Grandeur et décadence des classes intermédiaires

Mes amis, j’ai pris une grande décision. Non, ne craignez rien, je ne vais pas arrêter ce blog, même si ces derniers temps les débats ici sont un peu languissants. Non, j’ai décidé de prendre une mesure indispensable pour ma santé mentale : me détacher pendant quelques jours, et peut-être quelques semaines, de l’actualité. Aussi passionnantes que puissent être pour le tacticien les jeux que jouent les Attal, les Mélenchon, les Le Pen, les Faure et leurs petits copains dans la cour de récréation, cela finit par lasser. A force de les regarder, on finirait par croire que tout cela a la moindre importance, que c’est là que se joue le sort de la France et peut être du monde.

Mieux vaut, dans la confusion ambiante, prendre un peu de hauteur, et regarder où va le système d’un point de vue plus global. Car le monde change, et les rapports de force entre les différentes classes et groupes sociaux changent aussi. Au-delà de la victoire de telle ou telle personnalité à telle ou telle élection, ce sont ces mouvements tectoniques qui déterminent notre avenir. On peut regretter qu’il n’y ait pas un De Gaulle, un Boiteux, un Dautry à l’horizon, mais il faut aussi comprendre pourquoi. Si ces personnalités ont pu s’épanouir, si elles ont pu donner tout leur potentiel, c’est parce que le pays était prêt à les accueillir. Il y a certainement parmi nous des politiciens, des hauts fonctionnaires qui seraient dignes de leur exemple si seulement le système leur donnait les manettes. Seulement voilà, la classe politico-médiatique ne veut surtout pas d’un deuxième De Gaulle – elle avait déjà eu du mal à avaler le premier – et méprise les grands commis comme Boiteux ou Dautry, pour qui le savoir faire passait avant le faire savoir.

C’est sur ce point que nous avons reculé. En accueillant le retour des combattants de la première guerre mondiale, David Lloyd George prononça une phrase célèbre : « Quelle est notre tâche ? De faire de la Grande Bretagne un pays où des héros peuvent vivre dignement » (1). Notre pays est aujourd’hui digne d’un De Gaulle, d’un Boiteux, d’un Dautry ? Probablement pas. Des gens de très grande valeur – et j’en ai croisé – sont là, mais ils œuvrent dans une société qui non seulement a perdu la boussole, mais qui n’entend pas confier la moindre parcelle de pouvoir à ceux qui l’ont conservée. Le monde politique ne veut surtout pas des gens qui, parce qu’ils sont plus compétents qu’eux, peuvent lui dire ses quatre vérités. Alors, on sélectionne de plus en plus leurs collaborateurs, qu’ils soient politiques ou hauts fonctionnaires, en fonction de la souplesse de leur échine. Après quelques décennies de ce fonctionnement, on se trouve avec des élites ectoplasmiques, peuplées de gens sans caractère.  

Qu’est ce qui a changé depuis 1945 ? Beaucoup de choses, me direz-vous. Mais sur le plan social et politique, ce qui frappe le plus est la manière dont la société s’est scindée. Le monde de 1945 était celui de la dialectique entre un « bloc bourgeois » d’un côté, et une alliance entre le prolétariat et des « classes intermédiaires » qui en étaient issues et qui en gardaient la mémoire de leur origine. Le monde de 2025 est celui d’un « bloc dominant » formé par la bourgeoisie et de « classes intermédiaires » composées pour une grande partie d’héritiers oublieux de leurs origines. Il n’y a plus de dialectique entre ces deux blocs, parce que la mondialisation des échanges fait que le « bloc dominant » n’a plus véritablement besoin des autres pour prospérer. A la rigueur, si les couches populaires nationales pouvaient disparaître, ça leur rendrait service. L’idéologie de « l’entreprise sans usines », qui fit florès au début du XXIème siècle, est l’expression de cette logique : un monde idéal sans prolétaires, où le bloc dominant serait seul et les biens tomberaient du ciel – ou plutôt, des pays à faible coût de main d’œuvre.

Cette scission se manifeste dans tous les domaines. Elle est visible sur le plan territorial, entre ceux dont la vie est attachée à un territoire, et ceux qui ont les moyens de se déplacer en fonction de leurs intérêts. Entre l’ouvrier précaire dont la vie – qu’il s’agisse de trouver du travail, d’avoir un logement, d’être aidé en cas de coup dur, de jouir d’une vie sociale – dépend d’un réseau de solidarités localisé qui rend sa mobilité aléatoire, et le cadre supérieur, le scientifique qui peuvent facilement reconstituer un environnement avec des gens comme eux partout dans le monde, la différence d’intérêts, d’expectatives et de craintes devient abismale. Mais cette scission se manifeste aussi dans le plan économique, entre celui qui expérimente un véritable besoin de protection collective face aux aléas de la vie – chômage, maladie, mobilité – et celui dont le statut économique permet de payer de sa poche l’ensemble de ces services. Leur vision ne peut qu’être différente. Et notamment lorsque par le biais de la fiscalité chacun est appelé à contribuer à la dépense publique.

On voit cette dérive dans l’actuel débat fiscal. Tout le monde ou presque a pris conscience que le système dans lequel on enrichit l’individu privé en appauvrissant la collectivité – le tout financé par l’emprunt – arrive à ses limites. Les individus vont donc devoir se serrer la ceinture. Peu importe que cela se manifeste par plus d’impôts ou moins de dépenses publiques. Plus de dépense publique, c’est moins d’argent dans la poche privée mais moins de choses à payer pour cette poche. C’est là un faux débat. Enfin, pas tout à fait. Parce que celui qui paye la cotisation et celui qui reçoit le service n’est pas forcément la même personne. Le système fondé sur le prélèvement et la dépense publique peut être redistributif, celui fondé sur la dépense privée ne l’est pas.

La logique de redistribution reposait depuis les années 1930 sur le fait que les couches aisées payent en partie pour les services des couches plus modestes – les marxistes diront qu’elles retournent une partie de la plus-value prélevée sur le travail des autres. Cela n’avait bien entendu rien de désintéressé. Si les classes populaires y gagnent un niveau de vie dont elles ne pourraient pas bénéficier autrement, les classes dominantes bénéficiaient en échange d’une main d’œuvre saine, formée, disciplinée et très productive, et d’un ordre social qui protégeait leurs investissements, y compris les armes à la main. C’est ce pacte social qui a fait la richesse de la France pendant les « trente glorieuses ». Mais ce pacte a été brisé par la mondialisation. Pourquoi les classes dominantes se soucieraient de la santé, la formation, la discipline et la productivité de la main d’œuvre nationale, puisqu’ils peuvent trouver une main d’œuvre très abondante ailleurs et pour beaucoup moins cher ? Certes, elle ne sera pas aussi disciplinée, aussi saine, aussi formée que la main d’œuvre nationale, mais le nombre supplée à la qualité, surtout lorsque le prix justifie la différence…

C’est pourquoi non seulement les couches dominantes ne veulent plus de l’impôt nécessaire pour payer la santé, la formation, les services aux plus modestes. Et elles ne s’en cachent même pas. On a peine à imaginer il y a cinquante ans les porte-voix du patronat menacer – comme ils le font aujourd’hui – de délocaliser leurs activités et leurs fortunes au cas où on chercherait à les taxer. Parce qu’il y a cinquante ans, le patronat tenait à se présenter comme « patriote », et qu’un tel départ aurait été assimilé à une trahison. Bien sûr, il ne faut pas être naïf : personne n’aime payer des impôts, et la bourgeoisie moins que quiconque. Déjà il y a cinquante ans, les bourgeois utilisaient à titre personnel tous les moyens – légaux et illégaux – à sa portée pour ne pas payer, et on se souvient les lingots qui partaient vers la Suisse. Mais collectivement, la bourgeoisie avait conscience aussi qu’afficher cette propension, ce n’était pas la chose à faire. La révolution néolibérale est passée par là, et avec elle ont été balayées ces pudeurs de gazelle. Aujourd’hui, les classes dominantes hésitent de moins en moins à afficher une logique purement capitaliste, sur le mode « pourquoi je resterais si je peux gagner plus d’argent ailleurs ? ». Et c’est ainsi qu’on voit défiler au fenestron des patrons qui non seulement délocalisent, mais qui en sont fiers. Et ce n’est pas seulement les bourgeois qui ont ce réflexe. Combien de professeurs d’université sont allés enseigner outre-Atlantique – ou rêvent de le faire – attirés par des salaires bien meilleurs que ceux de chez nous ?

Et pourquoi pas, me direz-vous ? Pourquoi, si l’on peut gagner mille ailleurs, on resterait gagner des cents chez nous ? Pour répondre à cette question d’une manière satisfaisante, il faut faire référence à des concepts comme l’attachement à un territoire, à une langue, à une sociabilité, mais aussi le concept de dette envers les générations qui nous ont précédées, envers la collectivité qu’ils ont formée et qui nous a fait tels que nous sommes. Cet héritage engendre des devoirs. Mais tous ces concepts sont des vieilleries, qui n’ont absolument pas leur place dans la logique du capitalisme avancé, où le « payement au comptant », pour reprendre la formule du « manifeste », est le fondement de tout rapport social.

On peut discuter longuement l’organisation du système de retraites – répartition versus capitalisation – ou bien l’âge de départ, on peut s’écharper sur la question du financement de la sécurité sociale. Mais il ne faut pas oublier que derrière ces discussions de circonstance se pose le problème fondamental, celui de la solidarité entre les individus qui constituent notre collectivité nationale – si tant est que dans une société aussi fractionnée que la nôtre ce mot ait encore un sens. C’est la notion même de redistribution qu’il faut interroger. Le « bloc dominant » est-il encore prêt à retourner une partie de la plus-value extraite pour maintenir le niveau de vie des couches populaires ? Est-il encore animé d’une solidarité inconditionnelle envers le reste des Français ? La réponse est, je le crois, négative. Et cela jette une lumière nouvelle sur les raisons de la crise politique de nos démocraties.

Les sociétés sont régies par les rapports de forces entre groupes sociaux. Mais jouer le rapport de force dans toute sa violence, c’est très coûteux. C’est pourquoi les sociétés humaines se sont progressivement organisées autour de fictions qui permettent aux rapports de force de se manifester d’une manière plus économique. Depuis le renversement de la monarchie de droit divin, nous vivons dans une fiction juridique, celle de la souveraineté populaire. Contrairement au roi, le peuple est un souverain muet. Il n’a pas la possibilité de se prononcer directement. Il ne fait connaître sa volonté que par l’intermédiaire d’institutions telles que le Parlement, le gouvernement, les juges et le référendum. Et il existe un consensus dans la société pour admettre que les règles élaborées par ces institutions dans les limites de leurs compétences sont légitimes et doivent être obéies.

Mais si cette organisation peut donner l’illusion que les rapports de force ont disparu, que le droit les a remplacés, ce n’est là qu’une illusion. Les rapports de force sont toujours là, et les groupes sociaux n’admettent la légitimité de la règle démocratique que pour autant qu’ils ne pensent pas pouvoir obtenir mieux en renversant la table. Il faut être très naïf pour imaginer que la bourgeoisie pourrait se laisser priver de sa domination sur le capital par un simple vote de l’Assemblée. C’est pourquoi il existe toujours, dans un régime démocratique, une tension entre le rapport de forces numérique – en général favorable aux classes dominées – et le rapport de forces économique, favorable aux classes dominantes. Les systèmes démocratiques sont subtilement construits de manière à ce que le produit de la délibération démocratique ne soit pas trop éloigné des rapports de force économiques. Mais cela ne marche pas toujours. Et lorsque la majorité ne vote pas « comme il faut », qu’elle s’écarte un peu trop du rapport de forces réel, le système déraille. La bourgeoisie acceptera peut-être de payer un peu plus d’impôts que les autres, mais si le vote populaire aboutissait à la priver au-delà d’un certain seuil de la domination sur le capital, elle renversera la table sans le moindre remords. Les expériences multiples – pensez à Allende au Chili, pour ne donner qu’un exemple – montrent que dans une telle situation le « bloc dominant » n’hésite que fort peu à jeter la démocratie aux orties et à imposer le rapport de force nu. Et qu’elle n’a guère mauvaise conscience.

Nous sommes aujourd’hui de plus en plus dans cette configuration. Et parce que le peuple vote de plus en plus mal, cela fait déjà un certain temps que la sacralité de la décision démocratique est attaquée. Parce qu’elle correspond de moins en moins au rapport de forces économique, le « bloc dominant » l’a entouré de toutes sortes de limitations. C’est maintenant le juge constitutionnel, et non l’Assemblée, qui décide quel est le niveau admissible lorsqu’il s’agit de taxer les riches, c’est une commission administrative qui signe les traités de libre-échange. Et dans les domaines soumis au vote, lorsque le résultat ne convient pas au « bloc dominant », on le contourne ou on l’ignore. En 2005, les urnes ont donné tort aux eurolâtres, et le traité de Lisbonne a été ratifié quand même. En 2024, les urnes ont donné tort à la « politique de l’offre », euphémisme qui désigne la politique suivie discrètement par Hollande puis ouvertement par Macron pour servir les intérêts du « bloc dominant », et ce dernier continue à mettre en œuvre cette politique comme si de rien n’était, au risque de mettre en danger le système institutionnel. Et lorsque le Parlement vote un impôt qui ne lui convient pas, la bourgeoisie fait sonner la grosse caisse, et déclare qu’elle est prête à s’expatrier plutôt que de se soumettre aux décisions du Parlement, sans que personne ne semble trouver cela scandaleux.

Contrairement à ce qu’on entend tous les jours, la menace sur la démocratie ne vient pas de l’extrême droite. Ce n’est là qu’un symptôme, et rien de plus. Le vote pour l’extrême droite dans la plupart des démocraties développées traduit la colère d’une partie de la société, les couches populaires nationales, abandonnées à leur sort par le « bloc dominant ». La démocratie ne peut fonctionner que dans une société où l’ensemble des groupes sociaux, au-delà de leurs intérêts propres, se sentent solidaires les uns des autres. Ce n’est pas, ce n’est plus le cas aujourd’hui. Le « bloc dominant » est persuadé de n’avoir besoin de personne, et génère une idéologie dominante qui projette cette logique dans l’individu-île, lui-même libéré de tout devoir, de toute dette envers la collectivité. C’est de là que vient la menace. Nous allons donc vers des jours difficiles.

Mais il y a une lueur d’espoir dans cette perspective sombre. C’est que le « bloc dominant » lui-même est en train de craquer. Parce qu’après avoir mis en concurrence les prolétaires du monde entier, la bourgeoisie s’apprête à faire de même avec les classes intermédiaires. Pour reprendre une image que j’ai déjà utilisée ici, les « classes intermédiaires » ont joué le jeu dangereux qui consiste à jeter ses amis aux crocodiles en espérant que les bestioles seront rassasiées avant que son tour arrive. Leur problème, c’est qu’il n’y a plus personne à jeter, et que le reptile est toujours affamé. Le refus de la bourgeoisie de payer sa part risque de reporter le gros du fardeau sur les « classes intermédiaires ». Et puis, l’effondrement de notre système scolaire, l’arrivée de l’intelligence artificielle et la concurrence des professionnels formés à l’étranger dont le niveau augmente rapidement risque de soumettre les rejetons des « classes intermédiaires » à une concurrence de plus en plus rude, avec un risque de déclassement de plus en plus important. La concentration de la richesse risque de laisser les « classes intermédiaires » hors de la table et en concurrence avec les couches populaires pour les miettes.

C’est peut-être pour cela qu’on commence à entendre le discours médiatique changer. Les thématiques qui intéressent les couches populaires, naguère méprisées par les « classes intermédiaires », commencent à revenir dans le discours. Le parti socialiste, devenu depuis bien longtemps un pilier du « cercle de la raison » et le meilleur soutien de la « politique de l’offre » – mise en œuvre par un certain Macron lorsqu’il était ministre de François Hollande – paraît s’en détacher progressivement pour se faire le défenseur intraitable de la taxation des riches. Et il paraît même que la construction européenne a cessé d’être notre horizon indépassable. Le chemin est encore long, mais les premiers signes sont là.

Il est difficile par contre de prédire ce que la désintégration du « bloc dominant » pourrait donner. La version la plus vraisemblable est la multiplication de régimes « populistes », dans lesquels les classes intermédiaires se trouvent écrasées par un nouveau « pacte productiviste » entre la bourgeoisie et les couches populaires – l’exemple de Trump indique probablement la voie – qui permettrait de réaligner le rapport de forces avec la décision démocratique. Autrement dit, on déplacerait le débat sur le partage du gâteau, sujet conflictuel s’il en est, vers un débat sur la manière d’augmenter sa taille, sujet sur lequel les classes “productives” peuvent coïncider. Le fait que la question de la production reprenne sa place dans le discours public n’est pas une coïncidence : c’est cet élément qui a servi de ciment au pacte « gaullo-communiste » naguère, et qui peut servir de base à un pacte entre les deux classes – bourgeoisie et couches populaires – les plus sensibles à ces questions.

« Classes intermédiaires de tous les pays, unissez-vous », l’heure de la révolte a – peut-être – sonné.

Descartes

(1) La formule anglaise est difficile à traduire. Le paragraphe complet est digne d’être cité : « What is our task? To make Britain a fit country for heroes to live in. I am not using the word “heroes” in any spirit of boastfulness, but in the spirit of humble recognition of fact. I cannot think what these men have gone through. I have been there at the door of the furnace and witnessed it, but that is not being in it, and I saw them march into the furnace. There are millions of men who will come back. Let us make this a land fit for such men to live in. There is no time to lose. I want us to take advantage of this new spirit. Don’t let us waste this victory merely in ringing joybells. »

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114 réponses à Grandeur et décadence des classes intermédiaires

  1. moulin dit :

    Découvrant par hasard ce blog… dont les billets sont trop longs (sauf peut être pour les accros), je découvre le mode de pensée de l’auteur. Ce qui est flagrant pour moi, c’est le raisonnement franco franchouillard comme si la France était dans une situation similaire des autres pays “riches”. Le problème numéro 1 de la France est le faible (comparativement à nos voisins partageant l’euro) taux d’emploi entre 18 et 70 ans, qui se traduit par des redistributions massives vers les personnes sans emploi, financées par des prélèvements lourds sur les populations productives de moins de 25 millions à temps plein face à 45 millions de redistribués.Effectivement ces redistributions massives sont en partie financées par l’emprunt dette (dont la moitié pour les retraites) par “blocage” de la solution impôts, réputés très élevés.Mais en augmentant les impôts on aggravera la difficulté pour créer, voire maintenir, les 5-7 millions d’emplois productifs manquants. (en comparaison de nos voisins et leur 50 % de la population au travail).
    Oui, il faut déplacer le débat vers comment plus produire en France.Descartes et ses lecteurs ont peut être des idées ? 

    • Descartes dit :

      @ moulin

      [ Découvrant par hasard ce blog… dont les billets sont trop longs (sauf peut être pour les accros),]

      Je prends toujours en compte les réactions des lecteurs. J’ai comme beaucoup de gens le défaut de vouloir tout dire dans chaque article, et du coup ca donne des textes longs… alors qu’il serait peut-être plus pédagogique de faire des textes courts abordant qu’un seul aspect de chaque problème… merci en tout cas de votre remarque.

      [Ce qui est flagrant pour moi, c’est le raisonnement franco franchouillard comme si la France était dans une situation similaire des autres pays “riches”.]

      Là, j’ai du mal à comprendre. Si je raisonne comme si la France était équivalente aux autre pays, alors on peut difficilement me reprocher un raisonnement « franco-franchouillard ». Ce type de raisonnement implique en effet de faire de la France un cas particulier… et c’est d’ailleurs à cela que vous m’invitez !

      [Le problème numéro 1 de la France est le faible (comparativement à nos voisins partageant l’euro) taux d’emploi entre 18 et 70 ans, qui se traduit par des redistributions massives vers les personnes sans emploi, financées par des prélèvements lourds sur les populations productives de moins de 25 millions à temps plein face à 45 millions de redistribués.]

      Je ne sais pas si c’est le « problème numéro 1 », mais je suis d’accord que c’est un très sérieux problème. Mais d’où vient ce problème ? Pourquoi les populations productives sont si peu nombreuses – et j’ajoute que beaucoup de personnes employées le sont dans des activités à la productivité faible, ce qui ajoute au problème ?

      La difficulté ne vient pas de l’âge de départ à la retraite : on peut constater qu’un nombre très important de personnes de plus de 60 ans ne trouvent tout simplement pas d’emploi. Autrement dit, reporter le départ à la retraite réduit le nombre de retraités mais augmente le nombre de chômeurs. L’effet sur la population productive est donc très faible. L’entrée tardive sur le marché du travail est un problème réel, mais elle tient surtout à la faible demande sur le marché du travail et la faiblesse des rémunérations, qui pousse les jeunes à continuer des études dans l’espoir d’améliorer leur statut sur le marché du travail. Enfin, il y a un chômage de masse, installé dans certaines régions suite à la désindustrialisation et au retrait de l’Etat.

      Si l’on veut augmenter le taux d’emploi, comme dirait monsieur de La Palisse, il faut créer des emplois, et de préférence des emplois à forte productivité. Ce qui suppose de ramener chez nous des activités qui aujourd’hui sont parties à l’étranger. On a essayé de le faire par une « politique de l’offre » et cela a échoué. Faudra trouver autre chose.

      [Effectivement ces redistributions massives sont en partie financées par l’emprunt dette (dont la moitié pour les retraites) par “blocage” de la solution impôts, réputés très élevés. Mais en augmentant les impôts on aggravera la difficulté pour créer, voire maintenir, les 5-7 millions d’emplois productifs manquants. (en comparaison de nos voisins et leur 50 % de la population au travail).]

      Pourquoi ? Vous assenez cette affirmation comme si c’était une évidence. Mais est-elle vraie ? On voit mal en quoi, par exemple, la TVA empêcherait de créer ou maintenir des emplois. Même chose pour l’impôt sur le revenu – qui, rappelons-le, touche le revenu des PERSONNES PHYSIQUES, et non celui des entreprises. La corrélation entre le niveau des impôts et l’emploi est beaucoup moins évidente que vous ne le pensez. Prenez par exemple les pays scandinaves : ils ont des taux d’activité élevés, tout en maintenant une pression fiscale comparable à la nôtre. Il est vrai qu’ils n’ont pas l’Euro… peut-être que c’est là qu’il faut trouver l’explication ?

      [Oui, il faut déplacer le débat vers comment plus produire en France. Descartes et ses lecteurs ont peut-être des idées ?]

      Si vous relisez les articles anciens de ce blog, vous verrez que c’est là ma position constante. Venant de la gauche, j’ai toujours combattu la tendance de ce camp de prioriser la question du partage du gâteau par rapport à la manière dont il est produit. Des idées ? Oui, j’en ai, mais malheureusement elles ont peu de chances d’être mises en application dans le contexte imposé par la construction européenne.

      Car c’est de là que vient le problème : toute la réglementation européenne a été construite pour privilégier les intérêts du consommateur par rapport au producteur. C’est le cas par exemple de la logique de « concurrence libre et non faussée », dont l’objectif proclamé est de faire baisser les prix pour le plus grand bonheur du consommateur européen. Cet intégrisme de la concurrence empêche des « champions » européens d’apparaître. On reste donc avec des entreprises qui n’ont pas la « taille critique » pour financer la recherche et l’innovation à la bonne échelle. Qui plus est, plus la concurrence est « pure et parfaite », et plus les prix s’approcheront des coûts de production, ne laissant que des marges faibles pour financer de nouveaux développements. Quant à la recherche publique, la logique de concurrence fiscale de l’UE a appauvri les Etats au point qu’ils ont du mal à financer des grands programmes.

      Augmenter la production implique d’en finir avec le dogme de la « concurrence libre et non faussée ». Et ce n’est pas moi qui le dit, c’est Mario Draghi, qu’on peut difficilement taxer d’euroscepticisme.

  2. Lejeun dit :

    Merci pour tout ce que vous nous apprenez et nous transmettez.

    • Descartes dit :

      @ Lejeun

      [Merci pour tout ce que vous nous apprenez et nous transmettez.]

      Ne me remerciez pas trop, je prends un grand plaisir à le faire… mais merci tout de même pour l’encouragement

  3. Erwan dit :

    [j’ai décidé de prendre une mesure indispensable pour ma santé mentale : me détacher pendant quelques jours, et peut-être quelques semaines, de l’actualité.]
     
    Seulement quelques semaines ? Ta santé mentale se rétablit vite dis-donc 🙂
     
    [Et puis, l’effondrement de notre système scolaire, l’arrivée de l’intelligence artificielle et la concurrence des professionnels formés à l’étranger dont le niveau augmente rapidement risque de soumettre les rejetons des « classes intermédiaires » à une concurrence de plus en plus rude, avec un risque de déclassement de plus en plus important.]
     
    Je suis étonné de te voir mentionner l’intelligence artificielle. Penses-tu toi-même qu’il y ait un risque de concurrence de plus en plus rude causée par cela, ou bien attribues-tu cette perception à la classe intermédiaire sans la partager ?

    • Descartes dit :

      @ Erwann

      [« j’ai décidé de prendre une mesure indispensable pour ma santé mentale : me détacher pendant quelques jours, et peut-être quelques semaines, de l’actualité. » Seulement quelques semaines ? Ta santé mentale se rétablit vite dis-donc]

      Que veux-tu, j’ai une longue habitude… un long week-end à écouter du Bach et à lire de bons livres avec la télé éteinte, et ça repart. Bon, ok, j’ai écouté l’émission « la têrre au carré » sur France Inter, et j’ai failli péter un câble. Aucun cocon n’est parfait…

      [Je suis étonné de te voir mentionner l’intelligence artificielle. Penses-tu toi-même qu’il y ait un risque de concurrence de plus en plus rude causée par cela, ou bien attribues-tu cette perception à la classe intermédiaire sans la partager ?]

      Sans vouloir fétichiser l’intelligence artificielle, comme le font pas mal de politiciens ou de toutologues qui n’y connaissent rien, il faut je pense admettre qu’il s’agit d’un nouvel outil particulièrement efficace pour réaliser certaines tâches, et qu’à ce titre, comme tout outil inventé par l’homme, il aura des effets de « destruction créatrice », pour reprendre la formule de Schumpeter. De la même manière que la machine à vapeur ou le métier à tisser mécanique a détruit toute une série d’emplois – et libéré de la main d’œuvre pour d’autres tâches plus productives – l’intelligence artificielle permettra de réaliser certaines tâches répétitives avec beaucoup moins de main d’œuvre. Seulement, là où la machine à vapeur ou le métier Jacquard remplaçaient des travailleurs dans les ateliers, l’IA va se substituer à des tâches effectuées par des travailleurs dans les bureaux.

      Je ne crois pas que l’IA remplacera demain le policier, le médecin, l’avocat, l’ingénieur, le chercheur, le professeur. Mais elle les libérera d’un certain nombre de tâches répétitives – et cela n’a pas commencé avec ChatGPT, contrairement à ce que beaucoup de gens croient, c’est un processus de long terme qui est en route depuis les années 1990. Et dès lors que vous augmentez la productivité de chaque travailleur, vous aurez besoin de moins de monde à volume de production constante. Un dessinateur industriel aujourd’hui fait le travail de trois dessinateurs d’il y a trente ans. A même volume produit, cela fait deux dessinateurs en moins. Ce n’est pas que l’intelligence artificielle permette de remplacer le dessinateur, il en faut toujours un. Mais cet un est beaucoup plus productif…

      • Bob dit :

        @ Descartes
         
        [j’ai écouté l’émission « la têrre au carré » sur France Inter, et j’ai failli péter un câble.]
         
        Puisque vous supportez l’écoute de France Inter, je suis curieux de savoir ce qui vous a quasiment fait “péter un câble”.

        • Descartes dit :

          @ Bob

          [Puisque vous supportez l’écoute de France Inter, je suis curieux de savoir ce qui vous a quasiment fait “péter un câble”.]

          France Inter m’insupporte… mais pas autant que ses concurrentes, notamment à cause de la publicité omniprésente sur les radios privées.

          Les émissions “écologistes” de France Inter donnent largement matière à “péter un câble” à toute personne moyennement sensée. Dans le temps, on avait l’ineffable Denis Cheissoux et son émission “CO2 mon amour”, qui donnait une tribune permanente à un personnage curieux, Jean-Marie Pelt, grand défenseur des pseudo-sciences (antroposophie, agriculture biodynamique, génodique…), catholique fervent et critique du darwinisme… Mais pour revenir à l’émission de Mathieu Vidart, j’ai failli péter les plombs en écoutant son émission du 10 novembre, dans laquelle l’invitée d’honneur était Laurence Marty, qui se présente elle-même comme “anthropologue, militante féministe et écologiste” et qui venait faire la promotion de son livre “Apprendre et lutter au bord du monde – récits de mouvements pour la justice climatique” (de nos jours, aucun “penseur” ne va aux médias si ce n’est pour vendre son dernier livre/disque/spectacle). Si vous avez envie de voir à quoi ressemble notre monde intellectuel, écoutez le podcast…

  4. Christine Berger dit :

    Bonjour, je confesse dès l’abord mon bas niveau de connaissances dans les merveilles de la politique économique, mais il y a une question que je me pose depuis un moment. On met en place un système où une partie du monde “pense” , une autre partie du monde produit et tout le monde consomme. C’est à dire qu’on considère qu’à part les concepteurs (et encore!) le reste du monde est composé d’imbéciles auxquels il suffira de suggérer une conduite pour qu’ils y obéissent sans rechigner. Il y a probablement une part de vérité, mais imaginons (horresco referens!) que les producteurs soient capables d’analyser ce qu’ils produisent, de l’améliorer , et au final d’envoyer leurs employeurs se faire cuire un oeuf parce qu’eux-mêmes représentent un marché beaucoup plus important, d’autant plus que la production, même à bas coût, aura permis d’augmenter leur  niveau de vie.  Quand en plus d’un côté on encense le travail et le devoir et de l’autre les loisirs et l’égocentrisme, combien de temps un tel système peut-il espérer durer ? Peut-on raisonnablement espérer qu’en diminuant chaque année le niveau scolaire pour ne pas froisser l’ego de ces chers petits, on va surfer en champions sur les océans de la Connaissance? En un mot, comment peut-on croire à son infaillibilité et à la bêtise du reste du monde ? Pour aboutir à quoi? A un monde parfaitement uniforme où on sera tenu par les règlements d’être heureux? Sans moi! J’aurais tendance à penser que les personnages hors normes ne peuvent apparaître que dans les périodes particulièrement difficiles. Interessant moment de l’Histoire où on va pouvoir vérifier….mais il aura du pain sur la planche!

    • Descartes dit :

      @ Christine Berger

      [On met en place un système où une partie du monde “pense” , une autre partie du monde produit et tout le monde consomme. C’est à dire qu’on considère qu’à part les concepteurs (et encore!) le reste du monde est composé d’imbéciles auxquels il suffira de suggérer une conduite pour qu’ils y obéissent sans rechigner.]

      C’est un peu plus compliqué que cela. Ce n’est pas qu’on « mette en place un système », ce système s’impose de lui-même parce qu’il est le plus efficient, le plus économique. Quand vous êtes malade, vous appelez un médecin. Quand vous êtes accusée de quelque chose, vous prenez un avocat. Quand vous voulez faire bâtir une maison, vous vous adressez à un architecte. Et lorsque vous avez une fuite chez vous, vous contactez un plombier. Maintenant, imaginez que chacun d’entre nous devait être capable de se soigner, de se défendre, de bâtir sa maison, de réparer une fuite lui-même. Non seulement il nous faudrait étudier beaucoup plus, mais il y a de grandes chances que nous soyons moins bien soignés, moins bien défendus, moins bien logés, et que nous gardions longtemps les pieds dans l’eau.

      La division du travail est le fondement du progrès économique, et les rares tribus primitives qui ont persisté a leu refusé sont restées primitives. C’est par la division du travail qui permet à chaque individu de se consacrer à quelques activités – et à pouvoir les exercer avec un haut degré de compétence – et à compter pour le reste sur d’autres individus tout aussi spécialisés. C’est la division du travail qui permet d’augmenter massivement la productivité du travail, et donc le niveau de vie global d’une civilisation.

      Et la division du travail aboutit à avoir des gens qui « pensent », qui conçoivent, qui planifient, qui inventent, qui recherchent et trouvent. Et aussi des gens qui se contentent d’exécuter des instructions, de suivre des protocoles conçus par d’autres. Avec entre les deux toute une panoplie de degrés intermédiaires. Comment voulez-vous faire autrement ? Pensez-vous que tout le monde devrait être capable de dessiner un Rafale ?

      [Il y a probablement une part de vérité, mais imaginons (horresco referens!) que les producteurs soient capables d’analyser ce qu’ils produisent, de l’améliorer, et au final d’envoyer leurs employeurs se faire cuire un oeuf parce qu’eux-mêmes représentent un marché beaucoup plus important, d’autant plus que la production, même à bas coût, aura permis d’augmenter leur niveau de vie.]

      A ce processus je vois deux écueils. Le premier, c’est que si les « employeurs » occupent une position dominante, c’est moins parce qu’ils sont capables de « penser » – en général, ceux qui « pensent » dans l’entreprise sont eux aussi des salariés formés pour ça – que parce qu’ils possèdent le capital. Les producteurs peuvent se passer de la « pensée » du patron, mais ne peuvent que difficilement se passer des bâtiments, des machines, des matières premières dont il est le seul propriétaire.

      Le second écueil se trouve dans ce que vous appelez les « producteurs ». De quel « producteur » parlons-nous ? De l’ingénieur de conception, du chef d’atelier, de l’ouvrier à la chaine, de la femme de ménage ?

      [Quand en plus d’un côté on encense le travail et le devoir et de l’autre les loisirs et l’égocentrisme, combien de temps un tel système peut-il espérer durer ?]

      Aussi longtemps qu’on peut emprunter. C’est ça l’un des paradoxes du capitalisme : les chinois ont beau produire, cela ne leur servira à rien s’il n’y a personne pour acheter leur production. Or, pour que l’occident continue à leur acheter, il faut continuer à lui prêter. C’est ainsi que les Etats-Unis continuent à creuser une dette à côté de laquelle la notre est une douce plaisanterie…

      [Peut-on raisonnablement espérer qu’en diminuant chaque année le niveau scolaire pour ne pas froisser l’ego de ces chers petits, on va surfer en champions sur les océans de la Connaissance?]

      Clairement, non. On est effrayé de voir combien quatre décennies de laxisme croissant ont transformé un système éducatif qui passait parmi les meilleurs du monde en cette chose que nous avons devant nous.

  5. GDAT13 dit :

    Désolé du hors-sujet total, mais l’information semble tellement extraordinaire que j’aimerai avoir votre avis éclairé sur ce sujet :
    Réacteur MSR
    Extraordinaire les avantages de cette filière et encore plus surprenant son abandon par les USA si cette technique a vraiment les avantages décrits.
    Question subsidiaire : la France s’est-elle intéressé à cette filière MSR, sinon pourquoi ?
    Merci de vos lumières.

    • Descartes dit :

      @ GDAT13

      [Désolé du hors-sujet total, mais l’information semble tellement extraordinaire que j’aimerai avoir votre avis éclairé sur ce sujet : (Réacteur MSR) Extraordinaire les avantages de cette filière et encore plus surprenant son abandon par les USA si cette technique a vraiment les avantages décrits.]

      N’est-ce pas ? Ici, l’usage intensif du rasoir d’Occam s’impose. Ou pour le dire plus simplement, le recours à l’adage bien connu : « si c’est trop beau pour être vrai, c’est probablement faux ».

      L’article « on a trouvé le mouvement perpétuel/le moteur à eau/le remède contre le cancer/le secret de la vie éternelle (rayez la mention inutile) mais des politiciens sans vision/des lobbies intéressées (rayez la mention inutile) ont arrêté les recherches/ont mis le chercheur au placard (rayez la mention inutile) » sont légion. Ce genre d’article exploite en fait un réflexe très humain : nous vivons dans un univers de plus en plus complexe, dont il est de plus en plus difficile de saisir le véritable fonctionnement. Il est de moins en moins aisé de savoir ce qui se fait, qui prend les décisions, sur quels critères et pour servir quels intérêts. C’est sur ce terreau que les marchands de peur cultivent le complotisme, et c’est ce complotisme qui fait qu’on arrive à croire des articles comme celui que vous citez.

