Le chœur des pleureuses de la corporation de la « haine de soi » a trouvé un nouveau sujet de pleurnicherie. Il paraît, voyez-vous, que notre beau pays, qui pourtant a été pendant des siècles l’une des grandes puissances diplomatiques de ce monde, est tout à coup devenue « inaudible ». Que ce soit sur les conflits multiples du Moyen Orient ou de l’Afrique, ou bien plus près de nous le conflit entre la Russie et l’Ukraine – ou devrait-on dire entre la Russie et l’OTAN – personne ne se soucie de la position française. Dans les rapports de force du monde, nous serions devenus quantité négligeable, et les déclarations « transgressives » que notre président laisse tomber périodiquement ne changent rien.
Curieusement, ce sont ces mêmes personnages, commentateurs, journalistes et hommes politiques qui, pendant des années, ont expliqué le plus sérieusement du monde que la France devait s’inscrire dans une construction fédérale de l’Union européenne. Alors, de quoi se plaignent-ils ? Est-ce que le Wisconsin ou le Bade-Wurtenberg se plaignent d’être « inaudibles » sur le plan international ? Bien sûr que non : lorsqu’on s’inscrit dans un ensemble fédéral, on abdique de toute expression sur le plan international. Lorsqu’on déclare qu’il faut que l’ensemble UE/OTAN parle « d’une seule voix », on renonce de ce fait à toute politique extérieure singulière. A quoi bon écouter la voix de la France ou solliciter son avis si l’on sait que la réponse sera la même qu’on obtiendra à Washington ou à Bruxelles ?
Le 27 janvier 1964 la France établit des relations diplomatiques avec la Chine communiste, alors que celle-ci est en guerre larvée par Vietnam interposé avec les Etats-Unis. En 1966, elle quitte le commandement intégré de l’OTAN. Pendant les années 1970, la France a une vraie diplomatie d’équilibre entre Israël et le monde arabe. En 2003, la France use de son droit de véto aux Nations Unies pour s’opposer à l’opération militaire américaine. A chacune de ces occasions, la France a été entendue, critiquée par les uns, louée par les autres, mais elle a pu faire la différence. C’est cette indépendance d’esprit, cette capacité à suivre sa propre voie qui rendait la France « audible » sur le plan international. On écoutait la voix de la France parce qu’on savait qu’elle était originale, que ce n’était pas un simple porte-voix des décisions prises à Bruxelles ou à Washington.
La guerre en Ukraine dure depuis bientôt deux ans. En quoi, durant toute cette période, la France s’est distinguée du système UE/OTAN ? Au début, Macron a maintenu des canaux de discussion ouverts avec la Russie, ceux-ci se sont fermés rapidement dès lors que les Russes ont compris que le discours macronien n’était qu’une copie du discours otanien, qu’il n’y avait aucune chance que la France se situe dans une position de médiateur dans le conflit. La guerre à Gaza rentre dans sa deuxième année. En quoi la France s’est différentiée des Américains ? A part les communiqués de condamnation que personne ne lit et des injonctions à ne plus vendre des armes que la France ne vend pas, on ne voit pas grande chose. En Afrique, la France a repris le discours moralisant des Américains et a été – prévisiblement – boutée dehors par des régimes qui n’ont que faire de ces discours, surtout lorsque d’autres puissances leur offrent soutien militaire et économique sans la moraline franco-américaine.
C’est cela la triste vérité : la France est devenue inaudible parce qu’elle n’a rien d’original à dire, parce qu’elle accepte de se fondre dans les discours et les politiques décidées par le système UE/OTAN. Et même si de temps en temps notre président fait une sortie intempestive pour donner l’illusion qu’il existe, celle-ci n’a pas plus de poids qu’une déclaration du gouverneur de Californie ou du président de la Rhénanie-Palatinat.
Plutôt que de faire ses propres choix, que d’être un pont entre l’est et l’ouest, entre le nord et le sud, les élites françaises ont fait le choix de devenir la cinquième roue du carrosse UE/OTAN. Cela implique que l’ensemble des alliés parle « d’une seule voix », et donc qu’il n’y ait plus de voix singulières qui pourraient rompre l’harmonie de l’ensemble. Alors, quand vous écoutez l’un de ses pleurnicheurs qui défilent sur nos médias, souvenez-vous que ce sont les mêmes qui nous ont amenés à cette situation.
Descartes
Bravo !Contente de voir que vous n’oubliiez pas les considérations diplomatiques et la prise en compte des affaires internationales.et que vous sachiez appeler un chat un chat : “le conflit entre la Russie et l’Ukraine – ou devrait-on dire entre la Russie et l’OTAN ?” , dire cela c’est dire la réalité que ne prononcent que rarement en ces termes les radios que j’écoute.
Ce n’est pas tellement le fait que la voix de la France soit de plus en plus négligée ou inaudible que je déplore (pas plus que je ne déplore la disparition des agressivités internationales mutuelles du siècle dernier entre pays européens voisins), c’est le fait que celle de l’UE (en tant que puissance politique, économique et financière) soit si peu entendue (parce qu’encore inexistante).
C’est dans cet entre-deux de pays ayant renoncé à leur pouvoir national au profit éventuel de l’existence d’une puissance supranationale que s’est fragilisé aussi bien ce qui n’existe plus (la puissance nationale) que ce qui n’existe pas encore (la puissance européenne). Mais on me dira qu’un marché (ce à quoi l’UE est encore plus ou moins réduite) n’a guère de voix, puisqu’il est surtout destiné à permettre que le tout-venant des vendeurs et acheteurs s’y expriment.
On pourrait noter aussi que, en ce qui concerne précisément la France, c’est en outre surtout depuis que Macron et ses ratiocinations tant nationales qu’internationales et depuis que le verbe “macroniser” a commencé à être compris et repris pour signifier le fait de parler pour ne rien dire et tout et son contraire que notre pays n’est même plus guère écouté quand il l’ouvre. D’ailleurs, au sein même du pays qu’il préside, on n’écoute plus ce bateleur.
@ Claustaire
[Ce n’est pas tellement le fait que la voix de la France soit de plus en plus négligée ou inaudible que je déplore]
Si je comprends bien, le fait que la nation française ne porte plus un message vers le monde, qu’elle soit tenue pour quantité négligeable, n’est pas pour vous un motif d’inquiétude. Dont acte.
[(pas plus que je ne déplore la disparition des agressivités internationales mutuelles du siècle dernier entre pays européens voisins),]
Il y a des fois où je me demande dans quel monde vous vivez. Vous croyez vraiment que les « agressivités internationales mutuelles entre pays européens voisins » ont disparu ? Il suffit de participer à un groupe de travail à Bruxelles pour comprendre à quel point cette vision est idéaliste. Je peux vous assurer que lorsqu’il s’agit de défendre l’industrie automobile allemande ou de saboter le nucléaire français, nos voisin d’outre-Rhin sont aussi agressifs qu’en 1914. Il n’y a que les méthodes qui ont changé…
[c’est le fait que celle de l’UE (en tant que puissance politique, économique et financière) soit si peu entendue (parce qu’encore inexistante).]
J’ai du mal à comprendre comment on peut « déplorer » qu’une entité « inexistante » ne soit pas « entendue »… L’UE est un ensemble de pays, ce n’est pas une « puissance », parce que la puissance est liée à une volonté, et qu’il n’existe pas de « volonté européenne », qui supposerait qu’il y ait un « demos » européen. Tout au plus, il existe une « position européenne », fruit de laborieuses négociations entre 27 volontés différentes.
[C’est dans cet entre-deux de pays ayant renoncé à leur pouvoir national au profit éventuel de l’existence d’une puissance supranationale que s’est fragilisé aussi bien ce qui n’existe plus (la puissance nationale) que ce qui n’existe pas encore (la puissance européenne).]
Autrement dit, on a sauté de l’avion avec l’espoir qu’on arriverait à concevoir un parachute et à en construire un avant de s’écraser au sol… J’ajoute que la formule « n’existe pas encore » est trompeuse. Cela suggère que son apparition n’est qu’une question de temps, ce qui est loin d’être une évidence. Personnellement, je pense que cette « puissance européenne » n’existera jamais.
[Mais on me dira qu’un marché (ce à quoi l’UE est encore plus ou moins réduite) n’a guère de voix, puisqu’il est surtout destiné à permettre que le tout-venant des vendeurs et acheteurs s’y expriment.]
L’UE n’est nullement « plus ou moins réduite » à un marché. C’est là une illusion dangereuse. L’UE est surtout une machine à priver les nations des instruments d’exercice de la souveraineté, pour les confier aux lobbies et aux intérêts économiques – notamment américains.
[On pourrait noter aussi que, en ce qui concerne précisément la France, c’est en outre surtout depuis que Macron et ses ratiocinations tant nationales qu’internationales et depuis que le verbe “macroniser” a commencé à être compris et repris pour signifier le fait de parler pour ne rien dire et tout et son contraire que notre pays n’est même plus guère écouté quand il l’ouvre.]
Il est vrai que du temps de François Hollande, la France était écoutée et respectée dans les enceintes internationales…
Arrêtons avec le Macron-bashing. Macron n’est qu’un échelon de plus dans la longue séquence de renoncements et d’abandons commencée sous Mitterrand avec l’Acte Unique, et poursuivi avec la plus grande constance par tous les gouvernements qui se sont succédés. Mis à part le sursaut chiraquien – à qui on doit non seulement le refus de la France de s’embarquer dans la croisade américaine en Irak et le référendum sur le TCE – l’histoire de France depuis 1983 est une longue suite de capitulations en rase campagne. Et tout ça, ce n’est pas la faute de Macron. C’est un peu trop facile d’en faire le bouc émissaire de quarante ans d’abandons.
@ Descartes
[L’UE est surtout une machine à priver les nations des instruments d’exercice de la souveraineté]
Oui. Personnellement – je dois être un peu masochiste car j’en ressors toujours attristé – je réécoute de temps à autre le discours de P. Seguin de 1992 (https://www.youtube.com/watch?v=_oN-DxnGPZQ&ab_channel=LucienMozart).
Autant pour les idées que la qualité du verbe (on a depuis bien changé de “calibre” quant au “niveau” de nos politiciens. Comparer ce discours, ses idées et aussi la tenue de l’Assemblée avec le brouhaha d’aujourd’hui est d’une grande tristesse tant cela souligne la dégringolade).
@ Bob
[Oui. Personnellement – je dois être un peu masochiste car j’en ressors toujours attristé – je réécoute de temps à autre le discours de P. Seguin de 1992 (…). Autant pour les idées que la qualité du verbe (on a depuis bien changé de “calibre” quant au “niveau” de nos politiciens. Comparer ce discours, ses idées et aussi la tenue de l’Assemblée avec le brouhaha d’aujourd’hui est d’une grande tristesse tant cela souligne la dégringolade).]
Vous m’avez donné l’occasion de réentendre ce discours, que je n’avais pas regardé depuis bien longtemps… et il n’a rien perdu de son souffle ni de sa force. Sans parler de la clairvoyance de Séguin et de son équipe, qui décrivent assez précisément la situation dans laquelle on se trouve aujourd’hui.
Et effectivement, il y a de quoi être attristé quand on le compare à ce qu’on peut voir aujourd’hui à l’Assemblée. Non seulement on entend un discours qui a été préparé, réfléchi, où chaque mot, chaque référence est pesée avec un soin infini, mais du côté de la salle on assiste à une écoute attentive, sans brouhaha, avec un minimum de remous dans la salle, et cela alors que le discours dure presque deux heures… Quel contraste avec la pauvreté des discours qu’on entend à la tribune aujourd’hui, et avec la qualité de l’écoute.
@ Descartes
Au gré de vidéos YouTube, je suis tombé sur celle-ci (je ne savais même pas que ce débat avait eu lieu): https://www.youtube.com/watch?v=j1C40Bo7fE8&ab_channel=ginkos23
Mitterrand prend le soin de préciser que Maastricht ne privera pas la France de sa souveraineté mais seulement de quelques compétences. J’y vois une rouerie magistrale. Quelle mauvaise foi !
En outre, Séguin m’apparait beaucoup trop “rond” et soyeux quand Tonton se montre comme souvent cinglant.
Le “niveau” de ce débat et les foires d’empoigne actuelles, ce sont deux mondes distincts. Comme quoi, c’était parfois mieux avant !
@ Bob
[Au gré de vidéos YouTube, je suis tombé sur celle-ci (je ne savais même pas que ce débat avait eu lieu): (…)]
A beaucoup d’égards, le débat sur la ratification du traité de Maastricht fut un moment exceptionnel de notre vie politique. A ma connaissance, c’est la seule fois où un président en exercice de la cinquième République a accepté un débat avec un contradicteur de cette taille. Et l’échange est d’un niveau de qualité qui aujourd’hui paraît stratosphérique.
[Mitterrand prend le soin de préciser que Maastricht ne privera pas la France de sa souveraineté mais seulement de quelques compétences. J’y vois une rouerie magistrale. Quelle mauvaise foi !]
C’était l’essence de Mitterrand. Que la gauche n’ai pas voulu le voir, et que certains encore aujourd’hui louent cette mauvaise foi et en fassent un exemple a de quoi interroger…
[En outre, Séguin m’apparait beaucoup trop “rond” et soyeux quand Tonton se montre comme souvent cinglant.]
Je pense que Séguin était un homme des institutions, et qu’il avait un grand respect – peut-être trop grand – de la fonction présidentielle pour traiter autrement son titulaire. Par certains côtés, Seguin était une relique d’un autre âge, mal adapté au temps des flibustiers…
@Descartes,
Etant cinquantenaire, je peux affirmer à l’époque que personne ne serait permis de privautés, à la télé et en public, à l’égard du Président Mitterrand en 1992; le personnage en imposait bien trop, même très diminué à l’époque (le tout-Paris savait que le président était déjà très malade, mais la nouvelle de son cancer n’était pas encore officielle, et il n’y avait de réseaux sociaux. Autres temps, autres moeurs…). On peut alors comprendre une certaine pusillanimité, ou plutôt la déférence de Seguin face à un homme dont l’un des surnoms était le Sphinx…
J’ai vu cette distance entre le président de la République et ses concitoyens disparaître avec la familiarité (sincère ou non) de Jacques Chirac, et cela n’a cessé de se dégrader depuis.
Le P’tit Cron avait bien tenté, au début de son premier mandat, de la restaurer en faisant passer pour Jupiter, mais la “caillera” qui sommeille en lui a vite fait de faire tomber le costume du personnage de divinité gréco-romaine trop grand pour lui…
@ CVT
[Etant cinquantenaire, je peux affirmer à l’époque que personne ne serait permis de privautés, à la télé et en public, à l’égard du Président Mitterrand en 1992; le personnage en imposait bien trop, même très diminué à l’époque (le tout-Paris savait que le président était déjà très malade, mais la nouvelle de son cancer n’était pas encore officielle, et il n’y avait de réseaux sociaux. Autres temps, autres moeurs…). On peut alors comprendre une certaine pusillanimité, ou plutôt la déférence de Seguin face à un homme dont l’un des surnoms était le Sphinx…]
Ce n’était pas seulement une question de personnes. Giscard, qui n’avait rien d’un sphinx, bénéficiait de la même protection de par le prestige de la fonction. Et cela même s’il avait cherché à jouer le contraste par rapport à son prédécesseur avec une image « à l’américaine ». A l’époque, on ne disait « merde » au président comme on ne disait pas « merde » au policier, à l’instituteur ou au proviseur, pas plus qu’on ne disait pas « merde » dans les ondes de la télévision et de la radio publique, parce qu’on était éduqué dans le respect des institutions.
[J’ai vu cette distance entre le président de la République et ses concitoyens disparaître avec la familiarité (sincère ou non) de Jacques Chirac, et cela n’a cessé de se dégrader depuis.]
