Ce qu’on ne peut plus se payer

C’est peut-être une conséquence du « jeunisme » ambiant, du désenchantement de l’époque, ou peut-être tout simplement l’effet de l’âge qui avance impitoyablement. Enfin, je ne saurais dire la cause, mais je ne peux que constater le fait : dans les réunions amicales, lorsqu’on est sorti de table et qu’on s’installe confortablement devant un verre d’Armagnac pour bavarder jusque tard dans la nuit – « il faut l’obscurité pour parler des affaires obscures » aurait écrit Tolkien – on passe beaucoup moins de temps à refaire le monde qu’à se demander comment éviter qu’il se défasse. En évitant soigneusement – car personne n’a envie d’avouer son passéisme – de dire « c’était mieux avant » alors qu’en fait chacun le pense profondément.

On en était là samedi soir, à regretter cette époque où notre système éducatif – école primaire, lycée, université, grandes écoles – était envié de par le monde, quand un maillage étroit de services publics permettait à  chaque habitant d’avoir accès près de chez lui à un bureau de poste, à une école, à une mairie, à un médecin, à une gare de chemin de fer, quand l’Etat pouvait financer richement de grands projets scientifiques, technologiques, industriels : Concorde, le TGV, le programme nucléaire… sans pour autant négliger ses responsabilités régaliennes comme le maintien de l’ordre public à l’intérieur ou une diplomatie hardie à l’extérieur. Et le tout sans s’endetter. Nostalgie, nostalgie, pointée par la remarque d’un convive : « oui, nous avions un modèle extraordinaire mais que voulez-vous, nous ne pouvons plus nous le payer ». Remarque qui ouvre pour moi une question de taille : Pourquoi ne pouvons-nous « plus nous payer » cet ordre dont nous sommes si nostalgiques ? Où sont passés les moyens qui permettaient à la société d’offrir à chacun ce réseau de proximité, tout en préparant l’avenir par des investissements dans l’éducation, la science, la technologie ?

Pour commencer, cherchons du côté des ressources. On m’expliquera que la croissance n’est plus ce qu’elle était. Mais cet argument est fallacieux : à l’heure de payer hôpitaux et écoles, programmes de recherche et infrastructures, ce qui importe est la quantité de richesses produites, et non la VARIATION annuelle de cette quantité, de la même façon que votre pouvoir d’achat est lié au montant de votre salaire, et non au taux d’augmentation que vous pouvez toucher chaque année (1). Or, si notre croissance actuelle est de loin inférieure à celle de la France de 1960, son PIB est largement supérieur. En euros 2014, le PIB en 1960 était de 460 Md€, il était en 2018 de 2280 Md€, soit cinq fois supérieur. Même si le PIB est un indicateur critiquable, il ne reste pas moins que c’est un indicateur de la richesse produite. Alors, le mystère demeure : comment se fait-il qu’on ne puisse pas en 2018 se payer, l’école, l’université, les grands programmes, les services publics de 1960 ? Nous constatons donc que les ressources ne sont pas inférieures à ce qu’elles étaient il y a plus d’un demi-siècle, au contraire : elles sont largement supérieures. C’est donc du côté de l’emploi de ces richesses qu’il faut aller regarder.

Faut-il aller regarder du côté du partage des richesses ? C’est à quoi nous encourage par exemple la « gauche radicale » et une partie de la bienpensance. Mais les chiffres ne soutiennent pas cette argumentation. S’il est vrai que le partage de la valeur ajoutée a vu transférer 10% du PIB du travail vers le capital, ce transfert n’est pas suffisant pour expliquer qu’alors que le PIB a été multiplié par quatre l’action publique se soit paupérisée. C’est plutôt l’équilibre entre la richesse consacrée à l’action publique et celle réservée à la dépense privée qu’il faut regarder. D’abord, et contrairement à une croyance fermement enracinée, les ressources consacrées à l’action publique se sont réduites. Bien sûr, on nous bassine avec le discours de l’augmentation des prélèvements obligatoires. Il est vrai que ceux-ci étaient de l’ordre de 35% du PIB dans les années 1960 contre 45% aujourd’hui. Mais on oublie de prendre en compte deux sources de financement de l’action publique qui se sont depuis taries et qui ne sont pas comptées comme des prélèvements.

La première est l’inflation, matérialisée dans le budget de l’Etat par les « avances » de la Banque de France, vulgairement appelées « planche à billets ». En effet, au lieu de creuser une dette en empruntant auprès de prêteurs privés – et d’assumer donc la charge d’une dette qui nous coûte autour de 40 Md€ par an – l’Etat était financé sans intérêts par l’émission monétaire. Ce qui équivaut à un prélèvement « obligatoire » sur tous les détenteurs de monnaie par le jeu de l’inflation. Et ce prélèvement est très loin d’être négligeable : il faut compter entre 6 et 10% du PIB selon les années.

La seconde est le revenu tiré des entreprises publiques. Bien sûr, on a en tête les déficits de la SNCF. Mais on oublie un peu vite que la grande majorité des entreprises publiques étaient largement bénéficiaires. Il y avait là le résultat des nationalisations de 1936 et de 1945, mais aussi des sociétés créées de toutes pièces pendant les « trente glorieuses » : les banques et les compagnies d’assurance, EDF-GDF, la régie Renault, la SNECMA, l’Aérospatiale, ELF-Aquitaine… Une masse considérable de profits qui allaient enrichir le trésor public, et qui aujourd’hui tombent dans l’escarcelle du capital privé.

Mais même avec  une réduction de la part du PIB consacrée aux services publics, l’augmentation massive du PIB devrait permettre de « nous payer » les services publics de 1960. Pourquoi on n’y arrive pas ? Parce qu’il n’y a pas que les ressources qui ont changé : les moyens ne sont pas employés de la même manière (2).

D’abord, il faut aborder ce qu’on peut appeler les politiques de destruction volontaire de valeur. Prenons un petit exemple si vous le voulez bien : Lorsqu’il s’est agi à la fin des années 1960 d’imposer la ceinture de sécurité dans les voitures, les décideurs publics ont pris toutes les précautions pour éviter que le parc automobile ancien soit démonétisé : on a d’abord imposé aux fabricants de prévoir les ancrages dans les voitures fabriquées à partir de 1970, puis rendu obligatoire le port de la ceinture en 1973, mais seulement dans les véhicules qui en étaient équipées. Le parc ancien a continué à rouler jusqu’à son extinction naturelle par obsolescence. Aujourd’hui, lorsqu’il s’agit par exemple de lutter contre les particules fines, on impose des normes de pollution qui ne s’appliquent pas seulement aux voitures neuves, mais aussi au parc existant. Ainsi, par exemple, les véhicules répondant aux normes de pollution en vigueur au moment de leur fabrication mais non conformes aux normes actuelles sont interdits de circulation. Résultat: on met à la casse des véhicules pouvant encore rouler pendant de nombreuses années ce qui revient à détruire leur valeur résiduelle. La logique de la « prime à la casse » est un exemple encore plus scandaleux : dans ce cas, on utilise de l’argent public pour encourager les usagers à détruire la valeur contenue dans leurs véhicules. C’est un double gâchis.

Et on trouve cette logique de destruction de valeur dans beaucoup d’autres domaines de l’action publique : du plus sérieux, comme l’arrêt du surrégénérateur Superphénix et la centrale nucléaire de Fessenheim (des milliards d’euros de production perdue jetés à la poubelle) au plus banal, comme le changement permanent des logos et des noms des institutions publiques et privés, des milliards d’euros sont chaque année jetés en pure perte, pour satisfaire des besoins inexistants alors que par ailleurs des besoins criants existent. Pourquoi cette boulimie de destruction ? Parce que l’horizon du décideur public est devenu très court : construire est un processus long, alors que détruire est un processus rapide. Une école, une ligne de chemin de fer, un réacteur nucléaire prennent des années à se construire, alors qu’un trait de plume permet de les détruire. Si vous voulez des résultats rapides à montrer à l’opinion, la destruction est la seule voie possible. C’est pourquoi nous avons depuis pas mal de temps des gouvernements dont la fierté est d’avoir fermé telle installation, d’avoir réduit le nombre de tribunaux, de trésoreries ou de sous-préfectures, et bientôt d’avoir supprimé telle école d’administration… On pense ici à Nietzche : « j’existe, puisque je peux détruire ».

Ensuite, il faut signaler l’importance prise par la communication et l’apparence dans tous les ordres de l’action publique. Un service public peut se passer de service de recherche (3), mais il est impensable pour la plus petite institution publique de se passer d’un service de communication. Là où nos ancêtres se contentaient d’un écu d’armes souvent passé de génération en génération, aucune municipalité aujourd’hui ne peut résister à la tentation d’avoir son logo – payé à prix d’or à des cabinets qui vivent de ça – qu’on changera bien entendu lorsqu’un nouveau maire sera élu pour lui permettre de laisser sa marque. Des milliards sont là encore dépensés pour fabriquer des communiqués de presse que personne ne lit, pour imprimer des brochures à la gloire du ministre que personne ne consulte, pour faire distribuer des revues d’informations municipales avec le portrait du maire trois fois par page qui vont souvent à la poubelle direct, pour mettre en ligne des sites internet qui ne fournissent aucune information utile, et n’ont d’autre objet que d’exister. Et ne parlons même pas des métropoles qui font repeindre les bus à leurs couleurs – qui changent, là encore, chaque fois que l’équipe change – pour marquer leur territoire. Le problème n’est pas tant que les institutions mettent en valeur leurs réalisations : c’est que la « mise en valeur » a remplacé la réalisation. Il ne faut pas négliger les ressources employées dans le « faire savoir », ressources qui sont nécessairement soustraites au « faire ». Si vous regardez les organigrammes des ministères ou des services publics, vous verrez que partout on a réduit le personnel. Partout, sauf dans les services de communication. Et cela sans compter avec la pression sur les services opérationnels pour qu’ils mettent en œuvre leur propre communication…

Une autre dépense qui est rarement prise en compte est celle liée à l’explosion des coûts liés à la mise en concurrence des services publics. En effet, au-delà du débat sur l’efficacité du marché en tant que mécanisme de régulation, on oublie souvent le fait que le fonctionnement du marché a lui-même un coût. Pour permettre à l’offre et à la demande de se rencontrer, pour éviter qu’aucun participant ne manipule le marché ou abuse de sa position,  il faut des procédures, des règles, des institutions, des contrôleurs. Et ces coûts peuvent dans certains domaines être considérables, bien au-delà des avantages supposés de la régulation par le marché. Ainsi, par exemple, pour permettre la concurrence sur le marché de l’électricité, celui de la circulation ferroviaire ou celui des télécommunications, il a fallu monter tout un appareillage réglementaire permettant d’assurer un accès multiple à un réseau (le réseau électrique, le réseau ferroviaire, le réseau téléphonique) qui est structurellement unique. Il faut beaucoup de réglementation et de contrôles pour s’assurer que des trains de différents opérateurs privés roulent sur les mêmes voies sans se gêner et en assurant la neutralité vis-à-vis de la concurrence. Et cette réglementation, ce contrôle ont un coût, c’est-à-dire, nécessitent des moyens qu’il faut soustraire à d’autres activités.

In fine, le principal problème, celui dont tous les autres découlent plus ou moins est celui de la disparition même de la notion de choix dans le débat public. Chaque politique, chaque ONG, chaque star qui ouvre la bouche explique que « il faut » consacrer plus de moyens à sa cause. Il faut des moyens pour les femmes battues, pour la faim en Afrique, pour les autistes en France, pour le logement étudiant, pour la lutte contre le réchauffement climatique, pour le bio dans les cantines scolaires, pour le développement des énergies renouvelables, pour le tri des déchets. Mais sauf à supposer que ces investissements relancent la croissance – et on voit mal en quoi le bio dans les cantines par exemple ou les soins aux handicapés aurait cet effet – ou qu’il y ait des richesses inutilisées quelque part, ces moyens doivent bien être soustraits à d’autres activités. Il ne s’agit pas ici d’argent – car de l’argent, on peut toujours en imprimer – mais de richesses réelles, c’est-à-dire des biens matériels. Pour s’occuper des autistes, il faut des heures de travail de personnel qualifié. Pour trier des déchets, il faut des poubelles et des camions de ramassage. Et ces richesses, contrairement à l’argent, ne peuvent pas être fabriquées à la demande.

Or, personne ne remarque ce paradoxe. Tout le monde explique ce qu’il faudrait faire comme programme nouveau, personne ne détaille ce qu’on abandonne pour équilibrer la balance. En pratique, on fonctionne comme l’enfant qui devant la vitrine du magasin de jouets détaille à ses parents ce qu’il voudrait, sans se poser la question de la contrepartie. Monsieur le Maire veut du bio dans les cantines scolaires, mais pour payer la différence, qu’est-ce qu’on fait ? Augmenter le tarif ? Ce serait impopulaire. Alors on va décider qu’au lieu de réparer le toit de l’école tous les dix ans, on le fera tous les vingt ans. Et si ça fuit, ça se verra lors du prochain mandat municipal, et pas avant.

Cette logique conduit à empiler des règlementations et des dispositifs – c’est cela qui permet aux politiques d’exister – en faisant le choix implicite de laisser dépérir le reste. Et comme ce choix est implicite, il n’est jamais véritablement débattu et accepté par la population, et touche préférentiellement les secteurs invisibles, même lorsqu’ils sont essentiels pour l’avenir, comme la recherche. Et on ne le découvre en fait que lorsque ses effets se font sentir, et à ce moment-là il est souvent trop tard pour réagir.

La dégradation dans les domaines de la recherche, l’éducation, le système électrique, le réseau ferroviaire, les ouvrages d’art ne date pas d’hier. Depuis les années 1980, on vit sur le capital hérité des décennies précédentes, qu’on a mangé petit à petit quand on n’a pas pratiqué pour des raisons idéologiques ou d’affichage une destruction massive de valeur. C’est grâce à ce mécanisme que le libéralisme a pu d’ailleurs maintenir l’illusion d’une augmentation constante du niveau de vie par le biais de l’augmentation de la dépense privée, qui a touché d’ailleurs toutes les couches sociales. On s’aperçoit aujourd’hui que cette remontée de la dépense privée s’est faite à crédit : non seulement sur l’emprunt « nu » qui a fabriqué une dette qui atteint aujourd’hui presque 100% du PIB annuel, mais par la dégradation de nos infrastructures, dans lesquelles il faudrait investir massivement si nous voulons laisser à nos enfants un capital équivalent à celui légué par nos parents (4).

Et nous, citoyens nous devons poser inlassablement la question à chaque proposition nouvelle. Non pas la question de « où trouve-t-on l’argent ». Cette question est trompeuse, parce qu’elle nous place dans la logique de l’illusion financière. On peut toujours imposer « la finance », c’est-à-dire, l’échange de petits morceaux de papier avec des chiffres dessus. Mais pour rendre des services, il faut des biens et du temps de travail, pas de billets. La question n’est pas donc de savoir d’où vient l’argent, mais où trouver les bâtiments, les matériels, le personnel qualifié lorsqu’on propose un nouveau service. Et donc, à celui qui nous dit « il faut faire ceci ou cela », il faut demander « qu’est-ce que vous arrêtez à la place ». Si l’école de votre enfant veut enseigner – pardon, « sensibiliser » – au racisme, aux femmes battues, au tri des déchets, elle a deux options : ou bien elle augmente le temps d’enseignement, ou bien elle abandonne la transmission d’autres savoirs. C’est à nous d’exiger qu’on nous explique lesquels on abandonne et de rappeler que, comme disait un célèbre économiste, dans ce bas monde « il n’y a pas de diner gratuit ».  

(1) Qui est mieux loti, celui qui gagne 20.000 € par mois avec une augmentation de 1% par an, ou celui qui gagne 1.500 € par mois avec une augmentation de 3% par an ? C’est le montant du PIB, et non sa croissance, qui caractérise la richesse d’une nation. Une croissance forte, c’est la promesse d’une richesse future, et non la constatation d’une richesse présente.

(2) Il faut ici rappeler les dangers de l’illusion monétaire. L’action publique repose sur des ressources qu’on pourrait appeler « réelles » : force de travail des fonctionnaires, bâtiments, véhicules, équipements, etc. L’argent n’est qu’un moyen d’acheter ces ressources « réelles ». Le discours selon lequel « de l’argent il y en a » est donc trompeur : on peut toujours fabriquer de l’argent (que ce soit par l’émission monétaire par le phénomène des « bulles »). Mais une partie de cet argent n’existe virtuellement, il n’a aucune contrepartie en termes de biens réels. L’argent qui circule dans les marchés financiers est une fiction : si dans un moment de panique les opérateurs financiers cherchaient à convertir cet argent en biens réels, les prix s’envoleraient et cet argent perdrait toute sa valeur.

(3) On l’oublie aujourd’hui, mais la plupart des services publics de l’époque glorieuse avaient leur propre centre de recherche. Même l’ORTF avait le sien… qui développa la méthode d’animation qui permit de réaliser les Shadock…

(4) On pourrait ici ouvrir le débat sur la question de savoir si la dépense privée est préférable à la dépense publique. Les libéraux soutiennent – avec des arguments conséquents – que l’acteur privé connaît mieux ses propres besoins, et que l’a dépense privée s’ajuste donc mieux aux besoins de la population que la dépense publique, forcément décidée à travers d’un mécanisme de délégation. L’histoire a cependant montré que si ce raisonnement fonctionne dans certains domaines, il ne fonctionne pas empiriquement dans d’autres. C’est particulièrement vrai dans des domaines où l’interdépendance entre la dépense des uns et des autres est très forte : la santé, la défense, les services en réseau.

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131 réponses à Ce qu’on ne peut plus se payer

  1. Axelzzz dit :

    Bonjour Descartes

    Je n’ai pas vérifié à la source mais votre papier me rappelle une statistiques croisée dans une débat à propos de la dégradation des performances en orthographe : dans les années 60 les enfants de cm2 avaient bénéficié d’autant d’heures de français qu’aujourd’hui en fin de collège.
    Ces heures n’ont pas disparu mais sont consacrées à d’autres apprentissages.

    Il s’agirait donc bien d’un choix, tel que vous le présentez.
    Un choix dont l’évaluation de la justesse paraît bien délicate : il faudrait parvenir à établir le coût collectif de cette moindre maîtrise du langage et à le comparer au bénéfice de l’acquisition des autres compétences (lesquelles, mesurées comment,?…) – ce qui vu de mon petit balcon semble aussi insaisissable que le brouillard d’hiver (on a besoin de bcp de travail de recherche pour réaliser ce genre de chose correctement à mon sens).

    Bien a vous

    • Descartes dit :

      @ Axelzzz

      [Je n’ai pas vérifié à la source mais votre papier me rappelle une statistiques croisée dans une débat à propos de la dégradation des performances en orthographe : dans les années 60 les enfants de cm2 avaient bénéficié d’autant d’heures de français qu’aujourd’hui en fin de collège. Ces heures n’ont pas disparu mais sont consacrées à d’autres apprentissages. Il s’agirait donc bien d’un choix, tel que vous le présentez.]

      Tout à fait. Mais ce « choix » n’est généralement discuté que du côté positif : on vous explique que les élèves vont pouvoir bénéficier de tel ou tel enseignement supplémentaire, sans jamais vous dire ce que vous acceptez comme suppression en échange. C’est pourquoi le débat n’a jamais lieu, et qu’on a l’impression en entendant le discours politique de lire un catalogue publicitaire.

      [Un choix dont l’évaluation de la justesse paraît bien délicate : il faudrait parvenir à établir le coût collectif de cette moindre maîtrise du langage et à le comparer au bénéfice de l’acquisition des autres compétences (lesquelles, mesurées comment,?…) – ce qui vu de mon petit balcon semble aussi insaisissable que le brouillard d’hiver (on a besoin de bcp de travail de recherche pour réaliser ce genre de chose correctement à mon sens).]

      Je ne dis pas que ce soit simple d’évaluer le rapport coût/avantage de telle ou telle mesure. Pour certaines, l’évaluation est évidente : la fermeture de Fessenheim n’apporte rien, et coutera grosso-modo 2 Md€. Le développement de l’éolien et du solaire n’apporte pas grande chose et nous coûte entre 5 et 7 Md€ par an. Dans des cas comme celui que vous signalez, c’est plus difficile d’évaluer. Mais déjà mettre le choix sur la table, montrer qu’on payera le fait de consacrer à d’autres apprentissages le temps qu’on consacrait à l’orthographe d’une moindre maîtrise de la langue, cela permettrait aux gens de prendre conscience du problème.

      • magatst dit :

        Le seul problème avec l’orthographe c’est ça réforme … MDR
        Il faut faire comme les espagnoles, les allemands et les portugais, rendre simple et cohérent le français pour en finir avec ces conneries.C’est une perte de temps inutile qui devrait effectivement laisser plus de temps à d’autre apprentissages .

        • Descartes dit :

          @ magatst

          [Il faut faire comme les espagnoles, les allemands et les portugais, rendre simple et cohérent le français pour en finir avec ces conneries. C’est une perte de temps inutile qui devrait effectivement laisser plus de temps à d’autre apprentissages.]

          Alors là, je ne suis pas du tout d’accord avec vous. La langue, ce n’est pas seulement un outil de communication et de travail, qu’il faudrait rendre « efficace ». La langue, c’est une esthétique, c’est une histoire, c’est un esprit. Les difficultés de la langue française peuvent paraître étranges ou mêmes comiques, elles ne font pas moins partie de l’histoire de la langue. Pour moi, qui ait appris la langue de Molière comme langue étrangère dans ma jeunesse, je dois dire que cette orthographe difficile, la richesse dans les conjugaisons, la difficulté des accords la rend semblable à cette côte sauvage de Bretagne, si belle précisément parce qu’elle est sauvage. Votre proposition reviendrait à rectifier les côtes de Bretagne au prétexte de faciliter la navigation. Est-ce la chose à faire ?

          Par ailleurs, l’apprentissage des difficultés d’une langue n’est jamais une perte de temps. Il est formateur de mécanismes de la mémoire et du raisonnement associatif qui sont très utiles pour d’autres activités intellectuelles. Pourquoi croyez-vous que l’apprentissage des mathématiques ou les langues mortes soit si formateur ? Non pas parce qu’on utilisera au bureau le théorème de Riesz ou le vocatif latin, mais parce que les mécanismes intellectuels que l’étude de ces disciplines forment est utile pour d’autres choses. Personnellement, je n’ai jamais trouvé quelqu’un d’idiot qui ait une bonne orthographe…

          • Bernardin dit :

            [Par ailleurs, l’apprentissage des difficultés d’une langue n’est jamais une perte de temps. Il est formateur de mécanismes de la mémoire et du raisonnement associatif qui sont très utiles pour d’autres activités intellectuelles.]
            Tout à fait d’accord ; et l’un des meilleurs défenseurs des lettres classiques – de la langue latine en particulier – est un mathématicien, Laurent Lafforgue, médaillé Fields… Il a détaillé dans un discours à la Sorbonne tout ce qu’il doit à la discipline du latin.
            Pour ma part je suis persuadé – et je tâche d’en persuader mes élèves – qu’il y a une analogie précieuse de mécanisme entre la traduction d’une phrase latine et l’établissement d’un programme informatique.
            N’en déplaise à certains, la langue française a sa cohérence et les “difficultés” – qui ne sauraient être des “conneries” [Ne sutor ultra crepidam, disait Pline] – sont souvent ce qui étonne et passionne les enfants, par nature curieux de ce qui les a précédés, curieux de savoir et comprendre pourquoi la langue fonctionne comme elle fonctionne, qui l’a . Le latin, l’histoire de la langue et des idées, des mentalités, la lente évolution vers le français d’aujourd’hui, tout cela est un trésor et un fil qui relie les cerveaux d’antan à ceux d’aujourd’hui, et maintient un flux vivant entre les générations.
            Un enfant ne pourra raisonner (et se défendre) correctement que s’il maîtrise sa langue maternelle. Une tête bien faite ne peut venir que d’une formation rigoureuse et le français a sa rigueur…

            • Descartes dit :

              @ Bernardin

              [Pour ma part je suis persuadé – et je tâche d’en persuader mes élèves – qu’il y a une analogie précieuse de mécanisme entre la traduction d’une phrase latine et l’établissement d’un programme informatique.]

              Sans vouloir vous conseiller, je pense que vous avez tort de vous mettre dans cette optique. Quand bien même il n’y aurait aucune analogie entre la phrase latine et le programme informatique, il n’en resterait pas moins qu’il faut enseigner le Latin. On est là dans un vieux débat entre ceux qui pensent que la fonction de l’école est d’abord de former un être pensant, et ceux qui militent pour une école qui se concentrerait sur des savoir-faire et des savoir-être « utiles », immédiatement applicables sur le lieu de travail.

              Personnellement, je suis de la première persuasion. Les savoir-faire et savoir-être qu’on juge « utiles » aujourd’hui ne le seront pas forcément demain, et en se concentrant sur ces éléments-là on fabrique des êtres figés, incapables de comprendre les évolutions du monde, de s’y adapter et de peser sur elles. Un être pensant, dont on aura développé les mécanismes mentaux et les instruments intellectuels, est un acteur et non une victime des changements.

              Le latin et les mathématiques sont essentielles non pas parce que l’élève utilisera dans son travail l’ablatif ou le théorème de Riesz, mais parce que les langues mortes et les mathématiques permettent de développer des mécanismes intellectuels qui ensuite sont universels et servent dans toutes les matières. Ce n’est pas un hasard si les « têtes bien faites » sont aussi en général des « têtes bien pleines ».

              [N’en déplaise à certains, la langue française a sa cohérence et les “difficultés” – qui ne sauraient être des “conneries” [Ne sutor ultra crepidam, disait Pline] – sont souvent ce qui étonne et passionne les enfants, par nature curieux de ce qui les a précédés, curieux de savoir et comprendre pourquoi la langue fonctionne comme elle fonctionne. Le latin, l’histoire de la langue et des idées, des mentalités, la lente évolution vers le français d’aujourd’hui, tout cela est un trésor et un fil qui relie les cerveaux d’antan à ceux d’aujourd’hui, et maintient un flux vivant entre les générations.]

              Nous sommes tout à fait d’accord. Ce qui m’attriste le plus, c’est que l’école ne se pose plus la question de répondre à cette curiosité. Contrairement à ce que pensent les bonnes âmes, les enfants ont besoin de s’inscrire dans une histoire qui n’est pas seulement LEUR petite histoire personnelle ou familiale. Sortir l’enfant de son égocentrisme et sa toute-puissance pour en faire un adulte capable et responsable, c’est aussi lui montrer que le monde ne se réduit pas à lui, qu’il existait bien avant sa naissance et continuera bien après sa mort. En épousant les difficultés, les bizarreries, les spécificités de notre langue et de notre histoire nous nous inscrivons dans ce temps long.

              C’est en cela qu’un français « rectifié » – et c’est la même chose pour le « globish » qui tend de plus en plus à remplacer l’anglais – est néfaste. L’adopter, c’est transformer un objet historique en un pur recours utilitaire. Cela rejoint l’idéal néolibéral d’un individu sans attaches, qui ne doit rien à personne puisqu’il est sans histoire.

              [Un enfant ne pourra raisonner (et se défendre) correctement que s’il maîtrise sa langue maternelle.]

              Tout à fait. Parce que la langue maternelle est la langue dans laquelle on pense. Et il est difficile d’avoir une pensée subtile et nuancée quand on ne domine pas les subtilités et les nuances de sa langue. La formule « ce qui se conçoit bien s’énonce clairement » fonctionne dans les deux sens : il est impossible de « bien concevoir » lorsqu’on est incapable de « bien énoncer ». Mais les adultes d’aujourd’hui ont-ils envie que la génération suivante « raisonne et se défende correctement » ? La question mérite d’être posée. Si l’on juge par les politiques mises en œuvre dans le domaine de l’éducation, la réponse semble être « non ».

              « Ne voyez-vous pas que le véritable but du novlangue est de restreindre les limites de la pensée ? À la fin, nous rendrons littéralement impossible le crime par la pensée car il n’y aura plus de mots pour l’exprimer. Tous les concepts nécessaires seront exprimés chacun exactement par un seul mot dont le sens sera délimité. Toutes les significations subsidiaires seront supprimées et oubliées. Déjà, dans la onzième édition, nous ne sommes pas loin de ce résultat. Mais le processus continuera encore longtemps après que vous et moi nous serons morts. Chaque année, de moins en moins de mots, et le champ de la conscience de plus en plus restreint. Il n’y a plus, dès maintenant, c’est certain, d’excuse ou de raison au crime par la pensée. C’est simplement une question de discipline personnelle, de maîtrise de soi-même. Mais même cette discipline sera inutile en fin de compte. La Révolution sera complète quand le langage sera parfait. Le novlangue est l’angsoc et l’angsoc est le novlangue, ajouta-t-il avec une sorte de satisfaction mystique. Vous est-il jamais arrivé de penser, Winston, qu’en l’année 2050, au plus tard, il n’y aura pas un seul être humain vivant capable de comprendre une conversation comme celle que nous tenons maintenant ? » (George Orwell, 1984)

  2. Sami dit :

    Je souscris absolument. Et j’ajouterai que si l’UE (telle qu’elle est) n’est pas responsable de tout ce maelström (il y a un effet universel, l’air du temps, la civilisation globale telle qu’elle est hic et nunc…), elle a bien accéléré le mouvement.
    Tour cela ressemble furieusement à quelque chose qui court en tournoyant, de plus en plus vite, vers l’implosion, l’effondrement sur soi, telle une étoile qui se transforme en trou noir…
    Comment alors ne pas se dire, un peu honteusement (effectivement), que c’était mieux avant………

    • Descartes dit :

      @ Sami

      [Je souscris absolument. Et j’ajouterai que si l’UE (telle qu’elle est) n’est pas responsable de tout ce maelström (il y a un effet universel, l’air du temps, la civilisation globale telle qu’elle est hic et nunc…), elle a bien accéléré le mouvement.]

      Oui, ne serait-ce que parce que les institutions de l’UE ont servi comme instrument aux néo-libéraux pour imposer leurs vues à l’ensemble des nations européennes, avec la complicité plus ou moins active de leurs élites nationales. Mais dans ce domaine, l’UE n’est qu’un instrument, et non la cause principale. On voit d’ailleurs le même phénomène dans des pays non-européens.

      Mais la transformation tient surtout à la volonté des classes intermédiaires et de la bourgeoisie de ne plus payer pour les autres, ces autres dont ces couches sociales n’ont plus besoin. Pourquoi payer la police ou l’hôpital qui bénéficie à tous, alors qu’on peut se contenter de payer la clinique privée et les vigiles qui protègent votre résidence fermée ? L’idéologie libérale-libertaire a servi à justifier cette posture.

      [Comment alors ne pas se dire, un peu honteusement (effectivement), que c’était mieux avant…]

      Vous voyez bien mon (notre) dilemme…

  3. Richard dit :

    J’ai un fils autiste. Sa petite soeur (elle avait 12 ans) quand on lui explique l’avenir de son frère, combien ça coûte (surtout avec l’argent public) elle n’a rien trouvé de mieux que de dire “mais il ne sert à rien, pourquoi il faut dépenser tout cet argent ?”. Je n’ai pas aimé sa réaction mais je ne pouvais qu’admettre qu’il y avait un fond de vérité. C’est là ou j’ai expliqué que la marque d’une civilisation est la manière dont elle traite les plus faibles d’entre eux.
    Ceci dit je vois que l’argent que coûte mon fils à la collectivité n’est pas très bien dépensé. Si l’état me donnait directement l’ensemble des ressources dépensés pour lui je suis certain que je pourrais mettre en place ce qu’il faut jusqu’à la fin de ma vie et aussi jusqu’à la fin de sa vie. On aurait même probablement les moyens de prendre en charge une autre personne autiste !

    • Descartes dit :

      @ Richard

      [J’ai un fils autiste. Sa petite soeur (elle avait 12 ans) quand on lui explique l’avenir de son frère, combien ça coûte (surtout avec l’argent public) elle n’a rien trouvé de mieux que de dire “mais il ne sert à rien, pourquoi il faut dépenser tout cet argent ?”. Je n’ai pas aimé sa réaction mais je ne pouvais qu’admettre qu’il y avait un fond de vérité. C’est là où j’ai expliqué que la marque d’une civilisation est la manière dont elle traite les plus faibles d’entre eux.]

      Je suis d’accord avec cette réponse. Vous pourriez même lui parler de la théorie de la justice de John Rawls, qui veut qu’une décision soit juste lorsqu’elle est prise par une personne qui ne saurait pas de quel côté du conflit d’intérêts il pourrait se trouver. Pour celui qui n’est pas autiste, dépenser autant d’argent dans le traitement de l’autisme peut paraître du gâchis. Mais si nous étions autistes, nous penserions probablement différemment…

      Surtout, ne croyez pas que j’aie quelque chose contre les autistes, ou les handicapés en général. Je suis tout à fait favorable à ce que la société consacre une partie de la richesse produite à aider ceux qui se sont trouvés du mauvais côté du sort. Il reste à nous entendre sur l’étendue de l’effort que la société doit y consacrer, étant entendu que les moyens qu’on consacre à cet objectif devront être dégagés en sacrifiant un autre. Ce n’est pas un choix moral : rares sont les buts qui justifient un sacrifice illimité de la part de la société.

      [Ceci dit je vois que l’argent que coûte mon fils à la collectivité n’est pas très bien dépensé. Si l’état me donnait directement l’ensemble des ressources dépensés pour lui je suis certain que je pourrais mettre en place ce qu’il faut jusqu’à la fin de ma vie et aussi jusqu’à la fin de sa vie. On aurait même probablement les moyens de prendre en charge une autre personne autiste !]

      Vous abordez là un autre sujet : l’utilisation efficace des moyens publics… on pourrait écrire un livre là-dessus. Mais je ne suis pas persuadé qu’on puisse en général dire qu’en donnant les moyens aux agents privés on aurait une meilleure utilisation… même si cela peut être vrai dans un cas particulier.

      • Jopari dit :

        [Je suis d’accord avec cette réponse. Vous pourriez même lui parler de la théorie de la justice de John Rawls, qui veut qu’une décision soit juste lorsqu’elle est prise par une personne qui ne saurait pas de quel côté du conflit d’intérêts il pourrait se trouver. Pour celui qui n’est pas autiste, dépenser autant d’argent dans le traitement de l’autisme peut paraître du gâchis. Mais si nous étions autistes, nous penserions probablement différemment…]

        Un autre argument qui pourrait être plus parlant serait de dire qu’une personne valide ne le sera pas toujours (accident du travail, de la circulation, maladie).

        [Mais je ne suis pas persuadé qu’on puisse en général dire qu’en donnant les moyens aux agents privés on aurait une meilleure utilisation… même si cela peut être vrai dans un cas particulier.]

        Surtout qu’il faut compter avec les économies d’échelle et les couts incompressibles.

        Prenons, par exemple, les chèques-éducation: si on reversait, à chaque foyer, le cout moyen de la scolarité de leurs enfants scolarisés, à charge aux parents de choisir l’établissement de leur choix, chacune de ces écoles aura des couts fixes tels que le bâti (acheté ou loué) et les couts de certains enseignements nécessitant beaucoup de matériel (sciences expérimentales, EPS), tout cela étant bien mieux amorti si utilisé un grand nombre de fois pour faire baisser le cout unitaire; de plus, il faudrait contrôler ces établissements pour s’assurer qu’ils soient bien aux normes. Tout cela rend le versement de ces fonds directement aux établissements bien moins cher que ces chèques.

        Idem dans le cas des handicapés: il faudrait s’assurer que chacun de ces établissements soit correctement conçu et qu’il y ait du personnel qualifié, pour éviter les charlatans et autres aigrefins. Ce personnel qualifié ne se trouve pas facilement, ce qui nécessite des salaires élevés, et, de plus, on doit pouvoir lui donner un plein-temps. De plus, il y a du matériel spécialisé et cher, tel que bibliothèques en Braille ou matériel ergonomique, qu’il faut amortir le plus possible.

  4. Vincent dit :

    J’aime beaucoup cet article, qui aborde l’économie de la même manière que je l’aborde moi même : en faisant abstraction des considérations monétaires, la monnaie ne devant être qu’un outil pour permettre au reste de fonctionner.

    Je suis d’accord, une fois n’est pas coutume, avec tout ce que vous écrivez.

    Mais il me semble que vous êtes passé à côté de l’éléphant au milieu de la pièce : le chômage. La richesse est, grosso modo, égale à la quantité de travail fournie par les français. Le raisonnement qui consiste à dire : “si on veut faire cette chose, il faut renoncer à en faire une autre” est valable à nombre de travailleurs constants. Mais c’est loin d’être le cas.
    J’imagine qu’une politique intelligente permettrait de remettre d’aplomb nos infrastructures, etc. en faisant appel à notre armée de réserve : les chômeurs.

    • Descartes dit :

      @ Vincent

      [Mais il me semble que vous êtes passé à côté de l’éléphant au milieu de la pièce : le chômage. La richesse est, grosso modo, égale à la quantité de travail fournie par les français.]

      Pas tout à fait. Autrement, le PIB par habitant devrait être aujourd’hui inférieur à celui de 1960. Il ne faut pas oublier dans l’équation l’augmentation de la productivité…

      Je n’ai pas « oublié » le chômage. Mais je ne voulais pas compliquer le raisonnement. Le fait est qu’aujourd’hui la France est beaucoup plus « riche » globalement qu’elle n’était en 1960, et qu’on nous explique qu’on ne peut plus se payer des infrastructures et des services publics qu’on pouvait pourtant se payer en 1960. Comment expliquer cela ?

      Bien entendu, si EN PLUS nous pouvions mettre au travail les chômeurs, nous disposerions d’une richesse nationale ENCORE plus grande et l’écart serait ENCORE plus étonnant… mais même en supposant qu’on garde cinq millions de chômeurs, la question se pose.

      [Le raisonnement qui consiste à dire : “si on veut faire cette chose, il faut renoncer à en faire une autre” est valable à nombre de travailleurs constants. Mais c’est loin d’être le cas. J’imagine qu’une politique intelligente permettrait de remettre d’aplomb nos infrastructures, etc. en faisant appel à notre armée de réserve : les chômeurs.]

      Tout à fait. Mais nous devrions pouvoir le faire même sans cela. Si on pouvait payer en 1960, pourquoi ne le pourrions-nous pas aujourd’hui ? Mais à supposer même qu’on remette les chômeurs au travail, la question du choix se poserait toujours, car la ressource ainsi créée pourrait être consacré à beaucoup de choses différentes.

      • Vincent dit :

        [Tout à fait. Mais nous devrions pouvoir le faire même sans cela. Si on pouvait payer en 1960, pourquoi ne le pourrions-nous pas aujourd’hui ? Mais à supposer même qu’on remette les chômeurs au travail, la question du choix se poserait toujours, car la ressource ainsi créée pourrait être consacré à beaucoup de choses différentes. ]

        J’ai du mal à imaginer comment. Le coût de la santé a explosé. Mais personne n’accepterait de revenir dessus. Et je ne vois pas grand chose auquel la société puisse renoncer aisément.
        Schématiquement, il y a le peuple des gilets jaunes , les 80%, qui ont juste le nécessaire, et pas beaucoup plus. Sauf à considérer que partir une fois par an en vacances soit vraiment un luxe. Et ceux qui ont trop d’argent, soit une (petite, je pense) partie des 20% restants. Dont font notamment partie les célibataires et surtout les couples sans enfants, bien connus des publicitaires (TINK : Two Incomes No Kid). Ce sont à eux qu’on peut essayer de refourguer des choses superflues, les autres ont besoin de leur argent.
        Mais même si (et je ne vois pas comment) on réussissait à capter cet argent à ceux qui n’en ont pas besoin, cela ne serait pas d’un ordre de grandeur suffisant.