      En fait, il est assez facile de voir que l’auteur de l’article ne sait pas de quoi il parle. Je ne prends qu’un exemple : on peut y lire le paragraphe suivant : « Dernier point critique : contrairement aux réacteurs conventionnels, les MSR n’ont pas besoin d’être construits à côté de sources d’eau massives, ils peuvent être construits essentiellement n’importe où. En fait, le réacteur MSR “TMSR-LF1” chinois, le projet révolutionnaire dont nous discutons, est situé dans le comté de Minqin, dans la province du Gansu, l’une des régions les plus arides de Chine, juste au bord du désert de Gobi (voir capture d’écran ci-dessous, vous pouvez consulter la carte vous-même ici). Attendez, je vous entends dire, je pensais que les MSR devaient également vaporiser de l’eau pour faire tourner les turbines et produire de l’électricité ? Eh bien, pas toujours : rappelez-vous comment j’ai écrit “ou un autre gaz, comme nous le verrons plus tard” comme une mise en garde ? C’est le cas ici. Le réacteur actuel est un projet de démonstration testant le cycle du combustible au thorium sans produire d’électricité (il n’y a donc pas de turbine), mais la Chine commence déjà à construire la centrale proprement dite sur le même site : un réacteur de 60 MW qui produira 10 MW d’électricité en utilisant des turbines à dioxyde de carbone supercritiques au lieu de la vapeur traditionnelle. Le CO2 reste dans une boucle pressurisée fermée ; le sel fondu chaud le chauffe, il fait tourner la turbine, le refroidissement à l’air ambiant le refroidit, et cela recommence. Aucune eau nécessaire n’importe où dans le système. »

      A lire ce paragraphe, on a l’impression que si on construit les centrales nucléaires à côté de sources d’eau, c’est parce qu’on en a besoin pour générer la vapeur pour faire tourner la turbine. Mais c’est faux : dans un réacteur conventionnel, le circuit eau-vapeur (dit « circuit secondaire ») est lui aussi fermé. L’eau est vaporisée dans les générateurs de vapeur, passe par la turbine, puis par un condensateur où elle retourne à l’état liquide, et est réinjectée dans le générateur de vapeur. L’apport d’eau extérieur se réduit à des appoints pour couvrir les petites fuites de vapeur inhérentes à une installation industrielle. Non, si on construit les centrales électriques – et pas seulement nucléaires – à côté des cours d’eau ou de la mer, c’est parce que pour faire tourner toute machine thermique il faut une « source froide », c’est-à-dire, un réservoir susceptible d’absorber toute la puissance produite par la chaudière (nucléaire ou pas) et qui n’est pas transformée en électricité.

      L’article signale, comme en passant, qu’une fois le gaz chaud passé par la turbine « le refroidissement à l’air ambiant le refroidit », comme si cela allait de soi. Mais c’est là que se trouve tout le problème : si le réacteur produit 60 MW, et que 10 MW partent sous forme d’électricité, que fait-on des 50 MW restants ? Evacuer 50 MW simplement en refroidissant « à l’air ambiant », c’est très loin d’être une évidence, surtout dans le désert de Gobi, où « l’air ambiant » est assez chaud pour commencer. D’ailleurs, l’efficacité maximale de la conversion de la chaleur en électricité dépend de la différence de température entre la « source chaude » (la chaudière, nucléaire ou pas) et la « source froide », c’est-à-dire, le réservoir de refroidissement. Avec une eau autour de 20 °C et un primaire à 300 °C, un REP a une efficacité de l’ordre de 30%, autrement dit, pour produire 1000 MW, il faut que la « source froide » en absorbe 2000 MW. On imagine mal comment on pourrait évacuer ce genre de puissance simplement par un refroidissement « à l’air ambiant ». L’article prétend même, un peu plus loin, que le « MSR chinois » pourrait « être déployé sur la lune ». Il faudra m’expliquer comment on ferait pour le refroidir « à l’air ambiant »…

      Pour le reste, l’article mélange toutes sortes de choses. Oui, il existe des réacteurs dont le fluide caloporteur – c’est-à-dire, le fluide utilisé pour évacuer la chaleur du cœur du réacteur et la transporter jusqu’aux générateurs de vapeur – est un sel ou un métal fondu. C’était le cas par exemple des réacteurs Phénix et Superphénix en France, qui utilisaient du sodium fondu, ou bien des réacteurs de certains sous-marins soviétiques, qui utilisaient des alliages de plomb, d’étain, de bismuth. Mais pour « dissoudre du combustible » dans un métal fondu, il faut aller très haut en température, ce qui pose des problèmes techniques considérables lorsqu’on arrive en phase d’industrialisation. C’est pourquoi, malgré le fait que des réacteurs expérimentaux aient montré qu’un MSR de faible puissance pouvait fonctionner, aucun industriel ne s’y est vraiment intéressé.

      Quant au cycle du thorium, la Commission à l’énergie atomique de l’Inde – qui a des réserves de thorium importantes sur son sol – en a fait d’ailleurs l’un de ses programmes de recherche phare, mais n’a jamais réussi à développer un processus industriel. Et ce n’est pas faute d’y avoir mis la volonté politique…

      [Question subsidiaire : la France s’est-elle intéressée à cette filière MSR, sinon pourquoi ?]

      Oui, il y a quelques projets sur papier, mais pour le moment aucun projet industriel ne se présente à l’horizon, ni en France, ni partout ailleurs. Et ce n’est pas la faute de tel ou tel amiral, comme le suggère l’article, mais tout simplement parce que lorsqu’on regarde les aspects technico-économiques, ce n’est pas rentable aujourd’hui. Il faut bien comprendre que ce n’est pas parce que quelque chose est POSSIBLE qu’elle est économiquement rentable. La filière uranium existe, elle est opérationnelle, l’uranium n’est pas cher et les réacteurs à eu pressurisée sont raisonnablement efficaces. Et on a des combustibles pour quelques siècles, et avec la surgénération, pour quelques millénaires. Dans ces conditions, est-ce rationnel d’investir dans la création d’une filière thorium, qui sera plus coûteuse au kWh produit ?

      • GDAT13 dit :

        Merci d’avoir pris le temps de faire une réponse si bien documentée à une question aussi hors-sujet, mais le moyen de faire autrement ?
        Reste quand même une question : à votre avis, pourquoi les chinois qui ne sont pas plus stupides que nous (et à mon avis plutôt moins sur beaucoup de choses) se lancent ils dans cette aventure ?
         

        • Descartes dit :

          @ GDAT13

          [Reste quand même une question : à votre avis, pourquoi les chinois qui ne sont pas plus stupides que nous (et à mon avis plutôt moins sur beaucoup de choses) se lancent ils dans cette aventure ?]

          Ils s’y lancent, mais a pas bien plus prudents que ceux dont parle l’article. Pour l’instant, le seul réacteur réellement construit est un démonstrateur d’une puissance thermique de 2MW (puissance qu’on peut effectivement évacuer par un refroidissement à l’air) et qui n’est pas censé produire de l’électricité. Mais pour répondre à votre question, les chinois font ce que le CEA faisait chez nous dans les années 1940-70: construire plein de petites expériences pas chères pour se “faire la main” sur un certain nombre de technologies, même si cela n’avait pas d’application immédiate. C’est d’ailleurs la logique même du capital-risque: vous investissez sur 100 entreprises innovantes, dont 99 couleront mais la centième sera une “licorne” qui couvrira largement vos pertes.

          Dans les années 1980-90, on a abandonné au CEA cette logique du “small is beautiful” pour construire des grosses machines censées tout faire. Le résultat a été désastreux. D’une part, parce que comme une grosse machine coûte cher, vous ne pouvez pas poursuivre plusieurs lièvres à la fois: vous devez un choisir un, et tant pis si vous laissez échapper le plus gros des rongeurs (ex. le tokamak Tore Supra). Ensuite, parce que la grosse machine censée tout faire devient tellement complexe que sa construction prend des retards infinis (ex: le réacteur Jules Horowitz). Enfin, parce que la multiplicité des petites machines permettait de former une multiplicité d’ingénieurs capables de construire une machine, et qui pouvaient ensuite en construire des grosses. Avec les grosses machines capables de tout faire, cette formation devient plus difficile.

  6. La houle du virtuel dit :

     
    De toujours, les choix de vie furent stagnants, au sens où l’intemporel était une vue de l’esprit encombrante et encombrée, où inspirations, sensations et humeurs du vif représenté sont encore le fait de logorrhées arriérées. À ceci près, que l’euphémisme progressiste émousse les pensées originales, tout langage demeurant un substrat neutre. Et que tout ou presque, de ce qui était directement vécu s’épanche maintenant sur un contrôle numérique désormais logé dans nos poches.
     
    Merci les gardiens. Mais non sans que sur la muraille, comme aux musées, nous soyons avisés par verbiages destinés à nous conduire, ou du moins, à ne pas gêner les avancées d’un néo-progrès de plus. Au-delà de quoi, la guerre des langages se poursuit en créant ses mots, images et méfaits supposés circonscrire questions et problèmes. Afin que tout ce qui est directement vécu s’épanouisse et s’évanouisse surexcité par des signaux spectaculaires spécialement dépassés. 
     
    Toutefois, quelle confiance exigerait le respect des libertés, si la bataille est de prétendre conduire autrement les réalités perçues. D’autant qu’exposer ou taire nos reflets ne participe que d’enfermements fondamentaux. Aussi, pas de catégories d’esprit à proprement parler, juste les mérites d’agonies disparues offertes par le détour civil d’arts en quête d’absolus qui n’en reviennent pas. Mais attention à la marche, d’autres temps et de nouveaux égards sont exprimés en vue d’une culture des arts de l’infini. Un nouvel état des factualités globales dans l’art de dépendre convenablement.
     
    Désormais, les factualités de dépendance constituent le tissu même de l’humanité, à l’échelle planétaire. Ce que Jean Vigo a montré avec son film L’Atalante et la célèbre réplique de 1933 : —Vous êtes un rien du tout. Passez à la caisse ! L’optimisation n’ayant de sens que si elle est éthique, écologique et consciente. L’avenir de la civilisation ne résidant pas dans la suppression des dépendances, mais dans leur mise en forme harmonieuse. Une interdépendance optimisée, respectueuse du vivant et de l’équilibre des systèmes. En somme, l’homme du XXIe siècle n’a pas à tenter de chercher à se libérer de dépendances, mais à apprendre l’art de bien en dépendre. Au musée comme ailleurs dans nos urbanités pataugées.
    À suivre.
     

  7. Cording1 dit :

    Je partage, comprends et donc ne suis pas surpris par votre choix. Cette activité devait être très chronophage tant par la rédaction que par les réponses que vous faites à vos lecteurs. 
    Depuis le début de la construction européenne et surtout en 1986 avec l’Acte unique du commissaire européen Jacques Delors la classe politique a organisé son impuissance politique en se défaussant sur une UE qu’ils ont mis en place; son impuissance face aux médias qui leur dicte leurs agendas, leur façon de voir et d’analyser les choses, de subir et de réagir selon eux mais en profonde connivence en tous domaines; son impuissance économique en dépolitisant l’économie alors que l’économie c’est du politique parce qu’elle concerne tous les citoyens, avec un merveilleux, incontestable alibi qu’est la construction européenne ce tabou du débat public. Il y a un discours idéologique dominant qui plombe tout du moins dans les médias officiels et connivents. 
    Dans ces conditions où tout parait bloqué comment peut émerger un homme politique, un vrai, un serviteur de l’Etat et de la Nation ? Tout cela semble bien décourageant à moi-même aussi.    
    Les choses pourront changer lorsqu’une partie du bloc dominant réalisera à quel point il a une fausse conscience de sa situation selon l’expression d’Emmanuel Todd; notamment la petite bourgeoisie intellectuelle, une partie assez conséquente pour lui faire perdre sa domination, lui faire rallier les classes perdantes du système qu’elles ont mises en place ou acceptés, ou bien l’hypothèse des effets de l’IA qui va supprimer des milliers d’emplois de cols blancs et de ‘bullshit jobs” qui se croyaient à l’abri des réalités, des conséquences de ce qu’elles préconisaient ou étaient en accord. Hypothèses non exhaustives d’autres.   
    Je me permets une hypothèse politique à savoir qu’il y a un homme politique plus lucide que les autres mais totalement marginalisé par son camp politique parce que c’est un homme seul sans troupes ni argent. J’ai trouvé récemment chez un soldeur parisien un de ses livres paru en 2013 dans la collection de poche Babel d’ Actes Sud “Leur grande trouille, journal de mes pulsions protectionnistes. Vous l’avez, peut-être, deviné : il s’agit de François Ruffin. J’ai, un peu, cru en lui jusqu’à sa défausse lamentable à propos de la manifestation du 10 novembre 2019 contre une présumée islamophobie. Cependant à court terme son horizon, celui de 2027, est totalement bouché toutefois il passerait par une défaite cinglante de la gauche prisonnière d’un vieil apparatchik politicien soucieux d’arriver à tout prix à être élu président à sa quatrième tentative en 2027.  Ce que l’on ne peut exclure en raison de la dictature qu’il impose, lui et sa meute,  mais de plus en plus mal supportée; vous aurez deviné qu’il s’agit du caudillo Jean-Luc Mélenchon.  
    A mon sens il y a une autre personnalité qui pourrait faire bouger la situation politique si elle voulait se donner la peine, prendre le risque non pas d’une revue, une de plus, dénommée “L’Audace” mais de se lancer en politique.. Qui sait après avoir perdu le contrôle du “gentil” magazine Marianne l’audace politique pourrait la conduire là ? Vous l’avez également reconnue , il s’agit de Natacha Polony…. 

    • Descartes dit :

      @ Cording1

      [Je partage, comprends et donc ne suis pas surpris par votre choix. Cette activité devait être très chronophage tant par la rédaction que par les réponses que vous faites à vos lecteurs.]

      Mon choix n’est certainement pas d’arrêter ce blog… oui, cela prend un peu de temps, mais je vous avoue que j’éprouve un véritable plaisir à écrire et à échanger avec les lecteurs. Sans ce plaisir, j’aurais arrêté depuis très longtemps…

      [Dans ces conditions où tout parait bloqué comment peut émerger un homme politique, un vrai, un serviteur de l’Etat et de la Nation ? Tout cela semble bien décourageant à moi-même aussi.]

      « Surgir » du point de vue médiatique, c’est quasiment impossible. J’aime beaucoup l’image du « panier des crabes » qu’évoque Terry Pratchett : Vous savez pourquoi, lorsqu’on met des crabes dans un panier, ce n’est pas la peine de mettre un couvercle ? Parce que dès qu’un crabe arrive à se hisser suffisamment haut pour pouvoir sortir du panier, les autres avec leurs pinces le ramènent en bas. Notre classe politique est constituée de petits ambitieux qui veulent être calife à la place du calife. Et dès qu’apparaît quelqu’un qui pourrait sortir du lot – et donc compromettre leurs ambitions – on se débrouille pour le descendre. L’homme politique se dévoue à plus grand que lui – que ce soit un homme ou une cause – est devenu une denrée rare. Chacun se sent capable et légitime à prétendre aux plus hautes positions, celles qu’on réservait naguère à des gens « hors concours ». Comment voulez-vous que de véritables « grands » surgissent dans une logique qui efface toute hiérarchie ?

      Des serviteurs de l’Etat et de la Nation, cela existe encore. On les trouve dans la haute fonction publique. Mais les médias n’en parlent pas. Ils n’apparaissent publiquement que lorsqu’ils font une bêtise – cela arrive à tout le monde – ou, ce qui est plus fréquent, lorsqu’on a besoin d’un bouc émissaire.

      [Les choses pourront changer lorsqu’une partie du bloc dominant réalisera à quel point il a une fausse conscience de sa situation selon l’expression d’Emmanuel Todd; notamment la petite bourgeoisie intellectuelle, une partie assez conséquente pour lui faire perdre sa domination, lui faire rallier les classes perdantes du système qu’elles ont mises en place ou acceptés, ou bien l’hypothèse des effets de l’IA qui va supprimer des milliers d’emplois de cols blancs et de ‘bullshit jobs” qui se croyaient à l’abri des réalités, des conséquences de ce qu’elles préconisaient ou étaient en accord.]

      Effectivement, des fissures apparaissent dans le bloc dominant. Est-ce que cela conduira les classes intermédiaires à « rallier les classes perdantes du système » ? Je n’en suis pas convaincu. Ce qu’on peut observer est plutôt un retour au « pacte » entre le capital et les couches populaires qui marginalise les classes intermédiaires. Le cas de Trump est un exemple intéressant : voici un président-janus, dont l’une des faces est tournée vers la bourgeoisie (dérégulation, baisses d’impôts) et l’autre vers les couches populaires (protectionnisme, immigration). Il y a là une sorte de « pacte » construit autour d’une relance de la production, une sorte de gaullo-communisme à la sauce américaine.

      [Je me permets une hypothèse politique à savoir qu’il y a un homme politique plus lucide que les autres mais totalement marginalisé par son camp politique parce que c’est un homme seul sans troupes ni argent. J’ai trouvé récemment chez un soldeur parisien un de ses livres paru en 2013 dans la collection de poche Babel d’ Actes Sud “Leur grande trouille, journal de mes pulsions protectionnistes. Vous l’avez, peut-être, deviné : il s’agit de François Ruffin.]

      Ruffin est aujourd’hui l’un des hommes les plus lucides à gauche – ce qui, compte tenu de l’état dans lequel se trouve la gauche, n’est qu’un demi-compliment. Je ne suis pas d’accord avec lui sur beaucoup de points – et je pense comme vous qu’il a sérieusement dérapé sur la question de l’islamophobie. Je n’aime pas non plus sa tendance à raisonner par exemples, qu’il accumule à chacune de ses interventions, sans en déduire quoi que ce soit comme système. Mais je lui reconnais d’être l’un des rares à avoir compris la dynamique populaire du RN, à admettre qu’on ne combattra pas l’extrême droite sans adresser les problèmes des couches populaires, sans partir de ce qu’elles ont dans la tête. Mais, malheureusement, sa réflexion s’arrête là. Il n’a pas de projet, pas de vision.

      [Cependant à court terme son horizon, celui de 2027, est totalement bouché toutefois il passerait par une défaite cinglante de la gauche prisonnière d’un vieil apparatchik politicien soucieux d’arriver à tout prix à être élu président à sa quatrième tentative en 2027. Ce que l’on ne peut exclure en raison de la dictature qu’il impose, lui et sa meute, mais de plus en plus mal supportée ; vous aurez deviné qu’il s’agit du caudillo Jean-Luc Mélenchon.]

      Il est important je pense d’aller un peu plus loin que les questions de personnes. Si ce « vieil apparatchik politicien » a pris la place qui est aujourd’hui la sienne, c’est aussi parce que sa figure, son discours, son action répondent à la demande d’une fraction de la société. Les « insoumis » n’ont pas de pistolet sous la tempe. S’ils n’aiment pas le régime Mélenchon, ils peuvent se révolter contre lui et dans le pire des cas quitter son organisation et rejoindre d’autres partis politiques. S’ils ne le font pas, c’est parce qu’ils trouvent chez le gourou quelque chose qui correspond à leurs attentes. Un dicton espagnol dit « la faute n’est pas au cochon, mais à celui qui le nourrit ». Il faut se demander pourquoi tant de gens ont « nourri » Mélenchon.

      Ces gens-là ne constituent pas un groupe homogène. Vous trouvez une frange des classes intermédiaires qui ont le portefeuille à droite mais veulent garder le cœur à gauche, et pour qui le vote ou le soutien à Mélenchon est un alibi idéal. Vous trouvez beaucoup de gens qui, dans ce monde incertain, cherchent un discours de certitudes, une conviction d’être du « bon » côté, une confiance dans des « lendemains qui chantent ». Ces certitudes, on allait naguère les chercher à l’Eglise, on les trouve désormais dans des mouvements sectaires. Vous pensez que le fonctionnement « sectaire » de LFI pourrait conduire à sa perte. Je pense le contraire : c’est ce fonctionnement sectaire qui en fait son attrait. Quoi de plus confortable, de plus attractif, que de croire qu’on est conduit par un homme qui détient la vérité ?

      François George a analysé ce mécanisme dans un contexte différent, celui du phénomène « stalinien » en France. Le PCF « stalinien » offrait, lui aussi, des certitudes, la conviction d’être du « bon » côté de l’histoire, et les « lendemains qui chantent ». Mais contrairement à Mélenchon, la certitude était liée à la conviction de détenir un instrument d’analyse « scientifique » – le marxisme-léninisme – et non dans l’autorité d’un homme.

      [A mon sens il y a une autre personnalité qui pourrait faire bouger la situation politique si elle voulait se donner la peine, prendre le risque non pas d’une revue, une de plus, dénommée “L’Audace” mais de se lancer en politique.. Qui sait après avoir perdu le contrôle du “gentil” magazine Marianne l’audace politique pourrait la conduire là ? Vous l’avez également reconnue , il s’agit de Natacha Polony…]

      J’ai une très grande estime pour Polony, l’une des personnes les plus intelligentes dans le paysage médiatique. Mais un bon journaliste ne fait pas forcément un homme d’Etat. On peut être un excellent analyste, un observateur très fin, et ne pas avoir ce qu’il faut pour porter un projet, une vision. Je ne sais pas si Polony serait capable de le faire… Cela étant dit, dans le pays des aveugles, les borgnes sont rois. Quand on voit ce qu’on a comme personnel politique, je ne pense pas que Polony ferait pire.

  8. Laurent dit :

    De Gaulle avait parfaitement résumé une situation, qu’on retrouvera pour le 18 Brumaire ou Thiers massacrant la Commune, et dernièrement l’élection et la politique de Macron : « Le problème, c’est que la Bourgeoisie Française n’est pas patriote. Elle a installé Petain au Pouvoir et a poussé à la Collaboration afin de sauvegarder ses intérêts ». Ce qui a permis les 30 Glorieuses, c’est que la partie active des patrons ou de la Bourgeoisie qui avait Résisté ou même connu Dachau, mêlée a la plèbe communiste qui deviendra leader de la CGT avec Krasucki, par exemple, mais aussi Seguy, a pu étouffer provisoirement la Bourgeoisie collabo qui a du l’écraser un peu pendant un moment, le temps de se refaire une virginité… Macron est le dernier avatar qui l’a complètement décomplexée… 

    • Descartes dit :

      @ Laurent

      [De Gaulle avait parfaitement résumé une situation, qu’on retrouvera pour le 18 Brumaire ou Thiers massacrant la Commune,(…)]

      Je fais ici un apparté pour dire ce que je pense de cette assimilation entre le 18 brumaire et le massacre de la Commune : l’amalgame entre les deux situations est à mon avis une grave erreur. Je sais qu’à gauche il est une sorte de légende qui veut que le 18 brumaire ait eu pour objectif d’en finir avec les conquêtes démocratiques de la Révolution. Mais c’est là une grave erreur : lorsqu’arrive le 18 brumaire, la France est gouvernée sous le régime du Directoire, régime dont l’inefficacité et la corruption étaient flagrants. Le 18 brumaire permet aux jacobins – dont Bonaparte lui-même – un retour aux affaires dans le cadre d’un régime fort qui consolidera les acquis de la Révolution, à travers de l’organisation centralisée et uniforme du territoire, des grands codes qui organisent le droit civil et pénal, d’institutions dont beaucoup sont encore avec nous… rien à voir donc avec l’intervention de Thiers en 1870, qui fut essentiellement négative et ne laissera guère d’institutions derrière elle.

      [(…) et dernièrement l’élection et la politique de Macron : « Le problème, c’est que la Bourgeoisie Française n’est pas patriote. Elle a installé Petain au Pouvoir et a poussé à la Collaboration afin de sauvegarder ses intérêts ». Ce qui a permis les 30 Glorieuses, c’est que la partie active des patrons ou de la Bourgeoisie qui avait Résisté ou même connu Dachau, mêlée a la plèbe communiste qui deviendra leader de la CGT avec Krasucki, par exemple, mais aussi Seguy, a pu étouffer provisoirement la Bourgeoisie collabo qui a du l’écraser un peu pendant un moment, le temps de se refaire une virginité…]

      La bourgeoisie française n’est certainement pas patriote – aucune bourgeoisie ne l’est vraiment. Il est vrai que politiquement la bourgeoisie s’est largement compromise dans la collaboration, et du coup a du faire amende honorable après la Libération. Mais il n’y a pas que ça. La nationalisation des banques et des assurances a sérieusement amoindri le pouvoir de la bourgeoisie purement financière, et les grands programmes lancés par l’Etat ont bénéficié à la bourgeoisie industrielle, beaucoup plus proche de la production et donc beaucoup plus territorialisée. La désindustrialisation, la privatisation des banques et des assurances, la dérégulation financière ont contribué à redonner le pas à la bourgeoisie financière dans les années 1980.

      [Macron est le dernier avatar qui l’a complètement décomplexée…]

      Macron est l’homme de la bourgeoisie financière.

  9. cdg dit :

    [Le monde de 1945 était celui de la dialectique entre un « bloc bourgeois » d’un côté, et une alliance entre le prolétariat et des « classes intermédiaires » qui en étaient issues et qui en gardaient la mémoire de leur origine. Le monde de 2025 est celui d’un « bloc dominant » formé par la bourgeoisie et de « classes intermédiaires » composées pour une grande partie d’héritiers oublieux de leurs origines]
    Votre description est a mon avis trop sommaire. En 1945 et meme jusqu au années 60 ce que vous appelez les classes intermédiaires étaient numeriquement peu nombreuse et en plus très souvent issues de la bourgeoisie (les seuls qui pouvaient payer des études a leurs enfants ou les doter d un capital pour acheter un commerce). Il y avait a l opposé un % notable de paysans dont les revenus les rapprochaient des proletaires mais qui étaient ideologiquement conservateurs.
    De nos jours on a une énorme « classe intermediaire » dont une partie est pauperisee (le parfait exemple est le personnel de l education nationale). Mais electoralement la fracture ne se fait plus sur les classes sociales ou les revenus. Le RN prospere dans la bourgeoisie et le proletariat grâce au rejet de l immigration africaine (dont a l inverse LFI fait son miel)
    Autrement dit de 1945 a 1969 l electeur se determinait sur des questions économiques (communisme/marché) ou nationaliste (par ex l algerie francaise). Aujourd hui c est le societal (meme si le coté woke a perdu récemment été mit en sourdine avec la debacle de Kamala) et l immigration. Plus personne ne parle serieusement d economie (le fait que le seul debat recent est une taxe de 2% sur le capital illustre bien qu il s agit juste d une posture politicienne)
     
    [Parce qu’il y a cinquante ans, le patronat tenait à se présenter comme « patriote », et qu’un tel départ aurait été assimilé à une trahison]
    Meme s il y avait a l époque un sentiment national plus fort que maintenant (et encore, n oublions pas qu une bonne partie du patronat n a pas trop hesite a collaborer entre 40 et 44) la question n est a mon avis pas la. Il y a 50 ans il était tout simplement impossible de delocaliser !
    Une partie des pays étaient sous le joug du communisme (bon courage pour delocaliser dans la chine de Mao). Pire la technologie n était pas prete. Aujourd hui vous pouvez envoyer les plans ou faire du juste a temps et augmenter la production instantanément meme si l usine est en chine. Il y a 50 ans, tout était encore sous forme de papier (les stocks, les commandes, les plans). Il fallait envoyer des fax voire envoyer du personnel sur place. Ca prenait des jours et coutait bien plus cher
     
    [Combien de professeurs d’université sont allés enseigner outre-Atlantique – ou rêvent de le faire – attirés par des salaires bien meilleurs que ceux de chez nous ?]
    Je pense pas que ca soit juste une question d argent. Quel est le principal debat de notre classe politique ou dirigeante ? la retraite a 62 ou 64 ans. Autrement dit quelque chose qui concerne les gens né au milieu des années 60 (62 ans aujourd hui =ne en 1963).
    Est-ce que ca parle à une personne né dans les années 90 ou plus tard ? pas vraiment car le système par répartition tel qu on le connait aujourd hui n existera plus en 2050. Les sujets qui concernerait cette personne (redressement du niveau scolaire, cout excessif du logement ou adaptation au changement climatique sont niés ou ignorés). Pourquoi donc rester si c est pour travailler pour un système qui dans le meilleur des cas vous ignore voire vous crache dessus ?
    Et vu le poids electoral des retraités il est illusoire que ca change : on continuera a engloutir quasiment 50 % des dépenses pour le 3eme age pour des pensions et soins médicaux et afin de contenir les deficits on economisera sur l education et autres dépenses d avenir. Donc pourquoi rester sur le titanic si vous etes affecté a la chaufferie et le capitaine vous ignore superbement ?
     
    Pour ce qui concerne le « discours médiatique » je pense pas que le declencheur soit l IA ou le fait que les classes intermédiaires soient delocalisees. Pendant longtemps on a pensé « commerce et paix ». J achete a l etranger car c est mieux ou moins cher. Puis est arrivé le covid, la guerre (ukraine et guerre commerciale chine/usa). Et on c est rendu compte que si on ne produisait rien, on devenait dependant de pays tiers qui n allaient pas forcement vous fournir meme si vous payez (que ca soit des masques ou des terres rares). Pire certains pays ne vous veulent pas que du bien
     
    Par contre la prise de conscience de nos problemes est lente. Par ex un grand nombre de nos compatriotes sont persuadés que les chinois sont tout juste bon a copier et produisent de la camelote. S ils sont moins cher c est qu ils sont moins payé. Ils devraient se réveiller et regarder ce qui se passe avec la nouvelle twingo. Concue a Shanghai (pres de 2 fois plus rapidement que la megane e tech). 45 % des pieces seront chinoises et elle sera assemblee en Slovenie. A ce rythme dans 20 ans l automobile francaise n existera plus
     

    • Descartes dit :

      @ cdg

      [Votre description est a mon avis trop sommaire. En 1945 et même jusqu’aux années 60 ce que vous appelez les classes intermédiaires étaient numériquement peu nombreuse et en plus très souvent issues de la bourgeoisie (les seuls qui pouvaient payer des études a leurs enfants ou les doter d un capital pour acheter un commerce).]

      Les classes intermédiaires n’étaient pas si « peu nombreuses » que ça, mais elles étaient certainement beaucoup moins nombreuses que maintenant. Mais surtout, elles étaient issues essentiellement de la promotion sociale « au mérite » des couches populaires, par le biais du système scolaire et universitaire sélectif. Les enfants de la bourgeoisie dans leur grande majorité héritent le capital détenu par leurs parents, et n’appartiennent donc pas aux « classes intermédiaires », quand même bien ils auraient fait des études…

      [Il y avait a l’opposé un % notable de paysans dont les revenus les rapprochaient des proletaires mais qui étaient idéologiquement conservateurs.]

      Normal, puisqu’ils étaient propriétaires de leur terre. Ils étaient donc plus proches de la bourgeoisie que du prolétariat, quand bien même leurs revenus étaient faibles. L’intérêt de classe est déterminé non pas par vos revenus, mais par votre place dans le système productif.

      [De nos jours on a une énorme « classe intermédiaire » dont une partie est paupérisée (le parfait exemple est le personnel de l’éducation nationale).]

      « Paupérisée » par rapport à quoi ? Les personnels de l’Education nationale, pour reprendre votre exemple, ont des rémunérations supérieures à la médiane. Alors, sauf à admettre que la moitie de notre pays est constituée de « pauvres », le mot « paupérisée » est excessif. Regardez ce qu’était le niveau de vie des instituteurs il y a un siècle : alors que leur niveau d’instruction était très supérieur à celui des paysans qui étaient les parents de leurs élèves, leur niveau de vie était assez proche de ces derniers.

      [Mais électoralement la fracture ne se fait plus sur les classes sociales ou les revenus. Le RN prospère dans la bourgeoisie et le prolétariat grâce au rejet de l’immigration africaine (dont a l inverse LFI fait son miel)]

      Ah bon ? Depuis quand la bourgeoisie « rejette l’immigration africaine » ? C’est tout le contraire : la bourgeoisie tient au contraire le discours selon lequel l’immigration est indispensable pour fournir de la main d’œuvre, et s’est toujours opposé en tant que classe aux politiques d’immigration restrictives, pour la simple et bonne raison que les immigrants fournissent une main d’œuvre docile et leur afflux pousse les salaires vers le bas. Ce sont les syndicats, au contraire, qui se sont historiquement opposés à l’immigration.

      Je pense que vous faites erreur d’ailleurs en pensant que l’immigration est le premier ressort du vote des prolétaires pour le RN. Vous noterez que la position du RN quant à l’immigration n’a pas changé depuis un demi-siècle, et que cela ne lui permettait que des scores ridicules, alors que le PCF captait le vote ouvrier avec un discours dont on peut dire beaucoup de choses, mais certainement pas qu’il était raciste. C’est lorsque le PCF abandonne les questions économiques, et que le RN adopte un discours « social-souverainiste » que l’extrême droite commence véritablement à mordre sur l’électorat ouvrier.

      [Autrement dit de 1945 a 1969 l’électeur se déterminait sur des questions économiques (communisme/marché) ou nationaliste (par ex l’Algérie française). Aujourd’hui c’est le sociétal (même si le coté woke a perdu récemment été mit en sourdine avec la debacle de Kamala) et l’immigration.]

      Pardon, mais l’immigration EST UN PROBLEME ECONOMIQUE, du moins pour ceux qui voient leurs salaires baisser du fait de la concurrence sur le marché du travail, les services publics se dégrader du fait d’une plus grande charge sur ceux-ci. Là encore, je pense que vous faites fausse route : les électeurs se déterminent toujours sur les questions économiques. Chaque classe, chaque groupe social vote pour ceux qui défendent le mieux ses intérêts économiques – ou bien contre ceux qui y portent le plus atteinte. Franchement, vous seriez ouvrier, qui penseriez-vous le plus capable de défendre vos intérêts ?

      [Plus personne ne parle sérieusement d’économie (le fait que le seul débat récent est une taxe de 2% sur le capital illustre bien qu’il s’agit juste d’une posture politicienne)]

      Pardon, mais là encore je ne suis pas d’accord. On n’a pas débattu « d’une taxe de 2% », mais du fait de savoir si les détenteurs du capital et les grandes fortunes devaient contribuer plus fortement au financement des services collectifs ou non, et accessoirement s’il était possible de les taxer sans qu’elles aient voir ailleurs. Ce qui me semble un sujet de fond en matière économique. Bien entendu, on ne peut pas dire qu’on ait débattu « sérieusement », de la question, même si la question est sérieuse. Mais c’est le lot commun de tous les sujets aujourd’hui : connaissez-vous un seul sujet qui ait été débattu « sérieusement » ces derniers temps ?

      [« Parce qu’il y a cinquante ans, le patronat tenait à se présenter comme « patriote », et qu’un tel départ aurait été assimilé à une trahison » Même s il y avait à l’époque un sentiment national plus fort que maintenant (et encore, n’oublions pas qu’une bonne partie du patronat n’a pas trop hésite à collaborer entre 40 et 44) (…)]

      Je n’ai pas dit que le patronat ETAIT patriote, j’ai dit qu’il TENAIT A SE PRESENTER comme tel. La nuance ne devrait pas vous échapper… Et si le patronat agissait ainsi, c’est pour plusieurs raisons. D’abord, comme vous le rappelez, il avait à se faire pardonner son attitude pendant l’Occupation. Car si certains comme Renault ont perdu des plumes, beaucoup d’autres sont passés entre les gouttes et avaient tout intérêt à se faire décerner des brevets de patriotisme. Ensuite, parce que leurs liens avec l’Etat étaient beaucoup plus forts, compte tenu de la puissance du secteur nationalisé mais aussi de la capacité de l’Etat à conclure des accords commerciaux dans un monde où le libre-échange ne s’était guère imposé. La bonne santé économique du pays et sa puissance extérieure étaient indispensables à la bonne santé de leurs affaires. Mais ce n’est certainement pas le « sentiment national » qui explique l’attitude du patronat de l’époque, et leur comportement sous l’occupation le montre assez nettement…

      [la question n’est à mon avis pas la. Il y a 50 ans il était tout simplement impossible de délocaliser !
      Une partie des pays étaient sous le joug du communisme (bon courage pour délocaliser dans la chine de Mao). Pire la technologie n’était pas prête. Aujourd’hui vous pouvez envoyer les plans ou faire du juste a temps et augmenter la production instantanément même si l’usine est en chine. Il y a 50 ans, tout était encore sous forme de papier (les stocks, les commandes, les plans). Il fallait envoyer des fax voire envoyer du personnel sur place. Ca prenait des jours et coutait bien plus cher.]

