Bien comprendre le “dégagisme”

Un fantôme parcourt l’Europe – et un certain nombre de signes semble indiquer qu’il ne s’arrête pas nécessairement au vieux continent. Il est difficile de donner à ce fantôme un nom, mais les résultats des élections italiennes, après ceux des derniers scrutins américains, français, autrichien, néerlandais, belges, espagnols et allemands montrent que quelque chose a changé. Car à chaque fois on trouve les mêmes symptômes : la déroute des courants politiques « réalistes », la scission entre un électorat populaire qui se réfugie dans l’abstention quand il n’est pas attiré par des discours schématiques annonçant des ruptures plus ou moins imaginaires et un électorat des « classes moyennes » tenté par l’apolitisme, la pauvreté d’un débat qui évite d’aborder les grandes questions pour se réduire à un catalogue de scandales plus ou moins réels et à la concurrence des victimismes.

Bien entendu, cela donne des résultats différents selon la tradition politique et institutionnelle de chaque pays. En France, le système majoritaire et le rôle pivot du président de la République garantit la gouvernabilité, même lorsque la coalition au pouvoir ne réunit qu’un électeur sur cinq au premier tour. De ce fait, la crise de représentativité n’apparaît guère au grand jour, même si les prophètes aux extrêmes prédisent la chute du système d’un jour à l’autre. Mais l’effet est bien plus visible dans les pays ou le scrutin est plus ou moins proportionnel. Dans ces pays l’incapacité des partis de gouvernement à construire une majorité sur un programme politique cohérent oblige à constituer des coalitions, qui font apparaître clairement la racine et l’étendue du problème. Problème qu’on peut résumer dans une phrase : « there is no alternative ».

Regardons un peu en arrière : il y a eu en Europe ces trente dernières années des pays gouvernés par des partis de droite plus ou moins dure, des pays gouvernés par une gauche plus ou moins sociale, par des coalitions entre la droite et l’extrême droite (e.g. l’Autriche) ; des pays gouvernés par des coalitions entre la droite et la gauche (e.g. Allemagne) ; des pays gouvernés par une coalition gauche-extrême gauche (la Suède). Certains pays ont été d’ailleurs gouvernés successivement par la droite « molle », par une alliance réunissant gauche, extrême gauche et partis écologistes, par la droite, par la droite « dure », par la gauche, par un libéral apolitique. Et qu’observe-t-on ? Que sur les grandes questions économiques, sociales et institutionnelles tous ces gouvernements ont fait grosso-modo et avec de très rares et très temporaires exceptions exactement les mêmes politiques. La diversité apparente des étiquettes occulte une convergence absolue des pratiques. Qu’on soit socialiste, communiste, radical, conservateur, libéral, démocrate-chrétien ou social-démocrate, on finit lorsqu’on est au pouvoir par expliquer plus ou moins maladroitement à ses électeurs que la construction européenne est « notre avenir », qu’il est bon d’ouvrir tous les secteurs à la concurrence, qu’il faut décentraliser au maximum, qu’il faut privatiser les services publics, qu’il faut renoncer à tout ce qui fait de nous un pays différent pour se couler dans le moule de la mondialisation, bref, qu’il faut abandonner toute velléité de peser sur l’évolution du monde et qu’il ne nous restait plus qu’à nous y adapter. Tous, je dis bien tous les partis politiques qui se sont succédés au gouvernement, nous ont tenu ce même discours, et ont mis en œuvre ces mêmes politiques. Y compris les « extrêmes ». Lorsque Jospin privatise France Télécom et ouvre la voie à a privatisation d’EDF, il y avait au gouvernement quatre ministres communistes. Aucun n’a démissionné, que je sache.

Cette unité de politiques cache en fait une unité d’intérêts. Il y a des hommes politiques qui ont le cœur à gauche, et des hommes politiques qui ont le cœur à droite. Mais leur portefeuille est toujours du même côté, celui des « classes moyennes ». C’est pourquoi tous les « partis de gouvernement » sont devenus les porte-voix de cette couche sociale. Le chômage, la précarité, les conditions de travail ne sont plus la priorité pour aucune de ces organisations, qui consacrent au contraire de doctes colloques à l’égalité hommes-femmes dans l’accès aux conseils d’administration des entreprises du CAC40 où à la question de savoir s’il faut ou non une dose de proportionnelle – et laquelle – à l’Assemblée nationale. Problématique qui, vous l’imaginez, passionne les habitués des bistrots de Valenciennes ou de Longwy, des ateliers de Dunkerque ou de Belfort. L’électeur, qu’il soit populaire ou qu’il appartienne aux « classes moyennes », sait que quel que soit le résultat de l’élection la politique mise en œuvre sera la même. La seule différence, c’est que le premier sait que cette politique se fera à son détriment, alors que le second sait que ses intérêts seront défendus. Le premier réagit donc en s’abstenant ou en votant pour des partis « tribuniciens », le second en votant en fonction de problématiques marginales.

Cela semble incongru aujourd’hui d’imaginer qu’il fut un temps où les électeurs étaietn persuadés que le résultat d’une élection pouvait provoquer une rupture. En 1936, la victoire du Front Populaire a été perçue par l’ensemble de la société comme l’effondrement d’un monde et le début d’un autre, et cette rupture a fait tellement peur à certains qu’ils étaient prêts à rompre avec le processus démocratique pour revenir au « monde d’avant ». En 1974 et 1981 la possible victoire de Mitterrand – et la nomination probable de ministres communistes – avait provoqué des convulsions boursières, la mise à l’abri massive de capitaux en Suisse et ailleurs, et la réaction violente de nos « amis » d’outre Atlantique. Le consensus, toutes classes confondues, était que le résultat d’une élection pouvait changer radicalement les choses, et cette conviction traduisait le pouvoir qu’on attribuait au politique sur le réel.

Quinze ans plus tard, tout avait changé : en 1997, l’élection de Jospin et la nomination de quatre ministres communistes ne faisaient plus peur à personne. Normal : en 1936, en 1974 et même en 1981 on pouvait croire encore que le poids des couches populaires pouvait être suffisant pour imposer des changements importants. En 1997 on avait bien compris que la domination du « bloc dominant » intégrant la bourgeoisie et les « classes moyennes » sur le champ politique était complète. Gayssot, Buffet, mais aussi Mélenchon ne présentaient aucun danger, et ne parlons même pas des écologistes…

Formellement, le processus électoral d’aujourd’hui ressemble beaucoup à celui des années 1960. Mais son sens a changé radicalement. Dans les années 1960 et 70, il y avait un véritable choix entre des projets différents portés par des personnalités qui avaient vraiment l’intention de les mettre en œuvre. C’était vrai au plan national, c’était vrai au plan local ou le « communisme municipal » était bien différent du « socialisme municipal » ou du « gaullisme municipal ». Aujourd’hui, l’élection consiste en un jeu de massacre ou l’on finit par voter le « moins mauvais » sachant très bien que les différences sont cosmétiques et que les politiques qui s’ensuivront seront plus ou moins les mêmes quel que soit le candidat choisi, au-delà d’un habillage plus ou moins habile destiné à faire croire à une différence. Avec une hypocrisie qui frise quelquefois l’inconscience : on voit aujourd’hui un Olivier Faure, nouvellement élu premier secrétaire du Parti socialiste, se joindre à une manifestation qui rejette une politique initiée par le gouvernement que son parti et lui-même personnellement soutenaient il y a seulement un an. Et lorsqu’il est conspué par les manifestants, il trouve cela « scandaleux »…

Rien n’illustre mieux cette absence de choix réel que les différents référendums organisés sur les traités européens. A chaque fois, on a vu le monde politique faire des pieds et des mains pour contourner le vote populaire, que ce soit en faisant revoter le peuple autant de fois que nécessaire jusqu’à obtenir la réponse voulue comme ce fut le cas en Irlande en 1992, ou en faisant rentrer par la porte ce qui avait été rejette par la fenêtre, comme ce fut le cas après le rejet du « traité constitutionnel » en 2005.

Et pour couronner le tout, il faut compter avec le fonctionnement des institutions européennes. Un fonctionnement qu’on pourrait qualifier de « faustien ». Les Mefistofélès de la Commission proposent ainsi aux gouvernements de chacun des pays membres mondes et merveilles en échange d’une petite signature au bas d’un papier. Un papier qui engage le pays à privatiser ses services publics, par exemple. Mais attention, pas tout de suite. Non, l’engagement ne prendra force que dans cinq, dix, vingt ans. Le politicien qui signe n’aura donc pas à assumer les conséquences de sa signature : ce seront ses successeurs qui paieront avec leur âme l’engagement de leur prédécesseur, en expliquant au peuple que la privatisation est « inéluctable ». Successeurs qui auront beau jeu d’invoquer les « contraintes européens » le jour où il faudra se justifier devant l’opinion. Par ce mécanisme pervers, des gouvernements « de gauche » se trouvent à exécuter des engagements pris par des gouvernements « de droite » et vice-versa. Comment dans ces conditions une élection pourrait changer quelque chose ?

Tous les soi-disant débats sur « le rôle du Parlement », le système électoral, la parité en politique ou la « démocratie participative » sont des attrapes-couillon, qui ne servent qu’à déguiser l’impuissance voulue et organisée du politique. A rien ne sert de discuter qui et comment prend les décisions dès lors qu’il ne reste plus de décision à prendre, et que le système politique n’est là que pour faire avaler aux citoyens une bouillie déjà choisie par ailleurs. On attribue trop souvent le rejet de la politique par nos concitoyens à la corruption, aux privilèges et autres petits arrangements des élus, à l’opacité du fonctionnement de l’Etat, à la faible place faite aux femmes et aux minorités diverses. Ce sont là des balivernes : il y a un demi-siècle la corruption, les privilèges, les arrangements étaient monnaie courante, bien plus qu’aujourd’hui. L’Etat était bien plus secret, et la « diversité » n’intéressait personne. Et pourtant, cela n’empêchait pas l’existence de partis politiques de masse et un débat politique acharné. Non, si nos concitoyens s’éloignent de la chose politique, c’est parce qu’aujourd’hui s’engager en politique ne sert à rien. Ce n’est pas là que ça se décide : être ministre aujourd’hui, cela consiste essentiellement à se déculotter devant un commissaire européen – que personne n’a élu et qui ira plus tard pantoufler dans une grande entreprise qu’il est censé contrôler sans que personne ne trouve à redire – ou à se faire cracher dessus par des ONG qui font la pluie et le beau temps dans leur domaine, tout en faisant proclamant « qu’on n’a pas le choix ». Greenpeace a plus d’influence aujourd’hui sur la politique nucléaire que le ministre de l’énergie. Et ce n’est pas d’aujourd’hui que cela date : lorsqu’un homme d’Etat de la taille de Philippe Séguin constate que son combat ne conduit à rien et préfère quitter la politique pour retourner à une fonction administrative, il faut se poser des questions. Et si Séguin est un précurseur, bien d’autres ont fait la même chose depuis, et d’une manière bien moins honorable. Je ne donnerai pas de noms pour ne pas faire de jaloux, mais combien de quadras fringants ayant devant eux une belle carrière politique ont décidé qu’il valait mieux faire fructifier leurs carnets d’adresses dans le privé plutôt que de poursuivre un combat civique ?

L’apolitisme à la Macron – qui est la version française de la « Grande Coalition » à l’allemande sans l’hypocrisie de cette dernière – ne fait que formaliser un état de fait. Gauche et droite n’existent plus. Les hommes qui jusqu’à hier portaient « les idéaux de gauche » et ceux qui non moins sincèrement jusqu’à hier défendaient « les valeurs de la droite » peuvent se retrouver tous les mercredis en Conseil des ministres, autour de la même table, pour mettre en œuvre collectivement la même politique, qui est dans la droite ligne – quelle coïncidence, n’est-ce pas ? – de celles qu’ils ont conduit depuis trente ans en faisant semblant de s’opposer. La question est donc : entre leur unité d’aujourd’hui et leur opposition d’hier, laquelle des deux est un simulacre ?

Ce que nous avons devant nous est la fin de la politique par la négation même des différences politiques. A quoi peut bien servir le débat sur le gouvernement de la cité du moment que – au moins sur les points fondamentaux qui déterminent l’avenir – il n’existe qu’une seule solution « rationnelle » ? Dans ces conditions, point n’est besoin de discussion raisonnée, de convaincre ou d’arriver à des compromis, puisqu’il n’y a qu’une « bonne » politique et qu’elle s’impose comme une évidence. Le mépris macronien pour le Parlement, et d’une manière générale pour les processus de concertation et de délibération collective qui ne sont à ses yeux que des sources de retard inutile dans l’application de la « bonne » politique, est inhérent à cette vision « apolitique ». Comme l’est cette idée que les médias nous vendent sans vergogne des « initiatives de terrain », résultat de la volonté individuelle de telle ou telle personne censée faire le bonheur des autres à leur place est souvent sans les consulter.

Mais il serait injuste de reprocher à l’homme Macron d’être le créateur de la vague alors qu’il ne fait que surfer dessus. Et il n’est pas le seul : on trouve ce même mépris de la politique entendu comme processus formel de délibération collective sur les choix à mettre en œuvre chez Mélenchon. Là aussi la « bonne » politique est une évidence. Mélenchon l’a même théorisé par écrit : Hors de question dans son mouvement de voir des opinions différentes se confronter, leurs partisans se compter. Cela ne ferait que créer de la division. Et là encore les « initiatives de terrain » sont supposées remplacer l’action proprement politique, c’est-à-dire, fruit d’un compromis entre des individus pensants. Parce que là où les individus pensent, on n’est jamais à 100% d’accord. Une telle unanimité n’est atteignable que si la réflexion n’est le fait que d’un seul.

Cette vision « apolitique » n’est pas nouvelle. Elle a des précédents et ils ne sont pas très reluisants. On les retrouve dans l’holisme de l’extrême droite de l’entre-deux guerres, qui dénonçait la démocratie et les partis politiques comme attentant contre « l’unité du peuple ». C’est ce rêve holistique – qui revient à nier la diversité des intérêts et des opinions dans la société – qui fit le lit du pétainisme (souvenez-vous des « mensonges qui nous ont fait tant de mal » opposés à « la terre qui elle ne ment pas »…). C’est la reconnaissance d’une diversité irréductible qui marque la rupture d’un De Gaulle avec sa matrice originelle, celle de la droite conservatrice, et qui explique pourquoi la dérive autoritaire du gaullisme est restée contrôlée. De Gaulle n’aimait pas les partis, mais il n’a jamais songé à les abolir ou à leur substituer une gouvernance fondée sur une logique purement technicienne, tout simplement parce qu’il reconnaissait le primat du politique. Macron tout comme Mélenchon n’ont pas cette intelligence : pour l’un comme pour l’autre, dans la société idéale il n’y aurait pas de partis, pas de divisions, rien qu’un peuple uni. Et uni derrière son chef, cela va sans dire.

Le discours sur la « diversité » cache en fait un formidable conformisme. On célèbre la diversité des ethnies, des origines, des cultures alors qu’on cherche à réprimer toute diversité dans les idées, dans les projets, dans les visions. Tout ce qui s’écarte de la bienpensance libérale-libertaire est hérésie et traitée comme telle. Ceux-là mêmes qui chassent la plus petite discrimination y compris dans les plus petits recoins comme par exemple la discrimination des obèses – pardon, des « personnes victimes d’un handicap pondéral » – trouvent parfaitement normal qu’on discrimine – et même qu’on réduise au silence –  ceux qui prétendent exprimer des idées qui ne leur agréent pas. Et je ne vous parle pas d’idées extrémistes appelant au meurtre : souvenez-vous de l’agression dont fut victime Alain Finkielkraut lors de sa visite à la Place de la République pendant le phénomène « Nuits debout ». C’est ce conformisme qui tue la politique en cantonnant le « débat » aux marottes d’une poignée de communicants qui s’imaginent faire de la politique (1). Dans un pays qui compte  cinq millions de chômeurs, une industrie qui se meurt, des hôpitaux en crise, des services publics ravagés par les privatisations et des institutions ravagées par l’amateurisme des réformes, les intellectuels censés éclairer la société croisent le fer sur le phénomène « #balancetonporc » ou sur l’opportunité d’interdire les « fake news » tandis que les médias « militants » font leur une sur la mise en examen de Nicolas Sarkozy, mise en examen qui, quelle que soit son issue judiciaire n’aura aucun effet réel si ce n’est de donner une satisfaction morale à ceux qui n’ont jamais pu supporter l’homme (2).

Ces trente dernières années, avec ses fausses alternances et sa vraie continuité dans des politiques toujours plus antipopulaires ont fait cet étrange équilibre dans lequel nous sommes. Un électorat devenu cynique à force de voir ses espoirs déçus et ses engagements trahis se désintéresse de la politique – la vraie – et ne participe qu’en suivant ses émotions. On ne vote plus un projet, on vote – et de plus en plus on s’abstient – avec la conviction que puisque tout ça ne change rien, autant se faire plaisir en « sortant les sortants » ou en votant celui qui a une belle gueule sachant qu’on aura à la contempler dans les mairies et au fenestron pendant cinq ans. C’est en ce sens que Mélenchon se trompe : il s’imagine que dans le « qu’ils s’en aillent tous » il y a un projet politique alternatif alors que c’est tout le contraire : cette expression témoigne de la conviction que puisqu’il n’y a pas d’alternative, le vote ne sert plus qu’à « punir » ceux qui ont provoqué notre malheur.

 

Descartes

 

 

(1) Ce n’est à mon avis pas un hasard si la « rénovation » du personnel politique voulue par Macron se traduit par l’arrivée d’un grand nombre d’élus venus du monde de la communication. L’effet est aussi visible chez l’autre égo-politique : dans l’équipe de Mélenchon, la communicante Sophie Chikirou est devenu – et de loin –  le personnage le plus influent, celui qui a l’oreille du Chef.

(2) Il faut en effet une grande dose d’ingénuité pour imaginer qu’une éventuelle peine de prison, même ferme, aurait dans ce cas un effet dissuasif. Pour quiconque a la passion de la politique, cinq ans à la présidence de la République valent bien toutes les condamnations du monde. Si demain on m’offrait cinq ans à l’Elysée suivi de cinq ans à Fresnes, je signe sans hésiter.

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351 réponses à Bien comprendre le “dégagisme”

  1. Un Belge dit :

    [mais les résultats des élections italiennes, après ceux des derniers scrutins américains, français, autrichien, néerlandais, BELGES, espagnols et allemands montrent que quelque chose a changé. ]

    Je ne vois pas trop à quoi vous faites référence en Belgique, nous n’avons plus eu d’élections depuis 2014. A moins que vous ne vous basiez sur les sondages récents qui prédisent une percée de l’extrême gauche ?

    [Et si Séguin est un précurseur, bien d’autres ont fait la même chose depuis, et d’une manière bien PLUS honorable. Je ne donnerai pas de noms pour ne pas faire de jaloux, mais combien de quadras fringants ayant devant eux une belle carrière politique ont décidé qu’il valait mieux faire fructifier leurs carnets d’adresses dans le privé plutôt que de poursuivre un combat civique ?]

    A moins que je ne vous aie très mal compris, vous vouliez sans doute dire “moins honorable”.

    Sinon, globalement d’accord avec le billet; même si je suis trop jeune pour réussir à imaginer un monde où la politique a réellement un impact. Pourtant, certains y croient (je lis régulièrement des écologistes radicaux dont les fans croient sincèrement pouvoir faire voter une interdiction de la publicité et l’abolition de dettes), mais c’est sans doute parcequ’il s’est écoulé assez de temps depuis les premiers renoncements pour que les nouvelles générations croient que c’est l’absence de victoires des radicaux qui bloque tout.

    Par contre, je n’arrive pas à expliquer cette problématique en dehors de l’UE. Qu’est-ce qui provoque dans le monde le même dégagisme ? Est-ce que les turpitudes américaines relevent exclusivement de leurs particulairtés intérieures, ou y a-t-il une tendance mondiale explicable ?

    • Descartes dit :

      @ Un Belge

      [Je ne vois pas trop à quoi vous faites référence en Belgique, nous n’avons plus eu d’élections depuis 2014. A moins que vous ne vous basiez sur les sondages récents qui prédisent une percée de l’extrême gauche ?]

      En fait, je faisais référence aux élections de 2014 qui ont atomisé le spectre politique et ouvert une longue période pendant laquelle la formation d’un gouvernement conforme au verdict des électeurs a été impossible, laissant en place un gouvernement dont le seul mandat était de gérer les affaires courantes. Il me paraît clair que ce résultat implique de la part des électeurs – mais aussi des élites politiques – la conviction qu’une telle situation est acceptable, ce qui implicitement revient à admettre que le gouvernement n’a d’autre utilité que de « gérer les affaires courantes ». A la limite, on pourrait se passer des élections et laisser le gouvernement en place se perpétuer indéfiniment. Puisqu’il ne fait que gérer les affaires courantes, où est le problème ?

      [A moins que je ne vous aie très mal compris, vous vouliez sans doute dire “moins honorable”.]

      Vous avez bien compris, et c’est ma plume qui a fourché. L’erreur a été corrigée…

      [Par contre, je n’arrive pas à expliquer cette problématique en dehors de l’UE. Qu’est-ce qui provoque dans le monde le même dégagisme ? Est-ce que les turpitudes américaines relèvent exclusivement de leurs particularités intérieures, ou y a-t-il une tendance mondiale explicable ?]

      Je note que s’il y a bien un mouvement général dans ce sens, il est particulièrement puissant dans les sociétés ou les « classes moyennes » sont développées et puissantes, ce qui d’ailleurs me pousse comme je l’écris dans mon papier à y voir dans cette prédominance des « classes moyennes » un élément explicatif puissant. Mais il faut aussi tenir compte du phénomène de mondialisation, qui touche en plus ou moins grande mesure toutes les économies depuis trente ans. En modifiant le rapport de forces radicalement au détriment des couches populaires, il a fait que sur une très longue période ces couches sont allées de défaite en défaite. C’est cette suite de défaites qui a donné à la « pédagogie de la résignation » un fondement solide.

      C’est je crois là un élément très important de la réflexion. Il ne faut pas céder à la tentation du machiavélisme, de croire que les dirigeants socialistes, communistes mais aussi de droite qui ont participé au gouvernement ces trente dernières années font partie d’une sorte de conspiration pour dire une chose au peuple et faire le contraire. Je veux bien admettre que bien de ces dirigeants soient arrivés au pouvoir avec les meilleures intentions du monde. Seulement, arrivés au pouvoir, ils se sont trouvés pris dans un rapport de force qui les conduisait vers certaines politiques. Et il leur aurait fallu beaucoup d’intelligence et de courage pour aller à contre-courant. Tout le monde n’est pas De Gaulle.

      C’est ce mécanisme qui explique que tout ce beau monde à de très bonnes idées… quand il est dans l’opposition.

    • Un Belge dit :

      @Descartes

      [En fait, je faisais référence aux élections de 2014 qui ont atomisé le spectre politique et ouvert une longue période pendant laquelle la formation d’un gouvernement conforme au verdict des électeurs a été impossible, laissant en place un gouvernement dont le seul mandat était de gérer les affaires courantes. Il me paraît clair que ce résultat implique de la part des électeurs – mais aussi des élites politiques – la conviction qu’une telle situation est acceptable, ce qui implicitement revient à admettre que le gouvernement n’a d’autre utilité que de « gérer les affaires courantes ». A la limite, on pourrait se passer des élections et laisser le gouvernement en place se perpétuer indéfiniment. Puisqu’il ne fait que gérer les affaires courantes, où est le problème ?]

      Vous ne parlez pas plutot de la crise de 2010-2011 ? En 2014, il n’a fallu “que” 5 mois pour former un gouvernement, le seul obstacle étant que personne en Wallonie ne voulait gouverner avec la NVA. Mais le gouvernement issu de 2014, à défaut d’un mandat clair (les joies de la proportionnelle), est résolument libéral, et pas exactement passif.
      Par contre, je pense en effet que depuis 2010-2011, l’idée qu’un gouvernement ne gère que les affaires courantes a fait son chemin. Je me souviens qu’à l’époque, une blague disait que la Belgique avait relativement peu souffert de la crise parceque nous n’avions pas de gouvernement pour l’amplifier 😉
      (Ce qui traduit effectivement une faible foi en la politique)

    • Descartes dit :

      @ Un Belge

      [Vous ne parlez pas plutot de la crise de 2010-2011 ? En 2014, il n’a fallu “que” 5 mois pour former un gouvernement,]

      Je suis confus. Voilà ce qui arrive quand on ne vérifie pas ses dates et qu’on écrit purement de mémoire. Oui, je parlais bien de la crise de 2010-11. Mais celle de 2014 illustre aussi – même si c’est moins dramatique – mon point. Les électeurs belges tout comme leurs élites politiques ont accepté sans problème l’idée que la formation d’un gouvernement n’a rien d’urgent, qu’on peut se donner cinq mois pour trouver un compromis.

  2. d'Aubrac dit :

    “Et si Séguin est un précurseur, bien d’autres ont fait la même chose depuis, et d’une manière bien plus honorable.”

    La logique me fait lire “et d’une manière bien moins honorable”.

  3. @Descartes
    “Macron tout comme Mélenchon n’ont pas cette intelligence : pour l’un comme pour l’autre, dans la société idéale il n’y aurait pas de partis, pas de divisions, rien qu’un peuple uni.”

    On pourrait parler d’un primat de l’imaginaire politique sur la réalité -pénible car nécessairement conflictuelle- du politique:
    “Tandis que l’expérience réelle du politique consiste dans la confrontation des identités des acteurs, et, par conséquent, dans leur construction, dans leur élaboration, et, donc, dans leur opposition, la dimension imaginaire du politique consiste justement dans la neutralisation des oppositions entre les identités des acteurs. La politique imaginaire repose sur la disparition des confrontations dans le rêve irréel d’une politique unificatrice. Maurice Duverger désigne par le concept d’âge d’or un temps irréel dans lequel la confrontation cesserait pour laisser la place au règne d’une intégration totale: c’est bien dire que le temps réel du fait politique est bien celui de la confrontation. Dans les deux faces du “Janus” que constitue la politique pour cet auteur, la confrontation et l’intégration, l’une, finalement, est la face du réel et l’autre celle de l’imaginaire. Le réel du politique est la confrontation des identités, tandis que son imaginaire est l’utopie de l’intégration dans une identité commune partagée.” (Bernard Lamizet, L’imaginaire politique, Lavoisier, coll. Forme et sens, 2012, 349 pages, p.18)

    De quoi méditer la volonté de “mettre l’imagination au pouvoir”.

    Dans les antécédents du rêve de la société non-conflictuelle, vous auriez pu ajouter de grands auteurs, depuis la cité platonicienne jusqu’au socialisme saint-simonien et utopique (Marx inclus, qui reprend l’idée saint-simonienne de l’extinction de la politique au profit de la pure “administration des choses”), en passant par Rousseau et le thème jacobin de l’extirpation des “factions”…

    A l’autre bout du spectre on trouve des penseurs pour lesquels la conflictualité est une richesse car source de dynamisme: les démocrates grecs, Héraclite, Cicéron, Machiavel et les machiavéliens modernes (Pareto, R. Michels, Gramsci et Gobetti, Aron et J. Freund…) -ou même Chantal Mouffe, qui tient aujourd’hui des meetings aux côtés de Mélenchon mais se plaignait déjà de l’indifférenciation politique il y a 16 ans: https://www.cairn.info/revue-du-mauss-2002-2-page-178.htm#s1n4

    • Descartes dit :

      @ Johnathan R. Razorback

      [« Macron tout comme Mélenchon n’ont pas cette intelligence : pour l’un comme pour l’autre, dans la société idéale il n’y aurait pas de partis, pas de divisions, rien qu’un peuple uni. ». On pourrait parler d’un primat de l’imaginaire politique sur la réalité -pénible car nécessairement conflictuelle- du politique:]

      Décidément, les grands esprits se rencontrent. En écrivant mon papier j’étais aussi tombé sur cette question, au point que je comptais prendre la citation suivante en ouverture de mon article : « George Orwell once remarked that political thought, especially on the left, is a sort of masturbation fantasy in which the world of fact hardly matters. That’s true, unfortunately, and it’s part of the reason that our society lacks a genuine, responsible, serious left-wing movement. » (« George Orwell remarquait que la pensée politique, particulièrement celle de la gauche, était une espèce de fantaisie masturbatoire dans laquelle l’univers factuel n’a aucune espèce d’importance. Cela est malheureusement vrai, et c’est en partie la raison pour laquelle notre société n’a pas un mouvement de gauche qui soit authentique, responsable et sérieux », Noam Chomsky, ‘The Politization of the University’, in Radical Priorities, Montréal, 1984, p. 200)

      Finalement, j’ai laissé cette problématique de côté pour le prochain article. Mais je suis d’accord avec vous sur le fait que les questions sont liées. Se placer dans une logique qui privilégie l’imaginaire au réel, qui fait primer le « royaume de la liberté » sur celui de la « nécessité » revient à abdiquer dès le départ de toute prise sur le réel. Marx, déjà, dénonçait ce travers des socialistes utopistes…

      [De quoi méditer la volonté de “mettre l’imagination au pouvoir”.]

      Mais qui a jamais eu la volonté de « mettre l’imagination au pouvoir » ? Je pense que ce n’est pas par hasard si mai 68 a construit tellement de slogans sur des paradoxes. Car « l’imagination au pouvoir » est un paradoxe, au même titre que « interdit d’interdire ». Le pouvoir – c’est-à-dire, pour prendre une définition simple, la capacité d’une entité de traduire sa volonté en acte – est par essence du domaine de l’action sur le réel, et non de l’imaginaire. Ceux qui ont conçu ces slogans n’ont jamais imaginé qu’ils puissent être le fondement d’une véritable politique. Mai 1968 prépare la disjonction entre pensée politique et réalité.

      [Dans les antécédents du rêve de la société non-conflictuelle, vous auriez pu ajouter de grands auteurs, depuis la cité platonicienne jusqu’au socialisme saint-simonien et utopique (Marx inclus, qui reprend l’idée saint-simonienne de l’extinction de la politique au profit de la pure “administration des choses”), en passant par Rousseau et le thème jacobin de l’extirpation des “factions”…]

      Bien entendu, l’extinction des conflits est un très vieux rêve. Mais je pense qu’il faut distinguer deux lignes de pensée. Il y a ceux qui pensent que cette extinction est possible, et ceux qui le signalent comme un idéal désirable mais inatteignable. Lorsque Marx, par exemple, reprend l’idée d’une extinction du politique – implicite dans l’idée d’effacement de l’Etat – il la situe dans un futur lointain et en grande partie indéfini, celui du communisme. Pour lui, cette perspective est un peu celle du physicien qui pense l’état d’entropie maximal : un état que la physique prédit, mais qui se situe dans un futur qui nous est impensable – entre autres choses parce que nous ne pourrions pas y vivre.

      Pour une raison similaire, vous faites je pense erreur lorsque vous attribuez à ce mode de pensée la volonté jacobine « d’extirper les factions ». Le volonté unanimiste des jacobins se manifeste dans un contexte très particulier, qui est celui de la guerre extérieure qui exige la mobilisation de toutes les volontés, et qui ne peut pas tolérer que certains rament dans le sens inverse. Mais je ne pense pas que les jacobins aient conçu ce type de fonctionnement comme applicable en général à la société une fois la paix revenue. Dans l’analyse du discours jacobin, il faut en permanence tenir compte de cette dichotomie. Ainsi, par exemple, le Robespierre qui s’oppose à la peine de mort dans une société paisible y a recours massivement dès lors que « la Patrie est en danger ». Il n’y a pas là une contradiction, mais la simple application du principe « salus populo… ».

      Si l’on se réfère aux modernes, c’est probablement chez les illuministes qu’on trouve le plus fortement l’idée que la conflictualité peut être effacée de la société. Ce n’est pas surprenant : dès lors qu’on imagine une société exclusivement gouvernée par la Raison, et qui plus est par une Raison universelle détachable de tout intérêt, on tombe fatalement dans l’utopie technocratique dont le saint-simonisme est la version la plus achevée. Il faudra l’arrivée des matérialistes pour comprendre qu’il n’y a pas une Raison, mais des raisons… pour reprendre la formule magistrale de Jean Renoir.

      [A l’autre bout du spectre on trouve des penseurs pour lesquels la conflictualité est une richesse car source de dynamisme: les démocrates grecs, Héraclite, Cicéron, Machiavel et les machiavéliens modernes (Pareto, R. Michels, Gramsci et Gobetti, Aron et J. Freund…) -ou même Chantal Mouffe,]

      Je sais que vous n’aimez pas Marx, et que vous aimez essayer de me mettre en contradiction avec lui. Mais dans ce cas, il est assez évident que Marx devrait figurer dans cde groupe. Après tout, n’est-ce pas lui qui a dit que « la lutte des classes est le moteur de l’Histoire » ? Difficile de prendre une position plus claire faisant de la conflictualité une richesse et une source de dynamisme…

  4. Luc dit :

    Merci,cher Descartes,une fois de plus,pour ce texte,qui nous stimule.
    Pour aller à l’essentiel,je n’évoquerai pas,votre marotte,ici presque outrancière,du tropisme présidentialiste farouchement Sarkophille.
    Non,mon point est de mettre en éviddnce l’attitude trés politkque de Macron.
    Car sur quelle analyse se base l’optimisme de Macron,vis à vis du conflit,à la SNCF ?
    Contrairement à 1995,où Chirac était pawsé d’une position anti fracture sociale,à sa cynique trahison que fut le plan,Juppé.
    en 2018,Macron se sent légitime.

    Son élection,s’est faite sur un programme libéral.
    Or moi en votant Macron,j’ai voté contre Lepen,pas pour Macron ,contrairement à vous ,me semble t il ?
    Peut être auriez vous voter Sarkozy,si vous en aviez eu la possibilité ?

    • Descartes dit :

      @ Luc

      [Pour aller à l’essentiel, je n’évoquerai pas votre marotte, ici presque outrancière, du tropisme présidentialiste farouchement Sarkophille.]

      Ce n’est ni un tropisme, ni une marotte. Notre histoire nous a permis de constater que notre peuple s’accommode très difficilement d’un régime d’assemblée à l’exécutif faible. Et il a à mon avis raison : pour moi, l’essence de la démocratie est la responsabilité. Le peuple élit des représentants pour le gouverner, et peut en retour sanctionner leur responsabilité pour les politiques qu’ils ont mis en œuvre. Mais on ne peut pas être considéré responsable de ce qu’on ne contrôle pas. Pour que le dirigeant soit responsable il faut que le pouvoir qui lui est conféré soit réel et stable. Comment un gouvernement qui siège avec l’épée de Damoclès d’un vote négatif dans la chambre et qui ne dure que quelques mois pourrait être considéré « responsable » des politiques qu’il met en œuvre, politiques qu’il a hérité en général du gouvernement précédent et qu’il n’a ni le temps, ni le pouvoir de changer ? On a vu ce que cela a donné de laisser un régime d’Assemblée gérer la décolonisation…

      Le régime que vous appelez « présidentialiste » a su conjuguer un contrôle démocratique par une assemblée élue et un exécutif fort capable de conduire des politiques sur la durée. Que proposeriez-vous de mettre à la place ?

      Quant à ma supposée « sarkophilie », je m’en suis expliqué dix fois. Oui, j’ai voté pour lui en 2007 parce que j’ai pensé que l’élection de Ségolène Royal aurait été une catastrophe. Et je ne regrette en rien mon vote. Par ailleurs je trouve le personnage de Sarkozy intéressant, infiniment plus intéressant que celui d’un Hollande ou d’un Macron. Demandez-vous lesquels de nos présidents auraient osé proposer que la lettre d’un militant communiste fusillé par les nazis soit lue dans les écoles…

      [Car sur quelle analyse se base l’optimisme de Macron vis à vis du conflit à la SNCF ? Contrairement à 1995, où Chirac était passé d’une position anti fracture social à sa cynique trahison que fut le plan Juppé, en 2018,Macron se sent légitime.]

      Je ne pense pas que ce soit une question de « légitimité ». Macron sait surtout qu’entre 1995 et 2018 un quart de siècle est passé. Un quart de siècle pointé par le quinquennat de la « gauche plurielle » et celui de Hollande. Si les gens pouvaient croire en 1995 qu’une autre politique était possible, ils sont beaucoup moins nombreux à le croire aujourd’hui. Sans compter que la réforme de la SNCF est bien « inéluctable » sauf à sortir des traités européens. Les conditions pour un appel à la résignation sont réunies aujourd’hui, alors qu’elles ne l’étaient pas en 1995.

      [Or moi en votant Macron j’ai voté contre Lepen pas pour Macron,]

      Fallait réfléchir avant.

      [Peut être auriez-vous voter Sarkozy, si vous en aviez eu la possibilité ?]

      Entre Macron et Sarkozy, j’aurais certainement voté pour ce dernier.

  5. BJ dit :

    [Si demain on m’offrait cinq ans à l’Elysée suivi de cinq ans à Fresnes, je signe sans hésiter.]

    Boutade, je suppose ?

    • Descartes dit :

      @ BJ

      [Boutade, je suppose ?]

      Absolument pas. J’insiste régulièrement sur ce blog sur l’idée que la politique est par essence tragique. Celui qui veut faire des grandes choses doit s’attendre non seulement à la persécution ou la disgrâce, mais ce qui est quelquefois pire, à l’ingratitude. Les antiques soulignaient déjà que la Roche tarpéienne n’est jamais loin du Capitole, et deux millénaires n’ont rien changé.

    • BJ dit :

      Ok,
      Donc, si on vous “offrait” l’Elysée, vous seriez prêt à faire des choses que la loi condamne.
      Car que je sache, on ne va pas à Fresnes pour des décisions prises dans le cadre de la loi (constitution), même si elles devaient conduire le pays à la ruine…

    • Descartes dit :

      @ BJ

      [Donc, si on vous “offrait” l’Elysée, vous seriez prêt à faire des choses que la loi condamne.]

      Bien entendu. J’irais même plus loin : je pense qu’on ne devrait jamais confier la présidence de la République à une personne qui répondrait « non » à cette question.

      Nous revenons encore une fois à une question fondamentale, celle du tragique en politique. Ah, que le monde serait simple s’il suffisait de suivre les règles pour faire son devoir… mais malheureusement, ce n’est pas le cas. L’homme politique – et c’est d’autant plus vrai qu’il monte plus haut – est confronté à des choix où il est tout simplement impossible de concilier le salut du peuple, le « salus populo », avec la morale ou la légalité.

      Imaginons que j’aie demain la possibilité d’accéder à l’Elysée, et dans la foulée de sortir de l’Euro, de reconstruire notre école, de relancer notre industrie, d’assimiler les immigrés bref, de réaliser un projet politique que je juge ambitieux et nécessaire. Et tout ce que j’ai à faire pour cela, c’est d’accepter un chèque – totalement illégal, bien entendu – de Kadhafi pour financer ma campagne. A votre place, que feriez-vous ? Préféreriez-vous hypothéquer l’avenir du peuple français plutôt que de vous salir les mains ? Je ne pense pas que ce soit là le comportement qu’on attend d’un homme d’Etat.

      Attention, je ne dis pas que le Président doive violer la loi à tort et à travers, ou qu’il ne doive jouir d’une totale impunité lorsqu’il le fait. Mais il n’a qu’un seul juge : le peuple souverain. Un juge qui peut d’ailleurs être injuste, cruel, ingrat et devant lequel il n’y a pas de possibilité d’appel.

    • Antoine dit :

      @Descartes

      > Attention, je ne dis pas que le Président doive violer la loi à tort et à travers, ou qu’il ne doive jouir d’une totale impunité lorsqu’il le fait. Mais il n’a qu’un seul juge : le peuple souverain

      Mettons un candidat qui est élu Président à la faveur de la mort de son rival. Quelques années plus tard, après la fin de son mandat, on découvre que c’est lui qui avait commandité la mort de son rival… Faut-il omettre de le poursuivre, au motif que le peuple souverain est seul juge ?

      Maintenant, reprenons la même situation : un candidat élimine physiquement son rival, ce que l’on ne découvre que quelques années plus tard. Cependant, ce n’est pas lui qui est élu Président, mais un troisième larron. Le commanditaire doit-il être jugé ? Notons que, dans les deux cas, le meurtre a eu lieu *avant* l’élection… pourquoi le statut de Président acquis plus tard doit-il faire une différence ?

    • Descartes dit :

      @ Antoine

      [Mettons un candidat qui est élu Président à la faveur de la mort de son rival. Quelques années plus tard, après la fin de son mandat, on découvre que c’est lui qui avait commandité la mort de son rival… Faut-il omettre de le poursuivre, au motif que le peuple souverain est seul juge ?]

      Bien sûr que non. La justice doit passer. Mais encore une fois, je ne crois pas que ces poursuites soient de nature à dissuader un homme d’Etat. Parce qu’un véritable homme d’Etat met son pays avant tout, y compris sa propre liberté.

      J’ajoute que lorsque De Gaulle était à Alger, les deux hommes sur lesquels les américains comptaient pour lui barrer la route et mettre en place en France un gouvernement plus docile – et moins proche des communistes – ont été assassinés ou presque opportunément. Le 24 décembre 1942 Darlan est assassiné par Pierre Bonnier de la Chapelle, qui sera lui-même jugé et exécuté de manière expéditive (il sera réhabilité par la justice en 1945 pour « avoir agi dans l’intérêt de la libération de la France », on ne rigole pas). Le général Giraud est l’objet d’une tentative d’assassinat le 28 aout 1944. L’un des tirailleurs marocains affecté à sa garde tire sur lui. Il en réchappe par miracle. Là encore, le tireur est sommairement exécuté.

      Pensez-vous que si l’on découvrait aujourd’hui que l’assassinat de Darlan a été perpétré à la demande de De Gaulle cela changerait quelque chose ? Pensez-vous que De Gaulle, s’il avait été convaincu qu’il y allait de l’intérêt de la France, aurait renoncé à le faire assassiner par peur des poursuites judiciaires ?

      [pourquoi le statut de Président acquis plus tard doit-il faire une différence ?]

      Je ne pense pas que le statut de président doive faire la moindre différence.

  6. @Descartes

    « Lorsque Marx, par exemple, reprend l’idée d’une extinction du politique – implicite dans l’idée d’effacement de l’Etat – il la situe dans un futur lointain. »

    Je ne suis pas d’accord. Chaque génération de révolutionnaires a eu tendance à croire que la lutte finale était proche. En 1848 le communisme était « le spectre qui hante l’Europe ». En publiant le tome 1 du Capital, Marx annonçait que l’issue de la lutte des classes « ne fait pas de doute ». Puis nous eûmes L’impérialisme, stade suprême du capitalisme. Rosa Luxembourg écrivant ses derniers textes était convaincue que l’écrasement de l’insurrection de Berlin n’était qu’un prélude. Au lendemain de la crise de 1929, Boris Souvarine écrivait que « le régime bourgeois n’en a que pour quelques semaines ». Etc., etc.

    La disparition du politique s’inscrit dans cette vision utopique : « La grande difficulté du marxisme réside dans le fait que, tout en affirmant théoriquement que seule la fin de l’aliénation économique abolira le politique, il s’est engagé dans la voie révolutionnaire, pensant pouvoir supprimer le politique par les voies du politique. D’où les nombreuses contradictions d’une théorie qui affirme pouvoir les résoudre toutes. » (Julien Freund, L’Essence du politique, 1965, p.68)

    « Notre objet n’est pas de discuter sur le mode de production communiste, mais laisse moi te dire que cette notion se dégage mal des enfantillages de la pensée utopique. Je veux dire que le communisme comme fin de l’histoire, c’est encore une idée non matérialiste et non dialectique. A entendre comme une idée de la raison pure marxiste. Dans la mesure où elle suppose la fin de la rareté, la disparition de l’Etat, la fin de la division du travail manuel et intellectuel, c’est évidemment ce qu’on appelle une utopie. C’est d’ailleurs pourquoi Marx l’a reprise telle quelle des utopistes et n’a jamais réfléchi dessus sérieusement. C’est aussi pourquoi tout ce qu’annonce la mode de production communiste, c’est l’horizon qui avance avec le marcheur.
    Le dépérissement de l’Etat on sait ce qu’il en est, la fin de la rareté de même. D’ailleurs la rareté en tant que rapport est une donnée permanente de l’histoire : toute rareté est relative, et ce relatif est un absolu en ce sens que l’innovation fabrique sans cesse de la rareté ; la dernière des machines automatisées sera toujours un bien rare par rapport aux générations antérieures, autrement dit, la rareté est constitutive du rapport économique de l’homme aux choses. Par ailleurs, les idées de la disparition du pouvoir, de tout pouvoir séparé de la société, on pourrait facilement démontrer que c’est une idée sans fondement matériel, laissons cela de côté, et revenons donc à la nation.
    Je dis d’ailleurs que l’une des raisons qui démontrent bien le caractère utopique du mode de production communiste, c’est son universalité postulée, autrement dit qu’il postule la disparition des particularités culturelles et nationales. » (Régis Debray, Entretien avec Carlos Rossi, Critique Communiste [revue théorique de la LCR], 1976).

    « Je ne pense pas que les jacobins aient conçu ce type de fonctionnement comme applicable en général à la société une fois la paix revenue. »

    L’idéal jacobin semble tout de peine particulièrement « unanimiste »…

    « Tout homme âgé de vingt et un ans est tenu de déclarer dans le temple quels sont ses amis. Cette déclaration doit être renouvelée, tous les ans, pendant le mois de ventôse.
    Si un homme quitte un ami, il est tenu d’en expliquer les motifs devant le peuple dans les temples, sur l’appel d’un citoyen ou du plus vieux ; s’il le refuse, il est banni. […]
    Si un homme commet un crime, ses amis sont bannis.
    Celui qui dit qu’il ne croit pas à l’amitié, ou qui n’a point d’amis, est banni.
    Un homme convaincu d’ingratitude est banni. » (Saint-Just, Fragments d’institutions républicaines).

    « Il est assez évident que Marx devrait figurer dans ce groupe. »

    Pas vraiment. Il y a politique parce qu’il y a conflictualité, et il y a conflictualité parce qu’il y a rareté et division de la société en classes. Tout cela est du côté de l’aliénation (“Le pouvoir politique, à proprement parler, est le pouvoir organisé d’une classe pour l’oppression d’une autre.” –Manifeste communiste).
    Heureusement, ce n’est qu’une aliénation temporaire, car historique (et l’histoire a une fin). Au terme de l’histoire, le développement des forces productives (qui, selon les textes, remplace la lutte des classes comme « moteur » – « Le moulin à bras vous donnera la société avec le suzerain; le moulin à vapeur, la société avec le capitalisme industriel »-), et le passage au communisme, mode de production supposément plus productif que le capitalisme, permettra d’abolir rareté et existence des classes, et donc le politique qui n’est qu’une réalité contingente et « superstructurale »…

    • Descartes dit :

      @ Johnathan R. Razorback

      [« Lorsque Marx, par exemple, reprend l’idée d’une extinction du politique – implicite dans l’idée d’effacement de l’Etat – il la situe dans un futur lointain. » Je ne suis pas d’accord. Chaque génération de révolutionnaires a eu tendance à croire que la lutte finale était proche.]

      Tout à fait. Mais il y a une différence entre croire que « la lutte finale est proche » et croire que « le résultat final est proche ». Marx – dont la contribution essentielle, on ne le dira jamais assez, n’est pas la préfiguration d’un « communisme » sur lequel il a en fait écrit fort peu, mais l’analyse du capitalisme à laquelle il a consacré l’essentiel de ses écrits – est très prudent sur cette question. Il parle même du communisme comme d’un « processus » et non une organisation sociale déterminée.

      Pour Marx, le « communisme » est l’aboutissement de l’histoire, un peu comme pour le physicien l’est l’état d’entropie maximale. Il correspond à un état d’équilibre idéal où, la lutte des classes ayant disparu, il n’y aura plus d’histoire tout simplement parce qu’elle n’aura plus de moteur. Un tel état ne peut être qu’idéal.

      [En 1848 le communisme était « le spectre qui hante l’Europe ». En publiant le tome 1 du Capital, Marx annonçait que l’issue de la lutte des classes « ne fait pas de doute ».]

      Oui, comme pour le physicien l’état d’entropie maximale « ne fait pas de doute », puisque l’univers est fini et l’entropie de l’univers ne fait qu’augmenter. Ce n’est pas le résultat qui « fait doute », mais l’horizon temporel dans lequel il sera atteint. Or, la question n’est pas anecdotique : nous savons que le soleil s’éteindra un jour, mais du fait que ce jour est très lointain, nous raisonnons toujours comme s’il devait briller à jamais.

      [Puis nous eûmes L’impérialisme, stade suprême du capitalisme. Rosa Luxembourg écrivant ses derniers textes était convaincue que l’écrasement de l’insurrection de Berlin n’était qu’un prélude. Au lendemain de la crise de 1929, Boris Souvarine écrivait que « le régime bourgeois n’en a que pour quelques semaines ». Etc., etc.]

      Je vous invite à faire une distinction, à mon sens vitale, entre Marx et ceux qui, bien après sa mort, se sont réclamés de lui. Luxembourg et Souvarine étaient d’abord des militants révolutionnaires, et comme tout militant étaient persuadé – s’étaient persuadés – qu’ils verraient le fruit de leur labeur. Personne ne milite sans ça. Mais il y a la dynamique militante, et il y a la théorie. Et je persiste : la théorie marxiste n’a jamais promis le « communisme » pour demain.

      [La disparition du politique s’inscrit dans cette vision utopique : « La grande difficulté du marxisme réside dans le fait que, tout en affirmant théoriquement que seule la fin de l’aliénation économique abolira le politique, il s’est engagé dans la voie révolutionnaire, pensant pouvoir supprimer le politique par les voies du politique. D’où les nombreuses contradictions d’une théorie qui affirme pouvoir les résoudre toutes. » (Julien Freund, L’Essence du politique, 1965, p.68)]

      Je ne me souviens pas que le marxisme ait jamais affirmé « pouvoir résoudre toutes les contradictions ». C’eut été nier l’essence même de la dialectique. Par contre, il est évident qu’il y a une contradiction entre la théorie marxiste et la praxis d’un certain nombre de militants qui se réclament de cette théorie. Mais c’est un autre problème.
      [« Notre objet n’est pas de discuter sur le mode de production communiste, mais laisse moi te dire que cette notion se dégage mal des enfantillages de la pensée utopique. Je veux dire que le communisme comme fin de l’histoire, c’est encore une idée non matérialiste et non dialectique. A entendre comme une idée de la raison pure marxiste. Dans la mesure où elle suppose la fin de la rareté, la disparition de l’Etat, la fin de la division du travail manuel et intellectuel, c’est évidemment ce qu’on appelle une utopie. C’est d’ailleurs pourquoi Marx l’a reprise telle quelle des utopistes et n’a jamais réfléchi dessus sérieusement. »]

      Cette citation que vous empruntez à Debray reflète exactement ce que je vous disais plus haut. Marx n’a pas analysé le mode de production « communiste », tout simplement parce que pour lui le « communisme » est un état idéal, qui n’a aucune réalité. Marx, je le répète, n’est PAS un théoricien du communisme, mais un théoricien du capitalisme.

      [« Je ne pense pas que les jacobins aient conçu ce type de fonctionnement comme applicable en général à la société une fois la paix revenue. » L’idéal jacobin semble tout de peine particulièrement « unanimiste »… (…) (Saint-Just, Fragments d’institutions républicaines).]

      Soyons sérieux : vous citez un texte publié après la mort de Saint-Just, et constitué de notes jetées dans un cahier aujourd’hui conservé à la BNF, qu’il ne semble pas avoir destiné à la publication et qui ne l’ont d’ailleurs été qu’après sa mort. On peut difficilement y voir autre chose qu’une sorte d’utopie sur le modèle de Moore ou de Campanella.

      [« Il est assez évident que Marx devrait figurer dans ce groupe. » Pas vraiment. Il y a politique parce qu’il y a conflictualité, et il y a conflictualité parce qu’il y a rareté et division de la société en classes. Tout cela est du côté de l’aliénation (“Le pouvoir politique, à proprement parler, est le pouvoir organisé d’une classe pour l’oppression d’une autre.” –Manifeste communiste).]

      Et alors ? Affirmer que le pouvoir politique à un moment donné – car le « manifeste » ne prétend pas énoncer une vérité universelle – soit le pouvoir organisé d’une classe (ce qui, à l’époque de Marx, était une réalité empirique) n’implique pas nier que le conflit soit une source de dynamisme… et c’était là le point en discussion.

  7. Jacobin dit :

    Bonjour,
    l’absence de débat qui tue la politique concerne aussi des partis par essence politiques, comme le PCF. J’y ai milité pendant 10 ans. Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il y est impossible d’y faire vivre une diversité d’opinions. Le poids de l’appareil et son conformisme imposent un espèce de “centrisme” dépolitisé, où les désaccords n’existent pas, puisque leur discours est le seul rationnel accepté. Dès que vous le contredisez, soit on vous coupe, littéralement, en vous qualifiant de “stalinien”, soit on sourit pour exprimer le dédain dont vous faites l’objet.
    Le point commun avec le propos de votre article est que la direction du PCF est désormais peuplée de représentants des classes moyennes et que, moyennant quelques trucs sociétaux très “mainstream”, elle en défend les intérêts. Il est d’ailleurs intéressant d’observer que le PCF a désormais des députés dans les endroits où il est le plus “populaire”. Dans les zones où il est incarné par les classes moyennes (e.g. Paris), il ne tient qu’en vertu d’accords électoraux passés avec le PS, et, vu l’état de ce dernier, il ne tardera par à s’y effondrer à son tour.
    En me risquant à une analyse socio-historique, je dirais que mai 68 (d’actualité selon les médias) a signé l’alliance entre la bourgeoisie et la classe moyenne ; à cette époque, le PCF était exclu de ce schéma. Mais alors que le libéralo-libertarisme donne (enfin) des signes de crise, sans toutefois être encore à terre, le PCF se veut plus soixante-huitard que jamais, et son plus fidèle héritier.
    Voilà. Je ne sais pas s’il était pertinent d’évoquer le PCF spécifiquement dans le cadre d’un commentaire à votre article, mais tout ce que vous décrivez s’y retrouve.
    Bien cordialement

    • Descartes dit :

      @ Jacobin

      [l’absence de débat qui tue la politique concerne aussi des partis par essence politiques, comme le PCF. J’y ai milité pendant 10 ans. Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il y est impossible d’y faire vivre une diversité d’opinions. Le poids de l’appareil et son conformisme imposent un espèce de “centrisme” dépolitisé, où les désaccords n’existent pas, puisque leur discours est le seul rationnel accepté. Dès que vous le contredisez, soit on vous coupe, littéralement, en vous qualifiant de “stalinien”, soit on sourit pour exprimer le dédain dont vous faites l’objet.]

      Tout à fait. Le PCF illustre parfaitement la formule de J. L. Barrault : « la dictature c’est ferme ta gueule, la démocratie c’est cause toujours… ». Le PCF « stalinien » était un parti ou le débat était vivant, quelquefois même violent. Les désaccords s’exprimaient, et des gens étaient exclus parce qu’ils ne partageaient pas la ligne majoritaire. On est passé de ce modèle à celui de la fausse tolérance, ou tout le monde peut s’exprimer mais personne n’écoute et in fine la direction fait ce qu’elle veut. Et dans une troisième étape on a vu tomber la chape de plomb d’un « politiquement correct » qui ne laisse aucun espace de débat. Mais si à l’époque « stalinienne » l’ostracisme pouvait résulter d’un désaccord politique, aujourd’hui l’ostracisme est justifié sur une base morale.

      [En me risquant à une analyse socio-historique, je dirais que mai 68 (d’actualité selon les médias) a signé l’alliance entre la bourgeoisie et la classe moyenne ; à cette époque, le PCF était exclu de ce schéma. Mais alors que le libéralo-libertarisme donne (enfin) des signes de crise, sans toutefois être encore à terre, le PCF se veut plus soixante-huitard que jamais, et son plus fidèle héritier.]

      Drôle, n’est ce pas ? Mais ce n’est pas la première fois que le PCF décide à la dernière minute de monter dans le train aller alors que tout le monde ou presque est dans le train retour. Le PCF a tenu courageusement une ligne « souverainiste » pendant des années, alors que l’électorat était séduit par l’Europe. Il a fini par se plier à l’exercice de la démagogie européiste… juste au moment où l’opinion est devenue sceptique.

      Mai 1968 marque – en tant que symptôme et non de cause – le changement d’alliances des « classes moyennes », qui devant le ralentissement économique se rangent du côté de la bourgeoisie. C’est pourquoi le PCF, qui est encore le « parti de la classe ouvrière » devient pour les soixante-huitards le véritable ennemi à abattre.

      [Voilà. Je ne sais pas s’il était pertinent d’évoquer le PCF spécifiquement dans le cadre d’un commentaire à votre article, mais tout ce que vous décrivez s’y retrouve.]

      Tout à fait pertinent. C’est d’ailleurs en pensant à mon expérience au PCF que je l’ai écrit…

  8. Gilles dit :

    Cher ami et camarade, veuillez m’excuser cette digression.
    Après les tweets révoltants et absurdes d’un ancien candidat de la France insoumise se réjouissant de l’assassinat de l’héroïque Lieutenant-colonel Beltrame, j’ai entendu tout l’état-major mélenchonien protester de son innocence et refuser d’être assimilé à ce débile qui se prétend marxiste (!!!).
    Et bien moi, je prétends qu’ils sont responsables !
    Qui, sinon mélenchon, a qualifié d’assassinat la mort du jeune Rémi Fraisse sur la ZAD de Sivens ?
    Qui s’est indigné quand le gendarme qui avait tiré la grenade a été relaxé ?
    Qui, sinon Mélenchon, a traité de brebis galeuses les policiers impliqués dans l’affaire Théo, ce jeune homme qui affirmait avoir été violé caleçon baissé avec une matraque ?
    Combien de fois, au cours de nombreuses manifestations auxquelles j’ai participé ces dernières années, ai-je entendu les manifestants de la France insoumise scander “Tout le monde déteste la police !” sur l’air des lampions ? (et des “communistes” aussi d’ailleurs…)
    Ne les ai-je pas entendu place Bellecour à Lyon scander “Libérez nos camara-a-a-ades”, quand des CRS avait interpellé des casseurs anarchistes cagoulés ultra-violents qui les avaient attaqués ?
    Quand on distille en permanence une haine anti-flic, en s’imaginant tenir une posture révolutionnaire, il ne faut pas s’étonner que certains abrutis aillent au bout de la rhétorique.

    • Descartes dit :

      @ Gilles

      [Après les tweets révoltants et absurdes d’un ancien candidat de la France insoumise se réjouissant de l’assassinat de l’héroïque Lieutenant-colonel Beltrame, j’ai entendu tout l’état-major mélenchonien protester de son innocence et refuser d’être assimilé à ce débile qui se prétend marxiste (!!!). Et bien moi, je prétends qu’ils sont responsables ! Qui, sinon mélenchon, a qualifié d’assassinat la mort du jeune Rémi Fraisse sur la ZAD de Sivens ? Qui s’est indigné quand le gendarme qui avait tiré la grenade a été relaxé ?]

      Vous faites reposer sur les épaules de Mélenchon une responsabilité bien trop lourde. Les tweets révoltants – et délirants – de Stéphane Poussier trouvent leurs racines dans un mouvement qui dépasse de loin les travaux du Petit timonier. Que Mélenchon ait surfé sur ce genre de sentiments, c’est une chose, qu’il les ai provoqués c’en est une autre.

      Ce qui est intéressant dans cette affaire, c’est qu’il permet d’observer presque à l’état pur ce qu’on pourrait appeler le « syndrome d’enfermement ». Il faut être conscient qu’il existe à l’extrême gauche un monde militant qui vit totalement replié sur lui-même. Dans ces milieux, on ne lit que les publications qui émanent de gens qui pensent comme vous, on participe à des réunions ou ne sont admis à parler que les gens qui pensent comme vous, on n’échange sur les réseaux sociaux qu’avec les gens qui pensent comme vous. Tout ce qui pourrait apporter la contradiction est exclu, réduit au silence ou disqualifié à l’avance comme représentant de l’Ennemi. C’est la mécanique même du fonctionnement sectaire.

      Ce bouillonnement en vase clos génère inévitablement de la surenchère. Devant un public normal, un petit dérapage entraine des réactions qui obligeraient l’orateur à penser ce qu’il dit et à revenir sur terre. Mais lorsqu’on est jour après jour devant des audiences acquises d’avance, le petit dérapage ne sera pas corrigé, il sera applaudi puisqu’il émane de « l’un des nôtres ». Et cela encourage le petit dérapage à devenir de plus en plus grand. Ainsi, de proche en proche, la mort accidentelle de Remy Fraisse devient un homicide, puis un assassinat. Il faut donc punir l’assassin, le gendarme, mais de proche en proche on appelle à punir l’ensemble des gendarmes, puis à considérer que la mort d’un gendarme est une sorte de rétribution immanente et donc à s’en réjouir.

      J’ai plusieurs fois dénoncé sur ce blog – et sur d’autres – le dangers de la pensée sectaire dans laquelle s’est engagée LFI. Que de tels dérapages puissent se produire illustre le fonctionnement « hors sol » de LFI, le fait que la plupart de ses militants n’échange qu’avec son miroir.

    • Gilles dit :

      Puisqu’on est dans les digressions, en voici une plus amusante :
      À l’occasion du match de rugby international Allemagne/ Russie, les organisateurs allemands se sont trompés et ont lancé l’hymne… soviétique !!! L’air est le même que l’actuel hymne russe, mais les paroles sont tout autres.
      Le premier moment d’étonnement passé, le joueurs russes se sont mis à entonner l’hymne soviétique à pleins poumons.
      Il n’est pas inutile de rappeler que la plupart de ces rugbymen n’étaient pas nés au moment de la chute de l’URSS.
      Je ne suis pas certain qu’il faille tirer une leçon politique de ce gag. Mais je ne vous cacherai pas que le spectacle de ces gaillards chantant “Patria Lénina” m’a beaucoup réjoui…
      En voici les images :

    • Descartes dit :

      @ Gilles

      [Puisqu’on est dans les digressions, en voici une plus amusante :
      À l’occasion du match de rugby international Allemagne/ Russie, les organisateurs allemands se sont trompés et ont lancé l’hymne… soviétique !!! L’air est le même que l’actuel hymne russe, mais les paroles sont tout autres. Le premier moment d’étonnement passé, le joueurs russes se sont mis à entonner l’hymne soviétique à pleins poumons. Il n’est pas inutile de rappeler que la plupart de ces rugbymen n’étaient pas nés au moment de la chute de l’URSS.]

      En effet, cela vaut la peine d’être rappelé !

      Le rapport des Russes à l’Union Soviétique est extrêmement ambigu. Au fond, il rappelle beaucoup ce que pouvait être le rapport des français à la Révolution et l’Empire sous la Restauration. Si dans les villes « bourgeoises » comme Moscou ou St Petersburg on a effacé autant que possible tout ce qui pourrait rappeler le régime déchu, on les voit resurgir souvent dans les couches populaires et dans les corps sociaux qui recrutent dans ces couches. Ainsi, par exemple, les forces armées ou la flotte continue à porter étoiles rouges, faucilles et marteaux dans ses emblèmes et ses drapeaux…

    • BolchoKek dit :

      @ Descartes

      >Si dans les villes « bourgeoises » comme Moscou ou St Petersburg on a effacé autant que possible tout ce qui pourrait rappeler le régime déchu< Je pense que St Pétersbourg est un exemple parfait : la ville elle-même a changé de nom mais l’oblast a gardé le nom de Leningrad, qui tient à cœur aux habitants des villes de banlieues bien plus populaires…
      Voir aussi Torez en Ukraine, récemment renommé par le gouvernement Ukrainien, bien qu’ils ne contrôlent pas la zone…

    • Descartes dit :

      @ BolchoKek

      [Je pense que St Pétersbourg est un exemple parfait : la ville elle-même a changé de nom mais l’oblast a gardé le nom de Leningrad, qui tient à cœur aux habitants des villes de banlieues bien plus populaires…]

      C’est un bon exemple. Un autre est le statut ambigu du mausolée de Lénine, qui trône toujours devant la Place Rouge avec le nom du fondateur de l’état soviétique toujours gravé sur son fronton…

  9. Pierre dit :

    J’ai du mal avec votre positionnement quand à la situation et au succès (relatif) du mouvement de la France Insoumise.

    De mon point de vue, qui est principalement nourri par des discussions avec des personnes de ma connaissance, il ne me fait aucun doute que l’électorat de Mélenchon est majoritairement issu des fameuses “classe moyennes”, et que ses électeurs sont farouchement convaincus que Mélenchon au pouvoir mènerait une vraie politique de rupture.

    Est-ce que vous suggérez (ou affirmez) que les électeurs de Mélenchon sont conscient que ce dernier, arrivant au pouvoir, retournerait sa veste sous le poids des responsabilités, tel Alexis Tsipras ? Personnellement, j’en doute (que ses électeurs en soient conscients)

    Je vois ces gens totalement soumis au diktat de leurs émotions, de leurs utopies, détachés de toute vision rationnelle qui leur permettrait d’assumer les conséquences de la politique qu’ils rêveraient de voir appliquée.

    Pour moi le malheur est ici: au moins, au début du XXeme siecle, les partis politiques qui prônaient une rupture n’étaient pas effrayés d’envisager les moyens nécessaires à la mise en oeuvre de leur projets, et leurs conséquences. Les communistes savaient qu’ils devraient exterminer les koulaks pour mener la lutte des classes. Hitler a décrit dans Mein Kampf le chemin a emprunter pour arriver à ses fins bien avant d’arrive au pouvoir. Exemples extrêmes s’il en est… mais parlants.

    Sans aller aussi loin, aujourd’hui, je ne vois, surtout, aucun parti politique “de rupture” (France Insoumise, FN) en mesure d’énoncer clairement les sacrifices et les guerres a mener pour mettre en place leurs promesses. Probablement parce qu’ils savent que leurs électeurs des classe moyennes (majoritaires chez Mélenchon, mais que le FN aussi a tenté de draguer) fuiraient à toutes jambes devant les implications de leurs programmes.

    Je crois que j’ai répondu tout seul à ma question… 🙂

    Nous vivons une époque d’illusion, de pensée magique. Moi, c’est ça, avant tout, que je trouve absolument tragique dans l’ère politique actuelle.

    Pour qu’un parti politique de rupture ait une chance de tenir son cap une fois au pouvoir, il faut qu’il ait préparé son électorat aux conséquences, avec clareté et rationnalité.

    Que l’on soit pour ou contre Macron, je lui reconnais celà: il ne s’est pas fait élire sur des mensonges. Alors oui, ce n’est pas la politique rêvée, mais il a au moins remis l’église au milieu du village: on peut être élu sans “pensée magique”, sans raconter de bobards et de promesses indolores.

    Et le faux problème de son manque de légitimité en est résolu: il n’a peut être un qu’un quart des votants au premier tour, mais la majorités des votants qui se sont dispersés ailleurs auraient accourru vers lui dès le premier tour si Mélenchon/Hamon/LePen avaient énoncé les tenants et les aboutissants d’un respect strict de leurs programmes (sortie de l’europe, guerre commerciale, fuite de capitaux, etc)

    Il n’est pas né l’homme politique qui dira “avec moi, on va en chier pendant 20 ans avant de voir la lumière, mais quelle lumière…”

    • Descartes dit :

      @ Pierre

      [De mon point de vue, qui est principalement nourri par des discussions avec des personnes de ma connaissance, il ne me fait aucun doute que l’électorat de Mélenchon est majoritairement issu des fameuses “classe moyennes”, et que ses électeurs sont farouchement convaincus que Mélenchon au pouvoir mènerait une vraie politique de rupture.]

      Certes. Mais ce n’est pas parce qu’ils en sont convaincus que c’est vrai. J’ai une très – trop dirons certains – bonne mémoire, et je me souviens encore de ce que fut la campagne de Mitterrand en 1981. Ses partisans étaient tout aussi farouchement convaincus que ceux de Mélenchon aujourd’hui que le « vieux », l’ancien pétainiste, l’ami de Bousquet, le ministre qui avait couvert la torture en Algérie et proclamé « l’Algérie c’est la France » allait « changer la vie » et « rompre avec le capitalisme ». Faut croire que leur conviction n’a pas suffi…

      [Est-ce que vous suggérez (ou affirmez) que les électeurs de Mélenchon sont conscient que ce dernier, arrivant au pouvoir, retournerait sa veste sous le poids des responsabilités, tel Alexis Tsipras ? Personnellement, j’en doute (que ses électeurs en soient conscients)]

      Non, je n’affirme rien de tel. Les vrais cyniques sont rares, et seul un vrai cynique peut assumer consciemment une telle dissonance cognitive. Non, je suis persuadé que les partisans de Mélenchon croient sincèrement que leur leader ferait une politique « différente » s’il arrivait au pouvoir. Ce qui n’empêche pas que le jour où il sera au pouvoir, ils seront les premiers à exiger la « trahison » qu’ils lui reprocheront ensuite. Le cas de Tsipras, que vous citez, est emblématique : ceux qui ont voté pour lui exigeaient une rupture avec la politique d’austérité imposée par la Commission et la BCE tout en lui interdisant la sortie de l’Euro, qui était la conséquence logique d’une telle politique. Mais le cas Mitterrand n’est pas très différent : les mêmes « classes moyennes » qui voulaient qu’il « change la vie » exigeaient que la France reste dans le SME, ce qui impliquait une politique d’austérité.

      [Je vois ces gens totalement soumis au diktat de leurs émotions, de leurs utopies, détachés de toute vision rationnelle qui leur permettrait d’assumer les conséquences de la politique qu’ils rêveraient de voir appliquée.]

      Tout à fait d’accord. Et c’est pourquoi le jour où leur leader sera au pouvoir, et qu’il faudra assumer les conséquences de la politique qu’ils proposent, ils le contraindront à y renoncer, quitte à lui reprocher ensuite sa « trahison ».

      [Pour moi le malheur est ici: au moins, au début du XXeme siecle, les partis politiques qui prônaient une rupture n’étaient pas effrayés d’envisager les moyens nécessaires à la mise en oeuvre de leur projets, et leurs conséquences (…). Sans aller aussi loin, aujourd’hui, je ne vois, surtout, aucun parti politique “de rupture” (France Insoumise, FN) en mesure d’énoncer clairement les sacrifices et les guerres a mener pour mettre en place leurs promesses.]

      Je crois que vous mettez-là le doigt sur un élément important : la question du tragique. En effet, la politique au XXème siècle est essentiellement tragique. Les hommes politiques sont conscients qu’ils tiennent dans leur main le destin de leurs peuples, et que cela implique des morts, des blessés, des destructions. Que, pour paraphraser Mao, la politique n’est pas un diner de gala. On pourrait aussi rajouter que ce n’est pas un conseil d’administration.

      Ce qui caractérise la fin du XXème et le début du XXIème, c’est la disparition du tragique – et pas qu’en politique, d’ailleurs. La politique cesse d’être l’art « de rendre possible ce qui est nécessaire » selon la formule de Richelieu, et devient une activité dont le but est de faire le bien. Le jugement proprement politique laisse la place à un jugement moral. L’idée même de « nécessité », qui ramène au tragique, a disparu. Il ne s’agit pas de trouver un équilibre – forcément bancal – entre des forces et des intérêts qui s’opposent, mais de faire la « bonne » politique qui, bien évidement, ne peut que bénéficier à tous. On peut faire de la politique sans se salir les mains.

      [Probablement parce qu’ils savent que leurs électeurs des classe moyennes (majoritaires chez Mélenchon, mais que le FN aussi a tenté de draguer) fuiraient à toutes jambes devant les implications de leurs programmes.]

      Bien entendu. Les « classes moyennes », comme les dames naguère dans certains restaurants, se font remettre un menu où ne figurent pas les prix, parce qu’elles n’ont aucune intention de payer le repas.

      [Nous vivons une époque d’illusion, de pensée magique.]

      Oui. Mais la question intéressante, c’est de se demander quelle est la fonction de cette pensée magique. En d’autres termes, pourquoi une couche sociale préfère – ou plutôt ressent le besoin – de se réfugier dans la pensée magique et l’illusion. Personnellement, je pense qu’il s’agit d’un groupe social qui n’arrive plus à concilier la morale qu’elle a hérité de ses parents avec la politique qui sert ses intérêts. Et qui se fabrique un univers imaginaire où elle arrive à concilier les deux, tout en laissant à d’autres – qu’elle conchie par ailleurs – le soin de s’occuper du réel.

      [Pour qu’un parti politique de rupture ait une chance de tenir son cap une fois au pouvoir, il faut qu’il ait préparé son électorat aux conséquences, avec clarté et rationalité.]

      Je suis d’accord. Il est faux de croire que les gens ne sont pas prêts à faire des sacrifices, et des leaders politiques dans le passé ont réussi à obtenir un appui massif tout en tenant un langage de vérité. Pensez à Churchill disant « je n’ai à vous apporter que du sang, de la sueur et des larmes ». Ou dans des circonstances moins dramatiques, relisez le discours de De Gaulle présentant le programme de rigueur de 1958 (http://www.charles-de-gaulle.org/wp-content/uploads/2017/03/Discours-sur-la-politique-de-rigueur.pdf). Mais dans les deux cas, ce discours était audible parce qu’il s’inscrivait dans un projet. Les larmes de l’un, le tour de vis de l’autre n’étaient pas des objectifs en soi, mais des instruments au service d’une politique qui préparait des jours meilleurs.

      [Que l’on soit pour ou contre Macron, je lui reconnais celà: il ne s’est pas fait élire sur des mensonges. Alors oui, ce n’est pas la politique rêvée, mais il a au moins remis l’église au milieu du village: on peut être élu sans “pensée magique”, sans raconter de bobards et de promesses indolores.]

      Oui et non. On ne peut pas accuser Macron d’avoir caché son jeu. Mais il faut aussi admettre qu’il n’a pas suscité une véritable adhésion à son projet politique. Il a été élu parce que les autres ont échoué encore plus que lui à séduire, c’est tout.

      [Et le faux problème de son manque de légitimité en est résolu: il n’a peut être un qu’un quart des votants au premier tour, mais la majorités des votants qui se sont dispersés ailleurs auraient accourru vers lui dès le premier tour si Mélenchon/Hamon/LePen avaient énoncé les tenants et les aboutissants d’un respect strict de leurs programmes (sortie de l’europe, guerre commerciale, fuite de capitaux, etc)]

      Je ne crois pas que ce soit aussi simple. La question de la « légitimité » personnelle de Macron est résolue par la force des institutions. Ce que ces derniers six mois ont montré c’est que contrairement à ce que disent certains, les institutions de la Vème République bénéficient d’un consensus quasi-unanime. La preuve en est qu’à partir du moment où Macron a été élu conformément à la procédure institutionnalisée, personne ne conteste son droit à gouverner.

      Si Macron n’a pas caché son jeu quant aux mesures qu’il comptait prendre, il n’a pas fait mieux que Mélenchon/Hamon/Le Pen lorsqu’il s’agit d’annoncer les conséquences. Si vous reprochez à Mélenchon de ne pas détailler le coût associé à la sortie de l’UE, vous devez admettre que Macron ne nous a pas beaucoup parlé de ce que nous coûte d’y rester !

      [Il n’est pas né l’homme politique qui dira “avec moi, on va en chier pendant 20 ans avant de voir la lumière, mais quelle lumière…”]

      Pourtant, je vous ai donné deux exemples plus haut… voici un extrait du discours de De Gaulle présentant son programme de rigueur prononce le 28 décembre 1958, et qui correspond presque exactement à votre spécification : « Cet ensemble, dont toutes les parties se tiennent et se complètent, cet ensemble est grave mais essentiel. Sans l’effort de remise en ordre, avec les sacrifices qu’il requiert et les espoirs qu’il comporte, nous resterons un pays à la traîne, oscillant perpétuellement entre le drame et la médiocrité. Au contraire, si nous réussissons la grande entreprise nationale de redressement financier et économique, quelle étape sur la route qui nous mène vers les sommets ! »

      Le problème n’est pas que l’homme politique qui tiendra ce discours « n’est pas né ». Le problème est que tous ceux qui avaient la dimension pour le tenir sont morts…

    • Marcailloux dit :

      @ Descartes

      [ Les « classes moyennes », comme les dames naguère dans certains restaurants, se font remettre un menu où ne figurent pas les prix, parce qu’elles n’ont aucune intention de payer le repas.]

