Comme tous les ans, le début de l’été est aussi le temps des angoisses des tout nouveaux bacheliers. Car il s’agit de préparer l’année suivante, synonyme pour une majorité d’entre eux d’entrée dans cette institution vénérable – mais guère vénérée – qu’est l’Université. Il est temps pour eux de sortir de l’enfance et de rentrer dans la carrière…
Mais dans quelle carrière ? That is the question. L’étudiant en herbe se retrouve en effet devant des contraintes qui aboutissent à des choix cornéliens. D’abord, il lui faut choisir une orientation qui marquera en toute probabilité le reste de sa vie intellectuelle et professionnelle. Ensuite, se pose à lui le problème de l’employabilité future, en fonction non seulement de l’orientation choisie mais du prestige plus ou moins grande de l’institution qui l’accueillera. A quoi s’ajoutent toute une série de considérations géographiques, économiques, familiales…
Du côté des institutions, la question est épineuse aussi. Les institutions d’enseignement supérieur n’ont pas de capacités infinies d’adaptation à la demande des étudiants. Les bâtiments, les enseignants, les équipements ne sont pas extensibles à l’infini, et le nombre d’étudiants qu’une institution peut accueillir dans une carrière donnée sans que la qualité de l’enseignement en soufre est limitée.
On se trouve donc devant un problème classique en économie, celui de la réconciliation entre une offre et une demande. Et la réconciliation est confiée à un logiciel complexe au doux nom « Admission Post Bac », mieux connu sous le sigle APB. Et qui contient l’algorithme qui a la délicate charge de décider que Charlotte, qui voulait faire des études de sport à Paris, ira étudier la sociologie à Bastia. Bien sur, il s’agit d’un cas extrême. La grande majorité des étudiants obtient des places qui correspondent plus ou moins à leurs choix. Mais il reste un nombre de cas non négligeable ou des gens sont forcés d’aller a des endroits où ils ne voulaient pas aller, étudier des disciplines qu’ils n’ont pas choisies. Et APB devient vite fait le bouc émissaire de cette situation.
A tort. Comme dit le dicton, « la plus belle fille du monde ne peut donner que ce qu’elle a ». APB est un logiciel d’optimisation dans la réconciliation entre une demande et une offre. Et l’optimisation consiste à trouver la solution qui minimise l’insatisfaction globale. Pour le dire en termes moins technocratiques, l’algorithme trouve la solution qui mécontente le moins possible les gens qui ont le plus grand pouvoir de nuisance. Il n’y a aucune garantie que cette solution contente tout le monde. Prenons un exemple concret : imaginons que vous avez dix clients, et que vous avez dix chambres à louer. Quelque soit la distribution, il faudra bien que quelqu’un se paye la chambre à côté de l’escalier, vous savez, celle où l’on entend tout le monde rentrer la nuit. Et à moins d’avoir la chance d’avoir parmi vos clients un sourd ou un masochiste, vous aurez forcément quelqu’un qui sera mécontent. Et c’est la même chose pour APB : s’il y a cent places en psychologie à Paris et cinq cents demandes, on peut d’avance dire qu’il y aura quatre cents candidats qui n’auront pas leur premier choix.
Bien sur, dans mon exemple hôtelier, vous avez la possibilité de compenser celui qui aura cette chambre dont personne ne veut en baissant le prix de la nuitée. Mais dans la logique du partage des places en université, aucune compensation de ce type n’est possible pour celui qui accepterait de changer son choix. Ce qui nous amène au véritable problème qui empoisonne notre système universitaire, et pas seulement au niveau de l’admission en première année : la question de la régulation.
Nous vivons dans un monde de ressources limités. Et c’est pourquoi très rapidement l’homme a été confronté à trois questions : comment partager ces ressources, comment stimuler leur production en fonction des besoins, et comment faire pour qu’elles soient utilisées de manière optimale. C’est pour répondre à ces questions qu’on a inventé des mécanismes de régulation, dont le mécanisme de marché reste l’exemple classique. Son fonctionnement est simple : on confronte l’offre et la demande et on produit un signal, le prix, qui oriente les choix des producteurs comme des consommateurs. Si la production n’arrive pas à satisfaire la demande, le prix est élevé et cela encourage les producteurs à produire plus et mieux, et les consommateurs à consommer moins ou à chercher des substitutions. Si l’offre dépasse la demande, les prix baissent, et cela encourage les producteurs à produire moins, et les consommateurs à consommer plus. En d’autres termes, le système n’est en équilibre que lorsque la demande et l’offre sont identiques, et dès que le système s’écarte de l’équilibre, le mécanisme de marché produit un signal qui tend à l’y ramener. C’est ce qu’on appelle un équilibre stable.
Bien entendu, le marché n’est pas le seul mécanisme de régulation possible. Il en existe bien d’autres. Par exemple, une autorité – l’Etat en général – peut fixer l’offre administrativement, et ensuite partager cette offre entre les différents demandeurs (c’est le cas par exemple pour les places de stationnement). Ou bien fixer la demande à un niveau donné et s’imposer la tâche d’adapter l’offre (le meilleur exemple est celui de l’école obligatoire). Mais le propre de tout système de régulation est qu’il doit réconcilier l’offre et la demande, en jouant sur l’une, sur l’autre, ou sur les deux.
Maintenant, revenons aux études universitaires. Comment est régulée l’offre ? Les études – qu’ils soient ou non universitaires, d’ailleurs – ont un coût. Un coût payé par la collectivité, puisque chez nous les études sont gratuites. Et si la collectivité consent cette dépense, c’est pour retirer un avantage, qui est celui de former les citoyens et les travailleurs dont le pays aura besoin. Il est de l’intérêt général que les citoyens, tous les citoyens, sachent lire, écrire et compter, qu’ils aient une de base connaissance de l’histoire, de la géographie, des sciences. Et c’est pourquoi l’enseignement primaire et secondaire est obligatoire et universel, et que l’Etat s’impose la contrainte d’offrir à chaque enfant une place. Mais
Mais ce n’est pas ainsi que les choses se passent. En pratique, il n’existe guère de prospective au niveau du système universitaire sur les besoins réels du pays. Tout au plus se contente-t-on de regarder l’état du marché du travail. Les enseignements sont organisés en fonction d’une contrainte budgétaire fixée à priori, budget qui est réparti en fonction de la demande des étudiants et des contraintes de la rigidité de la structure. Ainsi, par exemple, les universités multiplient les formations en STAPS non parce les autorités anticipent un besoin important en professeurs de sport, mais parce que les étudiants ont l’impression qu’on trouve facilement un emploi dans ce domaine avec un minimum d’investissement intellectuel, et font donc pression sur cette filière.
Une fois admise l’idée que les places dans les études universitaires sont par nature limitées, se pose la question de leur distribution lorsque la demande dépasse largement l’offre. Et puisque le but de l’Université devrait être de former les savants et les professionnels dont le pays a besoin, c’est la capacité à devenir les meilleurs savants et les meilleurs professionnels qui devrait être le seul et unique critère pour l’attribution des places. En d’autres termes, la sélection devrait être faite en fonction du mérite intellectuel et académique. Ainsi, le système encouragerait au travail et à l’étude. Et ce système fonctionne d’ailleurs très bien chez nous dans un autre champ : c’est celui des classes préparatoires et des grandes écoles, qui forment des professionnels que le monde entier nous envie – et la meilleure preuve en est qu’ils n’ont aucune difficulté à se faire employer à l’étranger. Et ce système ne nécessite aucun algorithme compliqué du genre APB pour affecter les étudiants sans que cette affectation provoque la moindre récrimination, la moindre contestation, parce qu’elle est fondée sur des critères objectifs et indiscutables.
Mais alors, pourquoi l’Université ne peut fonctionner sur le même modèle ? Pourquoi a-t-on laissé le système dériver au point que les choix d’entrée se font sur toutes sortes de critère SAUF celui du mérite académique ?
Il faut comprendre qu’une profonde mutation a eu lieu ces trente dernières années dans l’ensemble de nos institutions en général et des institutions éducatives en particulier. Depuis
Mais avec le développement et la prise du pouvoir par les « classes moyennes », tout change. L’individu, plus que la société, devient le pivot des politiques publiques. L’élève, l’étudiant – mais aussi le professeur – cessent de se concevoir en tant que membres d’une institution, avec les devoirs qui s’y attachent, et deviennent des simples clients. L’institution n’est là que pour leur offrir un service, sans contrepartie. En 1980, un directeur d’une grande école parisienne accueillait la promotion entrante avec cette formule : « cette école a pour mission de former les ingénieurs dont
Le problème, c’est qu’on a construit le rapport entre l’étudiant et l’institution sur un mode « client/fournisseur », sans pour autant mettre en place le mécanisme de régulation adapté à ce type de rapport, qui est le mécanisme de marché. En abolissant la sélection au mérite – qui était le mécanisme de régulation de l’ancien système – tout en maintenant la gratuité – qui empêche une régulation de type « marché » – on a mis le système dans l’incapacité de se réguler rationnellement. Et c’est là la source de tous les problèmes : on proclame un « droit aux études » qui dans les faits n’existe pas et ne peut pas exister parce qu’il suppose des ressources infinies, mais qui du coup oblige à distribuer les places limitées en fonction de toutes sortes de critères – géographiques, sociaux, le tirage au sort, l’âge du capitaine – sauf le seul critère qui serait ici justifié, celui du mérite (1).
Pour comprendre comment on en arrivé là, il faut comprendre la mentalité de la classe pour qui l’université est le mode de reproduction, c'est-à-dire, les « classes moyennes ». Ces couches sociales vivent dans la crainte permanente du déclassement, puisque leur situation est liée à un capital en grande partie immatériel – fait de diplômes, de clientèles, de réseaux – qu’il faut renouveler à chaque génération. Pendant longtemps, l’accès aux études universitaires a été perçu comme le moyen de renouveler ce capital. Seulement voilà, rien ne garantit que le fils du médecin, du professeur, de l’ingénieur ait la tête aux études, qu’il soit capable de conquérir sa place dans une logique de sélection au mérite. C’est pourquoi, les « classes moyennes » n’ont jamais aimé ce type de sélection, lui préférant largement la sélection par l’abandon – qui permet d’éliminer préférentiellement ceux qui n’ont pas les moyens de « tenir », c'est-à-dire, les couches populaires – et la sélection sur « dossier », qui permet de faire jouer à fond les réseaux, et qu’on voit se multiplier dans les filières sélectives par le biais des « voies parallèles » depuis 1968.
Le « bac pour tous » et « l’université sans sélection » sont les deux volets de la machine à reproduire les « classes moyennes ». Mais ces deux principes ont détruit l’Université en tant qu’institution dont la fonction est de créer et de diffuser les connaissances, pour en faire un guichet dispensateur de diplômes censés constituer une assurance contre le chômage. Le problème n’est pas la massification, c’est la massification avec une « masse » qui n’a pas l’autonomie intellectuelle – ni le désir de l’acquérir – indispensable pour suivre un véritable cursus universitaire. La connaissance « universelle », qui est l’âme de l’université, on s’en fout. C’est le diplôme, et non la connaissance qu’on vient chercher. Car c’est là l’un des paradoxes les plus intéressants : pour les parents et les étudiants aujourd’hui, c’est le diplôme qui permet d’avoir un métier, et non les connaissances que ce diplôme est censé certifier. Au point qu’on a vu des syndicats étudiants mais aussi des partis politiques exiger après les grèves étudiantes que ceux-ci puissent avoir leurs unités de valeur validées alors même que les cours et travaux dirigés n’avaient pas pu se tenir… pour ne pas « pénaliser les étudiants ». Mais qui est le « pénalisé » quand on délivre le diplôme de médecin à quelqu’un qui ne connaît pas l’anatomie sous prétexte qu’il a fait grève ?
Il faudrait d’ailleurs s’interroger sur les raisons pour lesquelles les étudiants se précipitent sur des enseignements comme le STAPS, la psychologie, la sociologie ou le droit des affaires, et délaissent les enseignements en sciences dites « dures ». En fait, les étudiants recherchent le meilleur compromis entre l’employabilité future et l’effort intellectuel à investir. Les sciences ont un rapport qualité/prix particulièrement défavorable : même si elles permettent de trouver facilement du travail relativement bien payé, elles demandent un investissement très important au départ. Les étudiants ont donc un raisonnement d’investisseur financier : il faut que ça rapporte vite. Ce n’est pas cela, le vrai esprit universitaire.
On peut prévoir que l’on continuera, chaque année, à accuser APB de toutes les fautes. C’est injuste, et c’est idiot. Injuste, parce que l’algorithme ne fait qu’optimiser la distribution des places en respectant les contraintes. Et au vu de la nature des contraintes, il n’existe pas d’algorithme capable de contenter tout le monde. Idiot, parce que la critique d’APB ne fait qu’occulter l’absurdité d’un système qui ne fait aucune place à une régulation rationnelle, et qui traduit la transformation de l’université française en garderie pour les rejetons des « classes moyennes »…
Descartes
(1) et accessoirement celui de la capacité à suivre les études universitaires, censé être garantie par un baccalauréat qu’on donne à tout le monde à force de petits coups de pouce bienveillants aux notes des candidats pour ne pas faire baisser celles du ministre et lui permettre de claironner que cette année, une fois encore, on fait mieux que l’année dernière.
[la transformation de l’université française en garderie pour les rejetons des « classes moyennes »…]
Oui, mais que faites vous des gens comme nous,qui attendons que nos enfants bientôt trentenaire accèdent au salariat,alors que le brainstream actuel dévalorise toute idée de mérite et de travail,ardu,abnégatif?
Nous les parents des années Cinquante,à l’idéologie progressiste issue de la période de reconstruction,assistons navrés au triomphe depuis plusieurs décennies, de l’anomie généralisée et réactionnaire,tandis que nos enfants sont perdus dans cette société,complétement absurde,non?
@ luc
[Oui, mais que faites vous des gens comme nous,qui attendons que nos enfants bientôt trentenaire accèdent au salariat, alors que le brainstream actuel dévalorise toute idée de mérite et de travail, ardu, abnégatif ?]
Je ne sous-estime pas les difficultés des jeunes, au contraire, j’avais commis un papier sur ce même blog sur cette question. Certains ont l’air de croire qu’en donnant le bac à tout le monde ou en éliminant la sélection on aide les jeunes à se faire une place dans le monde. C’est exactement le contraire : c’est en étant exigeant qu’on leur permet de se dépasser, de sortir de leur condition et d’aller plus loin. Je ne remercierai jamais assez les enseignants qui n’ont pas hésité à détruire ma « confiance en moi » en me mettant un zéro ou en me disant que j’étais nul quand je le méritais !
>Prenons un exemple concret : imaginons que vous avez dix clients, et que vous avez dix chambres à louer. Quelque soit la distribution, il faudra bien que quelqu’un se paye la chambre à côté de l’escalier, vous savez, celle où l’on entend tout le monde rentrer la nuit. Et à moins d’avoir la chance d’avoir parmi vos clients un sourd ou un masochiste, vous aurez forcément quelqu’un qui sera mécontent.< Ayant quand même une certaine expérience dans l’hôtellerie, je me permets d’intervenir. Je comprends bien que ton exemple est métaphorique, mais peut-être que les facteurs que tu oublies le sont tout autant :
Au moment de faire l’attribution des chambres, beaucoup demandent une chambre tranquille ; mais il y a demander et demander. Le couple de petit vieux venant sur Paris voir leurs enfants, qui ont poliment écrit deux semaines auparavant, je peux te garantir qu’on leur trouvera la meilleure chambre possible. La connasse de DRH en séminaire qui donne un coup de fil méprisant le jour même… on est à peu près sûrs qu’elle nous laissera une note pourrie quoi qu’il arrive, donc généralement on ne bouge pas le petit doigt pour elle. Et des exemples du type, j’en ai plein ma besace.
Au-delà du fait de rappeler à tout le monde que dans les services, c’est la politesse qui induit le plus les “traitements de faveur”. Mais j’ai un peu eu la réflexion en te lisant que certains mériteraient de par leur attitude vis-à-vis de l’institution, d’être envoyés en socio à Basita…
@ BolchoKek
Ayant quand même une certaine expérience dans l’hôtellerie, je me permets d’intervenir. Je comprends bien que ton exemple est métaphorique, mais peut-être que les facteurs que tu oublies le sont tout autant :]
Bien sur, mon exemple était ce qu’on appelle en économie une « situation stylisée », c’est-à-dire, un exemple réel dans lequel on enlève tous les éléments de complexité accessoires pour se concentrer sur un mécanisme principal qu’on veut mettre en évidence. Comme tu le signales justement, la « régulation » dans l’attribution des chambres d’hotel fait intervenir des mécanismes bien plus complexes, qui prennent en compte par exemple le fait que le client une fois installé dans sa chambre, même s’il est mécontent, ne peut que difficilement changer d’hotel. Et que du coup on a intérêt à réserver les meilleures chambres aux clients qui risquent de revenir régulièrement, alors qu’on peut se permettre de mécontenter ceux qui passeront une nuit et ne reviendront jamais. Il y a aussi, comme tu le signales, des éléments qui font intervenir la psychologie du régulateur : le même client dans la même situation obtiendra une meilleure chambre s’il est aimable et poli que s’il est désagréable et manque de respect.
Mais même en prenant en compte tous ces éléments, la conclusion qu’on tire de la « situation stylisée » reste valable : le régulateur doit distribuer les « bonnes » et les « mauvaises » chambres, et quelqu’un finira par se trouver avec la « mauvaise ». Quelque soit l’intelligence du régulateur, il ne peut garantir que tout le monde trouvera satisfaction. Sauf à pouvoir compenser par des éléments extérieurs – par exemple le prix – l’insatisfaction des clients qui auront les « mauvaises » chambres.
[Au-delà du fait de rappeler à tout le monde que dans les services, c’est la politesse qui induit le plus les “traitements de faveur”. Mais j’ai un peu eu la réflexion en te lisant que certains mériteraient de par leur attitude vis-à-vis de l’institution, d’être envoyés en socio à Bastia…]
La politesse fait beaucoup, c’est un fait. J’ai été étranger dans ce pays, et donc forcé de renouveler une fois par an ma carte de séjour au service des étrangers d’une préfecture de la région parisienne. Je peux t’assurer que j’ai pu faire un catalogue des attitudes des demandeurs, allant de celui qui amène tous les papiers remplis avec soin, qui fait l’effort de parler français et d’écouter ce que lui dit l’employé, à celui qui n’a même pas pris la peine de lire la liste des papiers à amener, qui parle à l’employé en arabe et s’indigne que l’autre ne comprenne pas, qui essaye d’attendrir le guichetier avec une triste histoire ou de le menacer sur le mode « je connais des gens très importants ». Et le traitement qu’on reçoit est souvent à l’aune de l’attitude… personnellement, j’ai toujours été traité avec une grande courtoisie, et les personnes que j’avais en face ont fait tout ce qu’elles ont pu pour essayer de régler mon dossier au mieux. Oui, je suis d’accord, la politesse, la courtoisie, et le fait de se mettre à la place de l’autre sont très payants – d’autant plus que cela devient rare. Malheureusement, beaucoup de gens aujourd’hui n’ont même pas idée de ce que c’est, la politesse, ni les instruments pour la manier.
Je lis toujours avec grand intérêt ce qu’écrit “Descartes”. Comme d’habitude, c’est très instructif, y compris parce que ça force à réfléchir sur, au moins, un point. Doit-on, ou pas, appeler un chat un chat ? En clair, doit-on bannir le mot “capitalisme” du vocabulaire pour ne pas avoir à parler de collaboration de classe quand on parle de celle qualifiée de “moyenne” ?
Et, juste pour “chatouiller” un peu l’auteur, je lui signale que :
– Charlotte ne pourra même pas aller étudier la sociologie à Bastia car, dans cette ville il n’y a pas d’université.
– Même en ne faisant pas payer la chambre située à côté de l’escalier, ça ne rendra pas celui-ci plus silencieux. De la même façon qu’un boulevard périphérique n’est pas moins bruyant et polluant quand il passe sous les fenêtres d’une cité HLM.
@ DIONISI
[Doit-on, ou pas, appeler un chat un chat ? En clair, doit-on bannir le mot “capitalisme” du vocabulaire pour ne pas avoir à parler de collaboration de classe quand on parle de celle qualifiée de “moyenne” ?]
Mais pourquoi « bannir » un mot qui désigne si bien les choses ? Le « capitalisme » n’a pas cessé avec la prise du pouvoir sur le champ politique des « classes moyennes ». Il a simplement changé de forme. Le capitalisme, c’est le mode de production fondé sur l’accumulation du capital dans les mains d’une ou plusieurs classes, qui achètent la force de travail – et non pas le travail, la nuance est importante – d’une autre classe à un prix inférieur à la valeur qu’il produit, empochant la différence appelée « plusvalue ». A la fin du XIXème siècle, c’est la bourgeoisie qui détenait l’essentiel du capital, et la classe ouvrière qui fournissait le travail. Aujourd’hui, à côté de la bourgeoisie apparaît une « classe moyenne » qui détient une partie du capital – essentiellement immatériel – et à côté de la classe ouvrière une classe d’employés techniques ou tertiaires. D’un côté donc un « bloc dominant » fait de la bourgeoisie et des « classes moyennes », qui ont pour trait commun d’encaisser de la plusvalue – ou de ne pas en fournir ; de l’autre des « couches populaires », ouvriers et employés, qui vendent leur force de travail et fournissent donc de la plusvalue. Mais l’essentiel du capitalisme (accumulation du capital, vente de la force de travail, production de plusvalue) est toujours là. Pourquoi faudrait-il bannir le mot ?
[Et, juste pour “chatouiller” un peu l’auteur, je lui signale que :
– Charlotte ne pourra même pas aller étudier la sociologie à Bastia car, dans cette ville il n’y a pas d’université.]
Vous avez parfaitement raison. Il lui faudrait aller a Corte…
[- Même en ne faisant pas payer la chambre située à côté de l’escalier, ça ne rendra pas celui-ci plus silencieux.]
Certes. Mais la question de la « régulation » n’est pas de rendre la chambre silencieuse, mais le client content. Or, le client dont la chambre est bruyante mais qui l’obtient au quart du prix d’une chambre normale sera content, même si la chambre reste bruyante.
Il me semblait avoir entendu dire qu’on avait trouvé des erreurs dans l’algorithme qui avaient provoqué des erreurs de sélection. Mais je dois avouer que je connais mal le sujet.
En ma qualité de Belge, je ne connais pas vraiment le système français actuel. Que se passe-t-il si je ne veux pas faire les études qui m’ont été assignées ? Je dois me tourner vers le privé ? Aller à l’étranger ? Est-ce que les classes préparatoires pour les grandes écoles font partie des places assignées par l’APB, ou sont-elles hors circuit ?
Sinon, vous écrivez que l’enseignement est gratuit car il est bénéfique à la société. Que faites-vous des gens qui étudient gratuitement avant de s’expatrier dans un pays où les études sont chères (USA pour prendre un exemple évident) ? Ce sont des effets secondaires négligeables ? On considère qu’ils contribuent au “rayonnement de la France” ? Ou bien ce sont des parasites profiteurs ?
Quelques petites coquilles que j’ai repérées :
“dans cette vénérable – mais guère vénérée – qu’est l’Université. ” (il manque un mot. “Institution” ?)
“les prix baissent, et cela encourage les producteurs à produire moins, et les consommateurs à produire plus.” (Consommer plus je suppose)
@ Un Belge
[Il me semblait avoir entendu dire qu’on avait trouvé des erreurs dans l’algorithme qui avaient provoqué des erreurs de sélection. Mais je dois avouer que je connais mal le sujet.]
Je n’ai connaissance d’aucune « erreur » – au sens d’une erreur de programmation. Certains se sont émus du fait que le résultat de l’algorithme paraissait « absurde » vis-à-vis des valeurs communément admis. Ainsi, par exemple, des étudiants avec mention étaient envoyés loin de chez eux alors que des bacheliers sans mention obtenaient leur premier choix. Mais là encore, c’est le choix des critères qui est en cause, et non l’algorithme en lui-même.
[En ma qualité de Belge, je ne connais pas vraiment le système français actuel. Que se passe-t-il si je ne veux pas faire les études qui m’ont été assignées ? Je dois me tourner vers le privé ? Aller à l’étranger ?]
Au niveau des principes, on a érigé en règle le « droit aux études » : chaque étudiant a le droit de suivre la formation de son choix dans l’université de son choix. Comme il est évident qu’un tel principe est inapplicable en pratique, on a un système très complexe ou les étudiants formulent des « vœux » dans un ordre donné. Ces « vœux » sont entrés dans APB, qui en fonction d’un certain nombre de critères (nature des formations demandées, lieu de résidence, situation familiale) attribue les places. Le poids des différents critères est tenu secret, pour éviter des manipulations opportunistes…
Ceux qui n’ont aucun de leurs vœux passent par un processus de « repêchage », les différents rectorats essayant soit de convaincre les candidats prospectifs de changer leurs vœux, soit convaincre les universités d’ouvrir de nouvelles places… tout ça dans la plus parfaite opacité.
[Est-ce que les classes préparatoires pour les grandes écoles font partie des places assignées par l’APB, ou sont-elles hors circuit ?]
Non. Les formations dites « sélectives » (c’est-à-dire le système des classes préparatoires à un concours, ou certaines disciplines universitaires comme médecine, pharmacie ou architecture) gardent un système de sélection au mérite à l’entrée, sur dossier et quelquefois sur entretien, et ne sont pas concernées par APB.
[Sinon, vous écrivez que l’enseignement est gratuit car il est bénéfique à la société. Que faites-vous des gens qui étudient gratuitement avant de s’expatrier dans un pays où les études sont chères (USA pour prendre un exemple évident) ?]
Ca fait partie des « fuites » du système. En effet, un pays qui a un excellent système d’éducation financé par l’impôt et qui forme des citoyens qui ensuite s’expatrient pour travailler dans des pays ou les études sont payantes et ou l’impôt éducatif n’existe pas sont des profiteurs du système. Personnellement, je serai d’avis de conditionner la gratuité des études au fait de travailler ensuite en France un certain nombre d’années. Par exemple, on pourrait rendre l’enseignement nominalement payant, chaque étudiant se voyant accorder un crédit par l’université pour payer ses études. Le professionnel fraîchement diplômé quitterait donc son université avec une dette. Ensuite, pour chaque année où il paye des impôts en France, la dette serait diminuée d’un montant fixe, pour être effacée au bout de quinze ans. S’il s’expatrie, la dette devient immédiatement exigible.
Ce mécanisme serait neutre pour la plupart des gens, mais aiderait les gens à prendre conscience que l’enseignement « gratuit » est bien payé par quelqu’un – la collectivité – et que le fait d’en bénéficier crée une dette envers elle.
[Ce sont des effets secondaires négligeables ? On considère qu’ils contribuent au “rayonnement de la France” ? Ou bien ce sont des parasites profiteurs ?]
Sauf dans certains domaines, ce sont des effets secondaires négligeables. En effet, ces expatriés partent souvent en début de carrière pour revenir ensuite – par exemple, quand ils se trouvent confrontés à la nécessité de payer plusieurs dizaines de milliers de dollars pour l’éducation de leurs enfants. A leur retour, ils ramènent des connaissances, des expériences qui peuvent être précieuses pour notre économie. Et ceux qui restent créent souvent des réseaux qui font partie de l’influence internationale de la France. Mais on trouve parmi eux des « parasites profiteurs », au sens qu’au niveau individuel ils partent avec l’idée « moi je ne dois rien à personne, et je n’ai pas envie de payer des impôts ». On trouve de tout, dans la vigne du Seigneur…
[Quelques petites coquilles que j’ai repérées :]
Merci de votre lecture attentive, je les ai corrigées…
@Descartes & @ Un Belge
> Non. Les formations dites « sélectives » (c’est-à-dire le système des classes préparatoires
> à un concours, ou certaines disciplines universitaires comme médecine, pharmacie ou architecture)
> gardent un système de sélection au mérite à l’entrée, sur dossier et quelquefois sur entretien, et ne
> sont pas concernées par APB.
Je relève quelques petites imprécisions : les prépas ne sont pas accessibles sur concours, mais sur dossier, ce qui reste une sélection au mérite.
Quand à pharmacie ou médecine, et c’est justement un des gros problèmes d’APB, le concours n’a lieu qu’à la fin de la 1ère année d’université. Et il y a eu cette année pas mal de cas d’élèves, même excellents, qui avaient fait des stages à l’hôpital, etc. qui se préparaient à aller en 1ère année commune de médecine / pharmacie, et qui n’ont pas eu la place via APB, ce qui ne leur permet même pas de s’inscrire au concours pour pouvoir faire des études de médecine ou de pharmacie.
> Personnellement, je serai d’avis de conditionner la gratuité des études au fait de travailler ensuite
> en France un certain nombre d’années. Par exemple, on pourrait rendre l’enseignement nominalement
> payant, chaque étudiant se voyant accorder un crédit par l’université pour payer ses études.
Je suis en profond désaccord. Quelqu’un qui a tout juste fini ses études, à part dans certains métiers, notamment de la santé, ne sait encore rien faire. Il lui reste à acquérir son métier. Et c’est une excellente chose selon moi que des jeunes diplômés partent quelques années à l’étranger pour se former, et reviennent ensuite en France, souvent quand ils envisagent d’avoir des enfants (pour que les enfants puissent étudier en France, pour que les grands-parents puissent aider, etc.).
Mais je vois en écrivant que vous mettez quelques lignes plus loin quelque chose qui va dans le même sens :
> “A leur retour, ils ramènent des connaissances, des expériences qui peuvent être précieuses pour notre
> économie. Et ceux qui restent créent souvent des réseaux qui font partie de l’influence internationale de la France.”
Je ne l’aurais pas mieux dit. Mais je ne suis absolument pas favorable à la mise en place d’une contrepartie financière, qui formerait une sorte de contrat, dont on pourrait se laver les mains une fois qu’on l’a payé. Et pourquoi ce contrat ne concernerait il pas aussi le collège et le lycée ?
Selon moi, il faudrait avant tout que, via l’instruction civique, tout au long de leurs études en France, les élèves soient sensibilisés à ce qu’ils doivent à la France, pour que cette dette soit une dette morale et charnelle, mais pas financière.
@ Descartes
Juste une petite correction : les prépas font bien une sélection sur dossier, mais elles font quand même partie du système APB. Pour y aller, il faut les classer sur le site avec tous les autres voeux. Par contre, elles établissent leur propre “liste de voeux” en classant les candidats selon leur dossier (typiquement les bulletins du lycée, certaines prépas privées demandent en plus une lettre de motivation, voire des avis des professeurs). Et c’est ce classement qui devient l’unique (je crois) critère d’attribution des places.
Je crois que c’est le cas de la plupart des filières sélectives. D’ailleurs APB les différencie de celles qui relèvent du “droit aux études”, et recommande chaudement de placer au moins une de ces dernières parmi les voeux pour ne pas se retrouver sans rien. Ça a l’avantage de simplifier la vie des bacheliers qui ne doivent pas suivre cinq procédures d’affectation différentes (et au passage faire des pré-inscriptions et bloquer des places pendant qu’ils attendent une réponse d’autre part).
C’est d’ailleurs la raison pour laquelle les concours de Sciences-Po et des IEP, qui avaient lieu après l’été, ont été avancés : avant, les résultats tombaient début septembre – en laissant, au passage, à peine une semaine pour trouver un logement sur Paris avant la rentrée – et des candidats qui avaient entre temps occupé des places dans d’autres filières (souvent sélectives) les libéraient soudainement alors que toutes les procédures d’affectation d’APB étaient terminées depuis longtemps…
@ Vincent
[Je relève quelques petites imprécisions : les prépas ne sont pas accessibles sur concours, mais sur dossier, ce qui reste une sélection au mérite.]
C’est bien ce que j’avais écrit. Ce sont « des classes préparatoires A un concours », mais elles ne recrutent pas formellement par concours, même si on peut considérer l’existence d’un numerus clausus transforme le recrutement par dossier en « concours sur dossier ».
[Quand à pharmacie ou médecine, et c’est justement un des gros problèmes d’APB, le concours n’a lieu qu’à la fin de la 1ère année d’université. Et il y a eu cette année pas mal de cas d’élèves, même excellents, qui avaient fait des stages à l’hôpital, etc. qui se préparaient à aller en 1ère année commune de médecine / pharmacie, et qui n’ont pas eu la place via APB, ce qui ne leur permet même pas de s’inscrire au concours pour pouvoir faire des études de médecine ou de pharmacie.]
La précision était nécessaire. En effet, médecine reste une filière « sélective » alimenté par une préparation qui, elle, n’est pas sélective et qui tombe donc dans la logique d’attribution des places d’APB.
[« Personnellement, je serai d’avis de conditionner la gratuité des études au fait de travailler ensuite en France un certain nombre d’années. Par exemple, on pourrait rendre l’enseignement nominalement payant, chaque étudiant se voyant accorder un crédit par l’université pour payer ses études ». Je suis en profond désaccord. Quelqu’un qui a tout juste fini ses études, à part dans certains métiers, notamment de la santé, ne sait encore rien faire. Il lui reste à acquérir son métier. Et c’est une excellente chose selon moi que des jeunes diplômés partent quelques années à l’étranger pour se former, et reviennent ensuite en France,]
Le désaccord n’est pas si « profond » que ça. On pourrait parfaitement modifier le système que j’avais proposé, par exemple en rendant exigible la dette seulement si la personne n’a pas travaillé au moins quinze ans en France dans les vingt-cinq ans qui ont suivi sa sortie de l’université, par exemple… pour moi, ce qui est important, c’est de bien matérialiser le fait que celui qui a profité d’une formation payée par l’ensemble de la collectivité a une dette envers celle-ci.
[Je ne l’aurais pas mieux dit. Mais je ne suis absolument pas favorable à la mise en place d’une contrepartie financière, qui formerait une sorte de contrat, dont on pourrait se laver les mains une fois qu’on l’a payé. Et pourquoi ce contrat ne concernerait il pas aussi le collège et le lycée ?]
Je ne suis pas contre…
[Selon moi, il faudrait avant tout que, via l’instruction civique, tout au long de leurs études en France, les élèves soient sensibilisés à ce qu’ils doivent à la France, pour que cette dette soit une dette morale et charnelle, mais pas financière.]
Ce serait encore mieux. Et d’ailleurs, cela a bien marché comme ça pendant plusieurs générations. Mais il est toujours plus facile de réformer les procédures que les mentalités… et je crains que dans le monde tel qu’il est aujourd’hui, la notion de dette monétaire soit bien plus facile à comprendre que la notion de reconnaissance.
@Descartes
“Personnellement, je serai d’avis de conditionner la gratuité des études au fait de travailler ensuite en France un certain nombre d’années. Par exemple, on pourrait rendre l’enseignement nominalement payant, chaque étudiant se voyant accorder un crédit par l’université pour payer ses études.”
Il me semble qu’il y a une objection d’ordre pratique: comment se faire rembourser par quelqu’un qui réside à l’étranger et y paie ses impôts ?
@ C.
[Juste une petite correction : les prépas font bien une sélection sur dossier, mais elles font quand même partie du système APB.]
Oui et non. Les candidats doivent les inclure dans leurs « listes de vœux » pour éviter qu’APB leur attribue une place en université au cas où ils seraient pris en prépa. Mais ce n’est pas l’algorithme d’APB qui attribue les places en prépa, qui reste lié à un système de sélection par le mérite.
@ xc
[Il me semble qu’il y a une objection d’ordre pratique: comment se faire rembourser par quelqu’un qui réside à l’étranger et y paie ses impôts ?]
La difficulté est limitée. Ces gens ont beau vivre à l’étranger, ils reviennent de temps en temps en France pour voir leur famille, et ont généralement des biens en France. Ils continuent à détenir un passeport français, qu’il leur faut renouveler…
[Je me permettrai d’ajouter qu’il est abusif de parler de “grève” des étudiants. Plutôt une non-utilisation d’un service public.]
La « grève » étudiante se traduit en général non seulement par la non-utilisation du service public, mais par le fait qu’on empêche ce même service public de fonctionner, en perturbant les cours et en occupant les locaux. Mais je suis d’accord, parler de « grève » est un abus de langage. Les étudiants ne sont pas les travailleurs de l’université, mais ses usagers.
Bonjour à vous,
Je vous remercie pour ce nouveau sujet, car cela me tire de la torpeur dans laquelle j’étais plongé depuis l’élection de Macron, d’où mon mutisme.
Je pense apporter un témoignage et des réflexions intéressantes dans le sujet, car j’y suis tout particulièrement concerné, étant chargé de cours en histoire.
On m’a bien entendu parachuté devant les premières années, et j’ai donc pu percevoir les problèmes de l’Université. Je vais être un peu rude : il y a beaucoup d’étudiants venant de bacs professionnels, et la grande majorité d’entre-eux n’ont pas le niveau nécessaire (et c’est un euphémisme). Beaucoup abandonnent dès les premiers mois, terrifiés par la perspective de devoir lire régulièrement (hé oui…), et de préparer des oraux au-delà d’un simple copier/coller sur wikipédia. Mais le pire, pour moi, sont ceux qui ne viennent là que pour pointer aux TD et aux examens afin de toucher leur bourse pendant deux ans… Je les vois encore avachis au fond de l’amphithéâtre, refusant toute participation et se contentant de pianoter leurs écrans.
De ce fait, il existe une sélection : c’est la première année. Cela varie selon les départements, mais c’est en gros 50-60% de l’effectif qui fond entre la première et la deuxième année.
J’ajouterais aussi que j’ai déjà vu un élève “moyen” venant d’un bac pro s’épanouir et réussir brillamment sa licence d’histoire.
C’est pour cela que je suis opposé à un système de sélection, trop rude, à l’entrée de l’université, car il en existe déjà un en soit, et que cela ferme la porte à des éléments atypiques.
Enfin, je pense qu’il ne faut pas oublier une chose, c’est que l’université reste par excellence les études supérieures des classes populaires. C’est la raison pour laquelle cette dernière est aussi méprisée. Je pense que vous idéalisez un peu trop les grandes écoles d’aujourd’hui, en tout cas dans les matières littéraires, elles sont le symbole d’une élite auto-reproductrice parisienne et bourgeoise, dont ne peuvent rentrer que ceux qui en maitrisent les codes culturels.
Venant d’un milieu populaire, je n’étais même pas au courant du cursus honorum via les grandes écoles. J’ai du franchir les degrés universitaires sans réseau et sans bagage culturel au préalable. Lorsque que je réussis à obtenir l’accès à une institution prestigieuse (sur dossier), on me fit bien comprendre que malgré cela, je n’appartenais pas “au même monde”. Combien de ces bonnes gens que j’ai vu, mais dont leurs travaux sont médiocres et suffisants, et combien de chercheurs à la situation précaire et aux réflexions brillantes sont méprisés pour leurs origines sociales et universitaires. Alors croyez-moi, quand j’entends parler de “grandes écoles”, je sors mon révolver…
@ Caton d’Utique
[Je vous remercie pour ce nouveau sujet, car cela me tire de la torpeur dans laquelle j’étais plongé depuis l’élection de Macron, d’où mon mutisme.]
Je sais que beaucoup de mes lecteurs s’intéressent aux questions liées à l’enseignement. J’essaye donc de temps en temps de les réveiller avec un article sur ces sujets, dont je ne suis loin de là un spécialiste mais qui m’ont toujours intéressées.
[Je les vois encore avachis au fond de l’amphithéâtre, refusant toute participation et se contentant de pianoter leurs écrans.]
C’est un peu ce que je veux dire lorsque je parle d’une « garderie pour les « classes moyennes » ». Pour beaucoup, l’université est devenue un refuge pour retarder l’entrée dans le monde du travail.
[De ce fait, il existe une sélection : c’est la première année. Cela varie selon les départements, mais c’est en gros 50-60% de l’effectif qui fond entre la première et la deuxième année.]
Je suis d’accord. Mais ce mode de sélection a un coût très important. Non seulement ce 60% qui abandonne occupe des salles et des enseignants. Il occupe surtout des places qui pourraient échoir à des étudiants motivés et qui en veulent. Mais surtout, ce mode de sélection ne garantit pas que ce soient les plus méritants qui restent.
[J’ajouterais aussi que j’ai déjà vu un élève “moyen” venant d’un bac pro s’épanouir et réussir brillamment sa licence d’histoire. C’est pour cela que je suis opposé à un système de sélection, trop rude, à l’entrée de l’université, car il en existe déjà un en soit, et que cela ferme la porte à des éléments atypiques.]
Lorsque je parle de « sélection au mérite », je laisse ouverte la discussion sur les critères à retenir pour juger le « mérite » en question. Pour moi, un « bon » étudiant c’est quelqu’un qui a une bonne base, des méthodes de travail, la curiosité et l’envie d’apprendre. Le poids qu’on donne à chacun de ces critères peut être discuté. Moi aussi, j’ai vu des jeunes issus d’un bac pro et qui ont rapidement comblé leurs lacunes « académiques » parce qu’ils avaient l’organisation mentale et l’envie d’apprendre et ont réussi en grande école. Ce qui montre que les jurys de concours sont parfaitement capables de détecter ces personnalités « atypiques » et de les peser à leur juste valeur.
[Enfin, je pense qu’il ne faut pas oublier une chose, c’est que l’université reste par excellence les études supérieures des classes populaires.]
Aujourd’hui, oui. Parce qu’on a cassé l’ascenseur social, qui permettait aux classes populaires d’accéder, par le biais des formations sélectives, à la promotion sociale. Avant 1968, on trouvait en proportion plus de fils d’ouvriers dans les « grandes écoles » d’ingénieur ou dans les écoles normales que dans les formations universitaires. Mais si on laisse de côté les DUT et les BTS, qui n’ont d’universitaire que le nom, combien d’enfants des « classes populaires » complètent un cursus universitaire ?
[C’est la raison pour laquelle cette dernière est aussi méprisée.]
Je ne le crois pas. Je vous rappelle que l’Université a été méprisée d’abord et avant tout par les « classes moyennes », et cela même du temps où elle était « aristocratique », ou du moins considérée comme telle. Relisez ce qu’on écrivait à la fin des années 1960, sur cette université des « mandarins » et de la « bourgeoisie ».
[Je pense que vous idéalisez un peu trop les grandes écoles d’aujourd’hui, en tout cas dans les matières littéraires, elles sont le symbole d’une élite auto-reproductrice parisienne et bourgeoise, dont ne peuvent rentrer que ceux qui en maîtrisent les codes culturels.]
Je « n’idéalise » rien. Je constate simplement que le système des grandes écoles arrive à donner à ceux qui y passent une formation professionnelle et intellectuelle de qualité. Et que dans ces conditions, il me semble plus intéressant, si l’objectif est la promotion sociale, de permettre aux « couches populaires » d’accéder à ce système qui marche plutôt que de le détruire dans une logique de nivellement par le bas.
Par ailleurs, dans une société à faible croissance comme la notre, pour que le fils de l’ouvrier puisse être médecin, ingénieur ou énarque, il faut que le médecin, l’ingénieur ou l’énarque acceptent que leur enfant puisse redevenir ouvrier. Il est donc idéaliste d’imaginer que le système éducatif pourrait être égalitaire dans une société qui est profondément inégalitaire, ou corriger à lui seul les inégalités qui lui sont inhérentes. Dans ce domaine, les objectifs « égalitaires » ne peuvent qu’être limités.
[Venant d’un milieu populaire, je n’étais même pas au courant du cursus honorum via les grandes écoles.]
Ca, c’est la faute des enseignants. C’est à eux de repérer les enfants les plus travailleurs et les plus doués, les pousser vers les meilleures écoles et les aider à y entrer. J’avais un collègue ingénieur qui se souvenait encore comment son instituteur était monté à la montagne pour persuader ses parents de l’envoyer au lycée. Camus n’aurait pas été Camus sans Louis Germain, l’instituteur qui le poussa à continuer ses études et à qui, lorsqu’il apprit que le prix Nobel lui était décerné, il écrivit la lettre suivante : « J’ai laissé s’éteindre un peu le bruit qui m’a entouré tous ces jours-ci avant de venir vous parler de tout mon cœur. On vient de me faire un bien trop grand honneur, que je n’ai ni recherché ni sollicité. Mais quand j’en ai appris la nouvelle, ma première pensée, après ma mère, a été pour vous. Sans vous, sans cette main affectueuse que vous avez tendue au petit enfant pauvre que j’étais, sans votre enseignement, et votre exemple, rien de tout cela ne serait arrivé. Je ne me fais pas un monde de cette sorte d’honneur. Mais celui-là est du moins une occasion pour vous dire ce que vous avez été, et êtes toujours pour moi, et pour vous assurer que vos efforts, votre travail et le cœur généreux que vous y mettiez sont toujours vivants chez un de vos petits écoliers qui, malgré l’âge, n’a pas cessé d’être votre reconnaissant élève. Je vous embrasse de toutes mes forces ».
Mais peut-être que les enseignants, devenus eux-mêmes membres des « classes moyennes », n’ont plus tellement envie que les petits Camus fassent concurrence à leurs propres enfants ?
[J’ai du franchir les degrés universitaires sans réseau et sans bagage culturel au préalable. Lorsque que je réussis à obtenir l’accès à une institution prestigieuse (sur dossier), on me fit bien comprendre que malgré cela, je n’appartenais pas “au même monde”. Combien de ces bonnes gens que j’ai vu, mais dont leurs travaux sont médiocres et suffisants, et combien de chercheurs à la situation précaire et aux réflexions brillantes sont méprisés pour leurs origines sociales et universitaires. Alors croyez-moi, quand j’entends parler de “grandes écoles”, je sors mon révolver…]
Je ne connais pas votre situation particulière, mais je pense que vous avez tort. L’un des grands avantages de ces « corps » recrutés par concours, c’est précisément que le concours est le grand niveleur. Tous les normaliens sont des normaliens, qu’ils viennent d’un château ou d’une chaumière, et Pierre Bourdieu ou Alain Finkielkraut sont bien plus respectés dans la communauté que BHL.
Vous me rappelez une formule célèbre, attribuée à Pierre Guillaumat (mais probablement apocryphe) : « Il y a deux types d’hommes, les ingénieurs et les autres ; il y a deux types d’ingénieurs, les polytechniciens et les autres ; il y a deux types de polytechniciens, les « corpsards » (i.e. qui sont en tête du classement de sortie et qui vont dans les grands corps de l’Etat) et les autres ; il y a deux types de « corpsards », les « mineurs » (i.e qui vont au corps des mines) et les autres ; il y a deux types de « mineurs », les « majors » et les autres ; et il y a deux types de « majors », il y a les autres, et puis il y a moi ». Dans tout système hiérarchisé, on a des gens au dessus et des gens au dessous. Mais les « grandes écoles » ont construit une hiérarchie qui – pour autant que ce puisse être le cas dans une société inégalitaire – est une hiérarchie du mérite.
D’ailleurs, lorsque vous regardez quels sont les partis politiques qui ont proposé historiquement l’abolition des « grandes écoles », ce ne sont pas les partis représentant les « couches populaires » qui ont été les plus virulents. Bien au contraire…
[C’est un peu ce que je veux dire lorsque je parle d’une « garderie pour les « classes moyennes » ». Pour beaucoup, l’université est devenue un refuge pour retarder l’entrée dans le monde du travail.]
C’est effectivement le cas en première année, et ça ne s’arrange pas avec le temps. Pour lutter contre ce phénomène d’étudiants fantômes touchant la bourse, on les oblige à signer une feuille de présence (en TD), avec renvoi effectif au bout de 3 absences. Sauf qu’ils n’errent plus sur la pelouse, mais au fond des amphithéâtres, ce n’est pas vraiment mieux, surtout s’ils se mettent à déranger la tenue du cours. J’ai rarement fait de la police, mais ce n’est pas le cas de certains de mes collègues…
J’ajouterais, au vu du message d’Apache, qu’il y a un problème d’autonomisation croissant au sein des étudiants. Ils sont complètement terrifiés ne serait-ce que par le fait de devoir chercher des livres qui ne sont pas dans la bibliographie fournie. Il y a même des cas ou on doit les prendre par la main. On assiste aussi de plus en plus aux parents qui interviennent au secrétariat du département. En fait, l’Université devient un gros lycée. Mais là, c’est plus un problème de fond qui s’installe bien avant l’entrée à l’université.
Si la surpopulation en première année coûte cher, je pense que c’est en partie liée à la bourse. Cette dernière ne saute pas aisément, et même ceux qui abandonnent font l’effort de venir en td et aux examens pour se permettre de passer une bonne année à rien faire.
[Mais surtout, ce mode de sélection ne garantit pas que ce soient les plus méritants qui restent.]
Il y a toujours des exceptions, mais je ne suis pas d’accord. La première année permet de voir rapidement ceux qui travaillent régulièrement et commencent à comprendre la méthodologie et ceux qui en foutent pas une. Croyez-moi, cette première année est souvent la plus difficile : il faut prendre des nouveaux repères, apprendre à être autonome, lire beaucoup, assimiler etc etc. Je sais qu’il y a d’autres matières réputées plus “faciles” et plus “populaires”, -le département de sociologie refusant annuellement des demandes chaque année-, mais ce n’est pas le cas en histoire. Je suis donc incapable de vous donner un témoignage de ce côté là.
[Pour moi, un « bon » étudiant c’est quelqu’un qui a une bonne base, des méthodes de travail, la curiosité et l’envie d’apprendre.]
Le problème étant que la curiosité et l’envie d’apprendre sont difficiles à percevoir dans une sélection sur dossier. Surtout avant de se frotter à la matière, de se mettre à rechercher, lire des livres, noter consciencieusement, mener son enquête etc. Certains -bon pas beaucoup- d’étudiants sont transformés par l’autonomie de l’université.
[Je constate simplement que le système des grandes écoles arrive à donner à ceux qui y passent une formation professionnelle et intellectuelle de qualité. Et que dans ces conditions, il me semble plus intéressant, si l’objectif est la promotion sociale, de permettre aux « couches populaires » d’accéder à ce système qui marche plutôt que de le détruire dans une logique de nivellement par le bas.]
Si nous étions dans les années 60 je serais entièrement d’accord. Le problème c’est que nous sommes ni aux temps de Pierre Bourdieu, ni à ceux d’Alain Finkieltraut. Vous n’avez donné aucun exemple récent, et c’est bien normal. Aujourd’hui, je le répète, mais ces écoles (en tout cas niveau littéraire) sont des lieux de reproduction de l’élite parisienne. Je ne veux pas tout cramer, mais s’il faut réformer pour l’ouvrir de nouveau aux classes populaires, il faut m’expliquer comment…
[Ca, c’est la faute des enseignants. C’est à eux de repérer les enfants les plus travailleurs et les plus doués, les pousser vers les meilleures écoles et les aider à y entrer.]
Je connaissais cette jolie anecdote sur Albert Camus. Elle me rappelle une de mes enseignantes au collège. Elle enseignait là alors qu’elle était agrégée. Elle me remarqua rapidement, mais elle vit que mes connaissances manquaient singulièrement de structure et d’unité de pensée. Pour m’obliger à mieux écrire et à mieux construire mon raisonnement, elle me sous-nota sévèrement jusqu’à ce que je respecte le sacro-plan en trois partie, trois sous-partie, l’unité de pensée entre les sous-partie, une écriture plus claire etc. J’ai bien entendu râlé au début, mais j’ai fait des efforts pour atteindre ce qu’elle voulait. Je pense que je lui dois beaucoup, et j’aimerais la retrouver pour la remercier…
Le souci, c’est que j’ai eu de bons enseignants au Lycée, mais qui n’étaient pas normaliens et qui connaissaient bien peu les grands écoles.
[Je ne connais pas votre situation particulière, mais je pense que vous avez tort. L’un des grands avantages de ces « corps » recrutés par concours, c’est précisément que le concours est le grand niveleur. ]
En toute honnêteté, je m’en sors plutôt bien. Si je parais aigri sur ce sujet, c’est en pensant plus à des amis qu’à ma propre situation. Le problème du concours, c’est qu’il ne garanti pas, loin de là, de posséder les capacités de recherches, qui ne peuvent s’estimer que sur le terrain, la thèse et les articles. J’ai moi-même un concours, mais j’ai utilisé d’autres compétences que celles utiles à la recherche et à l’enseignement… Alors que des gens sans doute plus brillants que moi sur le terrain de la recherche n’arrivent pas à s’en sortir. Et cela me fait un peu mal, surtout quand on voit un normalien se pavaner et réussir alors que sa thèse est reconnu comme terriblement nulle par tous les comptes-rendus de France, de Navarre, et même d’ailleurs…
@ Caton d’Utique
[J’ajouterais, au vu du message d’Apache, qu’il y a un problème d’autonomisation croissant au sein des étudiants. Ils sont complètement terrifiés ne serait-ce que par le fait de devoir chercher des livres qui ne sont pas dans la bibliographie fournie. Il y a même des cas ou on doit les prendre par la main. On assiste aussi de plus en plus aux parents qui interviennent au secrétariat du département. En fait, l’Université devient un gros lycée. Mais là, c’est plus un problème de fond qui s’installe bien avant l’entrée à l’université.]
Je pense qu’il s’agit d’un problème général, qui dépasse de très loin l’université. Nous sommes dans une société où l’adulte est remplacé par l’éternel adolescent. On traite les citoyens comme des mineurs qu’il faut prendre par la main et protéger contre toutes sortes de choses, y compris contre eux-mêmes. Et les citoyens s’installent dans ce statut de mineur et de « victime ». Il faut les « prendre par la main », et pas seulement à l’université : c’est la même chose au travail, pour faire une démarche administrative…
[Si la surpopulation en première année coûte cher, je pense que c’est en partie liée à la bourse.]
Y a-t-il tant de boursiers que cela ? Je n’en suis pas convaincu. Je connais beaucoup de non-boursiers pour qui les études permettent de justifier auprès de leurs parents et de leurs amis le fait de ne pas travailler.
[« Mais surtout, ce mode de sélection ne garantit pas que ce soient les plus méritants qui restent ». Il y a toujours des exceptions, mais je ne suis pas d’accord. La première année permet de voir rapidement ceux qui travaillent régulièrement et commencent à comprendre la méthodologie et ceux qui en foutent pas une.]
Vous me rassurez, mais je ne suis pas intimement persuadé que l’abandon en première année filtre efficacement « ceux qui n’en foutent pas une ». J’en connais personnellement des enfants d’amis, de véritables cancres, qui sont arrivés jusqu’à la licence…
[« Pour moi, un « bon » étudiant c’est quelqu’un qui a une bonne base, des méthodes de travail, la curiosité et l’envie d’apprendre ». Le problème étant que la curiosité et l’envie d’apprendre sont difficiles à percevoir dans une sélection sur dossier.]
Cela dépend comment est constitué le dossier. S’il ne contient que des notes de bac, c’est vrai – et encore : les élèves qui ont de la curiosité et l’envie d’apprendre aient en général des bonnes notes. Mais s’il contient des appréciations des professeurs, c’est déjà différent. Et puis, je ne suis pas contre le fait d’inclure un entretien avec un jury dans la procédure de sélection.
[Si nous étions dans les années 60 je serais entièrement d’accord. Le problème c’est que nous sommes ni aux temps de Pierre Bourdieu, ni à ceux d’Alain Finkieltraut. Vous n’avez donné aucun exemple récent, et c’est bien normal.]
J’aurais du mal à donner un exemple de penseur d’un certain niveau issu de l’université. Même si le système des grandes écoles s’est lui aussi dégradé, il reste capable de fournir une formation de bien meilleure qualité que l’université.
[Je ne veux pas tout cramer, mais s’il faut réformer pour l’ouvrir de nouveau aux classes populaires, il faut m’expliquer comment…]
Cela passe à mon avis par une réforme du système primaire et secondaire, pour le plus exigeant tout en redonnant aux enseignants une fonction de « découvreurs de talents » et de promotion de ceux-ci. C’est là que la véritable sélection sociale se fait.
[Elle me rappelle une de mes enseignantes au collège. Elle enseignait là alors qu’elle était agrégée. Elle me remarqua rapidement, mais elle vit que mes connaissances manquaient singulièrement de structure et d’unité de pensée. Pour m’obliger à mieux écrire et à mieux construire mon raisonnement, elle me sous-nota sévèrement jusqu’à ce que je respecte le sacro-plan en trois partie, trois sous-partie, l’unité de pensée entre les sous-partie, une écriture plus claire etc. J’ai bien entendu râlé au début, mais j’ai fait des efforts pour atteindre ce qu’elle voulait. Je pense que je lui dois beaucoup, et j’aimerais la retrouver pour la remercier…]
Ce de ce genre d’enseignants dont notre pays a besoin si l’on veut remettre en route l’ascenseur social. Mais le voulons nous ? Accepterions nous, nous qui sommes membres des « classes moyennes », de voir les enfants des couches populaires « bien éduqués » concurrencer nos propres enfants pour les meilleures places ? Là est la véritable question.
Excellent, c’est toujours un plaisir de vous lire
Étant de la génération concernée, j’ai été surpris par la mentalité de pourri-gâtés de certains jeunes, pleurnichant parce qu’ils n’avaient pas été acceptés à l’école voulue, et pour certains réclamant un salaire étudiant, exigeant aux profs de changer les heures de cours et demandant des rendez-vous quand la note n’était pas assez élevée à leur goût. Un étudiant a même voulu, à l’occasion de l’absence d’un prof de botanique, vieux monsieur malade et ayant dépassé largement l’âge de la retraite, envoyer une « lettre pour manifester sa déception » dans laquelle il donnait des leçons sur le respect a un homme ayant 50 ans de plus que lui et une carrière universitaire pour lui. Cela illustre je pense cet aspect étudiant-client auquel vous faîtes allusion, et une mentalité d’enfant-roi absolument détestable.
Un sentiment très répandu également dans ma génération, c’est le sentiment, l’envie même quelque part d’être blasés, des jeunes qui se forcent à ne pas avoir envie de faire quelque chose de grand.
Toute cette intoxication sur la « génération Y à laquelle on n’a rien laissé », sans avenir, vouée au « chômage, à la violence et au sida » a ruiné les ambitions de cette génération Dans ma promotion de Licence un seul étudiant voulait devenir chercheur, et les interruptions d’études pour aller faire une école de commerce (« pour me faire du fric au moins ») ont été légions, à force de peindre un avenir noir pour cette jeunesse qui jouit du meilleur niveau de vie jamais vu dans l’histoire, ces jeunes en sont convaincus et sont gagnés par le cynisme.
D’autre part il y a le problème de la surpopulation des universités, nous étions 42 dans ma promotion de master1, aucun moyen pour les profs de nous suivre un a un, et comme vous le dites, nous manquons d’autonomie.
Je dois ajouter que c’est impressionnant le manque d’esprit scientifique, que ce soit dans la démarche scientifique ou la curiosité, moi ma matière de prédilection est la botanique, on me regarde comme si j’étais un martien si je dis que l’astronomie, l’histoire ou la philo c’est intéressant aussi. Il faut savoir qu’on ne connait pas Rousseau chez les étudiants en biologie de l’environnement, et les étudiants en biologie moléculaire ne savent pas ce qu’est le lierre ou le liseron (histoire vraie !).
Le tableau que je vous peints est peut-être noir, mais rien n’y est inventé. Bien sûr il y a des étudiants que j’admirai par leur ambition et leur travail acharné, mais globalement on prend une mauvaise pente.
Petit HS pour terminer, auriez-vous quelque référence ou ouvrage à me conseiller pour bien comprendre les différences entre trotskysme, léninisme et stalinisme, un ami à moi trotskyste me dépeint un portrait très laudateur de Trotski, j’ai peine à y croire étant donné le spectacle repoussant des partis trotskystes, mais je confesse mon manque de connaissances sur le sujet. Il n’est pas facile de trouver des livres sans parti pris sur ce sujet, aussi me demandais-je si vous aviez quelque chose à me proposer.
Merci et à bientôt
@ Apache
[Un sentiment très répandu également dans ma génération, c’est le sentiment, l’envie même quelque part d’être blasés, des jeunes qui se forcent à ne pas avoir envie de faire quelque chose de grand.]
Mais il ne faut pas être trop sévère avec cette génération. C’est surtout la faute de la génération précédente, qui a tout ramené à l’ambition petite-bourgeoise de la jouissance individuelle et du « ça me suffit ». Il n’est pas facile d’être jeune aujourd’hui, dans une société qui ne transmet ni un « roman national », ni une grande ambition collective, et pour qui le modèle n’est pas le héros, mais la victime.
[Dans ma promotion de Licence un seul étudiant voulait devenir chercheur, et les interruptions d’études pour aller faire une école de commerce (« pour me faire du fric au moins ») ont été légions, à force de peindre un avenir noir pour cette jeunesse qui jouit du meilleur niveau de vie jamais vu dans l’histoire, ces jeunes en sont convaincus et sont gagnés par le cynisme.]
Parce que les jeunes héritent, quoi qu’on en dise, les valeurs de la société dans laquelle ils sont éduqués. Dans un monde où l’investissement n’est concevable que sur le court terme, ou tout ce qui n’est pas rentable rapidement n’est même pas considéré, comment s’étonner que les jeunes réagissent de la même manière lorsqu’il s’agit de leur investissement personnel ? La recherche, c’est un investissement de très long terme. Il faut des années d’efforts pour avoir peut-être la satisfaction d’avoir construit quelque chose, et quand à gagner de l’argent n’en parlons pas. Une start-up, c’est l’espoir des satisfactions et de l’argent tout de suite.
[D’autre part il y a le problème de la surpopulation des universités, nous étions 42 dans ma promotion de master1, aucun moyen pour les profs de nous suivre un a un, et comme vous le dites, nous manquons d’autonomie.]
Oui, c’est une génération qui manque d’autonomie. Il n’est pas normal qu’au niveau du Master on ait encore besoin de suivre les étudiants « un à un ». L’université n’est pas un lycée en plus grand. Et on devrait marquer la rupture dès le début du premier cycle. Les étudiants universitaires sont des ADULTES, et il faut donc exiger d’eux un comportement d’ADULTES. Il est vrai que nous vivons dans une société ou les comportements adolescents se prolongent jusqu’à la vieillesse, mais bon faut arrêter les dégâts.
[Je dois ajouter que c’est impressionnant le manque d’esprit scientifique, que ce soit dans la démarche scientifique ou la curiosité, moi ma matière de prédilection est la botanique, on me regarde comme si j’étais un martien si je dis que l’astronomie, l’histoire ou la philo c’est intéressant aussi. Il faut savoir qu’on ne connait pas Rousseau chez les étudiants en biologie de l’environnement, et les étudiants en biologie moléculaire ne savent pas ce qu’est le lierre ou le liseron (histoire vraie !).]
Dans la mesure où l’université est devenue une usine à délivrer des diplômes « rentables », l’esprit « universel » a disparu. Des étudiants de psychologie protestent lorsqu’on essaye de leur enseigner l’histoire ou les mathématiques, sur le mode « à quoi ça va me servir quand je verrai des patients ? ». Il n’est plus question de plaisir ou de compréhension du monde, mais de rentabilisation de l’effort. Et curieusement, ce n’est pas une aversion à l’effort. Je vois des jeunes en bas de chez moi qui passent leur temps à s’entraîner sur leurs planches à roulettes. Et on les voit recommencer dix, cent, mille fois le même exercice, jusqu’à pouvoir le réaliser parfaitement. Il aura manqué à ce jeune un professeur – et une société – qui lui montre qu’on peut éprouver le même plaisir à travailler un théorème mathématique ou une expérience de physique.
[Petit HS pour terminer, auriez-vous quelque référence ou ouvrage à me conseiller pour bien comprendre les différences entre trotskysme, léninisme et stalinisme, un ami à moi trotskyste me dépeint un portrait très laudateur de Trotski, j’ai peine à y croire étant donné le spectacle repoussant des partis trotskystes,]
Il faut se méfier des disciples. Les trotskystes français font souvent dire à Trotsky des choses qui feraient ce dernier se retourner dans sa tombe.
[mais je confesse mon manque de connaissances sur le sujet. Il n’est pas facile de trouver des livres sans parti pris sur ce sujet, aussi me demandais-je si vous aviez quelque chose à me proposer.]
Le sujet est d’une telle complexité qu’il est non pas difficile, mais impossible de trouver des livres « sans parti pris ». Dans cette histoire, il se greffe des conflits idéologiques réels, mais aussi des conflits personnels et politiques, sans oublier dans les temps plus modernes la récupération de l’un ou l’autre de ces leaders par des groupuscules. Le mieux que vous puissiez faire, c’est de lire la même histoire racontée d’une perspective trotskyste, léniniste et stalinienne, et vous faire votre propre opinion…
In fait, ce qui manque c’est surtout une histoire matérialiste, qui se concentre moins sur les conflits d’idées et plus sur les conflits d’intérêts. Car il y a beaucoup d’idéalisme dans les positions des uns et des autres. Lorsque Lénine meurt en 1924, sous couvert de débat d’idées, ce qui se joue en fait c’est le partage de l’héritage, c’est-à-dire, du pouvoir. Imaginer que Staline et Trotsky (mais aussi Zinoviev, Kamenev ou Boukharine) et leurs partisans respectifs étaient totalement insensibles à cet aspect des choses, qu’ils ne pensaient qu’à la révolution prolétarienne, c’est se bercer de douces illusions.
Bien sûr, on peut distinguer les grandes oppositions politiques – qui souvent nous disent quelque chose aussi sur les groupes sociaux qui étaient derrière les différents acteurs. Lénine, c’est d’abord le théoricien du parti organisé et discipliné sur un modèle militaire, et la critique de la logique « d’union sacrée » dans laquelle la social-démocratie avait perdu son âme. Trotsky affrontera Lénine puis Staline sur la question de savoir si la priorité était la « révolution mondiale » ou la consolidation institutionnelle du régime soviétique. Mais il faut se souvenir que Trotsky ou Staline sont d’abord des politiques, et non des théoriciens. Il est difficile donc de dégager une « doctrine trotskyste » ou une « doctrine stalinienne »…
En France, c’est la vision trotskyste qui s’est imposée au niveau universitaire. La plupart des ouvrages historiques sont donc écrits de cette perspective. Les meilleurs sont ceux de Pierre Broué ou de Nicolas Werth. Pour trouver le point de vue stalinien, plus institutionnaliste, il faut se tourner vers des ouvrages beaucoup plus anciens, comme « l’histoire de l’URSS » de Jean Ellenstein.
[Former à grands frais des gens dont on n’aura ensuite pas l’emploi, c’est un énorme gâchis.]
L’est-ce forcément ? Cela permet de rendre la société plus savante en général, ce n’est pas rien. Et les étudiants et diplômés qui ne pourront pas obtenir d’emploi lié à leurs études peuvent très souvent exploiter et transposer leurs connaissances et compétences pour autre chose.
[L’Université (…) devrait avoir pour mission de former un nombre limité d’étudiants, en fonction des besoins du pays et non des désirs des candidats.]
Je ne crois pas que l’Université devrait se soucier des besoins du pays ou des désirs des candidats. Il me semble que l’Etat pourrait rendre plus ou moins attractifs les emplois en fonction des besoins du pays, et par ce biais faire en sorte que la demande des bacheliers corresponde à l’offre universitaire.
[la sélection devrait être faite en fonction du mérite intellectuel et académique.]
Je suis tout à fait d’accord. Par contre, je pense qu’il est bon de laisser un peu de marge sur le mérite : le nombre d’étudiants qui se révèlent en Master ne me paraît pas négligeable.
[Et ce système fonctionne d’ailleurs très bien chez nous dans un autre champ : c’est celui des classes préparatoires et des grandes écoles (…). Et ce système ne nécessite aucun algorithme compliqué du genre APB pour affecter les étudiants sans que cette affectation provoque la moindre récrimination, la moindre contestation, parce qu’elle est fondée sur des critères objectifs et indiscutables.]
Ce n’est pas tout à fait vrai, il y a par exemple tout une section dédiée aux critiques des Grandes Ecoles sur Wikipédia : https://fr.wikipedia.org/wiki/Grande_%C3%A9cole
@ Jean-François
[« Former à grands frais des gens dont on n’aura ensuite pas l’emploi, c’est un énorme gâchis ». L’est-ce forcément ? Cela permet de rendre la société plus savante en général, ce n’est pas rien.]
Si le but est de « rendre la société plus savante », alors l’enseignement universitaire doit être construit dans une logique de culture générale large, avec cinq ou six carrières « généralistes » et un minimum de spécialisation. Or, la logique actuelle va exactement dans le sens contraire : la recherche de la « rentabilité » du diplôme conduit au contraire à la spécialisation à outrance, avec des enseignements chaque fois plus étroits. Là où il y a vingt ans il y avait une « maîtrise en droit », il y a maintenant vingt mastères genre « droit de la mer », « droit commercial international », « droit humanitaire », « droit du genre ( !?) »…
[Et les étudiants et diplômés qui ne pourront pas obtenir d’emploi lié à leurs études peuvent très souvent exploiter et transposer leurs connaissances et compétences pour autre chose.]
Le peuvent-ils ? Là encore, se pose la question de la spécialisation. Aujourd’hui, les étudiants que je voix recruter sur mon lieu de travail sont hyperspécialisés, mais avec une formation de base généraliste plutôt faible. Sortis de leur domaine particulier, ils sont perdus.
[Je ne crois pas que l’Université devrait se soucier des besoins du pays ou des désirs des candidats. Il me semble que l’Etat pourrait rendre plus ou moins attractifs les emplois en fonction des besoins du pays, et par ce biais faire en sorte que la demande des bacheliers corresponde à l’offre universitaire.]
Le problème, c’est que les besoins en emplois se transmettent très lentement au système de formation. Ce n’est pas parce que l’emploi d’anesthésiste est « attractif » maintenant qu’il le sera quand les anesthésistes qui commencent leur cursus auront fini leur formation. C’est-à-dire qu’il faut un minimum de planification à l’avance, et on ne peut pas se contenter d’un système d’équilibre instantané sur le marché du travail.
[« la sélection devrait être faite en fonction du mérite intellectuel et académique ». Je suis tout à fait d’accord. Par contre, je pense qu’il est bon de laisser un peu de marge sur le mérite : le nombre d’étudiants qui se révèlent en Master ne me paraît pas négligeable.]
Si les étudiants « se révèlent » en Master, c’est qu’il y a quelque chose qui ne marche pas dans le système. Qu’un élève ait des problèmes en quatrième et « se révèle » en première, c’est possible parce qu’un adolescent est en pleine construction peut changer beaucoup en trois ans. Mais à la licence, l’étudiant est censé avoir plus de vingt ans. S’il n’a pas répondu jusqu’alors à l’exigence, on voit mal ce que peut changer en lui en deux ou trois ans pour qu’il se « révèle » ensuite. Ce qui change souvent, c’est qu’en licence on n’exige rien, alors qu’en master on commence à le faire… mais ça c’est la faute au système.
[Ce n’est pas tout à fait vrai, il y a par exemple tout une section dédiée aux critiques des Grandes Ecoles sur Wikipédia : https://fr.wikipedia.org/wiki/Grande_%C3%A9cole%5D
Vous savez, ce n’est pas parce que certains disent le contraire que ce n’est pas vrai 😉
Je trouve très drôles les critiques concernant « la reproduction sociale ». Nous vivons dans une société inégalitaire, et qui tend à le devenir de plus en plus, et ces inégalités se perpétuent par des mécanismes de reproduction bien installés dans le mariage, dans les activités sociales, dans les activités professionnelles, dans les lieux de vie, dans l’accès à la culture, aux transports. Et tout le monde s’accommode très bien de ça : à ma connaissance, personne n’a songé à interdire aux gens de se marier dans leur milieu social, ou de vivre dans les mêmes quartiers. Et dans cet océan d’inégalités, une seule institution mérite toutes les critiques pour faire exactement comme les autres : l’institution éducative. Vous ne trouvez pas ça bizarre ?
J’irais même plus loin : lorsque l’institution éducative publique ne garantit pas la réproduction, la bourgeoisie et les « classes moyennes » enlèvent leurs enfants pour les envoyer dans des institutions privées qui le font. Quel père médecin, ingénieur ou PDG a envie que son enfant ait les mêmes chances de le devenir que le fils de la femme de ménage ou la concierge ? Aucun, bien entendu.
Les institutions éducatives, aussi longtemps que notre société est inégalitaire, seront toujours biaisées en faveur des classes dominantes. Mais elles peuvent l’être plus ou moins. Et en France, l’expérience a montré que le système des grandes écoles permet mieux la promotion sociale que le système universitaire. Pourquoi ? Parce que s’il met des barrières plus hautes à l’entrée, il garantit ensuite une carrière à la sortie. Pierre Bourdieu aurait probablement réussi sont doctorat passant par l’université. Mais ensuite, le diplôme ne lui aurait pas permis de passer devant les « fils à papa » ayant des réseaux. Normalien, il était assuré de leur passer devant.
Mais encore une fois: à supposer même que les reproches concernant la “reproduction sociale” soient fondés, il ne reste pas moins que le système des grandes écoles produit des têtes à la fois bien faites et bien pleines. Pourquoi alors chercher à le casser pour généraliser un système d’enseignement supérieur qui fait exactement le contraire ? J’ajoute que ces dernières années le système des grandes écoles s’est lui aussi dégradé, notamment avec l’apparition de “voix parallèles” de recrutement en dehors du concours (ce qui permet le repêchage d’un certain nombre de “fils à papa” ou au contraire le recrutement alibi de “minorités visibles” qui n’ont pas le niveau) et une personnalisation des parcours qui détruit la cohérence généraliste du cursus. Mais la dégradation est bien moindre que celle du système universitaire.
@ Descartes
[Aujourd’hui, les étudiants que je voix recruter sur mon lieu de travail sont hyperspécialisés, mais avec une formation de base généraliste plutôt faible. Sortis de leur domaine particulier, ils sont perdus.]
Je suis d’accord pour dire que la spécialisation n’est pas une bonne chose. La dynamique va dans le mauvais sens, mais il me semble que l’on s’en sort encore pas trop mal, et qu’on a de la marge.
[« Je ne crois pas que l’Université devrait se soucier des besoins du pays ou des désirs des candidats. Il me semble que l’Etat pourrait rendre plus ou moins attractifs les emplois en fonction des besoins du pays, et par ce biais faire en sorte que la demande des bacheliers corresponde à l’offre universitaire ». Le problème, c’est que les besoins en emplois se transmettent très lentement au système de formation. Ce n’est pas parce que l’emploi d’anesthésiste est « attractif » maintenant qu’il le sera quand les anesthésistes qui commencent leur cursus auront fini leur formation. C’est-à-dire qu’il faut un minimum de planification à l’avance, et on ne peut pas se contenter d’un système d’équilibre instantané sur le marché du travail.]
