Vivement la retraite ?

L’actualité exige de moi que j’écrive un papier sur les retraites, comme elle exigeait de Lope de Vega qu’il écrive un sonnet. Et je me trouve dans la même difficulté, avec le talent en moins. Je suis embêté, parce que c’est un sujet auquel, à titre personnel, je n’aime pas penser. C’est que, voyez-vous, je ne peux souscrire à la vision festive de la retraite que peut exprimer un François Ruffin lorsqu’il déclare que « La retraite, c’est magnifique. C’est un droit à la joie. C’est un droit de pouvoir s’occuper de ses petits-enfants, d’aller à la pêche, de prendre des cours de zumba (…) ».

La retraite, ce n’est pas ça. Partir à la retraite, c’est un changement définitif – et je souligne ce mot : de-fi-ni-tif – de statut. Et ce changement acte une réalité : la diminution irréversible de nos capacités physiques et intellectuelles, diminution qui ne peut que se poursuivre jusqu’au jour où l’on partira pour ce pays d’où aucun voyageur n’est jamais revenu. Si la retraite a été inventée, si nous arrêtons de travailler à un certain âge, ce n’est pas parce que nous aurions un droit inaliénable à partir d’un certain âge de prendre des cours de zumba ou aller à la pêche, mais parce que la diminution de nos facultés physiques et intellectuelles ne nous permet plus de travailler et donc de produire. La retraite est une forme de mort sociale qui anticipe sur la mort tout court. Que cela puisse nous permettre de prendre des cours de zumba ou aller à la pêche n’est pour moi une piètre consolation.

D’ailleurs, je vous propose un petit exercice intellectuel : imaginons qu’à votre soixantième anniversaire, alors que vous êtes tout émoustillé à l’idée de vous occuper bientôt de vos petits-enfants, d’aller à la pêche et de danser la zumba, un magicien se présente pour vous proposer le marché suivant : il vous rendra les capacités physiques et intellectuelles de vos vingt ans, mais vous devrez encore travailler quarante années pour accéder à la retraite. Refuseriez-vous ? J’en doute : l’immense majorité d’entre nous je pense préférerait renoncer temporairement à la zumba pour récupérer le corps de ses vingt ans.

Chez les Américains, on trouve partout cette injonction : « don’t mention death » (« ne parlez pas de la mort »). Dans la société de consommation, le vieillissement et la mort sont des tabous. Il faut se répéter chaque jour qu’on va de mieux en mieux. Dans les présentoirs des aéroports des livres proclament que « la vieillesse est le meilleur âge de la vie » ou bien que « il est magnifique de vieillir ». Et ceux qui le peuvent envisagent des moyens de vivre éternellement à travers la cryogénie ou les clones virtuels.. Et lorsqu’une mode sévit aux Etats-Unis, on peut être sûr qu’elle sera reprise par la gauche française vingt ans plus tard. Et c’est exactement ce qui nous arrive avec cette transformation de la retraite en « droit à la joie ».

Le problème, c’est que pour faire de la retraite un moment de joie il faut symboliquement faire de la vie active un moment de souffrance. A écouter ceux qui tiennent ce discours, la vie active est une vallée de larmes, une sorte de purgatoire qui ne serait rendu supportable que par la perspective du paradis des retraités. Pire : on voit des mouvements de jeunesse défiler sous le slogan « défendons NOS retraites » (c’est moi qui souligne), comme si la retraite était le but d’une vie. Et pourtant, c’est le discours qu’on nous sert : les enfants sont malheureux à l’école, les jeunes souffrent à Parcoursup, les adultes n’en peuvent plus des problèmes au travail ou dans le couple. Les études, le travail ne sont que sang, sueur et larmes. Il n’y a qu’à l’horizon béni de la soixantaine qu’on accède au « droit à la joie », qu’on peut finalement « aller à la pêche et prendre des cours de zumba ».

Au fond, la question de la retraite interroge profondément la question du travail. Le fait est que l’être humain se structure socialement par le travail. Si les biens dont nous avons le besoin ou le désir tombaient du ciel ou poussaient naturellement dans les arbres, nous n’aurions pas besoin d’une société structurée. C’est parce que les biens sont rares, parce qu’il faut les arracher à la nature et les façonner par le travail, que les questions d’organisation sociale et de répartition se posent. C’est parce que nous travaillons que nous sommes utiles à nos concitoyens, et c’est cette utilité qui fonde les solidarités entre nous. C’est parce que l’enfant est un futur producteur que nous investissons en lui. C’est parce que la force de travail est précieuse qu’on a bâti des systèmes de soins et de sécurité sociale. Le rentier, celui qui ne se donne que la peine de naître, celui qui consomme sans contribuer par son effort à la production commune est toujours vu avec plus ou moins de sympathie comme un parasite.

Il y a des sociétés dont l’économie de survie ne permet pas d’entretenir des bouches improductives. Dans ces sociétés, les vieux – c’est-à-dire, ceux qui ne produisent pas et ne produiront plus jamais – sont tués ou abandonnés à leur sort. Dans nos sociétés modernes, la productivité est suffisante pour que chacun d’entre nous puisse étaler ce qu’il produit pendant sa vie active sur l’ensemble de sa vie physique, et donc mener jusqu’au bout une vie digne. C’est cela la logique de la retraite, au-delà de l’organisation des tuyaux – capitalisation ou répartition – qui redistribuent la valeur produite. Mais celui qui prend sa retraite, celui qui cesse de produire, ne fait que consommer un capital. En allant à la pêche ou en prenant des cours de zumba, il ne rend plus aucun service à la cité, et à ce titre il n’est plus tout à fait un citoyen (1). J’insiste lourdement : c’est parce que notre travail à chacun d’entre nous est utile que nous sommes interdépendants, et cette interdépendance est le fondement de la solidarité inconditionnelle qui fonde la citoyenneté. Dans une société d’oisifs, où personne n’a besoin de personne, la citoyenneté n’existe pas.

C’est pourquoi, personnellement, je ne conçois pas qu’on puisse s’arrêter de travailler alors qu’on en est encore capable, qu’on a les moyens physiques et humains. Vous me direz que c’est la vision petit-bourgeoise de quelqu’un qui fait un travail intéressant dans des conditions particulièrement agréables. C’est possible… mais je me souviens que mes grands-parents et mes grands oncles n’ont jamais arrêté de travailler, même s’ils ont adapté le rythme de travail à leurs possibilités. Mon grand-père, qui fut ouvrier une bonne partie de sa vie avant d’installer un petit commerce d’habillement (son magasin s’appelait d’ailleurs « la maison de l’ouvrier ») venait tous les jours au magasin, même après avoir pris sa retraite et laissé les rênes à l’un de ses fils. Ce n’était pas pour lui une corvée, mais un plaisir : cela lui faisait sortir de chez lui, lui permettait de revoir des clients et des voisins dont la plupart étaient des amis, et surtout, cela lui permettait de se sentir utile, et donc citoyen.

Alors qu’on parle de réhabiliter la « valeur travail », le discours de la gauche aboutit au résultat inverse : le travail devient une torture dont il faut s’affranchir autant que faire se peut pour rejoindre le monde enchanté du loisir. Mais le discours produit des résultats paradoxaux : d’un côté, on veut réduire le temps de travail – que ce soit par réduction de la durée hebdomadaire, par avancement de l’âge de la retraite ou par des études de plus en plus longues. Et cela, bien entendu, sans réduction du niveau de vie. Et comme les gains de productivité par la technologie sont relativement faibles aujourd’hui – ceux qui voudraient me parler de numérisation sont renvoyés à la remarque fort pertinente de Robert Solow – la seule possibilité d’équilibrer l’équation est d’augmenter l’intensité du travail. Et donc de transformer effectivement le lieu de travail en enfer sur terre. Et c’est exactement ce à quoi on assiste. L’exemple des hôpitaux, où les 35 heures ont créé une situation invivable, est un bon exemple. Mais il y en a beaucoup d’autres.

Pour moi, la véritable question est celle du travail – de son organisation et de la répartition de la valeur qu’il crée, mais aussi de son intensité et des mesures qu’on prend pour le rendre vivable. Pas celle de savoir comment on s’arrête de travailler. Si les gens aiment s’occuper de leurs petits-enfants, aller à la pêche ou danser la zumba, il faut qu’ils puissent le faire pendant leur vie active, quand ils ont tous leurs cheveux et toutes leurs dents, sans attendre une hypothétique retraite. Le fait que la question des retraites puisse mettre des centaines de milliers de Français de tous âges et de toutes conditions dans la rue alors que les questions du travail, de son organisation et de sa rémunération aboutissent à des mobilisations squelettiques est assez révélateur de notre imaginaire politique. Finalement, la société idéale que l’idéologie dominante projette est une société sans travail, sans production, où il n’y aurait d’ambition plus haute que la « joie » conçue comme le fait de « s’occuper de ses petits-enfants, aller à la pêche et prendre des cours de zumba ». Pour le dire en termes abstraits, une société où l’on vit de moins en moins « pour les autres » et de plus en plus « pour soi ». Quand on songe que l’ambition des générations précédentes était le « grand soir » et « changer la vie », on se dit que tout ça a bien changé.

Mais on sait que la question du travail ne sera pas posée, parce que cela reviendrait à remettre profondément en cause le système. On se contentera donc d’une « réforme paramétrique » avec un argument en apparence imparable : le ratio entre les actifs et les retraités tend à diminuer avec la prolongation de l’espérance de vie. L’équilibre du système est donc menacé. Cet argument ne tient pas la route à l’examen macroéconomique. En effet, ce qui compte n’est pas tant le ratio entre actifs et inactifs, mais la part du PIB qui est consacrée aux uns et aux autres. Car si l’espérance de vie augmente incontestablement, la productivité augmente elle aussi. Même avec notre croissance faible, la valeur produite augmente au même rythme (en fait, un peu plus rapidement) que l’espérance de vie. Pour illustrer mon propos : si l’on vit en moyenne 10% de plus en vingt ans, et que le PIB s’est accru de 10% dans le même temps, vous pouvez sans toucher au niveau de vie des actifs financer les retraites sans changer l’âge de départ.

Bien entendu, ce raisonnement n’est valable que si la répartition de la valeur produite reste constante, c’est-à-dire, si la part de cette valeur qui rémunère le travail est toujours la même. Mais ce n’est pas le cas. Si le PIB augmente globalement, la part du PIB qui rémunère le travail diminue, celle qui rémunère le capital augmente. Et cela par plusieurs biais : par l’augmentation des normes de rentabilité, bien entendu, mais aussi par le biais de l’augmentation de la dette, qui progresse, elle, beaucoup plus vite que la productivité. Autrement dit, si l’équilibre du système de retraites est menacé, ce n’est pas tant par le changement du ratio entre actifs et retraités, mais par le changement du ratio entre la part du capital et la part du travail dans le PIB. Pour le dire vulgairement, il faut réduire le coût des retraites pour pouvoir mieux rémunérer le capital.

C’est pour cette raison que, au-delà des jeux politiciens, toutes les majorités – de droite comme de gauche – qui se sont succédées ces trente dernières années ont fait leur « réforme des retraites » toujours dans le même sens, c’est-à-dire, celui de l’intérêt du bloc dominant. Sous la droite, on a reculé l’âge de départ, sous la gauche on a augmenté le nombre de trimestres, et sous tous les régimes on a poussé à la capitalisation. Autrement dit, chacun fait lorsqu’il est au pouvoir ce qu’il condamne quand il est dans l’opposition. Difficile de prendre au sérieux les moulinets du PS quand on se souvient que ceux qui les font ont voté comme un seul homme la réforme Touraine.

Sur le fond, je pense qu’il faut revenir aux fondamentaux : la retraite est un revenu différé, et pour que le système soit équilibré il faut que la valeur consommée tout au long de la vie soit égale à celle produite pendant la vie active. Ce qui suppose un débat sur la répartition du revenu. D’abord, sur la répartition entre les différents âges de la vie : Préfère-t-on avoir des jeunes plus riches et des vieux plus pauvres, ou bien l’inverse (2) ? Mais aussi de la répartition entre capital et travail, puisqu’une partie de la valeur produite par le travailleur pendant sa vie active est annexée par le capital. Si l’on ne veut pas toucher au capital, alors les options sont limitées : si l’on veut partir plus tôt, il faudra soit augmenter les ressources (donc réduire le niveau de vie des actifs) soit diminuer les pensions (et donc le niveau de vie des retraités). Et finalement, la question se pose aussi de la répartition entre les classes sociales et les sexes. Puisque l’espérance de vie est largement corrélée au niveau social – l’espérance de vie d’un ouvrier est entre sept et dix ans inférieure à celle d’un cadre – le départ à un âge uniforme équivaut à un transfert des couches populaires vers les classes privilégiées, qui bénéficient de leur retraite plus longtemps. Il faut noter que la même injustice existe entre les sexes : les femmes ayant une espérance de vie plus importante que les hommes, avec un âge de départ uniforme elles touchent leur retraite bien plus longtemps. Les ouvriers mâles sont donc doublement pénalisés… n’en déplaise à Sandrine Rousseau.

Vous l’aurez compris, pour moi la retraite ne devrait pas être liée à l’âge, mais elle devrait acter l’incapacité à travailler. De mon point de vue, le système idéal permettrait au travailleur de rester au travail le plus tard possible, quitte à prévoir une reconversion ou une retraite progressive tenant compte de la diminution de nos capacités, avec un départ définitif lorsque le travailleur ne peut plus raisonnablement continuer. Un tel système permettrait à l’ouvrier de partir relativement tôt, alors que le médecin, l’avocat, le professeur universitaire partiraient très tard voire jamais. La difficulté d’un tel système est technique : c’est de mesurer la capacité ou incapacité de chaque individu à travailler. La norme d’âge, pondérée éventuellement par une prise en compte de la pénibilité est une solution qui s’en approche, mais les difficultés techniques de mise en œuvre sont considérables : difficile de mesurer la pénibilité du travail et de la pondérer sur l’ensemble de la carrière sans commettre des injustices et sans mettre en place une usine à gaz administrative.

Alors, vous comprendrez que la réforme proposée par le gouvernement ne me convienne pas. Elle ne fait qu’acter une distribution du revenu de plus en plus injuste entre le capital et le travail. Elle perpétue le transfert des couches populaires vers les couches privilégiées. Et surtout, elle ne s’attaque pas à la véritable question, qui est celle du travail. Mais « en même temps », comme dirait le président, j’ai du mal avec les propositions alternatives de l’opposition, qui me semblent ignorer les vraies questions, et ne font que poursuivre une course idéologique à la dévalorisation du travail et donc de la sphère publique…

Quant à moi, je voudrais mourir au travail, comme Molière… et tant pis pour les cours de zumba !

Descartes

(1) Il est d’ailleurs à noter que beaucoup de retraités continuent à « travailler » dans des fonctions politiques ou associatives. De ce point de vue, on peut noter que le discours de la gauche, et celui de Ruffin est une bonne illustration, fait de moins en moins référence à cette forme de citoyenneté. Les trois exemples donnés par Ruffin concernent tous des activités « pour soi ».

(2) A ce propos, il semble difficile d’imaginer une courbe qui ne soit pas croissante. Si le niveau de vie des jeunes est supérieur à celui des adultes, personne ne voudra devenir adulte…

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63 réponses à Vivement la retraite ?

  1. séité dit :

    Étonnant de lire ces lignes… Etes-vous à ce point privilégié? Le terme de travail que vous utilisez fait référence au travail salarié faut-il pour autant faire abstraction des activités qui semblent dans nos sociétés réservées aux salariés et qui n’apparaissent pas bien entendu dans le calcul du PIB, ce que l’on appelle d’un mot exécrable le bénévolat. Être bénévole c’est tellement gratifiant ! Sauf que si tous les bénévoles croisaient les bras la société “solidaire ” dont vous parlez risquerait de sombrer corps et biens, et il en va de même du “travail” des femmes, je parle de la majorité d’entre elles et des tâches qu’elles font en rentrant du “boulot” ou de celui des femmes au foyer, celles qui “ne travaillent”pas et dont les activités ne sont pas elles non plus comptabilisées dans la richesse d’un pays. Il m’amuserait de voir ce qu’il adviendrait si tous ces gens en avaient marre de pratiquer cette “solidarité” que vous semblez tant apprécier.
    Quant à faire la route à l’envers, tout dépend de ce qu’a été la route !

    • Descartes dit :

      @ séité

      [Étonnant de lire ces lignes… Etes-vous à ce point privilégié ?]

      J’ai eu la chance – enfin, je l’ai aidée un petit peu – d’avoir fait toute ma vie un travail qui me passionne, et qui m’a donné l’opportunité de fréquenter des gens remarquables… je ne pense pas que ce soit un « privilège ». Avec un peu d’effort et un tout petit peu de chance, c’est à la portée de tout le monde.

      [Le terme de travail que vous utilisez fait référence au travail salarié faut-il pour autant faire abstraction des activités qui semblent dans nos sociétés réservées aux salariés et qui n’apparaissent pas bien entendu dans le calcul du PIB, ce que l’on appelle d’un mot exécrable le bénévolat.]

      Je ne parle pas que du travail salarié. Je parle du travail en général. Et ce qui fait la différence entre le travail et une activité de loisir, c’est que le travail est une obligation, alors que l’activité de loisir est purement facultative. Si je répare des ordinateurs chez moi pour m’amuser, je n’ai aucune obligation. Si je répare des ordinateurs pour une association, et que j’ai l’obligation de les prendre et les rendre à l’heure, alors je travaille.

      [Quant à faire la route à l’envers, tout dépend de ce qu’a été la route !]

      Je n’ai pas compris la remarque.

    • P2R dit :

      @ seité
       
      [ il en va de même du “travail” des femmes, je parle de la majorité d’entre elles et des tâches qu’elles font en rentrant du “boulot” ou de celui des femmes au foyer, celles qui “ne travaillent”pas et dont les activités ne sont pas elles non plus comptabilisées dans la richesse d’un pays.]
       
      Je me permet de relever ce point qui mérite un éclaircissement: si je réalise une activité dont je récolte moi-même le fruit, il me semble qu’économiquement on ne peut pas appeler ça un travail, car la notion de travail fait appel à la question d’un échange de valeur, qu’il soit en terme monétaire, de troc ou de tout autre type de valorisation, fût-ce la reconnaissance de la personne à qui j’ai fourni ce travail. En cela, la mère qui change les couches de son bébé ou la personne qui cultive son potager n’effectue nullement un travail, puisqu’elle consomme immédiatement le bien produit. il n’y a pas d’échange.
       
      Il n’en reste pas moins qu’en effet certaines activités d’entraide et de bénévolat sont bel et bien de l’ordre du travail, mais il ne faut pas confondre ces deux situations bien distinctes.

      • Descartes dit :

        @ P2R

        [Je me permet de relever ce point qui mérite un éclaircissement: si je réalise une activité dont je récolte moi-même le fruit, il me semble qu’économiquement on ne peut pas appeler ça un travail, car la notion de travail fait appel à la question d’un échange de valeur, qu’il soit en terme monétaire, de troc ou de tout autre type de valorisation, fût-ce la reconnaissance de la personne à qui j’ai fourni ce travail.]