      Vous oubliez un « petit » détail qui a pourtant une importance capitale. S’il n’était pas possible de délocaliser, c’est surtout parce que la plupart des pays protégeaient leurs économies par des barrières douanières, sans compter avec les autres instruments protectionnistes : réservation des marchés publics, manipulation monétaire, etc.

      Les délocalisations ont commencé bien avant l’arrivée de l’informatique, à l’époque où « tout était sous forme de papier ». Car il ne faut pas exagérer la lenteur des communications dans les années 1960. Il est vrai qu’aujourd’hui vous transmettez un plan en quelques secondes, alors qu’à l’époque cela prenait un ou deux jours. Mais ce n’est pas ce délai qui empêchait de produire en Tunisie ou au Maroc – ou dans l’Espagne de Franco. D’ailleurs, lorsque le Brésil et l’Argentine s’ouvrent timidement au libre-échange dans les années 1960, de grandes entreprises européennes – Fiat, Olivetti, Renault – « délocalisent » leur production dans ces pays.

      [« Combien de professeurs d’université sont allés enseigner outre-Atlantique – ou rêvent de le faire – attirés par des salaires bien meilleurs que ceux de chez nous ? » Je pense pas que ça soit juste une question d’argent.]

      Vraiment ? Alors, comment expliquez-vous que si peu de professeurs ne s’expatrient pour enseigner dans des pays pauvres ? Une coïncidence, sans doute…

      [Quel est le principal debat de notre classe politique ou dirigeante ? la retraite a 62 ou 64 ans. Autrement dit quelque chose qui concerne les gens nés au milieu des années 60 (62 ans aujourd hui =ne en 1963). Est-ce que ca parle à une personne née dans les années 90 ou plus tard ? pas vraiment car le système par répartition tel qu’on le connait aujourd’hui n’existera plus en 2050.]

      Pardon, pardon. Les personnes « nées dans les années 90 ou plus tard » ont des parents qui sont nés « au milieu des années 60 ». Alors, savoir quand leurs parents pourront partir à la retraite, et quel sera le montant qu’ils recevront les concerne directement. Parce qu’appauvrir les parents, c’est réduire le montant de l’héritage que recevront leurs enfants ou pire, obliger ceux-ci à aider leurs parents dans leur vieil âge…

      Par ailleurs, votre prédiction apocalyptique me fait sourire. Je me souviens d’un militant de droite qui était venu chez moi m’expliquer que la Sécurité sociale n’existerait bientôt plus. C’était dans les années 1980, et sa prédiction parlait de l’année 2000. Et vous voyez… Je pense au contraire que la retraite par répartition sera là en 2050, et probablement aussi en 2100. Et cela pour une très simple raison : passer d’une retraite par répartition à une retraite par capitalisation pose le problème de l’amorçage du système. Pour le dire autrement, la première génération qui bénéficierait de la capitalisation serait soumise à la double peine : elle devra payer des cotisations pour assurer la retraite de la dernière génération de répartition, tout en constituant le capital qui servira à sa propre retraite… je vois mal une génération accepter une telle saignée. La transition ne peut donc qu’être très, très lente…

      [Les sujets qui concernerait cette personne (redressement du niveau scolaire, cout excessif du logement ou adaptation au changement climatique sont niés ou ignorés). Pourquoi donc rester si c est pour travailler pour un système qui dans le meilleur des cas vous ignore voire vous crache dessus ?]

      Soyez sérieux : pensez-vous vraiment que les professeurs qui s’expatrient aux Etats-Unis le fassent parce que nos élus ne prennent pas assez en compte le changement climatique ou parce qu’on ne discute pas assez du redressement du niveau scolaire ? Quant au coût du logement, savez-vous ce que coûte de se loger dans une ville américaine ?

      Désolé, mais lorsqu’on discute avec les enseignants expatriés, ce n’est ni le logement, ni le niveau scolaire, ni le changement climatique qui viennent en premier dans les arguments. Non, c’est le vil métal. Le veau d’or est toujours debout…

      [Et vu le poids électoral des retraités il est illusoire que ca change : on continuera a engloutir quasiment 50 % des dépenses pour le 3eme age pour des pensions et soins médicaux et afin de contenir les déficits on économisera sur l’éducation et autres dépenses d’avenir. Donc pourquoi rester sur le Titanic si vous êtes affecté à la chaufferie et le capitaine vous ignore superbement ?]

      Si le problème est le poids électoral du 3ème âge, je ne vois pas l’intérêt d’aller voir ailleurs. Le poids électoral des plus de 60 ans est tout aussi important dans les autres pays développés… et ira en augmentant au fur et à mesure que l’espérance de vie sera prolongée. Si ce raisonnement était juste, on verrait les jeunes partir plutôt vers l’Afrique ou l’Amérique Latine, là où les jeunes ont un poids électoral prédominant. Pensez-vous que ce soit le cas ?

      J’aimerais aussi savoir d’où vient le chiffre de « 50% des dépenses ». 50% de quoi ?

      [Pour ce qui concerne le « discours médiatique » je ne pense pas que le déclencheur soit l’IA ou le fait que les classes intermédiaires soient délocalisées. Pendant longtemps on a pensé « commerce et paix ».]

      Qui ça, « on » ?

      [J’achète à l’étranger car c’est mieux ou moins cher. Puis est arrivé le covid, la guerre (Ukraine et guerre commerciale chine/usa). Et on c est rendu compte que si on ne produisait rien, on devenait dépendant de pays tiers qui n’allaient pas forcement vous fournir même si vous payez (que ca soit des masques ou des terres rares). Pire certains pays ne vous veulent pas que du bien]

      Encore une fois, qui est ce « on » qui pensait tout ça ?

      S’il s’agit des « classes intermédiaires », je vois mal en quoi elles ont eu à souffrir de la logique libre-échangiste. Je ne pense pas qu’elles soient très sensibles à la question des terres rares, aussi longtemps qu’elles peuvent acheter leur smartphone préféré – made in China, of course. Et au-delà, pourquoi les guerres ou l’expérience du COVID devrait les rendre sensibles aux problématiques comme la sécurité, l’immigration, l’emploi, la désindustrialisation ou le pouvoir d’achat. Alors, pourquoi à votre avis ces thématiques, qu’on snobait naguère, sont rentrées ces derniers temps dans le discours médiatique ?

      [Par contre la prise de conscience de nos problèmes est lente. Par ex un grand nombre de nos compatriotes sont persuadés que les chinois sont tout juste bon a copier et produisent de la camelote. S’ils sont moins cher c’est qu’ils sont moins payé. Ils devraient se réveiller et regarder ce qui se passe avec la nouvelle Twingo (…). A ce rythme dans 20 ans l’automobile française n’existera plus.]

      La vitesse de la « prise de conscience des problèmes » dépend fortement du groupe pour lequel la chose est un « problème ». Si c’est un « problème » pour les couches populaires, cela met très longtemps, il est vrai. Mais si c’est un problème pour les classes intermédiaires, cela va très, très vite. La disparition de l’industrie automobile est-elle un « problème » pour nos classes intermédiaires ? Certainement pas. Après tout, on a vu disparaître de notre territoire l’industrie électronique, la machine-outil, le textile et tant d’autres sans que les classes intermédiaires n’en soient affectées. Une industrie de plus ou de moins, vous savez… tant qu’on a des voitures pas chères – qu’on peut acheter en empruntant – roule ma poule !

      • Carloman dit :

        @ Descartes,
         
        [même si ces derniers temps les débats ici sont un peu languissants.]
        C’est-à-dire? Cela me paraît un peu sévère…
         
        [Pardon, mais l’immigration EST UN PROBLEME ECONOMIQUE, du moins pour ceux qui voient leurs salaires baisser du fait de la concurrence sur le marché du travail, les services publics se dégrader du fait d’une plus grande charge sur ceux-ci.]
        L’immigration n’est pas qu’un problème économique, elle pose aussi un problème identitaire lorsqu’elle remet en cause la sociabilité, le mode de vie, les références de la société. Pour être liées, les deux problématiques n’en sont pas moins distinctes. La preuve en est que, dans les pays nordiques (Danemark, Suède) où la situation économique est bien meilleure qu’en France – ne pas avoir l’euro aide – l’immigration, notamment musulmane, est devenue un problème. Tenez, à votre avis, pourquoi la bourgeoisie danoise a accepté une politique d’immigration restrictive que la nôtre refuse?
         
        Il y a dans la droite française un rapport ambigu à l’immigration: globalement, le patronat est immigrationniste, car il veut de la main-d’oeuvre bon marché et une pression à la baisse sur les salaires; d’un autre côté, une partie de la droite a je pense vraiment conscience de la menace que représente une destabilisation de la société causée par une immigration massive, non-assimilée, qui crée des enclaves ethniques et dégrade le cadre de vie de la population. Je ne sais pas s’il faut parler d’une droite “anti-patronale”, mais il me semble que les (vrais) gaullistes sont de ce point de vue moins sensibles aux seuls intérêts de la bourgeoisie. Henri Guaino a ainsi déclaré il y a peu: “je suis gaulliste, bonapartiste, colbertiste et jacobin”.
         
        [Les personnels de l’Education nationale, pour reprendre votre exemple, ont des rémunérations supérieures à la médiane. Alors, sauf à admettre que la moitie de notre pays est constituée de « pauvres », le mot « paupérisée » est excessif.]
        Les enseignants ne sont ni pauvres, ni “paupérisés”. Les enseignants gagnent très correctement leur vie, et il faut tenir compte de la sécurité de l’emploi et des vacances (bah oui, quand même). Ce qui est vrai, c’est que certains enseignants ESTIMENT ne pas être assez payés, parce qu’ils se comparent à des cadres du privé qu’ils sont amenés à côtoyer, par exemple dans leur cercle amical. Mais les horaires de boulot d’un cadre du privé, ça n’a rien à voir avec les horaires d’un certifié, et ne parlons pas d’un agrégé… Et je ne dis pas que les professeurs sont des fainéants. 
        Par contre, c’est vrai que le métier n’est plus très valorisé socialement et comme l’école reflète la déliquescence de la société, c’est un boulot qui peut être assez pénible et usant. Mais un charpentier ou un boulanger a-t-il un métier plus agréable? Pas sûr.
         
        [Désolé, mais lorsqu’on discute avec les enseignants expatriés, ce n’est ni le logement, ni le niveau scolaire, ni le changement climatique qui viennent en premier dans les arguments. Non, c’est le vil métal.]
        Mais ne pensez-vous pas que, pour certains chercheurs, dans certains domaines, les conditions de recherche (matériel, installations…) comptent également? Je ne suis pas expert mais il me semble qu’en physique par exemple, un matériel de pointe et fort côuteux peut être nécessaire pour mener certaines expériences. Les laboratoires publics français ont-ils accès à ce matériel?
         
        Sinon, moi je ne trouve pas vos textes trop longs. Et je ne crois pas qu’on puisse expliquer de manière très courte des raisonnements complexes. La concision, il faut en être conscient, conduit souvent à l’approximation. On voit ce que ça donne à la télé et à la radio… 

        • Descartes dit :

          @ Carloman

          [« même si ces derniers temps les débats ici sont un peu languissants. » C’est-à-dire? Cela me paraît un peu sévère…]

          C’est une impression. Quand je relis des vieux papiers, je vois non seulement plus de commentaires, mais venant de lecteurs d’horizons plus variés.

          [« Pardon, mais l’immigration EST UN PROBLEME ECONOMIQUE, du moins pour ceux qui voient leurs salaires baisser du fait de la concurrence sur le marché du travail, les services publics se dégrader du fait d’une plus grande charge sur ceux-ci. » L’immigration n’est pas qu’un problème économique, elle pose aussi un problème identitaire lorsqu’elle remet en cause la sociabilité, le mode de vie, les références de la société.]

          Tout à fait d’accord. Je n’ai jamais dit que ce ne fut QUE un problème économique. Mais je pense qu’on a tendance souvent dans le discours public à ignorer cet aspect. Il est d’ailleurs très difficile à expliquer pourquoi le patronat a toujours été favorable à des politiques d’immigration laxistes sans prendre en compte cette dimension. A moins de supposer que le patronat n’ait aucun problème « identitaire »…

          [Pour être liées, les deux problématiques n’en sont pas moins distinctes. La preuve en est que, dans les pays nordiques (Danemark, Suède) où la situation économique est bien meilleure qu’en France – ne pas avoir l’euro aide – l’immigration, notamment musulmane, est devenue un problème. Tenez, à votre avis, pourquoi la bourgeoisie danoise a accepté une politique d’immigration restrictive que la nôtre refuse ?]

          Je ne connais pas la situation danoise assez bien pour faire une analyse approfondie. Mais qu’est ce qui vous fait penser que la bourgeoisie danoise se soit convertie à ce type de politiques ? Ce sont surtout les social-démocrates et les centristes, représentants des classes intermédiaires qui poussent à la roue. Peut-être sont-elles plus conscientes que les nôtres du coût que cela représente ?

          [Il y a dans la droite française un rapport ambigu à l’immigration: globalement, le patronat est immigrationniste, car il veut de la main-d’œuvre bon marché et une pression à la baisse sur les salaires; d’un autre côté, une partie de la droite a je pense vraiment conscience de la menace que représente une déstabilisation de la société causée par une immigration massive, non-assimilée, qui crée des enclaves ethniques et dégrade le cadre de vie de la population. Je ne sais pas s’il faut parler d’une droite “anti-patronale”, mais il me semble que les (vrais) gaullistes sont de ce point de vue moins sensibles aux seuls intérêts de la bourgeoisie. Henri Guaino a ainsi déclaré il y a peu: “je suis gaulliste, bonapartiste, colbertiste et jacobin”.]

          La droite – comme la gauche d’ailleurs – n’est pas homogène. Il y a une droite bourgeoise, souvent raciste dans sa vision du monde mais dont les intérêts l’amènent à soutenir des politiques immigrationnistes. Pour cette droite-là, qui est relativement isolée et cosmopolite, la nation et les solidarités qu’elle implique n’ont jamais été très importantes. La droite gaulliste – qui, ne l’oublions pas, est une droite populaire – a toujours été plus nationale, et donc plus attachée à préserver un certain cadre de solidarité collective, ce qui suppose un contrôle de l’immigration et surtout l’assimilation de ceux qui sont admis.

          [Les enseignants ne sont ni pauvres, ni “paupérisés”. Les enseignants gagnent très correctement leur vie, et il faut tenir compte de la sécurité de l’emploi et des vacances (bah oui, quand même). Ce qui est vrai, c’est que certains enseignants ESTIMENT ne pas être assez payés, parce qu’ils se comparent à des cadres du privé qu’ils sont amenés à côtoyer, par exemple dans leur cercle amical. Mais les horaires de boulot d’un cadre du privé, ça n’a rien à voir avec les horaires d’un certifié, et ne parlons pas d’un agrégé… Et je ne dis pas que les professeurs sont des fainéants.]

          Tout à fait d’accord.

          [Par contre, c’est vrai que le métier n’est plus très valorisé socialement et comme l’école reflète la déliquescence de la société, c’est un boulot qui peut être assez pénible et usant. Mais un charpentier ou un boulanger a-t-il un métier plus agréable ? Pas sûr.]

          Et ne parlons même pas du policier… Je suis d’accord avec vous : le problème pour les enseignants en particulier et pour beaucoup d’agents publics en général est moins la paye que la valorisation sociale de leur métier et de leurs fonctions.

          [« Désolé, mais lorsqu’on discute avec les enseignants expatriés, ce n’est ni le logement, ni le niveau scolaire, ni le changement climatique qui viennent en premier dans les arguments. Non, c’est le vil métal. » Mais ne pensez-vous pas que, pour certains chercheurs, dans certains domaines, les conditions de recherche (matériel, installations…) comptent également ?]

          Tout à fait. C’est pourquoi j’ai parlé des « enseignants », et pas des « chercheurs ». Pour ce qui concerne les sciences « dures », qui ont besoin de laboratoires équipés de matériel de pointe pour pouvoir avancer, il est clair que certaines institutions américaines offrent des moyens que les laboratoires du CNRS ou du CEA n’offrent plus aujourd’hui. Et non pas parce qu’on n’aurait pas les moyens, mais parce qu’on n’a pas la volonté, parce que les sommes en cause ne sont pas extraordinaires.

          [Sinon, moi je ne trouve pas vos textes trop longs. Et je ne crois pas qu’on puisse expliquer de manière très courte des raisonnements complexes. La concision, il faut en être conscient, conduit souvent à l’approximation. On voit ce que ça donne à la télé et à la radio…]

          Je pense que je pourrais faire un effort pour être plus synthétique, mais cela prend beaucoup de temps, paradoxalement. Comme disait ce général américain, « si j’avais eu plus de temps, j’aurais fait plus court ».

          • Bob dit :

            @ Descartes
             
            [Je pense que je pourrais faire un effort pour être plus synthétique, mais cela prend beaucoup de temps, paradoxalement. Comme disait ce général américain, « si j’avais eu plus de temps, j’aurais fait plus court »]
             
            Je croyais que la formule était attribué à Blaise Pascal : “Je vous écris une longue lettre parce que je n’ai pas le temps d’en écrire une courte.”

            • Descartes dit :

              @ Bob

              [Je croyais que la formule était attribué à Blaise Pascal : “Je vous écris une longue lettre parce que je n’ai pas le temps d’en écrire une courte.”]

              En fait, c’est une pensée qu’on trouve sous différentes formes chez beaucoup d’auteurs. Il y a la formule qu’on trouve dans les “lettres provinciales” de Pascal, mais aussi chez Thomas Cicero (“Si j’avais eu plus de temps, j’aurais écrit une lettre plus courte”), chez Mark Twain (“Je n’avais pas le temps d’écrire une courte lettre, alors j’ai écrit une longue”), chez Thoreau (“le récit n’a pas besoin d’être long, mais il aurait pris beaucoup de temps de le rendre plus court”), Gauss (“écrire bref prend plus de temps qu’écrire longuement”).

              Peut être la formule la plus amusante appartient à un premier lord de l’Amirauté britannique, dans une circulaire adressée à ses services: “une note d’une page qui me serait adressé aura une réponse dans la journée; mais si on m’oblige à tourner la page, on attendra mon bon plaisir”.

        • Bob dit :

          @ Carloman
           
          [Sinon, moi je ne trouve pas vos textes trop longs. Et je ne crois pas qu’on puisse expliquer de manière très courte des raisonnements complexes. La concision, il faut en être conscient, conduit souvent à l’approximation. On voit ce que ça donne à la télé et à la radio… ]
           
          Idem.
          A l’extrême, ça donne Twitter/X… Non, merci.

        • Bob dit :

          @ Carloman
           
          [ Les enseignants gagnent très correctement leur vie].
           
          Ah bon ? Pourtant quand on compare les salaires des enseignants de l’OCDE, les Français arrivent plutôt en queue de peloton.
          D’autre part, si on veut redonner son lustre au métier de professeur, outre la stature et le respect que ceux-ci doivent retrouver, il faut aussi bien payer les ensignants, car de bas salaires contribuent à instiller l’idée que c’est un métier de peu de valeur (dans tous les sens du terme). 

          • Descartes dit :

            @ Bob

            [Ah bon ? Pourtant quand on compare les salaires des enseignants de l’OCDE, les Français arrivent plutôt en queue de peloton.]

            Avant ou après transferts ? La question n’est pas évidente, parce que les transferts ne sont pas les mêmes dans tous les pays de l’OCDE. Il y a des pays où les enseignants sont mieux payés, mais doivent payer sur leurs deniers une assurance santé fort chère. Il y a des pays de l’OCDE où les enseignants n’ont pas la sécurité de l’emploi. A combien évalueriez-vous cet élément en termes monétaires ?

            [D’autre part, si on veut redonner son lustre au métier de professeur, outre la stature et le respect que ceux-ci doivent retrouver, il faut aussi bien payer les enseignants, car de bas salaires contribuent à instiller l’idée que c’est un métier de peu de valeur (dans tous les sens du terme).]

            Seulement dans une société où l’argent devient la mesure de toute chose. Les enseignants sous la IIIème République n’étaient pas particulièrement bien payés – leur niveau de vie n’était guère supérieur à celui des parents de leurs élèves – et pourtant ils étaient universellement respectés. Et je ne vous parle même pas des curés…

            C’est l’évolution du capitalisme qui fait qu’aujourd’hui on peut de moins en moins échapper à l’idée que la « valeur » sociale d’un métier est liée à l’argent qu’il rapporte.

            • Bob dit :

              @ Descartes
               
              [Avant ou après transferts ? La question n’est pas évidente, parce que les transferts ne sont pas les mêmes dans tous les pays de l’OCDE. Il y a des pays où les enseignants sont mieux payés, mais doivent payer sur leurs deniers une assurance santé fort chère. Il y a des pays de l’OCDE où les enseignants n’ont pas la sécurité de l’emploi. A combien évalueriez-vous cet élément en termes monétaires ?]
               
              Si on prend cette référence : https://www.oecd.org/fr/data/indicators/teachers-salaries.html, c’est en effet avant transferts.
              Cependant, le ratio en salaire brut est quasiment de 2 avec l’Allemagne. C’est énorme.
              Je ne connais pas suffisamment les mécanismes de redistribution allemande mais je pense que les systèmes sont assez similaires et qu’il n’y a pas tant d’écarts avec la France. 

            • Descartes dit :

              @ Bob

              [Si on prend cette référence : (…), c’est en effet avant transferts.]

              En fait, cette référence a un autre problème. Le graphique est libellé “2e cycle du secondaire, sommet de l’échelle”. Autrement dit, ce graphique ne donne aucune information sur les salaires REELLEMENT payés, seulement sur le salaire théorique le plus haut prévu par la grille salariale (j’ai vérifié: en France, la grille indiciaire d’un agrégé de classe exceptionnelle culmine au grade HB3, soit 5011 € par mois en traitement, ce qui multiplié par 12 donne 60 k€, ce qui correspond à peu près au chiffre OCDE). Mais combien de professeurs – en France comme en Allemagne atteignent le sommet de la grille ?

              Mais la raison de l’écart salarial entre la France et l’Allemagne apparait surtout sur un indicateur: le système éducatif allemand a encore plus de difficultés à recruter que le notre. Malgré les salaires mirobolants, si l’on croit le site de la Commission, il y avait 6700 postes non pourvus à la rentrée pour le seul Länd de Rhénanie du nord-Westphalie, contre 3700 pour toute la France… Est-ce parce que l’économie allemande offre de meilleurs salaires ailleurs ? Est-ce parce que les obligations de service sont plus importantes ? Je ne saurais le dire…

          • Carloman dit :

            @ Bob,
             
            [Ah bon ? Pourtant quand on compare les salaires des enseignants de l’OCDE, les Français arrivent plutôt en queue de peloton.]
            Peut-être… Mais il faut aussi comparer les enseignants français aux autres salariés français. Je crois me rappeler que le salaire médian en France tourne autour de 2 000 €. Certifié avec bientôt vingt ans d’ancienneté, je reçois un traitement de base net d’environ 2 400 €. J’ai presque deux mois de vacances l’été, et autant de congés répartis le reste de l’année. Je n’ai pas de problème pour payer mes crédits et guère de souci pour en obtenir un (tout le monde ne peut pas en dire autant). Je peux offrir à mes enfants les activités périscolaires de leur choix.
             
            Quasiment tous les enseignants que je connais sont propriétaires de leur logement et partent en vacances une à deux fois par an, et assez régulièrement à l’étranger. Ceux qui ont des enfants étudiants ou jeunes actifs ont généralement les moyens de les aider. Je ne me sens pas “privilégié” – j’ai fait des études, j’ai passé un concours, j’ai une compétence – et n’ai pas le sentiment de voler l’argent que je gagne. Mais de là à se plaindre… En tant que fonctionnaire, je suis payé avec l’argent des contribuables. Et parmi les contribuables actifs, plus de la moitié gagne moins que moi, voilà la réalité. Alors j’avoue que je trouve un peu indécent de dire que la gamelle n’est pas assez bonne.
             
            Personnellement, les conditions de travail et les objectifs qu’on fixe à l’institution scolaire m’inquiètent davantage que la rémunération.
             
            Après, un enseignant vivant en région parisienne ou sur la Côte d’Azur a peut-être plus de difficulté vu le prix des logements. 

            • Louis dit :

              @Bob et CarlomanJe ne peux qu’appuyer ce que dit Carloman. Que le mode de vie souhaité par une partie de nos collègues soit en décalage avec leur niveau de vie, c’est possible ; et qu’il le regrette, c’est logique ; mais qu’il s’en plaigne, c’est idiot, pour les raisons que Carloman a développées.Notre hôte faisait remarquer ailleurs que les habitudes (et notamment les habitudes familiales) jouent beaucoup. Certains de mes collègues sont régulièrement ric-rac à la fin du mois, et, quand je vois le couple formé par ma soeur et mon beau-frère (qui ne sont pas professeurs, mais qui a eux deux, gagnent globalement le double du revenu de mon foyer) systématiquement dans le rouge, je me dis que ce n’est pas qu’une question de recette, mais aussi, et peut-être surtout, de dépenses… Avec mon seul traitement, et quelques aides de l’Etat tout à fait bienvenues, je me reconnais dans le portrait dressé par Carloman : propriétaire, vivant assez agréablement mais sans excès (le cinéma est le seul “luxe” qu’on s’autorise), partant en vacances (exclusivement chez la famille, et pas au Monténégro ou en Birmanie, comme certains de mes collègues), payant sans problème le sport et les sorties des enfants… Bref, pas de quoi se plaindre, à condition de choisir à la hauteur de ses moyens, qui ne sont pas modestes. 
              P.S. : ces derniers temps, le “cloudflare” ne s’affiche qu’une fois sur quatre, ce qui empêche de poster. J’ignore si le problème provient de mon côté ou non, mais je le signale au cas où.

            • Descartes dit :

              @ Louis

              [P.S. : ces derniers temps, le “cloudflare” ne s’affiche qu’une fois sur quatre, ce qui empêche de poster. J’ignore si le problème provient de mon côté ou non, mais je le signale au cas où.]

              Cette histoire m’inquiète… j’ai mis cet utilitaire pour me dispenser d’avoir à éliminer les tonnes de messages envoyés par les “bots”, mais si ça commence à gêner les intervenants, je vais devoir le désinstaller… alors si d’autres ont des problèmes, il ne faut pas hésiter à me le dire.

            • Carloman dit :

              @ Descartes,
               
              [ces derniers temps, le “cloudflare” ne s’affiche qu’une fois sur quatre, ce qui empêche de poster. J’ignore si le problème provient de mon côté ou non, mais je le signale au cas où.]
              Désolé de le dire, mais je rencontre le même souci…

            • Descartes dit :

              @ Carloman

              [“ces derniers temps, le “cloudflare” ne s’affiche qu’une fois sur quatre, ce qui empêche de poster. J’ignore si le problème provient de mon côté ou non, mais je le signale au cas où.” Désolé de le dire, mais je rencontre le même souci…]

              Bon, je sens que je vais mettre fin à l’expérience. C’était bien commode pour moi, ca me dispense d’aller regarder les “indésirables”, mais si c’est une gêne pour les intervenants, au diable.

              J’ai modifié la configuration un peu, pour voir si ça améliore les choses. Si la gêne persiste, dites-le moi et je mets le “cloudfare” à la poubelle.

      • cdg dit :

        [Mais surtout, elles étaient issues essentiellement de la promotion sociale « au mérite » des couches populaires, par le biais du système scolaire et universitaire sélectif. Les enfants de la bourgeoisie dans leur grande majorité héritent le capital détenu par leurs parents, et n’appartiennent donc pas aux « classes intermédiaires », quand même bien ils auraient fait des études…]
        Qu est ce que vous appelez « classe intermédiaire » ? J avais compris que c était les gens qui contrairement a la bourgeoisie ne vivaient pas grâce aux revenus de leurs capitaux mais a l opposé des proletaires étaient mieux payé car ils detenaient un savoir dont on avait besoin. Par exemple un medecin ou un ingenieur fait parti des classes intermédiaires
        Si ma definition est correcte, un ingenieur ou medecin exerçant entre 1945 et 1960 est né avant 1940 (pour avoir 20 ans en 1960. On peut meme dire que la majorité était né avant 1920 (40 ans en 1960)). Vu le cout des études supérieures (et meme secondaire) a l époque a part quelque genies qui avaient la chance d être aidé (genre Camus) l immense majorité des diplômés étaient issus de parents qui avaient les moyens de financer des études. Un exemple typique de cette période est F Mitterrand
        [« Paupérisée » par rapport à quoi ? Les personnels de l’Education nationale, pour reprendre votre exemple, ont des rémunérations supérieures à la médiane. Alors, sauf à admettre que la moitie de notre pays est constituée de « pauvres », le mot « paupérisée » est excessif.]
        Par pauperisé j entendais une chute dans l échelle des revenus entre les années 70 et maintenant. Pour prendre un exemple perso, un couple de professeurs dans les années 70 pouvait avoir une femme de menage, hors de porté en 2025 d un couple identique
        [Ah bon ? Depuis quand la bourgeoisie « rejette l’immigration africaine » ?]
        Par ex Zemmour a fait 17 % des voix dans le XVI arrondissement https://www.leparisien.fr/paris-75/presidentielle-a-paris-dans-le-xvie-voter-le-pen-nest-pas-chic-alors-on-y-vote-maintenant-zemmour-11-04-2022-ZA562IQKXRHVPFHASYFS7RNJI4.php
        [Ce sont les syndicats, au contraire, qui se sont historiquement opposés à l’immigration.]
        Si il y une certaine tendance syndicale anti immigration, le discours est quand meme en general assez « internationaliste » comme ici https://www.cgt.fr/actualites/france/interprofessionnel/situation-demploi-precarisee/soutien-aux-travailleurs-sans-papiers
         
        [Je pense que vous faites erreur d’ailleurs en pensant que l’immigration est le premier ressort du vote des prolétaires pour le RN.]
        Il me semble que vous allez souvent en Provence. J y ai grandi et je peux vous assurer que l immense majorité du vote RN est lié a l immigration. Si ce n est l immigration qu est ce qui pousse au vote RN ? leur programme economique ? Ils en ont pas vraiment (ils sont passé du libéralisme pu de Le Pen père a l abandon de l euro puis si on se base sur leur dernières propositions sur des chimeres (penser qu ils feront nettement mieux que les autres contre la fraude, penser qu on va réduire la contribution francaise a l UE sans que les subventions soient changées (la FNSEA va adorer la reduction de la PAC))
        Vous remarquerez que l immigration a un effet sur le vote dans tous les pays d europe. RFA (AfD),  Suede, Danemark …
        [Vous noterez que la position du RN quant à l’immigration n’a pas changé depuis un demi-siècle, et que cela ne lui permettait que des scores ridicules]
        L explication est assez simple, le probleme c est énormément amplifié. Il y a 50 ans quand j habitais chez mon père, il n y avait par ex aucune femme voilee. Maintenant ca serait un exploit de ne pas en croiser. A l ecole il y avait une faible minorité maghrebine maintenant il y a des écoles ou il n y a quasiment plus de francais de souche. A ca vous rajoutez des evenements comme Crepol (dans un petit village dans une zone peu concernee il y a 50 ans), les émeutes récurrentes (Nahel, victoire du PSG a PSG) et les attentats dont on commemore aujourd hui l anniversaire (bataclan)
        [les électeurs se déterminent toujours sur les questions économiques.]
        Dans ce cas pourquoi 17% de bourgeois du XVI votent Zemmour ? Pourquoi le PCF ou le NPA est il inaudible chez les proletaires ? Pourquoi LFI ne fait des bon score que chez les proletaires « racisés » ?
        [Mais ce n’est pas ce délai qui empêchait de produire en Tunisie ou au Maroc – ou dans l’Espagne de Franco. D’ailleurs, lorsque le Brésil et l’Argentine s’ouvrent timidement au libre-échange dans les années 1960, de grandes entreprises européennes – Fiat, Olivetti, Renault – « délocalisent » leur production dans ces pays.]
        Ca n empêchait pas de produire ailleurs mais c était bien plus complique et couteux. Du coup moins intéressant. Quand aux sociétés qui s installaient au Bresil/Argentine en 1960 c était surtout pour produire et vendre sur place ou les pays limitrophes (par ex on produit au Bresil pour vendre en Argentine), pas pour reimporter la production en europe
        [Les personnes « nées dans les années 90 ou plus tard » ont des parents qui sont nés « au milieu des années 60 ». Alors, savoir quand leurs parents pourront partir à la retraite, et quel sera le montant qu’ils recevront les concerne directement.]
        Si on demande a une personne née dans les années 90 si elle souhaite offrir 2 ans de vacances a ses parents ou investir dans l ecole de ses enfants ou simplement payer moins d impôts, que croyez vous qu elle va choisir ?
        [Parce qu’appauvrir les parents, c’est réduire le montant de l’héritage que recevront leurs enfants ou pire, obliger ceux-ci à aider leurs parents dans leur vieil âge…]
        Faut arrêter avec les vieux qui crevent de faim !
        Le taux d epargne des retraités est nettement superieur aux autres classes d ages : 8% pour moins de 39 ans contre 25 % pour plus de 70 (https://www.ramify.fr/epargne/epargne-moyenne-des-francais et cette statistique est biaisé car on compte le remboursement de credit immobilier comme une epargne ce qui est discutable car les intérêts d un prêt ne sont en aucun cas de l epargne). De meme le taux de pauvreté est aux alentours de 20 % pour les gens de moins de 29 ans mais d a peine plus de 10 pour les + de 65
        Quant a l heritage, c est non seulement une catastrophe sociale mais en plus un probleme economique vu que les gens heritent a plus de 50 ans (https://blog.testamento.fr/esperance-de-vie-et-heritage/). Pas un age ou vous allez vous lancer dans un projet a long terme mais plutôt mettre l argent sur une assurance vie
         
        [Je pense au contraire que la retraite par répartition sera là en 2050, et probablement aussi en 2100. Et cela pour une très simple raison : passer d’une retraite par répartition à une retraite par capitalisation pose le problème de l’amorçage du système. Pour le dire autrement, la première génération qui bénéficierait de la capitalisation serait soumise à la double peine : elle devra payer des cotisations pour assurer la retraite de la dernière génération de répartition, tout en constituant le capital qui servira à sa propre retraite… je vois mal une génération accepter une telle saignée. La transition ne peut donc qu’être très, très lente…]
        Il est en effet possible qu une retraite par repartion existe encore en 2100. Elle sera comme celle des retraités russes quand l URSS s est effondré (genre 100 € actuels/mois)
        Le probleme de basculement répartition->capitalisation est réel et c est une raison pour laquelle elle ne se fera pas en France. Mais ca n implique pas que le système pourra survivre car prélever de plus en plus sur une economie de plus en plus faible fait que le système est voué a l echec
        Je signalerai en outre que le probleme ici n est pas repartition/capitalisation. Apres tout pour la capitalisation il faut que les sociétés ou l argent était placé rapporte de l argent ou que les emprunts obligataires soient remboursés en autre chose que de la monnaie de singe. L avantage de la capitalisation est surtout qu il permet de ne pas être a 100% lié a l economie du pays (par ex si un fond de pension francais aurait investi ils y a 20 ans dans google)
        [Quant au coût du logement, savez-vous ce que coûte de se loger dans une ville américaine ?]
        Il faut faire le rapport cout du logement/revenu. Est il pire a San Francisco qu a Paris ? et dans le Texas que dans le Vaucluse ?
        [Désolé, mais lorsqu’on discute avec les enseignants expatriés, ce n’est ni le logement, ni le niveau scolaire, ni le changement climatique qui viennent en premier dans les arguments. Non, c’est le vil métal. Le veau d’or est toujours debout…]
        Je connais qu une seule personne qui enseignait a l etranger. Lycee francais de Madrid. L argent n était pas la motivation mais le fait d avoir des eleves hyper motivés (le gros des eleves n étaient meme pas francais mais les parents étaient des CSP++ espagnols). Ca lui a fait en choc quand elle est rentree en France et que l EN l a affecté a Marseille
        [Si le problème est le poids électoral du 3ème âge, je ne vois pas l’intérêt d’aller voir ailleurs. Le poids électoral des plus de 60 ans est tout aussi important dans les autres pays développés… ]
        Exact. Mais de nombreux pays on un avantage sur nous. Leur système social n est pas si généreux et meme si le gouvernement pour des raisons electoralistes va augmenter les dépenses ca fera moins de dégâts que chez nous
        Par exemple le gouvernement allemand a decide d augmenter les retraites nettement plus que l inflation (rien a voir bien sur avec le fait que le gros des retraités votent CDU/SPD : les partis au pouvoir) mais le taux de remplacement des pensions est de 55% en RFA et de 71 % chez nous
        https://www.touteleurope.eu/economie-et-social/cartes-retraites-le-montant-des-pensions-en-europe/
        De meme en suisse ou les retraités vont avoir un 13eme mois, la retraite par repartition max est de 2500/mois et de 3780 pour un couple. Pour donner une idée, une caissiere chez Lidl c est un peu moins de 4000 net (https://www.20min.ch/fr/story/commerce-lidl-augmente-encore-ses-salaires-les-syndicats-heureux-103278881)
        [J’aimerais aussi savoir d’où vient le chiffre de « 50% des dépenses ». 50% de quoi ?]
        50% des dépenses financees par les prélèvements obligatoires
        https://www.aft.gouv.fr/fr/argent-public
        en 2022 on avait 24.8 (retraite)+20.8 (sante)=44.8 % . Vu la démographie et l augmentation des couts de la secu on doit plus être bien loin des 50% pour 2025
        {[Pendant longtemps on a pensé « commerce et paix ».]
        Qui ça, « on » ? }
        Je dirai 95 % de la population. On parlait de « dividende de la paix » (fabius), de mondialisation heureuse (Minc). Personne ne pensait a une guerre en europe donc on a réduit le budget de la defense, supprime le service militaire
        [La vitesse de la « prise de conscience des problèmes » dépend fortement du groupe pour lequel la chose est un « problème ». Si c’est un « problème » pour les couches populaires, cela met très longtemps, il est vrai. Mais si c’est un problème pour les classes intermédiaires, cela va très, très vite. La disparition de l’industrie automobile est-elle un « problème » pour nos classes intermédiaires ? Certainement pas. Après tout, on a vu disparaître de notre territoire l’industrie électronique, la machine-outil, le textile et tant d’autres sans que les classes intermédiaires n’en soient affectées. Une industrie de plus ou de moins, vous savez… tant qu’on a des voitures pas chères – qu’on peut acheter en empruntant – roule ma poule !]
        Meme s il est vrai qu il y aura plus rapidement tentative de resolution d un probleme si c est un probleme pour le sommet de la pyramide que pour la base, ca n explique pas tout. Apres tout la faiblesse de l industrie francaise est patente depuis des années et c est juste après covid-guerre en ukraine que nos dirgeants semblent vouloir y remédier (et encore pas tous, on voit bien a l AN qu une bonne partie des deputés sont en mode « tax and spend »)
        En ce qui concerne l automobile je pense que vous vous trompez en la comparant a l electronique ou la machine outil. Ca a un impact economique sans commune mesure mais surtout c est quelque chose qui touche tout le monde. Quasiment tous les adultes ont une voiture, l industrie automobile francaise existait avant 1914 … C est très symbolique
        Quant au fait que ca n a aucun impact sur les classes intermédiaires, c est faux si vous utilisez ma definition : vous allez avoir un grand nombre d ingenieur au chômage si l industrie auto disparait. Et comme on est incapable de se développer dans de nouvelles activités (on a loupé le virage internet, puis cloud et pour l IA ca semble pas très bien engagé) une partie des classes intermediares va rester sur le carreau

        • Descartes dit :

          @ cdg

          [« Mais surtout, elles étaient issues essentiellement de la promotion sociale « au mérite » des couches populaires, par le biais du système scolaire et universitaire sélectif. Les enfants de la bourgeoisie dans leur grande majorité héritent le capital détenu par leurs parents, et n’appartiennent donc pas aux « classes intermédiaires », quand même bien ils auraient fait des études… » Qu’est-ce que vous appelez « classe intermédiaire » ? J’avais compris que c’était les gens qui contrairement à la bourgeoisie ne vivaient pas grâce aux revenus de leurs capitaux mais a l’opposé des prolétaires étaient mieux payé car ils détenaient un savoir dont on avait besoin. Par exemple un médecin ou un ingénieur fait partie des classes intermédiaires.]