Je pense qu’on peut s’en contenter. En général les étudiants ne savent pas exactement ce qu’ils veulent faire après le bac. Ils pourraient donc commencer par des formations généralistes en lien avec ce qu’ils aiment le plus, et petit à petit se spécialiser. Je ne crois pas que beaucoup de bacheliers prévoient dès l’obtention du bac de devenir anesthésiste, ils sont intéressés pas la médecine en général et se spécialisent plus tard en fonction de leur classement et de leurs préférences. Ces préférences dépendent elles-mêmes de plusieurs facteurs : la meilleure connaissance des filières après avoir étudié les généralités de la médecine, le prestige des filières, le salaire des métiers correspondants, etc.
[« je pense qu’il est bon de laisser un peu de marge sur le mérite : le nombre d’étudiants qui se révèlent en Master ne me paraît pas négligeable ». Si les étudiants « se révèlent » en Master, c’est qu’il y a quelque chose qui ne marche pas dans le système. Qu’un élève ait des problèmes en quatrième et « se révèle » en première, c’est possible parce qu’un adolescent est en pleine construction peut changer beaucoup en trois ans. Mais à la licence, l’étudiant est censé avoir plus de vingt ans. S’il n’a pas répondu jusqu’alors à l’exigence, on voit mal ce que peut changer en lui en deux ou trois ans pour qu’il se « révèle » ensuite. Ce qui change souvent, c’est qu’en licence on n’exige rien, alors qu’en master on commence à le faire… mais ça c’est la faute au système.]
Il peut y avoir une multitude de raisons : l’étudiant est tombé amoureux, n’était pas encore intéressé par les notions vues en cours parce qu’elles étaient trop générales, a lu un philosophe qui a changé sa vision de la vie, a été un peu lent à s’adapter au passage du statut d’écolier à celui d’étudiant, etc.
[« Ce n’est pas tout à fait vrai, il y a par exemple tout une section dédiée aux critiques des Grandes Ecoles sur Wikipédia : https://fr.wikipedia.org/wiki/Grande_%C3%A9cole ». Vous savez, ce n’est pas parce que certains disent le contraire que ce n’est pas vrai ;-)]
Je n’ai pas dit que ces critiques correspondaient à la vérité, j’ai dit qu’il n’est pas vrai que personne ne critique les grandes écoles. Je n’ai pas vraiment d’opinion à ce sujet. Après avoir lu de nombreux ouvrages, à ce sujet et au sujet de la pédagogie en général, je me suis interdit d’en avoir une tant on trouve tout et son contraire ; si ce n’est qu’il serait bien de faire des expérimentations dignes de ce nom pour avoir des résultats un minimum fiables. Mais à mon avis cela nécessiterait que le ministère de l’éducation nationale et/ou de l’enseignement supérieur et de la recherche, décide de financer de grandes campagnes d’expérimentations où l’on comparerait méthodiquement différentes approches. Je n’imagine pas cela arriver sous Macron…
@ Jean-François
[Je suis d’accord pour dire que la spécialisation n’est pas une bonne chose. La dynamique va dans le mauvais sens, mais il me semble que l’on s’en sort encore pas trop mal, et qu’on a de la marge.]
On est un vieux pays, et dieu merci nos institutions ont une inertie considérable qui leur permet de se défendre de certaines politiques. Mais les marges diminuent dangereusement…
[Je pense qu’on peut s’en contenter. En général les étudiants ne savent pas exactement ce qu’ils veulent faire après le bac. Ils pourraient donc commencer par des formations généralistes en lien avec ce qu’ils aiment le plus, et petit à petit se spécialiser. Je ne crois pas que beaucoup de bacheliers prévoient dès l’obtention du bac de devenir anesthésiste, ils sont intéressés pas la médecine en général et se spécialisent plus tard en fonction de leur classement et de leurs préférences. Ces préférences dépendent elles-mêmes de plusieurs facteurs : la meilleure connaissance des filières après avoir étudié les généralités de la médecine, le prestige des filières, le salaire des métiers correspondants, etc.]
Il y a une contradiction dans votre raisonnement. D’un côté, vous dites qu’on peut « se contenter » d’un système ou les choix sont guidés par « l’équilibre instantané sur le marché du travail ». D’un autre côté, vous parlez d’un choix guidé « en fonction de leur classement ». Mais qui dit « classement », dit numérus clausus pour chaque spécialité. Et comment fixez-vous ce nombre sans faire une projection des besoins futurs ?
Bien sûr, il ne serait pas bon de sélectionner sur des filières étroites dès le départ. On peut commencer par sélectionner en fonction d’une projection large sur les besoins en professionnels médicaux, puis au fur et à mesure de l’avancement dans le cursus sélectionner en fonction des besoins dans telle ou telle spécialité. Mais mon point principal demeure : il faut organiser l’activité universitaire non en fonction des désirs des étudiants, mais en fonction des besoins de la société.
[Il peut y avoir une multitude de raisons : l’étudiant est tombé amoureux, n’était pas encore intéressé par les notions vues en cours parce qu’elles étaient trop générales, a lu un philosophe qui a changé sa vision de la vie, a été un peu lent à s’adapter au passage du statut d’écolier à celui d’étudiant, etc.]
L’université, c’est payé par des impôts des citoyens qui bossent dur et se privent de choses pour les payer. On ne peut pas se permettre de le gâcher parce que « l’étudiant est tombé amoureux », ou parce qu’il « n’était pas intéressé par les notions vues en cours ». Je trouve que c’est un manque de respect pour le citoyen-contribuable qui, dans un système gratuit comme le notre, paye les études.
[Je n’ai pas dit que ces critiques correspondaient à la vérité, j’ai dit qu’il n’est pas vrai que personne ne critique les grandes écoles.]
Ce n’est pas tout à fait ce que j’avais dit. Beaucoup de gens critiquent les grandes écoles, mais personne à ma connaissance n’a contesté la légitimité des résultats des concours.
[Je n’ai pas vraiment d’opinion à ce sujet. Après avoir lu de nombreux ouvrages, à ce sujet et au sujet de la pédagogie en général, je me suis interdit d’en avoir une tant on trouve tout et son contraire ; si ce n’est qu’il serait bien de faire des expérimentations dignes de ce nom pour avoir des résultats un minimum fiables.]
Il y a des évaluations à la pelle. La difficulté, c’est de donner du sens à ces évaluations. Il est incontestable que les élèves issus du système classes préparatoires/grandes écoles ont des méthodes de travail et des connaissances plus solides – même si elles sont plus générales – que les étudiants issus de l’Université à niveau équivalent. Le problème, est qu’il y a un biais considérable introduit par le recrutement. En effet, le prestige du système et les possibilités qu’il offre lui permettent de drainer les meilleurs bacheliers. Alors, la différence de niveau à la sortie tient à la qualité de la pédagogie et aux moyens ? Ou bien à la qualité de la matière première ? Sur ce sujet, toutes les opinions sont dans la nature, et on voit mal quelle expérience pourrait les départager…
[Il y a une contradiction dans votre raisonnement. D’un côté, vous dites qu’on peut « se contenter » d’un système ou les choix sont guidés par « l’équilibre instantané sur le marché du travail ». D’un autre côté, vous parlez d’un choix guidé « en fonction de leur classement ». Mais qui dit « classement », dit numérus clausus pour chaque spécialité. Et comment fixez-vous ce nombre sans faire une projection des besoins futurs ?]
Disons que je ne me suis pas exprimé avec une parfaite précision. Mais il me semble que l’on s’est compris.
[Bien sûr, il ne serait pas bon de sélectionner sur des filières étroites dès le départ. On peut commencer par sélectionner en fonction d’une projection large sur les besoins en professionnels médicaux, puis au fur et à mesure de l’avancement dans le cursus sélectionner en fonction des besoins dans telle ou telle spécialité. Mais mon point principal demeure : il faut organiser l’activité universitaire non en fonction des désirs des étudiants, mais en fonction des besoins de la société.]
Alors on est d’accord. Et encore une fois je pense que c’est l’Etat qui devrait orienter les désirs des étudiants en fonction des besoins (prédits) de la société. À mon sens, l’université ne devrait se charger que de ce pour quoi elle est compétente : transmettre la connaissance. Les universitaires ne sont pas compétents pour orienter les désirs des étudiants, et leurs moyens pour faire cela me paraissent bien limités.
[L’université, c’est payé par des impôts des citoyens qui bossent dur et se privent de choses pour les payer. On ne peut pas se permettre de le gâcher parce que « l’étudiant est tombé amoureux », ou parce qu’il « n’était pas intéressé par les notions vues en cours ». Je trouve que c’est un manque de respect pour le citoyen-contribuable qui, dans un système gratuit comme le notre, paye les études.]
Je vous trouve un peu trop extrême. L’étudiant qui tombe amoureux ou qui n’est pas intéressé par les notions vues en cours deviendra lui-même un citoyen-contribuable. Et il me semble que le nombre d’étudiants qui se révèlent en Master, pour diverses raisons, n’est pas négligeable. Par conséquent, si manque de respect il y a, il me paraît relativement acceptable, surtout si cela permet d’avoir un peu plus de diplômés dans le pays.
[“Je n’ai pas vraiment d’opinion à ce sujet. Après avoir lu de nombreux ouvrages, à ce sujet et au sujet de la pédagogie en général, je me suis interdit d’en avoir une tant on trouve tout et son contraire ; si ce n’est qu’il serait bien de faire des expérimentations dignes de ce nom pour avoir des résultats un minimum fiables.” Il y a des évaluations à la pelle. La difficulté, c’est de donner du sens à ces évaluations. Il est incontestable que les élèves issus du système classes préparatoires/grandes écoles ont des méthodes de travail et des connaissances plus solides – même si elles sont plus générales – que les étudiants issus de l’Université à niveau équivalent. Le problème, est qu’il y a un biais considérable introduit par le recrutement. En effet, le prestige du système et les possibilités qu’il offre lui permettent de drainer les meilleurs bacheliers. Alors, la différence de niveau à la sortie tient à la qualité de la pédagogie et aux moyens ? Ou bien à la qualité de la matière première ? Sur ce sujet, toutes les opinions sont dans la nature, et on voit mal quelle expérience pourrait les départager…]
Il y a en effet des évaluations et des études à la pelle, mais on trouve toujours tout et son contraire, avec justement des biais dans tous les sens. Mais je trouve exagéré de dire qu’on voit mal quelle expérience pourrait départager deux approches pédagogiques. Avec le budget nécessaire, le Ministère aurait les moyens d’organiser des campagnes d’expérimentations dont les résultats seraient beaucoup plus fiables, notamment en utilisant le tirage au sort et en utilisant différents critères d’évaluation en lien avec les performances des apprenants, les inégalités sociales, l’engagement et l’effort fournis, etc.
Je me demandais si quelqu’un aurait discuté cela quelque part dans la littérature, et je viens de tomber sur un article très intéressant sur le sujet. Je me suis dit que cela pourrait vous intéresser aussi alors je vous donne le lien : http://media.education.gouv.fr/file/81/40/9/DEPP-EetF-2012-81-methodes-experimentation_211409.pdf
@ Jean-François
L’article que tu proposes ne dit rien de bien nouveau, mais il résume très bien les différents biais dans les expériences en matière d’éducation et plus généralement dans les domaines ou l’on ne peut isoler un échantillon en laboratoire. Cela étant dit, il ne mentionne pas un élément qui me semble fondamental dans les problèmes de notre système éducatif: ce n’est pas que les évaluations ont des biais, c’est qu’elles sont inexistantes. Ou pour le dire autrement, les expériences ne sont pas conduites au bout: les dispositifs sont réformés en permanence, sans leur laisser le temps de donner des résultats évaluables…
@ Jean-François
[« Et comment fixez-vous ce nombre sans faire une projection des besoins futurs ? » Disons que je ne me suis pas exprimé avec une parfaite précision. Mais il me semble que l’on s’est compris.]
Non, je ne crois pas qu’on se soit compris. En tout, cas, moi, je n’ai pas compris votre proposition, puisqu’elle me semble contradictoire. En effet, vous considérez que la régulation du système de formation « par l’équilibre instantané du marché du travail » est suffisante, ce qui implique admettre en formation tous ceux qui le souhaitent en fonction de l’état du marché à un moment donné. Mais d’un autre côté, vous proposez quand même un système fondé sur la sélection par le mérite, qui implique nécessairement une projection des besoins futurs, puisqu’on n’admet qu’un nombre limité d’étudiants.
[Alors on est d’accord. Et encore une fois je pense que c’est l’Etat qui devrait orienter les désirs des étudiants en fonction des besoins (prédits) de la société. À mon sens, l’université ne devrait se charger que de ce pour quoi elle est compétente : transmettre la connaissance. Les universitaires ne sont pas compétents pour orienter les désirs des étudiants, et leurs moyens pour faire cela me paraissent bien limités.]
L’Etat devrait effectivement jouer sur les leviers dont il dispose, et notamment de l’école pour pousser les élèves vers les métiers dont on anticipe qu’ils seront en tension. Mais il y a des limites à l’action de l’Etat dans ce domaine. Il est vrai que lorsque l’étudiant arrive au seuil de l’Université, c’est un peu tard. Et puis, comme vous le dites, l’Université n’est pas forcément bien armée pour faire de l’orientation autre chose qu’une simple gestion des flux.
[Je vous trouve un peu trop extrême. L’étudiant qui tombe amoureux ou qui n’est pas intéressé par les notions vues en cours deviendra lui-même un citoyen-contribuable.]
Ou pas. S’il ne se « révèle » pas une fois sa crise amoureuse ou son désintérêt pour les notions vues en cours passés, la collectivité ne récupérera jamais l’investissement qu’elle a faite. Le système de formation des élites est un système dans lequel beaucoup de gens payent pour qu’une partie puisse étudier, avec l’idée que ceux qui auront étudié retourneront par leur plus grande productivité l’investissement que la collectivité aura faite en eux.
[Et il me semble que le nombre d’étudiants qui se révèlent en Master, pour diverses raisons, n’est pas négligeable.]
Comment se compare-t-il au nombre d’étudiants qui ne se révèlent pas en Master ? Est-il rationnel de payer en pure perte le Master à cent cancres pour espérer voir l’un d’entre eux se « révéler » ? N’est-il pas plus rationnel de prendre à la place des cancres les étudiants ne sont pas tombés amoureux – ou du moins qui n’ont pas laissé l’amour interférer avec leurs études – et qui se sont intéressés aux notions enseignées en classe, et tant pis pour le cancre qui se serait « révélé » ?
[Par conséquent, si manque de respect il y a, il me paraît relativement acceptable, surtout si cela permet d’avoir un peu plus de diplômés dans le pays.]
Le but n’est pas d’avoir plus de diplômés, c’est d’avoir plus de gens formation et éduqués. Le diplôme n’est que le certificat qui prouve – en théorie – cette formation, cette éducation. Le problème de ce système ou vous laissez passer les cancres en espérant que quelques uns parmi eux se « révèlent », c’est de savoir ce que vous faites avec les autres. Et l’expérience montre qu’on n’arrive pas à résister à la pression du nombre : in fine, on est obligé de céder et de donner le diplôme à ceux qui ne se « révèlent » pas, ne serait-ce que pour améliorer les statistiques. Et cela détruit l’essence même de la méritocratie : cancres et compétents ont le même diplôme, et du coup le diplôme ne vaut plus rien. Et le système économique se voit conduit à faire sa propre sélection… qui n’est pas forcément fondée sur des critères de mérite.
[Il y a en effet des évaluations et des études à la pelle, mais on trouve toujours tout et son contraire, avec justement des biais dans tous les sens. Mais je trouve exagéré de dire qu’on voit mal quelle expérience pourrait départager deux approches pédagogiques. Avec le budget nécessaire, le Ministère aurait les moyens d’organiser des campagnes d’expérimentations dont les résultats seraient beaucoup plus fiables, notamment en utilisant le tirage au sort et en utilisant différents critères d’évaluation en lien avec les performances des apprenants, les inégalités sociales, l’engagement et l’effort fournis, etc.]
Mais comment résoudre le problème du biais de sélection ? Tirer au sort des étudiants des « classes préparatoires » et les obliger à suivre un cursus universitaire ? Vous rendez-vous compte des implications éthiques d’une telle expérimentation ?
[Non, je ne crois pas qu’on se soit compris. En tout, cas, moi, je n’ai pas compris votre proposition, puisqu’elle me semble contradictoire. En effet, vous considérez que la régulation du système de formation « par l’équilibre instantané du marché du travail » est suffisante, ce qui implique admettre en formation tous ceux qui le souhaitent en fonction de l’état du marché à un moment donné. Mais d’un autre côté, vous proposez quand même un système fondé sur la sélection par le mérite, qui implique nécessairement une projection des besoins futurs, puisqu’on n’admet qu’un nombre limité d’étudiants.]
Dans ce cas je vais essayer de clarifier. Je ne propose pas vraiment un système fondé sur le mérite ou un système où tout le monde est accepté. Ce que je pense, c’est qu’il faudrait se servir des moyens de l’Etat pour orienter les choix des bacheliers et des étudiants en fonction des besoins actuels (ce que vous appelez équilibre instantané du marché du travail), ou mieux des besoins prédits, et qu’il faudrait que la spécialisation se fasse progressivement. Cela peut être utilisé, par exemple, pour éviter la sélection au mérite, en faisant en sorte que le nombre d’inscrits corresponde aux besoins. Cela peut aussi être utilisé pour obtenir plus de candidats qu’il n’en faut à l’entrée d’une filière donnée et ainsi (espérer) obtenir de meilleurs diplômés à la sortie. Dans les deux cas, il y a une forme de sélection au mérite. La première se produit en cours de route par l’obtention de la moyenne aux examens de fin d’année, et la seconde dès le début.
La première solution gâche certes plus de moyens de l’Etat, mais elle a l’avantage d’être plus flexible et d’obtenir des diplômés, tout aussi compétents, qui n’auraient pas pu être diplômés avec la seconde solution. Elle a aussi l’avantage de faire que tout le monde se retrouve là où il l’a choisi. Quant aux étudiants en échec, elle n’est pas un gâchis complet : en général, même ces étudiants sont devenus beaucoup plus savants à la sortie.
[Est-il rationnel de payer en pure perte le Master à cent cancres pour espérer voir l’un d’entre eux se « révéler » ? N’est-il pas plus rationnel de prendre à la place des cancres les étudiants ne sont pas tombés amoureux – ou du moins qui n’ont pas laissé l’amour interférer avec leurs études – et qui se sont intéressés aux notions enseignées en classe, et tant pis pour le cancre qui se serait « révélé » ?]
Vous prenez un cas extrême. Mon propos est simplement qu’il est bon de ne pas être trop strict dans la sélection au mérite et de laisser un peu de flexibilité, pour les raisons que j’ai évoquées.
[Le problème de ce système ou vous laissez passer les cancres en espérant que quelques uns parmi eux se « révèlent », c’est de savoir ce que vous faites avec les autres. Et l’expérience montre qu’on n’arrive pas à résister à la pression du nombre : in fine, on est obligé de céder et de donner le diplôme à ceux qui ne se « révèlent » pas, ne serait-ce que pour améliorer les statistiques.]
En effet, c’est aussi un problème. À mon avis, la raison pour laquelle les enseignants font cela, c’est qu’il ne faut pas que les diplômes paraissent trop inaccessibles aux bacheliers et étudiants, sinon ils s’inscriront probablement ailleurs. Mais cela dépend grandement du taux d’insertion à la sortie. Si les étudiants ont la certitude de trouver un emploi une fois diplômés, le phénomène est moindre, et si en plus les cursus se spécialisent progressivement, il est minime.
[Mais comment résoudre le problème du biais de sélection ? Tirer au sort des étudiants des « classes préparatoires » et les obliger à suivre un cursus universitaire ? Vous rendez-vous compte des implications éthiques d’une telle expérimentation ?]
Oui, en général, ce genre d’expérimentation pose des problèmes d’éthique mais c’est le seul moyen d’avoir des résultats un minimum fiables et de faire progresser le système éducatif. Comme dit dans l’article vers lequel je vous ai dirigé, le même problème se pose pour les expérimentations cliniques, et le tirage au sort y est généralement admis.
Pour le cas des classes préparatoires, une autre solution plus facile à faire accepter que celle que vous proposez est de tirer au sort des bacheliers qui ne sont pas sélectionnés à des classes préparatoires et de leur faire suivre la même formation que les étudiants des classes préparatoires.
[les expériences ne sont pas conduites au bout: les dispositifs sont réformés en permanence, sans leur laisser le temps de donner des résultats évaluables…]
Tout à fait d’accord, et c’est d’ailleurs précisément cela qui m’a poussé à mentionner l’évaluation dans mon commentaire initial à ce sujet.
@ Jean-François
[Dans ce cas je vais essayer de clarifier. Je ne propose pas vraiment un système fondé sur le mérite ou un système où tout le monde est accepté. Ce que je pense, c’est qu’il faudrait se servir des moyens de l’Etat pour orienter les choix des bacheliers et des étudiants en fonction des besoins actuels (ce que vous appelez équilibre instantané du marché du travail), ou mieux des besoins prédits, et qu’il faudrait que la spécialisation se fasse progressivement.]
Au fonds, le débat entre l’orientation suivant l’équilibre instantané du marché ou des besoins prédits se résume à une seule question : qui, de l’Etat ou des acteurs eux-mêmes est le mieux placé pour prédire l’état futur du marché de l’emploi. Car si vous laissez le choix aux gens, plus que de faire un choix en fonction de la demande connue, ils le feront selon l’idée qu’ils se font de la demande future.
Personnellement, je soutiens que c’est l’Etat qui est le mieux placé, non seulement parce qu’il a des instruments de prévision plus puissants, mais parce que l’état futur du marché du travail dépend entre autres choses des politiques publiques dont l’Etat est maître. En d’autres termes, les autres acteurs subissent l’état futur, alors que l’Etat peut agir pour le modifier.
[Cela peut être utilisé, par exemple, pour éviter la sélection au mérite, en faisant en sorte que le nombre d’inscrits corresponde aux besoins.]
Imaginons un instant que l’Etat puisse « orienter » les étudiants de telle manière que la demande et l’offre s’équilibrent. Ainsi, par exemple, certains étudiants qui autrement auraient demandé à suivre des études de médecine s’orienteraient vers une carrière d’ingénieur ou d’avocat. Mais qu’est ce qui vous garantit que ceux qui abandonnent leur premier choix ne sont pas ceux qui auraient fait les meilleurs médecins ? La sélection au mérite permet de choisir les profils les mieux adaptés à une profession. La logique de « l’orientation » réduit peut-être les frustrations, mais aboutit à un résultat bien plus éloigné de l’optimum.
[Dans les deux cas, il y a une forme de sélection au mérite. La première se produit en cours de route par l’obtention de la moyenne aux examens de fin d’année, et la seconde dès le début. La première solution gâche certes plus de moyens de l’Etat, mais elle a l’avantage d’être plus flexible et d’obtenir des diplômés, tout aussi compétents, qui n’auraient pas pu être diplômés avec la seconde solution.]
Sauf que, si la prévision des besoins est correcte, ces « diplômés » supplémentaires devront accepter de travailler dans un domaine ou ce diplôme n’aura que peu ou pas de valeur. De plus, comme vous le notez bien, c’est une solution qui gâche des moyens, puisqu’il faut prévoir des places et des enseignants pour des gens qui abandonneront en cours de formation. Si on veut diplômer plus de gens que nécessaire – par exemple pour se donner des marges – mieux vaut recruter des étudiants en surnombre par une sélection au mérite, qui garantit que ceux qui seront diplômés sont « les meilleurs » de leur groupe.
La « flexibilité » dont vous parlez n’a d’avantage que pour les étudiants qui se « révéleraient » en cours de formation mais qui auraient été incapables de passer la sélection à l’entrée. De tels cas existent, certes, mais ils sont marginaux et devraient l’être encore plus si le système éducatif fonctionnait correctement.
[Elle a aussi l’avantage de faire que tout le monde se retrouve là où il l’a choisi.]
Vous imaginez quand même un monde légèrement aliéné : les gens se trouvent « là où ils ont choisi », mais ce choix est « orienté » par l’Etat, pour s’assurer qu’ils « choisissent » en fonction des besoins que celui-ci a prévu… vous ne trouvez pas qu’il y a un problème dans le raisonnement ?
Si on part du présupposé que les gens sont adultes et libres de leur choix, alors il n’y a aucune raison de penser que les choix correspondront aux besoins – où aux places pour les accueillir. A partir de là, ou bien on hypnotise les gens pour qu’ils changent d’avis, et on n’a plus affaire à des adultes libres de leur choix, ou bien on devra sélectionner et quelqu’un sera forcément mécontent.
[Quant aux étudiants en échec, elle n’est pas un gâchis complet : en général, même ces étudiants sont devenus beaucoup plus savants à la sortie.]
Soit on estime que le fait d’être « plus savant » est suffisamment utile à la société pour que le jeu en vaille la chandelle, et alors on voit mal pourquoi ces études ne sont pas obligatoires pour tous – comme c’est le cas de l’enseignement primaire et secondaire – ou bien on estime que cela ne vaut pas ce que cela coute, et on voit mal pourquoi on devrait accorder à certains et pas d’autres ce bénéfice gratuit.
[Mon propos est simplement qu’il est bon de ne pas être trop strict dans la sélection au mérite et de laisser un peu de flexibilité, pour les raisons que j’ai évoquées.]
Je continue à ne pas comprendre votre raisonnement. Pourquoi faudrait-il par le biais de cette « flexibilité » donner une place à quelqu’un qui POURRAIT se « révéler », place qui aurait pu être occupée autrement par quelqu’un qui a DEJA fait l’effort de se « révéler » ? Quelle est la légitimité qui consiste à donner à un étudiant non-méritant la place d’un étudiant méritant au prétexte qu’il pourrait « se révéler » pendant ses études ?
[Oui, en général, ce genre d’expérimentation pose des problèmes d’éthique mais c’est le seul moyen d’avoir des résultats un minimum fiables et de faire progresser le système éducatif. Comme dit dans l’article vers lequel je vous ai dirigé, le même problème se pose pour les expérimentations cliniques, et le tirage au sort y est généralement admis.]
Seulement avec des volontaires. Et je n’imagine pas des étudiants des classes préparatoires être volontaires pour suivre un cours universitaire si le sort le décide…
[Pour le cas des classes préparatoires, une autre solution plus facile à faire accepter que celle que vous proposez est de tirer au sort des bacheliers qui ne sont pas sélectionnés à des classes préparatoires et de leur faire suivre la même formation que les étudiants des classes préparatoires.]
Cela revient au même : la place que vous donnez au bachelier non sélectionné est une place perdue pour les bacheliers qui auraient été sélectionnés…
Bonsoir Descartes,
Merci pour ce billet qui expose très clairement les enjeux actuels de l’université.
J’aurais toutefois une question : peut-on vraiment parler de “syndicats étudiants” ? Ne s’agit-il pas plutôt d’associations (peut-être type loi 1901, je l’ignore) qui “assurent la défense des intérêts matériels et moraux de leurs membres”, comme le font les syndicats de salariés, mais EN DEHORS du monde du travail ?
Ne faudrait-il pas réserver le terme “syndicat” à ce même monde du travail ?
@ Mohican
[J’aurais toutefois une question : peut-on vraiment parler de “syndicats étudiants” ?]
Oui, dans le sens juridique du terme. Pour le droit, un syndicat est une organisation dédiée à “assurer la défense des intérêts matériels et moraux de ses membres”, alors qu’une association peut avoir des buts bien plus larges et qui vont au delà des intérêts directs de leurs membres. Pensez aux associations philanthropiques ou caritatives, à celles qui entretiennent le souvenir des morts pour la France…
Il ne faut pas par contre mettre les syndicats étudiants dans la catégorie des syndicats professionnels: étudiant n’est pas une “profession”.
Je me permettrai d’ajouter qu’il est abusif de parler de “grève” des étudiants. Plutôt une non-utilisation d’un service public. Lequel peut fonctionner même si les amphis sont vides, alors que si les ateliers le sont, l’usine ne “tourne” pas.
Alors que l’emploi en France,est devenu un marché,hautement compétitif,ce sont des centaines de milliers de migrants,qui rentrent en France,avec la complaisance des politiques,trés motivés..
Or,LR,Mercier,Fenec,ne semblent pas impactés par ces bouleversements majeurs qui en moins de 15 ans,ont vu 3000 mosquées se construire sur le territoire..Comment LR,peut elle,protester contre l’interdiction du népotisme familial,chez les élus?vivent ils dans le mème pays que moi?La France est un pays au centre de toutes les convoitises des millions de personnes hors l’hexagone.LR,Fenec,sont directement responsables,du chomage des français,et ils ne s’en rendent pas compte,le retour au réel devrait être plus douloureux,non?
LR: Comment le fait de raisonner “dans le cadre”, comme dirait Lordon, de respecter, l’Etat et ses institutions, la nation et la République conduit à des positions élitistes donc réactionnaires… “Mais avec le développement et la prise du pouvoir par les « classes moyennes »” voila une bonne blague à l’heure de l’ultra-libéralisme et de la prolétarisation massives des dites classes à l’échelle de la planète! Avec cette saillie plaintive et nostalgique de l’université qui décline… “la transformation de l’université française en garderie pour les rejetons des « classes moyennes”… Faut-il regretter, celle des belles époques, de la guerre 14/18, de Pétain et du colonialisme”? Ainsi Descartes participe lui aussi à diffuser l’illusion, que la “formation” en général et l’universitaire en particulier est une garantie d’un “bon” emploi, même en période de l’installation du chômage de masse; qu’elle peut encore permettre la fonctionnement du fameux “ascenseur social” permettant de changer de classe et rejoindre les élites du capital ou à défaut être au moins reconnus par elles. Il suffirait de bien sélectionner les impétrants sur leurs seuls mérites. Descartes balaie comme tout “prof” les lois de la reproduction sociale de Marx comme celles de la fabrique des héritiers de Bourdieu, car appartenir à une institution force à sa reconnaissance pour être reconnu en retour par elle. Voici la vieille construction intellectuelle, bien dans l’air du temps, pour accréditer l’idée qu’ un Etat et ses institutions doivent forcément être au service du bien commun, à condition qu’il soit bien “géré”. Face à la dictature des infrastructures économiques du capital, on verra plus tard… Il faut, raisonnablement en attendant, accepter le principe que le moteur du progrès reste la concurrence. C’est ainsi que la mystique de “l’Education Nationale”, fondement de l’idéologie bourgeoise, pourra se pérenniser…
@ Ludo Rossi
[Comment le fait de raisonner “dans le cadre”, comme dirait Lordon, de respecter, l’Etat et ses institutions, la nation et la République conduit à des positions élitistes donc réactionnaires…]
Comment, en effet ? Vous savez, il ne suffit pas d’agiter les épouvantails « élitiste » et « réactionnaire » pour avoir démontré quelque chose. J’ai d’ailleurs envie de vous demander quelle est votre position sur les privatisations. En toute cohérence, elles devraient vous être totalement indifférentes. Après tout, que ce soit l’Etat ou la bourgeoisie qui possèdent les services publics, c’est du pareil au même, non ? A moins que pour vous ce ne soit pas du pareil au même… mais dans ce cas vous montreriez un respect coupable pour l’Etat !
[“Mais avec le développement et la prise du pouvoir par les « classes moyennes »” voila une bonne blague à l’heure de l’ultra-libéralisme et de la prolétarisation massives des dites classes à l’échelle de la planète!]
Où voyez-vous cette « prolétarisation » ? Je suis curieux de le savoir… Pourriez-vous être plus précis ?
[Avec cette saillie plaintive et nostalgique de l’université qui décline… (…) Faut-il regretter, celle des belles époques, de la guerre 14/18, de Pétain et du colonialisme”?]
Pour répondre à ce genre de question, je préfère m’en remettre aux faits. Comparons la production intellectuelle de l’université française « des belles époques », et celle de l’université aujourd’hui. Pensez en sciences aux Curie, à Langevin, à Poincaré, en histoire à l’école des annales, à Vovelle, à Soboul, en philosophie à Sartre, à Althusser, à Lefebvre, à Merleau-Ponty, en sociologie à Bourdieu… pouvez-vous me dire qui sont leurs dignes successeurs dans les vingt dernières années ?
[Ainsi Descartes participe lui aussi à diffuser l’illusion, que la “formation” en général et l’universitaire en particulier est une garantie d’un “bon” emploi,]
J’ai dit exactement le contraire : que le diplôme – et non la formation – universitaire est perçu comme une assurance pour l’emploi – et non pour un « bon » emploi. Je veux bien que vous critiquiez ce que j’écris, mais je n’aime pas qu’on m’attribue ce que je n’ai pas écrit pour les besoins de la démonstration…
[même en période de l’installation du chômage de masse; qu’elle peut encore permettre la fonctionnement du fameux “ascenseur social” permettant de changer de classe et rejoindre les élites du capital ou à défaut être au moins reconnus par elles.]
Que cela vous plaise ou non, l’éducation primaire, puis secondaire et supérieure, a été le mécanisme essentiel de l’ascenseur social en France. C’est une réalité historique difficile de contester. En France, la bourgeoisie et les « classes moyennes » se sont constituées au XIXème siècle jusqu’au dernier quart du XXème par la promotion sociale assurée par le système éducatif et celui de la sélection par concours. Et c’est précisément pourquoi les « classes moyennes » ont cassé le système lorsque la croissance de rattrapage de l’après guerre s’est arrêtée : parce que le système éducatif pouvait transformer les enfants des couches populaires en concurrents pour leurs propres enfants. Car dans une société à la croissance faible, les uns ne peuvent monter que si les autres acceptent de descendre.
La détérioration de l’université – mais aussi du système des grandes écoles – n’est ni un hasard, ni une illusion. C’est précisément parce que l’université peut être un instrument de promotion sociale qu’on l’a cassée.
[Il suffirait de bien sélectionner les impétrants sur leurs seuls mérites.]
De tous les moyens de sélections, c’est celui qui laisse les plus grandes marges à la promotion sociale. Car tous les autres critères de sélections peuvent être socialement contournés par les couches sociales qui ont des réseaux, des amitiés, et qui connaissent les règles.
[Descartes balaie comme tout “prof” les lois de la reproduction sociale de Marx comme celles de la fabrique des héritiers de Bourdieu, car appartenir à une institution force à sa reconnaissance pour être reconnu en retour par elle.]
Sauf que, comme le reconnaissait Bourdieu lui-même, les « lois de la reproduction sociale » connaissent quelques exceptions. Bourdieu lui-même en était une : fils d’un ouvrier agricole, il devint – par la sélection au mérite, notez-le bien – lycéen, normalien, agrégé, professeur au Collège de France. Comme beaucoup de gens, vous voyez les « lois de la reproduction sociale de Marx » comme si elles régissaient la vie de chaque individu, alors que ce sont des lois collectives. Oui, GLOBALEMENT la probabilité de gagner à la loterie est faible. Mais chaque semaine, quelqu’un gagne.
[Voici la vieille construction intellectuelle, bien dans l’air du temps, pour accréditer l’idée qu’ un Etat et ses institutions doivent forcément être au service du bien commun, à condition qu’il soit bien “géré”. Face à la dictature des infrastructures économiques du capital, on verra plus tard…]
Et oui, on verra plus tard parce qu’on n’a pas le choix. Bien sur, on peut toujours dire « au lieu de discuter une réforme de l’université », il faut s’occuper de la révolution prolétarienne. Sauf que, vous voyez une révolution prolétarienne d’ici la rentrée ? Moi pas. Alors, en attendant que les prolétaires puissent prendre le pouvoir et tout changer, il n’est pas inutile d’essayer d’améliorer les choses pour eux pour les quelques années de capitalisme qui restent, non ?
[Il faut, raisonnablement en attendant, accepter le principe que le moteur du progrès reste la concurrence.]
Vous me rappelez ces victoriens qui défilaient contre Darwin sous une banderole ou l’on pouvait lire « nous ne sommes pas de singes, et nous nous refusons de descendre d’eux ». On ne gagne rien à ne pas « accepter » la réalité. Et la réalité est que le moteur de l’histoire est la compétition pour les ressources rares, dont la « lutte des classes » est une forme. Dès lors qu’il y a plus de candidats que de postes, il y a « concurrence », que vous l’acceptiez ou pas…
[C’est ainsi que la mystique de “l’Education Nationale”, fondement de l’idéologie bourgeoise, pourra se pérenniser…]
Je n’ai toujours pas compris ce que vous proposez à la place de cette « mystique ». Pourriez-vous être plus précis ?
Bonjour Descartes,
Je partage le fond de ton article : il faut une sélection à l’entrée à l’université. Mais avec quelle méthode ? Le bac qui devient un concours ? Entretiens ? « Partiels » en terminale pour limiter que tout ne se joue pas sur une seule semaine ? Contrôle continu ?
Pour ma part, je suis opposé au contrôle continu qui favoriserait encore plus la « corruption » des enseignants qui noteraient trop généreusement et le lycée où l’élève devient le client qui vient chercher ses bonnes notes sinon il va ailleurs. Sans compter mon histoire personnelle qui m’a bien apprise les déséquilibres entre lycées. On peut être moyen dans une classe d’élite et se faire refuser les meilleurs prépas qui ne peuvent pas juger le niveau réel alors qu’on l’a largement.
La meilleure solution me semble être la réhabilitation du bac qui permettrait réellement de faire un classement des aspirants étudiants… avec un coeff plus ou moins important selon le lien de la matière avec le sujet des études.
Concernant le « droit aux études » qui serait absurde, dans le fond je suis d’accord. Mais les places dans l’enseignement supérieur ne sont pas forcément liées à un nombre de postes disponibles pour tel ou tel métier. C’est aussi un choix de société que de dire qu’on est prêt à payer pour avoir une population plus éduquée. La contrepartie étant que je peux avoir une maîtrise de philosophie et me retrouver à retourner des burgers au mcdo…
Point de désaccord : la « garderie pour classes moyennes ». De ce que j’observe autour de moi, c’est plutôt l’inverse. Les classes moyennes savent très bien que leur enjeu est de reconstituer leur capital immatériel. Elles font tout pour atteindre le meilleur niveau que ce soit via des cours privés, des écoles privées, etc. on les retrouvera donc soit dans les filières sélectives (prépa, médecin, droit…) soit, si malgré tous ces efforts leursrejeton n’a toujours pas le niveau, dans les écoles très chères où on paye le diplôme (commerce ou ingénieur). Au pire, un BTS ou un DUT. Mais la fac ? A part les enfants de quelques parents soixante huitards qui ont toléré/encouragé la fac de psycho/musicologie… pas trop.
A l’inverse, les enfants de classes plus modestes se retrouvent plus facilement à la fac. Parce que personne ne leur a conseillé de faire une prépa (et leurs profs de terminale s’en foutaient). Parce qu’ils n’ont pas de référent dans leur entourage qui en ont fait une. Parce qu’ils pensent ne pas avoir le niveau. Parce que c’est le seul moyen par lequel ils pourront étudier et pouvoir travailler un peu à côté. Etc. Alors je me trompe peut-être, mais dans mon expérience, la part des classes populaire en université est largement supérieure à leur part au niveau bac.
D’ailleurs, avec 1,5M d’étudiants en université et 30% de classes moyenne dans la population (donc quoi ? 4,5M parents potentiels avec un parent à l’université ? Ca fait un peu disproportionné…
@ Marencau
[Pour ma part, je suis opposé au contrôle continu qui favoriserait encore plus la « corruption » des enseignants qui noteraient trop généreusement et le lycée où l’élève devient le client qui vient chercher ses bonnes notes sinon il va ailleurs.]
Tout a fait d’accord. Je reste comme toi profondément attaché à l’idée d’un examen national détaché du « local ». Il faut que le contrôle soit exercé par une autorité impersonnelle, garantie de sa neutralité. L’enseignant est trop proche des élèves pour pouvoir remplir ce rôle, qui l’expose à toutes sortes de pressions psychologiques et autres.
[La meilleure solution me semble être la réhabilitation du bac qui permettrait réellement de faire un classement des aspirants étudiants… avec un coeff plus ou moins important selon le lien de la matière avec le sujet des études.]
Dans cette proposition il y a deux choses. Je ne pense pas qu’il faille transformer le bac lui même en un concours. Il s’agit d’un examen dont le but est de vérifier le niveau atteint, et non de pourvoir un nombre de places limité. Par contre, on pourrait utiliser les notes obtenues dans les différentes matières pour pré-sélectionner les candidats à l’entrée de l’université, avec des coefficients différents suivant les matières. Faut-il en addition prévoir un entretien avec un jury pour chercher à détecter les candidats un peu atypiques mais qui « en veulent » ? Dans l’absolu, ce serait une bonne chose, mais difficile à organiser dans certains domaines ou la population est massive.
[Concernant le « droit aux études » qui serait absurde, dans le fond je suis d’accord. Mais les places dans l’enseignement supérieur ne sont pas forcément liées à un nombre de postes disponibles pour tel ou tel métier. C’est aussi un choix de société que de dire qu’on est prêt à payer pour avoir une population plus éduquée. La contrepartie étant que je peux avoir une maîtrise de philosophie et me retrouver à retourner des burgers au mcdo…]
Je pense que vous soulevez là une question très intéressante, que je regrette déjà ne pas avoir évoqué dans mon article. Je suis d’accord, une société plus éduquée est non seulement une société plus agréable à vivre, mais aussi une société plus efficace économiquement. Et j’ai toujours été pour le fait qu’on donne à tous les meilleures possibilités d’apprendre. Et cela pose deux questions : la première est quelles ressources la société est prête à consacrer à cette finalité, et la seconde est comment utiliser ces ressources de la manière la plus rationnelle. Je ne suis pas persuadé qu’admettre à l’université une masse de gens qui n’ont ni les instruments pour suivre un enseignement universitaire, ni l’envie de le faire, et qui ne font des études que parce que papa et maman le veulent et accessoirement parce que cela permet de retarder l’entrée dans la vie adulte soit la meilleure manière d’avoir « une société plus éduquée ».
Se pose ensuite un autre problème, qui est celui de la nature de l’université. Si le but est d’avoir une population plus éduquée (quitte, comme vous le dites, d’avoir des philosophes qui servent des hamburgers) il faut construire les cursus universitaires de manière à fournir une culture la plus générale possible. Or, la vision des universités aujourd’hui, guidée par la problématique de la « rentabilité » du diplôme, est au contraire l’hyper-spécialisation. Or, quel est l’intérêt de former des spécialistes en surnombre, dont les connaissances sont si spécialisées qu’elles sont inutilisables dans un autre domaine ?
[Point de désaccord : la « garderie pour classes moyennes ». De ce que j’observe autour de moi, c’est plutôt l’inverse. Les classes moyennes savent très bien que leur enjeu est de reconstituer leur capital immatériel. Elles font tout pour atteindre le meilleur niveau que ce soit via des cours privés, des écoles privées, etc. on les retrouvera donc soit dans les filières sélectives (prépa, médecin, droit…) soit, si malgré tous ces efforts leurs rejeton n’a toujours pas le niveau, dans les écoles très chères où on paye le diplôme (commerce ou ingénieur).]
Lorsque le rejeton de « classe moyenne » a un minimum d’appétence et est raisonnablement doué, les parents de classes moyennes arrivent en général à le placer dans les filières sélectives. Et lorsqu’ils ont suffisamment d’argent, ils achètent le diplôme dans ces écoles « très chères ». Mais cela laisse une large proportion de la « classe moyenne » qui se retrouvent avec des indécrottables cancres, et qui n’ont pas l’argent – ou l’envie de faire des sacrifices – pour acheter le diplôme. Je ne crois pas que cette couche-là soit négligéable. D’autant plus que beaucoup d’enfants des « classes moyennes » comptent plutôt sur les « réseaux » de leurs parents pour trouver une place dans la société.
[A l’inverse, les enfants de classes plus modestes se retrouvent plus facilement à la fac.]
Tout à fait. Mais ce sont eux aussi qui abandonnent le plus vite. Au niveau master, la proportion d’enfants d’ouvrier tombe en dessus de ce qu’on trouve dans certaines grandes écoles – je pense par exemple aux Arts et Métiers.
[Alors je me trompe peut-être, mais dans mon expérience, la part des classes populaire en université est largement supérieure à leur part au niveau bac.]
En première année, c’est possible. Au niveau master, non.
[D’ailleurs, avec 1,5M d’étudiants en université et 30% de classes moyenne dans la population (donc quoi ? 4,5M parents potentiels avec un parent à l’université ? Ca fait un peu disproportionné…]
Je n’ai pas compris ce calcul. D’abord, si l’on prend 30% de classe moyenne dans la société, cela fait 20 M. Mais tous n’ont pas l’age d’avoir des enfants à l’université ! Si l’on prend une distribution uniforme et on suppose que le cursus universitaire dure cinq ans avec une moyenne de deux enfants écartés de deux ans et l’espérance de vie est soixante-dix, on a 2 millions de personnes de « classe moyenne » en âge d’avoir un enfant à l’université. Enlevez le tiers de célibataires… et vous tombez à 1,4 millions de parents « classe moyenne » d’universitaires…
Globalement d accord avec l article. Par contre j y mettrai quelques bemols.
1) il est impossible de determiner ce dont la France a besoin comme professionnels et donc le nombre de d etudiants a avoir. Il est difficile de savoir ce que sera l economie francaise d ici 10 ans ou plus.Par exemple en 1980 on pouvait logiquement deduire qu on aurait besoin de specialistes en telephonie. 10 ans plus tard, tout est passé sur IP et on a plus besoin de personne. Dans le meme genre, on peut voir aujourd hui le resultat de la limitation du nombre de medecins (certes il y a aujourd hui plus de medecin/habitants qu en 1980 mais l idee de limiter le nombre de medecins n a pas ete un grand succes, ni pour l acces au soin ni pour le deficit de la secu)
2) Vous avez des groupes de pressions qui ont interet a ce que le nombre de personnes formées soient en net excedent. Pour prendre mon domaine, les SSII ont tout interet a avoir pletore d informaticiens: ca permet non seulement de maintenir les salaires bas mais aussi de plus avoir d inter contrat (si vous avez suffisament de chomeurs, si vous avez un besoin, vous avez juste a taper dans le pool de chomeurs-> pas besoin d inter contrat qui bouffe la marge)
De meme, allez fermer un departement d université car on a plus besoin de ce qui est enseigné: levee de bouclier des personnels ….
3) le merite acadmique c est bien, mais comment l evaluer ? Via les notes de terminale ? le probleme c est que 15 de moyenne dans un lycee serait 12 dans un autre plus exigeant. Via les notes au bac (la on a au moins tous la meme epreuve) ? 2 jour dans votre vie vont determiner tout votre avenir, comme en chine … pas interet a etre malade ce jour la (par ex, l eleve le plus brillant de ma classe de terminale C avait eut une note assez moyenne a physique le jour du bac.)
4) je suis pas sur que ca soit les classes moyennes qui soient a l origine de l esprit consumeriste de l universite. Tout d abord car elles evitent l universite autant que possible (a part les selectives comme medecine) et ensuite car justement ce sont elles qui ont tout a perdre de la devalorisation des diplomes (le diplome etant quasiment leur seul capital, s il ne vaut plus rien, vous avez tout perdu). L esprit consumeriste est simplement l esprit de notre societe. Le francais du haut en bas de l echelle veut consommer et pas faire d effort
@ cdg
[1) il est impossible de déterminer ce dont la France a besoin comme professionnels et donc le nombre de d’étudiants a avoir. Il est difficile de savoir ce que sera l’économie française d ici 10 ans ou plus.]
Qu’il y ait une marge d’erreur, je ne le conteste pas. Mais lorsqu’on construit une ligne de chemin de TGV, lorsqu’on lance un programme nucléaire, lorsqu’on construit un canal, on fait des hypothèses sur ce que sera l’économie française dans 10, 20, 30 ans et même plus. Pourquoi ne ferait-on pas le même exercice lorsqu’il s’agit de construire le capital humain de l’avenir ?
[2) Vous avez des groupes de pressions qui ont interet a ce que le nombre de personnes formées soient en net excédent.]
Bien entendu. Mais on n’est pas obligés de céder à ces groupes de pression !
3) le mérite académique c est bien, mais comment l’évaluer ? Via les notes de terminale ? le problème c est que 15 de moyenne dans un lycée serait 12 dans un autre plus exigeant. Via les notes au bac (la on a au moins tous la même épreuve) ? 2 jour dans votre vie vont déterminer tout votre avenir, comme en chine…]
Idéalement, j’aimerais une sélection par concours à l’entrée de chaque carrière universitaire. Mais une telle procédure serait très chère, autant utiliser les résultats d’un examen national uniforme comme le bac. Et pour éviter de « déterminer tout votre avenir sur 2 jours » on peut parfaitement prévoir des mécanismes de repêchage – toujours au mérite. Par exemple, on pourrait imaginer la possibilité de repasser le bac plusieurs fois, pour vous permettre d’améliorer éventuellement vos notes…
[4) je ne suis pas sur que ça soit les classes moyennes qui soient à l’origine de l’esprit consumériste de l’université Tout d abord car elles évitent l’université autant que possible (a part les sélectives comme médecine) et ensuite car justement ce sont elles qui ont tout a perdre de la dévalorisation des diplômes (le diplome etant quasiment leur seul capital, s il ne vaut plus rien, vous avez tout perdu).]
Sauf que, d’une part elles ne peuvent pas toujours « éviter l’université », notamment quand leurs petits chéris sont des cancres. Les formations sélectives ont cette particularité qu’elles ne permettent pas aux parents des « classes moyennes » de garantir l’admission. Ensuite, si le diplôme est important pour les « classes moyennes », il n’est pas loin de là leur unique capital. Il y a aussi les réseaux, qui prennent de plus en plus d’importance…
C’est un article très intéressant, Descartes. Vous devriez le proposer à Contrepoints pour en améliorer la diffusion (pour se faire, il suffit d’ écrire à redaction@contrepoints.org ).
@ Johnathan R. Razorback
[C’est un article très intéressant, Descartes. Vous devriez le proposer à Contrepoints pour en améliorer la diffusion]
Pensez-vous que cela les intéressera ? J’ai cru comprendre que ce genre de site n’accepte que des articles inédits…
Bonjour Descartes,
1- « L’affaire » de l’APB a éclaté en plein mois de juillet lorsqu’on s’est aperçu que 87000 bacheliers étaient toujours en attente d’une place à l’université et se retrouvaient, de fait, sur le carreau.Mme VIDAL, la ministre a été chargée d’éteindre le feu ce qu’elle a fait en instaurant une phase complémentaire de l’admission post-bac ouverte jusqu’au 25 septembre.
Entre-temps, cette dame a promis de supprimer le tirage au sort en 2018. Bref, la 1ère préoccupation a été d’éviter des manifestations d’étudiants dès la rentrée en cachant une fois de plus la M….sous le tapis.
Mais il en ressort que APB n’est nullement remis en cause dans son principe et les universités françaises accueilleront 40 000 étudiants de plus chaque année. Personne ou presque n’ose soulever le couvercle en se demandant à quoi vont servir tous ces étudiants dont la majorité n’a pas le niveau pour obtenir un diplôme d’études supérieures.
2- Il est fort à parier que ce gouvernement agira comme les autres et peut être même pire en demandant aux correcteurs des épreuves d’examen dans les facultés de majorer les notes pour que les étudiants puissent poursuivre leurs études. Cela se pratique déjà pour le baccalauréat ; il n’y a aucune raison que les diplômes universitaires y échappent.
D’ailleurs, on pourrait très bien distribuer le diplôme du bac à la sortie des lycées au mois de juin plutôt que d’organiser un examen coûteux et qui n’a plus aucun intérêt compte tenu du niveau de la plupart des élèves. Les licences et les maîtrises devraient donc, à mon avis, suivre la même pente fatale que le bac.
3- Au final, encore une illustration de l’écroulement institutionnel. On le sait bien et vous l’avez dit en substance ce qu’il faudrait faire pour redresser un peu la barre. Je suis, pour ma part, très dubitatif sur la détermination de Macron. La politique est devenu un travail d’illusionnistes dont le rôle est de « faire croire que… »
Seulement, les vieilles ficelles du métier commencent à être connues et les lapins sortent souvent des chapeaux plus tôt que prévu. La concentration voulue du pouvoir entre les mains de technocrates rattachés directement à la présidence et à Matignon est justement un moyen pour tenter de faire durer cette « grande illusion ».
4- Mais le niveau de nos élites baisse aussi comme tout le reste, tendance due à la baisse de niveau de culture générale entre les grands commis de l’État du temps du Général et nos jeunes énarques d’aujourd’hui. Au bout du compte, on a beaucoup d’agitation, de postures mais l’observateur un peu attentif sent bien que la consistance n’y est pas.
L’épisode de la démission du général de Villiers a démontré cette légèreté et cette inconséquence dans les paroles et les décisions. Nos élites sont peut-être brillantes mais répugnent à l’effort de réflexion, au mûrissement qui est parfois nécessaire dans certaines situations complexes. Aujourd’hui, la lenteur et l’hésitation sont vues comme des tares ; il faut être réactif et rapide, sinon on est bête. c’est là le principal défaut de notre oligarchie.
De surcroît, cette élite est paresseuse car elle ne crée rien ou presque. La plupart des concepts dits nouveaux sont piochés au mot près dans les think tank et répétés par nos élites qui ne sont en fait que des chanteurs de variété qui n’écrivent pas leurs chansons et se contentent de les interpréter en play back.
En résumé, on est en pleine futilité.
Cordialement.
@ Ribus
[Entre-temps, cette dame a promis de supprimer le tirage au sort en 2018. Bref, la 1ère préoccupation a été d’éviter des manifestations d’étudiants dès la rentrée en cachant une fois de plus la M….sous le tapis.]
Cela n’a rien de nouveau. Cela fait quelque temps que les gouvernement successifs ont abandonné toute prétention de vision globale et de planification à long terme pour vivre d’expédients destinés à éviter les ennuis, particulièrement lorsque des catégories à fort pouvoir de nuisance sont en cause. On a vu abandonner l’écotaxe – dont pourtant une large majorité partageait le principe – parce que cela faisait de la peine aux « bonnes rouges », on a laissé en plan l’aéroport Notre-Dame des Landes après un référendum ou le « oui » l’a emporté largement de peur de l’agitation…
Or, les étudiants ont un fort pouvoir de nuisance : ils ont du temps à perdre, pas de famille à nourrir, et on ne peut pas les réprimer parce que ce sont les rejetons des « classes moyennes ».
[Mais il en ressort que APB n’est nullement remis en cause dans son principe et les universités françaises accueilleront 40 000 étudiants de plus chaque année. Personne ou presque n’ose soulever le couvercle en se demandant à quoi vont servir tous ces étudiants dont la majorité n’a pas le niveau pour obtenir un diplôme d’études supérieures.]
Et dont la masse fait baisser le niveau pénalisant ceux qui ont le niveau et la motivation. Oui, c’est un système absurde de nivellement par le bas, ou derrière la démagogie du « droit aux études » on refuse à ceux qui ont la capacité et l’envie l’accès à la connaissance.
[2- Il est fort à parier que ce gouvernement agira comme les autres et peut être même pire en demandant aux correcteurs des épreuves d’examen dans les facultés de majorer les notes pour que les étudiants puissent poursuivre leurs études. Cela se pratique déjà pour le baccalauréat ; il n’y a aucune raison que les diplômes universitaires y échappent.]
De toute manière on va de plus en plus vers « le diplôme pour tous ». Le syllogisme est simple : « Le diplôme assure l’emploi, donnons le diplôme à tout le monde, et comme ça tout le monde aura un emploi ». C’est ignorer la réalité : le diplôme assure un emploi parce qu’il permet à ceux qui l’ont d’évincer de la course ceux qui ne l’ont pas. Si tout le monde l’avait, on devrait trouver un autre critère pour attribuer les emplois.
Dans la mesure où tout le monde semble aujourd’hui disposé à suivre le chemin de la moindre résistance, il y a fort à craindre que l’ensemble des diplômes suive l’exemple du bac. Pourquoi se mettre les étudiants à dos alors qu’il est si facile de faire plaisir à tout le monde ? Mais si l’université donne le diplôme à tout le monde, alors ce seront les employeurs qui feront la sélection. Et ils la feront sur des critères qui ne seront pas nécessairement ceux de l’effort et du mérite : les réseaux y joueront un rôle fondamental. C’est là le mécanisme de reproduction des classes moyennes…
[Seulement, les vieilles ficelles du métier commencent à être connues et les lapins sortent souvent des chapeaux plus tôt que prévu. La concentration voulue du pouvoir entre les mains de technocrates rattachés directement à la présidence et à Matignon est justement un moyen pour tenter de faire durer cette « grande illusion ».]
Quels « technocrates » ? Je crois qu’il ne faut pas abuser du mot. Un énarque est souvent un « technocrate », mais ceux-là sont souvent inconnus du grand public et deviennent préfets ou directeurs des grandes administrations. Ceux qui sont connus sont ceux qui délaissent la « technique » pour se consacrer à la politique ou à la communication. Or, ce qui caractérise le « technocrate » c’est qu’il tire sa légitimité de sa connaissance technique. Ou voyez-vous des vrais « technocrates » autour de Macron ? Je ne vois pas parmi les ministres beaucoup d’ingénieurs ou de techniciens de l’administration. Parmis les ministres, Elizabeth Borne, Agnès Buzin ou Michelle Belloubet sont des techniciennes de leur domaine. Mais les autres ? Quelle « technicité » ont Le Maire, Le Drian ou Darmanin, par exemple ?
[4- Mais le niveau de nos élites baisse aussi comme tout le reste, tendance due à la baisse de niveau de culture générale entre les grands commis de l’État du temps du Général et nos jeunes énarques d’aujourd’hui. Au bout du compte, on a beaucoup d’agitation, de postures mais l’observateur un peu attentif sent bien que la consistance n’y est pas.]
Je ne partage pas complètement ce point. Beaucoup de nos jeunes énarques et ingénieurs ont une vaste culture générale. Le système des « grandes écoles » a permis de limiter la casse, et nous avons encore des élites « techniques » de très bon niveau. Le problème, c’est que la place de ces élites est au service du politique, et que le politique ne leur donne pas de direction. Je ne crois pas que les jeunes ingénieurs voient le fait de gagner beaucoup d’argent comme seul objectif. C’est la société qui, ne leur offrant aucun projet transcendent, leur propose cette option comme seule sortie. Dans certaines grandes écoles aujourd’hui, l’étudiant qui déclare vouloir travailler pour le service public au lieu de créer sa « start-up » est considéré comme un dangereux subversif ou un fou.
[L’épisode de la démission du général de Villiers a démontré cette légèreté et cette inconséquence dans les paroles et les décisions. Nos élites sont peut-être brillantes mais répugnent à l’effort de réflexion, au mûrissement qui est parfois nécessaire dans certaines situations complexes.]
Mais dans cette affaire, qui est le véritable représentant des « élites » ? Macron, ou le général de Villiers ? Des deux, le « technocrate », c’est le général, qui a consacré toute sa vie au métier des armes. Pas le président qui a été successivement philosophe, fonctionnaire, banquier, conseiller présidentiel, ministre, chef de parti…
[De surcroît, cette élite est paresseuse car elle ne crée rien ou presque.]
Je pense qu’il faut faire attention de ne pas confondre les véritables « élites », c’est-à-dire, les membres de la société les plus capables, les plus cultivés, les plus savants, avec les pseudo-« élites » qu’on voit à la télévision. Cedric Villani ou Alain Finkielkraut sont « l’élite ». Pujadas ou Mercier, non.
> Il faudrait d’ailleurs s’interroger sur les raisons pour lesquelles les étudiants se précipitent sur des enseignements comme le STAPS, la psychologie, la sociologie ou le droit des affaires, et délaissent les enseignements en sciences dites « dures ». En fait, les étudiants recherchent le meilleur compromis entre l’employabilité future et l’effort intellectuel à investir.
Ils ont aussi intégré que les ingénieurs, les techniciens, ne sont guère en odeur de sainteté en France. Chacun d’eux sait que le champ des activités dans lesquelles un ingénieur peut s’investir sur le sol français rétrécit de jour en jour. Alors à quoi bon, sauf à rêver de s’expatrier ? Si je n’aimais pas la France et notre art de vivre, je serais probablement parti depuis longtemps.
> Les sciences ont un rapport qualité/prix particulièrement défavorable : même si elles permettent de trouver facilement du travail relativement bien payé, elles demandent un investissement très important au départ.
Cela dépend pour qui. Pour moi, l’investissement était beaucoup plus abordable de suivre une filière scientifique ou technique que d’essayer de devenir avocat ou chargé de communication (je n’y serais jamais arrivé). Mais pour le fils de prof ou de bourgeois moyen (c’est-à-dire quelqu’un qui oscille entre le cancre façon Castaner et l’élève moyennement doué) c’est certainement différent.
> Mais qui est le « pénalisé » quand on délivre le diplôme de médecin à quelqu’un qui ne connaît pas l’anatomie sous prétexte qu’il a fait grève ?
Le pénalisé est celui qui, sur le marché du travail, ne peut pas faire valoir son bagout, son capital social et culturel, ses relations pour compenser un diplôme qui ne vaut rien. Celui qui n’est pas issu des classes moyennes-supérieures, celui qui n’a que son diplôme pour prouver son talent et son ambition, celui-là est roulé dans la boue par le système actuel.
@ Antoine
[Ils ont aussi intégré que les ingénieurs, les techniciens, ne sont guère en odeur de sainteté en France. Chacun d’eux sait que le champ des activités dans lesquelles un ingénieur peut s’investir sur le sol français rétrécit de jour en jour. Alors à quoi bon, sauf à rêver de s’expatrier ?]
Il ne faut pas exagérer, tout de même. Même si ingénieurs et scientifiques n’ont pas bonne presse médiatique, cela reste des métiers où l’emploi stable et raisonnablement bien payé est pratiquement automatique ou en tout cas facile à trouver. 95% des ingénieurs se voient offrir un CDI dans les six mois qui suivent l’obtention du diplôme.
Je pense que si les études scientifiques sont délaissées ce n’est pas tant parce qu’elles offrent peu de possibilités, mais parce qu’ils nécessitent un investissement de long terme, et parce que le ratio entre l’effort à fournir et le retour obtenu est vu comme particulièrement faible.
[Si je n’aimais pas la France et notre art de vivre, je serais probablement parti depuis longtemps.]
Si on suivait une logique purement financière, il ne resterait pas beaucoup d’ingénieurs en France…
[Cela dépend pour qui. Pour moi, l’investissement était beaucoup plus abordable de suivre une filière scientifique ou technique que d’essayer de devenir avocat ou chargé de communication (je n’y serais jamais arrivé).]
Je pense que vous faites erreur. Vous auriez eu moins d’investissement à faire pour devenir avocat – je ne parle d’un grand pénaliste, mais d’un avocat qui s’occupe des divorces ou de contrats commerciaux – que pour devenir ingénieur, et que vous auriez tiré une paye sensiblement similaire. Après, il y a aussi une question de goût. Moi, j’ai fait une formation d’ingénieur sans même me rendre compte que c’était un investissement, tant je tirais de plaisir dans mes cours de mathématiques, de physique ou de technologie. Je vous parle de ceux qui choisissent un métier non pas par vocation mais par nécessité.
[« Mais qui est le « pénalisé » quand on délivre le diplôme de médecin à quelqu’un qui ne connaît pas l’anatomie sous prétexte qu’il a fait grève ? » Le pénalisé est celui qui, sur le marché du travail, ne peut pas faire valoir son bagout,]
Je pense que le pénalisé, dans l’exemple ci-dessus, c’est surtout le patient !!! C’est-à-dire, le citoyen qui a payé ses impôts pour financer la formation des médecins avec l’espoir qu’ils le soigneront un jour…
Bonjour Descartes,
> 95% des ingénieurs se voient offrir un CDI dans les six mois qui suivent l’obtention du diplôme.
Bien sûr, mais combien d’entre eux peuvent s’investir dans des projets ambitieux dont eux-mêmes et la société puisse être fiers, plutôt que d’aller peupler d’obscures sociétés de services ? Certes, un ingénieur n’a aucun problème à faire bouillir la marmite, mais s’il s’agit juste de faire bouillir la marmite, alors la logique financière du rapport coût / bénéfices s’impose.
> Je pense que le pénalisé, dans l’exemple ci-dessus, c’est surtout le patient !!! C’est-à-dire, le citoyen qui a payé ses impôts pour financer la formation des médecins avec l’espoir qu’ils le soigneront un jour…
Très juste précision, qui réintroduit la question de l’utilité sociale du système éducatif.
“Pour moi, l’investissement était beaucoup plus abordable de suivre une filière scientifique ou technique que d’essayer de devenir avocat ou chargé de communication (je n’y serais jamais arrivé).]”
“Après, il y a aussi une question de goût. Moi, j’ai fait une formation d’ingénieur sans même me rendre compte que c’était un investissement, tant je tirais de plaisir dans mes cours de mathématiques, de physique ou de technologie. “
À lire la question et la réponse (que j’aurais moi aussi pu écrire à peu de choses près ), je me demande s’il n’y a pas sur ce blog, comme disent les chercheurs en médecine, un énorme “biais de recrutement “.
Ce blog ne serait il pas un ramassis de matheux, ingénieurs, et autres physiciens, débattant ensemble de sujets d’intérêt général, et se confortant mutuellement dans leurs compréhension du monde, sans se confronter à la réalité des réactions que pourrait avoir le corps électoral réel ?
@ Antoine
[« 95% des ingénieurs se voient offrir un CDI dans les six mois qui suivent l’obtention du diplôme » Bien sûr, mais combien d’entre eux peuvent s’investir dans des projets ambitieux dont eux-mêmes et la société puisse être fiers, plutôt que d’aller peupler d’obscures sociétés de services ?]
Mon commentaire pointait le fait que les études scientifiques ont délaissés alors qu’ils restent très performants lorsqu’il s’agit de « faire bouiller la marmite ». Ce qui pose la question de savoir pourquoi ces études sont aujourd’hui plutôt délaissées alors que les étudiants sont de toute évidence très sensibles à cette question. Pour moi, cette désaffection est une illustration de la manière dont notre société se méfie des investissements à long terme et recherche au contraire la rentabilité à court terme.
Cela étant dit, je pense que vous avez raison. Le métier d’ingénieur était bien plus attractif du temps où l’on construisait l’on investissement massivement dans l’industrie et l’équipement. Il est beaucoup plus excitant de développer un nouveau super-ordinateur ou la bombe atomique française, de construire une usine, une ligne de TGV, une centrale nucléaire, un oléoduc, que de développer une application pour la vente de pizza en ligne.
[« Je pense que le pénalisé, dans l’exemple ci-dessus, c’est surtout le patient !!! C’est-à-dire, le citoyen qui a payé ses impôts pour financer la formation des médecins avec l’espoir qu’ils le soigneront un jour… » Très juste précision, qui réintroduit la question de l’utilité sociale du système éducatif.]
Oui. Il faut arrêter de faire de l’éducation et la formation une question individuelle. Si le contribuable paye un système éducatif supérieur – dont beaucoup de contribuables ne profitent pas – c’est parce que système prête un service à la collectivité. Les étudiants devraient être conscients de l’investissement que la collectivité fait pour eux. Il faut cultiver chez les étudiants la reconnaissance envers ceux qui ont travaillé pour leur offrir cette opportunité, sans quoi en une ou deux générations personne n’acceptera de payer pour les autres.
@ Vincent
[À lire la question et la réponse (que j’aurais moi aussi pu écrire à peu de choses près ), je me demande s’il n’y a pas sur ce blog, comme disent les chercheurs en médecine, un énorme “biais de recrutement “.]
La réponse est, malheureusement, oui. Et croyez que je le regrette. Mais le monde est ainsi fait que ceux qui se ressemblent s’assemblent. Même si je fais un grand effort pour que ceux qui ne partagent pas ma manière de voir soient accueillis sur ce blog avec courtoisie, même si je lis et réponds à leurs commentaires avec la même attention que pour les autres, il y a une tendance à l’entre-soi qui est difficile à combattre. Il reste ici quelques commentateurs réguliers qui ont d’autres parcours, d’autres histoires, mais il est vrai que la majorité des lecteurs viennent des « classes moyennes » et ont une éducation supérieure. Que peut-on y faire ? Je n’ai pas le pouvoir d’obliger les ouvriers à me lire ou à commenter…
[Ce blog ne serait il pas un ramassis de matheux, ingénieurs, et autres physiciens, débattant ensemble de sujets d’intérêt général, et se confortant mutuellement dans leurs compréhension du monde, sans se confronter à la réalité des réactions que pourrait avoir le corps électoral réel ?]
Le risque existe. C’est pourquoi il faut en permanence confronter notre « compréhension du monde » au réel. Si celui-ci nous semble absurde, c’est qu’on n’a pas compris quelque chose.
@ Vincent, Descartes, Antoine et les autres
[Ce blog ne serait il pas un ramassis de matheux, ingénieurs, et autres physiciens, débattant ensemble de sujets d’intérêt général, et se confortant mutuellement dans leurs compréhension du monde, sans se confronter à la réalité des réactions que pourrait avoir le corps électoral réel ?]
Dès qu’on parle d’éducation, de diplômes et de concours, il semblerait en effet que les réflexes pavloviens s’activent et que les ingénieurs présents sur ce blog ne puissent s’empêcher de verser, le plus naturellement du monde, dans l’autocélébration et l’auto-apitoiement les plus grossiers. Ethique et esthétique ne font manifestement pas partie du programme…
Pour ma part, il me semble que le niveau de culture générale et la capacité d’articulation des ingénieurs est, 95 fois sur 100, tout ce qu’il y a de plus médiocre et inversement proportionnels d’ailleurs à l’estime qu’ils portent à leur personne. Il y a bien sûr des exceptions: Descartes, en fait partie, même si le caractère assez mécanique de ses raisonnements et son goût immodéré de l’idéologie trahissent, si j’ose dire, ses origines, attirant les ingénieurs et repoussant les autres.
Aussi, il est clair que si mes enfants devaient vouloir se diriger vers une filière intellectuelle, ce n’est clairement pas vers les études d’ingénieur que je les orienterai car ils n’y trouveraient pas ce qu’ils cherchent. En revanche, s’ils ont une mentalité de technicien ou de contremaître, c’est probablement ce qu’il leur faudra.
A ce titre, il est franchement amusant de reprocher aux universitaires d’opter pour une approche utilitariste dans leur formation alors même que la caractéristique des études universitaire c’est longueur et leur faible employabilité. En revanche, s’il est un exemple de calcul utilitariste, c’est bien celui des écoles d’ingénieurs à la française: 2 ans d’efforts et une vie de rente, quelle que soit la médiocrité dont on puisse faire preuve par la suite. L’amour de la science n’a rien à voir avec ça. Les vrais scientifiques sont à l’Université et dans ses dépendances pas dans les écoles d’ingénieurs.
@ Antoine
On peut savoir ce qui vous permet de qualifier Castaner de cancre?
@ Descartes
[Je pense que vous faites erreur. Vous auriez eu moins d’investissement à faire pour devenir avocat – je ne parle d’un grand pénaliste, mais d’un avocat qui s’occupe des divorces ou de contrats commerciaux – que pour devenir ingénieur, et que vous auriez tiré une paye sensiblement similaire.]
Le problème de l’entre-soi, c’est qu’on se laisse bercer, qu’on abaisse son niveau de vigilance et qu’on finit par dire n’importe quoi.
D’abord, dire que les revenus de l’avocat lambda qui rentre sur le marché sont équivalent à celui de l’ingénieur moyen, c’est vraiment montrer que vous ne connaissez rien aux débouchés actuels des métiers d’avocats mais qu’en revanche vous ne vous gênez pas pour opinioner sans vergogne sur le sujet – biais classique des ingénieurs. Pour votre gouverne, sachez que le revenu net médian annuel des avocats était, en 2013, 30% inférieur à celui des ingénieurs (32k vs. 46k) ; et je ne parle pas des queues de distribution, particulièrement défavorables aux avocats.
Par ailleurs, il resterait à prouver que l’investissement pour y accéder est matériellement différent de celui requis pour entrer dans une école d’ingénieur médiane (j’attends vos chiffres). Enfin, laisser penser que le droit pénal requiert “un investissement” supérieur à celui des droits plus techniques est une aberration puisque ce qui distingue justement le droit pénal, c’est son absence de technicité et le poids qu’y tient l’éloquence. Gilbert Collard, dilettante bien connu, est un avocat pénaliste pas fiscaliste.
@ odp
[Dès qu’on parle d’éducation, de diplômes et de concours, il semblerait en effet que les réflexes pavloviens s’activent et que les ingénieurs présents sur ce blog ne puissent s’empêcher de verser, le plus naturellement du monde, dans l’autocélébration et l’auto-apitoiement les plus grossiers. Ethique et esthétique ne font manifestement pas partie du programme…]
Je constate que votre style n’a rien perdu de sa rugosité… mais il ne faudrait tout de même pas trop exagérer. Je vous fais remarquer que les premiers à réagir lorsqu’on parle d’éducation, diplômes et concours, ce sont généralement les enseignants. Et que leur « autocélébration et auto-apitoiement » n’a rien à envier à personne…
[Pour ma part, il me semble que le niveau de culture générale et la capacité d’articulation des ingénieurs est, 95 fois sur 100, tout ce qu’il y a de plus médiocre et inversement proportionnels d’ailleurs à l’estime qu’ils portent à leur personne.]
J’aimerais bien savoir sur quelle expérience s’appuie ce diagnostic. Mon métier me donne la possibilité à faire des interventions dans des écoles d’ingénieur, de commerce, dans les IEP, à l’université… et franchement, si je prends le niveau des questions qui me sont posées et des discussions d’après-séance, je trouve que les élèves-ingénieurs ont un niveau de culture générale bien supérieure aux autres. Mais peut-être avez-vous une autre expérience ? Quant à faire une corrélation entre « l’estime qu’ils portent à leur personne » et leur culture générale, j’avoue n’avoir pas trouvé de moyen de mesurer la première. Peut-être pourriez-vous me recommander une méthode ?
[Aussi, il est clair que si mes enfants devaient vouloir se diriger vers une filière intellectuelle, ce n’est clairement pas vers les études d’ingénieur que je les orienterai car ils n’y trouveraient pas ce qu’ils cherchent. En revanche, s’ils ont une mentalité de technicien ou de contremaître, c’est probablement ce qu’il leur faudra.]
C’est votre droit de mépriser les ingénieurs. Mais je doute qu’on puisse dire d’un Besse, d’un Galley, d’un Pecqueur qu’ils avaient une « mentalité de technicien ou de contremaître ». Mais vous avez piqué ma curiosité : si vos enfants souhaitaient s’orienter vers les mathématiques, la physique, la chimie, l’informatique, quelle formation leur conseilleriez-vous ?
