Hier soir, profitant de ce que le confinement à poussé un certain nombre de sites sur la toile à mettre en accès libre des contenus culturels, je me suis offert une soirée théâtre avec « Antigone », non pas celle de Sophocle, mais celle de Jean Anouilh, peut-être la plus « politique » de toutes les interprétations de la tragédie classique. On y voit une illustration implacable d’un sujet que j’ai plusieurs fois développé ici, à savoir le contenu tragique inhérent à la politique.
On connaît la trame de la tragédie de Sophocle : Après la guerre civile entre les partisans des deux fils d’Œdipe, Polynice et d’Etéocle, pour le trône de Thèbes pendant laquelle les deux frères s’entre-tuent, Créon, leur successeur sur le trône, décrète des funérailles glorieuses pour Etéocle. Quant à Polynice, qui avait attaqué la cité, il est condamné à ne pas avoir de sépulture. Antigone, la sœur de Polynice, invoque la prééminence de la loi des dieux sur celle des hommes pour donner une sépulture à son frère au mépris des lois de la cité. Créon, gardien de ces dernières, n’a d’autre choix que de la faire mettre à mort.
La tragédie de Sophocle a été réinterprétée de diverses façons au cours des années. Tantôt on fait d’Antigone le symbole de l’individu résistant à l’Etat (c’est l’interprétation romantique), tantôt on en fait d’elle une réactionnaire opposant les lois anciennes (celles des dieux) aux lois nouvelles (celles des hommes). Anouilh préfère faire d’elle une adolescente à la recherche d’une cause, et de Créon un vrai politique :
« Créon : Hé bien, non. Ces temps sont révolus pour Thèbes. Thèbes a droit maintenant à un prince sans histoire. Moi, je m’appelle seulement Créon, Dieu merci. J’ai mes deux pieds par terre, mes deux mains enfoncées dans mes poches, et, puisque je suis roi, j’ai résolu, avec moins d’ambition que ton père, de m’employer tout simplement à rendre l’ordre de ce monde un peu moins absurde, si c’est possible. Ce n’est même pas une aventure, c’est un métier pour tous les jours et pas toujours drôle, comme tous les métiers. Mais puisque je suis là pour le faire, je vais le faire… Et si demain un messager crasseux dévale du fond des montagnes pour m’annoncer qu’il n’est pas très sûr non plus de ma naissance, je le prierai tout simplement de s’en retourner d’où il vient et je ne m’en irai pas pour si peu regarder ta tante sous le nez et me mettre à confronter les dates. Les rois ont autre chose à faire que du pathétique personnel, ma petite fille. (…) Au lendemain d’une révolution ratée, il y a du pain sur la planche, je te l’assure. Mais les affaires urgentes attendront. Je ne veux pas te laisser mourir dans une histoire de politique. Tu vaux mieux que cela. Parce que ton Polynice, cette ombre éplorée et ce corps qui se décompose entre ses gardes et tout ce pathétique qui t’enflamme, ce n’est qu’une histoire de politique. D’abord, je ne suis pas tendre, mais je suis délicat ; j’aime ce qui est propre, net, bien lavé. Tu crois que cela ne me dégoûte pas autant que toi, cette viande qui pourrit au soleil ? Le soir, quand le vent vient de la mer, on la sent déjà du palais. Cela me soulève le cœur. Pourtant, je ne vais même pas fermer ma fenêtre. C’est ignoble, et je peux même le dire à toi, c’est bête, monstrueusement bête, mais il faut que tout Thèbes sente cela pendant quelque temps. Tu penses bien que je l’aurais fait enterrer, ton frère, ne fût-ce que pour l’hygiène ! Mais pour que les brutes que je gouverne comprennent, il faut que cela pue le cadavre de Polynice dans toute la ville, pendant un mois.
Antigone : Vous êtes odieux !
Créon : Oui mon petit. C’est le métier qui le veut. Ce qu’on peut discuter c’est s’il faut le faire ou ne pas le faire. Mais si on le fait, il faut le faire comme cela. (…). Il faut pourtant qu’il y en ait qui mènent la barque. Cela prend l’eau de toutes parts, c’est plein de crimes, de bêtise, de misère… Et le gouvernail est là qui ballotte. L’équipage ne veut plus rien faire, il ne pense qu’à piller la cale et les officiers sont déjà en train de se construire un petit radeau confortable, rien que pour eux, avec toute la provision d’eau douce, pour tirer au moins leurs os de là. Et le mât craque, et le vent siffle, et les voiles vont se déchirer, et toutes ces brutes vont crever toutes ensemble, parce qu’elles ne pensent qu’à leur peau, à leur précieuse peau et à leurs petites affaires. Crois-tu, alors, qu’on a le temps de faire le raffiné, de savoir s’il faut dire « oui » ou « non », de se demander s’il ne faudra pas payer trop cher un jour, et si on pourra encore être un homme après ? On prend le bout de bois, on redresse devant la montagne d’eau, on gueule un ordre et on tire dans le tas, sur le premier qui s’avance. Dans le tas ! Cela n’a pas de nom. C’est comme la vague qui vient de s’abattre sur le pont devant vous ; le vent qui vous gifle, et la chose qui tombe devant le groupe n’a pas de nom. C’était peut-être celui qui t’avait donné du feu en souriant la veille. Il n’a plus de nom. Et toi non plus tu n’as plus de nom, cramponné à la barre. Il n’y a plus que le bateau qui ait un nom et la tempête. Est-ce que tu le comprends, cela ? »
Et Créon raconte ensuite la vraie histoire de Polynice, qui rend au geste d’Antigone sa vraie dimension :
« Créon : C’était après cette dispute [avec Polynice]. Ton père n’a pas voulu le faire juger. Il s’est engagé dans l’armée argyenne. Et, dès qu’il a été chez les Argyens, la chasse à l’homme a commencé contre ton père, contre ce vieil homme qui ne se décidait pas à mourir, à lâcher son royaume. Les attentats se succédaient et les tueurs que nous prenions finissaient toujours par avouer qu’ils avaient reçu de l’argent de lui. Pas seulement de lui, d’ailleurs. Car c’est cela que je veux que tu saches, les coulisses de ce drame où tu brûles de jouer un rôle, la cuisine. J’ai fait faire hier des funérailles grandioses à Etéocle. Etéocle est un héros et un saint pour Thèbes maintenant. Tout le peuple était là. Les enfants des écoles ont donné tous les sous de leur tirelire pour la couronne ; des vieillards, faussement émus, ont magnifié, avec des trémolos dans la voix, le bon frère, le fils d’Œdipe, le prince royal. Moi aussi, j’ai fait un discours. Et tous les prêtres de Thèbes au grand complet, avec la tête de circonstance. Et les honneurs militaires… Il fallait bien. Tu penses que je ne pouvais tout de même pas m’offrir le luxe d’une crapule dans les deux camps. Mais je vais te dire quelque chose, à toi, quelque chose que je sais seul, quelque chose d’effroyable : Etéocle, ce prix de vertu, ne valait pas plus cher que Polynice. Le bon fils avait essayé, lui aussi, de faire assassiner son père, le prince loyal avait décidé, lui aussi, de vendre Thèbes au plus offrant. Oui, crois-tu que c’est drôle ? Cette trahison pour laquelle le corps de Polynice est en train de pourrir au soleil, j’ai la preuve maintenant qu’Etéocle, qui dort dans son tombeau de marbre, se préparait, lui aussi, à la commettre. C’est un hasard si Polynice a réussi son coup avant lui. Nous avions affaire à deux larrons en foire qui se trompaient l’un l’autre en nous trompant et qui se sont égorgés comme deux petits voyous qu’ils étaient, pour un règlement de comptes… Seulement, il s’est trouvé que j’ai eu besoin de faire un héros de l’un deux. Alors, j’ai fait rechercher leurs cadavres au milieu des autres. On les a retrouvés embrassés pour la première fois de leur vie sans doute. Ils s’étaient embrochés mutuellement, et puis la charge de la cavalerie argyenne leur avait passé dessus. Ils étaient en bouillie, Antigone, méconnaissables. J’ai fait ramasser un des corps, le moins abîmé des deux, pour mes funérailles nationales, et j’ai donné l’ordre de laisser pourrir l’autre où il était. Je ne sais même pas lequel. Et je t’assure que cela m’est bien égal. »
Si je cite cette pièce qui n’a pris une ride depuis qu’elle a été écrite pendant l’Occupation, et dont la conclusion est toujours aussi dérangeante, c’est parce qu’elle illustre assez bien la situation dans laquelle sont nos gouvernants aujourd’hui. Créon est un personnage tragique en ce qu’il est obligé de mettre à mort une adolescente qu’il aime (et provoquer le suicide de son propre fils et de sa femme par la même occasion) victime de sa propre bêtise. Nos politiques sont ramenés au tragique par une épidémie qu’on leur reprochera d’avoir mal gérée quels que soient leurs choix.
La politique n’est pas une science. Non pas parce qu’elle ne puisse se doter d’une méthode, mais pour une raison très différente. Le scientifique peut toujours suspendre son jugement. Il peut toujours – c’est même son devoir – dire qu’il ne sait pas, ou pas encore, et prendre son temps pour répondre à n’importe quelle question. Le politique, lui, n’a pas cette liberté. Dans chaque situation, il doit faire un choix, la décision de ne rien faire étant elle-même un choix par défaut. Le scientifique à qui on pose une question peut nous dire de revenir dans une semaine, un mois, un an, un siècle pour avoir la réponse. Le politique à qui on pose une question doit répondre, et répondre immédiatement. La science commande de ne conclure que lorsqu’on a suffisamment d’information et en prenant son temps. La politique, c’est l’art de prendre des décisions aux conséquences graves dans l’urgence et sur des informations imparfaites.
Cette dimension de la politique est toujours plus ou moins présente, mais ces derniers temps elle avait tendance à être occultée. Lorsqu’il n’y a pas d’urgence, lorsque tout est normal, les hommes politiques peuvent soutenir l’idée d’un « gouvernement des experts » détaché précisément des contraintes de la politique. Avec l’irruption du coronavirus, un micro-organisme nouveau dont on ne sait pas grand chose, on revient aux fondements du métier de politique. Comme disait Churchill, le politique doit pouvoir dire ce qui arrivera dans un jour, une semaine, un mois… et ensuite pouvoir expliquer pourquoi ce n’est pas arrivé. Nos dirigeants sont aujourd’hui tenus de naviguer sur une mer inconnue, sans carte et avec pour seule boussole des avis scientifiques incomplets, contradictoires et forcément tardifs.
Et comme si la navigation n’était pas déjà assez difficile, elle se fait dans la terreur. Car le politique doit compter sur un flot continu d’opinions soi-disant expertes, exprimées à longueur de journée dans les médias par des personnages qui n’ont en commun qu’une chose : l’assurance que, n’étant pas aux manettes, ils ne risquent pas d’être démentis par les faits. C’est le royaume du « si seulement on avait fait ce que j’ai proposé, on n’en serait pas là », affirmation par essence invérifiable. Un célèbre politologue américain regrettait dans les années 1950 que tous ceux qui savaient comment gouverner l’Etat se consacrent plutôt à couper les cheveux et conduire des taxis. Aujourd’hui, il regretterait de les voir plutôt animer des émissions de télévision.
Ce discours est fondamentalement malveillant, parce que les trains qui arrivent à l’heure ne font pas vendre du papier. Alors, on se concentre sur les trains qui arrivent en retard et, au besoin, on les invente. Le but n’est pas de comprendre une situation, mais de trouver un motif de revendication. On part donc du présupposé que les institutions en général et le gouvernement en particulier agit mal, par incapacité ou par intention, et qu’il cherche à le cacher. Et forcément, on trouve. Parce que la perfection n’étant pas de ce monde, quelle que soit la qualité de nos institutions on trouvera quelque part quelqu’un qui a un motif légitime de se plaindre. Il suffit ensuite de présenter ce cas comme une généralité, et le tour est joué.
Et ensuite, il y a le juge. Le décideur, l’expert peuvent-ils espérer que la justice répare l’injustice du jugement par l’opinion ? Pas vraiment. D’abord, parce que le juge se trouve en difficulté lorsqu’il doit expliquer à l’opinion que celui qu’elle considère comme un criminel a finalement bien agi, compte tenu des connaissances et des informations dont on pouvait disposer lorsque la décision contestée a été prise. Souvent, le juge préfère se plier à la pression de l’opinion plutôt que de l’affronter. D’autant plus que son courage est souvent inutile : lorsqu’il contredit ses préjugés, la décision du juge est tout simplement ignorée par l’opinion. Laurent Fabius a eu beau être blanchi par la Cour de Justice de la République, il a quand même vu sa carrière brisée – ou du moins interrompue par un long purgatoire. Parce que, vous comprenez, « il n’y a pas de fumée sans feu », et de toute façon, « ils sont tous pareils ».
Ce qu’on peut observer dans la gestion de la crise sanitaire que nous vivons, c’est l’effet paralysant que l’hypermédiatisation et la judiciarisation de notre société a sur les décideurs publics. C’est ce que me disent tous les amis qui sont aujourd’hui engagés à des niveaux différents dans l’appareil de l’Etat. C’est « peur sur la ville » dans les institutions. Avant d’écrire un mot, experts et politiques s’interrogent d’abord sur l’usage qui pourrait être fait devant un tribunal. Les experts, avec une prudence digne d’un magistrat à un an de la retraite, évitent de prendre position et, lorsqu’ils sont obligés de le faire, recommandent ceinture et bretelles au cas où. Les décisions les plus banales sont renvoyées vers l’échelon supérieur – et de proche en proche atterrissent sur le bureau du Premier ministre ou de ses conseillers – parce que personne ne veut prendre le risque de prendre une décision qui demain pourrait lui être reprochée plus tard et que tout le monde préfère reporter ailleurs les responsabilités.
Bien entendu, le fonctionnaire-bashing et la haine de soi fonctionnent à plein, et on trouve dans toutes les chaînes des gens pour vous expliquer que si les décisions tardent, c’est que notre appareil administratif est trop centralisé, trop hiérarchique, trop complexe avant d’expliquer que l’herbe est bien plus verte de l’autre côté de la frontière. Il y en a même qui cherchent à utiliser cette crise pour faire avancer leur marotte, celui d’un pouvoir plus « décentralisé », oubliant que parmi les pays qui ont les plus grandes difficultés on trouve des pays où la décentralisation est la règle (Italie, Espagne, Etats-Unis), et qu’à l’heure de faire des stocks de masques ou de gel hydroalcoolique, les collectivités locales n’ont pas fait preuve d’une clairvoyance particulière. Mais tous ces gens se trompent : notre système institutionnel a montré au contraire une réactivité remarquable : je mets mes lecteurs au défi de m’indiquer une seule question sur laquelle l’exécutif ait été dans l’incapacité d’agir lorsque la volonté politique existait. Non, que ce soit le gouvernement au niveau national ou les préfets au niveau local, tous les moyens pour agir existent. Le problème ne se situe pas là : il se situe dans le fait qu’experts, fonctionnaires et politiques sont terrifiés par l’idée de devoir rendre compte devant un tribunal de l’opinion qui les condamne par avance.
Car l’histoire a montré qu’on ne peut gagner. Quelle que soit votre performance, il se trouvera des gens pour dire qu’on aurait pu faire mieux. Roselyne Bachelot, qui avait fait des stocks d’équipement pour faire face à l’épidémie de la grippe H1N1, dut supporter les foudres de ce même establishment politico-médiatique qui reproche exactement le contraire à ses successeurs. Ce même establishment qui tressait des couronnes aux politiques d’austérité aujourd’hui reproche aux politiques l’absence de stocks de matériel médical et les défaillances de l’hôpital. Ceux qui expliquaient combien les statuts et les régimes spéciaux sont injustes chantent les louanges des métiers dont le statut assure le dévouement même au péril de leur propre vie. Tout est une question de chance : si vous choisissez le bon numéro, vous gagnez. Sinon, malheur à vous.
Et c’est là qu’on revient au tragique. Puisque victoire ou défaite ne dépendent que du jet de dés, la seule façon de faire de la politique au sens noble du terme, c’est pour le politique de redevenir Créon, d’accepter que son destin personnel est dans la main des dieux et que par conséquence autant faire ce qu’on croit juste et advienne que pourra. Celui qui aura bien fait son boulot sera peut-être trainé dans la boue et celui qui n’aura rien fait porté au pinacle. Cela ne dépend que de déesse Fortune, dont on sait combien elle est capricieuse. Et conclure donc, comme Créon, « qu’on n’a pas le temps de faire le raffiné, de savoir s’il faut dire « oui » ou « non », de se demander s’il ne faudra pas payer trop cher un jour, et si on pourra encore être un homme après ». Faire ce qu’on croit le meilleur pour la cité, en sachant combien les chances de recevoir un « merci » qui ne soit posthume sont maigres. On le sait bien: Churchill gagnera une guerre, mais sera renvoyé à ses études par les électeurs. De Gaulle libérera son pays, mais les citoyens refuseront de le suivre ensuite.
L’homme d’Etat est celui qui trouve sa récompense dans sa propre action, et n’en attend pas d’autre. Et on ne devient grand homme qu’à titre posthume.
Descartes
salut Descartes.
ce soir j’ai beaucoup bu. J’ai perdu une personne que j’aime: certes il ne s’agit que d’un vieux. Et le même jour ma fille m’annonce qu’elle est enceinte.
Alors je ne compte pas. je pleure le vieux et j’ai peur pour ma fille et je suis heureux.
Dois je faire la moyenne des sentiments? Je ne le peux ni le veux, je fais avec.
Biz
Un dirigeant est-il de fait inhumain ? C’est inquiétant qu’il faille un être inhumain pour diriger des êtres humains. Ceci dit, il est vrai que pour sauver le troupeau il est parfois nécessaire de sacrifier au loup quelques brebis… Au final, pour avoir envie d’être “dirigeant” il faut être un peu maso !
@ Jean-Louis COUVERT
[Un dirigeant est-il de fait inhumain ? C’est inquiétant qu’il faille un être inhumain pour diriger des êtres humains.]
Pourquoi « inhumain » ? Dans le texte que j’ai cité, Créon est au contraire profondément humain. Il pleure le destin qui l’oblige à sacrifier Antigone au bien de la cité. Il fait tout son possible pour cacher son acte et pour la sauver de son propre entêtement.
[Au final, pour avoir envie d’être “dirigeant” il faut être un peu maso !]
Ou trouver dans son action sa propre récompense. Même si les autres vous jettent des tomates, c’est un grand plaisir de regarder ce qu’on a construit et de se dire « j’ai fait cela ».
@ Jean-Louis COUVERT @ Descartes
[Au final, pour avoir envie d’être “dirigeant” il faut être un peu maso !]
[“Ou trouver dans son action sa propre récompense. Même si les autres vous jettent des tomates, c’est un grand plaisir de regarder ce qu’on a construit et de se dire « j’ai fait cela ».”]
J’avoue que je suis assez sceptique. Peut-on vouloir gouverner les hommes tout en étant indifférent à leurs regards, ne seraient-ce que de crainte ? Je pencherais plutôt, dans le cas des grands hommes politiques, pour leur souci prédominant de ceux des hommes du futur. N’est-ce pas un peu, du reste, ce que vous-même exprimez lorsque vous dîtes en conclusion : “Et on ne devient grand homme qu’à titre posthume” ?
[“Créon est un personnage tragique en ce qu’il est obligé de mettre à mort une adolescente qu’il aime (et provoquer le suicide de son propre fils et de sa femme par la même occasion) victime de sa propre bêtise.”]
Si je comprends bien, le tragique, c’est quand il n’y a pas de “happy end” ? -;)
@ dsk
[J’avoue que je suis assez sceptique. Peut-on vouloir gouverner les hommes tout en étant indifférent à leurs regards, ne seraient-ce que de crainte ?]
Je ne dirais pas « indifférent ». Non, tous ceux qui font de la politique guettent, et c’est normal, la réaction du peuple. Nous éprouvons tous un plaisir à être compris et admirés, une douleur dans le cas contraire. La question est plutôt de savoir le poids que l’homme d’Etat donne à l’opinion du peuple lorsqu’il s’agit de prendre une décision. Et le caractère tragique de la politique vient du fait que quelle que soit la décision prise, il sera détesté. Ou bien que la décision qui le fera aimer aujourd’hui est celle qui provoquera un désastre demain.
[Je pencherais plutôt, dans le cas des grands hommes politiques, pour leur souci prédominant de ceux des hommes du futur. N’est-ce pas un peu, du reste, ce que vous-même exprimez lorsque vous dîtes en conclusion : “Et on ne devient grand homme qu’à titre posthume” ?]
Oui. L’ennui est qu’il est rare que l’intéressé soit présent pour en profiter. Et il faut un état d’esprit particulier – surtout lorsqu’on n’est pas croyant – pour se soumettre au jugement d’une postérité qu’on n’a aucune chance de connaître.
[“Créon est un personnage tragique en ce qu’il est obligé de mettre à mort une adolescente qu’il aime (et provoquer le suicide de son propre fils et de sa femme par la même occasion) victime de sa propre bêtise.” Si je comprends bien, le tragique, c’est quand il n’y a pas de “happy end” ? -;)]
Condition nécessaire, mais pas suffisante…
@ Descartes
[J’avoue que je suis assez sceptique. Peut-on vouloir gouverner les hommes tout en étant indifférent à leurs regards, ne seraient-ce que de crainte ?]
[“Je ne dirais pas « indifférent ». Non, tous ceux qui font de la politique guettent, et c’est normal, la réaction du peuple. Nous éprouvons tous un plaisir à être compris et admirés, une douleur dans le cas contraire.”]
Certes. Sans doute n’étais-je pas assez explicite. Je voulais dire que les hommes politiques sont, je le suppose, tout particulièrement sensibles aux regards des autres hommes. Je ne crois pas vraiment, en effet, que leur moteur principal soit d’œuvrer pour le bien commun, mais plutôt la jouissance que leur procure le pouvoir, qui tient notamment à ces regards de respect, de crainte, d’admiration etc. que portent sur eux les autres hommes. Il n’est que de songer, par exemple, à Mélenchon 😉
[“L’ennui est qu’il est rare que l’intéressé soit présent pour en profiter. Et il faut un état d’esprit particulier – surtout lorsqu’on n’est pas croyant – pour se soumettre au jugement d’une postérité qu’on n’a aucune chance de connaître.”]
Je ne sais pas jusqu’à quel point la comparaison est valable, mais prenez votre blog : je ne cois pas que les intervenants y soient généralement indifférents aux jugements des autres. Et pourtant, a priori, ils n’ont aucune chance de les connaître, non ?
@ dsk
[Certes. Sans doute n’étais-je pas assez explicite. Je voulais dire que les hommes politiques sont, je le suppose, tout particulièrement sensibles aux regards des autres hommes. Je ne crois pas vraiment, en effet, que leur moteur principal soit d’œuvrer pour le bien commun, mais plutôt la jouissance que leur procure le pouvoir, qui tient notamment à ces regards de respect, de crainte, d’admiration etc. que portent sur eux les autres hommes. Il n’est que de songer, par exemple, à Mélenchon.]
La question des motivations qui poussent ceux qui servent le bien commun est un grand mystère. Il y a des gens qui sont allés se faire tuer pour le « bien commun », et on jouit difficilement des regards de respect, crainte ou admiration quand on est mort. Il faut donc admettre qu’il y a quelque chose d’autre qui motive les hommes. Au-delà de la récompense qu’on trouve dans le regard de l’autre, il y a un processus d’internalisation de certaines valeurs qui fait que notre propre regard a le même effet. Ce n’est pas par hasard que l’expression populaire dit, pour résumer un comportement digne, « je veux pouvoir me regarder dans un miroir ».
[“L’ennui est qu’il est rare que l’intéressé soit présent pour en profiter. Et il faut un état d’esprit particulier – surtout lorsqu’on n’est pas croyant – pour se soumettre au jugement d’une postérité qu’on n’a aucune chance de connaître.” Je ne sais pas jusqu’à quel point la comparaison est valable, mais prenez votre blog : je ne cois pas que les intervenants y soient généralement indifférents aux jugements des autres. Et pourtant, a priori, ils n’ont aucune chance de les connaître, non ?]
Bien sur que si. Non pas de les « connaître » personnellement, mais au moins de connaître leurs jugements. Le propre des jugements posthumes, c’est que l’intéressé n’est pas en mesure de les connaître. Franchement, êtes-vous torturé au contraire motivé par ce qu’on pourra penser de vous dans cent ans ?
Quelle ode à l’exéutif actuel!
@ Françoise
[Quelle ode à l’exécutif actuel!]
Si tel était le cas, cela devrait vous réjouir, vous qui me reprochiez de faire de l’antimacronisme primaire…
Mais au risque de vous décevoir, mon papier n’a rien à voir avec l’exécutif actuel. C’est une réflexion qui s’applique à tous les exécutifs. L’ombre de Créon porte sur Emmanuel Macron ou sur Edouard Philippe comme elle a porté sur Louis XIII et Richelieu, sur Robespierre, sur Clémenceau, sur De Gaulle, sur Hollande. Certains l’ont assumé avec panache, d’autres ont été rendus misérables par leur incapacité à supporter son poids. Relisez mon papier: je n’ai pas dit que Macron ou Philippe fassent bien les choses – pas plus que je n’ai dit qu’ils les fassent mal. Ce que j’ai dit, c’est qu’ils fassent bien ou mal, le résultat pour eux risque d’être exactement le même. C’est tout le sens du mot “tragique”…
Toute cette longue tirade pour en arriver à une si pauvre conclusion . Homme d’Etat , récompense , grand homme … des abstractions . Il n’y a qu’une règle : l’intérêt . Les lois des hommes , les lois au-dessus des lois des hommes qui ne sont aussi que les lois des hommes ; toutes ne sont que des conventions dans le but de servir des intérêts . Par exemple on pourrait se demander : quel est l’intérêt de ce texte ,ou , quel est l’intérêt de l’ auteur , ou bien aussi quel est l’ intérêt de le lire , ou même d’ y répondre ?
@ brochard
[Toute cette longue tirade pour en arriver à une si pauvre conclusion. Homme d’Etat, récompense, grand homme … des abstractions. Il n’y a qu’une règle : l’intérêt.]
C’est un peu plus compliqué que cela. Le problème est que si vous considérez qu’il n’y a qu’une règle, l’intérêt, vous avez du mal à expliquer certains comportements. Prenons par exemple le paradoxe bien connu de la grève : un travailleur a-t-il intérêt de faire la grève ? La réponse est non : si la grève est victorieuse, il recueillera les fruits qu’il ait ou non participé ; et si la grève échoue, il ne perdra pas de salaire. Chaque travailleur, individuellement, a donc intérêt à ne pas faire la grève et laisser ses collègues la faire. Et cette conclusion devrait conduire à l’impossibilité de la grève.
Prenons un autre cas encore plus flagrant. Personne ne peut avoir un intérêt à provoquer sa propre mort, puisqu’on ne peut tirer aucun avantage une fois qu’on est un mètre sous terre. Et pourtant, le cas de personnes qui sont allés vers une mort certaine ou quasi-certaine volontairement en sont pas rares. Quel « intérêt » pouvait tirer Jean Moulin qui puisse être commensurable au risque pris ?
Ces exemples laissent à penser penser qu’à l’intérêt purement individuel se superposent d’autres contraintes qu’il n’est pas évident d’interpréter en termes d’intérêt. En particulier, peut-on caractériser un « intérêt collectif » qui impliquerait pour certains membres du groupe un sacrifice afin que d’autres membres puissent survivre ?
[Les lois des hommes, les lois au-dessus des lois des hommes qui ne sont aussi que les lois des hommes ; toutes ne sont que des conventions dans le but de servir des intérêts.]
Plus que « les lois des hommes » et « les lois au-dessus des lois des hommes », il faut faire la distinction entre les lois des hommes PRESENTS et les lois des hommes PASSES. Il ne vous aura pas échappé qu’il est plus difficile de toucher à la Déclaration de 1789 ou à la loi de 1901 qu’à une loi votée la semaine dernière…
Pour le reste de votre commentaire, si on le prend au sens général vous énoncez un truisme. En effet, quelle serait l’utilité d’une loi qui ne servirait aucun intérêt ? Qui pourrait être intéressé – sans jeu de mots – à élaborer une telle loi ? Si le législateur fait une loi, c’est par définition qu’il a un intérêt à la faire…
Mais pour aller plus loin, il faut lever une ambiguïté : il y a « la loi » au sens de telle ou telle loi particulière. Et puis il y a « la loi » au sens du système juridique complet. On peut discuter pour chaque loi quel est l’intérêt qu’elle sert. Mais le système juridique global, lui, sert l’intérêt de l’ensemble de la société, car sans lui on tomberait dans « l’état de nature » dont parle Hobbes, c’est-à-dire, la guerre de tous contre tous. C’est en ce sens qu’il faut comprendre la situation de Créon : il ne s’agit pas de défendre une loi particulière (celle sur la sépulture refusée à Polynice) mais du système juridique complet, car si une loi peut être violée impunément, pourquoi pas les autres ?
[Par exemple on pourrait se demander : quel est l’intérêt de ce texte, ou, quel est l’intérêt de l’auteur, ou bien aussi quel est l’intérêt de le lire, ou même d’ y répondre ?]
Vous devriez clarifier le sens du mot « intérêt »… « l’intérêt » qu’a une personne a faire quelque chose n’est pas la même chose que « l’intérêt » d’un texte…
Oui. Et on pourrait aussi se demander quel est l’intérêt, en plus des décisions prises, de décréter l’état d’urgence, de sortir de l’état de droit, de se placer au même niveau qu’un état totalitaire.
Quel est l’intérêt de faire survoler des plages désertes par des gendarmes? Quel est l’intérêt d’investir dans les hélicos de surveillance et les drones? Quel est l’intérêt du choix de ces dépenses-là? Quel est l’intérêt d’interdire l’accès aux espaces naturels? Quel est l’intérêt de déployer une telle répression qui est allée jusqu’à la mort de certaines personnes contrôlées? Quel est l’intérêt de nous maintenir dans un état de sidération, à coup de chiffres anxiogènes égrenés à longueur de journée sur les ondes?..
@ Caroline BODIN-TOURNIER
[Oui. Et on pourrait aussi se demander quel est l’intérêt, en plus des décisions prises, de décréter l’état d’urgence, de sortir de l’état de droit, de se placer au même niveau qu’un état totalitaire.]
Excusez-moi, mais où avez-vous vu qu’on soit « sorti de l’Etat de droit » ? Comme souvent, tout ce qui est excessif est négligeable. On peut discuter sur le fait de savoir si l’état d’urgence porte ou non atteinte aux institutions démocratiques. Mais de là à conclure qu’on est « sortis de l’Etat de droit » ? Non. Dans ce pays, nul ne peut être condamné sinon en vertu d’une loi promulguée antérieurement aux faits et par un tribunal légalement constitué. Les pouvoirs restent séparés. Le recours au juge et le principe du contradictoire sont garantis. C’est ça, un « Etat totalitaire » ?
L’intérêt de l’Etat d’urgence est de permettre au gouvernement d’agir rapidement. Et plus nous entourons l’action de l’Etat de garanties, de contrôles et de freins en temps normal, plus il est nécessaire de pouvoir les alléger en temps de crise, lorsque les événements nécessitent des réponses rapides. Par certains côtés, nous payons l’empâtement de notre Etat par toutes sortes de procédures consultatives, d’obligations de transparence, de contrôles à priori et de recours dans tous les sens par un besoin pressant d’états d’exception permettant d’écarter tous ces freins.
[Quel est l’intérêt de faire survoler des plages désertes par des gendarmes? Quel est l’intérêt d’investir dans les hélicos de surveillance et les drones? Quel est l’intérêt du choix de ces dépenses-là? Quel est l’intérêt d’interdire l’accès aux espaces naturels?]
Quel est l’intérêt, en effet ? Mais si cela n’a aucun intérêt, pourquoi le faire ? Parce que le gouvernement est méchant ? Dites-vous bien que s’il se trouve des gens pour le proposer, pour le décider et pour le mettre en œuvre, il doit bien y avoir une raison. A votre avis ?
[Quel est l’intérêt de déployer une telle répression qui est allée jusqu’à la mort de certaines personnes contrôlées? Quel est l’intérêt de nous maintenir dans un état de sidération, à coup de chiffres anxiogènes égrenés à longueur de journée sur les ondes?..]
J’aimerais bien connaître votre réponse à ces questions…
Je constate que du jour au lendemain, notre société a basculé dans un système de contrôle social de type orwellien. Pendant que les prisonniers de droit commun, et notamment des sympathisants islamistes, sont libérés sur recommandation de l’ONU, le simple citoyen risque la prison s’il dépasse son heure de promenade autorisée!
Admettons que le gouvernement n’est pas “méchant” pour reprendre votre terme. Il aurait décidé de confiner la population sur avis de l’Imperial college, institut de prospective (indépendant?), qui a annoncé des millions de morts.
Depuis l’Imperial college a divisé ses prévisions par 25. Mais le gouvernement n’a pas changé de discours et continue à nous faire peur à coup de chiffres faux. Le pouvoir politique continue à communiquer et agir comme si l’épidémie continuait à représenter un danger majeur pour le pays.
Pourquoi, si ce n’est pour nous faire accepter des solutions qu’on n’aurait jamais acceptées?
Je n’ai pas toutes les réponses, mais j’y réfléchis. Les écrits de Jean-Dominique Michel m’ont beaucoup interpelée.
La répression déployée + le nombre étonnamment élevé de mesures incohérentes et contre-productives ont forcément une explication… Quelque chose me dit qu’il faudra être prêt à renoncer à quelques illusions.
@ Caroline BOUDIN-TOURNIER
[Je constate que du jour au lendemain, notre société a basculé dans un système de contrôle social de type orwellien.]
Pourriez-vous détailler en quoi le « système de contrôle social » serait devenu « orwellien » ? Vous noterez que pour le moment chacun de nous peut sortir de chez lui à condition de remplir lui-même un papier explicitant la raison pour déroger au confinement, et que les motifs pour y déroger sont assez larges.
[Pendant que les prisonniers de droit commun, et notamment des sympathisants islamistes, sont libérés sur recommandation de l’ONU, le simple citoyen risque la prison s’il dépasse son heure de promenade autorisée!]
Combien de peines de prison pour avoir dépassé son heure de promenade autorisée ont été prononcées ? Vous ne trouvez pas que vous exagérez un tout petit peu dans le genre « nous vivons dans un état policier » ?
[Admettons que le gouvernement n’est pas “méchant” pour reprendre votre terme. Il aurait décidé de confiner la population sur avis de l’Imperial College, institut de prospective (indépendant?), qui a annoncé des millions de morts.
Imperial College n’est pas un « institut de prospective », indépendant ou pas. C’est une institution d’enseignement britannique fondée en 1907 et qui fait partie de l’Université de Londres (même s’il dispose d’une large autonomie qui en fait pour certains une université indépendante). Renseignez-vous avant d’écrire n’importe quoi. Par ailleurs, je doute que le gouvernement français soit très sensible aux conclusions d’Imperial College, ou que cette institution se soit penché sur le cas français.
[Depuis l’Imperial college a divisé ses prévisions par 25. Mais le gouvernement n’a pas changé de discours et continue à nous faire peur à coup de chiffres faux. Le pouvoir politique continue à communiquer et agir comme si l’épidémie continuait à représenter un danger majeur pour le pays.]
Et à votre avis ce n’est pas le cas, si je comprends bien ? Quand bien même on serait passé de « millions de morts » à des centaines de milliers (c’est ce que vous obtenez quand vous divisez des « millions de morts » par 25), ce serait pour vous admissible ?
[Pourquoi, si ce n’est pour nous faire accepter des solutions qu’on n’aurait jamais acceptées?]
Peut-être parce qu’il trouve que quand bien même Imperial college aurait raison, quelques centaines de milliers de morts cela fait tout de même beaucoup. Ou bien parce qu’ils ne font pas confiance à Imperial college et n’ont pas envie de jouer à la roulette avec la vie des gens. Ce que je trouve personnellement fort louable.
[Je n’ai pas toutes les réponses, mais j’y réfléchis. Les écrits de Jean-Dominique Michel m’ont beaucoup interpelée.]
Moi aussi. Et ce qui m’interpelle, c’est surtout qu’il y ait des gens pour leur prêter crédit, alors que le seul argument qui soutient sa position est d’attaquer ceux qui sont de l’avis contraire. Il ne cite aucune étude sérieuse, aucun travail statistique ou épidémiologique. Son seul argument, c’est « les gouvernement sont méchants » ou « les scientifiques officiels ne sont pas sérieux ». Comme quoi, le complotisme a de beaux jours devant lui…
[La répression déployée + le nombre étonnamment élevé de mesures incohérentes et contre-productives ont forcément une explication…]
Pour la chercher, je ne peux que vous conseiller l’utilisation du rasoir d’Occam.
[Quelque chose me dit qu’il faudra être prêt à renoncer à quelques illusions.]
Comme par exemple ?
Jean-Dominique Michel est un charlatan de la pire espèce. Il est le président de l’institut international de mémothérapie.
La mémothérapie, c’est une arnaque qui préconise la guérison par “le yoga du rire”, “l’interprétation des rêves”, “l’énergie vitale”, la “kinésiologie”, la “pleine conscience”, etc, etc.
C’est dingue le nombre de frapadingues qui sont apparus lors de cette crise sur les réseaux sociaux. Et le nombre de personnes naĩves se laissant berner par ces charlatans.
IL n’est pas interdit de penser que, si Macron avait voulu agir comme Créon, il aurait simplement dit : « L’intérêt supérieur de la Nation commande que l’activité se poursuive comme à l’habitude. La solution consiste donc à isoler les porteurs de virus, à soigner, dans la mesure du possible, les malades atteints de formes graves, et à laisser les autres vaquer à leurs occupations. Certes, nous aurons alors à déplorer des morts, peut-être par centaines de milliers, mais, bon an mal an, le décompte ne sera pas tellement supérieur à celui d’une grosse grippe saisonnière, et probablement inférieur à celui de la grippe dite « de Hong-Kong », qui, en son temps, n’avait empêché personne de dormir. »
Vous dites que nos hommes politiques ont perdu le sens du tragique, mais cela est encore plus vrai des simples citoyens. Ainsi, au temps, justement, de la grippe de Hong-Kong, on avait encore un peu le sentiment que « la mort faisait partie de la vie », et que, parmi les droits de l’homme, ne figurait pas celui de devenir centenaire, fût-ce dans la solitude d’un EHPAD. Les consolations qu’offrait alors la religion y étaient peut-être pour quelque chose, non ?
@ maleyss
[IL n’est pas interdit de penser que, si Macron avait voulu agir comme Créon, il aurait simplement dit : « L’intérêt supérieur de la Nation commande que l’activité se poursuive comme à l’habitude. La solution consiste donc à isoler les porteurs de virus, à soigner, dans la mesure du possible, les malades atteints de formes graves, et à laisser les autres vaquer à leurs occupations. Certes, nous aurons alors à déplorer des morts, peut-être par centaines de milliers, mais, bon an mal an, le décompte ne sera pas tellement supérieur à celui d’une grosse grippe saisonnière, et probablement inférieur à celui de la grippe dite « de Hong-Kong », qui, en son temps, n’avait empêché personne de dormir. »]
Il aurait certainement dû le faire s’il était convaincu que c’était là le meilleur pour la cité. Mais est-ce vraiment le cas ? Ce n’est en rien évident, et personnellement je ne le crois pas. A l’heure de décider s’il est meilleur pour la cité de perdre trente-cinq pour cent de sa production pendant deux mois ou de perdre quelques centaines de milliers de morts, je penche sans hésiter pour la première option.
Notez bien que Créon, dans la pièce d’Anouilh, n’est pas homme à choisir la facilité. Il cherche par tous les moyens à concilier les positions contradictoires, il propose même de tenir le geste d’Antigone comme non avenu à condition que celle-ci promette de ne pas le renouveler. C’est son entêtement qui oblige Créon à la faire mettre à mort… le sens du tragique n’oblige pas au politique à prendre toujours la pire des options au prétexte qu’elle est la plus « propre »…
[Vous dites que nos hommes politiques ont perdu le sens du tragique, mais cela est encore plus vrai des simples citoyens. Ainsi, au temps, justement, de la grippe de Hong-Kong, on avait encore un peu le sentiment que « la mort faisait partie de la vie », et que, parmi les droits de l’homme, ne figurait pas celui de devenir centenaire, fût-ce dans la solitude d’un EHPAD. Les consolations qu’offrait alors la religion y étaient peut-être pour quelque chose, non ?]
Certes, mais ça n’a rien à voir avec le « tragique ». Du temps de la grippe espagnole, la mort faisait partie de la vie parce qu’elle était plus fréquente. Mais en même temps, son coût social était beaucoup moins important. Aujourd’hui, les enfants sont rares et la société investit massivement pour leur permettre de devenir des adultes productifs. On ne peut donc pas se permettre de les laisser mourir aussi facilement qu’en 1918. Quant à la religion, il ne faut pas prendre la cause pour la conséquence : la religion était nécessaire parce que la consolation était nécessaire. Dans une société où la mortalité infantile est devenu résiduelle, ou les chances de mourir, comme vous le dites, centenaire deviennent importantes, le besoin de consolation est moins clair…
@Descartes
La « grippe de Hong-Kong » n’est pas la crise espagnole. Je vous renvoie à cet excellent article :
https://www.letemps.ch/suisse/leurope-se-moquait-epidemies
@ Ian Brossage
[La « grippe de Hong-Kong » n’est pas la crise espagnole.]
Oui vous avez tout à fait raison, je m’excuse de l’erreur.
[Je vous renvoie à cet excellent article]
Excellent en effet. J’y retrouve un complement logique à mon papier. Chasser la mort, l’échec et l’offense de notre imaginaire, c’est aussi chasser le tragique.
[Chasser la mort]
Vivre vieux, profiter de la vie… Voilà une belle richesse.
Sinon la grippe de 68 c’est 35 000 morts en 2 mois sans (trop) de barrière. Je vous laisse faire le calcule de la mortalité du COVID19 sans barrière, avec un R0 de 3, un taux de mortalité qu’on peut raisonnablement dire de 0,5%, qui n’est pas immunisante tout le temps, et qui peut clouer une personne de 50 ans 1 mois et demi dans un lit.
Cher Descartes,
Désolé de vous contredire un peu mais il ne faut jamais oublier que le covid19 ne tue que des vieux ce qui rend toute comparaison avec les grippes espagnoles, asiatiques ou de Hong Cong tendancieuse. Les partisans du : « Mon dieu quelle misère, faut tout arrêter ! » ont dû mettre en majesté une maladie très rare ( la maladie de Kawasaky, dont personne n’est mort) pour affoler les parents d’ élèves. Le décompte macabre et quotidien de monsieur Salomon ne doit pas faire oublier que dans l’immense majorité des cas, les morts étaient des grands malades.
Merci encore pour votre travail.
@ Caton33
[Désolé de vous contredire un peu mais il ne faut jamais oublier que le covid19 ne tue que des vieux ce qui rend toute comparaison avec les grippes espagnoles, asiatiques ou de Hong Kong tendancieuse.]
N’exagérons rien. J’ai des amis relativement jeunes qui en sont restés. Et si l’age est un facteur important de risque, il y en a d’autres. Par contre, je partage l’idée qu’il faut raison garder. Ce n’est pas non plus la peste noire…
Dans cet entretien (https://lvsl.fr/emmanuel-todd-macron-nest-plus-republicain/), Emmanuel Todd revient sur la question de la religion, de la “croyance collective” :
“[…] il faut l’admettre, si le vide religieux a produit un vide de valeur et une incapacité d’organisation collective, c’est un paralogisme de penser que des mesures techniques efficaces puissent être prises dans ce contexte de vide. Nous sommes en fait confrontés au besoin d’une quasi-religion.”
Incidemment, cet autre passage sur “le capitalisme” vaut le détour :
“Les croyances religieuses en France tendant vers zéro, la moralité économique tendant également vers zéro, les gens qui circulent entre la haute-fonction publique et la banque, et qui pensent faire du capitalisme, ne font en fait que de la corruption. Quand un type passe de Bercy à une banque pour se remplir les poches, il n’est qu’un corrompu, et rien d’autre. Rendre l’État pauvre, imposer l’austérité aux gens ordinaires ne lui donnera pas une morale.”
@ NG
[Dans cet entretien (…), Emmanuel Todd revient sur la question de la religion, de la “croyance collective” :]
Un mot sur l’entretien. Todd nous a habitués au meilleur comme au pire. Ici, c’est le pire…
@Descartes,
[Un mot sur l’entretien. Todd nous a habitués au meilleur comme au pire. Ici, c’est le pire…]
moi, j’ai trouvé qu’il y avait mangé et à boire… En quoi est-ce pire que d’habitude? Qu’est-ce que vous n’avez pas aimé? Sa verve anti-Macroniste? Sa critique du marxisme comme vision…”franco-française”? Son islamophilie et sa haine du “catholicisme zombie”? Mais, ce sont ses marottes habituelles!!
Pour ma part, ce qui m’a le plus dérangé, c’est sa critique sournoise d’Orwell et de son disciple Michéa: on peut être en désaccord avec leur populisme, mais de là à redéfinir la “common decency” pour y glisser un discours pro-LGBTQI*, et au passage, taxer Orwell d’homophobie, c’est franchement mesquin et surtout anachronique! Egalement, quand on connaît un temps soit peu la biographie de l’écrivain anglais, le taxer de “petit-bourgeois” comme le fait Todd, c’est vraiment l’hôpital qui moque de la charité!!! On retrouve là encore sa volonté bien connue de “choquer le bourgeois” (ou plutôt le prolo).
Ah oui, j’ai toujours eu un problème avec son patriotisme, que je trouve par trop abstrait: toutes les comparaisons qu’il fait de la France avec l’Angleterre nous sont systématiquement défavorables! Il est bien trop snob et anglophile à mon goût pour être complètement honnête😬…
@ CVT
[moi, j’ai trouvé qu’il y avait manger et à boire… En quoi est-ce pire que d’habitude? Qu’est-ce que vous n’avez pas aimé? Sa verve anti-Macroniste? Sa critique du marxisme comme vision…”franco-française”? Son islamophilie et sa haine du “catholicisme zombie”? Mais, ce sont ses marottes habituelles!!]
Peut-être. Mais en général, il est plus argumentatif. Ici, il use et abuse de l’argument d’autorité, se tressant lui-même des couronnes au passage. Et on peut le voir dès le début de l’entretien. Il est vrai que lorsqu’on observe une corrélation très forte entre deux variables, on peut penser être en présence d’une tautologie (c’est-à-dire, de deux variables qui en fait sont la même exprimée sous une forme différente). Mais si une corrélation très forte peut alimenter une SUSPICION de tautologie, cela ne constitue pas une PREUVE. Il y a des variables dont la corrélation est très forte sans qu’elles soient « tautologiques ».
De même, on trouve dans cet entretien tout et son contraire. Après avoir affirmé qu’il y avait une communauté forte entre macronisme et frontisme, il se retrouve à dire que le frontisme trouve sa base sociologique dans la classe ouvrière, et le macronisme chez « la petite bourgeoisie CPIS ». Après, il y a dans cet entretien beaucoup de bavardage. Todd sacrifie à ce travers bien français qui veut qu’un bon jeu de mots passe pour un argument substantiel.
Je n’aime pas non plus la méthode de Todd qui consiste à procéder par affirmations à l’emporte-pièce, sans tenir compte des réalités. Ainsi, il déclare que « Le macronisme constitue l’arrivée au pouvoir d’une haute fonction publique libérée des partis politiques. ». Or, comme je l’ai montré sur ce blog, le gouvernement de Macron est probablement celui ou la « haute fonction publique » est la moins bien représentée de ces trente dernières années. Et si l’on prend les députés du groupe LREM, on trouve que les professions libérales et les cadres du secteur privé sont largement représentés, alors que les fonctionnaires sont sur le recul.
Même chose lorsqu’il affirme que « les forces de l’ordre votent à 50% FN ». Ce n’est pas sérieux : sauf à violer le secret du suffrage, non ne sait pas pour qui VOTENT les forces de l’ordre. Tout au plus, on peut savoir pour qui ils DISENT VOTER. Un sociologue ne peut pas ignorer la différence entre ce que les gens disent à un sondeur et ce qu’ils font vraiment dans l’isoloir.
Encore un exemple : « La haute administration est hors de contrôle et supprime les retraites sans vraiment mettre en place de système alternatif, ce qui va au-delà du concept de mise au pas national-socialiste. » Est-ce besoin de commenter une affirmation aussi absurde, un amalgame aussi indécent ?
[Pour ma part, ce qui m’a le plus dérangé, c’est sa critique sournoise d’Orwell et de son disciple Michéa: on peut être en désaccord avec leur populisme, mais de là à redéfinir la “common decency” pour y glisser un discours pro-LGBTQI*, et au passage, taxer Orwell d’homophobie, c’est franchement mesquin et surtout anachronique!]
Totalement. Mais Todd a cette tentation de jouer les enfants terribles : moi contre le reste du monde. D’ailleurs dans l’article il ne reconnaît de valeur intellectuelle aux autres que lorsqu’ils sont morts…
@Descartes
> Mais Todd a cette tentation de jouer les enfants terribles : moi contre le reste du monde. D’ailleurs dans l’article il ne reconnaît de valeur intellectuelle aux autres que lorsqu’ils sont morts…
Je me demande si ça ne reflète pas aussi sa position vis-à-vis du champ académique. Il s’est souvent plaint de ne pas être pris au sérieux par le monde universitaire. Mais ce n’est pas très étonnant, si l’on considère que c’est un intuitif qui ne cherche jamais à établir rigoureusement ses théories.
Et à force de croire que les universitaires le snoberaient car ils seraient jaloux de ses fulgurantes et géniales intuitions, peut-être finit-il par croire vraiment à sa propre exceptionnalité, comme un vulgaire Paul Jorion.
@ Ian Brossage
[Je me demande si ça ne reflète pas aussi sa position vis-à-vis du champ académique. Il s’est souvent plaint de ne pas être pris au sérieux par le monde universitaire. Mais ce n’est pas très étonnant, si l’on considère que c’est un intuitif qui ne cherche jamais à établir rigoureusement ses théories.]
Il y a de ça. Il y a aussi un problème disciplinaire. On ne peut pas être expert dans tout. Todd est à l’origine un démographe, et lorsqu’il parle démographie il a l’autorité de l’expert. Mais l’expert doit faire preuve d’humilité lorsqu’il s’éloigné du/des champs sur lesquels il a fait un véritable travail d’expert. Todd fait partie de ces « toutologues » qui se jugent capables de parler avec l’autorité de l’expert de n’importe quel sujet : politique, philosophie, histoire, démographie… Or, le monde académique tend – à just titre – à se méfier de ce type de fonctionnement.
[Et à force de croire que les universitaires le snoberaient car ils seraient jaloux de ses fulgurantes et géniales intuitions, peut-être finit-il par croire vraiment à sa propre exceptionnalité, comme un vulgaire Paul Jorion.]
La liste des « toutologues » est fort longue…
@ Descartes
[Todd fait partie de ces « toutologues » qui se jugent capables de parler avec l’autorité de l’expert de n’importe quel sujet : politique, philosophie, histoire, démographie… Or, le monde académique tend – à just titre – à se méfier de ce type de fonctionnement. ]
Eh oui… C’est assez tragique. Il y a toujours un risque quand un universitaire acquiert une certaine renommée auprès du grand public qu’il se transforme en “toutologue”. Tendre un micro à un universitaire, c’est comme tendre un miroir à Narcisse…
On peut toutefois remarquer que les écoles de journalisme, elles, forment des “toutologues” prêts à l’emploi.
@ BolchKek
[Eh oui… C’est assez tragique. Il y a toujours un risque quand un universitaire acquiert une certaine renommée auprès du grand public qu’il se transforme en “toutologue”. Tendre un micro à un universitaire, c’est comme tendre un miroir à Narcisse…]
N’exagérons rien, il y a des universitaires qui savent être modestes… Je me souviens, quand j’étais adolescent, d’avoir été faire un interview à Helène Curie-Langevin pour le journal du lycée. J’étais très intimidé, évidemment, vous imaginez, la petite fille de Marie Curie et de Paul Langevin… et je me souviens qu’elle nous avait dit “vous savez, le génie, ce n’est pas héréditaire”… Mais il est vrai que c’est plus facile dans les “sciences dures”, où les méthodes sont plus établies et la communauté des pairs plus structurée. En sciences humaines, la frontière entre science et bavardage est plus difficile à établir.
[On peut toutefois remarquer que les écoles de journalisme, elles, forment des “toutologues” prêts à l’emploi.]
Ce n’est pas la même chose: le journaliste ne parle pas avec le prestige de l’expert derrière lui…
@ Descartes
[Ce n’est pas la même chose: le journaliste ne parle pas avec le prestige de l’expert derrière lui…]
Faudrait pas que des journalistes lisent ceci, ça leur ferait de la peine et par conséquence ça ferait probablement de nous tous des rouge-bruns. Plus sérieusement, on peut difficilement dire que la profession journalistique fait preuve de modestie ces dernières années.
@ BolchoKek
[Plus sérieusement, on peut difficilement dire que la profession journalistique fait preuve de modestie ces dernières années.]
De modestie, certainement pas. Mais elle ne place pas son orgueil démesuré dans sa capacité d’expertise, au contraire. L’immodestie du journaliste passe moins par sa revendication d’une quelconque expertise que par la proclamation de son importance en tant que fonction. Celui qui a le mieux théorisé ce point de vue est Edwy Plenel: le journaliste est un dieu non pas parce qu’il sait, mais parce qu’il est le seul à pouvoir mettre en difficulté les puissants… et même s’il a tort il est utile, puisque mettre en difficulté les puissants est une tache indispensable.
Ce n’est pas un hasard si l’on trouve parmi les journalistes vedettes autant d’anciens (?) trotskystes, anarchistes ou écologistes. La fonction du journaliste moderne, telle que théorisée aujourd’hui, n’est pas d’informer, mais de harceler les institutions.
@CVT @Descartes
[Balibar]
Déçu de son parcours politique, mais j’ai trouvé une citation de lui (dans un livre qui parle d’agriculture) sur le capitalisme est les autres division sociale (il cite le genre) que je trouve très pertinente. Elle dit en substance que les rapports de classes sont des déterminants universels, mais pas exclusifs des pratiques sociales dans le capitalisme.
Et soyons honnête pour un certain nombre de marxistes tout serait résolu avec le communisme, car tout prenait racine dans le capitalisme. Ce n’est pas vrai. Mais je prends note du piège post-moderne, cette toile d’araignée qui attrape beaucoup de ceux qui concluent que la lutte seule contre le capitalisme n’est pas suffisante.
@ yoann
[Et soyons honnête pour un certain nombre de marxistes tout serait résolu avec le communisme, car tout prenait racine dans le capitalisme.]
Quelqu’un qui pense ainsi a de toute évidence très mal lu Marx, et ne mérite pas à mon avis d’être appelé “marxiste”. Oui, il y a beaucoup de gens qui se qualifient “marxistes” et qui reprennent cette vision manichéenne. Mais cela n’a rien à voir comme Marx. D’abord, Marx a très peu écrit sur le communisme: l’essentiel du travail de Marx – et ce qui fait de lui un penseur incontournable même pour ses adversaires – est son analyse du capitalisme. Analyse dont le but n’est nullement d’en faire le “méchant” de l’histoire. Dans le “manifeste”, il souligne au contraire le caractère révolutionnaire de la bourgeoisie, et la manière comme le capitalisme a libéré les forces productives du carcan hérité du féodalisme.
Il ne faut pas oublier que le marxisme est d’abord historiciste. Les modes de production – antique, féodal, capitaliste, socialiste – ne sont ni “bons” ni “mauvais”, ils correspondent plus au moins à l’état de développement à un moment donné des forces productives. Marx voit dans le remplacement du mode de production féodal par le mode de production capitaliste un progrès, et non un recul. En ce sens, Marx se détache nettement de cette gauche qui regrette un pré-capitalisme idéalisé tellement à la mode chez les gauchistes d’aujourd’hui: “La bourgeoisie a révélé comment la brutale manifestation de la force au moyen âge, si admirée de la réaction, trouva son complément naturel dans la paresse la plus crasse. C’est elle qui, la première, a fait voir ce dont est capable l’activité humaine. Elle a créé de tout autres merveilles que les pyramides d’Egypte, les aqueducs romains, les cathédrales gothiques; elle a mené à bien de tout autres expéditions que les invasions et les croisades.” (“Manifeste du parti communiste”, 1848)
@ Descartes
[“La bourgeoisie a révélé comment la brutale manifestation de la force au moyen âge, si admirée de la réaction, trouva son complément naturel dans la paresse la plus crasse. C’est elle qui, la première, a fait voir ce dont est capable l’activité humaine. Elle a créé de tout autres merveilles que les pyramides d’Egypte, les aqueducs romains, les cathédrales gothiques; elle a mené à bien de tout autres expéditions que les invasions et les croisades.” (“Manifeste du parti communiste”, 1848)”]
C’est à ça qu’on voit que Marx était en fait un bourgeois, qui aurait sûrement applaudi au projet de Macron de rebâtir Notre Dame “plus belle encore”, et ce, en seulement cinq années 😉
@ dsk
[C’est à ça qu’on voit que Marx était en fait un bourgeois, qui aurait sûrement applaudi au projet de Macron de rebâtir Notre Dame “plus belle encore”, et ce, en seulement cinq années]
Je n’en sais rien. Constater que la bourgeoisie soit capable de créer “de toutes autres merveilles” n’implique pas d’applaudir la destruction des merveilles anciennes. Je ne sais pas si Marx a écrit quelque chose sur la question du patrimoine, mais les “socialismes réels” ont été sur cette question remarquablement conservateurs: les musées soviétiques ont été plus attentifs à la sauvegarde du patrimoine artistique ancien qu’à la promotion de l’art moderne…
“L’axe vertical correspond à une haute bureaucratie en liberté qui s’attaque à toute la société, mais qui est devenue entièrement dépendante d’une police qui vote Front National.”
Personnellement, après cette phrase de Todd, j’ai arrêté de lire attentivement l’interview. Je n’avais pas vraiment d’opinion sur Todd. Maintenant, je le classe dans la catégorie “guignol qui raconte n’importe quoi”…
@ nationaliste-ethniciste
[Maintenant, je le classe dans la catégorie “guignol qui raconte n’importe quoi”…]
Todd peut certainement raconter n’importe quoi quand il est dans sa veine “extralucide”. Mais de temps en temps, il lui arrive de dire des choses intelligentes.
“L’axe vertical correspond à une haute bureaucratie en liberté qui s’attaque à toute la société, mais qui est devenue entièrement dépendante d’une police qui vote Front National.”
Excusez-moi de m’immiscer dans ce débat mais est-ce vraiment n’importe quoi en l’occurrence ? Toutes les études montrent qu’effectivement les policiers et les militaires votent majoritairement pour le RN et le pouvoir macronien s’est quand même pas appuyé sur la police pendant la crise des gilets jaunes. Là où je suis moins Todd c’est quand il parle d’une sorte d’alliance entre Macron et le RN. Je crois surtout que quelque part cela arrange l’un et l’autre que le RN soit l’opposition officielle du régime.
@ cd
[Toutes les études montrent qu’effectivement les policiers et les militaires votent majoritairement pour le RN (…)]
Désolé d’insister lourdement, mais je ne supporte plus d’entendre des gens intelligents répéter cette bêtise. Aussi longtemps que le vote sera secret, aucune étude ne pourra “montrer que les policiers et les militaires votent majoritairement pour le RN”. Les études peuvent tout au plus montrer ce que les gens DISENT voter. Mais il n’y a aucun moyen de vérifier que les gens ont effectivement voté comme ils l’ont dit au sondeur.
[Aussi longtemps que le vote sera secret, aucune étude ne pourra “montrer que les policiers et les militaires votent majoritairement pour le RN”. Les études peuvent tout au plus montrer ce que les gens DISENT voter. Mais il n’y a aucun moyen de vérifier que les gens ont effectivement voté comme ils l’ont dit au sondeur.]
Excusez-moi mais le fait qu’une majorité de gens qui se disent policiers ou militaires disent voter pour le RN est en soi significatif car chez les gens qui se disent enseignants ou cadres la proportion est beaucoup plus faible. A moins de penser que tout le monde ment sur tout mais on ne voit pas à moins qu’ils se soient concertés comment ils pourraient arriver à des résultats convergents. D’autre part ces études sont confirmées par d’autres observations comme les résultats de bureaux de vote situés à proximité d’une caserne. La géographie électorale mesure bien les bulletins tels qu’ils sont été mis dans l’enveloppe et elle confirme bien les sondages en question.
Je trouve que faites preuve là d’un doute cartésien un peu excessif. Du reste il y a bien d’autres indices de la pénétration des idées du RN dans les forces de l’ordre ne serait-ce que le récent scandale du groupe facebook raciste auxquels participaient de nombreux policiers et gendarmes.
@ cd
[Excusez-moi mais le fait qu’une majorité de gens qui se disent policiers ou militaires disent voter pour le RN est en soi significatif]
Tout à fait. Mais la signification du fait que la majorité des policiers ou militaires DISENT voter pour le RN n’est pas tout à fait la même que le fait que ces policiers ou militaires VOTENT EFFECTIVEMENT pour le RN.
[(…) car chez les gens qui se disent enseignants ou cadres la proportion est beaucoup plus faible.]
Tout à fait, tout comme la proportion de ceux qui DISENT voter à droite est faible. Doit on déduire que les enseignants votent majoritairement à gauche ? Ou seulement que la pression sociale de leur milieu fait qu’admettre qu’on vote à droite est difficile ?
[A moins de penser que tout le monde ment sur tout mais on ne voit pas à moins qu’ils se soient concertés comment ils pourraient arriver à des résultats convergents.]
On sait par exemple que dans les années 1990, les sondages « bruts » sous-estimaient systématiquement les résultats électoraux du RN et du PCF. Lors du référendum de 2005, les sondages donnaient le « oui » gagnant. Alors, il faut bien admettre que ce que les gens disent à un sondeur et ce qu’on fait dans l’isoloir peut être très différent.
[D’autre part ces études sont confirmées par d’autres observations comme les résultats de bureaux de vote situés à proximité d’une caserne. La géographie électorale mesure bien les bulletins tels qu’ils sont été mis dans l’enveloppe et elle confirme bien les sondages en question.]
Pas vraiment. Les casernes sont rarement construites dans les quartiers bobos. Par ailleurs, il est très fréquent que les militaires soient électeurs dans une commune autre où ils sont stationnés. En effet, dans la mesure où ils déménagent très souvent au gré de leurs affectations, ils gardent souvent leur inscription dans leur commune d’origine, ou celle où se trouvent leurs attaches familiales. Les corrélations de ce type sont donc très hasardeuses…
[Du reste il y a bien d’autres indices de la pénétration des idées du RN dans les forces de l’ordre ne serait-ce que le récent scandale du groupe facebook raciste auxquels participaient de nombreux policiers et gendarmes.]
Vous trouverez le même type de « groupes facebook » à la faculté d’Assas. Doit-on conclure que les idées du RN pénètrent les milieux universitaires ? Franchement, lorsqu’un parti rassemble au premier tour d’une élection un votant sur cinq, on peut supposer qu’on trouvera dans n’importe quel milieu des gens qui professeront ses idées. De là à parler de « pénétration des idées » dans telle ou telle profession… ca me rappelle irrésistiblement les raisonnements maccarthystes.
@ Descartes,
“Mais de temps en temps, il lui arrive de dire des choses intelligentes.”
Même une pendule arrêtée donne l’heure exacte deux fois par jour… (et c’est vous qui m’avez appris cette expression!).
@ nationaliste-ethniciste
[Même une pendule arrêtée donne l’heure exacte deux fois par jour… (et c’est vous qui m’avez appris cette expression!).]
“Il n’y a pas de plus grand éloge que l’imitation”…
Bonjour,
“C’est « peur sur la ville » dans les institutions. Avant d’écrire un mot, experts et politiques s’interrogent d’abord sur l’usage qui pourrait être fait devant un tribunal.”
En ce qui concerne la trouille des politiques, n’y a-t-il pas un lien à faire avec ce que vous avez écrit précédemment sur les “égo-politiciens”? Je m’explique: non content d’être confronté à la judiciarisation croissante de la société, l’homme politique, sans parti, est seul face à l’opinion. Emmanuel Macron a gravi seul (ou plutôt a donné l’illusion de gravir seul, car comme vous l’avez souligné dans un commentaire, il a été puissamment soutenu par des réseaux) le sommet du Capitole. Mais maintenant que Jupiter trône en majesté, il est aussi seul, sans véritable parti politique pour le soutenir et pour le défendre lorsque la tempête l’entraînera vers la roche tarpéienne…
Ce que je veux dire, c’est que du temps où les structures partisanes étaient solides, l’homme politique apparaissait davantage comme le représentant d’un pouvoir collectif. On disait d’ailleurs, il y a plusieurs années, “le PS a décidé”, “les communistes ont choisi de”, “le RPR propose telle loi”. Et le dirigeant n’apparaissait pas isolé. Mais aujourd’hui, Macron décide, Macron dit, Macron fait… et à l’heure de rendre des comptes, Macron sera aussi seul, car les réseaux qui l’ont fait l’abandonneront sans état d’âme comme le ramassis d’opportunistes et de félons qui l’entourent.
“Bien entendu, le fonctionnaire-bashing et la haine de soi fonctionnent à plein, et on trouve dans toutes les chaînes des gens pour vous expliquer que si les décisions tardent, c’est que notre appareil administratif est trop centralisé, trop hiérarchique, trop complexe avant d’expliquer que l’herbe est bien plus verte de l’autre côté de la frontière.”
Pardon d’écorner votre modestie, mais je dois dire que je suis admiratif du talent que vous avez pour “coller” à l’actualité. J’ai lu votre article hier soir, et j’ai immédiatement pensé à ce que j’avais entendu le midi sur France Inter: un maire d’une commune alsacienne pestant contre “la centralisation jacobine” et nous expliquant que de l’autre côté du Rhin, sur la terre bénie des Germains, tout est mieux pensé, mieux organisé, parce que, évidemment, tout est plus “fédéral”. Bref, une caricature de ce que vous évoquez (et de mémoire, il a répété au moins trois fois ce discours). Mais je dois dire, une fois n’est pas coutume, que le journaliste lui a fait remarquer poliment que “quand on leur impose des décisions, les maires râlent, et quand l’Etat leur laisse une large marge de manœuvre, ils râlent également”. C’était bien envoyé, même si le politicard susnommé a bien sûr répondu que “ce n’était pas le cas, blablabla.”
En vous lisant, je me suis aperçu que vous possédez une grande qualité: vous êtes quelqu’un de juste. Tout votre développement sur le tragique est pertinent. Oui, Emmanuel Macron, Edouard Philippe, Jean-Michel Blanquer (puisque je suis surtout concerné par les décisions de ce dernier d’un point de vue professionnel) sont dans une situation difficile, je dirais même ingrate. Même s’ils prennent les bonnes décisions (et, ça me coûte de le dire car je suis très hostile à Macron, mais je crois que les décisions prises depuis le début du confinement sont globalement les bonnes), on leur reprochera toujours de n’avoir pas fait assez ou de n’avoir pas fait mieux. Il est vrai qu’il est facile de dire “il aurait fallu faire ceci ou cela”. Je vais être honnête: moi-même il m’arrive de le faire en privé. Mais je dois bien reconnaître que je n’aimerais pas être à la place de nos dirigeants, et c’est un aveu d’incompétence, j’en ai conscience. En revanche, il y a un problème de communication, par exemple sur les masques: on nous a dit qu’ils ne servaient pas à grand-chose… et trois semaines après, on nous annonce qu’il faudra en porter. On nous a dit “seul ce type de masque est efficace” et maintenant on nous explique que même du “fait-maison”, c’est mieux que rien. Ben, faudrait savoir. On nous prend un peu pour des cloches.
Prenons maintenant la réouverture des écoles. Qu’en pensez-vous Descartes (et les autres commentateurs)? Personnellement, je suis partagé. D’un côté, la reprise du travail me fait un peu peur (en plus, ma femme est enceinte et s’inquiète que je ramène le virus à la maison) et l’organisation paraît très compliquée à mettre en place: comment maintenir les gestes barrière? comment limiter les déplacements? comment assurer la demi-pension? Pensons à des choses toute bêtes: les poignées de porte ou les robinets des sanitaires seront forcément “tripotés” par tout le monde (on n’imagine pas que les élèves et les enseignants urinent dans leur culotte pour éviter la contagion). Parfois, je suis tenté de me dire que repousser la reprise à septembre aurait été plus judicieux. Mais d’un autre côté, il serait souhaitable qu’il y ait une véritable “fin d’année”. Je n’ai même pas eu le temps de dire au revoir à la plupart de mes élèves. Clore l’année, c’est un rituel nécessaire. Disons aussi que certains parents doivent retourner travailler, et pouvoir confier les enfants à l’institution scolaire serait bien pratique. Ensuite, il ne faut pas se voiler la face: l’enseignement en “distanciel”, franchement, ce n’est pas terrible. Pour le professeur, d’abord. Certes, on peut échanger des messages sur internet avec les élèves mais le contact n’est pas le même. Pour les élèves ensuite qui reçoivent essentiellement cours et exercices sans explications supplémentaires ni possibilité de demander facilement des précisions. Il y a bien sûr des inégalités quand au matériel disponible (certains élèves n’ont qu’un téléphone mobile, ou pas d’imprimante). Sans compter les élèves qu’on a “perdus” et pas toujours à cause de l’internet qui ne fonctionne pas. Les propositions du ministre, d’une reprise progressive, avec des groupes réduits, me semblent assez sages et prudentes (sans doute sont-elles aussi dictées par la “trouille” de poursuites judiciaires en cas de contagion dans un établissement). Mais là encore, la communication du gouvernement pèche: le président nous dit qu’ “il est sensible au décrochage des élèves les plus fragiles” et donc il faut rouvrir les écoles. Soit. Et ensuite, on nous explique que ce sera peut-être sur la base du volontariat (comme si les décrocheurs allaient revenir) ou pour les enfants trop petits pour se garder seuls, en gros de la maternelle à la 5ème (il n’est pas sûr, par exemple, que les lycéens reprennent les cours, quant aux collégiens de 4ème et 3ème, c’est le flou). Dans ce cas là, ce n’est plus la lutte contre le décrochage et le creusement des inégalités… Bref, je suis perplexe et je me permets de vous demander votre avis.
Enfin, j’ai lu dans une réponse que vous faisiez à un autre commentateur que nos échanges vous ont amené à changer d’avis ou du moins à évoluer sur certains sujets (comme le rapport de l’identité française au catholicisme). Je tiens à vous dire que je le prends comme un hommage et croyez bien que cela me touche beaucoup.
@ nationaliste-ethniciste
[En ce qui concerne la trouille des politiques, n’y a-t-il pas un lien à faire avec ce que vous avez écrit précédemment sur les “égo-politiciens”? Je m’explique: non content d’être confronté à la judiciarisation croissante de la société, l’homme politique, sans parti, est seul face à l’opinion.]
Excellente remarque. Oui, le lien paraît évident. Naguère, quand un homme politique était accusé de malfaçon, il était d’abord jugé par son parti. Et si le parti ne trouvait rien à lui reprocher, alors il le défendait mordicus. Et cette intervention avait un poids parce que le citoyen savait que le parti avait une réalité politique, et n’était pas une structure au service d’un seul homme. L’égo-politicien, lui, est seul. Même lorsqu’il est défendu par son parti, cette défense n’a aucun poids parce que tout le monde sait que le parti en question n’a d’autre réalité que de soutenir automatiquement son fondateur quoi qu’il fasse.
[Ce que je veux dire, c’est que du temps où les structures partisanes étaient solides, l’homme politique apparaissait davantage comme le représentant d’un pouvoir collectif.]
Oui, mais pas seulement : autant il était le représentant d’un pouvoir collectif, autant il était soumis à son contrôle et à sa surveillance. La faute ne pouvait donc être que collective. Et c’est pourquoi les partis politiques exerçaient un contrôle sur leurs élus, et n’hésitaient pas à les sanctionner ou à les écarter dès lors qu’ils estimaient qu’ils ne portaient pas les valeurs ou les politiques décidées collectivement. Mais imaginez-vous aujourd’hui LREM sanctionnant Macron ou même le critiquant ?
[Mais je dois dire, une fois n’est pas coutume, que le journaliste lui a fait remarquer poliment que “quand on leur impose des décisions, les maires râlent, et quand l’Etat leur laisse une large marge de manœuvre, ils râlent également”. C’était bien envoyé, même si le politicard susnommé a bien sûr répondu que “ce n’était pas le cas, blablabla.”]
Tout à fait. Si le jacobinisme persiste en France malgré la volonté décentralisatrice de notre classe politique, c’est parce qu’il correspond à une demande profonde des Français. On pourra répéter mille fois que « les décisions doivent être pris au plus près des citoyens », mais dès lors qu’on accepte ce principe cela implique que les décisions ne soient pas les mêmes pour tous les citoyens. Or, les Français ont horreur de cela. Faites des catégories, et vous aurez immédiatement le chœur des « pourquoi lui peut faire ça, et pas moi » ? Et puis, les Français ont bien compris que dans le pays des Gaulois, il vaut mieux laisser les décisions graves à quelqu’un qui vient d’ailleurs (et qui n’est donc pas mêlé aux querelles locales), qui est protégé par son statut (et n’est donc pas obligé de séduire) et qui ne reste que peu de temps. Louis XIV inventa les intendants, Napoléon en fit des préfets, et plusieurs siècles plus tard le pays tient toujours à eux… et grâce à eux.
[Mais je dois bien reconnaître que je n’aimerais pas être à la place de nos dirigeants, et c’est un aveu d’incompétence, j’en ai conscience.]
Comme dit Créon, c’est un métier qu’on peut choisir de faire ou de ne pas faire, mais si on choisit de le faire, il faut le faire comme ça. On ne demande pas à tout le monde de prendre sur ses épaules la direction du pays. Mais on pourrait s’attendre à un peu plus de bienveillance pour ceux qui acceptent ce rôle. Au demeurant, je ne suis pas sûr qu’ils l’aient accepté en connaissance de cause : je pense que Macron est en train de découvrir qu’être président de la République n’est pas tout à fait le métier qu’il avait imaginé.
[En revanche, il y a un problème de communication, par exemple sur les masques: on nous a dit qu’ils ne servaient pas à grand-chose… et trois semaines après, on nous annonce qu’il faudra en porter. On nous a dit “seul ce type de masque est efficace” et maintenant on nous explique que même du “fait-maison”, c’est mieux que rien. Ben, faudrait savoir. On nous prend un peu pour des cloches.]
Pour avoir vu le système fonctionner de l’intérieur, je pense que le problème n’est pas une question de « communication ». C’est une question de l’idée que le politique se fait du peuple français et de son propre rôle. Je ne sais plus qui disait que De Gaulle voyait les Français tels qu’ils auraient dû être, et que Mitterrand les voyait tels qu’ils sont. Mais tous deux avaient une connaissance approfondie de l’histoire et de l’esprit français, et du caractère tragique de leur propre rôle. C’est pourquoi ni l’un ni l’autre ne cherchaient à être aimés. Macron, lui, est un séducteur. Il veut être aimé, et ne connaissant pas bien son pays, il ne comprend pas que sa position le lui interdit. Lorsqu’on occupe la première magistrature en France, on peut être respecté, on peut être craint, mais on n’est jamais aimé.
Accepter le tragique, c’est accepter que le monde est comme il est, c’est-à-dire, imparfait. Dans un monde parfait, il y aurait des masques pour tout le monde. Mais dans le monde imparfait dans lequel on vit, les stocks sont insuffisants et il faut faire des choix, des choix tragiques. Or, le président s’est toujours placé dans une logique volontariste, dans laquelle la volonté peut se jouer de toutes les contraintes. Admettre que la réalité nous impose sa loi, c’est admettre que la volonté ne peut pas tout. Et cela, Macron ne peut l’admettre. C’est pourquoi il martèle depuis le début qu’il fera ce que les scientifiques lui diront de faire, comme si la question se savoir s’il est POSSIBLE de le faire ne se posait pas. Et c’est pourquoi on fonctionne depuis le début sur une logique « tout ce qui n’est pas possible n’est pas utile » qui ressemble drôlement à la fable du renard et des raisins. Maintenant qu’on peut atteindre les raisins, ils sont devenus tout à coup mûrs…
[Prenons maintenant la réouverture des écoles. Qu’en pensez-vous Descartes (et les autres commentateurs)? Personnellement, je suis partagé. D’un côté, la reprise du travail me fait un peu peur (en plus, ma femme est enceinte et s’inquiète que je ramène le virus à la maison) et l’organisation paraît très compliquée à mettre en place : comment maintenir les gestes barrière?]
Pour moi, le système éducatif est une institution fondamentale, essentielle, qu’il faut défendre à tout prix. Et dire que finalement on peut s’en passer pendant six mois, c’est ramener l’enseignement au rang des services dispensables. On a jugé indispensable de maintenir en fonctionnement les services de santé et de police, la fourniture d’eau, d’électricité, de gaz, de carburants. Les métros et les bus circulent (même en service réduit), tout comme le transport de marchandises. Les supermarchés, les boulangeries sont ouverts et achalandés, le courrier est distribué. Tout cela ne se fait pas par l’opération du Saint Esprit. Cela implique que des hommes et des femmes prennent des risques pour aller sur leur lieu de travail. Et l’on trouve parfaitement normal et légitime qu’ils le fassent, puisque ces services sont considérés essentiels. Et l’école, elle, ne le serait pas ?
On a beaucoup parlé des avantages attachés au statut des fonctionnaires, des agents de la RATP, de la SNCF, de l’EDF. Maintenant, c’est le moment de montrer que ces avantages trouvent leur justification dans des contraintes qui sont elles aussi exorbitantes du droit commun. Le fonctionnaire qui refuse de travailler dans la situation d’urgence que nous connaissons commet pour moi une faute. Si les enseignants sont toujours les hussards de la République, alors il leur faut accepter d’être envoyés au front. Et s’ils ne se conçoivent plus comme des hussards… alors il faut le dire et en accepter les conséquences.
Ces principes étant établis, il faut bien entendu armer au mieux nos hussards et leur fournir la meilleure cuirasse disponible. Selon l’organisation de chaque établissement, la configuration des locaux, le mobilier disponible, il faut trouver les solutions qui minimisent le risque (sachant qu’il ne sera jamais nul). Mais la mission d’enseignement doit être regardée comme sacrée, et les enseignants devraient être les premiers à exiger l’ouverture des écoles. De ce point de vue, la position des syndicats enseignants me paraît désastreuse.
[Mais là encore, la communication du gouvernement pèche: le président nous dit qu’ “il est sensible au décrochage des élèves les plus fragiles” et donc il faut rouvrir les écoles. Soit. Et ensuite, on nous explique que ce sera peut-être sur la base du volontariat (comme si les décrocheurs allaient revenir) ou pour les enfants trop petits pour se garder seuls, en gros de la maternelle à la 5ème (il n’est pas sûr, par exemple, que les lycéens reprennent les cours, quant aux collégiens de 4ème et 3ème, c’est le flou). Dans ce cas là, ce n’est plus la lutte contre le décrochage et le creusement des inégalités… Bref, je suis perplexe et je me permets de vous demander votre avis.]
Ne vous faites pas d’illusions : ces flottements tiennent au fait que dans la tête du gouvernement l’école est d’abord une immense garderie. Et que pour faire repartir l’économie, il faut que les parents puissent aller bosser. D’où cette idée de « volontariat »… C’est pour moi là le point fondamental sur lequel les syndicats enseignants devraient se battre : dire que le rôle fondamental de l’école n’est pas de garder les enfants, mais de les instruire.
[Enfin, j’ai lu dans une réponse que vous faisiez à un autre commentateur que nos échanges vous ont amené à changer d’avis ou du moins à évoluer sur certains sujets (comme le rapport de l’identité française au catholicisme). Je tiens à vous dire que je le prends comme un hommage et croyez bien que cela me touche beaucoup.]
Vous pouvez, vous pouvez. Je rends hommage en effet à la qualité de vos exemples, à votre connaissance intime de l’histoire, à votre capacité d’écouter mes arguments et contre-argumenter. Chaque fois qu’on échange, j’en arrive à me dire « tiens, voilà un aspect, un argument que je ne connaissais pas ou que je n’ai pas assez pris en considération ». Et je vous en remercie.
@ Descartes,
Merci pour votre réponse.
“On ne demande pas à tout le monde de prendre sur ses épaules la direction du pays. Mais on pourrait s’attendre à un peu plus de bienveillance pour ceux qui acceptent ce rôle.”
Vous avez tout à fait raison, et c’est pour moi une de vos qualités: être capable de bienveillance vis-à-vis de gens pour lesquels vous n’avez guère de sympathie (car je ne crois pas me tromper en disant que Macron n’est pas le dirigeant qui vous semble le plus souhaitable pour la France). Je dois dire que je ne suis pas capable d’une telle bienveillance. Malgré un discours somme toute raisonnable et réaliste, Macron reste pour moi un type insupportable.
“Et dire que finalement on peut s’en passer pendant six mois, c’est ramener l’enseignement au rang des services dispensables. On a jugé indispensable de maintenir en fonctionnement les services de santé et de police, la fourniture d’eau, d’électricité, de gaz, de carburants.”
Il n’est pas tout à fait juste de dire qu’on “se passe d’enseignement depuis le début du confinement”. Comme je l’ai dit, le travail en “distanciel” présente des désavantages certain. Pour autant, il s’est mis en place dans l’urgence. Les élèves reçoivent des cours, des exercices, ils ont la possibilité (pour la plupart) de communiquer avec nous. Le ministère a mis en place une plateforme du CNED pour aider. Nous avons surveillé les connexions au logiciel Pronote, et mon établissement a contacté chaque famille dont les élèves ne se connectaient pas. Nous avons tenté de trouver des solutions en prêtant des tablettes aux familles qui n’ont aucun matériel. Certes, tout n’est pas parfait, on peut toujours dire qu’on aurait pu mieux faire, nous avons essayé de nous adapter comme on a pu (et notre profession s’accommode assez mal du télétravail, c’est un fait), mais il est un peu excessif quand même de dire que les enseignants restent chez eux à regarder la télévision. La “continuité pédagogique” est sans doute imparfaite mais elle existe.
“Le fonctionnaire qui refuse de travailler dans la situation d’urgence que nous connaissons commet pour moi une faute. Si les enseignants sont toujours les hussards de la République, alors il leur faut accepter d’être envoyés au front. Et s’ils ne se conçoivent plus comme des hussards… alors il faut le dire et en accepter les conséquences.”
Vous avez tout à fait raison. Et pourtant, je dois dire que je m’apprête probablement à commettre assez lâchement cette faute dont vous parlez. J’ai entendu le ministre Blanquer qui a assuré que les personnels à risque ou ayant des personnes à risque vivant sous leur toit seront vraisemblablement autorisés à rester chez elle et à prendre en charge en distanciel les élèves qui ne viendront pas (puisque seules les familles volontaires enverront leurs enfants au collège). Il se trouve que ma femme, en fin de grossesse, est personne à risque. Donc, si mon chef d’établissement est d’accord, je continuerai à travailler chez moi jusqu’à l’accouchement… C’est honteux, c’est égoïste, j’en conviens. Il faudra en accepter les conséquences, vous avez également raison sur ce point. Nous ne méritons pas le statut de fonctionnaire et personnellement je ne m’opposerai plus à ce qu’il nous soit retiré.
“De ce point de vue, la position des syndicats enseignants me paraît désastreuse.”
La position des syndicats suit certainement le sentiment majoritaire au sein de la profession. Vous savez, on a les syndicats qu’on mérite.
“Ne vous faites pas d’illusions : ces flottements tiennent au fait que dans la tête du gouvernement l’école est d’abord une immense garderie.”
Je ne me fais aucune illusion et d’ailleurs cette réalité n’est pas seulement un fantasme du gouvernement: cela fait déjà quelques temps que j’ai le sentiment amer d’être payé (et bien cher) pour faire de la garderie. L’honneur devrait m’inciter à démissionner, mais j’ai obtenu le CAPES de haute lutte et très franchement, je ne sais pas quel autre emploi je pourrais occuper. Mais je sens bien que ma place n’est plus dans l’Education Nationale, et vos sages paroles n’ont fait que confirmer ce que je pressens déjà depuis quelques temps.