Même Chirac, qui pourtant était une personne plutôt familière – et il y a des centaines d’anecdotes qui montrent que celle-ci était sincère – gardait largement le respect dû à sa fonction. Lui, qui dans le privé utilisait un langage de salle de garde, faisait très attention dans ses apparitions publiques à ne pas le laisser transparaître, à marquer le respect pour ses interlocuteurs, qui lui rendaient la pareille. C’est surtout avec Sarkozy qu’il y a une rupture. D’une part, parce que son choix d’être « clivant » – au moins au début de sa présidence – a fait qu’il n’était plus le président « de tous les Français », contrairement à tous ses prédécesseurs. Et d’autre part, parce qu’il a refusé d’assumer le poids symbolique de l’institution et les servitudes qui vont avec.
[Le P’tit Cron avait bien tenté, au début de son premier mandat, de la restaurer en faisant passer pour Jupiter, mais la “caillera” qui sommeille en lui a vite fait de faire tomber le costume du personnage de divinité gréco-romaine trop grand pour lui…]
Il est très difficile d’être à la fois l’incarnation d’une institution et de s’afficher comme « rebelle » ou « transgressif ». De Gaulle, qui plaisantait en affirmant que « le seul révolutionnaire (en France), c’est moi », et qui sur beaucoup de sujets a effectivement révolutionné le pays, cachait son caractère « transgressif » derrière un protocole d’un autre âge, une référence permanente à la tradition, et un discours qui pouvait rassembler et rassurer l’ensemble des Français. Mitterrand, qui tenait des discours incendiaires lorsqu’il était dans l’opposition, est devenu rassurant et consensuel une fois arrivé au pouvoir, et c’est ce consensus qui lui a permis de faire la révolution – ou plutôt la contre-révolution – néo-libérale et européiste. Chirac, qui était lui aussi néolibéral en 1986-88, est devenu un gentil grand-père de la nation après 1995, un radical-socialiste qui pouvait plaire à tous, laissant à son premier ministre le soin de « révolutionner » les retraites et de porter l’impopularité qui va avec. Macron – comme Sarkozy d’ailleurs – on fait l’erreur de se présenter comme « transgressifs », comme des « rebelles » alors que l’institution présidentielle exige au contraire de donner des gages d’unité, des gages d’autant plus importants qu’on entend effectivement changer quelque chose. Ils n’ont pas su faire porter les « réformes » par des premiers ministres qui auraient pu devenir des « fusibles ».
Car c’est cela la fonction du premier ministre, et c’est ce qui fait l’intérêt de la dualité de l’exécutif. Encore faut-il que le président joue le jeu, qu’il comprenne que sa position institutionnelle l’oblige à une certaine hauteur, à ne s’engager que sur des sujets stratégiques et encore, en assumant une position la moins “clivante” possible.
Ce qui est dit sur l’Allemagne aussi agressive qu’en 1914 pour défendre son secteur automobile et défaire notre secteur nucléaire me fait penser à un propos d’Emmanuel Todd selon lequel avec l’UE l’Allemagne atteint ses buts de guerre (dominer l’Europe) sans tirer un coup de canon. Elle peut se permettre d’être pacifiste puis belliciste lorsqu’ éclate une guerre comme celle en Ukraine.
Un petit extrait (abrégé) du Traité de Lisbonne pour situer le problème :
PROTOCOLE SUR LA COOPÉRATION STRUCTURÉE PERMANENTE ÉTABLIE
PAR L’ARTICLE 28 A DU TRAITÉ SUR L’UNION EUROPÉENNE
LES HAUTES PARTIES CONTRACTANTES,
VU l’article 28 A, paragraphe 6, et l’article 28 E du traité sur l’Union européenne,
RAPPELANT que l’Union conduit une politique étrangère et de sécurité commune fondée sur la réalisation d’un degré toujours croissant de convergence des actions des États membres;
…
RAPPELANT bla bla bla …
…
RAPPELANT que la politique de sécurité et de défense commune de l’Union respecte les obligations découlant du traité de l’Atlantique Nord pour les États membres qui considèrent que leur défense commune est réalisée dans le cadre de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord, qui reste le fondement de la défense collective de ses membres, et qu’elle est compatible avec la politique commune de sécurité et de défense arrêtée dans ce cadre;
CONVAINCUES qu’un rôle plus affirmé de l’Union en matière de sécurité et de défense contribuera à la vitalité d’une alliance atlantique rénovée, en accord avec les arrangements dits de «Berlin plus»;
… bla bla …
L’OTAN étant un un acte de vassalisation des pays européens aux USA, consistant pour ses membres à se placer sous le parapluie nucléaire américain, parler d’une possibilité d’autonomie des pays européens dans ce cadre est pour le moins étrange…
En prime, 1 minute de Giscard à propos de la faible participation des français aux élections européennes…
https://www.youtube.com/watch?v=lMVSUgHa1sY
… pour ceux qui croient que le parlement européen pourrait révolutionner la planète !
@ Candide
[L’OTAN étant un un acte de vassalisation des pays européens aux USA, consistant pour ses membres à se placer sous le parapluie nucléaire américain, parler d’une possibilité d’autonomie des pays européens dans ce cadre est pour le moins étrange…]
Je suis d’accord, et c’est pourquoi je parle de « système UE/OTAN ». Il chaque fois plus clair que les deux organisations sont imbriquées. Avec l’UE, l’Europe est sortie de l’histoire : elle n’aspire plus qu’à bien consommer dans son coin, et laisse à d’autres le soin de façonner le monde – politiquement, économiquement, intellectuellement. Elle se console de temps en temps en s’imaginant qu’elle est encore un « exemple » pour le reste du monde…
[En prime, 1 minute de Giscard à propos de la faible participation des français aux élections européennes… (…) pour ceux qui croient que le parlement européen pourrait révolutionner la planète !]
Au moins il a le mérite de la franchise…
@ Descartes
***Dans les rapports de force du monde, nous serions devenus quantité négligeable, et les déclarations «transgressives » que notre président laisse tomber périodiquement ne changent rien.***
Pour peser sur la scène internationale, il faut être fort sur le plan financier et militaire, et sur ce plan nous ne sommes pas (ou plus?) une grande puissance. Les déclarations de E. Macron c’est “la grenouille qui se veut aussi grosse que le boeuf”, et je crois que in fine elles portent préjudice à notre diplomatie (ou à ce qu’il en reste).
Mais même avec les caractéristiques que je pointe ci-dessus, il n’est pas facile aujourd’hui d’être influent dans un monde qui n’est plus bipolaire. Au moyen orient, par exemple, on observe que même les USA ont peu d’influence sur la politique Israélienne, Netanyahu et sa coalition d’extrême droite n’en font qu’à leur tête.
@ Manchego
[Pour peser sur la scène internationale, il faut être fort sur le plan financier et militaire,]
Sur le plan militaire, possiblement. Sur le plan financier… cela dépend ce que vous entendez par là. La Russie pèse sur la scène internationale, et pourtant son PIB est du même ordre que le nôtre. Les Etats-Unis sont la première puissance mondiale, et pourtant leurs déficits et leur endettement sont massifs.
[et sur ce plan nous ne sommes pas (ou plus?) une grande puissance.]
Israël est six fois moins peuplé que la France, son PIB est de 500 Md$ alors que le notre est de 3500 Md$. Et pourtant, qui pèse plus lourd dans les affaires du monde ? Israël peut même se permettre le luxe de défier les Américains. Pourquoi ? Parce que chez les élites et les citoyens israéliens il y a un consensus écrasant sur le fait que les intérêts de l’Etat d’Israël passent en premier, et que rien n’est interdit lorsqu’il s’agit de les défendre. A l’inverse, chez nous on n’ose pas bouger le petit doigt sans demander l’autorisation de papa à Washington et de maman à Bruxelles. Et s’ils nous imposent – pour notre bien, cela va de soi – des choses dont nous ne voulons pas ou qui sont contraires à nos intérêts, nous obéissons sagement, et nos élites expliquent au peuple qu’il n’y a pas d’alternative.
Plus que les capacités financières ou militaires, c’est là que se trouve la véritable « puissance » : dans la cohésion d’une communauté politique capable de choisir ses priorités et de s’y tenir contre vents et marées. Nous avons cessé d’être une grande puissance le jour où nous avons admis que les intérêts de la France pouvaient être sacrifiés dans un cadre supranational.
[Les déclarations de E. Macron c’est “la grenouille qui se veut aussi grosse que le boeuf”, et je crois que in fine elles portent préjudice à notre diplomatie (ou à ce qu’il en reste).]
Même pas. Pour que l’analogie soit valable, il aurait fallu que la grenouille en question consacre de véritables moyens pour gonfler nos capacités militaires et civiles, parce que la grenouille de la fable, elle, se gonfle d’air jusqu’à éclater, et ne se contente pas d’en parler. Le discours macronien, c’est plutôt celui d’une grenouille qui prétend être plus grosse qu’un bœuf, sans faire aucun effort pour traduire cette prétention dans les faits.
Ces déclarations portent préjudice à notre image dans le monde précisément parce qu’elles font de nous un pays qui se paye de mots, mais qui ne les traduit pas en acte. En politique internationale, être celui qui dit ce qu’il fait et qui fait ce qu’il dit vous donne toujours un avantage.
[Mais même avec les caractéristiques que je pointe ci-dessus, il n’est pas facile aujourd’hui d’être influent dans un monde qui n’est plus bipolaire. Au moyen orient, par exemple, on observe que même les USA ont peu d’influence sur la politique Israélienne, Netanyahu et sa coalition d’extrême droite n’en font qu’à leur tête.]
Si l’Israël de Netanyahu peut « ne faire qu’à sa tête », pourquoi la France ne le pourrait pas ?
[Israël peut même se permettre le luxe de défier les Américains. Pourquoi ? Parce que chez les élites et les citoyens israéliens il y a un consensus écrasant sur le fait que les intérêts de l’Etat d’Israël passent en premier, et que rien n’est interdit lorsqu’il s’agit de les défendre. ]
Même si comparaison pas raison (tout en ayant ses raisons), lisant ce passage, je me souviens que d’autres pays que l’actuel Israël, dont la démocratie aura été confisquée par un régime d’identitarisme nationaliste théocratico-fascistoïde, avaient proclamé urbi et orbi “Deutschland über alles” et “Gott mit uns”. Souhaiteriez-vous vraiment que notre pays s’égare dans de telles orgueilleuses et suicidaires impasses ?
@ Claustaire
[Même si comparaison pas raison (tout en ayant ses raisons), lisant ce passage, je me souviens que d’autres pays que l’actuel Israël, dont la démocratie aura été confisquée par un régime d’identitarisme nationaliste théocratico-fascistoïde, avaient proclamé urbi et orbi “Deutschland über alles” et “Gott mit uns”.]
Pardon, mais vous faites erreur en attribuant ces expressions à « un pays dont la démocratie aura été confisqué par l’identitarisme nationaliste théocratico-fascistoïde ». C’est un régime démocratique qui a fait du « Deutschland lied », où figure le vers « Deutschland über alles », l’hymne national de l’Allemagne. C’est en effet la République de Weimar qui, en 1922, fait de ce chant, composé par August Heinrich Hoffmann von Fallersleben en 1841, l’hymne national officiel de l’Allemagne. Et il faut noter que la République fédérale n’a pas vraiment rompu avec ce passé : le « Deutschland lied » est toujours l’hymne officiel de la République fédérale, même si les deux premiers couplets, ou figure le vers incriminé, ne sont plus chantés dans les occasions officielles depuis 1954.
Quant au « Gott mit uns », c’est la devise de la maison royale de Prusse depuis le début du XVIIIème siècle, en référence au verset 1:23 de l’évangile selon Mathieu, « on lui donnera pour nom Emmanuel, ce qui se traduit par : Dieu avec nous ». La devise est adoptée par l’armée allemande, et orne la boucle du ceinturon des soldats allemands lors de la première guerre mondiale. Elle sera conservée par la République de Weimar, par le IIIème Reich, et après 1945 par l’armée de l’Allemagne fédérale qui ne l’abandonnera qu’en 1962. La police allemande la conservera jusqu’en 1975.
A moins de supposer que l’Allemagne fédérale soit « confisquée par un régime d’identitarisme nationaliste théocratico-fascistoïde », il est difficile de soutenir votre analogie.
Maintenant sur le fond : vous me rappelez ces gens qui considèrent qu’il faut bannir les marteaux au motif qu’ils peuvent servir pour taper sur la tête du prochain. Un outil n’est pas responsable de l’usage qui en est fait, et s’interdire un outil puissant au motif qu’il pourrait servir pour faire le mal est une conduite absurde. C’est celle qui conduit à organiser l’impuissance par peur de la toute-puissance.
[Souhaiteriez-vous vraiment que notre pays s’égare dans de telles orgueilleuses et suicidaires impasses ?]
Non, mais ce n’est pas la question.
J’aurais dû mieux faire comprendre que ce qui me pose problème dans votre position, lorsque vous écrivez [“Parce que chez les élites et les citoyens israéliens il y a un consensus écrasant sur le fait que les intérêts de l’Etat d’Israël passent en premier, et que rien n’est interdit lorsqu’il s’agit de les défendre”], c’est de vous voir justifier la politique d’un Etat qui ne s’interdit RIEN lorsqu’il s’agit de défendre SES intérêts. Ce qui le (et vous) met en porte-à-faux avec toutes les conventions internationales.
Une démocratie n’est jamais sûre de ne pas pouvoir mal finir (surtout si elle se gargarise trop ardemment de nationalisme ethnique, de religion ou d’eschatologie), ce qu’a prouvé celle de Weimar, ce que prouve ces derniers temps celle d’Israël.
@ claustaire
[J’aurais dû mieux faire comprendre que ce qui me pose problème dans votre position, lorsque vous écrivez [“Parce que chez les élites et les citoyens israéliens il y a un consensus écrasant sur le fait que les intérêts de l’Etat d’Israël passent en premier, et que rien n’est interdit lorsqu’il s’agit de les défendre”], c’est de vous voir justifier la politique d’un Etat qui ne s’interdit RIEN lorsqu’il s’agit de défendre SES intérêts.]
Je crains que vous ne compreniez toujours pas ma démarche. Je ne « justifie » rien, je me limite à constater un fait. Au commentaire de Manchego qui écrivait « et sur [le plan économique et militaire] nous ne sommes pas (ou plus?) une grande puissance », j’avais répondu :
« Israël est six fois moins peuplé que la France, son PIB est de 500 Md$ alors que le notre est de 3500 Md$. Et pourtant, qui pèse plus lourd dans les affaires du monde ? Israël peut même se permettre le luxe de défier les Américains. Pourquoi ? Parce que chez les élites et les citoyens israéliens il y a un consensus écrasant sur le fait que les intérêts de l’Etat d’Israël passent en premier, et que rien n’est interdit lorsqu’il s’agit de les défendre. A l’inverse, chez nous on n’ose pas bouger le petit doigt sans demander l’autorisation de papa à Washington et de maman à Bruxelles. »
Et j’avais même précisé :
« Plus que les capacités financières ou militaires, c’est là que se trouve la véritable « puissance » : dans la cohésion d’une communauté politique capable de choisir ses priorités et de s’y tenir contre vents et marées. Nous avons cessé d’être une grande puissance le jour où nous avons admis que les intérêts de la France pouvaient être sacrifiés dans un cadre supranational. »
Autrement dit, plus que le PIB ou la démographie, ce qui fait qu’une nation pèse ou non sur les affaires du monde est sa cohésion en tant que communauté politique à l’heure de se donner des objectifs et les moyens de les atteindre. Je ne dis pas que c’est « bien » ou « mal », je ne « justifie » rien, je constate une réalité qu’on trouve déjà dans les écrits de Sun Tzu (« la victoire n’appartient pas aux armées les plus nombreuses, mais les plus décidées »), autant vous dire que ça ne date pas d’hier.
Vous êtes parfaitement libre de penser que le jeu ne vaut pas la chandelle, et qu’il vaut mieux une France qui ne pèse pas grand-chose dans le concert des nations plutôt qu’une France « sure d’elle et dominatrice », pour paraphraser mongénéral. En d’autres termes, vous pouvez préférer une France « agneau » qu’une France « loup ». C’est un choix politique. Mais on ne peut pas faire le choix de l’agneau et se plaindre d’être « inaudible » dans un monde où seuls les loups ont voix au chapitre.
