On l’avait oubliée, mais elle est toujours là. Depuis le début de la grève, on peut voir s’étaler dans les médias et dans les réseaux sociaux cette bonne vieille haine de classe. Celle d’une bourgeoisie et des classes intermédiaires gavées qui du haut de leur vertu supposée dénoncent les « privilèges » des autres. Il paraît, voyez-vous, que notre système de retraites est « injuste », permettant à certains de partir plus tôt et avec une meilleure pension, alors que d’autres qui soi-disant « font le même travail » partent plus tard avec des pensions plus faibles. Parle-t-on des « retraites chapeau » et autres « parachutes dorés » des cadres supérieurs des entreprises ? Non, bien sur que non. Ces privilèges scandaleux, sont ceux des gens qui conduisent des trains, qui soignent les malades, qui enseignent à nos enfants, qui produisent jour et nuit notre électricité.
On pourrait longuement broder sur l’indignation sélective de ces couches sociales. Car dans l’ordre de l’injustice, il y en a de bien plus criantes et qu’il serait prioritaire d’abolir. Tiens, par exemple, est-il juste qu’une personne, par le seul fait d’être née avec une cuillère d’argent dans la bouche, puisse vivre une existence de luxe et passer cette possibilité à ses successeurs, alors que celui qui nait dans un foyer modeste doit se contenter d’une vie misérable, et passera lui aussi cette vie à ses enfants ? L’héritage n’est-il pas la manifestation d’une injustice infiniment plus scandaleuse que n’importe quel privilège de régime de retraite ? Et pourtant, personne – à droite comme à gauche – n’a l’air de s’en préoccuper. L’héritage, qui est de toutes les injustices la plus criante, la plus absurde, est devenu intangible.
Mais même sous l’angle de sa propre logique, le discours sur la « justice » que tiennent les partisans de la réforme Macron ne tient pas. Tout simplement parce que pour pouvoir tenir un discours sur la « justice », il faut avoir une théorie de la justice, en d’autres termes, des critères pour décider si un système est « juste » ou pas. Or, lorsqu’on examine la réforme, on se rend compte que les critères sous-jacents sont pour le moins évanescents.
Ainsi, on nous explique qu’un système « juste » est celui où le même euro cotisé donne droit au même montant de pension. Admettons. Mais alors, il est donc « juste » que les femmes qui ont cotisé moins – par exemple parce qu’elles ont choisi de se consacrer à élever leurs enfants – aient des pensions plus faibles puisqu’elles n’auront pas cotisé. Pourtant, le gouvernement manifeste sa volonté de corriger cette différence en rajoutant des « bonus » aux mères de famille à partir du premier enfant. Vous me direz qu’il s’agit d’une contribution non rémunérée à la société. Mais dans ce cas, si on veut être « juste », il faudrait alors calculer la pension en tenant compte pour les autres aussi des contributions non rémunérées : en quoi le fait d’élever ses enfants mérite plus une retraite que le fait d’avoir animé pendant trente ans un club sportif ou une association de pêche ?
En fait, l’idée de « justice » brandie par les partisans de la réforme est paradoxalement fondée sur une vision égalitariste chère au gauchisme militant. Au lieu de se référer à l’égalité – qui consiste, rappelons-le, à traiter les gens qui se trouvent dans la même situation de la même manière – le gouvernement voudrait un système qui traite les gens également INDEPENDAMMENT de leur situation concrète. Un système ou « l’euro cotisé donne lieu à la même pension » est un système où l’on ne prendra pas en compte ni les contraintes particulières d’une profession donnée, ni la structure de la grille salariale, ni l’évolution des métiers, ni la problématique du chômage. Si on veut prendre en compte ces éléments, il faut le faire en dehors du système à points. Il faut mettre en place un système qui donne des points complémentaires pour les périodes de chômage, pour celui qui élève ses enfants, pour celui qui aura des contraintes particulières… ce qui revient en pratique à recréer des régimes différents. Au lieu d’avoir 42 caisses de retraites, on aura une caisse unique qui calculera le nombre de points de chacun de 42 façons différentes. Tout ça pour ça ?
Ce que le débat actuel montre d’une manière crue, c’est la perte de toute culture historique chez nos hommes politiques. Le système de retraites que nous avons aujourd’hui n’est pas apparu par hasard. La multiplicité des caisses, la complexité des modes de calcul, tout cela vient de quelque part et a une raison d’être. Avant de réformer, il faut bien comprendre quels sont les problèmes que le système qu’on réforme permet de résoudre. La tendance à casser le jouet au prétexte qu’il ne marche pas – ou qu’il ne marche pas comme on le voudrait – est infantile. Avant de casser, il faut comprendre comment le jouet fonctionne, et pourquoi.
Faisons donc un petit détour par le début du XXème siècle. L’industrie sort de son enfance. Elle s’équipe de matériels performants et a besoin de personnel qualifié pour les exploiter de manière optimale. Or, ce personnel est rare. Il y a bien entendu partout des paysans qui ne demandent qu’à quitter leur misère et « monter » dans les agglomérations industrielles, mais cette masse dont la scolarité est allée au mieux au certificat d’études n’a aucune technicité. Pour la former, les industriels montent des écoles de métiers qui forment ouvriers qualifiés, contremaitres, ingénieurs même. Mais cette dépense serait peu rentable pour l’employeur si le travailleur, une fois formé, quittait l’entreprise ou la branche professionnelle pour se remettre sur le marché, d’autant plus que les besoins de main d’œuvre sont tels qu’il pourrait mettre ses employeurs en concurrence et obtenir un meilleur salaire.
C’est pourquoi, dans les métiers où cette tension existait (cheminots, mineurs, fonctionnaires, plus tard employés de l’électricité et du gaz) le patronat met en œuvre toutes sortes de stratégies pour fidéliser les travailleurs. On loge les employés, on crée des écoles pour leurs enfants, on impose à ceux qui ont suivi une formation un délai minimum de service dans la branche sous peine de sanction financière, on crée des grilles salariales uniformes, applicables par tous les employeurs de la branche, qui empêchent les travailleurs de faire jouer la concurrence. On crée aussi le principe de progression, avec la rémunération à l’ancienneté, qui permet de faire accepter des salaires de départ plus faibles avec la promesse de salaires plus riches et une retraite intéressante en fin de carrière, le but étant de pénaliser celui qui changerait de branche professionnelle au cours de sa vie professionnelle. C’est ainsi que les régimes spéciaux et les statuts sont nés. Ils n’ont pas été arrachés aux patrons par les travailleurs, tout au contraire : ce sont les organisations patronales qui les ont voulus, et ils l’ont voulu pour une raison qui est très rationnelle : fidéliser le personnel, c’est rentabiliser la formation et la compétence acquise. Mais c’est aussi encourager la création d’une communauté professionnelle ou la réputation d’engagement et de compétence est valorisée (à quoi bon se tuer à la tâche pour se forger une réputation dans une entreprise, dans une branche ou l’on est de passage ?). La très forte productivité du travailleur français comparée par exemple au travailleur britannique ou américain tient en grande partie à cette organisation du travail.
On voit donc combien il est absurde de parler de « justice » en regardant simplement le régime de retraite. Dans le cadre d’un statut professionnel, la retraite n’est qu’un aspect parmi d’autres du « contrat » qui préside au choix de vie des individus. Ceux-ci peuvent accepter un salaire plus bas à l’embauche, une pénibilité ou des contraintes particulières avec la perspective d’une compensation par un départ plus rapide et une retraite plus confortable. Dans un autre contexte, où cette perspective n’existe pas, ces mêmes individus auraient négocié un salaire à l’embauche plus important. Il n’y a pas « d’injustice » à faire coexister l’un et l’autre type de contrats. La véritable injustice, ce serait changer la règle du jeu en milieu de partie, privant celui qui a accepté le sacrifice du présent dans l’attente d’une récompense future de celle-ci.
Pour juger de la « justice » d’un système, il faut avoir un regard global sur l’ensemble des éléments du « contrat » autour duquel chaque individu organise l’ensemble de sa carrière professionnelle. Or, lorsqu’on regarde empiriquement les différents régimes, on remarque qu’aucun d’entre eux n’est fondamentalement plus attractif que les autres. On ne voit pas les salariés du privé se précipiter pour passer les concours de la fonction publique, ou se présenter en masse aux recrutements d’EDF ou de la SNCF. Ce serait plutôt le contraire : on voit les fonctionnaires les plus dynamiques et les plus qualifiés aller vers le privé. Ce qui semble suggérer que les avantages qu’on peut tirer de ces statuts « spéciaux » sont largement compensés par les servitudes et contraintes de ces métiers. Ce n’est pas le moindre paradoxe de la situation actuelle de voir les libéraux partisans de la concurrence dans tous les domaines exiger un régime de retraite « universel » qui mette fin à la concurrence entre les 42 régimes existants…
Il est d’ailleurs paradoxal que les voix libérales crachent dans le cas d’espèce sur la logique d’égalité des chances pour appeler de leurs vœux la bonne vieille égalité de résultats qui se rattache plutôt à la rhétorique égalitariste des gauchistes. Car on peut soutenir que notre système aux régimes multiples est fondamentalement « juste » dans la mesure où les inégalités entre régimes sont fondées sur le mérite, et non sur la naissance. Chaque individu peut accéder en égalité de conditions à n’importe lequel de ces régimes. SNCF, EDF ou fonction publique recrutent par concours ou par des procédures ouvertes à tous. Ce ne sont pas des privilèges héréditaires, mais une logique méritocratique qui préside à leur recrutement. Alors, en quoi serait-il « injuste » que ceux qui exhibent le plus de mérites aient un système de retraite plus favorable, par exemple ? Qu’attendent-t-ils, ceux qui dénoncent les « privilèges » des cheminots pour postuler à la SNCF et jouir de ces mêmes privilèges ?
En fait, la « justice » est le cadet des soucis de ceux qui promeuvent cette réforme. Derrière les attaques contre les régimes spéciaux de retraite, concomitants – cela n’aura échappé à personne – avec les attaques contre les statuts, se cache un projet de changement bien plus profond de notre système économique et social. Ce qui est visé, c’est la mobilité parfaite des travailleurs, le graal des libéraux. Faire du marché du travail un véritable marché flexible, ou le travailleur changerait d’activité, d’entreprise et même de pays en fonction des besoins des entreprises, voilà le véritable objectif derrière toutes ces « réformes », qu’elles viennent de Paris ou de Bruxelles. Or, les systèmes de retraite corporatifs, tout comme les statuts, sont des freins à la mobilité. Ils ont même été construits pour cela. Il faut donc les casser.
La logique néolibérale est de faire du marché le seul régulateur. Or, pour que le marché puisse vraiment jouer ce rôle, il faut en finir avec tout contrat de long terme. La logique du marché régulateur implique en effet que les conventions expriment à chaque instant l’équilibre entre l’offre et la demande, ce qui suppose qu’elles soient révisées en permanence. Or, les statuts professionnels sont des contrats de très long terme, qui conditionnent les choix de vie des individus pour l’ensemble de leur vie active et au-delà.
D’où la préférence des libéraux pour le contrat précaire plutôt que le CDI, pour la retraite « à points » plutôt que celle calculée sur le salaire terminal. La précarité n’est donc pas une conséquence accidentelle et temporaire d’une « adaptation » de la France à la mondialisation. Elle est structurellement liée au projet libéral. L’efficacité du marché comme régulateur est à ce prix. Le problème est que si la théorie démontre que régulation par le marché aboutit sous certaines conditions à un optimum dans l’allocation des facteurs de production, il n’y a aucune raison que cet optimum correspond à un optimum économique ou social. La raison est que l’optimisation par le marché de l’allocation des facteurs de production peut se faire au détriment de la constitution de ces mêmes facteurs. En d’autres termes, si le marché peut par exemple allouer de façon optimale le capital, il peut aussi créer les conditions d’une destruction du capital disponible. Et c’est particulièrement le cas dans la constitution du capital humain, où la prévisibilité qui dérive des contrats longs compense très largement les avantages dérivés de l’adaptabilité des contrats courts. Cela tient au fait que c’est la prévisibilité qui rend possible l’investissement dans le capital humain. Dans un système où chacun sera, nous dit-on, appelé à changer plusieurs fois de métier et d’entreprise au cours de sa vie professionnelle, quel intérêt y-aurait-il pour l’employeur à financer sa formation ? Quel intérêt d’investir lourdement dans la formation d’un travailleur qui ira ensuite exercer ses talents ailleurs, peut-être même dans une branche différente où la formation acquise ne lui sera d’aucune utilité ? Et on voit bien les résultats de cette logique dans les plaintes du patronat sur la difficulté de trouver du personnel qualifié. Les employeurs qui se plaignent de ne pas trouver du personnel compétent jouent en fait les passagers clandestins : tout le monde veut des gens qualifiés et expérimentés, mais chacun voudrait que l’autre fasse l’investissement dans la qualification, pour ensuite pouvoir le recruter. Mais sans mécanisme de fidélisation, qui serait assez fou pour semer pour que les autres récoltent ?
En s’attaquant aux statuts – et aux régimes spéciaux qui sont attachés – ce gouvernement – et ceux qui l’ont précédé, parce qu’en la matière Macron n’a rien inventé – détruit un patrimoine institutionnel vieux de deux siècles et qui représente l’un des rares avantages compétitifs que nous ayons encore à notre disposition. Tout autour de nous, on peut admirer les résultats de cette destruction. C’est elle qui explique la perte massive de compétences qui fait que le pays qui dans les années 1980 a construit 58 réacteurs nucléaires en quinze ans soit aujourd’hui incapable d’en construire un seul en dix ans. Le problème, c’est que nos dirigeants vivent dans le monde magique d’UBER, où les compétences ne sont jamais un problème et la fidélisation du travailleur est un luxe qu’on ne peut plus – ou ne veut plus – se payer. Mais dans le monde réel de la production, la qualité est intimement liée à la constitution d’un capital humain, ce qui suppose investissement et donc stabilité.
Mais le pire, c’est que cette idéologie est en train de transformer notre France en un pays ou la mesquinerie et la petitesse deviennent des vertus. Il y a quelques décennies, les statuts dont bénéficiaient les postiers, les instituteurs, les électriciens-gaziers ou les cheminots s’affichaient non pas comme des privilèges injustes à supprimer, mais comme des statuts désirables qu’il fallait conquérir. Des générations de parents et de professeurs ont tenu le discours « si tu travailles bien à l’école, tu pourras devenir cheminot/électricien/instituteur ». Les travailleurs sous statut étaient associés à une aristocratie du mérite. Mieux : ces professions étaient vus comme l’avant-garde sociale dont les conquêtes diffuseraient un jour dans toute la société.
Comparez au discours d’aujourd’hui, faisant de ces professions des « rentiers », des « privilégiés » se « gavant » sur le dos de ceux qui ne bénéficient pas des mêmes avantages et appelant les travailleurs qui ne bénéficient pas des statuts ou des régimes spéciaux à guillotiner symboliquement cette nouvelle noblesse. Et la mesquinerie ne s’arrête pas là : maintenant que le gouvernement est en difficulté, on entend la petite musique « on retardera l’entrée en vigueur de la réforme, alors pas la peine de vous mobiliser puisque vous ne serez pas personnellement concernés ». Le même coup qu’on a fait à la SNCF, ou l’on arrête l’embauche au statut mais on le conserve pour les anciens, avec l’espoir que ces derniers seront suffisamment égoïstes pour ne pas se mobiliser pour défendre les droits des plus jeunes qu’eux.
Les grévistes de la SNCF ou de la RATP défendent d’anciens acquis avec une force admirable. Mais on ne peut que constater que l’idée même de nouvelles conquêtes de progrès social ont disparu du paysage politique et syndical. Tout le combat se réduit à défendre les acquis, à demander le retrait des réformes rétrogrades. Mais c’est un combat défensif, et en politique toute stratégie purement défensive est condamnée à long terme à l’échec. Les grévistes réussiront au mieux à forcer le gouvernement à retirer son projet – c’est en tout cas ce que je leur souhaite – mais ce ne sera que partie remise. Dans quelques années, un autre gouvernement fera ce que celui-ci n’aura pas réussi à faire. Au pire, on négociera pour garder quelque chose en sacrifiant le reste, et ainsi, de lutte en lutte on perdra tout. On le voit bien avec les statuts, qui disparaissent un à un – celui des cheminots en est la dernière victime – ou sont défigurés jusqu’à perdre une bonne partie de leur sens – comme celui de la fonction publique – et dont la pérennité suscite tellement peu d’intérêt chez les salariés et dans la société tout entière que les syndicats eux-mêmes ont renoncé à les défendre.
Que la retraite polarise toutes les inquiétudes n’est pas non plus indifférent. Quand j’avais vingt ans, la dernière chose à laquelle on pensait c’était la retraite. Nous avions envie de construire, de créer… et puis nous avions l’espoir que dans les quarante-cinq années qui nous restaient avant de poser les outils, le monde aurait changé et une nouvelle société plus juste et plus solidaire aurait été construite. Alors, à quoi bon se soucier de sa retraite ? Aujourd’hui, j’entends des étudiants de 20 ans déclarer que la question des retraites est un combat prioritaire, en m’expliquant qu’ils ont envie de pouvoir « profiter de la vie » avant que l’arthrite ne les rattrape. Comme si la vie ne commençait qu’avec la retraite, et que la vie professionnelle – qui correspond quand même à l’intervalle ou l’homme est le plus créatif, le plus productif – n’était qu’un long calvaire qu’on souhaite voir s’achever au plus tôt (1). Une société ou la jeunesse pense à la retraite est une société bien malade…
Alors, bonne chance, amis grévistes. Votre combat, avec toutes ses limites, est le seul qui aujourd’hui maintient vivante la petite flamme des luttes ouvrières. Je n’ai pas l’habitude depuis cette tribune de faire des appels, mais je ferai ici une exception : donnez généreusement au fond de grève, nous avons tous intérêt à ce que cheminots et RATPistes tiennent. Et dites-vous bien qu’un mouvement qui énerve les commentateurs de LCI et les dindes dont LREM a fait des députées ne peut être tout à fait mauvais.
Descartes
(1) La civilisation du loisir fait qu’il y a dans la vie de l’adulte deux paradis : l’enfance et la retraite, c’est-à-dire, les deux périodes de la vie où l’on ne travaille pas. Le premier est un paradis perdu, le deuxième est un paradis espéré. Seulement, en regrettant l’un et en espérant l’autre, on gâche les opportunités que nous réserve l’âge adulte, le meilleur de la vie, celui où la plénitude des capacités se conjugue avec la plénitude des moyens.
et quand un régime spécial est déficitaire et que ses retraites sont financées à moitié par l’ensemble des contribuables, cela ne vous choque pas?
Tant qu’à être logique jusqu’au bout, prélevons trois fois plus sur les salaires des cheminots actifs pour financer les droits des retraités sncf… et de leur famille.
@ Françoise
[et quand un régime spécial est déficitaire et que ses retraites sont financées à moitié par l’ensemble des contribuables, cela ne vous choque pas?]
Non, pas vraiment. Pourquoi, ça devrait ?
A lire votre question, j’ai l’impression que pour vous la prémisse évidente est que tout régime doit être équilibré, c’est-à-dire, que les pensions des retraités doivent être payés par les cotisants de la même branche professionnelle. Mais il est clair qu’un tel principe est intenable. Prenez par exemple la caisse des Mines, qui paye les retraites des anciens mineurs. La caisse n’a aujourd’hui qu’une poignée de cotisants, puisque les mines ont été progressivement fermées dans les années 1980, mais un nombre relativement important d’anciens mineurs et surtout leurs veuves touchent encore leurs pensions. Alors, ou bien on distribue parmi les mineurs retraités les maigres cotisations disponibles, et on les plonge dans la misère, ou bien l’Etat – c’est-à-dire le contribuable – doit mettre la main à la poche.
Le régime des Mines verse des pensions relativement modestes, et les anciens mineurs ne sont en rien des « privilégiés », et pourtant leur régime est structurellement en déficit pour une pure question de démographie. A l’inverse, s’il existait un régime des informaticiens, par exemple, il pourrait verser des pensions royales tout en étant excédentaire, tout simplement parce que l’informatique étant une profession jeune et en expansion, le nombre de cotisants est très grand par rapport au nombre de retraités.
Comme ces exemples vous le montrent, le fait qu’un régime soit en déficit ou au contraire en excédent ne nous dit rien sur le fait de savoir si les pensions qu’il verse sont « justes » par rapport aux autres régimes. Il n’y a donc aucune raison d’être « choqué » par principe lorsque l’Etat compense le déficit d’un régime ou prélève les excédents d’un autre. D’ailleurs, vous noterez qu’en créant un régime unique, le gouvernement rend automatiques ces mécanismes de compensation, puisque les cotisations iront dans un pot commun qui sera partagé entre les détenteurs de points, ce qui fait que les professions démographiquement faibles verront automatiquement leurs retraites payées par les professions démographiquement fortes.
Qiu plus est, le déficit d’un régime spécial peut être le résultat d’une pure opération comptable. Prenez l’exemple d’une caisse de fonctionnaires déficitaire, déficit couvert par les contribuables. Imaginez que vous augmentez les cotisations pour équilibrer la caisse, et en même temps vous augmentez le salaire des fonctionnaires de façon à couvrir la différence, augmentation bien entendu payée par les contribuables. Vous pouvez constater que du point de vue économique les deux situations sont parfaitement équivalentes : les fonctionnaires touchent toujours le même salaire net, les retraités la même retraite, le contribuable paye toujours la même chose. La seule différence est que dans un cas le bilan comptable de la caisse de retraites est déficitaire, dans l’autre est équilibré…
De la même manière, lorsque l’Etat décide de supprimer les cotisations sociales sur les petits salaires, il peut choisir de compenser la perte pour les caisses – ce qui revient à faire couvrir le déficit par le contribuable – ou bien augmenter les cotisations des autres – ce qui revient à faire payer la différence par les consommateurs…
[Tant qu’à être logique jusqu’au bout, prélevons trois fois plus sur les salaires des cheminots actifs pour financer les droits des retraités sncf… et de leur famille.]