      Pas vraiment d’accord avec la formulation présentée. Les dames ne se « font pas remettre » le menu sans les prix. C’est la pratique coutumière qui l’imposait car ce sont les hommes qui, par tradition, réglaient la note.
      La pratique actuelle, si l’on assimile les dames à la classe moyenne, ce serait plutôt celle du gigolo qui se ferait entretenir par la dame. Car, en dehors des classes très aisées, et des classes défavorisées, la classe moyenne, au sens de l’Insee, est la plus ponctionnée depuis pas mal de temps par rapport aux autres classes socioéconomiques.
      Et on ne lui demande que de moins en moins son avis.

    • Marcailloux dit :

      @ Pierre

      Bonjour,

      [ Il n’est pas né l’homme politique qui dira “avec moi, on va en chier pendant 20 ans avant de voir la lumière, mais quelle lumière…”]

      Faudrait tout de même pas être trop maso ! ! !
      La France n’est pas la Grèce, et si tout n’est pas au vert – selon encore quels critères -, a des tas de secteurs dans lesquels elle peut s’améliorer – ce serait désespérant dans le cas contraire – il ne faudrait quand même pas jeter le bébé avec l’eau du bain. Vu d’un peu plus haut que les lunettes des opposants perpétuels, notre pays ne justifie en rien d’en « chier pendant 20 ans ». Il s’est offert deux guerres effroyables au cours du siècle dernier et n’a pas, chaque fois, mis 20 ans à s’en remettre. C’est toujours les plus nantis qui hurlent au risque de déchéance.
      Si chaque adulte considère que la jeunesse emploierait mieux son énergie à faire du sport, à étudier, à militer qu’à s’abrutir 8 heures par jour devant une console ou un smartphone, l’essentiel de nos possibles inquiétudes pour les vingt ans à venir, devrait disparaître comme par enchantement.

    • Koko dit :

      “Les communistes savaient qu’ils devraient exterminer les koulaks pour mener la lutte des classes.”

      Encore un qui a trop lu Robert Conquest pour diaboliser ainsi le communisme soviétique, les koulaks n’ont pas été exterminés mais liquidés en tant que classe ce qui n’a absolument pas la même signification.

    • Jordi dit :

      [Bien entendu. Les « classes moyennes », comme les dames naguère dans certains restaurants, se font remettre un menu où ne figurent pas les prix, parce qu’elles n’ont aucune intention de payer le repas.]

      Enorme. Je n’aime pas votre définition de classe moyenne, que je trouve inopérante. Et notamment parce qu’elle mélange les “winners de la mondialisation” macronistes avec les demi-mondaines nains-soumises, désireuses de vivre au crochet de la France qui se lève tôt.

      Mais vôtre image de la grue qui se fait régaler par son micheton est franchement parfaite.

      [Oui. Mais la question intéressante, c’est de se demander quelle est la fonction de cette pensée magique. En d’autres termes, pourquoi une couche sociale préfère – ou plutôt ressent le besoin – de se réfugier dans la pensée magique et l’illusion. Personnellement, je pense qu’il s’agit d’un groupe social qui n’arrive plus à concilier la morale qu’elle a hérité de ses parents avec la politique qui sert ses intérêts. Et qui se fabrique un univers imaginaire où elle arrive à concilier les deux, tout en laissant à d’autres – qu’elle conchie par ailleurs – le soin de s’occuper du réel.]

      Votre analyse peut sembler calme et dépassionnée. Mais vous n’imaginez pas la haine que la même vision entretient chez ceux, souvent plus à droite, qui sentent sur leur dos le grattement des parasites.

    • Descartes dit :

      @ Marcailloux

      [La pratique actuelle, si l’on assimile les dames à la classe moyenne, ce serait plutôt celle du gigolo qui se ferait entretenir par la dame. Car, en dehors des classes très aisées, et des classes défavorisées, la classe moyenne, au sens de l’Insee, est la plus ponctionnée depuis pas mal de temps par rapport aux autres classes socioéconomiques.]

      J’aime bien le « en dehors des classes très aisées et des classes défavorisées ». Il est vrai qu’à l’exclusion de tous les autres, les « classes moyennes » sont les plus maltraitées…

      Il est vrai que les « classes moyennes » supportent une part disproportionnée des prélèvements fiscaux et sociaux. Mais comme il est vrai aussi que les « classes moyennes » bénéficient aussi d’une part disproportionnée de la dépense publique, la situation est bien moins déséquilibrée que ne le prétendent les ministres et les bouches médiatiques qui – mais ce n’est certainement qu’une coïncidence – appartiennent eux-mêmes essentiellement aux « classes moyennes ».

      Vous voulez des exemples ? Prenons les cotisations retraite. En apparence, tout le monde paye son écot. Mais en apparence seulement : les ouvriers ont une espérance de vie d’une dizaine d’années inférieure à celle des cadres supérieurs. En d’autres termes, pour la même durée de cotisation un cadre touchera sa retraite pendant dix ans de plus. N’est ce pas là un transfert des couches populaires vers les « classes moyennes » ?

      Autre exemple ? A votre avis, quelle proportion du budget du ministère de la culture profite aux « classes moyennes », et quelle proportion aux couches populaires ?

      Encore un autre ? Quand l’Etat subventionne lourdement la SNCF pour maintenir les billets des lignes TGV à un prix raisonnable, quelle part de cette subvention va aux couches populaires, et quelle part aux « classes moyennes » ? Même chose pour les universités…

      [Et on ne lui demande que de moins en moins son avis.]

      Au contraire : dans la mesure où les couches populaires s’abstiennent massivement, le poids des « classes moyennes » sur les politiques publiques devient de plus en plus important. Vous noterez que dans les deux dernières élections présidentielles c’est le candidat favori des « classes moyennes » qui a été élu.

    • Descartes dit :

      @ Marcailloux

      [Faudrait tout de même pas être trop maso ! ! ! La France n’est pas la Grèce, et si tout n’est pas au vert – selon encore quels critères -, a des tas de secteurs dans lesquels elle peut s’améliorer – ce serait désespérant dans le cas contraire – il ne faudrait quand même pas jeter le bébé avec l’eau du bain. Vu d’un peu plus haut que les lunettes des opposants perpétuels, notre pays ne justifie en rien d’en « chier pendant 20 ans ».]

      Je serais plus nuancé que vous, même si je ne suis pas totalement le commentaire de Pierre. Il y a des domaines où la dégradation est telle que pour remonter la pente « il faudra en chier pendant 20 ans ». Il a fallu une génération pour détruire notre système scolaire, il faudrait certainement une génération pour la reconstruire. Et même si l’Etat se donnait les moyens de reconquérir les « territoires perdus de la République », les policiers, les enseignants, les fonctionnaires chargés du boulot auraient probablement à « en chier » pendant de très longues années avant d’arriver au but.

      La France, vous avez raison, n’en est pas au niveau de la Grèce. Nous avons encore des institutions relativement solides, une fonction publique relativement efficace et honnête, un patrimoine public considérable – légué par les générations pré-68, merci à elles – d’infrastructures, d’institutions de recherche et d’enseignement, d’activités économiques. Mais les fissures se font menaçantes, et derrière des façades qui tiennent plus ou moins la route à coups de ravalements, le bâtiment est en train de s’effondrer. Croire qu’on peut assainir la situation sans demander à personne de faire des sacrifices est une illusion magique qui me paraît particulièrement dangereuse.

      [Il s’est offert deux guerres effroyables au cours du siècle dernier et n’a pas, chaque fois, mis 20 ans à s’en remettre.]

      Ca dépend de ce qu’on appelle « se remettre ». Les blessures de la guerre de 1914-18 étaient encore très présentes vingt ans plus tard. Et la reconstruction après 1945 ne s’est achevée qu’au milieu des années 1960, soit vingt ans après la fin des hostilités.

      [C’est toujours les plus nantis qui hurlent au risque de déchéance.]

      Pas vraiment. Les plus nantis n’ont pas peur parce qu’ils ont les moyens de se défendre. Ils n’ont pas besoin de hurler. Et les couches populaires n’ont pas le moyen de hurler. Ce sont surtout les « classes moyennes », qui ont beaucoup à perdre et qui ont confisque les porte-voix, qui font le plus de bruit.

      [Si chaque adulte considère que la jeunesse emploierait mieux son énergie à faire du sport, à étudier, à militer qu’à s’abrutir 8 heures par jour devant une console ou un smartphone, l’essentiel de nos possibles inquiétudes pour les vingt ans à venir, devrait disparaître comme par enchantement.]

      Je me méfie des « enchantements ». Mais sur ce point particulier, je partage au moins en partie votre commentaire !

    • Pierre dit :

      a Marcailloux
      (((Faudrait tout de même pas être trop maso ! ! !
      (…) Vu d’un peu plus haut que les lunettes des opposants perpétuels, notre pays ne justifie en rien d’en « chier pendant 20 ans ». )))

      Je suis tout a fait d’accord, et je ne me prive jamais d’inviter les détracteurs de la France d’aller voir ailleurs si l’herbe est meilleure. Ma reflexion se situait dans un cadre théorique concernant les candidats eurosceptiques, qui refusent d’admettre les conséquences immédiates qu’amèneraient le respect de leurs engagements, quand bien même le pays serait (soit-disant) gagnant sur le long terme… Personnellement je ne suis pas eurosceptique.

    • Antoine dit :

      @Descartes

      > Quand l’Etat subventionne lourdement la SNCF pour maintenir les billets des lignes TGV à un prix raisonnable, quelle part de cette subvention va aux couches populaires, et quelle part aux « classes moyennes » ? Même chose pour les universités…

      Je suis un peu étonné de cette affirmation. Il me semble au contraire que les recettes des lignes TGV servent en partie à financer le reste de l’offre, largement déficitaire…

    • Descartes dit :

      @ Antoine

      [« Quand l’Etat subventionne lourdement la SNCF pour maintenir les billets des lignes TGV à un prix raisonnable, quelle part de cette subvention va aux couches populaires, et quelle part aux « classes moyennes » ? Même chose pour les universités… ». Je suis un peu étonné de cette affirmation. Il me semble au contraire que les recettes des lignes TGV servent en partie à financer le reste de l’offre, largement déficitaire…]

      Ce n’est pas contradictoire. Je n’ai pas dit que les lignes TGV soient déficitaires. Ce que j’ai dit, c’est que si les billets TGV étaient plus chers, elles seraient encore plus profitables. Pourquoi maintient-on les prix bas ? Et à qui profite ce fait ?

    • Marcailloux dit :

      @ Descartes,

      Bonjour,

      [J’aime bien le « en dehors des classes très aisées et des classes défavorisées ». Il est vrai qu’à l’exclusion de tous les autres, les « classes moyennes » sont les plus maltraitées…]

      Mea culpa ! Ma phrase était absurde et votre interprétation un tantinet ironique est la bonne. On ne se relit jamais assez.

    • Antoine dit :

      @Descartes

      > Je n’ai pas dit que les lignes TGV soient déficitaires. Ce que j’ai dit, c’est que si les billets TGV étaient plus chers, elles seraient encore plus profitables.

      Comment le savez-vous ? Si elle fonctionne rationnellement, la SNCF fixe le coût des billets en fonction d’un calcul de l’optimum de profitabilité. C’est aussi pour optimiser les revenus que les tarifs TGV sont désormais différenciés et variables (le fameux “yield management”). Augmenter aveuglément les tarifs ne garantit pas d’augmenter les profits…

    • Descartes dit :

      @ Antoine

      [Comment le savez-vous ? Si elle fonctionne rationnellement, la SNCF fixe le coût des billets en fonction d’un calcul de l’optimum de profitabilité.]

      Non. “Rationnel” n’est pas synonyme de “maximisant le profit”. Lorsque le gouvernement français a décidé au XIXème siècle la gratuité de l’école publique, il est clair que le choix ne visait pas “l’optimum de profitabilité”. Diriez-vous que c’était une décision “irrationnelle” ? La fixation du prix des billets de la SNCF n’a pas pour but la rentabilité de l’entreprise. C’est une équation complexe qui fait intervenir des considérations d’aménagement du territoire, de politique environnementale…

      Cela étant dit, je trouve votre lapsus très révélateur…

      [Augmenter aveuglément les tarifs ne garantit pas d’augmenter les profits…]

      Augmenter aveuglement, non. Mais beaucoup d’auteurs affirment que les tarifs de la SNCF sont sous-optimaux.

    • Antoine dit :

      @Descartes

      > La fixation du prix des billets de la SNCF n’a pas pour but la rentabilité de l’entreprise. C’est une équation complexe qui fait intervenir des considérations d’aménagement du territoire, de politique environnementale…

      Et le « yield management » pratiqué par la SNCF, il est utilisé dans quel but, alors ? Moi je vois que la préoccupation de la rentabilité des lignes TGV est suffisamment grande pour que ce soit un sujet récurrent dans les médias (notamment quand elle semble en baisse).

      En tout cas, j’attends que vous prouviez vos dires quant à la fixation du prix des billets de TGV pour faire plaisir aux « classes moyennes ». Parfois j’ai l’impression que votre préoccupation des « classes moyennes » tourne à l’obsession.

      > Mais beaucoup d’auteurs affirment que les tarifs de la SNCF sont sous-optimaux.

      Une source, une citation peut-être ?… Ce n’est pas parce qu’un tarif est sous-optimal (on peut toujours discuter du bien-fondé d’une décision et de la validité des indicateurs qui ont conduit à cette décision) qu’il faut forcément y voir la main des « classes moyennes »…

    • Descartes dit :

      @ Antoine

      [« La fixation du prix des billets de la SNCF n’a pas pour but la rentabilité de l’entreprise. C’est une équation complexe qui fait intervenir des considérations d’aménagement du territoire, de politique environnementale… » Et le « yield management » pratiqué par la SNCF, il est utilisé dans quel but, alors ?]

      Dans le but d’optimiser la rentabilité de l’entreprise en respectant les contraintes dont j’ai parlé plus haut. Je n’ai pas dit que la rentabilité ne soit un élément de la fixation des prix, j’ai dit que ce n’est certainement pas LE « but ».

      [Moi je vois que la préoccupation de la rentabilité des lignes TGV est suffisamment grande pour que ce soit un sujet récurrent dans les médias (notamment quand elle semble en baisse).]

      Dans « Le Monde » ou « Les Echos », peut-être. Je ne me souviens pas avoir vu beaucoup de « préoccupation » pour ces questions dans les médias qui s’adressent aux couches populaires…

      [« Mais beaucoup d’auteurs affirment que les tarifs de la SNCF sont sous-optimaux ». Une source, une citation peut-être ?… ]

      Le rapport Spinetta, pour ne pas aller plus loin. Et comme Spinetta est un néo-libéral avoué, j’imagine que vous n’irez pas discuter ses dires…

      [Ce n’est pas parce qu’un tarif est sous-optimal (on peut toujours discuter du bien-fondé d’une décision et de la validité des indicateurs qui ont conduit à cette décision) qu’il faut forcément y voir la main des « classes moyennes »…]

      Je serais curieux de savoir combien de prolétaires il y a dans les réunions ou sont arbitrés les prix des billets…

  10. Paul dit :

    Ne nous découragez pas de nous engager politiquement ! Blague à part, excellent constat, bien que navrant.
    Pour ma part, ex-chevènementiste, notamment en 2002 lorsqu’il voulait unir les souverainistes des deux bords, je me suis décidé à réinvestir le champ du politique en rejoignant les gaullistes sociaux de Notre France (président d’honneur Henri Guaino ), dans le projet de dialogue et d’actions entre les diverses fractions politiques ayant le concept de nation au centre de leurs projets.
    Il y a d’ailleurs ce soir, 26 mars, un colloque à Bourg la Reine avec des représentants de ce mouvement, de l’UPR, du MRC, des partisans de Dupont-Aignan qui s’en sont détachés après son ralliement à MLP, et même un représentant de la France insoumise.
    Je me sens en accord avec l’idée que je me fais de la gauche, la reconquête de notre souveraineté me semblant primordiale. Pas de programme social possible sans positionnement ferme de l’Etat face à l’Europe.

    • Descartes dit :

      @ Paul

      [Ne nous découragez pas de nous engager politiquement ! Blague à part, excellent constat, bien que navrant.]

      Blague à part, je n’ai jamais découragé personne de s’engager politiquement. Tout au contraire, j’encourage chaque fois que je le peux les gens avec qui je discute, jeunes ou vieux, à faire de la politique. Même si cela ne sert pas à changer grand-chose aujourd’hui, c’est en faisant de la politique qu’on se forme soi même. Et il faut bien former l’armée de réserve qui demain, lorsque des changements deviendront possibles, pourra gagner les batailles.

      [Il y a d’ailleurs ce soir, 26 mars, un colloque à Bourg la Reine avec des représentants de ce mouvement, de l’UPR, du MRC, des partisans de Dupont-Aignan qui s’en sont détachés après son ralliement à MLP, et même un représentant de la France insoumise.]

      Qui représente LFI ? N’hésitez pas à écrire quelques lignes sur ce qui sera discuté !

  11. Barbey dit :

    Qu´importe l´homme politique, qu´importe la politique proposée, elle sera vouée à l´échec faute d´avoir les moyens de son ambition. Mendès France échoua parce qu´il ne se donna pas les instruments institutionnels, aujourd´hui on échoue parce qu´on ne veut pas sortir de l´Union Européenne! Point d´horizon en restant dans ce carcan.

    Pour comprendre bien comprendre le dégagisme, je pense qu´on ne peut pas faire l´impasse sur l´histoire de France (et celles des autres pays) et l´impact du capitalisme. A ce titre, je retranscris plus ou moins ce que Marcel Gauchet avait écrit dans son livre “Comprendre le malheur français”.

    1) L´individu prime la société, ainsi l´individu, pour les libéraux, ne rentrerait en société que pour en tirer bénéfice. Les conséquences de cet axiome sont colossales. Citons l´assimilation qui devient une “violence faite sur des individus pour qu´ils se plient aux moeurs de l´endroit [où ils se trouvent]”.

    2) L´économie devient la force d´entraînement majeur dans la vie collective. Dès lors, tout problème politique devient un problème d´efficacité économique.

    3) Relatif aux 2 points précédents, le problème politique est “de faire coexister les droits des individus en leur permettant de maximiser leurs revenus”. C´est concrétement, la pensée d´un Hollande, Macron ou Copé.

    4) On assiste à un décorrélation de plus en plus accentuée entre les besoins des personnes les plus pauvres et celles des plus aisées. D´un côté, l´Etat comme ultime moyen de protection contre la mondialisation et de l´autre la possibilité de jouer en dedans et en dehors de l´Etat et donc une vision que l´Etat est un élément archaïque. Rajoutons également que l´élite ne se sent plus solidaire de l histoire et du pays contrairement à ceux qui veulent “préserver un héritage qu´on remet à jour”.

    5) le référentiel n´est plus le citoyen mais l´individu pour une grande majorité de la population (peut on parler de peuple?)… Comment réussir une synthèse républicaine quand les individus se réclament de leurs intérêts privés et qui ne se soucient pas de l´intérêt général?

    Bref, si je devais résumer, je dirais que les Francais sentent cette impuissance politique terrible, qu´ils doutent de leur destin historique et collectif, qu´ils voient de l´extérieur un déclassement culturel, politique. économique ,qu´ils ressentent une fracture par seulement sociale mais morale avec les élites. On se sent étranger avec son voisin, on est indépendant mais désespéramment seul.

    Les Francais ressentent encore plus ce malheur que “les politiques ne s´intéressent pas à leur sort, les médias n´en parlent pas”. Bref dans une société où on n´est si on est reconnu, ils n´existent pas.

    • Descartes dit :

      @ Barbey

      [Qu´importe l´homme politique, qu´importe la politique proposée, elle sera vouée à l´échec faute d´avoir les moyens de son ambition. Mendès France échoua parce qu´il ne se donna pas les instruments institutionnels, aujourd´hui on échoue parce qu´on ne veut pas sortir de l´Union Européenne! Point d´horizon en restant dans ce carcan.]

      Je crois qu’il faut aller plus loin dans cette réflexion. Ceux qui défendent le statu quo européen expliquent toutes les belles choses que l’UE nous apportera à l’avenir, sans jamais se demander pourquoi elle n’a rien fait de tel en un quart de siècle. C’est presque caricatural lorsqu’on parle de « Europe sociale ». Comment expliquer que depuis la signature du traité de Maastricht on ait fait des « progrès » fulgurants dans l’ouverture des marchés et dans la privatisation des services publics, mais qu’on ne voit toujours rien venir de cette fameuse « Europe sociale » qu’on nous promet depuis des décennies ?

      Comme vous dites, il faut comprendre que certaines politiques ne peuvent pas réussir sans un cadre qui les rende possible et qui fournisse des instruments. Mendès France a échoué parce que les instruments institutionnels qu’il avait à sa disposition étaient insuffisants, et ce fut le mérite de De Gaulle que de comprendre qu’il était inutile de dépenser son crédit politique aussi longtemps que la IVème République était en place.

      [Bref, si je devais résumer, je dirais que les Francais sentent cette impuissance politique terrible, qu´ils doutent de leur destin historique et collectif, qu´ils voient de l´extérieur un déclassement culturel, politique. économique ,qu´ils ressentent une fracture par seulement sociale mais morale avec les élites. On se sent étranger avec son voisin, on est indépendant mais désespéramment seul.]

      Le grand problème du système néolibéral, c’est qu’il ne peut fonctionner que grâce à des structures héritées de l’histoire qu’il n’est pas capable de reproduire. Un individu rationnel – au sens que donnent les libéraux à ce terme – ne sautera jamais à la rivière pour sauver un enfant qui se noie, sauf s’il y a une récompense à la clé. Avouez que c’est cocasse de voir le président qui nous explique que « les jeunes doivent rêver de devenir milliardaires » et qui est fier d’avoir quitté la fonction publique pour devenir banquier rendre hommage au geste d’Arnaud Beltrame, qui en est l’exact opposé de lui-même. Dans le monde néolibéral fait d’individus rationnels qui ne prennent leurs décisions qu’en fonction de leurs intérêts, les Arnaud Beltrame n’ont pas leur place.

      La transformation de tout rapport en un rapport économique construit une société efficiente mais invivable. Si on n’en est pas là, c’est parce qu’il subsiste ne serait-ce qu’à l’état de traces des éléments du « monde d’avant » : l’honneur, le dévouement, le prestige du savoir, la foi… lorsque tout ça sera « noyé dans les eaux froides du calcul égoiste », que nous restera-t-il ?

      [Les Francais ressentent encore plus ce malheur que “les politiques ne s´intéressent pas à leur sort, les médias n´en parlent pas”. Bref dans une société où on n´est si on est reconnu, ils n´existent pas.]

      Exactement.

    • Barbey dit :

      [Avouez que c’est cocasse de voir le président qui nous explique que « les jeunes doivent rêver de devenir milliardaires » et qui est fier d’avoir quitté la fonction publique pour devenir banquier rendre hommage au geste d’Arnaud Beltrame, qui en est l’exact opposé de lui-même. Dans le monde néolibéral fait d’individus rationnels qui ne prennent leurs décisions qu’en fonction de leurs intérêts, les Arnaud Beltrame n’ont pas leur place.]

      Macron récupère tout symbole (Johnny, Beltrame) et il le fait plutôt bien! Je suis sur qu´il se fiche de ces 2 personnes mais il sait ce qui peut gagner avec.

      Ce qui va être encore plus cocasse, c´est quand ceux qui sont protégés de la mondialisation et de l¨UE vont se les prendre en pleine figure. Regardons les retraités et certains fonctionnaires, électeurs de Macron, qui commencent
      à pleurer… Cela m´amène à penser à 2 éléments : soit Macron scie la branche avec laquelle il s est fait élire et cela va être dur pour se retourner soit Macron pense que ces politiques vont marcher et que cela va lui ramène des bataillons de centre droit/gauche encore. J´avoue que c´est digne d´un raisonnement de café mais je ne sais pas trop quoi en penser. Qu´en déduisez vous?

    • Descartes dit :

      @ Barbey

      [Ce qui va être encore plus cocasse, c´est quand ceux qui sont protégés de la mondialisation et de l¨UE vont se les prendre en pleine figure. Regardons les retraités et certains fonctionnaires, électeurs de Macron, qui commencent à pleurer…]

      J’ai beaucoup de mal à tirer une joie du malheur d’autrui. D’autant plus que je ne pense pas que « ceux qui sont protégés de la mondialisation » constituent un ensemble homogène, et qu’ils soient tous du côté des exploiteurs. Par ailleurs, vous verrez que ceux qui seront affectés par ces réformes seront probablement les fonctionnaires et les retraités du bas de l’échelle…

      [Cela m´amène à penser à 2 éléments : soit Macron scie la branche avec laquelle il s’est fait élire et cela va être dur pour se retourner soit Macron pense que ces politiques vont marcher et que cela va lui ramène des bataillons de centre droit/gauche encore.]

      Il parie je pense sur le soutien indéfectible des « classes moyennes », qui n’ont pour le moment rien à craindre des politiques macroniennes.

  12. Marcailloux dit :

    @Descartes,

    Bonjour,

    Les échanges récents, comme ceux plus anciens, sur l’usage, l’acception, le fondement de cette notion centrale dans le discours de notre hôte Descartes m’incitent à suggérer de faire plus de place au raisonnage qu’à l’expression de l’érudition.
    Un blog de qualité, c’est le cas ici, ne peut se comparer ni se substituer à un cours du Collège de France.
    Et ce n’est pas à coup de références historiques ou de thèses rhétoriques qu’un débat populaire peut prospérer.
    « Un blog pour parler politique, économie, société, poésie . . . bref, tout ce qui doit intéresser le citoyen d’une république » telle est la profession de foi de ce blog.
    Justement, ce qui intéresse le citoyen lambda, c’est ce qui, à travers les outils de sa connaissance et les moyens de sa perception de la société dont il est membre, va lui permettre de se forger une opinion.

    Or, que lui inspire, à ce citoyen lambda, cet électeur ordinaire, la notion de classe moyenne ?
    – Tout d’abord un positionnement par rapport aux revenus.
    – Souvent un sentiment d’appartenance fondé sur un ensemble de critères singuliers.
    – Ensuite, une répartition par catégorie socio professionnelle.
    – Éventuellement par un niveau culturel.
    – Moins d’une fois sur cent, probablement, à partir d’un positionnement dans la chaine de production des valeurs.

    Si l’on veut débattre de politique, au sens commun du terme, il est impératif de ne pas parler sabir.
    Mal nommer les choses – aurait écrit Camus – c’est ajouter du malheur au monde.
    La notion même de classe a de nombreux détracteurs, et s’altère par le développement généralisé d’un individualisme de masse. La mondialisation d’un nombre de plus en plus grand d’emplois « nomades » accentue ce phénomène et ses conséquences dans une société semi ouverte, comme la notre, aboutit, actuellement à beaucoup d’incertitudes.

    Ce qui était plausible et véridique du temps de Marx ne peut s’appliquer avec simplicité au XXIème siècle.
    Il serait absurde, par ailleurs d’analyser le marché des sabots en parlant du marché des chaussures, bien que les sabots soient entièrement inclus dans la classe des chaussures et que leur usage actuel tend à s’éloigner de leur usage d’origine.
    Cette nébuleuse que vous qualifiez, Descartes, de « classe moyenne », ce halo polyforme et aléatoire qui constituerait une partie de la société dont tous les gouvernements se soumettraient à l’influence, en posant l’hypothèse de sa réalité opérante, j’aurais la tentation de l’assimiler et donc de la nommer « métaversarchie » en référence à Neal Stephenson dans son roman « Snow crash ».

    Le terme de « doxarchie » serait tout aussi parlant pour signifier l’importance de l’opinion publique dans les positions et décisions des gouvernants, le summum étant atteint par « Mes idées sont les vôtres, vos idées sont les miennes… » de Ségolène Royal en 2006. Le règne de l’influence disproportionnée des médias, de la pression des communautés, des lobbies d’intérêts économiques, des gourous en tous genres est advenu, et l’ordre de la rationalité chancelle.

    En réalité, l’atomisation de nos sociétés, conséquence inéluctable de la marchandisation exponentielle des sociétés occidentales particulièrement, et provisoirement, nous a conduit à un délitement considérable des structures sociales et culturelles. Les liens qui nous unissaient : la famille, les valeurs, les croyances, les institutions, . . . sont ébranlées et tendent, en permanence à se dissoudre dans un no man’s land interface de nos multitudes de quant à soi.

    L’incidence que vous accordez au rapport à la plus value, si elle n’est pas absolument négligeable, ne me semble pas pour autant représenter un élément déterminant du paysage social. Le critère de « valeur », central dans votre raisonnement, ne bénéficie pas d’une caractérisation incontestable, et même simplement intégrable dans une compréhension ordinaire.
    J’ai en mémoire deux exemples – qui étaient dans une réponse à Luc, mais que je n’ai pas pu retrouver – montrent bien l’ambiguïté des diverses situations individuelles.

    Vous citez comme appartenant à la « classe moyenne » l’exemple d’un pilote de ligne. Ce qui est vrai – pour des raisons communautaristes – à Air France ne l’est pas chez Ryanair ou Easyjet.
    Même chose pour le pharmacien salarié. Lorsque l’on observe la valeur des officines de pharmacie, le propriétaire pharmacien qui doit rembourser un prêt pour un fonds qu’il revendra, le jour venu, moins cher qu’il ne l’a acheté, est probablement dans une situation économique plus exposée, moins rémunératrice que son employé pharmacien, protégé par des accords de branche.
    Et ce cas est fréquent, pour ne pas en citer d’autres du même ordre.
    Maintenant quid des fonctionnaires, sont-ils exploités par l’État, par les usagers des services publics ? quid des retraités qui vivent sur le dos des actifs ?
    Ce que je veux dire par là, c’est que les catégories sociales, bien établies et stables de la fin d’un XIXème siècle, cruel pour les classes laborieuses, sont actuellement bien plus instables, aléatoires, poreuses qu’elles ne l’étaient.

    D’autre part, un élément très important est à considérer.
    C’est la part du budget des dépenses publiques dans le PIB de la nation.
    La France consacre 57% de son PIB à une redistribution, d’une manière ou d’une autre au bénéfice de la population. Il s’agit d’investissements publics, de salaires des fonctionnaires et assimilés, des dépenses au service de la nation, des diverses redistributions de prestations aux citoyens . . . .

    Pour faire simple, on peut dire qu’il en reste 43% dans les échanges de type capitaliste et tout particulièrement dans les entreprises du secteur privé. Il est supposé que les salariés du secteur public, si tant est que certains soient « exploités », ce serait par l’ensemble de la population qui jouit abusivement de leur activité.
    En considérant que cette masse économique est approximativement divisée en trois parties relativement semblables (ce qui reste, j’en conviens, à démontrer plus précisément, bien que cela ne change rien à mon raisonnement), à savoir 1/4 pour les investissements ou équipements, 1/4 pour les matières d’œuvre, 1/2 pour les salaires, il reste donc, pour agir sur la plus value 1/2 de 43% donc environ 22% du PIB. La « classe moyenne » étant indemne d’exploitation, supposons-la à 1/4 de la population « exposée » il reste environ 17% du PIB à « ponctionner », c’est à dire 340 milliards d’€.
    En estimant que les capitalistes en « empochent » 20% de manière « indue », nous en sommes à 3,5% du PIB, c’est à dire, en gros un peu plus de 70 milliards d’€.
    Si ces 70 milliards vont dans la poche de 2 000 000 de capitalistes (1 pour 34 Français), chacun percevrait abusivement 35000 € par an. La disparité est sans doute forte. Si on applique la loi de Paréto on a 400000 « patrons » qui empochent 140 000€, soit 12000€ par mois en moyenne, là aussi avec beaucoup de disparité sans doute. (Si je redouble Pareto sur cette tranche, on a 80000 personnes qui gagnent près ou plus de 50 000€ par mois)
    Dans cet ensemble, si 1000 personnes gagnent en moyenne 1 million d’€ par an, ceci étant certainement inique, ne représente que 0,05% de la production nationale des richesses produites, ce qui économiquement n’est pas susceptible de changer grand chose aux 65 millions de citoyens plus modestes, à savoir environ 15 € par personne et par an.
    Imaginer qu’en privant les riches de leurs avoirs permettrait aux plus démunis de vivre aisément me semble une pure illusion entretenue par les populistes de tous poils.
    Il s’agit d’une question d’éthique, pas d’une solution économique.
    Voilà pour un tableau très sommaire de la socio économie et je ne pense pas que les chiffres réels de l’Insee démentiraient formellement cette approche simpliste.

    Venons-en maintenant à l’éthique.
    Vous connaissez ma position, je ne conçois pas qu’un individu, quelque soit son talent puisse bénéficier pour son action de plus de 20 à 25 fois (après impôt bien sûr), ce que gagne un individu le plus modeste, toutes choses étant égales par ailleurs. Or si on lit Marx avec un petit peu seulement d’attention – et vous en êtes bien au delà j’imagine – on constate que sa vision du capitalisme n’est pas tout à fait celle que l’on imagine communément.
    Il lui reconnaît quelque mérite, notamment de permettre : « par l’amélioration rapide de tous les instruments de production , par la facilité des moyens de communication , le capitalisme attire et réunit toutes les populations, même les plus barbares, dans la civilisation  »
    Marx a-t-il péché par aveuglement ?. Penser que le communisme pur soit possible à terme revient à considérer que le fondement même de la nature humaine doit être réformé. Le monde de Hobbes se profile à l’horizon : « Et certainement il est également vrai et qu’un homme est un dieu à un autre homme et qu’un homme est aussi un loup à un autre homme. L’un dans la comparaison des citoyens les uns avec les autres, et l’autre dans la considération des Républiques, là par le moyen de la justice et de la charité qui sont les vertus de la paix, on s’approche de la ressemblance de Dieu, et ici les désordres des méchants contraignent ceux mêmes qui sont les meilleurs de recourir par le droit d’une légitime défense à la force, à la tromperie qui sont les vertus de la guerre, c’est à dire à la rapacité des bêtes farouches » Hobbes. Du citoyen. Epitre dédicatoire.

    La lutte pour la conquête de biens matériels, de confort, de pouvoir est inscrite dans les gênes de l’être humain. On rencontre même ce phénomène chez la plupart des êtres vivants. Rien ne la supprimera si tant est que cela soit un bien. Il faudra faire avec, éternellement. Si l’on intègre l’individualisation des masses à cette donnée universelle, l’adage « l’homme est un loup pour l’homme » n’est pas près de devenir obsolète. Nul n’est besoin de ressentir une appartenance de classe pour agir en fonction de ses intérêts particuliers. Ensuite on peut toujours faire des regroupements arbitraires selon tels ou tels critères plus ou moins pertinents.
    Les sociétés organisées le sont de telle façon à limiter la loi de la jungle, et la France, malgré toutes ses imperfections, ne se situe pas parmi les dernières des nations de la planète.

    Le communisme, bras armé d’un marxisme sans doute pertinent au XIX siècle, n’a pas produit les effets escomptés par ses thuriféraires et constitue au XXI siècle une illusion irénique du possible de l’humanité.
    La lutte des classes, si tant est qu’elle soit si prégnante, est moins féroce que la lutte des individus. C’est elle qui, par regroupement artificiel comme celui de la position dans le système de production par exemple, peut donner l’impression d’un complot implicite, d’une volonté collective inavouée, de ce qui n’est qu’une hypothèse contestée par de nombreux sociologues, une entité de rhétorique qui se formerait, au gré des circonstances, dans un vaste champ de confrontations spécifiques plus ou moins ardentes. Cependant, un classement reste arbitraire et conséquent d’un choix délibéré de tel ou tel critère. Et ces critères, on peut les multiplier à loisir. Je côtoie très régulièrement plus de 100 personnes dont la quasi totalité appartient à la classe moyenne, voire aisée au sens économique du terme. La diversité de leurs opinions et de leur mode de vie, matérielle et comportementale ne semble pas vraiment accréditer de manière évidente votre théorie. En tout cas, même si la tendance à un conformisme certain se vérifie, elle ne se limite pas à cette seule catégorie, loin de là.

    Tout pousse l’être humain, quelle que soit sa position sur la planète, à conduire un combat individuel contre une adversité qui ne fait que croître. Les alliances de circonstance et ponctuelles à partir d’un intérêt commun ponctuel se délitent à la première occasion. Et l’évolution socioéconomique de la planète ne présume en rien l’altération de cet état conflictuel inscrit dans les gènes de l’humanité.

    Si l’on utilise la pyramide de Maslow – discutable à certains égards, mais qui n’en demeure pas moins pertinente dans bien des situations – pour démontrer le fondement de ma position, on s’apercevra qu’elle est valide tout autant dans la vie civile que dans l’entreprise, pour laquelle elle avait été conçue. 
    Les besoins de subsistance sont à peu de cas près, satisfaits dans nos sociétés occidentales.
    Les besoins de sécurité le sont assez bien si l’on considère, par rapport à l’ensemble du monde, le niveau de redistribution.
    Les besoins d’appartenance sont largement perturbés par les différentes « offres » communautaires et économiques.
    Les besoins de reconnaissance sont exacerbés par le « moi je » nombriliste et narcissique de l’individualisation.
    Les besoins de réalisation deviennent peut-être inaccessibles au plus grand nombre pour cause d’instabilité des valeurs.

    Ces besoins exacerbés par nos modes de vie ne font et ne feront que s’accentuer sans que nous ne soyons en mesure de les réguler. La circulation et l’échange mondialisé de biens et de services est sans doute bien moins influente que la circulation des images. Cette expression de nos motivations et comportements, exposée à la face du monde, organise et renforce une tension qui ne peut que s’exacerber.
    La « classe » des marginalisés, exclus, rejetés, ignorés, dédaignés quand ce n’est pas méprisés représente actuellement des milliards d’individus et ce chiffre croît bien plus vite que celui des nantis. Comment faudra-t-il régler cette question ?
    La classe moyenne en France et ses prétendues exigences pèse quoi face à cela ?

    • Descartes dit :

      @ Marcailloux

      [« Un blog pour parler politique, économie, société, poésie . . . bref, tout ce qui doit intéresser le citoyen d’une république » telle est la profession de foi de ce blog. Justement, ce qui intéresse le citoyen lambda, c’est ce qui, à travers les outils de sa connaissance et les moyens de sa perception de la société dont il est membre, va lui permettre de se forger une opinion.]

      Pardon, pardon. Vous allez un peu vite en besogne en passant sans transition du « ce qui DOIT INTERESSER le citoyen » à « ce qui INTERESSE le citoyen ». Or, la nuance est de taille. La profession de foi de ce blog est en effet une profession de foi pédagogique. Il ne s’agit pas de donner au citoyen ce qu’il veut, mais ce qu’il devrait vouloir – selon ma conception toute subjective, cela va de soi. Voyez vous, entre les élitistes qui pensent que le peuple peut se tromper et qu’il est du devoir de ceux à qui le sort a donné les moyens de le faire d’éclairer le peuple, et les démagogues qui pensent que le peuple a toujours raison et qu’il faut donc lui donner ce qu’il demande, je me place résolument du côté des élitistes…

      [Or, que lui inspire, à ce citoyen lambda, cet électeur ordinaire, la notion de classe moyenne ?
      – Tout d’abord un positionnement par rapport aux revenus.
      – Souvent un sentiment d’appartenance fondé sur un ensemble de critères singuliers.
      – Ensuite, une répartition par catégorie socio professionnelle.
      – Éventuellement par un niveau culturel.
      – Moins d’une fois sur cent, probablement, à partir d’un positionnement dans la chaine de production des valeurs.]

      Et alors ? C’est moi qui construit les concepts dont j’ai besoin pour bâtir ma théorie. Je ne suis en rien obligé de tenir compte du sens que le vulgum pecus donne à tel ou tel mot. Quand le mathématicien vous dit qu’un vecteur est « normal » à une surface, il se fout éperdument du sens que le « citoyen lambda » donne au mot « normal ». Pourquoi ne pourrais-je agir de même ?

      [Si l’on veut débattre de politique, au sens commun du terme, il est impératif de ne pas parler sabir. Mal nommer les choses – aurait écrit Camus – c’est ajouter du malheur au monde.]

      Faudrait dire cela au « citoyen lambda ». C’est lui qui « mal nomme » les « classes moyennes », pas moi. Vous me faites d’ailleurs un mauvais procès : après avoir débattu la question ici, je prend un grand soin de mettre systématiquement l’expression « classes moyennes » entre guillemets, pour bien marquer que je n’utilise pas le terme dans le sens « commun », mais au sens d’une définition que je rappelle régulièrement. Que voulez-vous que je fasse de plus ?

      [La notion même de classe a de nombreux détracteurs,]

      Certainement. Comme n’importe quel cadre théorique, le cadre marxiste a ses critiques. Cela étant dit, j’ai choisi de placer mon analyse dans ce cadre là. Et dans ce cadre-là, la notion de classe garde toute sa pertinence. Si d’autres ont envie d’en utiliser un autre cadre, ils sont parfaitement libres de le faire sur leur blog.

      [et s’altère par le développement généralisé d’un individualisme de masse.]

      Comme disait Althusser, « le concept de chien ne mord pas ». Une « notion » ne peut pas « s’altérer » en fonction de la réalité. Pensez-vous que la « notion d’angle droit » se soit beaucoup modifiée depuis le temps de Pythagore ? Que l’individualisme de masse puisse modifier l’idée qu’une classe se fait d’elle-même est une chose, mais la « notion de classe » est dans le plan des idées, non de la réalité.

      [Ce qui était plausible et véridique du temps de Marx ne peut s’appliquer avec simplicité au XXIème siècle.]

      Ni plus ni moins qu’au XIXème. Qu’est ce qui vous fait croire que ce que Marx écrivait pouvait « s’appliquer avec simplicité » en son temps ? Franchement, ce genre d’affirmation à l’emporte-pièce ne fait pas avancer le débat. Il est possible que la théorie marxiste soit obsolète, mais ce n’est certainement pas une évidence, et l’argument du temps qui passe n’est certainement pas suffisant.

      [Cette nébuleuse que vous qualifiez, Descartes, de « classe moyenne », ce halo polyforme et aléatoire qui constituerait une partie de la société dont tous les gouvernements se soumettraient à l’influence, en posant l’hypothèse de sa réalité opérante, j’aurais la tentation de l’assimiler et donc de la nommer « métaversarchie » en référence à Neal Stephenson dans son roman « Snow crash ».]

      Quelle « nébuleuse » ? Je donne au contraire une définition très précise de ce que j’appelle « classe moyenne », en rattachant tous ses individus à une caractéristique commune : le pouvoir de négociation qui leur permet de récupérer l’essentiel de la valeur produite. Et j’ajoute que cette définition semble opératoire, puisque le groupe que je définis ainsi montre empiriquement un comportement politique commun…

      En fait, si « nébuleuse » il y a, elle est plutôt du côté de la définition qu’utilise le « citoyen lambda » et que vous m’encouragez à adopter. Car en regroupant les gens en fonction de critères arbitraires (niveau de revenu, habitudes culturelles, lieu de vie, etc.) on fabrique un ensemble d’individus dont les comportements n’ont aucune cohérence collective.

      [En réalité, l’atomisation de nos sociétés, conséquence inéluctable de la marchandisation exponentielle des sociétés occidentales particulièrement, et provisoirement, nous a conduit à un délitement considérable des structures sociales et culturelles. Les liens qui nous unissaient : la famille, les valeurs, les croyances, les institutions, . . . sont ébranlées et tendent, en permanence à se dissoudre dans un no man’s land interface de nos multitudes de quant à soi.]

      Mais non, mais non. Il y a un « lien » qui ne risque pas de se dissoudre : l’intérêt. Ce que vous décrivez, ce n’est ni plus ni moins que ce que Marx décrivait dans le « manifeste » lorsqu’il parlait de la réduction des rapports humain au « paiement au comptant », qu’il décrivait comment les structures « sociales et culturelles » héritées du passé allaient être « noyées dans les eaux glacées du calcul égoïste » par la bourgeoisie. Comme quoi, contrairement à ce que vous dites, Marx est aussi « simplement applicable » aujourd’hui qu’il ne l’était au XIXème siècle…

      [L’incidence que vous accordez au rapport à la plus value, si elle n’est pas absolument négligeable, ne me semble pas pour autant représenter un élément déterminant du paysage social.]

      Ah bon ? Pourtant, c’est le rapport à la plus-value qui semble déterminer toujours aussi fortement les rapports sociaux. Qu’est ce qui fait à votre avis qu’on trouve aussi peu de PDG dans les rangs de la CGT ou de n’importe quel autre syndicat ouvrier ?

      [Le critère de « valeur », central dans votre raisonnement, ne bénéficie pas d’une caractérisation incontestable, et même simplement intégrable dans une compréhension ordinaire.]

      Rien dans ce bas monde n’a une « caractérisation incontestable ». Il reste que vous me faites beaucoup d’honneur en imaginant que je sois le seul pour qui l’idée de « valeur » est centrale. Je vous rappelle que c’est le cas de la grande majorité des écoles économiques.

      [Vous citez comme appartenant à la « classe moyenne » l’exemple d’un pilote de ligne. Ce qui est vrai – pour des raisons communautaristes – à Air France ne l’est pas chez Ryanair ou Easyjet.]

      Pourriez-vous développer ? Pensez-vous que chez Ryanair ou chez Easyjet on trouve des pilotes sur un marché différent de celui sur lequel Air France recrute les siens ? Parce que si le recrutement se fait sur le même marché, il n’y a aucune raison pour que « ce qui est vrai chez Air France ne le soit pas chez Ryanair ou Easyjet »…

      [Même chose pour le pharmacien salarié. Lorsque l’on observe la valeur des officines de pharmacie, le propriétaire pharmacien qui doit rembourser un prêt pour un fonds qu’il revendra, le jour venu, moins cher qu’il ne l’a acheté, est probablement dans une situation économique plus exposée, moins rémunératrice que son employé pharmacien, protégé par des accords de branche.]

      Mais alors, pourquoi s’installe-t-il plutôt que de se faire embaucher ? Votre raisonnement est illogique : si un individu a le choix entre deux options, le fait qu’il en choisisse une indique que celle-ci est probablement la plus avantageuse. Les pharmaciens qui ont le choix préfèrent en général avoir leur propre officine. Si la condition salariée était plus avantageuse, comment expliquez-vous qu’ils ne la préfèrent pas – voire qu’ils cherchent à en sortir ?

      [Maintenant quid des fonctionnaires, sont-ils exploités par l’État, par les usagers des services publics ?]

      Tout dépend du « capital immatériel » qu’ils détiennent, qui conditionne leur pouvoir de négociation et donc la part de la valeur produite qu’ils récupèrent.

      [quid des retraités qui vivent sur le dos des actifs ?]

      Les retraités ne « vivent sur le dos » de personne. C’est un cas de salaire différé dans le cadre d’un contrat intergénérationnel.

      [Ce que je veux dire par là, c’est que les catégories sociales, bien établies et stables de la fin d’un XIXème siècle, cruel pour les classes laborieuses, sont actuellement bien plus instables, aléatoires, poreuses qu’elles ne l’étaient.]

      Je sais bien que cela fait partie des idées admises. C’est d’ailleurs une constante : comme disait Marx, « chaque époque aime à se penser comme singulière » et prétend que sa situation « inédite » (comme aimait à dire Robert Hue) abolit l’ensemble de l’expérience et des catégories issues du passé. L’expérience m’a rendu sceptique par rapport à ce genre de discours. Quoi de neuf ? Molière…

      [D’autre part, un élément très important est à considérer. C’est la part du budget des dépenses publiques dans le PIB de la nation. La France consacre 57% de son PIB à une redistribution, d’une manière ou d’une autre au bénéfice de la population. Il s’agit d’investissements publics, de salaires des fonctionnaires et assimilés, des dépenses au service de la nation, des diverses redistributions de prestations aux citoyens… Pour faire simple, on peut dire qu’il en reste 43% dans les échanges de type capitaliste et tout particulièrement dans les entreprises du secteur privé.]

      Ce n’est pas tout à fait vrai. Une partie très importante du 57% consacré à la dépense publique est utilisé pour acheter des biens et des services au secteur privé. Dans ces échanges, le secteur public se comporte comme n’importe quel acteur privé : il appelle des offres et choisit celle qui lui convient le mieux. On ne peut donc pas réduire les « échanges de type capitaliste » aux seuls rapports entre acteurs privés.

      [Il est supposé que les salariés du secteur public, si tant est que certains soient « exploités », ce serait par l’ensemble de la population qui jouit abusivement de leur activité.]

      Pourquoi « abusivement » ? Il faudrait éviter de mettre des qualificatifs moraux sur un rapport qui est purement économique. Dans un mode de production fondé sur l’exploitation du travail salarié, il n’y a aucune raison que le secteur public échappe à ce qui est la règle pour tous. Les fonctionnaires vendent leur force de travail à un tarif fixé par le marché – même si le mécanisme de fixation occulte ce fait du fait de sa complexité – et ce tarif est inférieur à la valeur produite. N’échappent à cette condition que ceux dont le « capital immatériel » est suffisant pour leur permettre une négociation qui leur permet de récupérer l’intégralité de la valeur produite, voire plus dans des cas exceptionnels.

      Il n’y a donc aucune raison d’exclure les fonctionnaires de votre calcul comme vous le faites ici. Le calcul que vous faites par la suite doit donc être fait sur l’ensemble du PIB, qu’il soit produit par les fonctionnaires ou les non fonctionnaires.

      [En considérant que cette masse économique est approximativement divisée en trois parties relativement semblables (ce qui reste, j’en conviens, à démontrer plus précisément, bien que cela ne change rien à mon raisonnement), à savoir 1/4 pour les investissements ou équipements, 1/4 pour les matières d’œuvre, 1/2 pour les salaires, il reste donc, pour agir sur la plus value 1/2 de 43% donc environ 22% du PIB. La « classe moyenne » étant indemne d’exploitation, supposons-la à 1/4 de la population « exposée » il reste environ 17% du PIB à « ponctionner », c’est à dire 340 milliards d’€.]

      Outre la réserve exprimée plus haut, vous faites ici une erreur fondamentale dans votre traitement du PIB. Le PIB est une mesure de la VALEUR AJOUTEE. Il n’y a donc pas lieu de soustraire les investissements, les équipements ou les matières premières, puisqu’elles sont déjà soustraites dans le calcul. Si vous réintégrez les fonctionnaires et que vous tenez compte de cette remarque, votre calcul change du tout au tout.

      [Imaginer qu’en privant les riches de leurs avoirs permettrait aux plus démunis de vivre aisément me semble une pure illusion entretenue par les populistes de tous poils.]

      Ce calcul est très classique et illustre ce qu’on appelle l’effet pyramide : si chacun de mes concitoyens me donnait chaque année un centime, cela ne changerait rien à leur niveau de vie et cela me permettrait de disposer chaque mois d’un revenu mensuel de 50.000 €, largement suffisant pour me faire vivre dans le luxe. Notez aussi que l’argument a été utilisé par les idéologues bourgeois dès le XIXème siècle sur le mode « appauvrir les riches n’enrichira pas les pauvres ».

      A cela il y a deux réponses. La première, c’est que si vous révisez votre calcul en tenant compte de mes objections que j’ai formulé plus haut, vous verrez qu’en fait vous arrivez à un résultat plus nuancé : redistribuer le revenu des riches parmi les pauvres aurait des effets certes limités, mais nullement négligeables. Mais surtout, et c’est le point qui distingue la réflexion marxienne des autres courants « misérabilistes », la question de l’exploitation ne se pose pas seulement en termes de l’injustice qui fait que la misère des uns paye la richesse des autres, mais dans la manière dont le rapport d’exploitation structure la société toute entière. Marx ne pensait pas que le capitalisme serait dépassé parce qu’il condamnait les ouvriers à la misère, il pensait que le capitalisme s’effondrerait le jour où il serait un obstacle à l’expansion des forces productives.

      La faiblesse du capitalisme pour Marx n’est pas d’être injuste, mais d’être inefficace. Ainsi, il montre par exemple comment la nécessité du capitaliste de se constituer une « armée de réserve » de chômeurs pour faire baisser les salaires aboutit à un gâchis massif de la force de travail. En cela, la fin du rapport d’exploitation changerait pas mal de choses…

      [Il s’agit d’une question d’éthique, pas d’une solution économique.]

      Je pense avoir répondu à cette affirmation. Non, c’est bien une question économique. Pensez-y : aujourd’hui, 10% de la force de travail de notre pays est irrémédiablement perdue…

      [Venons-en maintenant à l’éthique. Vous connaissez ma position, je ne conçois pas qu’un individu, quelque soit son talent puisse bénéficier pour son action de plus de 20 à 25 fois (après impôt bien sûr), ce que gagne un individu le plus modeste, toutes choses étant égales par ailleurs.]

      Pourquoi ? Pourquoi 20 à 25, et pas 10 à 15 ou 100 à 150 ? On ne peut pas faire de l’éthique « à vue de nez ». Une règle éthique doit avoir une justification précise. A partir de quel rapport entre le salaire le plus faible et le plus fort votre éthique commence à être mise en défaut, et pourquoi ?

      [Or si on lit Marx avec un petit peu seulement d’attention – et vous en êtes bien au delà j’imagine – on constate que sa vision du capitalisme n’est pas tout à fait celle que l’on imagine communément. Il lui reconnaît quelque mérite, notamment de permettre : « par l’amélioration rapide de tous les instruments de production , par la facilité des moyens de communication , le capitalisme attire et réunit toutes les populations, même les plus barbares, dans la civilisation »]

      Je ne peux qu’être d’accord avec vous, ayant passé une bonne partie de ma vie à expliquer à des soi-disant « marxistes » que la vision de l’histoire chez Marx est faite d’une succession de modes de production différents les uns des autres, chacun adapté à un stade de l’évolution des techniques, et appelé à laisser la place à un autre dès lors que ses contradictions internes sont devenues des obstacles à l’expansion des forces productives. Autant dire que le jugement moral de tel ou tel mode de production n’a simplement pas de sens. Le capitalisme que Marx voyait se déployer devant lui était « révolutionnaire » parce qu’il jetait à bas les structures du mode de production féodal et permettait un développement inconnu jusqu’alors des forces productives.

      [Marx a-t-il péché par aveuglement ?. Penser que le communisme pur soit possible à terme revient à considérer que le fondement même de la nature humaine doit être réformé.]

      Je ne croit pas que Marx ait jamais pensé le « communisme » autrement comme un idéal vers lequel on pouvait tendre, et non comme un mode de production qui pouvait être effectivement réalisé. D’ailleurs, vous noterez que Marx n’a consacré qu’une partie minime de son œuvre au communisme, et l’essentiel de celle-ci au capitalisme…

      [La lutte pour la conquête de biens matériels, de confort, de pouvoir est inscrite dans les gênes de l’être humain. On rencontre même ce phénomène chez la plupart des êtres vivants. Rien ne la supprimera si tant est que cela soit un bien. Il faudra faire avec, éternellement.]

      Oui et non. La lutte pour la conquête des biens matériels, du confort et du pouvoir n’est inscrite dans nos gènes que dans la mesure où nous vivons dans un monde de rareté, ou les biens matériels sont limités et ne suffisent pas pour satisfaire les désirs de tous en même temps. Si demain nous vivions dans l’abondance – et le communisme ne se conçoit pour Marx que dans ce cas – cette lutte perdrait tout simplement son sens. Personne ne se bat pour ce qui est disponible en abondance : connaissez-vous des gens qui se battent pour l’air ?

      Et même dans une société de rareté, cette compétition « écrite dans nos gènes », nous pouvons la réguler. Nous avons même fait des progrès énormes ces deux derniers millénaires. L’immense majorité d’entre nous évite d’étriper notre voisin pour mettre la main sur ses biens, et la compétition pour les richesses matérielles passe par des mécanismes ou le perdant ne perd pas tout. Nos « luttes » sont essentiellement symboliques, et lorsque les citoyens de deux pays se battent sur un terrain de football plutôt que de s’étriper pour de vrai, la barbarie s’éloigne. Puisque vous citez Hobbes, on trouve chez lui une pensée très pragmatique d’une société qui, sans éliminer la compétition pour les ressources, la régule.

      [Si l’on intègre l’individualisation des masses à cette donnée universelle, l’adage « l’homme est un loup pour l’homme » n’est pas près de devenir obsolète.]

      Lisez bien Hobbes : ce n’est dans l’état de nature que « l’homme est un loup pour l’homme ». Dans une société organisée, l’homme est un loup certes, mais domestiqué…

      [Nul n’est besoin de ressentir une appartenance de classe pour agir en fonction de ses intérêts particuliers. Ensuite on peut toujours faire des regroupements arbitraires selon tels ou tels critères plus ou moins pertinents.]

      Mais la question n’est pas tellement les « intérêts particuliers », mais les « intérêts de classe ». Qui sont des intérêts autonomes par rapport à ceux « particuliers » de tel ou tel individu. Et pour qu’un individu défende les intérêts de sa classe, la conscience de classe est indispensable. Si vous regroupez les gens arbitrairement selon des critères « plus ou moins pertinents », vous ne comprendrez rien à cette question. Pour y comprendre, il faut regrouper les gens en fonction d’un critère bien précis, qui est leur position dans le mode de production. Parce que c’est le fait de partager cette position qui constitue l’intérêt de classe.

      [Le communisme, bras armé d’un marxisme sans doute pertinent au XIX siècle, n’a pas produit les effets escomptés par ses thuriféraires et constitue au XXI siècle une illusion irénique du possible de l’humanité.]

      Il y a thuriféraires et thuriféraires. Les thuriféraires qui attendaient du « communisme » (je pense ici que ce terme est utilisé par vous dans le sens du mouvement communiste, et non du mode de production) la naissance d’un « homme nouveau » et d’une société idéale ont certainement été déçus, mais c’est de leur faute : ils n’avaient qu’à bien lire Marx. Par contre, les thuriféraires plus réalistes qui attendaient du « communisme » une amélioration de la situation de la classe ouvrière en ont eu pour leur argent. Sans le « communisme », une bonne partie des conquêtes ouvrières du XXème siècle n’auraient pas vu le jour. La meilleure preuve en est qu’il a suffit que les partis communistes s’effondrent pour que l’ensemble de ces conquêtes soit remise en question.

      [La lutte des classes, si tant est qu’elle soit si prégnante, est moins féroce que la lutte des individus.]

      Permettez-moi de ne pas être d’accord. La lutte des individus peut causer beaucoup de dégâts, mais la lutte des classes est le moteur de l’histoire, et à ce titre peut en causer de bien plus considérables.

      [C’est elle qui, par regroupement artificiel comme celui de la position dans le système de production par exemple, peut donner l’impression d’un complot implicite, d’une volonté collective inavouée, de ce qui n’est qu’une hypothèse contestée par de nombreux sociologues, une entité de rhétorique qui se formerait, au gré des circonstances, dans un vaste champ de confrontations spécifiques plus ou moins ardentes.]

      Vous trouverez toujours de « nombreux sociologues » pour contester à peu près n’importe quelle hypothèse. Mais là encore, vous me faites dire le contraire de ce que je dis. Je n’ai jamais parlé de « complot implicite ». Si le modèle marxien est si puissant, c’est précisément parce qu’il arrive à expliquer pourquoi les individus appartenant à une même classe tirent tous dans le même sens SANS BESOIN DE SE CONCERTER DANS UN COMPLOT. La théorie marxienne est l’antidote fondamental contre tout « complotisme ».

      [Cependant, un classement reste arbitraire et conséquent d’un choix délibéré de tel ou tel critère. Et ces critères, on peut les multiplier à loisir.]

      Non. En dernière instance, les critères que vous choisissez doivent passer le test de réalité. En d’autres termes, les rapports entre les groupes sociaux que vous avez définis permettent-ils d’expliquer les phénomènes observables ? Si oui, les critères que vous avez choisi ont un intérêt. Si le concept de classe tel que Marx l’a défini est pertinent, c’est parce qu’il permet d’expliquer l’expérience.

      [Je côtoie très régulièrement plus de 100 personnes dont la quasi totalité appartient à la classe moyenne, voire aisée au sens économique du terme. La diversité de leurs opinions et de leur mode de vie, matérielle et comportementale ne semble pas vraiment accréditer de manière évidente votre théorie. En tout cas, même si la tendance à un conformisme certain se vérifie, elle ne se limite pas à cette seule catégorie, loin de là.]

      Les opinions sont une chose, les actions en sont une autre. Par exemple sur ces cent personnes, combien ont voté « non » au traité de Maastricht ? Ou bien lors du référendum sur le traité constitutionnel européen ? Combien d’entre elles habitent dans un quartier « sensible », et parmi eux combien envoient leurs enfants à l’école du quartier ?

      Bien sur, il y a toujours une grande diversité dans les opinions, dans toute couche sociale. Mais ce ne sont pas les opinions qui comptent, ce sont les actes. Et sur ce plan, les classes sociales sont remarquablement homogènes. Et même s’il y a des déviants – vous trouverez des grands bourgeois qui cotisent au PCF – ce sont l’exception, et non la règle.

      [Tout pousse l’être humain, quelle que soit sa position sur la planète, à conduire un combat individuel contre une adversité qui ne fait que croître. Les alliances de circonstance et ponctuelles à partir d’un intérêt commun ponctuel se délitent à la première occasion. Et l’évolution socioéconomique de la planète ne présume en rien l’altération de cet état conflictuel inscrit dans les gènes de l’humanité.]

      Mais vous voyez bien que l’observation des sociétés contredit cette thèse. Des institutions collectives regroupent les hommes dans des « alliances » tellement solides que certaines de ces institutions traversent les siècles. La famille, la tribu, la cité, la nation en sont d’excellents exemples. Et ces institutions suscitent une adhésion qui va jusqu’au sacrifice ultime de sa propre individualité qu’est la mort « pour que vivent les autres ».

      Je crois que dans votre raisonnement vous oubliez un élément fondamental : si la compétition est inscrite dans nos gènes, c’est aussi le cas de notre capacité symbolique, qui reste LA chose qui nous sépare des animaux. On trouve des animaux qui se font des outils, on ne trouve aucun animal – à part nous – qui se fasse des idoles. Et cette capacité de symbolisation permet à l’homme de transcender les limites de son individualité, que ce soit dans l’espace et dans le temps. Par la symbolisation, nous dépassons notre mortalité en nous survivant symboliquement dans nos œuvres. Par la symbolisation, nous sommes capables de voir dans l’autre un « autre moi » qui mérite notre sacrifice.

      Et c’est pour cette raison que l’étude des « classes » sociales n’est pas aussi simple que celui des castes chez les fourmis ou les thermites. Si les classes sociales sont réunies par un « intérêt de classe » qui découle de leur position dans le mode de production, cet intérêt est autonome et irréductible aux intérêts individuels de ses membres. Il se construit dans une dialectique complexe avec eux.

      [Si l’on utilise la pyramide de Maslow – discutable à certains égards, mais qui n’en demeure pas moins pertinente dans bien des situations – pour démontrer le fondement de ma position, on s’apercevra qu’elle est valide tout autant dans la vie civile que dans l’entreprise, pour laquelle elle avait été conçue.
      Les besoins de subsistance sont à peu de cas près, satisfaits dans nos sociétés occidentales.
      Les besoins de sécurité le sont assez bien si l’on considère, par rapport à l’ensemble du monde, le niveau de redistribution.]

      Ah bon ? Je vous rappelle que pour Maslow, le « besoin de sécurité » est satisfait par un environnement PREVISIBLE. Pensez-vous que dans nos sociétés occidentales telles qu’elles évoluent depuis une trentaine d’années cette condition soit remplie ? Dans un contexte ou se multiplient les emplois précaires, ou la cellule familiale est elle-même instable, ou les règles changent en permanence, on peut difficilement dire que ce soit le cas. Si vous appelez Maslow à la rescousse, vous risquez d’être déçu… parce que le raisonnement de Maslow tend à défendre une conception inverse de la votre. Les besoins dont parle Maslow ne peuvent être satisfaits qu’à l’intérieur de rapports collectifs stables et certainement pas dans une logique « d’alliances de circonstance et ponctuelles » entre des individus tout entiers occupés à un « combat individuel contre l’adversité ».

      [Ces besoins exacerbés par nos modes de vie ne font et ne feront que s’accentuer sans que nous ne soyons en mesure de les réguler.]

      Dans ce cas, à quoi peut bien servir la politique ? Puisque nous ne sommes pas « en mesure de réguler », et que la seule position rationnelle est de se laisser emporter par le courant, quel est l’intérêt d’une réflexion sur des alternatives qui de toute manière n’existent pas ? Si vous voulez être cohérent avec votre discours, il ne vous reste qu’à vous retirer dans le désert.

      [La « classe » des marginalisés, exclus, rejetés, ignorés, dédaignés quand ce n’est pas méprisés représente actuellement des milliards d’individus et ce chiffre croît bien plus vite que celui des nantis.]

      Je ne comprends pas cette caractérisation. Il y aurait une « classe des méprisés » ? Le fait d’être « ignoré » vous met dans une classe déterminée ? Quid des « nantis méprisés » ou des « nantis ignorés » ?

      Il faut arrêter de tout mélanger. Les marginalisés, les exclus, les rejetés, les ignorés et les dédaignés ne constituent pas une « classe ». Parce qu’ils n’ont pas une position homogène dans le mode de production, il semble impossible de dégager un « intérêt de classe » qui leur serait commun. Plus qu’une « classe », vous définissez une catégorie morale qui, et je pense que c’est révélateur, n’est définie que de manière subjective. En effet, on n’est « marginalisé », « exclu », « rejeté », « ignoré » ou « dédaigné » que parce qu’il y a quelqu’un d’autre, extérieur à vous, qui vous « marginalise », vous « exclut », vous « ignore » ou vous « dédaigne ». En d’autres termes, un individu X n’appartient à ce groupe que parce qu’il existe un individu Y qui vous y classe…

      [Comment faudra-t-il régler cette question ?]

      Quelle question ? Je n’ai toujours pas compris la question. Vous m’avez expliqué que l’être humain est programmé pour poursuivre un « combat individuel contre l’adversité », que les alliances collectives se font et défont sans la moindre stabilité, et que nous n’avons aucune possibilité de réguler ces mouvements. A partir de là, je ne vois pas quelle est la question qui resterait ouverte. Nous allons vers le chaos et la guerre sociale, et on ne peut rien faire. La question est donc résolue…

      [La classe moyenne en France et ses prétendues exigences pèse quoi face à cela ?]

      Devant une cosmogonie qui repose sur un individualisme « inscrit dans les gènes » et que rien ni personne peut réguler, rien ne pèse vraiment. Mais personnellement je ne m’inscrit pas dans un tel fatalisme. J’ai confiance – une confiance fondée sur l’histoire – dans la capacité de l’homme à construire des institutions et à se réguler à travers elles. Et dans ce contexte les « classes moyennes » et leurs intérêts – je ne parle pas d’exigences – pèsent très lourd, parce qu’elles détiennent les leviers de la machine à symboles. Comme la caste des prêtres dans les civilisations antiques, les « classes moyennes » détiennent les instruments de symbolisation et contrôlent le rapport à la transcendance.

    • Marcailloux dit :

      @ Descartes,

      Bonjour,

      Afin de ne pas encombrer les pages du blog, je fais là un commentaire global sur ce que je considère essentiel.

      Puisque vous intégrez avec raison la nécessité de nuancer, nuançons donc.
      Si je corrige en remplaçant « intéresse » par « doit intéresser » je passe d’un simple constat, erroné peut-être, à une obligation sous peine . . . . que sais-je, . . . . . d’excommunication ?
      L’emploi du conditionnel ne ferait alors plus pesez un soupçon possible de tentative d’impérialisme sur les consciences.

      Personnellement je m’intéresse – en quasi béotien, j’en conviens – aux sujets que vous traitez avec beaucoup de talent et auxquels j’adhère assez largement. Et je loue avec chaleur le soin que vous apportez à vos réponses. Depuis les années que nous nous côtoyons par les mots et les idées, j’ai le sentiment, et je ne vous en remercierai jamais assez, d’avoir beaucoup progressé dans une certaine rigueur en matière de rhétorique comme de dialectique.
      Cependant je revendique la légitimité de contester, non pas votre droit d’exposer une thèse singulière – ce serait absurde et infantile – mais ce « doit », avec sa dimension contraignante, confirmé dans votre réponse, censée imposer une bienpensance qui fait écho à celle que vous dénoncez dans votre profession de foi. Ce « doit » me semble omniprésent dans vos réponses fort bien charpentées au demeurant et qui donne à votre thèse la puissance de LA VÉRITÉ plus que de votre vérité.

      Vous parlez d’élitisme dont la vocation est d’«éclairer le peuple » face aux « démagogues qui pensent que le peuple a toujours raison». Soit.
      Et c’est quoi, à votre avis « éclairer le peuple » ?
      Est-ce braquer un rayon lumineux sur le seul objet de ses propres convictions ?
      Est-ce lui exposer les différentes approches d’une question avec ses différents déterminants ?
      Est-ce lui proposer les outils universels nécessaires à l’élaboration de son opinion ?
      Il ne faudrait pas confondre, éclairer, et orienter.
      Et, si votre vocation consiste à « éclairer » vos lecteurs tout en ne prenant pas vraiment en compte les réserves qu’ils formulent régulièrement, à lire les différents commentateurs, vous contredites en cela votre illustre éponyme : « Ne recevoir aucune chose pour vraie tant que son esprit ne l’aura clairement et distinctement assimilée préalablement »
      Il y a surement autant de démagogues chez les élites qu’ailleurs car c’est très souvent leur intérêt, matériel ou intellectuel. Et je n’en connais pas un dont je puisse soupçonner qu’il pense réellement que le peuple a TOUJOURS RAISON, même s’il peut paraître l’affirmer publiquement.
      « Éclairer le peuple » constitue l’intention affichée des élites, sans doute, et elles le font quelquefois, mais aussi souvent avec une lanterne magique dont ils composent et détiennent la plaque révélatrice et le commentaire ad hoc qui leur convient.

      Lorsque, plus loin dans votre réponse vous écrivez : [Je donne au contraire une définition très précise de ce que j’appelle « classe moyenne », en rattachant tous ses individus à une caractéristique commune : le pouvoir de négociation qui leur permet de récupérer l’essentiel de la valeur produite. Et j’ajoute que cette définition semble opératoire, puisque le groupe que je définis ainsi montre empiriquement un comportement politique commun…], les termes « pouvoir de négociation », « essentiel de la valeur produite », « montre empiriquement un comportement politique commun » restent flous, susceptibles d’interprétation, non quantifiables et donc non mesurables.

      Si je peux vous suivre sur l’existence de quelque chose d’opérant dans notre société, cela reste sur une intuition fugace que je considère évanescente depuis plusieurs décennies.

      La réalité sociologique d’aujourd’hui a considérablement évoluée depuis Marx, et c’est un peu comme si l’on cherchait à, comme je l’ai déjà proposé, examiner l’usage des sabots dans l’histoire de la chaussure. Ce qui était en 1890 n’est plus du tout ce qui est en 2018. Cela ne veut pas dire que ça n’est plus. Simplement, les effets sur le quotidien perceptible ne sont plus les mêmes. La sociologie présente de nombreux domaines, et lorsque l’on examine le champ d’observation de chacun d’entre eux, on constate des changements tels que les mécanismes décrits et théorisés par Marx, même s’ils ne sont pas devenus obsolètes, n’ont probablement que peu de similitude dans leurs effets.
      La société de 1900 était plus près d’une société de castes que de classes. Il y avait les bourgeois et les prolétaires, je ne vous apprends rien. Les limites étaient nettes et quasiment infranchissables pour la très grande majorité des citoyens. Aujourd’hui ce spectre est devenu, par les niveaux de vie, l’information, la famille, la santé, la science, l’instruction, la religion, le droit, l’économie, etc . . . , très différents et bien plus mouvants qu’autrefois.

      Car enfin, Descartes, et c’est un choix entre Aristote et Platon, entre le monde du réel et celui des idées, le « citoyen » auquel vous faite référence dans l’accueil sur votre blog est-il plus concerné par la théorie spéculative que par les effets de la société dont il doit subir les contraintes et bénéficier des avantages tous les jours ?

      PS. Pour le PIB, évoqué dans notre échange et que je prenais simplement à titre d’illustration, je serais moins radical que vous et vos MAJUSCULES. La définition du PIB est multiple même au sein de l’Insee. Et je veux bien défier quiconque sur ce blog ou ailleurs de pouvoir définir de manière INCONTESTABLE ce qu’est le PIB en seulement quelques mots.

    • BJ dit :

      @Descartes
      [connaissez-vous des gens qui se battent pour l’air ?]

      Avec l’augmentation du taux de CO2 qui va s’accélérant, et les conséquences inhérentes, ça devrait venir…

    • Descartes dit :

      @ Marcailloux

      [Puisque vous intégrez avec raison la nécessité de nuancer, nuançons donc. Si je corrige en remplaçant « intéresse » par « doit intéresser » je passe d’un simple constat, erroné peut-être, à une obligation sous peine . . . . que sais-je, . . . . . d’excommunication ?]

      Ne croyez pas que je ne vois pas la difficulté implicite dans mes propos. Ce « doit » n’implique pas un « devoir » mais une conditionnalité. Comme dans l’expression « tu dois manger la soupe si tu veux grandir » ou « tu dois étudier si tu veux aboutir à quelque chose dans la vie ». Dans les deux cas, il s’agit d’énoncer une CONDITION – à la croissance dans le premier cas, à la réussite dans le second – et non un DEVOIR : si l’individu choisit de ne pas grandir ou de ne pas réussir, il peut parfaitement s’abstenir de manger la soupe ou d’étudier.

      Mais d’un autre côté, cet usage du verbe « devoir », s’il n’énonce pas une obligation formelle, n’est pas tout à fait neutre quant aux choix possibles. Implicitement, il énonce un une position morale. Dans mon exemple, « grandir » ou « réussir » sont clairement des valeurs qui méritent qu’on étudie ou qu’on mange sa soupe.

      [L’emploi du conditionnel ne ferait alors plus pesez un soupçon possible de tentative d’impérialisme sur les consciences.]

      Je ne dirais pas d’impérialisme, puisque je n’ai aucun pouvoir sur la conscience des autres. Mais certainement une recommandation !

      [Cependant je revendique la légitimité de contester, non pas votre droit d’exposer une thèse singulière – ce serait absurde et infantile – mais ce « doit », avec sa dimension contraignante, confirmé dans votre réponse, censée imposer une bienpensance qui fait écho à celle que vous dénoncez dans votre profession de foi. Ce « doit » me semble omniprésent dans vos réponses fort bien charpentées au demeurant et qui donne à votre thèse la puissance de LA VÉRITÉ plus que de votre vérité.]

      Vous êtes tout à fait légitime pour contester mes thèses. Et je vous reconnaît cette légitimité chaque fois que je réponds de manière détaillée à vos arguments, au lieu de les balayer d’un revers de manche comme font très souvent ceux qui s’expriment sur les réseaux sociaux. Par ailleurs, je n’ai jamais prétendu posséder « la vérité », au contraire, je pense avoir toujours défendu dans ces colonnes l’idée que toute « vérité » – y compris celle que je défends – doit être soumise au doute systématique. Ce n’est pas pour rien que ce blog est sous le vocatif cartésien…

      [Vous parlez d’élitisme dont la vocation est d’«éclairer le peuple » face aux « démagogues qui pensent que le peuple a toujours raison». Soit.]

      Oui. Dans notre République, il existe une élite – n’ayons pas peur des mots – qui détient les instruments intellectuels et matériels qui lui permettent de connaître et de comprendre le réel. Une élite pour qui a accès à ce que les arts, les sciences, la philosophie ont produit de meilleur. Et si une partie de ce privilège est acquis par le mérite, cette élite ne pourrait pas exister sans le soutien de l’ensemble de ses concitoyens qui produisent des biens et payent des impôts pour que d’autres puissent étudier, penser, créer. A mon avis, cette élite a un devoir moral, celui de mettre sa capacité à penser le réel, au service de l’ensemble des citoyens, et en particulier à éclairer le citoyen. Car – et c’est en cela que mon modèle n’est pas « élitiste » – c’est lui, le citoyen, et non l’élite qui doit détenir le pouvoir souverain.

      [Et c’est quoi, à votre avis « éclairer le peuple » ?]

      Lui donner les instruments pour faire des choix rationnels. Ce qui implique d’une part l’informer des données du problème, et d’autre part – et c’est le plus difficile – de lui donner les instruments pour aborder de manière critique celui-ci.

      [Est-ce braquer un rayon lumineux sur le seul objet de ses propres convictions ?]

      Oui. Parce que l’élite est formée de gens d’opinions diverses, et si chacun « braque un rayon lumineux sur ses propres convictions », le citoyen sera éclairé par les multiples rayons qui illumineront des convictions différentes. Il n’y a pas d’objectivité dans ce bas monde, et seule la confrontation de multiples avis peut créer une décision éclairée.

