Un peu de tourisme politique

Comme un peu de tendresse dans ce monde de brutes n’est jamais de trop, je vais prendre quelques lignes pour dire le plaisir que j’ai eu à participer les 21 et 22 janvier dernier, à l’Université d’automne – devenue d’hiver pour des raisons indépendantes de la volonté des organisateurs – de « République Souveraine ». Pour ceux qui ne connaissent pas cette organisation, il s’agit d’une scission de la « France Insoumise » conduite par un ancien dirigeant de celle-ci, George Kuzmanovic. Conseiller de Jean-Luc Mélenchon pour les questions internationales, il avait rompu avec lui en dénonçant les manque de fonctionnement démocratique de LFI, mais aussi une ligne qui, en donnant la priorité aux questions sociétales, conduisait à ignorer les problématiques sociales et économiques.

J’ai souvent la curiosité de participer aux initiatives des organisations politiques, quel que soit mon positionnement par rapport à elles. Car chaque organisation a ses traditions, ses rituels, ses modes de sociabilité. Les comprendre, c’est souvent précieux pour comprendre leurs positions, les décisions de leurs dirigeants et les contraintes auxquelles ils sont soumis. J’essaye donc d’y aller de temps en temps, de préférence accompagné par un ami militant qui connait l’écosystème et peut décoder pour moi les messages et les non-dits.

Mais cette fois-ci, c’était un peu différent puisque par l’entremise d’un lecteur de ce blog, j’étais invité à intervenir dans une table ronde en relation à mon domaine d’expertise, l’énergie. Un honneur considérable, si l’on tient compte la qualité des autres intervenants (Emmanuel Todd, Henri Guaino), et le fait que ceux qui m’invitaient ne connaissent de moi que les papiers que j’ai pu publier ici. Et de mon côté, une certaine prise de risque car je ne connais que peu de chose de ce mouvement. Fidèle à ma doctrine de ne jamais refuser une tribune, j’ai bien entendu accepté. Mais je dois dire que je m’attendais à tomber dans l’habituelle logique groupusculaire façon Asselineau, avec ce qu’elle implique de sectarisme et de culte du chef.

Et bien, j’avais tort. Le leader du mouvement, George Kuzmanovic, était présent bien entendu, mais n’a rien d’un gourou, et ni les intervenants ni les animateurs ne ressentaient le besoin de citer son nom à chaque pas. Pas d’affiches à sa gloire, pas de discours fleuve à la clôture. La salle était venue non pas pour une grande messe, mais pour écouter les différents débatteurs – en moyenne d’excellente qualité – aux opinions diverses. Car quand je dis débat, je parle de véritable débat. Même si le mouvement revendique sa filiation « de gauche », il n’en fait pas une exclusive à l’heure de choisir ses intervenants. Les invités aux différents débats bénéficiaient d’une véritable écoute, quel que fut leur positionnement politique, d’ailleurs fort varié. On était loin de la mode actuelle qui consiste à inviter des intervenants de différents horizons pour participer à un pugilat arbitré par une salle qui à la sortie conclut toujours que « les siens » sont les meilleurs.

Et puis, quel plaisir de parler devant une salle réactive mais intelligente, capable d’apprécier une démonstration, un raisonnement. Une salle relativement jeune, si l’on compare aux salles habituelles des mouvements de gauche, ou l’on trouve toujours une majorité de têtes blanches – ou pire, de têtes qui devraient l’être sans les miracles de la cosmétique. Mais surtout, une salle « réaliste », consciente des difficultés de l’action politique pour le camp souverainiste. Un réalisme qui conduit à un discours plutôt pessimiste, qui contraste singulièrement avec celui des réunions politiques habituelles, ou les militants se voient en général annoncer des victoires à venir, quelquefois contre toute vraisemblance. Point de cela ici : peu d’illusions dans la salle quant à la difficulté de la tâche à venir. La table ronde la plus « médiatique », qui réunissait Todd et Guaino, aboutissait à des conclusions tellement pessimistes d’ailleurs que l’animateur a même recommandé à la salle de ne pas se suicider tout de suite, avant d’avoir entendu la table ronde suivante !

C’est là peut-être à la fois le point fort et le point faible de ce mouvement. Avoir une vision lucide de la réalité, de ses propres forces et des moyens d’agir peut attirer ceux qui sont fatigués de l’optimisme de commande et du messianisme habituel de la gauche. Mais d’un autre côté, une certaine dose d’optimisme et de messianisme sont nécessaires pour mobiliser une masse. La foi déplace des montagnes – pour le bien ou pour le mal. La conviction rationnelle obtient souvent des résultats bien moins dramatiques. Il y a donc une dialectique à trouver entre les deux, et cela n’a rien de simple…

Autre temps, autre lieu : j’ai pu suivre la « séance inaugurale » de l’Institut La Boétie, la « fondation insoumise » des amis de Jean-Luc Mélenchon. Une institution qui rejoint la galaxie des fondations liées à un parti politique (fondation Gabriel Péri pour le PCF, fondation Jean-Jaurès pour le PS…). Une floraison institutionnelle qui doit peu à l’amour de la connaissance, et beaucoup au régime fiscal et financier particulier auquel ces institutions sont soumises… mais passons. Le fait est que ce week-end deux à trois cents personnes étaient réunies dans le lieu prestigieux qu’est l’ancien réfectoire des Cordeliers, pour assister à la présentation en société du nouveau jouet mélenchonesque.

Le choix du nom a de quoi faire sourire… parce que l’Institut La Boétie façon insoumise n’est pas le premier à porter le nom : en 1978 Bernard de La Rochefoucauld et Jacques Defforey, fondent un « institut » portant le même nom, qui fut l’un des premiers « think tanks » français et l’ancêtre de l’institut Montaigne. L’ironie de l’histoire est que l’institut de 1978 était résolument libéral et proche d’Alain Madelin. Il est drôle de penser qu’à quarante ans de distance le nom de La Boétie peut servir de caution à un institution d’orientation libérale et à une institution antilibérale. Ironie involontaire de l’histoire… Drôle, mais révélateur. La Boétie est passé à l’histoire essentiellement pour avoir produit un ouvrage, « discours de la servitude volontaire » qui, lu hors de son contexte, peut servir à alimenter tous les discours «libéral-libertaires », qu’ils soient de gauche comme de droite. Le « tyran » auquel fait référence La Boétie peut s’incarner dans le Capital (version anticapitaliste) mais aussi dans l’Etat (version libertarienne).

Chez La Boétie, on idéalise « l’état de nature », dans lequel les hommes étaient « libres », et on regrette « la malencontre », cet accident de l’histoire qui assujettit l’homme à l’Etat tyranique. Depuis, si les hommes sont asservis, c’est qu’ils ont pris l’habitude d’obéir. Il leur suffirait d’en avoir la volonté pour être libres. Mais si La Boétie constate « la malencontre », il n’en fournit aucune explication sur son origine.

Soixante-quinze ans séparent le « discours de la servitude volontaire » de La Boétie du « Leviathan » de Hobbes. Et on peut voir le chemin parcouru. Chez Hobbes, on a enfin une vision matérialiste de l’état de nature, un état si peu enviable que les hommes ont rationnellement préféré céder une partie de leur liberté à un prince pour que cesse « la guerre de tous contre tous », pour que la vie devienne moins misérable et plus longue, pour reprendre la formule hobbesienne.

Le plus drôle, c’est que dans la présentation qui a été faite de l’Institut à sa séance inaugurale, on a répété plusieurs fois que celui-ci avait pour objectif d’enseigner « le matérialisme historique ». Dans la confrontation Hobbes/La Boétie, le matérialisme est certainement du côté du premier, et certainement pas du second. Pire, en plus du « matérialisme historique », l’Institut veut penser « la théorie de l’ère du peuple ». Autrement dit, une théorie qui prétend que la lutte des classes c’est dépassé et remplacée par la confrontation « peuple vs. oligarchie », alors que la lutte des classes est le fondement du matérialisme historique, comme le rappelle la formule fondatrice de Marx « la lutte des classes est le moteur de l’histoire ». On aurait presque envie de s’inscrire à leurs formations rien que pour voir comment on lève cette contradiction…

Au fond, cette salade idéologique n’est pas à une contradiction près, mais cela n’a guère d’importance. Parce qu’au détour des discours de la présentation, apparaît le vrai objectif de l’Institut : « renforcer nos convictions » (1). Et cette formule fait un sort à l’idée que l’Institut serait un lieu de connaissance et de recherche. Parce que le propre du travail de recherche, c’est précisément de prendre le risque de contredire nos « convictions ». Se lancer dans une recherche, c’est prendre le risque de voir son hypothèse de départ invalidée par l’expérience ou par la documentation. Une institution qui pose pour principe que telle ou telle « conviction » est incontestable, et anticipe que tous ses travaux ne peuvent qu’aboutir à la « renforcer » est une église, et non une institution de recherche. Il est d’ailleurs très révélateur de constater que le « conseil scientifique » de l’Institut ne comprend aucun spécialiste d’un domaine « scientifique » au sens poppérien du terme (2). On y trouve des historiens, des sociologues, des psychologues, des écrivains, des juristes et des « militantes féministes » (sic)… mais pas un seul ingénieur, physicien, chimiste, biologiste. Et l’omission est révélatrice : les membres du conseil scientifique travaillent tous dans des domaines où aucune théorie ne risque d’être falsifiée par l’expérience… et où l’on peut donc effacer facilement la frontière entre connaissance et militantisme. Un effacement que plusieurs intervenants ont d’ailleurs revendiqué hautement.

On connaît les risques de cette approche qui prétend que la connaissance doit se conformer à l’idéologie, et non l’inverse. Cela a donné en son temps l’obscurantisme clérical, et plus récemment le Lyssenkisme (3). La vision d’une « science prolétarienne » qui s’opposerait à la « science bourgeoise » continue à faire des ravages…

Descartes

(1) La formule est de Danielle Obono, qui participait à la présentation des « formations insoumises » proposées par l’Institut.

(2) Pour simplifier, la vision poppérienne considère qu’un énoncé n’est « scientifique » que si l’on peut trouver une expérience – réelle ou imaginaire – dont le résultat pourrait la contredire (la « falsifier » dans le vocabulaire poppérien). Ainsi, par exemple, la physique ou la chimie (et d’une façon générale, toutes les branches de la connaissance qui aboutissent à des prédictions) sont des sciences, puisque l’expérience peut les contredire. A l’inverse, la théologie ou la philosophie ne sont pas des pratiques scientifiques, puisque leurs conclusions ne sont pas susceptibles de falsification par aucune expérience – même imaginaire. Les mathématiques occupent une place particulière, puisqu’elle construit ses objets à l’intérieur d’une axiomatique, sans qu’il y ait d’expérience possible…

(3) Du nom de Trofim Lyssenko, biologiste soviétique, partisan d’une « génétique mitchourinienne » qui prétendait avoir prouvé l’hérédité des caractères acquis par effet de l’environnement, en contradiction avec les travaux de Mendel et en général de la théorie chromosomique. Lyssenko prétend appliquer « la dialectique marxiste aux sciences de la nature » en rompant avec le doute systématique cartésien et la méthode expérimentale… Devenu très influent pour des raisons politiques (ses théories prétendaient pouvoir multiplier le rendement de l’agriculture soviétique) au début des années 1940, son influence décline à partir de la mort de Staline en 1953 mais reste réelle jusqu’aux années 1960. Paradoxalement, cette approche « dialectique » n’a jamais été dominante dans les sciences « dures » : même sous Staline, la recherche en physique ou en chimie a continué à appliquer les bonnes vieilles méthodes cartésiennes. Il faut dire que les besoins politiques n’étaient pas les mêmes.

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52 réponses à Un peu de tourisme politique

  1. Magpoul dit :

    Bonjour,
    J’avais vu passer votre “nom” sur les affiches de l’université de RS et je n’en étais pas surpris. Vos papiers sont souvent partagés sur nos canaux de discussions. J’ai hâte de retourner en France pour m’investir plus dans le mouvement.
    Par votre expérience, avez-vous connu d’autres mouvements de ce “type” (comme vous le décrivez: ouvert au débat, sans “gourou” notable) ces dernières années? Si oui, quel a été leur destin? De plus, comment un mouvement comme celui-ci peut espérer se faire connaitre massivement alors qu’il s’oriente précisément sur  l’inverse de ce qui est mis en valeur dans les médias traditionnels? J’entends par là: les discours irrationnels, les petites phrases, l’appel à l’émotion. Même si les médias évoluent, je doute que pour la majorité de la population, on utilise autre chose que la télévision, les journaux ou la radio pour s’informer…
     

    • Descartes dit :

      @ Magpoul

      [Par votre expérience, avez-vous connu d’autres mouvements de ce “type” (comme vous le décrivez: ouvert au débat, sans “gourou” notable) ces dernières années? Si oui, quel a été leur destin?]

      A dire vrai, non. Les scissions d’organisations politiques ces dernières années se sont toujours faites autour de figures charismatiques capables d’entraîner dans leur sillage un nombre suffisant d’adhérents. Les « scissions intellectuelles » autour d’un projet plutôt que d’une personne sont à ma connaissance extrêmement rares.

      Cela étant dit, le camp souverainiste est dans une situation très particulière. Alors qu’il y a une véritable adhésion aux idées souverainistes chez beaucoup de militants politiques, il n’y a pas d’organisation capable de les fédérer. C’est un peu le paradoxe aujourd’hui : il y a des souverainistes au PCF et au RN, chez LR mais aussi chez les socialistes. Il y en a même chez LFI. A priori, il n’y a que chez les écologistes qu’on ne trouve pas ce courant. Et pourtant, ils peinent à parler d’une seule voix. Les tentatives de les réunir derrière une personnalité charismatique ont toujours échoué, parce que cette personnalité doit venir de « quelque part », et que le fossé « droite/gauche » reste dissuasif. Chevènement en son temps n’a pas réussi à séduire le souverainisme de droite, Philippot a échoué à capter le souverainisme de gauche. Une personnalité peu clivante, qui ne se présente nullement comme un « gourou », aura peut-être plus de chance…

      [De plus, comment un mouvement comme celui-ci peut espérer se faire connaitre massivement alors qu’il s’oriente précisément sur l’inverse de ce qui est mis en valeur dans les médias traditionnels ? J’entends par là: les discours irrationnels, les petites phrases, l’appel à l’émotion.]