[Ce qui le (et vous) met en porte-à-faux avec toutes les conventions internationales.]
Mon dieu, quelle horreur ! Ils (et nous) seront sûrement damnés pour les siècles de siècles ! Mais en attendant, c’est eux qui font l’histoire, et nous nous contentons de condamnations de chancellerie.
Les « conventions internationales » ne sont pas d’essence divine. Elles sont œuvre humaine, et comme telle ont été construites en fonction de rapports de force et d’intérêts. C’est ainsi que nous avons une « justice internationale » censée poursuivre les auteurs de crimes de guerre, mais aucun Américain ne s’est retrouvé devant ces juges, alors que les crimes de guerre commis au Vietnam, en Afghanistan ou en Irak ne font guère de doute. Nous avons des conventions internationales qui protègent les droits de l’homme, mais cela fait plus de vingt ans que des hommes sont retenus à Guantanamo, soumis à la torture et à l’arbitraire sans contrôle de l’armée américaine, et personne n’a l’air de s’émouvoir outre mesure. S’astreindre à respecter les « conventions internationales » alors que les autres ne les respectent pas – ou qu’elles sont rédigées pour les exclure de leur application – c’est une satisfaction morale, mais rien de plus.
[Une démocratie n’est jamais sûre de ne pas pouvoir mal finir (surtout si elle se gargarise trop ardemment de nationalisme ethnique, de religion ou d’eschatologie), ce qu’a prouvé celle de Weimar, ce que prouve ces derniers temps celle d’Israël.]
Et alors ? Une « démocratie » n’a pas besoin de « mal finir » pour mal faire. C’est une « démocratie » qui a détruit l’Irak, et c’est une « démocratie » qui a institué ce lieu de non droit qu’est Guantanamo ou organisé le système de détention illégale et de torture connu sous le nom de « extraordinary renditions », et cela avec la complicité d’un certain nombre de « démocraties » européennes. Et dites vous bien que si Israël peut agir à sa guise, c’est parce que les intérêts européens et américains conduisent à soutenir inconditionnellement ce pays qui « se gargarise trop ardemment de nationalisme ethnique, de religion ou d’eschatologie ». Il n’a fallu que quelques semaines d’occupation russe du territoire ukrainien pour que les sanctions des « démocraties » s’abattent sur la Russie. Israël occupe la Cisjordanie depuis plus d’un demi-siècle en violation du droit international et des résolutions de l’ONU, et les « démocraties » ne font absolument rien. Aucune sanction n’a jamais été prononcée contre Israël, et les « condamnations » de chancellerie n’ont jamais empêché personne de dormir.
Vous semblez penser que seules les dictatures ou les démocraties dévoyées par « le nationalisme ethnique, de religion ou d’eschatologie » peuvent « mal faire ». Vous avez tort… et cela nous ramène à la différence entre l’outil et l’utilisation qui en est faite. Pas plus que le nationalisme, la démocratie ne vous garantit le comportement moral d’une société. Et lorsque la volonté de puissance est là, la démocratie ne change rien.
Je vous invite à une petite réflexion: si nous avions encore les instruments de la puissance, si nous avions un consensus national pour faire ce que commandent nos intérêts plutôt que de suivre ce qui est décidé à Bruxelles ou à Washington, nous pourrions peut-être avoir une véritable action pour la paix au proche orient, alors que notre subordination à des structures fédérales nous condamne à l’impuissance. Une telle possibilité ne vaut pas qu’on courre le risque des dérives “nationalistes” que vous signalez ? Ou vaut mieux se couper les mains pour éviter le risque de les voir salies ?
@ Descartes
Dans votre réponse à Claustaire, vous auriez pu ajouter les prisons secrètes de la CIA sur le sol européen (soit des prisons de démocraties acceptées par d’autres démocraties, de manière cachée).
[c’est parce que les intérêts européens et américains conduisent à soutenir inconditionnellement ce pays [Israël]].
Ils doivent exister, sinon ce serait à n’y rien comprendre, mais je peine à voir lesdits intérêts. Quels sont-ils ?
@ Bob
[Dans votre réponse à Claustaire, vous auriez pu ajouter les prisons secrètes de la CIA sur le sol européen (soit des prisons de démocraties acceptées par d’autres démocraties, de manière cachée).]
J’en ai parlé : il s’agit des « extraordinary renditions ».
[« c’est parce que les intérêts européens et américains conduisent à soutenir inconditionnellement ce pays [Israël] » Ils doivent exister, sinon ce serait à n’y rien comprendre, mais je peine à voir lesdits intérêts. Quels sont-ils ?]
Il y a d’abord les questions d’intelligence. Israël conduit pour le compte des Américains des opérations de renseignement que ceux-ci préfèrent sous-traiter, soit parce qu’elles pourraient se révéler très gênantes si elles étaient connues, soit parce qu’elles seraient contraires à la législation américaine. Il est beaucoup plus facile de retenir et de torturer en prisonnier à Tel-Aviv qu’à New York sans que le juges s’en mêlent. Même chose pour les exécutions extra-judiciaires – appelons-les par leur nom.
Il y a ensuite le rôle de gendarme du moyen-orient que joue l’état d’Israël. Grâce à lui, les occidentaux peuvent garder une capacité d’intervention rapide sur la mer Rouge, en Syrie, en Irak et même en Iran sans pour autant avoir à assumer la responsabilité.
@ Descartes
[J’en ai parlé : il s’agit des « extraordinary renditions ».]
Au temps pour moi, je n’avais pas saisi de quoi il s’agissait.
Israël joue donc le rôle d’un “proxy” pour les Américains au Moyen Orient. Soit.
Cependant qu’on on voit ce que cela coûte aux Etats-Unis, des milliards de dollars en soutien, notamment militaire, des divisions civiles internes accrues (cf. les protestations étudiantes des universités US des derniers mois contre la politique israélienne), une image mondiale écornée encore davantage – car le monde non-occidental ne semble pas trouver les actions israéliennes acceptables, cf. la salle de l’ONU à moitié vide lors du discours récent de Netanyahou – j’ai du mal à n’y voir que cela.
Le rapport coûts / bénéfices ne semble pas aller vers le soutien à Israël, pourtant la politique extérieure américaine reste invariable. J’avoue ma perplexité.
@ Bob
[Israël joue donc le rôle d’un “proxy” pour les Américains au Moyen Orient.]
Et pas que pour les Américains…
[Cependant qu’on on voit ce que cela coûte aux Etats-Unis, des milliards de dollars en soutien, notamment militaire, des divisions civiles internes accrues (cf. les protestations étudiantes des universités US des derniers mois contre la politique israélienne), une image mondiale écornée encore davantage – car le monde non-occidental ne semble pas trouver les actions israéliennes acceptables, cf. la salle de l’ONU à moitié vide lors du discours récent de Netanyahou – j’ai du mal à n’y voir que cela.]
Les « milliards de dollars en soutien » ne sont pas perdus pour tout le monde : Israël utilise ces « milliards » pour acheter des armes et des composants américains. L’aide américaine à Israël, une fois pris en compte les contreparties, n’est pas si onéreuse qu’on pourrait le penser. Les « divisions civiles » ne concernent qu’une toute petite frange : une partie des intellectuels et du monde académique. Je ne compte pas les étudiants qui de toute manière sont à la recherche de causes pour être contre le système. Qu’ils manifestent pour les droits des palestiniens ou pour ceux des « américains natifs » ou des LGBTQ+, cela ne change pas grande chose. Quant à « l’image mondiale écornée », on traite le problème avec les déclarations et les condamnations publiques, d’autant moins chères qu’on ne compte rien faire de concret.
[Le rapport coûts / bénéfices ne semble pas aller vers le soutien à Israël, pourtant la politique extérieure américaine reste invariable. J’avoue ma perplexité.]
Pour comprendre, vous devriez faire l’inventaire des bénéfices : protection des intérêts pétroliers, de la libre circulation sur le canal de Suez et le Golfe Persique, mise au pas des puissances régionales ayant des velléités d’indépendance, contrôle et infiltration des groupes terroristes…
Bonjour?
“Il est vrai que du temps de François Hollande la France était plus écoutée…”: ?
J’aimerais en outre votre opinion sur un texte de Bouamama sur Investig’ Action relatif au risque de guerre mondiale avec l’évolution possible de la guerre menée à Gaza et au Liban, par Israel et ses appuis occidentaux et surtout US. Je relie cela à deux questions qui me préoccupent faute d’y trouver une réponse totalement suffisante:1) le déchainement, comme jamais on ne l’a vu dans le passé, des sarcasmes dans les médias ou simplement d
ans les conversations ordinaires, dés que l’on murmure le mot Palestine. Cette réflexion déjà ancienne de Poutine, selon laquelle son intervention en Ukraine était urgente… pour ne pas arriver trop tard!
Merci et à plus tard…
@ Abbé Béat
[J’aimerais en outre votre opinion sur un texte de Bouamama sur Investig’ Action (…)]
J’imagine que vous faites référence au texte publié sur le site le 5 octobre dernier. Personnellement je me méfie toujours des visions apocalyptiques ou complotistes. Déduire du nom de l’opération qui a conduit à la mort de Nasrallah les objectifs stratégiques d’Israël parait pour le moins hasardeux – qui songerait à déduire du nom « Torch » la stratégie des Américains en 1942 ?
D’une manière générale, l’article contient toutes sortes d’affirmations et de procès d’intention qui ne s’appuient sur aucune référence sérieuse. C’est du pur complotisme.
[(…) relatif au risque de guerre mondiale avec l’évolution possible de la guerre menée à Gaza et au Liban, par Israel et ses appuis occidentaux et surtout US.]
« Guerre mondiale » entre qui et qui ? On voit mal quels seraient les « blocs » de puissances prêts à s’engager dans une guerre ouverte l’un contre l’autre. Tout le monde sait qu’il a beaucoup trop à perdre. L’avenir annonce plutôt une multiplication de conflits « par procuration », où les puissances s’affronteront indirectement.
[Je relie cela à deux questions qui me préoccupent faute d’y trouver une réponse totalement suffisante : 1) le déchainement, comme jamais on ne l’a vu dans le passé, des sarcasmes dans les médias ou simplement dans les conversations ordinaires, dès que l’on murmure le mot Palestine.]
Il faut dire que le peuple palestinien a le genre d’amis qui vous font préférer vos ennemis. Dans beaucoup de pays occidentaux, la cause palestinienne a été récupérée par des groupuscules gauchistes qui se cherchaient une injustice à dénoncer, qui n’y connaissent pas grande chose aux tenants et aboutissants du conflit, et qui par leurs excès verbaux ont réussi à provoquer le rejet de l’opinion. Là où il aurait fallu un doigté extrême, un discours intelligent pesé au trébuchet, toute la galaxie gauchiste y est allée avec ses gros sabots. Sans compter la tentation de certains d’importer le conflit israélo-palestinien dans nos banlieues pour gagner des voix.
L’OLP avait toujours eu la sagesse de se faire représenter en France par des personnalités intelligentes et cultivées comme Ibrahim Souss ou Leïla Shahid, capables de tenir un discours qui, tout en étant ferme sur l’essentiel, était intelligent et équilibré et évitait les provocations inutiles. Et ces personnalités évitaient comme la peste ces groupuscules, parce qu’elles étaient parfaitement conscientes des dégâts que leur discours pouvaient faire dans l’opinion.
J’ajoute à vos propos que l’arme nucléaire rend obsolète l’idée de Troisième mondiale. Depuis 1945 nous n’avons plus que des conflits localisés où les Américains sont experts. Les guerres actuelles au Proche-Orient resteront localisées. L’affrontement Israël/Iran par Hezbollah interposé ou direct reste, encore, relatif. La guerre en Ukraine est un conflit russe-américain par Ukrainiens interposés. Ces derniers sont en train de perdre la guerre si mal conseillés et bercés d’illusions par les USA et l’Otan.
Bonjour,
Je vous remercie pour votre réponse. Mais je constate à cette occasion que, à 91 ans, je commence à avoir une certaine difficulté d’expression… et mon message s’en est ressenti: il est temps pour moi de me limiter à la lecture de votre blog, que je compte bien poursuivre! Vous êtes en effet un penseur qui s’inscrit dans la lignée des Marx, Engels, Lénine, Gramsci et … Descartes! Quelques uns de ceux qui, pour moi, marquent la pensée (utile!) de notre temps. Merci… et à plus tard…
@ Abbé Béat
[Je vous remercie pour votre réponse. Mais je constate à cette occasion que, à 91 ans, je commence à avoir une certaine difficulté d’expression… et mon message s’en est ressenti: il est temps pour moi de me limiter à la lecture de votre blog, que je compte bien poursuivre!]
Ne vous limitez surtout pas! J’espère de tout cœur avoir à votre âge votre qualité d’expression et de réflexion… vos contributions sont toujours les bienvenues!
@ Descartes
Je dirais que la qualité d’écoute – et le respect – de l’auditoire est à la hauteur de celle de l’orateur, aujourd’hui comme à l’époque de Séguin. Cela dit, de mémoire cela n’était pas toujours le cas dans les années 1990, je me souviens de séances télévisées à l’Assemblée qui n’avaient pas la tenue manifestée pour ce discours. On obtient cette “classe” pour ce discours-ci probablement parce que tout le monde avait conscience de l’importance du moment et des conséquences du choix qui allait se présenter aux Français et allait engager le pays pour des décennies.
En effet, “clairvoyance” est le maître-mot ici, c’est comme si Séguin avait à disposition une boule de cristal prédisant l’avenir. Rétrospectivement, on peut objectivement affirmer qu’il avait raison sur toute la ligne.
Que ne fût-il pas suivi par les électeurs…
@ Bob
[On obtient cette “classe” pour ce discours-ci probablement parce que tout le monde avait conscience de l’importance du moment et des conséquences du choix qui allait se présenter aux Français et allait engager le pays pour des décennies.]
Encore faut-il que les députes soient capables d’établir un hiérarchie entre un débat qui engage l’avenir du pays, et un débat sur un obscur point de détail dans une loi sur les dates d’ouverture de la chasse. Et c’est cela aussi qui a peut-être disparu dans notre vie politique : la capacité à hiérarchiser les problèmes. Pour ne donner qu’un exemple : avant le discours de politique générale de Barnier, la présidente a demandé une minute de silence à la mémoire de Philippine, cette jeune étudiante violée et assassinée au bois de Boulogne. Bien sûr, cet assassinat est un acte odieux et l’auteur doit être puni. Mais est-ce que cela justifie une minute de silence de la représentation nationale ? Des meurtres odieux, il y en a plusieurs dizaines chaque année. Ont-ils droit, eux aussi, à l’hommage du Parlement ? Et si ce n’est pas le cas, quel est le critère qui décide que les députés se lèveront pour celui-ci et pas pour celui-là ? Le nombre de minutes consacré à l’affaire par BFM-TV ?
Il faut aussi se demander si on a aujourd’hui des débats sur des questions qui engagent l’avenir du pays à l’Assemblée. Peut-être que, comme le prédisait Séguin dans son discours, le fait de transférer les leviers de la souveraineté à Bruxelles ont banalisé finalement les votes du parlement français, dans la mesure que ce qui est décidé à Paris ne l’est que dans les limites et sous le contrôle de Bruxelles.
[Que ne fût-il pas suivi par les électeurs…]
Et par ses propres camarades. Qui multiplièrent envers lui les croche-patte jusqu’à le dégoûter de la politique, et de lui faire préférer le retour vers son corps d’origine, la Cour des comptes.
@ Descartes
[la présidente a demandé une minute de silence à la mémoire de Philippine].