      [Est-ce lui proposer les outils universels nécessaires à l’élaboration de son opinion ?]

      Aussi. Enseigner aux citoyens à l’école les règles de la déduction logique et du doute cartésien fait certainement partie de cet « éclairage ».

      [Il ne faudrait pas confondre, éclairer, et orienter.]

      Tout discours « oriente ». Il est irréaliste d’imaginer qu’une personne, quel qu’elle soit, puisse exposer une question sans « orienter » son discours vers la conclusion qui a sa faveur. C’est la diversité des « orientations » qui éclaire.

      [Et, si votre vocation consiste à « éclairer » vos lecteurs tout en ne prenant pas vraiment en compte les réserves qu’ils formulent régulièrement, à lire les différents commentateurs, vous contredites en cela votre illustre éponyme : « Ne recevoir aucune chose pour vraie tant que son esprit ne l’aura clairement et distinctement assimilée préalablement »]

      Vous êtes injuste avec moi. D’abord, je « prends vraiment en compte les réserves » que mes lecteurs formulent : je prends un grand soin de leur répondre point par point et de manière argumentée. Si ce n’est là « prendre en compte les réserves », je me demande ce qu’il vous faut. Par ailleurs, vous noterez que je n’ai jamais censuré un commentaire au prétexte que le point de vue exposé n’était pas le mien. Le lecteur de ce blog peut lire ici mon point de vue, et l’ensemble des objections et réserves que vous et d’autre soulèvent. A lui de se faire une opinion à partir de ces éléments. En ce sens, je ne pense pas manquer à mon devoir « d’éclairer ».

      [Il y a surement autant de démagogues chez les élites qu’ailleurs car c’est très souvent leur intérêt, matériel ou intellectuel.]

      Tout à fait. Mais le démagogue, lorsqu’il vient de l’élite, rompt le contrat entre le peuple et ses élites. Pourquoi le peuple continuerait à financer des artistes et des intellectuels qui n’ont en tête que leurs propres intérêts ? Et de ce point de vue, la démagogie anti-élitiste est la pire, parce qu’elle détruit l’instrument même de libération qu’est la pensée.

      [Et je n’en connais pas un dont je puisse soupçonner qu’il pense réellement que le peuple a TOUJOURS RAISON, même s’il peut paraître l’affirmer publiquement.]

      Mais pourquoi affirmer publiquement que « le peuple a toujours raison » alors qu’on ne le pense pas ? Et quels sont les effets de cette affirmation, répétée en boucle ?

      [« Éclairer le peuple » constitue l’intention affichée des élites, sans doute, et elles le font quelquefois, mais aussi souvent avec une lanterne magique dont ils composent et détiennent la plaque révélatrice et le commentaire ad hoc qui leur convient.]

      J’aimerais bien que vous me donniez un exemple contemporain de ce tropisme. Je suis d’accord que ce fut le cas à une époque. Mais cela fait maintenant belle lurette qu’on n’est plus là. Les « maîtres à penser » sont tous morts et enterrés, et sur leur tombe fleurit une pédagogie qui ne se veut plus une « transmission » mais une « co-construction ». Quand Jospin met « l’élève au centre du système scolaire », il est en train de nier précisément l’idée que l’instituteur ou le professeur sont là pour « éclairer » l’élève, puisque celui-ci « construit son propre savoir » sans l’aide de personne.

      La vision d’une élite dont le devoir est « d’éclairer » ses concitoyens est intimement liée à l’idée de TRANSMISSION du savoir, construite comme le disait Scruton autour de trois piliers : l’idée que le professeur sait, l’idée que l’élève ne sait pas, et l’idée qu’il y a des choses qui méritent d’être sues. Depuis mai 1968, cette vision est rejetée comme aliénante, au profit d’une vision ou les individus se forgent eux-mêmes leurs savoirs. Dans ces conditions, personne « n’éclaire » personne.

      [Lorsque, plus loin dans votre réponse vous écrivez : [Je donne au contraire une définition très précise de ce que j’appelle « classe moyenne », en rattachant tous ses individus à une caractéristique commune : le pouvoir de négociation qui leur permet de récupérer l’essentiel de la valeur produite. Et j’ajoute que cette définition semble opératoire, puisque le groupe que je définis ainsi montre empiriquement un comportement politique commun…], les termes « pouvoir de négociation », « essentiel de la valeur produite », « montre empiriquement un comportement politique commun » restent flous, susceptibles d’interprétation, non quantifiables et donc non mesurables.]

      Et oui. J’écris ici pour un blog, pas une thèse de doctorat en économie. Je n’ai pas les moyens ni le temps d’écrire un traité, de définir précisément chacun des termes, de trouver les éléments statistiques rigoureux qui prouveraient ma théorie. Je travaille à partir d’idées générales, qui me semblent expliquer là aussi de manière générale les transformations qu’on peut observer. Croyez bien que j’aimerais laisser mon nom en écrivant « Le Capital II ». Mais je fais ce que je peux.

      [La réalité sociologique d’aujourd’hui a considérablement évoluée depuis Marx, et c’est un peu comme si l’on cherchait à, comme je l’ai déjà proposé, examiner l’usage des sabots dans l’histoire de la chaussure.]

      Newton n’avait pas prévu les fusées et les satellites artificiels, et pourtant on continue à utiliser la mécanique newtonienne pour calculer leurs trajectoires. Une théorie dont le but est de modéliser les transformations de la réalité ne devient pas caduque simplement parce que la réalité se transforme. Si la transformation fait apparaître de nouveaux objets, on peut se demander comment appliquer la théorie à ceux-ci. Mais la théorie, elle, ne deviendra caduque que lorsque ses conclusions auront été contredites par l’expérience.

      Il n’y a aucune raison de penser que l’idée que « la lutte des classes est le moteur de l’histoire » soit moins vraie aujourd’hui qu’elle ne l’était en 1880. Simplement, il faut l’appliquer à des nouveaux objets, par exemple, à une nouvelle « classe ». Et c’est exactement ce que je cherche à faire

      [La sociologie présente de nombreux domaines, et lorsque l’on examine le champ d’observation de chacun d’entre eux, on constate des changements tels que les mécanismes décrits et théorisés par Marx, même s’ils ne sont pas devenus obsolètes, n’ont probablement que peu de similitude dans leurs effets.]

      J’aimerais bien quelques exemples précis.

      [La société de 1900 était plus près d’une société de castes que de classes. Il y avait les bourgeois et les prolétaires, je ne vous apprends rien. Les limites étaient nettes et quasiment infranchissables pour la très grande majorité des citoyens. Aujourd’hui ce spectre est devenu, par les niveaux de vie, l’information, la famille, la santé, la science, l’instruction, la religion, le droit, l’économie, etc . . . , très différents et bien plus mouvants qu’autrefois.]

      La mobilité sociale a toujours existé. Elle est forte dans les sociétés en forte croissance – c’était vrai en 1860 comme en 1945 – et beaucoup plus faible dans les périodes de faible croissance, quand la société se bloque et les classes « installées » tirent l’échelle pour empêcher les classes inférieures de les concurrencer. C’était le cas en 1900 et c’est le cas aujourd’hui. Allez vous promener à Hénin-Beaumont, à Béthune ou à Longwy, et vous verrez si les « limites de classe » sont moins « nettes et infranchissables » qu’il y a un siècle…

      Cela ne veut pas dire qu’il n’y ait pas de nouveaux objets dont a théorie doit tenir compte. Je pense notamment aux « classes moyennes », qui en 1900 pointaient à peine le bout de leur nez et qui sont aujourd’hui dominantes. Mais il ne faut pas confondre les objets d’une théorie avec a théorie elle-même. Il n’y avait pas de voitures du temps de Newton, mais les voitures sont sujettes aux lois de la mécanique newtonienne.

      [Car enfin, Descartes, et c’est un choix entre Aristote et Platon, entre le monde du réel et celui des idées, le « citoyen » auquel vous faite référence dans l’accueil sur votre blog est-il plus concerné par la théorie spéculative que par les effets de la société dont il doit subir les contraintes et bénéficier des avantages tous les jours ?]

      Vous me rappelez une célèbre formule : « De Gaulle voyait les français tels qu’ils auraient dû être, Mitterrand les voyait tels qu’ils sont ». Comme ils ont tous deux été élus à la présidence de la République, on se dit que la réponse à voter question est moins claire que vous ne le pensez… L’homme ne vit pas que de pain, et c’est particulièrement vrai pour le Français.

      [PS. Pour le PIB, évoqué dans notre échange et que je prenais simplement à titre d’illustration, je serais moins radical que vous et vos MAJUSCULES. La définition du PIB est multiple même au sein de l’Insee. Et je veux bien défier quiconque sur ce blog ou ailleurs de pouvoir définir de manière INCONTESTABLE ce qu’est le PIB en seulement quelques mots.]

      Dans la mesure où le PIB est un indicateur arbitraire, toute définition est « incontestable ». Je vois mal comment « la définition du PIB » pourrait être « multiple au sein de l’INSEE » : Si c’était le cas, l’INSEE publierait plusieurs valeurs du PIB, un pour chaque « définition », non ? Or, il n’en publie qu’une seule…

    • Marcailloux dit :

      @ Descartes,

      Bonjour,

      [Vous êtes injuste avec moi.]

      C’est le moins du monde dans mes intentions. Je reconnais volontiers être taquin, c’est ma nature. Si la politique est une tragédie, comme vous l’évoquez quelquefois, il m’arrive souvent, à titre individuel, et peut-être pour contrebalancer de succomber au plaisir de m’adonner à la farce. N’y voyer que l’expression d’un peu de familiarité amicale.

    • Marcailloux dit :

      @ Descartes,
      [Dans la mesure où le PIB est un indicateur arbitraire, toute définition est « incontestable ». Je vois mal comment « la définition du PIB » pourrait être « multiple au sein de l’INSEE » : Si c’était le cas, l’INSEE publierait plusieurs valeurs du PIB, un pour chaque « définition », non ? Or, il n’en publie qu’une seule…]
      Désolé d’insister car si vous consultez le site de l’Insee : https://www.insee.fr/fr/information/2549709
      vous avez comme définition :Produit intérieur brut aux prix du marché / PIB
      “Agrégat représentant le résultat final de l’activité de production des unités productrices résidentes.Il peut se définir de trois manières :- le PIB est égal à la somme des valeurs ajoutées brutes des différents secteurs institutionnels ou des différentes branches d’activité, augmentée des impôts moins les subventions sur les produits (lesquels ne sont pas affectés aux secteurs et aux branches d’activité) ;- le PIB est égal à la somme des emplois finals intérieurs de biens et de services (consommation finale effective, formation brute de capital fixe, variations de stocks), plus les exportations, moins les importations ;- le PIB est égal à la somme des emplois des comptes d’exploitation des secteurs institutionnels : rémunération des salariés, impôts sur la production et les importations moins les subventions, excédent brut d’exploitation et revenu mixte.” D’autres définitions existes et ne font qu’embrouiller la compréhension du péquin de base.
      Le contenu, j’en conviens, est moins important que la variation de son résultat d’une année sur l’autre afin de procéder à des comparaisons. Cependant chez les économistes de nombreuses critiques sont exprimées quant à sa pertinence.
      Un problème similaire se pose aussi quant au nombre de chômeurs d’un pays pour n’évoquer que deux indicateurs très souvent employés.

    • Descartes dit :

      @ Marcailloux

      [vous avez comme définition :Produit intérieur brut aux prix du marché / PIB “Agrégat représentant le résultat final de l’activité de production des unités productrices résidentes.Il peut se définir de trois manières :]

      Les trois « manières » de définir le PIB sont EQUIVALENTES. Quelle que soit la « manière » que vous choisissez, le calcul donnera le même résultat. On ne peut donc pas parler d’une définition « contestable », ou de « multiples » définitions. Le PIB est bien un objet unique, pour lequel – comme pour tout objet – on peut imaginer un certain nombre de définitions équivalentes.

      [Le contenu, j’en conviens, est moins important que la variation de son résultat d’une année sur l’autre afin de procéder à des comparaisons. Cependant chez les économistes de nombreuses critiques sont exprimées quant à sa pertinence.]

      Ça, c’est un autre problème. La difficulté n’est pas de savoir si le PIB est bien ou mal défini, mais quel est l’usage qu’on peut en faire. Le PIB est un indicateur de l’activité économique. Il synthétise le rendement du système de production. Mais il ne fournit aucun élément sur l’utilisation qui est faite de la richesse produite ou sur sa répartition. On peut donc critiquer la tendance des économistes à vouloir faire du PIB le seul indicateur de pilotage de l’économie. Mais cela n’a rien à voir avec la problématique de sa définition.

    • Descartes dit :

      @ Marcailloux

      [ N’y voyer que l’expression d’un peu de familiarité amicale]

      Je suis tout à fait rassuré… 😉

  13. Vincent dit :

    Bonjour,

    Ca n’a pas de rapport direct, mais voici un article qui m’a plus qu’interpellé :

    http://www.valeursactuelles.com/politique/greenpeace-porte-plainte-contre-une-deputee-en-marche-pour-incitation-au-meurtre-94250

    En résumé, à propos des intrusions récurrentes sur ces centrales nucléaires, destinées à “montrer” que celles ci ne sont pas protégées vis à vis du risque terroriste, les gendarmes sont dans une situation intenable, puisqu’ils voient bien le “cambriolage” en cours, mais que, le temps qu’ils arrivent en nombre suffisant pour procéder à l’interpellation sans violence (surtout au vu des conditions d’intervention sur un tel site), les individus ont le temps de pénétrer dans des zones sensibles.

    Face à ce problème de sécurité, un député a émis l’idée, lors d’un débat au sein de la commission d’enquête parlementaire, d’autoriser les gendarmes à ouvrir le feu en cas d’intrusion sur une zone sensible.

    Je dirais que personnellement que, si réellement on a peur d’un risque terroriste sur ces sites, ça ne paraît pas déraisonnable… Mais que d’un autre coté, ça risquerait de tuer des gauchistes qui ne risquent pas de commettre d’attentats. Bref, à priori, on est dans une discussion légitime.

    Et là, surprise : “Greenpeace France porte plainte pour incitation au meurtre” !

    Qu’ils aient pu avoir l’idée de faire ça me laisse la bouche bée !

    1°) Le principe devrait rester la liberté d’expression pour tous, sauf cas où cela pourrait créer des troubles à l’ordre public, ce qui n’est clairement pas le cas ici,
    2°) La liberté d’expression des parlementaires, dans l’exercice des mandats, est totale ; et elle était bien dans le cadre de son mandat,
    3°) De même qu’on reconnait la légitime défense, on peut reconnaitre la légitimité d’ouvrir le feu si le fait de ne pas ouvrir le feu pourrait entrainer des conséquences graves, ce qui est le cas ici (du moins d’après Greenpeace, puisqu’ils disent ce c’est très dangereux si des terroristes arrivent là où ils vont),

    Enfin, ce qui est assez rigolo, c’est que l’article du code pénal qui punit l’incitation aux “atteintes volontaires à la vie, les atteintes volontaires à l’intégrité de la personne…” punit des mêmes peines : ceux qui auront incité à des : “destructions, dégradations et détériorations volontaires dangereuses pour les personnes”, ce qui est le cas des militants de Greenpeace qui détériorent les barbelés pour atteindre des centrales, et la suite de ce même article précise :
    “Ceux qui, par les mêmes moyens, auront directement provoqué à l’un des crimes et délits portant atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation (…) seront punis des mêmes peines.” Ce qui est aussi le cas de la détérioration des centrales nucléaires…

    Bref, l’article de loi en vertu duquel ils portent plainte concerne bien plus ceux qui approuvent les incursions sur des centrales (Greenpeace) qu’un député qui s’exprime en commission !

    “Selon que vous serez puissant ou miserable…”

    Mais ici, les puissants sont ceux qui ont dans le dos les lobbies médiatiques (anti nucléaire, anti OGM, bio, européiste, libre-échangiste, etc.), et ceux qui s’y opposent se voient opposer la loi dès qu’ils bougent ou essayent de trouver une solution à l’impasse dans laquelle on veut les confiner…

    • Descartes dit :

      @ Vincent

      [Ca n’a pas de rapport direct, mais voici un article qui m’a plus qu’interpellé : (…)]

      Cette plainte est une fumisterie. Cela devient une manie d’instrumentaliser la justice au bénéfice des campagnes politiques, et Greenpeace est loin d’être la seule à faire ce type d’opération. La « plainte » en question n’a aucune chance de prospérer, d’abord parce que les députés bénéficient d’une immunité absolue pour les propos tenus dans le cadre du travail parlementaire, et ensuite parce que la députée n’incite pas les gendarmes à tirer dans le cadre actuel – ce qui constituerait un meurtre – mais à modifier ce cadre, ce qui rendrait leur action parfaitement légal.

      [En résumé, à propos des intrusions récurrentes sur ces centrales nucléaires, destinées à “montrer” que celles ci ne sont pas protégées vis à vis du risque terroriste, les gendarmes sont dans une situation intenable, puisqu’ils voient bien le “cambriolage” en cours, mais que, le temps qu’ils arrivent en nombre suffisant pour procéder à l’interpellation sans violence (surtout au vu des conditions d’intervention sur un tel site), les individus ont le temps de pénétrer dans des zones sensibles.]

      Même pas. Les militants de Greenpeace n’ont jamais réussi à rentrer dans une zone sensible. Ils sont toujours restés en dehors des bâtiments ou se trouvent les systèmes et composants du réacteur. Ces intrusions créent un danger réel pour les gendarmes chargés de la protection des sites : d’une part, elles accréditent l’idée – fausse – que les centrales sont des cibles faciles, ce qui pourrait encourager un terroriste à monter une attaque. D’autre part, ils font naître un doute chez ces gendarmes sur l’identité réelle des intrus. Demain, devant des terroristes déguisés avec des maillots Greenpeace, oseront-ils tirer les premiers ? Ou faudra-t-il attendre que les terroristes mettent quelques gendarmes au tapis avant ?

      [Face à ce problème de sécurité, un député a émis l’idée, lors d’un débat au sein de la commission d’enquête parlementaire, d’autoriser les gendarmes à ouvrir le feu en cas d’intrusion sur une zone sensible. Je dirais que personnellement que, si réellement on a peur d’un risque terroriste sur ces sites, ça ne paraît pas déraisonnable… Mais que d’un autre coté, ça risquerait de tuer des gauchistes qui ne risquent pas de commettre d’attentats. Bref, à priori, on est dans une discussion légitime.]

      Dans certains pays comme les Etats-Unis la loi permet de considérer que toute personne qui tente de s’introduire sur une installation nucléaire – et en général sur une propriété privée – doit être considéré comme un criminel et que le propriétaire des lieux est en état de légitime défense en tirant sur lui. Dans ces pays, curieusement, Greenpeace ne s’amuse pas à tenter des intrusions. Alors, si Greenpeace est sérieux quant à sa démonstration de la « pénétrabilité » de nos centrales, ils devraient exiger qu’on adopte le modèle américain, qui est tellement plus efficace…

  14. cdg dit :

    Bon article comme d habitude 🙂
    Il y a cependant quelques points avec lesquels je ne suis pas d accord

    1) ce que vous appellez classes moyennes sont les classes superieures (je sais personne ne va se nommer comme ca, meme les CSP++)
    Mais quand on discute du % de femme au CA du CAC40, on est pas dans les classes moyennes ni moyennes superieures (a ce propos vous remarquerez que la demande est toujours plus sur les metiers “nobles” et remunerateurs. personne ne se scandalise que les ebouerus soient a 95 % des hommes ,-))
    On est passe de la “lutte des classes” a la “guerre des sexes”.
    A mon avis ca a aussi une fonction de diversion (tant qu on parle de metoo ou d autre reformes societales on ne parle pas du chomage ou du naufrage de l industrie francaise)

    2) le renoncement a appliquer sa politique et le pourrisement institutionnel date de Mitterrand
    En 82 il change completement de politique mais se garde bien de remettre son mandat en jeu, ni meme de le declarer explicitement (la parenthese de la rigueur)
    Le PS ne s est d ailleurs jamais remit de ce double jeu : a fond a gauche dans l opposition, puis bien plus a droite une fois au pouvoir
    Depuis Mitterrand, le cynisme a preside a nos elections: pour etre elu on raconte n importe quoi (qu on a pas l intention d appliquer) et une fois elu on fait tout pour garder son mandat quitte sacrifier l interet du pays (notamment en cas de cohabitation)
    A ce niveau Chirac a ete le parfait disciple de Mitterrand

    3) c est un peu facile de tout mettre sur le dos de la commission de l UE.
    Les commissaires sont recommandes par les gouvernements de chaque etat (c est pour ca que Moscovici a eut son poste)
    donc le gouvernement francais sait tres bien qu en proposant Moscovici on va avoir un certain type de politique (et la je suis gentil car on a dans certains cas propose comme commissaire des incapables notoires genre Barrot ou Cresson qui etaint la juste pour aller a la soupe)
    Si on prend par ex l ouverture a la concurrence du rail.
    Est ce vraiment la commission qui a force la main des gouvernement ?
    Ne pensez vous pas qu le ministre PS en charge ne pensait pas en son fort interieur que le rail ca marcherait mieux sans la SNCF toujours en greve ?
    Tout mettre sur le dos de l UE est un classique de la politique: on se defausse sur Bruxelles alors qu on etait bien d accord quand le texte a ete signe
    Et la France sait tres bien faire pression quand elle le veut.
    Par ex, notre pays est en pointe pour defendre les interets des ayant droits et interdire qu on puisse regarder une emission a la TV francaise si on vit en allemagne

    Signalons aussi que la France par exemple s assoit sur des reglements de l UE en parfate connaissance de cause.
    Par exemple, pour ne pas se mettre la FNSEA a dos, on est completement hors des clous pour les rejets dans les rivieres pour cause d elevages porcins

    4) le pouvoir des ONG et de greenpeace en particulier
    il est voisin de 0.
    Ils peuvent faire du bruit oui, mais au final leur militant se retrouvent devant un tribunal (il me semble que la derniere fois ils ont meme pris de la prison ferme) et les centrales continuent a fonctionner ou a etre construites.
    L incapacite d Areva a construire un EPR sans exploser le budget et le planning est surement moins spectaculaire mais a plus d impact (comment faire un planning credible ou proposer un prix du kW si vos couts triplent ?)
    Quant aux ONG pro migrants elles ont encore moins d impact car il serait sucidaire electoralement pour un politicien d etre de leur cote (meme melanchon a mit de l eau dans son vin, comparez ses declaration lors des 2 campagnes presidentielles)

    A la decharge de nos hommes politiques, il faut reconnaitre que la tache n est pas aisee:
    comment se faire elire en annoncant du sang et des larmes ?

    • Descartes dit :

      @ cdg

      [2) le renoncement a appliquer sa politique et le pourrissement institutionnel date de Mitterrand.
      En 82 il change complètement de politique mais se garde bien de remettre son mandat en jeu, ni même de le déclarer explicitement (la parenthèse de la rigueur)]

      Je ne sais pas pourquoi vous dites que vous n’êtes pas d’accord avec moi, alors qu’on dit exactement la même chose.

      [3) c’est un peu facile de tout mettre sur le dos de la commission de l UE. Les commissaires sont recommandes par les gouvernements de chaque etat (c est pour ca que Moscovici a eut son poste)]

      Il faut savoir à quel niveau on se situe. Au niveau global, l’UE est une création des Etats. Personne n’a été obligé à intégrer l’UE par la menace d’une invasion étrangère. Ce sont les élites de chacun des pays européens qui ont trahi leurs peuples en transférant à l’UE un énorme pouvoir. Mais au niveau opérationnel, on ne peut nier le rôle néfaste de la Commission.

      [Si on prend par ex l’ouverture a la concurrence du rail. Est-ce vraiment la commission qui a force la main des gouvernements ?]

      Du point de vue opérationnel, oui. Je ne pense pas que les ministres successifs, qu’ils soient de droite ou de gauche, aient personnellement voulu la privatisation de la SNCF ou celle des barrages hydroélectriques. Il faut d’ailleurs noter que lorsqu’ils ont pu retarder l’échéance, ils l’ont fait ne serait-ce que pour ne pas avoir à l’assumer devant leurs électeurs. Sans la contrainte maniée par la Commission, ces choses-là ne se seraient pas faites.

      Il y a un jeu dialectique entre la Commission et les gouvernements européens. On donne à la Commission le pouvoir de vous forcer à faire des choses que personnellement on ne voudrait pas faire – mais qui correspond aux intérêts de la classe qu’on représente…

      [4) le pouvoir des ONG et de greenpeace en particulier : il est voisin de 0.]

      Vous rigolez… A votre avis, pourquoi on dépense chaque année 7 Md€ pour bâtir des éoliennes et des centrales solaires dont le kWh est entre deux et six fois plus cher que le kWh nucléaire ?

      [Ils peuvent faire du bruit oui, mais au final leur militant se retrouvent devant un tribunal (il me semble que la dernière fois ils ont même pris de la prison ferme)]

      Pour le moment, aucun militant n’a fait de la prison. Et si pour la première fois un tribunal correctionnel a prononcé de la prison ferme dans l’intrusion de Cattenom, il faudra voir si la sentence est confirmée en appel…

      [et les centrales continuent a fonctionner ou a être construites.]

      Comme Superphénix, par exemple ? Ou comme Fessenheim, qui fermera l’année prochaine ?

  15. Méc-créant dit :

    Si certaines de vos réflexions peuvent être discutées, je partage néanmoins une bonne part de votre analyse. Si vous soulignez avec juste raison que la présence de “socialistes” et “communistes” au gouvernement n’a pas changé grand-chose à la trajectoire subie par notre pays (et tous les pays de Cette Europe), cela ne fait que traduire une soumission idéologique et politique à la pensée dominante ayant réussi à imposer cette “construction européenne”. Construction ayant très bien réussi avec l’UE à réaliser ce pourquoi elle a été faite: imposer le droit des actionnaires à disposer des peuples. Si, en effet, on peut avoir tendance à considérer qu’il “ne sert plus à rien” de faire de la politique c’est, d’une part, parce qu’il est impossible de faire réellement de la politique quand on est privé de toute souverainetés populaire et nationale, et, d’autre part, quand toute lutte véritable –idéologique, intellectuelle, politique, philosophique, sociale,…– a disparu du paysage national depuis des décennies. Et quand on a pu entendre des dirigeants des censés bastions devant défendre les travailleurs avouer leur soutien à la constitution européenne (CGT) ou psalmodier leur “Europe sociale” (PC), on peut comprendre que la marge de possibilité permettant une lutte contestataire était des plus réduites. C’est pourquoi elle est contrainte de renaître par le bas en se réappropriant une analyse politique et intellectuelle fondamentale. C’est en ce sens que le syndicalisme ne peut qu’assumer plus que jamais une dimension politique par la nécessité de reconquérir les souverainetés populaire et nationale. C’est face à ce vide sidéral que j’avais, bien petitement, réagi en franc-tireur prêchant dans le désert, en rédigeant quelques textes, peu diffusés évidemment. J’en ai mis quelques-uns sur un blog au titre sans hypocrisie: “Immondialisation: peuples en solde!” (où vos avis critiques seront bienvenus).
    Méc-créant.

  16. marc.malesherbes dit :

    @ Descartes
    vous écrivez dans un de vos commentaires:
    “Il a fallu une génération pour détruire notre système scolaire”

    Je profite de l’occasion pour raconter une anecdote incroyable qui m’est arrivée il y a quelques mois.

    On m’a annoncé qu’une de mes nièces avait été reçue au bac avec un peu plus de … 22/20 ! J’ai cru d’abord à une plaisanterie familiale. Mais c’était vrai, et encore plus incompréhensible pour moi que la mécanique quantique. Mon appréciation sur les qualités de l’éducation nationale en a été révolutionné: quel progrès l’école et la jeune génération n’ont-elles pas faits pour arriver à des exploits pareils ?

    Cette idée s’est trouvé confirmée quand j’ai appris que sous Hollande on avait abandonné l’attribution de bourses à ceux réussissant le bac avec la mention “très bien”, car ils étaient trop nombreux. Encore un autre exemple de progrès fantastique. À mon époque ceux qui réussissaient avec cette mention étaient vraiment rares.

    Dans la foulée, compte tenu du progrès constant de réussite au bac, je me demande quand l’éducation nationale nous annoncera un taux de réussite de 120%, ce qui bouleversera à nouveau toutes mes croyances en une rationalité dépassée.

    Il faut seulement espérer que Blanquer ne mettra pas un coup d’arrêt à ces progrès foudroyants.

    • Descartes dit :

      @ marc.malesherbes

      [Cette idée s’est trouvé confirmée quand j’ai appris que sous Hollande on avait abandonné l’attribution de bourses à ceux réussissant le bac avec la mention “très bien”, car ils étaient trop nombreux.]

      Étonnant, n’est ce pas ? Tout le monde ou presque reconnaît la baisse du niveau des élèves sortant de l’enseignement secondaire, alors que les pourcentages de réussite au bac augmentent et que les mentions se multiplient. Une dissonance cognitive, peut-être ?

  17. marc.malesherbes dit :

    @ Descartes
    vous écrivez :
    “dans l’équipe de Mélenchon, la communicante Sophie Chikirou est devenu – et de loin – le personnage le plus influent, celui qui a l’oreille du Chef.”

    Je suis allé voir sur Wikipedia ce que l’on savait publiquement de cette personne (1). J’ai appris donc que l’on savait marier avec bonheur argent et politique dans l’entourage de JLM, et sans doute avec sa bénédiction. C’est une chose commune, mais si loin des discours de JLM et de ses fans, que l’on ne peut manquer d’en sourire. Si un jour celui-ci était élu, les militants de la FI iraient sans doute de surprises en surprises.

    Exercice pour les militants de la FI: Sophia Chikirou fait-elle partie des 1% que l’on doit “dégager” ou des 99% qui doivent voir leurs impôts diminuer ?
    autre exercice: Pourquoi est-il légitime de dénoncer des facturations de Bygmalion (comptes de campagne 2017 de Sarkosy) et pourquoi faut-il rejeter toute question concernant Médiascop (comptes de campagne 2017 de JLM) ?

    (1) “Sophia Chikirou, qui devient ainsi la seule propriétaire ((de Médiascop)). En 2016, Mediascop est prestataire de services pour Jean-Luc Mélenchon alors député européen. Puis Sophia Chikirou est « directrice de la communication » de l’équipe de campagne de Jean-Luc Mélenchon lors de élection présidentielle de 2017
    En 2016, le chiffre d’affaires de Mediascop est de 162 899 euros, avec un bénéfice net de 76 550 euros, soit 47 % de marge. Au terme de la campagne Mediascop reçoit une rémunération de 1 161 768 euros11. La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques mentionne que 54 600 euros auraient été indûment payés.”

    • Descartes dit :

      @ marc.malesherbes

      [Je suis allé voir sur Wikipedia ce que l’on savait publiquement de cette personne (1). J’ai appris donc que l’on savait marier avec bonheur argent et politique dans l’entourage de JLM, et sans doute avec sa bénédiction.]

      En effet, le parcours de Chikirou n’est pas celui d’une femme de convictions, mais plutôt celui d’une carriériste aux dents longues. Elle adhère au PS en 1997 – tiens, c’est l’année où la « gauche plurielle » gagne les législatives, une coïncidence sûrement. Elle est fabiusienne lorsque Fabius apparaît comme le probable candidat du PS en 2007… mais sitôt Sarkozy élu il rejoint le mouvement de Jean-Marie Bockel, transfuge socialiste entré dans le gouvernement Fillon après la victoire de Sarkozy. Encore une coïncidence. Aujourd’hui, elle roule pour Mélenchon qui en échange rémunère grassement ses services avec de l’argent public, comme le montrent les comptes de sa campagne présidentielle de 2017… Elle n’est pas la seule, d’ailleurs : on découvre que la plupart des membres du « premier cercle » (Corbière, Chikirou…) ont été rémunérés pendant la campagne. Quand je pense à tous ces militants d’antan qui faisaient les campagnes bénévolement et sur le temps que leur laissait le boulot…

    • Benjamin dit :

      Vous ne croyez pas si bien dire en parlant de “mariage” puisque cette dame n’est autre que la compagne de JLM (secret de polichinelle à la FI comme au PG, en tout cas à Paris). Cela n’a pas grand intérêt en soi mais aide peut-être à comprendre son ascension, indépendamment de la qualité de ses prestations sur lesquelles je ne m’étendrai pas. Il faut croire que ses murmures sonnent mieux à l’oreille du chef que les critiques d’un Claude Debons ou d’un Christophe Ramaux… Si on ne peut nier que la campagne de 2017 fut réussie sur le plan de la communication et si Chikirou n’y est sans doute pas étrangère, il n’est pas sûr que le mouvement y gagne sur le fond.

    • Descartes dit :

      @ Benjamin

      [Vous ne croyez pas si bien dire en parlant de “mariage” puisque cette dame n’est autre que la compagne de JLM (secret de polichinelle à la FI comme au PG, en tout cas à Paris).]

      J’avoue que je n’ai jamais été très sensible aux secrets d’alcôve. Ce qui est un tort, parce que leur connaissance permet souvent d’expliquer ce qui autrement serait inexplicable… En tout cas, l’examen des comptes de campagne montre que pour JLM et sa petite équipe, LFI n’est pas seulement une affaire de combat politique, mais aussi une affaire de gros sous. Beaucoup de monde là dedans quitte la campagne bien plus riche qu’il n’y était rentré… et à mon avis, ce n’est pas une coïncidence. Particulièrement dans le cas de Chikirou, qui a montré une… comment dire… remarquable flexibilité idéologique au cours d’une courte carrière qui l’a amené à servir successivement un ami de Sarkozy et le leader de la France Insoumise. « Pecunia non olet » (« l’argent n’a pas d’odeur ») comme disait Vespasien à son fils Titus en lui faisant renifler des pièces d’or…

      [Cela n’a pas grand intérêt en soi mais aide peut-être à comprendre son ascension,]

      Et demain, peut-être, sa chute.

      [Si on ne peut nier que la campagne de 2017 fut réussie sur le plan de la communication et si Chikirou n’y est sans doute pas étrangère, il n’est pas sûr que le mouvement y gagne sur le fond.]

      Plus qu’un « mouvement », cela devient une « petite entreprise ». La manière dont Chikirou et les siens ont verrouillé « Le Média » montre que le fonctionnement sectaire de LFI, que le gourou justifiait il n’y a pas si longtemps au nom de l’efficacité dans la campagne électorale, n’est pas près de changer.

  18. marc.malesherbes dit :

    @ Descartes
    à propos de ce billet, vous insistez sur les politiques qui nous sont imposées par l’UE, et sur leurs conséquences négatives pour le France.
    Mais comme on le dit communément “la politique est l’art du possible”, et je me demande de plus en plus si nous ne devons pas faire avec. En reprenant approximativement une boutade de Chevènement “on peut ne pas vouloir monter dans un avion, mais une fois qu’on vous y a fait monter, vous ne pouvez plus simplement en descendre en vol”.
    Autrement dit, il faut peut-être mieux jouer aux marges avec l’UE que de vouloir simplement la quitter. En élargissant au maximum ces marges. L’exemple de la GB sera intéressant à suivre, sachant qu’elle avait eu la sagesse de ne pas rejoindre l’euro, ce qui rend le Brexit beaucoup plus facile que pour nous le Frexit.

    D’une certaine manière, c’est ce que propose JLM. Et d’une autre manière, c’est ce que fait Macron en cherchant à s’intégrer de manière plus efficace dans l’Europe.

    Sur cette considération générale, c’est au cas par cas qu’il faut juger et proposer.

    Prenons le cas de l’école: l’Europe (et pas seulement elle) a eu le grand mérite de nous alerter sur la dégradation de notre système scolaire. Ce n’est pas l’Europe qui a été la cause principale des dérives que l’on observe, et ce n’est pas elle qui nous empêche de nous améliorer, au contraire (Erasmus …). Que faut-il proposer ?

    Idem pour la SNCF: Ce n’est pas l’Europe qui nous a obligé à construire des lignes TGV en excès, à ne pas investir dans les transports franciliens etc. D’ailleurs nous n’hésitons pas à faire sous payer les tarifs ferroviaires en demandant des “péages” trop faibles par rapport aux investissements. C’est “notre” politique, mais ne va-t-elle pas bientôt ainsi indirectement subventionner les concurrents étrangers. Que faut-il proposer ?

    etc .. etc …

    • Descartes dit :

      @ marc.malesherbes

      [à propos de ce billet, vous insistez sur les politiques qui nous sont imposées par l’UE, et sur leurs conséquences négatives pour le France. Mais comme on le dit communément “la politique est l’art du possible”, et je me demande de plus en plus si nous ne devons pas faire avec.]

      La difficulté en politique est de déterminer ce qui est possible est ce qui ne l’est pas. Le problème n’est pas nouveau. C’est Marc Aurèle qui disait « puissé-je avoir la sérénité d’accepter les choses que je ne peux changer, le courage de changer les choses qui peuvent l’être et la sagesse d’en connaitre la différence ». En 1940, le consensus majoritaire était que la soumission aux allemands était la seule voie possible. Si De Gaulle avait accepté ce consensus en se disant que « la politique est l’art du possible et qu’il fallait faire avec », l’histoire aurait été très différente. C’est pourquoi mon « optimisme méthodologique » me conduit à penser que tout ce dont on ne peut démontrer logiquement l’impossibilité doit être regardé comme possible.

      [En reprenant approximativement une boutade de Chevènement “on peut ne pas vouloir monter dans un avion, mais une fois qu’on vous y a fait monter, vous ne pouvez plus simplement en descendre en vol”.]

      Je suis d’accord avec lui. Quitter l’avion ne sera pas « simple ». Cela ne veut pas pour autant dire que ce soit impossible.

      [Autrement dit, il faut peut-être mieux jouer aux marges avec l’UE que de vouloir simplement la quitter. En élargissant au maximum ces marges.]

      Franchement, je ne vois pas quelles sont les « marges ». Pourriez-vous donner un exemple plus précis ?

      [L’exemple de la GB sera intéressant à suivre, sachant qu’elle avait eu la sagesse de ne pas rejoindre l’euro, ce qui rend le Brexit beaucoup plus facile que pour nous le Frexit.]

      Certainement. C’est d’ailleurs pour cela que vous pouvez compter sur Bruxelles pour chercher à « punir » les britanniques. Car si le Brexit est un succès, cela donnera des idées aux autres. Et comme l’UE ne peut « punir » que par des sanctions économiques, la question se posera en termes de savoir si le peuple britannique préfère la richesse à la souveraineté. Le passé montre que la réponse britannique à cette question penche généralement pour le dernier terme de l’alternative

      [D’une certaine manière, c’est ce que propose JLM. Et d’une autre manière, c’est ce que fait Macron en cherchant à s’intégrer de manière plus efficace dans l’Europe.]

      Pas tout à fait. Mélenchon propose une politique irréaliste, une « désobéissance » qui conduit tout droit à un conflit avec l’autorité judiciaire qui sera institutionnellement ingérable et aboutira à l’impasse bien connue des gouvernements socialistes de devoir expliquer que « je veux bien mais ne peux point ». Macron propose de se soumettre à la tutelle allemande, en s’imaginant que les allemands pleins de reconnaissance seront alors prêts à nous concéder cette « Europe politique » qui fait tant rêver nos élites.

      [Prenons le cas de l’école: l’Europe (et pas seulement elle) a eu le grand mérite de nous alerter sur la dégradation de notre système scolaire. Ce n’est pas l’Europe qui a été la cause principale des dérives que l’on observe,]

      Oui et non. On peut en effet dire que nos « classes moyennes » n’ont eu besoin de personne et surtout pas de l’UE pour détruire le moteur de notre ascenseur social qu’est l’école de la République. La destruction a commencé d’ailleurs à la fin des années 1960, alors que l’UE n’était qu’un projet. Mais il faut dire aussi qu’une école ne fonctionne pas de la même manière qu’elle enseigne à des futurs travailleurs ou à des futurs chômeurs, à des futurs livreurs de pizza ou des futurs constructeurs de centrales nucléaires. La désindustrialisation, la dégradation de la qualité des emplois, le chômage de masse ont une influence sur le fonctionnement de l’école. Et sur ces questions, le rôle néfaste des politiques européennes n’est plus à démontrer.

      [et ce n’est pas elle qui nous empêche de nous améliorer, au contraire (Erasmus …).]

      Pardon, mais… en quoi Erasmus « au contraire » aide l’école à s’améliorer ?

      [Idem pour la SNCF: Ce n’est pas l’Europe qui nous a obligé à construire des lignes TGV en excès, à ne pas investir dans les transports franciliens etc.]

      Si : c’est l’UE qui nous force à des politiques d’austérité, et c’est cette austérité qui nous oblige, pour pouvoir construire des lignes TGV – et les « excès » sont rares – à négliger les autres lignes. Par ailleurs, la séparation entre l’organisme qui réalise les infrastructures et celui qui fait rouler les trains – indispensable pour l’ouverture à la concurrence – tout comme la régionalisation des transports avec appels d’offres à la clé sont bien des politiques imposées par l’UE, et dont les effets sur le réseau expliquent en grande partie les difficultés.

      [D’ailleurs nous n’hésitons pas à faire sous payer les tarifs ferroviaires en demandant des “péages” trop faibles par rapport aux investissements. C’est “notre” politique,]

      Certainement pas. Si on est obligés de demander des péages trop faibles, c’est aussi parce qu’une augmentation des tarifs ferroviaires fait fuir les clients vers l’avion ou le transport routier. Que nous ne pouvons pas taxer correctement parce que cela… contreviendrait à la « libre circulation » qui nous vient de Bruxelles…

      [Que faut-il proposer ?]

      Mais que voulez-vous qu’on « propose » ? Si l’on se tient au cadre européen, la seule solution rationnelle est la fermeture des lignes « non rentables ». Dans un contexte de libre concurrence elles ne peuvent survivre avec de l’argent public, et dans le cadre des restrictions budgétaires nécessaires pour tenir les critères de Maastricht, impossible de les subventionner.

    • Marcailloux dit :

      @ Descartes,

      [C’est pourquoi mon « optimisme méthodologique » me conduit à penser que tout ce dont on ne peut démontrer logiquement l’impossibilité doit être regardé comme possible. ]

      Voila qui vous “réconcilie” avec le stoïcisme, et je m’en réjouis. Cette philosophie est fondée, entre autre sur une volonté et une capacité de lucidité et de recherche sans faiblesse ni renoncement de la réalité.

    • Antoine dit :

      @Descartes

      > [En reprenant approximativement une boutade de Chevènement “on peut ne pas vouloir monter dans un avion, mais une fois qu’on vous y a fait monter, vous ne pouvez plus simplement en descendre en vol”.]

      > Je suis d’accord avec lui. Quitter l’avion ne sera pas « simple ». Cela ne veut pas pour autant dire que ce soit impossible.

      Notons qu’un certain nombre de pays sont montés dans l’avion en vol (les adhérents récents à l’UE). S’il est possible d’y monter en vol, il doit être possible de même d’en descendre en vol…

  19. marc.malesherbes dit :

    @ Descartes
    à propos de Sophie Chikirou
    vous écrivez
    “dans l’équipe de Mélenchon, la communicante Sophie Chikirou est devenu – et de loin – le personnage le plus influent, celui qui a l’oreille du Chef.”

    j’ai regardé son parcours politique sur Wikipedia.
    Entrée jeune (18 ans au PS), elle y a fait sa carrière politique. Significativement, faute d’avoir été élue PS en 2006, elle rejoint en 2007 la gauche moderne de Jean-Marie Bockel, qui rassemble des socialistes séduits par Sarkosy.
    Puis elle cofonde un cabinet de conseil et devient dès 2012 conseiller de la campagne de communication de JLM.
    Certes on peut évoluer dans ses convictions, mais ce n’est pas franchement un parcours de gauche compatible avec les orientations officielles de JLM. On a plutôt l’impression d’un parcours opportuniste.

    C’est à la fois rassurant et inquiétant: que fera JLM s’il un jour élu ?

  20. marc.malesherbes dit :

    @ Descartes
    dans un de vos commentaires vous citez À Beltrame.

    Son sacrifice courageux a des aspects symboliques très fort.

    On peut se demander si c’est dû au hasard, mais un catholique pratiquant affirmé abattu par un musulman affirmé, quel symbole !

    Mais aussi symbole de notre époque: nos héros se font assassiner sans combattre, par compassion victimaire. Les héros de l’islam radical se font assassiner en combattant, les armes à la main. Notre société, leur société.

    • Descartes dit :

      @ marc.malesherbes

      [On peut se demander si c’est dû au hasard, mais un catholique pratiquant affirmé abattu par un musulman affirmé, quel symbole !]

      Beltrame était aussi un fonctionnaire affirmé, un gendarme affirmé, un franc-maçon affirmé. Pourquoi isoler le côté « catholique pratiquant » de ses autres engagements ? Pourquoi penser que c’est son engagement catholique plutôt que son engagement dans le service public ou dans la franc-maçonnerie qui lui a donné la force de son geste ?

      [Mais aussi symbole de notre époque: nos héros se font assassiner sans combattre, par compassion victimaire. Les héros de l’islam radical se font assassiner en combattant, les armes à la main. Notre société, leur société.]

      Je pense que vous construisez à tort une opposition inexistante. Rien n’indique que Beltrame ait pris la place de l’otage par « compassion victimaire », et encore qu’il soit mort sans combattre. Tout semble indiquer au contraire qu’il avait pris la place de l’otage en espérant pouvoir maîtriser le terroriste, et qu’il a été tué en essayant de le faire. C’est en tout cas ce que pensent ceux qui ont travaillé avec lui et qui ont eu l’opportunité de bien le connaître.

      Même remarque pour ce qui concerne le terroriste. Je ne pense pas qu’on puisse assimiler le fait de se faire tirer dessus par le GIGN après avoir tué quelques personnes désarmées à « se faire assassiner », et encore moins « en combattant ».

      Nous sommes, et je pense qu’on doit en être fiers, une société pacifique, ou le meurtre de personnes désarmées est un fait très rare. Dans cette société pacifique, nous cherchons à maîtriser les criminels plutôt que de les abattre comme des chiens. De cela, nous pouvons aussi être fiers.

  21. marc.malesherbes dit :

    @ Descartes 29/03/2018 19:38
    [D’ailleurs nous n’hésitons pas à faire sous payer les tarifs ferroviaires en demandant des “péages” trop faibles par rapport aux investissements. C’est “notre” politique,]
    Certainement pas. Si on est obligés de demander des péages trop faibles, c’est aussi parce qu’une augmentation des tarifs ferroviaires fait fuir les clients vers l’avion ou le transport routier. Que nous ne pouvons pas taxer correctement parce que cela… contreviendrait à la « libre circulation » qui nous vient de Bruxelles…
    xxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxx

    Je précise mon point de vue.

    Si nous décidons de subventionner le transport par rail, c’est “notre politique”. Je n’en discute pas ici. D’ailleurs cela montre que Bruxelles nous laisse des marges de manœuvre, et qu’il nous est d’ailleurs possible de taxer plus la route (ce que nous faisons enfin par l’augmentation des taxes sur le diesel) et que nous pourrions faire également sur l’aviation. Mais, pour l’avion cela conduirait à une perte importante de trafic, celui-ci se réorientant en partie de Roissy vers Bruxelles, Genève … Cela aurait aussi des effets indirect sur la compétitivité des entreprises française en lien avec l’étranger. Ce n’est donc pas Bruxelles qui nous contraint, mais une évaluation “coûts avantages”. Je ne dis donc pas que le mix actuel est satisfaisant, je dis simplement que c’est nous qui le choisissons et non Bruxelles.

    Pour revenir au rail, rien ne nous empêcherait d’augmenter les péages, et de subventionner d’autant la SNCF par diverses mesures indirectes (par exemple: compensation pour services publics rendus). Certes il faut être un peu malin, mais franchement ce n’est pas difficile à trouver (ex: pour les transports banlieue métropole pour lesquels il n’y a pas de concurrence; c’est d’ailleurs déjà partiellement le cas).
    Quant à faire payer plus les clients de TGV par le biais d’un péage plus élevé, cela se discute. Vous avez même dit dans un de vos commentaires que c’était une subvention aux classes moyennes. Certes ce serait un handicap pour de nombreuses activités économiques françaises, aussi je serai favorable à une hausse des tarifs, et à une réduction pour les voyages professionnels. Ceux qui habitent Paris et ont leur petite amie à Montpellier râleront certes … ainsi que ceux qui partent en WE d’amoureux … ou qui viennent manifester à Paris…. Mais là encore, il faut étudier le mix “coûts avantages”, et je n’ai pas tous les éléments en main.

    • Descartes dit :

      @ Marc Malesherbes

      [Si nous décidons de subventionner le transport par rail, c’est “notre politique”. Je n’en discute pas ici. D’ailleurs cela montre que Bruxelles nous laisse des marges de manœuvre,]

      Quelles « marges » ? Je vous rappelle qu’à partir de l’ouverture à la concurrence, programmée pour les prochaines années, il ne sera plus possible de subventionner sans tomber sous le couperet bruxellois des « aides d’Etat », interdites dès lors qu’elles perturbent la sacro-sainte « concurrence ». Les « marges » que nous laisse Bruxelles sont les marges que le bourreau laisse au pendu : il peut toujours bouger et se débattre, mais au bout du compte le résultat est toujours le même.

      [et qu’il nous est d’ailleurs possible de taxer plus la route (ce que nous faisons enfin par l’augmentation des taxes sur le diesel) et que nous pourrions faire également sur l’aviation.]

      Non. Les taxes sur l’énergie et donc sur les carburants sont définies dans une directive européenne. On peut jouer à la marge sur les taux, mais guère plus.

      [Mais, pour l’avion cela conduirait à une perte importante de trafic, celui-ci se réorientant en partie de Roissy vers Bruxelles, Genève … Cela aurait aussi des effets indirect sur la compétitivité des entreprises française en lien avec l’étranger. Ce n’est donc pas Bruxelles qui nous contraint, mais une évaluation “coûts avantages”.]

      Mais… cette « perte de compétitivité », nous pouvons toujours la compenser soit par des taxes aux frontières, soit par la dévaluation de notre monnaie, n’est ce pas ? Ah non, j’oubliais, on ne peut plus taxer aux frontières, pas plus qu’on ne peut dévaluer la monnaie. En d’autres termes, nous avons le choix de suivre la seule politique possible, puisque nous ne pouvons pas changer le rapport « coût-avantage » en utilisant d’autres leviers.

      [Je ne dis donc pas que le mix actuel est satisfaisant, je dis simplement que c’est nous qui le choisissons et non Bruxelles.]

      Vous me rappelez l’exemple classique du voleur qui proclame « la bourse ou la vie ? » vous pouvez toujours prétendre que « c’est vous qui choisissez ». Pensez-vous que ce soit le cas ?

      La perversité du système européen est celle-là : après vous avoir privé de tous les leviers qui vous permettraient de rendre viable une autre politique, alors qu’il ne reste qu’une politique économiquement viable, on vous « laisse le choix ».

      [Pour revenir au rail, rien ne nous empêcherait d’augmenter les péages, et de subventionner d’autant la SNCF par diverses mesures indirectes (par exemple: compensation pour services publics rendus).]

      Quels « péages » ? Je ne comprends pas très bien de quoi vous parlez. Quand à « compenser la SNCF », vous le faites avec quel argent ? Je vous rappelle que le contrôle budgétaire européen nous empêche d’envisager toute dépense de cette nature.

      [Certes il faut être un peu malin, mais franchement ce n’est pas difficile à trouver (ex: pour les transports banlieue métropole pour lesquels il n’y a pas de concurrence; c’est d’ailleurs déjà partiellement le cas).]

      Comment ça « pas de concurrence » ? Vous n’êtes pas au courant ? L’ouverture à la concurrence est déjà un fait hors Paris, et l’ouverture totale est pour bientôt.

      [Quant à faire payer plus les clients de TGV par le biais d’un péage plus élevé, cela se discute. Vous a
      avez même dit dans un de vos commentaires que c’était une subvention aux classes moyennes. Certes ce serait un handicap pour de nombreuses activités économiques françaises, aussi je serai favorable à une hausse des tarifs, et à une réduction pour les voyages professionnels.]

      Je vous le répète, vous ne le pouvez pas. Vous reporteriez le trafic sur la route et l’air. Et vous ne pouvez pas taxer la route et l’air parce que les directives européennes ne vous le permettent pas.

  22. luc dit :

    Notre pays change comme d’autres avant lui.
    Le Kosovo autrefois serbe et orthodoxe devient ,albanais et musulman.
    Le Liban,avant Maronite devient majoritairement Chite.
    La Macédoine patrie d’Alexanfre le grand,est musulmane,aprés les 5 siècles d’occupation turques et 45 ans de socialisme yougoslave.
    Seuls les responsables médiatiques et politiques actuels en France,dans leurs tour d’Ivoires,ne semblent pas s’en appercevoir,alors que depuis le regroupement familial de 1974,des millions de personnes musulmanes se sont installées en France.
    Nous sommes passés de quelques mosquées en 2000,à plus de 3000,+ celles à venir par milliers en construction.
    Par quel miracle,concernant ces masses migrantes ou ayant migrés,alors que leur motivations sont essentiellement consuméristes,pourraient elles partager l’idéal laîco-gréco-latin,avec nous,pour qui (il n’y a qu’en France,où c’est le cas),blasphémer,n’a pas pas d’être réprimé,non?

    • Descartes dit :

      @ luc

      [Notre pays change comme d’autres avant lui.]

      Notre pays a toujours changé lui aussi. Ce serait triste sinon…

      [Le Kosovo autrefois serbe et orthodoxe devient albanais et musulman. Le Liban, avant Maronite devient majoritairement chiite. La Macédoine patrie d’Alexandre le grand, est musulmane, après les 5 siècles d’occupation turques et 45 ans de socialisme yougoslave.]

      Si vous voulez vous faire peur, c’est votre affaire. Mais de là à réécrirel l’histoire… Non, le Kossovo n’a jamais été « orthodoxe ». C’est une province dont la population est en majorité d’origine albanaise et musulmane. La population orthodoxe et serbe est concentrée dans un certain nombre d’enclaves dans le nord du Kossovo. C’était vrai avant, et cela n’a pas changé. De même, le Liban n’a jamais été « Maronite ». La population Libanaise a toujours été composée d’une grande diversité de minorités, dont les chrétiens maronites, les musulmans en majorité chiites, et les druzes. Là encore, vous avez tort de penser qu’il y a eu un changement dramatique (on voit mal, d’ailleurs, comment ce changement aurait pu avoir lieu : y a-t-il eu des conversion massives des maronites au chiisme ?).

      [Seuls les responsables médiatiques et politiques actuels en France dans leurs tour d’Ivoires ne semblent pas s’en apercevoir, alors que depuis le regroupement familial de 1974 des millions de personnes musulmanes se sont installées en France.]

      S’apercevoir de quoi ? Que la Macédonie a été occupée pendant 5 siècles par les Turcs ? Franchement, je vois mal le rapport entre le Kossovo, le Liban, la Macédonie et le regroupement familial en France.

      [Nous sommes passés de quelques mosquées en 2000, à plus de 3000, + celles à venir par milliers en construction.]

      « Par milliers en construction » ? Vous n’exagérez pas un petit peu ?

      [Par quel miracle, concernant ces masses migrantes ou ayant migrés, alors que leur motivations sont essentiellement consuméristes, pourraient-elles partager l’idéal laîco-gréco-latin,]

      Si ces populations partagent notre idéal « consumériste », alors je peux vous dire que la religion quelle qu’elle soit est mal barrée. Rien ne tue aussi efficacement la religion que la société de consommation.

    • @ Descartes,

      “Notre pays a toujours changé lui aussi. Ce serait triste sinon…”
      Il y a changer et changer. On peut “changer” de mode de vie, de système économique ou institutionnel, tout en continuant à se considérer et à se revendiquer comme les héritiers de ceux d’avant. Il ne s’agit pas de “faire comme” nos ancêtres, mais de rester fidèles à leur mémoire, d’honorer leurs sacrifices et de les citer en exemple. On peut aussi changer en tournant le dos à son passé, en maudissant ses ancêtres et en les accusant de tous les maux (l’esclavage, la Terreur, la colonisation, etc). Quel changement est à l’oeuvre à votre avis?

      Quant au Kosovo, pardon, mais il était en effet orthodoxe avant l’invasion ottomane (qui ne remonte qu’à l’extrême fin du XIV° siècle et au début du XV° siècle). Les Albanais étaient chrétiens (catholiques ou orthodoxes) avant d’être convertis et de servir de supplétifs pour les maîtres d’Istanbul. Le Kosovo a été progressivement islamisé et albanisé à l’époque ottomane, au gré des révoltes et des migrations serbes vers le nord et les confins militaires autrichiens (c’est l’origine de la présence des Serbes en Croatie, avant que beaucoup ne soient chassés à la fin du XX° siècle). Cela étant, les Serbes représentaient encore un bon tiers de la population du Kosovo au tournant des XIX° et XX° siècles. L’intervention de l’OTAN contre la Serbie a entraîné le départ de 200 000 Serbes du Kosovo. L’UCK a méthodiquement détruit nombre d’églises et de monastères orthodoxes pour faire disparaître toute trace de présence serbe. D’autres minorités ont d’ailleurs été persécutées. Certes, le Kosovo n’est plus majoritairement serbe et orthodoxe depuis au moins la fin du XVII° siècle, mais il l’a été effectivement auparavant, et la proportion de Serbes a longtemps été plus importante qu’aujourd’hui.

      “Rien ne tue aussi efficacement la religion que la société de consommation”
      La société de consommation s’adapte fort bien aux exigences communautaristes de tel ou tel groupe religieux, dès lors qu’il y a du profit à se faire. Les gérants de supermarché se feront musulmans si cela peut leur garantir une clientèle…

    • Descartes dit :

      @ nationaliste-ethniciste

      [Il y a changer et changer. On peut “changer” de mode de vie, de système économique ou institutionnel, tout en continuant à se considérer et à se revendiquer comme les héritiers de ceux d’avant. Il ne s’agit pas de “faire comme” nos ancêtres, mais de rester fidèles à leur mémoire, d’honorer leurs sacrifices et de les citer en exemple. On peut aussi changer en tournant le dos à son passé, en maudissant ses ancêtres et en les accusant de tous les maux (l’esclavage, la Terreur, la colonisation, etc). Quel changement est à l’oeuvre à votre avis?]

      Vous anticipez je pense ma réponse : je regrette comme vous la vague de « haine de soi » qui déferle sur notre société depuis plus de trente ans. Cela étant dit, il ne faut pas non plus exagérer la profondeur de cette vague : la France populaire reste très largement attachée à ses racines, honore les sacrifices de ses ancêtres et n’est que très superficiellement affectée par la maladie de ses élites.

      [Quant au Kosovo, pardon, mais il était en effet orthodoxe avant l’invasion ottomane (qui ne remonte qu’à l’extrême fin du XIV° siècle et au début du XV° siècle). Les Albanais étaient chrétiens (catholiques ou orthodoxes) avant d’être convertis et de servir de supplétifs pour les maîtres d’Istanbul.]

      Oui, et avant d’être orthodoxe le Kossovo était probablement politéiste. Et si on va plus loin on trouvera certainement l’animisme. Mais là n’est pas la question. Luc faisait référence aux transformations RECENTES. Or, dire que le Kossovo est RECEMMENT devenu musulman alors qu’il était orthodoxe, c’est faire un raccourci dangereux. Cinq siècles, ça fait quand même loin.

      [« Rien ne tue aussi efficacement la religion que la société de consommation » La société de consommation s’adapte fort bien aux exigences communautaristes de tel ou tel groupe religieux, dès lors qu’il y a du profit à se faire. Les gérants de supermarché se feront musulmans si cela peut leur garantir une clientèle…]

      Certainement. Mais pas besoin d’être un marxiste fanatique pour constater que le développement du capitalisme tue la véritable spiritualité. La société de consommation fournira des poulets Halal ou des « burkini » dès lors qu’il y aura des personnes pour les acheter. Mais en même temps, elle réduira toute aspiration à une aspiration matérielle…

  23. marc.malesherbes dit :

    @ Descartes 29/03/2018 19:38
    vous écrivez:
    c’est l’UE qui nous force à des politiques d’austérité
    ……………..
    c’est un raccourci abusif: c’est essentiellement notre propre incompétence qui nous pousse à l’austérité.

    Au contraire, c’est l’UE qui nous permet de vivre “au-dessus de nos moyens” en nous permettant d’avoir des déficits permanents avec des taux d’intérêts très faibles, malgré un balance commerciale chroniquement déficitaire.
    Sans l’UE et l’euro, nous serions d’abord obligé de nous serrer la ceinture par le biais d’une forte dévaluation, d’une inflation sensible, et de taux d’intérêts élevés creusant le déficit de l’état.
    Pour des raisons de long terme, je suis partisan de quitter l’euro et l’UE, mais cela n’empêche pas que cela demandera à nos concitoyens de gros sacrifices au début. Il faut le dire.

    Pour en revenir à l’UE, tout ce qu’elle nous dit, c’est d’arrêter de nous comporter de manière irresponsable et de nous appauvrir constamment. C’est Hollande et non l’UE qui a eu l’idée insensée d’augmenter massivement les impôts alors que nous n’étions pas sorti de la crise, et j’espère que Macron aura la sagesse de les augmenter progressivement alors que la croissance repart. C’est d’ailleurs un peu ce qu’il fait.

    • Descartes dit :

      @ marc.malesherbes

      [c’est un raccourci abusif: c’est essentiellement notre propre incompétence qui nous pousse à l’austérité.]

      Ah bon ? Expliquez-moi ça…

      [Au contraire, c’est l’UE qui nous permet de vivre “au-dessus de nos moyens” en nous permettant d’avoir des déficits permanents avec des taux d’intérêts très faibles, malgré un balance commerciale chroniquement déficitaire.]

      Excusez-moi mais… c’est qui ce « nous » auquel vous faites référence ? Je vous avoue que lorsque je vois les ouvrières de Doux ou les chômeurs de Béthune, je n’ai pas l’impression qu’ils vivent « au-dessus de leurs moyens »… Oui, c’est vrai, l’Euro et l’UE permet aux « classes moyennes » de vivre très largement au-dessus de leurs moyens. Et cela au prix de l’appauvrissement du reste de la société.

      [Sans l’UE et l’euro, nous serions d’abord obligé de nous serrer la ceinture par le biais d’une forte dévaluation, d’une inflation sensible, et de taux d’intérêts élevés creusant le déficit de l’état.]

      Encore une fois, qui ça « nous » ? Oui, une « forte dévaluation » renchérirait les produits importés que les français consomment. Mais d’un autre côté, elle rendrait compétitifs les produits français et créerait de l’activité et de l’emploi. Il n’est nullement évident que globalement on y perdrait. D’ailleurs, si mes souvenirs ne me trompent pas, les « trente glorieuses » n’ont pas été caractérisées par une monnaie forte et une inflation faible, tout au contraire.

      [Pour des raisons de long terme, je suis partisan de quitter l’euro et l’UE, mais cela n’empêche pas que cela demandera à nos concitoyens de gros sacrifices au début. Il faut le dire.]

      Après m’avoir expliqué qu’il fallait rester et « utiliser les marges de manœuvre » que nous laisse Bruxelles, vous me dites maintenant exactement le contraire. J’ai du mal à vous suivre.

      [C’est Hollande et non l’UE qui a eu l’idée insensée d’augmenter massivement les impôts alors que nous n’étions pas sorti de la crise, et j’espère que Macron aura la sagesse de les augmenter progressivement alors que la croissance repart. C’est d’ailleurs un peu ce qu’il fait.]

      Ce serait la chose à faire si l’on voulait faire une politique contre-cyclique. Mais cela suppose de pouvoir les baisser à nouveau lorsque le cycle se retournera. Et c’est exactement ce que l’UE nous empêchera de faire. Lorsque vous dites que Hollande a eu « l’idée insensée d’augmenter les impôts » en bas de cycle, vous oubliez de dire qu’il n’avait d’autre choix, sauf à défier de face la Commission européenne et sa « procédure pour déficit excessif ». Ce que Sarkozy avait eu le courage de faire après la crise de 2008 (il est vrai que la Commission avait alors la trouille) en laissant filer le déficit.

  24. marc.malesherbes dit :

    @ Descartes 29/03/2018 19:38
    vous écrivez
    “Si l’on se tient au cadre européen, la seule solution rationnelle est la fermeture des lignes « non rentables ». Dans un contexte de libre concurrence elles ne peuvent survivre avec de l’argent public, et dans le cadre des restrictions budgétaires nécessaires pour tenir les critères de Maastricht, impossible de les subventionner.”
    …………………..
    c’est un raccourci abusif. Rien ne nous empêche de les subventionner. C’est un arbitrage politique entre diverses dépenses.
    Les critères de Maastricht ne sont pas du tout excessifs: si nous étions hors UE, hors euro, nous aurions aussi un budget à tenir, sauf à nous engager dans une spirale de la misère (inflation, dévaluation …).
    Pourrions-nous aller durablement au-delà des 3% tels que calculés par Bruxelles (ces 3% sont calculés hors investissements, uniquement sur les dépenses de fonctionnement et hors événements particuliers comme nous l’avons d’ailleurs fait sous Sarkosy) ? J’en doute, en dehors d’aléas ponctuels.

    En ce qui concerne les lignes secondaires, arrêtons de rêver. Nous ne sommes plus au XIXème siècle et des cars seraient beaucoup moins coûteux et … moins polluants. Le rapport Spinetta montre que les lignes secondaires en CO2 / passagers x km sont beaucoup moins écolos car presque vides !

    • Descartes dit :

      @ marc.malesherbes

      [c’est un raccourci abusif. Rien ne nous empêche de les subventionner. C’est un arbitrage politique entre diverses dépenses.]

      C’est vrai. Grâce à la Commission nous avons le choix entre fermer les hôpitaux, fermer les écoles, et fermer la ligne de chemin de fer. Mais « rien ne nous empêche » de choisir entre ces calamités.

      [Les critères de Maastricht ne sont pas du tout excessifs: si nous étions hors UE, hors euro, nous aurions aussi un budget à tenir, sauf à nous engager dans une spirale de la misère (inflation, dévaluation …).]

      Vrai. Mais nous aurions beaucoup plus d’instruments pour « tenir notre budget ». Nous aurions l’instrument monétaire et donc le contrôle de l’inflation. Nous aurions l’instrument budgétaire pour faire des politiques contre-cycliques. Nous aurions le revenu des entreprises publiques. Nous aurions la possibilité de mettre en place un « protectionnisme intelligent »…

      [Pourrions-nous aller durablement au-delà des 3% tels que calculés par Bruxelles (ces 3% sont calculés hors investissements, uniquement sur les dépenses de fonctionnement et hors événements particuliers comme nous l’avons d’ailleurs fait sous Sarkosy) ? J’en doute, en dehors d’aléas ponctuels.]

      D’où sortez-vous que le déficit maastrichien est calculé « hors investissements » ? Vous rêvez… Les dépenses d’investissement sont bien incluses dans le déficit maastrichien, et c’est d’ailleurs cela qui écrase l’investissement, puisqu’il est toujours plus facile de couper l’investissement que le fonctionnement.

      Quant à votre question, la réponse est oui, nous pourrions aller « durablement » bien plus loin que 3%. Vous oubliez l’effet de liquéfaction de la dette associé à l’inflation. Or, la logique européenne nous enferme dans une inflation quasi-nulle…

      [En ce qui concerne les lignes secondaires, arrêtons de rêver. Nous ne sommes plus au XIXème siècle et des cars seraient beaucoup moins coûteux et … moins polluants. Le rapport Spinetta montre que les lignes secondaires en CO2 / passagers x km sont beaucoup moins écolos car presque vides !]

      Le rapport Spinetta ne « montre » rien du tout. Il se contente de l’affirmer, ce qui n’est pas tout à fait la même chose. Et dans la mesure ou le rapport Spinetta a été commandé à un néo-libéral convaincu pour justifier une politique néo-libérale adoptée par avance, vous me permettrez d’être très sceptique quant à ses conclusions. Dites-vous bien que si le rapport a été commandé à Spinetta plutôt qu’à un corps d’inspection, il doit bien y avoir une raison…

      On peut toujours débattre de l’intérêt des lignes secondaires. Mais dans le cas présent, la fermeture n’est pas justifiée avec des arguments d’amélioration du service, mais avec des arguments de coût. La proposition est de fermer des lignes, pas de les remplacer par des cars.

  25. marc.malesherbes dit :

    @ Descartes
    à propos de l’université

    j’ai écouté l’interview d’un président d’université, celle de Tolbiac (locaux occupés) Georges Haddad
    https://www.franceculture.fr/emissions/linvite-des-matins/reforme-de-luniversite-pourquoi-ca-bloque

    Ses propos sont à prendre avec des “pincettes”, car c’est un politicien (un président est d’université est un élu). Mais c’est en cela que cela m’a intéressé: il parle en tenant compte de son corps électoral.

    Un bon point: il reconnaît le bien fondé de la sélection à l’entrée de l’université. C’est donc une idée de bon sens qui a enfin droit de cité à l’université. Mais pas pour tous: certains enseignants de son université refusent d’appliquer ces mesures (ils doivent préférer le tirage au sort, c’est plus égalitaire, mais la négation même de la vocation d’une université; on se demande ce que font ces enseignants à l’université. Ils feraient mieux de faire une ZAD … en Guyanne).

    Un point inquiétant, il a déclaré très formellement que l’université a aussi pour devoir de former des citoyens. Un telle position est très inquiétante. Ainsi cela ouvre la voie à des cours d’éducation civique, de conduite routière, d’égalité homme-femme et LGBTQ … Et au bout du chemin on aurait ses diplômes grâce à des bonnes notes dans ces matières ! Je ne dis pas que c’est ce qu’il pense, mais c’est ce qu’il dit. Cela doit donc correspondre à un consensus dans son université et à l’éducation nationale… misère !

    nb: je ne sais pas si c’est vrai, mais il déclare qu’en Île de France il y suffisamment de place pour tous les étudiants en premier cycle, mais que c’est seulement un problème de répartition: il y a plus de demandes pour Panthéon Sorbonne que pour Nanterre. Donc contrairement à ce qu’on nous répète, les universités sont suffisamment dimensionnées. Reste qu’elles sont bien mal dotées.

    • Descartes dit :

      @ marc.malesherbes

      [Un bon point: il reconnaît le bien fondé de la sélection à l’entrée de l’université. C’est donc une idée de bon sens qui a enfin droit de cité à l’université. Mais pas pour tous: certains enseignants de son université refusent d’appliquer ces mesures (ils doivent préférer le tirage au sort, c’est plus égalitaire, mais la négation même de la vocation d’une université; on se demande ce que font ces enseignants à l’université. Ils feraient mieux de faire une ZAD … en Guyanne).]

      Qu’est ce qu’ils font ? Mais… ils touchent un salaire, pardi ! L’université ne paye peut-être pas très bien, mais nettement mieux que les ZAD…

      Il faut voir ce qu’est aujourd’hui la qualité du corps enseignant. Depuis 1968, on n’a eu de cesse que de « sécondariser » l’université. On en arrive au point où la différence entre un lycéen et un étudiant devient minime. L’Université assure de plus en plus un encadrement de type lycéen, allant jusqu’à assurer des « cours de remise à niveau » pour ceux qui arriveraient sur ses bancs sans savoir lire et écrire.

      [Un point inquiétant, il a déclaré très formellement que l’université a aussi pour devoir de former des citoyens. Un telle position est très inquiétante. Ainsi cela ouvre la voie à des cours d’éducation civique, de conduite routière, d’égalité homme-femme et LGBTQ …]

      Tout à fait. Les étudiants arrivent à l’Université en étant majeurs. S’ils ne sont pas encore formés comme « citoyens », c’est grave.

  26. marc.malesherbes dit :

    @ Descartes 29/03/2018 19:38
    vous écrivez:
    “Pardon, mais… en quoi Erasmus « au contraire » aide l’école à s’améliorer ?”
    ………………………………….
    Erasmus en facilitant la circulation des étudiants en Europe contribue à ouvrir les esprits et à introduire une “saine” concurrence entre les universités (et autres établissements d’enseignement supérieur). Pour l’anecdote, on peut faire l’analogie avec le Moyen Age ou les étudiants allaient dans les universités où il y avait des maîtres de renom (ok, analogie douteuse, nous ne sommes plus au Moyen Age)
    D’une manière indirect cela tend à améliorer notre enseignement, et on a vu la multiplication des accords “inter établissements”.
    Je vous accorde que l’effet est indirect et faible, mais toute amélioration est bonne à prendre.

    • Descartes dit :

      @ marc.malesherbes

      [« Pardon, mais… en quoi Erasmus « au contraire » aide l’école à s’améliorer ? » Erasmus en facilitant la circulation des étudiants en Europe contribue à ouvrir les esprits et à introduire une “saine” concurrence entre les universités (et autres établissements d’enseignement supérieur).]

      Admettons, mais quel rapport avec l’ECOLE ? C’est bien de l’école qu’on parlait, pas de l’université.

      J’ajoute que je ne connais aucune évaluation sérieuse du dispositif Erasmus et de ses effets sur les systèmes universitaires des différents pays. Et si aucune évaluation n’a été publiée, il doit bien y avoir une raison, vous ne trouvez pas ?

      En tout cas, le dispositif Erasmus n’introduit aucune concurrence, « saine » ou pas, entre les universités. Les étudiants qui utilisent le dispositif ont en général un double diplôme, celui de l’université d’origine et celui de l’université d’accueil.

      [Pour l’anecdote, on peut faire l’analogie avec le Moyen Age ou les étudiants allaient dans les universités où il y avait des maîtres de renom (ok, analogie douteuse, nous ne sommes plus au Moyen Age)]

      Et surtout, le dispositif Erasmus ne semble pas pousser les étudiants à aller rechercher les « maîtres de renom », mais plutôt les villes ou la vie est plus agréable et on peut faire mieux la fête.

      [D’une manière indirect cela tend à améliorer notre enseignement, et on a vu la multiplication des accords “inter établissements”.]

      Des accords qui sont généralement des coquilles vides, et qu’on signe parce que les financements européens et nationaux sont de plus en plus liés à ce genre d’accords. Là encore, je serais intéressé de voir une évaluation qui montrerait que ce type d’accord se traduit par une « amélioration de l’enseignement ».

    • Un Belge dit :

      @marc.malesherbes & Descartes

      De mon expérience, le seul intérêt d’Erasmus outre de pouvoir faire la fête ailleurs est sensé être linguistique (bon, dans la plupart du cas, faire un Erasmus dans un pays X quelconque suffit pour être perçu comme anglophone, mais sans plus)
      Ceux qui recherchent les “grands maitres” le font plutot en (post)doctorat, si je ne m’abuse

  27. marc.malesherbes dit :

    @ Descartes 29/03/2018 19:38
    vous écrivez:
    “Mélenchon propose une politique irréaliste, une « désobéissance » qui conduit tout droit à un conflit avec l’autorité judiciaire qui sera institutionnellement ingérable et aboutira à l’impasse bien connue des gouvernements socialistes de devoir expliquer que « je veux bien mais ne peux point »”
    ……………………
    sur ce point je vous suis entièrement. C’est pour cela que je le range dans le camp de ceux qui acceptent “de fait” l’UE, l’Euro, mais nous propose d’en élargir les contraintes, par une politique de “rapport de force” assumée. Pourra-t-il, voudra-t-il, beaucoup élargir ces contraintes ?
    Pas beaucoup à mon avis, mais cela sera toujours cela de pris.
    Et d’ailleurs c’est tant mieux, car si on le laissait faire, il mènerait une politique catastrophique, à la Vénézuélienne. Comme Mitterrand, il ne croit pas en l’économie, mais seulement en la politique où “tout est possible”. Il est intéressant de noter que ses inspirateurs idéologiques revendiqués, Laclaud, Mouffe, s’inspire des populistes sud américains, dont on a vu partout les dégâts en matière économique. Après leurs passages au pouvoir la population s’est trouvée massivement appauvrie malgré des promesses mirifiques.

  28. marc.malesherbes dit :

    @ Descartes 29/03/2018 19:38
    “Autrement dit, il faut peut-être mieux jouer aux marges avec l’UE que de vouloir simplement la quitter. En élargissant au maximum ces marges”
    vous écrivez:
    “Franchement, je ne vois pas quelles sont les « marges ». Pourriez-vous donner un exemple plus précis ?”
    ………………………………………..
    Prenons comme exemple la fiscalité. Nous pourrions décider “au nom de la libre concurrence” que les états européeens qui pratiquent une fiscalité sur les bénéfices inférieure à un taux de 20% avantagent indument leurs entreprises, et que nous taxons spécifiquement leurs produits de x%” Nous finirions par être sans doute débouté au bout de x années, mais nous pourrions peut-être obtenir un règle communautaire d’un minimum de 20%.