“C’est pour moi là le point fondamental sur lequel les syndicats enseignants devraient se battre : dire que le rôle fondamental de l’école n’est pas de garder les enfants, mais de les instruire.”
Je suis d’accord.
@ nationaliste-ethniciste
[Je dois dire que je ne suis pas capable d’une telle bienveillance. Malgré un discours somme tout raisonnable et réaliste, Macron reste pour moi un type insupportable.]
Je trouve moi aussi Macron insupportable. Mais même l’être le plus insupportable mérite qu’on lui fasse justice. Sur cette crise, je pense qu’il n’a pas fait d’erreur majeure, mais je ne trouve pas non plus qu’il ait été à la hauteur. On attend du président autre chose qu’un discours vaguement compatissant.
[Il n’est pas tout à fait juste de dire qu’on “se passe d’enseignement depuis le début du confinement”. Comme je l’ai dit, le travail en “distanciel” présente des désavantages certains. Pour autant, il s’est mis en place dans l’urgence. Les élèves reçoivent des cours, des exercices, ils ont la possibilité (pour la plupart) de communiquer avec nous.]
Loin de moi l’idée d’accuser les enseignants de se tourner les pouces. Comme vous le dites, des efforts importants ont été faits, et ils ne sont en rien négligeables. Mais c’est un pis-aller, qui laisse au bord du chemin – et c’est là peut-être le plus grave – les populations pour qui l’école est peut-être la plus nécessaire. J’ajoute que ce qui me préoccupe le plus n’est pas tellement le lycée (à cet âge là les enfants peuvent tirer profit d’un enseignement à distance) mais surtout le primaire. C’est à cet âge là que six mois de perdus peuvent faire une grosse différence.
[“Le fonctionnaire qui refuse de travailler dans la situation d’urgence que nous connaissons commet pour moi une faute. Si les enseignants sont toujours les hussards de la République, alors il leur faut accepter d’être envoyés au front. Et s’ils ne se conçoivent plus comme des hussards… alors il faut le dire et en accepter les conséquences.” Vous avez tout à fait raison. Et pourtant, je dois dire que je m’apprête probablement à commettre assez lâchement cette faute dont vous parlez.]
Je lis sous votre plume le contraire : vous avez une raison valable – et jugée valable par l’institution elle-même – pour vous soustraire à cette obligation. Il ne me semble pas déraisonnable de faire des exceptions pour les personnes qui représentent de par leur situation ou celle de leurs proches un risque particulier. Même dans les guerres on a fait des exceptions pour ceux qui étaient seul soutien de famille. Vous notez d’ailleurs que vous ne resterez chez vous « que si votre chef d’établissement est d’accord »… alors ne soyez pas plus papiste que le pape, et ne vous flagellez pas pour une faute que vous n’avez pas commise ! 😉
[“De ce point de vue, la position des syndicats enseignants me paraît désastreuse.” La position des syndicats suit certainement le sentiment majoritaire au sein de la profession. Vous savez, on a les syndicats qu’on mérite.]
Je ne sais pas. Je ne suis plus tellement en contact avec le milieu enseignant depuis que le confinement a commencé, et je ne sais donc quelle est l’ambiance. Vu du milieu ou je travaille, les déclarations des syndicats enseignants – et même des autres – sont un peu surréalistes. Dans le milieu de l’énergie, tout le monde ou presque considère normal d’aller travailler pour maintenir la fourniture, même si cela présente un risque. Mais peut-être pouvez-vous éclairer ma lanterne ?
[Je ne me fais aucune illusion et d’ailleurs cette réalité n’est pas seulement un fantasme du gouvernement : cela fait déjà quelques temps que j’ai le sentiment amer d’être payé (et bien cher) pour faire de la garderie. L’honneur devrait m’inciter à démissionner, mais j’ai obtenu le CAPES de haute lutte et très franchement, je ne sais pas quel autre emploi je pourrais occuper. Mais je sens bien que ma place n’est plus dans l’Education Nationale, et vos sages paroles n’ont fait que confirmer ce que je pressens déjà depuis quelques temps.]
Je m’en voudrais beaucoup si vous interprétiez mes paroles comme un encouragement à quitter l’Education nationale. Je peux comprendre qu’il soit frustrant de travailler dans une institution qui fait le contraire de ce qu’on pense qu’elle devrait faire. Et pourtant, c’est dans cette situation qu’il est essentiel de continuer et de se battre. Et puis pensez à vos élèves, qui auront au moins une fois dans leur vie la chance d’avoir un professeur comme il faut. Et si sur trente vous arrivez à en intéresser dix… c’est toujours ça de gagné.
Vous savez, j’ai fait une partie de ma scolarité dans un pays ou le système éducatif était assez désastreux. Mais au milieu de tous ces enseignants nommés par copinage et qui souvent ne connaissaient rien à leur matière (la plupart se contentait d’acheter un manuel et de nous le dicter verbatim, ou nous faire apprendre des pages par coeur !) j’ai eu quelques oiseaux rares passionnés par leur matière et leur métier. Et je peux vous assurer que j’ai leurs noms gravés dans mon cœur et que je leur suis éternellement reconnaissant. Et je suis sûr que c’est la même chose pour quelques-uns de vos élèves. Pas tous, bien sûr, mais s’il y en a que trois ou quatre chaque année…
@ Descartes,
“On attend du président autre chose qu’un discours vaguement compatissant.”
D’autant que ledit président ne nous avait pas habitués à la compassion. Il donnait même l’impression de “ne pas aimer les gens” si je me souviens bien.
“Je lis sous votre plume le contraire : vous avez une raison valable – et jugée valable par l’institution elle-même – pour vous soustraire à cette obligation. Il ne me semble pas déraisonnable de faire des exceptions pour les personnes qui représentent de par leur situation ou celle de leurs proches un risque particulier.”
Vous êtes indulgent, comme toujours. Mais je pourrai vous répondre que l’institution me fournit opportunément un prétexte pour me dérober à mon devoir… En même temps, je m’en voudrai d’angoisser mon épouse, d’autant que parvenir à cette grossesse n’a pas été chose simple. Vous n’êtes nullement la cause de ma culpabilisation. Mais comprenez-moi: je tiens en permanence (y compris sur votre blog) un discours d’abnégation, de sens du devoir, de loyauté institutionnelle. Ne pensez-vous pas qu’on serait fondé à me reprocher de ne pas appliquer les beaux principes que je défends, même si c’est, en apparence, pour une raison valable? D’un côté, je ne veux pas prendre de risque inutile, de l’autre, j’ai un peu l’impression de déserter. Une forme de tragique peut-être.
“Dans le milieu de l’énergie, tout le monde ou presque considère normal d’aller travailler pour maintenir la fourniture, même si cela présente un risque. Mais peut-être pouvez-vous éclairer ma lanterne ?”
Je peux essayer.
En ce qui concerne les syndicats, le mien s’était prononcé pour une reprise en septembre. Cela étant dit, il ne s’oppose pas catégoriquement à la réouverture des établissements, il demande simplement que les mesures de protection soient satisfaisantes (en gros, masques et gel hydroalcoolique disponibles), et il ne peut guère demander moins. En revanche, d’autres syndicats que je qualifierais de “gauchistes” pour certains sont dans le refus catégorique.
En ce qui concerne les collègues, hormis ceux qui sont dans mon cas avec un proche à risque (un collègue dont l’épouse a une grave pathologie cardiaque m’a clairement dit qu’il refuserait de se rendre au travail), je n’ai pas senti de réticence particulière pour reprendre le chemin des salles de classe. J’ai envie de dire que si ma situation était différente, je serais sans doute dans cet état d’esprit, mais c’est un peu facile de tenir ce genre de propos.
“Je m’en voudrais beaucoup si vous interprétiez mes paroles comme un encouragement à quitter l’Education nationale.”
Vous n’êtes en rien responsable du fait que je m’interroge sur mon utilité en tant qu’enseignant. J’ai été très frappé par ce que vous avez écrit à un autre commentateur, lui aussi enseignant: “les professeurs de mathématiques oublient peut-être de construire un récit qui donnerait du sens à leur enseignement” (je vous cite de mémoire). Je dois dire que cette formule m’a beaucoup interpellé parce qu’elle fait écho à mes propres préoccupations. C’est vraiment quelque chose que j’essaie de faire: prouver l’utilité de l’histoire et de la géographie (dans mon cas) en montrant aux élèves comment ces disciplines permettent de comprendre le monde qui nous entoure et par conséquent qu’elles sont utiles à de futurs citoyens. Est-ce que j’y arrive? J’avoue nourrir quelques doutes à ce sujet.
“Mais au milieu de tous ces enseignants nommés par copinage et qui souvent ne connaissaient rien à leur matière (la plupart se contentait d’acheter un manuel et de nous le dicter verbatim, ou nous faire apprendre des pages par coeur !) j’ai eu quelques oiseaux rares passionnés par leur matière et leur métier.”
Je suis surpris de ce que vous me dites là. Il faut croire que le système éducatif français, malgré une évolution parfois inquiétante, reste d’un niveau correct… Du moins, on ne nomme pas les professeurs par copinage, et s’il y a de mauvais pédagogues, rares sont les enseignants qui sont totalement ignorants de leur matière.
“Et je suis sûr que c’est la même chose pour quelques-uns de vos élèves. Pas tous, bien sûr, mais s’il y en a que trois ou quatre chaque année…”
Vous avez sans doute raison. Mais je dois bien admettre que lorsque j’ai débuté, j’aspirais, naïvement sans doute, à une certaine reconnaissance sociale. Que le métier ait ses difficultés, ses mauvais côtés, soit. J’ai toujours essayé de faire de mon mieux. Mais j’aurais aimé (et sans doute ne suis-je pas le seul) une petite récompense symbolique. Cela étant, les hauts fonctionnaires dont vous parlez régulièrement sont sans doute fondés, et plus que moi, à exprimer la même frustration amère.
@ nationaliste-ethniciste
[“On attend du président autre chose qu’un discours vaguement compatissant.” D’autant que ledit président ne nous avait pas habitués à la compassion. Il donnait même l’impression de “ne pas aimer les gens” si je me souviens bien.]
Ce n’est pas contradictoire. Macron a depuis son élection – et même avant – toujours été « vaguement compatissant » dans son discours. Souvenez-vous de la réforme des retraites : il « compatissait » à la bêtise des français, incapables de comprendre combien cette réforme était dans leur intérêt. Macron prend les citoyens pour des imbéciles, mais il « compatit » à cette imbécilité…
[Vous êtes indulgent, comme toujours. Mais je pourrai vous répondre que l’institution me fournit opportunément un prétexte pour me dérober à mon devoir…]
Pourquoi dites-vous « un prétexte » ? Moi je dirais plutôt un motif. Ce serait un « prétexte » si on parlait de quelque chose de déraisonnable. Mais considérer que le risque de transmettre la maladie à une femme enceinte ne vaut pas la chandelle me semble assez raisonnable. Ne vous flagellez pas : vous avez un motif valable pour vous soustraire à votre devoir. Je comprends que vous puissiez vous sentir un peu coupable – j’aurais personnellement le même sentiment – mais il ne faut pas exagérer.
[En même temps, je m’en voudrai d’angoisser mon épouse, d’autant que parvenir à cette grossesse n’a pas été chose simple. Vous n’êtes nullement la cause de ma culpabilisation. Mais comprenez-moi: je tiens en permanence (y compris sur votre blog) un discours d’abnégation, de sens du devoir, de loyauté institutionnelle. Ne pensez-vous pas qu’on serait fondé à me reprocher de ne pas appliquer les beaux principes que je défends, même si c’est, en apparence, pour une raison valable ?]
Si la raison est valable, non. Prendre un risque déraisonnable ce n’est pas de l’héroïsme, c’est de la bêtise. Comme je l’ai dit, votre sentiment de culpabilité est compréhensible, mais déraisonnable.
[“Je m’en voudrais beaucoup si vous interprétiez mes paroles comme un encouragement à quitter l’Education nationale.” Vous n’êtes en rien responsable du fait que je m’interroge sur mon utilité en tant qu’enseignant. J’ai été très frappé par ce que vous avez écrit à un autre commentateur, lui aussi enseignant : “les professeurs de mathématiques oublient peut-être de construire un récit qui donnerait du sens à leur enseignement” (je vous cite de mémoire). Je dois dire que cette formule m’a beaucoup interpellé parce qu’elle fait écho à mes propres préoccupations. C’est vraiment quelque chose que j’essaie de faire : prouver l’utilité de l’histoire et de la géographie (dans mon cas) en montrant aux élèves comment ces disciplines permettent de comprendre le monde qui nous entoure et par conséquent qu’elles sont utiles à de futurs citoyens. Est-ce que j’y arrive? J’avoue nourrir quelques doutes à ce sujet.]
Je ne connais pas votre cours ni vos élèves. Mais j’imagine que vous y arrivez avec certains élèves, pas avec d’autres. A rien ne sert de se fixer des objectifs impossibles.
Mais il y a un point sur lequel je pense m’être mal fait comprendre. Lorsque je parlais « d’un récit qui donnerait un sens à leur enseignement », il ne s’agissait nullement de prouver une quelconque « utilité ». Le « récit » dont je parlais peut-être un récit esthétique, par exemple. On peut apprendre quelque chose de parfaitement inutile tout simplement parce que c’est beau. On peut apprendre pour satisfaire une curiosité.
[Je suis surpris de ce que vous me dites là. Il faut croire que le système éducatif français, malgré une évolution parfois inquiétante, reste d’un niveau correct… Du moins, on ne nomme pas les professeurs par copinage, et s’il y a de mauvais pédagogues, rares sont les enseignants qui sont totalement ignorants de leur matière.]
Nous avons tendance sur l’éducation, comme sur beaucoup de sujets, tendance à nous autoflageller. Notre système éducatif a beau avoir beaucoup perdu, il a encore des restes que la plupart des pays peuvent nous envier. J’ai eu à l’étranger un professeur d’anglais qui ne savait un seul mot d’anglais, j’ai eu un professeur de physique qui était mécanicien automobile, un professeur d’histoire qui était avocat. Des gens qui ne connaissaient rien à leur matière et qui récitaient le manuel. Je n’ai jamais vu pareille chose en France.
[“Et je suis sûr que c’est la même chose pour quelques-uns de vos élèves. Pas tous, bien sûr, mais s’il y en a que trois ou quatre chaque année…” Vous avez sans doute raison. Mais je dois bien admettre que lorsque j’ai débuté, j’aspirais, naïvement sans doute, à une certaine reconnaissance sociale. Que le métier ait ses difficultés, ses mauvais côtés, soit. J’ai toujours essayé de faire de mon mieux. Mais j’aurais aimé (et sans doute ne suis-je pas le seul) une petite récompense symbolique.]
Vous savez, nous en sommes tous un peu là… Ceux parmi nous qui ont la passion du service public aimeraient que de temps en temps ceux que nous servons reconnaissent un peu ce qu’on fait pour eux. Et cela arrive : je suis sûr que de temps en temps un élève vous témoigne sa reconnaissance… mais il faut bien dire que nous ne sommes pas à une époque très portée sur les remerciements. Les gens aujourd’hui n’aiment pas et ne sont pas poussés à reconnaître qu’ils doivent quelque chose aux autres.
[Cela étant, les hauts fonctionnaires dont vous parlez régulièrement sont sans doute fondés, et plus que moi, à exprimer la même frustration amère.]
Oui et non. Le problème de l’enseignant est qu’il est seul : ses collègues ne le voient enseigner. Les hauts fonctionnaires ont l’avantage d’être observés et reconnus – ou censurés – par leurs pairs. A défaut de la reconnaissance des citoyens, ils ont au moins celles de leurs corps…
@ Descartes
Bonjour,
[Et cela arrive : je suis sûr que de temps en temps un élève vous témoigne sa reconnaissance… mais il faut bien dire que nous ne sommes pas à une époque très portée sur les remerciements. Les gens aujourd’hui n’aiment pas et ne sont pas poussés à reconnaître qu’ils doivent quelque chose aux autres.]
QUOI ? Qu’est-ce que vous dites ? ? ?
Allez, je plaisante par dérision, mais ainsi va le monde.
@NE
“Nous ne méritons pas le statut de fonctionnaire et personnellement je ne m’opposerai plus à ce qu’il nous soit retiré.”
Qui mettez-vous derrière ce nous?
Pour ma part je serai lundi 11 à l’école, n’ayant aucune crainte a priori avec les gestes barrière.
Et pour répondre au pseudo D qui s’inquiète des enfants du primaire qui auraient ” six mois de perdus ” (!?!), il faudrait qu’il explique comment il compte car pour le moment on en est à 7 semaines et rien de perdu, bien au contraire. Mes élèves se portent très bien, ils surfent sur mon cloud tous les jours et pour ceux qui ont des difficultés, je les prends en visio 30 minutes quotidiennement.
Il n’y a pas d’enfants laissés au bord du chemin, juste quelques parents largués (avant de parler d’enfants décrocheurs, il faudrait plutôt pointer les parents décrocheurs).
@ Françoise
[Pour ma part je serai lundi 11 à l’école, n’ayant aucune crainte a priori avec les gestes barrière.]
Ah… mais la perfection d’une conduite irréprochable n’est pas donnée à tout le monde. Seuls les élus peuvent s’en vanter…
[Et pour répondre au pseudo D qui s’inquiète des enfants du primaire qui auraient ” six mois de perdus ” (!?!), il faudrait qu’il explique (…)]
Dans ce cas, le mieux est de lui adresser la question, non ?
[Mes élèves se portent très bien, ils surfent sur mon cloud tous les jours et pour ceux qui ont des difficultés, je les prends en visio 30 minutes quotidiennement. Il n’y a pas d’enfants laissés au bord du chemin, juste quelques parents largués (avant de parler d’enfants décrocheurs, il faudrait plutôt pointer les parents décrocheurs).]
Tout va donc pour le mieux dans le meilleur des mondes. Tous les enfants ont les moyens de « surfer sur votre cloud », d’organiser des visios de 30 minutes quotidiennement. J’admire votre capacité à vivre dans un monde de cocagne. Quel dommage que nous, pauvres mortels, soyons obligés de vivre dans un monde ou certains enfants n’ont pas d’ordinateur ou de liaison internet fiable…
@ Françoise,
“Qui mettez-vous derrière ce nous?”
Ceux qui comme moi auront un prétexte pour ne pas retourner dans leur établissement.
“Pour ma part je serai lundi 11 à l’école, n’ayant aucune crainte a priori avec les gestes barrière.”
C’est tout à votre honneur.
“Mes élèves se portent très bien, ils surfent sur mon cloud tous les jours et pour ceux qui ont des difficultés, je les prends en visio 30 minutes quotidiennement. Il n’y a pas d’enfants laissés au bord du chemin, juste quelques parents largués”
Mes élèves aussi se portent bien pour ce que j’en sais. Par contre, il y a de réels soucis au niveau du matériel: certains élèves n’ont pas d’ordinateur, juste un téléphone mobile. Un nombre non-négligeable d’élèves n’a pas d’imprimante (et moi, en géo, je fournis des cartes à imprimer). Certaines familles comptent plusieurs enfants scolarisés et des parents en télétravail: l’accès au matériel informatique n’est pas aisé. Et la maîtrise de l’outil informatique laisse à désirer chez beaucoup. Enfin, il y a effectivement des élèves avec lesquels nous avons perdu tout contact… Et vous ne serez pas étonnée d’apprendre que ce ne sont pas ceux qui font partie de la tête de classe.
@NE
Je partage absolument toutes les difficultés que vous citez, mais je rajoute que les difficultés telles que le manque d’ordinateur dû au fait des familles nombreuses ou le travail que sur smartphone ne touche pas les queues de classe: tout le monde gère comme il peut et comme par hasard, c’est ma famille de 6 enfants père officier supérieur qui se met en quatre pour avoir la visio quotidienne avec la maîtresse parce qu’ils savent que c’est important pour leur enfant; c’est ma famille de médecins qui bosse sur smartphone et recopie tout à la main, c’est ma famille de prof de fac qui n’a pas d’ordi et qui reçoit par mail.
Non, les plus démunis n’ont pas plus de souci de connection que les autres et sont souvent mieux équipés que les cadres sup (aristo ou bourgeois, whatever..).
En revanche, je remarque que, toutes catégorie sociale confondue, l’imprimante n’est pas un outil usuel à la maison, tout simplement parce que les gens ont l’habitude de pomper sur celle du boulot.
Quant à vous-même, je ne partage pas vos craintes mais je les respecte, pas pour vous mais pour votre épouse; en revanche… avez-vous réfléchi à quelle sera votre position en septembre quand le dispositif sera le même?
@ Françoise,
“avez-vous réfléchi à quelle sera votre position en septembre quand le dispositif sera le même?”
Mais c’est tout réfléchi: ma femme accouchera au plus tard fin juin. Dès lors, elle ne sera plus enceinte, et par conséquent plus personne à risque… En septembre, je serai à mon poste (et ma femme, enseignante également, aussi, au plus tard en octobre).
Bonjour,
[Et c’est là qu’on revient au tragique. Puisque victoire ou défaite ne dépendent que du jet de dés, la seule façon de faire de la politique au sens noble du terme, c’est pour le politique de redevenir Créon, d’accepter que son destin personnel est dans la main des dieux et que par conséquence autant faire ce qu’on croit juste et advienne que pourra. Celui qui aura bien fait son boulot sera peut-être trainé dans la boue et celui qui n’aura rien fait porté au pinacle.]
Permettez-moi de citer Descartes, qui me semble arriver à la même conclusion que vous, dans son Traité des passions de l’âme. Certes, il y parle de morale, mais j’essaierai de tirer son propos vers la politique.
« Art. 152. Pour quelle cause on peut s’estimer.
Et parce que l’une des principales parties de la sagesse est de savoir en quelle façon et pour quelle cause chacun se doit estimer ou mépriser, je tâcherai ici d’en dire mon opinion. Je ne remarque en nous qu’une seule chose qui nous puisse donner juste raison de nous estimer, à savoir l’usage de notre libre arbitre, et l’empire que nous avons sur nos volontés. »
En un sens, ce que vous appelez le sens du tragique, c’est un peu cela : savoir que ce dont on est responsable, c’est ce dont on décide, “l’usage de notre libre arbitre”, et la manière dont on le décide, “l’empire que nous avons sur nos volontés”. Mais pourquoi et comment se mettre en tête qu’on ne saurait être jugé que sur cela ?
« Car il n’y a que les seules actions qui dépendent de ce libre arbitre pour lesquelles nous puissions avec raison être loué ou blâmés, et il nous rend en quelque façon semblables à Dieu en nous faisant maîtres de nous-mêmes, pourvu que nous ne perdions point par lâcheté les droits qu’il nous donne. »
De fait, vous l’avez souligné, les informations en amont, et les conséquences en aval, échappent à celui dont le devoir est de prendre une décision. Peu importe “qu’on aurait dû faire ça, si on avait su” : on ne le savait pas. Du moment que l’homme politique n’abdique pas, par lâcheté, “l’empire qu’il a sur ses volontés”, en se défaussant, on ne saurait lui reprocher les conséquences fâcheuses de sa décision. Je ne crois pas qu’un homme politique qui laisse d’autres décider à sa place, et dont leurs décisions ont d’heureuses conséquences, soit un homme politique digne de ce nom. Celui qui les prend en son âme et conscience, et accepte leurs conséquences bonnes et surtout mauvaises, me paraît digne de sa mission.
Autrement dit, le sens du tragique dont vous parlez, si je le rapporte à Descartes, c’est une sorte de fermeté, qui permet à celui qui doit prendre des décisions, d’écarter, au moment de décider, les considérations ordinaires de la vie : “que dira-t-on de moi ? et si ça tournait mal ? encore un instant, monsieur le bourreau ?” Non : un homme d’Etat se juge sévèrement — ce que n’arrête pas de répéter Créon, en parlant de la bêtise ou de l’horreur de certaines décisions — à ce qu’il est prêt à sacrifier l’image qu’il donne de lui — passer pour un monstre d’inhumanité, par exemple — à la certitude de n’avoir pas pu mieux faire. Et Descartes, même si le mot n’a plus tout à fait le même sens pour nous, appelle cela la générosité.
« Art. 153. En quoi consiste la générosité.
Ainsi je crois que la vraie générosité, qui soit qu’un homme s’estime au plus haut point qu’il se peut légitimement estimer, consiste seulement partie en ce qu’il connaît qu’il n’y a rien qui véritablement lui appartienne que cette libre disposition de ses volontés, ni pourquoi il doive être loué ou blâmé sinon pour ce qu’il en use bien ou mal, et partie en ce qu’il sent en soi-même une ferme et constante résolution d’en bien user, c’est-à-dire de ne manquer jamais de volonté pour entreprendre et exécuter toutes les choses qu’il jugera être les meilleures. Ce qui est suivre parfaitement la vertu. »
Pour le dire comme lui, le sens du tragique, c’est donc la “ferme et constante résolution”, et j’insiste sur la résolution, “de ne manquer jamais de volonté pour entreprendre et exécuter toutes les choses qu’il jugera être les meilleures”, et j’insiste sur “jugera”. On a souvent dit que Descartes n’avait fourni qu’une morale “par provision”, parce qu’il n’avait pas fourni une méthode infaillible pour décider si tel ou tel acte était mauvais ou bon. Je crois au contraire que ces lignes sont décisives, et s’appliquent directement en temps de crise. Vous, moi, n’importe qui sauf l’homme d’Etat, peut s’abstenir de “juger ce qui est meilleur”, parce qu’il n’a pas à “entreprendre ni exécuter” ce qu’il aura jugé tel. On peut se contenter de juger si c’est “bien” ou “mal”, pas “mieux” ou “pire”. Or, et vous l’avez suffisamment souligné, un homme d’Etat doit prendre une décision compte tenu des informations forcément insuffisantes dont il dispose. D’où l’importance capitale de la résolution : un fois qu’il aura jugé qu’il vaut mieux faire ceci plutôt que cela, il faut se résoudre à le faire, et à le faire jusqu’au bout. C’est sur cela seulement que l’homme d’Etat doit se sentir être jugé — le reste : la faveur publique, en gros, doit compter pour rien.
Et c’est là que j’aimerais avoir votre avis. Si nos hommes politiques avaient cette générosité, cette manière de balayer d’un revers de la main ce qui ne touche pas directement à leur manière de décider, il pourrait faire preuve de résolution. Pour le dire plus simplement : s’ils se fichaient un peu plus de leur image au jour le jour, au regard de l’opinion publique, et un peu plus du souvenir qu’ils laisseront, au regard de la France, ils pourraient faire preuve de ce sens du tragique dont vous parlez, qu’on pourrait aussi bien appeler “la raison d’Etat” : compte tenu de ce qu’on sait, mieux vaut faire cela, et s’y tenir pour de bon.
A votre avis, comment faire pour que nos hommes politiques se soucient moins de leur image ? On entend souvent dire que “c’est la faute aux réseaux sociaux”, ou que c’est “l’individualisme”, ou “la société du spectacle”… qui est responsable de cette petite vanité qui nous coûte beaucoup. Pourquoi pas. Vous y rajouter la question de la justice, ce qui me paraît moins abstrait. Voilà pour les causes. Mais comment y remédier ? Comment “déjudiciariser” (désolé du barbarisme) le débat public ? Rendre aux hommes politiques un peu plus de générosité que de vanité, ou pour le dire comme vous, de sens du tragique plutôt que celui des affaires ? Est-ce même une question de décision — on pourrait faire ci ou ça pour y remédier —, ou est-ce seulement “l’air du temps”, et donc quelque chose qui nous dépasse ?
Merci beaucoup pour vos articles et vos réponses. Bonne journée
@ Louis
[« Car il n’y a que les seules actions qui dépendent de ce libre arbitre pour lesquelles nous puissions avec raison être loué ou blâmés, et il nous rend en quelque façon semblables à Dieu en nous faisant maîtres de nous-mêmes, pourvu que nous ne perdions point par lâcheté les droits qu’il nous donne. »]
Ce principe est bien entendu toujours présent : nul ne peut être jugé responsable des choses sur lesquelles il n’a aucun contrôle. Et nous ne sommes intégralement responsables que des choix que nous faisons effectivement. Mais en politique, le tragique vient aussi du fait que l’homme politique est jugé et condamné pour des choix qu’il n’a pas fait, pour des fautes qu’il n’a pas commises. Prenez notre système de santé : il a été dégradé par des politiques austéritaires depuis vingt ans. Mais s’il s’avère incapable de faire face à la pandémie de coronavirus, croyez-vous qu’on trainera devant les tribunaux de l’opinion Chirac, Sarkozy ou Hollande ? Non, bien sur que non, ce sera à Macron d’assumer, comme si l’on pouvait réparer en deux ans vingt ans de disette.
[De fait, vous l’avez souligné, les informations en amont, et les conséquences en aval, échappent à celui dont le devoir est de prendre une décision. Peu importe “qu’on aurait dû faire ça, si on avait su” : on ne le savait pas. Du moment que l’homme politique n’abdique pas, par lâcheté, “l’empire qu’il a sur ses volontés”, en se défaussant, on ne saurait lui reprocher les conséquences fâcheuses de sa décision.]
Enfin, pas toutes. Parce que s’il y a des choses « qu’on ne savait pas », il y en a d’autres qu’on savait. On peut dénoncer l’injustice de certains procès qui sont faits au politique, lui reprochant des mesures qui, dans le contexte où elles ont été prises, étaient parfaitement rationnelles mais qui se sont révélées désastreuses par la suite. Mais cela ne doit pas nous amener à l’excès inverse, à savoir, à considérer que toute décision politique est par essence irrationnelle et n’engage pas la responsabilité de celui qui la prend.
[Je ne crois pas qu’un homme politique qui laisse d’autres décider à sa place, et dont leurs décisions ont d’heureuses conséquences, soit un homme politique digne de ce nom. Celui qui les prend en son âme et conscience, et accepte leurs conséquences bonnes et surtout mauvaises, me paraît digne de sa mission.]
Oui. Mais POUR LUI les conséquences ne peuvent qu’être mauvaises. S’il a pris la mauvaise décision, on lui reprochera. Et s’il prend la bonne, on lui reprochera de ne pas avoir pris une encore meilleure. C’est là ou réside le tragique de l’action publique : quelque soit votre résultat, vous auriez pu faire mieux. Ce mécanisme n’est d’ailleurs pas irrationnel : le professeur qui répète « peut mieux faire » au lieu d’écrire « bien » encourage l’élève à se dépasser…
[Et c’est là que j’aimerais avoir votre avis. Si nos hommes politiques avaient cette générosité, cette manière de balayer d’un revers de la main ce qui ne touche pas directement à leur manière de décider, il pourrait faire preuve de résolution. Pour le dire plus simplement : s’ils se fichaient un peu plus de leur image au jour le jour, au regard de l’opinion publique, et un peu plus du souvenir qu’ils laisseront, au regard de la France, ils pourraient faire preuve de ce sens du tragique dont vous parlez, qu’on pourrait aussi bien appeler “la raison d’Etat” : compte tenu de ce qu’on sait, mieux vaut faire cela, et s’y tenir pour de bon.]
Tout à fait. Mais là, vous entrez en collision avec la question démocratique. En effet, l’homme politique ne décide, dans nos sociétés modernes, que parce que le peuple le veut – ou du moins l’accepte. Et les exemples montrent que ceux qui, comme vous dites, « se fichent un peu de leur image au jour le jour » n’accèdent guère aux positions qui leur permettraient de montrer leurs capacités. C’est là la grande contradiction de la démocratie : elle ne permet pas d’accéder au pouvoir ceux qui seraient à même de l’exercer au mieux.
[A votre avis, comment faire pour que nos hommes politiques se soucient moins de leur image ?]
En mettant en place un despotisme éclairé. L’ennui, c’est qu’on n’a pas encore trouvé un bon moyen de sélectionner le despote pour s’assurer qu’il soit éclairé !
Le système de la « monarchie républicaine » telle que conçu par De Gaulle dans l’esprit original de la Vème République n’était pas un mauvais compromis, avec un président élu pour une période longue – ce qui le mettait à l’abri des péripéties de l’opinion. Mais une constitution ne peut protéger un peuple contre ses propres démons. Le peuple veut-il vraiment des hommes d’Etat ? Veut-il des gouvernants qui aient le sens du tragique, des hommes « généreux » dans le sens où vous utilisés ce mot ? Je n’en suis pas sûr. Je suis même convaincu du contraire.
Bonjour,
[Mais en politique, le tragique vient aussi du fait que l’homme politique est jugé et condamné pour des choix qu’il n’a pas fait, pour des fautes qu’il n’a pas commises. Prenez notre système de santé : il a été dégradé par des politiques austéritaires depuis vingt ans. Mais s’il s’avère incapable de faire face à la pandémie de coronavirus, croyez-vous qu’on trainera devant les tribunaux de l’opinion Chirac, Sarkozy ou Hollande ? Non, bien sur que non, ce sera à Macron d’assumer, comme si l’on pouvait réparer en deux ans vingt ans de disette.]
Vous avez raison, bien entendu. Je n’ai pas été très clair. C’est que je voulais dire que, pour se prémunir des hésitations qu’un homme ordinaire connaît, un homme d’Etat devrait bien se mettre en tête quelque chose du genre : “avec ce que j’ai sous la main, voilà ce que je dois faire, c’est tout ce qui compte à mes propres yeux”. En somme, ne se juger soi-même qu’à l’aune de ses décisions, même si, de toute évidence, il sera toujours jugé pour ce qu’il a fait, n’a pas fait, aurait dû, n’aurait pas dû faire, plus ou moins injustement. C’est ce que j’entends dans le mot “résolution” : quelque chose comme la cire coulée dans les oreilles des marins d’Ulysse, pour s’empêcher de céder aux sirènes… Ce qui ne veut pas dire que les sirènes ne continueront pas de chanter, mais qu’on peut et qu’on doit y résister. A ma connaissance, Richelieu souffrait, comme tout le monde eût souffert à sa place, de la haine ou du dédain qu’il inspirait, ce dont il se plaignait en privé au roi comme au père Joseph, mais jamais il n’en a tenu compte.
[Enfin, pas toutes. Parce que s’il y a des choses « qu’on ne savait pas », il y en a d’autres qu’on savait. On peut dénoncer l’injustice de certains procès qui sont faits au politique, lui reprochant des mesures qui, dans le contexte où elles ont été prises, étaient parfaitement rationnelles mais qui se sont révélées désastreuses par la suite. Mais cela ne doit pas nous amener à l’excès inverse, à savoir, à considérer que toute décision politique est par essence irrationnelle et n’engage pas la responsabilité de celui qui la prend.]
Oui, bien sûr. C’est encore moi qui ai été confus. En disant “on”, j’ai moi-même glissé de “la manière dont un homme politique doit se juger pour agir en son âme et conscience” à “la manière dont il est jugé par autrui”. C’est sur la première manière que j’ai voulu insisté, comme je l’ai dit un peu plus haut. Le citoyen, vous ou moi, peut heureusement condamner une politique dont il constate qu’elle est finalement mauvaise, même si la décision qui y avait présidé avait toutes les apparences de la justesse, à l’époque. Je ne sais pas si l’exemple est bien choisi, mais j’espère bien que les Grecs ont fini par juger sévèrement — les élections l’ont prouvé me semble-t-il — les décisions du gouvernement de M. Tsipras, alors même qu’on aurait peut-être pu les croire bien fondées au départ : la Grèce n’a pas les moyens de quitter l’Union européenne, donc il faut engager un rapport de force au sein de l’Union, etc. Vous me corrigerez si je me trompe, ou vous trouverez un meilleur exemple, si le cœur vous en dit.
[Oui. Mais POUR LUI les conséquences ne peuvent qu’être mauvaises. S’il a pris la mauvaise décision, on lui reprochera. Et s’il prend la bonne, on lui reprochera de ne pas avoir pris une encore meilleure. C’est là ou réside le tragique de l’action publique : quelque soit votre résultat, vous auriez pu faire mieux. Ce mécanisme n’est d’ailleurs pas irrationnel : le professeur qui répète « peut mieux faire » au lieu d’écrire « bien » encourage l’élève à se dépasser…]
Exactement ! C’est pour ça que j’ai cherché cette définition de la résolution. C’est POUR LUI-MÊME que l’homme politique doit se dire “au vu de ce que je sais, je ne vois pas ce que je peux faire de mieux, allons-y franchement, advienne que pourra”. Comme une manière de se blinder, en somme. Après, bien entendu, il lui faut tout de même apprendre de ses erreurs. Pour prendre un contre-exemple, je suis choqué des propos qu’a pu tenir Jospin il y a quelques années à propos de son gouvernement. Selon lui, tout ce qui peut être tenu pour des échecs doit être imputés à d’autres, et il est en somme la victime d’un sort injuste. Qu’un homme, heureusement pour nous retiré de la vie politique, soit à ce point incapable de tirer les leçons de ses propres échecs, me sidère. Ca me paraît d’une vanité outrée : faut-il être imbu de soi-même pour ne pas procéder à son examen de conscience, quand tout cela n’a de toute façon plus aucun enjeu…
[Tout à fait. Mais là, vous entrez en collision avec la question démocratique. En effet, l’homme politique ne décide, dans nos sociétés modernes, que parce que le peuple le veut – ou du moins l’accepte. Et les exemples montrent que ceux qui, comme vous dites, « se fichent un peu de leur image au jour le jour » n’accèdent guère aux positions qui leur permettraient de montrer leurs capacités. C’est là la grande contradiction de la démocratie : elle ne permet pas d’accéder au pouvoir ceux qui seraient à même de l’exercer au mieux.]
Je tiens à nuancer votre propos. Certes, on peut défendre l’idée que la démocratie ne garantit pas que des hommes d’élite aient en permanence le pouvoir, et se succèdent sans discontinuer. Mais aucun régime, quel qu’il soit, ne le permet. Ce n’est donc pas tant un défaut de la démocratie, qu’un trait de la politique en général. En démocratie, ce trait prend la forme du problème qui nous occupe, mais j’imagine que je n’ai pas besoin de passer en revue chaque régime pour vous convaincre qu’on le retrouve à chaque fois. Par exemple, la royauté héréditaire peut placer sur le trône des Louis le Débonnaire, des Charles le Fol, ou des Louis XV. Pourtant, ce régime nous a donné, et quelle chance pour nous ! un nombre conséquent d’excellents hommes d’Etat à la tête de notre pays. De même, tout compte fait, je trouve que le suffrage populaire nous a quand même donné de grands chefs d’Etat — ou de gouvernement, sous les républiques précédentes.
[En mettant en place un despotisme éclairé. L’ennui, c’est qu’on n’a pas encore trouvé un bon moyen de sélectionner le despote pour s’assurer qu’il soit éclairé !]
Vous bottez en touche ! Êtes-vous entièrement sans réponse, ou refusez-vous par pudeur de ne donner que des ébauches de réponses qui ne vous convaincraient pas tout à fait vous-mêmes ? Question un peu injuste, au vu de la suite.
[Le système de la « monarchie républicaine » telle que conçu par De Gaulle dans l’esprit original de la Vème République n’était pas un mauvais compromis, avec un président élu pour une période longue – ce qui le mettait à l’abri des péripéties de l’opinion. Mais une constitution ne peut protéger un peuple contre ses propres démons. Le peuple veut-il vraiment des hommes d’Etat ? Veut-il des gouvernants qui aient le sens du tragique, des hommes « généreux » dans le sens où vous utilisés ce mot ? Je n’en suis pas sûr. Je suis même convaincu du contraire.]
Nous sommes bien d’accord sur l’esprit de la Ve République. Je ne sais pas si je vous suivrai tout à fait au sujet des “démons” du peuple français. D’une part, est-ce un mal proprement français ? N’est-ce pas le propre d’un peuple libre que de regimber toujours un peu à l’idée d’être sous la férule d’un gouvernement ? Auquel cas, il faut bien faire avec, ou renoncer à la démocratie. Et faire avec, c’est chercher une solution à ce problème. Cela dit, avant d’aller plus loin, j’aimerais, si vous le voulez bien, que vous détailliez ce que vous entendez par “je suis même convaincu du contraire”. Pensez-vous que les Français (dans leur ensemble ? de tout temps ?) constitués en peuple souverain ne peuvent se donner que par accident des chefs dignes de ce nom ? Avouez que ce serait là une perspective peu réjouissante, quand notre histoire nous a habitué, je dirais presque, par provocation, au contraire.
Bonne journée
@ Louis
[Vous avez raison, bien entendu. Je n’ai pas été très clair. C’est que je voulais dire que, pour se prémunir des hésitations qu’un homme ordinaire connaît, un homme d’Etat devrait bien se mettre en tête quelque chose du genre : “avec ce que j’ai sous la main, voilà ce que je dois faire, c’est tout ce qui compte à mes propres yeux”.]
Tout à fait d’accord. J’en fait personnellement une ligne de chaque fois que j’ai eu à diriger une équipe de me répéter et d’expliquer à mes troupes que « on fait ce qu’on peut avec ce qu’on a ». Et qu’il est inutile de se torturer parce que le résultat n’est pas parfait. Que finalement, la seule question à se poser soi-même est « a-t-on fait tout ce qui était possible » ? Et laisser les critiques critiquer…
[En somme, ne se juger soi-même qu’à l’aune de ses décisions, même si, de toute évidence, il sera toujours jugé pour ce qu’il a fait, n’a pas fait, aurait dû, n’aurait pas dû faire, plus ou moins injustement. C’est ce que j’entends dans le mot “résolution” : quelque chose comme la cire coulée dans les oreilles des marins d’Ulysse, pour s’empêcher de céder aux sirènes… Ce qui ne veut pas dire que les sirènes ne continueront pas de chanter, mais qu’on peut et qu’on doit y résister.]
Là encore, je partage tout à fait votre point de vue. Je voudrais souligner un mot que vous avez utilisé, celui « d’injustice ». Il faut prendre conscience qu’en dehors des injustices économiques et sociales, il y a une injustice FONDAMENTALE, qui est bâtie dans notre psyché même. Elle tienne à ce que nous déplaçons vers l’autre le reproche de nos propres insuffisances : Le mauvais ouvrier accuse ses outils, le mauvais élève accuse le maître, le mauvais citoyen accuse le gouvernant. L’homme d’Etat est amené à dire, explicitement ou implicitement, des choses que les gens n’ont pas envie d’entendre et qui souvent les remettent en cause.
[A ma connaissance, Richelieu souffrait, comme tout le monde eût souffert à sa place, de la haine ou du dédain qu’il inspirait, ce dont il se plaignait en privé au roi comme au père Joseph, mais jamais il n’en a tenu compte.]
Oui. Mais je suspecte que passé un certain niveau, on finit à faire de cette haine un badge d’honneur. Être haï, c’est la preuve qu’on dérange.
[Après, bien entendu, il lui faut tout de même apprendre de ses erreurs. Pour prendre un contre-exemple, je suis choqué des propos qu’a pu tenir Jospin il y a quelques années à propos de son gouvernement. Selon lui, tout ce qui peut être tenu pour des échecs doit être imputés à d’autres, et il est en somme la victime d’un sort injuste. Qu’un homme, heureusement pour nous retiré de la vie politique, soit à ce point incapable de tirer les leçons de ses propres échecs, me sidère. Ca me paraît d’une vanité outrée : faut-il être imbu de soi-même pour ne pas procéder à son examen de conscience, quand tout cela n’a de toute façon plus aucun enjeu…]
Le cas de Jospin est intéressant. Mon analyse est que Jospin était de tous nos dirigeants celui qui avait le moins saisi le côté tragique de la politique. Jospin était un moraliste, il croyait en la justice immanente, et donc que la vertu finit par être récompensée et le vice puni. Pour un tel homme, découvrir que les gens finalement préféraient un Chirac, magouilleur, jouisseur et malhonnête, à l’honnêteté, la frugalité et la droiture qu’il représentait lui-même a dû être un véritable cataclysme. Ce n’est pas seulement une défaite politique, c’est une défaite morale. Vous ne pouvez pas demander à un tel homme d’admettre ses fautes : ce serait pour lui admettre que le monde est fondamentalement injuste, contrairement à ce qu’il a cru toute sa vie.
On ne le dira pas assez, mais Jospin est l’un des très rares dirigeants politiques français auquel on ne puisse rattacher aucune trahison, aucune corruption. Moralement, c’est un homme irréprochable et cela est d’autant plus rare qu’il a fait sa carrière à une époque et dans un parti qui était un puits d’immoralité. Pour moi, il est la démonstration vivante du fait qu’un moraliste ne fait pas un homme d’Etat.
[Je tiens à nuancer votre propos. Certes, on peut défendre l’idée que la démocratie ne garantit pas que des hommes d’élite aient en permanence le pouvoir, et se succèdent sans discontinuer. Mais aucun régime, quel qu’il soit, ne le permet. Ce n’est donc pas tant un défaut de la démocratie, qu’un trait de la politique en général.]
Oui et non. Il est vrai qu’aucun système politique ne permet de garantir la permanence au pouvoir d’hommes exceptionnels. Mais dans un climat révolutionnaire ou dans une monarchie héréditaire, un tel homme peut de temps en temps accéder au pouvoir suprême. Dans une démocratie « apaisée », cela est pure et simplement impossible. La démocratie est, par certains côtés, une « médiocratie ». Elle tire naturellement vers la ligne moyenne, préférant celui qui fâche le moins de monde possible. Et celui-là est rarement un homme d’Etat. Les situations exceptionnelles permettent aux hommes exceptionnels de surgir. Les systèmes héréditaires choisissent aléatoirement, l’héritier du trône arrivant au pouvoir qu’il soit un génie ou un désastre. Mais la démocratie, c’est le choix de la moyenne.
[De même, tout compte fait, je trouve que le suffrage populaire nous a quand même donné de grands chefs d’Etat — ou de gouvernement, sous les républiques précédentes.]
Lesquels ? Dans les situations révolutionnaires ou critiques (1914, 1947, 1958) c’est le cas. Mais à quelle occasion une démocratie « apaisée » a permis l’accès au pouvoir d’un grand chef d’Etat ?
[Nous sommes bien d’accord sur l’esprit de la Ve République. Je ne sais pas si je vous suivrai tout à fait au sujet des “démons” du peuple français. D’une part, est-ce un mal proprement français ?]
Il est vrai que tous les peuples aspirent fondamentalement à la paix et à vaquer à leurs petites affaires, et que le grand homme, avec sa logique de grandeur, dérange cette tentation. Mais ce qui est exceptionnel en France, c’est qu’on ne se résigne pas à cette tentation bourgeoise. Contrairement à d’autres qui s’accommodent très bien d’une logique politique qui leur permet de s’enrichir et rien de plus, les Français oscillent en permanence entre la demande de bonheur bourgeois et les rêves de grandeur. C’est d’ailleurs ce qui pour moi fait l’identité française !
[Pensez-vous que les Français (dans leur ensemble ? de tout temps ?) constitués en peuple souverain ne peuvent se donner que par accident des chefs dignes de ce nom ? Avouez que ce serait là une perspective peu réjouissante, quand notre histoire nous a habitué, je dirais presque, par provocation, au contraire.]
Je pense – en cela je suis ce qui a été écrit par A-G Slama dans un livre que j’ai plusieurs fois recommandé ici, « le siècle de monsieur Pétain » – qu’il y a chez les Français un mouvement pendulaire permanent entre la « petite France » (celle du village, du saucisson, du bon vin, du bonheur bourgeois) et la « grande France » (celle des réalisations techniques et scientifiques, de la grandeur, de la présence dans les affaires du monde). C’est la dialectique entre ces deux pôles qui a construit l’identité française. La « petite France » est unanimiste, bienveillante, elle se méfie des « divisions qui nous ont fait tant de mal », pour utiliser une formule consacrée. Elle a trouvé peut-être son expression la plus radiale dans le pétainisme. La « grande France » est clivante, raide, tragique. Elle a reçu son expression contemporaine dans la geste gaullienne.
Notre histoire montre que nous passons périodiquement de l’un à l’autre de ces pôles. En général, ce sont les périodes ou la « grande France » s’impose qui ont généré les grands dirigeants… mais en même temps, ce sont les périodes les plus agitées et le moins « démocratiques ». Les démocraties apaisées, chez nous, marquent généralement le succès de la « petite France »… et produisent des dirigeants médiocres.
@ Descartes
[Les démocraties apaisées, chez nous, marquent généralement le succès de la « petite France »… et produisent des dirigeants médiocres.]
Lisant cette réponse après avoir rédigé un c,ommentaire à diogène479, cela renforce mon idée que E.Macron vient de rater l’occasion – qui ne se représentera jamais – de révéler sa possible “grandeur”.
Opportuniste, il l’est, mais probablement plus en salon qu’en terrain de bataille. Il a peur de “mourir”, cela éclate aux yeux.
Ses termes, son ton, sont ceux d’un curé disant la messe et exhortant à l’espoir d’un autre monde, pas à la bataille à venir qui ne s’estompera pas avec l’éloignement du virus.
Dommage !
@ Marcailloux
[Lisant cette réponse après avoir rédigé un commentaire à diogène479, cela renforce mon idée que E.Macron vient de rater l’occasion – qui ne se représentera jamais – de révéler sa possible “grandeur”.]
Tout à fait. L’Histoire lui a donné l’opportunité de montrer ce qu’il avait dans le ventre. Et comme il n’a rien à montrer, on n’a rien vu. Et l’Histoire ne repasse pas les plats…
Opportuniste, il l’est, mais probablement plus en salon qu’en terrain de bataille. Il a peur de “mourir”, cela éclate aux yeux.
Ses termes, son ton, sont ceux d’un curé disant la messe et exhortant à l’espoir d’un autre monde, pas à la bataille à venir qui ne s’estompera pas avec l’éloignement du virus.
Dommage !
Bonjour,
[ Il faut prendre conscience qu’en dehors des injustices économiques et sociales, il y a une injustice FONDAMENTALE, qui est bâtie dans notre psyché même. Elle tienne à ce que nous déplaçons vers l’autre le reproche de nos propres insuffisances : Le mauvais ouvrier accuse ses outils, le mauvais élève accuse le maître, le mauvais citoyen accuse le gouvernant.]
Bien d’accord. C’est ce qui me fait ne pas aimer certains discours de gauche, qui prétendent pouvoir purement et simplement supprimer l’injustice. On ne s’en débarrassera pas : on l’aménagera, en fonction de celles qu’on décidera de tolérer, quitte à les amoindrir, et celles qu’on voudra combattre perpétuellement. Je m’éloigne de votre propos, mais à titre personnel, je veux bien croire qu’une telle injustice, ou que celle qui consiste à mépriser telle ou telle personne en raison de sa manière de vivre — ce qu’on appelle bêtement les “phobies” —, sont vexantes. Pourtant, je crois que les combattre doit passer bien après le combat contre la misère et l’ignorance, qui me paraissent des injustices bien plus grave. Après tout, nous serons toujours accusé à tort, et vexé sans raison. On peut en revanche sortir de la misère, et ne pas demeurer toute sa vie ignorant.
[L’homme d’Etat est amené à dire, explicitement ou implicitement, des choses que les gens n’ont pas envie d’entendre et qui souvent les remettent en cause.]
Feriez-vous de l’homme d’Etat une sorte de miroir de la nation ?
[Oui. Mais je suspecte que passé un certain niveau, on finit à faire de cette haine un badge d’honneur. Être haï, c’est la preuve qu’on dérange.]
Avec cette dernière phrase, on a justifié toutes les pantalonnades prétendument subversives de ces dernières décennies, attention ! Blague à part, vous avez sans nulle doute raison. Sans quoi, Louis XIII n’aurait pu déclarer que « plus [il] verrai[t] qu’on l’attaquera, cela sera cause qu'[il] l’aimerai[t] davantage et porterai[t] son parti. » Il y a quelque chose d’assez beau dans ce rapport entre le chef d’Etat et le chef du gouvernement, qu’on réduit parfois trop vite au simple rôle de “fusible”.
[Le cas de Jospin est intéressant. Mon analyse est que Jospin était de tous nos dirigeants celui qui avait le moins saisi le côté tragique de la politique. Jospin était un moraliste, il croyait en la justice immanente, et donc que la vertu finit par être récompensée et le vice puni. Pour un tel homme, découvrir que les gens finalement préféraient un Chirac, magouilleur, jouisseur et malhonnête, à l’honnêteté, la frugalité et la droiture qu’il représentait lui-même a dû être un véritable cataclysme. Ce n’est pas seulement une défaite politique, c’est une défaite morale. Vous ne pouvez pas demander à un tel homme d’admettre ses fautes : ce serait pour lui admettre que le monde est fondamentalement injuste, contrairement à ce qu’il a cru toute sa vie.]
Intéressant. Je n’avais jamais vu les choses de cette manière. Si je voulais forcer le trait, après tant d’autres, en allant dans votre sens, je dirais que le protestantisme affleure chez lui. Là où notre pays catholique vit de l’incertitude de l’élection divine — quoi qu’on fasse, le sort peut frapper le juste comme l’injuste, et rien ne permet de se faire une idée du jugement que Dieu fera de nous autres après notre mort —, le protestant, bizarrement rassuré par la prédestination, refuse de voir que ce qui se passe ici-bas ne traduit rien de la justice divine : les crapules devraient être châtiées, les élus, récompensés, et si tel n’est pas le cas, c’est une épreuve qu’on doit supporter, et non le bête signe que, peut-être, on s’est planté. Je reconnais que je vais un peu loin.
[Lesquels ? Dans les situations révolutionnaires ou critiques (1914, 1947, 1958) c’est le cas. Mais à quelle occasion une démocratie « apaisée » a permis l’accès au pouvoir d’un grand chef d’Etat ?]
Cette réserve faite, je ne peux que vous donner raison. Les hommes auxquels je pensais n’ont effectivement pris le pouvoir, ou révélé leur grandeur, qu’en temps de crise. Clemenceau en tête…
[Il est vrai que tous les peuples aspirent fondamentalement à la paix et à vaquer à leurs petites affaires, et que le grand homme, avec sa logique de grandeur, dérange cette tentation. Mais ce qui est exceptionnel en France, c’est qu’on ne se résigne pas à cette tentation bourgeoise. Contrairement à d’autres qui s’accommodent très bien d’une logique politique qui leur permet de s’enrichir et rien de plus, les Français oscillent en permanence entre la demande de bonheur bourgeois et les rêves de grandeur. C’est d’ailleurs ce qui pour moi fait l’identité française !]
Nous sommes bien d’accord : ce qui fait la France, c’est cette contradiction. C’est le pays de Céline ET d’Aragon, de Bossuet ET de Voltaire, de Saint-Just ET de Maistre, d’Amyot ET de Rabelais, de Ronsard ET de Malherbe, de Zola ET de Bloy. Dieu nous préserve de jamais vouloir résoudre cette contradiction féconde ! C’est ce qui me gêne le plus dans le discours “identitaire”, qu’il soit “pro” ou “anti”. D’un côté, des gens qui jettent à la poubelle une bonne part de notre histoire, faute d’accepter la contradiction, parce que voyez-vous, Rousseau c’est un peu trop gauchiste, Aragon un peu trop coco, Diderot pas assez sérieux, Robespierre un peu trop social ; de l’autre, des gens qui, lorsqu’ils ne commettent pas l’excès inverse — exit les “réactionnaires” de génie —, dissolvent aussi bien cette contradiction en tenant des propos lénifiants sur le métissage, le mélange, dans une sorte de réconciliation religieuse. D’un côté comme de l’autre, cette métaphysique de l’identité manque un peu, si vous me le permettez, de dialectique. Gloire à Marx de se reconnaître dans le contre-révolutionnaire Balzac ! Hum.
[Notre histoire montre que nous passons périodiquement de l’un à l’autre de ces pôles. En général, ce sont les périodes ou la « grande France » s’impose qui ont généré les grands dirigeants… mais en même temps, ce sont les périodes les plus agitées et le moins « démocratiques ». Les démocraties apaisées, chez nous, marquent généralement le succès de la « petite France »… et produisent des dirigeants médiocres.]
C’est vrai. Pour ne pas trop noircir le tableau, ajoutons tout de même qu’en temps apaisés, la “grande France” survit tout de même chez ceux qui, comme vous (sans vouloir vous flatter), s’enrôlent au service de l’Etat pour en assurer la continuité jusqu’à la prochaine crise. Le “paisible” dix-huitième siècle est politiquement à jeter, à mon avis, mais il a permis d’inculquer progressivement le sens de l’Etat à des “gens de rien”, comme on dirait aujourd’hui, qui se révéleront grands hommes d’Etat l’heure venue.
Bonne journée
@ Louis
[Je m’éloigne de votre propos, mais à titre personnel, je veux bien croire qu’une telle injustice, ou que celle qui consiste à mépriser telle ou telle personne en raison de sa manière de vivre — ce qu’on appelle bêtement les “phobies” —, sont vexantes. Pourtant, je crois que les combattre doit passer bien après le combat contre la misère et l’ignorance, qui me paraissent des injustices bien plus grave. Après tout, nous serons toujours accusé à tort, et vexé sans raison. On peut en revanche sortir de la misère, et ne pas demeurer toute sa vie ignorant.]
J’irais même plus loin : combattre ce que vous appelez les « phobies » pose le problème fondamental de la liberté de pensée. Pourquoi aurais-je le droit de mépriser les fascistes et non les homosexuels ? Les mâles blancs de plus de cinquante ans, mais pas les femmes noires ? Qui décide quels sont les mépris permis et les mépris interdits ?
La misère, l’ignorance sont par contre des faits objectifs, qui ne dépendent du jugement moral de l’observateur. C’est toute la différence entre combattre une opinion et combattre une réalité.
[« L’homme d’Etat est amené à dire, explicitement ou implicitement, des choses que les gens n’ont pas envie d’entendre et qui souvent les remettent en cause. » Feriez-vous de l’homme d’Etat une sorte de miroir de la nation ?]
Souvent ils l’ont été, tout simplement parce qu’il y a dans l’homme d’Etat une obligation de lucidité.
Nous sommes bien d’accord : ce qui fait la France, c’est cette contradiction. C’est le pays de Céline ET d’Aragon, de Bossuet ET de Voltaire, de Saint-Just ET de Maistre, d’Amyot ET de Rabelais, de Ronsard ET de Malherbe, de Zola ET de Bloy. Dieu nous préserve de jamais vouloir résoudre cette contradiction féconde ! C’est ce qui me gêne le plus dans le discours “identitaire”, qu’il soit “pro” ou “anti”.]
Aussi longtemps que la division gauche/droite a été structurante, on avait effectivement un discours « identitaire de droite » fondamentalement hostile à la Révolution française et à la laïcité, et un discours identitaire de gauche qui reprenait à son compte les références révolutionnaires ou républicaines. Aujourd’hui – et cela témoigne du fait que la division gauche/droite n’est plus structurante – les références sont croisées : le courant « identitaire » aujourd’hui peut citer à la fois Thorez et Maurras, Saint-Just et de Maistre.
“J’irais même plus loin : combattre ce que vous appelez les « phobies » pose le problème fondamental de la liberté de pensée. Pourquoi aurais-je le droit de mépriser les fascistes et non les homosexuels ? Les mâles blancs de plus de cinquante ans, mais pas les femmes noires ? Qui décide quels sont les mépris permis et les mépris interdits ?”
Euh … A part qu’on choisit d’être fasciste et pas mâle blanc de + de 50 ans, homo ou femme noire. D’ailleurs on peut être fasciste et être mâle blanc ou homo. Je reconnais que pour les femmes noires c’est plus rare, mais demandez à un certain Röhmer, il vous expliquera que l’homosexuualité s’accommode très bien du fascime. D’ailleurs les gays peuvent trouver un certain charme à la raternité virile des bandes de nervis fascisantes. 😉
@ cd
[Euh … A part qu’on choisit d’être fasciste et pas mâle blanc de + de 50 ans, homo ou femme noire.]
Certains soutiennent que si les membres de certaines “minorités” deviennent des criminels, ce n’est pas leur choix personnel qui est en cause mais la méchante société qui les a faits ainsi. Pourquoi ce raisonnement ne s’appliquerait-il aux “fascistes” ?
@Descartes
> Les démocraties apaisées, chez nous, marquent généralement le succès de la « petite France »… et produisent des dirigeants médiocres.
Il faut aussi noter qu’historiquement, nous avons rarement eu des démocraties apaisées avant les années 1970… La IIIè République, notamment, était semble-t-il rarement apaisée.
Bonsoir,
[Aussi longtemps que la division gauche/droite a été structurante, on avait effectivement un discours « identitaire de droite » fondamentalement hostile à la Révolution française et à la laïcité, et un discours identitaire de gauche qui reprenait à son compte les références révolutionnaires ou républicaines. Aujourd’hui – et cela témoigne du fait que la division gauche/droite n’est plus structurante – les références sont croisées : le courant « identitaire » aujourd’hui peut citer à la fois Thorez et Maurras, Saint-Just et de Maistre.]
Je serais tenté de vous rejoindre, moyennant quelques réserves. D’abord, je serais bien en peine de trouver des “identitaires” qui s’appuieraient sur Saint-Just. Pourriez-vous m’éclairer ? Soit que je ne connaisse pas assez l’extrême-droite, soit que vous ayez une autre définition des “identitaires”.
D’autre part, vous dites que l’opposition entre la droite et la gauche n’est plus structurant, ce en quoi je vous suis tout à fait. Pourtant, ce n’est pas la première fois que thorezistes et maurrassiens ont été d’accord : la Résistance fut une alliance qui eût passé pour contre-nature quelques mois à peine avant la guerre. Diriez-vous qu’à l’époque, l’opposition entre la droite et la gauche ne tenait plus non plus ? J’incline à le croire. Mais dans ce cas, si l’on admet — l’admettez-vous ?— que cette opposition a pu reprendre du poil de la bête après guerre, jusqu’à s’effacer de nouveau de nos jours, pensez-vous qu’un même effet — la disparition de cette opposition — est dû à une même cause ? Laquelle, dans ce cas ?
Il est tentant de voir dans la Résistance une… résistance au nouvel ordre européen, guidé par l’idée d’une “grande France”, comme vous dites. Mais n’est-ce pas un parallèle un peu facile ? Y a-t-il des causes plus profondes à ce parallèle — je crois que vous êtes plus au fait de l’histoire de la lutte des classes que moi —, ou n’est-ce qu’une manière de plaquer sur l’image qu’on se fait d’hier, l’idée qu’on se fait d’aujourd’hui ?
Bonne soirée
@ Louis
[Je serais tenté de vous rejoindre, moyennant quelques réserves. D’abord, je serais bien en peine de trouver des “identitaires” qui s’appuieraient sur Saint-Just. Pourriez-vous m’éclairer ? Soit que je ne connaisse pas assez l’extrême-droite, soit que vous ayez une autre définition des “identitaires”.]
Je pensais par exemple à un Eric Zemmour.
[D’autre part, vous dites que l’opposition entre la droite et la gauche n’est plus structurant, ce en quoi je vous suis tout à fait. Pourtant, ce n’est pas la première fois que thorezistes et maurrassiens ont été d’accord : la Résistance fut une alliance qui eût passé pour contre-nature quelques mois à peine avant la guerre. Diriez-vous qu’à l’époque, l’opposition entre la droite et la gauche ne tenait plus non plus ?]
L’alliance qui a constitué la Résistance n’effaçait pas les différences. De Gaulle ne s’est pas mis à citer Lénine, pas plus que Thorez ou Duclos n’ont cité du Maurras. La force de la Résistance a été de rejeter l’unanimisme, de se construire comme un accord entre partenaires dont aucun ne renonçait à sa spécificité, mais qui reconnaissait le besoin de laisser une partie de ses demandes de côté pour soutenir un programme minimum acceptable par tous. Si les gaullistes avaient exigé que la Résistance devienne gaulliste, si les communistes avaient exigé que la Résistance embrasse un projet communiste, cela n’aurait pas marché.
La Résistance a jeté des ponts sur la frontière gauche/droite, mais celle-ci n’a pas pour autant cessé d’être structurante. Aujourd’hui, il ne s’agit pas de jeter des ponts parce que la frontière n’existe plus vraiment. Et on le voit bien lorsque « l’aile gauche » du macronisme cherche à se distinguer de « l’aile droite » : cette distinction n’a aucun caractère opérationnel.
[Il est tentant de voir dans la Résistance une… résistance au nouvel ordre européen, guidé par l’idée d’une “grande France”, comme vous dites. Mais n’est-ce pas un parallèle un peu facile ?]
Oui… et non. Le mot « nationaliste » est aujourd’hui devenu la marque du diable, mais une lecture attentive du programme du CNR révèle clairement le caractère « nationaliste » du texte. Il s’agissait non seulement de libérer la France du « nouvel ordre européen » voulu par les nazis, et dont l’hégémon était l’Allemagne, mais aussi de se prémunir contre le « nouvel ordre européen » voulu par les anglo-saxons, dont l’hégémon étaient les Etats-Unis. On peut donc dire sans abuser le parallèle que la Résistance, dans son projet politique, visait avant tout à rétablir la souveraineté nationale. La formule du programme du CNR est sans ambiguïté lorsqu’il fixe pour objectif « de défendre l’indépendance politique et économique de la nation, rétablir la France dans sa puissance, dans sa grandeur et dans sa mission universelle ».
“Prenez notre système de santé : il a été dégradé par des politiques austéritaires depuis vingt ans. Mais s’il s’avère incapable de faire face à la pandémie de coronavirus, croyez-vous qu’on trainera devant les tribunaux de l’opinion Chirac, Sarkozy ou Hollande ? Non, bien sur que non, ce sera à Macron d’assumer, comme si l’on pouvait réparer en deux ans vingt ans de disette.”
Vous trouvez que c’est si injuste que ça ? Macron a approuvé et continué cette politique d’austérité. Et puis il n’est pas tombé du ciel, il a largement participé à la politique économique de François Hollande en tant que conseiller puis ministre.
@ cd
[Vous trouvez que c’est si injuste que ça ? Macron a approuvé et continué cette politique d’austérité. Et puis il n’est pas tombé du ciel, il a largement participé à la politique économique de François Hollande en tant que conseiller puis ministre.]
L’injustice ne réside pas dans le fait qu’on reproche cette politique à Macron. Elle réside en ce qu’il est tout seul dans le box des accusés…
Il y a quand même eu sanction politique pour Sarkozy et Hollande puisque ni l’un ni l’autre n’ont pu faire de second mandat et si Chirac a une certaine popularité posthume c’est surtout pour avoir été un gars sympa et bon vivant et s’être opposé à la guerre en Irak pas pour le reste de son action politique.
@ cd
[Il y a quand même eu sanction politique pour Sarkozy et Hollande puisque ni l’un ni l’autre n’ont pu faire de second mandat]
Si c’est ça la sanction, elle est très injuste. Après tout, c’est sous Sarkozy que les stocks de masques ont été constitués… quant à Hollande, ce n’est certainement pas le fait d’avoir laissé ces stocks se défaire qui lui ont valu une sanction.
@ Descartes
Je dois dire que je trouve que E. Philippe s’en sort bien dans le costume de l’homme politique tel que vous le décrivez. Pas forcément dans les décisions prises pendant la crise (on ne le saura que dans bien longtemps, voire jamais), mais dans sa posture, sa manière de tenir le gouvernail, écrasé entre la diversité des opinions du peuple d’un coté et l’opinion du Président de l’autre, il assume le rôle.
D’ailleurs, je pense que ses pairs le reconnaissent. Lors de son intervention à l’assemblée en réponse au plan de déconfinement, même Mélenchon a fait preuve de respect dans sa manière de répliquer au premier ministre. Peut-être dans l’espoir bassement politicien d’enfoncer un coin entre ce dernier et Macron, mais n’empêche. Là où l’on avait l’habitude de dire que le président endossait la popularité et le premier ministre servait de fusible, j’ai le sentiment que la situation s’inverse…
@ Pierre
[Je dois dire que je trouve que E. Philippe s’en sort bien dans le costume de l’homme politique tel que vous le décrivez. Pas forcément dans les décisions prises pendant la crise (on ne le saura que dans bien longtemps, voire jamais), mais dans sa posture, sa manière de tenir le gouvernail, écrasé entre la diversité des opinions du peuple d’un coté et l’opinion du Président de l’autre, il assume le rôle.]
Je suis d’accord. Quoi qu’on pense de ses options politiques, on ne peut nier qu’Edouard Philippe a endossé le costume de Premier ministre avec une dignité qui a manqué a bien de ses prédécesseurs. Dans une société soumise à la dictature de l’émotion, il évite le pathos, le discours faussement compatissant, la séduction. Si on laisse de côté le cafouillage général sur les masques, il tient en général un discours de vérité, ne dissimule pas les difficultés, fait bien la différence entre l’avis scientifique et la décision politique, et ne cède pas à la tentation magique des « remèdes miracle ». Je doute beaucoup que l’opinion le lui reconnaisse à la fin de cette affaire, mais il aura bien tenu son poste. Remarquez, on peut difficilement attendre moins d’un homme passé par l’ENA et l’industrie nucléaire… 😉
D’ailleurs, je pense que ses pairs le reconnaissent. Lors de son intervention à l’assemblée en réponse au plan de déconfinement, même Mélenchon a fait preuve de respect dans sa manière de répliquer au premier ministre. Peut-être dans l’espoir bassement politicien d’enfoncer un coin entre ce dernier et Macron, mais n’empêche.]
Tout à fait. Le mot qui pour moi résume l’action d’Edouard Philippe est celui de « dignité ». Il a largement rendu sa dignité à la fonction. Après, il faudra faire un retour d’expérience sur la manière dont la pandémie a été gérée, et de ce point de vue si je crois ce que me disent des amis qui sont dans les rouages de la gestion de crise, beaucoup d’erreurs évitables ont été commises.
[Là où l’on avait l’habitude de dire que le président endossait la popularité et le premier ministre servait de fusible, j’ai le sentiment que la situation s’inverse…]
Là, je ne suis pas sûr. Lorsqu’on sortira de cette crise, les Français n’auront qu’un souci : laisser le mauvais souvenir derrière eux. Edouard Philippe restera, lui, le symbole de la crise que tout le monde voudra oublier… et il sera sacrifié.
Bonsoir Descartes,
Je trouve intéressant cet éloge de l’homme d’État comme « trouvant sa récompense dans sa propre action ». C’est une caractéristique de l’homme de métier, comme le rappelle aussi la citation de Créon.
Cependant, si l’homme d’État trouve sa récompense dans sa propre action (vous ajoutez même : il n’en attend pas d’autre), n’est-il pas tenté de n’en faire qu’à sa tête ? Sa motivation est purement interne : il n’est mû par aucun intérêt de réélection, aucune fidélité partisane. L’homme d’État est-il en contradiction essentielle avec la démocratie représentative ?
@ Ian Brossage
[Cependant, si l’homme d’État trouve sa récompense dans sa propre action (vous ajoutez même : il n’en attend pas d’autre), n’est-il pas tenté de n’en faire qu’à sa tête ? Sa motivation est purement interne : il n’est mû par aucun intérêt de réélection, aucune fidélité partisane. L’homme d’État est-il en contradiction essentielle avec la démocratie représentative ?]
Sans aucun doute. C’est pour moi le grand, l’immense problème de la démocratie: les qualités requises pour être élu par le peuple – je parle du peuple réel dans une société réelle, et non d’un peuple idéal – ne sont pas les qualités requises pour bien gouverner. Comme vous le dites, la motivation de l’homme d’Etat est purement interne: il a élaboré un projet, il veut le mettre en œuvre, il le propose au peuple, et si le peuple n’en veut pas il s’en va. Mais avec un tel fonctionnement, ses chances d’être élu sont nulles sauf dans des situations d’urgence nationale très spéciales. D’ailleurs, vous pouvez remarquer que ceux qui sont restés dans l’histoire comme des hommes d’Etat sont rarement arrivés démocratiquement au pouvoir en temps de paix et prospérité.
Bonsoir.
Merci beaucoup pour ce billet. Je dois vous avouer que j’ai dû me prendre à le relire plusieurs fois avant d’appréhender vos éléments réflexion.
Il me semble que vous aviez fait allusion à cette question de la Tragédie, lors d’échanges précédents en évoquant l’essaie de Georges Steiner “La mort de la tragédie”. Si je puis me permettre, répondez-vous ici (en qualité d’ancien membre du Parti communiste) à la notion de “charme éternel de l’art grec”?
Autre interrogation = vous n’avez abordé -me-semble-t-il que très indirectement l’aspect en philosophie du droit en exergue dans le mythe d’Antigone. C’est-à-dire la dichotomie entre droit naturel et droit positif. Est-ce parce que cet aspect est plus présent chez Sophocle que chez Anouilh?
Y- a-t-il un contexte historique sous-jacent dans la pièce de Jean Anouilh ? Celui de l’Occupation ? J’avoue , au moment où je rédige ce commentaire, être en train de rechercher des études sérieuses sur cette pièce. L’ouvrage de Charles Delattre (“Antigone, Jean Anouilh” Bréal) est récurrent suite à une recherche rapide sur Internet. Auriez-vous d’autres références ?
Enfin. Navré de déborder sur des billets antérieurs =
https://www.marianne.net/monde/apres-le-coronavirus-l-hostilite-envers-l-union-europeenne-atteint-des-sommets-en-italie?utm_medium=Social&utm_source=Twitter#Echobox=1588327467
Cet article dans Marianne aborde une anecdote assez insolite = le vice-président de la chambre basse du Parlement italien, Fabio Rampelli, a retiré le drapeau de l’Union européenne dans son bureau, et l’a remplacé par le drapeau italien (il y a une vidéo). Il faut voir bien sûr le contexte de ce micro-évènement.
Mais on peut s’interroger sur le sens de cet acte. Symbolique ou tragique ? Sans extrapoler, est-ce selon vous un acte sacrificiel ? Ou simplement un retour du Tragique (dans nos sociétés modernes ) ?
Bon courage
@ Capitaine Félix
[Il me semble que vous aviez fait allusion à cette question de la Tragédie, lors d’échanges précédents en évoquant l’essaie de Georges Steiner “La mort de la tragédie”. Si je puis me permettre, répondez-vous ici (en qualité d’ancien membre du Parti communiste) à la notion de “charme éternel de l’art grec”?]
Je ne comprends pas très bien l’allusion à ma qualité d’ancien membre du PCF. Mais oui, je pense que le « charme éternel de l’art grec » est inhérent à notre civilisation et c’est ce qui fait son universalité. Toutes les civilisations humaines se sont posées la question du « pourquoi ». Mais la civilisation grecque est la seule à avoir cherché à répondre par des voies rationnelles, la seule qui ne se soit pas contenté de la réponse « parce que les dieux l’ont voulu ainsi ». L’art grec est marqué par cette singularité humaniste.
[Autre interrogation = vous n’avez abordé -me-semble-t-il que très indirectement l’aspect en philosophie du droit en exergue dans le mythe d’Antigone. C’est-à-dire la dichotomie entre droit naturel et droit positif. Est-ce parce que cet aspect est plus présent chez Sophocle que chez Anouilh ?]
La pièce de Sophocle ne parle pas de droit. En fait, elle relate la punition de Créon – qui est le personnage tragique de la pièce – qui, en se croyant un « roi heureux » a fait preuve d’ubris et donc offensé les dieux. La question du conflit entre les dieux et les hommes (à travers du conflit entre les lois naturelles et celles de la cité) est une interprétation classique. Chez Anouilh, il est moins question de droit que de politique : Créon fait des funérailles nationales à Etéocle et les refuse à Polynice par nécessité politique : il a besoin d’un héros en qui le peuple puisse s’identifier, et un vilain que le peuple puisse détester. Le Créon d’Anouilh est même prêt à pardonner le geste d’Antigone à condition que personne ne le sache, qu’il reste caché. Je ne crois pas que ce soit le cas du Créon de Sophocle.
[Y- a-t-il un contexte historique sous-jacent dans la pièce de Jean Anouilh ? Celui de l’Occupation ?]
Sans aucun doute. La pièce a d’ailleurs déplu à la censure allemande, puis valu à son auteur des ennuis à la Libération. Il est vrai que le Créon « politique » d’Anouilh ne correspondait guère à la fiction héroïque qu’on retrouvait autant dans la Collaboration que dans la Résistance. Il est d’ailleurs difficile de trouver un acteur de l’époque qui pourrait avoir servi
[J’avoue, au moment où je rédige ce commentaire, être en train de rechercher des études sérieuses sur cette pièce. L’ouvrage de Charles Delattre (“Antigone, Jean Anouilh” Bréal) est récurrent suite à une recherche rapide sur Internet. Auriez-vous d’autres références ?]
Non, désolé. Je ne suis pas très féru de critique littéraire. J’aime beaucoup Anouilh, mais je n’ai pas lu grande chose sur lui.
[Cet article dans Marianne aborde une anecdote assez insolite = le vice-président de la chambre basse du Parlement italien, Fabio Rampelli, a retiré le drapeau de l’Union européenne dans son bureau, et l’a remplacé par le drapeau italien (il y a une vidéo). Il faut voir bien sûr le contexte de ce micro-évènement. Mais on peut s’interroger sur le sens de cet acte. Symbolique ou tragique ?]
C’est un micro-évènement à l’échelle de ce qui se passe dans le monde, et qui relève plus du symbolique et n’a rien de tragique. Mais qu’un homme politique à ce niveau le fasse et le montre donne une idée de la dégradation de l’image de la construction européenne. Il y a vingt ans, un tel acte aurait été impensable.
Merci pour votre réponse.
Je ne voulais bien évidemment pas souligner ou pointer votre situation personnelle (vis-à-vis du PCF). S’il y a eu méprise, je tiens à m’excuser.
L’expression de “charme éternel” est évoquée dans un des écrits de Marx (dans “Contribution à la critique de l’économie politique” – passage “Des enfants normaux”) lorsqu’il aborde la fascination de ses contemporains sur l’art grec. S’il estime que l’art (et la littérature) est “consubstantiel” aux conditions de production au sein d’une société donné (comme toute superstructure), il reconnait paradoxalement la puissance d’attraction “transhistorique” concernant la culture grecque. Cet art et cette épopée grec “nous procurent encore une jouissance esthétique et qu’ils gardent pour nous, à certains égards, la valeur de normes et de modèles inaccessibles” (référence précitée).
Je pensais simplement que votre billet s’inspirait aussi de cette analyse.
Encore merci
@ Capitaine Félix
[Je ne voulais bien évidemment pas souligner ou pointer votre situation personnelle (vis-à-vis du PCF). S’il y a eu méprise, je tiens à m’excuser.]
Les excuses ne sont pas nécessaires. Je ne critiquais pas votre commentaire, je me contentais de demander une explication…
[L’expression de “charme éternel” est évoquée dans un des écrits de Marx]
Non, je ne faisais pas référence à cette analyse, même si je pense que l’attraction qu’exerce la culture grecque est intimement liée au fait que notre pensée est intimement marquée par la filiation gréco-latine.
Cher Monsieur,
Je ne suis d’accord à peu près sur rien dans votre papier. La tragédie, d’abord. Ça n’est pas qu’une affaire d’exercice du pouvoir et d’ingratitude, ce serait trop simple. C’est un choc, un antagonisme indépassable entre les intérêts supérieurs de l’Etat et un intérêt privé. A la fin, c’est vrai, tout le monde perd. Vous convoquez la tragédie pour brosser les tensions inhérentes à l’exercice du pouvoir, et vous évoquez le destin amer qui risque de peser sur les acteurs. Mais votre comparaison tragédienne a ses limites. Elle est dérangeante, presque incongrue. C’est bien, vous avez du caractère.
Pardon, mais là où vous convoquez Antigone, moi je vois Les Pieds Nickelés. Que certains hauts fonctionnaires fassent honnêtement leur métier, personne n’en doute. Qu’ils numérotent désormais leurs abattis, on ne peut que les comprendre. Avec le capitaine en culotte courte – et ses seconds – dont ils ont hérité à la barre d’un navire à la dérive, il me paraît parfaitement normal qu’il en soit ainsi.
Au loin, que voient-ils arriver ces hauts fonctionnaires et ces politiques – car vous avez je crois omis de préciser que cette peur ruisselle désormais vers le haut ?
L’armateur. Autrement dit, le peuple. Vous savez, ces coiffeurs et ces chauffeurs de taxi, pour reprendre votre bon mot, ceux qui gouvernent le pays en direct du café du commerce (quand il est ouvert). Curieuse résonance, du reste, entre vos propos et ceux du premier ministre qui fustige à l’Assemblée nationale (je schématise, son humour désopilant étant inimitable) les « y’a-qu’à-faut-qu’on ».
J’oubliais. Derrière l’armateur, on devine aussi les juges qui arrivent dans son sillage.
Et quoi, alors ? Se taire et ne rien penser tant est difficile l’exercice du pouvoir face à l’épreuve ? Je vous lis nous expliquer que la « sphère politico-médiatique » tombe à bras raccourcis sur le gouvernement qui n’en peut mais. Et je me pince. Certes, je ne regarde pas la télé depuis belle lurette. Mais il se trouve que ma femme me fait un résumé des bla-blatages sur les chaines d’infos, et je ne sache pas que le confinement lui ait fait perdre le sens commun. Les médias ne sont plus qu’un relai du pouvoir. Tout le monde le sait, apparemment sauf vous. Bon, il paraît que là, pour donner le change, ils offrent la parole à des commentateurs et des politiques critiques.
Que soient évoqués les mensonges du gouvernement sur l’utilité des masques, puis sur l’état de leur stock, puis sur la réalité de leurs commandes, puis sur l’absence massive de tests alors que l’outil industriel existe en France et que les principes actifs dorment dans les stocks, que ces mensonges dis-je, soient évoqués, c’est bien le moins.
Le réel déchire le rideau. Il l’avait fait avec les gilets jaunes. Plus personne ne doute de l’impéritie de cette équipe de bras cassés.
Au lieu de quoi votre texte revient à recouvrir ce réel du voile de la tragédie. Vous semblez dire « Chut ! Ils exercent le pouvoir. C’est difficile et ingrat ! ». Eh bien permettez-moi de vous dire que « c’est un peu court, jeune homme ».
Merci pour les extraits d’Anouilh. Je vais relire ce texte en effet magnifique. De votre côté, redescendez donc parmi nous et lisez Molière ou les Pieds Nickelés.
@ le Misanthrope contrarié
[Je ne suis d’accord à peu près sur rien dans votre papier.]
Compte tenu de votre choix de pseudo, cela ne devrait pas me surprendre… 😉
[La tragédie, d’abord. Ça n’est pas qu’une affaire d’exercice du pouvoir et d’ingratitude, ce serait trop simple. C’est un choc, un antagonisme indépassable entre les intérêts supérieurs de l’Etat et un intérêt privé.]
Cela va beaucoup plus loin que la simple ingratitude. La mise à mort médiatique ou judiciaire n’est pas moins réelle pour être symbolique. Et le conflit entre l’intérêt de l’Etat et celui d’un homme peut être du registre du tragique.
[Pardon, mais là où vous convoquez Antigone, moi je vois Les Pieds Nickelés. Que certains hauts fonctionnaires fassent honnêtement leur métier, personne n’en doute. Qu’ils numérotent désormais leurs abattis, on ne peut que les comprendre. Avec le capitaine en culotte courte – et ses seconds – dont ils ont hérité à la barre d’un navire à la dérive, il me paraît parfaitement normal qu’il en soit ainsi.]
Vous pensez qu’il soit « normal » que les fonctionnaires « qui font honnêtement leur métier » doivent « numéroter leurs abatis » ? Pour moi, la punition de gens qui ont fait honnêtement – et même plus qu’honnêtement – leur métier est, au sens propre, une tragédie.
[L’armateur. Autrement dit, le peuple. Vous savez, ces coiffeurs et ces chauffeurs de taxi, pour reprendre votre bon mot, ceux qui gouvernent le pays en direct du café du commerce (quand il est ouvert). Curieuse résonance, du reste, entre vos propos et ceux du premier ministre qui fustige à l’Assemblée nationale (je schématise, son humour désopilant étant inimitable) les « y’a-qu’à-faut-qu’on ».]
Je ne vois rien de « curieux » dans cette résonnance. Je pense que sur ce point le Premier ministre et moi partageons, mutatis mutandis, le même constat. La seule différence est que lui risque d’être pendu par ces « y’a qu’a faut qu’on », et pas moi. Cela étant dit, je ne pense pas que « le peuple » se réduise à ceux qui gouvernent le pays depuis la tribune que leur offre BFM ou LCI. C’est peut-être un point sur lequel je n’ai pas assez insisté dans mon papier : ce n’est pas le peuple qui sortira dans la rue exiger la tête de Philippe parce qu’il n’y a pas assez de masques, c’est le peuple médiatique qui s’en chargera.