[A ce titre, il est franchement amusant de reprocher aux universitaires d’opter pour une approche utilitariste dans leur formation alors même que la caractéristique des études universitaire c’est longueur et leur faible employabilité.]
D’abord, l’investissement dépend non pas de la longueur des études, mais de leur intensité. En deux ans de classes préparatoires, on fournit généralement bien plus de travail que pendant les cinq ans de master. Quant à l’employabilité, il faut arrêter le mythe qui veut que les universitaires EN GENERAL ont une faible employabilité. Un master en droit des affaires a autant de valeur sur le marché du travail qu’un diplôme d’ingénieur.
[En revanche, s’il est un exemple de calcul utilitariste, c’est bien celui des écoles d’ingénieurs à la française: 2 ans d’efforts et une vie de rente, quelle que soit la médiocrité dont on puisse faire preuve par la suite.]
Vraiment ? J’aimerais savoir quelle est cette merveilleuse école ou vous entrez « avec deux ans d’efforts ». D’ailleurs, si c’était si « rentable », il y aurait nettement plus d’ingénieurs, ne trouvez-vous pas ?
Non, en fait l’investissement est bien plus important. Parce que pour accéder à ces « deux ans » de classes préparatoires, il faut d’abord avoir bien bossé depuis la 6ème. Vous trouverez peu de jeunes qui ont été des cancres au collège et au lycée et qui décrochent une classe préparatoire. Ensuite, ces « deux ans » de travail très intense ne vous garantit nullement l’accès à l’Ecole Polytechnique, à Centrale, aux Mines de Paris. La plupart des « préparatifs » décrochent une école de deuxième rang, qui ne leur garantit nullement la « rente » dont vous parlez. Et pour finir, vous semblez avoir l’idée qu’une fois entré dans une école – ou les élèves ingénieurs passent tout de même trois ans – on ne fait plus rien, et que le diplôme vous est assuré en sortie. Il est vrai que le taux de déchet – surtout dans les écoles du haut du panier – est très faible. Mais ce n’est pas parce que l’exigence est faible : c’est que la mode de recrutement assure que l’ensemble d’une promotion a les méthodes de travail, les connaissances et la motivation nécessaire pour aller jusqu’au bout du chemin.
Il ne faut pas prendre les gens pour des imbéciles. Admettons que les ingénieurs français ne sont que des « techniciens et des contremaîtres », des médiocres qui ne font que toucher une « rente ». Il vous reste alors à expliquer pourquoi les employeurs – y compris les employeurs étrangers – se disputent ces ingénieurs, et sont prêts à les payer à prix d’or. Pourquoi payer aussi cher un « technicien » alors qu’on trouve partout des techniciens bien moins chers ?
[L’amour de la science n’a rien à voir avec ça. Les vrais scientifiques sont à l’Université et dans ses dépendances pas dans les écoles d’ingénieurs.]
Ca dépend de ce que vous appelez un « vrai scientifique ». Et aussi ce que vous appelez « être à l’Université ». Cela veut dire « être formé à l’Université » ? Ou bien « enseigner à l’Université » ?
S’il s’agit de formation – et c’est de ça qu’on parlait, je crois – il n’y a pas tant que ça de « vrais scientifiques » formés à l’université. Regardez par exemple nos pris Nobel depuis les années 1970 : Neel (normalien), de Gennes (normalien), Charpak (ingénieur des Mines), Cohen-Tannoudji (normalien), Fert (normalien), Haroche (normalien). Cinq normaliens et un ingénieur. Pas un seul universitaire…
@ odp
[D’abord, dire que les revenus de l’avocat lambda qui rentre sur le marché sont équivalent à celui de l’ingénieur moyen,]
Je vous mets au défi de m’indiquer ou j’aurais dit pareille chose. Avant de déverser votre bile sur votre interlocuteur, vous devriez au moins avoir le courtoisie de le lire avec attention. Voici ce que j’ai écrit : « Vous auriez eu moins d’investissement à faire pour devenir avocat – je ne parle d’un grand pénaliste, mais d’un avocat qui s’occupe des divorces ou de contrats commerciaux – que pour devenir ingénieur, et que vous auriez tiré une paye sensiblement similaire ».
Où ais-je parlé de « avocat lambda qui rentre sur le marché du travail » ? Non, lorsqu’on parle de la rentabilité d’un investissement, on parle du revenu SUR L’ENSEMBLE DE LA DUREE DE L’INVESTISSEMENT, et non sur les premiers dividendes. Il ne s’agit donc pas de comparer le revenu « à l’entrée sur le marché du travail », mais sur l’ensemble de la carrière. Ensuite, je n’ai pas écrit « avocat lambda », mais « avocat qui s’occupe de divorces ou de contrats commerciaux ».
[c’est vraiment montrer que vous ne connaissez rien aux débouchés actuels des métiers d’avocats mais qu’en revanche vous ne vous gênez pas pour opinioner sans vergogne sur le sujet – biais classique des ingénieurs.]
Et le fait de ne pas lire ce que les autres écrivent avant de leur répondre, dont vous donnez un exemple brillant au paragraphe ci-dessus, c’est un « biais classique » de quelle profession ?
[Pour votre gouverne, sachez que le revenu net médian annuel des avocats était, en 2013, 30% inférieur à celui des ingénieurs (32k vs. 46k) ; et je ne parle pas des queues de distribution, particulièrement défavorables aux avocats.]
Pourriez-vous s’il vous plait m’indiquer la source de vos chiffres ? Merci d’avance.
[Par ailleurs, il resterait à prouver que l’investissement pour y accéder est matériellement différent de celui requis pour entrer dans une école d’ingénieur médiane (j’attends vos chiffres).]
Pour entrer « dans une école d’ingénieurs médiane », il faut avoir pas mal bossé dans le secondaire pour avoir une place en classes préparatoires, puis deux – ou trois – ans de boulot intensif en prépa, puis passer un concours. L’investissement pour accéder aux études de droit c’est d’aller s’inscrire. Voilà pour l’investissement « matériel ».
[Enfin, laisser penser que le droit pénal requiert “un investissement” supérieur à celui des droits plus techniques est une aberration]
Tout à fait. Et c’est pourquoi je n’ai jamais rien dit de pareil. Si j’ai exclu le droit pénal de ma comparaison, ce n’est pas parce qu’il demanderait « un investissement supérieur », mais parce qu’il rapporte beaucoup moins. Contrairement à vos accusations, je me suis documenté avant d’écrire auprès d’amis avocats. Ce qu’ils m’ont dit, c’est que le droit commercial ou familial paye très bien, presque autant que ce que je gagne – et je suis bien placé par rapport à la moyenne des ingénieurs – alors que le droit pénal, au contraire, paye mal sauf pour une poignée de ténors du barreau.
[puisque ce qui distingue justement le droit pénal, c’est son absence de technicité et le poids qu’y tient l’éloquence.]
Je pense que vous faites erreur. Le droit pénal ne se limite pas aux procès en Cour d’Assises. La procédure pénale sur des affaires comme celle de l’amiante, pour ne donner qu’un exemple, est au contraire d’une grande technicité.
@ Descartes
[J’aimerais bien savoir sur quelle expérience s’appuie ce diagnostic. Mon métier me donne la possibilité à faire des interventions dans des écoles d’ingénieur, de commerce, dans les IEP, à l’université… et franchement, si je prends le niveau des questions qui me sont posées et des discussions d’après-séance, je trouve que les élèves-ingénieurs ont un niveau de culture générale bien supérieure aux autres. Mais peut-être avez-vous une autre expérience ? Quant à faire une corrélation entre « l’estime qu’ils portent à leur personne » et leur culture générale, j’avoue n’avoir pas trouvé de moyen de mesurer la première. Peut-être pourriez-vous me recommander une méthode ?]
Il se trouve que, pour des raisons professionnelles, je fréquente beaucoup d’ingénieurs des plus grandes écoles et que j’ai également fait une terminale scientifique à la fin des années 80 qui m’a permis de les voir “en herbe” si j’ose dire (cancres en français, en histoire et en langues, bons en physique et en maths). Par conséquent, il me semble que j’ai une vue, peut-être pas parfaite mais pas non plus complètement fausse de ce à quoi de ce à quoi ressemblent les ingénieurs français. Il y a bien sûr des exceptions, mais la grande masse est comme je la décrit: tout aussi ignare qu’elle est arrogante – vous cherchiez une méthode: la voici.
[Mais vous avez piqué ma curiosité : si vos enfants souhaitaient s’orienter vers les mathématiques, la physique, la chimie, l’informatique, quelle formation leur conseilleriez-vous ?]
Si c’est un idéal de connaissance qu’ils veulent poursuivre, je leur conseillerai sans hésiter l’Université. S’ils souhaitent s’assurer une position dans la société et/ou mettre leurs connaissances en pratique, ils devront probablement se rabattre vers les écoles d’ingénieurs.
[S’il s’agit de formation – et c’est de ça qu’on parlait, je crois – il n’y a pas tant que ça de « vrais scientifiques » formés à l’université. Regardez par exemple nos pris Nobel depuis les années 1970 : Neel (normalien), de Gennes (normalien), Charpak (ingénieur des Mines), Cohen-Tannoudji (normalien), Fert (normalien), Haroche (normalien). Cinq normaliens et un ingénieur. Pas un seul universitaire…]
Normale a été créée en 1808 par Napoléon “au sein de l’Université de France” (à la différence de Polytechnique) et est une des branches de l’Université de Paris depuis 1903.
[Il ne faut pas prendre les gens pour des imbéciles. Admettons que les ingénieurs français ne sont que des « techniciens et des contremaîtres », des médiocres qui ne font que toucher une « rente ». Il vous reste alors à expliquer pourquoi les employeurs – y compris les employeurs étrangers – se disputent ces ingénieurs, et sont prêts à les payer à prix d’or. Pourquoi payer aussi cher un « technicien » alors qu’on trouve partout des techniciens bien moins chers ?]
Prix d’or, faut pas exagérer: 55k euro de salaire annuel brut médian, ce n’est pas exactement la valeur de l’or. Un trader, un footballeur ou un présentateur TV, c’est 50 fois ou 100 fois ça. Et on se les arrache aussi… Par ailleurs, je ne pense pas que l’on puisse dire que les élèves des écoles d’ingénieurs françaises soient mieux cotés que ceux des Universités anglaises ou américaines.
@ Descartes
[Où ais-je parlé d’avocat lambda qui rentre sur le marché du travail ». Il ne s’agit donc pas de comparer le revenu « à l’entrée sur le marché du travail », mais sur l’ensemble de la carrière.]
C’est une typo, j’ai écrit “avocat lambda qui rentre sur le marché du travail” mais je voulais dire “avocat lambda”. Les chiffres que j’ai cité font d’ailleurs référence à l’ensemble des avocats et à l’ensemble des ingénieurs; pas à ceux qui rentrent sur le marché du travail. Vous les trouverez ici (http://tempsreel.nouvelobs.com/justice/20151022.OBS8100/les-avocats-sont-ils-des-nantis.html) et là (https://www.challenges.fr/emploi/10-choses-a-savoir-sur-les-ingenieurs-en-france_17952). Notez que, comme pour toutes les professions libérales, les revenus bruts des avocats ne sauraient être comparés au salaire brut d’un salarié puisqu’ils incorporent également la part patronale des cotisations sociales.
[Pour entrer « dans une école d’ingénieurs médiane », il faut avoir pas mal bossé dans le secondaire pour avoir une place en classes préparatoires, puis deux – ou trois – ans de boulot intensif en prépa, puis passer un concours. L’investissement pour accéder aux études de droit c’est d’aller s’inscrire. Voilà pour l’investissement « matériel ».]
Je ne sais si vous êtes sérieux. Vous pensez vraiment que pour être avocat il suffit de s’inscrire? Un scoop alors: pour être avocat, il faut avoir fait au moins 3 ans de fac de droit, 18 mois de formation dans un CRFPA, puis en fin de cursus réussir le concours du barreau (taux d’échec de 80%).
@ Descartes
[C’est votre droit de mépriser les ingénieurs.]
Je ne méprise pas les ingénieurs, mais disons qu’à 45 ans je n’en ai toujours pas rencontré un seul qui m’ait donné envie que mes enfants suivent ce cursus. Mais je ne me lamenterai pas non plus si c’est ce qui se produit.
[D’abord, l’investissement dépend non pas de la longueur des études, mais de leur intensité. En deux ans de classes préparatoires, on fournit généralement bien plus de travail que pendant les cinq ans de master.]
D’abord, il reste à prouver qu’on fournit plus de travail en 2 ans de classes préparatoires qu’en 5 ans de Master. Ensuite, si les choses étaient aussi simples, des esprits aussi utilitaristes que ceux des ingénieurs n’auraient pas manqué d’arbitrer cette incongruité. Enfin, puisque la fac est ouverte à tous, elle l’est également à ceux qui parmi les aspirants ingénieurs trouveraient plus pratique de faire un Master de droit des affaires….
@ Descartes
[Vraiment ? J’aimerais savoir quelle est cette merveilleuse école ou vous entrez « avec deux ans d’efforts ». D’ailleurs, si c’était si « rentable », il y aurait nettement plus d’ingénieurs, ne trouvez-vous pas ?]
Si le nombre postes ouverts reste stable non. C’est d’ailleurs tout l’intérêt des concours: organiser la pénurie afin de favoriser la rente des insiders et de faire baisser l’intensité concurrentielle pour les postes.
@ Descartes, Antoine, Vincent, ODP,
Bonsoir,
Peut-on dire qu’ingénieur est un métier ? En fait c’est un titre qui ouvre la voie à une multitude de métiers, pas toujours techniques ou scientifiques.
Ce qui, en général, les distingue de bien d’autres professions intellectuelles, c’est tout de même, hormis les études de médecine ou similaires, le cadre rigoureux dans lequel se réalisent et leur sélection et leur cursus. Ils en sortent généralement plus armés que les étudiants d’université face à l’adversité des tâches auxquelles ils seront confrontés.
Et puis, pour beaucoup, la formation ne se termine pas à l’obtention de leur diplôme d’ingénieur. Une bonne proportion poursuivent par des spécialisations, des MBA, voire des bifurcations systématiques.
On voit régulièrement des ingénieurs devenir médecin, probablement très rarement l’inverse. Si certains se cantonnent à la recherche développement, la plupart vont au terme de quelques années d’expérience, se voir confier des missions de managers.
Et combien sont devenus artistes, écrivains, sportifs de haut niveau, etc . . . .
Il y a entre eux la solidarité implicite de ceux qui ont connu le même type d’effort et d’expérience scolaire. Est-ce condamnable ?
@odp
> Dès qu’on parle d’éducation, de diplômes et de concours, il semblerait en effet que les réflexes pavloviens s’activent et que les ingénieurs présents sur ce blog ne puissent s’empêcher de verser, le plus naturellement du monde, dans l’autocélébration et l’auto-apitoiement les plus grossiers.
Heu… Si votre propos est que chaque profession tend à privilégier inconsciemment ses propres préoccupations et ses propres instruments d’analyse, en effet, c’est un truisme. S’il s’agit juste de passer votre frustration en fustigeant de supposés « réflexes pavloviens », « auto-célébration » et « auto-apitoiement » (c’est un peu contradictoire) chez une catégorie de la population qui ne vous plaît pas beaucoup, ce n’est pas très intéressant.
> Pour ma part, il me semble que le niveau de culture générale et la capacité d’articulation des ingénieurs est, 95 fois sur 100, tout ce qu’il y a de plus médiocre et inversement proportionnels d’ailleurs à l’estime qu’ils portent à leur personne.
Vous comme Descartes semblez avoir fait une étude statistique sur la culture générale des ingénieurs… Ce n’est pas mon cas, et je n’ai pas d’avis tranché sur la question. Je vous rejoins tout de même un peu : les ingénieurs que je rencontre ne me paraissent pas souvent d’une grande culture générale… mais sans être pires que les autres. La culture générale de nos jours semble plutôt une exception (et puis, comment la définir ? la mesurer ?).
Plus généralement, la culture générale est en part importante fonction du milieu d’origine, et le recrutement social des diverses filières peut expliquer autant voire plus que le contenu des études.
> En revanche, s’ils ont une mentalité de technicien ou de contremaître, c’est probablement ce qu’il leur faudra.
L’ingénieur contemporain a rarement sous ses ordres une piétaille d’ouvriers, de techniciens ou de secrétaires. Il sera donc difficile de s’y épanouir avec une « mentalité de contremaître ».
Quant à une « mentalité de technicien », certes, il vaut mieux y aimer la technique. De même pour être juriste il vaut mieux aimer le droit 🙂 J’ai surtout l’impression, vu l’expression que vous employez et l’association que vous faites (technicien – contremaître), que la technique est pour vous une vile chose… ce qui rejoint ce que je disais au début : les ingénieurs, les techniciens, ne sont guère en odeur de sainteté en France. On préférerait ne pas à avoir se soucier de comment faire fonctionner les infrastructures, et il paraît méprisable à certains grands esprits qu’on puisse tirer quelque prestige social en exerçant une telle activité de « technicien » ou de « contremaître ».
En France, nous aimons la politique, ce qui est une bonne chose mais nous donne aussi tendance à sombrer dans le pur volontarisme (l’intendance suivra).
Le problème, c’est que nous vivons dans des sociétés extrêmement sophistiquées technologiquement, et entièrement dépendantes pour leur fonctionnement des techniques avancées que seuls les ingénieurs et techniciens maîtrisent et savent mettre en oeuvre. Ce qui était déjà peu sage il y a quelques siècles (mépriser l’activité technique) est aujourd’hui suicidaire. En laissant filer un capital industriel, technique et intellectuel qui sera difficile et coûteux à reconstituer, la France se condamne à devenir une puissance provinciale, dominée.
> Descartes, en fait partie, même si le caractère assez mécanique de ses raisonnements et son goût immodéré de l’idéologie trahissent, si j’ose dire, ses origines, attirant les ingénieurs et repoussant les autres.
Ah bon. Dans mon expérience, la plupart des ingénieurs n’ont pas vraiment l’esprit de système en-dehors de leur discipline, et ils n’ont pas le goût des grandes constructions idéologiques. Certains suivent l’idéologie dominante, mais sans y penser vraiment. J’ai l’impression que vous fantasmez un peu sur « les ingénieurs »…
> On peut savoir ce qui vous permet de qualifier Castaner de cancre?
Je l’avoue, je n’avais pas pris la peine de rechercher sa biographie. Peut-être a-t-il brillamment passé une agrégation ou intégré Normale Sup’. Mais le style et la qualité de ses interventions seraient d’autant plus surprenants…
D’après Wikipédia, il est « titulaire d’un DESS de juriste d’affaires internationales et d’un diplôme de sciences pénales et de criminologie ; il complète sa formation en sciences politiques ». Certes, un DESS, ça ne veut pas dire grand’chose, tant la variabilité de sélectivité est grande d’un diplôme à l’autre. Mais j’admets mon erreur : Castaner n’est pas forcément un cancre puisqu’il a réussi à atteindre BAC+5, diplôme à l’appui.
@ odp
[Il se trouve que, pour des raisons professionnelles, je fréquente beaucoup d’ingénieurs des plus grandes écoles et que j’ai également fait une terminale scientifique à la fin des années 80 qui m’a permis de les voir “en herbe” si j’ose dire (cancres en français, en histoire et en langues, bons en physique et en maths).]
Je ne sais pas ce que vous avez vu « en herbe », mais je vois mal comment des « cancres en français, en histoire et en langues » arrivaient à décrocher au bac une mention « bien » ou « très bien », pratiquement obligatoire pour accéder à une classe préparatoire. Etre bon en physique et en maths ne suffit pas. Mon expérience est en tout cas très différente : je me souviens que dans mon lycée c’est dans les terminales scientifiques où l’on trouvait par exemple l’essentiel de ceux qui faisaient latin et grec, par exemple.
Pour le reste, tout ce que je peux vous dire c’est que j’ai une expérience inverse de la votre. J’ai beaucoup d’amis ingénieurs. Presque tous sont des grands lecteurs, jouent d’un instrument de musique, ont une connaissance approfondie des derniers développements scientifiques… et regardent fort peu voire pas du tout la télévision. En général ils sont bien plus conservateurs que la moyenne, et cela les pousse à s’intéresser à l’histoire.
Si c’est un idéal de connaissance qu’ils veulent poursuivre, je leur conseillerai sans hésiter l’Université. S’ils souhaitent s’assurer une position dans la société et/ou mettre leurs connaissances en pratique, ils devront probablement se rabattre vers les écoles d’ingénieurs.
[Normale a été créée en 1808 par Napoléon “au sein de l’Université de France” (à la différence de Polytechnique) et est une des branches de l’Université de Paris depuis 1903.]
Si l’on tient à la vérité historique, l’ENS a été fondée en 1794 par la Convention (décret du 9 brumaire an III), décret qui ne fait aucune référence à « l’Université de France » et pour cause : l’université de Paris s’était montrée particulièrement réactionnaire et peu ouverte aux idées des Lumières, que l’ENS était censée porter. Napoléon fonde en 1808 un « pensionnat normal au sein de l’Université de France » qui ne se fera guère remarqué et qui sera supprimé en 1822. L’arrêté du 9 mars 1826 crée une « Ecole préparatoire », qui deviendra en 1830 « l’Ecole Normale », là encore sans aucune référence à « l’Université de France ». Les locaux de la Rue d’Ulm sont construits entre 1941 et 1947, date à laquelle l’ENS s’y installe.
En conclusion, si l’ENS ne fonctionne continûment que depuis 1826, et sans aucun lien avec l’université. Et si l’on s’en tient à sa première fondation, là encore, aucun lien avec elle…
J’ajoute que ces rappels historiques ne changent rien aux fond. Quant bien même elle ferait partie de l’Université, l’ENS fonctionne comme un corps autonome, avec des procédures de recrutement, une discipline et un fonctionnement qui la rapprochent des écoles d’ingénieur, et non de l’Université. Les élèves sont recrutés par concours national, le directeur est nommé par le ministre et non élu…
[« (…) Pourquoi payer aussi cher un « technicien » alors qu’on trouve partout des techniciens bien moins chers ? » Prix d’or, faut pas exagérer: 55k euro de salaire annuel brut médian, ce n’est pas exactement la valeur de l’or. Un trader, un footballeur ou un présentateur TV, c’est 50 fois ou 100 fois ça.]
Je retrouve là votre mauvaise foi proverbiale : un trader moyen, un footballeur moyen, un présentateur TV moyen ne gagnent pas entre 2,7 M€ et 3,5 M€ par an… Selon un article que vous citez vous-même, les ingénieurs restent une profession bien payée. Et si vous prenez ceux issus des meilleures écoles, je dirais même très bien payée…
[Et on se les arrache aussi… Par ailleurs, je ne pense pas que l’on puisse dire que les élèves des écoles d’ingénieurs françaises soient mieux cotés que ceux des Universités anglaises ou américaines.]
Nettement mieux. L’ingénierie – et les sciences « dures » en général – sont les parents pauvres de l’université américaine, et lorsqu’il s’agit d’obtenir un emploi en dehors du milieu académique, les salaires sont faibles.
@ odp
[Je ne méprise pas les ingénieurs,]
Quelques citations, si vous le permettez : « il est clair que si mes enfants devaient vouloir se diriger vers une filière intellectuelle, ce n’est clairement pas vers les études d’ingénieur que je les orienterai car ils n’y trouveraient pas ce qu’ils cherchent. En revanche, s’ils ont une mentalité de technicien ou de contremaître, c’est probablement ce qu’il leur faudra ». Ou bien : « il me semble que le niveau de culture générale et la capacité d’articulation des ingénieurs est, 95 fois sur 100, tout ce qu’il y a de plus médiocre et inversement proportionnels d’ailleurs à l’estime qu’ils portent à leur personne ». Ou encore : « cancres en français, en histoire et en langues, bons en physique et en maths ». Comme disent nos amis anglais, « I rest my case, mylord »… et c’est un ingénieur « cancre en langues » qui vous le dit…
[mais disons qu’à 45 ans je n’en ai toujours pas rencontré un seul qui m’ait donné envie que mes enfants suivent ce cursus.]
J’en suis honoré… en tout cas, je me demande si au-delà de votre style acide, cette haine des ingénieurs ne recouvre pas une blessure intime…
@ odp
[Les chiffres que j’ai cité font d’ailleurs référence à l’ensemble des avocats et à l’ensemble des ingénieurs; pas à ceux qui rentrent sur le marché du travail.]
Le problème est que la comparaison des médianes est très difficile lorsqu’il s’agit de métiers dont la structure de carrière est très différente. Imaginez, à titre d’exemple, que dans une profession A on commence à 1000 €/mois, on est a mi-carrière à 2000 €/mois et on finit à 2100 €/mois. Et une profession B dans laquelle on commence à 1900€/mois, on est à mi carrière à 2000 €/mois, et on monte ensuite très vite à 20.000 €/mois. Les deux professions auront la même médiane, mais il est évident que la profession B est bien plus intéressante que la profession A… En fait, la « médiane » dans une profession vous donne une idée du salaire en milieu de carrière !
Pour moi, la seule information valable serait le revenu actualisé sur l’ensemble de la carrière. J’ai essayé de trouver ce paramètre, mais je n’ai pas réussi.
[« Pour entrer « dans une école d’ingénieurs médiane », il faut avoir pas mal bossé dans le secondaire pour avoir une place en classes préparatoires, puis deux – ou trois – ans de boulot intensif en prépa, puis passer un concours. L’investissement pour accéder aux études de droit c’est d’aller s’inscrire. Voilà pour l’investissement « matériel ». » Je ne sais si vous êtes sérieux. Vous pensez vraiment que pour être avocat il suffit de s’inscrire?]
Non, et ce n’est pas ce que j’ai écrit. Ce que nous comparions dans cet échange, c’est le travail pour ENTRER dans la formation (d’ingénieur dans un cas, d’avocat dans l’autre) et non du travail fourni pour SORTIR. Pour vous INSCRIRE dans une école d’ingénieurs, il vous faut avoir travaillé dans le secondaire, avoir obtenu une mention au Bac, avoir fait deux années de classes préparatoires – où la sélectivité est très grande, deux-tiers de ceux admis ne finissant pas le cursus – et, last but not least, passer le concours. Pour vous INSCRIRE dans la formation d’avocat, il vous suffit de remplir un formulaire sur APB…
S’il vous plait… LISEZ CE QUE LES AUTRES ECRIVENT AVANT DE REPONDRE.
[puis en fin de cursus réussir le concours du barreau (taux d’échec de 80%).]
D’abord, c’est un examen et non un concours. Ensuite, le taux d’échec moyen est de 69%, et non 80% (chiffres de 2015)
@ odp
[D’abord, il reste à prouver qu’on fournit plus de travail en 2 ans de classes préparatoires qu’en 5 ans de Master.]
J’ai fait les deux, alors je peux vous assurer que c’est le cas (ou du moins c’était le cas à l’époque)…
[Ensuite, si les choses étaient aussi simples, des esprits aussi utilitaristes que ceux des ingénieurs n’auraient pas manqué d’arbitrer cette incongruité. Enfin, puisque la fac est ouverte à tous, elle l’est également à ceux qui parmi les aspirants ingénieurs trouveraient plus pratique de faire un Master de droit des affaires….]
Mais… figurez-vous que de plus en plus « d’esprits utilitaristes » font ce calcul, précisément. Et c’est pourquoi on voit une stagnation en nombre et une diminution en proportion des étudiants qui choisissent les filières scientifiques, alors que les masters en droit des affaires ou droit commercial explosent.
@ odp
[C’est d’ailleurs tout l’intérêt des concours: organiser la pénurie afin de favoriser la rente des insiders et de faire baisser l’intensité concurrentielle pour les postes.]
Là, je ne vous comprends pas. Si les ingénieurs ne sont comme vous dites « que des techniciens et des contremaitres », alors il ne devrait pas être difficile de les remplacer par des gens venant d’autres formations (par exemple, par des BTS). Il ne devrait donc pas avoir de « intensité concurrentielle » particulière, non ?
Il faut vous décider. Si vous admettez que écoles peuvent créer une « rente », vous reconnaissez implicitement qu’elles livrent un « produit » difficilement remplaçable. Autrement, aucune rente ne serait créée, la simple substitution ferait baisser l’intensité concurrentielle…
@ Marcailloux
[Peut-on dire qu’ingénieur est un métier ? En fait c’est un titre qui ouvre la voie à une multitude de métiers, pas toujours techniques ou scientifiques.]
Je dirais que l’ingénieur, c’est un peu comme le médecin. Il existe une infinité de spécialités et de domaines, mais c’est une « profession » dans le sens où son activité à un objectif commun qui le structure. Le médecin est un homme dont la mission est veiller à la santé des personnes, l’ingénieur est un homme dont la fonction est la résolution de problèmes pratiques. Et de ce point de vue, on peut dire qu’il existe une « mentalité ingénieur » comme il existe une « mentalité médicale ».
[Ce qui, en général, les distingue de bien d’autres professions intellectuelles, c’est tout de même, hormis les études de médecine ou similaires, le cadre rigoureux dans lequel se réalisent et leur sélection et leur cursus. Ils en sortent généralement plus armés que les étudiants d’université face à l’adversité des tâches auxquelles ils seront confrontés.]
C’est le cas en France, pas nécessairement ailleurs.
@ Antoine
Je me permets d’intervenir dans votre échange avec ODP…
[Vous comme Descartes semblez avoir fait une étude statistique sur la culture générale des ingénieurs…]
Moi, je ne prétends pas avoir fait une « étude statistique ». Je me fonde essentiellement sur la connaissance que j’ai du milieu, et de certains éléments factuels facilement vérifiables. Par exemple, je ne peux que constater que les polytechniciens bénéficient d’un enseignement de philosophie – la chaire ayant été occupée en son temps par Finkielkraut – alors que je ne sache pas que psychologues, avocats ou sociologues bénéficient d’un enseignement d’analyse mathématique. Car les mathématiques font partie de la « culture générale » au même titre que la littérature, non ?
Lors d’une visite à l’Ecole Centrale, j’avais remarqué qu’il existe un certain nombre de pianos en libre service à la résidence des élèves, et que leur usage est distribué selon un planning strict, tant la demande est grande. Combien de résidences universitaires se trouvent devoir satisfaire une telle demande ? La plupart des ingénieurs de ma génération que je connais jouent d’un instrument de musique, sont de grands lecteurs, ont fait du grec ou du latin au cours de leur scolarité, et ne regardent pas la télévision. Je veux bien admettre que le niveau de culture générale ait baissé chez les ingénieurs comme chez les autres, mais tout de même…
[La culture générale de nos jours semble plutôt une exception (et puis, comment la définir ? la mesurer ?).]
J’aurais tendance à dire que tout ce qui est « général » est l’exception. Nous vivons dans une société qui pousse à la spécialisation. Le généraliste devient une espèce en voie de disparition…
[Plus généralement, la culture générale est en part importante fonction du milieu d’origine, et le recrutement social des diverses filières peut expliquer autant voire plus que le contenu des études.]
Oui… et non. Il est vrai que la culture générale vient souvent de la maison autant que de l’école, et qu’un enfant éduqué par des parents eux-mêmes cultivés part avec un certain avantage. Mais la culture générale c’est aussi une question de curiosité, et la curiosité s’alimente, se façonne, se forme – ou se déforme – aussi à l’école. Personnellement, j’ai découvert et je me suis passionné pour les mathématiques à l’école, alors que ma passion pour l’histoire vient certainement de mes parents.
[Le problème, c’est que nous vivons dans des sociétés extrêmement sophistiquées technologiquement, et entièrement dépendantes pour leur fonctionnement des techniques avancées que seuls les ingénieurs et techniciens maîtrisent et savent mettre en oeuvre. Ce qui était déjà peu sage il y a quelques siècles (mépriser l’activité technique) est aujourd’hui suicidaire.]
Tout à fait. J’ajouterais que ce qui distingue la mentalité technique – celle du juriste comme celle de l’ingénieur, car il y a aussi une « technique » dans le droit – est la priorité donnée à la résolution du problème pratique. La fonction du technicien est d’abord de faire fonctionner la machine, et seulement à titre accessoire de comprendre pourquoi elle fonctionne.
@Descartes
> Par exemple, je ne peux que constater que les polytechniciens bénéficient d’un enseignement de philosophie –
Dans l’école que j’ai suivie, il y avait aussi des enseignements optionnels de « culture générale ». Il s’agissait de survols très basiques mais intéressants. Mais la plupart des écoles ne sont pas Polytechnique, et je doute que la myriade d’ENSI et d’écoles privées imposent de suivre un véritable enseignement de philosophie.
> alors que je ne sache pas que psychologues, avocats ou sociologues bénéficient d’un enseignement d’analyse mathématique
En ce qui concerne les sociologues, j’ose espérer que ceux d’entre eux qui utilisent des outils statistiques comprennent ce qu’ils font.
Je me permets de répondre à ceci :
> Nettement mieux. L’ingénierie – et les sciences « dures » en général – sont les parents pauvres de l’université américaine, et lorsqu’il s’agit d’obtenir un emploi en dehors du milieu académique, les salaires sont faibles.
Les formations « ingénieur » aux Etats-Unis ne sont en effet pas aussi réputées qu’en France, mais les universités américaines produisent de bons doctorants (PhD) qui trouvent sans problème à se faire employer dans l’industrie sur des sujets pointus (en tant qu’ingénieurs, j’entends). Et si les Etats-Unis font venir pas mal d’ingénieurs étrangers, c’est aussi parce que l’industrie de pointe y est florissante. On n’a pas ce problème en France…
@ Descartes, Antoine
Je ne répondrais pas dans le détail faute de temps. Pour faire simple, sachez que je n’ai rien contre les ingénieurs mais, que, comme je l’ai, je n’en ai toujours pas rencontré qui me donnent l’envie de conseiller ce cursus à mes enfants. Ni plus, ni moins. Cela ne vient pas d’un complexe inavoué (évitez-moi, Descartes, svp, cette psychologie de bazar dont vous n’accepteriez pas la réciproque), mais tout simplement du fait que, comme l’a dit Descartes, la fonction des ingénieurs est la résolution de problème pratiques et que les problèmes pratiques ne m’intéressent absolument pas. Cela ne veut pas dire que je ne reconnais aucune utilité sociale aux ingénieurs: ils en ont une indubitablement, mais pas de celles à laquelle j’attache de l’importance. Il faut de tout pour faire un monde.
Quant à la culture générale, il me semble en effet, que c’est loin d’être le point fort des ingénieurs. Je ne leur jetterai pas la pierre parce que c’est à des années lumières de ce qu’on leur enseigne et bien souvent de leurs préoccupations. Il y a peut-être un biais de sélection chez ceux que j’ai été amené à fréquenter, mais je ne pense pas me tromper en disant que l’ingénieur médian ne se distingue pas par son intérêt pour les humanités. A ce titre, Descartes, les élèves de Centrale ne sont pas représentatif des “ingénieurs”, il s’agit de l’élite sociale qui cumule à la fois les caractéristiques de cette dernière (le piano) et, en général, celles de leur futur métier (le goût pour la résolution de problèmes concrets). Si l’on veut raisonner sur “les “ingénieurs”, il faut prendre l’élève lambda d’une école lambda et voir ce qu’il a dans le ventre. Je doute qu’on y trouve une passion pour l’histoire, la littérature ou les beaux-arts. Mais, encore une fois, il faut de tout pour faire un monde.
En ce qui concerne l’esprit de système, il est vrai qu’il n’est pas partagé par tous les ingénieurs et qu’en cette matière Descartes se distingue très nettement. En revanche, les ingénieurs tendent à la fois à être conformistes, à surestimer leurs capacités et à être sensibles à l’esprit de système (si c’est cohérent c’est que c’est vrai), cocktail qui donne parfois des résultats catastrophiques. On sait le rôle qu’on joué les scientifiques dans l’élaboration des théories racistes au 19ème siècle et la place qu’ils ont occupé dans le 3ème Reich. Plus près de nous, les ingénieurs (pas les meilleurs il est vrai) me paraissent sur-représentés dans l’audience des théories complotistes type reOpen 09/11 ou Egalité et Réconciliation, la cohérence apparente de ces élucubrations sonnant juste sur un terreau que l’absence de culture générale aura justement rendu fertile à ses excès.
Le cas de ce papier sur l’Université et les “classes moyennes” est d’ailleurs flagrant. Alors que Descartes n’a fourni aucun fait pour étayer ses affirmations, nul des ingénieurs présents parmi les commentateurs ne s’est demandé si tout ceci était tout simplement VRAI. Où sont les chiffres, où sont les études scientifiques sur le sujet? Nulle part. Mais Descartes flatte vos biais et présente une analyse qui paraît cohérente; elle sera donc vraie. A quoi bon s’interroger plus sérieusement sur le sujet. Pour ma part, je ne trouve pas ça très sérieux.
PS: sur Normale, je vois, Descartes, que vous avez omis le point plus important: comme je l’ai dit, depuis 1903, Normale est réunie à l’Université de Paris et siège d’ailleurs à la Conférence des Présidents d’Universités. Plus concrètement, comme vous le savez, Normale ne délivre pas de diplômes et la quasi-totalité des étudiants va compléter sa formation à l’Université en passant l’agrégation ou une thèse d’Etat, tous deux diplômes universitaires. Les Normaliens sont donc des universitaires; il s’agit tout simplement de l’élite de ces derniers.
@ Marcailloux et autres ingénieurs auto-satisfaits
[Ce qui, en général, distingue les ingénieurs de bien d’autres professions intellectuelles, c’est tout de même, hormis les études de médecine ou similaires, le cadre rigoureux dans lequel se réalisent et leur sélection et leur cursus. Ils en sortent généralement plus armés que les étudiants d’université face à l’adversité des tâches auxquelles ils seront confrontés.]
Monsieur,
Je vous aime bien et ne voudrais pas vous blesser mais vous illustrez là exactement le défaut classique (classique ne veut pas dire systématique) que je soulignais chez les ingénieurs : une forte propension à l’autosatisfaction conjuguée à une sévère ignorance de ce qui sort de leur champ d’observation naturel. Si je voulais être méchant, je dirais que les ingénieurs sont les Monsieur Homais de notre siècle, « incarnation de la sottise prétentieuse et l’opportunisme nuisible ». Mais je n’irai pas jusque-là pour n’offenser personne.
Pour revenir à nos moutons, je dirai tout d’abord que les ingénieurs ne sont, pas plus que les commerciaux, des intellectuels. Ce sont des hommes de l’art, des praticiens, des spécialistes du carburateur, du bouchon en plastique, du code informatique, etc.… mais certainement pas des intellectuels. Certains ingénieurs peuvent devenir des intellectuels de haut niveau (comme Etienne Klein ou Antoine Compagnon), mais, comme l’a fait remarquer Descartes au sujet des technocrates, ce ne sont plus alors des ingénieurs. De fait, il a fallu que Klein et Compagnon suivent un cursus universitaire (qui est le lieu où l’on forme les intellectuels) pour sortir de leur chrysalide d’ingénieurs et accéder au rang d’intellectuels.
Par ailleurs, quand vous dîtes que « grâce au cadre rigoureux dans lequel se réalisent et leur sélection et leur cursus [comme si l’agrégation ou la Thèse d’Etat n’étaient pas…], ils sortent généralement plus armés que les étudiants d’université pour faire face à l’adversité des tâches auxquelles ils seront confrontés », il faut savoir de quoi l’on parle exactement.
Pour résoudre des problèmes de carburateurs, de bouchons mal fermés ou de code défectueux, il est indéniable que les ingénieurs sont mieux armés que les universitaires. Je ne l’ai jamais contesté, et nul ne songerait à le faire : c’est leur fonction et ce pour quoi ils sont formés. En revanche, quand il s’agit de produire des objets intellectuels ou tout simplement de “penser”, je suis navré de vous le dire mais les choses changent et le diplôme d’ingénieur est loin d’être le viatique que vous semblez décrire.
Prenons l’exemple qui nous occupe : celui de la massification des études supérieures et de leur impact sur « l’égalité des chances ». Un « intellectuel » commencerait par s’interroger pour savoir si ce que dit Descartes est VRAI plutôt que d’avaler sans broncher ce qu’il présente, sans aucune démarche scientifique, comme la réalité. Rapidement, grâce à internet, il se serait rendu compte que ce n’était pas le cas et aurait élevé le niveau des échanges en mettant à la disposition du « public » des faits, études et articles ignorés d’eux. Voilà ce qu’aurait fait un « intellectuel ».
Or, force est de constater que nul parmi ce brillant échantillon d’ingénieurs « sélectionnés avec rigueur » n’a fait cet effort pourtant si simple. Descartes flatte ses lecteurs, propose une lecture cohérente, qui paraît crédible et qui permet d’opinioner à loisir à coup de préjugés, d’idées toutes faites et de truismes. Que demander de plus ? C’est le rêve ! Et une nouvelle illustration de la critique que j’ai effectué précédemment au cursus des ingénieurs : 2 ans d’efforts ; une vie de paresse intellectuelle.
Donc un conseil messieurs les ingénieurs lecteurs de ce blog : sur ce qui sort des problèmes de carburateurs, de bouchons et de code et plus particulièrement sur ce qui a trait au domaine de la « pensée », bossez plus et ensuite on en reparlera.
@ Antoine
[Dans l’école que j’ai suivie, il y avait aussi des enseignements optionnels de « culture générale ». Il s’agissait de survols très basiques mais intéressants. Mais la plupart des écoles ne sont pas Polytechnique, et je doute que la myriade d’ENSI et d’écoles privées imposent de suivre un véritable enseignement de philosophie.]
Probablement. Mais je donnais ces exemples à titre d’illustration, pour contester l’image proposée par notre ami odp d’un ingénieur qui ne serait qu’un « contremaître » arrogant méprisant tout ce qui n’est pas « technique ». Et si toutes les écoles n’ont pas un « véritable enseignement de philosophie », leurs cursus est bien plus ouvert et moins spécialisé que celui proposé par les universités. Aujourd’hui, pratiquement tous les ingénieurs ont bénéficié d’un enseignement d’économie, d’une introduction au droit… Combien d’économistes ou d’avocats universitaires bénéficient dans leur cursus d’un enseignement d’électrotechnique ou de résistance des matériaux ?
[« alors que je ne sache pas que psychologues, avocats ou sociologues bénéficient d’un enseignement d’analyse mathématique » En ce qui concerne les sociologues, j’ose espérer que ceux d’entre eux qui utilisent des outils statistiques comprennent ce qu’ils font.]
Je ne suis pas persuadé, à la lecture de leurs travaux, que ce soit le cas. On leur apprend l’utilisation de l’outil statistique comme on apprend l’utilisation d’une calculette. Cet enseignement est aux mathématiques ce qu’apprendre à se servir d’une calculette est à l’informatique.
[Les formations « ingénieur » aux Etats-Unis ne sont en effet pas aussi réputées qu’en France, mais les universités américaines produisent de bons doctorants (PhD) qui trouvent sans problème à se faire employer dans l’industrie sur des sujets pointus (en tant qu’ingénieurs, j’entends).]
Seulement sur des sujets très pointus : la cryptographie pour les mathématiciens, par exemple. Mais je peux vous dire d’expérience que la formation « généraliste » des ingénieurs que ce soit aux Etats-Unis ou dans le reste du monde anglo-saxon n’est pas extraordinaire, et certainement beaucoup moins bonne que la notre. C’est ce qui fait que les postes qui chez nous sont occupés par des ingénieurs sont souvent confiés à des personnes ayant d’autres cursus, avec quelquefois des résultats curieux.
[Et si les Etats-Unis font venir pas mal d’ingénieurs étrangers, c’est aussi parce que l’industrie de pointe y est florissante. On n’a pas ce problème en France…]
C’est vrai que la désindustrialisation en France pose de très sérieux problèmes de débouchés. Mais contrairement à ce qu’on croit généralement, l’immense majorité des ingénieurs ne travaille pas « dans l’industrie de pointe ». Je connais un jeune ingénieur du corps des Mines – l’élite de l’élite, me direz-vous – qui s’est fait recruter par une entreprise de travaux publics pour travailler sur la réfaction des égouts de Londres…
@ odp
[Pour faire simple, sachez que je n’ai rien contre les ingénieurs (…)]
Je veux bien vous croire, mais vos commentaires disent le contraire. Je connais votre style rugueux, mais je ne me souviens pas vous avoir entendu des mots aussi durs à l’encontre d’aucune corporation professionnelle, même pas celle des politiques, pourtant l’objet de toutes les critiques. Je n’aime pas faire de la psychanalyse de comptoir, mais j’avoue qu’une telle violence m’interroge.
[Cela ne vient pas d’un complexe inavoué (évitez-moi, Descartes, svp, cette psychologie de bazar dont vous n’accepteriez pas la réciproque),]
Je ne crois pas avoir parlé de « complexe inavoué ». Mais avouez qu’une telle violence a de quoi interroger.
[mais tout simplement du fait que, comme l’a dit Descartes, la fonction des ingénieurs est la résolution de problème pratiques et que les problèmes pratiques ne m’intéressent absolument pas. Cela ne veut pas dire que je ne reconnais aucune utilité sociale aux ingénieurs: ils en ont une indubitablement, mais pas de celles à laquelle j’attache de l’importance. Il faut de tout pour faire un monde.]
Excusez-moi, mais dans la violence de votre expression il y a quelque chose qui va bien plus loin que le simple « désintérêt ». Par ailleurs, je me permets en toute courtoisie de vous signaler que, contrairement à ce que vous dites, vous vous intéressez fortement aux « problèmes pratiques ». Regardez cette discussion. Sur quoi échangeons-nous ? Sur une question théorique ? Non : sur la question de la régulation de l’université, problème « pratique » s’il en est.
[Quant à la culture générale, il me semble en effet, que c’est loin d’être le point fort des ingénieurs.]
Comparés à quoi, s’il vous plaît. Tiens, quelle autre profession, au sens large, vous paraît être beaucoup plus « cultivée » que les ingénieurs ? Avant de répondre, notez bien que la physique ou la chimie font partie de la « culture » au même titre que la danse ou la peinture…
[Je ne leur jetterai pas la pierre parce que c’est à des années lumières de ce qu’on leur enseigne et bien souvent de leurs préoccupations. Il y a peut-être un biais de sélection chez ceux que j’ai été amené à fréquenter, mais je ne pense pas me tromper en disant que l’ingénieur médian ne se distingue pas par son intérêt pour les humanités.]
Et vous diriez que le médecin médian, le comptable médian, l’enseignant de sport médian ou le trader médian s’y intéressent ? Je trouve d’ailleurs curieux qu’on associe « culture » et « humanités ». Les mathématiques, la biologie ne feraient-elles pas partie de la « culture » ?
On peut regretter un désintérêt général pour la culture, et cela dans toutes les professions. L’ingénieur « médian » d’aujourd’hui n’est probablement pas aussi cultivé que l’ingénieur « médian » des années 1950. Il aura fait moins de latin ou de grec, moins d’histoire et de philosophie, il lira moins et regardera plus la télévision. Mais c’est vrai aussi de l’énarque « médian », du médecin « médian », et même de l’enseignant « médian ». Si je regarde mes jeunes collègues, je n’ai pas l’impression que les ingénieurs soient moins « cultivés » que ceux issus des écoles de commerce, de sciences-po, et je ne vous parle même pas des universitaires…
[A ce titre, Descartes, les élèves de Centrale ne sont pas représentatif des “ingénieurs”, il s’agit de l’élite sociale qui cumule à la fois les caractéristiques de cette dernière (le piano) et, en général, celles de leur futur métier (le goût pour la résolution de problèmes concrets).]
Je n’ai jamais prétendu qu’ils fussent « représentatifs ». Je vous ai simplement livré une observation personnelle. En l’absence de toute étude statistique sur la question, il est difficile de se fonder sur autre chose que des observations personnelles. C’est ce que nous faisons vous et moi.
[Si l’on veut raisonner sur “les “ingénieurs”, il faut prendre l’élève lambda d’une école lambda et voir ce qu’il a dans le ventre. Je doute qu’on y trouve une passion pour l’histoire, la littérature ou les beaux-arts.]
Peut-être. Mais dans ce cas, il faut aussi le comparer à des « élèves lambda » des autres disciplines. Je ne pense pas que « l’élève lambda d’école d’ingénieurs lambda » ait rien à envier, en matière de culture générale, à « l’étudiant lambda d’une université lambda » dans la carrière de votre choix.
[En revanche, les ingénieurs tendent à la fois à être conformistes, (…)]
Je ne dirais pas « conformistes », je dirais plutôt « conservateurs », ce qui est un peu différent. Et surtout, dans la conception de l’ingénieur rien n’est pire que le désordre. La présomption en faveur de ce qui existe – et qui marche – est donc importante.
[à surestimer leurs capacités et à être sensibles à l’esprit de système (si c’est cohérent c’est que c’est vrai), cocktail qui donne parfois des résultats catastrophiques.]
Parfois. Et parfois des résultats sublimes… comme vous dites, il faut de tout pour faire un monde.
[On sait le rôle qu’on joué les scientifiques dans l’élaboration des théories racistes au 19ème siècle et la place qu’ils ont occupé dans le 3ème Reich.]
Là, vous faites une erreur historique. L’élaboration des « théories racistes au 19ème siècle », c’est d’abord le domaine des médecins – l’exemple de Carrel est le plus connu – et non des ingénieurs. Quant au 3ème Reich, ce sont les juristes et les militaires qui occuperont les premières places, et certainement pas les ingénieurs. On en trouve très peu parmi les leaders de l’Allemagne nazi. En dehors des postes très « techniques », j’ai du mal à en trouver un seul.
[Plus près de nous, les ingénieurs (pas les meilleurs il est vrai) me paraissent sur-représentés dans l’audience des théories complotistes type reOpen 09/11 ou Egalité et Réconciliation, la cohérence apparente de ces élucubrations sonnant juste sur un terreau que l’absence de culture générale aura justement rendu fertile à ses excès.]
Là, vous me surprenez vraiment. Je ne connais pas un seul – je dis bien un seul – de mes collègues ingénieurs qui prêtent oreille aux sornettes « complotistes ». Au contraire, en politique ils tendent à être conservateurs et légitimistes.
[Le cas de ce papier sur l’Université et les “classes moyennes” est d’ailleurs flagrant. Alors que Descartes n’a fourni aucun fait pour étayer ses affirmations, nul des ingénieurs présents parmi les commentateurs ne s’est demandé si tout ceci était tout simplement VRAI. Où sont les chiffres, où sont les études scientifiques sur le sujet?]
Bien sur que j’ai fourni toutes sortes de « faits ». Seulement, ils sont tellement connus et triviaux que je n’ai pas éprouvé le besoin de les prouver par des « chiffres » ou des « études scientifiques ». Ainsi, par exemple, lorsque j’écris que « Les institutions d’enseignement supérieur n’ont pas de capacités infinies d’adaptation à la demande des étudiants. Les bâtiments, les enseignants, les équipements ne sont pas extensibles à l’infini, et le nombre d’étudiants qu’une institution peut accueillir dans une carrière donnée sans que la qualité de l’enseignement en soufre est limitée », faut-il vraiment des « études scientifiques » en plus ?
Si mon article ne fait pas état de « chiffres » ou « d’études scientifiques », c’est parce que mon but n’est pas d’établir une situation, mais de faire comprendre un raisonnement, au demeurant simple : dans un système de ressources limitées, il faut un mécanisme de régulation pour les partager, et le meilleur mécanisme de régulation dans le cas de l’université serait la sélection au mérite.
[PS: sur Normale, je vois, Descartes, que vous avez omis le point plus important:]
En tout cas, je constate que vous « omettez » de reconnaître vos erreurs. Contrairement à ce que vous avez écrit, ce n’est pas Napoléon qui crée l’ENS « au sein de l’université de Paris ». L’ENS est fondée par la Convention EN DEHORS de l’Université, et lorsqu’elle est récrée sous la monarchie de Juillet, c’est toujours EN DEHORS de l’Université qu’elle se place. Vous auriez pu m’en donner acte, vous préférez « l’omettre ». Nous sommes donc quittes.
[comme je l’ai dit, depuis 1903, Normale est réunie à l’Université de Paris]
Seulement jusqu’en 1953, date à laquelle elle récupère la pleine autonomie administrative et financière.
[et siège d’ailleurs à la Conférence des Présidents d’Universités.]
Oui, tout comme les directeurs de l’Ecole Centrale de Paris, de l’Ecole Nationale Supérieure des Arts et Métiers, et le président de l’Ecole Polytechnique. Voilà donc les polytechniciens devenus des « universitaires » donc…
[Plus concrètement, comme vous le savez, Normale ne délivre pas de diplômes et la quasi-totalité des étudiants va compléter sa formation à l’Université en passant l’agrégation ou une thèse d’Etat, tous deux diplômes universitaires.]
Là encore, vous avez tort. L’agrégation N’EST PAS UN DIPLOME UNIVERSITAIRE. C’est un concours de recrutement dans un corps de l’Etat. Le doctorat (la thèse d’Etat n’existe plus) est, lui, un grade universitaire. Mais il y a beaucoup d’ingénieurs qui, eux aussi, passent une thèse de doctorat. Cela n’en fait pas des « universitaires » pour autant.
[Les Normaliens sont donc des universitaires;]
Avec votre raisonnement, un polytechnicien passant une thèse est un « universitaire »… Non, vous pouvez tordre les choses comme vous voulez, le fait est que les normaliens n’ont pas une formation universitaire. Ils ne sont pas recrutés comme les universitaires, ils ne sont pas soumis à la même discipline, ils ne sont pas évalués de la même manière. Dire que c’est l’Université qui a formé Finkielkraut ou Neel est une absurdité. Et cela indépendamment de savoir si l’agent comptable de l’ENS est le même que celui de l’université de Paris.
@ odp
Bonjour,
“mais je ne pense pas me tromper en disant que l’ingénieur médian ne se distingue pas par son intérêt pour les humanités.””
Pardonnez mon intrusion dans votre échange, mais je représente en faux ce que vous supposez.
Au cours de mes études d’ingénieur, par la voie de la formation continue dans une modeste école recrutant des techniciens avec expérience professionnelle confirmée, j’ai découvert les humanités et la philosophie tout particulièrement.
Depuis l’âge de 31 ans je consacre beaucoup de temps, sinon de talent à étudier cette discipline et ma carrière m’a particulièrement amenée à occuper des responsabilités dans le domaine des ressources humaines, avec son lot de psychologie, de droit, de gestion comptable, de diplomatie en dehors, bien sûr des domaines de l’organisation du travail et de la gestion des compétences fréquemment associés à de nombreux métiers de l’ingénieur.
Ce type de formation n’est en rien déterminante de la mentalité de son titulaire, qui souvent l’a choisit suite à un concours de circonstances de son histoire personnelle. Affirmer le contraire c’est un peu considérer que nous ne sommes pas libres de nos actes et entièrement déterminés par notre histoire.
Pour clore l’exemple, j’ai appris le piano à l’âge de 55 ans et suis amateur d’opéra.
@ Descartes
La “violence” de mon propos est lié à l’auto-célébration béate et grégaire dans laquelle se sont lancés certains commentateurs, couplée à leur absence totale d’esprit critique sur votre papier. Sinon, ne vous inquiétez pas, quand je vois un ingénieur, je ne lui lance pas de pierre ni ne change de trottoir. J’ai même des amis ingénieurs comme on dit – mais défroqués, je vous rassure ! Et demain, je n’y penserai plus.
Cela dit, en y réfléchissant plus avant, il est bien possible qu’une expérience personnelle récente ait accru ma sensibilité sur le sujet. En effet, l’un de mes amis, appelons-le P., ingénieur informaticien (bas de gamme, mais ingénieur tout de même), a suivi un parcours politique similaire au vôtre: ancien communiste, souverainiste (vote UPR au 1er tour de la Présidentielle), contempteur acharné de Macron (une forme d’Antéchrist selon lui), vote MLP au 2ème tour…
Rien de neuf sous le soleil, me direz-vous. Un type charmant d’ailleurs (modulo le vote MLP), pour lequel j’ai beaucoup d’affection. Là où ça coince, c’est que, de fil en aiguille, il devenu adorateur du Dieu Soral et partant antisémite acharné. Pas des vrais Juifs, évidemment, mais de l’Idée de Juif… No comment.
Au début, j’ai laissé filer, mettant cela sur le compte du folklore et de la dure condition d’ingénieur informaticien que Houellebecq a si bien décrite. Et puis, comme je l’aime vraiment bien, j’ai décidé de m’attaquer sérieusement au problème et de m’atteler à la “Question Juive”. Pas forcément de gaité de cœur car le sujet est particulièrement “chargé” et les protagonistes pas tous ragoûtants, mais je me suis dit que c’était pour la bonne cause.
Je me suis donc plongé dans “Peuple Juif ou Problème Juif” de Maxime Rodinson que j’avais acheté il y a 10 ans mais pas lu (très daté), j’ai acheté (et lu) “La Fin de la Modernité Juive” d’Enzo Traverso (vous devriez le lire: ça parle de vous) et surtout “Le Siècle Juif” du Yuri Szleskin (facsinant) et “Retour sur la Question Juive” d’Elizabeth Roudinesco (pas mal non plus).
Toutes ses lectures furent passionnantes et fructueuses. Non seulement, elles me permirent de disposer de “matériel” pour les échanges à venir avec P., mais également, de manière plus inattendue, de trancher le débat intérieur que j’avais sur le souverainisme, en la défaveur de celui-ci.
En revanche, pour ce qui est de P., j’ai peu à peu réalisé la difficulté de la tâche que je m’étais assignée et le piège dans lequel il s’est enfermé. Or ce piège a, selon moi, partie liée avec son “habitus” d’ingénieur informaticien: i) comme nombre d’informaticiens (cf. Houellebecq), il est aigri et souffre de problème de communication; il en veut donc à la terre entière et ne serait pas mécontent de trouver des boucs émissaires; ii) ingénieur patenté, il croit, nouveau Monsieur Jourdain, qu’il peut “penser par lui-même”; et iii) toujours ingénieur, qui plus est informaticien, il n’a qu’une médiocre culture générale (on ne peut pas tout faire) et partant, très peu de capacité de contextualisation.
En conséquence, face au “système Soral”, certes délirant mais cohérent et, par le truchement des vidéos (encore un truc d’ingénieur…), très efficace, ce cher ami est une proie facile et bien difficile à décrotter. J’en souffre, car je l’aime beaucoup, et je lui en veux, car je vois que ce sujet va poser problème.
Or, il s’avère qu’à l’occasion de ce énième procès des “classes moyennes”, et des réactions bêlantes des “ingénieurs” parmi les commentateurs, j’ai quelque peu revécu, toutes proportions gardées, la scène: un gourou traquant obsessionnellement un bouc émissaire; des ingénieurs qui croient qu’ils peuvent “penser par eux-même” et ratent le nez au milieu de la figure; et l’Esprit Public qui s’effondre en notre beau pays…
Et un peu de la colère que j’avais emmagasinée contre P. est retombée sur Antoine, Marcailloux et les autres – sans pour autant que je n’ai rien à retrancher, sur le fond, à ce que j’ai écrit ; mais la forme en effet peut paraître excessivement abrasive sans franchir toutefois, il me semble, les limites de la correction.
@ odp
[Je vous aime bien et ne voudrais pas vous blesser mais vous illustrez là exactement le défaut classique (classique ne veut pas dire systématique) que je soulignais chez les ingénieurs : une forte propension à l’autosatisfaction conjuguée à une sévère ignorance de ce qui sort de leur champ d’observation naturel. Si je voulais être méchant, je dirais que les ingénieurs sont les Monsieur Homais de notre siècle, « incarnation de la sottise prétentieuse et l’opportunisme nuisible ». Mais je n’irai pas jusque-là pour n’offenser personne.]
Diantre, diantre… mais où sont vos « chiffres » ? Où sont vos « études scientifiques » ? Je note avec une certaine inquiétude que vous ne vous appliquez pas vous-même les règles que vous appliquez aux autres. Vous répétez votre accusation de « propension à l’autosatisfaction conjuguée à une sévère ignorance de ce qui sort de leur champ », mais jusqu’ici vous n’avez pas donné beaucoup d’éléments pour justifier ni l’une, ni l’autre de ces accusations.
Au risque de me répéter, je ne vois pas plus « d’autosatisfaction » chez les ingénieurs que chez les boulangers, les acteurs, les sociologues ou les mathématiciens. Le contraire serait d’ailleurs fort paradoxal. A quoi serviraient un boulanger qui désespérerait de la boulangerie, un sociologue qui désespérerait de la sociologie ? La logique du « ça m’suffit » est universellement partagée, et ceux qui passent leur temps à être insatisfaits d’eux-mêmes sont une minorité, et on les traite souvent aux antidépresseurs.
Quant à la « sévère ignorance de ce qui sort de leur champ », j’avoue que j’attends avec une grande impatience que vous me montriez un sociologue qui s’intéresse à la résistance des matériaux, un psychologue féru de topologie différentielle. La spécialisation, le manque de curiosité « généraliste » sont le cancer de notre époque, et il ne touche pas que les ingénieurs. Au contraire, je trouve qu’ils s’en sont protégés beaucoup mieux que les autres. On retrouve des ingénieurs qui sont devenus acteurs, musiciens, médecins et même évêques. Je ne connais pas beaucoup d’acteurs, de musiciens ou de médecins – et ne parlons pas des évêques – qui soient devenus ingénieurs.
[Pour revenir à nos moutons, je dirai tout d’abord que les ingénieurs ne sont, pas plus que les commerciaux, des intellectuels.]
Je trouve ce genre de débat un peu comique. Du point de vue de la division entre travail manuel et travail intellectuel, il semble assez évident que les ingénieurs sont – du moins pour la plupart d’entre eux – du côté du travail intellectuel. Après, si vous voulez dire qu’ils n’appartiennent pas à « l’intelligentsia », c’est probablement vrai. Mais cela tient essentiellement à ce que notre « intelligentsia » est d’abord littéraire, et exhibe sans la moindre honte un mépris profond pour tout ce qui ressemble aux sciences « dures ». Un mathématicien, un physicien sont ils des « intellectuels » ? Et si oui, pourquoi exclure Georges Charpak – un méprisable ingénieur des Mines – mais inclure Pierre-Gilles de Gennes ? Parce que l’un était médiatique et l’autre pas ?
[Ce sont des hommes de l’art, des praticiens, des spécialistes du carburateur, du bouchon en plastique, du code informatique, etc.… mais certainement pas des intellectuels.]
Je me méfie de ce « certainement ». En général, cela cache la faiblesse de l’affirmation. J’attends avec impatience votre définition de ce qu’est un « intellectuel ».
[Certains ingénieurs peuvent devenir des intellectuels de haut niveau (comme Etienne Klein ou Antoine Compagnon), mais, comme l’a fait remarquer Descartes au sujet des technocrates, ce ne sont plus alors des ingénieurs.]
Mais là encore, considérez-vous Georges Charpak comme un « ingénieur » ? Non ? Pourtant, toute sa vie il est resté dans une démarche d’ingénieur. Ce qui lui a valu le prix Nobel, ce n’est pas la découverte d’une nouvelle théorie mais la conception d’un détecteur de particules…
Je crois que vous avez une fausse idée de ce qui différentie la démarche de l’ingénieur de celle du scientifique. Ce n’est pas le fait de s’occuper de bouchons en plastique, de carburateurs ou de code informatique qui fait l’ingénieur, mais le fait qu’il s’occupe de ces objets dans le but de résoudre un problème pratique. Lorsqu’un physicien cherche à développer un nouvel instrument de mesure, il est dans une démarche d’ingénieur, quelque soit sa formation à l’origine.
Il y a des gens qui sont formés à cette démarche, dans des institutions spécialement conçues pour cela, qui sont les écoles d’ingénieurs. Mais cela ne détermine que très partiellement ce qu’ils feront dans leur vie. La plupart exerceront des métiers d’ingénieur, c’est-à-dire, des métiers ou cette démarche est indispensable. D’autres iront exercer d’autres métiers : scientifique, enseignant, acteur, évêque. Mais l’expérience a montré que la formation d’ingénieur, c’est-à-dire, la formation à la résolution de problèmes, peut-être très utile même dans ces métiers où elle n’est pas indispensable…
[De fait, il a fallu que Klein et Compagnon suivent un cursus universitaire (qui est le lieu où l’on forme les intellectuels) pour sortir de leur chrysalide d’ingénieurs et accéder au rang d’intellectuels.]
Klein n’a fait aucun « cursus universitaire ». Comme des centaines d’ingénieurs qui s’orientent vers les carrières scientifiques dans le nucléaire, il a fait une thèse au CEA, avec un chef de travaux qui était lui aussi au CEA. Bien sur, il s’est inscrit à l’université parce que celle-ci avait à l’époque le monopole de la collation des grades, mais il y a mis les pieds trois fois pour voir son président du jury. Quant à Compagnon, on peut difficilement dire qu’il ait « suivi un cursus universitaire ». Il a fait une thèse, ce qui n’est pas tout à fait la même chose.
Il faut être sérieux. Où pensez vous que Klein ou Compagnon ont acquis leurs méthodes de travail, leur formation de base, leur curiosité pour le monde ? A l’université ? Alors, il faudra m’expliquer pourquoi on ne trouve pas des Klein ou des Compagnon parmi les universitaires « purs », ceux qui n’ont jamais mis les pieds dans une « grande école ».
[Par ailleurs, quand vous dîtes que « grâce au cadre rigoureux dans lequel se réalisent et leur sélection et leur cursus [comme si l’agrégation ou la Thèse d’Etat n’étaient pas…], ils sortent généralement plus armés que les étudiants d’université pour faire face à l’adversité des tâches auxquelles ils seront confrontés », il faut savoir de quoi l’on parle exactement.]
En effet. Par exemple, il ne faut pas confondre la « sélection » A L’ENTREE, pratiquée par les écoles d’ingénieur, et la sélection en fin de cursus auxquelles appartient l’agrégation ou la thèse d’Etat (qui, je vous le rappelle encore, n’existe plus depuis les années 1980). Par ailleurs, je vous répète que l’agrégation n’est PAS un diplôme universitaire, mais un concours de recrutement de la fonction publique.
[En revanche, quand il s’agit de produire des objets intellectuels ou tout simplement de “penser”, je suis navré de vous le dire mais les choses changent et le diplôme d’ingénieur est loin d’être le viatique que vous semblez décrire.]
Mais c’est quoi un « objet intellectuel » ? Si pour vous un « objet intellectuel » est une théorie en astrophysique, je ne peux qu’être d’accord avec vous. Mais par exemple, diriez-vous que le programme électronucléaire était un « objet intellectuel » ? Qu’un plan directeur de transports est un « objet intellectuel » ?
[Prenons l’exemple qui nous occupe : celui de la massification des études supérieures et de leur impact sur « l’égalité des chances ». Un « intellectuel » commencerait par s’interroger pour savoir si ce que dit Descartes est VRAI plutôt que d’avaler sans broncher ce qu’il présente, sans aucune démarche scientifique, comme la réalité. Rapidement, grâce à internet,
il se serait rendu compte que ce n’était pas le cas (…)]
Pas « rapidement ». Car votre « intellectuel », il aurait aussi du « se demander si ce que dit l’internet est VRAI plutôt que d’avaler sans broncher ». En d’autres termes, un « intellectuel » n’aurait pu intervenir ici qu’après avoir fait une thèse sur le sujet, car comment autrement parler de « démarche scientifique » ? Il faut savoir ce qu’on veut : ici, c’est un blog d’échange entre non-experts, et non un site « scientifique » sur l’éducation.
[(…) et aurait élevé le niveau des échanges en mettant à la disposition du « public » des faits, études et articles ignorés d’eux. Voilà ce qu’aurait fait un « intellectuel ».]
En tout cas, ce n’est pas ce que vous avez fait. Je trouve votre idéalisation de « l’intellectuel » (catégorie que vous n’avez pas défini, j’insiste) très intéressante. En fait, pour vous la qualité enviable « d’intellectuel » semble être liée à l’amour de la vérité et à la pratique du doute systématique. Fort bien. Cela réduit dramatiquement le nombre « d’intellectuels » que l’on risque de croiser, particulièrement dans les blogs. Cela étant dit, je note que vous répétez comme un disque rayé que ce que je dis est FAUX, mais vous n’avez apporté le moindre élément « scientifique » dans ce sens. Quelle serait l’attitude d’un « intellectuel » devant votre affirmation ?
[Or, force est de constater que nul parmi ce brillant échantillon d’ingénieurs « sélectionnés avec rigueur » n’a fait cet effort pourtant si simple.]
Ce n’est guère mieux chez les non-ingénieurs. Encore une fois, vous devriez pratiquer ce que vous conseillez aux autres de faire…
[Descartes flatte ses lecteurs, propose une lecture cohérente, qui paraît crédible et qui permet d’opinioner à loisir à coup de préjugés, d’idées toutes faites et de truismes.]
Je me répète : j’attends toujours les « éléments scientifiques » qui prouveraient que « j’opinionne à coup de préjugés, d’idées toutes faites et de truismes ». Une affirmation n’est pas une démonstration. Vous avez l’air de croire que parce que vous le dites, c’est vrai. Et pourtant, vous n’êtes pas ingénieur, non ?
@ Descartes
[Je veux bien vous croire, mais vos commentaires disent le contraire. Je connais votre style rugueux, mais je ne me souviens pas vous avoir entendu des mots aussi durs à l’encontre d’aucune corporation professionnelle, même pas celle des politiques, pourtant l’objet de toutes les critiques. Je n’aime pas faire de la psychanalyse de comptoir, mais j’avoue qu’une telle violence m’interroge.]
La « violence » de mon propos est lié à l’auto-célébration béate et grégaire dans laquelle se sont lancés certains commentateurs, couplée à leur absence totale d’esprit critique sur votre papier. Sinon, ne vous inquiétez pas, quand je vois un ingénieur, je ne lui lance pas de pierre ni ne change de trottoir. J’ai même des amis ingénieurs comme on dit – mais défroqués, je vous rassure ! Et demain, je n’y penserai plus. Et puis, si mon fils veut devenir Etienne Klein ou Antoine Compagnon, j’en serai ravi – vous voyez, je ne suis pas sectaire…
Cela dit, maintenant que j’y pense, il est bien possible qu’une expérience personnelle récente ait accru ma sensibilité sur le sujet. En effet, l’un de mes amis, appelons-le P., ingénieur informaticien (bas de gamme, mais ingénieur tout de même), a suivi un parcours politique similaire au vôtre : ancien communiste, souverainiste (vote UPR au 1er tour de la Présidentielle), contempteur acharné de Macron (une forme d’Antéchrist selon lui), vote MLP au 2ème tour… Rien de neuf sous le soleil, me direz-vous. Un type charmant d’ailleurs (modulo le vote MLP), pour lequel j’ai beaucoup d’affection. Là où ça coince, c’est que, de fil en aiguille, de rhétorique en rhétorique, il devenu adorateur du Dieu Soral et partant antisémite acharné. Pas des vrais Juifs, évidemment, mais de l’Idée de Juif… No comment.
Au début, j’ai laissé filer, mettant cela sur le compte du folklore et de la dure condition d’ingénieur informaticien (cf. Houellebecq). Et puis, comme je l’aime vraiment bien, j’ai décidé de m’attaquer sérieusement au problème et de m’atteler à la « Question Juive ». Pas forcément de gaité de cœur car le sujet est particulièrement « chargé » et les protagonistes pas tous ragoûtants, mais je me suis dit que c’était pour la bonne cause. J’ai acheté (et lu) « La Fin de la Modernité Juive » d’Enzo Traverso (vous devriez le lire : ça parle de vous) et surtout « Le Siècle Juif » du Yuri Szleskin (fascinant) et « Retour sur la Question Juive » d’Elizabeth Roudinesco (pas mal non plus).
Toutes ses lectures furent passionnantes et fructueuses et je les conseille à tout un chacun – surtout « Le Siècle Juif » qui aurait d’ailleurs pu aussi s’appeler, selon votre terminologie, « Le Siècle des Classes Moyennes ». Non seulement, elles me permirent de disposer de matériel pour les échanges à venir avec P., mais également, de manière plus inattendue, de trancher le débat intérieur que j’avais sur le souverainisme – en la défaveur de celui-ci, incorrigible philosémite que je suis. En revanche, pour ce qui est de P., j’ai peu à peu réalisé la difficulté de la tâche que je m’étais assignée et le piège dans lequel il s’était enfermé, de l’antilibéralisme économique au souverainisme, du souverainisme à l’antimondialisme, de l’antimondialisme à l’antisémitisme « conceptuel » (Soros, Attali, Minc…) et enfin de l’antisémitisme « conceptuel » au Complot Juif contre les Nations, le tout alimenté par la rhétorique monomane et très habile du gourou sur sa chaine YouTube. Imparable.
Or, il s’avère que ce piège a, selon moi, partie liée avec l’”habitus” d’ingénieur informaticien de P.: i) comme nombre d’informaticiens, il est aigri et souffre de problème de communication (cf. Houellebecq) ; il en veut donc à la terre entière et ne serait pas mécontent de trouver des boucs émissaires; ii) ingénieur patenté, il croit, nouveau Monsieur Jourdain, qu’il peut “penser par lui-même”; iii) toujours ingénieur, qui plus est informaticien, il n’a qu’une médiocre culture générale (on ne peut pas tout faire) et partant, très peu de capacité de contextualisation ; iv) habitué à « raisonner » plutôt qu’à s’interroger, il est sensible à l’esprit de système et enfin v) technophile, il passe ses journées sur internet et est un gros consommateur de vidéos. En conséquence, face au « système Soral », certes délirant mais « cohérent » et il faut le dire très efficace sur internet, ce cher ami est une proie facile et bien difficile à décrotter. Cela me met en colère, car je c’est un ami cher et je vois que ce sujet va poser problème.
Or, il s’avère qu’à l’occasion de ce énième procès des « classes moyennes », et des réactions bêlantes des ingénieurs parmi les commentateurs, j’ai quelque peu revécu, toutes proportions gardées, la scène : un gourou traquant obsessionnellement un bouc émissaire ; des ingénieurs qui croient « penser par eux-mêmes » mais ratent le nez au milieu de la figure ; et l’Esprit Public de notre pays qui s’effondre un peu plus… Et un peu de la colère que j’avais emmagasinée contre P. est retombée sur Antoine, Marcailloux et les autres – sans franchir toutefois, me semble-t-il, les limites de la correction.
@ Descartes
[Je me répète : j’attends toujours les « éléments scientifiques » qui prouveraient que « j’opinionne à coup de préjugés, d’idées toutes faites et de truismes ». Une affirmation n’est pas une démonstration. Vous avez l’air de croire que parce que vous le dites, c’est vrai. Et pourtant, vous n’êtes pas ingénieur, non ?]