    Prenons comme autre exemple les travailleurs issus d’autres pays européens. Nous pourrions décider “au nom de la libre concurrence” que dés le premier jour, nous les soumettions aux taxes salariales françaises (plus exactement l’écart avec les taxes de leur pays d’origine), plus un forfait de 100e par jour pour contribution à l’entretien des infrastructures de notre pays. Nous finirions par être sans doute déboutés au bout de x années, mais nous pourrions peut-être obtenir un règle communautaire plus favorable.

    Prenons comme exemple la Banque de France. Nous pourrions décider qu’elle prennent dans son bilan une partie des dettes de l’état, à intérêt égal à l’inflation. Nous finirions par être sans doute déboutés au bout de x années, mais nous pourrions peut-être obtenir un règle communautaire plus favorable.

    etc .. etc ..

    le délai de x années n’est pas anodin. Pour effectuer le cycle juridique complet européen, il faut compter une dizaine d’année, ce qui permet d’engranger pas mal de bénéfices sur la période.

    • Descartes dit :

      @ marc.malesherbes

      [« Franchement, je ne vois pas quelles sont les « marges ». Pourriez-vous donner un exemple plus précis ? » Prenons comme exemple la fiscalité. Nous pourrions décider “au nom de la libre concurrence” que les états européeens qui pratiquent une fiscalité sur les bénéfices inférieure à un taux de 20% avantagent indument leurs entreprises, et que nous taxons spécifiquement leurs produits de x%” Nous finirions par être sans doute débouté au bout de x années, mais nous pourrions peut-être obtenir un règle communautaire d’un minimum de 20%.]

      Ce que vous dites est incompréhensible. Nous ne « finirons pas déboutés au bout de x années », nous serions déboutés tout de suite. Les entreprises à qui nous imposerions ces taxes iraient immédiatement devant un juge des référés, et feraient annuler la taxe en question au bout de 30 jours puisque la taxe en question serait contraire aux règles européennes (jurisprudence « Nicolo »). Quant à la possibilité « peut-être » d’obtenir une règle communautaire du 20%… vous pouvez toujours rêver. C’est comme l’Europe sociale : en trente ans elle n’a pas avancé d’un pas.

      J’attends donc toujours que vous me donniez un exemple des « marges » dont vous pariez…

      [Prenons comme autre exemple les travailleurs issus d’autres pays européens. Nous pourrions décider “au nom de la libre concurrence” que dés le premier jour, nous les soumettions aux taxes salariales françaises (plus exactement l’écart avec les taxes de leur pays d’origine), plus un forfait de 100e par jour pour contribution à l’entretien des infrastructures de notre pays. Nous finirions par être sans doute déboutés au bout de x années, mais nous pourrions peut-être obtenir un règle communautaire plus favorable.]

      Non. Encore une fois, nous serions déboutés en 30 jours, par voie de référé. Et nous devrions payer des dommages et intérêts et des pénalités. J’ai l’impression que vous n’avez pas conscience de la force du carcan européen. Je vous rappelle que depuis les arrêts « Nicolo » et « Rothmans », le juge français applique la règle européenne, considérée supérieure à la loi française même postérieure. Quant à la possibilité « peut-être » d’obtenir une règle plus favorable… on est toujours dans le rêve.

      [Prenons comme exemple la Banque de France. Nous pourrions décider qu’elle prennent dans son bilan une partie des dettes de l’état, à intérêt égal à l’inflation.]

      Non. Une telle reprise est explicitement interdite par les traités. Et là les mesures de rétorsion de la BCE seraient immédiates, sans même avoir besoin de passer par le juge.

      [le délai de x années n’est pas anodin. Pour effectuer le cycle juridique complet européen, il faut compter une dizaine d’année, ce qui permet d’engranger pas mal de bénéfices sur la période.]

      Vous rêvez. D’abord, vous avez le problème du référé. Ensuite, les « bénéfices » que vous engrangez il faudra les rendre lorsque le juge vous donnera tort, avec en addition des dommages-intérêts et des amendes.

      Au risque de me répéter, je crois que vous n’avez pas conscience de la puissance du carcan européen, et de l’impossibilité de s’affranchir aussi longtemps qu’on accepte de rester dans ses règles.

    • Vincent dit :

      Je ne sais pas dans quelle mesure vos initiatives seraient techniquement possibles. Je crois comme vous qu’il n’y aurait aucune rétortion immédiate. Sauf dans ce cas :

      > Prenons comme exemple la Banque de France. Nous pourrions décider qu’elle prennent dans
      > son bilan une partie des dettes de l’état, à intérêt égal à l’inflation. Nous finirions par être sans
      > doute déboutés au bout de x années, mais nous pourrions peut-être obtenir un règle communautaire
      > plus favorable.

      Il suffit de voir ce que la BCE a eu comme pouvoir en Grèce pour se rendre compte que ça n’est pas viable…

      Vincent

  29. marc.malesherbes dit :

    @ Descartes 29/03/2018 19:38
    vous écrivez
    “la séparation entre l’organisme qui réalise les infrastructures et celui qui fait rouler les trains – indispensable pour l’ouverture à la concurrence – tout comme la régionalisation des transports avec appels d’offres à la clé sont bien des politiques imposées par l’UE, et dont les effets sur le réseau expliquent en grande partie les difficultés. “
    ………………………
    sur ces deux points, je ne vous suis pas.
    1- la séparation entre l’organisme qui réalise les infrastructures et celui qui fait rouler les trains n’a aucun effet réel sur la conduite des affaires de la SNCF. Historiquement, il y a toujours eu au sein de la SNCF une direction “infrastructure” (rail). Sa structure juridique n’est qu’un épiphénomène.
    2- la régionalisation des transports avec appels d’offres n’a pour l’instant eu aucun effet. Cela viendra peut-être dans l’avenir. Mais l’état peut imposer, comme on l’a fait sous Hollande avec le fret, le même statut aux personnels des compagnie étrangères qu’à celui des cheminots, ce qui rendra l’offre étrangère “justement” concurrentielle. De plus les régions peuvent introduire des clauses dans leur appel d’offre qui inhibent la concurrence étrangère, comme cela se fait quand on le veut (par exemple imposer un niveau de langue pour assurer le dialogue avec les passagers en cas d’incidents etc …).
    De plus, ces appels d’offre ont un effet bénéfique: imposer à la SNCF des clauses de service, tels que la ponctualité …

    • Descartes dit :

      @ marc.malesherbes

      [1- la séparation entre l’organisme qui réalise les infrastructures et celui qui fait rouler les trains n’a aucun effet réel sur la conduite des affaires de la SNCF. Historiquement, il y a toujours eu au sein de la SNCF une direction “infrastructure” (rail). Sa structure juridique n’est qu’un épiphénomène.]

      Le problème n’est pas la « structure juridique », mais la séparation financière. Car si du point de vue opérationnel l’organisation interne séparait les services chargés des infrastructures et ceux chargés de faire circuler les trains, les deux branches étaient coordonnés par une même autorité… qui disposait de la caisse commune. La séparation juridique voulue par la Commission entraine une séparation financière, et donc la disparition de cette coordination et des flux financiers entre les deux entités.

      [2- la régionalisation des transports avec appels d’offres n’a pour l’instant eu aucun effet. Cela viendra peut-être dans l’avenir.]

      C’est déjà venu. Si les effets ne sont pas visibles en région parisienne – ou la RATP conserve encore pour quelques années son monopole – certaines métropoles ont déjà confié certains services à des entreprises privées. L’effet le plus visible est d’ailleurs un effet industriel : tenues à des appels d’offre compétitifs, les collectivités ne peuvent plus instaurer une préférence pour les entreprises françaises lorsqu’elles achètent du matériel.

      [Mais l’état peut imposer, comme on l’a fait sous Hollande avec le fret, le même statut aux personnels des compagnie étrangères qu’à celui des cheminots, ce qui rendra l’offre étrangère “justement” concurrentielle.]

      Où avez-vous vu que Hollande ait « imposé » pareille chose ?

      [De plus les régions peuvent introduire des clauses dans leur appel d’offre qui inhibent la concurrence étrangère, comme cela se fait quand on le veut (par exemple imposer un niveau de langue pour assurer le dialogue avec les passagers en cas d’incidents etc …).]

      Je ne vois pas en quoi ce genre de clause « inhibe la concurrence étrangère ». Rien n’empêche une entreprise étrangère d’embaucher des français, que je sache… quitte à les embaucher avec des contrats de droit étranger.

  30. marc.malesherbes dit :

    xxxxxxxxxxxxxxxxxxx
    @ Descartes 29/03/2018 19:48
    votre commentaire sur mon post du 29/03/2018 17:03 sur À Beltrame.
    ……………………..
    votre réponse me met dans une position difficile:
    devant une telle accumulation de bien-pensance (1), je ne peux que dire que vous avez entièrement raison, sauf à m’engager dans une discussion qui sera stérile. Le mieux est sans doute de retirer mon post, ce qui vous satisfera et m’évitera de longs commentaires inutiles.

    (1) ce n’est pas péjoratif, mais cela veut simplement dire que cela reprend tous les éléments de langage de la doxa en cours. Si vous en doutez, lisez tous les discours de Macron à Mélenchon. Et c’est sans doute très bien pour la grande majorité.

    • Descartes dit :

      @ marc.malesherbes

      [votre réponse me met dans une position difficile: devant une telle accumulation de bien-pensance (1), je ne peux que dire que vous avez entièrement raison, sauf à m’engager dans une discussion qui sera stérile. Le mieux est sans doute de retirer mon post, ce qui vous satisfera et m’évitera de longs commentaires inutiles.]

      Je ne vois pas ce qui vous fait croire que le retrait de votre commentaire me procurerait une quelconque « satisfaction ». Ou pourquoi une discussion sur cette question serait « stérile ». Si cela vous fait plaisir de vous mettre dans la position de la victime, libre à vous. Mais ici le débat est libre. Si vous choisissez de ne pas utiliser cette liberté pour exprimer votre point de vue, c’est votre affaire.

  31. Cric29 dit :

    Bonjour Descartes,

    merci pour ce blog que je lis régulièrement, même si je participe que très peu.

    j’ai du mal à comprendre la notion de “capital immatériel” qui s’attache à une personne, car je ne le vois pas s’accumuler comme le fait le capital à travers la marchandise. J’ai parcouru rapidement “La Capital” de Marx, et le “Manifeste du parti communiste”, et je n’en n’ai pas trouvé trace.

    Le savoir-faire et la compétence me semblent faire partie de la force de travail. Le réseau professionnel aussi, même si c’est sans doute plus discutable.

    Ai-je mal cherché? Sinon, Marx en parle-t-il dans son œuvre? Ou puis-je éclairer ma lanterne?

    • Descartes dit :

      @ Cric29

      [j’ai du mal à comprendre la notion de “capital immatériel” qui s’attache à une personne, car je ne le vois pas s’accumuler comme le fait le capital à travers la marchandise. J’ai parcouru rapidement “La Capital” de Marx, et le “Manifeste du parti communiste”, et je n’en n’ai pas trouvé trace.]

      C’est normal. Marx n’en parle pas. C’est une idée à moi.

      En fait, j’ai créé ce concept pour essayer de résoudre un problème de la théorie marxiste. Si la valeur d’un bien est donnée par le « temps de travail socialement nécessaire » pour le produire, alors la valeur produite en une heure par un PDG salarié et celle produite par un ouvrier spécialisé travaillant tous deux dans une entreprise disposant de machines modernes sont les mêmes. Comment expliquer les différences énormes dans leurs rémunérations ?

      Une solution à ce problème est d’imaginer que certains salariés n’apportent pas à l’entreprise seulement leur force de travail, mais d’autres éléments qui peuvent être assimilés à un « capital ». C’est la rémunération de ce « capital » qui fait la différence. Ce raisonnement est suggéré par le fait – présent dans pratiquement tous les systèmes capitalistes – que la rémunération tend à augmenter avec l’âge, ce qui suggère qu’un processus d’accumulation est à l’œuvre.

      [Le savoir-faire et la compétence me semblent faire partie de la force de travail. Le réseau professionnel aussi, même si c’est sans doute plus discutable.]

      S’il s’agit de savoir-faire ou de compétences simples, qu’on acquiert rapidement et qui restent les mêmes tout au long de la vie professionnelle – ce qui était le cas dans l’industrie telle que Marx l’a connue – on peut en faire une partie de la force de travail. Mais quid de compétences qu’il faut des années pour former et qui continuent à s’enrichir tout au long de la vie ? Ne peut-ont pas dans ce cas parler d’un processus d’accumulation, donc de capital ?

      Mais ce capital est “immatériel”. Contrairement au capital “matériel”, qui a une permanence et qui peut être transféré ou hérité, le capital “immatériel” disparaît avec son propriétaire, et doit être reconstitué à chaque génération. De ce fait, la position du capitaliste “matériel” et celle du capitaliste “immatériel” est très différente. La classe capitaliste “matérielle” se reproduit sans problème par le biais de l’héritage. La classe capitaliste “immatérielle” est par nature précaire, et ne peut se reproduire que par un contrôle des institutions qui permettent d’accumuler le capital immatériel.

    • Cric29 dit :

      Merci de votre réponse. Je suis toujours épaté par vos réponses claires et détaillées.
      Je me base sur la fiche wikipedia du capital, qui renvoie elle-même au texte. La force de travail est “l’ensemble des facultés physiques et intellectuelles qui existent dans le corps d’un homme dans sa personnalité vivante, et qu’il doit mettre en mouvement pour produire des choses utiles”. Le “capital immatériel” me semble donc bien faire partie de la force de travail.

      Un travailleur très qualifié comme un ingénieur spécialisé, qui ne possède pas son outil de production génère une plus-value qui générera des dividendes, donc de l’accumulation pour le propriétaire de l’outil de production. C’est aussi le cas pour un chirurgien qui travaillerait dans une clinique ou un chef de projet de produit de beauté. C’est la valeur d’échange de leur force de travail qui leur permet éventuellement de thésauriser, et ainsi d’échapper au statut de prolétaire. Il me semble que c’est également le cas d’un PDG comme Carlos Ghosn. Dans sons cas, la thésaurisation très rapide fait qu’il est directement intégré à la classe capitaliste, même sans apport de départ. Le risque pour son employeur peut être qu’il préfère travailler à gérer son propre patrimoine en pur capitaliste, plutôt que de rester le “fondé de pouvoir” du capital.

      Plus le travail est spécialisé, plus la valorisation de la force de travail est contraignante. Par exemple, un ingénieur spécialisé pourra difficilement habiter dans un endroit ou l’achat de l’immobilier est bon marché. Cela peut l’empêcher de thésauriser, et donc le maintenir dans le statut de prolétaire. je pense que c’est le cas pour beaucoup de professions intellectuelles en Région Parisienne. Par contre, pas mal de gens possèdent un patrimoine indépendamment de leur travail, et ne peuvent pas être considérés comme des prolétaires.

      J’ai également du mal à attribuer la qualification de prolétaire un salarié dont l’entreprise n’est pas privée, et ne doit pas générer de plus-value qui accroitrait le capital. Je pense qu’il s’agit d’un travailleur d’un secteur socialisé, qui peut subir des conditions difficiles, mais qui n’est pas exploité par le capital. C’est le cas, par exemple du personnel de hôpitaux et de la SNCF.
      De plus, si le capital peut subir un rendement décroissant et engendrer des crise nécessitant de détruire du capital, je crois que la généralisation et l’accroissement de l’éducation et de la compétence, même par le biais de l’héritage, est bénéfique pour la société. Je trouve que l’utilisation par Bourdieu de “capital culturel” suggère sa nocivité pour la société, ce qui me semble très dangereux. Il masque également le fait que ceux qui transmettent le “capital culturel” sont souvent en mesure de transmettre également un patrimoine tout à fait matériel.

      Je pense enfin que les prolétaires qualifiés partagent leur plus-value avec les capitalistes, mais aussi avec l’état, dont il sont des contributeurs importants, en particulier ceux qui travaillent dans les secteur en concurrence internationale comme l’automobile, le luxe, l’agroalimentaire… Je crois qu’ils forment une bonne partie des expatriés, ce qui génère un appauvrissement pour notre pays et de notre état. Il me semble que vous les intégrez dans les “classes moyennes” qui sont parmi les partisanes de la construction européenne sous direction allemande. Je pense que, vu le dénigrement permanent dont ces secteurs font l’objet dans les informations en France, ils peuvent considérer, à juste titre, qu’ils seraient mieux considérés dans un modèle plus proche de celui de l’Allemagne.

    • Descartes dit :

      @ Cric29

      [La force de travail est “l’ensemble des facultés physiques et intellectuelles qui existent dans le corps d’un homme dans sa personnalité vivante, et qu’il doit mettre en mouvement pour produire des choses utiles”. Le “capital immatériel” me semble donc bien faire partie de la force de travail.]

      Ce n’est pas si évident. La formule de Marx semble faire référence à la force, à l’intelligence… et non pas à des éléments cumulatifs, comme pourrait l’être des connaissances ou des réseaux que vous avez accumulé au cours de votre vie. Cette interprétation me semble renforcée par la description que fait Marx de la force de travail comme de quelque chose qui se « renouvelle », sa valeur étant par ailleurs définie comme l’ensemble des biens nécessaires à son renouvellement. Il est clair que cela exclut un effet cumulatif. Il ne faut pas oublier que Marx écrit à une époque ou la force de travail est relativement peu formée, et ou le « capital immatériel » n’a pas un rôle déterminant.

      [Un travailleur très qualifié comme un ingénieur spécialisé, qui ne possède pas son outil de production génère une plus-value qui générera des dividendes, donc de l’accumulation pour le propriétaire de l’outil de production. C’est aussi le cas pour un chirurgien qui travaillerait dans une clinique ou un chef de projet de produit de beauté. C’est la valeur d’échange de leur force de travail qui leur permet éventuellement de thésauriser, et ainsi d’échapper au statut de prolétaire.]

      Certes. Mais d’où vient cette « valeur d’échange » aussi importante ? Pourquoi Carlos Ghosn est-il payé tellement bien que cela lui permet de thésauriser ? Sauf à admettre que Carlos Ghosn détient des « compétences rares », si rares qu’il devient difficilement remplaçable, on ne comprend pas pourquoi il est payé de la sorte. Et bien, dans ce cas on peut considérer que la rémunération de Ghosn n’est pas seulement la rémunération de son travail mais celle de ce « capital immatériel » qu’il apporte.

      [Plus le travail est spécialisé, plus la valorisation de la force de travail est contraignante. Par exemple, un ingénieur spécialisé pourra difficilement habiter dans un endroit ou l’achat de l’immobilier est bon marché.]

      Je vois mal ce qui empêcherait un ingénieur spécialisé de vivre à La Courneuve.

      [J’ai également du mal à attribuer la qualification de prolétaire un salarié dont l’entreprise n’est pas privée, et ne doit pas générer de plus-value qui accroitrait le capital. Je pense qu’il s’agit d’un travailleur d’un secteur socialisé, qui peut subir des conditions difficiles, mais qui n’est pas exploité par le capital. C’est le cas, par exemple du personnel de hôpitaux et de la SNCF.]

      La question de l’exploitation n’est pas un jugement moral, mais économique. Si le travailleur du secteur public est payé moins que la valeur qu’il produit, alors il est exploité. En on voit mal pourquoi l’infirmière d’une clinique privée serait exploitée, et l’infirmière de l’hôpital public, payée exactement le même salaire pour le même travail, ne le serait pas.

      [De plus, si le capital peut subir un rendement décroissant et engendrer des crise nécessitant de détruire du capital, je crois que la généralisation et l’accroissement de l’éducation et de la compétence, même par le biais de l’héritage, est bénéfique pour la société.]

      J’attends de voir en quoi le développement des compétences en matière de marketing, de communication ou de montages off-shore a apporté quelque chose à la société. Il y a des connaissances et des compétences dont la généralisation profite à la société, et d’autres qui son neutres voire néfastes.

      [Je pense enfin que les prolétaires qualifiés partagent leur plus-value avec les capitalistes, mais aussi avec l’état, dont il sont des contributeurs importants, en particulier ceux qui travaillent dans les secteur en concurrence internationale comme l’automobile, le luxe, l’agroalimentaire…]

      Cela n’a pas de sens de dire qu’on « partage la plus-value avec l’Etat ». L’Etat n’est pas un consommateur. L’argent qu’il prélève, il le rend sous forme de services.

      [Je pense que, vu le dénigrement permanent dont ces secteurs font l’objet dans les informations en France,]

      Je ne vois pas très bien de quel « dénigrement » vous parlez. Pourriez-vous donner un exemple précis ?

    • Cric29 dit :

      @Descartes
      ” Pourquoi Carlos Ghosn est-il payé tellement bien que cela lui permet de thésauriser ? Sauf à admettre que Carlos Ghosn détient des « compétences rares », si rares qu’il devient difficilement remplaçable, on ne comprend pas pourquoi il est payé de la sorte.”
      Je pense que ce qui est le plus rare chez Carlos Ghosn, ce n’est pas exactement sa compétence, mais ses qualités personnelles qui ne sont pas directement liées à sa formation: volonté, capacité de concentration, capacité à trancher, opportunisme,…Ce sont des capacités personnelles qui me semblent plus correspondre à des “capacités intellectuelle” dont je ne pense pas qu’elles s’accumulent, contrairement au capital. Carlos Ghosn est prix comme un exemple extrême pour illustrer le changement de classe lié à la thésaurisation, mais évidemment, l’ensemble des Carlos Ghosn ne constitue pas une très grande force électorale.

      “Je vois mal ce qui empêcherait un ingénieur spécialisé d’habiter à la Courneuve”
      Déjà, il n’aura pas accès aux HLM. Je ne connais pas le marché immobilier de La Courneuve. Quand j’étais ingénieur dans l’industrie automobile, je travaillais dans la banlieue ouest de la Région Parisienne. J’y ai toujours vu un marché locatif assez cher. Mais je n’aurais rien contre la “gentrification” de La Courneuve qui résulterait de l’afflux d’ingénieurs spécialisés. Je crois qu’il existe des quartiers considérés comme sensible dans le Nord Est de Paris, cela n’empêche pas le marché de la location de rester dans des prix très élevés comparés aux standards provinciaux.

      “En on voit mal pourquoi l’infirmière d’une clinique privée serait exploitée, et l’infirmière de l’hôpital public, payée exactement le même salaire pour le même travail, ne le serait pas.”
      C’est parce qu’elles ne font pas le travail dans le même cadre, et que la première génère une plus value qui permet à son employeur d’obtenir du dividende. Si celui-ci n’obtient pas durablement du dividende, l’entreprise devra se réorganiser ou fermer et elle sera peut-être licenciée Ce n’est pas le cas de l’infirmière de l’hopital public. Voilà pourquoi l’une est exploitée par le capital et l’autre pas.

      “J’attends de voir en quoi le développement des compétences en matière de marketing, de communication ou de montages off-shore a apporté quelque chose à la société. Il y a des connaissances et des compétences dont la généralisation profite à la société, et d’autres qui son neutres voire néfastes.”
      Moi, je crois que connaître est toujours utile, et que c’est bien les pays ou la connaissance est la plus développée dans la population qui ont l’espérance de vie la plus élevée, qui sont le plus attirants, vers lesquels se dirigent l’émigration. Ensuite, on peut toujours discuter de l’utilité de telle ou telle branche d’activité, mais même pour éventuellement l’empêcher de nuire ou la combattre, il faut y comprendre quelque chose. Ceci dit, si on pense que la connaissance est inutile à la société, on peut en profiter pour faire faire à l’état pas mal d’économies, mais je doute qu’une nation qui n’encourage pas la recherche du savoir en soi puisse durablement garder sa souveraineté.

      “Cela n’a pas de sens de dire qu’on « partage la plus-value avec l’Etat ». L’Etat n’est pas un consommateur. L’argent qu’il prélève, il le rend sous forme de services.”
      D’où viennent les ressources de l’état, alors, si ce n’est sur la valeur ajoutée produite par les entreprises, soit dans le cadre de prélèvement sur les salaires, c’est à dire la part de plus value du travailleur, soit sur la part de plus-value du capitaliste? Quelles sont ses autres ressources, à part l’endettement?
      ” Le capitaliste ne cherche donc à produire des marchandises que si elles contiennent en elles une valeur supplémentaire à celle des marchandises nécessaires à sa propre production, c’est ce supplément de valeur qui constitue la plus-value.” (je reprend les termes de wikipedia, le chapitre 11 du livre étant très lié au monde de la filature). On peut considérer que le travail fait partie des marchandises, mais je ne pense pas que ça change le raisonnement.
      L’état apporte des service à l’ensemble de la population, mais, outre qu’il est légitime de s’interroger sur le rapport qualité-prix des services, certaines catégories de la population cotisent plus qu’elles ne reçoivent, et c’est l’affaiblissement ou la fuite de ces catégories qui aboutit au “toujours moins”.

      “Je ne vois pas très bien de quel « dénigrement » vous parlez. Pourriez-vous donner un exemple précis ?”
      Je n’ai pas été plus précis tellement le dénigrement des industrie françaises en situation de concurrence internationale me semble systématique dans les reportages d’information télévisée et la presse française. L’industrie agro-alimentaire est systématiquement accusée d’empoisonner les français, et l’industrie automobile, entre autre, d’avoir inventer le diesel au mépris de la santé public. L’émission “Cash investigation” est particulièrement emblématique. Dans la première émission sur le diesel, Elise Lucet se payait la tête d’un responsable de laboratoire de PSA d’une manière particulièrement malhonnête puisque quand celui-ci lui disait qu’il n’y avait plus de particules fines détectables à la sortie du filtre à particules, elle lui demandait de mettre sa tête à la sortie du pot d’échappement, comme si la chaleur et la présence d’autres résidus dans l’air rejeté n’empêchaient pas de le faire. Évidemment, l’interviewé n’étant pas rompu à l’exercice, contrairement à Elise Lucet, il semblait rester bouche bée, comme un imbécile. Malheureusement, le reportage semble avoir été supprimé de youtube.
      Le reportage sur les pesticides était aussi un modèle du genre puisqu’il partait d’une compréhension fautive d’un rapport de l’Agence Européenne de Sécurité des Aliments. Les dix premières minutes sont un modèle de complotisme.
      https://www.youtube.com/watch?v=bOSVKfmFusg
      L’interprétation fautive est faite à 7 min 55s sur la vidéo.
      Je joins également le lien de l’analyse du magasine “Science et pseudo-science”..

      Cash investigation est caricaturale, mais il me semble que l’information sur le “service public” télévisé est à peu près de la même eau, et la presse écrite va dans le même sens.

    • Descartes dit :

      @ Cric29

      [Je pense que ce qui est le plus rare chez Carlos Ghosn, ce n’est pas exactement sa compétence, mais ses qualités personnelles qui ne sont pas directement liées à sa formation: volonté, capacité de concentration, capacité à trancher, opportunisme,…Ce sont des capacités personnelles qui me semblent plus correspondre à des “capacités intellectuelle” dont je ne pense pas qu’elles s’accumulent, contrairement au capital.]

      Admettons. Mais pourquoi alors le Ghosn de 30 ans ne gagnait pas autant que celui de 60 ans ? Avait-il moins de « volonté », moins de « capacité de concentration », moins « d’opportunisme » ? S’il n’y a pas de processus d’accumulation, alors ces capacités devaient se trouver chez Ghosn à n’importe quel âge. Pourquoi alors son salaire n’a fait qu’augmenter ?

      [« Je vois mal ce qui empêcherait un ingénieur spécialisé d’habiter à la Courneuve » Déjà, il n’aura pas accès aux HLM. Je ne connais pas le marché immobilier de La Courneuve.]

      Moi si. Je peux vous assurer qu’il est parfaitement possible de louer dans le parc privé dans cette commune, et à des prix très avantageux. Rien qui empêche un ingénieur d’y habiter. Je ne vois donc pas très bien ou se trouve la « contrainte » liée à « la valorisation de la force de travail » dont vous parliez.

      [« En on voit mal pourquoi l’infirmière d’une clinique privée serait exploitée, et l’infirmière de l’hôpital public, payée exactement le même salaire pour le même travail, ne le serait pas. » C’est parce qu’elles ne font pas le travail dans le même cadre, et que la première génère une plus value qui permet à son employeur d’obtenir du dividende.]

      J’ai l’impression que vous n’avez pas très bien compris la théorie de la valeur. La valeur que génère le travail ne dépend pas du statut administratif de celui qui le fait. Une infirmière qui met un pansement ou applique une injection produit une certaine valeur, et cette valeur est la même que l’infirmière soit fonctionnaire, contractuelle, salariée de droit privé, stagiaire ou même bénévole. Maintenant, si l’on regarde la plusvalue, elle est définie comme la différence entre la valeur produite par le travail de l’infirmière et le salaire qui lui est versé pour ce travail. Et là encore, cela n’a rien à voir avec le statut administratif : l’infirmière fonctionnaire de l’hôpital et celle privée de la clinique produisent la même plusvalue dès lors qu’elles font le même travail et sont payées le même salaire.

      [Si celui-ci n’obtient pas durablement du dividende, l’entreprise devra se réorganiser ou fermer et elle sera peut-être licenciée. Ce n’est pas le cas de l’infirmière de l’hopital public. Voilà pourquoi l’une est exploitée par le capital et l’autre pas.]

      Quel rapport ?

      [« J’attends de voir en quoi le développement des compétences en matière de marketing, de communication ou de montages off-shore a apporté quelque chose à la société. Il y a des connaissances et des compétences dont la généralisation profite à la société, et d’autres qui son neutres voire néfastes. » Moi, je crois que connaître est toujours utile, et que c’est bien les pays ou la connaissance est la plus développée dans la population qui ont l’espérance de vie la plus élevée, qui sont le plus attirants, vers lesquels se dirigent l’émigration.]

      C’est faux. Ainsi, par exemple, c’est dans le sud de l’Italie que les connaissances en matière de maniement des armes, de montage d’opérations criminelles, de corruption d’élus ou de juges et autres du même type sont les plus développées. Pensez-vous que cela contribue beaucoup à l’attractivité de ces régions ? Je pense que votre idée selon laquelle la connaissance contribue toujours à la prospérité d’un pays tient au fait que vous avez de la « connaissance » une idée très restrictive…

      [« Cela n’a pas de sens de dire qu’on « partage la plus-value avec l’Etat ». L’Etat n’est pas un consommateur. L’argent qu’il prélève, il le rend sous forme de services. » D’où viennent les ressources de l’état,]

      D’un prélèvement sur la richesse produite par les citoyens. Et ou vont-elles ? Elles retournent aux citoyens sous forme de services. C’était bien mon point : l’Etat n’est qu’un mécanisme de redistribution.

      [L’état apporte des services à l’ensemble de la population, mais, outre qu’il est légitime de s’interroger sur le rapport qualité-prix des services, certaines catégories de la population cotisent plus qu’elles ne reçoivent, et c’est l’affaiblissement ou la fuite de ces catégories qui aboutit au “toujours moins”.]

      C’est très discutable. D’abord, on n’a pas l’impression que les catégories qui – si on les entend – « cotisent plus qu’elles ne reçoivent » se soient affaiblies ces dernières années. Plutôt le contraire. Promenez-vous dans Paris, et vous en serez convaincu. Les bobos ont beau crier famine, leur niveau de vie ne semble pas avoir beaucoup souffert.

      Mais surtout, la logique de toute société est une logique de redistribution. Si les mécanismes économiques suffisaient à donner à chacun son dû, alors nous n’aurions pas besoin d’un Etat organisé. Le problème, c’est que cela ne fonctionne pas comme ça. Sans un Etat pour assurer l’éducation des pauvres, les riches ne disposeraient pas d’une main d’œuvre capable de faire tourner leurs usines. Pourquoi croyez-vous que ce soit l’Etat de la République « bourgeoise » qui a rendu l’école gratuite et obligatoire ?

      C’est en cela que les « classes moyennes » sont beaucoup moins intelligentes que la bourgeoisie. La bourgeoisie a très vite compris qu’un certain niveau de redistribution contrôlée par l’Etat était nécessaire pour améliorer la performance économique de la société globalement, dont dépend sa propre prospérité comme classe. Les « classes moyennes » sont surtout obsédées par le désir de payer le moins possible. Quitte à scier la branche sur laquelle ils sont assis.

      [Je n’ai pas été plus précis tellement le dénigrement des industrie françaises en situation de concurrence internationale me semble systématique dans les reportages d’information télévisée et la presse française.]

      Je vous rappelle que ma question suivait votre remarque non pas sur le « dénigrement des industries françaises » mais sur le « dénigrement des classes moyennes »…

    • Cric29 dit :

      @Descartes

      “Mais pourquoi alors le Ghosn de 30 ans ne gagnait pas autant que celui de 60 ans ?”

      Parce qu’entre les deux, il a réalisé quelque chose d’exceptionnel: le redressement de NISSAN et son rapprochement avec Renault, qui a même forcé l’admiration des ses concurrents allemands. Il a démontré ses qualités exceptionnelles.

      “Moi si. Je peux vous assurer qu’il est parfaitement possible de louer dans le parc privé dans cette commune, et à des prix très avantageux.”

      C’est donc la future Montreuil. J’en suis ravi..

      ” Je ne vois donc pas très bien ou se trouve la « contrainte » liée à « la valorisation de la force de travail » dont vous parliez.”

      Je suis originaire de Bretagne, et je n’ai pas pu trouver de travail à proximité de ma ville d’origine. Je ne suis pas le seul: je connais personne qui a fait des études techniques au delà de BAC +2 de ma génération qui l’a fait. Pour pouvoir habiter dans la région et être proche de mes parents, j’ai du changer de branche, ce qui n’a été possible qu’avec une baisse de revenus, compensée en partie par la baisses de dépenses contraintes (et compensé amplement par bien d’autres choses pas directement matérielles). Je ne valorise plus la force de travail liée à ma formation initiale, et je contribue beaucoup moins à la richesse nationale.

      Ce n’est sans doute pas spécifique à ma région, puisque la caissière de Trèbes qui a été échangée contre Arnaud Beltrame était ingénieur de formation et exerçait son nouveau métier après avoir été licenciée.

      “J’ai l’impression que vous n’avez pas très bien compris la théorie de la valeur. La valeur que génère le travail ne dépend pas du statut administratif de celui qui le fait.”

      Éventuellement,encore que la, qualité du travail peut en dépendre, mais la nature de l’exploitation, elle, dépend directement du statut. La situation de l’une des deux infirmières se rapproche beaucoup plus des chapitres 6 et 7 de “Le Capital” que celle de l’autre.

      “Les prolétaires n’ont rien à sauvegarder qui leur appartienne, ils ont à détruire toute garantie privée, toute sécurité privée antérieure.” (Manifeste du Part Communiste) L’une a plus à sauvegarder dans le cadre de l’exploitation dont elle est l’objet que l’autre.

      “Quel rapport ?”

      C’est ce qui définit la nature de l’exploitation.

      “C’est faux. Ainsi, par exemple, c’est dans le sud de l’Italie que les connaissances en matière de maniement des armes, de montage d’opérations criminelles, de corruption d’élus ou de juges et autres du même type sont les plus développées.”

      J’ignorais que le Sud de l’Italie drainait les couches instruites du pays. Ça doit être en effet pour se perfectionner au maniement des armes et au montage d’opérations criminelles.

      ” Je pense que votre idée selon laquelle la connaissance contribue toujours à la prospérité d’un pays tient au fait que vous avez de la « connaissance » une idée très restrictive…”

      Je pense tenir compte des inconvénients et des bénéfices. De plus, je pense que c’est parce que la bourgeoisie a utilisé le progrès de la connaissance qu’elle a “créé de tout autres merveilles que les pyramides d’Egypte, les aqueducs romains, les cathédrales gothiques” et “mené à bien de tout autres expéditions que les invasions et les croisades”. Marx lui rend hommage pour ces créations, me semble-t-il, mais lui reproche de s’en approprier les bienfaits de manière exclusive.

      “C’était bien mon point : l’Etat n’est qu’un mécanisme de redistribution.”

      Dieu merci, la protection de l’ordre publique n’est pas encore complètement abandonnée, non plus que la défense des nos frontières. La “Convergence des luttes” permettra peut-être de laisser tomber ces vieilles lunes.

      “C’est très discutable. D’abord, on n’a pas l’impression que les catégories qui – si on les entend – « cotisent plus qu’elles ne reçoivent » se soient affaiblies ces dernières années.”

      D’après Hervé Le Bras, dans l’émission “Répliques”, d’Alain Finkielkraut, 200 000 personnes quittent le pays chaque année et 100 000 ne reviennent pas (vers minute 18). Je pense que c”est le départ de ces “prolétaires qualifiés” qui est le plus dommageable au pays.

      “Je vous rappelle que ma question suivait votre remarque non pas sur le « dénigrement des industries françaises » mais sur le « dénigrement des classes moyennes »…”

      Je suis effectivement bien en peine pour parler de vos “classes moyennes” en général car j’ai beaucoup de mal à saisir de qui il s’agit. Vous parlez de ceux qui empochent la totalité de la plus value qu’ils produisent, et vous donnez en exemple cet ingénieur spécialisé et ce chirurgien qui je pense, génèrent plus de plus-value qu’ils n’en perçoivent.

      Dans les descriptions que vous donnez, j’y vois au moins trois catégories très différentes:

      – les prolétaires qualifiés comme l’ingénieur spécialisé ou le chirurgien salarié, puisque j’ai compris que vous les y incluez. A mes yeux, s’ils n’ont pas de patrimoine, ce sont des prolétaires qualifiés qui aspirent, à devenir des petits bourgeois en thésaurisant. Ceux-là ne me semblent pas spécialement moteurs des réformes sociétales. Par contre, ils sont en concurrence internationale, et bénéficient d’opportunités à l’étranger. Ils sont donc moteur dans l’unification des systèmes sociaux. Le dénigrement des industries françaises les touche directement en diminuant leurs opportunités en France. Une partie du personnel de l’hôtellerie-restauration présente aussi ce profil mobile.

      – d’après les positions politiques que vous décrivez, j’y vois aussi les professions artistiques et intellectuelles qui mélangent des gens très précaires et d’autres qui bénéficient d’un patrimoine pouvant être important et appartenir à la bourgeoisie, parfois grande, jusqu’à des gens comme Bernard Henri Lévy ou Léa Seydou. Évidemment, ce sont ceux qui ont le patrimoine qui orientent les thèmes abordés. Ceux sont aussi eux qui peuvent bénéficier d’un matelas en cas de vaches maigres et de la protection des réseaux intergénérationnels. L’ensemble de cette catégorie est moteur sur les sujets sociétaux, et sur l’ouverture au monde, ce qui n’est pas nouveau (Molière s’est beaucoup moqué des mariages arrangés) . Ce qui est plus nouveau, c’est sans doute la puissance de l’industrie du divertissement. Elle est assez influente pour bénéficier de mesures qui la protège relativement, comme l’exception culturelle, même si cela me semble très variable en fonction du domaine d’activité.

      – j’y voit également une catégorie de la population qui se rencontre beaucoup dans les petites villes de provinces ou le coût de la vie n’est pas trop élevé: les personnes ayant un certain bagage culturel et qui sont fonctionnaires de plutôt bas échelon ou vivent de l’aide sociale. Ils contribuent grandement aux évènements festifs ou culturels. Ceux qui sont fonctionnaire ne me sont pas en mesure de transmettre leur statut à leurs enfants, et les autres ont un revenu minimal et pas de patrimoine. Ces catégories sont pour la liberté des mœurs et l’ouverture au monde par soif de liberté et idéalisme. Je ne pense pas qu’ils en bénéficient matériellement, même si la baisse des prix liée à la mondialisation leur permet de vivre sans beaucoup d’argent. Évidemment, je ne pense pas que vous placiez cette catégorie dans la “classe moyenne”, mais je crois qu’elle en partage une bonne partie des opinions que vous décrivez.

      Mais je reconnais que ma compréhension de ce sujet est incertaine.

    • Descartes dit :

      @ Cric29

      [« Mais pourquoi alors le Ghosn de 30 ans ne gagnait pas autant que celui de 60 ans ? » Parce qu’entre les deux, il a réalisé quelque chose d’exceptionnel: le redressement de NISSAN et son rapprochement avec Renault, qui a même forcé l’admiration des ses concurrents allemands. Il a démontré ses qualités exceptionnelles.]

      Faut vous décider. Vous m’expliquiez dans votre dernier commentaire que la rémunération de Ghosn était liée à ses « qualités personnelles qui ne sont pas directement liées à sa formation: volonté, capacité de concentration, capacité à trancher, opportunisme,… » et pour lesquelles vous excluiez tout processus d’accumulation. Si c’est le cas, alors Ghosn aurait du avoir sa rémunération princière dès le départ, puisqu’il possédait ces qualités AVANT d’avoir fait toutes ces choses qui font « l’admiration de ses concurrents ». Pourquoi le payer autant APRES avoir fait tout ça, et sachant qu’il n’aura pas l’opportunité de le refaire (il part à la retraite à la fin de l’année je crois)… ?

      [« Moi si. Je peux vous assurer qu’il est parfaitement possible de louer dans le parc privé dans cette commune, et à des prix très avantageux. » C’est donc la future Montreuil. J’en suis ravi…]

      Plus que d’être ravi, vous devriez tirer les conclusions. Vous aviez soutenu qu’un ingénieur était soumis à certaines contraintes, par exemple de ne pas pouvoir habiter dans certains quartiers. Vous admettez maintenant que c’est inexact, dont acte.

      [Je suis originaire de Bretagne, et je n’ai pas pu trouver de travail à proximité de ma ville d’origine. Je ne suis pas le seul: je ne connais personne qui a fait des études techniques au delà de BAC +2 de ma génération qui l’a fait. Pour pouvoir habiter dans la région et être proche de mes parents, j’ai du changer de branche, ce qui n’a été possible qu’avec une baisse de revenus, compensée en partie par la baisses de dépenses contraintes (et compensé amplement par bien d’autres choses pas directement matérielles). Je ne valorise plus la force de travail liée à ma formation initiale, et je contribue beaucoup moins à la richesse nationale.]

      Admettons. Mais cette contrainte dont vous parlez n’est pas limitée aux « classes moyennes » ou aux « bacs +5 ». Quant les mines du Nord et du Pas de Calais ont fermé, elles ont laissé sur le carreau un grand nombre de mineurs ayant une connaissance et une expérience approfondie des travaux miniers. Ces gens-là ont eu eux aussi le choix entre déménager très loin (en Afrique du Sud, en Pologne…) ou rester dans leurs régions et voir leur force de travail dévalorisée. Avec 5 millions de chômeurs toutes catégories confondues – la plupart d’entre eux étant plus proches du prolétaire que des CSP+ – il est difficile de pleurer sur la « dévalorisation de la force de travail » des classes moyennes…

      [Eventuellement, encore que la, qualité du travail peut en dépendre, mais la nature de l’exploitation, elle, dépend directement du statut. La situation de l’une des deux infirmières se rapproche beaucoup plus des chapitres 6 et 7 de “Le Capital” que celle de l’autre.]

      Je ne vois pas très bien ce que vous entendez par la « nature de l’exploitation ». Dans l’exemple cité, les deux infirmières laissent exactement la même fraction de la valeur qu’elles produisent dans les mains de leurs employeurs. Que ce prélèvement prenne une FORME différente, c’est incontestable. Mais en tant que phénomène quantitatif, l’exploitation pèse aussi lourdement sur l’une que sur l’autre.

      [“Les prolétaires n’ont rien à sauvegarder qui leur appartienne, ils ont à détruire toute garantie privée, toute sécurité privée antérieure.” (Manifeste du Part Communiste) L’une a plus à sauvegarder dans le cadre de l’exploitation dont elle est l’objet que l’autre.]

      Les deux ont exactement la même chose à sauvegarder. C’est en cela que le « manifeste » mérite d’être lu dans son contexte, celui d’un prolétariat paupérisé n’ayant pratiquement pas accès à la propriété privée. Cela reste vrai dans beaucoup de pays, mais dans les sociétés capitalistes développées – et en grande partie du fait du rapport de forces construit autour de l’existence d’un état socialiste après 1917 et de son poids après la victoire de 1945 – le prolétariat a réussi à accumuler des conquêtes qui lui ont permis de se constituer un patrimoine matériel et immatériel relativement important. Répéter aujourd’hui que les prolétaires « n’ont à perde que leurs chaînes » est une aberration.

      [« Quel rapport ? » C’est ce qui définit la nature de l’exploitation.]

      Certainement pas. Ce qui définit l’exploitation, c’est le fait qu’une partie de la valeur produite par le salarié est prélevée par l’employeur. Le fait que le salarié puisse être licencié ou pas n’a aucun rapport avec l’exploitation. Carlos Ghosn peut être débarqué par son conseil d’administration sans préavis. Pensez-vous qu’on doive le ranger dans la catégorie des « exploités » ?

      [« C’est faux. Ainsi, par exemple, c’est dans le sud de l’Italie que les connaissances en matière de maniement des armes, de montage d’opérations criminelles, de corruption d’élus ou de juges et autres du même type sont les plus développées. » J’ignorais que le Sud de l’Italie drainait les couches instruites du pays.]

      Cela dépend de ce que vous appelez « instruites ». Je pense que les couches qui souhaitent s’instruire dans le maniement des armes, dans le racket, dans l’organisation de trafics ou dans la corruption sont certainement attirés vers des villes comme Naples. Je pense que vous donnez à des mots comme « l’instruction » – mais aussi aux mots « compétences » et « capacités » – un sens très restrictif. Savoir souder un tuyau ou jouer un concerto sont des « compétences », conduire un « go fast » ou trucider une personne sans laisser des traces ne le seraient pas. Or, cette distinction est tout à fait artificielle. Il n’y a pas de « bonnes » compétences et des « mauvaises » compétences. Et c’est pourquoi votre idée que le développement des compétences est un « bien » pour la société quelque soient les compétences en question est assez discutable…

      J’aurais tendance à vous demander si lorsque vous parlez de « couches instruites », vous excluez les « couches » qui se consacrent aux trafics, à la corruption, à la criminalité financière. Je peux vous assurer que ces gens-là sont bien plus « instruits » que certains journalistes…

      [Je pense tenir compte des inconvénients et des bénéfices. De plus, je pense que c’est parce que la bourgeoisie a utilisé le progrès de la connaissance qu’elle a “créé de tout autres merveilles que les pyramides d’Egypte, les aqueducs romains, les cathédrales gothiques” et “mené à bien de tout autres expéditions que les invasions et les croisades”. Marx lui rend hommage pour ces créations, me semble-t-il, mais lui reproche de s’en approprier les bienfaits de manière exclusive.]

      Tout à fait. Et c’est aussi parce qu’elle a « utilisé les progrès de la connaissance » qu’elle s’est embarqué dans des guerres qui ont fait plusieurs dizaines de millions de morts. Encore une fois, les effets de « l’utilisation des progrès de la connaissance » n’est pas univoque. Pris dans une dimension globale, je m’inscris dans la tradition des Lumières et je serais d’accord avec vous : le progrès de la connaissance EN GENERAL est un bien. Mais lorsque comme vous le faites plus haut vous parlez de telle ou telle connaissance EN PARTICULIER, là je serais plus réservé. Je ne trouve pas que les « connaissances » dans le montage d’instruments financiers sophistiqués aient fait beaucoup de bien. Et certainement pas assez pour compenser le mal qu’elles font.

      [« C’était bien mon point : l’Etat n’est qu’un mécanisme de redistribution. » Dieu merci, la protection de l’ordre publique n’est pas encore complètement abandonnée, non plus que la défense des nos frontières.]

      Je n’ai pas très bien compris votre objection. L’ordre public et la protection des frontières sont des services, et le fait de prêter ces services d’une manière uniforme est bien un processus de redistribution.

      [« C’est très discutable. D’abord, on n’a pas l’impression que les catégories qui – si on les entend – « cotisent plus qu’elles ne reçoivent » se soient affaiblies ces dernières années. » D’après Hervé Le Bras, dans l’émission “Répliques”, d’Alain Finkielkraut, 200 000 personnes quittent le pays chaque année et 100 000 ne reviennent pas (vers minute 18). Je pense que c”est le départ de ces “prolétaires qualifiés” qui est le plus dommageable au pays.]

      Je n’ai pas très bien compris le rapport entre mon commentaire et le votre. En quoi le fait que ces gens partent traduirait un quelconque « affaiblissement » ? J’aurais d’ailleurs tendance à penser que votre remarque apporte de l’eau à mon moulin : ces catégories ne se sont pas affaiblies, la preuve, elles peuvent aller sans encombre s’installer sous d’autres cieux pour gagner plus d’argent et échapper à leur contribution aux charges communes. Parce que vous noterez que ces gens là ne brûlent pas leur passeport… et le jour où ils ont un gros ennui, ils reviendront chez nous profiter de notre bonne vieille sécurité sociale !

      Je ne sais pas – et je ne crois pas qu’il y ait beaucoup d’études sur la question – si ces départs sont si « dommageables » que ça. D’une part, parce que ces gens implantent sous d’autres cieux et d’autres cultures les habitudes, la culture, les traditions, les modes de pensée français. D’autre part, parce que je ne suis pas persuadé que les « traders » français qui sont allés massivement travailler pour la City auraient apporté beaucoup à la France s’ils étaient restés.

      [Vous parlez de ceux qui empochent la totalité de la plus value qu’ils produisent, et vous donnez en exemple cet ingénieur spécialisé et ce chirurgien qui je pense, génèrent plus de plus-value qu’ils n’en perçoivent.]

      J’imagine que vous voulez dire « plus de valeur qu’ils ne perçoivent ».

      [- les prolétaires qualifiés comme l’ingénieur spécialisé ou le chirurgien salarié, puisque j’ai compris que vous les y incluez. A mes yeux, s’ils n’ont pas de patrimoine, ce sont des prolétaires qualifiés qui aspirent, à devenir des petits bourgeois en thésaurisant.]

      Pardon mais… cette « qualification », qui leur permet de toucher des salaires très supérieurs à la moyenne, ne constitue-t-elle pas un « patrimoine » ? Je pense que la réponse est positive. D’abord, cette compétence résulte d’un processus d’accumulation. Ensuite, toutes les statistiques montrent qu’il se transmet en grande partie de génération en génération…

      [- d’après les positions politiques que vous décrivez, j’y vois aussi les professions artistiques et intellectuelles qui mélangent des gens très précaires et d’autres qui bénéficient d’un patrimoine pouvant être important et appartenir à la bourgeoisie, parfois grande, jusqu’à des gens comme Bernard Henri Lévy ou Léa Seydou.]

      Bernard-Henri Lévy n’est certainement pas dans mon idée un membre des « classes moyennes ». C’est l’héritier d’un capital bien matériel, celui d’une grande entreprise de négoce, qui lui permet de vivre fort confortablement sans travailler. Oui, j’y inclus une partie importante des « professions artistiques et intellectuelles » sans regard particulier pour leur statut vis-à-vis de la sécurité de l’emploi, parce que ce qui m’intéresse est essentiellement la différence entre la valeur qu’ils produisent et la valeur qu’ils empochent. D’ailleurs, la « précarité » de l’emploi cache des situations très différentes. Un « précaire » parisien doté de solides réseaux et d’un régime de protection sociale particulier qui lui permet de sauter d’emploi en emploi tout en gardant un niveau de vie raisonnable n’est pas dans la même situation que l’intérimaire d’Hénin-Beaumont, qui sait que son contrat terminé il y aura une période longue de chômage mal indemnisé à la clé.

      [Évidemment, ce sont ceux qui ont le patrimoine qui orientent les thèmes abordés. Ceux sont aussi eux qui peuvent bénéficier d’un matelas en cas de vaches maigres et de la protection des réseaux intergénérationnels. L’ensemble de cette catégorie est moteur sur les sujets sociétaux, et sur l’ouverture au monde, ce qui n’est pas nouveau (Molière s’est beaucoup moqué des mariages arrangés).]

      Je n’ai pas très bien compris ce que vous appelez « l’ouverture au monde ». Pourriez-vous préciser ?

      [- j’y voit également une catégorie de la population qui se rencontre beaucoup dans les petites villes de provinces ou le coût de la vie n’est pas trop élevé: les personnes ayant un certain bagage culturel et qui sont fonctionnaires de plutôt bas échelon ou vivent de l’aide sociale. Ils contribuent grandement aux évènements festifs ou culturels. Ceux qui sont fonctionnaire ne me sont pas en mesure de transmettre leur statut à leurs enfants, et les autres ont un revenu minimal et pas de patrimoine.]

      Juridiquement, les fonctionnaires n’ont pas la possibilité de transmettre leur statut à leurs enfants. Mais en pratique, vous verrez dans ceux qui réussissent les concours administratifs une forte proportion d’enseignants, par exemple… pour les autres, ils ont souvent des « compétences rares » (du moins à l’échelle de leur territoire) qui leur permet de négocier une rémunération raisonnable – c’est-à-dire, la récupération de la valeur produite. Ils sont comptables, artisans, ingénieurs…

      [Ces catégories sont pour la liberté des mœurs et l’ouverture au monde par soif de liberté et idéalisme.]

      Encore une fois, je ne vois pas très bien ce que vous entendez par « ouverture au monde ». Est-ce un synonyme de « libre échange » ?
      [Je ne pense pas qu’ils en bénéficient matériellement, même si la baisse des prix liée à la mondialisation leur permet de vivre sans beaucoup d’argent. Évidemment, je ne pense pas que vous placiez cette catégorie dans la “classe moyenne”, mais je crois qu’elle en partage une bonne partie des opinions que vous décrivez.]

      Mais… je place certainement une partie de ces gens dans les « classes moyennes ». Pourquoi les exclure ? Encore une fois, ce qui compte pour moi c’est le rapport d’exploitation, et non le mode de vie, le bagage culturel ou le revenu.

      Par ailleurs, il n’est pas étonnant que des couches qui ne font pas partie des « classes moyennes » partagent quand même ses « opinions ». C’est la logique même d’une idéologie dominante que d’aliéner ceux des couches dominées. Et aujourd’hui, c’est du moins ma thèse, l’idéologie dominante est celle des « classes moyennes ».

      [Mais je reconnais que ma compréhension de ce sujet est incertaine.]

      Je vous rassure, la mienne aussi. Ce que je propose est une théorie personnelle, je ne prétend pas détenir la vérité…

    • bip dit :

      @ Descartes

      [D’autre part, parce que je ne suis pas persuadé que les « traders » français qui sont allés massivement travailler pour la City auraient apporté beaucoup à la France s’ils étaient restés.]

      Recycler un “trader” comme ingé ou prof ne semble pas très dur. En tout cas, du point de vue de l’acquisition des compétences nécessaires.

      Plus généralement, voir partir des gens intelligents (on peut considérer le QI par exemple) n’est jamais bon sur le long terme. S’ils ne reviennent pas, les chances que leurs enfants vivent en France sont faibles. Et comme la descendance dépend en grande partie du patrimoine génétique des parents, c’est une perte sur plusieurs générations.

      Vous me direz, à l’heure actuelle, le phénomène de “sélection naturelle” semble s’être complètement inversé à l’échelle mondiale. Les populations les plus avancées sont celles qui se reproduisent le moins. Et de loin.

    • Descartes dit :

      @ bip

      [Recycler un “trader” comme ingé ou prof ne semble pas très dur. En tout cas, du point de vue de l’acquisition des compétences nécessaires.]

      Si par « compétences » vous entendez les savoirs académiques, c’est probablement vrai. Mais pour exercer un métier, il n’y a pas que ça. Il n’est pas facile de transformer un trafiquant de drogue en chef de service logistique, même si les « compétences » sont largement les mêmes.

      [Plus généralement, voir partir des gens intelligents (on peut considérer le QI par exemple) n’est jamais bon sur le long terme.]

      Bof. D’abord, il ne faut pas trop croire que ceux qui partent sont les plus « intelligents », et d’une façon générale que la hiérarchie sociale ou professionnelle est une hiérarchie de l’intelligence. L’intelligence est un paramètre important de la réussite professionnelle, mais il y en a beaucoup d’autres aussi importants sinon plus : la ténacité, la capacité d’organisation, la concentration, la capacité de travail sont souvent bien plus importantes que l’intelligence.

      [S’ils ne reviennent pas, les chances que leurs enfants vivent en France sont faibles. Et comme la descendance dépend en grande partie du patrimoine génétique des parents, c’est une perte sur plusieurs générations.]

      Vous croyez vraiment que l’intelligence est héréditaire ?

    • BolchoKek dit :

      >[S’ils ne reviennent pas, les chances que leurs enfants vivent en France sont faibles. Et comme la descendance dépend en grande partie du patrimoine génétique des parents, c’est une perte sur plusieurs générations.]
      Vous croyez vraiment que l’intelligence est héréditaire ?< Je ne sais pas si tu as remarqué à quel point une forme discrète d’eugénisme revient subrepticement dans le discours des classes moyennes…

    • bip dit :

      @ Descartes

      [D’abord, il ne faut pas trop croire que ceux qui partent sont les plus « intelligents » et d’une façon générale que la hiérarchie sociale ou professionnelle est une hiérarchie de l’intelligence.]

      Je ne pensais pas à une « hiérarchie ». Mais à des gens qui ont prouvé leur « intelligence » par la possession de compétences difficiles à acquérir.
      Ce sont des gens qualifiés qui s’en vont.

      [Vous croyez vraiment que l’intelligence est héréditaire ?]

      Pas « héréditaire » au sens individuel. C’est-à-dire que l’intelligence des enfants dépendraient de l’intelligence de leurs parents.

      Mais au niveau d’une population, l’intelligence des générations futures dépend, en partie, du « patrimoine génétique global » de cette population.
      Le QI d’un individu étant majoritairement déterminé par l’inné, c’est-à-dire par son patrimoine génétique (l’acquis jouerait aussi un rôle important, mais moindre).

      Et donc, ce que j’ai dit n’était pas exact. Le départ d’individus ne change rien sur le plan de l’intelligence (en termes de capacités) future d’une population ; s’il n’y a pas dans le même temps l’ arrivée d’autres individus.

    • Descartes dit :

      @ BolchoKek

      [Je ne sais pas si tu as remarqué à quel point une forme discrète d’eugénisme revient subrepticement dans le discours des classes moyennes…]

      Toute classe est en quête d’un processus qui assure la transmission de sa position sociale entre les générations. Pour la bourgeoisie, c’est la propriété qui remplit ce rôle par le biais de l’héritage. Mais les classes moyennes doivent leur statut à un « capital immatériel » qui ne peut être transmis par ce moyen. Il est donc commode pour elles de prétendre que leur place dans la société est liée à « l’intelligence », et que celle-ci serait « héréditaire ». Et dès lors qu’on attache un statut social à une caractéristique héréditaire, la tentation eugénique n’est jamais loin…

    • Descartes dit :

      @ bip

      [Je ne pensais pas à une « hiérarchie ». Mais à des gens qui ont prouvé leur « intelligence » par la possession de compétences difficiles à acquérir. Ce sont des gens qualifiés qui s’en vont.]

      Je ne vois pas très bien le rapport entre « l’intelligence » et la « possession de compétences difficiles à acquérir ». Prenez un Richard Virenque, vous savez, le champion cycliste dopé « à l’insu de son plein gré » par exemple. Ou bien Jean-Pierre Papin, le champion de football. Ils ont tous deux de toute évidence des « compétences difficiles à acquérir ». Diriez-vous qu’ils étaient exceptionnellement intelligents ?

      L’intelligence n’a rien à voir avec l’acquisition de « compétences difficiles à acquérir ».

      [Pas « héréditaire » au sens individuel. C’est-à-dire que l’intelligence des enfants dépendrait de l’intelligence de leurs parents. Mais au niveau d’une population, l’intelligence des générations futures dépend, en partie, du « patrimoine génétique global » de cette population.]

      Voyons si je comprends bien. Je prends un groupe A de gens au QI exceptionnel, et un groupe B dont le QI serait inférieur. Vous me dites que l’intelligence des enfants ne dépend pas de l’intelligence des parents. J’en déduis donc que le groupe A’ constitué par les enfants dont les parents appartiennent au groupe A aura la même intelligence que le groupe B’ constitué par les enfants dont les parents appartiennent au groupe B. Dans ces conditions, pourriez-vous m’expliquer comment vous arrivez à la conclusion que « l’intelligence des générations futures » (A’ et B’ dans ce cas) dépend « du patrimoine génétique global » ?

      [Le QI d’un individu étant majoritairement déterminé par l’inné, c’est-à-dire par son patrimoine génétique (l’acquis jouerait aussi un rôle important, mais moindre).]

      Plus haut vous écrivez que « l’intelligence n’est pas héréditaire au sens individuel, c’est-à-dire que l’intelligence des enfants dépendrait de celle des parents ». Ici, vous m’expliquez exactement le contraire. Faudrait vous décider.

    • bip dit :

      @ Descartes

      [Je ne vois pas très bien le rapport entre « l’intelligence » et la « possession de compétences difficiles à acquérir ». Prenez un Richard Virenque, vous savez, le champion cycliste dopé « à l’insu de son plein gré » par exemple. Ou bien Jean-Pierre Papin, le champion de football. Ils ont tous deux de toute évidence des « compétences difficiles à acquérir ». Diriez-vous qu’ils étaient exceptionnellement intelligents ?]

      Non, en effet.
      Vous pourriez me dire ce que vous entendez par « intelligence » et intelligence (si vous faites une différence) ?
      J’avais cru comprendre que vous utilisiez « intelligent » dans un sens proche de « capable » (et différent de intelligent sans guillemets), ce n’est manifestement pas le cas.

      [Voyons si je comprends bien. Je prends un groupe A de gens au QI exceptionnel, et un groupe B dont le QI serait inférieur. Vous me dites que l’intelligence des enfants ne dépend pas de l’intelligence des parents. J’en déduis donc que le groupe A’ constitué par les enfants dont les parents appartiennent au groupe A aura la même intelligence que le groupe B’ constitué par les enfants dont les parents appartiennent au groupe B. Dans ces conditions, pourriez-vous m’expliquer comment vous arrivez à la conclusion que « l’intelligence des générations futures » (A’ et B’ dans ce cas) dépend « du patrimoine génétique global » ?]

      Je dis que l’intelligence d’un individu dépend en grande partie de ses gênes. Mais comme un même gêne peut s’exprimer de manière variable selon les individus, on ne peut pas se prononcer sur le cas d’un individu en particulier.
      Alors qu’à l’échelle d’une population, les effets de ces variations vont se compenser.
      Mais je ne sais pas si des hypothèses doivent être vérifiées par la population en question pour l’affirmer.

      C’est en tout cas ce que j’ai compris de notamment :
      – article de 2007 qui présente le sujet : https://www.rts.ch/decouverte/sciences-et-environnement/technologies/4643548-est-ce-que-l-intelligence-vient-des-parents-en-d-autres-termes-l-intelligence-est-elle-heritable-.html
      – le concept d’ « héritabilité » : https://en.wikipedia.org/wiki/Heritability_of_IQ
      – et un article sérieux en rapport avec le sujet : https://www.nature.com/articles/nrg.2017.104#df4

      [[Le QI d’un individu étant majoritairement déterminé par l’inné, c’est-à-dire par son patrimoine génétique (l’acquis jouerait aussi un rôle important, mais moindre).]

      Plus haut vous écrivez que « l’intelligence n’est pas héréditaire au sens individuel, c’est-à-dire que l’intelligence des enfants dépendrait de celle des parents ». Ici, vous m’expliquez exactement le contraire.]

      Ben non… Le patrimoine génétique d’un individu provient de ses parents. Mais la manière qu’il aura de « s’exprimer » ne dépend pas des gênes de ses parents.

    • Descartes dit :

      @ bip

      [Vous pourriez me dire ce que vous entendez par « intelligence » et intelligence (si vous faites une différence) ?]

      Les guillemets sont des guillemets de citation. Dans le premier cas, je reprends votre terme. Dans le second, je l’utilise dans le sens habituel pour moi. L’intelligence, pour donner une définition schématique, c’est la capacité d’un être à ordonner logiquement l’information.

      [Je dis que l’intelligence d’un individu dépend en grande partie de ses gênes. Mais comme un même gêne peut s’exprimer de manière variable selon les individus, on ne peut pas se prononcer sur le cas d’un individu en particulier.]

      Non, mais on peut se prononcer sur une population. C’est pourquoi dans mon exemple je parlais de populations, et non d’individus. Mais si dans deux populations choisies l’une pour son QI elevé, l’autre pour son QI faible, on retrouve qu’une génération après a moyenne des QI est la même, alors l’émigration des populations au QI élevé n’aura aucun effet à long terme…

      [C’est en tout cas ce que j’ai compris de notamment :]

      Ce genre d’études ont toujours le même probleme : il est très difficile de séparer les facteurs hérités par le biais de la génétique de ceux transmis par l’environnement familial. Sauf à séparer les enfants de leurs parents, il est difficile d’éliminer ce biais. Ce qui n’empêche pas les américains, qui adorent ça, d’essayer de prouver que tout est génétique.

      [Ben non… Le patrimoine génétique d’un individu provient de ses parents. Mais la manière qu’il aura de « s’exprimer » ne dépend pas des gênes de ses parents.]

      Mais si les parents intelligents peuvent avoir un enfant idiot, et les parents idiots un enfant intelligent, l’émigration des parents intelligents n’a aucun effet à long terme…

  32. marc.malesherbes dit :

    Descartes29/03/2018 19:48
    sur le symbole “À Beltrame”

    [On peut se demander si c’est dû au hasard, mais un catholique pratiquant affirmé abattu par un musulman affirmé, quel symbole !]
    vous écrivez:
    “Beltrame était aussi un fonctionnaire affirmé, un gendarme affirmé, un franc-maçon affirmé. Pourquoi isoler le côté « catholique pratiquant » de ses autres engagements ? “
    ………………………………….
    un symbole est un “élément” que nous choisissons de mettre en évidence, dans une chose, un événement. Un symbole est une construction sociale. Un symbole n’est donc pas universel, mais dépend avant tout de la culture d’un groupe sociale donné. Je doute par exemple que “la couronne de laurier” soit le symbole de quoi que ce soit pour la grande majorité de nos contemporain, alors que cela l’était encore dans ma jeunesse.

    Il en est de même pour les événements. Ainsi lorsque je vois dans A Bertrame le symbole “d’un catholique pratiquant affirmé abattu par un musulman affirmé”, j’admets tout à fait que ce symbole ne soit pas partagé par tous. J’ajouterai que j’y vois également le symbole d’une guerre des religions de plus en plus active, renouvelant le symbole du drame de l’assassinat du prêtre prés de Rouen.
    D’autres effectivement y verront le symbole du gendarme se sacrifiant pour un otage, et d’autres … rien du tout. Ce n’est pas un événement auquel ils attacheront quelque symbole que ce soit.
    Si vous me demandez mon intuition, je suis assez d’accord que cet événement ne s’inscrira pas dans les mémoires.

    xxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxx
    j’avais également écrit
    [Mais aussi symbole de notre époque: nos héros se font assassiner sans combattre, par compassion victimaire. Les héros de l’islam radical se font assassiner en combattant, les armes à la main. Notre société, leur société.]
    et vous écrivez:
    “Je pense que vous construisez à tort une opposition inexistante. Rien n’indique que Beltrame ait pris la place de l’otage par « compassion victimaire »”
    …………………………….
    à nouveau, on est au niveau des représentation. Personne ne sait actuellement ce que A Beltrame pensait réellement, mais dans les apparences visibles il s’est offert en échange d’une otage, sans armes cachées. C’est une situation de vulnérabilité extrême, d’où mon expression de “compassion victimaire”.
    C’est d’autant plus remarquable que ce n’est pas ce qu’on attend d’un agent de la force publique. Sa valeur “sociétale” était bien plus grande que celle de l’otage. Il a été formé, payé pour nous défendre, et non pas pour être une victime sacrificielle.
    Ce qui rend ce geste hautement symbolique c’est qu’à contrario je n’ai pas connaissance d’un seul djihadiste ayant eu un comportement similaire ou analogue. Il est vrai qu’ils n’en ont guère l’occasion compte tenu du rapport de force qui leur est très défavorable, mais dans les faits, cela ne s’est jamais vu (à ma connaissance).
    ………………………………
    vous écrivez:
    “. Je ne pense pas qu’on puisse assimiler le fait de se faire tirer dessus par le GIN après avoir tué quelques personnes désarmées à « se faire assassiner », et encore moins « en combattant ».”

    Vous avez raison, le mot “assassiner” est mal choisi, j’aurai du dire “abattre”.

    Par contre je maintiens absolument le mot “combattre”. Comme dans toutes les guerres, les luttes du faible au fort, les moyens choisis sont ceux dont ils disposent, et ils n’en ont guère. C’est ceux que presque tous les peuples ont choisi dans leur guerre d’indépendance, dans leurs luttes civiles ou autres. Cela ne veut pas dire que l’on approuve leurs méthodes, et leurs objectifs, mais c’est manifestement leur combat.

    J’en profite pour dire que, au niveau des informations dont je dispose, j’ai la plus médiocre estime du GIGN et consorts: toujours incapables de neutraliser les djihadistes sans les abattre. On se prive ainsi d’un procès et de connaître les ramifications de leurs relations. À croire qu’on le fait pour éviter de mettre en évidence la sociologie de ces djihadistes, de gêner leurs réseaux, de contrarier les banlieues “difficiles”.

    nb: cela n’est pas très important, mais on ne sait toujours pas à cette heure si A Beltrame est mort des balles du GIGN, ou des coups du terroriste. Sous réserve de confirmation, pas très brillant pour le GIGN.

    • Descartes dit :

      @ marc.malesherbes

      [un symbole est un “élément” que nous choisissons de mettre en évidence, dans une chose, un événement. Un symbole est une construction sociale.]

      Tout à fait. Mais le choix de retenir chez Beltrame son caractère de catholique pratiquant plutôt que celui de fonctionnaire, de militaire ou de franc-maçon est un choix signifiant. Notre société ne semble pas avoir retenu cet élément de préférence aux autres : c’est un hommage civique dans une enceinte militaire qui lui a été rendu, et non un hommage religieux dans une enceinte religieuse.

      [Il en est de même pour les événements. Ainsi lorsque je vois dans A Bertrame le symbole “d’un catholique pratiquant affirmé abattu par un musulman affirmé”, j’admets tout à fait que ce symbole ne soit pas partagé par tous.]

      Faut savoir : d’un côté vous me dites qu’un symbole est une « construction sociale », et de l’autre vous me proposez un symbole qui, à ma connaissance, n’est partagé que par vous… Je pense qu’il n’y a là aucun « symbole ». Beltrame n’ pas été assassiné pour ses croyances, pas plus qu’il n’a été assassiné pour son appartenance à la franc-maçonnerie. C’est une pure coïncidence. Et il me semble difficile de transformer une coïncidence en symbole.

      [J’ajouterai que j’y vois également le symbole d’une guerre des religions de plus en plus active, renouvelant le symbole du drame de l’assassinat du prêtre prés de Rouen.]

      Mais vous voyez bien la différence : dans le cas du prêtre de Rouen, la victime a été choisie PARCE QUE catholique et prêtre. On peut en faire un symbole de cette « guerre des réligions ». Mais dans le cas de Beltrame, rien ne permettait au terroriste de savoir qu’il était « catholique pratiquant », et il n’a certainement pas choisi ses victimes en fonction de ce critère. Difficile dans ces conditions de faire un « symbole ».

      [à nouveau, on est au niveau des représentation. Personne ne sait actuellement ce que A Beltrame pensait réellement, mais dans les apparences visibles il s’est offert en échange d’une otage, sans armes cachées. C’est une situation de vulnérabilité extrême, d’où mon expression de “compassion victimaire”.]

      Si on part du fait que personne ne sait ce que Beltrame pensait, alors il n’y a aucune raison de penser qu’il se serait sacrifié par « compassion victimaire » plutôt que le contraire. Mais même si nous ne savons pas ce qu’il pensait à ce moment précis, on peut quand même penser que son acte présente une certaine continuité avec sa personnalité. Et ceux qui le connaissent et l’ont côtoyé au cours de sa carrière penchent plutôt pour une tentative de raisonner ou de maîtriser le forcené que pour un sacrifice « victimaire ».

      [Par contre je maintiens absolument le mot “combattre”. Comme dans toutes les guerres, les luttes du faible au fort, les moyens choisis sont ceux dont ils disposent, et ils n’en ont guère.]

      J’aimerais alors savoir ce que vous appelez « combattre ». J’ai l’impression qu’avec votre raisonnement tout acte devient un acte « de combat » dès lors qu’il est justifié par une idéologie.

      [J’en profite pour dire que, au niveau des informations dont je dispose, j’ai la plus médiocre estime du GIGN et consorts: toujours incapables de neutraliser les djihadistes sans les abattre. On se prive ainsi d’un procès et de connaître les ramifications de leurs relations. À croire qu’on le fait pour éviter de mettre en évidence la sociologie de ces djihadistes, de gêner leurs réseaux, de contrarier les banlieues “difficiles”.]

      Ah… toujours ce Grand Komplot. Permettez-moi de sortir une fois encore mon rasoir d’Occam. N’est-ce pas plus simple d’imaginer que si le GIGN ne neutralise pas les djihadistes sans les abattre, c’est tout simplement parce que ce n’est pas possible ? Comment feriez-vous pour « neutraliser » une personne qui a une mitraillette à la main et qui refuse tout simplement de se rendre ou de quitter son arme ?

      [nb: cela n’est pas très important, mais on ne sait toujours pas à cette heure si A Beltrame est mort des balles du GIGN, ou des coups du terroriste. Sous réserve de confirmation, pas très brillant pour le GIGN.]

      Nous avons aujourd’hui la réponse. Cela devrait vous rassurer quant aux compétences du GIGN.

    • xc dit :

      @Descartes et Marc.Malesherbes

      Mille excuses, je m’immisce.

      L’acte héroïque d’Arnaud Beltrame a été comparé à celui de Maximilan Kolbe.
      https://fr.wikipedia.org/wiki/Maximilien_Kolbe#%C3%80_Auschwitz
      A mon avis, cette comparaison n’est pas très adéquate. Mais je ne veux pas faire long.
      Ce qu’a fait le capitaine Maurice de Seynes, de l’escadrille Normandie-Niemen, me semble plus proche:
      https://fr.wikipedia.org/wiki/Maurice_de_Seynes

    • Descartes dit :

      @ xc

      [L’acte héroïque d’Arnaud Beltrame a été comparé à celui de Maximilan Kolbe.]

      Personnellement, je trouve cette comparaison indécente. Déjà la légende de Kolbe est peu crédible : qui a pu raconter ses faits et gestes puisque l’histoire nous explique que tous les témoins sont morts avant d’avoir pu raconter à qui que ce soit ? Mais surtout, Kolbe est censé avoir été un prêtre enfermé à Auschwitz pour avoir refusé de renier Jesus-Christ. En d’autres termes, c’est un homme qui recherchait le martyre. Ce n’est pas du tout le cas de Beltrame. On veut à tout prix faire du geste de Beltrame un sacrifice, alors que rien n’indique que ce soit le cas.

      [Ce qu’a fait le capitaine Maurice de Seynes, de l’escadrille Normandie-Niemen, me semble plus proche:]

      Je ne le pense pas non plus. Maurice de Seynes n’a sauvé personne par son geste.

  33. marc.malesherbes dit :

    @ Descartes
    sur les marges de manœuvre économique de la France dans l’UE
    ……………………
    je reconnais que vous avez raison. Elles sont en effet quasi inexistantes compte tenu des arrêts « Nicolo » et « Rothmans » que j’ignorais (mea culpa).
    De même je n’ai pu trouver de référence sur la prise en compte des investissements dans le déficit autorisé de 3%, ni sur l’action de Hollande sur la concurrence étrangère sur le fret SNCF (j’avais cru l’entendre).
    De même vous m’apprenez que “Les taxes sur l’énergie et donc sur les carburants sont définies dans une directive européenne” (je vous crois, mais je vais vérifier tellement cela paraît étonnant; il est vrai que je me rappelle que parfois l’UE intervient sur les taux de TVA, ex: Chiarc, et parfois … non, ex: en 2012).

    Il ne reste donc qu’à jouer le jeu de l’UE (orientation Macron) ou à la quitter (orientation UPR). A ce sujet il est vrai que j’oscille entre les deux positions.