      Je pense qu’il a intérêt justement à marquer sa différence, plutôt qu’à chercher à coller aux médias. Car les gens sont fatigués du discours convenu, de la répétition des slogans et des formules toutes faites. Il y a une demande « d’autre chose ». Un « autre chose » qui reste largement à construire. Et puis il faut dépasser l’ambiguïté qui fait qu’on peste contre « le système » tout en profitant de ses avantages, qui est le fléau de la mentalité des classes intermédiaires…

      [Même si les médias évoluent, je doute que pour la majorité de la population, on utilise autre chose que la télévision, les journaux ou la radio pour s’informer…]

      Il reste le travail de base. Il faut s’intéresser à l’histoire du Front National. Comment un mouvement qui était marginal pendant des années a réussi à capter le vote populaire et à s’établir comme parti au point qu’on parle de lui comme gagnant de la prochaine présidentielle ? La réponse est à mon sens simple : d’un côté, il a su « partir de ce que les gens ont dans la tête », c’est-à-dire, il a cherché à connaître et répondre à leurs préoccupations, plutôt que leur expliquer qu’ils se trompaient, que la priorité absolue n’étaient pas les salaires, la qualité de vie au travail ou la dégradation du cadre de vie, mais la lutte contre le « plafond de verre » sexiste dans les entreprises du CAC40 ou l’inscription du droit à l’IVG dans la Constitution. D’un autre côté, c’est un travail tenace de terrain, pendant lequel les militants se sont pris baffe après baffe, avant d’enclencher une dynamique positive. Ce ne sont pas les médias qui ont fait le RN, c’est le RN qui a imposé par un travail éminemment politique son discours aux médias.

      Pour les souverainistes, c’est la même chose. On ne peut faire de la politique que sur une base sociologique. Il faut se demander quelles sont les couches sociales qui ont intérêt à une politique souverainiste et républicaine, et faire un travail en direction de ces couches-là. Si le RN en était resté à draguer les rapatriés d’Algérie et les nostalgiques de Vichy, il ne serait pas le premier parti de France. S’il l’est devenu, c’est parce qu’il a compris que l’électorat populaire était en friche, privé de représentation politique depuis la « mutation » du PCF.

      • Magpoul dit :

        @Descartes
        [ Les tentatives de les réunir derrière une personnalité charismatique ont toujours échoué, parce que cette personnalité doit venir de « quelque part », et que le fossé « droite/gauche » reste dissuasif. ]
        Faudrait-il alors une personne qui ne vienne de “nulle part” pour prendre les devants et unir? Existe ‘il d’autres alternatives que le messianisme et l’attente d’un évènement qui ne viendra peut-être jamais? Ou faut-il attendre un point de crise si désespéré que les clivages finiront par disparaitre? En somme, peut-on faire autre chose qu’attendre? 
        [Ce ne sont pas les médias qui ont fait le RN, c’est le RN qui a imposé par un travail éminemment politique son discours aux médias.]
        Peut-on dire que les médias (et Mitterrand?) ont fait le FN, mais que le RN s’est construit par ce travail que vous mentionnez? Le changement de nom symboliserait alors ce virage. D’ailleurs, le changement de président a-t-il affecté le parti comme il pourrait affecter LFI, En Marche ou Zemmour? 
        [Pour les souverainistes, c’est la même chose. On ne peut faire de la politique que sur une base sociologique. Il faut se demander quelles sont les couches sociales qui ont intérêt à une politique souverainiste et républicaine, et faire un travail en direction de ces couches-là.]
        J’ai beau chercher, je vois que c’est surtout l’électorat ciblé par le RN qui a besoin de cette politique. En somme, l’avenir du souverainisme pourra difficilement se faire sans le RN. Pourtant, même chez RS, je doute qu’on veuille s’allier avec ce parti, pour diverses raisons. J’avais noté que l’une des figures “médiatiques” qui avait publiquement soutenu RS avant le 1er tour, Tatiana Ventose, avait déclaré qu’elle voterait RN au 2nd tour, ce qui n’avait pas été très bien accueilli chez RS. 

        • Descartes dit :

          @ Magpoul

          [« Les tentatives de les réunir derrière une personnalité charismatique ont toujours échoué, parce que cette personnalité doit venir de « quelque part », et que le fossé « droite/gauche » reste dissuasif. » Faudrait-il alors une personne qui ne vienne de “nulle part” pour prendre les devants et unir ?]

          Une personne qui viendrait « de nulle part » aurait-elle la capacité d’attirer et de rassembler des gens autour de lui ? Pas évident dans notre monde médiatique…

          [Existe ‘il d’autres alternatives que le messianisme et l’attente d’un évènement qui ne viendra peut-être jamais ? Ou faut-il attendre un point de crise si désespéré que les clivages finiront par disparaitre ? En somme, peut-on faire autre chose qu’attendre ?]

          Bien sur qu’on peut. D’abord, même si le rapport de force nous est défavorable, des marges de conquête existent. D’autre part, il faut fourbir les armes intellectuelles qui nous permettront de profiter de la moindre opportunité de renverser le rapport de forces…

          [« Ce ne sont pas les médias qui ont fait le RN, c’est le RN qui a imposé par un travail éminemment politique son discours aux médias. » Peut-on dire que les médias (et Mitterrand?) ont fait le FN, mais que le RN s’est construit par ce travail que vous mentionnez ?]

          Je pense que c’est lui faire trop d’honneur que de dire que Mitterrand ou les médias ont fait le FN. Mitterrand a certainement utilisé la montée du FN pour diviser la droite. Mais le processus qui alimente cette montée ne lui doit rien. Il tient à la mondialisation néolibérale et à la trahison des classes intermédiaires, qui laissent les couches populaires orphelines de représentation politique. La preuve est que les mouvements « populistes » s’imposent dans l’opinion de beaucoup de pays européens… sans qu’il y ait un Mitterrand pour les promouvoir.

          [D’ailleurs, le changement de président a-t-il affecté le parti comme il pourrait affecter LFI, En Marche ou Zemmour?]

          Je ne le pense pas. Le RN est un parti « à l’ancienne ». Ce n’est pas un mouvement construit autour d’un égo-politicien.

          [« Pour les souverainistes, c’est la même chose. On ne peut faire de la politique que sur une base sociologique. Il faut se demander quelles sont les couches sociales qui ont intérêt à une politique souverainiste et républicaine, et faire un travail en direction de ces couches-là. » J’ai beau chercher, je vois que c’est surtout l’électorat ciblé par le RN qui a besoin de cette politique. En somme, l’avenir du souverainisme pourra difficilement se faire sans le RN.]

          Avec… ou contre RN, par exemple si un parti populaire cherchait à lui disputer cette base sociologique. Mais certainement pas sans l’électorat du RN. Et si l’on veut disputer cet électorat au RN, un bon début est de ne pas diaboliser ce dernier. Les gens n’aiment pas qu’on leur dise que leur choix est le mauvais choix. Comme toujours, il faut partir de ce que les gens ont dans la tête…

  2. demos dit :

    Quand je pense que c’était à 500m de chez moi… Si seulement j’avais su!
    J’ai regardé en différé le debat Todd – Guaino. Débat si l’on peut dire d’ailleurs…
    Todd a pris beaucoup de place, et c’est dommage, car Guaino a une culture historique et un lien avec le réel et le pouvoir (comme ancien conseiller special de Sarkozy, entre autre) qui en fait un pendant parfait à Todd, une sorte de ressort de rappel aux bouffées exubérantes et parfois délirantes du génie toddien. Mais encore faut-il qu’il puisse parler. Sur la forme, j’avais de beaucoup préféré un débat -acharné- qu’ils avaient eu vers 2011 à “ce soir ou jamais”, plus equilibré en temps de parole.
    Apparemment les orgnisateurs ont mis ou vont mettre en ligne les videos des autres tables rondes. Je trouverai un moment pour regarder car visiblement, ça vaut le coup. Au passage, ca fait plaisir de pouvoir mettre un visage sur un blogueur que je suis assidument depuis plus de 10 ans…
    Pour ceux que ca pourrait interesser, un petit résumé de l’université ici :

    Université d’hiver de République Souveraine, tout un programme !


    Coté gauche radicale, je les cotoie beaucoup en ces temps de manifestations. Ya plus grand chose qui peut me consterner de ce coté. Comme pour eux, l’Union européenne et le libre échange ne sont pas un problème, que tout vient du capitalisme, mal absolu, et que c’est non négociable, toute discussion politique me semble bien inutile. A part leur prescrire une dizaine de séances de tractage sur les marchés, je ne vois pas ce qui pourrait les amener à douter…
     

    • Descartes dit :

      @ demos

      [J’ai regardé en différé le debat Todd – Guaino. Débat si l’on peut dire d’ailleurs… Todd a pris beaucoup de place, et c’est dommage, car Guaino a une culture historique et un lien avec le réel et le pouvoir (comme ancien conseiller special de Sarkozy, entre autre) qui en fait un pendant parfait à Todd, une sorte de ressort de rappel aux bouffées exubérantes et parfois délirantes du génie toddien.]

      Oui ? Guaino est bien meilleur à l’écrit. A l’oral, il est plutôt maladroit, et a besoin de temps pour ordonner ses idées. L’animateur aurait du tenir compte et mieux modérer l’exubérance de Todd, sans quoi celui-ci finit par occuper tout l’espace. Par ailleurs, j’ai trouvé Guaino un peu déprimé. Clairement, il voit des jours sombres devant nous, et comme il a souvent eu raison dans ses prédictions…

      [Au passage, ça fait plaisir de pouvoir mettre un visage sur un blogueur que je suis assidument depuis plus de 10 ans…]

      Vous savez, j’ai rencontré plusieurs de mes lecteurs déjà, et je n’ai jamais refusé de prendre un café avec personne !

      [Côté gauche radicale, je les côtoie beaucoup en ces temps de manifestations. Ya plus grand chose qui peut me consterner de ce côté. Comme pour eux, l’Union européenne et le libre échange ne sont pas un problème, que tout vient du capitalisme, mal absolu, et que c’est non négociable, toute discussion politique me semble bien inutile.]

      Malheureusement, la gauche en général et la gauche radicale en particulier est en situation de faillite intellectuelle. A défaut d’une pensée nuancée, construite, qui cherche à comprendre comment le monde fonctionne plutôt qu’à classer entre « bons » et « mauvais », on tombe dans le manichéisme que vous dénoncez, à savoir, la désignation d’un « ennemi » à la fois abstrait et tout puissant, concentrant en lui seul tout ce qui est mauvais, tout ce qui ne va pas. La faiblesse des arguments et des propositions qu’on entend à gauche dans le débat parlementaire sur les retraites illustre parfaitement cette situation.

      [A part leur prescrire une dizaine de séances de tractage sur les marchés, je ne vois pas ce qui pourrait les amener à douter…]

      Encore faudrait-il qu’ils aient envie de discuter avec les gens… et les gens avec eux ! Je suis d’ailleurs surpris par le peu de disponibilité des militants sur les marchés d’aujourd’hui pour engager la discussion. Quand j’étais militant, on aller distribuer le tract mais la cerise sur le gâteau était de pouvoir « accrocher » quelqu’un, de trouver un passant qui non seulement prenne le tract mais s’arrête pour discuter. Aujourd’hui, cette appétence semble avoir disparu. Lorsqu’en prenant le tract on essaye d’engager la discussion, on n’obtient guère de réponse de l’autre côté… comme si discuter était une perte de temps.

  3. Luc dit :

    Lyssenko a participé à la délation stalinienne de façon intéressée.Faire l’éloge de la prétendue science prolétarienne a été pour lui l’occasion d’éliminer des rivaux hiérarchiques.. Concernant la France de 2023, hier sur BFM,Jean Luc Mélenchon a quitté le plateau pour protester contre le traitement fait à Quatennens.Une fois de plus JLM n’a t il pas démontré sa compréhension des codes du spectacle politico médiathèque ?

    • Descartes dit :

      @ Luc

      [Lyssenko a participé à la délation stalinienne de façon intéressée. Faire l’éloge de la prétendue science prolétarienne a été pour lui l’occasion d’éliminer des rivaux hiérarchiques.]

      Peut-être. Mais la question la plus intéressante n’est pas de savoir pourquoi Lyssenko a participé à la « délation stalinienne », mais pourquoi une théorie pseudo-scientifique a pu avoir une telle influence sur les communistes, y compris en France. Et je ne vous parle pas des militants : même d’éminents biologistes communistes ont accepté ces théories – ou ont gardé le silence. Pensez à Prenant.

      La tentation d’une validation scientifique des positions politiques est une question ancienne. Et c’est logique : au fur et à mesure que la pensée rationnaliste et la méthode scientifique ont montré leur puissance, la science et les scientifiques ont acquis une autorité de plus en plus importante. Mettre cette autorité au service d’une cause, de prétendre que les positions qu’on défend ne traduisent pas des intérêts, mais sont le résultat d’une démarche scientifique, a été ne constante depuis le XIXème siècle au moins. Il n’y a qu’à voir l’importance des mouvements « technocratiques », du saint-simonisme aux groupes comme X-Crise et plus récemment l’idée d’un « cercle de la raison » chère à Alain Minc.

      A gauche, cette tentation se fonde sur une mauvaise lecture de Marx. Si le vieux Karl proposait une pratique « scientifique » de l’Histoire, c’était pour comprendre les phénomènes historiques et pouvoir construire une théorie politique sur les faits. Et non pas d’utiliser les faits pour justifier une théorie politique construite a priori.

      [Concernant la France de 2023, hier sur BFM, Jean Luc Mélenchon a quitté le plateau pour protester contre le traitement fait à Quatennens.]

      Dans cette affaire, Jean-Luc Mélenchon ne fait que récolter ce qu’il a semé. Comme disait mon grand-père, « quand on couche avec le chien, on se réveille avec les puces ». Quand les dragons de vertu féministe ont pris des positions de pouvoir et crée des tribunaux inquisitoriaux, Mélenchon non seulement les a laissées faire, mais les a soutenues publiquement. Il est vrai qu’à l’époque cette posture était politiquement rentable, et que ces processus étaient fort utiles pour éliminer quelques gêneurs, comme Thomas Guénolé ou Taha Bouhafs. Aujourd’hui, l’apprenti sorcier se prend son sortilège en pleine poire, c’est bien fait pour lui.

      [Une fois de plus JLM n’a-t-il pas démontré sa compréhension des codes du spectacle politico médiatique ?]

