Et pendant ce temps, à Gaza…

Mes chers lecteurs, je suis obligé de vous l’avouer, j’ai de plus en plus de mal à écrire mes papiers. Non que j’aie moins d’idées, rassurez-vous, j’en ai toujours autant. Mais ce sont de plus en plus des idées noires, et j’ai toujours quelque scrupule à transmettre mon vague à l’âme à mes lecteurs. Comme disent les anglais, il faut rire avec les autres, mais si on veut pleurer, mieux vaut pleurer tout seul.

C’est que le monde, voyez-vous, ne me donne pas beaucoup de sujets de joie. J’aurais par exemple pu écrire un papier humoristique sur l’audition de François Bayrou devant la commission parlementaire sur les violences dans les établissements scolaires. Et puis, je me suis dit, à quoi bon ? Cette audition ne nous a pas appris sur notre premier ministre rien qu’on ne sut déjà. On a pu voir un homme borné, un notable local sans envergure, un personnage incapable de la moindre introspection, de la moindre prise de distance, du moindre doute quant à ses propres choix. Pire : un homme qui, devant une mise en cause, n’a d’autre ressource que de chercher à intimider ses interlocuteurs. Penser qu’aujourd’hui c’est ce genre d’homme qui, en théorie, détermine et conduit la politique de la nation a de quoi déprimer l’optimiste le plus endurci. Et je ne parle même pas d’un président de la République française faisant la « une » des journaux du monde entier pour s’être fait gifler par sa femme à sa descente d’avion lors d’un déplacement international.

Il serait vain d’aller chercher une consolation dans les affaires internationales. Bien entendu, il ne faut pas idéaliser le passé. Le monde post 1945 n’était pas moins brutal que celui dans lequel nous vivons. La guerre froide a vu s’opposer deux blocs, chacun prêt à tout – et je dis bien tout – pour se protéger d’une menace qu’ils considéraient tous deux comme vitale. Mais le profond traumatisme des deux guerres mondiales avait fait naître dans les opinions publiques une exigence d’une autre morale publique. Le « plus jamais ça » a fait de la guerre froide une confrontation éthique autant que militaire, ou chaque bloc, tout en ayant recours aux méthodes les plus brutales, se sentait obligé de maintenir la fiction publique de son adhésion à certaines valeurs. D’un côté comme de l’autre, et sous des formes différentes, on a muselé les opposants, on a emprisonné, on a torturé, on a tué. Mais on ne pouvait pas se permettre de faire apparaître publiquement des actes remettant en cause une forme de morale internationale. Lorsqu’une puissance bombardait, torturait, tuait, il fallait le faire discrètement, ou bien par personne interposée. La théorie de la « plausible deniability » – l’expression apparaît au sein de la CIA dans les années 1950 et sera plus tard utilisée par Henry Kissinger – illustre parfaitement ce point.

Avec la chute du mur, ce système se dérègle. Les principes que le camp occidental proclamait comme sacrés – la souveraineté des nations, l’intangibilité des frontières, l’intégrité des personnes – ont été piétinés publiquement et sans fard. En 1999, plusieurs pays membres de l’OTAN bombardent ouvertement Belgrade, avec le but proclamé de détacher de la Serbie une province historiquement serbe, le Kossovo, et cela en violation flagrante des principes proclamés depuis 1945. En 2001, le « monde libre » regarde sans réagir la création du camp de Guantanamo et les « extraordinary renditions », système dans lequel des personnes sont détenues, emprisonnées, torturées sur simple décision administrative est sans aucune garantie procédurale. En 2003, les troupes américaines envahissent un pays souverain, renversent son gouvernement et établissent un régime proconsulaire, là encore sans se cacher. Aurait-on pu faire pareil dans les années 1960 ?

Et aujourd’hui, on en arrive au pire. Devant nous, à Gaza, a lieu ce qu’il faut bien qualifier, sauf à priver les mots de leur sens, de génocide. Et j’utilise à dessein ce terme qui fait si peur aux politiques, parce que « mal nommer les choses, c’est ajouter au malheur du monde ». Le génocide est défini à l’article 2 du « traité pour la prévention du crime de génocide » de 1949, dont la France est signataire, de la manière suivante : « l’un quelconque des actes ci-après commis dans l’intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux, comme tel :

a) meurtre de membres du groupe ;

b) atteinte grave à l’intégrité physique ou mentale de membres du groupe ;

c) soumission intentionnelle du groupe à des conditions d’existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle ;

d) mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe ;

e) transfert forcé d’enfants du groupe à un autre groupe. »

A Gaza aucun doute n’est permis, tant en ce qui concerne les actes, que l’intention de ceux qui les ordonnent. Les déclarations publiques des dirigeants israéliens ne laissent aucun doute à ce sujet. « Nous lançons maintenant la Nakba de Gaza », proclame Avi Dichter, ministre de l’agriculture. Le vice-président de la Knesset, Nissim Vaturi, appelle à « effacer la bande de Gaza de la surface de la terre ». L’ancien major général de l’armée israélienne, Giora Eiland, déclare que « L’Etat d’Israël n’a pas d’autre choix que de faire de Gaza un lieu où il sera temporairement, ou pour toujours, impossible de vivre ». Le but, on ne s’en cache pas, est le nettoyage ethnique de la bande de Gaza : « Si nous ne voulons pas que nos petits-enfants et les petits-enfants de nos petits-enfants se battent dans Gaza, nous devons suivre la vision de Trump (…). Nous devons être certains que Gaza est vide des Gazaouis. C’est la seule manière pour que nous ne versions pas notre sang pendant des dizaines d’années. ».

Et quelle est la réaction des « grandes démocraties » ? Que fait cette Union européenne, qu’on nous présente comme une « union des valeurs » ? Du bavardage. Chaque jour, on entend ces rodomontades remplies de mots comme « barbare » et « inacceptable ». Mais dès qu’il s’agit des actes, on ne trouve plus rien. Il n’a pas fallu trois mois après l’invasion de l’Ukraine pour que l’Union européenne prenne des sanctions contre la Russie. Il a fallu dix-neuf mois de bombardements, de destructions, de déplacement de populations à Gaza pour que la Commission décide qu’il serait peut-être opportun d’examiner la possibilité de réviser l’accord d’association avec Israël, examen qui à n’en pas douter prendra des années si tant est qu’il aboutisse à quelque chose d’autre qu’une déclaration indignée et des mesures symboliques. Des sanctions ? Vous n’y pensez pas. Certains gouvernements européens – dont le nôtre, honte à nous – ont même cru nécessaire de rassurer Netanyahu sur le fait que sa mise en examen par la CPI ne l’empêcherait pas de leur rendre visite. Un discours d’autant plus choquant qu’il vient des mêmes quartiers qui ont exigé la mise en accusation de Poutine devant la même Cour.

Si l’on veut comprendre le monde d’aujourd’hui, il faut relire « 1984 » de Georges Orwell. Tout s’y trouve : la surveillance des « télécrans », qui se matérialise dans ces réseaux sociaux à qui nous confions volontairement notre intimité ; cette « novlangue » appauvrie qu’est le « globish », de plus en plus présente dans nos échanges ; la réécriture de l’histoire qui fait d’un Bandera un héros de la liberté et de Staline un complice de Hitler ; l’ensemble euro-atlantique qui ressemble de plus en plus à l’Océania orwellienne ; le néo-puritanisme qui prétend bannir la sensualité de nos vies. L’idée qu’on peut être à la fois une « union des valeurs » et laisser piétiner ces mêmes valeurs sans réagir, n’est-ce pas une version moderne du « deux plus deux peuvent faire cinq » ?

La seule chose qu’Orwell n’ait pas anticipée – et elle n’était pas facile à voir dans le monde de 1949, quand il écrit son roman – c’est que pour imposer cette société, point besoin d’un dictateur. Que les matraques et les exécutions n’étaient nullement nécessaires, du moins pas massivement. Que l’évolution naturelle du capitalisme conduisait, par des voies détournées mais terriblement efficaces, à une société de cette nature. Que l’éclatement de la société sous la pression d’une concurrence exacerbée ne peut conduire qu’à la recherche d’un ennemi extérieur, seul élément capable de rétablir une forme d’unité. Que l’incertitude créée par ce type de société ne peut générer en réaction qu’une demande de surveillance, de contrôle. Que cette concurrence pousse à terme à l’abandon de tout ce qui ne contribue pas directement à la performance immédiate. Pourquoi chercher une expression soignée, une langue riche, alors que six-cents mots suffisent pour négocier un contrat ou répondre à un client ?

Notre indifférence – oui, j’ai bien écrit « indifférence » – à la tragédie qui se joue à Gaza témoigne du fait que le processus initié dans les années 1980 avec la révolution néolibérale est arrivé à son aboutissement. L’idéologie progressiste et généreuse qui, à l’est comme à l’ouest, a structuré le monde de l’après 1945, n’est même plus un souvenir. Mais il serait erroné de croire que nous serions revenus au monde d’avant. Ce fameux « retour aux années 1930 » dont on nous rabat les oreilles est une illusion, tout simplement parce que les rapports de production – et ce sont eux qui déterminent en dernière instance les rapports sociaux – ne sont pas du tout les mêmes. Les années 1930, c’est une bourgeoisie à base nationale puissante, des classes intermédiaires faibles, une classe ouvrière organisée et crainte par les classes dominantes. Un siècle plus tard, nous avons une bourgeoisie internationalisée, des classes intermédiaires puissantes, une classe ouvrière marginalisée. En 1930, les populistes étaient l’instrument de la bourgeoisie pour contrer les partis ouvriers. Aujourd’hui, ils sont au contraire perçus comme l’instrument pour les couches populaires de contester le pouvoir du bloc dominant. On n’est donc pas sur un retour en arrière, mais sur une fuite en avant. Cette fuite en avant fait que des choses qui étaient impensables depuis 1945 deviennent à nouveau concevables. Qui aurait pu prévoir en 1945 que l’Etat construit par les survivants de la Shoah serait, quatre-vingt ans après la libération d’Auschwitz, en train de parquer, de bombarder et d’affamer une population civile en attendant de pouvoir la déporter ailleurs, le tout dans l’indifférence générale ?

Difficile de ne pas évoquer à ce propos le naufrage de la « génération morale », celle qui domine la scène intellectuelle dans les années 1980 et 90. Celle qui, par idéalisme quelquefois, par anticommunisme souvent, a accompagné la révolution néolibérale sans se poser des questions. Et qui, avec les meilleures intentions du monde, a pavé la voie des Talibans en Afghanistan, des mollahs en Iran, des cléricaux en Pologne, des admirateurs de Bandera en Ukraine. Il y a bien entendu ceux qui, comme Bernard-Henri Lévy, nient l’évidence. Il y en a d’autres qui sont plus lucides. J’ai à titre personnel la plus grande estime pour des gens comme Elie Barnavi, par exemple. C’est un homme intelligent, cultivé. Aujourd’hui, il exprime une analyse parfaitement lucide de la dérive de la société israélienne. Le problème, c’est que ces dérives ne sont pas le fruit du hasard. Elles sont aussi la conséquence de l’idéalisme de gens qui, comme Barnavi lui-même, alors qu’il était encore temps et qu’ils en avaient les moyens, se sont contentés de bonnes paroles et n’ont pas agi de manière décisive pour protéger le processus d’Oslo. Et ne parlons même pas d’un Finkielkraut, intellectuel que j’admire par ailleurs, mais qui reste prisonnier d’un réflexe communautaire, ce qui l’empêche de voir ce qu’Israël est devenu en réalité et ce qu’il fait sur le terrain, et qui continue à s’autoconvaincre que les dirigeants israéliens – pourtant élus et réélus démocratiquement – ne représentent pas le pays « profond » et que la dénonciation des crimes contre l’humanité commis à Gaza est une manifestation d’antisémitisme.

Difficile aussi de ne pas évoquer ceux qui, à l’inverse, cherchent à exploiter les réflexes communautaristes. D’un côté, et ce sont les mieux installés, ceux qui cherchent du côté de la « communauté juive » à susciter le réflexe de forteresse assiégée en assimilant toute critique de l’Etat d’Israël à l’antisémitisme. Cette technique n’est pas nouvelle, et a toujours compté avec le soutien actif des officines israéliennes ou tout simplement sionistes, qui y voient leur avantage à l’heure d’obtenir un soutien inconditionnel des juifs de la Diaspora, et susciter des vocations d’émigration vers ce qu’on appelle abusivement la terre promise. Elle repose sur une exploitation habile de la culpabilité européenne après la Shoah, et du traumatisme qu’elle fut pour les juifs d’Europe. De l’autre côté, certains à l’extrême gauche, soutenus avec enthousiasme par les milieux islamistes, essayent d’utiliser les horreurs de Gaza pour capter la « communauté musulmane » par identification, en faisant le parallèle abusif entre la souffrance des gazaouis et leur propre situation en France et en exploitant le victimisme qui en résulte. Ces deux discours, il faut bien le comprendre, se renforcent mutuellement : plus les dirigeants français proclameront leur « soutien indéfectible » aux actions de l’Etat d’Israël, et plus leur action – nécessaire – contre l’islamisme politique apparaîtra comme une forme de bombardement de Gaza en miniature. Et à l’inverse, plus les drapeaux palestiniens seront brandis dans les manifestations où ils n’ont rien à faire ou dans l’enceinte de l’Assemblée, et plus la communauté juive donnera crédit aux discours d’une montée de l’antisémitisme. Les politiciens qui s’engagent dans cette voie – souvent à droite pour capter le « vote juif », plutôt à gauche pour capter le « vote musulman » – nous préparent des lendemains qui pleurent. Ils prennent le risque de faire apparaître un « vote communautaire » qui à terme les asservira eux-mêmes à la dynamique du conflit entre communautés.

Finalement, cher lecteur, j’aurais mieux fait d’écrire un article sur l’audition de Bayrou. Parce que Bayrou, aussi désastreux soit-il, est mortel. Dans quelques années, il aura disparu du paysage et ce sera tant mieux pour nous tous. On peut donc, à ce propos, rester optimiste. Tandis que le génocide qui a lieu aujourd’hui à Gaza sera, lui, une tache indélébile sur notre front à tous.

Descartes

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58 réponses à Et pendant ce temps, à Gaza…

  1. CVT dit :

    @Descartes,

    [Tandis que le génocide qui a lieu aujourd’hui à Gaza sera, lui, une tache indélébile sur notre front à tous.]

    désolé, mais je ne partage pas du tout ce fardeau, et ce pour deux raisons.
    La première raison se résume à la question suivante: pourquoi ne pas non plus le porter pour les morts du Kivu au Congo-Kinshasa, la guerre la plus meurtrière du XXIè siècle, et dont tout le monde se fout éperdument? Il est probable que c’est parce qu’à l’instar de Benjamin Netanyahou, ce conflit soit à l’instigation de Paul Kagamé, autre homme-lige des Américains et francophobe enragé…
    D’un point de vue personnel, je n’ai ni plus ni moins d’empathie pour les Congolais que pour les Palestiniens…
     
    La deuxième raison, c’est tout bonnement la résignation: le conflit israélo-palestinien dure depuis plus trois-quarts de siècle, et personne n’a vraiment cherché à faire la paix, sauf en 1993 avec le processus d’Oslo. Malheureusement,  ce dernier a été rapidement mis dans le coma avec l’assassinat en novembre 1995 d’Itzak Rabbin par un Juif  (et non un Palestinien) et définitivement liquidé après la mort de Yasser Arafat en 2004 (mort que certains estime éminemment suspecte…).
    Pour filer une métaphore cinématographique, ce conflit, c’est vraiment “Highlander”: il n’en restera qu’un…
     
    La société israélienne ne souhaite pas vraiment la paix, sinon elle n’aurait pas installé à sa tête des impérialistes comme Netanyahou, qui ont fermé toute possibilité de discussion de paix en marginalisant le Fatah et en soufflant dans les voiles du Hamas, qui est sa créature. Et surtout, les Palestiniens ne sont pas non plus des anges, surtout quand on compile toutes les exactions commises par les réfugiés dans les divers pays arabes qui les ont recueillis depuis 80 ans: ils ont une image désastreuse auprès de leurs “frères arabes”… Qui persiste aujourd’hui avec les razzias manifestions pro-palestiniennes qui tiennent du sac des villes occidentales que des protestations pacifiques et non-violentes à la Gandhi…

    • Descartes dit :

      @ CVT

      [désolé, mais je ne partage pas du tout ce fardeau, et ce pour deux raisons.
      La première raison se résume à la question suivante : pourquoi ne pas non plus le porter pour les morts du Kivu au Congo-Kinshasa, la guerre la plus meurtrière du XXIè siècle, et dont tout le monde se fout éperdument ?]

      Parce que, cela ne vous aura pas échappé, l’Union européenne n’a pas conclu un accord d’association avec l’un des belligérants. Parce qu’aucun dirigeant français n’a proclamé son « soutien indéfectible » à l’un ou à l’autre camp. Parce que les armées occidentales ne participent pas à la protection militaire de l’une des parties au conflit et ne fournissent pas armement et assistance a hauteur de plusieurs dizaines de milliards de dollars. Parce que les pays européens ont pris de sanctions et sont intervenus à différents moments pour essayer de faire cesser le conflit.

      Si Israël ne pouvait pas compter sur le « soutien indéfectible » du monde occidental, ses dirigeants seraient obligés à établir avec leurs voisins des rapports moins hostiles, et donc de faire des concessions. Notre soutien et donc instrumental à la tragédie de Gaza, alors qu’il est pour le moins marginal dans le conflit du Kivu. Je sais bien que ce « nous » est un peu abusif, parce que ni vous ni moi à titre personnel n’avons pris la décision de soutenir inconditionnellement Israël. Mais en tant que citoyen, j’assume jusqu’à un certain point les fautes de mon pays.

      [La deuxième raison, c’est tout bonnement la résignation: le conflit israélo-palestinien dure depuis plus trois-quarts de siècle, et personne n’a vraiment cherché à faire la paix, sauf en 1993 avec le processus d’Oslo. Malheureusement, ce dernier a été rapidement mis dans le coma avec l’assassinat en novembre 1995 d’Itzak Rabbin par un Juif (et non un Palestinien) et définitivement liquidé après la mort de Yasser Arafat en 2004 (mort que certains estime éminemment suspecte…).
      Pour filer une métaphore cinématographique, ce conflit, c’est vraiment “Highlander”: il n’en restera qu’un…]

      Mais si « personne n’a vraiment cherché à faire la paix », c’est aussi parce que la logique occidentale a encouragé la partie la plus puissante, c’est-à-dire, les israéliens, à ne faire aucune concession en les assurant d’une aide massive et, surtout, inconditionnelle. Et cette inconditionnalité saute aux yeux aujourd’hui, puisqu’alors même qu’un génocide est commis à Gaza, personne n’ose imaginer une remise en cause de ce soutien.

      [La société israélienne ne souhaite pas vraiment la paix, sinon elle n’aurait pas installé à sa tête des impérialistes comme Netanyahou, qui ont fermé toute possibilité de discussion de paix en marginalisant le Fatah et en soufflant dans les voiles du Hamas, qui est sa créature.]

      La société israélienne est une société très dysfonctionnelle. Un des problèmes est que l’Etat a été fondé sur deux fictions qui aujourd’hui empêchent de comprendre les problèmes, et donc de les traiter. La première est la fiction « d’une terre sans peuple pour un peuple sans terre », qui empêche de comprendre que la construction d’Israël s’est faite sur la négation des droits d’un peuple déjà installé dans la région. La seconde est celle d’un « peuple juif » qui n’a jamais existé. Déjà dans les temps bibliques, les juifs ont été divisés entre eux, et depuis le début de la Diaspora il y a eu une divergence considérable entre les juifs d’Europe occidentale, ceux d’Europe orientale, ceux de l’Afrique du nord, ceux du Levant, sans compter avec les communautés iraniennes ou somaliennes. Remettre tout ce monde ensemble crée des tensions qu’Israël n’arrive à gérer que grâce à l’existence d’un ennemi commun. Faites la paix avec les palestiniens, et vous aurez la guerre civile entre israéliens.