[Et quoi, alors ? Se taire et ne rien penser tant est difficile l’exercice du pouvoir face à l’épreuve ? Je vous lis nous expliquer que la « sphère politico-médiatique » tombe à bras raccourcis sur le gouvernement qui n’en peut mais. Et je me pince. Certes, je ne regarde pas la télé depuis belle lurette. Mais il se trouve que ma femme me fait un résumé des bla-blatages sur les chaines d’infos, et je ne sache pas que le confinement lui ait fait perdre le sens commun. Les médias ne sont plus qu’un relai du pouvoir. Tout le monde le sait, apparemment sauf vous.]
Lorsque j’entends comme argument que « tout le monde sait que… », mon rasoir d’Occam s’ouvre spontanément. Si le discours des médias est celui que le pouvoir souhaite, alors le pouvoir est bien plus bête que je ne le croyais. Parce que moi, contrairement à vous, je regarde les émissions d’information. Et je défiler une suite de « personnalités » répétant à longueur d’heure que le gouvernement a tout faux, que ses décisions sont scandaleuses…
Non, les médias ne sont pas un « relais du pouvoir ». Ce sont des entreprises commerciales qui vivent que de la publicité. Et l’annonceur ne paye que s’il y a du public pour regarder. Et le public ne regarde que si on lui dit ce qu’il veut entendre. Dans un système concurrentiel, les médias ne forment pas l’opinion, ils la suivent. Si Mélenchon fait de l’audience, alors on aura Mélenchon à l’écran deux fois par jour, tout anticapitaliste qu’il soit. D’ailleurs, l’intéressé l’avait très bien compris et a bâti son succès de 2017 en grande partie en exploitant ce filon, à l’inverse des dirigeants du PCF qui n’ont toujours pas compris que s’ils ne passent pas à la télé ce n’est pas parce que le Grand Kapital les en empêche, mais parce qu’ils sont incapables de tenir un discours qui scotche l’auditeur à l’écran.
Je n’ai jamais dit qu’il faille « se taire et ne rien penser tant est difficile l’exercice du pouvoir face à l’épreuve ». La pensée critique est toujours nécessaire. Mais celui qui critique doit toujours garder en tête combien l’art est difficile, et donc maintenir une position bienveillante, en conformité avec le principe qui veut que la bonne foi se présume, et la mauvaise foi se prouve.
[Que soient évoqués les mensonges du gouvernement sur l’utilité des masques, puis sur l’état de leur stock, puis sur la réalité de leurs commandes, puis sur l’absence massive de tests alors que l’outil industriel existe en France et que les principes actifs dorment dans les stocks, que ces mensonges dis-je, soient évoqués, c’est bien le moins.]
Avant de les « évoquer », il faudrait les prouver. Revenons en le point des tests et des principes actifs. Pourquoi, si l’outil existe il n’est pas employé ? Pourquoi laisse-t-on « dormir les stocks » ? Parce que le gouvernement est méchant ? Parce qu’il est paresseux ? Parce qu’il veut exterminer les Français ? Quelles seraient ses motivations ?
Quant aux masques, là les faits sont bien plus clairs : les stocks constitués dans les années qui ont suivi l’épidémie de 2009 – et qui ont valu à la ministre qui les avait constitués d’être trainée dans la boue accusée d’avoir mal dépensé l’argent public – n’ont pas été entretenus par ses successeurs. Sans que d’ailleurs cela provoque la moindre réaction des oppositions successives : personne ne trouvait que dépenser de l’argent à constituer des stocks de précaution fut un objectif intéressant. A partir de là, le ministère de la Santé s’est trouvé avec des stocks limités pour faire face à la pandémie. Qu’aurait-il fallu dire ? La vérité ? Je voudrais vous voir sortir devant les Français pour leur expliquer que le masque protège, mais qu’on leur refuse pour pouvoir le donner à ceux qui sont les plus exposés. Personnellement, j’aurais recommandé de tenir ce discours. Mais encore une fois, ce n’est pas moi qui prends les tomates – ou pire.
[Le réel déchire le rideau. Il l’avait fait avec les gilets jaunes. Plus personne ne doute de l’impéritie de cette équipe de bras cassés.]
Vous noterez que le manque de masques est du surtout à l’impéritie de l’autre bande de bras cassés. Et que pour des raisons qu’il serait utile d’explorer, personne ne semble leur demander des comptes. C’est donc une question de chance : si vous faites une bêtise, mais que pendant votre mandat on n’en a pas besoin, vous êtes exonéré. Et c’est votre successeur qui pend.
[Au lieu de quoi votre texte revient à recouvrir ce réel du voile de la tragédie. Vous semblez dire « Chut ! Ils exercent le pouvoir. C’est difficile et ingrat ! ». Eh bien permettez-moi de vous dire que « c’est un peu court, jeune homme ».]
Je ne vous permets pas. Oui, exercer le pouvoir en temps de crise est difficile et ingrat. Il faut que les citoyens en soient conscients à l’heure de juger ceux à qui ils ont confié les manettes de l’Etat. Un système dans lequel les dirigeants sont punis ou promus par hasard ou par accident ne peut donner de bons résultats.
Je ne partage pas ce relativisme qui excuse tout.
La pandémie actuelle a été précédée de plusieurs épisodes bien connus de ceux qui s’intéressent aux problèmes de santé publique.
Certains pays en ont tiré d’utiles indications sur les politiques sanitaires à mener.
Les succès de la Corée du Sud et de l’Allemagne ne doivent rien au hasard et renforcent la confiance en leurs dirigeants de larges parties de leur population.
L’amateurisme et l’improvisation d’autres dirigeants montrent leur peu d’intérêt pour le bien commun et suscitent une défiance légitime.
@ diogène479
[Je ne partage pas ce relativisme qui excuse tout.]
Mon point, c’est que lorsqu’on juge de l’action d’un dirigeant, il faut se placer dans le contexte dans lequel ces décisions sont prises. C’est un appel à la justice, pas à un quelconque « relativisme ». Vous noterez par ailleurs que je me suis soigneusement abstenu de tout jugement sur les actes positifs du gouvernement.
[La pandémie actuelle a été précédée de plusieurs épisodes bien connus de ceux qui s’intéressent aux problèmes de santé publique. Certains pays en ont tiré d’utiles indications sur les politiques sanitaires à mener. Les succès de la Corée du Sud et de l’Allemagne ne doivent rien au hasard et renforcent la confiance en leurs dirigeants de larges parties de leur population.]
Excusez-moi, mais sur quoi vous fondez-vous pour dire que les succès de la Corée du Sud ou de l’Allemagne « ne doivent rien au hasard » ? Quelles sont les « leçons » qu’auraient tiré ces pays quand aux politiques de santé à mener ?
[L’amateurisme et l’improvisation d’autres dirigeants montrent leur peu d’intérêt pour le bien commun et suscitent une défiance légitime.]
Je suis moins convaincu que vous. Prenez le cas de la Grande Bretagne : Boris Johnson a une enviable cote de popularité, alors que la pagaille et l’improvisation chez lui est bien pire que chez nous. Et c’est encore pire aux Etats-Unis !
En fait, lorsqu’on regarde bien, il n’y a pas eu tant d’amateurisme et d’improvisation chez nous que ça. La stratégie mise en œuvre pour empêcher la saturation de notre système de soins était rationnelle et a largement réussi. Les ARS et les hôpitaux ont trouvé des solutions originales pour étaler la charge (comme les transports en TGV sanitaires). La politique de gestion des stocks de masques a permis de réserver ce qui était disponible aux personnels les plus exposés. Et j’ajouterai que l’approvisionnement des populations que ce soit en nourriture, en eau, en gaz, en électricité, en carburants, en médicaments a été assuré avec un minimum de perturbations. Si vous croyez que tout ça se fait par opération du Saint Esprit, vous vous trompez.
Vous me parlerez des masques ? Parlons-en. Faut-il rappeler le sort échu à la dernière ministre qui a considéré la constitution de stocks comme une priorité ? A l’époque, tout le monde lui était tombé sur le râble, accusée d’avoir gâché l’argent public. Depuis, les stocks n’ont pas été entretenus, l’organisme responsable de constituer les stocks a disparu, et la stratégie a été « décentralisée ». Où était l’opposition – ou même les oppositions, car plusieurs partis se sont succédés au pouvoir ? Qui a insisté, à l’Assemblée ou ailleurs, pour qu’on mette de côté les quelques dizaines de millions nécessaires à la constitution des stocks ? Personne. Alors aujourd’hui, il est un peu facile de sortir crier qu’il aurait fallu faire ceci ou cela.
L’assurance est toujours trop chère avant l’accident. A l’heure de voter le budget, chacun défend les dépenses qui intéressent sa base électorale… mais personne n’est intéressé à voter les dépenses de précaution. On trouve toujours qu’on dépense trop dans les armes qui serviront en cas de guerre, des masques qui serviront en cas de pandémie, et ainsi de suite. Savez-vous qu’il existe en France depuis 1978 un établissement chargé des ponts de secours, dont la mission est de stocker du matériel et de garder les compétences permettant en cas d’incident sur un ouvrage routier de le réparer ou de le remplacer par un ouvrage provisoire ? Et bien, cet établissement sera supprimé en 2022. Quelqu’un a protesté ? Non, bien sûr que non. Ce qui n’empêchera pas demain, lorsqu’un pont se cassera la gueule, de reprocher à l’Etat son incurie à l’heure de le remplacer.
[Prenez le cas de la Grande Bretagne : Boris Johnson a une enviable cote de popularité, alors que la pagaille et l’improvisation chez lui est bien pire que chez nous. Et c’est encore pire aux Etats-Unis !]
Justement, je voulais soumettre ce cas à votre raisonnement. On apprend ce soir que les taux de satisfaction des peuples européens vis-à-vis de la gestion de la pandémie par leur gouvernement différent largement d’un pays à l’autre: 84% pour l’Autriche, 74% pour l’Allemagne, 61% pour le Royaume-Uni, 55% pour l’Italie et 38% seulement pour la France. La différence de mortalité de l’épidémie peut expliquer une partie de cet écart, mais pas en ce qui concerne les trois derniers pays. Alors, effet de la fortune? Ou les Français correspondraient-ils à la caricature de “jamais contents” qu’on en fait régulièrement?
J’ai aussi l’impression que finalement ces taux correspondent peu ou prou à la popularité de l’exécutif indépendamment de la crise. Comme si l’on était prêts à pardonner plus facilement leurs errements aux leaders que l’on aime bien par ailleurs.
@ matérialiste-patriote
[Alors, effet de la fortune? Ou les Français correspondraient-ils à la caricature de “jamais contents” qu’on en fait régulièrement ? J’ai aussi l’impression que finalement ces taux correspondent peu ou prou à la popularité de l’exécutif indépendamment de la crise. Comme si l’on était prêts à pardonner plus facilement leurs errements aux leaders que l’on aime bien par ailleurs.]
Votre impression est confirmée par les études. On sait depuis longtemps que la crise a pour effet de faire gagner à l’exécutif quelques points de popularité. Le niveau atteint dépend donc très largement du niveau d’où l’on part. Dans le cas de l’exécutif français, il partait d’un point particulièrement bas, ce qui explique qu’il arrive particulièrement mal classé en Europe.
Il y a un effet par contre qui est spécifiquement français, et c’est la baisse très rapide de la popularité de nos gouvernements après l’élection. Nous élisons un président, et quelques semaines après son élection il se trouve déjà dans le rouge… cela tient au caractère gaulois, mais aussi au mode d’élection à deux tours, qui favorise la logique « au premier tour on choisit, au second on élimine ». Ceux qui ont voté pour Macron ont d’abord voté pour éliminer Le Pen. Pourquoi devraient-ils manifester leur confiance au candidat qu’ils ont voté « par défaut » ?
@ Descartes et diogène479
Bonjour,
[En fait, lorsqu’on regarde bien, il n’y a pas eu tant d’amateurisme et d’improvisation chez nous que ça. La stratégie mise en œuvre pour empêcher la saturation de notre système de soins était rationnelle et a largement réussi. – – – – – – – – – – – – – – – – – -l’approvisionnement des populations que ce soit en nourriture, en eau, en gaz, en électricité, en carburants, en médicaments a été assuré avec un minimum de perturbations. Si vous croyez que tout ça se fait par opération du Saint Esprit, vous vous trompez.]
L’amateurisme est inhérent à la situation inédite de ce type de contagion rapide, sans traitement ni vaccin. E. Philippe le reconnaît implicitement quand il dit avec honnêteté « on apprend en avançant ». Difficile de formuler des reproches, surtout de la part des « ministres du verbe » qui n’ont jamais exercé de véritables responsabilités gouvernementales.
L’improvisation est donc une conséquence logique de la position du Premier ministre. C’est la pertinence et la qualité de cette improvisation imposée qui doit être examinée. Et dans le cas présent, nos dirigeants réussissent assez bien dans l’improvisation avec une exception majeure cependant, qui pourtant est considérée comme leur spécialité : la communication.
Mentir ou ne pas mentir ?
Question existentielle qui rappelle la fameuse phrase d’Hamlet. Le choix tactique de mentir, plus confortable à court terme a été retenu.
J’imagine le débat que cela a du animer, durant quelques heures.
À mon sens, cette erreur est fatale.
Le pays, à tort ou a raison, souhaite de manière endémique être gouverné par un « homme fort » tout en le contestant par ailleurs. La crise permettait cette prise de position et la population n’avait d’autre choix que d’y consentir. Le pouvoir a montré là qu’il n’était pas à la hauteur politique requise, même si sa gestion technique peut difficilement être critiquée.
Maintenant, pour s’en convaincre, il me semble intéressant d’examiner et d’analyser cette communication gouvernementale, ainsi que sa suite avec ses pas de clerc successifs, par ce qu’elle peut révéler des caractéristiques de l’exécutif. Ce regard en parallaxe découvre, ou au moins, laisse supposer des éléments cachés de la gouvernance. Les détails considérés comme secondaires sont souvent bien plus révélateurs que ce qui est affiché ouvertement.
@ Marcailloux
[L’amateurisme est inhérent à la situation inédite de ce type de contagion rapide, sans traitement ni vaccin. E. Philippe le reconnaît implicitement quand il dit avec honnêteté « on apprend en avançant ». Difficile de formuler des reproches, surtout de la part des « ministres du verbe » qui n’ont jamais exercé de véritables responsabilités gouvernementales. L’improvisation est donc une conséquence logique de la position du Premier ministre.]
Je crois que vous faites une confusion entre « amateurisme » et « improvisation ». Je suis d’accord avec vous pour dire que dans une situation nouvelle, imprévisible et pour laquelle il n’y a pas vraiment d’expérience ou de précédent, l’improvisation est inévitable, et la capacité à improviser – sans compter le courage, parce qu’il faut du courage pour s’engager sur une voie que personne avant vous n’a empruntée – doit être considérée comme une qualité. Il fut un temps où nous étions fiers d’être le « pays du système D ». Il faudrait peut-être revenir à cet esprit…
L’amateurisme, c’est autre chose… L’amateur est celui qui fait un métier par plaisir sans avoir pour cela ni les qualifications, ni l’expérience, ni la pratique d’un vrai professionnel… pas quelque chose de très recommandable dans la direction d’un Etat !
[C’est la pertinence et la qualité de cette improvisation imposée qui doit être examinée. Et dans le cas présent, nos dirigeants réussissent assez bien dans l’improvisation avec une exception majeure cependant, qui pourtant est considérée comme leur spécialité : la communication.]
Le problème est surtout qu’ils ont essayé de faire de la communication dans un contexte où il aurait fallu faire de l’information. On se trouve toujours devant le même dilemme : le discours est-il un outil de gestion de la crise, ou bien un moyen de mettre en valeur l’action du gouvernement ? La plupart des errements qu’on peut voir dans cette affaire viennent de la confusion des deux rôles.
@ Descartes,
Bonjour,
[Je crois que vous faites une confusion entre « amateurisme » et « improvisation »]
Pas du tout.
En effet, il me semble que par nature, un élu est un amateur, au sens très noble du mot. Son rôle n’est pas de régler des questions techniques, organisationnelles, scientifiques, constitutionnelles, juridiques, etc . . . . . , L’ENA et d’autres grandes écoles ou institutions, les fonctionnaires experts sont là pour apporter le professionnalisme requis.
Sa compétence s’exerce dans un cadre multidisciplinaire où il ne peut être multispécialiste au niveau nécessaire pour prendre des décisions qui engagent la nation.
Dans le cas du Covid-19, ce sont essentiellement des scientifiques de haut niveau qui le conseillent. Mais il reste un amateur en tant que décideur dans l’improvisation pour la plupart des cas, car les problèmes qui surviennent sans crier « gare » se présentent avec une multitude de facteurs plus ou moins contradictoires. Il doit décider sans posséder de réponse idéale inscrite dans les manuels d’enseignements professionnels.
C’est toute la différence entre l’artisan et l’artiste. L’un maitrise un art établit, codé, normalisé, institutionnalisé avec talent quelquefois. L’autre crée des réponses adéquates ou inadéquates, selon son génie et ses sens politiques, éthiques, esthétiques, et pour cela il improvise, c’est a dire qu’il crée, sur le champ, les conditions inédites de résolution d’un problème.
Les deux termes ne se contredisent pas, ils se déduisent l’un de l’autre.
@ Marcailloux
[En effet, il me semble que par nature, un élu est un amateur, au sens très noble du mot. Son rôle n’est pas de régler des questions techniques, organisationnelles, scientifiques, constitutionnelles, juridiques, etc …]
Vous posez une question intéressante, celle de savoir si gouverner est ou non un métier. Parce que si ce n’est pas un métier, la distinction entre « amateurs » et « professionnels » n’a pas véritablement de sens. Cela étant dit, c’est moins la « nature » de l’élu que son niveau qui joue ici. Je veux bien qu’on puisse considérer le maire d’un village, élu essentiellement parce que ses concitoyens le connaissent et l’apprécient, soit du point de vue de la technique de gouvernement un amateur. Mais pour être élu président de la République, il faut être un professionnel de la chose politique.
Maintenant, pour revenir à votre question, faudrait-il considérer la politique comme un métier ? Faudrait-il créer des écoles ou des formations universitaires visant à former des « professionnels » de la représentation du peuple, et faire une condition, pour être candidat, d’avoir suivi ces formations ?
[L’ENA et d’autres grandes écoles ou institutions, les fonctionnaires experts sont là pour apporter le professionnalisme requis.]
Tout à fait d’accord. C’est pourquoi le bon gouvernement passe par l’organisation des rapports entre des fonctionnaires ayant la compétence technique, et les élus qui ont, eux, la légitimité de la délégation accordée par le souverain, de telle manière que chacun reste à sa place et n’empiète sur les domaines de l’autre. Malheureusement, je ne trouve pas aujourd’hui dans les partis politiques une véritable réflexion sur ce sujet. On oscille entre la diabolisation des fonctionnaires qui empêcheraient les politiques de gouverner, et la critique d’élus concevant des dispositifs absurdes, illégaux ou irrationnels par manque de connaissances techniques.
[Dans le cas du Covid-19, ce sont essentiellement des scientifiques de haut niveau qui le conseillent. Mais il reste un amateur en tant que décideur dans l’improvisation pour la plupart des cas, car les problèmes qui surviennent sans crier « gare » se présentent avec une multitude de facteurs plus ou moins contradictoires. Il doit décider sans posséder de réponse idéale inscrite dans les manuels d’enseignements professionnels.]
Tout à fait. C’est pourquoi il faut une certaine bienveillance de la part du souverain, et qu’il faut être prudent avant de crier à l’incurie ou à l’incompétence.
@ Descartes
[Faudrait-il créer des écoles ou des formations universitaires visant à former des « professionnels » de la représentation du peuple, et faire une condition, pour être candidat, d’avoir suivi ces formations ?]
Il y a quelques années, je me posais plutôt la question sur la pertinence d’un “examen de capacité à voter”. C’est à dire un suffrage capacitaire basé sur la connaissance d’un minimum de ce qui fait la vie de la nation.
Question sulfureuse que je n’ose pas trop évoquer !
@ Marcailloux
[Il y a quelques années, je me posais plutôt la question sur la pertinence d’un “examen de capacité à voter”. C’est à dire un suffrage capacitaire basé sur la connaissance d’un minimum de ce qui fait la vie de la nation.]
Dans un pays ou l’instruction est obligatoire jusqu’à 16 ans, cette “capacité” devrait aller de soi…
[Excusez-moi, mais sur quoi vous fondez-vous pour dire que les succès de la Corée du Sud ou de l’Allemagne « ne doivent rien au hasard » ? Quelles sont les « leçons » qu’auraient tiré ces pays quand aux politiques de santé à mener ? ]
Nombre de morts par million d’habitants à la date du 8 mai:
Nouvelle Zélande 5
Corée du Sud 10
Allemagne 87
France 387
Royaume Uni 460
Italie 496
Espagne 559
Ces énormes divergences résultent entr’autres d’interventions différentes dans leur nature et dans leur timing. Les raisons plus précises de ces écarts font encore l’objet d’âpres polémiques mais il semble évident que certains pays ont été plus avisés que d’autres en raison sans doute de différences institutionnelles (critères de choix des experts officiels par exemple).
[Je suis moins convaincu que vous. Prenez le cas de la Grande Bretagne : Boris Johnson a une enviable cote de popularité, alors que la pagaille et l’improvisation chez lui est bien pire que chez nous. Et c’est encore pire aux Etats-Unis ! ]
Selon une enquête Ipsos menée entre le 23 et le 26 avril et publiée le 4 mai 59% des habitants du Royaume Uni (272 morts par million d’habitants au 26 avril) s’estiment au moins satisfaits de l’action de leur gouvernement par rapport au Covid. En Allemagne (61 morts par million d’habitants au 26 avril) ce pourcentage s’établit à 75%. En France (317 morts par million d’habitants au 26 avril) il est de 43%.
Ces chiffres montrent un certain lien entre la satisfaction des habitants et le nombre de morts enregistrés. Je concède qu’à l’évidence d’autres facteurs exercent leur influence.
@ diogène479
[Nombre de morts par million d’habitants à la date du 8 mai:]
Premier point important. La « date du 8 mai » ne correspond pas au même stade de l’épidémie dans tous les pays, puisque le « point zéro » ne se situe pas à la même date. Comparer le nombre de morts à une date donnée n’a donc pas de sens. Mieux vaut comparer le nombre de mort a J0+N, le J0 défini par exemple comme la date à laquelle tel ou tel nombre de cas ont été constatés.
[Ces énormes divergences résultent entr’autres d’interventions différentes dans leur nature et dans leur timing. Les raisons plus précises de ces écarts font encore l’objet d’âpres polémiques mais il semble évident que certains pays ont été plus avisés que d’autres en raison sans doute de différences institutionnelles (critères de choix des experts officiels par exemple).]
Pour le moment, on n’a que peu « d’évidences » sur les raisons qui expliquent ces différences. Si vous étendez vos chiffres à l’ensemble du monde, vous remarquerez que certains pays ont réagi tardivement et pourtant ont peu de morts, alors que d’autres qui ont pourtant réagi rapidement en ont beaucoup. En France même, alors que la politique a été uniforme sur le territoire vous avez des régions très lourdement contaminées (le grand Est) alors que d’autres tout aussi densement peuplées n’ont que peu de cas et de morts. Il y a aussi une problématique statistique qui est loin d’être évidente lorsqu’il s’agit d’attribuer un décès au coronavirus : lorsqu’une personne décède d’un cancer terminal alors qu’il est infecté par le coronavirus, doit on considérer sa mort comme une conséquence de quelle maladie ?
C’est pourquoi il faut être très prudent lorsqu’on compare des chiffres de différents pays. Ce n’est qu’à la fin de l’épidémie qu’on saura quelle était la stratégie la plus pertinente…
[Selon une enquête Ipsos menée entre le 23 et le 26 avril et publiée le 4 mai 59% des habitants du Royaume Uni (272 morts par million d’habitants au 26 avril) s’estiment au moins satisfaits de l’action de leur gouvernement par rapport au Covid. En Allemagne (61 morts par million d’habitants au 26 avril) ce pourcentage s’établit à 75%. En France (317 morts par million d’habitants au 26 avril) il est de 43%. Ces chiffres montrent un certain lien entre la satisfaction des habitants et le nombre de morts enregistrés. Je concède qu’à l’évidence d’autres facteurs exercent leur influence.]
Et comment entrent dans cette corrélation l’Espagne et l’Italie ?
[J’aime beaucoup Anouilh, mais je n’ai pas lu grande chose sur lui.]
Puisqu’on parle littérature, quelles oeuvres littéraires vous ont le plus marqué? Je suis à la recherche de “transmission” en matière littéraire, car mes connaissances des grandes oeuvres sont assez limitées, et j’ai la chance d’avoir beaucoup de temps en ce moment. Je viens de commencer Illusions perdues de Balzac, un gros morceau mais sa description de la société française du début du XIXe siècle est tout bonnement passionnante.
@ matérialiste-patriote
[Puisqu’on parle littérature, quelles oeuvres littéraires vous ont le plus marqué? Je suis à la recherche de “transmission” en matière littéraire, car mes connaissances des grandes œuvres sont assez limitées,]
Les œuvres qui m’ont le plus “marqué” ne sont pas forcément des “grandes oeuvres” au sens classique du terme. Il y a aussi le moment où on les lit. Ainsi, par exemple, j’ai été marqué par le premier livre “sérieux” que j’ai lu: c’état “le hobbit” de JRR Tolkien. J’ai aussi été marqué par “Le Chateau”, de Kafka, que j’ai lu en une après-midi lorsque j’étais adolescent et qui m’avait fasciné… surtout la fin (pas de spoiler). J’ai été fasciné par “les sorcières de Salem” d’Arthur Miller. J’ai ri aux larmes avec “A la garde” de Terry Pratchett (je l’ai lu dans un hall d’aéroport en attendant un vol, tous mes voisins se demandaient ce qui m’arrivait). J’ai failli pleurer avec “la ligne verte” de Stephen King (livre très inégal, l’histoire principale en raconto est magnifiquement écrite, mais elle est polluée par une histoire secondaire en présent totalement ininitéressante). Je vous conseille aussi les nouvelles de Saki, un auteur britannique du début du XXème siècle, ou celles de Damon Runyon, auteur américain des années 1920 qui sont magnifiques.
Pour ce qui concerne la littérature française… je dois dire que je n’aime pas le roman psychologique. Les gens qui racontent leur histoire, les personnages qui regardent leur nombril m’ennuient. Or, c’est l’essentiel de la littérature française contemporaine. Je me contente donc des classiques (rien de plus beau que la versification française d’un Racine ou d’un Corneille). Parmi les auteurs du XXème siècle, je suis toujours fasciné par Aragon, le romancier mais surtout le poète. Proust a des pages magnifiques, mais il n’est tolérable qu’en petites doses (une page avant d’aller dormir…). “Vipère au poing” de Bazin m’avait aussi beaucoup marqué. J’adore Anouilh (en particulier les pièces grinçantes, comme “l’amour puni”)…
Merci pour tous ces conseils, certains des noms que vous donnez me sont parfaitement inconnus! En revanche, c’est drôle, “Au guet!” (car je pense que c’est celui-ci que vous avez appelé “A la garde”, du fait de son titre anglais “Guards! Guards!”) est justement sur ma table de chevet.
Je vous rejoins dans votre critique du roman psychologique, j’aime les personnages inscrits dans leur classe sociale, dans l’histoire collective, et pas seulement comme caractères flottants dans l’abstrait. C’est ce que je trouve extraordinaire chez Balzac: on a l’impression que la société du XIXe siècle revit sous nos yeux, et on la comprend presque mieux qu’en lisant Marx dans le texte.
@ materialiste patriote
[Merci pour tous ces conseils, certains des noms que vous donnez me sont parfaitement inconnus! En revanche, c’est drôle, “Au guet!” (car je pense que c’est celui-ci que vous avez appelé “A la garde”, du fait de son titre anglais “Guards! Guards!”) est justement sur ma table de chevet.]
Désolé. En fait, j’ai lu le livre dans la langue originale, et j’ai traduit sans vérifier que le nom n’avait pas été modifié. Pratchett a beaucoup écrit, et si tous ses livres sont amusants, certains sont vraiment magnifiques et très profonds malgré les apparences. Je pense en particulier aux “Petits dieux”, “Mortimer”, “La vérité”, “trois soeurcières” (seulement pour les amateurs de Shakespeare), “Timbré” et “allez les mages”… je dois dire qu’ils perdent beaucoup à la traduction. Si vous lisez l’anglas, je vous recommande d’aller à l’original. Par ailleurs, un auteur qui a travaillé pour l’industrie nucléaire et qui a soutenu le Brexit ne peut être mauvais!
[C’est ce que je trouve extraordinaire chez Balzac: on a l’impression que la société du XIXe siècle revit sous nos yeux, et on la comprend presque mieux qu’en lisant Marx dans le texte.]
Si ma mémoire ne me trompe pas, Marx lui-même avait loué Balzac et Dickens comme ayant fourni la meilleure description de la constitution de la société capitaliste.
@materialiste patriote
[ Puisqu’on parle littérature, quelles œuvres littéraires vous ont le plus marqué ? ]
Bien que cette question soit adressée à Descartes, me permettrez-vous d’intervenir ?
Contrairement à lui, je suis un lecteur tardif : il n’y a guère qu’une dizaine d’années – depuis que les enfants on quitté la maison, en fait – que je ne passe pas une journée sans bouquin.
Sur cette (courte) période, deux livres m’ont marqué : « 1984 » d’Orwell et « L’étranger » de Camus.
« 1984 » m’a impressionné par son actualité, tant le monde actuel ressemble à celui décrit dans le roman. J’ai dû le relire 3 ou 4 fois. Dans le même genre, « Le meilleur des mondes » ma bien plu, alors que « Fahrenheit 451 » m’a emmerdé. Sans doute faudrait-il que je le relise.
Avec « L’étranger », j’ai pris une claque dès les deux premières lignes. Et j’ai avalé le bouquin d’un trait. Un troisième, peut-être : « En attendant Godot » de Samuel Beckett. Étonnant qu’on puisse être emporté par un bouquin où il ne se passe rien, finalement. « Les fourmis » de Boris Vian, aussi sur le thème de l’absurde.
Concernant la littérature moins contemporaine, j’ai bien aimé « Quatrevingt-treize » de Victor Hugo – bouquin qui ma amené à lire « Les Chouans » de Balzac, sur le même thème de la guerre de Vendée. « Au bonheur des dames » d’Émile Zola, malgré l’épaisseur du bouquin un peu effrayante au début m’a passionné, tant y sont décrits avec détail les ravages causés chez les petits boutiquiers par l’arrivée des grands magasins. Et puis l’histoire d’amour rend ce roman gouleyant.
Concernant la littérature classique, je suis comme vous assez ignorant. Mais j’ai trouvé un bouquin qui m’a donné envie d’en savoir plus : « Une autre histoire de la littérature française » de Jean d’Ormesson. A suivre…
Concernant les essais, j’ai bien aimé « La fabrique du Crétin » de Jean-Paul Brighelli, « La défaite de la pensée » d’Alain Finkielkraut, « Le Suicide français » d’Éric Zemmour. Dans le domaine de l’astrophysique qui me passionne, « Poussières d’étoiles » d’Hubert Reeves », « Il était 7 fois la révolution » d’Étienne Klein (ses conférences sur Youtube sont passionnantes aussi).
Enfin, mon grand amour de littérature (je dis bien littérature) : San-Antonio. Si, si, vous avez bien lu ! Dans aucuns autres livres je n’ai pris un tel plaisir. Ce type (Frédéric Dard) m’a rappris ma langue. Moins les mots (quoiqu’un dictionnaire est souvent utile) que la manière de s’en servir. Ce type était un virtuose. J’ai lu et relu ses 175 romans. Je ne passe pas un mois sans relire un San-Antonio. Anti dépresseur garanti. Pour ceux qui ne connaissent pas – les povres – je conseille de commencer par la période 1960-1980. Actuellement je relis « C’est mort et ça ne sait pas ! ». Rien que le titre…
Sinon, en cours de lecture en ce moment hormis San-A, « Zadig » (jamais lu jusque là, j’ai honte) et « Le théorème du perroquet »
@ BJ
[Sur cette (courte) période, deux livres m’ont marqué : « 1984 » d’Orwell et « L’étranger » de Camus.
« 1984 » m’a impressionné par son actualité, tant le monde actuel ressemble à celui décrit dans le roman. J’ai dû le relire 3 ou 4 fois.]
« 1984 » est un livre fascinant. Pendant très longtemps il a été présenté – notamment par les anticommunistes – comme une métaphore de l’univers stalinien, une dystopie de plus qui ne nous concernait que marginalement. Il a fallu la disparition de l’URSS pour que le roman d’Orwell prenne sa dimension universelle, pour qu’on découvre qu’il parle de nous. Et puis, il est extraordinaire de constater combien les racines de notre monde actuel étaient déjà perceptibles à la fin des années 1940…
Je profite pour ajouter deux livres qui m’ont véritablement marqués et dont je conseille la lecture. Le premier est « Sa majesté des mouches », de William Goldring, réflexion fascinante sur la civilisation et le mythe du « bon sauvage ». Le second est « Orange Mécanique » d’Anthony Burgess, qui touche à la question de la morale et du libre arbitre.
[Enfin, mon grand amour de littérature (je dis bien littérature) : San-Antonio.]
Beurk ! Franchement, je n’ai jamais accroché. Je sais que beaucoup de gens le tiennent pour un grand auteur et un virtuose de la langue, mais franchement, j’y arrive pas.
@Descartes
[Beurk ! ]
Je vous en prie, n’en dégoutez pas les autres 😉
L’hubris de Créon (le Pouvoir se permettant de transgresser la décence commune au point de laisser les morts sur la terre et d’enterrer la vivante sous terre) : dénoncée chez Sophocle, mais pas chez Anouilh.
Pendant des années, j’ai signalé à mes élèves que la pièce fut jouée dans le Paris occupé de 1944. Et donc avait dû passer la censure tant nazie que pétainiste de l’époque. D’où l’ambiguïté fondamentale de cette pièce : les uns, à la lecture du texte, pouvaient voir en Antigone une résistante, les autres, en Créon, un sage chef de gouvernement qui, comme l’expliqua Pétain en juin 40, doit se sacrifier au nom du bien commun (le bateau dont il faut tenir la barre, en tirant sur le premier matelot qui oserait désobéir ou n’obéirait par assez vite) et donc s’opposer à l’idéalisme juvénile d’une jeune exaltée, individualiste voire suicidaire.
Il aurait fallu voir la pièce jouée : selon le jeu des comédiens, Antigone pouvait, très visiblement, paraître une adolescente grincheuse et individualiste, dangereuse pour l’ordre public et donc la paix civile, et passer davantage pour repoussoir qu’héroïque résistante à imiter. Et Créon pouvait incarner le vieux sage, à la fois homme d’Etat et petit grand-père du peuple compréhensif qui essaie jusqu’au bout de sauver la jeune écervelée de ses fièvres juvéniles et de son romantisme (son gaullisme ?) de “résistante”.
Si (indépendamment de toute mise en scène) on étudie froidement le texte d’Anouilh, il semblerait qu’il s’agisse bien d’une pièce justifiant la collaboration et la Raison d’Etat. Et la (terrible) métaphore du bateau illustre aussi combien vite la Raison d’Etat (ou le Salut Public) justifierait la mort immédiate sans jugement à celui qui serait considéré comme n’obéissant pas assez vite aux ordres du chef. Nous serions là dans ce qui relève de la “justice” (?) expéditive des peuples “en guerre”, des armées au front, où l’officier a le droit d’abattre sur place le récalcitrant ou le déserteur qui ne jaillirait pas assez vite de la tranchée.
Raison d’Etat qui n’est pas un état de raison. Raison d’Etat qui autorise bien des mensonges avec lesquels il faut gouverner un peuple de “veaux” (“les brutes que je gouverne”, dit Créon, et qu’illustre très bien le comportement des odieux gardes qu’Anouilh met à son service, suant de trouille face au Chef, et salopards jouissant de leur force face à la faible fille qu’ils ont arrêtée).
Sur le fond du commentaire de Descartes, qui me semble une fois de plus mettre dans le mille (sinon dans le B. DeMille, tant nous vivons des époques épiques), j’y reviendrai une autre fois.
@ Claustaire
[Il aurait fallu voir la pièce jouée : selon le jeu des comédiens, Antigone pouvait, très visiblement, paraître une adolescente grincheuse et individualiste, dangereuse pour l’ordre public et donc la paix civile, et passer davantage pour repoussoir qu’héroïque résistante à imiter. Et Créon pouvait incarner le vieux sage, à la fois homme d’Etat et petit grand-père du peuple compréhensif qui essaie jusqu’au bout de sauver la jeune écervelée de ses fièvres juvéniles et de son romantisme (son gaullisme ?) de “résistante”.]
J’ai vu la pièce dans la mise en scène de Nicolas Briançon, avec Robert Hossein dans le rôle de Créon (la pièce est disponible sur Youtube). Je doute qu’il y ait chez le metteur en scène ou l’auteur une volonté de valoriser Pétain. Je ne pense pas d’ailleurs que l’image de Créon que propose Anouilh ait pu à l’époque correspondre à l’image que les pétainistes donnaient du Maréchal. Le Créon d’Anouilh est d’abord un cynique, capable de faire des funérailles nationales à un cadavre inconnu par nécessité politique. Un homme qui méprise le « bavardage » des prêtres, mais qui les utilise parce que le peuple en a besoin. Rien à voir avec l’image d’un Pétain dont le premier titre de gloire était de dire la vérité aux français, de renoncer aux « mensonges qui nous ont fait tant de mal ». Le Créon d’Anouilh beaucoup plus proche du politicien madré de la IIIème République que de l’image que le pétainisme donnait de lui-même.
[Si (indépendamment de toute mise en scène) on étudie froidement le texte d’Anouilh, il semblerait qu’il s’agisse bien d’une pièce justifiant la collaboration et la Raison d’Etat.]
La raison d’Etat, certainement. La collaboration… je ne trouve franchement aucun élément dans le texte qui accrédite pareille idée. Notez d’ailleurs que si Créon offre des funérailles nationales à Etéocle et les refuse à Polynice, c’est parce que ce dernier s’est ostensiblement allié pour faire avancer sa cause avec des étrangers contre la cité, alors qu’Etéocle, lui, a fait mine de la défendre.
Je ne pense pas, personnellement, qu’Anouilh ait voulu faire une pièce a clefs, qu’il ait voulu prendre parti pour l’un ou faire le portrait de l’autre. Je pense qu’il a voulu mettre en scène la tragédie du pouvoir, et que la richesse de la pièce vient justement de l’universalité de cette situation, qui permet à chaque époque de « reconnaître » en elle tel ou tel personnage.
C’est à force de travailler, tant sur le texte d’Anouilh que sur cette mise en scène d’Antigone (avec R. Hossein et B. Schultz, qui me semble la meilleure de celle que je connais, quoi qu’en disent certains : http://broucecile.canalblog.com/archives/2008/03/24/8451880.html )
que j’ai fini par penser, notamment en voyant aussi le personnage d’Antigone différemment joué par mes élèves au fil de différentes années scolaires, combien c’est la mise en scène elle-même, le jeu de la comédienne l’incarnant, qui pouvait décider de faire d’Antigone une vaillante résistante ou une adolescente bravache et suicidaire juste mal dans sa peau.
Mais vous avez raison de rappeler que c’est par l’ambiguïté même de son texte qu’Anouilh a donné à sa pièce à la fois une modernité et une universalité qui lui donne toute sa valeur et son intérêt à être vue ou étudiée.
@ Claustaire
[C’est à force de travailler, tant sur le texte d’Anouilh que sur cette mise en scène d’Antigone (avec R. Hossein et B. Schultz, qui me semble la meilleure de celle que je connais, quoi qu’en disent certains : (…)]
J’ai trouvé cette critique étrange, car je n’ai pas l’impression d’avoir regardé la même pièce. Je ne trouve pas Créon particulièrement « violent ». La violence des gestes de Créon souligne plutôt la violence de la situation que le caractère du personnage. Peut-être parce que ma sympathie va au personnage de Créon plutôt qu’à Antigone, ce qui n’est pas le cas de l’auteure de la critique ?
Dans une tragédie, tous les protagonistes ont tort d’avoir raison (et réciproquement), dit-on.
Utile rappel que nous prodigue Descartes : la science n’énonce que des hypothèses tenues pour vraies en attendant leur éventuel démenti (ce qui n’empêche pas que des application technologiques adoptées au vu de cette science puissent entraîner des résultats parfois tragiques), alors que la politique exige des décisions souvent à prendre au jour le jour en fonction de l’évolution du pays ou du monde : et même un gouvernement fort légitime et populaire (ce qui n’est malheureusement pas le cas de notre actuel gouvernement Macron, ni des nombreux précédents nous rappellera-t-on) pourra être conspué suite à des décisions prises par ces gouvernants (en fonction de leur savoir, de leur connaissance des réalités) mais contestées par le peuple (en fonction de son ignorance, sinon du haut de son ignorance lorsqu’on se persuade que vox populi vox dei).
Mais le scientifique comme le politique pense disposer d’informations (qui même éventuellement incomplètes) lui paraîtront suffisantes pour lui permettre d’émettre ses hypothèses, exposer sa science ou décider de ses mesures ou décrets. L’ennui, c’est que le peuple, si vulgum pecus fût-il, est persuadé lui aussi de ses savoirs (tout le monde sait que…) et au nom de cette science infuse voire confuse, il peut lui paraître évident que les “autorités” (qu’elles soient scientifique, médicale ou politique) font les mauvais choix.
En outre, comme les médias, condamnés à informer sur de l’inhabituel ou du catastrophique (un train qui arrive à l’heure, ce n’est pas une nouvelle ni donc une info), ne pointent le plus souvent que ce qui ne va pas, il est normal que le bon peuple ne soit informé que de ce qui ne va pas, et finisse, fatalement, de plus en plus “en colère” ou revête un GJ pour bien se faire voir (tout en expliquant que c’est au gouvernement d’aller se faire voir :-). Ce n’est pas malveillance de la part des médias. Même si leur obstination systématique dans le pointage de ce qui ne va pas finit forcément par paver les chemins d’un enfer de chienlit avec les meilleures intentions informatives. Cependant, le même système médiatique étant plus ou moins à l’oeuvre partout dans le monde, cela n’explique donc pas pourquoi notre pays serait à la fois si bouffi d’orgueil national que pétri de térébrants doutes existentiels.
On nous dira qu’au pays de Descartes (René), où l’on se flatte de savoir douter de tout, mais où l’on confond aisément esprit critique et esprit de critique, il est fatal qu’on se persuade qu’il n’est de bonne science qui ne critique ce qu’on lui demande de croire, ni de bonne politique qui ne conteste les autorités qui prétendraient faire autorité parce qu’autorités, etc.
Ce qui est tragique dans la situation de la France, c’est que sondages internationaux après analyses internationales signalent que c’est dans notre pays qu’on se méfie le plus de soi-même, des autres, des médicaments (même si on en consomme plus qu’ailleurs), de ses élus (même si on les a soi-même élus), etc. Et actuellement, notre gouvernement sait qu’il est un des plus fragiles de tous les gouvernements d’Europe, le moins bien élu, dit-on (Macron aura été moins élu que Marine Le Pen rejetée, etc.), et quoique parfaitement légal, il passe pour des plus illégitimes aux yeux de son opposition voire de ses soutiens politiques, financiers ou médiatiques.
Entre temps, nous sommes entrés dans un système socio-culturel où la victime est devenue le héros des temps modernes, où le premier à savoir se dire davantage victime que son voisin prétend acquérir sur lui des droits supérieurs à la médiatisation voire à quelque compensation financière, etc. Et dans ce système (droit-de-l’hommiste, diront certains), chacun sait pouvoir compter sur tout un quasi cursus honorum de juridictions diverses devant lesquelles savoir se poser en victime et donc accuser quelque coupable, avec des possibilités d’appel et de plaintes quasi interminables, en partant d’un tribunal local jusqu’à quelque institution européenne ou internationale devant laquelle se plaindre et accuser. Au point que l’on finirait par penser que la France est devenue le pays des quérulents processifs ( https://justice.ooreka.fr/astuce/voir/553917/querulent-processif ).
Et pourtant, de même que l’on peut se complaire à savoir se plaindre et le plus souvent donc à pouvoir accuser autrui, l’administration, les “autorités”, sinon le Ciel, on aime être de ceux qui partagent ce qu’on dit être l’opinion publique : on aime être du côté des plus nombreux, de ceux qui donc théoriquement ont raison, puisque partageant le même bon sens commun. Ne nous étonnons donc pas non plus que les jugements (bons ou mauvais) de l’opinion publique (pas seulement en France) puissent varier au fil des émotions, quasiment au jour le jour, et que le Capitole soit plus proche que jamais de la roche Tarpéienne laquelle, au moment même où l’on en serait jeté, peut devenir le tremplin de votre future gloire parce que vous aurez été une brillante victime (voir, par exemple, la conjonction récente du destin médical et médiatico-politique de Boris Johnson).
Mais à la différence du Créon d’Anouilh, autocrate qui sait comment manipuler par mensonge, terreur et propagande les “brutes que je gouverne” (dit-il), notre gouvernement ne saurait prendre la moindre mesure (voire y renoncer après une virulente opposition populaire ou politique) sans être critiqué, moins pour ce qu’il fait (ou ne fait pas) que pour ce qu’il passe pour être, pour ce qu’on l’accuse d’être : un gouvernement d’oligarques, de riches, de banquiers au service des riches et des puissants. Ainsi, en notre pays, la critique politique est devenue existentielle, essentialiste : le gouvernement n’est plus critiqué pour ses (in)actions mais, quoi qu’il fasse ou ne fasse pas, sur sa seule et simple existence.
Et en ce sens, notre pays n’est plus un pays gouvernable, tant il est devenu un pays d’émotions médiatiques, de populisme d’irresponsables, d’infantilisés, peuple d’enfants qui se racontent des histoires d’ogres et de méchants. Et notre tragédie est sans doute là : “Malheur au pays dont le Prince est un enfant”.
@ Claustaire
[Mais le scientifique comme le politique pense disposer d’informations (qui même éventuellement incomplètes) lui paraîtront suffisantes pour lui permettre d’émettre ses hypothèses, exposer sa science ou décider de ses mesures ou décrets. L’ennui, c’est que le peuple, si vulgum pecus fût-il, est persuadé lui aussi de ses savoirs (tout le monde sait que…) et au nom de cette science infuse voire confuse, il peut lui paraître évident que les “autorités” (qu’elles soient scientifique, médicale ou politique) font les mauvais choix.]
En fait, la dialectique entre les « autorités » et le « peuple » est bien plus complexe. Le « peuple », particulièrement en France, est bien plus conscient de la hiérarchie des savoirs qu’on pourrait le penser, surtout lorsqu’on écoute les médias. Oui, on trouvera toujours une Mme Michu à mettre devant un micro et qui prétendra que sa « science infuse » vaut celle des experts. Mais lorsqu’ils réfléchissent à tête reposée, la plupart des Français – surtout ceux du « vulgum pecus » – sont bien plus rationnels qu’on ne l’imagine. La preuve en est qu’en France le populisme gauchiste qui vomit « ceux qui savent » reste très largement marginal. Le « peuple » peut râler – on est des Gaulois après tout – mais une recommandation qui a l’imprimatur des « autorités » scientifiques ou médicales a toutes les chances d’être reconnue. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si le politique se cache souvent derrière les « experts »…
[En outre, comme les médias, condamnés à informer sur de l’inhabituel ou du catastrophique (un train qui arrive à l’heure, ce n’est pas une nouvelle ni donc une info), ne pointent le plus souvent que ce qui ne va pas, il est normal que le bon peuple ne soit informé que de ce qui ne va pas, et finisse, fatalement, de plus en plus “en colère” ou revête un GJ pour bien se faire voir (tout en expliquant que c’est au gouvernement d’aller se faire voir :-).]
Mais là encore, le mouvement des Gilets Jaunes n’était pas un mouvement « anti-autorités ». C’était au contraire un mouvement qui exigeait des autorités qu’elles fassent le boulot pour lequel elles sont désignées et payées. Je pense qu’on n’a pas assez insisté sur ce point : la position des Gilets Jaunes n’était pas « voilà ce qu’il faut faire ». Interrogés, la plupart insistaient au contraire sur le fait que c’est aux politiques, aux institutions de travailler sur ce point. Les GJ posaient un problème, ils ne prétendaient pas détenir la solution.
[Ce n’est pas malveillance de la part des médias. Même si leur obstination systématique dans le pointage de ce qui ne va pas finit forcément par paver les chemins d’un enfer de chienlit avec les meilleures intentions informatives.]
Ce n’est ni de la malveillance, ni de « l’intention informative ». Les médias, ce sont des entreprises qui cherchent à gagner de l’argent. Or, quand on vit de la publicité, on gagne de l’argent en attirant du public. Et qu’est ce qui attire aujourd’hui ? Le scandale, le victimisme. Dénoncez l’incurie d’untel ou untel, et vous aurez du public. Parlez du travail bien fait, et vous n’aurez personne.
[Ce qui est tragique dans la situation de la France, c’est que sondages internationaux après analyses internationales signalent que c’est dans notre pays qu’on se méfie le plus de soi-même, des autres, des médicaments (même si on en consomme plus qu’ailleurs), de ses élus (même si on les a soi-même élus), etc.]
Attention aux formulations. C’est en France que les gens DISENT se méfier le plus de soi-même, des autres, des médicaments, etc. Mais entre ce qu’on DIT à un sondeur et ce qu’on PENSE vraiment, il y a souvent une très grande différence. Vous le soulignez d’ailleurs vous-même : à la fois on DIT se méfier des médicaments, et on en consomme plus que les autres. Comment interpréter cette apparente contradiction ?
Le problème, c’est que ce que nous disons aux sondeurs dépend moins de ce que nous pensons vraiment que de l’image que nous souhaitons donner de nous-mêmes. Beaucoup de gens qui votent Le Pen aujourd’hui – ou Marchais hier – se gardaient bien de le dire au sondeur, tout simplement parce qu’on n’a pas envie de supporter le regard de l’autre. De la même manière, nous sommes éduqués depuis le plus jeune âge dans cet esprit gaulois qui consiste à râler contre tout et contre tous. Dire du bien du gouvernement, de l’institution, de son pays, c’est suspect. On montre au contraire qu’on est un « affranchi », un à qui « on ne lui fait pas » en disant autant de mal que possible des autres.
[Et en ce sens, notre pays n’est plus un pays gouvernable, tant il est devenu un pays d’émotions médiatiques, de populisme d’irresponsables, d’infantilisés, peuple d’enfants qui se racontent des histoires d’ogres et de méchants.]
Sauf que… tout cela est pour la gallérie. Les Français disent pis que pendre des législateurs, mais obéissent aux lois. Ils se plaignent éternellement des impôts, mais ils les payent. C’est un peu comme s’il y avait une dissociation entre un esprit adolescent qui parle et un esprit adulte qui agit…
Si le modeste helléniste de bas étage que je suis peut se permettre de faire une remarque : pour les Grecs ne pas enterrer dignement les morts était un sacrilège absolu, cela condamnait l’âme du défunt à ne jamais connaître le repos. Ce n’est pas pour rien que cela est mentionné dès les premiers vers de l’Iliade sur la colère d’Achille qui “précipita dans l’Hadès les âmes d’une foule de héros et livra leurs corps aux chiens et aux vautours.” Thucydide après chaque bataille mentionne le fait que les vaincus demandaient et obtenaient systématiquement une trève pour pouvoir enterrer leurs morts.
Pour en revenir à des faits plus actuels, vous semblez oublier que, plus que l’achat de masques, ce qui a été reproché à Roselyne Bachelot c’est sa gestion des vaccins et surtout la façon dont cela a été mis en oeuvre. Au lieu de faire confiance aux médecins généralistes (pourtant plutôt favorables à la droite) on a mis en place une organisation centralisée et technocratique (ça a dû vous plaire) qui a échoué sur toute la ligne. Contrairement aux masques, les vaccins, eux, ne sont pas réutilisables et nous ont coûté un pognon de dingue comme dirait l’autre. (Un milliard et quelques si je ne m’abuse)
Quant à de Gaulle et Churchill… On va dire que le peuple britannique avait envie de tourner la page. Je ne suis pas sûr que le Conservateur Churchill aurait mis en oeuvre le NHS et ce partisan de l’Empire se serait sans doute entêté en Inde, lançant son pays dans une de ces guerres coloniales où d’autres pays européens se sont lamentablement embourbés.
En ce qui concerne de Gaulle, pour que les Français le suivissent, il aurait fallu qu’ils le pussent. Outre qu’il démissionna de la présidence du Conseil de son plein gré ce maurrassien pur sucre s’était bien gardé de fonder un parti. Même le parti le plus proche de De Gaulle, le MRP, était loin de le suivre en tout. Quand il en fonda un , ce fut pour lui interdire de participer en quoi que ce soit à la politique de cette IVe République honnie et il en fit donc une force qui contribua à la destabilisation du régime sans rien importer de positif.
Tout ça pour revenir au pouvoir à la faveur de ce qu’on peut bien appeler un coup d’Etat.
Parmi les pays décentralisés vous n’avez pas cité l’Allemagne (fédérale) qui semble s’en sortir mieux que nous. J’ai mis le mot “fédérale” entre parenthèses pour ça ne vous fasse pas trop mal aux yeux.
Et pour ce qui est de la gestion de la crise, notamment sur les masques. Tout le monde a remarqué les incohérences de ce pouvoir : “les masques sont inutiles” puis “les masques sont trop techniques” vous ne saurez pas les mettre” pour nous dire que finalement ils sont être rendus obligatoires. Ce pouvoir est d’abord victime de son arrogance, il y a une sorte d’incapacité chez les macroniens à ne pas prendre les gens pour ces cons. Vous croyez vraiment qu’un discours de vérité : “Nous n’avons pas assez de masques et nous les réservons aux soignants.” serait si mal passé chez les Français ?
@ cd
[Pour en revenir à des faits plus actuels, vous semblez oublier que, plus que l’achat de masques, ce qui a été reproché à Roselyne Bachelot c’est sa gestion des vaccins et surtout la façon dont cela a été mis en œuvre. Au lieu de faire confiance aux médecins généralistes (pourtant plutôt favorables à la droite) on a mis en place une organisation centralisée et technocratique (ça a dû vous plaire) qui a échoué sur toute la ligne. Contrairement aux masques, les vaccins, eux, ne sont pas réutilisables et nous ont coûté un pognon de dingue comme dirait l’autre. (Un milliard et quelques si je ne m’abuse)]
Au-delà de la pertinence de l’organisation destinée à délivrer le vaccin, la vaccination a échoué pour une raison indépendante de la volonté de la ministre : le fait que l’épidémie s’est révélée finalement bien moins grave qu’anticipé. Si le H1N1 avait été aussi virulent que le Covid-19, les gens se seraient précipités et les vaccins auraient été utilisés, que l’organisation fut « technocratique » ou pas. Que ce soit sur les masques ou sur les vaccins, le reproche était le même : on avait dépensé de l’argent pour se prémunir alors que finalement l’épidémie n’a pas eu lieu. Et si le gouvernement avait stocké des masques en 2019 et que le Coronavirus s’était révélé inoffensif, on lui aurait fait le même reproche.
[Quant à de Gaulle et Churchill… On va dire que le peuple britannique avait envie de tourner la page. Je ne suis pas sûr que le Conservateur Churchill aurait mis en oeuvre le NHS et ce partisan de l’Empire se serait sans doute entêté en Inde, lançant son pays dans une de ces guerres coloniales où d’autres pays européens se sont lamentablement embourbés.]
Je ne sais pas. Si me maurassien De Gaulle a pu président à la création de la sécurité sociale, à la nationalisation des banques est des assurances, du gaz, de l’électricité et des charbonnages, je ne vois pas pourquoi le conservateur Churchill n’aurait pu le faire. D’ailleurs, le rapport qui a guidé la création du NHS après 1945 a été commandé à William Beveridge puis publié sous la forme d’un « white paper » (document officiel de politique gouvernementale) par le gouvernement dirigé par Churchill. En 1945, les peuples européens voulaient un nouveau départ, ce qui suppose de nouvelles têtes…
[En ce qui concerne de Gaulle, pour que les Français le suivissent, il aurait fallu qu’ils le pussent.]
Il est vrai que De Gaulle a été poussé vers la sortie non pas par le suffrage direct des électeurs, mais indirectement par le choix des partis qu’ils soutenaient de donner à la France un régime d’assemblée. Mais lorsqu’on relit les textes de l’époque, on voit bien combien la présence de la statue du commandeur était perçue comme gênante, presque comme un reste d’une époque qu’on préférait oublier. Et il ne fut pas le seul : à tous les niveaux les cadres issus de la résistance ou de la France Libre ont rapidement cédé le pas.
[Tout ça pour revenir au pouvoir à la faveur de ce qu’on peut bien appeler un coup d’Etat.]
On a envie de reprendre la célèbre formule gaullienne (appliquée originalement à Lebrun) : pour qu’il y eut « coup d’Etat », encore eut-il fallu qu’il y eut un Etat. Moins qu’un coup d’Etat, 1958 vit l’implosion d’un régime, incapable de résoudre les problèmes qui se posaient à lui.
[Parmi les pays décentralisés vous n’avez pas cité l’Allemagne (fédérale) qui semble s’en sortir mieux que nous. J’ai mis le mot “fédérale” entre parenthèses pour ça ne vous fasse pas trop mal aux yeux.]
Je ne l’ai pas cité parce qu’il aurait été hors de propos : les exemples que j’ai donné avaient pour but de montrer que les pays fédéraux ne font pas nécessairement mieux que les pays unitaires, pas qu’ils faisaient moins bien. En fait, il ne semble pas avoir une corrélation entre le niveau de centralisation du pays et les chiffres connues de l’épidémie. Certains pays « décentralisés » (Italie, Espagne, Etats-Unis) font moins bien que des pays centralisés comme la France, d’autres (l’Allemagne, semble-t-il) font mieux. Il ne semble donc pas que ce soit un paramètre pertinent.
[Et pour ce qui est de la gestion de la crise, notamment sur les masques. Tout le monde a remarqué les incohérences de ce pouvoir : “les masques sont inutiles” puis “les masques sont trop techniques” vous ne saurez pas les mettre” pour nous dire que finalement ils sont être rendus obligatoires.]
Pardon, mais l’incohérence n’est qu’apparente. Le discours a été très cohérent : lorsque les masques étaient rares, le discours visait à décourager les gens de les porter ou d’en exiger la délivrance, pour pouvoir les réserver aux professions exposées. Dès lors qu’ils sont largement disponibles, le discours vise au contraire à encourager leur utilisation. Vous pouvez reprocher le gouvernement d’avoir menti, mais ce mensonge n’est pas le fruit du hasard : il répond à une stratégie cohérente.
Maintenant, est-ce que c’était la meilleure stratégie ? Difficile à dire. On ne sait pas comment les Français auraient accueilli un discours du genre « les masques sont utiles, mais on ne peut pas vous en donner ».
[Ce pouvoir est d’abord victime de son arrogance, il y a une sorte d’incapacité chez les macroniens à ne pas prendre les gens pour ces cons. Vous croyez vraiment qu’un discours de vérité : “Nous n’avons pas assez de masques et nous les réservons aux soignants.” serait si mal passé chez les Français ?]
Personnellement, je pense qu’un tel discours tenu par un gouvernement ayant la confiance des gens aurait été compris. Les Français auraient râlé (ils râlent toujours) mais auraient l’auraient admis. De la part d’un gouvernement dont le capital de confiance était déjà au plus bas, je ne suis pas sûr que le discours serait bien passé, qu’il n’aurait pas provoqué une ruée sur les masques dans une logique du « sauve qui peut ».
[En ce qui concerne de Gaulle, pour que les Français le suivissent, il aurait fallu qu’ils le pussent.]
J’ai un doute : “il aurait fallu qu’ils le pussent.” ou “il eut fallu qu’ils le pussent.” ?
Y a-t-il un spécialiste dans la salle ?
@ BJ
Bonsoir,
[J’ai un doute : “il aurait fallu qu’ils le pussent.” ou “il eut fallu qu’ils le pussent.” ?
Y a-t-il un spécialiste dans la salle ?]
Spécialiste, non. Après avoir consulté le Grévisse, je n’ai trouvé que deux réponses.
1) Au fond, il n’y a qu’une différence de ton, “il eût fallu” (et non “il eut fallu”) étant plus “soigné” que “il aurait fallu”. Ce sont deux formes du conditionnel passé, dont seule la conjugaison de l’auxiliaire varie, sans que le sens en soit changé.
2) Après m’être perdu entre dix articles, je trouve quand même que “Les verbes falloir, pouvoir, vouloir, etc., se mettent au conditionnel passé quoique l’obligation, la possibilité, la volonté aient été réelles, mais le fait sur lequel elles portaient ne s’est pas réalisé. Par exemple : “Il aurait fallu, pour écrire un tel livre, que l’auteur fût un véritable expert”.”
Cette dernière règle me laisse perplexe. S’applique-t-elle ici ? Y a-t-il un spécialiste dans la salle ?
Bonne soirée
@Descartes
@nationalitste-ethniciste
Bon, vous savez, j’ai quelques connaissances en linguistique, ce qui me permet d”approuver ce que vous dites sur le caractère artificiel d’un occitan unifié. Mais c’est le cas de toutes les langues nationales maintenant usitées.
Ainsi l’allemand officiel est issu de la variété dialectale utilisée par Luther pour sa traduction de la Bible. A tel point que les Néerlandais, ayant plutôt opté pour la version caliviniste du protestantisme ont adopté leur propre dialecte comme langue officielle. Il est d’ailleurs amusant de voir qu’ainsi certains choix adoptés par Luther n’ont pas été adoptés en néerlandais, notamment pour le genre des noms, le vieil allemand hésitant souvent dans ce cas. On a donc en allemand : Der Vertrag (masculin) et en néerlandais : het verdrag (neutre) Der Verhehr en allemand nous donne het verkeer en nérlandais et si je veux m’étendre à d’autres langues germaniques le yiddish par exemple : די שטול (di shtul) féminin change de genre en allemand : der Stuhl. Et je pourrais continuer avec la règle qui veut que le verbe à l’infinitif passe en fin de phrase subordonnée. En allemand on a : Ich habe schwemmen können (j’ai su nager) et en néerlandais : ik heb kunnen zwemmen.
Pour l’italien en effet, le toscan utilisé par Dante est devenue la langue de référence de la péninsule italienne bien avant son unification politique, ce qui n’a pas empêché beaucoup d’écrivains de continuer à écrire dans leurs dialectes respectifs. Ainsi la majorité des pièces de Goldoni sont écrites en dialecte vénitien. J’ ajouterais que c’est Dante qui a fait la distinction entre la « lingua del si » l’italien toscan, « la lingua dell’oïl » la langue d’oïl et et la lingua dell’oc » la langue d’oc. J’ajoute qu’il a failli utiliser cette dernière qui avait à l’époque bien plus de prestige littéraire que son dialecte toscan. Vous imaginez-vous ! Il aurait fait ce choix, vous me reprocheriez de parler de ce foutu patois oïllitan ! 😉
Donc l’italien et l’allemand communs ont pu exister bien avant toute unification politique.
On a aussi l’exemple du grec ancien ou c’est une version universalisée d’un dialecte particulier qui s’est imposée comme langue véhiculaire. Ainsi la koïnè (κοινή γλῶσσα) langue qui s’est imposée à partir du IIIe siècle, était fondée sur le dialecte attique qui était le dialecte le plus prestigieux en en gommant les particularités. Le mot « mer » se disant thalassa dans tous les dialectes sauf en attique où il se disait thalatta, on a adopté thalassa. On aurait pu adopter le grec homérique mais il était trop archaïque même si certains ont continué à l’utiliser. Cependant quand vous apprenez le grec ancien, on vous enseigne en priorité le dialecte attique. Quand je vous ai dit que je connaissais cette langue, m’avez-vous demandé si je connaissais l’ionien, l’éolien, le béotien, l’arcado-chypriote ou la langue homérique ? L’apprenant en grec ancien doit faire avec la vériété dialectale de cette langue comme quand on apprend le breton, l’occitan, le basque mais aussi l’arménien voire le norvégien. Eh oui ! Il existe deux langues officielles en Norvège très proches l’une de l’autre mais quand même.
En ce qui concerne notre chère langue française officelle, on m’a raconté dans ma jeunesse scolaire une connerie selon laquelle il serait issu du dialecte parlé en Ile-de-France, le francien, nom forgé au XIXe siècle. Or c’est faux : à part les documents issus de la chancellerie royale, il n’y a aucun texte écrit dans cette variété de français médiéval. Les écrivains de l’époque utilisaient tous leur dialecte : picard, anglo-normand, lorrain, orléanais, etc, aucun n’utilisait le francien. J’ajoute qu’au Moyen-Age la chancellerie royale s’acommodait très bien de la diversité linguistique du royame et qu’elle accueillait sans des textes écrits en picard ou en langue d’oc (à l’époque d’ailleurs cette langue était plus unifiée que la langue d’oïl. En fait les écrivains du Moyen-Age, même s’ils écrivaient dans un dialecte particulier avaient tendance à gommer les particularités de leur langue pour pouvoir être compris. C’est d’ailleurs ce que font souvent les écrivains régionalistes (même Mistral qui remplaça le « èi » = « est » de sa ville natale par le « ès » plus courant en provençal. Oui, les différences existent entre parlers mais elles sont loin d’être insurmontables.
En ce qui concerne les opinions ultraréacs de Mistral ou d’autres régionalistes, je vous ferais remarquer, cher Descartes, que la bourgeoisie parienne s’est largement vautrée dans la collaboration ce qui ne l’empêche pas maintenant de passer son temps à faire des leçons sur l’antisémitisme, le racisme ou l’homophhobie du peuple français mais ce sera pour plus tard.
Même maintenant, notre langue est loin d’être unifiée. Ce qui s’appelle « petit pain au chocolat » dans ma région natale, s’appelle « chocolatine » dans le Sud-Ouest et apparemment, ils ont l’air d’y tenir. En arrivant en Ile-de-France, j’ai appris que ce que j’appelais « crayon-de-bois » s’appelait « crayon-à-papier » etc. Allez-vous imposer un usage par la force, messieurs les ethnicistes ?
Quand je vois que « nationaliste-ethniciste » ne supporte même pas les restaurants « veggie » que faut-il faire ? Imposer un menu unique à tous les restaurants de France ? Le couscous ? Quelle horreur ! C ‘est pourtant le plat préféré des Français d’après certains sondages. On se souvient d’ailleurs du sketch à propos de Florian Philippot qui avait mangé un couscous en public. Le cassoulet ? Trop régionaliste ! Faut-il que nous rasions les centres de villes comme Toulouse, Strasbourg, Lille ? Et pour les remplacer par quoi ? L’architecture haussmanienne pour tous ?
Je propose une carte style « Pot-au-feu, petit salé au lentilles, steak frites. » Ca vous va ?
Savez-vous que si vous voulez acquérir la citoyenneté britannique, il vous faut connaître une langue des nations constitutives du Royaume-Uni ? Autrement dit, connaître le gallois ou le gaélique suffit. Je ne dis pas qu’il faut imiter les Britanniques mais je pense qu’arrêter de s’exciter sur ces sujets.
Pour ma part j’ai appris le dialecte de ma région natale pendant mon enfance, il mest sans doute pas pour rien dans mon talent pour les langues étrangères, cela m’a permis ainsi de prononcer sans problème le « t » palatal ou les chuintantes du russe ou des langues slaves en général tout en me sentant parfaitement Français. Si je suis hostile à l’Union européenne, c’est essentiellement à cause de son caractère anti-démocratique, ce n’est certainement pas pour aller m’encaserner dans une nation française uniforme.
D’ailleurs vous, nationaliste-ethniciste, j’ai vu que vous vous disiez catholique mais que vous le cachiez, vous proposez quoi aux immigrés ? Vous vouez un culte à l’unité nationale, mais unité autour de quoi ? Si vous n’avez rien d’autre à proposer que la schlague d’une nation uniformitariste autour de je ne sais quelle identité française mythique, je doute que vous arriviez à convaincre.
Bien à vous
@ cd,
Bonjour,
Il m’avait semblé avoir répondu avec humour et légèreté à la petite pique que vous m’aviez lancée (et qui m’avait amusée, je dois le dire). Je me perds donc en conjecture sur ce qui me vaut maintenant des propos agressifs de votre part. Si vous ne vouliez pas que je vous réponde, vous n’étiez pas obligé de m’interpeller…
D’abord, je ne suis pas linguiste. Un certain nombre de points que vous évoquez me sont néanmoins connus: l’allemand standard créé par Luther (comme d’ailleurs l’arabe littéraire créé par Mahomet, ou du moins par les rédacteurs du Coran), le fait que le bas-allemand se rapproche du néerlandais (un de mes professeurs d’allemand, lui-même Allemand originaire de Basse-Saxe m’avait dit que son grand-père parlait un dialecte proche du néerlandais).
En ce qui concerne le grec de la koïnè, vous allez un peu vite en besogne. Il s’est imposé dans le monde hellénistique oriental où vivaient des Grecs originaires de différentes régions et où les royaumes issus de l’empire d’Alexandre avaient besoin d’une langue administrative unifiée. Dans le monde égéen, chaque région a conservé son dialecte, en même temps que son autonomie politique (malgré l’hégémonie macédonienne) jusqu’à la conquête romaine. C’est la première nuance. La seconde concerne l’apprentissage du dialecte attique en cours de grec ancien. Le dialecte attique n’est pas enseigné parce qu’il était la langue la plus parlée de la Grèce antique (le dorien est davantage utilisé) mais pour des raisons liées à la production écrite: la majorité des textes en grec ancien qui nous sont parvenus sont écrits par des Athéniens (Thucydide, Xénophon, Platon et bien sûr les grands dramaturges Eschyle, Euripide, Sophocle, Aristophane) ou par des intellectuels vivant ou étudiant à Athènes (Hérodote, Aristote). Si les Spartiates et les Béotiens ont produit moins de textes, cela ne signifie pas que leur langue s’est “effacée” au profit de l’attique, du moins avant la période romaine.
“L’apprenant en grec ancien doit faire avec la vériété dialectale de cette langue comme quand on apprend le breton, l’occitan, le basque mais aussi l’arménien voire le norvégien.”
Sauf qu’en grec ancien, c’est 80 % des textes en dialecte attique et le reste ne couvre même pas toute l’aire linguistique hellénique (il y a Tyrtée pour le dorien, je crois, Sappho pour l’éolien, et Pindare mélange plusieurs dialectes). En occitan, pouvez-vous me dire quel est le dialecte qui concentre 80 % de la production écrite?
“Donc l’italien et l’allemand communs ont pu exister bien avant toute unification politique.”
Oui, comme dialecte régional, éventuellement comme langue écrite, mais pas comme langue pratiquée par tout le monde au quotidien. C’est une nuance importante.
“En ce qui concerne notre chère langue française officelle, on m’a raconté dans ma jeunesse scolaire une connerie selon laquelle il serait issu du dialecte parlé en Ile-de-France, le francien, nom forgé au XIXe siècle. Or c’est faux : à part les documents issus de la chancellerie royale, il n’y a aucun texte écrit dans cette variété de français médiéval. Les écrivains de l’époque utilisaient tous leur dialecte : picard, anglo-normand, lorrain, orléanais, etc, aucun n’utilisait le francien.”
Je vous invite à consulter l’ “Atlas de l’histoire de France” 1ère partie aux éditions Autrement: une carte indique les dates auxquelles chaque région (d’oïl ou d’oc) du royaume abandonne à l’écrit la forme locale pour adopter la forme française standard (“de la chancellerie royale” comme vous dites). A la fin du Moyen Âge, le processus est achevé pour la France du nord, et dans le Midi, c’est plié avant la Révolution… Ce qu’on vous a raconté est donc vrai, désolé. Et je précise que les auteurs de l’Atlas que je cite sont de respectables universitaires, peu suspects de nationalisme puisqu’ils s’en défendent dans l’introduction. Parce qu’il faut s’excuser de travailler sur l’histoire nationale de nos jours…
“Ce qui s’appelle « petit pain au chocolat » dans ma région natale, s’appelle « chocolatine » dans le Sud-Ouest et apparemment, ils ont l’air d’y tenir.”
Attendez, vous ne pouvez pas mettre sur le même plan quelques particularités de vocabulaire avec des formes différentes de syntaxe, de conjugaison, d’accord… etc. Dans l’Allier où vivaient mes ancêtres, on emploie le terme “bredin” pour désigner un imbécile. Cela ne fait pas un dialecte spécifique.
“Quand je vois que « nationaliste-ethniciste » ne supporte même pas les restaurants « veggie » que faut-il faire ?”
Le rapport entre les restaurants “veggie” et la langue occitane ne m’apparaît pas clairement. A moins que vous en arriviez comme moi à la conclusion que les deux favorisent une forme de séparatisme, traçant une ligne qui permet de distinguer “ceux qui en sont” de “ceux qui n’en sont pas”? Mais je pense deviner le reproche sous-jacent que vous me faites: je refuserais toute diversité au profit d’une identité française monolithique et uniforme, c’est bien ça? Eh bien vous vous trompez, permettez-moi de vous le dire. Je suis très attaché à l’idée développée par la III° République à savoir que “les petites patries enrichissent la grande”. J’aime profondément la France, et j’ai presque envie de dire avec un peu d’archaïsme, la France “dans ses provinces”. L’Alsace (voire la Lorraine et la Flandre) a un caractère germanique, la Bretagne des traits celtiques, alors que la Provence est toute méditerranéenne et “latine”. C’est cela la France: un carrefour des influences latines, germaniques et dans une moindre mesure celtiques. Et c’est très bien ainsi: je me désolerai que Lille ressemble à Marseille ou que Rennes soit identique à Strasbourg.
Mais la langue, celle qu’on parle et qu’on écrit au quotidien, est une question politique. Je note d’ailleurs que vous avez omis un point important: c’est le français qui a permis l’émancipation, l’accès à la citoyenneté et l’élévation sociale du paysan breton, corse, provençal, gascon, alsacien, etc. Surement pas le dialecte local. Vous m’accusez de fermeture d’esprit mais que proposez-vous? D’enfermer les gens dans leur petite région avec leur langue, leur architecture locale, leur plat du coin? L’architecture gothique serait malvenue dans le Midi parce qu’elle est apparue dans le Bassin parisien? Vous croyez que j’exagère? Pas tant que ça. J’ai visité l’Aude et je me souviens de la rhétorique qui avait cours là-bas sur le “génocide des méridionaux cathares” victimes des “cruels Français du nord”, une propagande relayée par le conseil régional (c’était encore “Languedoc-Roussillon”). Que les cathares aient représenté une minorité de la population locale ne semblait pas gêner les régionalistes locaux…
“Le couscous ? Quelle horreur ! C ‘est pourtant le plat préféré des Français d’après certains sondages. On se souvient d’ailleurs du sketch à propos de Florian Philippot qui avait mangé un couscous en public. Le cassoulet ? Trop régionaliste !”
Personnellement j’aime le couscous et je ne raffole pas du cassoulet. J’adore les galettes de sarrasin et je n’aime pas la choucroute. Qu’est-ce que vous en déduisez? Que j’aime les Bretons et les Maghrébins et que je déteste les Aquitains et les Alsaciens?
“Autrement dit, connaître le gallois ou le gaélique suffit.”
Et combien d’établissement scolaire dans le monde, ou même juste en Europe, enseigne le gallois ou le gaélique à votre avis?
“Pour ma part j’ai appris le dialecte de ma région natale pendant mon enfance, il mest sans doute pas pour rien dans mon talent pour les langues étrangères, cela m’a permis ainsi de prononcer sans problème le « t » palatal ou les chuintantes du russe ou des langues slaves en général tout en me sentant parfaitement Français.”
Tout à fait. Il faut étudier les langues régionales comme les langues anciennes, elles font partie de l’histoire, ont un intérêt en science linguistique et permettent de voir l’évolution du latin vers les langues romanes (je parle pour les langues d’oc). Mais comme on étudie le latin ou le grec ancien, comme un héritage culturel, pas comme des langues destinées à servir au quotidien.
“Si je suis hostile à l’Union européenne, c’est essentiellement à cause de son caractère anti-démocratique, ce n’est certainement pas pour aller m’encaserner dans une nation française uniforme.”
Comme je l’ai dit, je suis attaché à la diversité des régions françaises. Cela étant dit, vous avez en partie raison: je pense, en effet, qu’une certaine uniformité, une certaine homogénéité est une qualité qui rend la vie en société plus agréable, plus simple, y compris pour gérer les désaccords et les querelles inévitables. Tout est plus facile quand on parle la même langue, qu’on a une origine proche (à défaut d’avoir exactement la même), qu’on a les mêmes références culturelles et religieuses. Je suis hostile à l’Union européenne, parce que l’UE, sous couvert de la diversité, dissout ce qui fait notre unité. Et même si l’UE était démocratique, je la combattrais.
“j’ai vu que vous vous disiez catholique mais que vous le cachiez”
Je n’ai pas dit que je me cachais. J’ai dit que j’évoluais dans un milieu social et professionnel où il n’est pas très bien vu d’être catholique. Et si je suis discret, c’est essentiellement parce que je n’aime pas qu’on porte sa religion en bandoulière. Mais je ne me cache pas. Vous déformez et détournez mes propos. En général, la mauvaise foi n’est jamais bien loin.
“vous proposez quoi aux immigrés ?”
Un aller simple pour le pays d’origine, et ne me dites pas que ça vous étonne.
Mais je suis curieux: vous, vous leur proposez quoi? De vivre comme au bled avec femmes voilées et couscous à tous les repas?
“Vous vouez un culte à l’unité nationale, mais unité autour de quoi ?”
De l’histoire, mon bon monsieur, de l’histoire… De la geste glorieuse de nos ancêtres françois, de la galerie des grands hommes qui ont fait la France. Oui, je trouve ça plus alléchant que bouffer “veggie” en pleurnichant sur le sort des animaux, ou vivre au milieu des salafistes, excusez-moi.
“je ne sais quelle identité française mythique”
Et le mythe de la diversité harmonieuse et idyllique (dont l’européisme est un avatar)? Est-ce que quelqu’un daignera un jour le déconstruire, ce mythe-là?
Mais j’assume mon attachement à une France mythique et idéalisée. J’assume une passion, excessive sans doute, pour une forme d’unité (que je ne confonds pas cependant avec l’unanimisme). Et vous, vous défendez quoi?
@ nationaliste-ethniciste
Je vous invite à consulter l’ “Atlas de l’histoire de France” 1ère partie aux éditions Autrement: une carte indique les dates auxquelles chaque région (d’oïl ou d’oc) du royaume abandonne à l’écrit la forme locale pour adopter la forme française standard (“de la chancellerie royale” comme vous dites). A la fin du Moyen Âge, le processus est achevé pour la France du nord, et dans le Midi, c’est plié avant la Révolution… Ce qu’on vous a raconté est donc vrai, désolé.]
Je profite de votre intervention pour vous poser une question. Je ne suis pas un expert, mais j’avais dans l’idée que pendant le moyen-âge la chancellerie royale fonctionne essentiellement en Latin, et que ce n’est qu’avec la renaissance que le « langage maternel françois » devient la langue administrative du royaume.
[Mais la langue, celle qu’on parle et qu’on écrit au quotidien, est une question politique. Je note d’ailleurs que vous avez omis un point important : c’est le français qui a permis l’émancipation, l’accès à la citoyenneté et l’élévation sociale du paysan breton, corse, provençal, gascon, alsacien, etc.]
Je partage tout à fait ce commentaire. La langue c’est un projet politique. Et ce n’est pas un hasard si les régionalistes du XIX siècle regrettaient dans le même mouvement le remplacement de la langue locale par le français et la remise en cause de l’ordre social traditionnel par les institutions républicaines. L’école laïque et obligatoire a été rejetée autant parce qu’elle enseignait le français que parce qu’elle enseignait la République.
@ cd
[Bon, vous savez, j’ai quelques connaissances en linguistique, ce qui me permet d”approuver ce que vous dites sur le caractère artificiel d’un occitan unifié. Mais c’est le cas de toutes les langues nationales maintenant usitées.]
Oui et non. Pour les états-nations qui se sont construits lentement par accrétion autour d’un Etat originel (comme c’est le cas de la France ou de l’Angleterre) ce caractère « artificiel » est moins marqué. Au fur et à mesure de l’extension du royaume de France, le « dialecte » français a été adopté dans des territoires de plus en plus étendus, d’abord comme langue administrative, puis par les élites et les villes et enfin – très lentement – par le peuple. Et au cours de ce long processus la langue s’est adaptée et transformée sans perdre son unité. Et lorsqu’on a cherché à codifier la langue en lui donnant une grammaire et un dictionnaire, on a codifié un corpus vivant qui prééxistait.
Le cas de l’occitan est très différent, puisqu’à partir d’une variété de dialectes on a cherché à constituer une « langue » unifiée. En d’autres termes, on n’a pas codifié un corpus préexistant, on en a créé un nouveau a partir d’une multiplicité de sources. L’occitan « unifié » est une langue qui n’a jamais existé, que personne n’a parlé ni écrit avant sa création des codificateurs du XIXème siècle. En ce sens, elle ressemble plus à l’hébreu moderne qu’au français.
[Pour l’italien en effet, le toscan utilisé par Dante est devenue la langue de référence de la péninsule italienne bien avant son unification politique, ce qui n’a pas empêché beaucoup d’écrivains de continuer à écrire dans leurs dialectes respectifs.]
Tout à fait. Mais vous noterez que contrairement à la France, l’Italie ne s’est pas constituée par accrétion autour de la Toscane… c’est en cela qu’on peut trouver au choix du dialecte Toscan comme langue officielle du Royaume d’Italie un choix « artificiel », alors que le Français était le choix « naturel » depuis l’édit de Villers-Cotterêts…
[Donc l’italien et l’allemand communs ont pu exister bien avant toute unification politique.]
Non. Le fait que le dialecte toscan ait été adopté par les élites dans la péninsule ne le transforme pas en « italien ». Il ne deviendra « Italien » que lorsqu’il sera la langue de l’Italie. Et même chose pour l’Allemand. Le Latin était la langue des élites européennes, et personne n’a songé à rebaptiser le latin pour l’appeler « européen ».
[En ce qui concerne notre chère langue française officelle, on m’a raconté dans ma jeunesse scolaire une connerie selon laquelle il serait issu du dialecte parlé en Ile-de-France, le francien, nom forgé au XIXe siècle. Or c’est faux : à part les documents issus de la chancellerie royale, il n’y a aucun texte écrit dans cette variété de français médiéval. Les écrivains de l’époque utilisaient tous leur dialecte : picard, anglo-normand, lorrain, orléanais, etc, aucun n’utilisait le francien. J’ajoute qu’au Moyen-Age la chancellerie royale s’acommodait très bien de la diversité linguistique du royame et qu’elle accueillait sans des textes écrits en picard ou en langue d’oc (à l’époque d’ailleurs cette langue était plus unifiée que la langue d’oïl.]
Là, vous me surprenez. J’étais convaincu que les chancelleries du moyen-âge écrivaient essentiellement en Latin… d’ailleurs, on voit mal quel intérêt cela pouvait avoir d’écrire dans un dialecte régional des documents en principe destinés à être compris par des lecteurs situés en dehors d’une aire géographique très restreinte. A ma connaissance, tous les textes de chancellerie (chartes, édits, titres) sont rédigés en latin justement pour permettre aux autorités – notamment judiciaires – d’apprécier leur contenu partout où l’autorité du roi s’exerçait. Par ailleurs, la diversité des langues régionales – souvent parlées dans une aire géographique étroite – rendait indispensable une langue véhiculaire permettant aux élites d’échanger à travers les frontières régionales.
[En ce qui concerne les opinions ultraréacs de Mistral ou d’autres régionalistes, je vous ferais remarquer, cher Descartes, que la bourgeoisie parisienne s’est largement vautrée dans la collaboration ce qui ne l’empêche pas maintenant de passer son temps à faire des leçons sur l’antisémitisme, le racisme ou l’homophobie du peuple français mais ce sera pour plus tard.]
J’ai du mal à saisir le rapport entre le fait de savoir si Mistral était « ultraréac » et l’attitude de la bourgeoisie parisienne pendant et après la collaboration. Les méfaits des uns excuseraient-ils les méfaits des autres ? Mais puisque vous voulez ramener la collaboration dans cette affaire, il ne vous aura pas échappé combien le provincialisme de Mistral est en résonance avec l’idéologie de la « Révolution nationale » du Maréchal. On retrouve chez l’une comme chez l’autre la volonté de revenir aux « hiérarchies naturelles », la récupération de la figure du paysan « dur à la tâche » contre l’ouvrier pilier de bistrots, l’idéalisation du village face à ce lieu de corruption qu’est la ville.