      Je ne sais pas. Je pense surtout que Mélenchon se fait vieux, et quand on se fait vieux, on ne peut plus se permettre certains luxes. Il y a vingt ans, Mélenchon aurait peut-être sacrifié Quatennens sans hésiter, répétant la formule de Lénine « un révolutionnaire n’a pas d’amis » et « la fin justifie les moyens ». Mais au fur et à mesure qu’il s’approche de la fin de sa carrière, sa cour se vide, parce que les courtisans commencent à réfléchir à la suite et à se chercher un autre protecteur. On ne peut plus se permettre de sacrifier les rares fidèles qui vous restent. Mélenchon est chaque jour plus isolé, avec un Bompard qui fait tout ce qu’il peut pour chasser de la direction de LFI les “vieux grognards” comme Corbière, Coquerel ou Garrido pour les remplacer par des petit.e.s jeunes facilement manipulables et qui lui doivent tout. L’effacement de Quatennens ne fait que renforcer cet isolement…

  4. Cherrytree dit :

    Bonjour @Descartes
    Merci pour ce billet. J’aime beaucoup le terme de “tourisme politique” qui en effet apporte une note un peu légère dans un sujet qui ne l’est pas.
    Tout d’abord, évoquons D.Kuzmanovic. Présenté en effet, il y a une douzaine d’années, comme un “conseiller” de Mélenchon, mais pas vraiment au sens plein. On mettait en avant sa formation et son passé militaire, son origine serbe, et sa sympathie pour la Russie, bref, une sorte de caricature, mais bien utile pour expliquer/justifier certains errements du Parti de Gauche . Que Mélenchon se trompât, c’eût été la faute des mauvais conseils ? De fait, l’homme n’était pas, mais pas du tout, le brut de décoffrage qu’on laissait à penser. Il est vrai que ceux qui avaient un rôle un peu intello à l’époque étaient F.Delapierre, puis après lui le Dauphin d’alors, A. Corbière. Cependant  il est à noter que D.Kuzmanivic faisait plutôt partie du cercle de C.Girard, qui commençait à désapprouver le manque de démocratie dans les instances du PG. On a alors vu arriver  ceux qui feraient bientôt les beaux jours de la future France Insoumise,  grands défenser.e.s  des transgenres et pas genré.e.s du tout, (rassurez vous, l’écriture inclusive est employée ironiquement), grands pourfendeurs du nucléaire, grands amateurs de comités autodésignés et autres structures gazeuses, bref, un salmigondis avec un gourou à sa tête, et quelques futurs dauphins, du moins se voyaient -ils ainsi, qui avaient tout intérêt à défendre ce machin, on n’ose même plus parler de parti. C.Girard démissionna, D. Kuzmanovic fut exclu, parce que sa vision de la politique migratoire était un peu réaliste, et surtout parce qu’il avait déplu en s’opposant aux délires d’Obono et consort.e.s (😄). On lui montra le chemin de la porte, et comme c’est un homme intelligent, il l’a pris pour aller réfléchir ailleurs. Ce que vous rapportez de l’université de République Souveraine me réjouirait donc plutôt.
     
    Ensuite, votre billet m’a donné de la curiosité quant aux Instituts divers et variés, Jaurès et autres la Boétie .Leur fonction de “think tanks” est plus que discrète, je dirais même confidentielle, et n’a pas l’air de dépasser le petit cercle de leurs convaincus d’avance triés sur le volet. En revanche on y recase beaucoup d’anciens élus, Mélenchon par exemple, à présent sans mandat  : on dirait de petits Conseils Constitutionnels, et j’aimerais que le fruit de leur réflexion fut mis en évidence, ne serait-ce que pour justifier des subventions attribuées par les partis auxquels ils sont affiliés. Curieusement, vous avez raison, beaucoup de penseurs, philosophes, sociologues, quelques historiens ou plus rarement géographes, des politiques, mais d’ingénieurs ou de scientifiques, point. Il est vrai que la vérité scientifique est fondée sur l’observation, mais surtout sur le fait que toute expérience doit pouvoir être expliquée, démontrée, applicable et  reproduite. Alors on pense à perte de vue, ça n’engage à rien. Voyant les Instituts la Boétie ou Jaurès s’intéresser aux inégalités et à leurs origines, je me suis demandé s’il existait un Institut Rousseau, c’est bien le moins. Eh bien oui, fondé il y a deux ans, pour une économie écologiste plutôt de gauche, en gros, pour repenser la dette en lui trouvant des solutions raisonnées. C’est un programme ambitieux et louable, mais encore j’ai trouvé dans les personnalités beaucoup de penseurs et fort peu de techniciens et/ou spécialistes :énergie, chimie, agriculture, biologie, démographie. Il est vrai qu’on y compte quelques géographes. Je me propose de suivre cet Institut tout neuf… Peut-être existe-t-il des publications, des actes de colloques ? En tout cas, il a vraiment fallu que votre billet suscité ma curiosité, pour que j’aille investiguer pour trouver trace de cet Institut là, dont la réflexion est fort discère.
     
     
     

    • Descartes dit :

      @ Cherrytree

      [Cependant il est à noter que D. Kuzmanivic faisait plutôt partie du cercle de C. Girard, qui commençait à désapprouver le manque de démocratie dans les instances du PG. On a alors vu arriver ceux qui feraient bientôt les beaux jours de la future France Insoumise, grands défenser.e.s des transgenres et pas genré.e.s du tout, (rassurez-vous, l’écriture inclusive est employée ironiquement), grands pourfendeurs du nucléaire, grands amateurs de comités autodésignés et autres structures gazeuses, bref, un salmigondis avec un gourou à sa tête, et quelques futurs dauphins, du moins se voyaient -ils ainsi, qui avaient tout intérêt à défendre ce machin, on n’ose même plus parler de parti.]

      Il y a deux grands virages dans l’aventure mélenchonienne. La première a lieu en 2008, quand Mélenchon quitte le PS pour fonder le Parti de Gauche. Il s’agit à l’époque de capter l’héritage du vote « non » au référendum de 2005 et de préparer l’OPA sur le PCF. On voit donc Mélenchon reprendre tout un langage et une symbolique républicaine et souverainiste chère au PCF et au souverainisme « de gauche » : références au drapeau rouge, à la Résistance, rejet de la construction européenne et de l’euro, priorité aux questions sociales et économiques. Après le refus du PCF de se laisser bouffer, la tonalité change avec la fondation de la France Insoumise. Le discours souverainiste, les références historiques, la référence aux problématiques sociales et économiques s’efface devant un discours gauchiste qui fait la part belle aux questions « sociétales ».

      La « cour » de Mélenchon a subi ces avatars. Les personnalités qui s’inscrivaient plutôt dans une perspective souverainiste ou communiste ont été progressivement remplacées par des personnalités gauchistes.

      [On lui montra le chemin de la porte, et comme c’est un homme intelligent, il l’a pris pour aller réfléchir ailleurs. Ce que vous rapportez de l’université de République Souveraine me réjouirait donc plutôt.]

      Moi aussi !

      [Ensuite, votre billet m’a donné de la curiosité quant aux Instituts divers et variés, Jaurès et autres la Boétie .Leur fonction de “think tanks” est plus que discrète, je dirais même confidentielle, et n’a pas l’air de dépasser le petit cercle de leurs convaincus d’avance triés sur le volet. En revanche on y recase beaucoup d’anciens élus, Mélenchon par exemple, à présent sans mandat : on dirait de petits Conseils Constitutionnels,]

      J’aime bien le parallèle… sauf que la création du Conseil constitutionnel avait un objectif différent : le but n’était pas de payer les anciens élus et les anciens présidents de la République, mais de les faire taire en leur imposant un devoir de réserve absolu. C’est d’ailleurs pourquoi la plupart des anciens présidents qui avaient encore des ambitions politique sont préféré ne pas y siéger. Les « fondations » sont beaucoup plus intéressantes : elles permettent aux anciens élus d’avoir un salaire, et rien ne les oblige à se taire !

      [et j’aimerais que le fruit de leur réflexion fut mis en évidence, ne serait-ce que pour justifier des subventions attribuées par les partis auxquels ils sont affiliés. Curieusement, vous avez raison, beaucoup de penseurs, philosophes, sociologues, quelques historiens ou plus rarement géographes, des politiques, mais d’ingénieurs ou de scientifiques, point. Il est vrai que la vérité scientifique est fondée sur l’observation, mais surtout sur le fait que toute expérience doit pouvoir être expliquée, démontrée, applicable et reproduite.]

      Et surtout, ingénieurs et scientifiques sont formatés à l’idée que lorsqu’une expérience contredit la théorie, c’est l’expérience qui est dans le vrai, et la théorie qui se trompe. Vous imaginez les ravages que cette idée pourrait faire dans un think-tank « politique » ?

  5. Gautier Weinmann dit :

    Bonjour,
     
    Merci pour votre présence à nos Universités d’hiver, et pour votre intervention.
    Je suis content de vous avoir rencontré après toutes ces années.
     
    République Souveraine est un parti, et pas un mouvement politique. Nous avons déjà ici longuement débattu des différences. Nous avons des statuts, que nous venons de réformer et d’amender d’ailleurs, et une liste de dirigeants nationaux élus et transparente, les dirigeants locaux se soumettant au vote actuellement.
     
    Ensuite nous ne sommes pas une scission de LFI. Certes de nombreux membres y ont fait un tour. Mais ce n’est pas le cas de tous les dirigeants du parti, loin s’en faut. Vous serez surpris de savoir que nous avons dans nos dirigeants des responsables et membres d’horizons variés, y compris venant de la droite patriotes, voire nationaliste. Et bien entendu des concitoyens n’ayant adhéré à aucun parti auparavant et qui prennent des responsabilités.
     
    Aussi je me dois de préciser que la “filiation de gauche” n’est pas revendiquée au sein de République Souveraine. C’est pourquoi d’ailleurs nous ne sommes pas dans la NUPES et n’avons aucun accord automatique avec la gauche.
     
    La charte de notre parti rappelle nos fondamentaux. Je ne sais pas si c’est de gauche quand on voit ce qu’est devenue la gauche, et pas seulement LFI… Notre leitmotiv est le “souverainisme social”. Il existe sûrement un souverainisme identitaire et nationalisme, le nôtre se base sur la République sociale.
     
    Enfin, pour les dernières législatives République Souveraine s’est lancé avec une alliance, la “Raison du peuple”. Cela a réuni Solidarité et Progrès de Jacques Cheminade et le parti bonapartiste “l’Appel au Peuple”. Je vous laisse caractériser si c’est de gauche…
     

    • Descartes dit :

      @ Gauthier Weinmann

      [Merci pour votre présence à nos Universités d’hiver, et pour votre intervention. Je suis content de vous avoir rencontré après toutes ces années.]

      Ne me remerciez pas, ce fut un grand plaisir dans les deux cas !

      [Ensuite nous ne sommes pas une scission de LFI. Certes de nombreux membres y ont fait un tour. Mais ce n’est pas le cas de tous les dirigeants du parti, loin s’en faut. Vous serez surpris de savoir que nous avons dans nos dirigeants des responsables et membres d’horizons variés, y compris venant de la droite patriotes, voire nationaliste. Et bien entendu des concitoyens n’ayant adhéré à aucun parti auparavant et qui prennent des responsabilités.]

      L’un n’exclut pas l’autre. Au départ, c’est bien une scission de LFI : le noyau fondateur de « République souveraine » est bien constitué par des militants de LFI qui ont suivi George Kuzmanovic lors de son départ. Après, toutes les « scissions » se sont ensuite enrichies d’apports nouveaux, venus d’autres partis ou bien de gens sans expérience militante. J’ai bien remarqué la diversité des origines et des parcours des gens présents à l’Université…

      [Aussi je me dois de préciser que la “filiation de gauche” n’est pas revendiquée au sein de République Souveraine. C’est pourquoi d’ailleurs nous ne sommes pas dans la NUPES et n’avons aucun accord automatique avec la gauche.]

      J’ai bien pesé mes mots : je n’ai pas dit que RS « appartienne à la gauche », j’ai dit qu’elle revendiquait une « filiation de gauche ». Ce n’est pas la même chose. J’ai bien entendu dans l’intervention de Kuzmanovic une formule du genre « nous venons pour beaucoup d’entre nous de la gauche », ce qui est une manière de marquer une filiation. Cela étant dit, je suis d’accord qu’une filiation ne préjuge pas d’un destin, et que – comme je l’ai souligné dans mon papier – RS ne fait pas de la question « gauche/droite » un marqueur.

      [Enfin, pour les dernières législatives République Souveraine s’est lancé avec une alliance, la “Raison du peuple”. Cela a réuni Solidarité et Progrès de Jacques Cheminade et le parti bonapartiste “l’Appel au Peuple”. Je vous laisse caractériser si c’est de gauche…]

      Comme vous le savez, je ne pense pas qu’aujourd’hui sur le fond la division « droite/gauche » ait une quelconque pertinence. Elle fonctionne – de moins en moins d’ailleurs – comme un héritage symbolique. Je suis quand même inquiet de voir RS travailler avec « Solidarité et progrès », groupe sectaire très inféodé au gourou américain Lyndon LaRouche (ancien trotskyste ayant dérivé vers la droite antisémite) et son « National Democratic Policy Commitee ». « quand on dine avec le diable, mieux vaut avoir une longue cuiller »

    • tmn dit :

      @Gautier Weinmann[Enfin, pour les dernières législatives République Souveraine s’est lancé avec une alliance, la “Raison du peuple”. Cela a réuni Solidarité et Progrès de Jacques Cheminade et le parti bonapartiste “l’Appel au Peuple”. Je vous laisse caractériser si c’est de gauche…]J’ai toujours trouvé votre parti très intéressant, mais je dois avouer que quand j’ai entendu parler de cette alliance avec M. Cheminade (!), et un parti bonapartiste (!?) dont je n’avais jamais entendu parler, ça m’a pas mal refroidi… c’était quoi l’idée derrière cette alliance ?A part ça c’est super d’avoir invité monsieur Descartes, j’aurais bien aimé pouvoir assister à tout ça.

      • Patriote Albert dit :

        Bonjour tmn,
        Je me permets de répondre à vos interrogations (et à celles de Descartes par la même occasion). Nous avons noué aux élections législatives de 2022 une association électorale afin d’atteindre notre objectif, à savoir obtenir les fameux 1% dans 50 circonscriptions, qui permettent d’obtenir un financement public. Peu de partis étaient disposés à s’allier avec nous (et vice versa), et S&P nous faisait miroiter certaines promesses… qui ne se sont pas réalisées. Dont acte, nous n’avons plus vraiment de relations avec eux aujourd’hui, et Jacques Cheminade (qui n’a pas été invité à nos Universités d’hiver) a plutôt été vu dernièrement aux côtés de Florian Philippot, ce qui nous confirme dans notre choix. En revanche, je vous invite à dépasser l’étiquette “bonapartiste”, et à vous intéresser d’un peu plus près à l’Appel au peuple: derrière le folklore en apparence suranné, il y a des convictions très proches de République Souveraine, et des militants sérieux.

        • Descartes dit :

          @ Patriote Albert

          [Nous avons noué aux élections législatives de 2022 une association électorale afin d’atteindre notre objectif, à savoir obtenir les fameux 1% dans 50 circonscriptions, qui permettent d’obtenir un financement public.]

          Cela me rappelle la formule gaullienne : « nous sommes trop faibles pour pouvoir faire des compromis ». On peut comprendre ces tentations… mais il faut s’en méfier et à minima les expliquer. Je suis rassuré de savoir que les contacts avec S&P sont exclusivement tactiques…

          [En revanche, je vous invite à dépasser l’étiquette “bonapartiste”, et à vous intéresser d’un peu plus près à l’Appel au peuple: derrière le folklore en apparence suranné, il y a des convictions très proches de République Souveraine, et des militants sérieux.]