        Ça se discute. Imaginons deux personnes A et B, qui s’arrangent pour chacune faire le ménage chez l’autre. Il est clair que la production de « valeur » est exactement la même que si chacun faisait le ménage chez soi. Mais dans le premier cas il y a « échange de valeur », pas dans le second.

        [Il n’en reste pas moins qu’en effet certaines activités d’entraide et de bénévolat sont bel et bien de l’ordre du travail, mais il ne faut pas confondre ces deux situations bien distinctes.]

        Je pense que le bon critère est l’idée d’obligation – qu’elle soit de nature contractuelle ou simplement morale. Si je m’impose la discipline de travailler tous les lundis dans une soupe populaire, on peut compter cela comme du travail, même s’il n’y a pas de salaire à la clé (ce qui ne veut nullement dire qu’il n’y a pas de contrepartie, ici morale). Un syndic d’immeuble ou un maire « bénévoles » fournissent bien un travail, puisqu’en acceptant le poste ils s’obligent.

        • @ Descartes,
           
          [Je pense que le bon critère est l’idée d’obligation – qu’elle soit de nature contractuelle ou simplement morale. Si je m’impose la discipline de travailler tous les lundis dans une soupe populaire, on peut compter cela comme du travail]
          Mais alors… S’astreindre, comme vous le faites, à alimenter vaillamment ce blog, se contraindre, comme vous le faites, à répondre posément, précisément et courtoisement à chaque commentateur, serait-ce donc… un travail?

          • Descartes dit :

            @ nationaliste-ethniciste

            [S’astreindre, comme vous le faites, à alimenter vaillamment ce blog, se contraindre, comme vous le faites, à répondre posément, précisément et courtoisement à chaque commentateur, serait-ce donc… un travail?]

            Si vous pensez que cela produit de la valeur… oui!

        • Wanda dit :

          “Je pense que le bon critère est l’idée d’obligation – qu’elle soit de nature contractuelle ou simplement morale. Si je m’impose la discipline de travailler tous les lundis dans une soupe populaire, on peut compter cela comme du travail, même s’il n’y a pas de salaire à la clé (ce qui ne veut nullement dire qu’il n’y a pas de contrepartie, ici morale). Un syndic d’immeuble ou un maire « bénévoles » fournissent bien un travail, puisqu’en acceptant le poste ils s’obligent.”
          Dans ce cas là, faire à manger pour la famille, faire le ménage, s’occuper des enfants (même si cela peut être une gratification en partie, mais le faire tous les jours est bien une obligation) est bien un travail, puisqu’on s’oblige à le faire..
          Il y a donc bien un travail des femmes (pour répondre à P2R).

          • Descartes dit :

            @ wanda

            [Dans ce cas là, faire à manger pour la famille, faire le ménage, s’occuper des enfants (même si cela peut être une gratification en partie, mais le faire tous les jours est bien une obligation) est bien un travail, puisqu’on s’oblige à le faire..]

            Certainement. Tout comme dépanner la voiture, déboucher l’évier, réparer le toit, tondre le gazon, bricoler…

            [Il y a donc bien un travail des femmes (pour répondre à P2R)]

            Pourquoi « des femmes ». Les hommes aussi font à manger, font le ménage, s’occupent des enfants…

            Mais oui, il existe une « économie domestique ». Celle-ci était si importante à une époque qu’il était plus productif pour les femmes de rester à la maison que d’aller travailler dehors. Mais la division du travail a tellement augmenté la productivité, qu’il est devenu plus avantageux pour les femmes de travailler à l’usine et acheter de la confiture ou des conserves industrielles que de rester chez elles pour faire de la confiture ou des conserves maison. Aujourd’hui, l’économie domestique représente une part très marginale de la production totale…

            Les idéalistes vous diront que le travail des femmes est le résultat de la lutte des femmes pour conquérir leur indépendance. Ce n’est que très partiellement vrai: c’est surtout le résultat d’une transformation économique qui l’a rendu non seulement possible, mais surtout rentable. Travailler à l’usine ou au bureau est plus productif que de faire des conserves ou des confitures ou de garder des enfants. Alors, on sous-traite les confitures et les conserves à l’industrie, et la garde des enfants aux crèches et aux écoles…

  2. marc.malesherbes dit :

     
     
    un beau texte qui commence bien …
     
    puis vous écrivez
    « la retraite est un revenu différé, et pour que le système soit équilibré il faut que la valeur consommée tout au long de la vie soit égale à celle produite pendant la vie active. « 
     
    C’est peut être un point de vue « moral, politique » mais pas un point de vue économique. D’un point de vue économique le système des retraite français est une redistribution des richesses produites une année donnée vers les retraités. Certes on calcule ce montant en fonction de divers paramètres du passé, mais cela n’affecte pas la « réalité » à savoir le transfert d’une partie des richesses produite l’année en cours.
     
     
    vous écrivez également
    « Si le PIB augmente globalement, la part du PIB qui rémunère le travail diminue, celle qui rémunère le capital augmente »
     
    Un mythe qui a la vie dure « à gauche ». En France, ce n’est pas vrai. Cette proportion fluctue dans le temps, mais elle reste globalement stable. Comme elle fluctue, on peut « démontrer » en choisissant bien ses années de référence qu’elle monte ou descend …
    https://lejournal.cnrs.fr/nos-blogs/dialogues-economiques/balance-travail-capital-les-profits-grignotent-ils-les-salaires
     
     
    vous écrivez également
    « Et comme les gains de productivité par la technologie sont relativement faibles aujourd’hui – ceux qui voudraient me parler de numérisation sont renvoyés à la remarque fort pertinente de Robert Solow – la seule possibilité d’équilibrer l’équation est d’augmenter l’intensité du travail. Et donc de transformer effectivement le lieu de travail en enfer sur terre. Et c’est exactement ce à quoi on assiste. L’exemple des hôpitaux, où les 35 heures ont créé une situation invivable, est un bon exemple. Mais il y en a beaucoup d’autres. »
     
    encore un point de vue misérabiliste commun à gauche. Le privilège de l’âge me permet de dire que les conditions de vie sont globalement bien meilleure aujourd’hui qu’il y a 60 ans. Il faut ne pas avoir connu la vie des salariés agricoles, des ouvriers d’il y a 60 ans pour dire «  de transformer effectivement le lieu de travail en enfer sur terre ». C’est exactement l’inverse pour la grande majorité des salariés. Heureusement que la productivité augmente par le biais de machines et de services toujours plus efficaces.
    Ce qui est vrai c’est que les exigences des salariés sont de plus en plus grandes, heureusement. Mais ceux qui s’imaginent que l’on va pouvoir satisfaire ces demandes sans augmenter la productivité se trompent lourdement. … car il n’y aura alors pas plus à distribuer qu’aujourd’hui, et même moins compte tenu de la pyramide des âges.
     

    • Descartes dit :

      @ marc.malesherbes

      [« la retraite est un revenu différé, et pour que le système soit équilibré il faut que la valeur consommée tout au long de la vie soit égale à celle produite pendant la vie active. » C’est peut être un point de vue « moral, politique » mais pas un point de vue économique. D’un point de vue économique le système des retraite français est une redistribution des richesses produites une année donnée vers les retraités.]

      Mais vous voyez bien que cette « redistribution » n’est tenable sur la durée que si la génération qui contribue aujourd’hui touche la même chose demain, lorsqu’elle sera retraitée. Et cela suppose (aux ajustements de productivité près) un équilibre entre ce qu’elle aura contribué, et ce qu’elle recevra. Et on est ramené donc à l’équilibre dont je parlais. En fait, du point de vue économique, une fois qu’on est en régime de croisière, la répartition et la capitalisation sont economiquement équivalentes.

      [« Si le PIB augmente globalement, la part du PIB qui rémunère le travail diminue, celle qui rémunère le capital augmente » Un mythe qui a la vie dure « à gauche ». En France, ce n’est pas vrai. Cette proportion fluctue dans le temps, mais elle reste globalement stable.]

      Eh non. Vous confondez le calcul de la répartition de la valeur ajoutée au niveau de l’entreprise, et celui calculé au niveau de la société. Ainsi, dans les comptes de l’entreprise on peut dire que X% va rémunérer le capital, et Y% dans les salaires. Mais le salarié ensuite va payer son loyer, les intérêts d’un prêt… et ce faisant, il rémunère le capital. Il va payer des impôts qui servent à payer les intérêts d’une dette chaque fois plus grande… et là encore, c’est de la rémunération du capital. Et même au niveau de l’entreprise, l’article que vous citez parle d’une « tendance générale à la baisse ».

      [« (…) la seule possibilité d’équilibrer l’équation est d’augmenter l’intensité du travail. Et donc de transformer effectivement le lieu de travail en enfer sur terre. (…) » encore un point de vue misérabiliste commun à gauche. Le privilège de l’âge me permet de dire que les conditions de vie sont globalement bien meilleure aujourd’hui qu’il y a 60 ans.]

      Certainement. Mais je n’ai pas parlé des « conditions de vie », ni même des « conditions de travail », mais de « intensité du travail ». Ce n’est pas du tout la même chose. Les ateliers d’il y a un demi-siècle étaient plus bruyants, moins bien éclairés, moins bien chauffés qu’aujourd’hui. Mais le rythme et l’organisation du travail laissaient une place à une vie sociale sur le lieu de travail qui a aujourd’hui presque disparu.

  3. maleyss dit :

    Quelques remarques en vrac
    –  “la remarque fort pertinente de Robert Solow ” . Pouvez-vous préciser ?
    – [ les gains de productivité par la technologie sont relativement faibles aujourd’hui ] /[si l’espérance de vie augmente incontestablement, la productivité augmente elle aussi] :  j’avoue ne pas comprendre.
    – La part croissante de la rémunération du capital n’est-elle pas l’inévitable corollaire de la mécanisation ? Le capital ne permet-il pas d’acheter des machines qui diminuent d’autant l’intervention humaine, et donc la plus-value attribuée au travail proprement dit ? (je parle, bien entendu, du secteur industriel, et éventuellement de certains secteurs du tertiaire)
    – Bien que n’ayant  pas atteint  une totale obsolescence, j’ai fait valoir mes droits à la retraite. Dois-je culpabiliser ? Le fait de continuer à travailler (un peu) et donc de cotiser à  fonds perdus me permet-il de racheter  mes péchés ?
     

    • Descartes dit :

      @ maleyss

      [– “la remarque fort pertinente de Robert Solow ” . Pouvez-vous préciser ?]

      Je fais référence à une remarque de l’économiste américain Robert Solow, qui écrivait en 1987 « On voit des ordinateurs partout, sauf dans les statistiques de productivité ». C’est ce qu’on appelle « le paradoxe de Solow ». On a tendance à croire que toute révolution technologique se traduit par une augmentation de la productivité, mais c’est faux : certaines évolutions génèrent de nouveaux biens et services, mais sans nécessairement avoir une influence déterminante sur la productivitté

      [– [ les gains de productivité par la technologie sont relativement faibles aujourd’hui ] /[si l’espérance de vie augmente incontestablement, la productivité augmente elle aussi] : j’avoue ne pas comprendre.]

      J’ai écrit que les gains de productivité étaient « faibles », mais ils ne sont pas nuls. L’augmentation de la productivité reste plus rapide que celle de l’espérance de vie.

      [– La part croissante de la rémunération du capital n’est-elle pas l’inévitable corollaire de la mécanisation ?]

      Absolument pas. La mécanisation REND POSSIBLE une rémunération croissante du capital, mais cela n’a rien D’INELUCTABLE. Si grâce à la mécanisation on passe de dix ouvriers à cinq pour la même production, l’actionnaire pourrait choisir de distribuer les salaires ainsi économisés (une fois payée la machine) entre les ouvriers restants, ou bien le garder pour lui comme dividende. Rien ne l’OBLIGE à prendre la deuxième solution…

      [– Bien que n’ayant pas atteint une totale obsolescence, j’ai fait valoir mes droits à la retraite. Dois-je culpabiliser ? Le fait de continuer à travailler (un peu) et donc de cotiser à fonds perdus me permet-il de racheter mes péchés ?]

      Je ne suis pas un moraliste, et je ne juge pas les autres. Je vous ai expliqué, que MOI, à titre personnel, je vis très mal l’idée de me sentir inutile avant d’avoir atteint ma totale obsolescence, et que par conséquent je ferai valoir mes droits à la retraite le plus tard possible, et que je ne suis pas du tout enchanté à l’idée qu’on me pousse vers la sortie. Mais je ne prétends pas ériger ma perception en règle universelle, ou de jeter un quelconque opprobre sur ceux qui feraient autrement.

      • Gugus69 dit :

        Je vous ai expliqué, que MOI, à titre personnel, je vis très mal l’idée de me sentir inutile avant d’avoir atteint ma totale obsolescence…
         
        C’est quand même une drôle d’idée que de considérer les retraités comme des “inutiles” !
        Je suis retraité depuis six ans et je ne me suis jamais senti inutile.
        1/ Les retraités sont utiles en tant que consommateurs. Ils font vivre des producteurs, des commerçants, des artisans, des livreurs. Ils sont le gagne-pain des sites touristiques hors-saison. Ils sont la raison d’être de nombreuses maisons de santé.
        2/ Beaucoup de retraités apportent une aide non négligeable à leurs enfants et petits-enfants, qu’elle soit financière ou matérielle.
        3/ Les retraités sont souvent des bénévoles sans lesquels la vie associative, sportive, culturelle, serait presque impossible dans certains domaines ou certains villages.
        4/ Quand j’accompagne mes petites-filles à l’école, quand j’apporte une aide en informatique à mon voisin, quand je fais les courses pour mes (très vieux) beaux-parents, ne suis-je pas utile ?
        5/ Les retraités sont des gens d’expérience. Près de chez moi, ce sont des retraités qui font vivre un petit musée. Ce sont des retraités qui font vivre le conservatoire de la coutellerie à Thiers (les “Vieilles Lames”). Sans eux, tout ce savoir-faire et tous ces outils seraient perdus. Je vous garantis qu’aucun de ces vieux travailleurs ne se sent inutile !
        6/ Enfin, les retraités sont des citoyens et des contribuables : serait-ce inutile ?
        Et puis évidemment, pourquoi s’en plaindre, j’ai maintenant du temps pour faire ce que j’aime. Ce n’est pas de la zumba…
        Vous qui êtes un physicien spécialiste du nucléaire, vous pourriez donner des conférences à travers toute la France pour une association opposée aux âneries écolos. En ce moment, pour le coup, ce serait vraiment utile !

        • Descartes dit :

          @ Gugus69

          [« Je vous ai expliqué, que MOI, à titre personnel, je vis très mal l’idée de me sentir inutile avant d’avoir atteint ma totale obsolescence… » C’est quand même une drôle d’idée que de considérer les retraités comme des “inutiles” !]

          Je n’ai jamais dit que je considérais « les retraités » comme des inutiles. J’ai dit que moi, A TITRE PERSONNEL, je me sentirais inutile si je partais à la retraite alors que je peux continuer à travailler. Je ne prétends pas universaliser mon cas. Je ne fais la morale à personne. Si d’autres se sentent utiles en allant à la pêche ou en allant à des cours de zumba, pour reprendre les exemples de Ruffin, grand bien leur fasse.

          [1/ Les retraités sont utiles en tant que consommateurs. Ils font vivre des producteurs, des commerçants, des artisans, des livreurs. Ils sont le gagne-pain des sites touristiques hors-saison. Ils sont la raison d’être de nombreuses maisons de santé.]

          Excusez-moi, mais ce que vous dites là est une absurdité. Vous pensez vraiment qu’un consommateur crée de la valeur en consommant ? Dans ce cas, un chien est fort utile à la société, puisqu’il fait vivre les fabricants de croquettes… Non, soyons sérieux : le consommateur détruit de la valeur, il n’en produit pas.

          [2/ Beaucoup de retraités apportent une aide non négligeable à leurs enfants et petits-enfants, qu’elle soit financière ou matérielle.]

          Pour ce qui concerne l’aide financière, c’est l’aide qui est « utile », et pas celui qui l’apporte. Un simple déplacement d’argent ne crée pas de la valeur. S’il s’agit d’une aide matérielle – bricolage, garde d’enfants, etc. – cela s’apparente à un travail. Mais curieusement, dans la vision du « droit à la joie » façon Ruffin, ce genre d’activité « pour les autres » n’y figure pas.

          [3/ Les retraités sont souvent des bénévoles sans lesquels la vie associative, sportive, culturelle, serait presque impossible dans certains domaines ou certains villages.
          4/ Quand j’accompagne mes petites-filles à l’école, quand j’apporte une aide en informatique à mon voisin, quand je fais les courses pour mes (très vieux) beaux-parents, ne suis-je pas utile ?
          5/ Les retraités sont des gens d’expérience. Près de chez moi, ce sont des retraités qui font vivre un petit musée. Ce sont des retraités qui font vivre le conservatoire de la coutellerie à Thiers (les “Vieilles Lames”). Sans eux, tout ce savoir-faire et tous ces outils seraient perdus. Je vous garantis qu’aucun de ces vieux travailleurs ne se sent inutile !]

          Dans tous vos exemples, on voit des gens qui continuent à travailler… encore une fois, le travail salarié n’est pas la seule forme de travail. Dans tous les cas que vous citez, ce sont des personnes qui acceptent toutes les contraintes du travail, produisent de la valeur… le fait qu’ils touchent une retraite plutôt qu’un salaire ne change rien à l’affaire.

          [6/ Enfin, les retraités sont des citoyens et des contribuables : serait-ce inutile ?]

          Les rentiers et les capitalistes sont eux aussi citoyens et contribuables, et même consommateurs. Diriez-vous qu’ils sont « utiles » ? Dans ce contexte, est « utile » pour moi celui qui crée de la valeur. Et la seule source de valeur, c’est le travail…

          [Vous qui êtes un physicien spécialiste du nucléaire, vous pourriez donner des conférences à travers toute la France pour une association opposée aux âneries écolos. En ce moment, pour le coup, ce serait vraiment utile !]

          Autrement dit, je pourrais continuer à travailler ? Oui, probablement… mais dans ce cas, pourquoi prendre ma retraite ? Autant me trouver un boulot de conférencier ou d’enseignant…

          • Gugus69 dit :

            Excusez-moi, mais ce que vous dites là est une absurdité. Vous pensez vraiment qu’un consommateur crée de la valeur en consommant ?
             
            Parce que précisément, n’est “utile” pour vous que le créateur de valeur. Mais on peut avoir une utilité, une “fonction” sociale sans créer de valeur.
            C’est pourquoi tous les membres de notre société sont les pièces d’un puzzle : oui, un contribuable participe au bon fonctionnement du corps social ; il est donc “utile”.
            Un prêtre catholique ne crée aucune valeur. À moi, il ne me sert à rien. Peut-on lui nier toute fonction sociale, et donc toute “utilité” ? Je ne dirais pas cela…
             
            Dans ce cas, un chien est fort utile à la société, puisqu’il fait vivre les fabricants de croquettes…
            Ben… oui. Et des vétérinaires, et des fabricants de colliers, et des vendeurs de plaque “Attention au chien”…
            Voilà bien, finalement, la différence entre nos approches sur ce point : pour moi, tout le monde est utile au groupe social… y compris les retraités qui dansent la zumba.
            Autre chose, en revanche, est de se “sentir” utile. Là, sans doute, je peux comprendre votre préoccupation.