Vous pouvez essayer. La question serait de savoir si avec le salaire net auquel vous aboutissez vous trouveriez encore des gens pour faire ce travail. Car il faut toujours se souvenir que le niveau des salaires – hors le SMIC, bien entendu – sont fixés par le marché. C’est pourquoi vous ne pouvez pas séparer la retraite des contraintes du métier, des conditions de travail, des salaires. Tout ça fait partie d’un même « paquet » qui fait l’objet du contrat entre le salarié et son entreprise. Avec le « paquet » qui est offert aujourd’hui, la SNCF arrive à recruter même si on ne voit pas les gens se précipiter pour devenir conducteur de TER que je sache. Si demain vous dégradez un élément du « paquet » (que ce soit la retraite, le salaire net, la sécurité de l’emploi…), vous devrez renforcer un autre pour rester attractif. Donc, si vous êtes « logique jusqu’au bout », vous augmenteriez le prélèvement sur les salaires des cheminots actifs pour équilibrer la caisse de retraite, mais vous devrez augmenter leurs salaires d’autant pour que le « paquet » reste également attractif. Et vous n’aurez réussi qu’à déplacer le déficit de la caisse de retraite vers le déficit de la SNCF…
Merci d’abonder dans mon sens avec votre paragraphe car il est vrai que ce régime n’a rien de spécial dans ses ressources et qu’il est de facto universel (payé par l’ensemble du contribuable) pour une poignée de cigales privilégiées.
“Il n’y a donc aucune raison d’être « choqué » par principe lorsque l’Etat compense le déficit d’un régime ou prélève les excédents d’un autre. D’ailleurs, vous noterez qu’en créant un régime unique, le gouvernement rend automatiques ces mécanismes de compensation, puisque les cotisations iront dans un pot commun qui sera partagé entre les détenteurs de points, ce qui fait que les professions démographiquement faibles verront automatiquement leurs retraites payées par les professions démographiquement fortes.”
En revanche je ne comprends pas bien votre logique: vous voulez des régimes spéciaux mais vous voulez aussi que l’Etat prenne le relais quand ça devient “intenable”.
Faudrait choisir: soit vous considérez que le paiement des retraites est une fonction régalienne et bravo sur ce régime universel, dont les points prendront en compte la pénibilité; soit vous préférez que chacun cotise pour sa caisse de retraite dorée et quand ce régime spécial est déficitaire, vous venez chouiner dans les jupons de l’Etat.
“on ne peut pas modifier unilatéralement les termes d’un contrat en cours de route”: dans les termes du contrat, est-ce écrit que l’Etat pourvoira à la défaillance du système?
Ceci ressemble à la posture du gamin qui fait un caprice parce que son jouet est cassé.
@ Françoise
[Merci d’abonder dans mon sens avec votre paragraphe car il est vrai que ce régime n’a rien de spécial dans ses ressources et qu’il est de facto universel (payé par l’ensemble du contribuable) pour une poignée de cigales privilégiées.]
Vous parlez de « mon paragraphe » comme s’il n’y avait qu’un alors qu’il y en a plusieurs dans ma réponse, et vous parlez de « ce régime » alors que j’en mentionne plusieurs. C’est incompréhensible.
[En revanche je ne comprends pas bien votre logique: vous voulez des régimes spéciaux mais vous voulez aussi que l’Etat prenne le relais quand ça devient “intenable”.]
Je ne vois pas la contradiction. Comme je vous l’ai expliqué, un régime peut être en déficit ou en excédent pour des raisons très diverses, et tout particulièrement pour des raisons démographiques. Un régime correspondant à un métier en extinction sera toujours en déficit, alors que celui qui correspond à un métier en expansion sera en excédent. Il est parfaitement normal que l’Etat prélève sur les uns pour compenser les autres. A long terme, cela s’équilibre : les métiers en expansion aujourd’hui seront ceux en extinction demain…
[Faudrait choisir: soit vous considérez que le paiement des retraites est une fonction régalienne et bravo sur ce régime universel, dont les points prendront en compte la pénibilité;]
Je suis toujours étonné de ce « régime à points universel » qui « prend en compte la pénibilité ». Comment allez-vous prendre en compte la pénibilité ? Vous ne pouvez donner des points « gratuits » puisque le principe recteur du système est que « le même euro cotisé donne droit au même montant de pension ». Vous ne pouvez pas avancer l’âge de la retraite pour les métiers pénibles puisque dans un système à points il n’y a pas en principe d’âge de départ. Alors comment ?
En fait, avec la logique de « prise en compte de la pénibilité » vous allez recréer les régimes spéciaux, en pire. Au lieu d’avoir 42 caisses, vous aurez une seule qui calculera la pension de chacun de 4200 façons différentes en fonction de la pénibilité des carrières de chacun. Parce qu’une fois que vous parlez de prendre en compte la pénibilité, cela suppose qu’on cote chaque poste selon sa pénibilité. Qui va faire cette cotation ? Qui va la contrôler ? On découvrira assez vite que la manière la plus simple de le faire, c’est une cotation forfaitaire par branche d’activité. Et on sera revenu au système des régimes spéciaux : tant de points de supplément pour les cheminots, tant pour les électriciens gaziers, tant pour…
[soit vous préférez que chacun cotise pour sa caisse de retraite dorée et quand ce régime spécial est déficitaire, vous venez chouiner dans les jupons de l’Etat.]
Personnellement, je préfère plutôt un système avec des régimes différents pour prendre en compte les particularités de chaque profession et pour fidéliser la force de travail. Et l’Etat corrige les déséquilibres liés à la démographie et autres causes structurelles.
[“on ne peut pas modifier unilatéralement les termes d’un contrat en cours de route”: dans les termes du contrat, est-ce écrit que l’Etat pourvoira à la défaillance du système?]
Oui, jusqu’à nouvel ordre l’Etat est garant de l’équilibre du système. C’est cela qui lui donne le droit d’intervenir dans la gestion des caisses, dans la fixation des cotisations ou de l’âge de départ. Si le système était purement privé, l’Etat n’aurait pas voix au chapitre.
[Ceci ressemble à la posture du gamin qui fait un caprice parce que son jouet est cassé.]
J’avoue que le rapport m’échappe. Franchement, si vous voulez vous adonner à votre sport préféré qui consiste à agresser votre prochain, au moins choisissez une comparaison pertinente.
“Oui, jusqu’à nouvel ordre l’Etat est garant de l’équilibre du système. C’est cela qui lui donne le droit d’intervenir dans la gestion des caisses, dans la fixation des cotisations ou de l’âge de départ. Si le système était purement privé, l’Etat n’aurait pas voix au chapitre.”
Mille mercis d’abonder dans le sens d’un Etat fondé à fixer les règles : CQFD! 😉
@ Françoise
[Mille mercis d’abonder dans le sens d’un Etat fondé à fixer les règles : CQFD!]
Vous allez un peu vite. Que l’Etat soit fondé à fixer les règles n’implique pas que toute règle fondée par l’Etat soit bonne, légitime ou juste.
“bonne”: ceci est un jugement de valeur qui m’étonne de votre part.
“légitime”: encore faudrait-il que vous nous démontriez que le pouvoir en place n’est pas issu des urnes et serait donc illégitime à édicter les règles choisies par la majorité.
“juste”: sur quel critère cohérent (cf ci-dessous votre réponse à Vincent)?
@ Françoise
[“bonne”: ceci est un jugement de valeur qui m’étonne de votre part.]
Le “bien” et le “mal” constituent des jugements moraux ou éthiques, mais pas nécessairement des jugements de valeur.
[“légitime”: encore faudrait-il que vous nous démontriez que le pouvoir en place n’est pas issu des urnes et serait donc illégitime à édicter les règles choisies par la majorité.]
Le fait qu’un gouvernement soit issu des urnes ne rend pas forcément ses décisions “légitimes”. Le pouvoir des gouvernements, même élus, reste limité par le principe de légalité, par le respect de la hiérarchie des normes, et par les dispositions constitutionnelles. Ainsi, par exemple, la décision d’abolir le droit de grève ou de supprimer les retraites serait “illégitime” quand bien même elle serait prise par un gouvernement ou votée par un parlement élu, puisque le droit de grève ou celui à une retraite sont inscrits dans la Constitution.
[“juste”: sur quel critère cohérent (cf ci-dessous votre réponse à Vincent)?]
Vous pouvez en trouver plusieurs. Par exemple, si l’on prend le principe de confiance légitime, venu du droit allemand et aujourd’hui admis par les juridictions européennes, lorsqu’une modification législative prive un acteur d’un bénéfice qu’il pouvait raisonnablement espérer, cet acteur doit être indemnisé. Il serait donc “injuste” de priver celui qui a accepté un salaire plus faible ou des contrainte supérieures à la moyenne des travailleurs avec la promesse d’une retraite plus favorable de celle-ci. Le Premier ministre, dans son intervention, a admis ce point, en soulignant que la réforme aurait une période de transition relativement longue, de façon à ne pas toucher ceux qui ont fait la plus grande partie de leur carrière sous cette supposition.
un point de détail: vous utilisez l’expression courante “capital humain”.
Je trouve cette expression détestable, car elle montre que nous ramenons l’homme à une valeur économique, comme le capital. Que des gens “de gauche” puissent utiliser un tel vocabulaire m’a toujours étonné.
On sait que Staline a beaucoup utilisé cette expression en disant notamment “l’homme, ce capital le plus précieux”, et on sait que Staline n’hésitait pas à “détruire” ce capital, comme on détruit une machine, un capital productif obsolète ou mal investi. Aussi les communistes, comme toute notre société marchande, ont également abondamment utilisé cette expression.
nb: ceci dit votre billet est excellent. Mais vous n’insistez pas beaucoup sur le fait “trivial” qu’il s’agit également de diminuer le coût du travail en diminuant globalement le montant des retraites, et donc les prélèvements nécessaires pour les assurer.
@ marc.malesherbes
[un point de détail: vous utilisez l’expression courante “capital humain”. Je trouve cette expression détestable, car elle montre que nous ramenons l’homme à une valeur économique, comme le capital. Que des gens “de gauche” puissent utiliser un tel vocabulaire m’a toujours étonné.]
Je ne partage pas votre point de vue. D’une façon générale, je ne suis pas très favorable à l’épuration du langage. Parler de « capital humain » me semble la bonne expression pour désigner non pas la force de travail (qui est intrinsèque au travailleur) mais le fait que cette force est démultipliée par l’ensemble d’expériences et de formations dont le travailleur bénéficie au cours du temps. Si on utilise le terme de « capital humain » c’est parce que, comme le capital matériel, il se constitue par un processus d’accumulation.
[On sait que Staline a beaucoup utilisé cette expression en disant notamment “l’homme, ce capital le plus précieux”,]
Ce n’est pas un hasard. Pour un pays arriéré comme la Russie, le processus d’accumulation était fondamental pour améliorer la productivité.
[et on sait que Staline n’hésitait pas à “détruire” ce capital, comme on détruit une machine, un capital productif obsolète ou mal investi.]
Vous faites là un abus de langage. On peut reprocher à Staline d’avoir tué beaucoup de monde, mais certainement « comme on détruit une machine, un capital obsolète ou mal investi ». La productivité des individus n’a jamais été un critère dirimant lors des grandes purges staliniennes. Ce serait plutôt l’inverse : on a tué les gens les mieux formés, les plus productifs…
[nb: ceci dit votre billet est excellent. Mais vous n’insistez pas beaucoup sur le fait “trivial” qu’il s’agit également de diminuer le coût du travail en diminuant globalement le montant des retraites, et donc les prélèvements nécessaires pour les assurer.]
Même si dans une société capitaliste il y a une pression constante pour diminuer le coût du travail, je ne pense pas que dans le cas d’espèce ce soit le moteur qui pousse les auteurs de la réforme.
Je ne vais pas prétendre être d’accord avec ce que vous avez écrit mais j’ai eu un grand plaisir à le lire car vous avez des arguments solides auquel je n’ai jamais pensé. Par exemple celui de l’attractivité de l’entreprise (SNCF ou EDF etc.) pour ses travailleurs pour pouvoir les garder. Ou la question que vous posez concernant le nombre de centrales nucléaires construite dans les années 80 comparé à aujourd’hui.
Comme je vous ai dit, je ne suis pas d’accord mais peut-être j’ai tort. En tout cas votre blog m’oblige à réfléchir. Merci.
@ Richard
[Je ne vais pas prétendre être d’accord avec ce que vous avez écrit mais j’ai eu un grand plaisir à le lire car vous avez des arguments solides auquel je n’ai jamais pensé.]
Vous n’avez pas à « prétendre être d’accord ». Ce blog existe pour encourager le débat. Je vous invite donc non seulement à exprimer votre désaccord, mais à l’argumenter. Comme ça, on pourra échanger des arguments et peut-être changerons nous d’avis ?
Bonsoir tout ceci n’est il pas un problème de ressources déjà !! et sauf erreur de ma part sans travail pas de ressources donc pas de cotisations pour le privé et regimes spéciaux pas impôts pour générer de l activité dans a fonction publique !!
@ bernard
[Bonsoir tout ceci n’est il pas un problème de ressources déjà !! et sauf erreur de ma part sans travail pas de ressources donc pas de cotisations pour le privé et regimes spéciaux pas impôts pour générer de l activité dans a fonction publique !!]
Le marxiste que je suis ne peut qu’être d’accord avec vous: le travail est la seule source de valeur. Cela étant dit, on travaille aussi dans la fonction publique… !!!
Bravo, bien vu, bien dépeint.
Bonjour
merci pour cet article très intéressant. J’ignorais que ces régimes et statuts avaient été créés pour fidéliser les salariés. D’ailleurs si vous avez des références ou sources en tête, je serai curieux d’en apprendre davantage.
Il me semble qu’un truc ne colle pas dans tout ça : le patronat devrait logiquement être vent debout contre toute remise en cause de ces statuts… voire avoir envie d’en ajouter d’autres ? Or ce n’est pas le cas. Comment a-t’on pu basculer d’un statut créé par les employeurs à des “privilèges” dont eux mêmes semblent vouloir se débarrasser ? Le court-termisme ne me semble pas suffisant pour expliquer cela. Les patrons savent bien qu’un salarié expérimenté dans un domaine, même s’il set payé plus, sera bien plus productif…
@ tmn
[merci pour cet article très intéressant. J’ignorais que ces régimes et statuts avaient été créés pour fidéliser les salariés. D’ailleurs si vous avez des références ou sources en tête, je serai curieux d’en apprendre davantage.]
Vous trouverez un article très intéressant ici : https://www.lettreducheminot.fr/social/cheminots-aux-origines-statut/
[Il me semble qu’un truc ne colle pas dans tout ça : le patronat devrait logiquement être vent debout contre toute remise en cause de ces statuts… voire avoir envie d’en ajouter d’autres ?]
C’est toute l’ambiguïté de l’affaire : il y a chez les patronat une contradiction entre les intérêts à court terme, qui sont souvent ceux de l’actionnaire (payer moins de salaires et de cotisations, réduire les effectifs…) et ceux à long terme du véritable entrepreneur (avoir une main d’œuvre de qualité, fiable et productive). Ce n’est pas une coïncidence si les statuts se sont développés dans un contexte d’investissements massifs à long terme, si leur remise en cause arrive à une époque de primauté du court terme…
Vous noterez que les patrons des branches les plus sensibles au long terme sont loin de militer contre le statut. C’est le cas par exemple chez les électriciens-gaziers.
[Les patrons savent bien qu’un salarié expérimenté dans un domaine, même s’il est payé plus, sera bien plus productif…]
Oui. Mais pour qu’il soit expérimenté demain, il faut l’embaucher inexpérimenté aujourd’hui et le former. C’est-à-dire investir aujourd’hui pour toucher le revenu demain. Quelque chose que l’actionnaire, centré sur le court terme, n’admet pas. C’est d’ailleurs ce que vous pouvez observer sur le marché du travail : d’un côté des employeurs qui n’embauchent que des travailleurs qualifiés et expérimentés, de l’autre des jeunes peu qualifiés et peu expérimentés. Pourquoi à votre avis aucun employeur n’a le réflexe d’embaucher ces jeunes pour les former et leur permettre d’acquérir une expérience ?
Historiquement, beaucoup de secteurs professionnels ont embauché des jeunes inexpérimentés et les ont qualifiés dans des « écoles de métier » financées par l’employeur. Et curieusement, ce sont les secteurs qui se sont donnés les moyens de fidéliser leur personnel au moyen d’un statut qui ont cette pratique (fonction publique, électricité et gaz, mines). Cette politique n’est en effet rentable que si les jeunes ainsi formés restent dans l’entreprise ou la branche professionnelle.
C’est pourquoi les politiques de formation professionnelle qui prétendent rapprocher la demande des employeurs et l’offre des chômeurs en leur donnant la qualification et l’expérience qui leur manque est un formidable gâchis. Si une telle politique était rentable, les employeurs la financeraient d’eux-mêmes. Mais sans mécanisme de fidélisation, il y a de bonnes raisons de penser qu’en fin de formation ils iront voir ailleurs.
[C’est pourquoi les politiques de formation professionnelle qui prétendent rapprocher la demande des employeurs et l’offre des chômeurs en leur donnant la qualification et l’expérience qui leur manque est un formidable gâchis. Si une telle politique était rentable, les employeurs la financeraient d’eux-mêmes. Mais sans mécanisme de fidélisation, il y a de bonnes raisons de penser qu’en fin de formation ils iront voir ailleurs.]
Voilà une critique de la SEF pas inintéressante. Au final le cœur du problème se trouve être dans l’entreprise et c’est difficile d’esquiver la chose.
N’y a t-il pas aussi la question de la “compétitivité” ? Embaucher une personne déjà former coûte moins qu’embaucher, former, et faire rester un nouveau travailleur. Et compte tenu de notre politique monétaire…
@ Yoann Kerbrat
[N’y a t-il pas aussi la question de la “compétitivité” ? Embaucher une personne déjà former coûte moins qu’embaucher, former, et faire rester un nouveau travailleur.]
C’est de la fausse compétitivité. Embaucher une personne déjà formée et expérimentée implique transférer le coût de la formation et de l’expérience sur quelqu’un d’autre. Si l’autre c’est une autre entreprise, alors vous ne faites que déplacer le problème de la compétitivité. Si l’autre c’est l’Etat, alors il faudra bien que quelqu’un paye ce coût dans ses impôts.
Le problème de la formation n’est qu’un aspect de la question plus vaste de l’investissement. Pourquoi s’attendre à ce qu’un acteur économique – qu’il soit public ou privé d’ailleurs – assume les coûts de formation ou d’embauche d’un travailleur peu expérimenté si cet effort ne lui rapporte rien ? Or, pour que cet effort rapporte il faut que le contrat entre le travailleur et l’employeur (ou la branche professionnelle lorsque l’effort est mutualisé) soit un contrat de long terme. La précarité n’est pas seulement un problème pour le travailleur précaire, c’est aussi un frein puissant à la productivité, et donc à la compétitivité.
@ Yoann Kerbrat
[N’y a t-il pas aussi la question de la “compétitivité” ? Embaucher une personne déjà former coûte moins qu’embaucher, former, et faire rester un nouveau travailleur.]
C’est de la fausse compétitivité. Embaucher une personne déjà formée et expérimentée implique transférer le coût de la formation et de l’expérience sur quelqu’un d’autre. Si l’autre c’est une autre entreprise, alors vous ne faites que déplacer le problème de la compétitivité. Si l’autre c’est l’Etat, alors il faudra bien que quelqu’un paye ce coût dans ses impôts.
Le problème de la formation n’est qu’un aspect de la question plus vaste de l’investissement. Pourquoi s’attendre à ce qu’un acteur économique – qu’il soit public ou privé d’ailleurs – assume les coûts de formation ou d’embauche d’un travailleur peu expérimenté si cet effort ne lui rapporte rien ? Or, pour que cet effort rapporte il faut que le contrat entre le travailleur et l’employeur (ou la branche professionnelle lorsque l’effort est mutualisé) soit un contrat de long terme. La précarité n’est pas seulement un problème pour le travailleur précaire, c’est aussi un frein puissant à la productivité, et donc à la compétitivité.
Donc la SEF n’est pas forcément une mauvaise solution ? Création d’une branche supplémentaire à la sécu, charger d’utiliser des cotisations payés par l’ensemble des entreprises dans le but de payer des formations.
Associé a une logique économique qui retrouverait un sens des temps long tout le monde est gagnant non ?
@ Yoann Kerbrat
[Associé a une logique économique qui retrouverait un sens des temps long tout le monde est gagnant non ?]
Cette “branche supplémentaire” existe déjà depuis la loi de 1972 sur la formation professionnelle. La difficulté est de penser le temps long, ce qui suppose d’avoir une planification économique et d’anticiper quelles seront les formations nécessaires dans dix, vingt, trente ans. Plus on pense le temps long, plus les formations doivent être généralistes, car il est difficile de faire des prédictions très précises à l’horizon de quelques dizaines d’années. Or, les employeurs n’aiment pas les formations généralistes, ayant l’impression de financer un processus qui ne leur rapporte rien immédiatement…
Merci, merci mille fois pour ce texte magnifique que je vais utiliser. Merci de me remettre le baume au cœur . Je n’en ai pas fait part sur ce blog mais j’ai « repris du service » (actif, sic !) avec cette grave attaque, avec le mandatement de mon UD pour intervenir dans les services (les « antis » peuvent me dénoncer, ça ne change rien au fond du problème et les actifs doivent juger), Texte superbe, merci encore.
Veuillez m’excuser si j’abonde mais encore une fois, si vous pouviez produire d’autres textes du même acabit..
A défaut, ma modeste contribution :
« il est donc « juste » que les femmes qui ont cotisé moins – par exemple parce qu’elles ont choisi de se consacrer à élever leurs enfants – aient des pensions plus faibles puisqu’elles n’auront pas cotisé. Pourtant, le gouvernement manifeste sa volonté de corriger cette différence en rajoutant des « bonus » aux mères de famille à partir du premier enfant. »
Cette histoire à connotation « politiquement correct » m’exaspère. J ‘ai toujours soutenu que les droits à la retraite doivent être en rapport avec les cotisations : certains syndicats évoquaient à un moment donné que les étudiants devraient avoir des annuités valorisées du fait de longues études. Ce n’était pas mon point de vue (ni celui de ma confédé) car il me semble essentiel de lier cotisations réelles liées au travail et constitution de droits à la retraite. La véritable émancipation des femmes commence, à mon sens, avec l’autonomie (bêtement conjuguée à notre époque par opposition avec le masculin) : combien dans mon activité syndicale n’ai-je pas averti des collègues féminines que l’allocation parentale n’était pas la « solution » (oui, je sais, pour des très petits salaires etc.) qu’il valait mieux continuer à se constituer des annuités sachant que dans le public un enfant = une annuité, le privé = 2 annuités. Je n’incrimine pas les salariés ( l’idéologie dominante ,etc.) la propagande (voire la culpabilisation) gouvernementales dont c’était une façon de « dégonfler » le chômage.