[Même maintenant, notre langue est loin d’être unifiée. Ce qui s’appelle « petit pain au chocolat » dans ma région natale, s’appelle « chocolatine » dans le Sud-Ouest et apparemment, ils ont l’air d’y tenir. En arrivant en Ile-de-France, j’ai appris que ce que j’appelais « crayon-de-bois » s’appelait « crayon-à-papier » etc. Allez-vous imposer un usage par la force, messieurs les ethnicistes ?]
Je ne sais pas ce que vous appelez une « lange unifiée ». Dans ma famille on appelle le nombril « petit bouton », alors que dans d’autres familles on lui donne d’autres noms. Cela suffirait pour conclure que la langue n’est pas « unifiée » ? Le Français est « unifié » au sens qu’il existe une structure unique. Il y a des régions ou « pain au chocolat » se dit « chocolatine », mais aucune ou les verbes de mouvement se conjuguent avec l’auxiliaire « avoir ».
[Quand je vois que « nationaliste-ethniciste » ne supporte même pas les restaurants « veggie » que faut-il faire ? Imposer un menu unique à tous les restaurants de France ? Le couscous ? Quelle horreur ! C ‘est pourtant le plat préféré des Français d’après certains sondages.]
Je ne comprends pas bien le rapport. Chacun peut manger ce qu’il veut, et si j’aime les huitres au chocolat, cela n’a aucun effet sur les autres. Mais la langue est un instrument d’échange et de communication. Si je décide qu’à partir de maintenant je ne parlerai qu’une langue de mon invention, je vais avoir beaucoup de mal à communiquer. J’ajoute qu’une langue ce n’est pas seulement un instrument de communication entre les vivants. Elle permet aussi une communication entre les vivants et les morts.
[Savez-vous que si vous voulez acquérir la citoyenneté britannique, il vous faut connaître une langue des nations constitutives du Royaume-Uni ? Autrement dit, connaître le gallois ou le gaélique suffit. Je ne dis pas qu’il faut imiter les Britanniques mais je pense qu’arrêter de s’exciter sur ces sujets.]
Très bien. Je suis curieux de vous voir aller expliquer aux autonomistes de Diwan ou de Corte qu’il ne faut pas « s’exciter sur ces sujets »… mais peut-être estimez-vous qu’il est normal que les autonomistes « s’excitent » pour faire subventionner les cours de langue régional, et qu’il est anormal que les jacobins « s’excitent » pour la même raison ? Certaines « excitations » seraient-elles plus vertueuses que d’autres ?
La langue, que vous le vouliez ou non, est un instrument politique. Vouloir que tous les citoyens Français parlent la même langue, que toutes les institutions l’utilisent comme langue de travail, c’est s’inscrire dans un projet de nation qui permet à chaque citoyen de dialoguer avec n’importe lequel de ses concitoyens, de s’installer en tout point du territoire et d’y avoir les mêmes droits. La diversité linguistique et le droit à chacun de dialoguer avec les institutions dans la langue locale implique un choix de pays fractionné, ou chacun ne discute qu’avec ceux de sa communauté et est un étranger dès qu’il quitte sa région. On a le droit de préférer l’un ou l’autre modèle. Mais on ne peut pas faire semblant de croire que le choix du modèle linguistique est neutre.
Je ne sais pas si dans les textes l’on peut prendre la citoyenneté britannique en connaissant simplement le gallois ou le gaëlique. Mais je suis convaincu que si ce droit existe en théorie, en pratique personne ne l’a utilisé depuis au moins un siècle.
[Pour ma part j’ai appris le dialecte de ma région natale pendant mon enfance, il n’est sans doute pas pour rien dans mon talent pour les langues étrangères,]
« Sans doute » ? Ma sœur a appris « le dialecte de notre région natale », et pourtant elle n’a jamais pu apprendre une langue étrangère. Quant à moi, je suis parfaitement quadrilingue… et je ne connais pas le « dialecte de ma région natale ». La corrélation entre l’apprentissage d’un dialecte régional et le talent pour les langues me paraît donc très aléatoire ;
[cela m’a permis ainsi de prononcer sans problème le « t » palatal ou les chuintantes du russe ou des langues slaves en général tout en me sentant parfaitement Français.]
Si vous aviez appris directement le russe plutôt que votre « langue régionale », qu’est-ce que cela aurait changé ?
[Si je suis hostile à l’Union européenne, c’est essentiellement à cause de son caractère anti-démocratique, ce n’est certainement pas pour aller m’encaserner dans une nation française uniforme.]
Et bien, une certaine uniformité est indispensable à la démocratie. Parce qu’une démocratie ou la moitié des citoyens ne peut comprendre l’autre moitié, cela pose pour moi un sérieux problème. Or, pour se comprendre il faut avoir un langage commun. Et pas seulement : il faut un cadre de références communes.
@ Descartes,
“Je profite de votre intervention pour vous poser une question. Je ne suis pas un expert, mais j’avais dans l’idée que pendant le moyen-âge la chancellerie royale fonctionne essentiellement en Latin, et que ce n’est qu’avec la renaissance que le « langage maternel françois » devient la langue administrative du royaume.”
Je me bornerai à vous citer l’Atlas de l’histoire de France que je signalai à cd, n’étant pas un fin médiéviste sur les questions d’usage linguistique.
Page 89:
“Le français du roi, largement parisien mais fortement hybride, ne se diffuse vraiment qu’à partir du XIV° siècle, dans une société française qui, au moins jusqu’au milieu du XVI° siècle, reste bilingue , voire trilingue, tant que le latin demeure la langue dominante, voire exclusive, des écoles et de l’Eglise.”
Plus loin:
“Dès le début du XIV° siècle, le français commence à s’imposer aux autres langues régionales dans le Nord comme langue écrite dominante.”
De ce que je comprends, l’administration royale, probablement à partir de Philippe le Bel (et ce ne serait pas un hasard quand on connaît un peu le personnage, l’usage d’une “langue du roi” pouvant participer à l’affirmation du pouvoir royal face au pouvoir religieux), commence à utiliser l’ancien français à côté du latin. Du XIV° au milieu du XVI° siècle, les actes auraient été rédigés en latin et en ancien français. Peut-être y a-t-il eu également une “hiérarchie” des actes, les plus importants étant rédigés en latin et les autres “secondaires” peut-être en ancien français, dans un premier temps.
En tout cas, il semblerait que l’édit de Villers-Cotterêts (1539) de François 1er “parachève une évolution déjà presque totalement acquise.” (je cite l’Atlas, p.89 toujours), ce qui est assez courant. On peut en déduire que le français est déjà utilisé comme langue administrative, à côté du latin, depuis déjà pas mal de temps. Et c’est d’autant moins surprenant que le français était déjà langue administrative en Angleterre (de la conquête normande jusqu’au XIV° siècle) et dans le duché de Bretagne (avant le rattachement à la France). On peut aussi noter qu’un certain nombre d’états croisés au Levant ou en Grèce utilisaient également le français comme langue administrative, lequel ne manquait pas de lustre (et surtout ces multiples usages entraînaient certainement l’apparition d’un vocabulaire technique et administratif en français). Voilà ce que je peux vous dire.
@ nationaliste-ethniciste
[“Dès le début du XIV° siècle, le français commence à s’imposer aux autres langues régionales dans le Nord comme langue écrite dominante.”]
Ok, ca correspond donc à ce que j’avais cru comprendre. Le Latin était la langue des actes officiels jusqu’à la fin du moyen-âge, sauf peut-être pour les actes locaux n’ayant pas d’effet en dehors d’une zone relativement étroite. Avec le début de la Renaissance, la « langue du roi » remplace progressivement le Latin dans les actes officiels.
[En tout cas, il semblerait que l’édit de Villers-Cotterêts (1539) de François 1er “parachève une évolution déjà presque totalement acquise.”]
Tout à fait. Le droit à l’époque sert moins à changer les choses qu’à consacrer des changements largement acquis. Lorsque François 1er impose à son administration la langue française, cela supposait que les différents officiers royaux et les professions juridiques fussent capables de travailler dans cette langue, et cela ne se fait pas du jour au lendemain. On peut donc supposer qu’en 1539 cette transformation était déjà en bonne voie, sinon totalement acquise.
Il faut aussi noter que, n’en déplaise aux « nationalistes » régionaux de tout poil, la plupart des « langes régionales » n’ont jamais été des langues administratives. Les paysans bretons parlaient peut-être les dialectes celtiques, mais à la cour des ducs de Bretagne on faisant le droit d’abord en latin, puis plus tard en français. On n’a jamais fait du droit en breton…
@BJ
“Eut fallu” est un passé antérieur, ça ne peut pas marcher. À la rigueur “eût fallu”…
Mais ce “conditionnel passé deuxième forme” (formé en assemblant l’auxiliaire au subjonctif imparfait et le participe passé du verbe à conjuguer) semble surtout une survivance désuète. Je n’ai jamais réussi à comprendre s’il avait une connotation particulière…
Il “aurait fallu” (conditionnel passé 1ère forme), il “eût fallu” [attention à l’accent !] (conditionnel passé 2ème forme). Les deux formes ont strictement le même sens, mais le premier relève de la langue courante, le second de la langue soutenue (voire archaïsante, ou “précieuse”). Cf. Encore eût-il fallu qu’elle le sût (et là, gare aux erreurs de conjugaison 🙂
[et là, gare aux erreurs de conjugaison]
– Il n’est pas arrivé ?
– Non. Il a annulé votre rendez-vous.
– Ah, dommage, je suis venue pour rien… Reconnaissez qu’il eût été préférable que je le susse !
– Oui, en effet. Mais pour se faire pardonner, il propose de vous laisser le choix dans la date pour un nouveau rendez-vous.
– Alors, je ne perds pas au change !
NB : Et heureusement que falloir est impersonnel…
“Le premier relève de langue courante” Eh oui, je sais, j’ai un niveau de langue beaucoup trop relâché, mais il me reste quelque dextérité à manier le subjonctif imparfait. Sans doute pour avoir étudié des langues soeurs du français où il est encore très vivant comme l’espagnol, l’italien ou l’occitan (Horreur ! Je sens que notre hôte risque une attaque rien qu’à lire ce nom maudit, pour ne pas parler de “nationaliste-ethniciste. Bon ! Respirez un bon coup, ça va passer. 😉 )
@ cd
[Eh oui, je sais, j’ai un niveau de langue beaucoup trop relâché, mais il me reste quelque dextérité à manier le subjonctif imparfait. Sans doute pour avoir étudié des langues sœurs du français où il est encore très vivant comme l’espagnol, l’italien ou l’occitan (Horreur ! Je sens que notre hôte risque une attaque rien qu’à lire ce nom maudit, pour ne pas parler de “nationaliste-ethniciste. Bon ! Respirez un bon coup, ça va passer. 😉 )]
D’abord, de quel “occitan” parlez-vous ? Du Provençal ? Du Limousin ? Du Languedocien ? Du Gascon ? Parce que, n’en déplaise les réactionnaires qui récréent dans leur imagination une “Occitanie” qui n’a jamais existé, il n’y a pas UNE langue occitane, mais DES langues occitanes, qui de plus ont été codifiées seulement au XIXème siècle, par des écrivains réactionnaires comme Mistral, horrifiés à l’idée que les idées de la Révolution française portées par l’instruction en français pourraient remettre en cause l’ordre social traditionnel…
L’occitan étant pratiquement une langue morte, je ne comprends pas très bien comment l’imparfait du subjonctif pourrait y être “très vivant”. C’est un peu comme dire que l’imparfait du subjonctif est “très vivant” en Latin ou en Araméen.
@ cd,
Bonjour,
“Sans doute pour avoir étudié des langues soeurs du français où il est encore très vivant comme l’espagnol, l’italien ou l’occitan (Horreur ! Je sens que notre hôte risque une attaque rien qu’à lire ce nom maudit, pour ne pas parler de “nationaliste-ethniciste. Bon ! Respirez un bon coup, ça va passer”
J’ai suivi votre conseil, j’ai respiré un bon coup. Bon, je dois dire que ça va, j’ai semble-t-il échappé à une attaque.
Je me garderai bien au demeurant de contester que le subjonctif imparfait est “encore très vivant” en occitan. Par contre, je conteste fermement que l’occitan soit encore une langue “très vivante”. Encore eût-il fallu d’ailleurs, sans indiscrétion, que vous précisassiez de quel occitan vous parliez. Du cantalou? Du gascon? Du provençal? Du limousin? Ou bien de l’occitan “hors-sol” reconstruit artificiellement à partir des XIX° et XX° siècles pour servir des visées politiques sécessionnistes?
@ Descartes
[il n’y a pas UNE langue occitane, mais DES langues occitanes]
Pour être plus précis, en termes linguistiques, il y a bien UNE langue occitane historique, qui est composée de plusieurs dialectes, qui forment ce qu’on appelle un “continuum linguistique” – c’est en fait le cas, historiquement, de l’immense majorité des langues naturelles. Il n’y a par contre pas de “langue standard” avant Mistral et compagnie, en effet.
@ BolchoKek
[Pour être plus précis, en termes linguistiques, il y a bien UNE langue occitane historique, qui est composée de plusieurs dialectes, qui forment ce qu’on appelle un “continuum linguistique” – c’est en fait le cas, historiquement, de l’immense majorité des langues naturelles.]
Pardon, mais… pourquoi parler de « continuum linguistique » à propos de l’Occitan, et non à propos des langues latines, par exemple ? Est-ce qu’un Limousin comprend mieux le Provençal qu’un Espagnol ne comprend l’Italien, par exemple ? Pourquoi l’Italien, l’Espagnol et le Français ne seraient pas considérés « dialectes » du Latin, plutôt que des langues indépendantes ? Pourquoi considérer le Bulgare ou l’Ukrainien des langues, alors que ce ne sont que des « dialectes » du Russe ?
La distinction entre une « langue » et un « dialecte » est plus une question sociale et politique que linguistique. La « langue italienne » n’est autre chose que le dialecte toscan, qui devient « italien » de par son adoption par l’Etat italien lors de sa constitution. L’occitan, lui non plus n’est pas une « langue », c’est un dialecte (le Provençal pour les uns, le Languedocien pour d’autres…) élevé au rang de « langue » dans le cadre d’un projet politique « séparatiste ». Tout comme le Corse, élevé au rang de « langue » alors que ce n’est qu’un dialecte italien, comme le sarde.
C’est d’ailleurs pour cette raison que le débat langue/dialecte, qui n’avait aucun intérêt au moyen âge, prend de l’importance au fur et à mesure que les états-nations se constituent. Quand on regarde par exemple la date de parution des premiers dictionnaires français, anglais, espagnols ou allemands, on retrouve ce processus. Et à partir du XIXème siècle, les forces réactionnaires qui reprennent cette logique linguistique cette fois à rebours, dans le cadre d’un projet de création ou de valorisation d’une « nation » qui n’existe pas.
[Il n’y a par contre pas de “langue standard” avant Mistral et compagnie, en effet.]
Pourquoi, à votre avis ? Pourquoi les italiens, qui pourtant n’avaient pas d’Etat central, ont un dictionnaire et une graphie établie en 1612 et pas l’occitan, pourtant parlé par un « continuum linguistique » au moins aussi important ?
@ Bolchokek,
“il y a bien UNE langue occitane historique,”
Il n’y a pas consensus sur la question. Je me souviens avoir lu que quelques linguistes considèrent par exemple l’auvergnat comme une langue à part entière compte tenu de ses spécificités.
Je ne suis pas spécialiste, mais la question du statut de tel ou tel idiome, “langue” ou “dialecte”, me semble plus politique que scientifique.
Il faut également rappeler qu’historiquement on parle bien “des” langues d’oc… comme on parle “des” langues d’oïl (normand, picard, angevin, etc). Le passage à une langue unique standardisée est presque toujours le résultat d’une unification politique (y compris dans la partie nord du pays). En Occitanie, il n’y a jamais eu un tel processus, puisque l’Occitanie s’est trouvée unifiée… par la France! Sinon, il y a le modèle espagnol où chaque “dialecte” roman (hein, parce que les ancêtres des Catalans, des Galiciens, des Navarrais, des Aragonais parlaient tous jadis le bas-latin version hispanique comme les ancêtres des Castillans et des Portugais, je mets bien sûr à part les Basques) est devenu une langue pour des raisons politiques et historiques.
@Descartes
> En fait, il ne semble pas avoir une corrélation entre le niveau de centralisation du pays et les chiffres connues de l’épidémie. Certains pays « décentralisés » (Italie, Espagne, Etats-Unis) font moins bien que des pays centralisés comme la France, d’autres (l’Allemagne, semble-t-il) font mieux.
Surtout, tout le monde semble oublier, quand ce sujet est discuté, que corrélation n’est pas causalité. L’Allemagne s’en sort mieux : soit, mais en quoi est-ce dû à une « meilleure gestion » plutôt qu’au simple hasard ?
Un exemple qui devrait suffire à calmer ce genre de comparaison : l’Italie du Sud est largement moins touchée que l’Italie du Nord, pourtant il paraît peu probable qu’elle ait mieux géré l’épidémie.
Une dernière chose : une étude vient d’établir que le premier patient français connu remonte à la fin décembre 2019. C’est-à-dire un à deux mois plus tôt que toutes les estimations précédentes !
@ Ian Brossage
[Surtout, tout le monde semble oublier, quand ce sujet est discuté, que corrélation n’est pas causalité. L’Allemagne s’en sort mieux : soit, mais en quoi est-ce dû à une « meilleure gestion » plutôt qu’au simple hasard ?]
On ne le saura qu’une fois que cette crise sera terminée, qu’on aura les vrais chiffres et qu’on pourra travailler sur le retour d’expérience. C’est pourquoi il faut aujourd’hui être très prudent sur le sujet.
@ pseudo D
Je l’attendais celle-là 😉
pas d’ordinateur, rare mais possible (une famille chez moi);
pas de connection internet fiable, commun à tous en ce moment!
Les parents ont tous un téléphone et j’envoie par mail le travail quotidien pour deux familles.
Comme quoi, voyez-vous, dans mon monde pas meilleur que celui des autres, on sait s’adapter!
@ Françoise
[pas d’ordinateur, rare mais possible (une famille chez moi);]
Et bien, vous avez tort de prendre votre cas pour une généralité. Les familles non équipées (ou équipées d’un seul ordinateur pour l’ensemble de la fratrie) ne sont pas rares. Faire comme si le problème n’existait pas simplement parce que vous enseignez dans un environnement privilégié me semble donc une généralisation abusive.
[pas de connection internet fiable, commun à tous en ce moment!]
Ce n’est pas une question de “moment”. Une partie importante des Français n’a toujours pas accès à la fibre optique, et “prendre en vidéo” un enfant en difficulté sur une connexion ADSL, c’est très loin d’être évident.
Réflexion comme ça : est-ce que sans la peur du tribunal, sans la peur de faire moins que la Chine (cet horrible dictature il paraît) le gouvernement aurait pris les mesures qu’il a prit, dans le but de sauver des vies, de pas saturer l’hôpital, de proposer des mesures de reprises de l’économie en protégeant les travailleurs ?
@ yoann
[Réflexion comme ça : est-ce que sans la peur du tribunal, sans la peur de faire moins que la Chine (cet horrible dictature il paraît) le gouvernement aurait pris les mesures qu’il a prit, dans le but de sauver des vies, de pas saturer l’hôpital, de proposer des mesures de reprises de l’économie en protégeant les travailleurs ?]
Il fut un temps où les procès contre l’Etat ou les décideurs politiques étaient beaucoup moins nombreux qu’aujourd’hui, et les gouvernements n’étaient pas moins soucieux de la salubrité et la sûreté publique, que je sache. Je ne suis pas convaincu que la judiciarisation de ce qui était auparavant une responsabilité politique ait eu pour effet d’améliorer l’action publique. Au contraire, ce changement a eu un effet paralysant, responsable en grande partie de la “lenteur” et la “l’inefficacité” qu’on reproche aujourd’hui à l’Etat. Beaucoup trop de temps est perdu à ouvrir des parapluies… et les récents débats au Sénat visant à introduire dans la loi des dispositions exonérant les maires de leur responsabilité pénale sur les mesures prises par eux en est la meilleure illustration. D’ailleurs, tiens, pourquoi exonérer les maires et non les préfets ou les fonctionnaires ?
[Il fut un temps où les procès contre l’Etat ou les décideurs politiques étaient beaucoup moins nombreux qu’aujourd’hui]
On peut aussi rappeler qu’il fut un temps ou la bourgeoisie avait encore peur d’une invasion de l’armée rouge, ou d’une révolte sociale armée et communiste…
@ yoann
[On peut aussi rappeler qu’il fut un temps ou la bourgeoisie avait encore peur d’une invasion de l’armée rouge, ou d’une révolte sociale armée et communiste…]
Aussi, aussi… mais je ne crois pas que l’action des l’appareil de l’Etat lorsqu’il s’agissait de gérer une épidémie fut très influencée par ce paramètre.
Sur cette notion de tragédie, où nulle bonne solution ne serait possible (juste, bonne, satisfaisante), j’ai aussi trouvé cette notion de trilemme (comment, en situation de pandémie, envisager de pouvoir construire un triangle satisfaisant en même temps les notions de Santé, Economie, Libertés)
https://www.telos-eu.com/fr/le-triangle-dimpossibilite-du-covid-19.html
Je vous laisse juge de l’intérêt de cette assez pessimiste réflexion.
@ Claustaire
[Sur cette notion de tragédie, où nulle bonne solution ne serait possible (juste, bonne, satisfaisante), j’ai aussi trouvé cette notion de trilemme (comment, en situation de pandémie, envisager de pouvoir construire un triangle satisfaisant en même temps les notions de Santé, Economie, Libertés)]
Je ne connaissais pas le mot « trilemme », mais l’objet dont vous parlez est généralement appelé le « triangle d’impossibilité ». On l’utilise dans des problèmes ou l’on peut identifier trois objectifs, et pour lesquels on ne peut s’approcher de l’un qu’en s’éloignant des deux autres. Il s’agit donc de trouver un point à l’intérieur d’un « triangle » qui représente le meilleur compromis entre les trois. Mais ce processus est le contraire d’un choix tragique, puisque le choix tragique échappe à l’optimisation: quelque soit le choix, on arrive à une catastrophe, et les catastrophes ne sont pas commensurables.
Encore un excellent article,cher Descartes,merci.
Une fois de plus vous m’aidez à traverser un moment difficile .
Mis à part cette bienveillante,et justifiée reconnaissance , un doute me prend.
Avez vous signifié que l’expression ‘ responsable mais pas coupable’ est sempiternellement valable pour les politiques quelqu’ils aient fait ?
@ Luc
[Avez vous signifié que l’expression ‘responsable mais pas coupable’ est sempiternellement valable pour les politiques quelqu’ils aient fait ?]
D’une certaine façon, oui. J’aime beaucoup l’exemple donné par la jurisprudence Crichel Down en Grande Bretagne. Dans cette affaire, un ministre a été mis en cause du fait des agissements d’un fonctionnaire de son ministère. Alors qu’il a été prouvé que le ministre n’avait pas connaissance de ces agissements, il a été obligé de démissionner. Le raisonnement est simple: c’est le boulot du ministre de savoir. Si on permet aux ministres de se disculper en prétextant l’ignorance, les ministres chercheront à savoir le moins possible, un comportement intrinsèquement dangereux pour les affaires publiques. Au contraire, postuler qu’un ministre est responsable de ce que fait son ministère quand bien même il n’en aurait pas connaissance ne peut que l’encourager à travailler ses dossiers, à contrôler ses subordonnés, à s’entourer de personnes compétentes.
En français, la formule “responsable mais pas coupable” couvre bien cette situation. Un homme politique est toujours RESPONSABLE de ce qui se fait dans les services sous sa supervision, quand bien même il n’aurait pas approuvés ou même eu connaissance, parce que sa mission est d’organiser et de contrôler ces services de manière à ce qu’ils ne fassent pas des bêtises. Mais il n’est COUPABLE que de ce qu’il a sciemment fait ou s’est abstenu de faire. Et seule la culpabilité est punissable pénalement.
“Quoi qu’ils aient fait, les politiques n’en sont pas moins hommes que d’autres, et sans forcément avoir à leur imputer des fautes qui mériteraient coups, voire péchés qui mériteraient qu’ils se battent la coulpe pour leur culpabilité, on peut leur demander de “répondre” de leurs choix, même si, en l’occurrence, certains expliqueraient qu’ils n’avaient pas le choix (par exemple de préconiser le port de masques, aussi longtemps qu’on n’en avait pas). Même si ne pas avoir le choix n’interdit pas qu’on ait le choix de le dire ou non… Souvent les pires mensonges sont les mensonges par omission.
Bonjour,
[Je pensais par exemple à un Eric Zemmour.]
Je l’avais entendu dire de banales bêtises au sujet d’un Robespierre ivre de principes et de sang, je l’imagine mal prendre fait et cause pour Saint-Just. Cela m’intéresserait de savoir ce qu’il en dit, mais je vous crois sur parole.
Pour le reste, je vous remercie pour vos précisions et n’ai rien à redire.
Bonne journée
@ Louis
[Je l’avais entendu dire de banales bêtises au sujet d’un Robespierre ivre de principes et de sang, je l’imagine mal prendre fait et cause pour Saint-Just.]
Je n’ai pas dit qu’il ait “pris fait et cause pour Saint-Just”. J’ai dit qu’il le citait comme référence, ce qui n’est pas la même chose. Moi aussi, ayant entendu Zemmour dire tout le mal qu’il pense de Robespierre j’ai été étonné de le voir citer positivement Saint-Just, et c’est pourquoi que cela m’avait marqué. Mais c’était il y a quelque temps et j’aurais du mal à vous retrouver la référence. Ce que je voulais dire, c’est qu’alors que pendant longtemps la gauche et la droite ont eu des références distinctes et ignoraient ouvertement les autres, on assiste aujourd’hui à un grand syncrétisme: vous trouverez des députés PS pour citer des économistes néolibéraux, et des commentateurs d’extrême droite pour citer Thorez. J’y vois personnellement les effets de l’effacement d’une véritable singularité gauche/droite.
Que disait-il de positif exactement concernant Saint-Just ?
@ Ian Brossage
[Que disait-il de positif exactement concernant Saint-Just ?]
Je crois me souvenir qu’il notait la fidélité de Saint-Just, à ses amis comme à ses idées.
@ Descartes
Bonjour,
[Et c’est là qu’on revient au tragique. Puisque victoire ou défaite ne dépendent que du jet de dés, la seule façon de faire de la politique au sens noble du terme, c’est pour le politique de redevenir Créon, d’accepter que son destin personnel est dans la main des dieux et que par conséquence autant faire ce qu’on croit juste et advienne que pourra]
La victoire (la bonne gestion d’une crise pour le politique), c’est à dire que, in fine, le décideur peut objectivement justifier ses décisions, ou la défaite, dans le cas contraire, n’en reviennent plus à un pari à la Pascal, philosophe tragique s’il en est, ou même à un jet de dés.
Si dans l’antiquité, qui a inspiré les grandes tragédies, les dieux avaient bon dos et permettaient de soumettre le peuple à la prétendue volonté divine, il n’en est plus de même maintenant où l’invocation du ciel n’opère plus et les moyens d’investigation, à priori et à postériori, sont considérables.
Les exécutifs ont à rendre des compte sur leurs décisions et leurs mises en œuvre, y compris la communication et l’information, les résultats obtenus n’étant qu’une composante de l’appréciation des citoyens. Dans la situation actuelle, qu’est-ce qui oblige le gouvernement et le ministre de la santé en particulier à pérorer sur les 700000 tests par semaine à compter du 11 mai ?.
Il va devoir répondre de cette allégation pour le moins présomptueuse qui risque de prendre la tournure délétère de l’affaire des masques.
Le tragique n’est-il pas dans cette bulle où sont enfermés les dirigeants de notre République et qui les conduit trop souvent dans un état de lévitation mentale à des lieues du simple sens commun. Ne disposant pas d’un de Gaulle plus d’une fois par siècle, ne faudrait-il pas adapter la Constitution aux responsables dont nous sommes affublés ?
@ Marcailloux
[Si dans l’antiquité, qui a inspiré les grandes tragédies, les dieux avaient bon dos et permettaient de soumettre le peuple à la prétendue volonté divine, il n’en est plus de même maintenant où l’invocation du ciel n’opère plus et les moyens d’investigation, à priori et à postériori, sont considérables.]
Oui et non. Les dieux ont certes déserté le ciel, mais si nous n’avons plus à craindre le caprice de Minerve ou de Vénus, il n’en reste pas moins que nous sommes toujours jouets de forces que nous ne contrôlons pas. A commencer par notre mort, qui est le destin de chacun d’entre nous qu’il le veuille ou pas. En ce sens, le tragique est toujours là. Mais vous rejoignez Steiner sur un point : la bourgeoisie, en tant que classe dominante, rejette l’idée du tragique précisément parce qu’elle vit dans l’illusion de la toute-puissance.
[Les exécutifs ont à rendre des compte sur leurs décisions et leurs mises en œuvre, y compris la communication et l’information, les résultats obtenus n’étant qu’une composante de l’appréciation des citoyens.]
Certes. Mais sans aucune garantie que le juge devant qui ils rendent des comptes soit compétent ou juste. Non seulement les résultats obtenus ne sont qu’une composante de l’appréciation des citoyens, mais il n’est même pas garanti que les résultats soient appréciés à leur juste valeur. Le jugement des citoyens n’est pas moins arbitraire que celui des dieux de la tragédie.
[Dans la situation actuelle, qu’est-ce qui oblige le gouvernement et le ministre de la santé en particulier à pérorer sur les 700000 tests par semaine à compter du 11 mai ?.]
A votre avis ? Pensez-vous qu’il le fait parce qu’il est idiot ? Que c’est le hasard qui le guide ? Non, croyez-moi, s’il le fait, c’est parce qu’il a fait un calcul. Que le calcul en question soit faux, c’est une autre histoire. Mais ce n’est pas par hasard que les gouvernants font ce qu’ils font.
[Il va devoir répondre de cette allégation pour le moins présomptueuse qui risque de prendre la tournure délétère de l’affaire des masques.]
Peut-être. Ou peut-être pas. Ce ne serait pas la première fois qu’un homme politique ment sans avoir à répondre de ses mensonges. Jacques Delors est toujours là, confit d’honneurs et de louanges… La politique n’est pas un film de Disney, ou les méchants sont punis à la fin et les gentils vivent heureux et ont beaucoup d’enfants. C’est cela, le tragique de l’histoire.
[Le tragique n’est-il pas dans cette bulle où sont enfermés les dirigeants de notre République et qui les conduit trop souvent dans un état de lévitation mentale à des lieues du simple sens commun.]
Dans ce monde de communication, il ne faudrait pas perdre de vue que le plus important n’est pas ce que les ministres disent, mais ce que les ministres font. Au-delà du discours contradictoire sur les masques, je trouve personnellement que l’Etat a bien géré la pénurie, qu’il a résisté au chœur des « et moi, et moi, et moi » en réservant les masques pour ceux qui en avaient le plus besoin, et qu’il a réussi – et ce n’était pas couru d’avance – à éviter la saturation du système de soins. Ce n’est pas une mince réussite. Et s’il faut enterrer un cadavre anonyme en le faisant passer par Etéocle pour sauver la nation, qu’il en soit ainsi.
[Ne disposant pas d’un de Gaulle plus d’une fois par siècle, ne faudrait-il pas adapter la Constitution aux responsables dont nous sommes affublés ?]
J’aimerais connaître votre proposition. Quelle serait la Constitution « adaptée » aux responsables que nous avons ?
@ Marcailloux
[Le tragique n’est-il pas dans cette bulle où sont enfermés les dirigeants de notre République et qui les conduit trop souvent dans un état de lévitation mentale à des lieues du simple sens commun.]
De quelle bulle parlez-vous ? De quel sens commun parlez-vous ?
Je trouve moi aussi que l’État s’en est bien sorti jusque là. Les 2 objectifs on été atteints : éviter la saturation des hôpitaux et faire reculer l’épidémie.
@ BJ
[Je trouve moi aussi que l’État s’en est bien sorti jusque là. Les 2 objectifs on été atteints : éviter la saturation des hôpitaux et faire reculer l’épidémie.]
Votre commentaire – que je partage tout à fait – me donne une opportunité de rebondir sur un point intéressant. J’ai noté que dans les conversations de bureau comme dans les échanges sur ce blog, il y a un corps important de l’opinion qui juge que le gouvernement fait mal les choses par définition, sans qu’il soit besoin d’avancer le moindre élément objectif, la moindre preuve substantielle, le moindre faisceau de présomptions. La charge de la preuve se trouve renversée: c’est à l’Etat de prouver qu’il a bien agi, et non à ses critiques de prouver l’inverse. Comme si la présomption logique est que l’Etat fait mal les choses.
Cette “présomption” est d’autant plus étonnante que dans la pratique on peut observer l’inverse: pour ne parler que de la crise en cours, on ne peut que constater que le système de santé a rempli son rôle, que la continuité des services publics essentiels a été assurée, que l’approvisionnement de la population a été assurée bien au delà des produits indispensables. Nous n’avons même pas conscience de l’effort, de la créativité, de l’organisation, du dévouement qui sont derrière cette réussite. On applaudit à 20 heures les personnels soignants, et c’est bien (même si la répétition compulsive de cet hommage a quelque chose de dérangeant). Mais en même temps on crache en permanence sur l’INSTITUTION dont ces personnels sont les agents, comme si la réussite incontestable de notre système de santé était d’abord une réussite individuelle, et non institutionnelle.
On attribue à mongénéral la formule “les français attendent tout de l’Etat mais le détestent; ils ne se comportent pas en adultes”…
@ BJ
Bonjour,
[De quelle bulle parlez-vous ? De quel sens commun parlez-vous ?]
Il s’agit d’un ensemble constitué, entre autres, de la « monarchisation » de la fonction de président de la République, par la Constitution et aussi par le faste permanent des ors de la République.
Lorsque l’exécutif reçoit en réception officielle, le rayonnement de la France gagne à se maintenir à hauteur de son passé et de son présent. Cela est moins le cas pour le quotidien lorsque des myriades de conseillers, de gardes du corps, d’huissiers, etc bourdonnent autour du premier ministre ou du président ou même des ministres. Il y a là de quoi perdre le sens des réalités quotidiennes du citoyen lambda. L’exemple des mensonges successifs, qui n’ont rien à voir avec l’action gouvernementale, montre, à mes yeux, que l’on fait peu de cas de la capacité du peuple à déjouer de si grosses ficèles. Être dans le déni, l’affabulation, c’est s’éloigner du sens commun, du bon sens populaire.
En ce qui concerne la saturation des hôpitaux, attendons la fin des réjouissances pour statuer et je constate que l’épidémie ne recule pas, elle ralentit et là aussi, attendons avant de compter les bouses.
Je conviens néanmoins que probablement personne en France n’aurait fait vraiment mieux et pour certains suppôts de Trump, nous aurions pu avoir un scénario américain ou brésilien.
@ Marcailloux
[Il s’agit d’un ensemble constitué, entre autres, de la « monarchisation » de la fonction de président de la République, par la Constitution et aussi par le faste permanent des ors de la République.
Lorsque l’exécutif reçoit en réception officielle, le rayonnement de la France gagne à se maintenir à hauteur de son passé et de son présent. Cela est moins le cas pour le quotidien lorsque des myriades de conseillers, de gardes du corps, d’huissiers, etc bourdonnent autour du premier ministre ou du président ou même des ministres. Il y a là de quoi perdre le sens des réalités quotidiennes du citoyen lambda.]
C’est le but. Si les hommes politiques vivaient comme le citoyen lambda, ils prendraient des décisions comme les prend le citoyen lambda, c’est-à-dire, en fonction de ses petits intérêts immédiats. Si vous voulez des hommes politiques qui aient une hauteur de vues, qui raisonnent en termes d’intérêt général, alors la première chose à faire est de les mettre dans un environnement qui les abstrait de leur qualité d’homme lambda et les place au niveau des Grands Hommes.
Je suis toujours fasciné par ce double discours ou les français reprochent à l’homme politique de ne pas être comme eux, puis exigent de lui qu’il ne soit pas comme eux. On ne devient pas homme d’Etat sans « perdre le sens le sens des réalités quotidiennes du citoyen lambda ».
[L’exemple des mensonges successifs, qui n’ont rien à voir avec l’action gouvernementale, montre, à mes yeux, que l’on fait peu de cas de la capacité du peuple à déjouer de si grosses ficelles. Être dans le déni, l’affabulation, c’est s’éloigner du sens commun, du bon sens populaire.]
Je pense que c’est plus compliqué que ça. On serait plutôt dans la logique des fictions nécessaires. Lorsqu’il n’y a pas assez de masques, et qu’il faut donc les réserver à ceux qui ont le plus besoin c’est-à-dire les soignants, les gens sont prêts à vivre avec l’idée qu’ils n’auront pas accès à un accessoire susceptible de les protéger ? Ou préfèrent-ils croire que l’accessoire en question est inutile ? Pensez-vous que les gens aient vraiment envie qu’on leur dise la vérité ?
[En ce qui concerne la saturation des hôpitaux, attendons la fin des réjouissances pour statuer et je constate que l’épidémie ne recule pas, elle ralentit et là aussi, attendons avant de compter les bouses.]
C’est bien ce que je dis. Attendons avant de critiquer taxativement les choix du gouvernement. Mais j’avais cru comprendre que vous n’adhériez pas à cette sage doctrine…
@ Descartes
Bonjour,
[ [En ce qui concerne la saturation des hôpitaux, attendons la fin des réjouissances pour statuer et je constate que l’épidémie ne recule pas, elle ralentit et là aussi, attendons avant de compter les bouses.]
C’est bien ce que je dis. Attendons avant de critiquer taxativement les choix du gouvernement. Mais j’avais cru comprendre que vous n’adhériez pas à cette sage doctrine…]
Au risque d’abuser des lignes du blog, je me dois d’insister et de préciser.
La stratégie essentielle du gouvernement a porté, à juste titre sur la prévention du risque de saturation en lits de réanimation. Là dessus, nous sommes d’accord.
La fin ne justifiant pas systématiquement les moyens employés, les commissions d’enquête feront, plus tard, le tri entre ce qui a été bien et ce qui a été mal.
Néanmoins, quelque soit la situation matérielle des équipements disponibles, j’ai le sentiment intime – et je ne suis pas là pour en faire la démonstration, les enquêteurs habilités s’en chargeront – que l’exécutif a opté pour le mensonge pour couvrir un ensemble de carences graves de l’organisation de la santé dans le pays.
Je ne juge pas du bien fondé, n’en ayant pas les éléments suffisants, mais je constate que ce qui a été dit ne correspond pas à la réalité, réalité facilement perceptible au moment ou se sont exprimées les affirmations gouvernementales.
Cela ne met pas en cause l’intention de l’exécutif d’agir au mieux dans la pagaille qu’il a du constater. Ce que je constate, c’est la solution de facilité qui est retenue dans la plupart des décisions. Ce que je constate c’est que l’énergie nécessaire aux décisions drastiques à tardé à advenir.
Le choix de l’inénarrable Sibeth Ndiaye comme porte parole est en soi symptomatique et emblématique des choix du pouvoir.
Le « Quoi qu’il en coûte » du président, est un « quoi qu’il en coûte financier », ce qui est, à mon avis le plus facile. Il offre de l’autorité à bon compte. La crise des gilets jaunes en était l’une des prémices.
Il devenait, j’en suis profondément convaincu, impératif d’imposer immédiatement un « embargo » ou une réquisition, peu importe la forme législative précise, sur les masques, les équipements publics et privés, ce qui impliquait une mise au pas des deux secteurs concurrentiels de la santé, la maitrise des rivalités.
Il sera probablement indigne de faire procès juridique aux dirigeants qui ont agit pour le mieux, selon eux et leur façon de voir le pays et ses citoyens. L’essentiel a été préservé, mais au prix de la crédibilité. Et la confiance est une composante tout autant essentielle au retour à la normale, si tant est que l’on puisse caractériser cette situation dont nous ne pouvons prédire les éléments. Elle a été lourdement altérée.
Le procès sera politique et ce que je crains, c’est que des personnes comme M. Le Pen, dont la seule compétence démontrée soit de dénoncer, comme moi, ni plus ni moins, le recours au mensonge, ne se voit propulsée à la tête des affaires ou tout au moins capable de les influencer. C’est le populisme, de droite comme de gauche, qui constitue un danger bien plus grand que le Covid-19.
La paralysie nous guette !
@ Marcailloux
[Au risque d’abuser des lignes du blog, je me dois d’insister et de préciser. La stratégie essentielle du gouvernement a porté, à juste titre sur la prévention du risque de saturation en lits de réanimation. Là-dessus, nous sommes d’accord.]
Et nous sommes d’accord que le gouvernement a réussi à atteindre cet objectif ?
[La fin ne justifiant pas systématiquement les moyens employés, les commissions d’enquête feront, plus tard, le tri entre ce qui a été bien et ce qui a été mal.]
Pas systématiquement, non. Mais quelquefois, oui. Il appartiendra au souverain, c’est-à-dire, à nous tous, d’apprécier si les mensonges qu’on nous a racontés étaient ou non nécessaires, et si l’atteinte aux principes de vérité et de transparence était proportionnée au danger encouru. J’aimerais bien que cette analyse soit faite avec rigueur, ce qui suppose qu’on ne parte pas du présupposé que le gouvernement est coupable pas plus que du présupposé opposé. Je crains, personnellement, que ce ne soit pas le cas. Car les coupables font vendre du papier, les innocents non. Ce simple constat vous permet de prédire quelle sera la position des médias.
[Néanmoins, quelque soit la situation matérielle des équipements disponibles, j’ai le sentiment intime – et je ne suis pas là pour en faire la démonstration, les enquêteurs habilités s’en chargeront – que l’exécutif a opté pour le mensonge pour couvrir un ensemble de carences graves de l’organisation de la santé dans le pays.]
Essayons d’être objectifs. Les princes qui nous gouvernent ne sont pas idiots. Pensez-vous vraiment qu’ils ont cru un instant que ce genre de « mensonge » pouvait tenir sur la durée ? Que tôt ou tard les gens ne réaliseraient pas que si l’on ne leur donnait pas de masques, c’était parce que celles-ci étaient en nombre insuffisant ? Bien sur que non. Et c’est cette simple application du rasoir d’Occam qui me conduit à penser que l’objectif n’était pas de « couvrir un ensemble de carences ».
[Je ne juge pas du bien-fondé, n’en ayant pas les éléments suffisants, mais je constate que ce qui a été dit ne correspond pas à la réalité, réalité facilement perceptible au moment où se sont exprimées les affirmations gouvernementales.]
Tout à fait. Et alors ? Faut-il crier « au feu, au feu » au risque de provoquer une panique alors qu’en disant « un incident technique nous oblige à évacuer le magasin » on sauve des centaines de vies ? Dans ce dilemme, lequel est le plus coupable, celui qui ment pour sauver des gens, ou celui qui préfère une conscience sans tâche ?
[Ce que je constate, c’est la solution de facilité qui est retenue dans la plupart des décisions. Ce que je constate c’est que l’énergie nécessaire aux décisions drastiques à tardé à advenir.]
On peut en discuter. Mais vous m’accorderez que c’est là un reproche bien plus sérieux qu’un simple « mensonge ».
[Le choix de l’inénarrable Sibeth Ndiaye comme porte parole est en soi symptomatique et emblématique des choix du pouvoir.]
C’est ce qu’on appelle « la stratégie du paratonnerre ». Et Ndiaye n’est pas la seule à fonctionner ainsi, Schiappa est dans la même logique. On met en au-devant de la scène des personnalités qui par leurs bêtises attirent la foudre médiatique, qui du coup ne tombe pas ailleurs là où elle pourrait faire bien plus mal. Les journalistes s’amusent tellement à mettre en ondes leurs bourdes qu’il ne reste pas de place pour les bourdes des autres, qui sont nettement plus graves mais beaucoup moins facilement compréhensibles, beaucoup moins amusantes que celles de Ndiaye ou de Schiappa.
Vous noterez aussi qu’il y a un effet de mithridatisation : à force de dire des bêtises et de se faire taper dessus, ces figures deviennent presque sympathiques et personne ne remarque plus les énormités qu’elles peuvent dire. Ségolène Royal est passée maître dans cette technique.
[Il devenait, j’en suis profondément convaincu, impératif d’imposer immédiatement un « embargo » ou une réquisition, peu importe la forme législative précise, sur les masques, les équipements publics et privés, ce qui impliquait une mise au pas des deux secteurs concurrentiels de la santé, la maitrise des rivalités.]
Mais bon dieu, c’est exactement ce qui a été fait. Et très tôt : le premier décret de réquisition, mettant à disposition de l’Etat la TOTALITE des masques de protection renforcée (dits « FFP2 ») et tous les masques dits « chirurgicaux » détenus par les fabricants et les distributeurs a été signé le 13 mars 2020, c’est-à-dire, la semaine qui a précédé le confinement. Je veux bien qu’on reproche beaucoup de choses au gouvernement, mais faudrait le faire en connaissance de cause…
[Et la confiance est une composante tout autant essentielle au retour à la normale, si tant est que l’on puisse caractériser cette situation dont nous ne pouvons prédire les éléments. Elle a été lourdement altérée.]
C’est loin d’être évident. Le gouvernement français est rentré dans la crise avec une cote de confiance faible par rapport aux autres gouvernements européens, mais il ne semble pas avoir perdu des points dans la gestion de la crise. Il est vrai qu’il n’en a pas gagné non plus, mais cela ne suffit pas pour dire que l’opinion des Français ait été « lourdement altérée ». Je trouve entre parenthèses très étonnant qu’on reproche a cor et a cri au gouvernement son « mensonge » sur les masques, mensonge qui finalement peut être expliqué rationnellement, et qu’on oublie souvent l’affaire du premier tour des élections municipales, ou le gouvernement a fait preuve d’une légèreté coupable et beaucoup plus difficile à justifier du point de vue de la gestion de la crise. Il est vrai que pour l’affaire des élections, l’opposition n’a pas nécessairement le cul propre, ce qui explique peut-être quelle évite de monter dans le cocotier.
[Le procès sera politique et ce que je crains, c’est que des personnes comme M. Le Pen, dont la seule compétence démontrée soit de dénoncer, comme moi, ni plus ni moins, le recours au mensonge, ne se voit propulsée à la tête des affaires ou tout au moins capable de les influencer.]
Aurait-elle géré moins bien la situation ? Aucun élément ne nous permet de le dire.
[La paralysie nous guette !]
N’exagérons rien. Nous avons une constitution qui nous protège de cette éventualité, et une administration capable de faire fonctionner le pays si le politique était défaillant.
[c’est s’éloigner du sens commun, du bon sens populaire.]
Le bon sens populaire, je m’en méfie terriblement. C’est lui qui dit, par exemple, qu’il n’y a pas de fumée sans feu…
@ BJ
[Le bon sens populaire, je m’en méfie terriblement. C’est lui qui dit, par exemple, qu’il n’y a pas de fumée sans feu…]
Il ne faut pas confondre le “bon sens populaire” et l’intelligence du peuple. Le “bon sens populaire” est généralement une heuristique.
@ Descartes
[ Non, croyez-moi, s’il le fait, c’est parce qu’il a fait un calcul.]
Je veux bien, cela me rassurerait un peu. Mais à votre avis quels sont les termes de ce calcul ? Car comme dans toute équation bien posée, un zéro pointé risque, pour l’exécutif, d’être le résultat de cette double spéculation sur les masques et les tests.
[J’aimerais connaître votre proposition. Quelle serait la Constitution « adaptée » aux responsables que nous avons ?]
Vous surestimez considérablement mes capacités. Lorsque je vais dans un restaurant, même étoilé, je suis tout à fait légitime d’aimer ou ne pas aimer, d’estimer que c’est trop ou pas assez cuit, trop ou pas assez salé, sans pour autant être tenu d’expliquer au chef comment il doit faire.
Le terme « adapté » que j’emploie est une conséquence directe de ce que vous affirmez, à savoir que les gouvernants doivent suivre le peuple, si j’ai bien compris. Justement, la Constitution me semble être taillée pour quelqu’un qui guide le peuple plus qu’il ne le suit.
Ou on espère qu’un jour on aura un grand homme à disposition, ou on constate qu’il faudra probablement longtemps faire sans et on s’adapte.
La capacité d’adaptation est un signe d’intelligence, pour un peuple comme pour un individu. Rendons notre constitution intelligente et si j’en maitrisais les modalités, je me présenterais aux prochaines présidentielles.
@ Marcailloux
[Je veux bien, cela me rassurerait un peu. Mais à votre avis quels sont les termes de ce calcul ? Car comme dans toute équation bien posée, un zéro pointé risque, pour l’exécutif, d’être le résultat de cette double spéculation sur les masques et les tests.]
Le calcul, c’est que dire la vérité aux français provoquerait des réactions qui gêneraient la gestion rationnelle de l’épidémie. Pour les masques, c’est évident. Que se serait-il passé si le gouvernement avait annoncé que les masques étaient efficaces mais qu’il n’y en avait pas pour tout le monde ? On peut parfaitement imaginer que cela aurait provoqué une ruée sur les maigres stocks, une spéculation effrénée avec des prix qui s’envolent, le pillage des stocks disponibles, et l’impossibilité donc de réserver les masques aux soignants.
Le gouvernement a-t-il eu raison de craindre un tel mouvement ? Personnellement, je pense que les Français valent mieux que ça et auraient compris la situation. Mais ce n’est pas moi qui est sur le siège du ministre, et ce n’est pas moi qui aurai à prendre des responsabilités en cas d’échec. Je me sens donc obligé de faire preuve d’une certaine bienveillance. Je ne sais pas si le choix du gouvernement était ou non le bon, mais je trouve que c’est un choix rationnel, prise avec l’intérêt général en tête. Cela me suffit.
[Vous surestimez considérablement mes capacités. Lorsque je vais dans un restaurant, même étoilé, je suis tout à fait légitime d’aimer ou ne pas aimer, d’estimer que c’est trop ou pas assez cuit, trop ou pas assez salé, sans pour autant être tenu d’expliquer au chef comment il doit faire.]
Tout à fait. C’est pourquoi je m’étonne de vous entendre proposer au chef qu’on « adapte » la Constitution aux responsables dont nous sommes affublés ».
[Le terme « adapté » que j’emploie est une conséquence directe de ce que vous affirmez, à savoir que les gouvernants doivent suivre le peuple, si j’ai bien compris. Justement, la Constitution me semble être taillée pour quelqu’un qui guide le peuple plus qu’il ne le suit.]
Je ne comprends pas le pourquoi de cette manie de vouloir toucher la constitution à tort et à travers. Est-ce que nos institutions sont bloquées ? Non, le gouvernement a tous les instruments juridiques nécessaires pour gouverner, le Parlement a tous les instruments juridiques nécessaires pour exercer sa fonction de législateur et de contrôleur. Nos institutions ont-elles un déficit de légitimité ? Non, les français dans leur immense majorité reconnaissent la légitimité des actes des différents pouvoirs. Les appels à la désobéissance générale à la loi et au règlement ne trouvent qu’un écho ultra minoritaire. Alors, c’est quoi le problème avec la Constitution ?
Imaginer qu’on puisse trouver une constitution qui nous protège des « responsables dont nous sommes affublés » est une douce illusion. Ce n’est pas un problème constitutionnel, mais un problème social. Changer la constitution ne sera jamais un substitut au changement de la société.
Et Macron alors, Antigone ou Créon ? [une adolescente […] victime de sa propre bêtise] ou [c’est pour le politique de redevenir Créon, d’accepter que son destin personnel est dans la main des dieux et que par conséquence autant faire ce qu’on croit juste et advienne que pourra.] ?
Car on est d’accord qu’il a laissé et laisse encore les frontières Schengen ouvertes par européisme? Qui, si on en croit leurs actions, n’est qu’assez peu partagé par les autres dirigeants européens ?
Les Français n’ont pas le droit d’aller à plus d’1 km de chez eux (demain 100) mais le gouvernement n’interdit pas aux étrangers d’entrer en France.
Après tout peut-être croit-t-il juste et être son destin que de contribuer à en finir avec la France afin de rendre possible le grand saut européen du fédéralisme…
Et d’ailleurs, [Il y en a même qui cherchent à utiliser cette crise pour faire avancer leur marotte]
Comme lui et son gouvernement ?
Par exemple, libération de délinquants et criminels (soi-disant en fin de peine alors que des exemples montrent le contraire). Ôter tout sens au baccalauréat (délivré sur la seule base d’un contrôle continu qui, certes, ne change plus grand-chose mais alors autant le supprimer). Enseignement de l’arabe possible au CE1.
[les collectivités locales n’ont pas fait preuve d’une clairvoyance particulière]
L’État a quand même réquisitionné des livraisons à des collectivités locales. Ce qui tendrait à prouver qu’il n’a pas fait preuve d’une particulière supériorité…
Autant je partage l’idée de la nécessité d’un État centralisé fort en France, autant j’ai du mal à le reconnaître dans ce qu’il est devenu, après 40 ans de trahisons et d’abandons. Car actuellement, si l’État est fort, c’est avec les faibles. Avec les forts…
Le plus regrettable d’ailleurs, c’est que si la faiblesse actuelle de l’État l’empêche de jouer pleinement son rôle, elle ne l’empêche pas de maintenir en place les règles d’un jeu qui depuis 40 ans nous détruit…
[Ceux qui expliquaient combien les statuts et les régimes spéciaux sont injustes chantent les louanges des métiers dont le statut assure le dévouement même au péril de leur propre vie.]
L’éducation nationale vs les supermarchés ?
La poste vs le transport de marchandises ?
Les transports publics ou le ramassage des ordures vs les délégations ?
On avait déjà échangé un peu sur ce sujet dans les commentaires d’un billet précédent et je ne suis toujours pas convaincu que la situation actuelle illustre particulièrement l’utilité des statuts et des régimes spéciaux.
A mon avis, ça illustre plutôt ce qu’il nous reste des sens du devoir et de l’honneur qui composaient, en partie, l’esprit français. D’ailleurs, l’exemple de vous et vos collègues que vous avez donné dans le fil de commentaires précédent (« Je dois dire donc que mes collègues […] sont aussi des gens qui ont chacun dans son bureau un drapeau tricolore, et qui exhibent avec fierté leurs médailles du travail ou la devise humoristique « Mégawatt, Honneur, Patrie ». Ce n’est certainement pas un milieu représentatif. ») me semble davantage révélateur de cet esprit que de celui du statut et des régimes spéciaux.
Car ce n’est à mon avis pas un hasard si ceux qui ont le plus fait montre de cet esprit sont les classes populaires et les élites techniciennes. Tandis que les franges « intermédiaires » ne se sont pas davantage illustrées dans le public que dans le privé.
@ bip
[Et Macron alors, Antigone ou Créon ?]
Question fort intéressante ! Macron est en effet un être double : d’un côté un opportuniste pragmatique rompu aux nécessités de la dissimulation, ce qui le rapproche de Créon, de l’autre un « rebelle » s’attaquant de front aux institutions de « l’ancien monde » et cultivant son image « transgressive », un peu comme Antigone. Mais c’est justement cette duplicité qui éloigne Macron de la tragédie pour un faire un personnage non pas tragique, mais dramatique. La tragédie s’accommode mal du « en même temps ».
[Car on est d’accord qu’il a laissé et laisse encore les frontières Schengen ouvertes par européisme?]
Je ne le crois pas. Macron est tout, sauf un idéologue. Je pense qu’il a laisse les frontières ouvertes – ou plutôt fait mine de le faire, parce que de facto elles ont été fermées assez vite – par calcul. Les fermer, c’eut été politiquement prendre le parti suggéré par les « nationalistes », et cela eut été politiquement ruineux.
[Les Français n’ont pas le droit d’aller à plus d’1 km de chez eux (demain 100) mais le gouvernement n’interdit pas aux étrangers d’entrer en France.]
Vous êtes je pense mal informé. Depuis quatre semaines, les frontières sont fermées et les étrangers ne peuvent accéder au territoire national que sur autorisation explicite accordée par les préfets. C’est d’ailleurs à cette occasion que beaucoup d’administrations ont réalisé combien les entreprises françaises ont recours à de la main d’œuvre étrangère, détachée ou pas, puisqu’elles croulent souvent sous les demandes d’autorisation.
[Par exemple, libération de délinquants et criminels (soi-disant en fin de peine alors que des exemples montrent le contraire).
Pour ce qui concerne la libération des prisonniers, c’est une mesure pragmatique : avec la surpopulation carcérale, il serait impossible de gérer une épidémie en prison. Dieu sait que je ne suis partisan de Macron et de son gouvernement, mais lui reprocher de résoudre pragmatiquement un problème hérité de ses prédécesseurs (parce que ce n’est pas le gouvernement actuel qui a inventé la surpopulation carcérale…) me semble pour le moins injuste. Avant de critiquer une mesure gouvernementale, il faut se demander « qu’est ce que j’aurais fait à sa place ». Qu’auriez-vous fait si vous étiez ministre de la justice ?
[Ôter tout sens au baccalauréat (délivré sur la seule base d’un contrôle continu qui, certes, ne change plus grand-chose mais alors autant le supprimer).]
De facto, on l’a supprimé. Par tranches, parce que les Français y sont symboliquement attachés, mais on l’a bien supprimé. Et cela ne date pas d’hier : quand on tord année après année les critères de notation pour permettre à 80% ou plus des candidats de l’avoir, on vide l’épreuve de tout son sens. Avec l’introduction du contrôle continu et la note sur livret scolaire, on avait déjà largement entamé le processus. La décision prise aujourd’hui ne fait que pousser la logique à sa dernière extrémité.
Il n’est pas inutile de rappeler qu’en 1940 les épreuves du bac ont eu lieu, alors que la guerre avait déjà commencé (la guerre avait été déclarée en septembre 1939, et les opérations militaires commencé en mai 1940). En 1944, alors que la libération du territoire est en cours, on organise les épreuves du bac, et les étudiants planchent malgré le danger. A Caen, les copies sont détruites dans un bombardement ? Qu’a cela ne tienne… on fait repasser l’épreuve ! Et plus étonnant, le nombre de candidats et le pourcentage de reçus est à peu près le même entre 1940 et 1945. Mais à l’époque, l’institution éducative est vue comme un pilier de la société. Hors de question de galvauder le diplôme…
[Enseignement de l’arabe possible au CE1.]
Oui. Et il n’est pas inutile de rappeler que le dispositif ELCO dérive des prescriptions d’une directive européenne. Comme souvent, cela partait d’une bonne intention : permettre aux enfants d’immigrés de garder un lien avec leur pays d’origine pour pouvoir envisager leur retour. En pratique, cela a servi de cheval de troie au communautarisme dans le contexte d’un affaiblissement progressif de la pression assimilatrice.
[« les collectivités locales n’ont pas fait preuve d’une clairvoyance particulière » L’État a quand même réquisitionné des livraisons à des collectivités locales. Ce qui tendrait à prouver qu’il n’a pas fait preuve d’une particulière supériorité…]
Il ne s’agit pas des « livraisons » mais des stocks. On reproche à l’Etat de ne pas avoir constitué des stocks de masques… mais on peut constater que les collectivités locales n’avaient pas, elles non plus, pris cette précaution. En fait, lorsqu’on regarde en détail les seuls qui avaient pris la menace au sérieux et stocké en quantité ce sont… les établissements et entreprises publiques. La SNCF, la RATP et surtout EDF avaient tout ce qu’il fallait pour leur personnel. Et ce sont d’abord leurs stocks qui ont été réquisitionnés pour aider le système de soins…
[« Ceux qui expliquaient combien les statuts et les régimes spéciaux sont injustes chantent les louanges des métiers dont le statut assure le dévouement même au péril de leur propre vie. » L’éducation nationale vs les supermarchés ? La poste vs le transport de marchandises ? Les transports publics ou le ramassage des ordures vs les délégations ?]
Les personnels des supermarchés, du transport de marchandises, ou des délégations de service public ne sont pas amenés de par leurs fonctions à être en contact avec les personnes infectées. Les pompiers, les policiers, les gendarmes, le personnel hospitalier, si. Et ils ne peuvent pas sérieusement invoquer le « droit de retrait ». Alors je veux bien qu’on salue l’héroïsme des caissières de supermarché, mais franchement, comparé aux risques pris par une infirmière ou un pompier, vous m’accorderez qu’il y a une mer de différence.
[On avait déjà échangé un peu sur ce sujet dans les commentaires d’un billet précédent et je ne suis toujours pas convaincu que la situation actuelle illustre particulièrement l’utilité des statuts et des régimes spéciaux.]
Si vous voulez que les gens fassent preuve d’un dévouement qui va au-delà de ce qui est écrit dans leur contrat de travail, il faut leur accorder une protection qui va au-delà du droit commun. EDF a pu disposer chaque fois dans une situation d’urgence de son personnel retraité. Connaissez-vous beaucoup d’entreprises qui puissent le faire ? Personnellement, je n’en connais aucune. Et d’ailleurs, une entreprise aurait du mal à le faire en appliquant le code du travail. Mais le statut du personnel EDF a prévu le cas, et permet de le faire légalement…
[A mon avis, ça illustre plutôt ce qu’il nous reste des sens du devoir et de l’honneur qui composaient, en partie, l’esprit français.]
Il ne vous aura pas échappé que ce « sens du devoir et de l’honneur » s’est constitué dans un pays qui est, fondamentalement, un pays de statuts. Pensez-vous que ce « sens du devoir et de l’honneur » puisse être maintenu dans une logique capitaliste de « paiement au comptant » ?
[D’ailleurs, l’exemple de vous et vos collègues que vous avez donné dans le fil de commentaires précédent (« Je dois dire donc que mes collègues […] sont aussi des gens qui ont chacun dans son bureau un drapeau tricolore, et qui exhibent avec fierté leurs médailles du travail ou la devise humoristique « Mégawatt, Honneur, Patrie ». Ce n’est certainement pas un milieu représentatif. ») me semble davantage révélateur de cet esprit que de celui du statut et des régimes spéciaux.]
Connaissez vous un milieu sans statut ou cet esprit ait pu être cultivé ? Non, si comme vous le dites cet honneur professionnel fait partie de « l’esprit français », c’est parce que l’idée de statut est elle aussi profondément ancrée dans notre psyché. Pour qu’on se sente des devoirs particuliers, exorbitants du droit commun envers la collectivité, il faut que la collectivité réponde en consentant des avantages ou des protections réelles ou symboliques elles aussi exorbitantes du droit commun.
Vous ne pouvez pas avoir le beurre et l’argent du beurre. Si vous vous placez dans une logique de contrat individuel, alors je vous vend ma force de travail pour un certain prix, et au-delà je n’ai aucune obligation. L’honneur, le devoir n’ont aucune place dans ce rapport. Si vous voulez voir le devoir et l’honneur devenir significatifs, alors il faut passer du contrat individuel au contrat collectif que représente le statut, ou la collectivité consent des efforts extraordinaires et est donc légitime à exiger des efforts extraordinaires.
[Car ce n’est à mon avis pas un hasard si ceux qui ont le plus fait montre de cet esprit sont les classes populaires et les élites techniciennes.]
C’est-à-dire, les couches les plus attachées à l’idée de « statut »…
@ Descartes
[Je pense qu’il a laisse les frontières ouvertes – ou plutôt fait mine de le faire, parce que de facto elles ont été fermées assez vite – par calcul.]
Et c’est aussi par calcul qu’il rouvre les frontières intérieures à Schengen demain et soutient le maintien de la fermeture aux frontières extérieures de Schengen ? Comme il y a le « bon chasseur » et le « mauvais chasseur » selon les Inconnus, il y aurait les bonnes et les mauvaises frontières ?
[[Les Français n’ont pas le droit d’aller à plus d’1 km de chez eux (demain 100) mais le gouvernement n’interdit pas aux étrangers d’entrer en France.]
Vous êtes je pense mal informé. Depuis quatre semaines, les frontières sont fermées et les étrangers ne peuvent accéder au territoire national que sur autorisation explicite accordée par les préfets.]
Mais au moment de l’instauration du confinement puis des 1km, ce n’était pas encore le cas, si ? Le jeudi 12/03 en tout cas, on en était encore à « Les virus n’ont pas de passeport ». Et il me semble que fin Mars, début Avril, il y avait encore des avions avec des étrangers qui arrivaient.
Et demain, ce ne sera plus le cas. On pourra venir de l’étranger « Schengen ».
[Dieu sait que je ne suis partisan de Macron et de son gouvernement, mais lui reprocher de résoudre pragmatiquement un problème hérité de ses prédécesseurs (parce que ce n’est pas le gouvernement actuel qui a inventé la surpopulation carcérale…) me semble pour le moins injuste.]
En 3 ans, je pense qu’ils ont eu largement le temps d’expulser les étrangers condamnés par la justice, de construire des prisons et de former du personnel pénitentiaire.
Sans même parler de déchoir de leur nationalité française les binationaux condamnés pour des affaires liées au terrorisme puis de les expulser.
Ni d’envoyer casser des cailloux on ne sait où ceux qui ne sortiront de toutes façons jamais de prison vivants.
[Avant de critiquer une mesure gouvernementale, il faut se demander « qu’est ce que j’aurais fait à sa place ». Qu’auriez-vous fait si vous étiez ministre de la justice ?]
Si j’avais été nommé au début de la crise (et pas 3 ans avant), j’aurais au plus libéré des personnes fragiles (âge ou facteur de risque), qui n’avaient qu’au pire commis des délits, et incarcérées dans une zone à risque élevé. Et si ça n’avait pas suffi, tant pis. Prendre le risque d’une épidémie potentielle, avec de possibles morts parmi des prisonniers, m’aurait paru un meilleur calcul que de prendre le risque d’une seule possible mort d’un non prisonnier due à un détenu libéré à cette occasion. Car j’aurais engagé ma responsabilité en tant que complice de ceux qui auraient récidivé durant la période où ils auraient dû être en prison.
J’étendrais d’ailleurs cette mesure de responsabilité au niveau « complicité » aux juges d’application des peines pour les temps habituels.
Et je ne me serais certainement pas félicité d’avoir ainsi remédier à la surpopulation carcérale…
J’aurais ensuite supprimer les possibilités de peine alternative type bracelet électronique. Car s’il est possible d’appliquer quelque chose de plus restrictif à l’ensemble d’une population innocente, comme ce confinement, alors on ne peut décemment soutenir que la punition est suffisante pour un délinquant ou un criminel.
[Les personnels des supermarchés, du transport de marchandises, ou des délégations de service public ne sont pas amenés de par leurs fonctions à être en contact avec les personnes infectées. Les pompiers, les policiers, les gendarmes, le personnel hospitalier, si.]
A mon avis, vu le passage dans un supermarché, une caissière n’a pas dû être loin d’être en contact avec au moins autant de personnes atteintes du Covid-19 qu’une infirmière, certes de manière moins proche et plus brève.
Pour la comparaison entre délégation de service public et service public, je constatais juste que les ordures n’ont pas été moins bien ramassées, que l’eau n’a pas plus manqué, que les bus n’ont pas moins roulé, etc, selon la modalité choisie.
[Et ils ne peuvent pas sérieusement invoquer le « droit de retrait ».]
Et ce qui aurait été le plus problématique, c’est que ce soit les infirmières ou les caissières qui se retirent ?
[Alors je veux bien qu’on salue l’héroïsme des caissières de supermarché, mais franchement, comparé aux risques pris par une infirmière ou un pompier, vous m’accorderez qu’il y a une mer de différence.]
De bonne foi, ça ne m’apparaît pas aussi flagrant. Mais je ne vois pas comment on pourrait le mesurer.
[Si vous voulez que les gens fassent preuve d’un dévouement qui va au-delà de ce qui est écrit dans leur contrat de travail, il faut leur accorder une protection qui va au-delà du droit commun.]
Même en temps de crise dans une activité que vous savez essentielle à la nation ?
Sans comparaison, les Poilus n’ont pas refusé d’engager des batailles conduisant à une mort certaine parce que ça ne leur aurait pas été dûment expliciter au préalable. Et il y a une grande différence entre participer à une bataille où vous risquez votre vie et une bataille où vous savez que vous allez y rester.
Aussi, sans doute moins glorieux, si on en croit les États-uniens qui ont manifesté pour reprendre leur travail, je dirais que l’absence de filet de sécurité est également un moyen de motivation très performant. Et à en juger par la volonté de réouverture de tous les petits commerçants, je dirais que ça se vérifie aussi ici.
[EDF a pu disposer chaque fois dans une situation d’urgence de son personnel retraité. Connaissez-vous beaucoup d’entreprises qui puissent le faire ?]
Non. Mais connaissez-vous beaucoup d’autres services publics qui puissent le faire ?
[Il ne vous aura pas échappé que ce « sens du devoir et de l’honneur » s’est constitué dans un pays qui est, fondamentalement, un pays de statuts. Pensez-vous que ce « sens du devoir et de l’honneur » puisse être maintenu dans une logique capitaliste de « paiement au comptant » ?]
Si on fait une composante de l’identité française, son maintien réside dans la capacité d’y opposer la logique nationaliste. D’où vient la sensibilité à cette logique, par contre, je l’ignore. Pourquoi certains la développent « naturellement » alors qu’aucun contexte particulier ne les y destinent (ni familial ni scolaire) ?
[Connaissez vous un milieu sans statut ou cet esprit ait pu être cultivé ?]
Jusqu’à ce que vous preniez cet exemple, j’ignorais que ça existait encore autre part que dans des milieux militaires. Donc peut-être que mon ignorance pourrait me réserver d’autres heureuses surprises. 😉
[Non, si comme vous le dites cet honneur professionnel fait partie de « l’esprit français »]
Je ne faisais pas particulièrement référence à un sens de l’honneur professionnel particulier mais au sens de l’honneur tout court : il est de mon devoir vis-à-vis de mon pays ou de mes compatriotes ou de mes amis ou de ma famille ou de moi-même etc de remplir le rôle qui est le mien.
[C’est-à-dire, les couches les plus attachées à l’idée de « statut »…]
Et qui sont ceux grâce à qui le pays a encore fois tenu bon alors qu’il est une nouvelle fois entré dans une crise avec des moyens peu adaptés et sans stratégie efficace. Ce sont souvent d’ailleurs ceux qui ne sont responsables (par leurs choix politiques notamment) ni des uns ni de l’autre.
Mais attention, je ne remettais nullement en question l’idée de statut et de sa nécessité, j’exprimais simplement des doutes sur l’idée qu’on en avait vu une expression singulière lors de cette crise.
On ne pourrait d’ailleurs pas penser que les statuts sont d’abord utiles en temps « normaux » pour s’assurer d’un dévouement particulier du personnel pour certaines missions tandis qu’en temps de crise, c’est d’abord le dévouement à un collectif plus large qui l’emporte ?
@ bip
[Et c’est aussi par calcul qu’il rouvre les frontières intérieures à Schengen demain et soutient le maintien de la fermeture aux frontières extérieures de Schengen ? Comme il y a le « bon chasseur » et le « mauvais chasseur » selon les Inconnus, il y aurait les bonnes et les mauvaises frontières ?]
Il ne faudrait pas faire une fixation sur la question des frontières. Les frontières sont importantes, mais il ne faut pas non plus les sacraliser. Il n’est pas irrationnel de permettre l’accès sur notre territoire – avec certaines précautions – aux personnes provenant de pays qui prennent des mesures sanitaires du même niveau que les nôtres. Il existe donc bien de « bonnes frontières » – avec les pays dont les normes sanitaires sont aussi sévères que les nôtres – et des « mauvaises frontières » – avec les pays qui sont moins strictes, ou qui fournissent moins d’information sur ce qu’ils font.
[« Vous êtes je pense mal informé. Depuis quatre semaines, les frontières sont fermées et les étrangers ne peuvent accéder au territoire national que sur autorisation explicite accordée par les préfets. » Mais au moment de l’instauration du confinement puis des 1km, ce n’était pas encore le cas, si ? Le jeudi 12/03 en tout cas, on en était encore à « Les virus n’ont pas de passeport ».]
Oui, mais une semaine plus tard on imposait la fermeture. J’ajoute qu’alors même que le président déclarait que le virus n’a pas de frontières, les préfets des départements frontaliers imposaient des règles d’accès qui revenaient de fait à restreindre très fortement la circulation.
[Et il me semble que fin Mars, début Avril, il y avait encore des avions avec des étrangers qui arrivaient.]
Vous ne pouvez pas tout fermer, tout simplement parce que certains étrangers sont indispensables. Il ne vous aura pas échappé par exemple que depuis la vente d’Alsthom à GE, l’entretien des turbines des centrales nucléaires est faite en partie par des spécialistes étrangers, venus de GE ou d’ABB…
[« Dieu sait que je ne suis partisan de Macron et de son gouvernement, mais lui reprocher de résoudre pragmatiquement un problème hérité de ses prédécesseurs (parce que ce n’est pas le gouvernement actuel qui a inventé la surpopulation carcérale…) me semble pour le moins injuste. » En 3 ans, je pense qu’ils ont eu largement le temps d’expulser les étrangers condamnés par la justice, (…)]
En d’autres termes, si vous êtes français et que vous tuez une vieille vous en prenez pour trente ans de cachot, si vous êtes étranger et vous tuez une vieille, vous risquez tout au plus l’expulsion ? Outre le fait qu’une telle logique serait peu dissuasive vis-à-vis des criminels étrangers, pensez-vous qu’une telle inégalité de traitement soit acceptable ? Et si vous attendez la fin de la peine pour les expulser, l’effet sur la surpopulation ne sera pas très visible…
[(…) de construire des prisons et de former du personnel pénitentiaire.]
Vous arrivez à construire une prison en moins de trois ans ? Vous êtes bon, vous…
[Sans même parler de déchoir de leur nationalité française les binationaux condamnés pour des affaires liées au terrorisme puis de les expulser.]
En d’autres termes, les doubles nationaux condamnés pour des affaires de terrorisme ne risquent que la déchéance d’une nationalité qui ne signifie pas grande chose pour eux et une expulsion ? Avouez que ce n’est pas cher payé…
[Ni d’envoyer casser des cailloux on ne sait où ceux qui ne sortiront de toutes façons jamais de prison vivants.]
Avez-vous entendu parler de Patrick Dils ? Si vous connaissez un moyen de détecter « ceux qui ne sortiront de toute façon jamais de prison vivants », écrivez à : Ministère de la Justice, 1 Place Vendôme, 75001 Paris, France.
[Et si ça n’avait pas suffi, tant pis. Prendre le risque d’une épidémie potentielle, avec de possibles morts parmi des prisonniers,]
Et quid des morts parmi les gardiens et tous les autres personnels qui assurent la logistique en prison ? Pensez-vous que ces personnels auraient accepté de prendre quotidiennement leur poste dans une prison affectée par une épidémie massive ? Vous rendez compte des risques sanitaires, mais aussi liés au désespoir de la population carcérale, auxquels ces personnels seraient soumis ?
Comme quoi, il faut se méfier du « y a qu’à, faut qu’on ». Sur le comptoir du bistrot, chacun ferait un meilleur ministre que celui qui occupe le poste. Mais si vous étiez assis devant dans le grand bureau Place Vendôme, vous seriez probablement écrasé par la magnitude des problèmes. Alors, ayons un peu de modestie à l’heure de critiquer ceux qui nous gouvernent. En tant que citoyens, nous avons le droit d’exiger que nos représentants soient « les meilleurs d’entre nous », qu’ils fassent preuve d’une clairvoyance, d’une capacité de décision, d’une ténacité, d’un sens de l’Etat, dont nous, simples citoyens, sommes incapables. Mais avant d’imaginer qu’à leur place nous ferions beaucoup mieux, il faut tourner sept fois la langue dans la bouche.
[J’aurais ensuite supprimer les possibilités de peine alternative type bracelet électronique. Car s’il est possible d’appliquer quelque chose de plus restrictif à l’ensemble d’une population innocente, comme ce confinement, alors on ne peut décemment soutenir que la punition est suffisante pour un délinquant ou un criminel.]
En d’autres termes vous AUGMENTERIEZ la surpopulation. Est-ce raisonnable ? On devrait conduire une réflexion d’ensemble sur la nature et le mode d’exécution des peines. Je pense que certains délits – par exemple, ceux liés aux « effets de bande » et des mauvaises fréquentations – peuvent être efficacement traités par la consignation à domicile avec surveillance par bracelet électronique. Mais c’est un autre débat. Le fait est que dans la situation d’urgence dans laquelle nous sommes, le réalisme commande d’utiliser tous les moyens raisonnables pour réduire la population carcérale.
[A mon avis, vu le passage dans un supermarché, une caissière n’a pas dû être loin d’être en contact avec au moins autant de personnes atteintes du Covid-19 qu’une infirmière, certes de manière moins proche et plus brève.]
Tout est dans le « moins proche et plus brève »… La caissière voit les clients derrière son masque (et souvent maintenant derrière un écran en plexiglass). On imagine mal un policier maîtriser un forcené, une infirmière soigner un patient, un pompier prendre en charge un malade à distance et sans contact. Je trouve très intéressant le fait que le discours se concentre sur les caissières de supermarché et qu’il fasse l’impasse sur d’autres catégories bien plus exposées, mais qui ont aux yeux de nos commentateurs une tache indélébile : ils appartiennent au service public. Une sorte de « privatisation de l’héroïsme », en somme… d’autant plus scandaleuse qu’on n’insiste pas sur un fait sordide : la caissière va très souvent travailler parce qu’elle craint pour son emploi, pas par sens du service public.
[Pour la comparaison entre délégation de service public et service public, je constatais juste que les ordures n’ont pas été moins bien ramassées, que l’eau n’a pas plus manqué, que les bus n’ont pas moins roulé, etc, selon la modalité choisie.]
Votre constatation ignore la réalité. Les ordures « ont été moins bien ramassées », au point que beaucoup de communes ont dû renoncer au ramassage trié. Le maintien de la distribution d’eau n’est pas allé sans quelques difficultés, avec des « droits de retrait » qu’il fallu traiter. Et si les transports n’ont pas eu de problèmes, c’est pace que la baisse volontaire des services a été telle qu’on a pu se dispenser de faire appel à la majorité du personnel. A côté, vous trouverez que la distribution de gaz et d’électricité a été assurée à 100%, et que le parc électrique a même pu continuer les travaux de maintenance des installations presque normalement.
[« Et ils ne peuvent pas sérieusement invoquer le « droit de retrait ». » Et ce qui aurait été le plus problématique, c’est que ce soit les infirmières ou les caissières qui se retirent ?]
Les infirmières, sans aucun doute. Parce que pour ce qui concerne les caissières, on a très facilement les moyens de faire cesser le « danger grave et immédiat » qui justifie le retrait (écrans de plexiglass, distanciation…), et qu’en plus il existe des alternatives (caisses automatiques). Pour les infirmières, par contre, je vois mal comment on arrive à leur faire pratiquer les soins à distance, et le robot infirmier n’existe pas encore.
[De bonne foi, ça ne m’apparaît pas aussi flagrant. Mais je ne vois pas comment on pourrait le mesurer.]
Par exemple, en regardant le taux d’infection sur l’ensemble de la profession. Or les chiffres sont de ce point de vue très clairs : les personnels soignants sont ceux pour lesquels l’exposition est la plus grande. Et encore, les chiffres sous-estiment l’exposition, parce que si les personnels de santé sont les plus exposés, ils sont aussi ceux qui sont le mieux formés pour se protéger.
[« Si vous voulez que les gens fassent preuve d’un dévouement qui va au-delà de ce qui est écrit dans leur contrat de travail, il faut leur accorder une protection qui va au-delà du droit commun. » Même en temps de crise dans une activité que vous savez essentielle à la nation ?]
La culture de dévouement au bien public n’est pas spontanée. Si vous voulez pouvoir y faire appel le jour venu, il faut la préparer des années en avance. Et les beaux discours ne suffisent pas, il faut appuyer le discours sur des bases matérielles. In fine, il s’agit d’un contrat entre vous et la collectivité. Si la collectivité vous donne beaucoup, elle peut exiger beaucoup. Si elle ne vous donne rien, elle aura du mal à exiger de vous des sacrifices.
On est ici dans la logique de l’honneur, du « noblesse oblige ». J’ai travaillé une bonne partie de ma vie avec des personnels sous statut (ou quasi-statuts). Dans ces organisations, les gens sont très conscients du fait que leur statut est comporte des avantages et protections supérieures au droit commun, et que cette situation ne tire sa légitimité que par rapport aux sujétions et devoirs qui eux aussi dépassent ce qu’on peut exiger d’un employé quelconque. Les gens ne se mobilisent et prennent des risques seulement parce que leur activité est « essentielle pour la nation ». Ils se mobilisent aussi parce qu’ils estiment avoir un devoir envers la collectivité, et qui dit « devoir » dit « dette ».
[Sans comparaison, les Poilus n’ont pas refusé d’engager des batailles conduisant à une mort certaine parce que ça ne leur aurait pas été dûment expliciter au préalable.]
Bien sûr que si. Ceux de 1914 qui sont partis la fleur au fusil pouvaient imaginer que c’était une promenade jusqu’à Berlin. Mais ceux de 1917 savaient très bien où ils allaient.
[Et il y a une grande différence entre participer à une bataille où vous risquez votre vie et une bataille où vous savez que vous allez y rester.]
Entre les deux, vous avez la situation où vous allez à la bataille sachant que vous avez 90% de chances de passer l’arme à gauche…
[Aussi, sans doute moins glorieux, si on en croit les États-uniens qui ont manifesté pour reprendre leur travail, je dirais que l’absence de filet de sécurité est également un moyen de motivation très performant.]
Certainement. Le fouet et les fers, paraît-il, aussi. Cependant, l’expérience a montré que la motivation interne, celle internalisée dans la psyché du travailleur, est bien plus intéressante en termes de qualité du résultat que les motivations externes. L’absence de filet de sécurité « motive » peut-être les gens à travailler plus, mais pas à travailler mieux. Dans les pays ou le filet de sécurité n’existe pas, l’épidémie se propage bien plus vite parce que les gens malades continuent à aller au travail – ils n’ont pas le choix – et multiplient donc les contaminations. Comme quoi la « motivation » peut être quelquefois très dangereuse.
[Et à en juger par la volonté de réouverture de tous les petits commerçants, je dirais que ça se vérifie aussi ici.]
Ah bon ? Les « petits commerçants » n’ont pas de filet de sécurité ? C’est drôle… quand on parle de salariés, vous voyez partout des « filets de sécurité ». Par contre, les reports de charges, les crédits garantis par l’Etat, les directives données aux banques, la prise en charge du chômage technique, connais pas…
[« EDF a pu disposer chaque fois dans une situation d’urgence de son personnel retraité. Connaissez-vous beaucoup d’entreprises qui puissent le faire ? » Non. Mais connaissez-vous beaucoup d’autres services publics qui puissent le faire ?]
Bien entendu. La fonction publique dans son ensemble a cette possibilité. Certains corps (police, gendarmerie) ont formalisé la chose en plaçant les retraités dans la réserve pendant cinq ans. Ils peuvent être rappelés selon les besoins du service. C’est aussi le cas dans les corps supérieurs de l’Etat dont les membres peuvent être rappelés et le sont d’ailleurs régulièrement. Le système existe aussi à la SNCF et la RATP (mais à ma connaissance n’a pas servi depuis la guerre 39-45 tout simplement parce qu’il n’y a pas eu le besoin).
[Si on fait une composante de l’identité française, son maintien réside dans la capacité d’y opposer la logique nationaliste. D’où vient la sensibilité à cette logique, par contre, je l’ignore. Pourquoi certains la développent « naturellement » alors qu’aucun contexte particulier ne les y destinent (ni familial ni scolaire) ?]
Je ne suis pas sûr d’avoir compris la question. Si nous sommes un pays de « statuts », c’est le résultat de notre histoire. Nous sommes l’une des rares nations ou l’Etat a précédé la nation, ou l’on peut même dire que l’Etat a constitué la nation. Or, la logique de l’Etat est une logique de statuts, tout simplement parce que le propre de l’Etat d’être une personne juridique singulière, à laquelle le droit commun ne s’applique pas. La position singulière qu’occupe l’Etat dans notre histoire fait d’ailleurs que la Révolution française n’a été anti-aristocratique qu’en apparence : le projet jacobin, qui sera finalement mis en œuvre par Napoléon, était tout sauf égalitariste, il visait moins à supprimer l’aristocratie qu’à remplacer l’aristocratie de sang par une aristocratie du mérite. Et surtout pas une aristocratie d’argent.