Mon cher Descartes, vous me sous-estimez (un biais d’ingénieur?). Vous croyez vraiment, au vu des contributions que j’ai faite sur ce blog depuis 5 ans, que je n’ai pas des billes pour étayer ce que je dis? Utilisez votre habitus d’ingénieur, faites des statistiques et vous ne douterez plus que j’ai du biscuit! Mais je ne me fais aucune illusion, comme d’habitude, vous allez minorer, dénigrer ou tronçonner ces éléments, mais il n’en restera pas moins que, comme dans notre débat sur les revenus nets comparés des avocats et des ingénieurs, ils approcheront bien plus la réalité que vos seules intuitions ou “raisonnements”.
Allons-y donc:
1/ Quand vous dîtes qu’avant 68 on trouvait plus de fils des classes populaires dans les écoles d’ingénieurs et les écoles normales que dans les Universités, c’est FAUX. En 1965, 45% des étudiants des Universités étaient d’origine populaires quand il n’était que 15% à Polytechnique, l’ENA et l’ENS. L’Université a été, et est toujours, le lieu de formation supérieure privilégié des classes populaires. Ceux qui envoient la plus grande proportion d’une classe d’âge chez leurs enfants à l’Université sont dans l’ordre : les chômeurs, les ouvriers, les employés, les professions intermédiaires, les agriculteurs et les commerçants et enfin les cadres supérieurs.
2/ Quand vous reprenez l’antienne de MLP sur l’effondrement de la place des enfants des classes populaires parmi les élèves des grandes écoles C’EST ENCORE UNE FOIS FAUX. Cela vous arrange car cela vous permet de faire “boucler” votre discours monomane sur les “classes moyennes”, mais c’est FAUX. Par exemple, sur les cohortes 1963-1969 des étudiants de l’ENA, 2.8% étaient des fils d’ouvriers ; entre 2008-20102, ce taux est passé à 3.5%. Comme sur la période la proportion d’ouvrier dans la population française a été divisée par 2, cela équivaut à UNE MULTIPLICATION PAR 2.5 FOIS de la prévalence des fils d’ouvriers parmi les étudiants de l’ENA. Et la même chose vaut pour Polytechnique : dans les années 50, un enfant des classes supérieures avait 37 fois plus de chance qu’un enfant des classes populaires d’y accéder ; dans les années 90, cette sur-probabilité avait diminué de 30%, passant à 25 fois, illustrant UNE FORTE DEMOCRATISATION du recrutement.
3/ Quand vous dites que la démocratisation des études universitaires est un piège tendu par les classes moyennes aux classes populaires afin d’avoir leur peau c’est également FAUX. En effet, la massification des études à fortement contribué à diminuer l’inégalité des chances entre les fils d’ouvriers et les fils de cadres. Alors que dans les années 60, une part très significative (allant de 60% à 100% selon le niveau de diplôme) du différentiel de performance scolaire s’expliquait par des facteurs comportementaux (en gros la propension à faire des études) plutôt que par des facteurs objectifs (le niveau scolaire), ce facteur comportemental s’est effondré depuis pour ne représenter, dans les années 2000, que à 10% à 50% du différentiel de performance scolaire. Pour les classes préparatoires que vous chérissez tant, en 1962, plus de 90% du différentiel d’accès en fin de terminale entre enfants des classes populaires et enfants des classes supérieures s’expliquait par l’habitus social ; dans les années 2000, ce chiffre est tombé aux alentours de 50%.
4/ Enfin, si l’on élargit la réflexion à la mobilité sociale au sens large, il apparaît, CONTRAIREMENT A CE QUE VOUS NE CESSEZ D’AFFIRMER, que notre société est PLUS FAVORABLE aux classes populaires que ne l’était celle des années 50. La société des années 50 était encore une société de caste, marquée par la force de la reproduction et la faiblesse de la fluidité sociale, alors que notre société, notamment grâce à la massification de l’enseignement supérieur a nivelé les différences d’opportunités entre les enfants des classes supérieures et ceux des classes populaire d’un FACTEUR 3. Ainsi, alors que dans les années 60, les enfants de cadres avec 90 fois plus de chances que les enfants d’ouvriers de devenir cadres plutôt qu’ouvriers, ce facteur est passé sous les 30 dans les années 2010, illustrant à la fois l’augmentation de la probabilité des enfants d’ouvriers à s’élever socialement mais également celle des enfants de cadres à s’abaisser socialement.
Voilà mes billes: elles sont magnifiques, elles brillent dans ma main de tout leur chatoiement. Je remarque cependant, qu’elles sont passées inaperçues de ces ingénieurs si bien sélectionnés mais qui préfèrent renforcer leur préjugés plutôt que de s’attaquer sérieusement aux problèmes que vous soulevez.
http://cache.media.education.gouv.fr/file/82/31/4/DEPP_EetF_2012_82_Performances_scolaires_orientation_237314.pdf
http://www.persee.fr/docAsPDF/rfsoc_0035-2969_1995_num_36_3_5065.pdf
http://factoscope2017.blog.lemonde.fr/2017/02/17/marine-le-pen-dans-les-annees-1960-dans-les-grandes-ecoles-il-y-avait-25-de-fils-douvriers-et-demployes-aujourdhui-cest-5/
https://blogs.mediapart.fr/yves-besancon/blog/180417/la-mobilite-sociale-est-tombee-en-panne
@ odp
[La “violence” de mon propos est lié à l’auto-célébration béate et grégaire dans laquelle se sont lancés certains commentateurs, couplée à leur absence totale d’esprit critique sur votre papier.]
C’est votre droit. Cela étant dit, une critique « violente » n’est pas fondée pour autant. C’est d’ailleurs souvent le contraire : la violence du langage est souvent inversement proportionnelle au poids des arguments qu’il exprime. Vous avez eu des expressions fortes au sujet de mon papier, mais j’attends toujours que vous apportiez les exemples, les faits, les arguments qui contredisent mon raisonnement. Pour le moment, je reste sur ma faim.
[Cela dit, en y réfléchissant plus avant, il est bien possible qu’une expérience personnelle récente ait accru ma sensibilité sur le sujet. En effet, l’un de mes amis, appelons-le P., ingénieur informaticien (bas de gamme, mais ingénieur tout de même), a suivi un parcours politique similaire au vôtre: ancien communiste, souverainiste (vote UPR au 1er tour de la Présidentielle), contempteur acharné de Macron (une forme d’Antéchrist selon lui), vote MLP au 2ème tour…]
Risque d’amalgame ! Warning ! Warning ! (bruit de sirène).
Le « parcours » que vous décrivez n’en est pas vraiment un : plus qu’un parcours – qui suppose un changement – il s’agit au contraire d’une grande constance dans les idées, sinon dans les organisations. Le PCF a été rigoureusement « souverainiste » jusqu’aux années 1990 : rejet de l’Acte unique, du traité de Maastricht, et d’une manière plus générale de l’idée même de « supranationalité ». Dès lors que le PCF a viré sa cuti et devenu « eurolâtre » au début des années 2000, il n’est pas étonnant de trouver d’anciens communistes « souverainistes ». Ce ne sont pas eux qui ont changé, c’est le PCF. Pour ceux qui ont conservé leurs idées, la question se pose de savoir pour qui voter en étant fidèle à celles-ci. Et là, c’est une question de priorités. Ceux qui pensent que le véritable verrou à faire sauter aujourd’hui c’est l’égalité homme/femme et que l’Euro n’est qu’une question secondaire voteront pour le PCF ou LFI. Ceux qui au contraire pensent – et c’est mon cas – que le principal obstacle à une politique progressiste est le transfert des pouvoirs aux mains des institutions supranationales donneront leur voix aux candidats qui en font leur priorité. Quant à Macron, un ancien communiste qui a conservé intactes ses idées ne peut que le considérer comme l’incarnation de tout ce qui lui est détestable.
[Un type charmant d’ailleurs (modulo le vote MLP), pour lequel j’ai beaucoup d’affection. Là où ça coince, c’est que, de fil en aiguille, il devenu adorateur du Dieu Soral et partant antisémite acharné. Pas des vrais Juifs, évidemment, mais de l’Idée de Juif… No comment.]
Ca, c’est déjà plus embêtant. Mais pensez-vous que ce soit lié à sa formation d’ingénieur ? Sérieusement ? Vous savez, on trouve de tout dans la vigne des complotistes antisémites, y compris d’éminents universitaires. Alain Soral est lui-même ancien élève des Beaux Arts puis de l’EHESS, ce qui n’est pas vraiment un profil d’ingénieur. Pensez aussi à Garaudy, pur produit de l’université… franchement, vous me rappelez la légende selon laquelle Nobel n’aurait pas créé de prix de mathématiques parce que sa femme l’avait fait cocu avec un mathématicien…
[Au début, j’ai laissé filer, mettant cela sur le compte du folklore et de la dure condition d’ingénieur informaticien que Houellebecq a si bien décrite.]
Je me disais bien que vous deviez être un admirateur de Houellebecq…
[Je me suis donc plongé dans “Peuple Juif ou Problème Juif” de Maxime Rodinson que j’avais acheté il y a 10 ans mais pas lu (très daté), j’ai acheté (et lu) “La Fin de la Modernité Juive” d’Enzo Traverso (vous devriez le lire: ça parle de vous) et surtout “Le Siècle Juif” du Yuri Szleskin (facsinant) et “Retour sur la Question Juive” d’Elizabeth Roudinesco (pas mal non plus).]
De tous ces textes, je ne connais que celui de Traverso qui, je dois dire, ne m’avait pas paru particulièrement pénétrant. Le grand problème sur ce sujet est que tous ceux qui l’abordent ont généralement un objectif caché. On peut difficilement l’aborder d’un point de vue strictement dépassionné et scientifique, puisque le débat et la confrontation purement scientifiques sont impossibles. La Shoah et son instrumentalisation par le gouvernement israélien ferment d’avance tout débat.
[Toutes ses lectures furent passionnantes et fructueuses. Non seulement, elles me permirent de disposer de “matériel” pour les échanges à venir avec P., mais également, de manière plus inattendue, de trancher le débat intérieur que j’avais sur le souverainisme, en la défaveur de celui-ci.]
J’avoue que je ne vois pas très bien le rapport entre les deux choses.
[En revanche, pour ce qui est de P., j’ai peu à peu réalisé la difficulté de la tâche que je m’étais assignée et le piège dans lequel il s’est enfermé. Or ce piège a, selon moi, partie liée avec son “habitus” d’ingénieur informaticien: i) comme nombre d’informaticiens (cf. Houellebecq), il est aigri et souffre de problème de communication; il en veut donc à la terre entière et ne serait pas mécontent de trouver des boucs émissaires; ii) ingénieur patenté, il croit, nouveau Monsieur Jourdain, qu’il peut “penser par lui-même”; et iii) toujours ingénieur, qui plus est informaticien, il n’a qu’une médiocre culture générale (on ne peut pas tout faire) et partant, très peu de capacité de contextualisation.]
Examinons ces trois reproches. Le premier est banal : on n’a pas besoin d’être ingénieur pour « être aigri, en vouloir à la terre entière et trouver des boucs émissaires ». On trouve ce syndrome dans des populations fort éloignées de la démarche de l’ingénieur. Tiens, chez ces professeurs secondaires qui se répandent – allez lire leurs blogs, c’est instructif – sur le mépris dans lequel ils sont tenus par la société, qui répètent que « s’ils avaient su, ils s’raient pas venus », et qui se trouvent toutes sortes de boucs émissaires (la « finance », les « néolibéraux », le « racisme » et j’en passe).
Pour le deuxième, là encore, vous attribuez aux « ingénieurs » un tort très largement partagé. Il suffit d’ailleurs de lire les discours politiques, avec leur rejet des « experts » et des « sachants » et cette démagogie permanente qui prétend que la parole de Mme Michu vaut bien celle d’un physicien nucléaire. On nous répète quotidiennement qu’échanger une Assemblée nationale composée de gens qui s’y connaissent par une autre formée de débutants en politique venus de la société civile est un grand progrès. Alors, comment s’étonner que les gens finissent par le croire ? Qu’ils finissent par se convaincre que chacun « peut penser par lui-même » ?
Quant au troisième reproche, je ne peux que me répéter. La « médiocre culture générale » est une malédiction de notre époque, qui touche y compris ceux que vous avez par ailleurs qualifiés de « intellectuels ». Combien de philosophes ou de sociologues s’intéressent vraiment aux mathématiques ou à la physique ? Relisez « les impostures intellectuelles » de Sokal et Bricmont, et vous aurez la réponse.
En conclusion, pour des raisons qui m’échappent, vous concentrez des reproches qui en fait s’appliquent à l’ensemble de la population sur les ingénieurs. Alors qu’en fait ceux-ci résistent plutôt mieux en moyenne que d’autres catégories. J’aimerais comprendre pourquoi.
Curieusement, vous ne formulez pas le principal reproche que je ferais à la formation des ingénieurs, qui est d’être anhistorique. En effet, la présentation qui est faite des sciences de l’ingénieur fait très peu de place à leur histoire. On vous enseigne la manière de résoudre un problème, mais pas les tâtonnements, les essais et les erreurs qui ont conduit à cette solution. On étudie les ponts qui ont tenu, rarement les ponts qui se sont effondrés…
[En conséquence, face au “système Soral”, certes délirant mais cohérent]
En quoi le « système Soral » est-il « cohérent » ? Personnellement, je le trouve au contraire très incohérent et assez difficilement compatible avec la logique d’ordre qui préside la formation des ingénieurs.
[et, par le truchement des vidéos (encore un truc d’ingénieur…),]
Les vidéos sont « un truc d’ingénieur » ? Pensez-vous vraiment que les ingénieurs regardent plus de vidéos que les autres, ou que la vidéo joue un rôle plus important dans leur formation ? Je crois que vous vous laissez emporter par votre détestation. Une détestation dont je n’arrive vraiment pas à comprendre l’origine.
[Et un peu de la colère que j’avais emmagasinée contre P. est retombée sur Antoine, Marcailloux et les autres – sans pour autant que je n’ai rien à retrancher, sur le fond, à ce que j’ai écrit ; mais la forme en effet peut paraître excessivement abrasive sans franchir toutefois, il me semble, les limites de la correction.]
Comme vous le savez, je tiens beaucoup à ce que les échanges ici restent corrects. Je n’aurais pas manqué de vous le faire remarquer si vous aviez franchi ses limites. Non, chacun a son style et les échanges peuvent être à la fois corrects et « musclés ». Mais cette violence a nécessairement une raison, elle transmet un message. Et c’est cette raison, ce message que j’essaye de comprendre.
@ Marcailloux
[Au cours de mes études d’ingénieur, par la voie de la formation continue dans une modeste école recrutant des techniciens avec expérience professionnelle confirmée, j’ai découvert les humanités et la philosophie tout particulièrement.]
Une hirondelle ne fait pas le printemps mon cher Marcailloux…
Il me semble bien avoir précisé que c’était un défaut classique et non pas systématique chez les ingénieurs – Descartes et vous-mêmes (avec d’autres) en forment donc l’exception. Il n’empêche, sur la petite cinquantaine d’ingénieurs non défroqués qu’il ma été donné de rencontrer, seule une très très faible minorité avait un véritable intérêt pour les sciences humaines au sens large ou la littérature.
Par ailleurs, que les choses soient claires: je ne reprocherai jamais à qui que ce soit de ne pas avoir de culture générale. D’abord, on est toujours l’ignare de quelqu’un d’autre. Ensuite il y a des millions de gens très bien qui n’ont aucune culture générale et des dizaines de milliers de gens très cultivés qui sont d’odieux personnages. C’est axiologiquement neutre si j’ose dire.
@ odp
[Mon cher Descartes, vous me sous-estimez (un biais d’ingénieur?).]
Je ne crois pas. Vous me sous-estimez bien, et vous n’êtes pas ingénieur, que je sache…
[Vous croyez vraiment, au vu des contributions que j’ai faite sur ce blog depuis 5 ans, que je n’ai pas des billes pour étayer ce que je dis?]
Je ne « crois » rien. J’applique une démarche scientifique, moi. Tant que je n’ai pas vu vos « billes », je ne peux pas avoir un regard critique et informé sur vos affirmations, c’est tout.
[Utilisez votre habitus d’ingénieur, faites des statistiques et vous ne douterez plus que j’ai du biscuit! Mais je ne me fais aucune illusion, comme d’habitude, vous allez minorer, dénigrer ou tronçonner ces éléments,]
Ce n’est pas vous qui parliez de l’un de vos amis « aigri, qui croit que tout le monde lui en veut et se trouve des boucs émissaires » ? Arrêtez d’essayer de dévaloriser par avance la réponse de l’autre en jouant les Caliméro…
[mais il n’en restera pas moins que, comme dans notre débat sur les revenus nets comparés des avocats et des ingénieurs, ils approcheront bien plus la réalité que vos seules intuitions ou “raisonnements”.]
Ou que vos théories sur la fondation de l’Ecole normale ? Allons, allons… ne jouez pas à Galilée, vous ne risquez pas d’être envoyé au bûcher…
[1/ Quand vous dîtes qu’avant 68 on trouvait plus de fils des classes populaires dans les écoles d’ingénieurs et les écoles normales que dans les Universités, c’est FAUX. En 1965, 45% des étudiants des Universités étaient d’origine populaires quand il n’était que 15% à Polytechnique, l’ENA et l’ENS]
Sauf que je ne dis pas ça dans mon papier. J’ai dit quelque chose qui ressemble (je parlais de « fils d’ouvriers » et non de « fils des classes populaires ») en réponse à un commentaire. Et maintenant, sur le fond :
Pour refuter mon affirmation, qui comparait la proportion de fils d’ouvriers dans les écoles normales et les écoles d’ingénieur, vous comparez la proportion d’enfants « d’origine populaire » ( !?) dans l’ENSEMBLE de l’université à celle dans les trois écoles « du haut du panier ». Il faudrait comparer ce qui est comparable : d’un côté, la proportion d’enfants des couches populaires en master (puisque les écoles d’ingénieur sont des formations de deuxième cycle), de l’autre côté la moyenne sur l’ensemble des écoles d’ingénieur et des écoles normales. D’ailleurs, que vient faire l’ENA (qui est une école d’application) dans cette galère ?
J’ajoute que si l’on prend la proportion de diplômés, alors la balance était encore plus favorable aux grandes écoles. Car le 15% de fils d’ouvrier qui accèdent à une école d’ingénieurs ou une école normale arrivent au diplôme presque sans déperdition. Ce n’est pas tout à fait le cas en master… En moyenne sur la période 1970-80, 20% d’élèves recevant un diplôme d’ingénieur d’une école habilité à le délivrer étaient d’origine populaire (dont 12% d’ouvriers). Ils n’étaient que 12% (dont 6% d’ouvriers) à se voir délivrer un diplôme bac+5 à l’université (chiffres publiées dans une étude de la direction des études de l’Ecole centrale).
J’ajoute que ces chiffres sont compatibles avec celles fournies par l’une des références que vous donnez plus bas, et qui cite l’article de Euriat et Thélot de 1995 : « Selon les deux chercheurs, « la proportion (de ces) jeunes d’origine “populaire” dans les quatre grandes écoles retenues (Polytechnique, l’Ecole normale supérieure, HEC et l’Ena) a beaucoup diminué : environ 29 % des élèves étaient d’origine populaire dans la première moitié des années cinquante, 9 % aujourd’hui (en 1995, ndlr) » ». Comme quoi, mon commentaire n’est pas si évidement « faux » qu’il vous paraît…
[L’Université a été, et est toujours, le lieu de formation supérieure privilégié des classes populaires.]
Si vous le dites… mais j’attends avec impatience vos « billes ».
[Ceux qui envoient la plus grande proportion d’une classe d’âge chez leurs enfants à l’Université sont dans l’ordre : les chômeurs, les ouvriers, les employés, les professions intermédiaires, les agriculteurs et les commerçants et enfin les cadres supérieurs.]
Peut-être. Mais lorsqu’ils arrivent au diplôme bac+5, quelle est la proportion ?
[2/ Quand vous reprenez l’antienne de MLP sur l’effondrement de la place des enfants des classes populaires parmi les élèves des grandes écoles C’EST ENCORE UNE FOIS FAUX. Cela vous arrange (…)]
Je trouve intéressant de constater qu’après avoir affirmé que mon observation est fausse, vous n’enchaînez pas avec un argument, mais avec un procès d’intention. Ce serait « faux » parce que « cela m’arrange » ?
[car cela vous permet de faire “boucler” votre discours monomane sur les “classes moyennes”, mais c’est FAUX. Par exemple, sur les cohortes 1963-1969 des étudiants de l’ENA, 2.8% étaient des fils d’ouvriers ; entre 2008-2012, ce taux est passé à 3.5%.]
Que vient faire l’ENA là dedans ? L’ENA est une école d’application, et non de formation initiale. Dans mon article, je n’aborde pas une seule fois cette question. Vous pouvez donc difficilement utiliser les chiffres de l’ENA pour réfuter mon commentaire.
[Et la même chose vaut pour Polytechnique :]
Encore Polytechnique ? Je vous rappelle que vous m’aviez reproché par ailleurs d’identifier « les écoles d’ingénieur » avec « centrale et polytechnique ». Or, chaque fois que vous donnez des exemples, vous n’avez que « polytechnique, l’ENA et l’ENS »…
[3/ Quand vous dites que la démocratisation des études universitaires est un piège tendu par les classes moyennes aux classes populaires afin d’avoir leur peau c’est également FAUX.]
Mais quand ais-je dit pareille chose ? D’une part, je n’ai pas une vision machiavélienne de la société. Il n’y a pas de « pièges tendus » par une classe à une autre. Et d’autre part, je ne me souviens pas d’avoir parlé de « démocratisation des études universitaires ». Je veux bien soutenir ce que j’écris, mais je ne vois pas pourquoi je devrais me défendre des affirmations que vous me prêtez.
[En effet, la massification des études à fortement contribué à diminuer l’inégalité des chances entre les fils d’ouvriers et les fils de cadres. Alors que dans les années 60, une part très significative (allant de 60% à 100% selon le niveau de diplôme) du différentiel de performance scolaire s’expliquait par des facteurs comportementaux (en gros la propension à faire des études) plutôt que par des facteurs objectifs (le niveau scolaire), ce facteur comportemental s’est effondré depuis pour ne représenter, dans les années 2000, que à 10% à 50% du différentiel de performance scolaire.]
Je n’ai rien compris. C’est quoi la « performance scolaire » dont vous parlez ? Le niveau de diplôme atteint ? Dans ce cas, il est très facile d’augmenter la « performance scolaire ». Donnons à tout le monde un diplôme de doctorat à retirer en mairie le jour de vos dix-huit ans sans autre condition, et nous aurons une performance scolaire exceptionnelle…
Je ne comprends pas non plus ce que la variation de la « propension à faire des études » démontre. Ce que je comprends, c’est que dans les années 1960 les enfants des couches populaires QUI AVAIENT LE NIVEAU SCOLAIRE REQUIS ne songeaient pas à faire des études, alors que maintenant ils le font. Mais quel rapport avec la « massification » ?
[Pour les classes préparatoires que vous chérissez tant, en 1962, plus de 90% du différentiel d’accès en fin de terminale entre enfants des classes populaires et enfants des classes supérieures s’expliquait par l’habitus social ; dans les années 2000, ce chiffre est tombé aux alentours de 50%.]
Et pourtant, il n’y a pas eu de massification. Donc, tirer des conclusions sur les effets de la massification sur la base de cet indicateur n’a pas de sens. CQFD.
[4/ Enfin, si l’on élargit la réflexion à la mobilité sociale au sens large, il apparaît, CONTRAIREMENT A CE QUE VOUS NE CESSEZ D’AFFIRMER, que notre société est PLUS FAVORABLE aux classes populaires que ne l’était celle des années 50.]
Pourtant, c’est exactement le contraire qu’on peut lire dans les références que vous avez cité.
Y. Besançon écrit : « Le premier constat fait état d’une amélioration durant les Trente Glorieuses. (…) Le tableau s’assombrit en revanche depuis une vingtaine d’années sous l’influence de la dégradation de la situation de l’emploi (développement du chômage de masse et précarisation de l’emploi) et des effets de la mondialisation en termes de dualisme sociétal : diminution depuis le milieu des années 80 du ratio mobilité ascendante/mobilité descendante selon les travaux du sociologue Louis-André Vallet (1), déclassement scolaire (défini comme la dévalorisation du titre scolaire) selon la chercheuse Marie Duru-Bellat (2), spirale du déclassement selon le sociologue Louis Chauvel (3), stabilisation à un niveau encore élevé du “rapport de chances” entre enfants de cadres et enfants d’ouvriers (en 2012, un fils de cadre avait ainsi près de trente fois plus de “chances” qu’un fils d’ouvrier de devenir cadre plutôt qu’ouvrier), etc. ». Faut croire que la question est bien moins évidente que vous ne le pensez…
[La société des années 50 était encore une société de caste, marquée par la force de la reproduction et la faiblesse de la fluidité sociale,]
C’est inexact. D’abord, la guerre avait bouscule pas mal de cadres sociaux, elle avait libéré un grand nombre de places qui ont permis fabriqué un premier appel d’air. La reconstruction puis la croissance économique des « trente glorieuses » a maintenu et amplifié cet effet. Tout à coup, l’industrie, l’économie, l’éducation, l’administration ont eu besoin de cadres en grand nombre que la simple reproduction des élites anciennes ne pouvait pas combler. Au point que certaines entreprises – EDF et GDF par exemple – se sont organisées pour promouvoir les ouvriers les plus méritants au grade d’ingénieur en fondant des écoles maison.
Ce qui alimente l’ascenseur social, ce n’est pas telle ou telle réforme de l’éducation. C’est la croissance. Quand la société croit, elle a des besoins en ressources humaines que la simple reproduction des élites ne peut pas satisfaire. Et pour remplir les places vacantes, on promeut nécessairement ceux qui sont en dessous sans que ceux qui sont en dessus se sentent menacés. Lorsque la société ne croît pas, ceux d’en bas ne peuvent monter que si ceux d’en haut descendent… et c’est là que l’ascenseur s’arrête.
Je crois que vous avez une idée fausse des années 1950. Oui, dans ses formes extérieures la société restait une société d’ordres et de castes. Mais dans les faits, l’étanchéité des lignes de partage a été très tôt remise en cause pour satisfaire les besoins du pays. Et ce n’est pas la première fois que cela arrive : on a eu le même phénomène dans toutes les périodes de forte croissance, ou chaque fois que les élites traditionnelles ont été balayées par une guerre ou une révolution.
[alors que notre société, notamment grâce à la massification de l’enseignement supérieur a nivelé les différences d’opportunités entre les enfants des classes supérieures et ceux des classes populaire d’un FACTEUR 3. Ainsi, alors que dans les années 60, les enfants de cadres avec 90 fois plus de chances que les enfants d’ouvriers de devenir cadres plutôt qu’ouvriers, ce facteur est passé sous les 30 dans les années 2010, illustrant à la fois l’augmentation de la probabilité des enfants d’ouvriers à s’élever socialement mais également celle des enfants de cadres à s’abaisser socialement.]
Curieusement, vous ne donnez pas l’exemple le plus éclatant de cette réussite : dans les années 1950, seul 20% des lycéens décrochaient le baccalauréat. On est à 80% et les chiffres ne cessent de monter…
Votre raisonnement contient la même erreur que celle que vous dénonciez dans le décompte de la proportion d’ouvriers dans les grandes écoles. La proportion de cadres dans l’ensemble des travailleurs a augmenté massivement depuis les années 1950. Il est donc normal qu’un enfant aujourd’hui ait plus de chances – quelque soit son origine – de devenir cadre qu’il n’en avait par le passé. Seulement, devenir cadre en 1950 et devenir cadre aujourd’hui, ce n’est pas du tout la même chose, précisément parce que le cadre s’est banalisé. A l’heure d’évaluer le fonctionnement de l’ascenseur social, je pense que le meilleur indicateur reste la pyramide des salaires.
[Voilà mes billes: elles sont magnifiques, elles brillent dans ma main de tout leur chatoiement.]
Comme quoi, l’autosatisfaction et le manque de sens critique n’est pas le monopole des ingénieurs…
@ Descartes,
Bonjour, je suis avec grand intérêt tous ces échanges autour des questions d’éducation, et je suis assez d’accord avec vous (bien que n’étant pas ingénieur, et n’ayant jamais suivi de cursus de ce type, en dépit sans doute des espérances de mon père). Merci en tout cas à tous les contributeurs, en particulier odp qui, en malgré ses outrances, a le mérite de porter la contradiction.
“La spécialisation, le manque de curiosité « généraliste » sont le cancer de notre époque, et il ne touche pas que les ingénieurs.”
Je voudrais faire une remarque là-dessus: oui, vous avez raison, terriblement raison, et j’ai l’occasion de m’en apercevoir au quotidien.
Non seulement il y a un manque de curiosité général, mais j’irai même plus loin en disant que de nos jours, la culture passe rapidement pour de la prétention. Un exemple parmi d’autres: je connais quasiment tous les rois de France, avec leurs dates de règne et leur filiation, je les ai appris quand j’étais adolescent, pour m’amuser. Eh bien, il arrive que certains collègues, encore récemment, me disent: “mais à quoi ça te sert?”. Ben à rien, sinon à me faire plaisir (encore que ce ne soit pas complètement inutile dans mon métier). Quand j’étais jeune, je ne sortais pas ou rarement, je préférais rester chez moi et apprendre. Beaucoup de gens s’imaginent que j’ai eu une jeunesse ennuyeuse, mais pas du tout: aujourd’hui encore, vous me donnez une encyclopédie, et je passe l’après-midi à la feuilleter, heureux comme un roi…
Mais surtout, je pense comme vous qu’il faut diversifier sa culture: pour ma part, je suis historien de formation, mais je m’intéresse aussi à la géologie, à la biologie, à la zoologie, à l’astronomie… Bien sûr, je ne suis pas “expert” dans ces domaines-là, on ne peut l’être en tout, je ne comprends pas tout, mais quand on me parle de tectonique des plaques, de roches sédimentaires ou d’arbre phylogénétique, je sais à peu près de quoi il retourne.
Le temps aidant, je dois rendre hommage à une personne: mon père. Il a exercé pendant de longues années la fonction de professeur de SVT dans le secondaire. Mais il s’intéressait (et il s’intéresse encore, c’est un grand lecteur) à tout. A la maison, il y avait aussi des livres d’histoire et surtout des encyclopédies généralistes, une en particulier: “Tout l’univers” des éditions Hachette. Quand j’étais petit, ça datait déjà un peu puisque elle avait été éditée dans les années 60. Il y avait vraiment tout là-dedans, dans des courts articles (une page ou deux maxi), dans une langue accessible pour les enfants, avec des illustrations: histoire, géographie, mécanique, physique, biologie, etc. De tels outils manquent un peu de nos jours. Avec un peu de candeur, je dois dire que j’ai longtemps pris pour des évidences des éléments qui tiennent à l’éducation que j’ai reçu et à la culture qu’il y avait chez moi.
Compte tenu de vos remarques, je crois effectivement que la spécialisation survient un peu trop tôt à l’université. Avant d’arriver en licence, j’ai fait deux années de prépa (hypokhâgne et khâgne) et il faut bien reconnaître que l’enseignement y était plus varié. A l’université, je me souviens de la difficulté à trouver un cours de latin, étant étudiant en histoire, un comble! Il m’avait fallu aller dans un cours pour les étudiants en lettres modernes, en auditeur libre. La spécialisation est nécessaire, mais elle devrait s’appuyer sur une bonne culture généraliste. J’ai un ami qui est enseignant à l’université, en histoire ancienne. C’est quelqu’un qui a une vaste culture, littéraire, cinématographique, théologique, philosophique, etc. Il me dit parfois qu’il peine à discuter avec certains de ses collègues qui, sortis leur pré carré, ne s’intéressent pas à grand-chose.
Voilà, c’étaient quelques remarques en passant, pas forcément d’un grand intérêt par rapport à d’autres interventions, mais un petit témoignage personnel.
@ odp
Bonjour,
“”Or, il s’avère qu’à l’occasion de ce énième procès des “classes moyennes”, et des réactions bêlantes des “ingénieurs” parmi les commentateurs, j’ai quelque peu revécu, toutes proportions gardées, la scène: un gourou traquant obsessionnellement un bouc émissaire”””
Là encore, je m’inscris en faux contre vos assertions. Si vous lisez attentivement les commentaires des lecteurs fidèles de ce blog, vous constaterez que Descartes ne fait pas l’unanimité notamment sur sa thèse concernant les classes moyennes.
Cependant, ses arguments ne manquent pas de pertinence et un esprit rationnel, ingénieur ou pas, doit lui concéder la cohérence de ses explications. Il en est de même pour son “penchant” souverainiste. A aucun moment ne perce danses propos des pulsions ou répulsions irrationnelles. Et ses réponses sont toujours d’une courtoisie exemplaire qui lui assure naturellement une certaine autorité qui n’a rien à voir avec une attitude de “gourou”.
Vos propres propos se présentent sur un mode vindicatif qui altère irrémédiablement leur crédibilité, je suis désolé de vous le dire. Si personnellement je n’adhère pas inconditionnellement aux convictions de notre hôte, je ne bêle pas pour autant mais je n’ai pas d’argument déterminant à lui opposer et je ne veux pas me cantonner dans une position infantile de rejet systématique pour la seule raison que je pourrais me sentir plus ou moins concerné ou visé par ses flêches.
@ Descartes
[Pour refuter mon affirmation, qui comparait la proportion de fils d’ouvriers dans les écoles normales et les écoles d’ingénieur, vous comparez la proportion d’enfants « d’origine populaire » ( !?) dans l’ENSEMBLE de l’université à celle dans les trois écoles « du haut du panier ». Il faudrait comparer ce qui est comparable : d’un côté, la proportion d’enfants des couches populaires en master (puisque les écoles d’ingénieur sont des formations de deuxième cycle), de l’autre côté la moyenne sur l’ensemble des écoles d’ingénieur et des écoles normales. D’ailleurs, que vient faire l’ENA (qui est une école d’application) dans cette galère ?]
Une différence de facteur 3 pour une réalité sinon identique du moins similaire aurait dû suffire à clore le débat. Je vois qu’avec vous c’est impossible. Je ne peux donc que répéter ce que je vous ai déjà dit: si mes chiffres ne capturent pas l’intégralité de la réalité, ils s’en rapprochent bien plus que vos intuitions.
[J’ajoute que si l’on prend la proportion de diplômés, alors la balance était encore plus favorable aux grandes écoles. Car le 15% de fils d’ouvrier qui accèdent à une école d’ingénieurs ou une école normale arrivent au diplôme presque sans déperdition. Ce n’est pas tout à fait le cas en master… En moyenne sur la période 1970-80, 20% d’élèves recevant un diplôme d’ingénieur d’une école habilité à le délivrer étaient d’origine populaire (dont 12% d’ouvriers). Ils n’étaient que 12% (dont 6% d’ouvriers) à se voir délivrer un diplôme bac+5 à l’université (chiffres publiées dans une étude de la direction des études de l’Ecole centrale).]
Pourquoi cette focalisation sur les bac +5 ? Pourquoi faudrait-il ramener l’Université à une cohorte qui rassemblait largement moins de 10% de ses étudiants? Sachez que, dans les années 70, l’Université délivrait bien d’autres diplômes que ceux de bac+5: on appelait ça le DEUG, la Licence et la Maîtrise, lesquels étaient largement suffisant pour se présenter (et être reçu) au différents concours de la fonction publique qui constituaient le déversoir principal pour les enfants des classes populaires ayant choisi de faire des études longues.
[J’ajoute que ces chiffres sont compatibles avec celles fournies par l’une des références que vous donnez plus bas, et qui cite l’article de Euriat et Thélot de 1995 : « Selon les deux chercheurs, « la proportion (de ces) jeunes d’origine “populaire” dans les quatre grandes écoles retenues (Polytechnique, l’Ecole normale supérieure, HEC et l’Ena) a beaucoup diminué : environ 29 % des élèves étaient d’origine populaire dans la première moitié des années cinquante, 9 % aujourd’hui (en 1995, ndlr) » ». Comme quoi, mon commentaire n’est pas si évidement « faux » qu’il vous paraît…]
Si vous lisiez un peu plus avant l’article du Monde (ou encore mieux, l’article de Thélot) vous verriez pourquoi votre commentaire est faux. La raison principale est que la proportion d’enfants de classes populaires s’est effondrée entre les années 50 et le milieu des années 90 quand l’étude a été faite. C’est pour ça que le seul moyen d’étudier le phénomène “toutes choses étant égales par ailleurs” est de raisonner entre terme de probabilité; et à cet aune on en peut que constater que la probabilité pour un enfant des classes populaire d’intégrer X ou l’ENA a augmenté des années 50 au mileu des années 90.
[Je n’ai rien compris. C’est quoi la « performance scolaire » dont vous parlez ? Le niveau de diplôme atteint ? Dans ce cas, il est très facile d’augmenter la « performance scolaire ». Donnons à tout le monde un diplôme de doctorat à retirer en mairie le jour de vos dix-huit ans sans autre condition, et nous aurons une performance scolaire exceptionnelle…]
Lisez mieux: la performance scolaire, c’est la qualité des copies.
[Je ne comprends pas non plus ce que la variation de la « propension à faire des études » démontre. Ce que je comprends, c’est que dans les années 1960 les enfants des couches populaires QUI AVAIENT LE NIVEAU SCOLAIRE REQUIS ne songeaient pas à faire des études, alors que maintenant ils le font. Mais quel rapport avec la « massification » ?]
Vous avez compris: cela concerne ceux qui avaient le niveau requis; et c’est tout le point. Dans la société très hiérarchisée des années 50 dont vous êtes si nostalgique, nombre d’enfants des classes populaires ne poursuivaient pas d’études alors qu’ils avaient le niveau (un problème d’habitus pourrait-on dire). La massification des études et la culture égalitaire que vous détestez tant a fait sauter cette barrière: ils sont donc plus nombreux à tenter. Et à réussir. “Merci les libéraux-libertaires” disent les enfants des classes populaires.
[Pourtant, c’est exactement le contraire qu’on peut lire dans les références que vous avez cité. Y. Besançon écrit : « Le premier constat fait état d’une amélioration durant les Trente Glorieuses. (…) Le tableau s’assombrit en revanche depuis une vingtaine d’années sous l’influence de la dégradation de la situation de l’emploi (développement du chômage de masse et précarisation de l’emploi) et des effets de la mondialisation en termes de dualisme sociétal : diminution depuis le milieu des années 80 du ratio mobilité ascendante/mobilité descendante selon les travaux du sociologue Louis-André Vallet (1), déclassement scolaire (défini comme la dévalorisation du titre scolaire) selon la chercheuse Marie Duru-Bellat (2), spirale du déclassement selon le sociologue Louis Chauvel (3), stabilisation à un niveau encore élevé du “rapport de chances” entre enfants de cadres et enfants d’ouvriers (en 2012, un fils de cadre avait ainsi près de trente fois plus de “chances” qu’un fils d’ouvrier de devenir cadre plutôt qu’ouvrier), etc. ». Faut croire que la question est bien moins évidente que vous ne le pensez…]
Pourtant, si un fils de cadre avait près de trente fois plus de “chances” qu’un fils d’ouvrier de devenir cadre plutôt qu’ouvrier en 2012 alors que ce rapport était de 94 fois dans les années 50, c’est bien que la situation s’est améliorée…
[Ce qui alimente l’ascenseur social, ce n’est pas telle ou telle réforme de l’éducation. C’est la croissance. Quand la société croit, elle a des besoins en ressources humaines que la simple reproduction des élites ne peut pas satisfaire. Et pour remplir les places vacantes, on promeut nécessairement ceux qui sont en dessous sans que ceux qui sont en dessus se sentent menacés. Lorsque la société ne croît pas, ceux d’en bas ne peuvent monter que si ceux d’en haut descendent… et c’est là que l’ascenseur s’arrête.]
Bien sûr, et c’est pour ça qu’il faut féliciter nos gouvernants à avoir réussi à maintenir un semblant d’ascenseur social alors que la croissance est en berne. Je note qu’implicitement vous dites que la comparaison avec les 30 glorieuses n’a pas de sens. Je suis tout à fait d’accord. Pourtant, cette comparaison, vous ne manquez pas de faire la faire pour disqualifier le temps présent.
[Comme quoi, l’autosatisfaction et le manque de sens critique n’est pas le monopole des ingénieurs…]
La différence, c’est que moi je suis content après avoir effectué un travail; pas juste en me regardant le nombril.
@odp
“”Donc un conseil messieurs les ingénieurs lecteurs de ce blog : sur ce qui sort des problèmes de carburateurs, de bouchons et de code et plus particulièrement sur ce qui a trait au domaine de la « pensée », bossez plus et ensuite on en reparlera.””
En matière de carburateur, c’est plutôt vous qui faites de l’auto allumage dès que l’on agite devant vous le mot “ingénieur”. Je n’irai sans doute pas généraliser à partir de ma propre expérience, cependant, je pratique une activité sportive avec assiduité où je rencontre de nombreux membres des catégories socio-professionnelles dites supérieures de plus de 50 ans en particulier. La proportion d’ingénieurs y est approximativement semblable à ce que l’on rencontre ailleurs dans cette catégorie. Et je suis régulièrement étonné de la pauvreté des sujets qui sont traités au cours des conversations.
Le niveau intellectuel me semble très souvent assez banal et pourtant, sans être des “intellectuels” – mais au juste qu’est-ce qu’un intellectuel ?, ils n’en demeurent pas moins des praticiens de professions intellectuelles.
J’insiste sur cette notion d’intellectuel.
Est-ce quelqu’un capable d’une pensée profonde sur un ou plusieurs sujets et qui apporte un plus au progrès de l’humanité mais alors il n’y a pas probablement qu’une très faible proportion d’intellectuels dans la population.
Ou alors, il s’agit à l’opposé de tout être humain capable, par sa réflexion et son niveau de connaissances, de s’extraire de la doxa et des vérités communément admises sans pour autant bénéficier d’une preuve tangible de leur fondement. Dans ce cas, être ou ne pas être ingénieur, ne participe en rien à l’affaire.
La même proportion d’imbéciles se rencontre dans toutes les couches sociales. Seul leur pouvoir de nuisance les différentie.
@ Descartes
[J’avoue que je ne vois pas le rapport entre les deux choses]
Dans “Le Siècle Juif”, remplacez “Juif” par “classe moyenne” et vous comprendrez. Sinon, je suis d’accord, le bouquin de Traverso n’est pas très pénétrant mais c’est, pour qui n’est pas familier avec le sujet, une bonne introduction. Le Szleskin est d’un tout autre calibre.
@ nationaliste-ethniciste
[Non seulement il y a un manque de curiosité général, mais j’irai même plus loin en disant que de nos jours, la culture passe rapidement pour de la prétention. Un exemple parmi d’autres: je connais quasiment tous les rois de France, avec leurs dates de règne et leur filiation, je les ai appris quand j’étais adolescent, pour m’amuser. Eh bien, il arrive que certains collègues, encore récemment, me disent: “mais à quoi ça te sert?”. Ben à rien, sinon à me faire plaisir (encore que ce ne soit pas complètement inutile dans mon métier). Quand j’étais jeune, je ne sortais pas ou rarement, je préférais rester chez moi et apprendre. Beaucoup de gens s’imaginent que j’ai eu une jeunesse ennuyeuse, mais pas du tout: aujourd’hui encore, vous me donnez une encyclopédie, et je passe l’après-midi à la feuilleter, heureux comme un roi…]
Je suis tout à fait d’accord. Je me souviens d’une phrase que ma mère aimait à citer quand j’étais enfant : « Pourquoi je vis ? Parce que c’est joli ! ». Il y a dans la connaissance du monde une dimension esthétique qui semble s’être perdue. Une connaissance, un effort ne vaut que s’il est rentable immédiatement et individuellement. L’idée qu’on puisse y retirer un plaisir est devenue presque inconvenante.
De même, il devient socialement inacceptable d’avoir pris du plaisir dans ses études. L’école doit être, presque par définition, un lieu d’ennui. Les personnalités médiatiques ne perdent pas d’opportunité de signaler combien l’école était abrutissante, combien les disciplines qui y étaient enseignées étaient absconses et inutiles, combien ils se sont construits « contre » l’école et non grâce à elle. C’est le loisir qui est valorisé, mais un loisir bête, délivré de toutes ces disciplines intellectuelles qui sont synonyme d’ennui.
[Le temps aidant, je dois rendre hommage à une personne: mon père. Il a exercé pendant de longues années la fonction de professeur de SVT dans le secondaire. Mais il s’intéressait (et il s’intéresse encore, c’est un grand lecteur) à tout. A la maison, il y avait aussi des livres d’histoire et surtout des encyclopédies généralistes, une en particulier: “Tout l’univers” des éditions Hachette.]
On n’a pas besoin de tout savoir pour s’intéresser à tout. Mon grand-père (qui n’avait pas atteint le certificat d’études mais qui avait passé sa vie à lire) répétait « je suis humain, et rien de ce qui est humain ne m’est étranger ». Chez lui, il y avait des murs entiers couverts de livres, en quatre langues. Ma mère a perpétué la tradition, et moi aussi à mon tour. Mais tout le monde n’a pas la chance d’avoir des parents qui ont les moyens et l’envie de transmettre cette curiosité, et c’est là que l’école – mais aussi les médias – entrent en jeu.
[Compte tenu de vos remarques, je crois effectivement que la spécialisation survient un peu trop tôt à l’université. Avant d’arriver en licence, j’ai fait deux années de prépa (hypokhâgne et khâgne) et il faut bien reconnaître que l’enseignement y était plus varié. A l’université, je me souviens de la difficulté à trouver un cours de latin, étant étudiant en histoire, un comble! Il m’avait fallu aller dans un cours pour les étudiants en lettres modernes, en auditeur libre. La spécialisation est nécessaire, mais elle devrait s’appuyer sur une bonne culture généraliste.]
Tout à fait. Mais le problème dépasse l’Université. Ce qu’on peut reprocher à cette vénérable institution, c’est de céder à la demande des étudiants – j’ai failli écrire « des clients » – d’une « rentabilité » à courte vue qui exclut du cursus de formation tout ce qui n’est pas perçu comme « utile », c’est-à-dire, immédiatement monnayable dans l’activité professionnelle.
De ce point de vue, les « grandes écoles » ont mieux résisté, peut-être parce que le poids des anciens élèves y est plus grand, et que ceux-ci sont plus conscients du fait que si la spécialisation est un avantage à court terme, c’est à long terme un handicap puisqu’il rend plus difficile une adaptation à des circonstances changeantes. Alors qu’on a assisté à une « course à la spécialisation » dans les universités, les grandes écoles ont fait le chemin inverse. Les plus cotées ont toujours été fières de leur caractère généraliste, mais les autres, traditionnellement spécialisées (Mines, Télécom, Ponts-et-Chaussées, Supélec) ont cherché à sortir de leur spécialisation en introduisant des enseignements diversifiés.
@ odp
[Une différence de facteur 3 pour une réalité sinon identique du moins similaire aurait dû suffire à clore le débat.]
« Similaire » ? Qu’est-ce qu’il y a de « similaire » entre l’ENA et une école d’ingénieurs, franchement ? Qu’est ce qu’il y a de « similaire » entre une formation qui commence au bac et une formation qui commence à bac+2/3 ? Non, votre comparaison ne peut pas « clore la discussion » parce qu’elle n’a pas de sens. Vous comparez « polytechnique, l’ENA et HEC » (c’est-à-dire, trois écoles prises dans le « haut du panier », dont deux sont des formations commençant au niveau licence et la troisième au niveau master) avec l’ENSEMBE des étudiants universitaires (dont plus de la moitié se trouve en premier cycle, donc hors du champ de comparaison), et vous prétendez en tirer une conclusion valable ? Soyons sérieux…
[Je vois qu’avec vous c’est impossible. Je ne peux donc que répéter ce que je vous ai déjà dit: si mes chiffres ne capturent pas l’intégralité de la réalité, ils s’en rapprochent bien plus que vos intuitions.]
En d’autres termes, vous avez l’intuition que vos chiffres s’approchent de la réalité plus que mes intuitions. Parce que, objectivement, il n’y a aucune raison pour que les chiffres issues d’une comparaison aussi saugrenue aient le moindre rapport avec la réalité. Je laisse les lecteurs juger qui de nous deux a la meilleure intuition…
[J’ajoute que si l’on prend la proportion de diplômés, alors la balance était encore plus favorable aux grandes écoles. Car le 15% de fils d’ouvrier qui accèdent à une école d’ingénieurs ou une école normale arrivent au diplôme presque sans déperdition. Ce n’est pas tout à fait le cas en master… En moyenne sur la période 1970-80, 20% d’élèves recevant un diplôme d’ingénieur d’une école habilité à le délivrer étaient d’origine populaire (dont 12% d’ouvriers). Ils n’étaient que 12% (dont 6% d’ouvriers) à se voir délivrer un diplôme bac+5 à l’université (chiffres publiées dans une étude de la direction des études de l’Ecole centrale).]
[Pourquoi cette focalisation sur les bac +5 ?]
Parce que si je compare, il faut comparer ce qui est comparable. La formation d’ingénieur est une formation bac+5. Si l’on veut examiner les filières sous l’angle des possibilités de promotion sociale qu’elles offrent, il faut comparer le nombre d’étudiants des couches populaires au même niveau de formation. Conclure que le bac permet une meilleure promotion sociale que Polytechnique parce qu’il y a plus de fils d’ouvriers bacheliers que polytechniciens n’a pas de sens.
[Pourquoi faudrait-il ramener l’Université à une cohorte qui rassemblait largement moins de 10% de ses étudiants? Sachez que, dans les années 70, l’Université délivrait bien d’autres diplômes que ceux de bac+5: on appelait ça le DEUG, la Licence et la Maîtrise, lesquels étaient largement suffisant pour se présenter (et être reçu) au différents concours de la fonction publique qui constituaient le déversoir principal pour les enfants des classes populaires ayant choisi de faire des études longues.]
Le bac aussi permet de présenter des concours de la fonction publique, et ces concours – celui de postier ou gardien de la paix, par exemple – étaient encore plus importants pour la promotion sociale des couches populaires. Et alors ? Diriez-vous que le bac était plus « populaire » que la maîtrise ? Encore une fois, si l’on veut comparer la composition sociale des filières, il faut les comparer à niveau équivalent…
[Si vous lisiez un peu plus avant l’article du Monde (ou encore mieux, l’article de Thélot) vous verriez pourquoi votre commentaire est faux. La raison principale est que la proportion d’enfants de classes populaires s’est effondrée entre les années 50 et le milieu des années 90 quand l’étude a été faite.]
Là encore, vous faites preuve de mauvaise foi. Dans votre commentaire précédent vous aviez avancé des chiffres montrant que le pourcentage d’enfants issus des couches populaires avait AUGMENTE pendant cette période. L’article, lui, dit qu’elles ont DIMINUE. Et quelle que soit la raison qui explique cette diminution, les deux affirmations sont contradictoires.
[C’est pour ça que le seul moyen d’étudier le phénomène “toutes choses étant égales par ailleurs” est de raisonner entre terme de probabilité; et à cet aune on en peut que constater que la probabilité pour un enfant des classes populaire d’intégrer X ou l’ENA a augmenté des années 50 au mileu des années 90.]
Si on prend cette vision dynamique, il faudrait aussi s’entendre sur ce que c’est un enfant « de classe populaire » aujourd’hui. Parce que « l’effondrement » dont vous parlez résulte plus d’un biais statistique que d’une réalité. Hier, une femme de ménage qui nettoyait l’usine était considérée « ouvrière ». Aujourd’hui, par le fait de la sous-traitance, elle fait le même travail employée par une société de services, et est classée comme « employée de service ».
[« Je n’ai rien compris. C’est quoi la « performance scolaire » dont vous parlez ? Le niveau de diplôme atteint ? Dans ce cas, il est très facile d’augmenter la « performance scolaire ». Donnons à tout le monde un diplôme de doctorat à retirer en mairie le jour de vos dix-huit ans sans autre condition, et nous aurons une performance scolaire exceptionnelle… » Lisez mieux: la performance scolaire, c’est la qualité des copies.]
Et comment évalue-t-on la « qualité des copies » ? La comparaison de la « performance scolaire » sur une longue période suppose donc une grande stabilité dans les niveaux d’exigence dans la notation. Pensez-vous que ce soit le cas ?
[Vous avez compris: cela concerne ceux qui avaient le niveau requis; et c’est tout le point. Dans la société très hiérarchisée des années 50 dont vous êtes si nostalgique,(…)]
Si vous présentiez vos arguments sans y mêler des procès d’intention, la discussion serait nettement plus agréable…
[(…) nombre d’enfants des classes populaires ne poursuivaient pas d’études alors qu’ils avaient le niveau (un problème d’habitus pourrait-on dire). La massification des études et la culture égalitaire que vous détestez tant a fait sauter cette barrière: ils sont donc plus nombreux à tenter. Et à réussir.]
Mais à « réussir » à quoi, exactement ? Vous pensez vraiment que l’ascenseur social fonctionne aujourd’hui mieux et promeut plus que dans les années 1950 ? Vraiment ?
Je vous ai montré pourquoi cette hypothèse n’est pas crédible. La raison est tout simplement que la croissance est faible. Et lorsque la croissance est faible, la mobilité sociale ascendante doit être compensée par une mobilité descendante. Or, s’il y a un sujet sur lequel presque tous les commentateurs sont d’accord, c’est sur le fait que les couches dominantes se reproduisent. La mobilité sociale descendante n’a donc pas lieu. Alors, que deviennent vos étudiants d’origine populaire qui « sont plus nombreux à tenter et à réussir » ?
Oui, là où beaucoup d’étudiants d’origine populaire s’arrêtaient en 1950 au bac, maintenant ils vont jusqu’à la licence. Mais une licence qui a un niveau qui, mutatis mutandis, n’est pas si éloigné d’un bac de 1950… et qui leur offre à peu près les mêmes possibilités d’emploi et de carrière.
[Pourtant, si un fils de cadre avait près de trente fois plus de “chances” qu’un fils d’ouvrier de devenir cadre plutôt qu’ouvrier en 2012 alors que ce rapport était de 94 fois dans les années 50, c’est bien que la situation s’est améliorée…]
Pas nécessairement. Il faudrait pour cela que le statut du « cadre » – et la signification même du terme – soit resté le même que dans les années 1950. Ce qui n’est pas du tout le cas… C’est un peu comme le cas de « l’ouvrier spécialisé ». A la fin du XIXème, le terme désigné l’élite ouvrière. Après 1945, le terme a évolué pour désigner les ouvriers situés en bas de la pyramide. Si on compare les chiffres de 1900 et celles de 1970, vous verrez qu’il y a beaucoup plus d’OS dans l’ensemble des ouvriers. Est-ce que cela peut être considéré comme un progrès ?
[Bien sûr, et c’est pour ça qu’il faut féliciter nos gouvernants à avoir réussi à maintenir un semblant d’ascenseur social (…)]
Un simulacre me parait un terme plus approprié.
[(…) alors que la croissance est en berne. Je note qu’implicitement vous dites que la comparaison avec les 30 glorieuses n’a pas de sens. Je suis tout à fait d’accord. Pourtant, cette comparaison, vous ne manquez pas de faire la faire pour disqualifier le temps présent.]
Je ne vois pas très bien où je dis que « la comparaison avec les 30 glorieuses n’a pas de sens », implicitement ou pas. Bien sûr qu’elle a un sens si on compare ce qui est comparable. Il est évident que reprocher à l’Université ou aux grandes écoles de ne pas permettre la même promotion sociale qu’elles permettaient pendant les « trente glorieuses » n’a pas de sens, et ce n’est pas cela que je dis. Par contre, la comparaison des ratios entre les universités et les grandes écoles, elle, a un sens.
[« Comme quoi, l’autosatisfaction et le manque de sens critique n’est pas le monopole des ingénieurs… » La différence, c’est que moi je suis content après avoir effectué un travail; pas juste en me regardant le nombril.]
Encore un exemple d’autosatisfaction, on dirait. Je crois que vous aggravez votre cas…
@ odp,
“Ensuite il y a des millions de gens très bien qui n’ont aucune culture générale et des dizaines de milliers de gens très cultivés qui sont d’odieux personnages.”
Je me demande quand même d’où sortent ces chiffres… Ou bien vous connaissez la moitié des habitants de ce pays, ou bien c’est un préjugé sans fondement. A moins que vous n’ayez une étude scientifique à citer… En tout cas, si j’en juge par ce que je lis ici ou là, la majorité des criminels, délinquants et djihadistes de notre pays relève quand même de ceux qui n’ont “aucune culture générale”. Pouvez-vous citer un normalien, un polytechnicien, un centralien, ou même un “simple” ingénieur ou docteur des universités, devenu dealer, braqueur ou terroriste? Par ailleurs, “être odieux” c’est très subjectif.
“Par ailleurs, que les choses soient claires: je ne reprocherai jamais à qui que ce soit de ne pas avoir de culture générale.”
Eh bien, vous devriez le lui reprocher. La culture générale n’est pas superflue, loin de là, c’est un plus au quotidien, dans son parcours professionnel et également pour exercer son “métier de citoyen”. Il faut rendre la culture générale désirable, et arrêter de répéter que “c’est pas grave d’être un ignare”. Celui qui a le savoir peut mieux que les autres comprendre le monde, et in fine exercer un pouvoir.
J’attire d’ailleurs votre attention sur un point: vous avez évoqué votre ami ingénieur devenu fervent soralien. Pourquoi croyez-vous que quelqu’un comme Soral a un tel succès (relatif d’ailleurs)? Mais précisément parce qu’il donne l’illusion de posséder une vaste culture générale, parce qu’il cite des auteurs toutes les deux minutes, parce qu’il sait, avec un certain talent, se faire passer pour un “sachant”. Face à ce type de personnage, la culture générale est un atout majeur. Il m’est arrivé d’écouter quelques interventions de Soral: je peux vous dire que les inepties de son discours apparaissent au bout de deux minutes. Il est d’ailleurs très intéressant d’observer la technique oratoire de Soral: débit rapide, digressions fréquentes, multiplication des références à des auteurs variés, usage récurrent des formules “c’est évident”, “tout le monde le sait”, “ça se vérifie”, “il suffit de se renseigner”… Bref, de quoi éveiller les soupçons de toute personne raisonnablement cultivée.
@ odp
[Dans “Le Siècle Juif”, remplacez “Juif” par “classe moyenne” et vous comprendrez.]
Je n’ai pas lu le livre, mais si je crois les critiques, l’auteur consacre une bonne partie de son livre à démontrer que les juifs ont acquis une sorte de « supériorité morale » grâce à la Shoah. Je me demande comment le remplacement de « Juif » par « classe moyenne » pourrait avoir un sens… même chose sur l’analyse de l’auteur sur le stalinisme…
@ Nationaliste-ethniciste
[Merci en tout cas à tous les contributeurs, en particulier odp qui, en malgré ses outrances, a le mérite de porter la contradiction.]
Bonjour NE, mon ami, mon frère. Merci pour vos encouragements qui me vont droit au coeur. Je ne suis pas surpris que vous ayez fait hypokhâgne et khâgne, je vois trouvais d’un niveau bien élevé pour un simple prof d’histoire.
[Pouvez-vous citer un normalien, un polytechnicien, un centralien, ou même un “simple” ingénieur ou docteur des universités, devenu dealer, braqueur ou terroriste? Par ailleurs, “être odieux” c’est très subjectif.]
Malheureusement, dans la gamme “terroristes”, les intellectuels sont légions: Pol-Pot, les Brigades Rouges, Fraction Armée Rouge, la Gauche Prolétarienne, Maurras, Déat, Brasillach, Fontenoy, Heidegger, Mengele, Althusser… et j’en passe et des meilleurs, Quant au terrorisme islamiste, c’est bien connu, les ingénieurs ou scientifiques y sont nombreux: Ousama Ben Laden, Al-Zhawiri, une fraction importante des équipes du 11 Septembre…
Bien sür, cela ne veut pas dire qu’il n’est pas souhaitable quee chacun, dans la mesure du possible et de ses capacités, ne doive pas chercher à accroître sa connaissance du monde et plus particulièrement des hommes, mais force est de constater que cela ne suffit pas et peut même nourrir, dans certains cas, une hybris mortifère.
@ NE
[J’attire d’ailleurs votre attention sur un point: vous avez évoqué votre ami ingénieur devenu fervent soralien. Pourquoi croyez-vous que quelqu’un comme Soral a un tel succès (relatif d’ailleurs)? Mais précisément parce qu’il donne l’illusion de posséder une vaste culture générale, parce qu’il cite des auteurs toutes les deux minutes, parce qu’il sait, avec un certain talent, se faire passer pour un “sachant”. Face à ce type de personnage, la culture générale est un atout majeur. Il m’est arrivé d’écouter quelques interventions de Soral: je peux vous dire que les inepties de son discours apparaissent au bout de deux minutes. Il est d’ailleurs très intéressant d’observer la technique oratoire de Soral: débit rapide, digressions fréquentes, multiplication des références à des auteurs variés, usage récurrent des formules “c’est évident”, “tout le monde le sait”, “ça se vérifie”, “il suffit de se renseigner”… Bref, de quoi éveiller les soupçons de toute personne raisonnablement cultivée.]
Je suis tout à fait d’accord avec vous, c’est pour ça que parmi les catégories sociales éduquées et intégrées, les ingénieurs s’y parmi ceux qui s’y font le plus facilement prendre. Il leur manque le contexte, l’histoire, défaut principal de leur formation comme l’a si bien dit Descartes.
@ Marcailloux
[Les arguments de Descartes ne manquent pas de pertinence et un esprit rationnel, ingénieur ou pas, doit lui concéder la cohérence de ses explications. A aucun moment ne perce danses propos des pulsions ou répulsions irrationnelles. Et ses réponses sont toujours d’une courtoisie exemplaire qui lui assure naturellement une certaine autorité qui n’a rien à voir avec une attitude de “gourou”. Vos propres propos se présentent sur un mode vindicatif qui altère irrémédiablement leur crédibilité, je suis désolé de vous le dire. Si personnellement je n’adhère pas inconditionnellement aux convictions de notre hôte, je ne bêle pas pour autant mais je n’ai pas d’argument déterminant à lui opposer et je ne veux pas me cantonner dans une position infantile de rejet systématique pour la seule raison que je pourrais me sentir plus ou moins concerné ou visé par ses flèches.]
Je vois bien que mes propos ont heurté votre sensibilité et j’en suis navré parce que cela semble oblitérer votre capacité de jugement. Que vous ne détectiez pas les syllogismes, amalgames et autres confusions de Descartes dans ce papier est une chose; mais qu’une fois “affranchi”, vous préfériez détourner le regard pour vous focaliser sur mon ton “vindicatif” est en est une autre et tout ce qu’il y a de plus navrante…
Néanmoins, au delà de ces péripéties, chacun devrait s’accorder, me semble-t-il, sur le fait que corrélation n’est pas causalité et que ce qui est “crédible” ou “cohérent” n’est pas forcément vrai et encore moins pertinent sur le plan politique. Par exemple, la haine antisémite de la fin du 19eme et de la première partie du 20eme siècle en Europe était par exemple tout ce qu’il y a de plus “cohérente”, de même que la vision raciste des blancs d’Afrique du Sud; cela n’implique pas que ni l’une ni l’autre ne soient “vraies” et encore politiquement pertinente. Pareillement, si je dis, à la manière d’un Soral, que Descartes est Juif, que les Juifs bénéficient, pour des raisons historiques, d’un fort tropisme pour les études ainsi que d’un bon niveau socio-culturel à l’inverse, par exemple, des musulmans et que Descartes et les autres membres de sa communauté (Finkielkraut, Zemmour, E. Levy…) qui défendent les filières les plus élitistes cherchent en réalité à interdire la diffusion du goût des études parmi les populations défavorisées d’origine musulmane afin de les maintenir dans un état de sujétion et de défendre la position dominante de leur communauté, c’est “cohérent” et “crédible”, mais ça ne veut pas dire que c’est vrai et encore moins pertinent.
D’une manière plus générale, il me semble que, pour des gens qui n’ont pas forcément de culture politique “immédiate” (et ils sont très nombreux sur ce blog, moi y compris), la grande qualité des papiers de Descartes devrait être de pousser à lire, pour prolonger ou infirmer ses réflexions, plutôt que de se contenter d’une forme de prêt-à-penser confortable qu’il nous livre. Lisez donc. Lisez “La Droite Révolutionnaire” de Zeev Sternhell, lisez “Ni Droite, Ni Gauche” ou “Les Anti-Lumières” du même Sternhell, lisez “L’Action Française” d’Eugen Weber, lisez “La Dérive Fasciste” de Philippe Burrin, lisez “Les Non-Conformistes des Années 30” de Jean-Louis Loubet Del Bayle, lisez les biographies de Staline et de Doriot par Jean-Jacques Marie, lisez “Le Communisme, Une Passion Française” de Marc Lazar, lisez “Les Terres de Sang” de Thimothy Snyder, lisez “Les Racines Intellectuelles du 3eme Reich” de Georges Mosse, lisez “Le Siècle Juif” de Yuri Szelskin, lisez les ouvrages de Nicolas Werth etc… Vous pouvez même visionner les vidéos d’Alain Soral.
Ceci fait, vous verrez quelle est la généalogie de la pensée de Descartes et quels en sont les prolongements. Peut-être porterez-vous alors un autre regard sur certaines de ses options politiques.
@ odp
[Je ne suis pas surpris que vous ayez fait hypokhâgne et khâgne, je vois trouvais d’un niveau bien élevé pour un simple prof d’histoire.]
Ah… quel aveu délicieux…
Ainsi, vous m’expliquiez il n’y a pas si longtemps que les « vrais scientifiques » étaient à l’Université, qu’il n’y avait que celle-ci pour donner la meilleure formation, particulièrement lorsque les humanités sont concernées. Et ici vous reconnaissez ne pas être surpris que NE soit passé par des classes préparatoires, parce que « son niveau est bien élevé pour un simple (i.e. universitaire) professeur d’histoire » ? Avouez que c’est croquignolet…
[Malheureusement, dans la gamme “terroristes”, les intellectuels sont légions: Pol-Pot, les Brigades Rouges, Fraction Armée Rouge, la Gauche Prolétarienne, Maurras, Déat, Brasillach, Fontenoy, Heidegger, Mengele, Althusser… et j’en passe et des meilleurs.]
Heureusement que les ingénieurs ne sont pas des « vrais intellectuels »… En tout cas, on ne les trouve guère parmi les idéologues des organisations qui figurent sur cette liste.
[Quant au terrorisme islamiste, c’est bien connu, les ingénieurs ou scientifiques y sont nombreux: Ousama Ben Laden, Al-Zhawiri, une fraction importante des équipes du 11 Septembre…]
Oussama Ben Laden était « ingénieur ou scientifique » ? D’où tirez-vous ça ? Dans sa fiche biographique sur le site du CF2R, il est écrit que Ben Laden « suit des cours d’économie et de marketing à l’université du roi Abdelaziz à Djedda, en Arabie Saoudite ». Il ne semble pas d’ailleurs qu’il ait donné beaucoup d’importance aux études ou qu’il ait été diplômé. Quant à Al-Zhawiri, selon les articles publiés dans l’Express et Courrier International, il fit des études de médecine au Caire.
Rien à faire, vous voyez des ingénieurs partout…
@ odp
Je me permets d’intervenir dans votre échange avec Marcailloux.
[Que vous ne détectiez pas les syllogismes, amalgames et autres confusions de Descartes dans ce papier est une chose; mais qu’une fois “affranchi”, (…)]
Que voulez-vous, il y a des choses cachées qui ne sont accessibles qu’aux initiés… Je constate en tout cas que vous continuez à essayer de dévaloriser mon discours en faisant références à « syllogismes, amalgames et autres confusions » en général, sans être en mesure d’en détailler une seule. « Calomniez, calomniez, il en restera toujours quelque chose… ».
[Néanmoins, au delà de ces péripéties, chacun devrait s’accorder, me semble-t-il, sur le fait que corrélation n’est pas causalité et que ce qui est “crédible” ou “cohérent” n’est pas forcément vrai et encore moins pertinent sur le plan politique.]
Cela s’applique aussi à votre discours ?
Personne ici ne confond je pense « cohérent » et « vrai ». D’ailleurs, il faudrait faire une différence entre la cohérence « interne » – c’est-à-dire, la cohérence logique entre les différentes parties du raisonnement – et la cohérence « externe » – la compatibilité des prémisses et des conclusions avec les faits connus.
[Par exemple, la haine antisémite de la fin du 19eme et de la première partie du 20eme siècle en Europe était par exemple tout ce qu’il y a de plus “cohérente”,]
Comment une « haine » (qui, rappelons-le, est un sentiment) peut-elle être « cohérente » ? Une théorie raciste ou antisémite peut à la rigueur être « cohérente », mais une « haine », non. Je constate par ailleurs encore une fois vos tentatives d’essayer de faire une amalgame entre la critique que je fais et l’antisémitisme… et ce n’est pas la dernière.
[cela n’implique pas que ni l’une ni l’autre ne soient “vraies”]
Là encore, comment une « haine » pourrait-elle être « vraie » ?
[D’une manière plus générale, il me semble que, pour des gens qui n’ont pas forcément de culture politique “immédiate” (et ils sont très nombreux sur ce blog, moi y compris), la grande qualité des papiers de Descartes devrait être de pousser à lire, pour prolonger ou infirmer ses réflexions, plutôt que de se contenter d’une forme de prêt-à-penser confortable qu’il nous livre.]
Je suis tout à fait d’accord. Je ne prétends pas être un gourou, ni débiter une vérité révélée et indiscutable. Je ne suis qu’un citoyen comme les autres, qui s’intéresse aux problèmes de son temps avec les outils qu’il a. Je n’exprime que mon opinion, et rien d’autre, et je l’exprime avec l’objectif de susciter un débat. Je ne demande qu’une chose : que ce débat soit un échange d’arguments, et non des attaques ad hominem où des reproches généraux dont le seul but est de dévaloriser le discours de l’autre.
[Ceci fait, vous verrez quelle est la généalogie de la pensée de Descartes et quels en sont les prolongements. Peut-être porterez-vous alors un autre regard sur certaines de ses options politiques.]
Vous voyez ce que je voulais dire ?
@ odp,
“Bonjour NE, mon ami, mon frère.”
Seigneur! A ce point là?
“Je ne suis pas surpris que vous ayez fait hypokhâgne et khâgne, je vois trouvais d’un niveau bien élevé pour un simple prof d’histoire”
Eh bien, je vous remercie du compliment mais suis au regret de vous dire que vous êtes injuste. Un ami qui a fait tout son cursus à l’université a obtenu l’agrégation du premier coup (j’ai échoué deux fois et ne suis que certifié), a fait une belle thèse et est maître de conférences. Et sa culture surpasse la mienne dans bien des domaines. Comme quoi…
“Pol-Pot, les Brigades Rouges, Fraction Armée Rouge, la Gauche Prolétarienne, Maurras, Déat, Brasillach, Fontenoy, Heidegger, Mengele, Althusser…”
Il faudrait s’entendre sur ce qu’on appelle “terroriste”. Le terroriste, pour moi, est celui qui passe à l’acte. L’intellectuel qui soutient le terroriste, qui lui apporte sa caution, est complice, mais il n’est pas “terroriste” au sens strict. Pour moi, Maurras ou Brasillach ne sont pas des “terroristes”. Attention, je ne minore pas leur crime: les mots sont des armes, et les intellectuels ont une responsabilité morale, aussi la condamnation de Brasillach et celle de Maurras ne sont pas imméritées. Quant à Heidegger, je vous trouve injuste: le fait de soutenir l’Etat nazi, pour un mandarin allemand (car Heidegger en était un) ne fait pas de vous un “terroriste”, et Heidegger a fait ce que l’immense majorité des notables allemands ont fait. Ne galvaudons pas les mots.
Quant à Pol Pot, c’est un dictateur sanguinaire. Je pense qu’on est là au-delà du terrorisme: il ne s’agissait même plus de “terroriser” les ennemis mais de régénérer le peuple khmer par une rééducation inhumaine…
@ odp
Bonsoir,
« « Ceci fait, vous verrez quelle est la généalogie de la pensée de Descartes et quels en sont les prolongements. Peut-être porterez-vous alors un autre regard sur certaines de ses options politiques. » »
Le « ceci fait » que vous prononcez m’invite finalement à me jetez, méthodologiquement, de Charybde en Scylla. Ce serait, si j’en admets la pertinence, adopter systématiquement le contrepied des thèses de notre hôte. C’est le contrepoint que je retiens.
Je vais avec une hardiesse peut-être imprudente, vous livrer, au moyen d’une analogie musicale, le ressenti de ma participation assidue au blog de Descartes.
Le contrepoint que j’évoque plus haut, élément principal du génie de Bach, constitue l’épine dorsale de ses œuvres. Il apaise et rassure. Il est le modérateur de la ligne mélodique tout en la mettant en valeur.
Eh bien, chez Descartes, ce n’est pas vraiment ses options politiques, que je ne partage pas systématiquement, qui suscitent mon attachement, mais la façon qu’il a de les exprimer, de les présenter.
La ligne mélodique est à l’opinion ce que le contrepoint est à la méthode. Son pseudo de « Descartes » est parfaitement adapté. Son blog offre, fait rarissime et je n’en connais pas d’autres, la possibilité d’un échange approfondi sans concession sur la rigueur des arguments, quelque soit le niveau culturel des interlocuteurs. Il n’y a aucun ostracisme de la part du maitre des lieux et sa patience ne cesse de m’étonner. C’est pour moi, au crépuscule de ma vie, une source de félicité qui me concilie avec la nature humaine.
Et puis il y accueille des gens de grande qualité qui s’y expriment librement avec souvent, du moins je le présume, beaucoup de sincérité. C’est pourquoi, toute forme agressive me heurte en effet.
Le contrepoint n’est jamais dans l’excès.
Néanmoins, j’ai bien aimer vous lire dans la bataille que vous avez livrée à cette gente prétentieuse – à juste titre – qui suscite en vous un rejet d’amoureux éconduit.
Pour terminer sur une note humoristique, je vous rappelle, si besoin est la formule selon laquelle les polytechniciens savent rien sur tout et les centraliens tout sur rien.
Moi qui ai accédé au titre, bien plus modeste, au forceps, j’ai le sentiment de ne pas savoir grand chose sur la plupart des questions qui sont évoquées ici comme ailleurs.
@ Nationaliste-ethniciste
[Seigneur! A ce point là?]
Et oui, que voulez-vous: comme tous les mondialistes, je suis sentimental.