« Faire du marché du travail un véritable marché flexible, ou le travailleur changerait d’activité, d’entreprise et même de pays en fonction des besoins des entreprises, voilà le véritable objectif derrière toutes ces « réformes », qu’elles viennent de Paris ou de Bruxelles. »
« La logique du marché régulateur implique en effet que les conventions expriment à chaque instant l’équilibre entre l’offre et la demande, ce qui suppose qu’elles soient révisées en permanence. Or, les statuts professionnels sont des contrats de très long terme, qui conditionnent les choix de vie des individus pour l’ensemble de leur vie active et au-delà. »
Merci de souligner que le « marché » en soi ressort d’un « mécanisme » (guillemet car il faut préalablement que la structure sociale l’ait adopté) inadapté pour le long terme.
« D’où la préférence deux libéraux »
Allez, ma petite critique : faute de frappe : « des ».
« C’est elle qui explique la perte massive de compétences qui fait que le pays qui dans les années 1980 a construit 58 réacteurs nucléaires en quinze ans soit aujourd’hui incapable d’en construire un seul en dix ans. ».
Oui, bel exemple mais à étendre à beaucoup de domaines que les gouvernements successifs s’acharnent à faire disparaïtre.
« Il y a quelques décennies, les statuts dont bénéficiaient les postiers, les instituteurs, les électriciens-gaziers ou les cheminots s’affichaient non pas comme des privilèges injustes à supprimer, mais comme des statuts désirables qu’il fallait conquérir. ».
Oui. Mais quelque temps après comme des statuts indésirables car sources de contraintes diverses sans contre-parties intéressantes pour beaucoup.
« Mieux : ces professions étaient vus comme l’avant-garde sociale dont les conquêtes diffuseraient un jour dans toute la société. ».
Effectivement, je viens de discuter, au sortir de la manifestation avec un retraité de la CGT. J’affirmais, et il en était d’accord, qu’il fût une époque ou, par ex, la 4è semaine de congés payés obtenue à Renault Billancourt, ouvrait à tout le salariat la perspective d’en arriver là, loin de la perspective actuelle où la perspective où le moins l’emporte.
« Les grévistes réussiront au mieux à forcer le gouvernement à retirer son projet – c’est en tout cas ce que je leur souhaite – mais ce ne sera que partie remise. ».
Il est urgent de sortir d’une pareille perspective qui me hante aussi depuis longtemps mais comment ?
« Alors, bonne chance, amis grévistes. Votre combat, avec toutes ses limites, est le seul qui aujourd’hui maintient vivante la petite flamme des luttes ouvrières. Je n’ai pas l’habitude depuis cette tribune de faire des appels, mais je ferai ici une exception : donnez généreusement au fond de grève, nous avons tous intérêt à ce que cheminots et RATPistes tiennent. »
Les limites, je le sais depuis longtemps, et je suis loin d’être le seul. C’est, je l’avoue ce qui m’a poussé à sortir de l’activité : j’ai essayé de me battre autant que possible. Je ne parle pas d’énergie et de temps : lorsqu’on veut quelque chose, tout vaut pour tenter d’y arriver. Les états d’esprit, me disais-je, n’ont aucun résultat sur la réalité. Et puis, on prend des baffes. Puis-je vous avouer que ce qui m ‘a poussé à la retraite, c’est la régression aux élections professionnelles (1 % puis 2 l’élection suivante) ; Avec, concomitamment, la montée de la CFDT dans mon secteur. Peut-être suis-je plus de mon temps, ainsi, j’ai passé la main (suis aussi en symbiose avec la personne qui m’a succédé mais évite d’interférer).
@ morel
[Je n’en ai pas fait part sur ce blog mais j’ai « repris du service » (actif, sic !) avec cette grave attaque,]
Je vous l’avais dit ! J’étais sûr que votre éloignement du monde ne tiendrait pas longtemps !
[Cette histoire à connotation « politiquement correct » m’exaspère. J ‘ai toujours soutenu que les droits à la retraite doivent être en rapport avec les cotisations :]
Je pense qu’il faut faire une différence entre les droits issus de la cotisation, et ceux liés à la solidarité nationale. Qu’on bonifie les pensions des handicapés, ou de ceux qui sont en dessous d’un certain minimum, je trouve ça normal. Mais cela relève des transferts liés à la solidarité, et non d’une retraite par répartition.
[certains syndicats évoquaient à un moment donné que les étudiants devraient avoir des annuités valorisées du fait de longues études.]
Ça, c’est totalement absurde. L’étudiant qui fait des longues études représente un investissement. On retrouvera le retour sur cet investissement dans les salaire qu’il touchera plus tard certes, mais qui seront plus élevés. Mais bon, ce genre de mesures servent en général à déguiser des transferts au bénéfice des classes intermédiaires…
[« Les grévistes réussiront au mieux à forcer le gouvernement à retirer son projet – c’est en tout cas ce que je leur souhaite – mais ce ne sera que partie remise. » Il est urgent de sortir d’une pareille perspective qui me hante aussi depuis longtemps mais comment ?]
Vaste question. Personnellement, je reste convaincu que pour en sortir il faut repenser l’articulation entre le combat syndical et le combat politique. Lorsqu’il s’agit de combattre une dérive conjoncturelle, le combat syndical est efficace. Mais lorsqu’il s’agit de combattre une transformation structurelle, alors l’action syndicale est toujours perdante sans un relais politique. Le problème est aujourd’hui que le monde syndical n’a plus de relais politique. Il suffit de lire les programmes des partis politiques pour s’apercevoir que la question sociale, est soit ignorée, soit fait l’objet d’analyses schématiques et de propositions irréalistes.
Depuis l’effacement du PCF – ou plutôt sa transformation en organisation gauchiste reprenant la vision des classes intermédiaires – il n’y a plus de véritable réflexion réaliste sur le monde du travail, sur les nouvelles formes de travail, sur l’évolution des statuts et du contrat de travail. Les gens comme Friot et compagnie se contentent de dessiner des châteaux dans l’air…
[Et puis, on prend des baffes. Puis-je vous avouer que ce qui m ‘a poussé à la retraite, c’est la régression aux élections professionnelles (1 % puis 2 l’élection suivante) ; Avec, concomitamment, la montée de la CFDT dans mon secteur. Peut-être suis-je plus de mon temps, ainsi, j’ai passé la main (suis aussi en symbiose avec la personne qui m’a succédé mais évite d’interférer).]
Je vais me répéter, mais à mon avis la mission des jeunes est de faire, celle des vieux est de transmettre… 😉
« Je pense qu’il faut faire une différence entre les droits issus de la cotisation, et ceux liés à la solidarité nationale. Qu’on bonifie les pensions des handicapés, ou de ceux qui sont en dessous d’un certain minimum, je trouve ça normal. Mais cela relève des transferts liés à la solidarité, et non d’une retraite par répartition.»
Entièrement d’accord, ces bonifications doivent logiquement être financés par l’impôt (solidarité nationale via l’IR) et non en se servant des cotisations sociales dont ce n’est pas la raison d’être.
C’est aussi la raison pour laquelle je m’élève contre la ponction par milliards réalisée depuis les années Giscard sur le régime général des salariés pour financer les retraites des commerçants et agriculteurs ; rien de plus facile ensuite de dire que le régime général des salariés est en déficit.
Eux aussi doivent avoir une retraite mais financée par la solidarité nationale, pas par les cotisations des salariés.
Je reviens sur : « « il est donc « juste » que les femmes qui ont cotisé moins – par exemple parce qu’elles ont choisi de se consacrer à élever leurs enfants – aient des pensions plus faibles puisqu’elles n’auront pas cotisé. »
Quand on connaît le taux de divorces et séparations, il est plus que bon que chacun acquière ses propres droits à la retraite. J’ai connu des personnes qui s’étaient retirées du travail pour « l’éducation des enfants » qui revenaient travailler après ce type d’évènement.
« Je vais me répéter, mais à mon avis la mission des jeunes est de faire, celle des vieux est de transmettre… »
Désolé, je ne saisis pas concrètement votre conseil. Me faut-il abandonner le terrain ?
La question du score de la CFDT revêt pour moi de l’importance : voilà un « syndicat » qui est l’allié ouvertement du patronat, qui depuis des années facilite les projets régressifs de ses maîtres mais qui ne recule pas, au contraire aux élections salariales ; c’est bien un réel problème. Dans mon secteur, je croyais les avoir bien réduits il y a des années mais comme les mauvais virus, ils reviennent !
Peut-être, il y a pour une part l’arrivée de jeunes incultes quant à la lutte salariale, pour une autre le fait que nous ne gagnons plus rien , la montée de l’individualisme et l’abstention croissante aux élections professionnelles.
Et pourtant, j’ai toujours insisté sur un syndicalisme de présence (rien ne m’énerve plus que ces organisations qui fonctionnent au « lâcher d’e-mails »).
@ morel
[« Je vais me répéter, mais à mon avis la mission des jeunes est de faire, celle des vieux est de transmettre… » Désolé, je ne saisis pas concrètement votre conseil. Me faut-il abandonner le terrain ?]
Pas du tout. Il faut être sur le terrain pour transmettre. Ce que je voulais dire, c’est qu’il faut laisser aux jeunes l’action et la décision. Les vieux, c’est plutôt la transmission et le conseil.
[La question du score de la CFDT revêt pour moi de l’importance : voilà un « syndicat » qui est l’allié ouvertement du patronat, qui depuis des années facilite les projets régressifs de ses maîtres mais qui ne recule pas, au contraire aux élections salariales ; c’est bien un réel problème. Dans mon secteur, je croyais les avoir bien réduits il y a des années mais comme les mauvais virus, ils reviennent !]
C’est logique. Jouer le « pivot », ça a des avantages. En jouant le rôle du « syndicat négociateur », la CFDT obtient des résultats, parce que le patronat est prêt à lui lâcher quelque chose dans la négociation pour le renforcer, alors qu’il se fait un point d’honneur de tout refuser à la CGT pour montrer que la lutte ne paye pas. Pas étonnant dans ces conditions que les travailleur soient séduits.
Vous noterez d’ailleurs que la CFDT a essayé de jouer ce jeu concernant les retraites. Aurait-elle obtenu une concession sur l’âge pivot – comme le gouvernement lui avait promis à demi-mots – qu’elle pourrait aujourd’hui claironner « j’ai obtenu quelque chose par la négociation, alors que par la grève on n’obtiendra rien ». C’est cela qui explique pourquoi Berger est fâché tout rouge aujourd’hui : malgré les belles promesses, le gouvernement ne lui a rien lâché. Son malheur, c’est que les macronistes ne connaissent pas la logique de la négociation syndicale, et n’ont pas compris l’importance de mettre la CFDT dans leur poche…
@Descartes
“L’étudiant qui fait des longues études représente un investissement. On retrouvera le retour sur cet investissement dans les salaire qu’il touchera plus tard certes, mais qui seront plus élevés.”
C’était vrai à l’époque où la secrétaire, son CAP ou BEP en poche, commençait sa carrière à 18 ans. C’était déjà fini dans les années 1980, quand j’ai vu des licenciées en droit se battre pour décrocher des TUC.
Aujourd’hui les longues études ne permettent plus d’échapper aux bas salaires, elle servent seulement à sortir du chômage, dans la grande majorité des cas. Sauf bien entendu pour ceux qui avaient vraiment besoin de faire de longues études, même à l’époque du plein-emploi, du fait des exigences intrinsèques des métiers auxquels ils se destinaient : médecins, ingénieurs… Ils ne sont guère plus nombreux aujourd’hui.
Quand la longueur des études s’explique par le chômage et non par le travail ou les salaires il devient légitime de poser la question de sa prise en compte pour les retraites.
Au fait, savez vous que les TUC ne comptent pas pour la retraite ? La plupart des intéressés ne le savent pas. Ils vont avoir une très mauvaise surprise. Du coup je ne regrette plus de ne pas avoir été assez pistonné pour en décrocher un.
@ VIO59
[C’était déjà fini dans les années 1980, quand j’ai vu des licenciées en droit se battre pour décrocher des TUC.]
Des licenciés en droit se battre pour décrocher des TUC dans les années 1980 ? Où avez-vous vu ça ?
[Aujourd’hui les longues études ne permettent plus d’échapper aux bas salaires, elle servent seulement à sortir du chômage, dans la grande majorité des cas.]
Je vous propose de comparer le salaire moyen des BAC+5 et le salaire moyen des bacheliers. Je pense que vous auriez quelques surprises.
[Quand la longueur des études s’explique par le chômage]
Je ne comprends pas très bien ce que cela veut dire. Dans quels cas les « longues études » s’expliquent par le chômage ? Accessoirement, « faire des longues études » et « rester étudiant très longtemps » ce n’est pas la même chose. Si vous redoublez votre première année de licence dix fois vous n’êtes pas à BAC+10…
« Aujourd’hui les longues études ne permettent plus d’échapper aux bas salaires, elle servent seulement à sortir du chômage, dans la grande majorité des cas. »
Toutes les études du CEREQ (centre d’études et de recherches sur les qualifications) démontrent le contraire, phénomène vérifié y compris après la crise de 2008. C’est, au contraire, l’absence de diplôme ou de qualification qui mènent au chômage et à l’emploi de bas niveau :
https://www.letudiant.fr/jobsstages/nos-conseils/etudes-superieures-les-formations-qui-menent-aux-meilleurs-emplois.html#encadre
Par ailleurs, j’ai vu aussi la montée des sur-diplômés aux concours administratifs..
Rien, raisonnablement, ne plaide pour l’attribution d’annuités « gracieuses » pour études ce qui, j’insiste, romprait la corrélation entre années de travail cotisées et constitution de droits à la retraite.
[Ça, c’est totalement absurde. L’étudiant qui fait des longues études représente un investissement. On retrouvera le retour sur cet investissement dans les salaire qu’il touchera plus tard certes, mais qui seront plus élevés.]
C’est encore la logique de “de l’argent il y en a donnez en à moi aussi”.
Après force est de constaté qu’un certains nombres d’étudiants ne deviennent pas si riche que ça (entre les master en sociologie, les filières bouchées, les salaires incroyablement bas de la recherche de la thèse à la fin du 3e post-doc, voir des chercheurs… ). Du moment que les stages & alternantes soient compris dans les retraites c’est bon.
Après il reste la question du coût des études. On est un certain nombre à débuté notre vie professionnel avec une dette, et il faut absolument éviter de tomber dans le travers ou sont les USA aujourd’hui. Des bourses au mérites seraient bienvenues de nouveau.
@ Yoann
[Après force est de constaté qu’un certains nombres d’étudiants ne deviennent pas si riche que ça (entre les master en sociologie, les filières bouchées, les salaires incroyablement bas de la recherche de la thèse à la fin du 3e post-doc, voir des chercheurs… ).]
« Pas si riches que ça », peut-être. Mais bien plus riches que s’ils n’avaient pas fait d’études. Non seulement toutes les études montrent une corrélation étroite entre le niveau d’études et les rémunérations, mais surtout on peut se demander pourquoi, si le diplôme n’offre aucun avantage, on trouve autant de gens pour se bousculer à la porte des universités. Je doute que l’amour du savoir explique une telle frénésie…
[Après il reste la question du coût des études. On est un certain nombre à débuté notre vie professionnelle avec une dette, et il faut absolument éviter de tomber dans le travers ou sont les USA aujourd’hui. Des bourses au mérites seraient bienvenues de nouveau.]
Des bourses au mérite, mais aussi la sélection au mérite pour éviter de dépenser des milliards en pure perte pour financer les études des étudiants « nomades ». Si vous voulez vous illustrer à ce propos, le journal « Le Monde » publie une suite de témoignages d’anciens étudiants. Le dernier est sobrement résumé ainsi par le journal : « Diplômée d’un master en psychologie, Margaux, 28 ans, raconte comment elle a décidé de changer de vie. Elle travaille aujourd’hui dans une coopérative bio en Bretagne. Un emploi où elle se sent « à sa place » ». Et l’intéressée de raconter que « après mon bac et un début d’études d’art, j’ai suivi une licence et un master de psychologie, dans plusieurs universités de l’ouest de la France. Puis j’ai choisi de passer le concours de conseiller d’orientation psychologue – qu’on appelle aujourd’hui psychologue de l’éducation nationale. Mais dès que je suis admise, des questions m’assaillent. Est-ce vraiment ce que je veux ? Ce métier me plaît-il assez pour accepter de l’exercer n’importe où ? Car qui dit fonction publique dit emploi à vie, mais dit aussi mutation forcée pour de nombreux jeunes fonctionnaires. Je songe à renoncer ».
Elle y renoncera en effet après seulement deux ans d’exercice pour se retrouver… caissière de supermarché. Mais là encore, ça ne colle pas : « l’omniprésence du suremballage, la vente de fraises en plein mois de février, et le manque de respect de nombreux clients envers le personnel de caisse ont cependant eu raison de ma motivation ». Depuis, elle est devenue employée de vente dans une coopérative bio, ou enfin elle s’éclate. C’est bien pour elle…
Et pour nous, citoyens et contribuables, qui avons payé d’abord ses études d’art, ensuite sa licence et master en psychologie ? Etait-ce la peine de financer cette formation pour quelqu’un qui finalement est heureux vendant des fruits et légumes bio ?
Il va de soi que nulle part l’intéressée ne réflechit à cette question. Comme d’ailleurs aucun des autres étudiants “en quête de sens” dont le journal publie les bafouilles…
[Non seulement toutes les études montrent une corrélation étroite entre le niveau d’études et les rémunérations, mais surtout on peut se demander pourquoi, si le diplôme n’offre aucun avantage, on trouve autant de gens pour se bousculer à la porte des universités]
Ce pays a un problème avec les formations professionnelle, et aussi l’idée qu’il fasse faire des études pour réussir sa vie (si des gens se mettent en difficulté pour faire des études, ça dit quoi du monde du travail actuel pour ceux qui n’ont pas de diplômes ?).
Après il y a de pure voie de garage à la fac, comme Margaux qui a fait psycho…
[Et pour nous, citoyens et contribuables, qui avons payé d’abord ses études d’art, ensuite sa licence et master en psychologie ? Etait-ce la peine de financer cette formation pour quelqu’un qui finalement est heureux vendant des fruits et légumes bio ?]
C’est vrai que ça en fait des sous de cramer.
Il restera la question de la fac comme moyen d’éducation populaire, accessible à tous non ? Un peu a l’image des conférences au collège de France.
@ Yoann Kerbrat
[Ce pays a un problème avec les formations professionnelle, et aussi l’idée qu’il fasse faire des études pour réussir sa vie (si des gens se mettent en difficulté pour faire des études, ça dit quoi du monde du travail actuel pour ceux qui n’ont pas de diplômes ?).]
Je ne vois pas en quoi l’idée qu’il faut faire des études pour réussir sa vie serait « un problème ». Au contraire, je pense que c’est là une spécificité qui fait notre force. Parce qu’il faut être sérieux : soit on pense que les études servent à quelque chose, et dans ce cas il est normal de pousser les gens à en faire – ce qui suppose de tenir le discours qu’il faut faire des études pour réussir dans la vie ; soit on pense que les études ne servent à rien, et alors à quoi bon continuer à dépenser de l’argent pour entretenir des écoles, des lycées, des universités ?
L’idée qu’on peut réussir sans étudier est une idée qui nous vient des sociétés anglo-saxonnes ou la détermination de classe est très forte. Alors qu’en France on explique à tout le monde qu’il faut faire des études pour réussir dans la vie, dans les sociétés stratifiés on explique aux pauvres qu’on peut réussir sans faire des études, alors que les riches sont tout à fait conscients de l’importance des études au point de consacrer des sommes folles pour permettre à leurs enfants d’aller dans les écoles et les universités de prestige…
[Après il y a de pure voie de garage à la fac, comme Margaux qui a fait psycho…]
L’université est devenue en grande partie une garderie pour les classes intermédiaires.
[Il restera la question de la fac comme moyen d’éducation populaire, accessible à tous non ? Un peu a l’image des conférences au collège de France.]
L’idée est généreuse, mais ne nous faisons pas d’illusion : il suffit d’aller aux conférences du Collège de France pour voir que les prolétaires ne sont pas majoritaires dans le public. Tout simplement parce qu’il faut un bagage de départ pour s’intéresser à ces sujets, et que ce bagage doit être donné par l’école. C’est pour cela que dans une République l’école est une institution fondamentale.
[Je ne vois pas en quoi l’idée qu’il faut faire des études pour réussir sa vie serait « un problème ».]
Je n’aurais pas du utiliser les mots de “réussir sa vie”. Une vie réussi pour moi c’est pas devenir millionnaire. Un plombier qui fait bien son job je trouve ça très bien, de même qu’un ouvrier qui fait bien son travail et qui à la chance de pas avoir à se tuer au travail.
@ yoann
[Je n’aurais pas du utiliser les mots de “réussir sa vie”. Une vie réussi pour moi c’est pas devenir millionnaire. Un plombier qui fait bien son job je trouve ça très bien, de même qu’un ouvrier qui fait bien son travail et qui à la chance de pas avoir à se tuer au travail.]
Certes. Mais si le plombier ou l’ouvrier “réussissent” dans la vie aussi bien que l’ingénieur ou le médecin, pourquoi se fatiguer à faire de longues études ? Oui, on peut être heureux (et c’est cela pour moi “réussir sa vie”) en étant ouvrier ou caissière de supermarché. Mais ce n’est quand même pas la même chose…
« Après force est de constaté qu’un certains nombres d’étudiants ne deviennent pas si riche que ça »
A votre avis, ceux qui sont sortis tôt des études, le deviennent-ils ?