Après, je ne dirais pas que certains individus « développent naturellement » cette logique et d’autres pas. Cette vision « aristocratique » est très largement partagée. Le meilleur indicateur en est le poids qu’ont dans notre pays les diplômes. Et pas seulement dans le secteur public. Les grilles de recrutement dans le secteur privé sont elles aussi indexées sur ces « peaux d’âne » que les libéraux français font semblant de mépriser tout en faisant des pieds et des mains pour envoyer leurs enfants les quérir dans les meilleures conditions. Ensuite, c’est un choix de vie. Il y a des gens pour qui le « sens » de leur travail et leur liberté est plus important que l’argent. Il y en a qui font le choix contraire.
[« Connaissez vous un milieu sans statut ou cet esprit ait pu être cultivé ? » Jusqu’à ce que vous preniez cet exemple, j’ignorais que ça existait encore autre part que dans des milieux militaires. Donc peut-être que mon ignorance pourrait me réserver d’autres heureuses surprises.]
Content de vous avoir appris quelque chose… Votre référence au milieu militaire est d’ailleurs très intéressante, parce que souvent dans les professions « à statut » le rapprochement avec l’esprit militaire est présent dans les têtes. Ainsi, je me souviens qu’un directeur de la production nucléaire d’EDF aimait à dire « la production nucléaire à EDF c’est l’armée, la discipline en plus ! ». A EDF comme à la SNCF vous avez des « grades » qui sont séparés du coefficient de paiement qui sert à calculer le salaire. Ces « grades », comme à l’armée, marquent qui doit déférence à qui…
[On ne pourrait d’ailleurs pas penser que les statuts sont d’abord utiles en temps « normaux » pour s’assurer d’un dévouement particulier du personnel pour certaines missions tandis qu’en temps de crise, c’est d’abord le dévouement à un collectif plus large qui l’emporte ?]
Sur ce point, ma vision est différente. Je pense que c’est la logique des statuts pratiquée en temps « normaux » qui permet d’imprimer dans l’imaginaire des agents l’idée qu’ils ont une dette qu’il faudra payer un jour ou l’autre. Et lorsque la crise apparaît, vous ne faites que réclamer cette dette. Comme je vous le disais plus haut, ce n’est pas pour rien que « devoir » et « dette » ont une racine commune.
@Descartes
> Et si les transports n’ont pas eu de problèmes, c’est pace que la baisse volontaire des services a été telle qu’on a pu se dispenser de faire appel à la majorité du personnel.
N’oublions pas La Poste, dont la majorité des bureaux a été fermée pendant plusieurs semaines, au grand dam des usagers qui sont dépendants des services qui y sont normalement assurés. Et pourtant, La Poste est censée être un service public…
> Entre les deux, vous avez la situation où vous allez à la bataille sachant que vous avez 90% de chances de passer l’arme à gauche…
À un moment, je pense qu’il faut revenir sur Terre et se rappeler que l’on parle d’une maladie dont le taux de létalité est très inférieur à 1% chez les personnes touchées de moins de 60 ans (c’est-à-dire la plupart des actifs).
(pour la létalité par classe d’âge, voir tout en haut du tableau ici : http://allodoxia.odilefillod.fr/wp-content/uploads/2020/05/Estimation-letalite_4-mai-2020-2.png )
On pourra d’ailleurs noter que, si l’on ne trouve pas rapidement de vaccin ni de traitement efficace, la population dans son ensemble prendra *in fine* à peu près le même risque que les personnels les plus exposés (puisque l’épidémie ne s’arrêtera que lorsque la majorité de la population aura été touchée).
Bref, les personnels de service public de première ligne ont certes pris quelque risque. Mais il me semble que le principal mérite des personnels soignants est de s’être consacré et mobilisé sans compter. Mérite qui leur est très spécifique, et ne peut être étendu aux autres corps de la fonction publique, puisqu’une telle mobilisation n’a été, à ma connaissance, pas nécessaire ailleurs.
@ Ian Brossage
[N’oublions pas La Poste, dont la majorité des bureaux a été fermée pendant plusieurs semaines, au grand dam des usagers qui sont dépendants des services qui y sont normalement assurés. Et pourtant, La Poste est censée être un service public…]
Sans doute. Mais assuré par une société de droit privé (depuis 2010) et n’embauche plus de fonctionnaires depuis 2002. Aujourd’hui, l’essentiel de son personnel est constitué par des agents de droit privé. Or, la discussion ici portait bien sur les effets d’un statut sur la disponibilité des personnels à prendre des risques pour assurer la continuité du service…
[« Entre les deux, vous avez la situation où vous allez à la bataille sachant que vous avez 90% de chances de passer l’arme à gauche… » À un moment, je pense qu’il faut revenir sur Terre et se rappeler que l’on parle d’une maladie dont le taux de létalité est très inférieur à 1% chez les personnes touchées de moins de 60 ans (c’est-à-dire la plupart des actifs).]
C’est vous qui avez amené l’exemple des poilus, pas moi. Par ailleurs, s’il est vrai que seul 1% des personnes touchées meurt, pour celui qui a la malchance d’appartenir au 1% la question n’a qu’un intérêt académique.
[On pourra d’ailleurs noter que, si l’on ne trouve pas rapidement de vaccin ni de traitement efficace, la population dans son ensemble prendra *in fine* à peu près le même risque que les personnels les plus exposés (puisque l’épidémie ne s’arrêtera que lorsque la majorité de la population aura été touchée).]
Pas vraiment, parce qu’il y a un effet d’apprentissage qui fait que la mortalité diminue avec le temps. Etre infecté un an ou une semaine après le début de l’épidémie n’est donc pas indifférent. Or, plus vous êtes exposé, plus vos chances d’être infecté tôt sont grandes.
[Bref, les personnels de service public de première ligne ont certes pris quelque risque. Mais il me semble que le principal mérite des personnels soignants est de s’être consacré et mobilisé sans compter. Mérite qui leur est très spécifique, et ne peut être étendu aux autres corps de la fonction publique, puisqu’une telle mobilisation n’a été, à ma connaissance, pas nécessaire ailleurs.]
Effectivement, c’est un point valable.
@ Descartes
[Pas vraiment, parce qu’il y a un effet d’apprentissage qui fait que la mortalité diminue avec le temps.]
Pouvez-vous expliquer, je ne comprends pas.
@ BJ
[“Pas vraiment, parce qu’il y a un effet d’apprentissage qui fait que la mortalité diminue avec le temps.” Pouvez-vous expliquer, je ne comprends pas.]
Les systèmes de santé – et la société toute entière – ont une capacité d’apprentissage. Face à une maladie nouvelle, l’un et l’autre essayent différentes stratégies, et constatent empiriquement que certaines marchent mieux que d’autres. Petit à petit, on adopte celles qui ont marché et du coup la mortalité diminue. Au début de l’épidémie, les services hospitaliers avaient du mal à distinguer entre les patients dont l’état risquait de s’aggraver rapidement et ceux qu’on pouvait traiter avec des soins plus légers. Avec l’expérience, les diagnostics s’affinent.
@ Ian Brossage
[À un moment, je pense qu’il faut revenir sur Terre et se rappeler que l’on parle d’une maladie dont le taux de létalité est très inférieur à 1% chez les personnes touchées de moins de 60 ans (c’est-à-dire la plupart des actifs).]
À un moment, je pense qu’il faut lire ce à quoi Descartes répond : [Sans comparaison, les Poilus n’ont pas refusé d’engager des batailles conduisant à une mort certaine parce que ça ne leur aurait pas été dûment expliciter au préalable.]
“Sans comparaison”, ça veut dire que je ne compare pas la crise actuelle avec la grande guerre.
On parlait de la capacité à aller au-delà des engagements prévus initialement. Aucun citoyen français n’avait signé pour être envoyé à un massacre assuré (ce qu’ont été certaines batailles). Pourtant, ils l’ont fait.
Et la question était donc de savoir pourquoi si eux ont été capables de ça, d’autres ne seraient pas capables, dans l’intérêt supérieur de la nation et sans que ce soit précisé dans leur contrat de travail, de risquer bien moins sans avoir besoin de statut particulier ?
@ bip
[Et la question était donc de savoir pourquoi si eux ont été capables de ça, d’autres ne seraient pas capables, dans l’intérêt supérieur de la nation et sans que ce soit précisé dans leur contrat de travail, de risquer bien moins sans avoir besoin de statut particulier ?]
Mais, si je peux reprendre l’exemple des poilus, on peut dire que le sacrifice suprême était dans leur « statut » de citoyens. Il ne faudrait pas oublier que tout le discours scolaire de la IIIème République reposait sur l’idée qu’être citoyen français ouvrait des droits considérables, et que ces droits avaient pour contrepartie des devoirs non moins importants, parmi eux celui d’aller défendre le sol national au péril de sa vie. Les poilus qui répondaient à l’appel étaient persuadés de payer une dette envers la Patrie. Encore une fois, la différence entre « devoir » et « dette » est subtile.
Je persiste à penser qu’on ne peut exiger un sacrifice « exceptionnel » si on n’a pas placé la personne à qui on le demande dans une situation « exceptionnelle ». C’est la logique du « noblesse oblige » : quand on est médecin, on a le respect, la considération, la rémunération correspondante. Mais le jour où la maladie frappe, il faut aller au front et se défiler serait renier sa partie du contrat. Quand on est agent EDF, on a la considération, la sécurité de l’emploi et la retraite avantageuse. Mais le jour ou la tempête frappe et on a besoin de vous pour rétablir le courant, vous y allez parce que se défiler serait là encore renier le contrat.
Je pense qu’on sous-estime l’importance de ce contrat social. Donner un statut, c’est une façon pour la société de marquer l’importance que revêt pour la collectivité nationale un métier, une profession, une activité. Et les gens qui bénéficient de ces statuts, dans leur grande majorité, ont conscience des devoirs qui sont attachés aux droits qu’on leur accorde. C’est pour cela que je pense profondément que les statuts sont des contrats économiquement équilibrés : par des avantages hors normes, on achète un dévouement hors norme. Et dans la culture qui est la nôtre, ce système marche plutôt bien.
On peut bien entendu importer le système américain, qui aux « statuts » substitue le contrat. Mais dans ce cas, il faut admettre les limites, et en particulier qu’il est impossible de demander aux gens de faire ce que le contrat ne prévoit pas, même en cas d’urgence. Ou alors, il faut négocier le prix.
@Descartes
> C’est vous qui avez amené l’exemple des poilus, pas moi.
Heu, non, c’est un autre interlocuteur 🙂
> Par ailleurs, s’il est vrai que seul 1% des personnes touchées meurt, pour celui qui a la malchance d’appartenir au 1% la question n’a qu’un intérêt académique.
Tout à fait. De même que pour le malheureux qui meurt foudroyé, les chances dérisoires d’être touché par la foudre en sortant de chez soi un soir d’orage n’ont qu’un intérêt académique…
@ Ian Brossage
[“C’est vous qui avez amené l’exemple des poilus, pas moi”. Heu, non, c’est un autre interlocuteur]
Toutes mes excuses, je suis confus… mais le point demeure: je n’aurais pas spontanément choisi une telle analogie
[“Par ailleurs, s’il est vrai que seul 1% des personnes touchées meurt, pour celui qui a la malchance d’appartenir au 1% la question n’a qu’un intérêt académique”. Tout à fait. De même que pour le malheureux qui meurt foudroyé, les chances dérisoires d’être touché par la foudre en sortant de chez soi un soir d’orage n’ont qu’un intérêt académique…]
Tout à fait. Et c’est pourquoi on vous conseille toujours de ne pas vous abriter d’un orage sous un arbre ou à côté d’un poteau. Même si le risque est minime, la précaution est nécessaire…
@ Descartes
[Il n’est pas irrationnel de permettre l’accès sur notre territoire – avec certaines précautions – aux personnes provenant de pays qui prennent des mesures sanitaires du même niveau que les nôtres. Il existe donc bien de « bonnes frontières » – avec les pays dont les normes sanitaires sont aussi sévères que les nôtres – et des « mauvaises frontières » – avec les pays qui sont moins strictes, ou qui fournissent moins d’information sur ce qu’ils font.]
Et donc pourquoi ne les a-t-on pas rouvert avec la Corée du Sud, Taiwan, Singapour, Australie, Nouvelle-Zelande, USA ?
Ces pays ayant moins de cas en proportion que l’Italie, Espagne, R-U, Belgique.
Et autre idée que les politiques menées soient pensées en termes européistes, certes peut-être fait cyniquement dans une visée politicienne : l’essai clinique Discovery. Où on s’aperçoit une nouvelle fois que les autres pays ne suivent pas du tout.
[En d’autres termes, si vous êtes français et que vous tuez une vieille vous en prenez pour trente ans de cachot, si vous êtes étranger et vous tuez une vieille, vous risquez tout au plus l’expulsion ?]
Non, c’est à l’issue de sa peine que l’étranger dégage, sauf si l’on est parvenus à faire en sorte qu’il l’exécute dans son pays.
D’ailleurs, un étranger qui se verrait condamner à ne serait-ce qu’un rappel à la loi serait également immédiatement expulsé. Selon le principe qui veut que lorsque l’on est invités quelque part, on se tient correctement. Et comme en général, on ne commence pas sa carrière judiciaire avec des faits trop graves (on ne commence pas sa carrière de braqueur en attaquant la banque de France par exemple), ça nous en épargnerait une partie.
[Et si vous attendez la fin de la peine pour les expulser, l’effet sur la surpopulation ne sera pas très visible…]
Taux de récidive à l’issue d’une peine de prison ? Ce taux tombe à zéro pour les étrangers avec ma politique. Et à zéro également pour les binationaux condamnés dans des affaires liées au terrorisme. Ça commence à faire pas mal de détenus en moins. Et peut-être hésiter un peu plus les étrangers qui voudraient se lancer dans des aventures illégales. Car, selon-vous, il est faux que le laxisme judiciaire ait un effet d’encouragement pour les délinquants en début de carrière ?
[Vous arrivez à construire une prison en moins de trois ans ? Vous êtes bon, vous…]
C’est pas pour rien je vous lis. 😉
Mais on n’est pas obligé non plus de partir de rien et de faire du 3 étoiles proche de toutes commodités. Une vieille caserne perdue dans la pampa transformée sommairement et ça fera l’affaire. Une aile ajoutée ici. Une cellule doublée là.
Après, si votre objectif est d’avoir des lieux de vie plus agréables que ceux de certains Français honnêtes ou pour lesquels un Français moyen va économiser toute l’année pour y emmener sa famille en vacances…
https://www.francetvinfo.fr/societe/prisons/ces-photos-diffusees-sur-facebook-montrent-elles-vraiment-des-unites-de-vie-familiale-en-prison_3222349.html
[En d’autres termes, les doubles nationaux condamnés pour des affaires de terrorisme ne risquent que la déchéance d’une nationalité qui ne signifie pas grande chose pour eux et une expulsion ?]
Non. De même que précédemment, c’est à l’issue de leur peine qu’ils sont expulsés. Et leur déchéance n’est pas décidée dans un but punitif en elle-même, mais afin de pouvoir les expulser !
D’autant que vu le nombre qu’ils sont, il sera impossible de tous les garder sous les radars à l’issue de leurs peines. Ce qui va avec la quasi certitude d’en voir recommencer sous une forme ou une autre.
[Si vous connaissez un moyen de détecter « ceux qui ne sortiront de toute façon jamais de prison vivants », écrivez à : Ministère de la Justice, 1 Place Vendôme, 75001 Paris, France.]
Pourquoi y a des doutes sur les Fourniret, Georges, Lelandais, Abdeslam, etc ?
Mais peut-être êtes-vous heureux de loger, nourrir et blanchir ces gens pendant des décennies ?
[Pensez-vous que ces personnels auraient accepté de prendre quotidiennement leur poste dans une prison affectée par une épidémie massive ?]
Et qu’est-ce qu’il se serait passé alors ? Car la politique menée n’a pas transformé un risque certain d’épidémie en risque nul et on peut même se demander dans quelle mesure cela change le risque épidémique.
N’aurait-il pas été possible de retirer les personnels à risque (âge, santé) et, en cas de contaminations, de les remplacer par des personnels d’autres prisons jeunes, en bonne santé et équipés de masques ?
[Vous rendez compte des risques sanitaires, mais aussi liés au désespoir de la population carcérale, auxquels ces personnels seraient soumis ?]
Ne prenons aucun risque alors. Pour plus de sûreté, libérons tous les prisonniers.
Car comment mesurer ce risque sanitaire ? 60 000 prisonniers, ok. 61 000 alerte maximum ? 70 000, paix à nos âmes ?
Sinon, les victimes faites par les malfrats relâchés, on s’en fout ? Le travail supplémentaire donné aux gendarmes et aux policiers, on s’en fout ?
[Sur le comptoir du bistrot, chacun ferait un meilleur ministre que celui qui occupe le poste. Mais si vous étiez assis devant dans le grand bureau Place Vendôme, vous seriez probablement écrasé par la magnitude des problèmes.]
Et comment on juge de ça ? Car c’est quoi les qualités si rares d’un Castaner ou d’une Belloubet ? Avoir passé des décennies au PS ?
C’est pas vous d’ailleurs qui avait évoqué le nombre de ministres totalement incompétents qui passent et dont le salut des administrations dont ils ont la charge n’est dû qu’à la compétence des fonctionnaires ?
Car le principal risque d’« écrasement » que je redouterais, ce serait surtout que mes choix politiques soient à l’origine des problèmes posés et qu’incapable d’analyser cela lucidement, limité que je serais par mon idéologie, je n’aurais d’autre choix que de les aggraver encore par mes actions.
Parce que vous croyez que les gens ainsi libérés vont se tenir à carreaux ? Vous croyez qu’ils ne vont pas faire les malins et diffuser encore plus largement l’idée que la justice française est une blague et ainsi encourager les vocations ?
Car si les « ministrables » ne courent pas les rues, penser qu’un ministre génial appliquant avec conviction une politique désastreuse va aboutir autre part qu’à nous mettre davantage dans le pétrin…
[Mais avant d’imaginer qu’à leur place nous ferions beaucoup mieux, il faut tourner sept fois la langue dans la bouche.]
Vous pensez sincèrement que vous auriez fait pire que Hollande et Macron ? Forcément ce n’est que de la fiction puisqu’en l’état de la situation proposer une politique radicalement différente n’aurait pas pas permis d’accéder à cette fonction. Mais même dans le cadre contraint des directives ordo-libérales européennes, il y a quand même une sacrée marge pour faire mieux.
[En d’autres termes vous AUGMENTERIEZ la surpopulation.]
Non. Si le bracelet est vraiment la seule possibilité, alors le juge n’aura qu’à acter que « devant le manque de moyens disponibles, les institutions judiciaires françaises reconnaissent leur incapacité à faire appliquer une peine à la mesure des actes de l’auteur. Pour ne pas ajouter le ridicule du simulacre à notre faiblesse, monsieur est libre ».
Il faut quand même être conscient que pour la plupart des condamnés, être privé de smartphone ou de télévision serait plus dur à vivre que de porter un bracelet électronique… Donc si la justice punit moins sévèrement des malfaiteurs que des parents ne punissent leur enfant parce qu’il a eu un mot dans son carnet scolaire, c’est grotesque.
[Le fait est que dans la situation d’urgence dans laquelle nous sommes, le réalisme commande d’utiliser tous les moyens raisonnables pour réduire la population carcérale.]
Et ça ne vous interroge pas quelques instants que ça vienne dans la droite ligne des discours et des politiques menées depuis 40 ans qui font de la prison le problème (et non la délinquance et la criminalité), la soi-disant « école du crime » (école supérieure alors parce que les types arrivent déjà diplômés) ?
[La caissière voit les clients derrière son masque (et souvent maintenant derrière un écran en plexiglass).]
Et elle touche tous les produits que les clients ont mis dans leur caddie, pièces et billets s’ils payent en espèces, et aussi souvent leurs cartes de fidélité. Et tout ça sans avoir reçu la moindre formation aux risques ni avoir le bénéfice d’un statut, d’un statut social ou d’autres avantages.
[au point que beaucoup de communes ont dû renoncer au ramassage trié.]
Il me semble (je dis ça de mémoire sur les 2-3 trucs que j’ai vus passer) que ce n’est pas au « ramassage trié » qu’elles ont dû renoncer (ça reste une poubelle) mais au transfert de ces déchets dans les centres de tri parce que ceux-là n’étaient plus en capacité de le faire à un rythme suffisant (encore moins sûr de mes souvenirs : à cause des contacts nombreux avec les déchets ?). D’ailleurs, c’est public ou privé les centres de tri ?
[Par exemple, en regardant le taux d’infection sur l’ensemble de la profession. Or les chiffres sont de ce point de vue très clairs : les personnels soignants sont ceux pour lesquels l’exposition est la plus grande.]
Je n’ai pas vu ces chiffres. A nombre de tests équivalents pour ceux présentant des symptômes ? A conditions d’âge et de santé équivalentes ?
D’ailleurs on parlait des infirmières et pas, plus largement, des personnels soignants. Le risque est-t-il le même pour un médecin que pour une infirmière ?
[Bien sûr que si. Ceux de 1914 qui sont partis la fleur au fusil pouvaient imaginer que c’était une promenade jusqu’à Berlin.]
Mais ils ont vite compris que ça n’allait pas être le cas. Et ceux qui ont vu un bataillon se faire massacrer sous leurs yeux et à qui on a dit dans la foulée « à vous » n’ont pas fait de demi-tour en disant que ça paraissait pas être l’idée du siècle.
[Ah bon ? Les « petits commerçants » n’ont pas de filet de sécurité ? C’est drôle… quand on parle de salariés, vous voyez partout des « filets de sécurité ». Par contre, les reports de charges, les crédits garantis par l’Etat, les directives données aux banques, la prise en charge du chômage technique, connais pas…]
Ah ah je savais que vous alliez vous énerver si j’évoquais les commerçants (vous les aimez pas trop, non ?). Parce que je vois pas bien le rapport entre ce que j’ai pu écrire et « C’est drôle… quand on parle de salariés, vous voyez partout des « filets de sécurité ». »
Pour le reste, on jugera à la fin le nombre de faillites. Parce qu’entre les annonces et les faits…
Sinon prêter 7 milliards à une compagnie aérienne qui n’était déjà pas flamboyante depuis quelques temps et dont on peut douter de la pérennité du modèle, vous jugez ça comment ? Gros filet là non ?
[Je ne suis pas sûr d’avoir compris la question.]
Non c’était pas très clair en effet… Mais la réponse était très intéressante quand même. 😉
Je parlais de la logique « nationaliste » qui me semble être la seule disponible actuellement à opposer à la « logique capitaliste de « paiement au comptant » » et capable de maintenir durablement ce « sens du devoir et de l’honneur ».
Et je me demandais pourquoi elle se développait encore chez certains alors que bien souvent, ni le contexte familial ni le contexte « sociétal » (école, culture de masse, etc) ne s’y prêtaient.
@ bip
[Et donc pourquoi ne les a-t-on pas rouvert avec la Corée du Sud, Taiwan, Singapour, Australie, Nouvelle-Zelande, USA ? Ces pays ayant moins de cas en proportion que l’Italie, Espagne, R-U, Belgique.]
Oui, mais d’une part nous connaissons mois bien leurs systèmes de santé et leur réglementation sanitaire, et d’autre part leurs économies sont moins imbriquées avec la nôtre. Vous savez, les principes c’est bien, mais à la fin, nécessité fait loi.
[Et autre idée que les politiques menées soient pensées en termes européistes, certes peut-être fait cyniquement dans une visée politicienne : l’essai clinique Discovery. Où on s’aperçoit une nouvelle fois que les autres pays ne suivent pas du tout.]
Discovery montre une fois encore s’il en était besoin que la solidarité inconditionnelle n’existe pas dans l’UE, et que l’idée que l’intégration économique et les institutions supranationales allaient créer une unité politique est une illusion, et une illusion dangereuse. Au pied du mur, lorsqu’il s’agit de protéger les citoyens d’un danger, seules les nations existent.
[« En d’autres termes, si vous êtes français et que vous tuez une vieille vous en prenez pour trente ans de cachot, si vous êtes étranger et vous tuez une vieille, vous risquez tout au plus l’expulsion ? » Non, c’est à l’issue de sa peine que l’étranger dégage, sauf si l’on est parvenus à faire en sorte qu’il l’exécute dans son pays.]
Dans un contexte épidémique, aucun pays n’acceptera un tel transfert. Donc, vous gardez vos prisonniers jusqu’à la fin de leur peine. Votre mesure n’a donc aucun effet rapide sur la population carcérale, et je vous rappelle que c’était là ma question.
[D’ailleurs, un étranger qui se verrait condamner à ne serait-ce qu’un rappel à la loi serait également immédiatement expulsé.]
Être expulsé pour tapage nocturne ? Vous ne trouvez pas ça un peu excessif ?
[« Et si vous attendez la fin de la peine pour les expulser, l’effet sur la surpopulation ne sera pas très visible… » Taux de récidive à l’issue d’une peine de prison ? Ce taux tombe à zéro pour les étrangers avec ma politique. Et à zéro également pour les binationaux condamnés dans des affaires liées au terrorisme. Ça commence à faire pas mal de détenus en moins.]
Oui, mais il faudra des mois et des années pour en voir l’effet. Je vous rappelle qu’on parle des moyens de réduire la surpopulation carcérale MAINTENANT.
[Après, si votre objectif est d’avoir des lieux de vie plus agréables que ceux de certains Français honnêtes ou pour lesquels un Français moyen va économiser toute l’année pour y emmener sa famille en vacances…]
Ça, c’est la « règle de Badinter » : aucune collectivité ne peut accepter que les détenus vivent mieux que le plus pauvre des citoyens socialement intégrés.
[« En d’autres termes, les doubles nationaux condamnés pour des affaires de terrorisme ne risquent que la déchéance d’une nationalité qui ne signifie pas grande chose pour eux et une expulsion ? » Non. De même que précédemment, c’est à l’issue de leur peine qu’ils sont expulsés.]
Même remarque que précédement : je vous avais demandé ce que vous feriez pour réduire la population carcérale dans le contexte du coronavirus, vous me proposez des mesures qui n’auront aucun effet avant de longues années…
[« Si vous connaissez un moyen de détecter « ceux qui ne sortiront de toute façon jamais de prison vivants », écrivez à : Ministère de la Justice, 1 Place Vendôme, 75001 Paris, France. » Pourquoi y a des doutes sur les Fourniret, Georges, Lelandais, Abdeslam, etc ?]
Pendant longtemps, il n’y a pas eu de doutes sur Patrick Dils. Et puis…
[Mais peut-être êtes-vous heureux de loger, nourrir et blanchir ces gens pendant des décennies ?]
Je ne suis pas particulièrement heureux de le faire, mais je serais encore plus malheureux d’imaginer qu’un innocent a passé de longues années dans des conditions inhumaines alors qu’il n’avait rien fait.
[« Pensez-vous que ces personnels auraient accepté de prendre quotidiennement leur poste dans une prison affectée par une épidémie massive ? » Et qu’est-ce qu’il se serait passé alors ? Car la politique menée n’a pas transformé un risque certain d’épidémie en risque nul et on peut même se demander dans quelle mesure cela change le risque épidémique. N’aurait-il pas été possible de retirer les personnels à risque (âge, santé) et, en cas de contaminations, de les remplacer par des personnels d’autres prisons jeunes, en bonne santé et équipés de masques ?]
La mortalité parmi les individus jeunes et en bonne santé est plus faible, mais elle reste significative. Et en plus du risque sanitaire, vous auriez le risque lié à la violence de détenus qui savent que la maladie les guette et qu’ils n’ont plus grande chose à perdre. Si vous aviez un fils de trente ans gardien de prison, quel serait votre sentiment à l’idée de le voir exposé à un tel risque ?
[Ne prenons aucun risque alors. Pour plus de sûreté, libérons tous les prisonniers.]
Chez vous, c’est ou chauve, ou avec trois perruques. Non, ne libérons pas TOUS les prisonniers. Faisons un calcul risque/avantage, et libérons ceux pour lesquels le maintien en détention présenterait un coût social plus grand que celui lié au risque.
[Car comment mesurer ce risque sanitaire ? 60 000 prisonniers, ok. 61 000 alerte maximum ? 70 000, paix à nos âmes ?]
Je laisse ce travail aux experts. Et même après leurs recommandations, il y aura un élément de doigt mouillé. C’est cela, le tragique en politique : le politique n’a pas le droit de dire « je ne sais pas, donc je ne décide pas ».
[Sinon, les victimes faites par les malfrats relâchés, on s’en fout ? Le travail supplémentaire donné aux gendarmes et aux policiers, on s’en fout ?]
Non, pas plus qu’on s’en fout du sort des détenus ou des gardiens de prison. Le tout est de trouver un équilibre.
[« Et comment on juge de ça ? Car c’est quoi les qualités si rares d’un Castaner ou d’une Belloubet ? Avoir passé des décennies au PS ?]
Pas seulement. La preuve est que beaucoup de gens ont passé des décennies au PS et n’ont jamais occupé un poste ministériel…
[C’est pas vous d’ailleurs qui avait évoqué le nombre de ministres totalement incompétents qui passent et dont le salut des administrations dont ils ont la charge n’est dû qu’à la compétence des fonctionnaires ?]
Tout à fait. Mais quand je dis qu’un ministre est « totalement incompétent », je me réfère implicitement à une norme de compétence, c’est-à-dire, au niveau de compétence que j’estime indispensable pour un ministre de la République. Et je vous prie de croire que ma norme est relativement élevée.
Dire que Castaner ou Beloubet sont « incompétents » en tant que ministres n’implique pas qu’ils sont moins compétents que Mme Michu pour tenir ce poste. Je n’oserai même pas dire qu’ils sont moins compétents que vous ou moi… mais ils sont certainement moins compétents que l’idée que je me fais d’un ministre.
[« Mais avant d’imaginer qu’à leur place nous ferions beaucoup mieux, il faut tourner sept fois la langue dans la bouche. » Vous pensez sincèrement que vous auriez fait pire que Hollande et Macron ?]
Oui, je le pense. Appelez cela modestie si vous le voulez, moi je pense que c’est du réalisme. Je veux bien à la rigueur penser que sur certains sujets, ou dans certaines situations, j’aurais fait mieux qu’eux. Mais en général ? Non, je ne le pense pas.
[Il faut quand même être conscient que pour la plupart des condamnés, être privé de smartphone ou de télévision serait plus dur à vivre que de porter un bracelet électronique…]
La peine ne consiste pas dans le port de bracelet électronique. Celui-ci n’est qu’un moyen de contrôle pour vérifier que le détenu respecte son assignation à certains lieux. Dans certains pays on parle de « prison domiciliaire ».
[Et ça ne vous interroge pas quelques instants que ça vienne dans la droite ligne des discours et des politiques menées depuis 40 ans qui font de la prison le problème (et non la délinquance et la criminalité), la soi-disant « école du crime » (école supérieure alors parce que les types arrivent déjà diplômés) ?]
Non, cela ne m’interroge pas parce que je connais la réponse. On peut beaucoup dire sur les failles de notre politique pénale. Mais je vous parle d’une décision à prendre hic et nunc. Broder sur les erreurs des trente dernières années dans ce contexte ne sert à rien.
[« La caissière voit les clients derrière son masque (et souvent maintenant derrière un écran en plexiglass). » Et elle touche tous les produits que les clients ont mis dans leur caddie, pièces et billets s’ils payent en espèces, et aussi souvent leurs cartes de fidélité. Et tout ça sans avoir reçu la moindre formation aux risques ni avoir le bénéfice d’un statut, d’un statut social ou d’autres avantages.]
Notez quand même que la caissière voit des clients dont un sur cent au pire est malade. L’infirmière, elle, voit des patients qui sont malades – et avec des formes graves – dans leur grande majorité. Cela aussi fait une différence… Franchement, si vous n’êtes pas convaincu que l’infirmière est plus exposée que la caissière de supermarché, je n’ai plus rien à ajouter.
[Il me semble (je dis ça de mémoire sur les 2-3 trucs que j’ai vus passer) que ce n’est pas au « ramassage trié » qu’elles ont dû renoncer (ça reste une poubelle) mais au transfert de ces déchets dans les centres de tri]
Non. Dans beaucoup de municipalités, pour réduire les rondes on ne ramasse plus que la poubelle « verte ».
[D’ailleurs, c’est public ou privé les centres de tri ?]
Privé, en général. La filière des déchets est essentiellement tenue par des entreprises privées. Il ne reste pas beaucoup de municipalités qui gèrent les déchets en régie, la plupart concèdent le service à des géants comme Véolia.
[« Par exemple, en regardant le taux d’infection sur l’ensemble de la profession. Or les chiffres sont de ce point de vue très clairs : les personnels soignants sont ceux pour lesquels l’exposition est la plus grande. » Je n’ai pas vu ces chiffres. A nombre de tests équivalents pour ceux présentant des symptômes ? A conditions d’âge et de santé équivalentes ?]
Les chiffres disponibles ne vont pas dans un tel niveau de détail. Pour les seuls médecins libéraux, plus de 4000 les arrêts de travail liés au coronavirus, auxquels il faut ajouter 13.000 cas dans la médecine hospitalière. Je doute qu’il y ait autant de caissières infectées…
[D’ailleurs on parlait des infirmières et pas, plus largement, des personnels soignants. Le risque est-t-il le même pour un médecin que pour une infirmière ?]
Assez proches en milieu hospitalier, en tout cas.
[Mais ils ont vite compris que ça n’allait pas être le cas. Et ceux qui ont vu un bataillon se faire massacrer sous leurs yeux et à qui on a dit dans la foulée « à vous » n’ont pas fait de demi-tour en disant que ça paraissait pas être l’idée du siècle.]
Et alors ? Je ne comprends pas très bien quelle est la conclusion que vous en tirez.
[« Ah bon ? Les « petits commerçants » n’ont pas de filet de sécurité ? C’est drôle… quand on parle de salariés, vous voyez partout des « filets de sécurité ». Par contre, les reports de charges, les crédits garantis par l’Etat, les directives données aux banques, la prise en charge du chômage technique, connais pas… » Ah ah je savais que vous alliez vous énerver si j’évoquais les commerçants (vous les aimez pas trop, non ?).]
Vous vous trompez. Jaime beaucoup les petits commerçants. Ceux que je n’aime pas ce sont les personnes qui en font des sortes d’héros modernes « seuls contre tous » et d’abord contre le méchant Etat. Les petits commerçants ont des filets de sécurité aussi consistants sinon plus que les salariés, alors faudrait arrêter de pleurer sur leur sort.
[Pour le reste, on jugera à la fin le nombre de faillites.]
Chiche : comparons le nombre de faillites au nombre de licenciements, et on verra qui des salariés ou des commerçants sont le mieux protégés…
[Sinon prêter 7 milliards à une compagnie aérienne qui n’était déjà pas flamboyante depuis quelques temps et dont on peut douter de la pérennité du modèle, vous jugez ça comment ? Gros filet là non ?]
Je ne pense pas qu’on puisse parler de « filet de sécurité » dans ce cas particulier. Air France n’est pas seulement une entreprise commerciale, c’est un instrument de souveraineté.
[Je parlais de la logique « nationaliste » qui me semble être la seule disponible actuellement à opposer à la « logique capitaliste de « paiement au comptant » » et capable de maintenir durablement ce « sens du devoir et de l’honneur ».]
Il est clair que la logique « nationaliste » est aujourd’hui le seul produit sur le marché qui s’oppose à la logique capitaliste. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si pour les libéraux l’ennemi désigné est aujourd’hui le « nationalisme », alors que le communisme n’est plus considéré un danger.
@ Descartes
Bonjour,
[Au pied du mur, lorsqu’il s’agit de protéger les citoyens d’un danger, seules les nations existent.]
Pour des situations ponctuelles, limitées dans leur intensité ou leur étendue, probablement, de la même façon que les institutions locales sont plus à même de régler des problèmes que l’Etat.
Et dès qu’on examine, par une approche systémique la situation des nations de moyenne dimension – le cas de la France entre autres – cela me semble moins évident.
L’Europe est cernée par d’un côté l’ogre américain et de l’autre le dragon chinois. Unie, elle pèse autant que l’un et l’autre. Divisés, les pays ne pèsent pas grand chose face aux prédateurs. Isolée, chaque nation européenne est une poule dans le poulailler, à la merci de la fouine ou du renard.
Est-ce parce que l’Union européenne cafouille que le principe d’union doit être jeté avec l’eau du bain ?
Ne souhaitant pas trancher radicalement, je suis très mal à l’aise avec cette question. J’imagine qu’une majorité de Français et d’Européens sont dans le même cas. Ceux là vivent entre agacement et espoir impatient.
Les différentes approches me paraissent trop dogmatiques, trop inféodées à des orientations et concepts d’un autre temps. La grande difficulté est de trouver le mode d’organisation et de répartition des pouvoirs qui fonctionne de manière satisfaisante pour les peuples.
L’enfant qui apprend à marcher ou à faire du vélo n’y parvient qu’au terme de nombreuses chutes. Persister est inhérent à la nature humaine, c’est ce qui lui a permit de descendre de l’arbre.
Il me semble que la position de JP Chevènement est la plus sage: une sorte de confédération puissante pour la défense de l’intérêt de ses nations composantes face à l’extérieur de la confédération sans s’immiscer bureaucratiquement dans les affaires intérieures d’un pays. Ce qui n’exclus pas des convergences internes.
Il n’existe , à ma connaissance, aucun parti en France ou à l’étranger, qui propose une organisation innovante.
Les partis, en France notamment s’appuient sur le renforcement ou le rejet du projet européen sans offrir un alternative notable.
@ Marcailloux
[« Au pied du mur, lorsqu’il s’agit de protéger les citoyens d’un danger, seules les nations existent. » Pour des situations ponctuelles, limitées dans leur intensité ou leur étendue, probablement, de la même façon que les institutions locales sont plus à même de régler des problèmes que l’Etat. Et dès qu’on examine, par une approche systémique la situation des nations de moyenne dimension – le cas de la France entre autres – cela me semble moins évident. L’Europe est cernée par d’un côté l’ogre américain et de l’autre le dragon chinois. Unie, elle pèse autant que l’un et l’autre. Divisés, les pays ne pèsent pas grand chose face aux prédateurs. Isolée, chaque nation européenne est une poule dans le poulailler, à la merci de la fouine ou du renard.]
On ne se comprend pas parce qu’on ne parle pas de la même chose. Quand je vous dis que « au pied du mur, quand il s’agit de protéger les citoyens, seules les nations existent » je vous parle du monde TEL QU’IL EST. Quand vous me dites qu’une Europe unie pèserait autant que les puissances, vous me parlez du monde TEL QU’IL DEVRAIT (à votre avis) ETRE. Parce que dans cette crise, l’UE a surtout montré sa totale inexistence. Sa seule contribution pour le moment a été de lever les règles budgétaires… qu’elle avait elle-même imposées.
On me dira que l’UE n’est pas compétente en matière de santé. Mais n’est-elle pas compétente en matière de recherche ? Ne gère-t-elle des milliards de crédits de recherche venant de nos impôts ? Et que fit-elle dans ce domaine ? On pourrait poser la question à SANOFI, tiens…
[Est-ce parce que l’Union européenne cafouille que le principe d’union doit être jeté avec l’eau du bain ?]
Non, il faut jeter ce monstrueux bébé et l’eau du bain avec, mais pas parce qu’il « cafouille ». Il faut le jeter parce qu’IL NE PEUT QUE CAFOUILLER. Les défauts de l’UE ne sont pas conjoncturels, ce ne sont pas des erreurs, des omissions, des imperfections qu’on pourrait corriger avec un peu de travail et de bonne volonté. Ce que vous appelez « cafouillages » et que je qualifierais de façon bien plus forte, sont structurels. L’Europe « unie » dont vous parlez est aussi illusoire que le mouvement perpétuel.
Chaque fois qu’on est devant une catastrophe, l’Etat national peut compter sur la solidarité inconditionnelle entre les citoyens, et cela lui donne une capacité d’action énorme. L’UE ne peut et ne pourra jamais – du moins dans un futur prévisible – compter sur ce levier. C’est de la que vient la supériorité des Etats sur l’UE en situation de crise : les Etats peuvent invoquer le principe qui veut que « le salut du peuple est la loi suprême », l’UE ne le peut pas tout simplement parce qu’il n’existe pas de « peuple » européen au sens solonien du terme. Et cela n’est pas près de changer.
Mais il y a pire : comme l’UE ne peut exister politiquement que contre les Etats, une politique européenne ne peut se concevoir qu’à partir d’un affaiblissement de ces derniers. Et on se trouve donc dans cette situation ubuesque ou l’UE, qui ne veut pas agir, fait en sorte d’affaiblir ceux qui peuvent le faire. C’est très joli de relaxer aujourd’hui les règles austéritaires… mais il ne faudrait pas oublier que ce sont ces règles qui nous ont conduit à dégrader le système de santé et à renoncer aux stocks de masques qui nous seraient si utiles aujourd’hui.
C’est pour cette dernière raison que l’illusion européenne est non seulement inutile, mais néfaste. On peut toujours rêver d’une « europe unie » qui permettrait aux poules de peser autant dans les affaires du monde que la fouine chinoise ou du renard américain. Mais ce rêve est néfaste, parce qu’on perd du temps et de l’argent dans cette construction impossible, au lieu de les consacrer à des objectifs certes plus modestes, mais plus réalistes.
[Les différentes approches me paraissent trop dogmatiques, trop inféodées à des orientations et concepts d’un autre temps. La grande difficulté est de trouver le mode d’organisation et de répartition des pouvoirs qui fonctionne de manière satisfaisante pour les peuples.]
Oui, mais quels « peuples » ? Le « peuple » français ? Le « peuple » allemand ? Le « peuple » grec ? Le « peuple » européen ? Le « peuple » chinois ? Le « peuple » américain ? Le « peuple » congolais ?
[L’enfant qui apprend à marcher ou à faire du vélo n’y parvient qu’au terme de nombreuses chutes.]
Certes. Mais l’enfant qui apprend sur un vélo sans roues ne risque pas d’aller bien loin dans son apprentissage. Encore une fois, vous proclamez votre foi dans la pertinence de l’instrument européen, postulant que si nous tombons ce n’est pas parce que le vélo n’a pas de roues, mais parce que nous ne savons pas nous en servir. Ma position est l’inverse : l’instrument n’est pas pertinent, parce qu’il est STRUCTURELLEMENT défectueux. Dans ces conditions, mieux vaut le jeter et chercher ailleurs les solutions.
[Persister est inhérent à la nature humaine, c’est ce qui lui a permis de descendre de l’arbre.]
Non, justement. Si l’homme a pu descendre de l’arbre, c’est parce qu’il est capable de tirer des leçons de ses échecs, et par conséquent de ne pas dépenser inutilement du temps et des moyens à refaire la même chose en attendant un résultat différent. Ce n’est pas en persistant à sauter à poil du haut d’une falaise que l’homme a réussi à voler.
[Il me semble que la position de JP Chevènement est la plus sage: une sorte de confédération puissante pour la défense de l’intérêt de ses nations composantes face à l’extérieur de la confédération sans s’immiscer bureaucratiquement dans les affaires intérieures d’un pays. Ce qui n’exclus pas des convergences internes.]
Une sorte d’OTAN sans les américains, en somme. Pourquoi pas. On peut imaginer toutes sortes de structures de coopération intéressantes. Et d’ailleurs, pourquoi les restreindre à l’espace européen ? En quoi sommes nous plus proches de la Bulgarie que de l’Arménie, pour ne donner qu’un exemple ? Mais pour moi la véritable question est celle de la supranationalité, et sur ce point le projet de Chevènement est particulièrement obscur : les institutions de cette « confédération » doivent être supranationales – c’est-à-dire, avoir le pouvoir d’imposer des règles aux nations – ou pas ? Pour moi, tout projet qui porte en lui la moindre trace de supranationalité est néfaste. Pour le reste, on peut en discuter.
[Il n’existe, à ma connaissance, aucun parti en France ou à l’étranger, qui propose une organisation innovante.]
Normal. La classe sociale qui a les instruments pour penser les organisations est tout à fait satisfaite avec la construction européenne libérale. Pourquoi voulez-vous dans ces conditions qu’ils proposent une organisation alternative ?
[Les partis, en France notamment s’appuient sur le renforcement ou le rejet du projet européen sans offrir une alternative notable.]
Là, vous exagérez un peu. Il y a une proposition alternative, même si elle n’est pas « innovante ». C’est le retour à la primauté des nations, avec des accords bilatéraux ou multilatéraux de coopération dans des domaines précis, et la disparition du carcan supranational. « L’Europe des nations » dont parlait déjà De Gaulle, en somme…
@ Descartes
Parlant de ce sujet, l’Europe, je ne doutais pas de mettre le feu aux poudres.😅
Maintenant, afin de vous exonérer de quelque interprétation que ce soit concernant mes convictions européennes, je vous affirme n’en avoir qu’assez peu, et faibles de surcroît, en tout cas pas au point de « proclamer » quoi que ce soit à ce sujet.
[ [[L’enfant qui apprend à marcher ou à faire du vélo n’y parvient qu’au terme de nombreuses chutes.]
Certes. Mais l’enfant qui apprend sur un vélo sans roues ne risque pas d’aller bien loin dans son apprentissage.]
Curieux argument. En effet l’enfant qui apprend à faire du vélo sans vélo aussi. Pour la clarinette, le latin, le tricot, etc, etc, c’est pareil. Vous remarquerez toutefois que les enfants se divisent en deux groupes lors de ce difficile apprentissage. Ceux qui s’impliquent dans leur apprentissage et ceux qui mettent leur échec sur le compte de la bicyclette, ou de ses roues.
[ [Persister est inhérent à la nature humaine, c’est ce qui lui a permis de descendre de l’arbre.]
[Non, justement. Si l’homme a pu descendre de l’arbre, c’est parce qu’il est capable de tirer des leçons de ses échecs, et par conséquent de ne pas dépenser inutilement du temps et des moyens à refaire la même chose en attendant un résultat différent. Ce n’est pas en persistant à sauter à poil du haut d’une falaise que l’homme a réussi à voler.]
Les anthropologues apprécieront, cependant je relève un contresens à votre affirmation sur les leçons de ses échecs qui ne sont, en général qu’une succession d’essais infructueux avant de réussir.
Et puis se jeter à poil du haut d’une falaise ne relève pas de l’aéronautique mais de la psychiatrie. Ce type d’argument me fait penser à ceux des clercs de l’église des décennies passées.
Exemple de l’aviation puisque vous l’évoquez.
Depuis Archytas de Tarente dans l’antiquité en passant par Abbas Ibn Firnas au IXème siècle, les frères Mongolfier dans mon patelin en 1783, jusqu’à Clément Adler pour les formes modernes de l’aviation, ainsi qu’une multitude d’autres au cours des temps qui ont tenté l’aventure, se sont brisés les os ou ont perdu la vie, ce n’est qu’un acharnement – sous les quolibets souvent de leurs contemporains – à persévérer dans cette volonté de voler qui nous permet aujourd’hui de naviguer sans, ou presque, risque dans un A380.
Combien auraient pu se poser la question défaitiste « de ne pas dépenser inutilement du temps et des moyens à refaire la même chose en attendant un résultat différent »
Combien d’échecs et de morts depuis l’antiquité avant de bénéficier d’une transplantation cardiaque. Celui ou ceux qui cherchent à transplanter un cerveau passent pour fous actuellement. Rendez-vous dans 100 ans, il pourrait en être autrement, peut-être sous une nouvelle forme issue des multiples recherches et expériences.
[ Pour moi, tout projet qui porte en lui la moindre trace de supranationalité est néfaste.]
L’absence de « supranationalité » me semble être un dogme de la plus parfaite utopie dans un monde interdépendant. Le principe de réalité le fait exploser à chaque instant.
Si la supranationalité n’existe pas sur le papier, hypothèse recevable, expliquez moi comment cela se réalise dans les faits quotidiens. C’est une chose de pérorer que rien n’existe au dessus du pays qu’on gouverne. C’en est une autre de ne pas être contraint dans de nombreuses occasions de se soumettre aux lois du marché, aux inégalités de richesses naturelles, aux pressions géopolitiques. Et les faits sont plus lourds que les constitutions.
Affirmer « néfaste la moindre trace » indique bien qu’une telle intransigeance est vouée à inanité.
Ça me rappelle la position de F. Lordon concernant le capital (productif). Tellement inapplicable dans le réel qu’elle fait le jeu du plus radical libéralisme.
[Il y a une proposition alternative, même si elle n’est pas « innovante »]
Et quel nom a-t-elle ?
@ Marcailloux
[Parlant de ce sujet, l’Europe, je ne doutais pas de mettre le feu aux poudres.]
Pas besoin d’être Madame Irma pour anticiper cette conclusion. La lecture attentive de ce blog suffit largement pour comprendre que c’est un sujet contentieux.
[« L’enfant qui apprend à marcher ou à faire du vélo n’y parvient qu’au terme de nombreuses chutes ». Certes. Mais l’enfant qui apprend sur un vélo sans roues ne risque pas d’aller bien loin dans son apprentissage. Curieux argument. En effet l’enfant qui apprend à faire du vélo sans vélo aussi.]
Vous êtes donc d’accord. Pourquoi juger l’argument « curieux » ? Il n’y a rien de « curieux » là-dedans. Il y avait dans votre analogie l’idée que l’apprentissage implique un certain nombre d’échecs avant la réussite, et vous en tirez la conclusion que le fait que la construction européenne ait échoué jusqu’ici à tenir ses promesses n’est pas une raison pour ne pas continuer, parce qu’un jour on réussira comme l’enfant réussit à tenir sur son vélo.
Le problème de ce raisonnement, c’est que cela suppose que le but qu’on essaye d’atteindre soit POSSIBLE. Un enfant ne réussira jamais à faire avancer un vélo sans roues, et cela même s’il persistait pendant mille ans. Et de la même manière, toutes les tentatives de faire que la construction européenne tienne ses promesses sont condamnées à l’échec, parce qu’il manque à cette construction les « roues » que sont les solidarités inconditionnelles entre les européens.
C’est Einstein je crois qui notait que la folie, c’est de refaire continument la même expérience et attendre un résultat différent. Nous avons expérimenté maintenant un grand nombre de crises. A chaque fois l’UE montre son incurie et son incompétence. Et à chaque fois on nous explique que la prochaine fois ce sera différent. C’est fou, comme dirait une marque bien connu de boissons gazeuses…
[Pour la clarinette, le latin, le tricot, etc, etc, c’est pareil.]
Tout à fait. Ceux qui apprennent la clarinette sans clarinette ou le tricot sans aiguilles ressemblent beaucoup à nos eurolâtres, qui prétendent construire une nation sans nation…
[Vous remarquerez toutefois que les enfants se divisent en deux groupes lors de ce difficile apprentissage. Ceux qui s’impliquent dans leur apprentissage et ceux qui mettent leur échec sur le compte de la bicyclette, ou de ses roues.]
Je connais fort peu d’enfants qui apprennent le vélo sans roues, la clarinette sans instrument ou le tricot sans aiguilles. Et ceux qui le font ont tout à fait raison de mettre leur échec sur le compte de leur instrument. Si seulement les eurolâtres avaient la même sagesse…
[Les anthropologues apprécieront, cependant je relève un contresens à votre affirmation sur les leçons de ses échecs qui ne sont, en général qu’une succession d’essais infructueux avant de réussir.]
Oui, une succession d’essais différents, prenant chacun en compte l’échec qui lui a précédé. Et non pas le MEME essai, répété à l’identique avec l’espoir qu’il finira par donner un résultat différent. Or, c’est exactement ce que font les eurolâtres : à chaque crise, ce sont les MEMES idées qui ressortent, les MEMES propositions qu’on essaye de faire avancer. Aucun des principes fondamentaux de la construction européenne tels que définis en 1957 n’a jamais été remis en cause. Jamais. Ils sont immuables, intouchables, inaltérables. Et il ne reste plus qu’à recommencer la même chose dix, cent, mille fois parce que vous savez, un jour, ça réussira.
Votre raisonnement me rappelle celui des Shadock, qui constatant que leur fusée avait une chance sur un million de réussir se dépêchent de le rater 999.999 fois…
[Et puis se jeter à poil du haut d’une falaise ne relève pas de l’aéronautique mais de la psychiatrie.]
Si vous pensez que le raisonnement des eurolâtres relève de la psychiatrie, ce n’est pas moi qui ira vous contredire…
[Depuis Archytas de Tarente dans l’antiquité en passant par Abbas Ibn Firnas au IXème siècle, les frères Mongolfier dans mon patelin en 1783, jusqu’à Clément Adler pour les formes modernes de l’aviation, ainsi qu’une multitude d’autres au cours des temps qui ont tenté l’aventure, se sont brisés les os ou ont perdu la vie, ce n’est qu’un acharnement – sous les quolibets souvent de leurs contemporains – à persévérer dans cette volonté de voler qui nous permet aujourd’hui de naviguer sans, ou presque, risque dans un A380. Combien auraient pu se poser la question défaitiste « de ne pas dépenser inutilement du temps et des moyens à refaire la même chose en attendant un résultat différent »]
Tous. Et tous ont tiré la bonne conclusion : il ne fallait pas faire LA MEME CHOSE, mais faire QUELQUE CHOSE DE DIFFERENT. Si Clément Ader avait fait la même chose que ses prédécesseurs, et bien il aurait obtenu exactement le même résultat. Donc, il a fait autre chose, et il a réussi. Exactement ce que sont incapables de faire les partisans de la construction européenne, qui malgré les échecs à répétition proposent toujours la même chose…
[« Pour moi, tout projet qui porte en lui la moindre trace de supranationalité est néfaste. » L’absence de « supranationalité » me semble être un dogme de la plus parfaite utopie dans un monde interdépendant. Le principe de réalité le fait exploser à chaque instant.]
Pourriez-vous me donner un exemple précis d’une telle « explosion » ?
[Si la supranationalité n’existe pas sur le papier, hypothèse recevable, expliquez-moi comment cela se réalise dans les faits quotidiens. C’est une chose de pérorer que rien n’existe au-dessus du pays qu’on gouverne.]
Quel rapport ? Je vous rappelle que le rejet de la supranationalité implique qu’une nation ne soit JURIDIQUEMENT soumise à une autre autorité que la sienne. Et non pas que « rien n’existe au dessus du pays qu’on gouverne ». La souveraineté n’implique pas la possibilité de se soustraire aux lois de la physique.
[C’en est une autre de ne pas être contraint dans de nombreuses occasions de se soumettre aux lois du marché, aux inégalités de richesses naturelles, aux pressions géopolitiques. Et les faits sont plus lourds que les constitutions.]
Et alors ? Cela peut m’arriver de devoir donner ma bourse au voleur qui me menace de son révolver. Il peut même m’arriver d’y perdre ma vie. Est-ce que pour autant le Code pénal, la police, la justice, et la Constitution qui garantit mon droit à la propriété ne servent à rien ? Non, la question de savoir qui a le monopole de la violence légitime reste une question fondamentale, quand bien même certains continueraient à utiliser la violence illégitime. Parce que, au cas où vous l’auriez oublié, il est légitime de résister au voleur qui vous prend votre bien, et il est illégitime de résister au collecteur d’impôts qui fait de même.
[Affirmer « néfaste la moindre trace » indique bien qu’une telle intransigeance est vouée à inanité.]
Votre raisonnement, si tant est qu’il y en ait un, m’échappe.
[« Il y a une proposition alternative, même si elle n’est pas « innovante » » Et quel nom a-t-elle ?]
Cela dépend de qui la nomme… pour certains ça s’appelle “Republique”, pour d’autres “nationalisme”…
@ Descartes
Bonjour,
[ Et de la même manière, toutes les tentatives de faire que la construction européenne tienne ses promesses sont condamnées à l’échec, parce qu’il manque à cette construction les « roues » que sont les solidarités inconditionnelles entre les européens.]
Si je traduis bien, ces fameuses roues sont la clé d’une construction européenne. Cette solidarité existe cependant dans les grands projets dont Airbus est l’emblème. Certes, elle n’est pas inconditionnelle, mais ce sont les vécus en commun qui à la longue constituent cette inconditionnalité. Depuis quand, en France, existe-t-elle ? Je ne suis pas sûr qu’elle remonte beaucoup avant la révolution , mais les historiens sur le blog, bonjour NE, sauraient le préciser. Cette solidarité peut difficilement se décréter sans risquer de gros désordres.
Personnellement, je me sens plus solidaire d’un Italien que d’un Japonais. J’imagine que ce genre de sentiment est assez partagé et je me demande si, selon la situation, je ne serais pas plus solidaire d’un étranger que d’un Français. Il s’agit donc d’une notion évolutive. Les employés Allemands et Français d’Airbus sont probablement plus sensibles à la solidarité d’appartenance à ce groupe qu’un épicier de Dunkerque et un footballeur de Marseille. Une solidarité se construit, à condition de le vouloir.
[ Oui, une succession d’essais différents, prenant chacun en compte l’échec qui lui a précédé. Et non pas le MEME essai, répété à l’identique avec l’espoir qu’il finira par donner un résultat différent.]
Dans le réel, les phénomènes de cognition sont beaucoup plus complexe que vous semblez décrire l’acquisition du savoir. Et l’exemple simple du vélo le démontre bien. L’enfant recommence n fois le même essai sans vraiment se poser de question, comme quand il a appris à marcher. Et puis, tout à coup, il tient en équilibre et avance sans concours extérieur. Il s’est passé des choses étrangères à la réflexion. Les neuroscientifiques l’expliquent. Votre caricature sur les « même » multiples essais ne me paraît pas convaincante car je ne peux m’associer à un jugement aussi catégorique sur des individus qui selon vous seraient idiots au point d’être incapables de changer des paramètres dans l’équation qui leur est soumise. Qu’ils échouent, c’est un chose, qu’ils soient bornés à ce point en est une autre.
[ Pourriez-vous me donner un exemple précis d’une telle « explosion » ?]
Il y a un gap entre votre acception juridique de la supranationalité et la mienne plus prosaïque, simplement terre à terre. Je suis plus convaincu pas le concept de rapport de forces.
Dans ma perception, et je ne néglige pas la dimension juridique, un État n’a pas beaucoup de pouvoir réel d’accéder aux biens et services fournis par des firmes implantées dans divers pays par ses propres moyens, à un coût acceptable. Un exemple qui vous est cher : l’uranium. Je doute que les réserves françaises soient suffisantes pour satisfaire les besoins. S’il y avait un embargo, que ferions nous. Idem pour Internet, les médicaments, le pétrole et dix mille choses similaires.
C’est vrai qu’un pays souverain peut décider. Faut-il que cela se traduise par du réalisable et là il doit bien composer.
[[Affirmer « néfaste la moindre trace » indique bien qu’une telle intransigeance est vouée à inanité.]
Votre raisonnement, si tant est qu’il y en ait un, m’échappe.]
La moindre trace n’implique pas la moindre concession. D’accord ? Sur le papier sans doute et cette rigueur – je pensais aussi à rage – me rappelle les signatures de Trump, violente et impérieuses.. Très bien.
Une fois que l’on a affirmé sa « pureté » juridique, comment fait-on avec ses voisins, ses concurrents ? On négocie, on concède, on lâche un peu. Ou alors c’est la guerre perpétuelle.
Que fait l’État français avec ses ressortissants qui ont fraudé les fisc ? Très souvent il transige alors qu’il devrait, selon le droit, l’envoyer en prison quelquefois.
Vous me disiez l’autre jour que « le mot chien ne mord pas ». Le mot « nationalisme » ne fait pas forcément nation si celle ci n’est pas en permanence justifiée par la qualité des rapports qui existent entre les citoyens.
Au regard des discussions, multiples, sur ce sujet dans votre blog, je me suis cherché un qualificatif de mon positionnement européen.
Ce n’est ni eurolatre, ni europhile, ni euro septique, ni europhobe mais europerplexe.
[[« Il y a une proposition alternative, même si elle n’est pas « innovante » » Et quel nom a-t-elle ?]
Cela dépend de qui la nomme… pour certains ça s’appelle “Republique”, pour d’autres “nationalisme”…]
Question mal formulée. Je voulais dire quel programme porté par qui ou quel parti ?
@ Marcailloux
[« Et de la même manière, toutes les tentatives de faire que la construction européenne tienne ses promesses sont condamnées à l’échec, parce qu’il manque à cette construction les « roues » que sont les solidarités inconditionnelles entre les européens. » Si je traduis bien, ces fameuses roues sont la clé d’une construction européenne.]
Non, vous avez mal compris ou plutôt mal lu. Je n’ai pas dit que les fameuses roues soient la clé d’UNE construction européenne, mais de LA construction européenne. Je parle de la construction européenne telle qu’elle est poursuivie depuis les années 1950, c’est-à-dire une construction européenne fondée sur un niveau de supranationalité de plus en plus fort. Pour moi, on ne peut aller au-dessus des nations existantes qu’au nom d’une structure qui serait elle-même une nation, c’est-à-dire, qui serait fondée sur la solidarité inconditionnelle et impersonnelle de ses membres. Or, cette solidarité n’existe pas et n’existera pas dans un avenir prévisible, ce qui condamne le projet.
D’autres « constructions européennes » sont parfaitement possibles qui ne feraient pas appel à des structures supranationales, mais on parle de celle-ci, et pas d’une autre.
[Cette solidarité existe cependant dans les grands projets dont Airbus est l’emblème.]
Ou avez-vous vu la moindre solidarité dans le projet Airbus ? Il n’y a qu’à voir les bagarres chaque fois qu’il faut fermer ou ouvrir une unité sur le choix du lieu. On n’a pas besoin de solidarité inconditionnelle (ni même de solidarité) pour faire des affaires ensemble. Diriez-vous qu’il existe entre les actionnaires de Microsoft ou de Sanofi une « solidarité » ? Airbus est un projet commun, comme le fut en son temps Concorde. Et il ne doit pas grande chose à la construction européenne, d’ailleurs.
[Certes, elle n’est pas inconditionnelle, mais ce sont les vécus en commun qui à la longue constituent cette inconditionnalité.]
Vous voulez dire que les actionnaires d’une entreprise finissent par devenir solidaires les uns des autres ? Je vois que vous ne connaissez pas le monde des affaires…
[Depuis quand, en France, existe-t-elle ? Je ne suis pas sûr qu’elle remonte beaucoup avant la révolution, mais les historiens sur le blog, bonjour NE, sauraient le préciser. Cette solidarité peut difficilement se décréter sans risquer de gros désordres.]
Les historiens débattent sur la question, mais on place la naissance de la nation quelque part entre Philippe Auguste et Louis XI. Ce qui fait tout de même cinq siècles. Mais si le temps fait la chose, il y a aussi une question de structure. Pour qu’il y ait solidarité inconditionnelle, il faut qu’il y ait une identification à l’autre, qu’on puisse voir l’autre comme un autre soi-même, et cela implique de partager un cadre de référence, un droit, une langue. Comment voulez-vous vous identifier à quelqu’un avec qui vous ne pourriez même pas parler ? La construction de la nation, c’est aussi la construction de ce cadre de référence.
[Personnellement, je me sens plus solidaire d’un Italien que d’un Japonais.]
Je ne comprends pas ce que cela veut dire en pratique. En quoi se manifeste concrètement cette solidarité ?
[J’imagine que ce genre de sentiment est assez partagé et je me demande si, selon la situation, je ne serais pas plus solidaire d’un étranger que d’un Français.]
Et bien, je ne le crois pas un instant. Si demain vous vous trouviez en danger dans une ville inconnue, à la porte de quelle ambassade iriez-vous frapper ? A l’ambassade de France. Et pourquoi ? Parce que vous savez que vous risquez de trouver plus de solidarité chez vos compatriotes que dans n’importe quelle autre ambassade…
[Il s’agit donc d’une notion évolutive. Les employés Allemands et Français d’Airbus sont probablement plus sensibles à la solidarité d’appartenance à ce groupe qu’un épicier de Dunkerque et un footballeur de Marseille. Une solidarité se construit, à condition de le vouloir.]
Imaginons qu’Airbus décide de fermer un site, et qu’il faut choisir un site français ou un site allemand. Imaginez-vous les travailleurs de l’une ou de l’autre nationalité se dire « on n’a qu’à fermer le nôtre, si c’est pour le bien de l’entreprise » ? Pourriez-vous donner un seul exemple où les travailleurs de l’une nationalité seraient prêts à sacrifier quelque chose pour le bien des travailleurs de l’autre ?
Si un tremblement de terre venait à endommager Marseille, ce sont les impôts payés par l’épicier de Dunkerque qui serviront à reconstruire. Et l’épicier en question trouvera ça parfaitement normal, sans exiger pour autant qu’on impose au marseillais de rendre plus tard l’argent ou de faire telle ou telle réforme. C’est ça, la manifestation CONCRETE d’une solidarité inconditionnelle. Il y a des dizaines d’exemples qui montrent que cette solidarité n’existe pas en dehors des frontières nationales. Quand la Grèce était dans la merde, on a assorti la solidarité de conditions draconiennes qui sacrifient une génération de jeunes grecs. Quand l’Italie a fait face à l’afflux de migrants, tout le monde a regardé de l’autre côté, et personne ne s’est pressé pour partager le fardeau. Je vous mets au défi de m’indiquer une manifestation CONCRETE de solidarité inconditionnelle, au-delà des vagues « je me sens ceci ou cela ».
[« Oui, une succession d’essais différents, prenant chacun en compte l’échec qui lui a précédé. Et non pas le MEME essai, répété à l’identique avec l’espoir qu’il finira par donner un résultat différent. » Dans le réel, les phénomènes de cognition sont beaucoup plus complexes que vous semblez décrire l’acquisition du savoir. Et l’exemple simple du vélo le démontre bien. L’enfant recommence n fois le même essai sans vraiment se poser de question, comme quand il a appris à marcher. Et puis, tout à coup, il tient en équilibre et avance sans concours extérieur.]
Mais vous voyez bien que ce que vous énoncez est contradictoire. S’il recommençait le MEME essai, il obtiendrait le MEME résultat. Comment la MEME expérience de physique pourrait-elle donner un résultat différent au bout d’un certain nombre d’essais ? Non, l’enfant ne recommence pas le MEME essai. Il change à chaque fois un ou plusieurs paramètres, jusqu’à trouver une combinaison qui marche, et ensuite la rend automatique par la pratique. L’enfant qui recommence le MEME essai ne peut que se décourager, parce qu’il obtiendra à chaque fois le MEME résultat.
[Votre caricature sur les « même » multiples essais ne me paraît pas convaincante car je ne peux m’associer à un jugement aussi catégorique sur des individus qui selon vous seraient idiots au point d’être incapables de changer des paramètres dans l’équation qui leur est soumise. Qu’ils échouent, c’est un chose, qu’ils soient bornés à ce point en est une autre.]
Mais pourquoi « idiots ». Il refont la même chose parce qu’ils trouvent leur avantage. Si vous êtes l’enfant qui essaye d’apprendre le vélo, refaire à chaque fois la même chose est idiot. Mais si vous êtes le vendeur de Mercurochrome, le fait que l’enfant tombe à chaque fois n’est pas un problème, au contraire. Le but de l’establishment européen n’est pas que la construction européenne réussisse à protéger les citoyens, mais que la construction européenne dure.
[« Pourriez-vous me donner un exemple précis d’une telle « explosion » ? » Il y a un gap entre votre acception juridique de la supranationalité et la mienne plus prosaïque, simplement terre à terre.]
Plus que terre à terre, elle est triviale. Une nation est TOUJOURS soumise à des contraintes extérieures qu’elle ne contrôle pas. Aucune nation pour le moment peut changer le temps qu’il fait. Mais peut-on considérer le climat comme « supranational » ? Si on le fait, alors le terme perd toute signification.
Je pense que vous confondez souveraineté et puissance. Or, ce sont deux idées très différentes. La souveraineté concerne la légitimité à faire des règles, la puissance est la capacité à traduire ses décisions en actes.
[Un exemple qui vous est cher : l’uranium. Je doute que les réserves françaises soient suffisantes pour satisfaire les besoins. S’il y avait un embargo, que ferions-nous. Idem pour Internet, les médicaments, le pétrole et dix mille choses similaires. C’est vrai qu’un pays souverain peut décider. Faut-il que cela se traduise par du réalisable et là il doit bien composer.]
Certes. Mais si une tempête détruit toutes les réserves de médicaments, que ferions-nous ? Votre exemple illustre parfaitement la confusion entre souveraineté et puissance. Nous serions peut-être impuissants devant un embargo comme nous serions impuissants devant une tempête, mais cela n’a rien à voir avec la souveraineté. Il y a une différence entre le fait d’être soumis aux conséquences d’un fait (naturel ou pas) et le fait d’être soumis à une règle. La tempête peut vous empêcher d’agir, mais pas vous interdire d’agir.
[« Affirmer « néfaste la moindre trace » indique bien qu’une telle intransigeance est vouée à inanité.]
Votre raisonnement, si tant est qu’il y en ait un, m’échappe. » La moindre trace n’implique pas la moindre concession. D’accord ?]
Non, pas d’accord. On peut parfaitement refuser toute concession qui introduit une parcelle de supranationalité tout en acceptant des concessions qui ne portent pas atteinte à la souveraineté.
[Sur le papier sans doute et cette rigueur – je pensais aussi à rage – me rappelle les signatures de Trump, violente et impérieuses… Très bien.]
Je pourrais vous dire que votre acceptation me rappelle l’attitude de Daladier à Munich, mais je ne le ferai pas parce que l’amalgame ne constitue pas un argument.
[Une fois que l’on a affirmé sa « pureté » juridique, comment fait-on avec ses voisins, ses concurrents ? On négocie, on concède, on lâche un peu. Ou alors c’est la guerre perpétuelle.]
Oui, et alors ? Quel rapport avec la souveraineté ? Pendant des siècles les états ont négocié des alliances, des accords, des coopérations sans pour autant céder un pouce de souveraineté.
[Que fait l’État français avec ses ressortissants qui ont fraudé les fisc ? Très souvent il transige alors qu’il devrait, selon le droit, l’envoyer en prison quelquefois.]
Je ne saisis pas le rapport avec la souveraineté. Qu’un Etat décide de transiger est un acte souverain. Les problèmes commencent quand une institution extérieure lui impose juridiquement de transiger…
[Je voulais dire quel programme porté par qui ou quel parti ?]
Les partis politiques sont aujourd’hui contrôlés par les classes intermédiaires, et les classes intermédiaires n’ont aucun intérêt à défendre la souveraineté, au contraire : plus on délègue des compétences au niveau supranational, plus on réduit la capacité des couches populaires à peser sur les décisions. Pas étonnant dans ces conditions que tous les partis soient favorables aux institutions supranationales, quelques soient les précautions oratoires prises pour occulter cet alignement. Le seul parti qui échappe un peu à cette logique est le RN, justement parce qu’il vise l’électorat populaire et doit donc reprendre des thèmes qui sont chers à cet électorat.
Vous ne trouvez donc des visions souverainistes que chez des individus isolés ou des petites fractions dans les partis politiques.
@Descartes,
[Pour qu’il y ait solidarité inconditionnelle, il faut qu’il y ait une identification à l’autre, qu’on puisse voir l’autre comme un autre soi-même, et cela implique de partager un cadre de référence, un droit, une langue. Comment voulez-vous vous identifier à quelqu’un avec qui vous ne pourriez même pas parler ? La construction de la nation, c’est aussi la construction de ce cadre de référence.]
Quelques remarques:
– “Construction européenne”, mais construction de quoi? Cela fait des décennies qu’on utilise ce vocable en France sans poser EXPLICITEMENT la question des fins: pour beaucoup de Français, il s’agit d’un objectif encore lointain, mais on parle bien de bâtir une nation souveraine Européenne dénommée UE.
Je pense que c’est clair pour beaucoup de commentateurs de votre blog, mais pas pour tous les Français…
– “Souveraineté européenne”, disent les eurolâtres: apparemment, c’est le serpent qui se mord la queue, c’est un raisonnement circulaire. En effet, beaucoup d’européistes font comme si cette souveraineté était déjà advenue: cela s’est remarqué lors des différents référendums sur les traités européens arrivés au XXIè siècle, où ces derniers fustigeaient les pays récalcitrants au nom de la règle majoritaire et du nombre d’habitants des pays membres ayant ratifiés les traités; or un tel raisonnement n’est tenable que si l’existence d’une nation européenne est présumée… C’est un raison circulaire, un peu comme celui de Pangloss dans “Candide”.
– “Comment voulez-vous vous identifier à quelqu’un avec qui vous ne pourriez même pas parler ?”: Je suppose que vous évoquez l’inexistence d’une langue commune, probablement la plus grande faille de l’Union Européenne…
C’est une question qui m’est chère parce que je suis issu d’une famille d’immigrés, et que la langue est un élément nécessaire de l’assimilation à un pays, quoique non suffisant. Or pour être pleinement citoyen d’une nation, il faut pouvoir correctement s’exprimer et surtout parler la même langue que vos compatriotes! Et encore, ça ne suffit pas toujours pour parler le même langage 😀.
Je vois d’ici les objections, et on me parlera des pays multilingues, i.e. plusieurs langues nationales OFFICIELLES (j’exclus donc les patois et autres dialectes…), qui seront d’autant plus “riches et diverses” qu’il y aura de langues et de cultures distinctes; mais je m’inscris totalement en faux contre cette opinion très répandue chez les “bobos” qui nous gouvernent.
Mon vécu en Belgique m’a permis de me forger l’intime conviction que la multiplicité des langues à l’intérieur d’un pays n’est pas une richesse mais une vraie source de conflits et de division; après tout, il ne faudrait pas oublier que les langues existent également parce qu’elles ne sont pas comprises de l’ennemi 😈…
D’après moi, à quelques exceptions près, comme celle de la Suisse (et encore…), les pays multilingues ne sont pas de VRAIES nations, tout juste des juxtapositions de nations. Et c’est là que je pose toujours la même question aux les eurolâtres, dont j’attends toujours la réponse: comment peuvent-ils espérer créer les conditions d’une “cité”, d’une “polis”, d’une “affectio societatis” alors qu’il sera impossible de parler politique de manière simple sans langue commune? Et qu’on ne vienne surtout pas me parler de l’utilisation du “globish” ou “Berlaymont-English” (pour ceux qui connaissent le siège de la Commission Européenne à Bruxelles😉), que même les Britanniques n’arrivaient pas à le comprendre😬: de là à dire que c’est l’un des motifs de leur départ de l’UE, je me garderais bien de franchir le pas, mais à leur place, rien que pour sauver ma langue, j’aurais demandé le Brexit 😈…
@ CVT
[– “Construction européenne”, mais construction de quoi? Cela fait des décennies qu’on utilise ce vocable en France sans poser EXPLICITEMENT la question des fins: pour beaucoup de Français, il s’agit d’un objectif encore lointain, mais on parle bien de bâtir une nation souveraine Européenne dénommée UE.]
Dans la construction européenne, il y a le dit et le non-dit. Le dit, c’est l’idée qu’en faisant disparaître les nations on fera disparaître les conflits et les guerres. Le non-dit, c’est qu’en transférant des compétences à une bureaucratie supranationale, on confie les affaires aux gens « raisonnables », au lieu de les laisser livrées à des politiques obligés d’écouter leurs électeurs. C’est le hiatus entre ces deux faces d’un même projet qui nous ont amenés là où nous sommes.
[– “Souveraineté européenne”, disent les eurolâtres: apparemment, c’est le serpent qui se mord la queue, c’est un raisonnement circulaire. En effet, beaucoup d’européistes font comme si cette souveraineté était déjà advenue : cela s’est remarqué lors des différents référendums sur les traités européens arrivés au XXIè siècle, où ces derniers fustigeaient les pays récalcitrants au nom de la règle majoritaire et du nombre d’habitants des pays membres ayant ratifiés les traités; or un tel raisonnement n’est tenable que si l’existence d’une nation européenne est présumée… C’est un raison circulaire, un peu comme celui de Pangloss dans “Candide”.]
Tout à fait. A l’opposé de l’idée des Lumières qui veut que la souveraineté réside par essence dans la nation, les eurolâtres s’imaginent de pouvoir doter de souveraineté une construction artificielle par la simple grâce d’un acte juridique. Ils oublient que si une nation est souveraine – c’est-à-dire, peut s’affranchir de toute règle qu’elle n’a pas fait elle-même – c’est parce qu’elle peut compter sur un peuple constitué pour soutenir dans les faits ce principe. La logique du « je suis souverain parce que je dis que je suis souverain » a ses limites.
[– “Comment voulez-vous vous identifier à quelqu’un avec qui vous ne pourriez même pas parler ?”: Je suppose que vous évoquez l’inexistence d’une langue commune, probablement la plus grande faille de l’Union Européenne…]
Pas seulement. Pour pouvoir parler, il faut une langue, mais il faut aussi un cadre de référence. Quand Sarkozy dit « est-il utile qu’un fonctionnaire ait lu « La princesse de Clèves » », on ne le comprend que si on sait vaguement qui est la princesse en question.
[Et c’est là que je pose toujours la même question aux les eurolâtres, dont j’attends toujours la réponse: comment peuvent-ils espérer créer les conditions d’une “cité”, d’une “polis”, d’une “affectio societatis” alors qu’il sera impossible de parler politique de manière simple sans langue commune?]
Mais encore une fois, il n’y a pas que la langue. Il y a aussi les références culturelles, juridiques, sociales.
@ Descartes,
Bonjour,
[Je pourrais vous dire que votre acceptation me rappelle l’attitude de Daladier à Munich, mais je ne le ferai pas parce que l’amalgame ne constitue pas un argument.]
Je pourrais vous dire que vous présentez là une perle de rhétorique, mais je ne le ferai pas car il ne m’est pas vital d’avoir le dernier mot .😇
Bonjour,
C’est amusant – si l’on veut « positiver » – de constater une application du principe des vases communicants, à savoir que plus les bistrots se vident, plus les blogs se remplissent 🔃
N’étant pas adepte, ni même visiteur de ces lieux, ce qu’il m’arrive de regretter, le bistrot est un lieu éminemment social que Balzac compare à une sorte d’Assemblée, “un parlement du peuple”
Eh bien, sur notre blog – j’emploi « notre » car si juridiquement il appartient à notre hôte Descartes, nous avons, commentateurs habituels ou occasionnels, un certain « droit » de paternité sur sa vie – comme dans un bistrot, ce qui fait l’âme du bistrot est autant son agencement physique que les propos qui y sont tenus et les individus qui les prononcent.
Je crains qu’à la période de déconfinement qui se présente, les digressions, les témoignages des uns et des autres ne s’estompent car ils constituent une richesse par laquelle chacun s’enrichit et où chacun a sa place. Cet esprit « bistrot » me semble souhaitable d’être maintenu, voire développé, car il existait précédemment, mais tout de même occulté par des échanges souvent austères et savants.
Un peu plus de diversité et de légèreté ne peuvent, à mon sens qu’améliorer sa convivialité.
@ Marcailloux
[Eh bien, sur notre blog – j’emploi « notre » car si juridiquement il appartient à notre hôte Descartes, nous avons, commentateurs habituels ou occasionnels, un certain « droit » de paternité sur sa vie – comme dans un bistrot, ce qui fait l’âme du bistrot est autant son agencement physique que les propos qui y sont tenus et les individus qui les prononcent.]
Je voyais ce blog comme un salon à l’image de ceux du XVIIIème siècle… et vous m’en faites un bistrot ! Cela étant dit, je ne récuse pas la comparaison, qui finalement est la plus appropriée. Les salons étaient des lieux ou l’on accédait sur invitation, le bistrot est un lieu démocratique ou tout un chacun peut accéder. Et si la Révolution française a été préparée dans les salons, elle a été en grande partie conduite depuis le bistrot – pensez au Procope, le café fréquenté par tant de révolutionnaires.
[Un peu plus de diversité et de légèreté ne peuvent, à mon sens qu’améliorer sa convivialité.]
Je ne suis pas contre. C’est d’ailleurs pourquoi le hors sujet a toujours été encouragé!
@ Descartes
Bonjour,
[pensez au Procope, le café fréquenté par tant de révolutionnaires.]
J’y ai fais un “pèlerinage” il y a deux ou trois ans. Il a, parait-il, bien changé depuis 1789. La cuisine y est correcte, sans plus, mais j’y ai rencontré des personnes charmantes (proximité des tables oblige). Ce serait épatant de prendre un verre ou plus dans cet établissement emblématique à l’occasion.
@ Marcailloux
[J’y ai fais un “pèlerinage” il y a deux ou trois ans. Il a, parait-il, bien changé depuis 1789. La cuisine y est correcte,]
Je ne sais pas si on accepterait aujourd’hui de manger dans un bistrot qui n’aurait pas changé depuis 1789… mais il conserve quand même pas mal d’éléments d’époque. La cuisine est fort correcte – même si on paye un peu plus pour l’ambiance.
[Ce serait épatant de prendre un verre ou plus dans cet établissement emblématique à l’occasion.]
Ce serait un plaisir pour moi aussi!
[Cet esprit « bistrot » me semble souhaitable]
J’espère bien que non ! En dehors des “brèves de comptoir” de Jean-Marie Gourio, les conversations de bistrot sont sans généralement intérêt. Il n’est qu’à lire les commentaires de n’importe article de “20 minutes” pour voir à quoi cela ressemble…
@ BJ
[les conversations de bistrot sont sans généralement intérêt]
Sans aucun doute, les prolos qui discutent au bistrot ne possèdent pas la richesse de votre rhétorique. Mais ils ne manquent pas de verve et parlant hier avec un voisin habitué de ces lieux, il me montra un livre de peintures sur les prémices des Lumières. Sur l’une d’elles, nous pouvions deviner Descartes, avec, sur ses genoux, un caniche orné d’un kiki au dessus des oreilles parfaitement charmant dans le décor.
Certains philosophes affirment que tout n’est que recommencement.
Bonjour Descartes
[La politique n’est pas une science. Non pas parce qu’elle ne puisse se doter d’une méthode, mais pour une raison très différente. Le scientifique peut toujours suspendre son jugement.]
Je tiens à préciser que la prise de décision avec des informations incomplètes sans retour en arrière possible n’est pas le propre du politique. Il y a des tas de professions, du médecin à l’ingénieur sûreté en passant par le pilote de ligne qui font face également à ce cas de figure. Dans ces professions on a tendance à établir différents scénarios de crise avec moyens de résolution, voire effectuer des exercices grandeur nature.
Par ailleurs l’excuse du manque d’informations dans la prise de décision ne tient pas la route, compte tenu l’existence du REX italien. Or quand il était devenu évident que la situation était critique dans ce pays, Macron continuait à faire comme si de rien n’était.
Bref, gouverner c’est prévoir paraît-il…
[On ne demande pas à tout le monde de prendre sur ses épaules la direction du pays. Mais on pourrait s’attendre à un peu plus de bienveillance pour ceux qui acceptent ce rôle.] (commentaire adressé à N-E)
Non, il n’y a aucun devoir de bienveillance vis-à-vis nos gouvernants. Quand on candidate à la magistrature suprême, ça n’est que très rarement avec le couteau sous la gorge, et c’est censé être fait en connaissance de cause. Dans le cas présent, Macron savait parfaitement à quoi s’attendre en ayant été conseiller à l’Élysée, puis ministre.
Par ailleurs je n’ai nullement envie de faire preuve de mansuétude pour ce personnage, dont je savais dès le début qu’il ferait un mauvais président, surtout quand on sait le manque de scrupules dont il a fait preuve durant la campagne des élections présidentielles pour arriver à sa fin. Par tous les moyens il a cherché à être président de la république, qu’il en assume les conséquences y compris celle d’avoir à faire face à une opinion publique ingrate.
[Sur cette crise, je pense qu’il n’a pas fait d’erreur majeure, mais je ne trouve pas non plus qu’il ait été à la hauteur. On attend du président autre chose qu’un discours vaguement compatissant.] (commentaire adressé à N-E)
Non je ne pardonne pas à Macron, en raison de son idéologie cosmopolite d’avoir refusé la fermeture des frontières, soit disant parce-que « les virus n’ont pas de passeport », pour ensuite en instaurant le confinement avoir fait exploser le nombre de « frontières ». Non je ne pardonne pas au gouvernement le foutage de gueule qui a consisté à dire que les masques ne servent à rien pour ensuite instaurer une amende pour non port du masque dans les transports en commun lors du déconfinement et pour rajouter dans l’odieux avoir voulu mettre en place un site gouvernemental certifiant les « bonnes informations », le tout servi par l’ineffable et si bien nommée Sibeth Ndiaye. Non je ne pardonne pas au gouvernement d’avoir ôté la plus élémentaire des libertés, celle d’aller et venir, tout en assumant que dans certains territoires, on peut s’assoir sur cette restriction et qu’il ne faut surtout pas les « stigmatiser », pendant qu’on envoie des hélicoptères de la Gendarmerie Nationale vérifier qu’il n’y aurait pas d’inconscients riverains qui se promèneraient dans les bois. Non je ne pardonne pas au gouvernement d’avoir libéré des détenus et d’avoir promu l’annulation la dette africaine.
