sa situation, socialisez tout… il capitalisera sur son intelligence, ou sur sa force, ou sur son potentiel de séduction, ou sur sa filouterie, ou sur son empathie, ou sur un quelconque talent pour améliorer son ordinaire, pour faire fructifier son Ego… vouloir gommer l’Ego de la nature humaine, c’est presque aussi simple que d’apprendre à une abeille à s’émanciper de la ruche…
Bon, je digresse.. il est tard. Excusez moi si je me suis un peu emporté dans mon précédent message. Bonne soirée.
@ Pierre
[Privilège = Avantage particulier considéré comme conférant un droit, une faveur à quelqu’un, à un groupe (source: larousse)]
En d’autres termes, l’emploi est un privilège (il confère à l’employé le « droit » d’être payé, de cotiser pour la retraite et la sécurité sociale, etc.) tout à fait « particulier », puisqu’il n’est pas accordé à ceux qui n’ont pas d’emploi. Le logement est lui aussi un privilège, puisqu’il confère à celui qui en a un des droits que ceux qui n’en ont pas ne possèdent pas. Comme vous voyez, si je suis à la lettre votre définition, loi de « m’emporter dans ma comparaison », je touche au contraire très juste…
Cela étant dit, les définitions du dictionnaire sont trop simplistes pour embrasser la complexité d’un tel sujet. L’idée de « privilège » – étymologiquement, « loi privée » – est celle d’un avantage, un droit particulier dont l’octroi n’a d’autre justification que l’appartenance à un groupe fermé, généralement lié à la naissance. Le monopole accordé aux médecins d’exercer la médecine est-il un « privilège » ? Oui, si l’on suit votre définition, puisque le diplôme de médecin confère bien un « droit » particulier. En fait, votre définition est tellement générale que tout diplôme, tout certificat, la carte d’identité elle-même constituent des « privilèges »…
Ma réponse est différente : si le diplôme de médecin était réservé à un groupe fermé, par exemple aux enfants de médecin, il constituerait un privilège. Mais ce n’est pas le cas : les médecins ne constituent pas un groupe fermé, puisque chacun de nous peut y accéder à condition de satisfaire à des examens, et que ces examens sont strictement liés à la capacité d’exercer ce métier. Et de la même façon, les « avantages » liés au statut de la fonction publique, de la RATP ou d’EDF ne sont pas des « privilèges », puisque n’importe quel citoyen français peut accéder à ces emplois, en passant par une procédure de sélection qui n’est fondée que sur leurs « vertus et talents ». Paradoxalement, si on décidait demain que seuls les anciens embauchés bénéficieraient de ces avantages, et que les nouveaux embauchés seraient eux au régime général – ce que certains au gouvernement envisagent de proposer – ces avantages deviendraient des « privilèges », puisqu’ils seraient réservés à un groupe fermé…
[Il va de soi que pour identifier un avantage particulier, on le fait toutes choses égales par ailleurs (en l’occurence, temps de travail, pénibilité, etc). je ne pensais pas que sur un blog de cette qualité il eut été nécessaire de le préciser mais vu la citation ci-dessus… Comparez le régime d’un chauffeur RATP avec celui d’un chauffeur livreur UPS à la rigueur… et encore, la comparaison ferait hurler bon nombre de chauffeurs UPS.]
Faut être cohérent. Un chauffeur de la RATP conduit des personnes, un chauffeur UPS des paquets. Peut-on considérer qu’il s’agisse de la même responsabilité « toutes choses égales par ailleurs » ? Les paquets ne font pas de malaises, ils ne se battent pas entre eux, ils n’essayent pas de resquiller, ils ne se plaignent pas si le camion tombe en panne.
J’ai cru comprendre que vous étiez proche des idées libérales. Dans ce cas, vous devriez appliquer ces théories à la réalité. Aujourd’hui, les salaires sont très largement fixés par le marché du travail. Si les conditions offertes par la fonction publique ou les entreprises sous statut étaient si « privilégiées » que vous voulez le croire – toutes choses égales par ailleurs – on devrait observer une ruée des candidats vers ces emplois plutôt que vers le privé. Or, ce n’est pas ce qu’on observe. Le nombre de candidatures reçues pour un emploi à EDF ou à la RATP n’est pas très différent de celui que reçoivent les entreprises privées pour des fonctions équivalentes. Et la raison est que ces avantages que vous voyez comme des « privilèges » sont souvent compensés par des sujétions et obligations particulières, et par des salaires souvent inférieurs. L’exemple le plus éclatant est celui de la fonction publique : oui, ils ont la sécurité de l’emploi… mais connaissez-vous beaucoup d’entreprises ou les salaires sont bloqués depuis dix ans ?
[De plus, sous le sens de l’ancien régime, le privilège est concédé par une autorité. Le destin, ou la chance, ne compte pas dans l’affaire, car nous n’avons pas de maitrise de ce facteur. On se contentera d’évoquer les privilèges accordés par la loi car ce sont les seuls sur lesquels nous ayons prise.]
Notez que dans la définition que vous avez vous-même proposée, le fait que ce soit « conféré par une autorité » ne figure nulle part. J’ajoute que les « privilèges » dont bénéficient selon vous les agents de la RATP ne sont pas « accordés par la loi » pas plus que par « une autorité » : ce n’est pas le législateur qui fait de M. Untel un agent de la RATP. C’est justement pour cette raison qu’on ne peut pas parler de « privilège ». Les avantages dont bénéficient les agents de la RATP sont institués par la loi, mais n’importe quel citoyen qui devient agent de la RATP en bénéficie, et l’accès à un tel emploi est ouvert à tous, sous réserve des mérites.
[Votre comparaison avec l’homme le plus pauvre du monde est non pertinente, vous usez des ficelles de la mauvaise foi, sauf votre respect…]
Pas du tout. Je pousse simplement votre raisonnement jusqu’à sa dernière limite. Si vous assimilez toute situation avantageuse à un « privilège », vous aboutissez à ce paradoxe.
[Reprenez votre dico, la notion de privilège n’a rien à voir avec celle d’indu.]
C’est quand même drôle… votre définition du dico n’inclut pas le fait que le privilège « soit accordé par une autorité », mais vous l’ajoutez sans comprexes. Mais quand je prétend y inclure la notion d’indu, vous me sortez le dictionnaire ? Soyez sérieux… une fois encore, les dictionnaires donnent des définitions générales. Lorsqu’il s’agit de concepts complexes, on ne peut se contenter de la définition du dictionnaire.
[Les pompiers ont le privilège de pouvoir griller les feu rouges… CERTAINS privilèges sont indus. ça n’a rien de général.]
Non. Le privilège de griller les feux n’ont rien d’un « indu ». Il est au contraire étroitement lié aux nécessités liées à la mission de service publique qui leur est confiée. Et qui plus est, chaque citoyen peut devenir pompier et bénéficier de ce même droit. Où est le « privilège », alors ?
[« La caissière de supermarché, qui touche un salaire de misère pour huit heures de travail n’est pas une « privilégiée » parce que même si elle est en meilleure situation que le chômeur ou le SDF, son maigre salaire n’est pas injustifié. » Ca n’a rien à voir. Elle n’est pas privilégiée car son statut ne déroge pas au statut “de base” pour un travail non qualifié, point.]
En d’autres termes, un duc d’ancien régime ne serait-il pas un « privilégié » puisque son statut ne déroge pas au statut du duc « de base » ? En réalité, dans votre conception la notion de « privilège » dépend où vous placez la « base ». Si la « base » est d’avoir un emploi payé au SMIC, alors la caissière n’est pas « privilégiée ». Si la « base » est d’être chômeur, la situation de la caissière « déroge au statut de base ».
[Elle ne fait pas l’objet d’une exception légale.]
Mais une « exception » à quoi, exactement ? Pourquoi le fait d’avoir un emploi ne serait pas une « exception légale » au statut de chômeur, mais le fait d’être employé par la RATP serait une « exception » par rapport à un emploi dans IBM ? Et puis, si la grille de rémunérations d’IBM est plus favorable que celle d’EDF, pourrait-on dire que les travailleurs d’IBM sont « privilégiés » ?
[Dans l’absolu, c’est cette base légale qui devrait être augmentée jusqu’à faire en sorte que personne n’ait besoin de privilèges, autrement dit de dérogation particulière pour mener une existence confortable.]
En tant que pétition de principe, on peut difficilement être en désaccord. Mais il faut quand même revenir à la raison pour laquelle les statuts ont été créés. Car les statuts n’ont pas été inventés au hasard : ils ont été créés pour compenser par des avantages particuliers des sujétions et des contraintes particulières. Si les fonctionnaires ont la sécurité de l’emploi, c’est parce qu’il faut les protéger de la pression politique. Si l’on a créé le statut du mineur, c’est parce qu’il s’agissait d’un métier dont les risques et les contraintes étaient trop importants pour être gérés par le droit commun. Même chose pour le statut des cheminots, ou celui d’EDF.
[Métier plus usant qu’un tourneur-fraiseur, qu’un livreur, qu’un maçon ? vous êtes sérieux ?]
Oui, je suis très sérieux. Les tourneurs-fraiseurs ne sont pas appelés à gérer des bagarres, à être agressés par des usagers mécontents, à se faire caillasser, à recevoir des cocktails molotov. Une erreur de leur part ne risque pas d’entraîner la mort d’un piéton ou d’un automobiliste. Et puis, je ne peux pas parler pour la RATP, mais je connais bien EDF, et je constate que lorsque des postes sont ouverts, on a du mal à trouver des candidats. Pourquoi à votre avis ? Pourquoi les gens ne se précipitent pas pour avoir la retraite à 55 ans ? Peut-être parce que cet avantage – et « avantage » ce n’est pas la même chose que « privilège » – est très largement compensée par les sujétions imposées par le statut.
[Est-ce qu’un chauffeur RATP partant en retraite à 52 ans sur la base de ses 6 derniers mois de salaire jouit mieux et plus longtemps de sa retraite qu’un couvreur partant en retraite à 63 ans sur la base des 25 dernières années ? Vous êtes sérieux ?]
Je constate que vous posez la question, mais que vous n’y répondez pas… Et je continue à vous poser la question : pourquoi les ouvriers couvreurs ne se présentent en masse aux recrutements de chauffeurs organisés par la RATP ?
[Et cerise sur le gâteau: qui paye pour la retraite de notre chauffeur RATP ? Qui permet à ce régime structurellement déficitaire de survivre ?]
Qui paye les l’allocation universelle de solidarité, versée aux chômeurs de longue durée ? Qui permet à ce régime « structurellement déficitaire » de survivre ? Pensez-vous que les chômeurs de longue durée soient des « privilégiés » de ce fait ?
Oui, les contribuables couvrent le déficit du régime retraite de la RATP. D’un autre côté, ils payent leurs tickets moins chers du fait des sujétions que le statut impose aux chauffeurs. Tout considéré, la société s’y retrouve.
Encore une fois, dans la mesure où les salariés sont mobiles, les salaires sont fixés par le marché. Si le statut de la RATP ou celui d’EDF sont si favorables que tout le monde souhaite y aller, alors les salaires baisseraient pour refléter ce fait – sauf à croire qu’EDF ou la RATP négocient les salaires à l’embauche en dépit du bon sens. Et c’est ce qu’on observe : les salaires dans les entreprises « sous statut » sont souvent plus faibles que ceux des entreprises privées à niveau de responsabilité équivalent.
@ Pierre
[Encore une fois vous partez d’un mauvais postulat. Si des conditions de rémunération privilégiées ne sont pas forcément injustifiées, une rémunération injustifiée n’est pas forcément liée à un privilège. En l’occurence les actionnaires ne font l’objet d’aucune dérogation particulière au niveau légal.]
Pardon, pardon. Je reprends la définition que vous-même avez proposé : « Privilège = Avantage particulier considéré comme conférant un droit, une faveur à quelqu’un, à un groupe (source: larousse) ». Le fait que la possession du capital confère « droit » à une rémunération est donc bien un « privilège »…
Après avoir donné une définition, en fait, vous la remisez au placard pour en préférer une autre : un « privilège », pour vous, suppose une « dérogation au niveau légal ». Mais cette définition est purement subjective. Le diplôme de médecin est il une « dérogation légale » au fait que vous et moi ne pouvons pas exercer la médecine ? Si tel est le cas, alors être médecin est un « privilège ». Mais si la réponse est négative, alors un duc d’ancien régime n’est pas un « privilégié » : il ne bénéficie d’aucun régime dérogatoire par rapport aux autres ducs…
Je vous ai proposé une définition qui me paraît bien meilleure : un privilège est un avantage particulier indu (c’est-à-dire sans rapport avec un intérêt public) et réservé aux membres d’un groupe fermé (c’est-à-dire, dont l’accès est limité et lié à des critères autres que la compétence). Ainsi, le droit à brûler les feux rouges, avantage donné aux pompiers, n’est pas un « privilège » a) n’importe qui peut devenir pompier pourvu qu’il ait les compétences et b) il est accordé pour une raison qui a un rapport avec l’intérêt public.
[Le premier SDF venu peut s’offrir une action Eurotunnel, le jeu fonctionnera pour lui comme pour les gros investisseurs… à son échelle, mais selon les mêmes règles.]
Le premier SDF peut aussi être embauché par la RATP et bénéficier donc des avantages du statut.
[On peut ensuite bien sûr discuter sur le “privilège” d’être né une cuiller en argent dans la bouche… Mais on ne parle plus du privilège “royal” (octroyé par une autorité) mais de hasard.]
En d’autres termes, lorsque le roi fait un duc, celui-ci bénéficie d’un « privilége ». Lorsque celui-ci passe son titre à son fils, celui-ci ne bénéficie que d’un « hasard ». J’ai bien compris ?
Vous voyez bien que votre définition est boiteuse. Je reviens donc à la mienne. Le fait que le capital soit rémunéré est bien un avantage indu (il n’est nullement associé à un intérêt public) et réservé aux membres d’un groupe fermé (les possesseurs de capital). C’est donc bien un « privilège »…
[Cependant, on peut agir sur certains privilèges liés au hasard d’être né au bon endroit au bon moment.]
Soyez cohérent. Si pour vous l’octroi par une autorité est un élément de la définition, alors le hasard ne peut conférer un « privilège ».
[Qu’on le veuille ou non, il ne faut jamais perdre de vue que l’être humain est un animal capitaliste par essence, dans le sens global du terme.]
Non. L’homme est un animal ambitieux, certainement. Mais nullement « capitaliste ». Le capitalisme est une forme qui apparaît quand même assez tard dans l’évolution humaine, et dont la pérennité n’est guère assurée…
@ Descartes,
Bonsoir,
“”Le fait que le capital soit rémunéré est bien un avantage indu “”
En fait, ce n’est pas la possession du capital qui est rémunéré, mais le risque de perdre tout ou partie de ce capital. Et ce risque, encouru par l’actionnaire est, normalement compensé par le dividende qui correspond, en symétrique à la prime que réclame l’assureur à ses clients pour les couvrir financièrement face à un risque.
C’est l’évaluation du risque et de ses conséquences éventuelles qui pose problème en général, mais pas, par principe, la légitimité de sa rémunération. C’est pourquoi le dividende est naturellement dû.
L’argent que confie un actionnaire à une entreprise est très souvent le fruit d’un travail. Ce travail, unité de richesse en quelque sorte, transformée en monnaie, est simplement transférée d’un individu à une entreprise.
J’ai pris la définition la plus actuelle du terme, sans préciser toutes les composantes du mot et en particulier son sens sous l’ancien régime, sachant que vous ne pouviez pas l’ignorer.
Il existe comme pour tout mot une foultitude de sens, mais rien ni dans l’éthymologie ni dans l’usage ne fait question de la notion d’indu ou d’usurpation dans le terme de privilège. Ou alors prouvez-moi le contraire autrement que par votre conviction propre.
Quant à votre argument concernant le fait que celui qui veut des congés à 52 ans n’a qu’a entrer à la RATP, et que de fait ce régime ne constitue pas un privilège, vous me permettrez de vous retourner votre méthodologie argumentative de l’extrême en vous faisant remarquer que quiconque veut retirer une rente d’un capital n’a qu’a s’en constituer un. C’est compliqué, sûrement plus que d’entrer à la RATP, mais pas impossible après tout.
((Non. L’homme est un animal ambitieux, certainement. Mais nullement « capitaliste ». Le capitalisme est une forme qui apparaît quand même assez tard dans l’évolution humaine, et dont la pérennité n’est guère assurée… ))
Vous parlez de capitalisme financier. Je vous parle de la propension de l’être humain à tirer profit de son capital (capital sympathie, capital séduction, capital savoir-faire, etc) pour améliorer son confort ou flatter son Ego. On trouvera bien quelques authentiques désintéressés, mais il me semble que depuis l’invention de l’écriture, l’Histoire soit pleine de personnages ayant capitalisé sur leur environnement, leur force, leur sagesse ou leurs prochains pour s’accomplir en tant qu’individus.
– aparté – Sans compter que, plus proche de la notion actuelle de capitalisme, prêter de l’argent pour en retirer un intérêt (= actionnariat, exemple du “prêt à la grosse aventure” en grèce antique) ou exploiter une main d’oeuvre bon marché (Rome a bâtit sa grandeur sur l’exploitation d’esclaves) sont des pratiques qui ne remontent pas à hier.- fin de l’aparté –
On peut opposer que le terme “capitaliser” peut ne concerner exclusivement que le fait de tirer profit de la seule possession d’un capital, à la différence du fruit récolté par le travail. Mais en réalité, le travailleur ne capitalise t’il pas lui même sur sa force de travail (qui n’est elle-même pas également répartie entre les hommes) ?
Je vais être caricatural, mais à part en terme de sueur et de mérite, il n’y a aucune différence. Tous deux récoltent un profit en actionnant les manettes auxquelles ils ont accès. Ca n’empêche pas la situation d’être totalement immorale, entendons nous bien. Mais si vous voulez supprimer la notion d’exploitation du capital dans une société, vous devrez anéantir la notion de capitalisation chez l’actionnaire (qui capitalise sur son magot) comme chez l’ouvrier (qui capitalise sur son aptitude à travailler). A partir du moment ou vous autorisez les gens à posséder et à commercer, vous les autorisez à capitaliser.
@ Marcailloux
[En fait, ce n’est pas la possession du capital qui est rémunéré, mais le risque de perdre tout ou partie de ce capital.]
Cette théorie fait partie de la panoplie des arguments traditionnellement utilisés pour justifier la rémunération du capital. Il serait donc « juste » que le capitaliste soit rémunéré, puisqu’il prend un risque. Seulement voilà, il est assez facilement de démontrer que cette théorie est fausse.
Imaginons un instant que la rémunération du capital soit la rémunération d’un « risque ». Dans ce cas, si l’on additionne l’ensemble des rémunérations versées à l’ensemble des capitalistes, on devrait aboutir au même chiffre que l’ensemble des pertes en capital comme conséquence de la réalisation du « risque » pris par le capitaliste. C’est exactement comme dans le cas d’une assurance : la somme des primes payées doit être égale à la somme des dédommagements versés aux assurés.
Mais la conséquence de cet équilibre est évidente : l’ensemble des capitalistes ne devrait donc pas s’enrichir, puisque la rémunération de ses capitaux compense seulement ses pertes… or, que constatons nous ? Un enrichissement massif et continu des détenteurs du capital. Il faut donc conclure que leur rémunération va bien au-delà de la couverture du « risque » qu’ils prennent… et cet excédent, il rémunère quoi, exactement, si ce n’est pas la propriété ?
[C’est l’évaluation du risque et de ses conséquences éventuelles qui pose problème en général, mais pas, par principe, la légitimité de sa rémunération. C’est pourquoi le dividende est naturellement dû.]
Ce raisonnement est étrange. La « légitimité » de la rémunération se pose dès lors qu’elle dépasse de très loin le « risque » que vous utilisez comme légitimation. Ce n’est pas « le dividende » qui est naturellement dû, mais un CERTAIN dividende, strictement limité au risque.
[L’argent que confie un actionnaire à une entreprise est très souvent le fruit d’un travail.]
Toujours, si l’on croit Marx et Ricardo. Mais pas nécessairement le fruit du travail de l’actionnaire… souvent, il s’agit du fruit du travail des prolétaires que l’actionnaire exploite.
@ Pierre
[Quant à votre argument concernant le fait que celui qui veut des congés à 52 ans n’a qu’a entrer à la RATP, et que de fait ce régime ne constitue pas un privilège, vous me permettrez de vous retourner votre méthodologie argumentative de l’extrême en vous faisant remarquer que quiconque veut retirer une rente d’un capital n’a qu’a s’en constituer un. C’est compliqué, sûrement plus que d’entrer à la RATP, mais pas impossible après tout.]
La question n’est pas celle de l’impossibilité, mais la nature des barrières. Pour entrer à la RATP, et donc bénéficier des avantages attachés au statut, on vous exige une COMPETENCE technique, un savoir faire, un savoir être. Pour posséder un capital, aucune COMPETENCE particulière n’est requise. On peut parfaitement être idiot et incapable de toute activité et posséder un capital et toucher ses revenus.
Historiquement, c’est ce critère qui a séparé les « privilèges » des simples « avantages ». Ce n’est pas par hasard que la Révolution décide que les fonctions publiques seront ouvertes à tous « sans autre limite que leurs vertus et leurs talents », alors qu’auparavant elles étaient ouvertes seulement à la noblesse ou à l’argent. C’est pourquoi la rémunération du capital, qui est attachée à la simple possession et non a une quelconque « vertu et talent » peut être considérée un « privilège », alors que l’entrée dans la fonction publique, à la RATP ou à EDF ne procure que de simples « avantages ».
[« Non. L’homme est un animal ambitieux, certainement. Mais nullement « capitaliste ». Le capitalisme est une forme qui apparaît quand même assez tard dans l’évolution humaine, et dont la pérennité n’est guère assurée… » Vous parlez de capitalisme financier.]
Non, je parle de capitalisme tout court, c’est-à-dire, du mode de production fondé sur l’achat par le propriétaire du capital de la force de travail d’autrui. Car le capitalisme, c’est ça. Les mots ont un sens précis.
[Je vous parle de la propension de l’être humain à tirer profit de son capital (capital sympathie, capital séduction, capital savoir-faire, etc) pour améliorer son confort ou flatter son Ego.]
Ce n’est pas cela, le capitalisme. Encore une fois, si on utilise les mots dans un « effet de sens », on ne sait plus de quoi on parle. Parler de « capital » à propos de la « sympathie » ou de la « séduction » n’a rien d’évident. Je constate en tout cas une curieuse omission : pour vous, la sympathie, la séduction, le savoir-faire sont des « capitaux » dont l’homme cherche à tirer profit. Mais vous n’incluez pas dans la liste la force. Et pourtant, historiquement, c’est la première chose dont l’homme a cherché à « tirer profit », non ?
[On trouvera bien quelques authentiques désintéressés,]
Encore une fois, l’intérêt ce n’est pas le capitalisme. Tous les modes de production successifs ont l’intérêt comme moteur. Le capitalisme, sur ce point, n’a guère innové.
[- aparté – Sans compter que, plus proche de la notion actuelle de capitalisme, prêter de l’argent pour en retirer un intérêt (= actionnariat, exemple du “prêt à la grosse aventure” en grèce antique) ou exploiter une main d’oeuvre bon marché (Rome a bâtit sa grandeur sur l’exploitation d’esclaves) sont des pratiques qui ne remontent pas à hier.]
Encore une fois, ce qui caractérise le capitalisme c’est la manière dont les biens sont produits : grâce à l’achat par le détenteur du capital de la force de travail du prolétaire. Ce n’était pas le cas dans la Rome antique (dont la prospérité était fondée sur l’esclavage). L’actionnariat, le prêt à intérêt, le marché ont existé avant le capitalisme, et existeront peut-être après lui…
[Je vais être caricatural, mais à part en terme de sueur et de mérite, il n’y a aucune différence. Tous deux récoltent un profit en actionnant les manettes auxquelles ils ont accès.]
Il y a tout de même une différence fondamentale : pour produire des biens, on a besoin de travailleurs et de capital. Mais on n’a pas besoin du capitaliste. Le travailleur « récolte un profit » du fait d’un effort qui lui est personnel. Le capitaliste « récolte un profit » du seul fait que la société lui reconnaît la propriété du capital.
[Ca n’empêche pas la situation d’être totalement immorale, entendons nous bien.]
Là, je ne vous suis plus. Que vient faire la « morale » là dedans ? Si je suis votre raisonnement, chacun cherche à « tirer profit » de ce qu’il a, en fonction de ses possibilités. Pourquoi serait-il « immoral » que certains arrivent à en tirer plus et d’autres moins ?
[Mais si vous voulez supprimer la notion d’exploitation du capital dans une société, vous devrez anéantir la notion de capitalisation chez l’actionnaire (qui capitalise sur son magot) comme chez l’ouvrier (qui capitalise sur son aptitude à travailler).]
Non, justement. Comme l’avait montré Ricardo, le travail est la seule source de valeur. Ce que fait le capitaliste, c’est de prélever une partie de la valeur produite par le travail pour son propre profit. La situation du travailleur et de l’actionnaire ne sont donc pas symétriques. Pour le dire autrement, si je tue tous les travailleurs, la production s’arrête. Si je tue tous les capitalistes, la production continue comme si de rien n’était…
[A partir du moment ou vous autorisez les gens à posséder et à commercer, vous les autorisez à capitaliser.]
Non. Vous faites l’erreur de généraliser la notion de capital à l’infini. Mais le capital désigne quelque chose de précis. Je peux parfaitement autoriser les gens à posséder et à commercer, et leur interdire d’acheter la force de travail. Et à partir de ce moment-là, je sorts d’une logique capitaliste. Si la seule chose que vous pouvez faire de votre argent est d’acheter des biens, vous ne pouvez plus « capitaliser ».
@ Descartes,
Excusez-moi d’intervenir. Vous dites:
“Il y a tout de même une différence fondamentale : pour produire des biens, on a besoin de travailleurs et de capital. Mais on n’a pas besoin du capitaliste. Le travailleur « récolte un profit » du fait d’un effort qui lui est personnel. Le capitaliste « récolte un profit » du seul fait que la société lui reconnaît la propriété du capital.”
Mais alors, peut-on considérer les “grands capitaines d’industrie” du XIX° et du début du XX° siècle comme de simples “capitalistes”? En effet, ces hommes ont souvent déployé une énergie considérable pour faire fructifier leur capital, ils ont innové ou su profiter des innovations. Certains avaient une formation d’ingénieur. Par ailleurs, beaucoup d’entre eux occupaient les fonctions de “pdg” et par conséquent il me paraît difficile de considérer qu’on a là affaire à de simples “parasites”.
Je pense à Henry Ford (qui d’ailleurs avait des origines modestes), à Armand Peugeot (authentique bourgeois lui) qui se lance dans la production automobile alors que cette industrie est balbutiante (en 1896), à André Citroën (fils d’un diamantaire, polytechnicien). Certes, ces hommes ont exploité des prolétaires, mais d’un autre côté, est-ce que leur compétence, leur audace, leur esprit d’initiative ne sont pas pour beaucoup dans la réussite de leurs entreprises? Il est vrai que cela ne s’applique qu’aux fondateurs. Dès la 2ème génération, on a affaire à des héritiers qui profitent d’une structure qu’ils n’ont pas édifiée.
Je vous pose la question, car je n’ai jamais pu me départir d’une certaine admiration pour ces grands capitalistes de l’âge industriel.
@ nationaliste-ethniciste
[Mais alors, peut-on considérer les “grands capitaines d’industrie” du XIX° et du début du XX° siècle comme de simples “capitalistes”? En effet, ces hommes ont souvent déployé une énergie considérable pour faire fructifier leur capital, ils ont innové ou su profiter des innovations. Certains avaient une formation d’ingénieur. Par ailleurs, beaucoup d’entre eux occupaient les fonctions de “pdg” et par conséquent il me paraît difficile de considérer qu’on a là affaire à de simples “parasites”.]
Je partage tout à fait votre position, qui n’est en rien en contradiction avec ce que j’ai écrit sur les « capitalistes ». Lorsque dans le cadre d’une analyse marxiste on parle du capitaliste, on parle d’une fonction, pas d’un individu particulier. Les rôles des individus sont complexes, et un même individu peut jouer plusieurs rôles. Ainsi, si vous regardez ces « capitaines d’industrie », vous noterez que certains d’entre eux étaient à la fois propriétaires du capital et inventeurs des technologies ou des méthodes de leur entreprise (Michelin, Peugeot…) mais d’autres n’étaient que des ingénieurs qui sont allés chercher le capital sur les marchés (Ferdinand de Lesseps, Bloch-Dassault…). En tant que « capitalistes », ils étaient parfaitement inutiles et leur remplacement par une caisse publique, par exemple, n’aurait rien changé. Mais en tant qu’organisateurs, que créateurs, qu’animateurs ils apportaient leur travail et ont joué un rôle fondamental dans le progrès humain. Dans ce rôle-là, ils étaient précieux.
Vous savez, lors de la révolution des soviets en 1917, certains « capitaines d’industrie » ont refusé d’émigrer par attachement à leur usine, et le gouvernement soviétique tout en les dépouillant de leur « capital » les a maintenu à la direction de l’entreprise. Et ils ont servi l’Etat actionnaire avec la même énergie et le même savoir-faire qu’ils auraient servi un actionnaire privé.
[Je vous pose la question, car je n’ai jamais pu me départir d’une certaine admiration pour ces grands capitalistes de l’âge industriel.]
Moi aussi. D’ailleurs, il n’y a aucune raison de ne pas les admirer : l’exploitation capitaliste n’est pas une question morale. C’est une caractéristique intrinsèque au système, à laquelle il n’est que très rarement possible de se soustraire. Dans le capitalisme, le patron est NECESSAIREMENT un exploiteur.
(((La question n’est pas celle de l’impossibilité, mais la nature des barrières. Pour entrer à la RATP, et donc bénéficier des avantages attachés au statut, on vous exige une COMPETENCE technique, un savoir faire, un savoir être. Pour posséder un capital, aucune COMPETENCE particulière n’est requise. On peut parfaitement être idiot et incapable de toute activité et posséder un capital et toucher ses revenus.)))
Non. Vous faites fausse route car vous mélangez allègrement le fait de posséder un capital (qui ne fait pas de vous un capitaliste) et le fait de l’exploiter (ce qui correspond à votre définition). Or s’il ne faut aucune compétence pour posséder un capital, il n’en va pas de même pour son exploitation, et donc pour en tirer profit. Un idiot qui aura placé aveuglément toutes ses billes sur Eurotunnel, ou confié son capital à Madoff n’aura pas le même rendement qu’une personne qui aura diversifié ses investissements avec perspicacité en fonction des secteurs de croissance en s’appuyant sur des gens ayant une connaissance pointue du secteur dans lequel il investit, ou en l’ayant lui-même.
(((C’est pourquoi la rémunération du capital, qui est attachée à la simple possession et non a une quelconque « vertu et talent » )))
Pétition de principe. voir ci-dessus.
((([Je vous parle de la propension de l’être humain à tirer profit de son capital (capital sympathie, capital séduction, capital savoir-faire, etc) pour améliorer son confort ou flatter son Ego.]
Ce n’est pas cela, le capitalisme. (capitalisme) = mode de production fondé sur l’achat par le propriétaire du capital de la force de travail d’autrui. Car le capitalisme, c’est ça. Les mots ont un sens précis.)))
Si je suis une jolie blonde aux yeux bleus, et que je sais exploiter mon capital “jolie blonde aux yeux bleus”, je vais me faire payer des flutes de champagne par le salaire du gugusse à coté de moi, donc indirectement par sa force de travail.
La propriétaire du capital “achète”, grâce à son capital, la force de travail d’autrui. Je ne vois pas en quoi cette situation dérogerait à votre définition. La seule différence relève du caractère non financier du capital en question. A part ça…
((((Encore une fois, si on utilise les mots dans un « effet de sens », on ne sait plus de quoi on parle. Parler de « capital » à propos de la « sympathie » ou de la « séduction » n’a rien d’évident.))))
Ce n’est pas évident quand on a jamais envisagé le fait qu’un capital puisse être d’une autre nature que financier, mais sinon c’est du pareil au même.
((( Je constate en tout cas une curieuse omission : pour vous, la sympathie, la séduction, le savoir-faire sont des « capitaux » dont l’homme cherche à tirer profit. Mais vous n’incluez pas dans la liste la force. Et pourtant, historiquement, c’est la première chose dont l’homme a cherché à « tirer profit », non ?))))
C’est une liste évidemment non-exhaustive. A vrai dire j’avais noté la force en premier par facilité, puis j’ai cherché d’autres exemples pour éviter de tomber dans la caricature, et j’ai oublié de la renoter.
Je repensais aussi à un autre type de capital très intéressant de par sa portée sémantique, qui est le crédit (autrement dit: la confiance). On peut prendre l’exemple d’un gourou, qui, par le capital “crédit”, la “crédibilité” qu’il exerce sur ses adeptes, va s’approprier leur force de travail pour en cueillir le fruit. Soit, tourné autrement, toucher les intérêts de ceux à qui il prête ses thèses.
Aussi, l’actionnaire, c’est celui est est crédible, qui va vous donner quelque chose que vous désirez (des fonds) en échange de quoi il percevra des intérêts. Encore une fois, je ne vois pas de différence.
((((Encore une fois, ce qui caractérise le capitalisme c’est la manière dont les biens sont produits : grâce à l’achat par le détenteur du capital de la force de travail du prolétaire. Ce n’était pas le cas dans la Rome antique (dont la prospérité était fondée sur l’esclavage). )))))
Expliquez moi la différence fondamentale entre “l’achat par le détenteur du capital de la force de travail du prolétaire” et l’esclavage. J’ai dû rater quelque chose car il me semble que l’esclavage est l’aboutissement ultime de votre définition du capitalisme.
((((L’actionnariat, le prêt à intérêt, le marché ont existé avant le capitalisme, et existeront peut-être après lui…))))
Vous pouvez m’expliquer la différence entre l’actionnariat, que je définis (de manière erronnée ?) par “l’investissement dans une entreprise aux fins de recevoir un dividende issu des bénéfices (du travail des salariés) de la-dite entreprise”, et “l’achat par le détenteur du capital de la force de travail du prolétaire” (définition même du capitalisme) ?
le prêt à intérêt: même combat
Mon point est: l’actionnariat, le prêt à intérêt, le marché SONT le capitalisme et existent depuis la nuit des temps. Il faudra me démontrer le contraire autrement que par un simple postulat pour me convaincre…
((((Il y a tout de même une différence fondamentale : pour produire des biens, on a besoin de travailleurs et de capital.)Mais on n’a pas besoin du capitaliste.)))
Ce capital va devoir provenir que quelquepart. D’un actionnaire privé ou public. Qui devra trouver une motivation, un intérêt, financier, stratégique ou autre, pour vous rendre ce capital disponible et permettre la production. Et cet intérêt, quelque soit sa nature, sera dégagé par… par… la force de travail des employés de l’entreprise. zut. A moins d’avoir un actionnaire public unique et exlusif qui se contenterait de financer sans retour d’intérêt, bonjour l’utopie.
(((Le travailleur « récolte un profit » du fait d’un effort qui lui est personnel. Le capitaliste « récolte un profit » du seul fait que la société lui reconnaît la propriété du capital.))))
Mettez tout l’or du monde dans une chaussette. Et essayez de vivre du “profit” lié au fait que la société vous en reconnait la propriété. Non seulement vous n’en tirerez aucun profit, mais votre capital va même se dévaluer sous l’effet de l’inflation. Vous mélangez encore possession d’un capital et exploitation d’un capital comme si l’argent faisait des petits tout seul.