« Après il reste la question du coût des études. On est un certain nombre à débuté notre vie professionnel avec une dette, et il faut absolument éviter de tomber dans le travers ou sont les USA aujourd’hui. Des bourses au mérites seraient bienvenues de nouveau. »
C’est discutable. A l’origine la bourse d’études devait permettre à des enfants de famille modeste de pouvoir suivre des études que les parents ne pouvaient assumer. Il y a là déjà un premier élément de « mérite » tant il est plus difficile d’arriver à des études supérieures lorsqu’on est issu d’un milieu où la culture est très souvent absente.
A ma connaissance, une bourse est suspendue lors d’un échec ; n’est-ce pas encore le « mérite » ?
Je ne suis pas sûr que nous sommes encore dans la justice sociale si on ne retient que votre critère « bourses au mérite » comment le définissez-vous alors ? La réussite ? Alors tous les étudiants sortant avec le titre de docteur en médecine devaient en avoir une conséquente au cours de leur scolarité.
Le problème de fond, à mon avis, est celui que soulève Descartes : le « mérite » n’en sera plus authentique que s’il existe une réelle exigence de niveau à chaque stade des études.
Sur fond de cette exigence, les critères sociaux doivent rester premiers.
@ morel
[Je ne suis pas sûr que nous sommes encore dans la justice sociale si on ne retient que votre critère « bourses au mérite » comment le définissez-vous alors ? La réussite ? Alors tous les étudiants sortant avec le titre de docteur en médecine devaient en avoir une conséquente au cours de leur scolarité.]
Il y a pour moi deux aspects. Les bourses doivent impérativement être liées au mérite, mesuré d’abord à partir des résultats académiques. Pourquoi la société devrait-elle aider des gens qui ne font pas d’efforts pour réussir leurs études ?
Ensuite, il y a la question de la condition de ressources. Et sur ce point, le choix est politique. On peut donner la bourse à tout le monde ou bien la contraindre sur des critères sociaux. Etant donné le caractère progressif de l’impôt, dans les deux cas les classes intermédiaires et supérieures paieront l’essentiel du dispositif. Dans le premier cas ils paieront les bourses de tous, dans le deuxième ils paieront les bourses des pauvres et les études de leurs propres enfants. La solution universelle a l’avantage psychologique d’attacher les classes intermédiaires au dispositif en leur donnant l’illusion de toucher quelque chose pour rien… on retrouve ici le débat sur la mise sous condition de ressources des allocations familiales…
[Le problème de fond, à mon avis, est celui que soulève Descartes : le « mérite » n’en sera plus authentique que s’il existe une réelle exigence de niveau à chaque stade des études.]
Cela va de soi. Si on donne la moyenne à tout le monde, alors la réussite à l’examen cesse d’être une mesure du mérite.
« On peut donner la bourse à tout le monde ou bien la contraindre sur des critères sociaux. »
Au risque, pour la première option, de pratiquer un saupoudrage de ressources limitées. C’est peut-être ce qui se passe actuellement où personne n’est satisfait.
Entre le mérite d’enfants de familles favorisées culturellement et celui de famille modeste qui accède au supérieur, faudrait-il s’abstenir de trancher ?
C’est pourquoi j’évoquais les étudiants en médecine, concours hyper-sélectif donc le réussir implique réellement un mérite ; de là à doter tous les étudiants (dont nombre d’enfants de médecins) de bourse…franchement, non.
@ morel
[« On peut donner la bourse à tout le monde ou bien la contraindre sur des critères sociaux. » Au risque, pour la première option, de pratiquer un saupoudrage de ressources limitées.]
Je n’ai pas dit « avec les mêmes ressources » ! Pour moi, il y a deux systèmes : celui ou les classes intermédiaires payent directement les frais d’études de leurs enfants et accessoirement ceux des élèves méritants des couches populaires par le biais de l’impôt, et celui où l’on augmente l’impôt mais en échange on paye les études de tout le monde. On voit que du point de vue de ce qui sort de la poche des gens, c’est la même chose. Mais dans un cas les impôts sont plus légers et les classes intermédiaires ont l’impression de rien recevoir en échange, dans le second l’impôt est plus lourd mais tout le monde reçoit quelque chose. Il me semble qu’il est plus facile d’obtenir l’adhésion des classes intermédiaires, qui sont celles qui payent finalement – au second schéma. On le voit avec les allocations familiales.
Mais je pense qu’on est d’accord sur le fond: le système des bourses doit opérer un transfert entre les classes intermédiaires et les étudiants méritants des couches populaires.
[Cela va de soi. Si on donne la moyenne à tout le monde, alors la réussite à l’examen cesse d’être une mesure du mérite.]
C’est déjà un peu le cas : en effet, comme toute réussite n’est réussite que par rapport à un échec, ce qui permet de juger d’une réussite scolaire aujourd’hui, plus que le bac, c’est la mention bien ou mieux. Dans le même genre, au primaire, on ne fait presque plus redoubler, mais pour compenser, on fait sauter des classes aux “bons élèves”, ce qui encore à mon époque était exceptionnel, et je ne suis franchement pas vieux. A ce régime, on va se retrouver d’ici quelques années avec des classes prépa peuplées de gamins de quinze ans…
@ BolchoKek
[C’est déjà un peu le cas : en effet, comme toute réussite n’est réussite que par rapport à un échec, ce qui permet de juger d’une réussite scolaire aujourd’hui, plus que le bac, c’est la mention bien ou mieux. Dans le même genre, au primaire, on ne fait presque plus redoubler, mais pour compenser, on fait sauter des classes aux “bons élèves”, ce qui encore à mon époque était exceptionnel, et je ne suis franchement pas vieux.]
Ce qui indique que la progression scolaire est faite au niveau des plus mauvais élèves, les meilleurs apprenant plus vite « dépassent », par le biais du saut de classe, les autres. Cela étant dit, s’il y avait une vraie progression le saut de classe serait une hérésie puisque l’élève en question manquerait des points du programme : même s’il apprend vite, sauter la classe ou l’on enseigne la Révolution française ou les opérations sur les fractions devrait laisser un « trou » dans la formation de l’élève…
« l y a pour moi deux aspects. Les bourses doivent impérativement être liées au mérite, mesuré d’abord à partir des résultats académiques. Pourquoi la société devrait-elle aider des gens qui ne font pas d’efforts pour réussir leurs études ? »
Si le critère premier est le « résultat académique », on les attribue aux premiers de classe sans autre forme de considération, quelque soit la situation financière de leur famille (cf. mon exemple sur les étudiants en médecine très souvent issus de « belles » familles.
Donc, permettez que je sois en désaccord avec votre « Ensuite, il y a la question de la condition de ressources. ».
Le critère social doit primer, ce qui est aussi une façon de « donner sa chance » aux étudiants issus de couches défavorisées et qui, me semblent plus réellement « méritants ». Là où le système est détourné, c’est lorsqu’au nom d’une caricature du « social » la bourse est maintenue en l’absence de résultat scolaire sans raison de force majeure.
« Etant donné le caractère progressif de l’impôt, dans les deux cas les classes intermédiaires et supérieures paieront l’essentiel du dispositif. »
A ma connaissance, seul l’IR a ce caractère de progressivité. Tous les impôts instaurés ultérieurement et qui sont devenus majeurs dans les recettes de l’État ne l’ont pas : TVA, CSG.. (c’est aussi un autre témoignage de reconquête des couches bourgeoises).
« on retrouve ici le débat sur la mise sous condition de ressources des allocations familiales… »
Au risque de paraître pour certains doctrinal, je dirais que tout le monde peut faire des enfants mais tout le monde ne peut pas accéder à l’enseignement supérieur.
Pour élargir la réflexion : je me suis toujours demandé pourquoi l’université publique maintient grande ouverte le recrutement en nombre de filières sans rapport avec les besoins de la société. Au risque de faire crier certains, je citerais sociologie, psychologie (non exclusif).
@ morel
[Si le critère premier est le « résultat académique », on les attribue aux premiers de classe sans autre forme de considération, quelque soit la situation financière de leur famille]
Je pense que vous confondez ici « critère premier » et « critère unique ». La bourse, c’est nécessairement un transfert. Or, le transfert doit avoir une justification éthique. On peut raisonnablement au nom du principe d’égalité des chances demander aux classes intermédiaires de payer les études des enfants d’origine modeste qui font des efforts. Mais au nom de quoi on leur demanderait de financer les études des cancres ?
[Le critère social doit primer, ce qui est aussi une façon de « donner sa chance » aux étudiants issus de couches défavorisées et qui, me semblent plus réellement « méritants ».]
Comme disait mon grand-père citant la sagesse juive, « il n’y a pas de honte à être pauvre, mais il n’y a pas non plus de quoi être fier ». Le fait d’être issu d’une couche défavorisé n’implique en lui-même aucun mérite particulier. C’est l’effort et le travail qui rend « méritant » l’étudiant. Et il n’y a aucune raison de penser qu’il y ait plus de « méritants » parmi les pauvres que parmi les riches.
[« Etant donné le caractère progressif de l’impôt, dans les deux cas les classes intermédiaires et supérieures paieront l’essentiel du dispositif. » A ma connaissance, seul l’IR a ce caractère de progressivité. Tous les impôts instaurés ultérieurement et qui sont devenus majeurs dans les recettes de l’État ne l’ont pas : TVA, CSG.. (c’est aussi un autre témoignage de reconquête des couches bourgeoises).]
Ceux qui ne sont pas rigoureusement progressifs sont au moins proportionnels. Il me semble difficile de soutenir aujourd’hui que les « classes intermédiaires » ne prennent pas une part essentielle dans le financement des transferts.
[« on retrouve ici le débat sur la mise sous condition de ressources des allocations familiales… » Au risque de paraître pour certains doctrinal, je dirais que tout le monde peut faire des enfants mais tout le monde ne peut pas accéder à l’enseignement supérieur.]
Et alors ? Je ne vois pas trop le rapport avec ma remarque. Dans le cas des allocations familiales, certains proposent de les mettre sous conditions de ressources, ce qui serait bien plus « juste ». Mais d’autres remarquent que l’adhésion des classes intermédiaires au dispositif (qu’elles financent en grande partie) souffrirait beaucoup si elles n’avaient pas l’impression d’en retirer quelque chose. Le fait que les enfants touchent 100% de la population et la possibilité d’aller à l’université seulement 80% ne change rien à ce débat.
[Pour élargir la réflexion : je me suis toujours demandé pourquoi l’université publique maintient grande ouverte le recrutement en nombre de filières sans rapport avec les besoins de la société. Au risque de faire crier certains, je citerais sociologie, psychologie (non exclusif).]
Parce qu’il faut bien une garderie pour les enfants des classes intermédiaires qui ne veulent pas rentrer dans le monde du travail, et accessoirement pour leur fournir une « distinction ».
@Descartes
> > Tous les impôts instaurés ultérieurement et qui sont devenus majeurs dans les recettes de l’État ne l’ont pas : TVA, CSG.. (c’est aussi un autre témoignage de reconquête des couches bourgeoises).]
> Ceux qui ne sont pas rigoureusement progressifs sont au moins proportionnels.
La TVA est peut-être proportionnelle à la consommation, mais alors pas au revenu.
Je n’ai pas trouvé de chiffres très récents, mais dans ce document (p. 30) le lien entre niveau de revenu et taux d’épargne apparaît très nettement :
https://www.insee.fr/fr/statistiques/fichier/1374588/REVPMEN14_b_D1_epargne.pdf
@ Ian Brossage
[La TVA est peut-être proportionnelle à la consommation, mais alors pas au revenu. Je n’ai pas trouvé de chiffres très récents, mais dans ce document (p. 30) le lien entre niveau de revenu et taux d’épargne apparaît très nettement : (…)]
Sans vouloir vous offenser, j’ai entendu mille fois ce raisonnement, et à chaque fois je m’étonne qu’on ne se pose une question évidente. Admettons que celui qui a un salaire confortable épargne plus que celui qui est au SMIC. Mais que devient cette épargne plus tard ? Elle est forcément dépensée à un moment où un autre – sauf à admettre que les gens enterrent des billets de banque et puis oublient leur existence. En d’autres termes, l’épargne ne fait que différer la consommation du revenu, elle ne l’abolit pas. On peut donc dire que tout revenu finit, tôt ou tard, par être consommé, et donc par payer la TVA. Et donc la TVA est proportionnelle à la consommation…
[Et pourtant, personne – à droite comme à gauche]
Bon, je me dois de citer Picketty qui propose une taxe progressive sur les héritages (avec un dernier palier à 90%), et une redistribution sous la forme de 120 000€ par personne. Et qui propose de stopper l’héritage des capitaux avec une redistribution du capital des entreprises (ce qui permet d’une part d’assurer une initiative privée ou individuel, et d’autres part d’éviter l’accumulation du capital entre génération).
Mais il est bien seul et c’est un sujet sensible depuis que l’accès à la propriété a été démocratisé y compris pour des familles ouvrières… La musique qu’on entend est dramatique : “j’ai construis de quoi assurer un avenir a mes enfants”. Encore un symptôme d’une société malade…
Et pour finir : courage aux grevistes !
@Yoann
> Mais il est bien seul et c’est un sujet sensible depuis que l’accès à la propriété a été démocratisé y compris pour des familles ouvrières…
Et surtout, depuis que les classes intermédiaires ont accumulé des patrimoines familiaux considérables.
Merci pour ce rappel historique et cette analyse. Mais quel intérêt a donc la CFDT à soutenir ce système à point ? Quel est donc son “ambition” depuis tant d’années à accompagner ces politiques néolibérales en se contentant de miettes, avec comme “slogan” ou mantra, “sans notre compromis cela aurait été pire”. L. Berger ayant tout de même déclaré à propos de la réforme de l’assurance chômage “c’est une tuerie”, comment ce syndicat peut il croire une seule seconde que des gouvernements néolibéraux mâtinés d’ultra libéralisme puissent mettre en oeuvre une réforme de justice sociale ? Naiveté ? Compromission ? C’est un mystère auquel je ne trouve aucune réponse logique depuis des année …
@ françois
[Merci pour ce rappel historique et cette analyse. Mais quel intérêt a donc la CFDT à soutenir ce système à point ?]
Les voies de la CFDT sont impénétrables. S’y croisent je pense l’intérêt de ses adhérents (la CFDT est le premier syndicat dans le secteur privé, mais loin derrière le bloc CGT-FO dans la fonction publique et les entreprises à statut) mais aussi un calcul politique (accepter le principe du système à points, c’est devenir l’interlocuteur privilégié du gouvernement). C’est l’échec de ce dernier calcul qui à mon avis explique que la CFDT se soit fâchée toute rouge lorsqu’elle a découvert que sa bonne volonté ne lui valait pas d’écoute particulière sur un sujet qui lui tenait à cœur.
[Quel est donc son “ambition” depuis tant d’années à accompagner ces politiques néolibérales en se contentant de miettes, avec comme “slogan” ou mantra, “sans notre compromis cela aurait été pire”.]
Cette position lui a valu l’extrême bienveillance des gouvernements successifs et du MEDEF, et quelques concessions à ses marottes. Ce rôle de « pivot » est le fonds de commerce des organisations réformistes. Qui avait dit que « si le gouvernement rétablissait l’esclavage, la CFDT négocierait le poids des chaînes » ?
Une belle démonstration que des raisonnements faux ou douteux peuvent amener à des conclusions justes.
@ ALIN JAVIER
[Une belle démonstration que des raisonnements faux ou douteux peuvent amener à des conclusions justes.]
Merci. Les messages soigneusement argumentés comme le votre aident beaucoup à faire avancer le débat.
Je te félicite pour ta synthèse, qui contextualise l’enjeu de la réforme des retraites et des régimes spéciaux. Cela me pose plusieurs questions:
La première: est-ce que le système libéral, en précarisant l’emploi, peut produire son propre échec ?
La seconde: sachant que les mouvements défensifs sont voués à l’échec, une offre politique serait donc nécessaire, mais est-elle possible à l’heure actuelle ? Je remarque qu’on assiste aux vieux réflexes gauche/droite reprenant le dessus alors qu’on pouvait constater un début de convergence sur la nécessité de remise en cause du néo-libéralisme. Dès qu’il s’agit de passer aux actes, le vernis craque.
@ Paul
[La première: est-ce que le système libéral, en précarisant l’emploi, peut produire son propre échec ?]
On revient là à la réflexion marxiste, selon laquelle les modes de production entrent en crise sous le poids de leurs contradictions internes. Il ne faut pas oublier que l’aveuglement des libéraux et leur confiance absolue dans la régulation par le marché avait conduit le capitalisme au bord du gouffre en 1929. Il a fallu presque un demi-siècle pour que les décideurs oublient cette catastrophe et se laissent à nouveau séduire par les sirènes libérales.
J’avais lu un article – je ne me souviens plus qui était l’auteur – qui remarquait que le capitalisme repose pour son fonctionnement sur des valeurs de loyauté, d’honnêteté, de conscience professionnelle, de mérite qui sont des valeurs fondamentalement aristocratiques et dont le capitalisme ne peut assurer la transmission. Je pense que c’est un diagnostic très juste, et qui pourrait annoncer une crise.
[La seconde: sachant que les mouvements défensifs sont voués à l’échec, une offre politique serait donc nécessaire, mais est-elle possible à l’heure actuelle ? Je remarque qu’on assiste aux vieux réflexes gauche/droite reprenant le dessus alors qu’on pouvait constater un début de convergence sur la nécessité de remise en cause du néo-libéralisme. Dès qu’il s’agit de passer aux actes, le vernis craque.]
Non, je ne crois pas que cette offre existe. Tout simplement parce que l’espace politique est dominé d’abord par la bourgeoisie et les classes intermédiaires, qui n’ont aucun intérêt du moins pour le moment à une remise en cause de la vision néolibérale. Dans ces conditions, les bisbilles gauche/droite ont perdu tout intérêt. Imaginez-vous que le PS revienne au pouvoir demain de la main des hamonistes. Croyez-vous qu’il gouvernerait d’une manière fondamentalement différente ? Qu’il affronterait la Commission européenne ? Qu’il rétablirait le statut des cheminots, reviendrait sur l’ouverture du marché ferroviaire ou électrique à la concurrence ?
[J’avais lu un article – je ne me souviens plus qui était l’auteur – qui remarquait que le capitalisme repose pour son fonctionnement sur des valeurs de loyauté, d’honnêteté, de conscience professionnelle, de mérite qui sont des valeurs fondamentalement aristocratiques et dont le capitalisme ne peut assurer la transmission.]
Pour info il me semble avoir lu ce genre de remarque sous la plume de Michéa.
Bonjour René, bonjour cd,
je crois qu’initialement c’est Castoriadis qui en parle…mais je ne sais plus dans quel livre exactement!
Cordialement
Je suis d’accord avec votre argument : “on ne peut pas modifier unilatéralement les termes d’un contrat en cours de route”. Qui est déjà un des gros arguments que je développais contre la réforme auprès de mes proches.
J’ai bien aimé les développements autour de la question de la gestion des carrières. Plus subtil que mon argument qui était tout simplement : “les cheminots acceptent des conditions de travail m…. ; si on supprime leur statut, déjà qu’ils n’ont pas trop de candidats aux recrutements, il faudra qu’ils augmentent beaucoup les salaires pour réussir à recruter. Du coup, est ce qu’ils sont vraiment privilégiés si leur salaires devraient être augmentés en cas d’alignement sur le régime général ?”. C’est un peu plus trivial, mais l’idée est là même.
En revanche, j’ai un 3ème argument contre la retraite à points que vous n’évoquez pas.
Prenons l’exemple d’un jeune ingénieur qui part dans la finance à Londres. Il revient à Paris, et bosse 12 ans à Paris, avec un salaire de 10000 € par mois. Puis il repart à l’étranger, jusqu’à la fin de sa carrière.
Son camarade de promotion qui sera allé au CNRS, avec une belle carrière, en terminant Directeur de recherche. Si on prend en compte toutes ses primes, il aura eu un salaire moyen, mettons, de 2800 € par mois sur l’ensemble de sa carrière. Si on suppose que la durée de cotisation est de 44 ans, et qu’il aura travaillé 44 ans.
Alors, avec le système à points, les deux auront le droit exactement à la même retraite en France. Celui qui a eu un salaire moyen de 10000€ pendant 12 ans, et qui aura vécu à l’étranger le reste du temps, et celui qui aura fait toute sa carrière en France.
Gagner 10000 euros pendant 1 an donne autant de droit que d’en gagner 1000 pendant 10 ans. Dans le système actuel, il y aurait un facteur qui serait le nombre d’années de cotisations, qui ne rentre plus du tout en ligne de compte ici, ce qui me parait assez injuste.
@ Vincent
[Gagner 10000 euros pendant 1 an donne autant de droit que d’en gagner 1000 pendant 10 ans. Dans le système actuel, il y aurait un facteur qui serait le nombre d’années de cotisations, qui ne rentre plus du tout en ligne de compte ici, ce qui me parait assez injuste.]
Mais pourquoi est-ce « injuste » ? Si A contribué au pot en un an autant que B en dix ans, pourquoi A n’aurait-il droit du fait de cette contribution à la même pension que B ?
Encore une fois, dire que quelque chose est « juste » ou « injuste » implique avoir une théorie de la justice, c’est-à-dire, des critères cohérents qui permettent de faire la différence. Si vous considérez que la retraite doit être calculée en fonction des contributions de chacun alors le fait qu’on contribue beaucoup pendant peu de temps ou l’inverse devrait être transparent.
@ Vincent
Ce serait une coïncidence extraordinaire qu’ils touchent tous les deux la même retraite au total.
Le globe-trotteur cumulera deux pensions, l’une calculée selon les critères de sa caisse britannique pour les années travaillées en Angleterre, l’autre calculée sur les critères de sa caisse française pour les années travaillées en France.
Par contre je me pose une question : les années cotisées auprès d’une caisse étrangère sont-elles prises en compte dans le système français de décote et de surcote ? Et si cela n’est pas possible (cela doit être très difficile) j’y vois un argument de plus contre la décote et la surcote.
[ Ils (les régimes spéciaux) n’ont pas été arrachés aux patrons par les travailleurs, tout au contraire : ce sont les organisations patronales qui les ont voulus]
Plus loin :
[Votre combat, avec toutes ses limites, est le seul qui aujourd’hui maintient vivante la petite flamme des luttes ouvrières]
Une lutte ouvrière qui défend une volonté patronale, ça sonne bizarre.