    • Descartes dit :

      @ marc.malesherbes

      [De même je n’ai pu trouver de référence sur la prise en compte des investissements dans le déficit autorisé de 3%,]

      En fait, je pense que votre erreur vient du fait que ce type de mesure a été proposé par un certain courant européiste modéré qui voit bien que la logique comptable du traité de Maastricht nous amène dans le mur. Sortir les investissements du 3% permettrait de donner un peu d’air à l’action publique. Mais cette proposition n’a jamais obtenu le moindre début de réponse positive de nos partenaires ou de la Commission. Elle est perçue au contraire par les orthodoxes à Berlin et à Bruxelles (mais aussi à La Haye et à Helsinki) comme un moyen pour les pays « dépensiers » de s’affranchir des conditions de Maastricht.

      [De même vous m’apprenez que “Les taxes sur l’énergie et donc sur les carburants sont définies dans une directive européenne” (je vous crois, mais je vais vérifier tellement cela paraît étonnant;]

      Vous pouvez vérifier. Il s’agit de la directive 2003/96/CE restructurant le système européen de taxation des produits énergétiques et de l’électricité. Vous trouverez une synthèse et un lien vers le texte lui-même à la page suivante :

      http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=LEGISSUM:l27019

      Je crois que les français ne sont pas conscients du fait qu’aujourd’hui lorsqu’il s’agit de concevoir une politique publique le travail des hauts fonctionnaires consiste essentiellement à réfléchir à des moyens de contourner les règles européennes pour rendre ces politiques possibles. Et dans la plupart des cas, on arrive à la conclusion qu’on ne peut rien faire. Pensez à la mise en concurrence des concessions hydroélectriques… je peux vous assurer, pour l’avoir vu de mes yeux vu, qu’aucun gouvernement ne la veut, que tous ont freiné des quatre fers, que tous ont donné des consignes à l’administration de trouver des solutions alternatives. Conclusion : la Commission a mis la France en demeure, et les concessions vont être mises en concurrence… aux conditions définies par la Commission.

    • Vincent dit :

      > je peux vous assurer, pour l’avoir vu de mes yeux vu, qu’aucun gouvernement ne la
      > veut, que tous ont freiné des quatre fers, que tous ont donné des consignes à l’administration
      > de trouver des solutions alternatives. Conclusion : la Commission a mis la France en demeure,
      > et les concessions vont être mises en concurrence… aux conditions définies par la Commission.

      Il y a même eu une commission parlementaire pour étudier toutes les voies qui permettraient d’éviter ou de contourner cette mise en concurrence…
      Il me semble qu’il y a une voie qui n’a pas été exploitée : séparer la branche hydro d’EDF, la nationaliser, et dire que toutes les concessions arrivant à échéance vont vers cet EPIC. Mais je me doute que la Commission n’apprécierait pas, même si c’est formellement conforme aux directives.

      Et l’autre vraie question que je me pose est : et si l’Etat refusait d’obéir aux injonctions. Qu’est ce qui se passerait ? Bruxelles ne viendrait tout de même pas avec ses chars pour faire respecter le principe de souveraineté limitée ?

      Un petit lien intéressant pour voir les conséquences du changement de statut d’EDF :
      https://www.connaissancedesenergies.org/afp/lufc-que-choisir-accuse-edf-de-faire-payer-des-surcouts-faramineux-180405

      En gros, EDF a intérêt à produire une énergie plus chère, qui permet d’augmenter son coût marginal, et donc le tarif spot, et donc d’augmenter le prix de vente de sa production nucléaire… Une aberration écologique, et une aberration économique si on regarde la globalité du système (cela a pour effet de réduire la puissance des réacteurs à coût marginal nul pour pouvoir démarrer des turbines à coût marginal élevé…)

    • Descartes dit :

      @ Vincent

      [Il me semble qu’il y a une voie qui n’a pas été exploitée : séparer la branche hydro d’EDF, la nationaliser, et dire que toutes les concessions arrivant à échéance vont vers cet EPIC. Mais je me doute que la Commission n’apprécierait pas, même si c’est formellement conforme aux directives.]

      Non seulement la Commission n’apprécierait pas, mais elle a fait connaître aux intéressés que si une telle mesure était prise, la rétorsion ne tarderait pas sous forme de « enquête approfondie » sur un certain nombre d’autres turpitudes ou présumées telles. Et on peut compter sur la Cour de justice de l’Union pour suivre la Commission sur ce terrain et interpréter les traités dans leur sens le plus néolibéral. Par ailleurs, une telle solution aboutirait à pousser encore plus loin la logique de démantèlement d’EDF comme producteur intégré, et détruirait les synergies qui existent dans l’exploitation des parcs hydroélectrique et électronucléaire. Misère !

      [Et l’autre vraie question que je me pose est : et si l’Etat refusait d’obéir aux injonctions. Qu’est ce qui se passerait ? Bruxelles ne viendrait tout de même pas avec ses chars pour faire respecter le principe de souveraineté limitée ?]

      Non. Mais les concurrents d’EDF intéressés par la mise en concurrence iraient devant le juge français, et le juge français serait obligé de leur donner raison puisque les traités sont supérieurs aux lois et que ce principe a été reconnu valable pour la législation dérivée de l’UE (directives et règlements). Et que fera-t-on alors ? Le gouvernement refusera d’appliquer une décision du pouvoir judiciaire ? Ce serait la fin de l’Etat de droit…

      C’est là le point faible des projets de « désobéissance » tels que Mélenchon et autres les articulent. Une telle « désobéissance » conduit non seulement à un conflit entre le gouvernement français et l’Union européenne – ce qui en soi n’est pas un problème – mais à un conflit frontal entre le gouvernement et l’autorité judiciaire. Et là, c’est plus sérieux…

      [Un petit lien intéressant pour voir les conséquences du changement de statut d’EDF : (…) En gros, EDF a intérêt à produire une énergie plus chère, qui permet d’augmenter son coût marginal, et donc le tarif spot, et donc d’augmenter le prix de vente de sa production nucléaire…]

      Ce mécanisme avait été dénoncé dans un livre peu diffusé sauf entre les experts, « EDF : chronique d’un désastre inéluctable ». C’est lui qui avait provoqué la crise californienne au début des années 2000. Dans une industrie ou les barrières à l’entrée sont énormes, les producteurs ont intérêt à organiser la pénurie pour faire monter les prix. En effet, dans un marché « pur et parfait » cela ne marche pas parce que l’augmentation des prix provoque l’entrée sur le marché de nouveaux producteurs attirés par la hausse des prix, ce qui maintien le prix limité. Mais dans la production d’électricité cette régulation par le marché est impossible : la construction d’une nouvelle unité de production prend une dizaine d’années, et personne n’en fera l’énorme investissement sans avoir la garantie qu’il sera rentabilisé.

      Là où l’UFC n’a rien compris, c’est que c’est le fait de créer de la pénurie qui fait partir les prix, et non le fait de « augmenter son coût marginal ». Le tarif SPOT dépend de l’équilibre offre-demande, et non du moyen de production qu’EDF démarre pour satisfaire cette demande. Le théorème de Boiteux, qui montre que dans un équilibre de marché le cout marginal du dernier moyen de production démarré et le prix sont identiques n’est applicable que dans un contexte de marché pur et parfait…

    • Vincent dit :

      @Descartes

      > le juge français serait obligé de leur donner raison puisque les traités sont supérieurs aux lois et
      > que ce principe a été reconnu valable pour la législation dérivée de l’UE (directives et règlements).
      > Et que fera-t-on alors ? Le gouvernement refusera d’appliquer une décision du pouvoir judiciaire ?
      > Ce serait la fin de l’Etat de droit

      Clairement, avant de faire ce genre de confrontation, il faut faire voter une loi (pourquoi pas par voie référendaire) qui clarifie bien ces questions, notamment :
      – que les lois postérieures priment les traités internationaux, comme ça existait par le passé,
      – que seuls les textes explicitement ratifiés par la France sont opposables, et que les textes qui émanent d’organisme internationaux ne sont applicables qu’à partir du moment où ils ont été transcrits / ratifiés.

      Là encore, Bruxelles ne sera pas content. Mais que pourraient-ils faire ?

      – Nous menacer d’arrêter de payer les subventions dues à des projets / utilisateurs français ? Certainement pas, car on risquerait en représaille d’arrêter de verser notre quote part, et qu’on est déficitaire…
      – Nous menacer de droits de douane ? Certainement pas non plus, car en cas de représailles, comme notre balance commerciale est déficitaire…

      C’est pour cela que je demandais : in fine, que peuvent ils faire ? Ils ne peuvent pas envoyer les chars, vu que, même s’ils le voulaient (ce qui tuerait le slogan “l’Europe, c’est la paix), on a tout de même une des armées les plus solides de l’UE…

      > Là où l’UFC n’a rien compris, c’est que c’est le fait de créer de la pénurie qui fait partir
      > les prix, et non le fait de « augmenter son coût marginal ». Le tarif SPOT dépend de
      > l’équilibre offre-demande, et non du moyen de production qu’EDF démarre pour
      > satisfaire cette demande. Le théorème de Boiteux, qui montre que dans un équilibre
      > de marché le cout marginal du dernier moyen de production démarré et le prix sont
      > identiques n’est applicable que dans un contexte de marché pur et parfait…

      Je ne suis pas certain de bien comprendre la subtilité ; vous pourriez m’expliquer ? C’est bien l’équilbre offre-demande qui décide quel est le dernier moyen de production appelé, non ?

      Mais je vais revenir sur le sujet précédent :

      > C’est là le point faible des projets de « désobéissance » tels que Mélenchon et autres les articulent

      Je ne vois pas trop ces points faibles. Ca fait des années que je coite sur ce sujet, sur le mode du “qu’est ce que je ferais (compte tenu de ce que je comprends des vrais rapports de pouvoir) ?”

      Pour moi, l’UE a le pouvoir, tant qu’on est dans l’euro, de faire fermer les banques, de créer une panique bancaire, etc. Mais si ils le faisaient, cela forcerait la France à sortir de l’euro très rapidement.
      Un gouvernement qui voudrait désobéir ferait bien de prendre les devants en sortant tout de suite de l’euro.

      Et une fois qu’il est sorti de l’euro, et qu’il fait clairement voter des lois internes qui font que le droit interne prime le droit de l’UE… Si un gouvernement désobéit, qu’est ce qui se passe ?

      Et pour poser la question dans l’autre sens : si on ne désobéit pas, cela veut dire qu’il faut activer l’article 50, et attendre au moins 2 ans de période de transition.
      Pendant ces 2 ans, on a pas le droit de sortir de l’euro, mais on sait qu’on va finir par en sortir. Donc les taux flambent. L’économie se casse la figure pendant 2 ans, etc. Est ce que c’est réellement plus réaliste et plus praticable qu’une sortie unilatérale ?

      C’est mon réel point de désaccord avec quelqu’un comme Philippot (ou Asselineau)…

    • Descartes dit :

      @ Vincent

      [Clairement, avant de faire ce genre de confrontation, il faut faire voter une loi (pourquoi pas par voie référendaire) qui clarifie bien ces questions, notamment :
      – que les lois postérieures priment les traités internationaux, comme ça existait par le passé,
      – que seuls les textes explicitement ratifiés par la France sont opposables, et que les textes qui émanent d’organisme internationaux ne sont applicables qu’à partir du moment où ils ont été transcrits / ratifiés.]

      La première option est à exclure. En effet, la disposition qui rend les traités supérieurs aux lois même postérieures a été insérée dans la Constitution pour donner plus de poids à la parole de la France. En effet, si les traités n’étaient pas supérieurs aux lois votées postérieurement, la signature de la France pourrait être à tout moment être remise en cause par un simple amendement parlementaire. Dans ces conditions, quelle confiance pourraient inspirer nos engagements internationaux ?

      La deuxième voie est déjà plus réaliste. En effet, le fait que les traités soient supérieurs aux lois même postérieures n’implique pas évidement que les textes dérivés de ces traités – ceux faits par les institutions que ces traités créent, par exemple – doivent être supérieurs aux lois. Beaucoup de constitutionnalistes défendent la thèse contraire, et si le Conseil d’Etat et la Cour de Cassation ont fini par se plier à l’injonction européenne, cela ne s’est pas fait en un jour. On pourrait inscrire dans la constitution le fait que seuls les traités ratifiés par notre parlement sont supérieurs aux lois même postérieures, et que les textes dérivés n’entrent en vigueur qu’une fois ratifiés sous la même forme…

      Mais pour moi, tout cela est de la pure hypocrisie. Soit on veut une Europe supranationale, et alors il est logique de donner aux textes européens la primauté sur le droit national, soit on n’en veut pas et dans ce cas il faut dénoncer les traités européens. La voie intermédiaire à la Mélenchon, qui consiste à dire « on garde les traites mais on ne les applique pas » n’est pas sérieuse.

      [C’est pour cela que je demandais : in fine, que peuvent ils faire ? Ils ne peuvent pas envoyer les chars, vu que, même s’ils le voulaient (ce qui tuerait le slogan “l’Europe, c’est la paix), on a tout de même une des armées les plus solides de l’UE…]

      C’est pourquoi ceux qui prétendent qu’en signant les traités nous avons cédé notre souveraineté ont tort. Nous avons transféré des pouvoirs à Bruxelles, et le principe de souveraineté fait que ce transfert est précaire et révocable. En dernière instance, c’est la politique qui prime sur le droit.

      [Je ne suis pas certain de bien comprendre la subtilité ; vous pourriez m’expliquer ? C’est bien l’équilbre offre-demande qui décide quel est le dernier moyen de production appelé, non ?]

      Exactement. Mais l’UFC a l’air de croire que c’est l’inverse. Que si je sors de production un moyen bon marché et que je démarre un moyen plus cher (qui n’aurait donc pas dû être appelé), le prix changera.

      [Je ne vois pas trop ces points faibles.]

      Je les ai détaillés plus haut. Le point faible des projets « désobéissants » est qu’ils aboutissent inéluctablement à un conflit entre l’exécutif et le judiciaire. Le point faible est qu’ils s’imaginent qu’on pourra « désobéir » aux règles qui ne nous arrangent pas tout en restant dans l’UE et dans l’Euro.

      [Pour moi, l’UE a le pouvoir, tant qu’on est dans l’euro, de faire fermer les banques, de créer une panique bancaire, etc. Mais s’ils le faisaient, cela forcerait la France à sortir de l’euro très rapidement. Un gouvernement qui voudrait désobéir ferait bien de prendre les devants en sortant tout de suite de l’euro.]

      Mais quid d’un gouvernement qui voudrait « désobéir » mais qui se fixerait comme ligne rouge de ne pas sortir de l’Euro ? Vous avez un exemple avec la Grèce. Or, c’est exactement la logique de Mélenchon. Car si on sort de l’UE et de l’Euro, quel besoin y aurait-il de « désobéir » ?

      [Et une fois qu’il est sorti de l’euro, et qu’il fait clairement voter des lois internes qui font que le droit interne prime le droit de l’UE… Si un gouvernement désobéit, qu’est ce qui se passe ?]

      Rien. Mais on sera sortis de facto de l’UE. Parce que si nous ne respectons pas les lois européennes qui ne nous arrangent pas, quelle réciprocité pouvons-nous attendre de nos partenaires ?

      [Et pour poser la question dans l’autre sens : si on ne désobéit pas, cela veut dire qu’il faut activer l’article 50, et attendre au moins 2 ans de période de transition.]

      Ou bien que l’on dénonce les traités européens et on sort sans passer par l’article 50. Je vous renvoie au commentaire de De Gaulle :

      « Alain Peyrefitte- – Le traité de Rome n’a rien prévu pour qu’un de ses membres le quitte.

      Général de Gaulle. – C’est de la rigolade ! Vous avez déjà vu un grand pays s’engager à rester couillonné, sous prétexte qu’un traité n’a rien prévu pour le cas où il serait couillonné ? Non. Quand on est couillonné, on dit : “Je suis couillonné. Eh bien, voilà, je fous le camp ! ” Ce sont des histoires de juristes et de diplomates, tout ça. » ( “C’était de Gaulle”, Alain Peyrefitte – Tome II – Page 267)

    • Vincent dit :

      > La première option est à exclure. En effet, la disposition qui rend les traités supérieurs aux lois même postérieures a
      > été insérée dans la Constitution pour donner plus de poids à la parole de la France. En effet, si les traités n’étaient
      > pas supérieurs aux lois votées postérieurement, la signature de la France pourrait être à tout moment être remise en
      > cause par un simple amendement parlementaire. Dans ces conditions, quelle confiance pourraient inspirer nos
      > engagements internationaux ?

      Je sors complètement de la question de l’UE, mais le problème est que la France a adhéré à plein de conventions et traités (du travail, des droits de l’homme, etc.) qui donnent des grands principes, flous, dont l’interprétation peut être poussée très loin.
      Je ne sais pas si vous vous souvenez ce qui était arrivé au “Contrat Nouvelle Embauche”, dont on peut penser ce qu’on veut au demeurant, mais il avait été invalidé par une cour d’appel. Je vous recommande la lecture de l’arrêt ; si je me souviens bien, le juge avait décidé que la durée du préavis ne se justifiait que si la collectivité y trouvait un intérêt, et, comme on ne voit pas comment le fait de faciliter les licenciements pourrait faire baisser le chomage, alors, il n’y a pas de justification à ce type de contrat, et le contrat de travail qui a été signé est invalide…

      Bref, OK pour que les traités priment les lois, mais il ne faut en aucun cas que les magistrat puissent décider seuls de “casser” des lois au nom de traités internationaux. A la rigueur, ce qui serait correct, ce serait que, en cas de suspission de conflit entre une loi et un traité, le magistrat demande les instructions au garde des sceaux et au gouvernement… Je me demande si ce n’est pas comme cela que ça se passait, d’ailleurs, aux débuts de la 5ème République…

      > Beaucoup de constitutionnalistes défendent la thèse contraire, et si le Conseil d’Etat et la Cour de Cassation ont fini
      > par se plier à l’injonction européenne, cela ne s’est pas fait en un jour. On pourrait inscrire dans la constitution le fait
      > que seuls les traités ratifiés par notre parlement sont supérieurs aux lois même postérieures, et que les textes dérivés
      > n’entrent en vigueur qu’une fois ratifiés sous la même forme

      Vous avez des sources sur l’évolution de l’avis des constitutionalistes, du Conseil d’Etat, etc ? Cela m’intéresserait…

      > Mais pour moi, tout cela est de la pure hypocrisie. Soit on veut une Europe supranationale, et alors il est logique
      > de donner aux textes européens la primauté sur le droit national, soit on n’en veut pas et dans ce cas il faut
      > dénoncer les traités européens. La voie intermédiaire à la Mélenchon, qui consiste à dire « on garde les traites
      > mais on ne les applique pas » n’est pas sérieuse.

      Disons que ça ne peut pas rester sérieux très longtemps, mais pour une phase transitoire… pourquoi pas ?

      >> Je ne suis pas certain de bien comprendre la subtilité ; vous pourriez m’expliquer ? C’est bien l’équilbre
      >> offre-demande qui décide quel est le dernier moyen de production appelé, non ?]
      > Exactement. Mais l’UFC a l’air de croire que c’est l’inverse. Que si je sors de production un moyen bon
      > marché et que je démarre un moyen plus cher (qui n’aurait donc pas dû être appelé), le prix changera.

      C’est pourtant exactement cela. Si EDF décide de réduire la puissance de son parc électronucléaire (soit en fermant une centrale plus longtemps que prévu, soit en affichant un coût marginal très élevé pour les derniers MW de chaque tranche), cela aura pour conséquence de sortir un moyen de production bon marché, et il faudra donc démarrer un moyen de production plus cher, ce qui fera augmenter le prix spot… Je ne vois toujours pas la contradiction…

      > Mais quid d’un gouvernement qui voudrait « désobéir » mais qui se fixerait comme ligne rouge de ne
      > pas sortir de l’Euro ? Vous avez un exemple avec la Grèce. Or, c’est exactement la logique de Mélenchon.

      Nous sommes d’accord : la sortie unilatérale de l’euro est un préalable à tout. Et certainement pas une conséquence, comme pour des gens comme Asselineau.

      >> Et pour poser la question dans l’autre sens : si on ne désobéit pas, cela veut dire qu’il
      >> faut activer l’article 50, et attendre au moins 2 ans de période de transition.]

      > Ou bien que l’on dénonce les traités européens et on sort sans passer par l’article 50.

      Nous sommes donc bien d’accord que, sur ce point (Article 50), des gens comme Asselineau ou Philippot sont à coté de la plaque…
      Du coup, est ce que des “désobéissants”, mais qui sont prêts, s’il le faut, à sortir de l’euro (comme Dupont Aignan, même si j’ai de plus en plus de mal à suivra sa ligne) ne sont ils pas plus cohérents. Je désobéis. S’il le faut, j’en tire les conséquences en sortant de l’euro, et je me trouve de facto en dehors de l’UE, et on commence à négocier sur ces bases…

    • Descartes dit :

      @ Vincent

      [Bref, OK pour que les traités priment les lois, mais il ne faut en aucun cas que les magistrats puissent décider seuls de “casser” des lois au nom de traités internationaux. A la rigueur, ce qui serait correct, ce serait que, en cas de suspicion de conflit entre une loi et un traité, le magistrat demande les instructions au garde des sceaux et au gouvernement… Je me demande si ce n’est pas comme cela que ça se passait, d’ailleurs, aux débuts de la 5ème République…]

      Malheureusement, toute règle a besoin d’un juge pour l’interpréter… je crains que le mal que vous dénoncez soit un mal nécessaire. Reste que vous avez raison quand vous dites qu’il faudrait arrêter de signer des traités vagues établissant des principes très généraux.

      [Vous avez des sources sur l’évolution de l’avis des constitutionalistes, du Conseil d’Etat, etc ? Cela m’intéresserait…]

      Je n’ai pas un titre en tête, mais si le sujet vous intéresse allez dans une bibliothèque et consultez la revue française de droit administratif, il y a souvent des bons articles sur ces sujets. Sinon vous pouvez regarder un manuel de droit constitutionnel (Gicquel, par exemple).

      [Disons que ça ne peut pas rester sérieux très longtemps, mais pour une phase transitoire… pourquoi pas ?]

      Si c’est une phase transitoire… alors il faut dire ce qui vient après !

      [C’est pourtant exactement cela. Si EDF décide de réduire la puissance de son parc électronucléaire (soit en fermant une centrale plus longtemps que prévu, soit en affichant un coût marginal très élevé pour les derniers MW de chaque tranche), cela aura pour conséquence de sortir un moyen de production bon marché, et il faudra donc démarrer un moyen de production plus cher, ce qui fera augmenter le prix spot… Je ne vois toujours pas la contradiction…]

      Eh non. Si EDF réduit la puissance de son parc nucléaire, par exemple en déclarant une centrale en panne, RTE appellera le moyen de production suivant dans la liste, c’est-à-dire celui qui se situe tout juste au-dessus du prix de marché (et qui n’est d’ailleurs pas forcément un moyen appartenant à EDF). C’est-à-dire que l’effet est marginal… et ne profitera que très peu à EDF, qui vent la plus grande quantité de son électricité sur des marchés à long terme.

      [Nous sommes donc bien d’accord que, sur ce point (Article 50), des gens comme Asselineau ou Philippot sont à coté de la plaque…]

      Je le pense, oui. Surtout Asselineau, qui se place en permanence dans une logique ultra-juridique. Si j’aime la citation de De Gaulle, c’est parce qu’elle rappelle qu’en matière de rapports internationaux, c’est la politique qui prime sur le droit.

      La « bienpensance » nous explique que dans un monde idéal les rapports internationaux seraient régis par le droit. Mais cette doctrine, qui étend l’idée d’Etat de droit aux rapports internationaux souffre d’un sérieux problème. Au niveau national, le droit est l’émanation d’un souverain populaire constitué par une logique de solidarité inconditionnelle. Au niveau international, ce souverain n’existe pas. C’est pourquoi la légitimité du droit national est d’une autre nature que celle du droit international.

      [Du coup, est ce que des “désobéissants”, mais qui sont prêts, s’il le faut, à sortir de l’euro (comme Dupont Aignan, même si j’ai de plus en plus de mal à suivra sa ligne) ne sont ils pas plus cohérents. Je désobéis. S’il le faut, j’en tire les conséquences en sortant de l’euro, et je me trouve de facto en dehors de l’UE, et on commence à négocier sur ces bases…]

      En politique, il faut être clair. Croit-on à la primauté de la politique ou pas ? Si on y croit, alors on dénonce le traité et on s’en va, comme le dit De Gaulle dans la citation que je vous ai proposé. Si on n’y croit pas, alors il faut être cohérent : on ne peut « désobéir ».

    • BolchoKek dit :

      >La « bienpensance » nous explique que dans un monde idéal les rapports internationaux seraient régis par le droit. Mais cette doctrine, qui étend l’idée d’Etat de droit aux rapports internationaux souffre d’un sérieux problème. Au niveau national, le droit est l’émanation d’un souverain populaire constitué par une logique de solidarité inconditionnelle. Au niveau international, ce souverain n’existe pas. C’est pourquoi la légitimité du droit national est d’une autre nature que celle du droit international.< Je pense que ça n’est pas si surprenant : en l’absence de souverain, le droit international résulte principalement du rapport de force entre les puissances. Et il se trouve que ces partisans du droit international étendu (la “bienpensance”) sont quasi-systématiquement des atlantistes depuis la fin de la guerre froide, maintenant que les USA sont hégémoniques…

    • Descartes dit :

      @ BolchoKek

      [Je pense que ça n’est pas si surprenant : en l’absence de souverain, le droit international résulte principalement du rapport de force entre les puissances.]

      Je ne le dirais pas comme ça. Au niveau national, les rapports de force sont aussi très présents. La différence est que les membres d’une nation, qui sont les sujets du droit national, sont tout de même unis par une logique de solidarité inconditionnelle et impersonnelle. C’est comme dans un bateau : les rapports de force entre officiers et matelots sont modérés par le fait que personne n’a intérêt à ce que le bateau coule.

      Au niveau international, cette solidarité inconditionnelle n’existe pas, et sauf sur certaines questions très particulières (la régulation des armes nucléaires, par exemple) l’intérêt général ne se manifeste pas de façon évidente. Les rapports de force sont donc « nus », libres de se manifester complètement.

      [Et il se trouve que ces partisans du droit international étendu (la “bienpensance”) sont quasi-systématiquement des atlantistes depuis la fin de la guerre froide, maintenant que les USA sont hégémoniques…]

      Bien évidement. Les grenouilles ont leur roi…

    • Vincent dit :

      Je maintiens, il y a bien eu une évolution sur la question de savoir si l’interprétation des traités doit être faite directement par le juge ou si la question doit être posée au Gvt.

      En matière de droit administratif :

      “Il importe ici de distinguer le droit international général du droit communautaire. Dans le premier cas, le juge administratif s’estimait par le passé incompétent pour interpréter les traités internationaux. En pareille hypothèse, il renvoyait, alors, la question d’interprétation au ministre des affaires étrangères et s’estimait lié par son avis. Cette solution était, cependant, en contradiction avec les dispositions de la CEDH sur l’indépendance du juge et sa plénitude de juridiction. C’est pour cela que le Conseil d’Etat a fait évoluer sa position en s’estimant dorénavant compétent pour interpréter les traités (C.E., ass., 29/06/1990, GISTI).”

      (http://www.fallaitpasfairedudroit.fr/images/files/Droit%20administratif/Bloc%20l%C3%A9galit%C3%A9/Droit%20international/Conflits_entre_loi_et_droit_international_devant_le_juge_administratif.pdf)

      Je n’ai pas trouvé de source, mais il me semble que c’était similaire devant la justice civile…

    • Bannette dit :

      Je trouve que l’expression “droit international” est abusive ; il n’existe pas de droit international, en réalité ce qu’on exprime par cette expression passe partout, c’est la coordination entre des droits nationaux, ou des traités négociés entre pays souverains.
      Par contre, ce qu’exprime BolchoKek à propos des rapports de force se vérifie tous les jours, avec l’externationalisation du droit américain (autre exemple de “droit international”) totalement abusive. Le fait que ce pays en soit arrivé à de telles extrémités pour empêcher des sociétés non US de gagner des marchés dans le monde, me “rassure” sur le cas français : nous continuons encore à produire des ingénieurs et des savants exceptionnels, pouvant proposer des solutions techniques brillantes (je pense à des exemples de non signature de marchés dans le domaine de l’armement, de l’aéronautique ou du nucléaire, où parce que je ne sais quel composé aurait un brevet US, on interdit la signature du marché pour que des français ne l’emportent pas).
      La concurrence libre et non faussée, l’innovation comme parente naturelle du capitalisme, mon oeil ! Ya pas que les zécolos bobos qui empêchent les solutions techniques innovantes d’émerger.

    • Vincent dit :

      J’insiste, car pour moi, il n’y a toujouts pas d’erreur de raisonnement… Et j’ai absolument envie de comprendre s’il y en a une…

      > Si EDF réduit la puissance de son parc nucléaire, par exemple en déclarant une centrale
      > en panne, RTE appellera le moyen de production suivant dans la liste, c’est-à-dire celui
      > qui se situe tout juste au-dessus du prix de marché (et qui n’est d’ailleurs pas forcément
      > un moyen appartenant à EDF). C’est-à-dire que l’effet est marginal…

      Je suis d’accord sur tout, sauf sur l’aspect marginal… S’il y a 1,5 ou 2GW supplémentaires à fournir, et qu’il est nécessaire de faire appel à des centrales de pointe ou de semi-pointe, l’augmentation du prix spot ne sera pas marginale…

      > et ne profitera que très peu à EDF, qui vent la plus grande quantité de son électricité sur des marchés
      > à long terme.

      Justement si, car EDF en bénéficiera directement pour la fraction qui est vendue au tarif spot. Et les tarifs à long terme sont négociés sur la base des tarifs spots. Si les tarifs spots augmentent en moyenne de 5% en raison de ce mécanisme, cela permet à EDF de négocier ses prix de gros à long terme 5% plus cher…

      Ne sommes nous pas d’accord là dessus ?

    • Descartes dit :

      @ Vincent

      [Je maintiens, il y a bien eu une évolution sur la question de savoir si l’interprétation des traités doit être faite directement par le juge ou si la question doit être posée au Gvt.]

      Je ne crois jamais l’avoir nié. Vous avez parfaitement raison : l’interprétation des traités a été pendant l’essentiel de notre histoire un privilège régalien. En fait, on pourrait dire que l’évolution dans cette matière traduit une évolution dans la notion même de traité. Dans le passé, le traité était un contrat passé entre deux gouvernements, et qui contraignait l’un vis-à-vis de l’autre. Par traité, un gouvernement X s’obligeait à faire ou ne pas faire auprès d’un gouvernement Y. Dans ces conditions, il était normal que l’interprétation des traités soit faite par l’exécutif et non par le juge.

      Depuis quelque temps, on a inventé des traités dont le but est d’obliger les gouvernements vis-à-vis de leurs propres citoyens. Ces traités sont en fait des sortes de super-lois, accordant aux citoyens du pays des droits que leur gouvernement s’engage à appliquer. Dans ces conditions, on comprend que l’interprétation soit transférée au juge.

      Personnellement, je suis trop attaché au principe de souveraineté pour trouver cette évolution positive.

    • Descartes dit :

      @ Bannette

      [Je trouve que l’expression “droit international” est abusive ; il n’existe pas de droit international, en réalité ce qu’on exprime par cette expression passe partout, c’est la coordination entre des droits nationaux, ou des traités négociés entre pays souverains.]

      Je ne suis pas d’accord. Le terme « droit » est utilisé à bon escient lorsqu’il est appliqué aux rapports entre états. Seulement, il faut rappeler qu’il s’agit d’un droit conventionnel, c’est-à-dire, qui n’est issu que des accords entre états, et non de la volonté d’un législateur. C’est d’ailleurs pourquoi si l’on peut sans abus parler de « droit » international, on ne peut parler de « lois internationales ».

      [La concurrence libre et non faussée, l’innovation comme parente naturelle du capitalisme, mon oeil ! Ya pas que les zécolos bobos qui empêchent les solutions techniques innovantes d’émerger.]

      Tout à fait. Il y a d’ailleurs un théorème très connu et facile de démontrer qui montre que dans un marché pur et parfait le prix d’un bien tend à s’établir à son coût de fabrication (c’est-à-dire, au cout du renouvellement des facteurs de production). Dans un tel marché, le profit tend donc vers zéro… Or, le capitalisme est précisément fondé sur le profit. La conclusion est évidente : le marché « pur et parfait », c’est la mort du capitalisme, qui ne survit justement que parce que les imperfections des marchés permettent de réaliser du profit…

    • Descartes dit :

      @ Vincent

      [J’insiste, car pour moi, il n’y a toujouts pas d’erreur de raisonnement… Et j’ai absolument envie de comprendre s’il y en a une…]

      Ne vous excusez pas, c’est un sujet très technique et il n’a rien d’évident.

      [Je suis d’accord sur tout, sauf sur l’aspect marginal… S’il y a 1,5 ou 2GW supplémentaires à fournir, et qu’il est nécessaire de faire appel à des centrales de pointe ou de semi-pointe, l’augmentation du prix spot ne sera pas marginale…]

      L’effet est « marginal » à cause du prix. Les unités de production sont classées en fonction de leur coût marginal de production, et sont appelées dans l’ordre de ces coûts. Imaginons que la dernière unité appelée soit l’unité X, avec un coût marginal de 40 €/MWh, et que l’unité suivante dans la liste soit l’unité Y, avec un coût marginal de 40,5 €/MWh.

      Si maintenant EDF déclare une de ses unités indisponible, le gestionnaire de réseau appellera en remplacement l’unité Y… et si on reste sur une tarification au coût marginal, alors le prix ne montera que de … 1%. Au regard des pénalités encourues pour n’avoir pas respecté le plan de marche, on voit mal où serait la rentabilité du procédé.

      En fait, c’est un peu plus compliqué parce que le marché n’étant pas « pur et parfait », les prix n’adhérent pas strictement à la tarification au coût marginal.

      [Justement si, car EDF en bénéficiera directement pour la fraction qui est vendue au tarif spot. Et les tarifs à long terme sont négociés sur la base des tarifs spots.]

      Ce n’est pas le cas. Le marché à long terme et celui des tarifs spot sont très largement déconnectés, et cela pour une raison facile à comprendre: ces deux marchés couvrent des besoins très différents. Le marché à long terme couvre les besoins prévisibles, le spot, beaucoup plus spéculatif, couvre les besoins difficiles à prévoir. Un hiver exceptionnellement froid, une problème générique sur le parc nucléaire fait s’envoler le prix spot, mais n’a aucun effet sur le marché de long terme.

    • Vincent dit :

      > Les unités de production sont classées en fonction de leur coût marginal de
      > production, et sont appelées dans l’ordre de ces coûts. Imaginons que la
      > dernière unité appelée soit l’unité X, avec un coût marginal de 40 €/MWh,
      > et que l’unité suivante dans la liste soit l’unité Y, avec un coût marginal de
      > 40,5 €/MWh.

      Nous avons donc parfaitement la même compréhension du marché spot. Mais, dans mon esprit, le fait de passer d’un kWh marginal nucléaire à un kWh marginal TAC conduisait à une hausse importante du prix spot. Ce qui justifiait le raisonnement.
      Si, comme vous semblez le dire, il n’y a pas de discontinuité important de la courbe des prix des moyens de productions, effectivement le raisonnement tombe à l’eau, et je ne comprends plus l’argument de la revue…

      > En fait, c’est un peu plus compliqué parce que le marché n’étant pas « pur et
      > parfait », les prix n’adhérent pas strictement à la tarification au coût marginal.

      Est ce que vous voulez dire par là que les opérateurs on le droit de déclarer un coût marginal qui ne correspond pas exactement à leur coût marginal réel ? Ou que le mécanisme est réellement plus complexe que cela ?

      > Ce n’est pas le cas. Le marché à long terme et celui des tarifs spot sont très largement
      > déconnectés, et cela pour une raison facile à comprendre: ces deux marchés couvrent
      > des besoins très différents.

      Oui, ils couvrent des besoins différents, et n’ont à priori rien à voir. Mais je me suis laissé dire que les tarifs spots faisaient partie des principaux éléments analysés lors des négociations des tarifs de gros… Mais je ne suis certain de rien sur ce sujet…

    • Descartes dit :

      @ Vincent

      [Nous avons donc parfaitement la même compréhension du marché spot. Mais, dans mon esprit, le fait de passer d’un kWh marginal nucléaire à un kWh marginal TAC conduisait à une hausse importante du prix spot. Ce qui justifiait le raisonnement.]

      Je crois que vous confondez un prix normatif et un prix de marché. Le prix du marché SPOT est fixé par l’équilibre de l’offre et de la demande, et n’est pas directement lié au coût marginal du dernier kWh généré. Si le marché de l’électricité était un marché « pur et parfait », le prix de marché serait identique au coût marginal du dernier kWh généré (simplement parce que s’il était supérieur un autre moyen de production se mettrait en route, et que s’il était inférieur le moyen de production en question serait arrêté).

      Mais le marché de l’électricité n’est pas « pur et parfait ». L’existence de contrats à long terme, les asymétries d’information, les droits considérables d’entrée sur le marché, le besoin de se couvrir contre les accidents, l’injection obligatoire des énergies renouvelables font que le prix SPOT dépend de beaucoup d’autres paramètres.

      [Est ce que vous voulez dire par là que les opérateurs on le droit de déclarer un coût marginal qui ne correspond pas exactement à leur coût marginal réel ? Ou que le mécanisme est réellement plus complexe que cela ?]

      Les opérateurs ne déclarent pas un coût marginal. Les opérateurs déclarent une liste de centrales disponibles, avec un ordre d’appel. C’est pourquoi j’ai du mal à accepter l’argument des protecteurs des consommateurs. Le coût marginal est un sous-jacent, pas un paramètre pris en compte par le marché. S’il pèse sur le marché, c’est parce qu’il joue sur les installations déclarées disponibles : personne n’a envie de vendre à perte.

    • Vincent dit :

      >> Il me semble qu’il y a une voie qui n’a pas été exploitée : séparer la branche
      >> hydro d’EDF, la nationaliser, et dire que toutes les concessions arrivant à
      >> échéance vont vers cet EPIC. Mais je me doute que la Commission
      >> n’apprécierait pas, même si c’est formellement conforme aux directives.]

      > Non seulement la Commission n’apprécierait pas, mais elle a fait connaître aux
      > intéressés que si une telle mesure était prise, la rétorsion ne tarderait pas sous
      > forme de « enquête approfondie » sur un certain nombre d’autres turpitudes
      > ou présumées telles.

      J’ai eu beau chercher, je n’ai rien trouvé qui corroborrait ces informations… C’est de l’officiel ou de l’officieux ?

      > Par ailleurs, une telle solution aboutirait à pousser encore plus loin la logique
      > de démantèlement d’EDF comme producteur intégré, et détruirait les synergies
      > qui existent dans l’exploitation des parcs hydroélectrique et électronucléaire. Misère !

      Oui. Et il y a donc encore une autre solution. Pour un coût de 5 Milliards d’euros, l’Etat peut racheter les 15% qu’il ne possède pas d’EDF, et décréter qu’il est impératif d’avoir un actionnariat public pour pouvoir candidater aux appels d’offres.

      Ou bien, sans rien racheter du tout, sur le modèle de ce qui se pratique en Norvège, dire qu’il faut un actionnariat public à plus de 70% pour pouvoir candidater…

    • Descartes dit :

      @ Vincent

      [« Non seulement la Commission n’apprécierait pas, mais elle a fait connaître aux intéressés que si une telle mesure était prise, la rétorsion ne tarderait pas sous forme de « enquête approfondie » sur un certain nombre d’autres turpitudes ou présumées telles ». J’ai eu beau chercher, je n’ai rien trouvé qui corroborait ces informations… C’est de l’officiel ou de l’officieux ?]

      Disons que je tiens ça de très bonne source…

      [Oui. Et il y a donc encore une autre solution. Pour un coût de 5 Milliards d’euros, l’Etat peut racheter les 15% qu’il ne possède pas d’EDF, et décréter qu’il est impératif d’avoir un actionnariat public pour pouvoir candidater aux appels d’offres.]

      Ça ne marche pas. On ne peut introduire dans un appel d’offres des clauses qui porteraient atteinte à la libre concurrence sur un marché libéralisé sans violer les traités européens. C’est le principe de « non-discrimination » prévu dans les directives… Cela pourrait se faire par contre si l’on rachetait EDF et on le transformait à nouveau en établissement public : les textes européens permettent d’attribuer une concession sans appel d’offres à un établissement public. Sauf que dans ce cas l’établissement en question ne peut intervenir sur un marché concurrentiel. Or, le marché de l’électricité est ouvert à la concurrence…

      On peut le ruser autant qu’on veut, mais à la fin on ne peut que se rendre à l’évidence : on n’arrivera pas à se conformer à une directive qui veut la privatisation des concessions hydroélectriques tout en les gardant sous le contrôle d’une entreprise publique. Ou bien on respecte les règles européennes, ou bien on les rejette. On ne peut avoir les deux.

      [Ou bien, sans rien racheter du tout, sur le modèle de ce qui se pratique en Norvège, dire qu’il faut un actionnariat public à plus de 70% pour pouvoir candidater…]

      Il ne vous aura pas échappé que la Norvège n’est pas membre de l’UE.

  34. marc.malesherbes dit :

    @ Descartes 29/03/2018 19:48
    Vous écrivez
    “Ah… toujours ce Grand Komplot. Permettez-moi de sortir une fois encore mon rasoir d’Occam. N’est-ce pas plus simple d’imaginer que si le GIGN ne neutralise pas les djihadistes sans les abattre, c’est tout simplement parce que ce n’est pas possible ? Comment feriez-vous pour « neutraliser » une personne qui a une mitraillette à la main et qui refuse tout simplement de se rendre ou de quitter son arme ?”
    …………….
    Il est possible d’utiliser des gaz dits “incapacitants”, et ceci depuis longtemps. Ces gaz ne sont en général pas mortels (sauf affections particulières des sujets les ayant inhalés). Or je constate que cela n’a jamais été essayé, quelque soit les circonstances.
    De plus je comprends très bien que l’on souhaite éliminer les djihadistes. Il y a plein de raisons pour cela. D’ailleurs les Etats Unis vont encore plus loin en éliminant les corps des victimes (ex: Ben Laden). Nous n’en sommes pas encore là, mais il est possible que nous y arriverons si le terrorisme se maintient, ce qui est quand même peu probable (avec la destruction de l’Etat Islamique, l’effet “d’exemple”, “d’entraînement”, “d’imitation” va considérablement baisser).
    Si toute tentative d’explication rationnelle fait de vous un complotiste, c’est la fin de la recherche de toute rationalité. Justement il est “irrationnel” de penser que le GIGN est ignorant de l’existence des gaz incapacitants, et c’est dont le “rasoir d’Occam” qui me conduit à mon hypothèse que je considère comme la plus probable.

    • Descartes dit :

      @ marc.malesherbes

      [Il est possible d’utiliser des gaz dits “incapacitants”, et ceci depuis longtemps. Ces gaz ne sont en général pas mortels (sauf affections particulières des sujets les ayant inhalés). Or je constate que cela n’a jamais été essayé, quel que soit les circonstances.]

      Et pourquoi, à votre avis ? Parce qu’au GIGN ils sont bêtes ? Vous ne trouvez pas étonnant que des gens qui passent leur vie à réfléchir aux meilleures moyens de mettre hors d’état de nuire un terroriste – et de préférence vivant, pour obtenir des informations sur d’éventuels complices ou commanditaires – n’aient pas trouvé la solution, alors qu’elle est si évidente pour quelqu’un comme vous, qui n’est en la matière qu’un amateur éclairé, dans le meilleur des cas ? Et encore, si ce n’était que notre GIGN… mais vous noterez que c’est la même chose en Belgique, en Grande Bretagne, en Allemagne…

      Excusez-moi si je sors encore mon rasoir d’Occam. Mais je trouve beaucoup plus simple de penser qu’il y a des difficultés techniques à l’usage des gaz incapacitants que de penser qu’il existe un Grand Komplot pour 1) ne pas utiliser ces gaz et 2) en cacher au bon peuple les raisons. Si ma mémoire ne me trompe pas, une des raisons pour lesquelles les gaz de combat ont été abandonnés après les essais d’Ypres tient à la difficulté à contrôler le dosage du gaz et sa propagation.

      [De plus je comprends très bien que l’on souhaite éliminer les djihadistes.]

      Je vous ferais remarquer que vous « comprenez très bien » les motifs d’un acte dont vous n’avez pas établir la réalité.

      [Il y a plein de raisons pour cela.]

      Pourriez-vous en citer trois, s’il vous plait ?

      [Si toute tentative d’explication rationnelle fait de vous un complotiste, c’est la fin de la recherche de toute rationalité.]

      Mais où est votre « tentative d’explication rationnelle » ? Vous échafaudez une théorie qui ne se fonde sur le moindre fait, seulement sur un hypothétique « intérêt » des forces de l’ordre à agir de telle ou telle façon. Et qui présuppose par ailleurs une conspiration du silence pour occulter ensuite les décisions prises. C’est là les deux éléments qui font le complotisme : d’une part, la croyance que parce qu’untel a intérêt à agir de telle ou telle façon, on peut tenir pour prouvé qu’il a EFFECTIVEMENT agi de la sorte. Et d’autre part, l’idée que ces agissements ne peuvent pas être connus parce qu’une conspiration du silence empêche l’information de filtrer.

      Je vous fais noter qu’avec ce raisonnement, vous pouvez prouver que je suis l’auteur du vol du train postal. D’une part, il est évident que j’avais intérêt à le faire. Et d’autre part, il est évident que le secret a été bien gardé, puisque je n’ai jamais été accusé…

      [Justement il est “irrationnel” de penser que le GIGN est ignorant de l’existence des gaz incapacitants, et c’est donc le “rasoir d’Occam” qui me conduit à mon hypothèse que je considère comme la plus probable.]

      Mais justement, si votre rasoir d’Occam vous permet de conclure que le GIGN connait les gaz incapacitants, il devrait vous souffler que s’ils ne les utilisent pas, il doit bien y avoir une bonne raison… sans avoir recours à un complot !

  35. marc.malesherbes dit :

    @ Descartes 29/03/2018 19:48
    vous écrivez:
    “J’aimerais alors savoir ce que vous appelez « combattre ». J’ai l’impression qu’avec votre raisonnement tout acte devient un acte « de combat » dès lors qu’il est justifié par une idéologie.”

    J’utilise le mot “combattre dans son sens usuel (1). Pour les djihadistes, les occidentaux (pour des tas de raisons) sont des ennemis. L’assassinat de civils est un des moyens de leur combat visant à les terroriser et à les convertir, à agrandir l’antagonisme entre “eux” et “nous”, espérant ainsi par un jeu d’escalade entraîner plus de personnes de leur côté.
    D’ailleurs les Américains, Hollande en déclarant “faire la guerre au terrorisme” indique que c’était également pour eux un combat.

    (1) définition du Littré
    1 Se battre contre un ennemi, soit qu’on attaque, soit qu’on se défende. Combattre un adversaire. Combattre les bêtes féroces. (….)

    • Descartes dit :

      @ marc.malesherbes

      [J’utilise le mot “combattre dans son sens usuel (Se battre contre un ennemi, soit qu’on attaque, soit qu’on se défende). Pour les djihadistes, les occidentaux (pour des tas de raisons) sont des ennemis.]

      Admettons. Mais peut-on considérer que mitrailler le public d’un concert ou les clients d’un supermarché sait vraiment “se battre” ? Permettez-moi d’être sceptique.

  36. marc.malesherbes dit :

    @ Descartes 29/03/2018 19:48
    [on ne sait toujours pas à cette heure si A Beltrame est mort des balles du GIGN, ou des coups du terroriste, ou des deux. Sous réserve de confirmation, pas très brillant pour le GIGN.]
    vous écrivez:
    “Nous avons aujourd’hui la réponse”

    Je n’ai pas trouvé d’éléments sur internet plus précis que ceux communiqués lors de l’autopsie du 25 mars, dont les comptes rendus ne sont pas très précis et varient d’un média à l’autre (je n’ai pas trouvé le CR officiel de l’autopsie). En particulier la nature des balles l’ayant atteintes. Certains sous entendent que compte tenu de leur calibre, il s’agit sans doute de celles du GIGN, sauf si par miracle le terroriste s’était emparé d’une arme d’un gendarme.
    Si vous avez des références …

    • Descartes dit :

      @ marc.malesherbes

      [Je n’ai pas trouvé d’éléments sur internet plus précis que ceux communiqués lors de l’autopsie du 25 mars]

      L’autopsie pratiquée sur le corps de Beltrame montre qu’il a succombé à une blessure au cou provoquée par une arme blanche. Ce la exclut la possibilité qu’il “soit mort des balles du GIGN”.

  37. marc.malesherbes dit :

    @ Descartes 29/03/2018 19:48
    [Ainsi lorsque je vois dans A Bertrame le symbole “d’un catholique pratiquant affirmé abattu par un musulman affirmé”, j’admets tout à fait que ce symbole ne soit pas partagé par tous]
    vous écrivez :
    “C’est une pure coïncidence. Et il me semble difficile de transformer une coïncidence en symbole”

    votre remarque me permet de clarifier ma position.

    Il y a mon “panthéon personnel” de symboles, et le héros Beltram en est un pour moi.
    Son sacrifice est tellement dans la lignée de l’idéologie chrétienne d’aujourd’hui que, coïncidence ou pas, cela m’y fait penser irrésistiblement (un symbole n’a pas besoin d’être “vrai”. Il doit seulement illustrer de manière emblématique une pensée; pensez à Stakhanov).

    Maintenant ce héros deviendra-t-il également un symbole du catholique héroïque pour une partie significative de la population ? Sans doute pour une fraction des catholiques (1), mais certainement pas au niveau national, car le pouvoir en place ne veut surtout pas d’un tel symbole, et insistera sur le “pas d’amalgame”.

    (1) à l’appui de cette hypothèse le titre d’une émission de France Culture du 31 mars : “Le gendarme Arnaud Beltrame : un héros chrétien ? “

    • Descartes dit :

      @ marc.malesherbes

      [Il y a mon “panthéon personnel” de symboles, et le héros Beltram en est un pour moi. Son sacrifice est tellement dans la lignée de l’idéologie chrétienne d’aujourd’hui que, coïncidence ou pas, cela m’y fait penser irrésistiblement (un symbole n’a pas besoin d’être “vrai”. Il doit seulement illustrer de manière emblématique une pensée; pensez à Stakhanov).]

      Mais encore une fois, un symbole est une construction sociale, et non personnelle. C’est vous-même qui le disiez il n’y a pas deux jours… Je crois en fait que vous confondez ici un « symbole » et une « illustration ». La mort de Beltrame peut « illustrer » le sacrifice chrétien, mais de là à en devenir le « symbole »…

      [Maintenant ce héros deviendra-t-il également un symbole du catholique héroïque pour une partie significative de la population ? Sans doute pour une fraction des catholiques (1), mais certainement pas au niveau national, car le pouvoir en place ne veut surtout pas d’un tel symbole, et insistera sur le “pas d’amalgame”.]

      Vous attribuez « au pouvoir en place » une puissance qu’il n’a pas. Les peuples se font des symboles sans tenir compte du « pouvoir en place », et souvent même contre lui.

  38. Bannette dit :

    @Descartes : à chaque fois que je lis un de tes contradicteurs sur ta définition des classes moyennes, je suis toujours étonnée de la véhémence (relative hein, ça reste courtois), du refus répétitif, voire de la fermeture d’esprit de certains. En fait, j’ai l’impression que cette véhémence est de l’ordre du déni moral, dans le sens où ils auraient l’impression que tu leur tonnes un “J’accuse !” (dans le sens pointer un doigt culpabilisateur sur la responsabilité classes moyennes dans le sort des classes populaires). Or jamais je n’ai senti de démarche moralisatrice de ta part (d’ailleurs je suis prête à parier que tu fais toi-même partie des classes moyennes selon ta définition propre, de même que tes contradicteurs !), mais plutôt pédagogique voire un partage généreux d’une idée.
    Quand ce n’est pas la véhémence, il y a le dialogue de sourds : vu que ta définition ne prend pas réellement en compte le revenu net ou les habitudes sociologiques, mais tourne autour de la place dans les moyens de production et de la capacité de négociation, la question obsessionnelle sur le revenu médian (qui est la définition fort pratique de la classe moyenne chez les anglo-saxons, fort pratique pour nier l’existence de classes, tiens tiens…) est caduque. Quand on veut dialoguer ou apporter la contradiction et qu’on a lu celui avec lequel on n’est pas d’accord, la première des politesses c’est d’accepter le cadre dans lequel il s’inscrit, et de lui répondre dans le cadre de ce cadre, et non de prendre un autre cadre et de multiplier les exemples de façon obsessionnellement répétitive pour prouver qu’on a raison (je dirais que cette attitude aurait tendance a montrer que tu as fait mouche). La définition communément admise des classes moyennes a en apparence l’attrait de la précision (des chiffres ! des chiffres ! des chiffres ! C’est ça la Vérité !), mais justement là où ta définition est forte, c’est que l’observation empirique du comportement politique des je-gagne-environ-le-revenu-médian-un-peu-plus-un-peu-moins est trop hétérogène, alors qu’une analyse comme la tienne qui s’affranchit du revenu médian (alors que tu es toi-même en général un obsessionnel des chiffres !) éclaire a posteriori beaucoup d’évolutions politiques, comme la permanence de rôle de classes support de la bourgeoisie. Comme disait l’agent Mulder, si les coïncidences n’étaient que des coïncidences, pourquoi les remarquerions-nous à ce point ?

    Les fameuses moyennes qui sont sensées être plus précises ne révèlent rien : tous les chiffres du genre on viole X femmes par heure, on meurt X fois sur la route, on respire X composés chimiques sont juste là pour faire des effets de manche, je doute réellement qu’on viole avec la régularité d’un métronome X femmes par heure dans le monde, on lance ce genre de phrase sur la base d’une moyenne qu’on divise par le nombre d’heures dans l’année. Pour moi le revenu médian pour définir les classes moyennes c’est la même chose, c’est pour ça que cette définition personnellement je trouve pour le coup réellement imprécise. Idem pour des définitions générales du genre le revenu par tête d’habitant d’un pays pour définir sa richesse : la France n’est pas forcément le pays le plus riche du monde, mais elle a un capital immatériel cumulé et ses habitants bénéficient d’un certain revenu socialisé qui la rende plus riche que l’Arabie Saoudite, alors que le revenu par tête d’habitants dit que l’AS est largement plus riche que la France. Demandez à n’importe quel pékin moyen dans le monde s’il a le choix entre l’AS et la France qu’est-ce qu’il choisirait ? Les Etats Unis offrent un salaire net en général supérieur aux salaires français à boulot égal, mais si on recalcule les salaires français en rendant les revenus socialisés, on s’aperçoit que les salaires sont équivalents. Et qui milite de façon vociférante pour ce rendu du salaire socialisé, qui amèneront fatalement à ce que les salaires français soient réellement inférieurs aux salaires US ?
    Personnellement, le reproche que je te ferais c’est parfois un côté systématique au détour d’une phrase pour caser la responsabilité (pas forcément machiavélique d’ailleurs) des classes moyennes dans le sort des classes populaires.

    L’imprécision apparente de ta définition des classes moyennes vient du fait qu’elle révèle l’importance d’atouts qui ne sont pas nécessairement chiffrables (le fameux capital immatériel, mais je te rassure j’ai lu plein d’articles économiques qui utilisent cette idée). Et pourtant en économie on parle bien de valeur ajoutée, de plus-value, sans qu’un consensus entre économistes ne se soit dégagé pour trouver une formule mathématique pour donner un calcul précis.
    Pour moi ces accusations d’imprécisions sont de mauvaise foi, car on accepte en économie d’autres types d’imprécisions sans que ça émeuve (la Main Invisible, c’est pas un peu grandiloquent et providentiel comme concept ?).

    As-tu lu Mona Chollet, l’essayiste de Rêves de droite, ou pourquoi les pauvres votent comme les riches ? Elle fait partie de ces sociologues qui essaient parfois de se confronter au réel, et a du admettre en 2007 que Sarkozy avait capté une bonne partie des voix des classes populaires (heuh pardon des pauvres), et la brave dame se demande pourquoi. En gros elle dit (je caricature hein) que l’attrait de Sarko vient de sa mise en scène de parvenu et d’une forme d’hypnose qu’il aurait eu sur les pauvres pour susciter l’envie d’en être et de faire partie des rich and famous, grâce à la pub, aux médias, et tutti quanti. Je suis sûr qu’elle ressortirait exactement le même genre d’essai pour expliquer l’adhésion des pauvres (euh pardon des classes populaires) de la Rust Belt pour Trump, qui ont fait sa victoire. Or si ma mémoire ne me joue pas des tours, le côté bling bling de Sarko s’est réellement manifesté après son élection ; quand il était maire ou ministre, il faisait parvenu (mais pas plus qu’un Julien Dray ou qu’un Harlem Désir) mais pas bling bling, donc comment les pauvres auraient-ils pu être hypnotisés par une mise en scène bling bling qui est survenue… après sa victoire ? Se rend-elle compte de l’incroyable condescendance qu’elle a vis-à-vis des pauvres-classes populaires qui voteraient contre leurs intérêts (Sarko, Trump) parce qu’hypnotisés ???? Que ce soit le non au TCE, le Brexit, voire Trump ou Sarko, les classes populaires ont pour moi fait montre de leur soif de liberté, liberté de penser par eux-même et de défendre leurs intérêts contre l’énorme rouleau compresseur de la pub/les médias. Bah oui Trump et Sarko ne sont pas les héros rêvés de la liberté guidant le peuple comme la femme du tableau de Delacroix, ils ont été choisis comme les moindres maux entre 2 solutions non idéales (les peuples ne sont pas du tout dupes de leurs défauts), et Sarko ayant déçu dans l’aspiration à la sécurité des français, il a été impitoyablement lourdé, le peuple étant exigeant, il n’a pas été été pardonné dans cet échec bien qu’il ait sauvé la mise lors de la crise de 2008. Quelle frustration il a du sentir en se disant : merde on était au bord du gouffre en 2008, je me suis énergiquement battu pour sauver la France et obtenir une négociation convenable, mais j’ai le sparadrap haddockien du karcher-oublié-dans-l’emballage qui me colle aux fesses, une grande action n’a pas pu effacer une absence d’action dans un autre domaine primordial, vital, existentiel pour les français ? Et ben non, ce qui prouve que le rapport des français à la politique n’est pas si clientéliste que ça (je fais une bonne action ponctuellement, et vous me réélisez, raté Sarko !)….
    La vague hypnose dont parle Chollet est un secret de polichinelle, les pubards et markéteux parlent ouvertement et avec gourmandise de leurs recherches dans la manipulation de masse. Si on va dans le sens de Chollet, la logique toute trouvée pour aider les pauvres, ce serait de supprimer la pub pour que les pauvres retrouvent leur conscience de classe ou votent mieux (c’est quoi mieux, un parti de gôche ?), et devinez quelles classes sociales militent contre l’effet nocif de la pub ? Bingo !

    J’ai déjà discuté avec des ouvriers très spécialisés ou des ingénieurs (l’aristocratie ouvrière dont parlait Marx ?), et aucun d’entre n’est contre la pub. Par contre, certains sont orgueilleusement agacés par des titres pompeux du genre “Ingénieur technico-commercial” de certains de leurs collègues qui sont en réalité des purs commerciaux : c’est l’usurpation de la qualification d’ingénieur qui les scandalise. Un autre détestait l’expression “ingénierie sociale” qui désigne des expériences volontaristes de cohabitation de populations sociologisées différemment à la base, ce qui est synonyme d’expérimentations façon Ile du Dr Moreau, alors que l’Ingénierie est noble pour eux, elle vise à faciliter la vie des hommes par des techniques innovantes profondément réfléchises. Pour eux les commerciaux ne sont pas des ennemis, mais chacun son boulot, celui face à la clientèle qui se gargarise, dans un mot valise, d’un titre d’ingénieur qu’il n’est en aucun cas est un imposteur.

    Ce que disait Chollet sur la soi-disant forme d’hypnose des riches serait beaucoup plus pertinent si elle avait cherché à écrire un essai du genre : Rêves de droite, pourquoi les classes moyennes votent comme les bourgeois. Et contrairement aux idées banales de Chollet, je préfère l’idée de puissance du désir mimétique de René Girard, plus stimulante intellectuellement, et qu’il a liée à la notion de sacrifice (dans ce cas là, il s’agirait du sacrifice des classes populaires).

    Plus le temps passe, moins je crois à une alliance entre réellement-exploités et moins-exploités ; au contraire, j’ai l’impression que le sacrifice des classes populaires va continuer. C’est juste que sa laideur m’est de plus en plus insupportable : l’horreur de Telfort, qui fait suite aux Rotherham et autres Rosdale où les victimes sont des filles de la classe ouvrière, montre toute la laideur de ce sacrifice. Les filles sont sensées être les futures mères, et leurs enfants l’avenir, et là on a symboliquement tué l’avenir des classes populaires dans leur intimité la plus profonde, juste pour que les classes moyennes puissent jouir de se voir si belles en ce miroir antiraciste, et avoir des domestiques à portée de main. Bien sûr, elles ne l’ont pas fait exprès, de façon machiavélique, mais le résultat est là, et ce pas-fait-exprès ne le rend pas moins ignominieux.
    L’immigration massive de personnes pour des services non qualifiés ou des services appauvrissants c’est rien d’autre que ça, des domestiques à portée de main, mais qui contrairement à l’ancien temps où les domestiques vivaient avec leurs maîtres (les chambres de bonne dans les vieux immeubles, c’était quoi ? maintenant ce sont des “studios” loués à prix d’or), les classes populaires reléguées à la périphérique étant tondues pour les revenus indirects car socialisés (politique de la ville à sens unique) des nouveaux domestiques pour le seul bénéfice des classes moyennes raffolant de “services à la personne”, de chèques “emploi-services”, de subventions vaguement altruistes, etc.
    La seule alliance de circonstance éventuellement possible c’est peut être Trump qui l’a pressentie : les bourgeois dont la fortune est endogène, et les classes populaires. D’ailleurs il a récemment fait un coup de maître politique : lancer de façon tonitruante des baisses d’impôts* (Wall street euphorique !), et quelques semaines plus tard, lancer des taxes punitives envers l’acier chinois (Rust belt euphorique !). Pourquoi l’acier ? Et bien contrairement aux services non qualifiés et appauvrissants occupant les immigrés et dont raffolent les bobos, l’acier est une industrie pouvant occuper du monde, proposant des emplois bien plus qualifiés, et surtout irriguant d’innombrables autres activités, dont des secteurs stratégiques essentiels pour une Nation.

    *J’ai lu un article dont j’ai perdu la trace très intéressant montrant en quoi ces baisses massives d’impôts sont en partie un transfert des revenus des bobos vers les belters, pas forcément douloureuses, mais qui expliqueraient mieux le ressentiment colérique des bobos envers Trump presque 2 ans après sa victoire. De toute façon, des baisses d’impôt massives ça n’existe pas, ce sont toujours des transferts. Aux USA, si un président se risquait à vraiment faire des baisses massives d’impôts, il devrait signer sur le champs la fermeture d’innombrables services fédéraux. Je ne suis pas sûre que le pays tourne correctement quelques mois après…

    Pour que moi qui ait une sensibilité de gauche républicaine, en arriver à trouver de l’intérêt dans certaines initiatives de Trump, ça me rend malade (je lui souhaite même de réussir pour l’acier !), mais c’est dire à quel point je ne me remets pas de la bassesse de l’indécence commune qui a fini par sauter à Telfort. Les économies de bouts de chandelle pour bénéficier de services non qualifiés pas chers se paient par une dégradation sur le long terme du tissu social, et pour revenir en arrière par rapport à cette dégradation, il faudra payer plus cher que ces économies de bout de chandelle !

    • Descartes dit :

      @ Bannette

      [Descartes : à chaque fois que je lis un de tes contradicteurs sur ta définition des classes moyennes, je suis toujours étonnée de la véhémence (relative hein, ça reste courtois), du refus répétitif, voire de la fermeture d’esprit de certains. En fait, j’ai l’impression que cette véhémence est de l’ordre du déni moral, dans le sens où ils auraient l’impression que tu leur tonnes un “J’accuse !” (dans le sens pointer un doigt culpabilisateur sur la responsabilité classes moyennes dans le sort des classes populaires).]

      Je ne suis pas très féru d’analyses psychologiques. Je pense qu’il y a un peu de ça, mais ce n’est pas le principal. Si la discussion est véhémente, c’est aussi parce que ma théorie remet en cause l’un des piliers sur lesquels s’est construite l’union de la gauche depuis le milieu des années 1960, à savoir, l’hypothèse qu’on pouvait gouverner le pays à partir d’une alliance des « classes moyennes » et des couches populaires pour conduire une politique progressiste qui servirait les intérêts des deux partenaires. Conclure comme je le fais que les intérêts des « classes moyennes » les conduisent à une alliance avec la bourgeoisie remet en cause ce modèle, auquel ni la « gauche bienpensante » ni la « gauche radicale » n’a d’alternative crédible.

      [Quand ce n’est pas la véhémence, il y a le dialogue de sourds : vu que ta définition ne prend pas réellement en compte le revenu net ou les habitudes sociologiques, mais tourne autour de la place dans les moyens de production et de la capacité de négociation, la question obsessionnelle sur le revenu médian (qui est la définition fort pratique de la classe moyenne chez les anglo-saxons, fort pratique pour nier l’existence de classes, tiens tiens…) est caduque.]

      Oui, mais on peut dire que sur ce point mes contradicteurs n’ont pas tout à fait tort. La principale difficulté dans mon raisonnement est celle de la délimitation des « classes moyennes ». En me plaçant dans un cadre marxien des rapports de production, je me coupe de l’essentiel des sources statistiques, tout simplement parce que les informations statistiques sont compilées dans un autre cadre. Du coup, si je pense avoir démontré l’existence de l’objet « classes moyennes », j’ai très peu d’éléments statistiques pour pouvoir le délimiter. Je ne peux donc pas dire avec précision quel est son poids numérique, sa distribution géographique, sa mobilité sociale et géographique, sa capacité à se reproduire.

      [Pour moi le revenu médian pour définir les classes moyennes c’est la même chose, c’est pour ça que cette définition personnellement je trouve pour le coup réellement imprécise.]

      Personnellement, sans avoir un culte immodéré des chiffres, je pense que c’est un grand avantage pour toute théorie de pouvoir mesure et quantifier. Mais ceux qui défendent une définition des « classes moyennes fondée sur le revenu ne se rendent pas compte que cette « quantification » est aussi difficile que celle de mon modèle. Le problème est que le revenu tel qu’il est compté par l’INSEE se réduit au revenu monétaire, et que dans une société hautement organisée comme la notre nous recevons des services collectifs dont la valeur est très loin d’être négligeable, qui sont inégalement repartis et dont la valeur est difficile à estimer.

      Prenons l’exemple classique de la sécurité : si j’habite dans le VIIème arrondissement de Paris, ma vie, ma santé, mes biens ne sont pas protégés de la même manière que si j’habite la cité des 4000 à La Courneuve. Dans un cas, si j’appelle un médecin, la police ou les pompiers, ils interviendront aussitôt. Dans le second, peu de médecins se déplaceront par peur des agressions, les policiers ne s’y rendront qu’une fois sur trois, et seulement s’ils ont les effectifs suffisants pour assurer leur propre sécurité, et les pompiers auront du mal à intervenir sans se faire caillasser. Il est clair que l’habitant du VIIème et celui de La Courneuve ne bénéficient pas de la même qualité d’environnement. Mais comment estimer le « revenu » implicite ? Peut-on considérer que celui qui gagne un SMIC et habite le VIIème et celui qui avec le même salaire habite La Courneuve ont « le même revenu » ? Sociologiquement, on voit qu’il y a un problème.

      [Pour moi ces accusations d’imprécisions sont de mauvaise foi, car on accepte en économie d’autres types d’imprécisions sans que ça émeuve (la Main Invisible, c’est pas un peu grandiloquent et providentiel comme concept ?).]

      Ne faisons pas de procès d’intention. La qualité du débat exige qu’on respecte les opinions des autres, et qu’on les prenne au mot, indépendamment des intentions qu’on pourrait leur prêter.

      [En gros elle dit (je caricature hein) que l’attrait de Sarko vient de sa mise en scène de parvenu et d’une forme d’hypnose qu’il aurait eu sur les pauvres pour susciter l’envie d’en être et de faire partie des rich and famous, grâce à la pub, aux médias, et tutti quanti. Je suis sûr qu’elle ressortirait exactement le même genre d’essai pour expliquer l’adhésion des pauvres (euh pardon des classes populaires) de la Rust Belt pour Trump, qui ont fait sa victoire. Or si ma mémoire ne me joue pas des tours, le côté bling bling de Sarko s’est réellement manifesté après son élection ; quand il était maire ou ministre, il faisait parvenu (mais pas plus qu’un Julien Dray ou qu’un Harlem Désir) mais pas bling bling, donc comment les pauvres auraient-ils pu être hypnotisés par une mise en scène bling bling qui est survenue… après sa victoire ?]

      Je suis d’accord avec vous. D’une manière générale, je me méfie des arguments « psychologiques » en politique. Je veux bien qu’on me dise que Macron attire les femmes avec ses yeux bleus et son costume de coupe impeccable. Mais si des yeux bleus et des costumes impeccables étaient suffisants pour gagner l’élection présidentielle, tout le monde s’y mettrait… De plus, il faut dire qu’en termes de « faire partie des rich and famous », Sarkozy était bien plus modéré que Macron. C’est Macron qui dit aux jeunes « qu’ils doivent rêver d’être milliardaires », alors que Sarko se contentait d’un « travailler plus pour gagner plus »…

      Il ne faut pas prendre les gens pour des imbéciles. Oui, un candidat peut « plaire » par la couleur de ses yeux, la qualité de ses costumes, ou parce qu’il a des amis qui l’invitent sur un yacht. Mais ces détails de mise en scène ne fonctionnent que si la pièce est bonne. Il ne faut pas croire les publicitaires qui nous expliquent qu’un slogan, une affiche ou le dentifrice utilisé par le candidat peuvent faire gagner une élection.

      [Que ce soit le non au TCE, le Brexit, voire Trump ou Sarko, les classes populaires ont pour moi fait montre de leur soif de liberté, liberté de penser par eux-même et de défendre leurs intérêts contre l’énorme rouleau compresseur de la pub/les médias. Bah oui Trump et Sarko ne sont pas les héros rêvés de la liberté guidant le peuple comme la femme du tableau de Delacroix,]

      Ce sont surtout des « héros négatifs ». On les vote moins pour ce qu’ils représentent que pour ce qu’ils refusent. Trump ou Sarko ne sont certainement pas De Gaulle, mais il y a en eux une part gaullienne : ils sont capables de faire « ce qui ne se fait pas chez les gens bien élevés ». Il ne faudrait pas oublier que lorsque De Gaulle a annoncé la sortie de l’OTAN ou lorsqu’il a crié « vive le Québec libre », il a été vilipende dans des termes qui ne sont pas très différents de ceux utilisés pour vilipender Sarko ou Trump. Comparaison n’est pas raison, et on peut toujours dire que ce que De Gaulle mettait au service d’une vision n’est que pure entropie chez Trump ou Sarko. Il n’empêche que dans un cadre politique ou tout le monde entonne en cœur le discours « il faut s’adapter, c’est inéluctable, il n’est pas possible de faire autrement », le vote pour ceux qui refusent ce discours est un acte de liberté.

      [La vague hypnose dont parle Chollet est un secret de polichinelle, les pubards et markéteux parlent ouvertement et avec gourmandise de leurs recherches dans la manipulation de masse.]

      Tous ces pubards et markéteux me rappellent ces gens qui vendent des livres avec des martingales pour gagner à la roulette ou au Loto. Il faut se dire que si ces martingales étaient si infaillibles que ça, ces gens seraient riches et n’auraient pas besoin de vendre des bouquins à cinq sous. Le camp du « oui » au TCE ou du « non » au Brexit avait de son côté les meilleurs publicitaires, les meilleurs experts en marketing, les meilleurs « spin doctors » que l’argent puisse acheter. Ils se sont plantés quand même.

      [Plus le temps passe, moins je crois à une alliance entre réellement-exploités et moins-exploités ; au contraire, j’ai l’impression que le sacrifice des classes populaires va continuer. C’est juste que sa laideur m’est de plus en plus insupportable : l’horreur de Telfort, qui fait suite aux Rotherham et autres Rosdale où les victimes sont des filles de la classe ouvrière, montre toute la laideur de ce sacrifice. Les filles sont sensées être les futures mères, et leurs enfants l’avenir, et là on a symboliquement tué l’avenir des classes populaires dans leur intimité la plus profonde, juste pour que les classes moyennes puissent jouir de se voir si belles en ce miroir antiraciste, et avoir des domestiques à portée de main. Bien sûr, elles ne l’ont pas fait exprès, de façon machiavélique, mais le résultat est là, et ce pas-fait-exprès ne le rend pas moins ignominieux.]

      Je partage ce sentiment. Chaque époque a son « esthétique sociale », et celle que produit notre société postindustrielle est particulièrement laide. Au discours lumineux du Front Populaire, de la Libération, des « trente glorieuses » a succédé un discours de vieil avare qui traduit la peur consubstantielle aux classes moyennes de déchoir. Ecoutez les porte-parole de LREM parler de la grève, c’est une éducation…

      [La seule alliance de circonstance éventuellement possible c’est peut être Trump qui l’a pressentie : les bourgeois dont la fortune est endogène, et les classes populaires. D’ailleurs il a récemment fait un coup de maître politique : lancer de façon tonitruante des baisses d’impôts* (Wall street euphorique !), et quelques semaines plus tard, lancer des taxes punitives envers l’acier chinois (Rust belt euphorique !). Pourquoi l’acier ? Et bien contrairement aux services non qualifiés et appauvrissants occupant les immigrés et dont raffolent les bobos, l’acier est une industrie pouvant occuper du monde, proposant des emplois bien plus qualifiés, et surtout irriguant d’innombrables autres activités, dont des secteurs stratégiques essentiels pour une Nation.]

      Ce serait la reconstruction de l’alliance qui a permis les « trente glorieuses », avant que les « classes moyennes » deviennent puissantes…

      [Aux USA, si un président se risquait à vraiment faire des baisses massives d’impôts, il devrait signer sur le champs la fermeture d’innombrables services fédéraux. Je ne suis pas sûre que le pays tourne correctement quelques mois après…]

      N’oubliez pas que le gouvernement US est le seul qui a le privilège de pouvoir émettre la monnaie de réserve. Du coup, sa capacité à se financer par l’endettement est très importante !

    • Marcailloux dit :

      @ Bannette

      Bonjour,

      [ . . . à chaque fois que je lis un de tes contradicteurs sur ta définition des classes moyennes, je suis toujours étonnée de la véhémence (relative hein, ça reste courtois), du refus répétitif, voire de la fermeture d’esprit de certains. En fait, j’ai l’impression que cette véhémence est de l’ordre du déni moral, dans le sens où ils auraient l’impression que tu leur tonnes un “J’accuse !” (dans le sens pointer un doigt culpabilisateur sur la responsabilité classes moyennes dans le sort des classes populaires).]

      Me sentant – peut-être à tort – visé par cette remarque, à la limite désobligeante, je vais tenter d’y répondre le plus sincèrement possible.

      Concernant l’emploi du mot « véhémence », c’est tout simplement véhément – voire la définition officielle – et je ne la confonds pas avec la persévérance ou la conviction sincère que véhiculent mes propos.
      Le « refus répétitif » l’est infiniment moins (répétitif) que ne l’est la mise en cause de la « classe moyenne », suspecte mal identifiée.
      Du « déni moral » ? et pourquoi pas un refoulement freudien pour avoir chipé un bonbon dans ma tendre jeunesse à l’épicier du bas de mon hlm. Ce n’est pas du déni, mais du délire.
      Et puis, le coup de grâce avec le recours à Zola. Hugo et la bataille d’Hernani eut mieux convenue à la situation. Mais c’est bien connu, plus c’est gros plus çà passe.
      Enfin, classé – au sens de l’insee – dans la catégorie de la classe moyenne limite aisée (surtout avant la retraite du privé à 50% des anciens revenus tout de même), je ne culpabilise pas le moins du monde car j’ai un souvenir précis de ce que cela m’a couté d’efforts et de privations.