(((Pourquoi serait-il « immoral » que certains arrivent à en tirer plus et d’autres moins ?))))
La morale est avant tout une question personnelle, vous me permettrez de trouver immoral que certains tirent 90% de la richesse par la grâce de leur situation de naissance, et d’autres rien.
Que je constate des états de faits qui soient selon moi indissociables du fonctionnement de notre société ne veut pas dire que je les cautionne. Merci de ne pas être tenté de me prêter des opinions que je n’aurais pas clairement exprimé par moi-même.
Mon point est que si le capitalisme est le pire système possible, à l’exclusion de tous les autres, comme on dit, ses principes fondamentaux sont intrinsèquement lié à l’espèce humaine. Et je ne crois pas que l’homme soit fondamentalement bon. Je crois que l’homme est fondamentalement égoïste. C’est pourquoi je suis pour un encadrement pragmatique du capitalisme par le biais de la loi, ce qui me semble immensément plus sage que d’en vouloir la disparition. C’est une opinion personnelle que je ne vous demanderai pas de partager. (manquerait plus que ça)
((((Comme l’avait montré Ricardo, le travail est la seule source de valeur))))
Faire fructifier un capital demande du travail….Peu de travail en regard du bénéfice, mais du travail tout de même. Pas de travail, pas de fructification du capital…. Il n’y a rien d’antinomique. Le fait que ce travail soit potentiellement néfaste pour la société n’a aucune incidence sur l’équation. Et si le travail est la seule source de valeur (et j’ai tendance à valider cette thèse), ça ne signifie pas que tout travail est source de valeur.
(((( Ce que fait le capitaliste, c’est de prélever une partie de la valeur produite par le travail pour son propre profit. La situation du travailleur et de l’actionnaire ne sont donc pas symétriques. Pour le dire autrement, si je tue tous les travailleurs, la production s’arrête. Si je tue tous les capitalistes, la production continue comme si de rien n’était…))))
Si vous supprimez les capitalistes de l’équation, il faut avoir l’honnêteté intellectuelle de supprimer leurs apports en capital aussi… C’est un peu simpliste… ou alors il faut ajouter la spoliation à votre démonstration.
((((Si la seule chose que vous pouvez faire de votre argent est d’acheter des biens, vous ne pouvez plus « capitaliser ».)))
Vous admettez donc que le seul moyen d’abolir le capitalisme est d’interdir le crédit, l’investissement, la spéculation et le commerce aux particuliers. Puisqu’on ne pourrait qu’acheter des biens (je vous cite). Donc fatalement dans le cadre d’une économie 100% administrée. Faux ?
@ Pierre
[Non. Vous faites fausse route car vous mélangez allègrement le fait de posséder un capital (qui ne fait pas de vous un capitaliste) et le fait de l’exploiter (ce qui correspond à votre définition).]
Quelle « définition » ? Soyons précis : on ne peut pas « exploiter » un capital. L’exploitation est l’opération par laquelle on achète la force de travail, puis on la rémunère en dessous de la valeur qu’elle produit, la différence étant empochée par le PROPRIETAIRE du capital. Et c’est bien la PROPRIETE qui donne droit à la rémunération, et non « le fait de l’exploiter ». Ce droit figure déjà en puissance dans le droit civil romain (le « fructus », c’est-à-dire, le droit de bénéficier des fruits que donne le bien dont vous êtes propriétaire, est considéré comme étant l’un des trois éléments constitutifs de la propriété). Le capitalisme en a fait un « droit sacré » inséparable de la propriété.
C’est bien la PROPRIETE du capital qui fait de vous un capitaliste. Un directeur d’usine, un PDG n’est pas un capitaliste, sauf s’il est lui-même actionnaire. Autrement, il n’est qu’un salarié, un salarié grassement payé mais salarié tout de même, que les propriétaires du capital emploient pour défendre leurs intérêts et qu’ils peuvent virer s’il ne leur donne pas satisfaction.
[Or s’il ne faut aucune compétence pour posséder un capital, il n’en va pas de même pour son exploitation, et donc pour en tirer profit. Un idiot qui aura placé aveuglément toutes ses billes sur Eurotunnel, ou confié son capital à Madoff n’aura pas le même rendement(…)]
Possiblement. Mais quelque soit le rendement qu’il aurait, c’est lui qui le touche. Le capitaliste intelligent peut certainement gagner plus d’argent que le capitaliste idiot, mais dans les deux cas leur droit sur ce qu’ils gagnent est lié au fait qu’ils sont PROPRIETAIRES du capital, et non à une quelconque qualité ou compétence personnelle.
Encore une fois, il ne faut pas confondre les personnes et les fonctions. Le capitaliste, c’est celui qui possède le capital. Le gestionnaire, c’est celui qui le gère. Et une personne physique peut être A LA FOIS capitaliste, gestionnaire. Mais en tant que gestionnaire, il touche un salaire fixé par un marché de l’emploi, et en tant que capitaliste il touche un revenu du capital. Quand madame Bettencourt – paix à son âme – gagnait plusieurs milliards par an, alors qu’un excellent gestionnaire de fortune gagne au plus quelques millions, on peut se dire que l’essentiel de son revenu était lié à la PROPRIETE, et non à ses talents de gestionnaire.
[Si je suis une jolie blonde aux yeux bleus, et que je sais exploiter mon capital “jolie blonde aux yeux bleus”,]
Mais qui vous dit que « jolie blonde aux yeux bleus » est un « capital » ? Encore une fois, les mots ont un sens précis, du moins si on veut les utiliser dans un cadre rationnel. Si on appelle « capital » n’importe quoi, il est difficile de réfléchir. Quant on suit votre argumentation, on a l’impression que tout ce qui peut produire un revenu, un avantage, est un « capital ». Avec, je note, une absence de taille : la force. La beauté, l’intelligence, la compétence, la force de travail même est pour vous un « capital ». Mais le révolver d’un braqueur, est-il lui aussi un « capital » ? Pourtant, il peut être « exploité » au même titre que le « capital jolie blonde aux yeux bleus », non ?
Le « capital » n’est pas n’importe quel objet ou caractéristique valorisable. D’abord, le capital est un facteur de production, c’est-à-dire, il doit pouvoir être utilisé pour produire de la valeur. Ensuite, il est lui-même le fruit d’une accumulation de valeur, et donc de travail. C’est pourquoi l’arme du voleur n’est pas un « capital » – elle ne produit pas de valeur, elle ne sert qu’à faire changer la valeur de mains – pas plus que ne l’est « la jolie blonde aux yeux bleus ».
[je vais me faire payer des flutes de champagne par le salaire du gugusse à coté de moi, donc
indirectement par sa force de travail.]
En d’autres termes, il ne sert qu’à faire changer la valeur de mains, mais ne produit pas de valeur. Ce n’est donc pas du « capital ».
[La propriétaire du capital “achète”, grâce à son capital, la force de travail d’autrui. Je ne vois pas en quoi cette situation dérogerait à votre définition. La seule différence relève du caractère non financier du capital en question. A part ça…]
Non. Le propriétaire du capital achète la force de travail non pas avec son « capital », mais avec le produit de la vente des biens que cette force de travail produit. Son capital – les machines, les matières premières – sert à permettre et à optimiser cette production. L’hotesse qui grâce à ses appâts se fait payer des coupes de champagne ne « produit » de ce fait rien du tout. Elle ne fait que soustraire de la valeur produite par ailleurs à ses clients.
Au cœur du rapport entre le capital et le travail il y a le processus de production. L’argent, les biens, les savoir-faire ne sont du « capital » que pour autant qu’ils interviennent dans un processus de production. L’argent qui dort dans votre compte en banque n’est pas du « capital », ce n’est que de l’argent. Il ne devient « capital » que si vous achetez avec lui des machines, des locaux, des matières premières…
[Ce n’est pas évident quand on a jamais envisagé le fait qu’un capital puisse être d’une autre nature que financier, mais sinon c’est du pareil au même.]
Au contraire. Le « capital », dans le cadre classique, ne peut être « financier ».
[C’est une liste évidemment non-exhaustive. A vrai dire j’avais noté la force en premier par facilité, puis j’ai cherché d’autres exemples pour éviter de tomber dans la caricature, et j’ai oublié de la renoter.]
En d’autres termes, vous considérez l’arme du braqueur comme du « capital » ?
[Je repensais aussi à un autre type de capital très intéressant de par sa portée sémantique, qui est le crédit (autrement dit: la confiance). On peut prendre l’exemple d’un gourou, qui, par le capital “crédit”, la “crédibilité” qu’il exerce sur ses adeptes, va s’approprier leur force de travail pour en cueillir le fruit. Soit, tourné autrement, toucher les intérêts de ceux à qui il prête ses thèses.]
Encore une fois, la « confiance » dont vous parlez ne sert qu’à sortir de la valeur d’une poche pour la mettre dans une autre, mais ne CREE pas de valeur. Il n’y a là aucun processus de production, simplement de distribution. La « confiance » dans le gourou est de même nature que l’arme chez le braqueur. Cela vous permet de forcer quelqu’un à vous remettre son bien, mais ne produit rien. Il n’y a donc pas de « capital ».
Vous semblez étendre la notion de capital à l’ensemble des biens matériels et immatériels. Avec une définition aussi large, le concept n’a plus aucune utilité, puisque tout est « capital ».
[Expliquez moi la différence fondamentale entre “l’achat par le détenteur du capital de la force de travail du prolétaire” et l’esclavage. J’ai dû rater quelque chose car il me semble que l’esclavage est l’aboutissement ultime de votre définition du capitalisme.]
Au contraire : le capitalisme est la négation de l’esclavage. Lorsque j’achète l’esclave, je suis obligé de le loger et de le nourrir en permanence, qu’il y ait du travail à lui donner ou pas. Si j’arrête de le nourrir, je perds l’ensemble de mon investissement. Lorsque j’embauche un ouvrier, j’achète sa « force de travail » et non l’ouvrier lui-même. Si je n’ai plus de travail à lui donner, je le licencie et sa survie n’est plus mon problème. L’ouvrier licencié ira vendre sa force de travail ailleurs, et au lieu d’être nourri à ne rien faire contribuera à la production. C’est pourquoi le capitalisme est plus efficace dans l’utilisation du travail que le servage ou l’esclavage…
[Vous pouvez m’expliquer la différence entre l’actionnariat, que je définis (de manière erronnée ?) par “l’investissement dans une entreprise aux fins de recevoir un dividende issu des bénéfices (du travail des salariés) de la-dite entreprise”, et “l’achat par le détenteur du capital de la force de travail du prolétaire” (définition même du capitalisme) ?]
La « force de travail » est un bien labile. On ne peut « acheter de la force de travail » et la stocker quelque part en espérant de s’en servir un jour. L’actionnariat, c’est le fait de transformer de l’argent en capital. L’actionnaire donne de l’argent qui se transforme en matières premières, en machines, en bâtiments. Regardez le bilant d’une entreprise : vous trouverez en passif le « capital » monétaire apporté par les actionnaires, et en actif le « capital » matériel qui en résulte. Vous ne trouverez nulle part la « force de travail ». Parce que la force de travail n’est pas achetée de cette façon. Elle est payée par le partage de la valeur produite : c’est d’ailleurs pourquoi la « force de travail » n’est jamais payée à l’avance…
[le prêt à intérêt: même combat]
La différence entre le prêt à intérêt et l’actionnariat est que dans le premier cas le risque pèse sur l’emprunteur, et dans le deuxième sur le prêteur. Mais autrement, c’est du pareil au même.
[Mon point est: l’actionnariat, le prêt à intérêt, le marché SONT le capitalisme et existent depuis la nuit des temps. Il faudra me démontrer le contraire autrement que par un simple postulat pour me convaincre…]
Encore une fois, il vous faut regarder le mode de production, c’est-à-dire, la manière dont les biens et les services sont produits. L’actionnariat, le prêt à intérêt, le marché ont existé dans des sociétés ou la production de valeur reposait sur le travail esclave (« mode de production antique »), sur le travail servil (« mode de production féodal »), ou sur le travail libre (« mode de production capitaliste »). Ce qui vous montre qu’il y a une déconnexion entre ces trois institutions et le mode de production. Voilà la démonstration…
[« Il y a tout de même une différence fondamentale : pour produire des biens, on a besoin de travailleurs et de capital.)Mais on n’a pas besoin du capitaliste. » Ce capital va devoir provenir que quelque part.]
Sans doute. Mais le capitaliste est le propriétaire du capital, et non son origine…
[D’un actionnaire privé ou public.]
Il y a d’autres options : le capital peut être distribué entre les travailleurs eux-mêmes (coopérative), par exemple. Il peut aussi s’agir d’un capital socialisé, comme dans un établissement public…
[Qui devra trouver une motivation, un intérêt, financier, stratégique ou autre, pour vous rendre ce capital disponible et permettre la production. Et cet intérêt, quelque soit sa nature, sera dégagé par… par… la force de travail des employés de l’entreprise. zut.]
Pas nécessairement. Prenez par exemple la police : la collectivité la forme, la paye, l’équipe… et pourtant elle ne retire pas le moindre « intérêt » financier. De même, l’Etat a institué une compagnie publique d’électricité sur le principe qu’elle devait vendre l’électricité à prix coûtant – c’est-à-dire, avec un profit financier minime. Un actionnaire privé vise le retour sur investissement. Mais un actionnaire public est en même temps représentant du citoyen-investisseur et du citoyen-consommateur. Et du coup, il peut trouver « intérêt » à un investissement qui ne rapporte rien.
[A moins d’avoir un actionnaire public unique et exlusif qui se contenterait de financer sans retour d’intérêt, bonjour l’utopie.]
Pourquoi « unique » ? On peut imaginer une multiplicité d’investisseurs publics, chacun avec des objectifs différents…
[« Le travailleur « récolte un profit » du fait d’un effort qui lui est personnel. Le capitaliste « récolte un profit » du seul fait que la société lui reconnaît la propriété du capital. » Mettez tout l’or du monde dans une chaussette. Et essayez de vivre du “profit” lié au fait que la société vous en reconnait la propriété.]
Encore une fois, vous confondez « bien » et « capital ». Si vous mettez l’or du monde dans une chaussette, vous avez une chaussette remplie d’or, mais vous n’avez pas une once de « capital ». L’or ne devient « capital » que lorsqu’il rentre dans le processus de production.
[« Pourquoi serait-il « immoral » que certains arrivent à en tirer plus et d’autres moins ? » La morale est avant tout une question personnelle, vous me permettrez de trouver immoral que certains tirent 90% de la richesse par la grâce de leur situation de naissance, et d’autres rien.]
Vous ne répondez pas à la question. Je vous la repose donc : pourquoi trouvez-vous « immoral » que certains tirent 90% de leur richesse par la grâce de leur situation de naissance ? A partir de quel pourcentage vous trouveriez cela « moral » ?
J’attire votre attention sur le fait qu’il y a dans votre commentaire une contradiction. Plus haut vous aviez affirmé que ce n’est pas la propriété du capital qui vous assure un revenu, mais son exploitation. Ici, vous parlez d’un revenu du fait de la « naissance ». Or, la seule chose que vous recevez de par votre naissance, c’est bien la propriété du capital, et non le talent pour l’exploiter.
[Mon point est que si le capitalisme est le pire système possible, à l’exclusion de tous les autres, comme on dit, ses principes fondamentaux sont intrinsèquement lié à l’espèce humaine.]
C’est un argument classique : le capitalisme serait en quelque sort « naturel », il serait inscrit – on ne sait pas par quelle magie, peut-être parce que Dieu l’a voulu ainsi – dans les gènes de l’espèce humaine, et il est donc inutile voire dangereux de vouloir s’en écarter. Seulement voilà, l’histoire démontre le contraire. Le capitalisme n’est qu’une toute petite période dans l’histoire humaine. Les modes de production fondés sur l’esclavage ou sur la servitude ont dominé le monde pendant des siècles, et contrairement à ce que vous semblez croire ont cours encore pour une partie non négligeable de l’humanité.
[Et je ne crois pas que l’homme soit fondamentalement bon. Je crois que l’homme est fondamentalement égoïste.]
Mais alors, pourquoi fait-il des enfants ? Pourquoi va-t-il à la guerre ? Je crains que l’homme soit un être bien plus complexe que vous ne le pensez…
[C’est pourquoi je suis pour un encadrement pragmatique du capitalisme par le biais de la loi, ce qui me semble immensément plus sage que d’en vouloir la disparition.]
Votre position contient une contradiction fondamentale. Si vous pensez que les hommes sont fondamentalement égoïstes et que le capitalisme est « dans la nature humaine », alors comment pourrait-il être « encadré » par le biais de la loi, étant donné que la loi est elle-même un produit humain ? Comment arrivez-vous à ce que cet être « fondamentalement égoïste » fasse des lois qui servent autre chose que cet égoïsme ? Dans votre raisonnement, vous postulez finalement un homme capable d’échapper à son « égoïsme », à sa « nature ». Et si cela est possible, pourquoi la disparition du capitalisme ne serait elle-même possible ?
[« Comme l’avait montré Ricardo, le travail est la seule source de valeur » Faire fructifier un capital demande du travail….]
Sans aucun doute. Mais pas nécessairement celui du capitaliste. Celui-ci peut parfaitement payer la « force de travail » d’un gestionnaire de fortune qui fasse fructifier son capital.
[« Pour le dire autrement, si je tue tous les travailleurs, la production s’arrête. Si je tue tous les capitalistes, la production continue comme si de rien n’était… » Si vous supprimez les capitalistes de l’équation, il faut avoir l’honnêteté intellectuelle de supprimer leurs apports en capital aussi…]
Non, justement. Le capitaliste est le propriétaire du capital, et non son créateur. La disparition du capitaliste n’entraîne donc pas la disparition de son capital.
[« Si la seule chose que vous pouvez faire de votre argent est d’acheter des biens, vous ne pouvez plus « capitaliser ». » Vous admettez donc que le seul moyen d’abolir le capitalisme est d’interdir le crédit, l’investissement, la spéculation et le commerce aux particuliers. Puisqu’on ne pourrait qu’acheter des biens (je vous cite). Donc fatalement dans le cadre d’une économie 100% administrée. Faux ?]
Faux. On peut parfaitement acheter des biens à crédit. On peut parfaitement spéculer avec des biens. Pour interdire le capitalisme, il suffit d’interdire une seule et unique chose : l’achat par les particuliers de la force de travail. Tout le reste, je vous le laisse emprunter, vendre et acheter comme vous l’entendez. Et dix fois par jour, si ça vous chante…
@Descartes
[La différence entre le prêt à intérêt et l’actionnariat est que dans le premier cas le risque pèse sur l’emprunteur, et dans le deuxième sur le prêteur]
Plutôt “… pèse aussi sur l’emprunteur…” il me semble. Ce dernier va devoir se débrouiller pour payer les intérêt et rembourser le capital, éventuellement sur ses biens personnels. Mais le prêteur prend un risque car il n’a aucune garantie que ce sera fait.
@ Descartes
J’ai commencé à rédiger en me promettant de faire court. C’est manifestement un cuisant échec.
(((Le capitaliste intelligent peut certainement gagner plus d’argent que le capitaliste idiot, mais dans les deux cas leur droit sur ce qu’ils gagnent est lié au fait qu’ils sont PROPRIETAIRES du capital, et non à une quelconque qualité ou compétence personnelle.)))
On est bien d’accord que le fait d’être PROPRIETAIRE du capital est une condition nécessaire pour en toucher ses revenus. Je n’ai jamais contesté ce point.
Mais selon vous, (je vous cite à nouveau) « Le capitaliste « récolte un profit » DU SEUL FAIT que la société lui reconnaît la propriété du capital. »
Vous raisonnez comme si un mauvais capitaliste gagnait 1 et le capitaliste intelligent 100. Vous n’ignorez tout de même pas qu’un capitaliste peut se retrouver sur la paille ?
Et par définition, si le propriétaire d’un capital peut PERDRE de l’argent avec ce capital, c’est qu’il n’en gagne pas automatiquement « du seul fait » de sa possession.
Comment faites-vous tenir votre théorie dans ce cas ?
(((Quant on suit votre argumentation, on a l’impression que tout ce qui peut produire un revenu, un avantage, est un « capital »)))
Tout à fait. Y compris le revolver en fonction des situations. Tout comme une somme d’argent qui, si elle est utilisée comme facteur de production, devient du capital, alors qu’elle ne l’est pas utilisée autrement.
Le revolver, utilisé comme facteur de production (comme braquer une banque, voir ci dessous) est également un capital, alors que si vous l’utilisez pour tirer dans une foule au hasard, ce n’est pas le cas.
(((il ne sert qu’à faire changer la valeur de mains, mais ne produit pas de valeur. Ce n’est donc pas du « capital ».)))
Il ne produit pas de valeur, mais il la rend disponible. C’est pareil. Si vous investissez votre capital dans une mine, votre capital n’aura pas d’autres effets que de rendre disponible votre minerai, qui était déjà présent sous la même forme auparavant. Il « valorise » donc le minerai en le rendant disponible à l’exploitant.
Le capital revolver du braqueur lui permet d’acheter la force de travail du banquier pour lui rendre disponible le grisbi auparavant présent sous la même forme dans le coffre fort. Quelle différence ? Le consentement du banquier ? Les mineurs de Germinal auraient été consentants à descendre dans la mine s’ils ne crevaient pas de faim ? Quelle différence avec un flingue ? Si tu ne vas pas bosser tu crève. A ce compte là le banquier a le choix lui aussi.
Je pense que notre divergence provient surtout du sens que l’on attribue à la « production de valeur ». Vous semblez considérer qu’il s’agit d’une notion absolue et parfaitement objectivable, là où je considère qu’il s’agit d’une notion totalement subjective. Pour certaines personnes, la consultation d’un homéopathe représente une création de valeur, alors que pour bien d’autres, il ne s’agit que d’une pure arnaque. Mais ce qui est sûr c’est que pour le médecin et pour ses patients, la création de valeur est réelle. Tout comme pour le braqueur. Tout est relatif. Sinon, à partir de quand parlez-vous de création de valeur, objectivement ?
((((Vous semblez étendre la notion de capital à l’ensemble des biens matériels et immatériels. Avec une définition aussi large, le concept n’a plus aucune utilité, puisque tout est « capital ». ))))
Non, tout n’est pas capital, ou en tout cas pas tout le temps. Simplement les choses qui répondent à votre propre définition, à savoir tout ce qui d’une manière ou d’une autre représente un facteur de production POUR UN INDIVIDU DONNé (et pas dans l’absolu), et à un instant T. C’est à dire énormément de choses. Mais pas tout le temps et pas pour tout le monde.
((((Lorsque j’achète l’esclave, je suis obligé de le loger et de le nourrir en permanence, qu’il y ait du travail à lui donner ou pas. Si j’arrête de le nourrir, je perds l’ensemble de mon investissement. Lorsque j’embauche un ouvrier, j’achète sa « force de travail » et non l’ouvrier lui-même. Si je n’ai plus de travail à lui donner, je le licencie et sa survie n’est plus mon problème))))
Vous auriez fait un bien piètre esclavagiste. Si je n’ai plus de travail à donner à un esclave, j’ai trois solutions, que je classe de la plus coûteuse à la moins couteuse:
1/ je le laisse mourir
2/ je le nourris à rien faire en attendant des jours meilleurs
3/ je le revends, même à perte, et sa survie n’est plus mon problème, et, pour vous citer avec un brin de perversion, l’esclave vendu ira exercer sa force de travail ailleurs, et au lieu d’être nourri à ne rien faire contribuera à la production. (option que vous avez omis, a dessein ?)
Pour un ouvrier, c’est strictement pareil.
1/ je lui tranche la gorge (option de loin la plus couteuse, assez peu pratiquée de nos jours)
2/ je le paye à rien faire en attendant des jours meilleurs
3/ je le licencie, ça me coutera cher mais moins que les deux autres options, et sa survie n’est plus un problème.
Il n’y a aucune différence fondamentale de fonctionnement entre ces deux modèles sur le plan de l’achat de force de travail.
(((Qui devra trouver une motivation, un intérêt, financier, stratégique ou autre, pour vous rendre ce capital disponible et permettre la production // Pas nécessairement. Prenez par exemple la police : la collectivité la forme, la paye, l’équipe… et pourtant elle ne retire pas le moindre « intérêt » financier))))
C’est pour cela que je parle d’intérêt « financier/stratégique ou autre ». Et encore, dans ce cas, il est probablement bien moins couteux de payer une police que de se passer d’ordre public.
Encore une fois je ne soutient pas que le modèle du capitalisme financier régisse tout. Ce que je dis, c’est que le mécanisme fondamental, sous-jacent à ce système, à savoir « j’utiliser les moyens dont je dispose pour obtenir un avantage par le biais du travail d’autrui » est omniprésent dans toute initiative humaine depuis la nuit des temps. C’est certainement une extension de langage de qualifier cette attitude de capitaliste, mais je trouve que ça y ressemble quand même franchement.
((((Pourquoi « unique » ? On peut imaginer une multiplicité d’investisseurs publics, chacun avec des objectifs différents…))))
Ces investisseurs publics seront donc capitalisés par l’état, si je vous suit ? Comment les arbitrages pourraient se faire entre deux entreprises publiques ayant des intérêts opposés, par exemple entre une entreprise publique souhaitant construire un hôtel dans une vallée, et une autre souhaitant y construire un barrage hydro-électrique ?
L’arbitrage aura donc fatalement lieu au niveau politique ? On ne va pas convoquer un référendum à chaque pose de banc public. Comment alors, avec cette situation répercutée à l’ensemble des entreprise, éviter l’écueil d’une économie administrée ? Ou est-ce que ce n’est pas un problème pour vous ?
((((Vous ne répondez pas à la question. Je vous la repose donc : pourquoi trouvez-vous « immoral » que certains tirent 90% de leur richesse par la grâce de leur situation de naissance ? A partir de quel pourcentage vous trouveriez cela « moral » ?))))
Vous lisez un peu vite, ou ce qui vous arrange.
90% de LA richesse (sous entendu -du monde-), pas de LEUR richesse.
Et la question de l’immoralité concerne « la grâce de leur situation de naissance ». Pas le pourcentage.
Quand à la contradiction, il n’y en a aucune. Je maintient que la seule propriété d’un capital ne garantit aucun revenu, en revanche elle en détermine l’ampleur potentielle. De sorte qu’un petit capitaliste très talentueux à la tête d’un capital estimé à 1.000.000€ parvenant à le faire fructifier à hauteur de 20% par an, gagnera toujours moins qu’un gros capitaliste peu inspiré à la tête d’un capital de 1.000.000.000€ parvenant à le faire fructifier à hauteur de 2%/an.
Que les gens talentueux puissent être moins rémunérés que des gens médiocres (dans un même domaine d’activité et toutes choses égales par ailleurs, excepté donc la taille du capital de départ, acquis par le seul fait de la naissance) me semble immoral.
Par contre un très mauvais capitaliste très mal conseillé à la tête de la première fortune mondiale peut se démerder pour tout perdre, pas de problème. Aux extrêmes, le modèle redevient moral.
C’est mon point de vue.
((((Je crois que l’homme est fondamentalement égoïste // Mais alors, pourquoi fait-il des enfants ? Pourquoi va-t-il à la guerre ? ))))
Ce que j’entends par « fondamentalement égoïste », c’est que l’homme n’est mû, « excité », au sens électromagnétique du terme, que par ce qui le motive personnellement, intimement, et par rien d’autre. Et cette excitation pourra concerner n’importe quel domaine, y compris la solidarité, la politique, le milieu associatif, le commerce des armes à feu ou la réthorique.
Si mon Ego entre en résonance avec les notions de solidarité avec les pays du tiers monde, c’est parce que je me sens concerné, et que si je n’agis pas, je suis malade, je n’arrive pas à dormir, etc. Ce n’est pas parce que des gens sont malheureux. Plein de gens très riches sont terriblement malheureux, et je ne vais pas donner de mon temps pour eux, car je n’en ai rien à foutre. Egoïstement, j’agis pour ce qui me remue, parce que j’en ai besoin pour vivre, et jamais pour des trucs dont je n’ai rien à faire, ou alors pour y trouver un intérêt indirect, comme un salaire, ou le fait de ne pas aller en prison. Le paradoxe apparent réside dans le fait que cet égoïsme (« tout ce que je fais, je le fais car j’y trouve un intérêt personnel ») peut avoir des conséquence altruistes, si mon intérêt est d’aider les autres pour arriver à dormir la nuit. Il n’y a en réalité aucune contradiction.
La guerre: le soldat pars au combat avec un motivation personnelle égoïste. Celle de devenir un héros, ou juste celle d’être un bon soldat, ou simplement celle de revenir en vie, ou de ne pas se faire arrêter pour désertion. Vous remarquerez qu’il n’y a pas plus égoïste que les kamikazes. Ceux qui donnent soit-disant leur vie pour une cause le font en réalité pour un ticket direct au paradis, ou pour l’honneur posthume.
Pour les enfants la situation est identique. Un véritable altruiste au contraire s’abstiendrait de faire des enfants par conscience écologiste. Et ça existe. Mais uniquement chez des gens qui vont égoïstement trouver un intérêt à le faire. Pas chez les gens qui VEULENT absolument un enfant, ou alors pour des raisons indépendantes de leur volonté.
Ensuite, une fois que le gosse est là, la situation est différente, on passe dans une situation de projection de soi, la dimension égoïste s’élargit mais de manière très très restreinte. Notre bébé reste pour toujours le plus beau bébé du monde, et à choisir entre la mort de notre bébé ou de celle de 10 inconnus, le choix est très très vite fait.
D’ailleurs, il existe un trait d’esprit qui dit que celui qui est persuadé que sa vie ne vaut pas plus que celle des autres n’a qu’a se tirer une balle devant le service transplantation d’un hôpital, il sauvera la vie d’un dizaine de personnes avec ses organes. Bizarrement personne ne fait ça…
((((Votre position contient une contradiction fondamentale. Si vous pensez que les hommes sont fondamentalement égoïstes et que le capitalisme est « dans la nature humaine », alors comment pourrait-il être « encadré » par le biais de la loi, étant donné que la loi est elle-même un produit humain ?
((((Comment arrivez-vous à ce que cet être « fondamentalement égoïste » fasse des lois qui servent autre chose que cet égoïsme ? ))))
Les lois ne servent pas autre chose que l’égoïsme de chacun. Elles sont là pour permettre à tout citoyen d’exercer autant que possible son libre arbitre, de vivre sa propre vie. Il ne vous a pas échappé que nous vivons dans une société essentiellement individualiste. Les lois sont simplement là pour faire en sorte d’éviter de trop grands déséquilibres, autrement dit, faire en sorte que la liberté des uns s’arrête où commence celle des autres.
Il devrait en aller strictement de même concernant le capitalisme. En tant que partie intégrante de la condition humaine (toujours selon moi), la loi devrait simplement l’encadrer du mieux possible afin d’éviter les déséquilibres. C’est déjà un peu le cas. Il y a encore beaucoup d’excès, mais ce n’est pas parce qu’un chauffard fait du 130 en ville (= enfreint la loi) que je vais interdire les voitures. PAR CONTRE je vais me faire un devoir de PUNIR sévèrement le chauffard pour dissuader les autres. Et si je me rend compte que même en respectant la régulation de vitesse j’ai encore des accidents, je rajoute des « zone 30 » (des lois) jusqu’à obtenir un résultat socialement acceptable.
((((Dans votre raisonnement, vous postulez finalement un homme capable d’échapper à son « égoïsme », à sa « nature ». ))))
Jamais de la vie ! Où avez-vous vu ça ? On échappe pas à sa condition profonde ! C’est un mythe. Le but de la loi n’est pas d’annihiler une condition humaine, mais de faire en sorte que chaque individu de la société puisse jouir de droits équivalents., autrement dit d’encadrer l’exercice de cette condition humaine. Jamais d’y échapper. A ma connaissance, seule l’expérience communiste a tenté d’annihiler les fondements de la condition humaine (capitalisme + égoïsme) à grande échelle. On a vu le résultat.
@xc
[“La différence entre le prêt à intérêt et l’actionnariat est que dans le premier cas le risque pèse sur l’emprunteur, et dans le deuxième sur le prêteur” Plutôt “… pèse aussi sur l’emprunteur…” il me semble. Ce dernier va devoir se débrouiller pour payer les intérêt et rembourser le capital, éventuellement sur ses biens personnels. Mais le prêteur prend un risque car il n’a aucune garantie que ce sera fait.]
Il ne faut pas confondre le droit, qui règle les circonstances ordinaires, et le fait qui fait intervenir quelquefois des circonstances extraordinaires. En droit, le prêteur à intérêt ne prend aucun risque: il a droit à un remboursement qui qu’il arrive. L’actionnaire, lui, n’a “droit” à rien. Si l’entreprise a de quoi verser des dividendes, il est payé. Si l’entreprise accumule de la valeur, son investissement verra sa valeur augmenter aussi. Mais si les affaires vont mal, il n’aura rien et peut même perdre son capital.
Et cette hiérarchie se retrouve dans les “circonstances exceptionnelles” ou l’entreprise ne peut payer se dettes et se trouve liquidée, le prêteur est remboursé d’abord et passe devant l’actionnaire. Ce dernier ne récupèrera que les restes…
Je persiste donc: la différence entre le prêteur et l’actionnaire est dans le partage du risque.
@ Descartes
Bonjour,
suite à @ Pierre le 23/9 à 11h13
“””Je peux parfaitement autoriser les gens à posséder et à commercer, et leur interdire d’acheter la force de travail. Et à partir de ce moment-là, je sorts d’une logique capitaliste. Si la seule chose que vous pouvez faire de votre argent est d’acheter des biens, vous ne pouvez plus « capitaliser ».”””
Comment considérez vous le propriétaire d’un terrain agricole, sans grande valeur à priori, qui, suite au développement économique étroitement lié au travail d’une population déterminée, voit la valeur de son terrain décupler, voir beaucoup plus.
D’une manière certes indirecte il bénéficiera du travail des autres soit en leur vendant individuellement soit en vendant son terrain à des entreprises. Ne serait-il pas équitable de municipaliser ou nationaliser, en tout cas collectiviser les sols ?
Même question pour les oeuvres d’art et pour quelques autres richesses au passage.
@ Pierre
[J’ai commencé à rédiger en me promettant de faire court. C’est manifestement un cuisant échec.]
Je ne vous le fais pas dire… 😉
[On est bien d’accord que le fait d’être PROPRIETAIRE du capital est une condition nécessaire pour en toucher ses revenus. Je n’ai jamais contesté ce point.]
Mais ce n’était pas là mon point. Etre propriétaire n’est pas seulement une « condition nécessaire ». C’est le « fait générateur », en d’autres termes, c’est le fait qui suffit pour légitimer la rémunération perçue par le capitaliste.
[Mais selon vous, (je vous cite à nouveau) « Le capitaliste « récolte un profit » DU SEUL FAIT que la société lui reconnaît la propriété du capital. » Vous raisonnez comme si un mauvais capitaliste gagnait 1 et le capitaliste intelligent 100. Vous n’ignorez tout de même pas qu’un capitaliste peut se retrouver sur la paille ?]
Je crois que vous interprétez incorrectement mon expression, en voyant une CAUSALITE REELLE là ou je n’établis qu’un lien de CAUSALITE JURIDIQUE. Pour le dire autrement, il ne suffit pas de posséder un capital pour que celui-ci produise un revenu. Mais si un tel revenu est produit, alors LE SEUL FAIT DE POSSEDER LE CAPITAL suffit à vous donner le droit de l’empocher. Vous n’avez pas à démontrer une compétence, vous n’avez pas besoin de démontrer une nécessité. Il vous suffit de démontrer que vous êtes le propriétaire, et le revenu en question vous est versé.