          Vous avez parfaitement compris. En fait, les « classes intermédiaires » sont celles qui font fructifier un « capital immatériel » – connaissances, réseaux – là où la bourgeoisie fait fructifier un capital matériel.

          [Si ma définition est correcte, un ingénieur ou médecin exerçant entre 1945 et 1960 est né avant 1940 (pour avoir 20 ans en 1960. On peut même dire que la majorité était né avant 1920 (40 ans en 1960)). Vu le cout des études supérieures (et même secondaire) a l’époque a part quelque génies qui avaient la chance d’être aidé (genre Camus) l’immense majorité des diplômés étaient issus de parents qui avaient les moyens de financer des études. Un exemple typique de cette période est F Mitterrand]

          Il faut relativiser le coût des études. D’abord, parce que le système des bourses était beaucoup plus généreux qu’aujourd’hui. Ensuite, parce qu’un certain nombre de formations étaient elles-mêmes rémunérées : c’était le cas des écoles normales, de l’école polytechnique ou des travaux publics de l’Etat, dont les élèves avaient le statut de fonctionnaire stagiaire. Enfin, parce que les études universitaires ont toujours été gratuits, et que certains postes – surveillant dans l’enseignement secondaire, par exemple – étaient réservés aux étudiants pour leur permettre de subvenir à leurs études.

          Si vous prenez la génération que vous citez, il est étonnant de voir le nombre d’ingénieurs ou de hauts fonctionnaires qui ont des parents ou des grands parents ouvriers ou paysans, à la rigueur petits fonctionnaires. Georges Besse (né en 1927) était fils d’un poseur de lignes PTT, est un bon exemple. Le cas devait être assez courant d’ailleurs pour que parmi les quatre exemples développés par le film « la vie est à nous » (film de propagande électorale dirigé par Jean Renoir en 1936 et financé par le PCF) le cas d’un « ingénieur supélec » issu de parents ouvriers soit mis en exergue.

          [« « Paupérisée » par rapport à quoi ? Les personnels de l’Education nationale, pour reprendre votre exemple, ont des rémunérations supérieures à la médiane. Alors, sauf à admettre que la moitie de notre pays est constituée de « pauvres », le mot « paupérisée » est excessif. » Par paupérisé j’entendais une chute dans l’échelle des revenus entre les années 70 et maintenant. Pour prendre un exemple perso, un couple de professeurs dans les années 70 pouvait avoir une femme de ménage, hors de portée en 2025 d’un couple identique]

          Avec le même raisonnement, un tel couple pouvait difficilement se payer une voiture à l’époque, alors qu’il risque d’en avoir deux aujourd’hui… on ne peut pas raisonner de cette manière. Il est clair que le coût du personnel de service a augmenté beaucoup plus vite que les revenus, et cela dans toutes les classes sociales. Même les bourgeois ne peuvent se payer aujourd’hui la domesticité dont ils pouvaient bénéficier il y a un siècle…

          Si vous voulez comparer, il faut regarder la statistique. Dans quel décile se situait un instituteur, un professeur il y a 50 ans, et dans quel décile il se situe aujourd’hui ? C’est le seul critère valable lorsqu’on parle de la place dans l’échelle des revenus. Curieusement, je n’arrive pas à trouver des chiffres fiables sur ce point. On trouve plein d’articles qui démontrent que le salaire des enseignants a baissé en termes réels, du fait du gel du point d’indice par exemple. Mais cela est vrai pour l’ensemble des fonctionnaires, et il n’est pas évident que les salaires du privé n’aient pas suivi la même pente. On trouve aussi des comparaisons vis-à-vis du SMIC, mais là encore on sait que le SMIC est monté plus vite que l’ensemble des salaires.

          [« Ah bon ? Depuis quand la bourgeoisie « rejette l’immigration africaine » ? » Par ex Zemmour a fait 17 % des voix dans le XVI arrondissement]

          Il ne vous reste plus qu’à établir que ces 17% dans le XVIème représentent l’opinion majoritaire de la bourgeoisie, et surtout que celle-ci a voté Zemmour pour cette raison là. Bonne chance…

          [« Ce sont les syndicats, au contraire, qui se sont historiquement opposés à l’immigration. » Si il y une certaine tendance syndicale anti immigration, le discours est quand meme en general assez « internationaliste » comme ici (…)]

          La position des syndicats a toujours été très cohérente sur ce point. D’une part, restriction de l’immigration. De l’autre, légalisation de ceux qui sont sur le territoire. Et dans les deux cas, la logique est la même : limiter la concurrence entre les travailleurs. Dans le premier cas, en réduisant le nombre de travailleurs immigrés, dans le second, en s’assurant que ceux qui y sont ont les mêmes droits et sont embauchés dans les mêmes conditions que les travailleurs français. Mais il ne demeure pas moins que les premiers à demander « l’immigration zéro », c’était la CGT dans les années 1970…

          [« Je pense que vous faites erreur d’ailleurs en pensant que l’immigration est le premier ressort du vote des prolétaires pour le RN » Il me semble que vous allez souvent en Provence. J’y ai grandi et je peux vous assurer que l’immense majorité du vote RN est lié à l’immigration.]

          J’aurais plutôt tendance à dire que c’est le traumatisme de la guerre d’Algérie et le poids des réseaux liés aux rapatriés. Et que ce n’est pas la région où l’électorat du RN est le plus « prolétaire »…

          [Si ce n’est l’immigration qu’est-ce qui pousse au vote RN ? leur programme économique ?]

          Absolument pas. Je ne crois pas que les gens votent pour des « programmes », même si ceux-ci sont des exercices imposés. A mon avis, le moteur du vote RN parmi les prolétaires est triple. D’abord, il y a une question de tactique politique : les couches populaires ont compris que ce vote est le seul vote qui fait peur au « bloc dominant », que c’est la meilleure manière de faire pression sur lui. Et les faits lui donnent raison : de plus en plus des mesures antipopulaires se trouvent bloquées au niveau national mais aussi européen de peur de pousser les électeurs dans les bras des affreux. Ensuite, il faut se rappeler que si les couches populaires sont progressistes sur les questions économiques, elles sont conservatrices sur le plan social. Le retour vers des valeurs comme le travail, l’ordre, la rigueur, l’effort ; la défense d’institutions comme la famille, l’Etat et la nation sont pour ces catégories sociales autant de gages importants. Enfin, il y a la question identitaire, tant du point de vue de classe que de collectivité nationale, dont l’immigration est certes une composante, mais une composante parmi d’autres. Le RN exploite ces questions très habilement, en reprenant à travers le « social-souverainisme » des références qui étaient déjà celles des couches populaires du temps ou le PCF était dominant.

          [Vous remarquerez que l immigration a un effet sur le vote dans tous les pays d europe. RFA (AfD), Suede, Danemark …]

          Oui, mais l’effet n’est pas le même. Il y a une tendance à mettre tous les « populismes » dans le même sac, mais c’est à mon avis une erreur. Il n’y a rien de commun entre l’AfD et le RN. Ce n’est ni la même histoire, ni la même posture intellectuelle, ni la même sociologie.

          [« Vous noterez que la position du RN quant à l’immigration n’a pas changé depuis un demi-siècle, et que cela ne lui permettait que des scores ridicules » L’explication est assez simple, le problème s’est énormément amplifié. Il y a 50 ans quand j’habitais chez mon père, il n’y avait par ex aucune femme voilée. Maintenant ça serait un exploit de ne pas en croiser. A l’école il y avait une faible minorité maghrébine maintenant il y a des écoles ou il n’y a quasiment plus de français de souche. A ça vous rajoutez des évènements comme Crepol (dans un petit village dans une zone peu concernée il y a 50 ans), les émeutes récurrentes (Nahel, victoire du PSG a PSG) et les attentats dont on commémore aujourd’hui l’anniversaire (bataclan)]

          Admettons. Mais si l’immigration permettait de faire aussi facilement faire voter les gens, comment expliquez-vous que d’autres partis politiques n’aient pas enfourché le cheval ? Parce que, vous savez, la démagogie n’a jamais été le monopole de l’extrême droite… Pensez-vous par exemple que si le PCF, qui fut le premier à demander « l’immigration zéro » avec la CGT dans les années 1970, reprenait son discours d’antan il se retrouverait à 30% ?

          [« les électeurs se déterminent toujours sur les questions économiques. » Dans ce cas pourquoi 17% de bourgeois du XVI votent Zemmour ?]

          Parce que les 83% autres votent pour le « cercle de la raison ». Et ils savent donc qu’ils ne risquent rien… Par ailleurs, je vous rappelle que Zemmour ne parle pas que de l’immigration. Sa position en matière fiscale a de quoi lui attirer toutes les faveurs du XVIème…

          [Pourquoi le PCF ou le NPA est il inaudible chez les proletaires ?]

          Parce qu’ils ont cessé, et cela depuis longtemps, de parler des questions qui intéressent les prolétaires. Parce qu’en dehors des incantations rituelles, ils n’ont aucun projet concernant le logement, le pouvoir d’achat, les conditions de travail, les services publics. Parce qu’ils se sont compromis avec des gouvernements qui ont poursuivi des politiques de désindustrialisation, de casse du service public, de dévalorisation du travail.

          [« Mais ce n’est pas ce délai qui empêchait de produire en Tunisie ou au Maroc – ou dans l’Espagne de Franco. D’ailleurs, lorsque le Brésil et l’Argentine s’ouvrent timidement au libre-échange dans les années 1960, de grandes entreprises européennes – Fiat, Olivetti, Renault – « délocalisent » leur production dans ces pays. » Ca n’empêchait pas de produire ailleurs mais c’était bien plus complique et couteux.]

          « Bien plus compliqué et coûteux » parce que les plans mettaient 24 heures à arriver ? Soyons sérieux… vous noterez d’ailleurs que la globalisation commence à la fin des années 1970, alors qu’Internet était encore dans les langes et que les premiers micro-ordinateurs arrivaient à peine sur le marché. L’OMC est créée en 1986, alors que les communications électroniques sont encore balbutiantes.

          [Du coup moins intéressant. Quant aux sociétés qui s’installaient au Bresil/Argentine en 1960 c’était surtout pour produire et vendre sur place ou les pays limitrophes (par ex on produit au Bresil pour vendre en Argentine), pas pour réimporter la production en Europe]

          Je ne sais pas si c’était « surtout », mais une partie de la production était bien réimportée. Renault a fait produire des moteurs au Brésil pour des voitures vendues en France, et Fiat-Concord produisait en Argentine des locomotives destinées au marché italien.

          [« Les personnes « nées dans les années 90 ou plus tard » ont des parents qui sont nés « au milieu des années 60 ». Alors, savoir quand leurs parents pourront partir à la retraite, et quel sera le montant qu’ils recevront les concerne directement. » Si on demande a une personne née dans les années 90 si elle souhaite offrir 2 ans de vacances a ses parents ou investir dans l’école de ses enfants ou simplement payer moins d’impôts, que croyez-vous qu’elle va choisir ?]

          Posez leur plutôt la question de savoir si elle souhaite offrir à ses parents de passer leurs dernières années dans un EHPAD digne, ou leur payer une aide à domicile pour pouvoir rester chez eux, et vous verrez ce qu’ils vous répondent. Vous savez, je pense que vous avez une idée erronée de ce qu’est un retraité. Il y a certainement des retraités qui à 80 ans peuvent jouir de la vie en faisant des croisières. Mais l’immense majorité des retraités sont d’anciens ouvriers ou employés, qui à 65 ans sont cassés par une vie de travail, et que leurs enfants aident à passer leurs dernières années le mieux possible. Baisser les retraites, c’est augmenter la charge de ces enfants-là. Et j’ose espérer que ceux nés dans les années 1990 ont la même tendresse pour leurs parents que celle que je peux avoir pour les miens…

          [« Parce qu’appauvrir les parents, c’est réduire le montant de l’héritage que recevront leurs enfants ou pire, obliger ceux-ci à aider leurs parents dans leur vieil âge… » Faut arrêter avec les vieux qui crèvent de faim !]

          Crèvent de faim, peut-être pas. Mais en dehors d’une petite minorité, ils ne roulent pas sur l’or non plus.

          [Le taux d’épargne des retraités est nettement supérieur aux autres classes d ages : 8% pour moins de 39 ans contre 25 % pour plus de 70]

          Et vous en déduisez quoi ? Le taux d’épargne n’est pas seulement une question de moyens, c’est une question d’habitudes, de mode de vie, de réflexes. J’ai un collègue qui gagne presque le double que moi, et qui à chaque fin de mois tire la langue. A l’opposé, ma mère a une retraite minimale (1000€ par mois) et elle arrive quand même à épargner ! Il est d’ailleurs intéressant de voir, dans la statistique que vous avez proposé, de voir que le taux d’épargne ne semble pas changer significativement avec la retraite : il est exactement le même pour les 50-59 ans (encore actifs) et pour les 60 à 69 ans, dont la moitié au moins sont retraités. Et pourtant, le taux de couverture des retraites étant de l’ordre de 40%, on devrait voir une baisse significative si le seul paramètre était le revenu…

          [De même le taux de pauvreté est aux alentours de 20 % pour les gens de moins de 29 ans mais d a peine plus de 10 pour les + de 65]

          C’est un effet mathématique : l’espérance de vie est fortement réduite par la pauvreté. Autrement dit, dans les +65 ans une partie des « pauvres » sont déjà morts, et n’apparaissent donc plus dans la statistique.

          [Quant à l’héritage, c’est non seulement une catastrophe sociale mais en plus un problème économique vu que les gens héritent a plus de 50 ans]

          Oui et non. De plus en plus de gens touchent leur héritage par anticipation, soit sous la forme de donations, soit de cadeaux, soit de garanties.

          [Pas un âge ou vous allez vous lancer dans un projet a long terme mais plutôt mettre l argent sur une assurance vie]

          Pas grave. Cela fait une abondance de fonds dans l’assurance-vie, que la banque pourra prêter aux jeunes qui veulent lancer un projet à long terme… prêt qu’ils pourront rembourser une fois qu’ils toucheront leur héritage. Vous savez, rien ne se perd, rien ne se crée…

          [Il est en effet possible qu’une retraite par répartition existe encore en 2100. Elle sera comme celle des retraités russes quand l’URSS s’est effondrée (genre 100 € actuels/mois)]

          On ne peut jamais rien exclure. Mais si l’on fait le parallèle avec l’URSS, les retraites se sont effondrés à peu-près à la même vitesse que les salaires…

          Je suis beaucoup moins pessimiste que vous. A la fin, la question des retraites est une question de répartition de ce que l’individu produit pendant sa vie active sur l’ensemble de sa durée de vie : on peut préférer passer sa jeunesse dans l’abondance et la vieillesse dans la difficulté, ou l’inverse. Personnellement, je pense qu’une société est plus saine lorsque les individus se disent que demain sera meilleur qu’hier, et cela milite plutôt pour des retraites confortables, quitte à se serrer la ceinture lorsqu’on est plus jeune. C’est d’ailleurs ce que les français font spontanément, par le biais de l’épargne.

          [Le problème de basculement répartition->capitalisation est réel et c’est une raison pour laquelle elle ne se fera pas en France. Mais ça n’implique pas que le système pourra survivre car prélever de plus en plus sur une économie de plus en plus faible fait que le système est voué à l’échec]

          Alors, la solution passe soit par la réduction des prélèvements, soit par le renforcement de l’économie. Je penche personnellement pour la deuxième solution…

          J’insiste, au risque de vous ennuyer : c’est une simple question de répartition de ce que je produis sur ma vie active sur l’ensemble de ma vie terrestre. Si je veux entrer plus tard dans la vie active, et que je veux partir à la retraite plus tôt, alors il faut accepter une réduction du niveau de vie moyen ou bien travailler plus durement pendant la période d’activité. Si je veux une jeunesse plus riche, il faut que j’accepte une vieillesse plus pauvre. Et ainsi de suite. La question qui reste est celle de savoir s’il s’agit là d’un choix collectif, ou s’il faut laisser chaque individu libre de choisir entre les options. C’est là un problème très complexe, parce qu’il pose les limites de la liberté et de la responsabilité individuelle. Si je choisis par exemple de brûler la vie par les deux bouts dans ma jeunesse, et que j’arrive à la vieillesse avec une pension nulle, on me laisse crever dans la rue ?

          [« Quant au coût du logement, savez-vous ce que coûte de se loger dans une ville américaine ? » Il faut faire le rapport cout du logement/revenu. Est il pire a San Francisco qu a Paris ? et dans le Texas que dans le Vaucluse ?]

          C’était bien mon point…

          [« Désolé, mais lorsqu’on discute avec les enseignants expatriés, ce n’est ni le logement, ni le niveau scolaire, ni le changement climatique qui viennent en premier dans les arguments. Non, c’est le vil métal. Le veau d’or est toujours debout… » Je connais qu’une seule personne qui enseignait a l’étranger. Lycée français de Madrid. L’argent n’était pas la motivation mais le fait d’avoir des élèves hyper motivés (le gros des élèves n étaient même pas français mais les parents étaient des CSP++ espagnols).]

          Votre exemple est hors sujet. Il ne s’agit pas ici des fonctionnaires français nommés dans un poste à l’étranger, et qui sont en général payes sur les grilles de la fonction publique française avec des primes pas si grosses que cela en sus, mais des français qui s’expatrient pour enseigner dans des établissements étrangers et qui sont payés selon les normes du pays.

          [Si le problème est le poids électoral du 3ème âge, je ne vois pas l’intérêt d’aller voir ailleurs. Le poids électoral des plus de 60 ans est tout aussi important dans les autres pays développés… ]
          Exact. Mais de nombreux pays ont un avantage sur nous. Leur système social n’est pas si généreux]

          Vous voulez dire que dans ce pays le 3ème age, malgré son « poids électoral », ne réussit pas à avoir un système social généreux pour eux ? Ils sont bêtes, les vieux, à l’étranger…

          Je pense que vous faites une erreur de fond. Ce qui fait que nos retraites sont généreuses, ce n’est pas le poids électoral du 3ème âge, dont les membres sont d’ailleurs plutôt sensibles à la situation de leurs enfants et leurs petits-enfants. Ce qui rend le sujet des retraites si explosif chez nous, c’est la projection qu’ont en France les ACTIFS sur leur propre retraite. En France, toucher aux retraites ce n’est pas seulement toucher les retraités, c’est aussi et surtout toucher la représentation que les autres classes d’âge se font de leur propre retraite.

          [Par exemple le gouvernement allemand a decide d augmenter les retraites nettement plus que l inflation (rien a voir bien sur avec le fait que le gros des retraités votent CDU/SPD : les partis au pouvoir) mais le taux de remplacement des pensions est de 55% en RFA et de 71 % chez nous
          https://www.touteleurope.eu/economie-et-social/cartes-retraites-le-montant-des-pensions-en-europe/%5D

          Encore un exemple qui vous montre que la statistique européenne est à prendre avec des pincettes. Si l’on prend le secteur privé, le taux de remplacement calculé par le COR pour 2020 varie, selon le profil de carrière, entre 42,% et 69% pour les non-cadres, entre 42% et 60% pour les cadres. Pour les fonctionnaires, c’est pire : le taux de remplacement est de 75% pour ce qui concerne le traitement, et de 0% pour les primes. Or, les primes constituent une part importante du revenu. Pour ne prendre que mon exemple personnel, elles représentent 45% de mon revenu. Je dois m’attendre donc à un taux de remplacement de 45%… et si l’on prend les calculs du COR, le taux de remplacement pour les cadres de la fonction publique est de 55%, pour les enseignants de 67%, pour les instituteurs de 69%, pour les agents de service et employés 65%. On se demande où votre site est allé piquer ses chiffres…

          https://www.cor-retraites.fr/sites/default/files/2019-06/doc-262.pdf
          https://www.cor-retraites.fr/sites/default/files/2019-06/doc-75.pdf

          [« J’aimerais aussi savoir d’où vient le chiffre de « 50% des dépenses ». 50% de quoi ? » 50% des dépenses financées par les prélèvements obligatoires (…)]

          Vous aviez écrit « 50 % des dépenses pour le 3eme age pour des pensions et soins médicaux ». Si je prends les chiffres que vous citez, les retraites vont 25% du total, et les dépenses de santé DE L’ENSEMBLE DE LA POPULATION 21%. Autrement dit, même en additionnant les retraites avec l’ensemble des dépenses de santé, on n’arrive pas à 50%. Et si l’on ne prenait que les dépenses de santé consacrées au 3ème age, on serait donc très largement en dessous.

          Je vous l’ai dit, votre obsession du 3ème âge vous perdra…

          [Je dirai 95 % de la population. On parlait de « dividende de la paix » (fabius), de mondialisation heureuse (Minc). Personne ne pensait a une guerre en europe donc on a réduit le budget de la defense, supprime le service militaire]

          Vous savez, les Fabius et les Minc ne constituent pas, loin de là, le 95% de la population. Que la volaille qui fait l’opinion ait adopté la vision « commerce et paix » n’implique nullement que 95% de la population l’ait suivie.

          [Même s’il est vrai qu’il y aura plus rapidement tentative de résolution d’un problème si c’est un problème pour le sommet de la pyramide que pour la base, ça n’explique pas tout. Apres tout la faiblesse de l’industrie française est patente depuis des années et c’est juste après covid-guerre en Ukraine que nos dirigeants semblent vouloir y remédier (et encore pas tous, on voit bien à l’AN qu’ une bonne partie des députés sont en mode « tax and spend »)]

          Regardons les actes, et non les paroles. Qu’est ce qui a été fait, en termes de réindustrialisation après le Covid et la guerre d’Ukraine ? Réponse : rien. Nos industries continuent à partir ou à disparaître, et on va créer un fond pour acheter des armes pour l’Ukraine aux Américains. Que nos hommes politiques aient tenu de grands discours pour répondre aux angoisses d’une population qui a découvert que dans l’économie de libre échange qu’on lui avait tant vanté pendant des décennies on pouvait manquer de masques et de paracétamol, c’est un fait. Mais on n’est jamais allé au-delà des grands discours. Quand vous dites que « nos dirigeants semblent vouloir y remédier », vous voulez dire qu’ils PARLENT d’y remédier. Et le problème n’est pas tant que nos députés soient sur le mode « tax and spend ». Si au moins le « spend » se faisait sur les bonnes priorités, je ne verrais pas d’inconvénient. Mais vous noterez que pas un seul débat de fond n’a porté sur la question de la réindustrialisation.

          [En ce qui concerne l’automobile je pense que vous vous trompez en la comparant à l’électronique ou la machine-outil. Ça a un impact économique sans commune mesure mais surtout c’est quelque chose qui touche tout le monde. Quasiment tous les adultes ont une voiture, l’industrie automobile française existait avant 1914 … C’est très symbolique]

          Je veux bien qu’on ne puisse pas la comparer à la machine-outil, qui est une « industrie d’industries ». Mais pourquoi pas à l’électronique ? C’est là aussi une industrie qui touche tout le monde – chaque adulte et même les enfants aujourd’hui ont un portable sur eux – et qui existe en France depuis l’entre-deux guerres. Mais si vous n’aimez pas mon exemple, prenez le textile, qui lui aussi touche tout le monde, que chacun porte sur soi, qui existait depuis le moyen-âge. Et pourtant, l’industrie textile a disparu de nos contrées sans que les classes intermédiaires aient beaucoup pleuré…

          [Quant au fait que ça n’a aucun impact sur les classes intermédiaires, c’est faux si vous utilisez ma définition : vous allez avoir un grand nombre d’ingénieur au chômage si l’industrie auto disparait.]

          Je vous redonne mes exemples : en trente ans l’industrie électronique a disparu, l’industrie textile a disparu, la machine-outil a disparu, les mines ont fermé, la sidérurgie a été divisée par dix… vous voyez beaucoup d’ingénieurs au chômage, vous ?

          [Et comme on est incapable de se développer dans de nouvelles activités (on a loupé le virage internet, puis cloud et pour l’IA ça semble pas très bien engagé) une partie des classes intermédiaires va rester sur le carreau]

          Une partie, possiblement. Celle dont le « capital immatériel » sera dévalorisé, celle qui n’est pas mobile. Mais je doute que ce soient les ingénieurs…

          • cdg dit :

            [Il faut relativiser le coût des études.]
            Je pense que vous êtes un peu naïf. Déjà un enfant qui fait des études ca coute alors que s il travaille il rapporte. « En cours moyen, il lui permet d’approfondir ses connaissances et lui donne des leçons gratuites pour le préparer en 1924 au concours des bourses, malgré la défiance de sa grand-mère qui souhaitait qu’il gagnât sa vie au plus tôt“. https://fr.wikipedia.org/wiki/Albert_Camus
            Ca correspond bien a ce que je me rappelle des discussions quand j étais enfant a propos de la generation de mes parents (qui sont pourtant né dans les annees 40 donc bien plus tard que Camus). Quand vous étiez paysan, vos fils devaient vous aider aux champs. Donc a moins d être exceptionnellement doué et de bénéficier du soutien de votre instituteur, a 14-15 ans au plus tard vous étiez a l usine ou aux champs
            Sur https://fracturesscolaires.org/lentree-en-sixieme-au-mileu-des-annees-cinquante/ vous voyez que dans les années 50-60 (soit bien après la période dont on parle, l acces au lycée c est 15% des enfants de paysans ou ouvrier contre 70% cades sup ou prof libérales). Vous aviez donc a part quelques exceptions des classes intermédiaires dans les années 50-60 composees très majoritairements d enfants des classes supérieurs (schematiquement vous étiez docteur car votre père était docteur)
            [il est étonnant de voir le nombre d’ingénieurs ou de hauts fonctionnaires qui ont des parents ou des grands parents ouvriers ou paysans, à la rigueur petits fonctionnaires.]
            Ca ne pouvait être que des exceptions. Comme je l ai ecrit au dessus le système scolaire était fait de tel façon que vous aviez 5 fois moins de chance d atteindre le lycee si vous étiez un CSP-. Apres c est sur qu il existe des Camus, Besse ou Pompidou … Votre raisonnement c est comme de dire que de nombreux golfeurs sont des noirs américains a cause de Tiger Woods
            [Avec le même raisonnement, un tel couple pouvait difficilement se payer une voiture à l’époque, alors qu’il risque d’en avoir deux aujourd’hui… ]
            Mon exemple était des années 70 ! se payer une voiture était a l époque a la portee de quasiment tout le monde (bon c était peut être une 2CV)
            [J’aurais plutôt tendance à dire que c’est le traumatisme de la guerre d’Algérie et le poids des réseaux liés aux rapatriés.]
            Pitié, pas ca. C est le degré 0 de l analyse. La guerre est fini depuis 62 et ceux qui l ont vecu sont mort pour la plupart. Et si c était le cas, pourquoi l extreme droite ne dominait pas dans les années 70 ?
            Pour prendre mon ressenti personnel (certes subjectif), j ai connu des gens qui ont grandi en Algerie (et qui étaient les parents de certains de mes amis) mais ils étaient enfants/jeunes adultes a l époque et pour eux c était un chapitre clos. Les électeurs RN que je connais n ont jamais mit un pied en Algerie. Par contre s ils n evoquent jamais l OAS ou les 3 ex départements francais ils vont évoquer les différentes nuisances de l immigration (devinette que veut dire le DZ dans DZ mafia ?)
            [Il y a une tendance à mettre tous les « populismes » dans le même sac, mais c’est à mon avis une erreur. Il n’y a rien de commun entre l’AfD et le RN. Ce n’est ni la même histoire, ni la même posture intellectuelle, ni la même sociologie.]
            Il y a certes des nuances mais c est quand meme troublant que tous prosperent sur un seul theme : le refus de l immigration africaine. Que ca soit en France, RFA ou GB …
            [Mais si l’immigration permettait de faire aussi facilement faire voter les gens, comment expliquez-vous que d’autres partis politiques n’aient pas enfourché le cheval ?]
            Plusieurs raisons. Outre le fait de devoir braver l intelligentia médiatique, ils ne seraient pas credible. Pendant longtemps ces partis ont prôné l inverse et ils ont aujourd hui aucune credibilite face a un parti qui martele le meme message depuis 40 ans. Un membre du PS qui parlerait de réduire l immigration est aussi credible que DSK qui vanterai la fidélité conjugale
            Et dans le cas de LFI, ils ont meme fait le pari inverse. Ils ont abandonné le proletaire blanc et visent les descendants des immigrés africains. D ou l accent du parti sur Gaza
            {[Pourquoi le PCF ou le NPA est il inaudible chez les proletaires ?]
            Parce qu’ils ont cessé, et cela depuis longtemps, de parler des questions qui intéressent les prolétaires. Parce qu’en dehors des incantations rituelles, ils n’ont aucun projet concernant le logement, le pouvoir d’achat, les conditions de travail, les services publics. Parce qu’ils se sont compromis avec des gouvernements qui ont poursuivi des politiques de désindustrialisation, de casse du service public, de dévalorisation du travail. }
            Le RN n a pas plus de projet sérieux pour le logement ou les services publics et le NPA n est pas plus coupable de la situation actuelle que le RN vus qu ils n ont jamais été au pouvoir (dire que vous me faites défendre des trotskistes 😉 )
            « Bien plus compliqué et coûteux » parce que les plans mettaient 24 heures à arriver ?
            Envoyer les plans est juste l ecume de la vague. Il fallait
            -faire une copie des plans (rappel en 1970 il n y a pas de CAO et copier un format A3 ca se faisait pas en 5 min, il y avait probablement quelqu un qui faisait une copie manuellement et donc il fallait vérifier qu il n y ait pas d erreur de copie)
            – poster les plans (pas d UPS ou similaire a l époque)
            – les plans arrivaient au moins 15 jours plus tard (et la je suis gentil. Envoyer une lettre aux USA dans a la fin des années 80 c était déjà 2 semaines. Alors l envoi dans un pays « exotique » et dans un coin un peu reculé … )
            – la personne devait réceptionner les plans et comprendre ce qu elle avait a faire (pas évident d avoir du personnel qualifié). En cas de doute c était compliqué entre le decalage horaire, le fait que les gens ne parlaient pas la langue (sans compter que certains n avaient pas acces au telephone international). Dans les années 70 combien de personnes en France étaient capable d avoir une conversation en une autre langue. Combien au bresil ou en argentine ? La societe doit probablement envoyer sur place des francais pour faire l interface et des interpretes pour traduire au personnel local
            [Posez leur plutôt la question de savoir si elle souhaite offrir à ses parents de passer leurs dernières années dans un EHPAD digne, ou leur payer une aide à domicile pour pouvoir rester chez eux, et vous verrez ce qu’ils vous répondent.]
            On parle de retraité a 62 ans … Les gens en EHPAD ont au moins 80 ans (et tous n y vont pas). Les pensions servent plus a payer des voyages que des soins. La solution n est pas de payer des pensions elevees de 62 ans a 90 ans afin qu en fin de vie la pension soit suffisante pour payer l EHPAD, ce qui signifie de matraquer les actifs. La solution est de payer l EHPAD avec les actifs du retraité (autrement dit on vide l assurance vie, puis on vend la maison. Et si il ne reste plus rien alors le contribuable paie)
            [Vous savez, je pense que vous avez une idée erronée de ce qu’est un retraité. Il y a certainement des retraités qui à 80 ans peuvent jouir de la vie en faisant des croisières. Mais l’immense majorité des retraités sont d’anciens ouvriers ou employés, qui à 65 ans sont cassés par une vie de travail]
            J ai quasiment 60 ans (j ai deja des copains qui sont retraités dont un plus jeune que moi). Mes parents sont des pré-boomers (né avant 45). Donc entre les amis de mes parents (qui ont en general 80 ans) et ma famille (oncles et tantes ont tous plus de 85 ans) j ai une petite idée
            –          La plupart sont a la retraite depuis plus de 20 ans (record 46 ans pour une cousine). A une exception pres (un ami de mon père a cause de l amiante) tous ont depassé sans probleme les 75 ans et quasiment tous sont parti a la retraite a la cinquantaine
            –          Tous sont proprietaire a minima de leur logement (le pire des cas c est le logement des parents qui a été herité). Le logement est sous occupe (comme disait un de mes oncle je peux dormir chaque soir de la semaine dans une autre chambre). Avoir une residence secondaire est assez commun (pas a ST Tropez certes, souvent c est justement la maison paternelle dans un village perdu)
            –          Aucun n est CSP+. Je pense qu aucun n a meme le bac et peu le BEPC. Certains ont eut des métiers plus durs que d autres (travail en usine ou en 3*8) mais ils sont globalement en bonne forme pour leur age
            –          Aucun n a un train de vie extravagant. L age aidant il n y a plus de dépense de voyage ou de grosse voiture, donc les 20% de taux d épargne de l INSEE ne m etonne pas
             
