Une erreur, sire ? Non, une conséquence

C’est le président Pompidou qui avait remarqué qu’une fois les bornes franchies, il n’y a plus de limite. Le macronisme aujourd’hui est en train de lui donner raison. Ayant élevé la transgression et le parler vrai au rang des vertus politiques, l’exécutif se trouve aujourd’hui à gérer les retours de flamme de ministres et de députés qui, ne se sentant plus liés par les convenances, par les traditions, par la « common decency » chère à Orwell, étalent sans nuances leur pensées profondes, quitte à montrer publiquement leur mesquinerie et leur égoïsme. L’affaire du congé pour le décès d’un enfant a illustré jusqu’à la caricature cette dérive.

Au départ, les faits : le groupe UDI dépose une proposition de loi rallongeant le congé accordé au salarié lorsqu’un de ses enfants mineurs décède. La durée de ce congé est fixée par la convention collective ou le statut régissant le salarié, mais sa durée ne peut être inférieure à un plancher de 5 jours. C’est ce plancher que la loi remonte pour le passer à 12 jours. Eliminé de la proposition de loi lors du passage en commission, un amendement est déposé pour le rétablir lors de l’examen en séance plénière à l’Assemblée.

Pas besoin de sortir de Polytechnique pour voir que l’effet de cette mesure est négligeable : la mortalité infantile étant ce qu’elle est, le nombre de décès de mineurs est aujourd’hui très faible, de l’ordre de 2000 par an. Par ailleurs, un grand nombre de conventions collectives prévoient déjà des congés supérieurs au minimum légal. Mais on notera que la proposition de loi impose la charge de ce congé – infime, comme on vient de le montrer – à l’employeur. C’est ce petit détail qui mettra le feu aux poudres.

Car si le gouvernement s’oppose à l’allongement, c’est bien pour cette raison. Et c’est Murielle Pénicaud qui le dit le mieux : « Nous sommes tous d’accord, perdre un enfant est un des plus grands drames de la vie. Mais, ce que vous proposez, c’est un congé payé à 100 % par l’entreprise ». Tout est là. Comment quelqu’un pourrait imaginer un instant qu’on puisse demander à l’entreprise d’accorder quelque chose à ses salariés, fut-il pour l’aider à faire face à un de plus grands drames de la vie ? Dans cette affaire, le gouvernement prend une position « inhumaine ». Et ce n’est pas moi qui le dit, c’est le président de la République lui-même, qui sur cette affaire a appelé le gouvernement « à faire preuve d’humanité ».

La première question que cette affaire suscite, c’est celle de savoir pourquoi l’allongement de ce congé de deuil est proposée aujourd’hui. Après tout, le problème n’a rien de nouveau. Pourquoi alors aurait-on besoin aujourd’hui de douze jours pour ce qui hier se faisait en cinq ? La réponse est à mon sens révélatrice : il y a un demi-siècle, rares étaient les patrons qui auraient refusé à l’un de leurs salariés touché par la tragédie un congé exceptionnel d’une durée plus importante que le plancher légal. L’héritage moral des religions, les règles de la « common decency » imposaient aux acteurs une gestion « humaine » de ce type de situations. Mais la logique hyper-concurrentielle qui s’est imposée depuis quarante ans a tout changé. Car dans un système concurrentiel, tout geste d’humanité doit être évalué selon une logique coût/avantage. Et lorsque le geste d’humanité se fait au détriment de la compétitivité, il met en danger l’organisation toute entière : celui qui descend de son vélo pour aider un camarade qui a chuté est sûr de perdre la course.

C’est pourquoi il ne faut pas trop en vouloir à Murielle Pénicaud. Elle ne fait que ce qu’elle a été programmée pour faire. Ancienne DRH de Danone, elle a certainement subi pendant toute sa carrière la pression pour gagner la compétition à tout prix. Et dans ce contexte, on se convainc facilement que toute faiblesse, toute concession, tout geste d’humanité est suicidaire. C’est ainsi que des gens ni plus ni moins décents que les autres sont déshumanisés, amenés à prendre des décisions qui, regardées avec distance, sont proprement inhumaines. Une inhumanité justifiée au nom du choix du moindre mal. Et ceux qui choisissent le moindre mal ont tendance à oublier qu’ils ont quand même choisi le mal. On a vu ce mécanisme pervers fonctionner à France Télécom. Et on se souviendra de la défense de Didier Lombard devant ses juges : les mesures prises étaient dures, mais indispensables pour sauver l’entreprise. Dans un marché concurrentiel, il fallait à tout prix rétablir la compétitivité ou disparaître. Et on peut penser que Lombard était sincèrement convaincu d’avoir fait le bon choix, tout comme on peut penser que Pénicaud est sincère lorsqu’elle refuse d’allonger le congé pour deuil parce qu’il serait payé « à 100% par l’entreprise ».

Et Pénicaud n’est pas seule : l’ensemble des députés LREM présents ont voté comme un seul homme contre l’amendement. Beaucoup ont défendu leur vote dans les mêmes termes que Murielle Pénicaud. Il serait faux de croire que les députés LREM seraient de simples godillots votant dans cette affaire contre leurs convictions pour faire plaisir au gouvernement, comme certains essayent de nous le faire croire. Non, une grande partie du groupe LREM est parfaitement dans la logique de Pénicaud, telle Sereine Mauborgne qui déclare pendant le débat « Quand on s’achète de la générosité à bon prix sur le dos des entreprises, c’est quand même un peu facile ». « Touche pas à l’entreprise » est le réflexe naturel de cette majorité, et il le reste quand même bien cela conduirait à une position « inhumaine ».  

Lionel Jospin s’était illustré par la formule « oui à l’économie de marché, non à la société de marché ». Ce que Jospin n’a pas compris, c’est que comme le disait le vieux Karl, c’est la structure économique qui détermine en dernière instance les rapports sociaux. Une économie de marché est nécessairement liée à une société de marché. Confier aux mécanismes de marché la régulation de l’économie implique à courte échéance en faire le régulateur de domaines comme l’éducation, de la santé, de la vieillesse, de la famille, et cela quand bien même on proclamerait publiquement qu’on entend les y soustraire. Le vieux Karl nous avertissait que le capitalisme allait réduire l’ensemble des rapports humains « au paiement comptant ». Avec le personnel politique macronien, nous n’en sommes pas loin: le vote des députés LREM n’est pas une erreur, un aléatoire. C’est la conséquence logique d’une pensée mercantile, et d’une méthode qui, au nom de la « transgression », a supprimé une à une les barrières qui empêchaient l’expression brutale de l’égoïsme de classe. François Hollande parlait des « sans dents » en privé. La « transgression » macronienne permet de dire aujourd’hui la même chose en public, et sans honte.

Dans ce contexte, comment interpréter l’appel du président de la République au gouvernement à « faire preuve d’humanité » ? Avouez que le choix des mots est intéressant. Je me demande s’il y a un précédent d’un président de la Vème République – ou de n’importe quelle autre – qualifiant l’action de son propre gouvernement de « inhumaine ». Car il ne faut pas se voiler la face : appeler le gouvernement à un comportement « humain » n’a de sens que si le président estime que ce n’est pas déjà le cas. Et la question qui se pose immédiatement est celle de savoir comment un président peut-il garder un gouvernement qui se comporte de la sorte.

On peut interpréter la formule macronienne comme une simple opération de communication. On peut, si l’on veut être gentil avec le président, y voir le cri du cœur d’un homme horrifié par sa propre création, réalisant que sa volonté de « transgression » a fait tomber les barrières de la décence, et rendu possible l’expression nue des pires égoïsmes. Un apprenti sorcier, en quelque sorte…

Descartes

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103 réponses à Une erreur, sire ? Non, une conséquence

  1. CVT dit :

    @Descartes,
    [On peut interpréter la formule macronienne comme une simple opération de communication. On peut, si l’on veut être gentil avec le président, y voir le cri du cœur d’un homme horrifié par sa propre création, réalisant que sa volonté de « transgression » a fait tomber les barrières de la décence, et rendu possible l’expression nue des pires égoïsmes. Un apprenti sorcier, en quelque sorte…]

    Décidément, vous êtes de très bonne composition aujourd’hui, cher camarade!

    Pour ma part, nous avons là une nouvelle démonstration de la proverbiale désinvolture, pour ne pas dire inconséquence dont notre “cher” Jupiter est coutumier: c’est un champion incontesté de la défausse!!

    D’ailleurs, ces larmes de crocodile viennent s’ajouter à cette tristement célèbre photo prise lors du festival d’Angoulême où il s’affichait avec un tee-shirt caricaturant un chat victime d’un tir de LBD
    (pour mémoire: https://pbs.twimg.com/media/EPnspo5WoAMKyit?format=jpg&name=900×900).

    Tout a déjà été dit sur l’absence de vergogne de celui que je surnommerai désormais le P’tit Cron et de ses suiveurs, qui ne sont pas loin de constituer 1/4 des électeurs français: c’est consternant 🥶😱😤…

    • Descartes dit :

      @ CVT

      [« On peut interpréter la formule macronienne comme une simple opération de communication. On peut, si l’on veut être gentil avec le président, y voir le cri du cœur d’un homme horrifié par sa propre création, réalisant que sa volonté de « transgression » a fait tomber les barrières de la décence, et rendu possible l’expression nue des pires égoïsmes. Un apprenti sorcier, en quelque sorte… » Décidément, vous êtes de très bonne composition aujourd’hui, cher camarade!]

      Je suis toujours « de bonne composition »… et je n’aime pas le manichéisme. En son temps, je trouve détestable l’anti-quelqu’un primaire dont ont été victimes la plupart de nos dirigeants suprêmes à un moment ou un autre. Les êtres humains sont complexes, et on peut faire des politiques désastreuses sans forcément être un salaud cynique et calculateur. L’expérience a d’ailleurs montré que ce sont souvent les idéalistes persuadés de faire le bien qui font le plus de mal…

      Je donnerais cher pour avoir une conversation personnelle avec Macron sur cette affaire. Pense-t-il vraiment que la conduite du gouvernement est « inhumaine » ? A-t-il conscience du malaise du pays réel, et si oui, comment cela le touche au niveau personnel ? Souffre-t-il d’être haï, ou se place-t-il dans une position de martyr ayant donné son corps à la France ?

      [Pour ma part, nous avons là une nouvelle démonstration de la proverbiale désinvolture, pour ne pas dire inconséquence dont notre “cher” Jupiter est coutumier: c’est un champion incontesté de la défausse!!!]

      Mais là encore, il faut aller un peu plus loin. La première question est de savoir qui a pris la décision de shooter l’amendement. Le président, le Premier ministre étaient-ils personnellement au courant ? Ou est-ce un membre de leur cabinet qui, lors d’une réunion interministérielle – car c’est comme cela que ça se passe en général, parce que le ministre ne peut s’occuper de tout – a arbitré la position ? Du point de vue politique, cela ne change rien : les ministres et le président ont complète liberté pour choisir les membres de leurs cabinets, et la contrepartie est qu’ils assument la responsabilité politique comme si l’acte venait d’eux-mêmes. Mais du point de vue personnel, ça change beaucoup de choses. On peut parfaitement imaginer Macron effondré devant l’incompétence crasse du personnel politique de son propre parti. Cela ne réduit en rien sa responsabilité, mais permet de mieux comprendre le fonctionnement de l’homme.

      J’ajoute que dans d’autres temps des têtes auraient tombé. Le fait que ce ne soit pas le cas aujourd’hui est aussi très révélateur. Il est assez paradoxal d’ailleurs que le macronisme, dont l’un des fondements idéologiques était d’amener dans l’exercice de l’Etat les critères d’efficacité et de responsabilité des personnes venus du privé, se montre incapable de sanctionner les fautes des dirigeants.

      • Françoise dit :

        …encore faudrait-il caractériser la faute.

        • Descartes dit :

          @ Françoise

          […encore faudrait-il caractériser la faute.]

          Bien sur. Mais ici, c’est simple: la faute, c’est de ne pas avoir fait preuve d’humanité. Et si c’était moi qui le disait, vous pourriez l’attribuer à mon rejet du macronisme. Mais c’est Emmanuel Macron lui même qui dit que le gouvernement “devrait faire preuve d’humanité”, ce qui tendrait à prouver qu’il ne le faisait pas jusqu’à maintenant. Mettriez-vous en doute la parole le jugement de Macron ? Considéreriez-vous que ne pas faire preuve d’humanité n’est pas une “faute” chez un politique ?

          • Françoise dit :

            “Considéreriez-vous que ne pas faire preuve d’humanité n’est pas une “faute” chez un politique ?”
            oh non, pas vous tout de même !?! arrêtez de nous faire pleurer…de rire bien sûr car pour ma part, je n’attends pas de mon gouvernement une soi disant preuve d’humanité mais une gouvernance pour le Bien Commun.
            Macron a peut-être été un peu trop sentimental mais n’a jamais accusé le gouvernement de faute; votre haine vous fait extrapoler.
            S’il y avait vraiment une faute -selon quel texte?- elle serait sanctionnée mais là, votre sentimentalisme déplacé ne justifie pas l’invention d’une faute.
            De toute façon, quoique Macron ou le gouvernement fasse ou dise, vous serez toujours derrière votre écran à pester à longueur de journée.

            • Descartes dit :

              @ Françoise

              [car pour ma part, je n’attends pas de mon gouvernement une soi-disant preuve d’humanité mais une gouvernance pour le Bien Commun.]

              Que vous n’attendiez pas de votre gouvernement qu’il fasse « preuve d’humanité » ne m’étonne guère. On avait déjà pu constater en lisant vos interventions que l’humanisme ne soit pas pour vous une priorité. Tant que la « gouvernance » est bonne, cela vous satisfait. Vous me faites penser à cette anecdote racontée je crois par Rudolf Höss, qui expliquait que des officiers SS au camp d’Auschwitz ont été exécutés pour s’être approprié des devises et des pièces d’or confisquées aux déportés et qui auraient dû être remises à la trésorerie du Reich. Un tel acte était impardonnable parce qu’il portait atteinte aux règles, c’est-à-dire, à la « gouvernance pour le bien commun ». Par contre, gazer des milliers de personnes était tout à fait conforme aux règles, et cela ne posait aucun problème.

              Pour vous, une gouvernance peut être « bonne » tout en étant inhumaine. Pour moi, non. Sur un tel sujet, il faudra s’accorder sur notre désaccord.

              [Macron a peut-être été un peu trop sentimental mais n’a jamais accusé le gouvernement de faute;]

              Ah… Macron a enjoint le gouvernement de « faire preuve d’humanité » au risque de provoquer un conflit avec sa majorité alors qu’il pense que le gouvernement en la matière ne fait que mettre en œuvre « une gouvernance pour le Bien Commun » ? Au fond, finalement, vous êtes bien plus méchante avec Macron que moi. Moi je pense qu’il est sincère, vous, vous pensez que c’est un hypocrite.

              [votre haine vous fait extrapoler.]

              Tout le monde n’est pas comme vous, vous savez… moi, je n’ai aucune « haine » particulière pour Macron. Vous aurez noté au contraire que dans mes commentaires je lui accorde même le bénéfice du doute et la présomption de sincérité. Mépris, peut-être, mais haine, certainement pas.

              [S’il y avait vraiment une faute -selon quel texte?- elle serait sanctionnée mais là, votre sentimentalisme déplacé ne justifie pas l’invention d’une faute.]

              Depuis quand il faut un « texte » pour qu’il y ait « faute » ? J’ai l’impression que vous confondez « faute » et « délit ». Lorsque Jospin a laissé se disperser sur plusieurs candidats les voix de la gauche avec pour conséquence son élimination au premier tour, il a commis une faute politique. Et pourtant, aucun « texte » n’existe pour la qualifier.

              [De toute façon, quoique Macron ou le gouvernement fasse ou dise, vous serez toujours derrière votre écran à pester à longueur de journée.]

              Peut-être. Mais compte tenu du fait que quoique Macron ou le gouvernement fasse ou dise vous serez derrière votre écran pour applaudir, il faut bien qu’il y ait quelqu’un pour compenser.

            • Françoise dit :

              Et hop!
              Le point Godwin…

            • Descartes dit :

              @ Françoise

              [Et hop! Le point Godwin…]

              Pas du tout. Diriez-vous que lorsque Simone Veil décrit son passage à Auschwitz elle atteint le “point Goodwin” ? Bien sur que non. Le “point Goodwin” implique une COMPARAISON avec les nazis et leurs oeuvres dans l’intention de discréditer un contradicteur. Mais si vous relisez mon commentaire, vous ne verrez aucune COMPARAISON. Simplement une référence à une situation qui me paraît illustrer comment le fait de ne se soucier que de “bonne gouvernance” peut amener à l’inhumanité.

              Je constate en tout cas que la référence un peu rapide au “point Goodwin” vous dispense de répondre sur le fond. Pourquoi est-ce que cela ne me surprend pas ?

      • Ian Brossage dit :

        @Descartes

        > On peut parfaitement imaginer Macron effondré devant l’incompétence crasse du personnel politique de son propre parti. Cela ne réduit en rien sa responsabilité, mais permet de mieux comprendre le fonctionnement de l’homme.

        Je me demande si vous ne cédez pas au tropisme courant qui consiste à vouloir croire que le Roi est bon, et que ce sont ses conseillers qui sont responsables de sa politique détestable (tropisme lié à une volonté de ne pas désespérer : si le Roi est bon, il est possible qu’il change ses conseillers pour de meilleurs, alors que s’il est personnellement mauvais ou bête, il continuera la politique menée…).

        Dans le cas présent, il est assez plausible que Macron ne soit pas responsable de la décision parlementaire (on ne parle pas d’une mesure très importante sur le plan socio-économique, comme vous le remarquez), mais qu’il soit sur le fond d’accord avec elle. C’est finalement la même idée que le « pognon de dingue » consacré aux aides sociales, qui même s’il s’agissait d’une fuite orchestrée à dessein, reflétait fidèlement l’idéologie du gouvernement et se trouve corroborée par la politique menée (pensez aussi au rabotage des APL…).

        Évidemment, après coup et suite au tollé déclenché, il est facile de comprendre que c’était une horrible bourde. Mais Macron aurait-il été capable de le comprendre *avant*, j’en doute un peu. Son comportement dans d’autres situations ne plaide pas en sa faveur.

        • Descartes dit :

          @ Ian Brossage

          [Je me demande si vous ne cédez pas au tropisme courant qui consiste à vouloir croire que le Roi est bon, et que ce sont ses conseillers qui sont responsables de sa politique détestable (tropisme lié à une volonté de ne pas désespérer : si le Roi est bon, il est possible qu’il change ses conseillers pour de meilleurs, alors que s’il est personnellement mauvais ou bête, il continuera la politique menée…).]

          Je reconnais céder à un tropisme un peu différent. Ma conviction que la politique est essentiellement tragique m’amène à penser que les hommes ne sont ni bon ni mauvais, mais les jouets de forces qu’ils essayent de comprendre et de dominer, mais qui finalement les dépassent. Je ne pense pas que le Roi fasse le mal sciemment, parce qu’il est sadique et jouit ainsi. Je pense qu’il fait le mal parce qu’il est attrapé dans des rapports de force et prisonnier d’une vision idéologique qui le conduit naturellement vers cette pente. Bien sûr, il y a des personnalités qui dominent ces forces plutôt que de se laisser conduire par elles : ce sont les hommes d’Etat. Mais ils sont tout à fait exceptionnels, et rarement reconnus.

          [Dans le cas présent, il est assez plausible que Macron ne soit pas responsable de la décision parlementaire (on ne parle pas d’une mesure très importante sur le plan socio-économique, comme vous le remarquez), mais qu’il soit sur le fond d’accord avec elle.]

          Je me demande si ce n’est le genre de position que Macron aurait pu proposer lui-même spontanément, mais que proposée par d’autres lui apparaît dans toute son inhumanité. Un peu comme le professeur dans « La Corde » de Hitchcock.

          [C’est finalement la même idée que le « pognon de dingue » consacré aux aides sociales, qui même s’il s’agissait d’une fuite orchestrée à dessein, reflétait fidèlement l’idéologie du gouvernement et se trouve corroborée par la politique menée (pensez aussi au rabotage des APL…).]

          Pas tout à fait. D’abord, dans l’affaire du « pognon de dingue » on a commis une grande injustice contre Macron. Rendons à César ce qui est à César : la séquence du « pognon de dingue » a été très mal interprétée. Si vous la réécoutez, vous verrez que ce que dit Macron c’est que nous dépensons un « pognon de digne » dans les aides sociales, « et les gens sont toujours aussi pauvres ». Ce qui était en cause dans son expression n’était pas la dépense sociale elle-même, mais son efficacité. C’est un point de vue parfaitement valable, et nullement « inhumain ». On peut critiquer la forme – un président de la République parlant comme un charretier et une « fuite » organisée – mais le fond n’appelle pas les reproches qu’on lui a faits.

          Oui, l’idéologie du gouvernement rejoint la vision libérale classique selon laquelle les aides sociales ne font qu’encourager la paresse et le vice chez les pauvres. Et donc qu’elles sont inutiles parce que loin de sortir les gens de la pauvreté, elles tendent à les y maintenir. Mais dans le cas du congé pour deuil on n’est pas dans ce contexte. La perte d’un enfant peut toucher toutes les classes sociales.

          [Évidemment, après coup et suite au tollé déclenché, il est facile de comprendre que c’était une horrible bourde. Mais Macron aurait-il été capable de le comprendre *avant*, j’en doute un peu. Son comportement dans d’autres situations ne plaide pas en sa faveur.]

          C’est un peu ce que je disais ci-dessus : il y a des choses qu’on est capable de dire soi-même mais qui nous choquent quand ce sont les autres qui le disent. Je pense que Macron est dans ce paradoxe : il aurait été à la place de Pénicaud, il aurait peut-être dit la même chose. Mais en l’entendant dans la bouche d’un autre, il s’est peut-être dit « ce n’est pas possible ». Là encore, je crois que le film « La Corde » résume parfaitement le problème.

    • Ali-3737 dit :

      Le 1/4 des électeurs français qui suivraient macron me semble quelque peu grossi. Il faut à mon sens enlever 10 à 15 % de gens apolitiques, qui sont toujours légitimistes, du côté du manche et du pouvoir quel qu’il soit, par principe, ou absence totale d’esprit critique . Un socle incompressible , qui révère les puissants du moment, qui fait le pétainisme et le gaullisme dans la foulée, survivant à tous les régimes, et qui a d’ailleurs le même réflexe avec les célébrités, les familles royales, les divers peoples et qu’on n’arrivera jamais à réduire à zéro.

      • Descartes dit :

        @ Ali-3737

        [Le 1/4 des électeurs français qui suivraient macron me semble quelque peu grossi. Il faut à mon sens enlever 10 à 15 % de gens apolitiques, qui sont toujours légitimistes, du côté du manche et du pouvoir quel qu’il soit, par principe, ou absence totale d’esprit critique.]

        A supposer même que ce soit le cas, cela ne change rien au fait que ¼ des électeurs suit Macron. Je n’ai pas dit que ¼ des électeurs étaient d’accord avec lui, j’ai dit que ¼ d’entre eux soutiendraient Macron. Qu’ils le fassent par légitimisme ou par idéologie, cela ne change que marginalement la question.

        Accessoirement, je ne vois pas sur quoi vous vous appuyez pour penser que le 10 ou 15% de gens « apolitiques » iraient voter automatiquement pour celui qui tient le manche. Je ne connais aucune étude qui aboutisse à cette conclusion. Pourriez-vous être plus précis ?

  2. Luc dit :

    Rappelons en complément de votre texte intéressant, que Macron doit son ascension politique à Holland et entre autre Attali.
    Comment imaginer qu’il y ait un iota de déviance , entre ces zélotes du bloc dominant et Macron , sauf en imaginant qu’à 40 ans ,celui ci pourrait changer d’avis ?
    Car en l’état actuel des choses Macron peut être réélu à la seule condition que Marine ne soit pas déclarée inélégible suite à ces figurs ennuis judiciaires,non ?

    • Descartes dit :

      @ Luc

      [Rappelons en complément de votre texte intéressant, que Macron doit son ascension politique à Hollande et entre autres Attali.]

      Et pas seulement. Macron doit sa carrière à des hommes d’influence, cette espèce détestable de lobbyistes politiques que sont les Attali, les Minc, les Jouyet…

      [Comment imaginer qu’il y ait un iota de déviance, entre ces zélotes du bloc dominant et Macron, sauf en imaginant qu’à 40 ans, celui-ci pourrait changer d’avis ?]