Pour l’illustrer autrement, du seul fait d’être titulaire d’un contrat de travail vous donne droit à un salaire. C’est une causalité juridique. Ce qui n’empêche pas que si votre entreprise fait faillite, ce salaire ne sera peut-être jamais payé.
[Le revolver, utilisé comme facteur de production (comme braquer une banque, voir ci dessous) est également un capital,]
Excusez-moi, mais en quoi le braquage d’une banque « produit » quelque chose ? Je crois que j’ai découvert la raison pour laquelle nous ne nous comprenons pas. Pour vous, le simple fait qu’une somme d’argent change de mains implique une « production ». Dans ce cas, tout peut devenir « capital », puisque tout échange est une « production ».
[Il ne produit pas de valeur, mais il la rend disponible. C’est pareil.]
Beh non, justement, ce n’est pas pareil. L’argent que le voleur rend « disponible » devient « indisponible » pour celui qui l’avait avant d’être volé. C’est un déplacement, pas une production. L’activité productive est celle qui augmente la valeur disponible… un simple déplacement ne suffit pas.
[Si vous investissez votre capital dans une mine, votre capital n’aura pas d’autres effets que de rendre disponible votre minerai, qui était déjà présent sous la même forme auparavant.]
Sauf qu’avant d’être extrait, il n’était disponible pour personne. Alors que l’argent qui se trouve à la banque était déjà disponible pour quelqu’un avant le braquage. J’ai du mal à croire que vous ayez autant de difficultés à voir la différence entre un acte qui augmente la quantité de valeur disponible pour l’ensemble de la société – comme l’extraction minière – et une action qui ne fait que déplacer un bien disponible d’une main vers une autre. D’ailleurs, si je suis votre raisonnement, les escroqueries et les vols devraient être comptabilisés dans le PIB, non ?
[Le capital revolver du braqueur lui permet d’acheter la force de travail du banquier pour lui rendre disponible le grisbi auparavant présent sous la même forme dans le coffre fort. Quelle différence ?]
Que le « grisbi auparavant présent dans la même forme dans le coffre fort » était disponible déjà pour son légitime propriétaire… quant au « travail » du banquier pour extraire des liasses de billets du coffre… vous êtes sérieux ?
[Je pense que notre divergence provient surtout du sens que l’on attribue à la « production de valeur ». Vous semblez considérer qu’il s’agit d’une notion absolue et parfaitement objectivable, là où je considère qu’il s’agit d’une notion totalement subjective.]
Les deux positions se défendent. Mais j’attire votre attention sur le fait que si vous choisissez de considérer que la valeur est une notion « totalement subjective », il faut accepter les conclusions auxquelles ce choix aboutit. On ne peut pas avoir les avantages de l’école « subjectiviste » sans en avoir les inconvénients…
Prenons par exemple la question de la production de valeur. Si vous soutenez que la valeur est une « notion totalement subjective », le travail ne peut être – comme vous l’avez admis dans notre précédent échange – une source de valeur. Si la valeur est subjective, alors elle est produite par l’œil du consommateur, et non par le producteur…
[Pour certaines personnes, la consultation d’un homéopathe représente une création de valeur, alors que pour bien d’autres, il ne s’agit que d’une pure arnaque.]
Mais alors, le travail de l’homéopathe crée ou non de la valeur ? Si vous êtes « subjectiviste », alors la question n’a pas de réponse. Quand bien même vous établiriez scientifiquement que l’homéopathie n’a aucun effet thérapeutique, elle resterait sans réponse.
[Mais ce qui est sûr c’est que pour le médecin et pour ses patients, la création de valeur est réelle.]
Beh non. La « réalité » de la valeur ne se manifeste que pour le patient. Le médecin n’a aucun moyen de savoir s’il produit ou non de la valeur. La « subjectivité » fait que la valeur est créée par l’œil du consommateur…
[Tout comme pour le braqueur. Tout est relatif. Sinon, à partir de quand parlez-vous de création de valeur, objectivement ?]
Pour l’école classique, on crée de la valeur dès lors qu’on produit un bien ou un service qui satisfait un besoin. A supposer même que l’homéopathie soit totalement inefficace, l’homéopathe – tout comme le prêtre – produit de la « valeur » parce qu’il satisfait un besoin psychologique de ses patients de croire…
[Pour un ouvrier, c’est strictement pareil.]
Soyez gentil… faites un petit effort pour comprendre ce que j’essaye de vous expliquer, au lieu de répéter « il n’y a aucune différence »…
Lorsque j’achète l’esclave, je paye l’ensemble du prix actualisé de sa production future. Si un accident (maladie, mort, manque de matières premières, manque de débouchés) me prive de cette production, j’aurais payé pour rien. Le travailleur libre, au contraire, je le paye chaque mois en fonction de sa production. Et s’il n’est pas assez productif, s’il meurt, si je n’ai pas de travail à lui confier, je n’ai plus à le payer.
Si on est passé historiquement de la main d’œuvre esclave à la main d’œuvre servile, puis à la main d’œuvre libre, c’est parce que ces étapes ont permis de bénéficier à chaque fois d’une plus grande flexibilité, et donc d’une allocation plus efficace des facteurs de production. D’ailleurs, si comme vous le dites « c’est strictement pareil », comment expliquez-vous que le changement de mode de production se soit traduit par la disparition progressive de l’esclavage ?
[Encore une fois je ne soutient pas que le modèle du capitalisme financier régisse tout. Ce que je dis, c’est que le mécanisme fondamental, sous-jacent à ce système, à savoir « j’utiliser les moyens dont je dispose pour obtenir un avantage par le biais du travail d’autrui » est omniprésent dans toute initiative humaine depuis la nuit des temps.]
C’est vrai. Mais cela n’a rien de « capitaliste »… c’est ce que je me tue à vous dire : on a utilisé le travail d’autrui depuis la plus haute antiquité, bien avant que le capitalisme n’existe.
[C’est certainement une extension de langage de qualifier cette attitude de capitaliste, mais je trouve que ça y ressemble quand même franchement.]
Vous êtes gentil en parlant de « extension ». Moi j’appellerais cela plutôt un « abus »… car cette généralisation du capitalisme n’est pas innocente. En postulant que le capitalisme a existé toujours, qu’il serait en quelque sort « naturel », on en fait un élément de la « nature humaine », et donc immutable…
[Ces investisseurs publics seront donc capitalisés par l’état, si je vous suit ?]
Pas nécessairement. Ils pourraient accumuler du capital par eux-mêmes. Pensez par exemple aux collectivités locales…
[Comment les arbitrages pourraient se faire entre deux entreprises publiques ayant des intérêts opposés, par exemple entre une entreprise publique souhaitant construire un hôtel dans une vallée, et une autre souhaitant y construire un barrage hydro-électrique ?]
Et bien… comment se fait cet arbitrage aujourd’hui entre deux entreprises privées qui auraient le même conflit ?
[L’arbitrage aura donc fatalement lieu au niveau politique ?]
Pas forcément. Dans beaucoup de domaines, le marché est un excellent régulateur. D’ailleurs, je vous fait noter que quand l’Etat a nationalisé les banques en 1945, il n’a pas pour autant unifié le système bancaire. Des banques publiques se sont fait concurrence les unes aux autres, ce qui a permis de faire apparaître des services différentiés adaptés à des clientèles différentes…
[Et la question de l’immoralité concerne « la grâce de leur situation de naissance ». Pas le pourcentage.]
Vous voulez dire que si au lieu de tirer 90% de LA richesse du fait de la naissance ils ne tiraient que 1% ce serait toujours aussi « immoral » ?
[Que les gens talentueux puissent être moins rémunérés que des gens médiocres (dans un même domaine d’activité et toutes choses égales par ailleurs, excepté donc la taille du capital de départ, acquis par le seul fait de la naissance) me semble immoral.]
Encore une fois, pourquoi ? Je trouve très intéressant votre point de vue. Parce qu’aussi longtemps que le revenu est lié à la propriété (et donc à l’héritage) et même si ce lien n’est pas mécanique, vous aurez forcément des gens « talentueux » qui seront moins rémunérés que des gens « médiocres ».
[« Je crois que l’homme est fondamentalement égoïste // Mais alors, pourquoi fait-il des enfants ? Pourquoi va-t-il à la guerre ? » Ce que j’entends par « fondamentalement égoïste », c’est que l’homme n’est mû, « excité », au sens électromagnétique du terme, que par ce qui le motive personnellement, intimement, et par rien d’autre. Et cette excitation pourra concerner n’importe quel domaine, y compris la solidarité, la politique, le milieu associatif, le commerce des armes à feu ou la réthorique.]
Mais vous ne répondez pas à la question. Les hommes qui sont allés dans les tranchées savaient qu’ils avaient une chance minime de s’en sortir. Et pourtant ils sont allés. Difficile de trouver un calcul « égoïste » qui conduise à un tel résultat.
[La guerre: le soldat pars au combat avec un motivation personnelle égoïste. Celle de devenir un héros, ou juste celle d’être un bon soldat, ou simplement celle de revenir en vie, ou de ne pas se faire arrêter pour désertion.]
Mais quel est l’intérêt « égoïste » de devenir un héros mort ?
[Vous remarquerez qu’il n’y a pas plus égoïste que les kamikazes. Ceux qui donnent soit-disant leur vie pour une cause le font en réalité pour un ticket direct au paradis, ou pour l’honneur posthume.]
J’aimerais que vous m’expliquiez un calcul égoïste qui vous conduit à rechercher « l’honneur posthume ». Si vous croyez à la vie après la mort, encore pouvez-vous imaginer l’intérêt d’un « ticket direct au paradis ». Mais à quoi peuvent vous servir les « honneurs posthumes » quand vous êtes mort ?
[Les lois ne servent pas autre chose que l’égoïsme de chacun. Elles sont là pour permettre à tout citoyen d’exercer autant que possible son libre arbitre, de vivre sa propre vie. Il ne vous a pas échappé que nous vivons dans une société essentiellement individualiste. Les lois sont simplement là pour faire en sorte d’éviter de trop grands déséquilibres, autrement dit, faire en sorte que la liberté des uns s’arrête où commence celle des autres.]
J’aimerais que vous m’expliquiez en quoi la loi qui institue l’instruction obligatoire ou celle qui interdit la vente d’organes « ne sert à autre chose que l’égoïsme de chacun ». J’attends avec impatience…
@ Marcailloux
[Comment considérez vous le propriétaire d’un terrain agricole, sans grande valeur à priori, qui, suite au développement économique étroitement lié au travail d’une population déterminée, voit la valeur de son terrain décupler, voir beaucoup plus.]
Il ne faut pas confondre « valeur » et « prix ». La « valeur » est déterminée par la manière dont un bien est produit, le prix par l’équilibre entre l’offre et la demande. Celui qui vend un bien très cher en profitant d’un contexte – par exemple, celui qui possède une source alors que sévit la sécheresse – est un spéculateur. Et de tout temps les sociétés ont contrôlé la spéculation lorsque celle-ci s’exerce au détriment d’une partie de la société.
Dans l’exemple que vous donnez, celui qui vend son terrain très cher ne prive pas les autres d’une ressource vitale. Mais l’impôt sur les plus-values est là pour obliger justement les bénéficiaires de ce genre d’aubaine à partager leur chance avec le reste de la société…
[D’une manière certes indirecte il bénéficiera du travail des autres soit en leur vendant individuellement soit en vendant son terrain à des entreprises. Ne serait-il pas équitable de municipaliser ou nationaliser, en tout cas collectiviser les sols ?]
Mais pourquoi seulement les sols ? Si vous voulez éviter la spéculation, il vous faut nationaliser l’ensemble des biens susceptibles de donner lieu à spéculation, c’est-à-dire presque tous… !
[Même question pour les oeuvres d’art et pour quelques autres richesses au passage.]
Dans la mesure où il ne s’agit pas de biens destinés à satisfaire des besoins vitaux, je suis très réservé sur les effets du contrôle des prix. Si un terrain est très cher, c’est parce qu’il est très demandé. Comment décider alors qui aura le droit de l’utiliser ? La logique de marché permet en principe de s’assurer que c’est le projet le plus rentable qui l’utilisera (puisque c’est lui qui pourra payer le meilleur prix). Si vous « nationalisez », alors ce sera à l’administration de choisir le projet… pensez-vous qu’elle puisse faire un meilleur choix ?
@ Descartes
Ce sera ma dernière contribution à la discussion, il me semble qu’on commence à tourner en rond et pour tout dire, j’ai l’impression que ça devient une bataille d’opinion plutôt qu’une discussion ouverte, et ça m’intéresse moyennement de passer encore 10 messages à attendre de voir qui réussira à lasser l’autre. Je vous laisse donc le dernier mot après ce message, et je laisse à vos lecteurs le soin de compter les points s’ils en ont envie, et surtout de se forger une opinion par eux mêmes.
(((Mais si un tel revenu est produit, alors LE SEUL FAIT DE POSSEDER LE CAPITAL suffit à vous donner le droit de l’empocher.)))
Je vous ferais remarquer que vous venez d’ajouter l’air de rien une condition (« SI un revenu est produit ») qui n’était pas dans votre argumentation préalable. C’est un peu facile ensuite de m’accuser de mal interpréter vos propos.
De fait, « LE SEUL FAIT DE POSSEDER LE CAPITAL suffit à vous donner le droit de l’empocher » est une assertion fallacieuse si l’on retire la condition nécessaire de la production de revenu, que vous évoquez de vous-même.
(((J’ai du mal à croire que vous ayez autant de difficultés à voir la différence entre un acte qui augmente la quantité de valeur disponible pour l’ensemble de la société – comme l’extraction minière – et une action qui ne fait que déplacer un bien disponible d’une main vers une autre. )))
J’ai pour ma part du mal à croire que vous ayez une vision aussi manichéenne des choses (création de valeur versus circulation de valeur). Ce qui renvoie au point suivant.
(((Mais j’attire votre attention sur le fait que si vous choisissez de considérer que la valeur est une notion « totalement subjective », il faut accepter les conclusions auxquelles ce choix aboutit. On ne peut pas avoir les avantages de l’école « subjectiviste » sans en avoir les inconvénients… Prenons par exemple la question de la production de valeur. Si vous soutenez que la valeur est une « notion totalement subjective », le travail ne peut être – comme vous l’avez admis dans notre précédent échange – une source de valeur. Si la valeur est subjective, alors elle est produite par l’œil du consommateur, et non par le producteur…)))
Vous vous méprenez. Le consommateur détermine ce qui a une valeur et ce qui n’en a pas. Mais c’est toujours le travail qui la produit. Si le consommateur veut une machine à enregistrer les rêves, il donne une valeur potentielle à une telle invention, mais en aucun cas il ne CREE de la valeur. En revanche l’inventeur potentiel d’une telle machine en créerait en répondant à la demande… C’est simplement une question de marché.
(((Mais alors, le travail de l’homéopathe crée ou non de la valeur ? Si vous êtes « subjectiviste », alors la question n’a pas de réponse. Quand bien même vous établiriez scientifiquement que l’homéopathie n’a aucun effet thérapeutique, elle resterait sans réponse.)))
Vous vous trompez du tout au tout.
Si vous êtes absolutiste, la question a une réponse unique (fatalement) mais elle nous est inconnue, pour une question aussi complexe.
Pour un relativiste en revanche, la question a une infinité de réponses possibles, RELATIVEMENT à la personne confrontée à la question.
À savoir:
– Oui, l’homéopathe crée de la valeur, toujours et en toute circonstance
– Non, l’homéopathe ne crée pas de valeur, jamais et en aucune circonstance
– Tous les gradients possibles entre ces deux extrêmes.
Votre méprise provient du fait que vous analysez la théorie subjectiviste avec le point de vue de l’objectiviste. En effet, dans ce cas, une infinité de réponses = pas de réponse (sous entendu: pas de réponse unique, absolue). Pour le relativiste, il y a simplement une réponse par personne.
Vous êtes ici victime, si je peux me permettre, un biais de raisonnement assez grossier.
(((Pour l’école classique, on crée de la valeur dès lors qu’on produit un bien ou un service qui satisfait un besoin)))
En d’autres termes dès que qu’une offre (production de bien) rencontre une demande (besoin). On est donc par nature dans un cadre relativiste. Sauf à considérer que tous les hommes ont tous des besoins identiques. Qui dresse la liste ? Dieu sans doute. (ou le Parti).
(((Lorsque j’achète l’esclave, je paye l’ensemble du prix actualisé de sa production future. Si un accident (maladie, mort, manque de matières premières, manque de débouchés) me prive de cette production, j’aurais payé pour rien. Le travailleur libre, au contraire, je le paye chaque mois en fonction de sa production. Et s’il n’est pas assez productif, s’il meurt, si je n’ai pas de travail à lui confier, je n’ai plus à le payer.)))
… Ça doit faire un moment que vous n’avez pas vu un contrat de travail….
Jusqu’à preuve du contraire, en France, un salaire n’est jamais fonction de la production. Faute de quoi il serait ajusté chaque mois en fonction des performances du salarié. Le coût du salarié est fixé à l’embauche, en fonction d’une estimation de la production future du salarié…. La seule différence, du point de vue de l’employeur, c’est que ce coût est mensualisé, ce qui permet de l’adapter en temps réel à la durée de la production du salarié dans l’entreprise.
Lorsque vous revendez votre esclave, vous touchez de l’argent, pour un montant égal au « prix actualisé en fonction de la production future » (PAFPF, je suis feignant ce soir) de l’esclave au moment de la vente. Au total, vous aurez payé votre esclave un prix correspondant à la différence entre son PAFPF d’acquisition et son PAFPF de revente. En résumé vous aurez payé uniquement le prix correspondant à sa présence dans votre « entreprise ». Tout comme pour le salarié. Sauf que la régularisation se fait d’un coup « en fin de contrat », si je puis dire.
« Et s’il est malade ? Et si un accident… et quand il sera trop vieux pour travailler ? » Oui, le propriétaire de l’esclave en est pour ses frais.
Mais à votre avis, dans une société capitaliste comme la notre (jusqu’à preuve du contraire) Qui paye pour que le salarié malade, ou victime d’un accident du travail, touche une rente minimum ? Qui paye pour que le chômeur puisse se nourrir ? Qui paye pour lui permettre d’élever ses mômes ? La société, comme ça, « out of the blue » ? Vous n’avez réellement jamais entendu parler de charge patronales ? Cotisation pour accident du travail, allocation familiales, assurance vieillesse, assurance maladie, ça vous parle ? CSG, CRDS ? indemnités de licenciement ? Prudhommes ?
Les seules différences concernent l’organisation, qui est sous forme d’assurance mutualisée, et la gestion du cas de la « mort » du salarié. Qui peut cependant s’envisager de manière très similaire au sinistre d’une machine-outil, d’un point de vue déshumanisé.
(((Si on est passé historiquement de la main d’œuvre esclave à la main d’œuvre servile, puis à la main d’œuvre libre, c’est parce que ces étapes ont permis de bénéficier à chaque fois d’une plus grande flexibilité, et donc d’une allocation plus efficace des facteurs de production)))
Mais ces « étapes » concernent le statut du travailleur, qui n’est aucunement mentionné dans la définition du capitalisme que vous donnez vous-même. Je vous cite à nouveau: « ce qui caractérise le capitalisme c’est la manière dont les biens sont produits : grâce à l’achat par le détenteur du capital de la force de travail du prolétaire. ».
La manière dont les biens sont produits ne change pas. Seul le statut du travailleur évolue.
Bref…
((((Vous voulez dire que si au lieu de tirer 90% de LA richesse du fait de la naissance ils ne tiraient que 1% ce serait toujours aussi « immoral » ?))))
Du moment que le pourcentage est lié au fait de la naissance, oui. 0% signifierait qu’on donne une importance nulle au fait de la naissance. Là, moralement, ça me va. En tant qu’utopie, entendons-nous bien.
On a absoluemnt le droit de ne pas être d’accord. L’option contraire est celle prônée par les tenants du « revenu universel », si on pousse à l’extrême. Dans cette utopie, chaque être humain toucherait un égal pourcentage de la richesse mondiale, du seul fait de sa naissance, et exclusivement (à 100%) du fait de sa naissance. Ce n’est pas mon utopie, mais c’est celle d’un certain nombre de personnes.
(((Encore une fois, pourquoi ? Je trouve très intéressant votre point de vue. Parce qu’aussi longtemps que le revenu est lié à la propriété (et donc à l’héritage) et même si ce lien n’est pas mécanique, vous aurez forcément des gens « talentueux » qui seront moins rémunérés que des gens « médiocres ». ))))
Parce que je pense que le « mérite » (encore un mot qu’il ne va pas être aisé de définir) devrait être la seule raison qui fasse que l’on puisse gagner davantage sa vie que son prochain. Et oui, l’héritage est un handicap pour atteindre ce but. Et c’est une illusion de penser que l’on règlera le problème en annihilant propriété, car l’héritage n’est pas uniquement matériel. Il est aussi culturel, intellectuel… ou pour faire simple, lié à l’environnement dans lequel on va grandir. Et là les inégalités sont au moins aussi fortes qu’en terme d’héritage matériel.
((((Les hommes qui sont allés dans les tranchées savaient qu’ils avaient une chance minime de s’en sortir. Et pourtant ils sont allés. Difficile de trouver un calcul « égoïste » qui conduise à un tel résultat.)))
Pour mémoire, au moment de partir, tout le monde pensait revenir auréolé de gloire 6 mois plus tard. Et une fois dans les tranchées, le choix se résumait à avoir une chance minime de survivre dans une tranchée, le peloton d’exécution, ou une vie de fugitif condamné à mort. Vous pensez que c’est par amour de la patrie que les poilus sont allé se faire mutiler ? Ou pour essayer de sauver leur peau ? A vous lire on dirait que l’option « je reste tranquillement chez moi » était envisageable….
D’ailleurs, c’est parce que les soldats étaient tellement dévoués à leur patrie qu’on a vite compris que plutôt que de faire charger les officiers sabre au clair en tête de pont, il valait bien mieux les laisser à l’arrière avec un pistolet…. Pour limiter le « choix » des fantassins…
((((Mais quel est l’intérêt « égoïste » de devenir un héros mort ?))))
Je ne crois pas que beaucoup de soldats partent à la guerre avec l’objectif d’être un héros mort. Et ceux qui y vont (on appelle ça un kamikaze) le font avec des perspectives d’au-delà. Ou d’honneur posthume.
(((Mais à quoi peuvent vous servir les « honneurs posthumes » quand vous êtes mort ?)))
La encore c’est très relatif à votre perception de la mort. Si vous pensez qu’avec vous tout s’arrête (« après moi le déluge »), en effet, vous ne serez pas très motivé pour aller rechercher les honneurs posthumes. Mais si votre but est de laisser à tout prix votre nom dans l’Histoire, c’est différent. Et vous profiterez de cette perspective de votre vivant. Pas longtemps, mais vous en profiterez. C’est la raison pour laquelle il y a toujours des volontaires pour les actions kamikazes.
(((J’aimerais que vous m’expliquiez en quoi la loi qui institue l’instruction obligatoire ou celle qui interdit la vente d’organes « ne sert autre chose que l’égoïsme de chacun ». J’attends avec impatience…))))
Rien de bien compliqué pourtant, même si je dois concéder que j’ai commis une erreur. La loi ne sert autre chose que l’égoïsme du plus grand nombre » et pas de « chacun ». Dans une démocratie en tout cas.
Pourquoi existe t’il une loi qui interdit la vente d’organe ? Tout simplement parce que l’immense majorité des citoyens français trouve un intérêt personnel (donc égoïste) à ce que la vente d’organe soit interdite. Pour en bénéficier gratuitement en cas de greffe, ou pour ne pas risquer de se faire dépouiller des siens, ou simplement par conviction intime. Chacun pour des raisons qui peuvent être jugées bonnes ou mauvaises, mais qui sont propres à chaque individu.
Cette loi sert donc bel et bien les intérêts individuels, c-a-d les égoïsmes de la majorité des électeurs. La moyenne de ces intérêts personnels forme l’intérêt de la société. Mais la base de la pyramide sociale, c’est les intérêts personnels. En démocratie en tout cas.
Idem pour l’instruction obligatoire.
Si demain 80% des citoyens se retrouvaient intimement persuadés que l’éducation obligatoire était néfaste pour leur intérêt personnel, que pensez-vous qu’il se passerait ?
Aparté: j’ai l’impression que vous vous mélangez les pinceaux entre l’égoïsme, qui implique uniquement de ne faire que les choses dans lesquelles on trouve un intérêt personnel*, et l’égocentrisme, qui signifie « se considérer comme le centre du monde ».
La notion d’égoïsme n’inclut nullement la stupidité, l’inconséquence, la cupidité, la pingrerie, la malfaisance ou quelqu’autre notion qui sorte du champ de sa définition stricte: ramener à soi.
Là où l’égoïste va agir en fonction de ses intérêts, l’égocentriste (tel le sombre trou du cul en colère dont vous parlez brillaient dans votre billet du jour sur Saint Martin) va EXIGER que ses pairs, que la société tout entière soit à son service exclusif. Ca n’a strictement rien à voir.
* intérêt qui peut parfois, selon le champ des possibles dans une situation donnée, se résumer à un choix entre la peste et le choléra, comme notre poilu dans sa tranchée. Est aussi considéré comme un intérêt le fait de se mettre à l’abris de conséquences néfastes. Ainsi je trouve un intérêt personnel direct à payer mes impôts, à faire un boulot de merde pour dormir au sec, à ramasser une petite vieille tombée par terre pour ne pas être rongé par le remord.
Sur ce, bonne nuit à vous. Il est temps pour moi de passer mes soirées à autre chose. Au plaisir de lire votre réponse néanmoins.
Cordialement.
@ Pierre
[Je vous ferais remarquer que vous venez d’ajouter l’air de rien une condition (« SI un revenu est produit ») qui n’était pas dans votre argumentation préalable. C’est un peu facile ensuite de m’accuser de mal interpréter vos propos.]
Encore une fois, vous jouez sur les mots. Quand on dit « le seul fait d’être fils de votre père vous donne le droit d’hériter », on parle d’un droit, pas d’un fait. Si votre père meurt sans le sou, vous n’hériterez pas grande chose, mais votre DROIT existe tout de même.
Et de la même manière, je persiste et signe, « le seul fait de posséder le capital vous donne le droit d’empocher les revenus » est une affirmation tout à fait exacte. C’est la POSSESSION qui seule fonde le DROIT. Cela ne veut pas dire que vous toucherez un revenu en fait, tout au plus que si vous ne le touchez pas, personne n’y aura droit à votre place. Est-ce clair ?
[Vous vous méprenez. Le consommateur détermine ce qui a une valeur et ce qui n’en a pas. Mais c’est toujours le travail qui la produit.]
Si c’est le travail qui la produit, alors elle doit être contenue dans le bien DES QU’IL EST PRODUIT et donc AVANT QU’IL SOIT PRESENTE AU CONSOMMATEUR. Encore une fois, vous ne pouvez pas mélanger la vision « objective » et la vision « subjective » de la valeur. Si la valeur dérive du processus de production, alors elle est contenue dans l’objet et est donc « objective ». Si la valeur dépend de l’appréciation du consommateur et de son envie de se procurer le bien, alors la valeur ne réside pas dans l’objet et ne peut donc pas être issue du processus de production puisqu’elle change selon l’humeur du consommateur.
[Si le consommateur veut une machine à enregistrer les rêves, il donne une valeur potentielle à une telle invention, mais en aucun cas il ne CREE de la valeur. En revanche l’inventeur potentiel d’une telle machine en créerait en répondant à la demande… C’est simplement une question de marché.]
Vous voyez bien la difficulté. Imaginons que le consommateur donne à cette machine à enregistrer les rêves une « valeur » de 100 €. Je construis une usine, je produis une telle machine, et lorsque je la présente au consommateur, celui a entretemps changé d’avis, n’en a plus envie et n’est prêt à me donner que 1 €. Quelle est la « valeur » de la machine en question ? Si elle était produite par le travail elle résiderait dans le bien lui-même et serait indépendante des humeurs du consommateur. Elle ne devrait changer que si le processus de production change.
J’ai l’impression que vous confondez « valeur » et « prix »…
[« Mais alors, le travail de l’homéopathe crée ou non de la valeur ? Si vous êtes « subjectiviste », alors la question n’a pas de réponse. Quand bien même vous établiriez scientifiquement que l’homéopathie n’a aucun effet thérapeutique, elle resterait sans réponse. » Si vous êtes absolutiste, la question a une réponse unique (fatalement) mais elle nous est inconnue, pour une question aussi complexe.]
Il y a une différence entre un question qui n’a pas de réponse, et une question dont la réponse est inconnue. La question « si mon coq pond un œuf sur le terrain du voisin, à qui appartient l’œuf ? » n’a pas de réponse, parce qu’elle n’a pas de sens, les coqs ne pondant pas d’œufs. Si vous vous placez dans une position de valeur subjective, alors la question de savoir si le « travail de l’homéopathe crée de la valeur » n’a pas de sens, puisque le travail n’est pas créateur de la valeur, celle-ci étant « créée » par le désir du consommateur.
[« Pour l’école classique, on crée de la valeur dès lors qu’on produit un bien ou un service qui satisfait un besoin » En d’autres termes dès que qu’une offre (production de bien) rencontre une demande (besoin).]
Non. C’est au stade du processus de production que la valeur est créée. Si le bien, au lieu d’être vendu, est stocké, il a une valeur quand même. Aucune « confrontation » n’est nécessaire pour créer de la valeur.
[Ça doit faire un moment que vous n’avez pas vu un contrat de travail….]
Ne prenez pas votre cas pour une généralité. Et sachez rester poli. Je ne vois pas très bien en quoi ce genre de remarque ad hominem fait avancer la discussion.
[Jusqu’à preuve du contraire, en France, un salaire n’est jamais fonction de la production. ]
Si vous aviez lu avec attention avant de répondre, vous auriez remarqué que c’est EXACTEMENT CE QUE JE DIS. L’employeur, lorsqu’il paye un salaire, n’achète pas le TRAVAIL, ni le PRODUIT DU TRAVAIL, mais seulement la FORCE DE TRAVAIL. Cela étant dit, si la « force de travail » ne produit pas sur le long terme plus que ce qu’elle coute, l’employeur ne l’achètera pas, puisqu’il est maître de rompre le contrat à tout moment.
Lorsque le maître d’esclaves achète un esclave, il l’achète pour la vie. Si l’esclave n’est pas productif, il ne peut pas le interrompre le « contrat » et récupérer la partie de son investissement non amortie. Le système est bien moins flexible.
[Lorsque vous revendez votre esclave, vous touchez de l’argent, pour un montant égal au « prix actualisé en fonction de la production future » (PAFPF, je suis feignant ce soir) de l’esclave au moment de la vente. Au total, vous aurez payé votre esclave un prix correspondant à la différence entre son PAFPF d’acquisition et son PAFPF de revente.]
A condition de trouver un acheteur. Imaginons que votre esclave devienne aveugle suite à un accident. Vous n’arriverez pas à le revendre à un « prix actualisé » équivalent à celui auquel vous l’aurez acheté. En passant de l’esclavage au travail libre, vous transférez le risque – d’accident, de maladie, de vieillesse – sur le travailleur.
[Mais à votre avis, dans une société capitaliste comme la notre (jusqu’à preuve du contraire) Qui paye pour que le salarié malade, ou victime d’un accident du travail, touche une rente minimum ? Qui paye pour que le chômeur puisse se nourrir ? Qui paye pour lui permettre d’élever ses mômes ? La société, comme ça, « out of the blue » ?]
Dans une société capitaliste comme la notre, ce sont l’ensemble des autres travailleurs qui se cotisent pour prendre en compte ce risque. Et dans la plupart des sociétés capitalistes, c’est le travailleur lui-même qui crève la gueule ouverte si le sort s’acharne contre lui.
[Vous n’avez réellement jamais entendu parler de charge patronales ? Cotisation pour accident du travail, allocation familiales, assurance vieillesse, assurance maladie, ça vous parle ? CSG, CRDS ? indemnités de licenciement ? Prudhommes ?]
Oui, j’ai entendu parler des « charges patronales ». Et tous les économistes vous le diront, c’est une fiction. En fait, le patron fait son choix d’embauche ou pas en fonction de ce que le travailleur lui coûte. Le marché fixe donc le coût global du travail, quelque soit la répartition de ce coût entre salaire net, cotisations « patronales », cotisations « salariales », CSG, RDS, etc. Si ces cotisations n’existaient pas, l’employeur verserait un salaire net plus élevé pour le même travail acheté, puisque c’est le coût global qui compte. C’est donc sur le salaire que ces cotisations sont prélevées. C’est la solidarité des travailleurs qui permet aux chômeurs, aux victimes des accidents du travail, aux malades d’être secourus.
Quant aux « indemnités de licenciement » – dans le cas d’un licenciement justifié, cela va de soi – celles fixées par la loi ne semblent pas être très lourdes : 1/5 de mois de salaire par an de présence pour les dix premières années, 1/3 de mois pour les années suivantes. Considérant qu’en moyenne aujourd’hui un travailleur reste 6 ans dans la même entreprise, l’indemnité due est royale : 1,2 mois de salaire. Champagne pour tout le monde !
[Mais ces « étapes » concernent le statut du travailleur, qui n’est aucunement mentionné dans la définition du capitalisme que vous donnez vous-même. Je vous cite à nouveau: « ce qui caractérise le capitalisme c’est la manière dont les biens sont produits : grâce à l’achat par le détenteur du capital de la force de travail du prolétaire. ».]
Si. L’idée d’achat de la « force de travail » – et non du travailleur – fait du travailleur un acteur du marché, et non une simple chose.
[La manière dont les biens sont produits ne change pas. Seul le statut du travailleur évolue.]
La « manière » au sens technique du terme, non. Le « mode » de production, oui. Le fait que le système repose non pas sur l’achat du travailleur mais sur celui de sa force de travail sur un marché change radicalement les rapports de production, et partant l’ensemble de l’économie.
[Parce que je pense que le « mérite » (encore un mot qu’il ne va pas être aisé de définir) devrait être la seule raison qui fasse que l’on puisse gagner davantage sa vie que son prochain.]
Je peux partager cet objectif. Mais vous voyez bien qu’une telle vision est peu compatible avec l’idée de rémunération du propriétaire du capital. La rémunération versée au propriétaire du capital ne traduit en effet aucun « mérite » particulier, si ce n’est celui de choisir un bon gestionnaire.
[« Les hommes qui sont allés dans les tranchées savaient qu’ils avaient une chance minime de s’en sortir. Et pourtant ils sont allés. Difficile de trouver un calcul « égoïste » qui conduise à un tel résultat. » Pour mémoire, au moment de partir, tout le monde pensait revenir auréolé de gloire 6 mois plus tard.]
« Tout le monde », non. Il ne faut pas prendre les gens pour des imbéciles. La mémoire des guerres antérieures était suffisamment vivace pour que les gens fussent parfaitement conscients que « tout le monde » n’allait pas revenir sur ses deux jambes, même auréolé de gloire…
[Et une fois dans les tranchées, le choix se résumait à avoir une chance minime de survivre dans une tranchée, le peloton d’exécution, ou une vie de fugitif condamné à mort. Vous pensez que c’est par amour de la patrie que les poilus sont allé se faire mutiler ? Ou pour essayer de sauver leur peau ? A vous lire on dirait que l’option « je reste tranquillement chez moi » était envisageable….]
La désertion semble une solution bien moins risquée que les tranchées, et pourtant elle a été marginale. Oui, je pense que c’est par « amour de la Patrie » ou plus banalement par sens du devoir que l’immense majorité des poilus sont allés se faire mutiler. On sort là de la rationalité purement individuelle chère aux économistes pour entrer dans un champ complexe qui est celui de la rationalité collective, où les gens son prêts à sacrifier leurs biens et même leur vie en fonction d’intérêts qui les transcendent.