PS : comme l’intonation ne passe pas à l’écrit, c’est de l’humour, hein…
@ BJ
[Une lutte ouvrière qui défend une volonté patronale, ça sonne bizarre.]
Faut prendre le décalage dans le temps en compte, camarade… la lutte ouvrière d’aujourd’hui défend ce qui était une demande patronale en 1920.
Il existe des pays ou les employeurs forment tout en sachant qu une partie au moins des formés s en ira chez le concurrent. C est la RFA et la suisse (il y en a peut etre d autres, j en sais rien).
J avais lu un article ou le patron expliquait qu il formait en effet pour les concurrents mais les concurrents formaient aussi pour lui. Donc c etait gagnant/gagnant. Bon je reconnais qu en france, on est pas dans cette optique mais ca existe (et c est pas pour rien que ces 2 pays ont dans le PIB une part de l industrie double de la notre)
Et si la branche est attractive (salaire/condition de travail/ region), il y a peu de chance qu une personne formee aille faire autre chose ou il lui faudra aussi se former pour avoir des conditions moins favorables.
Je vous rejoins sur un point. C est triste de voir que des jeunes de 20 ans pensent deja a leur retraite et voient leur carriere professionnelle comme un chemin de croix qu il faudrait abreger au maximum. Je me demande s il y a vraiment des gens qui integrent la SNCF a 20 ans en etant motivé par la perspective de pouvoir partir a la retraite a 50.. En tout cas, si c est le cas, ca fait de pietres recrues, peu motivées et qui risquent plus d etre un boulet qu autre chose
@ cdg
[Il existe des pays ou les employeurs forment tout en sachant qu’une partie au moins des formés s’en ira chez le concurrent. C’est la RFA et la suisse (il y en a peut-être d’autres, j’en sais rien).]
Je ne connais pas trop l’Allemagne, mais à ce qu’on m’a dit il existe dans les branches industrielles des dispositifs de protection qui ressemblent à de véritables « statuts », avec une grande importance donnée à l’ancienneté notamment pour la promotion interne.
[Je vous rejoins sur un point. C’est triste de voir que des jeunes de 20 ans pensent déjà a leur retraite et voient leur carrière professionnelle comme un chemin de croix qu’il faudrait abréger au maximum. Je me demande s’il y a vraiment des gens qui intègrent la SNCF a 20 ans en étant motivé par la perspective de pouvoir partir à la retraite à 50…]
Je ne sais pas si c’est le cas à la SNCF, mais j’ai fait passer des entretiens dans la branche des IEG, et c’est souvent que la question est posée par les candidats.
[En tout cas, si c’est le cas, ça fait de piètres recrues, peu motivées et qui risquent plus d’être un boulet qu’autre chose]
Pourquoi dites-vous ça ? Cela ne fait pas de recrues plus mauvaises que celles qui sont attirées par le salaire ou les RTT…
A ma connaissance, il n y a en RFA ou en suisse rien qui puisse se comparer au statut des fonctionnaires ou de la SNCF. Il y a par exemple des accord de branche (pour le temps de travail ou les remunerations mais ca s arrete la (et il me semble que toutes les entreprises de la branche ne sont pas obligee d y adherer (mais ne pas y etre c ets etre le mouton noir, donc pas forcement un choix judicieux, vu que vous allez faire fuir pas mal de candidats et que vous aurez une image bas de gamme vis a vis de vos clients potentiels)
“Cela ne fait pas de recrues plus mauvaises que celles qui sont attirées par le salaire ou les RTT”
Disons que quelqu un qui a 25 ans ou moins pense deja quand il va partir a la retraite et voit son travail comme un pensum est pas forcement le candidat ideal. Apres c est sur que celui qui pense RTT ou qui pense qu a l argent est pas forcement ideal non plus. Personnellement je suis a 10-15 ans de la retraite (je sais meme pas quand ca sera possible vu que j ai travaille dans plusieurs pays) et j y pense jamais …
@ cdg
[A ma connaissance, il n y a en RFA ou en suisse rien qui puisse se comparer au statut des fonctionnaires ou de la SNCF. Il y a par exemple des accords de branche (pour le temps de travail ou les rémunérations mais ça s’arrête la]
J’ai dû me faire mal comprendre. Je sais qu’il n’existe pas d’instrument juridique équivalent au statut. Mais ma question était de savoir s’il n’existait pas de mécanismes équivalents. Par exemple, est-ce que les accords de branche prévoient des avancements à l’ancienneté et une perte de l’ancienneté en cas de changement de branche (comme le font les statuts en France) ? Vous voyez bien qu’un tel mécanisme fidélise les travailleurs sur une branche…
[Personnellement je suis a 10-15 ans de la retraite (je sais meme pas quand ca sera possible vu que j ai travaille dans plusieurs pays) et j y pense jamais …]
Moi j’y pense… avec horreur. Je tremble en imaginant qu’un de ces jours on me priera de prendre mes affaires et de quitter pour de bon le monde du travail…
@Descartes
La Suisse, je ne sais mais la RFA connaît le statut de fonctionnaire mais sous particularités Allemandes : grandes lignes définies au niveau fédéral : emploi à vie, obligation de réserve, grilles salariales majoritairement à l’ancienneté mais interdiction du droit de grève même si possibilité de se syndiquer ; ce sont les länder qui déterminent primes, temps de travail, âge de la retraite..
Les lois anti-sociales sont aussi passées par là : réduction forte du nombre de fonctionnaires. Ainsi la course au moins disant, par ex, dans le domaine de l’enseignement a conduit, pour réduire le nombre de fonctionnaires, à faire appel à des contractuels ; résultat les postulants allaient s’installer dans les länder offrant le statut..
@ morel
[La Suisse, je ne sais mais la RFA connaît le statut de fonctionnaire mais sous particularités Allemandes : grandes lignes définies au niveau fédéral : emploi à vie, obligation de réserve, grilles salariales majoritairement à l’ancienneté]
Emploi à vie et salaire à l’ancienneté, les deux mamelles de la fidélisation…
@cdg
“C est triste de voir que des jeunes de 20 ans pensent déjà a leur retraite et voient leur carrière professionnelle comme un chemin de croix qu’il faudrait abréger au maximum”
A qui la faute ?
Avec le système actuel un jeune qui est encore au chômage à 20 ans est déjà trop vieux pour pouvoir prétendre à une retraite à taux plein à l’âge d’ouverture du droit, 62 ans. S’il est toujours au chômage à 25 ans, il est désormais trop vieux pour pouvoir échapper à la décote avant 67 ans, âge du minimum vieillesse.
Et je suis très méfiant vis-à-vis de la comédie qui se joue en ce moment entre le gouvernement et la CFDT. J’ai l’impression que l’âge pivot de 64 ans est un faux chiffon rouge destiné à permettre à la CFDT de jouer au taureau, de remporter une fausse victoire, puis de poignarder les travailleurs et les chômeurs dans le dos comme d’habitude.
Si j’ai bien compris il y aurait une décote avant 64 ans même pour ceux qui ont une carrière complète, et plus de décote ensuite même pour ceux qui ont une carrière incomplète (La surcote disparait au passage, mais de toute façon son coût, même si elle maintenue, restera anecdotique compte tenu du chômage de masse chez les jeunes)
Si le gouvernement a bien fait ses calculs, c’est avec plaisir qu’il maintiendra la système actuel de décote/surcote qui pénalise tout le monde ou presque jusqu’à 67 ans.
Je trouve suspect l’empressement de la CFDT à tomber dans ce piège.
@ VIO59
[“C est triste de voir que des jeunes de 20 ans pensent déjà a leur retraite et voient leur carrière professionnelle comme un chemin de croix qu’il faudrait abréger au maximum” A qui la faute ? Avec le système actuel un jeune qui est encore au chômage à 20 ans est déjà trop vieux pour pouvoir prétendre à une retraite à taux plein à l’âge d’ouverture du droit, 62 ans. S’il est toujours au chômage à 25 ans, il est désormais trop vieux pour pouvoir échapper à la décote avant 67 ans, âge du minimum vieillesse.]
Franchement, je ne saisis pas le rapport. Quand je suis rentré sur le marché du travail – et je ne suis pas si vieux que ça, le chômage de masse était déjà une réalité – ni moi ni mes collègues et camarades ne pensions à la retraite. Nous pensions surtout à vivre notre vie, à faire des choses, à changer le monde… la retraite, c’était pour dans très longtemps !
[Et je suis très méfiant vis-à-vis de la comédie qui se joue en ce moment entre le gouvernement et la CFDT. J’ai l’impression que l’âge pivot de 64 ans est un faux chiffon rouge destiné à permettre à la CFDT de jouer au taureau, de remporter une fausse victoire, puis de poignarder les travailleurs et les chômeurs dans le dos comme d’habitude.]
Il me semble très possible que la CFDT ne cherche dans cette affaire qu’une “victoire” apparente pour redorer son blason alors qu’elle est complice de cette réforme.
je vous ai lu de bout en bout, ainsi que les commentaires qui ont suivis . je trouve de très bons arguments et j’apprends bcp; merci à vous
“Mais on ne peut que constater que l’idée même de nouvelles conquêtes de progrès social ont disparu du paysage politique et syndical. Tout le combat se réduit à défendre les acquis, à demander le retrait des réformes rétrogrades. Mais c’est un combat défensif, et en politique toute stratégie purement défensive est condamnée à long terme à l’échec. Les grévistes réussiront au mieux à forcer le gouvernement à retirer son projet – c’est en tout cas ce que je leur souhaite – mais ce ne sera que partie remise.”
Comme cela est juste !
Je pense depuis longtemps que seule, la défense contre l’attaque conduit à terme à la défaite si on renonce à l’idée d’une contre-offensive pour reconquérir le terrain perdu sur l’ennemi. Quel meilleur exemple de cela que les retraites ! On ne discute jamais de revenir sur les étapes précédentes du démantèlement de l’assurance vieillesse, seulement de ralentir ou retarder les étapes suivantes. Cela me désespère.
Bonjour Descartes,
Que répondez-vous à ceux qui reprochent aux grévistes cheminots et de la RATP de prendre les usagers en otage ? Et aussi de mettre en péril les artisans restaurateurs et hôteliers ?
Cette grève démontre que la démocratie ne fonctionne plus.
@ HM
[Que répondez-vous à ceux qui reprochent aux grévistes cheminots et de la RATP de prendre les usagers en otage ?]
C’est drôle… aujourd’hui on ne parle « d’usagers » que lorsqu’il s’agit de trouver des victimes. Dans les autres cas, on les appelle « clients »… Etonnant, non ?
Franchement, je leur dirait d’abord de faire attention au sens des mots. Que les grévistes gênent les usagers, c’est incontestable. Mais « prendre en otage » quelqu’un, c’est une toute autre affaire. Que je sache, les grévistes ne séquestrent personne pas plus qu’ils ne l’exposent à leur place à un dommage corporel.
Ensuite, je leur dirais que le peuple français a gravé le droit de grève dans la Constitution. Et s’il l’a fait, c’est qu’il a considéré que la gêne causée aux citoyens était justifiée au regard de l’intérêt que représente le fait de mettre dans les mains des travailleurs un moyen d’équilibrer le rapport de force avec les patrons. Je leur dirais aussi que bien des droits dont ils bénéficient ont été conquis par la grève, et qu’à l’époque cette grève avait elle aussi gêné des gens.
[Et aussi de mettre en péril les artisans restaurateurs et hôteliers ?]
Même remarque.
[Cette grève démontre que la démocratie ne fonctionne plus.]
Pourquoi dites-vous ça ? La grève fait partie du fonctionnement démocratique. C’est le constituant qui l’a dit…
“Cette grève démontre que la démocratie ne fonctionne plus”. Je voulais dire que les représentants élus ne sont plus représentatifs des représentés. On peut en dire la même chose à propos des Gilets jaunes.
@ HM
[Je voulais dire que les représentants élus ne sont plus représentatifs des représentés.]
Après cet éclaircissement, je suis d’accord avec vous. Le problème me semble être que les députés élus en 2017 tout comme notre président n’écoutent pas les citoyens, et n’ont aucun intérêt pour ce que ces derniers ont à dire. Macron et les siens conçoivent la représentation comme un courant descendant: le représentant est là pour expliquer au représenté les décisions prises par le gouvernement, et non pour porter vers le gouvernement la réaction des représentés.
Paradoxalement, la situation actuelle démontre que cette idéologie qui veut que les membres de la “société civile” sont mieux capables d’écoute que les politiques de carrière est fausse. Quand on consacre sa vie à la politique, c’est souvent parce qu’on aime les gens et qu’on s’intéresse à eux. Un chef d’entreprise, un président d’association, un intellectuel fut-il brillant, pas forcément.
@ HM
« ceux qui reprochent aux grévistes cheminots et de la RATP de prendre les usagers en otage ? »
Sans vouloir me substituer à Descartes qui vous a fort bien répondu :
Ceux qui emploient cette expression réalisent-ils qu’ils sont proches d’une incitation à la guerre civile contre des salariés usant d’un droit pacifique ?
Il a fallu l’éloignement de la dernière guerre et ses prises d’otages – réelles, celles-là – pour voir fleurir le langage des « antis ».
Mais, avec, hélas, le retour de la vraie prise d’otage, un effet boomerang pourrait avoir lieu.
Lorsque Macron a utilisé l’expression lors de la grève des correcteurs du bac (quoiqu’on pense de cette action), un prof d’histoire-géo rescapé du Bataclan a réagi sur les réseaux sociaux : «Vous êtes censé être le président de toutes les Françaises et de tous les Français et à ce titre je vous demande donc publiquement des excuses pour les propos que vous avez tenus à l’égard de fonctionnaires que vous avez décrits comme des délinquants ou des terroristes. Vos propos ont pu heurter à la fois les personnels enseignants et les victimes de véritables prises d’otages, qu’elles soient des attentats ou non»
Bonsoir Descartes,
Ce qui est drôle en lisant votre billet, c’est que j’ai pensé à un éditorial du Bien Commun (le journal de l’Action Française), dans lequel la réforme des retraites de Macron est fustigée par ce qu’elle est un mélange d’égalitarisme et d’ultralibéralisme. Comme quoi, pour rebondir sur notre échange dans votre billet « Ce qu’on ne peux plus se payer », il y a bien plus de convergences de vues entre un communiste adepte de la « grande France » et un maurassien adepte de la « petite France » qu’on ne pourrait le penser.
À part ça, tout ceci est bien triste, mais en lisant votre billet, je ne peux m’empêcher de poser cette question : c’était quoi déjà la consigne de vote du camarade Martinez pour le second tour des élections présidentielles de 2017 ?
@ François
[Ce qui est drôle en lisant votre billet, c’est que j’ai pensé à un éditorial du Bien Commun (le journal de l’Action Française), dans lequel la réforme des retraites de Macron est fustigée par ce qu’elle est un mélange d’égalitarisme et d’ultralibéralisme. Comme quoi, pour rebondir sur notre échange dans votre billet « Ce qu’on ne peux plus se payer », il y a bien plus de convergences de vues entre un communiste adepte de la « grande France » et un maurassien adepte de la « petite France » qu’on ne pourrait le penser.]
On peut trouver beaucoup de coïncidences lorsqu’il s’agit de faire un diagnostic. Ce qui ne veut pas dire qu’on coïncide lorsqu’il s’agit de traiter la maladie.
[À part ça, tout ceci est bien triste, mais en lisant votre billet, je ne peux m’empêcher de poser cette question : c’était quoi déjà la consigne de vote du camarade Martinez pour le second tour des élections présidentielles de 2017 ?]
Que voulez-vous, tout le monde peut se tromper. Vous souvenez-vous quelle était la consigne de vote de l’Action Française en 1981 ?
@ Descartes
(encore désolé pour la réponse tardive à votre commentaire)
[Que voulez-vous, tout le monde peut se tromper. Vous souvenez-vous quelle était la consigne de vote de l’Action Française en 1981 ?]
Je ne sais pas. Je suppose pour un candidat de gauche (Mitterrand) ? Eh bien même si à l’époque déjà c’était une organisation groupusculaire (ce qui n’est pas le cas de la CGT) il portent donc une responsabilité dans l’état actuel du pays. Moi aussi avec par le passé mon engagement européiste j’estime être porteur d’une souillure dont je ne me débarrasserai jamais. Dieu merci que je ne l’ai pas été en 1992 et que je suis sorti de mon sommeil !
Pour en revenir à la CGT, j’aimerai bien savoir ce qui a poussé Martinez à souhaiter le plus haut score à Macron face à MLP alors qu’on déjà savait très bien qui est ce personnage, ses soutiens, son programme (dont l’instauration du régime de retraites unique à points).
@ François
[Pour en revenir à la CGT, j’aimerai bien savoir ce qui a poussé Martinez à souhaiter le plus haut score à Macron face à MLP alors qu’on déjà savait très bien qui est ce personnage, ses soutiens, son programme (dont l’instauration du régime de retraites unique à points).]
Je pense que Martinez a fait le raisonnement classique de la gauche dite « progressiste » : il a vu dans le deuxième tour de l’élection présidentielle de 2017 un référendum pour ou contre Marine Le Pen. Il y a aussi un problème de positionnement interne : la conquête par le FN d’un certain nombre de territoires populaires où l’implantation de la CGT est forte a provoqué de fortes tensions dans le syndicat, un certain nombre de militants et même de dirigeants de terrain ayant proclamé leur intention de voter pour MLP ou de faire campagne pour elle alors que la fraction gauchiste s’est elle aussi renforcée. Si Martinez avait eu un discours plus équilibré, il se serait fait dégommer par les groupuscules gauchistes, les mêmes qui ont eu la peau de son prédécesseur…
@ Descartes
[[Pour en revenir à la CGT, j’aimerai bien savoir ce qui a poussé Martinez à souhaiter le plus haut score à Macron face à MLP alors qu’on déjà savait très bien qui est ce personnage, ses soutiens, son programme (dont l’instauration du régime de retraites unique à points).]
(…) Si Martinez avait eu un discours plus équilibré, il se serait fait dégommer par les groupuscules gauchistes, les mêmes qui ont eu la peau de son prédécesseur…]
En somme Martinez est à la CGT ce que Corbyn est au Labour britannique…
@ François
[En somme Martinez est à la CGT ce que Corbyn est au Labour britannique…]
Par certains côtés, oui. Il fut un temps chez nous où les organisations qui œuvraient dans la sphère publique avaient une orientation politique assumée. Leurs membres se rassemblaient naturellement autour d’un certain nombre de principes politiques, et les leaders n’avaient pas le problème de devoir contenter en même temps le diable et le bon dieu. Ils tenaient un discours idéologiquement assumé, et ceux qui ne le partageaient pas allaient voir ailleurs. La formule de Lénine selon laquelle “le parti se renforce en s’épurant” n’était pas aussi caricaturale qu’il paraît.
Avec la des-idéologisation, on trouve de plus en plus des dirigeants dont le discours doit être pesé au trébuchet pour ne pas mécontenter des groupes de militants dont la vision du monde est diamétralement opposée tout en fréquentant la même organisation. Cela les rapproche du système anglais, ou le régime électoral favorise un bipartisme et donc l’inclusion dans chacun des deux blocs de gens très différents.
Ça y est , la contre offensive gouvernementale a commencé.
Edouard Philippe , Blanquer domine les débats avec les enseignants , Macron , les chefs de la CFDT , UNSA , CFTC ,CGE se posent en personnes visionnaires , rationnelles qui militent le pays avec sérieux.
A l’opposé la CGT , les autres syndicats en lutte , sont présentés comme des irresponsables près à sacrifier les fêtes familiales de fin d’année par pur irénisme.
En définitive , la syndicatophobie n’est elle pas habilement utilisèe , par LREM qui reprends la main en confortant son socle électoral de droite,au cours de cet épisode à rebondissement , des retraites jusqu’à ce que la loi soit votée en février 2020 ?
On apprends par ailleurs que Delevoy a omis de mentionner une 3ième fonction non rémunérée au comité pour’ l’avenir de la SNCF privatisé’, en conflit d’intérêt avec son statut de statut de ministre de la République ?
Le parquet n’est il pas dans l’obligation de porter Delevoy devant les tribunaux ?
Delevoy et le gouvernement ne se servent ils pas de ce scandale d’état comme d’un chiffon rouge pour détourner l’attention des français des véritables enjeux posés par le déroulé tortueux de cette réforme flou . qui cherche à discréditer les personnels en lutte?
@ Luc
[On apprend par ailleurs que Delevoye a omis de mentionner une 3ième fonction non rémunérée au comité pour’ l’avenir de la SNCF privatisé’, en conflit d’intérêt avec son statut de statut de ministre de la République ?]
Cette affaire me laisse d’ailleurs songeur. Delevoye n’a pas pensé à faire relire sa déclaration à la HATVP par un membre de son cabinet ? Il n’y avait personne parmi ses conseillers ou dans le cabinet du Premier ministre pour lui rappeler l’interdiction faite aux ministres de recevoir toute rémunération en sus de celle attachée à leurs fonctions ? Personne dans les cabinets n’a lu la Constitution ?
Cette affaire met à nu ce que nous avons pu observer depuis l’affaire Benalla. La méfiance du macronisme envers les hauts fonctionnaires de carrière a conduit à promouvoir dans les cabinets et dans l’entourage des ministres des personnalités dont le carriérisme est directement proportionnel à l’incompétence administrative. Accessoirement, je serais surpris que l’information sur les turpitudes de Delevoye soit arrivée dans les médias par hasard… a côté de la macronie, la Florence des Médicis était une école maternelle.
[Le parquet n’est-il pas dans l’obligation de porter Delevoye devant les tribunaux ?]
Ce n’est pas évident. Si la Constitution interdit à un ministre de toucher des rémunérations autres que celle attachée à sa fonction, le Code pénal ne prévoit aucune peine. Peut-être le conflit d’intérêt pourrait être plaidé ? Le problème est que dans le cas de Delevoye, le conflit d’intérêt n’est pas démontré, seul le risque apparaît.