@ Marcailloux
[Le « ceci fait » que vous prononcez m’invite finalement à me jetez, méthodologiquement, de Charybde en Scylla. Ce serait, si j’en admets la pertinence, adopter systématiquement le contrepied des thèses de notre hôte.]
Pas du tout. Notez le “peut-être” dans ma phrase ainsi que le “certaines de ses options politiques”. C’est très modéré. Disons simplement que vous bénéficierez alors d’un bagage qui vous permettra de juger plus finement des thèses de notre hôte.
[Eh bien, chez Descartes, ce n’est pas vraiment ses options politiques, que je ne partage pas systématiquement, qui suscitent mon attachement, mais la façon qu’il a de les exprimer, de les présenter. La ligne mélodique est à l’opinion ce que le contrepoint est à la méthode. Son pseudo de « Descartes » est parfaitement adapté. Son blog offre, fait rarissime et je n’en connais pas d’autres, la possibilité d’un échange approfondi sans concession sur la rigueur des arguments, quelque soit le niveau culturel des interlocuteurs. Il n’y a aucun ostracisme de la part du maitre des lieux et sa patience ne cesse de m’étonner. C’est pour moi, au crépuscule de ma vie, une source de félicité qui me concilie avec la nature humaine. Et puis il y accueille des gens de grande qualité qui s’y expriment librement avec souvent, du moins je le présume, beaucoup de sincérité.]
Je suis tout à fait d’accord avec vous. Je n’enlèverai pas un mot à ce que vous avez écrit. Mais, une fois passée la phase la phase de gratitude et de sidération, rien n’empêche de se demander si les “faits” sur lesquels Descartes appuie ses démonstration sont vrais, ni de se forger une culture politique qui permette de mieux mettre en perspective les thèses de notre hôte. C’est, à vrai dire, tout ce que je demande; surtout à des gens qui se flattent d’être la fine fleur des professions intellectuelles françaises.
[Néanmoins, j’ai bien aimé vous lire dans la bataille que vous avez livrée à cette gente prétentieuse – à juste titre – qui suscite en vous un rejet d’amoureux éconduit.]
Franchement, si vous saviez… Les ingénieurs, je les ai vus veules, grégaires et frustrés en première et terminale scientifique, ploucs mal dégrossis quand je jouais, jeune adulte, dans une équipe de foot composée à 70% de polytechniciens et, pour l’essentiel, étroits et lourdauds dans mon milieu professionnel. Alors dire que je serais un amoureux éconduit, il y a beaucoup de chemin… Mes modèles, je vais les chercher chez les normaliens, pas chez les ingénieurs.
[C’est pourquoi, toute forme agressive me heurte en effet. Le contrepoint n’est jamais dans l’excès]
Tout d’abord, il me semble que la notion de riposte graduée est légitime. Qui vilipende tel individu ou telle catégorie de la population doit s’attendre à être vilipendé à son tour. En général j’essaye de respecter un certain parallélisme des formes.
Il est vrai, toutefois, que certaines choses me font sortir de mes gonds. Notamment quand j’ai l’impression que Descartes manipule ses lecteurs au delà de ce que les règles de la rhétorique autorise. Comme je lui ai déjà dit, la grande culture de Descartes et la confiance de ses lecteurs l’obligent. Il se présente comme un “honnête homme”. Qu’il le soit dans toutes les acceptions du mot et pas uniquement par l’étendue de son savoir. Il est possible que je sois trop exigeant.
@ Descartes
[Ah… quel aveu délicieux…
Ainsi, vous m’expliquiez il n’y a pas si longtemps que les « vrais scientifiques » étaient à l’Université, qu’il n’y avait que celles-ci pour donner la meilleure formation, particulièrement lorsque les humanités sont concernées. Et ici vous reconnaissez ne pas être surpris que NE soit passé par des classes préparatoires, parce que « son niveau est bien élevé pour un simple (i.e. universitaire) professeur d’histoire » ? Avouez que c’est croquignolet.]
Je ne sais pas où vous avez vu ça. J’ai critiqué le cursus des écoles d’ingénieurs mais nulle part ne m’avez-vous vu émettre la moindre opinion négative sur les normaliens que je considère comme l’élite de ce pays, tant en sciences dures qu’en sciences humaines.
Quant à l’articulation entre Normale et l’Université, elle est évidente pour tout le monde sauf pour vous: les Normaliens s’y inscrivent pour préparer l’agrégation, y poursuivent leurs études et formeront une cohorte très importante des futurs professeurs. En réalité, Normale, qui jusqu’à très récemment ne délivrait pas de diplômes, n’est qu’un sas qui permet à certains étudiants triés sur le volet de bénéficier d’une formation d’élite leur permettant de peupler les meilleures formations et les plus hauts postes Universitaires. Normale constitue l’aube de la formation intellectuelle de ses étudiants tandis que les écoles d’ingénieur en sont le crépuscule. C’est toute la différence…
Enfin, ce n’est pas parce que Normale forme sans conteste, en quantité infinitésimale, des étudiants de premier ordre que d’autres cursus ne peuvent trouver leur place, sans rougir, dans le système d’études supérieures français, comme l’illustre le cas de l’ami de NE ou celui de Caton d’Uttique. On n’a d’ailleurs pas encore trouvé mieux, comme rapport qualité-prix, que l’Université pour former les étudiants à la préparation des concours de l’Education Nationale.
@ odp
[« Ainsi, vous m’expliquiez il n’y a pas si longtemps que les « vrais scientifiques » étaient à l’Université, qu’il n’y avait que celles-ci pour donner la meilleure formation, particulièrement lorsque les humanités sont concernées. Et ici vous reconnaissez ne pas être surpris que NE soit passé par des classes préparatoires, parce que « son niveau est bien élevé pour un simple (i.e. universitaire) professeur d’histoire » ? Avouez que c’est croquignolet. » Je ne sais pas où vous avez vu ça. J’ai critiqué le cursus des écoles d’ingénieurs mais nulle part ne m’avez-vous vu émettre la moindre opinion négative sur les normaliens que je considère comme l’élite de ce pays, tant en sciences dures qu’en sciences humaines.]
Je ne vois pas très bien ce que viennent faire les « normaliens » ici. N-E n’est pas normalien que je sache, et votre commentaire s’appliquait à la formation qu’il a reçu dans les classes préparatoires, classes qui n’ont aucun rapport avec l’Université. A moins que maintenant vous vouliez aussi annexer les classes préparatoires à l’Université ?
[Quant à l’articulation entre Normale et l’Université, elle est évidente pour tout le monde sauf pour vous:]
Avez-vous consulté le reste du monde avant de parler en son nom ? Ou avez-vous une délégation permanente ?
[les Normaliens s’y inscrivent pour préparer l’agrégation,]
Ou pas. L’agrégation, va falloir vous résigner, est un concours d’accès à la fonction publique, et non un grade universitaire. Par ailleurs, pas mal d’ingénieurs s’inscrivent à l’Université pour passer des masters ou des doctorats en parallèle, et cela n’en fait pas des universitaires. Je note en tout cas que vous ne donnez plus comme argument que le directeur de l’ENS siège à la conférence des présidents d’université. On progresse…
Vous pouvez répéter autant que vous voulez, les faits sont les faits : les écoles normales par leur recrutement, par la structure de leur enseignement, par leur discipline, par leur esprit de corps appartiennent au système des « grandes écoles » à la française, et non au système universitaire, même si l’ENS alimente l’université en professeurs.
[Normale constitue l’aube de la formation intellectuelle de ses étudiants tandis que les écoles d’ingénieur en sont le crépuscule. C’est toute la différence…]
Vous savez, pas mal de normaliens vont dans l’enseignement ensuite sans poursuivre le doctorat. Et beaucoup d’ingénieurs font un doctorat. Encore une fois, c’est votre haine qui vous aveugle…
[Enfin, ce n’est pas parce que Normale forme sans conteste, en quantité infinitésimale, des étudiants de premier ordre que d’autres cursus ne peuvent trouver leur place, sans rougir, dans le système d’études supérieures français, comme l’illustre le cas de l’ami de NE ou celui de Caton d’Uttique.]
Vous savez, c’est vous qui avez remarqué que notre ami N-E était trop bien formé pour avoir une simple formation universitaire, pas moi. Si quelqu’un devait méditer votre remarque, c’est donc vous-même…
@ Descartes,
“N-E n’est pas normalien que je sache,”
C’est exact, et je dois dire que l’échec fut cuisant. Après un parcours scolaire sans faute, il m’a appris l’humilité. Je ne rougis pas de mon parcours, mais j’ai regretté à l’époque de ne pas être allé directement à l’université après le baccalauréat…
“la formation qu’il a reçu dans les classes préparatoires, classes qui n’ont aucun rapport avec l’Université”
Soyons précis sur cette question: en tant qu’étudiants en classe préparatoire, nous étions inscrits à l’université, pour s’y replier en cas d’abandon. A la fin de la 2ème année, elle nous accordait l’équivalence du DEUG (qui existait encore), et non le DEUG lui-même, notez bien, pour pouvoir nous inscrire en licence. Mais nous ne mettions jamais les pieds à l’université, tous nos cours se déroulaient dans l’enceinte du lycée. Nos professeurs étaient comptés comme enseignants du supérieur (généralement agrégés et titulaires d’un doctorat) mais ils n’avaient pas le titre de maître de conférence ou de professeur des universités, et ils n’enseignaient pas à l’université mais seulement en classe préparatoire. Cette charge de travail (plus d’heures de cours, des années scolaires nettement plus longues puisque alignées sur le secondaire) ne leur laissait que peu de temps pour la recherche. En fait, les classes préparatoires font partie de l’enseignement post-bac dispensé dans les lycées (c’est le cas des BTS également).
@ odp
[Franchement, si vous saviez… Les ingénieurs, je les ai vus veules, grégaires et frustrés en première et terminale scientifique,]
Des ingénieurs en première et en terminale ? Tiens, comment saviez vous à l’époque qu’ils allaient devenir ingénieurs ? Certains d’entre eux sont peut-être devenus des normaliens… après tout, les écoles normales en sciences et les écoles d’ingénieurs recrutent dans le même vivier…
Je vais finir par croire que votre femme vous a quitté pour un polytechnicien…
[Il est vrai, toutefois, que certaines choses me font sortir de mes gonds. Notamment quand j’ai l’impression que Descartes manipule ses lecteurs au delà de ce que les règles de la rhétorique autorise. Comme je lui ai déjà dit, la grande culture de Descartes et la confiance de ses lecteurs l’obligent. Il se présente comme un “honnête homme”. Qu’il le soit dans toutes les acceptions du mot et pas uniquement par l’étendue de son savoir. Il est possible que je sois trop exigeant.]
Il est possible que vous soyez surtout très injuste.
@ nationaliste-ethniciste
[« la formation qu’il a reçu dans les classes préparatoires, classes qui n’ont aucun rapport avec l’Université ». Soyons précis sur cette question: en tant qu’étudiants en classe préparatoire, nous étions inscrits à l’université, pour s’y replier en cas d’abandon. A la fin de la 2ème année, elle nous accordait l’équivalence du DEUG (qui existait encore), et non le DEUG lui-même, notez bien, pour pouvoir nous inscrire en licence. Mais nous ne mettions jamais les pieds à l’université, tous nos cours se déroulaient dans l’enceinte du lycée.]
Exactement mon point. Lorsque odp dit qu’il n’est pas surpris que vous ayez fait des classes préparatoires au vu de votre culture et de votre façon de l’exprimer, ce qu’il est en train de dire c’est que la formation de celui qui sort des classes préparatoires est supérieure à celle de l’université, et que cette supériorité est encore perceptible des décennies plus tard, ce qui n’est pas rien. L’important n’est pas le statut administratif, mais la forme que prend la sélection et la formation. Car on parle ici de formation, et non de statut administratif.
[Nos professeurs étaient comptés comme enseignants du supérieur (généralement agrégés et titulaires d’un doctorat) mais ils n’avaient pas le titre de maître de conférence ou de professeur des universités, et ils n’enseignaient pas à l’université mais seulement en classe préparatoire. Cette charge de travail (plus d’heures de cours, des années scolaires nettement plus longues puisque alignées sur le secondaire) ne leur laissait que peu de temps pour la recherche.]
Mais surtout, vu du côté des étudiants, la charge horaire et la discipline de travail n’était pas tout à fait la même qu’en DEUG… non ?
[En fait, les classes préparatoires font partie de l’enseignement post-bac dispensé dans les lycées (c’est le cas des BTS également).]
Je ne sais pas si on peut établir un parallèle. Le BTS est un diplôme national, et non une formation. On peut préparer un BTS dans un lycée, mais aussi dans un centre de formation, en apprentissage ou comme candidat libre. Les classes préparatoires, au contraire, sont une formation qui tient lieu de « tronc commun » à l’ensemble des grandes écoles.
@ nationaliste-ethniciste, Descartes
Je ne pense pas, mon cher NE, que vous deviez regretter votre passage par les classes préparatoires littéraires. Certes, la charge de travail et la logique de caserne y furent peut-être excessives mais il n’en reste pas moins que vous y avez reçu une formation d’excellence, la seule dans le système éducatif français qui soit vraiment généraliste et poursuive encore l’idéal de l’honnête homme hérité de l’Antiquité. Ce n’est pas rien; comme je l’ai noté, il en reste des traces et je doute qu’elles soient inutiles dans votre parcours tant professionnel que personnel.
Bien entendu, cela ne veut pas dire qu’hypokhâgne et khâgne soient les seuls gages de qualité intellectuelle et le parcours universitaire classique peut en effet, contrairement à ce que dit Descartes, former de très grands esprits. Vous avez noté l’exemple de votre ami. Caton, parmi les commentateurs, a fait publicité du sien. On peut également citer, un cran au dessus, ceux de Claude Lévi-Strauss, Fernand Braudel, Marcel Mauss, Roland Barthes, René Girard ou Gilles Deleuze, pour ne citer que ceux qui me passent par la tête. Assez souvent, cela en fera des penseurs originaux du fait de la position excentrée qu’ils occupent par rapport à l’institution mais leur chemin sera en général plus rude et solitaire que celui de leurs congénères normaliens et leur maturation plus lente. On peut d’ailleurs remarquer qu’aucun de ceux qu’on cite généralement pour être les 3 plus grands esprits de la modernité (Marx, Freud et Einstein) n’est passé par les fourches caudines d’un concours…
De fait, à l’opposé de Descartes, je trouve que le système universitaire français est plutôt bien organisé: les classes prépa pour ceux qui aiment la pression, les galons et les classements et le cursus classique pour ceux qui ne supportent ni le rythme ni l’esprit de ces “écuries”. De toute façon, les concours de l’Education Nationale et les distinctions universitaires ultérieures seront les véritables juge de paix de chacun, remettant, en quelque sorte, les compteurs à zéro.
Ceci posé, vous goûterez, j’espère, mon cher Descartes, la différence de fond qui existe entre l’esprit des prépas littéraires et celui des prépas pour les écoles de commerce ou d’ingénieur. Une large majorité de ceux qui se présentent à ces dernières viennent en effet d’abord y chercher un statut, une position sociale et parfois une rente (ou tout simplement un métier) tandis que ceux qui se présentent à l’ENS viennent d’abord y poursuivre un idéal un peu désuet mais ô combien important de connaissance. Vous me permettrez le luxe de préférer ceux-ci à ceux-là sans pour autant que je nie leur utilité sociale d’ailleurs. Les ingénieurs savent se rendre maître de la matière et les commerciaux de la marchandise; grâce leur en soit rendue. Pour le reste, et notamment le domaine des idées ou de l’organisation de la société, je ne vois pas en quoi ils pourraient se prévaloir d’une quelconque autorité ex ante.
@ Descartes
[ Dans votre commentaire précédent vous aviez avancé des chiffres montrant que le pourcentage d’enfants issus des couches populaires avait AUGMENTE pendant cette période. L’article, lui, dit qu’elles ont DIMINUE. Et quelle que soit la raison qui explique cette diminution, les deux affirmations sont contradictoires.]
Je trouve navrant qu’il faille que je vous prenne par la main à ce point pour des choses aussi élémentaires. Ce que j’ai dit, c’est 1) que la probabilité, pour un enfant des classes populaires, d’accéder à l’ENA, l’X ou l’ENS avait augmenté entre les années 50 et les années 90 et par conséquent 2) que la diminution de la proportion des enfants des classes populaires dans les effectifs des grandes écoles entre 1950 et 1990 ne reflète que l’effondrement de la proportion des classes populaires dans la population générale entre 1950 et 1990.
Dit autrement, en 1953, d’après l’article du Monde, les enfants des classes populaires représentait plus de 85% des effectifs scolarisés, alors qu’en 1993 ils sont moins de 40%. Dans ce contexte, la baisse de proportion “à la sortie” ne fait que refléter la baisse de proportion “à l’entrée” et qu’une fois appliquée la méthode des probabilités qui permet de juger “toutes choses étant égale par ailleurs”, il apparaît qu’entre les deux périodes, la seconde (i.e. 1993) leur est plus favorable.
@ Antoine
[Heu… Si votre propos est que chaque profession tend à privilégier inconsciemment ses propres préoccupations et ses propres instruments d’analyse, en effet, c’est un truisme.]
C’est en effet, ce que l’on retrouve au café du commerce en effet, entre deux conversations au sujet du PSG si l’on est à Paris et de l’OM si l’on est à Marseille… Il m’avait semblé que les ambitions de ce blog étaient un peu supérieures à ce niveau et visaient à des échanges sur des sujet d’intérêt général et de politique publique.
Si je me suis trompé et qu’en fait il s’agit de la page web du bureau des pleurs de l’association des anciens élèves d’une école d’ingénieur, il faut me prévenir .
@ Descartes
[Je vais finir par croire que votre femme vous a quitté pour un polytechnicien
Si vous saviez le nombre de femmes d’ingénieur qui me font du gringue parce qu’elles s’ennuient avec leur mari…
@ odp
[Je ne pense pas, mon cher NE, que vous deviez regretter votre passage par les classes préparatoires littéraires. Certes, la charge de travail et la logique de caserne y furent peut-être excessives mais il n’en reste pas moins que vous y avez reçu une formation d’excellence, la seule dans le système éducatif français qui soit vraiment généraliste et poursuive encore l’idéal de l’honnête homme hérité de l’Antiquité.]
Vous m’avez d’abord dit que « les vrais intellectuels » étaient formés à l’Université. Et maintenant vous me dites que la « seule formation dans le système éducatif français qui soit vraiment généraliste et poursuive encore l’idéal de l’honnête homme etc. » se trouve EN DEHORS de l’Université ? J’avoue que j’ai du mal à vous suivre…
[Bien entendu, cela ne veut pas dire qu’hypokhâgne et khâgne soient les seuls gages de qualité intellectuelle et le parcours universitaire classique peut en effet, contrairement à ce que dit Descartes, former de très grands esprits.]
En d’autres termes, on peut former de « très grands esprits » SANS cette formation « vraiment généraliste et poursuive encore l’idéal de l’honnête homme » que l’on ne trouve QUE dans les classes préparatoires littéraires ? Vous ne trouvez pas qu’il y a là une petite contradiction ?
Résumons, si vous le voulez bien. Il y a dans notre pays deux systèmes de formation, l’un ouvert, l’autre sélectif. Le premier se distingue par une grande liberté laissé à l’étudiant et une discipline de travail lâche et peu exigeante, l’autre par une discipline de travail stricte et exigeante. Les normaliens, les polytechniciens, les centraliens etc. sortent du second, les universitaires sortent du premier.
Après, bien entendu, vous trouverez des êtres exceptionnels qui ont marqué leur temps, et qui passés tant qui par le premier système, qui par le second… et vous en trouverez même qui sont autodidactes et n’ont usé leurs fonds de culotte ni dans l’un ni dans l’autre. Qu’est ce que cela prouve ? Les systèmes éducatifs ne sont pas faits pour les êtres exceptionnels, mais pour les êtres moyens.
[De fait, à l’opposé de Descartes, je trouve que le système universitaire français est plutôt bien organisé: les classes prépa pour ceux qui aiment la pression, les galons et les classements et le cursus classique pour ceux qui ne supportent ni le rythme ni l’esprit de ces “écuries”.]
Je ne crois pas avoir dit le contraire. Je ne me souviens pas avoir dit qu’il fallait abolir l’un ou l’autre de ces deux systèmes, au contraire. Je pense d’ailleurs qu’il y eut des moments de notre histoire où ces deux systèmes parallèles ont chacun beaucoup produit et se sont enrichis mutuellement. Mon point vise essentiellement la problématique de la sélection à l’Université, et notamment le refus d’une sélection au mérite qui in fine fait reposer la sélection sur des critères qui rendent le système inefficace.
[Ceci posé, vous goûterez, j’espère, mon cher Descartes, la différence de fond qui existe entre l’esprit des prépas littéraires et celui des prépas pour les écoles de commerce ou d’ingénieur.]
Au cas où vous l’auriez oublié, je vous rappelle que les prépas « pour les écoles d’ingénieur » (pourquoi ne pas les appeler « prépas scientifiques » ? Le mot vous écorcherait la bouche ?) sont celles qui préparent aussi les concours des écoles normales. Et que ce sont souvent les prépas littéraires (et non les scientifiques) qui préparent aux écoles de commerce…
Non, je ne crois pas qu’il y ait une « différence d’esprit » aussi grande que vous le pensez. J’ai fait une prépa scientifique, et je me souviens encore de mon émerveillement en découvrant les mathématiques supérieures (notamment de la topologie et de la théorie des ensembles) de la main d’un excellent professeur. Je trouve que vous généralisez un peu vite l’état d’esprit que vous auriez pu observer dans un cas donné.
[Une large majorité de ceux qui se présentent à ces dernières viennent en effet d’abord y chercher un statut, une position sociale et parfois une rente (ou tout simplement un métier) tandis que ceux qui se présentent à l’ENS viennent d’abord y poursuivre un idéal un peu désuet mais ô combien important de connaissance.]
D’abord, je vous rappelle encore une fois que les prépas scientifiques préparent aussi au concours des ENS. Et que beaucoup de ceux qui font khâgne/hypokhâgne passent ensuite les concours des écoles de commerce ou sciences-po. Ensuite, je trouve que vous idéalisez beaucoup l’ENS. Sans contester le climat intellectuel exceptionnel de cette institution, on ne peut contester qu’elle offre une « rente » au moins aussi intéressante que celle de beaucoup d’écoles d’ingénieurs…
Je trouve que dans cette discussion vous avez une tendance à généraliser ce qui relève de la motivation individuelle à un groupe. Aussi incroyable que cela vous semble, il y a des gens qui choisissent le métier d’ingénieur non pas pour « une position sociale, un statut ou une rente », mais dans une logique de service public ou de recherche de la connaissance. J’ai des camarades de promotion qui sont entrés au CEA à la fin de leurs études et qui ont fait une carrière complète de chercheur. Certains ont recueilli les plus hautes récompenses scientifiques. Pourquoi réduire leur carrière à la « recherche d’un statut, une position sociale, une rente » ?
[Les ingénieurs savent se rendre maître de la matière et les commerciaux de la marchandise; grâce leur en soit rendue. Pour le reste, et notamment le domaine des idées ou de l’organisation de la société, je ne vois pas en quoi ils pourraient se prévaloir d’une quelconque autorité ex ante.]
Je trouve cette remarque fort intéressante. Ainsi, pour vous, ceux qui savent se rendre maîtres de la « matière » n’auraient se prévaloir d’aucune autorité dans le domaine de « l’organisation de la société » ? L’organisation de la société n’aurait donc rien à voir avec la « matière » ? Serions nous dans des sociétés de pur esprit, dont l’organisation n’aurait ne dépendrait en rien du monde matériel ?
Je ne partage bien entendu pas votre vision de séparation de l’esprit et de la matière. Personne n’a une « quelconque autorité ex ante » en dehors de son domaine d’expertise, et l’expert en philosophie platonicienne ou l’historien du moyen-âge n’ont aucune « autorité ex ante » lorsqu’il s’agit de l’organisation de la police nationale, du réseau ferroviaire ou du système judiciaire. Lorsqu’il s’agit de « penser l’organisation de la société », le point de vue du sociologue, de l’historien, du physicien et de l’ingénieur sont complémentaires. Aucun n’a de « l’autorité » sur l’autre. Lorsque l’informaticien énonce la loi de Moore, le sociologue ne peut se permettre de l’ignorer.
@ odp
[« Dans votre commentaire précédent vous aviez avancé des chiffres montrant que le pourcentage d’enfants issus des couches populaires avait AUGMENTE pendant cette période. L’article, lui, dit qu’elles ont DIMINUE. Et quelle que soit la raison qui explique cette diminution, les deux affirmations sont contradictoires. » Je trouve navrant qu’il faille que je vous prenne par la main à ce point pour des choses aussi élémentaires.]
Et moi, je trouve navrant que vous ne répondiez pas à la question posée, préférant faire de la diversion. On est donc quittes.
Je répète : dans votre commentaire, vous avez bien écrit que les POURCENTAGES augmentaient, alors que l’article que vous citez dit exactement le contraire. Que vous ayez parlé par ailleurs de probabilité ne change en rien ce fait.
[Ce que j’ai dit, c’est 1) que la probabilité, pour un enfant des classes populaires, d’accéder à l’ENA, l’X ou l’ENS avait augmenté entre les années 50 et les années 90 et par conséquent 2) que la diminution de la proportion des enfants des classes populaires dans les effectifs des grandes écoles entre 1950 et 1990 ne reflète que l’effondrement de la proportion des classes populaires dans la population générale entre 1950 et 1990.]
Comme vous répétez l’affirmation en ignorant mon objection, je me vois obligé de répéter cette dernière. Contrairement à ce que vous écrivez, la proportion d’enfants des classes populaires dans la population générale n’a pas diminué dramatiquement. Ce qui a diminué, c’est la proportion d’enfants d’ouvriers, ce qui n’est pas la même chose. Et même pour les ouvriers, la diminution est largement le résultat d’un changement de terminologie : une grande partie des personnels catalogués « ouvriers » dans les années 1950 sont aujourd’hui employés par des entreprises de services industriels, ce qui les fait passer dans la catégorie « employés des services ». J’attends toujours d’ailleurs que vous m’indiquiez la source de vos statistiques.
[Dit autrement, en 1953, d’après l’article du Monde, les enfants des classes populaires représentait plus de 85% des effectifs scolarisés, alors qu’en 1993 ils sont moins de 40%.]
Je répète la question : quelle est la définition de « classes populaires » qui est derrière cette statistique ? Il semble quand même que tout ça soit très vague : si je suis l’article du « factoscope » du Monde que vous avez cité « Dans les années 1960, [les enfants des couches populaires] comptaient pour 91 % d’une génération, contre 68 % en 1995 ». D’où l’on déduirait, si l’on croit vos chiffres, que les taux de scolarisation des enfants des couches populaires ont diminué (ce qui est clairement contradictoire avec les faits)…
@ Descartes
[Ainsi, pour vous, ceux qui savent se rendre maîtres de la « matière » n’auraient se prévaloir d’aucune autorité dans le domaine de « l’organisation de la société » ? L’organisation de la société n’aurait donc rien à voir avec la « matière » ? Serions nous dans des sociétés de pur esprit, dont l’organisation n’aurait ne dépendrait en rien du monde matériel ?]
Les déboires récents des “Sciences Economiques” montrent qu’en effet le sociétés humaines ne fonctionnent pas exactement comme les pistons du moteur à explosion.
@ Descartes
[Vous m’avez d’abord dit que « les vrais intellectuels » étaient formés à l’Université]
Si ma mémoire est bonne je n’ai jamais dit ça: j’ai dit que c’est à l’Université qu’on retrouvait les vrais intellectuels ; et je pensais plutôt derrière la chaire que dans l’amphithéâtre. Ensuite, bien évidemment la qualité des enseignants “retombe”, en quelque sorte, sur les étudiants ; et ce système ouvert permet, comme je l’ai dit, la formation de très bons esprits.
@ Descartes
[Je trouve que dans cette discussion vous avez une tendance à généraliser ce qui relève de la motivation individuelle à un groupe. Aussi incroyable que cela vous semble, il y a des gens qui choisissent le métier d’ingénieur non pas pour « une position sociale, un statut ou une rente », mais dans une logique de service public ou de recherche de la connaissance. J’ai des camarades de promotion qui sont entrés au CEA à la fin de leurs études et qui ont fait une carrière complète de chercheur. Certains ont recueilli les plus hautes récompenses scientifiques. Pourquoi réduire leur carrière à la « recherche d’un statut, une position sociale, une rente » ? ]
Je me permet de remettre ce débat dans son contexte initial. Vous et d’autres faisiez des écoles d’ingénieurs l’alpha et l’oméga, non seulement de l’utilité sociale mais également de la qualité intellectuelle et de la culture générale, au sein système éducatif français. Il s’avère que je ne suis pas d’accord avec vous et préfère l’ENS ou l’Université, avec des arguments qui n’ont peut-être pas l’heur de vous convaincre mais sont tout ce qu’il y a de plus cohérent. En moyenne, 85% des élèves de Normale poursuivent leur carrière dans l’enseignement ou la recherche et 15% rejoignent le monde de l’entreprise. Les proportions sont, dans le meilleur des cas, inversées pour les écoles d’ingénieurs. Que vous le vouliez ou non, ça veut dire quelque chose et c’est pour ça que, dans un monde parfait et à l’instant t, je préférerais que mon fils ou ma fille suive ce cursus plutôt que celui d’un écoles d’ingénieur. Le monde n’étant pas parfait et changeant, il est possible qu’il en soit autrement et même que je change d’avis. Je prendrais cela avec la plus grande égalité d’âme car in fine ce qui compte n’est pas le flacon mais le nectar.
@ Descartes
[Je répète la question : quelle est la définition de « classes populaires » qui est derrière cette statistique]
C’est dans le résumé de l’article: père paysan, ouvrier, employé, artisan commerçant.
[J’attends toujours d’ailleurs que vous m’indiquiez la source de vos statistiques]
L’article de Thélot dans la Revue Française de Sociologie.
@ Descartes
[Personne n’a une « quelconque autorité ex ante » en dehors de son domaine d’expertise, et l’expert en philosophie platonicienne ou l’historien du moyen-âge n’ont aucune « autorité ex ante » lorsqu’il s’agit de l’organisation de la police nationale, du réseau ferroviaire ou du système judiciaire. Lorsqu’il s’agit de « penser l’organisation de la société », le point de vue du sociologue, de l’historien, du physicien et de l’ingénieur sont complémentaires. Aucun n’a de « l’autorité » sur l’autre. Lorsque l’informaticien énonce la loi de Moore, le sociologue ne peut se permettre de l’ignorer. ]
C’est exactement ce que je dis. Cela ne transparaît pas de vos propos ni de ceux des commentateurs qui les applaudissent et qui qualifient de “cancres”, de “parasites” ou “d’oisifs improductifs” ceux qui n’ont pas l’heur d’avoir suivi le même cursus qu’eux.
Implicitement, cela suppose également, avant de se lancer dans une critique acerbe de la partie la plus démocratique du système éducatif français, de fonder son analyse sur des études “scientifiques” plutôt que sur des impressions ou, encore pire, sur un axiome qui voudrait que tout ce qui “sort” du système politico-administratif français est une machine de guerre contre les classes populaires.
En l’espèce, les études de Thélot et de Vallet que j’ai citées mais que vous n’avez même pas daigné regarder sérieusement montrent l’inverse: une augmentation des chances d’accès à l’X, l’ENA et l’ENS pour les enfants des classes populaires et une augmentation “historique” du rôle des performances scolaires (au détriment de l’habitus social) dans l’accès aux filières les plus qualifiées, y compris les prépas.
Votre qualité d’ingénieur ne vous exonère pas de vous “mettre au niveau” sur ce type de sujets – et je ne parle pas des commentateurs dont on se demande s’ils ont jamais ouvert un ouvrage de sciences humaines. Quand il s’agit d’histoire vous acceptez sans difficulté que “ceux qui savent” aient préséance dans le débat sur “ceux qui ne savent pas”; pourquoi n’en serait-il pas autant pour ce qui a trait à l’éducation? Pourquoi ne pas s’appuyer sur les faits?
@ odp
Je n’en doute pas… mais la rancoeur que suscite le fait qu’on vous quitte n’est que rarement compensée par le fait que d’autres vous font du gringue…
@ odp
[Les déboires récents des “Sciences Economiques” montrent qu’en effet le sociétés humaines ne fonctionnent pas exactement comme les pistons du moteur à explosion.]
Les déboires des historiens et des sociologues montrent que les sociétés humaines ne fonctionnent pas, non plus, comme l’histoire ou la sociologie le pensent. Vous savez, si la capacité à prédire l’avenir est la preuve du feu d’une discipline intellectuelle, il n’y a pas de “sciences humaines” qui tiennent…
Mais vous ne répondez pas à mon commentaire. Pensez-vous qu’on puisse penser “l’organisation de la société” en dehors de toute connaissance de la réalité matérielle, seulement avec des gens qui manipulent des “idées” ?
@ odp
[Si ma mémoire est bonne je n’ai jamais dit ça: j’ai dit que c’est à l’Université qu’on retrouvait les vrais intellectuels ; et je pensais plutôt derrière la chaire que dans l’amphithéâtre.]
En d’autres termes, Laurent Schwarz ou Alain Finkielkraut, qui ont enseigné à Polytechnique, ne seraient pas des “vrais intellectuels”, puisqu’on ne les trouve qu’à l’Université… j’ai bien compris ? Franchement, si votre commentaire faisait référence aux gens qui se trouvent derrière la chaire, vous trouverez beaucoup de “vrais intellectuels” dans les écoles d’ingénieur…
[Ensuite, bien évidemment la qualité des enseignants “retombe”, en quelque sorte, sur les étudiants ; et ce système ouvert permet, comme je l’ai dit, la formation de très bons esprits.]
D’abord, les “vrais intellectuels” dont vous parlez ne se trouvent qu’en troisième cycle ou, à la grande rigueur, dans le deuxième. Les professeurs et maîtres de conférence qui officient dans le premier cycle sont rarement d’un grande qualité. C’est d’ailleurs l’un des problèmes que je vois dans notre système universitaire: les “grands professeurs” sont souvent plus intéressés par la recherche que par l’enseignement, et du coup les étudiants n’ont accès à eux que lorsqu’ils sont devenus autonomes, c’est à dire, au moment de la formation où ils n’ont pas forcément le plus besoin. Ca n’a pas toujours été le cas: Paul Langevin, par exemple, faisait les cours de première année. Mais il est vrai que lorsqu’on a des amphis de 500 personnes dont 250 ont encore besoin d’une remise au niveau bac, mettre un Langevin en preimère année c’est lancer des perles aux cochons.
Je n’ai pas de haine pour l’Université, comme c’est votre cas pour les écoles d’ingénieur. Au contraire, j’ai tellement de respect pour l’Université que je suis triste de voir ce qu’on en a fait depuis mai 1968. Oui, je pense que la liberté qui est la caractéristique de l’enseignement universitaire permet “la formation de très bons esprits”, pourvu que ce soit une liberté exigeante, et que les étudiants soient sélectionnés à l’entrée pour s’assurer qu’ils ont les moyens d’en profiter.
@ odp
[Je me permet de remettre ce débat dans son contexte initial. Vous et d’autres faisiez des écoles d’ingénieurs l’alpha et l’oméga, non seulement de l’utilité sociale mais également de la qualité intellectuelle et de la culture générale, au sein système éducatif français.]
Je vous mets au défi de m’indiquer où j’aurais « fait des écoles d’ingénieurs l’alpha et l’oméga, non seulement de l’utilité sociale, mais également de la qualité intellectuelle ». Je veux bien prendre les responsabilités de ce que j’écris, mais je ne me sens pas obligé d’assumer ce que vous me faites écrire.
Relisez mon papier : ce que je défends, c’est l’idée que la formation supérieure – quelle qu’elle soit – doit être SELECTIVE, et que la sélection doit être faite sur le MERITE. Je l’ai d’ailleurs dit : la qualité des formations des grandes écoles, qu’elles soient normales ou d’ingénieurs, tient autant à la qualité de la matière première qu’à l’enseignement qui y est dispensé. Quand notre université était sélective, elle était considérée comme l’une des meilleures du monde. Depuis qu’elle ne sélectionne plus, elle est devenue progressivement une garderie des « classes moyennes », et cela souvent malgré les efforts de certains universitaires qui essayent de sauver ce qui peut l’être, mettant en place des logiques sélectives clandestinement.
[Il s’avère que je ne suis pas d’accord avec vous et préfère l’ENS ou l’Université,]
Je suis heureux que vous utilisiez le « ou »…
[avec des arguments qui n’ont peut-être pas l’heur de vous convaincre mais sont tout ce qu’il y a de plus cohérent.]
Ce n’est pas vous qui nous mettiez en garde sur le fait que « cohérent » ne veut pas dire « vrai » ?
[En moyenne, 85% des élèves de Normale poursuivent leur carrière dans l’enseignement ou la recherche et 15% rejoignent le monde de l’entreprise. Les proportions sont, dans le meilleur des cas, inversées pour les écoles d’ingénieurs.]
Cela dépend ce que vous appelez « le monde de l’entreprise ». Pendant longtemps, beaucoup d’ingénieurs allaient dans les établissements publics, dans l’administration, dans l’armée. Et si c’est moins le cas aujourd’hui, c’est simplement que la plupart des établissements publics en question ont été maintenant privatisés .Doit on les considérer comme allant dans « le monde de l’entreprise » ? Beaucoup d’ingénieurs enseignent – c’est le cas d’une bonne partie du corps enseignant des écoles d’ingénieurs. Doit-on les considérer comme « rejoignant le monde de l’entreprise » ?
[Que vous le vouliez ou non, ça veut dire quelque chose]
Certes. Mais quoi, exactement ?
Et puis, je ne comprends pas très bien quelle conclusion vous tirez de cette répartition. J’ai connu des enseignants secondaires ou universitaires qui se contentaient de débiter un cours et n’avaient guère d’intérêt pour la « connaissance », et des chercheurs en chimie travaillant pour l’industrie pharmaceutique ou le nucléaire et qui avaient une passion pour celle-ci. En quoi « rejoindre le monde de l’entreprise » indiquerait un moindre intérêt pour la connaissance que de faire un travail d’enseignement routinier ?
[et c’est pour ça que, dans un monde parfait et à l’instant t, je préférerais que mon fils ou ma fille suive ce cursus plutôt que celui d’un écoles d’ingénieur.]
Parce que vous préféreriez qu’il soit enseignant ou chercheur ? Je n’arrive pas à comprendre exactement ce que vous voulez dire.
@ odp
[« Personne n’a une « quelconque autorité ex ante » en dehors de son domaine d’expertise, et l’expert en philosophie platonicienne ou l’historien du moyen-âge n’ont aucune « autorité ex ante » lorsqu’il s’agit de l’organisation de la police nationale, du réseau ferroviaire ou du système judiciaire. Lorsqu’il s’agit de « penser l’organisation de la société », le point de vue du sociologue, de l’historien, du physicien et de l’ingénieur sont complémentaires. Aucun n’a de « l’autorité » sur l’autre. Lorsque l’informaticien énonce la loi de Moore, le sociologue ne peut se permettre de l’ignorer. » C’est exactement ce que je dis.]
Non, c’est exactement le contraire de ce que vous dites. Je vous cite : « Donc un conseil messieurs les ingénieurs lecteurs de ce blog : sur ce qui sort des problèmes de carburateurs, de bouchons et de code et plus particulièrement sur ce qui a trait au domaine de la « pensée », bossez plus et ensuite on en reparlera ». Je ne vois pas très bien dans cette expression ou serait la « complémentarité » des points de vue pour ce qui concerne le plan des « idées »…
[Cela ne transparaît pas de vos propos ni de ceux des commentateurs qui les applaudissent et qui qualifient de “cancres”, de “parasites” ou “d’oisifs improductifs” ceux qui n’ont pas l’heur d’avoir suivi le même cursus qu’eux.]
Je n’ai pas à répondre de ce que les autres peuvent écrire.
[Implicitement, cela suppose également, avant de se lancer dans une critique acerbe de la partie la plus démocratique du système éducatif français,]
Encore une fois, c’est vous qui le dites. Je n’en suis pas persuadé. Et avant que vous réagissiez, je vous rappelle que lorsqu’on compare une filière sélective et une filière non sélective, c’est la proportion des étudiants issus des couches populaires parmi les DIPLOMES, et non parmi les ETUDIANTS qui caractérise le caractère « démocratique » de la formation. Curieusement, Thélot – qui appartient au groupe qui cherche à justifier la logique « pédagogiste » – ne fait pas ce calcul. Un oubli, sans doute.
J’ajoute que dans l’article de Thélot on montre un biais statistique qui renforce encore l’apparente « démocratisation » de l’Université : comme la comparaison se fait sur les étudiants inscrits, et non sur les diplômés, le fait que les étudiants d’origine populaire mettent plus de temps à obtenir leur diplôme augmente artificiellement leur proportion.
[de fonder son analyse sur des études “scientifiques” plutôt que sur des impressions ou,]
J’attends toujours l’étude « scientifique » qui justifie votre affirmation selon laquelle l’Université serait « la partie la plus démocratique du système éducatif français »…
[En l’espèce, les études de Thélot et de Vallet que j’ai citées mais que vous n’avez même pas daigné regarder sérieusement montrent l’inverse: une augmentation des chances d’accès à l’X, l’ENA et l’ENS pour les enfants des classes populaires et une augmentation “historique” du rôle des performances scolaires (au détriment de l’habitus social) dans l’accès aux filières les plus qualifiées, y compris les prépas.]
Justement, c’est parce que je les ai regardé avec une très grande attention que j’ai pu constater – et je vous l’ai dit – qu’ils n’aboutissent pas à la conclusion que vous prétendez leur prêter. Thélot et Vallet concluent que « 21% des élèves de l’Ecole polytechnique, de l’ENA, de l’Ecole normale supérieure prises ensemble étaient d’origine populaire entre 1950 et 1955, 7% aujourd’hui ». Pendant ce temps, « la part des jeunes d’origine populaire dans l’ensemble de la génération correspondante a également beaucoup diminué: de 91% des jeunes à 68% ». En d’autres termes, alors que la part des couches populaires dans les jeunes a diminué de 36%, la proportion de ces couches dans les trois grandes écoles retenues a été divisée par trois. Et vous allez me dire que leurs chances ont « augmenté » sur cette base ? Vraiment ?
[Votre qualité d’ingénieur ne vous exonère pas de vous “mettre au niveau” sur ce type de sujets]
Vous non plus. Pour commencer, vous devriez lire avec attention les références que vous proposez, ne serait-ce que pour vous assurer qu’ils ne disent pas le contraire de ce que vous prétendez leur faire dire.
[Quand il s’agit d’histoire vous acceptez sans difficulté que “ceux qui savent” aient préséance dans le débat sur “ceux qui ne savent pas”; pourquoi n’en serait-il pas autant pour ce qui a trait à l’éducation? Pourquoi ne pas s’appuyer sur les faits?]
Mais, justement… c’est vous qui refusez de voir « les faits »…
@ odp,
“Je ne pense pas, mon cher NE, que vous deviez regretter votre passage par les classes préparatoires littéraires. Certes, la charge de travail et la logique de caserne y furent peut-être excessives mais il n’en reste pas moins que vous y avez reçu une formation d’excellence, la seule dans le système éducatif français qui soit vraiment généraliste et poursuive encore l’idéal de l’honnête homme hérité de l’Antiquité.”
Je crains, cher odp, que vous idéalisiez les classes préparatoires littéraires, où plutôt les gens qu’on y trouve. En hypokhâgne, la moitié de notre effectif préparait les concours d’entrée aux IEP. C’était l’année du second tour Le Pen-Chirac à la présidentielle. Je dois dire que les réactions primaires de nombre de mes condisciples, bêlant avec la masse que “le fascisme était à nos portes” m’a fait douter (et me fait encore douter aujourd’hui) de leur profondeur intellectuelle. J’ai cru comprendre que vous dénonciez le conformisme ambiant dans les écoles d’ingénieurs, eh bien je puis vous dire que le conformisme était très grand dans la classe préparatoire où j’étudiai. Et à l’ENS, le conformisme intellectuel est malheureusement une réalité aussi, à en juger par ce que m’avait rapporté une connaissance qui y avait donné une conférence sur un sujet “sulfureux” (en l’espèce, Louis-Ferdinand Céline).
Quant à la logique de caserne… Elle ne m’a pas sauté aux yeux, et je ne me souviens pas que quiconque s’en soit plaint. De toute façon, étant fermement partisan de cette logique dans l’enseignement, est-il besoin de préciser qu’elle ne m’aurait point gêné…
Je ne parlerai pas pour mes condisciples, mais en ce qui me concerne, je ne suis pas allé en prépa “par amour de la connaissance”, car j’avais tout à fait la possibilité d’acquérir la connaissance en dehors. J’ai intégré une prépa pour: 1) éviter les amphis bondés des premières années de fac, parce que c’est malheureusement un fait: beaucoup d’étudiants de première année n’ont rien à faire à l’université (et je reprends l’observation de mon ami qui enseigne depuis plusieurs années dans cette structure, dont il est lui-même un produit, et par conséquent il n’est pas hostile à l’université); 2) avec l’espoir de devenir normalien, c’est-à-dire fonctionnaire stagiaire (donc rémunéré!) avec de bonnes chances de décrocher l’agrégation et de faire une belle carrière dans l’enseignement supérieur. Ce qu’on pourrait appeler un statut…
L’amour de la connaissance, je l’avais avant d’entrer en prépa, et je pense le conserver encore aujourd’hui. Mais comme je l’ai expliqué, cet état d’esprit est d’abord le résultat d’une éducation, d’un contexte familial: mon père avait cet amour de la connaissance, et il avait beaucoup de livres à la maison; ajoutez à cela une très forte exigence concernant les résultats scolaires, et l’usage de la contrainte si nécessaire, sans états d’âme. Mais je doute qu’on acquiert l’amour du savoir en prépa… Il y avait parmi nous quelques étudiants de milieu modeste, mais il faut reconnaître que nous étions en majorité issus de milieux plutôt aisés.
Si ce n’est pas indiscret, pourriez-vous, odp, nous éclairer sur votre propre parcours? Je lis vos échanges avec Descartes (et d’autres) et j’avoue que je me demande quel est votre cursus. Êtes-vous normalien?
@ odp
[C’est dans le résumé de l’article: père paysan, ouvrier, employé, artisan commerçant.]
Artisans et commerçants font partie des “couches populaires” ? No comment…
@Descartes, Marcailloux, Antoine, NE, odp
Je suis impressionné de la longueur des discussions qu’a suscitée mon interrogation sur le “biais de recrutement de ce blog”… Cela m’a occupé une bonne partie de mon trajet de retour de vacances hier soir… J’ai choisi de répondre en vrac un peu à tout le monde :
@odp
> En moyenne, 85% des élèves de Normale poursuivent leur carrière dans l’enseignement
> ou la recherche et 15% rejoignent le monde de l’entreprise. Les proportions sont, dans le
> meilleur des cas, inversées pour les écoles d’ingénieurs. Que vous le vouliez ou non, ça
> veut dire quelque chose
Oui, ça veut dire qu’on va à l’ENS quand on est attiré par l’enseignement et la recherche. Pas de différences ici selon moi entre les littéraires et les scientifiques.
Accessoirement, on pourrait être tenté d’y voir une conséquence de l’obligation de rembourser l’engagement, ce que les entreprises sont nettement moins disposées à faire qu’il y a quelques décennies.
@odp
> Ceci posé, vous goûterez, j’espère, mon cher Descartes, la différence de fond qui
> existe entre l’esprit des prépas littéraires et celui des prépas pour les écoles de
> commerce ou d’ingénieur. Une large majorité de ceux qui se présentent à ces
> dernières viennent en effet d’abord y chercher un statut, une position sociale et parfois
> une rente (ou tout simplement un métier) tandis que ceux qui se présentent à l’ENS
> viennent d’abord y poursuivre un idéal un peu désuet mais ô combien important de
> connaissance.
Je vois que vous connaissez mal les prépas scientifiques, en tout pas particulièrement les filières “maths”. La proportion des élèves qui y sont pour amour des mathématiques est loin d’être négligeable. Plusieurs de ceux que j’ai cottoyés, sont même allés jusqu’à refuser de s’inscrire à des concours vulgaires, comme l’X, Centrale, ou les Mines, choisissant, en cas d’échec à Normale, de poursuivre à l’université.
@odp
> Quant à l’articulation entre Normale et l’Université, elle est évidente pour tout le monde
> sauf pour vous: les Normaliens s’y inscrivent pour préparer l’agrégation, y poursuivent
> leurs études
Je vais vous donner partiellement raison. Dans certaines filières, notamment littéraires, le fait d’être normalien n’apporte pas beaucoup plus que d’avoir le logement et la solde, la totalité des cours étant assurés par l’université. Les pires en la matière sont les normaliens en filière médicale. Dans d’autres filières, notamment à Cachan, en maths à Ulm, etc., en revanche, la formation est bien distincte. C’est sans doute ces formations que Descartes connait le mieux, et qui l’ont choqué dans vos affirmations.
@Marcailloux
> Le contrepoint que j’évoque plus haut, élément principal du génie de Bach, constitue
> l’épine dorsale de ses œuvres. Il apaise et rassure. Il est le modérateur de la ligne
> mélodique tout en la mettant en valeur.
Comme c’est amusant d’entendre parler de ce cher Jean-Sébastien… J’ai une hypothèse dont je n’ai pas trouvé de contre-exemple depuis bientôt 10 ans que je l’ai formulée, qui est qu’il y a une bijection entre “avoir un esprit mathématicien et aimer la musique” et “être fan de Bach”.
La dernière fois que j’ai exposé cette hypothèse, pensant avoir réussi à la mettre en défaut, c’était à un organiste, amateur de Bach, et dont je pensais qu’il était un pur artiste musicien. Il m’a répondu : “c’est possible ; vous savez, avant d’être organiste, j’étais prof de maths”…
Etes vous un contre-exemple ?
@Marcailloux
> Pour terminer sur une note humoristique, je vous rappelle, si besoin est la formule
> selon laquelle les polytechniciens savent rien sur tout et les centraliens tout sur rien.
Il me semble que c’est l’inverse, pour parodier la formation trop généraliste des centraliens, et trop théorique et pointue des X.
@NE
> Pourquoi croyez-vous que quelqu’un comme Soral a un tel succès (relatif d’ailleurs)?
> Mais précisément parce qu’il donne l’illusion de posséder une vaste culture générale,
> parce qu’il cite des auteurs toutes les deux minutes, parce qu’il sait, avec un certain
> talent, se faire passer pour un “sachant”. Face à ce type de personnage, la culture
> générale est un atout majeur.
Je dirais aussi que le raisonnement critique en est un autre, au moins de la même importance. Je vous conseille la lecture de Gerald Bronner sur les causes de la multiplication de ces théories conspirationnistes.
@Descartes
> Alors qu’on a assisté à une « course à la spécialisation » dans les universités, les
> grandes écoles ont fait le chemin inverse. Les plus cotées ont toujours été fières
> de leur caractère généraliste, mais les autres, traditionnellement spécialisées (Mines,
> Télécom, Ponts-et-Chaussées, Supélec) ont cherché à sortir de leur spécialisation
> en introduisant des enseignements diversifiés.
Ne pas mettre les Mines parmi les “plus cotées”… c’est sévère ! Je suppose que vous n’êtes pas mineur 😉 [taquinerie]
Ce qui me gène, c’est que la course à la diversification des plus grandes écoles risque de faire perdre le caractère “ingénieur”. Certains plaident plus ou moins clairement pour une convergence école de commerce / école d’ingénieur, dont, personnellement, je n’attends rien de bon…
@Descarte, ODP
>> [En revanche, les ingénieurs tendent à la fois à être conformistes, (…)]
> Je ne dirais pas « conformistes », je dirais plutôt « conservateurs », ce qui est un peu
> différent. Et surtout, dans la conception de l’ingénieur rien n’est pire que le désordre.
> La présomption en faveur de ce qui existe – et qui marche – est donc importante.
Je ne crois qu’il y a une démarche de doute systématique qui relève davantage de la psychologie individuelle que de la formation, que les formations d’ingénieur permettent d’aiguiser chez ceux qui en sont doués.
Petite anecdote, quand j’étais en école d’ingé : un jour, une conférence où un financier est venu nous expliquer par l’exemple ce qu’étaient des opérations de banque d’affaire, en prenant les exemples des LBO (je vous laisse chercher pour ceux qui ne connaissent pas) puis des titrisations.
Il a pris une entreprise type (valeur d’achat, marge générée), un financement (taux d’emprunt, etc.) pour nous montrer à quel point ce type d’opération permettait de créer magiquement plein d’argent, et à quel point c’était super.
Résultat, on était pas mal, surtout au fond de l’amphi, à chuchotter : “ça marche pas, son truc, c’est pas possible”. Et on a commencé à enchainer les questions pour discuter de ses hypothèses (pourquoi la valorisation était elle si faible au vu de sa marge ? Pourquoi n’y a-t-il pas de provisions pour risques ? etc?).
Au point qu’il a laissé tomber les explications théoriques, et répondu, plus ou moins : “c’est ce qu’on fait tous les jours, et ça marche, donc peu importent les raisonnements théoriques que vous faites”.
Quelques années plus tard, la crise de 2008 nous a montré que le “ça marche pas, son truc” n’était pas si faux…
@odp, Antoine
> En ce qui concerne l’esprit de système, il est vrai qu’il n’est pas partagé par tous
> les ingénieurs et qu’en cette matière Descartes se distingue très nettement. En
> revanche, les ingénieurs tendent à la fois à être conformistes, à surestimer leurs
> capacités et à être sensibles à l’esprit de système (si c’est cohérent c’est que c’est vrai),
> Ah bon. Dans mon expérience, la plupart des ingénieurs n’ont pas vraiment l’esprit
> de système en-dehors de leur discipline, et ils n’ont pas le goût des grandes
> constructions idéologiques. Certains suivent l’idéologie dominante, mais sans y penser
> vraiment. J’ai l’impression que vous fantasmez un peu sur « les ingénieurs »…
Je ne crois pas que vous mettiez la même réalité derrière l’expression “esprit de système”. Comme pour le doute systématique çi dessus, je pense que l’esprit de système (au sens d’Antoine, c’est à dire le 2nd ici) relève davantage de la psychologie individuelle que de la formation, que les formations d’ingénieur permettent d’aiguiser chez ceux qui en sont doués.
Au contraire d’odp, je pense que Descartes fait preuve d’un esprit de système remarquable, ce qui est un compliment dans ma bouche.
@Descartes
> Lors d’une visite à l’Ecole Centrale, j’avais remarqué qu’il existe un certain nombre de
> pianos en libre service à la résidence des élèves, et que leur usage est distribué selon
> un planning strict, tant la demande est grande. Combien de résidences universitaires se
> trouvent devoir satisfaire une telle demande ?
Il y a la même chose à l’X et à l’ENS. Mais il y a aussi la même chose dans des résidences universitaires beaucoup plus classiques… Peut être pas avec la même demande qu’à Centrale, l’X, et l’ENS, où je vous confirme que le piano n’a pas le temps de rouiller.
A Centrale, d’ailleurs, il y a un autre local musical pour les instruments autre que le piano (enfin, il y avait, puisque le nouveau campus doit ouvrir dans quelques jours, si je ne m’abuse).
@Antoine
>En France, nous aimons la politique, ce qui est une bonne chose mais nous donne
> aussi tendance à sombrer dans le pur volontarisme (l’intendance suivra).
> Le problème, c’est que nous vivons dans des sociétés extrêmement sophistiquées
> technologiquement, et entièrement dépendantes pour leur fonctionnement des
> techniques avancées que seuls les ingénieurs et techniciens maîtrisent et savent
> mettre en oeuvre. Ce qui était déjà peu sage il y a quelques siècles (mépriser l’activité
> technique) est aujourd’hui suicidaire. En laissant filer un capital industriel, technique et
> intellectuel qui sera difficile et coûteux à reconstituer, la France se condamne à devenir
> une puissance provinciale, dominée.
C’est un des drames de notre pays. Je ne comprends pas comment on peut faire des débats sur la politique énergétique, sur l’environnement, sur la santé publique (pesticides, etc.) entre non sachants, sans se reposer sur l’avis des sachants !
@Marcailloux
> On voit régulièrement des ingénieurs devenir médecin, probablement très rarement
> l’inverse. Si certains se cantonnent à la recherche développement, la plupart vont au
> terme de quelques années d’expérience, se voir confier des missions de managers.
> Et combien sont devenus artistes, écrivains, sportifs de haut niveau, etc . . . .
Votre exemple sur les médecins n’est pas des plus pertinents. Il se trouve que je connais 2 ingés (Supelec & Agro) qui sont devenus médecins, mais cette filière est tout de même extrèmement réduite.
En revanche, artistes, écrivains, etc., ils sont nettement plus nombreux.
L’inverse est moins vrai… Je n’en suis pas certain. Le CNAM regorge d’exemples d’ingénieurs qui exercaient auparavant un autre métier.
@Descartes
> Tout à fait. Et c’est pourquoi je n’ai jamais rien dit de pareil. Si j’ai exclu le droit pénal de
> ma comparaison, ce n’est pas parce qu’il demanderait « un investissement supérieur »,
> mais parce qu’il rapporte beaucoup moins. Contrairement à vos accusations, je me suis
> documenté avant d’écrire auprès d’amis avocats. Ce qu’ils m’ont dit, c’est que le droit
> commercial ou familial paye très bien (…) alors que le droit pénal, au contraire, paye mal
> sauf pour une poignée de ténors du barreau.
C’est vrai. Et pourtant, nombre de futurs avocats rêvent de faire du pénal, et laissent tomber car seuls les meilleurs y arrivent. Comme quoi, tout ne s’explique pas par une logique de calcul du meilleur rendement pour le moindre effort… 🙂
@ Vincent
[Je vais vous donner partiellement raison. Dans certaines filières, notamment littéraires, le fait d’être normalien n’apporte pas beaucoup plus que d’avoir le logement et la solde, la totalité des cours étant assurés par l’université.]
Ce n’est pas tout à fait vrai. D’abord, parce que dans le cursus du futur normalien il y a eu les deux années de khâgne/hypokhâgne, où l’on acquiert des méthodes de travail qui ne sont pas les mêmes qu’à l’Université. Ensuite, parce qu’à côté des « cours » proprement dit, les normaliens en lettre bénéficient de « séminaires » et autres opportunités de contact avec les meilleurs esprits du temps.
[« Alors qu’on a assisté à une « course à la spécialisation » dans les universités, les grandes écoles ont fait le chemin inverse. Les plus cotées ont toujours été fières de leur caractère généraliste, mais les autres, traditionnellement spécialisées (Mines, Télécom, Ponts-et-Chaussées, Supélec) ont cherché à sortir de leur spécialisation en introduisant des enseignements diversifiés ». Ne pas mettre les Mines parmi les “plus cotées”… c’est sévère ! Je suppose que vous n’êtes pas mineur ;)]
Je persiste et signe. Si le « corps des Mines » – c’est-à-dire, ceux qui ont fait Polytechnique, sont sortis bien classés et ont fait l’école des Mines en tant école d’application – est considéré par beaucoup comme constituant l’élite des ingénieurs, les ingénieurs civils des Mines – c’est-à-dire ceux qui ont suivi seulement l’enseignement de cette école – sont considérés dans l’industrie comme faisant partie du « second groupe », derrière le « premier groupe » (Polytechnique, Centrale…).
[Ce qui me gène, c’est que la course à la diversification des plus grandes écoles risque de faire perdre le caractère “ingénieur”. Certains plaident plus ou moins clairement pour une convergence école de commerce / école d’ingénieur, dont, personnellement, je n’attends rien de bon…]
Ce n’est pas la « diversification » qui me pose problème, même si je suis d’accord qu’un ingénieur doit avoir une formation technique et scientifique de haut niveau. Mais ce qui me gêne plus, c’est la disparition progressive de la « démarche de l’ingénieur » dans ces écoles. C’est là où la transformation de beaucoup d’écoles d’ingénieurs en écoles de commerce déguisées me gêne le plus. Mais il faut aussi dire que la démarche d’ingénieur dans une société obsédée par l’image et qui déteste l’industrie…
[Je ne crois qu’il y a une démarche de doute systématique qui relève davantage de la psychologie individuelle que de la formation, que les formations d’ingénieur permettent d’aiguiser chez ceux qui en sont doués.]
Oui et non. Pour un ingénieur – et c’est un trait constant dans tous les ingénieurs que je connais – ce qui marche a une présomption de légitimité. Et si le doute systématique est bien mis en œuvre devant une proposition nouvelle, il est quelquefois plus difficile à mettre en œuvre lorsqu’il s’agit de critiquer une pratique établie et qui a fait ses preuves – même si on ne comprend pas pourquoi. L’exemple que vous proposez le montre d’ailleurs très bien : l’argument qui s’impose, c’est finalement « c’est ce qu’on fait tous les jours, ça marche, donc peu importe la théorie ».
[C’est un des drames de notre pays. Je ne comprends pas comment on peut faire des débats sur la politique énergétique, sur l’environnement, sur la santé publique (pesticides, etc.) entre non sachants, sans se reposer sur l’avis des sachants !]
Je ne sais pas comment, mais on le fait. Si vous avez envie de vous amuser, lisez les « livrets thématiques » censés avoir été écrits par les « sachants » de la France Insoumise pour commenter et élargir le « programme » de Mélenchon. Comme « jeu de sept erreurs », celui sur l’énergie est particulièrement croquignolet…
[C’est vrai. Et pourtant, nombre de futurs avocats rêvent de faire du pénal, et laissent tomber car seuls les meilleurs y arrivent. Comme quoi, tout ne s’explique pas par une logique de calcul du meilleur rendement pour le moindre effort… :)]
Il ne faudrait pas réduire le « meilleur rendement » au rendement financier exclusivement. Un métier ne rapporte pas seulement de l’argent, il apporte une image, un statut social. Et il est clair que le statut social d’un grand pénaliste n’est pas tout à fait le même que celui d’un grand avocat commercial, ou de celui qui s’occupe des divorces, fut-ce des divorces de star !
Les petits enfants qui veulent devenir pompier ne veulent pas aller combattre le feu. Ils sont séduits par l’uniforme, le casque, la voiture rouge. Lorsqu’ils s’orientent vers le pénal, beaucoup d’étudiants rêvent – et c’est normal – de devenir un ténor du barreau dans les grands procès d’assises. Tout comme les ingénieurs rêvent de diriger le chantier d’un grand barrage ou d’une centrale nucléaire. Mais « tu la voyais pas comme ça, ta vie », chante Souchon…
> Je persiste et signe. (…) les ingénieurs civils des Mines – c’est-à-dire ceux qui ont suivi seulement l’enseignement
> de cette école – sont considérés dans l’industrie comme faisant partie du « second groupe », derrière le « premier
> groupe » (Polytechnique, Centrale…).
Ce n’est pas ma vision… J’ai notamment en souvenir que, l’année où j’avais passé les concours, dans ma filière, le rang du dernier admis au Mines était en dessous de 200, alors que c’était au dessus de 200 pour l’X, et pas loin de 500 pour Centrale Paris… Et, si je me souviens bien, les 3/4 de ceux qui avaient le choix entre Centrale et les Mines avaient choisi les Mines.
Ce qui fait que je garde une très bonne estime aux mineurs, même civils… (sachant que je viens plutôt de la paroisse d’en face…)
@Vincent : vous avez observé une bijection entre “aimer les mathématiques et la musique classique” et “aimer Bach”. Bien que moi même non-mélomane, une étude statistique de mon entourage incluant des mathématiciens, des mélomanes et des mathématiciens mélomanes m’incite à partager vivement votre observation.
@ Vincent
[Ce n’est pas ma vision… J’ai notamment en souvenir que, l’année où j’avais passé les concours, dans ma filière, le rang du dernier admis au Mines était en dessous de 200, alors que c’était au dessus de 200 pour l’X, et pas loin de 500 pour Centrale Paris…]
Le rang du DERNIER admis ne vous dit pas grande chose sur le classement des écoles : en effet, les promotions sont de taille très différente de l’une à l’autre. Pour une école dont la promotion est de 500 élèves, le rang « dernier admis » ne peut-être en dessous de 500… C’est plutôt le rang du PREMIER admis qu’il vous faudrait regarder.
Il faut dire par ailleurs que je faisais référence au classement tel qu’il était il ya une vingtaine d’années. Depuis, beaucoup d’écoles « d’application » comme les Mines ou les Ponts ont compris qu’une trop grande spécialisation les desservait, et ont cherché elles aussi à devenir « généralistes ». Il est très possible que cela se reflète maintenant dans les classements, j’avoue que je n’ai pas été vérifier.
@Descartes
> Le rang du DERNIER admis ne vous dit pas grande chose sur le classement des écoles : en effet, les promotions sont de taille très différente de l’une à l’autre. Pour une école dont la promotion est de 500 élèves, le rang « dernier admis » ne peut-être en dessous de 500… C’est plutôt le rang du PREMIER admis qu’il vous faudrait regarder.
Le rang du premier admis a une trop grande variabilité et ne peut être considéré statistiquement fiable (après tout, le premier au concours peut très bien choisir une école traditionnellement peu cotée et dédaignée par les 150 suivants). Si l’on veut compenser les différentes tailles de promotion, on peut utiliser un ratio du genre “taille de promotion / rang du dernier admis”.
Par ailleurs je suis d’accord avec Vincent : dans mon souvenir, les Mines étaient au moins aussi bien cotées (et plutôt mieux) que Centrale, en tout cas dans l’imaginaire des “taupins” dont je faisais partie. C’était il y a une vingtaine d’années… Quant aux “classements” basé sur le sondage d’entreprises, je ne sais qu’en penser : y a-t-il des méthodologies fiables? Comment constituer un échantillon représentatif d’entreprises ?
@Descartes
> Il faut dire par ailleurs que je faisais référence au classement tel qu’il était il ya une vingtaine d’années. Depuis, beaucoup d’écoles « d’application » comme les Mines ou les Ponts ont compris qu’une trop grande spécialisation les desservait, et ont cherché elles aussi à devenir « généralistes ».
Intéressant… En quoi exactement une trop grande spécialisation les desservait-elle ? Je vois deux explications possibles :
– on a décidé que la société n’avait plus l’utilité d’écoles spécialisées de très haut niveau
– on a décidé que ces écoles ont un intérêt à améliorer leur attractivité
Si la deuxième explication est la bonne, j’y verrais le signe d’une autonomisation de l’école par rapport à sa tutelle. Après tout, que les Mines deviennent plus attractives au détriment de Centrale n’apporte rien à la société.
@ Antoine
[Le rang du premier admis a une trop grande variabilité et ne peut être considéré statistiquement fiable (après tout, le premier au concours peut très bien choisir une école traditionnellement peu cotée et dédaignée par les 150 suivants). Si l’on veut compenser les différentes tailles de promotion, on peut utiliser un ratio du genre “taille de promotion / rang du dernier admis”.]
Dans ce cas, les chiffres que vous avez donné mettent Centrale assez nettement devant les Mines…
[Par ailleurs je suis d’accord avec Vincent : dans mon souvenir, les Mines étaient au moins aussi bien cotées (et plutôt mieux) que Centrale, en tout cas dans l’imaginaire des “taupins” dont je faisais partie. C’était il y a une vingtaine d’années…]
Ce n’est pas mon souvenir. Les Mines étaient préférées à l’époque parce qu’elles étaient au centre de Paris, mais du point de vue des choix, on plaçait pratiquement toujours les « généralistes » devant les « spécialistes » (entre autres choses, j’imagine, parce que les taupins ne savaient pas forcément très bien vers quel domaine ils voulaient s’orienter).
[Quant aux “classements” basé sur le sondage d’entreprises, je ne sais qu’en penser : y a-t-il des méthodologies fiables? Comment constituer un échantillon représentatif d’entreprises ?]
C’est très difficile. D’abord, parce que les entreprises ne préfèrent pas forcément les généralistes aux spécialistes, et qu’en sélectionnant des entreprises particulièrement orientés dans un domaine où un autre on arriverait à des résultats différents. Pour une entreprise de services informatiques, un ingénieur issu d’une ENSI spécialisée dans l’informatique peut être beaucoup plus intéressant qu’un polytechnicien…
Certains utilisent la distribution des salaires d’embauche comme indicateur, ce qui n’est pas un mauvais indicateur surtout si l’on normalise par rapport au salaire moyen de la branche concernée. Ainsi, par exemple, sur le classement 2015 de l’Usine Nouvelle, Polytechnique arrive en première place (45.000 € brut/an) suivie de Centrale Paris (44.000 €) alors que les Mines n’arrivent… qu’en dixième place (41.000 €).
@ Antoine
[Intéressant… En quoi exactement une trop grande spécialisation les desservait-elle ? Je vois deux explications possibles :]
Je pense qu’il y a plusieurs éléments. Les écoles ont compris le risque qu’il y avait à être trop dépendant d’un secteur, dont les fortunes économiques pouvaient être très variables. Se spécialiser, c’est rendre plus difficile l’adaptation lorsque la spécialité choisie devient inutile. Parce qu’elles sont plus exposés aux activités économiques, les écoles ont été conduits à suivre ceux-ci dans la recherche de cadres généralistes, alors que l’Université cédait au contraire à la tentation de la spécialisation.
[Si la deuxième explication est la bonne, j’y verrais le signe d’une autonomisation de l’école par rapport à sa tutelle. Après tout, que les Mines deviennent plus attractives au détriment de Centrale n’apporte rien à la société.]
Oui et non. L’émulation entre les écoles, le fait qu’elles se disputent les meilleurs étudiants donne aussi un certain dynamisme au système.
“Cedric Villani ou Alain Finkielkraut sont « l’élite ». Pujadas ou Mercier, non.”
Je n’aurais pas abordé spontanément la question de ce cher matheux, au demeurant sympathique. Mais puisque vous le mentionnez…
Je vous avoue qu’il me déconcerte un peu, et bat en brèche une représentation que je me faisais du monde intellectuel :
Il est d’une intelligence hors du commun (à moi qui suis plutôt un matheux aussi, son parcours ne peut qu’inspirer le plus profond respect ). Si, comme cela semble être le cas, il est attiré par les projecteurs, il y avait largement accès sans faire de politique.
Un engagement politique de sa part ne peut donc s’expliquer selon moi que par une sincère volonté d’apporter une réponse originale et intéressante aux problèmes du pays… Et pourtant, il me semble, sur le fond, d’un conformiste digne des énarques les plus carriéristes.
Une sorte de mystère pour moi. A croire que le fait d’avoir abandonné la recherche à proprement parler pour des fonctions de direction et de représentation l’a transformé en quelques années en un haut fonctionnaire tellement habitué à marcher sur des oeufs qu’il n’a plus d’opinion propre?
@ Vincent
[Je vous avoue qu’il (Cédric Villani) me déconcerte un peu, et bat en brèche une représentation que je me faisais du monde intellectuel : Il est d’une intelligence hors du commun (à moi qui suis plutôt un matheux aussi, son parcours ne peut qu’inspirer le plus profond respect ). Si, comme cela semble être le cas, il est attiré par les projecteurs, il y avait largement accès sans faire de politique.]
Si j’ai cité son nom, c’est exprès. Villani est un « technicien » des mathématiques, il n’est pas un « technicien » de l’administration de l’Etat. Lorsque Villani dirigeait l’Institut Poincaré, il était un « technocrate ». Mais quand il joue au député, il cesse de l’être, et parler de lui comme d’un « technocrate » devient un abus. Un « technocrate » tient sa légitimité de son savoir technique. Lorsque Villani vote la « loi de moralisation de la vie publique », il traite d’un sujet sur lequel il n’est pas plus techniquement compétent que Mme Michu.
Georges Besse ou Pierre Guillaumat étaient des véritables « technocrates ». Ingénieurs des mines, ils ont toujours travaillé dans des postes liées à l’industrie, à l’organisation, au nucléaire. Ni l’un ni l’autre n’ont jamais songé à devenir députés.
[Un engagement politique de sa part ne peut donc s’expliquer selon moi que par une sincère volonté d’apporter une réponse originale et intéressante aux problèmes du pays… Et pourtant, il me semble, sur le fond, d’un conformiste digne des énarques les plus carriéristes.]
Parce qu’encore une fois, son engagement politique n’a rien à voir avec la « technique » sur laquelle il est compétent – à moins qu’il se spécialise sur les questions d’enseignement des sciences, par exemple. Quand Villani explique le théorème de Riesz, il mérite qu’on fasse silence. Quand Villani dit « votez Macron », son opinion ne vaut ni plus ni moins que celle de ma concierge.
[Une sorte de mystère pour moi. A croire que le fait d’avoir abandonné la recherche à proprement parler pour des fonctions de direction et de représentation l’a transformé en quelques années en un haut fonctionnaire tellement habitué à marcher sur des oeufs qu’il n’a plus d’opinion propre?]
On peut avoir plusieurs interprétations. On peut penser que Villani est malin, et qu’il croit qu’en faisant preuve d’une loyauté sans faille au discours macronien il arrivera le moment venu à tirer la couverture vers l’enseignement scientifique. Ou bien on peut penser qu’il a vu une opportunité de faire avancer sa propre carrière et d’avoir une exposition médiatique. On verra à l’usage…
Je crains malheureusement que Villani, même s’il est un grand mathématicien, n’ait pas la dimension philosophique et politique d’un Jolliot, d’un Charpak ou d’un Schwartz qui, il est vrai, ont eu une expérience vitale d’une toute autre densité, dans un pays qui avait un tout autre projet.
@ Descartes
[Je n’ai pas lu le livre, mais si je crois les critiques, l’auteur consacre une bonne partie de son livre à démontrer que les juifs ont acquis une sorte de « supériorité morale » grâce à la Shoah. Je me demande comment le remplacement de « Juif » par « classe moyenne » pourrait avoir un sens…]
Une nouvelle preuve qu’il vaut mieux lire les livres plutôt que les “critiques”. Le sujet que vous évoquez occupe une part tout à fait mineure dans l’ouvrage. Si le remplacement du signifiant “Juif” (je me mets à parler comme JC Milner, quelle horreur) par celui de “classe moyenne” dans le titre est éclairant, c’est parce que les Juifs ont été au cours du 20ème siècle (et sont toujours pour l’essentiel) les représentants archétypaux des “classes moyennes” telles que vous les définissez. Demandez à Alain Soral, il vous expliquera…
@ odp
[Une nouvelle preuve qu’il vaut mieux lire les livres plutôt que les “critiques”.]