          Je suis d’accord avec vous.

  6. Erwan dit :

    Génial ! Peut-on visionner la table ronde à laquelle vous avez participé ?
     
    Je crois savoir que vous rêvez de discuter avec Guaino depuis longtemps, avez-vous pu discuter avec lui en-dehors de vos interventions respectives ?
     
    Je n’ai pu visionner que le débat entre Todd et Guaino. J’aimerais bien avoir votre impression !

    • Descartes dit :

      @ Erwan

      [Génial ! Peut-on visionner la table ronde à laquelle vous avez participé ?]

      Je ne sais pas, j’espère qu’ils la mettront en ligne, mais je n’en suis pas maitre…

      [Je crois savoir que vous rêvez de discuter avec Guaino depuis longtemps, avez-vous pu discuter avec lui en-dehors de vos interventions respectives ?]

      Non, malheureusement non… il avait toute une cour autour de lui, et puis il est parti assez vite.

      [Je n’ai pu visionner que le débat entre Todd et Guaino. J’aimerais bien avoir votre impression !]

      Todd est égal à lui même. Il est brillant et lorsqu’il parle de ce qu’il connaît, c’est à dire la démographie, il est très intéressant. Sur le reste, il ne dit rien de bien nouveau. Guaino n’était pas dans un bon jour, et en général il n’est pas très bon à l’oral si l’animateur ne l’aide pas. Mais ses livres sont très intéressants, pleins d’idées et très érudits. Je vous conseille “pour en finir avec l’économie du sacrifice”: c’est plutôt difficile à lire, parce que Guaino commence le raisonnement et suppose que son lecteur a assez de culture économique pour le compléter lui-même…

  7. Cherrytree dit :

    @Descartes
    Je me suis attelée à la lecture des objectifs et programmes des instituts et fondations précédemment mentionnés.
    Bon, pour l’institut la Boétie, c’est vite fait. Clairement présenté comme une école des cadres de la FI, il annonce la couleur : nous avons raison et nous vous formerons à expliquer que nous avons raison. 
    Pour la Fondation Jean Jaurès, c’est aussi une officine du PS, un outil d’observation et de réflexion politique sur l’évolution de la société. C’est quand même un cas à part, car elle est reconnue d’utilité publique.  Et qui brasse un budget de 2 millions d’€ et des poussières.
    Déjà, “utilité publique” reste à démontrer. Par exemple, je ne pense pas qu’un gouvernement socialiste se soit un jour appuyé sur les travaux de cette fondation ? Et que ceux-ci soient largement diffusés, puisque d’utilité publique ? Évidemment, la Fondation Jaurès revendique l’organisation de colloques à l’international. C’est surtout une officine de soutien a des candidatures comme celle d’Anne Hidalgo, ou de prévisions électorales, s’appuyant sans vergogne sur des sondages préexistants, ou des enquêtes via Facebook.. Deux millions d’€, quand même… Je vais me pencher sur les colloques à l’étranger, il doit bien exister des actes de colloques quelque part, pour qu’il subsiste une trace de ces travaux.
    Enfin, petite dernière, l’Institut Rousseau, .Un bon point, leur réflexion est abondante, et proprement mise en ligne, avec un classement rigoureux. Au premier abord, c’est plutôt engageant. Au second regard, j’ai un peu déchanté. Je me suis surtout intéressée au travail sur la planification écologique, et lu l’étude correspondante. Après un état des lieux et un bilan, plutôt bien fait, il y a la liste des préconisations. Sans surprise, j’ai relevé dans cette planification l’aide pour le chauffage au bois et dérivés.  Pourquoi pas. Sauf que l’industrie du bois n’est pas forcément possible partout,  la sylviculture peut , avec le changement climatique, ne pas être au rendez-vous des espérances, et l’impact de la combustion n’est pas nul. De plus, ce type de chauffage n’est pas possible dans tous les types d’habitat. Qu’après on mesure et quantifie les économies réalisables, c’est bien sympathique, mais me semble un peu utopique.
    Autre recommandation, plus sérieuse, les travaux d’isolation des logements. C’est déjà mieux, et là, on peut chiffrer, y compris en termes de création d’emploi.. 
    Le ferroutage, bien sûr. Mais je suis plus dubitative devant le plan pour les véhicules électriques et l’éradication progressive des véhicules à essence. Oui. Mais généraliser les véhicules électriques, c’est bien joli, sauf qu’on n’a pas encore partout les moyens de les recharger, je pense à des zones rurales  où ça risque d’être compliqué. Et surtout, qui dit généralisation des véhicules électriques (quid des camions?), dit production d’électricité. Alors oui, la méthanisation, l’énergie éolienne marine, sont prévus. Ce qui n’apparaît pas, c’est que cette dernière est aléatoire (les éoliennes s’arrêtent en cas de tempête, et produisent peu en cas de calme plat). De plus, il faudra expliquer que, même si les éoliennes sont au large, et entre parenthèses avec une maintenance qui rend cette énergie hors de prix, il y aura nécessairement des centrales sur le littoral, et l’impact sur le paysage aura forcément des répercussions sur l’industrie de tourisme. Mais, puisque l’enjeu est de sortir des énergies fossiles, a-t-on examiné la possibilité de l’exploitation de l’énergie nucléaire ? Ça doit être un gros mot,  car il n’apparait pas dans l’étude. Je n’ai rien appris que je ne savais déjà, et surtout qu’une planification d’économie écologique devrait s’appuyer sur des données plus sérieuses et réalistes. 
    Comme cette lecture est longue,  je réserve pour quelques soirées studieuses, le reste car j’ai un esprit ouvert.  Mais c’est bien aride, et comme pour cette étude, un peu désespérant de s’astreindre à lire ce qui défie parfois le bon sens  

    • Descartes dit :

      @ Cherrytree

      [Bon, pour l’institut la Boétie, c’est vite fait. Clairement présenté comme une école des cadres de la FI, il annonce la couleur : nous avons raison et nous vous formerons à expliquer que nous avons raison.]

      Très bon résumé, en une phrase.

      [Pour la Fondation Jean Jaurès, c’est aussi une officine du PS, un outil d’observation et de réflexion politique sur l’évolution de la société. C’est quand même un cas à part, car elle est reconnue d’utilité publique. Et qui brasse un budget de 2 millions d’€ et des poussières.]

      Elle n’est pas si « à part » que ça. Les « fondations » brassent des sommes relativement importantes, en prenant sur elles des fonctions qu’autrefois assuraient les partis politiques avec un régime fiscal plus favorable. C’est la raison essentielle pour laquelle elles ont été créés, d’ailleurs…

      [Déjà, “utilité publique” reste à démontrer.]

      La question de « l’utilité publique » est une question de gros sous. Pour une association, la reconnaissance « d’utilité publique » n’a qu’un effet : vous permettre de recueillir les dons et legs. Pour être reconnu tel, il suffit d’avoir un but d’intérêt général, offrir des garanties de solidité financière, avoir un rayonnement qui dépasse le local.

      [Évidemment, la Fondation Jaurès revendique l’organisation de colloques à l’international. C’est surtout une officine de soutien a des candidatures comme celle d’Anne Hidalgo, ou de prévisions électorales, s’appuyant sans vergogne sur des sondages préexistants, ou des enquêtes via Facebook…]

      Ils font de temps en temps des rapports, j’avoue que je ne me suis jamais penché sur eux.

      [Enfin, petite dernière, l’Institut Rousseau, .Un bon point, leur réflexion est abondante, et proprement mise en ligne, avec un classement rigoureux. Au premier abord, c’est plutôt engageant. Au second regard, j’ai un peu déchanté. Je me suis surtout intéressée au travail sur la planification écologique, et lu l’étude correspondante. Après un état des lieux et un bilan, plutôt bien fait, il y a la liste des préconisations. Sans surprise, j’ai relevé dans cette planification l’aide pour le chauffage au bois et dérivés. Pourquoi pas.]

      Peut-être espèrent-ils un don de la fédération des industries du bois ? Souvent les explications à certaines recommandations sont assez sordides…

      Vous avez manqué la fondation Gabriel Péri, créée par le PCF et dont les travaux sont surtout orientés vers les questions sociétales… et qui a servi de point de chute a nombreux cadres huistes lorsque le PCF a renvoyé le père UbHue à ses études. Il y a aussi l’ITS (Institut pour une tribune socialiste) fondé en son temps par le PSU, et chez qui le temps semble s’être arrêté – ils ont pas encore réalisé que Michel Rocard est allé au PS.

      • Cherrytree dit :

        @Descartes
         
        Vous avez raison. D’ailleurs, pendant tout le temps que j’ai passé au PCF, je n’ai jamais entendu personne y faire référence pendant des réunions de réflexion.

  8. jo nice dit :

    j’ai discuté avec Cheminade et des militants S&P il y a quelques années, si  ils parlent bien de Larouche c’est pour son discours pro-Glass-Steagle et anti finance. En tout cas personne n’a proféré de conneries antisémite ou complotiste en ma présence.

    • Descartes dit :

      @ jo nice

      [j’ai discuté avec Cheminade et des militants S&P il y a quelques années, si ils parlent bien de Larouche c’est pour son discours pro-Glass-Steagle et anti finance. En tout cas personne n’a proféré de conneries antisémite ou complotiste en ma présence.]

      Ces gens sont intelligents. Ils savent adapter leur discours à leur public. Il est clair qu’en France aujourd’hui un discours antisémite vous attirera des tas d’ennuis, et ne sera vu positivement que par un électorat marginal. Ce n’est pas la même chose aux Etats-Unis. Mais un discours politique ne s’achète pas au détail: on ne peut pas se faire soutenir par Lyndon LaRouche et choisir “à la carte”…

  9. Bruno dit :

    https://youtu.be/RnlXL1iURf4 (table ronde République Souveraine)

    • Erwan dit :

      Merci Bruno !

      Certains propos sont vraiment très intéressants.

      @Descartes : j’ai bien aimé ta tentative de sensibilisation à la lutte des classes. C’est fondamental et cela manquait cruellement à cette table ronde, ainsi qu’à celle de Guaino et Todd. Je constate que je ne suis pas le seul à avoir du mal à mettre cela en avant de manière à ce que cela parle aux autres (j’ai l’impression que les autres intervenants n’ont rien compris), et à essayer d’adapter mon langage pour en parler plus en douceur !

      • Descartes dit :

        @ Erwan

        [j’ai bien aimé ta tentative de sensibilisation à la lutte des classes. C’est fondamental et cela manquait cruellement à cette table ronde, ainsi qu’à celle de Guaino et Todd. Je constate que je ne suis pas le seul à avoir du mal à mettre cela en avant de manière à ce que cela parle aux autres (j’ai l’impression que les autres intervenants n’ont rien compris), et à essayer d’adapter mon langage pour en parler plus en douceur !]

        Oui, c’est une grande difficulté aujourd’hui. Il y a une grande tendance à considérer que « les gens », « les Français », « le peuple » sont des entités homogènes, sinon en termes de fortune, au moins en termes d’intérêt. C’est d’ailleurs l’un des principes de base de la « théorie de l’ère du peuple » chère à Mélenchon : la lutte des classes serait dépassée par la confrontation entre « le peuple », censé regrouper le 99% de la population et partager un intérêt commun, et une « oligarchie » limitée à quelques individus.

        Cet unanimisme n’est pas nouveau. Lorsque Pétain prétendait faire taire « ces divisions qui nous ont fait tant de mal », il ne parlait pas d’autres choses. La tentation d’une société organique effaçant tout conflit est toujours là. Elle s’oppose à la vision républicaine, qui propose un mode de gestion des désaccords et des conflits, et non leur effacement dans l’unanimité.

  10. luc dit :

    Merci,cher Descartes pour votre texte et cette ouverture vers RS..Quels opportinuistes Solidarité et Progrès de Jacques Cheminade surtout pendant certaines élections présidentielles d’où ils étaient absents aux 2 dernières,non?Il me semble que les amis de Jacques Cheminade ont des positions récurrentes et vigoureuses anti-couronne anglaise.Charles 8 comme tous ces prédécesseurs ,est accusé par les amis de Larouche d’être à l’origine de quasiment tous les maux de notre planète.C’est trés saillant ,et ça change de la Doxa dominante.Cheminade et des militants S&P vilipendent souvent ‘la clique royale des Windsor de Buckingham palace’,ce qui est assez jubilatoire pour un républicain convaincu.
    Quant à leur position anti sémite,ce n’est pas acceptable mais ça ne m’était pas apparu lorsque je m’y suis intéressé..rappelons que le racisme est interdit par la loi,heureusement.Ce parti de Larouche est notoirement connu pour être financé par la Cia à l’xtérieur.Est il besoin de rappeler comment les USA surveillent depuis les années 45-1950,la vie politique et intellectuelle en France,avec un brio et une réussite certaine ?
    Une de vos remarques sur le statut avantageux fiscalement des fondations m’intrigue vu que déjà les dons aux partis et syndicats sont déductibles à 66%,est ce 85% d’abattement pour les fondations?
    Par ailleurs aucune fondation politique allemande ne semble avoir de relais en France or elles sont très puissantes et financent souvent à l’étranger des fondations satellites…Surprenant ? Le parti fédéraliste européen est éligible à être financé par une fondation de la CDU.L’institut Jean Jaurès par une fondation du SPD.L’institut gabriel Péri par une fondation de die Linke et le RN par une fondation de l’Afd,n’est ce pas  probable ?
     
     

    • Descartes dit :

      @ luc

      [Quels opportinuistes Solidarité et Progrès de Jacques Cheminade surtout pendant certaines élections présidentielles d’où ils étaient absents aux 2 dernières, non? Il me semble que les amis de Jacques Cheminade ont des positions récurrentes et vigoureuses anti-couronne anglaise. Charles III comme tous ces prédécesseurs, est accusé par les amis de Larouche d’être à l’origine de quasiment tous les maux de notre planète. C’est trés saillant ,et ça change de la Doxa dominante.]

      Entre la doxa dominante et la doxa délirante, ma préférence ira toujours à la première.

      [Cheminade et des militants S&P vilipendent souvent ‘la clique royale des Windsor de Buckingham palace’, ce qui est assez jubilatoire pour un républicain convaincu.]

      C’est comme dire que la condamnation de la ploutocratie par les fascistes était jubilatoire pour un communiste. « Il n’est de pire trahison que de faire une bonne chose pour une mauvaise raison »…

      [Quant à leur position antisémite, ce n’est pas acceptable mais ça ne m’était pas apparu lorsque je m’y suis intéressé… rappelons que le racisme est interdit par la loi, heureusement.]