      NON, si je semble m’opposer à Descartes, c’est parce que je partage partiellement sa position mais ne la trouve pas suffisamment convaincante et étayée pour entrainer un assentiment général qui pourrait migrer bien au delà des thuriféraires de ce blog. Il y a dans son intuition, du probable, de la logique, des faits qui posent question. C’est insuffisant pour en faire une théorie scientifique.
      La « claque » laudatrice est sans doute agréable au premier abord, mais finalement inutile pour faire avancer le smilblick.
      On ne s ‘appui bien que sur ce qui résiste et je ne pense pas que Marx, quand il a écrit « Le Capital » ait plus acquit de ses flatteurs que de ses objecteurs.

      Ce qui fait une des grandes valeurs de ce blog, c’est justement le respect de chaque opinion et de celui qui les présente.
      Ce respect du lecteur passe, entre autre, par un effort de clarté et de confort de lisibilité dans la présentation des textes.

    • Marcailloux dit :

      @Descartes,

      Bonjour,

      [ La principale difficulté dans mon raisonnement est celle de la délimitation des « classes moyennes ». En me plaçant dans un cadre marxien des rapports de production, je me coupe de l’essentiel des sources statistiques, tout simplement parce que les informations statistiques sont compilées dans un autre cadre. Du coup, si je pense avoir démontré l’existence de l’objet « classes moyennes », j’ai très peu d’éléments statistiques pour pouvoir le délimiter. Je ne peux donc pas dire avec précision quel est son poids numérique, sa distribution géographique, sa mobilité sociale et géographique, sa capacité à se reproduire. ]

      J’ajouterais aux derniers mots : son influence directe et indirecte sur les politiques appliquées, et son degré d’intégrité dans la durée.
      Avec les bémols que vous exprimez, malgré le terme « classe moyenne » qui, je l’estime, fausse l’image, ce que vous indiquez ressemble fort à un OVNI. Mon emploi du terme de « nébuleuse » pas plus précis, j’en conviens, reflète néanmoins ce caractère aléatoire que je perçois dans ce que vous classez d’une manière « matérialiste ».
      Où, par rhétorique, je m’insurge, c’est dans votre transposition d’un mécanisme et d’un déterminisme social qui était clairement identifiable au XIXème siècle à un maelström d’une bien plus grande complexité changeante et plutôt imprévisible qui caractérise nos sociétés actuelles.
      Nous avons migré de la quasi certitude à la molle conjecture. Pour imager mon propos, nous sommes passés emblématiquement de A. Thiers à S. Royal. Du : « Qu’on la fusille » de Thiers à « Vos idées sont les miennes » de Royal.
      L’un écrase, l’autre se fond.
      À la fin du XIXè siècle, la classe moyenne était quasiment inexistante et il était facile d’identifier à vue les bourgeois et les prolétaires à quelques exceptions près. Pour ce qui était des comportements c’était pratiquement la même chose et il y avait convergence des opinions.
      La société restait très stable dans ses structures. C’est assez loin d’être autant le cas actuellement.
      Maintenant, les modes de vie s’uniformisent, les centres d’intérêt sont mêlés, les opinions s’associent dans des unions étranges, les intérêts matériels vont et viennent souvent en fonction des circonstances, l’individualisme règne et beaucoup s’inscrivent dans une communauté virtuelle via internet. Rien n’est stable, mesurable, caractérisable.
      Les effets que l’on peut observer ne peuvent pas forcément être relié à des considération de classe avec la même certitude qu’il y a 140 ans. Le seul rapport à la position dans le système de production de richesse n’a plus le même poids que lorsque Marx l’a théorisé. Il lui manque une analyse combinatoire affectée aux données actuelles.

    • Antoine dit :

      @Bannette

      > As-tu lu Mona Chollet, l’essayiste de Rêves de droite, ou pourquoi les pauvres votent comme les riches ? Elle fait partie de ces sociologues qui essaient parfois de se confronter au réel,

      Une précision en passant : Mona Chollet n’est pas sociologue, simplement journaliste.

    • Antoine dit :

      Bonjour @Bannette

      > Quand on veut dialoguer ou apporter la contradiction et qu’on a lu celui avec lequel on n’est pas d’accord, la première des politesses c’est d’accepter le cadre dans lequel il s’inscrit, et de lui répondre dans le cadre de ce cadre,

      Justement, non. Car la question est bien la validité de ce cadre d’analyse en ce qui concerne les « classes moyennes » façon Descartes.

      > (d’ailleurs je suis prête à parier que tu fais toi-même partie des classes moyennes selon ta définition propre, de même que tes contradicteurs !)

      C’est amusant, car je pense le contraire. Ce que je serais prêt à parier, c’est que Descartes et qu’une bonne partie des intervenants ici font partie des « classes moyennes » au sens classique, mais PAS au sens Descartes.

      C’est-à-dire, pour faire court, que la plupart des intervenants ici tirent leur salaire de leur force de travail (fût-il intellectuel et démultiplié par des compétences pointues), non de leur « capital ».

      L’hypothèse inverse voudrait dire que Descartes et ses contradicteurs peuvent se permettre d’arrêter de travailler tout en continuant à toucher longtemps leur rémunération (puisqu’ils vendent un capital et non un travail). Je doute que ce soit le cas ; en ce qui me concerne, la réponse est clairement non, et pourtant je peux vous assurer que j’ai un profil d’ingénieur expérimenté assez pointu.

      Je pense donc que l’hypothèse « classes moyennes » de Descartes, qui part d’une bonne initiative (à savoir expliquer le comportement politique particulier d’une fraction intermédiaire, assez nombreuse, de la population), n’a pas choisi le bon facteur explicatif.

      Pour aller outre la simple critique, je vais me permettre une proposition de modification de cette théorie. Je propose donc de remplacer l’explication « les classes moyennes vendent un capital, et non un travail, en échange de leur rémunération » par l’explication suivante :

      * les classes moyennes vendent bien un travail en échange de leur rémunération

      * cependant, contrairement aux classes « populaires » (laborieuses, disait-on à une époque), les classes moyennes sont capables d’augmenter au fil du temps la *valeur* de leur travail en accumulant un capital personnel (intellectuel, social, etc.)

      * contrairement aux classes populaires, donc, les classes moyennes peuvent sans action collective améliorer leur sort personnel

      * cette valorisation du travail par un capital individuellement acquis favorise l’idée de concurrence au détriment d’une solidarité collective institutionnalisée (via l’État, les syndicats, etc.)

      * cela conduit donc bien les classes moyennes à un comportement *différent* des classes populaires, à la fois dans le système productif et dans le champ politique, *sans* faire intervenir l’idée qu’elles se contenteraient de vendre un capital.

      Il est alors beaucoup plus crédible d’alléguer que les « classes moyennes » ainsi caractérisées représentent de 25 à 30% de la population, proportion permettant d’expliquer leurs poids politique (alors que les quelques %, à tout casser, correspondant à la caractérisation-Descartes des « classes moyennes » me paraissent trop peu nombreux pour expliquer quoi que ce soit).

      > Et contrairement aux idées banales de Chollet, je préfère l’idée de puissance du désir mimétique de René Girard, plus stimulante intellectuellement, et qu’il a liée à la notion de sacrifice (dans ce cas là, il s’agirait du sacrifice des classes populaires).

      Attention : au sens de René Girard, le « sacrifice » est à prendre au sens fort : celui de rendre sacré. C’est le bouc-émissaire qui chez Girard est sacrifié, c’est-à-dire qu’il est éliminé du groupe social (ostracisé ou occis) mais qu’ensuite sa personne devient figure mythique qui sert à consolider le groupe social.

    • Descartes dit :

      @ Marcailloux

      [J’ajouterais aux derniers mots : son influence directe et indirecte sur les politiques appliquées, et son degré d’intégrité dans la durée.]

      Son influence sur les politiques appliquées ne fait pas de doute. Quant à « l’intégrité », je ne vois pas de quoi vous voulez parler.

      [Où, par rhétorique, je m’insurge, c’est dans votre transposition d’un mécanisme et d’un déterminisme social qui était clairement identifiable au XIXème siècle à un maelström d’une bien plus grande complexité changeante et plutôt imprévisible qui caractérise nos sociétés actuelles.]

      Je ne vois pas très bien où vous voyez une « imprévisibilité » qui « caractériserait nos sociétés actuelles ». Nous vivons une société qui n’est pas moins « prévisible » que celle du XIXème siècle. Cela fait trente ans qu’on applique avec une remarquable continuité la MEME politique économique et sociale. Trouvez-moi une période de stabilité aussi longue au XIXème siècle !

      J’ai l’impression que vous vous laissez intoxiquer par le discours ambiant, celui qui prétend que tous les cadres du passé sont périmés puisqu’on est dans une situation « inédite » et radicalement différente de tout ce qu’on a connu au cours de l’histoire. Tout cela est parfaitement absurde.

      [Pour imager mon propos, nous sommes passés emblématiquement de A. Thiers à S. Royal. Du : « Qu’on la fusille » de Thiers à « Vos idées sont les miennes » de Royal. L’un écrase, l’autre se fond.]

      Mais paradoxalement S. Royal est bien plus prévisible que ne l’était A. Thiers…

      [La société restait très stable dans ses structures. C’est assez loin d’être autant le cas actuellement.]

      J’aimerais comprendre d’où vous tirez ça. En quoi les « structures » ont changé dans les dix ou vingt dernières années ?

      [Maintenant, les modes de vie s’uniformisent, les centres d’intérêt sont mêlés, les opinions s’associent dans des unions étranges, les intérêts matériels vont et viennent souvent en fonction des circonstances, l’individualisme règne et beaucoup s’inscrivent dans une communauté virtuelle via internet. Rien n’est stable, mesurable, caractérisable.]

      Encore une fois, je ne vois pas ce qui justifie factuellement ce discours. Je vous ferai par ailleurs noter qu’il est auto-contradictoire. Si « rien n’est stable », qu’est-ce qui vous permet de dire que « les modes de vie s’uniformisent » ? Comment savez-vous que cette uniformisation ne s’inversera pas dès demain matin ? Si « l’uniformisation du mode de vie » est un changement qui se maintien sur le long terme, c’est qu’il est sous-tendu par une structure STABLE.

      [Les effets que l’on peut observer ne peuvent pas forcément être relié à des considération de classe avec la même certitude qu’il y a 140 ans.]

      Répéter une affirmation ne constitue pas une preuve et encore moins une démonstration.

    • Descartes dit :

      @ Antoine

      [C’est amusant, car je pense le contraire. Ce que je serais prêt à parier, c’est que Descartes et qu’une bonne partie des intervenants ici font partie des « classes moyennes » au sens classique, mais PAS au sens Descartes.]

      Je ne sais pas vous, mais personnellement je suis bien un membre des « classes moyennes » au sens que je donne à ce mot.

      [C’est-à-dire, pour faire court, que la plupart des intervenants ici tirent leur salaire de leur force de travail (fût-il intellectuel et démultiplié par des compétences pointues), non de leur « capital ». L’hypothèse inverse voudrait dire que Descartes et ses contradicteurs peuvent se permettre d’arrêter de travailler tout en continuant à toucher longtemps leur rémunération (puisqu’ils vendent un capital et non un travail).]

      Il y a des moments ou je me demande si vous faites semblant de ne pas comprendre ou si je m’explique vraiment mal. La principale caractéristique du « capital immatériel » est de ne pas être séparable du travailleur. En d’autres termes, il est impossible de « vendre un capital immatériel » sans « vendre la force de travail » qui lui est attachée. Un soudeur possède une « compétence rare » qui constitue un capital immatériel. Mais il ne peut pas « vendre » ce capital autrement qu’en soudant.

      [Pour aller outre la simple critique, je vais me permettre une proposition de modification de cette théorie. Je propose donc de remplacer l’explication « les classes moyennes vendent un capital, et non un travail, en échange de leur rémunération » par l’explication suivante :]

      Mais bon dieu ! Où ais-je dit que les « classes moyennes » « vendent un capital et non un travail » ? Je veux bien répondre de ma théorie, mais je ne me sens pas obligé de répondre des théories farfelues que vous m’attribuez…

      [* les classes moyennes vendent bien un travail en échange de leur rémunération]

      C’est ce que j’ai toujours dit.

      [* cependant, contrairement aux classes « populaires » (laborieuses, disait-on à une époque), les classes moyennes sont capables d’augmenter au fil du temps la *valeur* de leur travail en accumulant un capital personnel (intellectuel, social, etc.)]

      Si vous voulez rester dans la théorie de la valeur classique, cette thèse est absurde. La « valeur » de la force de travail (car c’est la force de travail qui est vendue, et non pas le travail) est la valeur des biens nécessaires à son renouvellement…

      [* contrairement aux classes populaires, donc, les classes moyennes peuvent sans action collective améliorer leur sort personnel]

      Là, vous niez la réalité. Les « classes moyennes » ont amélioré leur situation et perpétuent leurs avantages à travers une action collective.

    • Antoine dit :

      @Descartes

      > Où ais-je dit que les « classes moyennes » « vendent un capital et non un travail » ?

      Il y a un problème de cohérence, là.

      Dans un message précédent, vous disiez :

      « les « classes moyennes » récupèrent la totalité de la valeur qu’elles produisent, et cela grâce à un « capital immatériel » fait de compétences, de réseaux, etc. qui leur permettent de négocier cette récupération ».

      Si les classes moyennes récupèrent la *totalité* du produit de leur travail, alors on ne peut pas dire qu’elles vendent un travail, n’est-ce pas ? Pourquoi un patron achèterait-il quelque chose (travail ou force de travail) dont les fruits lui échappent en totalité ?

      J’en déduis que, si ce n’est pas leur travail qu’elles vendent, c’est autre chose que vendent les classes moyennes. Quoi ? À vous de me le dire, vu qu’apparemment ce n’est ni un travail (dont elles récupèrent les fruits en totalité) ni un capital (qui est attaché à leur personne de façon incessible).

    • Descartes dit :

      @ Antoine

      [Si les classes moyennes récupèrent la *totalité* du produit de leur travail, alors on ne peut pas dire qu’elles vendent un travail, n’est-ce pas ?]

      D’abord, on ne vend pas « un travail », on vend une « force de travail ». Et ensuite, on voit mal en quoi le fait qu’on le vende à sa vraie valeur rendrait la vente impossible…

      [Pourquoi un patron achèterait-il quelque chose (travail ou force de travail) dont les fruits lui échappent en totalité ?]

      Parce qu’il en a besoin pour mieux exploiter la force de travail des autres travailleurs, par exemple.

  39. Olivier dit :

    Bonjour,
    en lisant une des discussions à propos de l’école, j’ai cru comprendre une chose : peut-on dire, au sujet des réformes qui la détruisent, qu’au fond nos gouvernants sont très conséquents? qu’au vu de l’état de déliquescence accélérée de la sphère productive nationale, on peut “se passer”, si j’ose dire, d’une instruction solide et rigoureuse pour le plus grand nombre? Et que pârtant, il ne suffit pas simplement de défendre l’école, ou ce qu’il en reste, que de remettre en cause les orientations économiques, imposées dans le cadre de l’UE il me semble, pour éventuellement reconstruire l’école? Ce que je veux dire, c ‘est que les gouvernants ne peuvent pas ignorer le fait qu’un nombre croissant d’élèves ne maîtrisent pas les fondamentaux(lecture, écriture, élaboration d’un raisonnement…)mais que cela ne semble pas les déranger; comme si cet état de fait ne posait pas de problèmes vu le type d’emploi qui leur sera proposé…
    Merci pour votre blog

    • Descartes dit :

      @ Olivier

      [en lisant une des discussions à propos de l’école, j’ai cru comprendre une chose : peut-on dire, au sujet des réformes qui la détruisent, qu’au fond nos gouvernants sont très conséquents? qu’au vu de l’état de déliquescence accélérée de la sphère productive nationale, on peut “se passer”, si j’ose dire, d’une instruction solide et rigoureuse pour le plus grand nombre?]

      L’explication est un peu simpliste. Le projet d’une éducation de haut niveau pour tous n’a jamais eu une justification purement économique. Même dans les périodes d’expansion, l’économie n’avait pas besoin qu’une « instruction solide et rigoureuse » soit donnée au plus grand nombre. Le projet d’une société éduquée ou le savoir serait largement accessible à tous est d’abord un projet humaniste, celui qui voulait que vivre dans une société éduquée est toujours plus agréable – et plus sur – que de vivre dans une société obscurantiste.

      La déliquescence de l’économie a un effet indirect : dès lors que la croissance est devenue faible, les « classes moyennes » voient leur place dans la société menacée par un ascenseur scolaire qui fait des enfants des couches populaires des concurrents potentiels pour leurs propres enfants. Mieux vaut, pour que chacun reste à sa place, se réserver ce « capital immatériel » qu’est la connaissance. Et c’est exactement ce que les classes moyennes on fait depuis 1968.

      [Et que partant, il ne suffit pas simplement de défendre l’école, ou ce qu’il en reste, que de remettre en cause les orientations économiques, imposées dans le cadre de l’UE il me semble, pour éventuellement reconstruire l’école?]

      Je crains que ce ne soit pas suffisant. Il me semble très difficile d’imaginer qu’on retourne à une croissance du niveau de celle des « trente glorieuses ». On pourrait imaginer un « rattrapage » de la croissance perdue à cause de l’Euro, mais elle ne sera pas suffisante. Dans ces conditions, difficile d’imaginer que les classes moyennes permettront une quelconque reconstruction de l’école.

      [Ce que je veux dire, c’est que les gouvernants ne peuvent pas ignorer le fait qu’un nombre croissant d’élèves ne maîtrisent pas les fondamentaux (lecture, écriture, élaboration d’un raisonnement…) mais que cela ne semble pas les déranger; comme si cet état de fait ne posait pas de problèmes vu le type d’emploi qui leur sera proposé…]

      Bien entendu. Le problème est que l’ignorance a un coût. Une société éduquée est généralement plus pacifique, moins violente, plus respectueuse des lois et des droits d’autrui. Et cela a une valeur économique importante.

    • Marcailloux dit :

      @ Descartes,

      [« J’ajouterais aux derniers mots : son influence directe et indirecte sur les politiques appliquées, et son degré d’intégrité dans la durée. »
      Son influence sur les politiques appliquées ne fait pas de doute. Quant à « l’intégrité », je ne vois pas de quoi vous voulez parler.]

      Le « degré d’intégrité » (qui est entier, intact ; qui n’a subi aucune altération, aucune atteinte. Cnrtl ) dont je parle signifie le caractère immuable de ce qui est observé, à savoir une catégorie de citoyens qui se situe entre des exploiteurs et des exploités dont les motivations, les effectifs, le déterminisme de leur condition, la psychologie collective, etc . . . .seraient précisément repérable et mesurable sur une grande durée.
      Je conçois tout à fait que j’échappe par là même au matérialisme de Marx en agrégeant à votre concept une dimension autre.
      Dans cette hypothèse, le sentiment que ressent un individu de sa propre situation n’a-t-il pas autant d’importance que la mesure de la valeur matérielle des conséquences de son état ? Ceci pose de nouveau l’objectivité de la notion de valeur.
      De manière plus prosaïque, c’est un peu comme la question de la sécurité et du sentiment de sécurité.
      Les Français sont, objectivement, plus en sécurité qu’il y a un siècle alors qu’ils ressentent un climat d’insécurité supérieur.
      Bien des ouvriers de la fin du XIXème siècle devaient avoir un sentiment de « privilégié » par rapport aux membres de leur famille d’origine qui étaient restés cultivateurs.
      Finalement, sans épiloguer de nos échanges sur votre « classe moyenne » je n’associerais pas autant que vous l’existence d’une masse influente à sa position dans le système productif. C’est pourquoi j’ai déjà utilisé des termes comme « halo » ou « nébuleuse » car leurs contours ne sont pas tant matériels que culturels, même si l’un et l’autre sont souvent liés.
      Les différents mouvements sociaux depuis des décennies tendent à le confirmer

    • Descartes dit :

      @ Marcailloux

      [Le « degré d’intégrité » (qui est entier, intact ; qui n’a subi aucune altération, aucune atteinte. Cnrtl ) dont je parle signifie le caractère immuable de ce qui est observé, à savoir une catégorie de citoyens qui se situe entre des exploiteurs et des exploités dont les motivations, les effectifs, le déterminisme de leur condition, la psychologie collective, etc . . . .seraient précisément repérable et mesurable sur une grande durée.]

      Mais cela veut dire quoi « sur une grande durée » ? On n’est plus au moyen-âge, et les dynamiques sociales sont relativement rapides. Imaginer qu’une classe sociale pourrait rester égale à elle-même pendant « une grande durée » est à mon avis un espoir vain…

      [Dans cette hypothèse, le sentiment que ressent un individu de sa propre situation n’a-t-il pas autant d’importance que la mesure de la valeur matérielle des conséquences de son état ? Ceci pose de nouveau l’objectivité de la notion de valeur.]

      L’appréciation subjective qu’on a de sa situation et la réalité objective de cette même situation n’ont pas les mêmes effets. J’aurais quand même tendance à dire que quel que soit l’idée que nous nous faisons de notre situation, nous finissons par nous heurter au mur de la réalité. Même si je « ressents » de pouvoir voler comme un oiseau, si je saute par la fenêtre je m’écraserai au sol. Ce qui me fait penser que la « valeur matérielle » a quand même un poids plus lourd que la conscience qu’on peut en avoir.

      [De manière plus prosaïque, c’est un peu comme la question de la sécurité et du sentiment de sécurité. Les Français sont, objectivement, plus en sécurité qu’il y a un siècle alors qu’ils ressentent un climat d’insécurité supérieur.]

      Certes. Mais si un criminel vous tire dessus avec une Kalachnikov, vous mourez. Et cela indépendamment du sentiment que vous pouvez avoir sur votre propre sécurité. Le « sentiment d’insécurité » n’a aucun effet sur le nombre de meurtres constatés, l’insécurité réelle, oui.

      [Bien des ouvriers de la fin du XIXème siècle devaient avoir un sentiment de « privilégié » par rapport aux membres de leur famille d’origine qui étaient restés cultivateurs.]

      Et ils l’étaient objectivement. Je ne saisis pas très bien le rapport de cet exemple avec votre discours, puisqu’il va exactement dans le sens inverse.

    • Marcailloux dit :

      @ Descartes,

      Bonjour,

      [Et ils l’étaient objectivement. Je ne saisis pas très bien le rapport de cet exemple avec votre discours, puisqu’il va exactement dans le sens inverse.]

      Bien sûr qu’il va en sens inverse, pour la simple raison que mon discours est plus interrogatif qu’affirmatif. Je me pose plus de questions que je n’apporte de réponses.

      Et puis le sentiment que l’on peut avoir des choses est souvent performatif.
      Il suffisait que les ouvriers du XIXème aient cette impression – à tort ou à raison – pour que cela suffise, au moins partiellement, à leur « bonheur ».

      Les religions ont sans doute contribué largement – « classes moyennes » objectives – à entretenir cet état d’esprit dans la mesure où cela constituait une forme de rémunération distribuée aux prolétaires et non couteuse pour les employeurs (souffrez aujourd’hui sur terre et dans vos ateliers pour jouir demain au paradis).

  40. Luc dit :

    Dans le panorama socio culturel,que vous proposez,dans quelle catégorie,situez vous,les natifs ruraux,délaissés de la nouvelle société migrationniste et consummériste?
    Ces personnes sont celles avec qui j’ai grandi,trés sensibles au souverainiste,sont elles à jeter dans les poubelles de l’histoire?Dans le fond n’est ce pas cette population inadaptée que les migrants viennent remplacer? N’êtes vous pas conscients que des soubresauts trés profonds affectent le pays et le transforment?

    • Descartes dit :

      @ Luc

      [Dans le panorama socio culturel,que vous proposez,dans quelle catégorie,situez vous,les natifs ruraux,délaissés de la nouvelle société migrationniste et consummériste?]

      C’est quoi un “natif rural” ? Le lieu de votre naissance n’a aucun effet sur votre appartenance à telle ou telle classe.
      On ne peut pas faire des paysans un ensemble homogène. Il y a des paysans qui sont des chefs d’entreprise fort prospères qui ont des dizaines d’employés: ce sont des bourgeois. Il y a des ouvriers agricoles: ce sont des prolétaires. Il y a des paysans qui possèdent tout juste assez de terre, d’outillage et de connaissances pour gagner leur vie avec leur propre travail, n’étant donc ni exploiteurs ni exploités: ils appartiennent aux “classes moyennes”…

      [Ces personnes sont celles avec qui j’ai grandi, trés sensibles au souverainiste, sont elles à jeter dans les poubelles de l’histoire?]

      Je vois dans ce commentaire un reproche… et pourtant je ne me souviens pas d’avoir jeté personne “dans les poubelles de l’histoire”. Vous devez confondre avec quelqu’un d’autre… Et encore une fois, vous ne pouvez pas faire de cet ensemble un tout homogène. Il y eut beaucoup de paysans pour voter “oui” à Maastricht – et aux subventions européennes à l’agriculture.

      [Dans le fond n’est ce pas cette population inadaptée que les migrants viennent remplacer?]

      “Remplacer” de quel point de vue ? Je ne vois pas beaucoup de migrants s’installer dans les fermes désertées d’Ardèche ou de Lozère, pas plus qu’on les voit racheter les exploitations céréalières en Beauce. L’immigration en France reste en France un phénomène essentiellement urbain.

      [N’êtes vous pas conscients que des soubresauts très profonds affectent le pays et le transforment?]

      Pourriez-vous être plus précis ?

  41. Trublion dit :

    L’échange entre Descartes et Marc Malesherbes est intéressant parce qu’il montre le niveau de méconnaissance du poids de l’UE dans la vie politique française.

    Personnellement j’ai étudié récemment le droit de l’UE et je peux certifier que le droit communautaire laisse quasi aucune marge de manœuvre.

    Premièrement les Français ne savent pas que dans l’esprit des traités quand une compétence est exercée exclusivement par un état c’est parce le niveau communautaire a bien voulu le lui accorder. Ex les pouvoirs de police sont délégués par l’UE si on sait lire entre les lignes les traités !

    Les juges nationaux sont les juges communautaires de 1er niveau. En cas de conflit entre droit national et droit de l’UE c’est la Cour de Justice qui doit avoir le dernier mot. Pour éviter au Conseil d’Etat ou au conseil constitutionnel ou à la cour de cassation de reconnaître explicitement la supériorité de la CJUE on a introduit dans la constitution un article 88.1 de mémoire qui dit que le législateur doit mettre en conformité le droit national avec le droit de l’UE.

    Excepté les domaines régaliens, toutes les activités économiques peuvent être soumise à la concurrence. Et le statut d’EPIC est incompatible avec la concurrence car un EPIC dispose de la garantie de l’état, ce qui rend plus facile l’obtention de prêt par les banques. Pour les traités européens c’est une distorsion de concurrence. Et c’est pourquoi qu’une fois qu’un domaine monopolistique entre dans le champ de la concurrence, l’ancien monopole devra abandonner le statut d’EPIC pour celui de SA.

    La France ne maîtrise plus sa politique commerciale et douanière
    – Elle ne peut plus adapter les accords commerciaux à ses forces et faiblesses

    La France ne maîtrise plus sa monnaie. Cet outil du souverain a été privatisé.
    – Elle ne peut plus définir le niveau d’inflation souhaité
    – Elle ne peut plus demander un taux de change qui équilibre ses échanges

    Le TSCG, le 6 pack et le 2 pack mettent le budget en coupe réglée. La libre circulation des capitaux mettent les états sous pression de la concurrence fiscale.
    – L’impôt sur les sociétés devrait être ramené à 25% en fin de mandat ce qui va encore réduire les recettes étatiques

    Il ne reste plus que l’atrophie de l’état et l’imposition de ceux qui ne peuvent pas facilement quitter le territoire.

    • Descartes dit :

      @ Trublion

      [Personnellement j’ai étudié récemment le droit de l’UE, et je peux certifier que le droit communautaire ne laisse quasi aucune marge de manœuvre.]

      Et s’il n’y avait que le droit… mais il faut compter aussi sur le fait que les institutions chargées d’interpréter ce droit – et notamment la Cour de justice de l’Union européenne – sont totalement inféodés à une conception fédéraliste et ultra-libérale de la construction européenne. L’effet est que ces institutions interprètent les textes allant bien souvent très au-delà de leur lettre et de leur esprit dans un sens qui transfère tout pouvoir aux institutions européennes.

  42. Trublion dit :

    Je souhaitais intervenir dans l’échange entre Descartes et Marcailloux sur la pertinence du concept de classe moyenne.

    Pour résumer rapidement ce que je vais exposer la classe moyenne existe, le concept est opérant mais je préfère utiliser le terme de classe pivot et non de classe moyenne.

    Il y a quelques années, j’ai été envoyé par notre maison mère piloter une équipe dont l’effectif variait de 40 à 55 salariés dans une filiale. De ce fait j’étais en gros le numéro 4 de la filiale derrière le DG, le DAF et la DRH.
    Ma position faisait de moi le représentant du capital, à l’autre bout de l’échelle il y avait les conseillers clientèle dont j’ai diminué la masse salariale au fil du temps car je remplaçais les partants qui étaient à 1700 net par des contrats au SMIC. Leur faible pouvoir de négociation me donnait un ascendant évident. Entre eux et moi il y avait une catégorie de salariés qui avaient une situation particulière. Il s’agissait de commerciaux ou d’experts difficiles à remplacer. Ils gagnaient bien leur vie, et les négos de fin d’année étaient parfois compliquées. Ils savaient très bien ce qu’ils apportaient à l’entreprise sur le plan technique et pécunier.
    Le fait que des gens arrivent très bien à récupérer la quasi intégralité de la valeur ajoutée produite est donc plausible pour moi. Ensuite il faudrait construire les outils statistiques pour le mesurer. Ce n’est pas la direction prise par la science éco depuis que les utilitaristes ont succédé aux théoriciens de la valeur qu’étaient Smith, Ricardo ou Marx.

    • Descartes dit :

      @ Trublion

      [Pour résumer rapidement ce que je vais exposer la classe moyenne existe, le concept est opérant mais je préfère utiliser le terme de classe pivot et non de classe moyenne.]

      C’est une question de vocabulaire. Le terme « classe pivot » ne me convainc pas parce qu’il crée l’impression que tout tourne autour d’elle, alors que dans une société capitaliste la bourgeoisie conserve un rôle central. Mais pourquoi pas, si le consensus des commentateurs est d’accord…

      [Le fait que des gens arrivent très bien à récupérer la quasi intégralité de la valeur ajoutée produite est donc plausible pour moi. Ensuite il faudrait construire les outils statistiques pour le mesurer. Ce n’est pas la direction prise par la science éco depuis que les utilitaristes ont succédé aux théoriciens de la valeur qu’étaient Smith, Ricardo ou Marx.]

      C’est là que se trouve la difficulté. Les outils statistiques utilisés par la comptabilité nationale ne se prêtent pas bien à une analyse en termes de valeur…

    • Marcailloux dit :

      @ Trublion,

      Bonjour,

      [ Pour résumer rapidement ce que je vais exposer la classe moyenne existe, le concept est opérant mais je préfère utiliser le terme de classe pivot et non de classe moyenne.]
      Plusieurs commentateurs, et ceci depuis longtemps, ont buté sur le terme de « classe moyenne » dans le sens où il est utilisé dans ce blog. Cela tend à signifier un malaise quant au sens du mot, même utilisé entre des guillemets.
      Je souhaiterais rappeler à Descartes l’adage qu’il utilise souvent à l’égard de Mitterrand : « On ne sort de l’ambigüité qu’à son détriment ». Est-ce pour cela qu’il s’accroche à ce terme ?
      J’ajoute une couche en reprenant la parole de Boileau :
      « Ce que l’on conçoit bien s’énonce clairement, et les mots pour le dire arrivent aisément ». Et pour enfoncer le clou la phrase fameuse attribuée (peut être à tort) à A. Camus : « mal nommer les choses, c’est ajouter du malheur au monde.
      On n’en est tout de même pas là, cependant il est toujours difficile de payer ses emplettes en France avec des francs CFA. Il est toujours possible de faire une conversion, mais cela ne facilite ni n’éclaircit le débat. Les mots sont la monnaie de communication des idées.
      Je rencontre, depuis quelques temps avec les commentaires postés ici, le même problème avec les notions de valeur du travail, capital immatériel individuel, temps de travail socialement nécessaire, etc . La lecture des différentes approches d’économistes ou de philosophes ne contribue pas vraiment à éclaircir ces sujets.
      Et l’on voit fleurir une multitude d’interprétations individuelles qui embrouillent tous les débats.
      Je trouve regrettable que l’on ne puisse pas débattre, que ce soit ici ou ailleurs, avec les mots affectés du sens ou des sens – en précisant – que les autorités compétentes leur attribuent. Personnellement ma référence est le Cnrtl avec ses différentes approches (lexicographie, étymologie, synonymie, antonymie, proxémie).
      Utiliser un mot avec une acception très personnelle revient un peu à battre monnaie. Je sais bien que nous sommes dans la République de Descartes , 🙂 mais rien n’empêche d’utiliser une monnaie universelle.
      D’autre part, le terme de « moyenne » est tellement connoté par sa dimension économique ou mathématique qu’il me semble très difficile de se substituer à lui sans provoquer des effets perturbateurs. Et si le qualificatif à attribuer à cette ensemble de citoyen ne fait pas l’unanimité dans une clarté indiscutable c’est aussi – je me suis déjà exprimé à ce sujet – que la notion de classe n’est peut-être pas la plus pertinente. J’ai utilisé personnellement des terme comme « nébuleuse », « halo », « masse gélatineuse » . . . . pour souligner des contours mal définis, changeants, inconstants.
      Les mots sont des armes, sabre ou fleuret. . . . . canon ou crayon.

    • Descartes dit :

      @ Marcailloux

      [Je souhaiterais rappeler à Descartes l’adage qu’il utilise souvent à l’égard de Mitterrand : « On ne sort de l’ambigüité qu’à son détriment ». Est-ce pour cela qu’il s’accroche à ce terme ?]

      Non, au contraire. C’est parce que ce terme désigne bien l’objet : celui d’une classe « intermédiaire », qui nait en fait d’une transition incomplète : ce sont des prolétaires qui auraient voulu devenir des bourgeois mais qui n’ont pas eu les moyens d’accumuler suffisamment de capital qui constituent les « classes moyennes ». Le terme « moyennes » les décrit parfaitement parce qu’il évoque leur aliénation aux deux autres classes, bourgeoisie et prolétariat. On n’est « moyen » que par rapport à quelque chose.

      [Je rencontre, depuis quelques temps avec les commentaires postés ici, le même problème avec les notions de valeur du travail, capital immatériel individuel, temps de travail socialement nécessaire, etc. La lecture des différentes approches d’économistes ou de philosophes ne contribue pas vraiment à éclaircir ces sujets. Et l’on voit fleurir une multitude d’interprétations individuelles qui embrouillent tous les débats. Je trouve regrettable que l’on ne puisse pas débattre, que ce soit ici ou ailleurs, avec les mots affectés du sens ou des sens – en précisant – que les autorités compétentes leur attribuent.]

      L’Economie, la Philosophie, la Sociologie, l’Histoire n’ont pas – et n’auront probablement jamais – le langage formalisé qui permet en mathématiques de savoir exactement quel est l’objet dont on parle. C’est ainsi, et il faut donc s’habituer. Le débat sur le sens des mots – et donc sur les caractéristiques des objets qu’ils désignent – fait partie du travail de l’économiste, du philosophe, du sociologue, de l’historien.

      [Personnellement ma référence est le Cnrtl avec ses différentes approches (lexicographie, étymologie, synonymie, antonymie, proxémie).]

      Ne soyez pas naïf. On a écrit des livres entiers sur le sens qu’on doit donner à des mots pourtant d’usage courant comme « être » ou « conscience ». Pensez-vous qu’on puisse régler ces débats en une page ? Un dictionnaire, aussi bon soit-il, constitue une illustration du sens d’un mot, il n’épuise certainement pas le sujet.

      [Utiliser un mot avec une acception très personnelle revient un peu à battre monnaie. Je sais bien que nous sommes dans la République de Descartes , 🙂 mais rien n’empêche d’utiliser une monnaie universelle.]

      Nous donnons tous une « acception personnelle » aux mots dès lors que nous les interprétons. Et il est difficile de penser sans nécessairement créer des nouveaux concepts – ou, plus modestement, sans altérer des concepts anciens. Sauf à inventer en permanence de nouveaux mots, ce qui prive le lecteur de tout contexte, il est difficile donc de faire autrement que d’utiliser les anciens mots en changeant leur sens. C’est d’ailleurs ce qu’on fait tous les penseurs par le passé : Marx n’invente pas le mot « communisme » – qui existe bien avant lui – mais lui donne un nouveau sens : « Nous appelons communisme le mouvement réel qui abolit l’état actuel des choses ».

  43. marc.malesherbes dit :

    @ Descartes 02/04/2018 16:57
    j’écrivais:
    [Il y a plein de raisons pour cela. ((vouloir abattre les terroriste plutôt que de les prendre vivant))]
    vous écrivez:
    “Pourriez-vous en citer trois, s’il vous plait ?”
    ………………………
    1- le désir de vengeance immédiat.
    c’est vieux comme le monde. Il tue, donc nous le tuons dès que possible. Cela correspond à l’attente d’une partie de la population qui ne comprendrez pas que l’on épargne quelqu’un qui n’épargne pas les autres.
    2- la mise en prison est coûteuse et entraîne des frais importants.
    dans le cas d’Abdeslam, on a été jusqu’à lui donner tout le confort, et même une salle de gym perso (1)! J’avoue que c’est incompréhensible, mais doit se justifier dans une idéologie de gauche-gauche: pas encore condamné, il est supposé innocent ! Et pendant ce temps nos prisons sont surpeuplées.
    3- le procès va mettre en évidence l’origine ethnico-religieuse du terroriste, et par l’audience médiatique susciter des imitateurs (c’est la raison la plus importante pour ceux qui sont favorables à abattre sur le champ les terroristes).
    Toute une partie de nos dirigeants, de nos intellectuels, pensent qu’en mettant en évidence l’origine ethnique (le plus souvent maghrébine) et l’idéologie religieuse islamique, on va “stigmatiser” ces populations, on risque de montrer le caractère culturellement dangereux de l’Islam etc … Tout cela risquerait d’alimenter l’hostilité vis-à-vis de ces populations, ne favoriserait pas le “vivre ensemble”. C’est ainsi que, jusqu’à Macron, nos président parlaient de “terroristes” sans jamais dire leur origine, au nom de quelle religion ils assassinaient etc …
    De plus par effet d’entraînement, montrer des terroristes dans un procès va susciter dans une petite minorité le désir d’émulation, un peu comme le suicide de personnalités connues et jeune, suscite des vagues de suicide en suscitant chez certains “le passage à l’acte”.

    Ces trois raisons sont très sérieuses, même si personnellement, sans les nier, je trouve qu’abattre les terroristes a plus d’inconvénients que d’avantages.

    (1) Le député Thierry Solère a visité la prison de Fleury-Mérogis où est détenu l’homme le plus surveillé de France. Il y a fait des découvertes surprenantes… Salah Abdeslam bénéficie d’une salle de sport privée en prison
    http://www.lepoint.fr/societe/salah-abdeslam-beneficie-d-une-salle-de-sport-privee-en-prison-03-07-2016-2051520_23.php

    • Descartes dit :

      @ marc.malesherbes

      [1- le désir de vengeance immédiat. c’est vieux comme le monde. Il tue, donc nous le tuons dès que possible. Cela correspond à l’attente d’une partie de la population qui ne comprendrez pas que l’on épargne quelqu’un qui n’épargne pas les autres.]

      Vous voyez bien que cela ne tient pas. Si ce « désir de vengeance immédiat » était un élément guidant la stratégie de nos forces de l’ordre au point d’éliminer les gaz incapacitants de leur panoplie, on verrait ses effets dans l’ensemble des interventions, et pas seulement dans le cas des terroristes. Or, on observe exactement le contraire : en général, nos policiers et gendarmes prennent souvent des risques importants pour essayer d’arrêter les preneurs d’otages, les forcenés et autres criminels vivants.

      Le « désir de vengeance immédiat » peut expliquer un comportement personnel dans une situation de crise. Mais le choix de ne pas doter le GIGN de gaz incapacitants est un choix pris froidement dans un bureau. Pensez-vous vraiment que le « désir de vengeance immédiat » joue ?

      [2- la mise en prison est coûteuse et entraîne des frais importants. dans le cas d’Abdeslam, on a été jusqu’à lui donner tout le confort, et même une salle de gym perso (1)! J’avoue que c’est incompréhensible, mais doit se justifier dans une idéologie de gauche-gauche: pas encore condamné, il est supposé innocent ! Et pendant ce temps nos prisons sont surpeuplées.]

      Certes. Mais là encore, si ce genre de considération guidait les choix tactiques des forces de l’ordre, on devrait voir beaucoup plus d’interventions se terminant par la mort du malfaiteur. Or, encore une fois, ce n’est pas le cas : ce qu’on voit sur le terrain, c’est que les forces de l’ordre prennent des risques considérables – et quelquefois déraisonnables – pour arrêter le malfaiteur vivant. Pensez à Carlos ou aux militants d’Action Directe…

      [3- le procès va mettre en évidence l’origine ethnico-religieuse du terroriste, et par l’audience médiatique susciter des imitateurs (c’est la raison la plus importante pour ceux qui sont favorables à abattre sur le champ les terroristes).]

      Pourtant, de tels procès sont organisés et sont médiatisés. Prenez par exemple celui du « Molenbeek français » qui s’ouvre cette semaine. Là encore, si l’objectif était d’éviter le procès pourquoi essaye-t-on, chaque fois qu’on le peut, de les arrêter vivants ?

      [Ces trois raisons sont très sérieuses, même si personnellement, sans les nier, je trouve qu’abattre les terroristes a plus d’inconvénients que d’avantages.]

      Ne pensez-vous pas que le GIGN est arrivé à la même conclusion ?

    • Pierre dit :

      @ Marc Malesherbes et Descartes

      Vous oubliez un point.

      Dans notre démocratie, nul ne peut être incarcéré jusqu’à la fin de ses jours, même pour un attentat aussi odieux qu’il puisse être. Or certain de ces terroristes ne sont pas des déséquilibrés chez qui l’islamisme est une lubie passagère. Il y a de vrais sociopathes, rationnels et équilibrés. Ceux-ci, quand ils sortiront de taule, n’auront en rien changé leurs convictions et resteront dangereux jusqu’à la fin de leurs jours.

      Exécuter les terroristes permet d’éviter la très épineuse question de leur libération future.

    • Descartes dit :

      @ Pierre

      [Dans notre démocratie, nul ne peut être incarcéré jusqu’à la fin de ses jours, même pour un attentat aussi odieux qu’il puisse être.]

      Vous vous trompez. On peut parfaitement être incarcéré jusqu’à la fin de ses jours. Si la libération conditionnelle d’un détenu condamné à une peine de perpétuité est possible après une période dite « d’épreuve » de 18 à 22 ans, cette libération n’est en rien automatique.

      [Exécuter les terroristes permet d’éviter la très épineuse question de leur libération future.]

      Certes. Mais expose au risque d’exécuter un innocent.

  44. marc.malesherbes dit :

    @ Descartes 04/04/2018 22:37
    l’école …. toujours l’école

    vous écrivez:
    “Le projet d’une éducation de haut niveau pour tous n’a jamais eu une justification purement économique. Même dans les périodes d’expansion, l’économie n’avait pas besoin qu’une « instruction solide et rigoureuse » soit donnée au plus grand nombre. Le projet d’une société éduquée ou le savoir serait largement accessible à tous est d’abord un projet humaniste”

    Venons en à la question de savoir si l’école à une justification purement économique pour apprendre ce qu’on appelle les fondamentaux (en gros le programme de l’école primaire). Certainement oui, même dans une optique néolibérale assumée. C’est un minimum dans l’économie d’aujourd’hui. D’ailleurs il est significatif que l’OCDE, et bien d’autres organismes internationaux “néolibéraux” fassent des comparaisons internationales pour inciter à ce que ces fondamentaux soient appris. C’est une faute de notre école de ne pas savoir enseigner même le contenu du primaire, avec tant de moyens et des élèves passant tant d’années à l’école après le primaire. Il est significatif que Macron (Blanquer) envisage d’y remédier (dédoublement des cours en CP).

    L’économie a-t-elle besoin que la grande majorité atteigne le niveau du bac (je parle bien du niveau des programmes du bac) ? Je suis assez d’accord, que comme le dit JL Ferry (1), c’est assez inutile dans la vie pratique pour le plus grand nombre.
    Mais l’économie a quand même besoin, dans chaque domaine, de chercheurs, d’experts très éduqués. On pourrait donc dire: faisons du bac un niveau “primaire” bien assimilé et dont les élèves pourront tout de suite commencer à travailler avec une spécialisation professionnelle adaptée pour les jobs bas de gamme, artistiques, sportifs, ou encore mieux bénéficier d’un revenu universel. D’autre part laissons une minorité aller dans des écoles “haut de gamme” (sélective), puis à l’université (sélective) et devenir les experts dont l’économie a besoin.
    Le hic dans cette démarche, c’est que pour pouvoir sélectionner le meilleurs, on a intérêt a avoir une “base” la plus large possible. L’exemple des sports de haut niveau est caractéristique. Serons-nous toujours bon internationalement en math si l’on continue à réduire constamment l’enseignement des maths dans le secondaire ? L’exemple des USA est à méditer. Leur école secondaire est d’un niveau médiocre … et ils remplissent leurs universités de haut niveau avec des candidats venant en grande partie de l’étranger, au point qu’ils font des quotas pour avoir un minimum de nationaux. Je n’ai pas fait le calcul, mais le nombre de prix Nobel de nationalité américaine, mais d’origine étrangère est en constante augmentation.

    En conclusion, même d’un point de vue néolibéral, il est sans doute intéressant d’avoir un secondaire de bon niveau (et une université sélective évidemment).

    (1) Il a dit explicitement que les math ne servaient à rien pour le plus grand nombre au-delà de l’enseignement du primaire. Et on pourrait dire de même pour la littérature (la Princesse de Clèves, Zadig et Voltaire ..), la philosophie etc …

    • Descartes dit :

      @ marc.malesherbes

      [l’école …. toujours l’école]

      Et oui… l’école, c’est la grande matrice républicaine. Difficile en France de parler de société sans parler de l’école.

      [Venons en à la question de savoir si l’école à une justification purement économique pour apprendre ce qu’on appelle les fondamentaux (en gros le programme de l’école primaire).]

      Mais justement, mon propos parlait d’une école qui va bien au-delà des « fondamentaux ». Vous n’aurez pas de mal à montrer que l’apprentissage des « fondamentaux » a un sens économique, puisque les « fondamentaux » sont définis précisément en fonction de ce critère. Car c’est quoi un « fondamental » ? C’est une connaissance indispensable pour fonctionner en société, donc pour agir en tant qu’acteur économique.

      [C’est une faute de notre école de ne pas savoir enseigner même le contenu du primaire, avec tant de moyens et des élèves passant tant d’années à l’école après le primaire.]

      Il ne faudrait tout de même pas exagérer. Notre école enseigne à une très large majorité d’enfants les « fondamentaux », et les écoliers français sortent dans leur immense majorité de l’école primaire en sachant lire, écrire et compter au niveau nécessaire pour aller s’inscrire à Pôle Emploi.

      [L’économie a-t-elle besoin que la grande majorité atteigne le niveau du bac (je parle bien du niveau des programmes du bac) ? Je suis assez d’accord, que comme le dit JL Ferry (1), c’est assez inutile dans la vie pratique pour le plus grand nombre.]

      Oui, si l’on considère que la « vie pratique » se réduit à lire la notice d’un appareil électrique, de commander un billet de train par Internet, de s’inscrire à l’ANPE. Mais le fait de voter, par exemple, fait-il partie de la « vie pratique » ? Parce que si la réponse est positive, alors on pourrait se dire que pour émettre un vote éclairé, le niveau bac semble indispensable…

      Par ailleurs, il ne faudrait pas oublier que si l’enseignement transmet des connaissances, il a aussi pour fonction de développer chez l’élève les mécanismes de l’intelligence. Peu d’entre les élèves auront dans la « vie pratique » l’usage des notions d’espace vectoriel ou d’anneau intègre (programme de mathématiques de seconde lorsque j’étais lycéen…). Mais le fait d’opérer sur ces notions mathématiques développe des outils logiques – les différents techniques de démonstration, par exemple – qui, eux, sont utiles à tout le monde.

      [Mais l’économie a quand même besoin, dans chaque domaine, de chercheurs, d’experts très éduqués. On pourrait donc dire: faisons du bac un niveau “primaire” bien assimilé et dont les élèves pourront tout de suite commencer à travailler avec une spécialisation professionnelle adaptée pour les jobs bas de gamme, artistiques, sportifs, ou encore mieux bénéficier d’un revenu universel. D’autre part laissons une minorité aller dans des écoles “haut de gamme” (sélective), puis à l’université (sélective) et devenir les experts dont l’économie a besoin.]

      La difficulté, c’est qu’est ce qu’on fait des enfants des « classes moyennes » dont les vertus et les talents ne sont pas suffisantes pour leur ouvrir les écoles « haut de gamme », et qui seraient dans ce modèle voués à en rester au « primaire bien assimilé » à égalité avec les enfants des couches populaires. En d’autres termes, votre modèle – qui ressemble tout de même beaucoup à celui qui avait cour avant 1968 – aboutit au risque de déclassement d’une partie des « classes moyennes ». Ce qu’elles n’accepteront jamais.

      Il faut donc imaginer un système qui permette aux enfants cancres des « classes moyennes », qui n’ont aucune chance d’accéder aux formations « sélectives », de garder une distinction par rapport aux enfants des couches populaires. L’université-garderie remplit exactement ce rôle.

      [Le hic dans cette démarche, c’est que pour pouvoir sélectionner le meilleurs, on a intérêt a avoir une “base” la plus large possible. L’exemple des sports de haut niveau est caractéristique. Serons-nous toujours bon internationalement en math si l’on continue à réduire constamment l’enseignement des maths dans le secondaire ?]

      Evidement non. L’exemple du sport est très parlant : c’est en sélectionnant sur le mérite à partir d’une base la plus large possible qu’on arrive à construire une élite de haut niveau. Les pays qui ont des élites dans un domaine particulier – les mathématiques en France, la chimie en Allemagne, la musique en Grande Bretagne – sont aussi des pays ou ces disciplines sont pratiquées à bon niveau par le plus grand nombre à tous les étages du système scolaire.

      [En conclusion, même d’un point de vue néolibéral, il est sans doute intéressant d’avoir un secondaire de bon niveau (et une université sélective évidemment).]

      Pas évident. Il est avantageux de sélectionner sur une base large, mais rien vous dit qu’il ne faille sélectionner qu’après le bac… ne peut-on pas détecter les talents avant ?

      [(1) Il a dit explicitement que les math ne servaient à rien pour le plus grand nombre au-delà de l’enseignement du primaire. Et on pourrait dire de même pour la littérature (la Princesse de Clèves, Zadig et Voltaire ..), la philosophie etc …]

      La question de l’utilité ne se pose pas comme ça. Peut-être que dans la vie courante une personne n’aura pas l’occasion d’appliquer dans sa vie quotidienne ou professionnelle le théorème de Thalès, les idées glanées à la lecture de la Princesse de Clèves, de Zadig ou du Banquet. Mais une société où les gens ont lu Mme de Lafayette, Voltaire ou Platon et savent ce qu’est un théorème est généralement plus agréable à vivre, plus riche, et plus sûre qu’une société ou les jeunes n’ont d’autre référence que Maître Gims ou Booba.

  45. luc dit :

    https://www.boursorama.com/actualite-economique/actualites/invasion-migratoire-amende-avec-sursis-requise-contre-dupont-aignan-383223c8c4340f29ab02bc8830cff79e
    Si Dupont-Aignan,au lieu d’évoquer l’invasion migratoire,avait décrit ce à quoi nous assistons depuis 1974,comme une migration invasive perlée,aurait il été condamné?
    Evidemment,ce n’est pas un propos raciste qui a été condamné,c’est un propos iconoclaste.
    Quand,les migrations seront terminées,dans 5,ou 10,ou20,ou30,ou100 ans,les démographes constaterons que des dizaines de millions de personnes africaines ont pu s’installer en France,entraînant une modification du peuplement et de la culture hexagonale,mais est ce un phénomène sociologique majeur?

    • Descartes dit :

      @ luc

      [Quand,les migrations seront terminées,dans 5,ou 10,ou20,ou30,ou100 ans,les démographes constaterons que des dizaines de millions de personnes africaines ont pu s’installer en France,entraînant une modification du peuplement et de la culture hexagonale,mais est ce un phénomène sociologique majeur?]

      Les obsessions sont dangereuses, et à force de remâcher on finit par dire des bêtises. Où voyez vous des “dizaines de millions de personnes africaines” ? Allons, un peu de modération… et arrêtez d’agiter des croquemitaines qui n’existent que dans votre imagination.

      L’excès qui consiste à se faire peur en exagérant le phénomène migratoire est aussi dangereux pour la qualité du débat et de la décision publique que celui qui consiste le minimiser. Non, on n’en est pas à des “dizaines de millions”, pas plus qu’on n’est à une “modification du peuplement et la culture hexagonale”. Cela ne veut pas dire qu’il n’y ait pas un problème, mais il ne faut pas l’exagérer, sauf à vouloir faire le jeu de ceux qui prétendent que le problème est insoluble et qu’il faut se résigner.

  46. Luc dit :

    https://www.google.fr/amp/www.liberation.fr/amphtml/debats/2018/04/04/societe-et-migrations-francois-heran-au-college-de-france_1641056
    Il flotte dans l’air du temps,une inquiétude suscitée par la politique déletère,profitant au capital,symbolisée par les migrations massives.
    A tel point,qu’une chaire au collège de France,vient d’être créée,en quoi cela nous questionne t il?

  47. François dit :

    @ Descartes

    Je me permet de rédiger ce commentaire en répétant ce qui a déjà été dit concernant l’exploitation du travail par le capital avec quelques remarques personnelles, afin de savoir si j’ai bien synthétisé les notions.

    Si je vous ai bien compris, vous considérez qu’il faille mettre un terme à cette aliénation, non (seulement) pour des raisons morales, mais parce qu’à terme elle constitue un frein au développement des forces productives.

    Pour produire de la valeur ajoutée, outre le travail, il faut du capital qu’il soit matériel (usine …), limité ou immatériel (connaissance scientifique …), reproductible. C’est entre autres la place toujours plus importante du capital immatériel dans l’outil productif qui est à l’origine des «classes moyennes» en tant que couche sociale capable de modeler (à son avantage) les superstructures d’une société en limitant la diffusion de ce capital immatériel pour qu’il conserve sa valeur.

    Il y a exploitation quand le rapport de force fait que le détenteur du capital récupère une partie une partie de la valeur ajoutée produite par le travailleur. Cela est très concret pour le détenteur du capital matériel, par exemple quand le propriétaire terrien récupère une partie des récoltes produites par le métayer.

    Par contre, je suis beaucoup circonspect concernant l’exploitation par le détenteur du capital immatériel du travailleur. À la différence du capital immatériel, qui existe en soi, le capital immatériel n’existe qu’à travers son détenteur qui le met en application. Comment faire la part des choses entre la rémunération de cette «mise en application» (travail) et la rémunération de ce capital ? Une façon de déterminer cette rémunération du capital immatériel serait d’observer les différences de rémunération des salariés d’une entreprise avec la répartition actuelle du capital immatériel puis de les observer en dotant chacun des salariés de tout le capital immatériel nécessaire au fonctionnement de l’entreprise.
    Bref, une des différences entre la rémunération du capital matériel et immatériel est que le premier peut être déterminé mathématiquement alors que le second expérimentalement, avec toutes les difficultés que cela implique…

    Dernière remarque, y a t-il une différence de nature entre le retraité bénéficiant d’un système par répartition et celui d’un système par capitalisation ?

    PS, je voulais savoir si vous aviez bien reçu mon message contenant la lettre de recommandation (avec une relance) que je vous ai laissé dans la page contact ?

    • Descartes dit :

      @ François

      [Si je vous ai bien compris, vous considérez qu’il faille mettre un terme à cette aliénation, non (seulement) pour des raisons morales, mais parce qu’à terme elle constitue un frein au développement des forces productives.]

      Oui et non. La vision marxiste n’est pas une vision « téléologique ». Il n’y a pas de « il faut » en histoire. Ce que Marx constate est que la grande impulsion dans l’histoire humaine, celle qui a déterminé qu’on quitte les arbres pour devenir ce que nous sommes devenus, c’est l’expansion des forces productives. Durant toute son histoire, l’homme a cherché à vivre mieux, et cela suppose la capacité de produire plus et mieux. L’homme a donc recherché organiser la société de telle manière à permettre l’expansion des forces productives. Et une organisation donnée entre en crise dès lors qu’elle devient un obstacle à cette expansion.

      Il n’y a donc pas chez Marx l’idée que « il faut » faire disparaître un mode de production donné : le mode de production en question se maintiendra aussi longtemps qu’il permet l’expansion, et s’effondrera le jour où il deviendra un obstacle. Le travail du révolutionnaire est un travail de maïeutique : la révolution accouche d’un nouvel état des choses, mais il ne provoque pas la grossesse.

      C’est là la racine du conflit entre les marxistes « classiques » et les « gauchistes ». Pour les premiers, la révolution qui changera le mode de production n’est possible que dans un contexte particulier – ce qu’on appelle les « éléments objectifs », et a rien ne sert de chercher à la provoquer alors que ces éléments ne sont pas réunis. Pour les « gauchistes » – par exemple chez Guevara – la révolution est possible quel que soit l’état objectif du mode de production. Dès lors qu’un groupe de révolutionnaires décidés est là pour agir, on peut la faire en France ou au Congo, en Bolivie ou en Algérie. A l’historicisme des marxistes orthodoxes, les gauchistes opposent un volontarisme absolu. Je pense pouvoir dire que l’histoire a donné raison aux premiers contre les seconds…

      [Pour produire de la valeur ajoutée, outre le travail, il faut du capital qu’il soit matériel (usine …), limité ou immatériel (connaissance scientifique …), reproductible. C’est entre autres la place toujours plus importante du capital immatériel dans l’outil productif qui est à l’origine des «classes moyennes» en tant que couche sociale capable de modeler (à son avantage) les superstructures d’une société en limitant la diffusion de ce capital immatériel pour qu’il conserve sa valeur.]

      Oui. C’est un bon résumé de ma position.

      [Il y a exploitation quand le rapport de force fait que le détenteur du capital récupère une partie une partie de la valeur ajoutée produite par le travailleur. Cela est très concret pour le détenteur du capital matériel, par exemple quand le propriétaire terrien récupère une partie des récoltes produites par le métayer.]

      Exact.

      [Par contre, je suis beaucoup circonspect concernant l’exploitation par le détenteur du capital immatériel du travailleur. À la différence du capital immatériel, qui existe en soi, le capital immatériel n’existe qu’à travers son détenteur qui le met en application. Comment faire la part des choses entre la rémunération de cette «mise en application» (travail) et la rémunération de ce capital ? Une façon de déterminer cette rémunération du capital immatériel serait d’observer les différences de rémunération des salariés d’une entreprise avec la répartition actuelle du capital immatériel puis de les observer en dotant chacun des salariés de tout le capital immatériel nécessaire au fonctionnement de l’entreprise.]

      Je n’ai pas très bien compris votre raisonnement. Comment pouvez-vous en pratique « doter chacun de salariés de tout le capital immatériel nécessaire au fonctionnement de l’entreprise » ? Je pense qu’il faut d’abord lever une ambiguïté. Il n’y a pas de « capital » (matériel ou immatériel) qui soit « nécessaire au fonctionnement de l’entreprise ». Le capital est un facteur de production – comme le travail – et il y a un rapport entre la quantité et qualité du capital utilisé et la productivité de l’entreprise. Mais ce rapport est sans discontinuité : Il n’y pas un niveau de capital en dessous duquel l’entreprise ne fonctionne pas et au-dessus duquel elle produit. La perte du « capital immatériel » détenu par un salarié n’arrête pas l’entreprise : elle la rend moins productive.

      [Bref, une des différences entre la rémunération du capital matériel et immatériel est que le premier peut être déterminé mathématiquement alors que le second expérimentalement, avec toutes les difficultés que cela implique…]

      Je pense que vous vous trompez de difficulté. Il y a difficulté à déterminer s’il y a ou non exploitation chaque fois qu’il y a confusion des rôles. Imaginez par exemple le cas du patron d’un garage mécanique comptant plusieurs mécaniciens, et qui est lui-même mécanicien sans être salarié. Il est clair qu’une partie du profit qu’il touche chaque mois rémunère son travail, et qu’une autre dérive du fait qu’il est propriétaire du capital et représente donc un prélèvement sur la valeur créée par ses employés. Mais comment séparer les deux parties ? Le même problème se pose avec l’ingénieur ayant une compétence rare : quelle est la partie de son salaire qui correspond à la valeur créée par lui, et quelle partie vient de la rémunération de son « capital immatériel » ?

      Dans le cas du capital matériel, on a des références parce que dans beaucoup d’entreprises les détenteurs du capital et les travailleurs sont bien séparés. Dans le cas du « capital immatériel », la séparation est toujours impossible par définition.

      [Dernière remarque, y a t-il une différence de nature entre le retraité bénéficiant d’un système par répartition et celui d’un système par capitalisation ?]

      Oui et non. Du point de vue économique, les deux systèmes sont de même nature : il s’agit d’un prélèvement des inactifs sur les actifs. Un prélèvement auquel chaque individu consent lorsqu’il est actif et dont il bénéficie lorsqu’il est retraité. Mais la signification sociale n’est pas tout à fait la même : la répartition fait apparaître explicitement le caractère de solidarité intergénérationnelle (chaque génération consent à payer pour les anciens sur la promesse que la génération suivante assumera la même obligation) alors que la capitalisation exprime l’idée que chacun pourvoi à sa propre retraite, sans intervention d’un lien social.

      [PS, je voulais savoir si vous aviez bien reçu mon message contenant la lettre de recommandation (avec une relance) que je vous ai laissé dans la page contact ?]

      Oui je l’ai eu et je m’excuse d’avoir tant tardé à répondre j’essaye de le faire rapidement.

    • Alain Brachet dit :

      Commentaire à propos de la réponse de Descartes du 7/4 à François du 5/4 relative à la différence entre « retraite par répartition » et « retraite par capitalisation »
      Je pense que j’en dirais un peu plus que Descartes dans sa réponse, quant à l’équivalence des deux systèmes qui, en somme, prendraient toujours aux « actifs » pour donner aux « inactifs ».
      . Dans un système par répartition idéal les actifs sont taxés en continu, juste ce qu’il faut, pour alimenter les retraites des inactifs (le Capital, les employeurs, participent aussi : « part patronale »). On n’a pas besoin de stocker des fonds entre les créateurs de la taxe de retraite (les actifs) et les « consommateurs » de celle-ci (les inactifs). En fait, on n’est pas dans l’idéal et on doit interposer entre les deux entités un petit « bas de laine » pour arrondir les angles…mais cela ne va pas chercher loin si on vise « l’excellence » du système : un flux continu bien dosé entre actifs et inactifs ! En gros, les capitalistes ne voient pas la couleur des sommes colossales mises en œuvre pour que le système par répartition marche…en dehors du petit « bas de laine » … qui peut d’ailleurs leur être dissimulé dans un petit « Fonds de pension » nationalisé (pour conserver une terminologie en usage).
      . Dans un système par capitalisation, les prélèvements fiscaux frappant employés et employeurs sont massivement stockés dans des « Fonds de pension » (dont les USA montrent la puissance, par exemple). La gestion de cet énorme bas de laine ou de ses épanchements externes (placements, prêts, etc…) est aux mains de « décideurs » capitalistes qui en sont maîtres, au point même de les mettre en faillite, s’ils le juge utile ou si le contexte extérieur l’impose. Qui en souffre le plus alors ?
      Ces deux systèmes ne sont pas équivalents pour les « bénéficiaires » (les actifs qui deviendront les inactifs). Il me semble que « la répartition » est avantageuse pour ceux-ci… surtout dans un système économique et social qui, par ailleurs, enlève de la puissance au Capital, y compris pour lui éviter la faillite de ses Fonds de pension (ou un prélèvement excessif par rapport aux stricts besoins des actifs et inactifs), par exemple un système se disant socialiste (ou communiste) … mais je rêve un peu !

    • Descartes dit :

      @ Alain Brachet

      [Dans un système par répartition idéal les actifs sont taxés en continu, juste ce qu’il faut, pour alimenter les retraites des inactifs (le Capital, les employeurs, participent aussi : « part patronale »). On n’a pas besoin de stocker des fonds entre les créateurs de la taxe de retraite (les actifs) et les « consommateurs » de celle-ci (les inactifs).]

      D’abord, faisons un sort à un mythe français, celui de la « part patronale ». En fait, cette « part » n’est qu’un artifice comptable. Si on abolit la « part patronale » et la « part salariale » et qu’on les remplace par un prélèvement unique dont le taux serait la somme des deux, cela ne changerait rien ni pour l’employeur, ni pour le salarié. Lorsque l’employeur achète la force de travail, il est prêt à payer X € pour Y heures de travail. La ventilation du coût X entre « part patronale », « part salariale » et « salaire net » n’a pour lui aucune espèce d’importance.

      Sur la question du « stockage des fonds », les deux systèmes sont équivalents. Dans les deux cas vous confiez des fonds à un tiers, qui vous les restituera sous forme de rente viagère à une date plus tardive. La seule différence est que dans un cas, la capitalisation, la manière dont les fonds sont mis à fructifier est transparente, alors que dans la seconde les fonds en question sont laissés à l’ensemble des acteurs sociaux qui les font fructifier dans l’ensemble de l’économie.

      [En gros, les capitalistes ne voient pas la couleur des sommes colossales mises en œuvre pour que le système par répartition marche…]

      En fait, si. Mais pour le comprendre le raisonnement est un peu compliqué. Il faut revenir à la fondation du système. Imaginons le système A par répartition et le système B par capitalisation, qui commencent à la même date, disons le 1er janvier 1900. Les premiers retraités demanderont leur pension donc le 1er janvier 1960. Que se passe-t-il pendant ces soixante années ? Dans le système par capitalisation, le fond de pension recueille chaque mois les cotisations et les fait fructifier dans des investissements industriels, commerciaux ou financiers (c’est-à-dire, elle se comporte comme un capitaliste). Mais que se passe-t-il dans le système par répartition ? Pendant les 60 premières années, il n’y aura pas de cotisations, puisqu’il n’y a pas de retraités à payer. Les prélèvements ne commenceront qu’à la soixante-unième année. Tout se passe donc comme si cet argent était « laissé » aux capitalistes (c’est-à-dire les patrons, qui ne payent pas la cotisation) pour qu’ils le fassent fructifier.

      Parce que les systèmes par répartition ont historiquement payé des pensions immédiatement – même à ceux qui n’avaient pas cotisé – ce mécanisme est caché. Mais pour bien comparer il faut comparer les deux systèmes en tenant compte de la date à laquelle les droits ont commencé à être acquis. Pour les systèmes par capitalisation c’est en général lors de l’établissement du système, mais pour les systèmes par répartition on a reconnu des droits acquis bien avant que le système soit créé.

      [La gestion de cet énorme bas de laine ou de ses épanchements externes (placements, prêts, etc…) est aux mains de « décideurs » capitalistes qui en sont maîtres, au point même de les mettre en faillite, s’ils le juge utile ou si le contexte extérieur l’impose. Qui en souffre le plus alors ?]

      Là, c’est une pure question d’aversion au risque. Le système par répartition « lisse » les effets des crises, mais aussi des périodes fastes. Le système par capitalisation transfère au retraité le risque de crise… mais aussi l’avantage de la période faste. Il y a là une question de préférence personnelle. Que préférez-vous ? Avoir 50% de chances d’avoir une retraite somptueuse et 50% d’avoir une retraite misérable, ou la certitude d’avoir une retraite moyenne ? Tout le monde ne répondra pas à cette question de la même manière… mais du point de vue économique, le résultat est équivalent.

  48. Trublion dit :

    Les débats autour de la réforme de la SNCF me font désespérer du peuple français en raison des âneries que j’entends !

    Ma femme m’a racontée la discussion qu’elle a eu avec un chauffeur UBER qui l’accompagnait à son travail.
    Le chauffeur espérait que le gouvernement tienne parce que le statut des cheminots est injuste, lui quand il est malade il ne gagne pas d’argent, etc.

    La première réflexion que je me suis faite est que nous sommes dans un pays de jaloux aigris. Nous sommes dans un pays où ceux qui gagnent 10 000 e : mois arrivent à persuader ceux qui gagent 1500 € nets que leurs problèmes sont dus à ceux qui gagent 1600 € nets

    Ensuite ce n’est pas parce qu’on supprime le statut de cheminot que les choses iront mieux, que cela changera quoi que ce soit à la vie de ce chauffeur UBER

    Je constate également que nous somme dans un monde libre, personne n’a mis de fusil sur la tempe de ce chauffeur. S’il n’aime pas son travail il est en droit d’en chercher un autre et même de postuler à la SNCF. Mais le plus grave en réalité est l’incapacité des chauffeurs, dans leur individualisme forcené, a s’organiser en une force capable de peser face aux plateformes telles qu’UBER. On en revient au domestic system ou au travail à la pièce.

    La méconnaissance de l’histoire et la méconnaissance de l’économie favorisent les discours de résignation.

    • Descartes dit :

      @ Trublion

      [Ma femme m’a racontée la discussion qu’elle a eu avec un chauffeur UBER qui l’accompagnait à son travail. Le chauffeur espérait que le gouvernement tienne parce que le statut des cheminots est injuste, lui quand il est malade il ne gagne pas d’argent, etc.]

      Vous trouverez toujours des aigris qui, parce qu’ils ne peuvent pas avoir quelque chose, préfèrent que personne ne l’ait.

      « Il y avait en Arabie un homme qui suivait les préceptes d’Allah, le grand, le miséricordieux. Et un jour apparut chez lui un génie qui lui dit : Allah est grand et miséricordieux, et il m’envoie pour récompenser ta dévotion. Je suis autorisé à t’accorder trois souhaits. Mais sache qu’Allah le grand, le miséricordieux, a voulu que ton voisin reçoive le double de ce que je t’accorderai. Alors, que désires-tu ?

      « Bon génie, je désire avoir un coffre rempli de pièces d’or ! », dit l’homme. Et oh ! miracle, devant lui apparut un gros coffre rempli à ras bord de pièces d’or brillantes. Et l’homme entendit crier son voisin : « Allah soit loué, je viens de retrouver deux coffres remplis à ras bord de pièces d’or brillantes ! Loué soit Allah ! »

      L’homme réfléchit donc un instant, et demanda : « Bon génie, je veux pour moi les dix plus belles houris du Paradis ». Et oh ! miracle, devant lui apparurent dix superbes jeunes femmes qui repandirent des parfums, jouèrent de la musique, et firent des choses que la morale m’empêche de décrire ici. Et l’homme entendit crier son voisin : « Allah soit loué, j’ai maintenant avec moi les vingt plus belles houris du Paradis, qui répandent des parfums, jouent de la musique, et font des choses que la morale m’empêche de crier ici ! Loué soit Allah ! ».

      Alors l’homme réféchit longuement, et s’adressa ainsi au génie : « Génie, je veux qu’on m’enlève un testicule ! ». Et alors que son voisin poussait des cris terribles, le génie s’évanouit dans un éclat de rire. Car Allah est le grand, le miséricordieux. »

      [La première réflexion que je me suis faite est que nous sommes dans un pays de jaloux aigris. Nous sommes dans un pays où ceux qui gagnent 10 000 e : mois arrivent à persuader ceux qui gagent 1500 € nets que leurs problèmes sont dus à ceux qui gagent 1600 € nets]

      N’exagérons rien, il n’y a pas plus de jaloux aigris chez nous qu’en Arabie…

      [Ensuite ce n’est pas parce qu’on supprime le statut de cheminot que les choses iront mieux, que cela changera quoi que ce soit à la vie de ce chauffeur UBER]

      Non, mais comme dit un dicton espagnol, « mal de muchos, consuelo de tontos » (« le partage des maux est la consolation des imbéciles »). Ce que je trouve plus drôle, ce sont les gens de la rue qui, interviewés par la télévision disent ne pas comprendre pourquoi les cheminots font grève pour le statut puisque la mesure ne concerne que les nouveaux embauchés. L’idée de solidarité de classe est elle devenue si difficile à comprendre ?

    • xc dit :

      ‘L’idée de solidarité de classe est elle devenue si difficile à comprendre ?”
      Pardon, mais quelque chose m’échappe: les personnes de plus de 30 ans recrutées par la SNCF ne bénéficient pas du statut. Je n’ai pas connaissance que les Cheminots aient fait des grèves pour qu’ils l’aient. Qu’en est-il ?

    • CVT dit :

      @Descartes,
      [N’exagérons rien, il n’y a pas plus de jaloux aigris chez nous qu’en Arabie…]
      [Non, mais comme dit un dicton espagnol, « mal de muchos, consuelo de tontos »]
      Une parabole arabe, un proverbe espagnol, vous êtes d’humeur exotique, aujourd’hui :-)…

      Sinon, oui, je partage l’étonnement et l’écoeurement de Trublion, et surtout votre incompréhension par rapport à l’absence de solidarité de classe et donc, d’une certaine façon, à l’incivisme de certains de mes compatriotes : comme admettre dans une même entreprise, et surtout une entreprise entièrement possédée par l’Etat, qu’il y ait des salariés à statut protégé, et d’autres nouvellement engagés, beaucoup plus précaires (c’est très relatif car les contractuels sont en CDI, du moins, pour le moment…)? Comment se fait-il que ces inciviques ne comprennent pas que les grévistes veulent défendre l’égalité des statuts pour TOUS LES SALARIES? J’ai vraiment une dent contre ces râleurs, parce que même du temps où les trains arrivaient à l’heure, ils trouvaient toujours que le service n’étaient pas à la hauteur, et qu’il y avait toujours trop de grève et de fainéants aux chemins de fer…
      D’autant que la question n’est pas vraiment là, puisque le statut des cheminots n’explique pas à lui tout seul le déficit de la SNCF: le gouvernement sait très bien ce qui en est à l’origine: la séparation depuis 20 ans des infrastructures et du service commercial, mais personne n’en parle chez les médias dominants (comme les vents du même nom qui entraînent tous ces chiens crevés…). Et le pire, c’est qu’on propose d’y aller encore plus fort, alors que le résultat est déjà connu: le rail britannique a longtemps servi d’épouvantail, mais apparemment c’est le modèle à imiter pour Microbe 1er et compagnie…
      Oui, j’en veux aux râleurs de critiquer les cheminots qui défendent l’égalité d’emploi à l’intérieur de l’entreprise nationale, et surtout une certaine idée du service public, mais je suis résigné, puisque d’après eux, UBER pourvoira à tout: ces sal… ont bien voté pour envoyer Macron à l’Elysée à cette fin, non?

    • Descartes dit :

      @ xc

      [Pardon, mais quelque chose m’échappe: les personnes de plus de 30 ans recrutées par la SNCF ne bénéficient pas du statut. Je n’ai pas connaissance que les Cheminots aient fait des grèves pour qu’ils l’aient. Qu’en est-il ?]

      Le fait qu’on ne puisse pas être recruté au statut après trente ans tient aux particularités de la retraite des cheminots. Ce type de disposition existe sous des formes diverses dans l’ensemble des statuts. En effet, il faut se prémunir de la situation où des gens se feraient embaucher tardivement sous statut pour bénéficier des conditions de retraite plus favorables proposées par le statut, sans avoir subi pendant une longue période les contraintes qui sont la contrepartie de ces conditions.

      Les personnes embauchées en CDI après 30 ans à la SNCF sont embauchées sur des contrats de droit privé, dont les éléments de référence (salaire, promotion, régime disciplinaire, etc.) sont définies en référence au statut. Seul le régime de retraite diffère.

    • Descartes dit :

      @ CVT

      [D’autant que la question n’est pas vraiment là, puisque le statut des cheminots n’explique pas à lui tout seul le déficit de la SNCF: le gouvernement sait très bien ce qui en est à l’origine: la séparation depuis 20 ans des infrastructures et du service commercial, mais personne n’en parle chez les médias dominants (comme les vents du même nom qui entraînent tous ces chiens crevés…).]

      Ce qu’on oublie surtout, c’est que le statut des cheminots n’est pas une revendication syndicale, mais une idée venue du patronat des chemins de fer, et cela depuis très longtemps : Les premières tentatives datent du second empire, quand les chemins de fer (privés) se développaient à tout va. Or, ces entreprises avaient un petit problème : elles avaient besoin d’un personnel formé, qualifié, fiable. La sélection de ce personnel et sa formation était longue et coûteuse, et il fallait éviter que ce personnel s’en aille attiré par de meilleurs salaires chez les autres employeurs.