      [Et surtout, les Palestiniens ne sont pas non plus des anges, surtout quand on compile toutes les exactions commises par les réfugiés dans les divers pays arabes qui les ont recueillis depuis 80 ans: ils ont une image désastreuse auprès de leurs “frères arabes”…]

      Oui, mais souvent pour de mauvaises raisons. Par exemple, parce que les palestiniens sont nettement moins pratiquants que leurs « frères arabes », et beaucoup plus modernes en termes politiques, ce qui les a conduit souvent à contester les monarchies théocratiques…

      Cela étant dit, je suis d’accord sur le fait qu’il n’y a pas de saints en politique. Mais les Israéliens, avec la bénédiction des occidentaux – avec de rares et honorables exceptions, dont la France – se sont évertués à affaiblir les mouvements les plus progressistes, les plus laïques, les plus ouverts, pour privilégier les mouvements islamistes et rétrogrades comme le Hamas.

  2. samuel dit :

     [j’ai toujours quelque scrupule à transmettre mon vague à l’âme à mes lecteurs]
     
    Oh non ! Continuez à écrire, même des billets déprimés. Ils ne sont pas si déprimants que cela, car ils sont écrits avec coeur et discernement. A une époque où les textes écrits avec ces qualités sont si rares, c’est vraiment réconfortant de vous lire. 

  3. Sami dit :

    J’ai à peine commencé à lire votre article, et j’ai arrêté pour une urgence : NON, n’arrêtez surtout pas de nous écrire vos analyses, qu’il vente, qu’il pleuve, ou qu’il fasse beau. N’arrêtez pas. Contre vents et marrées !Vous êtes un des rares endroits où on apprend vraiment à mieux comprendre les choses politiques. On peut être d’accord (souvent) ou pas (ça arrive) avec vous, mais toujours, on apprend ! Et ça, ça n’a pas de prix. Dans un monde où le débat politique atteint des fonds abyssaux (terrifiants !), vous n’avez pas le droit d’arrêter, tant que vos doigts peuvent taper sur un clavier. C’est de votre faute : vous nous avez rendu addicts à ces moments d’aération, d’oxygénation, de désintoxication, de saine réflexion… du coup, vous n’avez plus le droit de nous laisser tomber ! Je dirais même plus : c’est quand la tempête rugit, quand le monde avance sur une ligne de crête incroyablement dangereuse (la plus dangereuse depuis la 2eme GM), qu’il faut plus que jamais essayer de comprendre, de s’élever…
    Bon, maintenant que j’ai poussé mon cri, je continue ma lecture…

  4. Gérard Georges dit :

    Bien vu, mais encore un effort.
    Vous n’incluez-pas le tout pour le tout planétaire
    des assesseurs du prophète.

    • Descartes dit :

      @ Gérard Georges

      [Vous n’incluez-pas le tout pour le tout planétaire des assesseurs du prophète.]

      Quel rapport ? A Gaza, un génocide est en cours. Et le monde occidental, qui n’arrête pas de parler de “valeurs”, ne fait rien – quand il ne soutient pas les génocides. C’est là le problème qu’il me semblait important de traiter. Et dans cette question, “le tout planétaire des assesseurs du prophète” n’a guère d’importance.

  5. MJJB dit :

    Merci. C’est pour de tels textes que je lis votre blog avec assiduité…
     
    Après une telle lecture, tout commentaire semble vain et superflu. Je préfère donc changer de sujet. Peut-être est-ce une forme de lâcheté ?…
     
    Que pensez-vous de ceci :
     
    [Jacques Delors, [lors d’une] entrevue avec Craig Stapleton [ambassadeur des Etats-Unis en France de 2005 à 2009] en décembre 2005, [a dit que] “le peuple français est à la fois traumatisé par son rôle réduit dans le monde et arrogant quant à sa vocation et sa capacité uniques à apporter des valeurs positives au monde. La combinaison de ce traumatisme et de cette arrogance, a-t-il dit, est à l’origine d’une schizophrénie toxique. Il a notamment fustigé, en les qualifiant de dangereux, ceux qui “sont tentés d’exalter l’importance de la France sur la scène mondiale”.]
     
    Mais après tout, peut-être y a-t-il un lien (ténu) entre les obscénités de feu M. Delors et la situation à Gaza : toute l’action de nos classes dirigeantes tend (consciemment ou non ; M. Delors relevait de toute évidence de la première catégorie) à dissoudre la France, coûte que coûte, dans un ensemble “euro-atlantique”. Or, en raisons de ses contradictions internes absolument insurmontables, un tel ensemble ne pourra qu’être voué, comme “Océania”, à considérer le reste du monde comme un ennemi, avec lequel les seules relations possibles seront de nature exclusivement guerrières. Et Israël en fait partie, de cet ensemble “euro-atlantique” ; pour reprendre la métaphore de Josep Borrell, il s’agit d’un poste avancé du “jardin” au beau milieu de la “jungle”…

    • Descartes dit :

      @ MJJB

      [Que pensez-vous de ceci : (…)]

      Je pense que les télégrammes en question ne font que confirmer ce qu’on savait déjà. D’abord, il faut être très naïf pour imaginer que les ambassades étrangères ne font pas de politique. Bien entendu, les résultats des élections ne leur sont pas indifférents, et elles cherchent par tous les moyens à leur portée de peser sur les équilibres politiques locaux. Pour cela, tous les moyens sont bons : on peut financer des politiciens « amis », mettre sur la place publique des informations compromettantes obtenues par des moyens que la morale réprouve, et même, cela s’est vu, soudoyer des juges ou des militaires. Et il n’y a là rien de condamnable : après tout, les diplomates sont payés pour servir les intérêts de leur pays. Difficile de leur reprocher de faire exactement cela…

      Il faut être aussi très naïf pour s’imaginer que les politiciens n’essayent pas de profiter de cette situation. La méthode qui consiste à séduire un interlocuteur en lui disant ce qu’il veut entendre n’est pas seulement efficace avec les électeurs, elle marche aussi avec les diplomates étrangers. Il est donc assez logique que les dirigeants politiques français de tous bords aillent chercher le soutien de l’ambassade américaine – ou de n’importe quelle autre – en expliquant que toute leur action sera bien plus favorable aux intérêts de leur interlocuteur que celle de leurs concurrents. Là aussi, on n’est pas obligé de croire à la sincérité de telles déclarations.

      Celle de Delors, par contre, est plus intéressante parce qu’elle est le fait non d’un politicien cherchant des soutiens, mais d’un politicien en fin de carrière qui n’a plus rien à gagner et plus rien à perdre, et qui reflète donc plus probablement sa pensée. Mais là encore, rien de bien nouveau : la volonté de la « deuxième gauche » de diluer la France dans l’Europe est connue au moins depuis la fin des années 1980.

      [Mais après tout, peut-être y a-t-il un lien (ténu) entre les obscénités de feu M. Delors et la situation à Gaza : toute l’action de nos classes dirigeantes tend (consciemment ou non ; M. Delors relevait de toute évidence de la première catégorie) à dissoudre la France, coûte que coûte, dans un ensemble “euro-atlantique”. Or, en raisons de ses contradictions internes absolument insurmontables, un tel ensemble ne pourra qu’être voué, comme “Océania”, à considérer le reste du monde comme un ennemi, avec lequel les seules relations possibles seront de nature exclusivement guerrières.]

      Vous manquez, je pense, le point fondamental de l’argumentation d’Orwell. La question n’est pas que « l’Océania » euro-atlantique soit considéré par le reste du monde comme un ennemi. La question est que l’ensemble en question, de par ses contradictions internes, a BESOIN d’avoir des rapports hostiles avec le reste du monde, parce que seule l’existence d’un ennemi extérieur permet de maintenir son unité et d’obtenir le consentement des populations à leur dépossession. C’est pourquoi les dirigeants européens ont poussé l’Ukraine à la guerre, puis ont utilisé cyniquement le conflit pour « faire avancer la construction européenne ». Exactement comme Big Brother utilise le conflit entre Océania et ses voisins pour justifier son régime.

  6. Paul dit :

    Cher Descartes,
    Merci pour cet article. On se sent moins seul, c’est important même si ça ne rajoute pas à notre pouvoir de changer les choses.
    Est-ce que l’humanité peut supporter longtemps de tels drames, de telles impasses ? 
    Je partage bien de vos références, de Barnavi à Finkielkraut, je constate avec vous le drame de leur impuissance à se décaler d’un destin imaginaire. 
    1984 était une dystopie. Peut-on vraiment penser qu’il n’y aurait pas de limite à l’évolution “naturelle” du capitalisme ? L’humanité ne saurait-elle plus rétablir de la Loi ? J’ose l’espérer, même si je ne sais pas encore comment.

    • Descartes dit :

      @ Paul

      [Est-ce que l’humanité peut supporter longtemps de tels drames, de telles impasses ?]

      Oui, très longtemps. Indéfiniment, en fait. Il suffit de ne pas regarder, ou comme le font certains de nos intellectuels, de nier que cela existe.

      [Je partage bien de vos références, de Barnavi à Finkielkraut, je constate avec vous le drame de leur impuissance à se décaler d’un destin imaginaire.]

      Et ils sont nombreux. Combien de nos intellectuels, combien de nos hommes politiques se sont contentés de répéter « il faut une solution à deux états » alors même que les Israéliens faisaient tout ce qu’il faut pour qu’une telle solution devienne impossible sans que personne ne bouge le petit doigt ?

      [1984 était une dystopie. Peut-on vraiment penser qu’il n’y aurait pas de limite à l’évolution “naturelle” du capitalisme ?]

      Non, si l’on croit Marx. Mais le moins qu’on puisse dire, c’est qu’on ne voit pas cette limite à l’horizon. Est-ce un effet de notre propre myopie, ou est-ce parce qu’elle est encore très loin ? Très difficile à dire…

  7. Bob dit :

    @ Descartes
     
    [Dans quelques années, il aura disparu du paysage et ce sera tant mieux pour nous tous.]
     
    Bayrou, tout comme Macron. Car si les deux sont médiocres, le 2e aura fait beaucoup plus de mal à notre pays.
     
    [Qui aurait pu prévoir en 1945 que l’Etat construit par les survivants de la Shoah serait, quatre-vingt ans après la libération d’Auschwitz, en train de parquer, de bombarder et d’affamer une population civile en attendant de pouvoir la déporter ailleurs, le tout dans l’indifférence générale ?]
     
    Vertigineux en effet.
     
    [Tandis que le génocide qui a lieu aujourd’hui à Gaza sera, lui, une tache indélébile sur notre front à tous.]
     
    Dans une certaine mesure, oui. Je ferais cependant une distinction entre les Etats-Unis qui arment, et continuent à le faire malgré le génocide indéniable, Israël depuis toujours, et le reste du monde “occidental”, condamnable pour inaction et pour sa lâcheté. Sans le soutien américain, il y a belle lurette que l’action destructrice d’Israël aurait été limitée, voire annihilée.
     
    L’ONU dans tout cela ? Son impuissance montre sa totale inutilité.

    • Descartes dit :

      @ Bob

      [Bayrou, tout comme Macron. Car si les deux sont médiocres, le 2e aura fait beaucoup plus de mal à notre pays.]

      Oui, mais il ne faudrait pas exagérer : Macron n’est pas tombé du ciel pour changer radicalement les politiques mises en œuvre. Il se place dans la continuité de François Hollande, et plus généralement, des gouvernements – et tout particulièrement des gouvernements socialistes – qui se sont succédés depuis les années 1970. En fait, Macron n’a pas inventé grande chose : il s’est contenté de continuer ce que ses prédécesseurs avaient commencé, dans un contexte qui lui permettait de faire ce que ses prédécesseurs avaient rêvé, mais n’avaient pas pu mettre en œuvre.

      [« Tandis que le génocide qui a lieu aujourd’hui à Gaza sera, lui, une tache indélébile sur notre front à tous. » Dans une certaine mesure, oui. Je ferais cependant une distinction entre les Etats-Unis qui arment, et continuent à le faire malgré le génocide indéniable, Israël depuis toujours, et le reste du monde “occidental”, condamnable pour inaction et pour sa lâcheté. Sans le soutien américain, il y a belle lurette que l’action destructrice d’Israël aurait été limitée, voire annihilée.]

      Vous vous souvenez de ce texte « complice est pire qu’auteur, parce que l’auteur a eu au moins le courage de le faire… »

      [L’ONU dans tout cela ? Son impuissance montre sa totale inutilité.]

      Je ne suis pas d’accord. On ne peut pas jeter un tournevis au motif qu’il ne fait pas le travail d’une pince. L’ONU n’a pas et ne peut pas avoir le pouvoir d’arrêter ou d’empêcher les conflits, surtout lorsque le conflit engage l’une des grandes puissances. Ses fondateurs l’avaient d’ailleurs très bien compris, et c’est pourquoi les puissances ont, au Conseil de sécurité, un droit de véto qui matérialise une réalité pragmatique : une résolution qui ne compte pas avec le soutien unanime des grandes puissances n’a aucune chance d’être mise en œuvre sur le terrain.

      L’ONU est un forum d’échanges entre états, une institution qui, à travers ses agences, peut aider à réduire les conséquences d’un conflit ou soutenir les efforts des parties pour y mettre fin. Mais c’est tout. On ne peut conclure qu’elle est « inutile » parce qu’elle ne peut faire que ce pourquoi elle a été créée.

  8. Carloman dit :

    Bonsoir,
     
    Merci pour cet article. Je pense également que l’histoire sera très sévère avec nous pour n’avoir pas su retenir le bras d’Israël.
     
    Par contre, je me pose une question: que se passe-t-il dans le monde arabo-musulman? On se souvient des grandes manifestations à l’époque des caricatures du prophète. Et là, on a l’impression que les opinions publiques arabes sont un peu moins véhémentes, et on ne parle pas là de dessins blasphématoires réalisés dans un lointain pays occidental, mais de frères massacrés et affamés au Proche-Orient même… C’est tout de même étrange cette apparente apathie.
     
    Les sociétés arabes sont-elles lasses? Nous savons bien que le panarabisme, de tendance laïque et socialisant, est en perte de vitesse, mais on avait l’impression que l’islamisme, particulièrement celui des Frères musulmans, avait pris le relais en terme d’idéologie “transnationale” susceptible de constituer un ciment pour le monde arabo-musulman.
     
    Je pense pour ma part que les relations entre Israël et ses voisins ne sont pas si mauvaises que vous le dites. En fait, j’ai même l’impression que bon nombre de pays arabes sont prêts au “deal” suivant: abandonner les Palestiniens en échange d’une normalisation des relations avec Israël.

    • Descartes dit :

      @ Carloman

      [Par contre, je me pose une question: que se passe-t-il dans le monde arabo-musulman? On se souvient des grandes manifestations à l’époque des caricatures du prophète. Et là, on a l’impression que les opinions publiques arabes sont un peu moins véhémentes, et on ne parle pas là de dessins blasphématoires réalisés dans un lointain pays occidental, mais de frères massacrés et affamés au Proche-Orient même… C’est tout de même étrange cette apparente apathie.]

      Oui et non. D’abord, il ne faut pas oublier que les régimes arabes sont des régimes dictatoriaux, et que la « rue » ne s’exprime de façon visible que lorsque le pouvoir local le permet. Or, les pouvoirs locaux ont compris qu’on prend des risques très importants à affronter Israël, parce que cela amène potentiellement à un conflit avec les Etats-Unis. Avec la fin du monde bipolaire, les marges de manœuvre qui permettaient par exemple aux régimes baasistes de maintenir une position intransigeante vis-à-vis d’Israël n’existent plus. Las Américains exercent une pression énorme sur les régimes arabes pour qu’ils « normalisent » leurs relations avec Israël – voir par exemple les accords d’Abraham – et sanctionnent lourdement ceux qui s’y refusent. On comprend que dans ce contexte les régimes arabes évitent de donner la parole à la rue. Seul l’Iran, pour des raisons historiques, peut se permettre de maintenir une position pro-palestinienne, et encore, avec une certaine prudence. Et là, vous voyez des manifestations de masse comme au bon vieux temps…

      [Les sociétés arabes sont-elles lasses ? Nous savons bien que le panarabisme, de tendance laïque et socialisant, est en perte de vitesse, mais on avait l’impression que l’islamisme, particulièrement celui des Frères musulmans, avait pris le relais en termes d’idéologie “transnationale” susceptible de constituer un ciment pour le monde arabo-musulman.]

      C’est probablement le cas. Mais le panarabisme était, ne l’oubliez pas, une idéologie officielle, soutenue de près ou de loin par beaucoup de dirigeants du monde arabe. L’islamisme, et tout particulièrement celui des Frères Musulmans, est au contraire un mouvement clandestin reprimé dans pratiquement l’ensemble du moyen orient. De là que les expressions publiques que nous pouvons percevoir en occident soient très différentes…

      [Je pense pour ma part que les relations entre Israël et ses voisins ne sont pas si mauvaises que vous le dites. En fait, j’ai même l’impression que bon nombre de pays arabes sont prêts au “deal” suivant: abandonner les Palestiniens en échange d’une normalisation des relations avec Israël.]

      Le « deal » est plutôt l’abandon des palestiniens en échange de l’appui – ou du moins, de la non-hostilité – américaine. Ce qui, vous me l’accorderez, est nettement plus intéressant pour des régimes qui ont des problèmes de stabilité interne et qui ont en mémoire le sort de Saddam Hussein… mais quand je parlais de « voisins », je pensais surtout aux Palestiniens !

  9. maleyss dit :

    A votre avis, quel est le véritable rôle du Hamas, dant tout cela ? Lorsqu’ils ont déclenché le pogrom du 7 octobre, ils savaient pertinemment qu’Israël, n’étant pas la France, ne répliquerait pas à coups de bougies, de nounours, et en chantant “Imagine”. Quel but poursuivaient-ils, c’est ce que je ne comprends pas.
    Par ailleurs, vous vous laissez un peu trop entraîner par votre tropisme habituel :
    [la réécriture de l’histoire qui fait (…) de Staline un complice de Hitler]
    Nooon ! Les gens sont méchants, quand même ! Ils vont finir par répandre la  fiction d’un pacte Molotov-Ribbentrop !
    [a pavé la voie des Talibans en Afghanistan, des mollahs en Iran, des cléricaux en Pologne]
    Vous ne seriez pas en train de pousser Mémé dans les orties, avec cette comparaison ?
     

    • Descartes dit :

      @ maleyss

      [A votre avis, quel est le véritable rôle du Hamas, dans tout cela ? Lorsqu’ils ont déclenché le pogrom (…)]

      Le mot « pogrom », utilisé couramment par la propagande israélienne, est ici impropre. Le mot « pogrom » désigne des émeutes antisémites qui avaient lieu dans l’empire russe – mais aussi en Europe centrale. Ces émeutes étaient rendues possibles par la passivité des autorités, voire par leur encouragement puisqu’elles permettaient de désigner le juif comme bouc émissaire. Par ailleurs, si l’on prend la définition retenue par Raoul Hilberg, peut-être le plus grand historien de la question juive en Europe, un pogrom est « une brève explosion de violence d’une communauté contre un groupe juif qui vit au milieu d’elle-même ». Rien à voir donc avec les évènements du 7 octobre 2023, qui sont un « massacre », mais certainement pas un « pogrom ».

      [(…) du 7 octobre, ils savaient pertinemment qu’Israël, n’étant pas la France, ne répliquerait pas à coups de bougies, de nounours, et en chantant “Imagine”. Quel but poursuivaient-ils, c’est ce que je ne comprends pas.]