            • Descartes dit :

              @ Gugus69

              [« Excusez-moi, mais ce que vous dites là est une absurdité. Vous pensez vraiment qu’un consommateur crée de la valeur en consommant ? » Parce que précisément, n’est “utile” pour vous que le créateur de valeur.]

              C’est la définition même de « valeur ». On crée de la « valeur » lorsqu’on crée un bien ou un service qui est « utile » à quelqu’un.

              [Mais on peut avoir une utilité, une “fonction” sociale sans créer de valeur.]

              Par définition, non ! Encore une fois, la « valeur » et « l’utilité » sont intimement lié. Ce qui n’a pas d’utilité n’a pas de valeur…

              [C’est pourquoi tous les membres de notre société sont les pièces d’un puzzle : oui, un contribuable participe au bon fonctionnement du corps social ; il est donc “utile”.]

              C’est comme dire qu’un incendiaire est utile. Après tout, sans lui les pompiers auraient beaucoup moins de boulot… Il est évident que tous ceux qui détruisent créent du travail pour ceux qui ont à réparer la destruction, de la même manière que celui qui consomme donne du travail à celui qui produit le bien consommé. Mais ils n’ont aucune « utilité » précisément parce que leur activité ne produit pas de « valeur ».

              [Un prêtre catholique ne crée aucune valeur. À moi, il ne me sert à rien.]

              A vous, peut-être pas. Mais il y a des gens à qui il sert. Sinon, comment comprendre qu’ils acceptent de l’entretenir en lui donnant l’argent qu’ils pourraient si bien utiliser à d’autres activités selon vous plus plaisantes ? Il y des gens qui trouvent auprès du prêtre espoir, soutien, conseil, consolation. C’est là une « utilité » incontestable…

              [Peut-on lui nier toute fonction sociale, et donc toute “utilité” ? Je ne dirais pas cela…]

              Moi non plus, mais je ne dirais pas non plus qu’il produit de la « valeur ». Encore une fois, dire qu’il est « utile » et dire qu’il produit de la « valeur », c’est la même chose. La définition même de « valeur » est liée à l’utilité…

            • Gugus69 dit :

              À l’évidence, cher ami et camarade, nous ne donnons pas tout à fait aux mots le même sens, et nous pourrions vite arriver à un dialogue de sourds.
              Évidemment, j’ai reconnu sous votre démonstration la terminologie marxiste que je ne conteste pas, notamment sur la création de valeur.
              Ce que je veux vous expliquer pour nuancer votre propos, c’est que les prolétaires qui travaillent sur les chaines de production de Royal Canin, tout producteurs de richesses soient-ils, tout contributeurs soient-ils au PIB national, quel que soit le niveau de plus-value dégagé sur leur travail, ne sont rien s’il n’y a au bout de la chaine un chien pour bouffer leurs croquettes. Dans le processus de production, le consommateur est “utile”.
              Même les retraités…

            • Descartes dit :

              @ Gugus69

              [À l’évidence, cher ami et camarade, nous ne donnons pas tout à fait aux mots le même sens, et nous pourrions vite arriver à un dialogue de sourds.]

              Pour l’éviter, je vous ai donné la définition des mots que j’utilise. Si vous avez une définition différente, faites-là connaître.

              [Évidemment, j’ai reconnu sous votre démonstration la terminologie marxiste que je ne conteste pas, notamment sur la création de valeur.]

              Cela ne devrait pas vous étonner…

              [Ce que je veux vous expliquer pour nuancer votre propos, c’est que les prolétaires qui travaillent sur les chaines de production de Royal Canin, tout producteurs de richesses soient-ils, tout contributeurs soient-ils au PIB national, quel que soit le niveau de plus-value dégagé sur leur travail, ne sont rien s’il n’y a au bout de la chaine un chien pour bouffer leurs croquettes. Dans le processus de production, le consommateur est “utile”.]

              Vous voulez dire que la guerre est « utile » parce qu’elle permet aux prolétaires qui travaillent dans les usines d’armement de gagner leur croute ? Que les incendies sont « utiles » parce qu’ils font travailler pompiers et artisans du BTP ? J’ai bien envie de vous demander quelle est pour vous la définition du mot « utile »…

            • Gugus69 dit :

              J’ai bien envie de vous demander quelle est pour vous la définition du mot « utile »…
               
              Oui, pourquoi pas, je peux essayer. Promis, sans chercher dans un dico.
              Est “utile” à la société humaine tout ce qui, par son existence, ses actions ou son influence, favorise positivement le fonctionnement ou l’évolution de ladite société.
              À l’inverse, est “néfaste” à la société humaine tout ce qui, par son existence, ses actions ou son influence, détermine négativement le fonctionnement ou l’évolution de ladite société.
              Évidemment, je sais par avance que vous allez m’objecter que ma définition repose sur des critères subjectifs. Je n’en disconviens pas. Et c’est pourquoi je trouve particulièrement intéressant votre exemple des usines de production d’armement.
              À l’évidence, vous aurez raison d’affirmer que ces usines et leurs ouvriers sont objectivement créateurs de valeur.
              Dès lors, la guerre serait “utile” ? Selon mes définitions, je peux déclarer que non. Elle est “néfaste”. C’est mon avis. Il n’en est pas moins vrai qu’en détruisant du capital, la guerre peut avoir une influence positive sur une société en crise. Faut-il vouloir la guerre ?
              C’est une bien ancienne question.
              Je me contenterai personnellement, si vous le voulez bien, d’affirmer que les retraités sont “utiles” à notre société…
               

            • Descartes dit :

              @ Gugus69

              [« J’ai bien envie de vous demander quelle est pour vous la définition du mot « utile »… » Oui, pourquoi pas, je peux essayer. Promis, sans chercher dans un dico.]

              Et pourquoi pas ? Après tout, les dicos sont souvent de bon conseil…

              [Est “utile” à la société humaine tout ce qui, par son existence, ses actions ou son influence, favorise positivement le fonctionnement ou l’évolution de ladite société.]

              Autrement dit, l’utilité est pour vous une question purement subjective, puisqu’elle dépend de ce que vous considérez personnellement comme « positif » pour l’évolution ou le fonctionnement de la société. Prenons le traité de Maastricht. Est-il « utile » ? Cela dépend bien évidement de l’opinion que vous pouvez avoir de la construction européenne…

              [Évidemment, je sais par avance que vous allez m’objecter que ma définition repose sur des critères subjectifs. Je n’en disconviens pas.]

              C’est quand même un gros problème. Comment fonder une théorie économique ou politique sur un concept purement subjectif ? Si l’on suit votre logique, on se trouve dans une pure question de conviction personnelle. Vous êtes convaincu que les retraités sont « utiles » parce que vous êtes convaincu que leur présence « favorise positivement l’évolution de la société ». Mais cette « conviction » ne réponse sur aucun élément objectif.

              [Dès lors, la guerre serait “utile” ? Selon mes définitions, je peux déclarer que non. Elle est “néfaste”.]

              Selon votre définition, on pourrait parfaitement répondre « oui ». Après tout, la guerre est un moteur puissant du développement des connaissances, des technologies, des transformations sociales. Sans 1914-18, pas de révolution bolchévique. Sans 1940-45, pas de retraites et de sécurité sociale… vous le voyez bien, avec votre vision, « utile » ou « néfaste » deviennent une pure question de sentiment.

              [Je me contenterai personnellement, si vous le voulez bien, d’affirmer que les retraités sont “utiles” à notre société…]

              Il n’y a que la foi qui sauve…

  4. Luc dit :

    C’est une véritable purée idéologique qui a envahit la France en provenance des dérégulateurs qui nous gouvernent depuis des décennies.Personne n’a la solution pour désciller les yeux de nos concitoyens.Alors, l’exutoire est tout trouvé,c’est à cause du travail que nous sommes abêtis,se disent les braves gens..Comment pourraient ils assumer que ce sont nos élites qui ont saboté EDF? Que ce sont les mêmes qui ont organisé l’inouïe opération irresponsable inégalable de part son ampleur,sur l’Ukraine exsangue maintenant, comment le concevoir ?
    C’est Impossible alors, moi le premier j’ai fait grève deux fois contre ce projet de retraite car je suis contre ce gouvernement hollando-Macroniste,menteur,meurtrier,belliciste qui fout en l’air notre pays.Oui,je suis entièrement d’accord avec votre texte mais ce n’est pas avec mon Parti Complètement Foutu(PCF) que je peux exprimer ma colère immense vis à vis des Hollando-Macronistes.Donc je lutte contre ce gouvernement que j’exècre ,mais vous ne me comprenez pas,n’est ce pas?
     
     
     

  5. Bien que très attaché à ce qu’il est convenu de nommer notre système social, j’imagine une solution simple à ce problème qui devient un cirque politico-médiatique auto-entretenu qui révèle un peu plus encore les névroses de notre société à l’orée d’une dépression nerveuse.
    On supprime toutes les cotisations sociales, quelles qu’elles soient, et on détermine annuellement par un vote de l’assemblée le budget social pour chaque branche ; ainsi c’est la représentation nationale qui à la responsabilité politique de la dépense. Question recettes : ce sont les mêmes parlementaires qui votent l’impôt social prélevé sur tous les citoyens (cela fera des économies de gestion, privera quelques oligarques syndicaux de leurs prébendes, et diminuera le travail au noir) ; les recettes doivent être équivalentes aux dépenses votées. Les prestations d’assurance vieillesse seraient, comme l’impoôt social, d’un montant unique pour tous, disons le salaire minimum pour faire simple, on pourrait d’ailleurs utiliser la même somme pour les arrêts de travail et les autres revenus de solidarité. De même l’enveloppe des autres prestations sociales, y compris la branche maladie, seraient votées par le parlement, en fonction de ses priorités politiques et de son appréciation de la réalité économique du pays. Parallèlement et à la discrétion des citoyens ceux-ci pourraient souscrire diverses assurances par capitalisation ou par mutualisation.La protection sociale redeviendrait ainsi un système unitaire et égalitaire et non redistributif.
     

    • Descartes dit :

      @ Gerard Couvert

      [On supprime toutes les cotisations sociales, quelles qu’elles soient, et on détermine annuellement par un vote de l’assemblée le budget social pour chaque branche ; ainsi c’est la représentation nationale qui a la responsabilité politique de la dépense.]

      Votre « solution » pose en fait un énorme problème. Ce que vous proposez est de changer la nature de la retraite. Aujourd’hui, la pension que reçoit le retraité est la contrepartie des cotisations qu’il a versées tout au long de sa vie. Et c’est d’ailleurs pourquoi on ne peut modifier les conditions de retraite qu’à la marge, sans quoi on détruirait cette sorte de « contrat moral » qui fonde le système par répartition. Dans votre logique, la retraite devient une simple allocation, que la collectivité peut réduire ou augmenter selon son bon plaisir puisqu’il n’y a plus de notion de « contrepartie » et donc de réciprocité.

      [Question recettes : ce sont les mêmes parlementaires qui votent l’impôt social prélevé sur tous les citoyens (cela fera des économies de gestion, privera quelques oligarques syndicaux de leurs prébendes, et diminuera le travail au noir) ;]

      Je ne vois pas très bien pourquoi cela ferait « des économies de gestion ». Il n’est pas trivial que le coût de gestion des cotisations par l’assurance vieillesse soit inférieur à celui de la gestion des impôts. Il serait d’ailleurs intéressant de savoir sur quelle assiette vous fonderiez votre « impôt social ».

      [Les prestations d’assurance vieillesse seraient, comme l’impôt social, d’un montant unique pour tous, disons le salaire minimum pour faire simple, on pourrait d’ailleurs utiliser la même somme pour les arrêts de travail et les autres revenus de solidarité. De même l’enveloppe des autres prestations sociales, y compris la branche maladie, seraient votées par le parlement, en fonction de ses priorités politiques et de son appréciation de la réalité économique du pays.]

      Dans la pratique, c’est ce qui est en train d’arriver. La combinaison des carrières incomplètes et de l’augmentation du nombre de trimestres fait que de plus en plus de gens prennent leur retraite au taux minimum. Attendez quelques années et vous l’aurez, votre « montant unique pour tous »…

      Votre idée d’un système d’assurance uniforme est intéressante, mais il ne faudrait pas oublier que, contrairement aux autres prestations sociales, la retraite a une logique intergénérationnelle. Autrement dit, vous payez aujourd’hui pour toucher une retraite dans vingt, trente, quarante ans. Cette particularité introduit des contraintes particulières. Quand on parle de l’assurance maladie, le citoyen qui paye les cotisations est celui qui reçoit les prestations. Il peut donc se faire une idée à l’heure de voter des politiques qu’il veut voir appliquées. Mais lorsqu’il s’agit de la retraite, le citoyen qui vote et le citoyen qui touche ne sont pas tout à fait les mêmes. Quand je vote la mise en place d’un dispositif de capitalisation, il faudra attendre vingt, trente, quarante ans pour en voir les résultats…

      [Parallèlement et à la discrétion des citoyens ceux-ci pourraient souscrire diverses assurances par capitalisation ou par mutualisation. La protection sociale redeviendrait ainsi un système unitaire et égalitaire et non redistributif.]

      Je n’ai pas compris comment un système « non redistributif » peut être considéré comme « égalitaire ». A moins que vous fassiez référence à cette règle qui permet au riche et au pauvre de coucher sous les ponts s’ils le souhaitent. Loin d’être « égalitaire », votre système ne fait que perpétuer les inégalités en les renforçant.

      Accessoirement, je ne vois pas qu’est ce qui les empêche de le faire aujourd’hui. Si vous voulez mettre de l’argent à la banque pour toucher des intérêts, aucune loi ne vous l’interdit, que je sache. Au contraire, vous pouvez bénéficier de juteuses réductions fiscales (c’est à dire, d’une “redistribution” à l’envers…)

      • Gugus69 dit :

        Quand on parle de l’assurance maladie, le citoyen qui paye les cotisations est celui qui reçoit les prestations. Il peut donc se faire une idée à l’heure de voter des politiques qu’il veut voir appliquées. Mais lorsqu’il s’agit de la retraite, le citoyen qui vote et le citoyen qui touche ne sont pas tout à fait les mêmes. Quand je vote la mise en place d’un dispositif de capitalisation, il faudra attendre vingt, trente, quarante ans pour en voir les résultats…
         
        Ami et camarade, cela n’a aucune importance puisque vous nous expliquez par ailleurs, en long, en large et en travers, que les électeurs ne votent pas pour un programme, mais pour un candidat.
        C’est pour cette raison que vous considérez que la CGT et la CFDT ne sont pas responsables de la mise en œuvre de sa réforme des retraites, alors qu’elles ont appelé explicitement à voter pour Macron contre l’abomination fasciste et le retour des heures sombres.
        Dès-lors, pourquoi voudriez-vous qu’on débatte des programmes, sur les retraites ou quelque autre point que ce fut ? Il suffit d’être pour le gentil contre le méchant au deuxième tour, non ?

        • Descartes dit :

          @ Gugus69

          [Ami et camarade, cela n’a aucune importance puisque vous nous expliquez par ailleurs, en long, en large et en travers, que les électeurs ne votent pas pour un programme, mais pour un candidat.
          C’est pour cette raison que vous considérez que la CGT et la CFDT ne sont pas responsables de la mise en œuvre de sa réforme des retraites,]

          Ce n’est pas ce que j’ai dit. Ce que j’ai dit, c’est que le vote pour un candidat ne vaut pas mandat pour mettre en œuvre tous les points de son programme. Cela n’implique nullement qu’on « ne soit pas responsable » de ce que fait le candidat qu’on a choisi.

          Pour le formuler autrement : imaginons que Macron fasse quelque chose qui n’est pas dans son programme. Est-ce que ceux qui ont voté pour lui doivent assumer une responsabilité de ce fait ? Vous le voyez bien : que la chose soit ou non dans le programme ne change pas grande chose…

          [Dès-lors, pourquoi voudriez-vous qu’on débatte des programmes, sur les retraites ou quelque autre point que ce fut ? Il suffit d’être pour le gentil contre le méchant au deuxième tour, non ?]

          Je n’ai pas l’impression qu’on débatte beaucoup sur les programmes… Mais je le répète : pour moi, la démocratie ne se réduit pas à des élections tous les cinq ans. Dans une démocratie, le peuple participe aux décision tous les jours. S’il n’est pas content de ce que font les élus qu’il a mandaté, le peuple dispose du droit de pétition, de manifestation, et en situation extrême du droit inaliénable de « résistance à l’oppression ». C’est pourquoi je conteste l’idée que l’élection vaut mandat pour mettre en œuvre une quelconque promesse. Si le peuple ne veut pas d’une mesure, il a le droit de s’y opposer, quand bien même il aurait voté quelqu’un qui aurait inscrit cette mesure à son programme. Et l’opposition exprimée dans la rue n’est pas moins légitime que celle exprimée dans les urnes.

          Pensez à De Gaulle: en 1968, il avait encore quatre ans de mandat devant lui, et une majorité à l’Assemblée nationale. Il a cependant constaté que le peuple avait exprimé son rejet dans la rue, et a tiré la conclusion logique: dissoudre l’Assemblée nationale pour laisser au peuple la possibilité de s’exprimer, de confirmer ou d’infirmer le mandat reçu. Chirac a fait un peu la même chose en 1997, et son mandat n’a pas été confirmé. Tout le monde a rit de lui, mais je pense qu’il faut au contraire lui rendre hommage: le peuple avait remis en cause dans la rue son mandant avec les grèves de 1995, c’était normal de l’appeler à se prononcer. Chirac a d’ailleurs récidivé en appelant au référendum sur le TCE, estimant que ni lui ni l’assemblée élue en 2002 n’avaient la légitimité pour voter un texte aussi fondamental.

          Si Macron avait la trempe d’un De Gaulle, il dissoudrait l’Assemblée sur la question des retraites pour obtenir un mandat explicite sur ce point précis, ou bien il appellerait à un référendum. Et le peuple aurait ainsi la possibilité de démentir ceux qui protestent en son nom dans la rue, ou bien de leur donner raison!

          • Gugus69 dit :

            Je n’ai pas l’impression qu’on débatte beaucoup sur les programmes… Mais je le répète : pour moi, la démocratie ne se réduit pas à des élections tous les cinq ans.
             
            Oui, c’est vrai. D’ailleurs, ceux qui ont voulu faire barrage au “fascisme” en votant Macron ne pouvait pas faire référence au programme de Marine Le Pen, lequel ne contenait rien qui put être qualifié de “fasciste”… Cela au moins vous donne raison.