[Delevoye et le gouvernement ne se servent-ils pas de ce scandale d’état comme d’un chiffon rouge pour détourner l’attention des français des véritables enjeux posés par le déroulé tortueux de cette réforme flou. qui cherche à discréditer les personnels en lutte?]
Je ne crois pas. Je pense plutôt que certains veulent la peau de Delevoye, qu’ils ne trouvent pas assez « dur », et dont ils craignent la démission si le gouvernement continue sur une ligne de refus de tout compromis.
Les gens comme Friot et compagnie se contentent de dessiner des châteaux dans l’air…
Comme vous y allez! Bernard Friot est un militant qui me semble tout à fait pertinent pour comprendre les enjeux actuels des relations entre travail, emploi et retraites. Je trouve ce commentaire laconique un peu déplacé.
@ Fréderic
[Comme vous y allez! Bernard Friot est un militant qui me semble tout à fait pertinent pour comprendre les enjeux actuels des relations entre travail, emploi et retraites. Je trouve ce commentaire laconique un peu déplacé.]
Je ne vois pas en quoi il serait “déplacé” d’estimer que Friot est un idéaliste qui joue au jeu du “pourquoi pas”.
La justice…de la réforme des retraites.
Entre l’objectivation du réel et la subjectivation du sujet, vaste débat où l’esprit de la justice avec la prise en compte de l’expression des sentiments d’injustice sera discuté, débattu selon que les modalités d’application suivront une égalité arithmétique, proportionnelle ou une hybridation des deux.
C’est ainsi que j’ai compris la structure de votre argumentation avec quelques rappels historiques.
Si le slogan est efficace et simple, la démonstration nécessite alors de ne pas puiser dans des exemples qui servent son hypothèse mais de tenter la vérité. Est-elle logique, dialogique, …?
Une femme fait le choix d’un congé parental, elle obtient un bonus retraite. Quid de l’homme par cette assignation à la fonction éducative ? Où est la justice d’une telle mesure à l’heure d’une société qui se veut équitable et luttant contre les menaces des stéréotypes du passé ? L’arrêt de travail, le temps de l’accouchement est déjà pris en compte pour la retraite. Au nom de quelle justice, un bonus par enfant doit être dédié aux femmes ?
Mais nous savons aussi que des parents travailleront pour laisser un capital à leurs enfants, cela conditionne leur rapport au travail, ils ne le font que pour eux. Preuve en est pour les personnes sans enfant, en couple ou non comme l’ont été avant les récentes évolutions sociétales, les couples LGBT, leur vision du travail et leur rapport au travail et au capital étaient différents puisque point d’héritage à laisser à des personnes en devenir. lls faisaient d’autres choix de vie professionnelle n’ayant pas une éducation à financer, des crédits à prendre en lien avec le fait d’avoir des enfants. Ce qui faisaient d’eux des cibles des entreprises puisqu’ils disposaient à salaire égale d’un pouvoir d’achat plus important.
Comme vous avez proposé un aspect de l’apparition des mesures sociales liées au travail pour le rendre plus attractif, un autre exemple :
Taylor connu pour son taylorisme, sa division du travail avec le slogan : The right man at the right place L’objectif de Frederick Taylor était avant tout de mettre un terme aux conflits permanents entre des patrons excédés par l’oisiveté potentielle des salariés et ces fameux salariés qui exigeaient un meilleur salaire pour se montrer plus engagés dans leurs tâches et la réussite de l’entreprise ?
C’est ainsi qu’est née l’organisation scientifique du travail (OST) avec les corollaires de segmentation des tâches jusqu’à en faire des automatismes avant le remplacement par des automates. Or, il ne faut pas oublier qu’à la même époque les sciences sont organisées en silo, en champs disciplinaires, nulle inter ou transdisciplinarité, les logiques sont mécanistes (Causes, conséquences, corrélations), la complexité et la transdisciplinarité n’arrivant qu’à la fin du 20e siècle comme le big data.
Taylor est dans la même posture que ceux qui ont pensé entre autre à un système des retraites et dont le COR s’est chargé d’en trouver la systémique et les modalités.
Que la réforme fasse passer une comptabilité par trimestres (au temps) à une comptabilité financière (un point = un euro) permet, à mon sens, de supprimer la dualité entre un travail à l’heure et à la tache, entre le salariat et l’entrepreneuriat. Cette hybridation était déjà une réalité avec les start-up dont l’emblématique Uber où les consignes et alarmes informatiques créent bien un lien du subordination, caractéristique du salariat, alors qu’ils ont un statut d’auto entrepreneur.
La réforme de la formation professionnelle a fait de même en passant d’un crédit heure à un crédit financier.
Tel est le mouvement que je perçois dans les changements sociétaux liés aux évolutions du travail, la difficulté sera pour les entreprises comment maintenir la professionalité de son personnel indépendamment de son statut car le travail divisé, disséqué, mis en algorithmes, dématérialisé ne permet plus au génie de chacun d’améliorer une situation, ce qui faisait le talent d’un professionnel et de l’entreprise qui avait recours à ses services.
Merci d’avoir ouvert ce débat.
@ Code 7H99
[Mais nous savons aussi que des parents travailleront pour laisser un capital à leurs enfants, cela conditionne leur rapport au travail, ils ne le font que pour eux. Preuve en est pour les personnes sans enfant, en couple ou non comme l’ont été avant les récentes évolutions sociétales, les couples LGBT, leur vision du travail et leur rapport au travail et au capital étaient différents puisque point d’héritage à laisser à des personnes en devenir.]
J’aimerais savoir sur quoi vous vous fondez pour affirmer que les gens qui n’ont pas d’enfants ont « un rapport différent au travail et au capital ». Franchement, dans toute ma vie professionnelle je n’ai pas perçu une telle différence.
[Que la réforme fasse passer une comptabilité par trimestres (au temps) à une comptabilité financière (un point = un euro) permet, à mon sens, de supprimer la dualité entre un travail à l’heure et à la tâche, entre le salariat et l’entrepreneuriat.]
Je ne vois pas en quoi on supprime la « dualité » en question par un passage du trimestre au point. Le salarié est celui qui vend sa force de travail, l’entrepreneur est celui qui lève du capital pour réaliser un projet.
[Cette hybridation était déjà une réalité avec les start-up dont l’emblématique Uber où les consignes et alarmes informatiques créent bien un lien du subordination, caractéristique du salariat, alors qu’ils ont un statut d’auto entrepreneur.]
Je crois que vous confondez le statut et la réalité. Les chauffeurs d’Uber ont beau avoir le statut d’auto-entrepreneur, ils ne sont pas des entrepreneurs. Ce sont des salariés « à la tâche ». Du point de vue de la retraite, cela ne change rien qu’ils soient au point ou au trimestre.
Pour travailler, gagner de l’argent, l’individu a deux possibilités :
Le travail salariat qui est un travail à l’heure.
L’entrepreneuriat qui est un travail à la tâche.
Les réformes de la formation professionnelle ont fait passer un crédit temps 20 h / an à un crédit financier : 500 €
L’évolution du travail est une hybridation puisque comme je l’avais précisé avec l’exemple Uber. Bien que le travail soit subordonné avec le système informatique d’Uber, soit une caractéristique du salariat, les conductions ont le statut d’auto-entrepreneur et un paiement à la tâche, soit la course.
Certains dénoncent cela en expliquant qu’il s’agit d’un salariat déguisé. Les livreurs Déliveroo, de mémoire, ont vu leur contrat d’auto-entrepreneur requalifié en contrats salariaux.
L’évolution du travail avec les start-up, qui prend de cours le législateur comme les procès Uber ou Déliveroo amène aussi le législateur actuel de la présidence Macron avec les réformes aussi de la formation professionnelle à passer d’un système structurelle qui raisonnait en temps, soit en salariat, à une structure à la tâche.
C’est une transformation à prendre en compte et qui explique aussi le tournant de la réforme des retraites qui passent d’un crédit trimestre à un crédit à la tâche.
Ensuite, débattre, des régimes tantôt appelé spéciaux ou dérogatoire peut se faire avec l’angle de la justice, qui est le votre où la justice peut etre une egalité arithmétique ou proportionnelle comme l’impôt avec l’ISF avait aussi une partie proportionnelle et non juste arithmétique, identique à tous.
Le droit des régimes spéciaux ou dérogatoires sont aussi comme tout droit, pas uniquement une application légale mais aussi la résultante de l’histoire d’un pays. Cela en montre son passé, ses luttes sociales, etc…
Les droits à la retraite des salariés et des entrepreneurs ne sont pas les mêmes, tout comme les droits à la formation ou au chômage. Les indépendants dépendent du RSI et non du régime général. Tout comme les agriculteurs ont un fonctionnement différent.
Concernant mon paragraphe sur les LGBT et les impacts sur la question de l’héritage que vous avez abordé dans votre article. Puisque nous avions là une population qui auparavant n’était pas concernée par les enfants et les questions de transmission. C’était un contre-exemple à votre argumentation.
Et des personnes sans enfant ont une vision différente de la vie puisqu’ils n’ont que leur propre personne à assumer ce qui permet d’autres choix. (On aborde cela en psychologie et sociologie)
J’espère que les incompréhensions ont été levées.
Cordialement.
@ 7H99
[Pour travailler, gagner de l’argent, l’individu a deux possibilités : (…) L’entrepreneuriat qui est un travail à la tâche.]
Faudrait pas généraliser. Sous le statut d’auto-entrepreneur on trouve beaucoup de salariés « à la tâche » déguisés (rappelons que ce qui caractérise le salarié est le rapport de subordination dans l’organisation de son travail). Mais tous les entrepreneurs ne sont pas pour autant des salariés.
[Les réformes de la formation professionnelle ont fait passer un crédit temps 20 h / an à un crédit financier : 500 €]
Je ne comprends pas très bien ce que vous voulez dire avec cette remarque.
[C’est une transformation à prendre en compte et qui explique aussi le tournant de la réforme des retraites qui passent d’un crédit trimestre à un crédit à la tâche.]
Tout à fait. Le moteur des systèmes à points est bien celui-là : une adaptation au monde merveilleux de Uber et du travail précaire. Et le Premier ministre l’a d’ailleurs dit presque sans fard.
Nos sociétés ont évolué : Révolution Agricole, Révolution industrielle, Entreprises de service et maintenant Révolution Numérique.
D’une distinction entre salariat et entrepreneuriat, d’un travail payé à l’heure ou à la tâche (Fabrication d’un produit ou d’un service), la dématérialisation est l’une des spécificités de l’entreprise d’aujourd’hui. Elle réside dans sa capacité à avoir su matérialiser puis dématérialiser avec le numérique le travail.
Ainsi avec Uber, grâce à sa captation du travail qui auparavant devait être enseigné, appris, n’a plus qu’à communiquer via ses algorithmes le travail à faire, étape par étape, sans avoir recours à l’intelligence humaine pour former, réguler, manager sa flotte de chauffeurs.
Le salariat impliquait également de pouvoir faire évoluer les salariés quand le recours à l’entrepreneuriat ne nécessite que de trouver le bon exécutant.
Le salariat impliquait aussi de contribuer à une meilleure vie du salarié par un système de cotisations dépendant de la masse salariale, ainsi des syndicats, des tiers étaient nommés pour participer aux régulations face aux tensions entre Patrons et Salariés.
Du taylorisme, au toyotisme et à l’Uberisme, le contrat d’entrepreneur avec son seul paiement à la tâche permet des économies substantielles contrairement au paiement à l’heure. Cette autre captation fait le bonheur des actionnaires.
Tant auparavant seuls les gains en productivité permettaient une augmentation du profit pour les actionnaires mais avec cette hybridation d’un contrat d’auto-entrepreneur malgré une activité ayant les caractéristiques du salariat, le profit vient aussi de la non nécessité d’effectuer les diverses cotisations sociales (Formations, CE, Syndicats, etc…).
Le législateur face à ces évolutions où l’entreprise ne participe plus au développement de l’individu et donc du citoyen a réformé le code du travail, la formation professionnelle, et maintenant la retraite.
L’individu ne dépend plus de l’entreprise pour se former, il dispose d’un compte personnel de formation.
Nous assistons donc à un individualisation du parcours sans responsabilité collective.
Nous savons par les études sur l’employabilité deux constats majeurs :
1 – Les seniors salariés de par l’augmentation en raison de leur ancienneté dans l’entreprise coûtent plus chers et sont donc les premiers à être virés pour augmenter les profits des entreprises.
2 – Le préjugé qu’un senior est moins servile et apprendrait plus lentement font qu’ils sont majoritairement au chômage passé 50 ans.
L’argument sur la réforme des retraites tient au financement du système qui serait non pérenne quand les débats entre économistes ne se mettent pas d’accord sur ce sujet. C’est un faux nez à mon avis.
L’évolution du travail avec la disparition du CDI au profit de contrat à durée déterminé (CDD, Contrat de projet dans la recherche, …) s’hybride avec un contrat à la tâche où à qualité égale, le moins disant l’emporte toujours. Cela induit aussi une baisse des cotisations dans leur ensemble tant au niveau individuel qu’entreprise (collectif).
De fait, la réforme des retraites fait basculer la responsabilité collective à une responsabilité individuelle où pourtant l’individu n’a pas les moyens d’être responsable. Le chauffeur Uber ne peut fixer ses prix comme pourrait le faire un auto-entrepreneur véritable, soit une personne indépendante.
A cela, la question de Black Rock, le fond de pension reçu à maintes reprises par l’Élysée. Sachant que les fonds de pension ont besoin de nouveaux clients pour assurer de bons rendements face à une croissance mondiale en baisse.
La manne des retraites françaises (une puissance économique encore majeure dans le monde) permet d’assurer une garantie aux principaux actionnaires de ces fonds de pensions même si cela ressemble de plus en plus à une pyramide de Ponzi.
@ 7H99
[Ainsi avec Uber, grâce à sa captation du travail qui auparavant devait être enseigné, appris, n’a plus qu’à communiquer via ses algorithmes le travail à faire, étape par étape, sans avoir recours à l’intelligence humaine pour former, réguler, manager sa flotte de chauffeurs.]
Je pense que vous faites une erreur d’analyse. Uber n’est qu’une « bourse du transport », ou se retrouve l’offre et la demande. La véritable production a lieu ailleurs, dans le véhicule conduit par le chauffeur Uber, qui fournit le véritable travail – travail pour lequel il doit d’ailleurs se former. Et si Uber régule sa flotte à travers d’algorithmes, ces algorithmes renferment une intelligence humaine. La machine ne fait que suivre les ordres de l’homme qui la commande.
[Le salariat impliquait également de pouvoir faire évoluer les salariés quand le recours à l’entrepreneuriat ne nécessite que de trouver le bon exécutant.]
J’imagine que lorsque vous parlez ici « d’entrepreneuriat » vous faites référence aux salariés à la tâche déguisés en « auto-entrepreneurs ». Comme je vous l’ai signalé dans un autre commentaire, il ne faut pas confondre le vrai entrepreneur avec ces entrepreneurs qui ne le sont que par un abus de langage administratif.
[Le salariat impliquait aussi de contribuer à une meilleure vie du salarié par un système de cotisations dépendant de la masse salariale, ainsi des syndicats, des tiers étaient nommés pour participer aux régulations face aux tensions entre Patrons et Salariés.]
Il est curieux que le salariat, perçu naguère comme une prison, soit devenu aujourd’hui un statut désirable… Le salariat impliquait surtout de plonger l’homme dans un rapport social collectif, alors que l’auto-entrepreneuriat isole les individus.
Qestion partique que je vous adresse puisque vous nous incitez à le faire, je suis salarié du privée, non syndiqué, comment puis-je donner au fond de grève ? Savez-vous s’il existe un genre de cagnotte en ligne ?
@ bobovt
[Qestion partique que je vous adresse puisque vous nous incitez à le faire, je suis salarié du privée, non syndiqué, comment puis-je donner au fond de grève ? Savez-vous s’il existe un genre de cagnotte en ligne ?]
Il existe la cagnotte CGT Info’Comm. Personnellement, je suis passé par mon Union Locale.
Merci pour l’ensemble de ces réflexions, rappels et arguments dont la cohérence et la pertinence me semblent très convaincants. Je me fais un devoir (et une joie) de proposer un lien sur cette page autour de moi.
J’espère juste que la troisième phrase de votre premier § (où vous recourez au cliché peut-être un peu trop galvaudé d’une “bourgeoisie qui se gave”) ne choquera pas trop certains de mes contacts moins politisés que vous et ne les dissuadera pas d’aller jusqu’au bout de votre brillante démonstration. Au plaisir !
mis à part les six années passées dans la marine, je n’ai jamais été fonctionnaire et j’ai toujours travaillé dans le privé. Dans le privé, il y avait des primes d’ancienneté, primes mises en place pour fidéliser les salariés. Puis, petit à petit, ces primes ont été intégrées dans les salaires. En tout cas, dans certaines entreprises et/ou certaines branches. Donc, la fidélisation n’a pas été que dans les entreprises plus ou moins liées à l’État.
Concernant les régimes spéciaux, votre argumentation se défend, même si venant d’un marxiste assumé qui maitrise bien la dialectique, elle peut être entachée de certaines suspicions. Car là où le marxisme s’est appliqué, je n’ai pas connaissance d’une réelle attention portée aux conditions de travail et de vie des hommes et des femmes dans ces pays. Mais, passons, le sujet n’est pas là.
Il est exact que les entreprises, au moment de l’industrialisation triomphante, ont mis en place des structures sociales, éducatives et professionnelles pour fidéliser et garder leurs ouvriers. Pour fidéliser, vraiment? Pas vraiment: c’était plus pour les attacher, lier leur existence. On appelait cela le paternalisme et je n’ai certainement pas besoin de vous expliquer ce qu’était cette forme de relation patron/salarié.
Cela résultait également de conditions de travail bien plus difficiles, plus pénibles: quoi de comparable entre le conducteur d’une locomotive à vapeur et le conducteur d’une traction diésel ou électrique?
Cet exemple bien sûr ne suffit pas à justifier la suppression des régimes spéciaux.
Mais pour ce qui me concerne et pour faire court, pourquoi ne pas appliquer tous ces avantages liés à ces régimes à tous les salariés? Après tout, plutôt que niveler par le bas, nivelons par le haut!
Certes, aucun gouvernement ne s’engagera sur une telle piste, mais pourquoi le marxiste que vous êtes ne l’évoque pas? Après tout, le maçon ou la caissière d’une grande surgafe ont des métiers au moins aussi pénibles qu’un gazier ou un employé de la RATP qui travaille dans un bureau et il serait juste que les premiers aient au moins une situation comparable aux seconds.
Mais permettez moi un exemple: une amie nous a rapporté la réflexion de sa brue: cette dernière pestait après “sa” femme de ménage, laquelle lui avait demandé d’augmenter ses frais de déplacement qui n’avaient pas bougés depuis des années. Refus indignée de la dame au prétexte qu’une femme de ménage ne pouvait pas gagner autant que quelqu’un qui avait fait des études!
Donc, cela pour nous rappeler que, régimes spéciaux ou pas, capitalisme libéral ou pas, la jalousie sociale est un fait que ne se dément pas, qui ne s’est jamais démenti et qui ne se démentira jamais.
Un autre exemple concernant l’impôt: il y a quelques années, quelqu’un a gagné une très forte somme au loto: quelle a été sa première interrogation: comment vais-je faire pour payer moins d’impôt? Alors que ce type gagnait à peine plus que le SMIC. Histoire vraie entendue à la radio.
Vous avez évoqué l’héritage. Piketty a des théories en la matière que l’on peut défendre. Sauf que toucher à cela, même lorsque que l’on a un “petit pavillon de banlieue” revient à allumer la mèche. D’ailleurs, je n’ai pas connaissance que qui que ce soit, mis à part les marxistes russes ou chinois, se soit lancé dans une telle réforme!
Pour conclure, je ne suis pas, loin s’en faut, un ultra libéral, quelqu’un de partisan de la finance ou des financiers. Je regrette que depuis quelques années, nos gouvernants, chez nous mais pas que, se soient laissés enchainés par les “Chicago boy’s”. Pour autant, il y a des votes et ceux qui votent librement dans nos démocraties choisissent librement leurs dirigeants.
Épargnez-moi le couplet qui veut que les citoyens sont dressés, influencés par les médias et autres fadaises. C’est quelque peu méprisant d’affirmer que le citoyen en question ne sait pas ou est incapable de choisir par lui-même. Cela me rappelle que le vote censitaire n’était donné qu’aux gens sachant lire et payant suffisamment d’impôts, au prétexte, entre autres, que la voix d’un professeur comptait plus que celle d’un paysan illettré.
En tout cas, j’ai eu plaisir à lire votre billet, même si je n’en partage pas tous les termes et si je ne soutiens pas la CGT et ses méthodes.
@ Claude Bachelier
[Dans le privé, il y avait des primes d’ancienneté, primes mises en place pour fidéliser les salariés. Puis, petit à petit, ces primes ont été intégrées dans les salaires. En tout cas, dans certaines entreprises et/ou certaines branches. Donc, la fidélisation n’a pas été que dans les entreprises plus ou moins liées à l’État.]
Je ne dis pas le contraire. Je dirais plus : mon point était bien que les méthodes de fidélisation comme le salaire à l’ancienneté ont été inventés par le secteur privé pour empêcher les travailleurs de faire jouer les règles du marché à une époque où l’équilibre offre-demande était plutôt favorable aux salariés.
[Concernant les régimes spéciaux, votre argumentation se défend, même si venant d’un marxiste assumé qui maitrise bien la dialectique, elle peut être entachée de certaines suspicions. Car là où le marxisme s’est appliqué, je n’ai pas connaissance d’une réelle attention portée aux conditions de travail et de vie des hommes et des femmes dans ces pays.]
D’abord, le marxisme par essence ne peut pas être « appliqué ». Le marxisme est une théorie de l’histoire, une méthode d’analyse. Et Marx n’a fait qu’appliquer cette méthode à l’analyse du système capitaliste. Marx est un théoricien du capitalisme, et non du socialisme et du communisme.