Et ce n’est pas la peine d’aller jusqu’aux situations limite comme celle d’une guerre. Le « paradoxe de la grève » illustre parfaitement ce fonctionnement. Imaginons le cas des travailleurs d’une entreprise appelés à la grève pour de meilleurs salaires. Chaque travailleur peut examiner au niveau individuel ses options : Si la grève est victorieuse, tout le monde aura l’augmentation du salaire, qui sera la même pour les grévistes et les non-grévistes. Et si la grève échoue, les grévistes perdront leur paye des jours de grève, tandis que les non grévistes ils seront payés quand même. Et puis ceux qui auront fait la grève seront mal vus du patron, alors que les non grévistes seront bien vus.
En d’autres termes, celui qui fait la grève prend un risque (celui de perdre des jours de paye) et paye dans tous les cas un prix (la dégradation de ses rapports avec son employeur). Celui qui ne fait pas grève est gagnant en toute hypothèse. Si on appliquait donc un pur calcul individuel « égoïste », personne ne ferait jamais grève. Et pourtant, l’expérience montre qu’il n’en est pas ainsi…
[« Mais à quoi peuvent vous servir les « honneurs posthumes » quand vous êtes mort ? » La encore c’est très relatif à votre perception de la mort. Si vous pensez qu’avec vous tout s’arrête (« après moi le déluge »), en effet, vous ne serez pas très motivé pour aller rechercher les honneurs posthumes. Mais si votre but est de laisser à tout prix votre nom dans l’Histoire, c’est différent.]
L’expérience a montré que les athées ne sont pas moins prêts au sacrifice que les bons catholiques. Ce qui semble suggérer qu’il n’y a pas que l’espoir d’un au-delà qui pèse dans ces choix.
[Pourquoi existe t’il une loi qui interdit la vente d’organe ? Tout simplement parce que l’immense majorité des citoyens français trouve un intérêt personnel (donc égoïste) à ce que la vente d’organe soit interdite. Pour en bénéficier gratuitement en cas de greffe, ou pour ne pas risquer de se faire dépouiller des siens, ou simplement par conviction intime. Chacun pour des raisons qui peuvent être jugées bonnes ou mauvaises, mais qui sont propres à chaque individu.]
Vous avez ici un raisonnement circulaire. Vous postulez que la loi reflète un « intérêts égoïste » de la majorité », et vous déduisez donc qu’il faut bien qu’il y ait un intérêt égoïste à interdire la vente d’organes puisque la loi l’interdit… Non, en fait, l’immense majorité des électeurs a au contraire tout intérêt à ce que la vente d’organes soit permise, parce qu’en tant que citoyens d’un pays riche, nous sommes plutôt du côté de ceux qui achètent, et non de ceux qui sont obligés de vendre…
[Si demain 80% des citoyens se retrouvaient intimement persuadés que l’éducation obligatoire était néfaste pour leur intérêt personnel, que pensez-vous qu’il se passerait ?]
La même chose que lorsque 99% des citoyens pensent qu’aller dans les tranchées est néfaste pour leur intérêt personnel : ils y sont allées quand même…
@ Descartes
Je n’ai décidément aucune volonté. C’est malheureux. Mais votre dernier commentaire me force à vous poser quelques questions.
Je vous rejoins sur cette formulation: être propriétaire d’un capital donne un droit à en toucher des revenus. Mais c’est un mensonge par omission que de ne pas signaler qu’il expose aussi au risque de dévaluation du capital, ou de devoir rajouter au pot en cas de déficit.
J’ai une petite anecdote personnelle sur ce sujet. Il y a environ trois ans, un parent proche, directeur d’une boite de 120 salariés (pur self-made man, diplômes de technicien agricole, il a commencé seul sur une table de camping) est rentré au capital d’un abattoir au bord de la faillite.
Ce faisant, il a engagé le capital de sa boite, à hauteur d’un montant dont je ne me rappelle plus, pour devenir actionnaire majoritaire.
Je l’ai côtoyé pas mal à ce moment là. Il a bossé 14 heures par jour 6 jours sur 7 pour « stopper l’hémorragie » (tout en assurant le quotidien de la maison mère). Il a eu des vraies moments de doute, surtout la première année où les pertes ne se sont pas résorbées à hauteur de ce qu’il espérait. Il a épongé à ce moment là 2 à 3 millions d’euros de pertes. Pour faire bref, il a parfois pensé avoir fait une énorme connerie et avoir mis la boite mère en péril. Il a mis les bouchées doubles, réinvesti, modernisé la chaine d’abattage. L’année suivante il ne perdait « que » 1 million. En 2016 la boite était à l’équilibre, sans casse sociale (quelques départs volontaires), actuellement elle dégage du bénéfice.
Ma question est: que vous inspire cette situation quant aux notions de prise de risque d’un investisseur, et de la pression du résultat qui en découle ? Question subsidiaire: pensez-vous qu’un investisseur public puisse investir la même quantité d’énergie (= 30 heures sup non rémunérées/semaine pendant 6 mois) pour sauver une entreprise dès lors que l’intéressement tout comme le risque personnel ne rentrent pas en jeu dans sa motivation ?
Et une dernière chose, pour ma culture. Pouvez-vous me donner le nom de quelques entreprises déficitaires qu’une action publique a permis de faire repasser en positif de manière pérenne et sans la rendre dépendante aux aides d’état ? Il n’y a pas de vice dans la question .Il y en a peut-être plein, peut-être pas, je n’en ai aucune idée.
((((Si la valeur dérive du processus de production, alors elle est contenue dans l’objet et est donc « objective ». Si la valeur dépend de l’appréciation du consommateur et de son envie de se procurer le bien, alors la valeur ne réside pas dans l’objet et ne peut donc pas être issue du processus de production puisqu’elle change selon l’humeur du consommateur.))))
Mais pourquoi cette valeur ne pourrait elle pas être VARIABLE pour un objet donné ? Le processus de production conférant à l’objet sa QUALITé d’ « objet de valeur », le consommateur lui conférant sa « QUANTITé » de valeur. Vous voyez où je veux en venir ?
Pour notre machine à rêves, sa valeur serait simplement d’1 euro à l’instant T pour une personne donnée. Et cette valeur peut tout à fait être de 300 euros pour son voisin au même instant T. Cette « quantité de valeur », attribuée de manière subjective (propre au besoin de chaque individu à un instant T) n’a strictement rien à voir avec le prix, nous sommes d’accord. La valeur d’une merdouille en plastique bas de gamme made in china est nulle à mes yeux, mais son prix est pourtant bien différent…
En quoi cette théorie est elle fausse ? Il me semble qu’elle élimine le coté « virtuel » de la théorie subjective pure (le consommateur créant de la valeur fondée sur du vent, comme notre machine à rêves) et le coté « absolutiste » de la théorie classique pure…
((((Non. C’est au stade du processus de production que la valeur est créée. Si le bien, au lieu d’être vendu, est stocké, il a une valeur quand même. Aucune « confrontation » n’est nécessaire pour créer de la valeur.))))
Donc, un processus de production, quelqu’il soit, même ne répondant à aucune demande serait automatiquement créateur de valeur dans le modèle classique ? Sinon, qui arbitre ?
((((Ne prenez pas votre cas pour une généralité. ))))
A attaque ad hominem, attaque ad hominem et demi… 😉 Mais c’était une boutade, au pire une pique.
Par contre, je vais peut être vous agacer davantage cette fois-ci.
J’ai l’impression que votre processus de réflexion sur ce débat est parasité par une posture idéologique. Il me semble que vous n’avez pas envie d’envisager certaines possibilités parce qu’elles vous sont désagréables. Et au passage, vous semblez suggérer que, parce que je postule par exemple, que les fondements du capitalisme ont accompagné l’homme depuis toujours, j’APPROUVE ce principe de fonctionnement.
Je tiens à signaler, et c’est la raison principale de ce dernier dernier message, que ce n’est pas le cas. C’est une chose qui pourra sembler étrange à bien des gens, mais c’est ainsi. Je ne donne pas un blanc-seing aux principes fondamentaux du capitalisme, mais je pense qu’on ne PEUT PAS fonctionner autrement de manière démocratique. Ça n’a rien de contradictoire. Tout comme je pense qu’on ne PEUT PAS échapper à la mort, pour autant je n’envisage pas cette option avec enthousiasme. C’est comme ça, c’est ça ou rien.
((((Oui, j’ai entendu parler des « charges patronales ». Et tous les économistes vous le diront, c’est une fiction.(…) C’est la solidarité des travailleurs qui permet aux chômeurs, aux victimes des accidents du travail, aux malades d’être secourus.))))
Et dans le cas de l’esclave, quelle est l’origine des revenus qui permettent au propriétaire de l’esclave malade de le nourrir, si ce n’est le travail des autres esclaves de l’exploitation ? J’attend votre réponse avec impatience….
((((La désertion semble une solution bien moins risquée que les tranchées, et pourtant elle a été marginale. ))))
Je pense qu’il est bien délicat d’en parler depuis notre confortable époque. Cependant, il me semble que la perspective de la désertion est bien plus compliquée que ce que vous semblez penser. Le déserteur ne pouvait pas rentrer chez lui, ou à grand risque, sous peine de se voir « cueillir » et exécuter, donc pas revoir ses proches, subsister dans un maquis, en volant sa nourriture, être marqué à tout jamais du déshonneur vis-à-vis de ses pairs. Une vie de traqué. Personnellement, j’aurais choisi les tranchées, même sans mettre le drapeau dans l’équation. Cependant j’y reviens en post scriptum.
((((Si on appliquait donc un pur calcul individuel « égoïste », personne ne ferait jamais grève. Et pourtant, l’expérience montre qu’il n’en est pas ainsi…))))
Je pense que vous mélangez encore égoïsme et égocentrisme. Et que vous n’arrivez pas à intégrer qu’un INTERET peut être de toute nature. Y compris intellectuel.
Le gréviste va rapporter la situation à lui, pour prendre une décision qui sera le plus en adéquation avec sa propre vision des choses, sa subjectivité personnelle. « La situation ME semble injuste, A MOI, selon MON opinion des choses. JE ne peux pas tolérer ça. Il M’est, A MOI, insupportable de voir MES collègues dans cette situation. »
(((Vous avez ici un raisonnement circulaire. Vous postulez que la loi reflète un « intérêts égoïste » de la majorité », et vous déduisez donc qu’il faut bien qu’il y ait un intérêt égoïste à interdire la vente d’organes puisque la loi l’interdit… ))))
Non.
Je pars de la base. Je postule que tout un chacun raisonne par rapport à lui. Son ressenti. Sa vision des choses. Selon ses centres d’intérêt, ou pour éviter des conséquences néfastes. A court terme pour les idiots, à long terme pour les gens intelligents.
Je postule que ces gens votent ensuite en leur âme et conscience pour élire un personnel politique qui légifère sur ces points qui préoccupent personnellement les citoyens, et qu’en découlent des lois qui sont en accord avec les préoccupations égoïstes, et non égocentristes (encore que la dérive pour advenir si l’on n’y prend garde) de la majorité.
Une exception. Il arrive qu’un politique puisse parfois, en fonction de SON ressenti PERSONNEL, imposer une loi avant-gardiste à une société où les opinions sont contraires (exemple: l’abolition de la peine de mort).
Je ne vois pas ce qu’il y a de circulaire là dedans.
((((Non, en fait, l’immense majorité des électeurs a au contraire tout intérêt à ce que la vente d’organes soit permise, parce qu’en tant que citoyens d’un pays riche, nous sommes plutôt du côté de ceux qui achètent, et non de ceux qui sont obligés de vendre…))))
Vous mélangez encore et encore égoïsme et égocentrisme.
Posez la question autour de vous (pour la vente d’organe). Peu importe la réponse, ce n’est pas le sujet. Par contre, demandez la RAISON de cette réponse. Ce qui compte c’est POURQUOI Untel exprime telle opinion. Et vous verrez que chacun argumente en se référant à SON ressenti, et pas à celui du voisin.
– soit un argument contre d’ordre moral (parce que JE pense AU FOND DE MOI que c’est mal)
– soit un argument contre d’ordre éthique quelconque (JE ne pourrais plus ME REGARDER, MOI, dans une glace si JE devais cautionner une telle loi qui débouche sur autant de malheurs potentiels)
– soit un argument pour d’ordre égocentrique (MOI J’ai les moyens de M’acheter pour MOI un organe tout neuf)
– soit un argument contre d’ordre égocentrique (MOI j’ai PEUR qu’on ME vole MES reins, ou MOI JE n’ai pas les moyens)
etc.
Je vous met au défi de me trouver quelqu’un qui vous dise, « MOI, JE trouve que le commerce des organes est quelque chose d’absolument DEGUEULASSE, car JE sais, JE suis CONSCIENT que ce sont les plus pauvres qui vont encore morfler, MAIS JE SUIS POUR quand même, car des gens que je ne connais pas seront sûrement content de pouvoir s’en acheter»
Ca, c’est du véritable altruisme. Si vous en trouvez un, ne le perdez pas. C’est rare en liberté.
PS: On parlait de la grande guerre, je vais faire un aparté sur la suivante. Il est très intéressant, du point de vue psychologique, de se pencher sur le sort des allemands qui ont été amenés à commettre ce qu’on nomme les atrocités. Les soldats de la wehrmacht, auxquels on ordonnait de fusiller des familles entières devant des fosses communes, étaient pour la plupart malades à en crever de devoir exécuter ces ordres. Même Himmler a vomi tripes et boyaux en assistant à une exécution. Néanmoins, ils les exécutaient.
A première vue, on pourrait raisonner en soulignant que la répression en cas de désobéissance devait être dissuasive. Seulement, il est établi que dans la plupart des pelotons, celui qui demandait à être exempté d’exécution de masse était muté ailleurs, sans conséquences pour lui. Néanmoins ces cas sont restés rares, malgré le fait que de nombreux écrits montrent que de nombreux soldats étaient conscient des abominations qu’ils commettaient (comment ne pas l’être en fracassant des nourrissons contre un mur…).
Ma concession au principe de l’égoïsme humain fondamental réside en ce point. Je peux admettre que dans des situations extrêmes, l’individu shunte le circuit de réflexion égotique pour une sorte d’état second où l’action devient de l’ordre du réflexe. Ainsi les soldats de 14-18 ne se sont pas massivement mutinés face aux ordres absurdes, ainsi les soldats allemands commettant les atrocités sans mot dire, ainsi les juifs ne s’étant pas (ou si peu) révoltés dans les camps. Mon point de vue est que ces situations, où l’humain déroge à son égo, n’ont rien à voir avec une action consciente, et a fortiori rien à voir avec l’amour d’un drapeau ou autre. En somme, les conditions inhumaines entrainent à terme la déshumanisation de celui qui y est soumis. Et avec la disparition de l’être humain disparait l’ego.
@ Pierre
[Je n’ai décidément aucune volonté. C’est malheureux. Mais votre dernier commentaire me force à vous poser quelques questions.]
Voilà pourquoi je n’ai pas commenté vos déclarations comme quoi c’était votre dernière intervention dans cette discussion. Je sais bien qu’une fois qu’on a attrapé le virus du débat, celui-ci ne vous lâche pas facilement…
[Je vous rejoins sur cette formulation: être propriétaire d’un capital donne un droit à en toucher des revenus. Mais c’est un mensonge par omission que de ne pas signaler qu’il expose aussi au risque de dévaluation du capital, ou de devoir rajouter au pot en cas de déficit.]
Je ne vois pas pourquoi. Serait-il « mentir par omission » de dire que celui qui achète une maison a le droit d’en percevoir le loyer, sans préciser qu’un incendie peut la détruire ? Je ne le pense pas.
[Ma question est: que vous inspire cette situation quant aux notions de prise de risque d’un investisseur, et de la pression du résultat qui en découle ?]
Et bien, je fais le raisonnement suivant : si la situation de l’investisseur était si terrible, si le rapport coût/avantages du capitaliste était si mauvais, pourquoi ne devient-il pas salarié ? Il lui suffirait de faire donation de son capital à la fondation charitable de son choix, et il serait ramené à la situation de ses propres salariés. Pourquoi, si les contraintes sont si grandes et les résultats si maigres, il y a si peu de capitalistes qui choisissent cette voie, à votre avis ?
Dans votre raisonnement, vous exposez les affres du capitaliste, mais vous ne comparez pas avec les affres du salarié… Par exemple, que sont devenus les travailleurs de l’abattoir de votre exemple qui ont du quitter « volontairement » l’entreprise ?
[Question subsidiaire: pensez-vous qu’un investisseur public puisse investir la même quantité d’énergie (= 30 heures sup non rémunérées/semaine pendant 6 mois) pour sauver une entreprise dès lors que l’intéressement tout comme le risque personnel ne rentrent pas en jeu dans sa motivation ?]
Bien sur. Allez travailler avec un préfet, et vous verrez ce que c’est une consécration absolue à une fonction, pour une rémunération sans aucune comparaison avec celle d’un chef d’entreprise, avec des horaires dingues et une prise de risques bien plus réelle que celle de n’importe quel chef d’entreprise. Pensez à Claude Erignac, par exemple… vous croyez qu’il se faisait rémunérer les heures supplémentaires ?
Vous avez tort de croire que « l’intéressement » soit le seul moteur de l’action humaine. Le secteur privé est obligé d’y avoir recours précisément parce qu’il peine à donner à l’engagement un autre sens que celui de gagner de l’argent. Mais le secteur public a de ce point de vue un avantage : il a derrière lui la mystique de l’intérêt général, du moins aussi longtemps que les citoyens la reconnaissent.
[Et une dernière chose, pour ma culture. Pouvez-vous me donner le nom de quelques entreprises déficitaires qu’une action publique a permis de faire repasser en positif de manière pérenne et sans la rendre dépendante aux aides d’état ?]
L’exemple le plus dramatique est bien entendu EDF, qui en 1945 a repris une foule d’entreprises de production et de distribution d’électricité qui pour la plupart battaient de l’aile, et qui depuis verse ponctuellement des dividendes dans les caisses de l’Etat. Henri Proglio, en qui on peut difficilement voir un grand étatiste, avait même été jusqu’à dire « EDF est une entreprise soviétique qui a réussi ».
L’Etat, en vertu d’une jurisprudence très ancienne, ne saurait fausser le jeu de la concurrence, et ne peut donc intervenir que dans les domaines où l’initiative privée est défaillante. Il est donc cantonné à intervenir dans des activités très peu ou pas rentables, ou avec des sujétions particulières. Difficile dans ces conditions d’imaginer qu’on puisse voir beaucoup de services publics « passer en positif de manière pérenne » sans subvention, et sans que ce fait puisse être considéré comme un indice de mauvaise gestion.
[Mais pourquoi cette valeur ne pourrait elle pas être VARIABLE pour un objet donné ?]
Si elle est « variable pour un objet donné » en fonction d’une cause extérieure, alors elle ne réside pas dans l’objet lui-même. Imaginez-vous une bouteille de vin dont le volume serait « variable » en fonction de la demande du consommateur. On ne pourrait pas dire que le contenu est une caractéristique de la bouteille…
[Le processus de production conférant à l’objet sa QUALITE d’ « objet de valeur », le consommateur lui conférant sa « QUANTITE » de valeur. Vous voyez où je veux en venir ?]
Oui, à une pirouette sémantique. La « valeur » est, par définition, une « quantité », et non pas une « qualité ». J’ajoute que dans la vision « subjective », un objet peut être « de valeur » sans nécessairement avoir été produit…
[Pour notre machine à rêves, sa valeur serait simplement d’1 euro à l’instant T pour une personne donnée. Et cette valeur peut tout à fait être de 300 euros pour son voisin au même instant T.]
Et la valeur ne réside donc pas dans l’objet. Au moment où il est produit, il n’a aucune « valeur » puisque vous ne l’avez pas confronté au regard du consommateur. Ce n’est donc pas le processus de production qui lui confère sa valeur. Et le travail ne peut donc pas être source de valeur. Vous revenez toujours au même problème : si le travail est source de valeur, alors la valeur est « objective ». Si vous voulez adopter la vision « subjective », alors il faut vous résigner à abandonner la conception ricardienne de la valeur travail.
[Cette « quantité de valeur », attribuée de manière subjective (propre au besoin de chaque individu à un instant T) n’a strictement rien à voir avec le prix, nous sommes d’accord. La valeur d’une merdouille en plastique bas de gamme made in china est nulle à mes yeux, mais son prix est pourtant bien différent…]
Là, vous entrez dans une nouvelle contradiction. Si la valeur est subjective, comment voulez vous la mesurer sinon à partir de ce qu’un individu est prêt à payer pour le bien en question ? Et le fait que la valeur d’une « merdouille en plastic made in china » soit nulle à vos yeux n’implique pas qu’elle soit nulle en général. Si une merdouille en plastic se vend à 10 €, c’est qu’il y a des gens qui sont prêts à payer 10 € pour elle, c’est-à-dire, des gens pour qui la « valeur » du bien est supérieure à 10 €.
[En quoi cette théorie est elle fausse ? Il me semble qu’elle élimine le coté « virtuel » de la théorie subjective pure (le consommateur créant de la valeur fondée sur du vent, comme notre machine à rêves) et le coté « absolutiste » de la théorie classique pure…]
Elle est « fausse » en ce qu’elle est contradictoire. Vous semblez accepter qu’il existe une valeur « objective » (liée à la manière dont l’objet est produit) mais en même temps – comme dirait notre président – vous déclarez que « pour vous » un objet qui se vend cher pourrait ne pas avoir de valeur, ce qui suppose que la valeur est subjective et dépend non du processus de production mais du regard du consommateur…
[« Non. C’est au stade du processus de production que la valeur est créée. Si le bien, au lieu d’être vendu, est stocké, il a une valeur quand même. Aucune « confrontation » n’est nécessaire pour créer de la valeur. » Donc, un processus de production, quelqu’il soit, même ne répondant à aucune demande serait automatiquement créateur de valeur dans le modèle classique ? Sinon, qui arbitre ?]
Les processus de production ne sont pas aveugles : ils cherchent à satisfaire des besoins. En d’autres termes, se poser la question de la valeur d’un objet inutile ne se pose pas. Un objet inutile ne serait pas produit. S’interroger sur sa valeur c’est un peu comme s’interroger sur le prix d’un œuf pondu par un coq.
[J’ai l’impression que votre processus de réflexion sur ce débat est parasité par une posture idéologique. Il me semble que vous n’avez pas envie d’envisager certaines possibilités parce qu’elles vous sont désagréables.]
Mais… n’est ce pas le cas de tout le monde ? Vous vous croyez exempt de tout biais idéologique, vous ? Si c’est le cas, je vous plains… 😉
Soyons sérieux : non seulement un processus de réflexion est TOUJOURS parasité par une « posture idéologique », mais j’irais même plus loin : c’est une posture idéologique qui rend possible un processus de réflexion. Pour pouvoir penser, il faut un cadre d’interprétation du réel, et ce cadre constitue une idéologie. Je ne prends donc pas votre remarque comme une attaque, mais comme une constatation évidente. On ne peut s’affranchir d’une idéologie. Tout au plus, on peut être modeste en acceptant que le cadre de référence qu’on adopte soi-même n’est qu’un cadre parmi d’autres possibles. Et d’accepter que certains désaccords tiennent non pas à ce que le raisonnement de l’autre est faux, mais à ce qu’il est fait dans un cadre de référence différent.
[Et au passage, vous semblez suggérer que, parce que je postule par exemple, que les fondements du capitalisme ont accompagné l’homme depuis toujours, j’APPROUVE ce principe de fonctionnement.]
Si j’ai donné cette impression, je m’en excuse. Ce n’était nullement mon intention. Ce que j’ai voulu souligner, c’est que l’argument que vous utilisez, celui de la « naturalité » du capitalisme, aboutit à la conclusion qu’il n’y a au fond pas d’alternative à celui-ci. Un argument très utilisé par ceux qui « approuvent » ce principe de fonctionnement…
[C’est une chose qui pourra sembler étrange à bien des gens, mais c’est ainsi. Je ne donne pas un blanc-seing aux principes fondamentaux du capitalisme, mais je pense qu’on ne PEUT PAS fonctionner autrement de manière démocratique. Ça n’a rien de contradictoire. Tout comme je pense qu’on ne PEUT PAS échapper à la mort, pour autant je n’envisage pas cette option avec enthousiasme. C’est comme ça, c’est ça ou rien.]
Pourtant, il y a bien une contradiction. Si vous pensez que vous ne pouvez pas échapper à la mort, alors la question de juger si la mort est « bonne » ou « mauvaise » disparaît. C’est comme discuter s’il est bon ou mauvais que le soleil se lève à l’Est. En d’autres termes, en « naturalisant » le capitalisme, vous vous interdisez de le critiquer. A quoi sert de critiquer la mort, puisqu’il n’y a pas d’alternative ?
Par ailleurs, je ne partage pas votre position. Pour moi, le capitalisme est un mode de production, qui se caractérise par la manière dont les facteurs de production que sont le travail et le capital sont associés. Il y a eu d’autres modes de production avant, il y en aura d’autres après. Cela n’a aucun rapport avec le « fonctionnement démocratique », dont par ailleurs il serait intéressant de donner une définition dans le contexte capitaliste…
[Et dans le cas de l’esclave, quelle est l’origine des revenus qui permettent au propriétaire de l’esclave malade de le nourrir, si ce n’est le travail des autres esclaves de l’exploitation ? J’attend votre réponse avec impatience….]
La réponse est assez évidente, du moins si on se tient à la vision « objective » de la valeur. Dans la mesure où le travail est la seule source de valeur, la nourriture de l’esclave malade incapable de travailler ne peut venir que du travail des autres esclaves. La différence par rapport au salarié, c’est que le maitre d’esclaves a un intérêt à soigner l’esclave malade, alors que le capitaliste qui achète la force de travail n’en a aucun. L’esclave qui meurt est une perte pour son propriétaire. L’ouvrier qui meurt est substitué par un autre ouvrier sans que le capitaliste ne souffre le moindre inconvénient.
Contrairement à ce qu’on croit souvent, l’esclavagisme protégeait plus efficacement la santé de l’esclave que le capitalisme celle de l’ouvrier. C’est un peu comme avec un appartement : qui le maintient en meilleur état, un propriétaire ou un locataire ?
[Je pense qu’il est bien délicat d’en parler depuis notre confortable époque. Cependant, il me semble que la perspective de la désertion est bien plus compliquée que ce que vous semblez penser. Le déserteur ne pouvait pas rentrer chez lui, ou à grand risque, sous peine de se voir « cueillir » et exécuter, donc pas revoir ses proches, subsister dans un maquis, en volant sa nourriture, être marqué à tout jamais du déshonneur vis-à-vis de ses pairs.]
Ce qui, vous me l’accorderez, est peut-être désagréable mais beaucoup moins que d’être mort, si vous voyez ce que je veux dire. Le déserteur sait que son état est temporaire. Alors que quand on est mort, c’est pour longtemps.
[Une vie de traqué. Personnellement, j’aurais choisi les tranchées, même sans mettre le drapeau dans l’équation.]
« Une vie » ? Comme vous y allez… n’importe qui sait que les guerres modernes ne durent pas longtemps. Et qu’une fois la paix revenue, on n’exécute plus les déserteurs. Par ailleurs, la désertion prescrit assez rapidement. Et franchement, entre passer dix ans au Brésil ou en Australie et passer quelques mois dans les tranchées avec une mort probable à la clé… si l’on ne met pas le drapeau dans l’équation, je sais ce que je choisirais.
[Je pense que vous mélangez encore égoïsme et égocentrisme. Et que vous n’arrivez pas à intégrer qu’un INTERET peut être de toute nature. Y compris intellectuel.]
Je pense que vous avez une certaine tendance à étendre indéfiniment les concepts, et que du coup vous tombez dans des truismes. Si tout peut être « intérêt », dire que l’intérêt guide les actions humaines devient une lapalissade.
Soyons précis : la notion d’intérêt se rattache à l’obtention d’un avantage matériel, qu’il soit direct (argent, biens, services, etc.) ou indirect (un prestige, une réputation, un statut qui eux même se traduisent ensuite par un avantage matériel). Il faut donc accepter que l’intérêt n’est pas le seul moteur des actions humaines. L’amour, par exemple, n’est pas un « intérêt ».
[Le gréviste va rapporter la situation à lui, pour prendre une décision qui sera le plus en adéquation avec sa propre vision des choses, sa subjectivité personnelle. « La situation ME semble injuste, A MOI, selon MON opinion des choses. JE ne peux pas tolérer ça. Il M’est, A MOI, insupportable de voir MES collègues dans cette situation. »]
Peut-être. Mais cette « subjectivité » ne constitue pas un « intérêt ».
[Je pars de la base. Je postule que tout un chacun raisonne par rapport à lui. Son ressenti. Sa vision des choses. Selon ses centres d’intérêt, ou pour éviter des conséquences néfastes. A court terme pour les idiots, à long terme pour les gens intelligents.]
Sauf que « le ressenti », « la vision des choses » ne sont guère individuels. Ce sont au contraire des constructions sociales. Si nous ne mangeons pas les cadavres humains – alors que nous mangeons les cadavres d’autres animaux – ce n’est pas parce qu’il y ait quelque chose d’individuel qui nous l’interdise. C’est une construction sociale qui fait qu’une telle pratique nous apparaît répugnante. Paradoxalement, ce qu’il y a de plus « individuel » chez nous, ce sont nos « intérêts »…
[Je postule que ces gens votent ensuite en leur âme et conscience pour élire un personnel politique qui légifère sur ces points qui préoccupent personnellement les citoyens, et qu’en découlent des lois qui sont en accord avec les préoccupations égoïstes, et non égocentristes (encore que la dérive pour advenir si l’on n’y prend garde) de la majorité.]
Vous répétez cette affirmation, mais ne répondez pas aux contre-exemples. En quoi l’interdiction de manger des cadavres, de vendre des organes ou de se marier entre frères satisfont « les préoccupations égoïstes » des citoyens ?
[Vous mélangez encore et encore égoïsme et égocentrisme.]
Pourriez-vous définir ces deux termes et expliquer en quoi je « confondrait » l’un avec l’autre ?
[Posez la question autour de vous (pour la vente d’organe). Peu importe la réponse, ce n’est pas le sujet. Par contre, demandez la RAISON de cette réponse. Ce qui compte c’est POURQUOI Untel exprime telle opinion. Et vous verrez que chacun argumente en se référant à SON ressenti, et pas à celui du voisin.]
Là, j’ai l’impression que vous confondez « égoïste » et « personnel ». Que les gens vous répondent en fonction de leur ressenti fait que la réponse soit « personnelle », mais en rien « égoïste ».
[Je vous met au défi de me trouver quelqu’un qui vous dise, « MOI, JE trouve que le commerce des organes est quelque chose d’absolument DEGUEULASSE, car JE sais, JE suis CONSCIENT que ce sont les plus pauvres qui vont encore morfler,]
Pourtant, c’est la réponse la plus courante que j’obtiens quand je pose la question. Je pense que vous oubliez un point important dans votre analyse. Même lorsque les gens assument une attitude véritablement « égoïste », ils cherchent à la justifier par un argument altruiste. Et cela ne date pas d’hier…
[Ma concession au principe de l’égoïsme humain fondamental réside en ce point. Je peux admettre que dans des situations extrêmes, l’individu shunte le circuit de réflexion égotique pour une sorte d’état second où l’action devient de l’ordre du réflexe.]
Votre point est très intéressant. Mais le problème avec votre conclusion c’est que ce « shunt de la réflexion égotique » n’est pas seulement présent dans des « situations extrêmes ». C’est au contraire un fonctionnement de tous les jours. Nous obéissons quotidiennement à des ordres qu’on pourrait qualifier « d’absurdes » du moins de notre point de vue « égotique ». Nous faisons quotidiennement des choses qui, d’un simple point de vue individuel, nous coutent cher et ne nous rapportent rien.
J’ai l’impression que pour vous seul le moi existe. Le surmoi est aux abonnés absents. Et du coup, vous voyez dans la dérogation à l’égo une « déshumanisation ». Pour moi c’est tout le contraire : la dérogation à l’égo est la preuve de notre humanité. Nous sommes le seul animal sur terre ou presque à le faire…
@ Descartes
((((Je ne vois pas pourquoi. Serait-il « mentir par omission » de dire que celui qui achète une maison a le droit d’en percevoir le loyer, sans préciser qu’un incendie peut la détruire ? ))))
Oui, c’est un mensonge par omission quand on est dans le cadre d’une CRITIQUE, autrement dit, au sens non péjoratif du terme, d’une ANALYSE du sujet. Si vous critiquez le capitalisme, le faire en n’énonçant que les éléments à charge est fallacieux. Il y a parti pris. D’autant que toute argumentations bien plus convaincante (pour les gens doués de réflexion) à partir du moment où elle n’est pas manichéenne. Evoquer les risques et les bénéfices d’une situation et montrer que les bénéfices sont supérieurs, voilà ce qui fait sens.
((((Et bien, je fais le raisonnement suivant : si la situation de l’investisseur était si terrible, si le rapport coût/avantages du capitaliste était si mauvais, pourquoi ne devient-il pas salarié ?))))
Parce que c’est aussi terriblement intéressant sur le plan humain de d’entreprendre. Et de tout temps des hommes ont eu l’appétit de relever des défis. A vous entendre, tout le monde pourrait se satisfaire d’une vie de salarié. J’en connais quelques-uns qui ont quitté cette vie confortable de salarié hautement qualifié pour monter une boite ou faire le tour du monde….
((((Dans votre raisonnement, vous exposez les affres du capitaliste, mais vous ne comparez pas avec les affres du salarié… Par exemple, que sont devenus les travailleurs de l’abattoir de votre exemple qui ont du quitter « volontairement » l’entreprise ? ))))
Sur la dizaine de personnes qui ont dû partir, il semble me souvenir que quelques-un sont partis en préretraite, et les autres ont fait une reconversion. L’un d’entre eux a pris un emploi de chauffeur routier. Les autres je ne sais plus. Toujours est-il qu’il n’y a pas eu de conflit avec les syndicats de l’entreprise.
Par ailleurs, quand je vous dit que la boite était au bord de la faillite, ce n’est pas une image. Sans repreneur (et il n’y avait pas d’autres candidats, c’est pourquoi la personne s’est lancée), c’était dépôt de bilan et une centaine de personnes au chômage.
((((Le processus de production conférant à l’objet sa QUALITE d’ « objet de valeur », le consommateur lui conférant sa « QUANTITE » de valeur. Vous voyez où je veux en venir ?] Oui, à une pirouette sémantique. La « valeur » est, par définition, une « quantité », et non pas une « qualité ».))))
« Par définition » pour les tenants de la corde objectiviste, qui, si j’ai bien suivi, estiment la valeur d’un bien à ses coûts de production. Pour les tenants de la corde subjectiviste la valeur est une « qualité », c’est objet de désir. Du moment que l’on fait l’effort de ne pas confondre prix et valeur, ce qui, je l’imagine ne va pas de soi pour tout le monde.
Mais ce que je ne comprend pas c’est pourquoi imposer ce cloisonnement strict. Dans les faits, à l’exception de quelques domaines particuliers, nous serons d’accord pour dire que le PRIX d’un bien est fixé selon un compromis entre la théorie objectiviste (c-a-d son cout de production) ET de la théorie subjectiviste (ce que les gens sont prêt à payer pour obtenir le bien). Attention, je ne dis pas que c’est bien ou mal, mais c’est comme cela que ça se passe, non ?
Dès lors, pourquoi ne pas accepter l’hybridation des théories, si c’est conforme au réel ?