      L’être humain est complexe, et il faut le comprendre dans sa complexité. Réduire les rapports humains à la lutte du Bien contre le Mal ne fait qu’obscurcir les choses. Qui aurait pu imaginer que ce De Gaulle, protégé de Pétain, farouche maurassien et anticommuniste, resterait dans l’histoire comme celui qui aura abattu Vichy et amené les communistes au gouvernement ?

      [Car en l’état actuel des choses Macron peut être réélu à la seule condition que Marine ne soit pas déclarée inéligible suite à ces figures ennuis judiciaires, non ?]

      Non. Imaginez que Marine Le Pen soit déclarée inéligible avant l’élection présidentielle (ce qui, compte tenu des délais judiciaires, est quasiment impossible). Qu’est-ce que cela changerait ? Qu’est-ce qui vous fait penser qu’un Bardella ferait moins bien qu’elle ? N’oubliez pas que le vote FN est d’abord un vote protestataire, et qu’on proteste aussi bien en votant pour une Marine Le Pen que pour un Jordan Bardella.

      Par ailleurs, à supposer même que le FN soit marginalisé par l’inéligibilité de sa présidente, qui voyez-vous gagnant l’élection présidentielle contre Macron ? Bayrou ? Mélenchon ? Faure ? Jacob ?

  3. Richard dit :

    Vous expliquez le pour et le contre et le pourquoi du comment (d’ailleurs très bien comme d’habitude) mais je ne sais pas vraiment votre opinion.
    Pour ma part la première chose que j’ai pensé est “encore une chose ou l’état donne aux uns avec l’argent des autres”. Si l’entreprise est en mauvaise posture, ou vraiment trop petite (3 personnes par exemple) les conséquences peuvent être graves pour elle. D’un autre côté le patron qui a de la compassion qui avant aurait dit “prend tout le temps que tu veux” a son salarié en deuil va peut-être le limiter à 12 jours, pas plus. De l’autre je peux imaginer que certains parents en deuil souhaite au plus vitre retourner au travail pour se changer les idées mais le patron va imposer une durée de 12 jours pour rester conforme à la législation.
    Pour moi tout ceci est une fausse bonne idée. Le gouvernement doit se dire qu’il aurait mieux fait de ne pas y toucher, surtout que personne ne le réclamait (je pense ?)

    • Descartes dit :

      @ Richard

      [Vous expliquez le pour et le contre et le pourquoi du comment (d’ailleurs très bien comme d’habitude) mais je ne sais pas vraiment votre opinion.]

      Est-ce vraiment important de connaître mon opinion ? Après tout, le but du débat est que chacun puisse se faire la sienne… et je vous avoue que dans cette affaire le fond me paraît beaucoup moins important que la forme. Qu’un président se trouve en situation de demander à son gouvernement d’avoir un comportement « humain », ce n’est pas banal.

      Mais puisque vous voulez mon opinion sur le fond de l’affaire, la voici : Je trouve regrettable que sur une affaire comme celle de la perte d’un enfant, on soit obligé de légiférer. J’aimerais vivre dans une société dans laquelle la simple humanité et la pression sociale feraient qu’un patron se ferait un devoir d’accorder à son salarié un congé de douze jours – ou même plus, si c’était nécessaire – non parce que la loi l’oblige, mais par pure « humanité ». De la même façon que pas mal de travailleurs acceptent de dépasser les horaires ou d’assumer des obligations non prévues dans leur contrat pour dépanner leur entreprise, il me semble normal que l’entreprise dépasse aussi ses obligations légales dans certaines circonstances. Le simple fait qu’on ait besoin de légiférer est pour moi un signal d’alarme quant au climat social.

      Après, l’argument selon lequel il y a des entreprises qui ont les moyens de supporter un tel congé et d’autres qui ne l’ont pas s’entend. La majorité aurait pu parfaitement proposer un amendement mutualisant cet effort, par exemple, par le biais d’une petite hausse des cotisations. Elle ne l’a pas fait, proposant plutôt d’avoir recours à la charité de la part des autres salariés pour donner leurs congés. Ce raisonnement illustre parfaitement le réflexe de cette majorité : « touche pas à mon entreprise ». On peut faire beaucoup de choses, mais la seule chose qu’on n’a pas le droit de faire est de toucher aux bénéfices des entreprises.

      [De l’autre je peux imaginer que certains parents en deuil souhaitent au plus vitre retourner au travail pour se changer les idées mais le patron va imposer une durée de 12 jours pour rester conforme à la législation.]

      L’amendement rejeté créait un DROIT à un congé de 12 jours, pas une OBLIGATION de le prendre.

      [Pour moi tout ceci est une fausse bonne idée. Le gouvernement doit se dire qu’il aurait mieux fait de ne pas y toucher, surtout que personne ne le réclamait (je pense ?)]

      Ce n’est pas le gouvernement qui y a touché. C’est le groupe UDI qui a déposé une proposition de loi à cet effet. Je ne sais pas si quelqu’un était demandeur – à dire vrai, je n’ai jamais vu une telle revendication du côté syndical, c’est une question qui touche un nombre très faible de personnes, et la plupart des conventions collectives prévoit d’ores et déjà des dispositions plus généreuses que la loi. J’avoue que j’ai du mal à imaginer qu’un employeur refuse un tel congé, sauf dans des situations très particulières (entreprise en grande difficulté, par exemple). Je ne pense pas qu’il y ait dans la société une demande très forte. Mais encore une fois, le fond de l’affaire est secondaire. Ce qui fait son intérêt, c’est qu’elle met en évidence l’absolutisme du « touche pas à mon entreprise » chez le gouvernement et de sa majorité.

  4. Vincent dit :

    Merci pour ce nouvel article. Je constate avec satisfaction que vous avez repris un rythme de publication soutenu !

    Avant de vous titiller, deux remarques de forme :
    “nombre de décès de mineurs est aujourd’hui très faible, de l’ordre de .” ==> Il manque le nombre
    “des gens ni plus ni moins décents que les autres son déshumanisés” ==> SONT

    Et maintenant, rebondissons sur le fond :

    Je vous cite : “appeler le gouvernement à un comportement « humain » n’a de sens que si le président estime que ce n’est pas déjà le cas. Et la question qui se pose immédiatement est celle de savoir comment un président peut-il garder un gouvernement qui se comporte de la sorte.”

    Peut-être justement parceque le rôle du gouvernement n’est pas d’être humain. Vous rappelez régulièrement ici que le rôle des gouvernements est d’être capable de porter la mauvaise conscience collective ; je veux dire par là de faire ce qui doit être fait, même si c’est moralement difficile, pour permettre au reste de la Nation de profiter des conséquences des décisions difficiles qu’il fallait prendre, sans avoir à assumer la mauvaise conscience de l’avoir prise.
    Vous aviez été (justement) sévère avec Hollande dans l’affaire Léonarda, car il avait voulu faire de l’humanité alors que ce n’est pas son rôle. Si je me souviens bien, vous aviez commis à cette occasion (peut-être était-ce à une autre occasion) un article très intéressant sur la générosité, qui est un acte privé, et que chacun paye avec sa poche, par rapport à la solidarité nationale.
    Vous expliquiez, pour résumer et simplifier, qu’il est mignon d’être généreux avec l’argent qui est dans la poche de son voisin, mais que ce n’est pas cela, la vraie générosité.

    Cet argument est très exactement celui des députés macronistes.

    Sur le fond, une fois n’est pas coutume, je suis assez d’accord avec eux. En cas de naissance, le père a le droit à un congé de naissance de 11 jours. Mais celui ci est payé par la solidarité nationale, pas par l’employeur. Pourquoi n’en irait-il pas de même pour le congé de décès d’enfant ? Cela me semblerait assez logique.
    Autant, naturellement, je ne pleurerai pas sur un Engie ou BNP devant payer pour rien un salarié pendant 12 jours. Autant, dans le cas d’une TPE (et les TPE ne sont pas forcément toutes en bonne santé), cela peut être un gros problème.
    Je vous l’accorde, dans la pratique, dans une TPE, le patron suggérera peut-être à son salarié de se mettre en arrêt maladie… Et le plus souvent, il manifestera son soutien en allant aux obsèques, et en faisant ce qu’il peut pour faciliter la vie de son salarié.

    Mais en se plaçant dans cette situation, d’une TPE, je suis assez d’accord pour dire que ce serait à la solidarité nationale de le prendre en charge.

    Je ne sais pas trop quelle est la procédure dans les commissions parlementaires. Il me semble qu’il n’est pas possible de proposer un amendement qui n’a rien à voir avec le texte de départ. Peut-être était il donc impossible de proposer un amendement pour demander une prise en charge par la collectivité (qui devrait, je suppose, être présenté dans une loi de financement de la SS). J’espère que c’est le cas, car sinon, l’attitude des députés macronistes deviendrait difficile à défendre.

    Enfin, dernier commentaire… Je ne pense pas que les députés macronistes qui ont voté la loi ont tous tenu le même raisonnement que moi. Malheureusement. Plus vraisemblablement, ils ont suivi la consigne, de peur d’être stigmatisé par le groupe parlementaire et de ne pas être renouvelé en 2022…

    • Descartes dit :

      @ Vincent

      [« Je vous cite : “appeler le gouvernement à un comportement « humain » n’a de sens que si le président estime que ce n’est pas déjà le cas. Et la question qui se pose immédiatement est celle de savoir comment un président peut-il garder un gouvernement qui se comporte de la sorte.” Peut-être justement parce que le rôle du gouvernement n’est pas d’être humain. Vous rappelez régulièrement ici que le rôle des gouvernements est d’être capable de porter la mauvaise conscience collective ; je veux dire par là de faire ce qui doit être fait, même si c’est moralement difficile, pour permettre au reste de la Nation de profiter des conséquences des décisions difficiles qu’il fallait prendre, sans avoir à assumer la mauvaise conscience de l’avoir prise.]

      Vous soulevez effectivement un problème très intéressant. Prenons l’attitude de Creon dans « Antigone ». Est-elle « inhumaine » ? Je ne le pense pas. Je suis un fervent partisan de la raison d’Etat, qui peut conduire à sacrifier la veuve et l’orphelin à un intérêt supérieur qui est celui de la nation. Ce sacrifice, tout tragique qu’il est, n’est pas « inhumain ». Mais la raison d’Etat n’implique nullement qu’on ait le droit de sacrifier la veuve et l’orphelin à n’importe quel intérêt. Et c’est là que « l’inhumanité » commence. Envoyer un soldat risquer sa vie pour sauver la nation est une décision tragique, mais somme toute humaine. Envoyer un homme risquer sa vie par commodité personnelle, c’est « inhumain ».

      Dans cette affaire, ce qui rend la décision « inhumaine », c’est que dans un plateau de la balance on met le deuil d’une famille, et dans l’autre les « charges des entreprises ». Ce qui tend à montrer que dans la cosmogonie macroniste, « l’entreprise » est l’entité qui occupe la hiérarchie la plus haute, celle dont l’intérêt justifie tous les sacrifices.

      [Vous aviez été (justement) sévère avec Hollande dans l’affaire Léonarda, car il avait voulu faire de l’humanité alors que ce n’est pas son rôle.]

      Pas tout à fait, justement. Ma position dans l’affaire Leonarda est que Hollande avait voulu se donner l’image d’humanité à bon compte, en sacrifiant à cette volonté les intérêts de la nation qu’il est censé au contraire mettre au-dessus de tout.

      [« Si je me souviens bien, vous aviez commis à cette occasion (peut-être était-ce à une autre occasion) un article très intéressant sur la générosité, qui est un acte privé, et que chacun paye avec sa poche, par rapport à la solidarité nationale. Vous expliquiez, pour résumer et simplifier, qu’il est mignon d’être généreux avec l’argent qui est dans la poche de son voisin, mais que ce n’est pas cela, la vraie générosité ». Cet argument est très exactement celui des députés macronistes.]

      Si c’était cela qui gênait les députés macronistes, alors pourquoi n’ont-ils pas voté un sous-amendement faisant supporter la charge de l’allongement du congé sur la CAF, et augmentant en contrepartie légèrement les cotisations des employeurs, par exemple ? Cela aurait transformé un acte de « générosité avec l’argent des autres » en un acte de « solidarité nationale ». Non, l’argument des députés macronistes va bien plus loin que cela : c’est « touche pas à mon entreprise ». Et c’est pourquoi que la mutualisation de la charge n’aurait rien changé, et que l’alternative proposé était un appel à la solidarité des collègues dans une logique de charité.

      [Sur le fond, une fois n’est pas coutume, je suis assez d’accord avec eux. En cas de naissance, le père a le droit à un congé de naissance de 11 jours. Mais celui ci est payé par la solidarité nationale, pas par l’employeur. Pourquoi n’en irait-il pas de même pour le congé de décès d’enfant ? Cela me semblerait assez logique. Autant, naturellement, je ne pleurerai pas sur un Engie ou BNP devant payer pour rien un salarié pendant 12 jours. Autant, dans le cas d’une TPE (et les TPE ne sont pas forcément toutes en bonne santé), cela peut être un gros problème.]

      Je ne dis pas le contraire. Mutualisons donc ce risque entre l’ensemble des employeurs, en augmentant légèrement les cotisations pour financer l’allongement. Mais je vous fais remarquer qu’aucun député LREM pas plus que la ministre n’a tiré cette conclusion de son propre raisonnement et proposé le sous-amendement correspondant. Parce que – au risque de me répéter – le raisonnement en question n’est qu’un paravent. Le vrai moteur de leur raisonnement, c’est le « touche pas à mon entreprise ». C’est pourquoi l’alternative proposée a été la charité, et non la mutualisation.

      [Je vous l’accorde, dans la pratique, dans une TPE, le patron suggérera peut-être à son salarié de se mettre en arrêt maladie… Et le plus souvent, il manifestera son soutien en allant aux obsèques, et en faisant ce qu’il peut pour faciliter la vie de son salarié.]

      Ou pas. Le fait qu’un législateur se soit mobilisé pour proposer l’extension du congé et que ce soit un législateur UDI me fait au contraire penser que de plus en plus les patrons, TPE ou pas, ne manifestent guère leur soutien dans cette situation. J’ajoute que l’arrêt maladie ne résout pas le problème, puisqu’il y a dans le secteur privé un délai de carence de trois jours.

      [Je ne sais pas trop quelle est la procédure dans les commissions parlementaires. Il me semble qu’il n’est pas possible de proposer un amendement qui n’a rien à voir avec le texte de départ. Peut-être était-il donc impossible de proposer un amendement pour demander une prise en charge par la collectivité (qui devrait, je suppose, être présenté dans une loi de financement de la SS). J’espère que c’est le cas, car sinon, l’attitude des députés macronistes deviendrait difficile à défendre.]

      Il est en effet interdit d’introduire par amendement une disposition qui n’a aucun rapport avec la proposition ou le projet de loi en débat. Cela s’appelle un « cavalier législatif » et risque l’annulation par le Conseil constitutionnel. Mais dans le cas d’espèce, un sous-amendement qui aurait permis la prise en charge par la CAF du congé ainsi allongé aurait eu un rapport étroit avec l’objectif de la loi, et aurait à mon avis été parfaitement acceptable. Mais je vous le répète : le débat fait clairement apparaître que la ligne rouge des députés LREM comme de la ministre était « touche pas à mon entreprise ». Faire supporter le congé par la solidarité nationale n’était donc pas une option.

      • morel dit :

        « Et c’est pourquoi que la mutualisation de la charge n’aurait rien changé, et que l’alternative proposé était un appel à la solidarité des collègues dans une logique de charité. »

        Effectivement, l’une ou l’autre des façons de faire n’est pas indifférent.

        Dans un cas, on fait porter le poids financier et moral sur « les collègues » (traquer le « salaud » qui ne donne pas ?) avec pour contre-partie un « droit » aléatoire ( imaginez le salarié pas très bien « vu ») ; de l’autre, la règle de droit parant au « selon », créant – justement – un droit qui n’a pas à être quémandé mais qui est à la disposition du besoin du salarié subissant le drame – certains, et j’en ai connu, retournant au travail pour tenter de ne plus rester seul face à la douleur.

        « Mutualisons donc ce risque entre l’ensemble des employeurs, en augmentant légèrement les cotisations pour financer l’allongement »

        Bien évidemment. Je crois noter une tendance, qui tend à devenir de plus en plus fréquente, preuve que la bataille des idées reste à engager sur le terrain rationnel ( les revers de mains style gauchiste n’ont jamais fait progresser) à poser les problèmes du point de vue de l’entreprise, en témoigne, qu’ils ne le prennent pas mal, toutes les questions méritent des réponses posées, des intervenants.

        Beaucoup ont, intégré le discours sur les « charges » des entreprises alors que jamais dans leur histoire, elles n’ont été aussi « aidées » (allez chercher sur le web, les sommes et les différentes aides, il y en a des nouvelles encore..) y compris pour leur fiscalité .
        Bien entendu, le discours dominant oubliant les entreprises cossues et pas seulement les multinationales, se focalise sur nos PME ou TPE ramenées forcément à des patrons philanthropes qui font vivre leurs ouvriers. Discours aussi misérabiliste que son exact inverse gauchiste.

        • Descartes dit :

          @ morel

          [Beaucoup ont, intégré le discours sur les « charges » des entreprises alors que jamais dans leur histoire, elles n’ont été aussi « aidées » (allez chercher sur le web, les sommes et les différentes aides, il y en a des nouvelles encore..) y compris pour leur fiscalité.]

          C’est bien là que se trouve le problème. Si l’on accepte la logique d’une « société de marché » – et c’est ce que nous avons fait collectivement dans les années 1980 – la survie des unités économiques dépend de la compétitivité, et la compétitivité dépend de la baisse des charges. Même des patrons traditionnellement « sociaux » ont été obligés de se plier à la règle d’airain, parce que c’est cela ou disparaître. Je n’imagine pas un instant que tous les patrons jouissent lorsqu’ils baissent les salaires, ferment des usines, adoptent des méthodes de management inhumaines. Mais comme l’a dit Lombard au procès des suicides de France Télécom, c’est ça ou disparaître. La condition humaine est tragique.

  5. Cet enfermement que vous décrivez renvoie à des échanges que nous avons eu par le passé : il n’y a pas de complotistes en chefs, pas de réunions de commandement, les écoles et la cooptations suffisent à assurer la mainmise sur les structures.
    Un souvenir personnel, dans l’horreur et l’écrasement que suscitaient ma visite de Auschwitz il y eu une vision terrifiante : celle d’annotations d’un ingénieur Allemand sur les plans des bâtiments abritant les chambres à gaz, par exemple : “ici risque d’engorgement”.
    Lui aussi appréhendait le monde réel qu’au travers des contingences qu’il avait à résoudre, lui aussi établissait une barrière entre sa vie d’humain au milieu d’autre humain et son travail. Il suffit d’avoir travaillé avec des anglo-saxons ou des Japonais pour constater cette schizophrénie fonctionnelle.

    • Descartes dit :

      @ Gérard Couvert

      [Cet enfermement que vous décrivez renvoie à des échanges que nous avons eu par le passé : il n’y a pas de complotistes en chefs, pas de réunions de commandement, les écoles et la cooptations suffisent à assurer la mainmise sur les structures.]

      Pas tout à fait : ce n’est pas la communauté d’écoles ou les cooptations qui assurent que toute cette caste tire dans le même sens. C’est la communauté d’intérêts. C’est là que se trouve la « main invisible » qui fait qu’en bout du compte anciens socialistes, anciens LR et anciens centristes se trouvent ensemble pour tirer dans la même direction.

      [Un souvenir personnel, dans l’horreur et l’écrasement que suscitaient ma visite de Auschwitz il y eu une vision terrifiante : celle d’annotations d’un ingénieur Allemand sur les plans des bâtiments abritant les chambres à gaz, par exemple : “ici risque d’engorgement”.]

      C’est là la raison pour laquelle étant moi-même technicien je suis contre la technocratie. Parce que la grandeur et la misère du technicien c’est que son souci est d’abord centré sur les moyens d’atteindre le but assigné, et non sur le but lui-même.

      Mais dans le cas d’espèce, le problème n’est pas là. Je récuse tout à fait l’idée que le macronisme serait un mouvement « technocratique ». Le simple fait d’avoir fait l’ENA ou Polytechnique ne fait pas de vous un technicien. Les projet de loi de réforme des retraites montre au contraire que Macron et son équipe ont le plus grand mépris pour le travail des techniciens. D’un gouvernement de technocrates on aurait attendu un projet de loi techniquement parfait même si ses objectifs sont contestables – tout comme dans votre exemple l’ingénieur allemand entendait construire une installation parfaite, même si son objectif était un génocide. Mais que voit-on ? Un projet juridiquement douteux, renvoyant les questions délicates à des ordonnances dont personne n’a la moindre idée de comment les rédiger, avec une étude d’impact lacunaire… c’est ça, la « technique » ?

      Non, le macronisme est tout le contraire d’une idéologie technocratique. C’est l’idéologie des techniciens défroqués qui à la sortie de leurs grandes écoles ont préféré se plonger dans la magouille politique plutôt que dans le domaine exigeant et peu rémunérateur de la technique. Macron, c’est la primauté totale du politique sur le technique, du volontarisme idéaliste sur la réalité. Benalla plutôt qu’un vrai policier, Sibeth Ndiaye plutôt qu’un professionnel de la communication. Sous Macron, la fidélité et le bagout passent toujours devant la compétence technique.

  6. cdg dit :

    Vous avez pas tort sur les degats de la concurrence et le fait que ca impose a des gens de faire des choses inhumaines car c est la moins mauvaise solution. Par contre c est quoi la solution ?
    Deja il faut pas etre naif, quand vous taxez quelqu un, c est pas forcement lui qui paie au final. SI vous etes en position de force vous allez passer la patate chaude a quelqu un d autre. Par ex, vous allez faire pression sur vos fournisseurs pour avoir un rabais (grande distribution), vous allez faire payer vos clients (soit par une augmentation de prix, soit en reduisant les quantites a prix constant), vous allez faire payer vos employes, investir moins ou ce qui fera plaisir a l auteur de ce blog en reduisant dividende ou rachat d action (mais ca c est problematique si votre societe est cotee en bourse car c est augmenter le risque de se faire racheter. autrement dit c est probablement la derniere solution envisagee)

    Si on en revient a l alternative, c est quoi ?
    une societe controlee par l etat qui decide qui a le droit de vendre quoi et a quel prix (c etait le cas de france telecom. le resultat etait que FT n avait aucun interet a developper internet qui lui faisait perdre l argent (plus de LS vendues aux entreprises) et ou le particulier devait faire attention quand il telephonait hors de son departement (pour ceux qui ont pas connu, ca coutait tres cher dès qu on sortait de la zone locale qui etait 1/3 de departement ou j habitais)

    L autre probleme c est qu une societe qui est protegee de la concurrence va avoir tendance a se reposer sur ses lauriers (pourquoi innover et prendre des risques alors que ca tombe tous les mois ?). Et un jour vous vous reveillez completement largué car un concurrent a l autre bout du monde lui a innové et propose un produit qui plait mieux que le votre. Evidament vous allez activer vos relais etatique/mediatique/… mais c est trop tard. Le contribuable pourra deverser moult subvention, la bataille est perdu (pour ceux qui pensent que je raisonne dans le vide pensez aux maisons de disques. pendant des dizaines d annees elle se contentaient de generer le tube de l ete et vendre de 45 tours/CD. puis internet est arrivé et tous les hadopi du monde ne ressuciteront pas le disque)

    Pour finir je pense qu on arrive au bout d un cycle. la deregulation initiee par Reagan & Thatcher montre ses limites et ses effets negatifs et quasiment plus personne ne parle de liberalisme comme la solution (trump est tout sauf un liberal , tout comme Macron (qui vient du PS))

    • Descartes dit :

      @ cdg

      [Vous n’avez pas tort sur les dégâts de la concurrence et le fait que ça impose à des gens de faire des choses inhumaines car c’est la moins mauvaise solution.]

      Le problème n’est pas seulement l’empire du moindre mal. La concurrence rétablit l’état de nature, c’est-à-dire, la guerre de tous contre tous où la survie devient la seule mesure du succès. Et cette logique fabrique des individus amoraux, car à quoi cela sert de bien agir si cela vous coute la vie ?

      [Par contre c’est quoi la solution ?]

      La solution, c’est de poser clairement comme principe qu’il y a tout un pan des rapports économiques qui – parce qu’ils ont un poids fondamental dans le fonctionnement de la société – doivent être soustraits à la régulation des marchés, et soumis à la régulation politique. L’éducation, la santé, les fonctions régaliennes, le logement, les services essentiels (transports, énergie, télécoms), le travail, doivent être plus ou moins régulés en fonction d’objectifs fixés par la société.