        Si on considère que les chômeurs d’aujourd’hui réussissent tout de même à vivre, avec les aides dont ils disposent. Si le fait pour eux de travailler augmentait de25% leur revenu disponible, cela signifie que, pour la collectivité, on peut les faire travailler pour un coût qui n’est que 20% de leur salaire net. Mettons 450€ par mois. Cela représente 27 milliards pour 5 millions de personnes qui travailleront.
        Soit à la grosse 20% d’augmentation du nombre de personnes au travail pour une ponction de moins de 1.5% du PIB. Même si la productivité de nouveaux travailleurs est trois fois moindre que celle des autres, cela reste très intéressant !
        Mes chiffres sont peut être trop approximatifs, mais je pense ne pas être loin de l’ordre de grandeur.

        Petite remarque supplémentaire :
        Les gains de productivité ont été considérables dans certains domaines… Mais pour des plombiers, couvreurs, ou infirmières, pas tellement. Si bien que certaines choses qui sont indispensables coûtent aussi cher qu’avant (en terme d’heures travaillées), avec une augmentation des besoins (on le devine facilement pour les infirmières. Mais pour les logements aussi, avec l’augmentation de la part de retraités d’une part, et l’augmentation des familles séparées ‘autre part, il faut plus de m2 qu’avant pour loger autant de monde.).

        Encore une petite remarque :
        Quand on parle d’argent gaspillé, je ne peux pas m’empêcher de penser à la richesse créée par les gens qui bossent dans les tours de la Défense (pour caricaturer).
        Certes, il y a certainement quelques ingénieurs, statisticiens, projeteurs, qui bossent sur des choses concrètes. Mais dans leur immense majorité, j’ai l’impression qu’il s’agit de boulots qui tournent en rond, et où la société fonctionnerait aussi bien s’ils n’existaient pas. Et comme par hasard, on y retrouve une quantité astronomique de salaires délirants…

        • Descartes dit :

          @ Vincent

          [J’ai du mal à imaginer comment. Le coût de la santé a explosé. Mais personne n’accepterait de revenir dessus.]

          Et pourquoi pas ? On pourrait atteindre les mêmes résultats en mettant l’accent sur la prévention plutôt que sur le traitement (par exemple, en revalorisant la médecine de prévention à l’école ou à l’entreprise). Le coût de la santé a explosé parce que le système de santé est financé à caisse ouverte, et que certains professionnels se sucrent là-dessus en poussant à la consommation.

          [Et je ne vois pas grand-chose auquel la société puisse renoncer aisément.]

          « Aisément », je ne sais pas. Mais en pratique on « renonce » à des choses tous les jours : cela fait trente ans qu’on « renonce » aux petites lignes de chemin de fer. On « renonce » à un hôpital de qualité. On « renonce » à l’électricité propre et pas chère. On « renonce » à une recherche préparant l’avenir. On « renonce » à une éducation de qualité. On « renonce » au plein emploi. Ces « renoncements » sont restés invisibles pendant longtemps, mais ils n’existent pas moins, et aujourd’hui ils commencent à se voir.

          Mon point, est qu’il faudrait un débat public à l’heure de savoir à quoi un « renonce ». Personnellement, je vois des « renoncements » moins douloureux que ceux auxquels nous souscrivons aujourd’hui implicitement. On pourrait par exemple « renoncer » à une publicité omniprésente, à une communication pléthorique qui s’immiscent dans tous les chapitres de notre vie. Et je ne trouve pas que ce soit très « douloureux » de renoncer à avoir deux cents chaines sur notre téléviseur, dont 199 sont absolument impossibles à regarder sans débrancher son cerveau préalablement. On pourrait franchement renoncer sans beaucoup de peine aux subventions aux éoliennes et aux panneaux solaires, à la prime à la casse et à la chaudière à un euro… Et je n’aborde même pas le chapitre des réglementations absurdes (accessibilité handicapés, sécurité ascenseurs, etc.) qui grèvent considérablement les coûts de construction.

          [Schématiquement, il y a le peuple des gilets jaunes, les 80%, qui ont juste le nécessaire, et pas beaucoup plus. Sauf à considérer que partir une fois par an en vacances soit vraiment un luxe.]

          Mais ces 80% « qui ont juste le nécessaire » paient aussi le superflu. Prenez par exemple cette publicité constante qui nous agresse quel que soit le média que vous regardez. Qui, à votre avis, paye ces panneaux qui fleurissent dans notre paysage, ces écrans animés qui vous agressent dans le métro, ces fenêtres qui s’ouvrent sur votre ordinateur, ces réclames qui interrompent nos programmes de télévision pour nous matraquer ? Et bien, ce sont les acheteurs de ces produits – parmi eux, les 80% « qui ont juste le nécessaire » qui le payent. Prenez par exemple le subventions aux énergies renouvelables : qui paye la CSPE pour financer éoliennes et panneaux solaires ? Et bien, ce sont les consommateurs d’électricité, et donc ces mêmes 80%…

          Il y a un double problème : d’un côté, la réduction des moyens du secteur public qui ont été transférés dans les poches privées. Il est clair que ce transfert a bénéficié essentiellement aux classes supérieures et intermédiaires, et beaucoup moins aux couches populaires. Ce n’est donc pas en réduisant la dépense de ces dernières qu’on peut résoudre le problème. Mais il y a un autre phénomène, qui est le fait que notre société consacre collectivement de plus en plus de moyens à des choses inutiles, et que ces moyens sont nécessairement soustraits à des fonctions utiles. Et dans beaucoup de cas – c’est par exemple le cas de la publicité – c’est le fonctionnement du marché qui pousse à la dépense.

          [Et ceux qui ont trop d’argent, soit une (petite, je pense) partie des 20% restants. Dont font notamment partie les célibataires et surtout les couples sans enfants, bien connus des publicitaires (TINK : Two Incomes No Kid). Ce sont à eux qu’on peut essayer de refourguer des choses superflues, les autres ont besoin de leur argent.]

          Cela dépend de ce que vous appelez « superflu ». Remplacer sa voiture tous les cinq ans, alors qu’un véhicule de nos jours peut rouler convenablement pendant dix ans au moins, est ce « indispensable » ? Posez-vous la question de savoir dans combien de cas on remplace des objets parfaitement fonctionnels pour « être à la mode » ou plus bêtement « pour avoir du neuf ». Et puis, avons-nous vraiment besoin d’avoir sur notre télé 200 chaînes dont les deux tiers transmettent des téléfilms sirupeux de noël ?

          [Mais même si (et je ne vois pas comment) on réussissait à capter cet argent à ceux qui n’en ont pas besoin, cela ne serait pas d’un ordre de grandeur suffisant.]

          Le moyen de capter cet argent est très simple : ça s’appelle l’impôt. Quant au montant, je pense que vous sous-estimez le coût du « superflu » dans notre société.

          [Si on considère que les chômeurs d’aujourd’hui réussissent tout de même à vivre, avec les aides dont ils disposent. Si le fait pour eux de travailler augmentait de25% leur revenu disponible, cela signifie que, pour la collectivité, on peut les faire travailler pour un coût qui n’est que 20% de leur salaire net. Mettons 450€ par mois. Cela représente 27 milliards pour 5 millions de personnes qui travailleront. Soit à la grosse 20% d’augmentation du nombre de personnes au travail pour une ponction de moins de 1.5% du PIB. Même si la productivité de nouveaux travailleurs est trois fois moindre que celle des autres, cela reste très intéressant !]

          Vous surestimez un peu le poids du chômage. Aujourd’hui, le taux de chômage chez nous est de l’ordre de 9%. Mettre les chômeurs au travail n’augmenterait que de 9% le nombre de personnes au travail, et non 20%. Par ailleurs, vous mettriez au travail la fraction la moins productive du salariat, ce qui rend l’équilibre du dispositif moins favorable que vous ne le pensez, d’autant plus qu’il faudrait trouver du capital – machines, matières premières – pour faire travailler ces chômeurs, ce qui rend la chose encore moins rentable.

          Le problème est l’effet de ce mécanisme sur la fixation du salaire. En effet, si je peux embaucher un travailleur pour 450 €, pourquoi irais-je embaucher un employé au SMIC ? Comme employeur, mon intérêt est de virer tout le monde et embaucher des chômeurs… qui seront partiellement payés par l’assurance chômage. Votre raisonnement préfigure en fait le « revenu d’existence » façon Hamon.

          [Petite remarque supplémentaire : Les gains de productivité ont été considérables dans certains domaines… Mais pour des plombiers, couvreurs, ou infirmières, pas tellement.]

          Je vois mal ce qui vous fait dire ça. Ce n’est pas la même chose de travailler comme couvreur avec des machines modernes (meuleuse, disqueuse, équipement à souder thermostatique) que de le faire avec le marteau et les ciseaux de ferblanterie. Même chose pour le plombier : les raccords standardisés, l’usage de matériaux nouveaux (PVC collé plutôt que métal soudé), les outillages portatifs… Et même chose les infirmières : pensez à l’époque où il fallait stériliser les matériels de chirurgie dans des autoclaves manuels qu’il fallait surveiller, alors que maintenant l’autoclave assure la bonne température automatiquement. Aavant, l’infirmière devait passer la nuit assise à côté du patient, scrutant son pouls et sa respiration. Aujourd’hui, une machine contrôle les rythmes vitaux et sonne une alarme lorsque ceux-ci sortent de la normale. Avec une seule infirmière vous avez le niveau de service que vous aviez hier avec dix…

          • Vincent dit :

            [Vous surestimez un peu le poids du chômage. Aujourd’hui, le taux de chômage chez nous est de l’ordre de 9%]

            Pour la catégorie A, oui. Mais si on les mélange toutes, c’est bien davantage. J’ai volontairement gonflé le chiffre pour fixer un peu les ordres de grandeur.

            [Le problème est l’effet de ce mécanisme sur la fixation du salaire. En effet, si je peux embaucher un travailleur pour 450 €, pourquoi irais-je embaucher un employé au SMIC ? Comme employeur, mon intérêt est de virer tout le monde et embaucher des chômeurs…]

            Je pense que vous n’avez pas bien compris mon point. Je suppose que les chômeurs toucheront en moyenne, en net, mettons 500€ de plus que ce qu’ils touchent au chômage. Si un chômeur touche, en allocations chômage, et autres allocations diverses auxquelles il n’aura plus droit une fois au travail, 800 € par mois, je suppose qu’il en touchera, en net, 1300. Et donc que son patron versera, entre les différentes charges et le salaire, de l’ordre de 1700 / 1800.

            Mais en faisant cela, cela permet de réduire de 800€ ce que verse la collectivité. Et permet d’augmenter de 500 € les cotisations sociales perçues par la collectivité. Soit 1300€ d’économies pour la collectivité.

            Si on le fait pour un individu, ça s’arrête là.

            Mais si on regarde au niveau macroéconomique, si ce mécanisme est multiplié par, mettons, 1 million :
            La collectivité (privé, public…) verse, charges comprises, 1.800 milliard de salaire chargé. Dont 0.5 en charges qui vont à la Sécu. Et Il y a 0.8 milliards d’économies de prestations qui ne sont plus à verser. Soit 1.3 milliards de delta positif pour la Sécu.

            On voit bien que, collectivement, la société a versé 1.8 milliards, mais en a récupéré 1.3. Le coût réel n’est que de 0.5 milliards.

            Naturellement, est il possible d’enclencher un tel mécanisme tout en réduisant la part de la dépense publique… C’est douteux.

            [Par ailleurs, vous mettriez au travail la fraction la moins productive du salariat, ce qui rend l’équilibre du dispositif moins favorable que vous ne le pensez]

            C’est vrai. C’est ce que je voulais dire en écrivant : “Même si la productivité de nouveaux travailleurs est trois fois moindre que celle des autres…

            Sinon, sur vos considérations relatives aux gaspillages nombreux qui existent… Cela me désespère également. Mais comment pourrait on agir ???

            – Plafonner le prix des cosmétiques (qui ne vendent au final que de la pub) ?
            – Limiter la proportion des ressources pouvant être fournies par la pub à des chaines de télé ? Ca revient à offrir à des oligarques le monopole de la possession de chaines de télé…
            – éviter de jeter son téléphone tous les 5 ans ? Quand le système d’exploitation ne peut pas être changé, et que les applications, l’une après l’autre, ne sont plus compatibles avec le système d’exploitation de votre tel (c’est exactement ma situation actuelle), comment fait on ? Faut il imposer le logiciel libre à tous les ordinateurs et téléphones vendus en France ?
            – Quand on doit jeter un réfrigérateur à cause d’un gond pété, car le réfrigérateur n’a pas été conçu pour être réparable…
            – Pour la voiture, quand des municipalités, comme Paris, s’apprêtent à interdire à la circulation les véhicules trop âgés… Comment fait on ?

            Il y a certaines questions, comme la dernière, pour lesquelles la réponse est simple : il suffit de demander aux politiques d’arrêter de déconner. Mais sur bien d’autres, c’est loin d’être aussi simple…

            • Descartes dit :

              @ Vincent

              [Pour la catégorie A, oui. Mais si on les mélange toutes, c’est bien davantage. J’ai volontairement gonflé le chiffre pour fixer un peu les ordres de grandeur.]

              Justement, vous le gonflez un peu trop. Si vous sortez de la catégorie A, votre raisonnement cesse d’être valable parce que vous entrez dans le cadre de gens qui ne sont pas prêts à travailler pour diverses raisons.

              [Je pense que vous n’avez pas bien compris mon point. Je suppose que les chômeurs toucheront en moyenne, en net, mettons 500€ de plus que ce qu’ils touchent au chômage. Si un chômeur touche, en allocations chômage, et autres allocations diverses auxquelles il n’aura plus droit une fois au travail, 800 € par mois, je suppose qu’il en touchera, en net, 1300. Et donc que son patron versera, entre les différentes charges et le salaire, de l’ordre de 1700 / 1800.]

              Oui, mais le patron ne semble pas prêt à verser à ces travailleurs-là de l’ordre de 1700/1800 €. Et s’il le fait pas, c’est tout simplement qu’il ne retrouve pas son compte, parce que ces travailleurs ne produiront pas une valeur qui permette de couvrir leur salaire et le capital investi pour les faire travailler. Votre raisonnement est juste sur le plan macroéconomique. Encore faut-il répartir les charges pour que ça tourne du point de vue microéconomique. Et on revient alors à un problème difficile : pour que ces travailleurs trouvent un emploi, il faut subventionner leur salaire…

              [Mais en faisant cela, cela permet de réduire de 800€ ce que verse la collectivité. Et permet d’augmenter de 500 € les cotisations sociales perçues par la collectivité. Soit 1300€ d’économies pour la collectivité.]

              Et si au lieu de leur payer 1700 € il les paye 17.000€, les cotisations sociales perçues par la collectivité sont multipliées par dix. Mais vous voyez-bien qu’il y a un problème : pourquoi l’employeur irait chercher ces travailleurs ?

              [Sinon, sur vos considérations relatives aux gaspillages nombreux qui existent… Cela me désespère également. Mais comment pourrait on agir ???]

              Très difficilement, surtout dans une logique « concurrentielle », puisque la publicité est en grande partie alimentée par la logique de concurrence. Lorsqu’EDF était un monopole public, pas besoin de faire de la publicité. Mais certaines mesures restent possibles :

              1) Limitation sévère de la publicité dans l’espace public (affichages, écrans publicitaires…).
              2) Financement d’Etat pour les média sans publicité – ce qui par effet de comparaison limiterait les recettes publicitaires des médias qui en ont.
              3) Imposition de la compatibilité montante aux nouveaux logiciels : les éditeurs sont tenus sauf impossibilité technique de maintenir la possibilité de faire tourner leur logiciel sur les versions anciennes des systèmes d’exploitation ayant moins de dix ans.

              [– Quand on doit jeter un réfrigérateur à cause d’un gond pété, car le réfrigérateur n’a pas été conçu pour être réparable…]

              Cette question est bien plus épineuse. Si beaucoup d’équipements ne sont pas réparables, c’est parce que le coût du neuf est tellement faible que les rendre « réparables » est une aberration économique. La question est d’incorporer dans le prix du neuf toutes les externalités. Si après cela le neuf reste compétitif… alors il vaut mieux ne pas réparer. Par contre, il faudrait étendre les durées de garantie, de façon à ce que le coût reflète la véritable durée de vie, encourageant les industriels à fabriquer des équipements durables.

              [– Pour la voiture, quand des municipalités, comme Paris, s’apprêtent à interdire à la circulation les véhicules trop âgés… Comment fait on ?]

              On oblige la collectivité prenant cette décision à indemniser ceux qui sont lésés par la mesure. De cette façon, on ferait apparaître le véritable coût de la décision.

          • Gugus69 dit :

            —Et pourquoi pas ? On pourrait atteindre les mêmes résultats en mettant l’accent sur la prévention plutôt que sur le traitement (par exemple, en revalorisant la médecine de prévention à l’école ou à l’entreprise). —

            Là, ami et camarade, c’est un peu plus compliqué que ça.
            Jean de Kervasdoué vous expliquerait que, PARCE QUE la prévention fait vivre les gens plus longtemps … Ils vont donc coûter plus cher. C’est une constante : plus la population vieillit, plus les dépenses de santé s’envolent. Une excellente politique de santé, comme celle qu’a connu la France depuis la Libération, fabrique des octogénaires et des nonagénaires, qui sont des gouffres financiers !
            On peut s’en désoler, mais on peut aussi l’assumer. La santé coûtera de plus en plus cher, et c’est normal.
            Ensuite, on peut se demander s’il est indispensable que la sécurité sociale prenne en charge les fécondations in vitro des couples de lesbiennes qui sont biologiquement parfaitement aptes à procréer “naturellement”.
            De ce point de vue, vous avez raison : il faut faire des choix.

            • Descartes dit :

              @ Gugus69

              [Là, ami et camarade, c’est un peu plus compliqué que ça. Jean de Kervasdoué vous expliquerait que, PARCE QUE la prévention fait vivre les gens plus longtemps … Ils vont donc coûter plus cher.]

              Je doute fort que Jean de Kervasdoué, pour qui j’ai le plus grand respect, me dise pareille chose. Le fait de vivre plus longtemps n’implique nullement qu’on « coûte plus cher ». Au contraire : lorsque l’espérance de vie était de 40 ans, on investissait pour élever et éduquer un enfant dont la période productive était avec de la chance de 25 ans. Aujourd’hui, avec une espérance de vie qui dépasse les 70 ans, on peut espérer qu’il reste productif pendant 45 ans et plus ! Cette augmentation de la rentabilité de l’investissement initial couvre très largement les coûts supplémentaires de santé. Vous noterez d’ailleurs que si le prolongement de la durée de vie augmentait les coûts, les sociétés s’appauvriraient au fur et à mesure que l’espérance de vie augmente. Or, c’est l’inverse qu’on observe.

              [C’est une constante : plus la population vieillit, plus les dépenses de santé s’envolent. Une excellente politique de santé, comme celle qu’a connu la France depuis la Libération, fabrique des octogénaires et des nonagénaires, qui sont des gouffres financiers !]

              Mais qui sont aussi productifs pendant une période beaucoup plus longue, rentabilisant ainsi beaucoup plus fortement l’investissement nécessaire pour les éduquer, les former et les maintenir en bonne santé. Au risque de me répéter : vieillissement et enrichissement vont de pair, et les sociétés très jeunes sont souvent… les plus pauvres.

            • Gugus69 dit :

              —Je doute fort que Jean de Kervasdoué, pour qui j’ai le plus grand respect, me dise pareille chose. Le fait de vivre plus longtemps n’implique nullement qu’on « coûte plus cher ». Au contraire : lorsque l’espérance de vie était de 40 ans, on investissait pour élever et éduquer un enfant dont la période productive était avec de la chance de 25 ans. Aujourd’hui, avec une espérance de vie qui dépasse les 70 ans, on peut espérer qu’il reste productif pendant 45 ans et plus ! Cette augmentation de la rentabilité de l’investissement initial couvre très largement les coûts supplémentaires de santé.—

              Personne ne dit le contraire, ni Jean de Kervasdoué ni moi ! Mais – vous le reconnaissez vous-même – l’augmentation de l’espérance de vie implique une augmentation importante des dépenses de santé. C’était mon seul point.
              Ce qu’explique clairement Jean de Kervasdoué, c’est qu’il est faux de prétendre qu’une politique de prévention efficace détermine une baisse des coûts de la politique de santé ; c’est même le contraire !
              De mémoire – mais sans certitude – , je crois qu’il développe cet argumentaire dans “Les prêcheurs de l’Apocalypse”.
              Pour le reste, je vous rejoins…

            • Descartes dit :

              @ Gugus69

              [Personne ne dit le contraire, ni Jean de Kervasdoué ni moi ! Mais – vous le reconnaissez vous-même – l’augmentation de l’espérance de vie implique une augmentation importante des dépenses de santé. C’était mon seul point.]

              C’est une tautologie. Il est clair que soigner quelqu’un pendant 80 ans coutera plus cher que le soigner pendant 60. Mais d’un autre côté, une personne qui travaille pendant quarante ans produit plus qu’une personne qui travaille pendant trente ans. Jusqu’un certain point, les deux effets se compensent.

              [Ce qu’explique clairement Jean de Kervasdoué, c’est qu’il est faux de prétendre qu’une politique de prévention efficace détermine une baisse des coûts de la politique de santé ; c’est même le contraire !]

              Oui et non. Dans beaucoup de cas, la prévention réduit radicalement le coût de la santé: la vaccination contre la poliomyélite a un coût, mais soigner les personnes que la poliomyélite aura laissé handicapées à vie a un coût bien plus grand. Et même dans les cas ou la prévention augmente les dépenses de santé en prolongeant la vie des patients, elle les rends plus productifs et donc plus en mesure de payer ces dépenses. Pour le dire autrement, même lorsque la prévention ne réduit pas le coût de la santé, c’est une inversion rentable.

            • Gugus69 dit :

              —Pour le dire autrement, même lorsque la prévention ne réduit pas le coût de la santé, c’est une inversion rentable.—

              Dit comme ça, ça me va. Nous pouvons tomber d’accord…

            • Vincent dit :

              Je n’avais pas réagi sur ce point ; Gugus69 l’a fait à ma place. Mais je reviens tout de même dessus, après la bataille :

              Si nous sommes tous d’accord pour dire que de la prévention peut apporter un bénéfice sanitaire plus important par euro dépensé, dans la situation française actuelle, il n’en reste pas moins que la dépense de santé a structurellement tendance à monter :

              – si on vit 80ans, on consomme plus que si on vit 60. C’est une évidence. Mais l’augmentation, qui devrait être de 33%, l’est en réalité de bien davantage, car la quantité de médicaments, soins, hospitalisations entre 70ans et 80 ans est beaucoup plus importante que entre 20 et 30ans.

              – Il ne faut pas perdre de vue que des premiers résultats, notamment en cancérologie, mais pas seulement, prévoient d’ici quelques années une nouvelle génération de médicaments, beaucoup plus efficaces pour tout un tas de maladie, mais qui sont des médicaments personnalisés (chaque patient a sa propre molécule). Et du coup beaucoup, beaucoup plus chers que ce qui existe aujourd’hui. Avec de telles percées technologiques, le débat sur le financement des soins ne fait, à mon avis, que s’ouvrir.
              Peut on accepter que le coût de la santé aille vers les 20% du PIB ? 30% Où est la limite…

              Je vous invite à relire la fin de la pièce de théâtre Knock, où le fameux docteur dissertait sur la proportion maximale de personnes qui, dans une population, pouvaient consacrer leur activité à se soigner ou à soigner les autres…

            • Descartes dit :

              @ Vincent

              [– si on vit 80ans, on consomme plus que si on vit 60. C’est une évidence. Mais l’augmentation, qui devrait être de 33%, l’est en réalité de bien davantage, car la quantité de médicaments, soins, hospitalisations entre 70ans et 80 ans est beaucoup plus importante que entre 20 et 30ans.]

              Là encore, cela est moins évident que vous ne le dites. La différence entre l’espérance de vie et l’espérance de vie en bonne santé ne s’accroit pas significativement. En d’autres termes, la période pendant laquelle on doit être soigné pour des pathologies graves liées à l’âge ne s’allonge pas significativement. Et en même temps, les systèmes de diagnostic et de prévention réduisent la dépense en santé en début de vie. Oui, la dépense augmente parce qu’on se soigne vingt ans de plus quand l’espérance de vie passe de 60 à 80 ans. Mais il est loin d’être évident que cette augmentation soit non linéaire.

              [– Il ne faut pas perdre de vue que des premiers résultats, notamment en cancérologie, mais pas seulement, prévoient d’ici quelques années une nouvelle génération de médicaments, beaucoup plus efficaces pour tout un tas de maladie, mais qui sont des médicaments personnalisés (chaque patient a sa propre molécule). Et du coup beaucoup, beaucoup plus chers que ce qui existe aujourd’hui. Avec de telles percées technologiques, le débat sur le financement des soins ne fait, à mon avis, que s’ouvrir.]

              Au début, ils seront « beaucoup plus chers ». Mais avec l’industrialisation de ces procédés, on verra le prix baisser. Pensez à ce qui est arrivé à l’informatique…

            • Un Belge dit :

              @ Descartes

              [Je doute fort que Jean de Kervasdoué, pour qui j’ai le plus grand respect, me dise pareille chose. Le fait de vivre plus longtemps n’implique nullement qu’on « coûte plus cher ». Au contraire : lorsque l’espérance de vie était de 40 ans, on investissait pour élever et éduquer un enfant dont la période productive était avec de la chance de 25 ans. Aujourd’hui, avec une espérance de vie qui dépasse les 70 ans, on peut espérer qu’il reste productif pendant 45 ans et plus ! Cette augmentation de la rentabilité de l’investissement initial couvre très largement les coûts supplémentaires de santé.]

              Lorsque l’espérance de vie était à 40 ans, ce n’était pas parceque le travailleur moyen mourait à 40 ans, mais à cause de la mortalité prématuré. L’essentiel des gens vivaient soit au-delà de 70 ans, soit mourait avant 15 ans. Une augmentation de l’espérance de vie a donc un effet assez marginal

            • Descartes dit :

              @ Un Belge

              [Lorsque l’espérance de vie était à 40 ans, ce n’était pas parce que le travailleur moyen mourait à 40 ans, mais à cause de la mortalité prématuré. L’essentiel des gens vivaient soit au-delà de 70 ans, soit mourait avant 15 ans. Une augmentation de l’espérance de vie a donc un effet assez marginal]

              “L’essentiel” des gens ne vivait pas au delà de 70 ans. Ainsi, par exemple, vous pouvez consulter une étude (https://www.ined.fr/fichier/s_rubrique/18771/pop_et_soc_francais_380.fr.pdf) qui montre (graphique 1) que pour la population vivante à 20 ans la courbe des décès est assez plate, avec un barycentre autour de 50 ans. Une personne qui dépassait la vingtaine pouvait donc “espérer” vivre jusqu’à 50 ans, et non 70.

              Mais à supposer même que votre vision soit exacte, il ne reste pas moins qu’avec une mortalité très forte avant 15 ans, on investissait pour faire naître, élever et éduquer des gens qui ne vivaient pas pour rentabiliser cet investissement. La prolongation de l’espérance de vie, que ce soit par le bas ou par le haut de la pyramide, permet avec le même investissement d’avoir des gens qui travaillent plus longtemps!

            • BolchoKek dit :

              @ Descartes

              [Une personne qui dépassait la vingtaine pouvait donc “espérer” vivre jusqu’à 50 ans, et non 70. ]

              Tu vas un peu vite en besogne. Comme le dit l’étude que tu cites toi-même :
              “Un adulte sur deux approchait la soixantaine et une fraction importante la dépassait. Même s’ils étaient peu nombreux, il y avait des vieillards, dont le rôle social était important. ”
              Un sur deux qui atteint la soixantaine, ce n’est pas négligeable, et une personne de vingt ans pouvait bien “espérer” atteindre la soixantaine. Une chance sur deux, c’est un espoir très raisonnable.
              On note cependant que le pic des décès est vers 70 ans, ce qui est peu surprenant : même après avoir survécu à la dure vie d’antan, avec les épidémies, les disettes, les accidents, c’est l’âge vers lequel tout un tas de maladies (cancer, maladies cardio-vasculaires…) font des ravages.

            • Descartes dit :

              @ BolchoKek

              [« Une personne qui dépassait la vingtaine pouvait donc “espérer” vivre jusqu’à 50 ans, et non 70. » Tu vas un peu vite en besogne. Comme le dit l’étude que tu cites toi-même : “Un adulte sur deux approchait la soixantaine et une fraction importante la dépassait. Même s’ils étaient peu nombreux, il y avait des vieillards, dont le rôle social était important. ”]

              Si « un adulte sur deux approchait la soixantaine », cela implique que moins d’un individu sur deux l’atteignait (autrement on écrirait « un adulte sur deux dépassait la soixantaine »). En d’autres termes, on pouvait espérer atteindre la cinquantaine, et pas plus.

              [Un sur deux qui atteint la soixantaine, ce n’est pas négligeable,]

              Certes. Mais ce n’est pas ce que dit l’article. L’étude dit qu’un adulte sur deux APPROCHE la soixantaine, pas qu’il l’ATTEINT.

  5. Thierry Saladin dit :

    Bonjour,

    (…) S’il est vrai que le partage de la valeur ajouté a vu transférer 10% du PIB du capital vers le travail,(…)

    Ne serait-ce pas l’inverse que vous vouliez dire : S’il est vrai que le partage de la valeur ajoutée a vu transférer 10% du PIB du travail VERS le capital…?

    Bien cordialement.

    Thierry Saladin

    • Descartes dit :

      @ Thierry Saladin

      [Ne serait-ce pas l’inverse que vous vouliez dire : S’il est vrai que le partage de la valeur ajoutée a vu transférer 10% du PIB du travail VERS le capital…?]

      Content de constater qu’il y en a qui suivent… 😉
      Bien entendu, vous avez raison: il s’agit d’un transfert du travail vers le capital, et non l’inverse. J’ai corrigé le texte.

      Cordialement,

  6. Vincent dit :

    [D’abord, il faut aborder ce qu’on peut appeler les politiques de destruction volontaire de valeur.]

    On pourrait ajouter dedans les obsessions procédurales qui pèsent sur tout un chacun, que ce soit les diagnostics obligatoires pour la mise en location, les dossiers loi sur l’eau pour n’importe quelle installation industrielle, même minuscule, etc.

    [il faut signaler l’importance prise par la communication et l’apparence dans tous les ordres de l’action publique.]

    Je ne pense pas, de manière générale, qu’il faille faire trop de différence entre le privé et le public. De l’argent gaspillé par le public n’est pas non plus une bonne chose.
    Et il me semble qu’en matière de temps et d’énergie perdue en communication, le privé se défend bien (qu’il s’agisse de communication interne à tous les étages, de communication individuelle auprès de ses chefs et collègues pour faire savoir qu’on a travaillé, etc.)

    [Il faut des moyens pour les femmes battues, pour la faim en Afrique, pour les autistes en France, pour le logement étudiant, pour la lutte contre le réchauffement climatique, pour le bio dans les cantines scolaires, pour le développement des énergies renouvelables, pour le tri des déchets]

    Vous avez fait une bonne synthèse des sujets à la mode. Il en manque sans doute. Mais ce qui est assez rigolo, c’est que, sur tous ces sujets, il y a déjà beaucoup d’argent qui est mis. On met beaucoup plus sur la table pour les autistes que pour les schizophrènes. Mais le discours ambiant est qu’il faut davantage pour les autistes.
    Idem pour les ENR : on met beaucoup sur la table pour les éoliennes et le photovoltaïque (si mon souvenir est correct, c’est 20% des ENR en France, pour 90% des subventions). Mais dans le discours ambiant, c’est encore ces deux là qu’il faut subventionner…

    • Descartes dit :

      @ Vincent

      [On pourrait ajouter dedans les obsessions procédurales qui pèsent sur tout un chacun, que ce soit les diagnostics obligatoires pour la mise en location, les dossiers loi sur l’eau pour n’importe quelle installation industrielle, même minuscule, etc.]

      Tout à fait. Là encore, dès qu’il y a un incident tout le monde se précipite à exiger des réglementations plus sévères, des contrôles plus fréquents… et les hommes politiques cèdent pour faire plaisir aux gens ou plus banalement de peur de se faire crucifier par les ONG. Personne ne se demande bien entendu combien tout cela coûte, et si ce coût est raisonnable. Les contrôles sur les installations industrielles sont de ce point de vue caricatural : on empile des nouvelles règles, mais comme le nombre de fonctionnaires chargés du contrôle est à la baisse, cela ne fait qu’affaiblir le contrôle des réglementations existantes sans rien apporter de nouveau.

      [Je ne pense pas, de manière générale, qu’il faille faire trop de différence entre le privé et le public. De l’argent gaspillé par le public n’est pas non plus une bonne chose. Et il me semble qu’en matière de temps et d’énergie perdue en communication, le privé se défend bien (qu’il s’agisse de communication interne à tous les étages, de communication individuelle auprès de ses chefs et collègues pour faire savoir qu’on a travaillé, etc.)]

      Vous avez tout à fait raison. Je ne l’ai pas mis dans mon papier, mais j’y ai pensé : lorsqu’on raisonne en termes macroéconomiques, les moyens qu’on consacre à des activités qui ne satisfont aucun besoin sont nécessairement soustraits à la satisfaction des besoins. Et cela que les moyens en question soient publics ou privés. Les moyens qu’on consacre à la communication ou à la publicité dans le privé peuvent être rattachés aux coûts de fonctionnement du marché. Pour pouvoir survivre, il faut vendre plus que le concurrent, ce qui suppose de consacrer d’énormes moyens à la publicité et la communication. Ces moyens pourraient être utilement utilisés à améliorer les voitures… mais bien entendu, cela supposerait par exemple que l’Etat plafonne les dépenses publicitaires, parce que dans un marché les concurrents ne peuvent pas s’entendre par eux-mêmes pour le faire…

      [Vous avez fait une bonne synthèse des sujets à la mode. Il en manque sans doute. Mais ce qui est assez rigolo, c’est que, sur tous ces sujets, il y a déjà beaucoup d’argent qui est mis. On met beaucoup plus sur la table pour les autistes que pour les schizophrènes. Mais le discours ambiant est qu’il faut davantage pour les autistes.]

      Normal. Lorsque vous donnez beaucoup d’argent à une cause, quelle qu’elle soit, vous nourrissez des gens qui travaillent dans ce domaine, et qui constituent un lobby qui, à son tour, demande plus d’argent. Vous n’imaginez pas le nombre de gens qui vivent de l’autisme : psychologues, personnel d’accueil, institutions de prise en charge… des gens qui expliquent aux parents, souvent désespérés, qu’il faut plus d’argent, plus de moyens. Cela fait un lobby efficace. Par contre, la schizophrénie ne fait vivre qu’un très petit nombre de spécialistes, et du coup font beaucoup moins de bruit et obtiennent beaucoup moins d’argent…

      [Idem pour les ENR : on met beaucoup sur la table pour les éoliennes et le photovoltaïque (si mon souvenir est correct, c’est 20% des ENR en France, pour 90% des subventions). Mais dans le discours ambiant, c’est encore ces deux-là qu’il faut subventionner…]

      C’est bien pire : les ENR éolien et photovoltaïque représentent moins de 8% du total de la production électrique à eux deux : dans les 20% d’ENR, le 11% vient de l’hydraulique. Qui d’ailleurs n’est pas subventionné. En d’autres termes, on consacre la quasi-totalité des subventions à la production électrique à 8% de la production.

      Mais là encore, vous avez le même phénomène : les subventions font vivre du monde, et ce monde-là s’organise en lobby pour demander plus de subventions…

      • Vincent dit :

        [[Idem pour les ENR : on met beaucoup sur la table pour les éoliennes et le photovoltaïque (si mon souvenir est correct, c’est 20% des ENR en France, pour 90% des subventions).]]

        [C’est bien pire : les ENR éolien et photovoltaïque représentent moins de 8% du total de la production électrique à eux deux :]

        Je ne parlais pas d’électricité. Je parlais des énergies renouvelables, électriques ou non. Si on considère qu’il faut les subventionner, pourquoi pas. Mais, après vérification des chiffres, 89% des subventions aux énergies renouvelables vont à ces deux là, qui ne représentent que 11% de la totalité des énergies renouvelables en France. Et de plus, comme par hasard, les seules dont le développement ne réduit pas les émissions de CO2…

        • Descartes dit :

          @ Vincent

          [Et de plus, comme par hasard, les seules dont le développement ne réduit pas les émissions de CO2…]

          Mais ce sont celles qui ont derrière elles un lobby puissant : le lobby antinucléaire. En effet, les autres énergies renouvelables (pour commencer, la biomasse qui est celle qui représente l’essentiel des renouvelables non électriques) ne sont pas présentables comme une alternative au nucléaire. Le photovoltaïque et l’éolien, si. Et c’est pourquoi les chevaliers de l’anti-nucléaire genre Greenpeace ou Sortir du Nucléaire en ont fait une croisade, et mettent une énorme pression sur les politiques publiques pour que les subventions aillent dans cette direction.

          • Vincent dit :

            [Mais ce sont celles qui ont derrière elles un lobby puissant : le lobby antinucléaire]

            Vous voulez sans doute parler des courageux combattants et lanceurs d’alerte qui, tiennent tête et avec leurs faibles moyens au puissant lobby nucléaire ?

            On dirait que vous cherchez à retourner le sens du lobbying…

            • Descartes dit :

              @ Vincent

              [Vous voulez sans doute parler des courageux combattants et lanceurs d’alerte qui, tiennent tête et avec leurs faibles moyens au puissant lobby nucléaire ?]

              Pourquoi “courageux” ? En quoi faut-il du “courage” pour tenir un discours qui va dans le sens de la bienpensance, qui est relayé complaisamment par l’establishment médiatique et par les politiques ? A ma connaissance, aucun de ces “combattants” n’a eu à souffrir dans sa carrière, dans ses biens, dans sa liberté ou dans sa vie les conséquences négatives de son engagement. Au contraire: il y en a pas mal qui en on fait un gagne pain…

              Quant aux “faibles moyens”, je vous conseille de regarder les comptes des associations comme Greenpeace… oh pardon, j’oubliais, ils sont secrets.

              [On dirait que vous cherchez à retourner le sens du lobbying…]

              Pas du tout. L’action des réseaux antinucléaires entre strictement dans la définition du lobbying. Ces ONG font le siège de parlementaires, rédigent des amendements à leur intention, les menacent même.

            • BJ dit :

              [les menacent même]

              Je ne vois pas de quoi vous parlez.

            • Descartes dit :

              @ BJ

              [“les menacent même” Je ne vois pas de quoi vous parlez.]

              Certains élus qui ont refusé de porter des amendements poussés par des réseaux antinucléaires ou qui ont voté contre ces amendements ont reçu des lettres de menaces, des appels téléphoniques ou des graffiti sur leurs permanences. Cela peut aller de la simple menace physique (“on va te crever”) à la menace allusive (“on sait ou tes enfants font à l’école”), en passant par les menaces plus classiques de perturber ses meetings ou ses actions de campagne. Un militant “zadiste” de Bure a d’ailleurs été condamné pour ce type de fait.

            • Vincent dit :

              Vous avez presque réussi à me faire croire que vous n’avez pas noté le second degré de mon message…

            • Descartes dit :

              @ Vincent

              [Vous avez presque réussi à me faire croire que vous n’avez pas noté le second degré de mon message…]

              Vous croyez ?

      • Yoann Kerbrat dit :

        [ on empile des nouvelles règles, mais comme le nombre de fonctionnaires chargés du contrôle est à la baisse, cela ne fait qu’affaiblir le contrôle des réglementations existantes sans rien apporter de nouveau]

        On dirait l’inspection du travail… En pratique cela veut dire qu’on a un droit du travail, mais qu’on peut ne pas le respecter si on ne crains pas les contrôles… Sans parler de ceux qui sont prévenus à l’avance des contrôles, afin de les rendre encore plus inoffensif.

        Je rappelle au passage la note pour novembre-décembre du ministère : contrôle uniquement des détachés. Les inspecteurs n’étaient pas très enjoués à l’idée de laisser carte blanche au patronat deux mois vis à vis des autres travailleurs…

        • Descartes dit :

          @ Yoann Kerbrat

          [On dirait l’inspection du travail… En pratique cela veut dire qu’on a un droit du travail, mais qu’on peut ne pas le respecter si on ne crains pas les contrôles… Sans parler de ceux qui sont prévenus à l’avance des contrôles, afin de les rendre encore plus inoffensif.]