((((Elle est « fausse » en ce qu’elle est contradictoire. Vous semblez accepter qu’il existe une valeur « objective » (liée à la manière dont l’objet est produit) mais en même temps – comme dirait notre président – vous déclarez que « pour vous » un objet qui se vend cher pourrait ne pas avoir de valeur, ce qui suppose que la valeur est subjective et dépend non du processus de production mais du regard du consommateur…))))
Vous me permettrez alors d’acter notre désaccord et d’assumer cette manière « contradictoire » (je dirais plutôt « équilibriste ») de voir les choses. A moins que vous n’arriviez à me convaincre du contraire, mais ce serait déjà fait.
((((Les processus de production ne sont pas aveugles : ils cherchent à satisfaire des besoins. En d’autres termes, se poser la question de la valeur d’un objet inutile ne se pose pas. Un objet inutile ne serait pas produit. S’interroger sur sa valeur c’est un peu comme s’interroger sur le prix d’un œuf pondu par un coq.))))
Sous cet aspect, comment appréhendez-vous la notion d’échec commercial ? On voit régulièrement des naufrages industriels, avec des produits qui ne trouvent jamais leur public, alors qu’ils ont demandé des couts de productions faramineux. J’ai l’exemple des Google Glass en tête. Ici, le processus de production n’est cette pas aveugle, mais il a eu une hallucination: il a crû voir un marché qui s’est avéré inexistant.
En définitive, si je vous suis, du point de vue objectiviste, on peut dire la « valeur » des Google glass est établie et quantifiable en fonction de ses couts de productions. Et si Samsung, demain, sort un produit équivalent mais bien mieux conçu et plus abordable, selon le point de vue objectiviste, où la valeur n’est aucunement pondérée par la vision du consommateur, les Google Glass obsolètes et invendables garderont la même valeur.
Permettez-moi de voir dans cette situation déconnectée du réel un motif à réfuter la pertinence du modèle objectif exclusif.
Ou alors je rate quelque chose.
((((Tout au plus, on peut être modeste en acceptant que le cadre de référence qu’on adopte soi-même n’est qu’un cadre parmi d’autres possibles. Et d’accepter que certains désaccords tiennent non pas à ce que le raisonnement de l’autre est faux, mais à ce qu’il est fait dans un cadre de référence différent.))))
Vous dites que l’on peut « tout au plus » accepter l’existence d’autres cadre. Je ne suis pas d’accord. On peut aussi, et c’est là que porte ma critique sur votre mode de raisonnement, avoir un certain degré d’ouverture, autrement dit accepter d’intégrer à notre propre cadre des éléments extérieurs qui nous seraient présentés de manière convaincante.
Votre vision des choses, absolutiste comme toujours, mène à penser que vous estimez avoir fait le tour de toutes les questions, et d’y avoir trouvé toutes les réponses, de telle sorte qu’un avis divergent représente au mieux pour vous un « exotisme »… C’est là que je vous jette la pierre.
((((Pourtant, il y a bien une contradiction. Si vous pensez que vous ne pouvez pas échapper à la mort, alors la question de juger si la mort est « bonne » ou « mauvaise » disparaît. ))))
Il est étrange que vous me parliez de contradiction alors que votre phrase est un modèle du genre. Si je pars du postulat que VOUS savez que, par exemple, votre épouse, ou votre mère va mourir. Tôt ou tard. (j’espère ne rien vous apprendre, et j’espère surtout qu’elle n’est pas déjà morte, sinon je vous prie d’accepter mes plates excuses), est-ce que vous aurez l’audace de me soutenir que les conséquences ne seront ni bonnes ni mauvaises de VOTRE point de vue ?
Je vous vois venir à 100 mètres avec vos gros souliers objectivistes. Mais je ne doute pas que vous les quitterez quand la situation se présentera.
Condoléances.
(((( Pour moi, le capitalisme est un mode de production, qui se caractérise par la manière dont les facteurs de production que sont le travail et le capital sont associés. ))))
Première phrase relativiste que j’entend sorti de votre plume depuis le début de l’échange 😉 ça fait du bien.
((((( La différence par rapport au salarié, c’est que le maitre d’esclaves a un intérêt à soigner l’esclave malade, alors que le capitaliste qui achète la force de travail n’en a aucun. L’esclave qui meurt est une perte pour son propriétaire. L’ouvrier qui meurt est substitué par un autre ouvrier sans que le capitaliste ne souffre le moindre inconvénient.
Contrairement à ce qu’on croit souvent, l’esclavagisme protégeait plus efficacement la santé de l’esclave que le capitalisme celle de l’ouvrier. C’est un peu comme avec un appartement : qui le maintient en meilleur état, un propriétaire ou un locataire ? ))))
Vous êtes d’un manichéisme qui, en toute franchise, me terrifie. Vraiment. (Je suis locataire soigneux et je connais pleins de proprios qui vivent dans des taudis en ruine).
((((Ce qui, vous me l’accorderez, est peut-être désagréable mais beaucoup moins que d’être mort, si vous voyez ce que je veux dire.))))
Je suis heureux d’apprendre que vous n’avez aucun suicidé permis vos proches.
(((( n’importe qui sait que les guerres modernes ne durent pas longtemps )))
Argument du pure mauvaise foi. Ou alors la guerre de 14 n’était pas la première guerre moderne selon vous ?
((((Et franchement, entre passer dix ans au Brésil ou en Australie et passer quelques mois dans les tranchées avec une mort probable à la clé… ))))
Au brésil… en 14…
Vos sources svp.
((((Je pense que vous avez une certaine tendance à étendre indéfiniment les concepts, et que du coup vous tombez dans des truismes. Si tout peut être « intérêt », dire que l’intérêt guide les actions humaines devient une lapalissade. ))))
J’étend les concepts aussi loin que ceux-ci me permettent des les étendre sans les contredire.
Vous parlez de truisme et de lapalissade alors que vous m’avez dénié ce point jusqu’au bout… paradoxe. Je reformule légèrement votre assertion cependant, pour plus de clarté: si tout peut être « intérêt », dire que l’intérêt guide les actions humaines INDIVIDUELLES est une lapalissade.
Mais ce qui semble en effet être un truisme pour une majorité de gens, j’ai trouvé nécessaire de vous le rappeler. Pourquoi ? Parce que l’histoire de votre parti (vous êtes encore au PCF ?) est impliqué dans la plus grande dénégation de ce truisme que l’humain ait connu, en ayant tenté, avec des intentions de départ tout à fait nobles et défendables, de substituer à l’intérêt individuel (donc à l’égoïsme) un intérêt commun « supérieur ».
Il ne s’agit pas d’une attaque ad hominem. Je ne fais pas l’amalgame entre l’impulsion de départ et le naufrage qui suit. Et plus étonnant encore, je ne jette pas l’opprobe sur le communisme.
Simplement, et comme pour toutes mes prises de position, je suis nuancé. Et je considère, comme vous l’avez si bien dit plus haut, que les secteurs d’activité « non rentables à court terme » (santé, éducation, justice, police…) ainsi que certains secteurs stratégiques doivent être socialisés. Et c’est un large débat que de les déterminer.
Encore une fois je crains que votre vision absolutiste des choses ne s’en voit froissée, mais je considère que le communisme absolu est un déni de nature humaine. A MOINS que l’ensemble des citoyens ne reconnaisse dans un tel système son propre intérêt individuel dans la durée, auquel cas le modèle théorique devient stable…. Mis à part le fait que j’évoquais en début de message: l’être humain a besoin de défis. C’est ancré dans nos gènes. Et si la mise en place d’un système socialiste absolu en présente un de taille qui a sû motiver des millions de personnes, le faire subsister sur la durée est une tâche d’une tout autre ampleur.
D’une certaine manière, une société « à la française » poussée à son paroxysme alliant capitalisme et communisme permet d’avoir le meilleur des deux monde: la socialisation des entreprises liées à la subsistance de chacun couplée avec une « zone de liberté » faisant office de soupape.
Subtil équilibre. Mais c’est mon idéal.
Je vais faire un aparté biblique. Je ne suis pas croyant, mais un texte en particulier est très parlant, y compris pour les athées. Il s’agit de la situation d’Adam et Eve dans le jardin d’Eden. Que dit ce texte en substance, si l’on enlève le « folklore » imagé du serpent et de la pomme ?
En somme, il postule que vous aurez beau mettre l’être humain idéal dans des conditions idéales, à l’abris du besoin et de toute préoccupation, il va se débrouiller pour apporter le chaos, parce qu’il porte le chaos EN LUI.
Beaucoup de gens pensent que le serpent est une créature étrangère à Eve. Mais si tout le monde possède son petit « ange gardien », tout le monde possède aussi son « petit démon» , et tôt ou tard sa voix se fait entendre. Et plus l’être humain s’ennuie, plus il entend la voix de l’audace, de la curiosité, de l’irrationnalité lui parler.
(((([Le gréviste va rapporter la situation à lui, pour prendre une décision] Peut-être. Mais cette « subjectivité » ne constitue pas un « intérêt ». ))))
Bien sûr que si. Vous admettrez que s’il fait grève, c’est que la situation l’INTERESSE. Si la situation lui était indifférente, il s’abstiendrait.
Et si la situation l’intéresse, il y trouve un intérêt. Ça, c’est un vrai truisme, encore un que je dois vous rappeler ;-).
Vous pourrez prétendre que je fais des pirouettes dialectiques, néanmoins si les mots ont des racines communes ce n’est pas pour rien.
[Vous mélangez encore et encore égoïsme et égocentrisme.]
Pourriez-vous définir ces deux termes et expliquer en quoi je « confondrait » l’un avec l’autre ?
L’égoïste rapporte tout à lui, mais c’est une affaire personnelle. Ses action servent son intérêt, matériel, ou moral, ou intellectuel, a plus ou moins long terme en fonction des gens, in-extenso de leur degré de réflexion, et des situations. Il fait les choses soit parce qu’elles l’INTERESSENT, soit parce qu’il s’évite un désagrément en faisant une action qui ne l’intéresse pas directement. Il va alors peser le pour et le contre pour choisir la situation qui lui sera la moins préjudiciable. Ce processus n’est évidement pas exempt d’erreur.
En résumé, il retire un BENEFICE matériel, intellectuel ou moral dans chaque action qu’il fait. Ce bénéfice est PERSONNEL.
L’égocentriste veut que tout tourne autour de lui. Il exige que les préoccupations de ses pairs soient orientés non pas vers leurs propres individualités mais vers la sienne.
L’égoïste s’assume en tant qu’individualité unique et particulière, ce qui n’est pas contradictoire avec la présence d’égaux à ses cotés. L’égocentriste s’imagine centre du monde, autrement dit supérieur à ses prochains.
Trivialement on pourrait dire que l’égoïste est une étoile dans un univers peuplé d’étoiles. L’égocentriste se rêve être une étoile dans un univers peuplé de planètes tournant autour de lui.
((((([Je vous met au défi de me trouver quelqu’un qui vous dise, « MOI, JE trouve que le commerce des organes est quelque chose d’absolument DEGUEULASSE, car JE sais, JE suis CONSCIENT que ce sont les plus pauvres qui vont encore morfler,] Pourtant, c’est la réponse la plus courante que j’obtiens quand je pose la question. )))))))
Vous êtes drôlement culotté d’amputer ma question de sa moitié la plus cruciale pour prétendre me contredire.
((((Nous faisons quotidiennement des choses qui, d’un simple point de vue individuel, nous coutent cher et ne nous rapportent rien.))))
Exemple(s) ?
(((((J’ai l’impression que pour vous seul le moi existe. Le surmoi est aux abonnés absents. Et du coup, vous voyez dans la dérogation à l’égo une « déshumanisation ». Pour moi c’est tout le contraire : la dérogation à l’égo est la preuve de notre humanité. Nous sommes le seul animal sur terre ou presque à le faire…))))
Fourmis. Abeilles. Saumons. Araignées. Je ne suis pas très calé en sociologie animale mais j’ai déjà ces 4 exemples à brûle pourpoint…
@ Pierre
[Oui, c’est un mensonge par omission quand on est dans le cadre d’une CRITIQUE, autrement dit, au sens non péjoratif du terme, d’une ANALYSE du sujet. Si vous critiquez le capitalisme, le faire en n’énonçant que les éléments à charge est fallacieux. Il y a parti pris.]
Je ne suis pas d’accord. Parler du capitalisme sans évoquer le fait qu’un capitaliste peut toujours être foudroyé ou être victime d’une chute de météorite n’a rien de « fallacieux ». S’il est possible qu’un capitaliste perde son capital, le fait est rare et le système est construit sur le fait que le capitaliste qui perd son capital est l’exception, et non pas la règle. Oui, on doit trouver des anciens actionnaires majoritaires des entreprises du CAC40 aux restaurants du cœur. Mais ils sont l’exception, et non la règle. Et il n’y a aucune « malhonnêteté » à décrire un processus sans rentrer dans les exceptions.
[D’autant que toute argumentations bien plus convaincante (pour les gens doués de réflexion) à partir du moment où elle n’est pas manichéenne. Evoquer les risques et les bénéfices d’une situation et montrer que les bénéfices sont supérieurs, voilà ce qui fait sens.]
Quand les bénéfices sont immenses et les risques infimes, on ne fait pas d’erreur en se concentrant sur les premiers et en faisant abstraction des seconds.
[« Et bien, je fais le raisonnement suivant : si la situation de l’investisseur était si terrible, si le rapport coût/avantages du capitaliste était si mauvais, pourquoi ne devient-il pas salarié ? » Parce que c’est aussi terriblement intéressant sur le plan humain de d’entreprendre. Et de tout temps des hommes ont eu l’appétit de relever des défis. A vous entendre, tout le monde pourrait se satisfaire d’une vie de salarié.]
Mais… c’est vous-même qui m’avez proposé ce raisonnement, à la fin de votre papier précédent. Parlant des « investisseurs publiques », vous écriviez : « Question subsidiaire: pensez-vous qu’un investisseur public puisse investir la même quantité d’énergie (= 30 heures sup non rémunérées/semaine pendant 6 mois) pour sauver une entreprise dès lors que l’intéressement tout comme le risque personnel ne rentrent pas en jeu dans sa motivation ». Si entreprendre est « terriblement intéressant » sur le plan humain, au point qu’un homme puisse être motivé pour devenir entrepreneur alors que matériellement la condition de celui-ci est moins bonne que celle du salarié, ce raisonnement devrait aussi s’appliquer à « l’entrepreneur public », non ? Pourtant, vous sembliez indiquer que dès lors que « l’entrepreneur public » n’est pas « intéressé » au résultat de l’entreprise, il ne serait pas prêt à faire les sacrifices que la condition d’entrepreneur implique…
Et accessoirement, si je suis votre raisonnement – qui pour simplifier expose que l’entrepreneur est mu par « l’intérêt humain » et non par l’intérêt matériel – il faudrait faire fi de tous les discours selon lesquels le système fiscal décourage les entrepreneurs. Si entreprendre est « terriblement intéressant sur le plan humain », alors les entrepreneurs devraient être prêts à payer pour entreprendre…
[J’en connais quelques-uns qui ont quitté cette vie confortable de salarié hautement qualifié pour monter une boite]
Ce qui tendrait à prouver que la position du capitaliste est enviable par rapport à celle de salarié, et non l’inverse… parce qu’à ma connaissance, personne ne quitte « une vie confortable de capitaliste » pour devenir salarié, à moins d’y être obligé.
[Sur la dizaine de personnes qui ont dû partir, il semble me souvenir que quelques-un sont partis en préretraite, et les autres ont fait une reconversion. L’un d’entre eux a pris un emploi de chauffeur routier. Les autres je ne sais plus. Toujours est-il qu’il n’y a pas eu de conflit avec les syndicats de l’entreprise.]
La question n’est pas de savoir s’il y a eu conflit – mais quel a été leur sort. Si je comprends bien, votre ami jouit maintenant des profits de l’entreprise qu’il a repris. Je me demandais de quel type de « profits » jouissent les travailleurs de l’entreprise en question qui ont « dû partir » – bel euphèmisme pour « qui ont été licenciés » – pour permettre cette renaissance…
[« La « valeur » est, par définition, une « quantité », et non pas une « qualité ». ». « Par définition » pour les tenants de la corde objectiviste, qui, si j’ai bien suivi, estiment la valeur d’un bien à ses coûts de production.]
Non. C’est d’ailleurs un des rares points sur lesquels objectivistes et subjectivistes sont d’accord : la notion de « valeur » est une notion QUANTITATIVE, puisque son but est de pouvoir comparer une marchandise à une autre en les ramenant à un équivalent universel. J’ajoute que pour les objectivistes, la valeur d’un bien n’est pas liée aux « coûts de production » mais à la quantité de travail nécessaire (réellement nécessaire pour Ricardo, socialement nécessaire pour Marx) pour produire le bien.
[Mais ce que je ne comprend pas c’est pourquoi imposer ce cloisonnement strict. Dans les faits, à l’exception de quelques domaines particuliers, nous serons d’accord pour dire que le PRIX d’un bien est fixé selon un compromis entre la théorie objectiviste (c-a-d son cout de production) ET de la théorie subjectiviste (ce que les gens sont prêt à payer pour obtenir le bien). Attention, je ne dis pas que c’est bien ou mal, mais c’est comme cela que ça se passe, non ?]
Non, ce n’est pas comme cela que ça se passe. Le prix d’un bien est fixé par la confrontation de l’offre et la demande. Un bien rare – un sac Vuitton, mettons – sera vendu très au-dessus du coût de production. La seule chose qu’on puisse dire, c’est que le prix ne peut descendre durablement en dessous du coût de production, pour des raisons évidentes. Mais en dehors de ce plancher, le coût de production n’intervient pas nécessairement dans la formation du prix.
La raison pour laquelle on cloisonne l’idée de « valeur » et celle de « prix » (que les objectivistes appellent « valeur d’échange ») c’est parce qu’on veut comprendre les flux économiques indépendamment d’un marché et d’une économie monétaire. Car une partie très importante, voire majoritaire, du circuit économique échappe au marché. C’est le cas des services publics, c’est aussi le cas de l’économie domestique qui, au cours de l’histoire et dans beaucoup de pays encore aujourd’hui reste dominante.
[Sous cet aspect, comment appréhendez-vous la notion d’échec commercial ? On voit régulièrement des naufrages industriels, avec des produits qui ne trouvent jamais leur public, alors qu’ils ont demandé des couts de productions faramineux.]
Lorsqu’on parle d’un « échec commercial », cela veut dire au fond qu’on ne trouve pas assez de clients prêts à payer le prix demandé pour satisfaire le besoin que le bien en question est censé satisfaire. Mais au départ, le bien considéré satisfait un besoin réel. Il n’est pas totalement inutile. Qu’on puisse se tromper sur l’étendue de la demande pour un bien donné, c’est une chose. Qu’on fabrique quelque chose de totalement inutile pensant le vendre, c’en est une autre.
[En définitive, si je vous suis, du point de vue objectiviste, on peut dire la « valeur » des Google glass est établie et quantifiable en fonction de ses couts de productions.]
Pour être précis, du travail investi dans leur production.
[Et si Samsung, demain, sort un produit équivalent mais bien mieux conçu et plus abordable, selon le point de vue objectiviste, où la valeur n’est aucunement pondérée par la vision du consommateur, les Google Glass obsolètes et invendables garderont la même valeur.]
Si vous êtes « objectiviste » avec un point de vue ricardien, oui. Mais si vous êtes adepte de Marx, non. Pour Marx, la valeur n’est pas la quantité de travail effectivement utilisée dans la production, mais la quantité de travail « socialement nécessaire » – en tenant compte des rapports sociaux et du développement technologique d’une société donnée – pour produire un bien équivalent. En d’autres termes, si Samsung trouve un moyen de produire des lunettes qui feront mieux que les Google Glass en employant moins de travail, la valeur des Google Glass se trouvera diminuée.
[Permettez-moi de voir dans cette situation déconnectée du réel un motif à réfuter la pertinence du modèle objectif exclusif. Ou alors je rate quelque chose.]
Je pense que ce que vous ratez, c’est la correction introduite par Marx au modèle ricardien, qui était lui adapté à une société ou les techniques de production évoluaient très lentement.
[Vous dites que l’on peut « tout au plus » accepter l’existence d’autres cadre. Je ne suis pas d’accord. On peut aussi, et c’est là que porte ma critique sur votre mode de raisonnement, avoir un certain degré d’ouverture, autrement dit accepter d’intégrer à notre propre cadre des éléments extérieurs qui nous seraient présentés de manière convaincante.]
Je n’ai rien contre l’idée que les cadres puissent évoluer, s’enrichir et se compléter avec des éléments nouveaux s’ils sont « convaincants »… à condition de respecter le principe de non-contradiction. C’est d’ailleurs ce que fait Marx lorsqu’il apporte une correction au modèle décrit par Ricardo. Mais on ne peut pas faire une « synthèse » entre deux théories de la valeur – objectiviste et subjectiviste – qui reposent sur des hypothèses exactement opposées.
[« Pourtant, il y a bien une contradiction. Si vous pensez que vous ne pouvez pas échapper à la mort, alors la question de juger si la mort est « bonne » ou « mauvaise » disparaît ». Il est étrange que vous me parliez de contradiction alors que votre phrase est un modèle du genre. Si je pars du postulat que VOUS savez que, par exemple, votre épouse, ou votre mère va mourir. Tôt ou tard. (j’espère ne rien vous apprendre, et j’espère surtout qu’elle n’est pas déjà morte, sinon je vous prie d’accepter mes plates excuses), est-ce que vous aurez l’audace de me soutenir que les conséquences ne seront ni bonnes ni mauvaises de VOTRE point de vue ?]
Ce n’est pas la question. La question est si la mort EN GENERAL – c’est-à-dire le fait de mourir – est bon ou mauvais en lui-même. On ne parle pas ici de la mort de quelqu’un en particulier, où à un instant donné.
[« Pour moi, le capitalisme est un mode de production, qui se caractérise par la manière dont les facteurs de production que sont le travail et le capital sont associés. » Première phrase relativiste que j’entend sorti de votre plume depuis le début de l’échange 😉 ça fait du bien.]
Je ne vois pas ce qu’il y a de « relativiste » là dedans.
[« Contrairement à ce qu’on croit souvent, l’esclavagisme protégeait plus efficacement la santé de l’esclave que le capitalisme celle de l’ouvrier. C’est un peu comme avec un appartement : qui le maintient en meilleur état, un propriétaire ou un locataire ? » Vous êtes d’un manichéisme qui, en toute franchise, me terrifie. Vraiment. (Je suis locataire soigneux et je connais pleins de proprios qui vivent dans des taudis en ruine).]
« Je connais aussi des poissons qui volent, mais ils ne représentent pas la majorité du genre »… En matière sociale, vous trouverez facilement un contre-exemple à chaque affirmation. Mais la question est de savoir si ce contre-exemple est représentatif. Dans l’immense majorité, les propriétaires occupants soignent nettement plus le bien que les locataires. Il y a bien entendu des exceptions.
[« Ce qui, vous me l’accorderez, est peut-être désagréable mais beaucoup moins que d’être mort, si vous voyez ce que je veux dire. » Je suis heureux d’apprendre que vous n’avez aucun suicidé permis vos proches.]
Là encore, vous faites d’une exception marginale un exemple représentatif…
[« n’importe qui sait que les guerres modernes ne durent pas longtemps » Argument du pure mauvaise foi. Ou alors la guerre de 14 n’était pas la première guerre moderne selon vous ?]
Bien sûr que non. 1870 était déjà une « guerre moderne ». Mais même les guerres napoléoniennes n’ont duré en tout et pour tout qu’une dizaine d’années. Pour trouver une guerre plus longue, il faut remonter au règne de Louis XIII. C’est dire que cela ne date pas d’hier…
[« Et franchement, entre passer dix ans au Brésil ou en Australie et passer quelques mois dans les tranchées avec une mort probable à la clé… » Au brésil… en 14…]
Oui, au Brésil. Vous savez, l’Amérique ayant été découverte en 1492, on connaissait le Brésil en 1914. Et si je mentionne ce pays, c’est parce qu’à l’époque il n’avait pas de traité d’extradition avec la France.
[Vos sources svp]
Mes sources de quoi ? De la découverte du Brésil ?
[Mais ce qui semble en effet être un truisme pour une majorité de gens, j’ai trouvé nécessaire de vous le rappeler. Pourquoi ? Parce que l’histoire de votre parti (vous êtes encore au PCF ?) est impliqué dans la plus grande dénégation de ce truisme que l’humain ait connu, en ayant tenté, avec des intentions de départ tout à fait nobles et défendables, de substituer à l’intérêt individuel (donc à l’égoïsme) un intérêt commun « supérieur ».]
Je ne saisis pas très bien le rapport. Quand bien même ce « truisme » serait vrai aujourd’hui – et non, comme je vous l’ai indiqué, un effet de votre tendance à étendre les définitions du mot « intérêt » jusqu’à l’absurde – il resterait à prouver qu’il est vrai universellement, c’est-à-dire, qu’il en sera ainsi pour les siècles des siècles…
L’histoire de « mon parti » (non, je ne suis plus au PCF, mais cela ne me dérange pas que vous m’en attribuez la propriété) se construit justement dans les deux guerres mondiales. Et si ces deux guerres ont prouvé quelque chose, c’est que les hommes pouvaient être guidés par autre chose que leur « intérêt individuel ». Pas étonnant dans ces conditions que le PCF ait un univers mental volontariste. J’ajoute d’ailleurs que le gaullisme repose lui aussi sur une vision du même type…
[Il ne s’agit pas d’une attaque ad hominem. Je ne fais pas l’amalgame entre l’impulsion de départ et le naufrage qui suit. Et plus étonnant encore, je ne jette pas l’opprobe sur le communisme.]
Je vous rassure, je n’ai pas pris cela pour une attaque ad hominem. Juste pour une erreur… 😉
[Simplement, et comme pour toutes mes prises de position, je suis nuancé. Et je considère, comme vous l’avez si bien dit plus haut, que les secteurs d’activité « non rentables à court terme » (santé, éducation, justice, police…) ainsi que certains secteurs stratégiques doivent être socialisés. Et c’est un large débat que de les déterminer.]
Sur ce point, nous sommes d’accord. Mais je pense qu’il y a là deux débats différents. L’un est celui de dire quels sont les secteurs qui doivent être « socialisés » tout simplement parce que le marché ne peut les réguler de manière satisfaisante. L’autre est celui de savoir s’il est juste que, même dans les secteurs ou le marché régule correctement, celui qui possède le capital empoche du simple fait de sa possession une rémunération.
[Encore une fois je crains que votre vision absolutiste des choses ne s’en voit froissée, mais je considère que le communisme absolu est un déni de nature humaine.]
Mais c’est quoi le « communisme absolu » ?
[Mis à part le fait que j’évoquais en début de message: l’être humain a besoin de défis. C’est ancré dans nos gènes. Et si la mise en place d’un système socialiste absolu en présente un de taille qui a sû motiver des millions de personnes, le faire subsister sur la durée est une tâche d’une tout autre ampleur.]
Nous sommes d’accord sur ce point. Mais je suis convaincu qu’on peut produire des « défis » sans pour cela rémunérer le capital. Le « défi » qu’a été par exemple pour EDF la construction du parc nucléaire ou pour le CEA de développer la bombe atomique était enthousiasmant et mobilisateur, et il suffit de discuter avec ceux qui l’ont porté pour le constater. Et pourtant, aucun d’eux n’a reçu plus d’argent pour ses peines…
[« Le gréviste va rapporter la situation à lui, pour prendre une décision] Peut-être. Mais cette « subjectivité » ne constitue pas un « intérêt ». » Bien sûr que si. Vous admettrez que s’il fait grève, c’est que la situation l’INTERESSE. Si la situation lui était indifférente, il s’abstiendrait.]
Je n’admets rien du tout. Je constate qu’il fait grève, et pourtant je ne vois aucun intérêt rationnel à le faire. Je me vois donc obligé à conclure qu’il existe chez l’individu humain des facteurs de décision qui n’ont rien à voir avec se intérêts. Maintenant, si vous voulez jouer sur le mot « intérêt », en disant que puisque je ne suis pas « indifférent » c’est que cela m’intéresse, et que j’ai donc un intérêt, je vous laisse. Les gens s’arrêtent au bord de l’autoroute pour regarder un accident. C’est donc que l’accident les « intéresse ». Ont-ils « intérêt » à regarder ?
[Trivialement on pourrait dire que l’égoïste est une étoile dans un univers peuplé d’étoiles. L’égocentriste se rêve être une étoile dans un univers peuplé de planètes tournant autour de lui.]
J’attends toujours que vous m’indiquiez en quoi je « confondrais » l’un avec l’autre…
[[« Je vous met au défi de me trouver quelqu’un qui vous dise, « MOI, JE trouve que le commerce des organes est quelque chose d’absolument DEGUEULASSE, car JE sais, JE suis CONSCIENT que ce sont les plus pauvres qui vont encore morfler, »] Pourtant, c’est la réponse la plus courante que j’obtiens quand je pose la question ». Vous êtes drôlement culotté d’amputer ma question de sa moitié la plus cruciale pour prétendre me contredire.]
Je ne vois pas très bien en quoi j’aurais « amputé votre question de sa moitié la plus cruciale ». Je n’ai pas recopié tout pour éviter de rallonger inutilement, mais j’ai laissé la virgule pour que ce soit clair qu’il y avait une suite. Et dans ma réponse, j’ai pris en compte l’ensemble de la question. Oui, c’est la réponse que j’obtiens le plus fréquemment. J’ai donc relevé votre défi.
[« Nous faisons quotidiennement des choses qui, d’un simple point de vue individuel, nous coutent cher et ne nous rapportent rien ». Exemple(s) ?]
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[« J’ai l’impression que pour vous seul le moi existe. Le surmoi est aux abonnés absents. Et du coup, vous voyez dans la dérogation à l’égo une « déshumanisation ». Pour moi c’est tout le contraire : la dérogation à l’égo est la preuve de notre humanité. Nous sommes le seul animal sur terre ou presque à le faire… » Fourmis. Abeilles. Saumons. Araignées. Je ne suis pas très calé en sociologie animale mais j’ai déjà ces 4 exemples à brûle pourpoint…]
Pour « déroger à l’égo », encore faut-il en avoir un. Quel élément vous permets de dire que les fourmis, les abeilles, les saumons et les araignées ont un égo ? Je doute fort que ces espèces aient une conscience de soi.
@ Descartes.
Avant de répondre en détail à votre dernier message, laissez-moi vous demander quelques précisions, car j’aimerais poursuivre cette discussion sans ajouter de malentendus aux malentendus, et faire un point sur l’avancée du débat.
Certaines questions concernent les sujets évoqués, certaines sont plus personnelles, et ont pour but de m’aider à comprendre votre personnalité et donc votre raisonnement. Vous êtes bien entendu libre de ne pas y répondre (qui serais-je pour vous y obliger)
J’essaie d’appeler des réponses courtes et claires, type oui/non, mais n’hésitez pas à nuancer si le coeur vous en dit :-). Désolé si ça prend la forme d’un petit interrogatoire en bonne et due forme.
Merci d’avance
1/ Confirmez-vous cette définition:
Le capitaliste se définit comme une personne qui tire un revenu du SEUL FAIT de la propriété du capital, c-a-d de l’achat de la force de travail d’autrui, sous réserve que son capital génère du bénéfice.
In-extenso, confirmez-vous que ce qualificatif de « capitaliste » peut-être couplé avec d’autres fonctions, par exemple celle d’un PDG qui détiendrait 100% du capital de son entreprise (la définition ci-dessus impliquant la perception de revenus issus de la seule possession d’un capital, mais aucunement la perception de revenus EXCLUSIVEMENT issus de la possession d’un capital)
2/ Confirmez-vous ce que j’ai compris, à savoir qu’une valeur « subjective » est par essence NON MESURABLE (pas de réponse possible à la question de connaître la valeur de la consultation homéopathique, par exemple, étant donné qu’elle varie en fonction de la situation, de la personne, de l’instant, etc.) ?
3/ Peut-on dire en somme que la valeur, selon Ricardo, représente la quantité de travail effectivement investi dans sa production, autrement dit qu’il s’agit d’une valeur figée, alors que pour Marx la valeur représente la quantité de travail actualisée qui serait nécessaire à sa production à un instant T, autrement dit une valeur relative (relative dans le temps).
4/ Sur les « cadres idéologiques ». Selon vous, le fait d’être dans un « cadre idéologique » donné implique t’il de facto le fait de réfuter la pertinence d’un cadre idéologique exactement opposé ?
5/ Pensez-vous que l’être humain puisse s’abstraire à ce point de son environnement qu’il puisse se permettre de porter un jugement absolu sur quoi que ce soit ?
6/ A partir du moment où un personne s’exprime en débutant une phrase par « pour moi », en déniant y voir le moindre relativisme, pensez-vous que cette personne se prenne pour Dieu le Père descendu sur Terre ? 😉
7/ Si vous deviez choisir en sécurité sans liberté, et liberté sans sécurité, que choisiriez-vous ? (Question purement théorique, en admettant qu’il n’y ait pas de choix intermédiaire)
8/ Pensez-vous que la mémoire d’une guerre de mouvement de 6 mois puisse permettre de faire des projections réalistes sur le déroulement d’une guerre de position en cours depuis plus de deux ans ?
9/ Pouvez vous, svp, me préciser les sources vous permettant d’affirmer qu’un soldat lambda déserteur entre 1914 et 1918 avait la possibilité de fuir au Brésil ou en Australie ? Un seul cas documenté conviendra amplement, car je n’ai pas connaissance de ce phénomène.
10/ Pouvez-vous me confirmez que la majorité de vos connaissances est pour la légalisation du commerce d’organe à titre personnel ? Ou ai-je mal compris ?
11/ Quand vous dites que « si ces deux guerres (mondiales) ont prouvé quelque chose, c’est que les hommes pouvaient être guidés par autre chose que leur « intérêt individuel », ai-je tort de penser qu’il s’agit pour vous d’une notion vertueuse qui dépasse l’égoïsme individuel ?
12/ Pensez-vous qu’il serait une bonne chose que l’intégralité des forces permettant de subvenir aux besoins vitaux d’un peuple (exemple l’agriculture) soient socialisées ?
13/ Est-ce que « socialisation de l’ensemble des biens produits » peut selon vous faire office de définition acceptable pour « communisme absolu » (sur le plan économique j’entends)
14/ Si je dis « Comme j’ai beaucoup d’argent, je suis pour la vente d’organe, car je pourrais m’acheter le meilleur foie sur le marché, tant pis pour les autres » j’ai selon vous un raisonnement égoïste ou égocentrique ?
15/ Si je dis: « cette voiture est la seule qui arrive à se passer de volant pour tourner », peut-on déduire de mon raisonnement que les autres voitures ont un volant ?
@ pierre
[Avant de répondre en détail à votre dernier message, laissez-moi vous demander quelques précisions, car j’aimerais poursuivre cette discussion sans ajouter de malentendus aux malentendus, et faire un point sur l’avancée du débat.]
Bonne idée. De temps en temps, il est bon de préciser les concepts et les définitions.
[1/ Confirmez-vous cette définition: Le capitaliste se définit comme une personne qui tire un revenu du SEUL FAIT de la propriété du capital, c-a-d de l’achat de la force de travail d’autrui, sous réserve que son capital génère du bénéfice.]
Oui et non. Le capitaliste se définit comme possédant le capital – c’est-à-dire, comme possédant des matières premières, des machines, des bâtiments engagés dans la production. C’est cette propriété qui lui donne le droit d’empocher des revenus – les « fruits » au sens du droit romain – du capital, qui sont en fait une partie de la valeur produite par la force de travail que le capitaliste achète.