      Non. Le racisme – comme toute opinion, d’ailleurs – ne saurait être « interdite par la loi » sauf à avoir un moyen de lire dans les pensées. On peut interdire la discrimination raciale, on peut interdire l’incitation à la haine raciale, on pourrait à la limite interdire l’expression publique d’opinions racistes. Mais on ne peut « interdire le racisme ». Quant à l’antisémitisme de LaRouche, il suffit d’une petite recherche avec un moteur bien connu pour le trouver. Par exemple, son affirmation que la Shoah n’a tué « que 1,5 millions de juifs » et que ces morts « ne sont pas le résultat d’une campagne délibérée », ce qui le conduit à parler d’une « fabrication juive » à propos de la Shoah.

      [Une de vos remarques sur le statut avantageux fiscalement des fondations m’intrigue vu que déjà les dons aux partis et syndicats sont déductibles à 66%, est ce 85% d’abattement pour les fondations?]

      Surtout, les fondations peuvent recevoir dons dans des conditions fiscales très avantageuses, ont des réduction sur l’impôt sur les sociétés, sur les droits de mutation, sur l’IFI, sur les legs, exonération de la TVA… vous avez le tableau à la fin de l’article https://blog-gestion-patrimoine.cfpb.fr/fondation-et-fonds-de-dotation-philanthropie-ou-optimisation-fiscale/

      [Par ailleurs aucune fondation politique allemande ne semble avoir de relais en France or elles sont très puissantes et financent souvent à l’étranger des fondations satellites…]

      Les fondations politiques allemandes ont surtout des satellites dans le tiers monde et dans certains pays de l’Est.

      [Surprenant ? Le parti fédéraliste européen est éligible à être financé par une fondation de la CDU. L’institut Jean Jaurès par une fondation du SPD. L’institut gabriel Péri par une fondation de die Linke et le RN par une fondation de l’Afd, n’est ce pas probable ?]

      Pour quoi faire ? Le PFE et le PS n’ont pas besoin d’argent…

  11. Marencau dit :

    Cher Descartes,Objectif de mentionner le rôle des couches intermédiaires dans votre première intervention publique: atteint !Quelle (bonne) surprise de vous voir participer ainsi à ce type d’événement. Voilà que vous passez soudainement de “personnage mystère” à “trouvable facilement sur linkedin”. Il est vrai que ces derniers mois vous aviez progressivement révélé plus d’informations personnelles (par rapport aux premières années), et certaines dont on se doutait mais je ne m’attendais pas à une telle sortie. Si je peux me permettre, qu’a donc motivé votre décision ? Je me rappelle d’une discussion que nous avions eu il y a de nombreuses années où vous interveniez encore sur le blog de JLM, subissant des menaces physiques de quelques militants un peu fêlés. Vous aviez alors dit que garder votre anonymat était particulièrement précieux pour vous, je me demande donc ce qui vous a conduit à y renoncer ? Serait-ce parce que le temps passant, le moins d’impact cela aura sur votre vie professionnelle ? Pour ma part je serais loin, TRÈS loin, de pouvoir assumer un tel affichage dans mon environnement pro qui pullule de couches intermédiaires macronistes.Je ne peux donc à ce stade me permettre que de financer à hauteur de mes moyens RS, dont je suis très heureux des commentaires positifs que vous nous donnez ici. Pour être honnête, je ne sais pas comment le mouvement se positionne lui-même, Kuzmanovic en premier qui semble bien comprendre qu’il n’a pas de quoi devenir une sorte de “gourou” sur lequel tout peut reposer (et tant mieux). Certes l’ambition de gagner des élections à court terme n’est pas le sujet. En fait, j’ai l’impression que RS cherche à rassembler des intellectuels pour faire avancer des idées et ensuite se dissoudre à terme dans un mouvement plus large lorsqu’il aura émergé. Et compte tenu de la situation actuelle et des rapports de force… eh bien je crois que ça me suffit.
     
    Bonne journée à vous et à tous,

    • Descartes dit :

      @ Marencau

      [Cher Descartes,Objectif de mentionner le rôle des couches intermédiaires dans votre première intervention publique: atteint !Quelle (bonne) surprise de vous voir participer ainsi à ce type d’événement. Voilà que vous passez soudainement de “personnage mystère” à “trouvable facilement sur linkedin”. Il est vrai que ces derniers mois vous aviez progressivement révélé plus d’informations personnelles (par rapport aux premières années), et certaines dont on se doutait mais je ne m’attendais pas à une telle sortie. Si je peux me permettre, qu’a donc motivé votre décision ?]

      C’est tout simplement le temps qui passe : je me dirige lentement mais sûrement vers la fin de ma carrière professionnelle. Et puis, beaucoup d’idées qui au départ de ce blog étaient « transgressives » sont finalement mieux acceptées. Dire il y a dix ans que le FN captait l’électorat populaire m’aurait fait perdre pas mal d’amis. Le dire aujourd’hui, c’est énoncer une évidence presque universellement admise – même Ruffin en convient, c’est dire !

      [Pour ma part je serais loin, TRÈS loin, de pouvoir assumer un tel affichage dans mon environnement pro qui pullule de couches intermédiaires macronistes.]

      C’est un peu l’avantage de savoir qu’on va d’un pas ferme vers le cimetière des éléphants : on peut tout – ou en tout cas beaucoup – se permettre.

      [En fait, j’ai l’impression que RS cherche à rassembler des intellectuels pour faire avancer des idées et ensuite se dissoudre à terme dans un mouvement plus large lorsqu’il aura émergé. Et compte tenu de la situation actuelle et des rapports de force… eh bien je crois que ça me suffit.]

      Tout à fait !

  12. Paul dit :

    Bonjour Descartes,
    Ca me fait un grand plaisir de te voir invité à des tables rondes comme celles-ci. Et de pouvoir ainsi partager tes réflexions. Je constate d’ailleurs qu’elles sont souvent de plus en plus partagées par des intervenants plus médiatisés. Te lit-on ou est-ce le signe d’une progression ou d’une prise conscience croissante du mode de pensée “cartesien” chez les intellectuels ? Enfin, ce n’est pas le cas chez les partisans de la gauche radicale, avec lesquels l’écart se creuse. Je pense y être aussi pour quelque chose, je crains de devenir intolérant aux mécanismes de pensée de la petite bourgeoisie engagée. Dans cette atmosphère lourde de l’inquiétude générée par la guerre en Ukraine, qui n’est d’ailleurs pas limitée à l’Ukraine, quel plaisir de pouvoir entendre des discours empreints du recul nécessaire à la contextualisation des choix politiques.
    J’ai le sentiment que la période que nous vivons, aussi périlleuse soit-elle, a le mérite d’imposer de sortir des schèmas dogmatiques pour et y comprendre qqch, et de tenter d’élaborer une ou des alternatives. En tout cas, ton article précédent sur la retraite m’a ouvert les yeux sur la vanité de la ènième réforme en cours tout comme de ses oppositions.
    Il y a une question que je me pose: les propositions que tu peux faire, par exemple sur le travail,  imposent-elles un changement de société ? Il me semble que même dans une société capitaliste, la planification a pu être un outil dont s’est emparé l’Etat. Il est vrai que la France est dite le seul pays où le socialisme ait réussi. 

    • Descartes dit :

      @ Paul

      [Ca me fait un grand plaisir de te voir invité à des tables rondes comme celles-ci. Et de pouvoir ainsi partager tes réflexions. Je constate d’ailleurs qu’elles sont souvent de plus en plus partagées par des intervenants plus médiatisés. Te lit-on ou est-ce le signe d’une progression ou d’une prise conscience croissante du mode de pensée “cartesien” chez les intellectuels ?]

      J’aimerais penser que la première hypothèse est la bonne… mais ma modestie m’oblige à opter pour la seconde. Je ne prétends pas être beaucoup plus intelligent que les autres, mais j’ai peut-être un petit peu d’avance sur eux à l’heure de voir venir les problèmes…

      [Enfin, ce n’est pas le cas chez les partisans de la gauche radicale, avec lesquels l’écart se creuse. Je pense y être aussi pour quelque chose, je crains de devenir intolérant aux mécanismes de pensée de la petite bourgeoisie engagée.]

      Peut-être parce que dans la situation actuelle, ces mécanismes de pensée apparaissent plus clairement pour ce qu’ils sont : une justification de leurs intérêts. Dans un système scolaire sélectif et rigoureux, qui assurait une forme de promotion sociale, le discours de l’ouverture pouvait paraître émancipateur. Aujourd’hui, il sert clairement d’alibi à un système chaque fois plus injuste.

      [Il y a une question que je me pose: les propositions que tu peux faire, par exemple sur le travail, imposent-elles un changement de société ? Il me semble que même dans une société capitaliste, la planification a pu être un outil dont s’est emparé l’Etat. Il est vrai que la France est dite le seul pays où le socialisme ait réussi.]

      Il faut distinguer ce qui est structurel et ce qui est conjoncturel. Il y a des conjonctures dans lesquelles le rapport de forces permet de créer des institutions ou de faire des réformes tout à fait positives. Le « gaullo-communisme », issu d’une convergence conjoncturelle des intérêts entre une bourgeoisie « nationale » et la classe ouvrière, est un bon exemple. Mais il y a un mouvement d’approfondissement du capitalisme – c’est-à-dire, pour être schématique, de réduction de tous les rapports humains à des rapports d’argent – qui est lié à la structure même du capitalisme, et qui impose une tendance par-dessus les péripéties de la conjoncture. Autrement dit, certaines de mes propositions pourraient ici ou là être mises en œuvre pour une période plus ou moins longue sans changement du mode de production. Mais leur pérennité implique un changement bien plus profond.

  13. Antoine dit :

    Bonsoir descartes, 
     
    J’ai écouté suivant vos recommandations une table ronde de l’université. J’ai pris celle de Conesa et del Valle. J’en ai été extrêmement déçu. 
    Les intervenants sont absolument  intéressants et partagent des anecdotes captivantes  mais en fin de compte on  a l’impression qu’ils cherchent à plaire à leur public. Ils ne prennent aucunement le soin de répondre  à la problématique qui leur a  été soumise, et j’estime que les réflexions n’ont pas avancé d’un poil a la fin des échanges.  
    Cela vaut-il le coup que j’écoute les autres ? 
     

    • Descartes dit :

      @ Antoine

      [J’ai écouté suivant vos recommandations une table ronde de l’université. J’ai pris celle de Conesa et del Valle. J’en ai été extrêmement déçu. Les intervenants sont absolument intéressants et partagent des anecdotes captivantes mais en fin de compte on a l’impression qu’ils cherchent à plaire à leur public. Ils ne prennent aucunement le soin de répondre à la problématique qui leur a été soumise, et j’estime que les réflexions n’ont pas avancé d’un poil à la fin des échanges.]

      La qualité des tables rondes – et des intervenants à l’intérieur d’une table ronde donnée – sont inégales. Mais je trouve votre déception excessive. C’est beaucoup demander d’une table ronde qu’elle fasse avancer les réflexions. Si elles aident à faire réfléchir celui qui écoute, ce n’est déjà pas mal. Moi, je suis satisfait d’une table ronde quand j’ai entendu un intervenant dire quelque chose dont je peux me dire « tiens, je n’avais jamais pensé à ça ». C’est à partir de ce genre de découverte qu’on peut ensuite faire avancer sa propre réflexion.

      [Cela vaut-il le coup que j’écoute les autres ?]

      Je suis mal placé pour vous conseiller, moi qui ne jure que par l’écrit et ne regarde jamais de vidéos…

  14. Gugus69 dit :

    Eh bien moi, tout bêtement, j’ai été heureux et un peu surpris de pouvoir mettre un visage et un nom sur mon “ami et camarade”.
    C’est toujours un peu émouvant d’arracher le masque de Zorro… Et de s’apercevoir qu’il n’a pas la tête de Don Diego de la Vega.
    En tout cas, le débat au colloque de République souveraine : passionnant !
    L’industrie, c’est la vie ! Oui ! Oui ! Oui !
    Pour quiconque a, comme moi, poussé dans une grande cité ouvrière, c’est une évidence.

  15. Optimiste réaliste dit :

    Bonjour Descartes,
    Je vous lis ainsi que la quasi intégralité des commentaires depuis maintenant de nombreuses années. C’est toujours un réel plaisir même si bien sûr, parfois, j’émets quelques réserves. Quel serait l’intérêt de lire ou discuter avec quelqu’un avec qui on est constamment d’accord? A moins de ne vouloir vivre, comme dirait Etienne Klein, que dans un chez soi idéologique. Bref tout ça pour dire que j’apprends beaucoup en lisant votre blog et notamment sur la façon d’avancer des arguments.
    J’ai la chance de faire partie des « classes intermédiaires ». Je dis bien chance car il ne faut pas faire de fausse pudeur, c’est très agréable de ne manquer de rien et d’avoir un accès facile au savoir et à la culture et surtout d’en avoir les codes. Cela dit, je suis ici d’une famille plutôt ouvrière, et j’ai beaucoup entendu parler de Marx et de la lutte des classes dans la jeunesse et comme nul ne guérit de son enfance ça laisse des traces. Si le sort des couches populaires me touchent c’est par empathie mais aussi par égoïsme car je ne veux pas vivre dans une société où les gens qui m’entourent, que ce soit de près ou de loin, soient dans la misère qu’elle soit financière mais aussi intellectuelle. J’aime beaucoup discuter avec les gens même quand je ne les connais pas et je trouve que ça devient de plus en plus compliqué d’avoir des conversations rationnelles et intéressantes. Les sujets de conversation sur le Covid et la vaccination en sont un parfait exemple! Il n’y a quasiment plus de culture générale mais également de culture scientifique. Je suis scientifique pour information. J’ai souvent des stagiaires, très sympathiques au demeurant, mais dont le niveau de rédaction est affligeant et je ne parle pas uniquement de l’orthographe. Si c’est avec cela que l’on compte reindustrialiser la France, il va falloir qu’on les prenne par la main pour rattraper des années de casse de l’éducation.
    Comme l’indique mon pseudo, je me dit que rien n’est impossible alors j’essaie d’y croire. Il y a encore une paire d’années je n’aurait jamais penser entendre certains de mes collègues émettre des réserves sur le rôle de l’Europe dans la déchéance d’EDF. Alors c’est pas grand chose mais je me dis que c’est un bon début!
    Jusqu’à présent, je n’ai jamais écrit sur votre blog mais j’ai décidé de franchir le cap. Je terminerais par une question, dont étant donné votre parcours, vous êtes sûrement la personne qui peut le mieux y me répondre: que pensez-vous de la suppression de l’IRSN? Est ce encore un démantèlement de plus ou une vraie nécessité ?

    • Descartes dit :

      @ Optimiste réaliste

      [J’ai la chance de faire partie des « classes intermédiaires ». Je dis bien chance car il ne faut pas faire de fausse pudeur, c’est très agréable de ne manquer de rien et d’avoir un accès facile au savoir et à la culture et surtout d’en avoir les codes.]