      [Déjà il ne faut pas être naïf, quand vous taxez quelqu’un, ce n’est pas forcement lui qui paie au final. SI vous êtes en position de force vous allez passer la patate chaude a quelqu’un d’autre.]

      Je suis d’accord avec vous. C’est une évidence. C’est pourquoi tout dispositif fiscal doit être étudié en tenant compte de la capacité de chaque groupe social à transférer le poids de la taxe à quelqu’un d’autre. Cela étant dit, toute taxation repose in fine sur le travail, parce que le travail est le seul processus qui produit de la valeur.

      [Si on en revient à l’alternative, c’est quoi ? Une société contrôlée par l’état qui décide qui a le droit de vendre quoi et à quel prix]

      Non. Que le marché ne soit pas un bon régulateur de l’ensemble de l’économie n’implique nullement qu’il ne soit pas un bon régulateur dans tel ou tel secteur en particulier. D’abord, on ne peut laisser le marché réguler intégralement que dans les secteurs où un marché raisonnablement proche d’un marché « pur et parfait » est possible. Ensuite, il ne faut pas laisser le marché réguler les domaines qui structurent les rapports entre les citoyens : les fonctions régaliennes, les services essentiels, l’éducation et la culture, le travail… Mais je ne vois pas l’intérêt que l’Etat fixe les prix dans les restaurants ou dans les bistrots.

      [(c’était le cas de France télécom. Le résultat était que FT n’avait aucun intérêt a développer internet qui lui faisait perdre l’argent (plus de LS vendues aux entreprises) et ou le particulier devait faire attention quand il téléphonait hors de son département (pour ceux qui ont pas connu, ça coutait très cher dès qu’on sortait de la zone locale qui était 1/3 de département ou j’habitais)]

      Votre exemple contredit votre raisonnement. Si l’on se place dans une logique où « l’Etat décide qui a le droit de vendre quoi et à quel prix », alors c’est l’Etat qui décide si FT développe ou non l’internet et fixe la tarification pour les communications. Les « intérêts » de FT n’ont aucun poids dans la décision. Votre exemple n’est pas celui d’un « Etat qui décide qui a le droit de vendre quoi et à quel prix », mais celui d’une entreprise en situation de monopole, libre de décider ELLE-MEME ce qu’elle vend et à quel prix en fonction de ses propres intérêts.

      [L’autre problème c’est qu’une société qui est protégée de la concurrence va avoir tendance à se reposer sur ses lauriers (pourquoi innover et prendre des risques alors que ca tombe tous les mois ?).]

      Pourtant, l’expérience a montré exactement le contraire. EDF s’est lancé dans un programme nucléaire extrêmement audacieux, la SNCF a développé un programme TGV extrêmement innovant. J’aimerais qu’on me montre une entreprise privée qui ait pris de pareils risques… Je pense que dans votre analyse vous oubliez un détail. Si la sécurité que procure la protection de la concurrence peut pousser une entreprise à se reposer sur ses lauriers, l’insécurité que procure la concurrence peut inhiber une société de prendre le moindre risque. En France, l’histoire a montré que le second effet est bien plus fort que le premier : les entreprises publiques ont su se renouveler, alors que beaucoup d’empires privés se sont effondrés à force de conservatisme.

      [Pour finir je pense qu’on arrive au bout d’un cycle. La dérégulation initiée par Reagan & Thatcher montre ses limites et ses effets négatifs et quasiment plus personne ne parle de libéralisme comme la solution (Trump est tout sauf un libéral, tout comme Macron (qui vient du PS))]

      Je ne sais pas si on en parle, mais on continue à en faire. Dans les années qui viennent, il est prévu de dépecer EDF, d’ouvrir à la concurrence les barrages, les transports urbains, les chemins de fer. Le monopole de la SNCF ou de la RATP n’a plus que quelques années à vivre. Le secteur privé prend une place de plus en plus important dans l’éducation comme dans la santé, et on ne voit pas de signes que cela doive s’arrêter. Je pense que vous êtes d’un fol optimisme si vous pensez qu’une remise en cause de la libéralisation à marche forcée est dans tuyaux… D’ailleurs, si cette remise en cause n’arrive pas, ce n’est pas seulement la faute aux libéraux. Les antilibéraux n’ont pas réussi pour le moment à définir une alternative crédible. Il faut dire que, comme ils viennent des classes intermédiaires, ils n’y ont pas forcément intérêt…

  7. Louis dit :

    Bonjour,

    Permettez-moi de répondre à vos deux derniers articles en un coup. Lorsque vous dites que :

    [Une économie de marché est nécessairement liée à une société de marché. Confier aux mécanismes de marché la régulation de l’économie implique à courte échéance en faire le régulateur de domaines comme l’éducation, de la santé, de la vieillesse, de la famille, et cela quand bien même on proclamerait publiquement qu’on entend les y soustraire. […] C’est la conséquence logique d’une pensée mercantile, et d’une méthode qui, au nom de la « transgression », a supprimé une à une les barrières qui empêchaient l’expression brutale de l’égoïsme de classe.]

    Vous en tirez logiquement la conclusion :

    [Une sécession qui fait que la distance qui sépare les « représentants » issus des classes intermédiaires des « représentés » venus des couches populaires devient abyssale.]

    Autrement dit, vous prenez acte de la révolte des élites, révolte qui ne peut avoir lieu que parce que les rapports sociaux, déterminés par les conditions économiques de notre société, le permettent. Pour citer le vieux Karl, un peu longuement :

    “L’ensemble de ces rapports de production constitue la structure économique de la société, la base réelle, sur quoi s’élève une superstructure juridique et politique et à laquelle correspondent des formes de conscience sociales déterminées. Le mode de production de la vie matérielle conditionne le procès de vie social, politique et intellectuel en général. Ce n’est pas la conscience des hommes qui détermine la réalité ; c’est au contraire la réalité sociale qui détermine leur conscience.

    À un certain stade de leur développement les forces productives de la société entrent en contradiction avec les rapports de production existants, ou, ce qui n’en est que l’expression juridique, avec les rapports de propriété à l’intérieur desquels elles s’étaient mues jusqu’alors. De formes évolutives des forces productives qu’ils étaient, ces rapports deviennent des entraves de ces forces. Alors s’ouvre une ère de révolution sociale. Le changement qui s’est produit dans la base économique bouleverse plus ou moins lentement ou rapidement toute la colossale superstructure. Lorsqu’on considère de tels bouleversements, il importe de distinguer toujours entre le bouleversement matériel des conditions de production économiques — qu’on doit constater fidèlement à l’aide des sciences physiques et naturelles — et les formes juridiques, politiques, religieuses, artistiques ou philosophiques, bref, les formes idéologiques sous lesquelles les hommes deviennent conscients de ce conflit et le mènent à bout. ”

    En somme, vous avez tiré les conclusions idéologiques du bouleversement économique de ces dernières décennies. La société de marché suit l’économie de marché ; et lorsque le marché suit de nouvelles règles, ces règles économiques trouvent leur traduction dans de nouvelles règles idéologiques. La classe victorieuse, qui bénéfice des nouveaux rapports de production, trouve les mots pour justifier le nouvel ordre des choses. Il n’en reste pas moins qu’il reste des contradictions que l’idéologie s’échine, non pas à résoudre, mais à masquer. D’où le recours à la “pédagogie”, l’obsession du “consensus”, l’autorité de “l’expert”, etc.

    Cette contradiction n’en demeure pas moins vivace, puisqu’elle ne tient pas tant à la “superstructure” qu’à “l’infrastructure” : les classes laborieuses, de même qu’une part croissante des classes intermédiaires, sont entrés dans un nouveau rapport de domination économique avec la classe qui tient son pouvoir des leviers de l’Etat et de la finance. Là où les “formes juridiques, politiques” assurent normalement que ce rapport de classe ne dégénère pas en conflit ouvert, ces nouvelles formes, que vous décrivez, rendent patent qu’il n’y a rien d’autre à faire que recourir à la violence.

    Aussi, vous dites :

    [Quand le représentant n’écoute pas les représentés, quand il prétend que la légitimité sortie des urnes est suffisante et qu’elle le dispense de tenir compte de l’avis de ses concitoyens, il usurpe une fonction et provoque une réaction de rejet et appelle une violence qui est perçue comme le seul moyen de se faire entendre. […] Mais je ne peux que constater que dans le contexte bloqué qui est le nôtre, les couches populaires n’ont qu’un moyen de se faire entendre ou de se faire respecter : faire peur au bloc dominant. Et pour faire peur, il n’y a pas trente-six solutions. Il y a le vote d’extrême droite, il y a la violence. Si le bloc dominant n’accepte pas de partager le pouvoir et d’écouter le reste de la société, il finira par créer les conditions d’une guerre civile.]

    Or vous m’objectiez il y a quelques jours à peine que vous ne croyiez pas que nous nous dirigions vers une guerre civile. J’ai du mal à vous comprendre, du coup. J’ajoute que, lorsque vous dites :

    [C’est ainsi que des gens ni plus ni moins décents que les autres son déshumanisés, amenés à prendre des décisions qui, regardées avec distance, sont proprement inhumaines. Une inhumanité justifiée au nom du choix du moindre mal. Et ceux qui choisissent le moindre mal ont tendance à oublier qu’ils ont quand même choisi le mal.]

    J’y vois justement le ressort de la guerre civile. La guerre civile n’éclate pas parce que les gens seraient subitement devenus méchants et cruels, mais parce que, d’une part, la violence est le dernier recours qui reste à ceux pour qui le changement des rapports de classe est une question de survie, et d’autre part, parce que les circonstances ont engagés, de part et d’autre, ceux qui vont s’affronter, dans une logique inhumaine. Et cela vaut, me semble-t-il, tant pour les députés, ministres, chefs d’entreprise dont vous parlez, que pour ceux qui se sont rendus compte que l’émeute valait mieux que la manifestation. Combien qui s’en sont pris physiquement à des policiers s’imaginaient capables de leur faire le moindre mal, six mois auparavant ? D’ailleurs, je pense que cela s’applique tout aussi bien aux policiers : combien s’imaginaient qu’ils en viendraient à frapper vertement, au mieux, à mutiler, au pire, des gens qui ne sont justement pas des “casseurs professionnels” qui leur vouent une haine de longue date ?

    Je suis un peu long et un peu confus. Veuillez m’en excuser, mais je suis saisi par l’impression que vous me donnez d’avoir changé d’avis, ce qui n’est sans doute pas le cas en fait ; et qu’après avoir été, si je puis dire, rassuré l’autre jour par vos propos, vous semblez aujourd’hui aller dans mon sens, ce qui m’inquiète.

    Bonne journée.

    • Descartes dit :

      @ Louis

      [« Une sécession qui fait que la distance qui sépare les « représentants » issus des classes intermédiaires des « représentés » venus des couches populaires devient abyssale. » Autrement dit, vous prenez acte de la révolte des élites, (…)]

      Je ne parlerai pas de « révolte » qui suppose qu’on se soulève contre la volonté d’un pouvoir dominant. Or, les élites SONT aujourd’hui le pouvoir dominant. Elles ne peuvent donc pas se « révolter » contre lui. Non, il ne s’agit pas d’une « révolte ». Les classes intermédiaires ont simplement construit un mur qui les sépare des couches populaires, ou pour prendre une autre image, après avoir monté sur la terrasse elles ont tiré derrière elles les échelles qui leur ont permis de monter, pour que personne d’autre ne puisse s’en servir.

      [En somme, vous avez tiré les conclusions idéologiques du bouleversement économique de ces dernières décennies. La société de marché suit l’économie de marché ; et lorsque le marché suit de nouvelles règles, ces règles économiques trouvent leur traduction dans de nouvelles règles idéologiques. La classe victorieuse, qui bénéfice des nouveaux rapports de production, trouve les mots pour justifier le nouvel ordre des choses.]

      Exactement.

      [Cette contradiction n’en demeure pas moins vivace, puisqu’elle ne tient pas tant à la “superstructure” qu’à “l’infrastructure” : les classes laborieuses, de même qu’une part croissante des classes intermédiaires, sont entrés dans un nouveau rapport de domination économique avec la classe qui tient son pouvoir des leviers de l’Etat et de la finance.]

      NON, NON et NON. Ce qui a changé ces quarante dernières années, c’est qu’on est passé d’une logique ou les couches populaires et une partie importante des classes intermédiaires partageaient des intérêts communs face aux classes qui détenaient les leviers du capital à une situation où les maîtres du capital et les couches intermédiaires partagent un intérêt commun face aux couches populaires. Et le rapport de forces permet à cette alliance que j’appelle « le bloc dominant » à chasser les couches populaires du champ politique.

      Vous persistez à croire « qu’une part croissante des classes intermédiaires » sont du côté des couches populaires. Or, la simple observation empirique vous montre que c’est faux : les classes intermédiaires soutiennent massivement des politiques antipopulaires. Les salariés de la RATP, de la SNCF, des ports, des raffineries, des centrales électriques ont fait des semaines de grève. Ou sont les enseignants secondaires, les professeurs de l’université, les artistes, les intellectuels ?

      [Là où les “formes juridiques, politiques” assurent normalement que ce rapport de classe ne dégénère pas en conflit ouvert, ces nouvelles formes, que vous décrivez, rendent patent qu’il n’y a rien d’autre à faire que recourir à la violence.]

      Pas tout à fait. Ce que je dis, c’est que la dégradation des formes juridiques et politiques qui ont permis à la société de se réguler par des voies pacifiques crée une situation ou de plus ne plus les couches populaires n’ont pas d’autre moyen de se faire entendre.

      Aussi, vous dites :

      [« Et pour faire peur, il n’y a pas trente-six solutions. Il y a le vote d’extrême droite, il y a la violence. Si le bloc dominant n’accepte pas de partager le pouvoir et d’écouter le reste de la société, il finira par créer les conditions d’une guerre civile. » Or vous m’objectiez il y a quelques jours à peine que vous ne croyiez pas que nous nous dirigions vers une guerre civile. J’ai du mal à vous comprendre, du coup.]

      Je n’ai pas été très clair, probablement. Je ne crois pas que nous nous dirigions vers une guerre civile parce que je pense que les ressources de notre système institutionnel restent importantes, et que le bloc dominant sera obligé à écouter bien avant qu’on en arrive à une véritable guerre civile. Prenez par exemple les incidents du 1er décembre 2018 : après avoir refusé d’écouter les « gilets jaunes » lorsqu’ils manifestaient pacifiquement, le gouvernement a pris conscience du danger et lâché la taxe carbone. Je ne pense pas que le bloc dominant soit chez nous assez fou ou assez inconscient pour aller au point de rupture, et notre administration est encore assez puissante pour tenir le cap. Plus que vers la guerre civile, je pense que nous allons vers un niveau de violence dans les rapports sociaux jamais atteinte depuis la guerre d’Algérie, mais pas plus.

      [Je suis un peu long et un peu confus. Veuillez m’en excuser, mais je suis saisi par l’impression que vous me donnez d’avoir changé d’avis, ce qui n’est sans doute pas le cas en fait ; et qu’après avoir été, si je puis dire, rassuré l’autre jour par vos propos, vous semblez aujourd’hui aller dans mon sens, ce qui m’inquiète.]

      J’espère vous avoir rassuré, ou à tout le moins m’être fait mieux comprendre. Je ne crois pas à la guerre civile, pace que je même si nous sommes tout près du bord du précipice, je fais confiance à notre administration et à notre système institutionnel pour nous retenir.

      • Louis dit :

        Bonjour,

        [Je ne parlerai pas de « révolte » qui suppose qu’on se soulève contre la volonté d’un pouvoir dominant. Or, les élites SONT aujourd’hui le pouvoir dominant. Elles ne peuvent donc pas se « révolter » contre lui. Non, il ne s’agit pas d’une « révolte ». Les classes intermédiaires ont simplement construit un mur qui les sépare des couches populaires, ou pour prendre une autre image, après avoir monté sur la terrasse elles ont tiré derrière elles les échelles qui leur ont permis de monter, pour que personne d’autre ne puisse s’en servir.]

        En fait, je reprenais l’expression de Lasch, qui décrit la même chose que vous. A la lettre, vous avez raison : une révolte ne se fait que contre un pouvoir en place. Si Lasch recourt au paradoxe, c’est pour marquer ce fait singulier que, pour la première fois depuis le XVIIIe siècle, les dominants peuvent se retrancher du reste de la société, et ont proclamé leur retranchement dans l’esprit de “révolte” des années 60 et 70. “Révolte” contre l’Etat autoritaire, “révolte” contre l’ordre moral, “révolte” contre la tradition… C’est sous les oripeaux de la “subversion”, de la “remise en cause de l’ordre établi”, de la “critique radicale”, etc. qu’a été menée l’offensive idéologique correspondant aux intérêts des classes intermédiaires. A ce sujet :

        [NON, NON et NON. Ce qui a changé ces quarante dernières années, c’est qu’on est passé d’une logique ou les couches populaires et une partie importante des classes intermédiaires partageaient des intérêts communs face aux classes qui détenaient les leviers du capital à une situation où les maîtres du capital et les couches intermédiaires partagent un intérêt commun face aux couches populaires. Et le rapport de forces permet à cette alliance que j’appelle « le bloc dominant » à chasser les couches populaires du champ politique.]

        Je suis entièrement d’accord avec vous, et je reconnais tout à fait ma propre confusion. En fait, je serais bien en peine de définir exactement ce que sont les “classes intermédiaires”. C’est quelque chose qui me gêne, et je ne trouve nulle part rien qui soit clair et précis.

        D’un côté, je vous suis parfaitement, et j’ai dit plus haut que les “classes intermédiaires” ont remporté la partie, et se retrouvent du côté des “maîtres du capital”, comme vous dites.

        De l’autre, j’ai du mal à ranger dans le même panier —fût-il celui dans lequel on trouve le cheminot en grève, ou celui dans lequel on trouve le professeur d’université—, l’infirmier, le modeste secrétaire, le petit boutiquier… Si j’emploie “classe intermédiaire”, c’est justement parce que, eh bien, je vois tout un tas de métier que je ne peux que situer entre le prolétariat et les métiers intellectuels qui offrent une place de choix en société.

        Il me semble pourtant que, parmi ceux que je situe (à tort ?) entre ces deux groupes, on en trouve beaucoup qui trinquent, justement, et qui ne bénéficient pas du rapport de classe actuel. Voire qui n’en bénéficient plus : je vous accorde volontiers que les professeurs soutiennent encore, sinon Macron, du moins le statu quo qu’ils croient leur être profitable, et l’idée qu’il ne faudrait non seulement pas mépriser les électeurs de Le Pen, mais qu’il faudrait en outre les rallier, doit leur paraître encore aujourd’hui d’un ridicule sinistre. Il n’en reste pas moins qu’un professeur des collèges ou des lycées voit sa situation sociale se dégrader à grands pas, son pouvoir d’achat baisser comme tout le monde… Bref, même parmi ceux qui se rangent idéologiquement dans le camp des vainqueurs, j’ai l’impression qu’il y en a qui n’ont pas encore pris conscience du camp qui est le leur.

        Qu’elle soit juste ou non, mon opinion baigne dans un flou total, et je regrette qu’elle semble vous avoir fait sortir de vos gonds, alors que j’ai bien besoin d’une mise au point. Quant à la guerre civile, je vous remercie de vos précisions.

        Bonne journée

        • Descartes dit :

          @ Louis

          [En fait, je reprenais l’expression de Lasch, qui décrit la même chose que vous. A la lettre, vous avez raison : une révolte ne se fait que contre un pouvoir en place. Si Lasch recourt au paradoxe, c’est pour marquer ce fait singulier que, pour la première fois depuis le XVIIIe siècle, les dominants peuvent se retrancher du reste de la société, et ont proclamé leur retranchement dans l’esprit de “révolte” des années 60 et 70. “Révolte” contre l’Etat autoritaire, “révolte” contre l’ordre moral, “révolte” contre la tradition… C’est sous les oripeaux de la “subversion”, de la “remise en cause de l’ordre établi”, de la “critique radicale”, etc. qu’a été menée l’offensive idéologique correspondant aux intérêts des classes intermédiaires.]

          Effectivement, cela se tient. Je n’avais pas compris la « révolte » dans ce sens, mais après explication je partage le diagnostic. A ce propos, on peut s’interroger sur le fait que la « révolte » soit finie, et que les descendants des « révoltés » des années 60 et 70 prêchent aujourd’hui un ordre moral et une censure qui n’ont rien à envier à celle de l’Angleterre victorienne.

          [Je suis entièrement d’accord avec vous, et je reconnais tout à fait ma propre confusion. En fait, je serais bien en peine de définir exactement ce que sont les “classes intermédiaires”. C’est quelque chose qui me gêne, et je ne trouve nulle part rien qui soit clair et précis.]

          J’avais inventé cette expression pour désigner une catégorie bien précise, celle des individus dont le capital matériel et immatériel est suffisant pour leur permettre de récupérer la totalité de la valeur produite par leur travail, mais insuffisant pour extraire de la valeur du travail des autres. En d’autres termes, ils ne sont pas vraiment « exploiteurs » mais pas non plus « exploités ».

          [De l’autre, j’ai du mal à ranger dans le même panier —fût-il celui dans lequel on trouve le cheminot en grève, ou celui dans lequel on trouve le professeur d’université—, l’infirmier, le modeste secrétaire, le petit boutiquier… Si j’emploie “classe intermédiaire”, c’est justement parce que, eh bien, je vois tout un tas de métier que je ne peux que situer entre le prolétariat et les métiers intellectuels qui offrent une place de choix en société.]

          C’est le partage de la valeur lié à l’existence d’un capital – en général immatériel – qui devrait être le juge de paix.

          [Il n’en reste pas moins qu’un professeur des collèges ou des lycées voit sa situation sociale se dégrader à grands pas, son pouvoir d’achat baisser comme tout le monde…]

          Certes. Mais qu’en serait-il si le « bloc dominant » perdait le pouvoir ? Sa situation serait-elle meilleure ? C’est là tout le problème : on ne peut déduire du fait que la situation d’une couche sociale se dégrade le fait qu’elle aurait intérêt à un changement radical. Pour tirer une telle conclusion, il faut comparer ce que serait sa situation avec ou sans changement. L’exemple le plus probant de ce point de vue est celui de la classe ouvrière : alors que sa situation se dégrade depuis trente ans, on ne voit aucun signe de révolution à l’horizon. Tout simplement parce que la classe ouvrière est persuadée que sa situation serait encore pire après une révolution.

          [Qu’elle soit juste ou non, mon opinion baigne dans un flou total, et je regrette qu’elle semble vous avoir fait sortir de vos gonds,]

          Ne regrettez pas, et rassurez-vous, vos remarques ne m’ont pas fait sortir de mes gonds. Mais j’avoue un certain énervement devant le discours qui consiste à vouloir chasser avec la meute et courir avec le lièvre. Si les enseignants ne font pas grève alors que les travailleurs des chemins de fer ou de la RATP le font, ce n’est pas parce qu’ils n’ont pas compris où sont leurs intérêts, au contraire : c’est parce qu’ils ont très bien compris. Et qu’au-delà de leurs discours sur leur « prolétarisation », ils comprennent parfaitement le fossé qui les sépare des couches populaires.

          • Louis dit :

            Bonsoir,

            Merci pour votre réponse. Toutefois, je n’ai pas compris ce que vous vouliez dire lorsque vous affirmez que :

            [C’est le partage de la valeur lié à l’existence d’un capital – en général immatériel – qui devrait être le juge de paix.]

            Pourriez-vous m’éclairer ? Ou m’indiquer une piste de lecture, pour gagner du temps.

            Bonne soirée

            • Descartes dit :

              @ Louis

              [“C’est le partage de la valeur lié à l’existence d’un capital – en général immatériel – qui devrait être le juge de paix”. Pourriez-vous m’éclairer ? Ou m’indiquer une piste de lecture, pour gagner du temps.]

              Ce que je voulais dire, c’est que si les “classes intermédiaires” échappent à la logique de l’exploitation (c’est à dire, à la vente de leur force de travail pour une valeur inférieure à celle que leur travail produit) contrairement aux couches populaires, c’est parce qu’elles disposent d’un capital “en général immatériel” (connaissances ou savoirs faire rares ou stratégiques, par exemple) qui leur permet de négocier leur rémunération et récupérer l’ensemble de la valeur qu’ils produisent, sinon plus.

  8. Capitaine Félix dit :

    @ Descartes

    Bonsoir.

    Merci beaucoup pour votre billet. Idem pour le précédent concernant Monsieur Bourlangues.