      • Vos objections à ma petite provocation sont impeccables ; effectivement il s’agirait de changer la nature de la retraite et d’en transférer la part non-égalitaire sur les citoyens, à leur risques et périls (j’en sais quelque chose …). En gros la société n’a pas à assurer lors de la retraite le maintien des différences sociales (ou de richesse), son rôle est de fournir à chacun, les fourmis comme les cigales, un revenu décent en toutes circonstances ; maladie, chômage, sur-formation ou re-formation, congé et vieillesse ; cela au prix d’une cotisation elle-aussi forfaitaire et identique pour tous puisque les prestations le seraient.
        Peu à peu tout le système social est devenu bancal à force de prestations de plus en plus variées, “justes” et “méritées” et de recettes de plus en plus indigentes du fait du chômage de masse, de l’allongement des études et de la vie, des maladies réelles ou induites et d’une sensibilité plus grande aux désagréments.
        Je vais vous donner un exemple, extrême, mon père, professeur, fit toute sa carrière dans “les colonies” puis aux indépendances fut conseiller, puis expert de l’UNESCO pour finir diplomate représentant du PNUD, ma mère professeur le suivit, elle eu 4 enfants ce qui lui permis de prendre sa retraite à 50 ans, à “taux plein”; mon père eu un AVC (en service commandé) et nous quitta une quinzaine d’années plus tard, permettant à ma mère de toucher en plus de sa pension, la “réversion” française de mon père et sa pension des Nations Unis, le tout représentait environ 5 fois le SMIG ; ma mère eu la chance de vivre en bonne forme jusqu’à 101 ans, elle passa donc plus de la moitié de sa vie avec une retraite très confortable …

        • Descartes dit :

          @ Gerard Couvert

          [Vos objections à ma petite provocation sont impeccables ; effectivement il s’agirait de changer la nature de la retraite et d’en transférer la part non-égalitaire sur les citoyens, à leur risques et périls (j’en sais quelque chose …). En gros la société n’a pas à assurer lors de la retraite le maintien des différences sociales (ou de richesse),]

          Mais c’est exactement ce que vous proposez ! Si vous demandez à tout le monde la même cotisation et que vous accordez une pension égale à tout le monde, cela veut dire que les riches qui peuvent se constituer à côté une capitalisation auront de belles retraites, et les pauvres iront se faire voir. Pire, votre système accentue l’injustice puisqu’avec des cotisations uniformes les riches toucheront la pension beaucoup plus longtemps que les pauvres, l’espérance de vie étant ce qu’elle est.

          [son rôle est de fournir à chacun, les fourmis comme les cigales, un revenu décent en toutes circonstances ; maladie, chômage, sur-formation ou re-formation, congé et vieillesse ; cela au prix d’une cotisation elle-aussi forfaitaire et identique pour tous puisque les prestations le seraient.]

          Autrement dit, pour vous il faudrait éliminer toute forme de redistribution. Les impôts aussi devraient être « forfaitaires et identiques pour tous », puisque nous sommes tous censés recevoir de l’Etat les mêmes prestations ? Dans la pratique, un tel système serait même anti-redistributif, puisque les riches reçoivent en fait bien plus de prestations que les pauvres, dans la mesure où ils vivent plus vieux…

          [Peu à peu tout le système social est devenu bancal à force de prestations de plus en plus variées, “justes” et “méritées” et de recettes de plus en plus indigentes du fait du chômage de masse, de l’allongement des études et de la vie, des maladies réelles ou induites et d’une sensibilité plus grande aux désagréments.]

          La fonction du système social est de mettre des limites à la rapacité des riches en créant une forme de redistribution obligatoire. Si l’on met fin à la redistribution, plus besoin de système social. Une assurance (privée ou publique, peu importe) fera l’affaire…

          [Je vais vous donner un exemple, extrême, mon père, professeur, fit toute sa carrière dans “les colonies” puis aux indépendances fut conseiller, puis expert de l’UNESCO pour finir diplomate représentant du PNUD, ma mère professeur le suivit, elle eut 4 enfants ce qui lui permis de prendre sa retraite à 50 ans, à “taux plein”;]

          Je ne comprends pas très bien. Les enfants comptent pour les trimestres cotisés, mais ne font pas baisser l’âge légal auquel on peut prendre sa retraite. Mais peut-être était-ce différent à l’époque ?

          [mon père eu un AVC (en service commandé) et nous quitta une quinzaine d’années plus tard, permettant à ma mère de toucher en plus de sa pension, la “réversion” française de mon père et sa pension des Nations Unis, le tout représentait environ 5 fois le SMIG ; ma mère eu la chance de vivre en bonne forme jusqu’à 101 ans, elle passa donc plus de la moitié de sa vie avec une retraite très confortable …]

          Mais votre père travailla toute sa vie… et ne toucha sa retraite que pendant un temps très court. C’est la logique de toute assurance : nombreux sont ceux qui payent la prime et ne touchent pas grande chose, pour que quelques-uns puissent toucher beaucoup. Je ne comprends pas très bien ce qui vous chagrine dans cette affaire, et ce que vous proposeriez de changer. Parce que dans cet exemple, le système que vous proposez n’aurait rien changé : votre père aurait payé la cotisation forfaitaire pour avoir la retraite de base, et avec le reste de ses gains aurait constitué un capital dont votre mère aurait bénéficié jusqu’à la fin de ses jours… en quoi cette situation aurait-elle été “plus juste” ?

  6. François dit :

    Bonsoir Descartes,
    Je profite de cet avant-dernier jour de janvier pour vous souhaiter à vous et à vos proches, ainsi qu’aux contributeurs de ce blog me meilleurs vœux pour cette année 2023.
     
    Pour en revenir à votre billet, je dirais que pour une majorité de mortels, « travail » se réfère étymologiquement à un instrument de torture, et quand le Tout Puissant leur enjoint de gagner leur pain à la sueur de leurs fronts, c’est perçu comme une sanction et non une récompense. De plus, je pense, que la retraite n’est plus perçue comme une rente (rente et retraite étant d’ailleurs un seul mot en allemand, Rente) destinée à compenser une inaptitude au travail, mais un congé à durée indéterminée, un paradis terrestre. Je dirais que c’est sous cet angle qu’il faut voir le rabaissement de l’âge de départ à 60 ans décidé sous Mitterrand. Car dans notre société largement tertiarisée, la perte liée à l’âge des capacités physique ne justifie que rarement une inaptitude professionnelle, tandis que les incapacités intellectuelles ne surviennent que rarement avant 70 ans.
    L’interdépendance dont vous parlez n’est qu’in fine qu’une nécessité et non un besoin.
     
    Quant à ladite réforme en question, désolé de revenir à mes idées fixes, mais comme l’a justement fait remarquer justement le gouvernement, alors que c’était explicitement dit dans son programme électoral qu’il comptait relever l’âge de départ à la retraite, de quoi se plaignent, en particulier les deux principaux syndicats (la CGT qui appelle à ne donner aucune voix à « l’extrême-droite », ou la CFDT qui a appelé à battre le RN), ce qui dans le choix binaire (non B étant strictement égal à A) du second tour d’un scrutin majoritaire revient donc logiquement dans les deux cas à appeler à faire gagner Macron ?
    Je tiens par ailleurs à souligner que paradoxalement la CFE-CGC n’a donné aucune consigne de vote, alors que l’on s’attendrait du syndicat des cadres, donc celui s’apparentant au mieux des « classes intermédiaires » soit le plus proche des idées de Macron.
    Comme pour Yves Bréchet, c’est trop tard pour changer de chemise. Choisir un candidat, surtout quand on engage publiquement sa parole, c’est comme signer un contrat, ça se fait en bloc, et non à la carte. Aucun vice de consentement dans le cas présent. Personnellement, par pure considération tactique, j’ai choisi un candidat NUPES au second tour des législatives pour priver Macron de majorité absolue. Ce candidat a été élu. Eh bien j’assume que cela puisse se faire au risque de scier la branche sur laquelle je suis assise, branche qui m’est particulièrement chère.
    Bref, à partir d’un moment il faut assumer de passer par pertes et profits, surtout que c’est la seconde fois qu’ils cèdent au chantage affectif. Errare humanum est, perseverare diabolicum, donc plus d’excuses.

    • Descartes dit :

      @ François

      [Pour en revenir à votre billet, je dirais que pour une majorité de mortels, « travail » se réfère étymologiquement à un instrument de torture, et quand le Tout Puissant leur enjoint de gagner leur pain à la sueur de leurs fronts, c’est perçu comme une sanction et non une récompense.]

      C’est plus ambigu que ça. Au jardin d’Eden, l’homme était un innocent, une sorte de grand enfant. Il ne pouvait rien construire, rien créer, rien engendrer. Ses jours se répétaient éternellement inchangés. C’est en mangeant du fruit « de l’arbre de la connaissance » qu’il devient capable d’engendrer, de créer, de construire… mais il y a une contrepartie : l’obligation de gagner le pain à la sueur de son front et d’enfanter dans la douleur !

      Le statut du travail a toujours été ambigu. D’un côté, c’est une contrainte, une obligation qui nous est imposée d’abord par le besoin de survie, et ensuite par une organisation sociale. De l’autre, c’est le processus par lequel l’homme se construit comme être social. D’où la complexité du problème.

      [De plus, je pense, que la retraite n’est plus perçue comme une rente (rente et retraite étant d’ailleurs un seul mot en allemand, Rente) destinée à compenser une inaptitude au travail,]

      Désolé, mais la retraite N’EST PAS UNE RENTE. C’est un salaire différé, ce qui est très différent. Une rente trouve son origine dans le prélèvement sur le travail d’autrui, la retraite sur son propre travail. Si l’on trouve une identification entre les deux c’est parce que, historiquement, seuls ceux qui avaient des « rentes » pouvaient se permettre de partir à la retraite. Il a fallu les gains très importants de productivité de la fin du XIXème siècle pour dégager les surplus nécessaires au financement d’un régime de retraite pour les travailleurs.

      [mais un congé à durée indéterminée, un paradis terrestre. Je dirais que c’est sous cet angle qu’il faut voir le rabaissement de l’âge de départ à 60 ans décidé sous Mitterrand. Car dans notre société largement tertiarisée, la perte liée à l’âge des capacités physique ne justifie que rarement une inaptitude professionnelle, tandis que les incapacités intellectuelles ne surviennent que rarement avant 70 ans.]

      Mais si nous sommes capables de travailler jusqu’à 70 ans, alors au lieu de partir à la retraite à 60 ans nous pourrions travailler jusqu’à 70 ans AVEC UNE INTENSITE REDUITE DE 20%. Personnellement, je trouverais beaucoup plus intéressant d’avoir une journée par semaine de plus pour aller à la pêche ou danser la zumba tout au long de ma vie plutôt que de m’arrêter de travailler à 60 ans ! Le paradoxe est que pour dégager ce « paradis » de la retraite, on transforme la jeunesse et l’âge adulte – c’est-à-dire la période la plus créative de la vie – en enfer en augmentant l’intensité du travail.

      [L’interdépendance dont vous parlez n’est qu’in fine qu’une nécessité et non un besoin.]

      Je n’ai pas compris cette remarque.

      [Quant à ladite réforme en question, désolé de revenir à mes idées fixes, mais comme l’a justement fait remarquer justement le gouvernement, alors que c’était explicitement dit dans son programme électoral qu’il comptait relever l’âge de départ à la retraite, de quoi se plaignent, en particulier les deux principaux syndicats (la CGT qui appelle à ne donner aucune voix à « l’extrême-droite », ou la CFDT qui a appelé à battre le RN), ce qui dans le choix binaire (non B étant strictement égal à A) du second tour d’un scrutin majoritaire revient donc logiquement dans les deux cas à appeler à faire gagner Macron ?]

      Je pense que votre raisonnement contient une erreur. L’élection ne vaut pas mandat d’appliquer son programme. On élit une personne, pas un programme. L’élection de Macron témoigne du fait que les électeurs le jugent la personne à même de défendre au mieux – ou au moins mal – leurs intérêts. Mais on élit une personne, et non un programme.

      [Je tiens par ailleurs à souligner que paradoxalement la CFE-CGC n’a donné aucune consigne de vote, alors que l’on s’attendrait du syndicat des cadres, donc celui s’apparentant au mieux des « classes intermédiaires » soit le plus proche des idées de Macron.]

      Rien d’étonnant là-dedans : les adhérents de la CFE-CGC n’ont pas besoin qu’on leur dise ce qu’il faut voter pour mettre dans l’urne un bulletin Macron… alors, à quoi bon donner une consigne ? Le fait que la CGT ou la CFDT aient donné des consignes de voter contre le RN ne fait que mettre en évidence le fait que certains adhérents de ces syndicats pouvaient être tentés par ce vote.

      [Choisir un candidat, surtout quand on engage publiquement sa parole, c’est comme signer un contrat, ça se fait en bloc, et non à la carte.]

      Justement, je ne suis pas d’accord. On vote pour une personne, pas pour un programme. Il peut y avoir une majorité dans le pays pour soutenir 90% du programme d’un candidat, et une majorité pour rejeter le 10% restant. Votre modèle réduit le fonctionnement démocratique à une élection tous les cinq ans et puis c’est tout, puisqu’ensuite on ne pourrait contester le droit de l’heureux élu à appliquer son programme. Je ne partage pas ce modèle : pour moi, la démocratie est un rapport vivant de tous les instants. Le fait qu’on considère Macron comme le moins mauvais des candidats n’implique nullement qu’il puisse se dispenser de nous convaincre que chacune des mesures qu’il propose est bonne, et que le peuple n’ait aucun moyen de bloquer celles qu’il estime mauvaises. La démocratie, c’est un dialogue permanent, et non un chèque sur cinq ans.

      [Aucun vice de consentement dans le cas présent. Personnellement, par pure considération tactique, j’ai choisi un candidat NUPES au second tour des législatives pour priver Macron de majorité absolue. Ce candidat a été élu. Eh bien j’assume que cela puisse se faire au risque de scier la branche sur laquelle je suis assise, branche qui m’est particulièrement chère.]

      Vous voulez dire que si la NUPES avait obtenu, grâce à votre vote, une majorité dans l’assemblée et avait appliqué son programme vous auriez jugé illégitime de militer contre telle ou telle mesure prise par cette majorité ?

      • Tythan dit :

        @ DescartesCher Descartes, je me dois de réagir quand vous écrivez : 
        “Désolé, mais la retraite N’EST PAS UNE RENTE. C’est un salaire différé, ce qui est très différent. Une rente trouve son origine dans le prélèvement sur le travail d’autrui, la retraite sur son propre travail. Si l’on trouve une identification entre les deux c’est parce que, historiquement, seuls ceux qui avaient des « rentes » pouvaient se permettre de partir à la retraite. Il a fallu les gains très importants de productivité de la fin du XIXème siècle pour dégager les surplus nécessaires au financement d’un régime de retraite pour les travailleurs”.
        A moins que je ne vous ai pas compris, que vous le vouliez ou non, la retraite telle que versée par le système français est bien prélevée sur le travail d’autrui, celui des travailleurs actuels. De la même manière, le propriétaire qui reçoit un loyer d’un immeuble par exemple, prélève bien sa rente sur le travail de son locataire (à moins que ce dernier soit lui-même rentier, mais au final c’est bien le travail qui finance tout).Le débat entre retraite par capitalisation/répartition ne tient pas dans le travail différé ou non, puisque c’est bien celui actuel, dans une perspective marxiste, qui est la source de toute richesse, mais dans la détention ou non par le retraité d’un capital.Le système par capitalisation fait acquérir par un surcroît d’épargne tout au long de sa vie un capital au futur retraité qui en jouira des fruits et, au moment de sa retraite, en disposera. Mais il ne diffère pas du système par répartition en ce que c’est bien le travail de ceux qui utilisent ce capital qui rémunèrent le retraité rentier.Dans le système par répartition, le futur retraité paye directement ceux qui le sont déjà, mais bénéficie d’un droit au paiement des cotisations des futurs actifs et des actifs plus jeunes que lui.L’énorme avantage du système par capitalisation que je vois est qu’il permettrait à notre pays de réconcilier les Français avec le capitalisme et pour l’Etat de le contrôler quelque peu : autant on n’a aucun pouvoir sur les fonds américains, autant on pourrait s’en donner sur des fonds basés en France. 

        • Descartes dit :

          @ Tythan

          [A moins que je ne vous ai pas compris, que vous le vouliez ou non, la retraite telle que versée par le système français est bien prélevée sur le travail d’autrui, celui des travailleurs actuels.]

          Il ne faut pas confondre le sens économique d’une transaction et l’organisation de la tuyauterie. Du point de vue de la tuyauterie, vous avez raison : l’argent qui est versé aux retraités sort de la poche des travailleurs. Mais imaginons que je fasse la réforme suivante : au lieu de prélever sur les actifs pour payer les retraités, je constitue un emprunt obligatoire. Chaque mois, vous devez prêter à une caisse un montant déterminé, exactement identique aux cotisations que vous versez aujourd’hui. Le capital ainsi emprunté vous sera rendu au moment de votre rentraite sous forme de rente viagère, avec un montant mensuel exactement identique à la pension que vous toucheriez sous le système actuel. L’équilibre du système réside dans le fait que la caisse emprunte aux uns est pour rembourser les montants qu’elle a emprunté aux autres…

          Dans ce système de tuyauterie, il n’y a plus de « prélèvement sur les actifs pour payer les retraités », puisque chacun reçoit formellement l’argent qu’il a lui-même prêté. Cependant, on voit bien que du point de vue économique, ce système est parfaitement équivalent au système par répartition simple. Ce sont les mêmes agents qui à un moment cèdent obligatoirement de la valeur, et les mêmes agents qui sont bénéficiaires de cette valeur. C’est simplement la tuyauterie qui est différente…

          [De la même manière, le propriétaire qui reçoit un loyer d’un immeuble par exemple, prélève bien sa rente sur le travail de son locataire (à moins que ce dernier soit lui-même rentier, mais au final c’est bien le travail qui finance tout).]

          Pas du tout. Le loyer que le propriétaire reçoit aujourd’hui n’a pas pour contrepartie les loyers qu’il a payé hier. Sa fonction économique est donc totalement différente.

          [Le débat entre retraite par capitalisation/répartition ne tient pas dans le travail différé ou non, puisque c’est bien celui actuel, dans une perspective marxiste, qui est la source de toute richesse, mais dans la détention ou non par le retraité d’un capital.]

          Mais dans la retraite par répartition le retraité détient bien un « capital ». On peut parfaitement considérer la retraite comme une rente viagère constituée sur le « capital » que représentent les droits constitués au cours de sa carrière active. Encore une fois, la capitalisation ou la répartition sont des tuyauteries pour organiser le versement du salaire différé. Mais elles sont économiquement équivalentes. La véritable question est celle de l’universalité des régimes et de leur caractère obligatoire, beaucoup plus de la « tuyauterie »…

          [Le système par capitalisation fait acquérir par un surcroît d’épargne tout au long de sa vie un capital au futur retraité qui en jouira des fruits et, au moment de sa retraite, en disposera.]

          Non. La retraite par capitalisation constitue un « capital » versé sous forme de rente viagère. Le retraité ne dispose donc pas vraiment du « capital ».

          [L’énorme avantage du système par capitalisation que je vois est qu’il permettrait à notre pays de réconcilier les Français avec le capitalisme et pour l’Etat de le contrôler quelque peu : autant on n’a aucun pouvoir sur les fonds américains, autant on pourrait s’en donner sur des fonds basés en France.]

          Je ne vois pas très bien en quoi la capitalisation « réconcilierait les Français avec le capitalisme ». Je doute que les salariés d’ENRON aient du capitalisme une très haute opinion. Dans un système par capitalisation, la sécurisation des retraites nécessiterait une intervention permanente de l’Etat pour vérifier que les gestionnaires des fonds ne prennent des risques inconsidérés. Ce n’est pas là une logique très « capitaliste ».