      Il faut en avoir conscience, mais il n’y a aucune raison d’avoir honte. Nous sommes responsables de ce que nous faisons, nous ne sommes pas responsables de ce que le monde fait de nous, et le fait de renoncer aux biens de votre classe et d’aller travailler en usine et vivre dans un HLM ne changera rien au sort du prolétariat, contrairement à ce que croyaient certains soixante-huitards.

      [J’aime beaucoup discuter avec les gens même quand je ne les connais pas et je trouve que ça devient de plus en plus compliqué d’avoir des conversations rationnelles et intéressantes. Les sujets de conversation sur le Covid et la vaccination en sont un parfait exemple !]

      Oui. Il est de plus en plus difficile d’être en désaccord avec les gens sans se fâcher. Entre le poids du politiquement correct et l’incapacité des gens à supporter la frustration d’admettre que l’argument de l’autre est meilleur que le sien, la discussion devient vite impossible. Cela me fait penser à quelque chose : je fais depuis mon enfance du judo et de la lutte, et ce sont là des sports où l’on ne progresse que si on accepte d’être régulièrement battu. Car lorsqu’on essaye une technique nouvelle, on se fait généralement contrer, et cela prend beaucoup de défaites avant que la technique en question soit efficace. Et bien, aujourd’hui les enseignants passent leur temps à répéter aux jeunes qu’il faut essayer des choses quitte à se faire battre, plutôt que de tout bloquer de peur de se faire contrer…

      [Il n’y a quasiment plus de culture générale mais également de culture scientifique. Je suis scientifique pour information. J’ai souvent des stagiaires, très sympathiques au demeurant, mais dont le niveau de rédaction est affligeant et je ne parle pas uniquement de l’orthographe. Si c’est avec cela que l’on compte reindustrialiser la France, il va falloir qu’on les prenne par la main pour rattraper des années de casse de l’éducation.]

      Sans aucun doute. Dans le pays de Descartes, on a laissé largement tomber l’enseignement scientifique. Et je ne dis pas « enseignement des sciences », mais « enseignement scientifique ». Car même dans les sciences dites « molles », la méthode reste la clé de la pensée rationnelle. Le raisonnement logique, le doute systématique, la primauté de l’expérience sur la théorie, tout cela a été passé par pertes et profits. J’ai comme vous des stagiaires universitaires, et je suis souvent surpris de leur incapacité à formuler un raisonnement logique. En particulier, le principe de non contradiction (deux choses contradictoires ne peuvent être simultanément vraies) semble leur poser quelques problèmes. Je lis d’ailleurs très souvent des mémoires d’avocats – souvent très jeunes, c’est un domaine du contentieux peu rémunérateur – et je suis souvent surpris et choqué par le niveau, non seulement de la grammaire et l’orthographe, mais surtout de la qualité du raisonnement, genre « mon client aurait mérité une peine plus légère, et d’ailleurs il est innocent ».

      Cela étant dit, je suis convaincu qu’on se donne le système éducatif en fonction du projet de société qu’on a. L’éducation des années 1950-70 était celle d’un pays qui voulait se doter d’industries et d’infrastructures modernes, qui aspirait à « être une lumière éclairant le monde ». Celle des années 1980 à aujourd’hui est celle d’un pays qui aspire à être une province agricole de l’Europe allemande… et si demain le projet change, et bien on se donnera les moyens de changer l’éducation.

      [Comme l’indique mon pseudo, je me dit que rien n’est impossible alors j’essaie d’y croire. Il y a encore une paire d’années je n’aurait jamais penser entendre certains de mes collègues émettre des réserves sur le rôle de l’Europe dans la déchéance d’EDF. Alors c’est pas grand chose mais je me dis que c’est un bon début!]

      C’est l’avantage des guerres – le seul qu’on leur connaisse : elles font réfléchir.

      [Jusqu’à présent, je n’ai jamais écrit sur votre blog mais j’ai décidé de franchir le cap.]

      N’hésitez pas à refaire l’expérience ! Et même si vous êtes d’accord sur l’essentiel avec moi, on peut s’opposer sur les détails. Et on sait que le diable s’y cache souvent…

      [Je terminerais par une question, dont étant donné votre parcours, vous êtes sûrement la personne qui peut le mieux y me répondre : que pensez-vous de la suppression de l’IRSN? Est-ce encore un démantèlement de plus ou une vraie nécessité ?]

      Difficile à dire, tant les forces derrière cette suppression sont diverses et poursuivent des objectifs différents. Il est vrai que l’IRSN avait énervé beaucoup de monde, et notamment l’Autorité de sûreté nucléaire (l’ASN). Il faut comprendre comment le système fonctionne. L’ASN est une autorité administrative indépendante, opérant dans le domaine de la sûreté nucléaire, c’est-à-dire, dans la protection des installations nucléaires contre les risques accidentels. A ce titre, elle autorise les opérateurs nucléaires à construire, exploiter et modifier les installations nucléaires. Mais l’ASN n’a pas nécessairement l’expertise dans tous les domaines, fort nombreux, qui ont trait à la sûreté nucléaire. Maintenir une telle expertise implique une organisation qui permette aux experts de faire des aller-retour entre expertise et recherche, sans quoi l’expertise s’étiole. Cela implique aussi d’assurer aux experts des carrières longues, car l’expertise est un investissement de long terme. C’est l’IRSN qui assurait cette expertise.

      Mais un expert est là pour conseiller son donner d’ordres, et seulement lui. Dans le rapport entre l’IRSN et l’ASN, la discrétion de l’expert est indispensable pour permettre à l’autorité de prendre ses décisions en toute liberté, sans que l’avis de l’expert soit utilisé pour faire pression sur elle. Or, dans le monde « communicationnel » ou nous vivons, l’IRSN a interprété son mandat différemment : il a voulu une politique de communication active, faisant de l’information du public l’une de ses missions. En particulier, cela l’a amené à publier ses avis à l’autorité, ce qui a mis l’autorité dans une position impossible. Par ailleurs, l’IRSN a eu tendance à jouer les « monsieur plus », renforçant la tendance naturelle de l’ASN à jouer sa propre sécurité en demandant à chaque fois ceinture et bretelles aux exploitants nucléaires, quel qu’en soit le coût.

      Je ne pense pas qu’une mesure aussi dramatique que l’intégration de l’IRSN à l’ASN soit la solution. On aurait pu changer la direction de l’IRSN et mieux cadrer ses missions sans pour autant tout chambouler. Par ailleurs, l’intégration de l’IRSN va poser un sérieux problème en termes d’indépendance. En effet, pour pouvoir faire de la recherche, les experts ont besoin d’installations expérimentales… qui sont contrôlées et autorisées par l’ASN. L’intégration de l’IRSN dans l’ASN fait de cette dernière potentiellement son propre contrôleur…

      Cela étant dit, comme souvent, les jeux de dominos avec les institutions couvrent en fait un manque de réflexion sur la question globale. Le véritable problème ici, c’est l’indépendance de l’ASN. Car l’ASN a deux rôles bien différents : elle fait la réglementation, et elle contrôle son application. Si la logique d’indépendance est tout à fait saine dans la fonction de contrôle, elle est beaucoup plus discutable dans la fonction réglementaire. Fixer un objectif en termes de sûreté, c’est définir le niveau de risque que la société est prête à accepter. Et ce choix implique de mettre en balance les avantages et les risques. Ce pesage est une prérogative essentiellement politique. La céder à une autorité indépendante, c’est prendre le risque qu’elle glisse vers le maximalisme : en effet, elle peut tout demander aux exploitants sans que cela ne lui coute un sou.

      • Optimiste réaliste dit :

        [Cela étant dit, je suis convaincu qu’on se donne le système éducatif en fonction du projet de société qu’on a. L’éducation des années 1950-70 était celle d’un pays qui voulait se doter d’industries et d’infrastructures modernes, qui aspirait à « être une lumière éclairant le monde ». Celle des années 1980 à aujourd’hui est celle d’un pays qui aspire à être une province agricole de l’Europe allemande… et si demain le projet change, et bien on se donnera les moyens de changer l’éducation.]
        Je suis assez d’accord avec vous mais je me dis que si demain par miracle, la société décidait de changer de cap, il y aurait un sacré boulot. En effet, quarante années de déliquescence, a certes transformé l’école en centre aéré mais ce qui le fait le plus peur c’est le niveau des enseignants actuellement! Pour preuve un extrait du journal Marianne du 23/11/2022: « Les candidats non admissibles correspondent à peu près à ceux qui ont obtenu une note inférieure à 4 sur 20 à la première épreuve écrite, la seule épreuve purement mathématique. Encore faut-il se souvenir que cette épreuve comportait un QCM avec plusieurs questions du niveau du collège. J’avoue ne pas savoir comment on peut faire pour avoir moins de 4 à une telle épreuve. Des exemples donc. Rappel de la question Q2 : « la somme de deux nombres décimaux est un nombre décimal ». Taux de réponse exacte correctement justifiée ? 28 %. À la question Q3 « 1/3 est un nombre décimal », le taux tombe à 13 % (un nombre décimal a une écriture décimale comportant un nombre fini de chiffres après la virgule, 1/3 n’est donc malheureusement pas décimal). Une majorité d’admissibles et vraisemblablement d’admis ne savent donc pas répondre correctement à des questions relevant du programme du collège sachant qu’ils auront à enseigner jusqu’à la classe terminale. Q12 : 70 % des candidats pensent reconnaître une équation de droite quand il s’agit, dans l’espace, de l’équation d’un plan. On pourrait multiplier les exemples, ceux-ci sont suffisamment parlants. […] Un récent article de Marianneévoquait le concours de recrutement des professeurs des écoles. On y apprenait que « la grande majorité » des candidats ignorait le sens du mot « chancelant », le reliant au mot « chance ». Le jury du CAPES de mathématiques évoque lui aussi le rapport à la langue, s’inquiète des fautes fréquemment rencontrées. Une démonstration de mathématiques est d’abord une rédaction, elle nécessite une maîtrise de la langue « saisie dans son droit fil », de la syntaxe, cette maîtrise étant même un préalable à la construction d’une culture mathématique solide. Le jury relève ainsi « pitagore, décimeaux, interval, ont a (pour « on a ») ». Ne souriez pas, il s’agit de l’avenir du pays et de vos enfants. Les connaissances des élèves ne sont certes pas exactement proportionnelles à celles de leurs enseignants, elles leur sont néanmoins assez fortement corrélées. Les candidats à ces concours ont un diplôme de Master 2, ils ont suivi (au moins) cinq années d’enseignement supérieur. Y a-t-il un autre mot que « naufrage » pour décrire l’état du système éducatif, un naufrage que personne ne peut plus masquer ?» 
        Je suis conscient que la fin justifie les moyens, mais je ne sais pas où aller chercher ses derniers pour redresser la barre. Peut être que remettre en service les anciens professeurs maintenant à la retraite serait la solution. 😉
         
        [Cela étant dit, comme souvent, les jeux de dominos avec les institutions couvrent en fait un manque de réflexion sur la question globale. Le véritable problème ici, c’est l’indépendance de l’ASN. Car l’ASN a deux rôles bien différents : elle fait la réglementation, et elle contrôle son application. Si la logique d’indépendance est tout à fait saine dans la fonction de contrôle, elle est beaucoup plus discutable dans la fonction réglementaire. Fixer un objectif en termes de sûreté, c’est définir le niveau de risque que la société est prête à accepter. Et ce choix implique de mettre en balance les avantages et les risques. Ce pesage est une prérogative essentiellement politique. La céder à une autorité indépendante, c’est prendre le risque qu’elle glisse vers le maximalisme : en effet, elle peut tout demander aux exploitants sans que cela ne lui coute un sou.]Merci pour cette réponse détaillée, j’avoue que je ne savais pas trop quoi penser de tout cela.
         

        • Descartes dit :

          @ Optimiste réaliste

          [Je suis assez d’accord avec vous mais je me dis que si demain par miracle, la société décidait de changer de cap, il y aurait un sacré boulot. En effet, quarante années de déliquescence, a certes transformé l’école en centre aéré mais ce qui le fait le plus peur c’est le niveau des enseignants actuellement!]

          Pensez à la IIIème République, qui a du former des instituteurs à partir de zéro… Quand la dynamique et là, quand il y a un projet national ambitieux, on y arrive.

          [Pour preuve un extrait du journal Marianne du 23/11/2022: « Les candidats non admissibles correspondent à peu près à ceux qui ont obtenu une note inférieure à 4 sur 20 à la première épreuve écrite, la seule épreuve purement mathématique. Encore faut-il se souvenir que cette épreuve comportait un QCM avec plusieurs questions du niveau du collège. J’avoue ne pas savoir comment on peut faire pour avoir moins de 4 à une telle épreuve.]

          Les rapports des jurys de concours font froid dans le dos, en effet. Le plus terrible, c’est qu’on cache la misère en baissant en permanence le niveau des concours et des examens. En fait, le niveau ne baisse pas uniformément. Ce à quoi nous assistons, c’est à une éducation à deux vitesses : garderie « bienveillante » pour la masse, formation exigeante pour l’élite. 20/20 de moyenne pour tout le monde dans les écoles de la plèbe, 8/20 pour l’élite. Je ne sais plus qui disait que si l’on veut améliorer l’éducation, la consigne devrait être « mauvaises notes pour tout le monde ». Parce qu’aujourd’hui, il n’y a que dans les lycées de prestige qu’on ose mettre de mauvaises notes.

          • Optimiste réaliste dit :

            [Pensez à la IIIème République, qui a du former des instituteurs à partir de zéro… Quand la dynamique et là, quand il y a un projet national ambitieux, on y arrive.]
             
            C’est exactement ce à quoi j’ai pensé une fois mon message envoyé. Comme pour beaucoup de choses il faut se donner les moyens mais encore faut-il en avoir envie et accepter d’en payer le prix.
            Je sais que les classes intermédiaires ne raisonnent qu’à cours terme mais franchement il faut vraiment être myope pour ne pas se rendre compte que l’on va dans un mur. A part peut-être pour les plus aisés, il va y avoir des conséquences pour les classes de intermédiaires et leur progéniture. On peut tous demain se retrouver aux urgences et avoir besoin de soignants compétents, donc bien formés, pour s’occuper de nous. Quand je fais appel à un artisan, je veux qu’il connaisse son métier et ça devient de plus en plus dur dès que l’on a des demandes qui sortent de l’ordinaire. (Je précise que je suis prêt à y mettre le prix et ne propose jamais de faire faire au black).
            Je m’écarte un peu mais c’est la même chose pour la fabrication des biens. Je vois dans mon métier et dans ma vie courante de plus en plus de problème d’approvisionnement pour des pièces qui jusqu’à présent étaient immédiatement disponibles que ce soit pour réparer du matériel médical, du BTP ou tout simplement une voiture. Je ne comprends pas que ça n’inquiète personne. Ok fabriquer chez nous, ça a un coup mais le retour sur investissement et j’en suis sûr serait bénéfique même pour les classes intermédiaires. Et je ne reviens pas sur l’éducation. Encore une fois, me dire que je ne vais être entouré que d’incultes ça me mine. Je préfère que mes enfants se fassent passer devant à un concours par des gens plus compétents et méritants et vivent dans une société apaisée et prévisible plutôt que dans la société vers laquelle on se dirige. En poussant un peu à l’extrême, demain si je devais me faire opérer par un chirurgien je préfère de loin que ce soit par un fils d’ouvrier compétent plutôt que par un pistonné incompétent même si ça devait être mon propre fils le chirurgien.Peut-être que je ne suis pas assez haut dans les classes intermédiaires pour faire abstraction de tout cela… mais je suis quelqu’un qui aime penser sur le long terme. PS: je m’excuse par avance si ma mise en page n’est pas parfaite mais j’écris depuis un petit smartphone et j’ai un peu du mal avec les copier-coller et les changements de polices de caractère.
             