    Je me permets de revenir sur vos développements concernant Mme la ministre Muriel Pénicaud. Vous évoquez son parcours antérieur en tant que DRH de la société Danone. Mais il me semblait avoir lu quelque part qu’elle avait débuté sa carrière en tant qu’administratrice territoriale. Puis directrice régionale au ministère du Travail. Il me semble que le passage dans le secteur privé s’est amorcé après un passage en cabinet ministériel.

    Son itinéraire et indubitablement son positionnement politique actuel, font échos me-semble-t-il, avec un de vos anciens post concernant l’évolution des cabinets ministériels, ainsi que leur positionnement ambiguë à l’heure actuelle, en qualité de conseil auprès du ministre et en concurrence avec les Directions des ministères. Vous estimiez d’ailleurs que ce rôle équivoque pouvait être mis en parallèle avec la nouvelle composition des membres des cabinets (mélange privé-public). Sommes-nous désormais très loin des vocations originelles des cabinets ? Même de l’inflexion présidentialiste initiée par le général de Gaulle ?

    Concernant l’intéressée, de nouvelles polémiques pointent à l’horizon : https://france3-regions.francetvinfo.fr/centre-val-de-loire/posture-fanfaronne-agressive-passe-armes-entre-muriel-penicaud-region-bilan-apprentissage-1784025.html

    Demeurent ensuite les députés de la majorité. Comme vous le précisiez dans votre billet du 18 janvier 2020, c’est un système de démocratie représentative statique.

    Merci encore

    • Descartes dit :

      @ Capitaine Felix

      [Je me permets de revenir sur vos développements concernant Mme la ministre Muriel Pénicaud. Vous évoquez son parcours antérieur en tant que DRH de la société Danone. Mais il me semblait avoir lu quelque part qu’elle avait débuté sa carrière en tant qu’administratrice territoriale.]

      Débuté, oui. Mais il y a prescription : elle travaille dans l’administration quinze ans, de 1976 à 1991. Depuis 1993, elle travaille dans les ressources humaines dans le secteur privé.

      [Sommes-nous désormais très loin des vocations originelles des cabinets ? Même de l’inflexion présidentialiste initiée par le général de Gaulle ?]

      En fait, la redéfinition du rôle des cabinets ministériels date de 1981, avec l’arrivé au pouvoir des socialistes. Jusque-là, les cabinets étaient un petit groupe de collaborateurs très proches du ministre et ayant son absolue confiance, ayant pour fonction de gérer les dossiers « politiques », de conseiller le ministre, de l’avertir des chausses trappes, de déminer les sujets. L’administration, dirigée par des directeurs d’administration centrale, gérait les questions techniques et les affaires courantes. En 1981, les socialistes arrivent au pouvoir. Ils ont encore en tête la manière dont l’administration chilienne a saboté Allende, et craignent le même type de réaction. C’est pourquoi Mitterrand exige que dans chaque cabinet il y ait un conseiller pour « marquer à la culotte » chacun des directeurs. Cette logique a infantilisé les directeurs. Alors que jusqu’à 1981 c’était des véritables « barons », capables de prendre des véritables décisions, de conduire une politique décidée par le ministre, ils sont devenus des sortes d’exécutant faisant valider chaque décision par le conseiller de cabinet chargé de les suivre.

      Aujourd’hui, paradoxalement, Macron affiche une volonté de revenir à la conception ancienne du cabinet, avec des cabinets resserrés et des directeurs enjoints de devenir les véritables « managers » de l’action publique. Seulement voilà : lorsque pendant des années on a promu aux postes de direction des gens avec pour principal critère de sélection leur capacité à courber l’échine, à obéir et à ne pas faire des vagues, difficile ensuite de leur demander ensuite d’être des véritables patrons. A cela il faut ajouter le fait que le cabinet resserré « à l’ancienne » fonctionne si les postes sont occupés par des conseillers expérimentés, blanchis sous le harnais, ayant une capacité à s’imposer par leur compétence et leur prestige. Or, on continue à nommer aux cabinets des petits jeunes ambitieux en récompense des services (électoraux) rendus, plus malléables et enclins à dire « oui » à tout ce que dit leur ministre. C’est cette sélection qui conduit aujourd’hui aux couacs à répétition. Un véritable conseiller « à l’ancienne » aurait vu le danger dans l’affaire du congé pour deuil, et aurait essayé de convaincre sa ministre de ne pas s’enferrer là-dedans.

      [Demeurent ensuite les députés de la majorité. Comme vous le précisiez dans votre billet du 18 janvier 2020, c’est un système de démocratie représentative statique.]

      Tout à fait. Dans la conception macronienne, on élit son député, et si on n’est pas content, on le sanctionne cinq ans plus tard – et encore, seulement s’il a le bon goût de se représenter. Entre les deux, le citoyen n’a qu’à attendre.

  9. bernard dit :

    bonjour , n’est ce pas tout simplement un contre feu cette histoire de congé enfant décédé , un petit incendie dans un coin pour attirer le monde a discuter comme le sera certainement le sujet sur le communautarisme
    qui va arriver prochainement sur la table
    Je me trompe peut être

    • Descartes dit :

      @ bernard

      [bonjou, n’est ce pas tout simplement un contre feu cette histoire de congé enfant décédé, un petit incendie dans un coin pour attirer le monde a discuter comme le sera certainement le sujet sur le communautarisme
      qui va arriver prochainement sur la table.]

      Non, je ne crois pas. Lorsqu’on allume un contre-feu, on le fait à un endroit ou cela ne risque pas de faire brûler votre maison. Or, il est clair que sur un tel sujet le prix politique à payer est énorme, d’une part en termes d’image dans l’opinion, de l’autre en termes des rapports entre le gouvernement et sa majorité.

  10. Brochard dit :

    Nous vivons dans un monde de pleurnichards . Autrefois il fallait se contenter d’un jour d’absence pour l’enterrement . Des milliers de gens meurent chaque jour , qui sont souvent des êtres chers , faut-il s’arrêter de respirer pour autant . Descartes le Philosophe penserait sans doute qu’on égare l’esprit avec des sujets sans intérêt ; il y a des problèmes plus sérieux . A quand les congés payés pour les peines de cœur , pour les séparations douloureuses , pour des voitures qui tombent en panne … La France est devenue un pays de singeries !

    • Descartes dit :

      @ Brochard

      [Nous vivons dans un monde de pleurnichards. Autrefois il fallait se contenter d’un jour d’absence pour l’enterrement.]

      Je pense que vous faites erreur. Les règles du deuil étaient autrefois beaucoup plus rigoureuses qu’aujourd’hui et les individus ne pouvaient s’y plier sans y consacrer beaucoup de temps. Pour vous donner un exemple, un garçon juif qui perdait son père devait se rendre pendant la première année à la synagogue cinq fois par jour pour dire le « kaddish » à la mémoire du défunt. Comment aurait-il pu le faire si son employeur ne tolérait pas son absence ?

      Il est vrai que la perte d’un enfant était autrefois bien plus banalisée qu’aujourd’hui, tout simplement parce qu’elle était plus banale, du fait de la mortalité infantile et de la persistance des maladies infectieuses. La mort d’un enfant est aujourd’hui devenue rare, et donc bien plus dramatique.

      [Des milliers de gens meurent chaque jour, qui sont souvent des êtres chers, faut-il s’arrêter de respirer pour autant.]

      Cela me parait peu raisonnable en effet. Si on s’arrêtait de respirer lorsque quelqu’un meurt, il y aurait beaucoup plus de morts et le pays serait dépeuplé. Mais sans pour autant s’arrêter de respirer, il faut comprendre que la mort d’un enfant occupe une place particulière. Des milliers de gens meurent – nous tous un jour, en fait – mais nous mourrons en général dans des circonstances comprises et acceptées, après une vie longue, et nous sommes portés en terre par nos descendants. L’idée qu’un enfant meure avant ses parents nous paraît une insulte à l’humanité.

      [Descartes le Philosophe penserait sans doute qu’on égare l’esprit avec des sujets sans intérêt ; il y a des problèmes plus sérieux.]

      Je doute que Descartes ou n’importe quel autre philosophe puisse dire qu’il y a des sujets plus importants que celui de la vie et la mort…

      [A quand les congés payés pour les peines de cœur, pour les séparations douloureuses, pour des voitures qui tombent en panne … La France est devenue un pays de singeries !]

      Comme je vous l’ai expliqué plus haut, la mort d’un enfant a une résonance que n’ont ni les séparations douloureuses, ni les peines de cœur, ni les pannes de voiture.

      • Baruch dit :

        D’autant que Descartes, qui avait perdu sa petite fille Francine qu’il aimait profondément lorsqu’elle avait trois ans je crois, a fait part de la douleur de ce deuil dans sa correspondance . Ce n’était pas pour lui chose futile et la question éthique, le comportement pratique était la “finalité” de la philosophie.
        Toute sa correspondance avec la princesse Elizabeth de Bohème montre bien que ceci était tout aussi “sérieux”que la “philosophie première” objet des Méditations.
        Il y a certes quatre règles de la méthode, mais aussi trois règles de la “morale provisoire”…

        • Descartes dit :

          @ Baruch

          [Il y a certes quatre règles de la méthode, mais aussi trois règles de la “morale provisoire”…]

          Tout à fait. Ce n’est pas pour rien que Descartes est l’un des pères de la philosophie humaniste.

  11. cdg dit :

    Je sais pas quelles etaient les motivations profondes des deputes LREM quand ils ont refusé l amendement. Pas sur que ca soit le refus de taxer les entreprises comme le pense l auteur . Sinon pourquoi votent ils des mesures comme la PMA qui va couter nettement plus cher (rien qu avec les actes medicaux, meme sans ajouter le cout supplementaire des prestations sociales) ?

    Il y a probablement un effet mediatique. S afficher pro PMA c est cool, rembarrer un obscur amendement c est pas un probleme vu que c est pas censé se voir.
    Apres il y a evidement la proximité intellectuelle. Je pense qu un grand nombre de deputé connaissent des femmes CSP + qui voudraient bien un enfant mais pas s emmerder avec un mari (ou alors un CSP++ mais ceux ci ne sont pas dispo ou pas interessés). Par contre combien ont eut des deces d enfant dans leur entourage ? (et encore s ils etaient des professions liberales, ils n etaient pas concernés)

    Sinon une vue de nos voicins que j ai trouve interessante : https://www.tdg.ch/reflexions/president-fort-parlement-faible-cas-francais/story/25800287
    C est vrai que nos parlementaire ont tout interet a faire des effets d annonce avec des lois inaplicables ou non financees. Il me semble que c etait Sarkozy qui disait “un probleme = une loi”. peut importe que la loi ne regle pas le probleme, on pourra dire que j ai fait quelque chose !

    • Descartes dit :

      @ cdg

      [Je ne sais pas quelles étaient les motivations profondes des députes LREM quand ils ont refusé l’amendement. Pas sûr que ça soit le refus de taxer les entreprises comme le pense l’auteur. Sinon pourquoi votent-ils des mesures comme la PMA qui va couter nettement plus cher (rien qu’avec les actes médicaux, même sans ajouter le cout supplémentaire des prestations sociales) ?]

      La réponse est évidente : parce que la PMA n’alourdit pas les « charges des entreprises ». Si l’on écoute les députés LREM, c’était là leur principal motif pour rejeter l’amendement. Même s’il est impossible de sonder les reins et les cœurs – à supposer qu’ils en aient un – des députés LREM, il n’y a aucune raison de penser que les raisons alléguées ne soient pas le véritable motif.

      [Sinon une vue de nos voisins que j’ai trouvé intéressante : (…)]

      Pas moi. C’est la n-ième lamentation sur le mode « l’exécutif est fort, le parlement est faible » ou « les députes sont soumis au président de la République ». Cela était déjà faux en 1958, et c’est encore plus faux aujourd’hui.

      Commençons par le fonctionnement parlementaire lui-même : il est faux de dire comme l’écrit l’auteur du papier que vous citez que « les députés de la majorité présidentielle sont placés dans une dépendance humiliante par rapport au chef de l’État. Leur moindre amendement doit être approuvé par le gouvernement ». Je vous mets au défi de me montrer une telle disposition dans le règlement de l’Assemblée nationale. Non, un député est libre de déposer autant d’amendements qu’il le souhaite, et n’a besoin de « l’approbation » de personne. Et rien n’oblige les députés à respecter les consignes de vote de leur groupe.

      Bien sûr, le député qui refuse de voter comme l’ordonne son parti politique risque quelques ennuis, par exemple d’être exclu du groupe, ou de voir son parti présenter un candidat contre lui à la prochaine élection. Mais de nos jours, l’exclusion n’est pas très efficace puisqu’il y a plein d’autres groupes auxquels un député peut adhérer, et qui n’ont qu’une discipline de vote relative. Et pour ce qui concerne la sanction électorale, elle n’est efficace que si le député entend se représenter, et même dans ce cas les investitures partisans n’ont plus aujourd’hui le poids qu’elles avaient naguère, et certainement beaucoup moins que dans un système proportionnel, ou l’élection ou non d’un député dépend de la bonne volonté de son parti pour le mettre sur la liste en position éligible.

      [C’est vrai que nos parlementaires ont tout intérêt à faire des effets d’annonce avec des lois inapplicables ou non financées.]

      Ni plus ni moins que les ministres… c’est là un défaut qui touche toutes les institutions, et pas une seule.

      [Il me semble que c’était Sarkozy qui disait “un problème = une loi”. Peu importe que la loi ne règle pas le problème, on pourra dire que j’ai fait quelque chose !]

      Mais est-ce la faute de politiques si les Français exigent de leurs dirigeants ce type de comportement ? Si chaque ONG, chaque groupe de pression veut avoir “sa” loi ?

      • yoann dit :

        [les députés de la majorité présidentielle sont placés dans une dépendance humiliante par rapport au chef de l’État]

        Il reste quand même l’équilibre subtile du 49.3 – de la motion de censure -dissolution, qui dans les faits débouche que rarement (jamais?) sur la motion de censure.

        Maintenant je crois que le problème actuel c’est le parlement de neuneu qui votent sans réfléchir les ordonnances. Mais s’ils n’y voient pas de désaccords, que dire sinon rien.

        • Descartes dit :

          @ yoann

          [Il reste quand même l’équilibre subtile du 49.3 – de la motion de censure -dissolution, qui dans les faits débouche que rarement (jamais?) sur la motion de censure.]

          Parce que les députés préfèrent garder leurs sièges plutôt que de prendre le risque de revenir devant le peuple. Mais ce n’est pas la Constitution qui place les députés “dans une dépendance humiliante par rapport au Chef de l’Etat”. Ce sont les députés eux-mêmes qui choisissent de s’humilier. Et aucun système constitutionnel, aussi parfait soit-il, n’est capable de bien fonctionner lorsque les hommes qui sont censés représenter le peuple préfèrent leur petit confort à toute autre considération.

      • cdg dit :

        “La réponse est évidente : parce que la PMA n’alourdit pas les « charges des entreprises »”
        Vous etes sur ? Parce que ca va quand meme couter tres cher et que la secu va forcement devoir recuperer l argent a quelque part. Autrement dit augmentation des cotisations sociales. Peute etre qu en effet on augmentera uniquement les cotisations sociales des employes (mais c est peu probable).
        ET meme si c est le cas, c est toujours problematique quand les gens voient leur salaire net baisser (meme si c est pas du fait de l entreprise mais un impot supplementaire). L entreprise risque d avoir une demande d augmentation pour compenser.

        ” les investitures partisans n’ont plus aujourd’hui le poids qu’elles avaient naguère”
        Pour les maires c est sur. Pour les deputes je doute fort. Combien de deputes sont elus sans le soutien d un parti majeur ? Dans le cas de nos deputes actuels, ils ont tous ete elu car ils avaient le label “macron”. Quasiment tous etaient de parfait inconnu
        Apres evidement vous pouvez renoncer a votre carriere politique et revenir a ce que vous faisiez avant (les deputes qui ont quitte LREM doivent etre dans ce cas. aucun ne doit penser se faire reelire). Mais reconnaissez que c est pas forcement attrayant si vous aviez avant un poste subalterne ou pas tres bien payé

        “Mais est-ce la faute de politiques si les Français exigent de leurs dirigeants ce type de comportement ? Si chaque ONG, chaque groupe de pression veut avoir “sa” loi ?”
        C est sur qu on a les politiques qu on merite et comme l a ecrit un commentaire precedent nous sommes devenu un peuple de geignard.
        L histoire du deuil pour enfant decede est du meme tonneau que d exiger qu un president aille sur les lieu d un catastrophe quelconque pour recomforter les victimes …

        • Descartes dit :

          @ cdg

          [Vous êtes sur ? Parce que ça va quand même couter très cher et que la sécu va forcément devoir récupérer l’argent a quelque part. Autrement dit augmentation des cotisations sociales.]

          D’une part, la PMA n’est pas une opération très coûteuse. Et d’autre part, le nombre de personnes concernées par l’extension de la PMA est très faible.

          [« les investitures partisans n’ont plus aujourd’hui le poids qu’elles avaient naguère » Pour les maires c’est sûr. Pour les députes je doute fort. Combien de députes sont élus sans le soutien d’un parti majeur ? Dans le cas de nos députés actuels, ils ont tous été élus car ils avaient le label “macron”. Quasiment tous étaient de parfait inconnus.]

          Pas du tout. Beaucoup étaient des anciens notables socialistes, centristes ou même LR. Qui ont été élus successivement sous des étiquettes différentes. Il est vrai que si on veut se faire élire et qu’on est un nouveau venu, mieux vaut avoir le soutien d’un parti politique. Mais c’est loin d’être le cas pour les « notables ». En pratique, un très grand nombre de députés sont aujourd’hui élus sur leur nom plutôt que sur leur appartenance politique. Au point que beaucoup se font discrets sur le nom des partis qui les soutiennent.

          [L’histoire du deuil pour enfant décédé est du même tonneau que d’exiger qu’un président aille sur les lieu d un catastrophe quelconque pour réconforter les victimes …]

          Je ne suis pas d’accord. Que le chef de l’Etat aille sur le site d’une catastrophe est une tradition régalienne très ancienne. C’est une occasion de matérialiser le lien entre le gouvernant et le gouverné par le partage d’une même souffrance. D’ailleurs, vous noterez que ce genre de déplacements ne figurent sur aucun texte, tant ils ressortent d’une obligation évidente.

          • cdg dit :

            “D’une part, la PMA n’est pas une opération très coûteuse”
            J avais lu le contraire. Il faut un traitement hormonal et ca marche pas a tous les coups (de memoire c etait 1 fois sur 3)
            “nombre de personnes concernées par l’extension de la PMA est très faible”
            Ca ca reste a prouver. C est sur que si ca concerne que les lesbiennes, c est ultra minoritaire. Par contre vu que c est ouvert a toute les femmes, qui vous dit que ca va rester circonscrit a un petit cercle ? Apres tout, toute femme qui a un desir d enfant une candidate potentielle. Vous me direz qu il y a une facon plus naturelle d avoir des enfants mais:
            – vous ne trouvez pas de geniteur (disons que votre physique ou votre age est problematique pour rester politiquement correct)
            – vous ne trouvez pas de geniteur qui satisfont vos souhaits (supposez que vous aites une CSP++ et assez riche, vous voulez un CSP+++ et encore plus riche. pas de bol les rares dispos veulent des femmes plus jeunes)
            – vous ne voulez pas vous encombrer d un mari ou de quelque un qui a un droit de regard sur l enfant
            – vous voulez un enfant “parfait” (il y a des banques de sperme aux USA ou vos pouvez choisir le physique mais aussi le niveau d etude du donneur)
            – vous voulez un enfant pour entrer dans la bonne case (rigolez pas, quand j etait dans mon ecole d inge, il y avait une fille qui cherchait a se faire mettre enceinte afin de ne pas etre viree (en fin de pre iere annee il y avait 10-15 % qui ne passaient pas en 2eme annee)

            Est ce que ca arrivera ? j en sais rien. mais vu que c est gratuit (c est letat qui paie comme le disait Hollande) il va forcemement avoir des derives.
            Regardez le nombre de cesariennes. Ca a explosé alors qu il ny a aucune raison medicale … (https://www.rts.ch/info/sciences-tech/7648776-la-cesarienne-un-acte-de-plus-en-plus-frequent-en-suisse-mais-jamais-banal.html)

            Pour les deputes LREM, je suis en desaccord avec vous. La plupart ont ete elu en etant completement inconnus des electeurs : http://www.leparisien.fr/politique/assemblee-nationale-d-ou-viennent-les-deputes-d-en-marche-25-06-2017-7084923.php
            Vous noterez que la plupart etaient sans mandat (169 sur 308). Il y avait certains qui avait un mandat local (autrement dit ils etaient peut etre connu dans leur ville mais pas plus loin)
            seul 40 etaient maires et 13 deputes. Sur 308 ca fait quand meme pas beaucoup (17 % contre 54 % de sans mandat)
            Apres vous pouvez etre connu pour autre chose que la politique (comme Collard ou Tapie en son temps) mais c est la aussi exceptionnel. Le seul qui pourrait etre dans ce cas est Villiani mais une medaille fields ne vous assure pas une grande couverture mediatique.
            Autrement dit, a l exception des 17 % de depute ou maire, le reste doit son election au label “macron” et le perdra si le label leur est retiré ou en case de vague anti macron (ou un autre inconnu sera elu car il portera le label “x”)

            • Descartes dit :

              @ cdg

              [« D’une part, la PMA n’est pas une opération très coûteuse » J’avais lu le contraire. Il faut un traitement hormonal et ça marche pas a tous les coups (de memoire c etait 1 fois sur 3)]

              Je n’ai pas dit que c’était simple, j’ai dit que ce n’était pas coûteux. C’est ce que m’a dit un ami médecin. J’ai cherché des chiffres sur la toile – en laissant de côté les cites militants, ce qui n’est pas facile. Selon les « décodeurs » du Monde, la prise en charge pour une PMA par fécondation in vitro (adaptée aux femmes infertiles) coûte autour de 5000 €, mais l’insémination artificielle – et c’est à cette technique qu’auront recours la plupart des femmes seules ou couples lesbiens voulant un enfant – coûte dans les 1000 €. Etant donné le faible nombre de personnes qui y auront recours, vous voyez que le coût n’est pas énorme.

              [« nombre de personnes concernées par l’extension de la PMA est très faible » Ca ca reste a prouver. C’est sûr que si ça ne concerne que les lesbiennes, c’est ultra minoritaire. Par contre vu que c’est ouvert à toute les femmes, qui vous dit que ça va rester circonscrit a un petit cercle ? Apres tout, toute femme qui a un désir d’enfant une candidate potentielle. Vous me direz qu’il y a une façon plus naturelle d’avoir des enfants]

              Franchement, oui. Et en plus, vous pouvez avoir tous les renseignements que vous voulez sur les capacités physiques et intellectuelles du père, son état de santé, etc. Cela fait des années que des femmes se font faire un enfant qu’elles entendent élever seules sans que le père ne soit même au courant. Franchement, je doute que le recours à la PMA pour les femmes qui veulent avoir un enfant seules concerne beaucoup de monde.

              [– vous ne trouvez pas de geniteur (disons que votre physique ou votre age est problematique pour rester politiquement correct)]

              Vous savez, dans notre bas monde, tout s’achète. Vous pouvez choisir un escort sur catalogue sur Internet, en connaissant son niveau d’études, son physique… et pour la moitié de ce que vous coute une insémination, si mes renseignements sont exacts.

              [– vous ne trouvez pas de geniteur qui satisfont vos souhaits (supposez que vous aites une CSP++ et assez riche, vous voulez un CSP+++ et encore plus riche. pas de bol les rares dispos veulent des femmes plus jeunes)]

              Je vois mal l’intérêt d’avoir un enfant par PMA avec un « CSP+++ riche ». La richesse ne se transmet pas par les gènes, pas plus que le CSP+++. Et l’enfant né par PMA n’a aucun droit sur la fortune de son géniteur.

              [– vous ne voulez pas vous encombrer d’un mari ou de quelque un qui a un droit de regard sur l’enfant]

              Suffit de ne plus revoir le père, et l’affaire est réglée. Un coup d’un soir, et puis basta…

              [– vous voulez un enfant “parfait” (il y a des banques de sperme aux USA ou vos pouvez choisir le physique mais aussi le niveau d’étude du donneur)]

              Il n’y a que les amerloques pour croire que les capacités intellectuelles et le niveau d’études est héréditaire. Et puis, une femme qui veut avoir un enfant peut parfaitement organiser un coup d’un soir avec un homme dont le physique et l’intellect l’arrange… quitte à payer ! Vous avez entendu parler des « escort » ?