      Il y a plusieurs versions. Celle qui me semble la plus vraisemblable, c’est qu’il s’agissait au départ d’une opération militaire audacieuse mais visant essentiellement les militaires israéliens, et qui du fait de l’impréparation de l’armée israélienne, des fautes des services de renseignement et d’un excès de confiance dans l’étanchéité du dispositif enfermant la bande de Gaza, est devenu un massacre de civils. Quant au but du Hamas, l’explication la plus vraisemblable se trouve probablement dans la manière dont la question palestinienne avait quitté le devant de la scène. La politique américaine de « normalisation » des relations entre Israël et le monde arabe avaient fait disparaître la question palestinienne de l’agenda, l’ensemble des acteurs étant finalement ravis de voir gérer la question par Israël à bas bruit. Une action d’éclat était nécessaire pour remettre la question palestinienne sous les projecteurs. Peut-être que le Hamais ait voulu pousser Israël à la faute… mais je ne suis pas confortable avec cette hypothèse : d’une part elle implique de la part du Hamas une disposition au sacrifice remarquable, et de l’autre une capacité de calcul politique qui l’est tout autant.

      [Par ailleurs, vous vous laissez un peu trop entraîner par votre tropisme habituel : [la réécriture de l’histoire qui fait (…) de Staline un complice de Hitler] Nooon ! Les gens sont méchants, quand même ! Ils vont finir par répandre la fiction d’un pacte Molotov-Ribbentrop !]

      J’attire votre attention sur un certain nombre de points. D’abord, le pacte Molotov-Ribbentrop porte un titre révélateur : « pacte de non agression ». On est donc loin d’une « complicité », et encore plus d’une « alliance ».

      Ensuite, l’URSS n’est pas le seul pays ayant signé de tels accords. Si Staline était le « complice de Hitler », Pilsudski devait lui aussi être sur la liste. Un traité similaire avait été conclu entre la Pologne et l’Allemagne le 26 juin 1934. Ce sont ces rapports cordiaux avec l’Allemagne qui a permis à la Pologne de participer au dépècement de la Tchécoslovaquie, qui lui a rapporté la région de Teschen. Pourtant, curieusement, les historiens révisionnistes évitent soigneusement de faire mention de ce précédent. Peut-être parce que ce précédent pourrait entacher le mythe de la Pologne « nation martyr » ?

      Enfin, il faut rappeler le contexte. L’URSS avait à l’époque une crainte amplement justifiée, celle d’une alliance entre l’Allemagne, la France et la Grande Bretagne dans une grande croisade antibolchévique. Elle cherchait donc des alliances, et dans cette recherche elle avait donné la priorité à une puissance historiquement alliée, la France. C’est dans cette logique qu’est signé le traité franco-soviétique « d’assistance mutuelle » du 2 mai 1935. Mais c’est pour les soviétiques une grande déception : le protocole militaire qui doit l’accompagner n’est jamais signé, devant l’opposition de la droite mais aussi des militaires, et l’indifférence des socialistes. Les négociations s’éternisent devant la mauvaise volonté française. En parallèle, l’URSS négocie avec l’Allemagne qui, elle, montre une disponibilité bien plus grande. Jusqu’à la dernière minute, comme le raconte si bien Crémieux-Brilhac, les soviétiques négocient en parallèle mais sont prêts à donner la priorité à la France. Mais le gouvernement français n’arrive pas à se décider, alors que les Allemands sont prêts à signer. Et Staline tranche finalement entre le « tiens » allemand et le « tu l’auras » français. Dans ces conditions, parler de « complicité » me paraît, pour le moins abusif. Si le pacte fut un traumatisme, c’est en partie d’ailleurs parce que les partisans de l’alliance antibolchévique – comme Laval – ont eu le sentiment de s’être faits doubler…

      [« a pavé la voie des Talibans en Afghanistan, des mollahs en Iran, des cléricaux en Pologne » Vous ne seriez pas en train de pousser Mémé dans les orties, avec cette comparaison ?]

      Absolument pas. Je ne fais aucune comparaison, je ne fais que rappeler un fait. Contesteriez-vous le fait que l’action de ces intellectuels a pavé la voie d’un retour du cléricalisme en Pologne ? Le fait que vous voyez là une « comparaison » montre que vous n’avez pas la conscience tranquille…

      • Carloman dit :

        @ Descartes,
         
        [Le mot « pogrom », utilisé couramment par la propagande israélienne, est ici impropre. Le mot « pogrom » désigne des émeutes antisémites qui avaient lieu dans l’empire russe – mais aussi en Europe centrale. Ces émeutes étaient rendues possibles par la passivité des autorités, voire par leur encouragement puisqu’elles permettaient de désigner le juif comme bouc émissaire. […] Rien à voir donc avec les évènements du 7 octobre 2023, qui sont un « massacre », mais certainement pas un « pogrom ».]
        N’y voyez nulle flagornerie, mais permettez-moi de vous remercier franchement pour ce paragraphe. Cette expression de “pogrom” a été utilisée à plusieurs reprises sans que personne – ou pas grand-monde – ne daigne s’interroger sur sa pertinence. Or un pogrom est une agression visant les juifs en tant que minorité, souvent discriminée et peu ou mal intégrée. Or, en Israël, les juifs ne sont pas une minorité, on ne peut pas dire qu’ils ne sont pas intégrés à la société, et ils ne sont pas discriminés. Il se murmure même que ce sont les non-juifs qui sont considérés comme des citoyens de seconde zone par l’Etat hébreu… Mais c’est un autre problème.
         
        Je dois vous avouer que j’ai été très déçu – et même peiné – de la réaction d’Alain Finkielkraut dans cette affaire. Que, dans les jours qui ont suivi le 7 octobre, Finkielkraut ait été submergé par l’émotion, et qu’il se soit laissé aller à employer le mot “pogrom”, je le comprends tout à fait. Je le comprends parce que nous ne sommes que des hommes, et parce qu’Alain Finkielkraut a une histoire personnelle, familiale, qui le rend très sensible à toute violence dirigée contre une population juive. Mais la grandeur de l’intellectuel, du véritable intellectuel, c’est d’être capable, une fois l’émotion passée, de laisser la raison reprendre ses droits, de réfléchir “à froid” sur la situation et de reconnaître éventuellement ses erreurs et ses approximations. Or Alain Finkielkraut a été incapable de mener ce travail et, je suis désolé, mais à mes yeux, il a de fait perdu sa stature de figure intellectuelle respectable. Parce que finalement, sur ce sujet, Finkielkraut montre le même aveuglement et le même militantisme borné qu’il reproche à longueur de temps aux “wokes”. Dans ces conditions, sa parole est disqualifiée. J’ajoute que c’est précisément sur ce genre de question qu’on mesure la réelle valeur intellectuelle d’un penseur. Force est de constater que Finkielkraut ne parvient pas à porter un regard critique sur une forme de réflexe communautaire qui le pousse à épouser la cause israélienne avec un manque de discernement qui, le temps passant, est de plus en plus difficile à excuser.
         
        A titre personnel, je ne suis pas hostile à l’existence de l’Etat d’Israël (même si je pense que c’était une erreur et que le génie juif s’exprime davantage dans la diaspora), et je suis très islamophobe. Pour autant, je ne peux que constater que l’Etat hébreu commet des crimes de guerre – cela est une certitude -, des crimes contre l’humanité – c’est aujourd’hui plus que probable – et peut-être en effet un génocide. Et je ne peux pas applaudir à cela. De la même façon que je trouve intolérable la manière dont les colons chassent de leurs terres des Palestiniens en Cisjordanie, depuis des années, au vu et au su de tout le monde – il y a des reportages sans fard, j’en avais vu un réalisé par France 24, qui pourtant n’est pas une chaîne antisémite ou antisioniste. Bien sûr je ne peux pas me comparer à un Palestinien, mais je peux imaginer le sentiment d’injustice, de tristesse et de colère que ressentent ces gens du fait de la dépossession qui leur est imposée. L’une des pires choses qu’on puisse imposer à une population, c’est d’une part la priver de sa terre ancestrale, et d’autre part lui donner le sentiment qu’elle devient étrangère voire indésirable sur la terre de ses aïeux.  
         
        [Parce que, pour qu’il y ait « génocide » au sens de la convention, il faut qu’il y ait une « intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux, comme tel ».]
        Je dois avouer que je suis très mal à l’aise avec cette définition de génocide. “Détruire en totalité”, c’est clair. Qu’est-ce qu’on entend par “détruire en partie” en groupe? S’agit-il d’une partie du groupe résidant sur un territoire défini (qui n’engloberait pas l’ensemble de l’espace où vit ce groupe)? Est-ce que tout massacre en temps de guerre, dirigé contre un groupe en particulier (c’est souvent le cas), ne peut être assimilé à un génocide? La Saint-Barthélémy fut-elle un “génocide” des protestants? Lorsque les Ottomans en 1822 organisent les massacres de Chios (peut-être 20 000 morts et plus de 40 000 Grecs vendus comme esclaves) pour empêcher les habitants de l’île de se rallier aux insurgés de Grèce continentale, s’agit-il d’un génocide?
         
        Plus près de nous, à Srebrenica pendant la guerre de Bosnie, l’accusation de “génocide” a été retenue contre les Serbes, qui ont effectivement effectué là un massacre de masse. Mais la plupart des femmes et des jeunes enfants avaient été évacués vers les lignes bosniaques, et les Serbes ont tué principalement des hommes et des garçons de plus de 15 ans. Bien sûr, massacrer sommairement des gens désarmés est un crime de guerre. Mais un “génocide”? L’objectif était certainement de chasser les Bosniaques musulmans de la région, dans le cadre d’une opération de nettoyage ethnique. Mais “détruire tout ou partie” d’un groupe (ici ethnico-religieux), cela me paraît plus discutable. Et si l’on considère que toute opération de nettoyage ethnique relève d’une forme de génocide, alors comment qualifier ce qui est arrivé à la minorité serbe de Croatie, dont une bonne part a été expulsée au lendemain de la “reconquête” croate des régions majoritairement peuplées de Serbes? 
         
        D’ailleurs, on ne souligne pas à mon sens les parallèles existant entre Serbes de Croatie et russophones du Donbass: en 1990, les Serbes de Croatie, craignant d’être marginalisés dans une Croatie devenue indépendante et gouvernée par des nationalistes dont certains ne rechignent pas à se réclamer des Oustachis de sinistre mémoire, font sécession et proclament la République serbe de Krajina. Vingt-cinq ans après, les russophones du Donbass, craignant d’être marginalisés par un pouvoir ukrainien de plus en plus nationaliste et de plus en plus enclin à revendiquer la filiation de Bandera et de l’UPA (d’aussi sinistre mémoire que Pavelic et les Oustachis), décident de faire sécession. Serbes de Croatie et russophones du Donbass sont deux populations, reliquat des anciens états fédéraux communistes de l’est (Yougoslavie et URSS), et qui peinent à trouver leur place dans la nouvelle organisation géopolitique d’Europe de l’est. A noter que dans les deux cas, les puissances occidentales ont soutenu les héritiers des mouvements collaborationnistes de la Seconde Guerre Mondiale…
         
        Mais je m’égare, excusez-moi pour cette digression. Tout ça pour dire que les “méchants” (Serbes, Russes, etc) sont presque toujours accusés de génocide, de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité, alors que les “gentils” (Croates, Albanais du Kosovo, Ukrainiens, Israéliens,… et je ne parle pas des Américains) jamais. Pourtant, à y regarder de plus près, les crimes des seconds sont-ils vraiment moins horribles que ceux commis par les premiers? 
         
        C’est pourquoi, au-delà des faits, je me méfie un peu de toute cette terminologie. L’accusation de génocide est parfois bien commode. Je retiens qu’Israël aujourd’hui adopte une politique criminelle. Pour paraphraser la chanson de Jean Ferrat: “on vit Gaza rouge de sang, crier dans un monde immobile”…  

        • Descartes dit :

          @ Carloman

          [Je dois vous avouer que j’ai été très déçu – et même peiné – de la réaction d’Alain Finkielkraut dans cette affaire. (…)]

          Moi aussi, mais je suis un peu plus bienveillant que vous. Je pense que son expérience personnelle, familiale, l’empêchent d’avoir un jugement détaché sur cette affaire. Cela ne diminue en rien sa stature dans les autres domaines de la pensée qu’il a pu travailler, et à ce titre il reste pour moi une figure éminemment respectable. Simplement, il faut admettre qu’il est humain, et en tant que tel, limité. Et l’une de ses limites, c’est la question d’Israël et plus généralement, du judaïsme. Si ma mémoire ne me trompe pas il l’admet d’ailleurs lui-même dans un entretien à la radio.

          [A titre personnel, je ne suis pas hostile à l’existence de l’Etat d’Israël (même si je pense que c’était une erreur et que le génie juif s’exprime davantage dans la diaspora), et je suis très islamophobe.]

          Je partage votre position quant à l’Etat d’Israël. La spécificité de la culture juive était celle de la Diaspora, c’est-à-dire celle d’une communauté qui était à la fois ouverte sur la culture majoritaire des pays où elle était installée, tout en conservant farouchement une weltanschauung qui lui était propre. Cette exceptionnalité a été rendu possible parce qu’il s’agit d’une communauté dont l’assimilation n’a pas été empêchée par des contraintes internes, mais par des contraintes externes. Les juifs en France rêvaient de devenir des Français comme les autres, les juifs en Allemagne rêvaient de devenir Allemands comme les autres. Et chacun a rejoint l’armée de son pays quand cela leur a été demandé. Mais la population majoritaire a persisté à les considérer comme « différents »…

          Mais en dehors de cela, il n’y a rien de spécial à être juif. Donnez-leur un Etat où ils seront majoritaires, et ils se comporteront exactement comme les autres hommes. Ce qu’on appelle la « culture juive » – il faudrait d’ailleurs utiliser le pluriel – et intimement lié au fait minoritaire.

          [Je dois avouer que je suis très mal à l’aise avec cette définition de génocide. “Détruire en totalité”, c’est clair. Qu’est-ce qu’on entend par “détruire en partie” en groupe ? S’agit-il d’une partie du groupe résidant sur un territoire défini (qui n’engloberait pas l’ensemble de l’espace où vit ce groupe) ? Est-ce que tout massacre en temps de guerre, dirigé contre un groupe en particulier (c’est souvent le cas), ne peut être assimilé à un génocide ?]

          Non. Encore une fois, il faut l’élément subjectif : la volonté de détruire ce groupe.

          [La Saint-Barthélémy fut-elle un “génocide” des protestants ?]

          Il faut se méfier des anachronismes. Le génocide, dans sa définition moderne, n’existe que depuis le procès de Nuremberg. J’ai une certaine méfiance pour les revendications de reconnaissance de « génocides » ou de « crimes contre l’humanité » avant cette date. Mais pour répondre à votre question, je ne me souviens pas que les instigateurs de la Saint-Barthélémy aient eu comme but l’extermination des protestants. Leur but était politique : réduire l’influence que le parti protestant avait pris sur les affaires de l’Etat.

          [Plus près de nous, à Srebrenica pendant la guerre de Bosnie, l’accusation de “génocide” a été retenue contre les Serbes, qui ont effectivement effectué là un massacre de masse. Mais la plupart des femmes et des jeunes enfants avaient été évacués vers les lignes bosniaques, et les Serbes ont tué principalement des hommes et des garçons de plus de 15 ans. Bien sûr, massacrer sommairement des gens désarmés est un crime de guerre. Mais un “génocide”? L’objectif était certainement de chasser les Bosniaques musulmans de la région, dans le cadre d’une opération de nettoyage ethnique.]

          C’est je pense ce dernier point qui en fait un « génocide », dans la mesure où l’on peut soutenir que le fait de déplacer par la force un peuple en le coupant de ses racines territoriales est une forme de « destruction ». Mais comme toute infraction pénale, la définition du « génocide » est soumise jusqu’à un certain point à l’interprétation du juge.

          [D’ailleurs, on ne souligne pas à mon sens les parallèles existant entre Serbes de Croatie et russophones du Donbass: en 1990, les Serbes de Croatie, craignant d’être marginalisés dans une Croatie devenue indépendante et gouvernée par des nationalistes dont certains ne rechignent pas à se réclamer des Oustachis de sinistre mémoire, font sécession et proclament la République serbe de Krajina. Vingt-cinq ans après, les russophones du Donbass, craignant d’être marginalisés par un pouvoir ukrainien de plus en plus nationaliste et de plus en plus enclin à revendiquer la filiation de Bandera et de l’UPA (d’aussi sinistre mémoire que Pavelic et les Oustachis), décident de faire sécession. Serbes de Croatie et russophones du Donbass sont deux populations, reliquat des anciens états fédéraux communistes de l’est (Yougoslavie et URSS), et qui peinent à trouver leur place dans la nouvelle organisation géopolitique d’Europe de l’est. A noter que dans les deux cas, les puissances occidentales ont soutenu les héritiers des mouvements collaborationnistes de la Seconde Guerre Mondiale…]

          Excellente remarque.

          [C’est pourquoi, au-delà des faits, je me méfie un peu de toute cette terminologie. L’accusation de génocide est parfois bien commode. Je retiens qu’Israël aujourd’hui adopte une politique criminelle.]

          Oui, mais si vous voulez vous en tenir au droit – et c’est ce que j’ai essayé de faire, parce qu’il faut mettre cette « Europe du droit » devant ses contradictions – il ne suffit pas de parler de « politique criminelle », il faut nommer le crime.

          [Pour paraphraser la chanson de Jean Ferrat: “on vit Gaza rouge de sang, crier dans un monde immobile”…]

          Que n’avons-nous aujourd’hui des poètes comme lui pour mettre des mots sur ce qui arrive… !

      • Louis dit :

        Enfin, il faut rappeler le contexte. L’URSS avait à l’époque une crainte amplement justifiée, celle d’une alliance entre l’Allemagne, la France et la Grande Bretagne dans une grande croisade antibolchévique. Elle cherchait donc des alliances, et dans cette recherche elle avait donné la priorité à une puissance historiquement alliée, la France. C’est dans cette logique qu’est signé le traité franco-soviétique « d’assistance mutuelle » du 2 mai 1935. Mais c’est pour les soviétiques une grande déception : le protocole militaire qui doit l’accompagner n’est jamais signé, devant l’opposition de la droite mais aussi des militaires, et l’indifférence des socialistes. Les négociations s’éternisent devant la mauvaise volonté française. En parallèle, l’URSS négocie avec l’Allemagne qui, elle, montre une disponibilité bien plus grande. Jusqu’à la dernière minute, comme le raconte si bien Crémieux-Brilhac, les soviétiques négocient en parallèle mais sont prêts à donner la priorité à la France. Mais le gouvernement français n’arrive pas à se décider, alors que les Allemands sont prêts à signer. Et Staline tranche finalement entre le « tiens » allemand et le « tu l’auras » français. Dans ces conditions, parler de « complicité » me paraît, pour le moins abusif. Si le pacte fut un traumatisme, c’est en partie d’ailleurs parce que les partisans de l’alliance antibolchévique – comme Laval – ont eu le sentiment de s’être faits doubler…

        Si vous me permettez de renchérir… Le contexte nous est encore moins favorable, en vérité. Non seulement, le traité de 1935 est virtuellement nul depuis la mort de Barthou et son remplacement par Laval, mais chaque année qui nous sépare du pacte germano-soviétique donnera de nouvelles raisons à l’Union soviétique de ne plus y voir qu’un piège.
         
        En 1936, nous rapporte Duroselle, la non-intervention est votée à la demande de l’Italie, par crainte de la guerre pour certains, mais aussi dans l’espoir, pour d’autres, que l’intervention russe déclenche les hostilités à l’est. C’est un échec.
         
        En 1937, c’est une campagne médiatique qui est lancée pour faire des Ukrainiens les victimes de l’Union soviétique, que leurs frères allemands devraient aller délivrer. C’est un échec.
         