          Quant à l’idée que la capitalisation « constituerait des fonds basés en France », c’est un mythe qui ne résiste pas l’analyse. Imaginons un instant qu’on crée aujourd’hui un système de pensions par capitalisation. Au départ, ce fond serait vide, et les travailleurs actuels devraient l’alimenter pour pouvoir avoir une retraite. Mais en même temps, ils devraient payer les cotisations pour payer les retraites des retraités actuels (à moins que vous proposiez de laisser les retraités qui ont cotisé à la répartition sans retraite ?). Autrement dit, vous ne pouvez constituer ces fameux « fonds » qu’en soumettant les actifs à la double peine : une cotisation pour la capitalisation de leur retraite, et une cotisation pour celle des retraités qui ont payé leur cotisations à la répartition par le passé… A ce prix, je vous propose une autre manière de constituer les fameux « fonds » : on garde la répartition, et on fait cotiser les actifs la deuxième fois pour abonder un fond d’investissement dont
          ils ne verront pas la couleur !

          C’est là que vous voyez la seule véritable différence entre la répartition et la capitalisation, et c’est l’amorçage. Si je crée aujourd’hui une retraite par capitalisation, il faudra attendre quarante ans pour que le premier retraité touche la retraite complète. Avec le système par répartition, je peux permettre aux vieux qui ont atteint l’âge de la retraite de partir des maintenant. C’est peut-être injuste, puisqu’ils n’ont pas cotisé, mais je sauve une génération de la misère.

      • Variant des Sources dit :

         [Mais si nous sommes capables de travailler jusqu’à 70 ans, alors au lieu de partir à la retraite à 60 ans nous pourrions travailler jusqu’à 70 ans AVEC UNE INTENSITE REDUITE DE 20%. Personnellement, je trouverais beaucoup plus intéressant d’avoir une journée par semaine de plus pour aller à la pêche ou danser la zumba tout au long de ma vie plutôt que de m’arrêter de travailler à 60 ans ! Le paradoxe est que pour dégager ce « paradis » de la retraite, on transforme la jeunesse et l’âge adulte – c’est-à-dire la période la plus créative de la vie – en enfer en augmentant l’intensité du travail]
        L’idée est intéressante. Le souci, c’est que ceux qui veulent réformer la retraite jusqu’a 70 ans, au hasard parmi les commentateurs du Figaro, on veut également repasser à la semaine de 40 heures, payée 35 naturellement, tout en supprimant le temps de pause, symbole du salarié fainéant à qui le brave entrepreneur donne la paye…
         

        • Descartes dit :

          @ Variant des Sources

          [L’idée est intéressante. Le souci, c’est que ceux qui veulent réformer la retraite jusqu’a 70 ans, au hasard parmi les commentateurs du Figaro, on veut également repasser à la semaine de 40 heures, payée 35 naturellement, tout en supprimant le temps de pause, symbole du salarié fainéant à qui le brave entrepreneur donne la paye…]

          Que la réforme des retraites telle que proposée aujourd’hui par Macron – et hier par les socialistes, et avant hier par la droite, n’oublions pas que tous ces gens répondent aux mêmes intérêts – vise à transférer le revenu du travail vers le capital, c’est logique et presque trivial. Et c’est pourquoi les gens qui la soutiennent sont les mêmes qui veulent non seulement l’intensification et l’allongement du temps de travail. Rien de nouveau sous le soleil.

          Mais je pense que les progressistes ont tort de s’arc-bouter sur les alternatives posées par leurs adversaires: plus que discuter la durée du travail ou l’âge de la retraite, on aurait intérêt à réfléchir au sens qu’on veut donner au travail, à la notion d’activité, à la distribution du revenu suivant les âges de la vie dans une société plus juste. Ce n’est que comme ça qu’on pourra échapper aux fausses dichotomies du genre “souffrir plus en activité pour mieux profiter de la retraite”.

  7. cdg dit :

    Texte interessant. Je pense qu en effet le principal probleme c est qu on a fait de la retraite un eden et de la vie au travail un enfer, au point que les gens attendent la retraite pour pouvoir “en profiter”. Et je confirme ce que dit l auteur, quand j etais gamin (annees 70) j ai le souvenir de gens qui ne voulaient pas partir a la retraite (alors qu aujourd hui vous annoncez un plan de pre retraite et la queue se fait devant le DRH). Les gens en question etaient ouvrier, c etait donc pas des postes bien payés ou agreable mais ils avaient le sentiment d etre utile, de produire quelque chose. Et la societe jugeait durement les oisifs (une sandrine rousseau aurait ete disqualifiee)
    Comment inverser la tendance ? j avoue ne pas avoir de certitude. Les conditions de travail de 1970 etaient souvent pire qu en 2023, mais il y avait moins de bullshit job (dont certains sont tres remunerateurs, que ca soit influenceur ou tradeur (meme si ce dernier est de plus en plus fat par des ordinateurs).
    Mais quand vous voyez que le niveau de vie de retraités est superieur aux actifs vous vous dites qu il y a quelque chose qui cloche. Il faut quand meme que la  personne qui travaille ait a la fin du mois le sentiment de vivre bien mieux que celle qui reste sur son canapé
    PS: la partie sur le PIB et le capital est a mon avis erronnée
    Deja un partie du capital finance les pensions de retraite (capitalisation). C est vrai que le travailleur francais finance ici le retraité US ou fonctionnaire (prefon) mais rien n aurait empeche la france de faire un systeme comme en suisse avec capitalisation et repartition
    ensuite si j en crois “le nombre de retraités du régime général a augmenté de près de 47 % entre 2002 et 2022, passant de 10 millions à 15 millions, soit en moyenne une croissance de 1,9 % par an” (https://www.statistiques-recherches.cnav.fr/retraites-en-paiement-au-31-decembre.html) votre raisonnement est intenable. le PIB francais n a jamais cru de 1.9 % en moyenne sur 20 ans (sur https://fr.statista.com/statistiques/479446/evolution-annuelle-du-pib-en-volume-france/ on est 7 fois au dessus de 1.9 entre 2002 et 2022 et je suis gentil car je ne compte pas l impact des recessions)
     

    • Descartes dit :

      @ cdg

      [Texte intéressant. Je pense qu’en effet le principal problème c’est qu’on a fait de la retraite un Eden et de la vie au travail un enfer, au point que les gens attendent la retraite pour pouvoir “en profiter”.]

      Oui. Mais on peut distinguer là-dedans deux aspects : un aspect « matériel », qui dérive du fait que la réduction du temps de travail sans perte de niveau de vie implique une intensification permanente du travail, avec des conséquences néfastes sur la qualité de vie au travail. Et un aspect symbolique, avec une injonction permanente à faire du loisir l’alpha et l’oméga de la vie. Il y a une dialectique entre les deux, qui se renforcent réciproquement.

      [Et je confirme ce que dit l’auteur, quand j’étais gamin (années 70) j’ai le souvenir de gens qui ne voulaient pas partir à la retraite (alors qu’aujourd’hui vous annoncez un plan de pré-retraite et la queue se fait devant le DRH).]

      L’exemple est très bien choisi. Je me souviens encore, lorsque les pré-retraites ont été lancées comme instrument de la politique de l’emploi – que ce soit pour faire face aux licenciements massifs liés à la désindustrialisation ou pour faire place aux jeunes – les syndicats et les ouvriers eux-mêmes ont réagi très négativement. Les gens considéraient ces départs « forcés » comme une négation de leur statut social.

      [Comment inverser la tendance ? J’avoue ne pas avoir de certitude. Les conditions de travail de 1970 étaient souvent pires qu’en 2023, mais il y avait moins de bullshit job (dont certains sont très rémunérateurs, que ça soit influenceur ou tradeur (même si ce dernier est de plus en plus fait par des ordinateurs).]

      Je me méfie de cette théorie des « bullshit jobs ». Si quelqu’un vous paye pour faire un boulot, c’est que ce boulot sert les intérêts de quelqu’un. Par ailleurs, si les conditions objectives de travail aujourd’hui sont nettement meilleures qu’en 2023, c’est moins évident lorsqu’on parle des conditions subjectives. Comment valoriser les garanties d’un statut, d’une carrière, de la stabilité de l’emploi ? Comment quantifier la disparition du « contrat moral » avec l’entreprise, la brutalité des nouvelles méthodes de management, la pression de travail toujours croissante ?

      [Mais quand vous voyez que le niveau de vie de retraités est supérieur aux actifs vous vous dites qu’il y a quelque chose qui cloche. Il faut quand même que la personne qui travaille ait a la fin du mois le sentiment de vivre bien mieux que celle qui reste sur son canapé.]

      Pourquoi ? Le sentiment que demain sera meilleur qu’hier est très important pour les êtres humains. Savoir qu’à partir d’un certain âge votre niveau de vie va se dégrader n’est pas forcément très encourageant. Il n’y a rien de scandaleux au fait que les retraités vivent mieux que les actifs. C’est une question de choix : on peut préférer se serrer la ceinture quand on est actif pour avoir une retraite confortable, ou préférer un meilleur niveau de vie lorsqu’on est actif pour ensuite faire des économies quand on est retraité. Les deux choix sont parfaitement honorables…

      [Déjà un partie du capital finance les pensions de retraite (capitalisation). C’est vrai que le travailleur Français finance ici le retraité US ou fonctionnaire (prefon) mais rien n’aurait empêché la France de faire un système comme en suisse avec capitalisation et répartition.]

      Il faut arrêter de se raconter des histoires. La retraite par capitalisation existe et a toujours existé. Rien ne vous empêche de mettre de côté de l’argent pour votre retraite, et contrairement à ce que pensent ceux qui ont l’habitude de taper sur les fonctionnaires, cette possibilité n’est pas réservée à cette catégorie. La Préfon n’est pas plus avantageuse que les mécanismes de retraite par capitalisation mis en place par les entreprises, ou les dispositifs de type PERP. Mais même en dehors de ces schémas, la capitalisation a toujours existé. Prenez le cas du retraité propriétaire de sa maison : il économise un loyer, et cela doit donc être regardé comme un revenu (défiscalisé en plus !).

      [Ensuite si j’en crois “le nombre de retraités du régime général a augmenté de près de 47 % entre 2002 et 2022, passant de 10 millions à 15 millions, soit en moyenne une croissance de 1,9 % par an” (…) votre raisonnement est intenable. Le PIB français n’a jamais cru de 1.9 % en moyenne sur 20 ans (…).]

      Vous faites dans votre calcul une erreur de dénominateur. Imaginons que vous n’ayez en tout et pour tout qu’un seul retraité en France en 2002, et qu’en 2022 vous en ayez deux. Cela représente une augmentation de 100%. Est-ce que pour faire face à votre augmentation vous auriez besoin d’une augmentation du PIB de 100% ? Bien évidemment, non…

      Faisons un calcul de coin de table. Avec 15 millions de retraités, ceux-ci représentent moins d’un quart de la population. Si l’on suppose que le PIB est uniformément distribué sur l’ensemble de la population, les retraités touchent moins du quart du PIB. Si en vingt ans le nombre de retraités augmente de 50%, il suffirait que pendant le même temps le PIB augmente de 13% pour y faire face sans toucher le niveau de vie des autres parties de la population. Ce qui représente une croissance annuelle moyenne de 0,6%. C’est déjà bien plus raisonnable.

      • C. dit :

        @ Descartes
        “Faisons un calcul de coin de table. Avec 15 millions de retraités, ceux-ci représentent moins d’un quart de la population. Si l’on suppose que le PIB est uniformément distribué sur l’ensemble de la population, les retraités touchent moins du quart du PIB. Si en vingt ans le nombre de retraités augmente de 50%, il suffirait que pendant le même temps le PIB augmente de 13% pour y faire face sans toucher le niveau de vie des autres parties de la population. Ce qui représente une croissance annuelle moyenne de 0,6%. C’est déjà bien plus raisonnable.”
        Votre calcul de coin de table n’est pas si positif. Cela signifie qu’il faut au moins 0,6% de croissance annuelle seulement pour conserver le niveau de vie de chacun. Autrement dit, si l’on suppose que le nombre d’actifs reste stable, leur productivité aura augmenté de 13% en 20 ans… et ils n’en auront pas vu un sou !

        • Descartes dit :

          @ C.

          [Votre calcul de coin de table n’est pas si positif. Cela signifie qu’il faut au moins 0,6% de croissance annuelle seulement pour conserver le niveau de vie de chacun. Autrement dit, si l’on suppose que le nombre d’actifs reste stable, leur productivité aura augmenté de 13% en 20 ans… et ils n’en auront pas vu un sou !]

          Pas du tout. Vous parlez comme si « actifs » et « retraités » étaient deux catégories déconnectées. Mais ce n’est pas le cas : les actifs d’aujourd’hui sont les retraités de demain. Et ces actifs dont la productivité aura augmenté de 13% auront gagné… le fait d’avoir une retraite plus longue sans perte de niveau de vie. Ce n’est pas négligéable ! Est-ce qu’ils préféreraient toucher tout de suite ces 13% mais avoir une retraite plus faible ? Voilà la véritable question…

          • cdg dit :

            Le raisonnement a à mon avis 2 problemes :
            1) il suppose que le PIB est reparti equitablement sur toute la population. A mon avis c est clairement faux.
            Schematiquement vous avez 3 classes d ages :
            les enfants : le cout majeur c est l education. disons 5000€/mois (salaire du prof+entretien de l ecole et de l administration de l EN) a diviser par 20 eleves soit 250€/mois
            les actifs : les allocations en tout genre (RSA, allocation familiale, APL). Ca varie evidement fortement car certains touchent rien et d autre beaucoup mais disons RSA pour tous soit 600 €/mois
            les retraités : les pensions et les soins medicaux (50% du cout d un assuré social c est sur sa derniere annee de vie). soyons genereux et ignoront les soins. la pension moyenne est de 1500 € (https://manouvellevie.groupama.fr/retraite-moyenne-france)
            on a donc un retraité qui touche pres du triple d un actif et 6 fois plus qu un enfant. et j ai pris des hypotheses tres favorable pour le retraité
            2) dans l histoire on a encore jamais eut croissance economique et baisse de la consommation d energie. donc soit on continue a croitre et on a des problemes de changement climatique qui vont couter (je reste sur le plan comptable) soit on reduit le consommation d energie et donc la croissance et la on devient incapable de payer les retraites

            • Descartes dit :

              @ cdg

              [Le raisonnement a à mon avis 2 problemes :
              1) il suppose que le PIB est reparti equitablement sur toute la population. A mon avis c est clairement faux. Schematiquement vous avez 3 classes d ages :
              les enfants : le cout majeur c est l education. disons 5000€/mois (salaire du prof+entretien de l ecole et de l administration de l EN) a diviser par 20 eleves soit 250€/mois
              les actifs : les allocations en tout genre (RSA, allocation familiale, APL). Ca varie evidement fortement car certains touchent rien et d autre beaucoup mais disons RSA pour tous soit 600 €/mois
              les retraités : les pensions et les soins medicaux (50% du cout d un assuré social c est sur sa derniere annee de vie). soyons genereux et ignoront les soins. la pension moyenne est de 1500 €]

              Là, vous mélangez tout. Pour les enfants vous prenez le cout (en ignorant pour des raisons que je ne vois pas le gîte et le couvert), pour les actifs vous prenez les allocations mais pas les revenus du travail ou du capital (qui pourtant comptent dans le PIB), pour les retraités les pensions.

              Non, à l’heure de regarder la distribution du PIB entre les classes d’âge, il faut regarder soit leur revenu, soit leurs dépenses. La réalité est que le niveau de vie n’est pas très différent selon les âges de la vie. Celui des enfants et celui des actifs est à peu près identique (normal, ils vivent ensemble), celui des retraités légèrement supérieur. On ne mange pas mieux quand on est retraité que quand on est enfant, on n’est pas mieux logé, on n’est pas mieux équipé. L’hypothèse d’une distribution relativement homogène n’est donc pas si absurde.

              [on a donc un retraité qui touche pres du triple d un actif et 6 fois plus qu un enfant. et j ai pris des hypotheses tres favorable pour le retraité]

              N’avez-vous pas oublié que les actifs touchent aussi un salaire ? La distribution du PIB ne se réduit pas aux allocations et aux pensions…

              [2) dans l’histoire on a encore jamais eut croissance économique et baisse de la consommation d’énergie. Donc soit on continue a croitre et on a des problèmes de changement climatique qui vont couter (je reste sur le plan comptable) soit on réduit le consommation d énergie et donc la croissance et la on devient incapable de payer les retraites]

              S’il est vrai que « dans l’histoire » il n’y a jamais eu de croissance économique sans croissance de la consommation d’énergie, il est tout aussi vrai que « dans l’histoire » nous n’avons jamais été limités en termes de ressource énergétique, et donc jamais incités à trouver une croissance qui s’accompagne d’une réduction de la consommation d’énergie. Maintenant que cette pression existe, nous trouverons probablement une solution. Après tout, « dans l’histoire » (puisque vous aimez cet argument) l’être humain a toujours trouvé des solutions aux problèmes qui se posaient à lui pour continuer à grandir… pourquoi penser que ce sera différent cette-fois ci ?

              Maintenant, admettons que vous ayez raison, que la décroissance soit inéluctable. Dans ce cas, la question se posera de réduire le niveau de vie de l’ENSEMBLE des citoyens. La question sera toujours la même : comment distribuer le gâteau entre les âges de la vie. Et si l’on veut vivre plus longtemps, alors il faudra consommer moins…

            • cdg dit :

              [Là, vous mélangez tout. Pour les enfants vous prenez le cout (en ignorant pour des raisons que je ne vois pas le gîte et le couvert), pour les actifs vous prenez les allocations mais pas les revenus du travail ou du capital (qui pourtant comptent dans le PIB), pour les retraités les pensions.]
              Non, je calculais la ponction du PIB par classe d age. Car c est ca dont on parle (quel % du PIB faut il consacrer pour payer les pensions). Le fait que les actifs travaillent n a rien a voir avec ca. Car dans votre raisonnement si on augmente le nombre de retraité de 50 %, on augmente la ponction des retraités sur le PIB de 50 %. Si on prend vos chifffres ca se passe bien si les retraités font 25 % des ponctions (ce qui correspond a leur % dans la population). Si les retraités ponctionnent bien plus que leur % de la population, ca va moins bien se passer car c est plus 0.6 % de croissance qu il va falloir
               
              [S’il est vrai que « dans l’histoire » il n’y a jamais eu de croissance économique sans croissance de la consommation d’énergie, il est tout aussi vrai que « dans l’histoire » nous n’avons jamais été limités en termes de ressource énergétique, et donc jamais incités à trouver une croissance qui s’accompagne d’une réduction de la consommation d’énergie. Maintenant que cette pression existe, nous trouverons probablement une solution. Après tout, « dans l’histoire » (puisque vous aimez cet argument) l’être humain a toujours trouvé des solutions aux problèmes qui se posaient à lui pour continuer à grandir… pourquoi penser que ce sera différent cette-fois ci ?]
              Je vous trouve bien optimiste
              Deja l homme n a pas toujours trouvé des solutions pour continuer a grandir. C est vrai a partir du XIX sciecle mais nettement moins avant. Regardez les famines du moyen age ou la regression qui a accompagné la chute de l empire romain (je reste en europe, sinon on pourrait aussi parler de la chute des empires pre colombien dont on ne sait pas trop la raison)
              Ensuite, la solution quandl homme c est trouve face a une limite a ete piller le voisin. Ce qui etait en effet efficace  (plus de ressource pour le vainqueur avec un peu moins de bouches a nourrir) mais c est de moins en moins vrai : les degas d une guerre au moyen age sont sans commune mesure avec une guerre moderne. donc le vainqueur risque de se retrouver avec des ruines chez lui et dans le territoire conquis et un territoire impropre a toute activité economique (miné, contaminé par des produits chimiques ou explosifs comme la zone rouge de 14-18)
               
              Pour finir, il faut bien voir que si par miracle on trouve une solution pour croitre economiquement en consommant moins d energie, il faudra des investissements massifs (et des depreciations d actifs qui le sont autant. une raffinerie par ex ne faudra plus rien).
              Ou trouver cet argent ?
              Pour vous donner une idee, l investissement public, c est 4.8 % du PIB. les pensions pres de 15 % (3 fois plus) et les soins medicaux 9 % (le double)
               

            • Descartes dit :

              @ cdg

              [« Là, vous mélangez tout. Pour les enfants vous prenez le cout (en ignorant pour des raisons que je ne vois pas le gîte et le couvert), pour les actifs vous prenez les allocations mais pas les revenus du travail ou du capital (qui pourtant comptent dans le PIB), pour les retraités les pensions. » Non, je calculais la ponction du PIB par classe d’age. Car c’est ça dont on parle (quel % du PIB faut-il consacrer pour payer les pensions).]