          Non, je ne pensais pas à l’inspection du travail. D’autant plus que la réglementation du travail tend plutôt à se simplifier plutôt qu’à se compliquer. Je pensais plutôt au contrôle des installations classées, au contrôle sanitaire des aliments…

  7. Françoise dit :

    Houlala, il y avait quoi dans votre verre?
    Oser comparer le PIB nominal de 1960 et 2014, c’est hallucinant.

    • Descartes dit :

      @ Françoise

      [Houlala, il y avait quoi dans votre verre? Oser comparer le PIB nominal de 1960 et 2014, c’est hallucinant.]

      C’est plutôt de votre verre que vous devriez vous inquiéter. Lisez bien ce que j’ai écrit: “En euros 2014, le PIB en 1960 était de 460 Md€, il était en 2018 de 2280 Md€, soit cinq fois supérieur”. Puisque les deux sommes sont exprimées en “euros 2014”, il est clair qu’il s’agit du PIB en euros constants, et non pas une comparaison des valeurs NOMINALES. J’ajoute qu’un quadruplement du PIB en soixante ans correspond à un taux de croissance annuel moyen de 2,3%. Si la comparaison touchait les valeurs NOMINALES, le rapport serait bien plus important.

      Encore une fois, je ne peux que vous recommander une lecture attentive de ce que les autres écrivent avant d’intervenir avec votre courtoisie habituelle…

  8. Joblion dit :

    Vous pouvez aussi ajouter l’effet “Reine Rouge” bien décrit par Gaël Giraud

    (le mécanisme n’est décrit que vers la fin)

    Je sais que vous n’aimez pas regarder les vidéos…. Je l’ai vu écrit dans une de vos
    réponses d’un précédant texte. Mais je n’ai pas de références de lecture à vous donner.

    Gaël Giraud est chef économiste de l’Agence Française de Développement
    et Père jésuite (mais classé à gauche).

    • Descartes dit :

      @ Joblion

      [Je sais que vous n’aimez pas regarder les vidéos…. Je l’ai vu écrit dans une de vos réponses d’un précédant texte. Mais je n’ai pas de références de lecture à vous donner.]

      “L’hypothèse de la Reine Rouge” est bien connue en biologie évolutive. J’imagine que c’est à cela que la vidéo fait référence.

      Je ne suis pas persuadé qu’il soit pertinent de projeter cet effet sur l’économie, sauf à se placer dans une logique de darwinisme social…

  9. DR92 dit :

    Bonjour Descartes,

    Quelques remarques :
    1/ La productivité actuelle est plutôt en berne en occident, succédant à des années de forte croissance.
    2/ Le principe de précaution et le juridisme s’est emparé de la société : il y a un écosystème qui vit très bien des normes : les hautes autorités, les avocats, cabinets de conseil, ONG, associations J’étais responsable des études d’environnement dans les années 2000 pour la construction de la Centrale du Carnet, et nous devions identifier le mille feuille de normes qui s’imposait à nous, certaines même dont la portée juridique n’était pas établie (plan Natura 2000…) Quel beens, et tout ça pour finir pas un abandon. Pour investir en France il faut être motivé ! Or à mon sens ces normes ne créent aucune valeur puisqu’on à faire à des fonctions support, et détournent au contraire les investissements de l’ingénierie.
    3/ Peu d’ingénieurs veulent aller en production, mais vont plutôt dans la Finance -> donc à Paris . Or à Paris un parisien est plus proche d’un new yorkais que de n’importe quel provincial. Il y a une solidarité des villes mondiales qui s’est créée qui ont accouché du même citoyen, bio travaillant dans le tertiaire supérieur. Et qui n’estime rien devoir à personne ni à son pays.
    4/ Dans les dépenses des entreprises, je pense que le poste Informatique a explosé : et là aussi au profit de fonctions supports. Regardez les couts d’un projet SAP.
    5/ Regardez à qui les médias donnent la parole : ce ne sont que lanceurs d’alerte souvent alarmistes et presque toujours incompétent dans leurs domaines. A ce propos il faut écouter le dialogue entre G. Erneer et JM. Jancovici sur France Culture. https://www.youtube.com/watch?v=lBox1k1bFxs
    6 / Les ingénieurs sont peu présents dans les sphères de décideurs publics, et quand ils sont présents ils se vicient rapidement de part les calculs politiques.
    7 / Je pense qu’il y a un arrière plan intellectuel de nos décideurs (qui ne sont pas scientifiques, donc maitrisent mal les grandeurs) qui est un fatras de tendances perçues comme inéluctables : le fait que dans dans la mondialisation, la France va faire du Paretto et se consacrer à ce qu’elle sait faire (luxe, voyages, bateau et sous marin, construction, éventuellement nucléaire …), le fait que la France est perçue comme trop petite pour peser, l’immigration inéluctable et la violence qui ira avec, le réchauffement climatique le fait d’être lié par des normes en tout genre qu’on sait mortifères mais qu’on n’arrive pas à dénoncer.

    En clair, tout n’est que renoncement, c’est pour vous citer “la politique du chien crevé au fil de l’eau”…
    Il est difficile d’être positif.

    DR

    Sinon nous avions eu un échange au décès de Jacques Chirac, à qui je reprochais pour ma part d’être un fake complet. Satisfaction pour moi, les ouvrages post mortem portant sur lui ne se vendent pas du tout.

    • Descartes dit :

      @ DR92

      [1/ La productivité actuelle est plutôt en berne en occident, succédant à des années de forte croissance.]

      Il ne faut pas confondre une variable et sa variation. La productivité n’est pas « en berne » : elle continue à augmenter. C’est le rythme de cette augmentation qui a ralenti. Même chose pour le PIB : le fait que la croissance ait ralenti n’implique pas que le PIB diminue.

      [2/ Le principe de précaution et le juridisme s’est emparé de la société : il y a un écosystème qui vit très bien des normes : les hautes autorités, les avocats, cabinets de conseil, ONG, associations.]

      Je ne sais pas de quelles « hautes autorités » vous parlez. Si les politiques ont la fâcheuse tendance à utiliser la législation pour exister, fabriquant en permanence des usines à gaz normatives à l’interprétation hasardeuse et dont le service rendu à l’intérêt public est douteux, la haute fonction publique aujourd’hui subit plus qu’elle n’impulse cette inflation normative. Il est clair, par contre, que la norme est utilisée par le politique, les ONG et les associations pour exister politiquement, et que les avocats et autres cabinets de conseil en sont les principaux bénéficiaires.

      [J’étais responsable des études d’environnement dans les années 2000 pour la construction de la Centrale du Carnet, et nous devions identifier le mille-feuille de normes qui s’imposait à nous, certaines même dont la portée juridique n’était pas établie (plan Natura 2000…) Quel bintz, et tout ça pour finir pas un abandon. Pour investir en France il faut être motivé ! Or à mon sens ces normes ne créent aucune valeur puisqu’on à faire à des fonctions support, et détournent au contraire les investissements de l’ingénierie.]

      Tout à fait d’accord. Le problème est que la normative est utilisée comme moyen de communication plutôt que comme moyen d’organiser la société. C’est un moyen pour les ministres, les députés ou les ONG de montrer à quoi ils tiennent, en quoi ils croient. Quitte à créer l’insécurité juridique, ouvrir la porte à des contentieux à répétition, à imposer des règles dont le coût est sans proportion avec l’avantage que la société en tire. Et effectivement, cela décourage l’investissement, car non seulement il vous faut satisfaire à cette réglementation foisonnante, mais il vous faut attendre que tous les contentieux soit « purgés ». Car il y aura toujours une association pour trainer l’autorisation dont vous bénéficiez devant le tribunal administratif, et aucune banque ne vous financera tant que l’affaire n’est pas jugée. Et entre le premier recours, l’appel, la cassation devant le Conseil d’Etat suivie éventuellement d’une nouvelle autorisation qui sera elle-même contestée… vous en avez pour dix ans. Et je ne parle même pas de certains contentieux comme ceux relatifs à la loi sur l’eau, qui permettent des recours jusqu’à six mois APRES le démarrage de l’installation… ce qui suppose que votre autorisation à exploiter peut-être annulée alors que l’investissement a déjà été fait.

      Pompidou avait raison : « il faut arrêter d’emmerder les Français ».

      [3/ Peu d’ingénieurs veulent aller en production, mais vont plutôt dans la Finance -> donc à Paris. Or à Paris un parisien est plus proche d’un new yorkais que de n’importe quel provincial. Il y a une solidarité des villes mondiales qui s’est créée qui ont accouché du même citoyen, bio travaillant dans le tertiaire supérieur. Et qui n’estime rien devoir à personne ni à son pays.]

      J’ignore où vous travaillez, mais étant moi-même parisien, je ne partage nullement votre diagnostic. Il y a un esprit parisien qui n’a rien à voir avec celui de Londres ou de New York. Le « citoyen bio » dont vous parlez est en fait une couche relativement peu nombreuse de gens travaillant dans les domaines fortement internationalisés (luxe, finance…). Je ne crois pas que le fait d’être « parisien » y change quelque chose.

      Par contre, il y a clairement un discours dominant individualiste du « je ne dois rien à personne » qui est en fait l’autre face de la médaille victimiste et anti-institutionnelle. Puisque nous sommes tous victimes d’institutions qui nous veulent du mal (l’école, l’Etat…) nous ne leur devons rien. L’individu se constitue de lui-même et contre toute collectivité. La tragédie est que les seuls à offrir un discours alternatif sont les fondamentalistes religieux…

      [4/ Dans les dépenses des entreprises, je pense que le poste Informatique a explosé : et là aussi au profit de fonctions supports. Regardez les couts d’un projet SAP.]

      Vrai. Mais ces dépenses sont censées être des investissements, dont on doit trouver la contrepartie dans une augmentation de la productivité. On ne peut donc pas les considérer comme une diminution de la richesse globale disponible.

      [5/ Regardez à qui les médias donnent la parole : ce ne sont que lanceurs d’alerte souvent alarmistes et presque toujours incompétent dans leurs domaines.] 6 / Les ingénieurs sont peu présents dans les sphères de décideurs publics, et quand ils sont présents ils se vicient rapidement de par les calculs politiques.]

      On trouve là les conséquences de l’irrationalisme soixante-huitard : le « ressenti » s’impose aux faits, aux savoirs, aux recherches. Avec l’avantage considérable que, contrairement à la connaissance des faits, le « ressenti » ne nécessite aucun travail, aucune discipline particulière. Si la communication a pris une telle place dans notre société, c’est précisément parce que les opinions subjectives ont aujourd’hui plus de poids que les faits objectifs. Le débat sur l’homéopathie est un exemple presque caricatural : alors que TOUS les essais en double aveugle montrent que les médicaments homéopathiques n’ont aucun effet, vous trouverez des gens éduqués qui vous soutiendront que dans leur cas particulier, l’homéopathie les a guéris de telle ou telle maladie…

      Quant à la présence d’ingénieurs dans la décision publique… le propre de l’ingénieur, c’est qu’il est formé pour résoudre les problèmes qui existent, et non pour traiter des problèmes qui n’existent pas, quand bien même ils seraient « ressentis ». C’est pourquoi ils sont particulièrement mal armés pour évoluer dans un monde dominé par le « ressenti ». Que peut dire un ingénieur à un ministre qui veut fermer une centrale nucléaire non pas parce qu’elle est dangereuse, mais parce que ses électeurs ont le sentiment qu’elle l’est, à part « vous avez tort » ?

      [7 / Je pense qu’il y a un arrière-plan intellectuel de nos décideurs (qui ne sont pas scientifiques, donc maitrisent mal les grandeurs) qui est un fatras de tendances perçues comme inéluctables (…) En clair, tout n’est que renoncement, c’est pour vous citer “la politique du chien crevé au fil de l’eau”…]

      Et pas seulement de nos décideurs. Mais il faut noter que cet arrière-plan est par certains côtés une constante de notre histoire. Pour revenir sur une idée qui m’est chère, il y a toujours eu dans notre histoire une tension entre une « grande France » à vocation mondiale, curieuse, agressive, entreprenante, et une « petite France » renfermée sur ses petites affaires, ne pensant qu’à s’enrichir et jouir de son petit bonheur quitte à laisser à d’autres les affaires du monde. La « grande France », c’est la plaisanterie de De Gaulle s’adressant à un officier qui pointait une question stratégique sur la carte de France, et à qui mongénéral avait conseillé de « regarder ça dans une mappemonde ». La « petite France » est celle qui se demande si cela vaut la peine de sortir de chez soi et « mourir pour Dantzig ».

      Les excès de la « grande France » ont souvent conduit à des désastres. Mais la domination de la « petite France » a conduit toujours à des capitulations douloureuses et in fine bien plus désastreuses. Or, nous sommes dominés aujourd’hui par la « petite France », chacun s’occupant de son jardin et se demandant s’il est vraiment nécessaire d’intervenir au Mali alors qu’il manque de l’argent pour suivre les femmes battues en France.

      Tenez, je vais vous surprendre : autant j’ai été fier lorsque quatre millions de Français sont descendu dans la rue après le massacre à Charlie Hebdo, autant j’ai froid dans le dos quand je pense que pour mobiliser les gens aujourd’hui il n’y a pas d’autre sujet que les retraites. Lorsqu’il s’est agi de défendre la propriété publique de l’électricité ou des chemins de fer, les crédits de la recherche, l’hôpital public… personne ne bouge. N’y a-t-il pas de meilleurs sujets pour se mobiliser que notre fin de vie ?

      [Sinon nous avions eu un échange au décès de Jacques Chirac, à qui je reprochais pour ma part d’être un fake complet. Satisfaction pour moi, les ouvrages post mortem portant sur lui ne se vendent pas du tout.]

      Oui, tout à fait. J’y vois une confirmation de mon hypothèse : les gens qui pleuraient Chirac pleuraient à travers lui un monde disparu. Mais Chirac en tant que personne n’intéresse pas grand monde.

      • François dit :

        @Descartes

        [(…) Les excès de la « grande France » ont souvent conduit à des désastres. Mais la domination de la « petite France » a conduit toujours à des capitulations douloureuses et in fine bien plus désastreuses. Or, nous sommes dominés aujourd’hui par la « petite France » (…)]

        Si seulement la discussion aujourd’hui était de savoir si l’on veut une « grande France » ou une « petite France ». Non, aujourd’hui la discussion est de savoir si la France doit être autre chose que le contenant d’un infâme magma multiculturel aux valeurs dégénérées. À ce propos, le récent débat entre Alain Finkielkraut et Maboula Soumahoro est hautement révélateur… Si seulement cette « intellectuelle » (guillemets plus que de rigueur) ne représentait qu’elle même, mais les Français ont largement élu président un candidat qui expliquait que la culture française ça n’existe pas, ou qui veut transformer leur pays en « start-up nation ». Ceci dit il est vrai que c’était soit ça, soit le nazisme couplé à une terrible dépression économique.
        Mépriser les maurassiens et leur « petite France » est un luxe que je ne peux plus me permettre.

        [Tenez, je vais vous surprendre : autant j’ai été fier lorsque quatre millions de Français sont descendu dans la rue après le massacre à Charlie Hebdo (…)]

        A posteriori, je dois pour une fois remercier ma procrastination de m’avoir rendu indisponible pour la manifestation du 11 janvier (je me suis toutefois rendu à la minute de silence organisée le soir même du 7 janvier dans ma commune d’alors et je ne regrette pas ce geste). Entre temps, la liberté d’expression en France s’est bien dégradée, comme en attestent les harcèlements juridiques ou physiques de personnes ayant des opinions hétérodoxes, sans que le gouvernement ne prenne des contre-mesures, ou bien même se rende coupable de restrictions à cette liberté en votant une loi contre les « fake-news ». Cette manifestation n’aura donc servi strictement à rien.
        Enfin parmi toutes ces personnes qui ont manifesté, combien se seraient rendu à cette manifestation si ça avait été la rédaction de Valeurs Actuelles qui avait été plombée ?

        • Descartes dit :

          @ François

          [Si seulement la discussion aujourd’hui était de savoir si l’on veut une « grande France » ou une « petite France ». Non, aujourd’hui la discussion est de savoir si la France doit être autre chose que le contenant d’un infâme magma multiculturel aux valeurs dégénérées. À ce propos, le récent débat entre Alain Finkielkraut et Maboula Soumahoro est hautement révélateur… ]

          Ce débat reproduit le débat entre la « grande » et la « petite » France. Du côté de la « grande France » vous trouvez les universalistes, ceux qui, dans la plaisanterie de De Gaulle, regardent les problèmes sur une mappemonde. De l’autre, celui de la « petite France », ceux qui se concentrent sur des micro-questions concernant leurs petits intérêts, leur petite communauté, leur petit genre.

          [Mépriser les maurassiens et leur « petite France » est un luxe que je ne peux plus me permettre.]

          La question est moins de les mépriser que de les comprendre. Personnellement, je ne méprise pas la « petite France ». La grandeur de notre pays tient aussi à la tension entre ces deux pôles, et si l’un d’eux avait manqué la France n’occuperait pas la place qu’elle occupe. Cela étant dit, reste convaincu qu’aujourd’hui c’est la « petite France » qui est aux commandes. Macron est pour moi le type même du « petit Français » qui ne s’assume pas comme tel.

          [Tenez, je vais vous surprendre : autant j’ai été fier lorsque quatre millions de Français sont descendu dans la rue après le massacre à Charlie Hebdo (…)]

          [A posteriori, je dois pour une fois remercier ma procrastination de m’avoir rendu indisponible pour la manifestation du 11 janvier (…). Cette manifestation n’aura donc servi strictement à rien.]

          Je ne pense pas que cette manifestation devait « servir à quelque chose ». C’était une expression collective d’attachement à des valeurs, pas une manifestation revendicative.

          [Enfin parmi toutes ces personnes qui ont manifesté, combien se seraient rendu à cette manifestation si ça avait été la rédaction de Valeurs Actuelles qui avait été plombée ?]

          Je pense que si Valeurs Actuelles avait publié les caricatures de Mahomet et avait été massacrée en conséquence, il y aurait eu la même réaction. Seulement voilà, Valeurs Actuelles ne l’a pas fait, alors on ne peut pas savoir…

          • François dit :

            @Descartes

            [Ce débat reproduit le débat entre la « grande » et la « petite » France. Du côté de la « grande France »]
            Enfin pour les tenants historiques de la « petite France » (régime de Vichy par exemple), le substantif « France » voulait dire quelque chose, à savoir un pays avec son histoire, sa culture, ses traditions, une société rurale, etc. Quand le régime de Vichy se met en place, il a l’intention de restaurer la France face à des idées jugées corrompues, instaurées avec la troisième République. La France, malgré les malheurs qui lui sont arrivés, reste quelque chose dont il faut rester fier. Avec Macron & Cie, dans le meilleur des cas, ce qu’a été la France est complètement secondaire, ou sinon quelque chose dont il faut avoir honte. De plus, le régime de Vichy avait un projet de société qui n’était pas nihiliste, à savoir déstructurer complètement la société comme celui de nos gouvernements actuels.
            Par ailleurs, les tenants historiques de la « grande France » et de la « petite France », partageaient une fond commun concernant leurs visions de la France, dont l’exemple le plus emblématique est la figure de Jeanne d’Arc. Jeanne d’Arc pour notre gouvernement actuel ne peut être digne d’intérêt seulement dans la mesure où c’était une femme.
            Oui, je considère que le débat n’est pas entre deux visions nationales (« grande » ou « petite »), mais entre une vision nationale et post-nationale concernant la France.

            [La question est moins de les mépriser que de les comprendre. Personnellement, je ne méprise pas la « petite France ».]
            J’ai été un peu fort en utilisant le verbe mépriser. Ce que je voulais dire par là, c’est qu’en d’autres temps, je les aurais considérés comme des adversaires, maintenant je les considère comme des alliés (comme les gaullistes et les communistes en d’autres temps). Ceci dit il faut souligner que la pensée maurassienne a évolué vers plus de « grande France », notamment en ayant un intérêt pour la politique industrielle, comme en atteste la récente occupation par des militants de l’Action Française d’une usine Latécoère pour protester contre son rachat par un fond américain.

            [Macron est pour moi le type même du « petit Français » qui ne s’assume pas comme tel.]
            Pour moi Macron est l’archétype du Français fasciné par les idées libérales et post-modernes anglo-saxonnes, pour lequel la France ne veut rien dire (souvenez-vous du « la culture française ça n’existe pas »). Chirac et Hollande étaient encore des représentants de la « petite France », avec leur attachement au terroir. Le seul attachement au terroir qu’a Macron, c’est quand il s’agit de faire le VRP en Chine. Comme l’a expliqué le porte-parole de son gouvernement, « les Français mangent bien plus souvent des kebabs que des homards ».

            [Je pense que si Valeurs Actuelles avait publié les caricatures de Mahomet et avait été massacrée en conséquence, il y aurait eu la même réaction. Seulement voilà, Valeurs Actuelles ne l’a pas fait, alors on ne peut pas savoir…]
            Mais les Français ont-ils manifesté pour la liberté d’expression de TOUTES les idées en GÉNÉRAL ou pour la liberté d’expression de CERTAINES idées en PARTICULIER ? De toute façon Valeurs Actuelles aussi professe des idées pas particulièrement tendres vis-à-vis de l’islam, ce qui a coûté la vie aux journalistes de Charlie Hebdo.

            • Descartes dit :

              @ François

              [Enfin pour les tenants historiques de la « petite France » (régime de Vichy par exemple), le substantif « France » voulait dire quelque chose, à savoir un pays avec son histoire, sa culture, ses traditions, une société rurale, etc.]

              Jusqu’à un certain point, oui. Mais pensez aux « petits français » qu’étaient les autonomistes bretons, par exemple. Eux n’avaient pas vraiment une idée de ce qu’était la France, grande ou petite. Il y a dans les tenants de la « petite France » un certain nombre de nationalistes réactionnaires, mais il y a aussi les courants autonomistes, il ne faudrait pas l’oublier.

              [Quand le régime de Vichy se met en place, il a l’intention de restaurer la France face à des idées jugées corrompues, instaurées avec la troisième République. La France, malgré les malheurs qui lui sont arrivés, reste quelque chose dont il faut rester fier. Avec Macron & Cie, dans le meilleur des cas, ce qu’a été la France est complètement secondaire, ou sinon quelque chose dont il faut avoir honte.]

              Tout à fait. Le régime de Vichy est un régime nationaliste-conservateur. Il se réfère à une France qui n’est pas la France réelle, mais une France idéalisée à partir d’éléments épars pris dans le passé. Chez Macron, le passé n’a aucun message à nous transmettre. Pour lui, pas besoin de savoir d’où l’on vient pour savoir où l’on va. C’est d’autant plus paradoxal qu’au vu de sa formation on ne peut pas dire que Macron n’ait pas bénéficié d’une transmission. Mais cette transmission n’a pas réussi à lui faire aimer son pays et son histoire. En ce sens, vous avez raison, on peut difficilement le rattacher à la « petite France » façon Vichy.

              Mais à côté de cette divergence, on trouve des convergences importantes. Macron tout comme les vichyssois ne voient pas d’avenir pour la France autre que de s’inscrire dans un espace européen construit avec l’Allemagne. Cela conduit Macron à rechercher à tout prix à plaire aux Allemands, avec l’espoir que cette obséquiosité sera récompensée…

              [De plus, le régime de Vichy avait un projet de société qui n’était pas nihiliste, à savoir déstructurer complètement la société comme celui de nos gouvernements actuels.]

              Là, je vous suis moins. L’ambition de Vichy était d’abolir l’héritage de la Révolution française et de la république. Macron a une ambition du même type même si ses références sont un peu différentes : pour lui, il s’agit d’abolir les institutions issues du programme du CNR. Macron abomine les « privilèges » attachés aux statuts et les retraites issues de la Libération tout comme Vichy voyait l’origine de la décadence de la France les conquêtes de la classe ouvrière sous le Front Populaire. Macron, comme Vichy, se placent dans une logique autoritaire, et voient dans la délibération collective des assemblées un facteur de décadence…

              [Par ailleurs, les tenants historiques de la « grande France » et de la « petite France », partageaient un fond commun concernant leurs visions de la France, dont l’exemple le plus emblématique est la figure de Jeanne d’ Arc.]

              Oui et non. Vichy et De Gaulle se sont tous deux référés à Jeanne d’Arc. Mais ce n’est pas tout à fait la même Jeanne que chacun d’eux a choisi. Bien entendu, tous deux vont chercher leurs références dans la même histoire. Mais le champ des références communes est relativement faible. Pour les référents de la « grande France », les références sont généralement politiques, alors que chez la « petite France » vous trouverez des références plus légendaires, plus mystiques.

              [Oui, je considère que le débat n’est pas entre deux visions nationales (« grande » ou « petite »), mais entre une vision nationale et post-nationale concernant la France.]

              Mais lorsque Vichy affirme que le temps de l’indépendance est fini, que la France doit s’inscrire dans le « nouvel ordre européen » allemand, ne sommes-nous pas dans les prémisses d’une vision « post-nationale » ? Que le curseur entre nationalisme et post-nationalisme soit dans une position différente chez les vichyssois et les macronistes, c’est une évidence. Mais cela ne permet tout de même pas d’ignorer les éléments communs aux deux.

              [J’ai été un peu fort en utilisant le verbe mépriser. Ce que je voulais dire par là, c’est qu’en d’autres temps, je les aurais considérés comme des adversaires, maintenant je les considère comme des alliés (comme les gaullistes et les communistes en d’autres temps).]

              Malheureusement, je ne le pense pas. On ne peut pas défendre la souveraineté du peuple français tout en exigeant l’autonomie pour les régions. On ne revalorisera pas la nation en remettant en valeur un apartheid linguistique fondé sur les langues régionales.

              [Mais les Français ont-ils manifesté pour la liberté d’expression de TOUTES les idées en GÉNÉRAL ou pour la liberté d’expression de CERTAINES idées en PARTICULIER ?]

              De toutes, je pense. Je n’aime pas particulièrement Charlie Hebdo, et pourtant j’étais dans la rue. Et j’y ai retrouvé beaucoup de gens qui pensent comme moi. Croyez-vous vraiment que ce sont ceux qui partagent l’anarchisme de l’équipe de Charlie Hebdo qui ont agité des drapeaux tricolores, chanté la Marseillaise et fait sonner le glas de Notre Dame ?

              [De toute façon Valeurs Actuelles aussi professe des idées pas particulièrement tendres vis-à-vis de l’islam, ce qui a coûté la vie aux journalistes de Charlie Hebdo.]

              Non. Ce qui a coûté la vie aux journalistes de Charlie Hebdo, ce n’est pas d’avoir professé des idées « pas tendres » envers l’Islam. Plein de publications font cela, et n’ont pas souffert du même traitement. Charlie Hebdo a été attaqué parce qu’il a revendiqué le droit au blasphème, ce qu’à ma connaissance n’a jamais fait Valeurs Actuelles.

            • Yoann dit :

              [un apartheid linguistique]

              On y apprend le Français dans les écoles Diwan…

            • Descartes dit :

              @ Yoann

              [« un apartheid linguistique » On y apprend le Français dans les écoles Diwan…]

              Peut-être. Mais un enseignant qui ne parlerait pas breton peut-il exercer son métier dans une école Diwan ? Un élève qui arrive d’une autre région en milieu de scolarité peut-il être inscrit dans une école Diwan ? Non, puisqu’une partie de l’enseignement est pratiqué en langue régionale, et que par conséquence l’enseignant qui ne la pratique pas, l’élève qui ne la pratique pas restent à la porte.

              Il ne faut pas banaliser cette question. Si demain on reconnait aux citoyens la possibilité de faire leurs démarches administratives ou de se faire servir dans les commerces en langue régionale, cela implique nécessairement que les fonctionnaires ou les employés en contact avec le publique parlent la langue régionale. Et cela instaure un apartheid de fait, puisque les « estrangers » arrivant dans une région qui n’est pas la leur seront barrés de certaines fonctions et/ou emplois.

              L’universalité de la « lange maternelle françoise » instituée en droit par François Ier et réalisée par la IIIème République a été un instrument puissant de constitution d’une collectivité nationale, puisqu’elle permet à chaque Français d’avoir les mêmes droits et les mêmes possibilités de socialisation dans tous les points du territoire. Officialiser les langues régionales, c’est établir une hiérarchie entre les citoyens, et donc la fracturation de la société.

            • Yoann Kerbrat dit :

              Au moins les reconnaitres dans le but de les faire vivre, sans en faire une nécessite administrative ?

            • Descartes dit :

              @ Yoann Kerbrat

              [Au moins les reconnaitres dans le but de les faire vivre, sans en faire une nécessite administrative ?]

              Mais ça veut dire quoi, concrètement, les “reconnaître” ? Dans quels actes précis pourrait se traduire cette “reconnaissance” ?

              Je ne fais qu’une constatation: si l’on veut que tout citoyen français puisse faire valoir ses droits et s’insérer dans la vie sociale de n’importe quel point du territoire, on ne peut admettre l’usage de la langue régionale (ou de n’importe quelle autre langue d’ailleurs) dans quelque institution publique que ce soit. Alors, si la “reconnaissance” passe par son enseignement, par la présence dans les bibliothèques publiques, pourquoi pas si le nombre de locuteurs le justifie et que le coût n’est pas excessif. Mais je ne pense pas que pour vous cette “reconnaissance” soit suffisante…

            • Yoann Kerbrat dit :

              @Descartes

              [ Mais je ne pense pas que pour vous cette “reconnaissance” soit suffisante…]

              Et bien… Si. Je dois être plus mesuré que je le laisse penser.

              Ca me semble normal que l’administration pour tout le pays soit dans une seule langue.

            • François dit :

              @Descartes
              (Je vous prie de bien vouloir m’excuser pour cette réponse tardive)

              Jusqu’à un certain point, oui. Mais pensez aux « petits français » qu’étaient les autonomistes bretons, par exemple. (…)]
              Si les autonomistes bretons n’avaient aucune vision de ce que devait être la France, alors je ne considère pas qu’ils appartiennent à la « petite France ».

              [Quand le régime de Vichy se met en place, il a l’intention de restaurer la France (…). Avec Macron & Cie, dans le meilleur des cas, ce qu’a été la France est complètement secondaire, ou sinon quelque chose dont il faut avoir honte.]
              Tout à fait. Le régime de Vichy est un régime nationaliste-conservateur. Il se réfère à une France qui n’est pas la France réelle, mais une France idéalisée à partir d’éléments épars pris dans le passé. Chez Macron, le passé n’a aucun message à nous transmettre. Pour lui, pas besoin de savoir d’où l’on vient pour savoir où l’on va. C’est d’autant plus paradoxal qu’au vu de sa formation on ne peut pas dire que Macron n’ait pas bénéficié d’une transmission.]
              En plus de n’avoir aucun message à transmettre, le passé est quelque chose qu’il faut vouer au gémonies chez Macron. À ma connaissance, aucun des régimes qui ont précédé l’actuel n’a autant haï l’histoire de France, du baptême du Clovis aux Comités de Salut Public.

              [Mais le champ des références communes est relativement faible. Pour les référents de la « grande France », les références sont généralement politiques, alors que chez la « petite France » vous trouverez des références plus légendaires, plus mystiques. (…)]
              Je dirais plutôt que si les références sont les mêmes, l’interprétation qui en faite n’est pas la même. Si chez les adeptes de la « grande France » on retient de l’œuvre des rois de France la politique modernisatrice et centralisatrice, chez les adeptes de la « petite France », c’est leur rôle (supposé) de gardiens des traditions.
              Je rajouterais également cette citation du Tigre : « Il y a une longue résonance du plus lointain ancêtre au dernier descendant. Mes ancêtres, je les reproduis. » Un royaliste peut-il renier ce propos ? Un macroniste peut-il s’y retrouver ?

              [[De plus, le régime de Vichy avait un projet de société qui n’était pas nihiliste, à savoir déstructurer complètement la société comme celui de nos gouvernements actuels.]
              Là, je vous suis moins. L’ambition de Vichy était d’abolir l’héritage de la Révolution française et de la république. Macron a une ambition du même type]
              Le programme de Vichy était d’abolir l’héritage de la Révolution française, pour le remplacer par une société traditionnelle, corporatiste et rurale, la rendre conforme à ce qu’ils estiment qu’elle n’aurait jamais du cesser d’être. Macron en plus de l’héritage du CNR, veut abolir tout ce qui a fait la France, jusqu’aux structures anthropologiques les plus élémentaires (légalisation de la PMA et dépénalisation de facto de la GPA) pour atomiser et rendre anhistorique la société Française. C’est en cela qu’il est nihiliste.
              De plus si ça ne vient pas de Macron & Cie, je rajouterais que la haine de soi confine actuellement à la pulsion de mort. Je pense par exemple aux écologistes comme Yves Cochet qui demande aux femmes occidentales de faire moins d’enfants au nom de la soi disante survie de la planète tout en demandant de faire venir toute la misère du tiers-monde. Bref tuer le peuple français pour le remplacer.

              [[Oui, je considère que le débat n’est pas entre deux visions nationales (« grande » ou « petite »), mais entre une vision nationale et post-nationale concernant la France.]
              Mais lorsque Vichy affirme que le temps de l’indépendance est fini, que la France doit s’inscrire dans le « nouvel ordre européen » allemand, ne sommes-nous pas dans les prémisses d’une vision « post-nationale » ? Que le curseur entre nationalisme et post-nationalisme soit dans une position différente chez les vichyssois et les macronistes, c’est une évidence. Mais cela ne permet tout de même pas d’ignorer les éléments communs aux deux.]
              Si la soumission a une puissance étrangère a été une des caractéristiques du régime de Vichy, je ne pense pas que cela soit une condition nécessaire ou suffisante pour que toute politique basée sur cette caractéristique soit qualifiée de « petite France ». Le maurrassianisme, qui a servi de corpus idéologique au régime de Vichy méprisait l’Allemagne durant l’entre-deux guerres et ça n’est pas pour autant qu’il puisse être considéré comme porteur d’une vision de la « grande France ». Avoir pour son pays un projet décentralisateur et traditionnaliste en revanche est une condition suffisante pour avoir une vision qualifiée de « petite France ». Enfin, il y a ceux, hier comme aujourd’hui, à tort ou à raison, qui considèrent qu’être soumis à une puissance étrangère, est l’occasion inespérée de moderniser la France. On peut dire que les fascistes du régime de Vichy (minoritaires certes), les kennedophiles des années 60-70 et maintenant les européistes voulaient s’appuyer sur une puissance étrangère pour « moderniser » la France. Concernant les européistes en particulier, c’est qu’après que la France se soit réformée qu’elle pourra être grande à nouveau, sans oublier les idéalistes qui ont une vision « gaullienne » de l’Europe.

              [[J’ai été un peu fort en utilisant le verbe mépriser. Ce que je voulais dire par là, c’est qu’en d’autres temps, je les aurais considérés comme des adversaires, maintenant je les considère comme des alliés (comme les gaullistes et les communistes en d’autres temps).]
              Malheureusement, je ne le pense pas. On ne peut pas défendre la souveraineté du peuple français tout en exigeant l’autonomie pour les régions. On ne revalorisera pas la nation en remettant en valeur un apartheid linguistique fondé sur les langues régionales.]
              Eh bien comme je me suis efforcé de le démontrer, je considère que le combat aujourd’hui est entre une vision nationale et post-nationale. C’est seulement le jour où le combat pour une vision nationale sera remportée que l’on pourra de nouveau débattre quelle vision nationale est la meilleure pour le pays. Par ailleurs le (très hypothétique) réveil régionaliste qu’ils souhaitent ne pèse rien à côté de la lutte contre la venue en masse d’éléments allogènes, qui eux atomisent réellement la société française.
              De plus, malgré tout le mal que de Gaulle pensait des communistes, il n’a pas hésité à s’allier à eux lorsqu’il l’a jugé nécessaire…

              [[Mais les Français ont-ils manifesté pour la liberté d’expression de TOUTES les idées en GÉNÉRAL ou pour la liberté d’expression de CERTAINES idées en PARTICULIER ?]
              De toutes, je pense. Je n’aime pas particulièrement Charlie Hebdo, et pourtant j’étais dans la rue. Et j’y ai retrouvé beaucoup de gens qui pensent comme moi. Croyez-vous vraiment que ce sont ceux qui partagent l’anarchisme de l’équipe de Charlie Hebdo qui ont agité des drapeaux tricolores, chanté la Marseillaise et fait sonner le glas de Notre Dame ?]
              Je ne sais pas. En revanche je sais que l’on a beaucoup rendu hommage aux flics lors des manifestations du 11 janvier. Trois ans après, on sait ce qu’il advint de cet hommage…

              [Plein de publications font cela, et n’ont pas souffert du même traitement. Charlie Hebdo a été attaqué parce qu’il a revendiqué le droit au blasphème, ce qu’à ma connaissance n’a jamais fait Valeurs Actuelles.]
              Vous marquez un point. En revanche, un ancien nervi de Macron a lancé récemment des menaces de mort contre Zineb El Rhazoui, ancienne journaliste à Charlie Hebdo, sans que cela n’émeuve trop de monde. Il est vrai qu’elle a tenu des propos pas très orthodoxes ces derniers temps.

            • Descartes dit :

              @ François

              [« Jusqu’à un certain point, oui. Mais pensez aux « petits français » qu’étaient les autonomistes bretons, par exemple. (…) » Si les autonomistes bretons n’avaient aucune vision de ce que devait être la France, alors je ne considère pas qu’ils appartiennent à la « petite France ».]

              Ah pardon ! Les autonomistes – bretons ou autres – avaient bien une vision de ce que devait être la France : une juxtaposition de « peuples » (souvenez-vous de la formule « le peuple corse composante du peuple français » que Jospin avait prétendu inscrire dans la loi…) chacun avec sa langue, ses lois, son gouvernement « autonome ». Une France sans vision universelle, sans projet commun, avec des régions tournées vers elles-mêmes.

              [En plus de n’avoir aucun message à transmettre, le passé est quelque chose qu’il faut vouer au gémonies chez Macron. À ma connaissance, aucun des régimes qui ont précédé l’actuel n’a autant haï l’histoire de France, du baptême du Clovis aux Comités de Salut Public.]

              Parce que tous nos régimes politiques ont cherché avec plus ou moins de succès à se légitimer par une référence à l’histoire, quitte à romancer cette dernière. C’est cette légitimation par l’histoire que les libéraux-libertaires cherchent à combattre par tous les moyens, tout simplement parce que c’est un obstacle de taille à la mondialisation telle qu’ils la conçoivent. D’où un révisionnisme universitaire qui consacre l’essentiel de ses efforts à diaboliser le passé, à « déconstruire » les grandes figures et les grands ouvrages du passé.

              [Si la soumission a une puissance étrangère a été une des caractéristiques du régime de Vichy, je ne pense pas que cela soit une condition nécessaire ou suffisante pour que toute politique basée sur cette caractéristique soit qualifiée de « petite France ». Le maurrassianisme, qui a servi de corpus idéologique au régime de Vichy méprisait l’Allemagne durant l’entre-deux guerres et ça n’est pas pour autant qu’il puisse être considéré comme porteur d’une vision de la « grande France ».]

              Ce n’est pas tant la « soumission à la puissance étrangère » qui caractérise la « petite France » que l’idée qu’il faut abandonner la vision universaliste et laisser les grandes affaires du monde aux autres. A la racine de Vichy il y a aussi l’idée que la France s’était battue « pour les intérêts anglais » et non pour les siens, et que le conflit entre Anglais et Allemands pour la domination européenne n’était pas notre affaire. Sur ce point, Vichy et Maurras étaient parfaitement d’accord.

              [Concernant les européistes en particulier, c’est qu’après que la France se soit réformée qu’elle pourra être grande à nouveau, sans oublier les idéalistes qui ont une vision « gaullienne » de l’Europe.]