        En 1938, Benes est entretenu dans l’idée que la France et la Grande-Bretagne interviendrait, afin de pousser l’Union soviétique à intervenir contre l’Allemagne, comme elle le réclamait. Seulement, le pacte germano-polonais lui interdisait le passage vers l’Allemagne ; l’Union soviétique réclamait que la France et la Grande-Bretagne fissent pression sur la Pologne pour que le passage des troupes ne fut pas traité comme une invasion, qui eût permis à l’Allemagne de soutenir la Pologne contre l’Union soviétique. Les protestations à l’égard de Benes étaient autant d’incitations à l’égard de l’Union soviétique, qu’on entretenait mensongèrement de manoeuvres diplomatiques à l’égard de la Pologne, sur le mode “t’inquiète, vas-y, ça le fera”, en espérant que le conflit éclate à l’est. Ce fut un échec.
         
        (Notons au passage que Ryti, en Finlande, sera victime de la même manoeuvre : soutenu jusqu’au bout puis lâché en rase campagne, dans l’espoir cette fois-ci que ce soit l’Allemagne qui se tourne contre l’Union soviétique.)
         
        En 1939, c’est au tour de la Pologne de subir le même sort. Seulement, cette fois-ci, l’Union soviétique n’a plus l’intention de risquer de se faire rouler dans la farine par des alliés qui, non seulement manquent de bonne fois, mais encore ont tenté tous les ans de provoquer une guerre à ses dépens, en comptant sur les forces de la puissance que l’alliance de revers devait justement contenir. 
         
        Pardon, mais si ce n’avait pas été d’affreux bolchéviques au couteaux entre les dents, qui songerait à ne pas reconnaître le bien fondé d’une telle politique ? A tout prendre, nous avons hélas tout fait pour susciter la défiance de celle qui aurait dû nous soutenir – et elle le réclamait depuis une demi-douzaine d’années -, et qui le fera objectivement malgré nous, en son heure. 
         
        Le pacte germano-soviétique aura été désastreux pour nous, c’est entendu ; mais ce désastre aurait été entièrement évité si nous n’avions pas tout fait pour le provoquer. L’anticommunisme, en accouplant un pacifisme stupide à l’égard de l’Allemagne, et des velléités guerrières à l’égard de l’Union soviétique, enfanta d’un rejeton qui le mordit au berceau. 

        • Descartes dit :

          @ Louis

          [Le pacte germano-soviétique aura été désastreux pour nous, c’est entendu ; mais ce désastre aurait été entièrement évité si nous n’avions pas tout fait pour le provoquer. L’anticommunisme, en accouplant un pacifisme stupide à l’égard de l’Allemagne, et des velléités guerrières à l’égard de l’Union soviétique, enfanta d’un rejeton qui le mordit au berceau.]

          Merci de votre mise au point historique. Etant déjà catalogué par certains commentateurs comme “pro-russe”, je n’aurais pas osé aller autant dans les détails… Et oui, le désastre aurait pu être évité si la France n’avait pas été aveuglée par la combinaison de l’anticommunisme de la droite et des socialistes et le pacifisme de la gauche. Mais il y a un troisième paramètre qu’il ne faut pas oublier, et c’est le poids de la “petite France”, ce provincialisme paresseux que Marc Bloch a si bien dépeint, et qui empêchait de prendre conscience de l’échelle des évènements. Laval et son “alliance italienne” représentent très bien ce courant.

      • maleyss dit :

        Comment ça, “pas la conscience tranquille” ? Là, vous êtes en pleine bouffée délirante ! Si vraiment vous mettez sur le même plan les mollahs, les Talibans et les braves curés polaks, là, vraiment, je ne peux rien pour vous.

        • Descartes dit :

          @ maleyss

          [Comment ça, “pas la conscience tranquille” ? Là, vous êtes en pleine bouffée délirante ! Si vraiment vous mettez sur le même plan les mollahs, les Talibans et les braves curés polaks, là, vraiment, je ne peux rien pour vous.]

          Pardon, mais c’est vous, et non pas moi, qui “les met sur le même plan”. Moi, je me suis contenté de dire que certains bienpensants avaient “pavé la voie des Talibans en Afghanistan, des mollahs en Iran, des cléricaux en Pologne”. C’est là un fait historique vérifiable, et rien dans ma formule n’indique une “mise sur le même plan” des trois catégories. Le fait que vous voyez une comparaison là où il n’y a qu’une simple énumération me semble très révélateur…

  10. Cording1 dit :

    Vous avez bien eu raison d’éviter de commenter l’audition de Bayrou qui n’est jamais qu’un médiocre politicien de la génération de Mélenchon 1951; il serait temps qu’ils prennent leurs retraites. Je n’écoute plus cette classe dirigeante tant elle est consternante de médiocrité. Elle est légale mais illégitime parce qu’elle a bafoué le vote populaire du 29 mai 2005. Illégitime parce qu’elle n’a pas de vrai consentement populaire, seulement par défaut. 
    Quant à la définition de génocide elle me parait si extensive qu’on peut se demander s’il n’y a pas une guerre sans génocide. En Ukraine les Russes ne commettent-ils pas un génocide ? On se focalise sur cette dernière et celle à Gaza mais les Occidentaux passent sous silence tout ce qui se passe dans l’est de la RDC depuis plus de 20 ans où il ne faut rien dire parce que Paul Kagamé joue sur notre culpabilité du génocide des Tutsis au Rwanda en 1994. 
    Pour en revenir à la guerre à Gaza le Hamas devait savoir que l’actuel gouvernement israélien, son double inversé, procéderait à des représailles disproportionnés pour détruire sa créature par le niais de l’argent du Qatar qui a fortifié la tutelle du Hamas sur Gaz de manière totalitaire en éliminant physiquement tout autre mouvement palestinien. La cause palestinienne mérite mieux qu’une telle représentation. Le pogrom du 7 octobre 2023 a donné au gouvernement israélien une survie inespérée dans la mesure où son chef était l’objet de poursuites judiciaires. Le Hamas est la traduction régionale des Frères musulmans interdits dans maints pays arabes. La paix ne peut que passer par la disparition du gouvernement Netanyahou et la neutralisation du Hamas. 
    En ce qui nous concerne, nous européens, nous sommes en train de vivre une période d’après-après guerre froide. Nous aurions du avoir la dislocation de l’Otan comme l’URSS a dissous le Pacte de Varsovie mais l’ubris et la routine européenne ne n’ont pas permis. Nous nous sommes crus plus malins, intelligents à ne pas écouter la Russie lorsqu’elle disait quelque chose. Avec la guerre en Ukraine les Ukrainiens, bercés de tant d’illusions, en paient le plus fort, et en ce moment la Russie mène et gagne, lentement mais sûrement et inexorablement, la guerre d’attrition à l’Ukraine non pas seulement sur le front militaire mais aussi sur tout l’arrière du pays largement bombardé par des missiles russes détruisant toutes les infrastructures civiles et militaires et même les usines et lieux d’entrainement et casernement d’ukrainiens mais aussi d’experts et mercenaires étrangers.  Dans ces conditions où les USA se désengagent ou presque et où les Européens quoiqu’ils en disent ne peuvent pas les remplacer  la paix ne peut avoir lieu qu’aux conditions russes ce que le gouvernement Zelensky se refuse absolument ce qui ne fait qu’aggraver leur situation.  

    • Descartes dit :

      @ Cording1

      [Quant à la définition de génocide elle me parait si extensive qu’on peut se demander s’il n’y a pas une guerre sans génocide. En Ukraine les Russes ne commettent-ils pas un génocide ? On se focalise sur cette dernière et celle à Gaza mais les Occidentaux passent sous silence tout ce qui se passe dans l’est de la RDC depuis plus de 20 ans où il ne faut rien dire parce que Paul Kagamé joue sur notre culpabilité du génocide des Tutsis au Rwanda en 1994.]

      La définition de « génocide » donnée par la convention n’est pas aussi extensive que vous le dites. Si l’élément objectif est présent dans beaucoup de guerres (en particulier celui prévu par le premier alinéa de l’article 2, à savoir, « meurtre de membres du groupe »), l’élément subjectif est lui, presque toujours, absent. Parce que, pour qu’il y ait « génocide » au sens de la convention, il faut qu’il y ait une « intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux, comme tel ». Les russes tuent certainement beaucoup d’ukrainiens, mais difficile de l’attribuer à une intention d’exterminer les ukrainiens en tant que groupe national, ethnique, racial ou religieux. Je ne connais pas bien le conflit du Kivu, mais il me semble que le but des belligérants est de s’approprier les richesses de la région, et non de « détruire » tel ou tel groupe.

      [Pour en revenir à la guerre à Gaza le Hamas devait savoir que l’actuel gouvernement israélien, son double inversé, procéderait à des représailles disproportionnés pour détruire sa créature par le biais de l’argent du Qatar qui a fortifié la tutelle du Hamas sur Gaza de manière totalitaire en éliminant physiquement tout autre mouvement palestinien.]

      Je ne sais pas. Il y a ceux qui pensent que le 7 octobre n’est que la n-ième opération montée par le Hamas, que l’objectif était d’infliger des pertes à l’armée israélienne et démontrer la capacité du Hamas à sortir des frontières de Gaza, et que c’est l’impréparation des israéliens qui a transformé ce qui devait être une opération militaire somme toute banale en massacre de civils. D’autres pensent au contraire qu’il s’agissait d’une opération terroriste visant à pousser les israéliens à la faute, en suscitant des représailles disproportionnées qui remettraient la question palestinienne – qu’on avait tendance à mettre sous le tapis depuis quelques années – sous le feu des projecteurs et ferait reculer la politique américaine de « normalisation » des relations entre Israël et ses voisins. Je ne connais pas la situation assez bien pour trancher entre ces deux versions – sans compter les versions intermédiaires.

      [La cause palestinienne mérite mieux qu’une telle représentation. Le pogrom du 7 octobre 2023 a donné au gouvernement israélien une survie inespérée dans la mesure où son chef était l’objet de poursuites judiciaires. Le Hamas est la traduction régionale des Frères musulmans interdits dans maints pays arabes. La paix ne peut que passer par la disparition du gouvernement Netanyahou et la neutralisation du Hamas.]

      Certes. Mais « la difficulté fut d’attacher le grelot », comme disait La Fontaine (« le conseil tenu par les rats »). Je vous trouve d’ailleurs très optimiste de penser que le problème se réduit à faire disparaître un gouvernement ici, un mouvement politique là. Le problème est qu’un long conflit a radicalisé non seulement les gouvernements, mais les peuples dont ils sont issus. La destruction de Gaza rencontre un soutien très important dans la population israélienne, tout comme le massacre du 7 octobre (le mot « pogrom » est à mon sens impropre, et relève de l’amalgame, puisque ce qui rendait le « pogrom » possible était la bienveillance des autorités, ce qui n’est de toute évidence pas le cas ici) n’a pas choqué l’opinion palestinienne.

      [En ce qui nous concerne, nous européens, nous sommes en train de vivre une période d’après-après guerre froide. Nous aurions du avoir la dislocation de l’Otan comme l’URSS a dissous le Pacte de Varsovie mais l’hubris et la routine européenne ne n’ont pas permis. Nous nous sommes crus plus malins, intelligents à ne pas écouter la Russie lorsqu’elle disait quelque chose.]

      Tout à fait. Les Américains ont vu dans la fin de la guerre froide une « victoire » qui leur permettait d’imposer leur domination sur le reste du monde, et ses alliés européens ont vu dans cette situation une opportunité de profiter de la domination américaine. Dans les années qui ont suivi, le bloc occidental a piétiné tous les sages principes qu’il avait sacralisé pendant la guerre froide. Pourquoi les respecter, puisqu’il n’y avait plus personne pour leur mettre des limites ?

  11. Roman dit :

    Bonjour Descartes,
     
     Une fois n’est pas coutume, je me trouve en profond désaccord avec votre grille de lecture qui tend à faire peser sur nos épaules le poids moral de conflits extérieurs dont nous ne sommes ni les instigateurs ni les acteurs décisifs. On voudrait nous faire croire que la France – et, par extension, l’Occident tout entier – porterait une responsabilité collective dans ce qui se joue là-bas, au Proche-Orient. Mais cette vision culpabilisante procède d’un amalgame.
    La vérité, c’est que nous n’avons aucun interlocuteur fiable ou légitime si, par un impossible élan de solidarité armée, nous souhaitions soutenir militairement les Palestiniens. Quel État ? Quelle force politique crédible et unifiée ? Le paysage palestinien est morcelé, parasité par des factions antagonistes dont certaines défient ouvertement les normes du droit international.
    À moins d’envisager une intervention armée directe contre Israël – hypothèse évidemment absurde– il faut se résoudre à cette évidence : la France est impuissante sur le terrain militaire. Toute prétention à “agir” concrètement relève donc du théâtre diplomatique ou de la posture idéologique. Or notre capacité à agir sur le plan diplomatique est très réduite car nous ne sommes pas des interlocuteurs privilégiés des israéliens. 
     
    Vous semblez rejoindre la gauche mélenchoniste qui se plaît à vouer la France aux gémonies, comme si elle était le complice silencieux d’un prétendu ordre mondial inique, qui essentialise “l’Occident” en un bloc monolithique et oublie commodément que nous ne sommes ni les États-Unis ni Israël. Je trouve injuste de de projeter sur notre pays des fautes qui ne sont pas les siennes, au nom d’un universalisme inversé qui vire à l’auto-flagellation.
     
     

    • Descartes dit :

      @ Roman

      [Une fois n’est pas coutume, je me trouve en profond désaccord avec votre grille de lecture qui tend à faire peser sur nos épaules le poids moral de conflits extérieurs dont nous ne sommes ni les instigateurs ni les acteurs décisifs. On voudrait nous faire croire que la France – et, par extension, l’Occident tout entier – porterait une responsabilité collective dans ce qui se joue là-bas, au Proche-Orient. Mais cette vision culpabilisante procède d’un amalgame.]

      Pardon, mais « la France et l’accident tout entier » ont leur part de responsabilité dans la situation au Proche-Orient. Pour commencer, il ne vous aura pas échappé que la création même de l’Etat d’Israël n’a été possible que grâce au soutien actif des puissances occidentales. Ce sont elles qui ont décidé que les palestiniens paieraient le prix de la solution de la « question juive ». Ensuite, c’est le « soutien indéfectible » des puissances occidentales en général et des Etats-Unis en particulier qui ont permis à Israël de refuser toute concession qui aurait permis la formation d’un Etat palestinien. Et aujourd’hui, c’est la passivité de l’occident qui permet à Israël de conduire un génocide. A un moment donné, il faut que ces choses soient dites : on est autant responsable par ses actions que par ses omissions. Comparez les mesures prises contre la Russie dans le conflit ukrainien, et celles prises contre Israël dans les vingt dernières années.

      [La vérité, c’est que nous n’avons aucun interlocuteur fiable ou légitime si, par un impossible élan de solidarité armée, nous souhaitions soutenir militairement les Palestiniens.]

      Exact. Les gouvernements israéliens successifs ont tout fait d’ailleurs pour qu’on arrive à cette situation. Parce qu’il ne faudrait pas oublier qu’on avait un tel interlocuteur pendant des années : c’était l’OLP de Yasser Arafat. Mais nous avons un interlocuteur légitime lorsqu’il s’agit d’empêcher un génocide. Il ne s’agit pas de « soutenir militairement les Palestiniens », mais de faire pression sur l’Etat d’Israël.

      [Quel État ? Quelle force politique crédible et unifiée ? Le paysage palestinien est morcelé, parasité par des factions antagonistes dont certaines défient ouvertement les normes du droit international.
      À moins d’envisager une intervention armée directe contre Israël – hypothèse évidemment absurde – (…)]

      Pourquoi « évidement absurde » ? On a bombardé Belgrade, on a envahi l’Irak… en quoi serait-il impossible d’envisager une opération contre Israël ?

      [(…) il faut se résoudre à cette évidence : la France est impuissante sur le terrain militaire. Toute prétention à “agir” concrètement relève donc du théâtre diplomatique ou de la posture idéologique.]

      Vous semblez oublier qu’entre le « théâtre diplomatique » et l’intervention militaire il reste un levier très puissant : les sanctions économiques. Israël est un petit pays, totalement dépendant des échanges commerciaux avec l’étranger.

      [Vous semblez rejoindre la gauche mélenchoniste qui se plaît à vouer la France aux gémonies, comme si elle était le complice silencieux d’un prétendu ordre mondial inique, qui essentialise “l’Occident” en un bloc monolithique et oublie commodément que nous ne sommes ni les États-Unis ni Israël. Je trouve injuste de de projeter sur notre pays des fautes qui ne sont pas les siennes, au nom d’un universalisme inversé qui vire à l’auto-flagellation.]

      La référence à la « gauche mélenchoniste » relève de la pure amalgame. Ce n’est pas parce que Mélenchon dit qu’il fait jour à midi que je vais dire le contraire. Quant au « monolithisme » du bloc occidental, votre remarque aurait été pertinente du temps de mongénéral. Mais si vous prenez les vingt dernières années, vous aurez du mal à trouver un seul exemple où la France, au-delà des discours, n’ait pas suivi le troupeau. Les velléités de Macron de garder un canal diplomatique ouvert avec Poutine n’ont duré que quelques jours. Et finalement, il ne s’agit pas de projeter sur notre pays des fautes qui ne sont pas les siennes, mais de noter les fautes qui ont effectivement été commises, et d’abord par omission. Est-ce que la France a proposé à l’Union européenne des sanctions économiques contre Israël ? Non. Est-ce qu’elle a pris elle-même de telles sanctions ? Non. Ce sont là des faits. Et si vous voulez un acte positif, est-ce que le ministre des affaires étrangères a rassuré Netanyahu quant à l’application qui pourrait être faite de la décision de la CPI de le mettre en examen ? Oui.

  12. Simon dit :

    Cher Descartes,
    Merci pour ce billet.
     
    Je ne suis pas d’accord avec l’usage du terme “génocide”, qui a à la fois un sens juridique, que vous rappelez, et un sens commun. Au sens commun, c’est une politique d’extermination, avec comme exemple la Shoah, le génocide des Roms, le génocide arménien. Et il n’y a pas de politique d’extermination de la part d’Israël : s’ils avaient voulu tuer 10, 20 ou 50% de la population à Gaza, cela n’aurait pas été très difficile pour eux de le faire. Par contre, il y a bien des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité, dont un nettoyage ethnique planifié et assumé.
     