Ce dont personne n’en doute. Seulement, notre temps ici bas est limité, et il faut donc choisir les livres qu’on lit. Et franchement, la « question juive », je l’ai eue tous les dimanches au menu à la table de famille pendant des années…
[Si le remplacement du signifiant “Juif” (je me mets à parler comme JC Milner, quelle horreur) par celui de “classe moyenne” dans le titre est éclairant, c’est parce que les Juifs ont été au cours du 20ème siècle (et sont toujours pour l’essentiel) les représentants archétypaux des “classes moyennes” telles que vous les définissez.]
Je pense que vous faites un anachronisme. Au cours de l’essentiel du XXème siècle, le juif n’est certainement pas « le représentant archétypal des « classes moyennes » telles que je les définis ». Pendant les trois premiers quarts du XXème siècle, « l’archétype » du juif ashkénaze est double : d’un côté, le bourgeois (banquier, industriel, producteur de cinéma, propriétaire de journaux) ploutocrate qui prétend asservir le monde avec son argent et exploiter les pauvres « goys ». D’un autre côté, le juif « étranger » – c’est-à-dire, venu d’Europe de l’Est – pauvre, sale, pouilleux, qui émigre par bateaux entiers vers le Nouveau Monde mais aussi vers la région parisienne.
L’archétype du juif « de classe moyenne », médecin, avocat ou ingénieur, n’apparaît qu’à la fin des années 1960, lorsque les enfants des juifs « étrangers » profiteront à fond des efforts de leurs parents et de la promotion sociale méritocratique des « trente glorieuses » pour prendre une place signalée dans la formation des puissantes « classes moyennes » qui prendront le pouvoir pendant le dernier quart du siècle.
[Demandez à Alain Soral, il vous expliquera…]
Contrairement à vous, je n’ai pas ce genre d’intimité avec Soral.
@ Descartes
[Je pense que vous faites un anachronisme. Au cours de l’essentiel du XXème siècle, le juif n’est certainement pas « le représentant archétypal des « classes moyennes » telles que je les définis ». Pendant les trois premiers quarts du XXème siècle, « l’archétype » du juif ashkénaze est double : d’un côté, le bourgeois (banquier, industriel, producteur de cinéma, propriétaire de journaux) ploutocrate qui prétend asservir le monde avec son argent et exploiter les pauvres « goys ». D’un autre côté, le juif « étranger » – c’est-à-dire, venu d’Europe de l’Est – pauvre, sale, pouilleux, qui émigre par bateaux entiers vers le Nouveau Monde mais aussi vers la région parisienne.]
Je pense que c’est vous qui faites un anachronisme. Quand Drumont écrit “La France Juive” (1885), au moment de l’Affaire Dreyfus et quand Maurras fonde l’Action Française (1898), le “Juif de Ghetto”, sale, pauvre, pouilleux, n’existe pratiquement pas. Ce qui préoccupe Drumont puis Maurras, c’est bien entendu le Banquier (Rothschild) mais plus encore le Juif Emancipé par la Révolution Française que l’on retrouve dans des fonctions d’intermédiaires ou de médiation comme avocats, journalistes, universitaires, écrivains, musiciens, comédiens, politiciens… Les noms qui sont lâchés à la vindicte de la foule quand se forment les fondements théoriques de l’antisémitisme français sont ceux de Naquet, Dreyfus, Mayer, Cerf, Crémieux, Durkheim, Bergson, Blum, Bloch… Pas Abramovicz, Aapenfeld, ou Smilevitch. Et les fondements théoriques de la critique de ces figures “Juifs de médiation” recoupent très largement ceux que vous déployez conte les “classes moyennes”.
@ odp
[Je pense que c’est vous qui faites un anachronisme. Quand Drumont écrit “La France Juive” (1885), au moment de l’Affaire Dreyfus et quand Maurras fonde l’Action Française (1898), le “Juif de Ghetto”, sale, pauvre, pouilleux, n’existe pratiquement pas.]
Eh non, c’est bien vous qui faites l’anachronisme : vous commencez par me parler du XXème siècle, caractérisé comme « siècle juif », et maintenant vous me remettez à des exemples qui viennent du XIXème siècle…
L’antisémitisme du XIXème n’est pas le même que celui du XXème. L’antisémitisme du XIXème siècle est, effectivement, celui d’une bourgeoisie et de « classes moyennes » très marginales qui craignent la concurrence du « juif émancipé » par la Révolution et qui, grâce au système méritocratique napoléonien, accède aux professions supérieures et à la fonction publique, mais à une époque ou le pouvoir des « classes moyennes » est très marginal. Cet antisémitisme, qui trouve son point culminant avec l’affaire Dreyfus, subit là une défaite décisive et perd ensuite de sa force pour laisser place à un antisémitisme très différent. La première guerre mondiale changera fondamentalement la donne en permettant aux juifs dits « français » de payer « l’impôt du sang » et donc de rentrer de plein droit dans la « communauté nationale » aux yeux de nombreux antisémites. L’antisémitisme se concentrera ensuite sur les « juifs étrangers », au point que beaucoup d’antisémites à Vichy offriront aux nazis les uns pour essayer de sauver les autres.
Alors, faut savoir de quoi on parle. C’est du XXème ou du XIXème siècle ? Sur le XIXème siècle, la comparaison n’a pas grand sens avec les « classes moyennes », vu que celles-ci ne prennent vraiment le pouvoir que dans les années 1960. S’il y a un « siècle juif » qui est en même temps « siècle des classes moyennes », c’est la deuxième moitié du XXème siècle…
[Les noms qui sont lâchés à la vindicte de la foule quand se forment les fondements théoriques de l’antisémitisme français sont ceux de Naquet, Dreyfus, Mayer, Cerf, Crémieux, Durkheim, Bergson, Blum, Bloch… Pas Abramovicz, Aapenfeld, ou Smilevitch.]
Oh… on trouve bien quelques « Rosenberg », non ? Je vous rappelle la plaisanterie faite lors du naufrage du Titanic : « Le Titanic coulé par un Iceberg… encore la faute des juifs ! ».
[Et les fondements théoriques de la critique de ces figures “Juifs de médiation” recoupent très largement ceux que vous déployez conte les “classes moyennes”.]
Pourriez-vous être plus explicite sur les « fondements théoriques » en question ? Je doute fort qu’ils “recoupent très largement ceux que je déploie contre les classes moyennes”. Et je vais vous dire pourquoi: il y a une différence fondamentale entre le fait d’être “juif” et le fait d’être “classe moyenne”. Etre “juif” – du moins dans la tête des antisémites – est une détermination biologique. Le juif reste juif, pauvre ou riche, jeune ou vieux. Il ne peut pas sortir de sa condition. C’est donc un caractère statique. Le juif ne peut pas avoir peur du “déclassement” comme juif, puisque ce caractère lui est consubstantiel et le suit de la naissance à la mort.
L’individu de “classe moyenne” – comme celui de n’importe quelle classe, d’ailleurs – n’est pas condamné à mourir dans la même classe qu’il est né. Son appartenance à une classe – et l’existence même de la classe en question dans le temps – est soumise aux aléas de l’histoire et des situations personnelles. Pour paraphraser une formule célèbre, on nait juif, on devient “classe moyenne”.
Cette différence a une conséquence fondamentale: on peut faire disparaître les “classes moyennes” sans pour autant exterminer ses membres. Par contre, faire disparaître la juiverie implique, du point de vue des antisémites, la disparition physique du juif. C’est cette différence fondamentale que vous ne voulez pas voir.
Descartes,
1- » On a vu abandonner l’écotaxe – dont pourtant une large majorité partageait le principe – parce que cela faisait de la peine aux « bonnes rouges »,
L’écotaxe résulte d’une directive européenne que l’on va devoir transposer en droit interne à un moment ou un autre. On ne demande pas son avis au « bon peuple « dans cette affaire. Les « bonnets rouges » ont fait capoter le projet pour l’instant et dont l’objectif était à terme d’instaurer des péages urbains.
Il faut savoir aussi que la collecte de cet impôt avait été confiée à un consortium franco-italien, bel exemple de démembrement de l’État.
2- » Beaucoup de nos jeunes énarques et ingénieurs ont une vaste culture générale. Le système des « grandes écoles » a permis de limiter la casse, et nous avons encore des élites « techniques » de très bon niveau. Le problème, c’est que la place de ces élites est au service du politique, et que le politique ne leur donne pas de direction. »
Je ne partage pas votre point de vue. Il y a sans doute des exceptions, mais le niveau de culture générale des énarques n’est pas très élevé notamment en Histoire et en Géographie. C’est une culture souvent très superficielle.
Même les ingénieurs ne sont plus des scientifiques mais de simples techniciens. Le mathématicien Laurent Lafforgue a expliqué cela devant les sénateurs.
https://www.youtube.com/watch?v=XudIqHCkMWc&t=49s
3- « Mais dans cette affaire, qui est le véritable représentant des « élites » ? Macron, ou le général de Villiers ? Des deux, le « technocrate », c’est le général, qui a consacré toute sa vie au métier des armes. Pas le président qui a été successivement philosophe, fonctionnaire, banquier, conseiller présidentiel, ministre, chef de parti… »
Macron n’est pas un philosophe ; il a juste fait des études de philosophie. Il n’a rien publié.
Macron est un haut fonctionnaire puisqu’il est inspecteur des Finances, fine fleur de la technocratie française.
@ Ribus
[L’écotaxe résulte d’une directive européenne que l’on va devoir transposer en droit interne à un moment ou un autre. On ne demande pas son avis au « bon peuple « dans cette affaire. Les « bonnets rouges » ont fait capoter le projet pour l’instant et dont l’objectif était à terme d’instaurer des péages urbains.]
On peut difficilement me suspecter de vouloir diminuer les responsabilités de l’Union européenne dans nos malheurs. Mais il ne faut pas non plus exagérer. Je vous mets au défi de m’indiquer précisément quelle « directive européenne » impose l’écotaxe. Non, l’écotaxe poids lourds partait d’une logique fort louable, qui est de faire payer aux poids lourds le coût supplémentaire qu’ils imposent à la collectivité en dégradant les routes. C’est particulièrement crucial parce que la France est un axe de passage de poids lourds étrangers qui utilisent nos routes sans contribuer par leurs impôts à payer leur entretien. Et cela n’a aucun rapport avec les péages urbains, dont la finalité est plutôt de décourager l’accès des véhicules aux centres urbains et de combattre les congestions.
Loin d’être de courageux résistants, les « bonnets rouges » représentent la spécificité d’une région française qui a toujours réussi à prendre appui sur son particularisme pour faire payer par le reste de la collectivité nationale ses infrastructures sans contribuer de son écot. Il faudra m’expliquer pourquoi les bretons devraient être dispensés de payer le péage sur les autoroutes, et pas les autres français. Ou pourquoi le reste du pays doit avoir des centrales électriques pour alimenter une région qui refuse qu’on en construise sur son sol.
[Il faut savoir aussi que la collecte de cet impôt avait été confiée à un consortium franco-italien, bel exemple de démembrement de l’État.]
Votre argument est spécieux : si au lieu de confier la collecte de l’impôt à une société privée l’Etat l’avait perçu lui-même, l’impôt serait-il devenu acceptable à vos yeux – et à ceux des « bonnets rouges » ? Non, bien sur que non. Alors, il n’est pas honnête d’amener un argument qui au fond ne change en rien votre position sur le problème.
[Je ne partage pas votre point de vue. Il y a sans doute des exceptions, mais le niveau de culture générale des énarques n’est pas très élevé notamment en Histoire et en Géographie. C’est une culture souvent très superficielle.]
Il ne faut pas confondre « culture » et « expertise ». Un énarque n’a pas à être un historien ou un géographe. Mais la grande majorité des énarques que je connais – et j’en connais un paquet – ont une culture sur la géographie et surtout sur l’histoire très au dessus de la moyenne. J’ai eu d’ailleurs l’opportunité de faire deux ou trois interventions à l’ENA, et je peux vous assurer que les questions que j’ai eu montraient une très bonne connaissance de l’histoire de France…
[Même les ingénieurs ne sont plus des scientifiques mais de simples techniciens. Le mathématicien Laurent Lafforgue a expliqué cela devant les sénateurs.]
Pourriez-vous me donner l’index dans cette intervention ou Lafforge explique cela ? Etant donné que c’est une intervention sur l’école primaire et secondaire, je doute fort qu’il s’étende beaucoup sur la formation des ingénieurs… J’ajoute que le témoignage que vous proposez est par ailleurs fort intéressant et mérite qu’on l’écoute.
[Macron est un haut fonctionnaire puisqu’il est inspecteur des Finances, fine fleur de la technocratie française.]
Encore une fois, un « technocrate » est quelqu’un dont la légitimité a pour origine son savoir technique. On n’est pas « technocrate » en général, on est « technocrate » quand on travaille sur un sujet sur lequel on est techniquement compétent. Macron était « technocrate » quand il travaillait à l’inspection des finances. Mais si demain il ouvre une pâtisserie, il cesse d’être un « technocrate ».
Merci pour cet article, je trouve toujours ça aberrant qu’à l’heure où l’on cherche à faire des économies dans tous les sens on ne s’attarde pas plus sur cet énorme gaspillage d’argent public que constitue le fait de former pendant 5 ans des jeunes en sachant à l’avance qu’ils n’auront pas de débouchés. Par contre je rejoins pas complètement votre analyse sur ce passage là :
[Il faudrait d’ailleurs s’interroger sur les raisons pour lesquelles les étudiants se précipitent sur des enseignements comme le STAPS, la psychologie, la sociologie ou le droit des affaires, et délaissent les enseignements en sciences dites « dures ». En fait, les étudiants recherchent le meilleur compromis entre l’employabilité future et l’effort intellectuel à investir. Les sciences ont un rapport qualité/prix particulièrement défavorable : même si elles permettent de trouver facilement du travail relativement bien payé, elles demandent un investissement très important au départ. Les étudiants ont donc un raisonnement d’investisseur financier : il faut que ça rapporte vite.]
Je pense que ces étudiants raisonnent moins en fonction des perspectives financières et de l’employabilité mais plutôt sur le très court terme. Contrairement à des métiers comme pilote de ligne ou vétérinaire, il y a peu de gens qui rêvent depuis leur enfance d’être psychologue ou prof de sport. À mon avis, ces licences rassemblent une grande part de ceux qui ne savent pas quoi faire à la sortie du lycée. Quitte à choisir quelque chose, ils cherchent une filière qui leur paraissent un minimum intéressant, et vu qu’ils ne sont eux-même pas totalement convaincus de leur choix et pas très motivés, ils privilégient celles qui vont demander le moins d’efforts les premières années. C’est toujours au moment de la sélection qu’il risque d’y avoir du sang de la sueur et des larmes donc autant la retarder au maximum. Pour un étudiant en Staps ce sera généralement à partir du master lorsqu’il préparera le concours du capes, pour un étudiant en psychologie ça sera plutôt quand il entrera sur le marché du travail, … et d’ici-là on aura bien le temps de voir venir.
Et pis pour peu qu’on ait déjà fait un peu du tennis en club, qu’on joue de la guitare, ou qu’on aime bien l’aquarelle, on va se dire qu’étudier le sport, la musicologie ou l’histoire de l’art ça peut toujours être sympa. Ou typiquement la psychologie ça suscite la curiosité, on a tous envie de comprendre comment fonctionne l’esprit humain. Comme en plus les adultes sont souvent eux-même convaincus que le principal dans tout ça c’est de se faire plaisir…
(C’est par exemple ce que nous explique brillamment cet “intellectuel” :
“Mon conseil aux jeunes est simple : plus aucun parcours n’est sûr à 100 %, donc autant s’amuser et choisir d’étudier ce qu’on aime. “
http://www.lemonde.fr/o21/article/2017/02/09/pascal-picq-choisissez-d-etudier-ce-que-vous-aimez_5077105_5014018.html#jU9xfVfF9UluRXVz.99 )
Dans mon entourage parmi ceux qui s’engagent en licence dans ce genre de voies sans issues, un certain nombre d’entre eux bifurquent ensuite en master pour devenir professeur des écoles. Et là aussi je pense que le système de sélection des enseignants du primaire (et même du secondaire) est très mal adapté. Il y a sûrement beaucoup de raisons pour expliquer que le métier d’instituteur suscite moins de vocations qu’avant, mais si la formation débutait dès la sortie du lycée et que la sélection se faisait à bac+0 ou bac+1 je pense cela rendrait la filière plus attractive. Le métier d’infirmier n’est pas forcément beaucoup plus valorisé socialement (ni financièrement) et pourtant en terminal beaucoup de gens disent qu’ils veulent à tout prix faire ce métier, probablement en partie car le concours étant très tôt, ils ont dû s’intéresser rapidement à la question. Parallèlement très peu disent qu’ils souhaitent être prof, même si une large part le finiront, mais du coup pas forcément ceux qui auraient vraiment “ça dans le sang”.
(Aucun rapport mais je commence un blog depuis pas très longtemps, si ça dérange pas trop je laisse le lien peut être que ça peut intéresser des gens ici : https://lesresponsables.wordpress.com/ )
@ Timo
[Je pense que ces étudiants raisonnent moins en fonction des perspectives financières et de l’employabilité mais plutôt sur le très court terme.]
On s’est mal compris. Quand j’ai dit que l’étudiant avait « un comportement d’investisseur financier », je voulais dire exactement ce que vous dites ici. L’investisseur financier recherche une minimisation des risques, et comme la prévision devient de plus en plus incertaine lorsque le temps s’allonge, on minimise le risque en cherchant des investissements rentables sur le cour terme.
[Contrairement à des métiers comme pilote de ligne ou vétérinaire, il y a peu de gens qui rêvent depuis leur enfance d’être psychologue ou prof de sport. À mon avis, ces licences rassemblent une grande part de ceux qui ne savent pas quoi faire à la sortie du lycée. Quitte à choisir quelque chose, ils cherchent une filière qui leur paraissent un minimum intéressant, et vu qu’ils ne sont eux-même pas totalement convaincus de leur choix et pas très motivés, ils privilégient celles qui vont demander le moins d’efforts les premières années.]
Vous signalez un paramètre qui rentre aussi dans l’équation. En effet, l’enseignement primaire et secondaire ne joue pas son rôle qui est de susciter les vocations, de détecter les talents et les pousser vers les métiers où ils peuvent se réaliser pleinement. N’ayant pas de préférences bien marquées, les individus sont beaucoup plus sensibles aux effets de mode ou à la recherche du chemin du moindre effort.
[Et pis pour peu qu’on ait déjà fait un peu du tennis en club, qu’on joue de la guitare, ou qu’on aime bien l’aquarelle, on va se dire qu’étudier le sport, la musicologie ou l’histoire de l’art ça peut toujours être sympa. Ou typiquement la psychologie ça suscite la curiosité, on a tous envie de comprendre comment fonctionne l’esprit humain. Comme en plus les adultes sont souvent eux-même convaincus que le principal dans tout ça c’est de se faire plaisir…
(C’est par exemple ce que nous explique brillamment cet “intellectuel” :
“Mon conseil aux jeunes est simple : plus aucun parcours n’est sûr à 100 %, donc autant s’amuser et choisir d’étudier ce qu’on aime. “]
Ce n’est pas forcément un mauvais conseil… mais pourquoi tout le monde « aime » les STAPS alors que personne n’aime les mathématiques ou la physique quantique ? Parce que pour « se faire plaisir » avec les mathématiques ou la physique, il faut un investissement de départ très considérable. Je pense que vous avez signalé un point important en évoquant le besoin de satisfaction immédiate si caractéristique de nos jeunes.
[Dans mon entourage parmi ceux qui s’engagent en licence dans ce genre de voies sans issues, un certain nombre d’entre eux bifurquent ensuite en master pour devenir professeur des écoles. Et là aussi je pense que le système de sélection des enseignants du primaire (et même du secondaire) est très mal adapté. Il y a sûrement beaucoup de raisons pour expliquer que le métier d’instituteur suscite moins de vocations qu’avant, mais si la formation débutait dès la sortie du lycée et que la sélection se faisait à bac+0 ou bac+1 je pense cela rendrait la filière plus attractive.]
C’est une bonne idée. Effectivement, il faudrait placer les sélections relativement tôt.
[(Aucun rapport mais je commence un blog depuis pas très longtemps, si ça dérange pas trop je laisse le lien peut être que ça peut intéresser des gens ici : https://lesresponsables.wordpress.com/ )]
Mais… pourquoi est-ce que cela devrait me déranger ? Plus il y aura des lieux de débat, mieux cela vaudra !
@ Timo
[Merci pour cet article, je trouve toujours ça aberrant qu’à l’heure où l’on cherche à faire des économies dans tous les sens on ne s’attarde pas plus sur cet énorme gaspillage d’argent public que constitue le fait de former pendant 5 ans des jeunes en sachant à l’avance qu’ils n’auront pas de débouchés]
Pour votre information sachez que le taux d’insertion des Bac+5 universitaire est de l’ordre de 90%. Argument irrecevable donc.
@ odp
[Pour votre information sachez que le taux d’insertion des Bac+5 universitaire est de l’ordre de 90%. Argument irrecevable donc.]
Oui et non. D’une part, si le taux d’insertion des Bac+5 est de 90%, cela laisse tout de même 10% sur les carreau. Et 10% du budget consacré à l’enseignement supérieur, ce n’est pas de la tarte.
Mais indépendamment de cela, quand vous parlez d’un taux d’insertion de 90% pour les Bac+5, vous parlez en fait des titulaires d’un DIPLOME de niveau Bac+5. Cela laisse de côté tous ceux à qui on paye 5 ans d’études après le bac mais qui ne décrochent pas le diplôme correspondant (et qui quelquefois après 5 années ne décrochent même pas la Licence). Quelle est leur insertion professionnelle ?
Bonjour Descartes,
J’ai quelques inquiétudes concernant les écoles d’ingénieurs. Si je me base sur celle où j’étudie (en gros dans le top 10 des classements), le taux d’absentéisme bat des records chaque année. Le corps enseignant, et pas juste un enseignant grognon, se plaint régulièrement des carences en mathématiques des élèves. Dans le même temps l’école alloue un volume horaire conséquent pour des cours d’entrepreneuriat et un incubateur de startup va éclore dans la cour de l’école d’ici l’année prochaine. Si le niveau est encore loin d’être désastreux, la trajectoire semble inquiétante…
Je vous rejoins sur les bienfaits du parcours daccès aux grandes écoles qui, je pense, ne sera pas réellement attaqué tant que le niveau dans le primaire/secondaire continuera à être ce qu’il est (l’intervention de Lafforgue au Sénat donne des sueurs froides…) et que la plus grande partie des enfants des classes populaires continueront à y échouer massivement.
J’ai cru comprendre que vous avez une formation d’ingénieur, quelle école/spécialité, si ce n’est pas trop indiscret ?
@ Max
[J’ai quelques inquiétudes concernant les écoles d’ingénieurs. Si je me base sur celle où j’étudie (en gros dans le top 10 des classements), le taux d’absentéisme bat des records chaque année. Le corps enseignant, et pas juste un enseignant grognon, se plaint régulièrement des carences en mathématiques des élèves. Dans le même temps l’école alloue un volume horaire conséquent pour des cours d’entrepreneuriat et un incubateur de startup va éclore dans la cour de l’école d’ici l’année prochaine. Si le niveau est encore loin d’être désastreux, la trajectoire semble inquiétante…]
J’ai la même perception que vous. Certaines écoles d’ingénieurs commencent à ressembler drôlement à des écoles de commerce. Les effets de mode, l’obsession des classements internationaux empêche aujourd’hui toute réflexion rationnelle sur une organisation du système de formation en fonction des besoins du pays.
[J’ai cru comprendre que vous avez une formation d’ingénieur, quelle école/spécialité, si ce n’est pas trop indiscret ?]
C’est un peu indiscret. Comme vous le savez, je tiens à mon anonymat. Ce que je peux vous dire, c’est que j’ai eu – moi, l’immigré ayant des parents modestes – de me voir offrir la possibilité de suivre l’enseignement d’une des meilleures écoles d’ingénieurs, et que pour cela je serai toujours reconnaissant à la République française. Je me suis spécialisé dans le nucléaire et j’ai fait l’essentiel de ma carrière dans ce domaine.
« Je vous mets au défi de m’indiquer précisément quelle « directive européenne » impose l’écotaxe. Non, l’écotaxe poids lourds partait d’une logique fort louable… »
QUATORZIÈME LÉGISLATURE 14 mai 2014.RAPPORT D’INFORMATION PAR M. Jean-Paul CHANTEGUET,Président et rapporteur Député.( extraits)
« L’écotaxe poids lourds n’est pas une invention née de l’imagination de grands argentiers soucieux de créer une taxe de plus pour conforter le train de vie de l’État. Elle trouve son origine dans la directive 1999/62/CE du Parlement européen et du Conseil du 17 juin 1999, certes plusieurs fois modifiée, mais qui érige des principes forts. D’abord, cette directive vise à faire contribuer les utilisateurs (voire indirectement les bénéficiaires du transport) de certaines infrastructures, principalement routières, à leur coût d’usage que ces professionnels soient des nationaux ou des étrangers, qu’ils y effectuent ou pas l’essentiel de leur activité, ou qu’ils en soient usagers au titre du transit international ou du cabotage. Ensuite, elle vise à harmoniser les différents systèmes existants ou à venir concernant les divers prélèvements, taxes sur les véhicules, péages et droits liés à l’usage des réseaux. Enfin, la directive entend instituer des mécanismes équitables d’imputation des coûts d’infrastructure aux transporteurs. Elle autorise les pays membres à créer une redevance d’utilisation des routes dont le produit peut être affecté à la construction, l’entretien, l’amélioration des infrastructures de transport. …. »
@ Ribus
Lisez avec attention le texte que vous citez: “[la directive] AUTORISE les pays membres à créer une redevance d’utilisation des routes dont le produit peut être affecté à la construction, l’entretien, l’amélioration des infrastructures de transport” (c’est moi qui souligne). Contrairement à ce que vous écrivez, la directive n’IMPOSE nullement de créer une telle taxe, elle l’AUTORISE par exception aux règles de la concurrence. Dire que l’écotaxe est “imposée par une directive européenne” est donc inexact.
« Votre argument est spécieux : si au lieu de confier la collecte de l’impôt à une société privée l’Etat l’avait perçu lui-même, l’impôt serait-il devenu acceptable à vos yeux .. »
Oui, tout à fait notamment en raison du taux d’intervention.
Le contrat prévoyait une rémunération de 250 millions d’euros par an pour Ecomouv soit près de 22% des recettes attendues (1,15 milliard d’euros) Quant à l’impôt au sens large, un rapport de la DGFiP a fait apparaître un taux d’intervention de 0,96%. soit une gestion de l’impôt qui coûte 1 euro pour 100 euros collectés, celle de l’écotaxe devait coûter 22 euros pour 100 euros perçus.
@ Ribus
[Le contrat prévoyait une rémunération de 250 millions d’euros par an pour Ecomouv soit près de 22% des recettes attendues (1,15 milliard d’euros)]
Mais quelle partie de cette « rémunération » représente les frais de construction et de maintenance des portiques, la collation des données, les frais de recouvrement ? Si l’Etat avait collecté directement l’impôt, il lui aurait fallu quand même payer tous ces frais. Je vous rappelle que la société Ecomouv avait été choisie par appel d’offres. Si c’était une affaire tellement juteuse, comment se fait-il que les concurrents d’Ecomouv n’aient pas pu offrir un meilleur prix ?
[Quant à l’impôt au sens large, un rapport de la DGFiP a fait apparaître un taux d’intervention de 0,96%. soit une gestion de l’impôt qui coûte 1 euro pour 100 euros collectés, celle de l’écotaxe devait coûter 22 euros pour 100 euros perçus.]
De quel « impôt » parlez-vous ? Pourriez-vous donner la référence du rapport ?
Il y a des impôts plus ou moins chers à percevoir. La TVA est l’impôt préféré de Bercy précisément parce que sa perception est presque gratuite pour l’Etat, puisque tout le travail est effectué par les redevables. Au contraire, l’impôt sur la fortune est cher à percevoir…
“Pourriez-vous me donner l’index dans cette intervention ou Lafforge explique cela ? Etant donné que c’est une intervention sur l’école primaire et secondaire, je doute fort qu’il s’étende beaucoup sur la formation des ingénieurs…”
Cette vidéo est visionnable sur You Tube : « Laurent Lafforgue | L’état de l’enseignement en France | Sénat, 2 avril 2015 »
Voir à partir de 51,10mn
@ Ribus
[Voir à partir de 51,10mn]
Je l’ai regardé avec attention. Il n’y a aucune référence à la formation des écoles d’ingénieurs.
J’avais lu avec un plaisir certain les textes de Lafforgue, il y a quelque temps maintenant. Ils étaient assez déconcertants.
Sur le sujet dont vous parlez, il pense particulièrement aux chercheurs et a développé je crois ce thème dans un de ces textes sur Simone Weil et la mathématique.
Il l’évoque aussi ici : https://sites.google.com/site/sanslelatin/colloques-et-publications/textes-des-conferences/12-03-2015-le-latin-dans-la-formation-mathematique-par-laurent-lafforgue-et-olivier-rey
A partir de “Les mathématiques, une pensée qui se perd au profit de la technique”
Par ailleurs, il avait interrogé une ancienne institutrice russe, texte qui vous intéresserait peut-être si vous ne l’avez déjà lu et qui n’est plus disponible directement sur son site mais que l’on peut encore trouver en passant par google, nisi fallor.
Je sais que Finkielkraut recommande chaudement son texte sur la confusion des ordres.
PS : après recherche, voici le texte en question sur Weil : https://www.laurentlafforgue.org/textes/SimoneWeilMathematique.pdf
C’est très religieux… (je retiens tout de même à relecture rapide la jolie définition du mensonge comme refus de la contradiction…)
et avec l’institutrice (professeur de français en Russie) : https://www.laurentlafforgue.org/textes/educationRussie.pdf
@ Ruben
Merci beaucoup de toutes ces références. Ce sont de très beaux textes. Le compte rendu de la conversation avec le professeur russe confirme ce que je savais de ce système: une école institutionnellement très forte, très exigeante, mettant le savoir au centre… on se prend à rêver!
1- Laurent Lafforgue ne parle pas spécifiquement des écoles d’ingénieurs mais des formations scientifiques. Mais sans doute qu’ il n’est point question de Sciences dans les écoles d’ingénieurs…
2- Vous éludez le taux d’intervention qui représente ce que coûte un impôt en termes de recouvrement.
Le dossier de l’écotaxe a quand même conduit à une commission d’enquête parlementaire qui s’est sérieusement interrogée sur le montage de cette affaire où vous ne trouvez que bénéfices et vertu.
Vous faites semblant de ne pas comprendre car cela vous dérange qu’on critique la haute fonction publique à laquelle vous semblez très lié.
3-Aux termes de l’article 288 du traité de Rome : « La directive lie tout État membre destinataire quant au résultat à atteindre, tout en laissant aux instances nationales la compétence quant à la forme et aux moyens ».
Vous allez me faire croire que vous ne le savez pas ?
Vous êtes d’une parfaite mauvaise foi.
@ Ribus
[1- Laurent Lafforgue ne parle pas spécifiquement des écoles d’ingénieurs mais des formations scientifiques. Mais sans doute qu’ il n’est point question de Sciences dans les écoles d’ingénieurs…]
Il ne faut pas prendre la partie pour le tout. Ce n’est pas parce que dans les écoles d’ingénieur on apprend l’anglais que la critique de l’enseignement de l’anglais est une critique des ingénieurs…
[2- Vous éludez le taux d’intervention qui représente ce que coûte un impôt en termes de recouvrement.]
Je n’élude rien du tout. Je vous fais remarquer simplement que prendre la moyenne du taux d’intervention pour tous les impôts pour le comparer à l’écotaxe n’a pas de sens. Le taux d’intervention pour l’écotaxe est supérieur à celui de la TVA, mais inférieur à celui de l’impôt sur la fortune, par exemple. Par ailleurs, vous noterez que le coût de recouvrement de certains impôts est payé en grande partie par le contribuable lui-même, comme c’est le cas de la TVA.
[Le dossier de l’écotaxe a quand même conduit à une commission d’enquête parlementaire qui s’est sérieusement interrogée sur le montage de cette affaire où vous ne trouvez que bénéfices et vertu.]
Moi je ne trouve pas « que bénéfices et vertu ». Je constate simplement que si l’écotaxe a été abandonnée, ce n’est certainement pas parce qu’elle était chère à percevoir, mais « parce que cela faisait de la peine aux « bonnes rouges » ». Je vous fais remarquer qu’on aurait pu parfaitement décider de ne pas la supprimer et de confier aux services de l’Etat son recouvrement. Pourtant, on a décidé de l’abandonner. Pourquoi, à votre avis ?
[Vous faites semblant de ne pas comprendre car cela vous dérange qu’on critique la haute fonction publique à laquelle vous semblez très lié.]
Ce sont les politiques qui ont décidé de faire l’écotaxe, et qui l’ont votée comme un seul homme à l’Assemblée nationale. Ce sont les politiques qui ont décidé des modalités. et ce sont les politiques qui ont décidé son abandon. Je ne vois pas très bien en quoi l’affaire de l’écotaxe mettrait en cause « la haute fonction publique ».
[3-Aux termes de l’article 288 du traité de Rome : « La directive lie tout État membre destinataire quant au résultat à atteindre, tout en laissant aux instances nationales la compétence quant à la forme et aux moyens ». Vous allez me faire croire que vous ne le savez pas ?]
Je le sais, mais je ne vois pas très bien le rapport. L’objectif de la directive était de « faire contribuer les utilisateurs (voire indirectement les bénéficiaires du transport) de certaines infrastructures, principalement routières, à leur coût d’usage que ces professionnels soient des nationaux ou des étrangers, qu’ils y effectuent ou pas l’essentiel de leur activité, ou qu’ils en soient usagers au titre du transit international ou du cabotage ». Mais elle n’impose pas les moyens pour atteindre cet objectif. Une taxe sur le carburant reversée aux gestionnaires des infrastructures de transports satisfait parfaitement l’objectif de la directive. Le choix de mettre en place l’écotaxe était un choix purement national, et nullement « imposé par la directive », contrairement à ce que vous avez écrit…
@ Descartes
Je ne suis pas sûr de voir, dans votre papier, l’articulation entre “reproduction des classes moyennes” et “Université pour tous”. Si les rejetons tarés des “classes moyennes” encombraient APB pour ensuite se déverser dans des filières sans avenir, en quoi cela constitueraient-il une stratégie gagnante?
@ odp
[Je ne suis pas sûr de voir, dans votre papier, l’articulation entre “reproduction des classes moyennes” et “Université pour tous”.]
Je n’ai peut-être pas été très clair.
« L’université pour tous » aboutit à deux résultats complémentaires. Le premier, est de réduire les moyens disponibles par tête d’étudiant. Ce qui pénalise les étudiants qui en ont le plus besoin, c’est-à-dire, les plus modestes. Quand on ne trouve pas de place pour travailler en bibliothèque, ce sont ceux qui peuvent s’acheter les livres – ou qui ont déjà une bibliothèque bien fournie chez eux – qui sont privilégiés. Quand les professeurs n’ont pas le temps de répondre aux questions, ce sont ceux qui peuvent se payer des stages ou cours particuliers qui y gagnent.
Le second effet, encore plus pervers, c’est que « l’université pour tous » aboutit, tôt ou tard, au « diplôme pour tous », comme on a pu le voir avec le bac. La pression des étudiants, des parents, des politiques fait qu’on ne tolérera pas un taux d’échec élevé longtemps, même s’il est parfaitement mérité. On aboutit alors à une dévalorisation du diplôme, et du coup à une sélection par les employeurs qui fait intervenir moins la qualité de la formation est plus les « réseaux », ce qui là aussi privilégie les « classes moyennes ».
J’avais eu l’opportunité de discuter avec un spécialiste latino-américain qui avait fait des travaux très intéressants sur l’abandon scolaire. Il avait montré que, pour que les pauvres accèdent à des études longues, il faut impérativement valoriser les diplômes et soutenir les élèves doués. La raison est simple : pour les parents modestes, envoyer un enfant faire des études longues est un énorme investissement. Si ces études lui garantissent ensuite une promotion social, les parents acceptent de faire l’investissement. Mais si les parents détectent que le diplôme obtenu ne garantit rien, ou que l’institution n’aidera pas leur enfant à l’obtenir, ils se découragent et ne consentent pas l’investissement en question.
[Si les rejetons tarés des “classes moyennes” encombraient APB pour ensuite se déverser dans des filières sans avenir, en quoi cela constitueraient-il une stratégie gagnante?]
En ce que cette stratégie permet l’éviction des enfants des autres couches sociales, qui autrement pourraient devenir des concurrents…
Histoire d’un peu rire (ou pleurer, au choix…) :
https://start.lesechos.fr/actu-entreprises/societe/l-ecriture-inclusive-et-si-on-s-y-mettait-tou-te-s-9152.php
On va donc arrêter de demander à nos concitoyen-ne-s d’utiliser abusivement des tirets, place au point médian !
@ Un Belge
[On va donc arrêter de demander à nos concitoyen-ne-s d’utiliser abusivement des tirets, place au point médian !]
Malheureusement, le “politiquement correct” fait que ce genre d’idiotie se répand. Si vous voulez vous amuser, lisez au Journal Officiel les avis de vacance de postes a responsabilité publiés par le ministère de la Santé – c’est celui qui pour le moment est le plus enthousiaste sur le sujet. Certains sont à pleurer, tant l’effort de rendre le texte “inclusif” le rend presque incompréhensible et moche…
Bonsoir,
Je signale cet article passionnant de Jacques Sapir sur la révolution d’octobre 1917 et la politique qui suivit, sous l’angle économique (principalement la NEP, donc) :
https://russeurope.hypotheses.org/6192
À lire sa description plutôt positive d’une « forme de compromis qui s’était cristallisé entre le projet « socialiste » et le projet « national-moderniste » », il est difficile de ne pas faire le lien avec les plaidoyers récurrents de Sapir pour un compromis entre souverainistes « des deux bords » (même si on aura du mal à trouver un « projet socialiste » chez Mélenchon, à mon avis, ni un véritable « modernisme » au FN ou chez Dupont-Aignan). Plus généralement, il semble dans la mentalité politique de Sapir de rejeter les tendances eschatologiques ou sectaires pour privilégier une approche dynamique où l’on « joue » en permanence autour d’un équilibre instable et changeant.
@ Antoine
[Je signale cet article passionnant de Jacques Sapir sur la révolution d’octobre 1917]
Vraiment passionnant. Comme souvent les articles de Sapir.
[À lire sa description plutôt positive d’une « forme de compromis qui s’était cristallisé entre le projet « socialiste » et le projet « national-moderniste » », il est difficile de ne pas faire le lien avec les plaidoyers récurrents de Sapir pour un compromis entre souverainistes « des deux bords »]
Cela fait penser d’abord au compromis “gaullo-communiste”, qui aboutit en France à une situation qui ressemble par beaucoup d’aspects à la NEP, avec une planification d’Etat “indicative” mais ayant une véritable influence du fait du contrôle de l’Etat sur les secteurs stratégiques et sur la banque, mais qui laisse à l’initiative privée de larges espaces de liberté.
Je trouve aussi très intéressante sa remarque sur le rapport entre la croissance économique et l’amélioration de la productivité et la conflictualité sociale, qui conclut au fait que la conflictualité sociale, loin de constituer un obstacle, est un élément mobilisateur.
[(même si on aura du mal à trouver un « projet socialiste » chez Mélenchon, à mon avis, ni un véritable « modernisme » au FN ou chez Dupont-Aignan)]
Surtout, on ne trouve pas chez Mélenchon de véritable “souverainisme”. Je sais que je me répète, mais je n’arrive pas à comprendre qu’on continue à qualifier ce personnage qui pendant toute sa carrière – y compris jusqu’à aujourd’hui, avec son “plan A” – a considéré la construction d’un Europe supranationale comme souhaitable et nécessaire puisse être considéré “souverainiste”.
Pour ce qui concerne le “modernisme”, on trouve pas mal de “modernistes” au FN – le discours de Philippot et de ses amis est sans conteste de cette nature. Mais on ne peut pas dire que ce discours fasse l’unanimité, ou qu’il soit profondément enraciné dans le corps militant du FN sauf dans certaines régions.
@Descartes
> Pour ce qui concerne le “modernisme”, on trouve pas mal de “modernistes” au FN – le discours de Philippot et de ses amis est sans conteste de cette nature.
Je ne connais pas le FN de l’intérieur. Mais, dans ses interviews, Philippot se déclare moderne parce qu’il a des positions libérales sur l’avortement, l’homosexualité… Ça ne va pas bien loin et c’est un peu ce que je voulais souligner : le “modernisme” au FN semble consister simplement à aller dans le sens de l’époque sur quelques sujets sociétaux sans s’accompagner d’une doctrine économique et sociale ambitieuse.
@ Antoine
[Ça ne va pas bien loin et c’est un peu ce que je voulais souligner : le “modernisme” au FN semble consister simplement à aller dans le sens de l’époque sur quelques sujets sociétaux sans s’accompagner d’une doctrine économique et sociale ambitieuse.]
Il faudrait s’entendre sur e que cela veut dire d’être “moderne”… Rejeter les peurs obscurantistes de l’écologie, vouloir une politique industrielle forte, est-ce “moderne” ? Je pense que oui.
@Descartes
Quand Sapir parle de « national-modernisme », je pense qu’il fait référence à un projet de rénovation profonde de la société, politiquement, économiquement, institutionnellement. Par exemple les nationalismes arabes ou celui d’Atatürk. Je ne vois aucune ambition novatrice au FN ni chez Philippot.
>Il faudrait s’entendre sur e que cela veut dire d’être “moderne”… Rejeter les peurs obscurantistes de l’écologie, vouloir une politique industrielle forte, est-ce “moderne” ? Je pense que oui.< Il y a en effet une sorte de confusion entre “moderne” et “nouveau”. Je pense que rejeter le millénarisme ambiant est en effet “moderne”, tout “nouveau” que soit celui-ci. Après tout, Savonarole était à son époque à la pointe de l’innovation politique…
@ Antoine
[Par exemple les nationalismes arabes ou celui d’Atatürk. Je ne vois aucune ambition novatrice au FN ni chez Philippot.]
Mais chez qui voyez-vous un projet global de cette nature ? Il y a des moments de rupture dans l’histoire, et c’est alors qu’on peut voir fleurir ce genre de projets. Nous ne sommes pas dans un tel moment, et il est donc difficile d’imaginer qu’un homme politique, quel que soit son parti, propose une rupture comme le fit Atatürk ou Nasser.
Aujourd’hui, la seule « rupture » qui se présente dans le débat public est la rupture avec la logique de supranationalisation. Mais c’est une problématique très européenne, qui ne touche guère que les membres de l’UE. Et de ce point de vue, Philippot est de ceux qui sont le plus en avance.
@ Antoine
“Plus généralement, il semble dans la mentalité politique de Sapir de rejeter les tendances eschatologiques ou sectaires pour privilégier une approche dynamique où l’on « joue » en permanence autour d’un équilibre instable et changeant.”
Tout à fait, c’est d’ailleurs pour ça que malgré sa proximité politique avec Descartes, vous ne verrez jamais Sapir s’abîmer dans la critique obsessionnelle des “classes moyennes”. Il est bien trop malin pour ça.
@odp
> Tout à fait, c’est d’ailleurs pour ça que malgré sa proximité politique avec Descartes, vous ne verrez jamais Sapir s’abîmer dans la critique obsessionnelle des “classes moyennes”. Il est bien trop malin pour ça.
Je ne vois pas de raison d’imaginer que ce serait par malice ou malignité plutôt que du fait d’une analyse politique différente (ou peut-être d’une volonté de ne pas affaiblir son militantisme souverainiste en y superposant une analyse de classes).
@ Antoine
[(ou peut-être d’une volonté de ne pas affaiblir son militantisme souverainiste en y superposant une analyse de classes).]
Je n’ai pas voulu répondre à la provocation d’Odp sur ce sujet, mais puisque vous soulevez le point j’aimerais le préciser. Contrairement à ce qui m’arrive, on ne peut reprocher à Sapir le moindre péché de marxisme. Dans ses analyses, la notion de “classe” au sens marxiste du terme n’est jamais centrale, et en fait très rarement évoquée. Sapir a de la société une vision qui emprunte plus à la sociologie qu’à l’économie politique classique. C’est pour cela qu’on ne trouvera pas chez Sapir de “critique” des “classes moyennes”, pas plus qu’on ne trouvera une “critique” du prolétariat ou de la bourgeoisie.
J’ajoute que je ne me reconnais pas dans l’accusation d’odp qui voudrait faire de moi un exterminateur des “classes moyennes” – voir par exemple les tentatives de faire un parallèle entre la critique des “classes moyennes” et l’antisémitisme, dans un contexte qui conduit fatalement à m’imaginer en organisateur d’une “solution finale” pour les “classes moyennes”. Personnellement, je me tiens à l’analyse marxiste classique: la disparition des classes dominantes ne se fait pas par l’extermination de ses membres, mais par la transformation du mode de production qui fait disparaître leur fonction. Quelque soit ma critique des “classes moyennes”, c’est une critique fonctionnelle, et non une critique morale.
@ Antoine, Descartes
[Je n’ai pas voulu répondre à la provocation d’Odp sur ce sujet, mais puisque vous soulevez le point j’aimerais le préciser. Contrairement à ce qui m’arrive, on ne peut reprocher à Sapir le moindre péché de marxisme. Dans ses analyses, la notion de “classe” au sens marxiste du terme n’est jamais centrale, et en fait très rarement évoquée. Sapir a de la société une vision qui emprunte plus à la sociologie qu’à l’économie politique classique. C’est pour cela qu’on ne trouvera pas chez Sapir de “critique” des “classes moyennes”, pas plus qu’on ne trouvera une “critique” du prolétariat ou de la bourgeoisie.]
En effet, ou de manière très indirecte, alors même que son engagement “à gauche” est indéniable. C’est qu’en effet il n’est pas sectaire et estime que c’est politiquement contre-productif – ce qui paraît évident à quiconque réfléchit 5 minutes au sujet.
Descartes, Antoine
[J’ajoute que je ne me reconnais pas dans l’accusation d’odp qui voudrait faire de moi un exterminateur des “classes moyennes” – voir par exemple les tentatives de faire un parallèle entre la critique des “classes moyennes” et l’antisémitisme, dans un contexte qui conduit fatalement à m’imaginer en organisateur d’une “solution finale” pour les “classes moyennes”. Personnellement, je me tiens à l’analyse marxiste classique: la disparition des classes dominantes ne se fait pas par l’extermination de ses membres, mais par la transformation du mode de production qui fait disparaître leur fonction. Quelque soit ma critique des “classes moyennes”, c’est une critique fonctionnelle, et non une critique morale.]
Je ne sais pas quelle est l’analyse marxiste classique; en revanche je connais la pratique marxiste classique: elle passe par l’extermination des “classes parasitaires”. Vous me permettrez donc de douter de la pureté sinon de vos intentions du moins de leurs conséquences.
Par ailleurs, au début, personne ne veut exterminer personne: Maurras non plus ne voulait pas s’en prendre aux Juifs physiques, seulement à l’Idée de Juif ; comme Soral aujourd’hui. Ces gens-là sont tout comme vous: bien sous tout rapport, civilisés, aux mains blanches… D’ailleurs, même les nazis n’avaient pas vraiment l’intention d’exterminer les Juifs initialement, ils ont commencé par “modifier le système production pour faire disparaître leur fonction”, à coup de lois raciales et de Nuit de Cristal…
@ odp
[En effet, ou de manière très indirecte, alors même que son engagement “à gauche” est indéniable. C’est qu’en effet il n’est pas sectaire et estime que c’est politiquement contre-productif – ce qui paraît évident à quiconque réfléchit 5 minutes au sujet.]
Je ne crois pas que ce soit chez lui un choix opportuniste, que Sapir soit un marxiste qui occulte son marxisme pour considérer qu’il serait “politiquement contreproductif”. Ce n’est pas non plus une question de “sectarisme”: les non-marxistes peuvent être aussi sectaires à l’occasion que les marxistes. Non, Sapir a fait le choix d’un cadre de référence pour sa réflexion, et ce cadre n’est pas un cadre marxiste.
@ odp
[Je ne sais pas quelle est l’analyse marxiste classique; en revanche je connais la pratique marxiste classique: elle passe par l’extermination des “classes parasitaires”.]
Si on suit votre logique de lancement de tartes à la crème, on pourrait alors dire que la « pratique libérale » consiste dans le maintien de la ségrégation raciale, l’imposition des régimes dictatoriaux en Amérique latine et en Afrique, les guerres du Vietnam ou d’Irak…
Je ne vous apprendrai rien en vous disant que l’homme est un loup pour l’homme, et qu’au nom des théories politiques les plus nobles on s’est livrés à des « pratiques » politiques ont conduit partout tout au long de l’histoire à des massacres et des persécutions. Refuser une théorie au nom des « pratiques » de certains de ceux qui se sont réclamés d’elle me paraît un exercice puéril.
[Vous me permettrez donc de douter de la pureté sinon de vos intentions du moins de leurs conséquences.]
Vous pouvez douter de tout. Mais j’attire votre attention sur le fait que si vous doutez des miennes, vous n’avez aucune raison de ne pas douter des autres. Et que si vous vous fiez aux « conséquences », il vous restera bien peu de théories politiques sur lesquelles vous appuyer.
[Par ailleurs, au début, personne ne veut exterminer personne:]
C’est discutable. Mein Kampf est plutôt explicite sur la question. Mais si vous considérez que toute critique conduit à l’extermination, vous arriverez rapidement à vous interdire toute critique et donc toute pensée. Parce que si ma critique des « classes moyennes » fait de moi un exterminateur de « classesmoyens » en puissance, alors votre critique du « marxisme » ferait de vous un exterminateur de « marxistes » en puissance… vous savez, au départ, Pinochet…
Je regrette, mais votre comparaison de ma critique des “classes moyennes” avec la critique soralienne des juifs fait partie de la panoplie classique du terrorisme intellectuel.
Puisqu’odp prétend que les nazis n’avaient pas initialement l’intention d’exterminer les juifs, revenons à la source, c’est-à-dire à ce que disait Hitler lui-même dès Mein Kampf :
« Le juif reste à l’endroit où il s’est établi et s’y cramponne, à tel point qu’on ne peut l’en chasser que très difficilement, même en employant la violence. Il est et demeure le parasite type, l’écornifleur qui, tel un bacille nuisible, s’étend toujours plus loin dès qu’un sol nourricier favorable l’y invite. L’effet produit est celui des plantes parasites : là où il se fixe, le peuple qui l’accueille s’éteint. » [passage qui implique clairement qu’il faut se débarrasser des juifs « même en employant la violence »]
cf. http://www.encyclopedie.bseditions.fr/article.php?pArticleId=146&pChapitreId=15471&pSousChapitreId=15472
« l’antisémitisme de la raison [celui prôné par Hitler] doit conduire à une lutte légale méthodique et à l’élimination des privilèges que le Juif possède, à la différence des autres étrangers vivant parmi nous (législation des étrangers). Mais son objectif final et immuable doit être l’élimination des Juifs en général. »
Dès 1919 : « L’antisémitisme rationnel [de nouveau, l’antisémitisme prôné par Hitler], au contraire, doit conduire à une lutte planifiée et légale et à l’élimination des privilèges que les juifs possèdent chez nous à la différence des autres résidents étrangers (législation des étrangers). Mais son but ultime doit être inébranlablement l’élimination pure et simple des juifs. »
Dans un discours de 1920 : « Le verrou le plus solide et la prison la plus sûre ne sont pas sûrs au point que quelques millions d’individus ne puissent finalement réussir à les ouvrir. Il n’y a qu’un seul verrou qui ne puisse pas être ouvert, et c’est la mort. » … « Nous avons décidé que le jour venu, nous n’arriverons pas avec des « si », des « et », ou des « mais » : quand la solution sera proche, il faudra aller jusqu’au bout. ».
cf. http://www.encyclopedie.bseditions.fr/article.php?pArticleId=146&pChapitreId=15471&pSousChapitreId=15477
Il me semble qu’il n’y a là pas la moindre ambiguïté quant aux intentions d’Hitler vis-à-vis des juifs. Quant à notre ami odp, je trouve qu’il a depuis longtemps explosé les bornes de la bienséance en cherchant à salir son interlocuteur d’une telle manière…
Cet article de J.Sapir est effectivement passionnant.Dans les années 70,pourquoi ,’études soviétiques’,et ‘la revue URSS’,comme ‘les nouvelles de Moscou’que je lisais,étaient elles censurées ainsi que tout le restant de la presse officielle soviétique au point d’être truffées de fausses statistiques que Sapir utilise imprudemment?
Autrement dit cher Descartes,avez vous conscience que votre blog n’aurait pas pu exister dans une Urss hypothétiquement pourvue d’internet? Les eurocommunistes,n’avaient ils pas raison de dénoncer les manquements aux libertés ds l’Urss?
@ luc
[au point d’être truffées de fausses statistiques que Sapir utilise imprudemment?]
Je doute que Sapir, qui est connu par sa rigueur dans le maniement des faits et qui sait pertinemment que ce point sera scruté par à la loupe par des gens particulièrement malveillants à son égard, utilise les statistiques soviétiques « imprudemment »…
[Autrement dit cher Descartes, avez-vous conscience que votre blog n’aurait pas pu exister dans une Urss hypothétiquement pourvue d’internet?]
Ni vous ni moi n’en savons rien. Il y a eu même pendant la période soviétique des expressions critiques parfaitement libres. Je vous conseille de lire par exemple les livres satyriques d’Ilf et Petrov (« L’aventure des douze chaises » et encore plus acide, « le veau d’or ») – ils ont été traduits au français et republiés il y a une dizaine d’années. Ces livres ont eu, dans les années 1930 et 1940 un énorme succès. Et pourtant, ils ne prennent pas de gants !
[Les eurocommunistes, n’avaient-ils pas raison de dénoncer les manquements aux libertés dans l’Urss?]
La question reste ouverte. Quels ont été les résultats de cette « dénonciation » ? Est-ce qu’elles ont permis aux partis « eurocommunistes » de faire avancer la cause du prolétariat mieux que ceux qui ont préféré garder le silence ?
Petites réflexions d’un béotien :
Ingénieur, ce titre est synonyme au moins d’un niveau certain d’études poussées dans un domaine.
Pour le reste, je n’en sais rien, Mais que penser d’un « ingénieur commercial » ?
Sur un autre plan, que penser d’études très poussées en mathématiques pour…devenir trader ?
On peut avoir un véritable respect pour le savoir qui n’interdit pas de s’interroger à quoi il est destiné ce qui renvoit à l’orientation de nos sociétés,
Autre exemple : lorsque des médecins spécialistes exigent des patients des honoraires très éloignés du « tact et modération » des textes alors qu’eux aussi n’ont pu acquérir ce savoir précieux qu’avec un système s’appuyant sur la collectivité – et je ne dis pas qu’eux aussi n’ont pas fourni d’effort personnel, mais se payer « sur la bête » ?
Les inégalités se creusent mais l’égoïsme catégoriel aussi.
Les CSP+ qui ont plus largement contribué au succès de Macron sont majoritairement européistes, libérales en économie, vivent le plus souvent entre elles et ont souvent politiquement bonne conscience.
J’ai pu le constater lors du tournant des années 90 dans ma boîte : creusement des écarts de rémunération entre cadres sup et les autres (je n’oublierais pas non plus le haut du panier : c’était encore mieux).
Oui au savoir, Non à l’égoïsme social.
@ morel
[Ingénieur, ce titre est synonyme au moins d’un niveau certain d’études poussées dans un domaine. Pour le reste, je n’en sais rien, Mais que penser d’un « ingénieur commercial » ?]
L’ingénieur ne se caractérise pas seulement par un « certain niveau d’études ». C’est aussi une démarche, qui différentie l’ingénieur de beaucoup d’autres professions. La démarche du scientifique est de modéliser un phénomène et de le comprendre. La démarche du commerçant est de détecter une demande et de la satisfaire en gagnant au passage de l’argent. La démarche de l’ingénieur est centrée sur la résolution de problèmes. Un « ingénieur commercial » est souvent à l’intersection des deux démarches : une démarche commerciale en détectant la demande du client, une démarche d’ingénieur en essayant de résoudre son problème.
[Sur un autre plan, que penser d’études très poussées en mathématiques pour…devenir trader ?]
C’est l’éternel débat entre le contenu et les mécanismes. Les études ne servent pas seulement à transmettre un contenu, ils servent aussi à structurer les mécanismes mentaux de l’étudiant pour lui permettre de systématiser la connaissance et de la manipuler. Les mathématiques, comme les langues mortes, sont des disciplines qui servent – outre leur utilité propre – a construire la pensée. Dans certains pays, les « traders » viennent de formations de théologie ou de langues anciennes… chez nous, ce sont plutôt des mathématiciens !
[Autre exemple : lorsque des médecins spécialistes exigent des patients des honoraires très éloignés du « tact et modération » des textes alors qu’eux aussi n’ont pu acquérir ce savoir précieux qu’avec un système s’appuyant sur la collectivité – et je ne dis pas qu’eux aussi n’ont pas fourni d’effort personnel, mais se payer « sur la bête » ?]
Dans un système de marché, la paye n’est pas fixée par le mérite ou l’effort qu’on a investi, mais par l’équilibre offre/demande. Les meilleurs spécialistes peuvent se permettre d’exiger des honoraires élevés parce qu’ils sont rares, et c’est cette rareté qui fait monter les prix. D’ailleurs, cela donne un signal qui devrait inviter l’Etat à augmenter les numérus clausus pour former plus de spécialistes et ramener les honoraires à un niveau plus correct.
[Les inégalités se creusent mais l’égoïsme catégoriel aussi.]
Si les hommes n’étaient pas « égoïstes », il n’y aurait pas besoin de mécanismes de régulation. Mais l’homme est ce qu’il est, et il faut faire avec. C’est pourquoi la question de la régulation d’un futur système « socialiste » est à mon avis vitale.
@morel
> Ingénieur, ce titre est synonyme au moins d’un niveau certain d’études poussées dans un domaine.
Ingénieur n’est pas un titre réglementé comme “médecin” ou “architecte”. C’est une profession. Il y a des ingénieurs autodidactes, même si ce n’est pas courant.
> Sur un autre plan, que penser d’études très poussées en mathématiques pour…devenir trader ?
Il y a des mathématiciens qui font des mathématiques financières, c’est-à-dire qu’ils conçoivent des modèles pour essayer d’anticiper les mouvements des marchés. Je ne sais pas s’il y en a qui deviennent traders. Le profil psychologique d’un trader n’est a priori pas vraiment celui d’un mathématicien…
@Descartes
Bonjour
“””Les meilleurs spécialistes peuvent se permettre d’exiger des honoraires élevés parce qu’ils sont rares, et c’est cette rareté qui fait monter les prix. D’ailleurs, cela donne un signal qui devrait inviter l’Etat à augmenter les numérus clausus pour former plus de spécialistes et ramener les honoraires à un niveau plus correct.”””
Il n’est pas sûr, loin de là que le fait d’augmenter le nombre des médecins – je n’y suis pas opposé – fasse pression sur les honoraires réclamés par ceux qui ont la plus forte notoriété, ce qui ne signifie pas forcément la plus grande compétence.
Vous aurez toujours des patients prêts à payer cher un médecin, uniquement parce qu’il a une grande réputation ou un titre honorifique prestigieux. Ça les rassure, ça les valorise auprès de leurs relation, ça fait bien dans un diner en ville, . . . . . .
Mais objectivement il n’y a pas forcément de garantie supérieure de résultat. Demandez à quelques célébrités, notamment en chirurgie esthétique, ce qu’elles en pensent.
Autre exemple éloigné, certes, celui des footballeurs. Plus il y en a, moins leurs résultats est probant, plus on les paye cher. Y a un lézard ! ! !
@ Antoine
Bonjour,
“””Ingénieur n’est pas un titre réglementé comme “médecin” ou “architecte”. C’est une profession. Il y a des ingénieurs autodidactes, même si ce n’est pas courant.”””
Oui et non.
Si quelques ingénieurs “maison” exercent par expérience et formation continue non diplômante des fonctions habituellement confiées à des ingénieurs diplômés, la plupart des ingénieurs sont titulaires (ont un titre) décerné par une école habilitée à le délivrer et inscrite à la commission du titre d’ingénieur.
Il en va de même pour le médecin ou l’architecte.
L’un devra se prévaloir de sa faculté d’origine, l’autre devra indiquer architecte dplg.
Chacun peut se targuer d’être médecin, des plantes, des soucis conjugaux, des carburateurs récalcitrants ou des cocotes minutes défaillantes, comme on peut très bien se désigner architecte de réseau, de voyage organisé, de jardin à la française, etc . . . . mais pas, sans titre “Médecin diplômé de la faculté de Lyon” ou Architecte DPLG.
@ Descartes
Vous ramenez à la raison et n’avez sans doute pas tort mais sommes nous bien à un moment de raison ? Plus précisement, si l’exercice de la raison est un atout précieux, ne sous-estimons pas parfois le poids de l’idéologie qui produit aussi des effets concrets ?
Vous évoquez avec justesse le problème de la régulation socialiste pour laquelle, il faut impérativement trouver la (les) bonne formule alliant liberté et « justice sociale » faute de quoi nous ne serons pas crédibles.C’est peut-être là où nous avons besoins aussi de très bons « techniciens ».
Or, ceux-ci me semblent englués dans la doxa « libérale ». J’ai l’impression personnelle que l’outil mathématique a pris, le plus souvent, le pas sur la réflexion de fond en matière économique ou tout simplement la question bête des finalités de l’activité économique.
@ Antoine
« Ingénieur n’est pas un titre réglementé comme “médecin” ou “architecte”. C’est une profession. Il y a des ingénieurs autodidactes, même si ce n’est pas courant. »
Vous avez raison de le rappeler mais les autodidactes (y-en-at-il beaucoup de nos jours?), pour être reconnus, doivent aussi passer par l’obtention du diplôme.
« Il y a des mathématiciens qui font des mathématiques financières, c’est-à-dire qu’ils conçoivent des modèles pour essayer d’anticiper les mouvements des marchés. Je ne sais pas s’il y en a qui deviennent traders. Le profil psychologique d’un trader n’est a priori pas vraiment celui d’un mathématicien… »
Si vous me le permettez, je dirais que vous commettez la même erreur que moi, plus jeune. Avec mon maigre bagage dès lors que j’ai perçu tout ce qui me manquait à acquérir – et il en reste beaucoup -, j’étais rempli de respect pour toute personne représentant le savoir.
Un ingénieur issu d’une grande école débitant d’un ton convaincu le mantra de la direction de mon entreprise m’a permis de nuancer ma pensée.
Depuis, comme pour M.Villani, je respecte le scientifique mais ne me sent aucunement tenu par ce qui est exprimé dans d’autres domaines.
Pour ces raisons, j’ai tendance à penser que ce ce vous appelez « profil » doit être abordé domaine par domaine : Pasteur n’était-il pas à la fois un formidable scientifique et un croyant catholique ?
@ Marcailloux
[Il n’est pas sûr, loin de là que le fait d’augmenter le nombre des médecins – je n’y suis pas opposé – fasse pression sur les honoraires réclamés par ceux qui ont la plus forte notoriété, ce qui ne signifie pas forcément la plus grande compétence.]
Mais cette différentiation est inévitable dans un système ou la régulation se fait par le marché. Et quelles sont les alternatives ? Imaginons par exemple que vous fixiez les honoraires par décret, égaux pour tous les professionnels. Tous les patients se précipiteront chez les praticiens « à plus forte notoriété », dépassant leur capacité d’accueil. Comment sélectionnerez-vous ceux qui pourront être traités par eux, et ceux qui devront se rabattre sur un spécialiste moins « coté » ? Par tirage au sort ?
Chaque fois qu’il s’agit de répartir des ressources rares, le problème est le même : tout le monde ne pourra pas avoir son content. Il faut donc un système de régulation… lequel proposeriez vous ? L’augmentation du numérus clausus ferait au moins descendre les honoraires moyens, et garantirait que chacun puisse avoir accès à un spécialiste pour se soigner. Après, avoir accès au spécialiste de son choix… c’est une autre paire de manches.
[Vous aurez toujours des patients prêts à payer cher un médecin, uniquement parce qu’il a une grande réputation ou un titre honorifique prestigieux. Ça les rassure, ça les valorise auprès de leurs relation, ça fait bien dans un diner en ville, . . . . . .]
Soyons honnêtes : la réputation, les titres honorifiques ne tombent pas du ciel. En général, ils sont liés à des résultats objectifs. Qu’une minorité arrive à exhiber des plumes de paon sans en être un, c’est vrai. Mais cela reste une minorité. En moyenne, les titres, les distinctions, les réputations assurent un certain niveau.
[Mais objectivement il n’y a pas forcément de garantie supérieure de résultat.]
Garantie, non. Une plus grande probabilité, oui.
@ Marcailloux
Je me permets d’intervenir dans votre échange avec Antoine :
[« Ingénieur n’est pas un titre réglementé comme “médecin” ou “architecte”. C’est une profession. Il y a des ingénieurs autodidactes, même si ce n’est pas courant. » Oui et non.]
En fait, vous faites tous deux une confusion entre « titre » et « profession ».
Le « titre » d’ingénieur est réglementé, au sens qu’il n’est reconnu par l’Etat que s’il est délivré par une institution remplissant certaines conditions et reconnue comme telle par une commission. Cela étant dit, n’importe quelle institution peut délivrer des diplômes d’ingénieur à condition de préciser que celui-ci n’est pas reconnu par l’Etat.
La « profession » d’ingénieur n’est pas réglementée. Contrairement au médecin, par exemple. En effet, nul ne peu accomplir un acte médical s’il n’est pas médecin diplômé, et celui qui le ferait commettrait le délit « d’exercice illégal de la médecine ». Par contre, n’importe qui peut accomplir des tâches d’ingénierie sans avoir de diplôme. Il n’existe pas de délit « d’exercice illégal de l’ingénierie ». Si un simple bachelier conçoit un ordinateur révolutionnaire et que celui-ci fonctionne, il pourra parfaitement le breveter et le commercialiser sans qu’un ingénieur signe les plans.
Il faut noter que ce n’est pas le cas dans tous les pays. Ainsi, par exemple, dans les pays de tradition hispanique l’ingénieur est une profession réglementée, et nul ne peut faire réaliser un bâtiment ou une installation électrique sans que les plans soient au préalable approuvés par un ingénieur dûment assermenté.
@Descartes
> Le « titre » d’ingénieur est réglementé, au sens qu’il n’est reconnu par l’Etat que s’il est délivré par une institution remplissant certaines conditions et reconnue comme telle par une commission.
Pour être plus précis, citons Wikipédia : « En France, la commission des titres d’ingénieur (CTI) a été créée par la loi du 10 juillet 1934 relative aux conditions de délivrance et à l’usage du titre d’ingénieur diplômé. Contrairement au titre d’ingénieur diplômé, le titre d’ingénieur n’est pas protégé en France. »
N’importe qui peut donc se présenter comme « ingénieur » (ou bien « ingénieur réseau », « ingénieur nucléaire », etc. – tant qu’on ne précise pas « diplômé » ça va) sans tomber dans l’illégalité s’il n’a pas de diplôme reconnu par la CTI. Bien sûr, cela n’empêche pas les employeurs d’accorder de la valeur à tel ou tel diplôme, comme dans n’importe quelle profession.
L’utilité de la CTI est surtout d’habiliter les écoles afin que les candidats à l’entrée ne soient pas trompés par une prétention à délivrer un titre d’ingénieur d’une école dont le cursus ne répondrait pas à certains critères. Par exemple, l’EPITA bien longtemps n’a pas pu prétendre former des ingénieurs.
@ Descartes
Bonjour,
“””En fait, vous faites tous deux une confusion entre « titre » et « profession ».”””
Je n’ai pas l’impression, ou en tout cas mon propos ne le démontre pas.
Après avoir obtenu mon diplôme d’ingénieur, dans une école reconnue par la commission du titre, j’ai exercé les fonctions de responsable de service méthode et organisation, puis consultant en organisation des ressources humaines, puis DRH.
Est-il pertinent de différentier une fonction d’une profession?
En tout cas le débat reste ouvert et les interprétations sont nombreuses et pas toujours convergentes.
A l’époque actuelle où la multiplication des fonctions tend vers l’infini (relatif), un titre ouvre des voies, permet des compatibilités, avec l’adaptation ou la formation spécifique à telle ou telle fonction.
On rencontre en général beaucoup de confusion entre les termes de titre, de métier, de profession, de fonction, de grade, etc . . . . au point qu’il est difficile de se faire une idée précise à la simple formulation d’un emploi.
Ainsi, il n’y a encore pas très longtemps, le responsable de la fonction ressources humaines du groupe Michelin était nommé “Chef du Personnel”. Dans le supermarché voisin, de 150 personnes, le même responsable est désigné sous le terme de “DRH”. Sans parler de l’inflation des “ingénieurs commerciaux” qui vont de la vente de crème glacée aux commerçants locaux jusqu’au chargé d’affaire dans les secteurs de haute technologie.
Seule une analyse de fonction suivie de son évaluation permettent de se faire une idée précise de ce dont il s’agit.
C’est alors qu’il est possible de déterminer le titre ou le diplôme requis, sa spécialité, associés à l’expérience nécessaire, susceptibles de correspondre aux exigence du poste ou de la fonction.
@ Antoine
[N’importe qui peut donc se présenter comme « ingénieur » (ou bien « ingénieur réseau », « ingénieur nucléaire », etc. – tant qu’on ne précise pas « diplômé » ça va) sans tomber dans l’illégalité s’il n’a pas de diplôme reconnu par la CTI.]
En fait, le diplôme protégé était celui de « ingénieur diplômé par l’Etat ». Le « par l’Etat » n’est guère plus utilisé.
[Bien sûr, cela n’empêche pas les employeurs d’accorder de la valeur à tel ou tel diplôme, comme dans n’importe quelle profession.]
Non, justement. Un employeur peut nommer sur un poste d’ingénieur une personne qui n’aurait aucun diplôme si cela lui chante, mais ne peut pas faire faire le travail d’un pharmacien ou celui d’un médecin à des personnes qui n’auraient pas le diplôme correspondant. C’est ce qu’on appelle les « professions réglementées ». En France, la profession d’ingénieur n’est pas réglementée.
[L’utilité de la CTI est surtout d’habiliter les écoles afin que les candidats à l’entrée ne soient pas trompés par une prétention à délivrer un titre d’ingénieur d’une école dont le cursus ne répondrait pas à certains critères.]
Pas seulement. Certains établissements publics, comme la SNCF, exigent le diplôme d’ingénieur reconnu par l’Etat pour occuper certaines fonctions. Les conventions collectives contiennent aussi quelquefois des prescriptions salariales qui tiennent compte du diplôme.
@ morel
[Vous ramenez à la raison et n’avez sans doute pas tort mais sommes nous bien à un moment de raison ? Plus précisément, si l’exercice de la raison est un atout précieux, ne sous-estimons pas parfois le poids de l’idéologie qui produit aussi des effets concrets ?]
On aurait tort de sous-estimer le poids de l’idéologie. Ce n’est pas une question de « moment », l’idéologie a toujours été là. Le problème est que nous avons une vision « filtrée » de l’histoire. Nous parlons des du « siècle des Lumières » comme si le XVIIIème siècle avait été rempli de Diderots, de Voltaires ou de d’Alemberts, mais en fait ces gens-là étaient une petite minorité. Leur poids était minime comparée à celle des tenants de l’idéologie, notamment l’église catholique. Le récit historique a retenu ce qui était l’exception parce que cette exception préfigurait l’avenir, mais il ne faut pas oublier que c’était une exception.
De même, nous ne sommes pas à un « moment de raison », si tant est que de tels « moments » aient jamais existé. Ceux qui exercent la raison contre l’idéologie sont et seront toujours une minorité.
[Vous évoquez avec justesse le problème de la régulation socialiste pour laquelle, il faut impérativement trouver la (les) bonne formule alliant liberté et « justice sociale » faute de quoi nous ne serons pas crédibles. C’est peut-être là où nous avons besoins aussi de très bons « techniciens ».]
C’est en tout cas ma conviction. Si on veut être crédible, il ne suffit pas de décrire une société idéale, encore faut-il montrer quelles sont les forces qui assurent à cette société une cohésion, qui lui permettent de fonctionner et de se défendre contre les tendances centrifuges, qui permettent de régler les conflits de répartition des ressources rares. Dire « tout le monde pourra se servir dans les magasins conformément à ses besoins » c’est très joli, mais il faut m’expliquer qu’est ce qui empêcherait les gens de se servir au-delà de leurs besoins…
[Or, ceux-ci me semblent englués dans la doxa « libérale ».]
Le propre d’une idéologie dominante, c’est précisément d’être « dominante ». Mais il y aura des « techniciens », forcément minoritaires, qui ne la partagent pas. La priorité pour une organisation progressiste est à mon avis de créer des espaces ou ces « techniciens » se sentent écoutés, condition sine qua non pour les attirer et pouvoir profiter de leur travail. Or, le problème est que la plupart des organisations fonctionnent dans le sens inverse : avec une logique démagogique dans laquelle la voix de la concierge vaut celle de l’ingénieur.
[J’ai l’impression personnelle que l’outil mathématique a pris, le plus souvent, le pas sur la réflexion de fond en matière économique ou tout simplement la question bête des finalités de l’activité économique.]
Il faut séparer les choses. La question de la « finalité » est une question philosophique et politique. Pas une question de technique. Il appartient à l’ingénieur de construire le meilleur pont possible pour relier A à B. Il ne lui appartient pas de décider si A et B doivent être reliés. Cela ne veut pas dire que l’ingénieur n’ait pas une opinion sur la question – opinion qui n’a pas plus de valeur que celle de n’importe quel citoyen. Cela ne veut pas dire non plus que l’ingénieur n’ait aucun poids sur la décision: c’est lui qui peut fournir une estimation raisonnable du coût et de la faisabilité d’une telle liaison, paramètres qui rentrent aussi en ligne de compte.
@morel
> Vous avez raison de le rappeler mais les autodidactes (y-en-at-il beaucoup de nos jours?), pour être reconnus, doivent aussi passer par l’obtention du diplôme.
Être reconnus par qui ? Parmi les ingénieurs autodidactes que je connais, aucun ne s’est soucié de valider son expérience en passant un diplôme. Certains employeurs leur fermeront peut-être la porte à cause de cela, mais cela ne semble pas constituer un grand handicap pour eux.
Non, il n’y en a pas beaucoup. En informatique, c’est tout de même un peu plus fréquent que dans d’autres domaines, car il y est plus facile de s’auto-former et les gens y sont en général plus ouverts à l’idée d’une formation acquise « sur le tas ».