Nahel eut bien droit lui aussi à sa minute de silence, alors…
[Il faut aussi se demander si on a aujourd’hui des débats sur des questions qui engagent l’avenir du pays à l’Assemblée]
Même lorsque le cas pourrait se présenter, la tendance est au recours à l’article 49.3 plutôt qu’au vote en bonne et due forme, la pseudo-réforme des retraites est un bon exemple. La question de l’utilité de l’Assemblée Nationale se pose me semble-t-il.
@ Bob
[« la présidente a demandé une minute de silence à la mémoire de Philippine » Nahel eut bien droit lui aussi à sa minute de silence, alors…]
Ce n’est pas parce qu’on fait une connerie une fois qu’il faut en faire une habitude. Ces « minutes de silence » à chaque fait divers médiatisé est un symptôme de la manière dont l’émotion est en train de prendre la place de la raison. Et le pire est que nos hommes politiques ne simulent pas l’émotion, ils sont sincères dans leurs larmes. Je suis convaincu que Braun-Pivet est intimement persuadée que c’est son rôle d’organiser ce genre de mascarade. Et pourquoi c’est pire ? Parce que je préfère être gouverné par un cynique que par un sentimental.
[« Il faut aussi se demander si on a aujourd’hui des débats sur des questions qui engagent l’avenir du pays à l’Assemblée » Même lorsque le cas pourrait se présenter, la tendance est au recours à l’article 49.3 plutôt qu’au vote en bonne et due forme, la pseudo-réforme des retraites est un bon exemple.]
Je n’ai pas la même analyse que vous du 49.3. Pour moi, c’est au contraire la plus belle invention démocratique des inventeurs de la Vème République. L’article 49.3 est une manière de mettre les députés devant leurs responsabilités. C’est une façon pour le gouvernement de dire « ce que je vous propose me paraît si important, si indispensable, que s’il devait être dénaturé ou rejeté, je préfère partir ». A la représentation nationale ensuite de prendre ses responsabilités. Si elle estime que l’affaire est suffisamment importante pour provoquer une crise – et risquer de revenir devant les électeurs – elle peut toujours censurer le gouvernement, et elle l’a fait une fois, lorsqu’elle avait estimé que l’élection du président au suffrage universel était inacceptable.
Le 49.3 ne prive pas l’Assemblée de ses prérogatives. Si une majorité de députés ne veut pas du texte, elle peut toujours voter la censure. Le 49.3 permet au gouvernement de marquer une hiérarchie entre ses projets, entre ceux qu’il considère vital de mettre en œuvre tel qu’il les a conçus, et ceux pour lesquels il estime pouvoir accepter des modifications. Car il ne faut pas oublier une chose : l’Assemblée est irresponsable. Si demain vous manquez d’électricité ou de médicaments, s’il n’y a pas assez de policiers dans la rue ou d’instituteurs devant vos enfants, à qui ferez-vous le reproche ? Contre qui irez-vous manifester ? De qui demanderez-vous la démission ? Du président de la République, du gouvernement. Et cela même si ces manques sont la conséquence d’amendements introduits par les parlementaires. Autrement dit, lorsqu’un député vote un amendement il sait que, si cela tourne mal, rien ou presque ne lui sera reproché, que c’est le gouvernement qui en supportera le blâme. Il faut donc que le gouvernement ait les moyens de se défendre, de mettre les députés devant leurs responsabilités publiquement.
Vous voulez un exemple ? Regardez ce qui se passe aujourd’hui avec la dette et le déficit, qu’on reproche amèrement à Macron ou Le Maire. Mais attendez… qui a voté les budgets en déséquilibre depuis cinquante ans, si ce n’est nos députés ? Et pourtant, personne ne songe à les clouer au pilori. Vous me direz que les lois de finance sont souvent votées grâce au 49.3. Mais c’est serait pire sans, comme on l’a vu sous la IVème République, où pour faire voter le budget il fallait « acheter » des voix en mettant des sucettes pour les groupes de pression qui étaient derrière chaque député…
Prenons la réforme des retraites : imaginons qu’au lieu d’utiliser le 49.3, le texte avait été voté par la voie ordinaire. Combien de députés qui ont refusé de voter la censure auraient voté contre le texte ? Si vous pensez qu’il y aurait eu suffisamment pour rejeter le texte, ce que cela vous dit est qu’il y a des députés pour qui rejeter la réforme ne valait pas le risque de devoir retourner devant les électeurs (car la censure aurait probablement été suivie d’une dissolution…).
[La question de l’utilité de l’Assemblée Nationale se pose me semble-t-il.]
Oui, parce que je pense qu’au fil des réformes constitutionnelles on a trahi l’esprit de la Constitution, et du coup l’Assemblée est sortie de son rôle pour devenir un organe de co-gouvernement, qui empiète de plus en plus sur le pouvoir exécutif. Le rôle de l’Assemblée est d’abord un rôle de contrôle et de garde-fou. Elle est là pour fixer au gouvernement des lignes générales, et de vérifier qu’il ne s’en écarte pas, notamment dans les domaines dans lesquels il pourrait porter atteinte aux libertés publiques. C’est pourquoi l’article 34 de la Constitution réserve à la loi la création d’incriminations et la fixation des peines, par exemple. Mais ce n’est pas au Parlement de fixer les dates d’ouverture de la chasse.
@ Descartes
Votre analyse me fait reconsidérer l’article 49.3.
@ Bob
[Votre analyse me fait reconsidérer l’article 49.3.]
Vous m’en voyez ravi… en fait, pour compléter l’analyse il faut comprendre qu’il y a un débat fondamental sur la fonction des institutions politiques. Il y a une première fonction, qui est celle de représenter le citoyen. Mais les institutions politiques ont aussi comme fonction de diriger le pays, de concevoir des politiques publiques et de les mettre en œuvre.
Le problème de la gauche, et tout particulièrement de la gauche radicale, c’est qu’elle a une culture d’opposition. Autrement dit, la fonction représentative l’intéresse beaucoup plus que l’efficacité dans l’action, dont elle n’a qu’une pratique limitée. Et du coup, elle tend à défendre des logiques institutionnelles centrées sur le contrôle et l’obstruction plutôt que dans l’action. Il n’y a qu’à voir les propositions de réforme constitutionnelle portés par les partisans de la VIème République: leur réflexion ne concerne que les assemblées (législatives ou constituantes). Rien ou presque n’est dit dans ces projets sur le fonctionnement du pouvoir exécutif, sur son champ de compétences et les instruments dont il disposerait pour les exercer et les défendre contre l’empiètement des autres pouvoirs. Comme si la fonction exécutive était finalement secondaire.
L’article 49.3 polarise la détestation de la gauche parce qu’il pose de manière ouverte cette question, pour la résoudre . Ce qui distique la constitution de la Vème de celles qui l’ont précédées est qu’elle a été rédigée par des hommes qui se souciaient d’abord et surtout de préserver la capacité d’action des gouvernements, quitte à faire passer à un second plan la fonction représentative, qui s’était progressivement hypertrophiée sous les régimes de toute-puissance parlementaire qu’étaient la IIIème puis la IVème. Et cette logique d’action est parfaitement conforme à l’état d’esprit des électeurs et notamment des couches populaires, qui préfèrent les pouvoirs forts et contestables, plutôt qu’une dilution des responsabilités qui fait que personne n’est responsable de rien. Parce qu’il faut bien voir que la contestation de la Vème, c’est surtout le fait des élites politiques. Il n’y a que Mélenchon pour voir aujourd’hui une “crise de régime”. Nulle part on ne voit le mouvement populaire contester l’ordre institutionnel. On l’a bien vu avec les “gilets jaunes”.
Je ne sais plus qui disait, peut-être Lacan: “le paranoïaque, c’est celui qui a raison avant les autres”. Bien sûr que je ne traite pas Seguin de parano: celui-ci se base sur des prémisses fausses et développe ensuite un discours rationnel .
Seguin a eu l’anticipation logique de ce qu’il allait advenir de notre souveraineté. Et a été à deux doigts d’être suffisamment entendu lors du référendum. Il y a ainsi des opportunités ratées difficilement rattrapables.
Quand j’entends actuellement les personnalités se réclamant du gaullisme, et pourtant européistes, je suis navré de les voir empêtrés dans leurs contradictions. Je ne parle même pas de Barnier, mais de l’histrionisme des Villepin et autre Luc Ferry, etc…
La voix de la France sur la scène internationale n’est plus attendue. Quelle valeur pourrait-elle encore avoir ?
@ Paul
[Seguin a eu l’anticipation logique de ce qu’il allait advenir de notre souveraineté. Et a été à deux doigts d’être suffisamment entendu lors du référendum. Il y a ainsi des opportunités ratées difficilement rattrapables.]
Oui. Et c’est pour cela que les admissions à demi-mot de ceux qui à l’époque ont fait campagne pour le « oui » ne me satisfont qu’à moitié – pour ne pas dire pas du tout. Que le citoyen lambda qui a voté pour la ratification n’ait pas vu toutes les implications de ce qu’il votait, on peut l’admettre. Que les hommes politiques qui l’ont appelé à ce vote n’aient pas entendu l’avertissement de Séguin, c’est impardonnable. Je pense notamment à Mélenchon qui, vous le noterez, ne perd pas d’occasion de dénoncer le traité de Lisbonne, mais dont le mot « Maastricht » ne traverse jamais les lèvres…
[Quand j’entends actuellement les personnalités se réclamant du gaullisme, et pourtant européistes, je suis navré de les voir empêtrés dans leurs contradictions. Je ne parle même pas de Barnier, mais de l’histrionisme des Villepin et autre Luc Ferry, etc…]
Le problème est que ces gens sont amoureux d’une idée, sans se rendre compte que pour traduire cette idée dans la réalité il faut rompre avec tout ce à quoi eux-mêmes sont attachés. C’est en cela que le discours de Séguin est le plus clairvoyant : la construction européenne, c’est la rupture avec l’esprit des Lumières et celui de 1789. Et c’est là la grande contradiction des Villepin et autres Ferry.
[La voix de la France sur la scène internationale n’est plus attendue. Quelle valeur pourrait-elle encore avoir ?]
Cela dépend de ce qu’on a à dire. Si on formule un nouveau modèle de développement pour les pays du Sud qui ne repose pas sur la simple régulation par les marchés, si on défend un ordre international qui ne soit pas soumis à la tutelle américaine, on sera entendus.
@ Descartes
[la construction européenne, c’est la rupture avec l’esprit des Lumières et celui de 1789.]
Pourriez-vous développer un peu ?
@ Bob
[“la construction européenne, c’est la rupture avec l’esprit des Lumières et celui de 1789.” Pourriez-vous développer un peu ?]
C’est ce qu’explique Philippe Seguin dans la première partie de son discours. Les philosophes des Lumières et ceux qui les ont lu pour faire la Révolution à partir de 1789 ont théorisé l’idée d’une souveraineté indivisible qui réside “essentiellement” dans la nation – c’est à dire, dans le peuple politiquement constitué. La construction européenne nie cette conception, puisqu’elle postule une construction politique avec des prétentions à exercer la souveraineté alors qu’il n’y a pas de “nation” derrière elle. Les cours de justice françaises jugent “au nom du peuple français”. Au nom de quoi les juges européens jugent-ils ?
La France est devenue inaudible à partir du moment où Sarkozy, ce néoconservateur américain à passeport français, a fait réintégrer notre pays dans le commandement militaire intégré de l’Otan. Chirac en a eu la velléité pour se faire pardonner son refus de faire participer la France à l’agression de l’Irak en 2003; Après coup on a su que président il l’aurait fait. De même pour Hollande et les socialistes, ces atlantistes invétérés.
D’autre part je me souviens d’une interview sur une chaine télé française du président syrien Bachar el Assad l’avoir dit à son interlocuteur.
Enfin sur un autre plan, malgré vous avoir donné à 2 reprises mon courriel, je ne reçois plus les avis de livraison de votre blog. Ce qui est bien dommage.
@ Cording1
[La France est devenue inaudible à partir du moment où Sarkozy, ce néoconservateur américain à passeport français, a fait réintégrer notre pays dans le commandement militaire intégré de l’Otan.]
D’autres pays participent au commandement intégré et ont pourtant une voix qui porte – prenez par exemple la Grande Bretagne. Et la France avait abdiqué son indépendance et participé à toutes les opérations de l’OTAN (Kossovo en 1999, Afghanistan en 2001…) bien avant la réintégration du commandement intégré.
Il ne faut pas fétichiser la question de l’OTAN. Bien sûr, la participation au commandement intégré réduit notre indépendance. Mais on peut parfaitement y participer et avoir une politique extérieure indépendante et une voix dissonante. Le fait d’être membre de l’OTAN ne nous oblige pas à armer l’Ukraine ou à fermer les canaux diplomatiques avec la Russie : la Turquie n’a fait ni l’un ni l’autre, tout membre de l’OTAN et du commandement intégré qu’elle est. En pratique, l’appartenance à l’UE est bien plus contraignante que la participation à l’OTAN.
[Enfin sur un autre plan, malgré vous avoir donné à 2 reprises mon courriel, je ne reçois plus les avis de livraison de votre blog. Ce qui est bien dommage.]
Je viens de vérifier et vous êtes bien dans la liste de souscripteurs. Etes-vous sur que les mails ne vont pas dans votre boite à spam ?
A propos de la dernière question de Cording1, il en est de même pour moi, et il n’y a rien en “spams” concernant votre blog.
@ xc
Je vous ai désabonnés tous les deux, puis refait l’abonnement. On verra si ça marche. Dites-moi ce qu’il en est à la prochaine publication d’article…
@Descartes
Merci, mais je vois que la zone de saisie de l’adresse mail dans la rubrique “S’abonner au blog”, en page d’accueil, est vide. Quel rapport avec ce que vous avez fait ?
@ xc
[Merci, mais je vois que la zone de saisie de l’adresse mail dans la rubrique “S’abonner au blog”, en page d’accueil, est vide. Quel rapport avec ce que vous avez fait ?]
Je n’ai pas compris la question… je regarde et tout semble normal. De toute façon, j’ai fait des recherches et il semblerait en fait qu’aucun message ne part du serveur, j’ai contacté un lecteur qui m’aide avec l’hébergement du blog, on verra ce que ca donne…
La question est pourquoi les chouineurs n’assument pas leurs positions. De dire simplement:
– On attend les réponses de Bruxelles et de Washington.
Qu’est ce qu’ils cherchent à faire dans les médias, à pleurer, en disant que la France est devenue inaudible.
@ Glarrious
[La question est pourquoi les chouineurs n’assument pas leurs positions. De dire simplement: On attend les réponses de Bruxelles et de Washington.]
C’est là toute la contradiction des fédéralistes. Ils font la publicité d’une « Europe fédérale », mais ne se rendent pas compte – ou ne veulent pas voir – que dès lors qu’on devient un état fédéré, on cesse de compter au niveau international. Comme je l’ai écrit dans l’article, personne ne tient compte dans le bien nommé « concert des nations » des positions du Wisconsin ou de la Rhénanie-Palatinat.
Il faut le dire et le répéter : un fédéralisme européen implique nécessairement l’effacement de la France comme nation sur la scène internationale. Cela veut dire que la voix de la France ne résonne plus dans le monde, mais seulement dans le bureau bruxellois ou se fait la politique de la fédération. Cela veut dire aussi que le gouvernement français ne discute plus avec les autres gouvernements de la planète d’Etat à Etat, puisqu’il n’a plus le pouvoir souverain d’engager son pays ultra omnes. Quand le gouverneur du Wisconsin vient à Paris, il n’est pas reçu comme un chef d’Etat.
Les fédéralistes se trompent – quand ils sont sincères – et nous trompent – dans tous les cas. Ils ne nous présentent que la face souriante du fédéralisme, et oublient de nous parler des conséquences, parce qu’ils savent que celles-ci sont inacceptables. Ils savent qu’elles sont inacceptables pour eux-mêmes – lorsqu’ils sont sincères – et inacceptables pour la majorité des citoyens – lorsqu’ils sont cyniques.
[Qu’est ce qu’ils cherchent à faire dans les médias, à pleurer, en disant que la France est devenue inaudible.]