            [Le taux d’épargne n’est pas seulement une question de moyens, c’est une question d’habitudes, de mode de vie, de réflexes.]
            Certes, mais c est quand meme revelateur que les plus de 70 ans aient un taux de 20 %. Apres vous allez dire que sur le forum du figaro que si les jeunes n ont pas d argent c est parce qu ils achètent des iphone et s abonnent a Netflix, pas parce qu ils doivent engloutir 40 % de leur salaire pour se loger ou que le taux de cotisation retraite a quasi double depuis les années 70 (8% en 1975 14% en 2010 https://coratmosphere.fr/quel-est-lhistorique-des-taux-de-cotisation-retraite-au-regime-general/)
            [De plus en plus de gens touchent leur héritage par anticipation, soit sous la forme de donations, soit de cadeaux, soit de garanties. ]
            Tiens en communiste qui soutient l heritage 😉 Comme pour la plupart des gens, le gros de leur fortune c est leur logement, il n y a pas grand-chose a donner. Mais je reconnais que si vous etes un CSP++, l avance sur heritage de pépé ca peut être un plus. Est-ce que c est socialement souhaitable, je vous laisse y repondre
            [Cela fait une abondance de fonds dans l’assurance-vie, que la banque pourra prêter aux jeunes qui veulent lancer un projet à long terme… Vous savez, rien ne se perd, rien ne se crée…]
            Le gros de l assurance vie sert a financer l etat qui justement cree des dettes pour payer des retraites et des soins médicaux, en effet c est un cycle. Mais pas franchement vertueux.
            Et meme pour l argent prete a des jeunes vous oubliez 2 facteurs :
            1)      Le jeune va devoir payer un interet
            2)      Si c est votre argent vous allez peut être le risquer dans une activité quelconque, au pire vous essuyez une perte mais vous restez a flot financierement. Si c est un prêt, c est une autre histoire, vous etes endetté et ce prêt ca va être un boulet pendant des annees
            [A la fin, la question des retraites est une question de répartition de ce que l’individu produit pendant sa vie active sur l’ensemble de sa durée de vie]
            Votre hypothese ne fonctionne que si les choses se conservent : Je travaille et a la retraite prend sur le stock que j ai accumulé (le stock ici n est evidement pas de la nourriture mais du capital). Supposez maintenant que le stock se perime. Vous travaillez et votre stock c est de l immobilier, des usines capables de fabriquer des voitures. Supposez que demain les chinois rafflent la mise. Vos usines ne valent plus rien, le personnel au lieu de rapporter coute (il est au RSA). Votre immobilier est comme a St Etienne : ca vaut plus grand-chose non plus
            A mon avis il faut voir le système de retraite (capitalisation ou répartition ca ne change rien) comme un flux de travail (et non un flux monétaire). A l instant T c est le travail des actifs qui permet aux retraités de vivre. C est ce qui a permit d ailleurs en 1945 de créer une retraite ex nihilo. Il ne peut y avoir de « stock » qui se conserve sur 40-60 ans (vous commencez a travailler a 20 ans consommez votre stock de 60 a 80 ans)
            Un système de flux fonctionne tant que la ponction sur le travail des actifs n est pas trop grande. Et notre probleme c est justement que la ponction est telle que tout le reste deperit : plus d investissement, chute du niveau scolaire (investissement humain), manque d appétence au travail (pourquoi travailler plus si ca me rapporte quasiment rien)
             
            [ la solution passe soit par la réduction des prélèvements, soit par le renforcement de l’économie. Je penche personnellement pour la deuxième solution…]
            Oui, mais comment faire ? renforcer l economie ca se decrete pas. Surtout si vous etes dans un système qui justement pousse au contraire (la retraite a 62 ans en est un beau symbole : des gens qui pourraient travailler préfèrent buller quitte a gagner moins)
            [Vous voulez dire que dans ce pays le 3ème age, malgré son « poids électoral », ne réussit pas à avoir un système social généreux pour eux ? Ils sont bêtes, les vieux, à l’étranger…]
            Je vous rassure les vieux allemands ou suisses ne sont pas plus bêtes que les francais et utilisent leur poids electoral pour faire pencher la balance en leur faveur. Mais leur système était a l origine moins généreux. Est que c est parce que les vieux des années 70 etaient moins bien organisés en RFA ? ou parce que le travail était plus valorisé que l oisiveté ? (pas forcement faux quand on voit que les 2 pays les plus généreux avec les retraités sont la France et l Italie, 2 pays catholiques)
             
            [ les dépenses de santé DE L’ENSEMBLE DE LA POPULATION 21%]
            Les dépenses de santé sont logiquement correles avec l age
            https://www.liberation.fr/checknews/la-moitie-des-depenses-de-sante-interviennent-elles-durant-la-derniere-annee-de-vie-comme-laffirme-andre-chassaigne-20240516_OWZOA4UMXBBKBBTN4T4YMMFYQ4/
            On passe de 1000€/an pour les jeunes a 3000 a 60 ans pour grimper a 9000 pour les plus de 85 ans. Soit un rapport de 1 a 9.  Si on fait une moyenne, on a environ 2000 pour les actifs et 6000 pour les retraités, soit 3 fois plus. Ma simplification était certes audacieuses , mais si on prend les ¾ pour les retraites on obtient quand meme 15 %. Ajoute au 24 des pensions on arrive a 39 % ce qui est et de loin le plus gros poste depense
            [les Fabius et les Minc ne constituent pas, loin de là, le 95% de la population.]
            J ai juste donné 2 exemples. Le theme de la dépendance a la Chine (ou autre pays) ou le risque militaire était absent de tout debat en France depuis 20 ans au moins. S il y avait un creneau porteur nos girouettes politique l auraient utilisé
            [Mais vous noterez que pas un seul débat de fond n’a porté sur la question de la réindustrialisation. ]
            A science po / ENA il n y a pas d option industrie 😉
            [Mais pourquoi pas à l’électronique ? C’est là aussi une industrie qui touche tout le monde – chaque adulte et même les enfants aujourd’hui ont un portable sur eux – et qui existe en France depuis l’entre-deux guerres.]
            Quand l electronique francaise a disparu personne n avait de telephone portable ou de tablette. Je me rappelle mon enfance (années 60-70) et on avait aucun objet electronique a part la TV (le réveil était mecanique par ex). mon premier object electronique était une montre a quartz casio, japonais
             

            • Descartes dit :

              @ cdg

              [« Il faut relativiser le coût des études. » Je pense que vous êtes un peu naïf. Déjà un enfant qui fait des études ça coute alors que s’il travaille il rapporte.]

              En fait, la principale barrière à l’accès aux études était moins leur « coût » que la « perte de revenu » liée au travail de l’enfant. Mais il ne faut pas oublier que le travail paysan est un travail très irrégulier, avec de gros pics d’activité à certaines saisons, une inactivité forcée à d’autres. L’école de la IIIème République s’était d’ailleurs adaptée : dans certaines régions, les cours s’interrompaient à l’époque des récoltes, par exemple (voir les ouvrages de Gaston Bonheur). Le système des bourses – beaucoup plus important que celui d’aujourd’hui – avait été pensé pour faire tomber cette barrière. Votre citation en fait d’ailleurs référence : « En cours moyen, il lui permet d’approfondir ses connaissances et lui donne des leçons gratuites POUR LE PREPARER EN 1924 AU CONCOURS DES BOURSES, malgré la défiance de sa grand-mère qui souhaitait qu’il gagnât sa vie au plus tôt“. (c’est moi qui souligne).

              [Ca correspond bien a ce que je me rappelle des discussions quand j’étais enfant à propos de la génération de mes parents (qui sont pourtant né dans les années 40 donc bien plus tard que Camus). Quand vous étiez paysan, vos fils devaient vous aider aux champs. Donc a moins d’être exceptionnellement doué et de bénéficier du soutien de votre instituteur, a 14-15 ans au plus tard vous étiez a l’usine ou aux champs.]

              Tout à fait. Mais les « exceptionnellement doués » n’étaient pas si rares que ça. Il serait intéressant de savoir combien de petits Camus restés anonymes – parce qu’ils ne sont pas arrivés au sommet – ont été poussés par leur instituteur et sont arrivés à intégrer les classes intermédiaires. Quand on voit la rapidité de la croissance de celle-ci – croissance qui ne peut s’expliquer simplement par le « déclassement » des rejetons de la bourgeoisie – on doit conclure qu’ils devaient être bien plus nombreux que ce que vous pensez.

              [Sur https://fracturesscolaires.org/lentree-en-sixieme-au-mileu-des-annees-cinquante/ vous voyez que dans les années 50-60 (soit bien après la période dont on parle, l’accès au lycée c’est 15% des enfants de paysans ou ouvrier contre 70% cades sup ou prof libérales).]

              Mais ces 15% qui vous semblent si faibles, c’est une proportion énorme. D’abord, parce que les paysans et les ouvriers sont beaucoup plus nombreux que les cadres sup ou les professions libérales. Autrement dit, un taux de 15% à l’entrée font que les ouvriers et les paysans représentent plus de 40% de l’effectif. Quant aux professions libérales et acres supérieurs, ils ne représentent que 20% de l’effectif. Ensuite, parce qu’imaginer que 15 % (soit un individu sur six) arrive en une génération à changer de classe sociale, cela constitue une mobilité sociale très considérable.

              [Vous aviez donc a part quelques exceptions des classes intermédiaires dans les années 50-60 composées très majoritairement d’enfants des classes supérieurs (schématiquement vous étiez docteur car votre père était docteur)]

              Je vous le répète, c’est faux. D’ailleurs, il est facile de constater que cela ne correspond pas à la réalité. Les classes intermédiaires, qui étaient très peu nombreuses en 1900, constituent aujourd’hui autour du tiers de la population. Comment expliquer cette croissance dans votre schéma ? Si « on est docteur » seulement lorsque votre père était docteur, comment expliquer que les docteurs se soient multipliés à ce point ? Non, l’explication de ce phénomène est simple : pendant un peu plus d’un demi-siècle, la société a pu bénéficier d’une promotion sociale massive, qui a « aspiré » une partie des couches populaires. Le cas du paysan dont le fils devient instituteur et le petit fils agrégé, celui de l’ouvrier dont le fils devient receveur des postes et le petit fils polytechnicien ne sont pas si exceptionnels que vous le croyez.

              [« il est étonnant de voir le nombre d’ingénieurs ou de hauts fonctionnaires qui ont des parents ou des grands parents ouvriers ou paysans, à la rigueur petits fonctionnaires. » Ca ne pouvait être que des exceptions. Comme je l’ai écrit au-dessus le système scolaire était fait de tel façon que vous aviez 5 fois moins de chance d’atteindre le lycee si vous étiez un CSP-.]

              C’est vrai. Mais comme les couches populaires sont plus nombreuses, elles étaient deux fois plus représentées au lycée que si vous étiez CSP…

              [« Avec le même raisonnement, un tel couple pouvait difficilement se payer une voiture à l’époque, alors qu’il risque d’en avoir deux aujourd’hui… » Mon exemple était des années 70 ! se payer une voiture était à l’époque a la portée de quasiment tout le monde (bon c’était peut-être une 2CV)]

              Mais alors, comment expliquez-vous l’extension du parc automobile ?

              [« J’aurais plutôt tendance à dire que c’est le traumatisme de la guerre d’Algérie et le poids des réseaux liés aux rapatriés. » Pitié, pas ça. C’est le degré 0 de l’analyse. La guerre est finie depuis 62 et ceux qui l’ont vécu sont mort pour la plupart.]

              Pour vous, la guerre est peut-être finie. Mais pour beaucoup de gens dans le sud de la France – et je vous parle par expérience personnelle – elle est toujours une plaie brulante. Pensez par exemple aux descendants des Harkis, qui continuent à exiger une reconnaissance et une réparation de ce qu’on subi leurs parents et grands-parents, « morts pour la plupart ». Et vous croyez que du côté des pieds-noirs on a la mémoire plus courte ? Il suffit de voir le poids qu’ont toujours aujourd’hui les réseaux de rapatriés et leurs associations dans la politique locale…

              Et si c’était le cas, pourquoi l’extrême droite ne dominait pas dans les années 70 ?]

              Mais… qui vous dit qu’elle ne « dominait » pas ? Seulement, elle était intégrée aux partis dits « de gouvernement », parce que le FN de l’époque était imprésentable. Mais il ne manquait pas dans l’ar méditerranéen de députés, de sénateurs, de maires dont les liens avec l’OAS étaient bien connus par leurs électeurs… pensez par exemple à Maurice Arreckx, « baron » de Toulon et sa région (maire 1959-85, président du conseil général du Var 1985-1994, sénateur de 1986-95), vous savez, celui qui fait construire en 1980 un « monument aux martyrs de l’Algérie française ».

              [« Il y a une tendance à mettre tous les « populismes » dans le même sac, mais c’est à mon avis une erreur. Il n’y a rien de commun entre l’AfD et le RN. Ce n’est ni la même histoire, ni la même posture intellectuelle, ni la même sociologie. » Il y a certes des nuances mais c’est quand même troublant que tous prospèrent sur un seul thème : le refus de l’immigration africaine. Que ça soit en France, RFA ou GB …]

              Au risque de me répéter, je pense qu’on met en exergue dans les médias le rejet par ces partis de « l’immigration africaine » précisément pour les mettre dans le même sac en ignorant les différences – différences qui d’ailleurs sont suffisamment importantes pour avoir jusqu’ici empêché l’apparition d’un « parti européen » regroupant ces mouvements sur une plateforme commune, comme il en existe pour les social-démocrates, les conservateurs ou la gauche radicale. Ce n’est d’ailleurs pas parce qu’on rejette les mêmes choses qu’on les rejette pour les mêmes raisons. Le PCF et le FN étaient pour « l’immigration zéro » dans les années 1970, et cela pour des raisons opposées – et déjà à l’époque on avait cherché à faire l’amalgame, comme quoi la logique médiatique n’a pas beaucoup changé.

              L’AFD est anti-immigration, mais à partir d’une perspective qui prolonge les mouvements « völkisch » qui ont modelé l’histoire du nationalisme allemand à partir d’une vision « ethno-raciale » du « peuple allemand ». Vous ne trouverez pas d’équivalent dans le discours du RN, parce que ce type d’idéologie n’a jamais vraiment pris racine chez nous.

              [« Mais si l’immigration permettait de faire aussi facilement faire voter les gens, comment expliquez-vous que d’autres partis politiques n’aient pas enfourché le cheval ? » Plusieurs raisons. Outre le fait de devoir braver l’intelligentsia médiatique, ils ne seraient pas crédibles. Pendant longtemps ces partis ont prôné l’inverse et ils ont aujourd’hui aucune crédibilité face à un parti qui martèle le même message depuis 40 ans. Un membre du PS qui parlerait de réduire l’immigration est aussi crédible que DSK qui vanterai la fidélité conjugale]

              Vous ne répondez pas à la question. Je ne vous demande pas pourquoi les autres partis n’enfourchent pas le cheval AUJOURD’HUI, mais pourquoi ils ne l’ont pas enfourché IL Y A QUARANTE ANS, à l’époque où le Front national a adopté cette posture. Quant à l’intelligentsia médiatique, pourquoi aurait-elle refusé une idéologie qui, si l’on suit votre raisonnement, lui aurait attiré des millions d’auditeurs et de lecteurs fidèles ?

              Je suis très sceptique sur la possibilité de gagner des élections sur le thème de l’immigration. On voit d’ailleurs comment Zemmour s’est cassé le nez. Pourtant, son discours anti-immigration était aussi radical que celui du RN. Et pourtant, il n’a pas réussi à créer une dynamique électorale. Mon interprétation est que son échec tient au fait qu’à coté de son anti-immigrationnisme il a emprunté les vieilles antiennes libérales et réactionnaires de la droite, et qu’à partir de là il a perdu toute attractivité dans les couches populaires.

              [« Pourquoi le PCF ou le NPA est il inaudible chez les proletaires ? Parce qu’ils ont cessé, et cela depuis longtemps, de parler des questions qui intéressent les prolétaires. Parce qu’en dehors des incantations rituelles, ils n’ont aucun projet concernant le logement, le pouvoir d’achat, les conditions de travail, les services publics. Parce qu’ils se sont compromis avec des gouvernements qui ont poursuivi des politiques de désindustrialisation, de casse du service public, de dévalorisation du travail. » Le RN n’a pas plus de projet sérieux pour le logement ou les services publics et le NPA n’est pas plus coupable de la situation actuelle que le RN vus qu’ils n’ont jamais été au pouvoir (dire que vous me faites défendre des trotskistes)]

              Mais les gens ne votent pas pour des « programmes ». Le RN n’a peut-être pas de projet sérieux pour le logement ou les services publics, mais il fait peur à ceux qui, depuis trente ou quarante ans, ont contribué à les démanteler. Et il est rationnel de penser que les couches populaires seront mieux sous le gouvernement d’un parti qui n’a pas de programme mais qui leur doit son élection, plutôt que sous le gouvernement de partis qui sont au service des intérêts des classes dominantes.

              Quant aux trotskystes, je trouve que vous sous-estimez beaucoup leur pouvoir. Ils n’ont certes pas conquis des lieux de pouvoir comme l’Elysée ou Matignon, mais ils ont exercé un pouvoir considérable dans des le monde de la culture, dans des institutions comme l’Université (pensez Stora) ou la presse (pensez Plenel). Sans compter avec le pouvoir de la mafia trotskyste au parti socialiste (Jospin, Mélenchon, Weber et j’en passe). Et n’oubliez pas qu’on leur doit la ratification du traité de Maastricht…

              [« Bien plus compliqué et coûteux » parce que les plans mettaient 24 heures à arriver ? Envoyer les plans est juste l’écume de la vague. Il fallait
              -faire une copie des plans (rappel en 1970 il n’y a pas de CAO et copier un format A3 ça se faisait pas en 5 min, il y avait probablement quelqu’un qui faisait une copie manuellement et donc il fallait vérifier qu’il n’y ait pas d’erreur de copie)]

              J’ai sur vous le bénéfice de l’âge… non, dans les années 1970 on ne copiait pas les plans à la main, et on copiait en format A3 – et même A2 et A1 – mécaniquement et « en 5 minutes ». On appelait ça « copie à l’ammoniaque » ou « diazographie », procédé qui existe depuis 1940. Cela donnait des plans d’une couleur bleutée mais parfaitement lisibles, que j’ai moi-même utilisé au début de ma carrière…

              [– poster les plans (pas d UPS ou similaire a l époque)]

              En 1970, le service postal était déjà fort efficace. Et en cas d’urgence, il était toujours possible d’envoyer une personne portant les plans.

              [– les plans arrivaient au moins 15 jours plus tard (et la je suis gentil. Envoyer une lettre aux USA dans a la fin des années 80 c était déjà 2 semaines. Alors l envoi dans un pays « exotique » et dans un coin un peu reculé … )]

              Je crois que vous confondez. Vous savez, en 1970 l’aéropostale existait déjà… mais si vous vouliez de la célérité, il suffisait d’envoyer un porteur.

              [– la personne devait réceptionner les plans et comprendre ce qu’elle avait à faire (pas évident d’avoir du personnel qualifié). En cas de doute c’était compliqué entre le décalage horaire, le fait que les gens ne parlaient pas la langue (sans compter que certains n’avaient pas accès au téléphone international). Dans les années 70 combien de personnes en France étaient capable d’avoir une conversation en une autre langue. Combien au Brésil ou en argentine ?]

              Ils n’avaient pas besoin. De l’autre côté – du moins au Brésil ou en Argentine – il était très facile dans les années 1970 de trouver des gens qui parlaient parfaitement le français… Mais revenons au fond : tous ces éléments sont exacts, mais sur aucun d’entre eux il n’y a eu une rupture qui expliquerait pourquoi la mondialisation était impossible à l’époque et l’est aujourd’hui. On aurait pu parfaitement former des gens dans ces pays comme on le fait aujourd’hui. On aurait pu enseigner les langues dans nos écoles comme on le fait aujourd’hui. Le décalage horaire est toujours là. Et en 1970, le téléphone international existait déjà.

              [« Posez leur plutôt la question de savoir si elle souhaite offrir à ses parents de passer leurs dernières années dans un EHPAD digne, ou leur payer une aide à domicile pour pouvoir rester chez eux, et vous verrez ce qu’ils vous répondent. » On parle de retraité a 62 ans …]

              Oui. Et si dans les « classes intermédiaires » on arrive à 62 ans en bon état, ce n’est pas le cas pour d’autres couches sociales.

              [Les gens en EHPAD ont au moins 80 ans (et tous n y vont pas).]

              Et alors ? En général, les enfants souhaitent voir leurs parents aller au-delà de 80 ans. Et si vous voulez un EHPAD digne, ce n’est pas donné.

              [Les pensions servent plus à payer des voyages que des soins.]

              Vous répétez cette affirmation, mais pour le moment je n’ai pas vu sur quelle base vous vous fondez pour la soutenir. C’est peut-être le cas dans les classes intermédiaires, mais certainement pas chez les couches populaires. N’oubliez pas que la MEDIANE des pensions se situe à 1500€ net par mois. Vous n’allez pas bien loin avec ça.

              [La solution n’est pas de payer des pensions elevees de 62 ans a 90 ans afin qu’en fin de vie la pension soit suffisante pour payer l EHPAD, ce qui signifie de matraquer les actifs. La solution est de payer l EHPAD avec les actifs du retraité (autrement dit on vide l’assurance vie, puis on vend la maison. Et s’il ne reste plus rien alors le contribuable paie)]

              Pour reprendre votre formule, posez aux actifs la question s’ils ont envie que le patrimoine qu’ils espèrent hériter parte ainsi. Je doute que la réponse aille dans votre sens…

              [J’ai quasiment 60 ans (j’ai déjà des copains qui sont retraités dont un plus jeune que moi). Mes parents sont des pré-boomers (né avant 45). Donc entre les amis de mes parents (qui ont en général 80 ans) et ma famille (oncles et tantes ont tous plus de 85 ans) j’ai une petite idée]

              Avant de regarder votre « idée », combien parmi ces exemples ont passé leur vie sur un chantier de BTP, dans un atelier travaillant à la chaîne ? Combien ont fini leur carrière à moins de 2000€/mois (ce qui, je vous le rappelle, est la médiane des rémunérations en France) ?

              [– La plupart sont a la retraite depuis plus de 20 ans (record 46 ans pour une cousine). A une exception près (un ami de mon père a cause de l’amiante) tous ont dépassé sans problème les 75 ans et quasiment tous sont parti a la retraite a la cinquantaine]

              Comment ont-ils fait pour « partir à la cinquantaine » ? L’âge légal n’a jamais été inférieur en France à 60 ans.

              [– Aucun n’est CSP+. Je pense qu’aucun n’a même le bac et peu le BEPC. Certains ont eu des métiers plus durs que d’autres (travail en usine ou en 3*8) mais ils sont globalement en bonne forme pour leur âge]

              Le niveau de diplôme n’a rien à voir dans ces générations avec la qualification « CSP+ ». On pouvait alors parfaitement être patron d’usine avec des qualifications très faibles. Considérant que les CSP+ incluent aujourd’hui les professions rémunérées au-dessus de 30.000 € par an, que cela inclue l’ensemble des cadres, des fonctionnaires de catégorie A, des professions libérales… franchement, j’ai mes doutes…

              [– Aucun n a un train de vie extravagant. L age aidant il n y a plus de dépense de voyage ou de grosse voiture, donc les 20% de taux d épargne de l INSEE ne m etonne pas]

              Ce vous qui m’expliquiez que l’essentiel des retraites payent « des voyages » ?

              [« Le taux d’épargne n’est pas seulement une question de moyens, c’est une question d’habitudes, de mode de vie, de réflexes. » Certes, mais c’est quand même révélateur que les plus de 70 ans aient un taux de 20 %. Apres vous allez dire que sur le forum du figaro que si les jeunes n’ont pas d’argent c’est parce qu’ils achètent des iPhone et s’abonnent a Netflix, pas parce qu’ils doivent engloutir 40 % de leur salaire pour se loger ou que le taux de cotisation retraite a quasi double depuis les années 70 (8% en 1975 14% en 2010 https://coratmosphere.fr/quel-est-lhistorique-des-taux-de-cotisation-retraite-au-regime-general/)]

              Vous oubliez quand même qu’il existe de très nombreuses dispenses ou réductions de cotisations sociales pour les bas salaires, c’est-à-dire, précisément ceux qui concernent souvent les jeunes… par ailleurs, on parle ici de « taux d’épargne », qui se calcule sur le salaire NET, ce qui rend votre dernier argument inopérant.

              Je pense, oui, qu’il y a une attitude différente devant la consommation entre les classes d’âge. On forme des habitudes quand on est jeune, et on les conserve toute la vie. Quand j’amène ma mère faire des courses, elle regarde encore le prix des boites de conserve et choisit toujours le « premier prix », alors qu’elle sait que c’est moi qui paye et que je suis très confortablement payé. J’adore les fraises ou les cerises, mais quand elles sont au-dessus d’un certain prix, je n’en achète pas alors que je peux parfaitement me les payer. Mais que voulez-vous, ce serait une « extravagance », et mon éducation interdit catégoriquement ce genre d’excès…

              De la génération de mes parents à la mienne, et de la mienne à la suivante, je vois des changements. Le présent est aujourd’hui nettement privilégié par rapport au futur. De ce point de vue, l’attitude des jeunes est paradoxale : d’un côté ils disent à qui veut l’entendre qu’ils n’ont pas d’espoir d’avoir une retraite digne de ce nom, de l’autre ils agissent comme si celle-ci était garantie. On s’attendrait de celui qui pense sa vieillesse peut assurée non seulement qu’il économise, mais qu’il fasse beaucoup d’enfants… alors qu’on observe exactement le contraire.

              [« De plus en plus de gens touchent leur héritage par anticipation, soit sous la forme de donations, soit de cadeaux, soit de garanties. » Tiens en communiste qui soutient l’héritage]

              D’où tirez-vous que je « soutiendrais l’héritage » ? Sur ce point, je suis parfaitement clair : je suis pour une taxation massive de l’héritage, et notamment du capital, qui est un facteur de reproduction des inégalités.

              [Comme pour la plupart des gens, le gros de leur fortune c’est leur logement, il n’y a pas grand-chose à donner.]

              Faudrait être cohérent. Vous m’expliquez que les retraités ont un taux d’épargne de 20%, que les retraites sont royales… et il n’y a pas grande chose à donner ? A qui appartiennent les masses d’argent déposées dans l’assurance vie ?

              [Mais je reconnais que si vous êtes un CSP++, l’avance sur héritage de pépé ça peut être un plus. Est-ce que c’est socialement souhaitable, je vous laisse y répondre]

              Je pense que cela ne touche pas que les CSP++. C’est au contraire quelque chose de très générale, et qu’on retrouve dans toutes les classes – avec, bien entendu, des montants très différents. Est-ce socialement souhaitable ? Il faudrait regarder quels sont les effets de ce type de transmission dans les relations intra-familiales. Pour mon père, le fait que son gendre se soit porté garant lorsqu’il a acheté son appartement ce fut un geste de confiance qui a cimenté leurs rapports, pour ne donner qu’un exemple.

              [« Cela fait une abondance de fonds dans l’assurance-vie, que la banque pourra prêter aux jeunes qui veulent lancer un projet à long terme… Vous savez, rien ne se perd, rien ne se crée… » Le gros de l’assurance vie sert à financer l’Etat qui justement crée des dettes pour payer des retraites et des soins médicaux, en effet c’est un cycle. Mais pas franchement vertueux.]

              La dette n’est pas fléchée, vous savez… Si l’on supprimait les retraites, on réduirait radicalement le déficit. Si on supprimait l’éducation nationale, aussi…

              [Et même pour l’argent prête a des jeunes vous oubliez 2 facteurs : 1)Le jeune va devoir payer un intérêt]

              C’est ça, le capitalisme, non ?

              [2) Si c’est votre argent vous allez peut-être le risquer dans une activité quelconque, au pire vous essuyez une perte mais vous restez à flot financièrement. Si c’est un prêt, c’est une autre histoire, vous êtes endetté et ce prêt ça va être un boulet pendant des années]

              Pas du tout. Lorsqu’une société emprunte, c’est la société qui est responsable du remboursement, pas le dirigeant. Si l’entreprise fait faillite, on liquide les actifs, on paye les créanciers dans l’ordre d’appel, et s’il n’y a pas assez d’argent, c’est le créancier qui se retrouve le bec dans l’eau.

              [« A la fin, la question des retraites est une question de répartition de ce que l’individu produit pendant sa vie active sur l’ensemble de sa durée de vie » Votre hypothèse ne fonctionne que si les choses se conservent : Je travaille et a la retraite prend sur le stock que j ai accumulé (le stock ici n est evidement pas de la nourriture mais du capital). Supposez maintenant que le stock se perime. Vous travaillez et votre stock c est de l immobilier, des usines capables de fabriquer des voitures. Supposez que demain les chinois rafflent la mise. Vos usines ne valent plus rien, le personnel au lieu de rapporter coute (il est au RSA). Votre immobilier est comme a St Etienne : ca vaut plus grand-chose non plus]
              A mon avis il faut voir le système de retraite (capitalisation ou répartition ca ne change rien) comme un flux de travail (et non un flux monétaire). A l instant T c est le travail des actifs qui permet aux retraités de vivre. C est ce qui a permit d ailleurs en 1945 de créer une retraite ex nihilo. Il ne peut y avoir de « stock » qui se conserve sur 40-60 ans (vous commencez a travailler a 20 ans consommez votre stock de 60 a 80 ans)]

              Les deux approches ne sont pas contradictoires, mais complémentaires. La mienne analyse la question du point de vue de l’individu, et vise à dégager un critère d’équilibre sur le temps long. La votre analyse l’équilibre instantané du système.
              [Un système de flux fonctionne tant que la ponction sur le travail des actifs n est pas trop grande.]

              Vous voyez ici pourquoi nos deux approches sont complémentaires. Oui, d’un côté, vous avez raison : si la ponction est trop grande, si elle empêche de financer l’investissement d’avenir, on a un problème. Et de l’autre côté, vous ne pouvez pas dire à des gens qui se sont serrés la ceinture pendant leur jeunesse avec l’espoir d’une bonne retraite « désolé, la pression serait trop grande, va falloir renoncer à vos projets ». Il faut A LA FOIS penser l’équilibre entre les phases de la vie sur le long terme, et l’équilibre instantané du système sur le court terme.

              [Et notre problème c’est justement que la ponction est telle que tout le reste deperit : plus d investissement, chute du niveau scolaire (investissement humain), manque d’appétence au travail (pourquoi travailler plus si ca me rapporte quasiment rien)]

              Là, je pense que vous prenez la cause pour la conséquence. Ce n’est pas parce que la ponction est grande que tout le reste dépérit, c’est parce que le reste dépérit que la ponction est grande. La chute de l’investissement, la baisse du niveau scolaire, la faible appétence pour le travail n’a pas commencé avec le déficit des retraites, elle lui est bien antérieure. Les baby-boomers avaient alors trente ans, et la retraite n’était pas à l’ordre du jour. Ce sont quarante ans de politiques de faible croissance, de désindustrialisation, de chômage de masse et de déflation salariale qui ont fabriqué le déficit des comptes sociaux, et non l’inverse. Si « le travail ne rapporte quasiment rien », c’est moins du fait de l’augmentation des taxes et cotisations que de la « smicardisation de la société » sous l’effet de la « concurrence libre et non faussée ».

              [« la solution passe soit par la réduction des prélèvements, soit par le renforcement de l’économie. Je penche personnellement pour la deuxième solution… » Oui, mais comment faire ? renforcer l’économie ça ne se décrète pas. Surtout si vous êtes dans un système qui justement pousse au contraire (la retraite a 62 ans en est un beau symbole : des gens qui pourraient travailler préfèrent buller quitte à gagner moins)]

              Je ne suis pas aussi pessimiste que vous. Le slogan « travailler plus pour gagner plus », si ma mémoire ne me trompe pas, avait eu beaucoup de succès. Il ne faut pas prendre les gens pour des buzes. Même lorsque l’âge légal était de 60 ans, les gens ne se sont pas précipités pour partir à cet âge. L’âge moyen de départ est resté proche de 63 ans depuis dix ans, ce qui est d’autant plus remarquable que beaucoup de salariés de plus de 60 ans sont poussés à prendre leur retraite le plus tôt possible par le fait qu’ils ne trouvent pas d’emploi.

              Il est vrai que le renforcement de l’économie ne se décrète pas, il se construit. Mais je reste persuadé que les Français seraient prêts à faire l’effort nécessaire – ils l’ont montré par le passé – s’il y avait un projet construit et crédible. Seulement voilà, un tel projet entrerait immédiatement en conflit avec les intérêts du « bloc dominant »…

              [« Vous voulez dire que dans ce pays le 3ème age, malgré son « poids électoral », ne réussit pas à avoir un système social généreux pour eux ? Ils sont bêtes, les vieux, à l’étranger… » Je vous rassure les vieux allemands ou suisses ne sont pas plus bêtes que les français et utilisent leur poids électoral pour faire pencher la balance en leur faveur.]

              Pas avec la même efficacité, faut croire…
              [Mais leur système était à l’origine moins généreux. Est que c’est parce que les vieux des années 70 étaient moins bien organisés en RFA ? ou parce que le travail était plus valorisé que l’oisiveté ? (pas forcement faux quand on voit que les 2 pays les plus généreux avec les retraités sont la France et l’Italie, 2 pays catholiques)]

              C’est un raisonnement dont la portée est très limitée. La Bavière est l’une des Länder les plus riches d’Allemagne, et elle est majoritairement catholique. Le travail y serait-il moins « valorisé » qu’en Saxe ?

              [« les dépenses de santé DE L’ENSEMBLE DE LA POPULATION 21% » Les dépenses de santé sont logiquement corrélées avec l’âge (…)]

              Je suis ravi que vous preniez vos références chez un député communiste… mais je ne peux que vous inciter à la prudence, parce que, comme l’indique l’article que vous citez, ses affirmations sont fausses. Je cite : « Si on considère les dépenses de santé pour la collectivité, il est exact qu’elles augmentent au fur et à mesure de la vie. Mais pas dans les proportions évoquées par le député. Ainsi, d’après les chiffres de la Drees, entre 6-10 ans et plus de 85 ans, les dépenses annuelles de santé sont multipliées par onze en moyenne, passant de 800 à 8 800 euros. Il est donc inexact d’affirmer que les dépenses de santé sur la dernière année de vie représentent l’équivalent des dépenses sur toutes les années précédentes. »

              [On passe de 1000€/an pour les jeunes a 3000 a 60 ans pour grimper a 9000 pour les plus de 85 ans.]

              Sauf que la vie des « jeunes » dure plus longtemps que celle des plus de 85 ans. 1500€ par an pendant 60 ans fait beaucoup plus que 9000 € par an pendant quelques mois. Il est donc abusif de prendre les 21%, qui représentent les dépenses de santé de l’ensemble de la population, et les affecter exclusivement aux retraités.

              [« les Fabius et les Minc ne constituent pas, loin de là, le 95% de la population. » J’ai juste donné 2 exemples. Le thème de la dépendance a la Chine (ou autre pays) ou le risque militaire était absent de tout débat en France depuis 20 ans au moins. S’il y avait un créneau porteur nos girouettes politique l’auraient utilisé]

              Mais « porteur » pour qui ? Pas pour le bloc dominant, pour qui l’idéologie « commerce et paix » était particulièrement avantageuse pour ses affaires. Aurait-elle réussi à pousser la logique de mondialisation néolibérale si les médias avaient inquiété la population avec la possibilité d’une guerre qui perturberait les chaînes d’approvisionnement ? Bien sur que non. Si les Minc et les Fabius ne parlaient pas de ces sujets, c’est moins parce qu’ils n’avaient pas de « conscience du problème », que parce que n’était pas pour eux – et pour la classe qu’ils représentent – un problème. Et ça ne l’est toujours pas, d’ailleurs.