              [Est ce que ça arrivera ? j’en sais rien. mais vu que c’est gratuit (c’est l’Etat qui paie comme le disait Hollande) il va forcément avoir des dérives.]

              Vous savez, les toucher rectaux sont remboursés, et je doute qu’il y ait beaucoup d’abus. Je doute que la PMA soit une fête…

              [Regardez le nombre de césariennes. Ca a explosé alors qu’il ny a aucune raison médicale …]

              C’est très différent. La motivation pour la césarienne est la croyance que cela réduit la douleur pendant l’accouchement, les problèmes urinaires après l’accouchement ou les risques pour le bébé.

              [Pour les députes LREM, je suis en désaccord avec vous. La plupart ont été élus en étant complètement inconnus des électeurs : (…)]

              Ce n’est pas ce que dit l’article que vous citez. Il se contente de constater que sur les 308, un peu plus de la moitié (168) « n’ont jamais exercé le moindre mandat ». Mais cela n’implique nullement qu’ils fussent des « inconnus ». Ils ont pu se présenter au préalable à une autre élection et être battus, tout comme ils peuvent être connu du fait de leurs activités associatives, professionnelles ou syndicales, et qu’ils n’aient donc pas une implantation à eux, indépendante de leur étiquette.

              Mais surtout, à supposer même qu’ils fussent des inconnus lorsqu’ils ont été élus, ILS NE LE SONT PLUS MAINTENANT. On peut supposer qu’une partie d’entre eux – difficile d’estimer sans une étude précise – ils pourraient être réélus sur leur propre nom, sans nécessairement avoir l’investiture de LaREM. Or, c’était là le sujet de notre échange.

              J’ajoute enfin que 168 sur 308 c’est à peine plus de la moitié. Si vous tenez compte du fait que chez les autres partis les élus sont généralement issus du cursus honorum habituel, vos 168 « inconnus » représentent à peine un peu plus d’un quart de l’Assemblée…

              [Apres vous pouvez être connu pour autre chose que la politique (comme Collard ou Tapie en son temps) mais c’est là aussi exceptionnel. Le seul qui pourrait être dans ce cas est Villani mais une médaille Fields ne vous assure pas une grande couverture médiatique.]

              Ca dépend où. A Orsay, il serait probablement élu haut la main.

            • yoann dit :

              [Je vois mal l’intérêt d’avoir un enfant par PMA avec un « CSP+++ riche »]

              Reste la question de l’épigénétique 🙂 Même si scientifiquement nous ne connaissons encore que peu le sujet.

            • cdg dit :

              [ Vous pouvez choisir un escort sur catalogue sur Internet, en connaissant son niveau d’études, son physique]. Pour le phyisque c est sur, pour le niveau d etude je doute (non seulement il peut mentir mais je suppose que s il a fait des etudes poussees, il a les moyen de faire autre chose comme metier)
              En plus si on se base sur la clientele potentielle, c est pas evident d etre enceinte a 40 ans, meme si vous calculez votre coup

              “Je vois mal l’intérêt d’avoir un enfant par PMA avec un « CSP+++ riche ”
              Je parlais la pas de PMA mais de methode naturelle et d une eventuelle mise en couple. C est assez rare les femmes CSP++ qui epouse des CSP -. Dans l autre sens c est plus courant avec des femmes nettement plus jeunes (ex D Trump)

              “Suffit de ne plus revoir le père, et l’affaire est réglée”
              Facile a faire si vous etes une femme jeune et jolie. Plus complique si vous avez un age certain. Vous n allez pas interesser grand monde. ET en plus certains vont se mefier. (qui vous dit que la fille n a pas le sida ou simplement veut se faire un gosse pour la pension alimentaire (c est arrive a un footballeur il y a quelque temps))

              ” (168) « n’ont jamais exercé le moindre mandat » Mais cela n’implique nullement qu’ils fussent des « inconnus ». Ils ont pu se présenter au préalable à une autre élection et être battus”
              Certes, mais combien d electeurs vont se rappeler le candidat battu il y a 5 ans ?
              Regardez les rangs de l AN, ne sont elus quasiment que des gens encarté. Et ceux qui divergent sont en regle generale pas reelu

              “A Orsay, il serait probablement élu haut la main”
              A voir. meme si la proportion de scientifiques est plus grande ils ne sont probablement pas la majorite. et en plus tous ne voteront pas forcement pour lui

            • Descartes dit :

              @ cdg

              [« Vous pouvez choisir un escort sur catalogue sur Internet, en connaissant son niveau d’études, son physique ». Pour le physique c’est sûr, pour le niveau d’étude je doute (non seulement il peut mentir mais je suppose que s’il a fait des études poussées, il a les moyen de faire autre chose comme métier)]

              Franchement, je me dis que cela doit être un métier très agréable… et qui paye bien mieux que d’être enseignant, pour ne donner qu’un exemple de métier qui nécessite des études poussées !

              [“Suffit de ne plus revoir le père, et l’affaire est réglée” Facile à faire si vous êtes une femme jeune et jolie. Plus complique si vous avez un âge certain. Vous n’allez pas intéresser grand monde.]

              Si vous êtes prêt à payer, pas de problème. Et pour le coût d’une PMA, pas de difficulté pour trouver un escort.

              [« n’ont jamais exercé le moindre mandat » Mais cela n’implique nullement qu’ils fussent des « inconnus ». Ils ont pu se présenter au préalable à une autre élection et être battus » Certes, mais combien d’électeurs vont se rappeler le candidat battu il y a 5 ans ?]

              A paris, probablement personne. Mais dans les territoires – on n’a plus le droit de dire « en province » – ce n’est pas le cas. Dans mon coin, on connait bien certaines personnalités qui se sont présentées pendant des années sans avoir jamais été élues.

              [Regardez les rangs de l’AN, ne sont élus quasiment que des gens encartés. Et ceux qui divergent ne sont en règle générale pas réélus.]

              Je ne saurais pas faire une statistique, mais je connais pas mal d’exemples de gens qui se font élire sur leur nom. Vous avez même le cas des « dissidents », qui se font élire sur leur propre nom contre le candidat de leur propre parti, ce qui tend à prouver que le fait d’être encarté n’a pas un poids aussi grand que vous le croyez. Au PCF, vous trouverez pas mal de gens comme Braouezec qui ne perdent occasion de se positionner contre leur ancien parti, et qui pourtant sont systématiquement réélus.

            • C. dit :

              @ Descartes

              >>Il n’y a que les amerloques pour croire que les capacités intellectuelles et le niveau d’études est héréditaire.

              Pour le niveau d’études, certes. En ce qui concerne les capacités intellectuelles, les amerloques n’ont peut-être pas tout à fait entièrement tort.

              Après tout, les capacités physiques ont clairement une part héréditaire. A priori, je ne vois pas pourquoi ce ne serait pas aussi le cas des capacités intellectuelles. Et du regard (très) lointain que j’y ai jeté, la science semble encore loin de trancher le débat “inné vs acquis” dans ce domaine.

              Mais c’est quelque chose que j’ai remarqué par ailleurs dans vos textes, vous ne semblez pas accorder beaucoup d’importance aux avantages “naturels” dans le domaine intellectuel et des études.

            • Descartes dit :

              @ C.

              [Pour le niveau d’études, certes. En ce qui concerne les capacités intellectuelles, les amerloques n’ont peut-être pas tout à fait entièrement tort. Après tout, les capacités physiques ont clairement une part héréditaire. A priori, je ne vois pas pourquoi ce ne serait pas aussi le cas des capacités intellectuelles.]

              « Je ne vois pas pourquoi pas » ne constitue pas une preuve. Empiriquement, on constate que toutes les tentatives pour établir le caractère héréditaire des capacités intellectuelles ont lamentablement échoué. Ce qui tend à prouver non pas que ce caractère n’existe pas, mais que dans la formation de l’intelligence humaine l’influence d’autres éléments – l’éducation, les pratiques sociales – est très largement dominante.

              [Et du regard (très) lointain que j’y ai jeté, la science semble encore loin de trancher le débat “inné vs acquis” dans ce domaine.]

              Pardon. La science a tranché depuis très longtemps ce débat, en constatant qu’aucune expérience n’a pu établir le fait. Il ne reste pas moins qu’aux Etats-Unis la question est remise périodiquement sur le tapis, alors qu’en Europe on s’en désintéresse. Et la raison de cette différence est avant tout idéologique : alors que les questions raciales dominent la politique américaine, elles sont à peu près ignorées en Europe – avec la possible exception de l’Angleterre. Or, dans le débat sur la question raciale, l’équilibre inné/acquis est fondamental.

              [Mais c’est quelque chose que j’ai remarqué par ailleurs dans vos textes, vous ne semblez pas accorder beaucoup d’importance aux avantages “naturels” dans le domaine intellectuel et des études.]

              Tout à fait. Je pense que l’égalité des capacités intellectuelles fait partie des « fictions nécessaires » dans une société progressiste. Donner l’importance aux avantages « naturels » implique admettre une hiérarchie entre les citoyens imposée non pas par les mérites ou les efforts de chacun, mais par la « nature ». Et de là à « naturaliser » les hiérarchies sociales, il n’y a qu’un pas. On a tout intérêt socialement à proclamer que l’effort, le travail, la dédication peuvent triompher de la « nature ». En d’autres termes, que si nous sommes tous différents, ces différences ne nous déterminent pas.

  12. Bonjour à tous,

    Je lisais il y a peu l’excellent ouvrage de Boris Bove, “1328-1453, Le Temps de la Guerre de Cent ans”, aux éditions Belin, un volume de l’Histoire de France sous la direction de Joël Cornette. Et ce que j’y ai lu a fait écho à ce que vous écrivez, Descartes. Évoquant les Jacqueries et autres révoltes paysannes de la deuxième moitié du XIV° siècle, l’auteur remarque que le moteur de ces révoltes est assez souvent la perte de légitimité des élites. Les manants ne veulent pas la fin de l’aristocratie, mais ils veulent que les nobles, les chevaliers fassent leur devoir, c’est-à-dire les protéger et veiller à l’ordre public, car en fin de compte c’est de cela qu’il s’agit. Pour cela, les manants paient, champart, cens, taille et banalités, mais ils veulent la contrepartie, à savoir l’ordre et la sécurité. Étonnant écho à la situation contemporaine. J’y vois pour ma part une forme de constance du caractère français (mais peut-être est-ce identique ailleurs): la société française est globalement attachée à l’ordre social et respectueuse des hiérarchies, mais ce respect n’est pas inconditionnel. Les élites ont le pouvoir mais elles ont le devoir d’en user dans l’intérêt de tous. Sinon, leur autorité devient illégitime, donc contestable et souvent contestée. “Noblesse oblige” comme le dit Descartes. Les mêmes observations, sans doute, valent aussi pour les élites de 1789. Que de leçons nous donne l’histoire!

    Je voudrais aussi apporter mon témoignage dans le débat concernant la discrétion des enseignants dans le mouvement social contre la réforme des retraites, discrétion que Descartes met sur le compte de l’appartenance des enseignants aux “classes intermédiaires” qui reconnaissent en Macron le champion de leurs intérêts. D’abord, je tiens à remercier notre hôte: depuis que je me lève, chaque matin, en me disant que je fais partie des gagnants de la mondialisation, des “premiers de cordée”, je me sens mieux. Mon regard sur Macron a changé: cet homme m’est devenu sympathique et j’ai acquis, pour une somme dont je tairai le montant par pudeur, une icône de notre président, qui est allée rejoindre celle de Jean-Michel Blanquer, mon bien-aimé ministre. Est-il besoin de préciser que l’encens et la myrrhe brûlent à toute heure, nimbant d’une odeur de sainteté ces dirigeants que la Providence elle-même nous envoie.

    Je ne me prétends pas porte-parole de la profession mais je dirai ce qu’il en a été pour moi: j’ai fait trois jours de grève en décembre. Puis, durant les vacances, j’ai entendu qu’un certain nombre de concessions avait désarmé la contestation chez les policiers et quelques autres. Il m’a semblé qu’à l’arrivée, les enseignants et le personnel hospitalier seraient les grands perdants de la réforme (je parle pour le secteur public). J’ai fait mes comptes: j’ai deux crédits, des frais de garde d’enfants, des travaux prévus à mon domicile dans les prochains mois. Bref, pourquoi poursuivre une bataille perdue d’avance? Je ne viens pas demander pardon pour mon manque d’ardeur à défendre la cause mais j’essaie d’expliquer ma position. Je dois l’avouer: j’ai laissé les agents de la SNCF, de la RATP, les ouvriers des raffineries faire la grève à ma place, une sorte de grève par procuration si je puis dire. Parce que eux peuvent bloquer le pays, parce que eux font peur, parce que eux ont droit à une couverture médiatique, et des titres effrayants (“vers un lundi noir?”, “pas de train pour noël?”, etc). Nous grévistes, tout le monde s’en fout: les gamins sont contents, ils restent chez eux, l’école les ennuie. Quant aux parents, cela les conforte dans leur idée que nous sommes des nantis surpayés et paresseux.

    Et puis il y a les autres enseignants, dont beaucoup n’ont pas soutenu le mouvement, pour des raisons très variées: certains, plus âgés, ne se sentent pas concernés; d’autres sont carriéristes, ou simplement égoïstes, ou juste indifférents; il faut aussi prendre en compte les bataillons d’enseignants dont le conjoint est cadre dans le privé (ou mieux placé dans le public) et pour qui le salaire d’enseignant est un apport secondaire au foyer. N’oublions pas aussi que les collègues ont massivement voté Macron pour “faire barrage au fascisme”. Pas forcément facile d’admettre qu’on a fait une ânerie. Cela me fait bien rigoler quand je lis que le corps enseignant est revendicatif et sait faire plier le gouvernement. Il y a vingt ou trente ans, peut-être, mais aujourd’hui, il n’y a plus d’esprit de corps dans l’enseignement, c’est chacun sa merde. Je pense également qu’il y a une forme de lassitude et de résignation. En tout cas, moi, je le ressens comme ça. Les conditions de travail sont moyennes et ne vont guère en s’arrangeant. En début d’année civile, c’est le moment où tombent les DHG (Dotation Horaire Globale) dans les établissements et où chacun se bat pour essayer d’obtenir des groupes en science pour manipuler, des classes dédoublées en langue (dans mon établissement, on a des groupes d’espagnol à 34 élèves, pas toujours facile de faire travailler l’oral), des heures alignées pour faire des groupes de niveau, etc. Chacun défend son bifteck. On peut trouver ça mesquin, mais je peux comprendre cette attitude: beaucoup de collègues essaient simplement d’obtenir de bonnes conditions pour enseigner.

    Je voudrai terminer par une remarque sur la solidité de nos institutions et la question de la guerre civile. Comme Descartes, je ne pense pas qu’il y aura une guerre civile, et à titre personnel, je le regrette, car cela aurait le mérite de clarifier les choses. Mais ce n’est pas parce que nos institutions sont solides: je les crois en pleine déliquescence. L’Etat est considérablement affaibli, la décentralisation a réveillé les féodalités, et de nombreux fonctionnaires ont trahi leur mission, notamment les juges, qui s’attribuent des pouvoirs exorbitants. Non, il n’y aura pas de guerre civile tout simplement parce qu’il n’y a plus de société française, il n’y a plus de peuple français. Les gens ne se combattent pas, ils se contentent de se séparer. La ségrégation a remplacé l’affrontement. Partout, des murs invisibles s’érigent, des lignes de démarcation se tracent subtilement. Bien sûr, il peut y avoir des frictions entre communautés, entre tribus, mais il y a toujours possibilité de s’entendre puisque les choix de ceux d’en face ne nous engagent pas vraiment. Paradoxalement, la France était jadis divisée et traversée par des confrontations aussi violentes que passionnées parce que, précisément, tout le monde ou presque avait le sentiment de partager un destin commun. Donc si les adversaires politiques prenaient une décision, cela engageait l’ensemble de la nation. Aujourd’hui, ce n’est plus vraiment le cas, parce que nous ne faisons plus société. Les gens ne fréquentent plus que d’autres gens qui leur ressemblent. C’est très spectaculaire, y compris sur ce blog: je me souviens, il y a quelques années, d’échanges assez durs, de propos acerbes tenus dans le feu du débat. Tout cela est terminé. Les échanges restent intéressants et intelligents, on nuance, on précise, on pinaille, mais l’immense majorité des intervenants sont d’accord sur l’essentiel.

    Il y a trente-cinq ans, parodiant une chanson de Serge Lama, Thierry Le Luron chantait “Le Pen, je ne veux pas de ta France barbelée”. Eh bien moi, je le dis publiquement, j’aurais aimé vivre dans “une France barbelée”. De nos jours, les murs ont mauvaise presse, on se souvient de la ligne Maginot. Qu’on me permette ici de leur rendre justice car les murs ont leur mérite. A l’ombre du mur d’Hadrien ou de la Grande Muraille, Rome et la Chine ont prospéré durant des siècles. La “ceinture de fer” des forteresses de Vauban a protégé la France pendant longtemps. Bien sûr, aucun mur n’est infranchissable, mais bien entretenu et gardé par des hommes en armes, il peut résister à bien des assauts. Et le jour où une brèche apparaît, elle n’est bien souvent que la matérialisation des fractures d’une société qui a oublié l’utilité du mur, ou qui refuse son coûteux entretien, car les murs coûtent cher. En prenant part à la construction européenne, en adhérant à Schengen, en entrant de plain pied dans la mondialisation, la France a oublié l’utilité des murs bâtis aux frontières. Et pour avoir oublié cela, eh bien une foule de murs invisibles s’élèvent partout en France et atomisent la société. Hier encore, j’étais (ou j’ai cru être) un citoyen français. Aujourd’hui, je me réveille en souchien leucoderme, cisgenre hétéronormé, carniste et catholique… J’ai pour ma part voté pour la dernière fois en 2017. Voter implique d’appartenir à une communauté politique, culturelle, historique, et cette condition n’est plus remplie aujourd’hui. Oui, décidément, j’aurais aimé vivre dans une France barbelée… Au moins, il y aurait eu une France. Maintenant, le naufrage de la société (ou plutôt l’asociété) “ouverte”, multiculturelle, “inclusive”, mondialisée et libérale sera ma seule consolation.

    • Descartes dit :

      @ nationaliste-ethniciste

      [Les manants ne veulent pas la fin de l’aristocratie, mais ils veulent que les nobles, les chevaliers fassent leur devoir, c’est-à-dire les protéger et veiller à l’ordre public, car en fin de compte c’est de cela qu’il s’agit. Pour cela, les manants paient, champart, cens, taille et banalités, mais ils veulent la contrepartie, à savoir l’ordre et la sécurité. Étonnant écho à la situation contemporaine. J’y vois pour ma part une forme de constance du caractère français (mais peut-être est-ce identique ailleurs): la société française est globalement attachée à l’ordre social et respectueuse des hiérarchies, mais ce respect n’est pas inconditionnel. Les élites ont le pouvoir mais elles ont le devoir d’en user dans l’intérêt de tous. Sinon, leur autorité devient illégitime, donc contestable et souvent contestée.]

      Je pense que c’est une caractéristique universelle. Dans des sociétés très primitives, la domination peut être fondée sur le pur usage de la force. Mais dès qu’une société se complexifie, les hiérarchies sociales ne peuvent se maintenir qu’avec un certain degré de consentement des dominés. Et ce consentement implique que le dominant puisse expliquer au dominé que l’ordre social fonctionne aussi dans son intérêt. Les paysans supportaient une caste seigneuriale, mais seulement parce que celle-ci avait envers eux des devoirs : la protection militaire contre les ennemis ou les brigands, la justice et le maintien des lois et des coutumes. Lorsque le seigneur faillait à ses devoirs, il pouvait s’attendre à la jacquerie ou à l’abandon, c’est-à-dire, à ce que les manants s’adressent à un autre seigneur pour le remplacer.

      [“Noblesse oblige” comme le dit Descartes. Les mêmes observations, sans doute, valent aussi pour les élites de 1789. Que de leçons nous donne l’histoire!]

      Tout à fait. Un des grands problèmes de la gauche française est d’avoir posé toujours les questions de façon mécanique : il y a en haut les dominants qui dominent, et en bas les dominés qui sont dominés. L’idée que les dominants sont obligés de chercher chez les dominés un certain niveau de consentement, qu’il y a entre dominants et dominés un rapport dialectique qui fonde un rapport de forces dans lequel les dominants sont tenus sous peine de destitution à des devoirs envers les dominés n’a jamais été véritablement comprise.

      [Je voudrais aussi apporter mon témoignage dans le débat concernant la discrétion des enseignants dans le mouvement social contre la réforme des retraites, discrétion que Descartes met sur le compte de l’appartenance des enseignants aux “classes intermédiaires” qui reconnaissent en Macron le champion de leurs intérêts. D’abord, je tiens à remercier notre hôte: depuis que je me lève, chaque matin, en me disant que je fais partie des gagnants de la mondialisation, des “premiers de cordée”, je me sens mieux.]

      Mais qu’est-ce qui vous fait penser qu’il faut être parmi les « premiers de cordée » pour voir ses intérêts défendus par Macron ? Je pense que vous me faites ici dire ce que je n’ai pas dit. J’ai dit que les enseignants sont parmi les « classes intermédiaires », pas qu’ils sont dans les groupes les mieux rémunérés, qu’ils soient les « premiers de cordée » ou quoi que ce soit du genre. L’appartenance à une classe sociale tient à la place qu’on occupe dans les rapports de production, et non au niveau de son salaire. Je n’ai pas de problème à admettre qu’on trouve des prolétaires mieux payés que certains membres des « classes intermédiaires » et même que certains capitalistes. Mais cela ne change pas l’appartenance de classe.

      Les enseignants détiennent un « capital immatériel » important, et c’est ce capital qui leur a permis historiquement de négocier leur position sociale en situation de force. Car il ne faudrait pas oublier qu’il fut un temps où les enseignants étaient bien payés et qu’ils jouissaient d’avantages importants en termes de temps de travail, de retraite, de liberté pédagogique, sécurité de l’emploi, etc. Ce « capital immatériel » a perdu pas mal de valeur au fur et à mesure que la profession s’est massifiée et que la connaissance a perdu la valeur sociale qu’elle avait autrefois. Mais leur situation reste privilégiée. Leur salaire reste au-dessus du salaire médian, et si l’on compte le salaire horaire, c’est encore plus flagrant. Vous me direz qu’il faudrait comparer non pas dans l’absolu, mais avec un niveau d’études équivalent. Ce genre de comparaison ne m’a jamais convaincu : on voit mal pourquoi deux personnes qui font des boulots très différents devraient être payées la même chose au prétexte qu’ils sont tous les deux bac+n.

      Cela ne veut pas dire que le métier ne soit pas devenu très dur, ou que les enseignants n’aient pas mal perdu au changement d’époque. Mais c’est le cas de presque tous les métiers de service public. Demandez au policier, au pompier ou même au guichetier de préfecture ce qu’ils en pensent.

      [Je ne viens pas demander pardon pour mon manque d’ardeur à défendre la cause mais j’essaie d’expliquer ma position.]

      Vous n’avez pas à « demander pardon » pour quoi que ce soit. Chacun a ses circonstances, ses difficultés, ses contraintes. J’analyse les réactions collectives, je ne fais pas de reproches individuels. Pour être franc avec vous, je n’ai pas fait grève tout simplement parce que la nature de mes responsabilités ne me le permet pas, et pour la rédemption de ce péché j’ai versé – mes finances me le permettent, par chance – l’équivalent d’un mois de salaire à la caisse de grève.

      [Je dois l’avouer: j’ai laissé les agents de la SNCF, de la RATP, les ouvriers des raffineries faire la grève à ma place, une sorte de grève par procuration si je puis dire. Parce que eux peuvent bloquer le pays, parce que eux font peur, parce que eux ont droit à une couverture médiatique, et des titres effrayants (“vers un lundi noir?”, “pas de train pour noël?”, etc). Nous grévistes, tout le monde s’en fout: les gamins sont contents, ils restent chez eux, l’école les ennuie. Quant aux parents, cela les conforte dans leur idée que nous sommes des nantis surpayés et paresseux.]

      Pardon, mais sur ce point je ne peux pas vous suivre. Une grève des enseignants massivement suivie est aussi « paralysante » qu’une grève de la SNCF ou de la RATP. N’oubliez pas que pour beaucoup de parents l’école joue, en plus de son rôle d’enseignement, une fonction de garderie. Quand l’école ferme, les parents ne peuvent plus aller travailler sauf à laisser les gamins seuls à la maison. Ensuite, parce qu’une grève massive des enseignants perturbe nécessairement les examens, et les parents y sont très sensibles. Vous noterez d’ailleurs que les enseignants ont été les premiers à obtenir une promesse inéquivoque que leur situation serait prise en compte par des mesures particulières.