      La grille unique, la sécurité de l’emploi, la promotion garantie, mais aussi le logement assuré par la compagnie ou les billets gratuits avaient pour objet de fidéliser la force de travail, de l’encourager à rester dans la même entreprise et y faire une longue carrière, pour permettre à l’employeur d’amortir l’investissement initial. Et à un coût très réduit : la sécurité de l’emploi, la promotion garantie, le logement et les billets encouragent les salariés à se contenter de salaires inférieurs à ceux qu’ils auraient pu obtenir chez un employeur qui n’offre pas tous ces avantages.

      Ce n’est donc pas le statut qui est coupable du déficit et de la dette. Celle-ci résulte d’un choix : pour tenir les objectifs de Maastricht, l’Etat préfère depuis trente ans loger la dette chez des entreprises publiques plutôt que dans les comptes de l’Etat. C’est pourquoi EDF s’endette tout en versant à l’Etat d’importants dividendes…

    • Trublion dit :

      Je rebondis sur la réponse ci-dessous de Descartes
      “Ce n’est donc pas le statut qui est coupable du déficit et de la dette. Celle-ci résulte d’un choix : pour tenir les objectifs de Maastricht, l’Etat préfère depuis trente ans loger la dette chez des entreprises publiques plutôt que dans les comptes de l’Etat. C’est pourquoi EDF s’endette tout en versant à l’Etat d’importants dividendes…”

      Pour aller plus loin et expliquer le problème, en comptabilité budgétaire, la dette des entreprises publiques n’est pas consolidée avec la dette de l’état. la règle des 3% de déficit ne tient compte “que” des comptes de l’état, de la sécurité sociale et des collectivités territoriales.

      Dans les années 90, Juppé a, si ma mémoire est bonne, transféré une part de dette de l’état à la SNCF pour être en ligne avec les fameux 3% max de déficit

      Autre élément de contexte, si mes chiffres sont bons, les Français dépensent chaque année 8 milliards en impôts pour l’entretien des routes. mais pour le rail ce n’est pas modèle que nous avons choisi.

      il est à noter aussi l’irresponsabilité du gouvernement qui demande la création de 4 nouvelles lignes LGV après le Grenelle de l’environnement sans fournir un financement solide, donc il revenait à la SNCF déjà en situation difficile de s’endetter pour financer ces lignes.

      Autre élément important, rapporté par Clive Lamming un spécialiste du rail, en 1937 à sa création la dette de la SNCF représentait 37% du budget de l’état, contre 15% aujourd’hui.

    • Descartes dit :

      @ Trublion

      [Autre élément de contexte, si mes chiffres sont bons, les Français dépensent chaque année 8 milliards en impôts pour l’entretien des routes. Mais pour le rail ce n’est pas modèle que nous avons choisi.]

      La logique n’est pas tout à fait la même. Les citoyens ont l’impression que « la route est à tout le monde » puisque tout le monde peut l’emprunter. Et d’un autre côté, chacun entretien sa voiture avec son argent. Alors que l’infrastructure ferroviaire est difficile à séparer du véhicule qui l’utilise. En pratique, pendant des années nous avons payé par la combinaison de nos billets et de nos impôts à la fois l’infrastructure et le matériel roulant.

      [Autre élément important, rapporté par Clive Lamming un spécialiste du rail, en 1937 à sa création la dette de la SNCF représentait 37% du budget de l’état, contre 15% aujourd’hui.]

      Je vous qu’on a les mêmes lectures… j’ai trouvé sa tribune dans « Le Monde » très bonne.

  49. Marencau dit :

    Cher Descartes,

    J’ai un peu de mal à suivre ton raisonnement global. Pour moi il y a deux propositions :

    1/
    Pour mettre en œuvre une politique différente, le rapport de force doit être favorable aux classes populaires.
    Or, il ne l’est pas.
    Donc, on ne peut rien faire de concret pour le moment.

    Et

    2/
    Pour avoir un rapport de forces favorables aux classes populaires, il faut changer le système économique en étant au pouvoir.
    Or, il n’y a pas de représentation des classes populaires au pouvoir.
    Donc on ne peut pas inverser le rapport de forces.

    Et si on combine 1) et 2) on est dans l’impasse car le problème est circulaire.

    À mon sens, nous avons deux issues:

    Soit les classes moyennes continuent la fête (avec suppression du smic, etc. Par exemple) et les classes populaires finiront par n’avoir plus rien à perdre… Gare aux dégâts.

    Soit les classes moyennes finiront par être touchées à leur tour et brûleront ce qu’elles auront adorées sans retour critique. Ce sera un peu écoeurant, mais sans doute le plus probable…

    Salutations d’Amérique du Sud,

    Marencau

    • Descartes dit :

      @ Marencau

      [Et si on combine 1) et 2) on est dans l’impasse car le problème est circulaire.]

      Dans votre raisonnement, vous ignorez les ressources de la dialectique… 😉

      Votre description est purement mécaniste : pour arriver au pouvoir il faut un rapport de forces favorable, pour avoir un rapport de forces favorable il faut être au pouvoir, donc on est dans une logique circulaire. Mais la réalité n’est pas aussi simple, et les sociétés ne se divisent pas entre ceux qui « ont le pouvoir » et ceux qui ne l’ont pas. Le rapport de forces entre les classes sociales se construit dans une dialectique complexe qui tient au fait que même si les classes ont des intérêts antagoniques, elles ont besoin les unes des autres. Sans prolétariat à exploiter, la bourgeoisie n’aurait plus de dividendes. Et sans une bourgeoisie qui accumule, le prolétariat n’aurait pas de machines pour travailler. Dans l’ère de la production de masse, la bourgeoisie a besoin des « classes moyennes » pour consommer les produits de ses usines, mais en même temps elle n’a pas envie de partager le gâteau…

      Le rapport de forces n’évolue pas donc seulement sous l’effet de ceux qui « sont au pouvoir », et il n’est donc pas nécessaire qu’un groupe soit « au pouvoir » pour le faire évoluer. Il évolue sous l’effet d’éléments objectifs – c’est-à-dire, de l’évolution technologique et de ses effets sur l’organisation de la production – et subjectifs – la lutte idéologique et politique. Si nous, militants progressistes, ne pouvons pas grande chose sur les premiers, on est tout à fait opérationnels sur les seconds.

      [Soit les classes moyennes continuent la fête (avec suppression du smic, etc. Par exemple) et les classes populaires finiront par n’avoir plus rien à perdre… Gare aux dégâts. Soit les classes moyennes finiront par être touchées à leur tour et brûleront ce qu’elles auront adorées sans retour critique. Ce sera un peu écoeurant, mais sans doute le plus probable…]

      Il y a dans le fonctionnement actuel une contradiction : le rapport de forces issu de la mondialisation permet à la bourgeoisie de payer ses travailleurs de moins en moins, mais en même temps elle a besoin de consommateurs solvables qui achètent ses produits. Ces besoins sont clairement contradictoires. Et si on a réussi jusqu’à maintenant à dégrader modérément le niveau de vie des couches populaires tout en assurant l’enrichissement des « classes moyennes » et bourgeoises, c’est par un creusement massif des dettes – et ce n’est pas une spécificité française, c’est vrai de tous les pays développés, Allemagne et USA inclus.

      La question est de savoir pendant combien de temps cette illusion perdurera. Car c’est bien une illusion : ces dettes ne seront jamais payées. Ce qui veut dire que ceux qui les ont souscrites – et au premier chef les « classes moyennes » mais aussi une partie de la bourgeoisie financière – vont perdre leur chemise…

      [Salutations d’Amérique du Sud,]

      En vacances ? Vous en avez, de la chance…

    • Marencau dit :

      [Dans votre raisonnement, vous ignorez les ressources de la dialectique… ;-)]

      La fameuse !

      [Il évolue sous l’effet d’éléments objectifs – c’est-à-dire, de l’évolution technologique et de ses effets sur l’organisation de la production – et subjectifs – la lutte idéologique et politique. Si nous, militants progressistes, ne pouvons pas grande chose sur les premiers, on est tout à fait opérationnels sur les seconds.]

      Mais.. de quelle manière ? Ce blog par exemple est un espace de discussion, de débat, mais ce n’est pas une plateforme de diffusion et de “lutte idéologique”.

      Les melanchonistes sont convaincus que la lutte passe par les réseaux sociaux, avec les résultats que l’ont connaît (mais il est vrai que c’est efficace pour toucher les classes moyennes).

      Le porte à porte ? Il faut un vrai réseau militent et une structure politique inexistante à date…

      [La question est de savoir pendant combien de temps cette illusion perdurera. Car c’est bien une illusion : ces dettes ne seront jamais payées. Ce qui veut dire que ceux qui les ont souscrites – et au premier chef les « classes moyennes » mais aussi une partie de la bourgeoisie financière – vont perdre leur chemise…]

      On est bien d’accord: le trou va continuer de se creuser et les classes moyennes auront à un moment le choix de renverser la table pour ne pas être touchée (chômage de masse…) ou de jouer encore plus la montre en piochant de plus en plus du côté des classes populaires. Je ne serais pas étonné qu’on parle bientôt tres sérieusement de supprimer le SMIC qui freine l’emploi à cause d’un trop gros cout du travail…

      Dans tous les cas à un moment le fossé ne sera en effet plus gérable et il faudra changer de paradigme. Mon point est que ce changement se fera avec l’appui des classes moyennes, dos au mur. Et qu’en attendant les classes populaires “seules” ne pourront rien changer, les conditions objectives n’étant pas réunies.

      Mais d’ailleurs… est-ce qu’en pratique tu suis ces prédictions pour la gestion de ton épargne par exemple ? Faut-il fuire les assurances vie et planquer son argent sous le matelas ? S’endetter pour être propriétaire ?

      [En vacances ? Vous en avez, de la chance…]
      Ça n’a pas commencé comme ça mais j’ai décidé de prolonger un bon moment ! Après quasi 1 mois passé en Bolivie notamment, j’ai de quoi pimenter un peu mes échanges avec un ami de la FI admirateur d’Evo Morales 😉

    • Descartes dit :

      @ Marencau

      [Mais.. de quelle manière ? Ce blog par exemple est un espace de discussion, de débat, mais ce n’est pas une plateforme de diffusion et de “lutte idéologique”.]

      Et pourquoi pas ? Ce n’est peut-être pas une lutte très efficace, mais j’aurais tendance à soutenir que tout espace de débat qui permet de prendre une distance par rapport à l’idéologie dominante est une « plateforme de lutte idéologique ». La révolution française s’est faite dans la rue, mais a été pensée dans les « salons ».

      [Les melenchonistes sont convaincus que la lutte passe par les réseaux sociaux, avec les résultats que l’ont connaît (mais il est vrai que c’est efficace pour toucher les classes moyennes).]

      Mais la lutte pour quoi, exactement ?

      [Le porte à porte ? Il faut un vrai réseau militent et une structure politique inexistante à date…]

      Tout à fait. Mais le porte à porte implique un effort militant important, et les militants ne le feront que s’ils ont un espoir de victoire. Le rapport de force actuel ne permet pas aux militants progressistes de croire que la victoire est proche. Pourquoi alors perdre son temps à vider la mer avec une petite cuillère ?

      [Dans tous les cas à un moment le fossé ne sera en effet plus gérable et il faudra changer de paradigme. Mon point est que ce changement se fera avec l’appui des classes moyennes, dos au mur.]

      Peut-être. Je ne prétends pas être devin ou avoir la boule en cristal. Quand on sera au bord du changement de paradigme, on verra ce qui se passera. Pour le moment, la question est plutôt de savoir ce qu’on peut faire en attendant.

      [Mais d’ailleurs… est-ce qu’en pratique tu suis ces prédictions pour la gestion de ton épargne par exemple ? Faut-il fuire les assurances vie et planquer son argent sous le matelas ? S’endetter pour être propriétaire ?]

      Mais pourquoi veux-tu fuir les assurances-vie ? Je ne fais pas vraiment de « prédictions », mais il est clair que dans la gestion de mon épargne je n’anticipe aucune révolution pour demain matin. J’anticipe plutôt que l’accord entre les « classes moyennes » et la bourgeoisie a encore de très longs jours devant lui.

      [Ça n’a pas commencé comme ça mais j’ai décidé de prolonger un bon moment ! Après quasi 1 mois passé en Bolivie notamment, j’ai de quoi pimenter un peu mes échanges avec un ami de la FI admirateur d’Evo Morales ;)]

      Racontez, racontez !

    • Marencau dit :

      [La révolution française s’est faite dans la rue, mais a été pensée dans les « salons ».]
      Pourquoi pas ! Mais peut-être que la population qui fréquentait ces « salons » avait une certaine influence sur le cours des choses, non ? Si derrière les armes idéologiques de Monsieur X, ingénieur et Monsieur Y, professeur des écoles sont parfaitement affutées, à quoi serviront-elles ? Ni Monsieur X ni monsieur Y n’ont des fonctions électives, ne peuvent racheter une chaine de télévision et ne sont pas militants d’un parti car aucun ne correspond à la vision exigeante qu’on attend ici. Et quand bien même ce parti se créé un jour, Monsieur X & Y seront probablement noyés dans la masse.

      Est-ce que l’équivalent de ces salons ne sont pas aujourd’hui les différents séminaires ou autres événements faisant intervenir des personnes déjà initiées ?

      [Mais la lutte pour quoi, exactement ?]
      La lutte idéologique pour convaincre ceux qui ne partagent pas notre opinion alors qu’il y auraient intérêt (par peur, habitude du discours dominant…).

      Les mélanchonistes vont encore plus loin : puisqu’on est le 99% et qu’on représente « le peuple », en théorie on pourrait convaincre tout le monde… d’ailleurs beaucoup de groupuscules ont une vision idéaliste de la chose. Comme ils « ont raison », il « suffit » d’être convaincant pour convertir les autres à leurs idées… sauf s’ils sont stupides ou de mauvaise foi bien sûr.

      Ca explique à mon sens pourquoi certains mouvements (LFI, UPR…) sont extrêmement présents sur Internet : parce qu’on a tous les même intérêts, alors autant toucher les classes moyennes sur Twitter et dans les commentaires de médias en ligne. Et comme on a raison, on va forcément les convaincre si on arrive à prouver qu’on crie plus fort que le voisin.

      |Pourquoi alors perdre son temps à vider la mer avec une petite cuillère ?]
      C’est pour ça que j’attends toujours un parti digne du temps que je vais y investir…

      [Pour le moment, la question est plutôt de savoir ce qu’on peut faire en attendant. ]
      Malheureusement… à part « affuter ses armes idéologiques », on a que nos yeux pour pleurer. Parfois de rire, comme avec le Brexit.

      [Racontez, racontez !]
      Difficile à résumer, mais je vais essayer en quelques mots avec ce que j’ai vécu et échangé avec les locaux. C’est du pur témoignage, pas plus de prétention que ça…

      La personnalité d’Evo Morales est extrêmement polarisante, y compris sur place. Dans toutes les villes et villages, c’est propagande vs propagande sur les murs.

      Une bonne partie de la population le soutient de manière indéfectible, qui va des banlieues compliquées de la Paz aux communautés indiennes des montagnes. Sans aborder l’aspect économique, « Evo » comme ils l’appellent « fait parler d’eux », leur « redonne une dignité », le côté communautaire joue à fond. A la montagne, dans des pueblos perdus on voit fleurir des serres, des gymnases, des écoles, des maisons, etc. toutes identiques car fournies par le gouvernement. Ils ne disent pas « c’est une aide d’état » mais « le gouvernement nous l’a offert » (ou équivalent) : les mots ont un sens… Grâce à ces « dons », des communautés peuvent se maintenir « comme à l’époque » et avoir un minimum de vie décente. Dans les villes, on attend d’Evo qu’il remonte les salaires des fonctionnaires (ce qu’il fait, à coups énormes d’inflation), car il s’est engagé à augmenter le niveau de vie. Mais on ne veut pas d’industrialisation qui polluerait les paysages. Une anecdote à ce sujet : des citadins prennent pour exemple une cimenterie Lafarge à Sucre, l’exemple de ce qu’ils ne veulent pas d’après eux. Toutes les accusations y passent : pollution de l’air, de l’eau, des animaux… je ne dis pas que les cimenteries ne polluent pas (particules fines…) mais là on est plus dans le rationnel. D’autant plus qu’ils disent ça, le nez dans la pollution pestilentielle de la ville liées aux transports en commun archaïques (sans parler du jet de déchets dans les cours d’eau, etc.). Autre anecdote : dans une vallée riche en matière archéologique, on a préféré confié l’exploitation à un local qui n’est jamais allé à l’école plutôt que de faire intervenir une entreprise étrangère. La visite de son « musée » est tout un programme.

      En bref, tous ces gens ne se rendent pas compte de leurs paradoxes. On veut vivre comme la Bolivie d’autre fois mais tout le monde a un travail bien payé, bien à manger, un smartphone, l’électricité et l’eau courante… je ne dis pas qu’il faille reproduire le XIXème siècle européen, avec ses gloires et ses. Mais il existe certainement une voie de développement rationnel entre un nationalisme mâtiné de spiritisme (pachamama par ci, par là….) et une ouverture des portes à toutes les multinationales américaines, Monsanto en tête.

      De l’autre côté, je l’ai moins côtoyé mais on a un début de classe moyenne (encore fragile) et une bourgeoisie qui ressemble à celle partout ailleurs : mondialisée, néolibérale, etc. Elle voit d’un mauvais œil les idées socialistes d’Evo Morales et pensent que la priorité est de développer le pays, l’industrialiser, et qu’on verra pour le social plus tard. Mais elle adhère aussi surprenamment à certaines rhétoriques nationalistes comme la fameuse « fête de l’eau », qui n’est rien d’autre que l’exigence au Chili de rétrocéder à la Bolivie un accès à la mer (avec dans les écoles des travaux manuels aux accents militaires à ce sujet…).

      Je terminerais aussi par dire que les Français sont très bien vus en Bolivie ! Discuter avec un chauffeur de taxi (professeur des écoles au chômage) expert en histoire de la révolution Française a quelque chose de touchant et d’un peu triste à la fois.

    • Descartes dit :

      @ Marencau

      [Pourquoi pas ! Mais peut-être que la population qui fréquentait ces « salons » avait une certaine influence sur le cours des choses, non ?]

      A posteriori, on peut constater que oui. Mais qui pouvait le savoir à priori ?

      [Si derrière les armes idéologiques de Monsieur X, ingénieur et Monsieur Y, professeur des écoles sont parfaitement affutées, à quoi serviront-elles ? Ni Monsieur X ni monsieur Y n’ont des fonctions électives, ne peuvent racheter une chaine de télévision et ne sont pas militants d’un parti car aucun ne correspond à la vision exigeante qu’on attend ici. Et quand bien même ce parti se créé un jour, Monsieur X & Y seront probablement noyés dans la masse.]

      Là encore, qui pouvait savoir que monsieur V – qui n’apparaissait que comme un amuseur des princes – ou monsieur D, qui ne faisait que s’échiner à recopier dans un ouvrage l’ensemble des savoirs, allaient avoir une influence sur les évènements ? Et je ne vous parle que de premières figures, parce qu’il y avait dans les « salons » des petits, des sans grade qui ont permis aux grands d’émerger et de se faire connaître.

      [Est-ce que l’équivalent de ces salons ne sont pas aujourd’hui les différents séminaires ou autres événements faisant intervenir des personnes déjà initiées ?]

      Vous savez, tous les « salons » n’avaient pas le privilège d’accueillir Voltaire ou Diderot. Mais pour qu’apparaisse un Einstein, il faut mille « petits » qui œuvrent dans l’ombre et qui contribuent à maintenir une ambiance de débat intellectuel. Ce blog ne prétend pas être un « grand » salon…

      [Les mélanchonistes vont encore plus loin : puisqu’on est le 99% et qu’on représente « le peuple », en théorie on pourrait convaincre tout le monde… d’ailleurs beaucoup de groupuscules ont une vision idéaliste de la chose. Comme ils « ont raison », il « suffit » d’être convaincant pour convertir les autres à leurs idées… sauf s’ils sont stupides ou de mauvaise foi bien sûr.]

      Oui, mais très rapidement on passe de cette idée qu’on peut « convaincre 99% » à l’idée que ce n’est pas la peine de les convaincre, puisque de toute façon on œuvre dans leur intérêt, et qu’on peut donc se permettre de faire leur bonheur contre eux si besoin en est. Derrière l’idée du 99% il y a l’idée holiste et totalitaire d’une société ou tout le monde doit faire pareil parce que tout le monde a les mêmes intérêts.

      [Ca explique à mon sens pourquoi certains mouvements (LFI, UPR…) sont extrêmement présents sur Internet : parce qu’on a tous les même intérêts, alors autant toucher les classes moyennes sur Twitter et dans les commentaires de médias en ligne. Et comme on a raison, on va forcément les convaincre si on arrive à prouver qu’on crie plus fort que le voisin.]

      Oui, mais notez qu’on est passé de « convaincre le 99% » à « toucher les classes moyennes »… la nuance est de taille. En fait, le déplacement du débat politique sur Internet illustre l’effacement des couches populaires.

      [Une bonne partie de la population le soutient de manière indéfectible, qui va des banlieues compliquées de la Paz aux communautés indiennes des montagnes. Sans aborder l’aspect économique, « Evo » comme ils l’appellent « fait parler d’eux », leur « redonne une dignité », le côté communautaire joue à fond. A la montagne, dans des pueblos perdus on voit fleurir des serres, des gymnases, des écoles, des maisons, etc. toutes identiques car fournies par le gouvernement. Ils ne disent pas « c’est une aide d’état » mais « le gouvernement nous l’a offert » (ou équivalent) : les mots ont un sens…]

      En fait, c’est le modèle féodal, qu’on voit se reproduire dans toute l’Amérique latine, de Peron à Chavez en passant par Morales. L’Etat, comme entité abstraite, n’existe pas : c’est le gouvernant en tant que personne qui est source de tout. Chavez distribuant emplois et subventions au cours d’une émission de télévision périodique est presque une caricature de ce modèle, qui reproduit un modèle qui en Europe a été progressivement abandonné à partir du XVIIème siècle.

      C’est d’ailleurs pour moi l’un des grands problèmes de ce continent : d’arriver à constituer des institutions qui soient impersonnelles, et qui puissent donc fournir un cadre stable au-delà des avatars politiques. Le développement économique et social est un processus d’accumulation qui exige une continuité des politiques, une stabilité des institutions. Qui ira investir si un « caudillo » peut, d’un coup de plume, réduire votre investissement à néant ? Qui fera l’effort d’étudier et de passer des concours si les postes auxquels ce concours donne accès sont distribués « a divinis » par le « caudillo » sans aucune considération de compétence ?

      [Je terminerais aussi par dire que les Français sont très bien vus en Bolivie ! Discuter avec un chauffeur de taxi (professeur des écoles au chômage) expert en histoire de la révolution Française a quelque chose de touchant et d’un peu triste à la fois.]

      Notre auto-dénigration permanente nous empêche souvent de voir combien la France et les Français sont appréciés à l’étranger… Moi aussi, j’ai été étonné par ce décalage dans mes nombreux déplacements professionnels. Entendre un ministre malaisien ou britannique faire l’éloge d’EDF et du programme nucléaire français alors que nos propres ministres et députés crachent dessus à longueur de séances, cela fait du bien de temps en temps.

      Merci en tout cas de cette carte postale!

  50. marc.malesherbes dit :

    @ Descartes 07/04/2018 10:30

    l’immigration …. toujours l’immigration

    vous écrivez
    “L’excès qui consiste à se faire peur en exagérant le phénomène migratoire est aussi dangereux pour la qualité du débat et de la décision publique que celui qui consiste le minimiser. “

    voilà une position bien équilibrée “en théorie”, mais, en pratique, chacun voit midi à sa fenêtre en fonction de son expérience pratique.
    J’habite une petite commune (300 hab) à environ 100 km de Paris, loin des banlieues parisiennes et autres où se concentre l’immigration. Et même là la population d’origine africaine n’est pas négligeable, quelques %. Idem pour les petites villes avoisinantes, avec en plus une population maghrébine et turque. Il est visible à l’œil nu que ces populations ont en moyenne plus d’enfants que les autochtones (je le voie au passage des bus de ramassage scolaire). J’en déduis … qu’est-ce que ça doit être dans les métropoles et leurs banlieues.
    D’ailleurs tout le monde reconnaît cette réalité. Les intellectuels de gauche disent ouvertement qu’il faut que la France accepte de se reconnaître multicolore. Ils diront bientôt … et musulmane.

    En tant qu’individus, cela ne pose aucun problème, et même on pourrait défendre qu’un peu de diversité enrichi notre patrimoine génétique et culturel. Mais cela pose un problème quand cela devient un problème de masse, donc ipso facto un problème culturel. Les musulmans dans notre pratique démocratique sont tout à fait fondés à réclamer l’institution de la charia et même du califat, si un jour ils gagnent les élections. Aujourd’hui ils n’ont d’influence majoritaire que dans certains territoires, et logiquement on constate que les “valeurs” de la république ne s’y appliquent plus, mais celle de l’islam.
    Certains pensaient qu’ils allaient “s’intégrer” aux valeurs à la république. Tout montre que c’est de moins en moins le cas, malgré les milliards déversés dans les plans banlieues successifs, les appels réitérés de nos dirigeants. D’ailleurs Hollande dans son livre d’entretien avec les journalistes évoquait ouvertement les problèmes de “partition” de notre territoire.
    Il me semble que l’on sous estime la “guerre” des religions, et ce sont les évangélistes et les musulmans qui la gagne actuellement, pas les catholiques romains.
    Ce constat me paraît largement partagé par tous “off the record” et hors des discours “politiquement correct”.

    Là où il y a divergence, c’est sur l’évolution souhaitée :

    1- pour notre establishment, pas de problème. On commerce bien avec l’Arabie Saoudite, alors une France noire et musulmane, ce n’est pas un problème. De plus cela baisse le coût du travail, en créant une “armée de réserve de chômeurs”.
    2- pour une bonne partie de ceux qui sont intégrés dans la mondialisation, pas de problème non plus; Ils n’ont d’autre patrie que là ou ils gagneront le plus. USA, Chine, Europe etc … Et cela représente une bonne fraction de la population française (30% ?)
    3- le problème est pour ceux qui ne sont pas intégrés à la mondialisation, et qui ont donc leurs semelles collées au territoire national. Ils perdent tout, leur emploi, sauf les “petits boulots”, et leur cadre de vie lié à la culture française. Mais, pour prendre une terminologie d’aujourd’hui, ce sont les “dominés” qui n’ont guère d’influence sur les décisions politiques réelles (tout ce qu’on fera, c’est de leur donner quelques bonnes paroles au moment des élections).

    Moralité: “Luc 05/04/2018 14:00” est un peu excessif pour aujourd’hui, mais avec la “bombe démographique” subsaharienne, je vois bien le chemin sur lequel nous sommes engagés et que nous poursuivrons, sauf “révolution” type Europe de l’Est. Bien peu probable.

    • Descartes dit :

      @ marc.malesherbes

      [l’immigration …. toujours l’immigration]

      Vous m’accorderez que ce n’est pas moi qui ramène le sujet. Personnellement, je ne pense pas que ce soit LE sujet fondamental aujourd’hui, et que s’il suscite autant d’inquiétudes c’est parce qu’il met en évidence un problème bien plus grave et qui sans l’immigré serait beaucoup moins visible, celui de la destruction de notre propre identité collective et donc de notre capacité à assumer un projet collectif. Mais ce n’est pas l’immigré qui provoque cette destruction, même si son apparition la met en évidence. Si notre société est incapable d’assimiler, ce n’est pas la faute aux immigrés.

      [voilà une position bien équilibrée “en théorie”, mais, en pratique, chacun voit midi à sa fenêtre en fonction de son expérience pratique.]

      Faut savoir si on discute politique ou si l’on raconte un ressenti. Parce que, comme disent les anglais, « hard cases make bad laws » (« les cas concrets font de mauvaises lois »). Faire de la politique implique sortir du « moi, dans mon quartier » pour inscrire les problèmes dans une perspective globale. Cela ne veut pas dire qu’il ne faille pas écouter les gens, mais on ne peut pas se contenter de cette écoute : il faut pouvoir prendre de la hauteur, et ce qui est un problème dans votre voisinage ne l’est peut-être pas ailleurs, ou pas sous la même forme.

      [Il est visible à l’œil nu que ces populations ont en moyenne plus d’enfants que les autochtones (je le voie au passage des bus de ramassage scolaire). J’en déduis … qu’est-ce que ça doit être dans les métropoles et leurs banlieues.]

      Mais ce que vous ne voyez pas « à l’œil nu », c’est que ce différentiel de fécondité s’atténue très rapidement avec les générations, et encore plus rapidement s’il y a assimilation. On l’a vu avec les polonais, les italiens, et aussi avec les maghrébins : un « deuxième génération » assimilé n’a pas plus d’enfants en moyenne qu’un « gaulois ».

      [D’ailleurs tout le monde reconnaît cette réalité. Les intellectuels de gauche disent ouvertement qu’il faut que la France accepte de se reconnaître multicolore. Ils diront bientôt … et musulmane.]

      Vous savez ce que j’en pense. Je me méfie instinctivement des discours de résignation, qui ne sont souvent qu’un prétexte pour ne rien faire.

      [Les musulmans dans notre pratique démocratique sont tout à fait fondés à réclamer l’institution de la charia et même du califat, si un jour ils gagnent les élections.]

      Vous croyez vraiment ça ? D’abord, dans « notre pratique démocratique » il est impossible que « les musulmans » gagnent les élections, tout simplement parce que notre démocratie ce ne sont pas les groupes ou les communautés qui sont les acteurs du processus électoral. Nous élisons des PERSONNES et non des communautés. Et quand bien même la majorité des élus appartiendrait à un groupe donné, ils voteront en tant que personnes et non en tant que membres de ce groupe. Diriez-vous qu’en 2017 « les catholiques ont gagné les élections », que « les blancs ont gagné les élections », que « les mâles ont gagné les élections » ? Non, bien sur que non. Cette idée que « les musulmans » pourraient « gagner les élections » est un discours anxiogène qui n’a aucun raccord avec la réalité. J’ajoute par ailleurs que toutes les tentatives de créer un « parti musulman » (comme d’ailleurs d’autres partis confessionnels, pensez aux « démocrates chrétiens ») se sont soldés par des échecs retentissants.

      Mais l’erreur la plus sérieuse ne se trouve pas là. Dans « notre pratique démocratique » tout le monde est « fondé » à réclamer ce qu’il veut, qu’il gagne ou non les élections, d’ailleurs. Si je veux fonder un parti pour réclamer qu’on interdise de vendre des dindes à noël, je peux toujours le faire. Mais si les musulmans sont « fondés à réclamer l’institution de la Charia et même du Califat », ils ne sont pas « fondés » à l’obtenir, même s’ils « gagnaient les élections ». Parce que « notre pratique démocratique » repose sur le fait que celui qui gagne l’élection ne peut pas faire tout ce qu’il veut. La majorité gouverne, certes, mais seulement dans le cadre fixé par la Constitution. Et je ne pense pas que sous l’empire de la constitution de 1958 la Charia ou le Califat soient viables.

      [Aujourd’hui ils n’ont d’influence majoritaire que dans certains territoires, et logiquement on constate que les “valeurs” de la république ne s’y appliquent plus, mais celle de l’islam.]

      Pas vraiment. Le trafic de stupéfiants ou le vol de voitures sont aussi contraires aux « valeurs de l’Islam » qu’à ceux de la République. Il y a des territoires ou la loi de la République s’applique peu ou mal. Mais dans ces territoires, la loi républicaine n’a pas été remplacée par la loi islamique, mais par la loi des bandes, ou plutôt – parce qu’on ne peut pas vraiment parler de « loi » – par un rapport de forces entre petits groupes plus ou moins criminels.

      Encore une fois, il ne faut pas tenir un discours anxiogène mais irréel. Non, il n’y a pas de petites « républiques islamiques » dans la République, ou l’on se marierait, on divorcerait, on hériterait et on signerait des contrats sous la loi islamique.

      [Certains pensaient qu’ils allaient “s’intégrer” aux valeurs à la république. Tout montre que c’est de moins en moins le cas, malgré les milliards déversés dans les plans banlieues successifs, les appels réitérés de nos dirigeants. D’ailleurs Hollande dans son livre d’entretien avec les journalistes évoquait ouvertement les problèmes de “partition” de notre territoire.]

      Bien entendu. Tout le discours sur « l’intégration » – bien entendu spontanée dès lors qu’on mettait fin aux « discriminations » – n’a qu’un but : libérer les « classes moyennes » du poids d’une véritable politique d’assimilation. Mais la conséquence perverse en est la relégation de populations sur des territoires qui finissent par être abandonnés.

      [Il me semble que l’on sous-estime la “guerre” des religions, et ce sont les évangélistes et les musulmans qui la gagnent actuellement, pas les catholiques romains. Ce constat me paraît largement partagé par tous “off the record” et hors des discours “politiquement correct”.]

      Personnellement, je vois plus de monde à Auchan ou à Carrefour que dans n’importe quel temple, église, synagogue ou mosquée. La « guerre des religions » touche finalement une petite minorité de la population, souvent des jeunes à la recherche d’un « idéal spirituel » que notre société bassement matérialiste ne leur propose plus. Ce n’est pas par hasard si la pratique religieuse tombe fortement avec le passage de l’adolescence à l’âge adulte, et si l’on trouve difficilement des jihadistes de plus de quarante ans.

      [Là où il y a divergence, c’est sur l’évolution souhaitée :]

      Oui. Mais cette différence trahit une différence d’intérêt. Grosso modo, vous pouvez distinguer deux groupes : ceux qui ont besoin de la solidarité inconditionnelle inscrite dans le modèle national, et ceux qui n’en ont pas – plus – besoin.

    • @ Descartes,

      Tiens, on parle d’immigration, ici… c’est presque une invitation 🙂

      “celui de la destruction de notre propre identité collective et donc de notre capacité à assumer un projet collectif.”
      Tout à fait d’accord. Mais le fait est que l’immigré “inassimilé” est le symptôme le plus visible, le plus spectaculaire, le plus désagréable de cette déliquescence de notre identité collective. Il y a d’autres symptômes: le retour des régionalismes (même s’ils peinent à peser politiquement, on constate quand même la multiplication des panneaux bilingues en Bretagne ou dans le Midi, c’est de l’ordre du symbolique mais tout de même), le déclin des religions “historiques” (catholicisme, protestantisme “traditionnel”) au profit de spiritualités nouvelles voire exotiques (évangélisme, bouddhisme,…).

      Cela étant dit, il y a tout de même une chose qui m’étonne: en France règnent la haine de soi et l’autodénigrement permanent. Mais ailleurs? Les Anglais et les Néerlandais, voire les Allemands, sont plutôt fiers d’eux-mêmes. Ils sont loin d’avoir renoncé à leur identité nationale ou à tout projet collectif. Pourtant, chez eux aussi, l’immigration déchaîne les passions. Alors?

      “Faire de la politique implique sortir du « moi, dans mon quartier » pour inscrire les problèmes dans une perspective globale.”
      Là-dessus, je voudrais quand même vous poser une question: à partir de quand un problème peut s’inscrire “dans une perspective globale”? Luc, marc.malesherbes et moi-même n’habitons pas au même endroit, et pourtant nous observons des phénomènes comparables. Et ces phénomènes peuvent s’observer dans toutes les grandes villes, dans l’immense majorité des villes moyennes (et je peux vous en citer), dans un nombre croissant de petites villes (je peux vous en citer également). Alors, pardon, mais qu’est-ce qu’il vous faut? Quand un “ressenti” devient, sinon général, du moins très répandu, il doit y avoir quelque chose…

      Citez-moi une ville, une seule ville de France, où vous pouvez me garantir que je peux me promener sans croiser une femme voilée. Et pourtant, il n’y a que 5 ou 6 millions de musulmans. Et sur ces 5 ou 6 millions, la majorité est assimilée, n’est-ce pas? Alors comment font les autres? Ils organisent des tournées pour être présents dans autant d’endroits à la fois?

      “Mais ce que vous ne voyez pas « à l’œil nu », c’est que ce différentiel de fécondité s’atténue très rapidement avec les générations, et encore plus rapidement s’il y a assimilation.”
      C’est ce que disent les statistiques. Mais comme il y a un afflux permanent de nouveaux arrivants, la fécondité des derniers arrivés compense en quelque sorte la baisse de fécondité des autres. Et du coup, la fécondité “moyenne” chez les populations issues de l’immigration maghrébine, turque et subsaharienne reste supérieure à celle des natifs, d’autant que ces populations sont globalement plus jeunes que la population autochtone. Je sais que le détecteur de discours anxiogène va commencer à bipper, mais si tout cela n’entraîne pas un remplacement de population, je ne sais pas ce que c’est…

      “Nous élisons des PERSONNES et non des communautés.”
      Et qu’est-ce qui empêche ces personnes d’être liées à des intérêts communautaires?

      “Cette idée que « les musulmans » pourraient « gagner les élections » est un discours anxiogène qui n’a aucun raccord avec la réalité.”
      Je suis d’accord. Si l’islam politique doit prendre le pouvoir, ce ne sera pas par les urnes, ce sera par la guerre, la terreur. Cela a d’ailleurs déjà commencé.

      “La majorité gouverne, certes, mais seulement dans le cadre fixé par la Constitution. Et je ne pense pas que sous l’empire de la constitution de 1958 la Charia ou le Califat soient viables.”
      Une Constitution, ça se déchire, ça se réécrit. La Constitution ne nous protège de rien, et certainement pas de l’islamisation galopante du pays. Je ne sais plus qui disait que le politique prime sur le droit 😉

      “Le trafic de stupéfiants ou le vol de voitures sont aussi contraires aux « valeurs de l’Islam » qu’à ceux de la République”
      C’est vrai. Mais dans ces quartiers, l’ordre salafiste est de plus en plus souvent perçu comme une alternative plus crédible que l’ordre républicain. Dans bien des cités, le voile protège plus sûrement des tournantes ou des insultes dans la rue que la police ou les lois anti-harcèlement que vont voter les macronistes.

      “Encore une fois, il ne faut pas tenir un discours anxiogène mais irréel. Non, il n’y a pas de petites « républiques islamiques » dans la République, ou l’on se marierait, on divorcerait, on hériterait et on signerait des contrats sous la loi islamique.”
      Il n’y a pas encore de “républiques islamiques”, mais il y a des quartiers où la quasi-totalité des commerces sont “communautaires”, où le port du foulard est en train de devenir la règle. Ce sont des colonies étrangères implantées sur le sol français. Et comme ces colonies s’étendent (j’habite typiquement un quartier pavillonnaire sur lequel la zup voisine est en train de déborder), un mauvais esprit pourrait dire que ça ressemble à une invasion. Une invasion pacifique – encore que – mais une invasion tout de même.

      “Personnellement, je vois plus de monde à Auchan ou à Carrefour que dans n’importe quel temple, église, synagogue ou mosquée.”
      Êtes-vous déjà entré dans une mosquée ou une synagogue? Vues vos convictions athées, je me permets d’émettre quelques doutes. Mais il faut comparer ce qui est comparable: tout le monde a besoin de lessive et de pécu, alors que la fréquentation des lieux de culte est facultative. Par ailleurs, comme me le faisait remarquer un de mes élèves musulmans, la fréquentation de la mosquée pour un musulman n’est absolument pas une obligation: le culte se résumant pour l’essentiel à la prière, il peut s’accomplir dans le cadre domestique. Il n’y a pas d’équivalent de la messe chez les musulmans.

      Il me paraît difficile de nier que certains musulmans cherchent à islamiser leur cadre de vie. Le problème est que leur cadre de vie est aussi le mien… J’accepte, par respect pour mes compatriotes agnostiques ou anticléricaux, que le catholicisme, qui est ma religion et le culte historiquement le plus important de ce pays, s’impose une relative discrétion. Je préfère que les prêtres évitent de porter la soutane dans la rue et que mes coreligionnaires n’affichent pas ostensiblement leur foi. Mais si les musulmans, de leur côté, n’ont pas ce même savoir-vivre, alors là…

      “Ce n’est pas par hasard si la pratique religieuse tombe fortement avec le passage de l’adolescence à l’âge adulte”
      D’où tenez-vous cette information?

    • CVT dit :

      @Descartes,
      [Si notre société est incapable d’assimiler, ce n’est pas la faute aux immigrés.]
      un peu quand même: et que faites-vous de la volonté des immigrées? Si certains refuse de s’assimiler, mais veulent continuer à profiter, pour ne pas dire parasiter, de notre pays, alors pourquoi persistent-ils à rester là où on ne veut pas d’eux?
      J’ai l’impression qu’il y a toujours eu une divergence entre nous sur ce sujet : si l’assimilation implique que ceux qui refusent les devoirs inhérents à la vie en France puissent être expulsés, ou à la rigueur discriminés (donc exclus non seulement des droits civiques, mais également de notre système de protection sociale), alors je vous suis! Sinon, cela revient à créer ce que les économistes appellent un aléa moral pour les récalcitrants, un peu comme offrir la légion d’honneur à des fraudeurs…

    • Descartes dit :

      @ nationaliste-ethniciste

      [Tiens, on parle d’immigration, ici… c’est presque une invitation :)]

      Mais… vous savez que vous avez une invitation permanente à vous exprimer ici sur quelque sujet qui vous intéresse !

      [Tout à fait d’accord. Mais le fait est que l’immigré “inassimilé” est le symptôme le plus visible, le plus spectaculaire, le plus désagréable de cette déliquescence de notre identité collective. Il y a d’autres symptômes: le retour des régionalismes (même s’ils peinent à peser politiquement, on constate quand même la multiplication des panneaux bilingues en Bretagne ou dans le Midi, c’est de l’ordre du symbolique mais tout de même),]

      Tout à fait. Le repli sur des identités de substitution (la région, la communauté, la famille) est aussi un symptôme du même phénomène. De ce point de vue, le repli sur la famille – phénomène qui là encore nous vient de l’Amérique profonde – est peut-être le plus éclairant. Après trois décennies où l’injonction était de sortir les femmes de la maison, on assiste à l’injonction inverse, cette fois-ci appliquée aux deux conjoints. Bien entendu, cela se manifeste par des discours du genre « il faut pouvoir concilier la vie familiale et la vie professionnelle » (qui sous entendent que la vie privée est plus importante) et les injonctions à prendre des congés maternité/paternité longs…

      [le déclin des religions “historiques” (catholicisme, protestantisme “traditionnel”) au profit de spiritualités nouvelles voire exotiques (évangélisme, bouddhisme,…).]

      Je l’écrirai différemment : c’est le déclin des religions « prescriptives », celles qui fixent des règles, au profit des religions « libérales », ou chacun se fabrique sa religion personnelle – si on me pardonne l’oxymore. Avec d’ailleurs un retour de flamme : ceux qui ressentent le besoin d’une colonne vertébrale spirituelle se tournent vers les religions « prescriptives » dans une version ultra-rigoriste.

      [Cela étant dit, il y a tout de même une chose qui m’étonne: en France règnent la haine de soi et l’autodénigrement permanent. Mais ailleurs? Les Anglais et les Néerlandais, voire les Allemands, sont plutôt fiers d’eux-mêmes. Ils sont loin d’avoir renoncé à leur identité nationale ou à tout projet collectif. Pourtant, chez eux aussi, l’immigration déchaîne les passions. Alors?]

      L’autodénigrement ne prend pas la même ampleur partout parce que l’histoire n’est pas la même. Chez les anglais ou les allemands, la nationalité n’est pas contractuelle et politique mais ethnique. On est anglais ou allemand parce qu’on a du sang et des morts anglais ou allemands. C’est d’ailleurs directement perceptible : j’ai vécu six ans en Angleterre, et pas une seule fois je n’ai eu l’impression que j’aurais pu devenir anglais. Anglais, c’est quelque chose qu’on est on qu’on n’est pas, pas quelque chose qu’on devient.

      Ce type de mentalité exclut le jugement, parce que cela reviendrait à juger ce que l’on est alors qu’on ne peut pas devenir autre chose. La vision politique de la citoyenneté, qui est celle qui s’impose en France, implique que le contrat peut être conclu ou rompu, et donc critiqué. C’est en cela que notre vision de la nation est à la fois plus riche en termes de projet collectif que celle de nos voisins mais en même temps plus fragile. Car le « projet collectif » anglais ou allemand est beaucoup moins clair que vous semblez le croire.

      [« Faire de la politique implique sortir du « moi, dans mon quartier » pour inscrire les problèmes dans une perspective globale. » Là-dessus, je voudrais quand même vous poser une question: à partir de quand un problème peut s’inscrire “dans une perspective globale”? Luc, marc.malesherbes et moi-même n’habitons pas au même endroit, et pourtant nous observons des phénomènes comparables.]

      J’ai du mal me faire comprendre. L’idée d’inscrire les problèmes locaux dans une perspective globale n’est pas une question d’extension. C’est une question de lier ces problèmes avec l’ensemble des phénomènes qui font à la dynamique de la société. En d’autres termes, je ne crois pas qu’on puisse traiter les problèmes en « tuyau de poêle ». Je peux constater dans mon quartier qu’il y a des chômeurs, mais il est irréaliste de penser que je peux résoudre ce problème sans toucher à des mécanismes qui ne sont pas visibles de mon quartier mais qui ne sont pas moins réels.

      [Quand un “ressenti” devient, sinon général, du moins très répandu, il doit y avoir quelque chose…]

      Mais… je ne crois pas avoir jamais nié qu’il y ait « quelque chose » dans ce que vous dites. La question pour moi est de bien savoir quelle est la « chose » qui se cache derrière les constats issus de l’expérience quotidienne que vous rapportez. Pour le dire autrement, ce que vous observez peut être un symptôme sans nécessairement être une cause.

      [Citez-moi une ville, une seule ville de France, où vous pouvez me garantir que je peux me promener sans croiser une femme voilée. Et pourtant, il n’y a que 5 ou 6 millions de musulmans.]

      Citez-moi une ville, une seule ville de France, ou vous pouvez me garantir que je peux me promener sans risque d’être assassiné. Et pourtant, les assassins sont encore beaucoup moins nombreux… La question n’est pas de savoir dans combien de villes on peut se promener sans croiser une femme voilée, mais dans combien de villes ce voile pose un problème. Ce n’est pas tout à fait la même chose.

      [« Nous élisons des PERSONNES et non des communautés. » Et qu’est-ce qui empêche ces personnes d’être liées à des intérêts communautaires?]

      Rien. Mais lorsque Christine Boutin est élue, personne n’écrit que « les catholiques ont gagné les élections ». Vous noterez qu’en pratique toutes les tentatives de constituer en France un « vote communautaire » se sont soldées par des échecs retentissants. Le « parti des musulmans de France » n’a recueilli qu’un nombre de voix symbolique.

      [« Cette idée que « les musulmans » pourraient « gagner les élections » est un discours anxiogène qui n’a aucun raccord avec la réalité. » Je suis d’accord. Si l’islam politique doit prendre le pouvoir, ce ne sera pas par les urnes, ce sera par la guerre, la terreur. Cela a d’ailleurs déjà commencé.]

      Ah bon ? Pourriez-vous donner quelques exemples pour illustrer ce « commencement » ? Je veux bien qu’on aime se faire peur, mais il y a des limites…

      [« La majorité gouverne, certes, mais seulement dans le cadre fixé par la Constitution. Et je ne pense pas que sous l’empire de la constitution de 1958 la Charia ou le Califat soient viables. » Une Constitution, ça se déchire, ça se réécrit.]

      Pas si facilement que ça, faut croire. Mais je vous fais remarquer que la question en débat était de savoir si « dans notre pratique démocratique les musulmans étaient fondés à instaurer la charia et le califat s’ils venaient à gagner les élections ». Bien entendu, on peut toujours « déchirer » une constitution, mais que resterait alors de « notre pratique démocratique » ?

      [La Constitution ne nous protège de rien, et certainement pas de l’islamisation galopante du pays. Je ne sais plus qui disait que le politique prime sur le droit ;)]

      J’ai quand même pris la précaution de dire que ce « primat » ne concerne que les relations internationales… 😉 La Constitution reste dans un Etat de droit un rempart fondamental.

      [« Le trafic de stupéfiants ou le vol de voitures sont aussi contraires aux « valeurs de l’Islam » qu’à ceux de la République » C’est vrai. Mais dans ces quartiers, l’ordre salafiste est de plus en plus souvent perçu comme une alternative plus crédible que l’ordre républicain.]

      Tout à fait. La nature a horreur du vide, et le vide laissé par le retrait des institutions de la République est fatalement occupé par quelque chose. Mais la question est de savoir qui a décidé et voulu ce retrait. Qui a propagé ce discours relativiste qui a paré le discours Républicain des stigmates du « racisme-colonialisme-machisme » et soutenu que toutes les cultures se valent et que les immigrés devaient garder la leur et « en être fiers » ? On ne peut pas reprocher aux gens à qui on a dit qu’ils devaient être fiers de leurs coutumes de vouloir les garder.

      [« Personnellement, je vois plus de monde à Auchan ou à Carrefour que dans n’importe quel temple, église, synagogue ou mosquée. » Êtes-vous déjà entré dans une mosquée ou une synagogue? Vues vos convictions athées, je me permets d’émettre quelques doutes.]

      Et bien, vous avez tort. Quelque soient mes convictions, j’aime bien aller regarder et écouter ce qui se dit et ce qui se fait chez les gens qui ne sont pas comme moi. J’ai été dans des meetings du FN autant que ceux du NPA, je suis allé écouter l’office à la synagogue et à la mosquée – mais aussi à l’église et au temple.

      [Mais il faut comparer ce qui est comparable: tout le monde a besoin de lessive et de pécu, alors que la fréquentation des lieux de culte est facultative.]

      Vous voulez dire que le besoin de lessive et de pécu est plus fort que celui d’être bien avec Dieu, seigneur et créateur de l’univers ? Si tel est le cas, alors la religion est foutue, que voulez-vous que je vous dise…

      Ma comparaison du centre commercial avec le lieu de culte était bien entendu une image. Mais une image qui recouvre une réalité : le grand ennemi des religions, c’est le capitalisme. Marx l’avait déjà noté dans le « manifeste », quand il parle de la manière dont le capitalisme « a noyé l’extase mystique dans les eaux froides du calcul égoïste » (je cite de mémoire).

      [Par ailleurs, comme me le faisait remarquer un de mes élèves musulmans, la fréquentation de la mosquée pour un musulman n’est absolument pas une obligation: le culte se résumant pour l’essentiel à la prière, il peut s’accomplir dans le cadre domestique. Il n’y a pas d’équivalent de la messe chez les musulmans.]

      C’est vrai. Mais les cinq prières quotidiennes sont une obligation. Et pourtant, lorsque vous allez dans n’importe quel centre commercial, vous ne voyez pas beaucoup de gens en train de prier aux heures d’obligation. Ce qui semble suggérer que le pecu a gagné sur la spiritualité.

      [Il me paraît difficile de nier que certains musulmans cherchent à islamiser leur cadre de vie.]

      Sans aucun doute. Mais la question est de savoir si c’est un phénomène durable, ou s’il s’agit d’un combat d’arrière-garde d’une population dont les cadres de référence sont battus en brèche par les transformations économiques auxquelles elle est soumise. Mon hypothèse est que le raidissement autour d’un Islam rigoriste de certaines populations aujourd’hui ressemble drôlement au raidissement des catholiques français dans certaines régions lors de la Révolution française ou de la loi de 1905.

      [Le problème est que leur cadre de vie est aussi le mien… J’accepte, par respect pour mes compatriotes agnostiques ou anticléricaux, que le catholicisme, qui est ma religion et le culte historiquement le plus important de ce pays, s’impose une relative discrétion. Je préfère que les prêtres évitent de porter la soutane dans la rue et que mes coreligionnaires n’affichent pas ostensiblement leur foi. Mais si les musulmans, de leur côté, n’ont pas ce même savoir-vivre, alors là…]

      C’est pourquoi à mon avis la seule politique à même de résoudre le problème est celle de l’assimilation, qui consiste précisément à enseigner – et dans enseigner il y a imposer – « ce même savoir-vivre ».

      [« Ce n’est pas par hasard si la pratique religieuse tombe fortement avec le passage de l’adolescence à l’âge adulte » D’où tenez-vous cette information?]

      D’un commissaire de la DGSI qui travaille sur les phénomènes de radicalisation. Il semblerait que la pratique religieuse rigoriste soit une « mode » qui s’impose à l’adolescence, et qui décroit rapidement avec le passage à l’âge adulte. Sur les fichés « S », l’immense majorité a entre 18 et 30 ans. La pratique diminue ensuite et revient avec la vieillesse, phénomène bien connu dans toutes les religions.

    • Descartes dit :

      @ CVT

      [« Si notre société est incapable d’assimiler, ce n’est pas la faute aux immigrés. » un peu quand même: et que faites-vous de la volonté des immigrés ?]

      Je n’en fais rien, parce que je ne crois pas qu’en dehors de quelques cas exceptionnels il puisse y avoir spontanément chez l’immigré une « volonté de s’assimiler ». L’assimilation, c’est d’une certaine façon une mort suivie d’une renaissance. Et aucun organisme vivant ne veut spontanément mourir…

      C’est pourquoi je suis convaincu que l’assimilation ne peut qu’être imposée. Une imposition qui résulte de la combinaison d’une pression sociale et d’une exigence institutionnelle. Elle peut être plus ou moins dure, plus ou moins formalisée, mais elle doit exprimer une volonté qui ne laisse à l’immigré que le choix de s’y soumettre. A partir de là, certains résisteront plus que d’autres, mais on ne peut pas parler de « volonté d’assimilation ».

      [Si certains refuse de s’assimiler, mais veulent continuer à profiter, pour ne pas dire parasiter, de notre pays, alors pourquoi persistent-ils à rester là où on ne veut pas d’eux?]

      Je ne pense pas qu’il y ait « refus d’assimilation ». La question n’est tout simplement pas posée aujourd’hui. La société française ne leur propose pas l’assimilation, tout juste l’intégration.

      [J’ai l’impression qu’il y a toujours eu une divergence entre nous sur ce sujet : si l’assimilation implique que ceux qui refusent les devoirs inhérents à la vie en France puissent être expulsés, ou à la rigueur discriminés (donc exclus non seulement des droits civiques, mais également de notre système de protection sociale), alors je vous suis!]

      Je pense que nous sommes d’accord alors. Je le répète, pour moi l’assimilation doit être une obligation, pas un choix.

    • @ Descartes,

      “C’est d’ailleurs directement perceptible : j’ai vécu six ans en Angleterre, et pas une seule fois je n’ai eu l’impression que j’aurais pu devenir anglais. Anglais, c’est quelque chose qu’on est on qu’on n’est pas, pas quelque chose qu’on devient.”
      Je vous crois volontiers. En même temps, il y a aujourd’hui de nombreux citoyens britanniques d’origine pakistanaise, indienne, nigériane, jamaïcaine… comme il y a maintenant quelques millions de citoyens allemands d’origine turque. Comment à votre avis le Royaume-Uni et l’Allemagne vont-ils pouvoir conserver leur identité “ethnique” avec un nombre croissant de citoyens qui ne la partagent pas?

      “Car le « projet collectif » anglais ou allemand est beaucoup moins clair que vous semblez le croire.”
      Pardon, mais je n’ai jamais dit que les Anglais avaient un projet collectif “clair”. Je me borne à constater que les Britanniques ont voté pour le Brexit. J’en déduis qu’ils ont une certaine foi dans leur destin collectif. N’êtes-vous pas de cet avis?

      “J’ai du mal me faire comprendre. […] Je peux constater dans mon quartier qu’il y a des chômeurs, mais il est irréaliste de penser que je peux résoudre ce problème sans toucher à des mécanismes qui ne sont pas visibles de mon quartier mais qui ne sont pas moins réels.”
      En effet, je vous avais mal compris. Je suis d’accord avec vous sur un point: le problème de l’immigration est un problème qui a été construit, qui est le résultat d’une volonté politique de laisser se développer des identités communautaires. En même temps, je ne vous cache pas que, si l’immigré n’est pas seul responsable, je le considère tout de même comme complice de cet état de fait. Le musulman qui hurle à l’islamophobie aura du mal à éveiller chez moi la moindre compassion… Le problème est complexe: l’immigré est à la fois victime de l’abandon de l’assimilation, et en même temps il peut trouver son profit dans le développement de la rhétorique antiraciste.

      “mais dans combien de villes ce voile pose un problème.”
      Dans quelle circonstance un voile ne pose-t-il pas problème pour vous? Pour moi, le seul cas où je veux bien être tolérant sur la question concerne les vieilles femmes, arrivées adultes en France et qui conservent des habitudes d’un pays dans lequel elles ont vécu de longues années. Toutes les jeunes femmes – en particulier celles qui sont nées ou ont été élevées en France – qui portent le foulard me posent problème. Elles représentent la majorité de celles que je croise. Et je ne parle pas des converties.

      “Mais lorsque Christine Boutin est élue, personne n’écrit que « les catholiques ont gagné les élections ».”
      Quand Christine Boutin est élue, je me dis que c’est une candidate catholique qui a gagné. On ne peut pas d’ailleurs accuser Mme Boutin de cacher son jeu: elle a toujours assumé sa proximité avec l’Eglise et se veut porte-parole de la France catholique.

      “Pourriez-vous donner quelques exemples pour illustrer ce « commencement » ? Je veux bien qu’on aime se faire peur, mais il y a des limites…”
      Des limites? Non, il n’y a pas de limites: plus c’est gros, plus ça passe 🙂

      Blague à part, j’entendais récemment un reportage qui disait l’étonnement de la Grande Mosquée de Paris après les attentats: le nombre de gens venant réclamer la conversion a augmenté! Et d’après le représentant de la GMP, pas n’importe qui: policier, enseignant, cadre en entreprise… Il y a un mystère que je n’arrive pas à percer: dès qu’un prêtre catholique est accusé de pédophilie, ou que l’Eglise raidit un peu son discours, les croyants partent par plein wagons. Dès que des agités tuent en gueulant “Allah Akbar”, le nombre de convertis à l’islam augmente. Faudra qu’on m’explique…

      “J’ai quand même pris la précaution de dire que ce « primat » ne concerne que les relations internationales… ;-)”
      Exact. C’est la réponse que j’attendais.

      “On ne peut pas reprocher aux gens à qui on a dit qu’ils devaient être fiers de leurs coutumes de vouloir les garder”
      Mais peut-on reprocher à leurs voisins incommodés par lesdites coutumes de leur en tenir rigueur? Cela me paraît difficile. Peut-être que mon voisin voile son épouse à cause des discours détestables d’une certaine gauche, seulement, c’est l’épouse de mon voisin que je croise tous les matins…

      “J’ai été dans des meetings du FN autant que ceux du NPA, je suis allé écouter l’office à la synagogue et à la mosquée – mais aussi à l’église et au temple.”
      Je ne peux qu’admirer votre ouverture d’esprit. Si plus de gens faisaient comme vous, le monde serait sans doute plus agréable à vivre.

      “Vous voulez dire que le besoin de lessive et de pécu est plus fort que celui d’être bien avec Dieu, seigneur et créateur de l’univers ?”
      Pour bien des gens, certainement. Et puis, “Dieu, seigneur et créateur de l’univers”, pas pour tout le monde.

      J’ai adoré votre histoire sur l’Arabe à qui Allah accorde plusieurs voeux. Me permettez-vous de vous raconter une anecdote?

      Mussolini reçoit dans son bureau un homme de foi. Ce dernier – évidemment – parle de Dieu au Duce. Le Duce écoute et, quand son interlocuteur a fini, lui demande: “mais pouvez-vous prouver que Dieu existe? Parce que moi, je peux vous prouver en une minute qu’il n’existe pas.” Mussolini pose sa montre sur le bureau, se lève et dit: “Dieu, si tu existes, tu as une minute pour me foudroyer”. Au bout d’une minute, le Duce se rassoit, reprend sa montre et déclare: “vous voyez bien que Dieu n’existe pas…” J’en déduis que Mussolini se préoccupait davantage d’avoir du pécu que de l’Éternel…

      “vous ne voyez pas beaucoup de gens en train de prier aux heures d’obligation”
      Je vous rappelle que les prières peuvent être regroupées, en fin de journée par exemple. Allah est très miséricordieux, et des accommodements avec le Ciel sont toujours possibles…

      “Mon hypothèse est que le raidissement autour d’un Islam rigoriste de certaines populations aujourd’hui ressemble drôlement au raidissement des catholiques français dans certaines régions lors de la Révolution française ou de la loi de 1905”
      L’avenir le dira. Mais si “les transformations économiques” que vous évoquez se poursuivent dans la même logique, je ne vois pas en quoi cela va changer quelque chose. S’il est de l’intérêt des classes moyennes d’abandonner les couches populaires et de communautariser les immigrés, qu’est-ce qui pourrait bien freiner cette évolution à moyen terme?

      “C’est pourquoi à mon avis la seule politique à même de résoudre le problème est celle de l’assimilation, qui consiste précisément à enseigner – et dans enseigner il y a imposer – « ce même savoir-vivre ».”
      Admettons. Sans vouloir être catastrophiste ou tenir un discours anxiogène, il me semble qu’il vaudrait mieux ne pas attendre un siècle ou deux pour s’y mettre. Et comment fait-on? Je vous le dis amicalement, il ne faut pas trop compter sur l’Education Nationale, qui est aux mains d’enseignants et de représentants de parents tout acquis à la bienpensance des “classes moyennes”. La France ne s’effondre pas encore, parce qu’il y a toujours une forme d’inertie dans l’histoire des sociétés humaines, mais les fondations sont déjà bien entamées… Le problème est que construire – ou reconstruire – des institutions assurant une cohésion à la société demande souvent plus d’effort et de temps que les détruire.

      “D’un commissaire de la DGSI qui travaille sur les phénomènes de radicalisation. […]”
      Je vous remercie de cette précision. Préfets, hauts fonctionnaires des ministères, responsables des services de renseignement, inspecteurs de l’Education Nationale… Allez, avouez, vous avez un bureau à l’Elysée ou à Matignon!

    • Descartes dit :

      @ nationaliste-ethniciste

      [Je vous crois volontiers. En même temps, il y a aujourd’hui de nombreux citoyens britanniques d’origine pakistanaise, indienne, nigériane, jamaïcaine… comme il y a maintenant quelques millions de citoyens allemands d’origine turque. Comment à votre avis le Royaume-Uni et l’Allemagne vont-ils pouvoir conserver leur identité “ethnique” avec un nombre croissant de citoyens qui ne la partagent pas?]

      Pour les Anglais, cela ne pose aucun problème, parce qu’il s’agit d’identité communautaire et non pas politique. Les communautés anglaises installées à l’étranger (en Inde, en Afrique du Sud, en Amérique Latine) ont conservé une forte identité alors même qu’elles étaient ultra-minoritaires. Vous noterez d’ailleurs que si la Grande Bretagne a des citoyens d’origine pakistanaise, indienne, nigériane ou jamaïcaine, ces gens-là se considèrent comme « britanniques », mais certainement pas comme « anglais ».

      Je connais beaucoup moins l’Allemagne, mais je pense que c’est similaire. Un turque naturalisé peut devenir « allemand ». Mais peut-on devenir bavarois, par exemple ? J’ai mes doutes…

      [Pardon, mais je n’ai jamais dit que les Anglais avaient un projet collectif “clair”. Je me borne à constater que les Britanniques ont voté pour le Brexit. J’en déduis qu’ils ont une certaine foi dans leur destin collectif. N’êtes-vous pas de cet avis?]

      Non. Les Anglais ont voté très majoritairement pour le Brexit, mais les Ecossais ont voté massivement contre. Il est difficile dans ces conditions de parler d’une « foi dans un destin collectif » au niveau de la Grande Bretagne. La France à une identité nationale unitaire qui est d’abord politique. Ce n’est pas le cas de la Grande Bretagne, composée de plusieurs « nations » dont chacune a sa propre identité et dont les « projets collectif » sont très différents.

      [Le problème est complexe: l’immigré est à la fois victime de l’abandon de l’assimilation, et en même temps il peut trouver son profit dans le développement de la rhétorique antiraciste.]

      Je partage votre diagnostic. Mais la conclusion qui s’impose alors est que pour mettre en œuvre une vrai politique il faut sortir des catégories morales pour se concentrer sur les faits. L’immigration non assimilée pose un problème, et cela indépendamment du fait de savoir s’il faut plaindre l’immigré ou le détester.

      [« mais dans combien de villes ce voile pose un problème. » Dans quelle circonstance un voile ne pose-t-il pas problème pour vous?]

      Je pense qu’il y a une différence objective entre la vieille femme venue en France à 35 ans et qui porte le voile naturellement parce qu’elle l’a toujours porté au pays et qu’elle a été élevée comme ça sans qu’il y ait dans son geste la moindre revendication, et la jeune adolescente née en France qui porte le voile pour marquer sa son appartenance communautaire dans un geste de rejet de la République. Ce qui pose problème dans le voile n’est pas le carré de toile en lui-même, mais ce qu’il représente en tant que symbole. Et cette représentation est d’abord dans la tête de celle qui le porte.

      [Pour moi, le seul cas où je veux bien être tolérant sur la question concerne les vieilles femmes, arrivées adultes en France et qui conservent des habitudes d’un pays dans lequel elles ont vécu de longues années.]

      Vous voyez, nous arrivons spontanément à accepter une même situation, c’est-à-dire celle où le voile est porté par habitude, sans qu’il ait une signification particulière. Ce n’est donc pas le voile en lui-même qui pose problème, c’est son utilisation en tant que symbole pour marquer une séparation communautaire.

      [« Mais lorsque Christine Boutin est élue, personne n’écrit que « les catholiques ont gagné les élections ». » Quand Christine Boutin est élue, je me dis que c’est une candidate catholique qui a gagné.]

      Vous admettrez qu’entre « une candidate catholique a gagné l’élection » et « les catholiques ont gagné l’élection », il y a une nuance qui est loin d’être subtile…

      [On ne peut pas d’ailleurs accuser Mme Boutin de cacher son jeu: elle a toujours assumé sa proximité avec l’Eglise et se veut porte-parole de la France catholique.]

      On peut reprocher beaucoup de choses à Christine Boutin, mais certainement pas, je vous l’accorde, de cacher son jeu. En ce sens, elle est cohérente avec ses idées et mérite le respect, d’autant plus que c’est plutôt rare…

      [Blague à part, j’entendais récemment un reportage qui disait l’étonnement de la Grande Mosquée de Paris après les attentats: le nombre de gens venant réclamer la conversion a augmenté! Et d’après le représentant de la GMP, pas n’importe qui: policier, enseignant, cadre en entreprise… Il y a un mystère que je n’arrive pas à percer: dès qu’un prêtre catholique est accusé de pédophilie, ou que l’Eglise raidit un peu son discours, les croyants partent par plein wagons. Dès que des agités tuent en gueulant “Allah Akbar”, le nombre de convertis à l’islam augmente. Faudra qu’on m’explique…]

      Je ne suis pas un sociologue des religions, mais je vais tenter une explication à partir de ce que j’ai pu lire sur la question. L’être humain a besoin de sens, parce que c’est la seule manière de nous consoler de notre propre mortalité. C’est pourquoi l’homme a inventé la tragédie. Mais la tragédie est morte : le capitalisme moderne ne propose qu’un « monde sans âme », pour utiliser la formule de Marx. Nos sociétés « capitalistes avancées » peuvent nous offrir un haut niveau de vie, des supermarchés pleins, des voyages, des ordinateurs… mais elles ne nous offrent pas une réponse transcendante qui nous réconcilie avec l’idée qu’un jour tout s’arrêtera pour nous.

      L’Islam, dans sa version intégriste, offre cet « absolu » que les jeunes – et pas seulement ceux de tradition familiale musulmane – recherchent. Il permet de sortir de son petit quotidien gris, et d’accéder à une dimension tragique, alors que toutes les autres « causes » y ont renoncé. On ne meurt plus pour la foi – même symboliquement – dans l’église catholique, pas plus qu’on ne meurt pour la révolution au PCF. L’église catholique tout comme l’église communiste se sont converties à la religion de la consommation : c’est à l’église de s’adapter aux fidèles, et pas l’inverse. L’Islam, dans sa version rigoriste, attire les jeunes parce qu’elle offre un cadre tragique, ce que les autres refusent aujourd’hui de faire.

      [« On ne peut pas reprocher aux gens à qui on a dit qu’ils devaient être fiers de leurs coutumes de vouloir les garder » Mais peut-on reprocher à leurs voisins incommodés par lesdites coutumes de leur en tenir rigueur?]

      Non. Tout au plus, on pourrait leur reprocher de ne pas avoir gueulé suffisamment lorsqu’on a démantelé les institutions qui imposaient l’assimilation…

      [J’ai adoré votre histoire sur l’Arabe à qui Allah accorde plusieurs voeux.]

      J’avoue m’être fait plaisir en réécrivant une simple blague dans le style de Borges (je pense que vous connaissez la nouvelle sur le trésor sous la fontaine, dans l’Aleph).

      [L’avenir le dira. Mais si “les transformations économiques” que vous évoquez se poursuivent dans la même logique, je ne vois pas en quoi cela va changer quelque chose. S’il est de l’intérêt des classes moyennes d’abandonner les couches populaires et de communautariser les immigrés, qu’est-ce qui pourrait bien freiner cette évolution à moyen terme?]

      Le coût. La fragmentation de la société a un coût économique, et à un moment donné ce coût risque de devenir prohibitif même pour les « classes moyennes ». Le conflit qu’on voit poindre à l’intérieur de LREM sur le projet de loi sur l’asile et l’immigration sera de ce point de vue intéressant à regarder.

      [Et comment fait-on? Je vous le dis amicalement, il ne faut pas trop compter sur l’Education Nationale, qui est aux mains d’enseignants et de représentants de parents tout acquis à la bienpensance des “classes moyennes”.]

      Là encore, c’est une question de coût. Le coût de la communautarisation pour les enseignants devient de plus en plus lourd. Et on voit déjà certains effets : l’irénisme des années 1970-80, quand les enseignants exigeaient la fin des grilles autour des lycées et fremissaient d’horreur à l’idée d’informer la police a laissé place à une attitude nettement plus réaliste. Laissez-leur quelques années de plus, et on verra des professeurs prendre leurs élèves en otage, comme dans « la journée de la jupe ».

      [La France ne s’effondre pas encore, parce qu’il y a toujours une forme d’inertie dans l’histoire des sociétés humaines, mais les fondations sont déjà bien entamées… Le problème est que construire – ou reconstruire – des institutions assurant une cohésion à la société demande souvent plus d’effort et de temps que les détruire.]

      Bien sur. Il faudra une génération. Croyez bien que je ne me fais guère d’illusions…

      [Je vous remercie de cette précision. Préfets, hauts fonctionnaires des ministères, responsables des services de renseignement, inspecteurs de l’Education Nationale… Allez, avouez, vous avez un bureau à l’Elysée ou à Matignon!]

      J’aimerais bien ! Malheureusement, je dois me contenter de quartiers plus modestes. Mais j’ai eu une vie agitée, j’ai occupé des fonctions très variées qui m’ont amené à fréquenter beaucoup de gens différents – et souvent très bien placés. Et comme j’adore discuter…

    • Bannette dit :

      En Amérique Latine, j’ai été étonnée de voir qu’il y a des communautés non négligeables de Levantins (origines libanaise, syrienne, etc) qui sont parfaitement assimilées, et pourtant il y a beaucoup d’états faibles. A ma connaissance, je n’ai jamais entendu dire que l’ancien président argentin Carlos Menem se déclarait “fier d’être d’origine syrienne” (de toute façon, s’il l’avait fait, il n’aurait jamais été élu) et pleins d’autres personnalités du monde des affaires, du show-biz, etc, alors que chez nous on a encouragé à orgueilleusement afficher son exotisme, surtout s’il est non-occidental (il n’y a qu’à voir ces noirs-américains qui se convertissent par exemple à l’islam, alors que c’est ce qu’a produit la culture occidentale qui les a affranchis, et c’est un républicain bon teint qui a mis fin à l’esclavage). Ces pays latino-américains ne se gênent pas pour imposer un patriotisme très fort dès le plus jeune âge, et ils n’ont pas de Molenbeek ou de Lunel !
      En fait ils font ce qu’on faisait encore jusqu’à Mitterrand, les assimilés prennent des prénoms latinos, voire changent leur nom de famille, ou se convertissent au catholicisme latino-américain comme la famille de Menem (même nous, notre pression sociale au XXème siècle n’allait pas jusqu’à la conversion !).

    • Descartes dit :

      @ Bannette

      [En Amérique Latine, j’ai été étonnée de voir qu’il y a des communautés non négligeables de Levantins (origines libanaise, syrienne, etc) qui sont parfaitement assimilées, et pourtant il y a beaucoup d’états faibles.]

      Des états politiquement faibles, mais dans des sociétés qui exercent une très forte pression assimilatrice. Il faut noter d’ailleurs que les « levantins » en Amérique Latine ne sont pas tous musulmans. Il y a parmi eux aussi des chrétiens maronites et de très nombreux juifs.

      [A ma connaissance, je n’ai jamais entendu dire que l’ancien président argentin Carlos Menem se déclarait “fier d’être d’origine syrienne” (de toute façon, s’il l’avait fait, il n’aurait jamais été élu) et pleins d’autres personnalités du monde des affaires, du show-biz, etc, alors que chez nous on a encouragé à orgueilleusement afficher son exotisme, surtout s’il est non-occidental]

      Menem avait d’ailleurs reçu un prénom (Carlos) qui est typiquement espagnol. Il s’est converti au catholicisme, non par conviction, mais parce que c’était une condition posée par la Constitution argentine à l’époque pour être président, ce qui me semble pousser l’assimilation aux limites du raisonnable.

      [(il n’y a qu’à voir ces noirs-américains qui se convertissent par exemple à l’islam, alors que c’est ce qu’a produit la culture occidentale qui les a affranchis, et c’est un républicain bon teint qui a mis fin à l’esclavage).]

      Je crois qu’on ne répétera jamais assez cette vérité : il y a beaucoup de civilisation qui ont pratiqué l’esclavage, mais il n’y a qu’une seule qui l’ait aboli.

    • BJ dit :

      @ Descartes

      [Je crois qu’on ne répétera jamais assez cette vérité : il y a beaucoup de civilisation qui ont pratiqué l’esclavage, mais il n’y a qu’une seule qui l’ait aboli.]

      A ce propos, j’ai lu assez souvent que la fin de l’esclavage serait moins dû à une prise de conscience de l’abjection de la chose, que à l’avènement du machinisme (autrement dit de l’énergie abondante et ridiculement peu chère).
      En gros, une machine n’a pas besoin d’être nourrie, ne pense pas à se sauver pour échapper à sa condition et n’est jamais malade. Bref, elle coute moins cher qu’un esclave.
      Qu’en pensez-vous ?

      Il en est d’ailleurs sorti une unité de mesure, l’« esclave énergétique », qui compare la consommation d’énergie (pétrole ou autre) avec celle qu’un adulte en bonne santé peut produire.
      https://fr.wikipedia.org/wiki/Esclave_%C3%A9nerg%C3%A9tique
      Voici aussi une conférence d’Etienne Klein sur le sujet (20è minute)

    • Descartes dit :

      @ BJ

      [A ce propos, j’ai lu assez souvent que la fin de l’esclavage serait moins dû à une prise de conscience de l’abjection de la chose, que à l’avènement du machinisme (autrement dit de l’énergie abondante et ridiculement peu chère).]

      C’est exactement la position des marxistes : les modes de production évoluent sous l’effet des conditions économiques et des technologies disponibles, et c’est cette évolution qui détermine l’idéologie dominante. En Europe occidentale, le mode de production fondé sur l’esclavage qui avait fait la prospérité du monde antique avait déjà disparu au début du moyen-âge, pour être remplacé par un mode de production fondé sur le servage qui était déjà nettement plus efficient. Une forme modernisée de esclavage a survécu comme mode de production dominant uniquement dans les colonies américaines aussi longtemps que la production demandait une main d’œuvre peu qualifiée et peu motivée, produisant une denrée destinée exclusivement à l’exportation. Avec les débuts de l’industrialisation – qui impliquaient l’apparition d’une main d’œuvre plus qualifiée et surtout en situation d’acheter les produits fabriqués par l’industrie, ce mode de production est devenu obsolète.