[In-extenso, confirmez-vous que ce qualificatif de « capitaliste » peut-être couplé avec d’autres fonctions, par exemple celle d’un PDG qui détiendrait 100% du capital de son entreprise (la définition ci-dessus impliquant la perception de revenus issus de la seule possession d’un capital, mais aucunement la perception de revenus EXCLUSIVEMENT issus de la possession d’un capital)]
Tout à fait : « capitaliste » est une fonction, tout comme « entrepreneur », « directeur », « ouvrier », etc. Une personne donnée peut remplir plusieurs fonctions : on peut être à la fois « capitaliste » (c’est-à-dire posséder l’usine) et « directeur » (c’est-à-dire, prendre les décisions opérationnelles) ou même « ouvrier » (il n’est pas rare aujourd’hui que les travailleurs d’une entreprise détiennent une part, généralement minime, du capital). Et pour chacune de ces fonctions, il peut toucher une rémunération : on peut toucher des dividendes en tant qu’actionnaire et un salaire en tant que directeur ou ouvrier.
[2/ Confirmez-vous ce que j’ai compris, à savoir qu’une valeur « subjective » est par essence NON MESURABLE (pas de réponse possible à la question de connaître la valeur de la consultation homéopathique, par exemple, étant donné qu’elle varie en fonction de la situation, de la personne, de l’instant, etc.) ?]
Non. Pour les tenants de la théorie « subjective » de la valeur travail, celle-ci dépend du désir du consommateur et est parfaitement « mesurable » (pour le dire schématiquement, le prix est la mesure de la valeur lorsqu’il y a marché, c’est plus compliqué dans le cas contraire). Mais cette « valeur » n’est pas attachée à l’objet lui-même (c’est-à-dire à son histoire, à la manière dont il est produit, etc.) mais à la SITUATION. Un même objet aura une valeur différente selon les situations – exemple classique : valeur d’un verre d’eau pour un naufragé au milieu du désert du Sahara et dans un café parisien.
[3/ Peut-on dire en somme que la valeur, selon Ricardo, représente la quantité de travail effectivement investi dans sa production, autrement dit qu’il s’agit d’une valeur figée, alors que pour Marx la valeur représente la quantité de travail actualisée qui serait nécessaire à sa production à un instant T, autrement dit une valeur relative (relative dans le temps).]
Non. La différence n’est pas un problème « d’actualisation », mais un problème beaucoup plus complexe qui est celui du « travail socialement nécessaire ». Prenons un exemple : cinq siècles, tous les pullovers étaient tricotés à la main. Disons qu’il fallait en moyenne cent heures de travail pour en fabriquer un. Aujourd’hui, le même – j’insiste, c’est important, le même – pullover est généralement fabriqué par des machines, et il faut pour le fabriquer une heure de travail. Maintenant, imaginons que j’installe une usine ou des tricoteuses fabriquent le même pullover au tricot manuel, et mettent cent heures de travail à le faire. Quelle est la valeur de ce pullover ? Pour Ricardo, ces pullovers valent cent heures de travail, puisque c’est le travail effectivement investi pour les fabriquer. Pour Marx, ils ne valent qu’une heure de travail, parce que même si on a mis cent heures à les faire, le travail moyen nécessaire compte tenu de l’état du développement technique et industriel de notre société n’est que d’une heure.
En d’autres termes pour Marx, lorsqu’on introduit une nouvelle technique de production, non seulement on baisse la valeur des produits qui sortent des nouvelles usines, mais aussi ceux qui continuent à sortir des anciennes. Ce qui explique pourquoi celles-ci se voient obligées à suivre le mouvement ou disparaître.
[4/ Sur les « cadres idéologiques ». Selon vous, le fait d’être dans un « cadre idéologique » donné implique t’il de facto le fait de réfuter la pertinence d’un cadre idéologique exactement opposé ?]
Pour être plus précis, le fait de se placer dans un cadre idéologique implique de rejeter toute proposition qui ne serait pas compatible avec ce cadre – c’est le principe de non-contradiction – et donc de rejeter tout cadre idéologique exactement opposé. Mais il n’y a pas de « réfutation » : Un cadre idéologique ne peut jamais prouver qu’un autre cadre est erroné. C’est un peu comme l’axiomatique en mathématiques : une proposition qui est « vraie » dans un certain cadre axiomatique peut être « fausse » dans un autre. Mais cela ne prouve en rien qu’un cadre soit meilleur qu’un autre…
[5/ Pensez-vous que l’être humain puisse s’abstraire à ce point de son environnement qu’il puisse se permettre de porter un jugement absolu sur quoi que ce soit ?]
Non, sauf en ce qui concerne les questions de logique formelle (c’est-à-dire, pour faire simple, les questions mathématiques).
[6/ A partir du moment où un personne s’exprime en débutant une phrase par « pour moi », en déniant y voir le moindre relativisme, pensez-vous que cette personne se prenne pour Dieu le Père descendu sur Terre ? ;-)]
Oui. Car les deux affirmations sont contradictoires. Dire « pour moi » implique accepter que « pour un autre » la chose puisse être différente. Dire « pour moi » et refuser le relativisme de la formule implique vivre avec une contradiction. Et le seul être qui puisse résoudre toute contradiction, c’est Dieu. CQFD
Plus sérieusement : quand on parle de relativisme, il faut faire attention à ne pas confondre l’interprétation que nous avons des faits et les faits eux-mêmes. Lorsque je dis « pour moi la terre est ronde » ou « pour moi la terre est plate », je prend en compte le fait que mes sens peuvent me tromper lorsque j’essaye de connaître la forme de la terre. En d’autres termes, que ma connaissance du phénomène est relative. Mais la terre, dans les faits, a une forme, et cette forme ne dépend pas de mon opinion. En d’autres termes, il existe une réalité objective, qui nous est extérieure. Et du coup, toutes les « opinions », toute relatives qu’elles soient, ne se valent pas. Ceux qui disent que « la terre est ronde » ont un corpus de preuve beaucoup plus important que ceux qui disent « la terre est plate ».
[7/ Si vous deviez choisir en sécurité sans liberté, et liberté sans sécurité, que choisiriez-vous ? (Question purement théorique, en admettant qu’il n’y ait pas de choix intermédiaire)]
C’est une question qui n’a pas de sens, un peu comme celle de savoir le prix d’un œuf de coq. D’abord, parce que le choix ne peut être un choix de principe, mais dépend du contexte. Dans des contextes particuliers, on pourrait être amené à sacrifier la liberté à la sécurité, dans d’autres ce serait l’inverse. Ensuite, parce que la situation ne se pose jamais en pratique. Il y a toujours des positions intermédiaires, et le choix entre liberté et sécurité est une question de placement du curseur.
Enfin, et c’est à mon avis le plus important, parce qu’il faut savoir ce que vous entendez par « liberté » et « sécurité ». Si pour vous la « liberté » consiste à pouvoir déterminer ses actions être soumis à aucune règle, alors il est évident que l’évolution de l’espèce humaine est une longue course à la limitation de la liberté au nom de la prévisibilité. L’homme primitif était parfaitement « libre », mais cette « liberté » s’exerçait à l’intérieur de contraintes matérielles telles qu’elle nous paraîtrait fort peu désirable par comparaison.
Pour moi, il n’y a pas à choisir entre « liberté » et « sécurité ». Il y a une dialectique entre l’une et l’autre. Un autre plongé dans un univers imprévisible, entouré de dangers qui peuvent se réaliser à chaque instant ne peut être « libre » que nominalement. Et de même, pour un être qui ne peut faire aucun choix, la « sécurité » n’a pas grand sens.
[8/ Pensez-vous que la mémoire d’une guerre de mouvement de 6 mois puisse permettre de faire des projections réalistes sur le déroulement d’une guerre de position en cours depuis plus de deux ans ?]
Je ne suis pas sur d’avoir compris la question, mais j’essaye de répondre quand même. Il n’est pas sûr que le passé nous permettre d’anticiper l’avenir. Mais en même temps, c’est le seul instrument que nous ayons. Bon ou mauvais, il n’y en a pas d’autre. Et les prédictions faites intelligemment sur la base des faits passés seront toujours meilleures que celles faites sur les entrailles des bêtes ou sur le marc de café.
[9/ Pouvez vous, svp, me préciser les sources vous permettant d’affirmer qu’un soldat lambda déserteur entre 1914 et 1918 avait la possibilité de fuir au Brésil ou en Australie ? Un seul cas documenté conviendra amplement, car je n’ai pas connaissance de ce phénomène.]
Si j’ai parlé du Brésil, c’est parce que j’ai connu quelqu’un dont le grand-père avait déserté en 1916 en passant la frontière espagnole puis embarqué dans un bateau à Barcelone pour Buenos Aires, pour finir son parcours à Sao Paulo où il a attendu sagement la fin de la guerre. Il rentrera en France en 1925 après l’amnistie. Par contre, il n’y a pas beaucoup de cas documentés, la plupart des personnes concernées ayant préféré garder le silence sur un acte qui n’était pas bien perçu – et le mot est faible – par leurs concitoyens.
[10/ Pouvez-vous me confirmez que la majorité de vos connaissances est pour la légalisation du commerce d’organe à titre personnel ? Ou ai-je mal compris ?]
Vous avez mal compris. J’ignore l’opinion de « la majorité de mes connaissances » sur un tel sujet. Parmi celles avec qui j’en ai parlé il n’y a qu’une minorité à y être favorables.
[11/ Quand vous dites que « si ces deux guerres (mondiales) ont prouvé quelque chose, c’est que les hommes pouvaient être guidés par autre chose que leur « intérêt individuel », ai-je tort de penser qu’il s’agit pour vous d’une notion vertueuse qui dépasse l’égoïsme individuel ?]
Je ne sais pas si on peut appeler cela une « notion vertueuse ». Pour moi la capacité de l’individu humain à être guidé par autre chose que son intérêt personnel fait partie de la condition humaine, avec tout ce que cela entraine de grandeur et de misère. Cette capacité de transcender notre intérêt individuel peut être mise au service de plus grands œuvres comme des plus grands crimes. Elle n’est in « vertueuse » ni « vicieuse » en elle-même.
[12/ Pensez-vous qu’il serait une bonne chose que l’intégralité des forces permettant de subvenir aux besoins vitaux d’un peuple (exemple l’agriculture) soient socialisées ?]
De mon point de vue, il serait bon que l’ensemble du capital soit socialisé. Pourquoi se limiter aux « besoins vitaux » ? Cela étant dit, la « socialisation du capital » n’implique pas nécessairement une direction centralisée, par exemple…
[13/ Est-ce que « socialisation de l’ensemble des biens produits » peut selon vous faire office de définition acceptable pour « communisme absolu » (sur le plan économique j’entends)]
Je ne sais pas ce qu’est le « communisme absolu ». J’avoue que je ne me suis jamais trop intéressé au « communisme », même du temps ou j’étais au PCF. Pour moi, c’est un idéal, un horizon vers lequel tendre, un peu ce que la Jérusalem céleste était pour les théologiens du moyen-âge. Je reste un pragmatique. Et de ce point de vue, je vous dirai que je ne crois pas que la « socialisation de l’ensemble des biens » soit un objectif réalisable ni même souhaitable.
[14/ Si je dis « Comme j’ai beaucoup d’argent, je suis pour la vente d’organe, car je pourrais m’acheter le meilleur foie sur le marché, tant pis pour les autres » j’ai selon vous un raisonnement égoïste ou égocentrique ?]
Egoïste, sans aucun doute. Un raisonnement égocentrique ce serait « les autres devraient payer pour le privilège de me céder leurs organes ». Le « tant pis » implique une incertitude quant à la légitimité du procédé, une conscience que l’autre souffre de vos actions.
[15/ Si je dis: « cette voiture est la seule qui arrive à se passer de volant pour tourner », peut-on déduire de mon raisonnement que les autres voitures ont un volant ?]
Logiquement, non. La seule chose que vous puissiez déduire par à contrario, c’est que toutes les autres voitures ont besoin d’un volant pour tourner. Mais pas qu’elles en aient un. Il y a peut-être d’autres voitures qui n’ont pas de volant, et que de ce fait ne peuvent pas tourner.
Vous ne pouvez même pas déduire que la voiture dont vous parlez n’ait pas de volant. Le fait qu’une DS puisse rouler sur trois roues n’implique pas qu’elle n’ait pas quatre. Le fait qu’on puisse tourner sans volant n’implique pas qu’il n’y ait pas un.
@Descartes
“[Le SMIC] condamne au chômage ceux dont la productivité n’est pas suffisante pour qu’il soit intéressant de les employer.”
Et vous trouvez ça juste ?
@ Johnathan R. Razorback
[« [Le SMIC] condamne au chômage ceux dont la productivité n’est pas suffisante pour qu’il soit intéressant de les employer. » Et vous trouvez ça juste ?]
Non, je ne trouve pas ça juste. Mais si je supprime le SMIC, je condamne à la misère ceux des travailleurs qui n’ont aucun pouvoir de négociation, et qui sont beaucoup plus nombreux. Et cela non plus, n’est pas juste. Je me vois donc obligé à choisir entre deux injustices. Et mon premier réflexe est de choisir celle qui touche le moins de gens… puis de la réparer en partie par le biais des allocations chômage.
L’injustice est notre lot parce que nous vivons dans une société bâtie sur une « injustice » fondamentale : le travailleur est privé d’une partie de la valeur qu’il produit par un exploiteur. A partir de là, il est illusoire d’imaginer qu’on puisse construire un rapport entre le salarié et l’employeur qui soit parfaitement « juste ». Il faudrait pour cela que le rapport soit régi par la règle « de chacun selon ses possibilités, à chacun selon ses besoins ». Cela vous irait ?
Qu’il est difficile de ne pas être angoissé au vu du triomphe annoncé du détricotage de l’état+ ou – collectiviste français!
Heureusement nous avons votre blog,merci,oui merci de réchauffer notre engagement.Nous avons aussi ,J.Sapir:
http://russeurope.hypotheses.org/6287
Allons nous ,aussi rejoindre le cercle des patriotes disparus?
Pour,moi,cela semble être le cas,l’appel du PGE,trop fort,me fait préférer la dystopie internationaliste aux bisbilles avec les ‘fachos’,pas vous?
Nous avons aussi certains cinéastes comme Havanicius et Garrel,dont le dernier film,le redoutable est une savoureuse description talentueuse,non?
@ luc
[Nous avons aussi ,J.Sapir:]
L’article que vous citez est excellent. Je m’y retrouve d’ailleurs dans son analyse du discours de Thorez et de “la main tendue aux Croix de feu”, qui rejoint mon analyse sur l’importance d’une logique de recherche de compromis sur les points jugés prioritaires, sans occulter les différences sur les autres. Et en contradiction totale avec la logique gauchiste de la FI “on est d’accord sur tout ou alors on ne peut rien faire ensemble”.
Pour parler net, il y a cette régression en vue par les ordonnances sur le code du travail. J’ai considéré qu’un appel à la grève le 12 se justifiait, il est vrai que depuis le départ de mon vieux complice syndical vers sa terre natale, je me sens un peu seul même si j’ai acquis une certaine « autorité » pour que les militants me « suivent ». Pour autant, je dois avouer que si cette décision prise collectivement nous permet de « tomber du bon côté » (entendez par là vers tous ceux qui veulent s’opposer réellement), l’expérience de ces journées de grève avec manifestation me laissent septique quant à leur issue (je ne parle pas de grève générale qui ne se décrète pas). Ne vendant pas de salades, je m’en suis ouvertement expliqué.
Sans doute, à ce stade, c’est aussi politique et, même si je ne penche pas de ce côté, une manifestation monstre de la FI me ferait plaisir.
Autre chose : dans les « grandes boîtes », c’est l’action solidaire des salariés qui « hisse » les petites catégories, maintenant le lien entre salariés mais la tendance depuis des décennies est à la déflation des effectifs aussi.
Voilà le bilan, pas brillant. Qu’en pensent les ingénieurs ?
@ morel
[Pour parler net, il y a cette régression en vue par les ordonnances sur le code du travail. J’ai considéré qu’un appel à la grève le 12 se justifiait, il est vrai que depuis le départ de mon vieux complice syndical vers sa terre natale, je me sens un peu seul même si j’ai acquis une certaine « autorité » pour que les militants me « suivent ».]
C’est toujours le même problème. La grève « syndicale » est un outil puissant pour défendre des revendications concrètes et immédiates auprès d’un employeur qui a le pouvoir de les accorder. C’est un instrument très mal adapté à la lutte politique, puisque la grève fait du mal à un employeur qui, par définition, n’a pas les moyens d’accorder ce que les travailleurs demandent, et seulement très indirectement au gouvernement qui a l’instrument politique entre ses mains.
La théorie de la grève politique favorisée par l’anarcho-syndicalisme est fondée sur l’idée que l’Etat est entre les mains des patrons, et que par conséquent la grève qui fait du mal aux patrons trouvera donc un débouche politique naturel. Mais depuis la fin du XIXème siècle l’Etat ne fonctionne plus – si tant est qu’il n’ait jamais fonctionné – comme un simple relai de la volonté patronale. D’autres forces sont à l’œuvre, et le relai n’a rien d’immédiat.
[Sans doute, à ce stade, c’est aussi politique et, même si je ne penche pas de ce côté, une manifestation monstre de la FI me ferait plaisir.]
Et bien, moi pas. Parce qu’une « manifestation monstre de la FI » ne ferait en rien avancer la cause des travailleurs, et confirmerait au contraire le gourou dans sa prétention d’incarner à lui tout seul la seule issue politique des luttes.
[Autre chose : dans les « grandes boîtes », c’est l’action solidaire des salariés qui « hisse » les petites catégories, maintenant le lien entre salariés mais la tendance depuis des décennies est à la déflation des effectifs aussi.]
Justement, la force du système bâti à la Libération est que la lutte de ceux qui ont un pouvoir de négociation « tirait » par le biais des grilles les droits des autres. Les « réformes » des trente dernières années ont progressivement limité cet effet d’entraînement…
Message complètement hors sujet pour signaler cet article : http://www.contretemps.eu/critique-communiste-numero-1/
On y retrouve notamment un lien vers une interview de JPC de 1975 : http://www.contretemps.eu/wp-content/uploads/CritiqueCo-1-34-43.pdf
@stu
[On y retrouve notamment un lien vers une interview de JPC de 1975]
Très intéressant. JPC avait 36 ans à l’époque. On peut déjà noter la richesse du langage, le niveau de construction du discours, non seulement celui de JPC, mais aussi celui de son interlocuteur. A comparer à celle des leaders politiques de 35 ans d’aujourd’hui…
@ Descartes,
Bonjour,
« « Autant dire qu’on est sur un sujet (le Code du travail) qui devrait être l’opportunité d’un grand débat politique au sens le plus noble du terme. » »
ainsi, qu’entre autres, en réponse à Luc
« Le rapport de force leur est terriblement défavorable. »
Le sujet du Code du travail n’est, à mon sens, qu’une petite partie des questions auxquelles le pays doit répondre. Malgré de nombreuses imprudences ou maladresses à la tête de l’État, le débat de fonds semble s’ouvrir.
Et pourquoi, à votre avis « le rapport de force leur est terriblement défavorable » ?
La France, nation industrieuse depuis des siècles, glisse insensiblement vers une communauté disparate empreinte de comportement et de mentalité ludiques.
Il est souvent évoqué la loi des trois générations :
« Souvent la première génération construit, la deuxième développe, quand elle s’entend, et la troisième fout la boîte par terre »
Il en est, sans doute, un peu de même pour les nations. Après des siècles d’édification, sous l’ancien régime, la révolution de 1789 a marqué le virage vers la modernité que sou tendaient les Lumières. La faillite de 1940, malgré le sursaut gaulliste jusqu’en 1968, se concrétise actuellement par une incapacité endémique de nos gouvernants successifs à permettre à notre pays de conserver son rang dans la confrontation mondiale dans laquelle il est engagé et dans laquelle il prétend concourir.
Bien sûr, cette narration n’a rien d’une approche scientifique ou académique de l’histoire.
Toujours est-il qu’une grande majorité de Français a opté, au fil des décennies, vers le confort de l’assistanat, les bienfaits à court terme d’une solidarité nationale soporifique, la pratique étendue des activités ludiques de la société des loisirs, la priorité accordée à la consommation plutôt qu’à la production.
Et voilà comment le piège – posé très certainement de manière involontaire car on ne peut imaginer de dessein conscient – se referme sur un peuple qui s’est abandonné à la facilité et qui le rend dépendant du bon vouloir des puissants économiques et politiques.
Pour le dire tout de go, je trouve les générations nées après 68 nettement plus cossardes et égotiques que celles qui les ont précédées. Il est possible de le constater à mille détails chaque jour. Face au dynamisme de ceux qui, dans les pays en devenir ou, immigrés chez nous de ces pays où survivre par « l’industrieusité » est ancré dans leur nature, la position de rentier des acquis antérieurs est un handicap plus qu’un avantage.
Vous avez, dans notre pays des masses d’immigrés de première, seconde ou même de troisième génération qui sont très entreprenants, dans les études, dans le commerce, l’artisanat ou l’industrie. C’est encore plus vrai dans le sport de haut niveau, particulièrement exigeant en matière d’effort et de persévérance. Nos bons petits Français « de souche », nourris de gâteries et coconnés depuis la tendre enfance se condamnent à devenir les employés et subordonnés de ces nouveaux entreprenants. Où est l’injustice ? Et ce n’est pas vraiment une affaire de classe sociale, c’est la loi de la nature humaine.
La situation des retraités devient emblématique de cette dérive. On leur reproche d’être plus « à l’aise », en général, que leurs enfants ou leurs petits enfants. C’est très probablement vrai.
Mais est-ce injuste au point d’entendre certains souhaiter faire rendre gorge à ces profiteurs qui ont eu l’heur de construire et conserver les richesses dont le pays bénéficie ainsi qu’eux même par l’occasion.
Situé, après une vie de travail sans beaucoup de loisirs, au bas de la tranche des 20% de « retraités nantis », je veux bien, en plus de ce que je fais depuis longtemps participer à l’effort national. Mais, ce n’est pas pour faire perdurer une situation d’assistanat sans contrepartie ni obligation réciproque.
A trop tirer sur la corde, un nombre important de retraités vont réaliser leurs avoirs en France et iront s’installer sous des cieux plus cléments. Qu’a à y gagner le pays ?
Je crois sincèrement que le débat national devrait porter sur ce que désire profondément la majorité en matière de mode de vie.
Ou nous persistons à favoriser une activité chancelante sans pour autant réduire notre besoin de consommation et de garanties sans contrepartie, et tôt ou tard nous glissons vers le syndrome grec.
Ou nous adhérons à l’idée du progrès de l’esprit humain, chère à Condorcet et conforme aux Lumières que nous ont légués nos ancêtres, et alors nous acceptons de nous confronter aux réalités de notre monde actuel, avec ses risques et ses opportunités.
Nous en sommes actuellement à vouloir le beurre et l’argent du beurre.
@ Marcailloux
[Le sujet du Code du travail n’est, à mon sens, qu’une petite partie des questions auxquelles le pays doit répondre. Malgré de nombreuses imprudences ou maladresses à la tête de l’État, le débat de fonds semble s’ouvrir.]
Je dois être particulièrement bouché alors, parce que je ne vois aucun débat de fond s’ouvrir sur ces questions. Pourriez vous donner un ou deux exemples ?
[Et pourquoi, à votre avis « le rapport de force leur est terriblement défavorable » ?]
Parce que la libéralisation des mouvements de capitaux a permis au capital de mettre en concurrence les travailleurs au niveau mondial. Et que les immenses réservoirs de main d’œuvre du tiers monde lui ont procuré une « armée de réserve » lui permettant de peser sur les salaires et sur les conditions de travail à la baisse d’une manière décisive. C’est le coût du travail en Bulgarie, en Roumanie – ou pire, au Bangladesh – qui de plus en plus sert de référence pour la fixation des coûts et des conditions de travail en France.
[La France, nation industrieuse depuis des siècles, glisse insensiblement vers une communauté disparate empreinte de comportement et de mentalité ludiques.]
J’ai beaucoup fréquenté pendant ma carrière les usines, et je ne trouve pas qu’il y règne un comportement et une mentalité « ludique »…
[Il est souvent évoqué la loi des trois générations : « Souvent la première génération construit, la deuxième développe, quand elle s’entend, et la troisième fout la boîte par terre »]
Je crains que vous ne fassiez d’une coïncidence une causalité. Ce n’est pas une question de génération, mais une question de structure et de rapport de forces entre les classes sociales. 1789 ou 1945 sont marqués par un rapport de force favorable aux couches sociales qui ont un intérêt dans la modernisation et le développement économique du pays. 1968 marque la prise de pouvoir par une classe dont les intérêts sont très différents.
[La faillite de 1940, malgré le sursaut gaulliste jusqu’en 1968, se concrétise actuellement par une incapacité endémique de nos gouvernants successifs à permettre à notre pays de conserver son rang dans la confrontation mondiale dans laquelle il est engagé et dans laquelle il prétend concourir.]
Je ne vois pas ce que « la faillite de 1940 » vient faire là dedans. La France s’est engagée depuis la fin des années 1970 dans une « confrontation » qu’elle ne peut gagner qu’en comprimant le niveau de vie des couches populaires. Et cette « confrontation » n’est dans l’intérêt que du « bloc dominant » constitué par la bourgeoisie et les « classes moyennes ».
[Toujours est-il qu’une grande majorité de Français a opté, au fil des décennies, vers le confort de l’assistanat, les bienfaits à court terme d’une solidarité nationale soporifique, la pratique étendue des activités ludiques de la société des loisirs, la priorité accordée à la consommation plutôt qu’à la production.]
Je ne vois pas cette « grande majorité » dont vous parlez. Je n’ai pas l’impression que les caissières de supermarché aient accordé « la priorité à la consommation plutôt qu’à la production ». D’ailleurs, ont-elles les moyens de le faire ? Je pense qu’en globalisant les français comme s’ils faisaient partie d’un tout homogène, comme si la lutte des classes n’existait pas, vous évitez de faire une juste répartition des responsabilités. Il faut disposer d’un surplus important par rapport aux besoins de base pour « préférer la consommation à l’investissement ». Ceux qui n’en disposent pas, n’ont pas le choix. Pourquoi devraient-ils être blâmés du choix des autres ?
[Pour le dire tout de go, je trouve les générations nées après 68 nettement plus cossardes et égotiques que celles qui les ont précédées.]
C’est très discutable. Les générations des « années folles » ou de la « belle époque » n’étaient pas mal non plus… Ce sont les circonstances qui révèlent les hommes : la défaite de 1940 a balayé les anciennes élites et permis à des gens exceptionnels mais que le système aurait étouffé autrement d’accéder à l’élite. Et cette élite à su raconter une histoire et mobiliser la nation. Mais il ne faut pas croire que le français moyen était moins « cossard et égotique » en 1945 qu’il ne l’est maintenant…
[Face au dynamisme de ceux qui, dans les pays en devenir ou, immigrés chez nous de ces pays où survivre par « l’industrieusité » est ancré dans leur nature, la position de rentier des acquis antérieurs est un handicap plus qu’un avantage.]
Vous noterez que la plupart des immigrés ne viennent que dans l’espoir de partager une « rente » déjà existante. Il ne faudrait tout de même pas tomber un peu vite dans cet auto-dénigrement qui est tellement caractéristique de notre pays…
[Vous avez, dans notre pays des masses d’immigrés de première, seconde ou même de troisième génération qui sont très entreprenants, dans les études, dans le commerce, l’artisanat ou l’industrie.]
Mais pas plus que les français « de souche ». Encore une fois, il faut arrêter de se flageller en croyant que le reste du monde est meilleur que nous.
[C’est encore plus vrai dans le sport de haut niveau, particulièrement exigeant en matière d’effort et de persévérance.]
Je ne voit pas très bien en quoi le sport de haut niveau serait plus exigeant en termes « d’effort et de persévérance » que les mathématiques de haut niveau, que la physique de haut niveau, que la philosophie de haut niveau. J’ai l’impression que pour vous il n’y a que l’effort physique qui vaille… or, on sait empiriquement qu’à l’heure de chercher la promotion sociale, les plus pauvres – et donc les descendants d’immigrés – cherchent la voie de promotion qui leur est plus facile, celle de l’effort physique. Mais vous ne pouvez pas tirer de ce fait l’idée que les « bons petits français de souche » seraient moins aptes à l’effort que les autres. Après tout, l’immense majorité des admis à l’ENA ou à Polytechnique sont des « bons petits français de souche ». Pensez-vous que pour être admis à ces concours il ne faille pas, là aussi, faire preuve « d’effort et de persévérance » ?
[Nos bons petits Français « de souche », nourris de gâteries et coconnés depuis la tendre enfance se condamnent à devenir les employés et subordonnés de ces nouveaux entreprenants.]
Ce n’est pourtant pas ce qu’on observe, à moins que je fasse erreur. Pourriez-vous indiquer sur quelles observations votre opinion se fonde ?
[La situation des retraités devient emblématique de cette dérive. On leur reproche d’être plus « à l’aise », en général, que leurs enfants ou leurs petits enfants. C’est très probablement vrai.
Mais est-ce injuste au point d’entendre certains souhaiter faire rendre gorge à ces profiteurs qui ont eu l’heur de construire et conserver les richesses dont le pays bénéficie ainsi qu’eux même par l’occasion.]
C’est discutable. Le contrat intergénérationnel qui est le fondement de la retraite par répartition est que je cotise aujourd’hui pour payer la retraite de la génération précédente, en comptant sur le fait que la génération suivante me garantira une retraite équivalente. Si je cotise beaucoup pour payer une génération richement dotée, et qu’ensuite arrivé à l’âge de la retraite je touche des clopinettes parce que la génération qui me suit ne veut pas payer, j’aurai je pense droit de crier à l’injustice.
[A trop tirer sur la corde, un nombre important de retraités vont réaliser leurs avoirs en France et iront s’installer sous des cieux plus cléments. Qu’a à y gagner le pays ?]
Je doute beaucoup qu’ils soient nombreux à le faire. Quel serait leur intérêt ? Je vous rappelle que les retraites sont versées et donc fiscalisées en France, même si la personne habite à l’étranger…
[Nous en sommes actuellement à vouloir le beurre et l’argent du beurre.]
Je ne suis pas d’accord. Certains chez nous veulent le beurre et l’argent du beurre, et ils l’obtiennent en jetant les autres au crocodile…
@ Descartes,
Bonjour,
« « Je dois être particulièrement bouché alors, parce que je ne vois aucun débat de fond s’ouvrir sur ces questions. » »
Vous aurez noté que j’écris : « semble s’ouvrir » et non pas s’ouvre. C’est à la multiplication des débats, notamment sur France Culture, mais aussi dans certaines revues ainsi que, tout simplement, dans les manifestations de rue, sur les questions qui touchent au travail, à sa réglementation, sa nécessité, sa place dans notre existence que je pressens un frémissement salutaire. Je crains que votre idéologie récurrente n’altère votre objectivité dans ce genre de domaine. Tout ce qui peut charger la barque des « classes moyennes » selon Descartes est parfaitement fondé. Le reste est toujours sujet à caution.
« « C’est le coût du travail en Bulgarie, en Roumanie – ou pire, au Bangladesh – qui de plus en plus sert de référence pour la fixation des coûts et des conditions de travail en France. » »
Et pourquoi, alors, cela se produit-il tout particulièrement en France ? Ne serait-ce pas, entre autres, lié à la dégradation de notre niveau de technicité, notre « industrialisité » pour reprendre le néologisme que j’ai déjà employé ?
« « J’ai beaucoup fréquenté pendant ma carrière les usines, et je ne trouve pas qu’il y règne un comportement et une mentalité « ludique »… » »
Moi aussi, et probablement bien plus que vous. Or, justement, les usines sont de moins en moins nombreuses, ce que vous y avez, à juste titre, constaté est de plus en plus rare. La conscience professionnelle ne me paraît plus – et ne me demandez pas d’en apporter la preuve car il s’agit d’un sentiment, d’une conviction – aussi présente que ce que j’ai connu il y a plusieurs dizaines d’années.
D’autre part, vous biaisez mon propos en répondant par ce que vous voyez dans les usines alors que je parlais de la France en général. De même vous biaisez quand vous parlez des élèves de Polytechnique ou de l’ENA en réponse à un regard qui concerne une partie notable, et une partie seulement, de presque 70 millions de Français.
Votre rhétorique consiste très souvent à demander la preuve de ce qui est avancé comme opinion. Vous savez bien que cela est très difficile pour vos interlocuteurs, mais cela ne prouve pas pour autant qu’ils ont tort.
Une opinion individuelle est construite sur une masse d’indices, d’informations disparates, de constats ponctuels, d’intérêts personnels plus ou moins conscients, enfin une masse de choses qui balancent entre le rationnel et l’irrationnel.
Ce que vous exprimez, avec talent, certes, reste une opinion dont vous ne pouvez apporter la preuve de la véracité, que ce soit sur votre notion de « classe moyenne » ou ce qui touche à l’euro ou la communauté européenne, ou encore sur beaucoup d’autres domaines.
Il est question dans notre échange de confrontation d’opinions car nous parlons politique. Et d’une certaine façon, celui qui a raison est celui qui a l’opinion du plus grand nombre, même si à terme et dans le cadre de critères bien précis il se trompe complètement. C’est la limite de l’exercice démocratique.
Je reviendrai sur ce sujet, dans mon commentaire.
« « Je pense qu’en globalisant les français comme s’ils faisaient partie d’un tout homogène, comme si la lutte des classes n’existait pas, vous évitez de faire une juste répartition des responsabilités. » »
Là encore, vous biaisez. Je parle d’une « grande majorité des Français » qui n’est pas synonyme de « majorité absolue ni, encore moins de « quasi totalité » du « tout homogène » auquel vous faites allusion.
Un parti, et je ne nomme personne, revendique souvent une grande majorité dès lors qu’une élection lui a accordée le premier rang des formations en compétition. Avec par exemple 35% des votants, un parti peut s’estimer – et ne manque généralement pas de le faire – grandement majoritaire dans le pays. Si la participation ne dépasse pas les 50%, comme c’est quelquefois le cas, cette « grande majorité » ne représente plus qu’environ 15% de la population.
« « [Vous avez, dans notre pays des masses d’immigrés de première, seconde ou même de troisième génération qui sont très entreprenants, dans les études, dans le commerce, l’artisanat ou l’industrie.]
Mais pas plus que les français « de souche ». Encore une fois, il faut arrêter de se flageller en croyant que le reste du monde est meilleur que nous. » »
Là aussi deux opinions s’opposent sans présenter des faits indubitables. Seulement, à voir le nombre d’immigrés ou d’enfants d’immigrés, disons d’après guerre, qui, malgré les difficultés liées à la pratique de la langue, de la faiblesse des réseaux, des moyens financiers originaux, et plus globalement des situations de départ, réussissent économiquement là où nos « enfants » ne rencontrent que des difficultés à s’établir, j’en arrive à la conclusion que l’esprit de conquête sur l’adversité est de moins en moins rencontré chez ceux qui pourtant avaient la plupart des avantages à leur disposition.
Il ne s’agit pas plus de « se flageller » que de se flagorner. On n’est plus meilleurs que le reste du monde et cependant, notre capital national nous donnait toute latitude pour rester dans le petit peloton de tête.
Vouloir y rester en matière de protection sociale tout en renonçant à s’en donner les moyens économiques relève du délire anthropomorphique. De lion nous mutons vers le koala.