      On a beaucoup brodé sur la dégradation de la condition enseignante. Mais je ne peux que constater que dégradation ou pas, les enseignants ont été les agents actifs de la propagation des idéologies « libérales-libertaires », et que chaque fois qu’il s’est agi de prendre parti, on les trouve majoritairement du côté des « classes intermédiaires », et dans le trottoir d’en face par rapport aux couches populaires. Ce qui tend à apporter de l’eau à mon moulin.

      [Paradoxalement, la France était jadis divisée et traversée par des confrontations aussi violentes que passionnées parce que, précisément, tout le monde ou presque avait le sentiment de partager un destin commun. Donc si les adversaires politiques prenaient une décision, cela engageait l’ensemble de la nation. Aujourd’hui, ce n’est plus vraiment le cas, parce que nous ne faisons plus société. Les gens ne fréquentent plus que d’autres gens qui leur ressemblent. C’est très spectaculaire, y compris sur ce blog: je me souviens, il y a quelques années, d’échanges assez durs, de propos acerbes tenus dans le feu du débat. Tout cela est terminé. Les échanges restent intéressants et intelligents, on nuance, on précise, on pinaille, mais l’immense majorité des intervenants sont d’accord sur l’essentiel.]

      Je trouve comme souvent votre observation très fine. Et on est tenté de vous donner raison sur un point : une des raisons pour lesquelles il n’y aura pas de guerre civile, c’est parce qu’au fond tout le monde s’en fout de tout, sauf de son petit bonheur personnel. Il n’y a plus aucune cause collective à laquelle quelqu’un tienne vraiment, au point de prendre une Kalachnikov pour la défendre. Même la cause des fous d’Allah ne trouve chez nous que des individus isolés. Une véritable guerre civile suppose un affrontement collectif entre différentes fractions de la population. Tout au plus arriverons-nous à avoir une accumulation d’actes individuels de violence, une sorte de « guerre civile de basse intensité ».

      [De nos jours, les murs ont mauvaise presse, on se souvient de la ligne Maginot. Qu’on me permette ici de leur rendre justice car les murs ont leur mérite. A l’ombre du mur d’Hadrien ou de la Grande Muraille, Rome et la Chine ont prospéré durant des siècles. La “ceinture de fer” des forteresses de Vauban a protégé la France pendant longtemps. Bien sûr, aucun mur n’est infranchissable, mais bien entretenu et gardé par des hommes en armes, il peut résister à bien des assauts. Et le jour où une brèche apparaît, elle n’est bien souvent que la matérialisation des fractures d’une société qui a oublié l’utilité du mur, ou qui refuse son coûteux entretien, car les murs coûtent cher.(…)]

      Je ne voudrais pas vivre dans une « France barbelée », pour reprendre votre formule, mais je partage l’idée qu’il faut rendre justice aux murs, en ce qu’ils séparent le dedans du dehors, « ce qui est » de ce qui « n’est pas ». Parce qu’on ne peut pas « être » si l’on n’accepte pas une différence entre « ceux qui sont » et « ceux qui ne sont pas ».

      Les « libéraux-libertaires » se sont appliqués à détruire le « mur » national, sans se rendre compte que n’étant plus protégés par ce mur commun, chaque communauté se ferait un devoir de bâtir le sien. Le « mur » national permettait qu’à l’intérieur s’épanouisse une large diversité sans que les « divers » se séparent. Sa disparition oblige chaque communauté à se protéger des autres.

      [Aujourd’hui, je me réveille en souchien leucoderme, cisgenre hétéronormé, carniste et catholique…]

      Mais… êtes-vous « souchien » Corse, Breton ou Occitan ? Catholique préconciliaire ou postconciliaire ? Parce que les communautés se scindent à l’infini en sous-communautés qui elles-mêmes se scindent en sous-sous-communautés… et à la fin, il n’y a plus que des individus seuls.

      • @ Descartes,

        “J’ai dit que les enseignants sont parmi les « classes intermédiaires », pas qu’ils sont dans les groupes les mieux rémunérés”
        Je suis d’accord sur le fait que les enseignants appartiennent aux “classes intermédiaires”. Mais je me permets de vous poser deux questions: cette appartenance est-elle garantie pour l’avenir? J’ai quelques doutes. Ensuite, pouvez-vous me démontrer qu’un conducteur de train, lui, n’appartient pas aux “classes intermédiaires”?

        “Mais leur situation reste privilégiée.”
        Je dirai plutôt “avantageuse”. Je n’aime pas beaucoup le terme “privilège” qui renvoie à l’Ancien Régime et suppose que les avantages sont indus.

        “Leur salaire reste au-dessus du salaire médian, et si l’on compte le salaire horaire, c’est encore plus flagrant.”
        Tout dépend à quel échelon vous êtes. J’ai douze ans d’ancienneté, et mon salaire de base est de 1 800 € mensuel. Il monte avec les heures supplémentaires, la prime de prof principal et les ISOE (calculés à partir du nombre d’élèves qui me sont confiés). Mais ne pleurons pas: il reste les vacances et la sécurité de l’emploi, ce n’est pas négligeable et il faut le compter comme une forme de rémunération.

        “on voit mal pourquoi deux personnes qui font des boulots très différents devraient être payées la même chose au prétexte qu’ils sont tous les deux bac+n.”
        Je suis d’accord avec ce point. Ces comparaisons ne m’ont jamais convaincu non plus.

        “Mais c’est le cas de presque tous les métiers de service public. Demandez au policier, au pompier ou même au guichetier de préfecture ce qu’ils en pensent.”
        Tout à fait. Mais où ai-je dit que les enseignants étaient plus à plaindre que d’autres? Je me contente d’évoquer la situation qui est la mienne et celle des gens avec qui je travaille.

        “Pour être franc avec vous, je n’ai pas fait grève tout simplement parce que la nature de mes responsabilités ne me le permet pas, et pour la rédemption de ce péché j’ai versé – mes finances me le permettent, par chance – l’équivalent d’un mois de salaire à la caisse de grève.”
        Vous pensez vous en tirer en achetant des indulgences? Pas vous, Descartes… La CGT vous a-t-elle au moins promis une place au paradis?

        “Une grève des enseignants massivement suivie est aussi « paralysante » qu’une grève de la SNCF ou de la RATP.”
        Eh bien vous vous trompez. Le 5 décembre, j’étais dans la rue. Dans le cortège, assez étoffé, il y avait beaucoup d’enseignants. La grève a été massive dans mon établissement (autour de 75 % de grévistes) et forte ailleurs. Je vous assure que la presse locale n’a pas titré “vent de panique chez les parents” ou “comment garder les enfants?”. Il faut dire que je travaille avec des adolescents: un gamin de 13 ans se garde tout seul…

        “N’oubliez pas que pour beaucoup de parents l’école joue, en plus de son rôle d’enseignement, une fonction de garderie.”
        Rectification: l’école joue ESSENTIELLEMENT le rôle de garderie pour beaucoup de parents. Et effectivement, de ce point de vue, on peut affirmer que les enseignants sont surpayés au regard des tâches réelles qu’ils effectuent.

        “Mais je ne peux que constater que dégradation ou pas, les enseignants ont été les agents actifs de la propagation des idéologies « libérales-libertaires », et que chaque fois qu’il s’est agi de prendre parti, on les trouve majoritairement du côté des « classes intermédiaires », et dans le trottoir d’en face par rapport aux couches populaires.”
        Les couches populaires? Mais, mon bon monsieur, les couches populaires, ce sont des beaufs mal élevés, qui sentent le rouge, qui sont sexistes, xénophobes et qui, si ça se trouve, votent RN. OK, la condition des enseignants n’est peut-être pas terrible, mais tout de même, nous restons des intellos héritiers de la petite notabilité. Un enseignant reste un petit-bourgeois qui a sa dignité, voyez-vous. Je serai même tenté de vous dire que la peur du déclassement peut être un moteur puissant pour accentuer la distance sociale que nous essayons de mettre entre nous et ceux qui sont en-dessous.

        Et cependant, la dégradation est réelle: ainsi le PPCR (Parcours Professionnels, Carrières et Rémunérations) condamne en fait la quasi-totalité des enseignants à une progression à l’ancienneté, alors qu’auparavant de bonnes inspections permettaient de grimper les échelons plus vite. Les commissions paritaires (composées d’élus syndicaux et d’agents du rectorat) qui étudiaient et validaient les promotions vont être supprimées. Comprenez: les promotions seront désormais à la discrétion du rectorat et les décisions prises dans l’opacité la plus complète. On peut ainsi mettre bout-à-bout moult mesures qui, pris séparément, sont des petits coups de canif, mais qui dans leur ensemble engendre une dégradation.

        Cela étant, c’est un mouvement général. Je l’ai d’ailleurs dit à mon syndicat: dans une société où la précarité tend à devenir la règle à laquelle il faut se résigner (et j’ai cité l’extrait du discours d’Edouard Philippe que vous aviez commenté dans un précédent article), il est inévitable que les fonctionnaires et professions sous statut soient de plus en plus considérés comme des nantis dont les privilèges sont insupportables. Je comprends d’ailleurs le ressentiment des précaires à notre égard, mais la dégradation de nos statuts ne leur profitera pas, passée la satisfaction initiale. La course au moins-disant ne fera que des perdants (sauf parmi les premiers de cordée, bien sûr).

        “une sorte de « guerre civile de basse intensité »”
        Cette expression est bien trouvée.

        “Mais… êtes-vous « souchien » Corse, Breton ou Occitan ? Catholique préconciliaire ou postconciliaire ?”
        Excusez-moi en effet d’avoir été un peu vague. Donc je précise: souchien continental (pas d’ancêtre corse), roman (pas d’ancêtre bretons, basques, alsaciens, flamands ou lorrains germanisant). Mais je ne peux pas être plus précis: j’ai une partie de ma famille originaire des pays d’oïl, et une autre des pays d’oc. Pire: beaucoup de mes ancêtres sont originaires du “Croissant”, c’est-à-dire de la zone de transition entre parlers d’oc et parlers d’oïl… Misère! Sinon, catholique postconciliaire.

        “et à la fin, il n’y a plus que des individus seuls.”
        Je pense que l’homme n’est pas fait pour la solitude. Tôt ou tard, les hommes finiront par se regrouper autour de quelque chose.

        • Descartes dit :

          @ nationaliste-ethniciste

          [Mais je me permets de vous poser deux questions: cette appartenance est-elle garantie pour l’avenir? J’ai quelques doutes. Ensuite, pouvez-vous me démontrer qu’un conducteur de train, lui, n’appartient pas aux “classes intermédiaires”?]

          Sur la première question, la réponse est évidemment non. Tout dépend de la valeur du « capital immatériel » qu’accumulent les enseignants. Plus la connaissance se trouve socialement dévalorisée, et plus la valeur de ce capital se réduit. Quand on ne concevait pas qu’un homme cultivé n’ait pas fait du Latin, les professeurs de Latin avaient un capital qui leur permettait de négocier. Aujourd’hui, ce capital est presque sans valeur.

          [“Mais leur situation reste privilégiée.” Je dirai plutôt “avantageuse”. Je n’aime pas beaucoup le terme “privilège” qui renvoie à l’Ancien Régime et suppose que les avantages sont indus.]

          Vous avez raison. Mon usage du mot « privilégié » dans ce contexte n’impliquait aucun jugement de valeur.

          [“Leur salaire reste au-dessus du salaire médian, et si l’on compte le salaire horaire, c’est encore plus flagrant.” Tout dépend à quel échelon vous êtes. J’ai douze ans d’ancienneté, et mon salaire de base est de 1 800 € mensuel. Il monte avec les heures supplémentaires, la prime de prof principal et les ISOE (calculés à partir du nombre d’élèves qui me sont confiés). Mais ne pleurons pas: il reste les vacances et la sécurité de l’emploi, ce n’est pas négligeable et il faut le compter comme une forme de rémunération.]

          1800 € net, c’est le salaire médian en France. Autrement dit, la moitié des travailleurs en France gagne moins de cette somme. Je pense que beaucoup de Français n’ont pas conscience de cette réalité. En fait, la pyramide salariale est très plate. Si vous dépassez les 3600 €, vous êtes déjà dans les 10% les mieux payés.

          [Vous pensez vous en tirer en achetant des indulgences? Pas vous, Descartes… La CGT vous a-t-elle au moins promis une place au paradis?]

          Que voulez-vous, on fait ce qu’on peut pour se donner bonne conscience…

          [Les couches populaires? Mais, mon bon monsieur, les couches populaires, ce sont des beaufs mal élevés, qui sentent le rouge, qui sont sexistes, xénophobes et qui, si ça se trouve, votent RN. OK, la condition des enseignants n’est peut-être pas terrible, mais tout de même, nous restons des intellos héritiers de la petite notabilité. Un enseignant reste un petit-bourgeois qui a sa dignité, voyez-vous. Je serai même tenté de vous dire que la peur du déclassement peut être un moteur puissant pour accentuer la distance sociale que nous essayons de mettre entre nous et ceux qui sont en-dessous.]

          Vous voulez dire que la conscience n’a pas encore rattrapé la réalité, pour reprendre le raisonnement marxiste ? C’est peut-être vrai en partie, mais il ne reste pas moins que les enseignants n’en sont pas encore au niveau des ouvriers – en particulier, parce que la sécurité de l’emploi les protège – et qu’ils sont en mesure de transmettre leur « capital immatériel » à leurs enfants. C’est tout de même une différence importante, sans contester pour autant la dégradation bien réelle de leur statut social.

          [Les commissions paritaires (composées d’élus syndicaux et d’agents du rectorat) qui étudiaient et validaient les promotions vont être supprimées. Comprenez: les promotions seront désormais à la discrétion du rectorat et les décisions prises dans l’opacité la plus complète.]

          Ma compréhension du dispositif est différente. Les CAP n’examineront plus l’ensemble des promotions, mais deviendront l’instance d’appel lorsqu’une promotion (ou une non-promotion) est contestée. J’ignore comment cela changera les choses pour les enseignants, mais pour les fonctionnaires en général les effets seront mineurs. Les CAP n’étaient en pratique que des chambres d’enregistrement pour le 99% des cas.

          [Cela étant, c’est un mouvement général. Je l’ai d’ailleurs dit à mon syndicat: dans une société où la précarité tend à devenir la règle à laquelle il faut se résigner (et j’ai cité l’extrait du discours d’Edouard Philippe que vous aviez commenté dans un précédent article), il est inévitable que les fonctionnaires et professions sous statut soient de plus en plus considérés comme des nantis dont les privilèges sont insupportables.]

          Tout à fait. Il fallait être très naïf pour s’imaginer qu’un mouvement de fond de la société pouvait épargner une catégorie.

          [Je comprends d’ailleurs le ressentiment des précaires à notre égard, mais la dégradation de nos statuts ne leur profitera pas, passée la satisfaction initiale. La course au moins-disant ne fera que des perdants (sauf parmi les premiers de cordée, bien sûr).]

          Tout à fait. Les travailleurs protégés par un statut étaient naguère la locomotive qui tirait ceux qui n’étaient pas protégés vers le haut. Imaginer que le patronat utilisera l’argent qu’il récupérera sur les « nantis » du service public pour mieux rémunérer et protéger les précaires, c’est se bercer de douces illusions.

          [“et à la fin, il n’y a plus que des individus seuls.” Je pense que l’homme n’est pas fait pour la solitude. Tôt ou tard, les hommes finiront par se regrouper autour de quelque chose.]

          C’est pourquoi je ne me laisse aller au désespoir, contrairement à vous.

  13. Ian Brossage dit :

    Bonsoir,

    Pour revenir à la « transgression », en voici un autre exemple :
    https://www.francetvinfo.fr/economie/emploi/plans-sociaux/fermeture-de-l-usine-michelin-de-la-roche-sur-yon-les-salaries-licencies-devront-rembourser-les-pneus-achetes-a-bas-prix_3808557.html

    « Les salariés qui quitteront le groupe Michelin à l’issue de la fermeture de l’usine de La Roche-sur-Yon (Vendée), prévue à la fin de l’année 2020, devront rembourser les pneus de leurs voitures achetés à bas prix, rapporte samedi 1er février France Bleu Loire Océan. Une décision abandonnée par le groupe a annoncé le maire de la Roche-sur-Yon sur twitter.

    La fermeture de l’usine vendéenne avait été annoncée le 10 octobre 2019. La semaine dernière, la direction avait dit souhaiter “en priorité” que les 619 salariés puissent poursuivre leur carrière au sein du groupe. Mais ceux qui quitteront Michelin devront donc rendre ou rembourser les pneus de leurs voitures personnelles, qu’ils ont eus à un prix avantageux, 25% du prix du public. S’ils choisissent le remboursement, le prix sera variable en fonction de l’usure. »

    • Descartes dit :

      @ Ian Brossage

      [La fermeture de l’usine vendéenne avait été annoncée le 10 octobre 2019. La semaine dernière, la direction avait dit souhaiter “en priorité” que les 619 salariés puissent poursuivre leur carrière au sein du groupe. Mais ceux qui quitteront Michelin devront donc rendre ou rembourser les pneus de leurs voitures personnelles, qu’ils ont eus à un prix avantageux, 25% du prix du public. S’ils choisissent le remboursement, le prix sera variable en fonction de l’usure. »]

      On croit rêver. Il y a trente ou quarante ans, on aurait cru à un canular. Mais aujourd’hui, c’est parfaitement vraisemblable. Pire, c’est devenu « normal » si l’on croit le porte-parole de Michelin : « il s’agit d’une procédure “normale” liée aux avantages en nature, et cela concerne tous les salariés qui quittent l’entreprise ». Cette affaire illustre parfaitement un point de mon papier : Depuis des décennies on faisant confiance pour prolonger les congés de deuil à l’humanité des employeurs ; et si aujourd’hui on est obligé de légiférer sur ce genre d’affaires, c’est parce que dans la société de concurrence l’humanité disparaît. Pire : elle serait criminelle, puisqu’elle ferait perdre à l’entreprise la compétition, avec des conséquences graves pour l’ensemble des salariés. Il faut l’action législative de l’Etat pour soustraire la longueur du congé de deuil à la concurrence.

  14. Il est intéressant que Macron, la majorité et le Gouvernement fassent marche arrière sur ce sujet ! Nous vivons bien dans la “société de marché”, et le pouvoir est “business friendly”.

    Pourtant, c’est l'”humanité” qui gagne la partie sur ce délais de congé. Pourquoi un tel miracle ?

    La leçon pour tout militant : aucune réforme n’est mécanique. Elle dépend certes de la base matérielle, des besoins des entreprises, mais aussi de rapports de forces purement idéologiques.

    Marx parlait de “superstructure” pour désigner l’ensemble des idées d’une société, c’est-à-dire ses productions non matérielles. Dedans figure la pensée, la morale, l’opinion.

    Macron et les siens ont été affolés par la réaction de l’opinion publique sur ce dossier. Les militants contre la réforme des retraites seraient bien avisés de retenir la leçon : faire pleurer dans les chaumières, s’indigner en utilisant l’émotion des gens, semble bien plus efficace que toutes les démonstrations chiffrées, rationalisées et bâties sur des raisonnements idéologiques…

    Gautier Weinmann

    • Descartes dit :

      @ Gautier Weinmann

      [Pourtant, c’est l’”humanité” qui gagne la partie sur ce délais de congé. Pourquoi un tel miracle ? La leçon pour tout militant : aucune réforme n’est mécanique. Elle dépend certes de la base matérielle, des besoins des entreprises, mais aussi de rapports de forces purement idéologiques.]

      Faudrait relire Marx… les « rapports de force purement idéologiques » n’existent pas. Simplement parce que les idéologies ne surgissent jamais « pures », elles se forment par le besoin de légitimer des rapports matériels. L’idéologie « humaniste » qui triomphe dans cette affaire n’est pas « purement » abstraite. Elle aussi est apparue pour justifier des rapports sociaux particuliers.

      [Marx parlait de “superstructure” pour désigner l’ensemble des idées d’une société, c’est-à-dire ses productions non matérielles. Dedans figure la pensée, la morale, l’opinion.]

      Tout à fait. Et il écrivait aussi que la « superstructure » est en dernière instance déterminée par la « structure », c’est-à-dire, par les rapports matériels.

      [Macron et les siens ont été affolés par la réaction de l’opinion publique sur ce dossier. Les militants contre la réforme des retraites seraient bien avisés de retenir la leçon : faire pleurer dans les chaumières, s’indigner en utilisant l’émotion des gens, semble bien plus efficace que toutes les démonstrations chiffrées, rationalisées et bâties sur des raisonnements idéologiques…]

      En tant qu’instrument politique, c’est indubitable. Les passions sont bien plus puissantes que la raison. Mais elles sont aussi beaucoup plus difficiles à contrôler, et il n’y a aucune garantie que l’appel à l’émotion ne provoque en dernière instance exactement le contraire que ce que vous voulez obtenir. Par ailleurs, vous n’arriverez pas à faire pleurer en tenant n’importe quel discours…

  15. Luc dit :

    Marx ne disait il pas que la politique est un théâtre dont la lutte des classes constitue les coulisses ?
    Avez vous envisagez que LaRenM souhaite que le débat soit centré sur elle , que l’on en parle en bien ou en mal,peut importe du moment
    que l’on parle de LaRenM ?
    Marchais, Mélenchon,Lepen, Mitterrand (attentat de l’observatoire) et bcp d’autres politiques de notre ère médiatique ne l’ont ils pas faits aussi ?
    Dans les sondages les Macronards recueillent à avec 24% de sympathie + que Macron en 2017,non?

    • Descartes dit :

      @ Luc

      [Avez vous envisagez que LaRenM souhaite que le débat soit centré sur elle, que l’on en parle en bien ou en mal, peut importe du moment
      que l’on parle de LaRenM ?]

      Non, je ne crois pas. Je ne vois pas un instant ce que LaREM pourrait tirer à ce que le débat soit centré sur ses erreurs, ses couacs, ses scandales. Les scandales peuvent attirer de la publicité et faire vendre des cosmétiques (voir les cas Kardashian ou Paris Hilton) mais ne font jamais gagner des élections.

      [Marchais, Mélenchon,Lepen, Mitterrand (attentat de l’observatoire) et bcp d’autres politiques de notre ère médiatique ne l’ont ils pas faits aussi ?]

      Non. Tous trois ont cherché à ce qu’on parle d’eux en bien. Mitterrand a organisé le pseudo-attentat de l’observatoire pour se donner de l’importance en tant qu’adversaire de l’OAS. Son but n’était pas qu’on parle de lui à tout prix, y compris comme faussaire à la recherche de publicité, et cette affaire lui a fait beaucoup de mal d’ailleurs.

      [Dans les sondages les Macronards recueillent à avec 24% de sympathie + que Macron en 2017,non?]

      C’est difficilement comparable. Les sondages d’aujourd’hui testent la popularité du président, pas les intentions de vote pour le candidat.

  16. marc.malesherbes dit :

    désolé, mais je vais défendre un point de vue qui va vous faire horreur.

    En l’occurrence je trouve qu’allonger la durée de congé pour un enfant décédé n’est pas une priorité.
    La durée minimum légale de 5j me paraît adaptée. Cela représente une semaine compte tenu du Samedi-Dimanche. Je ne vois aucune raison spécifique d’un allongement supplémentaire.
    Je dirai que rester chez soi n’est certainement pas la meilleure manière de tourner la page, et que reprendre ses activités habituelles est sans doute le meilleur remède à la peine éprouvée.
    Si on avait proposé une aide en cas d’hospitalisation de ses enfants, des congés adaptés en cas d’hospitalisation éloignée, ou en cas de maladie grave de longue durée j’aurai applaudi.
    Mais là, honte à l’électoralisme (ou la bêtise) de l’UDI qui a déposé cet amendement.

    nb: pour la petite histoire j’ai eu un enfant qui a été hospitalisé des mois entre la vie et la mort, et … qui s’en est sorti (avec des séquelles malheureusement). Dans ces cas, mon statut professionnel, mon salaire, le congé pris par ma femme, nous ont permis de faire face. Mais je pense que d’autres moins favorisés auraient beaucoup souffert.

    • Descartes dit :

      @ marc.malesherbes

      [désolé, mais je vais défendre un point de vue qui va vous faire horreur. En l’occurrence je trouve qu’allonger la durée de congé pour un enfant décédé n’est pas une priorité.]