      C’est ce qui explique en partie que la civilisation occidentale ait été la seule qui ait effectivement aboli l’esclavage : c’est la seule qui ait poussé le développement technique jusqu’au capitalisme machiniste, et donc qui se soit trouvé en état d’abolir définitivement l’esclavage. L’abolition est donc autant le résultat des avances scientifiques et techniques que de la bonne volonté des militants anti-esclavagistes.

      [En gros, une machine n’a pas besoin d’être nourrie, ne pense pas à se sauver pour échapper à sa condition et n’est jamais malade. Bref, elle coute moins cher qu’un esclave. Qu’en pensez-vous ?]

      Je pense que c’est trop schématique. Après tout, la machine a besoin d’être construite, réparée et servie par des hommes. Pourquoi avoir pris des prolétaires salariés plutôt que des esclaves ?

      Ce n’est pas la machine qui a remplacé l’esclave, c’est la machine plus le prolétaire. Et si on est passé de l’esclavage au servage, puis du servage au salariat, c’est parce que l’ouvrier salarié est beaucoup plus productif, dans un contexte machiniste, que le serf ou l’esclave. Le salariat permet d’utiliser la force de travail d’une manière beaucoup plus efficiente que le servage ou l’esclavage.

    • BolchoKek dit :

      @ Bannette et Descartes

      >c’est un républicain bon teint qui a mis fin à l’esclavage< Il faut se rappeler que le Parti Républicain est à l’époque le parti “de gauche” ; lors de l’élection de Lincoln, c’est un parti relativement jeune, qui a des positions “nordistes” radicales : barrières douanières pour les produits manufacturés, encouragement de l’industrie, renforcement de l’Etat fédéral, et surtout abolitionnisme absolu. Dans les décennies précédentes, la politique fédérale avait été dominée par le Parti Démocrate, qui connaissait de nombreuses tendances internes. En débauchant un grand nombre de démocrates abolitionnistes, de whigs de gauche (le parti Whig, déjà moribond, n’y survivra pas), ainsi que le Free Soil Party et le Liberty Party, les Républicains se trouvaient dominants dans le nord ; le Parti Démocrate devint de fait très largement le parti du sud et de l’esclavagisme. Le fait que le premier président noir sorte de ses rangs est une délicieuse ironie de l’histoire…
      Quant à “bon teint”, ce n’était certainement pas la réputation de Lincoln, qui était surtout considéré comme un parvenu : il était issu d’une famille de “frontiersmen”, et lui-même était né dans une cabane de rondins d’une seule pièce. Lorsqu’il est élu, il est tout sauf consensuel : les Etats confédérés firent sécession avant même son inauguration…

      >Des états politiquement faibles, mais dans des sociétés qui exercent une très forte pression assimilatrice.< On pourrait aussi citer Alberto Fujimori, Pedro Pablo Kuczynski au Pérou… Les nations sud-américaines ont beaucoup de problèmes, mais l’assimilation n’en est pas un. L’assimilation marche tellement bien qu’ils arrivent à transformer des japonais en incorrigibles crapules ! >C’est exactement la position des marxistes : les modes de production évoluent sous l’effet des conditions économiques et des technologies disponibles, et c’est cette évolution qui détermine l’idéologie dominante. < Il faut dire que Marx s’est beaucoup intéressé à la guerre de Sécession, et pour cause, il en était contemporain, et les évènements lui donnaient raison presque schématiquement ! Un nord “capitaliste” et un sud “aristocratique”… L’analyse marxiste aide aussi à expliquer ce sur quoi beaucoup d’historiens ont du mal : pourquoi tant de fermiers blancs pauvres du sud, qui n’avaient pour la plupart pas d’esclaves (les esclaves étaient largement utilisés dans des grandes plantations de “cash crops”, un peu comme les “villa” romaines) ont été volontaires pour défendre la confédération, ont organisé des mouvements de guérilla, alors qu’eux n’avaient rien à perdre dans l’abolition de l’esclavage. C’est que la superstructure économique constituée par le système esclavagiste sous-tendait en fait toute la société du sud… Un modèle qui permettait au petit propriétaire d’avoir sa ferme et de vivre de l’agriculture de quasi-subsistance à petite échelle, alors que les plantations permettaient d’amener sur le marché des biens manufacturés importés. Avec le capitalisme nordiste, ce système n’était plus viable…

    • Descartes dit :

      @ BolchoKek

      [On pourrait aussi citer Alberto Fujimori, Pedro Pablo Kuczynski au Pérou… Les nations sud-américaines ont beaucoup de problèmes, mais l’assimilation n’en est pas un.]

      Oui, mais il ne faut pas oublier qu’en Amérique l’assimilation ne se pose pas dans les mêmes termes que dans un pays comme la France. En Argentine comme aux Etats-Unis ou au Brésil, la culture dominante a été façonnée par des populations venues d’ailleurs, par l’immigrant. Ce n’est que très récemment que les populations autochtones revendiquent une place, et cela seulement là où elles représentent une masse importante : Perou, Bolivie, Paraguay. Ailleurs, l’assimilation se pose donc en termes d’acceptation par les nouveaux immigrés de la culture développée par les immigrés arrivés deux ou trois générations plus tôt. Une culture qui est donc bien plus syncrétique que celle d’un pays européen…

  51. marc.malesherbes dit :

    @ Trublion 06/04/2018 00:10
    vous écrivez
    “Ma femme m’a racontée la discussion qu’elle a eu avec un chauffeur UBER qui l’accompagnait à son travail.
    Le chauffeur espérait que le gouvernement tienne parce que le statut des cheminots est injuste, lui quand il est malade il ne gagne pas d’argent, etc.
    La première réflexion que je me suis faite est que nous sommes dans un pays de jaloux aigris. “

    oui et non. On peut en tirer cette conclusion (modérée par les commentaires de Descartes 09/04/2018 12:57) mais ce n’est qu’un aspect du problème.
    Nous avons dans notre pays la passion de “l’égalité” et cette passion poussée dans ses extrêmes considère que tout le monde doit être “pareil”.
    Un bel exemple est l’égalité “homme-femme”. On doit les traiter “également” alors qu’ils sont manifestement différents (voir, revoir le sketch hilarant des Monthy Python sur le sujet).

    Beaucoup qui condamnent ce chauffeur de taxi (ou idem), sont en général d’une condition sociale “surplombante” (vous-même ?). Mais le même sera en général d’accord que les revenus de Ghosn, de Bolloré … c’est vraiment trop.
    Et pourtant “ce n’est pas parce qu’on supprime le statut de ((Ghosn, Bolloré)) que les choses iront mieux, que cela changera quoi que ce soit à ((votre)) vie”. Ainsi on a réduit une partie du salaire de Ghosn de 30% et cela n’a pas changé quoique ce soit à votre vie (et la mienne).
    Et comme vous le dites “((chacun est)) en droit de chercher ((à remplacer, dépasser Ghosn, Bolloré))”.

    Au-delà ce cette petite pique, le statut des futurs cheminot est un vrai problème dans le cadre européen. En ouvrant à la concurrence, ce statut (y compris les coûts de retraite) entraîne un surcoût pour la SNCF par rapport à la concurrence qui va s’ouvrir progressivement.
    Tant qu’on reste dans l’Europe, le choix est donc de voir rayer progressivement de la carte la SNCF ou de remettre en cause pour les nouveaux embauchés le statut actuel.

    Moralité: compte tenu du principe de réalité (il est peu probable à moyen terme de nous voir quitter l’Europe), il vaut quand même mieux préserver la SNCF, et accepter que les nouveaux entrants soient embauchés au statut commun des salariés.

    • Descartes dit :

      @ marc.malesherbes

      [Nous avons dans notre pays la passion de “l’égalité” et cette passion poussée dans ses extrêmes considère que tout le monde doit être “pareil”.]

      Je peux vous assurer que si le chauffeur d’UBER de l’exemple gagnait un milliard au Loto, sa passion pour « l’égalité » s’évaporerait instantanément, et qu’il trouverait très supportable l’idée que certains aient beaucoup plus que d’autres, que tout le monde ne soit pas pareil. Non, il y a dans notre pays – et dans tous les pays, en fait – une certaine tendance à s’insurger contre les inégalités lorsqu’on regarde vers le haut, et pas lorsqu’on regarde vers le bas. Pas très « égalitaire » comme attitude…

      [Beaucoup qui condamnent ce chauffeur de taxi (ou idem), sont en général d’une condition sociale “surplombante” (vous-même ?). Mais le même sera en général d’accord que les revenus de Ghosn, de Bolloré … c’est vraiment trop.]

      Mais pas Pogba, curieusement. Cela m’a toujours interpellé : pourquoi trouve-t-on détestable qu’un grand dirigeant d’industrie gagne plusieurs milliers de smics, mais on trouve cela normal quand il s’agit d’un footballeur ? En quoi le fait de courir derrière une vessie gonflée pour la faire passer dans un rectangle en bois serait plus méritoire que de conduire au succès une entreprise industrielle ?

      [Moralité: compte tenu du principe de réalité (il est peu probable à moyen terme de nous voir quitter l’Europe), il vaut quand même mieux préserver la SNCF, et accepter que les nouveaux entrants soient embauchés au statut commun des salariés.]

      Mais quel est l’intérêt de « préserver la SNCF » si le prix à payer est de voir la SNCF se comporter comme une entreprise privée ? Car il ne faut pas se raconter des histoires : l’argument que vous utilisez vaut de la même manière pour le statut, pour la fermeture des petites lignes, pour l’abandon des obligations de service public. A chaque fois on pourra dire « pour préserver la SNCF » dans un marché compétitif, il faut lui donner les moyens de la compétition, c’est-à-dire, supprimer tout ce qui constitue sa spécificité par rapport à une entreprise privée. Et dans ces conditions, quel est l’intérêt ?

    • BJ dit :

      @ Marcailloux

      [Si le « plaisir d’apprendre » est un plaisir sophistiqué, la mesure croissante de notre ignorance est une souffrance corrosive.]

      Je ne pense pas, simplement parce qu’on ne souffre pas de ce qu’on ignore.
      J’ai relu dernièrement 1984 d’Orwell et j’y ai retrouvé ce paragraphe terrible et fascinant.
      Syme (qui rédige le dictionnaire du Novlangue et dont le travail est de détruire des mots à chaque édition) dit à Wintston (le héros du roman) :
      « Ne voyez-vous pas que le véritable but du novlangue est de restreindre les limites de la pensée ? À la fin, nous rendrons littéralement impossible le crime par la pensée car il n’y aura plus de mots pour l’exprimer. »
      Et d’ajouter :
      « Vous est-il jamais arrivé de penser, Winston, qu’en l’année 2050, au plus tard, il n’y aura pas un seul être humain vivant capable de comprendre une conversation comme celle que nous tenons maintenant ? »

      On y va tout droit, non ?

      [Comment concilier cet antagonisme ?]

      Peut-être en considérant que ça n’est pas un antagonisme.

    • Descartes dit :

      @ BJ

      [Je ne pense pas, simplement parce qu’on ne souffre pas de ce qu’on ignore.]

      Je trouve cette remarque fascinante. En effet, on ne souffre pas de ce qu’on ignore, et certaines sociétés vivent sans souffrance apparente alors que le niveau culture moyen est bien plus bas que chez nous.

      Seulement voilà, nous vivons dans un pays qui n’ignore pas ce que c’est d’avoir un système éducatif de qualité, une télévision qui soit autre chose qu’un dépotoir, une politique culturelle qui portait l’art y compris dans les cités. Notre souffrance – cette « identité malheureuse » dont parle Finkielkraut – vient justement de ce que nous avons suffisamment de mémoire pour ne pas ignorer qu’il y a un autre possible. Peut-être dans quelques générations les Français seront des « imbéciles heureux » – c’est à quoi nous invitent nos élites politico-médiatiques – à qui la Princesse de Clèves ne manquera pas parce qu’ils en ignoreront même l’existence. Mais pour le moment, ce n’est pas le cas.

      [J’ai relu dernièrement 1984 d’Orwell et j’y ai retrouvé ce paragraphe terrible et fascinant.
      Syme (qui rédige le dictionnaire du Novlangue et dont le travail est de détruire des mots à chaque édition) dit à Wintston (le héros du roman) :
      « Ne voyez-vous pas que le véritable but du novlangue est de restreindre les limites de la pensée ? À la fin, nous rendrons littéralement impossible le crime par la pensée car il n’y aura plus de mots pour l’exprimer. »
      Et d’ajouter :
      « Vous est-il jamais arrivé de penser, Winston, qu’en l’année 2050, au plus tard, il n’y aura pas un seul être humain vivant capable de comprendre une conversation comme celle que nous tenons maintenant ? »

      On y va tout droit, non ?]

      Tout à fait. C’est drôle de penser que « 1984 » a été présenté pendant des décennies comme un ouvrage se référant au totalitarisme soviétique, alors qu’en fait c’est une réflexion sur l’évolution de notre propre société. Plus le temps passe, et plus ce livre apparaît prophétique.

    • Marcailloux dit :

      @ BJ,

      Bonjour,

      [« Si le « plaisir d’apprendre » est un plaisir sophistiqué, la mesure croissante de notre ignorance est une souffrance corrosive. »
      Je ne pense pas, simplement parce qu’on ne souffre pas de ce qu’on ignore.]

      Les deux assertions doivent rester liées. Je m’explique : plus le plaisir d’apprendre est fort, plus la recherche d’information, les lectures, les échanges, les analyses deviennent intenses et c’est alors, au fil des explorations que l’on mesure à quel point notre ignorance est immense, notre capacité de comprendre le réel est faible.
      Si je ressens cette souffrance, au cours de ce constat, comme corrosive, c’est que l’effort pour accéder à la « connaissance » est vain et que plus on exerce cet effort, plus on en mesure la vanité.
      De l’enfant qui est convaincu qu’il sait tout au vieillard qui constate qu’il ne sait rien, le cheminement individuel peut paraître absurde d’un point de vue hédoniste.
      Il faut donc chercher ailleurs ce qui nous motive à poursuivre dans cette contradiction.
      J’ajoute à cela que le simple fait d’« intectualiser » un échange, de le teinter d’une approche épistémologique, a souvent pour conséquence de nous couper tant soit peu, voire souvent de notre environnement.

    • morel dit :

      @ Marc Malesherbes

      Si vous voulez bien me le permettre :
      « Au-delà ce cette petite pique, le statut des futurs cheminot est un vrai problème dans le cadre européen. En ouvrant à la concurrence, ce statut (y compris les coûts de retraite) entraîne un surcoût pour la SNCF par rapport à la concurrence qui va s’ouvrir progressivement. »
      Je vous conseille de quantifier le coût de la loi de « compensation démographique » voulue sous Giscard d’Estaing à l’égard des millions de paysans retraités dont les actifs ne pouvaient assumer la charge et sa répercussion sur tous les régimes salariés et ce, pour deux raisons : ils n’ont jamais cotisé à hauteur des besoins et la profession a connu une drastique concentration. Pourtant, bien qu’encore effective aujourd’hui, on entend pas les pleureuses…
      Par ailleurs, la disparition des services publics tels que nous l’entendons est à l’ordre du jour depuis le début de cette « Europe ». Lisez le traité de Rome de 57, vous serez édifié…

    • Descartes dit :

      @ Marcailloux

      [Je m’explique : plus le plaisir d’apprendre est fort, plus la recherche d’information, les lectures, les échanges, les analyses deviennent intenses et c’est alors, au fil des explorations que l’on mesure à quel point notre ignorance est immense, notre capacité de comprendre le réel est faible.]

      Je ne partage pas ce pessimisme, que je trouve destructeur. Oui, destructeur. Parce que le discours qui consiste à expliquer aux jeunes que quelque soient leurs efforts pour devenir savants il ne comprendront toujours rien au réel ne risque pas de les encourager dans la voie de la connaissance.

      Notre ignorance est peut-être immense, mais elle est beaucoup moins immense qu’elle ne l’était il y a cinq siècles, par exemple. Certes, il y a beaucoup de choses que nous ne comprenons pas, mais il y a aussi beaucoup de choses que nous comprenons très bien, et d’autres que nous comprenons de mieux en mieux. Autrement, comment expliquer que nous arrivions à prédire le cours des astres avec une précision remarquable, à construire des trains qui vont chaque fois plus vite, à faire disparaître des maladies qui étaient des fléaux il n’y a pas si longtemps ?

      Si la modestie est une grande qualité, la fausse modestie est un très vilain défaut. Je préfère infiniment l’injonction de Newton à voir plus loin en se juchant sur les épaules d’un géant que celle de Socrate à admettre que « nous ne savons rien ».

      [Si je ressens cette souffrance, au cours de ce constat, comme corrosive, c’est que l’effort pour accéder à la « connaissance » est vain et que plus on exerce cet effort, plus on en mesure la vanité.]

      L’effort d’accéder à la connaissance n’est « vain » que pour celui qui n’admet que des solutions de tout ou rien, et pour qui l’impossibilité de « tout » savoir équivaut à ne « rien » savoir. Moi, je regarde autour de moi, et je ne vois pas du tout que cet effort d’accéder à la connaissance soit « vain ». Quand je vois ma mère, 80 ans passés, conserver la vue grâce à une opération de cataracte qui n’a pris qu’une demie heure, et que j’entends le chirurgien lui annoncer en passant qu’il avait profité de l’opération pour corriger aussi sa myopie comme si c’était quelque chose de banale, je me dis que l’effort pour accéder à la connaissance n’est pas si « vain » que ça.

      [De l’enfant qui est convaincu qu’il sait tout au vieillard qui constate qu’il ne sait rien, le cheminement individuel peut paraître absurde d’un point de vue hédoniste.]

      Pitié, arrêtons les lieux communs… montrez moi ce vieillard qui « constate qu’il ne sait rien », et je vous montrerai un imbécile. Mon expérience m’a montré que si les enfants sont convaincus de presque tout savoir, ça ne s’arrange guère avec l’âge.

      [Il faut donc chercher ailleurs ce qui nous motive à poursuivre dans cette contradiction.]

      Je ne vois pas la contradiction. Quand j’étais jeune, je savais peu de chose. Maintenant, je sais bien plus. J’ai tiré de cet apprentissage un plaisir infini, et je compte encore en tirer jusqu’au jour ou je quitterai cette terre. Que je quitterai certainement en sachant à peine une petite fraction de ce qu’il y a à savoir. Oui, je ne saurai jamais tout. Et alors ? Quel est le problème ?

      Encore une fois, votre « contradiction » n’apparait que si vous pensez que ne pouvoir tout savoir équivaut à ne rien savoir. Mais ce n’est pas vrai.

      [J’ajoute à cela que le simple fait d’« intectualiser » un échange, de le teinter d’une approche épistémologique, a souvent pour conséquence de nous couper tant soit peu, voire souvent de notre environnement.]

      Je ne vois pas très bien de quel « environnement » vous parlez. Pourriez-vous préciser votre pensée ?

    • Descartes dit :

      @ morel

      [Par ailleurs, la disparition des services publics tels que nous l’entendons est à l’ordre du jour depuis le début de cette « Europe ». Lisez le traité de Rome de 57, vous serez édifié…]

      Sans aller jusqu’à Rome 57, il n’est pas inutile de revenir au gouvernement Jospin, et aux directives qui constituent le “premier paquet ferroviaire” de la Commission européenne, signés par la France en 2001… Il n’est pas inutile de rappeler qu’à l’époque siégeaient au gouvernement les socialistes, les communistes, les verts… et que Mélenchon était ministre. Personne, à ma connaissance, n’a démissionné.

  52. Olivier dit :

    bonjour Descartes (puis-je vous appeler René?)
    le bouton “répondre”ne fonctionne pas, je vous écris donc par ce biais. Tout d’abord, merci pour votre réponse, c’était au sujet de la question de l’école.
    Je pense tout comme vous que l’école républicaine, non seulement en France mais dans son principe même (je pense bien entendu à Condorcet), est fondé sur le projet humaniste, sur l’idéal humaniste qu’est la culture des capacités de l’individu, en dehors d’une simple adaptation à une demande sociale immédiate : c’est ce que vous dites, il me semble, au sujet de l’apprentissage des mathématiques, et que l’on peut étendre aux “humanités”, aux langues( je dis en principe vu que je constate, dans mon métier, que l’enseignement de la littérature anglaise, espagnole etc en cours de langues dans le cadre du secondaire, et de plus en plus dans le supérieur m’a-t-on affirmé mais c ‘est à vérifier, tient une place qui se réduit à peau de chagrin) et à toutes les disciplines enseignées à l’école. L’Ecole c’est la scholè, le loisir d’apprendre. Nous y avons l’opportunité d’y apprendre, et éventuellement de prendre plaisir à apprendre ce qui ne relève pas d’une utilité immédiate et à court terme, et par ce biais de réellement cultiver l’esprit et le corps.
    Mais je m’interrogeais plus précisément sur les conditions pratiques et matérielles (si j’ose dire…)de la mise en oeuvre de cet idéal, ou plus exactement sur la coïncidence entre ce que nous produisons( et qui requiert certaines capacités chez les travailleurs) et ce que propose l’Ecole; n’y a-t-il pas un lien entre une politique industrielle ambitieuse et une Ecole tout aussi ambitieuse? Un lien qui permet de penser l'”incarnation” ou la réalisation de l’idéal humaniste de culture ? La non-politique industrielle (abandon progressif du nucléaire, Airbus, Alstom) qui ravage notre pays a-t-elle un rapport, selon vous, avec ce que devient notre Ecole?
    Enfin, une idée me vient mais je ne sais pas ce qu’elle vaut; je la soumets donc à votre jugement : vous dites, et je suis bien d’accord avec vous, que l’ignorance a un coût social et que c’est aussi ce qui fonde l’exigence politique d’une Ecole humaniste ; j’ai comme l’impression que ces trois aspects (l’Ecole, la civilité, le travail-en tant qu’il relève du métier )sont indissociables les uns des autres : une société qui, en vertu de certains choix politiques, garantit de moins en moins la possibilité d’exercer, pour un grand nombre, des métiers dans l’exercice desquels j’ose dire que nous nous grandissons ou nous nous construisons une certaine estime de nous-mêmes, et qui donc réduit l’Ecole à la portion congrue, ce type de société ne s’eloigne-t-il pas du modèle humaniste?
    Bref je me demande quel type de relation on peut établir entre l’humanisme en tant qu’idéal, en tant qu’Idée, et l’ordre matériel de la production.
    Encore merci pour votre blog
    Olivier

    • Descartes dit :

      @ Olivier

      [bonjour Descartes (puis-je vous appeler René?)]

      Si vous voulez… et vous pouvez me tutoyer !

      [L’Ecole c’est la scholè, le loisir d’apprendre. Nous y avons l’opportunité d’y apprendre, et éventuellement de prendre plaisir à apprendre ce qui ne relève pas d’une utilité immédiate et à court terme, et par ce biais de réellement cultiver l’esprit et le corps.]

      Vous avez une vision irénique que je ne partage pas. Le « plaisir d’apprendre » est un plaisir sophistiqué. Il ne s’offre pas à l’étudiant immédiatement. Il faut être déjà assez savant pour que ce plaisir se manifeste, et ce savoir doit être accumulé par un effort qui ne trouve pas de récompense immédiate. Pour moi, c’est là tout le problème de l’éducation. Ce que le maître dit – et à travers lui l’institution – c’est « effort aujourd’hui, plaisir demain ». Et pour que l’étudiant accepte ce contrat, il faut qu’il ait confiance dans le fait que l’institution ne cherche pas à le berner, ne lui fait pas une fausse promesse.

      Mais mon point n’était pas celui-là. Si la société paye un système d’éducation gratuit et obligatoire, ce n’est pas simplement pour que les gens prennent plaisir. C’est parce que ce système a une utilité. Mon point est que cette utilité n’est pas seulement économique, mais qu’elle est sociale. L’éducation non seulement rend la société plus productive, elle la rend plus civilisée…

      [n’y a-t-il pas un lien entre une politique industrielle ambitieuse et une Ecole tout aussi ambitieuse? Un lien qui permet de penser l'”incarnation” ou la réalisation de l’idéal humaniste de culture ? La non-politique industrielle (abandon progressif du nucléaire, Airbus, Alstom) qui ravage notre pays a-t-elle un rapport, selon vous, avec ce que devient notre Ecole?]

      Bien sûr qu’il y a un rapport. Non pas directement entre la politique industrielle et l’école, mais entre chacune des politiques et l’état de la société. Une société qui a une ambition collective développe son industrie, son école, mais aussi sa culture, ses infrastructures, ses services publics. Une société de repli sur les individus est au contraire incapable d’articuler des politiques quel que soit le domaine. Et c’est ce qui arrive en Europe depuis trente ans : il n’y a plus de politiques publiques. On confie à un mécanisme aveugle, celui du marché, le soin de tout réguler.

      [Enfin, une idée me vient mais je ne sais pas ce qu’elle vaut; je la soumets donc à votre jugement : vous dites, et je suis bien d’accord avec vous, que l’ignorance a un coût social et que c’est aussi ce qui fonde l’exigence politique d’une Ecole humaniste ; j’ai comme l’impression que ces trois aspects (l’Ecole, la civilité, le travail-en tant qu’il relève du métier) sont indissociables les uns des autres :]

      Tout à fait. Les trois convergent dans ce que j’appelle plus haut un projet collectif.

    • Marcailloux dit :

      @ Descartes,

      Bonjour,

      [ Le « plaisir d’apprendre » est un plaisir sophistiqué. Il ne s’offre pas à l’étudiant immédiatement. Il faut être déjà assez savant pour que ce plaisir se manifeste, et ce savoir doit être accumulé par un effort qui ne trouve pas de récompense immédiate. Pour moi, c’est là tout le problème de l’éducation. Ce que le maître dit – et à travers lui l’institution – c’est « effort aujourd’hui, plaisir demain ». Et pour que l’étudiant accepte ce contrat, il faut qu’il ait confiance dans le fait que l’institution ne cherche pas à le berner, ne lui fait pas une fausse promesse.
      Mais mon point n’était pas celui-là. Si la société paye un système d’éducation gratuit et obligatoire, ce n’est pas simplement pour que les gens prennent plaisir. C’est parce que ce système a une utilité. Mon point est que cette utilité n’est pas seulement économique, mais qu’elle est sociale. L’éducation non seulement rend la société plus productive, elle la rend plus civilisée…]

      Je trouve ces paroles très fortes et pertinentes. Si ce n’était trop vous demander, un billet futur serait le bienvenu car j’ai le sentiment que vous avez des choses extrêmement intéressantes à exprimer sur ces sujets. La question de l’éducation au sens large, des enfants comme des adultes hors le système scolaire, me paraît primordial.
      Si le « plaisir d’apprendre » est un plaisir sophistiqué, la mesure croissante de notre ignorance est une souffrance corrosive.
      Comment concilier cet antagonisme ?

    • Descartes dit :

      @ Marcailloux

      [La question de l’éducation au sens large, des enfants comme des adultes hors le système scolaire, me paraît primordial.]

      Tout à fait d’accord. Mais je ne suis pas un expert de la question, et tout ce que je pourrais dire n’est qu’une opinion personnelle.

      [Si le « plaisir d’apprendre » est un plaisir sophistiqué, la mesure croissante de notre ignorance est une souffrance corrosive.
      Comment concilier cet antagonisme ?]

      C’est une question très intéressante. Je pense que nous vivons aujourd’hui dans un culte du “naturel”, du “vrai”, du “ressenti”. On vous loue tel acteur qui n’a jamais été formé – ou déformé plutôt, si l’on suit ce discours – par un passage au Conservatoire et qui joue “avec ses tripes”, on nous abreuve de films “basés sur uns histoire vraie”. Or, ce culte est destructeur de la culture. Car il n’y a pas de culture sans artifice, sans invention. La civilisation consiste précisément à dépasser son “ressenti”, à mettre au pas nos instincts “naturels”, à raconter des histoires qui ne sont pas “vraies”.

      Imaginons deux pays: dans l’un, on exige pour se rendre aux séances du Parlement une tenue stricte, dans l’autre on permet à chacun de venir comme il veut, pourquoi pas en jogging. Dans le premier le professeur vient enseigner en costume et vouvoie ses élèves, dans l’autre il vient en jean et les tutoie. A votre avis, lequel des deux pays est le plus “civilisé” ?

      Dans une société qui porte au pinacle le “naturel” et qui invite chacun à être “vrai” et à suivre son “ressenti”, il n’y a pas de place pour les “plaisir sophistiqués”. Parce que la sophistication nécessite une longue discipline, qui n’a rien de “naturel”.

    • CVT dit :

      @Descartes,
      [Dans une société qui porte au pinacle le “naturel” et qui invite chacun à être “vrai” et à suivre son “ressenti”, il n’y a pas de place pour les “plaisir sophistiqués”. Parce que la sophistication nécessite une longue discipline, qui n’a rien de “naturel”.]

      Donc, d’une façon plus générale, nous revenons encore à la transmission des connaissances! Mais le spontanéisme est-il une forme édulcorée de l’obscurantisme?

    • Descartes dit :

      @ CVT

      [Mais le spontanéisme est-il une forme édulcorée de l’obscurantisme?]

      « L’obscurantisme » classique repose sur l’idée que le savoir au sens cartésien du terme est dangereux pour l’équilibre social, parce qu’il peut remettre en cause les dogmes sur lesquels la société est construite. Si l’Eglise a combattu l’héliocentrisme, c’est parce qu’elle voyait dans le géocentrisme une métaphore de la société. Pour aller vite, Rome était le centre de la chrétienté de la même manière que la terre était le centre de l’univers.

      Le spontanéisme n’avoue pas sa vocation obscurantiste, mais il aboutit au même résultat : refuser aux couches populaires l’accès à la connaissance, et la réserver aux couches dominantes – qui se gardent bien d’appliquer le « spontanéisme » dans l’éducation de leurs propres enfants…

  53. marc.malesherbes dit :

    @ Descartes 11/04/2018 19:48
    vous écrivez :
    “Mais quel est l’intérêt de « préserver la SNCF » si le prix à payer est de voir la SNCF se comporter comme une entreprise privée ? “

    C’est une question difficile. Un bon gauchiste, un “insoumis” vous dirait que tous les patrons c’est pareil, français ou étrangers.

    Pourtant, pour les salariés de la SNCF, si celle-ci ne se maintient pas, cela impliquera des licenciements qui ne leur seront guère agréables. De plus en restant dans l’entreprise, ils garderont toujours certains acquis dus à leur ancienneté (par exemple le statut de cheminot), plutôt que de se retrouver en grande majorité au chômage.

    Au niveau national, on peut espérer que les capitaux resteront à majorité français, et que cela évitera d’aggraver notre déficit de capitaux par les dividendes générés en France et rapatriés de l’étranger. Notre déficit permanent vis-à-vis de l’étranger (notre manque de compétitivité) est un frein important à l’amélioration de nos conditions sociales.

    Dans le grand monopoly mondial, quel sens cela a–il d’avoir des entreprises à base nationale ? D’un point de vue théorique aucun. Mais dans la pratique, la très grande majorité des entreprises, même les plus mondialisées, ont une base nationale qui donne des avantages à leur pays d’origine. Il est aussi certain que le poids du gouvernement sur ces entreprises est plus important. Par exemple Renault a encore gardé l’essentiel de son centre de développement automobile en France. Si demain c’est Nissan qui prend le dessus, on peut être sûr que ce centre sera réduit en peau de chagrin.

    nb: en poussant le raisonnement à l’extrême, on voit bien que si toutes nos entreprises étaient à capitaux, étrangers, des filiales, notre spirale de déclin s’accélérerait, car elles n’auraient guère d’intérêt à faire des recherches, des innovations en France sauf cas particuliers d’opportunité “fiscale” (ex: le crédit impôt recherche). Mais ce serait encore nous (nos impôts) qui les subventionneront. On voit bien ce phénomène dans les pays qui n’ont pu se créer pour des raisons historiques des bases de production (biens et services) nationales, par exemple, parmi tant d’autres, le Vénezuela … Nous n’en sommes pas encore là, heureusement. Tous les pays qui se “développent” le font en se créant progressivement une base de production nationale.

    Prenons l’exemple des constructeurs automobiles Japonais. C’est le plus souvent chez eux qu’ils testent leurs nouvelles technologies, puis les exportent (ex: Toyota et les véhicules hybrides).

    • Descartes dit :

      @ marc.malesherbes

      [« Mais quel est l’intérêt de « préserver la SNCF » si le prix à payer est de voir la SNCF se comporter comme une entreprise privée ? » C’est une question difficile. Un bon gauchiste, un “insoumis” vous dirait que tous les patrons c’est pareil, français ou étrangers.]

      Tout bon marxiste vous le dira, le problème n’est pas dans la moralité ou le caractère du patron, mais dans le système lui-même. Le patron ne baisse pas les salaires parce qu’il est méchant, il les baisse parce que placé en concurrence avec d’autres patrons il est forcé de couper les coûts pour que l’entreprise reste en vie. C’est le paradoxe du marché, que beaucoup d’antilibéraux ont du mal à comprendre : dans un marché pur et parfait, le prix tend vers le coût de production, ce qui veut dire que le profit tend vers zéro. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle les capitalistes délaissent les secteurs ou les marchés sont proches du marché pur et parfait, et préfèrent investir dans les domaines ou les marchés sont très imparfaits. Ce sont les imperfections du marché qui permettent les profits les plus importants.

      [Pourtant, pour les salariés de la SNCF, si celle-ci ne se maintient pas, cela impliquera des licenciements qui ne leur seront guère agréables. De plus en restant dans l’entreprise, ils garderont toujours certains acquis dus à leur ancienneté (par exemple le statut de cheminot), plutôt que de se retrouver en grande majorité au chômage.]

      C’est un argument syndical tout à fait recevable, mais du point de vue de l’intérêt général, il est inopérant. Or, les politiques publiques doivent être conduites en fonction de l’intérêt général, et non de telle ou telle catégorie.

      [Notre déficit permanent vis-à-vis de l’étranger (notre manque de compétitivité) est un frein important à l’amélioration de nos conditions sociales.]

      Vous voulez dire que si l’on divisait les salaires par deux – ce qui augmenterait considérablement notre compétitivité – nous serions en meilleure situation pour « améliorer nos conditions sociales » ?

      [Dans le grand monopoly mondial, quel sens cela a–il d’avoir des entreprises à base nationale ? D’un point de vue théorique aucun. Mais dans la pratique, la très grande majorité des entreprises, même les plus mondialisées, ont une base nationale qui donne des avantages à leur pays d’origine. Il est aussi certain que le poids du gouvernement sur ces entreprises est plus important. Par exemple Renault a encore gardé l’essentiel de son centre de développement automobile en France. Si demain c’est Nissan qui prend le dessus, on peut être sûr que ce centre sera réduit en peau de chagrin.]

      Les entreprises gardent encore une base nationale parce que, malgré les rêves fous des néolibéraux, on est loin dans ce bas monde d’avoir des marchés globalisés « purs et parfaits ». Dans certains secteurs – l’armement, les équipements lourds – il est tout simplement impossible pour une entreprise de vendre sans l’appui d’un appareil d’Etat. Il faut être très naïf pour imaginer qu’à l’heure d’acheter un avion militaire, une centrale nucléaire, une flotte d’avions ou un TGV on se contente de choisir la meilleure offre après un appel d’offres neutre. Dans beaucoup d’autres domaines, l’Etat est maître de la réglementation et peut donc imposer des contraintes qui bénéficient ou pénalisent un fournisseur donné sur son marché intérieur. C’est pourquoi les groupes ont intérêt à garder une base nationale, qui donne à l’Etat concerné un certain intérêt à les défendre.

      Mais la question ici n’est pas celle de la base nationale, mais d’avoir une société nationale. Quel est l’intérêt de garder la SNCF dans le giron de l’Etat si on lui demande de fonctionner comme une entreprise privée ?

  54. luc dit :

    Nous vivons effectivement des changements majeurs,en France,non seulement,une Daeshisation massive,consécutive de l’immense incrustation musulmane,mais aussi(c’est lié de part le rôle abject de l’Arabie Saoudite) un retour de la guerre froide la plus bête,à l’instar des grandes provocations politiques,que furent l’affaire Dreyfus ou l’incendie du Reichstag,non?
    J’ajoute ,pour être un spectateur de RT,en continu,sur le net,que cette histoire d’attaque chimique à DOUMA,est une provocation Daeshiste tellement grossière qu’il ne faudra attendre que quelques jours pour que ça soit évident:comme Timisoara,les couveuses au Koweit,les armes de destructions massives en Irak,le bombardement de Belgrade,la destruction de la Lybie,

    • Descartes dit :

      @ luc

      [Nous vivons effectivement des changements majeurs en France, non seulement une Daeshisation massive consécutive de l’immense incrustation musulmane,]

      J’ai remarqué que vous répétez ce genre d’affirmations anxiogènes comme un disque rayé sans tenir le moindre compte des arguments qu’on vous oppose. Vous savez, à la longue, ça devient lassant et ce qui est plus grave, ça ne contribue pas vraiment à faire avancer le schmilblick.

      [mais aussi (c’est lié de par le rôle abject de l’Arabie Saoudite) un retour de la guerre froide la plus bête, à l’instar des grandes provocations politiques que furent l’affaire Dreyfus ou l’incendie du Reichstag, non?]

      Non, pas vraiment. Et si vous croyez que l’affaire Dreyfus était une « provocation politique » (de qui ? avec quel but ?), je vous conseille de lire un bon livre sur la question.

      [J’ajoute, pour être un spectateur de RT en continu sur le net, que cette histoire d’attaque chimique à DOUMA est une provocation Daeshiste tellement grossière qu’il ne faudra attendre que quelques jours pour que ça soit évident: comme Timisoara, les couveuses au Koweit, les armes de destructions massives en Irak, le bombardement de Belgrade, la destruction de la Lybie.]

      Ou pas. Je vous invite à un sain scepticisme sur ce genre de questions.

  55. olivier dit :

    Bonjour René,
    merci pour votre réponse. Il me semble cependant que nous sommes tout à fait d’accord sur la question du plaisir dans sa relation à l’instruction ; mais je n’ai pas été suffisamment précis : le plaisir dont je parle, et qui est lié à la scholè, n’est pas un plaisir passif, pas le plaisir du bonbon qui fond dans la bouche. C’est un plaisir qui accompagne, à travers l’effort, une forme d’accroissement de soi, une conscience du développement de nos capacités et c’est un plaisir du difficile, et un plaisir qui s’apprend : prendre plaisir à résoudre des problèmes épineux en maths, à pénétrer la profondeur d’un grand texte qui au début peut nous rebuter et exige de nous de ne pas nous en tenir au plaisir immédiat car ds un premier temps nous sommes décontenancés, accoutumés que nous pouvons être à un plaisir qui n’exige pas d’effort de notre part. Je pense tout simplement au plaisir pris dans la maîtrise croissante d’un instrument de musique : il y a ce moment tjrs où nous devons accepter d’entrer dans la difficulté et cela est la condition d’un type de plaisir qui ne nous tombe pas dessus comme les cailles dans l’assiette. Il me semble que dans son principe l’Ecole nous rend disponible à ce plaisir d’accroissement de soi. Spinoza, votre cadet, parlait à ce propos d’une joie active, comme passage d’une perfection moindre à une perfection plus grande. Ce n’est pas un plaisir ludique mais un plaisir que l’on ne peut connaître que si l’on nous dispose, institutionnellement, à renoncer à un plaisir immédiat et superficiel. Et j’ai bien peur que l’institution scolaire a renoncé à cela ; et à cet égard d’ailleurs, les élèves, dans leur grande majorité, ne sont pas dupes : ils ont bien le sentiment, diffus, que l’institution-qui se réduit à grande vitesse à une coquille vide- se moque d’eux ; je me rappelle, c’était il y a qqs années, au moment des épreuves du bac en série techniques. Les élèves sortent d’une épreuve de langue vivante au bout d’une heure, alors qu’ils disposent de deux heures ; l’un d’eux, rigolard (et très malin) m’aborde dans la cour : “Mais Monsieur, le bac, ils veulent nous le donner, c’est une plaisanterie…”. Il me semble même que cette éthique du plaisir difficile ne survit qu’en dehors de l’Ecole, dans les écoles de musique, les clubs de sport etc. On ne passe pas de la ceinture orange à la ceinture verte sous la pression des parents d’élèves… Par contre, de plus en plus d’élèves passent d’une classe à une autre sans même maîtriser les fondamentaux des options lourdes. Et ils en ont conscience, ce qui à la fois les arrange(momentanément) et les trouble : il y a une gigantesque entourloupe.

    Ce que j’appelle une éthique du plaisir dont l’Ecole fait le deuil, une éthique qui n’oppose pas abstraitement l’effort et le plaisir, ce dépérissement de l’éthique du plaisir me semble tout à fait en phase avec un type d’économie(mais là je rejoins les propos précédents)qui peut se passer de qualifications élevées pour le plus grand nombre (cf état de déliquescence de notre industrieetc…)et les destine à des jobs requérant une formation minimale.
    Et du point de vue de la civilité, une communauté d’individus qui travaillent et qui excellent dans leurs métiers est plus forte, plus stimulante en quelque sorte.
    Merci

    • Descartes dit :

      @ olivier

      [C’est un plaisir qui accompagne, à travers l’effort, une forme d’accroissement de soi, une conscience du développement de nos capacités et c’est un plaisir du difficile, et un plaisir qui s’apprend : prendre plaisir à résoudre des problèmes épineux en maths, à pénétrer la profondeur d’un grand texte qui au début peut nous rebuter et exige de nous de ne pas nous en tenir au plaisir immédiat car dans un premier temps nous sommes décontenancés, accoutumés que nous pouvons être à un plaisir qui n’exige pas d’effort de notre part.]

      Le problème pour moi est celui de l’investissement initial. On demande à l’étudiant de faire un investissement initial important en termes d’effort, en lui promettant une satisfaction qui ne viendra que plus tard. Pour que cela marche, il faut que l’étudiant ait confiance dans le maître, c’est-à-dire, dans l’institution.

      Et cela marche : je m’amuse souvent à regarder de ma fenêtre les adolescents qui s’entrainent dans le parvis sur leurs planches à roulettes, répétant dix, cent, mille fois le même exercice jusqu’à arriver à faire un saut particulièrement complexe – et prenant d’ailleurs pas mal de gnons dans le processus. Il y a là aussi un investissement important, pour un plaisir qui ne vient que lorsqu’on domine la chose. Mais il faut dire qu’il y a un discours social propagé par la publicité des grandes marques d’équipement sportif qui soutien cet effort. A côté, nous avons des imbéciles qui à longueur de « chat-shows » pour qui « être nul en maths » est une sorte de titre d’honneur…

      [Ce n’est pas un plaisir ludique mais un plaisir que l’on ne peut connaître que si l’on nous dispose, institutionnellement, à renoncer à un plaisir immédiat et superficiel. Et j’ai bien peur que l’institution scolaire a renoncé à cela ;]

      Tout à fait d’accord. La survalorisation de l’immédiat sur le long terme touche tous les domaines, y compris l’école. Il faut que ça rapporte, et vite. Que ce soit en termes d’argent, de plaisir, de statut social. L’examen des choix des bacheliers est d’ailleurs très éclairant : les disciplines qui nécessitent un très fort investissement – les sciences dures en particulier – sont délaissées, alors que ce sont celles qui à long terme offrent les meilleures possibilités de développement professionnel.

      [et à cet égard d’ailleurs, les élèves, dans leur grande majorité, ne sont pas dupes : ils ont bien le sentiment, diffus, que l’institution-qui se réduit à grande vitesse à une coquille vide- se moque d’eux ; je me rappelle, c’était il y a qqs années, au moment des épreuves du bac en série techniques. Les élèves sortent d’une épreuve de langue vivante au bout d’une heure, alors qu’ils disposent de deux heures ; l’un d’eux, rigolard (et très malin) m’aborde dans la cour : “Mais Monsieur, le bac, ils veulent nous le donner, c’est une plaisanterie…”.]

      Les jeunes peuvent être immatures, mais ils ne sont pas idiots. Il y a chez nous un côté animal qui fuit l’effort, mais il y a aussi un côté rationnel qui comprend parfaitement ce que c’est qu’une discipline. J’ai eu beaucoup de professeurs dans ma vie d’étudiant. Ceux qui étaient exigeants, durs, rigoureux étaient craints, on les traitait de tous les noms dans les couloirs, mais on les respectait et ce sont ceux-là qu’on remercie bien des années plus tard, dans la dédicace d’un livre ou dans une réunion d’anciens élèves. Ceux qui donnaient l’examen à tout le monde… on les méprise et on les oublie.

      C’est Brighelli je crois qui cite dans son bouquin « la fabrique du crétin » la formule de Rostand « c’est bien plus beau quand c’est difficile ». Malheureusement, trop de professeurs – encouragés par leur hiérarchie – tombent dans la solution démagogique de la facilité.

      [Il me semble même que cette éthique du plaisir difficile ne survit qu’en dehors de l’Ecole, dans les écoles de musique, les clubs de sport etc. On ne passe pas de la ceinture orange à la ceinture verte sous la pression des parents d’élèves…]

      Ne croyez pas ça. Dans les lycées de prestige, dans les classes préparatoires, dans les Grandes écoles cette étique du plaisir difficile survit. Nous avons aujourd’hui deux écoles : l’école des pauvres et l’école des « classes moyennes », c’est tout.

    • BolchoKek dit :

      >C’est Brighelli je crois qui cite dans son bouquin « la fabrique du crétin » la formule de Rostand « c’est bien plus beau quand c’est difficile ». Malheureusement, trop de professeurs – encouragés par leur hiérarchie – tombent dans la solution démagogique de la facilité.< Je pense que ça a aussi à voir avec la dégradation du prestige du métier d’enseignant. Un professeur était jadis quelqu’un d’éduqué, qui avait un certain standing social. Mais de tous mes profs de lycée il y a une dizaine d’années, la plupart étaient des femmes mariées à des cadres du privé qui apportaient la plupart des fonds du foyer. Quelques décennies avant, elles auraient été secrétaires, ou auraient cessé de travailler… Quand une partie importante du corps professoral choisit ce métier par défaut et sans fournir de grand effort, il n’est guère surprenant que peu soient prêts à défendre l’institution…

    • Descartes dit :

      @ BolchoKek

      [Je pense que ça a aussi à voir avec la dégradation du prestige du métier d’enseignant. Un professeur était jadis quelqu’un d’éduqué, qui avait un certain standing social. (…) Quand une partie importante du corps professoral choisit ce métier par défaut et sans fournir de grand effort, il n’est guère surprenant que peu soient prêts à défendre l’institution…]

      Je suis d’accord avec toi. Le métier d’enseignant, qui était naguère un sacerdoce, est devenu un métier alimentaire comme un autre, auquel on postule pour avoir la sécurité de l’emploi et les vacances plus que par vocation. Mais là encore il suffisait de lire le « manifeste » : « La bourgeoisie a dépouillé de leur auréole toutes les activités qui passaient jusque-là pour vénérables et qu’on considérait avec un saint respect. Le médecin, le juriste, le prêtre, le poète, le savant, elle en a fait des salariés à ses gages ».

  56. olivier dit :

    Re-bonjour René D.
    je me permets d’ajouter une chose, en rapport avec votre réponse. Ce plaisir du difficile lié à une formation de soi n’est en effet pas abstrait ; il a une utilité sociale profonde :une société dont la majorité des membres a accès a une forme d’excellence (intellectuelle, manuelle, technique) me semble plus solide et désirable qu’une société qui prétend s’en passer.

    • Descartes dit :

      @ olivier

      [je me permets d’ajouter une chose, en rapport avec votre réponse. Ce plaisir du difficile lié à une formation de soi n’est en effet pas abstrait ; il a une utilité sociale profonde :une société dont la majorité des membres a accès a une forme d’excellence (intellectuelle, manuelle, technique) me semble plus solide et désirable qu’une société qui prétend s’en passer.]

      C’était bien mon propos.

    • morel dit :

      @ Descartes, Olivier

      Merci messieurs pour cet échange vivifiant dans ce monde de l’immédiat, du court terme, du « retour instantané sur investissement » ?
      Pas pour moi un cliché mais une réalité aidé en cela par ceux qui connaissent ou maîtrisent et avec beaucoup de travail pour tenter d’approcher ce qui semble être le plus proche de la réalité.

  57. Simon dit :

    Cher Descartes,

    Merci pour votre article et pour les réponses que vous apportez aux commentateurs et contradicteurs (avec transportrail, vous êtes le seul dont je lise les échanges),

    Récemment, nous recevions en formation un journaliste très connu, qui justifiait l’indépendance de la presse et la liberté du journaliste en montrant l’absence de pression des actionnaires sur les rédactions. A la question sur le politiquement correct, il a commencé par répondre que cela ne voulait rien dire, et sur l’exemple de la place des femmes, il a ajouté qu’il n’allait pas justifier les inégalités entre les hommes et les femmes. J’ai pensé à votre billet à ce moment là, par analogie.

    Entre les logiques techniciennes et politique, est-ce qu’une voie de réconciliation serait de définir politiquement les objectifs (vaut-il mieux renforcer l’armée ou les hôpitaux?) et de laisser aux techniciens le soin de les atteindre, ou de présenter les meilleures manières de les atteindre. J’ai l’impression qu’aujourd’hui soit le politique se mêle trop de la manière d’atteindre l’objectif (dire qu’il faut émettre moins de carbone… et donc qu’il faut des éoliennes, cela m’étonne toujours), soit on choisit de ne pas choisir en renforçant la paperasse et la bureaucratie (notamment pour les questions d’opportunité de projets d’infrastructure);

    Bien cordialement,

    Simon

    • Descartes dit :

      @ Simon

      [Merci pour votre article et pour les réponses que vous apportez aux commentateurs et contradicteurs (avec transportrail, vous êtes le seul dont je lise les échanges),]

      Je suis honoré d’être mis dans le même paquet que transportrail, un site connu pour son sérieux – et nettement plus professionnel que le mien !

      [Récemment, nous recevions en formation un journaliste très connu, qui justifiait l’indépendance de la presse et la liberté du journaliste en montrant l’absence de pression des actionnaires sur les rédactions.]

      Cette vision de l’indépendance me fait irrésistiblement penser aux shows de télé-réalité. Les personnes qui participent à ces émissions sont parfaitement libres, et pourtant font ce que les producteurs de l’émission souhaitent. Et sans exercer la moindre pression. Tout le secret est dans le « casting ». Vous n’avez pas besoin d’exercer des pressions pour avoir le comportement souhaité, il suffit de choisir les gens qui auront ce comportement naturellement…

      Avec les journalistes, c’est pareil. Il suffit de bien les choisir. Les actionnaires du « Monde » ou de « Libération » n’ont pas besoin d’exercer une grande pression pour que ces journaux se fassent les chantres de l’Europe, de la libéralisation bref, des intérêts des « classes moyennes ». Il suffit de bien recruter, et le tour est joué.

      [Entre les logiques techniciennes et politique, est-ce qu’une voie de réconciliation serait de définir politiquement les objectifs (vaut-il mieux renforcer l’armée ou les hôpitaux?) et de laisser aux techniciens le soin de les atteindre, ou de présenter les meilleures manières de les atteindre.]

      Il y a une dialectique. Pour faire un choix éclairé entre les différents objectifs, il faut avoir une idée du coût et des difficultés ainsi que des avantages associés à chacun d’entre eux. Or, sur la plupart des sujets seuls les techniciens ont ces données. On ne peut donc pas séparer totalement la prise de décision politique et la prise de décision technique.

      Ce qu’il faut, c’est un dialogue organisé entre les deux sphères. Il faut des « académies », c’est-à-dire, des institutions dont le but est d’organiser la pluralité des recherches et le débat ouvert entre techniciens. Et de l’autre côté, il faut que le politique accepte l’idée qu’il est limité, et qu’il a besoin des « académies » pour le conseiller.

      Ce qui suppose d’en finir avec la logique « complotiste » qui règne aujourd’hui au Parlement et dans les équipes ministérielles, et qui consiste à imaginer un « complot des techniciens » dont on ne pourrait s’affranchir qu’en faisant appel à une expertise immanente, celle de la « société civile ». Il est comique de voir une honorable raporteure d’une commission d’enquête parlementaire reprocher aux experts convoqués de « sortir des mêmes écoles ». Et oui, les ingénieurs sortent des écoles d’ingénieur, tout comme les médecins sortent des facultés de médecine. Et les gens qui font construire les ponts par des gens qui ne sortent pas de ces écoles et se font soigner par des gens qui ne sortent pas de ces facultés prennent des risques !

      [J’ai l’impression qu’aujourd’hui soit le politique se mêle trop de la manière d’atteindre l’objectif (dire qu’il faut émettre moins de carbone… et donc qu’il faut des éoliennes, cela m’étonne toujours), soit on choisit de ne pas choisir en renforçant la paperasse et la bureaucratie (notamment pour les questions d’opportunité de projets d’infrastructure);]

      Je ne pense pas comme vous. Le problème n’est pas tant que le politique se mêle de la manière d’atteindre l’objectif. Ce serait plutôt que le politique ne s’intéresse guère au fait que l’objectif soit ou non atteint : tout est dans l’annonce. Et c’est particulièrement vrai pour les projets d’infrastructure qui, du fait de leur temps de latence, ne seront que rarement achevés par celui qui les aura initié.

      On le voit bien avec la réforme de la SNCF. C’est l’exemple type de la reforme sans objectif. Avez-vous entendu un objectif précis, quantifié, en termes de service rendu, de résultats financiers ? Non. L’important, c’est de montrer qu’on reforme. On annonce la suppression du statut pour les nouveaux embauchés, on ne nous dit pas quel est l’objectif qu’on espère atteindre avec cette mesure.

      Hollande a été l’un des rares politiciens à annoncer un objectif clair et mesurable : l’inversion de la courbe du chômage. Il l’a beaucoup regretté.

    • BJ dit :

      @ Descartes

      [une honorable raporteurE]

      Non, pas vous, Descartes, vous n’allez pas céder aux injonctions de la novlangue !

    • Descartes dit :

      @ BJ

      [Non, pas vous, Descartes, vous n’allez pas céder aux injonctions de la novlangue !]

      Je crains que vous n’ayez pas tout à fait saisi l’ironie de mon propos… 😉

  58. Roman dit :

    Bonjour Descartes,

    Que pensez-vous de la nouvelle vague venu des pays de l’Est (Hongrie, Pologne) qui bénéficie des avantages de l’union tout en se revendiquant nationaliste et en voulant garder la maîtrise de leur frontière pour ne pas avoir à accueillir de migrants ?

    • Descartes dit :

      @ Roman

      [Que pensez-vous de la nouvelle vague venu des pays de l’Est (Hongrie, Pologne) qui bénéficie des avantages de l’union tout en se revendiquant nationaliste et en voulant garder la maîtrise de leur frontière pour ne pas avoir à accueillir de migrants ?]

      Je pense qu’ils ont tout compris. Au lieu de se voiler les yeux avec une vision mystique de la construction européenne, ils la jugent avec un œil réaliste pour ce qu’elle est. Et à partir de là ils se fixent une perspective pragmatique: soutirer autant que possible à l’UE tout en réduisant au minimum sont interférence dans leurs affaires. Et ils ne sont pas les seuls: les Allemands, les Néerlandais, les Danois, les Finlandais et bien d’autres font de même. Il n’y aura bientôt guère que nous pour continuer à répéter bêtement “l’Europe est notre avenir” et à jouer les bons soldats…

  59. marc.malesherbes dit :

    @ Descartes 14/04/2018 11:59
    j’écrivais :
    [Notre déficit permanent vis-à-vis de l’étranger (notre manque de compétitivité) est un frein important à l’amélioration de nos conditions sociales.]
    vous répondiez :
    “Vous voulez dire que si l’on divisait les salaires par deux – ce qui augmenterait considérablement notre compétitivité – nous serions en meilleure situation pour « améliorer nos conditions sociales » ?”

    Augmenter notre compétitivité vis-à-vis de l’extérieur dépend en partie du niveau de salaire des entreprises exportatrices, mais pas seulement. La meilleure preuve en est l’Allemagne, la Suisse, le Japon etc … Ainsi il est certain que la compétitivité globale dépend de multiples paramètres (les infrastructure, l’éducation, la place faite aux nouvelles entreprises, la culture de l’innovation, les rentes de situation, la qualité de l’administration, la politique produit des entreprises etc …).
    La difficulté pour un pays est que tous ces paramètres sont difficiles à améliorer compte tenu de la culture globale d’un pays. Un petit exemple: lorsque je travaillais, le retard en réunion ( 15mn et plus) était courant, et même le “privilège” du chef. Celui-ci se serait cru “rabaissé” d’arriver à l’heure. Et, à la même époque, en Allemagne, il y avait longtemps que les réunions de travail commençaient à l’heure; même chose pour les heures de fin: il était quasi de règle de déborder de beaucoup les heures annoncées. Il est facile de voir la perte d’efficacité qui en résultait (1).

    En conclusion, Macron va peut-être nous inciter à améliorer nos manières de faire, et donc notre “compétitivité globale”. Sinon il ne reste que la baisse des salaires, ou plutôt des revenus globaux distribués (c’est d’ailleurs ce que font depuis plusieurs années tous les gouvernements en baissant les salaires “indirects”.

    nb: j’ai beaucoup de mal à trouver sur internet des statistiques sur notre flux d’endettement global “net” vis à vis de l’étranger. Je n’ai pas trouvé de source globale satisfaisante.
    Tout ce que j’ai trouvé est dans
    https://fr.wikipedia.org/wiki/Dette_publique_de_la_France
    “En 2006, la dette extérieure brute représentait 2 918 milliards d’euros, soit 162 % du PIB national la dette extérieure nette (c’est-à-dire en comptant les créances détenues par la France sur l’étranger) étant proche de zéro”
    “en 2016, selon la Banque de France, la position extérieure était négative de 351 milliards d’euros, les administrations publiques contribuant à hauteur de – 1 165 milliards d’€ “
    Si ces deux sources sont cohérentes, cela veut dire que le déficit moyen annuel est de 35 Miard d’euros, soit environ 1,6% du PIB par an.

    Il semble même que l’information soit considérée comme confidentielle !
    “La loi française ne permet pas en effet à l’Agence France Trésor (AFT) d’identifier précisément les détenteurs des bons du Trésor”
    https://fr.wikipedia.org/wiki/Dette_publique_de_la_France

    (1) la doxa de l’époque disait que grâce à ces débordement nous prenions de “meilleures” décisions que les allemands, qui étaient “bêtes et disciplinés”. Et pourtant, il suffisait de voir la compétitivité de leurs entreprises.

    • Descartes dit :

      @ marc.malesherbes

      [Augmenter notre compétitivité vis-à-vis de l’extérieur dépend en partie du niveau de salaire des entreprises exportatrices, mais pas seulement. La meilleure preuve en est l’Allemagne, la Suisse, le Japon etc …]

      Je ne vois pas en quoi consiste la « preuve ». La Suisse est surtout compétitive grâce à son statut de neutralité et de paradis fiscal. Et même ainsi on ne voit guère des chemisettes ou des ordinateurs « made in Suitzerland » envahir nos supermarchés. Quant au Japon, il est plongé depuis près de vingt ans dans une crise dont il n’arrive pas à sortir, sa « compétitivité » n’est guère évidente, et le niveau salarial n’est pas particulièrement haut. Quant à l’Allemagne, on nous raconte partout que les baisses de salaires réels permises par les réformes structurelles de Schroëder – et qui ont vu se multiplier les « travailleurs pauvres » – joue un rôle important dans la prospérité germanique.

      Oui, vous avez raison, la compétitivité ne dépend pas « seulement » des niveaux de salaire. Mais elle en dépend en grande partie. Et la raison est facile à comprendre : le coût du capital – qu’il soit fixe ou variable – est le même partout, puisque les capitaux sont très mobiles et les couts de transport relativement faibles. Il n’y a qu’un seul facteur dont le coût est très différent d’un point à l’autre du globe, c’est le travail…

      Qu’est ce qui fait que les chemisettes chinoises ou les jeans tunisiens sont « plus compétitifs » que les mêmes produits faits en France ? Ce ne sont pas les machines (on peut avoir les mêmes ici ou en Chine), ce ne sont pas les matières premières (qu’on peut transporter d’un bout à l’autre du globe à un coût minime). Alors quoi, si ce n’est le coût du travail ?

      Oui, il y a un petit facteur de compétitivité qui est lié aux infrastructures, à la solidité des institutions, à la qualité de l’environnement, de la formation, etc. C’est heureux, parce que sans ça nous serions économiquement morts. Mais ces facteur ne pèse pas très lourd face au cout du travail…

      [En conclusion, Macron va peut-être nous inciter à améliorer nos manières de faire, et donc notre “compétitivité globale”.]

      J’en doute. Macron n’a aucune expérience d’activité productive. Il ne me semble pas mieux qualifié que n’importe quel autre politicien aujourd’hui pour « améliorer nos manières de faire ». Et pour reprendre votre exemple, il n’a pas du tout la réputation de quelqu’un qui arrive à l’heure aux réunions !

      [nb: j’ai beaucoup de mal à trouver sur internet des statistiques sur notre flux d’endettement global “net” vis à vis de l’étranger. Je n’ai pas trouvé de source globale satisfaisante.]

      Pour ce qui concerne les débiteurs, vous trouverez tout ce qu’il vous faut sur le site de l’INSEE (https://www.insee.fr/fr/statistiques/3281639?sommaire=3281778#consulter)

      Par contre, il y a un problème pour connaître les créanciers (c’est-à-dire, pour savoir si la dette est « vis-à-vis de l’étranger » ou pas. En effet, lorsque vous achetez des bons du trésor, de titres d’emprunt ou autres instruments financiers, vous n’avez pas à décliner votre nationalité. Par ailleurs, lorsqu’une filiale française détenue à 100% par un groupe étranger prête de l’argent à un acteur français, considérez vous que la dette ainsi contractée est « vis-à-vis de l’étranger » ou pas ?

      [“en 2016, selon la Banque de France, la position extérieure était négative de 351 milliards d’euros, les administrations publiques contribuant à hauteur de – 1 165 milliards d’€ “
      Si ces deux sources sont cohérentes, cela veut dire que le déficit moyen annuel est de 35 Miard d’euros, soit environ 1,6% du PIB par an.]

      Vous parlez là du déficit de la balance des paiements courants. Oui, c’est un chiffre vraisemblable.

      [Il semble même que l’information soit considérée comme confidentielle ! “La loi française ne permet pas en effet à l’Agence France Trésor (AFT) d’identifier précisément les détenteurs des bons du Trésor”]

      Il ne faut pas confondre la confidentialité et l’indisponibilité. Les règles régissant les titres financiers n’obligent pas les titulaires à décliner leur nationalité. Lorsque je vais acheter à ma banque des actions ou des obligations, personne ne me demande de déclarer si je suis français ou pas…

    • Bannette dit :

      A propos de l’Allemagne et du Japon : ces pays se sont à un moment spécialisés dans les industries qualifiantes mais de produits intermédiaires (le Japon dans sa période Hifi, l’Allemagne avec ses machines outils ou ses voitures).
      Ce sont d’excellents industriels, il n’y a pas à en douter. Mais, mon côté cocoricocogirl mis de côté, ne peut-on pas remarquer que c’est nous qui avons fait la fusée Ariane ou le parc nucléaire, programmes qui en matière de bonds technologiques sont tout de même d’une tout autre niveau que ces produits intermédiaires ? Pourquoi ces grands programmes (on peut aussi penser aux missions Appolo ou Gargarine) ont eu lieu en France et dans des états très forts qui rêvaient de grandeur sommes toutes gaullienne, et non dans ces pays d’excellents industriels ?
      C’est pour ça que les discours qui veulent à tout prix nous transformer en allemands (hier en japonais ou en américain, demain en chinois) me gonflent particulièrement : personnellement, je préfère que mes impôts financent des projets qui font se décrocher la mâchoire et/ou permettent des bons technologiques exceptionnels, plutôt qu’une vie de popotte allemande ou nippone en hiver démographique qui de plus est. Nos institutions, notre histoire, voire notre géographie ont montré que la France était plutôt faite pour ce type d’économie, et non l’économie produisant des biens intermédiaires. Parce que cette avance dans l’exportation de biens intermédiaires (et le cas du Japon est emblématique) est limitée dans le temps : pour l’Allemagne, je suis sûre que le rattrapage de la Chine dans les machines-outils n’est qu’une question de temps.
      Une économie de type “grandeur gaullienne” irrigue d’autres secteurs d’activité, donc les intermédiaires.
      Personnellement, je ne suis pas nostalgique des industries de type manufacturière, par contre, celles comme les hauts fourneaux sont une perte immense.

    • Descartes dit :

      @ Bannette

      [A propos de l’Allemagne et du Japon : ces pays se sont à un moment spécialisés dans les industries qualifiantes mais de produits intermédiaires (le Japon dans sa période Hifi, l’Allemagne avec ses machines outils ou ses voitures).]

      Mais surtout, ce sont des pays qui aiment leur industrie, et qui en on fait une priorité politique. Si nous avions investi dans notre industrie téléphonique, dans notre machine-outil ou dans notre sidérurgie la volonté et le soutien populaire que les Français qu’on a mis à protéger les vins de Bordeaux ou le camembert au lait cru, l’histoire serait très différente.

      [Ce sont d’excellents industriels, il n’y a pas à en douter. Mais, mon côté cocoricocogirl mis de côté, ne peut-on pas remarquer que c’est nous qui avons fait la fusée Ariane ou le parc nucléaire, programmes qui en matière de bonds technologiques sont tout de même d’une tout autre niveau que ces produits intermédiaires ?]

      C’est vrai. Mais vous noterez que ce sont justement les domaines dans lesquels il y a eu un véritable investissement politique et social. Pour moi le problème de la France se trouve là. Comme le dénonçait déjà Marc Bloch, c’est la « petite France », celle qui n’est jamais sortie de la nostalgie d’une vie villageoise largement idéalisée, qui reste dominante. La « grande France », celle des grands programmes scientifiques et industriels et de la projection dans le monde n’est dominante que dans des périodes critiques de notre histoire, et sa domination n’a jamais duré longtemps.

      {C’est pour ça que les discours qui veulent à tout prix nous transformer en allemands (hier en japonais ou en américain, demain en chinois) me gonflent particulièrement : personnellement, je préfère que mes impôts financent des projets qui font se décrocher la mâchoire et/ou permettent des bons technologiques exceptionnels, plutôt qu’une vie de popotte allemande ou nippone en hiver démographique qui de plus est.]

      Vous me rappelez un film, « La fin du jour » de Julien Duvivier. Dans ce film un personnage demande à l’autre « quand deviendrez vous raisonnable ? » et s’attire la réponse suivante : « jamais, monsieur le directeur, parce que devenir raisonnable c’est se résigner, et se résigner c’est vieillir. Et moi, je ne veux pas vieillir. ». Cela est vrai pour les peuples aussi : une dose de passion, de démesure, est indispensable pour rester jeune, pour avoir toujours envie de se dépasser. Le bonheur bourgeois peut rendre la vie très agréable, mais ne réussira jamais à lui donner un sens.

      [Nos institutions, notre histoire, voire notre géographie ont montré que la France était plutôt faite pour ce type d’économie, et non l’économie produisant des biens intermédiaires. Parce que cette avance dans l’exportation de biens intermédiaires (et le cas du Japon est emblématique) est limitée dans le temps : pour l’Allemagne, je suis sûre que le rattrapage de la Chine dans les machines-outils n’est qu’une question de temps. Une économie de type “grandeur gaullienne” irrigue d’autres secteurs d’activité, donc les intermédiaires.]

      Je ne suis pas totalement persuadé : nous avons eu de puissantes industries de biens intermédiaires. Prenez par exemple l’automobile ou l’agro-alimentaire. Mais pour que ces industries jouent un effet d’entraînement il faut un véritable engagement politique et social. On ne peut pas cracher en permanence sur la bagnole ou la bouffe industrielle, et demander à des jeunes ingénieurs d’aller développer avec enthousiasme des technologies dans ces domaines.

      [Personnellement, je ne suis pas nostalgique des industries de type manufacturière, par contre, celles comme les hauts fourneaux sont une perte immense.]

      Je ne pense pas qu’on puisse les opposer. L’automobile ou le textile sont elles des « industries de type manufacturière » ? Oui et non. Lorsque Citroën sort la DS, c’est un concentré de technologie et d’innovation qui n’a rien à envier au TGV ou au Concorde. Je pense que c’est moins une question du domaine que du sens qu’on donne à la démarche.

  60. marc.malesherbes dit :

    @ Descartes 17/04/2018 15:42

    mea culpa sur l’ordre des coûts salariaux

    pour le coût du travail, il faut faire attention à ce que l’on compare.
    Et les résultats peuvent être selon l’angle choisi assez différents.

    Si on s’intéresse à nos industriels par rapport à la concurrence étrangère.

    Dans ce cas, il faut regarder les coûts horaires dans l’industrie y compris les cotisations, charges diverses. Il existe une statistique comparative de 2011 (1), où on voit que la France a des coûts plus bas que la Suisse (au top), l’Allemagne, mais significativement supérieurs à ceux du Japon et des USA (quasi identiques) .

    Depuis 2011, si on admet en première approximation que les coûts salariaux dans l’industrie ont évolué comme l’ensemble des coûts salariaux, l’ordre de 2011 reste valable. (2)

    Mais ce n’est qu’un paramètre de la compétitivité: il faut tenir compte du coût de la sous-traitance, de la productivité, des infrastructures, des coûts annexes, licenciements etc … etc …

    Ainsi la Suisse qui a de loin les coûts salariaux industriels les plus élevés … a une balance commerciale des produits manufacturés positive ! tout comme l’Allemagne. Alors que pour la France, malgré ses coûts salariaux inférieurs, elle est négative, comme aux USA, malgré leurs coûts salariaux bien inférieurs.

    (1) https://www.journaldunet.com/economie/industrie/prix-du-travail-cout-de-la-main-d-oeuvre.shtml
    (2) en détail, l’écart a du s’accroître avec l’Allemagne, se maintenir avec les USA, et le Japon. Pour le Japon et les USA l’effet taux de change est important, avec un euro “fort”.
    (3) http://perspective.usherbrooke.ca/bilan/servlet/BMImportExportPays?codePays=CHE

    • Descartes dit :

      @ marc.malesherbes

      [pour le coût du travail, il faut faire attention à ce que l’on compare. Et les résultats peuvent être selon l’angle choisi assez différents.]

      Tout à fait. D’autant plus qu’on peut considérer qu’une partie des impôts et taxes payés par les entreprises reviennent dans la poche des salariés par le biais des mécanismes de redistribution, et constituent donc un « salaire caché ». C’est d’ailleurs une des raisons pour lesquelles la comparaison des salaires entre deux pays est très difficile. Un américain qui gagne 5000 $/mois net d’impôts et charges et qui doit payer 2000 $/mois son assurance santé et l’éducation de ses enfants est-il mieux ou moins bien payé qu’un français qui touche 4000 $/mois nets et qui bénéficie de la Sécurité sociale et envoie ses enfants dans des universités gratuites ?

      [Si on s’intéresse à nos industriels par rapport à la concurrence étrangère. Dans ce cas, il faut regarder les coûts horaires dans l’industrie y compris les cotisations, charges diverses.]

      En toute rigueur, il faudrait comparer l’ensemble des charges, y compris fiscales. L’électricité bon marché, joue un rôle plus important sur les industries electro-intensives que les coûts salariaux.

      [Ainsi la Suisse qui a de loin les coûts salariaux industriels les plus élevés … a une balance commerciale des produits manufacturés positive ! tout comme l’Allemagne. Alors que pour la France, malgré ses coûts salariaux inférieurs, elle est négative, comme aux USA, malgré leurs coûts salariaux bien inférieurs.]

      Tout à fait. L’accent mis sur les coûts salariaux fait oublier que la compétitivité industrielle d’un pays dépend d’un faisceau de paramètres. En fait, le cout salarial est utilisé comme bouc émissaire…

  61. Simon dit :

    [Je crains que vous n’ayez pas tout à fait saisi l’ironie de mon propos… ;-)]
    Malheureusement, l’ironie des uns est le premier degré des autres.

    Le haut conseil à l’égalité (je n’ai pas trouvé son coût de fonctionnement) vient de pondre un rapport demandant à ce que la constitution soit changée pour favoriser l’égalité femme-homme (comme on dit de nos jours).

    http://www.haut-conseil-egalite.gouv.fr/parite/actualites/article/revision-constitutionnelle-le-hce-appelle-a-saisir-l-opportunite-de-garantir-l

    Je vous laisse lire la nouvelle rédaction des trois premiers articles, citer toutes les bêtises imposant un copier-coller intégral :
    http://www.haut-conseil-egalite.gouv.fr/IMG/pdf/constitution_garante_efh-v3.pdf

    Le préambule contiendrait l’avortement et un “droit à une vie sans violence sexiste” (j’ignore les implications juridiques précises mais je parie une pinte qu’iEls l’ignorent également). La nouvelle devise serait Liberté Egalité Adelphité.

    Ce genre de comité incite probablement au dégagisme, en donnant de le sentiment qu’en plus d’une politique unique en matière économique, c’est l’imbécilité au pouvoir sur les autres domaines.

    Bien cordialement,

    Simon

    • Descartes dit :

      @ Simon

      [Le préambule contiendrait l’avortement et un “droit à une vie sans violence sexiste” (j’ignore les implications juridiques précises mais je parie une pinte qu’iEls l’ignorent également). La nouvelle devise serait Liberté Egalité Adelphité.]

      A la lecture de ce texte, on ne sait pas s’il faut rire ou pleurer. Enfin si, il faut pleurer devant un tel concentré de bêtise. « Liberté, Egalité, Adelphité »… et on paye des gens pour rédiger ce genre d’idiotie ?

      Mais l’ajout le plus terrifiant se trouve dans l’article 1er : « [La France] assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens et toutes les citoyennes sans distinction de sexe, d’origine, de race ou de religion, sans préjudice des mesures prévoyant des avantages spécifiques destinés à assurer concrètement une pleine égalité ou à compenser des désavantages subis par le sexe sous représenté ou discriminé ». Outre le fait qu’il s’agit d’apporter un coup de canif au principe même qui fonde notre système juridique, ce programme contient une contradiction interne : après avoir affirmé que la France « assure l’égalité », on prévoit des mesures pour « compenser les discriminations »…

      [Ce genre de comité incite probablement au dégagisme, en donnant le sentiment qu’en plus d’une politique unique en matière économique, c’est l’imbécilité au pouvoir sur les autres domaines.]

      Tout à fait d’accord !

    • cathmic dit :

      Je relève aussi “Le droit de bénéficier à égalité des financements publics de l’Etat et des collectivités territoriales”.
      Au niveau des collectivités locales, ce sont les femmes qui touchent le plus d’APA sans aucun doute, peut-être même de RSA. Au niveau de l’Etat, on pourrait dire que le quotient familial favorise les mères isolées. Sans parler de toutes les actions subventionnées réservées aux femmes !
      “Quand les dieux veulent nous punir, ils exaucent nos prières ! “

    • BJ dit :

      [La nouvelle devise serait Liberté Égalité Adelphité]
      Accessoirement, « adelphité » n’existe dans aucun dictionnaire. Le Littré parle d’« adelphe », terme de botanique et le Larousse Universel parle d’« adelphie », terme de botanique aussi.
      Le Wiktionnaire parle d’« adelphique », mais avec des sources exotiques.

      [Malheureusement, l’ironie des uns est le premier degré des autres.]
      Je suppose que là aussi il s’agit d’ironie 😉

    • Descartes dit :

      @ cathmic

      [Je relève aussi “Le droit de bénéficier à égalité des financements publics de l’Etat et des collectivités territoriales”.]

      L’égalité en termes de financement impliquerait d’abord que les femmes partent plus tard à la retraite que les hommes. Après tout, elles vivent plus longtemps. Est-il juste qu’en payant les mêmes cotisations elles bénéficient de leur pension plus longtemps ?

      Ou peut-être faudrait-il leur donner moins de soins, de manière à aligner l’espérance de vie des femmes avec celles des hommes. Si le but est l’égalité réelle…

    • xc dit :

      @BJ
      J’ignore si “adelphité” existe dans notre langue ou est d’usage trop rare pour figurer dans les dictionnaires courants. Et je n’ai pas étudié le grec ancien, ni moderne. Mais j’ai fait quelques lectures. Ce mot vient du grec ancien “adelphos” le plus souvent traduit par “frère”, mais pas toujours dans le sens biologique du mot. On le trouve aussi employé pour des cousins.

    • BolchoKek dit :

      @ Descartes et cathmic
      >après avoir affirmé que la France « assure l’égalité », on prévoit des mesures pour « compenser les discriminations »…< Il y a beaucoup plus d’hommes SDF que de femmes, je suppose que l’on devrait interdire les APL au