              Je ne crois pas que ce soit le cas. Les européistes soutiennent au contraire que la France ne peut plus être « grande ». Tout au plus, elle peut s’inscrire dans une « grande » Europe ». En cela, ils sont dans la droite ligne de la « petite France » vichyssoise : occupons-nous de nos petits problèmes, et laissons les grandes affaires du monde à d’autres.

              [Eh bien comme je me suis efforcé de le démontrer, je considère que le combat aujourd’hui est entre une vision nationale et post-nationale. C’est seulement le jour où le combat pour une vision nationale sera remportée que l’on pourra de nouveau débattre quelle vision nationale est la meilleure pour le pays.]

              Peut-être. Mais dans ce combat, les régionalistes sont résolument du côté du modèle « post-national ». La meilleure preuve est l’utilisation que font les régionalistes des structures européennes pour mettre en difficulté les édifices nationaux. Pensez par exemple à l’affaire de la Charte des langues régionales et minoritaires…

              [Par ailleurs le (très hypothétique) réveil régionaliste qu’ils souhaitent ne pèse rien à côté de la lutte contre la venue en masse d’éléments allogènes, qui eux atomisent réellement la société française.]

              Pour moi, les deux sont équivalents. Ce n’est pas par hasard si la décentralisation a coïncidé avec l’abandon de la doctrine de l’assimilation. L’assimilation intérieure et l’assimilation extérieure sont un seul et même processus. Je ne peux pas soutenir le droit des Corses à utiliser la langue corse dans les tribunaux, et imposer aux immigrés de parler français.

              [De plus, malgré tout le mal que de Gaulle pensait des communistes, il n’a pas hésité à s’allier à eux lorsqu’il l’a jugé nécessaire…]

              Surtout, il s’est allié à eux chaque fois qu’ils ont eu un ennemi commun. Le problème, c’est que les régionalistes et souverainistes ne combattent pas le même ennemi. Les régionalistes, qu’ils soient écossais, catalans ou bretons, adorent l’Union européenne…

            • François dit :

              @Descartes

              [[Concernant les européistes en particulier, c’est qu’après que la France se soit réformée qu’elle pourra être grande à nouveau, sans oublier les idéalistes qui ont une vision « gaullienne » de l’Europe.]
              Je ne crois pas que ce soit le cas. Les européistes soutiennent au contraire que la France ne peut plus être « grande ».]

              Je pense que ça n’est que partiellement vrai. Derrière l’Euro, il y avait la volonté, foireuse certes, de Mitterrand de dompter l’Allemagne (qui rappelons-le, n’avait que très moyennement digéré sa réunification). Après, si la France est reléguée au rang de province, c’est parce que l’UE doit être forte.
              De plus il y a des européistes français qui considèrent que la France ferait mieux d’être la queue d’un lion que la tête d’une souris. Ainsi, ces européistes, à la différence de ceux d’Europe du Nord, considèrent que l’UE doit être autre chose qu’un gigantesque marché respectant la « concurrence libre et non faussée » sous protectorat américain, comme en atteste leur volonté de créer des « champions européens » et « l’Europe de la défense ». C’est en cela qu’ils sont « gaulliens », en projetant une volonté de puissance et d’indépendance non plus sur la France, mais sur l’UE.

              [[De plus, malgré tout le mal que de Gaulle pensait des communistes, il n’a pas hésité à s’allier à eux lorsqu’il l’a jugé nécessaire…]
              Surtout, il s’est allié à eux chaque fois qu’ils ont eu un ennemi commun. Le problème, c’est que les régionalistes et souverainistes ne combattent pas le même ennemi. Les régionalistes, qu’ils soient écossais, catalans ou bretons, adorent l’Union européenne…]

              Ce qui me gêne en premier lieu avec les régionalistes contemporains n’est pas qu’ils s’accoquinent avec la Kommission, mais qu’ils sont porteurs de l’idéologie multiculturaliste. De plus, ma hantise n’est pas que la Corse soit gouvernée par des régionalistes, mais la possible élection de maires fréristes aux prochaines municipales. Enfin une francilienne en mini-jupe peut se promener sans soucis à Bastia. En revanche à Trappes…
              Je considère que le premier des combats n’est pas pour récupérer notre souveraineté, mais pour la préservation de notre identité (même si les deux sont très fortement couplés). Bien entendu, entre un identitaire souverainiste et un identitaire européiste et/ou régionaliste, je donnerais ma voix au premier, mais ça n’est pas pour autant que je donnerais ma voix à l’UPR, eux qui n’ont que faire de l’identité française, s’il y a face à eux un identitaire européiste et/ou régionaliste. Tout comme entre un souverainiste multiculturaliste et un européiste et/ou régionaliste multiculturaliste, je choisis sans hésiter le premier.

            • Descartes dit :

              @ François

              [Je pense que ça n’est que partiellement vrai. Derrière l’Euro, il y avait la volonté, foireuse certes, de Mitterrand de dompter l’Allemagne (qui rappelons-le, n’avait que très moyennement digéré sa réunification). Après, si la France est reléguée au rang de province, c’est parce que l’UE doit être forte.]

              Sauf que l’UE ne fait rien pour devenir « forte ». On peinerait à trouver un seul exemple ou l’Union ait pesé dans une affaire internationale. Quand les entreprises européennes se font tondre par le « droit extraterritorial » américain, quand les chinois pratiquent un dumping sur nos marchés, quand les grandes entreprises « optimisent » leur fiscalité, où est l’UE ? A part donner des leçons, la diplomatie européenne est une vaste rigolade, et la défense européenne une illusion.

              Je connais par cœur la réponse des pro-européens : si l’UE est faible, c’est parce qu’il n’y a pas assez d’Europe. Transférons à Bruxelles tous les pouvoirs des états nationaux, et l’UE deviendra une véritable puissance. Les faits montrent que c’est une erreur ou pire, une duperie. L’UE ne sera pas une puissance parce qu’elle n’a pas été conçue pour cela, au contraire. L’UE n’est pas conçue pour régner, mais pour assurer le règne des intérêts privés.

              [De plus il y a des européistes français qui considèrent que la France ferait mieux d’être la queue d’un lion que la tête d’une souris.]

              Sauf qu’après plus d’un demi-siècle de construction européenne, on a réussi tout au plus à être la queue d’une souris.

              [Ainsi, ces européistes, à la différence de ceux d’Europe du Nord, considèrent que l’UE doit être autre chose qu’un gigantesque marché respectant la « concurrence libre et non faussée » sous protectorat américain, comme en atteste leur volonté de créer des « champions européens » et « l’Europe de la défense ». C’est en cela qu’ils sont « gaulliens », en projetant une volonté de puissance et d’indépendance non plus sur la France, mais sur l’UE.]

              Peut-être, mais en pratique ces européistes ont voté et fait voter pour la « concurrence libre et non faussée », qui empêche précisément l’apparition de « champions européens ». Si ces européistes sont « gaulliens », ils ne le sont que dans le discours. Dans la pratique, ils font ce qu’il faut pour que l’UE ne soit pas une puissance.

              [De plus, ma hantise n’est pas que la Corse soit gouvernée par des régionalistes, mais la possible élection de maires fréristes aux prochaines municipales.]

              Pour moi, les deux menaces sont du même ordre.

              [Enfin une francilienne en mini-jupe peut se promener sans soucis à Bastia.]

              Peut-être. Mais si elle s’achète une maison, elle risque de la voir plastiquée au nom d’une idéologie régionale qui prétend réserver la propriété foncière aux Corses « de souche ». Je ne vois pas en quoi le fait de vous imposer le port du voile serait plus problématique que de vous imposer de parler une langue régionale.

              [Je considère que le premier des combats n’est pas pour récupérer notre souveraineté, mais pour la préservation de notre identité (même si les deux sont très fortement couplés).]

              Admettons. Mais c’est quoi « notre identité » ? En quoi vous obliger à parler Corse ou Breton serait-il moins menaçant pour votre identité française que de vous obliger à porter le voile ou la barbe ?

      • Richard dit :

        [[4/ Dans les dépenses des entreprises, je pense que le poste Informatique a explosé : et là aussi au profit de fonctions supports. Regardez les couts d’un projet SAP.]

        Vrai. Mais ces dépenses sont censées être des investissements, dont on doit trouver la contrepartie dans une augmentation de la productivité. On ne peut donc pas les considérer comme une diminution de la richesse globale disponible.]]

        Je suis partiellement d’accord avec DR92 quand il s’agit de la dépense sur un projet informatique tel que le NHS Britannique a entrepris et abandonné ou le logiciel de paie des armées complètement boiteux il y a quelques années. Néanmoins c’est bien un investissement (pour rejoindre Descartes) réussi quand vous avez une société comme Bouygues (quand elle ne faisait que du BTP) qui a vu l’informatique comme un investissement et a pu rendre ses chantiers beaucoup plus rentable (car plus efficaces dans leur gestion) en faisant de Bouygues une réussite remarquable par rapport à ses concurrents (en attendant bien sur que les concurrents l’imitent).

        • Descartes dit :

          @ Richard

          [Je suis partiellement d’accord avec DR92 quand il s’agit de la dépense sur un projet informatique tel que le NHS Britannique a entrepris et abandonné ou le logiciel de paie des armées complètement boiteux il y a quelques années.]

          On peut regretter effectivement que tant de projets informatiques soient mal conçus, mal réalisés et se révèlent donc de mauvais investissements. Mais cela est vrai pour n’importe quel autre investissement. La différence est que pour construire des routes l’Etat avait le corps des Ponts et Chaussées, et pour construire les centrales nucléaires le corps des Mines, alors que pour le suivi des grands projets informatiques il n’y a pas de corps technique adapté. La clairvoyance de Napoléon n’est pas arrivée jusque là, et ses successeurs n’ont pas pris le relais !

          • Ian Brossage dit :

            @Descartes

            > La différence est que pour construire des routes l’Etat avait le corps des Ponts et Chaussées, et pour construire les centrales nucléaires le corps des Mines, alors que pour le suivi des grands projets informatiques il n’y a pas de corps technique adapté.

            Il y aurait bien le corps des Télécoms… (ou ce qu’il en reste ?).

            • Descartes dit :

              @ Ian Brossage

              [Il y aurait bien le corps des Télécoms… (ou ce qu’il en reste ?).]

              Le corps des Télécoms n’est pas dans son esprit un corps destiné aux projets informatiques. Et d’ailleurs il n’existe même plus (il a été intégré au corps des Mines).

      • Jopari dit :

        [Les excès de la « grande France » ont souvent conduit à des désastres. Mais la domination de la « petite France » a conduit toujours à des capitulations douloureuses et in fine bien plus désastreuses. Or, nous sommes dominés aujourd’hui par la « petite France », chacun s’occupant de son jardin et se demandant s’il est vraiment nécessaire d’intervenir au Mali alors qu’il manque de l’argent pour suivre les femmes battues en France. ]

        Surtout que, aujourd’hui encore plus qu’il y à un siècle, où l’assassinat d’un archiduc fut le déclencheur d’une guerre mondiale généralisée, les deux aspects de la France sont liés: la “petite France” pourrait se demander, par exemple, pourquoi se préoccuper des accords de Vienne mais, en cas de crise généralisé dans cette région, l’approvisionnement en énergie pourrait en être affecté.

  10. NG dit :

    En contre-point à votre paragraphe introductif on pourrait avancer comme hypothèse explicative que ce qui a profondément changé depuis 1960 c’est la pyramide des âges de la France.

    Des vieux qui sont plus nombreux et qui ont pour caractéristique de voter davantage que toutes les autres composantes de la société… Ont-ils seulement un projet pour l’avenir ?

    • Descartes dit :

      @ NG

      [Des vieux qui sont plus nombreux et qui ont pour caractéristique de voter davantage que toutes les autres composantes de la société… Ont-ils seulement un projet pour l’avenir ?]

      L’effet explicatif de la pyramide des âges est toujours ambigu. Le gaullisme retourné au pouvoir en 1958 reposait surtout sur les “vieux”… et pourtant des “projets d’avenir” émaillent la décennie de pouvoir gaullien. A l’inverse, nous avons aujourd’hui un président de quarante ans entouré de conseillers et de ministres particulièrement jeunes. Est-ce qu’on voit pointer une promesse d’avenir là dedans ?

      • NG dit :

        Non en effet mais cette génération de happy few accepte avec plaisir et intérêt le grand jeu de la mondialisation et de l’intégration-désintégration européenne. Et elle s’appuie, électoralement, sur une importante proportion de papy-boomers qui n’y trouve rien à redire (carrière terminée + patrimoine foncier constitué).

        • Ian Brossage dit :

          @NG

          > Et elle s’appuie, électoralement, sur une importante proportion de papy-boomers qui n’y trouve rien à redire (carrière terminée + patrimoine foncier constitué).

          Je ne sais pas trop à quoi vous faites allusion. Mais si vous regardez les résultats de la présidentielle de 2017, notamment ceux de Macron et Le Pen, on y voit beaucoup plus un vote de classes (sociales) qu’une segmentation en classes d’âge…

  11. Vincent dit :

    [L’effet explicatif de la pyramide des âges est toujours ambigu. Le gaullisme retourné au pouvoir en 1958 reposait surtout sur les “vieux”…]

    Les vieux de 1958 avaient connu la guerre de 14-18 et celle de 40. C’est à dire l’éducation d’avant 1914, très patriotique, et la double confrontation à ce que peut être le tragique de notre histoire.
    Les vieux de maintenant ont connu Mai 1968, et son mouvement d’individualisme.

    Cela fait sans doute la différence. Il y a une génération, la génération babyboom grosso modo, qui est, , individualiste et au pouvoir.

    • Descartes dit :

      @ Vincent

      [Cela fait sans doute la différence. Il y a une génération, la génération babyboom grosso modo, qui est, individualiste et au pouvoir.]

      Tout à fait. « Le temps ne fait rien à l’affaire », comme disait Brassens. Ce n’est pas l’âge, mais l’expérience vitale des électeurs et des politiques qui compte. La génération qui a fait les deux guerres pensait probablement plus à l’avenir du pays à 80 ans que la génération des babuboomers à quarante. C’était là mon point.

      • Jordi dit :

        Un point que moi -même (et une grande partie de vos lecteurs) partagent pleinement.

        De Gaulle, Marchais, Pasqua, Chaban et autres (même Mitran) sont des hommes qui ont connu des périodes tragiques, et ont émergé. Je crains que les périodes douces que nous ont légué au prix du sang nos glorieux aînés ne favorisent une sorte de crépuscule décadent, dans lequel émergent des courtisans communicants bien plus que les chefs capables forgés à la dure flamme du tragique.

        • Descartes dit :

          @ Jordi

          [De Gaulle, Marchais, Pasqua, Chaban et autres (même Mitran) sont des hommes qui ont connu des périodes tragiques, et ont émergé. Je crains que les périodes douces que nous ont légué au prix du sang nos glorieux aînés ne favorisent une sorte de crépuscule décadent, dans lequel émergent des courtisans communicants bien plus que les chefs capables forgés à la dure flamme du tragique.]

          Tout à fait d’accord. La perte du sens du tragique explique dans une bonne mesure l’égotisme et l’incapacité de nos dirigeants.

  12. cording dit :

    Si l’on avait attendu moins longtemps le caractère obligatoire de la ceinture de sécurité dans les automobiles il y aurait eu plus rapidement moins de morts.

    • Descartes dit :

      @ cording

      [Si l’on avait attendu moins longtemps le caractère obligatoire de la ceinture de sécurité dans les automobiles il y aurait eu plus rapidement moins de morts.]

      Possiblement. Mais la société a jugé que l’accélération dans la réduction du nombre de morts ne valait pas le prix de mettre l’ensemble du parc automobile à la casse. C’est là le type de “choix” auquel je faisais référence. Je ne dis pas qu’il faille choisir une chose plutôt que l’autre, mais qu’il faut être conscient qu’on ne peut pas avoir ET l’un ET l’autre. Si nous préférons développer éoliennes et panneaux solaires plutôt que d’avoir un hôpital de qualité, c’est un choix valable. Mais on ne peut pas pousser l’un et ensuite pleurer sur l’autre. Ou plutôt si, on peut, mais c’est une attitude infantile.

      • cording dit :

        Plutôt que de mettre à la casse prématurément les automobiles non dotées d’une ceinture de sécurité on aurait pu, me semble-t-il, obliger les constructeurs à modifier les sièges voire les changer simplement et non toute l’automobile.
        Bien sûr c’est un choix, dans ma première observation, mais le coût économique pour la collectivité des morts et des blessées n’a pas été pris en compte.

        • Descartes dit :

          @ cording

          [Plutôt que de mettre à la casse prématurément les automobiles non dotées d’une ceinture de sécurité on aurait pu, me semble-t-il, obliger les constructeurs à modifier les sièges voire les changer simplement et non toute l’automobile.]

          C’est loin d’être évident. La conception des points d’attache des ceintures – qui n’est le plus souvent pas sur les sièges, mais sur la structure du véhicule – fait partie de la conception du véhicule. Il n’est pas trivial d’adapter un véhicule déjà conçu et fabriqué.

          [Bien sûr c’est un choix, dans ma première observation, mais le coût économique pour la collectivité des morts et des blessées n’a pas été pris en compte.]

          Qu’est ce qui vous fait penser ça ?

    • xc dit :

      A l’époque où le bouclage de la ceinture est devenu obligatoire, on pouvait trouver dans les quotidiens des courriers de lecteurs (il n’y avait pas encore Internet) protestant contre l’atteinte à la liberté individuelle que cela constituait, ou pas convaincus de la sécurité que cela apportait, ou que c’était contre-productif (en cas de chute dans l’eau, ou que l’éjection était préférable …), et autres arguties pour ne pas l’utiliser alors même qu’elle était installée.
      Il a fallu répéter campagne sur campagne, avec images de “crash-tests” avec mannequins, de gendarmes verbalisant, pour que l’utilisation la ceinture se généralise peu près.
      Alors, si les gens y avaient mis un peu de bonne volonté plus tôt, il y aurait eu rapidement moins de morts. Pourtant, cela ne coûtait qu’un “clic”.

  13. marc.malesherbes dit :

    (correction d’une coquille)

    “En évitant soigneusement – car personne n’a envie d’avouer son passéisme – de dire « c’était mieux avant » alors qu’en fait chacun le pense profondément.”
    pour qui a comme moi un certain âge, les progrès de la société sont époustouflants. Certes, il y a des aspects moins plaisants, et chacun, si il se fixe sur ces aspects moins plaisants, peut être déçu. En tout cas, moi qui ai connu les années 60, je ne souhaiterai surtout pas les voir revenir. Reste la question de savoir si nous pourrons poursuivre ces progrès.
    Je ne peux que faire un tableau a grand traits: d’abord pour le plus grand nombre l’augmentation considérable de tout ce qui concerne la vie personnelle à savoir de la durée de vie, l’égalité homme-femme, la santé, l’alimentation, l’habillement, l’éducation, les vacances, les déplacements, l’internet, le smartphone …
    Certes il y a quelques aspects négatifs, le revers de la médaille, principalemet le chômage, les petits boulots mal payés, l’insécurité de l’emploi mais aussi la massification (on est rarement seul), les quartiers “musulmans” (mais on n’est pas obligé d’y aller) et j’en oublie sans doute.
    La question principale est de savoir si cela peut durer (en France), ne serait-ce qu’au niveau actuel. Je suis moins optimiste en partie en raison des arguments que vous avancez. Principalement je crains qu’au niveau mondial nous ne puissions faire face au dégats du réchauffement climatique, mais il est possible qu’en France sur la façade ouest, cela ne soit pas catastrophique. Reste les désordres qui nous viendront principalement pour nous de l’Afrique. Si nous voulons garder notre niveau de vie, il nous faudra mettre des barrières sérieuses à une immigration encore plus massive qu’aujourd’hui. Nous payons déjà la Turquie et les pays de l’afrique du nord pour nous servir de barrière (comme les Anglais nous paient pour les protéger).
    En dehors de cette question, il y a notre capacité “être compétitif” vis à vis des pays tiers. Notre bilan n’est guère encourageant, comme le souligne nombre des exemples que vous avancez. Si on se référe à la tendance sur la longue période, on a l’impression qu’après notre défaite cuisante de 1940, nos dirigeants ont essayé de redresser le pays, jusqu’à la fin du Gaullisme (Pompidou). Puis est venu le temps de Giscard, le début du renoncement, qui depuis n’a pas cessé.
    Trouverons nous un nouvel élan ? je le souhaite, mais je n’en voie pas la trace. J’imagine que la France va continuer à se rétrécir, ce qu’elle a commencé avec les défaites de Louis XV face à l’Angleterre, et que l’Allemagne va consolider son ascension entamée avec la Prusse du même Louis XV. (certes il y a eu pour les deux pays des hauts et des bas, mais depuis Louis XV, la tendance est claire).
    En langage direct, cela veut dire que notre niveau vie risque bien de commencer à baisser “dans l’absolu”, ce qui n’est pas encore le cas pour le plus grand nombre.

    • Descartes dit :

      @ marc.malesherbes

      [“En évitant soigneusement – car personne n’a envie d’avouer son passéisme – de dire « c’était mieux avant » alors qu’en fait chacun le pense profondément.” pour qui a comme moi un certain âge, les progrès de la société sont époustouflants. Certes, il y a des aspects moins plaisants, et chacun, s’il se fixe sur ces aspects moins plaisants, peut être déçu. En tout cas, moi qui ai connu les années 60, je ne souhaiterai surtout pas les voir revenir.]

      Je n’ai pas dit le contraire. J’ai dit que « chacun pense profondément » que c’était mieux avant, je n’ai pas dit que cette « pensée » soit justifiée par les faits. Cela étant dit, j’apporterais quand même quelques nuances à votre propos. Oui, sur le plan matériel, technologique, scientifique, les progrès ont été époustouflants : nous vivons plus longtemps, en meilleure santé. Grâce à la toile nous avons un accès à des ressources pour nous cultiver impensable il y a à peine un demi-siècle. Pour un prix dérisoire, nous pouvons voyager au bout du monde – et revenir en bon état.

      Mais ce progrès objectif ne s’accompagne pas d’un progrès subjectif, du moins sur les quarante dernières années – je suis trop jeune pour avoir une mémoire fiable plus ancienne. Nous vivons aujourd’hui dans une société de défiance, plus dure, plus cruelle et en même temps plus superficielle. La bienveillance, la tendresse, le mérite sont des valeurs en perdition. A la question de savoir s’il valait mieux avoir 20 ans en 1970 ou en 2020, je n’ai vraiment pas de réponse.

      [La question principale est de savoir si cela peut durer (en France), ne serait-ce qu’au niveau actuel. Je suis moins optimiste en partie en raison des arguments que vous avancez. Principalement je crains qu’au niveau mondial nous ne puissions faire face au dégats du réchauffement climatique, mais il est possible qu’en France sur la façade ouest, cela ne soit pas catastrophique.]

      Sur ce point, je suis beaucoup moins pessimiste que vous. J’ai une confiance absolue dans l’être humain pour résoudre les problèmes qui se posent à lui.

      [En dehors de cette question, il y a notre capacité “être compétitif” vis à vis des pays tiers. Notre bilan n’est guère encourageant, comme le souligne nombre des exemples que vous avancez. Si on se référe à la tendance sur la longue période, on a l’impression qu’après notre défaite cuisante de 1940, nos dirigeants ont essayé de redresser le pays, jusqu’à la fin du Gaullisme (Pompidou). Puis est venu le temps de Giscard, le début du renoncement, qui depuis n’a pas cessé.]

      Je ne comprends pas ce que la « compétitivité » vient faire là-dedans. La question de gagner une compétition ne se pose que si on y participe. Or, rien, absolument rien, ne nous oblige à participer à la course au moins-disant. La question fondamentale est celle de la production : sommes-nous capables de produire suffisamment pour couvrir nos besoins ? La réponse est évidement oui. Nous sommes même capables de produire pour couvrir le superflu. Après, se pose la question de la répartition de la richesse produite. Mais la « compétitivité » n’intervient pas là dedans.

      [Trouverons nous un nouvel élan ? je le souhaite, mais je n’en voie pas la trace. J’imagine que la France va continuer à se rétrécir, ce qu’elle a commencé avec les défaites de Louis XV face à l’Angleterre, et que l’Allemagne va consolider son ascension entamée avec la Prusse du même Louis XV. (certes il y a eu pour les deux pays des hauts et des bas, mais depuis Louis XV, la tendance est claire).]

      Je pense que vous faites une lecture à rebours. Non, la tendance n’est pas aussi « claire » que vous la faites. Ainsi par exemple l’expansion coloniale française entre 1830 et 1914 va clairement dans le sens opposé. Il faut éviter de fabriquer une cohérence à postériori de l’histoire en regroupant des faits épars. Les mouvements de l’histoire sont des mouvements pendulaires beaucoup plus que des « tendances » plus ou moins claires. La « tendance » chinoise est celle d’une décadence commencée au XVIème siècle et qui s’est poursuivi « clairement » jusqu’aux années 1950. Si l’on suit votre raisonnement, on doit considérer que l’expansion chinoise aujourd’hui est un feu de paille…

      Il n’y a aucune raison structurelle qui détermine une trajectoire descendante pour notre pays et une trajectoire ascendante pour la Prusse. Imaginer une « tendance » à long terme qui n’a aucun support structurel me paraît un exercice futile.

      [En langage direct, cela veut dire que notre niveau vie risque bien de commencer à baisser “dans l’absolu”, ce qui n’est pas encore le cas pour le plus grand nombre.]

      Mais pourquoi devrait-il baisser alors que la richesse disponible augmente toujours ? Anticipez-vous une baisse du PIB à l’avenir ?
      C’était un peu cela le débat que je souhaitais poser dans mon article. Pourquoi, alors que la richesse produite dans notre pays augmente toujours, devrions nous nous résigner à une baisse dans notre niveau de vie ? La seule explication, c’est qu’une partie de cette richesse est utilisée non pas pour augmenter le niveau de vie, mais dans des dépenses inutiles.

      • RC dit :

        [Mais pourquoi devrait-il baisser alors que la richesse disponible augmente toujours ? Anticipez-vous une baisse du PIB à l’avenir ?]
        Quel crédit apportez-vous aux propos de Jancovici lorsqu’il dit qu’il nous faut choisir entre le PIB et le CO2, que la fête du pétrole est terminée et que donc la croissance du PIB est finie ?

        • Descartes dit :

          @ RC

          [Quel crédit apportez-vous aux propos de Jancovici lorsqu’il dit qu’il nous faut choisir entre le PIB et le CO2, que la fête du pétrole est terminée et que donc la croissance du PIB est finie ?]

          Je ne peux que faire un certain nombre de constatations:

          1) Cela fait des décennies qu’on prédit le “peak oil”, le “peak croissance” et autres “peaks” du même style. Pour le moment, TOUTES ces prédictions sans exception se sont révélées fausses. Sans exception. Ceux qui ont parié sur les limites de l’activité humaine ont toujours été surpris par l’ingéniosité humaine pour tourner ces limites.

          2) Je pense que Jancovici fait ici une erreur en attribuant au PIB un caractère purement matériel. Si dans un monde fini la production de biens matériels ne peut dépasser certaines limites, il y a dans la production de richesses une part d’immatériel qui, lui, n’est pas limité. La quantité d’ordinateurs que nous pouvons fabriquer est limitée, mais l’intelligence que nous pouvons mettre dans un ordinateur n’a pas de limite.

          3) Et finalement, à supposer même que Jancovici ait raison dans le long terme… vous savez qu’à long terme, nous sommes tous morts. Donc…

      • marc.malesherbes dit :

        quelques points qui me paraissent importants:

        “A la question de savoir s’il valait mieux avoir 20 ans en 1970 ou en 2020, je n’ai vraiment pas de réponse. ”
        tout dépend de l’idée que l’on se fait de l’avenir …
        Mais pour moi, le début des années 70 (avant le hausse du prix du pétrole) était certainement plus enthousiasmant pour la grande majorité de la jeunesse: pas de problème d’emploi, un avenir qui s’annonçait tous les jours meilleur.
        On peut voir 1968 comme l’apogée de cette espérance: libération des carcans de la société, un avenir prodigue de toutes les utopies, une classe ouvrière offensive pour obtenir de nouveaux avantages …

        “Il n’y a aucune raison structurelle qui détermine une trajectoire descendante pour notre pays et une trajectoire ascendante pour la Prusse. Imaginer une « tendance » à long terme qui n’a aucun support structurel me paraît un exercice futile.”

        Objection reçue, mais je reste persuadé qu’il y a une tendance structurelle dans “l’esprit des peuples”. La France est resté un pays d’une “noblesse” qui s’est désintéressée de la production (c’était “déchoir”) mais s’est beaucoup intéressé aux arts, aux lettres, aux femmes, distractions de la noblesse, alors que les anglo saxon se sont toujours investis dans les différentes formes d’activité.
        Il y aurait énormément à dire sur ce sujet.
        Jusqu’à Louis XV nous avons vécu pour la construction d’un état fort centralisé, dont la puissance était fondée sur l’armée du nombre. Nous étions le pays le plus peuplé d’Europe. Et nous avons étoffé cette puissance des arts, lettres et sciences des puissants. Et même si on se compare en nombre, nos réalisations en sciences n’étaient pas plus remarquables que celle des Italiens, anglais, germaniques …
        En comparaison de la Prusse depuis Louis XV, ce que nous avons su faire, c’est la “petite guerre” pour nous bâtir un empire colonial. Ce qui n’était pas un grand mérite. Et nous avons perdu les “grandes” guerres, faute d’une organisation technique à la hauteur (la victoire de 1914, une victoire à la Pyrrhus, un suicide démographique; les pertes allemandes étaient incomparablement plus faibles, malgré leurs deux fronts et leur défaite finale).
        En matière industrielle, nous n’avons pu rivaliser avec la GB puis la Prusse. Même chose en matière scientifique, même si nous avons réalisé encore de belles avancées. Nous avons mieux résisté en “arts et lettres”, le point fort de la noblesse.
        Existe-t-il une culture des peuples ? je le crois.
        Une anecdote: dans ma vie professionnelle, j’avais honte de nous par rapport à nos interlocuteurs allemands: nos chefs, pour marquer leur supériorité, se faisaient un devoir d’être en retard. Depuis cela a changé … mais avec combien d’années de retard … Je remarque que cela reste encore vrai dans les réunions publiques .. symbole de notre état d’esprit.

        “Principalement je crains qu’au niveau mondial nous ne puissions faire face au dégâts du réchauffement climatique …”
        “Sur ce point, je suis beaucoup moins pessimiste que vous. J’ai une confiance absolue dans l’être humain pour résoudre les problèmes qui se posent à lui.”

        Certes l’humanité ne disparaîtra pas, mais quel sera le prix ?
        Nous avons résolu nos problèmes dans le passé, mais de manière parfois fort douloureuse.
        L’écroulement du monde romain nous a plongé dans la longue nuit du moyen age. La peste a fait disparaître une bonne partie de notre population, Les Tasmaniens ont disparus, les Indiens ont largement péris. Nous avons recréé l’esclavage au XVIIIème. Les deux guerres mondiales ont fait des millions de morts etc …

        “il y a notre capacité “être compétitif” vis à vis des pays tiers.”
        “Je ne comprends pas ce que la « compétitivité » vient faire là-dedans.”
        “Pourquoi, alors que la richesse produite dans notre pays augmente toujours, devrions nous nous résigner à une baisse dans notre niveau de vie ? ”

        Tout pays échange avec ses voisins. Si il achète durablement plus qu’il ne vend (en solde net, y compris les invisibles), il a un problème de dettes. On peut vendre les “bijoux de famille”, mais cela non plus ne peut durer.
        Or nous ne sommes pas très bons pour élaborer des produits et services attractifs plus attractifs en qualité, prix, désirabilité que ceux des autres pays. C’est la “compétitivité”.
        Si vous allez dans un supermarché, vous verrez qu’en non alimentaire, la grande majorité des produits provient de l’étranger. En matière de service, la progression de l’étranger reste aussi constante, ne serait-ce que les services offerts par les GAFA.
        Le problème est tellement important que dés que notre pouvoir d’achat global s’améliore, cela se traduit par une aggravation de notre déficit commercial (au sens large).
        Pour pouvoir améliorer durablement notre niveau de vie, il faut donc non seulement réduire nos dépenses inutiles (ce que nous ne savons pas faire suffisamment), mais en plus créer des produits attractifs (ce que nous ne savons pas faire non plus, en moyenne).
        On peut penser introduire des barrières aux importations, ce que fait en partie la dévaluation. Mais encore faut-il que nous en profitions pour recréer des produits compétitifs. Sinon, c’est le cycle de l’appauvrissement (voir l’Argentine, le Venezuela ..)

        • Descartes dit :

          @ marc.malesherbes

          [“A la question de savoir s’il valait mieux avoir 20 ans en 1970 ou en 2020, je n’ai vraiment pas de réponse. ” tout dépend de l’idée que l’on se fait de l’avenir …]

          Oui, mais pas seulement. Il y a aussi les conditions objectives du présent. Quand bénéficie d’un environnement de vie agréable, d’une école de qualité qui vous transmet de véritables connaissances et qui tient un discours optimiste, vous avez plus de facilité à vous faire une idée plaisante de l’avenir que lorsque votre environnement est marqué par le communautarisme, que vous allez dans une école qui vous explique que vous êtes destiné au chômage…

          [Objection reçue, mais je reste persuadé qu’il y a une tendance structurelle dans “l’esprit des peuples”. La France est resté un pays d’une “noblesse” qui s’est désintéressée de la production (c’était “déchoir”) mais s’est beaucoup intéressé aux arts, aux lettres, aux femmes, distractions de la noblesse, alors que les anglo saxon se sont toujours investis dans les différentes formes d’activité.
          Il y aurait énormément à dire sur ce sujet.]

          Peut-être. Mais vous noterez que tout en s’intéressant aux arts, aux lettres et aux femmes, la France a dominé la politique européenne jusqu’au milieu du XIXème siècle.

          [Jusqu’à Louis XV nous avons vécu pour la construction d’un état fort centralisé, dont la puissance était fondée sur l’armée du nombre. Nous étions le pays le plus peuplé d’Europe. Et nous avons étoffé cette puissance des arts, lettres et sciences des puissants. Et même si on se compare en nombre, nos réalisations en sciences n’étaient pas plus remarquables que celle des Italiens, anglais, germaniques …]

          Là encore, je pense que vous êtes frappé de cette maladie française qui consiste à imaginer que l’herbe est toujours plus verte de l’autre côté de la barrière.

          [Nous avons résolu nos problèmes dans le passé, mais de manière parfois fort douloureuse.]

          Parfois oui, parfois non.

          [L’écroulement du monde romain nous a plongé dans la longue nuit du moyen age.]

          On sait aujourd’hui que le monde romain ne s’est pas « écroulé » autant que l’historiographie classique l’a prétendu, et que le moyen âge n’était pas aussi obscur qu’on le croyait.

          [Tout pays échange avec ses voisins. S’il achète durablement plus qu’il ne vend (en solde net, y compris les invisibles), il a un problème de dettes. On peut vendre les “bijoux de famille”, mais cela non plus ne peut durer. Or nous ne sommes pas très bons pour élaborer des produits et services attractifs plus attractifs en qualité, prix, désirabilité que ceux des autres pays. C’est la “compétitivité”.]

          Le problème n’est pas tant la qualité ou la désirabilité, c’est le prix. Et le prix, cela dépend aussi des règles fiscales et des rapports monétaires. Je ne vois aucune raison structurelle qui empêcherait les français de fabriquer des voitures aussi « désirables » et aussi chères que les Allemands. Le problème, c’est que l’Euro est géré au profit de l’économie allemande.

          [Si vous allez dans un supermarché, vous verrez qu’en non alimentaire, la grande majorité des produits provient de l’étranger. En matière de service, la progression de l’étranger reste aussi constante, ne serait-ce que les services offerts par les GAFA.]

          Si vous entriez dans un supermarché il y a trente ans, c’était l’inverse. Alors, il faut se demander : qu’est ce qui a changé ?

          [Le problème est tellement important que dés que notre pouvoir d’achat global s’améliore, cela se traduit par une aggravation de notre déficit commercial (au sens large). Pour pouvoir améliorer durablement notre niveau de vie, il faut donc non seulement réduire nos dépenses inutiles (ce que nous ne savons pas faire suffisamment), mais en plus créer des produits attractifs (ce que nous ne savons pas faire non plus, en moyenne).]

          Mais comment se fait-il que nous savions le faire il y a trente ans ? Pourquoi nos téléviseurs, nos magnétoscopes, nos voitures, nos machines-outil étaient à l’époque « désirables » et ne le sont plus aujourd’hui ?

      • cdg dit :

        On est en effet pas forcé d etre competitif. Mais dans ce cas, il faut logiquement en tirer les consequences: fermeture totale des frontieres et vie en autarcie. Sinon comment allez vous vendre une renault 100 si la VW equivalente est vendue 75 ?
        Bon vous me direz que si on vie en autarcie, il n y aura pas de petrole et donc pas besoin de voiture 😉

        Pour le niveau de vie, il faut prendre le PIB mais aussi le nombre d habitants. Si votre PIB augment de 10 % mais que vous avez +20 % d habitants, vous allez en effet avoir une baisse du niveau de vie des habitants

        “c’est qu’une partie de cette richesse est utilisée non pas pour augmenter le niveau de vie, mais dans des dépenses inutiles”
        La ou ca devient compliqué c est de definir quelles sont les depenses inutiles. Car pour avoir un impact significatif, il s agit de sabrer des dizaines voire des centaines de milliards. Supprimer le poste d ambassadeur des poles de Segolene ou mettre a la diete Jack Lang (pour prendre des exemples recents), c est des economies qui n ont aucun impact sensible.
        Supprimer les journaux a la gloire du maire que personne ne lit ? impact economique faible et pourquoi le contribuable electeur ne le demande pas ? Rappelons que la France elit des elus a la moralite douteuse (Balkany) ou notoirement incompetant (Gaudin)
        Supprimer le remboursement de l homeopathie ou des cures ? toujours pas fait il me semble. Alors imaginez que vous proposez des choses moins consensuelles (ex plus de greffes aux fumeurs (fumer ca cree des complications), plus de protheses de hanches/genoux aux gens qui ont alzhaimer, pas de tritherapie (tres cher !) aux malade du sida qui se droguent …)

        • Descartes dit :

          @ cdg

          [On est en effet pas forcé d’être compétitif. Mais dans ce cas, il faut logiquement en tirer les conséquences: fermeture totale des frontières et vie en autarcie. Sinon comment allez vous vendre une Renault 100 si la VW équivalente est vendue 75 ?]

          Par exemple, en dévaluant la monnaie de telle manière que la Renault exprimée en monnaie étrangère vaille 70 ?

          [Pour le niveau de vie, il faut prendre le PIB mais aussi le nombre d habitants. Si votre PIB augment de 10 % mais que vous avez +20 % d habitants, vous allez en effet avoir une baisse du niveau de vie des habitants]

          Tout à fait. Entre 1960 et aujourd’hui, le PIB a été multiplié par 4, alors que la population s’est accrue d’à peine 30%.

          [Là où ça devient compliqué c’est de définir quelles sont les dépenses inutiles.]

          Bien entendu. C’est pourquoi mon point n’était de proposer qu’on arrête telle ou telle dépense, mais qu’on propose au citoyen de faire des choix étant entendu qu’on ne peut pas tout avoir. Si les gens préfèrent dépenser de l’argent à remplacer le nucléaire par le solaire et l’éolien plutôt qu’à avoir des hôpitaux de qualité, c’est leur droit. Mais on ne peut pas tout avoir. C’est au citoyen d’évaluer si une dépense est plus « utile » qu’une autre.

          [Car pour avoir un impact significatif, il s agit de sabrer des dizaines voire des centaines de milliards.]

          La politique de développement du solaire et de l’éolien a déjà engagé plus d’une centaine de milliards d’euros. Imaginez ce qu’on aurait pu faire avec cet argent sans pour autant dégrader le moins du monde la fourniture d’électricité…

          [Supprimer les journaux a la gloire du maire que personne ne lit ? impact économique faible et pourquoi le contribuable électeur ne le demande pas ?]