Ensuite, il n’est pas exact historiquement de dire que les régimes socialistes n’aient pas porté leur attention sur les conditions de travail et de vie des hommes et des femmes. Pour ne donner qu’un exemple, ces régimes ont réussi ce que nos sociétés riches ne réussissent pas : le plein emploi. Il faut aussi noter les énormes progrès en matière sanitaire. N’oubliez pas que ces pays partaient souvent de très loin…
[Il est exact que les entreprises, au moment de l’industrialisation triomphante, ont mis en place des structures sociales, éducatives et professionnelles pour fidéliser et garder leurs ouvriers. Pour fidéliser, vraiment? Pas vraiment: c’était plus pour les attacher, lier leur existence. On appelait cela le paternalisme et je n’ai certainement pas besoin de vous expliquer ce qu’était cette forme de relation patron/salarié.]
Dans la mesure ou l’on ne leur mettait pas le fer aux pieds, et que l’ouvrier avait la possibilité de changer de crémerie (même si les conditions pour le faire étaient très défavorables) on peut parler de « fidélisation ».
[Cela résultait également de conditions de travail bien plus difficiles, plus pénibles: quoi de comparable entre le conducteur d’une locomotive à vapeur et le conducteur d’une traction diésel ou électrique?]
Beaucoup de choses : le travail de nuit, le week-end ou les jours fériés, pour ne donner qu’un exemple.
[Mais pour ce qui me concerne et pour faire court, pourquoi ne pas appliquer tous ces avantages liés à ces régimes à tous les salariés? Après tout, plutôt que niveler par le bas, nivelons par le haut!]
S’il s’agit d’aller vers une « justice » définie comme les mêmes prestations pour tous, c’est une possibilité. Mais je ne crois pas que ce soit un but désirable. Comme je l’ai dit dans mon article, on peut offrir à une profession des salaires inférieurs et des conditions de retraite superlatives, ou bien des salaires plus élevés mais des retraites moins intéressantes. Les deux équilibres sont équivalents, mais peuvent être plus ou moins adaptés selon les professions. Pourquoi vouloir mettre des chaussures de même taille à tout le monde ?
[Certes, aucun gouvernement ne s’engagera sur une telle piste, mais pourquoi le marxiste que vous êtes ne l’évoque pas?]
Je ne vois pas ce que le « marxisme » vient faire là-dedans. Etre marxiste, ce n’est pas demander n’importe quoi.
[Après tout, le maçon ou la caissière d’une grande surface ont des métiers au moins aussi pénibles qu’un gazier ou un employé de la RATP qui travaille dans un bureau et il serait juste que les premiers aient au moins une situation comparable aux seconds.]
Les rémunérations (qu’elles soient directes ou indirectes) sont fixées par un marché. Le fait est que n’importe qui peut tenir une caisse de supermarché avec une formation minimale, alors que pour conduire un TGV il faut une formation et une technicité importante. Si vous rémunérez la caissière et le conducteur de TGV au même niveau, alors vous ne trouverez personne pour conduire les TGV.
[Donc, cela pour nous rappeler que, régimes spéciaux ou pas, capitalisme libéral ou pas, la jalousie sociale est un fait que ne se dément pas, qui ne s’est jamais démenti et qui ne se démentira jamais.]
Ce n’est pas une simple question de jalousie sociale. C’est une question de stimuli. Si les cancres avaient les mêmes carrières que les élèves studieux, vous auriez bien peu de gens pour ouvrir les livres. Or, la société a besoin de gens formés. Oui, il existe des gens qui travaillent par plaisir ou par passion. Mais ils sont minoritaires, et on ne peut construire une économie sur eux.
[D’ailleurs, je n’ai pas connaissance que qui que ce soit, mis à part les marxistes russes ou chinois, se soit lancé dans une telle réforme!]
Vous avez tort : des gens fort respectables s’y sont lancés, et pas qu’en Russie ou en Chine : en France, en Allemagne, en Grande-Bretagne ou aux Etats-Unis les impôts sur l’héritage étaient bien plus lourds au siècle dernier qu’ils ne le sont aujourd’hui. L’impôt sur les successions est en effet très ancien : il existe déjà dans l’Empire romain depuis sa mise en place en 6 après JC par Auguste sous le nom de « vicesima hereditatium ». Ces dernières décennies ont vu les impôts sur les successions baisser régulièrement…
“Le fait est que n’importe qui peut tenir une caisse de supermarché avec une formation minimale, alors que pour conduire un TGV il faut une formation et une technicité importante. Si vous rémunérez la caissière et le conducteur de TGV au même niveau, alors vous ne trouverez personne pour conduire les TGV”
Si on devait applilquer ca a la SNCF ou la RATP, on aurait qu une ultra minorite des employes aux regimes speciaux. Car etre dans un guichet pour vendre des billets, c ets pas tres different etre caissiere. Conduire un bus a la RATP n est pas fondamentalement different de conduire un bus chez un autocariste quelconque.
Etre dans un bureau pour faire du marketing est la meme chose chez carrefour ou a la SNCF
Pour la taxe sur les heritages je suis d accord avec vous. Mais une immense majorite des francais sont contre. Tout simplement si la plupart des gens sont ne paieront jamais l ISF, la plupart esperent heriter (en general les sommes sont faibles mais il n empeche. le francais moyen a une mentalite de rentier)
@ cdg
[Si on devait appliquer ca a la SNCF ou la RATP, on aurait qu’une ultra minorité des employés aux régimes spéciaux. Car être dans un guichet pour vendre des billets, ce n’est pas très différent que d’être caissière.]
Sauf que, contrairement à ce que vous pensez, ceux qui vendent les billets sont très loin d’être l’ultra majorité. Même dans les entreprises à statut, comme EDF ou la SNCF, tous les agents ne bénéficient pas des conditions de retraite privilégiés. Il existe à la SNCF une différence entre « roulants » et « sédentaires », les premiers partant plus tôt que les seconds. A EDF, les postes sont cotés en fonction du « taux d’activité ». Un poste 100% actif donne un an de bonification pour deux ans travaillés, dans la limite des cinq ans (autrement dit, faire 15 ans de poste à 100% d’activité permet de partir à 55 ans).
J’ajoute qu’aujourd’hui les départs à 55 ans sont rares. Pourquoi ? Parce qu’à 55 ans aujourd’hui les gens ont encore des enfants étudiants et ont besoin de l’argent. En effet, si le départ est possible plus tôt dans les entreprises à statut, le montant des retraites n’est pas très différent de celui du privé.
[Conduire un bus a la RATP n’est pas fondamentalement différent de conduire un bus chez un autocariste quelconque.]
Alors, qu’est-ce que les autocaristes quelconques attendent pour passer les examens d’embauche à la RATP ? Si les conditions de travail sont les mêmes et les rémunérations tellement attractives, il devrait y avoir la queue. Or ce n’est pas le cas…
Personnellement, je ne connais pas beaucoup d’autocaristes qui parcourent les banlieues parisiennes en s’arrêtant tous les deux-cents mètres et qui doivent permettre tout un chacun de monter dans leur car. Je me demande aussi combien d’autocaristes quelconques se font caillasser ou tabasser chaque année. Parce qu’à la RATP, ce n’est pas rare.
pourquoi donc avez-vous censuré mon commentaire?
@ Claude Bachelier
[pourquoi donc avez-vous censuré mon commentaire?]
Je n’ai nullement “censuré votre commentaire”. Je tiens ce blog bénévolement, et je n’ai pas de modérateur à temps plein. Je publie les articles au fur et à mesure que mes activités me laissent le temps de les regarder. Donc, un peu de patience!
ouf, j’ai eu “peur”, mais me voilà rassuré…
@ Claude Bachelier
[ouf, j’ai eu “peur”, mais me voilà rassuré…]
Sur ce blog, ne sont censurés que les messages qui manquent aux règles de courtoisie entre les commentateurs, ceux qui ont un objectif commercial ou de propagande, ou ceux qui violent un texte législatif ou réglementaire en vigueur. Vous n’aviez donc aucune raison d’avoir peur.
Les macroniens voulaient leur nuit du 4 août (à l’envers!) : sus aux privilèges disaient-ils, les régimes spéciaux sont de graves inégalités, des repaires de nantis, de gavés insupportables.
Or qu’apprend t-on récemment ? :
https://www.lemonde.fr/politique/article/2019/12/13/reforme-des-retraites-le-regime-special-des-senateurs-sera-adapte-mais-pas-supprime_6022730_823448.html
et
https://www.lemonde.fr/politique/article/2019/12/14/reforme-des-retraites-les-policiers-vont-garder-leur-regime-derogatoire_6022884_823448.html
soit, en l’espace de deux jours, le rétablissement de deux régimes spéciaux et même s’ils ont été « légèrement » poussés par ces derniers (camarades cheminots, électriciens, etc. vous savez ce qui vous reste à faire..) il apparaît de plus que la conservation de ces régimes est, non seulement, pas plus dramatique que cela mais aussi facteur de paix sociale.
A suivre..
[Imaginez que vous augmentez les cotisations pour équilibrer la caisse, et en même temps vous augmentez le salaire des fonctionnaires de façon à couvrir la différence, augmentation bien entendu payée par les contribuables. Vous pouvez constater que du point de vue économique les deux situations sont parfaitement équivalentes : les fonctionnaires touchent toujours le même salaire net, les retraités la même retraite, le contribuable paye toujours la même chose. ] J’avoue ne pas trop m’y retrouver. D’après moi le contribuable est plus pris à partie si on augmente le salaire des fonctionnaires. d’où viendrait l’argent sinon ?
@ Béatrice
[« Imaginez que vous augmentez les cotisations pour équilibrer la caisse, et en même temps vous augmentez le salaire des fonctionnaires de façon à couvrir la différence, augmentation bien entendu payée par les contribuables. Vous pouvez constater que du point de vue économique les deux situations sont parfaitement équivalentes : les fonctionnaires touchent toujours le même salaire net, les retraités la même retraite, le contribuable paye toujours la même chose. » J’avoue ne pas trop m’y retrouver. D’après moi le contribuable est plus pris à partie si on augmente le salaire des fonctionnaires. D’où viendrait l’argent sinon ?]
Dans le premier cas, le contribuable était appelé à combler le déficit de la caisse de retraites. Dans le second, le contribuable paye un peu plus les fonctinonaires pour qu’ils payent plus de cotisations qui comblent le déficit. Dans le premier cas, la caisse de retraites parait déficitaire, dans le second elle paraît équilibrée. Et pourtant, dans les deux cas le contribuable paye la même chose et la situation des fonctionnaires est inchangée. Ce qui vous montre que la question du déficit est une question de présentation des comptes, et non une question substantielle…
la difference c est essentiellement de la psychologie.
Si l etat renfloue la caisse de retraite, c est transparent pour le contribuable (surtout si c est fait avec de la dette et non des impots -> pas besoin d augmenter les impots si le montant des pensions augmente)
Si l etat preleve plus sur le traitement des fonctionnaires, ca se voit sur la feuille de paie (difference entre le brut et le net). Meme si comptablement ca revient au meme, psychologiquement c est pas la meme chose de voir une grosse partie de son salaire brut partir. Et chaque annee il va falloir augmenter/baisser le salaire brut des fonctionnaire juste pour l ajuster au deficit : usine a gaz (juste pour info, le gouvernement ne sait pas combien il y a de fonctionnaires exactement. alors penser repercuter le deficit sur X fonctinnaires dont on ne connait pas le nombre …)
@ cdg
[la différence c est essentiellement de la psychologie. Si l’état renfloue la caisse de retraite, c’est transparent pour le contribuable (surtout si c’est fait avec de la dette et non des impôts -> pas besoin d’augmenter les impôts si le montant des pensions augmente).
[Si l’état prélève plus sur le traitement des fonctionnaires, ça se voit sur la feuille de paie (différence entre le brut et le net).]
Oui, mais psychologiquement la solution de l’augmentation simultané du traitement et des prélèvements est plus favorable. Quand vous regardez votre feuille de paye, que regardez-vous en fait ? Essentiellement le net à payer, et quelquefois le brut. Or, le mécanisme en question maintient constant le net, et augmente le brut. Donc, tout le monde est content !
[Et chaque année il va falloir augmenter/baisser le salaire brut des fonctionnaires juste pour l’ajuster au déficit : usine a gaz (juste pour info, le gouvernement ne sait pas combien il y a de fonctionnaires exactement. alors penser répercuter le déficit sur X fonctionnaires dont on ne connait pas le nombre …)]
Vous exagérez : si l’on ne connaît pas EXACTEMENT le nombre de fonctionnaires, on le connaît avec une précision suffisante pour faire l’ajustement en question. Et on n’a pas besoin d’ajuster tous les ans, le faire une fois tous les cinq ou tous les dix ans suffit.
Bonjour.
Pas compris non plus comment, à vous lire, “le contribuable paye toujours la même chose” alors que “l’augmentation sera bien entendu payée par les contribuables”.
@ Claustaire
[Pas compris non plus comment, à vous lire, “le contribuable paye toujours la même chose” alors que “l’augmentation sera bien entendu payée par les contribuables”.]
Relisez l’explication. Dans un cas, le contribuable couvre le déficit de la caisse. Dans l’autre cas, le contribuable donne de l’argent aux fonctionnaires pour que ceux-ci paient des cotisations plus importantes et couvrent le déficit. Dans les deux cas, le contribuable paye la même chose.
Désolé.
A moins de vous la jouer Macron, Vous ne pouvez pas écrire “en même temps” que le contribuable paye toujours la même chose et que l’augmentation sera payée par le contribuable.
Un peu le genre de raisonnement à la Mélenchon affirmant (cf. le monde.fr https://www.lemonde.fr/politique/article/2019/12/19/retraites-jean-luc-melenchon-tente-de-surfer-sur-le-mouvement-social_6023454_823448.html)
que, pour financer ce système, la solution est trouvée : « On va augmenter les cotisations, et augmenter les salaires plus que les cotisations, et vous ne sentirez rien passer », a-t-il assuré.
@ Claustaire
[A moins de vous la jouer Macron, Vous ne pouvez pas écrire “en même temps” que le contribuable paye toujours la même chose et que l’augmentation sera payée par le contribuable.]
Bien sûr que si. Dans la première hypothèse, le contribuable paye directement le déficit. Dans la seconde, il paye une augmentation des traitements des fonctionnaires qui payent une cotisation plus forte pour payer le déficit. Mais si dans la seconde il paye « en plus » l’augmentation des fonctionnaires, il paye « en moins » le déficit qu’il n’a plus à couvrir. C’est pour cela que les deux solutions sont économiquement équivalentes, même si du point de vue comptable on arrive à une présentation différente.
Votre agument a quand meme un biais. Supposons que la SNCF ait developpe une retraite a 50 ans pour fideliser son personnel. Mais ca n a aucun sens ! Un conducteur de train n a qu un seul employeur possible en France: la sncf (et ce depuis 1936). Il peut certes aller conduire des trains dans un autre pays mais ca necessite un effort majeur (par exemple apprendre la langue du pays, peut etre apprendre un “code du rail” different (je suppose que chaque pays a son systeme))
A la limite on pourrait dire que la SNCF utilise la retraite comme argument de recrutement. Mais c est franchement pas l argument ideal si vous voulez recruter des gens qui ont 20 ans. Je suis sur que de meilleurs salaires (quand vous avez 20 ans vous avez envie de vous acheter une voiture ou de faire des voyage, pas de penser que vous pourrez en profiter dans … 35 ans soit 1.5 fois votre age actuel), des voyages ou tout simplement un logement (surtout pour ceux affectes a paris) seraient des criteres bien plus decisifs
Si le personnel de la SNCF a pu beneficier de telles conditions, c est grace a leur pouvoir de nuisance. Une greve SNCF a un impact majeur (surtout a Paris ou sont les dirigeants de la France). Donc l etat cède et fait payer le contribuable (car le systeme de retraite de la SNCF est lourdement deficitaire et l entreprise elle meme ne peut abonder la retraite de ses agents car elle est deficitaire)
@ cdg
[Votre argument a quand même un biais. Supposons que la SNCF ait développé une retraite a 50 ans pour fidéliser son personnel. Mais ça n’a aucun sens ! Un conducteur de train n’a qu’un seul employeur possible en France: la sncf (et ce depuis 1936).]
D’abord, le statut des cheminots date des années 1920, alors que plusieurs entreprises ferroviaires étaient en concurrence. Ensuite, vous supposez qu’un conducteur de train ne peut faire que ça. Mais les qualités qui font un bon conducteur de TGV – capacité d’attention, réactivité, compréhension des problèmes techniques – feront aussi un excellent opérateur de centrale nucléaire ou un conducteur de bus, par exemple.
[A la limite on pourrait dire que la SNCF utilise la retraite comme argument de recrutement. Mais c’est franchement pas l’argument idéal si vous voulez recruter des gens qui ont 20 ans.]
Idéal peut-être pas. Mais c’est un argument de poids, et si je crois mon expérience c’est resté un argument très puissant jusqu’à il n’y a pas si longtemps. Bien sûr, il est aujourd’hui de moins en moins opérant non pas parce que les jeunes de 20 ans ne s’intéressent pas à leur retraite, mais parce qu’ils ne croient plus que la promesse qu’on leur fait aujourd’hui sera tenue dans trente ou quarante ans. Retrospectivement, on est émerveillé par la confiance que les travailleurs avaient dans la parole publique jusqu’aux années 1990. En 1945 on les a obligés à cotiser en leur promettant une bonne retraite trente sept ans plus tard… et ils y ont cru. Ils ont eu raison, d’ailleurs : les hommes politiques de l’époque ont tenu leurs promesses.
[Si le personnel de la SNCF a pu bénéficier de telles conditions, c’est grâce à leur pouvoir de nuisance.]
Comme je l’ai expliqué, ce n’est pas en utilisant leur « pouvoir de nuisance » que les cheminots ou les mineurs ont eu leur statut. Plus que leur pouvoir de nuisance, les travailleurs ont fait jouer la concurrence pour pousser vers le haut les salaires et les conditions de travail en profitant d’un marché tendu. C’est pour empêcher les travailleurs d’utiliser leur pouvoir de négociation que les employeurs ont créé les statuts. C’est leur pouvoir de nuisance qui a permis aux cheminots ou aux électriciens de CONSERVER leur statut, alors même que les conditions de marché ont changé. Mais où est le scandale ? Dans le fait que les salariés de la SNCF « bénéficient de telles conditions », ou dans le fait que les caissières de supermarché, au motif qu’elles n’ont pas de pouvoir de nuisance, n’en bénéficient pas ?
[Une grève SNCF a un impact majeur (surtout à Paris ou sont les dirigeants de la France). Donc l’état cède et fait payer le contribuable (car le système de retraite de la SNCF est lourdement déficitaire et l’entreprise elle-même ne peut abonder la retraite de ses agents car elle est déficitaire)]
Mais alors, comment expliquez-vous que les cheminots n’aient pas conquis la retraite à 40 ans ? Si les cheminots peuvent obtenir tout ce qu’ils demandent, pourquoi ne demandent-ils pas plus ? Pourquoi se contentent-ils d’un statut si peu enviable qu’on ne voit pas les salariés du privé faisant la queue pour avoir un poste à la SNCF ?
La dynamique est un peu plus complexe que vous ne la décrivez. Le pouvoir de nuisance des cheminots ne joue qu’aussi longtemps que la grève est soutenue par la population, et elle n’est soutenue par la population que lorsque les revendications sont raisonnables.
Je doute que la retraite a 50 ans des cheminots date de 1920. Et vu qu il n y a plus de societe concurrente a la sncf depuis 1936, on aurait tres bien pu imaginer que la necessite de fideliser les employes soit moins forte car plus d autre employeurs depuis 40 ans.
Il est certain qu un conducteur de TGV aurait pu faire un autre metier. Mais une fois formé a etre conducteur de train il aurait du refaire une formation pour etre comme vous le dites conducteur de bus ou travailler dans une centrale nucleaire. Il aurait aussi pu devenir officier de la marine marchande. Curieusement bien qu il y aient plusieurs employeurs, elle n offrent pas des perspectives allechantes pour fideliser leur personnel
“Ils ont eu raison, d’ailleurs : les hommes politiques de l’époque ont tenu leurs promesses”
Pas vraiment, ce sont les politiciens d aujourd hui qui ont tenu les promesses faites par les politiciens des annees 50 (qui sont soit mort soit plus au pouvoir depuis des lustres). A mon avis c est pas tant par vertu que par interet electoral: les vieux s abstiennent peu et sont de plus en plus nombreux (demographie et allongement de la duree de vie oblige)
“Plus que leur pouvoir de nuisance, les travailleurs ont fait jouer la concurrence pour pousser vers le haut les salaires et les conditions de travail en profitant d’un marché tendu”
Ca serait vrai si la SNCF ou la RATP etaient des entreprises en concurrence. Or si voulez prendre le train vous n avez qu un seul choix: SNCF. Si la SNCF fait des pertes, le contribuable paie de toute facon. donc vous pouvez reclamer des hausses de saalires ou une baisse du temps de travail sans avoir peur de scier la branche sur laquelle vous etes assis. Si vous etes chauffeur dans une entreprise d autocar privee vous savez tres bien que si vous demandez une augmentation de salaire ca va mener a une augmentation des prix des billets et les gens ne vont plus prendre votre bus -> vous allez perdre votre job. Un employe de sncf/ratp n a pas se probleme car il sait que le contribuable sera toujours la pour le financer
c est un peu le meme alea moral que pour les banques: too big to fail. Quelque ce soit les turpidudes du credit agricole, celui ci ne pourra faire faillite et le contribuable paiera
“Dans le fait que les salariés de la SNCF « bénéficient de telles conditions », ou dans le fait que les caissières de supermarché, au motif qu’elles n’ont pas de pouvoir de nuisance, n’en bénéficient pas”
comme vous lavez ecrit dans votre billet precedent, il n y a pas de repas gratuit. il faut faire des choix. on peut en effet faire partir a 50 ans tout le monde. mais dans ce cas il va failloir faire exploser les cotisations retraites pour financer tout ca (ce qui va d ailleurs se traduire par une catastrophe car les gens vont se mettre a travailler au noir ou s expatrier)
” les cheminots n’aient pas conquis la retraite à 40 ans ?”