« « Si je cotise beaucoup pour payer une génération richement dotée, et qu’ensuite arrivé à l’âge de la retraite je touche des clopinettes parce que la génération qui me suit ne veut pas payer, j’aurai je pense droit de crier à l’injustice. » »
Cotiser beaucoup, c’est déjà le lot des retraités qui ont payé pour leurs grands parents partis en retraite alors qu’ils n’avaient pas ou peu cotisé, leurs parents quelquefois dans le même cas partiellement, que leurs grands parents et pour eux mêmes. A cela s’ajoute leur « riche dotation », ce qui est la plupart du temps très relatif, acquise par un travail plus soutenu que ce que l’on rencontre actuellement, sans voyages, vacances au Club Med, années sabbatiques, sports d’hiver, loisirs chronophages, consommations futiles et addictives, . . .
Et pourquoi, toutes choses étant égales par ailleurs, les générations qui suivent se dispenseraient tout d’un coup, après avoir, comme la cigale, consommé plus que produit, de poursuivre cette solidarité dont ils vont cependant hériter des fruits à la mort de leurs parents.
Je ne sais pas si je suis un cas particulier, mais j’observe une multitude de situations, de mes yeux, dans lesquelles, des « héritiers » de 30 à 50 ans, pour faire simple, comptent très largement sur ce qu’ont construit leurs parents pour se dispenser d’avoir à prévoir une retraite confortable.
« « Je doute beaucoup qu’ils soient nombreux à le faire. Quel serait leur intérêt ? Je vous rappelle que les retraites sont versées et donc fiscalisées en France, même si la personne habite à l’étranger… » »
Plus nombreux probablement que vous l’imaginez, j’ai entendu ces jours derniers à la télé le chiffre de 1 million, en forte croissance chaque année. D’autre part dans de nombreux cas, des conventions entre pays (Portugal, Maroc, etc . . . .) permettent aux résidents Français ( plus de 183 jours de présence par an de payer leurs impôts sur le revenu en France et le font dans leur pays de résidence où c’est beaucoup plus avantageux. Cet disposition n’est pas, il me semble, possible aux fonctionnaires.
« « Je ne suis pas d’accord. Certains chez nous veulent le beurre et l’argent du beurre, et ils l’obtiennent en jetant les autres au crocodile… » »
Cette assertion est récurrente dans votre argumentation. Elle marque les esprits et me fait penser au style imagé qui fait le succès populaire de JL Mélanchon ou de JM Le Pen. Mais ça n’est qu’une formule.
Néanmoins, globalement, votre article soulève de véritables questions pertinentes qui n’incite pas à la rêverie d’un « promeneur solitaire ».
@ Marcailloux
[C’est à la multiplication des débats, notamment sur France Culture, mais aussi dans certaines revues ainsi que, tout simplement, dans les manifestations de rue, sur les questions qui touchent au travail, à sa réglementation, sa nécessité, sa place dans notre existence que je pressens un frémissement salutaire.]
Ah, si seulement vous pouviez avoir raison… malheureusement, j’ai du mal à croire. De part et d’autre je n’entends que des idées et des phrases toutes faites. Je ne vois pas beaucoup d’efforts pour comprendre les mutations du travail et encore moins sur son sens et sa fonction sociale.
[« C’est le coût du travail en Bulgarie, en Roumanie – ou pire, au Bangladesh – qui de plus en plus sert de référence pour la fixation des coûts et des conditions de travail en France. » Et pourquoi, alors, cela se produit-il tout particulièrement en France ? Ne serait-ce pas, entre autres, lié à la dégradation de notre niveau de technicité, notre « industrialisité » pour reprendre le néologisme que j’ai déjà employé ?]
Pourquoi cela se produit particulièrement en France ? Parce que devant ce phénomène il y avait deux choix « cohérents » possibles : refuser ce « libre-échange intégral » ou accepter ses conséquences en termes de dégradation des conditions de vie et de travail. Les Allemands ont choisi la première option : grâce à un Euro construit pour eux, ils ont réussi à protéger leur industrie de la concurrence. Les britanniques ont choisi la seconde, et il faut aller dans le nord de l’Angleterre pour voir comment on y vit. En France, on a voulu le libre-échange ET le haut niveau de vie. Et c’est ce choix incohérent qui a achevé notre industrie.
[« J’ai beaucoup fréquenté pendant ma carrière les usines, et je ne trouve pas qu’il y règne un comportement et une mentalité « ludique »… » Moi aussi, et probablement bien plus que vous. Or, justement, les usines sont de moins en moins nombreuses, ce que vous y avez, à juste titre, constaté est de plus en plus rare. La conscience professionnelle ne me paraît plus – et ne me demandez pas d’en apporter la preuve car il s’agit d’un sentiment, d’une conviction – aussi présente que ce que j’ai connu il y a plusieurs dizaines d’années.]
Puisqu’on échange des impressions, je vous donne la mienne : a égalité de statut, je trouve la conscience professionnelle de nos travailleurs industriels aussi forte aujourd’hui qu’elle ne l’était hier. Mais il est évident qu’on peut difficilement espérer de l’intérimaire payé au lance-pierres, titulaire d’une fonction précaire et n’ayant donc aucune possibilité de promotion dans une hiérarchie de la technicité, de faire preuve d’une grande conscience professionnelle. Ce ne sont pas les gens qui ont changé, c’est leur statut. Quand l’usine est une collectivité de vie, avec ses traditions, ses réputations, on soigne les outils et le travail. Quand l’usine est un lieu temporaire, ou vous restez quelques mois au mieux et d’où vous repartez pour recommencer ailleurs, il n’y a aucune raison de le faire.
[D’autre part, vous biaisez mon propos en répondant par ce que vous voyez dans les usines alors que je parlais de la France en général.]
Si je « biaise », c’est involontairement, croyez-le. Nous échangions sur les questions industrielles et sur la désindustrialisation de la France, j’imaginais donc que votre propos se référait particulièrement à l’industrie.
[De même vous biaisez quand vous parlez des élèves de Polytechnique ou de l’ENA en réponse à un regard qui concerne une partie notable, et une partie seulement, de presque 70 millions de Français.]
Là, vous êtes injuste. Vous citiez en exemple « le sport de haut niveau, particulièrement exigeant en matière d’effort et de persévérance ». A ma connaissance, le sport de haut niveau ne concerne guère une « partie notable de presque 70 millions de français ». Si vous voulez trouver l’équivalent intellectuel du « sport de haut niveau », les élèves de Polytechnique et de l’ENA me semblent une excellente comparaison : là aussi il s’agit d’un milieu « exigeant en matière d’effort et de persévérance ». Alors, si vous donnez « le sport de haut niveau » en exemple du fait que les « immigrés et descendants d’immigrés » sont plus disposés à « l’effort et la persévérance » que les français « de souche », je trouve que l’ENA et Polytechnique constituent un excellent contre-exemple.
[Votre rhétorique consiste très souvent à demander la preuve de ce qui est avancé comme opinion. Vous savez bien que cela est très difficile pour vos interlocuteurs, mais cela ne prouve pas pour autant qu’ils ont tort.]
Non, et j’accepte sans difficulté la réponse « c’est une opinion ». Mais je persiste à croire qu’il faut faire la différence entre ce qui relève d’une « opinion » et un fait établi par des preuves. D’où ma demande.
[Une opinion individuelle est construite sur une masse d’indices, d’informations disparates, de constats ponctuels, d’intérêts personnels plus ou moins conscients, enfin une masse de choses qui balancent entre le rationnel et l’irrationnel.]
Oui, et c’est pourquoi il faut la traiter avec une grande méfiance.
[Ce que vous exprimez, avec talent, certes, reste une opinion dont vous ne pouvez apporter la preuve de la véracité, que ce soit sur votre notion de « classe moyenne » ou ce qui touche à l’euro ou la communauté européenne, ou encore sur beaucoup d’autres domaines.]
Ca dépend. Lorsque mon « opinion » s’appuie sur des faits, des raisonnements et des preuves, j’essaye de les citer pour permettre à mon interlocuteur de les vérifier et éventuellement les contester. J’évite dans la mesure du possible de citer des pures « opinions »…
[Là encore, vous biaisez. Je parle d’une « grande majorité des Français » qui n’est pas synonyme de « majorité absolue ni, encore moins de « quasi totalité » du « tout homogène » auquel vous faites allusion.]
Quand bien même. Cette « grande majorité » est-elle homogène en termes d’intérêts ?
[Là aussi deux opinions s’opposent sans présenter des faits indubitables.]
Pardon : il n’y a pas de symétrie dans nos « opinions ». Entre celui qui affirme qu’il existe des dragons verts à pois roses et celui qui affirme le contraire, la situation n’est pas la même. Vous affirmez un point, c’est donc sur vous que la charge de la preuve repose.
[Seulement, à voir le nombre d’immigrés ou d’enfants d’immigrés, disons d’après guerre, qui, malgré les difficultés liées à la pratique de la langue, de la faiblesse des réseaux, des moyens financiers originaux, et plus globalement des situations de départ, réussissent économiquement là où nos « enfants » ne rencontrent que des difficultés à s’établir, j’en arrive à la conclusion que l’esprit de conquête sur l’adversité est de moins en moins rencontré chez ceux qui pourtant avaient la plupart des avantages à leur disposition.]
Faudrait savoir : on nous rabâche les oreilles sur le fait – établi à grands renforts de statistiques – que les enfants d’immigrés réussissent moins bien économiquement que ceux des français « de souche ». On bâtit même des théories sur la « discrimination » sur ce fondement. Et vous me dites maintenant que c’est l’inverse, que les immigrés « réussissent économiquement là où nos enfants ne rencontrent que des difficultés à s’établir » ?
Il y a certainement des immigrés et des enfants d’immigrés qui ont réussi en France non seulement dans le domaine économique, mais dans celui des arts, des sciences, de l’administration. Mais ils restent une minorité. Et il n’y a aucun indicateur à ma connaissance qui aboutirait à montrer que les immigrés seraient globalement plus « enterprenant » que les français « de souche ». Si vous connaissez un tel indicateur, j’aimerais le voir.
[Vouloir y rester en matière de protection sociale tout en renonçant à s’en donner les moyens économiques relève du délire anthropomorphique.]
Là, on est d’accord. Mais là encore, il faut comprendre que ceux qui veulent « rester dans le peloton de tête en matière de protection sociale » et ceux qui acceptent de « renoncer à se donner les moyens économiques » ne sont pas les mêmes. D’un côté vous trouvez les couches populaires, pour qui la protection sociale est importante, de l’autre le « bloc dominant », tout à fait disposé à la sacrifier…
[Cotiser beaucoup, c’est déjà le lot des retraités qui ont payé pour leurs grands parents partis en retraite alors qu’ils n’avaient pas ou peu cotisé, leurs parents quelquefois dans le même cas partiellement, que leurs grands parents et pour eux mêmes.]
Non. Les « grands parents partis à la retraite alors qu’ils n’avaient pas ou peu cotisé » n’ont pas été une grosse charge, d’une part parce qu’ils partaient à 65 ans, et d’autre part parce que leur espérance de vie n’était pas aussi longue qu’aujourd’hui. La génération qui a beaucoup payé, c’est celle qui a du financer les effets combinés de l’augmentation des retraites, de la retraite à 60 ans et de la prolongation de l’espérance de vie. C’est-à-dire, celle qui a commencé à travailler dans les années 1980… et qui arrivera à la retraite vers 2020. Et qui risque fortement d’être cocue, puisque la génération suivante n’accepte pas, de toute évidence, de payer autant.
[A cela s’ajoute leur « riche dotation », ce qui est la plupart du temps très relatif, acquise par un travail plus soutenu que ce que l’on rencontre actuellement, sans voyages, vacances au Club Med, années sabbatiques, sports d’hiver, loisirs chronophages, consommations futiles et addictives, . . .]
Soyons sérieux… l’âge d’or du Club Med, des sports d’hiver, des consommations futiles ce sont les années 1970. Vous parlez comme si tout ça avait commencé aujourd’hui. Pensez-vous vraiment que la génération qui avait 20 ans en 1968 a fait un travail « plus soutenu » que celle qui a eu 20 ans en 1990 ? Vous rêvez… allez dans un McDonalds, et vous verrez si le travail n’est pas « soutenu »…
[Et pourquoi, toutes choses étant égales par ailleurs, les générations qui suivent se dispenseraient tout d’un coup, après avoir, comme la cigale, consommé plus que produit, de poursuivre cette solidarité dont ils vont cependant hériter des fruits à la mort de leurs parents.]
Parce que la société change. Parce que les institutions de filiation, de lignée, de famille, de nation qui sont les fondements de la solidarité intergénérationnelle sont en crise. Parce que la richesse est bien plus concentrée dans les mains du « bloc dominant », et que celui-ci n’a pas envie de la partager en l’injectant dans des mécanismes de redistribution.
[Je ne sais pas si je suis un cas particulier, mais j’observe une multitude de situations, de mes yeux, dans lesquelles, des « héritiers » de 30 à 50 ans, pour faire simple, comptent très largement sur ce qu’ont construit leurs parents pour se dispenser d’avoir à prévoir une retraite confortable.]
Pourtant, on ne peut que constater que se multiplient les mécanismes de prévision et de retraite par capitalisation (PERP, PERCO, etc.), ce qui tendrait à faire penser au contraire que les actifs d’aujourd’hui comptent beaucoup moins sur une « retraite confortable » que les générations antérieures. Je crains que votre discours sur le mode « c’était mieux avant » est aussi ancien que l’humanité…
[Plus nombreux probablement que vous l’imaginez, j’ai entendu ces jours derniers à la télé le chiffre de 1 million, en forte croissance chaque année. D’autre part dans de nombreux cas, des conventions entre pays (Portugal, Maroc, etc . . . .) permettent aux résidents Français ( plus de 183 jours de présence par an de payer leurs impôts sur le revenu en France et le font dans leur pays de résidence où c’est beaucoup plus avantageux. Cet disposition n’est pas, il me semble, possible aux fonctionnaires.]
Je crois que vous confondez deux choses : beaucoup de retraités français s’installent dans des pays comme le Portugal ou le Maroc, mais ce qui les motive n’est pas la question fiscale, mais le climat et surtout la différence dans les prix, notamment de l’immobilier. Avec une retraite française qui vous condamne à un deux-pièces cuisine à Paris on peut vivre comme un prince – ok, disons un duc – dans une villa en Espagne, au Portugal, au Maroc.
[« Je ne suis pas d’accord. Certains chez nous veulent le beurre et l’argent du beurre, et ils l’obtiennent en jetant les autres au crocodile… » Cette assertion est récurrente dans votre argumentation. Elle marque les esprits et me fait penser au style imagé qui fait le succès populaire de JL Mélanchon ou de JM Le Pen. Mais ça n’est qu’une formule.]
Elle est récurrente parce qu’elle correspond à une expérience récurrente. C’est un scénario qui se reproduit avec la régularité d’un métronome : nos politiques proposent une réforme qui en apparence vise à rétablir l’égalité et la justice, et qui in fine ne dégrade que la situation des couches populaires. Et cela fait trente ans que ça dure…
Bonjour Descartes,
Philippot vient de se faire virer du Fn, bonne ou mauvaise nouvelle pour les souverainistes ? Cela peut permettre une recomposition des forces souverainistes mais en même temps, on risque de n’avoir plus aucun grand parti,qui défend la sortie de l’Euro.
J’aimerai avoir votre point de vue sur la question.
Il est décidément temps que vous fondiez votre parti. Je l’écris ironiquement parce que vous avez d’autres occupations (et votre travail sur ce blog est en tout point remarquable), mais la ligne politique que vous défendez, qui est la mienne et peu ou prou celle de Philippot risque de n’avoir vraiment plus aucune représentation.
@ Romain
[Philippot vient de se faire virer du Fn, bonne ou mauvaise nouvelle pour les souverainistes ?]
Franchement, j’ai quelques scrupules à parler de ce sujet. D’une part, je n’ai pas eu le temps de m’informer proprement, et l’extrême droite n’est pas vraiment ma famille. Je ne sais donc que ce que j’ai lu dans les journaux – et ce que je peux deviner à partir de ce que je connais du milieu politique. Loin de moi donc l’idée de donner une opinion définitive.
Philippot était pour les uns le cheval de Troie su souverainisme gaullien au FN, et pour les autres le cheval de Troie du FN chez les souverainistes et les couches populaires. Grâce à son action, le FN a pénétré des régions et des populations qui lui étaient inaccessibles auparavant, et devenu ainsi le deuxième parti de France sinon le premier. C’est pour cela que les « identitaires » l’ont supporté. Mais ils se sont aussi aperçus que si le FN se développait, c’était en portant une vision et un message qui leur était chaque fois plus lointain. Or, le réflexe des « barons » est toujours le même : on préfère être la tête d’une souris que la queue d’un lion. Mieux vaut une structure faible qu’on contrôle plutôt qu’une structure puissante et contrôlée par d’autres. Les « barons » n’attendaient qu’une opportunité pour se défaire du troublion.
L’opportunité se présente maintenant. Cela a été préparé par une campagne médiatique dans laquelle on minimisait les résultats du FN en présentant l’échec comme la conséquence de la « ligne Philippot ». Tout le monde oublie que c’est le « social-souverainisme » qui a permis le FN de conquérir des municipalités, d’avoir des élus locaux, d’accéder confortablement au deuxième tour et d’y réunir un votant sur trois. On ne se souvient que du « mauvais résultat » – très relatif – de sa candidate, et de l’échec – tout aussi relatif – aux législatives. Mais cette campagne, qui a vu l’alliance objective des médias « européistes » et des « barons » du FN est logique : pour pouvoir accuser un bouc émissaire de la défaite, il faut d’abord qu’il y ait défaite.
Cette affaire montre surtout les limites de Marine Le Pen. Elle avait eu l’intelligence de choisir la « ligne Philippot » et de la défendre contre vents et marées pendant des années. Mais elle commis l’erreur de flancher entre les deux tours : au lieu de rester fidèle au discours tenu avant le premier, elle a prêté l’oreille à ceux qui lui disaient que « la sortie de l’Euro fait peur à l’électeur », et qu’il fallait atténuer le discours. Il en est sorti le cafouillage sur la « monnaie commune », qui a mis en difficulté Marine Le Pen lors du débat de deuxième tour et conduit au désastre. Et aujourd’hui, au lieu d’affronter les « barons », elle leur a donné ce qu’ils demandaient : la tête de Philippot. Elle aurait mieux fait de se souvenir de ce que disait De Gaulle : de tous les abandons, le plus grave est le premier, parce que c’est celui-là qui détermine tous les autres. Si elle n’a pas pu leur dire « non » quand ils ont demandé la tête de son principal collaborateur, elle ne pourra pas leur dire « non » lorsqu’ils demanderont encore plus.
Quant aux souverainistes… c’est un coup dur. Avec Philippot numéro deux du FN, il y avait une chance de voir peser ce parti dans un sens favorable à la souveraineté. La campagne du premier tour avait permis de mettre dans le débat public des sujets comme la sortie de l’Euro ou le rétablissement des frontières. Sans lui, le FN reviendra à ses vieux démons, abandonera ces sujets, et tout espoir d’une coopération entre « souverainistes des deux rives » se trouve pour le moins retardé.
Il faudra maintenant voir ce que deviennent Philippot et ses amis. Sorti du FN, Philippot sera-t-il plus « fréquentable » pour certains « souverainistes de gauche » ou prétendus tels ? J’en doute, mais on peut toujours rêver. Le FN abandonnera-t-il complètement la ligne « social-souverainiste » ? Les « barons » du « FN du Nord » continueront-ils à faire du « Philippot sans Philippot » pour satisfaire la demande de leurs électeurs ? Ce n’est pas impossible, loin de là. Marine Le Pen comprendra-t-elle qu’en choisissant les « identitaires » contre les « social-souverainistes » il choisit le passé plutôt que l’avenir ?
Comme vous voyez, j’ai plus de questions que de réponses…
[Il est décidément temps que vous fondiez votre parti. Je l’écris ironiquement parce que vous avez d’autres occupations (et votre travail sur ce blog est en tout point remarquable), mais la ligne politique que vous défendez, qui est la mienne et peu ou prou celle de Philippot risque de n’avoir vraiment plus aucune représentation.]
Fonder mon parti ? Je n’ai pas l’âme de gourou qu’il faut pour cela. Mais si quelqu’un fonde ce parti, je serai fier d’y contribuer à la mesure de mes maigres moyens !
@Roman
J’interviens dans votre échange avec Descartes :
> Il est décidément temps que vous fondiez votre parti.
Est-il vraiment temps ? Il y a déjà un certain nombre de partis souverainistes… À gauche, le Pardem et le PRCF. À droite, DLF et l’association « Les Patriotes ». Ailleurs, l’UPR.
(à titre personnel, j’ai adhéré à l’UPR, plus par curiosité et sans véritable conviction pour l’instant…)
> la ligne politique que vous défendez, qui est la mienne et peu ou prou celle de Philippot risque de n’avoir vraiment plus aucune représentation.
Je ne veux pas parler pour Descartes, mais je trouve que les analyses économiques et sociales qu’il développe sont tout de même loin de celles de Philippot, qui doit tenir le marxisme en horreur. Dans le cas contraire, la réponse est évidente : il suffit d’adhérer à l’association « Les Patriotes », qui accouchera probablement d’un parti politique, d’une manière ou d’une autre.
@ Antoine
[« Il est décidément temps que vous fondiez votre parti ». Est-il vraiment temps ? Il y a déjà un certain nombre de partis souverainistes… À gauche, le Pardem et le PRCF. À droite, DLF et l’association « Les Patriotes ». Ailleurs, l’UPR.]
Ouaip… enfin, la plupart de ces organisations sont des « sectes » réunies autour d’une figure qui fait la pluie et le beau temps autour de lui. Nikonoff au Pardem, Dupont-Aignan à DLF, Philippot chez « Les Patriotes », Asselineau à l’UPR. Pour le moment, aucun de ces mouvements n’a vraiment réussi à créer une logique de rassemblement, au contraire : ils tendent au contraire à tomber dans la logique groupusculaire, à chercher à se distinguer les uns des autres quitte à tirer sur le voisin.
Il manque en effet un véritable « parti souverainiste », qui pourrait rassembler les bonnes volontés éparses et construire un « programme minimum » que tous les souverainistes pourraient soutenir lors d’une élection. Cela étant dit, je ne suis pas un politicien, et je ne prétends pas l’être. Si un tel parti voyait le jour, je ferais peut-être un bon conseiller politique, un bon idéologue… mais je ne suis pas persuadé que j’ai ce qu’il faut pour galvaniser une foule.
[« la ligne politique que vous défendez, qui est la mienne et peu ou prou celle de Philippot risque de n’avoir vraiment plus aucune représentation ». Je ne veux pas parler pour Descartes, mais je trouve que les analyses économiques et sociales qu’il développe sont tout de même loin de celles de Philippot, qui doit tenir le marxisme en horreur.]
Je ne sais pas, il faudrait peut-être que je discute avec lui ? 😉
Au-delà des différences dans nos analyses, je suis persuadé que lorsqu’on vient aux priorités de la lutte politique immédiate, Philippot et moi arriverions très facilement à nous mettre d’accord sur un certain nombre de principes venues du « gaullo-communisme ».
[Dans le cas contraire, la réponse est évidente : il suffit d’adhérer à l’association « Les Patriotes », qui accouchera probablement d’un parti politique, d’une manière ou d’une autre.]
Sur ce point, je n’exclus rien.
@ Descartes
>Nikonoff au Pardem, Dupont-Aignan à DLF, Philippot chez « Les Patriotes », Asselineau à l’UPR.< Oui, enfin c’est quand même méchant pour Dupont-Aignant. Même si son parti n’est pas un modèle de démocratie associative, on est quand même à des années lumières des sectes de Asselineau et Nikonoff.
D’ailleurs, je remarque que tu ne nommes pas le “gourou” du PRCF… Les mauvaises langues diraient que c’est le camarade Staline !
>Si un tel parti voyait le jour, je ferais peut-être un bon conseiller politique, un bon idéologue… mais je ne suis pas persuadé que j’ai ce qu’il faut pour galvaniser une foule.< Honnêtement, je te conseillerais d’aller faire un tour du côté des “Patriotes”. Leur site internet et les déclarations de Philippot me font penser qu’ils cherchent à recruter des “cerveaux”. Et puis, il faut battre le fer quand il est chaud, tout reste encore à faire. Je ne te demande pas bien-sûr de t’engager directement, mais m’est opinion que partager deux ou trois de tes opinions avec eux vont te valoir d’être “dragué” assez vite, ce qui veut dire avoir assez facilement accès à des infos de premières main concernant ce qui se passe de ce côté-là. Pour ma part, je compte faire exactement ça… @ Antoine
>Je ne veux pas parler pour Descartes, mais je trouve que les analyses économiques et sociales qu’il développe sont tout de même loin de celles de Philippot, qui doit tenir le marxisme en horreur.< Je n’en suis vraiment pas sûr. Le marxisme est un outil théorique, et on peut très bien avoir une analyse “marxiste” en masquant les stigmates langagiers… De plus, Philippot se réclame avec insistance de Chevènement, qui à l’époque du CERES était franchement marxisant… >Dans le cas contraire, la réponse est évidente : il suffit d’adhérer à l’association « Les Patriotes », qui accouchera probablement d’un parti politique, d’une manière ou d’une autre.< En ce qui me concerne, ça ne me coûtera que 10€, par la vertu d’avoir moins de trente ans. Je peux bien me priver de deux kebabs pour aller voir ce qui se trame !
@Descartes
> la plupart de ces organisations sont des « sectes » réunies autour d’une figure qui fait la pluie et le beau temps autour de lui. Nikonoff au Pardem, Dupont-Aignan à DLF, Philippot chez « Les Patriotes », Asselineau à l’UPR.
Oui. Mais je me pose une question : comment démarrent en général les partis politiques ? Je me dis qu’au commencement, il y a forcément un fondateur ou un noyau dur dont le fonctionnement donne l’apparence d’une secte, parce qu’on ne peut pas institutionnaliser et formaliser à fond dès le début. La question est alors de savoir si Philippot ou Asselineau vont ouvrir le fonctionnement de leur parti… Or, tous deux ont un point commun : ils sont hauts fonctionnaires, ils ont su mettre leurs compétences en toute humilité au service de décideurs politiques qui pouvaient très bien désavouer les analyses qu’ils leur proposaient (et qui le faisaient assez souvent, si j’en crois Asselineau). Ils savent également que la politique nécessite autre chose que les intuitions d’un gourou assorties d’un discours hyper-volontariste à la Mélenchon.
Vous me répondrez que Macron lui aussi a été haut fonctionnaire… certes, voilà qui rend mon analyse moins joyeuse…
@ BolchoKek
[Oui, enfin c’est quand même méchant pour Dupont-Aignant. Même si son parti n’est pas un modèle de démocratie associative, on est quand même à des années lumières des sectes de Asselineau et Nikonoff.]
Oui, je l’avoue. Dans toute la galaxie souverainiste, Dupont-Aignan est celui qui a le plus cherché à créer un véritable parti politique. D’ailleurs, vous noterez qu’il est le seul qui pense en termes de rassemblement, et qui soit ouvert à faire des alliances.
[D’ailleurs, je remarque que tu ne nommes pas le “gourou” du PRCF… Les mauvaises langues diraient que c’est le camarade Staline !]
Ce vieux Joseph reviendrait-il du royaume des morts pour diriger une organisation ? Sont-ils portés sur le spiritisme, au PRCF ?
[Honnêtement, je te conseillerais d’aller faire un tour du côté des “Patriotes”. Leur site internet et les déclarations de Philippot me font penser qu’ils cherchent à recruter des “cerveaux”. Et puis, il faut battre le fer quand il est chaud, tout reste encore à faire. Je ne te demande pas bien-sûr de t’engager directement, mais m’est opinion que partager deux ou trois de tes opinions avec eux vont te valoir d’être “dragué” assez vite, ce qui veut dire avoir assez facilement accès à des infos de premières main concernant ce qui se passe de ce côté-là. Pour ma part, je compte faire exactement ça…]
Ce n’est pas une mauvaise idée. Je vais y réflechir !
@ Antoine
[Oui. Mais je me pose une question : comment démarrent en général les partis politiques ? Je me dis qu’au commencement, il y a forcément un fondateur ou un noyau dur dont le fonctionnement donne l’apparence d’une secte, parce qu’on ne peut pas institutionnaliser et formaliser à fond dès le début.]
Oui, et non. La plupart des grands partis politiques se sont formés à partir d’une coalition d’intérêts. On se regroupe pour se défendre. Le parti socialiste apparaît pour donner un prolongement politique à la lutte syndicale de la classe ouvrière. Les partis conservateurs sont portés et financés par de grands patrons qui les financent et qui souvent possèdent les journaux. Le parti radical apparaît pour défendre les intérêts de la petite bourgeoisie provinciale et laïque. Et ainsi de suite.
Souvent, ces partis se sont formés par agrégation de « noyaux durs » comme ceux que vous décrivez. Mais cette agrégation en a fait dès le départ des structures assez souples pour organiser la coexistence des différents « gourous ». On ne trouve pas dans ces partis naissants UN chef indiscuté, mais plutôt un ensemble de fortes personnalités qui n’hésitent pas à débattre publiquement de leurs désaccords. Dans le Parti socialiste, dès le départ Jaurès s’oppose à Guesde ou a Vailland. Au Parti radical coexistent des gens aussi différents qu’Herriot, Combes et Clemenceau. En fait, les partis politiques au sens classique du terme sont des « familles de pensée », ayant une multiplicité de personnalités et de lignes qui maintiennent un débat et une négociation permanente. Seul le léninisme a théorisé une organisation différente, fondée sur une unité d’action imposée. Et encore : si l’action est unitaire, dans la vision léniniste le débat reste ouvert et la direction est toujours collective.
C’est pourquoi je dis qu’aucun des groupements « souverainistes » n’est pour le moment un véritable « parti ». A tous il leur manque ce débat interne, cette multipolarité qui fait un véritable parti politique. Mais peut-être que l’époque n’est pas aux partis politiques ? On voit bien avec le succès de l’égo-politique que les citoyens recherchent bien plus les certitudes – que seule une religion peut donner – que le débat…
[La question est alors de savoir si Philippot ou Asselineau vont ouvrir le fonctionnement de leur parti… Or, tous deux ont un point commun : ils sont hauts fonctionnaires, ils ont su mettre leurs compétences en toute humilité au service de décideurs politiques qui pouvaient très bien désavouer les analyses qu’ils leur proposaient (et qui le faisaient assez souvent, si j’en crois Asselineau). Ils savent également que la politique nécessite autre chose que les intuitions d’un gourou assorties d’un discours hyper-volontariste à la Mélenchon.]
En même temps, comme souvent avec les hauts fonctionnaires défroqués, ils éprouvent un besoin désespéré de reconnaissance publique. Il y a là un problème : le travail du haut fonctionnaire est ingrat en ce qu’il est par essence anonyme. Qui se souvient des hauts-fonctionnaires qui ont fait le succès du programme électronucléaire, du TGV ou du Concorde ? Qui connaît le nom du rédacteur des ordonnances sur la Sécurité sociale ou celle nationalisant les banques ? Si vos propositions sont retenues et mises en œuvre avec succès, c’est l’autorité politique qui en portera le mérite. Si elles sont rejetées, personne n’en saura jamais rien. Le mieux que vous puissiez espérer en termes de reconnaissance, c’est celle de vos pairs… et dans une société hypermédiatique, ce n’est pas toujours suffisant !
C’est pourquoi je crains qu’Asselineau ou Philippot soient incapables d’ouvrir le fonctionnement de leur parti, c’est-à-dire, de partager leur pouvoir sur lui…
[Ouaip… enfin, la plupart de ces organisations sont des « sectes » réunies autour d’une figure qui fait la pluie et le beau temps autour de lui. Nikonoff au Pardem, Dupont-Aignan à DLF, Philippot chez « Les Patriotes », Asselineau à l’UPR. Pour le moment, aucun de ces mouvements n’a vraiment réussi à créer une logique de rassemblement, au contraire : ils tendent au contraire à tomber dans la logique groupusculaire, à chercher à se distinguer les uns des autres quitte à tirer sur le voisin. ]
Je te trouve (beaucoup) trop dur. Et j’avoue ne pas comprendre ce qui ressemble parfois à du mépris d’une bonne parti de la galaxie souverainiste pour Asselineau.
L’UPR n’est pas une secte, c’est bien un parti avec des statuts, des élections internes… et Asselineau n’y est pas tout puissant. Il y a d’autres figures dans le parti (Vincent Brousseau, Henri Gallois…) avec parfois des forts désaccords sur certains points : sur la forme le type de pédagogie à apporter ou encore sur le fond avec la place de l’environnement dans le projet, point sur lequel Asselineau a été mis en minorité.
Ces désaccords peuvent paraître mineurs mais c’est bien normal : le parti se définit exactement comme un mouvement « qui pourrait rassembler les bonnes volontés éparses et construire un « programme minimum » que tous les souverainistes pourraient soutenir lors d’une élection ». Certains adhérents (qui viennent autant de la gauche comme de la droite) sont donc frustrés de ne pas pouvoir débattre/se positionner sur certains sujets clivants et qui leur tiennent à coeur mais c’est justement là la nature de l’UPR : rassembler autour de LA question qui compte pour faire quoi que ce soit d’autre = la sortie de l’UE. Le reste est secondaire, donc le programme reste sur une plateforme minimum.
Asselineau dit et redit dans ses vidéos que l’UPR est un mouvement ouvert aux alliances de tous bords, à condition d’être d’accord sur l’essentiel (sortie de l’UE). Ne sont donc pas acceptés les partis louvoyant sur le sujet (FI, DLF…) qui au final n’ont aucune intention d’y procéder. C’est tout.
Là où je te rejoins c’est sur les piques adressées aux autres partis qui sont parfois (souvent) excessives. Mais d’un autre côté, je comprends la frustration de voir d’autres politiques reprendre une partie du discours en allant pas au bout de la logique et frôlant parfois l’arnaque (« une autre Europe » ou « une monnaie commune ») alors qu’on a pris le pari de la transparence sur les intentions et de la pédagogie.
Quant à Philippot… on verra ! L’UPR rassemble à date quasi 30 000 militants malgré son poids électoral ridicule. Si « les patriotes » se développent, on pourrait également aboutir à une alternative intéressante même si j’ai peur que
@ Marencau
[Je te trouve (beaucoup) trop dur. Et j’avoue ne pas comprendre ce qui ressemble parfois à du mépris d’une bonne parti de la galaxie souverainiste pour Asselineau. L’UPR n’est pas une secte, c’est bien un parti avec des statuts, des élections internes… et Asselineau n’y est pas tout puissant.]
J’avoue que je ne connais que de loin le fonctionnement de l’UPR, et si j’ai été injuste avec ce mouvement, je m’en excuse. Mais vu de l’extérieur, on n’entend d’autre parole, on ne voit d’autre face que celle de Asselineau. J’ajoute que l’UPR se conçoit – et ce n’est pas un reproche, loin de là – plus comme une organisation pédagogique, destinée à défendre une idée, que comme un véritable parti politique susceptible de gouverner. Ce qui laisse entière la question d’un « parti souverainiste ».
[Là où je te rejoins c’est sur les piques adressées aux autres partis qui sont parfois (souvent) excessives. Mais d’un autre côté, je comprends la frustration de voir d’autres politiques reprendre une partie du discours en allant pas au bout de la logique et frôlant parfois l’arnaque (« une autre Europe » ou « une monnaie commune ») alors qu’on a pris le pari de la transparence sur les intentions et de la pédagogie.]
Je peux comprendre la « frustration », mais je ne pense pas que les « piques » en question aident vraiment à faire passer les idées de l’UPR, au contraire.