          Parce que le contribuable électeur ne réalise pas que ce journal consomme les ressources qu’on pourrait consacrer à des usages plus utiles. C’est bien un des problèmes de notre culture politique. On raisonne toujours en termes de savoir si telle ou telle initiative est « bonne » ou « mauvaise », sans jamais penser en termes de priorités.

          [Supprimer le remboursement de l’homéopathie ou des cures ? toujours pas fait il me semble.]

          C’est en bonne voie, à ce qu’on me dit.

          [Alors imaginez que vous proposez des choses moins consensuelles (ex plus de greffes aux fumeurs (fumer ca cree des complications), plus de protheses de hanches/genoux aux gens qui ont alzhaimer, pas de tritherapie (tres cher !) aux malade du sida qui se droguent …)]

          Encore une fois, c’est au citoyen de choisir. Mais pour qu’il puisse choisir, il faut lui expliquer qu’il peut avoir fromage ou dessert, mais pas les deux.

          • cdg dit :

            je suis pas sur que devaluer est la solution. Saviez vous qu a une certaine epoque 1 FF = 1 deutsch mark (https://ordrespontane.blogspot.com/2013/05/le-franc-de-1945-1998-le-serpent-et-le.html). Au final on a ete a 1 DM = 3.3 FF . Qui avait l industrie la plus puissante, c est pas la France avec ses devaluations constantes mais la RFA …
            Devaluer c est soigner les symptomes mais pas le mal. Avec une monnaie qui se revaluait regulierement les allemands ont reussit a batir une industrie forte. Avec une monnaie regulierement devaluee, ni la France ni l italie y sont arrivé. ET je parle pas des grecs ou des espagnols …

            Par ex, vous pouvez investir dans vos usines (robotiser, reflechir sur la methode de production (kaban par ex)), vous pouvez investir dans votre bureau d etude (par ex grace a matra renault avait reussit a produire un type de vehicule innovant : l espace). Si vous comptez gagner uniquement sur le prix, vous allez jamais y arriver

            “Mais pour qu’il puisse choisir, il faut lui expliquer qu’il peut avoir fromage ou dessert, mais pas les deux”
            Mais comment faire ? vous aurez toujours un démagogue qui va expliquer que si il pourra faire les 2. Que ca soit en faisant payer les riches (version Melanchon), en sortant de l euro (version Le Pen periode Filippot). Je donne ici evidement les 2 extremes. Mais la demagogie n est pas leur apanage. Je suis sur que le prochain candidat du PS aux presidentielles n hesitera pas a faire pareil, tout comme chirac n a pas hesité quand il a fallut “niquer le traitre couille molle”

            • Descartes dit :

              @ cdg

              [je suis pas sûr que dévaluer est la solution.]

              Je ne dis pas que dévaluer « soit la solution ». Mais cela fait partie de la solution.

              [Saviez vous qu a une certaine epoque 1 FF = 1 deutsch mark]

              Et alors ?

              [Au final on a ete a 1 DM = 3.3 FF. Qui avait l’industrie la plus puissante, c’est pas la France avec ses dévaluations constantes mais la RFA …]

              Non. La période pendant laquelle le Franc s’est régulièrement dévalué correspond à une époque où la puissance industrielle des deux pays était équivalente – avec un petit avantage pour la France dans les industries de pointe. C’est la France et non l’Allemagne qui a construit le Concorde, qui a développé le premier micro-ordinateur (le Micral), qui a développé une industrie nucléaire de premier plan. L’effondrement industriel de la France coïncide avec l’adoption d’une politique de monnaie forte et de parité fixe avec le Mark. Une coïncidence, à votre avis ?

              [Dévaluer c’est soigner les symptômes mais pas le mal. Avec une monnaie qui se réévaluait régulièrement les allemands ont réussi a bâtir une industrie forte. Avec une monnaie régulièrement dévaluée, ni la France ni l’Italie y sont arrivé.]

              Vous faites erreur, comme je l’ai expliqué plus haut. La France a bâti une industrie nucléaire, une industrie électronique, une industrie aéronautique puissante dans un contexte de dévaluation permanente. Parce que dévaluer ne soigne pas seulement les symptômes, mais bien le mal. Et le mal est la rente, l’accaparement de la valeur ajoutée par le capital. L’inflation, comme le signalait intelligemment Keynes, c’est l’euthanasie des rentiers. Or, dès lors qu’on accepte une inflation raisonnable, on est obligé de dévaluer la monnaie par rapport aux pays qui font le choix de privilégier la rente. Et c’est exactement le choix de l’Allemagne.

              On a oublié aujourd’hui que quand la France et les autres pays européens dévaluaient régulièrement, l’Allemagne était « l’homme malade de l’Europe », et son économie était en grande difficulté. Précisément parce que l’inflation permettait aux autres pays de pratiquer des politiques budgétaires expansives. Du jour ou ces pays ont accepté de s’aligner avec la politique allemande, l’Allemagne est devenue riche et les autres se sont appauvris.

              Bien entendu, la dévaluation n’est pas une condition suffisante pour maintenir une industrie puissante. Mais elle donne les marges de manœuvre qui permettent de financer l’expansion industrielle. Encore faut-il en avoir la volonté, et consacrer les moyens qu’il faut à l’investissement dans la recherche et la production industrielle…

              [“Mais pour qu’il puisse choisir, il faut lui expliquer qu’il peut avoir fromage ou dessert, mais pas les deux” Mais comment faire ? vous aurez toujours un démagogue qui va expliquer que si il pourra faire les 2.]

              Oui, d’un côté vous aurez les démagogues qui vous expliquent que ce n’est pas la peine de choisir puisqu’on peut faire les deux, de l’autre les néolibéraux qui vont vous expliquer qu’il n’y a pas de choix possible puisqu’il n’y a pas d’alternative. Cela fait très longtemps qu’on ne trouve pas un politicien pour offrir un véritable choix.

              Guaino et Philippot sont parmi les rares hommes politiques qui aient posé la question en termes de choix. Tous deux ont bien dit que quitter l’Euro n’était pas la solution de facilité, mais que rester avait aussi un coût. Tous les autres ou presque nous bassinent avec « on n’a pas le choix » ou « on peut tout faire à la fois ».

            • VIO59 dit :

              Dans mon souvenir quand le Dollar était fort il valait un peu plus que 5 Francs, et quand il était faible un peu moins. Ces oscillations ont duré des décennies.

              Autrement dit le Franc était une monnaie aussi forte que le Dollar, mais moins que la Mark, qui lui ne cessait de s’apprécier pendant la même période, tant vis-à-vis du Franc que du Dollar.

              Cela n’a jamais dérangé les américains, pourquoi les français en faisaient-ils toute une histoire ?

            • Descartes dit :

              @VIO59

              [Dans mon souvenir quand le Dollar était fort il valait un peu plus que 5 Francs, et quand il était faible un peu moins. Ces oscillations ont duré des décennies. Autrement dit le Franc était une monnaie aussi forte que le Dollar, mais moins que la Mark, qui lui ne cessait de s’apprécier pendant la même période, tant vis-à-vis du Franc que du Dollar.]

              Pas tout à fait, mais pas loin. Le franc s’est progressivement déprécié par rapport au dollar. Il variait autour de la parité un pour cinq dans les années 1960 à 1980. Il monte à un pour dix en 1981, mais il reviendra assez vite vers une parité de un pour six et se maintiendra jusqu’à l’arrivée de l’Euro. Les Américains n’ont jamais eu le fétichisme de la monnaie forte qu’ont les Allemands.

              Cette stabilité de la monnaie, malgré une inflation relativement importante, montre que l’économie française ne cédait rien en termes d’efficacité à l’économie américaine, contrairement à ce qu’on raconte aujourd’hui…

              [Cela n’a jamais dérangé les américains, pourquoi les français en faisaient-ils toute une histoire ?]

              Parce qu’il fallait faire l’Europe, et que l’Europe ne pouvait se faire qu’aux conditions allemandes…

  14. Luc dit :

    Macron semble tabler sur la syndicatophobie massive qui a saisi la société hexagonale.
    L’attentisme gouvernemental vise à détacher la RATP du reste du mouvement.
    Pourrir la situation est elle la meilleure solution pour que Macron sorte vainqueur de ce conflit sur les retraites ?
    D’ores et déjà l’intoxication médiatique se déverse sur les consciences.
    Mais de ce caphärnaum social , l’avantage qu’en tirera Macron n’est il pas
    d’apparaître comme étant le pacificateur , le président raisonnable ?
    Bien évidemment , les blacks Bloks seront certainement tolérés puisqu’à eux tout seuls,ils dénaturent et discréditent les mouvements sociaux.
    La syndicatophobie massive que les blacks Bloks inspirent, n’explique elle
    pas que ces blacks Bloks soient tolérée donc manipulé par le gouvernement ?

    • Descartes dit :

      @ Luc

      [Macron semble tabler sur la syndicatophobie massive qui a saisi la société hexagonale.]

      C’est même pire. Macron – suivi en cela par l’ensemble de la bienpensance libérale-libertaire – joue à transformer les travailleurs sous statut bénéficiaires des régimes spéciaux en « privilégiés ». Il suffit de lire les journaux « de référence » pour s’en apercevoir (et les commentaires des lecteurs sous les articles, c’est encore pire : rien de plus glaçant que la haine de classe du CSP+ lecteur de « Le Monde »).

      Il y a cent ans, tout le monde savait que fonctionnaire, agents des postes ou instituteur était de bons boulots, offrant des salaires décents, des avantages (sécurité de l’emploi, retraite, logement de fonction). Et comment réagissaient les paysans qui étaient en ce temps-là majoritaires dans la population ? Pas en réclamant la fin des soi-disant « privilèges » de ces catégories. Au contraire, ils poussaient leurs enfants à les rejoindre !

      Ni la SNCF, ni l’EDF, ni la fonction publique ne sont des aristocraties héréditaires ou des loges maçonniques. On y entre par concours et par mérite. Si le régime des cheminots, des électriciens ou des fonctionnaires est si avantageux, comment expliquer que les salariés du privé ne se précipitent pas pour y être recrutés ?

      [Pourrir la situation est-elle la meilleure solution pour que Macron sorte vainqueur de ce conflit sur les retraites ?]

      Personne ne le sait. Je pense qu’il ne faut pas céder au complotisme et considérer que Macron est un génie qui prévoit tout et contrôle tout. Macron subit autant les événements qu’il ne les organise. La réalité est que la préparation de cette réforme est plutôt chaotique, et que Macron n’a pas réussi à mettre sur la table une réforme claire, bien définie, qui permette à chacun de comprendre comment le système fonctionnera demain. Le fait est que le gouvernement navigue à vue, que des désaccords très importants se font jour en son sein. Cette incertitude n’est pas pour rien dans le succès de la mobilisation. Quant à savoir comment le gouvernement sort du conflit…

      [D’ores et déjà l’intoxication médiatique se déverse sur les consciences. Mais de ce capharnaüm social, l’avantage qu’en tirera Macron n’est-il pas d’apparaître comme étant le pacificateur, le président raisonnable ?]

      Pour apparaître comme pacificateur, encore faut-il qu’il se montre capable de pacifier… Pour le moment, il apparaît plutôt comme un pompier pyromane.

      [La syndicatophobie massive que les blacks Bloks inspirent, n’explique-t-elle pas que ces blacks Bloks soient tolérés donc manipulés par le gouvernement ?]

      Je ne partage pas cette vision complotiste selon laquelle les « black blocs » seraient « tolérés par le gouvernement ». Chaque fois que le gouvernement se montre incapable de maintenir l’ordre, il perd des points dans l’opinion. Les « blacks blocs » sont aussi dangereux pour lui que pour les syndicats.

      • Manchego dit :

        Très bonne analyse (à mon sens un des meilleurs billets de Descartes).
        En Euros constants, le PIB per capita a été multiplié par un coefficient supérieur à 4 depuis 1960, et on serait capable de produire encore d’avantage de richesses avec une autre logique moins mondialisée (on a “une armée de réserve” avec le nombre de chômeurs, et l’automatisation peut encore générer des gains de productivité….).
        Sur le plan des ressources, il n’y a donc aucune raison de dire “on ne peut plus se payer les mêmes services”, mais ce qui me semble évident c’est que l’individualisme a pris le pas sur le collectif. Ceux qui ont de l’argent ne veulent plus payer pour le collectif; Par exemple, avec les 5 milliards de l’ISF (ristourne Macron) on doit pouvoir soulager l’hôpital public qui en a bien besoin…
        Autrefois, les régimes spéciaux de retraite ce n’était pas un motif de division, c’était l’objectif à atteindre pour tout le monde, une sorte de “schéma directeur” (d’ailleurs, le passage à 60 ans en 1981 s’inscrivait dans cette logique).
        Aujourd’hui, certains se réjouissent de la suppression des régimes spéciaux, ils ne se rendent pas compte qu’eux aussi ils vont prendre des coups si Macron réussit à mettre en place un nouveau système harmonisé par le bas, ils me font penser à celui qui disait en substance (j’ai oublié son nom, c’était un pasteur Allemand il me semble) : “Je n’ai rien dis et je me suis réjouis lorsqu’ils ont pris les juifs, les tziganes et les communistes, mais lorsqu’ils sont venus me chercher moi, il n’y avait plus personne pour protester”.

        • Descartes dit :

          @ Manchego

          [Autrefois, les régimes spéciaux de retraite ce n’était pas un motif de division, c’était l’objectif à atteindre pour tout le monde, une sorte de “schéma directeur” (d’ailleurs, le passage à 60 ans en 1981 s’inscrivait dans cette logique).]

          Tout à fait. Jusqu’aux années 1980, les gens poussaient leurs enfants à devenir fonctionnaires ou agents de la SNCF ou EDF, plutôt que de cracher sur les soi-disant « privilèges » de ces corporations. Le postier, l’électricien, le cheminot étaient des métiers considérés comme très utiles, et personne ne trouvait anormal qu’étant utiles et imposant des contraintes particulières ils fussent bien rémunérés. C’était avant que le « et moi et moi et moi » devienne la règle, que chacun regarde dans l’assiette du voisin et lui souhaite de voir sa portion diminuer.

          [Aujourd’hui, certains se réjouissent de la suppression des régimes spéciaux, ils ne se rendent pas compte qu’eux aussi ils vont prendre des coups si Macron réussit à mettre en place un nouveau système harmonisé par le bas, ils me font penser à celui qui disait en substance (j’ai oublié son nom, c’était un pasteur Allemand il me semble) : “Je n’ai rien dis et je me suis réjouis lorsqu’ils ont pris les juifs, les tziganes et les communistes, mais lorsqu’ils sont venus me chercher moi, il n’y avait plus personne pour protester”.]

          Il s’agit du pasteur Martin Niemöller (d’autres sources attribuent le texte à Bertold Brecht). Et vous avez parfaitement raison: nous sommes devenus un pays mesquin, ou chacun est prêt à perdre une couille pourvu que son voisin en perde deux, comme dans la blague bien connue…

          • Yoann Kerbrat dit :

            [ Le postier, l’électricien, le cheminot étaient des métiers considérés comme très utiles, et personne ne trouvait anormal qu’étant utiles et imposant des contraintes particulières ils fussent bien rémunérés. C’était avant que le « et moi et moi et moi » devienne la règle, que chacun regarde dans l’assiette du voisin et lui souhaite de voir sa portion diminuer.]

            Faut dire que les gens sont martelé depuis deux ou trois décennies sur les privilèges de ces “corporations”. Et le Français a une soif d’égalité aussi grande que son dégoût des privilèges…

            Me concernant si on me pose la question je dis juste que l’état comme employeur se doit de faire mieux que le privé tant détesté. Et qu’en pratique la fonction publique est réduite a une peau de chagrin, qui embauche que des contractuels à “bas” niveau.

            Cependant au delà du “moi je, eux ils” il faut rappeler ce que dit l’efficacité de se discours : le travail même difficile ne paye pas (c’est pour ça qu’on retrouve encore des gens qui cause de prime charbon des cheminots, ou qui travaillent aussi en horaire décalée sans avoir le salaire et l’âge de départ d’un cheminot), il n’y a pas de sécurité de l’emploi (les CDI font places au CDD et intérim), il n’y a pas d’évolution possible (fut un temps une parti de ceux en charge de l’encadrement venait du monde ouvrier, aujourd’hui ils sortent d’écoles avec un bac +2 / 3 / 5 et bloquent toute promotions en interne des salariés.

            Alors forcément et pragmatisme oblige : on tape sur ceux un peu au dessus, sur les députés, sur les fonctionnaires, sans jamais se poser la question en terme de couches sociales, de diplômes, etc…

            • Descartes dit :

              @ Yoann Kerbrat

              [Faut dire que les gens sont martelés depuis deux ou trois décennies sur les privilèges de ces “corporations”. Et le Français a une soif d’égalité aussi grande que son dégoût des privilèges…]

              Je ne pense pas que la « soif d’égalité » soit ici en jeu. Les Français sont extrêmement attachés à l’égalité juridique entre les citoyens, c’est vrai. Mais leur tradition n’est guère égalitariste. Ils défendent farouchement l’égalité d’opportunités, mais pas l’égalité de résultats. C’est ainsi que depuis la Révolution nous avons l’un des systèmes de sélection des élites à la fois égalitaire dans son recrutement grâce au concours méritocratique, et les plus hiérarchisés dans ses résultats.

              Le problème est que l’idéologie dominante a « naturalisé » certains privilèges, et diabolisé les autres. Ainsi, il est considéré « injuste » qu’un conducteur de TGV puisse partir à la retraite à 55 ans, mais on trouve parfaitement normal que l’héritier d’une fortune puisse vivre confortablement toute son existence sans travailler. Car vous noterez que dans ce pays « égalitaire », il y a une chose qu’aucun parti politique, du RN au NPA n’ose toucher, et c’est l’héritage. Qui est pourtant la source la plus évidente d’inégalité.

              [Me concernant si on me pose la question je dis juste que l’état comme employeur se doit de faire mieux que le privé tant détesté. Et qu’en pratique la fonction publique est réduite à une peau de chagrin, qui embauche que des contractuels à “bas” niveau.]

              Je ne partage pas du tout votre vision. Et je dirais même qu’elle ne correspond pas à la réalité. Si, comme vous le dites, l’Etat faisait mieux comme employeur que le privé, alors les jeunes – et les moins jeunes – feraient la queue pour passer des concours pour être recrutés dans la fonction publique. Trouvez-vous que ce soit le cas ? Ce n’est en tout cas pas ce que disent les chiffres : qu’il s’agisse des professeurs ou des énarques, le rapport entre le nombre de candidats et le nombre de places offertes est en baisse régulière depuis des années, au point que l’Etat est forcé de faire de la publicité pour attirer des candidats. Quant aux ingénieurs sortis des écoles préparant aux corps techniques de la fonction publique, un nombre de plus en plus grand préfère aller directement dans le privé : normal, les salaires y sont deux fois plus élevés.

              On oublie que la retraite n’est qu’un tout petit bout du statut. Celui qui choisit d’être fonctionnaire, cheminot ou électricien-gazier ne prend pas en compte seulement les avantages d’une retraite « privilégiée » ou de la sécurité de l’emploi. Il prend aussi en compte les servitudes attachées au statut : astreintes, horaires particuliers, obligations supplémentaires, salaires plus bas… je peux vous assurer qu’étant plus près de la fin de ma carrière que du début, lorsque je me compare avec les gens qui ont la même formation que moi dans le privé, je ne peux que constater le prix que je paye pour avoir choisi le service public. Notez bien que je ne regrette rien. Mais à celui qui me considérerait un « privilégié »…

              [Cependant au delà du “moi je, eux ils” il faut rappeler ce que dit l’efficacité de se discours : le travail même difficile ne paye pas (c’est pour ça qu’on retrouve encore des gens qui cause de prime charbon des cheminots, ou qui travaillent aussi en horaire décalée sans avoir le salaire et l’âge de départ d’un cheminot), il n’y a pas de sécurité de l’emploi (les CDI font places au CDD et intérim), il n’y a pas d’évolution possible (fut un temps une parti de ceux en charge de l’encadrement venait du monde ouvrier, aujourd’hui ils sortent d’écoles avec un bac +2 / 3 / 5 et bloquent toute promotions en interne des salariés.]

              Tout à fait. Alors que dans le système néolibéral le travail ne paye plus, les cheminots et autres personnels sous statut conservent des avantages conquis du temps ou le travail payait. C’est ce décalage que soulignent les exemples que vous donnez. Car il ne faut pas oublier que les statuts n’ont pas été créés au départ au bénéfice des salariés, mais à celui de l’employeur. En créant des protections particulières, les statuts permettaient aux employeurs de fidéliser la main d’œuvre et donc de rentabiliser le coût des formations relativement lourdes que certains métiers nécessitaient. En imposant une grille salariale unique, les statuts permettaient aussi d’éviter la surenchère entre des employeurs qui avaient désespérément besoin de main d’œuvre.

              Bien entendu, il y a des conducteurs de bus qui n’ont ni les avantages, ni la stabilité des conducteurs de la RATP. Mais d’un autre côté, pourquoi un employeur dépenserait de l’argent à former ses conducteurs, à les soigner, à développer leurs compétences, s’il n’est pas sûr de les garder un temps suffisant pour rentabiliser cette formation ? La précarité qui se développe est l’obstacle principal à l’investissement dans le capital humain. Si l’industrie nucléaire a tant de mal à trouver aujourd’hui de bons soudeurs, c’est aussi parce que former un soudeur « sous statut » est un investissement rentable pour son employeur, alors que former un soudeur en CDD, qui dans six mois sera chez un autre sous-traitant, ne l’est pas. La fin des statuts annonce la dégradation du capital humain.

            • Yoann Kerbrat dit :

              [Car vous noterez que dans ce pays « égalitaire », il y a une chose qu’aucun parti politique, du RN au NPA n’ose toucher, et c’est l’héritage]

              Le problème c’est que tout le monde pense a son héritage (à recevoir, ou a léguer) quand on aborde ce sujet, alors qu’on parle principalement des grandes fortunes. Pourtant la majorité y gagnerait en effet.

              [Et je dirais même qu’elle ne correspond pas à la réalité]

              J’ai du mal m’exprimer. Je dis qu’en tant que citoyen on doit imposer un état qui embauche dans de bonnes conditions, au lieu de demander l’application des injustices du privé au publique (fin de la sécurité de l’emploi, des régimes spéciaux, etc). J’ai parfaitement conscience que l’état est l’un des pires employeurs en France (sauf certains cadres ou des planqués – mais ça il y en a partout, et je me demande si parfois ils arrangent pas l’état pour justifier plus de privatisations… ). La preuve, j’ai échoué dans le privé…

              [ Il prend aussi en compte les servitudes attachées au statut : astreintes, horaires particuliers, obligations supplémentaires, salaires plus bas…]

              Le problème c’est que l’ouvrier dans un abattoir ça le fait doucement rire… 🙁 C’est donc facile d’opposer les gens.

              Me concernant j’ai jamais adhéré au discours contre les fonctionnaires, mais il est très présent dans la population. On voit des gens jaloux des profs, alors qu’ils sont mal payé compte tenu de leurs diplôme…

            • Descartes dit :

              @ Yoann Kerbrat

              [« Car vous noterez que dans ce pays « égalitaire », il y a une chose qu’aucun parti politique, du RN au NPA n’ose toucher, et c’est l’héritage » Le problème c’est que tout le monde pense a son héritage (à recevoir, ou a léguer) quand on aborde ce sujet, alors qu’on parle principalement des grandes fortunes. Pourtant la majorité y gagnerait en effet.]

              Pourtant, ça n’a pas toujours été le cas. Il fut un temps où les partis de gauche défendaient une lourde imposition sur l’héritage – certains même à l’extrême gauche proposant de l’abolir complètement. Il est vrai qu’à l’époque les prolétaires n’avaient pas grande chose à léguer. Avec l’enrichissement relatif de la population française, l’héritage s’est on pourrait dire « démocratisé ».

              [J’ai parfaitement conscience que l’état est l’un des pires employeurs en France (sauf certains cadres ou des planqués – mais ça il y en a partout, et je me demande si parfois ils arrangent pas l’état pour justifier plus de privatisations… ).]

              Je n’irai pas aussi loin. L’Etat gère aujourd’hui très mal les compétences, mais cela arrive aussi dans beaucoup d’organisations privées. Pour le reste, l’Etat paye moins que le privé, mais compense avec la sécurité de l’emploi et aussi avec le sens qu’il donne au travail. Personnellement, j’ai fait toute ma carrière dans le secteur public, et je ne m’en plains pas.

              [Me concernant j’ai jamais adhéré au discours contre les fonctionnaires, mais il est très présent dans la population. On voit des gens jaloux des profs, alors qu’ils sont mal payé compte tenu de leurs diplôme…]

              Là encore, il faut être juste. La paye des enseignants est faible, mais il faut rajouter à la paye la sécurité de l’emploi, les longues vacances et une obligation horaire relativement réduite. Cela étant dit, les difficultés de recrutement laissent penser qu’effectivement la rémunération tout compris n’est plus attractive.

            • Yoann Kerbrat dit :

              [, l’Etat paye moins que le privé, mais compense avec la sécurité de l’emploi et aussi avec le sens qu’il donne au travail.]

              Je pensais surtout à l’état, employeur de contrat court…

              [Cela étant dit, les difficultés de recrutement laissent penser qu’effectivement la rémunération tout compris n’est plus attractive.]

              Surtout qu’un bon prof travail en dehors des horaires de classe, et pendant les vacances. Que la charge de travail comprend bien entendu la préparation des cours, les rendez vous avec les parents, les réunions avec le corps enseignant, du travail un peu plus administratif… Le tout avec des programmes scolaires en perpétuelles changement.

              Les seuls qui en profitent sont ceux qui ont baissé les bras…

            • Descartes dit :

              @ Yoann Kerbrat

              [Je pensais surtout à l’état, employeur de contrat court…]

              Effectivement, le statut de contractuel est un statut bâtard. Au départ, il devait être réservé aux besoins ponctuels (remplacement d’un fonctionnaire malade ou en congé). A ce titre, s’agissant d’un statut temporaire et précaire, il était normal qu’il n’offre pas une protection élevée. En pratique, l’Etat a transformé ce qui devait être temporaire et exceptionnel en permanent et normal, laissant ainsi des gens durablement dans un statut qui n’était pas fait pour durer.

              [« Cela étant dit, les difficultés de recrutement laissent penser qu’effectivement la rémunération tout compris n’est plus attractive. » Surtout qu’un bon prof travail en dehors des horaires de classe, et pendant les vacances.]

              Je n’ai pas dit le contraire. Mais je doute que même les meilleurs professeurs travaillent 1600 heures par an comme n’importe quel autre fonctionnaire. Et le fait que les obligations de présence soient très limitées permet une très grande liberté dans l’organisation de son travail, ce qui doit aussi être valorisé lorsqu’on regarde la condition enseignante.

              [Que la charge de travail comprend bien entendu la préparation des cours, les rendez vous avec les parents, les réunions avec le corps enseignant, du travail un peu plus administratif… Le tout avec des programmes scolaires en perpétuelles changement.]

              Il faudrait regarder exactement le nombre d’heures que fait un enseignant, et comment elles sont distribuées. Quant au « perpétuel changement » des programmes, on ne donne pas une prime à l’ouvrier quand on change sa machine, à l’administratif quand on change son logiciel.

            • Bonjour,

              Je me permets d’intervenir ici, parce que je lis beaucoup de choses sur les enseignants dans les commentaires ces temps-ci, mais guère d’interventions d’enseignants pour rétablir quelques vérités.

              Je me présente pour ceux qui ne me connaîtraient pas: professeur certifié d’histoire-géographie classe normale à temps plein dans un collège public de Blois (Loir-et-Cher).

              Un mot d’abord sur les propos du sieur Jordi qualifiant les instituteurs (mais je le prends pour moi, car on peut l’étendre à tous les enseignants) de “mafia parasite se payant sur la bête”. Ce n’est pas du mépris comme j’ai pu le lire, c’est de la diffamation pure et simple, car les mots ont un sens. “Mafia” signifie clairement que les enseignants appartiennent à une organisation criminelle qui non seulement les rémunère malhonnêtement mais qui plus est illégalement (car on peut être malhonnête mais rester dans la légalité, n’est-ce pas?). Quant à “parasite”, cela signifie que les enseignants ne rendent aucun service à la société. Et pourtant, quand bien même l’école ne serait plus qu’une garderie (ce qu’elle devient parfois, je le concède), elle permet au moins aux gens “qui travaillent vraiment” de faire surveiller leurs mioches à moindre frais…

              C’est un peu ce qui me gêne avec internet: on n’a pas les gens en face de soi. En d’autres temps, j’aurais de mon gant giflé l’insolent sieur Jordi et suite à cette offense, nous nous serions battus loyalement. Mais voilà, aujourd’hui n’importe quel faquin peut salir l’honneur des gens sans risquer d’être rossé. Triste époque.

              Le métier d’enseignant, venons-y. Il présente plusieurs avantages comme cela a été rappelé: les congés plus longs que dans les autres professions, la sécurité de l’emploi, une relative liberté pour organiser son travail. Tout cela doit naturellement être pris en compte à l’heure de calculer le salaire. Récemment des élèves m’ont demandé combien je gagnais. “En moyenne 2000 € net par mois” leur ai-je répondu (j’ai douze ans d’ancienneté). “C’est bien!” m’a dit un élève. “C’est un salaire correct, je ne me plains pas” lui ai-je dit.

              Maintenant, comme cela a été dit également, ça ne se bouscule pas au portillon pour profiter des avantages susdits, et “se payer sur la bête” comme disent certains. Encore faut-il nuancer: cela dépend des matières. Quand vous avez une licence de mathématiques ou de chimie, vous avez intérêt à faire autre chose que de l’enseignement. D’ailleurs, on voit la qualité des stagiaires dans ces disciplines baisser, preuve que les meilleurs désertent l’enseignement. En revanche, quand vous avez une licence d’histoire ou de lettres, l’enseignement reste un des principaux débouchés, il ne faut pas se raconter d’histoire. Mais le fait est que, malgré une précarisation croissante des salariés du privé (n’est-ce pas là d’ailleurs le vrai problème?) qui fait passer les fonctionnaires en général et les enseignants en particulier pour d’odieux privilégiés dotés d’avantages indus, le nombre de candidats aux concours de l’enseignement, toutes matières confondues, n’a pas véritablement explosé ces dernières années. Le sieur Jordi a ainsi omis de préciser que la “mafia” est bien en peine de pourvoir les très lucratifs postes séquano-dionysiens dans l’enseignement primaire (à recrutement départemental). Pourquoi donc tant de réticence à profiter des prébendes mirobolants offerts à 10 minutes de Paris?

              C’est que le métier d’enseignant présente un petit inconvénient. Oh, pas grand-chose, trois fois rien, notez-le bien: c’est que l’enseignant, comme le policier, se retrouve au contact direct des réalités les plus sordides et les moins agréables de la société, comme la violence, le communautarisme, l’immigration incontrôlée (pas un mois ne s’écoule sans que mon établissement ou celui de mon épouse n’accueille un “primo-arrivant” comme on dit dans notre jargon, parlant peu ou mal le français, et je vous passe les Afghans qu’il faut convaincre gentiment de scolariser les filles…), l’intégrisme religieux, la misère sociale et intellectuelle. Or l’enseignant, comme le policier, pour être fonctionnaire, n’en est pas moins homme. L’état de décomposition avancée, et selon moi irréversible, de la société nous touche, nous affecte, nous déprime parfois. Cela génère un stress réel.

              La charge de travail, en effet, n’est pas colossale (encore que, il faudrait regarder ce qu’il en est des directeurs d’école dans le primaire). Je bosse certainement moins que mon boucher ou mon plombier. Seulement moi, je ne suis pas toute la journée à faire des sourires à des braves gens qui viennent me payer comptant leur bifteck, ou qui m’accueille comme le messie pour réparer une fuite d’eau sous l’évier de la cuisine. Non, je me confronte quotidiennement aux conséquences effroyables du naufrage (il n’y a pas d’autre mot) de la société française: des adolescents hagards et perdus, dans des familles déchirées, évoluant au sein d’une nation qui a perdu son âme à force de vouloir la “diversité”, dans une société incapable de fixer des règles, un cap, un objectif dépassant la célèbre injonction naguère proférée par Guizot: “enrichissez-vous!”

              Je terminerai mon (trop) long exposé en évoquant la faillite de l’école. Le corps enseignant y a sa part de responsabilité, je ne le nie pas. Les soixante-huitards, les tire-au-flanc, les gauchistes, il y en a eu et il y en a encore dans l’Education nationale. Je précise quand même que ni l’enseignement, ni même la fonction publique en générale, n’a le monopole d’héberger en son sein des fainéants. J’ajoute qu’il ne faut pas confondre présence sur le lieu de travail et travail effectif: il est clair que beaucoup de salariés, dans le privé comme dans le public, passe beaucoup plus de temps que les enseignants sur leur lieu de travail, encore faut-il voir ce qu’ils font réellement durant leur temps de présence. Une étude sérieuse sur la question réserverait peut-être quelques surprises désagréables…

              Toujours est-il que l’état, lamentable, de notre école n’est pas uniquement le fait des enseignants. L’école est un reflet de la société, or les enseignants ne sont pas à eux seuls les responsables des changements survenus en France au cours des quarante dernières années. Les institutions ont été jetées à bas, piétinées, avilies, et certains enseignants ont applaudi, c’est vrai. Mais toutes les institutions ont subi le même sort, même celles dans lesquelles il y a eu une forte résistance interne (armée, police). Il y a aussi une responsabilité politique des ministres et de leur entourage car enfin, on n’a pas écouté les cris des oies du Capitole cherchant à prévenir le désastre (on peut citer quelqu’un comme Brighelli, mais il y en a d’autres). Maintenant que le temple scolaire brûle, il n’est que temps de se lamenter, de verser de chaudes larmes en pestant contre “la baisse du niveau”. Avec la meilleure volonté du monde, les enseignants ne peuvent pas à eux seuls sauver le Titanic en train de couler. Le problème, je le vois bien, est aussi que le multiculturalisme rend difficile la communication: de plus en plus d’élèves ont un univers mental très éloigné du mien. Je ne les comprends pas, et ils ne me comprennent pas. Nous ne parlons pas même langage.

              Pour conclure, s’il est légitime de dire que les enseignants ont leur part de responsabilité dans le désastre, il faut tout de même reconnaître qu’ils ne sont pas les seuls coupables. Si l’on admet la grille de lecture de notre hôte, force est de constater que les enseignants ne sont pas les seuls membres des “classes intermédiaires”. L’école en France est intimement liée à l’Etat et à la construction nationale. Avec le délitement de l’Etat et le développement du discours anti-national, dans les universités aussi bien que dans les banlieues, l’école est condamnée.

            • Descartes dit :

              @ nationaliste-ethniciste

              [Je me permets d’intervenir ici, parce que je lis beaucoup de choses sur les enseignants dans les commentaires ces temps-ci, mais guère d’interventions d’enseignants pour rétablir quelques vérités.]

              Content de vous lire par ici. Vous savez que vous êtes le bienvenu, que ce soit pour vous exprimer sur les enseignants ou sur tout autre sujet…

              [Un mot d’abord sur les propos du sieur Jordi qualifiant les instituteurs (mais je le prends pour moi, car on peut l’étendre à tous les enseignants) de “mafia parasite se payant sur la bête”. Ce n’est pas du mépris comme j’ai pu le lire, c’est de la diffamation pure et simple, car les mots ont un sens.]

              Je comprends que cela puisse vos choquer, mais je pense qu’il s’agit ici d’un effet de tribune, d’une exagération rhétorique. Mais peut-être est-ce là la réaction de quelqu’un qui, à force de voir sa corporation traitée quotidiennement dans les médias de « maffia nucléaire », de « nucléocratie », de « assassins d’enfants » et autres expressions du même genre a développé une certaine accoutumance ?

              [C’est un peu ce qui me gêne avec internet: on n’a pas les gens en face de soi. En d’autres temps, j’aurais de mon gant giflé l’insolent sieur Jordi et suite à cette offense, nous nous serions battus loyalement. Mais voilà, aujourd’hui n’importe quel faquin peut salir l’honneur des gens sans risquer d’être rossé. Triste époque.]

              Ne regrettez rien. Maintenant, vous pouvez le gifler publiquement sur ce blog, et vous battre avec la plume – ou disons le clavier – plutôt qu’avec l’épée. C’est quand même un progrès… d’autant plus que vous êtes probablement bien meilleur avec la plume qu’avec l’epée…

              [Mais le fait est que, malgré une précarisation croissante des salariés du privé (n’est-ce pas là d’ailleurs le vrai problème?) qui fait passer les fonctionnaires en général et les enseignants en particulier pour d’odieux privilégiés dotés d’avantages indus, le nombre de candidats aux concours de l’enseignement, toutes matières confondues, n’a pas véritablement explosé ces dernières années.]

              C’est ce point-là qui constitue la principale faiblesse de l’argumentation des néolibéraux. Si les statuts étaient si enviables, si les travailleurs sous statut étaient titulaires de tant de privilèges, comment se fait-il qu’on ne se bouscule pas au portillon, au point que beaucoup de professions pourtant statutaires ont de véritables problèmes de recrutement ? Cela vaut pour les enseignants, mais aussi pour l’ensemble des fonctionnaires, des cheminots ou des électriciens.

              [Toujours est-il que l’état, lamentable, de notre école n’est pas uniquement le fait des enseignants. L’école est un reflet de la société, or les enseignants ne sont pas à eux seuls les responsables des changements survenus en France au cours des quarante dernières années. Les institutions ont été jetées à bas, piétinées, avilies, et certains enseignants ont applaudi, c’est vrai. Mais toutes les institutions ont subi le même sort, même celles dans lesquelles il y a eu une forte résistance interne (armée, police).]

              Oui, et non. Il est clair qu’une institution ne peut par elle-même se mettre en marge d’une évolution voulue par les classes dominantes, c’est-à-dire aujourd’hui la bourgeoisie et les classes intermédiaires. Mais certaines institutions essayent de résister, et d’autres pas. Après 1968, le corps enseignant a majoritairement applaudi son propre avilissement. Les enseignants ont été les premiers à dénoncer individuellement et collectivement leur propre institution. J’ai encore en tête les paroles de mon professeur de philosophie, soixante-huitard impénitent pour qui l’école faisait partie des « structures répressives de l’Etat ». Et dans sa bouche, ce n’était pas un compliment.

              Beaucoup d’institutions ont été avilies. Mais l’institution éducative est l’une des rares à avoir applaudi et même théorisé son propre avilissement. Les enseignants ont dans l’affaire joué les idiots utiles, sciant sans se rendre compte la branche sur laquelle ils étaient assis. Et le pire, c’est qu’ils étaient en état de récidive : déjà dans les années 1930 les enseignants avaient pris la tête du camp pacifiste, qui a désarmé la France devant Hitler.

              [Il y a aussi une responsabilité politique des ministres et de leur entourage car enfin, on n’a pas écouté les cris des oies du Capitole cherchant à prévenir le désastre (on peut citer quelqu’un comme Brighelli, mais il y en a d’autres).]

              Vous admettrez tout de même que les oies en question étaient très largement minoritaires. Le refus de la sélection, la baisse des exigences, le fait de « faire rentrer la réalité à l’école » ont eu le soutient massif du corps enseignant. Et je ne vous parle même pas du positionnement – néfaste – des syndicats enseignants.

              [Avec la meilleure volonté du monde, les enseignants ne peuvent pas à eux seuls sauver le Titanic en train de couler.]

              Avant de se demander s’ils le peuvent, on pourrait se demander s’ils le veulent. Pour moi, cela n’a rien d’évident. Vous savez que je partage l’essentiel de votre diagnostic. Mais pensez-vous vraiment qu’il est partagé par l’ensemble de votre profession ? Ce que j’entends ne va pas dans ce sens. Le discours des enseignants que je connais est plutôt centré sur la question des moyens.

              [Le problème, je le vois bien, est aussi que le multiculturalisme rend difficile la communication: de plus en plus d’élèves ont un univers mental très éloigné du mien. Je ne les comprends pas, et ils ne me comprennent pas. Nous ne parlons pas même langage.]