Ce qui est drôle, c’est que les mêmes qui pleurnichent que la France est devenue inaudible sont ceux qui se réjouissent bruyamment que le système UE/OTAN « parle d’une seule voix ». Sans se rendre compte de la contradiction qu’il y a entre les deux propositions. Si le système « parle d’une seule voix », alors la voix de la France ne peut que reproduire cette « voix ». Et dans ce cas, quel intérêt à l’écouter ?
À Descartes
[Il ne faut pas fétichiser la question de l’OTAN. Bien sûr, la participation au commandement intégré réduit notre indépendance. Mais on peut parfaitement y participer et avoir une politique extérieure indépendante et une voix dissonante.]
Peut-être, mais je doute que le mouvement de dignité des français en 2003 aurait pu s’exprimer dans une France relevant non seulement de l’OTAN mais de son commandement intégré.
@ Geo
[Peut-être, mais je doute que le mouvement de dignité des français en 2003 aurait pu s’exprimer dans une France relevant non seulement de l’OTAN mais de son commandement intégré.]
Je ne vois pas très bien pourquoi. Pourriez-vous développer ? La participation au commandement intégré n’oblige aucun pays membre de l’alliance à participer à des opérations militaires entreprises par un pays de l’Alliance en dehors du traité constitutif de l’OTAN (ce qui était le cas en Irak, puisqu’aucun pays de l’OTAN n’avait été attaqué par une puissance extérieure).
À Descartes
[La participation au commandement intégré n’oblige aucun pays membre de l’alliance à participer à des opérations militaires entreprises par un pays de l’Alliance en dehors du traité constitutif de l’OTAN]
Exact. Mais plus qu’aux obligations des traités, je pense à la puissance d’influence que la participation à l’OTAN et son commandement intégré donne aux USA sur les autres membres de l’alliance. Le Chirac de l’époque s’appuyait sur un état-major et un renseignement indépendant qu’on pourrait qualifier de souverainiste par principe, ou simplement de peu américanisé; l’eut-il pu dans une France intégrée depuis 20 ans par exemple ? La lettre des traités n’est pas tout.
@ Geo
[Exact. Mais plus qu’aux obligations des traités, je pense à la puissance d’influence que la participation à l’OTAN et son commandement intégré donne aux USA sur les autres membres de l’alliance. Le Chirac de l’époque s’appuyait sur un état-major et un renseignement indépendant qu’on pourrait qualifier de souverainiste par principe, ou simplement de peu américanisé; l’eut-il pu dans une France intégrée depuis 20 ans par exemple ? La lettre des traités n’est pas tout.]
Je ne pense pas que l’appartenance ou non au commandement intégré change quelque chose. Après la période « gaullienne », la France s’est rapproché de l’OTAN sous Mitterrand dans les années 1980, et nos forces armées se sont passablement « américanisées » depuis lors. La réintégration du commandement intégré n’est qu’un pas supplémentaire, symboliquement important, mais qui n’a pas changé grand-chose au tropisme américanophile de nos militaires. Tropisme qui trouve son explication dans la perte progressive d’autonomie de nos armées, dont les interventions dépendent de plus en plus de la logistique américaine.
C’est en ce sens que je disais qu’il ne faut pas « fétichiser » l’OTAN. Le traité est assez lâche en ce qui concerne les obligations des différents états, et laisse une marge de manœuvre importante. Ainsi, par exemple, la France n’a pas de base militaire américaine sur son territoire, alors que d’autres états acceptent ce type d’intrusion. La Turquie se permet non seulement de garder une position d’équilibre entre Moscou et Kiev, alors que l’OTAN a clairement choisi son camp, et s’est même permis d’entrer en guerre avec un autre état adhérent à l’OTAN, la Grèce. Personnellement, je suis bien plus inquiet de la situation de dépendance de nos armées en matière logistique et industrielle que de l’appartenance à un commandement intégré qui ne nous engage pas à grande chose.
Je voudrais apporter un complément à propos du “49-3” à ce qui en est dit plus haut.
L’équivalent de cette disposition n’existait pas dans les Constitutions avant celle de 1958. Quand un Président du Conseil (à peu près l’équivalent du Premier ministre, est-il utile de le rappeler?) voulait absolument faire adopter un projet de loi, il menaçait de démissionner au cas où le texte serait repoussé. Les députés se soumettaient généralement. L’ouvrage que j’ai consulté sur ce point ne donne, malheureusement, pas d’exemple.
Si le “49-3” n’existait pas ou plus, il est probable que les Premiers ministres feraient comme leurs prédécesseurs. Avec, toutefois, un risque accru pour eux, car il leur est plus aisé de mobiliser “leurs troupes” pour qu’elles s’abstiennent (humour) de voter en faveur de l’adoption d’une motion de censure que pour qu’elles votent pour l’adoption d’un texte qui leur fait problème.
Car un point à propos du “49-3” souvent inaperçu est qu’il est une arme contre les députés censés soutenir le Gouvernement, au cas où ils craindraient pour leur réélection s’ils votaient en faveur d’un texte peu populaire.
@ xc
[Je voudrais apporter un complément à propos du “49-3” à ce qui en est dit plus haut.
L’équivalent de cette disposition n’existait pas dans les Constitutions avant celle de 1958. Quand un Président du Conseil (à peu près l’équivalent du Premier ministre, est-il utile de le rappeler ?) voulait absolument faire adopter un projet de loi, il menaçait de démissionner au cas où le texte serait repoussé. Les députés se soumettaient généralement. L’ouvrage que j’ai consulté sur ce point ne donne, malheureusement, pas d’exemple.]
Peut-être parce que les exemples sont rares. En pratique, les gouvernements de la IVème tombés suite à une motion de censure formelle sont relativement rares. La plupart sont tombés après que la Chambre (pour utiliser le vocabulaire de l’époque) ait rejeté un texte qui lui était soumis. Il ne faut d’ailleurs pas oublier que ces textes étaient beaucoup plus nombreux, dans la mesure où la constitution ne délimitait pas le domaine de la loi, et donc le pouvoir autonome des ministres, qui ne pouvaient agir que lorsqu’une loi les habilitait à le faire.
Le menace de démissionner sous la IIIème ou IVème républiques était totalement inefficace pour deux raisons : la première était que les politiques et les électeurs étaient très habitués à voir les gouvernements chuter, que c’était là quelque chose qui était rentré dans les mœurs, et qu’il était impensable qu’un parti politique soit sanctionné par ses électeurs pour avoir fait tomber le gouvernement. La seconde, qui est du même ordre, est qu’il n’existe pas de procédure de dissolution permettant à l’exécutif de faire trancher le conflit entre le président du conseil et sa majorité par les électeurs. En fait, c’est la dissolution qui, en menaçant les députés de devoir retourner devant leurs mandants, fait toute l’efficacité du dispositif.
[Si le “49-3” n’existait pas ou plus, il est probable que les Premiers ministres feraient comme leurs prédécesseurs. Avec, toutefois, un risque accru pour eux, car il leur est plus aisé de mobiliser “leurs troupes” pour qu’elles s’abstiennent (humour) de voter en faveur de l’adoption d’une motion de censure que pour qu’elles votent pour l’adoption d’un texte qui leur fait problème.]
Tant que la dissolution reste une possibilité, ce « 49.3 non écrit » continuerait à fonctionner. Car ce qui rend la censure difficile, même lorsqu’un gouvernement n’a pas de majorité, est le risque de revenir devant les électeurs.
[Car un point à propos du “49-3” souvent inaperçu est qu’il est une arme contre les députés censés soutenir le Gouvernement, au cas où ils craindraient pour leur réélection s’ils votaient en faveur d’un texte peu populaire.]
En fait, c’est là un deuxième effet du 49.3 : celui de permettre à l’exécutif d’endosser toute l’impopularité d’une mesure, en dispensant les députés de sa majorité de la voter. Ceux-ci peuvent toujours dire à leurs électeurs « j’aurais voté contre, mais je n’ai pas eu l’opportunité ».
@Descartes
[En fait, c’est là un deuxième effet du 49.3 : celui de permettre à l’exécutif d’endosser toute l’impopularité d’une mesure, en dispensant les députés de sa majorité de la voter. Ceux-ci peuvent toujours dire à leurs électeurs « j’aurais voté contre, mais je n’ai pas eu l’opportunité ».]
Sauf que les électeurs diront pourquoi ne avoir voté une motion de censure ? Si j’ai bien compris c’est le dispositif “dissolution + motion de censure + 49-3” est le rend efficace. Mais quid des autres dispositifs dans la Constitution utilisé lors de la réforme de la retraite ?
@ Glarrious
[Sauf que les électeurs diront pourquoi ne pas avoir voté une motion de censure ?]
Cela suppose que les électeurs aient une excellente mémoire, et se souviennent de l’ensemble des votes de leurs députés. Ce n’est pratiquement jamais le cas. Vous auriez je pense du mal à dire si votre député a, à titre personnel, voté ou non les différentes motions de censure qui se sont présentées. Par ailleurs, il reste une ressource classique, c’est celle de présenter une motion de censure dans des termes tels que les autres groupes ne puissent la voter. De cette façon, vous pouvez expliquer à vos électeurs que vous avez bien voté la censure, mais que les autres n’en ont pas voulu…
[Si j’ai bien compris c’est le dispositif “dissolution + motion de censure + 49-3” est le rend efficace.]
Oui, mais dans l’ordre inverse : 49.3, dépôt d’une motion de censure, menace de dissolution.
[Mais quid des autres dispositifs dans la Constitution utilisé lors de la réforme de la retraite ?]
Pourriez-vous être plus précis ? Je n’ai en tête que deux de ces « dispositifs » : le premier est celui de l’urgence, qui permet d’éviter, lorsqu’une loi est controversée, que la navette entre les deux assemblées s’éternise. Le deuxième est celui de l’article 40 qui interdit tout amendement qui aurait pour effet la création ou aggravation d’une charge publique non compensée et n’autorise la diminution d’une ressource publique que dans la mesure où celle-ci est compensée par l’augmentation d’une autre ressource. Une saine précaution sans quoi la démagogie parlementaire serait sans limite…
Il faut le rappeler: sur la reforme des retraites, il y a eu une motion de censure déposée. Elle n’a pas été votée. Il y avait donc une majorité de députés pour qui le texte était acceptable, ou du moins ne valait pas le risque de devoir retourner devant les électeurs.
@Descartes
Je n’ai aucune culture sur la fabrique des lois.
[Cela suppose que les électeurs aient une excellente mémoire, et se souviennent de l’ensemble des votes de leurs députés. Ce n’est pratiquement jamais le cas. Vous auriez je pense du mal à dire si votre député a, à titre personnel, voté ou non les différentes motions de censure qui se sont présentées.]
Mais on ne dépose pas de motion de censure tous les quatre matins a contrario des amendements. C’est vrai que si vous me posez la question au tac au tac je ne saurais pas si mon député a voté les différentes motions de censure sauf à vérifier sur le site de l’Assemblée Nationale.
[Par ailleurs, il reste une ressource classique, c’est celle de présenter une motion de censure dans des termes tels que les autres groupes ne puissent la voter. De cette façon, vous pouvez expliquer à vos électeurs que vous avez bien voté la censure, mais que les autres n’en ont pas voulu…]
Ah! Parce-que il y a différentes façon de présenter une motion de censure ? Je pensais qu’il y a une seule manière de le faire c’est-à-dire simplement renverser le gouvernement si il y a une majorité.
[Pourriez-vous être plus précis ? Je n’ai en tête que deux de ces « dispositifs » : le premier est celui de l’urgence, qui permet d’éviter, lorsqu’une loi est controversée, que la navette entre les deux assemblées s’éternise. Le deuxième est celui de l’article 40 qui interdit tout amendement qui aurait pour effet la création ou aggravation d’une charge publique non compensée et n’autorise la diminution d’une ressource publique que dans la mesure où celle-ci est compensée par l’augmentation d’une autre ressource. Une saine précaution sans quoi la démagogie parlementaire serait sans limite…]
Je fais référence à votre billet sur la réforme des retraites. Je me demandais en quoi ces autres articles étaient efficaces ?
[ Et l’accumulation est impressionnante : le gouvernement a invoqué l’article 47.1 de la Constitution, théoriquement réservé à des lois de financement dont le vote dans des échéances précises est indispensable ; l’article 44.2 pour supprimer un certain nombre de sous-amendements déposés au sénat, l’article 44.3 dite « vote bloqué » pour obliger les sénateurs à se prononcer sur la totalité du texte sans mettre les amendements au voix, les articles 38 et 42 du règlement intérieur du Sénat pour limiter les prises de parole… sans compter avec un ministre déclarant « qu’il n’a pas de comptes à rendre » à la représentation nationale… ]
@ Glarrious
[Je n’ai aucune culture sur la fabrique des lois.]
C’est le cas de la grande majorité de nos concitoyens, malheureusement. Le fonctionnement réel des pouvoirs publics reste très mal connu, alors que ce serait un sujet qui pourrait passionner les élèves au lycée. Le problème est que beaucoup d’enseignants connaissent fort mal la question eux aussi…
[« Par ailleurs, il reste une ressource classique, c’est celle de présenter une motion de censure dans des termes tels que les autres groupes ne puissent la voter. De cette façon, vous pouvez expliquer à vos électeurs que vous avez bien voté la censure, mais que les autres n’en ont pas voulu… » Ah! Parce-que il y a différentes façon de présenter une motion de censure ? Je pensais qu’il y a une seule manière de le faire c’est-à-dire simplement renverser le gouvernement si il y a une majorité.]
Et bien non. Une « motion de censure » est d’abord une « motion ». On vote donc sur un texte qui non seulement exprime la défiance envers le gouvernement, mais explique les raisons de cette défiance. En choisissant vos reproches avec intelligence, vous pouvez la rendre plus ou moins difficile à voter par les autres groupes. Prenons un exemple : si les socialistes présentent une motion de censure sur la déclaration de politique générale, il suffit de glisser une mention sur le droit d’Israël à se défendre pour s’assurer que LFI ne la votera pas…
Pour voir la tête de la chose, vous pouvez consulter par exemple https://www2.assemblee-nationale.fr/static/16/motions_censure/Motion_censure-NUPES-20201020.pdf
[Je fais référence à votre billet sur la réforme des retraites. Je me demandais en quoi ces autres articles étaient efficaces ? (…)]
Tous ces articles visent à contrer des stratégies parlementaires bien connues : l’article 47.1 vise à empêcher le parlement de faire de l’obstruction lors du vote des lois de finances (que ce soit la loi de finances proprement dite, ou les lois de financement de la sécurité sociale). Cela se justifie dans la mesure où ce genre de lois doit être voté dans des délais précis pour ne pas désorganiser les finances publiques. L’article ne dépossède pas le Parlement de ses pouvoirs : il ne fait qu’imposer des délais stricts aux deux chambres pour les examiner, faute de quoi le gouvernement peut les mettre en œuvre par ordonnance. Et vous noterez que l’article ne s’applique que si le Parlement fait de l’obstruction en refusant d’examiner le texte. Si le texte est rejeté dans les délais, le gouvernement n’a aucune possibilité de le mettre en œuvre.
Cet article semble très efficace, au point que son utilisation est rarissime, alors que sous la IVème République la situation se présentait très souvent – au point qu’il était d’usage d’arrêter la pendule de la Chambre pour pouvoir antidater certains votes… l’effet dissuasif de la disposition constitutionnelle me paraît donc établi !
Les articles 44.2 et 44.3 sont, eux aussi, des instruments pour lutter contre l’obstruction. Le premier de ces alinéas s’oppose à une forme traditionnelle d’obstruction, qui consiste à présenter massivement des amendements en séance qui n’ont pas été étudiés préalablement en commission, ce qui rallonge considérablement le débat. Le gouvernement a donc la faculté de s’opposer aux amendements qui n’ont pas été examinés en commission. Notez que la règle concerne les amendements qui n’ont pas été SOUMIS en commission, autrement dit, le gouvernement ne peut s’opposer à l’examen d’un amendement soumis en commission quand bien même il aurait été rejeté par elle On peut en effet penser qu’un amendement sérieux, réfléchi, ayant pour objet une amélioration du texte et non la simple obstruction aura été soumis en commission.