            • Descartes dit :

              @ Optimiste réaliste

              [Je sais que les classes intermédiaires ne raisonnent qu’à cours terme mais franchement il faut vraiment être myope pour ne pas se rendre compte que l’on va dans un mur. A part peut-être pour les plus aisés, il va y avoir des conséquences pour les classes de intermédiaires et leur progéniture.]

              J’attends de voir… Pour le moment, ils s’en sortent pas trop mal. A terme, nous aurons un système à deux vitesses : une école de qualité pour le « bloc dominant », une garderie pour la plèbe. Est-ce que l’ensemble des classes intermédiaires héritées des « trente glorieuses » réussiront à se raccrocher au « bloc dominant » ? Peut-être pas. Une partie risque d’être déclassée, d’autant plus qu’après avoir mis en concurrence les classes populaires avec leurs homologues du reste du monde, on assiste à une délocalisation de plus en plus importante des métiers qualifiés… mais comme disait Keynes, à long terme on est tous morts. Il faudra que le désastre soit proche pour que les classes intermédiaires réagissent.

              [On peut tous demain se retrouver aux urgences et avoir besoin de soignants compétents, donc bien formés, pour s’occuper de nous.]

              Tous non. Ceux qui pourront se payer l’hôpital privé auront droit aux meilleurs spécialistes…

              [Quand je fais appel à un artisan, je veux qu’il connaisse son métier et ça devient de plus en plus dur dès que l’on a des demandes qui sortent de l’ordinaire. (Je précise que je suis prêt à y mettre le prix et ne propose jamais de faire faire au black).]

              Croyez-moi, quand vous avez de gros moyens, vous en trouvez.

              [Je m’écarte un peu mais c’est la même chose pour la fabrication des biens. Je vois dans mon métier et dans ma vie courante de plus en plus de problème d’approvisionnement pour des pièces qui jusqu’à présent étaient immédiatement disponibles que ce soit pour réparer du matériel médical, du BTP ou tout simplement une voiture. Je ne comprends pas que ça n’inquiète personne. Ok fabriquer chez nous, ça a un cout mais le retour sur investissement et j’en suis sûr serait bénéfique même pour les classes intermédiaires.]

              Je ne suis pas persuadé. Le « juste à temps » et la délocalisation des fabrications a permis de réduire radicalement les coûts. Un téléphone portable fabriqué chez nous, dans des usines payant des salaires français et respectant les normes environnementales françaises serait beaucoup plus cher. Les classes intermédiaires, qui sont celles qui consomment le plus, profitent à fond des gains de la mondialisation.

              [Et je ne reviens pas sur l’éducation. Encore une fois, me dire que je ne vais être entouré que d’incultes ça me mine.]

              Rassurez-vous (si l’on peut dire) : les gens comme vous deviennent de plus en plus rares, et dans deux générations personne ne se rendra compte qu’il est entouré d’incultes. Orwell avait vu juste…

              [Je préfère que mes enfants se fassent passer devant à un concours par des gens plus compétents et méritants et vivent dans une société apaisée et prévisible plutôt que dans la société vers laquelle on se dirige.]

              Mais vos enfants, partagent-ils cette noble intention ?

          • Pierre dit :

            “Je ne sais plus qui disait que si l’on veut améliorer l’éducation, la consigne devrait être « mauvaises notes pour tout le monde »”
            Cette consigne relégitimerait les enseignants. Pour ma part, je n’ai jamais éprouvé de respect (et ne garde la mémoire) que pour les professeurs impitoyables, les seuls m’ayant réellement appris quelque chose.

            • Descartes dit :

              @ Pierre

              [Pour ma part, je n’ai jamais éprouvé de respect (et ne garde la mémoire) que pour les professeurs impitoyables, les seuls m’ayant réellement appris quelque chose.]

              Exactement. C’est un peu ce que disait Beaumarchais: “sans liberté de blâmer, il n’y a pas d’éloge flatteur”. Une bonne note n’est stimulante que si le professeur en met aussi de mauvaises…

  16. François dit :

    Bonsoir Descartes,
    Eh bien, je dois dire que je suis impressionné par votre pedigree ! Je savais que vous occupiez une place enviable, mais pas à ce point. Je regarde maintenant vos billets sous un autre angle : alors que jusqu’à présent, je pensais qu’ils étaient les réflexions d’un « observateur privilégié » tirant des conclusions sur comment améliorer le système, désormais je les regarde comme les réflexions d’un responsable devant prendre des décisions optimales malgré les imperfections du système.
    J’en profite par ailleurs pour vous communiquer mon admiration concernant la tenue de votre blog. En effet, vous réussissez à l’animer de façon assidue, alors même que vous occupez un poste dont je suppose qu’il est très prenant, tout ayant une vie familiale. Et dire que vous même indiquez avoir été impressionné par la capacité de travail de Bernard Bigot !
     
    Maintenant, pour en revenir au fond de votre article, je dois dire hélas que je suis passé à autre chose. Non pas que j’ai fini par (re)devenir un européiste, restant convaincu que cette construction est néfaste pour l’intérêt supérieur de la Nation. Car bien entendu, si l’on me proposait de presser un bouton sortant la France de façon immédiate et irréversible de l’UE et de la zone Euro (ne pas appuyer dessus reviendrait à y rester de façon irréversible), j’appuierais dessus sans hésiter.
    D’abord, et c’est l’un de nos points de désaccord, je considère que cette lutte est hélas devenue secondaire face à ce que je considère être le maintien de l’homogénéité et la continuité du peuple français. Je suis néanmoins conscient que parvenir à cet objectif implique des mesures radicales contrevenant à l’ordre européiste, et donc d’en sortir.
    Mais surtout, sortir de cette construction supranationale est devenu pour une majorité de personnes aussi absurde que vouloir une restauration monarchique. « Qui ne regrette pas la France souveraine n’a pas de cœur, qui souhaite y revenir n’a pas de tête », pour paraphraser un président russe, tel est le crédo d’une large majorité de Français. Ailleurs, Giorgia Meloni n’a pu arriver au pouvoir en Italie qu’en mettant de l’eau dans son vin eurosceptique, et même identitaire (si bien qu’au final, à part quelques frictions, ça n’a pas débouché sur une crise politique). Tout comme ici, MLP n’a pu continuer sa progression qu’en abandonnant la sortie de l’Euro de son programme. Et ça na rien à faire avec une quelconque prise de pouvoir des « traditionalistes » au sein de son parti. J’en veux pour preuve que Marion Maréchal est partie avant Florian Philippot. D’ailleurs, il n’y en a plus aucun au sein de son parti (Marion Maréchal, Nicolas Bay et Stéphane Ravier principalement), et ça n’est pour autant que son discours a pour autant repris un ton plus souverainiste.
     
    De la première à la seconde campagne de France, quatre ans se sont écoulés. De Maastricht à aujourd’hui, trente et un. Quelle personne censée peut garder espoir sur une aussi longue période, surtout qu’il n’y a aucune dynamique favorable (car comme dit précédemment, les victoires des « populistes » ne se font qu’au prix de lourds renoncements) ? Logiquement, ne reste principalement parmi les souverainistes affirmés, plus que les illuminés, ou ceux prêts à toutes les compromissions pour continuer d’exister, les gens rationnels étant malheureusement passés à autre chose.
     
    J’ajoute par ailleurs que je me rends à l’évidence : les institutions européennes, aussi néfastes soient-elles, sont bien plus solides que je ne le pensais (« l’UE gouverne mal, mais se défend bien » pour paraphraser un éminent membre de l’Action française). Jacques Sapir a beau avoir développé un argumentaire convainquant sur les contradictions aboutissant nécessairement à l’effondrement de cette monnaie, mais force est de constater que plus de dix ans après, elle est toujours là. Très certainement qu’à (très) long terme, il a toujours raison, que les contradictions internes finiront bien par ressurgir, mais comme disait l’autre, à long terme nous sommes tous morts.
     
    Bref, si l’UE devait s’effondrer un jour, ça sera comme quand on apprend par la radio, au petit matin, qu’un terrible séisme a frappé telle région du globe : on est surpris, tout en sachant que ça pouvait potentiellement arriver à cet endroit.

    • Descartes dit :

      @ François

      [J’en profite par ailleurs pour vous communiquer mon admiration concernant la tenue de votre blog. En effet, vous réussissez à l’animer de façon assidue, alors même que vous occupez un poste dont je suppose qu’il est très prenant, tout ayant une vie familiale. Et dire que vous même indiquez avoir été impressionné par la capacité de travail de Bernard Bigot !]

      Je ne prétends pas avoir la puissance de travail de Bigot… mais ne minaudons pas, je suis quand même un bosseur ! Mais je travaille dans un milieu très cadré, où il faut faire attention à ce qu’on dit. Ce blog, c’est un peu mon espace de détente.

      [D’abord, et c’est l’un de nos points de désaccord, je considère que cette lutte est hélas devenue secondaire face à ce que je considère être le maintien de l’homogénéité et la continuité du peuple français. Je suis néanmoins conscient que parvenir à cet objectif implique des mesures radicales contrevenant à l’ordre européiste, et donc d’en sortir.]

      Je ne pense pas qu’on puisse séparer ces deux combats. Maintenir une « continuité » de notre histoire, de notre culture, de notre sociabilité implique éviter une dilution dans cet ensemble sans âme qu’est l’Union européenne. Regardez si vous avez le temps avec un œil critique les différentes émissions de télévision européistes qui prétendent faire connaître aux « citoyens européens » leur continent : la vie, l’architecture, la littérature, la musique ou la cuisine des différents pays est réduite à une sorte de catalogue folklorique. Le passé est divers, mais l’avenir est uniforme.

      [Mais surtout, sortir de cette construction supranationale est devenu pour une majorité de personnes aussi absurde que vouloir une restauration monarchique. « Qui ne regrette pas la France souveraine n’a pas de cœur, qui souhaite y revenir n’a pas de tête », pour paraphraser un président russe, tel est le crédo d’une large majorité de Français.]

      Oui… et non. J’avais visité la Yougoslavie quelques années avant l’explosion, et je peux vous assurer que pour le visiteur – même attentif – que j’étais l’illusion d’unité était parfaite. A voir le nombre de couples mixtes, le mélange de gens de différentes origines dans la rue, la mixité dans les organes du pouvoir, l’éclatement de ce pays paraissait impensable. Et pourtant…

      Ce qui maintient l’illusion européenne, c’est d’abord la peur. On a tellement répété que l’Euro ou l’UE nous protègent de toutes sortes de catastrophes qu’on a fini par le croire. Mais ces catastrophes sont largement imaginaires. Souvenez-vous quand on nous expliquait que les Britanniques ou les Danois allaient regretter amèrement de ne pas avoir souscrit à l’Euro. Trente ans plus tard, les Britanniques s’en sont très bien sortis en gardant la Livre et les Danois en conservant la Couronne, et aucun des deux n’a jamais regretté son choix. Même chose sur le Brexit : après avoir prédit l’effondrement en quelques mois, on observe que l’économie britannique n’est pas dans un état plus critique que les économies continentales…

      Le discours de la peur marche jusqu’au jour où une catastrophe arrive… autrement dit, lorsque le système démontre son inutilité. La crise énergétique a ouvert les yeux sur l’inanité de « l’Europe de l’énergie ». Tôt ou tard, la crise des dettes risque de sonner le glas de l’Euro.

      [Ailleurs, Giorgia Meloni n’a pu arriver au pouvoir en Italie qu’en mettant de l’eau dans son vin eurosceptique, et même identitaire (si bien qu’au final, à part quelques frictions, ça n’a pas débouché sur une crise politique). Tout comme ici, MLP n’a pu continuer sa progression qu’en abandonnant la sortie de l’Euro de son programme. Et ça na rien à faire avec une quelconque prise de pouvoir des « traditionalistes » au sein de son parti.]

      Oui et non. Je ne pense pas que sa posture sur l’Euro ait effrayé beaucoup de monde du côté d’Hénin-Beaumont. Mais cela effrayait pas mal de monde du côté des classes intermédiaires, et MLP a fait un choix, celui de rechercher à élargir son socle dans cette direction. Il n’en reste pas moins que, si elle évite de parler de la sortie de l’Euro, son programme implique en filigrane une forme de rupture avec l’UE, notamment à travers de la primauté du droit français.

      [De la première à la seconde campagne de France, quatre ans se sont écoulés. De Maastricht à aujourd’hui, trente et un. Quelle personne censée peut garder espoir sur une aussi longue période, surtout qu’il n’y a aucune dynamique favorable (car comme dit précédemment, les victoires des « populistes » ne se font qu’au prix de lourds renoncements) ? Logiquement, ne reste principalement parmi les souverainistes affirmés, plus que les illuminés, ou ceux prêts à toutes les compromissions pour continuer d’exister, les gens rationnels étant malheureusement passés à autre chose.]

      Les israélites se sont donnés un Etat après 2000 ans de diaspora. Vous savez, quand une idée vaut la peine d’être défendu, les gens peuvent être très patients… seulement, il faut se donner les moyens intellectuels de cette patience. Si on baisse les bras, on est perdu.

      [J’ajoute par ailleurs que je me rends à l’évidence : les institutions européennes, aussi néfastes soient-elles, sont bien plus solides que je ne le pensais (« l’UE gouverne mal, mais se défend bien » pour paraphraser un éminent membre de l’Action française).]

      Ca vous étonne ? Ca ne devrait pas : les institutions européennes ont derrière elles l’ensemble du « bloc dominant ». C’est de là que vient leur solidité.

      [Bref, si l’UE devait s’effondrer un jour, ça sera comme quand on apprend par la radio, au petit matin, qu’un terrible séisme a frappé telle région du globe : on est surpris, tout en sachant que ça pouvait potentiellement arriver à cet endroit.]