              Il est clair que si la société – c’est-à-dire les classes dominantes – n’ont pas la volonté d’imposer un langage commun par le biais de l’assimilation, ce n’est pas l’école qui peut le faire toute seule.

      • Jordi dit :

        Il y a cent ans, les instituteurs ne fonctionnaient pas comme une mafia parasite se payant sur la bête via l’impôt, il étaient rémunérés (certes correctement) pour la valeur de leur travail. Que vous le vouliez ou non, les RATPistes et autres cheminots sont vus (à mon avis à juste titre) comme une caste de rentiers parasites. La solution républicaine est-elle la guillotine ? Le principal problème des régimes spéciaux, c’est que ce sont des salaires différés 40 ans plus tard. Les retraités de la RATP actuels ont été embauchés sous Mitterand. 30 ans plus tard, si on leur sucre leur retraite, il suffit de leur envoyer chialer entre Jarnac et Solutré, les forces de l’esprit Mitterandien payeront la différence entre les promesses de tonton et le budget de la Nation tel que voté par les représentants du peuple élus au parlement.

        Sur les black blocks, je pense que vous êtes naïf. Lorsque les black blocks arrangent le gouvernement en pourrissant les manifs, la consigne de les laisser faire est clairement impulsée. Un gouvernement qui a crevé les yeux d’une vingtaine de manifestants et déployé des blindés face aux gilets jaunes pourrait parfaitement mater les blacks blocks sous les applaudissements goguenards du public, quitte à employer la manière forte. Les black blocks sont tolérés, parce qu’ils ne nuisent pas aux causes chéries des CSP+, et tendent à faire baisser le capital sympathie des mouvements qui contestent la primauté de vos “classes intermédiaires”. Comparez le traitement des black blocks avec celui des militants de Génération Identitaire.

        Les syndicats ne sont pas une menace pour le gouvernement, leur leaders ayant largement montré que quelques beaux cadeaux (envers leurs adhérents, la corruption individuelle n’est pas un standard) suffisent à les acheter.

        • Descartes dit :

          @ Jordi

          [Il y a cent ans, les instituteurs ne fonctionnaient pas comme une mafia parasite se payant sur la bête via l’impôt, ils étaient rémunérés (certes correctement) pour la valeur de leur travail.]

          Décidez-vous. Il y a cent ans, les instituteurs étaient bien plus grassement « payés sur la bête ». Non seulement ils bénéficiaient d’un salaire bien plus intéressant en termes relatifs qu’aujourd’hui, mais de prébendes qui ont aujourd’hui disparu : ils étaient payés pendant leur formation, ils avaient des logements de fonction… Alors si vous voulez en faire une « mafia parasite » aujourd’hui, on ne voit pas en quoi ils ne l’étaient pas hier.

          [Que vous le vouliez ou non, les RATPistes et autres cheminots sont vus (à mon avis à juste titre) comme une caste de rentiers parasites.]

          J’aimerais bien que vous m’expliquiez alors pourquoi, si leur sort est si enviable, les jeunes et moins jeunes ne font pas la queue pour y rentrer. Pourquoi l’ambition de tout jeune aujourd’hui n’est pas de devenir agent RATP ou cheminot. Un ami qui a fait toute sa carrière dans la production à EDF me disait il n’y a pas longtemps qu’on a du mal à trouver des candidats pour couvrir les emplois. Pourquoi ? Parce que les jeunes n’ont pas envie de se taper des astreintes, le travail en 3×8 et le service du week-end, et tout cela pour un salaire qui, même s’il est décent, n’a rien d’extraordinaire. Et vous pouvez toujours leur parler du comité d’entreprise – « le plus riche de France », nous dit-on – ou la retraite à 55 ans, les jeunes vous rient à la gueule.

          Eh oui, on oublie un peu trop souvent que métros, trains, centrales électriques, commissariats de police, hôpitaux tournent la nuit et le week-end. Et que les salaires des agents qui les font fonctionner sont loin d’être mirobolants. Alors des « rentiers parasites » ? Allez… c’est d’autant plus ridicule dans une société où l’on considère qu’un trader mérite des bonus annuels qui se comptent en centaines de milliers d’euros et qu’un PDG qui a coulé sa boite peut partir avec un parachute doré et une retraite chapeau copieuse. N’est-ce pas là les véritables « rentiers parasites » ?

          [La solution républicaine est-elle la guillotine ?]

          Je vous rassure, si on commence à guillotiner les « rentiers parasites », les cheminots et les électriciens arriveront bien loin dans la queue.

          [Le principal problème des régimes spéciaux, c’est que ce sont des salaires différés 40 ans plus tard. Les retraités de la RATP actuels ont été embauchés sous Mitterand.]

          Pas tous. Beaucoup ont été embauchés sous Chirac ou Sarkozy…

          [Sur les black blocks, je pense que vous êtes naïf. Lorsque les black blocks arrangent le gouvernement en pourrissant les manifs, la consigne de les laisser faire est clairement impulsée.]

          Si elle est « clairement impulsée », vous n’aurez pas de difficulté à m’indiquer une référence de cette « impulsion ».

          [Un gouvernement qui a crevé les yeux d’une vingtaine de manifestants et déployé des blindés face aux gilets jaunes pourrait parfaitement mater les blacks blocks sous les applaudissements goguenards du public, quitte à employer la manière forte.]

          En faisant quoi, par exemple ?

          • Jordi dit :

            [Il y a cent ans, les instituteurs ne fonctionnaient pas comme une mafia parasite se payant sur la bête via l’impôt, ils étaient rémunérés (certes correctement) pour la valeur de leur travail.]
            >>Décidez-vous. Il y a cent ans, les instituteurs étaient bien plus grassement « payés sur la bête ». Non seulement ils bénéficiaient d’un salaire bien plus intéressant en termes relatifs qu’aujourd’hui, mais de prébendes qui ont aujourd’hui disparu : ils étaient payés pendant leur formation, ils avaient des logements de fonction…

            Les instituteurs étaient certes très bien traités, mais en échange ils fournissaient un service dont la valeur perçue était très forte, et leurs indemnités confortables étaient la contrepartie d’une appréciation élevée de leur utilité à la société et de leur mérite.

            [Que vous le vouliez ou non, les RATPistes et autres cheminots sont vus (à mon avis à juste titre) comme une caste de rentiers parasites.]
            >>J’aimerais bien que vous m’expliquiez alors pourquoi, si leur sort est si enviable, les jeunes et moins jeunes ne font pas la queue pour y rentrer. Pourquoi l’ambition de tout jeune aujourd’hui n’est pas de devenir agent RATP ou cheminot. Un ami qui a fait toute sa carrière dans la production à EDF me disait il n’y a pas longtemps qu’on a du mal à trouver des candidats pour couvrir les emplois. Pourquoi ? Parce que les jeunes n’ont pas envie de se taper des astreintes, le travail en 3×8 et le service du week-end, et tout cela pour un salaire qui, même s’il est décent, n’a rien d’extraordinaire.
            Eh oui, on oublie un peu trop souvent que métros, trains, centrales électriques, commissariats de police, hôpitaux tournent la nuit et le week-end. Et que les salaires des agents qui les font fonctionner sont loin d’être mirobolants

            Ayant moi-même accepté le type d’efforts que vous mentionnez, je ne suis pourtant pas payé sur les fonds publics. Vous pointez un problème différent, quoique tout aussi grave, qui est le refus d’une partie des jeunes d’accepter des contraintes professionnelles fortes. En théorie, pourquoi pas, tant que ça ne se fait pas au détriment du contribuable.
            Mais je suis forcé de constater que nombre de boulots « à fortes contraintes » sont occupés par des collègues d’origine étrangère, qui souvent « en veulent plus ». Je parle de boulots intéressants et bien payés. Effectivement le trombinoscope d’Accenture est plus divers que celui du service administratif d’une collectivité territoriale.

            [Le principal problème des régimes spéciaux, c’est que ce sont des salaires différés 40 ans plus tard. Les retraités de la RATP actuels ont été embauchés sous Mitterand.]
            >>Pas tous. Beaucoup ont été embauchés sous Chirac ou Sarkozy…
            Le problème n’est pas le politicien qui les a embauché. Le problème, c’est cette escroquerie démocratique où un certain nombre d’agents publics sont peu payés pendant 10 à 15 ans, mais laisse une ardoise et sont surpayés passés 50 ans, sans que le salaire qu’ils reçoivent ait quoique ce soit à voir avec la valeur de leur travail actuel.
            Je vois ça comme une collusion entre les cheminots qui acceptent d’être payés en retard et les politiciens qui engagent des dépenses dans 20 ans et bradent l’avenir pour gagner 500€ par mois sur les salaires des jeunes embauchés. Je pense que c’est un détournement de fonds publics, et qu’il faut y mettre un terme. Tant pis pour les petits malins qui ont triché il y a 30 ans, ont 55 ans et tentent de voler le contribuable maintenant.
            Un conducteur de métro de 50 ans fait le même boulot qu’un conducteur de métro de 20 ans, payons-leur le même salaire. Ou appliquons la loi du marché pour virer les traminots de 50 ans et embaucher des jeunes moins chers. C’est ce qui se fait dans l’informatique ou l’industrie, pourquoi ne pas faire pareil dans le ferroviaire ?

            [Un gouvernement qui a crevé les yeux d’une vingtaine de manifestants et déployé des blindés face aux gilets jaunes pourrait parfaitement mater les blacks blocks sous les applaudissements goguenards du public, quitte à employer la manière forte.]
            >> En faisant quoi, par exemple ?
            Des exemples ? Regardez la façon dont est traité un groupe comme Génération Identitaire. Pour répondre à la façon de mater les black blocks :
            – Avoir des groupes de CRS d’interpellation mobiles dédiés, infiltrés dans les manifs, avec la consigne d’en choper quelques-uns
            – Appliquer une politique pénale très ferme. Pour essayer d’en envoyer en prison et/ou les frapper durement au portefeuille. Encore une fois, l’état a frappé très durement un gilet jaune père de famille qui a fait usage de ses talents de boxeur lors d’une charge de CRS, il est étonnant que des groupes de casseurs échappent aux condamnations
            – Renforcer l’arsenal législatif pour interdire aux récidivistes, suite à des condamnations pour émeute, tout rôle dans un établissement universitaire d’enseignement public (comme étudiant ou enseignant).
            – Utiliser des moyens de renseignements électroniques et ou des historiques de conversation pour prouver l’association de malfaiteurs, la constitution de milices violentes et/ou la reconstitution de ligue dissoutes
            – Frapper leur colonne logistique. Il n’est pas acceptable que des street medics participants à des groupes d’émeutiers puissent être présentés comme non violents
            – Faire condamner, pour incitation à l’émeute, les associations qui les soutiennent (notamment en leur apportant une aide juridique spécialisée), en soutenant financièrement ceux qui sont interpellés ou en leur fournissant ou ayant fourni des emplois de complaisance. Ceux qui financent leur mode de vie doivent aussi financer les réparations des dégâts occasionnés par les émeutes.

            • Descartes dit :

              @ Jordi

              [Les instituteurs étaient certes très bien traités, mais en échange ils fournissaient un service dont la valeur perçue était très forte, et leurs indemnités confortables étaient la contrepartie d’une appréciation élevée de leur utilité à la société et de leur mérite.]

              Admettons. Mais si je suis votre raisonnement, le problème n’est pas que les instituteurs SOIENT des « une mafia parasite se payant sur la bête via l’impôt », mais qu’ils soient PERCUS comme tels. Hier, on appréciait leur boulot, aujourd’hui on ne l’apprécie plus. Mais est-ce eux qui ont changé, ou la société ? Vous ne pouvez pas faire comme si la question ne se posait pas.

              Regardez un peu le discours sur les « start-up » aujourd’hui. C’est quoi qui fait le succès d’un startupper ? Avoir créé un service utile à ses concitoyens ? D’avoir amélioré la situation de ses employés ? Non, c’est d’avoir gagné beaucoup d’argent, quand bien même cet argent serait construit sur l’imbécilité des gens ou sur l’exploitation éhontée. Si vous avez commencé dans un garage et qu’à trente ans vous êtes milliardaire, vous avez réussi, et cela indépendamment du fond de vos activités. Que vous ayez développé un vaccin contre le sida où une « marque » vide autour de la télé-réalité, c’est du pareil au même. Quand Macron pense « premiers de cordée », à qui pense-t-il ? A ceux qui sont utiles, ou à ceux qui ont gagné beaucoup d’argent ?

              Le fait est que depuis quelques années, l’argent est devenu la mesure de toute chose – suivant en cela la célèbre prédiction de Marx en 1948. Et du coup, les métiers « vénérables » qui avaient un statut élevé sans nécessairement manipuler de l’argent ont perdu leur lustre. L’enseignant, le cheminot, l’infirmière ou le sous-préfet ne sont pas aujourd’hui plus « parasitaires » ou moins utiles qu’ils ne l’étaient avant. Mais ces métiers ne sont pas construits autour de l’argent, et du coup ils sont méprisés. Pour vous, les instits forment « une mafia parasite se payant sur la bête via l’impôt ». Je suis sûr que si au lieu d’être payés par l’Etat ils se remplissaient les fouilles en donnant des cours privés, vous auriez une vision bien différente…

              [Ayant moi-même accepté le type d’efforts que vous mentionnez, je ne suis pourtant pas payé sur les fonds publics.]

              Et alors ? On peut parfaitement être un « rentier parasite » tout en étant payé sur fonds privés. Un trader est bien plus proche d’un « rentier parasite » qu’un cheminot ou un conducteur du métro.

              [Vous pointez un problème différent, quoique tout aussi grave, qui est le refus d’une partie des jeunes d’accepter des contraintes professionnelles fortes. En théorie, pourquoi pas, tant que ça ne se fait pas au détriment du contribuable.]

              Mais ça veut dire quoi « au détriment du contribuable » ? Les électriciens-gaziers, par exemple, ne sont pas payés par « le contribuable », mais par le consommateur d’électricité. Est-ce que cela change quelque chose ?

              Je pense en pas me tromper en pensant que vous êtes proche des thèses néolibérales. Si c’est le cas, il faut assumer votre néolibéralisme jusqu’au bout. Pourquoi voulez-vous que les jeunes « acceptent des contraintes professionnelles fortes » alors qu’ils peuvent choisir des métiers ou les contraintes sont bien plus faibles pour la même paye ? Les jeunes font un calcul rationnel : ils regardent quelle est la rémunération qu’on leur offre – et j’entends « rémunération » au sens le plus général, incluant les primes, les avantages matériels et immatériels, les garanties et les promesses de carrière et de retraite, et quelles sont les contraintes, les risques, les exigences. Et ils font leur choix. Pourquoi voulez-vous qu’ils acceptent de travailler samedis, dimanches et fériés et en 3×8 alors que pour le même niveau de diplôme ils peuvent avoir le même salaire en travaillant de 9 à 17 dans une banque, avec les mêmes avantages, la même retraite, la même sécurité ?

              [Mais je suis forcé de constater que nombre de boulots « à fortes contraintes » sont occupés par des collègues d’origine étrangère, qui souvent « en veulent plus ».]

              Et qui souvent n’ont pas le choix. Vous oubliez aussi ce paramètre… cela étant dit, je ne vois pas que les travailleurs « d’origine étrangère » soient prédominant parmi les travailleurs des centrales électriques, les cheminots ou les infirmiers.

              [« « Le principal problème des régimes spéciaux, c’est que ce sont des salaires différés 40 ans plus tard. Les retraités de la RATP actuels ont été embauchés sous Mitterand. » » « Pas tous. Beaucoup ont été embauchés sous Chirac ou Sarkozy… » Le problème n’est pas le politicien qui les a embauché.]

              Alors, pourquoi avoir insisté dès le départ sur le fait qu’ils ont été « embauchés sous Mitterrand » ?

              [Le problème, c’est cette escroquerie démocratique où un certain nombre d’agents publics sont peu payés pendant 10 à 15 ans, mais laisse une ardoise et sont surpayés passés 50 ans, sans que le salaire qu’ils reçoivent ait quoique ce soit à voir avec la valeur de leur travail actuel.]

              C’est le propre de tout contrat de long terme. Le problème, c’est que si vous faites des contrats à court terme, les gens n’investiront pas. Ce n’est pas par hasard si les « statuts » apparaissent dans les entreprises où l’effort de formation est très important. Or, si vous formez un conducteur de TGV ou un opérateur de centrale nucléaire, pour que l’investissement soit rentable il faut pouvoir le garder longtemps. Et la meilleure façon de garder quelqu’un longtemps, c’est précisément de le mettre dans un cadre salarial ou les récompenses se trouvent en bout de carrière.

              [Je vois ça comme une collusion entre les cheminots qui acceptent d’être payés en retard et les politiciens qui engagent des dépenses dans 20 ans et bradent l’avenir pour gagner 500€ par mois sur les salaires des jeunes embauchés. Je pense que c’est un détournement de fonds publics, et qu’il faut y mettre un terme. Tant pis pour les petits malins qui ont triché il y a 30 ans, ont 55 ans et tentent de voler le contribuable maintenant.]

              Comme je vous l’ai expliqué plus haut, ce n’est pas une question de « tricherie », mais au contraire de bonne gestion dans le long terme.

              [Un conducteur de métro de 50 ans fait le même boulot qu’un conducteur de métro de 20 ans, payons-leur le même salaire.]

              Pourquoi pas. Seulement, soyez conscient que vous ne ferez guère d’économies de cette façon, parce si vous voulez attirer des conducteurs de 20 ans en leur expliquant qu’à cinquante ans ils gagneront toujours la même chose, vous devrez leur proposer un salaire à l’embauche beaucoup plus important. Au fond, dans un marché rationnel tel que les libéraux le conçoivent, le travailler négocie son salaire en anticipant l’avenir. Il acceptera un salaire plus faible au départ s’il anticipe une augmentation plus rapide en cours de carrière. Si vous supprimez l’effet de l’ancienneté, alors vous devrez payer plus au départ.

              Mais l’effet ne s’arrête pas là. Plus on est dans une société de la connaissance, et plus l’investissement formation est lourd. Or, cet investissement n’est rentable que dans la mesure où le travailleur reste longtemps dans l’entreprise qui l’a formé. L’augmentation à l’ancienneté sert précisément à cela : à réduire les avantages que le travailleur peut tirer en changeant d’entreprise, puisqu’en changeant iil perd son ancienneté. Vous avez l’air de croire que les statuts ou la rémunération à l’ancienneté sont des revendications des salariés. Ce n’est pas le cas : ce sont d’abord des inventions patronales.

              [Ou appliquons la loi du marché pour virer les traminots de 50 ans et embaucher des jeunes moins chers. C’est ce qui se fait dans l’informatique ou l’industrie, pourquoi ne pas faire pareil dans le ferroviaire ?]

              Pourquoi pas. Seulement, la « loi du marché » s’appliquera dans le deux sens. Les traminots jeunes moins chers que vous embaucherez seront bien plus cher que vous ne le pensez : il faudra leur offrir un salaire plus important, puisqu’ils anticiperont qu’ils seront virés à cinquante ans. Vous ne pouvez pas traiter les salariés comme s’ils étaient des ressources jetables, et leur demander de se comporter comme s’ils étaient là pour la vie.

              Je vais vous raconter une anecdote personnelle. Au début de ma carrière j’ai passé quelques années en Angleterre. Là-bas, pas de sentiment : lorsque la conjoncture était morose, mon patron convoquait les employés dans son bureau, et leur disait « je réduis votre salaire de dix pour cent, si vous n’êtes pas content, vous partez à la fin de la semaine ». Le problème, c’est que quand la conjoncture était bonne, les salariés venaient dans son bureau pour lui dire « vous m’augmentez de dix pour cent, sinon, je m’en vais à la fin de la semaine ». Conséquence : les gens partaient et arrivaient tout le temps, ils s’investissaient peu (à quoi bon chercher à se faire une niche et une réputation dans un endroit qu’on quittera bientôt) et il était hors de question d’investir dans le capital humain, parce qu’on n’avait aucun moyen de rentabiliser l’investissement. La productivité était donc très faible. Quand je suis venu en France, dans le même métier, j’ai trouvé extraordinaire le niveau d’engagement des travailleurs, et cela à tous les niveaux.

              [« « Un gouvernement qui a crevé les yeux d’une vingtaine de manifestants et déployé des blindés face aux gilets jaunes pourrait parfaitement mater les blacks blocks sous les applaudissements goguenards du public, quitte à employer la manière forte. » » « En faisant quoi, par exemple ? »
              Des exemples ? Regardez la façon dont est traité un groupe comme Génération Identitaire.]

              Je ne vois pas le rapport. Génération identitaire n’a jamais eu recours que je sache à la violence de rue en utilisant une manifestation pacifique comme bouclier humain. Vous pouvez trouver injuste le traitement infligé à Génération Identitaire, mais la comparaison avec les « black blocs » est inopérante.

              [Pour répondre à la façon de mater les black blocks : – Avoir des groupes de CRS d’interpellation mobiles dédiés, infiltrés dans les manifs, avec la consigne d’en choper quelques-uns]

              Très difficile à mettre en œuvre. Si ces groupes sont nombreux, ils seront très vitre répérés. S’ils sont peu nombreux, ils se trouveront à interpeller des personnes violentes alors qu’ils sont isolés au milieu de la manifestation et sans protections. Interpeller au milieu d’une foule hostile, entouré d’éléments violents est sans soutien est un risque énorme.

              [– Appliquer une politique pénale très ferme. Pour essayer d’en envoyer en prison et/ou les frapper durement au portefeuille. Encore une fois, l’état a frappé très durement un gilet jaune père de famille qui a fait usage de ses talents de boxeur lors d’une charge de CRS, il est étonnant que des groupes de casseurs échappent aux condamnations]

              Vous ne pouvez prononcer des peines importantes que si les faits sont établis et l’auteur identifié sans ambiguïté. Autrement, cela ressemble à une punition collective et donc à une atteinte au droit de manifester. Or, le lien entre les faits et les auteurs au cours d’une manifestation, lorsque les personnes en question prennent des précautions importantes pour éviter d’être identifiés.

              [– Renforcer l’arsenal législatif pour interdire aux récidivistes, suite à des condamnations pour émeute, tout rôle dans un établissement universitaire d’enseignement public (comme étudiant ou enseignant).]

              En d’autres termes, vous créez une peine accessoire de privation d’enseignement ou de travail. Outre le fait que c’est contraire à la Constitution, c’est une absurdité. Pourquoi d’ailleurs leur interdire l’enseignement public et pas l’enseignement privé ?

              [– Utiliser des moyens de renseignements électroniques et ou des historiques de conversation pour prouver l’association de malfaiteurs, la constitution de milices violentes et/ou la reconstitution de ligue dissoutes]

              C’est déjà fait. Mais les « black blocs » ne sont pas idiots, et ils utilisent des messageries cryptées (Telegram, par exemple).

              [– Frapper leur colonne logistique. Il n’est pas acceptable que des street medics participants à des groupes d’émeutiers puissent être présentés comme non violents]

              Là encore, les « street medics » ne bénéficient d’aucune immunité particulière. Quant à la façon dont ils sont « présentés »… je vois mal comment on pourrait préserver la liberté d’expression si l’on dicte aux médias comment ils doivent présenter telle ou telle situation.

              [– Faire condamner, pour incitation à l’émeute, les associations qui les soutiennent (notamment en leur apportant une aide juridique spécialisée), en soutenant financièrement ceux qui sont interpellés ou en leur fournissant ou ayant fourni des emplois de complaisance. Ceux qui financent leur mode de vie doivent aussi financer les réparations des dégâts occasionnés par les émeutes.]

              Vous pouvez condamner ceux qui incitent à l’émeute. Mais le fait d’apporter une aide juridique n’implique pas une complicité avec le délit. Autrement, il faudrait mettre en prison tous les avocats…

            • Jordi dit :

              >>[Les instituteurs étaient certes très bien traités, mais en échange ils fournissaient un service dont la valeur perçue était très forte, et leurs indemnités confortables étaient la contrepartie d’une appréciation élevée de leur utilité à la société et de leur mérite.]
              >>Admettons. Mais si je suis votre raisonnement, le problème n’est pas que les instituteurs SOIENT des « une mafia parasite se payant sur la bête via l’impôt », mais qu’ils soient PERCUS comme tels. Hier, on appréciait leur boulot, aujourd’hui on ne l’apprécie plus. Mais est-ce eux qui ont changé, ou la société ? Vous ne pouvez pas faire comme si la question ne se posait pas.
              Le terme « perçu » était là pour écarter la question de l’objectivation ou de la quantification de la valeur, qui me semblait ici peu pertinente. Ce qui faisait IMHO la justification de la rémunération élevée des hussards noirs, c’est leur création collective de valeur (perçue ou réelle).
              A l’inverse, ce qui fait le salaire élevé des professions du rail, c’est leur confiscation du patrimoine public ferroviaire à leur profit exclusif. N’importe quelle intelligence (carbone ou silicium) pourrait remplacer un conducteur de métro, et il n’y a qu’un seul réseau RATP, dont la prise en otage bloque un poumon économique de la France.
              >> Regardez un peu le discours sur les « start-up » aujourd’hui. C’est quoi qui fait le succès d’un startupper ? Avoir créé un service utile à ses concitoyens ? D’avoir amélioré la situation de ses employés ? Non, c’est d’avoir gagné beaucoup d’argent, quand bien même cet argent serait construit sur l’imbécilité des gens ou sur l’exploitation éhontée.
              Réponse libérale : personne ne vous force à claquer 2000€ de capsules dans Candy Crush Saga ou pour aller voir Messi mettre des coups de pied dans un ballon depuis la tribune centrale. A fool and his money are soon to be parted. Pour nuancer ce propos, l’abus de faiblesse doit être traqué avec sévérité, et la loi actuelle y pourvoir de façon perfectible mais réelle.
              >> L’enseignant, le cheminot, l’infirmière ou le sous-préfet ne sont pas aujourd’hui plus « parasitaires » ou moins utiles qu’ils ne l’étaient avant. Mais ces métiers ne sont pas construits autour de l’argent, et du coup ils sont méprisés.
              Je ne pense pas les mépriser. L’argent c’est bien, mais il me semble qu’un pompier a plus de prestige (et d’occasions de dérouler son tuyau) qu’un expert-comptable. Pour rester dans le service public, sage-femme est nettement plus valorisé que « gardien de prison ». Le prestige de certains métiers, et le respect social qui les accompagne, ont une valeur réelle, tangible, dont rêvent pas mal de gens à la Défense.
              >> Pour vous, les instits forment « une mafia parasite se payant sur la bête via l’impôt ». Je suis sûr que si au lieu d’être payés par l’Etat ils se remplissaient les fouilles en donnant des cours privés, vous auriez une vision bien différente…
              Certes. On exigerait alors d’eux qu’ils soient compétents, ponctuels, et que leurs élève(s) apprennent des choses. Voire même qu’ils s’intéressent à leur savoir autant qu’à leurs vacances.
              Dans l’enseignement public, de telles exigences relèvent soit du dévouement individuel (ce qui devrait faire horreur à votre vision collectiviste), soit de l’archéologie (d’où ma référence aux instits du XIXe siècle), soit plus communément de la science-fiction (avec des écrits surréalistes au sujet du niveau qui monte produits par le mini-stère de l’édulcoration nationale). En tant que parent la réponse est claire : si on a accès de bons profs publics, public ; sinon après avoir payé les impôts il faudra passer les vacances chez les beaux-parents pour payer un collège valable à Junior.
              >> [Ayant moi-même accepté le type d’efforts que vous mentionnez, je ne suis pourtant pas payé sur les fonds publics.]
              >>Et alors ? On peut parfaitement être un « rentier parasite » tout en étant payé sur fonds privés. Un trader est bien plus proche d’un « rentier parasite » qu’un cheminot ou un conducteur du métro.
              Quand est-ce que vous avez filé votre fric à un trader ? Lors de cette émouvante collecte : https://www.youtube.com/watch?v=vGCqzJIU448 ? Les gendarmes de Goldman Sachs viennent-ils pointer leurs flingues pour prendre votre pognon (ou se servir sur votre compte) afin de payer leurs traders ? Golman Sachs n’a même pas de monopole (c’est la concurrence qui fait les salaires des traders, certainement pas un monopole comme cela peut exister chez les GAFA).
              La différence entre un trader et un cheminot, c’est que personne ne vous oblige à surpayer le trader. Le gaspillage d’argent privé ne concerne que les actionnaires, le gaspillage d’argent public concerne tout le monde, et notamment ceux qui doivent le financer.
              >> [Vous pointez un problème différent, quoique tout aussi grave, qui est le refus d’une partie des jeunes d’accepter des contraintes professionnelles fortes. En théorie, pourquoi pas, tant que ça ne se fait pas au détriment du contribuable.]
              >> Mais ça veut dire quoi « au détriment du contribuable » ? Les électriciens-gaziers, par exemple, ne sont pas payés par « le contribuable », mais par le consommateur d’électricité. Est-ce que cela change quelque chose ?
              Non, puisque l’usager est satisfait du service rendu au prix qu’il paie. La différence devient importante lorsque l’usager estime qu’il n’en a pas pour son argent. Il peut arrêter d’acheter des vacances Thomas Cook, mais les porte-flingues de Bercy lui interdisent d’arrêter de financer la SNCF.
              >> Je pense en pas me tromper en pensant que vous êtes proche des thèses néolibérales.
              Votre perspicacité vous honore (mais aussi votre honnêteté intellectuelle, et ce même si nous ne sommes pas du même bord). Je me vois plus comme libéral conservateur.
              >> Si c’est le cas, il faut assumer votre néolibéralisme jusqu’au bout. Pourquoi voulez-vous que les jeunes « acceptent des contraintes professionnelles fortes » alors qu’ils peuvent choisir des métiers ou les contraintes sont bien plus faibles pour la même paye ?
              Parce que dans un marché libre les contraintes viennent (modulo une négociation correcte) avec une rémunération (nettement) plus élevée. Certaines SSII peuvent lâcher 800€ pour un WE de présence sur site. Rajoutons-y la conscience professionnelle et la satisfaction du travail bien fait, mais une prime n’est pas un gros mot.
              >> Et ils font leur choix. Pourquoi voulez-vous qu’ils acceptent de travailler samedis, dimanches et fériés et en 3×8 alors que pour le même niveau de diplôme ils peuvent avoir le même salaire en travaillant de 9 à 17 dans une banque, avec les mêmes avantages, la même retraite, la même sécurité ?
              Je crois que vous idéalisez les conditions de travail bancaires.
              >> [« « Le principal problème des régimes spéciaux, c’est que ce sont des salaires différés 40 ans plus tard. Les retraités de la RATP actuels ont été embauchés sous Mitterand. » » « Pas tous. Beaucoup ont été embauchés sous Chirac ou Sarkozy… » Le problème n’est pas le politicien qui les a embauché.]
              >> Alors, pourquoi avoir insisté dès le départ sur le fait qu’ils ont été « embauchés sous Mitterrand » ?
              Par exagération, mais surtout parce que plus de la moitié des électeurs Français actuels n’ont pas pu voter à l’élection de Mitterand. Les retraites actuellement payées aux retraités du rail n’ont donc aucune légitimité électorale.
              >> [Un conducteur de métro de 50 ans fait le même boulot qu’un conducteur de métro de 20 ans, payons-leur le même salaire.]
              >>Pourquoi pas. Seulement, soyez conscient que vous ne ferez guère d’économies de cette façon, parce si vous voulez attirer des conducteurs de 20 ans en leur expliquant qu’à cinquante ans ils gagneront toujours la même chose, vous devrez leur proposer un salaire à l’embauche beaucoup plus important. Au fond, dans un marché rationnel tel que les libéraux le conçoivent, le travailler négocie son salaire en anticipant l’avenir. Il acceptera un salaire plus faible au départ s’il anticipe une augmentation plus rapide en cours de carrière.
              >> Si vous supprimez l’effet de l’ancienneté, alors vous devrez payer plus au départ.
              So be it.
              >> Mais l’effet ne s’arrête pas là. Plus on est dans une société de la connaissance, et plus l’investissement formation est lourd. Or, cet investissement n’est rentable que dans la mesure où le travailleur reste longtemps dans l’entreprise qui l’a formé. L’augmentation à l’ancienneté sert précisément à cela : à réduire les avantages que le travailleur peut tirer en changeant d’entreprise, puisqu’en changeant iil perd son ancienneté. Vous avez l’air de croire que les statuts ou la rémunération à l’ancienneté sont des revendications des salariés. Ce n’est pas le cas : ce sont d’abord des inventions patronales.
              Il y a deux effets qui se croisent. D’un côté, l’employeur qui veut une fidélisation des employés formés. De l’autre l’employé qui veut sécuriser ses revenus et les faire croître au cours de sa vie.
              Avec deux garde-fous : l’employé « ancien » peut quand même démissionner pour aller voir ailleurs si l’herbe est plus verte et/ou monter un business concurrent. L’employeur peut virer l’employé plus assez productif si il est en roue libre et/ou que son salaire n’a plus aucun rapport avec son travail, mais à l’inverse doit anticiper les couts salariaux plus élevés à venir.
              Dans le public, un de ces garde fous saute : le politique se fout de payer des prix délirants dans 20 ans, c’est le problème de son arrière arrière-successeur. Donc oui à une progression « à l’ancienneté », dans certaines limites. Ces limites sont floues, mais dans le cas des traminots il est clair qu’elles ont été très largement dépassées.
              >>[Ou appliquons la loi du marché pour virer les traminots de 50 ans et embaucher des jeunes moins chers. C’est ce qui se fait dans l’informatique ou l’industrie, pourquoi ne pas faire pareil dans le ferroviaire ?]
              >>Pourquoi pas. Seulement, la « loi du marché » s’appliquera dans le deux sens. Les traminots jeunes moins chers que vous embaucherez seront bien plus cher que vous ne le pensez : il faudra leur offrir un salaire plus important, puisqu’ils anticiperont qu’ils seront virés à cinquante ans.
              Encore une fois : so be it !
              >>Je vais vous raconter une anecdote personnelle. Au début de ma carrière j’ai passé quelques années en Angleterre. Là-bas, pas de sentiment : lorsque la conjoncture était morose, mon patron convoquait les employés dans son bureau, et leur disait « je réduis votre salaire de dix pour cent, si vous n’êtes pas content, vous partez à la fin de la semaine ». Le problème, c’est que quand la conjoncture était bonne, les salariés venaient dans son bureau pour lui dire « vous m’augmentez de dix pour cent, sinon, je m’en vais à la fin de la semaine ». Conséquence : les gens partaient et arrivaient tout le temps, ils s’investissaient peu (à quoi bon chercher à se faire une niche et une réputation dans un endroit qu’on quittera bientôt) et il était hors de question d’investir dans le capital humain, parce qu’on n’avait aucun moyen de rentabiliser l’investissement. La productivité était donc très faible. Quand je suis venu en France, dans le même métier, j’ai trouvé extraordinaire le niveau d’engagement des travailleurs, et cela à tous les niveaux.
              Vous passez d’un extrême à l’autre, forcément. Allez-vous expliquer aux eskimos qu’il faut s’habiller en short toute l’année en vous inspirant de l’exemple de Tahiti ?
              >>[« « Un gouvernement qui a crevé les yeux d’une vingtaine de manifestants et déployé des blindés face aux gilets jaunes pourrait parfaitement mater les blacks blocks sous les applaudissements goguenards du public, quitte à employer la manière forte. » » « En faisant quoi, par exemple ? »
              Des exemples ? Regardez la façon dont est traité un groupe comme Génération Identitaire.]
              >>Je ne vois pas le rapport. Génération identitaire n’a jamais eu recours que je sache à la violence de rue en utilisant une manifestation pacifique comme bouclier humain. Vous pouvez trouver injuste le traitement infligé à Génération Identitaire, mais la comparaison avec les « black blocs » est inopérante.
              L’objet de cette comparaison, c’est de dire que quand le gouvernement veut vraiment réprimer un mouvement il y arrive très bien.
              >> [– Renforcer l’arsenal législatif pour interdire aux récidivistes, suite à des condamnations pour émeute, tout rôle dans un établissement universitaire d’enseignement public (comme étudiant ou enseignant).]
              >>En d’autres termes, vous créez une peine accessoire de privation d’enseignement ou de travail. Outre le fait que c’est contraire à la Constitution, c’est une absurdité. Pourquoi d’ailleurs leur interdire l’enseignement public et pas l’enseignement privé ?
              Sur l’interdiction de travail : lorsqu’on n’est pas parisien ou habitant d’une grande métropole, cela se nomme souvent suspension de permis, et c’est une peine très fréquemment prononcée contre les sans-dents de la France des Gilets Jaunes. Si par ailleurs l’interdiction de travail est anticonstitutionnelle, il serait de bon ton de mettre aux arrêts les félons qui ont interdit à l’humoriste Dieudonné M’Bala M’Bala d’exercer son métier.
              Sur l’interdiction d’enseignement public, deux remarques. La première, c’est que comme vous et contrairement à nombre de ploutocrates centristes j’estime que l’enseignement à une GRANDE valeur, parfois galvaudée par la désinvolture de certains. On accepte que des jeunes en pleine force ne produisent pas, reçoivent des bourses et l’attention d’une partie des élites savantes du pays (oui, ça peut faire drôle de désigner les professeurs sous ce terme mais c’est une réalité). C’est un lourd investissement que consent la Nation, et il n’y a pas lieu d’investir sur des citoyens qui s’en montrent indignes.
              Par ailleurs, le statut d’étudiant sert parfois de paravent administratif à des oisifs. Trotsky et Saint-Paul ont tous deux dit à peu près la même chose sur celui qui ne travaille pas. Dans les établissements privés, les coûts sont souvent suffisants pour que le corps étudiant soit constitué quasi-exclusivement de gens qui étudient (de façon raisonnable, je ne suis pas communiste et Stakhanov n’est pas mon idéal).
              >> [– Frapper leur colonne logistique. Il n’est pas acceptable que des street medics participants à des groupes d’émeutiers puissent être présentés comme non violents]
              >>Là encore, les « street medics » ne bénéficient d’aucune immunité particulière.
              J’ai mentionné les street medics, j’aurais pu mentionner les guetteurs. Les black blocs sont assez organisés, et notamment dans le fait d’avoir pas de gens en support des auteurs d’actes illégaux, sans se placer eux-même en situation de commettre individuellement des actes illégalement individuels.
              Il ne viendrait à personne l’idée de dire qu’un observateur d’artillerie, un technicien en maintenance d’avions ou un chirurgien des armées ne sont pas des militaires, alors pourquoi ne pas incarcérer les street medics ou les guetteurs ?
              >>[– Faire condamner, pour incitation à l’émeute, les associations qui les soutiennent (notamment en leur apportant une aide juridique spécialisée), en soutenant financièrement ceux qui sont interpellés ou en leur fournissant ou ayant fourni des emplois de complaisance. Ceux qui financent leur mode de vie doivent aussi financer les réparations des dégâts occasionnés par les émeutes.]
              >> Vous pouvez condamner ceux qui incitent à l’émeute.
              Mais le fait d’apporter une aide juridique n’implique pas une complicité avec le délit. Autrement, il faudrait mettre en prison tous les avocats…
              Mouais. Un avocat est payé (très) cher par son client. Lorsqu’on est dans le soutien bénévole et/ou financé par une association militante, le fossé me semble moins profond.
              Si vous allez sur ce chemin, vous pourriez estimer que Al Qaida est une association « humanitaire » qui aide financièrement « des » musulmans « en difficulté » ayant fait preuve de très fortes sympathies pour les thèses islamistes et dont certains «ont enfreint la loi ».

            • Descartes dit :

              @ Jordi

              [Le terme « perçu » était là pour écarter la question de l’objectivation ou de la quantification de la valeur, qui me semblait ici peu pertinente. Ce qui faisait IMHO la justification de la rémunération élevée des hussards noirs, c’est leur création collective de valeur (perçue ou réelle).]

              Mais encore une fois, pourquoi les « hussards noirs » créaient plus de valeur que les instituteurs aujourd’hui ? L’éducation, le savoir serait-il devenu moins nécessaire ?