> Si vous me le permettez, je dirais que vous commettez la même erreur que moi, plus jeune. Avec mon maigre bagage dès lors que j’ai perçu tout ce qui me manquait à acquérir – et il en reste beaucoup -, j’étais rempli de respect pour toute personne représentant le savoir.
Vous avez mal compris mon argument. Je ne disais pas que le mathématicien était supérieur au trader, mais que leurs activités impliquent, pour être bien réalisées, des profils psychologiques différents. Le trader travaille dans le stress, l’immédiateté, à la recherche du bon timing et de l’opération générant un profit à court terme dans un environnement d’une grande complexité et d’une grande instabilité. Le mathématicien a un engagement quasi-monacal dans des recherches au long cours, indifférentes à la vie sociale, qui ne seront peut-être exploitables qu’après sa mort. C’est un rapport au temps et la vie différent, à mon avis.
> Un ingénieur issu d’une grande école débitant d’un ton convaincu le mantra de la direction de mon entreprise m’a permis de nuancer ma pensée.
C’est ce que disait aussi Descartes et je suis d’accord avec vous. Il y a du conservatisme chez les ingénieurs qui vire assez souvent au conformisme (ce d’autant plus facilement qu’il se mêle d’intérêts personnels).
@Descartes
> En fait, le diplôme protégé était celui de « ingénieur diplômé par l’Etat ». Le « par l’Etat » n’est guère plus utilisé.
À partir du moment où des écoles privées sont habilitées à délivrer un tel diplôme selon des critères propres à chacune (bien que validés par la CTI, j’imagine), le « par l’État » me paraît au mieux une vue de l’esprit… Ce n’est pas l’État qui organise les examens de fin d’étude dans les écoles privées.
On pourrait imaginer un modèle où les écoles privées seraient de simples prestataires suivant un cahier des charges rigoureusement établi par l’État, mais on est loin d’un tel modèle actuellement. Et, dans le grand mouvement de dénationalisation (ou de reféodalisation) auquel nous assistons actuellement, il n’est pas exclu que les écoles « publiques » acquièrent une autonomie de plus en plus grande elles aussi.
@ Marcailloux
[« En fait, vous faites tous deux une confusion entre « titre » et « profession ». » Je n’ai pas l’impression, ou en tout cas mon propos ne le démontre pas. Après avoir obtenu mon diplôme d’ingénieur, dans une école reconnue par la commission du titre, j’ai exercé les fonctions de responsable de service méthode et organisation, puis consultant en organisation des ressources humaines, puis DRH.]
Vous voyez bien qu’il y un problème. Le « après » que vous utilisez plus haut est un « après » chronologique, sans qu’il y ait un effet causal. Vous auriez parfaitement pu – du point de vue juridique au moins – exercer les fonctions de responsable de service méthode et organisation, puis consultant en ressources humaines, puis DRH SANS AVOIR LE DIPLOME D’INGENIEUR. Contrairement au médecin ou au pharmacien, vous pouvez exercer les fonctions dévolues à un ingénieur, exercer la PROFESSSION d’ingénieur sans en avoir le TITRE.
[Est-il pertinent de différentier une fonction d’une profession?]
Non. Mais ma question portait sur la différenciation entre « profession » et « titre ». Et non entre « fonction » et « profession ».
[C’est alors qu’il est possible de déterminer le titre ou le diplôme requis,]
Mas « requis » à quel titre ? Sauf pour les « professions réglementées » (médecin, pharmacien, architecte, etc.), en France AUCUN DIPLOME N’EST UN PREALABLE A L’EXERCICE D’UN METIER DONNE. Les employeurs peuvent exiger tel ou tel diplôme en tant que garantie d’une certaine compétence pour certains postes ou fonctions, mais rien dans la loi ne les empêche de nommer quelqu’un qui ne les aurait pas. C’est là toute la différence entre une profession réglementée et une qui ne le serait pas.
Pour ce qui concerne l’ingénieur – mot qui désigne en même temps une profession ou métier et un titre – on peut dire que si le titre « d’ingénieur diplômé » est réglementé, la profession ne l’est pas.
@ Antoine
[À partir du moment où des écoles privées sont habilitées à délivrer un tel diplôme selon des critères propres à chacune (bien que validés par la CTI, j’imagine), le « par l’État » me paraît au mieux une vue de l’esprit… Ce n’est pas l’État qui organise les examens de fin d’étude dans les écoles privées.]
Non, mais c’est l’Etat qui accorde la reconnaissance au diplôme. Et si les écoles privées sont habilitées par l’Etat à délivrer un diplôme reconnu par lui, c’est sous un contrôle strict quant à la logique de recrutement, le contenu et la longueur du cursus, l’évaluation des connaissances. Certaines écoles et pas des moindres, comme Supélec à une époque, avaient préféré conserver leur autonomie et ne pas se soumettre au contrôle quitte à ne pas être reconnues. D’autres se voient régulièrement sanctionner avec le retrait de la reconnaissance lorsque les règles ne sont pas respectées. La CTI audite je crois chaque école tous les trois ans…
[On pourrait imaginer un modèle où les écoles privées seraient de simples prestataires suivant un cahier des charges rigoureusement établi par l’État, mais on est loin d’un tel modèle actuellement.]
Cela dépend de ce que vous appelez un « cahier de charges rigoureusement établi ». Le « cahier des charges » pour se faire reconnaître par la CTI n’est quand même pas banal…
[Et, dans le grand mouvement de dénationalisation (ou de reféodalisation) auquel nous assistons actuellement, il n’est pas exclu que les écoles « publiques » acquièrent une autonomie de plus en plus grande elles aussi.]
Tant que l’enseignement est gratuit, et que les écoles sont financées par leurs tutelles, « l’autonomie » en question est assez théorique. En cette matière comme en toutes autres, le principe « qui paye les musiciens choisit la partition » reste absolu.
@ Antoine, Descartes, Morel . .
Bonjour,
Précision supplémentaire au sujet d’une catégorie d’ingénieurs reconnus, celle des ingénieurs professionnels de France.
Ils ne sont pas diplômés, ni vraiment ingénieurs “maison”, ils sont certifiés par un organisme à la conclusion d’un dossier qui indique les détails de leurs formation initiale et continue, leurs travaux d’étude, leur parcours professionnel et leurs responsabilités.
Leur nombre en France est de l’ordre de 2000 et cette certification de la Société Nationale des Ingénieurs Professionnels de France, association loi 1901, leur permet plus facilement d’être reconnus par des entreprises dans lesquelles ils souhaiteraient se faire engager.
Cette catégorie reste tout de même très marginale et l’association qui délivre la certification n’a semble-t-il aucun rapport avec la Commission des titres d’ingénieur, ni n’en a ni les obligations ni les contraintes.
@Descartes
> Tant que l’enseignement est gratuit, et que les écoles sont financées par leurs tutelles, « l’autonomie » en question est assez théorique. En cette matière comme en toutes autres, le principe « qui paye les musiciens choisit la partition » reste absolu.
J’ai l’impression que l’enseignement est de moins en moins gratuit… Dans l’école que j’ai suivie (une grande école publique), les frais d’inscription ressortent désormais à plus de 2000 € par an. La pente suivie est lente mais va dans une direction assez univoque.
@ Antoine
« Parmi les ingénieurs autodidactes que je connais, aucun ne s’est soucié de valider son expérience en passant un diplôme . Certains employeurs leur fermeront peut-être la porte à cause de cela, mais cela ne semble pas constituer un grand handicap pour eux. »
In fine, le diplôme confère donc un avantage même s’il n’apparaît pas évident dans l’immédiat (songez à une nécessité de changer d’entreprise ou de région pour différentes raisons).
Il serait intéressant aussi de savoir s’ils bénéficient des mêmes avantages y compris pécuniers à situation comparable (cette catégorie ne m ‘est pas familière).
« Vous avez mal compris mon argument. Je ne disais pas que le mathématicien était supérieur au trader, mais que leurs activités impliquent, pour être bien réalisées, des profils psychologiques différents ».
Je n’ai sans doute pas été assez clair. Je vous assure que mon propos ne portait sur aucune « supériorité » mais sur différentes objections :
il me semble que le « pur » travail de mathématicien est rare et ne concerne en fait qu’une population de chercheurs limitée. Pour beaucoup, les mathématiques ne sont qu’un outil – y compris pour l’exemple trader – je vois aussi l’écrasante majorité des profs de maths comme des sortes de techniciens qualifiés – ce qui ne retire rien à leur savoir précieux.
quant au « profil psychologique », difficile car 1/ impossible d’en faire un pré-requis 2/ même si l’on admet qu’il s’acquière à force d’exercice, peut-on le généraliser aux autres domaines d’action du même individu ? (c’est aussi pourquoi j’évoquais Pasteur médecin/ Pasteur homme civil).
« Il y a du conservatisme chez les ingénieurs qui vire assez souvent au conformisme (ce d’autant plus facilement qu’il se mêle d’intérêts personnels). »
Marx, évitant tout jugement moral, écrivait : « Les conditions d’existence déterminent la conscience ». Pas un catéchisme, concret. Celles de l’ingénieur sont objectivement plus confortables que celles de l’O.S.
@ Marcailloux :
Je reviens un peu tardivement sur votre assertion :
«Vous aurez toujours des patients prêts à payer cher un médecin, uniquement parce qu’il a une grande réputation ou un titre honorifique prestigieux. Ça les rassure, ça les valorise auprès de leurs relation, ça fait bien dans un diner en ville, . . . . . . ».
C’est possible mais pour parler franchement en arrière plan de mon propos relatif aux médecins spécialistes deux exemples récents et concrets :
département déshérité, chef-lieu de ce département 95 € la consultation ophtalmo (sans autre acte technique) – veuve d’ouvrier bénéficiant d’une pension de reversion- mutuelle remboursant peu les dépassements- hôpital débordé n’admet que les urgences sinon 1 an ½ d’attente.
chef-lieu de région – peu de spécialistes ici de la catégorie (qui n’est pas si rare en France)- 80 € consultation (tous sont alignés sur le tarif)- hôpital moins débordé- 3 mois d’attente – employé modeste dont la mutuelle ne rembourse pas les dépassements en consultation et partiellement pour les actes plus techniques.
Je n’écris pas cela pour faire pleurer les chaumières mais pour soulever le problème républicain de « l’égalité d’accès aux soins ». La solution préconisée par Descartes d’ouverture du numerus clausus est une première réponse mais ne règle pas non plus la répartition des médecins sur le territoire (réglementation d’implantation comme pour les pharmacies ou autre ?….)
@ Marcailloux
[Précision supplémentaire au sujet d’une catégorie d’ingénieurs reconnus, celle des ingénieurs professionnels de France.]
En fait, il s’agit d’une certification purement privée, gérée par une association constituée en 1936. Dans un contexte ou l’industrie française demandait un nombre croissant d’ingénieurs et dans la logique prégnante à l’époque de reconnaissance des compétences acquises en dehors des institutions “officielles”, il s’agissait d’accorder une reconnaissance aux ingénieurs formés en dehors du système lié à l’Etat. En fait, ils sont aujourd’hui très peu nombreux, du fait de l’importance prise par la certification publique.
@ Antoine
[J’ai l’impression que l’enseignement est de moins en moins gratuit… Dans l’école que j’ai suivie (une grande école publique), les frais d’inscription ressortent désormais à plus de 2000 € par an. La pente suivie est lente mais va dans une direction assez univoque.]
Mais sur ces 2000 € quelle partie sert vraiment à financer l’enseignement ? Une fois sortis les frais de polycopiés, ceux liés à la protection sociale étudiante, que reste-t-il pour l’établissement ? Et quelle partie ces frais représentent dans les frais de fonctionnement de l’institution ?
@ morel
Bonjour,
“” La solution préconisée par Descartes d’ouverture du numerus clausus est une première réponse mais ne règle pas non plus la répartition des médecins sur le territoire (réglementation d’implantation comme pour les pharmacies ou autre ?….)”””
Ma réponse ne visait pas à contester la libération du numérus clausus, mais simplement à estimer que ce n’aurait pas de conséquence sur les tarifs pratiqués par “le haut du panier” des praticiens de grandes villes.
Etant donné ce que coûtent à la collectivité les étudiants en médecine, notamment, je serais enclin à être encore plus directif en ce qui concerne les tarifs et affectations au cours des dix années qui suivent la sortie de l’internat.
Par nature opposé à la notion de gratuité, source d’abus et de gaspillages, je considère néanmoins que l’accès aux soins pour tous et à des conditions financières décentes est un acquis essentiel à préserver.
La difficulté réside dans l’élaboration de règles équitables et économiquement acceptables.
@ Descartes
J’essaye, pour contredire odp par l’exemple, de montrer que je peux tout à la fois faire preuve d’un peu de sens critique par rapport à ce que vous écrivez, et de culture générale, en dehors de mon strict domaine d’ingénieur en génie civil… 😉
> L’augmentation du numérus clausus ferait au moins descendre les honoraires moyens, et garantirait que
> chacun puisse avoir accès à un spécialiste pour se soigner.
Je ne pense réellement pas, quand à moi, que ce soit une bonne solution. La qualité de la formation des médecins en pâtirait fortement, comme elle pâtit déjà de l’augmentation du numérus clausus cumulée à la généralisation des internats.
Je m’explique :
Dans les années 80/90, il y avait des internes, en nombre réduit (tout le monde ne faisait pas d’internat, de l’ordre d’ 1/3 des médecins, si je ,e m’abuse), qui travaillaient énormément, et encadraient les externes, eux aussi en nombre moins important qu’aujourd’hui (le numérus clausus a doublé). Compte tenu de la charge de travail à réaliser, les externes avaient un vrai travail médical à accomplir, et l’interne se déchargeait beaucoup sur eux.
Aujourd’hui, le nombre de médecins a doublé, et tout le monde fait un internat, qui a de plus été rallongé. Le nombre d’internes a donc, été multiplié par plus de 6. Et le nombre d’externes a aussi doublé.
Parallèlement, des lois sur la responsabilité médicale sont venues décharger les internes d’une partie de leurs responsabilités. Tout cela pour un nombre de CHU et un nombre de patients relativement constants.
Si bien que de nombreux témoignage que je reçois me disent que les externes ne font plus que des bricoles, et ont beaucoup moins de temps médical de formation qu’auparavant, et que les jeunes internes ne sont plus capables d’assurer des gardes, comme le faisaient leurs ainés.
La conséquence qui en a été tirée, à partir de Novembre 2017, est que la 1ère année d’internat sera une année de formation sans mise en responsabilité, ce qui aura à moyen terme pour conséquence de rallonger encore l’internat. Pendant cette année, les internes feront peu ou prou ce que faisaient les externes il y a 15 ans.
Bref, l’augmentation du numérus clausus déjà effectuée pose déjà tellement de problèmes que ce n’est certainement pas en l’augmentant encore que l’on apportera une réponse satisfaisante aux problèmes du système de santé français.
Je serais ravi de discuter plus avant du système de santé, mais je ne crois pas que ce soit le thème de la discussion…
> Soyons honnêtes : la réputation, les titres honorifiques ne tombent pas du ciel. En général, ils sont liés à des
> résultats objectifs. Qu’une minorité arrive à exhiber des plumes de paon sans en être un, c’est vrai. Mais cela
> reste une minorité. En moyenne, les titres, les distinctions, les réputations assurent un certain niveau.
>> [Mais objectivement il n’y a pas forcément de garantie supérieure de résultat.]
> Garantie, non. Une plus grande probabilité, oui.
Quand vous parlez de réputation et titres, en matière de médecine, je suppose que vous parlez des “professeurs” (PU-PH). Si c’est bien le cas, je vais vous expliquer pourquoi je pense que vous vous trompez :
La nomination des PU-PH se faisait, jusqu’à il y a 10/20 ans, par cooptation du PU-PH sortant et du chef de service, pour faire simple. Le plus difficile pour être nommé était donc de se faire bien voir du chef, ce qui pouvait se faire en montrant sa compétence, mais aussi, en fonction du caractère du chef, par la flatterie, et divers autres procédés qui ne sont pas liés à des “résultats objectifs”. De plus en plus, et surtout depuis 4/5 ans, la nomination dépend aussi de critères universitaires, en rapport avec les publications scientifiques, et les enseignements dispensés. Ce qui n’empêche pas que sont encore actuellement nommés des PU-PH qui n’ont pas les diplômes minimaux requis pour être nommés (du fait du mécanisme officieux de co-optation).
Progressivement, le CV universitaire devrait compter de plus en plus dans les nominations. Mais cela est il un bon indicateur de qualité d’un médecin, du point de vue du patient ? Rien n’est moins sur :
– Dans les spécialités cliniques, on peut être un piètre clinicien et un bon chercheur / prof, comme on peut être un très bon clinicien sans être intéressé par la recherche scientifique ou par l’enseignement. Je ne pense pas qu’il y ait de rapport évident. L’idéal étant effectivement d’avoir un médecin qui soit à la fois un très bon clinicien, un bon pédagogue, et un bon chercheur. Cela existe, mais il y a aussi de très grands chercheurs qui sont de piètres cliniciens.
– Dans les spécialités chirurgicales, c’est pire : la qualité d’un chirurgien (qui reste un métier manuel) dépend largement de l’importance de sa pratique, comme pour tous les métiers manuels. Plus un chirurgien fera d’enseignement et de recherche, moins il sera au bloc, et plus il réduit ses chances d’être un très bon chirurgien…
@Descartes
> Mais sur ces 2000 € quelle partie sert vraiment à financer l’enseignement ? Une fois sortis les frais de polycopiés, ceux liés à la protection sociale étudiante, que reste-t-il pour l’établissement ?
Malheureusement, je n’ai pas réussi à trouver une ventilation du budget de l’école… Sur les frais de polycopiés, la protection sociale : je doute qu’ils augmentent massivement d’une année sur l’autre. Par ailleurs, les frais de polycopiés ne font-ils pas partie du prix payé pour l’enseignement ? Je ne vois pas l’intérêt de les dissocier du reste…
Tout ce que j’ai trouvé, c’est que l’école se targue que son budget soit à 40% financé par autofinancement (j’imagine que cela inclut frais de scolarité, partenariats et mécénats divers, peut-être aussi la taxe professionnelle). Proportion certainement largement supérieure à ce qu’elle était quand j’ai suivi le cursus il y a une vingtaine d’années. Et il ne fait aucun doute que la continuation de cette tendance soit un objectif politique, à la fois des autorités étatiques (restriction du champ d’intervention de la puissance publique) et des autorités de l’école (la maîtrise des sources de financement signifiant la possibilité pour les dirigeants d’acquérir un surcroît de puissance d’agir et de décider).
> Et quelle partie ces frais représentent dans les frais de fonctionnement de l’institution ?
Probablement faible, mais l’institution ne forme pas que des étudiants français issus d’un concours d’admission, mais aussi des étudiants étrangers (qui paient plein pot), sans compter les activités de recherche. Encore une fois, sans ventilation détaillée, difficile d’en dire plus à part pointer la tendance très probable à une restriction de la part de financement due à l’Etat.
@ Marcailloux
« l’accès aux soins pour tous et à des conditions financières décentes est un acquis essentiel à préserver. »
Je constate que nous partageons ce souci. La difficulté est que ces « conditions financières décentes » varient d’un patient à l’autre et les honoraires ne peuvent pas non plus aller vers une individualisation.
Peut-être n’aurait-il pas fallu ouvrir le secteur 2 aux médecins libéraux (je ne crois pas que leurs confrères du secteur 1 vivent dans la misère).
« Etant donné ce que coûtent à la collectivité les étudiants en médecine, notamment, je serais enclin à être encore plus directif en ce qui concerne les tarifs et affectations au cours des dix années qui suivent la sortie de l’internat. ».
Outre que c’est rarement en début de carrière que les tarifs s’envolent, le problème des affectations est délicat. Une amie instit me contait l’affectation des professeurs d’école. Après minimum 5 ans passés dans une ville universitaire, peu ont envie de se retrouver en pleine campagne. Toute affectation les rapprochant de la ville est bonne à prendre. C’est ainsi que les coins les plus déshérités connaissent une succession annuelle de profs d’école débutants « zappeurs ». Surtout pas ce modèle.
Il serait peut-être bon qu’ils soient associés à des médecins expérimentés dans un cabinet médical.
Je continue mon rapprochement : des mairies lasses du « turn over » se sont mises en frais : logement, facilités pour tenter de conserver un prof d’école fixe. En vain. Idem pour le médecin parfois venu de Roumanie qui les délaisse pour la ville après 2 ans d’exercice.
En conclusion, il y a un sérieux problème d’aménagement du territoire dans l’indifférence de nos élites (qui, me savent que faire la morale aux campagnes votant FN) mais Je crois qu’il faut aussi réglementer.
Comment ? Pas plus que vous je n’ai de solutions, c’est aussi là que l’avis d’experts serait utile.
@ Descartes
Le problème que je soulève ici rejoint ce que vous écrivez à Odp :
« J’ai expliqué – et je me suis pris des critiques acerbes ici et ailleurs pour l’avoir fait – que le marché est un mécanisme de régulation pleinement efficace dans beaucoup de domaines, et qu’il est inimaginable pour moi de construire demain un système socialiste qui reposerait exclusivement sur une régulation administrative. »
Je dirais, en retour, qu’un système reposant exclusivement sur le marché ne saurait être non plus satisfaisant.
@ Vincent
[J’essaye, pour contredire odp par l’exemple, de montrer que je peux tout à la fois faire preuve d’un peu de sens critique par rapport à ce que vous écrivez, et de culture générale, en dehors de mon strict domaine d’ingénieur en génie civil… ;)]
Mais… vous n’avez rien à prouver ! Cela étant dit, si c’est pour contredire odp, je ne peux que vous encourager…
[« L’augmentation du numérus clausus ferait au moins descendre les honoraires moyens, et garantirait que chacun puisse avoir accès à un spécialiste pour se soigner ». Je ne pense réellement pas, quand à moi, que ce soit une bonne solution. La qualité de la formation des médecins en pâtirait fortement, comme elle pâtit déjà de l’augmentation du numérus clausus cumulée à la généralisation des internats.]
Oui mais… il faut être réaliste. Si vous ne formez pas assez de médecins, alors il n’y aura pas assez pour soigner tout le monde. Il s’agit d’une simple question d’offre et de demande. Alors qu’est ce qui est préférable ? Une corps médical de haut niveau et des patients qui patientent – sans jeu de mots – six mois pour se faire soigner ? Ou un corps médical d’un niveau moindre qui soigne immédiatement ? La question est ou vous mettez le curseur…
Cela étant dit, et je suis d’accord avec vous en cela, l’augmentation du numérus clausus ne peut être une mesure isolée. Si on augmente le numérus clausus, il faut que derrière « l’intendance suive » pour permettre à un nombre plus grand de médecins d’avoir une formation de qualité. Même si l’augmentation du numérus clausus entrainera mécaniquement une baisse de la qualité de la « matière première ».
[Quand vous parlez de réputation et titres, en matière de médecine, je suppose que vous parlez des “professeurs” (PU-PH).]
Pas spécialement. Je parle de l’ensemble des mécanismes de certification et de réputation. Et encore une fois, je ne dis pas que ces mécanismes GARANTISSENT la qualité du praticien. Je dis que ces mécanismes fonctionnent de façon probabiliste : un titre, un prix ne garantissent pas qu’untel est un bon chirurgien. Mais celui qui a le prix ou le titre a plus de chances d’être un bon chirurgien que celui qui ne les a pas…
@ Antoine
[Malheureusement, je n’ai pas réussi à trouver une ventilation du budget de l’école… Sur les frais de polycopiés, la protection sociale : je doute qu’ils augmentent massivement d’une année sur l’autre. Par ailleurs, les frais de polycopiés ne font-ils pas partie du prix payé pour l’enseignement ? Je ne vois pas l’intérêt de les dissocier du reste…]
Non, les frais de polycopiés c’est comme si vous achetiez un livre chez un libraire, sauf que le libraire c’est l’école. Ce sont des frais fixes pour lesquels l’établissement n’est qu’un intermédiaire. Ce qui fait à l’autonomie d’un établissement, c’est l’argent qui rentre sans affectation particulière. Si les frais de scolarité payent les professeurs, alors l’école peut choisir d’avoir un professeur de sociologie ou un professeur de mathématiques. Mais l’argent des polys va… aux polys. Je vous pose la question parce que de mon temps les frais d’inscriptions étaient importants – ou du moins me paraissaient tels à l’époque, parce que mes parents pouvaient difficilement m’aider – mais j’avais creusé et découvert que l’essentiel partait dans les polycopiés.
[Tout ce que j’ai trouvé, c’est que l’école se targue que son budget soit à 40% financé par autofinancement (j’imagine que cela inclut frais de scolarité, partenariats et mécénats divers, peut-être aussi la taxe professionnelle). Proportion certainement largement supérieure à ce qu’elle était quand j’ai suivi le cursus il y a une vingtaine d’années. Et il ne fait aucun doute que la continuation de cette tendance soit un objectif politique, à la fois des autorités étatiques (restriction du champ d’intervention de la puissance publique) et des autorités de l’école (la maîtrise des sources de financement signifiant la possibilité pour les dirigeants d’acquérir un surcroît de puissance d’agir et de décider).]
Tout à fait d’accord. Mais encore une fois, on revient sur le problème de la finalité du système éducatif. Si la finalité est de satisfaire l’étudiant, alors le modèle « fournisseur/client » est le meilleur qui soit : l’étudiant paye, et peut donc exiger que la formation s’accommode à ses désirs puisque celui qui paye est celui qui in fine décide. Si la finalité est de former les ingénieurs/médecins/sociologues/historiens dont le pays a besoin, alors il vaut mieux que ce soit le représentant de la volonté générale, c’est-à-dire l’Etat, qui paye et donc qui décide.
@ morel
[En conclusion, il y a un sérieux problème d’aménagement du territoire dans l’indifférence de nos élites (qui, me savent que faire la morale aux campagnes votant FN) mais Je crois qu’il faut aussi réglementer. Comment ? Pas plus que vous je n’ai de solutions, c’est aussi là que l’avis d’experts serait utile.]
La question est très vaste, en effet. On sait que la logique économique pousse à la concentration, et donc à l’exode vers les zones. Le commerce, les services sont plus rentables dans une zone dense que dans une zone faiblement peuplée. A partir de là, soit on décide d’accepter la logique économique et donc la désertification – ce que font certains de nos voisins, la Grande Bretagne, par exemple – soit on décide de la contrer, ce qui suppose un transfert de moyens pour rendre « rentables » des activités qui ne le seraient pas autrement. Et pendant des années, c’est ce qu’on a fait : des lignes « rentables » de la SNCF permettaient de maintenir les lignes « non rentables ». La péréquation tarifaire sur l’électricité faisait que les citadins finançaient l’électrification rurale. La Poste faisait vivre des bureaux ruraux dont l’activité était déficitaire. Les mairies subventionnaient les cinémas, les activités culturelles, les services qui autrement n’auraient pas pu fonctionner.
Aujourd’hui, on n’y arrive plus. D’abord, parce que la logique libérale venue de Bruxelles interdit les systèmes de péréquation : lorsque la SNCF est en concurrence, elle ne peut augmenter les tarifs sur les lignes rentables – c’est-à-dire, celles visées en priorité par les concurrents – pour pouvoir subventionner les lignes non-rentables. Il ne reste donc aux usagers de ces dernières que de payer le coût réel du service – ce que beaucoup de gens ne peuvent pas faire – ou se résigner à la disparition du train. Même chose pour la péréquation électrique…
[« J’ai expliqué – et je me suis pris des critiques acerbes ici et ailleurs pour l’avoir fait – que le marché est un mécanisme de régulation pleinement efficace dans beaucoup de domaines, et qu’il est inimaginable pour moi de construire demain un système socialiste qui reposerait exclusivement sur une régulation administrative. » Je dirais, en retour, qu’un système reposant exclusivement sur le marché ne saurait être non plus satisfaisant.]
Bien sur que non. Mon point, c’est que rejeter un mécanisme de régulation en bloc au nom d’une idéologie est une aberration. Il y a des domaines et des circonstances où le marché est capable de réguler avec une grande efficacité l’allocation des ressources. Et il y en a d’autres où il est inefficace et aboutit à des résultats désastreux. La finalité du politique est de trouver le mécanisme adapté à chaque situation. L’erreur que commettent parallèlement les “libéraux” et les “antilibéraux” est de transformer cette question, purement technique, en une question idéologique.
@ Descartes
> Alors qu’est ce qui est préférable ? Une corps médical de haut niveau et des patients qui patientent
> – sans jeu de mots – six mois pour se faire soigner ? Ou un corps médical d’un niveau moindre qui
> soigne immédiatement ? La question est ou vous mettez le curseur…
Je pense qu’il y a des solutions à trouver qui sortent de ce schéma simpliste. Notamment le principe d’avoir, sous un nom ou sous un autre, des “officiers de santé”, “praticiens de proximité”, “clinicien non thésé”, etc.
Cela s’argumente très bien, de plusieurs manières :
– La médecine devient de plus en plus technique, et de plus en plus spécialisée, mais, néanmoins, 90% des soins et diagnostics à réaliser pourraient l’être sur de simples protocoles, qui ne nécessitent absolument pas autant d’études que ce que font les médecins,
– les vieux médecins généralistes étaient formés avec un Bac+6. Dans quelques années, ce sera un Bac+10, alors que des sage-femmes, infirmiers anesthésistes, etc. sont Bac+5. Le niveau des vieux généralistes, en nombre d’années d’études, est plus proche de ces non médecins que des généralistes actuels, et ça ne les empèche pas de faire bien leur travail,
– dans pas mal de spécialités, le principe existe déjà, d’une profession paramédicale qui remplace à peu près complètement le médecin pour les taches simples : sage femme pour les gynécos, IADE pour les anesthésistes, prochainement les opticiens pour les ophtalmos, dans certains départements les infirmiers sapeurs-pompiers pour les médecins SMUR…
Il y aurait certainement des masters à ouvrir, pour développer ces professions complémentaires, afin de réserver les consultations proprement médicales aux cas d’une plus grande complexité. Cette idée est tout à fait complémentaire de celle, qui est de plus en plus à la mode, des cabinets médicaux avec de nombreux spécialistes.
Mais il y aurait tout un débat à avoir sur le sujet, et cette mesure, comme vous le mentionnez, ne peut pas, isolément, tout résoudre…
@ morel
Bonjour,
“” En conclusion, il y a un sérieux problème d’aménagement du territoire dans l’indifférence de nos élites (qui, me savent que faire la morale aux campagnes votant FN) mais Je crois qu’il faut aussi réglementer.
Comment ? Pas plus que vous je n’ai de solutions, c’est aussi là que l’avis d’experts serait utile. “””
Sans avoir bien approfondi la question, j’imagine qu’une régulation par les lois du marché pourrait être appliquée dans un certain nombre de cas.
Prenons l’exemple d’un enseignant.
Si, en fonction de critères à affiner, vous augmentez les salaires, par une prime d’éloignement en fonction de la rareté des candidats, vous allez rapidement constater que de nombreux enseignants aiment la campagne.
Je suppose qu’il existe d’autres moyens d’incitation, comme, par exemple, une inscription prioritaire à un choix d’affectation au terme de cinq ans ou plus, . . .
Il y a toujours un moyen d’agir, mais le carburant de la décision et de l’action, c’est le courage, et nos politiques, face aux syndicats d’enseignants notamment, n’en sont pas particulièrement pourvus.
Pour le médical, vu le nombre de médecins à l’Assemblée Nationale, une mesure similaire ne doit pas particulièrement leur être agréable.
@ Vincent
[Je pense qu’il y a des solutions à trouver qui sortent de ce schéma simpliste. Notamment le principe d’avoir, sous un nom ou sous un autre, des “officiers de santé”, “praticiens de proximité”, “clinicien non thésé”, etc.]
Si votre mère avait un malaise, vous vous contenteriez de la confier à un « officier de santé », à un « praticien de proximité », à un « clinicien non thésé » ? Non ? Et bien, pourquoi ce qui n’est pas bon pour vous le serait pour les autres ?
On ne peut pas organiser la santé avec une rationalité d’ingénieur, parce qu’il y a dans la santé un élément symbolique qu’on ne peut négliger. Devant un accident de santé, nous voulons être pris en charge par ce qu’il y a de meilleur, tout simplement parce que nous ne savons pas à priori si c’est grave ou pas.
[- La médecine devient de plus en plus technique, et de plus en plus spécialisée, mais, néanmoins, 90% des soins et diagnostics à réaliser pourraient l’être sur de simples protocoles, qui ne nécessitent absolument pas autant d’études que ce que font les médecins,]
Je suis totalement en désaccord. Le point crucial dans la médecine aujourd’hui est moins le geste de soin que le diagnostic. Et à supposer que 90% des diagnostics pourraient être réalisés par des protocoles, on ne sait pas à priori, devant un patient, s’il tombe dans cette catégorie…
[- les vieux médecins généralistes étaient formés avec un Bac+6. Dans quelques années, ce sera un Bac+10, alors que des sage-femmes, infirmiers anesthésistes, etc. sont Bac+5. Le niveau des vieux généralistes, en nombre d’années d’études, est plus proche de ces non médecins que des généralistes actuels, et ça ne les empèche pas de faire bien leur travail,]
Oui, enfin, il faudrait voir ce qu’était le service de ces « vieux médecins » lorsqu’ils étaient débutants. Ils avaient peut être un grand amour du métier et une non moins grande qualité humaine, mais du point de vue technique il est incontestable que la formation des médecins s’est beaucoup améliorée.
[- dans pas mal de spécialités, le principe existe déjà, d’une profession paramédicale qui remplace à peu près complètement le médecin pour les taches simples : sage femme pour les gynécos, IADE pour les anesthésistes, prochainement les opticiens pour les ophtalmos, dans certains départements les infirmiers sapeurs-pompiers pour les médecins SMUR…]
Mais ce principe est-il satisfaisant ? Si on vous donnait à choisir pour votre femme le suivi de sa grossesse par un gynécologue ou par une sage femme, lequel choisiriez vous, par exemple ? Notez que je ne réponds pas à ma propre question. Il est clair qu’on ne peut consacrer des ressources infinies à la santé, et que cela implique de mettre des limites à la dépense. Mais choisir ces limites n’est pas chose facile.
[Il y aurait certainement des masters à ouvrir, pour développer ces professions complémentaires, afin de réserver les consultations proprement médicales aux cas d’une plus grande complexité.]
Oui, mais comment savoir si une consultation sera « d’une grande complexité » avant qu’elle ait pu avoir lieu ? C’est là tout le problème…
> Si votre mère avait un malaise, vous vous contenteriez de la confier à un « officier de santé », à un
> « praticien de proximité », à un « clinicien non thésé » ? Non ? Et bien, pourquoi ce qui n’est pas
> bon pour vous le serait pour les autres ?
Si des paramédicaux SMUR pouvaient remplacer les médecins SMUR, en réduisant le délai d’intervention, je trouverait cela très bien !
Sachant que les médecins SMUR, dans la pratique, n’agissent quasiment que sur protocole, un paramedic ferait aussi bien sur un malaise grave ; et une fois aux urgences, il y aura toujours des vrais médecins…
> On ne peut pas organiser la santé avec une rationalité d’ingénieur, parce qu’il y a dans la santé un
> élément symbolique qu’on ne peut négliger. Devant un accident de santé, nous voulons être pris
> en charge par ce qu’il y a de meilleur, tout simplement parce que nous ne savons pas à priori si
> c’est grave ou pas.
Oui, et non ; cela dépend des personnes et des situations.
Oui, si vous pensez avoir une maladie dont vous vous inquiétez sans savoir ce dont il s’agit. Et rien ne vous interdira de demander un RDV à un vrai médecin.
Non, si vous avez besoin d’un renouvellement d’ordonnance pour des lunettes ou votre médicament anti diabète : vous préfèrerez peut être avoir une RDV rapide, facile, et proche, avec un “non thésé” que de devoir aller loin à des horaires qui ne vous conviennent pas.
Je crois que les personnes en bonne santé sous-estiment fortement l’impact des maladies chroniques sur l’activité des médecins…
> Je suis totalement en désaccord. Le point crucial dans la médecine aujourd’hui est moins le geste
> de soin que le diagnostic. Et à supposer que 90% des diagnostics pourraient être réalisés par des
> protocoles, on ne sait pas à priori, devant un patient, s’il tombe dans cette catégorie…
Les protocoles permettent justement de dire : “on est hors protocole, il faut envoyer à quelqu’un d’autre ; il y a une décision qui ne relève pas de ma compétence”.
Si un diabétique se présente pour un renouvellement d’ordonnance, mais que sa glycémie est mauvaise, ou qu’il y a un problème quelque part, il devra être renvoyé vers le médecin.
> Si on vous donnait à choisir pour votre femme le suivi de sa grossesse par un gynécologue ou par
> une sage femme, lequel choisiriez vous, par exemple ?
Déjà, je la laisse choisir.
En plus, c’est un mauvais exemple : elle a laissé tomber la gynéco pour une sage-femme au début de sa 1ère grossesse, et se contente actuellement d’une autre sage femme pour le n°2.
Pourtant, elle n’est certainement pas anti-médecine : elle tient même à être dans une maternité suffisamment grosse pour avoir tous les services de réa, etc. sur place, au cas où ça irait mal.
> Il est clair qu’on ne peut consacrer des ressources infinies à la santé, et que cela implique de
> mettre des limites à la dépense. Mais choisir ces limites n’est pas chose facile.
Je sais qu’on peut compter sur les syndicats de médecins, relativement puissants politiquement, pour que les médecins thésés conservent un rôle central dans le diagnostic et les décisions médicales, et ne se déchargent que des taches les plus simples et les moins critiques. Des protocoles, qui seront nécessairement établis et validés par des médecins, seront donc scrutés attentivement à la recherche du moindre cas particulier qui le mettrait en défaut, et je pense que des praticiens non thésés qui observeraient strictement un protocole auraient moins de risque d’erreur qu’un médecin faisant plus confiance à son sens clinique.
Mais il est clair que ces protocoles, s’ils peuvent probablement traiter une majorité des consultations de généralistes, ne couvriront pas tout.
Je pense que vous vous méprenez sur ce que j’appelle un protocole…
Regarder par exemple ici ce qui est prévu pour des infirmies cliniciens pour le suivi des cancéreux :
https://www.infirmiers.com/profession-infirmiere/competences-infirmiere/infirmier-clinicien-reconnu-cancerologie.html
Ou ici comment les opticiens-lunettiers peuvent modifier les prescriptions des ophtalmos :
http://www.acuite.fr/actualite/legislation/100287/nouvelles-prerogatives-pour-les-opticiens-le-decret-enfin-publie
De même, les IADE permettent d’assurer l’essentiel de ce que fait un anesthésiste, ce qui permet d’avoir beaucoup moins d’anesthésistes que de blocs, et que l’anesthésiste puisse venir immédiatement en cas de besoin sur demande de l’IADE…
Egalement, dans les hopitaux psy, existait (jusqu’à l’harmonisation européenne) une spécialité d’infirmier psy, sur lesquels les psychiatres pouvaient pas mal se décharger, ce qui a conduit à augmenter les besoins en médecins quand cette spécialité franco-francaise a été supprimée.
On pourrait imaginer avoir la même chose pour le suivi des diabétiques et de pas mal de maladies chroniques (cardiaques, etc.), qui occupent beaucoup les cabinets de médecins, qui ne font que prendre la tension, vérifier une ou 2 petites choses, demander si tout va bien, et reconduire le traitement si tout va bien.
> Oui, mais comment savoir si une consultation sera « d’une grande complexité » avant qu’elle ait
> pu avoir lieu ? C’est là tout le problème…
Pour tout ce qui est suivi des maladies chroniques, où les médecins ne font déjà que suivre des protocoles (vérifier quelques points pour reconduire l’ordonnance), on sait d’avance que si tout est bon, ce ne sera pas d’une grande complexité, et que l’ordonnance pourra être renouvellée.
Au delà des maladies chroniques, il y a de nombreux types de symptomes pour lesquels les diagnostics médicaux obéissent à des arbres de décisions très simples, pour lesquels un protocole serait tout à fait adapté. Si l’arbre de décision aboutit à quelque chose de plus complexe, ou que les symptomes ne rentrent pas bien dans un des arbres, il faut alors recourir au niveau au dessus (le médecin)…
Un peu comme le fait le médecin avec les spécialistes, et notamment avec les internistes si il est un peu perdu.
Mais je suis d’accord que, dans ce cas, le patient ne peut pas savoir à l’avance quel niveau de consultation sera nécessaire. Et il faut donc qu’il y ait un vrai médecin juste à coté, pour prendre le patient qui le nécessite tout de suite. C’est ce que je voulais dire par “Cette idée est tout à fait complémentaire de celle, qui est de plus en plus à la mode, des cabinets médicaux avec de nombreux spécialistes.”
Soit dit en passant, c’est comme cela que ça se passe (certes de moins en moins) à l’hopital, où les internes, qui ne sont pas encore médecins, sont le plus souvent les seuls à voir les patients, et n’en parlent à leurs chefs que quand ils ont un doute. Et tout ceci pourtant en dehors de tout protocole !
@ Marcailloux
[Sans avoir bien approfondi la question, j’imagine qu’une régulation par les lois du marché pourrait être appliquée dans un certain nombre de cas. Prenons l’exemple d’un enseignant. Si, en fonction de critères à affiner, vous augmentez les salaires, par une prime d’éloignement en fonction de la rareté des candidats, vous allez rapidement constater que de nombreux enseignants aiment la campagne.]
Où voyez-vous là une “régulation par le marché” ? Une prime incitative ne constitue pas une régulation par le marché. Pour qu’il y ait régulation par le marché, il faut que le signal prix influence autant l’offre que la demande. Mais surtout, le propre de l’équilibre de marché est que tous les besoins ne sont pas satisfaits. Or, clairement, en matière d’éducation il y aura un professeur pour chaque classe…
@ Marcailloux, Descartes
Je vais être indisponible un certain temps. Aussi, pour ne pas manquer à la politesse, bref élément de réponse :
dans tous les cas, ne pas croire en la magie de mesures administratives ou mécanisme marché, garder la “main politique” et ne pas hésiter à corriger.
@ Vincent
[« Si votre mère avait un malaise, vous vous contenteriez de la confier à un « officier de santé », à un « praticien de proximité », à un « clinicien non thésé » ? Non ? Et bien, pourquoi ce qui n’est pas bon pour vous le serait pour les autres ? » Si des paramédicaux SMUR pouvaient remplacer les médecins SMUR, en réduisant le délai d’intervention, je trouverait cela très bien !]
Je constate que vous ne répondez pas à la question…
[Oui, si vous pensez avoir une maladie dont vous vous inquiétez sans savoir ce dont il s’agit. Et rien ne vous interdira de demander un RDV à un vrai médecin. Non, si vous avez besoin d’un renouvellement d’ordonnance pour des lunettes ou votre médicament anti diabète : vous préfèrerez peut être avoir une RDV rapide, facile, et proche, avec un “non thésé” que de devoir aller loin à des horaires qui ne vous conviennent pas.]
Mais si le renouvellement peut être fait « rapidement et facilement » par un « non thésé », pourquoi ne pas le faire renouveler directement par le pharmacien ? Le renouvellement d’une ordonnance permet au médecin de vérifier les effets du traitement, de faire un diagnostic sur d’éventuels signes cliniques. Si tout ça peut être fait par des « non thésés », je ne comprends pas pourquoi on demande une thèse aux autres…
[Je crois que les personnes en bonne santé sous-estiment fortement l’impact des maladies chroniques sur l’activité des médecins…]
Mais même une maladie chronique a besoin à chaque fois d’un nouveau diagnostic pour suivre son évolution. Si cela est inutile, pourquoi donner des ordonnances limitées dans le temps ? On pourrait donner des ordonnances « chroniques », et puis basta.
[Les protocoles permettent justement de dire : “on est hors protocole, il faut envoyer à quelqu’un d’autre ; il y a une décision qui ne relève pas de ma compétence”. Si un diabétique se présente pour un renouvellement d’ordonnance, mais que sa glycémie est mauvaise, ou qu’il y a un problème quelque part, il devra être renvoyé vers le médecin.]
Mais s’il y a comme vous dites « un problème quelque part », si le diabétique se plaint par exemple d’avoir mal au doigt de pied, comment celui qui applique le protocole saura si ce mal au doigt de pied est lié au diabète ou pas ? Et chez un patient, il y a toujours plusieurs choses qui clochent…
[« Si on vous donnait à choisir pour votre femme le suivi de sa grossesse par un gynécologue ou par une sage femme, lequel choisiriez vous, par exemple ? » Déjà, je la laisse choisir.]
Encore une fois, vous évitez de répondre à la question…
[Regarder par exemple ici ce qui est prévu pour des infirmies cliniciens pour le suivi des cancéreux (…) Ou ici comment les opticiens-lunettiers peuvent modifier les prescriptions des ophtalmos]
L’article que vous citez ne dit nulle part que les opticiens-lunettiers « peuvent modifier les prescriptions des ophtalmos ». Tout au plus, ils peuvent faire des mesures de réfration et délivrer des lunettes sans prescriptions « en cas d’urgence constatée et lorsque aucune solution médicale n’est disponible ». Pour ce qui concerne les infirmiers cliniciens, la formule est plus vague, mais précise qu’ils ne se substituent pas au médecin. Il faudra attendre de voir si cela améliore ou au contraire dégrade la qualité de l’attention au patient.
[De même, les IADE permettent d’assurer l’essentiel de ce que fait un anesthésiste, ce qui permet d’avoir beaucoup moins d’anesthésistes que de blocs, et que l’anesthésiste puisse venir immédiatement en cas de besoin sur demande de l’IADE…]
Et si la demande se matérialise sur plusieurs blocs à la fois ? Encore une fois, le dispositif dégrade la sûreté du dispositif et permet d’économiser des sous. Le tout est une question du risque qu’on est prêt à accepter – ou dit autrement, de ce qu’on est prêt à payer pour le réduire.
[Pour tout ce qui est suivi des maladies chroniques, où les médecins ne font déjà que suivre des protocoles (vérifier quelques points pour reconduire l’ordonnance), on sait d’avance que si tout est bon, ce ne sera pas d’une grande complexité, et que l’ordonnance pourra être renouvelée.]
Si c’est si simple, pourquoi ne pas laisser le malade lui-même le faire ? Je pense que vous oubliez un élément important : une maladie chronique évolue. Elle peut donner lieu à des complications. Qui détectera ces symptômes, qui se demandera si un autre petit bobo, apparemment sans rapport, n’est liée à la maladie chronique ?
[Au delà des maladies chroniques, il y a de nombreux types de symptômes pour lesquels les diagnostics médicaux obéissent à des arbres de décisions très simples, pour lesquels un protocole serait tout à fait adapté.]
Sauf que le médecin peut utiliser son expérience pour sortir de l’arbre de décision s’il trouve que celui-ci n’a pas prévu une situation particulière. D’ailleurs, si le protocole est si simple, pourquoi ne pas le faire appliquer par le facteur ?
[Soit dit en passant, c’est comme cela que ça se passe (certes de moins en moins) à l’hopital, où les internes, qui ne sont pas encore médecins, sont le plus souvent les seuls à voir les patients, et n’en parlent à leurs chefs que quand ils ont un doute. Et tout ceci pourtant en dehors de tout protocole !]
Oui, enfin, un interne est déjà un médecin, quand même !
@ Descartes,
Bonsoir,
“”Où voyez-vous là une “régulation par le marché” ? Une prime incitative ne constitue pas une régulation par le marché.””
Vous l’aurez noté, l’échange ne porte pas sur une question d’économie, . . . ou si peu.
Ce qui est évoqué par morel, c’est le peu d’empressement de certaines professions à “produire puis vendre” leur service dans des conditions géographiques particulières.
Comme il n’y a pas de pénurie absolue d’offreurs de services, si vous augmentez le “prix” du service, l’offre ne fera que s’amplifier. Ça me parait limpide, même si nous ne sommes pas , en l’occurence, dans le cadre d’un marché libre et parfait.
L’équilibre offre demande régulant des quantités, nous aurons là, plutôt, un équilibre du “consentement” des offreurs de service.
Dans l’absolu, un enseignant est libre d’accepter ou de refuser quel que poste que son administration lui propose. S’il refuse, il court le risque de devoir chercher un autre employeur, ce qui n’est ni interdit, ni impossible factuellement.
On peut donc établir un parallèle, certes éloigné, avec les lois du marché et l’équilibre offre et demande.
Morel évoquait la difficulté de trouver des candidats motivés. Si l’argent n’est pas forcément la première motivation, il ne vient pas très loin de la tête dans la liste.
> Je constate que vous ne répondez pas à la question…
Je ne suis pas d’accord. Ma proposition reviendrait à remplacer les médecins dans les SMUR par des paramédicaux, pour les malaises à priori simples. Et je vous dis que cela ne me dérangerait pas, au contraire. Je n’ai jamais dit qu’il fallait complètement supprimer des médecins à l’hopital.
S’il s’agit d’un malaise qui ne justifie pas d’aller aux urgences (???), et qu’elle n’a pas de pathologie connue qui l’explique, cela ne me gènerait pas qu’elle voie un clinicien non thésé, qui ne pourra (probablement) que constater qu’il doit renvoyer vers un médecin, sauf explication simple, qui me satisferait également.
D’un point de vue pragmatique, c’est comme cela que cela fonctionne dans la plupart des pays, et les comparaisons internationales ne permettent pas de conclure clairement à un mieux pour le système français (tout médical) ou le système anglosaxon (“pick and run”), chacun ayant des avantages et inconvénients selon les circonstances.
D’ailleurs, tout le monde est en train de converger, puisque les anglosaxons commencent à mettre de la médecine de l’avant dans certains cas, et que les francais commencent à essayer de réduire la médicalisation au profit du gain de temps, pour beaucoup de pathologies. Dans le cadre d’une telle convergence, il me semble que des paramedics à la française pourraient trouver leur place.
> Mais si le renouvellement peut être fait « rapidement et facilement » par un « non thésé », pourquoi ne pas le faire renouveler
> directement par le pharmacien ? Le renouvellement d’une ordonnance permet au médecin de vérifier les effets du traitement,
> de faire un diagnostic sur d’éventuels signes cliniques.
Vous répondez parfaitement à votre propre question.
> Si tout ça peut être fait par des « non thésés », je ne comprends pas pourquoi on demande une thèse aux autres…
Parcequ’on leur demande aussi de savoir proposer un traitement différent si le traitement est mal supporté, qu’on leur demande de savoir le modifier si des signes cliniques imprévus le requièrent, etc.
S’il s’agit juste de vérifier qu’il n’y a pas de signe clinique problématique, que le traitement est bien supporté, et de renouveler le traitement, avec éventuellement des adaptations mineures, c’est beaucoup plus simple…
> Mais même une maladie chronique a besoin à chaque fois d’un nouveau diagnostic pour suivre son évolution. Si cela est
> inutile, pourquoi donner des ordonnances limitées dans le temps ? On pourrait donner des ordonnances « chroniques »,
> et puis basta.
Vous avez parfaitement répondu vous même ci dessus à cette question : il faut vérifier les effets du traitements et d’éventuels signes cliniques, éventuellement prescrires des examens de suivi, etc.
> Mais s’il y a comme vous dites « un problème quelque part », si le diabétique se plaint par exemple d’avoir mal au doigt de pied,
> comment celui qui applique le protocole saura si ce mal au doigt de pied est lié au diabète ou pas ? Et chez un patient, il y a
> toujours plusieurs choses qui clochent…
Celui qui applique le protocole sera un Bac+5 spécialisé dans le suivi des diabétiques. Et il aura donc une petite idée sur la question. Et il pourra notamment savoir s’il convient de renvoyer vers un vrai médecin.
>> « Si on vous donnait à choisir pour votre femme le suivi de sa grossesse par un gynécologue ou par une sage femme, lequel
>> choisiriez vous, par exemple ? »
> Encore une fois, vous évitez de répondre à la question…
Vous êtes un peu de mauvaise foi sur ce coup : si je ne réponds pas dans la première phrase, je réponds juste en dessous.
Elle consulte effectivement une sage-femme, et je trouve cela très bien. Les sage-femmes sont spécialisées dans le suivi des grossesses normales, et les gynécos dans le suivi des grossesses pathologiques. Qui peut le plus peut le moins, donc les gynéco peuvent suivre des grossesses normales. Et parallèlement, les sages-femmes savent distinguer ce qui sort de leurs compétences.
Tant que tout se passe bien, je comprends qu’il soit plus agréable pour ma femme d’être suivi par une sage femme que par un médecin, ce qu’elle a choisi. Et je ne doute pas que, en cas de problème, la sage femme saura la renvoyer vers un gynéco.
> L’article que vous citez ne dit nulle part que les opticiens-lunettiers « peuvent modifier les prescriptions des ophtalmos ».
Ils peuvent modifier les caractéristiques des verres, tout de même… i.e. adapter les prescriptions. Le mot “modifier” était mal choisi, j’en conviens.
> Pour ce qui concerne les infirmiers cliniciens, la formule est plus vague, mais précise qu’ils ne se substituent pas au médecin.
> Il faudra attendre de voir si cela améliore ou au contraire dégrade la qualité de l’attention au patient.
Ils se substituent au médecin pour les consultations de suivi périodique. Ce qui permet de décharger le médecin des consultations les moins intéressantes… Et ils ne se substituent naturellement pas au médecin pour la mise en place initiale du traitement. Ce qui serait d’autant moins possible en matière de cancéro que, souvent, les décisions quand aux traitements se prennent de manière collégiales en faisant appel à plusieurs spécialités (chirurgien, radiothérapeute, oncologue…)
> Et si la demande se matérialise sur plusieurs blocs à la fois ? Encore une fois, le dispositif dégrade la sûreté du dispositif et
> permet d’économiser des sous. Le tout est une question du risque qu’on est prêt à accepter – ou dit autrement, de ce
> qu’on est prêt à payer pour le réduire.
Les IADE sont suffisamment formés pour pouvoir gérer de manière autonome, même s’il y a des problèmes sur plusieurs blocs. D’ailleurs, comme évoqué ailleurs dans la discussion, il faut être pragmatique. Et de fait, ça fonctionne bien.
> Je pense que vous oubliez un élément important : une maladie chronique évolue. Elle peut donner lieu à des complications.
> Qui détectera ces symptômes,
Jutement : un non médecin, qui fera ou prescrira les examens appropriés, pourra constater s’il y a une évolution, et renvoyer sur un vrai médecin s’il c’est le cas. Soit dit en passant, c’est souvent la position des généralistes vis à vis des spécialistes, aujourd’hui : je vérifie que le coeur va bien, et je renvoie au cardiologue sinon…
> qui se demandera si un autre petit bobo, apparemment sans rapport, n’est liée à la maladie chronique ?
Des “protocoles” peuvent très bien commencer par un petit interrogatoire pour savoir s’il y a des maladies chroniques, et imposer une consultation médicale pour le moindre petit bobo, si c’est pertinent (du genre pour un hémophile…)
> Sauf que le médecin peut utiliser son expérience pour sortir de l’arbre de décision s’il trouve que celui-ci n’a pas prévu une situation particulière.
Exactement. Alors qu’un non médecin, en cas de situation particulière, renverra vers un médecin.
> D’ailleurs, si le protocole est si simple, pourquoi ne pas le faire appliquer par le facteur ?
Il y a effectivement des protocoles qui ne nécessitent pas un Bac+5. Les infirmiers en ont plein à suivre, adaptés à leur compétences, sachant que ce sont des Bac+3 généralistes.
Par exemple, quand vous allez aux urgences, vous passez devant une infirmière d’accueil et d’orientation. C’est elle qui choisit de vous classer en degré d’urgence pour la prise en charge. Ce qui montre bien qu’on peut se reposer sur des non médecins…
Et si des Bac+3 non spécialisés peuvent appliquer des protocoles, des Bac+5 spécialistes devraient pouvoir en appliquer des plus complexes, avec un niveau d’autonomie supérieur.
> Oui, enfin, un interne est déjà un médecin, quand même !
Un interne a un niveau Bac+6, sans aucune spécialisation. Qu’on ne me fasse pas croire qu’un Bac+5 spécialisé dans la prise en charge des suivis de cancers, ne pourra pas faire aussi bien qu’un interne non (encore) spécialisé, dans le même domaine.
@ Marcailloux
[« Où voyez-vous là une “régulation par le marché” ? Une prime incitative ne constitue pas une régulation par le marché. » Vous l’aurez noté, l’échange ne porte pas sur une question d’économie, . . . ou si peu.]
Non, je n’ai pas noté. J’ai même noté exactement le contraire : dès lors qu’on parle d’une question de « régulation », on est en plein dans l’économie.
Vous confondez le mécanisme de régulation et les outils de régulation. Le système de régulation dans lequel l’Etat fixe la rémunération des médecins pour attirer suffisamment de gens vers cette profession pour satisfaire les besoins est une régulation ADMINSTRATIVE. En effet, c’est une entité administrative qui décide de combien de médecins on a besoin. Le fait qu’au lieu d’obliger par décret un certain nombre de gens à se faire médecins il utilise un instrument incitatif pour aboutir à ce résultat ne change rien à la nature du mécanisme.
Dans un mécanisme de marché, la quantité du bien qui sera in fine produite n’est décidée par aucune autorité. Elle est le résultat d’une confrontation entre l’offre et la demande, et il est admis dès le départ qu’une partie des besoins ne sera pas satisfaite. C’est d’ailleurs pour cette raison que la régulation de la santé par le marché pose d’importants problèmes : l’idée que des gens ne se soignent pas parce qu’ils ne peuvent pas payer le prix de marché n’est pas à priori acceptable…
[Ce qui est évoqué par morel, c’est le peu d’empressement de certaines professions à “produire puis vendre” leur service dans des conditions géographiques particulières. Comme il n’y a pas de pénurie absolue d’offreurs de services, si vous augmentez le “prix” du service, l’offre ne fera que s’amplifier.]
Oui, mais vous voyez bien que dans cette logique, ce n’est pas une confrontation entre l’offre et la demande qui fait monter le « prix » du service. C’est une autorité qui décide du niveau souhaitable de l’offre, et ensuite crée une incitation pour atteindre ce niveau. C’est donc une régulation administrative, et non pas une régulation de marché.
[Morel évoquait la difficulté de trouver des candidats motivés. Si l’argent n’est pas forcément la première motivation, il ne vient pas très loin de la tête dans la liste.]
Au risque de me répéter : il faut distinguer le mécanisme de régulation des outils de régulation. Une fois qu’on a choisi la régulation administrative, l’Etat a plusieurs instruments pour aboutir au résultat : l’incitation, la propagande, l’autorité. Et de même, si on choisit la régulation de marché, on peut avoir recours à des enchères, à un marché ouvert, à un marché fermé…
@ Marcailloux, Descartes
Sur la différence entre régulation administrative et par le marché, je ne peux qu’approuver Descartes.
Je pense que, pour illustrer cette différence, le meilleur exemple qui soit est le marché du blé sous Louis XVI. On est passé d’un système administré à une régulation par le marché, sous l’influence intellectuelle des penseurs libéraux des lumières, pour qui le marché était forcément efficace.
Lors de la mise en place de ce système, au passage, sont apparus la spéculation sur le blé, etc. qui ont finalement, dans un premier temps, aggravé les famines.
Tout ceci est très bien illustré au début de la bd “economix”, que je vous conseille au passage.
@ Vincent
[« Je constate que vous ne répondez pas à la question… » Je ne suis pas d’accord. Ma proposition reviendrait à remplacer les médecins dans les SMUR par des paramédicaux, pour les malaises à priori simples.]
Tout le problème est dans « l’a priori ». Que se passe-t-il si le paramédical ne détecte pas le fait que le malaise « a priori » simple ne l’est pas, là où un véritable médecin aurait vu le problème ?
[S’il s’agit d’un malaise qui ne justifie pas d’aller aux urgences (???), et qu’elle n’a pas de pathologie connue qui l’explique, cela ne me gênerait pas qu’elle voie un clinicien non thésé, qui ne pourra (probablement) que constater qu’il doit renvoyer vers un médecin, sauf explication simple, qui me satisferait également.]
Encore une fois, c’est au niveau du diagnostic, et non des soins, que l’expérience d’un véritable médecin joue. Personnellement, je prendrais le problème à l’envers : je voudrais qu’elle soit vue immédiatement par un vrai médecin, qui déciderait si les soins dont elle a besoin peuvent être suivis par un « non thésé » ou un infirmier, où si elle nécessite un véritable suivi par un médecin.
[« Mais si le renouvellement peut être fait « rapidement et facilement » par un « non thésé », pourquoi ne pas le faire renouveler directement par le pharmacien ? Le renouvellement d’une ordonnance permet au médecin de vérifier les effets du traitement, de faire un diagnostic sur d’éventuels signes cliniques ». Vous répondez parfaitement à votre propre question.]
Non, puisque cette « vérification des effets du traitement » et ce « diagnostic sur d’éventuels signes cliniques » demande un vrai médecin ! Et si un « non thésé » peut remplacer le médecin en toute circonstance, à quoi sert donc la thèse ?
J’ai l’impression qu’en fait vous réduisez l’acte médical au soin, et que vous mettez le diagnostic à la seconde place. Pour vous, un paramédical ou un non thésé peut faire le diagnostic, et ensuite dériver au médecin les cas complexes. Or, je pense que c’est l’inverse : il est plus facile de soigner un problème connu que de déterminer exactement la nature du problème.
[Elle consulte effectivement une sage-femme, et je trouve cela très bien. Les sage-femmes sont spécialisées dans le suivi des grossesses normales, et les gynécos dans le suivi des grossesses pathologiques. Qui peut le plus peut le moins,]
Mais qui peux le mieux faire la différence entre une grossesse normale et une grossesse pathologique ? Là est toute la question. Une fois encore, vous considérez que le diagnostic va de soi.
[L’article que vous citez ne dit nulle part que les opticiens-lunettiers « peuvent modifier les prescriptions des ophtalmos ». Ils peuvent modifier les caractéristiques des verres, tout de même… i.e. adapter les prescriptions. Le mot “modifier” était mal choisi, j’en conviens.]
Sauf que modifier les caractéristiques des verres correcteurs ne risque de causer au patient le moindre dommage. Dans le pire des cas, les verres seront inadaptés et il faudra les refaire. Mais on revient toujours au même problème : si pour faire vos verres vous passez par l’opticien et non par l’ophtalmo, vous aurez peut-être la bonne correction, mais vous ne saurez pas s’il y a quelque chose de dangereux qui se passe dans l’œil et qui provoque le besoin de correction. Pour cela, il faut un examen et une expérience que l’opticien n’a pas. Je suis étonné du peu d’importance que vous donnez à la phase du diagnostic.
[« Sauf que le médecin peut utiliser son expérience pour sortir de l’arbre de décision s’il trouve que celui-ci n’a pas prévu une situation particulière ». Exactement. Alors qu’un non médecin, en cas de situation particulière, renverra vers un médecin.]
Pas nécessairement. Encore faudrait-il qu’il détecte qu’il s’agit d’une « situation particulière ». C’est toujours le même problème : il faut une connaissance médicale plus vaste pour porter un diagnostic que pour prescrire le soin.
@ Vincent
[On est passé d’un système administré à une régulation par le marché, sous l’influence intellectuelle des penseurs libéraux des lumières, pour qui le marché était forcément efficace.]
En fait, pas tant que ça. Les libéraux des Lumières, ce qu’on appelle les « classiques », idéalisaient beaucoup moins le marché que ne le feront les libéraux romantiques. L’exemple le plus illustratif est celui d’Adam Smith, qui au départ est un professeur de philosophie, spécialisée dans le domaine de la philosophie morale. Le premier ouvrage par lequel il se fait connaître, c’est « la théorie des sentiments moraux », et non « la richesse des nations ». Il y a chez Smith cette double approche, morale et économique. Pour lui, la « main invisible » peut enrichir les nations, elle ne les pousse pas pour autant vers le bien moral – assistance aux plus faibles et aux démunis, constitution des institutions. Pour cela, il faut une « sympathie » entre les hommes qui la « main invisible » ne peut créer.
Le fait que le fonctionnement harmonieux du capitalisme nécessite de surimposer au marché des « valeurs morales » qui subsistent d’une époque antérieure et que le capitalisme est incapable de créer et de maintenir lui-même est une contradiction intéressante que Marx esquisse déjà dans le « manifeste »…
Par ailleurs, même d’un point de vue strictement économique, Smith constate de lui-même que certains domaines ne peuvent pas être régulés efficacement par les marchés. Ainsi, par exemple, il considère que le secteur financier doit être régulé par l’Etat, tirant en cela les leçons de la crise du système bancaire écossais dans les années 1770. De même, il considérait que l’Etat était légitime à intervenir dans la constitution des services publics : « c’est le devoir (de l’Etat) d’ériger et d’entretenir certains ouvrages publics et certaines institutions que l’intérêt privé d’un particulier ou de quelques particuliers ne pourrait jamais les porter à ériger ou à entretenir, parce que jamais le profit n’en rembourserait la dépense à un particulier ou à quelques particuliers, quoiqu’à l’égard d’une grande société ce profit fasse beaucoup plus que rembourser les dépenses ». Ce qui revient à reconnaître l’inefficacité du marché lorsqu’il s’agit de réguler ce type d’ouvrages ou institutions…
La « religion du marché » n’est pas vraiment le fait des penseurs libéraux des Lumières. Ce sera plutôt celui des libéraux « romantiques » actifs à partir des années 1825 comme Bastiat ou Cobden qui ont pris ce parti.
Je rejette fondamentalement votre concept de classe moyenne, je trouve celui de bourgeoisie intellectuelle bien plus opératoire (et oui, cela recouvre bien plus les électeurs de Macron que ceux de Fillon).
Mais votre analyse d’APB reste impeccable, parfaitement lucide. Michael Lewis (une de mes recommandations de lecture, je vous conseille ses livres Boomerang et Flashboys) a posé très crûment la question de savoir si les pays libéraux étaient riches parce que beaucoup de jeunes y faisaient des études longues ou avaient beaucoup d’étudiants parce qu’ils étaient riches. En argumentant de façon très claire en faveur de la deuxième réponse (en se basant sur la cas concret de l’Islande)
Le système français était Napoléonien, il a donc été conçu par un des plus grand génies administratifs de l’histoire. Une sélection méritocratique exigeante à l’entrée des études longues a eu comme avantages :
* l’ascenseur social, source de paix civile
* le méritocratie, source d’une force de travail intellectuelle (je n’aime pas le terme élite) très compétente
* le fait d’éviter de faire perdre à des jeunes trois ou plus années de leur vie dans des études sans lien fort avec leur métier futur, payées par collectivité et au final improductives(ou pire, produisant des bataillons d’aigris oisifs, de bureaucrates parasites, et même de soixante-huitards incarnant la parfaite caricature de tout ce que vous exécrez à juste titre chez vos “classes moyennes”)
P.S : vous faites un petit outing, en répondant à un commentaire, sur votre métier. Je vous admire, construire les générateurs électriques les plus performants au monde est du bel oeuvre. Moi-même, ingénieur, je consacre mes (modestes) compétences à l’élaboration de modèles financiers, sans honte aucune et convaincu de faire, à mon échelle un métier utile à la société en général et à un l’un des rares secteurs industriels français mondialement compétitif en particulier
@ Jordi
[Je rejette fondamentalement votre concept de classe moyenne, je trouve celui de bourgeoisie intellectuelle bien plus opératoire (et oui, cela recouvre bien plus les électeurs de Macron que ceux de Fillon).]
Mais pour qu’il soit opératoire, il faudrait déjà le définir. C’est quoi, la « bourgeoisie intellectuelle » ? Comment se caractérise-t-elle ?
[Moi-même, ingénieur, je consacre mes (modestes) compétences à l’élaboration de modèles financiers, sans honte aucune et convaincu de faire, à mon échelle un métier utile à la société en général et à un l’un des rares secteurs industriels français mondialement compétitif en particulier]
Il n’y a pas de honte à avoir : « il n’y a pas de sot métier, il n’y a que de sottes gens ». Mais une petite correction : j’ai du mal à considérer la finance comme un « secteur industriel »…
@ Jordi
Quand on a fait des études qui coûtent à la collectivité 3 à 4 fois plus cher que celles d’un étudiant en lettres pour terminer dans une activité aussi parasitaire et prévaricatrice que la conception de modèles mathématiques pour la finance de marché, on est mal placé pour faire la leçon.
Par ailleurs, quand vous dites que vous travaillez dans une des rares industries ou la France est compétitive mondialement, non seulement on en voit pas trop ce qu’il y a d’industriel dans la finance de marché mais on ne voit pas non plus en quoi les banques françaises seraient bien placées dans la compétition mondiale. Si j’en juge par la capitalisation boursière, elles appartiennent au mieux à la 2ème division (BNP), au pire à la 3ème (SG, CA, BPCE).
@ Jordi
Si le système de sélection des élites créé par Napoléon avait été aussi efficace que ce que vous dites, l’armée française ne se serait pas ridiculisée 3 fois de suite contre l’armée allemande et l’économie française ne se serait pas laisser distancée par les économie anglaise puis allemande au cours du 19ème siècle. Manifestement il y a eu un loupé…
Quant à la paix civile, je me permets d’attirer votre attention sur quelques événements (révolte des Canuts, révolutions de 1830 et 1848, Commune de Paris…) qui permettent de douter, en cette matière également, de l’efficacité du système Napoléonien.
Au lieu de lire les très médiocres ouvrages de Michael Lewis, vous feriez mieux de lire des livres d’histoire, de philosophie politique ou encore des essais.
@ odp
J’interviens dans votre échange avec Jordi :
[Quand on a fait des études qui coûtent à la collectivité 3 à 4 fois plus cher que celles d’un étudiant en lettres pour terminer dans une activité aussi parasitaire et prévaricatrice que la conception de modèles mathématiques pour la finance de marché, on est mal placé pour faire la leçon.]
Dans le genre « attaque ad hominem »… j’ignorait que le coût des études qu’on a fait ou le caractère « parasitaire et prévaricateur » de ses activités professionnelles avaient la moindre incidence sur la qualité de l’argumentation…
Et puis, franchement, si on commence à parler de « parasitisme »… j’ai du mal à voir en quoi les activités des soi-disant philosophes postmodernes seraient moins « parasitaires » que celles d’un trader.
[mais on ne voit pas non plus en quoi les banques françaises seraient bien placées dans la compétition mondiale. Si j’en juge par la capitalisation boursière, elles appartiennent au mieux à la 2ème division (BNP), au pire à la 3ème (SG, CA, BPCE).]
Ce n’est pas la taille qui fait le classement, mais la rentabilité. Une très grosse banque qui perd de l’argent est moins bien placée dans la compétition internationale qu’une petite banque qui en gagne. Et du point de vue de la rentabilité et du risque, nos banques sont relativement bien placées.
@ odp
J’interviens dans votre échange avec Jordi :
[Si le système de sélection des élites créé par Napoléon avait été aussi efficace que ce que vous dites, l’armée française ne se serait pas ridiculisée 3 fois de suite contre l’armée allemande et l’économie française ne se serait pas laisser distancée par les économie anglaise puis allemande au cours du 19ème siècle. Manifestement il y a eu un loupé…]
Je suis fasciné par l’influence que vous prêtez aux « élites ». Ainsi, l’échec militaire ou économique serait la preuve d’un mauvais système de sélection des élites, le contraire serait la preuve du contraire. Le problème, est que ce genre de raisonnement conduirait à des résultats paradoxaux. Ainsi, par exemple, difficile d’imaginer en France un meilleurs système de sélection des élites que celui mis en place par Louis XIV (qui, rappelons-le, n’a connu que des victoires)…
Je crains que les choses soient bien plus complexes que vous ne l’imaginez. La qualité des élites est certainement un élément du succès militaire ou économique d’une nation, mais ce n’est pas le seul, très loin de là. Les généraux américains n’arrivaient pas à la cheville des généraux allemands du point de vue qualité tactique est expérience, et pourtant ce sont les américains qui ont gagné.
@Descartes
>Les généraux américains n’arrivaient pas à la cheville des généraux allemands du point de vue qualité tactique est expérience, et pourtant ce sont les américains qui ont gagné. < Oui, enfin… Je persiste à croire que Eisenhower leur arrivait un peu plus qu’à la cheville… Et sur le fait que les américains “ont gagné”, il faudrait préciser qu’ils ont eu face à eux 30% environ du pire des effectifs d’une Wehrmacht qui n’était déjà que l’ombre d’elle-même, depuis certains revers essuyés un peu plus à l’est…
@ BolchoKek
[Oui, enfin… Je persiste à croire que Eisenhower leur arrivait un peu plus qu’à la cheville…]
Eisenhower peut-être. Mais c’est loin d’être le cas des autres. La campagne de France est parsemée d’erreurs tactiques et stratégiques, qui n’auront pas de conséquences plus graves seulement parce que la supériorité des alliés en matériel est écrasante. et parce que, comme vous le dites, la Wehrmacht a envoyé ses meilleures divisions plus à l’Est, considérant que la tâche prioritaire était d’arrêter les soviétiques.
@ Descartes
[Dans le genre « attaque ad hominem »… j’ignorait que le coût des études qu’on a fait ou le caractère « parasitaire et prévaricateur » de ses activités professionnelles avaient la moindre incidence sur la qualité de l’argumentation…]
Pas plus que le fait de qualifier “d’aigris oisifs”, de “bureaucrates parasites” ou de “soixante-huitards” les centaines de milliers d’étudiants qui ne passent pas par le circuit des grandes écoles. Que voulez-vous, il faut s’adapter et répondre à la vulgarité par la vulgarité.
@ Bolchokek, Descartes
Tout à fait d’accord pour Eisenhower. On considère aussi en général que Patton n’était pas franchement un branquignol.
Sinon, Descartes, vous avez, en quelque sorte, répondu à votre propre remarque: c’est sous le poids du nombre et du matériel que l’armée allemande craquera en 1944-45, tant à l’Ouest qu’à l’Est. Par conséquent, cet épisode n’éclaire en rien le débat sur le système de sélection des élites, notamment militaires, dans notre beau pays.
A l’opposé, en 1870, 1914 et 1940, ce sont deux appareils industrialo-militaires de puissance équivalentes qui s’affrontent et c’est en matière de doctrine, d’organisation du commandement et d’emploi des ressources que l’armée française, pourtant peuplée de polytechniciens, se fait chaque fois surprendre par plus agile, plus imaginative et plus efficace qu’elle. Et il s’avère que l’ossification et le conformisme que produit immanquablement le système de sélection ultra centralisé et ultra hiérarchisé de l’armée française est directement responsable de ces désastres à répétition. Lisez “Le Complexe de l’Autruche” de Pierre Servent et vous verrez.