Quant au 44.3, il permet au gouvernement de s’opposer à une autre forme de flibuste, celle qui consiste à défigurer un texte pour le rendre inapplicable. Pour contrer cette stratégie, la Constitution permet au gouvernement de solliciter qu’une partie du texte soit voté tel qu’il a été présenté par le gouvernement, en incluant les amendements acceptés par le gouvernement.
En fait, le constituant a voulu donner à l’exécutif – qui, rappelons-le, assume de fait la responsabilité de tous les actes publics devant les Français – les instruments pour empêcher les parlementaires – qui, rappelons-le aussi, n’assument aucune responsabilité – d’obstruer ou de défigurer les textes. Mais cela n’implique nullement que le parlement soit dépossédé de ses pouvoirs. Le gouvernement a des pouvoirs considérables dans l’organisation du débat, mais à l’issue de celui-ci il y a une majorité contre le texte, l’Assemblée peut le rejeter – ou voter la motion de censure – et le gouvernement n’a aucun moyen de passer outre.
Ces leviers sont-ils efficaces ? Oui, lorsqu’ils sont utilisés. Ce qui reste tout de même rare…
Merci pour ce texte cruel envers l’UE auquel je ne changerais pas une virgule. Mais je vais surtout garder précieusement en mémoire cette “définition” concise et tranchante de ce qu’est l’Union, que vous donnez dans les commentaires: “L’UE est surtout une machine à priver les nations des instruments d’exercice de la souveraineté, pour les confier aux lobbies et aux intérêts économiques – notamment américains.”
La France est inaudible aussi d’une manière particulière avec Macron comme président avec son comportement. Le fait d’utiliser la séduction dans les relations internationales dont vous avez dit que c’est un défaut dans ce domaine. Mais ce qui est curieux c’est que au début de son mandat en 2017 il a mené en reprenant sa formule “une présidence jupitérienne”:
-Invitation à Poutine au château de Versailles
-Invitation d’honneur à Trump au défilé du 14 juillet 2017.
Malgré ça la France est resté inaudible même avec des voyages à l’étrangers au nombre de 100 en 2020.
@ Glarrious
[La France est inaudible aussi d’une manière particulière avec Macron comme président avec son comportement. Le fait d’utiliser la séduction dans les relations internationales dont vous avez dit que c’est un défaut dans ce domaine.]
C’est la mode aujourd’hui de faire de Macron le coupable de tout. Comme si ses prédécesseurs – et ses soutiens – n’avaient rien à se reprocher. Pardon, mais la France n’était pas plus « audible » sous Hollande que sous Macron. En fait, on s’aperçoit des effets désastreux du changement de génération. Jusqu’à Chirac, on avait eu des présidents qui avaient été éduqués dans le souvenir de la deuxième guerre mondiale – quand ils n’avaient pas participé eux-mêmes – et qui avaient connu les guerres de décolonisation et la guerre froide d’avant la « détente ». Cette génération était très consciente du caractère tragique de la politique en général et de la politique internationale en particulier.
Avec Sarkozy, commence à arriver au pouvoir une génération élevée dans l’optimisme béat de « la fin de l’histoire », une génération pour laquelle la guerre est quelque chose qu’on voit à la télévision, et la confrontation nucléaire n’est qu’une question théorique. Une génération qui place la négociation internationale au même niveau que celle d’une OPA ou d’un prêt bancaire. Mais Macron n’est pas le seul responsable : souvenez-vous quand il a reformé la diplomatie française en supprimant les « grands corps » du Quai d’Orsay. Je ne me souviens pas d’avoir entendu beaucoup de protestations en dehors des premiers concernés…
[Mais ce qui est curieux c’est que au début de son mandat en 2017 il a mené en reprenant sa formule “une présidence jupitérienne”:
-Invitation à Poutine au château de Versailles
-Invitation d’honneur à Trump au défilé du 14 juillet 2017.]
Bof. Macron a fait de la communication, comme à son habitude. Il en a mis plein la vue à Poutine et à Trump – qui, si l’on croit ce qui a filtré de leur entourage, ont été véritablement impressionnés. Mais ce genre de gestes ne sert à rien si l’on ne met rien derrière le symbole. Se mettre dans les chaussures du Roi-Soleil n’impressionne que si ensuite on fait une politique digne de lui. Et montrer nos armes sur les Champs-Elysées n’a pas grand intérêt si l’on n’est pas prêt à les mettre au service d’une politique assumée.
Je ne crois pas un seul instant à la sincérité de ce “chœur des pleureuses”. Voilà de belles larmes de crocodile, qui ressemblent beaucoup trop à celles de l’héritier qui se lamente à chaudes larmes du décès de l’oncle milliardaire qui lui a légué toute sa fortune.
Je lisais tantôt le journal de Maurice Garçon. (Je n’en dispose pas sous la main au moment où j’écris ces lignes : je vais donc citer de mémoire, avec tous les risques que cela comporte, et vous prie par avance de bien vouloir m’en excuser.) Sous l’occupation, un de ses interlocuteurs lui sort : “Que voulez-vous, si les Allemands n’étaient pas dans nos villes, les Communistes prendraient le pouvoir.” Remplacez “Allemands” par ce que vous appelez, fort à propos, le “système UE/OTAN”, et “Communistes” par la dernière injure à la mode dirigée contre le populo (est-ce toujours “populiste” ? je crains de ne pas m’être mis à jour sur ce point précis), et vous aurez l’état d’esprit actuel de nos classes dirigeantes. Nihil novi sub sole.
Plus j’y réfléchis, et plus je reste étonné que De Gaulle soit resté au pouvoir si longtemps. C’est qu’il s’est imposé aux classes dirigeantes sans leur consentement – et par deux fois, qui plus est. Des classes dirigeantes qui l’ont toujours intensément haï, lors même qu’une partie d’entre elles prétendait être “gaulliste” (quelle blague). Aujourd’hui, nous sommes revenus à la IVème République – cette dernière, malgré tout ses défauts, avait quand même réussi à reconstruire la France ; aujourd’hui, on la détruit, pardon, on la “déconstruit”, méthodiquement, morceau par morceau, car rien, dans notre beau pays, ne doit entraver le “règne de vile bourgeoisie” qui se pare désormais de pseudo-idées “décoloniales”, “décroissantes”, et tout le tralala bobo.
Pauvre France.
@ MJJB
[Je ne crois pas un seul instant à la sincérité de ce “chœur des pleureuses”. Voilà de belles larmes de crocodile, qui ressemblent beaucoup trop à celles de l’héritier qui se lamente à chaudes larmes du décès de l’oncle milliardaire qui lui a légué toute sa fortune.]
C’était bien mon point. Je vous rappelle que les « pleureuses » étaient des femmes qu’on recrutait pour pleurer dans les cérémonies funèbres moyennant finances, pour faire croire que le décédé était regretté par une large compagnie. Leurs pleurs n’étaient pas, c’est le moins qu’on puisse dire, sincères. Et c’est aussi le cas d’un certain nombre de politiques qui font semblant de pleurer sur l’abaissement de notre pays, alors qu’ils ont tout fait pour aboutir à ce résultat. Combien d’entre eux proposaient, il n’y a pas si longtemps, de partager notre siège au Conseil de sécurité avec l’Union européenne…
[Je lisais tantôt le journal de Maurice Garçon. (Je n’en dispose pas sous la main au moment où j’écris ces lignes : je vais donc citer de mémoire, avec tous les risques que cela comporte, et vous prie par avance de bien vouloir m’en excuser.) Sous l’occupation, un de ses interlocuteurs lui sort : “Que voulez-vous, si les Allemands n’étaient pas dans nos villes, les Communistes prendraient le pouvoir.” Remplacez “Allemands” par ce que vous appelez, fort à propos, le “système UE/OTAN”, et “Communistes” par la dernière injure à la mode dirigée contre le populo (est-ce toujours “populiste” ? je crains de ne pas m’être mis à jour sur ce point précis), et vous aurez l’état d’esprit actuel de nos classes dirigeantes. Nihil novi sub sole.]
Tout à fait. A ce propos, on peut aussi rappeler le discours de Laval : « je souhaite la victoire de l’Allemagne, parce que, sans elle, le bolchévisme s’installera demain partout ». Le discours qui prétend nous faire accepter une mauvaise politique au motif que l’alternative est encore pire est aussi vieux que la politique. Et le pire, pour les politiciens issus du bloc dominant, c’est généralement l’accès du « populo » aux affaires, quelque soit le parti qui porte ses intérêts. Ce n’est pas par hasard si on entend à propos des « populistes » aujourd’hui le même discours qu’on entendait sur les communistes hier.
Ce qui a fait la force du gaullisme, c’est justement d’avoir refusé de choisir entre le mal et le pire. Le discours gaullien – encore un point de coïncidence avec le discours communiste – est toujours annonciateur de lendemains qui chantent. Et c’est au nom de ces lendemains qu’on est légitime à exiger des efforts et des sacrifices aujourd’hui. Pour reprendre une formule traditionnelle au PCF, « le présent est lutte, le futur est à nous ». C’est toute la différence entre un De Gaulle annonçant le plan Rueff dans un discours qui ouvre des perspectives d’avenir, et le discours d’un Fillon ou d’un Barnier qui font de la réduction des déficits un but, et non un moyen pour atteindre un objectif désirable.
[Plus j’y réfléchis, et plus je reste étonné que De Gaulle soit resté au pouvoir si longtemps. C’est qu’il s’est imposé aux classes dirigeantes sans leur consentement – et par deux fois, qui plus est.]
De Gaulle était certainement un homme exceptionnel, capable comme personne de saisir les opportunités qui se sont présentées à lui. Mais il a bénéficié, il faut le dire, de deux opportunités miraculeuses, de deux crises qui ont mis le « bloc dominant » en grande difficulté. En 1939-45, les classes dominantes ont joué l’Allemagne, et ont perdu. En 1954-58, les mêmes ont joué l’Algérie française, et se sont étalés. Et à chaque fois, une fois la crise passée, le bloc dominant a repris le poil de la bête et cherché à le pousser dehors.
[Aujourd’hui, nous sommes revenus à la IVème République – cette dernière, malgré tout ses défauts, avait quand même réussi à reconstruire la France ;]
Malheureusement, non. On a récupéré en partie le fonctionnement politique de la IVème République… mais sans cette puissante fonction publique renouvelée après la Libération, appuyée sur un puissant secteur nationalisé, qui garantissant la continuité des politiques publiques alors que les gouvernements valsaient.
Lors de la débâcle de 1940, Léon Werth avait été le témoin d’une “parole qui se libère”, et qui révélait le souhait profond de tant de bourgeois : “On sera un protectorat, comme le Maroc… On ne sera pas plus malheureux”.
Les classes dirigeantes françaises, depuis 1918-1919 (*), ne rêvent que de domination étrangère sur leur propre pays, seul moyen de mettre le populo au pas et d’en finir une bonne fois pour toute avec cette abominable engeance du diable, la démocratie. C’est pour cette raison, et uniquement pour celle-là, que la bourgeoisie française (flanquée désormais de son grotesque cortège de commensaux, quelque soit leur dénomination du moment : “bobos”, “classes intermédiaires”, etc.), a, de nos jours, soutenu mordicus la funeste “construction européenne”. En tout cas, tout ce petit monde agit exactement comme s’il était intimement convaincu qu’en cas d’indépendance *réelle* de notre pays, il serait impitoyablement balayé, éliminé de l’Histoire, de la même manière que l’aristocratie l’a été en 1789. Et je dois bien l’avouer : je suis de plus en plus tenté d’être en accord avec lui sur ce point.
(*) Depuis 1918-1919 : C’est-à-dire, depuis le moment où les Anglo-Américains nous ont “poignardé dans le dos” et “volé la victoire” en faisant bien attention à ce que la guerre n’atteigne pas le territoire allemand. C’est qu’il ne fallait pas que la France se remette trop du cataclysme qui l’avait fort opportunément affaiblie, et que l’on pensait déjà que seule une Allemagne “forte” pourrait “en finir” avec ces satanés bolcheviques…
@ MJJB
[Les classes dirigeantes françaises, depuis 1918-1919 (*), ne rêvent que de domination étrangère sur leur propre pays, seul moyen de mettre le populo au pas et d’en finir une bonne fois pour toute avec cette abominable engeance du diable, la démocratie.]
Cela vient de bien plus loin : pensez aux émigrés de la Révolution. C’est d’ailleurs un mécanisme structurel : plus les classes dominantes sont internationalisées, et plus elles comptent sur leurs « camarades de classe » étrangers pour les aider à mater leur propre peuple. En 1790, les nobles français comptaient sur les aristocraties européennes pour les rétablir dans leurs privilèges. En 1940, ils voyaient dans l’occupation allemande une opportunité de rendre nul et non avenu le Front Populaire.
[C’est pour cette raison, et uniquement pour celle-là, que la bourgeoisie française (flanquée désormais de son grotesque cortège de commensaux, quelque soit leur dénomination du moment : “bobos”, “classes intermédiaires”, etc.), a, de nos jours, soutenu mordicus la funeste “construction européenne”. En tout cas, tout ce petit monde agit exactement comme s’il était intimement convaincu qu’en cas d’indépendance *réelle* de notre pays, il serait impitoyablement balayé, éliminé de l’Histoire, de la même manière que l’aristocratie l’a été en 1789. Et je dois bien l’avouer : je suis de plus en plus tenté d’être en accord avec lui sur ce point.]
C’est là la grande contradiction de la « démocratie bourgeoise ». Le gouvernant de droit divin étant mort et enterré, la bourgeoisie n’a trouvé qu’un seul moyen de légitimer sa domination, de faire passer son intérêt pour l’intérêt général : le vote. Tant que le vote a pu être restreint aux membres de la classe dominante, il n’y a pas eu de problème. Mais dès lors que l’idéologie fait du peuple le seul souverain, l’extension du vote pour arriver au suffrage universel était inévitable. Et cette extension met la classe dominante en difficulté, parce que si elle domine la société par son contrôle des moyens de production, elle est désespérément minoritaire. D’où une tension permanente entre un système de légitimation où le nombre est déterminant, et la réalité des rapports de force. Autrement dit, on ne peut plus compter sur le système politique pour légitimer automatiquement les politiques voulues par les couches dominantes.
Une façon d’échapper à ce dilemme est de créer un système de légitimation « supra-politique », qui ne dépende pas des rapports de nombre. La construction européenne, avec l’accent mis sur des organismes « techniques » dégagés de l’influence politique (Commission, cour de justice) en sont des bons exemples. On assiste ainsi à une légitimation de normes que personne n’a voté, mais qu’il faut appliquer parce que « c’est une directive européenne qui le dit ».
Si vous le permettez, je reviens ici sur nos récents échanges, faute d’avoir pu “répondre” directement plus haut :
[« Nous avons cessé d’être une grande puissance le jour où nous avons admis que les intérêts de la France pouvaient être sacrifiés dans un cadre supranational. »]
On doit pouvoir estimer (moyennant un peu de dialectique ou de spéculation) que certains sacrifices faits ici peuvent fructifier là. Certes, toute perte consentie en semaille ne finit pas forcément en moisson d’or, ce que confirment de nombreux aspects du bilan de l’UE. Mais à ne jamais semer, on ne récolte jamais rien, sinon le droit au nomadisme et aux migrations…
Il se trouve que le bilan de l’UE est moins convaincant qu’espéré (du moins par ceux qui en espéraient quelque chose ). Mais le “toutes choses égales par ailleurs” étant impossible puisque l’histoire ne se répète pas, on ne saura jamais ce qui se serait passé pour les divers pays de l’Europe de l’ouest, du centre et de l’est, si la construction de l’UE ne s’était pas engagée, avec tout ce que cela permet, à la fois de concurrence certes (et de pertes possibles) mais aussi de coopération (et de gains prévisibles). Bref, le bilan des divers pays adhérents de l’UE peut être décevant ou déplorable, mais nul ne saura jamais s’il n’aurait pas été pire sans elle.