@ François
[Je tiens à préciser que la prise de décision avec des informations incomplètes sans retour en arrière possible n’est pas le propre du politique. Il y a des tas de professions, du médecin à l’ingénieur sûreté en passant par le pilote de ligne qui font face également à ce cas de figure. Dans ces professions on a tendance à établir différents scénarios de crise avec moyens de résolution, voire effectuer des exercices grandeur nature.]
Tout à fait. Mais il faut faire attention : ces professions prennent des décisions qui touchent un seul domaine, celui sur lequel ces professions sont spécialisées. Plus rares sont les professions ou l’on prend des décisions qu’on pourrait qualifier de « systémiques », qui touchent tous les domaines de la connaissance. Et dans ce cas, le décideur se trouve avec une information particulièrement incomplète.
[Par ailleurs l’excuse du manque d’informations dans la prise de décision ne tient pas la route, compte tenu l’existence du REX italien. Or quand il était devenu évident que la situation était critique dans ce pays, Macron continuait à faire comme si de rien n’était.]
Je ne sais pas si on peut parler de « REX italien ». Dix jours de perspective, ce n’est pas suffisant pour tirer un retour d’expérience. On savait ce que les italiens avaient fait, on n’avait aucun moyen de savoir si les mesures qu’ils avaient prises étaient nécessaires et encore moins si elles étaient efficaces. Avec plus d’un mois de recul, on voit encore que certains pays qui ont choisi de faire le minimum (la Suède, par exemple) ont des résultats comparables voir meilleurs que ceux qui ont appliqué des confinements stricts, et on ne comprend pas pourquoi.
Il est facile d’être sage après coup (et encore, on pourrait encore avoir des surprises) mais sur le moment, lorsque vous avez à faire des choix qui mettent dans les plateaux de la balance des milliers de vies et des centaines de milliards d’Euros, j’imagine que ce n’est pas aussi simple que de « suivre le REX italien ».
[Bref, gouverner c’est prévoir paraît-il…]
Précisément. C’est pourquoi, lorsqu’on ne peut pas prévoir, gouverner devient si difficile…
[Non, il n’y a aucun devoir de bienveillance vis-à-vis nos gouvernants. Quand on candidate à la magistrature suprême, ça n’est que très rarement avec le couteau sous la gorge, et c’est censé être fait en connaissance de cause. Dans le cas présent, Macron savait parfaitement à quoi s’attendre en ayant été conseiller à l’Élysée, puis ministre.]
Certaines peuplades primitives ont mis en place ce qu’on appelle des « monarchies sacrificielles ». Dans ces peuplades, on nomme un roi en principe à vie, mais en sachant que si les choses vont mal, si une épidémie, une inondation, une invasion s’abattent sur le pays le roi sera sacrifié pour calmer la colère des dieux. Et bien, j’ai l’impression que vous proposez de transformer notre régime en « République sacrificielle ». Si une épidémie s’abat sur nous, on exécutera le président de la République, et cela même s’il a fait les choses aussi bien que raisonnablement possible…
[Par ailleurs je n’ai nullement envie de faire preuve de mansuétude pour ce personnage, dont je savais dès le début qu’il ferait un mauvais président, surtout quand on sait le manque de scrupules dont il a fait preuve durant la campagne des élections présidentielles pour arriver à sa fin. Par tous les moyens il a cherché à être président de la république, qu’il en assume les conséquences y compris celle d’avoir à faire face à une opinion publique ingrate.]
Je n’ai aucune tendresse particulière pour Macron. Mais j’essaye de voir plus loin que la personne pour me concentrer sur la fonction. La tendance des Français à exiger périodiquement des sacrifices humains a certes quelques avantages (surtout pour ceux qui veulent prendre la place laissée vacante) mais a aussi un effet paralysant. Puisque vous êtes pendu que vous ayez ou non fait votre boulot, à quoi bon faire des efforts ?
Bonjour Descartes
[Tout à fait. Mais il faut faire attention : ces professions prennent des décisions qui touchent un seul domaine, celui sur lequel ces professions sont spécialisées. Plus rares sont les professions ou l’on prend des décisions qu’on pourrait qualifier de « systémiques »]
Personnellement j’avais cru comprendre que la politique n’est pas le seul domaine où l’on doit avoir une approche multidisciplinaire d’une crise. Par exemple dans le cas d’un accident industriel, il faut s’occuper de maîtriser l’accident, mais en plus gérer l’évacuation sanitaire et la communication de crise. Par ailleurs différents scénarios poussés de crise ont été mis en place durant la guerre froide en cas d’affrontement Est-Ouest.
[Dix jours de perspective, ce n’est pas suffisant pour tirer un retour d’expérience.]
Disons juste que la courbe d’évolution du Covid-19 de la France avait dix jours de retard par rapport à celle de l’Italie. Peut être suffisait-il juste de ne pas attendre dix jours pour mettre en place les mêmes mesures que l’Italie.
[Avec plus d’un mois de recul, on voit encore que certains pays qui ont choisi de faire le minimum (la Suède, par exemple) ont des résultats comparables voir meilleurs que ceux qui ont appliqué des confinements stricts, et on ne comprend pas pourquoi.]
En règle générale quand on élabore un scénario de crise (ou tout système de sûreté), surtout si l’on place la préservation de la santé publique au dessus de tout, on prend en compte la plus grande hypothèse majorante vraisemblable. Le cas italien faisant office à l’époque d’hypothèse majorante vraisemblable, le gouvernement aurait du élaborer un scénario de crise avec celui-ci, surtout quand on voit que la courbe d’évolution du Covid-19 en France est quasiment une translation de celle de l’Italie.
Quant à la Suède, elle n’a pas fait du maintien de la santé publique son objectif prioritaire. Tant mieux pour elle que ça ait quand même (relativement) bien marché pour elle en terme d’évolution du Covid-19, mais il n’en reste pas moins que lorsqu’on se fixe un objectif qui prime sur tous les autres, on ne se contente pas de demi-mesures.
[Il est facile d’être sage après coup (et encore, on pourrait encore avoir des surprises) mais sur le moment, lorsque vous avez à faire des choix qui mettent dans les plateaux de la balance des milliers de vies et des centaines de milliards d’Euros, j’imagine que ce n’est pas aussi simple que de « suivre le REX italien ».]
Mais dans le cas présent, je ne reproche pas au gouvernement l’arbitrage qu’il a effectué entre la préservation de l’économie et la préservation de la santé publique, mais d’avoir attendu jusqu’au bout pour effectuer cet arbitrage en ayant espéré pouvoir passer entre les gouttes.
En revanche je constate également que le maintien de la santé publique passe en second lieu lorsqu’il est question de faire face à ses préjugés idéologiques, ou son manque de courage pour faire respecter l’ordre public dans certains quartiers.
[[Bref, gouverner c’est prévoir paraît-il…]
Précisément. C’est pourquoi, lorsqu’on ne peut pas prévoir, gouverner devient si difficile…]
Ça n’est pas vous qui aimez reprendre la citation de Lénine, selon laquelle même l’improvisation doit être soigneusement préparée ? Plus sérieusement l’éventualité d’une pandémie n’avait rien de farfelu quand on connaît les précédents historiques, et récents pour certains. Ce manque d’anticipation en matière sanitaire aurait été compréhensible si le gouvernement avait concentré ses efforts sur d’autres priorités, mais force est de constater que ce gouvernement est incapable d’anticiper quoi que ce soit, comme en atteste l’abandon du projet Astrid.
[Et bien, j’ai l’impression que vous proposez de transformer notre régime en « République sacrificielle ». Si une épidémie s’abat sur nous, on exécutera le président de la République, et cela même s’il a fait les choses aussi bien que raisonnablement possible…]
Mais je constate juste que nous vivons dans un régime censé être une démocratie libérale, régime qui n’est nullement protégé contre l’ingratitude de ses électeurs. Peut-être n’y a t’il pas tant de différences que cela entre une démocratie et les « monarchies sacrificielles »
Quant à moi personnellement, bien entendu que je ne tiens pas Macron responsable du fait que les Chinois ont l’incroyable faculté de bouffer tout et n’importe quoi, ce tout et n’importe quoi étant acheté dans des marchés aux conditions sanitaires dont eux seuls on le secret. En revanche je le tiens pour responsable de la façon dont il gère la crise. Et vu qu’il n’a pas hésité à user de coups bas pour se faire élire, je ne vois pas pourquoi il bénéficierait de la moindre mansuétude de ma part pour ses faux pas, qui plus est que j’ai la fâcheuse impression qu’ils ont tendance à s’accumuler, lui qui semblait être si sûr de son coup en voulant être président. Bref quand les dieux veulent nous punir…
[La tendance des Français à exiger périodiquement des sacrifices humains a certes quelques avantages (surtout pour ceux qui veulent prendre la place laissée vacante) mais a aussi un effet paralysant.]
Les mauvaises langues diraient que l’exécution de Louis XVI a eu un effet vivifiant pour la France…
@ François
[Personnellement j’avais cru comprendre que la politique n’est pas le seul domaine où l’on doit avoir une approche multidisciplinaire d’une crise. Par exemple dans le cas d’un accident industriel, il faut s’occuper de maîtriser l’accident, mais en plus gérer l’évacuation sanitaire et la communication de crise.]
Oui, mais qui est celui qui aura EN MEME TEMPS à maîtriser l’accident, à gérer l’évacuation de la population et à communiquer ? Ce ne seront pas les ingénieurs (qui géreront la partie industrielle), ni les gens de la sécurité civile qui assureront l’évacuation, ni les communicants qui prépareront la communication. Celui qui aura à mettre tout cela en musique, c’est le politique ou le préfet (qui est à la limite entre la politique et la haute fonction publique).
[Par ailleurs différents scénarios poussés de crise ont été mis en place durant la guerre froide en cas d’affrontement Est-Ouest.]
Pas vraiment. La planification ORSEC, par exemple, ne doit rien à la guerre froide.
[« Dix jours de perspective, ce n’est pas suffisant pour tirer un retour d’expérience. » Disons juste que la courbe d’évolution du Covid-19 de la France avait dix jours de retard par rapport à celle de l’Italie. Peut-être suffisait-il juste de ne pas attendre dix jours pour mettre en place les mêmes mesures que l’Italie.]
Pourquoi mettre en place les mêmes mesures qu’en Italie alors qu’on ne savait pas si elles étaient ou non efficaces ? Par pur esprit d’imitation ? Le retour d’expérience, ce n’est pas faire la même chose que les autres, c’est d’évaluer ce que les autres font pour ensuite décider s’il faut ou non le faire. Et je persiste : dix jours n’est pas suffisant pour évaluer l’efficacité des mesures prises par les Italiens.
[« Avec plus d’un mois de recul, on voit encore que certains pays qui ont choisi de faire le minimum (la Suède, par exemple) ont des résultats comparables voir meilleurs que ceux qui ont appliqué des confinements stricts, et on ne comprend pas pourquoi. » En règle générale quand on élabore un scénario de crise (ou tout système de sûreté), surtout si l’on place la préservation de la santé publique au-dessus de tout, on prend en compte la plus grande hypothèse majorante vraisemblable. Le cas italien faisant office à l’époque d’hypothèse majorante vraisemblable, le gouvernement aurait dû élaborer un scénario de crise avec celui-ci, surtout quand on voit que la courbe d’évolution du Covid-19 en France est quasiment une translation de celle de l’Italie.]
Je crois que vous mélangez deux choses : d’un côté, il y a les facteurs indépendants de notre volonté, et dans ce cas il peut être justifié de prendre des hypothèses pessimistes. Mais de l’autre côté, il y a les facteurs qui dépendent de notre volonté, et dans ce cas il n’y a aucune raison de prendre d’autre hypothèse que le choix qu’on fait. Si je n’ai pas le gaz à la maison, je n’ai pas à prévoir les conséquences d’une fuite de gaz.
Dans le cas présent, il s’agit d’un choix de stratégie : si on choisit une stratégie à la suédoise, pourquoi devrait-on faire des hypothèses à l’italienne ? Et pourquoi aurait-il fallu s’inspirer des Italiens plutôt que des Suédois ?
[Quant à la Suède, elle n’a pas fait du maintien de la santé publique son objectif prioritaire. Tant mieux pour elle que ça ait quand même (relativement) bien marché pour elle en termes d’évolution du Covid-19, mais il n’en reste pas moins que lorsqu’on se fixe un objectif qui prime sur tous les autres, on ne se contente pas de demi-mesures.]
Là, je ne comprends pas votre raisonnement. Si l’on fait de la vie une priorité, alors il faut choisir la stratégie qui sert le mieux cette priorité. Or, il semblerait que la stratégie suédoise ait été plus efficace que la stratégie italienne. Encore une fois, pourquoi voulez vous qu’on choisisse la stratégie qui, du point de vue de nos objectifs, ne donne pas le meilleur résultat.
[Mais dans le cas présent, je ne reproche pas au gouvernement l’arbitrage qu’il a effectué entre la préservation de l’économie et la préservation de la santé publique, mais d’avoir attendu jusqu’au bout pour effectuer cet arbitrage en ayant espéré pouvoir passer entre les gouttes.]
Ca se discute. Fallait faire le choix de stratégie plus tôt, alors qu’on ne savait presque rien du virus ? Quelque soit la réponse, elle est plus facile a apporter aujourd’hui dans notre salon que ne l’était dans un bureau ministériel il y a huit semaines. C’est pourquoi j’appelle à une certaine modération…
[En revanche je constate également que le maintien de la santé publique passe en second lieu lorsqu’il est question de faire face à ses préjugés idéologiques, ou son manque de courage pour faire respecter l’ordre public dans certains quartiers.]
Pour ce qui concerne les « préjugés idéologiques », je ne vois pas très bien de quoi vous parlez. Pour ce qui concerne le courage, la politique reste d’abord l’art du possible. Faire respecter l’ordre dans certains quartiers n’est pas seulement une question de courage, c’est d’abord une question de moyens. Ce qui manque aux gouvernements, c’est surtout le courage d’affronter les classes intermédiaires quand il s’agit de financer correctement l’Etat ou de mettre en œuvre une véritable politique d’assimilation et de promotion sociale.
[Ça n’est pas vous qui aimez reprendre la citation de Lénine, selon laquelle même l’improvisation doit être soigneusement préparée ? Plus sérieusement l’éventualité d’une pandémie n’avait rien de farfelu quand on connaît les précédents historiques, et récents pour certains.]
Il ne faut tout de même pas exagérer. Je sais que les trains qui arrivent à l’heure ne font pas la première page des journaux, mais ce n’est pas pour autant qu’il faut les oublier. Il existe dans notre pays des gens qui ont anticipé ce type de crise. Il y a un « plan pandémie » qui fonctionne et qui est testé régulièrement. Oui, on a manqué de gel ou de masques, mais nous n’avons jamais manqué de nourriture, d’électricité, de soins. Ce qui m’énerve dans votre discours, c’est qu’on a l’impression que si l’on manque de masques c’est la faute de l’administration ou du politique, mais si la nourriture continue à arriver dans les magasins et l’électricité dans les prises c’est par l’opération du Saint Esprit. Si on peut et on doit souligner les erreurs de nos fonctionnaires et nos politiques, on peut et on doit aussi souligner leurs réussites.
[Ce manque d’anticipation en matière sanitaire aurait été compréhensible si le gouvernement avait concentré ses efforts sur d’autres priorités, mais force est de constater que ce gouvernement est incapable d’anticiper quoi que ce soit, comme en atteste l’abandon du projet Astrid.]
Oui, mais le gouvernement n’est pas le seul responsable. Je ne vois pas beaucoup de leaders d’opinion, de dirigeants politiques ou syndicaux pour exiger qu’on sacrifie un peu le court terme au long terme. Souvenez-vous du débat sur la « cagnotte » du temps de Jospin : tout le monde avait des idées de dépense supplémentaire : augmenter les retraites, les salaires, les allocations sociales, les aides aux entreprises… personne n’a proposé qu’on l’investisse dans des grands projets d’avenir. A ma connaissance, le seul homme politique qui ait eu ce réflexe, c’est Sarkozy – conseillé par Guaino – avec le « grand emprunt » réservé exclusivement au financement de projets d’avenir (dont Astrid, d’ailleurs).
[Mais je constate juste que nous vivons dans un régime censé être une démocratie libérale, régime qui n’est nullement protégé contre l’ingratitude de ses électeurs. Peut-être n’y a t’il pas tant de différences que cela entre une démocratie et les « monarchies sacrificielles »]
Je pense que le régime démocratique devient un régime « sacrificiel » parce qu’on a laissé s’installer une idéologie démagogique qui flatte le citoyen en lui faisant croire que gouverner c’est facile. Que les choix du pouvoir sont toujours entre le bien et le mal, entre le blanc et le noir, et qu’il suffit de s’asseoir sur le trône, pointer du doigt et crier « je le veux » pour que les choses se fassent. Si vous voulez une illustration de cette démagogie, lisez les travaux des « ateliers des lois » organisés par la France insoumise : travaux ou les « insoumis » sont partis la fleur au fusil, pour laisser tomber assez rapidement la chose quand ils se sont aperçus combien il était difficile de rédiger un texte législatif qui ait ne serait-ce que l’air de tenir debout.
Le citoyen est « ingrat » d’abord parce qu’il n’a pas conscience de la complexité du système qui est à son service, et de la difficulté de le faire marcher. Ne trouvez-vous pas merveilleux qu’au milieu de la pandémie on puisse aller au supermarché et trouver les rayons remplis non seulement de l’indispensable mais aussi de l’agréable ? Que vous poubelles soient ramassées régulièrement ? Que l’eau continue à sortir du robinet et l’électricité de la prise ? Moi, je trouve cela extraordinaire. Et je pense aux gens qui, malgré beaucoup d’erreurs, se sont débrouillés pour que tout ça continue à fonctionner. Et qui font un travail qui n’est pas à la portée de tout le monde.
[« La tendance des Français à exiger périodiquement des sacrifices humains a certes quelques avantages (surtout pour ceux qui veulent prendre la place laissée vacante) mais a aussi un effet paralysant. » Les mauvaises langues diraient que l’exécution de Louis XVI a eu un effet vivifiant pour la France…]
La première fois c’est souvent utile, parce que, comme disait un grand historien britannique, ses successeurs savent que ce qui a été une fois peut être refait. Mais il ne faut pas trop exagérer : si on commence à exécuter les rois à tort et à travers, on finit par décourager les bons candidats…
[ A ma connaissance, le seul homme politique qui ait eu ce réflexe, c’est Sarkozy – conseillé par Guaino – avec le « grand emprunt » réservé exclusivement au financement de projets d’avenir (dont Astrid, d’ailleurs). ]
Concernant le “grand emprunt” ça n’a pas marché car la confiance n’était pas présente auprès des français. Pour mener des projets d’avenir il fallait des outils, des moyens et surtout une grande confiance auprès de l’Etat.
@ Glarrious
[Concernant le “grand emprunt” ça n’a pas marché car la confiance n’était pas présente auprès des français. Pour mener des projets d’avenir il fallait des outils, des moyens et surtout une grande confiance auprès de l’Etat.]
D’où tirez vous que “ça n’a pas marché”, est surtout par manque de “confiance auprès des Français” ? Lr “Grand Emprunt” a très bien marché, et il a été couvert par les Français sans difficulté. Si ses résultats sont mitigés, c’est surtout par la manière dont il a été mis en oeuvre. D’abord, et contrairement à ce que souhaitait Guaino, Bercy a réussi à rogner le montant total: des 100 Md€ proposés par Guaino, il n’en est resté après passage par la commission Rocard-Balladur (tout un programme) que 35 Md€. Ensuite, on a imposé des critères d’octroi des fonds copiés de ceux de l’UE, obligeant pour monter un projet de trouver des tours de table associant des financements publics et privés, les instituts, les régions… et le raton laveur. Conséquence: les projets ont pris énormément de temps à se monter, beaucoup se sont révélés bancals…
@ Descartes
Bonjour,
[Si on peut et on doit souligner les erreurs de nos fonctionnaires et nos politiques, on peut et on doit aussi souligner leurs réussites.]
Chez les fonctionnaires comme chez les salariés du privé, il y a probablement la même proportion d’incompétents et de paresseux. Ce n’est donc pas des fonctionnaires que cette crise à mis en lumière certaines anomalies, mais un système bureaucratique lourd, tatillon, lent, rétif à s’adapter. Courteline est toujours d’actualité.
Les fonctionnaires appliquent et n’ont pas à interpréter, d’autant plus que les directives sont étouffantes ( cf les 63 pages de l’EN pour l’accueil des enfants) et donnent l’impression aux citoyens extérieurs qu’il n’est pas beaucoup recouru à l’intelligence des agents publics.
Il me semble, pour l’avoir côtoyé il y a 20 ans que le système hiérarchique emprunte beaucoup à la hiérarchie militaire et à son esprit.
Est-ce la meilleure approche pour les activités civiles ?
Pour le politique, la décision de mentir ou d’affronter la vérité n’a rien à voir avec le retour d’expérience. Mentir est une preuve de faiblesse, de crainte à affronter le réel et charge d’une très lourde hypothèque les orientations futures qu’il faudra faire accepter à une population qui gardera en mémoire ce mensonge originel présenté, de plus, avec une balourdise hallucinante. Mentir est un art majeur du politique, j’en conviens, mais alors un bon politique doit savoir mentir avec adresse pour le bien escompté.
Le mensonge est un crédit que l’on contracte et dans le cas présent, le taux consenti risque d’être particulièrement lourd pour son amortissement.
Indépendamment des particularismes nationaux, pour des résultats analogues, voire pires, les gouvernements voisins voient le degré de confiance qui leur est accordé, nettement supérieur, ce qui ne manque pas d’étonner.
Je n’ai pas l’impression qu’ils aient autant misé sur la communication tous azimuts que le gouvernement français.
Il ne faut pas confondre mensonge et déni stupide ou pathologique.
@ Marcailloux
[Chez les fonctionnaires comme chez les salariés du privé, il y a probablement la même proportion d’incompétents et de paresseux.]
Je m’inscris en faux contre cette idée. Je vous rappelle que la fonction publique sélectionne sur des critères de compétence. Vous pouvez trouver un poste dans le privé parce que voter patron aime votre gueule – ou parce qu’il est copain avec vos parents. Mais pour devenir fonctionnaire, il faut passer le concours.
[Ce n’est donc pas des fonctionnaires que cette crise à mis en lumière certaines anomalies, mais un système bureaucratique lourd, tatillon, lent, rétif à s’adapter. Courteline est toujours d’actualité.]
Ce sont surtout les préjugés de Courteline qui sont toujours d’actualité (rappelons au passage que Courteline écrit avant la naissance du statut de la fonction publique, et de la généralisation du recrutement par concours anonyme). Je vous ai demandé dix fois des exemples précis ou ce « système bureaucratique lourd, tatillon, lent, rétif à s’adapter » ait gêné la gestion de cette crise, et j’attends toujours.
[Les fonctionnaires appliquent et n’ont pas à interpréter,]
D’où avez-vous sorti cette idée ? Ce serait plutôt le contraire : les fonctionnaires passent leur temps à « interpréter » les directives qu’ils reçoivent, et cela d’autant plus que ces dernières années ces directives sont devenus de plus en plus confuses. Mais en théorie, vous avez raison : les fonctionnaires appliquent les directives de l’autorité politique. Préféreriez-vous un système ou les fonctionnaires auraient une large marge d’appréciation, mettant de ce fait les citoyens à la merci de l’arbitraire d’une autorité non élue ? Vous ne semblez pas comprendre que l’obéissance du fonctionnaire est la garantie de la démocratie…
D’ailleurs, je crois me souvenir que dans d’autres discussions vous exposiez que les politiques étaient impuissants, soumis au blocage des hauts fonctionnaires (notamment à Bercy). Alors, il faut se décider : si les fonctionnaires « appliquent sans interpréter », alors ce sont les politiques qui décident.
[d’autant plus que les directives sont étouffantes ( cf les 63 pages de l’EN pour l’accueil des enfants) et donnent l’impression aux citoyens extérieurs qu’il n’est pas beaucoup recouru à l’intelligence des agents publics.]
Sauf que, quand on fait confiance à l’intelligence des agents publics et qu’un agent public fait une erreur, on le traîne devant les tribunaux et on le massacre dans les médias. Dans ces conditions, doit-on s’étonner que les agents publics hésitent à faire preuve d’intelligence et se contentent d’appliquer des directives venues d’en haut qui les protègent ?
On ne peut pas tout avoir. Si vous voulez des agents publics qui prennent des initiatives à leur niveau, il faut les protéger lorsque ces initiatives tournent mal, et ne punir que lorsqu’il y a faute avérée. Si l’on veut pouvoir massacrer le fonctionnaire qui se trompe, alors il ne faut pas s’étonner si personne n’accepte de prendre le risque. Les préfets sont l’exemple typique d’un corps qui n’hésite pas à prendre des initiatives quitte à faire des erreurs, mais ils peuvent se le permettre parce qu’ils sont protégés par leur ministère et par leur esprit de corps.
[Il me semble, pour l’avoir côtoyé il y a 20 ans que le système hiérarchique emprunte beaucoup à la hiérarchie militaire et à son esprit. Est-ce la meilleure approche pour les activités civiles ?]
Avez-vous une meilleure solution ? Tiens, j’aimerais connaître votre avis : pensez-vous qu’il faille abolir le principe d’obéissance hiérarchique, qui est le fondement de la fonction publique ?
[Pour le politique, la décision de mentir ou d’affronter la vérité n’a rien à voir avec le retour d’expérience.]
Ne croyez pas ça. Les politiques ont fait un très bon retour d’expérience sur ce qui est arrivé dans le passé aux politiques qui ont dit la vérité, et à ceux qui ont menti. Et en examinant ce retour d’expérience, on peut dire que si le mensonge est un péché, c’est rarement une erreur.
[Mentir est une preuve de faiblesse, de crainte à affronter le réel et charge d’une très lourde hypothèque les orientations futures qu’il faudra faire accepter à une population qui gardera en mémoire ce mensonge originel présenté, de plus, avec une balourdise hallucinante. Mentir est un art majeur du politique, j’en conviens, mais alors un bon politique doit savoir mentir avec adresse pour le bien escompté.]
Tout à fait d’accord. Si on ment, il faut mentir bien. L’erreur du gouvernement dans cette affaire – et je peux vous dire qu’il y en a, dans la haute fonction publique, qui ont tiré la sonnette d’alarme – a été de ne pas prévoir une voie de sortie pour le jour ou les masques seraient disponibles en nombre suffisant. Comme disait Napoléon, la pire erreur est se placer dans une situation à partir de laquelle il n’y a plus que des mauvaises solutions.
[Indépendamment des particularismes nationaux, pour des résultats analogues, voire pires, les gouvernements voisins voient le degré de confiance qui leur est accordé, nettement supérieur, ce qui ne manque pas d’étonner.]
En fait, on ne voit rien de tel Si vous regardez bien, vous voyez le même effet dans tous les pays : la crise a provoqué une légère augmentation de la crédibilité des gouvernements (l’effet « panache blanc » bien connu) puis une diminution pour reprendre le niveau d’avant-crise. Il n’y a que la Grande Bretagne qui présente un comportement différent. Le problème en France est que le gouvernement partait déjà avec un socle de confiance réduit à son électorat « naturel ».
@Descartes
[[Par ailleurs différents scénarios poussés de crise ont été mis en place durant la guerre froide en cas d’affrontement Est-Ouest.]
Pas vraiment. La planification ORSEC, par exemple, ne doit rien à la guerre froide.]
Je pensais au réseaux stay-behind de l’Otan pour illustrer que des scénarios multidisciplinaires on été mis en place face à l’éventualité d’une invasion des pays d’Europe occidentale par le pacte de Varsovie.
[Pourquoi mettre en place les mêmes mesures qu’en Italie alors qu’on ne savait pas si elles étaient ou non efficaces ? Par pur esprit d’imitation ?]
Pourquoi donc le gouvernement a décidé de confiner alors que l’on avait alors aucune idée de l’efficacité de cette mesure à ce moment là ?
[Le retour d’expérience, ce n’est pas faire la même chose que les autres, c’est d’évaluer ce que les autres font pour ensuite décider s’il faut ou non le faire.]]
Mais pour moi le REX italien ne se résume juste au fait qu’en l’absence de mesures draconiennes prises à temps pour limiter la propagation du Covid-19, on se retrouve avec une saturation des services d’urgence hospitaliers. D’ailleurs, un REX ne consiste juste qu’à tirer les conséquences d’un incident et non partager les bonnes pratiques.
[Dans le cas présent, il s’agit d’un choix de stratégie : si on choisit une stratégie à la suédoise, pourquoi devrait-on faire des hypothèses à l’italienne ? Et pourquoi aurait-il fallu s’inspirer des Italiens plutôt que des Suédois ?]
Peut-être parce que la courbe d’évolution du Covid-19 et France était une translation vers la droite de celle de l’Italie et non de celle de la Suède.
[Là, je ne comprends pas votre raisonnement. Si l’on fait de la vie une priorité, alors il faut choisir la stratégie qui sert le mieux cette priorité. Or, il semblerait que la stratégie suédoise ait été plus efficace que la stratégie italienne.]
Ça n’est pas parce que quelqu’un est ressorti indemne après avoir joué à la roulette russe, que l’on est obligé de faire de même si l’on tient à sa vie.
[Ca se discute. Fallait faire le choix de stratégie plus tôt, alors qu’on ne savait presque rien du virus ? Quelque soit la réponse, elle est plus facile a apporter aujourd’hui dans notre salon que ne l’était dans un bureau ministériel il y a huit semaines. C’est pourquoi j’appelle à une certaine modération…]
Pardon, excusez moi, c’est vrai que début mars on ne savait strictement rien du Covid-19, pas même que c’est essentiellement un virus des voies respiratoires. Personnellement j’ai comme l’impression que la prise de décision au dernier moment ne résulte pas de la difficulté à prendre une mesure adéquate, mais tout simplement que Macron jusqu’au dernier moment était dans le déni, comme en atteste sa déclaration, une semaine avant la décision du confinement, de faire comme si de rien n’était.
[[En revanche je constate également que le maintien de la santé publique passe en second lieu lorsqu’il est question de faire face à ses préjugés idéologiques, ou son manque de courage pour faire respecter l’ordre public dans certains quartiers.]
Pour ce qui concerne les « préjugés idéologiques », je ne vois pas très bien de quoi vous parlez.]
Je parle des préjugés idéologiques qui consistent à refuser de fermer les frontières soit-disant parce-que le « virus n’aurait pas de passeport », ou à estimer que lorsque l’on vient d’un pays hors Schengen, on est automatiquement considéré comme plus à risque que d’un pays de l’espace Schengen.
[Pour ce qui concerne le courage, la politique reste d’abord l’art du possible. Faire respecter l’ordre dans certains quartiers n’est pas seulement une question de courage, c’est d’abord une question de moyens.]
Le gouvernement ne doit pas en manquer, puisqu’il s’est permis de faire brûler du kérosène pour les hélicoptères de la Gendarmerie Nationale afin de contrôler les inconscients riverains qui se promenaient dans les bois. Voyez-vous Descartes s’il y a une chose qui m’insupporte, c’est lorsque l’on se comporte fort avec les faibles, mais faible avec les forts.
[Ce qui manque aux gouvernements, c’est surtout le courage d’affronter les classes intermédiaires quand il s’agit de financer correctement l’Etat ou de mettre en œuvre une véritable politique d’assimilation et de promotion sociale.]
J’ai du mal à voir en quoi donner plus de flouze aux « quartiers » permettrait de résoudre leurs problèmes, sachant que la France a l’un des ratios de dépenses sociales par rapport au PIB parmi les plus élevés au monde, mais surtout qu’à chaque fois que l’on y construit un établissement publique, il finit en fumée, sans parler des pompiers qui s’y font caillasser quand ils interviennent. Enfin il va falloir m’expliquer comment ça se fait que les immigrés d’Extrême-Orient réussissent à s’assimiler, surpassant même les écoliers français natifs en termes de performances scolaires.
[Ce qui m’énerve dans votre discours, c’est qu’on a l’impression que si l’on manque de masques c’est la faute de l’administration ou du politique]
D’une, j’aimerais savoir où j’ai mis en cause l’administration, de deux qui est responsable du fait que les stocks de masques constitués par Roselyne Bachelot n’aient pas été renouvelés ?
[mais si la nourriture continue à arriver dans les magasins et l’électricité dans les prises c’est par l’opération du Saint Esprit.]
Attendez, il faudrait que je remercie Macron d’avoir (temporairement) renoncé à l’interdiction du glyphosate et de n’avoir que fait fermer FES-1 maintenant ?!
[[Ce manque d’anticipation en matière sanitaire aurait été compréhensible si le gouvernement avait concentré ses efforts sur d’autres priorités (…)]
Oui, mais le gouvernement n’est pas le seul responsable.]
Que le gouvernement actuel se retrouve avec les pots cassés de ses prédécesseurs est une chose, mais ne constitue en aucun cas une excuse pour qu’il se comporte comme ses prédécesseurs.
[[Mais je constate juste que nous vivons dans un régime censé être une démocratie libérale, régime qui n’est nullement protégé contre l’ingratitude de ses électeurs. Peut-être n’y a t’il pas tant de différences que cela entre une démocratie et les « monarchies sacrificielles »]
Je pense que le régime démocratique devient un régime « sacrificiel » parce qu’on a laissé s’installer une idéologie démagogique qui flatte le citoyen en lui faisant croire que gouverner c’est facile.]
Je crains également que malheureusement, rien n’interdit dans une démocratie libérale la propagation d’idées démagogues, et même que certains électeurs ont un penchant naturel pour celles-ci…
[Ne trouvez-vous pas merveilleux qu’au milieu de la pandémie on puisse aller au supermarché et trouver les rayons remplis non seulement de l’indispensable mais aussi de l’agréable ? Que vous poubelles soient ramassées régulièrement ? Que l’eau continue à sortir du robinet et l’électricité de la prise ? Moi, je trouve cela extraordinaire.]
En toute honnêteté, j’ai du mal à voir ce qu’il y a d’extraordinaire, puisque l’arrêt de l’économie est du à une décision politique pour protéger les éléments les plus fragiles de la société. Si les rayons des supermarchés sont remplis, les poubelles ramassées et l’eau continue à sortir du robinet, c’est parce qu’on a décidé de faire une exception pour ces secteurs compte tenu de leur importance vitale.
Après, effectivement que dans l’absolu, on peut dire qu’au regard de l’histoire de l’humanité et de ce qui se passe ailleurs en ce moment, les conditions dans lesquelles nous vivons sont extraordinaires. Mais cela ne tient pas au hasard, les facteurs qui permettent ces conditions étant connues et maîtrisées depuis bien longtemps, ce qui fait que ce qui était considéré comme extraordinaire devient considéré comme ordinaire.
Avoir organisé les épreuves du baccalauréat pendant la campagne de Normandie, ça en revanche je trouve que c’est extraordinaire.
[La première fois c’est souvent utile, parce que, comme disait un grand historien britannique, ses successeurs savent que ce qui a été une fois peut être refait. Mais il ne faut pas trop exagérer : si on commence à exécuter les rois à tort et à travers, on finit par décourager les bons candidats…]
Dois-je en conclure que les révolutions de 1830 et 1848 étaient de trop ?
@ François
[Je pensais au réseaux stay-behind de l’Otan pour illustrer que des scénarios multidisciplinaires on été mis en place face à l’éventualité d’une invasion des pays d’Europe occidentale par le pacte de Varsovie.]
Il ne faudrait pas confondre la planification militaire et la planification civile de la gestion des crises. L’essentiel de la planification de crise dans notre pays est civil, et ne fait intervenir que très marginalement des capacités militaires.
[« Pourquoi mettre en place les mêmes mesures qu’en Italie alors qu’on ne savait pas si elles étaient ou non efficaces ? Par pur esprit d’imitation ? » Pourquoi donc le gouvernement a décidé de confiner alors que l’on avait alors aucune idée de l’efficacité de cette mesure à ce moment-là ?]
Parce que les modèles de simulation dont le gouvernement disposait montraient que le nombre de morts était dix fois supérieur sans confinement qu’avec. L’imitation a bien sur joué un rôle : dans un monde hypermédiatisé comme le nôtre, très rapidement vous aurez des charlatans dans nos étranges lucarnes qui tiendront le discours « pourquoi on ne fait pas comme en Allemagne » ? « Pourquoi on ne fait pas comme en Italie » ? « Pourquoi on ne fait pas comme en Suède » ? « Pourquoi on ne fait pas comme en Corée » ? Et d’ailleurs, vous ne pouvez pas gagner : c’est le dilemme des deux chemises que la mère juive offre à son fils : quelque soit l’option choisi, vous vous verrez reprocher de ne pas avoir choisi l’autre.
[Mais pour moi le REX italien ne se résume juste au fait qu’en l’absence de mesures draconiennes prises à temps pour limiter la propagation du Covid-19, on se retrouve avec une saturation des services d’urgence hospitaliers. D’ailleurs, un REX ne consiste juste qu’à tirer les conséquences d’un incident et non partager les bonnes pratiques.]
Bien sur que si. Un REX consiste à revenir sur ce qu’on a fait, à voir ce qui n’a pas marché – et qu’il vaut mieux donc abandonner – et ce qui a marché – qu’il vaut mieux généraliser.
[« Dans le cas présent, il s’agit d’un choix de stratégie : si on choisit une stratégie à la suédoise, pourquoi devrait-on faire des hypothèses à l’italienne ? Et pourquoi aurait-il fallu s’inspirer des Italiens plutôt que des Suédois ? » Peut-être parce que la courbe d’évolution du Covid-19 et France était une translation vers la droite de celle de l’Italie et non de celle de la Suède.]
Oui, mais cela tient aussi au fait qu’on a fait comme les Italiens dans la première phase de l’épidémie, et non comme la Suède. A partir d’un certain moment, les hypothèses deviennent auto-réalisatrices.
[Ça n’est pas parce que quelqu’un est ressorti indemne après avoir joué à la roulette russe, que l’on est obligé de faire de même si l’on tient à sa vie.]
Mais alors, on fait quoi ? Parce que vous êtes obligé de choisir une stratégie. Vous ne pouvez pas vous contenter de dire « je n’en sais pas assez, je vais attendre d’en savoir plus ». C’est là où se trouve l’élément tragique. Vous êtes OBLIGE de jouer à la roulette russe. A partir de là, suivre la stratégie de celui qui est sorti indemne n’est pas la plus irrationnelle des propositions.
[Pardon, excusez-moi, c’est vrai que début mars on ne savait strictement rien du Covid-19, pas même que c’est essentiellement un virus des voies respiratoires. Personnellement j’ai comme l’impression que la prise de décision au dernier moment ne résulte pas de la difficulté à prendre une mesure adéquate, mais tout simplement que Macron jusqu’au dernier moment était dans le déni, comme en atteste sa déclaration, une semaine avant la décision du confinement, de faire comme si de rien n’était.]
Je ne sais pas. Votre hypothèse est recevable, mais il y en a d’autres. Personnellement, je pense surtout que le gouvernement a été victime du syndrome de la « drôle de guerre ». Il a eu peur, en déclenchant les hostilités trop tôt, de se voir reprocher de surréagir, de prendre des précautions inutiles. Et le précédent Bachelot justifie en partie cette crainte. Les mesures de confinement ont été acceptées le 11 mars parce que les Français étaient conscients (notamment grâce aux images venues d’Italie) que l’affaire était grave. L’auraient accepté aussi facilement dix jours plus tôt, alors que tout semblait sous contrôle ? Je n’en suis pas sûr.
Un vieux principe dit qu’en politique il ne faut jamais apporter une solution avant que les gens soient conscients qu’il y a un problème…
[Je parle des préjugés idéologiques qui consistent à refuser de fermer les frontières soit-disant parce-que le « virus n’aurait pas de passeport », ou à estimer que lorsque l’on vient d’un pays hors Schengen, on est automatiquement considéré comme plus à risque que d’un pays de l’espace Schengen.]
Je vous le répète : au-delà des discours, les frontières ont bien été fermées. Et il ne semble pas absurde de penser que pour les pays de l’espace Schengen nous avons une bien meilleure connaissance de leurs dispositions sanitaires que pour les autres.
[Le gouvernement ne doit pas en manquer, puisqu’il s’est permis de faire brûler du kérosène pour les hélicoptères de la Gendarmerie Nationale afin de contrôler les inconscients riverains qui se promenaient dans les bois.]
Vous le savez très bien : rétablir l’ordre républicain dans certains quartiers demande bien plus que quelques hélicoptères de la Gendarmerie.
[« Ce qui manque aux gouvernements, c’est surtout le courage d’affronter les classes intermédiaires quand il s’agit de financer correctement l’Etat ou de mettre en œuvre une véritable politique d’assimilation et de promotion sociale. » J’ai du mal à voir en quoi donner plus de flouze aux « quartiers » permettrait de résoudre leurs problèmes, sachant que la France a l’un des ratios de dépenses sociales par rapport au PIB parmi les plus élevés au monde,]
Ce n’est pas seulement une question d’argent. C’est aussi une question de présence des institutions, de qualité des services – et notamment en matière d’éducation – et de cohérence dans le message transmis. Si les institutions exercent de concert une pression assimilatrice, si la promotion au mérite fonctionne, alors ça marche. Si on délègue – parce que, vous comprenez, il faut réduire le nombre de fonctionnaires – l’encadrement social à des « associations de grands frères » et qu’on donne à tout le monde des diplômes dévalorisés, ça ne marche pas.
[Enfin il va falloir m’expliquer comment ça se fait que les immigrés d’Extrême-Orient réussissent à s’assimiler, surpassant même les écoliers français natifs en termes de performances scolaires.]
Parce qu’ils viennent d’une civilisation qui a intégré l’idée méritocratique depuis très, très longtemps. D’une certaine façon, beaucoup de principes qui fondent notre société sont internalisés avant qu’ils arrivent chez nous.
[« Ne trouvez-vous pas merveilleux qu’au milieu de la pandémie on puisse aller au supermarché et trouver les rayons remplis non seulement de l’indispensable mais aussi de l’agréable ? Que vous poubelles soient ramassées régulièrement ? Que l’eau continue à sortir du robinet et l’électricité de la prise ? Moi, je trouve cela extraordinaire. » En toute honnêteté, j’ai du mal à voir ce qu’il y a d’extraordinaire, puisque l’arrêt de l’économie est du à une décision politique pour protéger les éléments les plus fragiles de la société. Si les rayons des supermarchés sont remplis, les poubelles ramassées et l’eau continue à sortir du robinet, c’est parce qu’on a décidé de faire une exception pour ces secteurs compte tenu de leur importance vitale.]
Oui, mais n’êtes vous pas émerveillé par la capacité qu’à cette machine si merveilleusement complexe à s’adapter à une situation nouvelle ? Oui, le gouvernement a « fait une exception » qui permet à ces secteurs de fonctionner. Mais sans les hommes qui ont accepté de les faire fonctionner, qui ont trouvé des solutions aux nouveaux problèmes qui se posaient à eux, qui ont fait preuve de flexibilité dans l’application des règles, cela se serait cassé la gueule. Vous noterez d’ailleurs que le discours dominant dans une certaine gauche était que la structure économique de notre société était si fragile qu’une pichenette pourrait nous faire basculer dans la pénurie et la révolution (pour plus de références, lire « l’Ere du Peuple » de Mélenchon ou la prose de Cochet-Bourg-Servigne). Les faits leur ont donné tort, et prouvent une fois encore l’étendue de l’ingéniosité humaine.
[Mais cela ne tient pas au hasard, les facteurs qui permettent ces conditions étant connues et maîtrisées depuis bien longtemps, ce qui fait que ce qui était considéré comme extraordinaire devient considéré comme ordinaire.]
C’est tout de même dommage qu’on ait perdu notre capacité d’émerveillement. Elle nous conduirait peut-être à mieux défendre des institutions qui sont considérées comme « naturelles » mais qui sont en fait fragiles…
[Avoir organisé les épreuves du baccalauréat pendant la campagne de Normandie, ça en revanche je trouve que c’est extraordinaire.]
N’est-ce pas ? J’ai appris cette histoire récemment, je cherche s’il y a un historien qui ait travaillé sur la question…
[« La première fois c’est souvent utile, parce que, comme disait un grand historien britannique, ses successeurs savent que ce qui a été une fois peut être refait. Mais il ne faut pas trop exagérer : si on commence à exécuter les rois à tort et à travers, on finit par décourager les bons candidats… » Dois-je en conclure que les révolutions de 1830 et 1848 étaient de trop ?]
Pas forcément. Mais vous noterez qu’en 1830 et 1848 on n’a pas songé à faire rouler les têtes… Non, dans notre pays qui ne sait avancer que par crises successives, une révolution de temps en temps est indispensable.
@ François et quelques autres qui semblent penser la même chose
[Pourquoi mettre en place les mêmes mesures qu’en Italie]
Pourquoi pensez vous que la France a “copié sur l’Italie” ? Je ne vois pas en quoi le fait de prendre des décisions analogues, mais après l’Italie, implique que la seconde aurait “copié” sur la première ! Si je me rappelle bien, l’Italie a été le premier pays européen touché de manière massive, et ce simple fait suffit à expliquer que la France ait réagi après. Que la France ait pris des mesures analogues, s’explique à mon sens par le fait que pour traiter un problème analogue, on applique souvent les mêmes recettes, sans avoir besoin de “copier” sur le voisin. Pourquoi ce besoin de dénigrer ? Vous n’aimez pas Macron ? Moi non plus. Mais ça n’est pas pour ça que je vais tordre la réalité. Je l’ai déjà dit dans un autre commentaire, je pense que la crise a été gérée efficacement :
https://mapthenews.maps.arcgis.com/apps/opsdashboard/index.html#/5df19abcf8714bc590a3b143e14a548c
@ BJ
[Je l’ai déjà dit dans un autre commentaire, je pense que la crise a été gérée efficacement :]
Il faut attendre je pense les résultats du retour d’expérience pour savoir si la gestion a été optimale, si les mesures qui ont été prises étaient les meilleures. Et encore, comme il n’est pas possible de faire une expérimentation parallèle, on ne le saura peut-être jamais. Tout ce qu’on peut dire, c’est que l’Etat a réussi à garder le contrôle de la situation, que les mesures prises ont été rationnelles et que, en comparaison aux situations comparables, on ne s’en sort pas trop mal. C’est déjà ça.
Il y a par contre à mon sens un véritable débat à avoir sur la manière dont le peuple français réagit à ce type d’évènement, et les contraintes que cela impose aux décideurs en situation de crise. Contrairement à d’autres peuples, les Français ne se projettent pas dans une vision du pire, et ne sont donc pas dans une logique de précaution. Il n’est pas simple de leur expliquer, alors qu’il n’y a pas encore beaucoup de contaminés et de morts, qu’il faut rester chez soi. Ceux qui disent qu’on aurait pu confiner plus tôt oublient que si le gouvernement l’avait décidé dix jours avant, alors que le virus ne circulait pas encore, tout le monde l’aurait accusé de surréagir, d’imposer une peine inutile aux Français. Et si le dispositif avait été efficace, il aurait justifié l’accusation puisque « vous voyez bien, il ne s’est rien passé ».
Le problème en France, c’est que le danger évité n’existe pas. Et on ne sait pas donc gré à celui qui vous a permis de l’éviter de son action. Si vous vaccinez toute la population et l’épidémie – grâce à cette vaccination – n’a pas lieu, on vous reprochera d’avoir dépensé l’argent public dans une mesure inutile. Et si vous ne vaccinez pas et la maladie ravage le pays, on vous reprochera de ne pas avoir vacciné. C’est pourquoi le métier de gestionnaire de crise en France est aussi ingrat : vous ne pouvez que perdre.
Même chose avec les masques. Après des années d’austérité budgétaire, où il faut réduire la dépense à tout prix, on découvre qu’il n’y a plus de stocks de masques. Cela ne devrait surprendre personne : quand on réduit les dépenses, il faut bien qu’on les réduise quelque part. S’imaginer qu’on peut réduire les dépenses chaque année et qu’on retrouvera toujours autant d’infirmières et de lits dans les hôpitaux, c’est idiot. Le gouvernement se trouve donc devant un dilemme – dont il n’est pas le seul responsable : dire aux français que les masques sont utiles mais qu’il n’y en a pas pour tout le monde – avec le résultat prévisible d’une population se précipitant sur les maigres stocks, le développement d’un marché noir, etc. – ou essayer de maintenir la fiction que le masque est inutile. Quelque soit le choix, il est mauvais. Est-ce dans ces conditions raisonnable de se draper dans la vertu et de critiquer le gouvernement pour “ne pas avoir dit la vérité” ?
@ Descartes
Bonjour,
[Mais il ne faudrait pas tout de même oublier qu’il y a de nombreux musulmans en France qui sont parfaitement assimilés.]
Pour vivre de nombreux séjours au Maroc, j’observe que de nombreux ressortissants des classes moyennes ( prof, médecins, avocats, ingénieurs, commerçants. . . ) ont une pratique de l’islam très proche des descendants d’immigrés parfaitement assimilés en France. Cela constitue, à mon sens, une “résistance” à la dimension archaïque de l’islam, et ce dans un contexte différent de celui de chez nous, où cependant l’islam est religion d’Etat.
Ce comportement libéré des injonctions religieuses radicales est, il me semble, l’effet de ceux qui ont bénéficié d’une formation à partir des structures de connaissance occidentales.
Une autre partie de ces sociétés musulmanes n’en a que peu bénéficié (lié souvent, par exemple, à l’arabisation des langues officielles) et se “rigidifie” à partir de ce replis sur elles même, aucune de ces communautés, qu’elles soient arabes, turcs, kurdes, bengalis, berbères, malais, etc., ne peut être considérée comme société “avancée”, à la pointe de la civilisation actuelle.
Les jeunes femmes, étant peut-être moins impliquées dans l’essence culturelle de ces communautés, s’en affranchiraient-elles d’autant plus ?.
Mais ceci n’est qu’une hypothèse.
@ Marcailloux
[Pour vivre de nombreux séjours au Maroc, j’observe que de nombreux ressortissants des classes moyennes (prof, médecins, avocats, ingénieurs, commerçants. . . ) ont une pratique de l’islam très proche des descendants d’immigrés parfaitement assimilés en France. Cela constitue, à mon sens, une “résistance” à la dimension archaïque de l’islam, et ce dans un contexte différent de celui de chez nous, où cependant l’islam est religion d’Etat.]
Je pense que c’est l’inverse : le mouvement de sécularisation est en marche dans le monde entier, poussé par l’extension du capitalisme – en pleine conformité, je dois ajouter, à ce qu’écrivait il y a un siècle et demi un certain Karl Marx dans le « manifeste ». L’Islam radical est pour moi une réaction équivalente à celle de l’intégrisme catholique de la fin du XVIIIème et du XIXème siècle : une réaction de l’establishment clérical et des couches les plus pauvres et arriérées de la société en face d’un mouvement qui perturbe l’ordre immuable auquel ils sont habitués et dans lequel ils ont leurs repères. Et la réaction est d’autant plus violente que le mouvement de modernisation n’est pas, comme ce fut le cas en pays catholique, purement endogène mais apparaît comme un élément étranger.
[Ce comportement libéré des injonctions religieuses radicales est, il me semble, l’effet de ceux qui ont bénéficié d’une formation à partir des structures de connaissance occidentales.]
Et surtout, ceux qui sont insérés dans une économie capitaliste. C’est partout la même chose : c’est la bourgeoisie qui, en réduisant toutes les logiques à celle du « paiement au comptant » déboulonne le prêtre de son rôle de censeur de la société.
[Les jeunes femmes, étant peut-être moins impliquées dans l’essence culturelle de ces communautés, s’en affranchiraient-elles d’autant plus ?. Mais ceci n’est qu’une hypothèse.]
Là encore, revenons à l’économie : qui c’est qui a « libéré » les femmes du carcan domestique pour en faire de la main d’œuvre pour ses usines, si ce n’est la bourgeoisie ? Mettre fin à l’économie domestique était une condition sine qua non pour passer à une véritable économie industrielle. Pas étonnant donc que la promotion du rôle de la femme soit concomitante avec le développement du capitalisme…
@Descartes
Désolé pour cette réponse tardive.
[[Pourquoi donc le gouvernement a décidé de confiner alors que l’on avait alors aucune idée de l’efficacité de cette mesure à ce moment-là ?]
[très rapidement vous aurez des charlatans dans nos étranges lucarnes qui tiendront le discours « pourquoi on ne fait pas comme en Allemagne » ? « Pourquoi on ne fait pas comme en Italie » ? « Pourquoi on ne fait pas comme en Suède » ? « Pourquoi on ne fait pas comme en Corée »]
Dans le cas de l’Italie, il s’agissait juste d’anticiper les mêmes mesures prises par celles-ci pour empêcher une saturation des services de réanimation. Quant à l’Allemagne et la Corée du sud, on n’a pas mis en œuvre les mêmes solutions tout simplement parce-que l’on en a pas les moyens. Et concernant la Suède, si l’on n’a pas opté pour la même solution, c’est tout simplement parce-qu’on a pas fait le même arbitrage entre la préservation de la santé publique et la préservation de l’économie (et des libertés).
[Et d’ailleurs, vous ne pouvez pas gagner : c’est le dilemme des deux chemises que la mère juive offre à son fils : quelque soit l’option choisi, vous vous verrez reprocher de ne pas avoir choisi l’autre.]
Dans ce cas il n’y a qu’une solution : choisir la chemise qui nous plaît le plus.
[[Ça n’est pas parce que quelqu’un est ressorti indemne après avoir joué à la roulette russe, que l’on est obligé de faire de même si l’on tient à sa vie.]
Mais alors, on fait quoi ? Parce que vous êtes obligé de choisir une stratégie.]
Mais la stratégie est toute simple : ne pas jouer à la roulette russe. De la même façon qu’il y a une probabilité plus élevée de rester en vie en ne jouant pas à la roulette russe qu’en y jouant, il y a une probabilité plus élevée de ralentir la propagation du virus en confinant qu’en ne confinant pas.
[[Personnellement j’ai comme l’impression que la prise de décision au dernier moment ne résulte pas de la difficulté à prendre une mesure adéquate, (…)]
[Je ne sais pas. Votre hypothèse est recevable, mais il y en a d’autres. Personnellement, je pense surtout que le gouvernement a été victime du syndrome de la « drôle de guerre » (…)]
Si tel était le cas, il aurait dû commencer par préparer mentalement les Français à l’instauration du confinement, au lieu de leur dire que tout va bien et de continuer à faire comme si de rien n’était, pour ensuite se raviser au dernier moment. Enfin je constate que son conseil scientifique a été instauré assez tardivement.
[Un vieux principe dit qu’en politique il ne faut jamais apporter une solution avant que les gens soient conscients qu’il y a un problème…]
Effectivement si on leur dit qu’il n’y a rien de grave, ils ne risquent pas d’être conscients de l’existence du problème.
[[Je parle des préjugés idéologiques qui consistent à refuser de fermer les frontières soit-disant parce-que le « virus n’aurait pas de passeport » (…)]
[Je vous le répète : au-delà des discours, les frontières ont bien été fermées.]]
Attendez Descartes, je ne suis pas un instituteur qui doit fouiller dans le cartable d’un élève pour m’assurer qu’il a bien fait ses devoirs. Qui plus est, les frontières ont peut-être été fermées, mais trop tard à mon goût. Était-ce vraiment nécessaire de maintenir la venue des supporters italiens pour le match OL-Juventus ?
[Et il ne semble pas absurde de penser que pour les pays de l’espace Schengen nous avons une bien meilleure connaissance de leurs dispositions sanitaires que pour les autres.]
C’est vrai que la situation sanitaire était bien plus grave à Taïwan ou en Corée du sud qu’elle ne l’était en Italie ou en Espagne.
[Vous le savez très bien : rétablir l’ordre républicain dans certains quartiers demande bien plus que quelques hélicoptères de la Gendarmerie.]
Je constate que le gouvernement n’a pas lésiné sur les moyens pour maintenir l’ordre lors des manifestations de gilets jaunes. Combien y a t-il eu d’éborgnés lors des manifestation du « comité Adama » ? Mais sinon, pourquoi donc jeter l’argent par les fenêtres en envoyant les hélicoptères de la GN si l’on manque de moyens, surtout si ça donne au gouvernement l’impression d’appliquer un deux poids deux mesures ?
[[J’ai du mal à voir en quoi donner plus de flouze aux « quartiers » permettrait de résoudre leurs problèmes, sachant que la France a l’un des ratios de dépenses sociales par rapport au PIB parmi les plus élevés au monde]
[Ce n’est pas seulement une question d’argent. C’est aussi une question de présence des institutions, de qualité des services – et notamment en matière d’éducation – et de cohérence dans le message transmis.]]
Mais comment voulez vous y avoir une présence des institutions, quand les bâtiments publiques y finissent en fumée ou les pompiers se font caillasser lorsqu’ils y interviennent ? Pourquoi le gouvernement songe à instaurer une « prime coloniale » pour inciter les fonctionnaires à y travailler ?
[– et notamment en matière d’éducation – ]
Dans un échange avec un autre contributeur de votre blog, vous expliquiez que les enfants de ces quartiers n’ont pas la chance de faire leur scolarité dans le quartier Latin. Eh bien permettez moi de vous dire que ça n’y changerait rien. Je ne vois pas en quoi cela changerait quoi que ce soit au fait que le programme soit contesté par les élèves (théorie de l’évolution entre autres) s’il est dispensé par les enseignants du quartier Latin, et qui plus est je crains qu’ils n’ont pas l’habitude de jouer aux assistants sociaux et accessoirement de venir au boulot avec la boule au ventre. Il faudrait peut-être se demander pourquoi personne ne veut enseigner en Seine Saint-Denis et je crains malheureusement que ça ne soit pas qu’une question de prestige.
[Si on délègue – parce que, vous comprenez, il faut réduire le nombre de fonctionnaires – l’encadrement social à des « associations de grands frères »]
Mais rien n’empêche aux administrés de ces communes de voter pour des maires qui emploient des fonctionnaires compétents plutôt que de jeter l’argent par les fenêtres en subventionnant des politiques communautaristes.
[[Enfin il va falloir m’expliquer comment ça se fait que les immigrés d’Extrême-Orient réussissent à s’assimiler, surpassant même les écoliers français natifs en termes de performances scolaires.]
Parce qu’ils viennent d’une civilisation qui a intégré l’idée méritocratique depuis très, très longtemps. D’une certaine façon, beaucoup de principes qui fondent notre société sont internalisés avant qu’ils arrivent chez nous.]
Mais qu’ils fassent comme les asiatiques, surtout que je n’y vois aucune difficulté. Permettez-moi de vous raconter une anecdote personnelle Descartes : durant ma scolarité en école d’ingénieur, certes de province, j’avais une camarade de promotion d’origine turque. Elle m’a expliqué que ses parents, modestes et maîtrisant à peine le Français, ont étés très exigeants concernant sa réussite scolaire.
Bref que la qualité de l’enseignement scolaire en France n’est plus ce qu’elle a été, j’en conviens, mais pour peu que l’on soit un minimum studieux, j’estime qu’il offre encore un minimum de perspectives d’ascension sociale.
[[Si les rayons des supermarchés sont remplis, les poubelles ramassées et l’eau continue à sortir du robinet, c’est parce qu’on a décidé de faire une exception pour ces secteurs compte tenu de leur importance vitale.]
Oui, mais n’êtes vous pas émerveillé par la capacité qu’à cette machine si merveilleusement complexe à s’adapter à une situation nouvelle ?]
Malheureusement non. Je ne vois pas ce qu’il y a eu d’exceptionnel, à mettre en place les fameux « gestes barrières » et reporter les actions jugées non prioritaires. Même en CNPE on s’est permis de mettre une grosse partie du personnel en télétravail et de repousser des AT. On n’en est pas à faire tourner des usines à ciel ouvert, en plein hiver, comme ont eu à faire les soviétiques durant la seconde Guerre mondiale.
Bref, si je ne suis pas émerveillé par la capacité d’adaptation à la situation actuelle, ça n’est pas par manque de culture historique, mais plutôt le contraire. Des sociétés ont réussi à surmonter des crises bien plus graves que celles-ci.
[Vous noterez d’ailleurs que le discours dominant dans une certaine gauche était que la structure économique de notre société était si fragile qu’une pichenette pourrait nous faire basculer dans la pénurie et la révolution (…)]
Personnellement, je considère que nos sociétés contemporaines ne sont pas des machines ultra-optimisées avec une marge de fonctionnement normale très étroite.
[C’est tout de même dommage qu’on ait perdu notre capacité d’émerveillement. Elle nous conduirait peut-être à mieux défendre des institutions qui sont considérées comme « naturelles » mais qui sont en fait fragiles…]
De mon point de vue, en s’émerveillant pour « tout », on finit par s’émerveiller pour plus rien. Aussi je préfère utiliser ma capacité d’émerveillement avec parcimonie, pour des choses vraiment hors du commun.
[[Avoir organisé les épreuves du baccalauréat pendant la campagne de Normandie, ça en revanche je trouve que c’est extraordinaire.]
N’est-ce pas ? J’ai appris cette histoire récemment, je cherche s’il y a un historien qui ait travaillé sur la question…]
Oui, avoir maintenu les épreuves du baccalauréat à l’époque, là où l’on s’est contenté de le donner cette année, sachant que la crise était bien plus dramatique, c’était quelque chose.
[Pas forcément. Mais vous noterez qu’en 1830 et 1848 on n’a pas songé à faire rouler les têtes… Non, dans notre pays qui ne sait avancer que par crises successives, une révolution de temps en temps est indispensable.]
Je crois surtout que Charles X et Louis-Philippe ont retenu la leçon de Louis XVI et ont bien mieux assuré leurs arrières. Qui plus est en 1830 la révolution a très vite été confisquée.
@ François
[Dans le cas de l’Italie, il s’agissait juste d’anticiper les mêmes mesures prises par celles-ci pour empêcher une saturation des services de réanimation. Quant à l’Allemagne et la Corée du sud, on n’a pas mis en œuvre les mêmes solutions tout simplement parce-que l’on en a pas les moyens. Et concernant la Suède, si l’on n’a pas opté pour la même solution, c’est tout simplement parce-qu’on a pas fait le même arbitrage entre la préservation de la santé publique et la préservation de l’économie (et des libertés).]
Pas seulement. Vous oubliez que lorsque ces arbitrages ont été rendus, ils l’ont été « en aveugle ». Personne ne savait vraiment si les mesures prises en Italie ou ne Suède seraient efficaces. C’est là la principale difficulté sur laquelle surfent allègrement les docteurs « il aurait fallu faire comme ci ou comme ça ». C’est qu’il est toujours facile d’être sage après les faits…
[« Et d’ailleurs, vous ne pouvez pas gagner : c’est le dilemme des deux chemises que la mère juive offre à son fils : quelque soit l’option choisi, vous vous verrez reprocher de ne pas avoir choisi l’autre. » Dans ce cas il n’y a qu’une solution : choisir la chemise qui nous plaît le plus.]
Exactement. Mais beaucoup de politiques s’imaginent qu’en choisissant celle qui plait plus à leur mère, ils ont une chance de se tirer d’affaire. On cherche souvent à coller à l’opinion, quitte à prendre la solution qui vous plait le moins. En cela, je dois dire que le gouvernement Philippe mérite la reconnaissance : il n’a pas cherché la voie de la facilité.
[Mais la stratégie est toute simple : ne pas jouer à la roulette russe. De la même façon qu’il y a une probabilité plus élevée de rester en vie en ne jouant pas à la roulette russe qu’en y jouant, il y a une probabilité plus élevée de ralentir la propagation du virus en confinant qu’en ne confinant pas.]
Vous ne pouvez pas ne pas jouer : vous êtes obligé de définir une politique, et ne rien faire, c’est aussi une politique. Oui, vous avez une probabilité plus élevée de ralentir la propagation du virus en confinant qu’en ne confinant pas. Mais le confinement implique aussi des conséquences désastreuses non seulement pour l’économie, mais aussi pour les individus. On peut se demander si le coût du confinement, en prenant en compte tous les paramètres, ne finit pas par devenir plus grand que le coût d’une plus grande propagation du virus. La Suède a pris, comme vous le dites, un autre arbitrage. Etais-ce le bon ? Nous ne le saurons qu’avec le recul… et encore, le « bon » arbitrage pour les suédois n’est pas forcément le « bon » arbitrage pour les français.
[« Un vieux principe dit qu’en politique il ne faut jamais apporter une solution avant que les gens soient conscients qu’il y a un problème… » Effectivement si on leur dit qu’il n’y a rien de grave, ils ne risquent pas d’être conscients de l’existence du problème.]
Si on leur dit que c’est grave, non plus. Le précédent Bachelot est là pour illustrer ce qui arrive aux gens qui jouent les porteurs de mauvaises nouvelles. Quand les gens ne VEULENT pas voir un problème, celui qui en parle se retrouve généralement en grande difficulté. Même à posteriori, alors qu’il s’avère que le confinement a été efficace, il y a encore une partie importante de l’opinion qui pense que le gouvernement a sur-réagi…
[« Vous le savez très bien : rétablir l’ordre républicain dans certains quartiers demande bien plus que quelques hélicoptères de la Gendarmerie. » Je constate que le gouvernement n’a pas lésiné sur les moyens pour maintenir l’ordre lors des manifestations de gilets jaunes.]
N’exagérons rien. Il n’a pas lésiné sur les moyens à Paris, parce qu’une manifestation à Paris revêt un contenu symbolique très important, notamment après le saccage de l’Arc de Triomphe. Mais ailleurs, sur les ronds-points, la police a laissé faire. Et les quartiers, c’est la même chose : on laisse faire parce que l’opinion grosso modo s’en fout.
[Combien y a t-il eu d’éborgnés lors des manifestation du « comité Adama » ?]
Combien de monuments saccagés, de restaurants incendiés, d’agences bancaires et DAB détruits lors des manifestations du « comité Adama » ? Qu’il n’y ait pas eu de blessés dans les manifestations du « comité Adama » ne montre qu’une chose : que la réponse de la police est bien proportionnée aux risques pour les biens et les personnes. Pour le moment, les manifestations du « comité Adama » se sont passées en bon ordre et avec un minimum de dégradations. Cela devrait d’ailleurs interpeller : pourquoi les « casseurs » et autres « blacks blocs » se mêlent des manifestations « sociales » comme celle des infirmières ou des « gilets jaunes », mais délaissent les manifestations catégorielles ?
[Mais comment voulez vous y avoir une présence des institutions, quand les bâtiments publiques y finissent en fumée ou les pompiers se font caillasser lorsqu’ils y interviennent ? Pourquoi le gouvernement songe à instaurer une « prime coloniale » pour inciter les fonctionnaires à y travailler ?]
Je pense que vous renversez le problème. Sil es bâtiments publics finissent en fumée et les pompiers se font caillasser, c’est précisément parce que les institutions et les services publics sont absents. La nature a horreur du vide, et dès lors que les institutions publiques se retirent, elles sont remplacées par des structures locales de solidarité. Seulement, sans le contrôle social ces structures fonctionnent dans le dos de la loi et généralement contre elle. Lorsque la police se retire, l’ordre est assuré par les « grands frères », lorsque les usines et les administrations disparaissent l’économie se structure autour des trafics. Et une fois ces structures constituées, elles voient toute intrusion des institutions comme un défi à leur pouvoir. C’est pour cela que policiers et pompiers se font caillasser, qu’écoles et gymnases partent en fumée.
La maffia italienne est la cause de la faiblesse de l’Etat, mais aussi sa conséquence. Et c’est exactement la même chose dans nos quartiers. Quand les gens ne peuvent pas compter sur la police pour redresser les torts, elles s’adressent au « parrain » ou au caïd.
[Dans un échange avec un autre contributeur de votre blog, vous expliquiez que les enfants de ces quartiers n’ont pas la chance de faire leur scolarité dans le quartier Latin. Eh bien permettez moi de vous dire que ça n’y changerait rien. Je ne vois pas en quoi cela changerait quoi que ce soit au fait que le programme soit contesté par les élèves (théorie de l’évolution entre autres) s’il est dispensé par les enseignants du quartier Latin, et qui plus est je crains qu’ils n’ont pas l’habitude de jouer aux assistants sociaux et accessoirement de venir au boulot avec la boule au ventre.]
Ca changerait une chose, essentielle : les enseignants du quartier latin n’admettraient pas une telle contestation. Ils ont la conviction, la volonté et les instruments intellectuels pour mettre en déroute ce type de « contestation ». Je suis convaincu que si de telles « contestations » sont possibles aujourd’hui, c’est en grande partie parce que le corps enseignant et l’institution scolaire en général ont capitulé par avance devant elles. Lorsque l’école affiche une mappemonde avec le message « je suis fier de mes origines », lorsqu’elle accepte l’idée d’un « respect des cultures », elle ouvre la porte à ce type de contestation, parce que « respecter la culture » lorsque celle-ci n’accepte pas la relégation de la croyance dans la sphère privée revient à admettre que la théorie de l’évolution peut être remise en cause.
Les enseignants – les pauvres… – ont cru qu’en arrondissant les angles, en « adaptant » le message de l’école, en « mettant l’élève au centre » ils allaient rendre les rapports entre l’institution et les familles plus harmonieux. Ils se sont fourrés le doigt dans l’œil. Ou, s’il l’on est plus cynique, ils ont fait le travail qu’on attendait d’eux : réserver les instruments intellectuels à une classe, la leur, en préservant un enseignement de qualité seulement là où vont leurs enfants.
[Il faudrait peut-être se demander pourquoi personne ne veut enseigner en Seine Saint-Denis et je crains malheureusement que ça ne soit pas qu’une question de prestige.]
Non, bien entendu. C’est une question d’INSTITUTIONS. L’institution éducative ne fonctionne pas en Seine-Saint-Denis comme elle fonctionne dans le Vème arrondissement de Paris. Elle n’a ni le même langage, ni les mêmes instruments, ni les mêmes objectifs. On peut même se demander s’il s’agit toujours de la même institution.
[« Si on délègue – parce que, vous comprenez, il faut réduire le nombre de fonctionnaires – l’encadrement social à des « associations de grands frères » » Mais rien n’empêche aux administrés de ces communes de voter pour des maires qui emploient des fonctionnaires compétents plutôt que de jeter l’argent par les fenêtres en subventionnant des politiques communautaristes.]
Qui « emploient des fonctionnaires compétents » avec quel argent ? La sous-traitance de l’encadrement social à des associations n’est pas un choix politique, c’est une quasi-obligation économique. N’oubliez pas que les municipalités qui ont ce problème sont les municipalités les plus pauvres, celles dont le potentiel fiscal est le plus faible – surtout depuis que la désindustrialisation est passée par là. Vous noterez d’ailleurs que l’encadrement social a toujours été en partie sous-traité : le « communisme municipal » était fondé sur un vivier militant puissant qui animait toute sorte de réseaux de solidarité. La différence est que ce réseau n’était pas livré à lui-même, mais « tenu » par le Parti qui en assurait une cohérence avec les valeurs de la République.
Ce n’est pas par hasard si la problématique des quartiers apparaît de façon concomitante avec l’affaiblissement de ces réseaux et la montée en puissance d’une décentralisation qui affaiblit la péréquation des ressources entre collectivités.
[« Parce qu’ils viennent d’une civilisation qui a intégré l’idée méritocratique depuis très, très longtemps. D’une certaine façon, beaucoup de principes qui fondent notre société sont internalisés avant qu’ils arrivent chez nous. » Mais qu’ils fassent comme les asiatiques, surtout que je n’y vois aucune difficulté. Permettez-moi de vous raconter une anecdote personnelle Descartes : durant ma scolarité en école d’ingénieur, certes de province, j’avais une camarade de promotion d’origine turque. Elle m’a expliqué que ses parents, modestes et maîtrisant à peine le Français, ont étés très exigeants concernant sa réussite scolaire.]
Il ne faut pas négliger l’importance du patrimoine culturel dans les choix des individus. Les immigrants qui viennent de cultures ou la promotion par les études et le travail scolaire sont internalisées partent avec un énorme avantage, parce qu’ils ont incorporé par avance l’un des fondements de notre culture. C’est le cas des immigrés d’extrême orient, qui viennent d’une culture qui a inventé la méritocratie – bien avant nous – et où le lettré est une figure de prestige. C’est aussi le cas de certains turcs, parce que la construction de l’Etat turc par Atatürk a copié la logique de la IIIème République française. Mais on ne peut pas dire pour les immigrés qui viennent d’autre cultures « ils n’ont qu’à faire comme les asiatiques ». Sans une pression sociale intense, la culture d’origine aura le dernier mot.
[Bref que la qualité de l’enseignement scolaire en France n’est plus ce qu’elle a été, j’en conviens, mais pour peu que l’on soit un minimum studieux, j’estime qu’il offre encore un minimum de perspectives d’ascension sociale.]
Le problème est moins la « qualité de l’enseignement » qui reste raisonnable, que la « qualité de l’éducation », autrement dit, la qualité du message que l’école transmet sur elle-même. Pour ne donner qu’un exemple, une école qui décide que les étudiants ont la moyenne d’office parce qu’une épidémie empêche d’organiser les examens sape son propre fondement, qui est que l’école est là pour transmettre des connaissances, et que le diplôme n’est que la certification de ces connaissances.
[« Oui, mais n’êtes-vous pas émerveillé par la capacité qu’à cette machine si merveilleusement complexe à s’adapter à une situation nouvelle ? » Malheureusement non. Je ne vois pas ce qu’il y a eu d’exceptionnel, à mettre en place les fameux « gestes barrières » et reporter les actions jugées non prioritaires. Même en CNPE on s’est permis de mettre une grosse partie du personnel en télétravail et de repousser des AT. On n’en est pas à faire tourner des usines à ciel ouvert, en plein hiver, comme ont eu à faire les soviétiques durant la seconde Guerre mondiale.]
Je retrouve là le raisonnement du Français, tellement habitué à ce que les choses marchent, que les institutions anticipent, qu’il trouve cela parfaitement normal. Mais cela ne va nullement de soi dans beaucoup de pays, dans beaucoup de cultures. Qu’on arrive à maintenir un fonctionnement quasi normal dans une situation aussi anormale, je trouve cela extraordinaire.
[Oui, avoir maintenu les épreuves du baccalauréat à l’époque, là où l’on s’est contenté de le donner cette année, sachant que la crise était bien plus dramatique, c’était quelque chose.]
A double titre. D’une part, parce que l’effort d’organisation a dû être important. Mais surtout, parce que cela nous dit l’idée que l’institution éducative avait d’elle-même, de l’importance qu’elle accordait au baccalauréat et au fait qu’il ne soit donné qu’en témoignage d’un mérite réel, et non par « bienveillance ».
@Descartes
[[Je constate que le gouvernement n’a pas lésiné sur les moyens pour maintenir l’ordre lors des manifestations de gilets jaunes.]
N’exagérons rien. Il n’a pas lésiné sur les moyens à Paris, parce qu’une manifestation à Paris revêt un contenu symbolique très important, notamment après le saccage de l’Arc de Triomphe.]
Si j’étais maurrassien, je dirais que la République gouverne mal mais se défend bien. Mais ça n’est pas qu’à Paris qu’il y a eu des éborgnés. Et les riverains qui violaient le confinement en se promenant dans les bois et pour lesquels l’état envoyait les hélicoptères de la GN, représentaient-ils une menace à ce point symbolique ?
[[Combien y a t-il eu d’éborgnés lors des manifestation du « comité Adama » ?]
Combien de monuments saccagés, de restaurants incendiés, d’agences bancaires et DAB détruits lors des manifestations du « comité Adama » ?]
Si l’exemple ne vous plaît pas, combien d’éborgnés y a t’il eu lors des émeutes urbaines de ce printemps ?
[Cela devrait d’ailleurs interpeller : pourquoi les « casseurs » et autres « blacks blocs » se mêlent des manifestations « sociales » comme celle des infirmières ou des « gilets jaunes », mais délaissent les manifestations catégorielles ?]
Je ne sais pas quoi répondre, à part dire que le gouvernement a intérêt que ces manifestations dégénèrent, ou comble de l’ironie que les allogénistes ont un SO plus performant que celui de la CGT.
[[Mais comment voulez vous y avoir une présence des institutions, quand les bâtiments publiques y finissent en fumée ou les pompiers se font caillasser lorsqu’ils y interviennent ? Pourquoi le gouvernement songe à instaurer une « prime coloniale » pour inciter les fonctionnaires à y travailler ?]
Je pense que vous renversez le problème. Sil es bâtiments publics finissent en fumée et les pompiers se font caillasser, c’est précisément parce que les institutions et les services publics sont absents.]
J’ignorais que les SDIS, les bibliothèques municipales ou la médecine de ville conventionnée ne constituent pas des « services publics ». Mais bon plus généralement c’est vrai que Barbès à Paris ou La Guillotière à Lyon sont des territoires enclavés complètement coupés du monde et sans aucune infrastructure digne de ce nom. Montboudif dans le Cantal, c’est Singapour à côté et c’est pour cela que l’on n’y caillasse pas les FDO.
[Lorsque la police se retire, l’ordre est assuré par les « grands frères » (…)]
Mais pourquoi la police se retire t’elle toujours des quartiers à population allogène et non des quartiers à population indigène ou assimilée, qui a moins de rentrer dans la vulgate allogéniste ne sont pas tous et loin de là riches ?
[lorsque les usines et les administrations disparaissent l’économie se structure autour des trafics.]
Certaines mauvaises langues racontent que la fermeture de l’usine PSA d’Aulnay-sous-Bois ne doit rien au hasard et qu’elle serait due à une orthopraxie religieuse de ses salariés incompatible avec les exigences de productivité d’une usine automobile.
[La maffia italienne est la cause de la faiblesse de l’Etat, mais aussi sa conséquence. Et c’est exactement la même chose dans nos quartiers. Quand les gens ne peuvent pas compter sur la police pour redresser les torts, elles s’adressent au « parrain » ou au caïd.]
Mais pourquoi ne s’adresse t’on pas au caïd à Gandrange ? Bref, j’ai comme l’impression que vous confondez la cause et la conséquence.
[[et qui plus est je crains qu’ils n’ont pas l’habitude de jouer aux assistants sociaux et accessoirement de venir au boulot avec la boule au ventre.]
Ca changerait une chose, essentielle : les enseignants du quartier latin n’admettraient pas une telle contestation.]
Je me demande bien combien de temps ils n’admettraient pas une telle contestation avant de lâcher. Peut-être même qu’ils y ont commencé leur carrière et qu’ils ont tout fait pour s’en barrer.
[[Il faudrait peut-être se demander pourquoi personne ne veut enseigner en Seine Saint-Denis et je crains malheureusement que ça ne soit pas qu’une question de prestige.]
Non, bien entendu. C’est une question d’INSTITUTIONS. L’institution éducative ne fonctionne pas en Seine-Saint-Denis comme elle fonctionne dans le Vème arrondissement de Paris.]
C’est vrai que la perspective de finir tenu en joue ne rentre nullement en compte dans le choix de l’établissement scolaire d’un professeur.
[[ Mais rien n’empêche aux administrés de ces communes de voter pour des maires qui emploient des fonctionnaires compétents plutôt que de jeter l’argent par les fenêtres en subventionnant des politiques communautaristes.]
N’oubliez pas que les municipalités qui ont ce problème sont les municipalités les plus pauvres]
J’ignorais que la municipalité de Saint-Denis, avec nombre d’entreprises qui sont installées à la plaine Saint-Denis, et ses futures installations du Grand Paris est une commune pauvre. Par ailleurs la péréquation financière n’existe nullement pour les collectivités territoriales en France. Enfin Trappes est un exemple réussi de rénovation urbaine puisque les émeutes urbaines y ont cessé.
[Vous noterez d’ailleurs que l’encadrement social a toujours été en partie sous-traité : le « communisme municipal » était fondé sur un vivier militant puissant qui animait toute sorte de réseaux de solidarité.]
Mais pourquoi ce vivier militant a t-il disparu ?
[[ Elle m’a expliqué que ses parents, modestes et maîtrisant à peine le Français, ont étés très exigeants concernant sa réussite scolaire.]
Il ne faut pas négliger l’importance du patrimoine culturel dans les choix des individus.]
Bah ce serait peut-être bien quand on s’installe dans un pays de se renseigner un minimum sur les us et coutumes de celui-ci. Quant à Atatürk, j’aimerais bien savoir où il a réussi à imprégner son pays d’une culture méritocratique, puisque selon l’article du Figaro que j’ai partagé (lien Google drive en réponse à Marcailloux), les élèves d’origine turque ont parmi les plus mauvaises performances scolaires. En revanche pour en revenir à ma camarade de promotion, elle m’expliquait que dans sa communauté d’origine, les femmes sont principalement mariées à 18 ans et en cloque quelques mois après.
Mais bon, je retiens que c’est d’abord le milieu culturel qui détermine la réussite économique et non l’inverse comme en atteste l’exemple des extrême-orientaux. Plutôt que de faire dans le ressentiment, les populations mahométanes devraient se remettre en cause. Bref, comme le dit le proverbe Shadok, on n’ai jamais aussi bien battu que par soi-même.
[[On n’en est pas à faire tourner des usines à ciel ouvert, en plein hiver, comme ont eu à faire les soviétiques durant la seconde Guerre mondiale.]
Je retrouve là le raisonnement du Français, tellement habitué à ce que les choses marchent, que les institutions anticipent, qu’il trouve cela parfaitement normal.]
Mais je suis reconnaissant quant il faut l’être, notamment lors de la tempête de 1999 où le courant a été rétabli en trois jours chez moi, là où il faut plusieurs semaines dans d’autres pays. Et plus généralement, oui je suis reconnaissant du travail fourni tous les jours par les agents du service publique, dont j’espère avec ma récente acquisition du statut d’IEG que je vais être un digne représentant. Seulement je considère que la situation actuelle liée au Covid-19 n’a rien de dramatique et je ne vais pas m’émerveiller de vivre en France en l’an de grâce 2020 et non au Paléolithique supérieur en pleine période glaciaire.
@ François
[« N’exagérons rien. Il n’a pas lésiné sur les moyens à Paris, parce qu’une manifestation à Paris revêt un contenu symbolique très important, notamment après le saccage de l’Arc de Triomphe. » Si j’étais maurrassien, je dirais que la République gouverne mal mais se défend bien. Mais ça n’est pas qu’à Paris qu’il y a eu des éborgnés.]
La question était si et où l’Etat avait « mis les moyens », pas la distribution territoriale des éborgnés. En province, l’Etat a laissé les Gilets Jaunes occuper les ronds-points et bloquer les accès d’autoroute pendant des semaines sans intervenir.
[Et les riverains qui violaient le confinement en se promenant dans les bois et pour lesquels l’état envoyait les hélicoptères de la GN, représentaient-ils une menace à ce point symbolique ?]
Oui. Vous savez bien que nos concitoyens passent leur temps à regarder dans l’assiette du voisin. Laisser les riverains se promener dans les bois, c’était mettre le doigt dans l’engrenage du « pourquoi lui peut, et pas moi » ?
[« « Combien y a t-il eu d’éborgnés lors des manifestation du « comité Adama » ? » « Combien de monuments saccagés, de restaurants incendiés, d’agences bancaires et DAB détruits lors des manifestations du « comité Adama » ? » Si l’exemple ne vous plaît pas, combien d’éborgnés y a t’il eu lors des émeutes urbaines de ce printemps ?]
L’exemple me plait beaucoup, au contraire. Il vous donne une idée de ce qui fait réagir l’Etat. Tant qu’on ne casse pas les symboles et les beaux quartiers, l’Etat est très tolérant.
[« Cela devrait d’ailleurs interpeller : pourquoi les « casseurs » et autres « blacks blocs » se mêlent des manifestations « sociales » comme celle des infirmières ou des « gilets jaunes », mais délaissent les manifestations catégorielles ? » Je ne sais pas quoi répondre, à part dire que le gouvernement a intérêt que ces manifestations dégénèrent, ou comble de l’ironie que les allogénistes ont un SO plus performant que celui de la CGT.]