[Quant à Philippot… on verra ! L’UPR rassemble à date quasi 30 000 militants malgré son poids électoral ridicule. Si « les patriotes » se développent, on pourrait également aboutir à une alternative intéressante même si j’ai peur que]
Votre message est arrivé incomplet… mais je crois deviner la fin. Un des problèmes du souverainisme est que si son poids électoral est ridicule, il ne manque pas de très fortes personnalités. C’est d’ailleurs logique : les conformistes ne se retrouvent pas à ramer à contre-courant. La difficulté, c’est qu’il faut faire travailler ces fortes personnalités ensemble…
@Marencau
> L’UPR n’est pas une secte, c’est bien un parti avec des statuts, des élections internes… et Asselineau n’y est pas tout puissant. Il y a d’autres figures dans le parti (Vincent Brousseau, Henri Gallois…) avec parfois des forts désaccords sur certains points : sur la forme le type de pédagogie à apporter ou encore sur le fond avec la place de l’environnement dans le projet, point sur lequel Asselineau a été mis en minorité.
Intéressant… mais comment peut-on avoir connaissance de tout cela, et peser, en tant qu’adhérent, sur le cours du parti ? À part ma carte d’adhérent, je n’ai à ma connaissance accès à aucune ressource interne, aucun espace de discussion (pire : aucune réunion du groupe ou section local(e) auquel je suis censé appartenir…).
Sur Vincent Brousseau, j’ai cru comprendre que c’était un proche d’Asselineau, spécialiste de la monnaie (en partie de l’euro et de la BCE). J’avoue que je ne connais pas Henri Gallois. Par contre, il n’y a à ma connaissance aucune instance interne, aucun mécanisme représentatif où faire entendre sa voix, aucun débat organisé entre adhérents, à part la réélection une fois tous les 3 ans du bureau national.
Si Descartes veut bien transmettre mes coordonnées à Marencau, je serais ravi d’avoir plus de précisions…
Excellente nouvelle:Phillipot quitte les Fachos,merci à qui?
@Descartes,
hors sujet: que pensez-vous du départ de F.Philippot du FN? Je sais que l’extrême-droite n’est pas précisément votre culture politique (et ni la mienne, à vrai dire…), mais il semblerait que Marine Le Pen ne soit pas vraiment du bois dont on fait les hommes d’Etat: elle va retourner vers un FN à la papa, soit du poujadisme, et donc de l’anti-étatisme, de l’Européisme blanco-chrétien pour faire de la chasse aux immigrés basanés, le tout en restant dans l’euro et l’UE… Dommage pour Philippot car j’ai bien peur qu’il ne finesse comme B.Mégret dans les oubliettes de l’histoire.
Honnêtement, les adeptes du retour à l’Etat-Nation France viennent de perdre une grosse bataille, et je désespère de certains de mes compatriotes inconséquents et égoïstes, qui ont installé à la tête du pays ce chef d’Etat francophobe.
Oui, je sais bien que vous n’aimez pas les jérémiades, mais là, même avec la foi du charbonnier, je ne vois comment notre pays pourrait retrouver son indépendance politique et économique de sitôt…
@ CVT
[hors sujet: que pensez-vous du départ de F.Philippot du FN?]
J’ai essayé dans un autre commentaire de donner une première réaction. Mais j’insiste : je ne suis pas un expert, je ne connais pas bien la cuisine interne du FN…
[mais il semblerait que Marine Le Pen ne soit pas vraiment du bois dont on fait les hommes d’Etat: elle va retourner vers un FN à la papa, soit du poujadisme, et donc de l’anti-étatisme, de l’Européisme blanco-chrétien pour faire de la chasse aux immigrés basanés, le tout en restant dans l’euro et l’UE…]
Oui. Et le pire, je pense, c’est qu’elle n’est guère convaincue par ce qu’elle est en train de faire. Je pense que la pression des « barons » a été trop forte, et qu’elle a cédé. La rupture a eu lieu à mon avis entre les deux tours, quand MLP a cédé aux voix de la sainte alliance des médias est des « barons » du FN qui lui recommandaient d’abandonner le discours « extremiste » sur l’Euro comme condition de sa victoire. Le paradoxe est que cet abandon a abouti au désastre qu’on reproche aujourd’hui à Philippot, alors que celui-ci a tout fait pour l’éviter…
[Dommage pour Philippot car j’ai bien peur qu’il ne finesse comme B.Mégret dans les oubliettes de l’histoire.]
Je ne le crois pas. L’histoire retient plus facilement le nom de ceux qui ont eu raison trop tôt que de ceux dont la seule motivation est l’ambition personnelle.
[Honnêtement, les adeptes du retour à l’Etat-Nation France viennent de perdre une grosse bataille, et je désespère de certains de mes compatriotes inconséquents et égoïstes, qui ont installé à la tête du pays ce chef d’Etat francophobe.]
« La France a perdu une bataille, mais elle n’a pas perdu la guerre… »
@ Marcailloux
Je me permets -une fois n’est pas coutume- d’intervenir sur le point précis du sport de haut niveau, ses « cossards » petits français de souche et ses « persévérants » fils d’immigrés -selon vos dires.
D’abord ce point m’est très cher et il montre à quel point vos généralisations tombent volontiers à plat.
Vous prenez les derniers championnats du monde d’athlétisme -certainement l’un des sports les plus ingrats en terme de rapport persévérance / gratification- les cinq lauréats (dont trois médailles d’or !) sont des petits français cossards de souche.
L’un de ces lauréats, sans doute le plus flamboyant du lot par sa personnalité et le panache de son style, P. A. Bosse s’est d’ailleurs fait récemment défiguré par l’un de ces magnifiques spécimens de fils d’immigré cossards et résignés à l’être dont vous semblez ignorer l’existence.
Ce cossard mais fougueux garçon a déclaré ne pas savoir à qui appartenait ce portrait qu’il arrangeait ainsi avec persévérance, cela après l’avoir vu signer des autographes une bonne partie de la soirée !
On peut quand même se demander (la presse ne l’a pas fait et notre candide champion non plus) pourquoi tant de haine ?
Le seul sport où vos a priori cadreraient à la rigueur -je n’aurai pas la cruauté d’évoquer le rugby ou le cyclisme- est le football, sport dont on sait combien il sert depuis la coupe du monde de 1998 à promouvoir le grand projet œcuménique de la France black blanc beur.
Je note d’ailleurs que le style s’en est à l’évidence ressenti…
Il est loin le temps où un sélectionneur comme Michel Hidalgo privilégiait avant tout le bagage technique, presque artistique, des Six, Rocheteau, Platini, Giresse, mais aussi des Tigana, Trésor, Zimako ou Omar Sahnoun, sans distinction de pigmentation dermique donc.
@ La gaule
[Le seul sport où vos a priori cadreraient à la rigueur -je n’aurai pas la cruauté d’évoquer le rugby ou le cyclisme- est le football, sport dont on sait combien il sert depuis la coupe du monde de 1998 à promouvoir le grand projet œcuménique de la France black blanc beur.]
En fait, il y a deux sports ou la présence d’immigrés a toujours été très forte – et pas qu’en France : ce sont la boxe et le football. Deux sports où depuis très longtemps – et ce n’est pas une coïncidence – il circule beaucoup, beaucoup d’argent. Ces activités offrent, avec un investissement faible, une possibilité – avec une probabilité certes faible – d’accéder à la richesse.
Les plus pauvres s’investissent dans ces sports plus fortement que les riches pour la même raison qu’ils jouent bien plus en proportion au loto : parce que cela offre un espoir, aussi improbable soit-il, de sortir de la pauvreté. Mais le fait d’acheter un billet de Loto n’exprime aucun « esprit d’entreprise » particulier.
[Il est loin le temps où un sélectionneur comme Michel Hidalgo privilégiait avant tout le bagage technique, presque artistique, des Six, Rocheteau, Platini, Giresse, mais aussi des Tigana, Trésor, Zimako ou Omar Sahnoun, sans distinction de pigmentation dermique donc.]
En effet… et en ce temps-là, qui se souciait du fait que Platini était lui même un “immigré” ?
@ La Gaule
Bonjour,
“”D’abord ce point m’est très cher et il montre à quel point vos généralisations tombent volontiers à plat.
Vous prenez les derniers championnats du monde d’athlétisme -certainement l’un des sports les plus ingrats en terme de rapport persévérance / gratification- les cinq lauréats (dont trois médailles d’or !) sont des petits français cossards de souche.””
Je ne vois pas vraiment en quoi mes “généralisations” tombent à plat.
Tout d’abord je n’ai aucun à priori ni vis à vis des minorités visibles, ni des Français de souche. Ma sensibilité et ma réactivité épidermique ne sont pas particulièrement sollicitées par ce critère.
Concernant justement les derniers championnats du monde d’athlétisme, j’ai le sentiment, n’ayant pas pris le peine de faire un dénombrement précis, que la “cuvée” des champions et participants était relativement plus équilibrée que celles qui les ont précédées.
Si, vous ramenez la proportion des minorités visibles à celle de la population, je suis profondément convaincu que le rapport athlètes de haut niveau pur jus gaulois sur athlètes issus de minorités visibles est largement en faveur de ce dernier. Pour dire simplement les choses, si sur 10 participants vous en avez 5 de minorité visible alors que dans la population vous n’avez qu’un rapport de 1 à 4, cela démontre que nous avons, en proportion relative deux fois plus de champions d’origine étrangère que ceux de “souche”.
Ce n’est pas ce fait, par lui même qui m’interpelle, c’est ce qu’il peut représenter comme signification de l’état de notre société. Je ne cherche pas à bâtir une argumentation qui renforce mon opinion, mais simplement à me faire une opinion sur ce que je constate et sur ce que je ressens.
Une particularité des hommes est de rechercher, généralement, dans leurs lectures, la confirmation de leurs opinions.
Il se trouve que sur ce blog, la sensibilité vis à vis des étrangers ne leur est pas particulièrement favorable. Il y a souvent des justifications à cela, mais ceci ne doit pas occulter nos propres turpitudes.
De souche profondément autochtone, je me réjouis, avec un chauvinisme assumé, de la réussite des Dupont, Durand ou Martin. Et parallèlement je déplore ce que je ressens comme une altération de la combativité des membres de mon ethnie.
J’ai d’ailleurs le même sentiment vis à vis de la langue française que je vois régulièrement bafouée, entre autres par des journalistes dont la matière de base est justement la langue française. C’est pour moi le signe d’une certaine dégénérescence.
@ La Gaule
Bonjour,
“”Le seul sport où vos a priori cadreraient à la rigueur -je n’aurai pas la cruauté d’évoquer le rugby ou le cyclisme- est le football, sport dont on sait combien il sert depuis la coupe du monde de 1998 à promouvoir le grand projet œcuménique de la France black blanc beur. “”
Je reviens sur le sujet en reprenant justement votre assertion à laquelle je pensait hier soir en regardant un match du top 14 à la télé.
Vous avez, certes, de grands clubs en France, qui rivalisent avec les meilleurs européens. Cependant il ne vous aura pas échappé qu’ils on fait appel, dans une forte proportion à des joueurs étrangers. Concernant l’équipe de France composée par ailleurs de plus en plus avec des minorités visibles, on ne peut pas dire qu’elle brille autant que ses prédécessrices d’il y a quelques dizaines d’années.
Et le cyclisme me dites vous ?
Depuis combien d’années nous n’avons plus de Hinault, Anquetil, Bobet, Poulidor et j’en passe. Nos champions actuels sont remisés en “seconde division” et lorsque l’un d’entre eux gagne une étape, la France se s’extasie.
Je pratique le golf avec grande assiduité et là aussi je constate qu’assez peu de jeunes consacrent autant d’effort à concourir en compétition que ne le font leurs ainés. Le temps passé devant leurs écrans de toutes sortes les limite fortement dans leur disponibilités pour l’entrainement et la compétition.
Et puis, en ont-ils l’esprit ? J’en doute et lorsque vous évoquez P.A.Bosse, son isolement ne rend que plus évident la carence de nos athlètes sur la scène internationale. Regardez les grands pays européens et comparez les faciès lors des grandes compétitions.
Je ne prône pas pour autant les bienfaits de l’immigration, je regrette simplement la faiblesse relative des Français de souche ancienne dans les compétitions de haut niveau.
Regardez par exemple l’Espagne, en vélo, en moto, en F1, en football, en golf, ils sont moins nombreux et moins riches que nous et cependant ils “produisent” des champions d’une autre pointure.
Le sport serait-il un indicateur pertinent de l’état de notre société ?
MLP est largement en-dessous de son père même si je ne nourris aucune fascination pour ce dernier. Lui, il a bien compris que son type de parti d’extrême droite se construit autour d’un Chef incontestable, d’un nom (le sien), ses « idées », tout le reste n’étant que félons voués à l’exclusion avec fracas.
MLP, elle, va chercher un intellectuel iconoclaste, l’écoute et hisse au premier plan cette personne qui ne porte ni le nom sacré, ni la doxa du milieu. Tant que les succès semblaient là, les cadres rongeaient leur frein. Mais ils étaient au coin du bois et la Chef se montrant plus que médiocre au débat du second tour, ce fut le début de la curée.
Bien entendu, impensable la remise en cause de l’héritière du nom mais Philippot était condamné.
Sous les coups de butoir des « barons » d’abord écarter des proches : Montel et d’autres, puis vice-présidence sans affectation, tout montre qu’elle aurait souhaité garder Philippot mais comme je le dis précédemment, elle n’a pas la trempe de son père…et il lui fallait peut-être aussi un fusible.
Peut-être tentera-t-elle de faire du Philippot sans Philippot mais plus difficile après la victoire de l’autre courant.
C’est aussi la raison pour laquelle beaucoup évoquent un retour futur de la troisième porteuse du nom.
@ morel
[MLP est largement en-dessous de son père même si je ne nourris aucune fascination pour ce dernier. Lui, il a bien compris que son type de parti d’extrême droite se construit autour d’un Chef incontestable, d’un nom (le sien), ses « idées », tout le reste n’étant que félons voués à l’exclusion avec fracas.]
Surtout, le père Le Pen avait une conscience bien plus aigue des limites de son modèle. Il se savait incapable d’exercer vraiment le pouvoir, et c’est pourquoi il ne le recherchait pas. Son action politique se matérialisait dans la pression qu’il exerçait sur les autres formations, et qui lui a permis au cours des années à les obliger à prendre en compte des sujets comme l’immigration et la sécurité. Et sur le plan interne au FN, il se contentait de gérer le parti comme on gère une boutique. Marine Le Pen, elle, a voulu se donner les moyens de conquérir le pouvoir et de l’exercer. Or, cela nécessite une rupture profonde avec le modèle groupusculaire de son père, rupture qu’elle n’a pas eu le courage et le charisme pour pousser jusqu’au bout. Il faut dire à sa décharge qu’elle avait contre elle l’alliance objective des « barons » de son parti, inquiets de perdre leur pouvoir, et de l’ensemble des bienpensants, inquiets de voir le FN de sortir de son rôle habituel de croquemitaine. La campagne de l’entre les deux tours sur le mode « si seulement vous abandonniez votre discours sur l’Euro, vous auriez une chance » est une bonne illustration.
[MLP, elle, va chercher un intellectuel iconoclaste, l’écoute et hisse au premier plan cette personne qui ne porte ni le nom sacré, ni la doxa du milieu. Tant que les succès semblaient là, les cadres rongeaient leur frein. Mais ils étaient au coin du bois et la Chef se montrant plus que médiocre au débat du second tour, ce fut le début de la curée.]
C’était écrit d’avance – je crois même l’avoir dit ici : tôt ou tard, on allait arriver à une confrontation entre les deux lignes. Marine Le Pen ne s’y est pas préparée, et lorsque les couteaux sont sortis elle a préféré sacrifier sa meilleure pièce plutôt que de prendre le risque de mettre son autorité dans la balance. Elle aurait pu dire « j’ai choisi la ligne social-souverainiste, et celui qui n’est pas content n’a qu’à s’en prendre à moi ». Elle aurait pu ainsi tout perdre ou tout gagner. Mais tout le monde n’est pas De Gaulle.
[Peut-être tentera-t-elle de faire du Philippot sans Philippot mais plus difficile après la victoire de l’autre courant.]
En même temps, il faudra voir ce que diront les « barons » – et notamment ceux du « FN du nord » – lorsqu’ils sentiront leurs électeurs réagir au retour en arrière du FN. Ces fonctionnaires qui ont été attirés par le discours étatiste, ces ouvriers attirés par le discours social, continueront-ils à voter FN si celui-ci renoue avec le discours libéral et imigrationno-centré ? aujourd’hui, Philippot est chassé parce que les « barons » pensent pouvoir se passer de lui pour conserver leurs positions et en conquérir des nouvelles. Mais est-ce vrai ?
Quant à Philippot, il pourrait essayer d’adopter la stratégie qui a si bien réussi à Macron et Mélenchon, c’est-à-dire, faire de l’égo-politique…
Une parenthèse pour évoquer la dernière outrance de Mélenchon, qui affirme que ce serait « la rue » qui aurait tué en France les rois et les nazis… Non, justement, ce n’est pas « la rue » qui a tué les rois et la monarchie : c’est une décision politique prise solennellement après un débat dans les règles. Et ça fait toute la différence avec un hypothétique lynchage par une foule en colère, fût-elle guidée par un leader plus ou moins charismatique.
Je l’avoue, je me croyais vacciné de ses âneries, mais il a réussi à me surprendre.
@ Antoine
[Une parenthèse pour évoquer la dernière outrance de Mélenchon, qui affirme que ce serait « la rue » qui aurait tué en France les rois et les nazis… Non, justement, ce n’est pas « la rue » qui a tué les rois et la monarchie : c’est une décision politique prise solennellement après un débat dans les règles.]
Mélenchon a toujours fait sienne la formule d’Alexandre Dumas : « on peut violer l’histoire, à condition de lui faire une fille ». La rigueur historique n’a jamais été son fort… Mais dans le cas présent, c’est intéressant d’analyser l’expression parce qu’elle illustre assez bien la vision que Mélenchon a de la politique.
A supposer que ce soit « la rue » qui a renversé les rois et foutu dehors les nazis, il faut alors se demander pourquoi « la rue » a réussi en 1789 ou en 1944 à faire ce qu’elle n’avait pas fait auparavant. Si « la rue » a un tel pouvoir, pourquoi ne l’a-t-elle pas utilisé plus tôt ? Pourquoi a-t-elle attendu 1944, au lieu d’expulser les nazis en 1940 ? Pourquoi a-t-elle toléré les rois pendant des siècles ?
Mélenchon – comme beaucoup de soixante-huitards – prend le symptôme pour la cause. Ce qui a fait tomber la monarchie, c’est un rapport de forces entre une classe montante, la bourgeoisie, et une classe en décadence, l’aristocratie. Ce que « la rue » a renversé, c’est le symbole, et elle a pu le faire parce que la monarchie avait été érodée progressivement dans le cadre d’un rapport de forces. De même, si l’action de « la rue » fut importante dans la libération de Paris, ce fut important surtout sur le plan symbolique. Et pour que ce symbole puisse avoir lieu, il fallait au préalable que le rapport de forces l’ait permis.
Mélenchon – comme beaucoup de soixante-huitards – renverse les facteurs. Pour lui, c’est « la rue » qui créé le rapport de forces, et non l’inverse. Sa théorie est que si suffisamment de personnes sortent dans la rue, on peut changer le monde quelque soit le rapport de forces sous-jacent. En d’autres termes, si les parisiens étaient sortis en masse dans la rue en 1940, ils auraient pu libérer Paris sans attendre ni le débarquement en Normandie, ni la victoire de Stalingrad…
[Et ça fait toute la différence avec un hypothétique lynchage par une foule en colère, fût-elle guidée par un leader plus ou moins charismatique.]
Je pense que vous sur-interprétez le discours de Mélenchon. Quand JLM parle de « la rue », il ne parle pas d’un « lynchage par la foule en colère » mais de la création d’un rapport de force par le poids de la foule. Ce n’est pas tout à fait la même chose.
[Je l’avoue, je me croyais vacciné de ses âneries, mais il a réussi à me surprendre.]
Personnellement, je trouve beaucoup plus intéressante la rentrée en grâce de Benoît Hamon, promu par le gourou au rang de premier ministre prospectif. Franchement, si on avait dit il y a quatre mois que Hamon et Mélenchon défileraient bras dessus, bras dessous, quelle aurait été à votre avis la réaction des « insoumis » ? Je ne doute pas que la plupart d’entre eux aurait dit « impossible », « scandaleux ». Mais dès lors que le gourou a décidé, tout le monde avale la couleuvre. Etonnant, non ?
Effectivement,Stalingrad l’armée rouge,les débarquements et les alliés furent nécessaires pour nous libérer de l’Allemagne nazie.
Mais ne tombons pas dans le dénigrement inverse injuste:il y eut des civils français résistants!
Il est vrai que relater cette période à nos enfants, cela obligeraient les professeurs à indiquer que les Résistants se sont battus pour une France Libre, Forte, Indépendante, Démocratique et Souveraine et que ce que nos gouvernants nous imposent actuellement, c’est-à-dire l’assujettissement de notre pays à une Union Européenne et à son euro, (choses que notre peuple avait largement rejeté lors du référendum du 29 mai 2005) ne correspond absolument pas à la France pour laquelle mes meilleurs camarades ont fait le sacrifice de leur vie.
Lorsque madame une personne affirme, comme beaucoup d’autres falsificateurs de l’histoire contemporaine l’ont fait avant elle, que seulement 8 % des français ont combattu l’occupant, elle ne doit tenir compte que de certains chiffres émanent du Ministère des Anciens Combattants, chiffres qui ne peuvent désigner que ceux et celles qui ont obtenu la Carte de Combattant.
Toutefois, il est pratiquement impossible de dire exactement combien de Résistants il y a eu. En 1941 environ 100 000 mineurs se sont mis en grève, les occupants en ont fusillés près d’un millier qu’ils considéraient comme des meneurs. Sont-ils comptabilisés dans les 8 % ?Fin 1943 et début 1944 je me trouvais en Creuse, les groupes de dix, quinze ou vingt maquisards, passaient régulièrement d’un village à l’autre. Ils étaient reçus par les habitants qui les accueillaient et les nourrissaient de 8 à 15 jours. Ceux et celles qui accueillaient les maquisards sont-ils comptés comme Résistants ?
Pourtant tous ceux et toutes celles qui recevaient des maquisards savaient qu’ils prenaient de grands risques pour eux et pour leur famille. Les massacres effectués par les SS à Oradour-sur-Glane à Maillet ou à Tulle, étaient là pour leur rappeler que les risques encourut étaient extrêmes et que s’ils étaient suspectés d’abriter des maquisards tout leur village subirait le même sort.
Cela étant, non seulement ils ne sont pas reconnus comme Résistants, mais jamais ils n’ont bénéficié d’une reconnaissance quelconque de la part de nos gouvernants.Par ailleurs en France, 75 mille juifs ont été durant toute la guerre, sauvés dans des familles d’accueils françaises, ces familles-là aussi prenaient de grands risques, ils savaient bien qu’en hébergeant chez eux des juifs ils risquaient leur vie et celle de leur famille. Sont-ils comptés dans les 8% ?Pourtant, durant cette période en acceptant de faire courir de pareils risques à leur famille, Ils ont été l’honneur de notre pays.
Et bien, non seulement ils ne sont pas reconnus comme Résistants, mais nos différents gouvernements, n’ont jamais eu le moindre geste pour les honorer un tant soit peu.En aout 1944, certains départements du sud-ouest de la France ont été entièrement libérés par des Résistants et plus particulièrement par les Républicains espagnols. Ont-ils tous été comptabilisé dans les 8 % ?
Au moment du débarquement des alliées en Normandie, la Division de blindés, « S.S Das Reich », cantonnée dans le sud de la France, a reçu de Berlin l’ordre de se rendre le plus rapidement possible sur les lieux des combats.
Hors, pour se rendre du sud de la France en Normandie le chemin le plus direct traversait le Limousin. Le plus direct peut-être, mais également probablement le plus dangereux, car dans le Limosin il y avait de nombreux Résistants.
Des milliers et des milliers de Combattants de la Résistance s’opposèrent à eux.La bataille fut si dure que les SS avaient baptisés le département de la Corrèze « La petite Russie ».
La Division SS dû batailler environ trois jours pour forcer ce barrage. Tous ceux et toutes celles qui portaient les armes à ce moment-là sont-ils comptés dans les 8 % ?Il est certain que si les maquisards ne les avaient pas bloqués, ils y avaient de forts risques pour que les troupes alliées soient rejetées à la mer, ce qui a d’ailleurs été reconnu par le Général Eisenhower.Le Général David Eisenhower qui commandait les troupes Alliées débarqué le 6 juin 1944 en France, a estimé que la contribution de la Résistance Française à l’arrière des troupes allemandes, a représenté l’équivalent de 15 divisions. Tous ceux qui combattirent les SS d’une façon ou d’une autre ont-ils tous été comptabilisés dans les 8% ?
Dernier point, grâce à la Résistance Française, notre pays a été la seule Nation occupée par les forces nazies, à être présente le 8 mai 1945 à Berlin au moment de la capitulation sans condition des troupes allemandes.
Si seule la France a été invitée ce jour-là, c’est que probablement les alliés ont considéré qu’elle avait pris toute sa place dans le combat contre le nazisme.
Vouloir aujourd’hui minimiser la Résistance française relève, soit de la méconnaissance du problème, soit d’une volonté délibérée de falsifier l’histoire de la Résistance Française dans le but de servir ceux qui veulent totalement faire disparaître le peu qu’il nous reste des conquis du Programme du Conseil National de la Résistance.Alors, avant de s’exprimer publiquement , certains devraient prendre la peine d’étudier sérieusement le problème et de ne pas affirmer n’importe quoi, en pontifiant.
@ Léon
[Effectivement, Stalingrad l’armée rouge, les débarquements et les alliés furent nécessaires pour nous libérer de l’Allemagne nazie. Mais ne tombons pas dans le dénigrement inverse injuste: il y eut des civils français résistants!]
Personne ici je pense ne nie l’importance de l’action de la résistance française – à laquelle il faut ajouter les armées de la France Libre. Mais ce n’est pas faire injure aux résistants français que de noter que l’affirmation « c’est la rue qui a chassé les nazis » est fausse. D’abord, parce que la Résistance ne s’est pas contenté, loin de là, des simples manifestations de rue. La Résistance, ce n’était pas une foule inorganisée criant « les nazis dehors ». C’était une organisation rigoureuse, patiemment construite. Et si les communistes y ont joué un premier rôle, c’est surtout à leur capacité d’organisation qu’ils le doivent.
[Il est vrai que relater cette période à nos enfants, cela obligeraient les professeurs à indiquer que les Résistants se sont battus pour une France Libre, Forte, Indépendante, Démocratique et Souveraine (…)]
Tout à fait. Et ce qui est pire, cela pourrait faire naître dans la tête des élèves l’idée qu’on peut être acteur de l’Histoire, et non simplement une victime. Une idée fort dangereuse, lorsqu’on regarde bien…
[Lorsque madame une personne affirme, comme beaucoup d’autres falsificateurs de l’histoire contemporaine l’ont fait avant elle, que seulement 8 % des français ont combattu l’occupant, elle ne doit tenir compte que de certains chiffres émanent du Ministère des Anciens Combattants, chiffres qui ne peuvent désigner que ceux et celles qui ont obtenu la Carte de Combattant.]
Je pense que la querelle des chiffes est une mauvaise querelle. Il ne faut pas trop exiger des gens. D’abord, n’oublions pas que les gens sont humains, avec leurs faiblesses, leurs peurs, leurs attaches. Dans chaque peuple, quelle est la proportion de gens assez conscients ou assez fous pour risquer leurs biens, l’amour de leurs proches, leur vie même ? Et puis, n’oublions pas que nous connaissons la fin de l’histoire, mais que pour beaucoup de Français de l’an 1940, la victoire semblait impossible. Que dans ces conditions 8% de la population, soit un français adulte sur dix ait combattu, c’est déjà extraordinaire. Ne soyons pas trop durs avec ceux que la peur a empêché de combattre… qui sait ce que nous aurions fait à leur place ?
Bien entendu, et vous avez raison de le signaler, en dehors de ceux qui ont « combattu » les armes à la main, il y a ceux qui à leur échelle, en prenant les risques qui leur semblaient raisonnables, ont résisté aux allemands par des petits gestes qui pouvaient aller de la diffusion de tracts jusqu’au sabotage de la production, du graffiti antiallemand jusqu’au fait de cacher des juifs ou d’informer des maquisards. Beaucoup de ces gestes ont été anonymes, et nous ne saurons jamais combien il y en a eu, d’autant plus que c’était le fait d’une génération qui n’aimait pas trop se vanter…
[Dernier point, grâce à la Résistance Française, notre pays a été la seule Nation occupée par les forces nazies, à être présente le 8 mai 1945 à Berlin au moment de la capitulation sans condition des troupes allemandes.]
A la Résistance, mais aussi aux armées de la France Libre et à un certain De Gaulle qui a habilement manœuvré entre les alliés occidentaux et Staline pour pouvoir s’asseoir à la table des vainqueurs.
[Si seule la France a été invitée ce jour-là, c’est que probablement les alliés ont considéré qu’elle avait pris toute sa place dans le combat contre le nazisme.]
Oui… mais aussi que lui refuser cette place c’était la rejeter dans les mains des communistes et donc de l’URSS. Je vous recommande la lecture du dernier tome des « memoires de guerre » de De Gaulle, c’est tout à fait passionnant.
@Descartes,
je viens de tomber sur cette nouvelle: Siemens et Alstom vont se “rapprocher”!
Décidément, ils n’apprennent jamais rien depuis deux siècles: ils travaillent ENCORE pour le roi de Prusse!
Après avoir offert Airbus aux Allemands, voici qu’ils vont leur offrir Alstom (sans H)! Désolé, je vais passer pour un mauvais coucheur germanophobe (qui comprend assez bien l’allemand, au passage…), mais je croyais que le STO avait été aboli!!!
@ CVT
[je viens de tomber sur cette nouvelle: Siemens et Alstom vont se “rapprocher”! Décidément, ils n’apprennent jamais rien depuis deux siècles: ils travaillent ENCORE pour le roi de Prusse!]
Les guillemets sont de rigueur. En fait, la partie ferroviaire d’Alstom est vendue à Siemens, comme on a vendu la partie turbines à General Electric, comme on est en train de vendre les chantiers de l’Atlantique à Fincantieri. Et pas la peine d’être grand expert pour savoir ce qui se passe ensuite, un peu de mémoire suffit. Lorsqu’on rachète un concurrent plus faible, ce n’est pas pour promouvoir ensuite ses technologies et ses méthodes, mais pour se défaire d’elles. Ainsi, lorsqu’il s’agira répondre à un appel d’offres pour un train à grande vitesse, qu’est ce que Siemens proposera à votre avis ? L’ICE allemand, que Siemens a développé, ou le TGV français d’Alstom ?
Il n’y a plus aucune politique industrielle chez nous. Parce que l’industrie n’intéresse pas l’opinion, et donc les politiciens. On ne gagne pas des voix avec. Tout au plus, on pense à la question de l’emploi en imposant avant de vendre les bijoux de famille des clauses du genre « pas de licenciement pendant mon quinquennat » – pourquoi croyez-vous que la plupart des clauses de maintien de l’emploi sont conclues pour quatre ans ?
Je n’en dirai pas plus, je ferai un papier sur cette affaire.
La situation devient de plus en plus dramatique en France, 2017 a été le champ du cygne du souverainisme. Encore quelques années et l’axe germano-américain avec le soutien total du bloc dominant français aura fini de détruire cette nation. J’ai vu un commentaire sur un forum que je trouve intéressant, je suis de plus en plus en accord avec celui-ci:
“Pour ma part, j’ai beaucoup critiqué les souverainistes ici, je pense que c’est une idéologie dépassée et qui a de toutes façons connu trop d’échecs (92 avec Maastricht, 2002 avec Chevènement, 2005 avec le référendum voire 2017 avec MLP) pour être considérée comme une alternative sérieuse par les peuples, qui penchent de plus en plus à droite.
L’avenir est au multilatéralisme et à l’ethnolibéralisme. On voit partout l’affirmation identitaire (rejet de l’immigration) et le dogme néolibéral (défiance envers l’Etat-Nation centralisé) se renforcer mutuellement au nom de la défense du principe de subsidiarité. Les riches ne veulent plus payer pour les pauvres, les pauvres ne veulent plus être en concurrence avec les immigrés pour l’aide sociale ou au logement, tous rejettent la légitimité de la gestion par l’Etat (endetté et discrédité) qui est à la base du souverainisme.
Donc on se dirige sans doute vers un avenir où les intérêts des néolibéraux et des ethnonationalistes vont converger de plus en plus étroitement et objectivement, car ils ont un ennemi commun (l’Etat-Nation). Les néolibéraux veulent déconstruire l’Etat social, les nationalistes identitaires veulent déconstruire la Nation au sens politique (français) du terme pour lui substituer la nation au sens historique, ethnique et linguistique du terme. C’est ce nationalisme là qui est en train de revenir sur le devant de la scène à travers le populisme, pas le “nationalisme des années 30” (bureaucratique, totalitaire) comme le sermonnent les médias. C’est à dire un nationalisme qui mélange aspiration identitaire et adhésion au néolibéralisme mondialisé. Cette évolution est déjà visible à l’est de l’Europe, en Belgique (avec la Flandres) et en Espagne (Catalogne). Toutes ces petites nations éprouvées par l’histoire et maltraitées par leur grand voisin (Russes, Espagnols, Français, Allemands…) se moquent bien de la souveraineté politique ou de la domination des USA, tout ce qu’ils voient c’est leur survie concrète en tant que peuple.
Vérité dérangeante : les peuples sont prêts à tout accepter (renoncement à l’indépendance politique, baisse de salaire, de niveau de vie, perte de la sécurité sociale) en échange de leur sécurité culturelle et de l’arrêt de l’immigration massive. De ce point de vue, l’arrivée de plus d’un million de “réfugiés politiques” en 2015 va durablement marquer les esprits des européens.
C’est ce que les souverainistes n’ont toujours pas compris. Leur paradigme “social-national” qui oppose l’Etat-Nation à l’Europe libérale est totalement dépassé.””
@ alexis
[La situation devient de plus en plus dramatique en France, 2017 a été le champ du cygne du souverainisme.]
Pourquoi dites-vous ça ? Parce qu’on n’a pas gagné du premier coup ? Allons, il ne faut pas tomber dans le défaitisme. Le souverainisme, c’est un combat de longue, de très longue haleine.
[(…) tous rejettent la légitimité de la gestion par l’Etat (endetté et discrédité) qui est à la base du souverainisme.]
« Tous » ? Je trouve que l’auteur de ces lignes va un peu vite en besogne. Regardez la catastrophe à Saint-Martin. Vers qui se sont retournés les habitants « en colère » ? Vers les entreprises ? Vers les collectivités locales ? Non, bien sur que non…
Le texte que vous proposez est intéressant, mais l’auteur oublie dans son analyse un paramètre important. Les courants qu’il évoque, l’alliance entre néolibéraux et tenants des « nationalismes régionaux » n’est pas nouvelle. Elle était déjà forte au XIXème siècle. Si les états-nations se sont imposés dans le paysage, c’est parce qu’ils étaient seuls capables d’assurer la protection des citoyens contre le risque de guerre, civile à l’intérieur, avec les voisins à l’extérieur. La victoire de l’idéologie néolibérale et européiste a été rendue possible par la croyance naïve que la guerre était devenue impossible. Mais le terrorisme et l’apparition de nouvelles tensions ont rappelé l’Etat à sa vocation première, à la seule fonction que personne ne songerait à confier à une autre institution.