              [A l’inverse, ce qui fait le salaire élevé des professions du rail, c’est leur confiscation du patrimoine public ferroviaire à leur profit exclusif. N’importe quelle intelligence (carbone ou silicium) pourrait remplacer un conducteur de métro, et il n’y a qu’un seul réseau RATP, dont la prise en otage bloque un poumon économique de la France.]

              Encore une fois, vous postulez que la situation des professions du rail est enviable. Mais est-ce vraiment le cas ? Comment expliquez-vous que les jeunes ne se précipitent pas pour être embauchés par la SNCF ou la RATP, que les parents ne poussent pas leurs enfants dans cette direction-là ? Je trouve assez incohérent de proclamer des convictions libérales mais de ne pas ensuite les appliquer à ses propres démonstrations. L’emploi est régulé par le marché, que je sache. Si les jeunes – et les moins jeunes – ne se précipitent pas sur les offres d’emploi dans le rail – et d’une façon plus générale, dans le secteur public – cela tend à montrer que leur situation n’est pas particulièrement enviable vis-à-vis des autres professions.

              Et non, n’importe quelle intelligence ne peut remplacer un conducteur de métro. Quiconque a vécu ce qu’on appelle pudiquement un « accident voyageur » le sait.

              [« Regardez un peu le discours sur les « start-up » aujourd’hui. C’est quoi qui fait le succès d’un startupper ? Avoir créé un service utile à ses concitoyens ? D’avoir amélioré la situation de ses employés ? Non, c’est d’avoir gagné beaucoup d’argent, quand bien même cet argent serait construit sur l’imbécilité des gens ou sur l’exploitation éhontée ». Réponse libérale : personne ne vous force à claquer 2000€ de capsules dans Candy Crush Saga ou pour aller voir Messi mettre des coups de pied dans un ballon depuis la tribune centrale.]

              J’avoue que je ne saisis pas le rapport entre la question et la réponse. Mon commentaire soulignait que l’argent est devenu la mesure de toute chose, et que cela implique nécessairement la dévalorisation des professions autrefois « vénérables » mais dont l’univers symbolique ne tourne pas autour de l’argent. Hier, le médecin, l’instituteur, le cheminot étaient des références parce que leur métier était utile. Aujourd’hui, la référence est le startupper ou le trader, parce qu’ils gagnent beaucoup d’argent. Et cela n’a aucun rapport avec la façon de le dépenser…

              [« L’enseignant, le cheminot, l’infirmière ou le sous-préfet ne sont pas aujourd’hui plus « parasitaires » ou moins utiles qu’ils ne l’étaient avant. Mais ces métiers ne sont pas construits autour de l’argent, et du coup ils sont méprisés ». Je ne pense pas les mépriser.]

              Vraiment ? Les considérer comme des « parasites » ou des « rentiers » qui « se gavent sur la bête » n’est pas une forme de mépris ? Allons… soyons sérieux.

              [L’argent c’est bien, mais il me semble qu’un pompier a plus de prestige (et d’occasions de dérouler son tuyau) qu’un expert-comptable. Pour rester dans le service public, sage-femme est nettement plus valorisé que « gardien de prison ». Le prestige de certains métiers, et le respect social qui les accompagne, ont une valeur réelle, tangible, dont rêvent pas mal de gens à la Défense.]

              Peut-être. Mais lorsque le président parle des « premiers de cordée », je doute qu’il fasse référence aux pompiers ou aux sages-femmes. Bien entendu, certains métiers sont plus dévalorisés que d’autres. Mais on ne peut que constater une dévalorisation générale qui touche tous ceux dont l’argent n’est pas le principal but dans la vie. Vous noterez d’ailleurs que la dévalorisation du secteur public en général par rapport au secteur privé suit la même logique. Car après tout, quelle est la différence fondamentale entre le secteur public et le secteur privé ? Que le premier a pour but la satisfaction de certains besoins, et le deuxième pour seul but de gagner de l’argent.

              [Certes. On exigerait alors d’eux qu’ils soient compétents, ponctuels, et que leurs élève(s) apprennent des choses.]

              Pas du tout. Mon plombier – travailleur privé s’il en est – est bien moins ponctuel que l’instituteur de mes enfants. Mon fournisseur internet est privé et son service client est infiniment pire que celui d’EDF. Imaginer que le secteur privé est soumis à une obligation d’efficacité, de compétence ou de ponctualité supérieure au secteur public est un mythe. Il repose en grande partie sur l’illusion que les marchés sont purs et parfaits, et que le client a donc la possibilité de changer de fournisseur (privé) si son service ne lui convient pas, alors que le service public étant en général un monopole cette pression n’existe pas. Ce raisonnement est faux à un double titre : pour ce qui concerne le privé, les marchés sont très loin d’être « purs et parfaits ». Changer de FAI a un coût important (interruption du service, changement des adresses électroniques…) qui fait qu’on supporte un service défaillant, d’autant plus qu’on n’est pas assez informé pour savoir que le service d’en face soit meilleur. Quant à la question du monopole, la SNCF a beau être l’unique opérateur ferroviaire, mais les électeurs qui utilisent le service ont le choix entre plusieurs alternatives électorales. Si le service se dégrade, c’est le ministre qui risque de payer l’addition…

              [Dans l’enseignement public, de telles exigences relèvent soit du dévouement individuel (ce qui devrait faire horreur à votre vision collectiviste), soit de l’archéologie (d’où ma référence aux instits du XIXe siècle),]

              C’est cela que je n’arrive pas à comprendre dans votre raisonnement. Pourquoi les enseignants du XIXème siècle, qui était tout aussi fonctionnarisés que ceux d’aujourd’hui, étaient si différents des nôtres ? Pourquoi étaient-ils plus soucieux de compétence, de ponctualité, de faire avancer leurs élèves ? Votre raisonnement sur le marché, s’il était vrai, serait aussi valable aujourd’hui qu’en 1880. Alors qu’est ce qui a changé ? Pourquoi faudrait-il aujourd’hui avoir recours à la concurrence pour obliger les enseignants à bien faire leur travail, alors qu’hier cela n’était pas nécessaire ?

              Moi, je vous ai proposé une explication : au fur et à mesure que l’argent devient la mesure de toute chose, ce qui était ressenti hier comme une obligation attachée au statut n’a plus d’effet. Hier, un instituteur « se devait », de par son statut, d’être propre sur lui, compétent, ponctuel. Parce qu’il faisait partie d’une aristocratie, et « noblesse oblige ». Aujourd’hui, personne ne « se doit » rien. La seule « obligation » est le besoin de gagner de l’argent, et toute obligation découle de celle-ci. Mais si mon explication ne vous convainc pas, j’attends la vôtre avec impatience…

              [« Et alors ? On peut parfaitement être un « rentier parasite » tout en étant payé sur fonds privés. Un trader est bien plus proche d’un « rentier parasite » qu’un cheminot ou un conducteur du métro. » Quand est-ce que vous avez filé votre fric à un trader ?]

              Tous les jours. Quand je paye mon crédit, quand l’entreprise ou l’administration ou je travaille paye des frais financiers, une partie va à la rémunération des traders. Et cet argent pourrait autrement être utilisé à des choses utiles pour moi.

              [La différence entre un trader et un cheminot, c’est que personne ne vous oblige à surpayer le trader.]

              La différence entre un trader et un cheminot, c’est surtout que le premier ne produit rien, et que le deuxième produit un service. Je remarque, une fois de plus, combien pour vous les professions qui tournent autour de l’argent sont plus honorables que celles qui produisent un bien ou un service utile.

              [Le gaspillage d’argent privé ne concerne que les actionnaires, le gaspillage d’argent public concerne tout le monde, et notamment ceux qui doivent le financer.]

              Je trouve très curieux votre libéralisme. Si je m’en tiens à la logique libérale, les coûts sont TOUJOURS payés par le consommateur. C’est lui in fine qui paye les salaires des travailleurs, les dividendes des actionnaires, les fournitures et les machines. Et c’est donc lui qui « paye » in fine les gaspillages. Ensuite, on peut débattre de la manière dont le manque à gagner dû au gaspillage est distribué entre les actionnaires et les travailleurs. Qu’est-ce qui vous fait penser que les gaspillages pèsent plus sur les dividendes des actionnaires que sur les salaires des employés ? Il n’y a donc aucune raison de penser que le gaspillage dans le privé « ne concerne que les actionnaires ».

              [« Mais ça veut dire quoi « au détriment du contribuable » ? Les électriciens-gaziers, par exemple, ne sont pas payés par « le contribuable », mais par le consommateur d’électricité. Est-ce que cela change quelque chose ? » Non, puisque l’usager est satisfait du service rendu au prix qu’il paie. La différence devient importante lorsque l’usager estime qu’il n’en a pas pour son argent. Il peut arrêter d’acheter des vacances Thomas Cook, mais les porte-flingues de Bercy lui interdisent d’arrêter de financer la SNCF.]

              L’usager est aussi électeur. S’il n’est pas content du service qu’il reçoit, il peut toujours changer le titulaire de Bercy. Ce que vous n’arrivez pas à comprendre je pense est que lorsqu’il s’agit d’un service public, l’usager est en même temps client et actionnaire. En tant que client, il paye son ticket, en tant qu’actionnaire il couvre le déficit ou touche les bénéfices. Et s’il n’est pas content du service, il peut toujours prendre le bus (en tant que client) ou changer le PDG (en tant qu’actionnaire). Dans le cas d’une entreprise privée, l’usager n’est que client. Il peut toujours changer de crémerie – à condition d’en trouver une autre qui ne soit pas trop éloignée et qui offre un meilleur service, mais les profits et les pertes tout comme la nomination du PDG n’est pas son affaire.

              [« Si c’est le cas, il faut assumer votre néolibéralisme jusqu’au bout. Pourquoi voulez-vous que les jeunes « acceptent des contraintes professionnelles fortes » alors qu’ils peuvent choisir des métiers ou les contraintes sont bien plus faibles pour la même paye ? » Parce que dans un marché libre les contraintes viennent (modulo une négociation correcte) avec une rémunération (nettement) plus élevée.]

              Pas du tout. Il faut appliquer le raisonnement de marché jusqu’au bout. Si un service implique pour les travailleurs des contraintes telles que pour offrir une rémunération suffisamment attractive il fallait augmenter le prix du service à un niveau tel qu’il ferait fuir les clients, le service s’arrête et ne sera pas rendu. Vous semblez croire que tout marché trouve un équilibre non nul. Mais ce n’est pas le cas.

              [Certaines SSII peuvent lâcher 800€ pour un WE de présence sur site. Rajoutons-y la conscience professionnelle et la satisfaction du travail bien fait, mais une prime n’est pas un gros mot.]

              En lisant votre remarque, je pense au copain qui m’expliquait la difficulté de recrutement dans le parc nucléaire. Il serait intéressant de faire une recherche dans les métiers délaissés pour trouver quel serait le salaire d’équilibre, c’est-à-dire, quel salaire il faudrait offrir pour que les jeunes acceptent ces postes malgré les contraintes. Dans le cas des soudeurs en milieu nucléaire, il doit être très élevé, parce qu’on paye déjà des salaires supérieurs à celui d’un ingénieur expérimenté… et on ne trouve pas de candidats.

              [« Et ils font leur choix. Pourquoi voulez-vous qu’ils acceptent de travailler samedis, dimanches et fériés et en 3×8 alors que pour le même niveau de diplôme ils peuvent avoir le même salaire en travaillant de 9 à 17 dans une banque, avec les mêmes avantages, la même retraite, la même sécurité ? » Je crois que vous idéalisez les conditions de travail bancaires.]

              Vraiment ? Pourriez-vous m’indiquer en quoi les éléments que j’ai listé plus haut seraient inexacts ? Combien de cadres bancaires travaillent en 3×8 ? Combien travaillent régulièrement samedis, dimanches et jours fériés ? Je pense surtout que vous idéalisez les conditions de travail dans les services publics…

              [Il y a deux effets qui se croisent. D’un côté, l’employeur qui veut une fidélisation des employés formés. De l’autre l’employé qui veut sécuriser ses revenus et les faire croître au cours de sa vie.
              Avec deux garde-fous : l’employé « ancien » peut quand même démissionner pour aller voir ailleurs si l’herbe est plus verte et/ou monter un business concurrent. L’employeur peut virer l’employé plus assez productif s’il est en roue libre et/ou que son salaire n’a plus aucun rapport avec son travail, mais à l’inverse doit anticiper les couts salariaux plus élevés à venir.]

              Mais vous voyez bien que pour qu’il y ait investissement il faut qu’il y ait contrat de long terme. Et pour que ce contrat tienne, il faut que le patron comme le salarié soient protégés de la tentation que peut éprouver l’autre partie de revenir sur le contrat pour faire jouer les mécanismes de marché quand ça l’arrange. En pratique, cela s’est traduit par un échange de la pente salariale (salaire de départ faible et augmentation à l’ancienneté) contre sécurité de l’emploi.

              [Dans le public, un de ces garde fous saute : le politique se fout de payer des prix délirants dans 20 ans, c’est le problème de son arrière arrière-successeur. Donc oui à une progression « à l’ancienneté », dans certaines limites. Ces limites sont floues, mais dans le cas des traminots il est clair qu’elles ont été très largement dépassées.]

              Mais qu’est-ce qui vous fait penser que c’est différent dans le secteur privé ? Qu’est ce qui empêche un PDG d’une boite privée de faire la même chose ? La réponse est : rien. Qui plus est, un certain nombre de boites l’ont fait. C’était par exemple le cas d’IBM, entreprise qui pendant très longtemps se refusait à licencier pour motif économique et promettait à ses travailleurs une carrière à l’ancienneté. La seule différence, c’est que l’Etat a en la matière une présomption de crédibilité que n’a pas le secteur privé. Nous sommes convaincus que l’Etat sera là dans trente ou quarante ans pour tenir ses engagements, alors que c’est moins sûr pour le privé…

              [Pourquoi pas. Seulement, la « loi du marché » s’appliquera dans les deux sens. Les traminots jeunes moins chers que vous embaucherez seront bien plus cher que vous ne le pensez : il faudra leur offrir un salaire plus important, puisqu’ils anticiperont qu’ils seront virés à cinquante ans.
              Encore une fois : so be it !]

              Sauf que le système dans lequel le traminot de 50 ans n’est pas viré est plus efficient, parce que sachant qu’il pourra rester dans l’entreprise longtemps le traminot de 20 ans non seulement acceptera un salaire plus faible, mais l’investissement que vous mettrez dans sa professionnalisation sera plus rentable. Nous sommes dans un cas classique de court terme versus long terme. Plus les contrats sont à court terme, et plus le système est flexible et adaptable. Cette flexibilité se paye par une moindre incitation à investir, puisque le temps de rentabilisation de l’investissement est forcément court.

              [« Conséquence : les gens partaient et arrivaient tout le temps, ils s’investissaient peu (à quoi bon chercher à se faire une niche et une réputation dans un endroit qu’on quittera bientôt) et il était hors de question d’investir dans le capital humain, parce qu’on n’avait aucun moyen de rentabiliser l’investissement. La productivité était donc très faible. Quand je suis venu en France, dans le même métier, j’ai trouvé extraordinaire le niveau d’engagement des travailleurs, et cela à tous les niveaux ». Vous passez d’un extrême à l’autre, forcément. Allez-vous expliquer aux eskimos qu’il faut s’habiller en short toute l’année en vous inspirant de l’exemple de Tahiti ?]

              Nous sommes donc d’accord que la solution n’est pas dans les extrêmes, mais qu’il s’agit de trouver la bonne position du curseur.

              [« Je ne vois pas le rapport. Génération identitaire n’a jamais eu recours que je sache à la violence de rue en utilisant une manifestation pacifique comme bouclier humain. Vous pouvez trouver injuste le traitement infligé à Génération Identitaire, mais la comparaison avec les « black blocs » est inopérante. » L’objet de cette comparaison, c’est de dire que quand le gouvernement veut vraiment réprimer un mouvement il y arrive très bien.]

              Quand il s’agit de réprimer un mouvement qui ne cherche pas l’affrontement violent et ne se cache pas au milieu d’une foule pacifique, le gouvernement y arrive sans problème. En déduire qu’il pourrait s’il le voulait faire la même chose avec un mouvement qui cherche l’affrontement violent et utilise les manifestants pacifiques comme bouclier humain me paraît erroné. Ce n’est pas parce que le gouvernement sait arrêter les voleurs de poules qu’il faut déduire que s’il n’arrête pas les terroristes c’est parce qu’il ne le veut pas.

              [Sur l’interdiction de travail : lorsqu’on n’est pas parisien ou habitant d’une grande métropole, cela se nomme souvent suspension de permis, et c’est une peine très fréquemment prononcée contre les sans-dents de la France des Gilets Jaunes.]

              Je vois mal un tribunal prononcer un retrait de permis pour une infraction qui n’a aucun rapport avec le code de la route. Vous ne pouvez pas imposer des peines accessoires qui n’ont aucun rapport avec l’infraction en cause. Un manifestant qui lance un pavé sur un CRS ne peut pas se voir retirer le permis de conduire.

              [Si par ailleurs l’interdiction de travail est anticonstitutionnelle, il serait de bon ton de mettre aux arrêts les félons qui ont interdit à l’humoriste Dieudonné M’Bala M’Bala d’exercer son métier.]

              Je ne me souviens pas qu’un tribunal ait interdit à Dieudonné d’exercer son métier ou aucun autre. A ma connaissance, antisémite n’est pas un métier. Dieudonné est toujours libre de se produire en tant qu’acteur…

            • VIO59 dit :

              @Jordi

              “Mais je suis forcé de constater que nombre de boulots « à fortes contraintes » sont occupés par des collègues d’origine étrangère, qui souvent « en veulent plus ». ”

              Impossible dans la fonction publique, qui est interdite aux ressortissants extra-européens (je pense d’ailleurs qu’elle devrait être réservée aux seuls français, et que la discrimination entre étrangers UE et non-UE relève du pur racisme, mais c’est un autre problème)

              D’une manière générale j’ai l’impression que vous êtes furieux contre les quinquagénaires qui sont bien décidés à se battre jusqu’à leurs dernières forces pour ne pas lâcher les postes qu’ils occupent. Peut-être sous-estimez-vous les efforts inhumains qu’ils ont du consentir pendant de longues années quand ils étaient plus jeunes pour arriver là où ils sont ?

              Ce n’est pas eux qu’il faut blâmer. Dîtes vous bien que plus on réduira et retardera les retraites, plus on réduira l’indemnisation du chômage, et plus les quinquas se montreront violents, retors et impitoyables envers vous si vous cherchez à leur piquer leurs postes.

              Ne croyez pas qu’ils ont profité des Trente Glorieuses, ils ne sont pas assez vieux pour cela. Dans leur jeunesse ils n’ont connu que la misère et le chômage, comme les générations suivantes, ce qui fait qu’ils ont accumulé un énorme retard de trimestres pour la retraite qu’ils traîneront comme un boulet jusqu’à la fin de leur vie.

              Demandez vous plutôt quel est le modèle économique des “réformes” des retraites qui se succèdent impitoyablement depuis des dizaines d’années.

              Même modeste, la pension d’un retraité coûte chaque mois un petit quelque chose, tandis que le chômage d’un jeune ne coûte rien, vu que les jeunes n’ont droit à rien, même pas au RSA (pas avant 25 ans)

              Voilà pourquoi la retraite des vieux est un problème et le chômage des jeunes une solution.

              Ne vous trompez pas d’ennemi.

            • Jordi dit :

              Soleil vert, film dystopique en train de sembler motivant ? Votre post aiguise l’appétit.

              Vous avez 50 ans, soit, votre génération est trop jeune pour être boomer, mais assez vieille pour avoir connu l’inflation, la désindustrialisation ET le chômage. Ceci dit, les quinquas violents et retors ne font pas peur. Nous sommes plus nombreux, avons moins à perdre et in fine plus jeunes. Comme vous le dites, ne nous trompons pas d’ennemis : les quinquas n’en sont, dans leur ensemble, pas.

              Mais les privilèges d’une génération sont discutables, ceux des traminots ne le sont pas. Et les manifs pour la défense des retraites ressemblent à des manifs pour la préservation des seuls privilèges de certaines castes, la rage de rentiers au détriment de ceux qui travaillent et produisent. Elles contribuent à la réélection de cet ordure de Macron, qui sera réélu par ces mêmes Gilets Jaunes qu’il aura complaisamment fait brutaliser par la mi .. la police.

              Par contre vous dites un truc absurde à la fin :
              [Même modeste, la pension d’un retraité coûte chaque mois un petit quelque chose, tandis que le chômage d’un jeune ne coûte rien, vu que les jeunes n’ont droit à rien, même pas au RSA (pas avant 25 ans)]

              La petite pension d’un retraité ne coûte pas SI cher, puisqu’il est souvent trop vieux pour travailler. Le chômage d’un jeune, alternant entre Playstation et Pôle emploi coûte une fortune. Les plus vigoureuses années d’une vie sont gâchées, le potentiel incroyable d’une ressource humaine est dilapidé, stérilisé. Un jeune de 25 ans est au sommet de sa force physique, de son courage et sa capacité d’apprentissage et d’adaptation. Le foutre au chômage, avec ou sans RSA, c’est pour la société (soyons cyniques et ne parlons même pas du préjudice que lui subit), c’est pour la société bouffer du blé en herbe et prendre du Bourgogne pour en faire du vinaigre.

              Vous pouvez argumenter qu’un salarié de 50 ans est plus productif qu’un salarié de 25. Sauf que vous avez en tête un salarié de 50 ans qui a 25 ans d’expérience. Le chômeur de 25 ans aura dans 25 ans le corps d’un homme de 50 ans et l’expérience d’un homme de 25. bonne chance face à son concurrent chinois, qui nous mène déjà aux points.

              Le chômage des jeunes est une aussi belle solution que l’autophagie ou un shoot d’héroïne : médiocre à court terme, inéluctablement fatale à moyen terme.

            • Descartes dit :

              @ Jordi

              [Mais les privilèges d’une génération sont discutables, ceux des traminots ne le sont pas.]

              L’affirmation ne constitue pas un argument. J’attends toujours qu’on m’explique en quoi la situation des traminots serait « privilégiée ». Je constate en tout cas que lorsque la SNCF ou la RATP ouvrent des postes, l’afflux de candidats venant du privé n’est pas massif, ce qui devrait être le cas si leur situation était aussi dorée qu’on le dit. Non, contrairement à ce que vous écriviez, les privilèges des traminots sont très « discutables ».

              [Et les manifs pour la défense des retraites ressemblent à des manifs pour la préservation des seuls privilèges de certaines castes, la rage de rentiers au détriment de ceux qui travaillent et produisent.]

              Je ne suis pas d’accord. Je dirais plutôt que la défense des régimes spéciaux est le fait de gens qui ont signé un contrat – salaires plus faibles et conditions de travail plus dures contre conditions de retraite plus favorables – et qui ayant tenu leur part du contrat se trouvent privés du paiement qui devait se retrouver au bout. On peut d’ailleurs se demander l’effet que cette rupture aura sur la disponibilité des gens de passer des contrats de long terme à l’avenir. Si « les promesses n’engagent que ceux qui y croient », alors on trouvera bien peu de monde pour y croire…

              [« Même modeste, la pension d’un retraité coûte chaque mois un petit quelque chose, tandis que le chômage d’un jeune ne coûte rien, vu que les jeunes n’ont droit à rien, même pas au RSA (pas avant 25 ans) » La petite pension d’un retraité ne coûte pas SI cher, puisqu’il est souvent trop vieux pour travailler. Le chômage d’un jeune, alternant entre Playstation et Pôle emploi coûte une fortune. Les plus vigoureuses années d’une vie sont gâchées, le potentiel incroyable d’une ressource humaine est dilapidé, stérilisé.]

              Je pense que vous confondez le « coût » avec la « manque à gagner ». Or, du point de vue politique ce n’est pas la même chose. Les gens réagissent violemment lorsqu’on essaye de leur enlever de la poche l’argent qui se trouve déjà, mais réagissent beaucoup plus mollement lorsqu’ils perdent la possibilité de recevoir de l’argent qu’ils n’ont pas encore. C’est pourquoi l’argument « les retraités se gavent sur notre dos » est politiquement bien plus efficace que celui de « les chômeurs ne nous rapportent ce qu’ils pourraient ».

              Dans l’évaluation des effets du chômage, il faut distinguer le “coût” et le “manque à gagner”. C’est d’ailleurs la même chose pour les retraites. En mettant à la retraite à 60 ans un médecin, un ingénieur, un chef d’orchestre ou un juriste, on se prive de compétences qui ont une valeur non négligeable. Mettre à la retraite des gens qui peuvent encore travailler est une destruction de valeur, au même titre que le chômage. C’est pourquoi personnellement je pense que le départ à la retraite devrait être modulé en fonction des métiers, plus tardif pour les professions intellectuelles que pour les professions manuelles par exemple, et qu’il faudrait peut-être envisager plutôt qu’une retraite-rupture une cessation progressive d’activité.

  15. Bruno dit :

    Bonjour Descartes,
    Pour être honnête, je m’y perds un peu et ça depuis longtemps.
    J’entends partout que nous avons un niveau trop élevé de dépenses publiques (45% du PIB Français est prélevé…), que nous sommes les champions du monde…
    Et pourtant, j’ai moi aussi le sentiment qu’on ne peut plus tout se payer, loin de là.
    L’Etat fait preuve de pédagogie et a mis en ligne un petit tableau de répartition des dépenses publiques :
    https://www.economie.gouv.fr/fiscalite-et-depenses-publiques#

    C’est quand même intéressant de regarder dans le détail et de constater :

    -Poids énorme des retraites, qui ne va pas aller en s’arrangeant avec le vieillissement de la population et un chômage de masse persistant, on n’a pas assez de gens qui cotisent (je pense d’ailleurs que plutôt que de s’acharner à supprimer des derniers régimes spéciaux, on ferait mieux de se poser la question du traitement du chômage de masse et de ses effets dramatiques pour la société).
    -Poids immense également de l’assurance maladie, et là je dois bien avouer que les bras m’en tombent. J’aimerais beaucoup voir le détail. Salarié du privé, avec une mutuelle, j’ai très peu de remboursements de la sécurité sociale. Je ne sais pas comment font les gens avec enfants sans mutuelle… Où va l’argent ?
    -Poids ridicule du régalien ; ça je m’en doutais. Dans ma commune (25.000 habitants), le commissariat a fermé et nous n’avons plus de caserne de pompiers.
    -Poids dérisoire de la recherche ; inquiétant pour l’avenir.
    Je ne vais pas détailler tous les points et j’ai bien lu vos observations, oui nous n’avons plus la possibilité de faire tourner la planche à billets, oui nous n’avons plus les revenus gras des entreprises publiques… Mais quand même, nous dépensons énormément et ça dans un pays où la richesse ne cesse de croître. Face à cette dépense, j’ai pourtant le sentiment que la plupart des « services » rendus par les personnes publiques ne cessent de diminuer : hôpitaux mal entretenus, infrastructures vieillissantes, régalien en berne…
    Comment pourrions-nous concrètement mieux répartir ces dépenses publiques pour tendre vers une société plus égalitaire et qui préparerait au mieux l’avenir des français qui viendront après nous ? Il y aurait des livres à écrire sur ce sujet…

    • Descartes dit :

      @ Bruno

      [L’Etat fait preuve de pédagogie et a mis en ligne un petit tableau de répartition des dépenses publiques : (…)]

      Justement, ce tableau est la chose la moins pédagogique qui soit, parce qu’il confond allégrement deux natures de « dépenses » dont la nature est diamétralement opposée.

      Prenons l’exemple de la dépense dans les écoles. La dépense publique paye des personnels sur lesquels l’Etat a autorité, et c’est lui qui décide des horaires de l’enseignement, des disciplines, des programmes, de l’évaluation, du contenu. Cette dépense est donc un moyen de déployer une politique publique. Prenons maintenant les retraites. La dépense publique paye les retraités… mais l’Etat n’a aucune autorité sur eux. Cet argent n’est pas au service d’une politique publique.

      Il y a des dépenses publiques pour lesquelles l’Etat n’est qu’un intermédiaire : il prélève des cotisations à un bout, il paye des subventions ou des pensions à l’autre bout. On pourrait confier ce travail à un organisme privé que cela ne changerait rien à l’affaire, et finalement le fait que ces transferts soient libellés « dépense publique » où non dépend d’une question d’organisation, et non de la nature de la dépense. Pour être sérieux à l’heure d’évaluer la capacité d’action des politique publiques il faut se limiter à la dépense qui peut être mis au service de choix de politique publique, en éliminant la dépense qui n’est en fait qu’un transfert pur.

      Or, le tableau que vous citez mélange allègrement les deux !

      [-Poids énorme des retraites, qui ne va pas aller en s’arrangeant avec le vieillissement de la population et un chômage de masse persistant, on n’a pas assez de gens qui cotisent (je pense d’ailleurs que plutôt que de s’acharner à supprimer des derniers régimes spéciaux, on ferait mieux de se poser la question du traitement du chômage de masse et de ses effets dramatiques pour la société).]

      Il y a plusieurs éléments là-dedans. D’abord, il faut savoir que la productivité augmente toujours plus vite que l’espérance de vie. En d’autres termes, en moyenne ce que nous produisons sur une vie complète de travail compense le surplus de consommation lié à l’augmentation de l’espérance de vie. Encore faut-il qu’en moyenne tout le monde soit au travail, d’une part, et que le capital ne confisque pas une part croissante de la richesse produite, d’autre part…

      [-Poids immense également de l’assurance maladie, et là je dois bien avouer que les bras m’en tombent. J’aimerais beaucoup voir le détail. Salarié du privé, avec une mutuelle, j’ai très peu de remboursements de la sécurité sociale. Je ne sais pas comment font les gens avec enfants sans mutuelle… Où va l’argent ?]

      A vous lire, on a l’impression que vous pensez que c’est votre mutuelle qui rembourse l’essentiel, et que la sécurité sociale ne vous rembourse presque rien. Or, c’est l’inverse : la sécurité sociale vous rembourse en premier, et la mutuelle vous rembourse sur le reliquat. Le fait que les remboursements passent par votre mutuelle ne doit pas vous faire perdre de vue ce fait. Normalement, votre décompte fait figurer la part remboursée par la sécurité sociale, et la part remboursée par la mutuelle.

      Par ailleurs, l’assurance maladie couvre aussi l’entretien du système hospitalier, qui fonctionne comme une assurance dont vous ne voyez pas l’utilité… jusqu’au jour où cela vous arrive à vous !

      [-Poids ridicule du régalien ; ça je m’en doutais. Dans ma commune (25.000 habitants), le commissariat a fermé et nous n’avons plus de caserne de pompiers.
      -Poids dérisoire de la recherche ; inquiétant pour l’avenir.]

      Effectivement, le poids de la dépense dite « discrétionnaire » – celle qui permet à l’Etat de favoriser des politiques publiques dans un sens ou dans l’autre – est relativement faible, sauf dans le secteur éducatif.

      [Comment pourrions-nous concrètement mieux répartir ces dépenses publiques pour tendre vers une société plus égalitaire et qui préparerait au mieux l’avenir des français qui viendront après nous ? Il y aurait des livres à écrire sur ce sujet…]

      D’abord, en supprimant les dépenses inutiles, inefficaces ou carrément néfastes. Il y a des coupes sombres à faire dans la communication, ou dans certaines politiques qu’on remplit de « gadgets » coûteux et inutiles (le bio dans les cantines, la « sensibilisation » à l’école à toutes sortes de problématiques à la mode, les subventions aux énergies renouvelables…). Il y a là d’énormes marges de récupération.

  16. cdg dit :

    Tres bon article et que meme quelqu un de plutot liberal comme moi ne peut qu approuver. Ca change des incantations du genre : il faut faire payer les riches ou sa variante sur la fraude fiscale.

    Un point qui n est pas pris en compte ici est le vieillissement de la population. Contrairement a un commentateur je ne parle pas de son impact electoral, mais de son impact economique. En 1960, on partait a la retraite a 65 ans (et en touchant une retraite faible) et on mourrait au mieux 10 ans plus tard (75 ans etait deja un age avancé pour l epoque). Aujourd hui les gens partent avec des retraites bien plus elevée aux alentour de 60 ans et vont vivre au moins 20-25 ans en ne produisant RIEN mais en coutant cher en soins medicaux . Forcement comme vous l ecrivez il faut bien que ca soit payé par quelqu un, car contrairement a ce que vous ecriviez dans un commentaire, l allongement de la duree de vie s est pas accompagné d un allongement de la carriere productive (au contraire. en 1960 un homme commencait a 15 ans a travailler et finissait a 65 -> 55 ans de travail. Nos boomers ont commence vers 18 ans et sont parti a 55-60 ->37 ans. Les jeunes actuellement commencent a 23 ans et auront du mal a faire plus de 40 ans )

    Pour l ecole, le probleme n est pas financier. Vous pourrez tripler les budgets que ca ne changera rien sans un changement de mentalité. Si vous avez un forte reussite des eleve d origine asiatique (ou des enfants de profs), c est que ceux ci sont suivit par leurs parents qui les font travailler au lieu de les mettre devant la TV !
    Mais remettre a l honneur le travail ou la responsabilité individuelle est un programme reactionnaire , donc pas pres d arriver

    PS: j ai pas trouve le nombre de retraite en 1960 mais sur https://www.insee.fr/fr/statistiques/2569360?sommaire=2587886 vous avez 1975 : 4 millons de retraités. 13 millions en 2015. On a triplé le nombre (et si on prend en compte le montant des pensions et le cout des soins, c est encore plus)

    • Descartes dit :

      @ cdg

      [Très bon article et que même quelqu’un de plutôt libéral comme moi ne peut qu’approuver. Ça change des incantations du genre : il faut faire payer les riches ou sa variante sur la fraude fiscale.]

      L’un n’empêche pas l’autre. Je pense aussi qu’il faut faire payer les riches ! Et faire la chasse à la fraude fiscale est là aussi une noble cause… mais ce n’est pas nécessairement la solution à tous les problèmes.

      [Aujourd’hui les gens partent avec des retraites bien plus élevée aux alentours de 60 ans et vont vivre au moins 20-25 ans en ne produisant RIEN mais en coutant cher en soins médicaux. Forcement comme vous l’écrivez il faut bien que ça soit payé par quelqu’un, car contrairement à ce que vous écriviez dans un commentaire, l’allongement de la durée de vie s’est pas accompagné d’un allongement de la carrière productive (au contraire. en 1960 un homme commençait a 15 ans à travailler et finissait a 65 -> 55 ans de travail. Nos boomers ont commencé vers 18 ans et son partis a 55-60 ->37 ans. Les jeunes actuellement commencent a 23 ans et auront du mal à faire plus de 40 ans)]

      Ce n’est pas tout à fait vrai. En 1960, deux ouvriers sur trois n’atteignait pas l’âge de la retraite, et s’arrêtait donc de travailler bien avant les 65 ans. L’un des arguments pour soutenir la retraite à soixante ans était d’ailleurs justement de permettre à plus de gens de bénéficier d’une retraite. Par ailleurs, ce n’est pas seulement la longueur de la carrière productive qui importe, mais aussi sa qualité. Un homme de 50 ans est aujourd’hui beaucoup plus productif que ne l’était un homme de cinquante ans il y a un demi-siècle.

      [Pour l’école, le problème n’est pas financier. Vous pourrez tripler les budgets que ça ne changera rien sans un changement de mentalité. Si vous avez un forte réussite des élèves d’origine asiatique (ou des enfants de profs), c’est que ceux-ci sont suivit par leurs parents qui les font travailler au lieu de les mettre devant la TV !]

      C’est vrai. Mais l’école ne peut se contenter de faire réussir ceux qui sont poussés par leurs parents. La grandeur de l’école républicaine, c’est de détecter des talents et de leur apporter la possibilité de réussir quand bien même leurs parents ne pourraient ou ne sauraient comment les pousser. Et pour cela, il faut un minimum de moyens. Mais je suis d’accord avec vous sur le fait que les moyens ne suffiront pas : sans un changement d’orientation et de projet, l’argent qu’on mettrait dans l’éducation n’aurait aucun effet.

      • cdg dit :

        “Et faire la chasse à la fraude fiscale est là aussi une noble cause”
        Ce qui m amuse toujours c est que ceux qui pensent fraude fiscale pensent au compte en suisse de quelque gros capitaliste fumant havane (juste pour info, les comptes numerote en suisse ca existe plus et ils pratiquent l echange automatique d info -> aucun interet de planquer son argent la bas).
        En fait le gros de la fraude fiscale c est mimile le macon qui travaille au noir. C est pas pour rien que le gouvernement vient d autoriser le siphonnage des donnees de facebook et autres reseaux sociaux. On va pas y traquer B Arnault mais mimile qui est officiellement au smic mais qui a amené ces enfants en vacances aux seychelles (et ces cons ont posté des photos sur instagram)

        “Par ailleurs, ce n’est pas seulement la longueur de la carrière productive qui importe, mais aussi sa qualité”
        Certes. Mais on est passé d un systeme où une partie significative n atteignait pas la retraite a un systeme où les gens y restent au moins 20 ans. Forcement ca coute plus cher (surtout si on y ajoute les soins et le fait que les pensions ont explosés par rapport a 1960: on est passé du retraité qui survit chichement au senior qui fait des croisieres). Comme vous le dites, ca a un cout et donc on doit faire des choix. Ce que personne ne dit

        Sur l ecole, je pense que vous n allez pas assez loin. C est un changement de mentalité de la population qu il faut. Tant qu un gamin qui reussit ou qui travaille se fera chambrer par ses petits copains, vous n arriverez a rien. Apres c est sur qu offrir des poste a 1500€/mois pour enseigner a des gens qui n en ont rien a faire dans la banlieue parisienne, vous attirez ceux qui ont la foi, ceux qui n ont pas le choix ou plus prosaiquement ceux qui visent les vacances (j en un un exemplaire dans ma famille. c est pas une legende urbaine)

        • Descartes dit :

          @ cdg

          [“Et faire la chasse à la fraude fiscale est là aussi une noble cause” Ce qui m’amuse toujours c’est que ceux qui pensent fraude fiscale pensent au compte en suisse de quelque gros capitaliste fumant havane]

          Ce n’est pas mon cas. Je penserais plutôt à certains exercices « d’optimisation fiscale » qui flirtent avec les limites de la légalité – ou qui violent l’esprit de la loi tout en prétendant se conformer à sa lettre. Je pense aussi à l’usage de certains mécanismes opaques comme les « carrousels » de TVA, ou l’occultation de revenus ou d’actifs au moyen de sociétés écrans multiples dans des paradis fiscaux…

          Ca, c’est pour les riches. Il y a aussi une fraude « fourmi » faite d’une addition de petites fraudes mais qui in fine représente un manque à gagner considérable pour la collectivité : travail au noir, vente directe en fraude à la TVA…

          [En fait le gros de la fraude fiscale c’est mimine le maçon qui travaille au noir.]

          Pas tout à fait. C’est aussi mimine le patron qui utilise un « carrousel » pour frauder la TVA, ou qui déguise certaines opérations sous des catégories comptables plus favorables…

          [“Par ailleurs, ce n’est pas seulement la longueur de la carrière productive qui importe, mais aussi sa qualité” Certes. Mais on est passé d’un système où une partie significative n’atteignait pas la retraite a un système où les gens y restent au moins 20 ans. Forcement ca coute plus cher]

          Personne ne discute cela. Mais si l’espérance de vie a progressé, la productivité a progressée elle aussi. Nous avons donc d’un côté une facture plus élevée, et de l’autre des moyens plus consistants pour la payer. A condition bien entendu que ces moyens ne soient pas confisqués par une certaine catégorie… suivez mon regard.

          [Comme vous le dites, ça a un cout et donc on doit faire des choix. Ce que personne ne dit.]