      Pourquoi pensez-vous que cela doive me « faire horreur » ? Je suis tout à fait d’accord avec vous, la question du congé pour enfant décédé n’est certainement pas une priorité. C’est peut-être cela le plus intéressant dans cette affaire : sur une affaire totalement secondaire, et qui au fond porte sur un nombre de cas très petit pour des sommes ridicules, le gouvernement a choisi de s’y opposer en ayant recours à une argumentation qui fait fi de la simple humanité. Encore une fois, ce n’est pas le fond de l’amendement qui est intéressant, mais le raisonnement qui a été utilisé pour le rejeter, à savoir, « touche pas à mon entreprise ». Si la ministre avait dit « la durée de 5 jours me parait adaptée » comme vous le faites, on n’en serait pas là. Certains auraient trouvé que 5 jours c’est suffisant, d’autres pas, la question se discute. Mais dire « il ne faut pas allonger parce que cela coute à l’entreprise », non, désolé, c’est un argument « inhumain ».

      [Mais là, honte à l’électoralisme (ou la bêtise) de l’UDI qui a déposé cet amendement.]

      Pourquoi pas. Mais le rejeter au prétexte que « cela coûte aux entreprises » n’est à mon avis pas la bonne réponse…

  17. marc.malesherbes dit :

    vous écrivez
    “dans la société de concurrence l’humanité disparaît.”

    Cette formule a peut-être dépassé votre pensée, mais elle me paraît très excessive. Toutes les sociétés jusqu’à nos jours ont été des sociétés de concurrence pour le pouvoir, et les avantages associés, ainsi que pour les parternaires sexuels.
    Certes, les sociétés passées ont souvent limité cette concurrence par le système des castes, et autres méthodes visant à définir des groupes dominant (noblesse …). Mais au sein de ces groupes, en haut et en bas, il restait une concurrence féroce.
    Les seuls groupes qui à ma connaissance ont limité cette concurrence ont été les groupes religieux divers … et encore je crois qu’il ne faut pas regarder de trop prés (ex: les frères “convert” au service des moines).
    La concurrence me paraît donc naturelle, souvent utile. Il reste qu’elle doit être “limitée” dans les conditions que définit la politique.

    nb1: notre société actuelle dite “de concurrence” est-elle plus inhumaine que des société qui avaient “officiellement” limitée cette concurrence, comme l’ont fait beaucoup de pays “socialistes ” (URSS, Chine Cambodge, pays de l’Est ..) ? J’en doute. Ils avaient leurs propres formes de concurrence interne, parfois très brutale pour accéder au pouvoir, et les populations ne me semblent pas en avoir été particulièrement heureuse. Si on regarde le cas de l’Allemagne de l’Est que l’on peut un peu comparer à l’Allemagne de l’Ouest, ce n’est pas non plus évident.

    nb2: dans l’idéal, je suis d’accord avec vous que la concurrence, c’est inhumain. Tout le monde devrait vivre également, sans pouvoir avoir une différence quelconque, que ce soit en raison de ses mérites ou autres. Mais alors comment va-t-on produire efficacement ? Il faut voir la comparaison que faisait Tocqueville entre la société espagnole et la société “ex-anglaise” en Amérique du Nord.

    • Descartes dit :

      @ marc.malesherbes

      [vous écrivez “dans la société de concurrence l’humanité disparaît.” Cette formule a peut-être dépassé votre pensée, mais elle me paraît très excessive.]

      Non, je ne crois pas. Mais peut-être n’avez-vous pas bien compris ce que veut dire dans ce contexte une « société de concurrence ». Cette formule venait de la discussion sur la formule de Jospin « oui à l’économie de marché, non à la société de marché ». Une société de concurrence (ou société de marché) n’est pas une société où il y a un certain degré de concurrence, mais une société où la concurrence est devenue le seul mode de régulation des conflits de répartition. Et je persiste à croire que « l’humanité » suppose nécessairement que certains conflits soient réglés autrement que par la simple concurrence.

      [Toutes les sociétés jusqu’à nos jours ont été des sociétés de concurrence pour le pouvoir, et les avantages associés, ainsi que pour les partenaires sexuels. Certes, les sociétés passées ont souvent limité cette concurrence par le système des castes, et autres méthodes visant à définir des groupes dominant (noblesse …). Mais au sein de ces groupes, en haut et en bas, il restait une concurrence féroce.]

      Mon point est justement que ce sont ces « limitations » qui ont permis de construire et de préserver une certaine « humanité ». J’irais même plus loin : ce sont ces limitations qui caractérisent l’être humain parmi les animaux.

      [Les seuls groupes qui à ma connaissance ont limité cette concurrence ont été les groupes religieux divers … et encore je crois qu’il ne faut pas regarder de trop prés (ex: les frères “convert” au service des moines).]

      Pas seulement. Tous les groupes humains ont, dès lors qu’ils ont constitué des sociétés organisées, limité par divers moyens la concurrence. L’exemple le plus flagrant est la création de la propriété privée : dès lors que vous possédez un bien et que cette possession vous est reconnue socialement, vous n’avez plus à vous battre pour en disposer. Il est placé hors concurrence.

      [La concurrence me paraît donc naturelle, souvent utile. Il reste qu’elle doit être “limitée” dans les conditions que définit la politique.]

      La concurrence est tout à fait naturelle. C’est « l’humanité » qui ne l’est pas. Pour qu’il y ait « humanité », il faut sortir de l’état de nature. Le lion pas plus que la gazelle ne connaissent pas la pitié.

      [nb1: notre société actuelle dite “de concurrence” est-elle plus inhumaine que des société qui avaient “officiellement” limitée cette concurrence, comme l’ont fait beaucoup de pays “socialistes ” (URSS, Chine Cambodge, pays de l’Est ..) ? J’en doute.]

      Limiter la concurrence est une condition nécessaire de « l’humanité ». Mais pas une condition suffisante.

      [nb2: dans l’idéal, je suis d’accord avec vous que la concurrence, c’est inhumain. Tout le monde devrait vivre également, sans pouvoir avoir une différence quelconque, que ce soit en raison de ses mérites ou autres. Mais alors comment va-t-on produire efficacement ?]

      Ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit. Une société ou la concurrence est le SEUL mode de régulation est une société inhumaine. Cela n’implique pas que la concurrence ne puisse être dans certains domaines le mode de régulation le plus efficace, et qu’une société puisse faire preuve « d’humanité » tout en étant partiellement régulée par la concurrence.

  18. marc.malesherbes dit :

    sur la concurrence … suite

    on peut dire que l’administration publique français est globalement une société de non-concurrence, à l’exception des fonctions de direction. L’avancement se fait essentiellement à l’ancienneté, à ma connaissance. Mais même dans ce cas, des “petits” arrangements rétablissent la concurrence, par exemple les examens internes permettant de progresser plus rapidement. De même les mutations se font sur “choix” et donnent lieu à concurrence. Et je ne connais pas tous les détails de la fonction publique. Les personnels en sont-ils plus heureux que leurs équivalents dans les sociétés privés ?

    • Descartes dit :

      @ marc.malesherbes

      [on peut dire que l’administration publique français est globalement une société de non-concurrence, à l’exception des fonctions de direction.]

      Non, on ne peut pas dire ça. D’abord, parce que le recrutement même de l’administration publique se fait en principe par concours, et que celui-ci joue un rôle important dans les carrières. Un professeur certifié qui veut devenir agrégé doit passer un concours, idem pour un ingénieur des travaux publics de l’Etat qui veut devenir ingénieur des ponts et chaussées. Mais plus profondément, l’administration publique tire sa légitimité d’une logique méritocratique, c’est-à-dire, de la promotion des méritants. Ce qui implique une sorte de « concours » permanent.

      [L’avancement se fait essentiellement à l’ancienneté, à ma connaissance.]

      Votre connaissance vous trompe. Une fois le concours de recrutement passé, vous avancez les échelons DANS VOTRE GRADE à l’ancienneté. Mais au bout d’une dizaine ou une quinzaine d’années, vous atteignez le plafond de votre grade. Pour continuer à avancer, il vous faut avancer au grade suivant, et l’avancement au grade est généralement « au choix ». Si vos évaluations sont mauvaises, vous restez « collé au plafond ». Et si vous voulez avancer en responsabilité, vous avez intérêt à changer de corps, ce qui suppose de passer un concours.

      [Les personnels en sont-ils plus heureux que leurs équivalents dans les sociétés privés ?]

      Je penser que oui, très largement. Le fait de savoir que si votre tête ne revient pas au chef vous pouvez être ralenti dans votre avancement mais vous ne risquez pas de pointer à l’ANPE contribue largement au bonheur des agents publics.

  19. Luc dit :

    Effectivement , le statut de la fonction publique a été construit pour protéger du népotisme absolu inhérent au capitalisme Jacques Duclos me l’a confirmé plusieurs fois avant 1975.
    Pour Ambroise Croizat aussi,mort en 1947,la construction de la Sécu,des allocs familiales,et des caisses retraites participait de la lutte des salariés contre l’aliénation capitaliste.
    Tout cela vous le saviez cher Descartes , n’est ce pas?
    A part Marchais ou LePors avez vous connu personnellement malgré votre jeunesse,des personnalités politiques avec qui vous auriez échangées ?

    • Descartes dit :

      @ Luc

      [A part Marchais ou LePors avez vous connu personnellement malgré votre jeunesse,des personnalités politiques avec qui vous auriez échangées ?]

      Oui, un certain nombre. Celle qui m’a le plus impressionné, c’était Marcel Paul.

      • yoann dit :

        [Marcel Paul]

        Après avoir dit ça je réclame une anecdote, ou un explication sur pourquoi il vous à tant marqué. 😉

        • Descartes dit :

          @ yoann

          Je ne peux pas dire que j’ai fréquenté Marcel Paul, mais j’ai eu l’opportunité d’échanger longuement avec lui lors d’un repas organisé par des camarades du PCF pour célébrer l’anniversaire de la libération de Buchenwald. J’ai été frappé à la fois par la modestie du personnage et par sa conscience d’avoir participé à des grandes pages de notre histoire, par sa culture et sa mémoire encyclopédique, et par sa capacité de conteur. Il évoquait son passage à Buchenwald, sa nomination au ministère, ses rencontres avec De Gaulle (qui, semble-t-il, l’appréciait beaucoup) et on s’y serait cru. J’étais à l’époque un adolescent, mais ce dialogue m’avait marqué. Surtout sa fierté d’avoir été de ceux qui ont créé EDF-GDF et de voir combien son enfant avait grandi (on était alors en pleine construction du parc nucléaire).

          Une anecdote: à cette rencontre, il nous avait beaucoup parlé de la paix (il était très engagé dans le mouvement de la paix). Je n’avais pas pu m’empêcher de lui dire que pourtant ses meilleurs souvenirs semblaient dater de la guerre (il nous avait raconté ses souvenirs de résistant) et que sans elle nous n’aurions probablement pas eu les réformes de la Libération. Il m’avait regardé assez longuement, et m’avait dit “que veux-tu, la vie est faite comme ça”.

          • Ian Brossage dit :

            @Descartes

            > Je n’avais pas pu m’empêcher de lui dire que pourtant ses meilleurs souvenirs semblaient dater de la guerre (il nous avait raconté ses souvenirs de résistant) et que sans elle nous n’aurions probablement pas eu les réformes de la Libération. Il m’avait regardé assez longuement, et m’avait dit “que veux-tu, la vie est faite comme ça”.

            Déjà adolescent, vous étiez contrarien 🙂 Décidément…

            • Descartes dit :

              @ Ian Brossage

              [Déjà adolescent, vous étiez contrarien 🙂 Décidément…]

              Si j’en crois mes parents (devenus tous deux enseignants après avoir fait une variété de métiers) j’ai pris depuis le plus jeune âge plaisir à trouver les paradoxes…

  20. Luc dit :

    Attention la réforme des retraites n’est pas enterrée.
    Il semble même que le 49.3 sera vraisemblablement utilisé alors que la + grande confusion rêgne dans cet innombrable capharnaüm issu de la boîte de Pandore ouverte par ce garnement quadra de Macron,qui renchérit de presque 100 milliards son coût,le medef l’accéptera t il ?
    Aujourd’hui on apprend que Le 1er ministre Philippe , a concédé pour le public comme le privé,un calcul à l’italienne des retraites,ça suffira pour ne pas trop perdre aux élections municipales ?
    Quel brouillard pour une réforme s’appliquant pleinement en 2048,autant dire que ce pb des retraites sera au centre des débats jusqu’à la fin du 21ième siècle,est ce positif pour la France ?

    • Descartes dit :

      @ Luc

      [Il semble même que le 49.3 sera vraisemblablement utilisé (…)]

      Le problème du 49.3, c’est qu’il ne peut être utilisé que devant l’Assemblée. Il est inopérant devant le Sénat. Par ailleurs, le texte est tellement mal ficelé que le gouvernement comptait sur la séance publique pour pouvoir introduire un certain nombre de dispositions, boucher certains trous et corriger quelques erreurs. L’utilisation du 49.3 entraîne l’adoption du texte tel qu’il a été déposé, sans amendements possibles.

      En fait, le 49.3 a été inventé pour une raison précise : il visait à discipliner la majorité, en permettant à l’exécutif de lui poser la question de confiance, sachant qu’en cas de refus l’affaire serait tranchée directement par les électeurs. Je ne pense pas que les constitutionnalistes de 1958 aient imaginé son utilisation pour faire face à l’obstruction de l’opposition.

  21. Ian Brossage dit :

    Bonsoir,

    Boris Johnson vient de pousser à la démission son ministre des Finances, opposé à un contrôle plus direct par le PM sur le fonctionnement de son ministère (BJ lui demandait de renvoyer ses conseillers).

    L’interprétation donnée par les médias (*) est que Johnson veut s’assurer d’avoir les mains libres pour mener à bien son programme de réinvestissement keynésien massif. Il vient d’approuver la continuation du projet HS2, le plus grand projet d’infrastructures en Europe (entre 50 et 100 milliards de livres, selon les estimations actuelles) consistant à construire des liaisons ferroviaires à grande vitesse entre Londres et le nord de l’Angleterre, ce qui vise à soulager des infrastructures historiques actuellement saturées.

    Voilà un homme politique qui n’a pas peur de se donner les moyens de ses ambitions.

    (*) ici The Independent, pas vraiment pro-Johnson : https://www.independent.co.uk/voices/boris-johnson-rishi-sunak-sajid-javid-chancellor-dominic-cummings-treasury-a9333671.html

    • Descartes dit :

      @ Ian Brossage

      [Voilà un homme politique qui n’a pas peur de se donner les moyens de ses ambitions.]

      On dit que la plus grande qualité d’un homme d’Etat est de marier une confiance illimitée dans ses propres positions associée à une capacité illimitée à apprendre de ses erreurs et celles des autres. Je pense que Johnson a compris combien la volonté de May de ménager tout le monde et de n’agir que par consensus conduisait à la paralysie et finalement au mécontentement général. Lors de l’élection, il a bien marqué que la ligne c’était d’achever le Brexit, et que ceux qui n’étaient pas sur cette ligne n’avaient qu’à se soumettre ou se démettre. De ce fait, il sort de l’élection avec une majorité sur un mandat clair, là ou May était sortie avec une majorité faible et un mandat ambigu.

      Mais le plus intéressant, c’est le sens de ce mandat en termes de politique intérieure. On a beaucoup brodé sur Johnson-le-libéral, qui voudrait faire de la Grande Bretagne une sorte de Singapour ultralibéral aux portes de l’Europe. Mais on ne nous a pas parlé de Johnson-le-keynésien, soucieux de réparer le tissu social d’un pays dont les inégalités ont explosé ces trente dernières années en investissant dans la santé et dans les infrastructures. En fait, Johnson – c’est aussi le cas de Trump – renoue avec le vieux pragmatisme anglo-saxon : être libéral quand cela vous arrange, et protectionniste ou keynésien quand cela sert vos intérêts. Encourager les autres à ouvrir leurs marchés, et protéger le vôtre. Loin de ces frenchies qui se soucient plus de cohérence idéologique que de leurs intérêts.

      En tout cas, cette affaire confirme l’un de mes leitmotivs : un homme politique peut trahir ses promesses de campagne (elles sont faites pour ça), mais peut beaucoup plus difficilement trahir les intérêts des électeurs qui l’ont mis au pouvoir. Johnson a beau sortir d’Eton et Oxford, à partir du moment où il a été élu avec les voix de l’Angleterre populaire il aura du mal à faire une politique néolibérale à la Thatcher. Et cela s’applique aussi chez nous : si Marine Le Pen venait à être élue avec les voix des couches populaires, elle aurait du mal à faire la politique ultra-libérale et anti-Etat qui était celle de son père. Plus que les idées du candidat, c’est la structure de son électorat qui vous permet de prédire la politique qu’il fera une fois élu.

      PS: Je note par ailleurs une intéressante remarque dans l’article du “Independent” (journal de centre-gauche bienpensant et libéral): “in the 21st a prime minister will always want to spend money and the Treasury as an institution is bound to resist, on behalf of taxpayers” (“au 21ème siècle, un premier ministre voudra toujours dépenser de l’argent, et l’administration des finances en tant qu’institution resistera naturellement, en représentation des contribuables”). L’idée qu’une administration puisse “représenter les contribuables” contre la volonté des ministres mandatés par le vote populaire est assez curieuse, dans une démocratie…

      • Ian Brossage dit :

        @Descartes

        > En fait, Johnson – c’est aussi le cas de Trump – renoue avec le vieux pragmatisme anglo-saxon : être libéral quand cela vous arrange, et protectionniste ou keynésien quand cela sert vos intérêts. Encourager les autres à ouvrir leurs marchés, et protéger le vôtre.

        Est-ce qu’on ne dessert pas un peu l’analyse en mettant Trump dans le même sac ? Quoi qu’en pensent les bien-pensants (pour qui Trump, Jonhson, Poutine, Salvini et Orban représentent tous la même engeance), Trump semble avoir remisé aux calendes grecques le programme de grands investissements qu’il avait fait miroiter pendant la campagne présidentielle.

        Trump me paraît beaucoup plus mercantiliste que keynésien. Et, fondamentalement, si les méthodes et l’affichage ont un peu changé, j’ai l’impression qu’il s’agit de la même politique de puissance que sous Obama : défendre sans scrupule les intérêts des États-Unis.

        > L’idée qu’une administration puisse “représenter les contribuables” contre la volonté des ministres mandatés par le vote populaire est assez curieuse, dans une démocratie…

        Oui, j’ai trouvé cela remarquable aussi (au sens premier, sans jugement de valeur). The Independent a été ces trois dernières années, avec le Guardian, le porte-drapeau des furies anti-Brexit pleins de bonne conscience qui voulaient au mieux faire revoter le peuple, au pire annuler le Brexit par voie parlementaire ou autre.

        • Descartes dit :

          @ Ian Brossage

          [Est-ce qu’on ne dessert pas un peu l’analyse en mettant Trump dans le même sac ? Quoi qu’en pensent les bien-pensants (pour qui Trump, Jonhson, Poutine, Salvini et Orban représentent tous la même engeance), Trump semble avoir remisé aux calendes grecques le programme de grands investissements qu’il avait fait miroiter pendant la campagne présidentielle.]

          Il faut dire que Trump, contrairement aux autres, fonctionne dans le cadre constitutionnel de l’équilibre des pouvoirs avec un sénat qui lui est hostile. Mais vous avez un peu raison, parmi les « affreux », c’est certainement Trump qui est le plus éloigné de la logique keynésienne. Cela étant dit, Trump a en commun avec les autres son côté pragmatique : lorsque le protectionnisme est dans l’intérêt des USA, il est protectionniste sans pour autant renoncer à son discours libéral…

          [Trump me paraît beaucoup plus mercantiliste que keynésien. Et, fondamentalement, si les méthodes et l’affichage ont un peu changé, j’ai l’impression qu’il s’agit de la même politique de puissance que sous Obama : défendre sans scrupule les intérêts des États-Unis.]

          Oui. Si seulement les gouvernements français pouvaient faire de même… avec les intérêts français, s’entend !

    • yoann dit :

      [construire des liaisons ferroviaires à grande vitesse entre Londres et le nord de l’Angleterre]

      La leçon du TGV ce n’est pas que ce genre de ligne met en communication la capital (intégrée au mieux dans la mondialisation et la société de services) et les grandes villes régionales pour désengorger la capital ? Nantes, Bordeaux, Montpellier, Strasbourg, Lille, Rennes, Lyon…

      Tu voies j’aurais préféré un programme de modernisation du train, de désaturation, et éventuellement d’extensions. Voir un programme concernant le fret.

      J’ai encore du mal à cerner le Bojo. Un aristo-bourgeois me fera toujours penser que le brexit libéral est toujours une option et que le “social” sera avant tout le fruit du travail mondialisé capté par la City…

      • Descartes dit :

        @ yoann

        [La leçon du TGV ce n’est pas que ce genre de ligne met en communication la capital (intégrée au mieux dans la mondialisation et la société de services) et les grandes villes régionales pour désengorger la capital ? Nantes, Bordeaux, Montpellier, Strasbourg, Lille, Rennes, Lyon… Tu voies j’aurais préféré un programme de modernisation du train, de désaturation, et éventuellement d’extensions. Voir un programme concernant le fret.]

        La grande vitesse était une nécessité si l’on veut pouvoir concurrencer la voiture. Ce qui a manqué, c’est une logique intégrée de lignes régionales qui se branchent sur le TGV et permettent de desservir l’ensemble du territoire. Le fret est une autre affaire.

      • C. dit :

        Je ne suis pas certain que nos TGV soient une comparaison pertinente. On oublie assez vite lorsqu’on se compare à nos voisins européens que la France est un pays vaste et relativement peu peuplé : il y a 118 hab/km2 chez nous contre 260 au Royaume Uni. Qui plus est, leurs régions périphériques au sens démographique et économique tendent à l’être aussi d’un point de vue purement géographique, alors que chez nous elles sont plutôt centrales. Ainsi, si on se limite à la seule Angleterre (83% de la population), la densité de population est de 380 hab/km2 !

        La ligne HS2 va de fait relier les quatre plus grandes agglomérations du pays sur une distance inférieure à celle du Paris-Lyon. En réalité, son but n’est pas uniquement de réduire les temps de trajet, mais aussi de dégager de la capacité sur le réseau existant pour la desserte locale et le fret. À l’heure actuelle, tout s’engorge sur les mêmes lignes, avec en plus une perte d’efficacité du fait que les trains régionaux doivent s’assurer de laisser les voies libres pour permettre à ceux qui relient les grandes villes de le faire en un temps raisonnable.

        • Descartes dit :

          @ C.

          [Je ne suis pas certain que nos TGV soient une comparaison pertinente. On oublie assez vite lorsqu’on se compare à nos voisins européens que la France est un pays vaste et relativement peu peuplé : il y a 118 hab/km2 chez nous contre 260 au Royaume Uni.]

          Vous avez tout à fait raison. J’ajoute qu’il faut tenir compte non seulement de la densité de population d’un pays, mais aussi de la géométrie. Alors que la France s’inscrit facilement dans un cercle, la Grande-Bretagne est un pays allongé. La construction d’une « dorsale » à grande vitesse aura des effets bien plus importants que dans le cas d’un pays comme le nôtre.

          [La ligne HS2 va de fait relier les quatre plus grandes agglomérations du pays sur une distance inférieure à celle du Paris-Lyon. En réalité, son but n’est pas uniquement de réduire les temps de trajet, mais aussi de dégager de la capacité sur le réseau existant pour la desserte locale et le fret.]

          Il y a les deux. Avec HS2, il sera possible de travailler à Londres et de vivre à Birmingham ou Leeds. Or, étant donnés les prix astronomiques du logement à Londres, cela va projeter sur le nord de l’Angleterre des gens bien payés qui dépenseront leur argent dans l’économie locale. Un peu l’effet qu’on observe en France dans des agglomérations comme Tours ou Le Mans.

          • yoann dit :

            [ cela va projeter sur le nord de l’Angleterre des gens bien payés qui dépenseront leur argent dans l’économie locale]

            C’est pas de la gentrification ça ?

            • Descartes dit :

              @ yoann

              [C’est pas de la gentrification ça ?]

              Ca dépend. Si l’arrivée des nouveaux vénus fait augmenter massivement le prix des logements et oblige les couches populaires à aller habiter ailleurs, la réponse est oui. Mais cela est peu probable: on parle de régions qui ont connu un déclin très prononcé depuis les années 1980, et qui ont des taux de vacance considérables. Il faudrait des mouvements massifs pour provoquer des conflits pour l’usage de l’espace. C’est un peu comme en France: combien de bobos il faudrait faire migrer à Roubaix ou à Longwy avant que les prix de l’immobilier décollent ?