    Sur la position visible de la communauté juive en France, le lecteur du Figaro que je suis ne manque de s’étrangler de rage en voyant les éditorialistes se comporter comme une cinquième colonne pro-Israël (le plus caricatural étant Me Goldnadel) et les commentateurs comme une sixième colonne. J’ai l’impression que ce qui rend Israël si détestable, ce n’est pas l’ampleur de ses crimes (dans la moyenne régionale récente, la prison de Saidnaya étant le point haut), c’est leur mélange d’insolence, d’impudence, d’arrogance mêlée à une déploration de leurs malheurs sur le ton d’un rom gare de l’Est. Le meilleur exemple étant que dans les médias, la vie d’un israélien vaut à peu près celle de 30 palestiniens, chacun valant environ 10 soudanais. Et Israël et ses soutiens expliquent que c’est scandaleux qu’un palestinien vaille plus qu’un soudanais, tout en disant qu’on ne parle pas assez des otages. Honnêtement, si je ne connaissais pas personnellement des juifs tout à fait sympathiques, je pense que cela m’aurait rendu complètement antisémite.
    Hélas, vous avez raison sur le fait que notre crédibilité, notamment sur les valeurs, est morte. Et que si une bonne partie de la planète se fiche des palestiniens, elle constate aussi que nous nous fichons de nos valeurs dès qu’il s’agit d’Israël.
    Je ne suis pas sûr que l’Union Européenne cherche à ses créer des ennemis. J’ai plutôt l’impression que nos dirigeants naviguent à vue, sans perspective de long terme (c’est des anciens consultants, qui ont probablement un horizon de 6 mois au mieux), en suivant docilement leurs conseillers en communication (et donc twitter et reddit comptent plus que nos intérêts) et leur maître américain (sur l’Ukraine, sous Biden, la position française était la position US avec quelques jours de retard). Est-ce qu’ils se sont demandés “à quoi ressemblerait un accord avec la Russie, favorable à la paix et à nos intérêts”? 
    Sur le pacte germano-soviétique, j’ai l’impression que vous jouez sur les mots. Ce qui est reproché à l’URSS, ce n’est pas le pacte de non-agression, c’est les clauses secrètes avec l’annexion partielle ou entière des pays voisins. Tous les pays avaient des pactes de non-agression, effectivement. Seule l’URSS avait un pacte de partage de l’Europe (enfin, jusqu’à Yalta).
    Quant à la stratégie et au but du Hamas, je ne le comprends toujours pas, l’hypothèse d’une opération ayant dérapée étant plausible (la base de Reïm étant une des cibles principales, avec un nombre de morts élevés et une page wikipédia d’une discrétion absolue), peut-être qu’ils ont sous-estimé la volonté israélienne de vengeance et se sont dit “dans une guérilla urbaine, nous aurons un avantage car ils ne peuvent pas raser tous les immeubles”. Même l’Orient le Jour n’a pas d’explication claire sur les buts du Hamas dans l’opération (je peux essayer de résumer les articles sur le sujet si cela intéresse), alors qu’ils sont généralement excellent dans l’analyse politique régionale.
    Bien cordialement,
     

    • Descartes dit :

      @ Simon

      [Au sens commun, c’est une politique d’extermination, avec comme exemple la Shoah, le génocide des Roms, le génocide arménien.]

      Même au sens commun du terme, la question se discute. On parle de « génocide des indiens d’Amérique » par les conquistadors espagnols ou par les colons venus aux Etats-Unis. Pourtant, dans un cas comme dans l’autre il n’y avait pas une volonté de supprimer des peuples entiers. Il s’agissait simplement de leur prendre les terres fertiles ou leur or, et accessoirement de mettre à distance des voisins agressifs… en quoi l’action d’Israël en Cisjordanie ou à Gaza est fondamentalement différente ?

      [Et il n’y a pas de politique d’extermination de la part d’Israël : s’ils avaient voulu tuer 10, 20 ou 50% de la population à Gaza, cela n’aurait pas été très difficile pour eux de le faire. Par contre, il y a bien des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité, dont un nettoyage ethnique planifié et assumé.]

      Pardon, mais l’extermination n’est pas moins extermination pour être lente, et on n’est pas très loin des 10% de la population de Gaza tuée (je vous rappelle que les chiffres publiés ne comportent que les morts identifiés, décédés de suite des opérations militaires, et ne comptent pas les victimes du manque de soins, d’eau ou de nourriture, pas plus que ceux morts de leurs blessures au-delà d’un certain délai. Mais encore une fois, ce qui caractérise le génocide est moins l’acte objectif que l’intention subjective. Et les déclarations des dirigeants israéliens laissent peu de doute à ce sujet.

      [Sur la position visible de la communauté juive en France, le lecteur du Figaro que je suis ne manque de s’étrangler de rage en voyant les éditorialistes se comporter comme une cinquième colonne pro-Israël (le plus caricatural étant Me Goldnadel) et les commentateurs comme une sixième colonne.]

      Il ne faut jamais oublier que la « position visible de la communauté juive en France » ne reflète en rien la position des juifs français, qui ne constituent en rien une « communauté » – il n’y a qu’à voir ce que ashkénazes et sefarades pensent les uns des autres… La très grande majorité des juifs français – dont je suis – est constituée de juifs assimilés qui n’ont guère de vie communautaire, ne vont à la synagogue que pour les mariages et les enterrements – et encore. Parmi eux, même la circoncision, un des plus anciens commandements de la religion juive, et devenue relativement rare. Ceux qui conservent une vie religieuse et communautaire, c’est souvent les moins assimilés, et comme ce sont eux qui constituent les institutions dites « représentatives », c’est leur voix qu’on entend. Mais cette voix ne représente qu’eux. Et comme beaucoup de ces institutions sont noyautées par les services israéliens… vous voyez la suite.

      [Hélas, vous avez raison sur le fait que notre crédibilité, notamment sur les valeurs, est morte. Et que si une bonne partie de la planète se fiche des palestiniens, elle constate aussi que nous nous fichons de nos valeurs dès qu’il s’agit d’Israël.]

      Oui, et le problème est que le fait qu’on se fiche de nos valeurs dès qu’il s’agit d’Israël fait penser que les « valeurs » en question ne sont que des prétextes dont on use quand cela nous arrange et qu’on oublie dès qu’ils ne nous arrangent plus.

      [Je ne suis pas sûr que l’Union Européenne cherche à ses créer des ennemis. J’ai plutôt l’impression que nos dirigeants naviguent à vue, sans perspective de long terme (c’est des anciens consultants, qui ont probablement un horizon de 6 mois au mieux), en suivant docilement leurs conseillers en communication (et donc twitter et reddit comptent plus que nos intérêts) et leur maître américain (sur l’Ukraine, sous Biden, la position française était la position US avec quelques jours de retard). Est-ce qu’ils se sont demandés “à quoi ressemblerait un accord avec la Russie, favorable à la paix et à nos intérêts”?]

      Tout à fait d’accord. Comme disent les Anglais, il ne faut pas confondre léthargie et stratégie. La politique de l’Union européenne – mais aussi celle des dirigeants politiques nationaux des Etats membres – est la politique du chien crevé au fil de l’eau. Ils sont tellement devenus incapables de penser en dehors du cadre familier qu’ils découvrent aujourd’hui ce que tout le monde savait depuis longtemps, à savoir, que l’Europe n’est plus au cœur des préoccupations américaines, et qu’il va peut être falloir se passer du « tuteur » américain. Et parce que la communication est devenu l’âme de la politique, l’UE mais aussi les gouvernements nationaux sont devenus une usine à fabriquer des déclarations, mais n’agit jamais.

      [Sur le pacte germano-soviétique, j’ai l’impression que vous jouez sur les mots. Ce qui est reproché à l’URSS, ce n’est pas le pacte de non-agression, c’est les clauses secrètes avec l’annexion partielle ou entière des pays voisins. Tous les pays avaient des pactes de non-agression, effectivement. Seule l’URSS avait un pacte de partage de l’Europe (enfin, jusqu’à Yalta).]

      D’abord, tous les pactes de non-agression ont abouti à des « annexions partielles ou entières des pays voisins ». Le cas de la Pologne est d’ailleurs intéressant : le pacte de non-agression avec l’Allemagne lui permet, lors du dépècement de la Tchécoslovaquie, d’annexer la région de Teschen. Curieusement, personne ne semble considérer que cette annexion jette une ombre sur l’histoire polonaise… pourquoi, à votre avis ?

      Maintenant, revenons au pacte germano-soviétique. Les territoires annexés en application des clauses secrètes du traité n’étaient pas « ceux d’un pays voisin », mais des territoires que la Pologne avait occupé suite à la guerre russo-polonaise de 1920-21 et « l’opération Kiev » qui aboutira à la paix de Riga, par laquelle la Russie soviétique perd d’importants territoires. La prétention de l’URSS a récupérer ces territoires n’était pas plus illégitime que celle des Polonais à les conserver.

      [Quant à la stratégie et au but du Hamas, je ne le comprends toujours pas, l’hypothèse d’une opération ayant dérapée étant plausible (la base de Reïm étant une des cibles principales, avec un nombre de morts élevés et une page wikipédia d’une discrétion absolue), peut-être qu’ils ont sous-estimé la volonté israélienne de vengeance et se sont dit “dans une guérilla urbaine, nous aurons un avantage car ils ne peuvent pas raser tous les immeubles”. Même l’Orient le Jour n’a pas d’explication claire sur les buts du Hamas dans l’opération (je peux essayer de résumer les articles sur le sujet si cela intéresse), alors qu’ils sont généralement excellent dans l’analyse politique régionale.]

      On le saura peut-être quand les armes se seront tues. Ou peut-être pas, compte tenu du manque de documentation sur le fonctionnement du Hamas. On sera vraisemblablement réduit à des hypothèses. Pour moi, celle d’une opération au départ limitée et qui est devenu de grande ampleur du fait de l’impréparation israélienne est la plus vraisemblable. Celle d’un Hamas poussant Israël à la faute est aussi plausible, compte tenu de la logique martyrologique des mouvements comme le Hamas.

  13. Simon dit :

    Désolé pour la mise en forme de mon commentaire précédent, j’aurais dû sauter des lignes.
     
    Un point à ajouter : j’ai l’impression qu’il y a un retour aux années 30. Changement des modes de production, des rapports sociaux, choc technique. Cela rappelle les années 1830, avec la révolution industrielle.

    • Descartes dit :

      @ Simon

      [Changement des modes de production, des rapports sociaux, choc technique. Cela rappelle les années 1830, avec la révolution industrielle.]

      Mais là, les différences l’emportent largement: 1830, c’est l’accroissement de l’influence européenne avec la fondation des empires coloniaux et la constitution des nations…

  14. Frank dit :

    Je vous remercie pour cette analyse, stimulante intellectuellement, sur un sujet extrêmement difficile. J’aime vos arguments et votre exposé, mais je pourrais vous reprocher, un peu, vos certitudes. Nous avons ici affaire au mal absolu, un mal enraciné; rien n’est ce qui paraît être réellement, ni dans un sens, ni dans l’autre, et toute action entraîne une myriades d’effets imprévisibles. Tout, depuis des décennies, concourt à l’horreur, tout, y compris ce qui pouvait paraître, superficiellement, comme des avancées tangibles et positives (par exemple le retrait inconditionnel de Tsahal de Gaza avant l’élection du Hamas, etc.)
     
    Deux remarques.
     
    Sur la question du génocide à Gaza, qui sous-entend la volonté directe de détruire le peuple palestinien. Si c’était vrai, si tel était l’intention d’Israel, je ne comprends pas comment il se fait, en tenant compte de l’immense disproportion dans les moyens militaires, que le nombre total de mort soit au plus 50000 ou 60000, borne supérieure venant des chiffres donnés par le Hamas lui-même et qui reste dans un ordre de grandeur compatible avec une guerre menée dans le seul but d’éliminer la force combattante du Hamas, dans un environnement urbain dense. J’aurais pensé qu’un état génocidaire israélien serait beaucoup plus efficace. Les «génocidaires» américains tuèrent 25000 personnes à Dresde en 2 ou 3 jours.
     
    À tout le moins, ces chiffres remettent en cause votre théorie de l’appui «inconditionnel» d’un bloc occidental monolithique à Israel. Il y a bien quelque chose qui retient la main des «génocidaire.»
     
    Quant à l’origine de ce soi-disant soutien «inconditionnel» (qui est plutôt à mon avis un soutien fort mais qui a ses limites), il me semble assez évident. Il faut chercher dans le fait que, si le rapport des forces était inversé en Palestine, le nombre de mort Israélien en 18 mois ne serait pas de 50000 ou 60000 et personne ne se poserait la question pour savoir si l’extermination des Juifs dans la région correspondrait à un génocide ou non. Car l’entreprise génocidaire est inscrite officiellement dans les statuts du Hamas ou de l’Iran, et il est parfois utile d’écouter ce que les gens disent. C’est en grande partie cet état de fait qui explique le soutien.
     
    Ceci dit, en revenant à mon idée initiale que l’on a ici affaire au mal absolu et qu’il faut être très prudent, je ne soutiendrais pas la position que le soutient donc a bénéficié Israel, surtout ces derniers mois, soit une bonne chose ou puisse être justifié.

    • Descartes dit :

      @ Frank

      [Je vous remercie pour cette analyse, stimulante intellectuellement, sur un sujet extrêmement difficile. J’aime vos arguments et votre exposé, mais je pourrais vous reprocher, un peu, vos certitudes.]

      Quelles « certitudes » ?

      [Nous avons ici affaire au mal absolu, un mal enraciné; rien n’est ce qui paraît être réellement, ni dans un sens, ni dans l’autre, et toute action entraîne une myriades d’effets imprévisibles. Tout, depuis des décennies, concourt à l’horreur, tout, y compris ce qui pouvait paraître, superficiellement, comme des avancées tangibles et positives (par exemple le retrait inconditionnel de Tsahal de Gaza avant l’élection du Hamas, etc.)]

      Je ne suis pas d’accord. Parler du « mal absolu », c’est introduire une dimension métaphysique et même, si l’on va plus loin, théologique. Cela ne fait que compliquer des choses qui au fond sont simples : la situation du moyen orient n’est en rien « imprévisible ». C’est au contraire la conséquence prévisible de politiques poursuivies depuis plus d’un demi-siècle par l’Etat d’Israël. Vous ne pouvez pas priver un peuple de ses droits, le condamner à vivre dans la misère, priver sa jeunesse de toute perspective, et vous imaginer que cela ne générera pas de la violence. Sun Tzu l’écrivait déjà : il ne faut jamais mettre son adversaire dans une situation dans laquelle il n’a plus rien à perdre. L’exemple que vous donnez est révélateur : est-ce que le retrait de Tsahal s’est traduit pour les gazaouis dans un espoir de développement ? Non : à l’occupation a succédé un blocus étanche qui a transformé Gaza en une prison à ciel ouvert.

      Pourquoi les arabes israéliens sont beaucoup plus pacifiques, moins revendicatifs que les Palestiniens, alors qu’ils partagent la même histoire ? Parce que, même s’ils sont traités en citoyens de seconde zone, ils ont des droits garantis et profitent de la prospérité générale. C’est dans la question économique, et non dans la question politique, que se situe le problème.

      [Sur la question du génocide à Gaza, qui sous-entend la volonté directe de détruire le peuple palestinien. Si c’était vrai, si tel était l’intention d’Israel, je ne comprends pas comment il se fait, en tenant compte de l’immense disproportion dans les moyens militaires, que le nombre total de mort soit au plus 50000 ou 60000, borne supérieure venant des chiffres donnés par le Hamas lui-même et qui reste dans un ordre de grandeur compatible avec une guerre menée dans le seul but d’éliminer la force combattante du Hamas, dans un environnement urbain dense. J’aurais pensé qu’un état génocidaire israélien serait beaucoup plus efficace. Les « génocidaires » américains tuèrent 25000 personnes à Dresde en 2 ou 3 jours.]

      D’abord, il faut corriger les chiffres. Les données que vous citez ne concernent que les morts identifiés, conséquence directe des actions militaires israéliennes. Ils ne comprennent ni les morts non identifiés, qui se trouvent sous les décombres, ni ceux qui sont la conséquence indirecte des destructions et du blocus – destruction du système de santé, manque de nourriture et d’eau potable, etc. Si l’on se réfère à d’autres guerres des vingt ou trente dernières années, le chiffre réel pourrait être entre six et dix fois plus élevé. Et les israéliens ne sont pas idiots : ils savent parfaitement jusqu’où ils peuvent aller trop loin.

      Mais la destruction d’un peuple n’implique pas nécessairement sa destruction physique : le fait de déporter un peuple ou de l’obliger à quitter son habitat, de le priver de ses racines territoriales, culturelles, symboliques, c’est aussi une forme de destruction. Or, il est de notoriété publique que le but du gouvernement israélien est de vider Gaza de ses habitants…

      [À tout le moins, ces chiffres remettent en cause votre théorie de l’appui « inconditionnel » d’un bloc occidental monolithique à Israel. Il y a bien quelque chose qui retient la main des « génocidaire ».

      Vous avez raison. Il est clair que si Israël mettait en place des chambres à gaz et des fours crématoires, la communauté internationale réagirait. Enfin, on pourrait l’espérer, parce que rien n’est sûr dans ce bas monde. Cependant, la tolérance occidentale va suffisamment loin pour qu’on puisse parler d’un soutien « inconditionnel ».

      [Quant à l’origine de ce soi-disant soutien «inconditionnel» (qui est plutôt à mon avis un soutien fort mais qui a ses limites), il me semble assez évident. Il faut chercher dans le fait que, si le rapport des forces était inversé en Palestine, le nombre de mort Israélien en 18 mois ne serait pas de 50000 ou 60000 et personne ne se poserait la question pour savoir si l’extermination des Juifs dans la région correspondrait à un génocide ou non. Car l’entreprise génocidaire est inscrite officiellement dans les statuts du Hamas ou de l’Iran, et il est parfois utile d’écouter ce que les gens disent. C’est en grande partie cet état de fait qui explique le soutien.]

      Pardon, mais pouvez-vous m’indiquer dans quel paragraphe des « statuts du Hamas ou de l’Iran » figure une « entreprise génocidaire » ? Je me suis tapé la lecture de la charte du Hamas de 1988 (disponible sur https://iremam-base.cnrs.fr/voix/voix15.htm), et si je trouve la réafirmation du fait que la Palestine tout entière fait partie du « waqf » (c’est-à-dire, des « terres musulmanes »), il n’est nulle part dit que cela implique le génocide des juifs qui y vivent : « A l’ombre de l’islam, les disciples des trois religions, islamique, chrétienne et juive, peuvent coexister dans la sécurité et la confiance. Ce n’est qu’à l’ombre de l’islam que la sécurité et la confiance peuvent se trouver, l’histoire récente et ancienne en constituant un bon témoin. » (art 31).Quant aux « statuts de l’Iran », je ne sais à quoi vous faites référence. La constitution iranienne ne contient aucune « référence génocidaire ». Pourriez-vous être plus précis ?

      Au-delà de ces mentions officielles, vous faites là une hypothèse de politique fiction. Rien ne vous permet d’affirmer que si le rapport de forces était inversé, le nombre de morts israéliens atteindrait ces chiffres. En pratique, cela n’a jamais été le cas : les minorités juives ont vécu pendant des siècles dans le monde arabe, et ont généralement été mieux traitées que dans l’Europe chrétienne. C’est particulièrement le cas de l’Iran, qui a pendant longtemps hébergé une très importante communauté juive, mais c’était aussi le cas au Levant, et en Afrique du nord. C’est la création de l’Etat d’Israël dans un contexte conflictuel qui, dans beaucoup de cas, a provoqué l’exode de ces communautés.