              Tout à fait. Mais les salaires sont, eux aussi, une « ponction sur le PIB », tout comme les profits ou les allocations… alors si vous prenez la « ponction du PIB » consacré aux enfants, vous ne pouvez pas seulement prendre ce qu’ils reçoivent en termes d’éducation ou d’allocations. Il faut aussi prendre la part que les parents y consacrent sur leurs revenus salariaux. Même chose pour les actifs.

              [Car dans votre raisonnement si on augmente le nombre de retraité de 50 %, on augmente la ponction des retraités sur le PIB de 50 %.]

              C’est vous qui dites cela, lorsque vous écrivez que pour supporter une augmentation du nombre de retraités de 50% en vingt ans il faudrait une croissance de 50% sur la même période. Moi, je vous ai répondu que c’est là une erreur de calcul. Si les retraites représentent un quart de la population, l’augmentation de 50% du nombre de retraités se traduit (toutes choses égales par ailleurs et en supposant un niveau de vie uniforme en fonction de l’âge) peut être couverte par une croissance de 12,5%.

              [Si on prend vos chifffres ca se passe bien si les retraités font 25 % des ponctions (ce qui correspond a leur % dans la population). Si les retraités ponctionnent bien plus que leur % de la population, ça va moins bien se passer car c’est plus 0.6 % de croissance qu’il va falloir]

              Tout à fait. Mais vous n’avez toujours pas démontré que les retraités « ponctionnent bien plus que leur pourcentage dans la population ». L’ensemble des pensions de retraite représente aujourd’hui selon la DREES la somme de 330 Md€ (chiffres 2020) alors que le PIB est de l’ordre de 2500 Md€. La « ponction sur le PIB » des retraites est donc de l’ordre de 13%. Bien moins que leur pourcentage dans la population.

              Bien sûr, ce chiffre ne représente que les pensions des régimes obligatoires. A cela il faudrait rajouter la part des revenus du capital encaissée par les retraités. Il est probable que cette part soit supérieure à celle encaissée par les autres tranches d’âge, vu que le patrimoine tend à se constituer avec le temps. Mais à supposer que ces revenus DOUBLENT la part des retraités dans le partage du PIB, la part de ceux-ci resterait dans les limites de leur représentativité dans la population…

              Conclusion : il ne faut pas se laisser berner par les discours alarmistes, dont le seul but est de déguiser les contraintes artificielles que l’on s’est imposé, et dont la principale consiste à ne pas toucher les revenus du capital… voire de les augmenter. Il est clair que si l’on ne veut pas toucher le capital, alors les possibilités d’assurer l’équilibre du système de retraites se limitent à un partage de la charge entre les âges de la vie et l’augmentation de la productivité.

              [« S’il est vrai que « dans l’histoire » il n’y a jamais eu de croissance économique sans croissance de la consommation d’énergie, il est tout aussi vrai que « dans l’histoire » nous n’avons jamais été limités en termes de ressource énergétique, et donc jamais incités à trouver une croissance qui s’accompagne d’une réduction de la consommation d’énergie. Maintenant que cette pression existe, nous trouverons probablement une solution. Après tout, « dans l’histoire » (puisque vous aimez cet argument) l’être humain a toujours trouvé des solutions aux problèmes qui se posaient à lui pour continuer à grandir… pourquoi penser que ce sera différent cette-fois ci ? » Je vous trouve bien optimiste.]

              Je ne vois pas pourquoi. Si vous acceptez l’argument « dans l’histoire » pour démontrer que croissance économique et croissance de la consommation d’énergie sont nécessairement liées, je ne fois pas pourquoi vous rejetez ce même argument lorsqu’il s’agit de montrer que l’homme trouve toujours des solutions aux problèmes qui se posent à lui. Pourquoi l’argument vaut pour le « pessimisme » et non pour « l’optimisme » ?

              [Déjà l’homme n’a pas toujours trouvé des solutions pour continuer à grandir. C’est vrai à partir du XIX siècle mais nettement moins avant.]

              Relisez l’histoire. Il est vrai que les inventions s’accélèrent considérablement au XIXème siècle, mais il ne faut pas croire qu’entre l’empire romain et la révolution industrielle ne s’est rien passé. Le moyen-âge et encore plus la Renaissance alignent une longue liste de problèmes résolus. On n’attend pas le XIXème siècle pour adopter la boussole et le calcul astronomique, qui permet la navigation hauturière et les découvertes de la Renaissance…

              [Regardez les famines du moyen âge ou la régression qui a accompagné la chute de l’empire romain (je reste en europe, sinon on pourrait aussi parler de la chute des empires pre colombien dont on ne sait pas trop la raison)]

              Quelle « régression » ? On a l’impression que la civilisation a « reculé » parce que nous tendons à associer celle-ci à la construction de grands ouvrages ou au développement des arts. Mais ici on ne parlait pas de cela, mais de résolution des problèmes. Il n’est pas du tout évident que les romains résolvaient mieux les problèmes qui se posaient à eux que les paysans du haut moyen-âge. La productivité romaine était catastrophique, et si une classe dominante pouvait mener grand train, c’est parce qu’elle pouvait compter sur une masse d’esclaves pour faire le boulot. La chute de l’empire romain marque un recul dans les arts et les grandes constructions, parce qu’elle s’accompagne de la disparition de la classe qui pouvait se les payer. Mais il est loin d’être évident que le niveau de vie de la moyenne de la population se soit dégradé de ce fait…

              [Ensuite, la solution quand homme se trouve face à une limite a été piller le voisin.]

              Cette méthode atteint asses rapidement ses limites. Parce qu’une fois que vous avez pillé le voisin, il vous faut trouver un autre voisin à piller, et puis un autre, et un autre… et rapidement vous devez aller les chercher trop loin. Et puis, le voisin finit par avoir la même idée que vous… Alors, quand on regarde l’histoire, on voit qu’après une phase de pillage, les civilisations ont cherché au contraire à développer la productivité dans leur propre territoire.

              [Pour finir, il faut bien voir que si par miracle on trouve une solution pour croitre économiquement en consommant moins d’énergie, il faudra des investissements massifs (et des dépréciations d’actifs qui le sont autant. une raffinerie par ex ne faudra plus rien). Ou trouver cet argent ?]

              Je ne poserai pas la question en termes « d’argent ». L’argent aujourd’hui n’est qu’un morceau de papier avec des chiffres dessus. Pour examiner ces questions, il faut aller dans l’économie matérielle. Les investissements dont vous parlez, c’est en fait du travail : du travail pour construire de nouvelles usines, de nouvelles infrastructures. Du travail pour produire les matériaux nécessaires. Du travail pour inventer de nouvelles façons de faire. Du travail pour former les gens qui devront réaliser tout cela. Or, du travail, nous en avons. Une masse de 5 millions de chômeurs ou exclus de l’emploi qui n’attend que cela.

              [Pour vous donner une idée, l’investissement public, c’est 4.8 % du PIB. Les pensions près de 15 % (3 fois plus) et les soins médicaux 9 % (le double)]

              Pourquoi excluez-vous de l’équation l’investissement privé ? Après tout, dans une économie libérale comme la nôtre, c’est le capital privé qui devrait être la principale source de l’investissement, non ?

      • cdg dit :

        “Je me méfie de cette théorie des « bullshit jobs ». Si quelqu’un vous paye pour faire un boulot, c’est que ce boulot sert les intérêts de quelqu’un.”
        C est meme pas sur. vous avez des emplois qui consistent a remplir des feuilles excel pour avoir une certification ISO, pour prouver que vous avez appliqué la procedure X (en cas d audit ou de probleme). 
        On a une bureaucratie meme dans le privé. Dans un de mes anciens postes je passait pas mal de temps a remplir des formulaires dont je suis sur que personne ne lisait (du moment que le status n etait pas en rouge)
        Van Hamme (l auteur des BD SOS bonheur) expliquait comment lui etait venu l idee de cette BD. Il etait cadre dans une multinationale. tous les mois il recevait un gros document qu il n avait pas demandé et qu il mettait a la poubelle. Apres enquete, il se rend compte que plusieurs personnes recoivent ce document et qu aucune ne sait pourquoi. A un moment il decouvre la personne qui le fait et lui demande pourquoi : il y a des annees la DG avait demandé un rapport pour un besoin precis. C est cette personne qui a ete chargé de produire le document. et depuis personne n a pensé a lui dire que ca ne sert plus a rien …
        “Par ailleurs, si les conditions objectives de travail aujourd’hui sont nettement meilleures qu’en 2023, c’est moins évident lorsqu’on parle des conditions subjectives. Comment valoriser les garanties d’un statut, d’une carrière, de la stabilité de l’emploi ? Comment quantifier la disparition du « contrat moral » avec l’entreprise, la brutalité des nouvelles méthodes de management, la pression de travail toujours croissante ?”
        tout a fait. je prefererai retourner en 90 avec 5h de plus par semaine
        je pense que le patronat a scié la branche sur lequel il etait assis. a force de presser les gens, il a reussi a faire du travail un repoussoir et de transformer les gens en pur mercenaires (autrement dit, bye bye l amour du travail bien fait)
        Pendant longtemps ca a marché: augmentation des cadences, baisse des salaires d embauche, chantage au licenciement (si tu n es pas content 10 attendent apres ta place)
        Mais la le mecanisme se grippe: le travail est vu comme une torture donc les gens ne veulent pas travailler plus longtemps ou desertent certains postes et la demographie fait qu on a plus pléthore de chomeurs ou puisser pour renouveller le cheptel. et il faut quand meme bien remplacer certains boomers (meme si certains postes sont delocalisés ou informatisés)

        • Descartes dit :

          @ cdg

          [« Je me méfie de cette théorie des « bullshit jobs ». Si quelqu’un vous paye pour faire un boulot, c’est que ce boulot sert les intérêts de quelqu’un. » Ce n’est même pas sûr. Vous avez des emplois qui consistent a remplir des feuilles Excel pour avoir une certification ISO, pour prouver que vous avez appliqué la procédures X (en cas d’audit ou de problème).]

          Oui… mais pourquoi la bourgeoisie – qui a aujourd’hui le pouvoir – ne casse pas tout ce système de certification ISO, puisque vous me dites qu’elle est totalement inutile ? Pourquoi soutien-t-elle une logique qui lui fait perdre de l’argent sans rien lui apporter en échange ? Ce sont ces questions qui me conduisent à me méfier de la théorie des « bullshit jobs ». Si quelqu’un paye une activité, c’est que cette activité a pour lui une utilité. Le tout est de comprendre à qui profite cette affaire…

          [On a une bureaucratie même dans le privé. Dans un de mes anciens postes je passais pas mal de temps a remplir des formulaires dont je suis sûr que personne ne lisait (du moment que le status n’était pas en rouge)]

          Mais alors, pourquoi les remplissiez-vous ? Si vous étiez « sûr » que personne ne les lisait, vous auriez parfaitement pu mettre des chiffres au hasard, et vous économiser pas mal de travail. Pourtant vous ne l’avez pas fait… ce qui tendrait à prouver que vous n’étiez pas si « sûr » que cela que personne ne les lisait. Encore une fois, je ne pense pas que les bourgeois paieraient une « bureaucratie » si celle-ci ne leur apportait pas quelque bénéfice. La question, au risque de me répéter, est de savoir quel est exactement la fonction de cette bureaucratie, et en quoi son existence est utile et à qui.

          [C’est cette personne qui a été chargé de produire le document. Et depuis personne n’a pensé à lui dire que ça ne sert plus à rien …]

          Ça n’a rien à voir avec les « bullshit jobs ». C’est ce qu’on appelle « l’inertie fonctionnelle ». Aucune organisation ne s’interroge en permanence sur l’utilité de chacune de ses activités. Il est donc parfaitement possible qu’une activité QUI ETAIT UTILE DANS LE PASSE ait cessé de l’être sans que l’organisation s’en aperçoive. Et l’activité continue donc à être exécutée. Mais cette situation répond à un équilibre économique : le fait qu’une activité inutile se poursuive a un coût, mais le fait de réinterroger en permanence l’utilité de chacune des activités de l’organisation a, lui aussi, un coût, qui peut être beaucoup plus important. C’est pourquoi la réintérrogation ne se fait qu’avec des périodes plus ou moins longues, et qu’en attendant on peut découvrir de temps en temps, comme dans votre exemple, qu’on continue à faire des choses parfaitement inutiles…

          [tout a fait. je prefererai retourner en 90 avec 5h de plus par semaine
          je pense que le patronat a scié la branche sur lequel il etait assis. a force de presser les gens, il a reussi a faire du travail un repoussoir et de transformer les gens en pur mercenaires (autrement dit, bye bye l amour du travail bien fait)]

          Ce que Marx appellerait une « contradiction du capitalisme ». Dans la poursuite de l’augmentation du taux d’exploitation, le capitalisme détruit les structures anthropologiques sur lesquelles repose son efficacité.

  8. Odile F dit :

    Cher Descartes,
    Tout à fait d’accord sur l’idée d’un départ modulé selon les capacités de chacun. J’ai d’ailleurs eu une conversation pénible avec l’un de mes gendres, médecin, qui trouvait parfaite cette réforme et me disait que pour sa part, il souhaitait continuer à travailler après 64 ans. Impossible de lui faire comprendre que certains, ayant commencé à travailler à 16 ans, étaient usés avant même 60 ans. J’ai dû mal m’y prendre.
    Une phrase m’interpelle par ailleurs. “Mais on sait que la question du travail ne sera pas posée, parce que cela reviendrait à remettre profondément en cause le système.” Car c’est un sujet qui me paraît fondamental en ce moment et qui mériterait effectivement d’être creusé. De quel travail parle t-on ?
    En effet : 1- nombre de jeunes (dans la trentaine) autour de moi, généralement bac+5, (ingénieur, école de commerce, pharmacien , avocat, …je pourrais vous citer de nombreux exemples) démissionnent de leur travail salarié dans de grandes entreprises. Le plus souvent, soit ils s’orientent vers un travail d’enseignant (instituteur ou en collège-lycée), soit ils s’installent à la campagne en un lieu isolé. Dans tous les cas, ils réduisent fortement leur train de vie. Ce phénomène a trouvé un nom dans la presse  « la grande démission », et semblerait toucher tous les types de métier.
    2- nombre de mes amis ont eu des fins de carrière difficiles, avec des mises au placard plus ou moins violentes.
    3- par-ci, par là, j’entends telle ou telle de mes connaissances affirmer que les jeunes ne veulent plus travailler, ou bien que la valeur du travail a disparu.
    Et ce dernier point me dérange, je ne crois pas que cela soit exact. Je pense plutôt que ces jeunes ne trouvent plus de place qui leur convienne dans le système qui leur est proposé : système managérial importé des USA (à bien des égards infantilisant) ; dans une logique financière de très court terme ; seuls devant leur ordinateur ; et au service de quel objectif in fine ? Donc, le contexte de travail est très différent de celui qui existait encore il y a une quarantaine d’années.
    Quand ils se posent la question fondamentale : « à quoi je collabore ? », ou même plus simplement : « à quoi sert mon travail ? », ils ne trouvent pas de réponse satisfaisante me semble t-il. Cette crise du travail me paraît être un symptôme de la grave crise de sens que nous traversons, dans un système que je considère comme totalitaire, y compris dans certaines entreprises.
    En tout cas, je continue à essayer de comprendre ces différents phénomènes, et je serais très heureuse si, dans un prochain article vous posiez la question du travail, quitte à remettre en cause le système !

    • Descartes dit :

      @ Odile F

      [En effet : 1- nombre de jeunes (dans la trentaine) autour de moi, généralement bac+5, (ingénieur, école de commerce, pharmacien, avocat, …je pourrais vous citer de nombreux exemples) démissionnent de leur travail salarié dans de grandes entreprises. Le plus souvent, soit ils s’orientent vers un travail d’enseignant (instituteur ou en collège-lycée), soit ils s’installent à la campagne en un lieu isolé. Dans tous les cas, ils réduisent fortement leur train de vie. Ce phénomène a trouvé un nom dans la presse « la grande démission », et semblerait toucher tous les types de métier.]

      J’avais fait un papier sur cette question, mais ma réflexion a avancé depuis. D’abord, vous noterez que ce phénomène touche essentiellement les classes intermédiaires, qui ont un capital et un train de vie suffisamment élevé pour pouvoir se permettre de le « réduire fortement » sans pour autant tomber dans la misère. On imagine mal un ouvrier du BTP faisant la même chose.

      Ensuite, il y a je pense un véritable problème d’intensification du travail. La survalorisation du loisir par rapport au travail a conduit à un mouvement dans lequel les gens font de plus en plus des travaux qui ne les passionnent pas, qui ne leur procurent aucun plaisir, qui sont purement alimentaires mais qui leurs permettent d’alimenter leurs loisirs. Et logiquement, dans ce contexte le but est de travailler le moins possible pour étendre autant que faire se peut le domaine du loisir.

      Mais dès lors qu’on veut travailler de moins en moins, vous avez le choix : soit vous sacrifiez votre train de vie – et c’est le phénomène dont vous parlez – soit vous acceptez une intensification du temps de travail qui vous reste. Quand on a fait les trente-cinq heures sans diminution de salaire, on a accepté implicitement de faire en trente-cinq heures le même travail qu’on faisait en trente-neuf auparavant avec les mêmes outils et instruments. Ce qui représente une intensification du travail de 10%, ce qui est loin d’être négligeable. Une intensification qui pousse les gens… à abandonner le monde du travail pour étendre encore le domaine du loisir. C’est un cercle vicieux redoutable…

      [2- nombre de mes amis ont eu des fins de carrière difficiles, avec des mises au placard plus ou moins violentes.]