      Possiblement. Un peu comme la Yougoslavie…

  17. Badaboum dit :

    Bonjour, j’ai apprécié ce billet comme tous les autres que je lis depuis des années. Pourtant ce soir, je le vois autrement. Kuzmanovic a participé à une émission de la chaîne appelée omerta, chaîne pro russe et complotiste assumée. Il y reprend les éléments de langage de la Russie concernant la guerre d’agression de celle-ci contre l’Ûkraine et les démocraties. Peut-être serait-il judicieux de nuancer le propos du billet en le précisant ? J’espère revenir car vous avez contribué à porter mon engagement pour une gauche travailliste souveraine et démocratique. J’ai tenu bon face à votre choix du second tour 2022 et la qualité de vos arguments. Mais là, il serait utile de préciser le positionnement de Kuzmanovic dans la guerre. Merci
     

    • Descartes dit :

      @ Badaboum

      [Bonjour, j’ai apprécié ce billet comme tous les autres que je lis depuis des années. Pourtant ce soir, je le vois autrement. Kuzmanovic a participé à une émission de la chaîne appelée omerta, chaîne pro russe et complotiste assumée.]

      Je ne connais pas cette chaîne, dont le nom à lui seul est tout un programme. Mais vous noterez que Kuzmanovic et d’une manière plus générale ceux qui ne pensent pas « dans la ligne » sont très rarement invités à s’exprimer sur France Inter, et d’une manière générale, sur les chaînes « mainstream ». Malheureusement, on est souvent réduit à utiliser les tribunes dont on dispose…

      [Il y reprend les éléments de langage de la Russie concernant la guerre d’agression de celle-ci contre l’Ukraine et les démocraties.]

      Quelles « démocraties » ? De quelle agression « contre les démocraties » parlez-vous ? A ma connaissance, aucune « démocratie » n’a été victime d’une « guerre d’agression » par la Russie. Si l’on veut pouvoir débattre rationnellement – chose difficile en temps de guerre – il est important d’éviter l’utilisation du langage de propagande de l’un et de l’autre camp. Déjà l’expression « guerre d’agression », absurde lorsqu’elle est accolée aux « démocraties », est déjà un choix très discutable même pour l’Ukraine. Cette guerre n’est pas tombée du ciel : elle arrive à la fin d’un long processus commencé avec la dissolution du pacte de Varsovie, et le choix occidental de revenir sur sa promesse d’un cordon d’états « tampon » entre la Russie et l’OTAN, pour préférer une stratégie qui a conduit l’OTAN jusqu’aux frontières de la Russie. Une stratégie qui utilise toutes les ressources, y compris les « changements de régime » lorsque les dirigeants en place n’acceptaient pas l’intégration dans l’ensemble occidental (voir l’ingérence européenne dans les « révolutions » ukrainiennes). La guerre n’étant que la continuation de la politique par d’autres moyens (Clausewitz), la question de « qui a agressé qui » n’est donc pas triviale et ne peut être réglée à la légère.

      Je n’ai pas entendu l’intervention de Kuzmanovic, et ne je peux donc pas commenter votre affirmation selon laquelle il « reprendrait des éléments de langage de la Russie ». Mais je trouve là encore l’expression suspecte. Etes-vous bien sûr que la position soutenue par Kuzmanovic est une reprise d’arguments fabriqués par d’autres, et non la conclusion d’une analyse personnelle ? Faites attention, l’expression « reprend des éléments de langage de la Russie » fait partie de l’arsenal de propagande. Elle sert à diaboliser toute opinion contraire à la « doxa » occidentale en transformant tout dissident en suppôt de la Russie, en suggérant que toute pensée autonome ne peut conclure qu’à soutenir la position occidentale. C’est de ce genre de manichéisme qu’est faite la propagande de guerre.

      [Peut-être serait-il judicieux de nuancer le propos du billet en le précisant ?]

      Je ne vois pas pourquoi. Je trouverais d’ailleurs malhonnête de changer mon billet : il représente mon analyse et mon état d’esprit à un moment donné. Si j’en change, alors je fais un autre billet pour analyser en quoi je me serais trompé.

      [Mais là, il serait utile de préciser le positionnement de Kuzmanovic dans la guerre.]

      J’aimerais comprendre quelque chose : Imaginons un instant que Kuzmanovic ait défendu la position russe dans ce conflit. En quoi cela serait rédhibitoire ? Si l’on met au piquet tous ceux qui ont soutenu des « guerres d’agression » et les atteintes à l’intégrité territoriale, on ne dialoguera bientôt avec personne. Pensez-y : entre ceux qui soutiennent l’agression permanente d’Israël envers ses voisins (et pas seulement les Palestiniens, pensez à l’annexion du Golan), l’agression de l’OTAN contre la Serbie (avec le but de modifier ses frontières), l’agression contre la Libye (avec les résultats que l’on sait), l’invasion de l’Irak… et je vous fais grâce d’une longue liste d’interventions américaines un peu partout dans le monde !

      Pourquoi les séparatistes du Donbass sont-ils moins dignes d’attention que ceux du Kossovo ? Pourquoi l’intégrité de l’Ukraine nous est plus précieuse que celle de la Serbie ? Pourquoi les crimes de guerre en Ukraine sont plus dignes d’attention que ceux de la guerre d’Irak ? La réponse est évidente : parce que dans un côté nous sommes du côté de « l’agresseur », et dans l’autre du côté de « l’agressé ». L’invocation des grands principes n’est que propagande : les même qui ont piétiné les principes de souveraineté des états et d’intangibilité des frontières au nom de « l’ingérence humanitaire » sont les premiers à s’en réclamer aujourd’hui. Alors, voyez-vous, dans cette mer d’hypocrisie, il faut faire attention avant de condamner celui qui ne s’inscrit pas dans la “ligne”… et surtout avant de lui reprocher de “reprendre des éléments de langage”.

      Accessoirement, je ne doute pas que ma position me vaudra d’être considéré comme « reprenant les éléments de langage de la Russie »…

  18. FB dit :

    Bonjour,
    J’ai vu votre intervention sur Youtube à la conférence de République souveraine. Très intéressant.
    Loïk Le Flock-Prigent à côté de vous m’intrigue. On le voit intervenir un peu partout dans les médias (il a un livre à promouvoir vous allez me dire) en tirant à boulets rouges contre le marché européen de l’énergie (on  notera en passant qu’une telle position aurait valu le bûcher pour hérésie il y a moins de 3 ans). Cependant, sa grille de lecture semble consister à faire un simple diagnostic: la France est gouvernée par des ignorants, elle a sacrifié ses intérêts à ceux de l’Allemagne, elle est vassalisée, etc…
    Cependant, à aucun moment, il ne se pose la question du pourquoi de tout cela: pourquoi la France est gouvernée telle qu’elle l’est actuellement, pourquoi elle a sacrifié ses intérêts… Tout semble se passer comme si du jour au lendemain, le pays s’était réveillé avec des boulets aux pieds. Je remarque d’ailleurs qu’il n’est pas le seul: finalement tous les souverainistes font le même constat d’échec de toutes les politiques de ces 50 dernières années, mais aucun ne semble aller plus loin que cette analyse.
    J’en viens à mon point: l’intérêt de ce blog est justement de fournir une grille de lecture plus approfondie en faisant intervenir les classes intermédiaires. Personnellement je trouve cette analyse très pertinente et assez éclairante. Mais bref, vous semblez connaître Loïk Le Flock-Prigent: lui avez-vous parlé de cette analyse marxienne ? Y est-il sensible ? Trouve t-il cela pertinent ? Plus généralement, une question me taraude: est-ce que les dirigeants souverainistes en général (Guaino, Asselineau, Le Pen, Kuzmanovic, etc…) sont conscients des phénomènes de classe ? Ou ont-ils une autre grille de lecture personnelle allant plus loin que “C’est la faute à l’Europe !” ?
     

    • Descartes dit :

      @ FB

      [J’ai vu votre intervention sur Youtube à la conférence de République souveraine. Très intéressant.]

      Merci !

      [Loïk Le Flock-Prigent à côté de vous m’intrigue. (…) sa grille de lecture semble consister à faire un simple diagnostic: la France est gouvernée par des ignorants, elle a sacrifié ses intérêts à ceux de l’Allemagne, elle est vassalisée, etc… Cependant, à aucun moment, il ne se pose la question du pourquoi de tout cela: pourquoi la France est gouvernée telle qu’elle l’est actuellement, pourquoi elle a sacrifié ses intérêts… Tout semble se passer comme si du jour au lendemain, le pays s’était réveillé avec des boulets aux pieds.]

      Oui, enfin, cela ne vous aura pas échappé que Le Floch-Prigent fut en son temps un supporter le porte-flingue de François Mitterrand, qui fut un des grands artisans de la vassalisation de la France à l’Allemagne. Vous n’allez tout de même pas lui demander de renier sa jeunesse… Le Floch-Prigent est, comme Mélenchon, un membre de cette génération socialiste qui pleure aujourd’hui sur le lait qu’elle a contribué – par choix ou par inconscience – à renverser. Et qui n’ont jamais réussi à faire un retour critique sur leurs erreurs.

      [Je remarque d’ailleurs qu’il n’est pas le seul: finalement tous les souverainistes font le même constat d’échec de toutes les politiques de ces 50 dernières années, mais aucun ne semble aller plus loin que cette analyse.]

      Ça dépend. Ceux qui sont passés par le marxisme ont souvent le réflexe de se demander à qui profite le crime. Les autres ont tendance au contraire à attribuer la chose à des erreurs individuelles ou collectives, quand ce n’est pas à la perte d’un combat idéologique. C’est dans cette différence qu’on voit la puissance du matérialisme historique comme instrument d’analyse…

      [Mais bref, vous semblez connaître Loïk Le Flock-Prigent: lui avez-vous parlé de cette analyse marxienne ? Y est-il sensible ? Trouve-t-il cela pertinent ?]

      Je ne le « connais » pas beaucoup, mais oui, dans nos discussions j’ai eu l’opportunité de lui exposer mon analyse. Et non, je ne pense pas qu’il y soit sensible – mais encore une fois, c’est la même chose pour un Mélenchon. On voit d’ailleurs mal comment, s’ils étaient sensibles à une analyse matérialiste, ils auraient pu soutenir Mitterrand comme ils l’ont fait…

      [Plus généralement, une question me taraude: est-ce que les dirigeants souverainistes en général (Guaino, Asselineau, Le Pen, Kuzmanovic, etc…) sont conscients des phénomènes de classe ? Ou ont-ils une autre grille de lecture personnelle allant plus loin que “C’est la faute à l’Europe !” ?]

      De ce que j’ai pu voir, la plupart des dirigeants souverainistes sont idéalistes. Pour eux, la politique est d’abord une affaire de volonté, d’activité, de faire les « bons choix » au bon moment. Ce n’est pas illogique, d’ailleurs : difficile de faire de la politique si l’on ne croit profondément que votre volonté, votre engagement, peu changer les choses. Difficile de se dire qu’on est le jouet de forces qui nous dépassent quand on consacre sa vie à changer le monde…

      C’est pourquoi, même au PCF, le matérialisme historique a toujours coexisté avec une dose d’idéalisme.

      • Cording1 dit :

        Le problème du souverainisme en France c’est de ne pas avoir depuis 30 ans un fédérateur de tous les groupes, chapelles et micro-partis qui se multiplient à l’infini, sérieux, rigoureux, constant et cohérent. D’avoir une analyse et pensée qui permettent  de formuler un projet de sortie de l’euro sérieux. Quelques économistes hétérodoxes tels Jacques Sapir, David Cayla et Frédéric Farah s’y attellent chacun à sa façon.  

        • Descartes dit :

          @ Cording1

          [Le problème du souverainisme en France c’est de ne pas avoir depuis 30 ans un fédérateur de tous les groupes, chapelles et micro-partis qui se multiplient à l’infini, sérieux, rigoureux, constant et cohérent.]

          La question à se poser, c’est le pourquoi de cette absence. Ma théorie personnelle est que cela tient d’abord au fait que le souverainisme va à l’encontre des intérêts des classes intermédiaires, qui sont celles qui dominent le champ idéologique. Autrement dit, vous ne trouverez pas dans les académies, dans les universités, dans ce qui fait le creuset intellectuel de notre pays un groupe souverainiste suffisamment puissant pour pouvoir protéger es melbres, rivaliser dans l’arène et de produire une idéologie cohérente. Et la question de la « protection » n’est pas secondaire : celui qui tient un discours dissident aujourd’hui prend des risques de carrière importants. On trouve bien entendu quelques « traîtres à leur classe » qui écrivent – Guaino, Chevènement, Michéa – mais ce sont des personnalités atypiques et isolées.

          Il y a une deuxième raison : nous vivons dans un monde ou l’intolérance est telle que celui qui embrasse les idées souverainistes – ou même des idées plus modérées mais qui s’écartent de ce qui est à la mode – doivent s’attendre à de sérieux ennuis. Exprimez le moindre doute sur les conclusions du GIEC, et vous voilà taxé de « climatosceptique » et exclu de toute promotion. Exprimez des doutes sur la sagesse de telle ou telle directive européenne, et vous pouvez vous préparer au placard. C’est particulièrement vrai dans la haute fonction publique, qui est chez nous le vivier traditionnel de la politique, mais cela touche aussi fortement le secteur privé. Il ne fait pas bon d’avoir un livre de Guaino sur votre bureau quand vous êtes cadre supérieur… je peux vous le dire, j’en ai fait l’amère expérience.

          [D’avoir une analyse et pensée qui permettent de formuler un projet de sortie de l’euro sérieux. Quelques économistes hétérodoxes tels Jacques Sapir, David Cayla et Frédéric Farah s’y attellent chacun à sa façon.]

          Oui, mais ce sont des franc-tireurs. Et ils sont victimes d’un autre phénomène : à force de ne discuter qu’avec des gens qui leur ressemblent – parce que la discussion avec des gens qui ne vous ressemblent pas est devenue, dans le climat de polarisation actuel, impossible – ils finissent par se radicaliser jusqu’à l’absurde et à dire des bêtises. Quand vous pensez, il vous faut des gens qui ne sont pas d’accord avec vous qui servent de corde de rappel à la réalité (c’est le crédo de ce blog, d’ailleurs). C’est un aspect délétère de notre monde intellectuel à l’âge des réseaux sociaux, que cet effet de « bulle » ou chacun se trouve confirmé dans ses conclusions, qu’elles soient vraies ou fausses, en étant isolé de toute opinion contraire. On le voit bien : il n’y a plus de grandes controverses. Chacun nage dans son rail…

  19. Cording1 dit :

    Je souhaiterais que vous trouviez du temps pour du tourisme politique auprès des Mercredis de la Nouvelle Action Royaliste chez laquelle tous les intervenants de l’université d’hiver de République Souveraine sont passés pour une conférence-débat. Comme nombre de mes amis j’apprécie votre blog.

    • Descartes dit :

      @ Cording1

      [Je souhaiterais que vous trouviez du temps pour du tourisme politique auprès des Mercredis de la Nouvelle Action Royaliste]

      Personne ne m’a jamais invité… et je ne connaissais même pas leur existence, où le fait qu’ils fussent ouverts au public.

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