          Tout à fait. Personne en fait ne présente la fonction du politique comme celle de faire les choix. Au contraire, on « fatalise » la politique avec un discours du genre « on n’a pas le choix ». Et dire qu’on n’a pas le choix, c’est la mort de la politique. S’il n’y a qu’une solution possible, à quoi bon voter ? Autant laisser les techniciens la mettre en place…

          [Sur l’école, je pense que vous n’allez pas assez loin. C’est un changement de mentalité de la population qu’il faut. Tant qu’un gamin qui réussit ou qui travaille se fera chambrer par ses petits copains, vous n’arriverez à rien.]

          Je ne suis pas d’accord. Que les enfants préfèrent l’amusement à l’effort, qu’ils chambrent celui qui travaille et célèbrent celui qui joue bien au foot, c’est une réalité aussi vieille que l’humanité – ou du moins aussi vieille que le foot. Cela ne devient un problème que quand les adultes – ou plutôt les adultomorphes qui se comportent en adolescents – et avec eux les institutions réagissent de la même façon. Parce que c’est justement au monde adulte, et à l’institution qui le représente, de remettre les pendules à l’heure, de dire aux enfants que le passage dans le monde adulte change la donne, et que c’est celui qui est « chambré » dans la cour de récréation qui aura plus tard le respect, la considération et la belle voiture. Encore faut-il, et en cela je vous rejoins, que cela soit vrai dans la société. Ce qui reste globalement le cas.

          [Apres c’est sûr qu’offrir des postes a 1500€/mois pour enseigner a des gens qui n’en ont rien à faire dans la banlieue parisienne, vous attirez ceux qui ont la foi, ceux qui n’ont pas le choix ou plus prosaïquement ceux qui visent les vacances (j’en un exemplaire dans ma famille. Ce n’est pas une légende urbaine)]

          Je vous crois, d’autant que j’en connais aussi quelques cas. Mais le principal problème n’est pas pour moi les 1500€/mois, même si cela compte. Le principal problème est le soutien symbolique que les institutions donnent à l’enseignant, c’est son statut social. L’enseignant d’il y a un siècle n’était pas forcément mieux payé, mais il était beaucoup mieux considéré. Il le devait à sa compétence, à son rôle social, mais aussi au soutien indéfectible des institutions. Aujourd’hui, les institutions sont en lambeaux – et les enseignants ont d’ailleurs pas mal contribué à les mettre dans cet état – et dans ce monde des-institutionnalisé ou l’argent est la mesure de toute chose, il est vrai qu’avec ses 1.500 € par mois l’enseignant ne pèse pas lourd. Alors, qui peut avoir envie de faire ce métier, en dehors de ceux pour qui c’est un sacerdoce ?

        • morel dit :

          @ cdg

          « le vieillissement de la population. Contrairement a un commentateur je ne parle pas de son impact électoral, mais de son impact économique. »

          Vous savez les « angles d’attaque » du problème sont divers mais je constate lorsqu’il s’agit de personnes concrètes : famille, amis ou soi-même, le point de vue n’est plus forcément aussi « théorique » ou « économique ».

          « En 1960, on partait a la retraite a 65 ans (et en touchant une retraite faible) et on mourrait au mieux 10 ans plus tard (75 ans etait deja un age avancé pour l époque). »

          Vous me voyez dans l’obligation de réfuter ce « on ». Tout le monde ne suivait pas votre schéma. Chacun sait que la durée de vie de l’ouvrier ou du petit salarié n’était pas celle du rentier, du professeur etc.

          « Aujourd hui les gens partent avec des retraites bien plus elevée aux alentour de 60 ans et vont vivre au moins 20-25 ans en ne produisant RIEN mais en coutant cher en soins medicaux . »

          Il ne faudrait tout de même pas exagérer : retraite de base de 1 470 euros bruts en moyenne.
          C’est bien connu les âges extrêmes de la vie sont les plus coûteux en matière de santé. Les nourrissons ne produisent rien non plus et vont aussi « vivre 20-25 ans en ne produisant RIEN » comme vous l’écrivez.

          Syndicaliste, je suis et je reste et ne vois, surtout par les temps qui courent aucune raison de ne pas en être fier. 43 annuités comptabilisées, une retraite modeste, peut-être le prix de n’avoir jamais été courtisan.

          • cdg dit :

            @descartes. A une certaine epoque les instituteurs avait un certain prestige car ils savaient plus que le reste de la population (une bonne partie etait illetree) et en plus ils representaient l espoir que leurs anfants puissent s elever socialement par l ecole. Aujourd hui, les professeurs des ecoles ne representent plus une elite du savoir (une bonne partie de la population en fait au moins autant qu eux), se ridiculisent (genre ballon = referentiel bondissant ou les lubies inclusives de nos bobos) et ne permettent plus une ascension sociale (le niveau scolaire baisse et l economie francaise declinante n offre plus autant de possibilite de promotion)
            Apres vous ajoutez la difficulté d avoir affaire a certains publics ou le savoir n est pas valorisé (il n y a qu a voir la difference de parcours entre les enfants des boat people et ceux arrives du Maghreb)

            “ou qui violent l’esprit de la loi tout en prétendant se conformer à sa lettre”. Si vous entrez dans ce type de consideration, vous ouvrez la porte a l arbitraire. comment vous allez decider ce qui est legal ou pas ? vous allez forcement avoir des jugements qui pour des faits similaires vont diverger.
            A mon avis il serait plus simple (et sain) d avoir des impots a base large et taux faibles. Car avoir des taux eleves avec plein d exceptions incite fortement a tordre la realite dans un sens favorable

            @morel
            “constate lorsqu’il s’agit de personnes concrètes : famille, amis ou soi-même, le point de vue n’est plus forcément aussi « théorique » ou « économique »”
            Certes mais les faits sont la. Que votre interet particulier ne coincide pas avec l interet general ne change rien au fait que le probleme existe. C est comme si vous travaillez pour un fabriquant de cigarettes (ou vous avez un bar /tabac). Votre interet personnel est que les gens fument. Par contre l interet du pays est exactement l inverse. Ne doit on rien faire car ca heurte l interet de certains?

            “Tout le monde ne suivait pas votre schéma” Il y avait en effet des phenomes qui vivait jusqu a 90 ans en 1960 mais combien ?
            L auteur de se blog avait raison de rappeller qu en 1960 une partie non negligeable de la population n atteignait meme pas l age de la retraite de l epoque (65 ans) . Quant aux rentiers, l inflation de l epoque les avaient quasiment exterminés et les survivants ne touchaient pas de retraites, donc pas de financement a trouver.
            Ce que je voulais dire c est qu un systeme concu pour permettre a des gens qui ne POUVAIENT plus travailler de ne pas sombrer dans la misere les dernieres annees de leur vie ne fonctionne pas quand il s agit de permettre a des gens de rester chez eux pendant 25 ans et de se payer des croisieres

            “retraite de base de 1 470 euros bruts en moyenne”. IL y a en effet des retraités pauvres. Mais c est pas la majorité (d apres l INSEE les retraites ont un niveau de vie superieur aux actifs). Et la pension de retraite moyenne est tiree vers le bas par les paysans et commercants qui ayant peu cotisés touchent peu. Ce qui d ailleurs ne veut pas dire qu ils soient pauvres car il faut aussi prendre en compte les revenus du capital ou tout simplement le fait qu ils sont proprietaires de leur logement et n ont aucun loyer a paer

            “Les nourrissons ne produisent rien non plus et vont aussi « vivre 20-25 ans en ne produisant RIEN”
            La difference entre un enfant et un retraité, c est qu aucun enfant ne va percevoir 1000 €/mois. Je ne suggere pas de ne pas soigner les malades car ils sont trop vieux ou je ne sais quoi dans le genre. Je souhaite simplement remettre les pendule a l heure car la plupart des retraités ont l impression d etre des victimes (cf la reaction au changement de CSG) alors qu ils sont les gros beneficaires du systeme. Le premier poste de depense c est le paiement des pensions. Le second c est l assurance maladie. Il est normal que vous coutez plus cher a 80 ans qu a 10 ans, je demande simplement que les gens en soient conscient et arretent de demander toujours plus que les actifs (ou leurs enfants via la dette) doivent payer

            • Descartes dit :

              @ cdg

              [A une certaine époque les instituteurs avait un certain prestige car ils savaient plus que le reste de la population (une bonne partie était illettrée) et en plus ils représentaient l’espoir que leurs enfants puissent s’élever socialement par l’école. Aujourd’hui, les professeurs des écoles ne représentent plus une élite du savoir (une bonne partie de la population en fait au moins autant qu’eux),]

              Cette théorie a un point faible : si le prestige venait du fait « qu’ils savaient plus que le reste de la population », alors on devrait voir leur prestige s’effriter dans les quartiers aisés, mais pas dans les banlieues populaires, où ils continuent à « savoir plus que le reste de la population ». Et c’est aussi dans ces quartiers que l’école est le seul espoir d’élévation sociale. Or, ce n’est pas vraiment là que l’enseignant est le plus respecté, non ?

              [se ridiculisent (genre ballon = referentiel bondissant ou les lubies inclusives de nos bobos)]

              Soyons justes. Ce n’est pas les enseignants qui ont porté au pouvoir les « pédagogos ». Ce genre d’idiotie affaiblit certainement l’institution scolaire, mais pour une fois les enseignants n’y sont pour rien.

              [et ne permettent plus une ascension sociale (le niveau scolaire baisse et l’économie française déclinante n’offre plus autant de possibilités de promotion)]

              Je ne pense pas que ce soit là le principal mécanisme. L’école, malgré sa destruction systématique, reste l’institution qui peut offrir aux jeunes une certaine émancipation, une porte ouverte vers une ascension culturelle et sociale. Le problème, comme je l’expliquais à un autre commentateur, c’est que dans notre société l’argent est devenu la mesure de toute chose. Et si l’école peut transmettre beaucoup de choses, elle n’enseigne pas à faire de l’argent. J’ai trouvé beaucoup d’enseignants pour raconter l’histoire d’un élève un peu voyou leur demandant combien ils gagnent, et s’exclamant « c’est ce que je me fais en une semaine » (avec les trafics ou la drogue). Que l’anecdote soit vraie ou fausse n’a pas d’importance, mais le fait que tant d’enseignants s’en fassent l’écho montrent à mon avis ou se trouve le vrai problème.

              [Apres vous ajoutez la difficulté d’avoir affaire à certains publics ou le savoir n’est pas valorisé (il n y a qu’a voir la différence de parcours entre les enfants des boat people et ceux arrives du Maghreb)]

              C’est vrai. Les enfants qui viennent de cultures qui valorisent le travail intellectuel sont certainement avantagés. Mais l’essentiel est pour moi le message que transmet la société. Quand le discours dominant valorise le savoir et la pensée, ce discours finit par s’imposer même dans les publics qui à priori ne le font pas. Ce qui a changé en trente ans, c’est le discours dominant. En 1980, quand on invitait sur le plateau un professeur au collège de France ou un académicien, on le traitait avec les honneurs dus à son rang. Aujourd’hui, on le mélange vaguement avec une starlette venant faire sa promo et un vieux soixante-huitard sur le retour qui vient parler de foot. Les seuls qui méritent respect, les seuls pour qui on enlève son chapeau, ce sont ceux qui font de l’argent. Aucun prix Nobel n’aura le respect qui est du a Neymar.

              [“ou qui violent l’esprit de la loi tout en prétendant se conformer à sa lettre”. Si vous entrez dans ce type de considération, vous ouvrez la porte a l’arbitraire. Comment vous allez décider ce qui est légal ou pas ? vous allez forcement avoir des jugements qui pour des faits similaires vont diverger.]

              Dans la tradition française, le juge doit interpréter la loi en se référant à la volonté du législateur. Et pour cela il dispose de l’exposé des motifs de la loi, du compte rendu des débats lors de son passage en commission et en séance, à l’Assemblée et au Sénat. Le droit français n’a jamais été littéraliste au sens ou peut l’être le droit américain. Le juge se doit de faire respecter l’esprit de la loi avant la lettre.

              [A mon avis il serait plus simple (et sain) d’avoir des impôts a base large et taux faibles. Car avoir des taux élevés avec plein d’exceptions incite fortement a tordre la réalité dans un sens favorable]

              En d’autres termes, comme disait Alphonse Allais, « il faut aller chercher l’argent là où il est : chez les pauvres ». Dans une société ou les riches sont rares et les pauvres nombreux, la seule façon de faire supporter une part raisonnable des charges publiques par les riches c’est avec des impôts à assiette étroite et taux élevé. Bien entendu, la base large et le taux faible facilite le travail de collecte de l’impôt. Mais ne le rend pas juste.

              [Ce que je voulais dire c’est qu’un système conçu pour permettre a des gens qui ne POUVAIENT plus travailler de ne pas sombrer dans la misère les dernières années de leur vie ne fonctionne pas quand il s’agit de permettre à des gens de rester chez eux pendant 25 ans et de se payer des croisières.]

              J’avoue que je suis sensible à cette réflexion. Le discours tenu par certains syndicalistes et politiques « de gauche » qui voudrait que la retraite soit une « libération » qui permette aux individus « enfin de profiter de la vie » me heurte profondément. Cette vision sacrificielle ou l’on passerait sa vie à souffrir pour gagner le paradis à partir de 60 ans n’a jamais été la mienne. Peut-être parce que j’ai la chance de faire un travail que j’aime, mais j’appréhende le jour où je serai enfin « libre » de ne plus travailler. Je suis profondément convaincu que c’est le travail – c’est-à-dire, le fait d’être utile socialement – qui nous structure en tant que citoyens.

              Alors la retraite conçue comme une protection pour ceux qui ne peuvent plus travailler, oui. Mais je pense qu’il serait plus sain de concevoir des systèmes de cessation progressive d’activité, qui permettraient à chacun de travailler selon ses possibilités tout en conservant un niveau de vie acceptable. Et s’il s’agit de permettre aux gens de voyager, je préfère qu’on utilise les moyens pour permettre aux gens de faire des voyages tout au long de leur vie plutôt que de concentrer tout sur la fin de la vie…

            • morel dit :

              @ cdg

              « Certes mais les faits sont la. Que votre interet particulier ne coincide pas avec l interet general ne change rien au fait que le probleme existe »

              Simple remarque ici. Tel qui croit disserter doctement, parfois ne fait qu’exprimer un intérêt ou un point de vue bien plus concret et contingent.

              « “Tout le monde ne suivait pas votre schéma” Il y avait en effet des phenomes qui vivait jusqu a 90 ans en 1960 mais combien ?
              L auteur de se blog avait raison de rappeller qu en 1960 une partie non negligeable de la population n atteignait meme pas l age de la retraite de l epoque (65 ans) . »

              Merci de confirmer mon point de vue.

              « Quant aux rentiers, l inflation de l epoque les avaient quasiment exterminés et les survivants ne touchaient pas de retraites, donc pas de financement a trouver. »

              Ah bon ? Les « tondeurs de coupons » comme disait Marx n’existaient plus ?

              « Ce que je voulais dire c est qu un systeme concu pour permettre a des gens qui ne POUVAIENT plus travailler de ne pas sombrer dans la misere les dernieres annees de leur vie ne fonctionne pas quand il s agit de permettre a des gens de rester chez eux pendant 25 ans et de se payer des croisieres »

              Votre système me fait plus penser à une œuvre charitable octroyée qu’à une institution sociale solidaire où les salariés se constituent des droits par leur travail au cours de leur vie active mais ce système ne peut marcher que si la répartition des richesses ne s’effectue pas en faveur des possédants : les 10 % de richesses pris par le capital au travail font partie de ce nouveau paysage ; aussi un volet de chômage, donc de non-cotisants (sans parler des remises de cotisations sociales aux « entreprises » non compensées) sont des premiers éléments.
              Et veuillez arrêter avec ce lieu commun partisan des « croisières » qui sont loin de concerner tous les retraités. Mon vieux père, apprenti dès ses 14 ans, ouvrier du bâtiment est parti à la retraite par anticipation (raisons de santé) à 60 ans. Il est décédé à 85 ans soit exactement les 25 ans incriminés et je ne laisserais personne dire des sottises à ce sujet : lui et ses semblables l’ont bien mérité !
              PS : il n’a jamais fait de croisières.

              « Mais c est pas la majorité (d apres l INSEE les retraites ont un niveau de vie superieur aux actifs) »

              L’INSEE dit simplement que les revenus des retraités contrairement à celui des actifs est beaucoup moins sensible à la conjoncture et le raisonnement en revenu moyen masque de grandes disparités.

              « Et la pension de retraite moyenne est tiree vers le bas par les paysans et commercants qui ayant peu cotisés touchent peu. « 

              Il faut savoir que le régime général des salariés a été plus que mis a contribution pour alimenter les retraites de ces catégories : la loi dite de « compensation démographique » sous Giscard d’Estaing qui a déshabillé Pierre pour (peu) habiller Paul. Fouillez les comptes de la Commission des Comptes de la Sécurité Sociale, vous serez édifié.
              S’ils avaient accepté de cotiser à bonne hauteur comme proposé à la fondation de la sécu..

              « La difference entre un enfant et un retraité, c est qu aucun enfant ne va percevoir 1000 €/mois. »

              La différence c’est que les uns se sont créés des droits par le travail et que les autres ont des droits qui découlent de l’humanité et de la nécessaire protection et amélioration (progrès) des plus faibles. Plus difficile de chiffrer tout cela mais avouez qu’il vaut infiniment mieux être né en 2000 qu’entre les deux guerres surtout pour les enfants de salariés : vivre chichement, travail précoce, pas d’études etc.

              « Je souhaite simplement remettre les pendule a l heure car la plupart des retraités ont l impression d etre des victimes (cf la reaction au changement de CSG) alors qu ils sont les gros beneficaires du systeme. »

              Lorsqu’on vous retire quelque chose, vous ne dites rien ? Les gens ne sont pas idiots : on parle de baisser encore l’impôt sur les sociétés, on a supprimé l’ISF, il est bien connu que les « entreprises » surtout les grandes ne paient pas, loin s’en faut, ce qu’elles devraient, qu’elles se domicilient dans des paradis fiscaux et vous voudriez que les « petits » acquiescent ?
              Vous rappelez vous ce que ce gouvernement sans pudeur osait appeler retraités « aisés » pour sa taxation ?
              Et pourquoi ne passe t-on pas par l’IR, seul impôt progressif ?

              « gros bénéficiaires du système » ?? L’actionnaire, le gros patron seraient-ils des gagne-petit ?

              @ Descartes

              « Le discours tenu par certains syndicalistes et politiques « de gauche » qui voudrait que la retraite soit une « libération » qui permette aux individus « enfin de profiter de la vie » me heurte profondément. »

              Personnellement, mon discours c’est plutôt le droit à la retraite créé par les cotisations liées au travail. De plus, je ne me réclame pas « de gauche » mais il y a une différence de vue entre une personne qui occupe une fonction intéressante et un travail de type exécution. J’ai même perçu des personnes qui ne souhaitaient guère prendre une retraite car perdant toute fonction de pouvoir.
              Concevez aussi, que pour certains, le travail est (c’est aussi l’origine du mot) un joug qui devient pesant avec l’âge. Est-ce bien ? Est-ce Mal ? Je n’ai pas d’avis.

            • Descartes dit :

              @ morel

              [« Le discours tenu par certains syndicalistes et politiques « de gauche » qui voudrait que la retraite soit une « libération » qui permette aux individus « enfin de profiter de la vie » me heurte profondément. » Personnellement, mon discours c’est plutôt le droit à la retraite créé par les cotisations liées au travail.]

              Je crois qu’il ne faut pas confondre deux concepts qu’on désigne par le même mot : il y a la « retraite » entendue comme la somme d’argent que les caisses créées à cet effet nous versent chaque mois à partir d’un certain âge. Ces versements sont effectivement la traduction de « droits » acquis par le versement de cotisations tout au long d’une vie de travail. Et puis, il y a la « retraite » conçue comme la période qui s’écoule entre la cessation d’activité professionnelle et le décès de l’individu. C’est celle-ci qui est aujourd’hui conçue comme une « libération » qui permet aux individus enfin de « profiter de la vie ».

              [De plus, je ne me réclame pas « de gauche » mais il y a une différence de vue entre une personne qui occupe une fonction intéressante et un travail de type exécution. J’ai même perçu des personnes qui ne souhaitaient guère prendre une retraite car perdant toute fonction de pouvoir.]

              Bien entendu. La cessation d’activité n’a pas le même sens pour un pianiste et pour une caissière de supermarché. Ceux qui ont la chance de faire un travail qui les passionne n’ont pas la même vision de la retraite que ceux qui ont un travail imposé par les circonstances et par le besoin de gagner sa croûte. Mais même pour ces derniers, il ne faut pas oublier que le lieu de travail est aussi un lieu de socialisation. C’est pourquoi je préférerais un système où la retraite permet à la caissière de supermarché d’enfin choisir son travail, de s’investir dans une activité choisié, plutôt qu’une mise à l’écart complète du monde du travail. Oui, je sais, c’est utopique dans une société comme la notre…

            • cdg dit :

              Vous avez raison sur le fait que l argent est devenu l etalon de la reussite depuis les annees Mitterrand (assez amusant quant on pense qu il tonnait en chaire contre l argent qui corrompt et qu il soit alle chercher tapie quelques annees plus tard)
              C est vrai que la TV a eut un grand role dans l abrutissement de la population. Je me rappelle une emission ou l invite (une celebrite quelconque) etait tres fierer d avoir ete un cancre a l ecole.
              Est ce que ca sera mieux quand la TV sera remplacee par internet ? pas sur, il n y a qu a voir les video les plus populaires sur youtube 🙁

              “Quand le discours dominant valorise le savoir et la pensée” est ce que c est vraiment arrivé un jour ? Meme si on a une regression actuellement je suis pas sur que le savoir a ete valorisé par le discours dominant un jour. Regardez ce qui est arrivé a Lavoisier pendant la revolution : « La République n’a pas besoin de savants, ni de chimistes ; le cours de la justice ne peut être suspendu” -> guillotiné

              “En d’autres termes, comme disait Alphonse Allais, « il faut aller chercher l’argent là où il est : chez les pauvres »”
              Pas vraiment. Deja, vu que les riches possedent/gagnent plus, il vont forcement payer plus qu un pauvre, meme si on garde le meme % pour les 2.
              Apres vous pouvez avoir des impots qui vont viser qu une partie de la population.
              Si vous taxez le capital a un taux faible mais sans exceptions (pas comme l ISF ou vous taxez fortement certains et pas d autres (oeuvres d art par ex)) vous allez pas taxer le smicard qui ne possede rien. Vous allez aussi taxer B Arnault qui ne payait aucun ISF car il etait capable de payer une equipe pour jouer sur la legislation. Par contre c est vrai que vous allez aussi faire payer la classe intermediaire qui par ex possede une maison mais dont la maison ne vaut pas assez pour etre a l ISF
              Comme le taux est faible, vous n avez pas besoin de multiples exceptions comme feu l ISF (2% de taxation du capital alors que celui ci ne vous rapporte pas 2% c est etre sur que les gens vont frauder, quitter la france ou au moins raler tres fort).
              Juste pour information, la Suisse (qui n ets pas un pays stalinien ;-)) a un impot sur le capital qui doit etre assez proche de ma preconisation (je suis pas expert fiscal suisse, je peux me tromper)

              La vision de travail a profondement evolué. Je me rappelle quand je tais gamin (annees 70). Les gens ne VOULAIENT pas partir a la retraite. Il y avait evidement une consideration financiere mais aussi je me le rappelle bien une facon de se dire : si je suis retraité, c est que je ne suis plus productif, que je suis bon a rien. Et il s agissait d ouvriers, pas de dirigeants de multinationales.
              Maintenant, nous sommes dans une civilisation hedoniste ou travailler est un malheur (on rejoint un peu la vision des nobles de l ancien regime).
              Apres il faut bien reconnaitre qu il est plus facile de se sentir utile quand vous fabriquez une 4CV que lorsque vous remplissez des tableaux excel ou des powerpoint …

            • Descartes dit :

              @ cdg

              [C’est vrai que la TV a eu un grand rôle dans l’abrutissement de la population. Je me rappelle une émission ou l’invité (une célébrité quelconque) était très fière d’avoir été un cancre a l’école.
              Est-ce que ça sera mieux quand la TV sera remplacée par internet ? pas sûr, il n’y a qu’à voir les vidéos les plus populaires sur youtube]

              Bien entendu. Le média est un véhicule, il ne génère pas par lui-même les contenus. Le discours qui glorifie l’argent et dévalue le travail et l’effort n’est pas une invention de la télévision. Vous trouverez le même dans les pages de nos journaux, dans le discours de nos politiques et même – horreur, malheur – dans le langage que les enseignants tiennent à leurs élèves.

              [“Quand le discours dominant valorise le savoir et la pensée” est ce que c est vraiment arrivé un jour ? Même si on a une régression actuellement je ne suis pas sûr que le savoir a été valorisé par le discours dominant un jour.]

              Pensez au statut des enseignants du temps de Jules Ferry, ou bien à celui des scientifiques pendant les « trente glorieuses ». On l’a oublié maintenant, mais il fut un temps ou le président de la République se déplaçait en personne pour assister à l’ouverture des cours dans les grandes écoles, visitait universités et laboratoires, donnait rang de ministre à des personnalités scientifiques… Pensez à De Gaulle répondant à ceux qui lui demandaient de traduire Sartre devant les tribunaux « on n’emprisonne pas Voltaire », ou répondant de sa main à chaque auteur qui lui envoyait son livre.

              [Regardez ce qui est arrivé a Lavoisier pendant la revolution : « La République n’a pas besoin de savants, ni de chimistes ; le cours de la justice ne peut être suspendu” -> guillotiné]

              Je ne pense pas que ces soit l’un des épisodes les plus glorieux de la Révolution. Et c’est un exemple très isolé, puisque rapidement on a eu Bonaparte qui, au contraire, ne concevait pas une expédition qui n’emporterait pas dans ses bagages des scientifiques.

              [Apres vous pouvez avoir des impots qui vont viser qu une partie de la population.]

              Si vous voulez des impôts à assiette large, cette « partie » doit être très majoritaire, sans quoi on peut se demander ce que « assiette large » veut dire…

              [Si vous taxez le capital a un taux faible mais sans exceptions (pas comme l’ISF ou vous taxez fortement certains et pas d’autres (œuvres d’art par ex)) vous allez pas taxer le smicard qui ne possède rien.]

              Pardon. Le smicard possède probablement une voiture ou une moto, quelques sous mis de côté sur un livret d’épargne, une portion indivise d’une bicoque dans un bled perdu héritée de ses parents ou de ses grands-parents… Croire que le patrimoine des smicards est nul est une grave erreur.

              [Vous allez aussi taxer B Arnault qui ne payait aucun ISF car il était capable de payer une équipe pour jouer sur la législation.]

              Et il sera toujours capable de payer une équipe à cette fin. Donc dans votre schéma il ne paiera pas, sauf si ce qu’on lui demande est si faible que ce n’est pas la peine de payer une équipe d’avocats pour chercher les failles. Si on part de l’hypothèse qu’avec des bons avocats on peut toujours se soustraire à l’impôt, on arrive à une conclusion évidente : ce n’est pas la peine de taxer ceux qui peuvent se payer des avocats. Donc, on n’a plus qu’à taxer les pauvres. Allais encore…

              [Par contre c’est vrai que vous allez aussi faire payer la classe intermédiaire qui par ex possède une maison mais dont la maison ne vaut pas assez pour être à l’ISF]

              Où les couches populaires qui ont une voiture et quelques sous de côté.

              [Comme le taux est faible, vous n’avez pas besoin de multiples exceptions comme feu l’ISF (2% de taxation du capital alors que celui-ci ne vous rapporte pas 2% c’est être sûr que les gens vont frauder, quitter la France ou au moins râler très fort).]

              En d’autres termes, vous ne pouvez imposer à plus de 2% que ceux qui n’ont pas les moyens de partir ou de râler, c’est-à-dire les pauvres. On revient toujours à la même chose…

              [La vision de travail a profondément évolué. Je me rappelle quand je tais gamin (années 70). Les gens ne VOULAIENT pas partir à la retraite. Il y avait évidemment une considération financière mais aussi je me le rappelle bien une façon de se dire : si je suis retraité, c’est que je ne suis plus productif, que je suis bon à rien. Et il s’agissait d’ouvriers, pas de dirigeants de multinationales. Maintenant, nous sommes dans une civilisation hédoniste ou travailler est un malheur (on rejoint un peu la vision des nobles de l’ancien régime).]

              Tout à fait. Les gens voulaient rester aussi longtemps que possible au travail d’une part parce que les retraites étaient misérables, mais aussi parce que le travail était LE lieu fondamental de la socialisation. C’est au travail qu’on avait ses copains, ses habitudes, ses rituels. C’est au travail qu’on discutait politique, que s’organisait l’entraide. Et puis, c’est le travail qui constituait le citoyen, qui était le fondement symbolique du droit à participer à la vie politique.

            • materialiste-patriote dit :

              Cette dernière remarque me fait penser aux travaux de Bernard Friot, qui dans une récente interview au Media déclarait: “Se réjouir d’être libéré du travail, travailler pour ne plus avoir à travailler, pour moi c’est absolument scandaleux. Ça veut dire qu’on a renoncé à changer le travail, qu’on accepte que le travail c’est la merde que le capitalisme nous fait faire. Et plutôt que d’affronter cela en disant “mais non, nous allons changer le travail!”, on cherche à s’en libérer. Mais se libérer du travail c’est être amputé, moi j’entends bien être productif jusqu’à ma mort!”

              Avez-vous lu ses travaux sur les retraites? Je suis assez sensible à son argument selon lesquels les cotisations sociales financent un salaire socialisé qui échappe à la définition capitaliste du travail et du salaire car il est attaché à la personne et non plus au poste, ce qui est révolutionnaire. Ce en quoi la retraite par point est fondamentalement une mauvaise réforme car elle tend à rattacher encore davantage la retraite au travail dit “productif”, c’est-à-dire effectué dans la sphère capitaliste, alors que le salaire continué rattache plutôt la retraite à un niveau de qualification. Mais j’achoppe sur le point que par défaut toute personne retraitée (ou chômeuse) travaillerait. En tous cas il s’agit un des rares penseurs actuels qui proposent un vrai projet positif et ne se contentent pas de critiquer l’existant.

              Quant à la cessation progressive d’activité, c’est en effet un dispositif intéressant, dommage qu’il ait été supprimé pour les fonctionnaires en 2010!

            • Descartes dit :

              @ matérialiste-patriote

              [Cette dernière remarque me fait penser aux travaux de Bernard Friot, qui dans une récente interview au Media déclarait: “Se réjouir d’être libéré du travail, travailler pour ne plus avoir à travailler, pour moi c’est absolument scandaleux. Ça veut dire qu’on a renoncé à changer le travail, qu’on accepte que le travail c’est la merde que le capitalisme nous fait faire. Et plutôt que d’affronter cela en disant “mais non, nous allons changer le travail!”, on cherche à s’en libérer. Mais se libérer du travail c’est être amputé, moi j’entends bien être productif jusqu’à ma mort!”]

              Ce que je n’aime pas chez Friot, c’est cette corporisation du « capitalisme », qui cesse d’être un simple mode de production pour devenir une sorte d’entité démoniaque douée de volonté, capable de « nous faire faire » des choses. Et j’ai aussi du mal à comprendre ce qu’il veut dire quand il parle de « changer le travail ». On a l’impression qu’il croit qu’on pourrait faire du travail quelque chose d’agréable, qu’on ferait par envie et non par obligation. Mais le fait est que le travail est, par définition, quelque chose qui nous est imposé. Et il nous est imposé par la nature même du monde réel, dans lequel les biens nécessaires à notre survie et à notre épanouissement ne poussent pas dans les arbres naturellement. Nous ne pouvons pas entrer dans le royaume de la liberté qu’en passant par le royaume de la nécessité.

              [Avez-vous lu ses travaux sur les retraites? Je suis assez sensible à son argument selon lesquels les cotisations sociales financent un salaire socialisé qui échappe à la définition capitaliste du travail et du salaire car il est attaché à la personne et non plus au poste, ce qui est révolutionnaire.]

              Je ne sais pas ce que c’est la « définition capitaliste du travail ». Y-a-t-il une « définition socialiste du travail » ? Une « définition communiste du travail » ?

              Non, je ne partage pas les arguments de Friot. Je vois plutôt dans la retraite un salaire différé, mais qui reste lié au poste – aux postes – que le travailleur a tenu tout au long de sa vie. Si la retraite était un salaire socialisé attaché à la personne et non au poste, comment expliquer qu’on n’ait pas tous la même retraite ?

              [Ce en quoi la retraite par point est fondamentalement une mauvaise réforme car elle tend à rattacher encore davantage la retraite au travail dit “productif”, c’est-à-dire effectué dans la sphère capitaliste, alors que le salaire continué rattache plutôt la retraite à un niveau de qualification.]

              C’est absurde. Votre retraite n’est pas calculée en fonction de votre « niveau de qualification », mais en fonction du travail « productif » que vous avez effectué. Un polytechnicien docteur d’Etat est hautement qualifié, mais s’il travaille toute sa vie comme caissier de supermarché, il aura une retraite de caissier de supermarché.

              Sauf à croire à l’immaculée conception de la richesse, tout bien est nécessairement le résultat d’un processus de production. Il s’ensuit que tout revenu – qui n’est qu’un moyen d’acheter des biens – est forcément lié à un point ou à un autre à la production, et donc au travail « productif ».

            • Yoann Kerbrat dit :

              [ On a l’impression qu’il croit qu’on pourrait faire du travail quelque chose d’agréable, qu’on ferait par envie et non par obligation]

              Syndrome de l’intellectuel…

              Sinon il doit y avoir une confusion sur le commentaire de matérialiste-patriote. Il décrit ce que Friot imagine, c’est à dire un salaire attaché à la qualification (comme les fonctionnaires), et non au travail effectué (qui correspond à la productivité pour les salaires à la tâche, a des grilles salariales et la santé de l’entreprise pour des salaires classiques). En gros Friot propose de faire de tous des fonctionnaires, et pour les payer une partie de la plus-value est mise en commun et redistribué.

              (pour le reste il réécrit totalement l’histoire de la Sécu, des grilles salariales, des statuts de la fonction publique… )

            • Descartes dit :

              @ Yoann Kerbrat

              [Sinon il doit y avoir une confusion sur le commentaire de matérialiste-patriote. Il décrit ce que Friot imagine, c’est à dire un salaire attaché à la qualification (comme les fonctionnaires), et non au travail effectué (qui correspond à la productivité pour les salaires à la tâche, a des grilles salariales et la santé de l’entreprise pour des salaires classiques). En gros Friot propose de faire de tous des fonctionnaires, et pour les payer une partie de la plus-value est mise en commun et redistribué.]

              Peut-être, mais dans ce cas il s’imagine une fonction publique qui n’existe pas. Parce que dans notre fonction publique la paye n’est PAS attachée à la qualification. Un normalien agrégé et docteur qui enseigne à l’université gagne moins qu’un ingénieur des Mines, alors que son niveau de qualification est supérieur. La fonction publique elle aussi est sensible au marché de l’emploi : elle a parfaitement compris qu’on peut payer un professeur un salaire inférieur à celui d’un ingénieur, parce que l’ingénieur peut aller facilement dans le privé et le professeur non… Par ailleurs, la rémunération des fonctionnaires dépend elle aussi des postes occupés, de la productivité via les primes. Et bien entendu, de l’ancienneté.

            • materialiste-patriote dit :

              [Et j’ai aussi du mal à comprendre ce qu’il veut dire quand il parle de « changer le travail ». / Je ne sais pas ce que c’est la « définition capitaliste du travail ». Y-a-t-il une « définition socialiste du travail » ? Une « définition communiste du travail » ?]
              La définition capitaliste du travail, pour Friot, c’est le fait qu’on ne considère comme “vrai” travail que ce qui vient mettre en valeur un capital, les fonctionnaires étant perçu comme des personnes qui dépensent la richesse produite grâce au “vrai” travail, exercé dans les entreprises. C’est un point qui me semble très contestable, car même s’ils peuvent être accusés de toutes les tares, il me semble que peu de gens considèrent que les fonctionnaires ne travaillent pas. En revanche, il est vrai que l’on va développer aujourd’hui n’importe quelle activité pourvu qu’elle vienne enrichir des propriétaires: on peut penser à la publicité, dont l’utilité sociale est au mieux nulle, mais aussi aux travailleurs ubérisés, qui ont pour seul but d’enrichir les propriétaires des plateformes en exécutant des tâches qui ne seraient pas rentables si le travail était sous statut salarié.
              Changer le travail, ce serait alors réorienter la production en priorité vers la satisfaction des besoins les plus importants: garantir un bon niveau de santé, d’éducation, de culture, d’alimentation, de logement à tous. Et le faire avec des entreprises qui appartiennent dans la mesure du possible aux salariés. Bon, vous me direz que quand on a dit ça on n’a rien dit, en particulier de la façon dont on arrive à ce modèle de société.

              [Par ailleurs, la rémunération des fonctionnaires dépend elle aussi des postes occupés, de la productivité via les primes. Et bien entendu, de l’ancienneté.]
              Mais l’ancienneté ne peut-elle pas être vue comme une forme de reconnaissance d’une qualification qui augmente avec l’expérience? Quant aux primes, elles se sont développées pour éviter d’augmenter la rémunération de base des fonctionnaires. Leur réduction à la portion congrue me semble souhaitable, elles sont liées à l’introduction de méthodes de management privées dans le secteur public, qui démoralise bon nombre d’agents confrontés à la culture du chiffre pour toucher les primes.

            • Descartes dit :

              @ matérialiste-patriote

              [Changer le travail, ce serait alors réorienter la production en priorité vers la satisfaction des besoins les plus importants: garantir un bon niveau de santé, d’éducation, de culture, d’alimentation, de logement à tous. Et le faire avec des entreprises qui appartiennent dans la mesure du possible aux salariés. Bon, vous me direz que quand on a dit ça on n’a rien dit, en particulier de la façon dont on arrive à ce modèle de société.]

              Surtout, je vous dirais que votre commentaire pose un problème complexe. Comment savoir si un bien ou un service donné « satisfont un besoin important » ? Les libéraux vous diront que dès lors qu’un bien ou un service trouve un acheteur, c’est qu’il satisfait un besoin. Autrement, pourquoi quelqu’un serait prêt à consacrer des moyens pour se le procurer ?

              On peut contester cette vision, mais l’un des échecs les plus retentissants de la pensée socialiste et communiste a été de ne pas pouvoir proposer un critère alternatif pour juger de la « nécessité » d’un bien.

              [Mais l’ancienneté ne peut-elle pas être vue comme une forme de reconnaissance d’une qualification qui augmente avec l’expérience?]

              C’est l’explication dominante à gauche. Mais personnellement, elle ne me satisfait pas. Imaginez un médecin qui se mettrait à faire le travail d’une femme de ménage. Faudrait-il le rémunérer comme médecin (c’est-à-dire conformément à sa qualification) ou comme femme de ménage (c’est-à-dire, selon le travail effectivement fourni) ? Il est évident que personne ne songerait à lui servir un salaire de médecin. Ce n’est donc pas la qualification qui détermine le salaire.

              On peut soutenir que le travailleur plus expérimenté, plus qualifié est plus productif, et que donc le salaire à l’ancienneté rémunère une productivité plus grande. Mais si cette théorie est soutenable pour certains métiers, ce n’est pas le cas en général. Dans beaucoup de métiers, dix ans de pratique vous apprennent tout ce qu’il y a à savoir. Pourquoi le salaire devrait-il continuer à augmenter après ?

              Personnellement, je pense que la promotion à l’ancienneté tient en partie à la valeur de l’expérience, mais tient surtout à la problématique de la fidélisation. Payer un salaire inférieur à l’embauche avec la promesse d’un salaire plus important avec le temps est une façon de retenir le personnel, et donc de favoriser l’investissement dans le capital humain.

              [Quant aux primes, elles se sont développées pour éviter d’augmenter la rémunération de base des fonctionnaires.]

              Ca dépend. Il y a des primes qui servent à encourager les fonctionnaires à prendre des postes ingrats. Intégrer ces primes dans le traitement ne permettrait pas de les pourvoir, sauf à rétablir le principe de l’affectation obligatoire.

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