Par ailleurs, je ne sais pas si Napoléon était un génie administratif, mais il était indéniablement un génie militaire ; et le moins que l’on puisse dire c’et que dans la pratique il s’est distingué par son extrême souplesse dans sa sélection de généraux et de maréchaux. On ne peut pas dire que Masséna, Ney, Lannes ou Murat aient franchement un profil de polytechnicien… A cette aune, on peut dire que la création de Polytechnique a sonné le glas de l’armée française et que l’histoire de ses défaites contre l’armée allemande est le plus cinglant plaidoyer contre le système stratifié et administratif dans lequel vous rêvez d’enfermer la société française.
@ odp
[Que voulez-vous, il faut s’adapter et répondre à la vulgarité par la vulgarité.]
Je pense au contraire qu’il faut tirer ses interlocuteurs vers le haut, et non se mettre à leur niveau…
@ odp
[Sinon, Descartes, vous avez, en quelque sorte, répondu à votre propre remarque: c’est sous le poids du nombre et du matériel que l’armée allemande craquera en 1944-45, tant à l’Ouest qu’à l’Est. Par conséquent, cet épisode n’éclaire en rien le débat sur le système de sélection des élites, notamment militaires, dans notre beau pays.]
Je vous rappelle que ce n’est pas moi, mais vous qui prétendiez tirer des défaites de l’armée française des conclusions sur la qualité de notre système de sélection des élites, pas moi. Si vous admettez que la victoire peut parfaitement être liée à d’autres problématiques, vous admettez implicitement qu’on ne peut en tirer aucune conclusion définitive sur ce sujet.
[A l’opposé, en 1870, 1914 et 1940, ce sont deux appareils industrialo-militaires de puissance équivalentes qui s’affrontent]
C’est assez discutable, particulièrement pour ce qui concerne 1940. Mais admettons un instant que ce soit le cas. Il resterait à montrer que les deux « appareils » qui s’affrontaient étaient équivalents du point de vue social, économique, politique… car si vous voulez tirer des conclusions sur la sélection des élites, il faut que TOUS les autres paramètres ayant une incidence sur la victoire ou la défaite soient eux aussi comparables. Je ne suis pas persuadé que ce soit le cas. Par exemple, la France a toujours eu des rapports difficiles avec l’industrie et la modernisation. Encore aujourd’hui, l’opinion publique française regarde notre appareil industriel s’étioler sans réagir, alors que la perte d’un fromage ou d’un saucisson émeut les foules. Et ce n’est pas la faute de ses élites techniques, qui ont été historiquement plutôt favorables à une politique industrielle ambitieuse. Peut-être faudrait-il séparer le système de sélection des élites techniques et celui des élites politiques ?
[et c’est en matière de doctrine, d’organisation du commandement et d’emploi des ressources que l’armée française, pourtant peuplée de polytechniciens, se fait chaque fois surprendre par plus agile, plus imaginative et plus efficace qu’elle. Et il s’avère que l’ossification et le conformisme que produit immanquablement le système de sélection ultra centralisé et ultra hiérarchisé de l’armée française est directement responsable de ces désastres à répétition. Lisez “Le Complexe de l’Autruche” de Pierre Servent et vous verrez.]
Je l’ai lu, et je n’en partage pas les conclusions. D’autant plus que le système de sélection est bien plus « ultra-hiérachisé » aux mêmes époques en Allemagne, par exemple, où les nominations et les promotions sont dominées par une aristocratie du sang. La défaite de 1940 doit beaucoup moins a la sélection napoléonienne des élites qu’au fait que la victoire de 1918 a congelé la pensée militaire, et que la politisation des nominations sous la IIIème République a favorisé la nomination de personnalités faibles comme Gamelin. En Allemagne, la défaite de 1918 a au contraire balayé une génération de commandants et favorisé l’arrivée d’hommes jeunes dont la pensée n’était pas bridée par la victoire. C’est bien connu : la défaite favorise l’exploration des idées nouvelles, la victoire confirme en général les préjugés anciens.
[Par ailleurs, je ne sais pas si Napoléon était un génie administratif, mais il était indéniablement un génie militaire ; et le moins que l’on puisse dire c’et que dans la pratique il s’est distingué par son extrême souplesse dans sa sélection de généraux et de maréchaux. On ne peut pas dire que Masséna, Ney, Lannes ou Murat aient franchement un profil de polytechnicien…]
Faut croire que Napoléon – qui savait de quoi il parlait – ne trouvait pas la formation de ses maréchaux et de ses généraux suffisante… autrement, pourquoi aurait-il créé l’Ecole Polytechnique ? Napoléon avait compris que la guerre était en train de changer de logique, et qu’on allait passer d’une logique artisanale à une logique industrielle…
[A cette aune, on peut dire que la création de Polytechnique a sonné le glas de l’armée française]
Tiens, je serais curieux de savoir quel est le système que vous proposeriez… Celui des américains ? Non, ça ne marche pas, il est lui aussi « napoléonien », autour de l’académie militaire de West Point. Celui des Britanniques ? Même chose… Aussi étonnant que cela puisse paraître, ce système que vous semblez détester a été copié partout dans le monde. Maus peut-être proposeriez-vous de recruter nos généraux à la sortie de l’ENS ?
@odp : je considère clairement que le bilan pour la société d’études longues inutiles (études qui conduisent soit à un échec, soit au sous-emploi, soit au chômage diplômé) est très négatif, et ce même en faisant abstraction de leur coût.Concernant les aigris oisifs, je ne jugerai pas de votre activité mais l’acidité qui émane de vos commentaires n’évoque guère un enthousiasme communicatif ou l’honnêteté intellectuelle. Ma critique assumée du système universitaire concerne les étudiants condamnés à des études longues et peu fructueuses, je respecte parfaitement les diplômés de l’université exerçant un métier en lien, même indirect, avec leurs études.
Je maintiens mon choix pour une sélection exigeante et précoce, offrant aux étudiants méritants la quasi-certitude d’un diplôme valorisé car élitiste en échange d’une implication sérieuse dans la poursuite de leurs études. C’est le modèle des Grandes Ecoles, il marche relativement bien y compris quand on le confronte à une concurrence anglo-saxonne, indienne, chinoise ou germanique dans des métiers où il n’y a ni “numerus clausus” ni barrière de la langue pour protéger les diplômés français.
@descartes : je considère la bourgeoisie intellectuelle comme un groupe sociologique flou incluant grosso modo : les enseignants, les universitaires, les clercs, les journalistes, les permanent associatifs, les hauts fonctionnaires et les artistes. A l’inverse de votre définition de classe moyenne, je n’y inclus ni les ingénieurs, ni les artisans, ni les agriculteurs, ni les les petits patrons, ni les vendeurs, ni les les cadres, ni les médecins … .
Mon point est que cette bourgeoisie intellectuelle, quoique représentant maximum 15% de la population, a gouverné depuis 1974 sans aucun compromis et en poursuivant ses seuls intérêts de classe. Un des raison est que la bourgeoisie intellectuelle est constitué de gens aux moyens financiers variés (mais pas forcément immenses) mais d’un poids politique et social important puisque ce sont des gens ayant une parole “experte” et ou “relayée” dans le débat public démocratique, dont le poids dépasse largement la parole d’un simple citoyen.
@ Jordi
[@odp : je considère clairement que le bilan pour la société d’études longues inutiles (études qui conduisent soit à un échec, soit au sous-emploi, soit au chômage diplômé) est très négatif, et ce même en faisant abstraction de leur coût.]
La discussion n’est pas aussi simple à trancher. On peut dire que lorsque l’étudiant échoue, une partie au moins des études payés par la collectivité l’ont été en pure perte. Mais pour le sous-emploi ou chômage diplômé, c’est moins évident. Une société de citoyens éduqués – même si certains sont chômeurs – est certainement plus efficace et plus agréable à vivre qu’une société de bourrins…
[@descartes : je considère la bourgeoisie intellectuelle comme un groupe sociologique flou]
Le problème des « groupes sociologiques », c’est qu’ils ne sont pas très opérants lorsqu’on essaye de faire des analyses politiques. Les « classes » sociales au sens marxiste du terme ont l’avantage de caractériser des groupes ayant des intérêts économiques communs. Il est donc raisonnable de considérer que globalement ils pousseront collectivement aux politiques qui iront dans le sens de leurs intérêts. Mas votre « bourgeoisie intellectuelle » est trop hétérogène pour pouvoir servir à ce type d’analyse. Ses membres ont des intérêts différents, et souvent contradictoires.
C’est là tout le problème des définitions sociologiques, et c’est pourquoi j’utilise ici une définition des classes moyennes qui n’est pas celle des sociologues, mais qui est fondée sur une position économique (globalement, le groupe social qui n’a pas assez de capital pour exploiter les autres mais suffisamment pour ne pas être exploité).
[Mon point est que cette bourgeoisie intellectuelle, quoique représentant maximum 15% de la population, a gouverné depuis 1974 sans aucun compromis et en poursuivant ses seuls intérêts de classe.]
Mais comment est-elle arrivé à « gouverner » alors qu’elle n’a pas de pouvoir économique ? Je pense que vous cédez à une vision idéaliste de la politique…
@ pseudo D
Veuillez excuser mon intrusion trollesque mais il me semble qu’au moins une prémisse de votre billet est fausse, du coup toute l’argumentation tombe à l’eau (évidemment, trompant aussi les Belges et autres aficionados): voudriez-vous avoir l’obligeance de nous indiquer la prépa de vos rêves qui ne recrute pas par le biais d’APB?
Par ailleurs, je vais vous dire un secret: APB a été créé par des ingénieurs pour réguler l’accès aux prépas qui faisaient des passe-droits, lésant ainsi les méritants sans bras longs!! 😀
@ pseudo F
[Veuillez excuser mon intrusion trollesque mais il me semble qu’au moins une prémisse de votre billet est fausse, du coup toute l’argumentation tombe à l’eau (évidemment, trompant aussi les Belges et autres aficionados): voudriez-vous avoir l’obligeance de nous indiquer la prépa de vos rêves qui ne recrute pas par le biais d’APB?]
Encore une fois vous réagissez sans chercher à comprendre, ce qui est regrettable. La réponse à la question que vous posez dépend du sens que vous donnez au mot « recruter ». Oui, les étudiants souhaitant aller dans une classe préparatoire doivent s’inscrire sur APB, ne serait-ce que parce qu’il faut qu’ils soient intégrés au système de manière à éviter les doubles affectations. Par contre, contrairement à ce qui se fait pour les universités, ce n’est pas APB qui décide des affectations en classes préparatoires, puisque celles-ci sélectionnent leurs étudiants sur dossier. En ce sens, on peut dire que les classes préparatoires ne recrutent pas sur APB, le portail ne faisant que le « portage » des dossiers.
[Par ailleurs, je vais vous dire un secret: APB a été créé par des ingénieurs pour réguler l’accès aux prépas qui faisaient des passe-droits, lésant ainsi les méritants sans bras longs!! :D]
Alors ces ingénieurs se sont trompés. Les classes préparatoires continuent à sélectionner individuellement leurs candidats sur dossier.
@pseudo D
“recruter”= admettre en prépa (ou CPGE)
APB, vous avez raison pour cette possibilité minime comparée l’ensemble de l’offre, décide de l’affectation dans les formations à pastille verte ou jaune (ou bleue) en fonction de la zone géographique mais vous vous méprenez sur ces formations car la PACES (la fameuse 1ère année de médecine) par exemple est en pastille jaune et pas du tout sur examen du dossier. Heureusement que Vincent vous l’a rappelé et j’espère que le Belge l’aura lu, mais on peut aussi rajouter que les autres formations que vous estimez prestigieuses, archi, ingé, passent par APB.
“Par contre, contrairement à ce qui se fait pour les universités, ce n’est pas APB qui décide des affectations en classes préparatoires, puisque celles-ci sélectionnent leurs étudiants sur dossier. En ce sens, on peut dire que les classes préparatoires ne recrutent pas sur APB, le portail ne faisant que le « portage » des dossiers.”
Qui est ce “on” qui vous fait écrire des inepties pareilles? Contrairement à ce que vous croyez savoir et vous permettez de diffuser sans justification, les universités aussi (à l’exception des formations à pastilles vertes) sélectionnent leurs étudiants sur dossier, par le biais d’APB, tout comme une prépa.
Par ailleurs, prenez Dauphine: hors APB, sélection sévère, et pourtant c’est une université.
Arrêtez donc vos généralisations réductrices et méprisantes et renseignez vous avant de pondre un billet sur APB et un système dont vous ne connaissez rien.
@pseudo F
veuillez m’excuser encore une fois, je rajoute ceci:
les ingénieurs ne se sont pas trompés du tout, ils ont organisé une sélection équitable et c’est bien le but d’APB de permettre aux prépas et universités de choisir les plus adaptés à leur profil de concours
@ Descartes
Je ne vous ai jamais accusé d’antisémitisme. Ce que j’ai fait, c’est, il y a 3 ou 4 ans, attirer votre attention sur les similitudes qui existaient, hormis l’antisémitisme justement, entre l’anti-libéralisme de droite type Action Française et l’anti-libéralisme de “gauche” que vous professez. Par la suite, constatant votre défense absolutiste de la Raison d’Etat et des Instituions, j’ai également suggéré, qu’à cette aune, vous auriez probablement été dans le camp des antidreyfusards plutôt que des dreyfusards, ce que vous n’avez pas jugé impossible. Enfin, à l’occasion de ce papier, je vous ai fait remarquer les intersections qui existent entre votre critique des “classes moyennes” et des pans entiers de la critique antisémite telle qu’elle a été élaborée par Drumont puis Maurras et recyclée, pour notre époque, par Soral.
L’objet de ces interventions n’était évidemment pas de vous accuser d’un antisémitisme dont vous n’avez jamais fait preuve mais tout simplement de définir l’imaginaire politique et social auquel une part significative de votre vision du monde appartient et, pour la référence à Soral, de souligner les risques politiques (si tant est que l’on estime qu’alimenter la machine Soral soit politiquement inopportun) que votre critique récurrente et un brin obsessionnelle des “classes moyennes” comporte. Le contre-exemple de Sapir, que j’ai évoqué précédemment, me paraissait, à cette aune, un sujet de réflexion particulièrement intéressant.
Nul terrorisme intellectuel donc. A bon entendeur, salut.
PS: @ Marcailloux
Comme vous le voyez, c’est un peu plus compliqué que “de me cantonner dans une position infantile de rejet systématique pour la seule raison que je pourrais me sentir plus ou moins concerné ou visé par ses flèches”.
@ odp
[Je ne vous ai jamais accusé d’antisémitisme.]
Je n’ai pas dit le contraire. Ce que j’ai dit, c’est que vous cherchez à faire l’amalgame de ma critique des « classes moyennes » avec l’antisémitisme, ce qui n’est pas tout à fait la même chose.
[Ce que j’ai fait, c’est, il y a 3 ou 4 ans, attirer votre attention sur les similitudes qui existaient, hormis l’antisémitisme justement, entre l’anti-libéralisme de droite type Action Française et l’anti-libéralisme de “gauche” que vous professez.]
Là encore, j’aimerais que vous me damniez pour ce que je dis, et non pour ce que je ne dis pas. Je passe mon temps sur ce blog justement à faire la critique de « l’anti-libéralisme de gauche ». J’ai maintes fois écrit aussi que je n’étais nullement « antilibéral », et j’ai même défendu l’héritage du libéralisme politique. J’ai expliqué – et je me suis pris des critiques acerbes ici et ailleurs pour l’avoir fait – que le marché est un mécanisme de régulation pleinement efficace dans beaucoup de domaines, et qu’il est inimaginable pour moi de construire demain un système socialiste qui reposerait exclusivement sur une régulation administrative. Et me voici par vos soins « professant l’anti-libéralisme de gauche » ? Que nous soyons en désaccord sur beaucoup de choses, cela ne me gêne pas. Mais au moins, faites l’effort de ne pas travestir mes positions…
[Par la suite, constatant votre défense absolutiste de la Raison d’Etat et des Instituions, j’ai également suggéré, qu’à cette aune, vous auriez probablement été dans le camp des antidreyfusards plutôt que des dreyfusards, ce que vous n’avez pas jugé impossible.]
Comme disait je ne sais plus qui, « Antigone a raison, mais Créon n’a pas tort »… Je pense qu’on fait une erreur en réduisant l’affaire Dreyfus à un combat des « bons » contre les « méchants ». Si le camp dreyfusard avait raison sur les faits – car Dreyfus était effectivement innocent – le conflit politique qui se manifeste à l’occasion de « l’affaire » est beaucoup trop complexe pour que chacun de nous puisse présumer qu’il aurait choisi le « bon » côté… si tant est qu’un « bon » côté existe.
[Enfin, à l’occasion de ce papier, je vous ai fait remarquer les intersections qui existent entre votre critique des “classes moyennes” et des pans entiers de la critique antisémite telle qu’elle a été élaborée par Drumont puis Maurras et recyclée, pour notre époque, par Soral.]
Et moi, je vous ai fait remarquer les différences objectives et subjectives qui font que ces « intersections » n’impliquent en rien à une équivalence. Et aussi pourquoi cette recherche à tout prix « d’intersections » en ignorant les contradictions relève d’un mécanisme de terrorisme intellectuel. Et je dis bien terrorisme intellectuel: vous connaissez trop bien l’histoire et la politique pour ne pas être conscient de la charge émotionnelle de votre amalgame, et vous n’avez en rien cherché à l’atténuer en restant dans le domaine de la raison.
@ odp
Bonjour,
“”PS: @ Marcailloux
Comme vous le voyez, c’est un peu plus compliqué que “de me cantonner dans une position infantile de rejet systématique pour la seule raison que je pourrais me sentir plus ou moins concerné ou visé par ses flèches”.”””
J’ai pris bonne note de votre remarque du 18/08 à14h19: ” Une hirondelle ne fait pas le printemps . . . ” , que je me fais un plaisir taquin de vous retourner.
Comme vous le voyez, c’est un peu plus compliqué que “de me cantonner dans une position infantile de rejet systématique pour la seule raison que je pourrais me sentir plus ou moins concerné ou visé par ses flèches”.
Votre excellent texte,est prémonitoire.En effet,APB a été supprimé par le gouvernement au vu des dysfonctionnements abordés dans votre blog si pertinent.
Ce gouvernement m’étonne agréablement d’ailleurs.Macron a dénoncé à juste titre les textes UE défavorables pour les locaux,et dans le Point,son interview,est de haute tenue,quasi-Gaullienne,non?
@ luc
[Votre excellent texte, est prémonitoire. En effet, APB a été supprimé par le gouvernement au vu des dysfonctionnements abordés dans votre blog si pertinent.]
Je crains, malheureusement, que si APB est abandonné ce n’est pas pour les raisons abordées dans ce blog. Je ne vois pas le gouvernement modifier significativement les fondamentaux de la régulation de l’Université. Or, mon point est précisément celui-là : la mission d’APB est une « mission impossible ». Sans modifier ces fondamentaux, difficile d’imaginer un outil qui ferait mieux qu’APB. Pour cela, il lui faudrait être capable de distribuer des places qui n’existent pas.
[Ce gouvernement m’étonne agréablement d’ailleurs. Macron a dénoncé à juste titre les textes UE défavorables pour les locaux, et dans le Point, son interview, est de haute tenue, quasi-Gaullienne, non?]
La différence est que de Gaulle ne se contentait pas d’être « gaullien » dans les interviews, il l’était aussi dans l’action. Je ne suis pas de ceux qui sacrifient à un anti-macronisme primaire de la même manière que je me suis refusé à tout anti-sarkozysme primaire. Il me semble incontestable qu’après les dégâts de la « présidence normale », Macron a fait des efforts pour restaurer un minimum de « décorum » à la présidence de la République et redonner un peu de lustre à la fonction. Ses discours, sans être des merveilles de rhétorique, sont moins indigents que ceux de son prédécesseur, et sa posture internationale – et notamment européenne – moins génuflexe en particulier à l’égard de l’Allemagne. Et dans l’affaire de Villiers, même si la crise est la conséquence d’une erreur présidentielle, il a tenu bon et affirmé une autorité là où son prédécesseur aurait certainement biaisé.
Mais tout ça, ce n’est que la partie symbole. Dans l’organisation du gouvernement, dans la formulation des politiques, la « tenue » est très loin d’être très « haute ». L’organisation du travail gouvernemental est médiocre, pour ne pas dire catastrophique. La gestion budgétaire se fait avec une logique purement comptable, avec des coupes choisies en fonction des pressions prévisibles des lobbies, et non en fonction d’une réflexion sur ce que l’Etat doit faire ou ne pas faire. La réforme du Code du travail, là aussi, n’a rien de « gaullien » : on navigue à vue, on ne sait plus ce qui dans le projet est essentiel et non négociable et ce qui est ouvert à la discussion…
@ luc et descartes
Bonjour,
“””La réforme du Code du travail, là aussi, n’a rien de « gaullien » : on navigue à vue, on ne sait plus ce qui dans le projet est essentiel et non négociable et ce qui est ouvert à la discussion…”””
Tout à fait.
Ce qui ne change malheureusement pas avec les présidents successifs, c’est ce manque de vision d’une nouvelle organisation de notre société. Or, la question que l’on pourrait se poser porte sur la possibilité dans nos sociétés occidentales hyper connectées et “surmédiatisées” , divisées en autant de courants qu’il y a de citoyens, de fédérer un noyau suffisant de responsables politiques et socioéconomiques prêts à défendre une politique volontaristes contre vents et marées.
Les gouvernements sont réduits dans les conditions actuelles à ne proposer que les PPCM en matières de décisions alors qu’il leur faudrait la puissance d’imposer et la force de convaincre dans la voie d’un PGCD.
J’emploie ces termes de l’arithmétique de mon enfance et ne sais si ils sont d’usage actuellement. Mais cette notion de PGCD, plus grand commun diviseur est justement ce que redoutent tous nos présidents qui ont une peur bleue de voir le peuple dans la rue, aiguillonné par la banalité du populisme ambiant.
[Macron a dénoncé à juste titre les textes UE défavorables pour les locaux]
Bof, il cherche juste à faire chier les pays de l’Europe de l’est car ceux-ci n’acceptent pas de communier dans la perspective d’un merveilleux métissage qui permettrait la rédemption de ces horribles blancs qui sont coupables de tous les maux de l’humanité.
Et en plus, sans lien aucun avec ce qui précède, ils n’ont même pas de “déséquilibrés” chez eux. Si ça c’est pas être rétrograde… Et malpoli en plus en nous mettant le nez dans notre caca.
C’est pourtant pas faute d’essayer de leur montrer toute la richesse culturelle dont ils pourraient profiter : http://www.fdesouche.com/881317-rimini-italie-viol-dune-polonaise-refugie-congolais-nigerian-deux-marocains-interpelles
[son interview,est de haute tenue,quasi-Gaullienne]
Ça prétend s’inspirer de De Gaulle et ça mène la politique de Hollande. En plus prétentieux, certes. Hollande a au moins le mérite d’afficher clairement toute sa médiocrité : regardez-le pathétique essayer de nous présenter le bon bilan économique qu’il laisse à son départ alors que tout le monde le considère à l’égal d’un étron sur lequel on aurait tiré la chasse d’eau il y a de ça plusieurs mois.
Macron lui nous prodigue des leçons de Schumpétérisme. Puis le lendemain, il demande à tous les propriétaires de France de baisser les loyers de 5 euros. Là on sent bien la hauteur de vue. On sent le visionnaire. On sent la grandeur ! Jupiter qu’il nous a dit le gars… “Propriétaires immobiliers ! Euh… bonjour, vous pourriez baisser les loyers de 5€ svp ? Allez, ce serait sympa…”
@ Marcailloux
[Ce qui ne change malheureusement pas avec les présidents successifs, c’est ce manque de vision d’une nouvelle organisation de notre société. Or, la question que l’on pourrait se poser porte sur la possibilité dans nos sociétés occidentales hyper connectées et “surmédiatisées”, divisées en autant de courants qu’il y a de citoyens, de fédérer un noyau suffisant de responsables politiques et socioéconomiques prêts à défendre une politique volontaristes contre vents et marées.]
Mais… la question a une réponse très simple, et elle est positive. Regardez la construction européenne. Cela fait trente ans qu’avec une remarquable continuité un « noyau suffisant de responsables politiques et socioéconomiques » défendent et mettent en œuvre la MEME politique, et qu’ils la défendent « contre vents et marées », et cela malgré « l’hyper connexion » et la « surmédiatisation ». Que cette politique soit désastreuse pour une bonne partie de notre peuple, qu’elle soit désastreuse pour une bonne partie de l’Europe ne change pas le fait qu’elle a été conduite avec un remarquable « volontarisme »…
Le bloc dominant – c’est-à-dire la bourgeoisie et les « classes moyennes » – sont parfaitement capables de conduire des politiques volontaristes dans le sens de leurs intérêts. Et le sens de leurs intérêts, c’est l’affaiblissement de l’Etat. Les présidents « faibles » ne sont pas arrivés au pouvoir par accident. Ils sont arrivés parce qu’ils correspondent parfaitement à ce que la bourgeoisie et les « classes moyennes » veulent, à savoir, un pouvoir faible, incapable de défendre un intérêt général (ou même de le concevoir) et qui finit toujours par plier devant leurs intérêts. L’impuissance n’est pas le produit d’une « surmédiatisation » qu’on ne saurait pas contrôler. Elle est voulue et organisée par un groupe social, un groupe social qui domine l’ensemble du champ politique.
On donne toujours en exemple de volontarisme politique le général de Gaulle. Et en effet, il a montré une remarquable capacité à réunir autour de lui une volonté nationale permettant la mise en œuvre d’une politique d’intérêt général, tant dans la période 1940-46 que 1958-68. Mais il ne faudrait pas oublier un peu trop vite que dans les deux cas il a été foutu dehors. Et par qui ? Par les mêmes qui ont toujours la « nostalgie de l’impuissance », ceux pour qui le meilleur Etat est toujours un Etat faible. Et ce n’est pas une question de droite ou de gauche : aujourd’hui, tout le monde – à quelques honorables et rares exceptions – communie dans la « décentralisation » toujours nécessaire et jamais achevée, dans le « transfert de compétences » à l’Europe, dans l’hommage genuflexe devant la « société civile », nom de code pour « groupe d’emmerdeurs de classe moyenne locaux en quête d’une cause ».
Regardez sans aller plus loin les réflexions institutionnelles des uns et des autres. On fait assaut d’idées pour rendre les assemblées « réprésentatives » : élection proportionnelle, tirage au sort, représentation des ordres professionnels, des associations, des syndicats, des territoires, référendums « révocatoires » ou d’initiative populaire… mais personne jamais ne se demande comment dans ce système qui aura le moteur d’une 2CV et les freins d’une Rolls Royce on arrivera un jour à prendre des décisions et surtout à les faire exécuter. La question de la représentativité intéresse tout le monde, la question de l’efficacité n’intéresse personne. Et c’est d’ailleurs pourquoi toutes les réflexions se concentrent sur la question du pouvoir législative ou judiciaire, mais personne ne parle du pouvoir exécutif…
[Les gouvernements sont réduits dans les conditions actuelles à ne proposer que les PPCM en matières de décisions alors qu’il leur faudrait la puissance d’imposer et la force de convaincre dans la voie d’un PGCD.]
Cela dépend des sujets. Quand il s’agit d’affaiblir la puissance publique, c’est souvent le PGCD qui est mis en œuvre. Au niveau des traités et des directives européennes, on ne se gêne pas pour imposer des réformes ruineuses dont personne ne veut, et qui sont ponctuellement mises en œuvre par les gouvernements successifs. Pensez au dépeçage d’EDF, par exemple…
Je sais, c’est un peu paradoxal. Mais je pense que vous faites erreur de croire que le volontarisme est mort. Il est bien vivant. Le problème, c’est qu’il est mis au service d’une politique de destruction de la politique…
@ bip
[C’est pourtant pas faute d’essayer de leur montrer toute la richesse culturelle dont ils pourraient profiter : (…)]
Là, je trouve que vous exagérez. Vous savez, il y a dans nos belles campagnes pas mal de violeurs autochtones. Le numéro « ils violent nos femmes », laissez le aux démagogues.
@ Descartes
[Vous savez, il y a dans nos belles campagnes pas mal de violeurs autochtones.]
Des violeurs “collectifs” en bande organisée qui violent en présence du compagnon après l’avoir roué de coups ?
J’avoue que l’image qui me venait le plus spontanément en tête pour comparer ça avec des situations déjà connues était celle d’une armée d’invasion étrangère mais je veux bien admettre que je ne me suis peut-être pas assez promené dans nos belles campagnes…
@ bip
[« Vous savez, il y a dans nos belles campagnes pas mal de violeurs autochtones ». Des violeurs “collectifs” en bande organisée qui violent en présence du compagnon après l’avoir roué de coups ?]
Bien entendu. Souvenez-vous de Brassens : « ce n’est pas seulement à Paris/que le crime fleurit/nous au village aussi on a/des beaux assassinats ». Dans le sordide, personne n’a rien inventé depuis bien longtemps, et aucun peuple, aucune « communauté » n’en a le monopole. Les discours du genre « ils viennent violer nos femmes » sont d’ailleurs récurrents depuis l’antiquité. On peut dire que le viol de « nos femmes » par « l’estranger » est un fantasme qu’on retrouve dans toutes les cultures…
Cela ne veut pas dire, bien entendu, que de telles situations ne se produisent pas, ou qu’elles soient acceptables. Mais il ne faut pas pour autant les généraliser, ou en faire un sujet de démagogie.
[J’avoue que l’image qui me venait le plus spontanément en tête pour comparer ça avec des situations déjà connues était celle d’une armée d’invasion étrangère (…)]
Exactement mon point. Le phantasme dont je parlais plus haut est d’ailleurs intimement lié à la représentation des invasions (qu’on peut d’ailleurs associer à un viol symbolique). Mais la logique que vous décrivez fonctionne en fait dans l’autre direction. C’est parce que vous pensez « invasion étrangère » que vous donnez de l’importance à la question du « viol de nos femmes », et non l’inverse. Si vous faites un tour par nos belles campagnes, vous verrez que des choses semblables (ou pires !) y arrivent, sans que personne n’en fasse un argument pour liquider nos paysans.
@ Descartes
[Dans le sordide, personne n’a rien inventé depuis bien longtemps]
Y a déjà eu en Europe des événements semblables à ce qu’il s’est passé à Cologne au nouvel an il y a 2 ans ?
Des centaines d’hommes coordonnés pour commettre des agressions sexuelles ?
[Mais il ne faut pas pour autant les généraliser, ou en faire un sujet de démagogie.]
Certes. Je reconnais que sur votre blog, c’est un peu déplacé.
Mais dans le combat politique qui se place sur la scène publique, ce genre d’arguments n’est-il pas nécessaire ? Je veux dire on a les médias de masse qui nous présentent les migrants comme des familles de surdiplômés fuyant la guerre ?
Au final, on a essentiellement des hommes, n’ayant pas les capacités d’insertion minimum dans la société, venant de pays en paix et dont pour une partie non négligeable commettent crimes et délits et ramènent des maladies quasiment disparues ici…
Qu’est-ce que vous voulez faire pour contrebalancer tout le système en 5 minutes par ci par là ? Vous êtes censé décrire la réalité dans toute sa complexité ? Ou balancer des infos vérifiées qui vont parler à tout le monde et dont les autorités cherchent à minimiser l’effet (1) ?
Alors le débat restera au ras de pâquerettes mais j’ai l’impression que ce sont ceux qui ont déjà tous les médias à leur disposition qui se permettent les procédés les plus bas. Donc si en plus, on se doit uniquement d’élever le débat par des réflexions géniales, le combat politique par les voies médiatiques est perdu d’avance, non ?
[Si vous faites un tour par nos belles campagnes, vous verrez que des choses semblables (ou pires !) y arrivent, sans que personne n’en fasse un argument pour liquider nos paysans.]
Admettons. Il existe une partie de la population française qui est composée de tarés. On doit faire avec puisqu’ils sont Français. Mais c’est à quel moment qu’on a décidé que tous les tarés de la planète pouvaient entrer en France comme bon leur chante ? Et pour la plupart y rester après que leurs crimes et/ou délits aient été constatés…
(1) : j’espère que je serai capable d’écrire quelque chose pour exprimer tout ce qui me traverse l’esprit au sujet de St Martin mais j’ai l’impression que là où l’État y a été le plus performant fût dans le contrôle de l’information.
@ bip
[Y a déjà eu en Europe des événements semblables à ce qu’il s’est passé à Cologne au nouvel an il y a 2 ans ? Des centaines d’hommes coordonnés pour commettre des agressions sexuelles ?]
Le rapt des Sabines ? Mais sans remonter aussi loin, vous trouvez dans l’Angleterre des rituels datant du moye-âge ou les hommes d’un village faisaient un “raid” sur un village voisin pour violer les femmes Rituels qui ont continué à être joués – sous forme symbolique – jusqu’à nos jours.
Par ailleurs, il ne faut pas exagérer. A Cologne, c’était des dizaines, pas des centaines. Et ils n’étaient pas vraiment “cordonnés”.
[Mais dans le combat politique qui se place sur la scène publique, ce genre d’arguments n’est-il pas nécessaire ? Je veux dire on a les médias de masse qui nous présentent les migrants comme des familles de surdiplômés fuyant la guerre ?]
Sur le court terme, la démagogie et les épouvantails sont peut-être efficaces. Mais sur le long terme, ils dégradent le débat public et se retournent finalement contre ceux qui en abusent. J’ajoute qu’on peut être violeur et surdiplômé. L’un n’empêche pas l’autre…
[Au final, on a essentiellement des hommes, n’ayant pas les capacités d’insertion minimum dans la société, venant de pays en paix et dont pour une partie non négligeable commettent crimes et délits et ramènent des maladies quasiment disparues ici…]
Pour les crimes et délits on peut discuter. Mais quand vous parlez de “maladies”, vous pensez à quoi exactement ?
Je pense que votre façon de poser le problème est mauvaise. Au lieu d’agiter des peurs, il faut prendre le problème rationnellement. D’abord, encourager un système ou les gens vont chercher la richesse bâtie par d’autres plutôt que de la construire dans leur propre pays aboutit nécessairement à un nivellement par le bas. Cela tire vers le bas les conditions de vie dans le pays d’accueil, et prive le pays de départ d’une partie – certains disent la meilleure – de son capital humain.
[(1) : j’espère que je serai capable d’écrire quelque chose pour exprimer tout ce qui me traverse l’esprit au sujet de St Martin mais j’ai l’impression que là où l’État y a été le plus performant fût dans le contrôle de l’information.]
Je compte en tout cas faire un papier sur cette affaire..
@ Descartes
[Le rapt des Sabines ? Mais sans remonter aussi loin, vous trouvez dans l’Angleterre des rituels datant du moye-âge ou les hommes d’un village faisaient un “raid” sur un village voisin pour violer les femmes Rituels qui ont continué à être joués – sous forme symbolique – jusqu’à nos jours.]
J’avoue que je n’ai jamais entendu parler de ça. Mes connaissances historiques sont malheureusement encore bien maigres… Avouez qu’il faut quand même remonter très loin.
Plus récent, vous avez déjà entendu parler de ça : https://fr.wikipedia.org/wiki/Affaire_des_viols_collectifs_de_Rotherham
« De 1997 à 2013, au moins 1 400 filles, majoritairement blanches de 11 à 16 ans ont été violées et prostituées par des immigrés pakistanais” […] « La police, les services sociaux, le conseil municipal savaient et ont laissé faire. Personne à la mairie, dit-on, n’a osé dénoncer les gens qui ont commis ces actes, de peur d’être accusé de racisme. » ?
Vous connaissez des équivalents ?
[Par ailleurs, il ne faut pas exagérer. A Cologne, c’était des dizaines, pas des centaines. Et ils n’étaient pas vraiment “cordonnés”.]
Pour vérifier mes « souvenirs » de cette affaire traitée de manière un peu « particulière », j’avais lu ça : https://fr.wikipedia.org/wiki/Agressions_sexuelles_du_Nouvel_An_2016_en_Allemagne#M.C3.A9thodologie_des_criminels
[J’ajoute qu’on peut être violeur et surdiplômé. L’un n’empêche pas l’autre…]
En effet. Mais si la première caractéristique se révèle plus présente que la seconde, ça devrait mettre un peu à mal le « story telling »…
[Mais quand vous parlez de “maladies”, vous pensez à quoi exactement ?]
http://www.fdesouche.com/867825-pr-caumes-la-maladie-de-la-diphterie-reapparait-en-france-par-lintermediaire-des-migrants
http://www.fdesouche.com/869777-migrants-paris-la-propagation-de-la-gale-est-difficile-endiguer
http://www.fdesouche.com/720307-autriche-un-migrant-decede-de-la-fievre-a-poux
http://www.europe1.fr/international/migrants-la-problematique-des-maladies-infectieuses-2717677
[Je compte en tout cas faire un papier sur cette affaire..]
Je garde mes réflexions qui partent un peu dans tous les sens pour plus tard alors. 😉
J’attends aussi de voir ce que vont être les informations « officielles » à venir pour voir si l’écart entre ce que je perçois et ce qu’ils en disent se confirme.
Ma perception étant que l’Etat français a perdu tout contrôle sur un territoire français durant plusieurs jours. Je me dis aussi qu’un gouvernement pourrait être amené à démissionner pour moins que ça…
Ce qu’il se passe à Saint-Martin annonce-t-il les prémices de notre avenir sur fond de réalité multiculturel ?
@ bip
[J’avoue que je n’ai jamais entendu parler de ça. Mes connaissances historiques sont malheureusement encore bien maigres… Avouez qu’il faut quand même remonter très loin.]
Vous avez tout de même entendu parler du rapt des Sabines, non ? En fait, chez beaucoup de peuples primitifs il existe des mécanismes reposant sur le rapt – et donc implicitement le viol – des femmes du village voisin. Ce mécanisme permet de réduire le risque d’endogamie et favorise le mélange des patrimoines génétiques. Et dans certains cas, ces mécanismes se sont prolongés sous forme plus ou moins ritualisée jusqu’à aujourd’hui…
[Plus récent, vous avez déjà entendu parler de ça : (…)]
L’affaire de Rotherham est d’un tout autre calibre, notamment parce que, contrairement à l’incident de Cologne, les faits se sont déroulés sur une longue période et sont établis par une enquête parlementaire. Cette affaire illustre bien d’ailleurs les dangers d’une société bâtie sur le principe communautaire. D’une part, parce que les membres de chaque communauté établissent une différence de traitement entre les membres et les autres, mais aussi parce que la crainte du conflit entre communautés empêche l’Etat de jouer son rôle de régulateur.
Mais encore une fois, je pense que vous avez tort de croire que ce genre de choses n’arrive que dans les communautés « musulmanes ». Pensez aux rapports des hommes « blancs » avec les femmes « noires » dans les états du sud des Etats-Unis jusqu’aux années 1960… En fait, chaque fois que vous avez une division de la société en « communautés », vous avez le risque que les règles sociales qui contrôlent strictement les rapports entre membres de la communauté soient relaxées chaque fois qu’il s’agit des rapports avec les personnes extérieures. Pensez par exemple à la vision de la propriété privée chez les gitans : voler un autre gitan est un crime que la communauté punit sévèrement, voler un « gadjo », c’est parfaitement acceptable, et la communauté protège le voleur.
[« Par ailleurs, il ne faut pas exagérer. A Cologne, c’était des dizaines, pas des centaines. Et ils n’étaient pas vraiment “cordonnés” ». Pour vérifier mes « souvenirs » de cette affaire traitée de manière un peu « particulière », j’avais lu ça : (…)]
Si vous lisez l’article cité en référence de l’affirmation selon laquelle les attaques auraient été « coordonnées », vous verrez qu’il ne figure aucune mention d’une telle « coordination ». Par contre, vous avez raison de pointer que le chiffre fourni est bien de 500…
[« Mais quand vous parlez de “maladies”, vous pensez à quoi exactement ? » (liste de sites fournissant des références concernant la diphtérie et autres maladies infectieuses)]
Ces maladies ne posent qu’un problème mineur : la vaccination est simple et économique. Je ne pense pas qu’on doive fonder une politique migratoire sur ce genre de considérations.
[Ma perception étant que l’Etat français a perdu tout contrôle sur un territoire français durant plusieurs jours. Je me dis aussi qu’un gouvernement pourrait être amené à démissionner pour moins que ça…]
Je pense que vous faites erreur. Notamment sur ce que vous appelez « perdre tout contrôle sur un territoire ». Ce n’est pas parce que des gens y braquent une bijouterie que l’Etat a « perdu tout contrôle sur la place Vendôme ». Que je sache, il n’y a pas eu à Saint Martin un gouvernement parallèle, en mesure de faire appliquer une autre loi que la loi française. En situation de crise, des bandes criminelles peuvent profiter de la faiblesse de l’Etat pour commettre des délits – et on a vu cela dans d’autres circonstances en métropole et au sein de populations « de souche ». Je vous conseille la lecture de l’excellent livre de Jean-Louis Crémieux-Brilhac « Les français de l’an 40 » où il raconte les cas ou des gens « bien de chez nous » ont pillé les commerces et les appartements des gens partis dans l’exode…
Si l’affaire de St Martin illustre quelque chose, c’est surtout ce miracle perpétuellement renouvelé que sont les institutions humaines, à la fois si fragiles et si puissantes. Elle montre combien la vision de l’autarcie individuelle est un mythe, et combien nous sommes finalement interdépendants les uns des autres par le biais de services publics tellement banalisés que nous ne réalisons même pas l’importance.
@ Descartes
[Vous avez tout de même entendu parler du rapt des Sabines, non ?]
Non… Même de nom ça ne me dit rien. J’ai pas lu grand chose au sujet de l’Empire Romain. J’essaye déjà de combler mes lacunes en histoire de France…
J’ai d’ailleurs lu l’histoire de France de Bainville y a pas très longtemps et je dois avouer que j’ai perdu le fil pas mal de fois. Je ne savais parfois pas de qui ou de quoi il parlait.
Je pars en effet d’assez loin. J’ai commencé à situer et à connaître, autrement que de nom, Richelieu, Mazarin, Colbert, Henri IV, Louis XIII, Louis XIV en lisant… « Les trois mousquetaires » et les suites vers 20 ans.
Pour situer, je n’ai aucun souvenir d’avoir entendu parler de Napoléon de tout mon parcours scolaire qui s’est terminé pour l’histoire en Terminale S. Alors je ne dis pas qu’on ne m’en a jamais parlé, et j’admets tout à fait avoir été un élève assez peu attentif en classe, mais en tout cas je n’en ai strictement rien retenu.
[Ce mécanisme permet de réduire le risque d’endogamie]
Il ne peut donc être retenu pour expliquer le comportement de populations musulmanes.
[L’affaire de Rotherham]
Vous ne trouvez pas dingue que cette histoire soit quasiment inconnue, même en Angleterre ?
[Cette affaire illustre bien d’ailleurs les dangers d’une société bâtie sur le principe communautaire.]
Pour moi, ça illustre surtout le danger pour une communauté de ne pas s’organiser en tant que communauté alors que les autres communautés le font.
Je doute que si la communauté « de souche » avait été organisée d’une manière semblable aux autres, cette affaire se soit passée comme ça.
Pour parler de la France, j’ai l’impression que le « petit blanc » est le seul qui ne pourra compter que sur le renfort minimum à chacun en cas de problème.
Parce que l’élite est blanche, on pense que les blancs seraient mieux lotis. Je pense l’inverse car l’élite trahit et pense en termes de communautés. Sauf que sa communauté à elle est celle des élites internationales. De plus, les « classes moyennes » blanches ne se pensent qu’en « communauté de classe sociale ». Les « petits blancs » sont les seuls à ne pas avoir d’élites pour les défendre. Ou en tout cas pas clairement puisqu’on pourrait considérer ainsi des gens comme Guilluy ou Zemmour (et quand on voit comment ils sont traités…).
Ils sont les seuls à ne pas pouvoir se considérer en tant que communauté, ou même se revendiquer fièrement d’un pays. Qui pourrait se permettre de parler à une grande audience de « communauté de souche » ?
Tant que les blancs étaient largement majoritaires dans la population, on a pu passer outre en justifiant ça par un les « minorités etc ». Mais les temps changent. Et je pense qu’il va falloir y remédier. Car il y a peu de chances de revenir à une société non communautaire. Et même en l’espérant, je ne vois pas pourquoi ceux qui sont censés avoir le plus de droits sur cette terre seraient ceux qui en ont le moins et devraient être « sacrifiés » en attendant le retour hypothétique à la nation non communautaire.
Avoir ses associations, ses écoles, ses outils de pression juridiques, etc. Devenir une communauté comme les autres…
Il se peut que sauver la France telle qu’elle a été en tant que nation ne soit pas possible. Nulle part les nations multi-ethniques « visibles » (ie on voit sur votre visage de quelle ethnie vous êtes) n’ont donné de nation à la « solidarité inconditionnelle ».
Préserver un mode de vie français serait alors un pis-aller… Parce qu’aujourd’hui, même des petits bourgeois adoptent le « parler racaille ».
Par exemple, quand la patronne du service public audiovisuel annonce son intention de discriminer les « blancs », tout le monde trouve ça normal. Après tout elle est blanche, ce n’est donc pas du racisme. Ben non, ça n’est pas normal. Et pourtant personne ne dit rien…
[Ces maladies ne posent qu’un problème mineur : la vaccination est simple et économique. Je ne pense pas qu’on doive fonder une politique migratoire sur ce genre de considérations.]
Moi non plus. Je mettais juste en face les points positifs et négatifs. Et ça fait un point négatif de plus. Au bout de combien, on va arriver à la seule politique censé : une inversion des flux migratoires avec l’Afrique et le monde arabe ?
[Ce n’est pas parce que des gens y braquent une bijouterie que l’Etat a « perdu tout contrôle sur la place Vendôme ».]
Si les seules forces de l’Etat restantes tiennent un discours disant « défendez-vous comme vous pouvez. Pendant une semaine vous êtes tout seuls, j’espère que vous avez des armes, tirez-leur dessus. », c’est un peu plus grave. (http://www.lci.fr/societe/les-gendarmes-nous-ont-dit-defendez-vous-comme-vous-pouvez-face-au-pillage-des-habitants-de-saint-martin-prennent-les-armes-2063908.html?device=website)
[En situation de crise, des bandes criminelles peuvent profiter de la faiblesse de l’Etat pour commettre des délits – et on a vu cela dans d’autres circonstances en métropole et au sein de populations « de souche ».]
Pourtant à Saint-Barthélémy, on n’a pas vu ça.
[des gens « bien de chez nous » ont pillé les commerces et les appartements des gens partis dans l’exode…]
Il me semble qu’à Saint-Martin, les pillages ont également eu lieu en présence des familles.
@ bip
[« Ce mécanisme permet de réduire le risque d’endogamie » Il ne peut donc être retenu pour expliquer le comportement de populations musulmanes.]
Ce n’est pas si évident. Certains comportements, certains réflexes se maintiennent alors qu’ils ont perdu toute raison d’être. Dans les sociétés pastorales – et l’Islam est à l’origine une société de ce type – la difficulté historique de trouver des femmes a produit toute une série d’interdits ou de permissions qui restent puissantes alors que l’évolution de la société leur a ôté tout intérêt.
[Vous ne trouvez pas dingue que cette histoire soit quasiment inconnue, même en Angleterre ?]
Vous exagérez. Le scandale de Rotherham est constamment mentionné dans la presse et les autres médias britanniques. J’ai du mal a imaginer qu’on puisse trouver beaucoup de britanniques qui n’aient pas entendu parler du « Rotherham child abuse scandal ».
[Pour moi, ça illustre surtout le danger pour une communauté de ne pas s’organiser en tant que communauté alors que les autres communautés le font. Je doute que si la communauté « de souche » avait été organisée d’une manière semblable aux autres, cette affaire se soit passée comme ça.]
Et ça se serait passé comment, à votre avis ?
[Parce que l’élite est blanche, on pense que les blancs seraient mieux lotis. Je pense l’inverse car l’élite trahit et pense en termes de communautés. Sauf que sa communauté à elle est celle des élites internationales.]
Je suis tout à fait d’accord avec vous. Dans la logique d’une société « diversitaire », ce sont les couches populaires de la communauté majoritaire qui trinquent. Leur condition ne leur permet pas d’accéder au niveau des « élites », et ils n’ont pas non plus droit aux dispositifs de « discrimination positive » ouverts au bénéfice des communautés minoritaires. Il ne faut pas s’étonner lorsque cette frange se radicalise.
[Car il y a peu de chances de revenir à une société non communautaire.]
Je ne suis pas d’accord. Les sociétés « communautarisées » étaient vues comme l’idéal il y a quelques années. Aujourd’hui, on voit que les coûts sociaux qu’elles imposent compensent très largement les avantages qu’on a pu y trouver. La question de l’assimilation n’est plus tabou, et j’ai l’espoir qu’on puisse encore revenir à ce type de politiques et donc à des sociétés « unitaires ».
[Et même en l’espérant, je ne vois pas pourquoi ceux qui sont censés avoir le plus de droits sur cette terre seraient ceux qui en ont le moins et devraient être « sacrifiés » en attendant le retour hypothétique à la nation non communautaire. Avoir ses associations, ses écoles, ses outils de pression juridiques, etc. Devenir une communauté comme les autres…]
Pour moi, ce serait une capitulation – une de plus – du « génie de la France » devant la logique venue du monde anglo-saxon. Je n’ai pas envie de vivre dans une logique d’apartheid.
[Il se peut que sauver la France telle qu’elle a été en tant que nation ne soit pas possible. Nulle part les nations multi-ethniques « visibles » (ie on voit sur votre visage de quelle ethnie vous êtes) n’ont donné de nation à la « solidarité inconditionnelle ».]
Les seules batailles qu’on est sur de perdre sont celles qu’on n’engage pas. Même si je suis pessimiste sur la capacité à « sauver la France », je pense que le combat en vaut la peine. Vous m’excuserez, je suis en train de relire les « mémoires de guerre » de De Gaulle…
[Préserver un mode de vie français serait alors un pis-aller… Parce qu’aujourd’hui, même des petits bourgeois adoptent le « parler racaille ».]
Je ne crois pas qu’on puisse faire des « conserves de France », qu’on puisse préserver la France dans un écrin communautaire. La France, celle que j’aime et que je sers, c’est une vision universelle. Au risque d’être gaullien et donc grandiloquent, je dirais qu’il n’y a pas de France qui ne soit universelle. S’il faut se contenter de préserver le saucisson et le vin…
[Si les seules forces de l’Etat restantes tiennent un discours disant « défendez-vous comme vous pouvez. Pendant une semaine vous êtes tout seuls, j’espère que vous avez des armes,
tirez-leur dessus. », c’est un peu plus grave.]
Pourquoi ? Franchement, les français me rappellent ces petits enfants qui croient que leur papa est tout-puissant. C’est une attitude infantile. De Gaulle, encore lui, le disait déjà : « les français attendent tout de l’Etat mais ils le détestent. Ils ne se comportent pas en adultes ».
Il faut arrêter de croire que l’Etat est tout-puissant. S’il détient le monopole de la violence légitime, il ne détient pas et n’a jamais détenu le monopole de la violence tout court. Pour le dire autrement, l’Etat ne contrôle jamais totalement la situation. Un Etat qui serait capable en toute circonstance de protéger individuellement chaque citoyen serait non seulement un Etat très cher, mais surtout un Etat fort peu libéral…
[« En situation de crise, des bandes criminelles peuvent profiter de la faiblesse de l’Etat pour commettre des délits – et on a vu cela dans d’autres circonstances en métropole et au sein de populations « de souche » ». Pourtant à Saint-Barthélémy, on n’a pas vu ça.]
Il faudrait comprendre pourquoi. Mais les raisons sont probablement multiples : Saint Barthélémy est une collectivité plus petite, ou tout le monde se connait personnellement ou presque et donc la surveillance sociale est beaucoup plus forte. C’est aussi une île totalement française et dépourvue d’aéroport. Elle attire donc moins l’élément criminel qui vit des trafics favorisés par une frontière poreuse et un aéroport international…
[Il me semble qu’à Saint-Martin, les pillages ont également eu lieu en présence des familles.]
C’est possible, mais j’en connais pas de cas précis.
@ bip,
Je souscris largement à ce que vous dites. Sauf sur un point: les “Français de souche” ne peuvent pas devenir “une communauté comme les autres”, parce que, contrairement aux autres communautés, ils restent et resteront malgré tout les héritiers légitimes de la civilisation française…
Il fut un temps pas si lointain où la “culture dominante” était reconnue comme telle, y compris par les groupes minoritaires: les juifs et les protestants français n’avaient pas de problème pour reconnaître que la France avait une culture essentiellement catholique. Et ça n’empêchait pas les juifs et les protestants d’être aussi patriotes que les catholiques. Mais aujourd’hui, la culture dominante concentre toutes les critiques. Si vous êtes blanc, on vous demande de vous excuser pour la colonisation et l’esclavage; si vous êtes catholiques, on exige un mea culpa pour les Croisades, les cathares et la Saint-Barthélémy; si vous êtes hétérosexuel, il faut demander pardon pour les persécutions des homosexuels, des bi, des trans, des pansexuels et des personnes “non-binaires” (je viens de découvrir ça); si vous êtes un homme, il faut battre sa coulpe pour les trois ou quatre millénaires de patriarcat obscurantiste dont on vient à peine de sortir (vous avez vu cette affaire en Alsace suite à des silhouettes féminines placées dans sa commune par un maire? Les féministes enragées sont allées jusqu’au Conseil d’Etat!).
@ Descartes,
“Je n’ai pas envie de vivre dans une logique d’apartheid.”
Je ne veux pas faire mon oiseau de mauvais augure, mais ça commence à y ressembler… Lentement, doucement, mais on y vient.
“S’il faut se contenter de préserver le saucisson et le vin…”
Je suis d’accord avec vous, c’est pathétique. Mais le fait est qu’on en est là. Parce que les gens qui ont tiré la sonnette d’alarme (je pense à quelqu’un comme Finkielkraut) n’ont pas été écoutés, quand ils n’ont pas été diabolisés ou insultés. Parce que, quand un ancien chef d’établissement (des quartiers nord de Marseille) publie un livre pour dire que dans ces banlieues, l’école de la République est en grande difficulté face à un communautarisme agressif, le principal syndicat des chefs d’établissement conteste, explique que le constat est exagéré, le rectorat dit qu’il n’y a pas tant d’incidents que ça (pas de vague, surtout, pas de vague). Une enseignante déclare: “il n’y a pas d’islamisation particulière du collège, c’est une évolution générale de la société environnante”, ah ben nous voilà rassurés! J’aimerais croire qu’on peut sauver autre chose que le vin et le saucisson, mais force est de constater que ce sera bientôt la seule chose qui nous restera… Puisque défendre les civilisations de la “vieille Europe” est devenu un crime. Y compris chez beaucoup de “Français de souche” des classes moyennes. “Le patriotisme, c’est insupportable” me disait un collègue. Avec de tels serviteurs, croyez-vous que la France ait besoin d’ennemis?
@ nationaliste-ethniciste
[Je souscris largement à ce que vous dites. Sauf sur un point: les “Français de souche” ne peuvent pas devenir “une communauté comme les autres”, parce que, contrairement aux autres communautés, ils restent et resteront malgré tout les héritiers légitimes de la civilisation française…]
Oui et non. Les anglo-saxons ont parfaitement réussi à constituer une culture qui est à la fois « dominante » et qui est portée par une « communauté comme une autre ». Ce sont eux qui ont inventé la logique du « développement séparé » qui a trouvé son expression la plus achevée dans l’apartheid sud-africain. L’idée est que chaque communauté vit dans son territoire, avec ses coutumes et ses pratiques, et réduit au minimum le contact avec les autres. Et à la place de « culture dominante » on a une hiérarchie entre les communautés avec une « communauté dominante » et des « communautés dominées ».
Ce système pourrait s’imposer aussi chez nous. Mais je pense qu’en devenant une « communauté comme les autres », la communauté « française » – j’enlève à dessein le « de souche », puisque je ne vois aucune raison de m’auto-exclure, et avec moi les français assimilés – trahirait ce qui fait l’essence de sa culture, qui est l’universalité. Ce que j’appelle « civilisation française » ne se réduit pas au vin et au saucisson, c’est aussi et surtout un esprit d’universalité. Et cet esprit ne peut être préservé dans le cadre étroit d’une « communauté ».
[« Je n’ai pas envie de vivre dans une logique d’apartheid. » Je ne veux pas faire mon oiseau de mauvais augure, mais ça commence à y ressembler… Lentement, doucement, mais on y vient.]
Oui, et c’est une raison de plus pour se battre contre ces dérives qui, d’ailleurs, ne sont pas tout à fait nouvelles dans notre histoire.
[Je suis d’accord avec vous, c’est pathétique. Mais le fait est qu’on en est là. Parce que les gens qui ont tiré la sonnette d’alarme (je pense à quelqu’un comme Finkielkraut) n’ont pas été écoutés, quand ils n’ont pas été diabolisés ou insultés. Parce que, quand un ancien chef d’établissement (des quartiers nord de Marseille) publie un livre pour dire que dans ces banlieues, l’école de la République est en grande difficulté face à un communautarisme agressif, le principal syndicat des chefs d’établissement conteste, explique que le constat est exagéré, le rectorat dit qu’il n’y a pas tant d’incidents que ça (pas de vague, surtout, pas de vague).]
Cette lâcheté – appelons les choses par leur nom – n’est pas nouvelle. Comme en 1940, vous aurez une petite minorité qui choisit la dure voie du combat, face à une grosse majorité qui préfère les joies de la résignation. J’ai confiance – je suis en train de relire les mémoires de De Gaulle, je vous les recommande, c’est un vaccin très efficace contre le pessimisme – dans la capacité de la France à écouter in fine les Finkielkraut et le proviseur auquel vous faites référence plutôt que les voix lénifiantes du « tout va bien, laissons du temps au temps, tout finira par s’arranger ». Des voies fort intéressées, d’ailleurs, puisque ce sont celles du groupe qui devrait financer le combat !
[Y compris chez beaucoup de “Français de souche” des classes moyennes. “Le patriotisme, c’est insupportable” me disait un collègue. Avec de tels serviteurs, croyez-vous que la France ait besoin d’ennemis?]
Malheureusement, on revient en France toujours au même problème, celui de la « trahison des élites ».
@ Descartes
[Vous exagérez. Le scandale de Rotherham est constamment mentionné dans la presse et les autres médias britanniques. J’ai du mal a imaginer qu’on puisse trouver beaucoup de britanniques qui n’aient pas entendu parler du « Rotherham child abuse scandal ».]
J’ai sans doute tiré des conclusions un peu trop hâtives d’une discussion avec des Anglais cet été. Ne suivant que peu les médias britanniques, je ne peux en effet pas juger de la manière dont ils en ont rendu compte. Dont acte.
[Et ça se serait passé comment, à votre avis ?]
Les petites filles blanches auraient pu être davantage protégées si elles avaient appartenu à une communauté qui les aurait sensibilisées à la menace que certaines communautés font peser sur elles.
Ou si elles avaient pu avoir des interlocuteurs qui se seraient soucier d’autre chose que de préserver l’image de la communauté dont les criminels étaient issus.
Les individus ayant commis ces crimes auraient peut-être également réfléchi à deux fois s’il y avait eu le risque de voir la communauté victime se venger sur eux et leurs familles plutôt que d’avoir comme seul risque d’avoir à faire face à la justice laxiste de l’européen moderne.
[Dans la logique d’une société « diversitaire », ce sont les couches populaires de la communauté majoritaire qui trinquent. Leur condition ne leur permet pas d’accéder au niveau des « élites », et ils n’ont pas non plus droit aux dispositifs de « discrimination positive » ouverts au bénéfice des communautés minoritaires. Il ne faut pas s’étonner lorsque cette frange se radicalise.]
J’ajouterai que eux n’ont pas de plan B. Si ce que devient leur pays ne leur convient pas, ils n’ont pas le pays de leurs ancêtres comme alternative. Et que peu ont la possibilité de devenir « expat ».
Et aussi que les pays se pensant « blancs » se font rares (seule couleur à être dans ce cas). Donc si un jour, en France, les blancs devaient se retrouver en position de faiblesse, tout en continuant à être désignés comme les méchants de l’Histoire, ils n’auraient sûrement pas beaucoup de soutien extérieur. Certains ont créé Israël pour cette raison. A nous, il nous resterait quoi, la Pologne ?
[La question de l’assimilation n’est plus tabou]
Alors qu’on n’est même pas sûrs qu’une telle politique puisse encore fonctionner, on en est seulement à la « détabouisation ». A ce rythme là, si une politique d’assimilation revoit le jour elle pourrait alors être menée par la communauté majoritaire qui ne sera peut-être plus française…
[Je n’ai pas envie de vivre dans une logique d’apartheid.]
Pourtant si on compare la situation de l’Afrique du Sud sur les plans économiques et sécuritaires avant et après…
[Les seules batailles qu’on est sur de perdre sont celles qu’on n’engage pas. Même si je suis pessimiste sur la capacité à « sauver la France », je pense que le combat en vaut la peine.]
Certes. Mais il n’est pas non plus inutile de mener parallèlement d’autres batailles pour ne pas risquer de tout perdre d’un coup. Et ainsi augmenter les chances de sauver ce qui peut l’être moins difficilement.
[S’il faut se contenter de préserver le saucisson et le vin…]
Rien que le saucisson et le vin, ça nous met déjà au-dessus de certaines civilisations…
[Franchement, les français me rappellent ces petits enfants qui croient que leur papa est tout-puissant. C’est une attitude infantile.]
Difficile tout de même d’imaginer que ce papa devienne l’instrument qui va servir à essayer de les détruire.
D’autant plus difficile que dans le cas de la France, c’est l’État qui a construit la nation et que parfois même on les confond.
[S’il détient le monopole de la violence légitime, il ne détient pas et n’a jamais détenu le monopole de la violence tout court. Pour le dire autrement, l’Etat ne contrôle jamais totalement la situation.]
C’est toujours bon de le rappeler à un moment où il semble bien que l’État contrôle de moins en moins la situation.
A chacun de voir ce qui lui serait donc nécessaire si une situation type St-Martin apparaissait. On pourra toutefois espérer que l’Etat ne mette pas plus de zèle à ennuyer les citoyens inconnus de la justice qu’il n’en met avec ceux qui ont des casiers longs comme le bras.
[Il faudrait comprendre pourquoi. Mais les raisons sont probablement multiples : Saint Barthélémy est une collectivité plus petite, ou tout le monde se connait personnellement ou presque et donc la surveillance sociale est beaucoup plus forte. C’est aussi une île totalement française et dépourvue d’aéroport. Elle attire donc moins l’élément criminel qui vit des trafics favorisés par une frontière poreuse et un aéroport international… ]
En Floride, on a aussi vu des pillages. Lors de catastrophes au Japon, on n’en voit pas.
@ nationaliste-ethniciste
[si vous êtes un homme, il faut battre sa coulpe pour les trois ou quatre millénaires de patriarcat obscurantiste dont on vient à peine de sortir (vous avez vu cette affaire en Alsace suite à des silhouettes féminines placées dans sa commune par un maire?]
Oui j’ai vu. Alors que la société prend une tournure de plus en plus matriarcale, il y a quelque chose d’absolument fascinant dans les combats que mènent les « féministes ». Posées sur leur branche, elles chassent avec vigueur les moucherons qui risqueraient de la faire craquer en s’y posant. Pendant ce temps, l’immigration arabo-africaine est entrain de tranquillement la leur scier. Sous leurs encouragements…
@ Descartes
[j’enlève à dessein le « de souche », puisque je ne vois aucune raison de m’auto-exclure, et avec moi les français assimilés]
J’emploie aussi cette expression, et sans doute n’est-elle pas pleinement satisfaisante, mais elle permet toutefois de faire passer l’idée que la France est l’héritière d’une longue histoire et qu’elle n’est pas une simple terre d’immigration où tout un chacun a débarqué pour faire ce dont il avait envie.
Il y a des gens qui sont les descendants directs des générations qui ont travaillé siècle après siècle pour que d’une friche naisse le pays que nous connaissons.
Il y a certes eu des gens qui sont venus s’ajouter à eux au fur et à mesure (moins que ce que l’on en dit usuellement selon moi) mais ceux-là se sont mis à leur ressembler comme deux gouttes d’eau très vite. Et sont devenus… des Français “de souche”.
Et donc on ne fait pas ce qu’on veut en France, on respecte ceux qui sont là et on essaye de leur ressembler.
Loin de moi en tout cas la volonté de vous exclure en utilisant cette expression. Après tout, j’ai deux arrières-grands-parents polonais et pourrait donc être considéré comme non « de souche ».
Bien que je ne ressente aucune attache avec la Pologne. Je n’y ai jamais mis les pieds, je dois en connaître 3 mots (en réfléchissant bien) et je n’ai aucune « bienveillance » particulière pour ce pays.
Mais je dois avouer que je réfléchis parfois en me disant « et si j’avais le pouvoir de faire ce que je voulais ». Et j’étais arrivé à une idée :
Reste en France celui qui a un prénom français
ou dont un des parents a un prénom français (je ne vire pas les Brandon à cause de leurs parents décérébrés par la télé US)
ou dont les enfants ont un prénom français (là je garde les assimilés).
Je réfléchis encore à quoi faire des célibataires qui ne rentreraient pas dans ces cases et qui pourraient être assimilés.
@ bip
[« Et ça se serait passé comment, à votre avis ? » Les petites filles blanches auraient pu être davantage protégées si elles avaient appartenu à une communauté qui les aurait sensibilisées à la menace que certaines communautés font peser sur elles.]
« Protégées » comment ? Allez au bout de votre pensée…
[Les individus ayant commis ces crimes auraient peut-être également réfléchi à deux fois s’il y avait eu le risque de voir la communauté victime se venger sur eux et leurs familles plutôt que d’avoir comme seul risque d’avoir à faire face à la justice laxiste de l’européen moderne.]
Ah… nous y voilà. Le problème est que votre vision de la « défense communautaire » conduit tout droit à la guerre civile.
[« La question de l’assimilation n’est plus tabou » Alors qu’on n’est même pas sûrs qu’une telle politique puisse encore fonctionner, on en est seulement à la « détabouisation ».]
On n’est jamais « sur » qu’une politique peut fonctionner. Il n’empêche que dans le monde réel, il faut se contenter du possible.
[« Je n’ai pas envie de vivre dans une logique d’apartheid ». Pourtant si on compare la situation de l’Afrique du Sud sur les plans économiques et sécuritaires avant et après…]
Vu du point de vue des habitants de Soweto, la comparaison est vite faite.
[Certes. Mais il n’est pas non plus inutile de mener parallèlement d’autres batailles pour ne pas risquer de tout perdre d’un coup. Et ainsi augmenter les chances de sauver ce qui peut l’être moins difficilement.]
Si on s’engage dans une logique d’apartheid, la France sera perdue, quoi qu’on en fasse par ailleurs.
[En Floride, on a aussi vu des pillages. Lors de catastrophes au Japon, on n’en voit pas.]
Vous avez raison. On n’en voit pas. Mais le prix, c’est un contrôle social écrasant. Faut savoir ce qu’on veut, et en payer le prix.
@ bip
[J’emploie aussi cette expression, et sans doute n’est-elle pas pleinement satisfaisante, mais elle permet toutefois de faire passer l’idée que la France est l’héritière d’une longue histoire et qu’elle n’est pas une simple terre d’immigration où tout un chacun a débarqué pour faire ce dont il avait envie.]
Oui, mais le point sur lequel j’insiste est que cet « héritage » historique est ouvert, et que quiconque est le bienvenu à le partager. Etre français n’est pas une question de sang, c’est une question de volonté. Celui qui « assimile » l’histoire de France, qui se considère héritier de Clovis, de Philippe Auguste, de Richelieu, de Napoléon, et agit en conséquence est « français », qu’il soit né ici de dix générations, ou qu’il vienne d’autre part.
[Il y a des gens qui sont les descendants directs des générations qui ont travaillé siècle après siècle pour que d’une friche naisse le pays que nous connaissons.]
Certainement. Mais le fait d’avoir des ancêtres qui se sont battus pour vous ne vous donne aucun droit particulier. Pour moi, seul le mérite compte. Ceux qui AUJOURD’HUI travaillent pour que ce pays soit plus grand, plus fort, plus riche, plus juste, ceux-là ont les droits sur cet héritage.
[Il y a certes eu des gens qui sont venus s’ajouter à eux au fur et à mesure (moins que ce que l’on en dit usuellement selon moi) mais ceux-là se sont mis à leur ressembler comme deux gouttes d’eau très vite. Et sont devenus… des Français “de souche”.]
La « souche » dont vous parlez n’est donc pas une souche réelle, mais une souche symbolique… à cette précision près, on est d’accord.
[Et donc on ne fait pas ce qu’on veut en France, on respecte ceux qui sont là et on essaye de leur ressembler.]
Vous le savez bien, c’est là mon idée de la citoyenneté. On est français parce qu’on assume et on continue une histoire.
[Mais je dois avouer que je réfléchis parfois en me disant « et si j’avais le pouvoir de faire ce que je voulais ». Et j’étais arrivé à une idée : Reste en France celui qui a un prénom français
ou dont un des parents a un prénom français (je ne vire pas les Brandon à cause de leurs parents décérébrés par la télé US) ou dont les enfants ont un prénom français (là je garde les assimilés).]
Vous devriez voir vous-même le trou dans votre raisonnement. D’abord, qu’appelle-t-on un « prénom français » ? Ensuite, si votre idée n’exclue pas les Brandon nés de parents décérébrés, vous excluez les Kevin fils de Brandon nés de parents décérebrés. Et finalement, vous excluez aussi ceux des assimilés de première génération, qui ont reçu leurs prénoms dans un pays étrangers…
Non, soyons simples. On sait ce qu’est un “assimilé”, et l’assimilation doit être une exigence non seulement de l’Etat, mais de l’ensemble des citoyens.
@ Descartes
[Le problème est que votre vision de la « défense communautaire » conduit tout droit à la guerre civile.]
Là je développais dans un contexte bien précis. Mais une séparation totale avec un minimum de contacts possibles entre les communautés réglerait ce genre de problème sans conduire « tout droit à la guerre civile ».
Qui serait d’ailleurs vraiment pire que de voir la France détruite par indifférence à son sort ? Parce que la trajectoire actuelle est celle de l’effacement progressif de la France par incapacité à produire des Français pour qui France et culture française sont inscrites au plus profond de leur identité.
Incapacité renforcée par la présence d’autres communautés qui sont organisées, elles, de manière à limiter cette production. Et le nombre sans cesse grandissant de leurs membres rend bien improbable l’inversion du phénomène par la voie politique classique.
Surtout que la possibilité de remettre cette voie dans une bonne direction est déjà elle-même peu probable.
Vous me direz, tout est toujours possible…
[On n’est jamais « sur » qu’une politique peut fonctionner. Il n’empêche que dans le monde réel, il faut se contenter du possible.]
Certes. Mais si la seule source d’espoir vient d’un possible, l’assimilation, dont on juge la mise en œuvre peu probable et sa réussite à grande échelle encore moins (je sais que vous n’êtes pas de cet avis, en tout cas pas dans vos propos), difficile de ne pas chercher à imaginer autre chose. Un autre chose sans doute malheureusement bien plus éloigné de ce que serait un idéal.
[Vu du point de vue des habitants de Soweto, la comparaison est vite faite.]
Oui. Ce serait le pays entier qui aurait ressemblé à Soweto si le « développement séparé » (bien antérieur à l’apartheid acté officiellement) n’avait pas eu cours. Car je doute qu’alors les Boers seraient restés très longtemps après leur arrivée.
[Si on s’engage dans une logique d’apartheid, la France sera perdue, quoi qu’on en fasse par ailleurs.]
Tant qu’il y aura des Français, la France ne sera jamais perdue. Ou en tout cas pas définitivement.
[Vous avez raison. On n’en voit pas. Mais le prix, c’est un contrôle social écrasant. Faut savoir ce qu’on veut, et en payer le prix.]
Pour vous, les sociétés « multiraciales » ne sont pas intrinsèquement plus violentes que les autres ?
L’Homme ne serait pas « programmé » pour se rassembler avec ceux qui lui ressemblent le plus ?
Ce qu’on pourrait d’ailleurs regretter mais de là à ne pas en tenir compte…
[Oui, mais le point sur lequel j’insiste est que cet « héritage » historique est ouvert, et que quiconque est le bienvenu à le partager. Etre français n’est pas une question de sang, c’est une question de volonté. Celui qui « assimile » l’histoire de France, qui se considère héritier de Clovis, de Philippe Auguste, de Richelieu, de Napoléon, et agit en conséquence est « français », qu’il soit né ici de dix générations, ou qu’il vienne d’autre part.]
Sur le plan strictement philosophique, ça a de la gueule. Sur le plan idéologique, en considérant la démographie et le sous-développement des pays d’Afrique, c’est la porte ouverte à la submersion. Après tout, tout le monde pourrait alors tenter sa chance.
Et sur le plan bassement pratique, je ne vois là que des blancs de souche européenne avec des « noms » qui sonnent Français. J’aimerais croire que ça puisse n’avoir aucun effet mais j’ai du mal…
[Mais le fait d’avoir des ancêtres qui se sont battus pour vous ne vous donne aucun droit particulier.]
Non. Et quand je pense aux Poilus qui se sont sacrifiés pour qu’on ne devienne pas allemands alors qu’aujourd’hui on n’est même pas capable d’envisager de lever le petit doigt pour empêcher la France de devenir un pays arabo-africain américanisé et soumis à l’Allemagne, j’ai honte.
Rien que pour ça, ça vaut le coup d’être athée. Se dire qu’on n’aura jamais à subir leur regard…
Car si nos ancêtres se sont battus pour nous, c’est en pensant qu’on les continuerait. Mieux peut-être, différemment sûrement mais que quelque chose d’eux subsisterait et qu’on se battrait comme eux pour le transmettre, certainement.
Mais rien ne subsistera si la France devient un pays arabo-africain.
[La « souche » dont vous parlez n’est donc pas une souche réelle, mais une souche symbolique… à cette précision près, on est d’accord.]
Pour moi, cette « souche » devient une « souche française » si en la voyant et en l’entendant, on voit un Français et on entend un Français.
[Vous devriez voir vous-même le trou dans votre raisonnement. D’abord, qu’appelle-t-on un « prénom français » ?]
Par une pirouette, je vous dirais qu’il fût un temps où ne se posait pas cette question. Tout le monde savait ce que c’était qu’un prénom français. Les prénoms donnés à leurs enfants par les immigrés de la 1ère moitié du XXème siè