Sur la question de la “puissance” : Depuis la nuit des temps, les alliances ont souvent renforcé des groupes qui, désunis, auraient été plus faibles. Que l’UE ne soit pas devenue la puissance militaire qu’elle aurait pu devenir n’était pas une fatalité, mais un choix (ou un non-choix) fait par des pays qui préféraient croître et se développer par le commerce et la culture plutôt que par la guerre, qui ne voulaient pas “vouloir la paix en préparant la guerre” selon le terrible ‘bellogène’ SI VIS PACEM PARA BELLUM. Puisque l’histoire nous enseigne qu’en cas de guerre l’humanité n’a jamais renoncé à se servir des armes que la technologie mettait à sa disposition, était-il anormal qu’une UE construite sur les débris d’une guerre mutuelle précédente veuille prendre un autre chemin que celui d’une préparation de la guerre ?
[ Ce qui fait qu’une nation pèse ou non sur les affaires du monde est sa cohésion en tant que communauté politique à l’heure de se donner des objectifs et les moyens de les atteindre ]
Qu’est-ce qui interdirait que des peuples se construisent en ‘nation’ commune (européenne ou autre) par l’adhésion à une idéologie commune, une culture, une weltanschauung commune, une histoire à partager ? Pensons au genre d’Etats-Unis qui se sont construits comme Nation en Amérique du Nord, à partir de peuples migrants divers, certains plus conquérants, d’autres plus conquis ou ralliés. Voyons ce qui au sein de l’Oumma a su se construire (et semble maintenant en train de se redynamiser via un prosélytisme idéologique international financé en pétrodollars) à partir de tribus, peuples et pays divers.
Si l’Europe est un concept compréhensible par tant de pays étrangers à l’Europe (voire envié comme pays du salut par tant de migrants), pourquoi les Européens seraient-ils les seuls à devoir renoncer à se constituer en Nation européenne, comme jadis la France a su se constituer en Nation française à partir de régions souvent très différentes de culture, de traditions et de langue ?
Je ne vois pas pourquoi, parlant à plusieurs, on aurait moins de voix que parlant tout seul.
Ce n’est pas la faute de l’UE si des présidents français successifs se sont déconsidérés aux yeux de tous (même de leurs partisans, devenus frondeurs, démissionnaires voire opposants) à force de vouloir donner de la voix sur tout, n’importe quoi et n’importe quand.
Sur le respect des conventions internationales ou des résolutions de l’ONU, je préfère les pays qui cherchent la voie morale plutôt que ceux qui se vantent du cynisme de leur réalisme (et de ce qu’ils croient leur “réussite”, souvent éphémère -si l’on suit l’histoire sur quelques décennies). On doit pouvoir éviter le dilemme (victime ou bourreau) lorsqu’on voit à quelle vitesse les victimes d’hier peuvent devenir les bourreaux du lendemain, et éventuellement de nouveau les victimes du surlendemain, ce qu’illustre ce qui se passe, de part et d’autre, au Proche-Orient.
Sur une planète où nul “dessein intelligent” supérieur n’est à l’oeuvre, une démocratie ne fait pas toujours bien, mais au moins elle se donne quelques possibilités de ne pas devoir systématiquement faire le mal, ce à quoi le totalitarisme et sa volonté de toute-puissance est presque fatalement conduit.
On ne se coupe pas les mains en les tendant à autrui en vue d’alliance ou de coopération. Si nous avions construit un consensus européen plus cohérent et plus fédéral (et non pas seulement trop exclusivement commercial et concurrentiel), les voix des divers pays se voulant Nation unie européenne ne s’y perdraient éventuellement que pour se faire mieux entendre ensemble.
Bien à vous.
@ Claustaire
[« Nous avons cessé d’être une grande puissance le jour où nous avons admis que les intérêts de la France pouvaient être sacrifiés dans un cadre supranational. » On doit pouvoir estimer (moyennant un peu de dialectique ou de spéculation) que certains sacrifices faits ici peuvent fructifier là.]
J’attends toujours que quelqu’un m’explique « moyennent un peu de dialectique et de spéculation » quels sont les fruits que les Français – et tout particulièrement ceux des couches populaires – ont reçu pour prix de ce sacrifice. J’ai posé cette question d’innombrables fois, sans obtenir de réponse. Ou des réponses fausses. La paix ? La Norvège n’est pas membre de l’UE, et je ne vois pas qu’elle ait eu à subir depuis 1945 les affres de la guerre. Plus de poids dans le monde ? On s’est fait bouter hors d’Afrique sans que nos partenaires lèvent le petit doigt pour nous aider, et je ne vous parle même pas des négociations commerciales internationales où nos intérêts industriels sont bradées.
[Certes, toute perte consentie en semaille ne finit pas forcément en moisson d’or, ce que confirment de nombreux aspects du bilan de l’UE. Mais à ne jamais semer, on ne récolte jamais rien, sinon le droit au nomadisme et aux migrations…]
Enfin, si on sème du riz dans un terrain sec et rocailleux, et qu’année après année on continue à faire ce travail pour ne rien récolter en se fiant au principe que « à ne jamais semer, on ne récolte rien », on mérite le nom d’idiot. Quand les récoltes maigres se succèdent, il est temps de se demander s’il ne faudrait pas semer autre chose. Ou la semer ailleurs.
[Il se trouve que le bilan de l’UE est moins convaincant qu’espéré (du moins par ceux qui en espéraient quelque chose ).]
Au contraire, il est très convainquant : quiconque l’examine honnêtement et en détail sera convaincu que c’est un désastre. Je ne peux que vous conseiller la lecture du rapport Draghi – à qui on ne peut pas faire le reproche de souverainisme forcené – ou, si vous le préférez, la lecture du papier que je suis en train de faire sur ce sujet et que j’espère publier ici bientôt. Il souligne la situation critique où se trouve l’économie européenne. Tout le contraire de ce qui avait été promis par les bateleurs de foire qui avaient persuadé le bon peuple de voter pour Maastricht. D’ailleurs, vous noterez qu’il n’y a pas beaucoup de gens aujourd’hui pour revendiquer leur rôle dans l’affaire, ou pour célébrer publiquement les anniversaires de ce grand évènement. En 2022, le trentième anniversaire a été célébré dans la plus grande discrétion, tout comme les vingt ans de l’entrée en vigueur de la monnaie unique. Autrement dit, même les partisans de la construction européenne n’osent plus le revendiquer.
[Mais le “toutes choses égales par ailleurs” étant impossible puisque l’histoire ne se répète pas, on ne saura jamais ce qui se serait passé pour les divers pays de l’Europe de l’ouest, du centre et de l’est, si la construction de l’UE ne s’était pas engagée, avec tout ce que cela permet, à la fois de concurrence certes (et de pertes possibles) mais aussi de coopération (et de gains prévisibles). Bref, le bilan des divers pays adhérents de l’UE peut être décevant ou déplorable, mais nul ne saura jamais s’il n’aurait pas été pire sans elle.]
Non, on ne saura jamais avec certitude. Et c’est ce qui permet aux auteurs du désastre de parader fièrement en nous expliquant que sans eux ce serait encore pire. Cependant, il n’est pas interdit de faire jouer la logique. Pas besoin d’être extra-lucide pour conclure que sans l’ouverture à la concurrence du marché de l’électricité, que sans les objectifs absurdes de développement des renouvelables, notre système électrique se porterait nettement mieux et nos finances aussi.
[Sur la question de la “puissance” : Depuis la nuit des temps, les alliances ont souvent renforcé des groupes qui, désunis, auraient été plus faibles.
Je ne comprends pas le rapport. L’UE n’est pas une « alliance ». Si elle se contentait de ce rôle-là, je serais beaucoup moins négatif envers elle. Une « alliance » est un accord entre Etats, dans lequel chacun garde l’intégralité de ses prérogatives souveraines et des moyens pour les exercer.
[Que l’UE ne soit pas devenue la puissance militaire qu’elle aurait pu devenir n’était pas une fatalité, mais un choix (ou un non-choix) fait par des pays qui préféraient croître et se développer par le commerce et la culture plutôt que par la guerre, qui ne voulaient pas “vouloir la paix en préparant la guerre” selon le terrible ‘bellogène’ SI VIS PACEM PARA BELLUM.]
Je ne comprends pas votre raisonnement. Que l’UE ne soit pas devenue une puissance – ni militaire, ni autrement – est certainement un choix, tout comme ce sont des choix de fonder la construction européenne sur le dogme de « la concurrence libre et non faussée », de priver les Etats des leviers de la souveraineté, de faire de la norme européenne une norme supérieure aux normes nationales, et ainsi de suite. Lorsqu’on critique la construction européenne, on critique précisément la somme de ces choix. Bien sûr, on aurait pu imaginer une « union » construite sur une alliance des coopérations d’Etat à Etat. Mais ce serait là une autre « construction européenne ».
[Puisque l’histoire nous enseigne qu’en cas de guerre l’humanité n’a jamais renoncé à se servir des armes que la technologie mettait à sa disposition, était-il anormal qu’une UE construite sur les débris d’une guerre mutuelle précédente veuille prendre un autre chemin que celui d’une préparation de la guerre ?]
« Anormal » non. « Absurde », oui. Que des gens traumatisés par une guerre se soient mis à rêver du triomphe des marchés et du droit, ce n’est pas illogique. On a trouvé déjà le même genre d’idéalisme dans l’entre-deux-guerres, avec Briand et sa « Société des nations ». Et on a vu les résultats : Il est suicidaire de faire de la politique sur des rêves, surtout quand ces rêves ne sont pas partagés par le reste du monde.
[« Ce qui fait qu’une nation pèse ou non sur les affaires du monde est sa cohésion en tant que communauté politique à l’heure de se donner des objectifs et les moyens de les atteindre » Qu’est-ce qui interdirait que des peuples se construisent en ‘nation’ commune (européenne ou autre) par l’adhésion à une idéologie commune, une culture, une weltanschauung commune, une histoire à partager ?]
La réalité. L’adhésion à une idéologie commune, une culture, une weltanschauung commune ne se décrète pas, et quand bien même elle se décrèterait, elle ne suffit pas pour former une nation. Vous connaissez je pense ma conception de la nation, mais je vais l’exposer pour le bénéfice des lecteurs : la nation est avant tout une communauté d’individus liés par une solidarité INCONDITIONNELLE et IMPERSONNELLE. Quand il y a une inondation à Toulouse, vous trouvez normal que vos impôts servent au travail de reconstruction au profit des habitants, et cela quand bien même vous ne connaîtriez aucun Toulousain. Quand une collectivité locale est en difficulté financière, vous êtes d’accord pour que vos impôts servent à maintenir le service, quand bien même vous n’y habitez pas. Auriez-vous la même réaction si l’inondation avait lieu à Vilnius, si la faillite touchait la ville d’Athènes ? La crise grecque a bien montré que la réponse est négative.
Cette solidarité se construit, bien entendu, à partir d’une histoire commune, d’une weltanschauung ou d’une culture partagée. Mais cela prend très, très longtemps. Et rien ne garantit que la mayonnaise prenne : pensez aux constructions fédérales comme la Yougoslavie ou la Belgique. Par ailleurs, vous négligez l’importance de la langue. Il est difficile de se sentir solidaire de quelqu’un avec qui on ne peut échanger.
[Pensons au genre d’Etats-Unis qui se sont construits comme Nation en Amérique du Nord, à partir de peuples migrants divers, certains plus conquérants, d’autres plus conquis ou ralliés.]
Les Américains avaient donc en commun une expérience initiatique, celle de l’immigration, et une langue, puisque l’anglais s’est imposé comme langue unique. Je vois mal quelle serait l’expérience initiatique qui réunirait tous les européens, et encore moins quelle serait la langue commune…
[Voyons ce qui au sein de l’Oumma a su se construire (et semble maintenant en train de se redynamiser via un prosélytisme idéologique international financé en pétrodollars) à partir de tribus, peuples et pays divers.]
Vous noterez que toutes les tentatives de construire des « nations » au sein de l’Oumna ont échoué. Leurs états n’évitent la désintégration qu’avec des politiques répressives des minorités, sans quoi le morcellement en unités ethniquement homogènes menace. Dans ces pays, chacun se sent solidaire de sa communauté, et non de ces co-nationaux.
[Si l’Europe est un concept compréhensible par tant de pays étrangers à l’Europe]
Pourriez-vous donner un exemple concret de cette « compréhension » ? Personne ne comprend le concept de « Europe ». S’agit-il d’un ensemble géographique ? Culturel ? Politique ?
[(voire envié comme pays du salut par tant de migrants),]
Les migrants ne cherchent pas « l’Europe ». La meilleure preuve est qu’à Calais il y a des migrants qui, bien qu’ils soient déjà en Europe, sont prêts à risquer leur vie pour aller en Grande Bretagne. Ce qui attire les migrants, ce n’est pas « l’Europe », mais le niveau de vie.
[pourquoi les Européens seraient-ils les seuls à devoir renoncer à se constituer en Nation européenne, comme jadis la France a su se constituer en Nation française à partir de régions souvent très différentes de culture, de traditions et de langue ?]
Pour la même raison que vous renoncez à voler comme un oiseau : parce que c’est impossible. Les nations ne se constituent pas parce qu’une assemblée de crânes d’œuf déclare à l’unanimité qu’à partir de dorénavant ils sont une nation. C’est un processus qui prend des siècles, fait d’expériences partagées, de confrontations – y compris violentes – d’idées, de projets, de politiques de croyances. De brassages de population. D’un contexte international qui fait apparaître clairement la ligne entre ceux qui sont « dedans » et ceux qui sont « dehors ». Et qui n’aboutit pas toujours : pensez le temps que les Anglais et les Irlandais ont vécu ensemble…
[Je ne vois pas pourquoi, parlant à plusieurs, on aurait moins de voix que parlant tout seul.]
Il y a beaucoup de raisons. D’abord, parce que lorsqu’on parle à plusieurs on n’a aucune garantie que ces « plusieurs » disent la même chose. Mais à supposer même qu’il y ait un porte-parole unique, on sait très bien que sa parole est le résultat d’un savant compromis, et que tous les acteurs ne sont pas forcément prêts à soutenir à fond le discours que le porte-parole tient.
La voix souveraine a toujours plus de poids que le porte-voix d’un ensemble d’acteurs indépendants. Quand le président des Etats-Unis dit « je soutiens l’Ukraine », il a derrière lui une nation, et si demain il décide d’y envoyer des troupes, il ne risque pas de voir la Californie ou le Wisconsin refuser d’y contribuer. Lorsque Ursula Von der Leyen déclare « je soutiens l’Ukraine », tout le monde sait qu’elle n’a pas le pouvoir d’envoyer le moindre soldat.
[Ce n’est pas la faute de l’UE si des présidents français successifs se sont déconsidérés aux yeux de tous (même de leurs partisans, devenus frondeurs, démissionnaires voire opposants) à force de vouloir donner de la voix sur tout, n’importe quoi et n’importe quand.]
Je vous rassure, ce genre de déconsidération ne touche pas que le président français… les autres leaders européens ont eux aussi dit tout et son contraire…
[Sur le respect des conventions internationales ou des résolutions de l’ONU, je préfère les pays qui cherchent la voie morale plutôt que ceux qui se vantent du cynisme de leur réalisme]
Les goûts et les couleurs… Cela étant dit, je ne peux que constater que ceux qui ont fait preuve de cynisme sont devenus libres, riches et puissants, alors que ceux qui ont « cherché la voie morale » ont été asservis et appauvris. Ce qui a mon sens relativise la portée de votre « préférence » pour les seconds…
[(et de ce qu’ils croient leur “réussite”, souvent éphémère -si l’on suit l’histoire sur quelques décennies).]
Je suis fasciné de constater combien l’idée d’une justice immanente est encore présente. Désolé, mais contrairement à ce qui se passe chez Disney, les méchants ne sont que très rarement punis à la fin.