      C’est un autre signe des temps. Dans une société qui n’a pas notion du temps, où chacun veut « tout, tout de suite », on dérive très vite vers le jeunisme. Hier, on commençait sa carrière en bas, et on montait un à un les échelons pour arriver au grade le plus élevé à la soixantaine. Maintenant, on entend des jeunes de vingt-cinq ans exiger qu’on « leur donne des responsabilités » du plus haut niveau. On glorifie des PDG de 25 ans, on donne en exemple des premiers ministres de 30 ans et on devient président de la République à quarante. Mais un tel système entraîne un énorme gâchis : pour faire place aux jeunes, il faut « mette au placard » des gens bien formés et expérimentés qui n’ont pas encore réalisé tout leur potentiel.

      [3- par-ci, par là, j’entends telle ou telle de mes connaissances affirmer que les jeunes ne veulent plus travailler, ou bien que la valeur du travail a disparu. Et ce dernier point me dérange, je ne crois pas que cela soit exact. Je pense plutôt que ces jeunes ne trouvent plus de place qui leur convienne dans le système qui leur est proposé : (…)]

      Je voudrais bien vous donner raison… mais malheureusement, après avoir beaucoup regardé autour de moi, je pense que vous avez tort. Les jeunes – parce que c’est le discours dominant – assimilent souvent le travail à un enfer, alors que le loisir est le paradis. Même l’apprentissage scolaire, qui devrait pourtant être un temps de découverte et d’émerveillement, est le plus souvent associé à une torture, et de brillants pédagogues expliquent qu’il faut le rendre ludique, c’est-à-dire, le déguiser pour qu’il s’apparente au loisir. Ce discours a un effet incroyablement négatif sur la jeunesse, qu’on encourage même dans les classes dominantes à faire du travail un geste purement alimentaire.

      [Donc, le contexte de travail est très différent de celui qui existait encore il y a une quarantaine d’années. Quand ils se posent la question fondamentale : « à quoi je collabore ? », ou même plus simplement : « à quoi sert mon travail ? », ils ne trouvent pas de réponse satisfaisante me semble-t-il.]

      Je ne crois pas que les jeunes se posent vraiment cette question. Quand on regarde les débats sur Parcoursup et sur les motivations pour choisir telle ou telle formation, la question du « sens » apparaît très rarement, sans quoi on aurait bien plus de plombiers et moins de sociologues…

      [En tout cas, je continue à essayer de comprendre ces différents phénomènes, et je serais très heureuse si, dans un prochain article vous posiez la question du travail, quitte à remettre en cause le système !]

      J’essaye, j’essaye…

  9. C. dit :

    @ Descartes
    “Alors qu’on parle de réhabiliter la « valeur travail », le discours de la gauche aboutit au résultat inverse : le travail devient une torture dont il faut s’affranchir autant que faire se peut pour rejoindre le monde enchanté du loisir. Mais le discours produit des résultats paradoxaux : d’un côté, on veut réduire le temps de travail – que ce soit par réduction de la durée hebdomadaire, par avancement de l’âge de la retraite ou par des études de plus en plus longues. Et cela, bien entendu, sans réduction du niveau de vie. Et comme les gains de productivité par la technologie sont relativement faibles aujourd’hui – ceux qui voudraient me parler de numérisation sont renvoyés à la remarque fort pertinente de Robert Solow – la seule possibilité d’équilibrer l’équation est d’augmenter l’intensité du travail. Et donc de transformer effectivement le lieu de travail en enfer sur terre. Et c’est exactement ce à quoi on assiste. L’exemple des hôpitaux, où les 35 heures ont créé une situation invivable, est un bon exemple. Mais il y en a beaucoup d’autres.”
     
    J’ai vu passer une statistique parlante pour illustrer votre propos: la France est le pays de l’OCDE où le nombre d’heures travaillées par habitant (actifs et inactifs) est le plus faible (https://www.rtl.fr/actu/economie-consommation/les-francais-ne-travaillent-que-630-heures-par-an-un-record-selon-l-ocde-7795138516).
    En contrepartie, c’est un des pays où la productivité par heure travaillée est la plus élevée (https://www.oecd.org/media/oecdorg/2016-1/PR_Productivity_Compendium_2017_fr.png).

    • Descartes dit :

      @ C.

      [J’ai vu passer une statistique parlante pour illustrer votre propos: la France est le pays de l’OCDE où le nombre d’heures travaillées par habitant (actifs et inactifs) est le plus faible (…). En contrepartie, c’est un des pays où la productivité par heure travaillée est la plus élevée (….).]

      Tout à fait. Et cela continue : pas plus loin qu’hier je voyais tourner en boucle un reportage intitulé « la semaine de quatre jours : que des avantages ». Je note que deux jours après la parution de mon papier un docte journaliste du « Monde » écrit un article parlant de « l’intensification du travail » pour aboutir à la même conclusion que moi. Se serait-il inspiré de ce blog ?

  10. Magpoul dit :

    Bonjour,
    Votre dernière phrase m’a rappelé cette belle chanson de Ferrat (Mourir au Soleil) et surtout ce passage:
    Je voudrais mourir deboutDans un champ, au soleilNon dans un lit aux draps froissésÀ l’ombre close des voletsPar où ne vient plus une abeille
    Je ne sais pas si Ferrat pensais à ce que vous évoquez, mais ça s’y prête bien je trouve. 
    [C’est pourquoi, personnellement, je ne conçois pas qu’on puisse s’arrêter de travailler alors qu’on en est encore capable, qu’on a les moyens physiques et humains. Vous me direz que c’est la vision petit-bourgeoise de quelqu’un qui fait un travail intéressant dans des conditions particulièrement agréables.]
    Je suis en doctorat et j’aimerai devenir chercheur et professeur donc je vous comprend complètement. Je ne me vois pas arrêter à 64 ans (enfin je pense que d’ici là l’âge sera bien différent). Néanmoins, comment organiser un système qui puisse réellement prendre en compte les travaux pénibles qui usent? Serait-il possible que pour chaque profession, les travailleurs eux-mêmes décident d’un âge à atteindre, et, s’ils le souhaitent, à dépasser? 
    [ En allant à la pêche ou en prenant des cours de zumba, il ne rend plus aucun service à la cité, et à ce titre il n’est plus tout à fait un citoyen]
    Qu’est-ce que la “cité” pour vous ? J’aimerai donner à la citoyenneté cette définition mais je me demande aussi ce qu’est un “service à la cité” au XXIe siècle. Je réside en Allemagne pour mon doctorat, j’y paye mes impôts et j’y travaille. Est-ce là un service? 

    • Descartes dit :

      @ Magpoul

      [Je suis en doctorat et j’aimerai devenir chercheur et professeur donc je vous comprend complètement. Je ne me vois pas arrêter à 64 ans (enfin je pense que d’ici là l’âge sera bien différent). Néanmoins, comment organiser un système qui puisse réellement prendre en compte les travaux pénibles qui usent ? Serait-il possible que pour chaque profession, les travailleurs eux-mêmes décident d’un âge à atteindre, et, s’ils le souhaitent, à dépasser ?]

      Pas évident à créer un système qui fonctionne dans tous les cas. Le meilleur que j’ai vu proposer est un système dans lequel ceux qui prennent leur retraite à l’âge légal toucheraient une pension plafonnée à un niveau relativement faible, équivalente à celle que touche en moyenne un ouvrier par exemple. Chaque année supplémentaire apporterait une hausse du plafond relativement importante de cette pension, et un cadre qui voudrait toucher sa pension complète devrait aller jusqu’à 68 ans, par exemple. Un tel système encouragerait les hauts salaires à continuer à travailler, alors que les bas salaires partiraient à l’âge légal sans être pénalisés. Et comme les hauts salaires correspondent en général à des métiers mois pénibles, qu’on peut faire jusqu’à un âge plus avancé (ou dans lesquels on peut se reconvertir), le tour est joué.

      [« En allant à la pêche ou en prenant des cours de zumba, il ne rend plus aucun service à la cité, et à ce titre il n’est plus tout à fait un citoyen » Qu’est-ce que la “cité” pour vous ?]

      J’ai utilisé ce terme vague justement pour ne pas exclure des cas comme le votre. A l’heure actuelle, vous vivez en Allemagne, vous profitez des services allemands, et vous payez vos impôts en Allemagne. On pourrait penser que votre « cité » est l’Allemagne… mais vous n’êtes un « citoyen » allemand. Votre lien avec ce pays est purement contractuel. De l’autre côté, la France vous a fait, a payé une bonne partie de votre formation, et votre rapport avec elle n’est pas purement contractuel: vous y avez des droits et des devoirs inconditionnels.

      • Magpoul dit :

        [Votre lien avec ce pays est purement contractuel. De l’autre côté, la France vous a fait, a payé une bonne partie de votre formation, et votre rapport avec elle n’est pas purement contractuel: vous y avez des droits et des devoirs inconditionnels.]
        Je suis parfaitement d’accord. Néanmoins, je me demande si le citoyen du XXIe siècle se sent lié par autre chose que cet aspect “contractuel” que vous mentionnez. J’ai conscience que mon devoir est de revenir au pays et de participer à sa recherche, d’enseigner à mon tour et de former des chercheurs. Mais, soyons honnêtes: très peu de personnes de mon entourage raisonnent ainsi. Je ne pense même pas qu’ils se demandent si ils sont des “citoyens” et qu’ils s’interrogent sur leur devoirs. Dès lors, ces devoirs sont-ils si “inconditionnels”? Ce qui sépare un citoyen Allemand de ma personne actuellement, étant le faible degré de conscience nationale chez mes collègues, j’ai du mal à le cerner.  Notez que je parle de mon entourage donc d’une classe sociale bien définie. Je pense que la majorité de cette classe ne s’interroge plus sur ses devoirs et donc peut se dire “citoyen du monde” ou “citoyen européen”. 
        D’ailleurs quels sont ces devoirs? Payer l’impôt? Voter? Participer à la vie politique? Au jour où toute forme de transcendance a été amenuisée, j’ai l’impression que ces devoirs deviennent bien plus personnels que collectifs, donc qu’ils ne sont plus “inconditionnels”, car ils dépendent de l’individu. Je pourrai très bien me décider à m’exiler aux USA sans être puni. Au final, sommes-nous vraiment encore des citoyens?

        • Descartes dit :

          @ Magpoul

          [Je suis parfaitement d’accord. Néanmoins, je me demande si le citoyen du XXIe siècle se sent lié par autre chose que cet aspect “contractuel” que vous mentionnez.]

          C’est une très bonne question. La réponse est probablement différente en fonction du « citoyen » considéré. Car selon le groupe social auquel on appartient, la dépendance à cette « solidarité inconditionnelle » ne sont pas tout à fait les mêmes. Aujourd’hui, l’idéologie dominante tend à mettre en avant les liens « contractuels » plutôt que les liens « statutaires », parce que c’est là que se trouvent les intérêts des classes dominantes, bourgeoisie et classes intermédiaires confondues. Chez les couches populaires, l’attachement à la logique de protection collective – et donc de solidarité inconditionnelle – reste beaucoup plus fort. Il n’y a rien d’étonnant au fait qu’aujourd’hui les partis politiques « nationalistes » sont populaires, alors que les classes dominantes sont plutôt du côté des « internationalistes ». C’est d’ailleurs curieux de comparer ce paysage politique avec celui de l’avant-guerre de 1914. A l’époque, le nationalisme était l’apanage des classes dominantes, alors que l’internationalisme était plutôt du côté des partis ouvriers. Il faut dire qu’à l’époque les classes dominantes avaient besoin de la conscription pour protéger leurs intérêts, alors que l’Etat état fort peu protecteur pour les couches populaires…

          Accessoirement, dans un monde de plus en plus dangereux, alors que l’illusion post-89 se dissipe lentement, la question de la solidarité inconditionnelle – qui est celle de la Nation – revient sur le devant de la scène. On le voit bien en Ukraine…

          [Mais, soyons honnêtes : très peu de personnes de mon entourage raisonnent ainsi. Je ne pense même pas qu’ils se demandent s’ils sont des “citoyens” et qu’ils s’interrogent sur leurs devoirs.]

          Probablement pas : aujourd’hui, dans les classes dominantes on ne pense qu’à ses droits. L’idéologie dominante traduit cela d’ailleurs à la perfection. Et cependant… regardez le discours médiatique sur l’Ukraine : on ne perd pas une opportunité pour nous montrer des jeunes ukrainiens « faisant leur devoir » de défendre leur patrie devant les affreux russes. L’invocation de ce discours montrent qu’il reste quelque part dans notre subconscient l’idée que nous avons un « devoir » envers notre patrie, qui va jusqu’au sacrifice suprême.

          [Dès lors, ces devoirs sont-ils si “inconditionnels”?]

          Il reste quand même un certain degré d’inconditionnalité. On continue à transférer des sommes très importantes pour permettre à nos concitoyens de la Corse et de l’Outre-mer d’avoir un niveau de vie convenable, on continue à trouver normal lorsqu’une catastrophe touche une partie du territoire que l’Etat se porte au secours des sinistrés avec les moyens de la collectivité. Mais au fond, le seul « devoir » qui est matériellement présent est le devoir fiscal.

          [Ce qui sépare un citoyen Allemand de ma personne actuellement, étant le faible degré de conscience nationale chez mes collègues, j’ai du mal à le cerner.]

          J’aurais tendance à dire que la différence est que vous pouvez être expulsé d’Allemagne, et que le citoyen Allemand ne court aucun risque à ce propos. Autrement dit, le jour où vous coûtez trop cher à l’Allemagne, vous serez renvoyé chez vous sans complexe, parce que l’Allemagne ne vous doit rien. Alors que vous ne pouvez pas être expulsé de France, parce que la France vous doit une solidarité inconditionnelle. Je vous accorde que c’est une situation théorique, mais elle reste quand même lourde de conséquences.

          [Notez que je parle de mon entourage donc d’une classe sociale bien définie. Je pense que la majorité de cette classe ne s’interroge plus sur ses devoirs et donc peut se dire “citoyen du monde” ou “citoyen européen”.]

          Jusqu’au jour où on a un pépin. Et alors, on se souvient tout à coup qu’on est citoyen français. Pensez aux femmes françaises jihadistes retenues en Irak. Quand leurs avocats se battent pour leur rapatriement, ils ne vont pas le demander à l’Allemagne, vous aurez noté.

          [D’ailleurs quels sont ces devoirs ? Payer l’impôt ? Voter ? Participer à la vie politique ?]

          Payer l’impôt, obéir à la loi, participer à la solidarité et la défense nationale… le problème ici n’est pas tant l’existence des devoirs, mais leur matérialisation. Dans notre société capitaliste, tous ces devoirs ont été réduits à un rapport purement monétaire. Notre participation à la défense ou à la solidarité nationales se confond pour la plupart de nos concitoyens avec le paiement de l’impôt.

          [Je pourrai très bien me décider à m’exiler aux USA sans être puni.]

          Bien sur que non. D’abord, il vous faudrait obtenir une « carte verte », et on ne la donne pas à n’importe qui. Mais surtout, vous seriez obligé de vivre aux USA, et j’ai du mal à imaginer une punition plus terrible… 😉

          [Au final, sommes-nous vraiment encore des citoyens ?]

          Pour moi, la citoyenneté n’est pas une question subjective. Nous sommes des citoyens, au sens que nous avons un ensemble de droits et corrélativement des devoirs. Que nous refusions de payer nos dettes ne les efface pas. Autrement dit, on peut se demander si nous nous avons conscience d’être citoyens, mais nous le sommes, que nous le voulions ou non…

  11. Geo dit :

    @Descartes
    [Quant à moi, je voudrais mourir au travail, comme Molière…]
    Bien compréhensible mais ce qui se profile pour les salariés est une prise en tenaille:
    -d’un coté, tu “Vous devez travailler plus longtemps” (Discours de la réforme)
    -de l’autre :”Bon monsieur, quand partez-vous?” (Les entreprises n’aiment guère garder les vieux. Et qui les embauche?)
    Ceci risque bien de rendre infernales les fins de carrière, à vrai dire le fait déjà pour beaucoup de gens. Le mot doux de Macron selon lequel “les entreprises doivent jouer le jeu avec les seniors” aura un effet nul en l’absence de contraintes capables de le rendre opératoire.
     

    • Descartes dit :

      @ Geo

      [Bien compréhensible mais ce qui se profile pour les salariés est une prise en tenaille:
      -d’un coté, tu “Vous devez travailler plus longtemps” (Discours de la réforme)
      -de l’autre :”Bon monsieur, quand partez-vous?” (Les entreprises n’aiment guère garder les vieux. Et qui les embauche?)]

      Tout à fait. Il y a là une contradiction maintes fois soulignées et que personne semble-t-il ne veut regarder en face. D’un côté, le « jeunisme » ambiant – accentué par l’incapacité des jeunes embauchés à s’inscrire dans un « cursus honorum » long et a accepter la frustration de ne pas avoir « tout, tout de suite » – pousse les « vieux » vers des postes subalternes ou carrément vers la sortie. De l’autre, on constate qu’envoyer les « vieux » à la retraite est un gâchis de compétences et de force de travail. Prenons notre président : élu à 40 ans, il sera poussé vers la sortie et sans possibilité de promotion à 50…

      Ce vers quoi on s’achemine à mon avis, c’est vers la logique anglosaxonne des carrières « en cloche ». Dans la logique méritocratique qui est la nôtre, qui valorisait la connaissance et l’expérience, le travailleur devait avoir, dans l’idéal, une carrière linéaire toujours montante tant en termes de rémunération que de responsabilités. Chaque poste préparait à un poste futur mieux payé et plus élevé. Dans le monde anglosaxon, qui valorise plutôt la performance, la carrière suit une courbe « en cloche », avec des promotions pendant les premières années qui permettent d’atteindre un maximum vers 45-50 ans, puis une décrue tant en termes de responsabilité que de salaire, qui permettent aux anciens de rester « compétitifs » par rapport aux jeunes…

  12. P2R dit :

    @ Descartes
     
    Je reviens sur cette question de l’intensification du travail, une prise de position intéressante mais qui m’étonne venant de votre part, dans ce qu’elle peut avoir de victimiste, même si je comprends bien que cette intensification est la conséquence d’un effet de vase communicants entre temps de travail et temps personnel VOULU par les acteurs du système.
     
    Je pense qu’hier, on bossait largement aussi intensément qu’aujourd’hui, mais que d’une part les temps “morts” étaient beaucoup plus sociaux, là où aujourd’hui chacun est replié sur son téléphone ou son ordinateur, sans même parler de cette horreur appelée télétravail, et que d’autre part, l’horaire de travail était beaucoup moins sacralisé qu’aujourd’hui. On restait volontier quelques minutes de plus discuter avec l’équipe de relève ou avec ses collègues, par exemple.
     
    Enfin, il faut aussi mettre le monde du travail de 2023 dans le contexte de la mutation sociale ultra-individualiste que nous constatons tous. Avec des arrivants sur le marché du travail éduqués aux mamelles de l’enfant roi, comment s’étonner que des personnes ne supportant aucune frustration, inaptes à la moindre remise en question et persuadés d’être au centre de l’univers voient dans des notions telles que l’esprit d’équipe, la conscience professionnelle, le compagnonage, en gros dans tout ce qui peut faire la beauté et l’intérêt du travail, une image très convaincante de l’enfer…
     
    Ceci bien sûr s’ajoute à une dégradation bien réelle des conditions de travail dans certains milieux professionnels. Mais Je pense que ce point méritait d’être pondéré. L’individualisme est très majoritairement à l’origine de la dégradation de l’image du travail, plutôt que l’inverse.
     