      • Frank dit :

        [Pardon, mais pouvez-vous m’indiquer dans quel paragraphe des « statuts du Hamas ou de l’Iran » figure une « entreprise génocidaire » ? … Pourriez-vous être plus précis ?]
        En effet, je n’ai pas été très précis. Dans la charte du Hamas,  on trouve :
        « La terre de Palestine est une terre islamique confiée aux générations musulmanes jusqu’au Jour du Jugement. On ne doit renoncer à aucune partie de cette terre. Aucun État, aucune organisation ni aucun individu n’a le droit de le faire. »
        « Israël existera et continuera d’exister jusqu’à ce que l’islam l’efface, comme il en a effacé d’autres avant lui. »
        « Il n’y a pas de solution à la question palestinienne sauf par le jihad. »
        Ceci implique, me semble-t-il, la destruction/disparition totale de l’État d’Israël, par la violence, inscrite dans la charte fondatrice.
        Quant à l’Iran, je faisais référence aux paroles «sacrées» de Khomeini, qui a indiqué qu’Israël devait disparaître, propos repris depuis à plusieurs reprises sous diverses formes par les hauts dignitaires Iraniens.
        Vous pourrez me dire que ceci n’est pas un appel explicite au génocide, mais, en réalité, je ne vois pas bien comment arriver à ces buts affichés officiellement dans en passer par un génocide.
        [ les minorités juives ont vécu pendant des siècles dans le monde arabe, et ont généralement été mieux traitées que dans l’Europe chrétienne. C’est particulièrement le cas de l’Iran, qui a pendant longtemps hébergé une très importante communauté juive, mais c’était aussi le cas au Levant, et en Afrique du nord.]
        Je ne pense pas que la Dhimmitude puisse être associée à une quelconque notion de bon traitement. Vous avez raison qu’on a vu parfois pire dans l’Europe chrétienne, mais il y a eu une évolution qui n’a pas eu lieu en terre d’Islam, me semble-t-il. Je ne suis pas sûr non plus que, «en moyenne» au cours de l’histoire (depuis quand ?), le Juif ait été mieux traité en terre d’Islam que chez les Chrétiens. Vous vous fondez sur quoi pour penser cela ?
        [Je ne suis pas d’accord. Parler du « mal absolu », c’est introduire une dimension métaphysique et même, si l’on va plus loin, théologique.]
        Il est des situations où il faut admettre que la bonne volonté humaine ne suffit plus, et où la rationalité n’a plus aucune place. C’est ce que j’appelle personnellement le «mal absolu». N’oublions pas qu’il y a eu dans le camp Israélien des dirigeants qui pensaient que
        « Nous pouvons pardonner aux Arabes d’avoir tué nos enfants. Nous ne pouvons pas leur pardonner de nous avoir forcés à tuer leurs enfants. La paix viendra quand les Arabes aimeront leurs enfants plus qu’ils ne nous haïssent. »
        Je sais que cette pensée est partagée par beaucoup de Juifs (peut-être de moins en moins…), indépendamment du fait qu’elle ait été réellement prononcée par Golda Meir ou pas. Elle illustre cette idée de mal absolu, d’irrationalité et de chaos, et résonne particulièrement avec ce qu’il s’est passé depuis le 7 octobre.
        [Cela ne fait que compliquer des choses qui au fond sont simples : la situation du moyen orient n’est en rien « imprévisible ».]
        Je ne partage pas du tout cette opinion. Croyez-vous qu’au moment de la création de l’État d’Israel, l’horreur absolue de ce qu’il se passe aujourd’hui avait été prédite ? Ou même pendant la période plus récente Arafat/Rabin ?
        Vous même avez mentionnez l’impossibilité de savoir quels étaient les buts stratégiques du Hamas le 7 octobre ! (je doute fort de la plausibilité, que vous mentionnez, d’un plan visant uniquement les militaires qui aurait mal tourné en raison de l’impréparation de l’armée israélienne (!); mais si c’était vrai, ce serait encore pire, en quelque sorte, pour jauger le niveau d’humanité des combattants du Hamas et de leurs chefs, qui auraient transformé une opération militaire somme toute légitime en un épouvantable massacre, en sautant sur l’occasion, en quelque sorte, sans se poser de question). Bref, on ne prévoit rien, visiblement, dans cette situation.
        J’y vois personnellement un exemple parfait de chaos et d’imprévisibilité; enfin, c’est comme ça que je voyais les choses «avant». Aujourd’hui je suis horriblement pessimiste pour les deux camps, évidemment.
        Vous pourriez soulever l’idée que je confonds la prévision du temps qu’il fera dans une semaine (chaotique) et la prévision du climat à long terme.
        Ça ramène à la grande question qui est et qui restera toujours : était-il légitime, juste, moralement justifiée, de créer l’État d’Israel en Palestine ? (ou de créer un État Juif tout court). En essayant d’échapper à la pensée téléologique, je dirais oui, c’est ma conviction personnelle, elle s’est forgée en partie sur des discussions (souvent difficiles, car j’ai l’esprit de contradiction) avec des amis Juifs. Il fallait que la Shoah accouche de quelque chose de réellement neuf pour le peuple Juif. D’ailleurs, la grande majorité des Juifs ont toujours été pour. Mais c’est une question difficile, sans doute, et vous n’êtes probablement pas d’accord avec moi là-dessus.
         

        • Descartes dit :

          @ Frank

          [« Pardon, mais pouvez-vous m’indiquer dans quel paragraphe des « statuts du Hamas ou de l’Iran » figure une « entreprise génocidaire » ? … Pourriez-vous être plus précis ? » En effet, je n’ai pas été très précis. Dans la charte du Hamas, on trouve : (…) Ceci implique, me semble-t-il, la destruction/disparition totale de l’État d’Israël, par la violence, inscrite dans la charte fondatrice.]

          Admettons. Mais où est « l’entreprise génocidaire » ? La disparition d’un Etat – c’est-à-dire, d’une structure politique et administrative – fut-ce par la violence ne constitue pas une « entreprise génocidaire » que je sache. Ou alors, il faudra pas mal réécrire l’histoire…

          [Quant à l’Iran, je faisais référence aux paroles «sacrées» de Khomeini, qui a indiqué qu’Israël devait disparaître, propos repris depuis à plusieurs reprises sous diverses formes par les hauts dignitaires Iraniens.]

          Encore une fois, la disparition d’un Etat n’a rien à voir avec une « entreprise génocidaire ». Et les « paroles » de Khomeini, tout sacrées qu’elles puissent être, n’ont pas une valeur statutaire.

          [Vous pourrez me dire que ceci n’est pas un appel explicite au génocide, mais, en réalité, je ne vois pas bien comment arriver à ces buts affichés officiellement dans en passer par un génocide.]

          Vous voulez dire que l’article de la loi fondamentale allemande qui faisait de la réunification allemande – et donc de la disparition d’un Etat, celui de la RDA – un objectif constitutionnel implique une « entreprise génocidaire » ? Soyons sérieux. L’histoire a vu disparaître des Etats sans qu’il y ait pour autant un « génocide » derrière. Il faut faire attention aux mots.

          [« les minorités juives ont vécu pendant des siècles dans le monde arabe, et ont généralement été mieux traitées que dans l’Europe chrétienne. C’est particulièrement le cas de l’Iran, qui a pendant longtemps hébergé une très importante communauté juive, mais c’était aussi le cas au Levant, et en Afrique du nord. » Je ne pense pas que la Dhimmitude puisse être associée à une quelconque notion de bon traitement.]

          Je n’ai pas dit qu’ils étaient bien traités, j’ai dit qu’lis étaient mieux traités que dans l’Europe chrétienne, ce qui me semble franchement indiscutable. Le statut juridique des juifs en Europe jusqu’au XIXème siècle fait passer la Dhimmitude pour un paradis. De l’antisémitisme catholique – pensez à l’expulsion et les conversions forcées dans l’Espagne du XIIIème siècle à la Shoah au XXème, il me semble difficile de trouver des exemples équivalents en terre d’Islam.

          [Vous avez raison qu’on a vu parfois pire dans l’Europe chrétienne, (…)]

          Parfois ? La France, qui fut pionnière dans la matière, n’accorde aux juifs l’entrée dans le droit commun qu’avec l’Empire. Et encore, ce pas juridique mettra très longtemps à rentrer dans les faits, certains domaines – la magistrature, l’armée, l’administration – leur rester fermée jusqu’à la fin du XIXème siècle. Et ailleurs en Europe c’est bien pire. Les juifs d’Europe ont vécu, depuis le moyen-âge et jusqu’au XXème siècle dans l’insécurité juridique la plus totale. La Dhimmitude, avec ce qu’elle contenait comme discrimination, donnait aux juifs une sécurité juridique bien plus grande.

          [(…) mais il y a eu une évolution qui n’a pas eu lieu en terre d’Islam, me semble-t-il.]

          Oui. Mais cette « évolution » est moins univoque que vous le pensez. Il y a eu l’émancipation à la fin du XXème siècle… et il y eut la Shoah. La terre d’Islam n’a connu ni l’une, ni l’autre…

          [Je ne suis pas sûr non plus que, «en moyenne» au cours de l’histoire (depuis quand ?), le Juif ait été mieux traité en terre d’Islam que chez les Chrétiens. Vous vous fondez sur quoi pour penser cela ?]

          Sur l’histoire, pardi. Le Juif en terre d’Islam bénéficie d’un statut juridique précis, celui d’un des « peuples du livre », subordonné certes à la majorité musulmane, mais bénéficiant en échange de cette soumission de droit précis. L’occident chrétien, au contraire, en fait le « peuple déicide », et à ce titre dépourvu de tout statut. En terre chrétienne, il est licite de l’expulser en confisquant leurs biens, et on ne compte pas les monarques qui, du moyen âge jusqu’au XVIIIème siècle ont eu recours à ce moyen. La Shoah, vous savez, n’est pas un accident de l’histoire, et vous devriez vous interroger sur ce qui a fait que tant de peuples européens ont coopéré avec la machine concentrationnaire allemande pour se défaire de « leurs » juifs…

          [Il est des situations où il faut admettre que la bonne volonté humaine ne suffit plus, et où la rationalité n’a plus aucune place. C’est ce que j’appelle personnellement le «mal absolu».]

          Comme disait l’un de mes maîtres, quand on ne voit pas de rationalité dans une situation, c’est qu’on est en train de la regarder par le mauvais bout. Et souvent, quand on a recours à des concepts comme celui du « mal absolu », c’est qu’on en veut pas voir ou se trouve la rationalité des actes incriminés.

          [N’oublions pas qu’il y a eu dans le camp Israélien des dirigeants qui pensaient que « Nous pouvons pardonner aux Arabes d’avoir tué nos enfants. Nous ne pouvons pas leur pardonner de nous avoir forcés à tuer leurs enfants. La paix viendra quand les Arabes aimeront leurs enfants plus qu’ils ne nous haïssent. » Je sais que cette pensée est partagée par beaucoup de Juifs (peut-être de moins en moins…), indépendamment du fait qu’elle ait été réellement prononcée par Golda Meir ou pas. Elle illustre cette idée de mal absolu, d’irrationalité et de chaos, et résonne particulièrement avec ce qu’il s’est passé depuis le 7 octobre.]

          La phrase attribuée à Golda Meir est très révélatrice de ce qu’était le projet sioniste, et prophétique de ce qu’il est devenu. L’humanisme juif est un fruit de la Diaspora. Les juifs, parce qu’ils étaient en position subordonnée, ont pu penser des idées généreuses sans avoir à les confronter aux bassesses et aux renoncements qu’implique l’exercice réel du pouvoir. Mais à partir du moment où les juifs ont eu leur Etat, ils ont été obligés de « tuer les enfants » de ce peuple dont ils avaient pris la place en l’expulsant de leurs foyers. Dans cette formule, Golda Meir attribue la responsabilité aux Arabes, et elle a tort : elle reproche à un peuple de ne pas avoir accepté de bonne grâce son expulsion. Si la situation avait été inversée, aurait-elle accepté l’expulsion des juifs pour faire place à un état Palestinien ? On peut sérieusement penser que non.

          Ce que Golda Meir – et beaucoup d’hommes et femmes juifs de sa génération – n’étaient pas prêts à accepter, c’est que « la terre sans peuple pour un peuple sans terre » était une fiction, et que la création d’un Etat amenait avec elle inévitablement le tragique de « devoir tuer des enfants ». Autrement dit, que l’humanisme construit dans la Diaspora était incompatible avec le projet sioniste. D’où la contradiction permanente de dirigeants israéliens, dont beaucoup venaient de la gauche humaniste, qui ont essayé de préserver le visage « humaniste » tout en faisant une politique qui ne pouvait qu’avoir le résultat inverse. La génération suivante n’aura pas ce genre de scrupules, et assume parfaitement la fin de l’humanisme et la raison d’Etat. Mais il n’y a là rien de « irrationnel » là-dedans, au contraire. C’est la rationalité de la raison d’Etat qui s’impose. Delenda est Cartago…

          [« Cela ne fait que compliquer des choses qui au fond sont simples : la situation du moyen orient n’est en rien « imprévisible ». » Je ne partage pas du tout cette opinion. Croyez-vous qu’au moment de la création de l’État d’Israel, l’horreur absolue de ce qu’il se passe aujourd’hui avait été prédite ? Ou même pendant la période plus récente Arafat/Rabin ?]

          Oui. Et la formule de Golda Meir que vous avez cité plus haut le montre. D’éminents intellectuels juifs avaient d’ailleurs averti dès la proclamation de l’Etat d’Israël qu’un « Etat juif » ne pouvait être qu’un Etat comme un autre, et que l’installer sur une terre déjà occupée par un autre peuple ne pouvait que conduire tôt ou tard au choix entre l’extermination ou l’expulsion. Et il était clair que le remplacement progressif de la génération des pionniers – celle à laquelle appartient Rabin, né en 1922 – qui avait été formée dans l’esprit de la Diaspora par la génération des « sabras » nés et formés en Israël ne pouvait qu’accentuer le phénomène. Les accords d’Oslo étaient le dernier râle d’une génération idéaliste, il se sont fracassés contre la réalité.

          [Vous même avez mentionnez l’impossibilité de savoir quels étaient les buts stratégiques du Hamas le 7 octobre !]

          Je ne saisis pas le rapport. Le fait que je n’aie pas accès à cette information n’implique pas qu’elle n’existe pas.

          [(je doute fort de la plausibilité, que vous mentionnez, d’un plan visant uniquement les militaires qui aurait mal tourné en raison de l’impréparation de l’armée israélienne (!); mais si c’était vrai, ce serait encore pire, en quelque sorte, pour jauger le niveau d’humanité des combattants du Hamas et de leurs chefs, qui auraient transformé une opération militaire somme toute légitime en un épouvantable massacre, en sautant sur l’occasion, en quelque sorte, sans se poser de question). Bref, on ne prévoit rien, visiblement, dans cette situation.]

          Mais qui vous dit que « les chefs ont transformé… » ? Vous parlez comme si les combattants du Hamas – ou de n’importe quelle armée, d’ailleurs – étaient des pions que « les chefs » déplacent sur l’échiquier. Mais c’est un peu plus compliqué que cela. Les combattants du Hamas, une fois entrés dans le territoire israélien sans trouver de résistance à leur grande surprise, et se retrouvant au milieu d’un festival techno ont il demandé à leurs chefs des ordres ? Ou ont-ils agi de leur propre chef en laissant libre cours à leurs instincts de vengeance ? Toutes les guerres sont émaillées d’incidents de ce type, ou des troupes – même celles des armées régulières, soumises à un entrainement et une discipline autrement plus sévère – se livrent à des excès guidés par un sentiment de haine ou de vengeance. La deuxième guerre mondiale, la guerre du Vietnam ou celle d’Irak, pour ne donner que quelques cas bien documentés, fournissent de nombreux exemples.

          [Vous pourriez soulever l’idée que je confonds la prévision du temps qu’il fera dans une semaine (chaotique) et la prévision du climat à long terme.]

          J’allais y venir, mais vous soulevez le point avant moi…

          [Ça ramène à la grande question qui est et qui restera toujours : était-il légitime, juste, moralement justifiée, de créer l’État d’Israel en Palestine ? (ou de créer un État Juif tout court).]

          C’est une question à laquelle il n’y a pas de réponse, ou plutôt, dont la réponse change en fonction du cadre de pensée dans lequel vous vous placez. Certains vous diront que les juifs ayant été expulsés de Palestine par les romains au premier siècle de notre ère, ils ont un droit historique au retour. Dans ce cadre, la position sioniste est juste, légitime, moralement justifiée et tout ce que vous voulez. D’autres vous diront que deux mille ans sont une période suffisamment longue pour considérer comme prescrits les droits du peuple juif – à supposer qu’un tel « peuple » existe – sur la palestine. Et dans ce cadre, la position sioniste n’est ni juste, ni légitime, ni moralement justifiée.

          Personnellement, je pense que cette question n’a pas de sens. C’est un peu comme se demander s’il était « juste, légitime et moralement justifié » d’incorporer la Bretagne au royaume de France. Que la création de l’Etat d’Israel ait été une bonne ou une mauvaise idée, il est là et il faut vivre avec. Ce qui par contre est indispensable, c’est de s’interroger sur les conséquences de la création de cet Etat. Il est clair qu’Israël n’est en rien l’Etat « moral » dont rêvaient ses fondateurs. Ce qui arrive très souvent…

          [En essayant d’échapper à la pensée téléologique, je dirais oui, c’est ma conviction personnelle, elle s’est forgée en partie sur des discussions (souvent difficiles, car j’ai l’esprit de contradiction) avec des amis Juifs. Il fallait que la Shoah accouche de quelque chose de réellement neuf pour le peuple Juif. D’ailleurs, la grande majorité des Juifs ont toujours été pour. Mais c’est une question difficile, sans doute, et vous n’êtes probablement pas d’accord avec moi là-dessus.]

          Je ne suis pas d’accord parce que je ne crois pas à l’existence d’un « peuple juif ». Pour moi, ce concept a été inventé pour cacher une réalité : les juifs ne constituent pas une unité. Entre le juif alsacien installé à Strasbourg depuis dix générations, le juif new yorkais dont les ancêtres sont venus de Pologne ou de Russie, le juif marocain, installé depuis des siècles au maghreb ou le juif iranien, il n’y a pas plus d’unité qu’entre le protestant du Kansas, le maronite du Liban, l’évangélique d’Afrique du Sud et la nonne espagnole. Personne ne parle du « peuple chrétien », alors pourquoi parler du « peuple juif » pour désigner un ensemble qui finalement n’a rien en commun sauf la religion ?

          Vous me dites que « il fallait que la Shoah accouche de quelque chose ». Mais vous oubliez que la Shoah est une expérience qui parle essentiellement aux juifs européens. Pour les juifs séfarades – qu’ils soient maghrébins, levantins, iraniens – ou ceux émigrés dans les Amériques, c’est une expérience vécue par procuration. D’ailleurs, le problème s’est posé en Israël lorsque la culture des fondateurs – dont beaucoup étaient des rescapés de la Shoah – est entrée en collision avec celle des immigrants séfarades, pour qui la Shoah était une référence lointaine.

          • Simon dit :

            [Je ne suis pas d’accord parce que je ne crois pas à l’existence d’un « peuple juif ». Pour moi, ce concept a été inventé pour cacher une réalité : les juifs ne constituent pas une unité. Entre le juif alsacien installé à Strasbourg depuis dix générations, le juif new yorkais dont les ancêtres sont venus de Pologne ou de Russie, le juif marocain, installé depuis des siècles au maghreb ou le juif iranien, il n’y a pas plus d’unité qu’entre le protestant du Kansas, le maronite du Liban, l’évangélique d’Afrique du Sud et la nonne espagnole. Personne ne parle du « peuple chrétien », alors pourquoi parler du « peuple juif » pour désigner un ensemble qui finalement n’a rien en commun sauf la religion ?]
            Mais, cher Descartes, vous apportez vous-même l’exemple en vous qualifiant -à juste titre- de juif français, alors que, si j’ai bien compris, vous n’êtes en aucune manière croyant ou pratiquant. Quand on parle du peuple chrétien dans un discours catholique en France, cela désigne l’ensemble des catholique croyants et/ou pratiquants, personne n’inclut quelqu’un dont les parents sont catholiques mais qui est lui-même athée dans le peuple chrétien.
            Pour l’islam ou le christianisme, il est possible de se convertir en venant de l’extérieur. Pour le judaïsme, c’est beaucoup plus difficile si l’on est pas d’origine juive.
            Rémi Brague indiquait qu’une différence importante entre christianisme/catholicisme (il a utilisé le terme christianisme, dans le cadre d’un MOOC sur la violence principalement dans le catholicisme) , islam et judaïsme, c’est que le christianisme est une religion et seulement une religion, alors que l’islam est une religion et une loi (et que la loi peut être indépendante de la religion), et que le judaïsme est une religion et un peuple. Et que si certes la religion n’est jamais présente à l’état pure, dans le cas du christianisme elle est comme l’huile dans une émulsion : mêlée mais pas confondue avec par exemple le politique.
            Pour être tout à fait honnête, je pense même que les juifs constituent le meilleur exemple de ce que l’on appelle un peuple, se souvenant du coeur de son identité et voulant persévérer dans l’être malgré une dispersion longue.
            Par ailleurs, merci pour vos réflexions sur le côté idéaliste de la diaspora et la confrontation au réel, je n’y avais jamais pensé et cela permet de mieux comprendre la situation.