[Sur une planète où nul “dessein intelligent” supérieur n’est à l’oeuvre, une démocratie ne fait pas toujours bien, (…)]
Et une dictature ne fait pas toujours mal… cela vaut la peine de le préciser.
[(…) mais au moins elle se donne quelques possibilités de ne pas devoir systématiquement faire le mal, ce à quoi le totalitarisme et sa volonté de toute-puissance est presque fatalement conduit.]
Israël, faut-il le rappeler, est une « démocratie ». Tout comme l’étaient les Etats-Unis de George W Bush. Je vous conseille de relire votre dernière phrase à la lumière de ces exemples.
[On ne se coupe pas les mains en les tendant à autrui en vue d’alliance ou de coopération.]
L’UE n’est ni une « alliance », ni une instance de « coopération ». Si tel était le cas, je n’y serais pas opposé. L’UE est une institution supranationale, dont la raison d’être est justement de couper les mains de ceux qui les tendent vers elle.
[Si nous avions construit un consensus européen plus cohérent et plus fédéral (et non pas seulement trop exclusivement commercial et concurrentiel), les voix des divers pays se voulant Nation unie européenne ne s’y perdraient éventuellement que pour se faire mieux entendre ensemble.]
Si ma grand-mère avait des roues, elle serait un autobus. Inutile de commencer avec des « si… » sans chercher à comprendre pourquoi les choses ne sont pas comme vous les voudriez. Oui, « si » l’Europe était une nation, les choses seraient très différentes. Mais voilà, ce n’est pas une nation. C’est un ensemble de nations, chacune avec ses intérêts souverains. C’est pourquoi ce « consensus cohérent » est impossible. Quant à savoir ce que serait un « consensus plus fédéral »… je ne comprends pas ce que cela veut dire.
@ Descartes
[En 2022, le trentième anniversaire a été célébré dans la plus grande discrétion, tout comme les vingt ans de l’entrée en vigueur de la monnaie unique. Autrement dit, même les partisans de la construction européenne n’osent plus le revendiquer. ]
Que cela est vrai. Je n’y avais pas pensé d’ailleurs.
[Lorsque Ursula Von der Leyen déclare « je soutiens l’Ukraine », tout le monde sait qu’elle n’a pas le pouvoir d’envoyer le moindre soldat.]
Elle a pourtant réussi à y envoyer des milliards d’euros, après l’avoir décidé unilatéralement il me semble. On remarque que sur l’Ukraine – et la rupture des relations économiques avec la Russie – la “démocratique” UE n’a pas demandé l’avis des citoyens européens.
@ Claustaire
[Je ne vois pas pourquoi, parlant à plusieurs, on aurait moins de voix que parlant tout seul.]
L’Europe, quel numéro de téléphone ? disait Henry Kissinger…
[Si nous avions construit un consensus européen plus cohérent et plus fédéral (et non pas seulement trop exclusivement commercial et concurrentiel), les voix des divers pays se voulant Nation unie européenne ne s’y perdraient éventuellement que pour se faire mieux entendre ensemble.]
Cela devient lassant d’entendre les défenseurs acharnés de l’UE refuser de voir la réalité et nous dire : “Si l’UE ne marche pas, c’est parce qu’il n’y en a pas assez”. On va dans le mur, allons-y plus vite en somme…
@ Bob
[Elle a pourtant réussi à y envoyer des milliards d’euros, après l’avoir décidé unilatéralement il me semble.]
Elle a réussi à envoyer quelques milliards qui étaient des reliquats de certaines lignes budgétaires. Pour le reste, elle a du composer avec le Conseil, et faire des concessions importantes à des pays comme la Hongrie, qui avait le pouvoir de bloquer le processus.
[On remarque que sur l’Ukraine – et la rupture des relations économiques avec la Russie – la “démocratique” UE n’a pas demandé l’avis des citoyens européens.]
Pardon, mais c’est quoi un « citoyen européen » ?
@ Descartes
[Pardon, mais c’est quoi un « citoyen européen » ?]
Il n’existe pas. J’aurais dû écrire “peuples”. A mon sens, participer financièrement comme l’a décidé Von der Leyen (alors même que les économies européennes sont loin d’être florissantes) et aussi par l’envoi d’armes au soutien de l’Ukraine est une question si cruciale et potentiellement lourde de conséquences, à savoir nous entrainer dans la guerre, qu’un large débat publique, voire un référendum, s’imposait pour valider la décision. Je n’ai vu nulle part un tel débat. Pour Macron et Von der Leyen, c’est comme si ce choix allait de soi et ne souffrait aucune remise en cause.
Pis, on dirait que c’est Zelenski qui nous dicte notre soutien (de manière assez similaire avec Netanyahou et les Etats-Unis d’ailleurs). Nous sommes même quasiment sommés d’intégrer l’Ukraine à l’OTAN et à l’UE. Est-ce l’intérêt de l’UE? rien n’est moins sûr.
@ Bob
[« Pardon, mais c’est quoi un « citoyen européen » ? » Il n’existe pas. J’aurais dû écrire “peuples”.]
J’espère que ma remarque ne vous a pas offensé. Mon point est que l’on ne peut se permettre de perdre la bataille du langage. Parler de « citoyen européen », c’est laisser penser qu’il pourrait exister une « cité européenne ». Ce n’est pas le cas : il y a des « habitants européens », mais chacun d’eux est « citoyen » d’une nation – européenne ou extra-européenne d’ailleurs. Il n’y a pas de « citoyenneté européenne », quoi qu’en disent les traités. Tout simplement, parce que je ne peux pas compter sur la solidarité INCONDITIONNELLE des autres européens. On l’a vu lors de la crise grecque, et on le verra lors de la prochaine crise financière qui s’annonce…
[A mon sens, participer financièrement comme l’a décidé Von der Leyen (alors même que les économies européennes sont loin d’être florissantes) et aussi par l’envoi d’armes au soutien de l’Ukraine est une question si cruciale et potentiellement lourde de conséquences, à savoir nous entrainer dans la guerre, qu’un large débat publique, voire un référendum, s’imposait pour valider la décision.]
Bonne remarque. Le fait est que depuis le début de la crise il n’y a jamais eu un débat public ouvert organisé à l’échelle européenne sur les options qui étaient sur la table. L’UE a suivi bêtement les Américains, comme si cela allait de soi. Cela vous montre d’ailleurs à quel point il n’existe pas de « demos » européen, puisqu’il n’y a pas d’enceinte européenne où une question question aussi importante que la paix ou la guerre est débattue par les citoyens et fait l’objet d’une décision.
[Je n’ai vu nulle part un tel débat. Pour Macron et Von der Leyen, c’est comme si ce choix allait de soi et ne souffrait aucune remise en cause.]
Oui, parce que c’est en fait la conséquence logique d’un choix préalable, qui est gravé dans la construction européenne : celui de suivre les Américains en toute chose. Ce dogme, aujourd’hui écrit dans les traités à travers de l’imbrication OTAN/UE ne supporte aucune remise en cause.
[Pis, on dirait que c’est Zelenski qui nous dicte notre soutien (de manière assez similaire avec Netanyahou et les Etats-Unis d’ailleurs). Nous sommes même quasiment sommés d’intégrer l’Ukraine à l’OTAN et à l’UE. Est-ce l’intérêt de l’UE? rien n’est moins sûr.]
Sans vouloir vous offenser, vous capitulez devant le langage communautaire. C’est quoi « l’intérêt de l’UE » ? Comment une collectivité faite du regroupement d’intérêts différents qu’aucune solidarité ne réunit pourrait-elle définir un « intérêt » ?
@ Descartes
[J’espère que ma remarque ne vous a pas offensé. Mon point est que l’on ne peut se permettre de perdre la bataille du langage.]
Au contraire, vous avez ô combien raison de rappeler que le “citoyen européen” n’existe pas. Les mots et expressions sont très importants en effet.
[Sans vouloir vous offenser, vous capitulez devant le langage communautaire. C’est quoi « l’intérêt de l’UE » ? Comment une collectivité faite du regroupement d’intérêts différents qu’aucune solidarité ne réunit pourrait-elle définir un « intérêt » ?]
L’intérêt de ce regroupement serait de tout faire pour ne pas disparaitre en tant que tel, pour maintenir son existence propre.
@ Bob
[« Sans vouloir vous offenser, vous capitulez devant le langage communautaire. C’est quoi « l’intérêt de l’UE » ? Comment une collectivité faite du regroupement d’intérêts différents qu’aucune solidarité ne réunit pourrait-elle définir un « intérêt » ? » L’intérêt de ce regroupement serait de tout faire pour ne pas disparaitre en tant que tel, pour maintenir son existence propre.]
Dans ce cas, il est de « l’intérêt de l’UE » de soutenir l’Ukraine, puisque c’est à cette condition que son existence est intéressante pour les Américains…
C est un peu facile de tout mettre sur le dos de l UE ou l OTAN. Dans la cas israelien, Netanyahou n en fait qu a sa tete et n ecoute meme pas les USA qui sont pourtant son soutient majeur (le jour ou la guerre s arrete il lui faudra rendre des compte et probablement perdre le pouvoir donc ca motive). Que pourrait faire la france ? Nous n avons aucun poids pour les israeliens pas plus que pour le Hamas ou l iran
En ce qui concerne l afrique, c est plutot une bonne nouvelle que nous devions evacuer. Non seulement ca coutera moins cher, mais nous n aurons plus a soutenir ou tenter d inflechir des tyrans corrompus et incompetants. Il faut juste etre coherent et faire comprendre aux habitants de ces pays qu ils doivent maintenant immigrer a Moscou et non a Paris (coup de bol, il y a plein de postes libres dans les usines d armements ou sur le front ou ils pourront tenir compagnie aux nord coreens)
Je souhaite bien du courage aux russes, qui malgre des methodes bien moins droit de l hommiste que nous, se sont deja fait etriller au mali par les rebelles
PS: que les russes aient choisit africa corps comme nom est quand meme pas un bon presage. l Africa Korps a fini par se faire eliminer par les alliés en 1943
@ cdg
[C’est un peu facile de tout mettre sur le dos de l’UE ou l’OTAN. Dans le cas israélien, Netanyahou n’en fait qu’à sa tête et n’écoute même pas les USA qui sont pourtant son soutient majeur]
Ne vous laissez pas berner par ce petit jeu entre Israéliens et Américains. Si les Américains tapaient VRAIMENT sur la table, sanctions à l’appui, les Israéliens s’exécuteraient. Seulement, cela arrange bien les Américains d’avoir l’air de se fâcher tout en laissant faire.
[Que pourrait faire la France ? Nous n’avons aucun poids pour les israéliens pas plus que pour le Hamas ou l’Iran]
Vous voulez dire « que pourrait faire une France indépendante et souveraine » ? Elle pourrait reconnaître l’Etat de Palestine, par exemple. Elle pourrait proposer des sanctions. Elle pourrait proposer aux palestiniens une assistance (y compris militaire, après tout, on ne s’est pas gêné pour aider les israéliens en sous-main à développer une compétence nucléaire). Nous pourrions forcer le blocus de Gaza…
[En ce qui concerne l’Afrique, c’est plutôt une bonne nouvelle que nous devions évacuer. Non seulement ça coutera moins cher, mais nous n’aurons plus à soutenir ou tenter d’infléchir des tyrans corrompus et incompétents.]
Et laisser le contrôle des matières premières et l’accès aux marchés de ces pays aux Chinois, aux Russes et aux Américains. Après tout, pourquoi dépenser de l’argent à protéger nos ressources, puisque nous n’avons plus d’industrie ?
[Il faut juste être cohérent et faire comprendre aux habitants de ces pays qu’ils doivent maintenant immigrer a Moscou et non à Paris]
Et pourquoi donc ? Ce n’est pas parce que les chinois contrôlent les mines au Niger que les nigériens vivront mieux à Moscou qu’à Paris. Les migrants vont là où la vie est plus douce, le fait de savoir quel est le pays qui exerce sa tutelle est irrélevant.
[PS: que les russes aient choisit africa corps comme nom est quand meme pas un bon presage. l Africa Korps a fini par se faire eliminer par les alliés en 1943]
« Africa corps » en anglais est la traduction exacte de « armée d’Afrique ». Y voir un quelconque présage ne me paraît pas très sérieux…
Pourtant il fut un temps où pour être une grande puissance le nombre comptait notamment la démographie. Si non il faut m’expliquer comment la France de la Révolution et Napoléonienne a roulé sur toute l’Europe. N’est ce pas justement à cette époque que La France était première en Europe au niveau de la démographie. Pourquoi ne pas transposé cela à notre époque avec l’UE ?
@ Glarrious
[Pourtant il fut un temps où pour être une grande puissance le nombre comptait notamment la démographie. Si non il faut m’expliquer comment la France de la Révolution et Napoléonienne a roulé sur toute l’Europe. N’est ce pas justement à cette époque que La France était première en Europe au niveau de la démographie. Pourquoi ne pas transposé cela à notre époque avec l’UE ?]
Parce que, justement, les éléments qui liaient la puissance et le nombre ne sont plus d’actualité. A l’époque où la productivité était faible et évoluait lentement, le surplus qui restait une fois satisfaits les besoins essentiels de la population étaient faibles. Pour dégager des surplus permettant de financer les infrastructures, la défense ou la conquête, il n’y avait d’autre moyen que de multiplier la population productive. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas: avec une population double, le PIB de la Russie est de l’ordre de celui de l’Allemagne, et encore, grâce à l’exploitation des ressources naturelles. De la même manière, lorsque les technologies militaires progressaient lentement, la puissance d’une armée était fortement corrélée au nombre. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas: l’armée israélienne peut battre des armées très supérieures en nombre grâce à la supériorité technologique.
Si la taille faisait la puissance, alors la Chine (pour la population) et la Russie (pour la surface) seraient les premières puissances du monde. Ce n’est pas du tout le cas, vous l’aurez remarqué… alors “transposer cela à notre époque avec l’UE”, c’est vouloir revenir un siècle en arrière…
Je veux vous partager un billet qui peux vous intéresser:
–https://cf2r.org/tribune/des-dangers-de-la-diplomatie-de-limprevision/
@ Glarrious
[Je veux vous partager un billet qui peux vous intéresser: (…)]
Merci beaucoup. Le problème est que l’imprévision devient une constante, non seulement de la diplomatie française, mais de la politique en général. Les structures qui pendant longtemps ont fait la force de notre pays par leurs prévisions (Commissariat au Plan, DATAR, services diplomatiques, direction de la prévision au Trésor…) ont non seulement été affaiblis en termes de moyens, mais mis au placard par des politiciens qui préfèrent avoir recours à des cabinets de conseil qui leur disent ce qu’ils veulent entendre. L’imprévision devient la règle. Je n’insisterai pas sur la dérive des comptes publics, avec des ministres “surpris” par un déficit hors de contrôle. Mais il y a des dérives qui étaient prévisibles pour n’importe quel étudiant d’économie et qui pourtant ont “surpris” ces princes qui nous gouvernent.
Le premier est celui de l’inflation. Dans le sillage de la crise du COVID, on a arrosé l’économie d’argent frais et maintenu le pouvoir d’achat, alors que la production baissait. Or, n’importe quel étudiant d’économie sait ce qui se passe quand il y a plus de monnaie en circulation et moins de biens à acheter avec elle: l’ajustement se fait par une augmentation de prix. L’inflation était inévitable – et les lecteurs de ce blog étaient prévenus. Faut croire que nos ministres n’ont pas les bonnes lectures…
Le second est la vague de licenciements qui s’abat sur le pays. Or, c’est parfaitement logique alors qu’on annonce une baisse de la dépense publique. Parce que moins de dépense publique, c’est moins d’allocations, moins de salaires de fonctionnaires, moins de commandes publiques… et donc moins de demande. En plus la tendance des français est d’augmenter leur taux d’épargne devant des difficultés anticipées, ce qui multiplie l’effet récessif.
Dans les deux cas, c’était parfaitement prévisible. Et pourtant…