            • yoann dit :

              [combien de bobos il faudrait faire migrer à Roubaix ou à Longwy avant que les prix de l’immobilier décollent ?]

              En supposant que ça ait comme effet de stimuler ce type de ville. On sait très bien la réponse pour Rennes, Toulouse, Lille… Nantes ou Bordeaux, devenus invivable si on a pas l’argent.

            • Descartes dit :

              @ yoann

              [“combien de bobos il faudrait faire migrer à Roubaix ou à Longwy avant que les prix de l’immobilier décollent ?” En supposant que ça ait comme effet de stimuler ce type de ville. On sait très bien la réponse pour Rennes, Toulouse, Lille… Nantes ou Bordeaux, devenus invivable si on a pas l’argent.]

              J’ai du mal à voir le rapport. Les bobos qui font monter les prix à Toulouse, Nantes ou Bordeaux ne travaillent que très rarement à Paris. Même en TGV, le temps de trajet est trop important pour décourager la plupart de ceux qui auraient à faire le trajet quotidiennement. Non, si les tarifs montent à Toulouse, Nantes ou Bordeaux, c’est du fait du dynamisme propre de ces territoires, et pas vraiment du fait du TGV (vous noterez d’ailleurs que Toulouse ne dispose toujours pas d’un TGV).

              Lille est un bon contre-exemple. Située à 45 minutes de la capitale en TGV, on n’observe pas une envolée des prix…

            • cd dit :

              Il me semble qu’une étude de l’université de Lyon vers 1990 avait démontré que le TGV accélérait les dynamiques existantes : les villes en déclin voyaient leur déclin s’aggraver à l’inverse il boostait les villes dynamiques. Ceci dit je me demande si vous ne sous-estimez pas l’augmentation des prix à Lille et Bordeaux suite à l’arrivée du TGV.

            • Descartes dit :

              @ cd

              [Il me semble qu’une étude de l’université de Lyon vers 1990 avait démontré que le TGV accélérait les dynamiques existantes : les villes en déclin voyaient leur déclin s’aggraver à l’inverse il boostait les villes dynamiques.]

              Je ne connais pas cette étude. En 1990, elle ne pouvait d’ailleurs viser que la ligne Paris-Lyon, la seule qui à l’époque tournait en grande vitesse depuis assez longtemps pour que les effets soient visibles… Par ailleurs, l’expérience montre le contraire. Des villes qui se vidaient comme Tours ou Le Mans ont été redynamisées par le TGV.

              [Ceci dit je me demande si vous ne sous-estimez pas l’augmentation des prix à Lille et Bordeaux suite à l’arrivée du TGV.]

              Je regarde les prix à Lille: ils ont été multipliés entre 1998 et 2020 par un facteur 3,6, contre un facteur 4 pour Toulouse, qui n’a pas le TGV…

            • Ian Brossage dit :

              @Descartes, @yoann

              De toute façon, il faut regarder les choses de façon froidement rationnelle. Il y a un certain nombre de « bobos » en France (ou classes intermédiaires) et il faut bien qu’ils habitent quelque part. Si on les empêche d’aller faire monter les prix à un endroit, ils iront les faire monter ailleurs…

              Bref, la solution au problème du logement n’est certainement pas de vouloir se fermer aux « bobos ».

            • Descartes dit :

              @ Ian Brossage

              [De toute façon, il faut regarder les choses de façon froidement rationnelle. Il y a un certain nombre de « bobos » en France (ou classes intermédiaires) et il faut bien qu’ils habitent quelque part. Si on les empêche d’aller faire monter les prix à un endroit, ils iront les faire monter ailleurs…]

              Oui et non. Si vous les lâchez sur un petit territoire ou la construction est saturée – mettons Paris – les prix montent vite parce que les classes intermédiaires ont un pouvoir d’achat très important. Et du coup, ils déplacent les autres habitants. Mais si vous les lâchez sur un territoire plus large où la réserve foncière est très importante, les prix n’augmenteront que très peu, parce qu’il n’y a pas de rareté.

              [Bref, la solution au problème du logement n’est certainement pas de vouloir se fermer aux « bobos ».]

              Cela dépend ce que vous appelez « le problème du logement ». Pour vous, c’est quoi le problème ? Que les gens n’arrivent pas à se loger ? Qu’ils n’arrivent pas à se loger en centre-ville ? Qu’ils n’arrivent pas à se loger dans un espace suffisamment grand ?

            • Ian Brossage dit :

              @Descartes

              > Cela dépend ce que vous appelez « le problème du logement ». Pour vous, c’est quoi le problème ?

              Je pense à la très forte hausse des prix du logement (à l’achat, pas des loyers) depuis l’an 2000.

            • Descartes dit :

              @ Ian Brossage

              [Je pense à la très forte hausse des prix du logement (à l’achat, pas des loyers) depuis l’an 2000.]

              Dans une société de marché, si vous avez une ressource rare que tout le monde veut avoir, la répartition se fera par le prix. En d’autres termes, le prix augmentera jusqu’à ce que ceux qui sont prêts à le payer coïncide avec la ressource disponible. Or, le logement est une ressource rare, et il ne peut en être autrement puisque tout le monde veut vivre dans les mêmes endroits, et que la capacité à construire dans un territoire donné est limitée.

              Donc, soit on sort de la logique de marché – ce qui suppose de rationner le logement et de le distribuer suivant un ordre de priorité qui ne soit pas celui de l’argent, mais alors il faut trouver un autre mécanisme de régulation, et ce n’est pas évident d’en trouver un; soit on augmente l’offre quitte à dégrader massivement le tissu urbain – par exemple, on pourrait raser le vieux Paris et le remplacer par des tours de vingt-cinq étages; soit on limite drastiquement la surface des logements de manière à densifier l’occupation des centres-ville.

            • Louis dit :

              Bonsoir,

              [Cela dépend ce que vous appelez « le problème du logement ». Pour vous, c’est quoi le problème ? Que les gens n’arrivent pas à se loger ? Qu’ils n’arrivent pas à se loger en centre-ville ? Qu’ils n’arrivent pas à se loger dans un espace suffisamment grand ?]

              J’irais même plus loin : pourquoi veulent-ils se loger ici, plutôt qu’ailleurs ? Pourquoi préfèrent-ils le centre-ville plutôt que sa périphérie, et une grande ville plutôt qu’une ville ordinaire ? Pourquoi préfèrent-ils se loger dans un réduit plutôt que de se loger ailleurs ?

              Autant de questions qui, de proche en proche, touche à l’aménagement du territoire, autrement dit à la puissance de l’Etat, et la politique de son gouvernement. C’est pourquoi j’ai bien du mal avec la manière, qu’aucun de vous n’a d’ailleurs, dont on présente trop souvent le problème du logement comme une question municipale. Comme si le maire, fût-il de Paris, y pouvait quelque chose ! Mais je ne demande qu’à ce qu’on me démontrer que j’ai tort : je ne m’y connais pas vraiment.

              Bonne soirée

            • Descartes dit :

              @ Louis

              [J’irais même plus loin : pourquoi veulent-ils se loger ici, plutôt qu’ailleurs ? Pourquoi préfèrent-ils le centre-ville plutôt que sa périphérie, et une grande ville plutôt qu’une ville ordinaire ? Pourquoi préfèrent-ils se loger dans un réduit plutôt que de se loger ailleurs ?]

              Parce que, malheureusement, en matière de logement nous aimons tous à peu près les mêmes choses : un grand appartement plutôt qu’un petit, un beau jardin plutôt qu’une petite cour, la pierre de taille plutôt que le crépi, la proximité des commerces, des théâtres, des cinémas et des bistrots plutôt que le désert. Combien de Français vous diront « je préfèrerais vivre dans un petit appartement à Créteil plutôt qu’un grand appartement rue de Grenelle ?

              Le prix oblige à faire des choix : pour certains, le grand jardin ou l’appartement spacieux est plus important que la proximité des commerces, des théâtres et des cinémas. Ceux-là vont vivre en banlieue et en supportent les inconvénients. D’autres préfèrent l’animation de la ville, et acceptent pour l’avoir de parquer toute la famille dans 40 m. Le problème, c’est qu’en France ceux qui ont de l’argent, beaucoup d’argent, préfèrent l’animation, et poussent donc les prix massivement vers le haut. Dans d’autres pays, c’est l’inverse : c’est la campagne qui est chère.

              [Autant de questions qui, de proche en proche, touche à l’aménagement du territoire, autrement dit à la puissance de l’Etat, et la politique de son gouvernement.]

              C’est moins une question d’aménagement du territoire ou de puissance de l’Etat qu’une question de culture. L’argent va vers les villes, parce que c’est là que les choses se passent. Et lorsque beaucoup de gens qui ont beaucoup d’argent veulent tous vivre dans le VIIème arrondissement, les prix du mètre carré s’envolent, et cet arrondissement devient inaccessible à ceux qui n’ont pas beaucoup d’argent, ou à ceux qui n’acceptent pas de vivre dans 12 m2.

            • cd dit :

              Le problème est que, comme dans toute politique, on a à arbitrer entre plusieurs intérêts. En ce qui concerne l’Ile-de-France les habitants des communes périphériques de Paris préfèrent garder leur banlieue pavillonnnaire et donc empêcher la densification. La logique serait de densifier les communes périphériques et même de les intégrer à Paris et d’élargir cette ville ce qui avait déjà été fait en 1854. Mais c’est la logique inverse qui avait été choisie à la fin des années 60, on a supprimé le département de la Seine sans doute pour des raisons politiques. (On supprimait un département de 5 millions d’habitants fortement ancré à gauche qui risquait de basculer au PCF) Maintenant on étend sans cesse un habitat peu dense au détriment des espaces verts et des terres agricoles et je ne suis pas sûr que cela soit très « écolo ». D’ailleurs les maires des villes périphériques s’opposent à toute idée d’intégration à Paris, reflétant sans doute l’opinion majoritaire chez leurs électeurs.

              Pour en revenir à l’étude de l’université de Lyon, elle comparait à l’époque Le Creusot et Lyon, depuis les TGV ont filé sous les ponts et nous avons d’autres points de comparaison : Le Mans et Tour n’étaient pas des villes industrielles en crise mais des villes historiques offrant des centres historiques sympas à habiter et beaucoup moins chers qu’à Paris. Je ne suis pas sûr que l’expérience ultérieure ait démenti de beaucoup cette étude : les villes du bassin minier du Nord/Pas-de-Calais ne semblent pas avoir été boostées par le TGV ou je ne trompe ?

            • Descartes dit :

              @ cd

              [Le problème est que, comme dans toute politique, on a à arbitrer entre plusieurs intérêts. En ce qui concerne l’Ile-de-France les habitants des communes périphériques de Paris préfèrent garder leur banlieue pavillonnaire et donc empêcher la densification. La logique serait de densifier les communes périphériques et même de les intégrer à Paris et d’élargir cette ville ce qui avait déjà été fait en 1854.]

              Oui, mais voilà, personne ne veut d’une dégradation de son cadre de vie. Les gens qui ont quitté Paris pour avoir un jardin et un petit potager n’ont pas forcément envie de revenir vivre dans un petit appartement. L’Etat est-il légitime à imposer un tel changement au prétexte que d’autres gens ont envie de vivre près de Paris ? Où est l’intérêt public là-dedans ?

              [Mais c’est la logique inverse qui avait été choisie à la fin des années 60, on a supprimé le département de la Seine sans doute pour des raisons politiques.]

              Franchement, je ne vois pas le rapport. Le changement des limites administratives de la ville de Paris ne change rien du point de vue de la densification de l’habitat. Qui plus est, dans les années 1960 on a bien choisi la densification, et non l’inverse, avec la construction des villes nouvelles et des grands ensembles qui ont pris la place des champs ou des quartiers pavillonnaires.

              [Pour en revenir à l’étude de l’université de Lyon, elle comparait à l’époque Le Creusot et Lyon,]

              Franchement, trouvez-vous que ce soit une comparaison pertinente ? Non seulement la situation de Lyon – métropole administrative et économique de plus d’un million d’habitants – et celle du Creusot sont incomparables, mais en plus les TGV s’arrêtant chaque jour au Creusot peuvent se compter avec les doigts d’une main, alors que de Lyon arrivent et partent des TGV toutes les demie-heures.

              [Le Mans et Tour n’étaient pas des villes industrielles en crise mais des villes historiques offrant des centres historiques sympas à habiter et beaucoup moins chers qu’à Paris.]

              C’est le cas de presque toutes les villes de province touchées par le TGV. En quoi le centre ville de Tours est plus sympa à habiter que celui d’Arras ou d’Amiens ?

              [Je ne suis pas sûr que l’expérience ultérieure ait démenti de beaucoup cette étude : les villes du bassin minier du Nord/Pas-de-Calais ne semblent pas avoir été boostées par le TGV ou je ne trompe ?]

              Je ne connais pas beaucoup de villes du bassin minier du Nord-Pas de Calais où les TGV s’arrêtent…

            • Ian Brossage dit :

              @Descartes

              > Dans une société de marché, si vous avez une ressource rare que tout le monde veut avoir, la répartition se fera par le prix.

              Bien sûr. Vous oubliez tout de même un petit détail : les marchés ne sont pas rationnels. L’évolution des prix du logement à l’achat depuis 2000 est tout à fait hors norme par rapport aux évolutions de la situation économique et de la démographie.

              > Oui, mais voilà, personne ne veut d’une dégradation de son cadre de vie. Les gens qui ont quitté Paris pour avoir un jardin et un petit potager n’ont pas forcément envie de revenir vivre dans un petit appartement. L’Etat est-il légitime à imposer un tel changement au prétexte que d’autres gens ont envie de vivre près de Paris ?

              Pourquoi l’État ne serait-il pas légitime ? J’avoue que je trouve votre question un peu étrange : on ne parle pas de priver les gens d’un droit fondamental.

              Quant à la méthode, il n’est pas forcément question d’exproprier les gens. Mais on peut par exemple profiter des remises sur le marché pour préempter les pavillons et les raser afin de reconstruire plus dense.

            • Descartes dit :

              @ Ian Brossage

              [Bien sûr. Vous oubliez tout de même un petit détail : les marchés ne sont pas rationnels. L’évolution des prix du logement à l’achat depuis 2000 est tout à fait hors norme par rapport aux évolutions de la situation économique et de la démographie.]

              Je ne vois pas ce que la « rationalité » vient faire ici. Dès lors qu’il y a des gens qui veulent une chose qui est disponible en quantité limitée, et que ces gens ont les moyens et l’envie de payer très cher pour l’avoir, les prix monteront et continueront à monter aussi longtemps que la demande est supérieure à l’offre. La situation économique et la démographie n’ont rien à voir là-dedans. Un tableau de Van Gogh ou de Picasso se vend pour des dizaines de millions d’Euros. Le mécanisme est exactement le même.

              [Pourquoi l’État ne serait-il pas légitime ? J’avoue que je trouve votre question un peu étrange : on ne parle pas de priver les gens d’un droit fondamental.]

              L’Etat n’est légitime que s’il agit dans le sens de l’intérêt général. Je ne vois pas très bien où est l’intérêt général dans cette affaire.

              [Quant à la méthode, il n’est pas forcément question d’exproprier les gens. Mais on peut par exemple profiter des remises sur le marché pour préempter les pavillons et les raser afin de reconstruire plus dense.]

              Et les gens qui veulent un pavillon, ils font quoi ?

            • Ian Brossage dit :

              @Descartes

              > Je ne vois pas ce que la « rationalité » vient faire ici.

              La rationalité implique que les mêmes causes produisent les mêmes effets. Quel est le changement dans les causes qui entraîne les effets observés depuis 15 ans, à savoir une augmentation des prix sur la majeure partie du territoire français ?

              > L’Etat n’est légitime que s’il agit dans le sens de l’intérêt général. Je ne vois pas très bien où est l’intérêt général dans cette affaire.

              L’intérêt général est de permettre de se loger à un coût raisonnable, sans devoir faire des trajets extrêmement longs pour se rendre à son lieu de travail.

              > Et les gens qui veulent un pavillon, ils font quoi ?

              Comme les gens qui veulent une grande berline : ils ont les moyens de leurs ambitions, ou ils se résignent…

            • Descartes dit :

              @ Ian Brossage

              [La rationalité implique que les mêmes causes produisent les mêmes effets. Quel est le changement dans les causes qui entraîne les effets observés depuis 15 ans, à savoir une augmentation des prix sur la majeure partie du territoire français ?]

              Sur « la majeure partie du territoire français » ? Non, justement pas. L’augmentation est très forte dans les métropoles, modérée dans les villes moyennes. Dans le reste du territoire, les prix sont plutôt orientés à la baisse.

              Qu’est ce qui provoque l’augmentation ? L’enrichissement des classes intermédiaires et de la bourgeoisie. On revient toujours au même problème : lorsqu’un bien est en quantité limitée, et qu’il est très demandé, le prix monte jusqu’à ce que l’offre et la demande s’équilibrent. Et si le groupe social qui désire ce bien s’enrichit, alors il sera prêt à payer plus cher pour l’avoir, et les prix monteront.

              [« L’Etat n’est légitime que s’il agit dans le sens de l’intérêt général. Je ne vois pas très bien où est l’intérêt général dans cette affaire. » L’intérêt général est de permettre de se loger à un coût raisonnable, sans devoir faire des trajets extrêmement longs pour se rendre à son lieu de travail.]

              Admettons. Mais de se loger comment ? Dans un petit appartement ? Dans un grand appartement ? Dans une maison avec jardin ? Parce que si l’intérêt général est de loger les gens à un coût raisonnable la solution est simple : réduire la taille des logements.

              Personnellement, je pense que l’intérêt général est de laisser aux gens le choix. Il y aura des gens qui préféreront avoir un jardin quitte à faire une heure et demie de trajet chaque jour, et d’autres qui préfèrent être en centre-ville quitte à habiter dans 40 mètres carrés. A chacun de décider. Pourquoi ce serait à l’Etat de choisir pour chacun d’entre nous ?

              [« Et les gens qui veulent un pavillon, ils font quoi ? » Comme les gens qui veulent une grande berline : ils ont les moyens de leurs ambitions, ou ils se résignent…]

              Mais pourquoi ne pas appliquer le même raisonnement à ceux qui veulent un appartement en centre-ville ? Pourquoi faudrait-il que l’Etat agisse pour leur permettre de réaliser leur rêve à faible coût, et pas ceux qui voudraient un pavillon ?

  22. CVT dit :

    @Descartes,
    indécence, suite et malheureusement, pas fin😭…
    Décidément, la Macronie est maudite: le poulain du président Macron dans la course à la mairie de Paris, Benjamin Griveaux, vient de renoncer à sa candidature, suite à la publication, sur les réseaux dits sociaux, d’images que je qualifierais pudiquement de licencieuses.

    Quel homme, ce Griveaux! Il a toujours fait montre d’un courage à tout épreuve face à l’adversité (admirable chef d’oeuvre que fut sa retraite lors de l’assaut son ministère par une transpalette en décembre 2018…), et il vient une nouvelle fois de montrer sa bravoure: face à Twitter, courage, fuyons!

    Pourtant, il semblerait bien que ce soit lui qui s’était filmé, mais on le redira jamais assez: l’intimité et Internet, ça fait deux!
    Toutefois, à partir du moment où les images relevaient de la sphère intime, et qu’elles n’avaient aucun caractère illégale, la réaction d’un homme politique du siècle dernier aurait été…de RESTER et FAIRE FACE, tout en contre-attaquant. A priori, les Français ne sont pas bégueules et savent très bien séparer les affaires privées de celles du publique, y compris dans les cas les plus scabreux; mais j’ai l’impression qu’aujourd’hui, on a changé d’ère, voire de civilisation : notre élite est devenue aussi puritaine qu’Américaine 😤! Sinon, pourquoi Griveaux démissionne? De quoi se sent-il coupable, d’un point de vue légal? Depuis quand l’hypocrisie sur sa vie privée est devenue une faute politique en France?

    Et pour finir, une foule de questions me brûle les lèvres: qui a fourni les images “compromettantes ” à ce soi-disant artiste russe anti-Poutine, réfugié politique en France? Pourquoi accorder l’asile à un tel illuminé et le refuser à des hommes comme Snowden ou Assange?
    Le manque de sève de Griveaux en dit long sur le personnel politique qui accompagne notre “cher” président de la République: en dehors du psycho-rigide en chef, tous les “marcheurs” paraissent s’effondrer au premier obstacle! Avec une telle impéritie, je redoute la prochaine crise majeure, fusse-t-elle économique comme en 2008, ou pire, politique (conflit, guerre, etc…)😱🥶…

    • Descartes dit :

      @ CVT

      [Décidément, la Macronie est maudite: le poulain du président Macron dans la course à la mairie de Paris, Benjamin Griveaux, vient de renoncer à sa candidature, suite à la publication, sur les réseaux dits sociaux, d’images que je qualifierais pudiquement de licencieuses.]

      Même pas… j’ai vu les images : un sexe masculin en train de se masturber. Franchement, je mets sous le terme « licencieux » quelque chose de plus consistant. Le libertinage n’est plus ce qu’il était.

      [Toutefois, à partir du moment où les images relevaient de la sphère intime, et qu’elles n’avaient aucun caractère illégale, la réaction d’un homme politique du siècle dernier aurait été…de RESTER et FAIRE FACE, tout en contre-attaquant.]

      Bien sûr. Seulement, un homme politique du siècle dernier aurait assumé sa vie sexuelle. Il n’aurait pas essayé de présenter une image lisse du « candidat des familles » en présentant sa famille idéale alors qu’en sous-main il draguait la minette. Vous vous imaginez Mitterrand faisant un discours sur la fidélité conjugale ?

      La fragilité de nos hommes politiques vient aussi du fait que, suivant les conseils des communicants, ils essayent de se fabriquer une image qui ne correspond pas à ce qu’ils sont. Pasqua était un voyou, il n’a jamais essayé de passer pour Monsieur Propre. Et cela ne l’a pas empêché de faire une brillante carrière. Parce qu’au fond, les Français apprécient plus la cohérence d’un parcours que la sainteté.

      [A priori, les Français ne sont pas bégueules et savent très bien séparer les affaires privées de celles du publique, y compris dans les cas les plus scabreux; mais j’ai l’impression qu’aujourd’hui, on a changé d’ère, voire de civilisation : notre élite est devenue aussi puritaine qu’Américaine 😤! Sinon, pourquoi Griveaux démissionne? De quoi se sent-il coupable, d’un point de vue légal? Depuis quand l’hypocrisie sur sa vie privée est devenue une faute politique en France?]

      Depuis que nos hommes politiques et nos sommités médiatiques ont décrété qu’il fallait priver un directeur de théâtre de son poste parce qu’une femme l’accuse d’agression sexuelle, quand bien même la Justice l’aurait blanchi, et qu’il fallait interdire les films d’un réalisateur d’exhibition au prétexte qu’il aurait commis faute dont la victime elle-même l’a pardonné et qui a eu lieu il y a trente ans. Quand on constate qu’une dénonciation bien placée peut ruiner un homme, on ne peut s’étonner que certains se prennent pour des justiciers et utilisent ce moyen. Peut-être que cette histoire conduira les hystériques genre Schiappa à comprendre le danger de ce qu’ils font. On peut toujours rêver.

      [Et pour finir, une foule de questions me brûle les lèvres: qui a fourni les images “compromettantes ” à ce soi-disant artiste russe anti-Poutine, réfugié politique en France?]

      Là… on peut imaginer beaucoup de choses. On peut imaginer que Griveaux se soit fait embobiner par un agent secret jusqu’à envoyer les images compromettantes, ou bien qu’il ait maltraité sa maitresse et que celle-ci ait cherché à se venger…

      [Pourquoi accorder l’asile à un tel illuminé et le refuser à des hommes comme Snowden ou Assange?]

      Parce qu’accueillir Snowen ou Assange c’est se fâcher avec les Americains. Alors que cet artiste un peu fou embête Poutine.

      [Le manque de sève de Griveaux en dit long sur le personnel politique qui accompagne notre “cher” président de la République: en dehors du psycho-rigide en chef, tous les “marcheurs” paraissent s’effondrer au premier obstacle! Avec une telle impéritie, je redoute la prochaine crise majeure, fusse-t-elle économique comme en 2008, ou pire, politique (conflit, guerre, etc…)😱🥶…]

      Tout à fait. Mais comme je viens de faire un papier sur la question, je ne commente pas.

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