            • Descartes dit :

              @ Simon

              [Mais, cher Descartes, vous apportez vous-même l’exemple en vous qualifiant -à juste titre- de juif français, alors que, si j’ai bien compris, vous n’êtes en aucune manière croyant ou pratiquant. Quand on parle du peuple chrétien dans un discours catholique en France, cela désigne l’ensemble des catholique croyants et/ou pratiquants, personne n’inclut quelqu’un dont les parents sont catholiques mais qui est lui-même athée dans le peuple chrétien.]

              Admettons. Mais que penseriez-vous d’un discours qui ferait de l’ensemble incluant les maronites, les évangéliques, les chrétiens de rite oriental, les catholiques européens et les orthodoxes un « peuple » qui aurait le droit d’avoir son « Etat » ? Vous voyez bien que c’est là une absurdité.

              [Pour l’islam ou le christianisme, il est possible de se convertir en venant de l’extérieur. Pour le judaïsme, c’est beaucoup plus difficile si l’on n’est pas d’origine juive.]

              De nos jours, c’est parfaitement possible… et si c’était possible dans le passé, c’était extrêmement rare compte tenu des inconvénients que cela entraînait…

              [Rémi Brague indiquait qu’une différence importante entre christianisme/catholicisme (il a utilisé le terme christianisme, dans le cadre d’un MOOC sur la violence principalement dans le catholicisme) , islam et judaïsme, c’est que le christianisme est une religion et seulement une religion, alors que l’islam est une religion et une loi (et que la loi peut être indépendante de la religion), et que le judaïsme est une religion et un peuple. Et que si certes la religion n’est jamais présente à l’état pure, dans le cas du christianisme elle est comme l’huile dans une émulsion : mêlée mais pas confondue avec par exemple le politique.]

              Je suis tout à fait d’accord avec lui avec une nuance : le judaïsme et l’Islam sont beaucoup plus proches de ce point de vue qu’il ne le dit. Dans les deux cas, la séparation entre le civil et le religieux est inexistante. Le christianisme est le seul, parmi les trois monothéismes, qui connaît cette séparation, et cela pour une raison historique : le christianisme se développe dans le contexte de l’empire romain, et il doit composer avec. Or, l’empire romain a son droit civil, qui est totalement séparé du religieux. Vouloir mélanger les deux, c’était risquer un conflit inutile avec le pouvoir établi. D’où la célèbre formule « au Cesar ce qui est à César, à Dieu ce qui est à Dieu ». Et même si plus tard l’Eglise catholique, devenue dominante, a voulu rétablir le lien entre le civil et le religieux, la matrice originale a persisté.

              [Pour être tout à fait honnête, je pense même que les juifs constituent le meilleur exemple de ce que l’on appelle un peuple, se souvenant du coeur de son identité et voulant persévérer dans l’être malgré une dispersion longue.]

              Sauf qu’il faut parler de « peupleS » au pluriel, parce que, comme je vous l’ai dit, les juifs sont divers et leur volonté de « persévérer dans l’être » fait référence à des « êtres » différents.

  15. Bob dit :

    @ Descartes
     
    [ en quoi serait-il impossible d’envisager une opération contre Israël ?]
     
    Parce que le pays qui oserait la mener devrait subir les foudres et les représailles des États-Unis. En conséquence, on risque de trouver fort peu de candidats.

    • Descartes dit :

      @ Bob

      [Parce que le pays qui oserait la mener devrait subir les foudres et les représailles des États-Unis. En conséquence, on risque de trouver fort peu de candidats.]

      Mais quid d’une opération décidée par les Etats-Unis eux mêmes ?

      • Bob dit :

        @ Descartes
         
        [Mais quid d’une opération décidée par les Etats-Unis eux mêmes ?]
         
        Ce sont bien les seuls à le pouvoir. Cela serait rompre avec 70 ans d’une ligne politique qui “passe” tout à Israël et on n’en prend pas le chemin. On a plutôt l’impression que c’est Israël qui dicte aux États-Unis sa conduite.
         
         

  16. Geo dit :

    @Descartes
    [ Les politiciens qui s’engagent dans cette voie – souvent à droite pour capter le « vote juif », plutôt à gauche pour capter le « vote musulman » – nous préparent des lendemains qui pleurent. Ils prennent le risque de faire apparaître un « vote communautaire » qui à terme les asservira eux-mêmes à la dynamique du conflit entre communautés.]
    Le “vote communautaire” me semble déjà installé”. Non ?

    • Descartes dit :

      @ Geo

      [Le “vote communautaire” me semble déjà installé”. Non ?]

      Il pointe son nez, mais il est nettement moins installé qu’ailleurs. Les tentatives de lancement de partis politiques ou de listes « communautaires » a jusqu’à maintenant toujours conduit à l’échec. Lorsqu’on regarde les candidats « issus de la diversité », il s’agit presque toujours de personnes très largement assimilées. Le but de LFI, seule organisation qui assume le fait de capter le vote « communautaire », n’est pas de faire élire des musulmans pratiquants ou des femmes voilées, mais de capter ce vote au bénéfice de candidats qui se sont affranchis depuis longtemps de leur communauté, si tant est qu’ils aient jamais appartenu.

  17. kaiser hans dit :

    bonjour à tous
     
    Tout d’abord maître René, non n’arrêtez pas de commenter, on apprend plein de choses chez vous. 🙂
    Pour la culpabilité sur le génocide de Gaza, je pense que le monde entier a sa part de responsabilité
    Les pays arabes voisins doivent intervenir car ce sont littéralement les suivants, mais si la menace américaine est une excuse ils sont tous pro israliens ou au mieux très passif alors que clairement ce sont les suivantsl’ancien tiers monde fait de son mieux mais est trop faibleles Iraniens pourraient aider, les saoudiens aussi ainsi que les qataris, au mieux ils sont neutres et eux s’adaptent au tableau global.
    L’Occident est aussi complice actif mais soyons francs Israël c’est notre camp, c’est normal qu’on veuille qu’il gagne (intellectuellement parlant, moralement je suis aussi écœuré que vous).
    Vous l’avez dit vous-même on ne se pose aucune limite pour gagner car personne ne nous en pose, le seul pays qui a tenté c’est la Russie. Résultat elle est juste soutenue par l’Iran et la Corée du Nord, la Chine ayant vendu plus d’armes à l’Ukraine qu’à la Russie, et en ce moment ça tourne moyen pour elle en conséquence
    Il reste un pays qui devrait poser des limites à l’Occident, a les moyens de le faire mais ne le fait pas. et pour moi ce pays est aussi responsable voire plus que nous de ce génocide. C’est la Chine…
    Comme vous le dites l’Histoire est tragique et dans notre cadre l’acteur géopolitique qui la rend encore plus tragique en ne faisant pas son rôle c’est la Chine.
    Notre cynisme et notre hypocrisie sont assez reconnues depuis deux cents ans maintenant, c’est juste qu’on est les plus forts.
     
    Pour défendre l’ONU tout en l’attaquant, l”ONU est à l’image du bloc dont elle dépend le plus: (nous) ultra hypocrite mais elle ne peut pas faire autrement

    • Descartes dit :

      @ kaiser hans

      [Pour la culpabilité sur le génocide de Gaza, je pense que le monde entier a sa part de responsabilité
      Les pays arabes voisins doivent intervenir car ce sont littéralement les suivants, mais si la menace américaine est une excuse ils sont tous pro israéliens ou au mieux très passif alors que clairement ce sont les suivants. L’ancien tiers monde fait de son mieux mais est trop faible. Les Iraniens pourraient aider, les saoudiens aussi ainsi que les qataris, au mieux ils sont neutres et eux s’adaptent au tableau global.]

      Tout le monde a sa part de responsabilité, mais certains en ont plus que d’autres. Comme disait l’autre, avec le pouvoir vient la responsabilité, et si nous – que ce « nous » soit français ou européen – prétendons à la puissance, nous ne pouvons pas refuser les responsabilités qui vont avec. Il faut aussi tenir compte de la réalité géopolitique. Que la Jordanie, qui est voisine avec Israël, qui est un pays faible, et qui risquerait de graves représailles, évite d’agir, c’est compréhensible. Que l’Union européenne, qui pourrait imposer des sanctions sans risquer le bombardement de Rome, Berlin ou Paris, n’agisse pas, c’est impardonnable.

      Au demeurant, l’Iran et l’Arabie Saoudite ont réagi bien plus activement que nous. L’Iran soutient sans ambigüité le Hamas – qui, nolens volens, est aujourd’hui le seul mouvement organisé qui, sur le terrain, fait quelque chose pour les palestiniens – et a même envoyé des missiles sur Israël. L’Arabie Saoudite a gelé le processus de normalisation des accords d’Abraham. Comparez cela à l’UE, qui a mis plus d’un an à s’interroger – et on en reste à l’interrogation – sur l’opportunité de geler l’accord d’association avec Israël.

      [L’Occident est aussi complice actif mais soyons francs Israël c’est notre camp, c’est normal qu’on veuille qu’il gagne (intellectuellement parlant, moralement je suis aussi écœuré que vous).]

      Qu’on « veuille qu’il gagne », c’est peut-être normal. Qu’on tolère un génocide au motif qu’il est commis par quelqu’un de « notre camp » me pose un problème bien plus sérieux.

      [Vous l’avez dit vous-même on ne se pose aucune limite pour gagner car personne ne nous en pose, le seul pays qui a tenté c’est la Russie. Résultat elle est juste soutenue par l’Iran et la Corée du Nord, la Chine ayant vendu plus d’armes à l’Ukraine qu’à la Russie, et en ce moment ça tourne moyen pour elle en conséquence]

      Ce n’est pas tout à fait exact. La Russie peut compter dans cette affaire avec la sympathie d’une bonne partie du tiers monde – notamment le Brésil ou l’Afrique du Sud – et encore plus depuis Gaza, qui a mis en évidence les « double standards »de l’OTAN en matière de défense du droit international. Quant à la Chine, même si elle garde une certaine ambigüité, son engagement aux côtés de la Russie est ferme. Ce n’est pas tant les armes vendues que le pétrole acheté qui compte…

      [Il reste un pays qui devrait poser des limites à l’Occident, a les moyens de le faire mais ne le fait pas. et pour moi ce pays est aussi responsable voire plus que nous de ce génocide. C’est la Chine…
      Comme vous le dites l’Histoire est tragique et dans notre cadre l’acteur géopolitique qui la rend encore plus tragique en ne faisant pas son rôle c’est la Chine.]

      Je vois mal ce que la Chine pourrait faire. La Chine et certes un géant économique, mais c’est un nain militaire et n’a pas de relais effectifs dans la région qui lui permettraient d’intervenir. Elle n’a pas avec Israël des relations commerciales suffisamment importantes pour rendre la menace de sanction efficace. Le moyen orient est hors de sa « zone d’influence », et on voit mal les américains lui permettre d’y mettre un pied.

      [Pour défendre l’ONU tout en l’attaquant, l”ONU est à l’image du bloc dont elle dépend le plus: (nous) ultra hypocrite mais elle ne peut pas faire autrement]

      Je ne crois pas que l’ONU « dépende de nous ». Il faut ici rappeler le triste destin de la Société des nations (SDN). Fondée après la première guerre mondiale par des idéalistes, son fonctionnement reposait sur le principe de « un état, un vote », qui mettait à égalité les grandes puissances de l’époque et les petits états. Conséquence : les puissances ont vite compris que le mécanisme limitait sérieusement leur liberté d’action sans pour autant leur apporter aucun avantage, et se sont vite fait affranchi de ce mécanisme. Les fondateurs de l’ONU, beaucoup plus pragmatiques, ont compris que le principe « un état, un vote » ne pouvait pas fonctionner, qu’il fallait tenir compte des rapports de puissance, et donc donner aux puissances un « plus » qui permette de les garder à bord. C’est pour cela que les puissances sont « membres permanents » du conseil de sécurité avec droit de véto : c’était la reconnaissance que rien ne pouvait être fait au niveau supranational sans leur accord. Et si l’action internationale reste limitée par ce principe, son bilan n’est en rien négligeable : les agences de l’ONU comme l’UNESCO, l’OMS, l’AIEA font un travail remarquable, surtout perceptible par les pays du tiers-monde, qui souvent n’ont pas l’expertise pour traiter ce type de questions tous seuls.

      • Frank dit :

        [L’Iran soutient sans ambigüité le Hamas – qui, nolens volens, est aujourd’hui le seul mouvement organisé qui, sur le terrain, fait quelque chose pour les palestiniens – et a même envoyé des missiles sur Israël. ]
        Vous êtes sérieux ? Vous pensez vraiment que le Hamas fait quelque chose pour les Palestiniens ? Et que la preuve est qu’ils ont «même» envoyé des missiles sur Israel ? Moi qui vous croyez adepte de la rationalité et ancré dans le réel… Ou alors c’est de l’ironie ?

        • Descartes dit :

          @Frank

          [« L’Iran soutient sans ambigüité le Hamas – qui, nolens volens, est aujourd’hui le seul mouvement organisé qui, sur le terrain, fait quelque chose pour les palestiniens – et a même envoyé des missiles sur Israël. » Vous êtes sérieux ? Vous pensez vraiment que le Hamas fait quelque chose pour les Palestiniens ? Et que la preuve est qu’ils ont «même» envoyé des missiles sur Israel ?]

          Si vous relisez ma phrase, vous verrez que celui qui envoie les missiles sur Israël est l’Iran, et non le Hamas…

          Maintenant, sur le fonds. Oui, je pense que le Hamas « fait quelque chose pour les palestiniens ». Et ce n’est pas moi qui le dit, ce sont les principaux intéressés qui, malgré une situation inhumaine, lui conservent un large appui. Parce qu’il ne faut pas être naïf : aucun mouvement n’aurait réussi à survivre face à un adversaire de la taille d’Israël s’il n’avait pas large soutien populaire qui lui permet, pour utiliser les mots de Mao, d’être comme « un poisson dans l’eau » parmi son peuple. Le Hamas, nous sommes d’accord, est un mouvement terroriste, sa charte est un charabia qui mélange des références à l’actualité avec des citations de textes écrits il y a un millénaire et demi, et s’il avait les mains libres il établirait par la violence un régime théocratique. Tout cela est parfaitement vrai. Mais quelles sont les alternatives ? Quel autre mouvement est de taille pour établir un rapport de force avec Israël – et là encore, ne soyons pas naïfs, Israël n’écoute que la force ? Le Fatah, son principal concurrent, est totalement dévalorisé. Déjà dans les dernières années d’Arafat les israéliens ont tout fait pour l’émasculer, et maintenant il n’est qu’une bureaucratie installée et qui a peur de perdre le peu de pouvoir qu’il a en Cisjordanie, au point qu’il laisse faire sans réagir une colonisation qui ne s’arrête pas.

          Cela m’amuse beaucoup d’entendre les bienpensants comme Filiu – qui publie ces jours-ci un livre pleurnichard dont il fait la promotion régulièrement dans l’ensemble des médias – expliquer sa conviction que si demain des élections étaient organisées à Gaza, le Hamas perdrait très largement. Admettons un instant que ce soit le cas. Le problème est que si le Hamas perd, il faut bien que quelqu’un d’autre gagne. Or, à quel mouvement les gazaouis pourraient aujourd’hui faire confiance pour créer un rapport de forces avec Israël ? L’OLP dirigée par le Fatah ? La situation en Cisjordanie ne parle pas hautement de ses capacités. Alors qui ?

          Le débat que nous avons rappelle celui qui, en France, accompagnait les actions de la Résistance. Est-ce que l’action des maquis « faisait quelque chose pour les Français » ? Beaucoup répondaient par la négative, considérant que leur seul effet était de déclencher des représailles dont la population civile était la principale victime (et il ne s’agit pas seulement du fusillement d’otages, pensez à Tulle ou à Oradour-sur-Glane). Même parmi ceux qui souhaitaient la victoire des alliés, beaucoup pensaient qu’il fallait arrêter tout ça, et attendre sagement la libération par les troupes anglo-américaines. Le cas des Palestiniens est encore plus difficile, puisqu’il n’y a aucune victoire alliée en vue…

          Oui, le Hamas « fait quelque chose pour les Palestiniens » : il montre par son existence que toute possibilité de résistance n’est pas éteinte, que le peuple palestinien a une dignité. Sans eux, la question palestinienne serait aujourd’hui sous le tapis, grâce à eux elle est sur le devant de la scène. C’est beaucoup, vous ne trouvez pas ? Le Hamas a beau avoir tous les défauts, tous les vices de la terre, et j’en conviens volontiers. Mais il a une qualité, celle d’exister. Quand on fait tout pour tuer le directeur du cirque, on est obligé ensuite de négocier avec les lions.

    • bob dit :

      @ kaiser hans
       
      [Israël c’est notre camp]
       
      Pourquoi ?

      • kaiser hans dit :

        @bob
        [[Israël c’est notre camp] Pourquoi ?]
        Nos gouvernants ont décidé d’en faire notre garde chiourme dans le coin…(de mon côté 0 côté guerre de civilisation, état d’esprit d’autant plus désastreux que ce serait occident contre islam avec 20% de musulmans sur notre sol…si vous avez kiffé les guerres de religion avec 5 à 10% de protestants, je vous laisse deviner contre 20%
         
        @DescartesQu’on « veuille qu’il gagne », c’est peut-être normal. Qu’on tolère un génocide au motif qu’il est commis par quelqu’un de « notre camp » me pose un problème bien plus sérieux.
         
        moi aussi d’où mon expression “c’est normal qu’on veuille qu’il gagne (intellectuellement parlant, moralement je suis aussi écœuré que vous)”
         
        “Ce n’est pas tant les armes vendues que le pétrole acheté qui compte…”
        pétrole acheté avec un GRRROOOSSSS rabais 
         
        “Je vois mal ce que la Chine pourrait faire. ” là dessus je suis très sévère, c’est sont taff…il y a toujours une complexité pour intervenir, aider réellement la Russie, intervenir à Taiwan, ou au Moyen Orient mais s’ils ne font rien je crains pour les Chinois que les USA eux trouvent très vite la solution pour leur faire mal quand la Chine sera bien circonscrite…
         
        pour le reste plutôt d’accord avec vous…

        • Descartes dit :

          @ kaiser hans

          [« « Israël c’est notre camp » » « Pourquoi ? » Nos gouvernants ont décidé d’en faire notre garde chiourme dans le coin…]

          Alors, peut-être que Israël est du camp de nos gouvernants. Mais certainement pas du mien !

          [“Ce n’est pas tant les armes vendues que le pétrole acheté qui compte…” pétrole acheté avec un GRRROOOSSSS rabais ]

          Les affaires sont les affaires, même si le rabais en question est moins important qu’on ne veut le dire. Mais le fait, c’est que la Chine l’achète, ce que peu de puissances accepteraient de faire, même avec un GRRROOOSSSS rabais. Et cela est vital pour les Russes.

          [“Je vois mal ce que la Chine pourrait faire. ” là-dessus je suis très sévère, c’est sont taff… il y a toujours une complexité pour intervenir, aider réellement la Russie, intervenir à Taiwan, ou au Moyen Orient]

          Aider la Russie, ce n’est pas si difficile – et ils le font assez largement. Intervenir à Taiwan, c’est devoir ensuite assurer l’occupation et la mise au pas d’un pays insulaire de 25 millions d’habitants, sans compter avec les sanctions internationales. Mais Gaza, c’est encore plus complexe, puisqu’il n’y a pas un gouvernement à soutenir ou un territoire à occuper. Il n’est pas possible pour la Chine d’intervenir dans le conflit palestinien autrement qu’à travers des relais, et pour des raisons historiques elle n’en a pas. D’ailleurs, quel serait son intérêt à le faire ?