              [« Mais vous noterez que pas un seul débat de fond n’a porté sur la question de la réindustrialisation. » A science po / ENA il n’y a pas d’option industrie]

              Malheureusement, non. Et le pouvoir des corps techniques, qui autrefois permettait de pousser au niveau de la haute fonction publique la politique industrielle est salement diminué…

              [« Mais pourquoi pas à l’électronique ? C’est là aussi une industrie qui touche tout le monde – chaque adulte et même les enfants aujourd’hui ont un portable sur eux – et qui existe en France depuis l’entre-deux guerres. » Quand l’électronique française a disparu personne n’avait de téléphone portable ou de tablette. Je me rappelle mon enfance (années 60-70) et on avait aucun objet électronique à part la TV (le réveil était mecanique par ex). mon premier objet électronique était une montre à quartz Casio, japonais]

              On n’avait pas la radio chez vous ? Je suis fasciné par votre vision du passé. On dirait que pour vous on est passé de l’âge de pierre à la modernité en trente ans. Je veux bien que les années 1970, c’est le siècle dernier, mais tout de même… Non, quand l’industrie électronique française disparaît – c’était dans les années 1980, et non les années 1970 – on avait pas mal d’électronique à la maison. Il y avait la radio, il y avait la télé, il y avait le tourne-disque, il y avait le magnétophone (à bandes ou à cassette), il y avait pour les plus évolués la guitare électrique, il y avait la sonnette à trois tons. Et puis, il y avait les premiers ordinateurs personnels – je me souviens des premiers ordinateurs, programmables en basic, sur lesquels on pouvait jouer aux Galeries Lafayette. Il commençait à y avoir le magnétoscope.

            • cdg dit :

              @descartes

              [Les classes intermédiaires, qui étaient très peu nombreuses en 1900, constituent aujourd’hui autour du tiers de la population. Comment expliquer cette croissance dans votre schéma ?]
              Parce ce que le schéma que je décris s appliquait en 1920 (qui donne les classes intermediaire des années 50-60), moins dans les années 50 et encore moins dans les années 60 et plus du tout a partir des années 80. Les classes intermediaires actuelles sont nées entre 1965 et 2005 et sont donc allées a l ecole quand le tri social ne se faisait plus (aller en seconde au lycée était courant dans les années 80 même pour des élèves médiocres comme certains de mes copains)
              [Mon exemple était des années 70 ! se payer une voiture était à l’époque a la portée de quasiment tout le monde (bon c’était peut-être une 2CV)]
              Mais alors, comment expliquez-vous l’extension du parc automobile ?]
              Simple, en 1970 une famille avait 1 voiture, maintenant c est au moins 2 (monsieur et madame) voire 3 ou 4 (je sais que ca va paraitre bizarre a un parisien mais en region c est assez courant. Les enfants encore a la maison ont une voiture et vous avez une voiture (utilitaire) pourrie qui sert pour les travaux. La tendance c est ralentie avec le contrôle technique (mais l utilitaire pourri souvent n y passe pas)
              Si vous regardez https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/e/e5/Accrois_parc_auto_France.jpg/500px-Accrois_parc_auto_France.jpg vous constatez que le par automobile a surtout grossi entre 1955 et 1975
               
              [Et vous croyez que du côté des pieds-noirs on a la mémoire plus courte ?]
              J en ai frequente certains, la guerre d algerie n a jamais été un sujet. Il faut dire qu a moins d avoir 90 ans vous étiez enfant quand ca c est terminé
              [je pense qu’on met en exergue dans les médias le rejet par ces partis de « l’immigration africaine » précisément pour les mettre dans le même sac en ignorant les différences – différences qui d’ailleurs sont suffisamment importantes pour avoir jusqu’ici empêché l’apparition d’un « parti européen » regroupant ces mouvements sur une plateforme commune]
              C est quand meme complique quand vous prechez la fermeture de vous allier a d autres qui vont en etre les victimes. Par ex le FN veut empêcher les polonais de venir travailler en France. Comment va-t-il trouver un parti polonais allié ? idem avec les espagnols vu que le FN propose de bloquer les importations agricoles espagnoles. Et le FN va-t-il s allier avec un parti qui proposerait de renvoyer les francais dans leur pays ?
              Apres il y a des rivalites perso. Meloni soutient Zemmour et Le Pen soutient Salvini. Salvini est le rival de Meloni et Zemmour a voulu torpiller Le Pen …
              [L’AFD est anti-immigration, mais à partir d’une perspective qui prolonge les mouvements « völkisch » qui ont modelé l’histoire du nationalisme allemand à partir d’une vision « ethno-raciale » du « peuple allemand ».]
              Pas vraiment. Leur carburant c est comme chez nous, la délinquance. Ca n empeche pas qu il y a ait des neo nazis chez eux mais c est pas ce type d arguments qu ils mettent en avant
               
              [Je ne vous demande pas pourquoi les autres partis n’enfourchent pas le cheval AUJOURD’HUI, mais pourquoi ils ne l’ont pas enfourché IL Y A QUARANTE ANS, à l’époque où le Front national a adopté cette posture.]
              Parce qu a l époque personne en pensait que c était porteur ! On était dans un schema lutte des classes ou droite/gauche.
              En plus ce type de discours vous faisait ostraciser par la classe mediatique
              [Quant à l’intelligentsia médiatique, pourquoi aurait-elle refusé une idéologie qui, si l’on suit votre raisonnement, lui aurait attiré des millions d’auditeurs et de lecteurs fidèles ?]
              Parce que l entre soi est très fort. Si vous etes de droite (ou encore pire d extreme doite) vous torpillez votre carrière et vous serez ostracise. Il faut au contraire se montrer au cote des sans papier https://fr.wikipedia.org/wiki/Mouvement_des_sans-papiers_%C3%A0_Paris_en_1996
              Meme aujourd hui c est pas sans risque. Regardez ce qui est arrivez aux USA avec l actrice qui a fait une campagne pour des jeans en jouant sur le mot jeans/gene et qui a dit qu elle était republicaine
               
              [On voit d’ailleurs comment Zemmour s’est cassé le nez.]
              Vous trouvez ? 7 % pour quelqu un qui n est soutenu aucun parti ni organisation, qui n a jamais eut aucune responsabilité (macron au moins avait été ministre des finances) c est plus qu honorable. Hidalgo ou Pecresse, toutes 2 issues des partis qui ont dominé la V république auraient été ravie d avoir le score de Zemmour
              [Oui. Et si dans les « classes intermédiaires » on arrive à 62 ans en bon état, ce n’est pas le cas pour d’autres couches sociales.]
              Vous exagerez. Je le vois dans ma famille. Meme ceux qui ont eut des travaux vont très bien a 70 ans physiques (j ai 2 paysans qui a plus de 70 ans aident toujours leurs enfants)
              [Vous répétez cette affirmation, mais pour le moment je n’ai pas vu sur quelle base vous vous fondez pour la soutenir.]
              Simple. https://calculis.net/esperance-de-vie
              Mettez l esperance de vie a 60 ans. Vous allez vois que c est pour quelqu un né en 1950 c est 91 ans pour une femme et 87 pour un homme. Soit 27 ans de retraite. La duree de vie moyenne en EHPAD est de 2.5 ans (https://www.annuaire-retraite.com/maisons-de-retraite/esperance-de-vie-en-ehpad-combien-de-temps-vit-on-en-maison-de-retraite/). Je veux bien que les 25 ans avant l ephad vous ayez besoin de soins mais ceux-ci ne sont pas si onéreux qu ils ne vous reste rien
              [Pour reprendre votre formule, posez aux actifs la question s’ils ont envie que le patrimoine qu’ils espèrent hériter parte ainsi. Je doute que la réponse aille dans votre sens…]
              Pas sur. Parce qu être taxé a mort pendant votre vie active pour profiter de l heritage quand vous aurez 70 ans ca doit pas en faire rever beaucoup (esperance de vie de 91 ans pour une femme ca veut dire que vous allez surement heriter entre 60 et 70)
              [Comment ont-ils fait pour « partir à la cinquantaine » ? L’âge légal n’a jamais été inférieur en France à 60 ans.]
              Je peux pas vous expliquer en detail mais entre pre retraite, dispense d activité et autres dispositifs c est tout a fait possible. Par ex ceux qui ont travaille dans la siderurgie (comme ma cousine qui était comptable dans une usine) sont parti a 50 ans avec plein salaire (ca c était dans les années 80)
              Pour mon ami d enfance qui est parti il y a quelques années a moins de 60 ans, je sais pas quel dispositif legal il a utilisé mais en travaillant au port de Marseille (pas docker) il y est arrivé
               
              [De ce point de vue, l’attitude des jeunes est paradoxale : d’un côté ils disent à qui veut l’entendre qu’ils n’ont pas d’espoir d’avoir une retraite digne de ce nom, de l’autre ils agissent comme si celle-ci était garantie. On s’attendrait de celui qui pense sa vieillesse peut assurée non seulement qu’il économise, mais qu’il fasse beaucoup d’enfants… alors qu’on observe exactement le contraire.]
              Faire beaucoup d enfants c est une logique de pays sous developpé. Comme disais la propagande chinoise de feu Mao « une bouche mais 2 bras ». Ca marche bien si vous vivez a la campagne ou vos enfants vont vous aider aux champs et loger un enfant de plus ne coute pas grand chose.
              Si vous vivez en ville et que vous pensez m2 supplementaire et études a financer le calcul est nettement moins avantageux. D ou les problemes du camarade Xi qui voudrait bien retrouver une natalite plus dynamique
              En ce qui concerne l epargne, il faut juste que les jeunes generations fasse attention a ne pas être spoliées. Soit par une taxe ou tout simplement par l inflation. Le système actuel est basé sur la dette (publique ou privée) et de nombreux engagements ne sont meme pas budgetés (du classique retraite des fonctionnaires ou couts du rechaufement climatique (ben oui que le rivage va reculer ou on va devoir lutter contre des maladies tropicales ca va couter)
              [D’où tirez-vous que je « soutiendrais l’héritage » ? ]
              Du fait que vous refusez la ponction sur l heritage potentiel pour payer l ephad
              [La dette n’est pas fléchée, vous savez… Si l’on supprimait les retraites, on réduirait radicalement le déficit. Si on supprimait l’éducation nationale, aussi…]
              Certes mais les montants consacrés a l EN sont nettement inferieur a ceux consacrés aux pensions.
              A ce propos j ai appris récemment une chose surprenante : le budget de chaque ministère y inclut les pensions payés pour les retraites dudit ministère. Autrement dit dans le budget de la recherche vous pensez naïvement qu il paie chercheurs et materiel. Que nenni, plus de 10 % va aux pensions des ex chercheurs. Pour l EN c est 13 %
               
              [Pas du tout. Lorsqu’une société emprunte, c’est la société qui est responsable du remboursement, pas le dirigeant. ]
              Essayez pour voir 😉
              Si vous etes Total c est sur que la banque va pas faire d histoire. Par contre si vous etes un jeune qui vient de créer une SARL la banque va demander que vous soyez garant (et vous aurez déjà de la chance qu elle accepte de vous saire un credit)
              [Là, je pense que vous prenez la cause pour la conséquence. Ce n’est pas parce que la ponction est grande que tout le reste dépérit, c’est parce que le reste dépérit que la ponction est grande.]
              On est un peu dans la configuration de la poule et de l œuf. Difficile a dire avec certitude.
              Mais si on reste en europe pour garder des pays assez proche on voit quand meme que la France a plus de probleme que la RFA, la Suisse ou la pologne. La desindustrialisation ou la chute du niveau scolaire est plus prononcée chez nous qu outre rhin (cf PISA ou % d industrie dans le PIB).
               
              [Même lorsque l’âge légal était de 60 ans, les gens ne se sont pas précipités pour partir à cet âge. ]
              Annoncez une operation de pre-retraite et vous allez voir la queue se former devant votre porte.
               
              [La Bavière est l’une des Länder les plus riches d’Allemagne, et elle est majoritairement catholique. Le travail y serait-il moins « valorisé » qu’en Saxe ?]
              Dans ce cas précis je peux vous donner plusieurs explications :
              –          La baviere est actuellement un Land riche mais c était un Land pauvre et agricole pendant longtemps. Ils ont touché des aides du reste de la RFA (car en dessous de la moyenne) jusqu aux années 70 (ce qu on leur a rappelé quand leurs dirigeants ont voulu payer moins a l etat federal)
              –          Comme en France a l époque, les paysans/commerçants étaient contre un système de retraite généreux car c était plus d impôts pour eux tout de suite et ils pensaient vendre leur commerce pour financer leur retraite (autrement dit je paie pour les autres)
              –          Si la baviere est catholique, la RFA c est 50/50. Et la retraite allemande c est federal
              –          La Saxe c est l ex RDA 😉 donc pas concerné dans les années qui ont vu l instauration d une retraite en RFA
              [Il y avait la radio, il y avait la télé, il y avait le tourne-disque, il y avait le magnétophone (à bandes ou à cassette), il y avait pour les plus évolués la guitare électrique, il y avait la sonnette à trois tons. Et puis, il y avait les premiers ordinateurs personnels – je me souviens des premiers ordinateurs, programmables en basic, sur lesquels on pouvait jouer aux Galeries Lafayette. Il commençait à y avoir le magnétoscope.]
              Je pense pas qu on eut un seul magnetoscope francais. Pour les ordinateurs il y avait en effet Thomson et plein d autres marques mais elles ont loupé le virage du PC (c est pas uniquement francais, les commodore, atari, sinclair, amstrad ont fait pareil). Aurait on du subventionner des produits sans marché ?
              Pour les TV c est un peu pareil, la mort des TV a tube a signe la mort de la dernière usine de montage de TV en France
              Apres il faut pas non plus noircir le tableau, il reste encore des entreprise d electronique en France (par ex Valeo) ou plus petit https://www.optymum-electronic.fr/ (un de mes ex sous traitant). Mias c est vrai que l electronique grand public francaise a disparu.
               
               

            • Descartes dit :

              @ cdg

              [« Les classes intermédiaires, qui étaient très peu nombreuses en 1900, constituent aujourd’hui autour du tiers de la population. Comment expliquer cette croissance dans votre schéma ? » Parce ce que le schéma que je décris s’appliquait en 1920 (qui donne les classes intermédiaires des années 50-60), moins dans les années 50 et encore moins dans les années 60 et plus du tout a partir des années 80.]

              Je ne suis pas convaincu. D’une part, votre théorie implique un déclassement continu de la bourgeoisie (puisque c’est ce déclassement qui alimenterait selon vous la croissance des classes intermédiaires avant les années 1950), dont on ne voit franchement pas la raison. D’un autre côté, elle n’explique pas une croissance qui était déjà très importante dans les années 1930. Déjà en 1936 les classes intermédiaires sont un enjeu électoral – comme le montre le film « l’avenir est à nous » de Renoir.

              [Les classes intermédiaires actuelles sont nées entre 1965 et 2005 et sont donc allées a l ecole quand le tri social ne se faisait plus (aller en seconde au lycée était courant dans les années 80 même pour des élèves médiocres comme certains de mes copains)]

              Certes. Mais les classes intermédiaires qui prennent le pouvoir dans les années 1970 sont nées en 1930-40. Et ne viennent certainement pas de la bourgeoisie…

              [« « Mon exemple était des années 70 ! se payer une voiture était à l’époque a la portée de quasiment tout le monde (bon c’était peut-être une 2CV) » » « Mais alors, comment expliquez-vous l’extension du parc automobile ? » Simple, en 1970 une famille avait 1 voiture, maintenant c est au moins 2 (monsieur et madame)]

              Mais je ne vous parle pas de MAINTENANT, je vous parle des années 1970. Au cours de cette décennie et de la suivante, le parc automobile a considérablement augmenté son volume. Et à l’époque, rares étaient les ménages qui avaient deux voitures. Il faut donc admettre que beaucoup de gens qui ne pouvaient pas se payer une voiture en 1970, et qui ont pu par la suite…

              [« Et vous croyez que du côté des pieds-noirs on a la mémoire plus courte ? » J’en ai fréquenté certains, la guerre d’Algérie n’a jamais été un sujet. Il faut dire qu’a moins d’avoir 90 ans vous étiez enfant quand ça c’est terminé]

              Mon expérience n’est pas du tout la même… et comme vous l’avez-vous-même souligné, je connais bien le sud-est ou j’ai fait pas mal de politique. Pour ne donner qu’un exemple, je me souviens d’avoir eu un camarade au Lycée qui, lorsqu’on nous a demandé – pour un devoir d’Anglais je crois – de décrire celui qui était pour nous « le plus beau pays du monde », il avait répondu « l’Algérie française ». Et pourtant, il était né après la fin de la guerre…

              [« je pense qu’on met en exergue dans les médias le rejet par ces partis de « l’immigration africaine » précisément pour les mettre dans le même sac en ignorant les différences – différences qui d’ailleurs sont suffisamment importantes pour avoir jusqu’ici empêché l’apparition d’un « parti européen » regroupant ces mouvements sur une plateforme commune » C’est quand même complique quand vous prêchez la fermeture de vous allier à d’autres qui vont en être les victimes.]

              Je ne vois pas en quoi le fait de prêcher la fermeture vis-à-vis de « l’immigration africaine » ferait des victimes chez les autres… et je vous rappelle que, si je suis votre raisonnement, c’est là l’élément essentiel de l’identité des différentes extrêmes droites européennes.

              [Par ex le FN veut empêcher les polonais de venir travailler en France. Comment va-t-il trouver un parti polonais allié ?]

              Vous pensez que l’idéal des nationalistes polonais – et pour leur électorat – est de voir leurs concitoyens devoir aller travailler ailleurs ?

              [Et le FN va-t-il s allier avec un parti qui proposerait de renvoyer les francais dans leur pays ?]

              Dans la mesure où leur objectif est que les français puissent vivre et travailler dans leur pays, je ne vois pas pourquoi cela poserait un problème. Surtout si une alliance leur permettait d’avancer sur ce que pour vous est leur raison d’être, c’est-à-dire, le contrôle de « l’immigration africaine ».

              [« L’AFD est anti-immigration, mais à partir d’une perspective qui prolonge les mouvements « völkisch » qui ont modelé l’histoire du nationalisme allemand à partir d’une vision « ethno-raciale » du « peuple allemand ». » Pas vraiment. Leur carburant c’est comme chez nous, la délinquance. Ça n’empêche pas qu’il y a ait des neo nazis chez eux mais c est pas ce type d’arguments qu ils mettent en avant]

              Qui a parlé de « néo-nazis » ? La pensée « völkisch » en Allemagne ne commence pas avec les nazis, et ne se termine certainement pas avec eux. Il ne faut pas confondre ce qui constitue le « moteur » médiatique de l’action d’un parti et son idéologie. Il est clair qu’un parti « anti-système » se nourrit de tout ce qui fait que des gens peuvent rejeter le système. Mais cela ne vous dit rien de son idéologie, c’est-à-dire, de sa vision d’un monde où ces irritants seraient résolus. Et la vision de l’AfD n’a rien à voir avec celle du RN…

              [« Quant à l’intelligentsia médiatique, pourquoi aurait-elle refusé une idéologie qui, si l’on suit votre raisonnement, lui aurait attiré des millions d’auditeurs et de lecteurs fidèles ? » Parce que l entre soi est très fort. Si vous êtes de droite (ou encore pire d’extrême droite) vous torpillez votre carrière et vous serez ostracise. Il faut au contraire se montrer au cote des sans papier]

              « Pourquoi votre fille est muette ? Parce qu’elle ne parle pas »…
              Vous décrivez un processus, mais vous n’en donnez pas les causes. Pourquoi l’intelligentsia « ostracise » ceux qui propagent une idéologie que, pourtant, vous estimez tout à fait favorable aux intérêts de ceux qui les payent ? C’est là que se trouve mon point : si l’intelligentsia n’a pas adopté une position restrictive sur l’immigration, c’est parce que celle-ci est dans l’intérêt du bloc dominant. Et si les « populistes » s’en emparent, c’est parce qu’une politique restrictive est dans l’intérêt des couches populaires, qui est l’électorat qu’ils visent à conquérir. Ce n’est donc pas une question idéologique, c’est une question d’intérêts. CQFD

              [« On voit d’ailleurs comment Zemmour s’est cassé le nez. » Vous trouvez ? 7 % pour quelqu’un qui n’est soutenu aucun parti ni organisation, qui n’a jamais eu aucune responsabilité (macron au moins avait été ministre des finances) c’est plus qu’honorable.]

              L’échec de Zemmour n’est pas son score de 7%. Son échec, c’est que ces 7% viennent des beaux quartiers, et non de l’électorat populaire. Zemmour, c’est un révolutionnaire qui ne mord que sur un électorat réactionnaire. Il montre qu’il ne suffit pas de tenir un discours radical anti-immigration pour séduire l’électorat populaire…

              [« Oui. Et si dans les « classes intermédiaires » on arrive à 62 ans en bon état, ce n’est pas le cas pour d’autres couches sociales. » Vous exagérez. Je le vois dans ma famille. Même ceux qui ont eu des travaux vont très bien a 70 ans physiques (j’ai 2 paysans qui a plus de 70 ans aident toujours leurs enfants)]

              Je vous parle de ce que je connais : vous n’avez pas, si je ne me trompe pas, dans votre famille des personnes qui aient passé leur vie dans les chantiers de BTP ou à la chaine chez Renault. Le métier de paysan est contraignant, mais il n’est pas très usant physiquement, contrairement à ce qu’on croit…

              [« Vous répétez cette affirmation, mais pour le moment je n’ai pas vu sur quelle base vous vous fondez pour la soutenir. » Simple. https://calculis.net/esperance-de-vie
              Mettez l esperance de vie a 60 ans. Vous allez vois que c est pour quelqu un né en 1950 c est 91 ans pour une femme et 87 pour un homme. Soit 27 ans de retraite. La duree de vie moyenne en EHPAD est de 2.5 ans (https://www.annuaire-retraite.com/maisons-de-retraite/esperance-de-vie-en-ehpad-combien-de-temps-vit-on-en-maison-de-retraite/). Je veux bien que les 25 ans avant l ephad vous ayez besoin de soins mais ceux-ci ne sont pas si onéreux qu ils ne vous reste rien]

              Mais vous croyez vraiment que les soins commencent lorsque vous rentrez à l’EHPAD ? J’ajoute qu’à supposer même que l’argent en question ne serve pas à payer des soins, vous n’avez nullement établi qu’il serve à « payer des voyages », comme vous l’affirmez…

              [« Pour reprendre votre formule, posez aux actifs la question s’ils ont envie que le patrimoine qu’ils espèrent hériter parte ainsi. Je doute que la réponse aille dans votre sens… » Pas sur.]

              Au contraire, c’est totalement sûr. Chaque fois qu’une proposition de financer les retraites et les soins sur un prélèvement viager sur le patrimoine, ce fut une levée de boucliers unanime, dans toutes les classes et dans tous les partis.

              [« Comment ont-ils fait pour « partir à la cinquantaine » ? L’âge légal n’a jamais été inférieur en France à 60 ans. » Je ne peux pas vous expliquer en détail mais entre pré-retraite, dispense d’activité et autres dispositifs c’est tout à fait possible. Par ex ceux qui ont travaille dans la siderurgie (comme ma cousine qui était comptable dans une usine) sont parti a 50 ans avec plein salaire (ca c était dans les années 80)]

              Là, vous mélangez tout. La pré-retraite n’est pas la retraite, elle n’est pas payée par les mêmes caisses ou prélèvements. Dans les cas que vous citez, l’alternative était payer les pré-retraites ou payer le chômage.

              [« De ce point de vue, l’attitude des jeunes est paradoxale : d’un côté ils disent à qui veut l’entendre qu’ils n’ont pas d’espoir d’avoir une retraite digne de ce nom, de l’autre ils agissent comme si celle-ci était garantie. On s’attendrait de celui qui pense sa vieillesse peu assurée non seulement qu’il économise, mais qu’il fasse beaucoup d’enfants… alors qu’on observe exactement le contraire. » Faire beaucoup d’enfants c’est une logique de pays sous développé.]

              Absolument pas. C’est une logique de pays où la protection sociale et notamment la retraite doit être assurée par la famille. Le raisonnement est d’ailleurs le même que font les observateurs sur le régime des retraites, lorsqu’il nous expliquent qu’il faut amener des immigrés pour permettre de financer nos retraites.

              [En ce qui concerne l’épargne, il faut juste que les jeunes générations fasse attention à ne pas être spoliées. Soit par une taxe ou tout simplement par l’inflation. Le système actuel est basé sur la dette (publique ou privée) et de nombreux engagements ne sont même pas budgétés (du classique retraite des fonctionnaires ou couts du réchauffement climatique (ben oui que le rivage va reculer ou on va devoir lutter contre des maladies tropicales ca va couter)]

              Je ne saisis pas le rapport avec l’épargne.

              [« D’où tirez-vous que je « soutiendrais l’héritage » ? » Du fait que vous refusez la ponction sur l heritage potentiel pour payer l ephad]

              Moi, je n’ai rien refusé du tout. Je me suis contenté de constater que nos concitoyens n’en veulent pas. Personnellement, je suis pour une taxation lourde de l’héritage.

              [« Pas du tout. Lorsqu’une société emprunte, c’est la société qui est responsable du remboursement, pas le dirigeant. » Essayez pour voir. Si vous êtes Total c’est sûr que la banque va pas faire d’histoire. Par contre si vous êtes un jeune qui vient de créer une SARL la banque va demander que vous soyez garant (et vous aurez déjà de la chance qu elle accepte de vous faire un crédit)]

              Ca dépend de la qualité de votre projet. J’ai plusieurs amis qui ont monté des entreprises, aucun n’a accepté d’être caution personnelle… et ils ont eu le crédit quand même.

              [« Là, je pense que vous prenez la cause pour la conséquence. Ce n’est pas parce que la ponction est grande que tout le reste dépérit, c’est parce que le reste dépérit que la ponction est grande. » On est un peu dans la configuration de la poule et de l’œuf. Difficile a dire avec certitude. Mais si on reste en Europe pour garder des pays assez proche on voit quand même que la France a plus de problème que la RFA, la Suisse ou la Pologne.]

              Je trouve drôle qu’à l’heure de choisir des pays pour comparer, vous preniez trois pays qui conservent le contrôle de leur politique monétaire : la Pologne et la Suisse, parce qu’elles ont leur propre monnaie, l’Allemagne parce que la BCE fait une politique monétaire « allemande ». Vous noterez d’ailleurs que cela dépend du moment : il y a quelques années, l’Allemagne était « l’homme malade de l’Europe ». Et cela a l’air de revenir…

              [« Même lorsque l’âge légal était de 60 ans, les gens ne se sont pas précipités pour partir à cet âge. » Annoncez une operation de pre-retraite et vous allez voir la queue se former devant votre porte.]

              Annoncez une opération de pré-retraite qui paierait la même chose que la retraite, et votre queue disparaît assez rapidement. Pourquoi croyez-vous que pratiquement tous les programmes de pré-retraite proposent un maintien d’entre 80 et 100% du salaire ?

              [– La bavière est actuellement un Land riche mais c était un Land pauvre et agricole pendant longtemps. Ils ont touché des aides du reste de la RFA (car en dessous de la moyenne) jusqu aux années 70 (ce qu on leur a rappelé quand leurs dirigeants ont voulu payer moins a l etat federal)]

              Autrement dit, la richesse ou la pauvreté n’ont rien à voir avec la religion dominante. CQFD

              [« Il y avait la radio, il y avait la télé, il y avait le tourne-disque, il y avait le magnétophone (à bandes ou à cassette), il y avait pour les plus évolués la guitare électrique, il y avait la sonnette à trois tons. Et puis, il y avait les premiers ordinateurs personnels – je me souviens des premiers ordinateurs, programmables en basic, sur lesquels on pouvait jouer aux Galeries Lafayette. Il commençait à y avoir le magnétoscope. » Je ne pense pas qu’on eut un seul magnétoscope français.]

              Vous avez tort. Je me souviens encore des magnétoscopes Thomson « made in France ». Ils étaient d’ailleurs protégés par le fait que la France utilisait le système SECAM et que les téléviseurs bi-standard étaient encore rares.

              [Pour les ordinateurs il y avait en effet Thomson et plein d’autres marques mais elles ont loupé le virage du PC (ce n’est pas uniquement francais, les commodore, atari, sinclair, amstrad ont fait pareil). Aurait-on du subventionner des produits sans marché ?]

              Je vous rappelle que la question ici était s’il y avait de l’électronique dans les foyers français, pas ce qu’on aurait dû faire comme politique industrielle. Si vous voulez aller dans ce terrain, on peut en discuter. On aurait pu par exemple développer une filière de PC français…

              [Apres il faut pas non plus noircir le tableau, il reste encore des entreprise d electronique en France (par ex Valeo) ou plus petit https://www.optymum-electronic.fr/ (un de mes ex sous traitant). Mias c est vrai que l electronique grand public francaise a disparu.]

              Même l’électronique professionnelle. Valéo ne fabrique guère de composants en France.

  10. Vincent dit :

    [ce n’est pas seulement les bourgeois qui ont ce réflexe. Combien de professeurs d’université sont allés enseigner outre-Atlantique – ou rêvent de le faire – attirés par des salaires bien meilleurs que ceux de chez nous ?]

    Assez ironiquement, c’est le cas de Zucman. Le héros de la redistribution, lui même, est parti prendre un poster de professeur aux USA…
    En réalité, je pense que vous vous méprenez sur la mentalité profonde du parti socialiste et des centristes. C’est une mentalité de “dame patronesse”.
    Le pouvoir réel est certes économique, mais il est concurrencé, dans des sociétés catholiques, par le pouvoir moral. Et ils cherchent à obtenir l’onction du pouvoir moral, qui était jadis celui de l’église, et qui est aujourd’hui celui d’une sphère “bien pensante” difficile à définir.
    Réclamer une taxation des riches est un bon moyen parmi d’autres de se placer du bon côté de la barrière morale (comme vouloir accueillir les migrants, renoncer à la peine de mort, trouver toutes les excuses possibles aux délinquants pour éviter le recours à des sanctions pénales dures, interdire les produits dangereux, promouvoir le bio, etc.).
    Si l’objectif était réellement d’améliorer les conditions de vie des classes travailleuses les plus précaires, on les verrait militer pour un assouplissement des conditions d’exercice de l’agriculture, pour une réindustrialisation, etc. Mais je ne pense pas que ce soit le fond de leur volonté. Le fond de leur volonté se limite à “se donner bonne conscience”.
    Ils cherchent avant tout à doubler leur pouvoir réel (via le contrôle des institutions, médias, etc.) d’un

    [collectivement, la bourgeoisie avait conscience aussi qu’afficher cette propension, ce n’était pas la chose à faire. La révolution néolibérale est passée par là, et avec elle ont été balayées ces pudeurs de gazelle. Aujourd’hui, les classes dominantes hésitent de moins en moins à afficher une logique purement capitaliste, sur le mode « pourquoi je resterais si je peux gagner plus d’argent ailleurs ? ». ]

    Si on prend le cas particulier des professeurs d’université, c’est pire que cela. Le fait d’être aux USA est devenu un gage de compétence. Quelqu’un qui est professeur en France est vu comme nécessairement moins compétent (avec l’idée que, s’il était vraiment compétent, on lui aurait proposé un poste aux USA…).
    D’ailleurs, c’est pour cela qu’il est parfaitement possible d’être de “gauche bien pensante” en étant aux USA : comme il est socialement prestigieux d’enseigner aux USA, on peut parfaitement cumuler l’autorité morale d’un enseignant aux USA, et la bonne conscience morale de celui qui veut taxer les riches.
     

    • Descartes dit :

      @ Vincent

      [« ce n’est pas seulement les bourgeois qui ont ce réflexe. Combien de professeurs d’université sont allés enseigner outre-Atlantique – ou rêvent de le faire – attirés par des salaires bien meilleurs que ceux de chez nous ? » Assez ironiquement, c’est le cas de Zucman. Le héros de la redistribution, lui-même, est parti prendre un poste de professeur aux USA…]

      Là, vous êtes un peu injuste : s’il est parti enseigner en Grande Bretagne et aux Etats-Unis, il est aussi revenu pour enseigner à l’Ecole normale supérieure à Paris…

      [En réalité, je pense que vous vous méprenez sur la mentalité profonde du parti socialiste et des centristes. C’est une mentalité de “dame patronesse”. Le pouvoir réel est certes économique, mais il est concurrencé, dans des sociétés catholiques, par le pouvoir moral. Et ils cherchent à obtenir l’onction du pouvoir moral, qui était jadis celui de l’église, et qui est aujourd’hui celui d’une sphère “bien pensante” difficile à définir.]

      Je ne suis pas d’accord avec cette vision. Oui, dans une société complexe il n’est pas efficient pour le pouvoir économique de gouverner par le rapport de forces nu. C’est pourquoi il fabrique une idéologie qui justifie sa domination, qui le rend acceptable aux yeux des dominés. La logique de charité – ce que vous appelez « mentalité de dame patronesse » – fait partie de cet appareil idéologique. C’est une forme primitive de la « théorie du ruissèlement » : il est bon que les riches soient riches parce que cela leur permet de financer les bonnes œuvres. Le riche cesse d’être un exploiteur pour devenir au contraire dispensateur de bienfaits. Mais parler d’un « pouvoir moral » qui ferait concurrence au « pouvoir économique » me paraît fausser la perspective. En fait, le « pouvoir moral » est généré par le « pouvoir économique » et pourvoit à sa justification.

      [Réclamer une taxation des riches est un bon moyen parmi d’autres de se placer du bon côté de la barrière morale (comme vouloir accueillir les migrants, renoncer à la peine de mort, trouver toutes les excuses possibles aux délinquants pour éviter le recours à des sanctions pénales dures, interdire les produits dangereux, promouvoir le bio, etc.).]

      Oui. Mais vous voyez que ce n’est pas là une idéologie produite par la bourgeoisie, c’est-à-dire, la classe dominante du point de vue économique, mais par une classe subordonnée, les « classes intermédiaires ». Et même si ces classes sont des alliées de la bourgeoisie, elles n’en partagent pas tout à fait leurs intérêts. En particulier, elles ont bien compris que si les « riches » refusent de payer leur part, ce sont elles qui vont devoir casquer – pressurer les couches populaires encore plus conduirait à des risques importants pour la stabilité du système politique. D’où leur attitude ambiguë sur la question de la « taxation des riches », qui à mon sens ne se réduit pas à une pure question morale.

      [Si l’objectif était réellement d’améliorer les conditions de vie des classes travailleuses les plus précaires, on les verrait militer pour un assouplissement des conditions d’exercice de l’agriculture, pour une réindustrialisation, etc. Mais je ne pense pas que ce soit le fond de leur volonté. Le fond de leur volonté se limite à “se donner bonne conscience”.]

      Pas du tout ! Elles font bien plus que ça, elles défendent leurs intérêts. Si les « riches » ne payent pas, ce sont les classes intermédiaires qui devront payer l’addition…

      [Si on prend le cas particulier des professeurs d’université, c’est pire que cela. Le fait d’être aux USA est devenu un gage de compétence. Quelqu’un qui est professeur en France est vu comme nécessairement moins compétent (avec l’idée que, s’il était vraiment compétent, on lui aurait proposé un poste aux USA…).]

      Les deux sont liés. Pourquoi être engagé aux USA est devenu gage de compétence ? Parce que les universités américaines ont l’embarras du choix à l’heure de sélectionner les candidats. Et pourquoi ont-elles l’embarras du choix ? Parce qu’elles payent bien, et attirent donc beaucoup de candidats. C’est par ce genre de biais que l’argent devient la mesure de toute chose…

      [D’ailleurs, c’est pour cela qu’il est parfaitement possible d’être de “gauche bien pensante” en étant aux USA : comme il est socialement prestigieux d’enseigner aux USA, on peut parfaitement cumuler l’autorité morale d’un enseignant aux USA, et la bonne conscience morale de celui qui veut taxer les riches.]

      Tout à fait. Le milieu universitaire américain est d’un conformisme écrasant. Tant que vous êtes dans la ligne de la “bienpensance”, vous pouvez tout vous permettre.