Je pense surtout que pour l’ultragauche et les « blacks blocs », le vrai ennemi a toujours été et reste le parti communiste et la CGT (et accessoirement les autres syndicats dits « reformistes »). Ils savent très bien qu’en foutant le bordel dans leurs manifestations, ils affaiblissent ces organisations. Et cela ne date pas d’hier : souvenez-vous ce qu’écrivait Cohn-Bendit en 1968, où il considerait que sa plus grande victoire avait été « de faire marcher les stals de la CGT derrière le drapeau noir ». Ils n’ont par contre aucune envie de saboter le mouvement « allogéniste ».
[J’ignorais que les SDIS, les bibliothèques municipales ou la médecine de ville conventionnée ne constituent pas des « services publics ».]
La médecine de ville est de plus en plus absente dans les quartiers dits « sensibles ». Les jeunes médecins préfèrent s’installer ailleurs, et les partants à la retraite ne trouvant pas de remplaçants. Quant aux SDIS, ils sont de moins en moins présents et leur volet « service public » se réduit progressivement pour laisser la place aux services commerciaux : aujourd’hui, il faut payer pour faire enlever un nid de guêpes.
[Mais bon plus généralement c’est vrai que Barbès à Paris ou La Guillotière à Lyon sont des territoires enclavés complètement coupés du monde et sans aucune infrastructure digne de ce nom.]
Et c’est probablement pour cela que les émeutes à Barbès ou La Guillotière sont relativement rares, tout comme les caillassages.
[Montboudif dans le Cantal, c’est Singapour à côté et c’est pour cela que l’on n’y caillasse pas les FDO.]
Je me demande s’il n’y a pas à Montboudif (190 h) plus de gendarmes, de postiers, d’instituteurs, de médecins par tête d’habitant qu’à Grigny (30.000 h).
[Mais pourquoi la police se retire-t-elle toujours des quartiers à population allogène et non des quartiers à population indigène ou assimilée, qui a moins de rentrer dans la vulgate allogéniste ne sont pas tous et loin de là riches ?]
Elle s’y retire aussi. Mais les effets sont différents. Parce que d’un côté vous avez des populations allogènes dont l’assimilation dépend de la pression que la société exerce, et dans l’autre vous avez une population qui indigène ou assimilée, qui n’a plus besoin de cette pression. Oui, l’assimilation a un coût. Elle nécessite un maillage de policiers, de médecins, de professeurs, d’agents de l’Etat bien plus serré que dans un quartier ordinaire.
[Certaines mauvaises langues racontent que la fermeture de l’usine PSA d’Aulnay-sous-Bois ne doit rien au hasard et qu’elle serait due à une orthopraxie religieuse de ses salariés incompatible avec les exigences de productivité d’une usine automobile.]
Je peux vous assurer que ce sont des très mauvaises langues. La fermeture d’Aulnay n’est qu’un pas de plus dans la désindustrialisation de la région parisienne. Billancourt l’avait précédée, et il y a de grandes chances que Flins soit la prochaine. Rien à voir avec « l’orthopraxie religieuse ».
[Mais pourquoi ne s’adresse-t-on pas au caïd à Gandrange ? Bref, j’ai comme l’impression que vous confondez la cause et la conséquence.]
Et à qui croyez-vous qu’on s’adresse ?
[Je me demande bien combien de temps ils n’admettraient pas une telle contestation avant de lâcher. Peut-être même qu’ils y ont commencé leur carrière et qu’ils ont tout fait pour s’en barrer.]
Jean-Paul Brighelli raconte son expérience de professeur de français dans les quartiers difficiles. Il explique en particulier comment il s’en est sorti à travers de l’exigence permanente. Venant de quelqu’un qui a enseigné aux Tartêrets pendant dix ans, ça a un certain poids. Bien entendu, c’est difficile surtout quand l’institution qui est censée vous soutenir capitule à chaque pas.
[« N’oubliez pas que les municipalités qui ont ce problème sont les municipalités les plus pauvres » J’ignorais que la municipalité de Saint-Denis, avec nombre d’entreprises qui sont installées à la plaine Saint-Denis, et ses futures installations du Grand Paris est une commune pauvre.]
Et bien vous devriez réviser vos connaissances. Saint-Denis reste 33ème dans le classement des villes les plus pauvres de France. Même si un certain nombre d’entreprises se sont installées dans le secteur de La Plaine (qui est partagée entre trois communes), cela compense à peine la désindustrialisation du reste de la commune et surtout l’appauvrissement de sa population par effet de sédimentation.
[Par ailleurs la péréquation financière n’existe nullement pour les collectivités territoriales en France.]
N’oubliez pas que la première ressource des collectivités est la dotation versée par l’Etat. En jouant sur les critères d’attribution des dotations, l’Etat peut donner plus d’argent à certaines au détriment des autres, ce qui crée une forme de péréquation.
[Enfin Trappes est un exemple réussi de rénovation urbaine puisque les émeutes urbaines y ont cessé.]
Les émeutes sont donc seulement une question d’urbanisme alors ?
[« Vous noterez d’ailleurs que l’encadrement social a toujours été en partie sous-traité : le « communisme municipal » était fondé sur un vivier militant puissant qui animait toute sorte de réseaux de solidarité. » Mais pourquoi ce vivier militant a-t-il disparu ?]
Pour un ensemble de raisons : d’abord, la désindustrialisation et le chômage de masse ont déstabilisé le vivier militant. Ensuite, la vague néolibérale – et le néo-maccarthysme qui l’a accompagnée – a très largement obéré le prestige et la position du PCF. Et pour finir, la promotion sociale permise lors des « trente glorieuses » a déporté le PCF vers les « classes intermédiaires ». Les « nouveaux militants » qui ont rejoint le PCF après 1968 étaient beaucoup moins bien armés et moins intéressés par les réseaux de solidarité ouvrière.
[Bah ce serait peut-être bien quand on s’installe dans un pays de se renseigner un minimum sur les us et coutumes de celui-ci. Quant à Atatürk, j’aimerais bien savoir où il a réussi à imprégner son pays d’une culture méritocratique,]
Cela se voit dans les élites turques, et notamment dans l’administration, l’armée, la magistrature ou le recrutement et l’avancement par concours, à la française, est devenu la règle. Bien entendu, on n’a pas poussé les choses aussi loin qu’en France avec une « assimilation intérieure ». Ce qui explique que des communautés ayant intégré la culture méritocratique coexistent avec des populations très arriérées.
[Mais bon, je retiens que c’est d’abord le milieu culturel qui détermine la réussite économique et non l’inverse comme en atteste l’exemple des extrême-orientaux. Plutôt que de faire dans le ressentiment, les populations mahométanes devraient se remettre en cause. Bref, comme le dit le proverbe Shadok, on n’ai jamais aussi bien battu que par soi-même.]
D’accord, avec une nuance : si les gens pouvaient spontanément se remettre en cause, le monde serait très différent. Pour que cette remise en cause ait lieu, il faut une volonté de la société, une pression sociale puissante. L’assimilation dans la plupart des cas est imposée par la société d’accueil.
@Descartes
[[Et les riverains qui violaient le confinement en se promenant dans les bois et pour lesquels l’état envoyait les hélicoptères de la GN, représentaient-ils une menace à ce point symbolique ?]
Oui. Vous savez bien que nos concitoyens passent leur temps à regarder dans l’assiette du voisin. Laisser les riverains se promener dans les bois, c’était mettre le doigt dans l’engrenage du « pourquoi lui peut, et pas moi » ?]
Eh bien dans ce cas, pourquoi n’a t’il pas fait appliquer le confinement dans les ZUS s’il s’agissait de ne pas donner de mauvaises idées aux Français ?
[[[J’ignorais que les SDIS, les bibliothèques municipales ou la médecine de ville conventionnée ne constituent pas des « services publics ».]
La médecine de ville est de plus en plus absente dans les quartiers dits « sensibles ». Les jeunes médecins préfèrent s’installer ailleurs, et les partants à la retraite ne trouvant pas de remplaçants.]
Il faudrait se demander pourquoi les jeunes médecins n’ont pas envie de s’installer dans cette zone de chalandise. Peut-être n’ont-ils pas envie d’avoir pour premiers investissements l’achat d’une porte blindée ou un abonnement à un système de télésurveillance ?
[Quant aux SDIS, ils sont de moins en moins présents et leur volet « service public » se réduit progressivement pour laisser la place aux services commerciaux : aujourd’hui, il faut payer pour faire enlever un nid de guêpes.]
Effectivement, les pompiers doivent y réfléchir à deux fois avant d’intervenir s’ils risquent d’y finir caillassés. Sinon, vous faites souvent appel à des services qui autrefois étaient assurés gratuitement par le SDIS ? Moi je n’ai jamais eu à le faire.
Bref, ça n’est pas parce-que les services publics se retirent de ces quartiers qu’il y a de l’insécurité, c’est parce qu’il y a de l’insécurité dans ces quartiers que les services publics s’y retirent, les caïds ayant besoin de se débarrasser de tout ce qui ressemble un minimum à l’autorité publique, le tout dans l’indifférence, sinon la complaisance des populations concernées.
[[Mais bon plus généralement c’est vrai que Barbès à Paris ou La Guillotière à Lyon sont des territoires enclavés complètement coupés du monde et sans aucune infrastructure digne de ce nom.]
Et c’est probablement pour cela que les émeutes à Barbès ou La Guillotière sont relativement rares, tout comme les caillassages.]
Il n’en reste pas moins que ce sont des enclaves où la population est complètement désassimilée. Quant à certains quartiers comme Stalingrad à Paris, ce sont des coupes-gorges.
[[Montboudif dans le Cantal, c’est Singapour à côté et c’est pour cela que l’on n’y caillasse pas les FDO.]
Je me demande s’il n’y a pas à Montboudif (190 h) plus de gendarmes, de postiers, d’instituteurs, de médecins par tête d’habitant qu’à Grigny (30.000 h).]
Pour avoir vérifié, il n’y a ni école, ni Gendarmerie, ni médecin généraliste implantés à Montboudif. Quant au bureau de poste, il n’est ouvert en semaine que la matinée et fermé le samedi. À Grigny il y a un bureau de poste ouvert toute la journée en semaine et le matin le samedi, un commissariat de Police, dix-sept médecins généralistes et sept écoles primaires.
[[Mais pourquoi la police se retire-t-elle toujours des quartiers à population allogène et non des quartiers à population indigène ou assimilée, qui a moins de rentrer dans la vulgate allogéniste ne sont pas tous et loin de là riches ?]
Elle s’y retire aussi. Mais les effets sont différents.]
Ces endroits sont-ils des coupes-gorges ? La maréchaussée se fait-elle caillasser quand elle doit y intervenir ?
[Oui, l’assimilation a un coût.]
Visiblement ce coût n’a pas la même valeur selon l’origine des immigrés, puisque les extrêmes-orientaux avec les mêmes moyens que les autres s’en tirent bien mieux. Vous pensez vraiment que les Italiens et les Polonais ont étés accueillis dans des conditions bien plus dignes qu’aujourd’hui, surtout qu’il n’y avait pas de sécurité sociale à l’époque ?
En gros, ce que vous proposez, c’est la récompense donnée cancre, mais voyez-vous Descartes je digère déjà très mal le fait qu’une partie de mes impôts serve à financer des populations ingrates, alors augmenter cette part n’en parlons pas. Par moments, je me dis que les systèmes de solidarité communautaires n’ont pas que du mauvais… En attendant 42% des allocataires de la CAF sont nés à l’étranger…
[Je peux vous assurer que ce sont des très mauvaises langues. La fermeture d’Aulnay n’est qu’un pas de plus dans la désindustrialisation de la région parisienne. Billancourt l’avait précédée, et il y a de grandes chances que Flins soit la prochaine. Rien à voir avec « l’orthopraxie religieuse ».]
Qu’Aulnay-sous-Bois n’aurait pas fermé s’il n’y avait pas eu de désindustrialisation, j’en conviens. Mais pourquoi donc la direction du groupe PSA a t’elle jeté son dévolu sur Aulnay-sous-Bois et non un autre site ?
[[Mais pourquoi ne s’adresse-t-on pas au caïd à Gandrange ? Bref, j’ai comme l’impression que vous confondez la cause et la conséquence.]
Et à qui croyez-vous qu’on s’adresse ?]
Bah à mon avis on s’y adresse aux interlocuteurs légitimes dans une société digne de ce nom : élus, responsables syndicaux, patrons, etc.
[[J’ignorais que la municipalité de Saint-Denis, avec nombre d’entreprises qui sont installées à la plaine Saint-Denis, et ses futures installations du Grand Paris est une commune pauvre.]
Et bien vous devriez réviser vos connaissances. Saint-Denis reste 33ème dans le classement des villes les plus pauvres de France.]
Je crois que plus d’une commune de France et de Navarre envie l’installation d’entreprises qu’il y a à Saint-Denis. Mais effectivement une commune n’est pas riche seulement par les entreprises qui y sont installées, mais également par ses ménages. Or encore une fois, pourquoi les ménages riches n’ont pas envie de s’installer à Saint-Denis, alors que c’est une commune à proximité immédiate de Paris ?
[[Par ailleurs la péréquation financière n’existe nullement pour les collectivités territoriales en France.]
N’oubliez pas que la première ressource des collectivités est la dotation versée par l’Etat. En jouant sur les critères d’attribution des dotations, l’Etat peut donner plus d’argent à certaines au détriment des autres, ce qui crée une forme de péréquation.]
Il me semble que la clef de répartition des dotations financières aux collectivités territoriales n’est pas à la discrétion gouvernement et qu’il est un minimum obligé de prendre en compte le niveau de richesse des communes.
[[Enfin Trappes est un exemple réussi de rénovation urbaine puisque les émeutes urbaines y ont cessé.]
Les émeutes sont donc seulement une question d’urbanisme alors ?]
Mon commentaire se voulait ironique. Malgré les sommes conséquentes qui ont été injectées dans la rénovation urbaine (40G€ tout de même) suite aux émeutes de 2005, ça n’a pas empêché d’autres nuits d’émeutes à Trappes en 2013, après qu’une enniqabée ait été contrôlée par les flics.
[D’accord, avec une nuance : si les gens pouvaient spontanément se remettre en cause, le monde serait très différent. Pour que cette remise en cause ait lieu, il faut une volonté de la société, une pression sociale puissante. L’assimilation dans la plupart des cas est imposée par la société d’accueil.]
Ça existe les personnes qui se remettent en cause toutes seules après un échec. Et je constate (et heureusement d’ailleurs) que des personnes issues de milieux modestes et d’origine musulmane réussissent à s’assimiler tant économiquement que socialement. Pourquoi elles et pas les autres ? Bref, que fait-on de la responsabilité individuelle ?
@ François
[Eh bien dans ce cas, pourquoi n’a-t-il pas fait appliquer le confinement dans les ZUS s’il s’agissait de ne pas donner de mauvaises idées aux Français ?]
Parce que le rapport coût/avantages était faible. Les Français dans leur grande majorité se foutent de ce qui se passe dans les ZUS. Mais votre commentaire est la preuve même de ce réflexe « pourquoi eux et pourquoi pas nous ? »…
[« La médecine de ville est de plus en plus absente dans les quartiers dits « sensibles ». Les jeunes médecins préfèrent s’installer ailleurs, et les partants à la retraite ne trouvant pas de remplaçants. » Il faudrait se demander pourquoi les jeunes médecins n’ont pas envie de s’installer dans cette zone de chalandise. Peut-être n’ont-ils pas envie d’avoir pour premiers investissements l’achat d’une porte blindée ou un abonnement à un système de télésurveillance ?]
On peut toujours de demander pourquoi, mais le fait est qu’ils ne sont plus là. Pour les gens qui n’ont pas pour habitude de frapper leur médecin ou de défoncer la porte de son cabinet, et qui constituent tout de même une majorité, ce retraite est vécu comme un abandon, et ne les encourage pas à se sentir citoyens.
[Sinon, vous faites souvent appel à des services qui autrefois étaient assurés gratuitement par le SDIS ? Moi je n’ai jamais eu à le faire.]
Ça dépend où vous habitez. Dans le sud ou dans les Alpes les nids de frelons sont une menace réelle. A Paris le cas est bien entendu beaucoup plus rare.
[Bref, ça n’est pas parce-que les services publics se retirent de ces quartiers qu’il y a de l’insécurité, c’est parce qu’il y a de l’insécurité dans ces quartiers que les services publics s’y retirent, les caïds ayant besoin de se débarrasser de tout ce qui ressemble un minimum à l’autorité publique, le tout dans l’indifférence, sinon la complaisance des populations concernées.]
Non. Les services publics ont commencé à se retirer des quartiers – mais aussi de la « France périphérique » – bien avant que l’insécurité s’installe. Et le retrait n’a rien à voir avec l’insécurité : lorsqu’on ferme les tribunaux d’instance, les bureaux de poste, les trésoreries, les sous-préfectures, les commissariats, les antennes locales d’EDF-GDF, ce n’est pas parce que leurs personnels se font caillasser : c’est d’abord la conséquence de choix budgétaires. Ce n’est qu’ensuite, lorsque l’insécurité s’est installé, qu’il est devenu de plus en plus difficile de trouver des personnels prêts à travailler dans ces conditions.
[Il n’en reste pas moins que ce sont des enclaves où la population est complètement désassimilée. Quant à certains quartiers comme Stalingrad à Paris, ce sont des coupes-gorges.]
Peut-être, mais ne changez pas le sujet : on parlait ici des émeutes, et non de la « desassimilation » des populations. Quant au quartier de Stalingrad, il ne faut pas exagérer : les trafiquants veillent à maintenir l’ordre, autrement leurs clients – qui viennent souvent des beaux quartiers – ne viendraient plus…
[Pour avoir vérifié, il n’y a ni école, ni Gendarmerie, ni médecin généraliste implantés à Montboudif. Quant au bureau de poste, il n’est ouvert en semaine que la matinée et fermé le samedi. À Grigny il y a un bureau de poste ouvert toute la journée en semaine et le matin le samedi, un commissariat de Police, dix-sept médecins généralistes et sept écoles primaires.]
Implantés, non. Mais l’important n’est pas l’implantation, c’est le service. Un habitant de Montboudif a-t-il plus de difficulté à se faire visiter par un médecin qu’un habitant de Grigny ? A faire venir un gendarme ? Pour ce qui concerne la poste, si j’ai bien compris on a un bureau ouvert cinq demi-journées par semaine pour 190 habitants, et un bureau ouvert onze demi-journées pour 30.000…
[« Elle s’y retire aussi. Mais les effets sont différents. » Ces endroits sont-ils des coupes-gorges ? La maréchaussée se fait-elle caillasser quand elle doit y intervenir ?]
Non. Un ami policier qui a exercé longtemps dans le Pas-de-Calais m’expliquait que la violence ne s’exprime pas partout de la même manière. Certaines populations expriment la violence « vers l’extérieur » (en attaquant les passants ou caillassant la maréchaussée) d’autres expriment la violence « vers l’intérieur » en se noyant dans l’alcool, en battant leurs enfants. La « France périphérique » dans le nord du pays est souvent constituée de populations du deuxième type. Mais dans le sud, oui : on tire sur les inspecteur du travail et sur les gendarmes au petit plomb.
[« Oui, l’assimilation a un coût. » Visiblement ce coût n’a pas la même valeur selon l’origine des immigrés, puisque les extrêmes-orientaux avec les mêmes moyens que les autres s’en tirent bien mieux.]
C’est une évidence. Plus la distance culturelle est grande, plus l’assimilation nécessite une pression continue. Les immigrés d’Extrême-Orient viennent d’une culture où le civil et le religieux sont séparés depuis longtemps, où la logique méritocratique est implantée depuis des siècles. Entre le mandarin chinois et le grand commis de l’Etat à la française, la différence est mince que ce soit dans le mode de recrutement ou dans le statut social.
[Vous pensez vraiment que les Italiens et les Polonais ont étés accueillis dans des conditions bien plus dignes qu’aujourd’hui, surtout qu’il n’y avait pas de sécurité sociale à l’époque ?]
Leur assimilation n’a pas été si simple que vous le pensez. Les Polonais immigrés n’ont pas accepté de bon cœur l’idée de séparation de l’Eglise et de l’Etat, les Italiens n’ont pas tout de suite renoncé au fonctionnement clanique. Il a fallu une génération au moins pour que l’assimilation soit réelle.
[En gros, ce que vous proposez, c’est la récompense donnée cancre,]
C’est du réalisme. Si vous voulez sortir le cancre de sa cancritude, alors il faut y mettre des moyens sans relâcher l’exigence.
[Qu’Aulnay-sous-Bois n’aurait pas fermé s’il n’y avait pas eu de désindustrialisation, j’en conviens. Mais pourquoi donc la direction du groupe PSA a t’elle jeté son dévolu sur Aulnay-sous-Bois et non un autre site ?]
Parce que c’est celui qui est le plus enclavé dans le tissu urbain et donc celui qui a les plus grandes contraintes. Je doute que l’orthopraxie religieuse soit très différente à Poissy.
[Bah à mon avis on s’y adresse aux interlocuteurs légitimes dans une société digne de ce nom : élus, responsables syndicaux, patrons, etc.]
Vous connaissez bien mal le pays… non, on s’adresse au « notable », a celui qui a les réseaux, le prestige, le pouvoir économique pour vous aider – éventuellement en échange de votre soutien ou de votre vote. Le clientélisme du « caïd » et celui du « notable » ne sont finalement pas si différents que ça… et dans beaucoup de régions françaises, le clientélisme est roi.
[Mais effectivement une commune n’est pas riche seulement par les entreprises qui y sont installées, mais également par ses ménages. Or encore une fois, pourquoi les ménages riches n’ont pas envie de s’installer à Saint-Denis, alors que c’est une commune à proximité immédiate de Paris ?]
Quelqu’en soit les raisons, le fait est qu’elle est pauvre, et qu’étant pauvre elle aura du mal à recruter les fonctionnaires capables et compétents en nombre nécessaires au maintien des services publics. Et c’était là le point en discussion. CQFD.
[« N’oubliez pas que la première ressource des collectivités est la dotation versée par l’Etat. En jouant sur les critères d’attribution des dotations, l’Etat peut donner plus d’argent à certaines au détriment des autres, ce qui crée une forme de péréquation. » Il me semble que la clef de répartition des dotations financières aux collectivités territoriales n’est pas à la discrétion gouvernement et qu’il est un minimum obligé de prendre en compte le niveau de richesse des communes.]
La clef de répartition est fixée par la loi, et le gouvernement a donc une grande latitude pour la modifier. Et le fait de prendre en compte la richesse des communes permet précisément d’instaurer une forme de péréquation, en donnant plus à celles qui sont le moins riches.
[« D’accord, avec une nuance : si les gens pouvaient spontanément se remettre en cause, le monde serait très différent. Pour que cette remise en cause ait lieu, il faut une volonté de la société, une pression sociale puissante. L’assimilation dans la plupart des cas est imposée par la société d’accueil. » Ça existe les personnes qui se remettent en cause toutes seules après un échec.]
« Il y a aussi des poissons volants, mais ils ne constituent pas la majorité de l’espèce ». Mon expérience est que les gens capables de se remettre en cause sont rares, et celles qui sont capables de se remettre en cause quand cette remise en cause touche leur identité, plus rares encore.
[Et je constate (et heureusement d’ailleurs) que des personnes issues de milieux modestes et d’origine musulmane réussissent à s’assimiler tant économiquement que socialement. Pourquoi elles et pas les autres ? Bref, que fait-on de la responsabilité individuelle ?]
Comme vous le savez, je suis un grand partisan de la responsabilité individuelle. Mais celle-ci a des limites. Il a fallu rendre l’école obligatoire pour que les parents acceptent d’y envoyer leurs enfants. Par certains côtés, l’assimilation est comme l’instruction: tout le monde est d’accord qu’elle est dans l’intérêt de tous, mais il faut l’imposer quand même!
@Descartes
[[Eh bien dans ce cas, pourquoi n’a-t-il pas fait appliquer le confinement dans les ZUS s’il s’agissait de ne pas donner de mauvaises idées aux Français ?]
Parce que le rapport coût/avantages était faible. Les Français dans leur grande majorité se foutent de ce qui se passe dans les ZUS.Mais votre commentaire est la preuve même de ce réflexe « pourquoi eux et pourquoi pas nous ? »…]
Admettons. Il n’en reste pas moins qu’il y a une grosse minorité qui ne s’en fout pas de ce qui s’y passe. Quant à moi, oui je l’ai légèrement en travers de la gorge, n’appartenant pas à une « minorité opprimée », de ne pas pouvoir attendre à coup de jets de pierres la maréchaussée qui aurait le culot de faire appliquer la loi. Et jusqu’à la preuve du contraire, on n’est pas censés vivre dans une société ou certains sont plus égaux que d’autres devant la loi.
En attendant, je crois que la probabilité de chopper le Covid-19 est plus élevée en organisant un barbecue dans la cité, qu’en se promenant dans les bois.
[[Peut-être n’ont-ils pas envie d’avoir pour premiers investissements l’achat d’une porte blindée ou un abonnement à un système de télésurveillance ?]
On peut toujours de demander pourquoi, mais le fait est qu’ils ne sont plus là.]
Peut-être, mais alors peut-être qu’un tout petit peu, que ça pourrait être utile de se demander pourquoi ils ne sont plus là.
[ce retraite est vécu comme un abandon, et ne les encourage pas à se sentir citoyens.]
Eh bien il faudrait peut-être en premier lieu en vouloir aux brebis galeuses responsables de cet abandon. Peut-être même faudrait-il glisser le bulletin de vote adéquat dans l’urne pour avoir des politiques sécuritaires plus musclées, de nature à empêcher ces abandons.
[[Sinon, vous faites souvent appel à des services qui autrefois étaient assurés gratuitement par le SDIS ? Moi je n’ai jamais eu à le faire.]
Ça dépend où vous habitez. Dans le sud ou dans les Alpes les nids de frelons sont une menace réelle. A Paris le cas est bien entendu beaucoup plus rare.]
Pour avoir grandi dans le Sud-Ouest dans une maison avec jardin, je n’ai pas le souvenir que mes parents aient eu à faire appel à ce genre de service. Peut-être que mes parents ont eu de la chance, ou peut-être que malgré tout, faire retirer un nid de guêpe n’est pas une opération si fréquente.
[Non. Les services publics ont commencé à se retirer des quartiers – mais aussi de la « France périphérique » – bien avant que l’insécurité s’installe.]
SURTOUT en France périphérique. Quand on décide de la fermeture d’un service public, compte tenu de la péréquation tarifaire, c’est en fonction de l’affluence qu’il y a. Or sachant que la densité de population est bien plus faible en France périphérique que dans nos quartiers dits « populaires », pour un périmètre donné, l’affluence y est mécaniquement plus faible et ce sont donc les services publics de la France périphérique qui trinquent en premier. Combien de fermeture de lignes de train y a t’il eu en Seine-Saint Denis ces derniers temps ? Dans le Limousin ?
[lorsqu’on ferme les tribunaux d’instance, les bureaux de poste, les trésoreries, les sous-préfectures, les commissariats, les antennes locales d’EDF-GDF]
Encore une fois, vous vous y rendez souvent dans un tribunal d’instance, dans une trésorerie, dans une sous-préfecture, une antenne locale d’EDF-GDF ? Pourquoi ne pas parler des fermetures des lignes de train ou de l’absence de raccordement à un réseau internet à haut-débit, qui sont bien plus pénalisant pour le quotidien ?
[Ce n’est qu’ensuite, lorsque l’insécurité s’est installé, qu’il est devenu de plus en plus difficile de trouver des personnels prêts à travailler dans ces conditions.]
Et pourtant il n’y a pas eu augmentation galopante de l’insécurité dans la France périphérique.
[[Il n’en reste pas moins que ce sont des enclaves où la population est complètement désassimilée. Quant à certains quartiers comme Stalingrad à Paris, ce sont des coupes-gorges.]
Peut-être, mais ne changez pas le sujet : on parlait ici des émeutes, et non de la « desassimilation » des populations. Quant au quartier de Stalingrad, il ne faut pas exagérer : les trafiquants veillent à maintenir l’ordre, autrement leurs clients – qui viennent souvent des beaux quartiers – ne viendraient plus…]
C’est vrai qu’il y a moins d’émeutes dans ces quartiers, pour la simple et bonne réponse que comme pour les gilets jaunes, le gouvernement tolère mal qu’il y ait des émeutes urbaines en centre urbain. Quant à Stalingrad, la personne que je connaît qui y habite, m’explique que ce quartier craint légèrement. Mais pour le reste, je constate qu’un maillage dense en services publics n’implique nullement que les populations allogènes qui y habitent soient assimilés. Donc présence de services publics n’implique nullement assimilation.
[[Pour ce qui concerne la poste, si j’ai bien compris on a un bureau ouvert cinq demi-journées par semaine pour 190 habitants, et un bureau ouvert onze demi-journées pour 30.000…]
En prenant en compte les horaires de disponibilité du bureau de poste, on n’a pas tout à fait le même « service ».
[Certaines populations expriment la violence « vers l’extérieur » (en attaquant les passants ou caillassant la maréchaussée) d’autres expriment la violence « vers l’intérieur » en se noyant dans l’alcool, en battant leurs enfants.]
Si j’en crois le pédopsychiatre Maurice Berger, violences « externes » et « internes » sont intimement liées : https://www.mauriceberger.net/les-adolescents-violents-et-delinquants/
[Mais dans le sud, oui : on tire sur les inspecteur du travail et sur les gendarmes au petit plomb.]
Ça ne n’est que mon point de vue, mais je crois que c’est anecdotique à côté de ce qui se passe dans certain quartiers. Tout du moins on n’y agresse pas les pompiers et les policiers ont moins de chances d’y finir immolés par le feu.
[[« Oui, l’assimilation a un coût. » Visiblement ce coût n’a pas la même valeur selon l’origine des immigrés, puisque les extrêmes-orientaux avec les mêmes moyens que les autres s’en tirent bien mieux.]
C’est une évidence. Plus la distance culturelle est grande, plus l’assimilation nécessite une pression continue. Les immigrés d’Extrême-Orient viennent d’une culture où le civil et le religieux sont séparés depuis longtemps, où la logique méritocratique est implantée depuis des siècles.]
C’est tout de même curieux que 132 ans de colonisation n’ont nullement réussi à changer les mentalités en Algérie. Car à côté de cela, les descendant de populations d’Afrique noire non islamisée semblent assimilés, comme en atteste le fait qu’ils donnent des prénoms bien franchouillards à leurs enfants, alors qu’il n’y avait pas vraiment de culture étatique avant la colonisation.
[[En gros, ce que vous proposez, c’est la récompense donnée cancre,]
C’est du réalisme. Si vous voulez sortir le cancre de sa cancritude, alors il faut y mettre des moyens sans relâcher l’exigence.]
Le cancre – l’élève qui a des résultats scolaires médiocres et qui n’est pas studieux -, on le sort de sa cancritude en l’humiliant devant ses camarades avec le fameux bonnet d’âne…
[[Qu’Aulnay-sous-Bois n’aurait pas fermé s’il n’y avait pas eu de désindustrialisation, j’en conviens. Mais pourquoi donc la direction du groupe PSA a t’elle jeté son dévolu sur Aulnay-sous-Bois et non un autre site ?]
Parce que c’est celui qui est le plus enclavé dans le tissu urbain et donc celui qui a les plus grandes contraintes. Je doute que l’orthopraxie religieuse soit très différente à Poissy.]
Attendez ! On parle d’un site industriel à proximité immédiate de l’autoroute A1 et relié au réseau ferroviaire, le tout à quelques minutes de l’aérogare Roissy CDG. Bref, ça n’est pas le regretté site de la Régie nationale des usines Renault de l’île Seguin ou de l’usine Citroën quai de Javel. Et si j’en crois Libération, la composition ethnique (à un moment donné tout du moins), la composition ethnique des usines PSA de Poissy et Aulnay-sous-Bois n’est pas la même : https://www.liberation.fr/france/2017/01/03/l-usine-psa-d-aulnay-sous-influence-islamiste-un-argument-qui-remonte-a-1983_1519221
[Le clientélisme du « caïd » et celui du « notable » ne sont finalement pas si différents que ça… et dans beaucoup de régions françaises, le clientélisme est roi.]
Il ne vous aura pas échappé que le notable, bien souvent exerce une activité légale et ne menace pas de mettre un territoire à sac si l’on ne plie pas à ses désidératas.
[Quelqu’en soit les raisons, le fait est qu’elle est pauvre, et qu’étant pauvre elle aura du mal à recruter les fonctionnaires capables et compétents en nombre nécessaires au maintien des services publics. Et c’était là le point en discussion. CQFD.]
Encore une fois, c’est peut-être bien de se demander pourquoi cette commune alors qu’elle est à proximité immédiate avec Paris, ne voit quasiment aucun cadre s’y installer, alors que les prix de l’immobilier dans l’Ouest de la petite couronne battent des records. Par ailleurs, il y a deux commissariats de Police, sept bureaux de poste, onze écoles élémentaires. Le tribunal d’instance, lui se trouve à Bobigny soit à 10km du centre-ville de Saint-Denis.
Sinon, qu’en est-il des transports en commun, dont la commune de Saint-Denis en est richement dotée : Ligne 12 et 13 du métro parisien, lignes B et D du RER, ligne H du transilien, lignes 1 5 et 8 du tramway d’Île-de-France et bientôt les lignes 15 et 16 du métro de Paris (certaines mauvaises langues se sont d’ailleurs amusées à dire que celui qui traverse la ligne 16 avec un sandwich jambon-beurre remporte un trophée) ?
De quel réseau de transports en commun peut se targuer Montboudif ? Que vous faut-il de plus pour considérer que cette commune soit décemment dotée en service publics ?
Pourquoi donc Macron à songé à instituer une prime pour les fonctionnaires travaillant en Seine Saint-Denis et non dans la Creuse ? Peut-être que les fonctionnaires les plus compétents en ont marre de côtoyer la mentalité qui y sévit et font tout pour s’en tirer.
Sinon pour la petite anecdote, la CAF de Noisy-le-Grand se trouve juste à côté de la mosquée… Donc non, pas de CQFD.
[« Il y a aussi des poissons volants, mais ils ne constituent pas la majorité de l’espèce ». Mon expérience est que les gens capables de se remettre en cause sont rares, et celles qui sont capables de se remettre en cause quand cette remise en cause touche leur identité, plus rares encore.]
Que dire de plus si ça n’est que rien ne les empêche qu’elles fassent comme les autres, car jusqu’à la preuve du contraire, certaines personnes ne sont pas génétiquement dotées d’un meilleur libre-arbitre que les autres.
[Mais celle-ci a des limites. Il a fallu rendre l’école obligatoire pour que les parents acceptent d’y envoyer leurs enfants.]
Je me permets de faire remarquer que l’alphabétisation était déjà bien avancée quand les lois Ferry furent votées et que scolariser ses enfants a un coût MATÉRIEL, puisque le foyer se prive des rentrées financières liées au travail des enfants. Changer ses us et coutumes en revanche a un coût matériel NUL.
@ François
[Peut-être, mais alors peut-être qu’un tout petit peu, que ça pourrait être utile de se demander pourquoi ils ne sont plus là.]
Certainement, mais vous ouvrez là une autre discussion. Si elle vous intéresse, on peut l’entamer. Le problème, c’est que lorsque les classes intermédiaires ont cassé l’ascenseur social, elles ont amorcé un cercle vicieux : le retrait des services publics a dégradé le cadre de vie, la fin de la pression assimilatrice a alimenté le communautarisme. Ceux qui pouvaient partir sont allés chercher mieux ailleurs, ce qui à son trou concentre le problèmes et dégrade encore plus le cadre de vie et alimente le communautarisme.
[Eh bien il faudrait peut-être en premier lieu en vouloir aux brebis galeuses responsables de cet abandon. Peut-être même faudrait-il glisser le bulletin de vote adéquat dans l’urne pour avoir des politiques sécuritaires plus musclées, de nature à empêcher ces abandons.]
Certainement. Mais pour qu’une politique sécuritaire fonctionne, il faut qu’elle soit acceptée par les populations. Et pour qu’elles soient acceptées, il faut qu’elles aient quelque chose à gagner. Quand les trafics sont le seul moyen accessible pour gagner sa vie, le rétablissement d’un ordre qui mettra fin aux trafics n’est jamais bien accepté. Comme l’assimilation, la sécurité est un compromis : les gens acceptent la pression de la société lorsque celle-ci leur propose quelque chose en échange.
[Non. Les services publics ont commencé à se retirer des quartiers – mais aussi de la « France périphérique » – bien avant que l’insécurité s’installe.]
[SURTOUT en France périphérique. Quand on décide de la fermeture d’un service public, compte tenu de la péréquation tarifaire, c’est en fonction de l’affluence qu’il y a.]
C’est discutable. Il y a des services qu’on ferme par manque de fréquentation, il y en a qu’on ferme parce que personne ne veut y aller pour le rendre. Si la Seine-Saint-Denis est un désert médical, ce n’est pas par manque de fréquentation. Notez aussi que les élus des « territoires périphériques » agricoles ont souvent beaucoup plus de poids que les élus des territoires ouvriers…
[« lorsqu’on ferme les tribunaux d’instance, les bureaux de poste, les trésoreries, les sous-préfectures, les commissariats, les antennes locales d’EDF-GDF » Encore une fois, vous vous y rendez souvent dans un tribunal d’instance, dans une trésorerie, dans une sous-préfecture, une antenne locale d’EDF-GDF ?]
Beaucoup plus souvent qu’à l’école… et puis l’effet d’un service public ne se limite pas au fait que vous y alliez : je vais rarement à la gendarmerie, et pourtant le fait qu’il y ait une gendarmerie dans mon village change pas mal de choses…
[Pourquoi ne pas parler des fermetures des lignes de train ou de l’absence de raccordement à un réseau internet à haut-débit, qui sont bien plus pénalisant pour le quotidien ?]
Le raccordement à l’internet n’est pas un service public, que je sache… c’est un service rendu par des opérateurs privés dans le cadre d’un marché concurrentiel. Pourquoi voulez-vous qu’un tel système fournisse un service aux clients « non rentables » ? Pour le ferroviaire, vous pouvez ajouter la desserte ferroviaire à ma liste, je ne prétendais pas être exhaustif.
[« Ce n’est qu’ensuite, lorsque l’insécurité s’est installé, qu’il est devenu de plus en plus difficile de trouver des personnels prêts à travailler dans ces conditions. » Et pourtant il n’y a pas eu augmentation galopante de l’insécurité dans la France périphérique.]
Vous voulez rigoler ? Bien sur qu’elle a augmenté.
[Mais pour le reste, je constate qu’un maillage dense en services publics n’implique nullement que les populations allogènes qui y habitent soient assimilés. Donc présence de services publics n’implique nullement assimilation.]
Je suis d’accord avec vous. L’assimilation nécessite une pression sociale qui passe par la société toute entière, et pas seulement par les services publics. Il n’empêche que la présence des services publics, même si elle n’est pas condition suffisante, aide à matérialiser la contrepartie de l’effort d’assimilation. On a beaucoup plus envie d’apprendre le français quand le fait de le parler correctement vous donne des possibilités nouvelles.
[Attendez ! On parle d’un site industriel à proximité immédiate de l’autoroute A1 et relié au réseau ferroviaire, le tout à quelques minutes de l’aérogare Roissy CDG. Bref, ça n’est pas le regretté site de la Régie nationale des usines Renault de l’île Seguin ou de l’usine Citroën quai de Javel.]
En d’autres termes, des terrains très facilement valorisables, tout comme Billancourt ou Javel…
[Et si j’en crois Libération, la composition ethnique (à un moment donné tout du moins), la composition ethnique des usines PSA de Poissy et Aulnay-sous-Bois n’est pas la même :]
Croire Libération est une grave erreur… par ailleurs l’article que vous citez disqualifie plutôt l’argumentation fondée sur la « composition ethnique » des deux usines.
[« Le clientélisme du « caïd » et celui du « notable » ne sont finalement pas si différents que ça… et dans beaucoup de régions françaises, le clientélisme est roi. » Il ne vous aura pas échappé que le notable, bien souvent exerce une activité légale et ne menace pas de mettre un territoire à sac si l’on ne plie pas à ses désidératas.]
Les « notables » corses comme Siméoni « exercent une activité légale » et « ne menacent pas de mettre un territoire à sac si l’on ne se plie pas à ses désidératas » ? Vous voulez rire…
[Encore une fois, c’est peut-être bien de se demander pourquoi cette commune alors qu’elle est à proximité immédiate avec Paris, ne voit quasiment aucun cadre s’y installer, alors que les prix de l’immobilier dans l’Ouest de la petite couronne battent des records.]
Ne croyez pas ça. La « gentrification » arrive à Saint-Denis, comme le montre le résultat des dernières élections municipales…
[De quel réseau de transports en commun peut se targuer Montboudif ? Que vous faut-il de plus pour considérer que cette commune soit décemment dotée en service publics ?]
Un bus qui amène une fois par jour à Aurillac. Ce qui en proportion à sa population reste très décent en comparaison.
[« Mais celle-ci a des limites. Il a fallu rendre l’école obligatoire pour que les parents acceptent d’y envoyer leurs enfants. » Je me permets de faire remarquer que l’alphabétisation était déjà bien avancée quand les lois Ferry furent votées (…)]
Pourriez-vous m’indiquer vos sources ? Votre affirmation m’étonne pour deux raisons. La première est que si l’alphabétisation de la France était « bien avancée » lors du vote des lois Ferry, les enfants qui ont fréquenté l’école obligatoire à partir de 1881 auraient du avoir des parents alphabétisés. Or, l’un des éléments toujours souligné est que l’école de la IIIème République a fait rentrer la parole écrite dans des foyers ou tout se faisant auparavant à l’oral. La deuxième raison est que lorsque les lois Ferry ont été votés, plus de la moitié des Français ne parlait pas encore correctement la langue française, et la plupart des patois ne sont devenus écrits qu’à la fin du XIXème siècle. En quelle langue l’alphabétisation était-elle si « avancée » ?
[(…) et que scolariser ses enfants a un coût MATÉRIEL, puisque le foyer se prive des rentrées financières liées au travail des enfants. Changer ses us et coutumes en revanche a un coût matériel NUL.]
D’abord, l’école publique était organisée de façon à ne pas priver les paysans des bras de leurs enfants. Pendant longtemps les vacances étaient synchronisées avec les moissons ou les vendanges selon les régions précisément pour cette raison. Ensuite, changer ses us et coutumes a au contraire un coût important, parce que cela implique abandonner une organisation de la vie qui est optimisée par l’usage.
@Descartes
[[Peut-être, mais alors peut-être qu’un tout petit peu, que ça pourrait être utile de se demander pourquoi ils ne sont plus là.]
Certainement, mais vous ouvrez là une autre discussion. Si elle vous intéresse, on peut l’entamer. Le problème, c’est que lorsque les classes intermédiaires ont cassé l’ascenseur social, elles ont amorcé un cercle vicieux (…)]
Jusqu’à la preuve du contraire, les « classes intermédiaires » n’ont pas interdit, en leur mettant un couteau sous la gorge, aux immigrés venant de pays musulmans de s’assimiler.
[Ceux qui pouvaient partir sont allés chercher mieux ailleurs, ce qui à son trou concentre le problèmes et dégrade encore plus le cadre de vie et alimente le communautarisme. ]
Pour avoir discutés avec des personnes qui ont vécu dans des cités, elles en ont surtout été chassées.
[Comme l’assimilation, la sécurité est un compromis : les gens acceptent la pression de la société lorsque celle-ci leur propose quelque chose en échange.]
Ces populations ont opté pour le communautarisme contre l’assimilation et la sécurité, qu’elles en assument les conséquences, notamment le fait qu’aucun médecin ou fonctionnaire compétent veuille travailler dans les quartiers où ils résident. Et je note qu’il y a quelque chose à gagner à l’assimilation comme en atteste le cas des extrême-orientaux.
[[SURTOUT en France périphérique. Quand on décide de la fermeture d’un service public, compte tenu de la péréquation tarifaire, c’est en fonction de l’affluence qu’il y a.]
C’est discutable. Il y a des services qu’on ferme par manque de fréquentation, il y en a qu’on ferme parce que personne ne veut y aller pour le rendre. Si la Seine-Saint-Denis est un désert médical, ce n’est pas par manque de fréquentation.]
Encore une fois, il est pertinent pourquoi personne ne veut s’y rendre. Peut-être que les raisons sont de nature similaires à celles qui vous ont conduit à quitter Marseille (départ que je m’abstiens bien entendu de juger).
[Notez aussi que les élus des « territoires périphériques » agricoles ont souvent beaucoup plus de poids que les élus des territoires ouvriers…]
On voit leur poids lorsqu’il s’agit d’empêcher la fermeture d’une ligne de chemin de fer, ou d’une caserne. Il ne faut pas surestimer le poids du Sénat.
[[Encore une fois, vous vous y rendez souvent dans un tribunal d’instance, dans une trésorerie, dans une sous-préfecture, une antenne locale d’EDF-GDF ?]
Beaucoup plus souvent qu’à l’école…]
Normal, puisque c’est un service public destiné aux citoyens en devenir. Sinon pour les actifs il y a le CNAM.
[et puis l’effet d’un service public ne se limite pas au fait que vous y alliez : je vais rarement à la gendarmerie, et pourtant le fait qu’il y ait une gendarmerie dans mon village change pas mal de choses…]
Que la présence d’un commissariat de police ou d’une gendarmerie change pas mal de choses, j’en conviens. Mais ça change quoi la présence d’une trésorerie ou d’une antenne d’EDF-GDF ?
[Pourquoi ne pas parler des fermetures des lignes de train ou de l’absence de raccordement à un réseau internet à haut-débit, qui sont bien plus pénalisant pour le quotidien ?]
Le raccordement à l’internet n’est pas un service public, que je sache… c’est un service rendu par des opérateurs privés dans le cadre d’un marché concurrentiel.
Mais qui devrait l’être (et n’oublions pas que les télécommunications furent un service public). Donc en suivant votre logique, il suffit tout simplement de supprimer la notion de service public, pour ne pas avoir à se plaindre de l’absence des prestations qu’ils rendent.
[Pour le ferroviaire, vous pouvez ajouter la desserte ferroviaire à ma liste, je ne prétendais pas être exhaustif.]
Personnellement, quand je pense service public, je pense d’abord à transports en commun plutôt que trésorerie ou tribunal d’instance
[[Et pourtant il n’y a pas eu augmentation galopante de l’insécurité dans la France périphérique.]
Vous voulez rigoler ? Bien sur qu’elle a augmenté. ]
Insécurité, qui bien souvent est le fait de bandes itinérantes (et étrangères) et non de locaux (pour en avoir discuté avec un sous-officier de la Gendarmerie nationale). En tous cas, je ne me suis pas retrouvé avec ma voiture d’incendiée lorsque je suis sorti du musée Georges Pompidou à Montboudif.
[[Donc présence de services publics n’implique nullement assimilation.]
Je suis d’accord avec vous. L’assimilation nécessite une pression sociale qui passe par la société toute entière]
Le problème, c’est que les indigènes et assimilés ont fui les quartiers dans lesquels vivent les allogènes. Donc ça va être bien difficile de faire appliquer la pression sociale dans ces conditions. Qui plus est, il faudrait que les allogènes en aient quelque chose à faire de cette pression sociale. Or quand on n’a que haine vis-à-vis des « souchiens », je crains que leur rappeler les us et coutumes de notre pays risque que les braquer encore plus dans leur ressentiment…
[On a beaucoup plus envie d’apprendre le français quand le fait de le parler correctement vous donne des possibilités nouvelles.]
J’ignorais qu’un CV ou une lettre de motivation bien rédigés n’apportent aucune plus-value aux yeux d’un recruteur.
[[Bref, ça n’est pas le regretté site de la Régie nationale des usines Renault de l’île Seguin ou de l’usine Citroën quai de Javel.]
En d’autres termes, des terrains très facilement valorisables, tout comme Billancourt ou Javel…]
Si ces terrains sont valorisable, c’est d’abord pour une activité industrielle ou logistique. Javel ou l’île Seguin n’étaient plus viables pour ce genre d’activité compte tenu de leur enclavement urbain, créant un goulot d’étranglement pour les flux logistiques (sites qui selon moi auraient quand-même fermé sans désindustrialisation). Or quand un site est valorisable, c’est parce-qu’il est rentable d’y faire quelque chose. Donc pourquoi Aulnay-sous-Bois n’était pas plus rentable que Poissy ou Rennes ?
[[Et si j’en crois Libération, la composition ethnique (à un moment donné tout du moins), la composition ethnique des usines PSA de Poissy et Aulnay-sous-Bois n’est pas la même :]
Croire Libération est une grave erreur… par ailleurs l’article que vous citez disqualifie plutôt l’argumentation fondée sur la « composition ethnique » des deux usines.]
Je ne fais que reprendre les faits cités par libération. L’interprétation qui en est faite est une autre histoire.
[Il ne vous aura pas échappé que le notable, bien souvent exerce une activité légale et ne menace pas de mettre un territoire à sac si l’on ne plie pas à ses désidératas.]
Les « notables » corses comme Siméoni « exercent une activité légale » et « ne menacent pas de mettre un territoire à sac si l’on ne se plie pas à ses désidératas » ? Vous voulez rire…]
On parlait au début de l’interlocuteur privilégié à Gandrange, et vous conviendrez avec moi que la Corse n’est pas représentative de la France périphérique.
[[Encore une fois, c’est peut-être bien de se demander pourquoi cette commune alors qu’elle est à proximité immédiate avec Paris, ne voit quasiment aucun cadre s’y installer, alors que les prix de l’immobilier dans l’Ouest de la petite couronne battent des records.]
Ne croyez pas ça. La « gentrification » arrive à Saint-Denis, comme le montre le résultat des dernières élections municipales…]
Il faudrait savoir. Tantôt vous m’expliquez que Saint-Denis est l’une des communes les plus défavorisées de France, tantôt vous m’expliquez qu’elle ne l’ait pas tant que cela puisqu’elle subit un phénomène de gentrification. Mais pour en revenir à votre échange avec Glarrious, non le vote LFI n’est pas qu’un vote de bobos (tout comme le vote pastèque, en témoigne l’élection d’une enfoulardée comme conseillère municipale à Strasbourg), compte tenu du racolage que fait Mélenchon vis-à-vis des allogènes. Et il n’est « laïcard » que lorsqu’il s’agit de donner une gifle à sa grand-mère, le christianisme.
[[De quel réseau de transports en commun peut se targuer Montboudif ? Que vous faut-il de plus pour considérer que cette commune soit décemment dotée en service publics ?]
Un bus qui amène une fois par jour à Aurillac. Ce qui en proportion à sa population reste très décent en comparaison.]
Donc si je comprends bien, les communes de la France périphérique qui voient leurs gares fermer n’ont pas à se plaindre, du moment qu’elles sont remplacées par des liaisons en autocar ?
[[Je me permets de faire remarquer que l’alphabétisation était déjà bien avancée quand les lois Ferry furent votées (…)]
Pourriez-vous m’indiquer vos sources ?]
https://www.persee.fr/doc/ahess_0395-2649_1984_num_39_1_283045
http://www.crdp-strasbourg.fr/data/histoire/education_reichsland/histoire.php
[(…) Changer ses us et coutumes en revanche a un coût matériel NUL.]
D’abord, l’école publique était organisée de façon à ne pas priver les paysans des bras de leurs enfants.]
Le travail agricole ne se fait pas qu’en été et en 1881, la France était déjà bien avancée dans la révolution industrielle.
[Ensuite, changer ses us et coutumes a au contraire un coût important, parce que cela implique abandonner une organisation de la vie qui est optimisée par l’usage.]
Je me demande quelle est la plus-value économique de frapper sa tête sur son tapis de prière, pour avoir une tâche sur le front en signe de piété ou encore de garder son orthopraxie religieuse quand on est chauffeur à la RATP.
Sinon, pour en revenir à votre départ de Marseille, je me permets même de vous remettre ici deux paragraphes de votre réponse à cd datée du 1er juin dans votre billet « Le monde d’après ne sera pas écologiste » :
« Plus pauvre que l’agglomération de Lille ? Je n’en suis pas totalement convaincu. Mais admettons. D’où vient cette pauvreté ? Marseille est un port de première catégorie, située sur les routes commerciales les plus importantes. C’est une ville jeune. Le climat est doux et agréable. La ville est connectée au réseau TGV et à un réseau autoroutier dense. Alors, pourquoi est-ce une ville pauvre ? C’est ce que les marseillais feraient bien de se poser comme question, au lieu de jouer les complexes de supériorité et se plaindre ensuite que tout le monde leur en veut et demander de l’Etat central qu’il résolve leurs problèmes.
Désolé si je suis véhément, mais ayant été en poste à Marseille, je peux vous dire que si la ville est pauvre, c’est aussi la faute des marseillais. Car le clientélisme et le clanisme qui étouffent toute forme de projet collectif ne sont pas seulement la faute des élus : c’est aussi le mode de vie d’une population qui vend en permanence son vote au plus offrant et qui ne se considère solidaire que de son « clan ». Si la décentralisation a fait des ravages ailleurs, à Marseille cela a été une catastrophe. »
Pourquoi-donc chercher des excuses aux allogènes, en imputant la cause de leur communautarisme aux « classes intermédiaires » alors que les marseillais ne doivent s’en prendre qu’à eux-même, sachant que dans les deux cas c’est la mentalité qui pose problème ?
@ François
[Jusqu’à la preuve du contraire, les « classes intermédiaires » n’ont pas interdit, en leur mettant un couteau sous la gorge, aux immigrés venant de pays musulmans de s’assimiler.]
Elles n’ont pas été jusque-là. Elles se sont contentées de rendre le rapport coût/avantages de l’assimilation tellement défavorable que les immigrés n’ont plus grand intérêt à suivre cette voie. Quand l’enfant de l’immigré assimilé qui travaillait bien à l’école avait comme perspective d’accéder à Polytechnique – ou pour les moins ambitieux, à une promotion sociale raisonnable – la chose était plus intéressante que maintenant qu’on lui explique que, même assimilé et travaillant bien à l’école, sa perspective est d’aller pointer à l’ANPE. C’est moins violent que mettre le couteau sous la gorge, mais aussi efficace.
[« Ceux qui pouvaient partir sont allés chercher mieux ailleurs, ce qui à son tour concentre les problèmes et dégrade encore plus le cadre de vie et alimente le communautarisme. » Pour avoir discutés avec des personnes qui ont vécu dans des cités, elles en ont surtout été chassées.]
Pour reprendre votre formule, je doute qu’on leur ait mis le couteau sous la gorge pour qu’elles partent.
[Ces populations ont opté pour le communautarisme contre l’assimilation et la sécurité, qu’elles en assument les conséquences, notamment le fait qu’aucun médecin ou fonctionnaire compétent veuille travailler dans les quartiers où ils résident.]
Si l’on part dans la logique « ils ont choisi, tant pis pour eux », on accepte la logique d’une France fracturée. Personnellement, je ne l’accepte pas. Je ne pense pas qu’on doive donner aux immigrés la possibilité de « opter pour le communautarisme ». Je n’ai jamais cru à l’assimilation volontaire, sauf cas exceptionnels. L’assimilation nécessite une pression sociale qui, justement, ne laisse pas d’option. Mais pour que cette pression soit juste, il faut qu’il y ait quelque chose en échange.
[Et je note qu’il y a quelque chose à gagner à l’assimilation comme en atteste le cas des extrême-orientaux.]
Bien sur qu’il y a quelque chose à gagner. Mais le coût n’est pas le même, et in fine c’est le rapport coût/avantage qui compte. Pour faire sienne la discipline intellectuelle que les migrants d’extrême orient ont internalisé depuis des siècles, ceux qui viennent d’Afrique noire ou du Maghreb doivent consentir un effort bien plus important.
[Encore une fois, il est pertinent pourquoi personne ne veut s’y rendre.]
Bien entendu. Mais je crois avoir répondu à cette question ci-dessus.
[Peut-être que les raisons sont de nature similaire à celles qui vous ont conduit à quitter Marseille (départ que je m’abstiens bien entendu de juger).]
Vous devez confondre. Je n’ai jamais habité à Marseille, et j’aurais donc été bien en peine de la quitter. J’ai par contre vécu dans un grand ensemble de la région parisienne, et si je suis parti ce n’est pas du tout parce que je trouvais la vie désagréable, mais parce que j’ai été affecté en province.
[« Notez aussi que les élus des « territoires périphériques » agricoles ont souvent beaucoup plus de poids que les élus des territoires ouvriers… » On voit leur poids lorsqu’il s’agit d’empêcher la fermeture d’une ligne de chemin de fer, ou d’une caserne. Il ne faut pas surestimer le poids du Sénat.]
Lorsqu’il s’agit d’empêcher une fermeture, les élus de campagne ont eu gain de cause bien plus souvent que les élus des territoires ouvriers. Je ne dis pas qu’ils sont tout-puissants, mais ils ont bien plus d’influence que les élus des circonscriptions ouvrières. Pourquoi croyez-vous que nos présidents de la République perdent des heures précieuses au Salon de l’Agriculture, alors qu’aucun à ma connaissance depuis trente ans n’a honoré de sa présence une exposition industrielle ?
[Que la présence d’un commissariat de police ou d’une gendarmerie change pas mal de choses, j’en conviens. Mais ça change quoi la présence d’une trésorerie ou d’une antenne d’EDF-GDF ?]
Que les fonctionnaires ou les agents qui s’occupent de vos impôts connaissent mieux le territoire et ses problèmes parce qu’ils y vivent. Et peuvent donc mieux tenir compte des difficultés des populations.
[Mais qui devrait l’être (et n’oublions pas que les télécommunications furent un service public).]
Elles le furent, mais elles ne le sont plus, pas plus que l’internet. Maintenant, si vous proposez qu’on transforme ces domaines en services publics, ça peut se discuter. Mais je crains qu’une telle transformation nécessite la nationalisation des opérateurs…
[Donc en suivant votre logique, il suffit tout simplement de supprimer la notion de service public, pour ne pas avoir à se plaindre de l’absence des prestations qu’ils rendent.]
Vous pouvez toujours vous plaindre. La question est auprès de qui. Si c’est une activité économique soumise à la concurrence et vous n’êtes pas content du service, vous n’avez qu’à changer d’opérateur. Et si aucun opérateur n’accepte de vous raccorder, c’est que le prix que vous payez n’est pas assez élevé pour que ce soit rentable pour un opérateur de vous offrir le service. Vous pouvez toujours vous plaindre que le boulanger de votre village ferme, mais s’agissant d’une activité concurrentielle, ce n’est pas la faute du maire.
[« Et pourtant il n’y a pas eu augmentation galopante de l’insécurité dans la France périphérique.]
Vous voulez rigoler ? Bien sûr qu’elle a augmenté. » Insécurité, qui bien souvent est le fait de bandes itinérantes (et étrangères) et non de locaux (pour en avoir discuté avec un sous-officier de la Gendarmerie nationale). En tous cas, je ne me suis pas retrouvé avec ma voiture d’incendiée lorsque je suis sorti du musée Georges Pompidou à Montboudif.]
Faites un petit tour dans le Pas de Calais, pour voir. Vous verrez que contrairement à ce que vous semblez penser, l’insécurité n’est pas seulement le fait d’étrangers ou de « bandes itinérantes ». Et je ne vous parle même pas de la Corse, qui reste le département français le plus violent ramené à sa population…
[Le problème, c’est que les indigènes et assimilés ont fui les quartiers dans lesquels vivent les allogènes. Donc ça va être bien difficile de faire appliquer la pression sociale dans ces conditions.]
Je n’ai pas dit que c’était simple. Mais on pourrait commencer par l’école, qui reste présente dans ces quartiers.
[Qui plus est, il faudrait que les allogènes en aient quelque chose à faire de cette pression sociale. Or quand on n’a que haine vis-à-vis des « souchiens », je crains que leur rappeler les us et coutumes de notre pays risque que les braquer encore plus dans leur ressentiment…]
Je suis moins pessimiste que vous. Je pense au contraire que les « allogènes » comme vous les appelez ne sont pas dans une position intellectuelle confortable, qu’ils souffrent eux aussi d’une perte d’identités et de repères. Et que si on leur imposait un contrat équilibré en termes de coût/avantages, ils seraient ravis de le saisir. Et ce n’est pas chez moi un article de foi : je regarde ce qui s’est passé lors des vagues migratoires d’avant 1970.
[« On a beaucoup plus envie d’apprendre le français quand le fait de le parler correctement vous donne des possibilités nouvelles ». J’ignorais qu’un CV ou une lettre de motivation bien rédigés n’apportent aucune plus-value aux yeux d’un recruteur.]
Quand il y a 5 millions de chômeurs, et que les entreprises qui ouvrent un poste reçoivent tellement de candidatures qu’elles mettent à la poubelle entre la moitié et les neuf dixièmes des CV qu’ils reçoivent sans même les lire, l’apport est tout relatif. Aujourd’hui, pour trouver un poste, un bon réseau familial pèse infiniment plus lourd qu’un CV bien rédigé. Alors, à quoi bon s’assimiler si la meilleure possibilité de trouver un emploi est de s’adresser à un « grand frère » ou autre « notable » communautaire ?
[Si ces terrains sont valorisables, c’est d’abord pour une activité industrielle ou logistique. Javel ou l’île Seguin n’étaient plus viables pour ce genre d’activité compte tenu de leur enclavement urbain,]
Mes très valorisables pour faire des bureaux ou des logements. Et avec le « grand Paris », les terrains d’Aulnay se trouveront dans une situation similaire. Regardez ce que sont devenues les friches industrielles de La Plaine Saint Denis ou d’Aubervilliers. Demain, ce sera la même chose à La Courneuve ou à Aulnay…
[« Les « notables » corses comme Siméoni « exercent une activité légale » et « ne menacent pas de mettre un territoire à sac si l’on ne se plie pas à ses désidératas » ? Vous voulez rire… » On parlait au début de l’interlocuteur privilégié à Gandrange, et vous conviendrez avec moi que la Corse n’est pas représentative de la France périphérique.]
C’est moins visible dans d’autres territoires, mais cela existe aussi. Pensez aux « notables » bretons qui ont encouragé les mouvement des « bonnets rouges », aux « notables » agricoles qui menacent d’incendier les sous-préfectures. Beaucoup de « notables » n’hésitent pas à menacer de mettre « à feu et à sang » si l’on ne se plie pas à leurs revendications. Quant aux « affaires légales »… pas la peine d’aller en Corse. Pensez aux « parrains » comme Jacques Médécin ou Gaston Deferre…
[Il faudrait savoir. Tantôt vous m’expliquez que Saint-Denis est l’une des communes les plus défavorisées de France, tantôt vous m’expliquez qu’elle ne l’ait pas tant que cela puisqu’elle subit un phénomène de gentrification.]
Lorsque vous regardez l’état actuel, c’est le passé qui compte, et dans le passé Saint-Denis était une commune pauvre. Dans dix ou quinze ans, ce sera peut-être une commune riche…
[« Un bus qui amène une fois par jour à Aurillac. Ce qui en proportion à sa population reste très décent en comparaison. » Donc si je comprends bien, les communes de la France périphérique qui voient leurs gares fermer n’ont pas à se plaindre, du moment qu’elles sont remplacées par des liaisons en autocar ?]
Cela dépend. Demander une gare pour chaque village de plus de 190 habitants, cela ne me semble pas raisonnable. Demander une gare dans les communes d’une certaine importance et un service d’autocar permettant aux habitants des petits villages d’accéder à la gare la plus proche, c’est déjà plus raisonnable.
[« Je me permets de faire remarquer que l’alphabétisation était déjà bien avancée quand les lois Ferry furent votées (…) » Pourriez-vous m’indiquer vos sources ?]
Je n’ai trouvé dans aucune des références que vous me proposez d’information sur les taux d’alphabétisation lorsque les lois Ferry furent votées. Il y avait certes une scolarisation non négligeable. Mais l’assiduité était mauvaise, la qualité du corps enseignant aussi.
[« Ensuite, changer ses us et coutumes a au contraire un coût important, parce que cela implique abandonner une organisation de la vie qui est optimisée par l’usage. » Je me demande quelle est la plus-value économique de frapper sa tête sur son tapis de prière, pour avoir une tâche sur le front en signe de piété ou encore de garder son orthopraxie religieuse quand on est chauffeur à la RATP.]
Et bien, ça évite pas mal de consultations chez le psychanalyste… Plus sérieusement : frapper sa tête sur un tapis de prière n’est que la partie émergée d’un iceberg d’habitudes, de codes, de références qui rendent possible les relations avec l’autre. Réviser ça, c’est réviser tout le reste…
[Sinon, pour en revenir à votre départ de Marseille, je me permets même de vous remettre ici deux paragraphes de votre réponse à cd datée du 1er juin dans votre billet « Le monde d’après ne sera pas écologiste » (…)]
Exact : j’ai été en poste à Marseille, mais je n’y ai jamais habité. On m’avait conseillé d’aller vivre ailleurs, quitte à faire trente ou quarante km par jour… et c’était un bon conseil.
[Pourquoi-donc chercher des excuses aux allogènes, en imputant la cause de leur communautarisme aux « classes intermédiaires » alors que les marseillais ne doivent s’en prendre qu’à eux-même, sachant que dans les deux cas c’est la mentalité qui pose problème ?]
Parce que, et j’ai insisté sur ce point, Marseille n’a pas été maltraitée par l’Etat ou par la nature : elle a le TGV, elle a une belle université, un grand port maritime, un climat agréable… ce n’est pas le cas de La Courneuve ou de Hénin-Beaumont.
@Descartes
[Quand l’enfant de l’immigré assimilé qui travaillait bien à l’école avait comme perspective d’accéder à Polytechnique – ou pour les moins ambitieux, à une promotion sociale raisonnable – ]
La sélection à l’X se fait toujours par voie de concours, donc méritocratique. En attendant, le moins que l’on puisse du plateau où je travaillais auparavant, c’est qu’il n’était pas particulièrement pâle. Donc peut-être que la promotion sociale, pour peu qu’on s’en donne les moyens est toujours possible.
[[Pour avoir discutés avec des personnes qui ont vécu dans des cités, elles en ont surtout été chassées.]
Pour reprendre votre formule, je doute qu’on leur ait mis le couteau sous la gorge pour qu’elles partent.]
Il n’en reste pas moins que c’est légèrement désagréable de subir au quotient agression verbales, d’avoir sa boîte aux lettres défoncée ou les pneus de sa voiture crevés, méfaits qui bizarrement ne touchent que les « gaulois ».
[Si l’on part dans la logique « ils ont choisi, tant pis pour eux », on accepte la logique d’une France fracturée. Personnellement, je ne l’accepte pas.]
Moi non plus je ne l’accepte pas. Aussi je leur prie en toute gentillesse, de bien vouloir rentrer dans le rang, si possible sans trop de remous, ou à défaut de se casser de ce pays.
Ils ont une chance INOUÏE de vivre dans un pays comme la France, ne serait-ce parce qu’on ne les laisse pas crever devant un hôpital, alors il est hors de question de leur accorder une rallonge budgétaire supplémentaire. Bref, qu’ils retournent au bled s’ils ne sont pas contents de ce qu’ils ont en France, bled qu’ils chérissent tant, s’ils ne sont pas content de ce qu’ils ont ici.
[Pour faire sienne la discipline intellectuelle que les migrants d’extrême orient ont internalisé depuis des siècles, ceux qui viennent d’Afrique noire ou du Maghreb doivent consentir un effort bien plus important.]
Je n’ai pas particulièrement l’impression que les descendants d’Afrique noire non islamisée posent particulièrement des problèmes (moins que les autres en tous cas). Pourtant la culture étatique et méritocratique n’y était pas particulièrement développée avant que les européens s’y implantent. Et la plasticité cérébrale, ça existe.
[Pourquoi croyez-vous que nos présidents de la République perdent des heures précieuses au Salon de l’Agriculture, alors qu’aucun à ma connaissance depuis trente ans n’a honoré de sa présence une exposition industrielle ?]
Par tradition plus qu’autre chose, parce-que la France conserve un inconscient collectif paysan. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que nos derniers présidents n’ont pas reçu un accueil particulièrement chaleureux aux salons de l’agriculture.
[Mais je crains qu’une telle transformation nécessite la nationalisation des opérateurs…]
Ah mais je n’ai rien contre vous savez !
[[Le problème, c’est que les indigènes et assimilés ont fui les quartiers dans lesquels vivent les allogènes. Donc ça va être bien difficile de faire appliquer la pression sociale dans ces conditions.]
Je n’ai pas dit que c’était simple. Mais on pourrait commencer par l’école, qui reste présente dans ces quartiers.]
Bon courage pour trouver en nombre les instituteurs compétents prêts à se sacrifier !
[[En tous cas, je ne me suis pas retrouvé avec ma voiture d’incendiée lorsque je suis sorti du musée Georges Pompidou à Montboudif.]
Faites un petit tour dans le Pas de Calais, pour voir]
C’est vrai que dans le Pas-de-Calais, il y a pas mal de camps de clandestins qui cherchent à rejoindre le Royaume-Uni.
[Je suis moins pessimiste que vous. Je pense au contraire que les « allogènes » comme vous les appelez ne sont pas dans une position intellectuelle confortable, qu’ils souffrent eux aussi d’une perte d’identités et de repères.]
Quand le soir de la fête nationale du 14 juillet 2019, également date de la victoire de l’Algérie à la Coupe d’Afrique des nations, des supporters allogènes ont envahi les Champs-Élysées et se sont vantés devant caméras de refaire le coup de la Wehrmacht en 40, ils savaient parfaitement qui ils étaient et ce qu’ils faisaient.
Et oui je les appelle « allogènes ». Face à l’orwellien renversement sémantique que cherche à nous imposer l’infâme Bouteldja, je crois qu’il est important de mettre les points sur les i. Sinon, il y a des termes bien plus fleuris qui trottent dans ma tête les concernant. Et je tiens à préciser que bien entendu derrière ce substantif, je ne mets pas les individus qui ont fait l’effort de s’assimiler, d’où qu’ils viennent.
[Quand il y a 5 millions de chômeurs, et que les entreprises qui ouvrent un poste reçoivent tellement de candidatures qu’elles mettent à la poubelle entre la moitié et les neuf dixièmes des CV qu’ils reçoivent sans même les lire, l’apport est tout relatif]
Pourtant lors des ateliers CV et lettre de motivation auxquels j’ai participé, on m’avait bien dit que c’était important de faire attention à l’orthographe.
[[Si ces terrains sont valorisables, c’est d’abord pour une activité industrielle ou logistique. Javel ou l’île Seguin n’étaient plus viables pour ce genre d’activité compte tenu de leur enclavement urbain]
Mes très valorisables pour faire des bureaux ou des logements. Et avec le « grand Paris », les terrains d’Aulnay se trouveront dans une situation similaire]
Une image satellite montre qu’il y a pas mal de champs agricoles à proximité de l’ancienne usine PSA d’Aulnay-sous-Bois, donc le foncier, ça n’est pas ce qui y manque pour l’instant.
[[On parlait au début de l’interlocuteur privilégié à Gandrange, et vous conviendrez avec moi que la Corse n’est pas représentative de la France périphérique.]
C’est moins visible dans d’autres territoires, mais cela existe aussi. Pensez aux « notables » bretons qui ont encouragé les mouvement des « bonnets rouges », aux « notables » agricoles qui menacent d’incendier les sous-préfectures.]
Ça existe, mais beaucoup moins, et ils ne poussent pas l’ignoble jusqu’à incendier des bâtiments culturels ou éducatifs, ou bien s’en prendre aux pompiers. Puis je pense que lesdits notables suivent surtout leur base, plutôt que de leur donner directement la consigne de mettre à sac un territoire.
[Quant aux « affaires légales »… pas la peine d’aller en Corse. Pensez aux « parrains » comme Jacques Médécin ou Gaston Deferre…]
Dans le Sud-Est et la France et non dans le Limousin, la Franche-Comté, ou la Champagne.
[[« Je me permets de faire remarquer que l’alphabétisation était déjà bien avancée quand les lois Ferry furent votées (…) » Pourriez-vous m’indiquer vos sources ?]
Je n’ai trouvé dans aucune des références que vous me proposez d’information sur les taux d’alphabétisation lorsque les lois Ferry furent votées. Il y avait certes une scolarisation non négligeable. Mais l’assiduité était mauvaise, la qualité du corps enseignant aussi.]
Entre 1801 et 1881, le nombre d’élèves a quintuplé alors que la population française ne s’est accrue que de 34%. Ça n’est pas mal quand même.
[Et bien, ça évite pas mal de consultations chez le psychanalyste… Plus sérieusement : frapper sa tête sur un tapis de prière n’est que la partie émergée d’un iceberg d’habitudes, de codes, de références qui rendent possible les relations avec l’autre. Réviser ça, c’est réviser tout le reste… ]
Je ne vois pas pourquoi la face immergée serait plus rationnelle.
[Parce que, et j’ai insisté sur ce point, Marseille n’a pas été maltraitée par l’Etat ou par la nature : elle a le TGV, elle a une belle université, un grand port maritime, un climat agréable… ce n’est pas le cas de La Courneuve ou de Hénin-Beaumont.]
La Courneuve c’est loin, très loin de Paris. Quant à Hénin-Beaumont, on y vote comme il faut.
@ François
[« Quand l’enfant de l’immigré assimilé qui travaillait bien à l’école avait comme perspective d’accéder à Polytechnique – ou pour les moins ambitieux, à une promotion sociale raisonnable » La sélection à l’X se fait toujours par voie de concours, donc méritocratique.]
De moins en moins. D’une part, on voit fleurir des voies d’admission « parallèles » sur dossier, qui permettent de repêcher quelques rejetons des classes intermédiaires trop nuls pour passer par la voie « méritocratique ». Cette « filière universitaire » recrute un peu moins de 10% de chaque promotion…
[En attendant, le moins que l’on puisse du plateau où je travaillais auparavant, c’est qu’il n’était pas particulièrement pâle. Donc peut-être que la promotion sociale, pour peu qu’on s’en donne les moyens est toujours possible.]
Pour peu qu’on se donne les moyens, ou pour peu qu’on les ait ? Les parents de vos collègues « pas particulièrement pâles », ils faisaient quoi exactement ? Etaient-ils les enfants d’immigrés récemment arrivés, ou étaient-ils les enfants d’immigrés anciens eux-mêmes assimilés ? Moi aussi, j’ai de nombreux collègues qui ne sont pas particulièrement « pâles », y compris à des postes de haute responsabilité. Seulement, quand vous creusez un peu, vous découvrez que les vieux appartiennent à la génération éduquée alors que la machine à assimiler fonctionnait encore raisonnablement, et que les jeunes sont souvent les enfants de ceux qui se sont assimilés à cette époque. Le fils d’une femme de ménage récemment arrivée du Maroc et qui accède à l’école Normale ou Polytechnique, cela n’existe pratiquement plus.
[Il n’en reste pas moins que c’est légèrement désagréable de subir au quotient agression verbales, d’avoir sa boîte aux lettres défoncée ou les pneus de sa voiture crevés, méfaits qui bizarrement ne touchent que les « gaulois ».]
Là, vraiment, vous exagérez. Allez dans n’importe quelle cité sensible, et vous verrez dans les halls d’immeuble que toutes les boites à lettres sont défoncées, indépendamment de la consonnance du nom du propriétaire. Le départ des « gaulois » des cités n’est pas le résultat d’une volonté assumée de les chasser, c’est simplement que la dégradation des conditions de vie fait qu’ils partent dès qu’ils peuvent avoir mieux ailleurs. Et cela touche d’ailleurs autant les « gaulois » que les autres.
[« Pour faire sienne la discipline intellectuelle que les migrants d’extrême orient ont internalisé depuis des siècles, ceux qui viennent d’Afrique noire ou du Maghreb doivent consentir un effort bien plus important. » Je n’ai pas particulièrement l’impression que les descendants d’Afrique noire non islamisée posent particulièrement des problèmes (moins que les autres en tous cas). Pourtant la culture étatique et méritocratique n’y était pas particulièrement développée avant que les européens s’y implantent. Et la plasticité cérébrale, ça existe.]
Je pense que vous faites erreur. Les problèmes sont exactement les mêmes.
[Par tradition plus qu’autre chose, parce-que la France conserve un inconscient collectif paysan.]
Exactement. Et c’est cet « inconscient collectif paysan » qui donne un pouvoir important aux « notables » du monde paysan, que ceux venus du monde ouvrier n’ont pas.
[« Le problème, c’est que les indigènes et assimilés ont fui les quartiers dans lesquels vivent les allogènes. Donc ça va être bien difficile de faire appliquer la pression sociale dans ces conditions.]
Je n’ai pas dit que c’était simple. Mais on pourrait commencer par l’école, qui reste présente dans ces quartiers. » Bon courage pour trouver en nombre les instituteurs compétents prêts à se sacrifier !]
Je suis persuadé que si l’institution était intransigeante tant sur les valeurs et savoirs à transmettre que dans son soutien sans faille envers ses fonctionnaires, on en trouverait. C’est surtout la lâcheté de l’institution qui rend la position des fonctionnaires impossible. Et c’est aussi vrai pour la police que pour les enseignants. Sauf que contrairement aux enseignants, les policiers n’ont pas contribué à dynamiter leur propre institution.
[Quand le soir de la fête nationale du 14 juillet 2019, également date de la victoire de l’Algérie à la Coupe d’Afrique des nations, des supporters allogènes ont envahi les Champs-Élysées et se sont vantés devant caméras de refaire le coup de la Wehrmacht en 40, ils savaient parfaitement qui ils étaient et ce qu’ils faisaient.]
J’en suis moins convaincu que vous. Je pense surtout que dans une France qui ne leur offre pas de modèle ou de « roman » auquel s’identifier, ils s’en cherchent un autre et accessoirement sont des proies faciles pour ceux qui sont capables de leur en proposer un.
[« Quand il y a 5 millions de chômeurs, et que les entreprises qui ouvrent un poste reçoivent tellement de candidatures qu’elles mettent à la poubelle entre la moitié et les neuf dixièmes des CV qu’ils reçoivent sans même les lire, l’apport est tout relatif » Pourtant lors des ateliers CV et lettre de motivation auxquels j’ai participé, on m’avait bien dit que c’était important de faire attention à l’orthographe.]
C’était « important » au temps où les gens étaient recrutés sur leur CV et leurs diplômes. Depuis, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts. Aujourd’hui, envoyer un CV « spontané » offre un rendement quasi nul, même si vous écrivez comme Marcel Proust. Un bon réseau vaut bien plus qu’une orthographe parfaite.
[Une image satellite montre qu’il y a pas mal de champs agricoles à proximité de l’ancienne usine PSA d’Aulnay-sous-Bois, donc le foncier, ça n’est pas ce qui y manque pour l’instant.]
Je vous rappelle qu’une friche industrielle est constructible, ce qui n’est pas le cas des terrains agricoles auxquels vous faites référence.
[Ça existe, mais beaucoup moins, et ils ne poussent pas l’ignoble jusqu’à incendier des bâtiments culturels ou éducatifs, ou bien s’en prendre aux pompiers.]
Les « bonnets rouges » ont tout de même détruit des équipements publics.
[Puis je pense que lesdits notables suivent surtout leur base, plutôt que de leur donner directement la consigne de mettre à sac un territoire.]
Ils utilisent très largement la menace de « mettre à sac un territoire » dans leurs négociations avec les autorités centrales. Après, il y a toujours un jeu dialectique entre les « notables » et la base…
[Dans le Sud-Est et la France et non dans le Limousin, la Franche-Comté, ou la Champagne.]
C’est plus discret et ça prend d’autres formes, mais ça existe. Pensez au scandale du règne d’Olivier Dassault à Corbeil…
[Entre 1801 et 1881, le nombre d’élèves a quintuplé alors que la population française ne s’est accrue que de 34%. Ça n’est pas mal quand même.]
Peut-être, mais cela ne nous dit pas grande chose sur les taux d’alphabétisation.
[« Et bien, ça évite pas mal de consultations chez le psychanalyste… Plus sérieusement : frapper sa tête sur un tapis de prière n’est que la partie émergée d’un iceberg d’habitudes, de codes, de références qui rendent possible les relations avec l’autre. Réviser ça, c’est réviser tout le reste… » Je ne vois pas pourquoi la face immergée serait plus rationnelle.]
Je n’ai pas dit qu’elle est rationnelle, mais qu’elle est coûteuse à abandonner. Je vous rappelle que ce qui était ici en jeu était le coût pour l’individu de l’assimilation.
[La Courneuve c’est loin, très loin de Paris.]
C’est sur une ligne de métro, et même pas un terminus…
@ Descartes
[ Moi aussi, j’ai de nombreux collègues qui ne sont pas particulièrement « pâles », y compris à des postes de haute responsabilité. Seulement, quand vous creusez un peu, vous découvrez que les vieux appartiennent à la génération éduquée alors que la machine à assimiler fonctionnait encore raisonnablement, et que les jeunes sont souvent les enfants de ceux qui se sont assimilés à cette époque.]
Ou alors, fils d’immigrés aisés, car les pauvres ne sont pas les seuls à changer de pays. Il y a pas mal de fils d’immigrés marocains sur les chantiers, mais à mon avis assez peu de fils de médecins marocains…
@Descartes
[[La sélection à l’X se fait toujours par voie de concours, donc méritocratique.]
De moins en moins. D’une part, on voit fleurir des voies d’admission « parallèles » sur dossier]
Je ne suis pas sûr que le diplôme issu d’une sélection sur dossier ait la même valeur que le diplôme issu d’une sélection sur concours. J’ai lu un article dans le journal « Les Échos » que la plus-value des écoles de commerce françaises tient justement à leur recrutement par voie de concours à l’issue de CPGE : https://www.lesechos.fr/idees-debats/cercle/ecole-de-commerce-ce-que-les-entreprises-attendent-des-jeunes-diplomes-1024984
[[En attendant, le moins que l’on puisse du plateau où je travaillais auparavant, c’est qu’il n’était pas particulièrement pâle. Donc peut-être que la promotion sociale, pour peu qu’on s’en donne les moyens est toujours possible.]
Pour peu qu’on se donne les moyens, ou pour peu qu’on les ait ?]
Pour peu qu’on s’en donne les moyens, comme en atteste le cas de ma camarade de promotion d’origine turque que j’ai cité précédemment.
[[Il n’en reste pas moins que c’est légèrement désagréable de subir au quotient agression verbales, d’avoir sa boîte aux lettres défoncée ou les pneus de sa voiture crevés, méfaits qui bizarrement ne touchent que les « gaulois ».]
Là, vraiment, vous exagérez. Allez dans n’importe quelle cité sensible, et vous verrez dans les halls d’immeuble que toutes les boites à lettres sont défoncées, indépendamment de la consonnance du nom du propriétaire.]
Ayant eu la chance de ne pas avoir eu à vivre, je ne fais que me baser sur les témoignages de ceux qui y ont vécu et qui étaient catalogués comme indésirables.
[Le départ des « gaulois » des cités n’est pas le résultat d’une volonté assumée de les chasser, c’est simplement que la dégradation des conditions de vie fait qu’ils partent dès qu’ils peuvent avoir mieux ailleurs.]
Si vous voulez quelque chose de plus spectaculaire, je ne peux que vous citer le pogrom antisémite de Sarcelles en 2014, dont l’intention des auteurs ne faisait guère de doutes.
[(…) [Pourtant la culture étatique et méritocratique n’y était pas particulièrement développée avant que les européens s’y implantent. Et la plasticité cérébrale, ça existe.]
Je pense que vous faites erreur. Les problèmes sont exactement les mêmes.]
Pour en revenir à mon expérience personnelle, je constate que les personnes originaires d’Afrique noire chrétienne portent des prénoms bien franchouillards (que même les Français de souche n’osent plus donner à leur progéniture, serais-je même tenté de dire), ce qui n’est pas rien, et si l’on s’en réfère au témoignage de NSE publié le 17 juin dans votre billet « Black lives matter… what about the others ? » les élèves noirs portant des prénoms chrétiens s’en sortent mieux que ceux qui n’en portent pas.
[[Par tradition plus qu’autre chose, parce-que la France conserve un inconscient collectif paysan.]
Exactement. Et c’est cet « inconscient collectif paysan » qui donne un pouvoir important aux « notables » du monde paysan, que ceux venus du monde ouvrier n’ont pas.]
Le problème, c’est que les Français ont une vision complètement fantasmée de ce que doit être l’agriculture, vision qui est en complet décalage avec la réalité du monde agricole français. Si le monde rural avait tant que ça l’écoute de nos politiques, jamais ils n’auraient imposé l’interdiction des OGM, des néonicotinoïdes, poussé pour l’interdiction du glyphosate, etc.