     

    • Descartes dit :

      @ P2R

      [Je reviens sur cette question de l’intensification du travail, une prise de position intéressante mais qui m’étonne venant de votre part, dans ce qu’elle peut avoir de victimiste, même si je comprends bien que cette intensification est la conséquence d’un effet de vase communicants entre temps de travail et temps personnel VOULU par les acteurs du système.]

      Je ne vois pas très bien en quoi mon approche serait « victimiste ». L’intensification du travail a toujours été un objectif du capital, contre laquelle les travailleurs se sont continument battus. Les congés payés, les pauses obligatoires n’ont pas été introduits dans le code du travail à l’initiative des employeurs, croyez-moi. Certains employeurs, plus « sociaux » que d’autres, ont d’ailleurs réfléchi sur les limites de l’intensification, et découvert qu’au-delà d’une certaine intensité, la productivité du travailleur diminue. Ainsi, par exemple, le repos dominical imposé en Angleterre au XVIIIème siècle a été en grande partie soutenu par le patronat, même s’il a fallu passer par une institution extérieure, l’église, pour l’imposer, sans quoi il y aurait toujours eu des « passagers clandestins ».

      Ce qui a changé, c’est le discours dominant. Hier, on nous expliquait qu’il fallait intensifier le travail pour être plus compétitif. Aujourd’hui, on est devenu plus hypocrite : on nous explique qu’il faut intensifier pour dégager du temps de loisir, le seul temps ou l’on peut être véritablement « heureux ».

      L’intensification est d’ailleurs dans la logique de la modernité : si vous investissez massivement dans des moyens de production modernes, le coût de chaque minute improductive augmente. C’est pourquoi les industries fortement capitalistiques tournent souvent en 3×8. Laisser dormir un outil de production couteux, c’est une aberration économique. La véritable question est d’augmenter l’intensité du travail de la machine sans l’imposer à l’homme qui la conduit.

      [Je pense qu’hier, on bossait largement aussi intensément qu’aujourd’hui, mais que d’une part les temps “morts” étaient beaucoup plus sociaux, là où aujourd’hui chacun est replié sur son téléphone ou son ordinateur, sans même parler de cette horreur appelée télétravail, et que d’autre part, l’horaire de travail était beaucoup moins sacralisé qu’aujourd’hui.]

      On travaillait plus – en durée de travail – mais beaucoup moins intensément. Ce que vous appelez « les temps morts » étaient beaucoup plus courants et plus riches d’échanges. Sans compter le fait qu’il y avait beaucoup d’accessoires consacrés par les usages et traditions professionnelles : la « perruque », les activités sociales… beaucoup d’entreprises avaient des associations sportives ou culturelles animées par des employés qui consacraient une partie de leur temps théorique de travail avec l’acceptation tacite ou formelle de leur employeur, qui voyait là un moyen d’encadrer et de fidéliser la main d’œuvre.

      [Enfin, il faut aussi mettre le monde du travail de 2023 dans le contexte de la mutation sociale ultra-individualiste que nous constatons tous. Avec des arrivants sur le marché du travail éduqués aux mamelles de l’enfant roi, comment s’étonner que des personnes ne supportant aucune frustration, inaptes à la moindre remise en question et persuadés d’être au centre de l’univers voient dans des notions telles que l’esprit d’équipe, la conscience professionnelle, le compagnonage, en gros dans tout ce qui peut faire la beauté et l’intérêt du travail, une image très convaincante de l’enfer…]

      Tout à fait. J’ajoute que cette incapacité à supporter la frustration, si bien résumée par al formule soixante-huitarde du « tout, tout de suite », empêche toute logique de « cursus honorum ». On voit des jeunes techniciens qui, après quelques semaines dans l’entreprise, veulent déjà être chefs d’équipe, des jeunes ingénieurs qui après un an veulent être chefs de service. L’idée d’une hiérarchie du savoir et de l’expérience est profondément rassurante, puisqu’elle vous garantit une sorte de promotion à l’ancienneté. Sa remise en cause crée au contraire un stress permanent.

      [Ceci bien sûr s’ajoute à une dégradation bien réelle des conditions de travail dans certains milieux professionnels. Mais Je pense que ce point méritait d’être pondéré. L’individualisme est très majoritairement à l’origine de la dégradation de l’image du travail, plutôt que l’inverse.]

      C’est une dialectique. Quand on parle de dégradation des conditions de travail, c’est plus des conditions subjectives que des conditions objectives dont on parle. Aujourd’hui, les lieux de travail sont d’une qualité qui aurait fait pâlir d’envie nos ancêtres. Mieux éclairés, mieux climatisés, mieux aménagés, moins bruyants. Mais l’organisation du travail, le stress, les rapports avec les collègues, l’instabilité permanente des équipes et des organisations…

  13. Trouve un chemin dit :

    Merci Descartes pour cet article. Je partage totalement votre vision sur le besoin de mettre le travail au premier plan de nos préoccupations. 
    Et comme souvent, le “dialogue social” autour du sujet des retraites risquera de se terminer par un compromis socio-financier, ignorant la question du travail,  et les améliorations du système qu’on pourrait imaginer. 
    Comme une autre lectrice, je serais intéressé par un futur article sur des tels sujets.
    Encore Merci pour ce blog

  14. Claustaire dit :

    Merci pour votre prise de position ainsi que le travail que vous assumez pour permettre la publication des nombreuses et pertinentes contributions et réponses échangées sur votre blog, auquel je souhaite santé et prospérité (ainsi qu’à son auteur et lecteurs).
     
    Vous lisant sur la question du travail et des retraites, et l’évolution des jugements à leur égard,  je me suis souvenu des derniers éditos que Riss y consacre dans Charlie Hebdo. Je vous en propose quelques extraits, pour les soumettre à votre critique.
     
    18 janvier 23 : 
     
    “Qu’on puisse envier de quitter le monde du travail pour partir vers ce que nous appelons la retraite est une idée récente quand on se remémore dans quelles conditions les gens vivaient naguère leurs dernières années. Il y encore 50 ans les vieux se retrouvaient avec des pensions de misère et avaient une espérance de vie de 65 ou 70 ans. La retraite était quasiment synonyme de mort. 
     
    Aujourd’hui elle évoque le repos, les loisirs et, pour les plus aisés, voyages et distractions coûteuses.  Même si on sauve notre précieux système de retraite par répartition, il ne résorbera pas les inégalités du monde du travail et ne fera que les prolonger, voire les aggraver. Les salariés qui faisaient les travaux physiquement les plus éprouvants auront une espérance de vie moins longue que ceux qui avaient des métiers plus sédentaires. Et les mieux payés auront, mathématiquement, des retraites plus élevées que les autres.
     
    C’est pour cela que derrière toutes les revendications qui s’annoncent, on sent monter un désir d’égalité sociale presque impossible à résoudre. La question des retraites nous renvoie en pleine figure l’organisation inégalitaire de la société et plus encore celle du monde du  travail. […] Certains métiers, trop peu payés pour en vivre correctement, ne permettront pas d’obtenir une retraite digne de ce nom.[…]
     
    Derrière la question des retraites se pose celle du sens du travail. On veut de bonnes retraites pour se convaincre, juste avant de mourir, qu’on n’a pas eu une destinée trop triste ni trop ennuyeuse. Que tous ces efforts et ces millions d’heures passées à bosser valaient le coup…. La retraite serait donc la seule vraie récompense de décennies de labeur ? Avant la retraite, rien n’avait donc d’intérêt ? La réforme des retraites devrait d’abord être une réforme du travail.”

    25 janvier 23 :
     
    “Le travail devait être le dénominateur commun à tous les acteurs de la société. Pourtant, on entend de plus en plus de discours qui rejettent non pas le travail mais ce qu’on appelle des “boulots de merde”. Il subsisterait donc une aristocratie à l’intérieur du monde du travail, qui serait divisé entre les métiers honorables pas trop fatigants, réservés à une élite sociale et les métiers éprouvants et dégradants laissés à la lie de la société, aux serfs et aux intouchables. Il est devenu banal de qualifier de “métier de merde” des tâches qu’on ne voudrait pas faire soi-même et, ce faisant, de dévaloriser ceux qui les exécutent. Alors que ces “boulots de merde” sont souvent indispensables à la vie de tous les jours et en particulier au confort des plus aisés.[…]
     
    Ce discours méprisant s’est répandu et n’indigne plus personne, y compris à gauche. L’esprit aristocratique qui a structuré nos sociétés pendant des siècles n’a en réalité jamais disparu : beaucoup refusent de faire des travaux qui ne sont pas suffisamment nobles à leurs yeux et les laissent aux plus faibles.[…]
     
    Une des conséquences de ce raisonnement, c’est que pour  trouver des candidats qui acceptent de faire ces “boulots de merde”, il faut proposer des salaires plus élevés. Cela peut sembler a priori logique et juste. Mais plus vous méprisez une tâche et plus l’argent devient le seul moyen d’attirer la main d’oeuvre. Il va falloir payer les gens comme des mercenaires : OK, j’accepte de faire ce “boulot de merde”, mais en échange d’une prime de tueur à gages. On va bientôt devoir payer les profs pour aller enseigner dans les quartiers difficiles et les médecins pour soigner dans les déserts médicaux comme on paye des mercenaires du groupe Wagner. On voit l’impasse vers laquelle ces discours nous mènent. A force de dénigrer des boulots soi-disant “de merde” et de répéter que les gens qui travaillent par conviction sont des couillons, on se retrouve dans une société de mercenaires.
     
    La libéralisation à outrance franchit une étape supplémentaire dans le délitement des relations entre les individus : le salariat va être remplacé par le mercenariat. Même à gauche, cette petite musique libérale s’est installée dans les têtes : on bosse uniquement pour le fric, par pour le goût de s’investir dans une profession utile à tous. Cette mentalité de petit marquis, d’aristocrate méprisant n’a jamais quitté les esprits et est encore aujourd’hui toujours vivace. A droite, comme à gauche.”
     
     
     

    • Descartes dit :

      @ Claustaire

      [Vous lisant sur la question du travail et des retraites, et l’évolution des jugements à leur égard, je me suis souvenu des derniers éditos que Riss y consacre dans Charlie Hebdo. Je vous en propose quelques extraits, pour les soumettre à votre critique.]

      Les extraits en question me semblent aller en grande partie dans le sens de mes réflexions. C’est d’autant plus intéressant que la ligne « historique » de Charlie Hebdo n’était pas du tout celle-là. A l’époque, l’ouvrier apparaissait dans « Charlie » sous les traits du « beauf » de Cabu, et l’idéal était « le grand Duduche » du même, qui faisait la fête, parcourait le monde, vivait en communauté… et ne travaillait pas. C’est fou ce que trente ans de néolibéralisme et une attaque terroriste peuvent changer la ligne d’une publication…

      [« Derrière la question des retraites se pose celle du sens du travail. On veut de bonnes retraites pour se convaincre, juste avant de mourir, qu’on n’a pas eu une destinée trop triste ni trop ennuyeuse. Que tous ces efforts et ces millions d’heures passées à bosser valaient le coup…. La retraite serait donc la seule vraie récompense de décennies de labeur ? Avant la retraite, rien n’avait donc d’intérêt ? La réforme des retraites devrait d’abord être une réforme du travail. »]

      Ce paragraphe fait écho parfaitement à mon article. Depuis, j’ai écouté les débats à l’Assemblée nationale… et je suis effondré. On peut voir l’ensemble de la gauche enfourcher ce cheval, sans s’apercevoir que ce discours dévalorise le travail et, par ricochet, le travailleur. Le summum, comme d’habitude, c’est Sandrine Rousseau hurlant de sa voix de crécelle « vive le droit à la paresse » à la tribune… pauvre de nous.

      [« Une des conséquences de ce raisonnement, c’est que pour trouver des candidats qui acceptent de faire ces “boulots de merde”, il faut proposer des salaires plus élevés. Cela peut sembler a priori logique et juste. Mais plus vous méprisez une tâche et plus l’argent devient le seul moyen d’attirer la main d’oeuvre. Il va falloir payer les gens comme des mercenaires : OK, j’accepte de faire ce “boulot de merde”, mais en échange d’une prime de tueur à gages. On va bientôt devoir payer les profs pour aller enseigner dans les quartiers difficiles et les médecins pour soigner dans les déserts médicaux comme on paye des mercenaires du groupe Wagner. On voit l’impasse vers laquelle ces discours nous mènent. A force de dénigrer des boulots soi-disant “de merde” et de répéter que les gens qui travaillent par conviction sont des couillons, on se retrouve dans une société de mercenaires. »]

      Très bonne remarque, qui mériterait à elle seule un article. Oui, nous nous acheminons vers une « société de mercenaires ». A force d’aplatir tout ce qui fait la distinction d’un métier ou d’une profession – abolition des « statuts », des « corps », des « régimes spéciaux » – on ne laisse finalement qu’un seul critère pour apprécier de la réussite ou de l’échec, une seule motivation pour aller vers tel ou tel métier : l’argent. Là où je ne suis pas d’accord avec Ris – et c’est mon biais matérialiste – est que le discours est conséquence de la transformation sociale, et non sa cause. On ne se trouve pas dans une société de mercenaires PARCE QUE on tient ce discours, on tient ces discours PARCE QUE les classes dominantes veulent cette « société de mercenaires ». Quand on a l’argent, on a intérêt à vivre dans une société ou tout – y compris la loyauté et l’amour – s’achètent.

      [« La libéralisation à outrance franchit une étape supplémentaire dans le délitement des relations entre les individus : le salariat va être remplacé par le mercenariat. Même à gauche, cette petite musique libérale s’est installée dans les têtes : on bosse uniquement pour le fric, par pour le goût de s’investir dans une profession utile à tous. Cette mentalité de petit marquis, d’aristocrate méprisant n’a jamais quitté les esprits et est encore aujourd’hui toujours vivace. A droite, comme à gauche. »]

      C’est très, très bien vu.

  15. Luc dit :

    MA SALLE DES PROFS EST en errance voire  en avancée plus détériorée,en déshérence..Incapable de faire face au bourrage de crâne inouï pro Otan suite à la couverture 100% partiale,de la tuerie abjecte en Ukraine ,j’y suis un paria,me semble t il. Pour le moment et depuis trés trés longtemps pour moi,10 ans sous différents pseudos,seul votre blog est un espace irremplaçable de débat.Alors pour vous et vos lecteurs,voici un excelllent argumentaire rétablissant l’équilibre face au Mainstream propagandiste pro Otan .C’est Annie Lacroix Riz en trés grande forme,le 04/0/2023,sur une émission suisse Antithèse:    https://youtu.be/slfmANDzWO4
    Malgré tout ,j’ai réussi à échanger avec un professeur d’histoire de 40 ans avec qui ,avant,j’évoquai souvent les péripéties du groupe ftpf que mon grand père dirigeait entre 1943 et 1945.Il me dit immédiatement,..’Annie Lacroix Riz’est complotoste..Alors que pour moi,non, justement pas,car elle base son travail uniquement sur les archives mais la Doxa dominante dans les médias,,dont Olivier dard  est le chantre,la disqualifie ainsi…Piteux j’arrétai les échanges .Pourtant vous pouvez constater par vous même sur ce lien ci dessus,de la qualité de cette historienne. Or ce matin ,je me suis rappelé que dans vos échanges passés ici,des critères définissant le complotisme en Histoire,clairs et forts intéressants avaient été énoncés.Ma mémoire a flanché pour aller sur ce post..Alors à tout hasard,vous souvenez vous cher Descartes de ces critères ? Si Oui,je pourrai les évoquer en salle des profs vu que ça me donnera du courage..Sinon,c’est pas grave je reprendrai le trés trés long pensum indigeste que le cnrs a déposé sur le Net à propos du complotisme..Allez,je retourne dans ma salle des profs et sa Novlang de propagande pro Otan..Ah,par contraste et sa qualité ,que votre blog rend notre présence au monde plus vivace et pugnace,Merci!

    • Descartes dit :

      @ Luc

      [Malgré tout, j’ai réussi à échanger avec un professeur d’histoire de 40 ans avec qui ,avant,j’évoquai souvent les péripéties du groupe ftpf que mon grand-père dirigeait entre 1943 et 1945.Il me dit immédiatement : « Annie Lacroix Riz est complotiste ». Alors que pour moi, non, justement pas, car elle base son travail uniquement sur les archives]

      Oui et non. Annie Lacroix-Riz a écrit quelques travaux remarquables, fondés en général sur une recherche sérieuse dans les archives. Mais elle oriente un peu trop ses travaux dans le sens d’une recherche de « conspirations » comme élément explicatif. C’est quelquefois justifié, parce que l’époque sur laquelle Lacroix-Riz travaille est riche de complots réels de toutes sortes, mais dans d’autres cas elle force un peu la démonstration (par exemple lorsqu’elle ressuscite le vieux fantasme de la « synarchie »).

      [Or ce matin, je me suis rappelé que dans vos échanges passés ici, des critères définissant le complotisme en Histoire, clairs et forts intéressants avaient été énoncés. Ma mémoire a flanché pour aller sur ce post. Alors à tout hasard, vous souvenez vous cher Descartes de ces critères ?]

      Je crois que c’était au cours d’un échange avec les commentateurs que la question de définition du complotisme s’était posée. Pour moi, la pensée complotiste se caractérise par le fait de regrouper un certain nombre de faits (réels ou imaginaires) et de construire ensuite une cohérence téléologique entre eux sans qu’aucun élément factuel ne vienne l’appuyer. Autrement dit, la pensée complotiste rassemble un certain nombre de faits et postule ensuite, sans aucun fondement factuel, l’existence d’une volonté unique derrière eux.

      Pour accréditer l’existence de cette volonté, le complotisme repose sur deux recours classiques : le premier est celui de l’utilisation de la coïncidence comme preuve (« c’est trop cohérent) pour être une coïncidence ») et la confusion entre corrélation et causalité. Le second est la preuve tautologique (« si on ne trouve pas de preuves, c’est parce que le complot les a cachées, ce qui prouve son existence »). Annie Lacroix-Riz tombe plutôt dans la première catégorie.

  16. Geo dit :

    @Descartes
    [Ce vers quoi on s’achemine à mon avis, c’est vers la logique anglosaxonne des carrières « en cloche »]
    Je le crois aussi. Et faire l’éloge du bénévolat des retraités revient à décrire une fin de carrière à  rémunération zéro. En un sens, c’est intégrer d’avance la victoire de ce modèle.

    • Descartes dit :

      @ Geo

      [Je le crois aussi. Et faire l’éloge du bénévolat des retraités revient à décrire une fin de carrière à rémunération zéro. En un sens, c’est intégrer d’avance la victoire de ce modèle.]

      Jusqu’à un certain point. Le “bénévolat” n’est assimilable à du travail que s’il implique une contrainte. Ainsi, le retraité qui prend la responsabilité de président d’une association ou de maire d’une commune “travaille” au sens que ces fonctions lui imposent des contraintes importantes. Mais le retraité qui “quand il a le temps” – et l’envie – entretien le jardin de sa résidence ne travaille pas. Un loisir utile n’est pas nécessairement un travail.

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