  18. Luc Laforets dit :

    Vous dites :
    <<
    La seule chose qu’Orwell n’ait pas anticipée – et elle n’était pas facile à voir dans le monde de 1949, quand il écrit son roman – c’est que pour imposer cette société, point besoin d’un dictateur.
    >>
    Il était un agent des services anglo-saxons, si je ne me trompe, et cette césité vis-à-vis du capitalisme n’est nullement un hasard, mais partie intégrante de sa prose visant à tracer un signe égal entre hitlérisme et stalinisme.

    • Descartes dit :

      @ Luc Laforets

      [Il était un agent des services anglo-saxons, si je ne me trompe, (….)]

      Je crains que vous ne vous trompiez. Nulle part dans la biographie de Orwell on ne voit apparaître un tel emploi. Même pendant la deuxième guerre mondiale, alors que beaucoup d’intellectuels ont été recrutés pour des travaux d’intelligence, il n’a pas eu ce type de fonctions : il a d’abord été employé dans ministère de l’information, dans le département chargé de la censure, puis à la BBC où il était en charge des émissions vers l’Inde.

      [(…) et cette césité vis-à-vis du capitalisme n’est nullement un hasard, mais partie intégrante de sa prose visant à tracer un signe égal entre hitlérisme et stalinisme.]

      Que ses travaux aient été largement utilisés comme textes de propagande anticommuniste, c’est un fait. Mais il est injuste à mon avis d’attribuer à Orwell l’intention « de tracer un signe égal entre hitlérisme et stalinisme ». Aucun de ses ouvrages ne va dans cette direction. En fait, ce qui rend Orwell universel c’est sa réflexion sur le processus révolutionnaire et le totalitarisme. « La ferme des animaux » parle autant de la Revolution bolchévique que de la Révolution française, et le slogan « tous les animaux sont égaux mais certains sont plus égaux que d’autres » peut se référer autant au stalinisme qu’au premier empire. « 1984 » est plus une réflexion sur le totalitarisme en général que sur le nazisme ou le stalinisme en particulier, et si le monde de « Big Brother » emprunte des éléments aux deux, il n’est identifiable avec aucun.

        • Descartes dit :

          @ Luc Laforêts

          [Je livre à votre regard critique ces quelques liens qui relativisent l’icône Orwell : (…)]

          Et bien, mon regard critique ne peut que rigoler devant cette collection. Commençons par le premier lien proposé. Franchement, si vous prenez comme référence les productions de Danielle Bleitrach, je ne suis pas étonné que vous voyiez des agents de la CIA partout. Comme souvent, elle s’imagine que parce qu’elle exprime une affirmation, elle a prouvé quelque chose. Ainsi, elle affirme que Orwell « fut lui-même par anticommunisme forcené un agent de ladite CIA » mais ne donne aucun élément qui justifie pareille accusation. Plus loin, elle affirme que « Il ne se contenta d’ailleurs pas d’établir des fiches sur les communistes mais également sur les homosexuels, sur des noirs, des juifs soupçonnés d’être sensibles à l’URSS et à son rôle dans la décolonisation comme dans la lutte contre le nazisme ». Sauf qu’aucun élément sur les « fiches » en question n’est proposé. Le seul lien qu’on ait pu établir entre Orwell et un service de renseignement concerne les rapports entre l’écrivain et l’IRD (« Information research departement ») qui était un service de documentation du ministère des affaires extérieures britanniques. Une amie personnelle d’Orwell qui travaillait pour ce département, lui demanda en mars 1949, lors d’une visite au sanatorium où il était soigné, son avis sur une liste de personnalités qui pourraient être approchés pour produire de la propagande anticommuniste. Orwell produisit une « liste » excluant certaines personnalités, soit parce qu’elles étaient trop proches des communistes, soit parce qu’elles étaient « malhonnêtes » ou « trop stupides ». Orwell était déjà très malade quand il produisit cette liste, et meurt quelques mois plus tard. Franchement, pour en faire un « agent de la CIA », c’est un peu faiblard.

          La deuxième référence que vous proposez, la biographie d’Orwell sur Wikipédia, est totalement muette sur les liens entre Orwell et la CIA. Il remet à sa juste place l’affaire de la « liste », et se permet même de donner un exemple où Orwell se serait levé contre le maccarthysme : « en mars 1948, Orwell écrit à George Woodcock pour que le Freedom Defence Committee prenne position contre la tentative du gouvernement travailliste de purger la fonction publique de ses éléments communistes » (Newsinger, La politique selon Orwell, p. 255). »

          Quant à la vidéo, elle n’accrédite à aucun moment l’affirmation de Bleitrach selon laquelle Orwell aurait été « un agent de la CIA », ou que la fameuse « liste » aurait été « communiquée à la CIA ». Je regrette par ailleurs que Annie Lacroix-Riz, que j’ai connu plus inspirée, se laisse aller à un discours complotiste et plein d’amalgames (celle entre Kastler et Orwell est particulièrement effarante). Le fait qu’il soit devenu « l’idole de la droite » ne fait pas d’Orwell un homme de droite.

          Il est regrettable qu’une partie de la gauche communiste soit incapable de voir plus loin que l’utilisation qui a été faite des œuvres d’Orwell par les anticommunistes il y a un écrivain qui a posé avec une grande acuité un certain nombre de problèmes que tous ceux qui veulent faire une révolution. La question posée dans « la ferme des animaux », celle de la dérive d’une révolution en principe égalitaire mais qui est confisquée par une minorité pour ses propres intérêts est une logique présente depuis le début de la modernité, et qui n’est pas propre à la révolution bolchévique. « 1984 » met en lumière les mécanismes par lesquels un régime peut contrôler les foules par la falsification de l’histoire (« qui contrôle le présent contrôle le passé, qui contrôle le passé contrôle le futur »), par l’appauvrissement du langage, par la logique de guerre permanente. Et cela rappelle plus ce que nous avons aujourd’hui que le stalinisme ou le nazisme. Je pense qu’il est très dommage qu’au lieu de se saisir de ces deux ouvrages et d’en tirer tout le jus, certains communistes cherchent au contraire à les effacer en salissant leur auteur.

          Il est d’ailleurs très amusant de constater que la gauche bienpensante, qui encensait Orwell du temps où son œuvre paraissait viser essentiellement les communistes, a subitement découvert qu’il s’agissait d’un affreux agent de la CIA à l’aube des années 2000, alors que son œuvre paraît de plus en plus universelle au fur et à mesure que le capitalisme avancé ressemble de plus en plus à la dystopie qu’est « 1984 »… sûrement une coïncidence.

  19. cdg dit :

    “En 2003, les troupes américaines envahissent un pays souverain, renversent son gouvernement et établissent un régime proconsulaire, là encore sans se cacher. Aurait-on pu faire pareil dans les années 1960 ?”
    Mais bien sur ! 
    1968 les troupes du pacte de Varsovie envahissent la tchecoslovaquie 
    Dans les annees 50 je peux vous citer la Hongrie (1956) . ou en 1979 l URSS en Afghanistan donc rien de nouveau sur le soleil

    • Descartes dit :

      @ cdg

      [« En 2003, les troupes américaines envahissent un pays souverain, renversent son gouvernement et établissent un régime proconsulaire, là encore sans se cacher. Aurait-on pu faire pareil dans les années 1960 ? » Mais bien sur ! 1968 les troupes du pacte de Varsovie envahissent la tchecoslovaquie
      Dans les annees 50 je peux vous citer la Hongrie (1956) ou en 1979 l URSS en Afghanistan donc rien de nouveau sur le soleil]

      Oh que si ! Pour prendre les deux derniers cas, vous faites erreur : en 1956, les troupes du Pacte de Varsovie n’envahissent pas un pays souverain pas plus qu’ils ne renversent son gouvernement. Elles interviennent au contraire à la demande du gouvernement hongrois, pour l’aider à mater un mouvement séditieux. En 1979, c’est là aussi à la demande du gouvernement afghan que les soviétiques entrent dans le pays. Le cas de la Tchecoslovaquie en 1968, par contre, est bien un cas d’invasion d’un état souverain et le renversement de son gouvernement – mais pas de l’établissement d’un régime proconsulaire…

      Mais au-delà de ces détails de l’histoire, admettons que ce soit le cas, que l’action des Soviétiques en Tchécoslovaquie en 1968, en Hongrie en 1956 ou en Afghanistan en 1979 soient en tout point comparables à celle des Etats-Unis en Irak. On peut remarquer alors une différence radicale entre les deux : en 1968, en 1956 et en 1979, l’ensemble des nations démocratiques a condamné avec la plus grande fermeté l’agresseur présumé, et a pris contre lui des sanctions, au nom des valeurs et principes sacrés. Lorsque les Etats-Unis ont envahi l’Irak… ce fut le grand silence. Quelques timides condamnations, et aucune sanction… Ne trouvez-vous pas que c’est là une grande nouveauté sous le soleil ? Et ne pensez-vous pas que cette différence jette une certaine lumière sur la sincérité des engagements envers ces valeurs et principes sacrés ?

      Les exemples que vous donnez illustrent à la perfection le changement de paradigme. Hier, on faisait peut-être les mêmes choses, mais on les faisait avec mauvaise conscience, et on se sentait obligé à garder certaines formes, à maintenir certains principes. On ne pouvait pas se permettre de bombarder une population civile sans autre forme de procès… aujourd’hui, on peut.

  20. Vincent dit :

    Je me permets de vous retranscrire un échange que j’ai eu sur internet, avec un défenseur d’Israël (par ailleurs quelqu’un de brillant et cultivé). J’aimerais avoir vos avis dessus. Mes arguments sont ils réellement pertinents ?
     
    MON ARGUMENTAITON INITIALE :
    (*) Israël a gagné la guerre contre les palestiniens depuis 1967. Celui qui a gagné la guerre peut imposer la paix qui lui convient. Il appartient donc à Israël d’imposer sa solution de paix viable. C’est le refus d’une telle solution de paix qui génère ces désordres.
    Israël porte donc une lourde responsabilité, avant tout pour n’avoir jamais proposé de solution de paix depuis presque 60 ans. Peu importe que ce soit une solution à 1, 2, 3 États, etc. Mais il faut une solution.
    C’est là que réside la faute originelle d’Israël.
    2 questions :
    – Israël est-elle prête à accepter une solution de paix définitive décidée par d’autres ? (En gros s’en remettre à la communauté internationale : ONU ou autres)
    – Si non, quelle est la solution de paix proposée par Israël ?
    Si non à la première question, et “aucune” à la seconde, c’est qu’Israël ne veut pas la paix, et ne peut donc pas trop se plaindre de ne pas l’avoir…
     
     
    REPONSES :
    (*) [ironique] C’est la faute d’Israël d’exister, d’avoir été attaqué par les armée arabes en 1948, en 1967 et en 1973. Israël est aussi responsable des différentes intifadas, des envois de missiles sur son territoire durant des années depuis Gaza.
     
    (*) La “communauté internationale”, cela n’existe pas. L’ONU est dominée par des pays foncièrement antisémites qui n’ont qu’un souhait : la disparition d’Israël. On ne peut donc pas faire confiance à l’ONU pour proposer une solution de paix.
     
    (*) Pour faire la paix, il faut être deux. Daladier et Chamberlain en ont fait l’amère expérience.
    Israël a fait plusieurs fois des propositions de paix, dont :
    – 2000 gouvernement Ehud Barak, refus au dernier moment d’Arafat.
    – 2008 gouvernement Olmert, refus de Abbas.
     
    (*) Vous pensez que les pays occidentaux ont négocié une paix avec l’Etat islamique (Daesh) ? Non, ils les ont bombardés, pour les détruire. Exactement ce que fait aujourd’hui Israël avec le Hamas.
     
    MES REPONSES :
    (*) Israël n’a pas à faire des “propositions” de paix. Mais à décréter la paix, à en définir les conditions, et a les moyens de faire respecter ces conditions.
    L’URSS et les USA ont-ils fait la paix avec l’Allemagne ou le Japon en 1945 ? Non, ils ont dicté les conditions.
    Israël pourrait très bien décider : “voilà ce que sera la paix”, et doit annoncer publiquement ce que sera la paix qu’ils proposent le jour où les palestiniens l’accepteront. Et mener dès maintenant une politique compatible avec cette paix.
    Cela donnerait tort à ceux qui disent qu’Israël n’a pas d’autre projet à proposer que l’expulsion des populations palestiniennes. Ce qui affaiblirait considérablement le HAMAS et compagnie, puisqu’une meilleure vie serait possible en lachant ce mouvement.
    Dans le cas contrainre, s’ils n’ont aucune perspective pacifique, on ne peut pas leur donner tort de choisir la solution militaire.
    En effet, le HAMAS et les extrémistes palestiniens jouent sur l’absence de perspective de paix pour dire que la seule perspective viable pour eux est la destruction d’Israël. Israël joue donc leur jeu en n’offrant aucune perspective de paix.
    Si Israël proposait et s’engageait aux yeux de tous dans une paix crédible permettant aux Palestiniens de vivre dignement, nul doute que, rapidement, beaucoup de palestiniens choisiraient de renverser des gouvernements qui leur pourrissent la vie en refusant cette paix.
     
    (*) Daladier à Munich, c’est exactement l’inverse : ils ont fait la paix car ils avaient peur d’un adversaire trop fort pour eux. Ici, il s’agit d’imposer la paix à un adversaire qui n’a de toute les manières pas les moyens de s’y opposer.
     
    (*) Sur le bombardement de Daesh par les occidentaux :
    Primo : c’était une énorme connerie, dont on paye les conséquences,
    Deuxio : il y avait une perspective politique, qui était de laisser gouverner un autre parti que Daesch. Perspective qui était largement acceptable par une majorité de la population locale.
     
    (*) Peu importe qu’il s’agisse d’une solution à 1, 2 , 3 États ou je ne sais pas quoi.
    Mais il n’est pas possible de maintenir des millions de civils dans une situation transitoire de réfugiés de guerre, alors que la guerre dans sa phase active est finie depuis plus de 50 ans !

    • Descartes dit :

      @ Vincent

      [Je me permets de vous retranscrire un échange que j’ai eu sur internet, avec un défenseur d’Israël (par ailleurs quelqu’un de brillant et cultivé). J’aimerais avoir vos avis dessus. Mes arguments sont ils réellement pertinents ?]

      Je pense que dans votre argumentation initiale vous oubliez un paramètre : Israël a bien défini ce que serait pour lui la paix. Ce serait l’émigration des Palestiniens vers d’autres pays, laissant les territoires libres pour la colonisation israélienne. La vulgate israélienne est très claire à cet égard. L’argument que vous pouvez entendre chez l’Israélien de la rue, c’est « les Palestiniens ont déjà plusieurs Etats (la Jordanie, le Liban) alors que les juifs nous n’avons qu’Israël ». Et lorsque l’extrême droite parle de « vider la bande de Gaza de ses habitants », ou de rogner lentement le territoire de la Cisjordanie en installant des colonies pour rendre la vie des Palestiniens impossible, c’est cela qu’ils ont en tête, et une large part de l’opinion israélienne les suit.

      Il ne faut jamais oublier que la fondation de l’Etat d’Israël est inséparable de l’expulsion des Palestiniens de leurs foyers en 1948. Et que cet acte fondateur n’a jamais été renié ni par la gauche, ni par la droite israélienne. Pourquoi ne pas recommencer ?

      La question n’est pas de savoir si Israël veut ou non la paix. Bien sûr, Israël veut la paix – comme tout le monde d’ailleurs. Mais Israël veut la paix A SES TERMES. Et ces termes sont incompatibles avec les aspirations des Palestiniens. C’est pour cette raison que les « propositions de paix » d’Olmert ou de Barak, qui impliquaient pour les Palestiniens de renoncer à l’ensemble de leurs revendications avec en échange de vagues promesses, ne pouvaient qu’être rejetées. Ni Olmert, ni Barak ne s’attendaient d’ailleurs à ce qu’elles soient acceptées, et voyaient cela comme un pur exercice de propagande destiné à l’opinion internationale.

  21. Israel est un état comme les autres dit :

    Israel est un vecteur d’espoir et un exemple à suivre pour ceux qui ne s’identifient pas au sein des états-nations actuels. Il est la preuve qu’il est possible au XXIe siècle de former un État et de vaincre les acteurs qui contesteraient l’existence de l’état, qu’importe les moyens, la fin les justifiant.
     
    Vous parlez de génocide quand il faudrait parler de la naissance d’une nation.
     
    Quels sont les autres états qui sont légitimes à priver Israel des outils qu’ils ont tous utiliser pour se constituer et rendre irréfutable la légitimité de l’état à l’intérieur de ses frontières ? La France qui a expulsé de nombreux alsaciens après 1918, mis des musulmans dans des camps pour traiter les evenements qui ont eu lieu au sein du département d’Algérie ? Les États-unis qui ont considéré nuls et non avenus les traités noués les britanniques avec les tribus indiennes pour empecher la colonisation au dela des Appalaches, ainsi que les accords qu’ils ont eux meme signé par la suite, sans parler des annexations de territoires de l’empire mexicain par la force et l’expropriation des anciens  mexicains. Le Bresil avec une histoire similaire doublée d’une mise en esclavage des indigènes ?  L’Algerie du FLN qui a expulsé les descendants de colons et maté un mouvement révolutionnaire dans les années 90 ? La Turquie qui n’a pu naitre qu’en detruisant irreversiblement le systeme multiculturel du millet en expulsant ou exterminant Grecs et Arméniens, et qui nie l’identité kurde ? Le Japon qui a tenté de japoniser Formosa et la peninsule coréenne ainsi que la Manchurie ? L’Indonésie qui occupe une partie de la Papouasie ? L’Inde qui maintient le Cachemire sous état d’urgence, déplace et discriminent les populations ? Le Pakistan qui a tenté de guarder le Bangladesh ? La Chine qui apres la victoire des communistes a etendue son territoire en integrant le Turkmenistan oriental, surveille actuellement les Ouyghurs, les rééduquent, les déplacent dans d’autres provinces pour les faire travailler en usines ? Le Mali qui tente de guarder la main sur l’Azawad ? Le Nigéria qui a empeché une de ses provinces de prendre son indépendance en provoquant l’une des premieres crises humanitaires hautement télémédiatisé ?
     
    Qui parmi les pays qui aujourd’hui ont une base industrielle conséquente ou une population importante aurait la légimité de critiquer un état qui se forme sans pour autant renier le procédé qui leur a eux-même permis d’émerger et de se maintenir. Qu’est-ce qui est différent dans le cas d’Israel ?
     
    Israel ne fait que suivre l’exemple des autres états et en particulier les autres états-nations. Rien de plus.

    • Descartes dit :

      @ Israel est un état comme les autres

      [« Israel est un vecteur d’espoir et un exemple à suivre pour ceux qui ne s’identifient pas au sein des états-nations actuels. Il est la preuve qu’il est possible au XXIe siècle de former un État et de vaincre les acteurs qui contesteraient l’existence de l’état, qu’importe les moyens, la fin les justifiant. » Vous parlez de génocide quand il faudrait parler de la naissance d’une nation. Quels sont les autres états qui sont légitimes à priver Israel des outils qu’ils ont tous utiliser pour se constituer et rendre irréfutable la légitimité de l’état à l’intérieur de ses frontières ? La France qui a expulsé de nombreux alsaciens après 1918, (…)]

      Je constate que parmi les exemples que vous citez, il manque celui de l’Allemagne, et pour être précis, du IIIème Reich. Est-ce que nous avons le droit de refuser à Israël les moyens que l’Allemagne a utilisé après 1933 pour « rendre irréfutable la légitimité de l’Etat à l’intérieur de ses frontières » ? Je vous laisse répondre…

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