Il est clair que les cheminots ne sont pas completement stupide et evitent de perdre le soutient de l opinion. Demander la retraite a 40 ans ou le doublement de leur salaires aurait pour consequence l election d une Thatcher la prochaine fois (si elle a ete elue, c est aussi a cause de ca : https://fr.wikipedia.org/wiki/Hiver_du_M%C3%A9contentement)
“’on ne voit pas les salariés du privé faisant la queue pour avoir un poste à la SNCF”
Je suis pas sur que la SNCF ait des problemes de recrutement. a mon avis ils ont largement plus de candidats que de postes (mais j avoue ne pas avoir de chiffres la dessus). En tout cas, j ai jamais vu de publicite pour des postes a la SNCF, ca veut donc dire qu ils arrivent a pourvoir leurs postes sans efforts particuliers
@ cdg
[Je doute que la retraite a 50 ans des cheminots date de 1920.]
Je ne saurais pas vous dire. Le statut, lui, date des années 1920. Je ne sais pas s’il incluait dès le départ une retraite à cinquante ans (au fait, ce serait plutôt à 54 ans pour les cheminots). Mais je ne serais pas étonné : lorsque la retraite du régime général a été créée, deux ouvriers sur trois n’arrivaient pas à l’âge qui leur permettait d’en jouir. Considérant que le travail de cheminot était à l’époque très dur physiquement, il est probable que le statut incluait dès le départ une retraite plus précoce que pour les autres régimes.
[Il est certain qu’un conducteur de TGV aurait pu faire un autre métier. Mais une fois formé a être conducteur de train il aurait dû refaire une formation pour être comme vous le dites conducteur de bus ou travailler dans une centrale nucléaire.]
Et alors ? Ces compétences sont tellement recherchées que les exploitants de services de bus ou de centrales nucléaires paient souvent la formation de leurs employés. Le conducteur de TGV qui quitterait son poste pour embaucher en formation d’opérateur de centrale nucléaire ne perdrait pas de salaire… mais il perdrait les avantages – et notamment l’ancienneté – de son statut. C’est là que joue l’effet de fidélisation.
[Il aurait aussi pu devenir officier de la marine marchande. Curieusement bien qu’il y ait plusieurs employeurs, elles n’offrent pas des perspectives alléchantes pour fidéliser leur personnel.]
Vous rigolez, j’espère. Les officiers de la marine marchande ont un régime de retraite spécial, très favorable.
[Pas vraiment, ce sont les politiciens d’aujourd’hui qui ont tenu les promesses faites par les politiciens des années 50 (qui sont soit mort soit plus au pouvoir depuis des lustres). A mon avis c est pas tant par vertu que par intérêt électoral: les vieux s’abstiennent peu et sont de plus en plus nombreux (démographie et allongement de la durée de vie oblige)]
Supposons. Mais dans ce cas, pourquoi à votre avis les politiciens d’aujourd’hui ne font pas les mêmes promesses ? Et pourquoi les gens qui hier avaient confiance dans le système pour tenir les promesses sur une période de trente ans n’ont plus cette confiance aujourd’hui ?
[Ça serait vrai si la SNCF ou la RATP étaient des entreprises en concurrence. Or si voulez prendre le train vous n’avez qu’un seul choix: SNCF. Si la SNCF fait des pertes, le contribuable paie de toute façon. Donc vous pouvez réclamer des hausses de salaires ou une baisse du temps de travail sans avoir peur de scier la branche sur laquelle vous êtes assis.]
Pas du tout. La SNCF ou la RATP ont le monopole dans leur réseau, mais elles sont en concurrence dans les services qu’ils offrent. Si le train est trop cher ou de mauvaise qualité, vous prenez l’avion ou le bus. Si le service RATP est mauvais, vous prenez votre voiture ou votre vélo. Je vous l’ai déjà dit : si votre raisonnement fonctionnait, alors on comprend mal pourquoi les syndicats ont été finalement si raisonnables dans leurs revendications, se contentant même de salaires plus faibles que dans le privé…
[Si vous etes chauffeur dans une entreprise d’autocar privée vous savez très bien que si vous demandez une augmentation de salaire ça va mener à une augmentation des prix des billets et les gens ne vont plus prendre votre bus -> vous allez perdre votre job.]
Même chose pour la SZNCF : si le billet TGV est trop cher, les gens prendront l’avion. Et l’Etat ne couvre pas des défictis sans limite.
[“Dans le fait que les salariés de la SNCF « bénéficient de telles conditions », ou dans le fait que les caissières de supermarché, au motif qu’elles n’ont pas de pouvoir de nuisance, n’en bénéficient pas”
comme vous l’avez écrit dans votre billet précédent, il n y a pas de repas gratuit. Il faut faire des choix. on peut en effet faire partir a 50 ans tout le monde. Mais dans ce cas il va falloir faire exploser les cotisations retraites pour financer tout ça]
Si les gens préfèrent payer des cotisations plus fortes er partir plus tôt en retraite, quel est le problème ?
[(ce qui va d’ailleurs se traduire par une catastrophe car les gens vont se mettre a travailler au noir ou s expatrier)]
Ah… le vieil argument des libéraux… Saviez-vous que dans les Etats-Unis, pendant les trente glorieuses, il y avait des tranches d’impôt sur le revenu à 90% ? Cela ne semble pas avoir provoqué une émigration en masse…
[” les cheminots n’aient pas conquis la retraite à 40 ans ?” Il est clair que les cheminots ne sont pas complètement stupide et évitent de perdre le soutient de l’opinion.]
Faudrait savoir. Vous m’expliquez que grâce à leur position monopolique, les salariés de la SNCF ou de la RATP peuvent demander tout ce qu’ils désirent et l’imposer au contribuable s’appuyant sur leur pouvoir de nuisance. Si ce raisonnement est exact, alors ils n’ont aucune raison de se soucier du « soutien de l’opinion ». S’ils recherchent ce « soutien », c’est que leur pouvoir de nuisance n’est pas si grand que vous le pensez…
[“’on ne voit pas les salariés du privé faisant la queue pour avoir un poste à la SNCF” Je ne suis pas sûr que la SNCF ait des problèmes de recrutement. A mon avis ils ont largement plus de candidats que de postes (mais j’avoue ne pas avoir de chiffres la dessus).]
Je ne connais pas le cas de la SNCF, mais je peux vous dire qu’EDF, qui offre un statut tout aussi « privilégié », a de très gros problèmes de recrutement dans la production. J’ai pu le constater personnellement. Les jeunes ouvriers, techniciens et ingénieurs n’acceptent pas les contraintes qui sont la contrepartie du statut : déménagement fréquent, travail en trois 3×8 week-ends compris, astreintes… même avec la retraite à 55 ans, ça fait plus recette.
[En tout cas, j’ai jamais vu de publicité pour des postes à la SNCF, ça veut donc dire qu’ils arrivent a pourvoir leurs postes sans efforts particuliers]
J’ai vu des affiches faisant la publicité pour des postes SNCF à la Gare de Lyon pas plus tard que la semaine dernière…
A titre indicatif j’ai un beau-frère cheminot qui m’a dit que la SNCF avait du mal à recruter des conducteurs. Beaucoup de jeunes abandonnaient pendant la formation quand ils voyaient les conditions de travail notamment au niveau des horaires et des astreintes.
@ cd
[Beaucoup de jeunes abandonnaient pendant la formation quand ils voyaient les conditions de travail notamment au niveau des horaires et des astreintes.]
Des amis d’EDF me remontent le même message, et j’ai pu le constater moi-même. Les métiers de la production ont du mal à recruter d’une part parce qu’ils ont des contraintes très importantes (horaires, astreintes, mobilité géographique) et d’autre part parce qu’ils nécessitent un investissement important qui n’est pas forcément très rentable à court terme et qui tend à vous enfermer dans un métier déterminé. Par contre, pas de difficulté pour recruter dans les bureaux ou dans le commercial…
@ cdg
« Je doute que la retraite a 50 ans des cheminots date de 1920 »
Effectivement, concernant les cheminots, la loi Berteaux du 21 juillet 1909 fixe l’âge d’ouverture des droits à 55 ans pour les sédentaires et à 50 ans pour les mécaniciens et conducteurs.
@ morel
[Effectivement, concernant les cheminots, la loi Berteaux du 21 juillet 1909 fixe l’âge d’ouverture des droits à 55 ans pour les sédentaires et à 50 ans pour les mécaniciens et conducteurs.]
Merci de cette information. Elle confirme mon analyse (qui en fait n’est pas seulement la mienne, mais aussi celle de pas mal d’historiens) qui place la création de ce qu’on appelle les “régimes spéciaux” et des statuts dans le premier quart du XXème siècle, dans un contexte de pénurie de main d’oeuvre qualifiée. Parce qu’on peut imaginer qu’en 1909 les patrons n’étaient pas plus philantropes qu’aujourd’hui…
Bonjour Descartes,
Merci pour ce très beau texte et tous ces commentaires passionnants dont les vôtres mais pas que.
Tout d’abord un témoignage personnel. Je suis en retraite depuis six mois après 47 ans d’activité, majoritairement dans un secteur qui n’a jamais été le mieux socialement protégé, l’hôtellerie-restauration.
C’est seulement maintenant que je me rends compte combien l’exploitation, les mesquinerie quotidiennes inhérentes à la profession et l’absurdité de certaines tâches -tout ce que j’avais hâte de quitter un jour- cachaient l’immense satisfaction d’avoir un travail, un savoir faire et des automatismes d’efficacité acquis après plusieurs décennies de pratique, mais surtout de se sentir bon an mal an solidaire d’un milieu avec lequel partager les joies et les peines.
Et pourtant je pensais avoir tout préparé en ménageant d’autres centres d’intérêt depuis longtemps (je suis musicien et grand lecteur entre autres). Oui, mais voilà. Le vide est là, béant.
Non, la retraite n’est pas un paradis, mais un purgatoire, plus ou moins confortable suivant la bonne fortune de chacun, et toujours un avant goût de la mort. C’est peut-être précisément parce que nous vivons un moment occidental qui a évacué l’idée même de la mort qu’elle a pris la place symbolique du paradis.
Un retraité heureux -j’en connais un qui, ravi, trimbale compulsivement son pace-maker aux quatre coins du globe dans des vols charter- me fera désormais toujours penser à un zombie.
Quelques réflexions sur le fil des commentaires, en vrac.
Cf. François du 13/12 à 20h14.
J’avais moi aussi remarqué le texte cité sur le site de l’AF (je suis « facho » grand teint). Je trouve aussi que celui-ci, présenté par le très libéral Bruno Bertez, cadre assez avec le vôtre.
Il me semble surtout que la proximité entre les deux textes va au-delà du seul diagnostic. Il y a bien ici une volonté manifeste de rompre non pas seulement avec la dérive d’un système mais avec sa logique profonde même.
Cf. Cd du 13/12 à 22h10
Le thème de l’inertie des anciennes valeurs de loyauté et d’honnêteté qui profiteraient encore sur leur lancée au capitalisme malgré lui a bien été développé par Michéa. Mais on le trouve aussi dans la sociologie américaine chez des gens comme Richard Sennett et Christopher Lasch.
Fernand Braudel est sans doute dans la même lignée quand il attribuait le statut de « visiteur du soir » au capitalisme par rapport à la séculaire économie de marché. Visiteur du soir ou « passager clandestin » en fait pour reprendre une image qui vous avez dite plus haut sur un autre sujet (la responsabilité des entreprises dans la formation).
Cf. Marc Malesherbes du 12/10 à 18h20
Je ne suis pas contre le fait de parler de « capital humain » à propos des salariés car j’ai aussi fait office de comptable dans mon métier.
Capital humain me paraît même un progrès par rapport au lénifiant « ressources humaines », car en fait de ressources le salarié n’existe actuellement qu’en tant que consommation courante hors du bilan de l’entreprise -au même titre que l’électricité et la flotte.
Consommation de passage dans le compte de résultat, lequel est remis à zéro au début de chaque exercice. Dans les petites entreprises, celles que j’ai connues, sa trace au bilan n’existe que transitoirement dans les comptes sociaux -ceux de l’Urssaf en premier lieu.
Raison aussi pour laquelle j’ai toujours été hostile de principe à tout intéressement sur les bénéfices (j’ai donc connu aussi des « bons » patrons). Parce que le salarié n’est pas le seul responsable des résultats de l’entreprise, et que les années de vaches maigres étaient souvent aussi celles où nous bossions le plus pour maintenir le navire à flot (puisque les patrons recrutent alors moins de personnels temporaires en renfort).
Oui le capital humain devrait figurer au bilan sous le capital de l’entreprise. Il serait possible alors d’imaginer des mécanismes comptables et fiscaux qui satisferaient tout le monde.
Comme cela impliquerait aussi forcément un « droit d’avis » au minimum sur la marche de l’entreprise, je me doute bien que je suis en train de vous décrire un beau rêve.
Lazeby (je m’y perds dans mes pseudos, c’est mon côté Fernando Pessoa)
@ La Gaule
[Non, la retraite n’est pas un paradis, mais un purgatoire, plus ou moins confortable suivant la bonne fortune de chacun, et toujours un avant-goût de la mort. C’est peut-être précisément parce que nous vivons un moment occidental qui a évacué l’idée même de la mort qu’elle a pris la place symbolique du paradis.]
Je suis moins pessimiste que vous. Mais je suis d’accord au moins sur un point : rompre avec le monde du travail et de la production, c’est rompre avec la vie tout court. Je ne voudrais pas pour moi d’une retraite-vacances.
[J’avais moi aussi remarqué le texte cité sur le site de l’AF (je suis « facho » grand teint). Je trouve aussi que celui-ci, présenté par le très libéral Bruno Bertez, cadre assez avec le vôtre.(…)]
J’ai l’impression que vous vous êtes trompé de référence dans votre lien…
[Le thème de l’inertie des anciennes valeurs de loyauté et d’honnêteté qui profiteraient encore sur leur lancée au capitalisme malgré lui a bien été développé par Michéa. Mais on le trouve aussi dans la sociologie américaine chez des gens comme Richard Sennett et Christopher Lasch.]
C’est chez Lasch je crois que j’ai piqué l’idée.
Effectivement ???
Voici le lien correct :
@ La Gaule
Très intéressant, en effet!
Bonjour j ‘ai écouté Fabien Roussel ce matin sur C NEWS et j’ai pu constaté qu’il était en difficulté sur tous les sujets y compris sur le problème des retraites , il s’habille plus d’un habit de délégué syndical de PME que d’un dirigeant politique voulant diriger le pays , il s’inscrit plus dans des unités de façade pour sauver les meubles , pas une critique sur le marché unique et ses contraintes , sur la politique industrielle sa réponse c’est il faut créer des emplois sans donner sa recette miracle
Tout ceci confirme les précédentes discussions développées sur ce Blog
@ bernard
[Bonjour j ‘ai écouté Fabien Roussel ce matin sur C NEWS et j’ai pu constaté qu’il était en difficulté sur tous les sujets y compris sur le problème des retraites,]
Et pourtant, Fabien n’est pas des pires! Le problème, c’est qu’il n’y a plus aucun travail de réflexion politique collective à la direction du PCF. Lors des congrès, on se contente d’idées générales et de catalogues de bonnes intentions pour faire plaisir à chaque “clientèle”, mais cela ne va pas plus loin. Quant au Conseil national, c’est devenu une sorte de chambre d’enregistrement qui se réunit quatre ou cinq fois par an avec un taux de présence largement inférieur à 50%. Les “secteurs” et “commissions” du Conseil national, censés réfléchir aux problèmes, ne font pour la plupart d’entre eux que de la communication, et les rares qui travaillent ressacent les mêmes idées depuis trente ans.
Croyez que cela ne me fait guère plaisir de le constater, et je préférerais me tromper. Mais du PCF ou j’ai été formé, il ne reste rien ou presque. Aujourd’hui, c’est un astre mort dont la stratégie n’a qu’un seul objectif: la préservation des élus.
@Descartes
Il y a peut être la difficulté de devoir débattre en direct à la télévision. Ce n’est pas un exercice simple. Et en effet il y a une lacune monumentale sur l’UE.
Mais Roussel est capable de nous pondre ça :
http://www.le-chiffon-rouge-morlaix.fr/2019/09/3-septembre-discours-de-fabien-roussel-a-toulouse-en-conclusuon-du-colloque-jaures-nation-republique-et-luttes-sociales.html
@ Yoann
[Il y a peut-être la difficulté de devoir débattre en direct à la télévision. Ce n’est pas un exercice simple. Et en effet il y a une lacune monumentale sur l’UE. Mais Roussel est capable de nous pondre ça : (…)]
Comprenons-nous bien. Je n’ai pas d’antipathie personnelle pour Fabien Roussel, au contraire. Je trouve qu’à titre personnel il a un discours bien plus rationnel que celle des apparatchiks qui l’ont précédé, même s’il y a de dérapages comme celui d’appeler à l’exclusion de tout militant sur simple dénonciation pour des faits d’agression sexuelle. Mais un homme seul, aussi génial soit-il, ne peut suppléer totalement les défaillances de l’institution. Débattre à la télévision, ce n’est pas un exercice simple. Mais il devient beaucoup plus compliqué lorsque vous ne pouvez pas vous appuyer sur une réflexion, un débat, un arbitrage politique collectif préalable. Sa réflexion personnelle, aussi riche soit-elle, ne suffit pas à boucher les énormes trous qui tiennent au fait qu’au PCF on réfléchit peu et on discute encore moins.
Le texte que vous citez est particulièrement intéressant parce qu’il montre le décalage entre l’expression publique et l’expression interne. Roussel n’hésite pas dans ce discours – destiné à un public interne – à prendre une position clairement souverainiste. Mais pourquoi on ne trouve pas trace de cette position dans les débats qui ont précédé la campagne pour les élections européennes, ou dans les documents électoraux correspondants ? Pourquoi parle-t-il de l’Humanité comme un « journal communiste », alors que toute mention du caractère communiste du journal a disparu depuis 1999 ?
Je ne doute pas de la bonne volonté de Roussel, et je lui souhaite bon courage. Mais je ne suis guère optimiste, compte tenu de la composition sociologique du PCF et surtout de ses directions.
Bonjour, juste un point concret: je verse à la cagnotte pour les grévistes, et j’en fais la promo sur Facebook. Cependant, j’ai eu un retour d’un agent de la SNCF, en grève depuis le 5 décembre, qui n’en a pas vu la couleur. Sais-tu comment cet argent est distribué ? Il s’agit du “pot commun”, cagnotte de la CGT.
Les échanges sur ton blog sont très intéressants !
@ Paul
Content de vous voir par ici. J’espère que la santé va mieux et qu’on aura l’opportunité de se revoir un de ces jours.
[onjour, juste un point concret: je verse à la cagnotte pour les grévistes, et j’en fais la promo sur Facebook. Cependant, j’ai eu un retour d’un agent de la SNCF, en grève depuis le 5 décembre, qui n’en a pas vu la couleur. Sais-tu comment cet argent est distribué ?]
Je ne connais pas le détail, je pense qu’il est distribué par le circuit des délégues syndicaux. Mais ça prend toujours un peu de temps, parce que les dons commencent à tomber en général quand la grève commence à durer. Je ne peux pas faire grève du fait de mes responsabilités, mais je verse l’équivalent des jours de salaire que j’aurais perdu si j’avais fait grève à la “cagnotte de grève” de la CGT. Comme ça, j’ai au moins l’impression de faire quelque chose…
bonsoir , bonne année a vous
Qu penser de la proposition de la CGT pour équilibrer les Systems de retraite : égalité hommes femmes au niveau salaire , taxer le CAC 40, créer de l’emploi ,
N’est ce pas une façon de rejeter toute discussion sérieuse pour faire bonne figure et se voiler la face sur les vrais raisons de la situation que nous vivons
@ bernard
[Que penser de la proposition de la CGT pour équilibrer les systèmes de retraite : égalité hommes femmes au niveau salaire, taxer le CAC 40, créer de l’emploi]
Que dire ? Que cela relève de la pensée magique. Les bénéfices des entreprises du CAC 40 étaient en 2018 de 88 Md€ pour une capitalisation de 1800 Md€. Soit une rentabilité de 5%. A quel taux la CGT propose d’imposer ces bénéfices ? N’oubliez pas que ce taux est limité par la libre circulation des capitaux : si vous réduisez trop le taux de rentabilité les capitaux partiront pour s’investir ailleurs, là où les taux de rentabilité sont meilleurs.
Quant à l’égalité hommes femmes au niveau du salaire, on voit mal en quoi cela contribuerait à équilibrer le régime de retraites. Et j’aimerais savoir comment la CGT propose de « créer de l’emploi »…
Mais ce qui me gêne le plus, c’est qu’il ne s’agit pas seulement de trouver des expédients pour équilibrer les comptes. Il s’agit de penser une société où les gens arrivent à ce qui est aujourd’hui l’âge de la retraite avec une espérance de vie autour de 20 ans et une capacité de travailler encore quelques années. C’est la fonction des partis politiques plus que des syndicats de penser cette société. Il est clair que la vision qui était celle de la retraite en 1950 – une pension permettant ceux qui ne pouvaient plus travailler d’attendre la mort dans la dignité – ne peut plus présider au système de retraites de 2050. Or, je ne vois pas les partis politiques – de gauche comme de droite – se pencher sur cette question. A gauche, on se place dans une logique de « loisir » : le retraité a beaucoup travaillé, la retraite est un repos et une liberté bien méritée. C’est une vision sacrificielle : on souffre au travail pour s’amuser dans la retraite. A droite, on se contente d’une vision purement comptable.
Bonjour concernant l’égalité salariale homme femme ferait rentrer des cotisations dans les caisses de retraite selon la CGT , mais le problème est qui va contrôler tout ceci et les critères de non discrimination sont tellement nombreuse que ça reste vœux pieux
mais sur le fond je suis d’accord avec vous un projet de société est l’affaire des partis !!
@ bernard
[Bonjour concernant l’égalité salariale homme femme ferait rentrer des cotisations dans les caisses de retraite selon la CGT, mais le problème est qui va contrôler tout ceci et les critères de non-discrimination sont tellement nombreux que ça reste vœux pieux.]
Mais surtout, si augmenter les salaires des femmes augmentera les cotisations AUJOURD’HUI, cela suppose aussi des pensions plus importantes à verser aux femmes DEMAIN. En d’autres termes, sur le long terme une telle transformation est neutre. Sur ce point, le raisonnement de la CGT est celui du sapeur Camembert : pour remplir le trou, il suffit de prendre de la terre ailleurs en creusant un autre trou…