[[Je n’ai pas dit que c’était simple. Mais on pourrait commencer par l’école, qui reste présente dans ces quartiers. » Bon courage pour trouver en nombre les instituteurs compétents prêts à se sacrifier !]
Je suis persuadé que si l’institution était intransigeante tant sur les valeurs et savoirs à transmettre que dans son soutien sans faille envers ses fonctionnaires, on en trouverait. C’est surtout la lâcheté de l’institution qui rend la position des fonctionnaires impossible.]
J’ai quelques doutes quand au fait que même si on envoyait des instituteurs compétents au casse-pipe, même avec le soutien inconditionnel de l’institution scolaire, que cela changerait quelque chose, compte tenu du fait que ce qu’ils apprendraient à leurs élèves la journée, serait méthodiquement détruit le soir à l’école coranique. Je crains malheureusement que l’assimilation telle que la France l’a connue concernant les populations musulmanes ne peut marcher, comme l’atteste le cas algérien, sachant en plus que la France n’a plus la carotte à donner qu’est la citoyenneté française, puisque les allogènes dans leur majorité en disposent déjà. Ailleurs, on voit les moyens radicaux qu’est obligé d’utiliser le PCC pour régler le problème ouïghour…
[[Quand le soir de la fête nationale du 14 juillet 2019, également date de la victoire de l’Algérie à la Coupe d’Afrique des nations, des supporters allogènes ont envahi les Champs-Élysées et se sont vantés devant caméras de refaire le coup de la Wehrmacht en 40, ils savaient parfaitement qui ils étaient et ce qu’ils faisaient.]
J’en suis moins convaincu que vous.]
Non, c’est vrai que lorsque l’on s’en réfère à la performance de la Wehrmacht en 40, il n’y a aucune volonté réfléchie d’humilier.
[Je pense surtout que dans une France qui ne leur offre pas de modèle ou de « roman » auquel s’identifier, ils s’en cherchent un autre et accessoirement sont des proies faciles pour ceux qui sont capables de leur en proposer un.]
En somme il n’y a aucune différence fondamentale entre l’allogène qui déteste la France, au point de se livrer à des démonstrations de force et le jeune allemand engagé dans un Einsaztgruppe, les deux n’ayant pas eu la chance de bénéficier d’un horizon régulateur particulièrement sain. Au fond, même Hitler, s’il n’avait pas eu la malchance de vivre dans un environnement particulièrement malsain, aurait pu être un charmant personnage. Bref, nous ne sommes que les jouets des circonstances, le libre-arbitre étant une pure fiction.
[[Pourtant lors des ateliers CV et lettre de motivation auxquels j’ai participé, on m’avait bien dit que c’était important de faire attention à l’orthographe.]
C’était « important » au temps où les gens étaient recrutés sur leur CV et leurs diplômes. Depuis, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts.]
Mais de mon expérience personnelle, il me semble que l’on recrute toujours sur CV et diplômes.
[Aujourd’hui, envoyer un CV « spontané » offre un rendement quasi nul, même si vous écrivez comme Marcel Proust.]
Je crois surtout que si les candidatures spontanées font moins recette aujourd’hui que par le passé, c’est parce qu’avec internet, l’offre et la demande de travail se mettent plus facilement en relation.
[Un bon réseau vaut bien plus qu’une orthographe parfaite.]
Petites anecdotes personnelles : mon père, pourtant travaillant dans une prestigieuse entreprise du CAC40 ne s’est pas bougé pour me faire intégrer sa boîte quand je cherchais du travail, alors que je dispose des compétences pour y travailler, ou bien j’ai parmi mes relations quelqu’un issu d’une bonne famille bourgeoise, mais compte tenu de son peu d’appétit pour suivre des études supérieures, se retrouve à être vendeur dans une enseigne de prêt-à-porter.
[[Une image satellite montre qu’il y a pas mal de champs agricoles à proximité de l’ancienne usine PSA d’Aulnay-sous-Bois, donc le foncier, ça n’est pas ce qui y manque pour l’instant.]
Je vous rappelle qu’une friche industrielle est constructible, ce qui n’est pas le cas des terrains agricoles auxquels vous faites référence.]
Mais un terrain agricole, ça peut être reclassé en terrain constructible, et une friche industrielle, il y a pas mal de travaux à entamer avant de la rendre réutilisable. Il a fallut plus de vingt ans avant de réhabiliter l’île Seguin.
[[[Ça existe, mais beaucoup moins, et ils ne poussent pas l’ignoble jusqu’à incendier des bâtiments culturels ou éducatifs, ou bien s’en prendre aux pompiers.]
Les « bonnets rouges » ont tout de même détruit des équipements publics.]
Les « bonnets rouges », même si leurs méfaits sont bien entendu condamnables, s’en sont pris aux portiques « écotaxe », aux radars automatiques, ou des bâtiments incarnant l’autorité publique, et de ce fait restent dans la grande tradition française des jacqueries. Quand on incendie bibliothèques et écoles comme ça s’est passé lors des émeutes de 2005, on rentre dans une autre dimension.
[[Dans le Sud-Est et la France et non dans le Limousin, la Franche-Comté, ou la Champagne.]
C’est plus discret et ça prend d’autres formes, mais ça existe. Pensez au scandale du règne d’Olivier Dassault à Corbeil…]
Les mauvaises langues feraient justement remarquer que Serge Dassault s’est accoquiné avec les « cités » de Corbeil.
[[Entre 1801 et 1881, le nombre d’élèves a quintuplé alors que la population française ne s’est accrue que de 34%. Ça n’est pas mal quand même.]
Peut-être, mais cela ne nous dit pas grande chose sur les taux d’alphabétisation. ]
Disons que les enfants qui sont passés par l’école à cette époque ont appris quelque chose, aussi faible qu’il puisse avoir été, et que le nombre d’enfants ayant appris ce quelque chose a été multiplié par cinq.
[[Je ne vois pas pourquoi la face immergée serait plus rationnelle.]
Je n’ai pas dit qu’elle est rationnelle, mais qu’elle est coûteuse à abandonner]
Eh bien va falloir m’expliquer ce qu’il y a de coûteux à arrêter de se demander si lâcher une caisse annule ses ablutions, bref de commencer à réfléchir par soi-même, ce qu’un individu doté d’un minimum de connexions cérébrales fonctionnelles est capable de faire.
[[La Courneuve c’est loin, très loin de Paris.]
C’est sur une ligne de métro, et même pas un terminus…]
Donc qui n’a rien à envier à Marseille en terme d’implantation géographique. C’est encore plus flagrant si l’on parle de Barbes. Et je repose ma question : pourquoi demander à certains de s’en prendre qu’à eux-même, tandis que pour d’autres il faut chercher des causes externes à leurs malheurs ?
@ François
{« De moins en moins. D’une part, on voit fleurir des voies d’admission « parallèles » sur dossier » Je ne suis pas sûr que le diplôme issu d’une sélection sur dossier ait la même valeur que le diplôme issu d’une sélection sur concours.]
Et bien, vous vous trompez : les recrutés par concours et les recrutés sur dossier reçoivent exactement le même diplôme. La voie de recrutement n’y est pas mentionnée. Et c’est le cas aussi dans les autres grandes écoles d’ingénieurs.
[J’ai lu un article dans le journal « Les Échos » que la plus-value des écoles de commerce françaises tient justement à leur recrutement par voie de concours à l’issue de CPGE : (…)]
Vous avez eu une illusion d’optique. L’article ne parle nulle part du « recrutement par concours ». Il vante simplement la qualité de l’enseignement des classes préparatoires, et le fait que les élèves des écoles de commerce suivent ce type d’enseignement avant d’entamer leurs études commerciales. Mais le fait que le recrutement se fasse « par concours » n’est pas mentionné.
[« Pour peu qu’on se donne les moyens, ou pour peu qu’on les ait ? » Pour peu qu’on s’en donne les moyens, comme en atteste le cas de ma camarade de promotion d’origine turque que j’ai cité précédemment.]
Je crains que vous ne surestimiez considérablement les possibilités des individus appartenant aux couches les moins favorisées de « se donner les moyens » dans des conditions raisonnables.
[« Le départ des « gaulois » des cités n’est pas le résultat d’une volonté assumée de les chasser, c’est simplement que la dégradation des conditions de vie fait qu’ils partent dès qu’ils peuvent avoir mieux ailleurs. » Si vous voulez quelque chose de plus spectaculaire, je ne peux que vous citer le pogrom antisémite de Sarcelles en 2014, dont l’intention des auteurs ne faisait guère de doutes.]
Sauf que cela n’illustre nullement l’intention de faire partir les « gaulois » (c’était cela le point) ni même de faire partir les juifs. Je n’ai trouvé nulle part trace d’une telle intention.
[Pour en revenir à mon expérience personnelle, je constate que les personnes originaires d’Afrique noire chrétienne portent des prénoms bien franchouillards (que même les Français de souche n’osent plus donner à leur progéniture, serais-je même tenté de dire), ce qui n’est pas rien, et si l’on s’en réfère au témoignage de NSE publié le 17 juin dans votre billet « Black lives matter… what about the others ? » les élèves noirs portant des prénoms chrétiens s’en sortent mieux que ceux qui n’en portent pas.]
Encore une fois, « votre expérience personnelle » ne peut-être généralisée sans précautions. Les personnes originaires d’Afrique noire chrétienne donnent à leurs enfants non pas des prénoms « bien franchouillards » mais des prénoms chrétiens, ce qui n’a rien d’étonnant. D’ailleurs, certains d’entre eux n’ont rien de « franchouillards » puisque vous-même dites que les Français de souche ne les utilisent plus guère… Il est d’ailleurs possible qu’étant plus proches de la culture judéo-chrétienne – qui est toujours très présente dans notre école – ils réussissent mieux… mais j’aimerais voir des statistiques à ce sujet.
[« Je suis persuadé que si l’institution était intransigeante tant sur les valeurs et savoirs à transmettre que dans son soutien sans faille envers ses fonctionnaires, on en trouverait. C’est surtout la lâcheté de l’institution qui rend la position des fonctionnaires impossible. » J’ai quelques doutes quant au fait que même si on envoyait des instituteurs compétents au casse-pipe, même avec le soutien inconditionnel de l’institution scolaire, que cela changerait quelque chose, compte tenu du fait que ce qu’ils apprendraient à leurs élèves la journée, serait méthodiquement détruit le soir à l’école coranique.]
Pensez à « l’assimilation intérieure » des paysans français à la fin du XIXème siècle. On a envoyé au « casse-pipe » des instituteurs dans les campagnes, où ils se sont trouvés confrontés à l’hostilité des populations attisée par les curés qui dénonçaient « l’école sans dieu ». Ce qu’ils enseignaient était systématiquement critiqué au catéchisme et dénoncé en chaire. Et pourtant ils se sont imposés, tout simplement parce que les connaissances qu’ils transmettaient étaient utiles, parce qu’elles permettaient de sortir de la sujétion et de la misère.
[« Je pense surtout que dans une France qui ne leur offre pas de modèle ou de « roman » auquel s’identifier, ils s’en cherchent un autre et accessoirement sont des proies faciles pour ceux qui sont capables de leur en proposer un. » En somme il n’y a aucune différence fondamentale entre l’allogène qui déteste la France, au point de se livrer à des démonstrations de force et le jeune allemand engagé dans un Einsaztgruppe,]
Là, franchement, vous exagérez. Les Allemands engagés dans un Einzatzgruppe participaient à une politique d’Etat, sous les ordres d’officiers investis de toute la puissance de celui-ci. Les jeunes qui agitent les drapeaux algériens ne sont à ma connaissance sous les ordres d’aucun gouvernement. Et je n’aborde même pas la différence objective entre le fait d’exterminer une population et le fait d’agiter un symbole.
[les deux n’ayant pas eu la chance de bénéficier d’un horizon régulateur particulièrement sain.]
Au contraire : les jeunes Allemands engagés dans les Einzatzgruppe bénéficiaient d’un horizon régulateur particulièrement ferme : celui d’un Etat qui distillat un discours identitaire omniprésent, et encadrait chaque acte de la vie à travers de toutes sortes d’organisations. Les jeunes « allogènes » chez nous sont au contraire laissés sans aucun encadrement, sans aucun discours identitaire républicain. Pas étonnant qu’ils aillent le chercher ailleurs.
[Mais de mon expérience personnelle, il me semble que l’on recrute toujours sur CV et diplômes.]
De plus en plus, on recrute sur contacts et sur réseaux… voire on ne recrute plus du tout : on fait appel à des « auto-entrepreneurs ».
[« Aujourd’hui, envoyer un CV « spontané » offre un rendement quasi nul, même si vous écrivez comme Marcel Proust. » Je crois surtout que si les candidatures spontanées font moins recette aujourd’hui que par le passé, c’est parce qu’avec internet, l’offre et la demande de travail se mettent plus facilement en relation.]
Je ne vois pas le rapport. Vous pouvez envoyer un CV « spontané » par Internet. C’est vous qui me disiez qu’on recrute toujours « sur lettre et CV », non ?
[Un bon réseau vaut bien plus qu’une orthographe parfaite.]
[Petites anecdotes personnelles : mon père, pourtant travaillant dans une prestigieuse entreprise du CAC40 ne s’est pas bougé pour me faire intégrer sa boîte quand je cherchais du travail, alors que je dispose des compétences pour y travailler,]
Certes. Combien de temps avez-vous mis à trouver un poste correspondant à vos compétences sans son aide ? Imaginez un instant que vous n’ayez pas trouvé du travail au bout de plusieurs mois, voire plusieurs années. Aurait-il persisté dans cette attitude, à votre avis ?
Bien entendu, les parents bourgeois ne trouvent pas du travail à leurs enfants quand ceux-ci arrivent à en trouver par leurs propres moyens. La différence apparaît justement quand ils n’arrivent pas à trouver : c’est là que les réseaux font la différence. Et dans certains métiers, on ne trouve pas facilement…
[ou bien j’ai parmi mes relations quelqu’un issu d’une bonne famille bourgeoise, mais compte tenu de son peu d’appétit pour suivre des études supérieures, se retrouve à être vendeur dans une enseigne de prêt-à-porter.]
Pendant combien de temps ?
[« Je vous rappelle qu’une friche industrielle est constructible, ce qui n’est pas le cas des terrains agricoles auxquels vous faites référence. » Mais un terrain agricole, ça peut être reclassé en terrain constructible, et une friche industrielle, il y a pas mal de travaux à entamer avant de la rendre réutilisable. Il a fallut plus de vingt ans avant de réhabiliter l’île Seguin.]
Le reclassement est très difficile en région parisienne, sauf dans le cadre d’opérations collectives conduites par les collectivités locales. Un terrain déjà constructible à Aulnay vaut de l’or. L’Ile Séguin est un cas particulier, parce que l’Ile était totalement couverte de constructions avec un accès particulièrement difficile.
[Les « bonnets rouges », même si leurs méfaits sont bien entendu condamnables, s’en sont pris aux portiques « écotaxe », aux radars automatiques, ou des bâtiments incarnant l’autorité publique, et de ce fait restent dans la grande tradition française des jacqueries.]
J’avoue que j’ai du mal à voir en quoi une agence EDF « incarne l’autorité publique ». Mais si je comprends bien, pour vous détruire les biens publics est acceptable, à condition de rester dans la tradition ?
[Les mauvaises langues feraient justement remarquer que Serge Dassault s’est accoquiné avec les « cités » de Corbeil.]
C’était exactement mon point. Vous souteniez que les « notables » gaulois qui se livraient à des activités légales, contrairement aux « notables » des cités. Serge Dassault est un bon contre-exemple.
[Eh bien va falloir m’expliquer ce qu’il y a de coûteux à arrêter de se demander si lâcher une caisse annule ses ablutions, bref de commencer à réfléchir par soi-même, ce qu’un individu doté d’un minimum de connexions cérébrales fonctionnelles est capable de faire.]
Le coût se trouve dans le risque de l’effondrement des solidarités communautaires. Faire la même chose que votre voisin, aussi irrationnel soit-il, sert justement à garantir ce type de solidarité.
[Donc qui n’a rien à envier à Marseille en terme d’implantation géographique. C’est encore plus flagrant si l’on parle de Barbes. Et je repose ma question : pourquoi demander à certains de s’en prendre qu’à eux-même, tandis que pour d’autres il faut chercher des causes externes à leurs malheurs ?]
Mais de qui parlez-vous. Je ne me souviens pas d’avoir demandé à certains de s’en prendre à eux-mêmes et à chercher des causes externes à d’autres…
@ Descartes,
“Pensez à « l’assimilation intérieure » des paysans français à la fin du XIXème siècle. On a envoyé au « casse-pipe » des instituteurs dans les campagnes, où ils se sont trouvés confrontés à l’hostilité des populations attisée par les curés qui dénonçaient « l’école sans dieu ». Ce qu’ils enseignaient était systématiquement critiqué au catéchisme et dénoncé en chaire. Et pourtant ils se sont imposés, tout simplement parce que les connaissances qu’ils transmettaient étaient utiles, parce qu’elles permettaient de sortir de la sujétion et de la misère.”
Ce n’est pas la première fois que vous convoquez cet exemple, et s’il peut se justifier d’un point de vue rhétorique, il est plus discutable d’un point de vue historique.
D’abord, les instituteurs du XIX° siècle n’arrivent pas sur un terrain totalement vierge: le pouvoir de l’Eglise et l’administration royale puis napoléonienne ont déjà entamé un processus d’uniformisation politique et juridique. De plus, ils arrivent dans une société dont les notables, de fait, sont déjà assimilés. A Versailles, Louis XIV n’a pas seulement domestiqué sa noblesse, il a achevé de la franciser. Sous la Restauration ou la Monarchie de Juillet, Monsieur le Comte, tout nostalgique qu’il soit de la féodalité, fait rarement la promotion du patois local…
Il faut également rappeler que les instituteurs de Jules Ferry arrivent dans une France qui est déchristianisée dans de nombreuses régions. Et là où la société n’était pas déchristianisée (en Bretagne par exemple), eh bien l’instituteur ne s’est pas vraiment imposé et l’école catholique est restée très influente.
Aujourd’hui au contraire, les “notables” (ou ceux qui se prétendent tels, grands frères et caïds) des communautés allogènes jouent à fond la carte du différentialisme. Quant aux notables “républicains” qui tiennent les postes d’élus, ils usent de la même carte pour récolter des voix et favorisent le morcellement de la France. N’oublions pas enfin que l’Eglise catholique, si elle a combattu la République, l’a fait au nom d’une société unie sur d’autres bases, encadrée par une autre institution, et pas au nom d’une vision d’une société tribalisée, éclatée et fragmentée, c’est une différence importante me semble-t-il.
@ nationaliste-ethniciste
[“Pensez à « l’assimilation intérieure » des paysans français à la fin du XIXème siècle. (…) Ce n’est pas la première fois que vous convoquez cet exemple, et s’il peut se justifier d’un point de vue rhétorique, il est plus discutable d’un point de vue historique.]
Je vous trouve sévère. Bien entendu, ce blog n’ayant pas une vocation universitaire, je simplifie un peu les choses pour simplifier. Mais sur le fond, je pense que l’exemple est historiquement pertinent.
[D’abord, les instituteurs du XIX° siècle n’arrivent pas sur un terrain totalement vierge: le pouvoir de l’Eglise et l’administration royale puis napoléonienne ont déjà entamé un processus d’uniformisation politique et juridique. De plus, ils arrivent dans une société dont les notables, de fait, sont déjà assimilés. A Versailles, Louis XIV n’a pas seulement domestiqué sa noblesse, il a achevé de la franciser. Sous la Restauration ou la Monarchie de Juillet, Monsieur le Comte, tout nostalgique qu’il soit de la féodalité, fait rarement la promotion du patois local…]
Je suis tout à fait d’accord. Mais en quoi cela met en cause mon exemple ? La question n’est pas de savoir comment les instituteurs ont été accueillis par les élites, mais comment ils ont été accueillis par les paysans. Beaucoup de notables locaux, surtout dans les régions ou l’église était plus influente, n’ont pas envoyé leurs enfants à l’école publique, préférant le précepteur à domicile ou l’enseignement « libre ». L’effet d’exemple n’était donc pas très présent.
[Il faut également rappeler que les instituteurs de Jules Ferry arrivent dans une France qui est déchristianisée dans de nombreuses régions. Et là où la société n’était pas déchristianisée (en Bretagne par exemple), eh bien l’instituteur ne s’est pas vraiment imposé et l’école catholique est restée très influente.]
Sur ce point, je serais plus nuancé. Il ne faut pas exagérer la portée de la « déchristianisation » de la France au XIXème siècle, et pas seulement en Bretagne. En province et en dehors des villes, l’Eglise conserve un pouvoir considérable. Dans la France paysanne, le baptême, la communion, le mariage et l’extrême onction restent des sacrements dont on n’imagine pas de s’en passer. Il est vrai – et cela traduit une certaine tolérance – que les cas de violence (incendie d’écoles, agression des instituteurs) qui nous sont parvenus restent relativement rares, mais ils existent.
[Aujourd’hui au contraire, les “notables” (ou ceux qui se prétendent tels, grands frères et caïds) des communautés allogènes jouent à fond la carte du différentialisme. Quant aux notables “républicains” qui tiennent les postes d’élus, ils usent de la même carte pour récolter des voix et favorisent le morcellement de la France.]
Cette objection est plus intéressante. Lors de « l’assimilation intérieure » on peut dire qu’une partie des « notables » locaux – celle qui venait des aristocraties en particulier – a pris parti contre l’école et pour les traditions locales. Mais à l’opposé une nouvelle notabilité « Républicaine » engagé à fonds pour l’assimilation prenait une importance croissante. Pour reprendre mon parallèle, il est clair que pour que l’assimilation des allogènes aujourd’hui puisse réussir il faut que les élites républicaines soient totalement engagées dans le combat. Ce qui, je vous l’accorde, relève aujourd’hui du vœu pieu.
[N’oublions pas enfin que l’Eglise catholique, si elle a combattu la République, l’a fait au nom d’une société unie sur d’autres bases, encadrée par une autre institution, et pas au nom d’une vision d’une société tribalisée, éclatée et fragmentée, c’est une différence importante me semble-t-il.]
Je vous l’accorde volontiers. Je n’ai jamais dit que ce serait facile. Mon point, c’est qu’il faut essayer de bien comprendre comment on a réussi l’assimilation intérieure – mais aussi de l’assimilation des étrangers jusqu’aux années 1960 – si l’on veut connaître les conditions de réussite d’une assimilation aujourd’hui. Je pense qu’on trouvera que l’engagement des élites entraînant derrière elles la société toute entière et l’existence d’un vrai contrat d’assimilation, réservant les droits et avantages à ceux qui acceptent de faire le saut, sont les éléments essentiels.
@Descartes
[[Je ne suis pas sûr que le diplôme issu d’une sélection sur dossier ait la même valeur que le diplôme issu d’une sélection sur concours.]
Et bien, vous vous trompez : les recrutés par concours et les recrutés sur dossier reçoivent exactement le même diplôme.]
Personnellement, je n’avais pas eu le même écho, notamment pour l’ENS et l’X. Mais de toutes façons, ça se voit vite sur le CV si quelqu’un est passé par une CPGE ou non.
[[J’ai lu un article dans le journal « Les Échos » que la plus-value des écoles de commerce françaises tient justement à leur recrutement par voie de concours à l’issue de CPGE : (…)]
Vous avez eu une illusion d’optique. L’article ne parle nulle part du « recrutement par concours ». Il vante simplement la qualité de l’enseignement des classes préparatoires, (…)]
Enfin ça me semble évident que lorsque l’on parle de CPGE, implicitement on parle de concours. Après, si la qualité de l’enseignement est importante, le fait que l’étudiant assimile cet enseignement l’est aussi. Donc d’une certaine façon, l’accès à une grande école est le « diplôme » certifiant que les cours dispensés en CPGE ont été assimilés, la valeur de ce « diplôme » augmentant avec la sélectivité de l’école intégrée.
[[Pour peu qu’on s’en donne les moyens, comme en atteste le cas de ma camarade de promotion d’origine turque que j’ai cité précédemment.]
Je crains que vous ne surestimiez considérablement les possibilités des individus appartenant aux couches les moins favorisées de « se donner les moyens » dans des conditions raisonnables.]
Vous voulez dire quoi par « surestimer » et « conditions raisonnables » ? Car jusqu’à la preuve du contraire ça n’est pas par un incroyable concours de circonstances qu’elle s’est trouvée dans une école d’ingénieur, mais tout simplement par le travail qu’elle a fourni durant ses études.
[Si vous voulez quelque chose de plus spectaculaire, je ne peux que vous citer le pogrom antisémite de Sarcelles en 2014, dont l’intention des auteurs ne faisait guère de doutes.]
Sauf que cela n’illustre nullement l’intention de faire partir les « gaulois » (c’était cela le point) ni même de faire partir les juifs. Je n’ai trouvé nulle part trace d’une telle intention.]
C’était quoi alors l’intention lorsqu’il y a eu le pogrom de Sarcelles, faire une déclaration d’amour ?!
Quoi qu’il en soit, c’est particulièrement cocasse de constater que seuls les indigènes et assimilés ont quitté ces quartiers, la où les allogènes sont restés. Je trouve même particulièrement fascinant la capacité qu’ont les allogènes à recréer les cloaques qu’ils sont censés fuir.
[[(…) les élèves noirs portant des prénoms chrétiens s’en sortent mieux que ceux qui n’en portent pas.]
Encore une fois, « votre expérience personnelle » ne peut-être généralisée sans précautions.]
Après on le voit aussi avec le nom des joueurs de l’équipe de France de football. Bizarrement, on voit bien plus de joueurs d’origine subsaharienne porter des prénoms chrétiens que de joueurs d’origine maghrébine.
[D’ailleurs, certains d’entre eux n’ont rien de « franchouillards » puisque vous-même dites que les Français de souche ne les utilisent plus guère…]
Par « franchouillards », j’entendais qui sentent bien la France des années 50 et non la France américanisée des années 90.
[Il est d’ailleurs possible qu’étant plus proches de la culture judéo-chrétienne – qui est toujours très présente dans notre école – ils réussissent mieux…]
C’est cocasse tout de même de constater que les population d’Afrique noire animiste se sont rapprochés de la culture judéo-chrétienne, au point de se convertir au christianisme, alors que ça n’est pas le cas des populations d’Afrique noire islamique.
[[J’ai quelques doutes quant au fait que même si on envoyait des instituteurs compétents au casse-pipe, même avec le soutien inconditionnel de l’institution scolaire, que cela changerait quelque chose, compte tenu du fait que ce qu’ils apprendraient à leurs élèves la journée, serait méthodiquement détruit le soir à l’école coranique.]
Pensez à « l’assimilation intérieure » des paysans français à la fin du XIXème siècle (…)]
En plus de me rallier à l’argumentation développée précédemment par NSE, j’ajoute qu’à la différence de Jacques Soustelle, j’estime qu’il y a bien plus de différences entre un paysan ardéchois et un paysan berbère qu’il ne le pensait. Vous même parlez de la culture judéo-chrétienne des élèves venant d’une partie de l’Afrique noire pour expliquer leur meilleure réussite. Qui plus est, si j’en crois Emmanuel Todd, avant même la Révolution française, le christianisme était déjà en perte de vitesse en France.
L’assimilation a été essayée en Algérie et elle a échoué. Aussi je ne vois aucune raison pour qu’elle marche cette fois-ci en 2020. Concernant le protectorat voisin, avez-vous entendu parler de l’affaire des naturalisés tunisiens ? Pourquoi croyez-vous que le PCC se soit résolu à ne pas utiliser le dos de la cuillère pour régler le problème ouïghour ?
[[En somme il n’y a aucune différence fondamentale entre l’allogène qui déteste la France, au point de se livrer à des démonstrations de force et le jeune allemand engagé dans un Einsaztgruppe,]
Là, franchement, vous exagérez. Les Allemands engagés dans un Einzatzgruppe participaient à une politique d’Etat, sous les ordres d’officiers investis de toute la puissance de celui-ci.]
Et ça change quoi fondamentalement, sachant que dans les deux cas leurs actions sont motivées par une idéologie à laquelle ils adhèrent ?
[Et je n’aborde même pas la différence objective entre le fait d’exterminer une population et le fait d’agiter un symbole.]
Ce sont eux qui se sont lancés dans les analogies douteuses en se comparant à la Wehrmacht, aussi je ne vois pas pourquoi on s’arrêterait en si bon chemin. Qui plus est, je ne pense pas que ça n’est pas l’envie de rééditer les massacres d’Oran qui doit leur manquer, surtout quand on voit les menaces de mort qu’a reçu Mila…
[[les deux n’ayant pas eu la chance de bénéficier d’un horizon régulateur particulièrement sain.]
Au contraire : les jeunes Allemands engagés dans les Einzatzgruppe bénéficiaient d’un horizon régulateur particulièrement ferme]
Ferme mais malsain.
[Pas étonnant qu’ils aillent le chercher ailleurs.]
C’est encore plus grave ai-je envie de dire, puisque personne ne les y oblige à adhérer à ce discours venu d’ailleurs, à la différence des jeunes allemands des années 30. Et le RN a un discours « identitaire républicain ». Pourquoi ne vont-ils pas adhérer à ce discours, surtout que le RN est bien trop heureux d’avoir des militants « issus de la diversité » pour sa stratégie de « dédiabolisation » comme en atteste le cas de Jean Messiha, qui se permet même le luxe d’attaquer « SOS Racisme » pour injures raciales ?
[[Mais de mon expérience personnelle, il me semble que l’on recrute toujours sur CV et diplômes.]
De plus en plus, on recrute sur contacts et sur réseaux…]
Comment font donc les immigrés venant d’extrême-orient pour s’intégrer économiquement ?
[voire on ne recrute plus du tout : on fait appel à des « auto-entrepreneurs ».]
Ça a ses limites le statut d’auto-entrepreneur, qui se résume bien souvent à des travaux à faible valeur ajoutée, pour des prestations fournies à des clients externes sur des missions de courte durée. Et la Cour de Cassation vient récemment de mettre son holà.
[[ Je crois surtout que si les candidatures spontanées font moins recette aujourd’hui que par le passé, c’est parce qu’avec internet, l’offre et la demande de travail se mettent plus facilement en relation.]
Je ne vois pas le rapport. ]
Qu’il est plus facile d’éplucher les offres d’emploi lorsqu’elles sont sur internet que sur papier.
[Vous pouvez envoyer un CV « spontané » par Internet.]
Les candidatures spontanées vont dans un vivier qui sert dans l’éventualité où l’entreprise a du mal à trouver le candidat adéquat.
[Certes. Combien de temps avez-vous mis à trouver un poste correspondant à vos compétences sans son aide ?]
Trois mois.
[(…) Aurait-il persisté dans cette attitude, à votre avis ?]
Oui, surtout qu’il m’a bien fait comprendre qu’il n’avait nullement envie de le faire, car la seule chose qu’il risquait de gagner à cette histoire, c’était d’avoir des emmerdes si mon intégration se serait mal passée. C’était limite même s’il souhaitait que je postule dans sa boîte, tant il voulait ne rien avoir à faire de près ou de loin à cette histoire. Au contraire même, si ma recherche d’emploi serait venue à s’éterniser, il en aurait tiré la conclusion que je ne suis pas assez efficace pour travailler dans son entreprise.
Qui plus est, s’il s’était tout de même résolu à poser ma candidature en haut de la pile de CV, j’aurais quand même eu à effectuer la classique batterie d’entretiens et de tests de recrutements.
[[ou bien j’ai parmi mes relations quelqu’un issu d’une bonne famille bourgeoise, mais compte tenu de son peu d’appétit pour suivre des études supérieures, se retrouve à être vendeur dans une enseigne de prêt-à-porter.]
Pendant combien de temps ?]
Il l’est toujours et semble s’être fait une raison à ce sujet.
[[ Mais un terrain agricole, ça peut être reclassé en terrain constructible, et une friche industrielle, il y a pas mal de travaux à entamer avant de la rendre réutilisable. Il a fallut plus de vingt ans avant de réhabiliter l’île Seguin.]
Le reclassement est très difficile en région parisienne, sauf dans le cadre d’opérations collectives conduites par les collectivités locales. Un terrain déjà constructible à Aulnay vaut de l’or.]
Mais il ne vous aura pas échappé qu’Aulnay-sous-Bois fait l’œuvre d’une opération de grande envergure qu’est le « Grand Paris ». Et pas très loin, il y avait un projet, bien ambitieux qui devait se faire sur des terres agricoles, « EuropaCity », avant que Macron mette son veto à ce projet.
[L’Ile Séguin est un cas particulier, parce que l’Ile était totalement couverte de constructions avec un accès particulièrement difficile.]
Je ne vois pas ce que cela change au fait que l’Île Seguin était entièrement recouverte, quand à son accès difficile, j’en conviens que ça ne facilite pas la tâche, mais pas au point de prendre vingt ans pour la réhabiliter.
[[Les « bonnets rouges », même si leurs méfaits sont bien entendu condamnables, s’en sont pris aux portiques « écotaxe », aux radars automatiques, ou des bâtiments incarnant l’autorité publique, et de ce fait restent dans la grande tradition française des jacqueries.]
J’avoue que j’ai du mal à voir en quoi une agence EDF « incarne l’autorité publique ».]
Je surtout le souvenir que ce sont les radars automatiques et les portiques écotaxes qui ont été vandalisés lors de la révolte des « bonnets rouges ».
[Mais si je comprends bien, pour vous détruire les biens publics est acceptable, à condition de rester dans la tradition ?]
Où est-ce que j’ai dit que c’était acceptable ?
[[Les mauvaises langues feraient justement remarquer que Serge Dassault s’est accoquiné avec les « cités » de Corbeil.]
C’était exactement mon point. Vous souteniez que les « notables » gaulois qui se livraient à des activités légales, contrairement aux « notables » des cités. Serge Dassault est un bon contre-exemple.]
Ah mais Serge Dassault avant son activité politique exerçait une activité professionnelle parfaitement légale, qui était celle de PDG du groupe Dassault Aviation. De quelle activité légale autre qu’un faire-valoir peuvent se prévaloir les caïds ?
[Le coût se trouve dans le risque de l’effondrement des solidarités communautaires.]
Quel besoin de solidarité communautaire quand les robinet des allocations coule à flots en France ou lorsqu’on est traminot à la RATP ?
[Faire la même chose que votre voisin, aussi irrationnel soit-il, sert justement à garantir ce type de solidarité.]
Ah, parce-que la surveillance communautaire est tellement poussée, que même quand ils sont tous seuls à la maison à lâcher une caisse, il y a quelqu’un pour les épier ? Remarque, quand on croit à l’existence des « djinns » …
Bref, vous aurez beau essayer de leur chercher des excuses sociologisantes, il n’en reste pas moins qu’il vivent dans la France au XXIème siècle et non dans la péninsule arabique au VIIème siècle et ce serait bien qu’ils vivent comme dans la France du XXIème siècle et non comme dans la péninsule arabique au VIIème siècle. Et ça n’est certainement à la France de faire l’assistante sociale du lumpenprolétariat venant du tiers-monde. Bref, il vaut mieux pour eux qu’ils s’assimilent TOUT SEULS, car pour moi, la seule méthode étatique acceptable pour les aider à s’assimiler, c’est en leur mettant une joue sur le sol, et l’autre sous une rangers. Et s’ils ne sont pas contents, qu’ils se barrent, point barre.
[[Et je repose ma question : pourquoi demander à certains de s’en prendre qu’à eux-même, tandis que pour d’autres il faut chercher des causes externes à leurs malheurs ?]
Mais de qui parlez-vous. Je ne me souviens pas d’avoir demandé à certains de s’en prendre à eux-mêmes et à chercher des causes externes à d’autres…]
Attendez ! Quand vous dîtes que : « Alors, pourquoi est-ce une ville pauvre ? C’est ce que les marseillais feraient bien de se poser comme question, au lieu de jouer les complexes de supériorité (…) », je suis censé l’interpréter comment ?! Surtout que vous dîtes après que : « Désolé si je suis véhément, mais ayant été en poste à Marseille, je peux vous dire que si la ville est pauvre, c’est aussi la faute des marseillais. » ! Et à côté de cela, vous dites que si les allogènes de s’assimilent pas, c’est parce que la société ne leur offre aucune promotion sociale ou qu’elle n’a aucun message assimilateur à leur véhiculer.
@ François
[« Et bien, vous vous trompez : les recrutés par concours et les recrutés sur dossier reçoivent exactement le même diplôme. » Personnellement, je n’avais pas eu le même écho, notamment pour l’ENS et l’X.]
Dans le cas de l’ENS, l’école ne délivre pas de « diplôme » à proprement parler. Les normaliens portent le titre de « ancien élève de l’ENS », et rentrent dans la fonction publique via les concours d’enseignement (en général l’agrégation). L’entrée par voie parallèle est donc impossible à distinguer de l’entrée par concours. Pour l’X, le diplôme délivré là aussi est le même « ingénieur de l’école polytechnique ».
[Mais de toutes façons, ça se voit vite sur le CV si quelqu’un est passé par une CPGE ou non.]
Pas vraiment. Beaucoup de gens dans leur CV mettent leurs diplômes seulement. Or, les CPGE n’étant pas diplômantes, on omet en général cette mention. Le fait de ne pas mentionner les CPGE ne permet donc pas de déduire que le candidat est rentré par une voie « parallèle »…
[Enfin ça me semble évident que lorsque l’on parle de CPGE, implicitement on parle de concours.]
Pas nécessairement. Certains candidats échouent au concours, et rentrent ensuite à l’école convoitée par des voies « parallèles »…
[« Je crains que vous ne surestimiez considérablement les possibilités des individus appartenant aux couches les moins favorisées de « se donner les moyens » dans des conditions raisonnables. » Vous voulez dire quoi par « surestimer » et « conditions raisonnables » ?]
Je pensais avoir été clair : s’il est toujours possible aux couches les moins favorisées de « se donner les moyens » de réussir un concours, dans beaucoup de cas cela impliquerait un effort inhumain, qu’on ne peut « raisonnablement » demander. Et si l’on peut considérer un individu responsable de ses choix, il est difficile d’invoquer une telle responsabilité lorsque le « bon choix » implique des efforts qui dépassent ce qu’on peut demander raisonnablement à un être humain.
[Car jusqu’à la preuve du contraire ça n’est pas par un incroyable concours de circonstances qu’elle s’est trouvée dans une école d’ingénieur, mais tout simplement par le travail qu’elle a fourni durant ses études.]
Elle, peut-être pas. Mais le raisonnement « si elle a pu, pourquoi pas les autres » est un raisonnement dangereux : il faudrait regarder ce que dans le cas de votre exemple a permis un tel succès. Etait-elle issue d’une famille nombreuse ? Quel était le niveau d’études de ses parents ? De quelles conditions de logement a-t-elle bénéficié ? Comment se plaçait son domicile dans la carte scolaire ? Ses parents ont connu des longues périodes de chômage ? Bien sûr, lorsque l’alignement des planètes est bon, il est parfaitement possible à un fils d’ouvrier qui est doué et fait des efforts d’entrer à Polytechnique. Mais cela ne permet pas de dire que si les autres ne rentrent pas, c’est de leur faute.
[« Sauf que cela n’illustre nullement l’intention de faire partir les « gaulois » (c’était cela le point) ni même de faire partir les juifs. Je n’ai trouvé nulle part trace d’une telle intention. » C’était quoi alors l’intention lorsqu’il y a eu le pogrom de Sarcelles, ]
A vous de me le dire. Mais vous ne pouvez pas inférer une intention sans avoir aucun élément objectif pour vous appuyer. Il y a d’ailleurs beaucoup de « pogroms » dont le but n’était nullement de « faire partir » une minorité, mais plutôt de la maintenir dans un statut inférieur où à les forcer à adopter certains comportements. Ainsi, les persécutions contre les juifs pendant le moyen-âge visaient d’abord à les convertir, et seulement en dernière instance on a eu recours à l’expulsion.
[Quoi qu’il en soit, c’est particulièrement cocasse de constater que seuls les indigènes et assimilés ont quitté ces quartiers, là où les allogènes sont restés. Je trouve même particulièrement fascinant la capacité qu’ont les allogènes à recréer les cloaques qu’ils sont censés fuir.]
Votre « fascination » mérite d’être nuancée. Si les « allogènes » ont pu récréer en partie une vie semblable à celle « du pays », c’est aussi parce qu’après l’abandon des logiques d’assimilation il y a eu une politique systématique de regroupement des « allogènes » dans certaines quartiers et communes, et de paupérisation et ghettoïsation des quartiers et communes en question. Une politique que le PCF, qui est resté l’un des derniers bastions « assimilationnistes », a dénoncé très tôt : souvenez-vous de l’affaire dite « du bulldozer de Vitry », ou le maire de Vitry Paul Mercieca a réagi à une tentative de déplacer un foyer d’immigrés de la riche commune de Saint-Maur vers la sienne.
Si l’on commence à chercher des responsables, il faut se demander qui doit porter celle d’avoir débranché les politiques d’assimilation, pour se contenter d’une vague « intégration » qui faisait la part belle aux ghettos communautaires. Et surtout pourquoi… parce que le crime profite clairement aux classes intermédiaires.
[Après on le voit aussi avec le nom des joueurs de l’équipe de France de football. Bizarrement, on voit bien plus de joueurs d’origine subsaharienne porter des prénoms chrétiens que de joueurs d’origine maghrébine.]
Je ne saisis pas le rapport avec votre affirmation selon laquelle « les élèves noirs portant des prénoms chrétiens s’en sortent mieux que ceux qui n’en portent pas ». Vous trouvez que Zinedine s’en sort plus mal que Kylian ?
[« Il est d’ailleurs possible qu’étant plus proches de la culture judéo-chrétienne – qui est toujours très présente dans notre école – ils réussissent mieux… » C’est cocasse tout de même de constater que les population d’Afrique noire animiste se sont rapprochés de la culture judéo-chrétienne, au point de se convertir au christianisme, alors que ça n’est pas le cas des populations d’Afrique noire islamique.]
Je ne vois pas ce qu’il y a de « cocasse ». L’islam s’est construit historiquement en opposition au judaïsme et au christianisme, alors que l’animisme est une forme religieuse beaucoup plus ancienne.
[En plus de me rallier à l’argumentation développée précédemment par NSE, j’ajoute qu’à la différence de Jacques Soustelle, j’estime qu’il y a bien plus de différences entre un paysan ardéchois et un paysan berbère qu’il ne le pensait. Vous-même parlez de la culture judéo-chrétienne des élèves venant d’une partie de l’Afrique noire pour expliquer leur meilleure réussite. Qui plus est, si j’en crois Emmanuel Todd, avant même la Révolution française, le christianisme était déjà en perte de vitesse en France.]
Que l’Eglise catholique fut en perte de vitesse, c’est probable. Mais cela n’implique nullement que la tradition judéo-chretienne ait perdu de son influence. Les institutions révolutionnaires ou même napoléoniennes ont beau être largement laïques, elles restent influencées cette tradition. Prenez par exemple le mariage tel que décrit dans le Code civil : il reste strictement monogame, il ne peut être dissout que par le juge (la répudiation est impossible) et reste soumis à un cérémonial particulier, tous éléments qui rappellent furieusement la tradition catholique.
[L’assimilation a été essayée en Algérie et elle a échoué.]
Non. L’administration française en Algérie a maintenu le « statut personnel » musulman, qui est l’exact contraire de l’assimilation. Seuls les juifs algériens ont été « assimilés » de force dans un cadre volontariste par le décret Cremieux, et on peut dire que cette assimilation a largement fonctionné.
[Aussi je ne vois aucune raison pour qu’elle marche cette fois-ci en 2020. Concernant le protectorat voisin, avez-vous entendu parler de l’affaire des naturalisés tunisiens ? Pourquoi croyez-vous que le PCC se soit résolu à ne pas utiliser le dos de la cuillère pour régler le problème ouïghour ?]
J’avoue que je ne vois pas très bien de quoi vous parlez.
[« Là, franchement, vous exagérez. Les Allemands engagés dans un Einzatzgruppe participaient à une politique d’Etat, sous les ordres d’officiers investis de toute la puissance de celui-ci. » Et ça change quoi fondamentalement, sachant que dans les deux cas leurs actions sont motivées par une idéologie à laquelle ils adhèrent ?]
Si vous ne voyez pas la différence entre le fait d’agir dans le cadre d’une politique d’Etat, investie donc de toute la puissance de « violence légitime » de celui-ci, et le fait d’agir dans le cadre d’une position privée, je vois mal ce que je pourrais rajouter.
[« Et je n’aborde même pas la différence objective entre le fait d’exterminer une population et le fait d’agiter un symbole. » Ce sont eux qui se sont lancés dans les analogies douteuses (…)]
Je laisse les « c’est lui qui a commencé » aux débats de cour de récréation.
[C’est encore plus grave ai-je envie de dire, puisque personne ne les y oblige à adhérer à ce discours venu d’ailleurs, à la différence des jeunes allemands des années 30.]
Au contraire : ils sont pratiquement obligés à adhérer à ce discours, tout simplement parce qu’on ne leur propose aucun autre. Depuis que la société française a abandonné le discours de l’assimilation, à quoi voulez-vous que ces gens se raccrochent ? On leur explique que la France est raciste, qu’ils doivent être « fiers » de leurs origines, qu’il faut qu’ils se défendent en tant que communauté… comment voulez-vous qu’ils résistent ?
[Et le RN a un discours « identitaire républicain ». Pourquoi ne vont-ils pas adhérer à ce discours, surtout que le RN est bien trop heureux d’avoir des militants « issus de la diversité » pour sa stratégie de « dédiabolisation » comme en atteste le cas de Jean Messiha, qui se permet même le luxe d’attaquer « SOS Racisme » pour injures raciales ?]
Parce que le RN reste trop « diabolisé » par le discours officiel. Mais donnez-leur quelques années, et je suis persuadé que si le RN reste sur une ligne « social-souverainiste » il recueillera une part de plus en plus important du vote des étrangers et descendants d’étrangers assimilés, et qui auront marre qu’on les confonde avec les non-assimilés. Cela a d’ailleurs déjà commencé.
[« Mais de mon expérience personnelle, il me semble que l’on recrute toujours sur CV et diplômes.]
De plus en plus, on recrute sur contacts et sur réseaux… » Comment font donc les immigrés venant d’Extrême-Orient pour s’intégrer économiquement ?]
D’une part, parce qu’ils ont des réseaux « commerciaux » puissants. D’autre part, parce que venant d’une culture très proche à la nôtre par ses valeurs, ils sont très bien armés pour exploiter les ressources de promotion sociale méritocratiques que notre société continue à offrir malgré tout.
[« « Je crois surtout que si les candidatures spontanées font moins recette aujourd’hui que par le passé, c’est parce qu’avec internet, l’offre et la demande de travail se mettent plus facilement en relation. » » « Je ne vois pas le rapport. » Qu’il est plus facile d’éplucher les offres d’emploi lorsqu’elles sont sur internet que sur papier.]
Et alors ? Une candidature spontanée peut être envoyée par internet autant que par courrier papier.
[« Certes. Combien de temps avez-vous mis à trouver un poste correspondant à vos compétences sans son aide ? » Trois mois.]
Je conçois que votre père ait résisté à la tentation de vous trouver un poste pendant trois mois. Mais j’imagine qu’il aurait fait ce qu’il fallait pour vous obtenir un poste dans l’entreprise où il travaillait si au bout d’un an ou deux vous n’aviez rien trouvé.
[Au contraire même, si ma recherche d’emploi serait venue à s’éterniser, il en aurait tiré la conclusion que je ne suis pas assez efficace pour travailler dans son entreprise.]
J’ai du mal à croire que votre père aurait préféré vous laisser végéter en fin de droits plutôt que de chercher à vous obtenir un poste en utilisant son réseau – dans son entreprise ou ailleurs. Mais de toute façon, la question est oiseuse puisque vous avez eu un poste rapidement sans qu’il ait eu besoin de résoudre ce dilemme.
[Qui plus est, s’il s’était tout de même résolu à poser ma candidature en haut de la pile de CV, j’aurais quand même eu à effectuer la classique batterie d’entretiens et de tests de recrutements.]
Peut-être. Mais vous admettrez que s’il avait usé de son influence, votre chance d’être choisi à l’issue de cette procédure aurait été supérieure à celle d’un candidat qui n’aurait pas bénéficié d’un appui.
[« Pendant combien de temps ? » Il l’est toujours et semble s’être fait une raison à ce sujet.]
Vous n’avez pas répondu à la question.
[« L’Ile Séguin est un cas particulier, parce que l’Ile était totalement couverte de constructions avec un accès particulièrement difficile. » Je ne vois pas ce que cela change au fait que l’Île Seguin était entièrement recouverte,]
Cela pose des questions très complexes quant à sa stabilisation lorsque ces constructions sont démolies, et à sa dépollution.
[« J’avoue que j’ai du mal à voir en quoi une agence EDF « incarne l’autorité publique ». » Je surtout le souvenir que ce sont les radars automatiques et les portiques écotaxes qui ont été vandalisés lors de la révolte des « bonnets rouges ».]
[« C’était exactement mon point. Vous souteniez que les « notables » gaulois qui se livraient à des activités légales, contrairement aux « notables » des cités. Serge Dassault est un bon contre-exemple. » Ah mais Serge Dassault avant son activité politique exerçait une activité professionnelle parfaitement légale, qui était celle de PDG du groupe Dassault Aviation. De quelle activité légale autre qu’un faire-valoir peuvent se prévaloir les caïds ?]
Quand Serge Dassault exerçait une activité légale, il n’était pas un « caïd ». Il l’est devenu grâce à des activités illégales – l’achat de voix. Je suis persuadé qu’il existe dans les quartiers des gens qui exercent des activités légales, et qui ne sont pas des caïds…
[Quel besoin de solidarité communautaire quand les robinets des allocations coule à flots en France ou lorsqu’on est traminot à la RATP ?]
Quand votre voisin fait trop de bruit, quand votre fille se fait molester, quand vous avez besoin de trouver quelqu’un pour réparer votre voiture sans vous escroquer, la solidarité communautaire est très, très utile. Bénéficier des allocations ou être traminot à la RATP ne résout pas nécessairement les problèmes de la vie quotidienne.
[« Faire la même chose que votre voisin, aussi irrationnel soit-il, sert justement à garantir ce type de solidarité. » Ah, parce-que la surveillance communautaire est tellement poussée, que même quand ils sont tous seuls à la maison à lâcher une caisse, il y a quelqu’un pour les épier ?]
Et qu’est-ce que vous en savez, de ce qu’ils font lorsqu’ils sont tous seuls à la maison ?
[Bref, vous aurez beau essayer de leur chercher des excuses sociologisantes,]
Je me contente de chercher à comprendre… je n’ai rien à « excuser ».
[il n’en reste pas moins qu’il vivent dans la France au XXIème siècle et non dans la péninsule arabique au VIIème siècle et ce serait bien qu’ils vivent comme dans la France du XXIème siècle et non comme dans la péninsule arabique au VIIème siècle.]
Ce serait bien, oui. Reste à comprendre pourquoi ce qui vous paraît évident à vous ne leur paraît pas évident à eux. Décréter qu’ils ne comprennent rien et qu’ils sont des crétins finis peut être satisfaisant pour vous, mais ne fait pas beaucoup avancer le schmilblick.
[Attendez ! Quand vous dîtes que : « Alors, pourquoi est-ce une ville pauvre ? C’est ce que les marseillais feraient bien de se poser comme question, au lieu de jouer les complexes de supériorité (…) », je suis censé l’interpréter comment ?!]
Je pense que c’est assez évident. Marseille est une ville pauvre d’abord parce qu’elle est mitée par la corruption et le clientélisme. Parce qu’un ouvrage public qui coûte 1 M€ à Lille coûte 2 M€ à Marseille – c’est la Cour des Comptes qui l’avait constaté, notez-le bien – et encore, le chantier prend deux fois plus de temps et quand il est fini on observe des malfaçons sans nombre. Si les marseillais se demandaient ce qui ne va pas chez eux au lieu de passer leur temps à jouer à Caliméro, on n’en serait pas là.
[Surtout que vous dîtes après que : « Désolé si je suis véhément, mais ayant été en poste à Marseille, je peux vous dire que si la ville est pauvre, c’est aussi la faute des marseillais. » ! Et à côté de cela, vous dites que si les allogènes de s’assimilent pas, c’est parce que la société ne leur offre aucune promotion sociale ou qu’elle n’a aucun message assimilateur à leur véhiculer.]
J’avoue que je ne saisis pas le rapport.
@ Descartes,
“Marseille est une ville pauvre d’abord parce qu’elle est mitée par la corruption et le clientélisme.”
Je vais être honnête: je ne connais pas du tout Marseille.
Je me risquerai pourtant à vous contredire: Marseille a été une ville riche et prospère au XIX° et jusqu’au milieu du XX° siècle. Il y avait de nombreuses industries à Marseille et la ville était la porte d’entrée de l’empire, non seulement des colonies d’Afrique du nord (Tunisie, Algérie, je crois même qu’on disait un temps qu’Alger était la banlieue de Marseille) mais aussi de l’Indochine par le canal de Suez (contrôlé par une entreprise anglo-française jusqu’à la nationalisation de Nasser). Mon arrière-grand-père, juste après la guerre, avait acheté un camion et faisait du fret depuis l’Allier jusqu’à Marseille d’où il ramenait des produits de l’industrie locale (pâtes, savons,…). Certains films français d’après-guerre se font aussi l’écho d’une relative prospérité.
Et cependant la corruption et le clientélisme étaient déjà là, car ils sont présents depuis longtemps. Le fameux “milieu marseillais” n’est pas né avec la paupérisation de la ville, il existait avant (on voit d’ailleurs la pègre marseillaise jouer un rôle notable dans la collaboration ou dans la résistance pendant l’Occupation).
Je pense que Marseille d’abord a perdu une part de sa prospérité avec la fin de l’empire colonial, avant de souffrir de la désindustrialisation généralisée de la France. La corruption et le clientélisme ne font qu’aggraver un problème qu’ils n’ont pas créé.
Dans ce contexte de déclin économique, la ville a de surcroît accueilli d’importantes populations de rapatriés d’Algérie et d’immigrés du Maghreb alors qu’elle n’avait plus le dynamisme économique pour leur offrir des perspectives. C’est d’ailleurs le drame de la France: beaucoup d’immigrés y viennent parce qu’ils pensent arriver dans le pays tel qu’il était il y a quarante ou cinquante ans. Et ils finissent trafiquants ou livreurs pour “Uber eats”…
@ nationaliste-ethniciste
[Je me risquerai pourtant à vous contredire: Marseille a été une ville riche et prospère au XIX° et jusqu’au milieu du XX° siècle. Il y avait de nombreuses industries à Marseille et la ville était la porte d’entrée de l’empire, non seulement des colonies d’Afrique du nord (Tunisie, Algérie, je crois même qu’on disait un temps qu’Alger était la banlieue de Marseille) mais aussi de l’Indochine par le canal de Suez (contrôlé par une entreprise anglo-française jusqu’à la nationalisation de Nasser). Mon arrière-grand-père, juste après la guerre, avait acheté un camion et faisait du fret depuis l’Allier jusqu’à Marseille d’où il ramenait des produits de l’industrie locale (pâtes, savons,…). Certains films français d’après-guerre se font aussi l’écho d’une relative prospérité.]
Très relative. Aux XIXème et XXème siècle, Marseille est une ville très ACTIVE, mais cela ne veut pas dire une ville RICHE. Quand vous visitez Nantes ou Bordeaux, vous voyez les splendides maisons des armateurs et des bourgeois. C’est beaucoup moins évident à Marseille, qui ressemble de ce point de vue beaucoup plus à Le Havre qu’à Bordeaux. On connait une grande bourgeoisie parisienne, lyonnaise, bordelaise, et même lilloise, mais pas marseillaise. Beaucoup de richesse passait à travers de Marseille, mais il n’en restait que relativement peu dans la ville. Les capitaux qui faisaient tourner le commerce colonial étaient ailleurs.
[Je pense que Marseille d’abord a perdu une part de sa prospérité avec la fin de l’empire colonial, avant de souffrir de la désindustrialisation généralisée de la France. La corruption et le clientélisme ne font qu’aggraver un problème qu’ils n’ont pas créé.]
Jusqu’à un certain point, je suis d’accord avec vous. Mais jusqu’à un certain point seulement : par sa position géographique, Marseille avait pas mal d’atouts pour trouver des activités de substitution au commerce colonial et même la désindustrialisation. Beaucoup de ces opportunités ont été gâchées par la corruption et le clientélisme.
[Dans ce contexte de déclin économique, la ville a de surcroît accueilli d’importantes populations de rapatriés d’Algérie et d’immigrés du Maghreb alors qu’elle n’avait plus le dynamisme économique pour leur offrir des perspectives. C’est d’ailleurs le drame de la France: beaucoup d’immigrés y viennent parce qu’ils pensent arriver dans le pays tel qu’il était il y a quarante ou cinquante ans. Et ils finissent trafiquants ou livreurs pour “Uber eats”…]
Ca… remarquez, si ça continue, notre attractivité ne peut que diminuer !
@ François
Bonjour,
[Enfin il va falloir m’expliquer comment ça se fait que les immigrés d’Extrême-Orient réussissent à s’assimiler, surpassant même les écoliers français natifs en termes de performances scolaires.]
Question complémentaire à partir d’une observation empirique de plusieurs années sur les chaines TV: de nombreuses femmes d’origine maghrébine interviennent en tant qu’intellectuelles ou professions à haute valeur ajoutée et s’expriment dans un français impeccable. Leurs homologues masculins me paraissent bien moins nombreux. L’origine géographique n’est pas là un facteur déterminant semble-t-il. J’imagine qu’avec la “pudeur” de nos lois sur la question ethnique, il est difficile de trouver des études exhaustives traitant du sujet. La culture liée à l’islam serait-elle pour quelque chose dans ce constat ?
@ Marcailloux
[Question complémentaire à partir d’une observation empirique de plusieurs années sur les chaines TV: de nombreuses femmes d’origine maghrébine interviennent en tant qu’intellectuelles ou professions à haute valeur ajoutée et s’expriment dans un français impeccable. Leurs homologues masculins me paraissent bien moins nombreux. L’origine géographique n’est pas là un facteur déterminant semble-t-il. J’imagine qu’avec la “pudeur” de nos lois sur la question ethnique, il est difficile de trouver des études exhaustives traitant du sujet. La culture liée à l’islam serait-elle pour quelque chose dans ce constat ?]
Mais bien entendu. Ce n’est pas tant la « culture liée à l’Islam » que la façon dont notre société réagit à cette « culture ». Le fait est que la pression assimilatrice est beaucoup plus forte sur les filles que sur les garçons. Pensez aux débats sur le voile : pourquoi n’y a-t-il pas un débat équivalent sur le port du kamis ou d’autres tenues « ethniques » masculines ? Pourquoi estime-t-on que les filles d’origine étrangère sont aliénées à leur culture et qu’il importe de les libérer des contraintes qu’elle leur impose, et on n’a pas le même raisonnement vis-à-vis des garçons, qui sont tout aussi contraints par le rôle que leur culture leur impose ?
Le point que vous soulevez me confirme dans l’idée que c’est la pression assimilatrice qui fait la différence. Pour les femmes musulmanes, le pacte fondamental qui est derrière toute politique d’assimilation – à savoir, l’abandon des règles de la culture d’origine en échange des opportunités offertes par la culture d’accueil – reste avantageux du fait d’une véritable discrimination positive en leur faveur. Pas pour les garçons.
@Descartes,
[Le point que vous soulevez me confirme dans l’idée que c’est la pression assimilatrice qui fait la différence. Pour les femmes musulmanes, le pacte fondamental qui est derrière toute politique d’assimilation – à savoir, l’abandon des règles de la culture d’origine en échange des opportunités offertes par la culture d’accueil – reste avantageux du fait d’une véritable discrimination positive en leur faveur. Pas pour les garçons.]
Et bien, j’aurais tendance à dire que l’assimilation, telle qu’elle toujours existé depuis Clovis, c’est surtout le mariage des enfants d’immigrés nés sur le sol français avec d’autres enfants français du cru; en gros, c’est l’exogamie.
Seulement l’islam refuse toute exogamie, particulièrement celle des femmes musulmanes, et le voile islamique en est justement le symbole: au bout de presque trois générations, de plus en plus de “Françaises” musulmanes l’adoptent, ce qui n’est pas précisément un signe de respect de nos moeurs, alors que les Français le détestent toujours autant!!!!
Quant au kémi, porté dans nos “banlieues” uniquement par les salafistes et autres quiétistes, je ne le vois pas trop souvent en ville et dans les bureaux, contrairement aux hidjabs qui se répandent comme une traînée de poutre, à mon plus grand agacement😤, et ce afin de complaire à cette foutue politique de la diversité en entreprise…
D’une façon générale, je suis de plus en plus enclin à penser que le terme “Français musulman” est un oxymore, car l’assimilation aux moeurs françaises pour un “pieux” musulman reviendrait à abjurer sa foi…
Vous parlez souvent de pression assimilatrice, mais en 2020, de quoi voulez-vous parler? 35 ans d’anti-racisme, de haine de soi et d’abdication de souveraineté (pour instaurer une “souveraineté européenne”) ont mis par terre toute possibilité de “faire des Français”, comme on disait dans le temps.
Désormais, chez les descendants d’immigrés, qui dit “Français” dit “raciste”, et bien que le “stock” des citoyens français de confession musulmane qui vivent sur notre sol se disent encore “Français”, ce n’est pas du tout le cas du “flux” des nouveaux entrants, dont on voit chaque jour le comportement incivique et de défi envers l’Etat et surtout le reste des Français.
A plusieurs reprises, nous avons évoqué nos désaccords sur cette question, et ce parce que je vous trouve bien optimiste: où est la volonté des Français de sauver leurs moeurs, leur civilisation, leur langue, leur NATION, quand vous élisez des gouvernements anti-français qui sont complaisants avec des éléments sécessionnistes?
Pour être concret, en quoi consisterait, selon vous, le retour d’une politique d’assimilation en 2020, compte-tenu des limites que j’ai évoquées plus haut?
@ CVT
[Et bien, j’aurais tendance à dire que l’assimilation, telle qu’elle toujours existé depuis Clovis, c’est surtout le mariage des enfants d’immigrés nés sur le sol français avec d’autres enfants français du cru ; en gros, c’est l’exogamie.]
Oui et non. On utilise souvent l’exogamie comme indicateur parce que c’est le seul que nous ayons sur une très longue durée, grâce aux registres de baptême et de mariage, alors que nous savons peu de la manière dont les nouveaux arrivés incorporaient ou non la culture du pays d’accueil. Mais vous avez beaucoup de populations « françaises du cru » qui sont restés endogames très longtemps : pensez par exemple aux bretons, qui même « émigrés » dans d’autres régions de France revenaient en Bretagne pour trouver des épouses. C’était aussi le cas des juifs français, qui pendant des siècles ont pratique une endogamie assez stricte.
L’endogamie est une réaction naturelle. Nous aimerions que nos enfants épousent quelqu’un qui nous ressemble, qui a les mêmes références, qui comprend nos plaisanteries, qui s’inscrit dans la même « petite histoire » que nous. C’est pourquoi il existe une endogamie « communautaire » y compris parmi les « français de souche » ou des communautés immigrées parfaitement assimilées.
[Seulement l’islam refuse toute exogamie, particulièrement celle des femmes musulmanes, et le voile islamique en est justement le symbole : au bout de presque trois générations, de plus en plus de “Françaises” musulmanes l’adoptent, ce qui n’est pas précisément un signe de respect de nos mœurs, alors que les Français le détestent toujours autant !!!!]
Je ne vois pas bien le rapport entre le voile islamique et l’exogamie. Il y a beaucoup de communautés dont les femmes ne portent aucun signe distinctif et qui pourtant refusent l’exogamie, et à l’inverse vous trouverez des femmes « françaises de souche » qui se marient avec des musulmans et portent ensuite le voile. Entre parenthèses, vous noterez que le catholicisme interdit l’exogamie autant que l’Islam : ce n’est que très récemment qu’on admet – et encore, pas partout – le mariage religieux entre un chrétien et un non-chrétien.
[Quant au kémi, porté dans nos “banlieues” uniquement par les salafistes et autres quiétistes, je ne le vois pas trop souvent en ville et dans les bureaux, contrairement aux hidjabs qui se répandent comme une traînée de poutre, à mon plus grand agacement😤, et ce afin de complaire à cette foutue politique de la diversité en entreprise…]
Si vous comptez les kémis, les djellabas, les pantalons « à l’afghane » et autres tenues « ethniques », je peux vous dire que dans mon quartier tout au moins elles sont aussi courantes que les voiles. Et pourtant personne ne s’en formalise. Pourquoi, à votre avis ? Pourquoi le voile est vu par beaucoup de Français comme le symbole d’une aliénation, et pas les tenues traditionnelles masculines ?
[D’une façon générale, je suis de plus en plus enclin à penser que le terme “Français musulman” est un oxymore, car l’assimilation aux moeurs françaises pour un “pieux” musulman reviendrait à abjurer sa foi…]
L’abjurer, non. Mais la réinterpréter, oui. De la même manière que les chrétiens et les juifs ont réinterprété leur religion pour s’adapter à la vision laïque. Là non plus, ça n’allait pas de soi et là aussi ça a demandé des siècles de combat. Bien sûr, c’était plus facile pour les chrétiens parce que le contexte de la naissance du christianisme a rendu immédiatement nécessaire une forme de séparation du civil et du religieux (« donnez à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu »), et pour les juifs parce que l’habitude de la persécution rendait l’assimilation très désirable. Mais il ne faudrait pas tout de même oublier qu’il y a de nombreux musulmans en France qui sont parfaitement assimilés.
[Vous parlez souvent de pression assimilatrice, mais en 2020, de quoi voulez-vous parler? 35 ans d’anti-racisme, de haine de soi et d’abdication de souveraineté (pour instaurer une “souveraineté européenne”) ont mis par terre toute possibilité de “faire des Français”, comme on disait dans le temps.]
Je ne le pense pas. Paraphrasant mongénéral, dans mille ans il n’y aura plus d’Union européenne, mais il y aura toujours une France. Il faut savoir faire la différence entre le permanent et le contingent. Les idéologies « diversitaires » sont une mode, qui passera comme toutes les autres dès lors que les classes dominantes n’y trouveront plus d’avantage à la pousser. Ce qui commence d’ailleurs à être le cas. Bien entendu, le retour des politiques d’assimilation ne se fera pas tout seul. Ce sera un combat. Mais je suis persuadé qu’il est gagnable.
[Pour être concret, en quoi consisterait, selon vous, le retour d’une politique d’assimilation en 2020, compte-tenu des limites que j’ai évoquées plus haut?]
Pour moi, concrètement, le retour à une politique assimilationniste implique rétablir le « pacte » fondamental qui sous-tend l’assimilation, c’est-à-dire, celui qui accepte le reniement symbolique qui consiste à faire sienne la culture de la société d’accueil reçoit en contrepartie les mêmes opportunités – en termes d’éducation, de promotion sociale, d’accès à l’emploi – que les natifs. Cela suppose un investissement éducatif massif, un retour à la promotion sociale au mérite. Ce n’est qu’ensuite que la société est légitime à exercer une pression assimilatrice. Une assimilation qui n’offre que des contraintes et aucun avantage n’a aucune chance d’être acceptée.
La difficulté, c’est que la promotion sociale au mérite attaque le cœur des intérêts des classes intermédiaires. Si la promotion se fait au mérite, alors les enfants des classes intermédiaires ne sont plus assurés de retrouver la position de leurs parents. Car contrairement aux bourgeois, qui héritent directement la position de leurs parents, les classes intermédiaires doivent le reconstituer à chaque génération : le fils de Dassault est sûr d’être PDG après son père, le fils de Bourdieu ne peut récupérer le poste de professeur au Collège de France que par deux moyens : le mérite ou le reseau. Si vous ne laissez plus que le mérite, alors il lui faudra bosser… et même ainsi, rien n’est sûr, parce que le talent ne s’hérite pas.
@ Descartes
«[Mais bien entendu. Ce n’est pas tant la « culture liée à l’Islam » que la façon dont notre société réagit à cette « culture ». Le fait est que la pression assimilatrice est beaucoup plus forte sur les filles que sur les garçons. Pensez aux débats sur le voile : pourquoi n’y a-t-il pas un débat équivalent sur le port du kamis ou d’autres tenues « ethniques » masculines ? Pourquoi estime-t-on que les filles d’origine étrangère sont aliénées à leur culture et qu’il importe de les libérer des contraintes qu’elle leur impose, et on n’a pas le même raisonnement vis-à-vis des garçons, qui sont tout aussi contraints par le rôle que leur culture leur impose ?
Le point que vous soulevez me confirme dans l’idée que c’est la pression assimilatrice qui fait la différence. Pour les femmes musulmanes, le pacte fondamental qui est derrière toute politique d’assimilation – à savoir, l’abandon des règles de la culture d’origine en échange des opportunités offertes par la culture d’accueil – reste avantageux du fait d’une véritable discrimination positive en leur faveur. Pas pour les garçons.]
Franchement, je trouve votre raisonnement un peu bizarre : vous semblez considérer que seule la pression assimilatrice de la société française explique la meilleure intégration des filles mais je pense moi que cela s’explique surtout par des raisons intrinsèques à la culture arabo-musulmane. De par le statut très inférieur qui est réservé dans cette culture les filles ont tout intérêt à s’en échapper alors que les garçons qui bénéficient d’un statut privilégié beaucoup moins.
D’ailleurs dans les débats sur le voile, il n’y avait pas que l’argument religieux, l’argument féministe (il est un symbole d’asservissement de la femme) a aussi joué un grand rôle. D’autre part le kamis n’est pas une prescription religieuse que je sache et n’est pas un signe d’asservissement du sexe masculin.
Dans l’intégration des communautés issues de l’immigration il n’y a pas que le bâton, la carotte joue aussi son rôle. Pourquoi les garçons abandonneraient-ils une culture où ils sont privilégiés ? Pourquoi feraient-ils des études alors qu’ils voient que beaucoup de ceux qui ont fait des études supérieures n’arrivent pas à trouver un emploi à la hauteur de leurs aspirations et qu’on gagne plus en dealant ?
@ cd
[Franchement, je trouve votre raisonnement un peu bizarre : vous semblez considérer que seule la pression assimilatrice de la société française explique la meilleure intégration des filles mais je pense moi que cela s’explique surtout par des raisons intrinsèques à la culture arabo-musulmane. De par le statut très inférieur qui est réservé dans cette culture les filles ont tout intérêt à s’en échapper alors que les garçons qui bénéficient d’un statut privilégié beaucoup moins.]
Votre raisonnement présente un problème : il conduirait à conclure que les groupes auxquels on réserve un statut « inférieur » dans une culture et qui ont donc intérêt à y échapper devraient présenter une meilleure intégration au système scolaire. Est-ce le cas ? Pensez par exemple aux fils d’ouvriers. Dans notre société, ils ont un statut « inférieur » aux fils de bourgeois et donc tout intérêt à s’échapper de leur condition. Et pourtant, on ne peut pas dire que leurs résultats scolaires soient meilleurs que ceux des bourgeois… Non. Si dans la culture musulmane les garçons partent de plus haut que les filles, leur intérêt est de conserver cette avance en réussissant à l’école, au lieu de se faire rattraper.
Je persiste : pour les filles d’origine musulmane, la pression assimilatrice est bien plus forte que pour les garçons. Que ce soit côté bâton – pensez par exemple aux lois contre le voile – ou côté carotte – discrimination positive qui ne dit pas son nom. C’est flagrant dans la fonction publique : chaque fois qu’un poste intéressant se libère, on vous demande de trouver des candidats femmes et de préférence appartenant à une « minorité ».
[D’ailleurs dans les débats sur le voile, il n’y avait pas que l’argument religieux, l’argument féministe (il est un symbole d’asservissement de la femme) a aussi joué un grand rôle. D’autre part le kamis n’est pas une prescription religieuse que je sache et n’est pas un signe d’asservissement du sexe masculin.]
La kipa tout comme les papillotes ou la barbe sont des obligations religieuses chez les juifs. Avez-vous entendu beaucoup de gens les dénoncer ? Et ne parlons même pas de la circoncision, qui est elle une mutilation imposée exclusivement aux hommes… Pourquoi ces obligations ne sont pas considérées comme des « signes d’asservissement » ?
On oublie que les rôles – celui du masculin comme celui du féminin – sont par essence aliénants. La pression pour cacher ses cheveux et celle pour cacher ses larmes soumettent les individus à des obligations. Pourquoi les femmes sont considérées « victimes » de leur rôle, alors que les hommes non ? Pourquoi à votre avis ?
[Dans l’intégration des communautés issues de l’immigration il n’y a pas que le bâton, la carotte joue aussi son rôle. Pourquoi les garçons abandonneraient-ils une culture où ils sont privilégiés ?]
Parce qu’ils voient bien que ces « privilèges » s’effritent, et que la seule façon de les conserver est de participer dans la course et de la gagner, par exemple…
[Pourquoi feraient-ils des études alors qu’ils voient que beaucoup de ceux qui ont fait des études supérieures n’arrivent pas à trouver un emploi à la hauteur de leurs aspirations et qu’on gagne plus en dealant ?]
Mais pourquoi les femmes ne font pas le même raisonnement ? Pourquoi ne cherchent-elles pas plutôt à conquérir le deal plutôt que le diplôme ? Ne serait-ce pas plutôt parce que c’est plus facile pour une femme d’obtenir un boulot conforme à son diplôme que pour un homme ?
@ Descartes
[Pensez aux débats sur le voile : pourquoi n’y a-t-il pas un débat équivalent sur le port du kamis ou d’autres tenues « ethniques » masculines ?]
Parce que c’était marginal jusqu’à récemment. Et même encore aujourd’hui, ça concerne surtout des gens d’un âge avancé. La tenue officielle c’est le survêt de marque et le maillot de foot. Et hormis pour leur mauvais goût, je ne vois pas sur quel critère vous pourriez reprocher aux gens de porter cette tenue.
[Pourquoi estime-t-on que les filles d’origine étrangère sont aliénées à leur culture et qu’il importe de les libérer des contraintes qu’elle leur impose, et on n’a pas le même raisonnement vis-à-vis des garçons, qui sont tout aussi contraints par le rôle que leur culture leur impose ?]
Parce que l’ennemi c’est l’homme blanc. Et vous ne pouvez pas encourager des gens à « devenir le même » qu’un ennemi. Sinon il en devient un aussi.
Mais ces garçons d’origine étrangère ont au moins le droit à leur culture. Pensez à tous ces jeunes autochtones de sexe masculin à qui on essaye de faire oublier qui ils sont…
[Pour les femmes musulmanes, le pacte fondamental qui est derrière toute politique d’assimilation – à savoir, l’abandon des règles de la culture d’origine en échange des opportunités offertes par la culture d’accueil – reste avantageux du fait d’une véritable discrimination positive en leur faveur. Pas pour les garçons.]
Si vous parlez de « discriminations positives » basées sur le sexe, la culture ethnique ne peut pas entrer en jeu. Ou alors elles ne sont pas uniquement basées sur le sexe.
Pourriez-vous donc préciser et illustrer s’il vous plaît.
Ps : dans votre politique d’assimilation rêvée, vous avez prévu d’intégrer l’apprentissage de la lecture de données statistiques ? Parce qu’aux USA, on voit des émeutes à thématique raciale parties de la mort d’un homme noir lors de l’intervention d’un policier blanc alors que les statistiques US, toujours très complètes, nous montrent que les noirs ne sont pas plus tués en proportion par la police que les autres.
Vous me direz qu’en France, il y en a bien qui se plaignent de « contrôle au faciès » dans des territoires où il n’y a plus de blanc ! Mais ici on n’a pas de statistique pour le prouver.
Ps2 : où pendant que les tenants de la « diversité » s’illustrent ainsi, la « non-diversité » le fait, elle, en allant sur l’ISS… Quelle force que la « diversité » !
@ bip
[Parce que c’était marginal jusqu’à récemment. Et même encore aujourd’hui, ça concerne surtout des gens d’un âge avancé.]
Pas du tout. La djellaba, le pantalon « à l’afghane » ou le kamis sont loin d’être « marginaux » dans certains quartiers, et sont portés par des hommes très jeunes – tout comme les barbes et autres attributs communautaires. Et c’est aussi le cas dans d’autres communautés : pensez aux kipas et aux téfilin…
J’ajoute qu’alors que la mutilation sexuelle des jeunes femmes pour des raisons religieuses est illégale en France, la mutilation des jeunes garçons est, elle, parfaitement légale et pratiquée sur les nouveaux nés tant par les musulmans que par les juifs. Là encore, on ne peut que constater la différence de traitement. Pourquoi le foulard est signe d’asservissement et la circoncision non ?
[« Pour les femmes musulmanes, le pacte fondamental qui est derrière toute politique d’assimilation – à savoir, l’abandon des règles de la culture d’origine en échange des opportunités offertes par la culture d’accueil – reste avantageux du fait d’une véritable discrimination positive en leur faveur. Pas pour les garçons. » Si vous parlez de « discriminations positives » basées sur le sexe, la culture ethnique ne peut pas entrer en jeu.]
Je vous parle de la culture d’accueil. Il ne vous a pas échappé je pense qu’il y a chez nous une politique de discrimination positive qui ne dit pas son nom en faveur des femmes et parmi elles des femmes appartenant à des « minorités ». Lorsque vous recrutez aujourd’hui pour un poste intéressant dans la fonction publique, on vous demande de présenter des candidates et de préférence des candidates issues des « minorités ». Et ne parlons même pas de la carrière politique… pensez-vous que Sybeth Ndiaye serait là où elle est si elle était un homme blanc ?
[Ps : dans votre politique d’assimilation rêvée, vous avez prévu d’intégrer l’apprentissage de la lecture de données statistiques ? Parce qu’aux USA, on voit des émeutes à thématique raciale parties de la mort d’un homme noir lors de l’intervention d’un policier blanc alors que les statistiques US, toujours très complètes, nous montrent que les noirs ne sont pas plus tués en proportion par la police que les autres.]
Dans ma politique d’assimilation rêvée, non seulement on enseignerait à lire les statistiques, mais aussi à citer et critiquer les sources. A propos, pourriez-vous indiquer la source de celles que vous citez ici ?
@ Marcailloux
Mon avis personnel est que des femmes de ces quartiers, n’ayant nullement envie de vivre dans un milieux fortement misogyne, s’investissent fortement scolairement pour réussir professionnellement et quitter ces endroits. Quand on regarde les statistiques de réussite scolaire, on constate que la différence selon le sexe est bien plus élevée parmi les élèves d’origine maghrébine et subsaharienne que parmi les élèves français d’origine.
Par ailleurs Dans « l’Archipel français », Jérôme Fourquet explique qu’alors que le sexe ratio est en faveur des femmes pour l’ensemble du territoire (52 femmes pour 48 hommes), il est inversé dans ces quartiers (52 hommes pour 48 femmes), ce qui tend à prouver que dès qu’elles en ont les moyens, elles préfèrent quitter ces endroits.
https://drive.google.com/file/d/1S-VEzpnH1j3G6QBy2d-_FpFKTc6bBJoI/view?usp=sharing
@ François
[Mon avis personnel est que des femmes de ces quartiers, n’ayant nullement envie de vivre dans un milieux fortement misogyne, s’investissent fortement scolairement pour réussir professionnellement et quitter ces endroits.]
Attendez… l’hypothèse sous-jacente à votre raisonnement est qu’un fort investissement scolaire permet, quelque soient vos origines, de « réussir professionnellement » et de quitter le monde de la cité. Admettons. Maintenant, pourquoi à votre avis les garçons n’ont pas, eux aussi, envie de « réussir professionnellement » et de quitter ces mêmes cités qui ne sont pas, ni pour les hommes ni pour les femmes, des lieux agréables à vivre ?
Mon hypothèse est que l’investissement scolaire est beaucoup plus rentable pour les femmes que pour les hommes issus des minorités. En d’autres termes, que le « pacte » implicite dans l’assimilation est encore valable pour les femmes, alors qu’il ne l’est plus pour les hommes.
[Par ailleurs Dans « l’Archipel français », Jérôme Fourquet explique qu’alors que le sexe ratio est en faveur des femmes pour l’ensemble du territoire (52 femmes pour 48 hommes), il est inversé dans ces quartiers (52 hommes pour 48 femmes), ce qui tend à prouver que dès qu’elles en ont les moyens, elles préfèrent quitter ces endroits.]
Ca ne prouve rien de tel. On sait que l’immigration est en majorité masculine. On s’attend donc à ce que les quartiers ou les immigrants sont nombreux ait un rapport hommes-femmes distordu à l’avantage des premiers.
@Descartes,
[Je ne vois pas bien le rapport entre le voile islamique et l’exogamie. Il y a beaucoup de communautés dont les femmes ne portent aucun signe distinctif et qui pourtant refusent l’exogamie, et à l’inverse vous trouverez des femmes « françaises de souche » qui se marient avec des musulmans et portent ensuite le voile.]
Le rapport entre le voile islamique et l’exogamie? Justement, c’est obligation pour tout Français “kafir” qui voudrait vivre avec une musulmane, voilée ou non, de se convertir à l’islam. Simplement, le hidjab est le marqueur le plus visible de cet contrainte, très souvent jugée intolérable dans un pays où la liberté de conscience est sacrée.
Notez-bien que par contraste, la conversion à l’islam pour une Française “kafir” qui souhaiterait épouser un musulman est FACULTATIVE; celles qui se convertissent le font par excès de zèle (le fameux zèle du converti…).
Sans vouloir faire mon Emmanuel Todd de comptoir, j’ai l’impression que cette dissymétrie dans l’obligation de conversion, combinée à l’endogamie familiale, est à l’origine du poids qu’on fait peser sur les épaules des jeunes musulmanes voulant s’insérer ou s’assimiler; car a priori, si celles-ci sont privées de la possibilité d’épouser des Français “du cru”, alors l’un des ressorts de l’assimilation, à savoir le mariages des filles et des fils de familles immigrés avec les enfants “du cru”, est cassé pour elles…
[Entre parenthèses, vous noterez que le catholicisme interdit l’exogamie autant que l’Islam : ce n’est que très récemment qu’on admet – et encore, pas partout – le mariage religieux entre un chrétien et un non-chrétien.]
Quant à la comparaison avec le catholicisme, elle a toujours tendance à m’énerver parce que les interdits imposés par l’Eglise n’ont plus cours aujourd’hui, et ce grâce à au combat que les Français ont mené pendant des siècles. Je refuse qu’on se serve des méfaits commis jadis par la chrétienneté pour justifier les turpitudes de l’islam commises aujourd’hui.
[Si vous comptez les kémis, les djellabas, les pantalons « à l’afghane » et autres tenues « ethniques », je peux vous dire que dans mon quartier tout au moins elles sont aussi courantes que les voiles. Et pourtant personne ne s’en formalise. Pourquoi, à votre avis ? Pourquoi le voile est vu par beaucoup de Français comme le symbole d’une aliénation, et pas les tenues traditionnelles masculines ?]
Permettez-moi de fortement nuancer ce propos: on ne retrouve pas de kémi ou de boubous “en ville”, en dehors des “quartiers”, c’est à dire dans les lieux de travail, commerciaux ou dans les administrations; car généralement, ceux qui mettent délibérement ces tenues “ethniquement connotées” sont rarement embauchés (mais pour combien de temps encore? Le discours diversitaire commence à porter, y compris dans les entreprises du tertiaire…).
Maintenant, en dehors des fêtes de famille “folkloriques”, je fustige également les “tenues traditionnelles” pour les hommes en France; elles flattent certes le désir d’exotisme de nos bobos “multi-culti”, mais elles sont un piège identitaires pour les descendants d’immigrés eux-mêmes. En effet, elles créent un sentiment d’inadéquation avec le reste de la société d’accueil, en matières d’usages et de moeurs…
Et tous ceux qui, homme ou femmes, persistent à porter ces tenues “traditionnelles”, malgré la pression sociale “autochtone”, marquent leur refus d’accepter les moeurs qui ont cours en France; pour certains, je les accuse même de se comporter chez nous en colons. A ceux-là, je rêve d’un homme politique à la tête du pays, qui soit assez fort pour leur dire: ” Vous devez choisir!!! Soyez adultes!!! Marre du “en même temps”: vous ne pouvez pas à fois porter avec