  11. MJJB dit :

    Que pensez-vous du diagnostic de l’économiste Branko Milanovic ? Bien loin de voir, dans la “multiplication des régimes ‘populistes'” à la Trump, un potentiel changement de paradigme, il pense au contraire qu’il s’agit là d’une consolidation des tendances les plus destructrices du capitalisme néolibéral :
     

    “Trump ne se contente pas de poursuivre les politiques néolibérales, il les approfondit. La réduction des impôts, la réduction de la réglementation sur pratiquement tout, la baisse de l’impôt sur le capital par rapport au travail – il redouble d’efforts dans tous ces domaines.”

     
    https://jacobin.com/2025/11/neoliberalism-market-liberalism-globalization-milanovic

    • Descartes dit :

      @ MJJB

      [Que pensez-vous du diagnostic de l’économiste Branko Milanovic ? Bien loin de voir, dans la “multiplication des régimes ‘populistes’” à la Trump, un potentiel changement de paradigme, il pense au contraire qu’il s’agit là d’une consolidation des tendances les plus destructrices du capitalisme néolibéral : (…)]

      D’abord, je dois dire que l’entretien est absolument passionnant, même si je ne partage pas forcément toutes les analyses de Milanovic. Sur le point précis que vous évoquez, ce n’est pas tout à fait ce que dit Milanovic. Dans l’entretien, celui-ci note que sur les quatre piliers du néolibéralisme (pour schématiser, libre-échange international, acceptation des différences, dérégulation du marché intérieur, liberté de mouvements de la main d’œuvre) il ne conserve qu’un seul, la dérégulation du marché intérieur. Mais il n’évoque pas ce qui était mon sujet, à savoir, la question des rapports entre classes. En fait, il y fait un peu allusion lorsqu’il dit que ces populistes arrivent au pouvoir du fait du rejet par les couches populaires des classes dominantes, mais ne rentre pas dans le détail…

      • Etoile dit :

        Je suis en accord avec une grande partie de votre analyse. Je suis en revanche plus sceptique concernant votre conclusion à propos des formules populistes et leur avenir. Les populistes à la Trump se font effectivement élire grâce à une coalition réunissant le soutien d’une bonne partie de la bourgeoisie (voir aux Etats-Unis le ralliement d’une grande partie des patrons de Tech) et un soutien populaire indéniable (souvent les fractions les moins instables des classes populaires). Mais j’ai des doutes sur le fait qu’une fois l’élection passée, les intérêts des classes populaires soient véritablement pris en compte. Pour l’instant on assiste surtout à un approfondissement brutal du néolibéralisme qui profitent d’abord à la classe dominante. Dans le même temps, on donne un os à ronger aux classes populaires, celui de l’immigration : on chasse les étrangers, faute de changer réellement les choses. Vous répondrez sans doute que la question de l’immigration est une question économique car les étrangers exercent une pression sur les salaires et constituent une concurrence pour l’accès à certains prestations, services publics etc. Mais d’après moi ça reste une réponse de court terme et à très courte vue qui ne s’attaque pas véritablement aux causes profondes des difficultés rencontrées par les classes populaires. Faute d’agir sur ces causes, on donne l’illusion d’agir à travers la lutte contre l’immigration. L’illusion peut fonctionner un temps pour les classes populaires. Mais combien de temps ?

        • Descartes dit :

          @ Etoile

          [Je suis en accord avec une grande partie de votre analyse. Je suis en revanche plus sceptique concernant votre conclusion à propos des formules populistes et leur avenir. Les populistes à la Trump se font effectivement élire grâce à une coalition réunissant le soutien d’une bonne partie de la bourgeoisie (voir aux Etats-Unis le ralliement d’une grande partie des patrons de Tech) et un soutien populaire indéniable (souvent les fractions les moins instables des classes populaires). Mais j’ai des doutes sur le fait qu’une fois l’élection passée, les intérêts des classes populaires soient véritablement pris en compte.]

          Dites-vous bien qu’une fois une élection passée, il y en a une autre à venir. Si Trump veut conserver le soutien des « cols bleus », il lui faudra bien tenir compte de leurs intérêts. On revient toujours à la même question : un parti politique, un leader peuvent-ils durablement ignorer – voir aller contre – les intérêts des couches sociales qui assurent leur élection ? La réponse, si l’on se fie à l’expérience, est négative. Chez nous, le « tournant de la rigueur » de 1993 a fait perdre durablement aux socialistes le vote ouvrier, qui s’est réfugié dans l’abstention d’abord, dans le vote FN/RN ensuite. En Grande Bretagne, la conversion au néolibéralisme des travaillistes sous Blair a eu le même effet sur le parti travailliste.

          Je pense que Trump est très soucieux de ne pas se couper de sa base « populaire ». Prenez par exemple les politiques protectionnistes, qui sont l’un des principaux leitmotivs de sa politique économique. Il est clair que c’est une politique dont la bourgeoisie – et surtout la grande bourgeoisie, dont les affaires sont mondialisées – n’en veut pas, et les réactions des marchés financiers en retour l’ont bien montré. Et pourtant il persiste. Pourquoi, à votre avis ? Même chose avec la politique musclée d’expulsion des immigrants clandestins : le patronat américain n’y a aucun intérêt, parce que cette immigration fournit une main d’œuvre docile et bon marché. Ce sont au contraire les travailleurs américains en bas de l’échelle, pour qui les « latinos » sont des concurrents, qui sont les plus attachés à ce genre de politique.

          Je n’ai pas la statistique sous la main, mais je crois me souvenir que le bilan du premier mandat de Trump a été très positif en termes économiques pour les couches populaires. Ce n’est d’ailleurs pas par hasard si elles ont voté largement pour lui à l’élection de 2020 – souvenez-vous, il a été battu au fil du rasoir – et encore en 2024.

          [Pour l’instant on assiste surtout à un approfondissement brutal du néolibéralisme qui profitent d’abord à la classe dominante.]

          Je vois mal comment vous conciliez la politique protectionniste de Trump – c’est là un fait – avec un « approfondissement brutal du néolibéralisme ». Les mots ont encore un sens : le « néolibéralisme » implique d’abord un engagement fort vers la « concurrence libre et non faussée » et la libre circulation des personnes et des marchandises. Or, Trump fait exactement le contraire : il a remis au gout du jour les barrières douanières comme outil de politique économique, il pratique des politiques d’immigration restrictives, il utilise le poids de l’Etat pour défendre la position des oligopoles américains à l’étranger. On peut reprocher beaucoup de choses à Trump, mais dans sa pratique il n’a rien d’un « néolibéral », quelque puissent être ses discours.

          [Dans le même temps, on donne un os à ronger aux classes populaires, celui de l’immigration : on chasse les étrangers, faute de changer réellement les choses. Vous répondrez sans doute que la question de l’immigration est une question économique car les étrangers exercent une pression sur les salaires et constituent une concurrence pour l’accès à certains prestations, services publics etc. Mais d’après moi ça reste une réponse de court terme et à très courte vue qui ne s’attaque pas véritablement aux causes profondes des difficultés rencontrées par les classes populaires.]

          Je pense surtout que vous oubliez un « os » autrement plus nourrissant, celui du protectionnisme. Après, vous me direz que ni le protectionnisme ni la lutte contre l’immigration clandestine « ne s’attaquent véritablement aux causes profondes ». C’est vrai. Mais en attendant la révolution socialiste – qui seule peut résoudre ces « causes profondes » – il faut bien vivre. Si le protectionnisme permet de créer des emplois, si le contrôle de l’immigration permet de pousser les salaires vers le haut, c’est toujours ça de gagné. N’oubliez pas que le mouvement ouvrier n’a pu mobiliser les masses qu’en conciliant des objectifs de court terme – la journée de 8 heures, la sécurité sociale, la retraite – et des objectifs de long terme, s’attaquant aux « causes profondes »…

          [Faute d’agir sur ces causes, on donne l’illusion d’agir à travers la lutte contre l’immigration. L’illusion peut fonctionner un temps pour les classes populaires. Mais combien de temps ?]

          Mais de quelles « causes » parlez-vous ? Bien sûr, ce serait mieux d’abolir l’exploitation de l’homme par l’homme. Mais aujourd’hui personne ne propose de façon réaliste une voie pour aboutir à ce résultat. Je ne dis pas que les populistes soient des révolutionnaires. Je ne pense pas que Trump – ou n’importe lequel d’entre eux – va changer radicalement la situation de la classe ouvrière. Mais aujourd’hui, ce sont les populistes qui semblent être les seuls à chercher une voie d’équilibre entre les intérêts des couches populaires et ceux de la bourgeoisie, là où le reste du spectre politique se met au service exclusif du « bloc dominant »…

          • Etoile dit :

            Vous avez raison sur un point : à travers le protectionnisme, Trump a en effet rompu avec certains aspects du néolibéralisme. Pour autant, la politique qu’il mène va-t-elle sérieusement rééquilibrer le rapport de force des classes populaires ? J’ai quand même quelques doutes. Mais il n’est pas impossible que la suite vous donne raison. Nous verrons bien.
            Autre question : classez-vous en Europe des gens comme Meloni parmi les populistes ? Dans son cas, bien qu’elle semble se revendiquer d’une ligne à la Trump, je n’ai pas l’impression qu’elle ait beaucoup rompu avec certains dogmes en matière économique en dépit de ses annonces initiales. Et je suppose que si un RN avec Bardella accédait au pouvoir, ce ne serait pas très différent. Par exemple, je ne vois pas réellement Bardella remettre sur pied les services publics, affronter l’Union Européenne, et encore sortir de l’Euro. Je le vois surtout poursuivre une politique à base de baisse de charges etc. Alors vous me direz qu’il devra suivre son électorat. Certes. Mais si le RN doit gouverner avec une partie de la droite, je doute qu’il parvienne à se débarrasser de certaines marottes libérales.

            • Descartes dit :

              @ Etoile

              [Vous avez raison sur un point : à travers le protectionnisme, Trump a en effet rompu avec certains aspects du néolibéralisme. Pour autant, la politique qu’il mène va-t-elle sérieusement rééquilibrer le rapport de force des classes populaires ?]

              Il faut avoir une pensée dialectique : si Trump arrive au pouvoir, c’est que les rapports de force ont DEJA évolué. Mon analyse – encore une fois, je ne prétend pas détenir la vérité, ce n’est que mon opinion – est que le « bloc dominant » se trouve devant un problème : les couches populaires, qu’on avait exclu du champ politique et qui se réfugiaient naguère dans l’abstention, ont compris que pour peser dans le système démocratique il ne leur restait que le vote populiste, parce que ce vote pourrait permettre d’accéder au pouvoir à des gens qui leur doivent leur élection, et qui par conséquent pourraient être amenés à faire des politiques plus favorables – ou moins défavorables – aux couches populaires. Cela pose pour le « bloc dominant » un dilemme : renoncer à la façade « démocratique » en instaurant des régimes autoritaires, ce qui serait très coûteux et très aléatoire, ou bien garder cette façade par un contournement de plus en plus systématique du vote populaire, en soustrayant à l’autorité élue le plus possible de compétences.

              A mon avis, la question pertinente n’est pas de savoir si la politique de Trump changera le rapport de forces, mais de savoir quelle est la transformation du rapport de forces qui permet à des gens comme Trump d’accéder au pouvoir. Autrement dit, pourquoi les « cols bleus » votent pour lui, et qu’est ce qu’ils en attendent – et accessoirement, qu’est ce qui pourrait se passer s’ils ne l’obtiennent pas.

              [Autre question : classez-vous en Europe des gens comme Meloni parmi les populistes ?]

              Je ne connais pas assez la politique italienne pour vous répondre. Pour moi, la question essentielle est celle de la base sociologique. Est-ce que les couches populaires en Italie votent pour Meloni ? Ou est-elle plutôt soutenue par la frange inférieure des classes intermédiaires, à l’image de ce que fut le poujadisme en France ? Si elle doit son élection au soutien des couches populaires, on pourrait la classer parmi les « populistes ».

              [Dans son cas, bien qu’elle semble se revendiquer d’une ligne à la Trump, je n’ai pas l’impression qu’elle ait beaucoup rompu avec certains dogmes en matière économique en dépit de ses annonces initiales. Et je suppose que si un RN avec Bardella accédait au pouvoir, ce ne serait pas très différent.]

              Encore une fois, « dis-moi qui t’a fait roi, et je te dirai qui tu est ». Si Bardella doit compter sur le vote des couches populaires pour rester au pouvoir, il lui faudra faire une politique qui réponde aux demandes de cet électorat. La question n’est donc pas tant de savoir ce que Bardella aura ENVIE de faire à titre personnel, mais de ce qu’il sera OBLIGE de faire pour garder sa base électorale. Moins un homme politique a des convictions profondes, et plus il est otage de son électorat.

              [Par exemple, je ne vois pas réellement Bardella remettre sur pied les services publics, affronter l’Union Européenne, et encore sortir de l’Euro. Je le vois surtout poursuivre une politique à base de baisse de charges etc. Alors vous me direz qu’il devra suivre son électorat. Certes. Mais si le RN doit gouverner avec une partie de la droite, je doute qu’il parvienne à se débarrasser de certaines marottes libérales.]

              C’est tout le charme de la dialectique. Si le RN arrive demain au pouvoir avec une alliance avec la droite « libérale », il lui faudra naviguer une ligne de crête entre les revendications de deux électorats. Cela peut aboutir à une politique de compromis – comme le fut le gaullo-communisme naguère – ou bien à une politique du chien crevé au fil de l’eau. L’avenir n’est nullement écrit…

          • Bob dit :

            @ Descartes
             
            [le « tournant de la rigueur » de 1993]
             
            Vous vouliez dire 1983, non ?

            • Descartes dit :

              @ Bob

              [Vous vouliez dire 1983, non ?]

              Ca fait plaisir de voir qu’il y en a qui suivent… oui, bien entendu, c’est une faute de frappe.

  12. Louis dit :

    Bonsoir,
     
    Que vous ayez raison ou non, je vous remercie d’éclairer mon expérience, en nous donnant du grain à moudre. Quand j’ai débuté mon métier de professeur, il y a de ça dix ans, certains sujets étaient tabous, et certaines réflexions entraînaient une réprobation publique, qui confinait à la mise au ban si l’on persévérait. Depuis quelques années, je constate qu’il n’en est plus de même.
     
    Est-ce à dire que les classes intermédiaires se rapprochent des classes populaires ? J’en doute fortement, et je ne crois pas que ce soit ce que vous soutenez. Cela témoigne peut-être néanmoins d’un changement qui pousse certains de mes collègues à ne plus relever ce qui doit encore leur hérisser le poil, si ce n’est à douter de ce dont ils semblaient alors si sûrs il y a quelques années encore. *
     
    Pour ce que vaut cette datation (est-elle due au hasard des circonstances ; sinon, est-elle seulement l’effet de la conjoncture ; doit-on lui accorder de l’importance ?), j’ai constaté que le retour à l’école après sa fermeture en raison de l’épidémie fut un tournant dans les discussions entre collègues. La discipline ne passe plus pour un gros mot, l’illettrisme n’est plus traité comme un simple fantasme, on peut remettre en cause (en parole seulement, bien entendu) les licenses accordées libéralement par les médecins aux élèves pour les dispenser du moindre effort, il arrive même qu’on puisse parler de l’institution en tant que telle, sans s’en exempter automatiquement. 
     
    Bien sûr, ces propos ne sont pas tellement suivis d’effets. Il n’en reste pas moins qu’ils entrainaient une réprobation qui dissuadait bon nombre de collègues d’engager la discussion, ce qui n’est plus tout à fait le cas. (Bon sang, à écrire ces lignes, j’ai de la peine à penser que je parle de… professeurs.) Est-ce à dire que des lendemains qui chantent nous attendent, ou même que le corps professoral, en tant que corps, est à même d’endosser un nouveau rôle en France ? Franchement, je ne le crois pas. Mais quelque chose a changé qui a fait perdre de leur superbe à certains, qui se gardent d’exercer aujourd’hui l’autorité dont ils jouissaient encore hier. Disons que c’est toujours ça de pris. 

    • Descartes dit :

      @ Louis

      [Est-ce à dire que les classes intermédiaires se rapprochent des classes populaires ? J’en doute fortement, et je ne crois pas que ce soit ce que vous soutenez.]

      En effet. Je pense qu’on assiste à un éloignement des classes intermédiaires par rapport à la bourgeoisie, parce qu’elles ont toutes les deux compris que le système tel qu’il fonctionne depuis trois décennies – c’est-à-dire, le maintien du niveau de vie par l’endettement – arrive au bout de ses possibilités, qu’il n’est plus possible d’accroître la pression sur les couches populaires sans risquer une révolte sociale, et qu’il faudra que quelqu’un paye. Et ni la bourgeoisie, ni les classes intermédiaires n’ont envie de payer.

      Mais le fait que les « classes intermédiaires » entrent en conflit avec la bourgeoisie n’implique pas automatiquement qu’elles se rapprocheront des couches populaires. Un autre scénario est possible : celui ou la bourgeoisie arrive à conclure un « pacte » avec les couches populaires pour plumer les « classes intermédiaires ». Et j’ai l’impression que c’est ce qui s’annonce…

      [Pour ce que vaut cette datation (est-elle due au hasard des circonstances ; sinon, est-elle seulement l’effet de la conjoncture ; doit-on lui accorder de l’importance ?), j’ai constaté que le retour à l’école après sa fermeture en raison de l’épidémie fut un tournant dans les discussions entre collègues. La discipline ne passe plus pour un gros mot, l’illettrisme n’est plus traité comme un simple fantasme, on peut remettre en cause (en parole seulement, bien entendu) les licences accordées libéralement par les médecins aux élèves pour les dispenser du moindre effort, il arrive même qu’on puisse parler de l’institution en tant que telle, sans s’en exempter automatiquement.]

      Je retrouve dans ce commentaire mes propres observations. Le COVID, en mettant en évidence les points de fragilité de nos sociétés, ont provoqué une prise de conscience, lente certes, partielle sans doute, mais non moins réelle. On s’est tout à coup rendu compte que toutes ces choses dont nous bénéficions – de l’électricité qui sort de la prise aux soins que nous recevons dans les urgences d’un hôpital, en passant par les rayons remplis de notre supermarché préféré – doivent être produits, acheminés, mis à disposition, et que sans une organisation efficace pilotée par des gens qui savent ce qu’il faut, les ruptures sont inévitables. On a tout à coup découvert que derrière la façade pimpante d’un système politique qui fait illusion, la maison était en train de tomber en ruines. Et du coup, on a pu parler de problèmes dont on avait pris l’habitude de nier l’existence. Qu’un ministre de l’éducation déclare que « l’école est dans un état critique », et qu’il le déclare non pas comme moyen de nous vendre une n-ième réforme censée résoudre tous les problèmes, mais simplement comme constat d’un fait, c’est une nouveauté.

      [Bien sûr, ces propos ne sont pas tellement suivis d’effets. Il n’en reste pas moins qu’ils entrainaient une réprobation qui dissuadait bon nombre de collègues d’engager la discussion, ce qui n’est plus tout à fait le cas.]

      Que la chape de plomb du « politiquement correct » façon bienpensance se soit fissurée, c’est déjà un énorme progrès. Pouvoir poser les problèmes, c’est déjà se donner les moyens de les résoudre. Cela étant dit, pour que les problèmes dont vous parlez soient résolus il ne suffit pas d’en parler, il faut y mettre de l’effort et du travail…

      [(Bon sang, à écrire ces lignes, j’ai de la peine à penser que je parle de… professeurs.)]

      Vous savez, les cordonniers sont souvent les plus mal chaussés !

      [Est-ce à dire que des lendemains qui chantent nous attendent, ou même que le corps professoral, en tant que corps, est à même d’endosser un nouveau rôle en France ? Franchement, je ne le crois pas. Mais quelque chose a changé qui a fait perdre de leur superbe à certains, qui se gardent d’exercer aujourd’hui l’autorité dont ils jouissaient encore hier. Disons que c’est toujours ça de pris.]

      Je ne sais pas si les conditions d’un tel changement sont aujourd’hui réunies. L’école est une institution, et en tant que telle elle ne peut assumer d’autre rôle que celui que la société lui assigne. Cela ne tient pas seulement à ce que les enseignants sont prêts à faire, mais aussi ce que la société, à travers l’institution mais aussi à travers les parents, leur demandent. Bien entendu, un « bon » enseignant militant (au sens pédagogique du terme) et motivé fera toujours mieux qu’un autre. Mais ce qui est vrai individuellement ne peut être généralisé, et un système éducatif de masse ne peut pas être bâti exclusivement sur des « militants » volontaires.

      Or, qu’attendent les parents de l’école ? Pour une vaste majorité, qu’elle garde leurs enfants pendant la journée, et qu’elle leur mette de bonnes notes. Quant à la société, elle demande à l’école d’être un lieu de socialisation. Acquérir des méthodes de travail ou des connaissances n’est plus perçu comme étant l’objectif de l’éducation – et si vous ne me croyez pas, jetez un œil au film « l’école est à nous », récemment projeté sur les fenestrons de l’audiovisuel public. Dans ces conditions, il faut avoir la foi chevillée au corps pour enseigner.

      • Louis dit :

        Un autre scénario est possible : celui ou la bourgeoisie arrive à conclure un « pacte » avec les couches populaires pour plumer les « classes intermédiaires ». Et j’ai l’impression que c’est ce qui s’annonce…

         
        Pourquoi pas. Je peine à en voir les prémisses. En tout cas, parmi ceux qui tenaient hier encore le haut du pavé, parmi mes collègues, je crois distinguer une sorte de raidissement dans leur silence même. D’une manière plus générale, parmi ceux qui sont le plus “de gauche”, il me semble entendre dans leur discours quelque chose d’autant plus dur, qu’il n’est plus écouté comme un prêche. Je ne sais si la bourgeoisie trouvera son intérêt dans une alliance de revers, mais je crois volontiers que les classes intermédiaires se “radicaliseront” plutôt que de céder.
         

        On s’est tout à coup rendu compte que  […] sans une organisation efficace pilotée par des gens qui savent ce qu’il faut, les ruptures sont inévitables.

         
        Est-ce vraiment le cas ? Pour ma part, je peux témoigner, pour ce que cela vaut, que la croyance qu’il puisse y avoir “des gens qui savent ce qu’il faut” est très, très loin d’être partagée. L’ignorance de notre histoire est abyssale, c’est entendu, mais ce n’est pas qu’une question de manque : quelque chose de positif (au sens logique, et non moral) semble retenir mes collègues de croire que de tels hommes puissent, et même aient pu, exister. 
         

        Qu’un ministre de l’éducation déclare que « l’école est dans un état critique », et qu’il le déclare non pas comme moyen de nous vendre une n-ième réforme censée résoudre tous les problèmes, mais simplement comme constat d’un fait, c’est une nouveauté.

         
        Paradoxalement, je n’ai littéralement entendu aucun de mes collègues en parler. 
         

        Mais ce qui est vrai individuellement ne peut être généralisé, et un système éducatif de masse ne peut pas être bâti exclusivement sur des « militants » volontaires.

         
        Entièrement d’accord, quand bien même j’aurais la faiblesse de croire que j’ai la vocation. Si l’on devait compter sur la vertu pour que l’Etat soit servi, on pourrait attendre longtemps, avant d’avoir assez de fonctionnaires… et ça me paraît assez normal. Le statut relativement exceptionnel dont on jouit est une condition, sinon nécessaire, du moins déterminantes pour assurer le service qu’on doit rendre, sans quoi, autant aller voir ailleurs, faute d’avoir le feu. 
         
        Le problème, c’est qu’en même temps que ces avantages s’amenuisent, ils apparaissent comme autant de dus presque sacrés aux yeux de mes collègues. Carloman, à juste titre, faisait remarquer, que, quelles que soient les rigueurs réelles de notre métier, les comparer à celles du boulanger, du soudeur ou du plombier (je ne suis pas sûr de bien me rappeler ses exemples) devrait remettre en perspective la “pénibilité” de notre travail. Il est difficile, aujourd’hui, de se faire entendre en soutenant à la fois qu’il est nécessaire que les fonctionnaires jouissent d’un statut qui assure leur “fidélité”, sans tomber dans le discours larmoyant du “tout nous est dû, nous souffrons tant…”. 
         

        L’école est une institution, et en tant que telle elle ne peut assumer d’autre rôle que celui que la société lui assigne. Cela ne tient pas seulement à ce que les enseignants sont prêts à faire, mais aussi ce que la société, à travers l’institution mais aussi à travers les parents, leur demandent.

         
        Bien sûr. Le volontarisme ne résout rien. Cependant, comme le disait à peu près le grand timonier, la cause externe ne peut jouer que si la cause interne le permet. Avec toutes les réserves que j’ai pu émettre, sans grand enthousiasme, je ne peux que me réjouir de voir la “cause interne” modifiée…
         

        si vous ne me croyez pas, jetez un œil au film « l’école est à nous », récemment projeté sur les fenestrons de l’audiovisuel public

         
        Vue la critique que vous en avez faites, je me passerais bien de cette purge, merci bien. Vous savez, ce genre de bêtises n’ont, avec ce que j’ai pu voir dans l’exercice de métier, de commun que la bêtise. Peut-être le sort a-t-il voulu m’exempter de ce genre d’établissement “alternatifs”, ou peut-être que ces films ne sont que l’expression de fantasmes, et non la représentation de la réalité (ce qui n’ôterait rien à leur valeur).
         
        Néanmoins, je peux vous assurer que le degré de débilité de notre institution est des plus élevé : un élève pris en flagrant délit de tricherie peut obliger leur professeer qu’il lui fasse repasser l’épreuve, des élèves illettrés peuvent exiger que leurs notes soient automatiquement gonflées, il est interdit de corriger les erreurs de français, rare de pouvoir renvoyer les élèves indisciplinés, courant de voir les élèves s’endormir, plus que fréquent qu’ils viennent sans rien pour prendre des notes… 
         

        Dans ces conditions, il faut avoir la foi chevillée au corps pour enseigner.

         
        Mais pas seulement ! Agrégé, je peux grâce à mon traitement nourrir les quatre membres de ma famille, et rembourser mon crédit. Les conditions matérielles qu’assure mon statut me permettent d’autant mieux d’apprécier ce que je dois à l’institution qui me permet de vivre et de faire vivre de ma passion. J’avais cette “fois chevillée au corps” quand je n’étais encore que célibataire. Je n’en ai pas moins failli lâcher ce métier à force de déconvenues… Mais d’avoir, comme tout un chacun, le devoir de subvenir à d’autres besoins que les miens, et de me rendre compte que mon statut le permettait bien assez, m’a fait prendre autrement le devoir que j’avais de bien faire mon métier, indépendamment de “la foi” que je pouvais éprouver. Thorez n’avait pas que des défauts. 
         

        • Descartes dit :

          @ Louis

          [Pourquoi pas. Je peine à en voir les prémisses. En tout cas, parmi ceux qui tenaient hier encore le haut du pavé, parmi mes collègues, je crois distinguer une sorte de raidissement dans leur silence même. D’une manière plus générale, parmi ceux qui sont le plus “de gauche”, il me semble entendre dans leur discours quelque chose d’autant plus dur, qu’il n’est plus écouté comme un prêche. Je ne sais si la bourgeoisie trouvera son intérêt dans une alliance de revers, mais je crois volontiers que les classes intermédiaires se “radicaliseront” plutôt que de céder.]

          Mais se « radicaliseront » autour de quelles valeurs ? Après tout, il y a un précédent : lorsque les classes intermédiaires ont rompu avec les couches populaires, on a eu la spectaculaire explosion « radicale » de mai 1968 autour de la contestation des valeurs institutionnelles. Aujourd’hui, on observe dans beaucoup de secteurs des classes intermédiaires une « radicalisation » plutôt autour de valeurs telles que l’effort ou la discipline – jusqu’ici, pour regretter leur disparition mais cela finira par se manifester en actes. Peut-être que cette « radicalisation » mais cette fois-ci au nom de valeurs « traditionnelles » témoigne aussi d’un changement d’alliances ?

          [« On s’est tout à coup rendu compte que […] sans une organisation efficace pilotée par des gens qui savent ce qu’il faut, les ruptures sont inévitables. » Est-ce vraiment le cas ? Pour ma part, je peux témoigner, pour ce que cela vaut, que la croyance qu’il puisse y avoir “des gens qui savent ce qu’il faut” est très, très loin d’être partagée.]

          Je ne suis pas si persuadé que vous. Je suis par exemple convaincu que 99,99% de nos concitoyens ont été convaincus qu’il n’y aurait pas de coupures de courant pendant le COVID, parce que les agents d’EDF, quelque soient leurs niveaux hiérarchiques, connaissaient leur métier et allaient faire ce qu’il faut pour que l’électricité ne manque pas. Et même chose pour les agents hospitaliers, pour ceux de la SNCF ou des préfectures. Les Français se méfient – à juste titre – de leurs décideurs politiques, mais ont une confiance extraordinaire dans ceux qui font « tourner la machine ».

          [L’ignorance de notre histoire est abyssale, c’est entendu, mais ce n’est pas qu’une question de manque : quelque chose de positif (au sens logique, et non moral) semble retenir mes collègues de croire que de tels hommes puissent, et même aient pu, exister.]

          Je ne connais pas aussi bien que vous le milieu enseignant, mais ce que vous me dites me surprend un peu. Peut-être est-ce l’accent permanent mis sur le paradigme de la victime plutôt que sur celui du héros qui amène à cette vision ?

          [« Qu’un ministre de l’éducation déclare que « l’école est dans un état critique », et qu’il le déclare non pas comme moyen de nous vendre une n-ième réforme censée résoudre tous les problèmes, mais simplement comme constat d’un fait, c’est une nouveauté. » Paradoxalement, je n’ai littéralement entendu aucun de mes collègues en parler.]

          Si j’était méchant, je dirais que c’est peut-être parce qu’ils n’ont pas la conscience tranquille…

          [Entièrement d’accord, quand bien même j’aurais la faiblesse de croire que j’ai la vocation. Si l’on devait compter sur la vertu pour que l’Etat soit servi, on pourrait attendre longtemps, avant d’avoir assez de fonctionnaires… et ça me paraît assez normal. Le statut relativement exceptionnel dont on jouit est une condition, sinon nécessaire, du moins déterminantes pour assurer le service qu’on doit rendre, sans quoi, autant aller voir ailleurs, faute d’avoir le feu.]

          Tout à fait. Mais il n’y avait pas que ça dans mon commentaire. C’est un peu le problème de passer du démonstrateur de laboratoire à un procédé industriel. Dans le laboratoire, le procédé fonctionne parce qu’il est mis en œuvre par des gens d’une très haute compétence, qui y consacrent tout leur temps et tout leur savoir pendant un temps limité. Le même procédé porté à une grande taille peut ne pas fonctionner parce que vous ne trouverez jamais assez de gens de haute compétence prêts à y passer leur vie. C’est d’ailleurs pourquoi les expériences pédagogiques fonctionnent souvent très bien : elles sont portées par des pédagogues militants prêts à faire un énorme effort pour en assurer le succès. Mais lorsqu’on généralise la chose, lorsqu’on doit faire appliquer la méthode par l’enseignant moyen…

          [Le problème, c’est qu’en même temps que ces avantages s’amenuisent, ils apparaissent comme autant de dus presque sacrés aux yeux de mes collègues. Carloman, à juste titre, faisait remarquer, que, quelles que soient les rigueurs réelles de notre métier, les comparer à celles du boulanger, du soudeur ou du plombier (je ne suis pas sûr de bien me rappeler ses exemples) devrait remettre en perspective la “pénibilité” de notre travail. Il est difficile, aujourd’hui, de se faire entendre en soutenant à la fois qu’il est nécessaire que les fonctionnaires jouissent d’un statut qui assure leur “fidélité”, sans tomber dans le discours larmoyant du “tout nous est dû, nous souffrons tant…”.]

          Peut-être que le problème vient du cloisonnement. Les instituteurs de la IIIème République connaissaient peut-être mieux la difficulté du travail du paysan (beaucoup étaient d’ailleurs fils de paysans eux-mêmes) et appréciaient donc plus justement la pénibilité relative de leur métier. Je ne sais pas combien d’enseignants aujourd’hui connaissent la dureté du monde du travail en dehors de l’enseignement. Le « stage ouvrier », qui est aujourd’hui obligatoire dans toutes les formations d’ingénieur, ne semble pas avoir passé la porte de la formation de l’enseignant.

          [Vue la critique que vous en avez faites, je me passerais bien de cette purge, merci bien. Vous savez, ce genre de bêtises n’ont, avec ce que j’ai pu voir dans l’exercice de métier, de commun que la bêtise. Peut-être le sort a-t-il voulu m’exempter de ce genre d’établissement “alternatifs”, ou peut-être que ces films ne sont que l’expression de fantasmes, et non la représentation de la réalité (ce qui n’ôterait rien à leur valeur).]

          Ce sont des fantasmes. Mais ces fantasmes ne sont pas là par hasard. Si de tels films sont produits, s’ils ont du succès, si on les passe sur les chaines publiques à une heure de grande écoute, il doit bien y avoir une raison. Ces films là sont intéressant non pas parce qu’ils représentent la réalité, mais parce qu’ils décrivent les fantaisies d’une classe sociale. Et il est toujours intéressant de savoir à quoi rêve la classe dominante…

          [Néanmoins, je peux vous assurer que le degré de débilité de notre institution est des plus élevé : un élève pris en flagrant délit de tricherie peut obliger leur professeur qu’il lui fasse repasser l’épreuve, des élèves illettrés peuvent exiger que leurs notes soient automatiquement gonflées, il est interdit de corriger les erreurs de français, rare de pouvoir renvoyer les élèves indisciplinés, courant de voir les élèves s’endormir, plus que fréquent qu’ils viennent sans rien pour prendre des notes…]

          Je n’en doute pas. De ce que j’ai pu entendre, l’école – et je comprends dans ce terme l’ensemble du système éducatif – est effectivement dans un état critique. Et c’est là une véritable trahison envers notre jeunesse. Tout le monde pleurniche sur la dette que nous laissons aux générations futures. Moi, je pleure plutôt sur le fait qu’on se refuse à lui transmettre les outils pour pouvoir la payer !

          [Mais pas seulement ! Agrégé, je peux grâce à mon traitement nourrir les quatre membres de ma famille, et rembourser mon crédit. Les conditions matérielles qu’assure mon statut me permettent d’autant mieux d’apprécier ce que je dois à l’institution qui me permet de vivre et de faire vivre de ma passion. J’avais cette “fois chevillée au corps” quand je n’étais encore que célibataire. Je n’en ai pas moins failli lâcher ce métier à force de déconvenues… Mais d’avoir, comme tout un chacun, le devoir de subvenir à d’autres besoins que les miens, et de me rendre compte que mon statut le permettait bien assez, m’a fait prendre autrement le devoir que j’avais de bien faire mon métier, indépendamment de “la foi” que je pouvais éprouver. Thorez n’avait pas que des défauts.]

          Tout à fait d’accord. Ceux qui crachent sur les statuts ne se rendent pas compte que si demain on devait assurer le même niveau de service avec du personnel hors statut, cela nous coûterait beaucoup plus cher.

          • Louis dit :

            Aujourd’hui, on observe dans beaucoup de secteurs des classes intermédiaires une « radicalisation » plutôt autour de valeurs telles que l’effort ou la discipline – jusqu’ici, pour regretter leur disparition mais cela finira par se manifester en actes.

             
            Sans remettre en doute votre parole, franchement, j’aimerais bien des exemples. Autour de moi, je ne le constate pas. Au contraire, le raidissement dont je parle confine à cette forme de panique molle, de sentiment d’urgence constante, qui fait s’indigner pour tout et pour rien, comme si le fascisme était à nos portes, de la part de personnes un peu moins écoutées qu’autrefois. 
             

            Peut-être que cette « radicalisation » mais cette fois-ci au nom de valeurs « traditionnelles » témoigne aussi d’un changement d’alliances ?

             
            Et pour quelle raison ? Quant à ceux dont je parle – essentiellement des fonctionnaires, qui déplorent de ne pouvoir vivre en grands bourgeois -, leur intérêt réside précisément dans le statu quo – l’endettement qui finance leur mode de vie -, et leur discours penche plutôt vers un renforcement de ce statu quo – rendez-vous compte, ma bonne dame, on n’a pu rester qu’une semaine en Irlande, et on ne peut plus toujours aller au restaurant après le théâtre ! -. 
             

            Je ne suis pas si persuadé que vous. Je suis par exemple convaincu que 99,99% de nos concitoyens ont été convaincus qu’il n’y aurait pas de coupures de courant pendant le COVID, parce que les agents d’EDF, quelque soient leurs niveaux hiérarchiques, connaissaient leur métier et allaient faire ce qu’il faut pour que l’électricité ne manque pas. Et même chose pour les agents hospitaliers, pour ceux de la SNCF ou des préfectures. Les Français se méfient – à juste titre – de leurs décideurs politiques, mais ont une confiance extraordinaire dans ceux qui font « tourner la machine ».

             
            Vous avez raison, bien entendu. C’est moi qui n’ai pas été clair. Je ne parlais pas des Français en général, mais de mon milieu en particulier. La “haine des sachants”, comme vous l’appelez parfois, a de beaux jours devant elle parmi… les sachants eux-mêmes. 
             

            Je ne connais pas aussi bien que vous le milieu enseignant, mais ce que vous me dites me surprend un peu. Peut-être est-ce l’accent permanent mis sur le paradigme de la victime plutôt que sur celui du héros qui amène à cette vision ?

             
            Je le crois, mais je n’en ferais pas l’unique raison, sans pouvoir proposer d’explication satisfaisante. Oui, le culte de la victime, c’est quelque chose.
             
            Cela dit, ce qui y est lié sans s’y confondre, il y a ce manichéisme latent entre “ceux qui nous dirigent” et “nous le peuple” (le même genre de logique qu’on retrouve dans le discours du 1% contre les 99%), comme si, de toute éternité, on avait toujours eu des gens méchants, animés seulement par l’avidité, la cruauté, l’esprit du Malin (rayez la mention inutile), qui se sont acharnés à rendre infernale la vie du commun des mortels.  
             
            Pour vous donner un exemple – qui n’est plus tout à fait du domaine du martyrologe -, j’entends constamment que “rien n’a jamais été acquis sans lutte” ; ce qui, à certains égards, n’est pas faux. Mais cette lutte est toujours envisagée comme celle d’une masse éclairée par une gentille élite populaire, contre les méchants au pouvoir, comme s’il avait suffit de tordre le bras des méchants pour qu’ils obtempèrent.
             
            En fait, ce qui manque absolument, c’est de penser aux institutions en tant que telles. Et je n’ai pas besoin de vous rappeler combien la question des grands hommes – et des hommes de valeurs sur lesquels ils s’appuient – est liée à celle des institutions. 
             

            C’est un peu le problème de passer du démonstrateur de laboratoire à un procédé industriel. […] Mais lorsqu’on généralise la chose, lorsqu’on doit faire appliquer la méthode par l’enseignant moyen…

             
            Je n’avais jamais vu les choses sous cet angle, sans doute faute d’avoir votre expérience. Merci. L’analogie avec les pédagogues est intéressante, mais elle souffre d’une limite : je suppose, sans m’y connaître, que les inventions des ingénieurs supportent l’épreuve des faits, aussi amère soit-elle. Les pédagogues ne sont pas tenus de se cogner sur de pareils pierres d’achoppement. Parfois, ils sont tout à fait satisfaits – et leurs supérieurs avec ! – d’avoir objectivement atteint leurs objectifs, pas toujours clairement définis, par des moyens spécieux s’il le faut, sans jamais avoir dû prendre en compte autre chose que ce qu’ils imaginent être et la manière dont ils le définissent. Peut-être me fais-je trop d’illusion, mais j’ai tendance à penser que si la machine ne marche pas, un ingénieur aurait bien du mal à redéfinir ce que la machine est censée faire pour mettre l’échec sous le tapis. Un pédagogue, en revanche… 
             

            Peut-être que le problème vient du cloisonnement. Les instituteurs de la IIIème République connaissaient peut-être mieux la difficulté du travail du paysan (beaucoup étaient d’ailleurs fils de paysans eux-mêmes) et appréciaient donc plus justement la pénibilité relative de leur métier. Je ne sais pas combien d’enseignants aujourd’hui connaissent la dureté du monde du travail en dehors de l’enseignement.

             
            Ca dépend tout à fait de la section et du degré d’enseignement. Typiquement, je n’ai connu que de rares professeurs du lycée professionnel qui n’eussent jamais exercé d’autre métier dans le privé avant de devenir professeur. Dans les lycées généraux, par contre, c’est plutôt l’inverse ; au point que des professeurs, fils de professeurs, soit un cas parfaitement ordinaire, sans pour autant être majoritaire, à ma connaissance du moins. Cela va dans le sens de votre idée du cloisonnement. Mais quoi ? Faudrait-il envoyer les professeurs à l’usine ou l’atelier ? 
             

            Ce sont des fantasmes. […] Et il est toujours intéressant de savoir à quoi rêve la classe dominante…

             
            Je vous l’accorde volontiers. Cependant, conduisant trois à quatre heures par jour pour me rendre au travail, je préfère prendre mon bain de boue quotidien en écoutant la radio. On apprend beaucoup de choses en écoutant France culture ou France inter, quoi qu’on en apprenne davantage sur ceux qui parlent, que sur ce dont ils parlent…
             

            Et c’est là une véritable trahison envers notre jeunesse.

             
            Et c’est ainsi qu’ils le ressentent, à défaut de le penser. Pour paraphraser Bergson : la jeunesse emprunte à ses maîtres leurs illusions, et le leur rend sous forme de mépris. Je suis persuadé que les élèves sont très intelligents, mais rigoureusement limités par leur âge.
             
            D’une manière ou d’une autre, les dysfonctionnements institutionnels, les décalages entre le discours et la pratique, les rodomontades piteuses, les accomodements déraisonnables, tout cela, ils s’en rendent compte, sans pouvoir le comprendre ni l’expliquer ; mais, dans une certaine mesure, le monde des adultes qu’ils côtoient à l’école, c’est un monde mensonger, dont ils se demandent si les professeurs sont les dupes, ou s’ils sont eux-mêmes la dupe de leurs professeurs. Je n’en veux pas du tout à certains élèves “en bout de course” (puisque je n’ai affaire qu’à des élèves de terminale) de se défier violemment de l’école, quoique je le regrette infiniment. C’est sans doute déraisonnable, mais, pour jouer sur les mots, ce n’est pas entièrement irrationnel. 
             

            • Descartes dit :

              @ Louis

              [« Aujourd’hui, on observe dans beaucoup de secteurs des classes intermédiaires une « radicalisation » plutôt autour de valeurs telles que l’effort ou la discipline – jusqu’ici, pour regretter leur disparition mais cela finira par se manifester en actes. » Sans remettre en doute votre parole, franchement, j’aimerais bien des exemples.]

              Vous vous souvenez je pense du pamphlet de Daniel Lindenberg, « Le rappel à l’ordre : enquête sur les nouveaux réactionnaires ». Le bouquin était une dénonciation d’un certain nombre de penseurs et intellectuels qui, selon Lindenberg, tenaient ce qu’il considérait un discours « réactionnaire et conservateur ». Il s’agissait d’intellectuels comme Finkielkraut, Gauchet, Nora, Houellebecq, Murray, etc. dont le péché était tout simplement d’être revenus du discours soixante-huitard et d’en être devenus les critiques.

              Cette position, qui était à l’époque purement intellectuelle, a beaucoup essaimé. Aujourd’hui, je retrouve chez beaucoup d’amis une revalorisation presque trop radicale de l’idée de discipline, d’ordre, d’effort – comme je l’ai dit, essentiellement sur le mode de la déploration, autrement dit, du constat de leur disparition. Combien de fois j’ai entendu dire « personne aujourd’hui ne veut travailler », « personne ne fait plus le moindre effort ». Tenez, j’ai même des amis qu’il y a vingt ans étaient partisans de l’orthographe libre, et qui aujourd’hui déplorent que personne ne sache plus écrire correctement…

              [Autour de moi, je ne le constate pas. Au contraire, le raidissement dont je parle confine à cette forme de panique molle, de sentiment d’urgence constante, qui fait s’indigner pour tout et pour rien, comme si le fascisme était à nos portes, de la part de personnes un peu moins écoutées qu’autrefois.]

              C’est vrai que la culture de l’indignation, qu’on a importé des états unis, tourne au vinaigre. On perd un temps fou à des « indignations » sur des sujets où l’on ne peut rien faire – le changement climatique étant un excellent exemple – alors qu’on laisse de côté les sujets qui sont à notre portée.

              [« Peut-être que cette « radicalisation » mais cette fois-ci au nom de valeurs « traditionnelles » témoigne aussi d’un changement d’alliances ? » Et pour quelle raison ? Quant à ceux dont je parle – essentiellement des fonctionnaires, qui déplorent de ne pouvoir vivre en grands bourgeois -, leur intérêt réside précisément dans le statu quo – l’endettement qui finance leur mode de vie -, et leur discours penche plutôt vers un renforcement de ce statu quo – rendez-vous compte, ma bonne dame, on n’a pu rester qu’une semaine en Irlande, et on ne peut plus toujours aller au restaurant après le théâtre ! -.]

              Le problème, c’est que même si les « classes intermédiaires » ont un horizon temporel plutôt limité et vivent dans l’instant présent, elles ont quand même réalisé que le système arrive à ses limites. Autrement dit, qu’on pourra encore financier leur niveau de vie par l’endettement pendant cinq, dix, vingt ans peut-être, mais qu’à terme, c’est mort. Et à ce moment-là, on amènera à table l’addition et quelqu’un va devoir la payer. C’est là où le conflit entre les classes intermédiaires et la bourgeoisie commence : tous deux sont conscients qu’il sera difficile de faire payer la note par les classes populaires, tout simplement parce qu’elles ont été trop paupérisées pour qu’on puisse encore leur demander des sacrifices sans mettre en danger le système politique – on l’a vu avec les « gilets jaunes ». Ce qui veut dire qu’il faudra se partager la note entre classes intermédiaires et bourgeoisie… Je me demande si ce ne sont pas les prémisses de ce partage qu’on peut observer à l’Assemblée nationale !

              [Vous avez raison, bien entendu. C’est moi qui n’ai pas été clair. Je ne parlais pas des Français en général, mais de mon milieu en particulier. La “haine des sachants”, comme vous l’appelez parfois, a de beaux jours devant elle parmi… les sachants eux-mêmes.]

              Mais pensez-vous vraiment que chez les enseignants il y avait une véritable crainte que l’électricité manque, que les trains s’arrêtent, que les préfectures ou les hôpitaux ne répondent plus à l’urgence ?

              [Cela dit, ce qui y est lié sans s’y confondre, il y a ce manichéisme latent entre “ceux qui nous dirigent” et “nous le peuple” (le même genre de logique qu’on retrouve dans le discours du 1% contre les 99%), comme si, de toute éternité, on avait toujours eu des gens méchants, animés seulement par l’avidité, la cruauté, l’esprit du Malin (rayez la mention inutile), qui se sont acharnés à rendre infernale la vie du commun des mortels.]

              Mais ce manichéisme a une fonction qu’on peut qualifier « d’exculpatoire ». Si tous les malheurs viennent de « ceux qui nous dirigent », alors nous ne sommes responsables ou coupables de rien. Si les classes intermédiaires sont si friandes de ce modèle du « 1% contre 99% », c’est parce que cela les mets implicitement du bon côté de la barrière. Personne n’admettra être du côté du 1%.

              [Pour vous donner un exemple – qui n’est plus tout à fait du domaine du martyrologe -, j’entends constamment que “rien n’a jamais été acquis sans lutte” ; ce qui, à certains égards, n’est pas faux. Mais cette lutte est toujours envisagée comme celle d’une masse éclairée par une gentille élite populaire, contre les méchants au pouvoir, comme s’il avait suffi de tordre le bras des méchants pour qu’ils obtempèrent.]

              Que voulez-vous, on fait trop lire aux enseignants du Rousseau, et pas assez du Hobbes…

              [En fait, ce qui manque absolument, c’est de penser aux institutions en tant que telles. Et je n’ai pas besoin de vous rappeler combien la question des grands hommes – et des hommes de valeurs sur lesquels ils s’appuient – est liée à celle des institutions.]

              Tout à fait. Ce que les gens qui pensent aujourd’hui – ou qui sont censés le faire – ne comprennent pas est que le culte des grands hommes n’est pas le culte de ces hommes TELS QU’ILS ETAIENT. Le Colbert ou le Richelieu auquel la République rendait hommage n’étaient pas ces hommes tels qu’ils ont été, mais des images que les institutions avaient construit à partir des personnages réels. Autrement dit, ils ont été eux-mêmes « institués ». C’est pourquoi il est ridicule de déboulonner la statue de Colbert au prétexte qu’il aurait été « esclavagiste ». Lorsqu’on élève une statue de Colbert, on élève une statue à l’effort, au travail, au service de l’Etat. Le fait qu’on appelle ces vertus « Colbert » est purement contingent. Vous noterez d’ailleurs qu’on a pu élever des statues à des personnages comme Clovis ou Vercingétorix, dont on ne sait finalement pas grande chose…

              Ce sont les institutions qui fabriquent les « grands hommes ». Et le fait que le culte des grands hommes disparaisse ne traduit qu’une chose : la faiblesse des institutions.

              [Je n’avais jamais vu les choses sous cet angle, sans doute faute d’avoir votre expérience. Merci. L’analogie avec les pédagogues est intéressante, mais elle souffre d’une limite : je suppose, sans m’y connaître, que les inventions des ingénieurs supportent l’épreuve des faits, aussi amère soit-elle. Les pédagogues ne sont pas tenus de se cogner sur de pareilles pierres d’achoppement. Parfois, ils sont tout à fait satisfaits – et leurs supérieurs avec ! – d’avoir objectivement atteint leurs objectifs, pas toujours clairement définis, par des moyens spécieux s’il le faut, sans jamais avoir dû prendre en compte autre chose que ce qu’ils imaginent être et la manière dont ils le définissent. Peut-être me fais-je trop d’illusion, mais j’ai tendance à penser que si la machine ne marche pas, un ingénieur aurait bien du mal à redéfinir ce que la machine est censée faire pour mettre l’échec sous le tapis. Un pédagogue, en revanche…]

              Vous surestimez l’honnêteté intellectuelle des ingénieurs, il me semble… J’aurais tendance à penser que la seule différence entre les deux est que dans le cas de l’ingénieur les résultats sont mesurés avec des méthodes qui ne supportent pas de contestation parce qu’elles ne contiennent pas de choix idéologiques. La puissance de sortie d’un réacteur nucléaire est mesurée de la même manière et avec la même précision chez les staliniens et chez les libéraux. Alors que souvent les expériences pédagogiques sont évaluées avec des instruments de mesure beaucoup moins précis et beaucoup moins consensuels.

              [Ca dépend tout à fait de la section et du degré d’enseignement. Typiquement, je n’ai connu que de rares professeurs du lycée professionnel qui n’eussent jamais exercé d’autre métier dans le privé avant de devenir professeur. Dans les lycées généraux, par contre, c’est plutôt l’inverse ; au point que des professeurs, fils de professeurs, soit un cas parfaitement ordinaire, sans pour autant être majoritaire, à ma connaissance du moins. Cela va dans le sens de votre idée du cloisonnement. Mais quoi ? Faudrait-il envoyer les professeurs à l’usine ou l’atelier ?]

              A minima, leur imposer au cours de leur formation un stage ouvrier d’une durée suffisante (quelques mois au moins). Les écoles d’ingénieur ont imposé cette discipline – quitte à rogner sur les vacances – et je ne vois pas ce qui empêcherait les universités de le faire. Et c’est loin d’être un gadget : je me souviens d’élèves-ingénieurs partis en stage avec une vision très négative du syndicalisme, et revenus avec une vision totalement changée…

              [« Et c’est là une véritable trahison envers notre jeunesse. » Et c’est ainsi qu’ils le ressentent, à défaut de le penser. Pour paraphraser Bergson : la jeunesse emprunte à ses maîtres leurs illusions, et le leur rend sous forme de mépris. Je suis persuadé que les élèves sont très intelligents, mais rigoureusement limités par leur âge.]

              Par leur âge, et par leur inexpérience. Parce qu’il est grand temps de revaloriser la notion d’expérience, qui sous-tend celle d’apprentissage. Parce qu’est ce que l’expérience, sinon la somme de ce que nous avons appris dans nos expériences vitales ? « Si jeunesse savait, si vieillesse pouvait » disaient les anciens. Il faut être conscient que les jeunes vivent dans une mer de démagogie, entourés d’adultes qui leur répètent qu’ils doivent suivre leurs envies, qu’ils n’ont besoin de personne, que les adultes ne font que les discriminer, et que le monde serait une meilleure place si on leur donnait le pouvoir. C’est dur de garder la tête froide dans ces conditions.

              [mais, dans une certaine mesure, le monde des adultes qu’ils côtoient à l’école, c’est un monde mensonger, dont ils se demandent si les professeurs sont les dupes, ou s’ils sont eux-mêmes la dupe de leurs professeurs.]

              Pourquoi vous limitez-vous à l’école. Le monde EN GENERAL est mensonger, et l’école ne fait que suivre ce mensonge général. En fait, les jeunes ne sont confrontés qu’à la réalité des faits que quand ils rentrent dans le monde du travail, et c’est là que les illusions souvent se déchirent…

            • никто́ dit :

              @Carloman, Descartes et Louis : merci pour cette discussion passionnante 🙂
               
              J’en profite pour vous faire part d’une interrogation parce que ça m’y fait penser (mais je n’arrive pas à expliquer le lien), un discours que j’entends de plus en plus sur la lutte contre les (formes de) domination.
               
              La première fois, c’était par une camarade enseignant-chercheur, je n’y avais pas prêté trop attention, mais j’ai fini récemment Bernard Lahire (Les structures fondamentales des sociétés humaines, très intéressant au passage) et il me semble que lui aussi parle de la lutte contre les dominations comme l’un des objectifs des sciences sociales. 
               
              Ça me perturbe beaucoup, parce que je n’ai pas l’impression qu’on puisse se débarasser de la domination. On peut l’euphémiser, la faire rentrer dans des rapports institutionnels pour la rendre « supportable », mais la faire disparaître, je n’y crois pas…
               
              Et j’ai l’impression qu’une partie de cette discussion s’y rattache. À mon sens, ça fait partie de la « morale » ou des « valeurs » de la classe intermédiaire mais c’est un but inatteignable qui permet d’émettre des jugements moraux sur (le reste de) la société.
               
              Est-ce que vous auriez un avis sur la question ? (ou est-ce que je raconte des sornettes et que je suis à côté de la plaque, ce qui est tout à fait envisageable…)
               
              Merci,

            • Descartes dit :

              @ никто́

              [Ça me perturbe beaucoup, parce que je n’ai pas l’impression qu’on puisse se débarasser de la domination. On peut l’euphémiser, la faire rentrer dans des rapports institutionnels pour la rendre « supportable », mais la faire disparaître, je n’y crois pas…]

              Comme souvent, se pose dans ce genre de discussion un problème de définition. Lorsqu’on parle de « domination », de quoi on parle vraiment ? Nous avons chacun de nous une perception subjective et intuitive de ce que « dominer » signifie, et cette perception est très liée à un appareil idéologique. Prenons un exemple. Il est incontestable que les parents exercent sur un petit enfant une autorité très large. Ce sont eux qui décident de son lieu de résidence, de son habillement, de sa nourriture, de ses fréquentations, de ses heures de lever et de coucher et de plein d’autres aspects de sa vie, avec des instruments de contrainte considérables. Peut-on parler de « domination » ? Si vous donnez au terme une définition large, si le fait d’imposer une règle à l’individu par la contrainte implique une forme de domination, alors la « domination » est inhérente à toute société humaine, et seuls les individus isolés peuvent y échapper.

              Je dois dire que je me suis beaucoup battu à l’époque où j’étais au PCF contre la formule rituelle « se battre contre toutes les dominations, contre toutes les aliénations » qu’il était à l’époque de bon ton de mettre à toutes les sauces dans les tracts, les rapports, les publications du parti. Une telle formulation est une absurdité. Il n’y a pas de société sans une forme d’aliénation. Le langage, pour ne prendre qu’un exemple, est une aliénation : le sens des mots que vous employez, les règles de grammaire vous sont imposées de l’extérieur. Si chacun de nous avait la liberté de définir sa propre langue, nous ne pourrions pas nous comprendre !

              [Et j’ai l’impression qu’une partie de cette discussion s’y rattache. À mon sens, ça fait partie de la « morale » ou des « valeurs » de la classe intermédiaire mais c’est un but inatteignable qui permet d’émettre des jugements moraux sur (le reste de) la société.]

              La question intéressante est de savoir POURQUOI à un moment donné les classes intermédiaires adoptent cette idée de « lutte contre les dominations et les aliénations ». Parce qu’il n’échappera a personne que les classes intermédiaires adoptent ce discours à la fin des années 1960 – et qu’il devient dominant au PCF seulement lorsque ce parti se tourne vers les classes intermédiaires, dans les années 1990. Pour moi, la réponse tient à la position de chacun dans l’échelle du pouvoir. Reprenant la formule de Lacordaire, « entre le faible et le fort, c’est la liberté qui asservit et la loi qui libère ». Autrement dit, plus vous êtes du côté des « forts », et plus la loi – entendue comme une norme universelle qui s’applique également à tous – est une gêne. Pour le faible, la loi est l’ultime protection contre le fort. Le fort n’a pas besoin d’elle pour se protéger. Les classes intermédiaires étaient « légalistes » lorsqu’elles étaient faibles, elles sont devenues « libertaires » lorsqu’elles ont pris le pouvoir.

            • CVT dit :

              @Descartes,

              [Les classes intermédiaires étaient « légalistes » lorsqu’elles étaient faibles, elles sont devenues « libertaires » lorsqu’elles ont pris le pouvoir.]

              Corrigez-moi, mais c’est sans précédent dans l’histoire de France: même sous l’Ancien Régime, la noblesse était forte et dominante (même domestiquée par la Couronne…), mais elle restait gouvernée par une logique d’honneur et d’allégeance. Idem pour la bourgeoisie, qui lui a succédée après la Révolution: elle a longtemps conservé une certaine forme de transcendance, et a elle-même promu le règne de la Loi et des Droits de l’Homme, alors qu’elle était dominante économiquement.
              Dès lors, comment une classe “semi-dominante” comme les bobos, peut-elle se permettre de promouvoir un libertarisme dont elle n’a manifestement pas les moyens?

            • Descartes dit :

              @ CVT

              [« Les classes intermédiaires étaient « légalistes » lorsqu’elles étaient faibles, elles sont devenues « libertaires » lorsqu’elles ont pris le pouvoir. » Corrigez-moi, mais c’est sans précédent dans l’histoire de France: même sous l’Ancien Régime, la noblesse était forte et dominante (même domestiquée par la Couronne…), mais elle restait gouvernée par une logique d’honneur et d’allégeance.]

              N’exagérons rien. Cette image d’une aristocratie gouvernée par l’honneur est en grande partie une invention littéraire du romantisme. En fait, la noblesse n’hésitait pas à renier sa parole quand ses intérêts le commandaient – en général en construisant un discours qui justifiait leur trahison sur le mode « c’est l’autre qui a commencé ». Même après la « domestication » de la noblesse, on trouve des épisodes de ce type – pensez à la Fronde. Vous noterez d’ailleurs que dans les chroniques et les inscriptions funéraires on insiste très fortement sur les qualités de fidélité et d’honneur du défunt… ce qu’on ne ferait pas si ces qualités allaient de soi !

              [Idem pour la bourgeoisie, qui lui a succédée après la Révolution: elle a longtemps conservé une certaine forme de transcendance, et a elle-même promu le règne de la Loi et des Droits de l’Homme, alors qu’elle était dominante économiquement.]

              En fait, la bourgeoisie a cherché à LIMITER le règne de la loi, et les droits de l’homme ont précisément servi à cela. En sacralisant un certain nombre de droits, et notamment le droit de propriété, la bourgeoisie a interdit pratiquement au législateur de se mêler de ses affaires. C’est ainsi par exemple que, pendant très longtemps, « le règne de la loi et des droits de l’homme » s’arrêtait aux portes des usines. A l’intérieur, les patrons étaient tout-puissants, et toutes les tentatives de faire entrer la loi dans l’entreprise butaient sur la sacralisation du principe de la propriété privée. Avec le même argument, la bourgeoisie a réussi à empêcher la loi d’intervenir dans le domaine économique. La période « légicentriste » de la bourgeoisie coïncide en fait avec la période où son pouvoir n’est pas encore totalement établi. Dès que ce fut fait, la logique « libérale » (c’est-à-dire, celle où l’Etat imposait un minimum d’obligations) est revenue…

              [Dès lors, comment une classe “semi-dominante” comme les bobos, peut-elle se permettre de promouvoir un libertarisme dont elle n’a manifestement pas les moyens?]

              Mais… elle a tout à fait les moyens, parce que ce discours n’est pas seulement le sien, c’est aussi le discours de la bourgeoisie.

            • никто́ dit :

              @Descartes
               
              Merci pour votre réponse, j’ai l’impression de commencer à y voir plus clair…
               
              [Peut-on parler de « domination » ? Si vous donnez au terme une définition large, si le fait d’imposer une règle à l’individu par la contrainte implique une forme de domination, alors la « domination » est inhérente à toute société humaine, et seuls les individus isolés peuvent y échapper.]
               
              En effet, j’aurais tendance à parler de domination pour une relation parent-enfant, ainsi que pour un couple enseignant-enseigné. Du coup la question deviendrait « qu’est-ce qui permet de distinguer une domination légitime d’une domination illégitime ? » et est-ce que cette question admet une réponse « logique »…
               

            • Descartes dit :

              @ никто́

              [En effet, j’aurais tendance à parler de domination pour une relation parent-enfant, ainsi que pour un couple enseignant-enseigné. Du coup la question deviendrait « qu’est-ce qui permet de distinguer une domination légitime d’une domination illégitime ? » et est-ce que cette question admet une réponse « logique »…]

              Je ne suis pas sûr. Ce que vous essayez de faire, a fond, c’est de classer les « dominations » suivant un critère moral. Il y aurait de « bonnes » dominations qu’on peut admettre, et de « mauvaises » dominations contre lesquelles il faut se battre. Or, il est très difficile d’universaliser une morale.

              C’est pourquoi, je ne pense pas que la « domination » soit un critère pertinent dans la réflexion sur l’organisation de la société. Ce qui pour moi est déterminant ce n’est pas la « domination » per se, mais la dialectique dans laquelle elle s’inscrit. Une domination qui est nécessaire au fonctionnement et la reproduction de la société – comme c’est le cas lorsque l’enseignant « domine » l’élève ou le père « domine » l’enfant dans un but de transmission et de formation – n’a pas le même statut qu’une domination qui s’exerce avec le but de priver le dominé du fruit de son travail – celle du patron sur l’ouvrier, celle du voleur sur sa victime.

            • никто́ dit :

              @Descartes
               
              [C’est pourquoi, je ne pense pas que la « domination » soit un critère pertinent dans la réflexion sur l’organisation de la société. Ce qui pour moi est déterminant ce n’est pas la « domination » per se, mais la dialectique dans laquelle elle s’inscrit. Une domination qui est nécessaire au fonctionnement et la reproduction de la société – comme c’est le cas lorsque l’enseignant « domine » l’élève ou le père « domine » l’enfant dans un but de transmission et de formation – n’a pas le même statut qu’une domination qui s’exerce avec le but de priver le dominé du fruit de son travail – celle du patron sur l’ouvrier, celle du voleur sur sa victime.]
               
              Dit comme ça, c’est tout à fait évident. Merci de m’avoir aidé à commencer à démêler cet écheveau. C’est étonnant, parce que le raisonnement que vous appliquez là, je suis d’habitude capable de le faire, mais je sais pas pourquoi, dans ce cas, je me suis coincé tout seul…
               
               

            • cd dit :

              @Descartes
              @Descartes
              Si l’homuncule que je suis peut se permettre d’intervenir…
               
              [Comme souvent, se pose dans ce genre de discussion un problème de définition. Lorsqu’on parle de « domination », de quoi on parle vraiment ? Nous avons chacun de nous une perception subjective et intuitive de ce que « dominer » signifie, et cette perception est très liée à un appareil idéologique. Prenons un exemple. Il est incontestable que les parents exercent sur un petit enfant une autorité très large. Ce sont eux qui décident de son lieu de résidence, de son habillement, de sa nourriture, de ses fréquentations, de ses heures de lever et de coucher et de plein d’autres aspects de sa vie, avec des instruments de contrainte considérables. Peut-on parler de « domination » ? Si vous donnez au terme une définition large, si le fait d’imposer une règle à l’individu par la contrainte implique une forme de domination, alors la « domination » est inhérente à toute société humaine, et seuls les individus isolés peuvent y échapper.]
              Les parents exercent-ils une telle domination sur leur enfant ? Si on regarde les bébés par exemple, ils décident par leurs besoins, du sommeil ou plutôt du manque de sommeil de leurs parents, les empêchent de faire l’amour, exercent une influence négative sur la carrière de leurs parents et surtout, soyons justes, de leur mère, obligent leurs parents à nettoyer leur merde, à les nourrir et décident d’une portion importante de l’allocation du revenu de leurs parents. Et en ce qui concerne l’allocation des revenus de leurs parents, cela dure de plus en plus longtemps et souvent bien après leur majorité, vu l’évolution de la société. Alors, qui domine l’autre ?
               
               

            • Descartes dit :

              @ cd

              [Si l’homuncule que je suis peut se permettre d’intervenir…]

              Ne vous rabaissez pas, ici on est tous égaux.

              [Les parents exercent-ils une telle domination sur leur enfant ? Si on regarde les bébés par exemple, ils décident par leurs besoins, du sommeil ou plutôt du manque de sommeil de leurs parents, les empêchent de faire l’amour, exercent une influence négative sur la carrière de leurs parents et surtout, soyons justes, de leur mère, obligent leurs parents à nettoyer leur merde, à les nourrir et décident d’une portion importante de l’allocation du revenu de leurs parents. Et en ce qui concerne l’allocation des revenus de leurs parents, cela dure de plus en plus longtemps et souvent bien après leur majorité, vu l’évolution de la société. Alors, qui domine l’autre ?]

              Votre remarque permet d’approfondir la notion de « domination ». La venue d’un enfant soumet les parents un certain nombre d’obligations (le nourrir, le soigner, le nettoyer). Mais ce n’est pas l’enfant qui décide de ces obligations, c’est la société. Autrement dit, l’enfant est parfaitement passif dans l’affaire et ce n’est pas sa volonté qui compte, c’est la conception que se fait la société des soins qu’un parent « comme il faut » doit apporter à son enfant. Or, la notion de « domination » est inséparable de la notion de volonté du dominant, puisque la « domination » est la capacité pour un « dominant » d’imposer sa volonté au « dominé ».

              Dans la relation parent-enfant, si quelqu’un « domine » les parents, c’est la société qui leur impose des obligations. L’enfant n’a aucun moyen de le faire : il n’a ni la puissance physique, ni la puissance économique. Sans la société pour le protéger, les parents pourraient parfaitement ignorer ses pleurs, ses demandes de nourriture ou de soins. Par contre, la volonté des parents sur l’enfant est, elle, effective : ce sont eux qui choisissent ce qu’il mange, ce qu’il boit, son lieu de résidence, ce qu’ils décident de lui transmettre.

      • Carloman dit :

        @ Descartes,
         
        [Mais le fait que les « classes intermédiaires » entrent en conflit avec la bourgeoisie n’implique pas automatiquement qu’elles se rapprocheront des couches populaires. Un autre scénario est possible : celui ou la bourgeoisie arrive à conclure un « pacte » avec les couches populaires pour plumer les « classes intermédiaires ». Et j’ai l’impression que c’est ce qui s’annonce…]
        Et que pensez-vous de ce scénario qui s’annonce ? Y voyez-vous un signe d’espoir ?
         
        Je sais que vous allez me répondre que vous vous bornez à constater, qu’il n’y a pas de moral à mettre derrière tout ça, que c’est le mode de production qui définit les intérêts de classe, les alliances, etc.
         
        Certes, certes. Les « classes intermédiaires », je les connais, je les côtoie quotidiennement. Je sais l’idéologie détestable qu’elles ont générée. Je sais le mal qu’elles ont fait aux couches populaires, livrées sans vergogne à l’ogre de la mondialisation néolibérale. Leur « rabattre le caquet » et rééquilibrer l’idéologie dominante en faveur des classes populaires, je n’y vois pas d’inconvénient. Que veulent les classes populaires ? De l’ordre, de la discipline, une revalorisation du travail, un accès correct à des services publics de qualité, une stricte maîtrise des flux migratoires, la fin des « obsessions sociétales » à la sauce woke ? Eh bien c’est ce que je veux aussi. Et si les classes intermédiaires paient le prix de ce virage, je n’y vois rien à redire.
         
        Là où je tique, c’est si on se retrouve dans la situation où les classes intermédiaires paieraient SEULES le prix de ce virage. Parce que le bloc dominant, ce n’est pas que les classes intermédiaires, c’est aussi la bourgeoisie. Or, dans le scénario « qui s’annonce » comme vous dites, la bourgeoisie s’en tire bien. Trop bien à mes yeux. J’ai même l’impression, à vous lire, que la bourgeoisie joue à un petit jeu de bascule : hier « alliée » aux classes intermédiaires, demain à nouveau aux classes populaires… avant peut-être, lors de la prochaine mutation économique, de se tourner de nouveau vers les classes intermédiaires, ou une partie d’entre elles. Un petit jeu de bascule qui préserve toujours les possédants, les capitalistes, les vrais exploiteurs. Les « classes intermédiaires », en dépit de leur action nuisible, demeure quand même l’élément fragile, précaire du bloc dominant, car on voit bien à l’usage que le capital immatériel n’a pas tout à fait la solidité et la pérennité du bon vieux capital matériel.
         
        Donc le pacte politique et social pourrait se modifier, les « classes intermédiaires » se feront plumer (vae victis comme on dit), les couches populaires en tireront quelques bénéfices… et la bourgeoisie verra ses affaires et ses intérêts préservés. Alors vous me direz peut-être que, compte tenu du mode de production et du rapport de force, on ne peut pas espérer mieux pour notre société. Vous me direz que les conditions d’une révolution ne sont pas réunies. Vous me direz également, peut-être, que les bourgeois sont certes très riches, mais qu’ils ne sont pas très nombreux, contrairement aux classes intermédiaires. Tout cela est vrai sans doute… Mais le problème ne reste-t-il pas que le capital est aux mains de la bourgeoisie, et que la mondialisation rend assez difficile d’exercer un contrôle sur les mouvements de ce capital ? Ce nouveau « pacte » entre bourgeoisie et classes populaires laisse les problèmes en suspens et ne règle pas grand-chose sur le fond.
         
        Quand vous dites « plumer les classes intermédiaires », que voulez-vous dire exactement ? Est-ce que ce nouveau pacte entre bourgeoisie et classes populaires ne va pas en fait amener une « reprolétarisation » d’une partie des classes intermédiaires ? Faut-il y voir un progrès ?
         
        Je me fais un peu, à dessein, l’avocat des classes intermédiaires – pour lesquelles, je le répète, je n’ai guère de tendresse – mais j’ai l’impression à vous lire qu’on va en quelque sorte faire payer les lampistes, tandis que les « gros » s’en sortiront bien. Et d’un point de vue de justice sociale, j’avoue que ça m’interroge.

        • Descartes dit :

          @ Carloman

          [« Mais le fait que les « classes intermédiaires » entrent en conflit avec la bourgeoisie n’implique pas automatiquement qu’elles se rapprocheront des couches populaires. Un autre scénario est possible : celui ou la bourgeoisie arrive à conclure un « pacte » avec les couches populaires pour plumer les « classes intermédiaires ». Et j’ai l’impression que c’est ce qui s’annonce… » Et que pensez-vous de ce scénario qui s’annonce ? Y voyez-vous un signe d’espoir ?]

          J’y vois un « signe d’espoir » dans le sens où il marque la fin d’un cycle que je juge désastreux pour un certain nombre de principes, de valeurs, d’institutions, d’éléments de sociabilité qui me sont chers. Après, je n’ai pas le don de prophétie, et je ne sais pas si le cycle qui s’ouvre sera meilleur ou pire de ce point de vue.

          [Que veulent les classes populaires ? De l’ordre, de la discipline, une revalorisation du travail, un accès correct à des services publics de qualité, une stricte maîtrise des flux migratoires, la fin des « obsessions sociétales » à la sauce woke ? Eh bien c’est ce que je veux aussi. Et si les classes intermédiaires paient le prix de ce virage, je n’y vois rien à redire.]

          Moi non plus. Toute la question est de savoir si le cycle qui s’ouvre donnera satisfaction à ces revendications, et surtout à quel prix.

          [Là où je tique, c’est si on se retrouve dans la situation où les classes intermédiaires paieraient SEULES le prix de ce virage. Parce que le bloc dominant, ce n’est pas que les classes intermédiaires, c’est aussi la bourgeoisie. Or, dans le scénario « qui s’annonce » comme vous dites, la bourgeoisie s’en tire bien. Trop bien à mes yeux. J’ai même l’impression, à vous lire, que la bourgeoisie joue à un petit jeu de bascule : hier « alliée » aux classes intermédiaires, demain à nouveau aux classes populaires… avant peut-être, lors de la prochaine mutation économique, de se tourner de nouveau vers les classes intermédiaires, ou une partie d’entre elles. Un petit jeu de bascule qui préserve toujours les possédants, les capitalistes, les vrais exploiteurs. Les « classes intermédiaires », en dépit de leur action nuisible, demeure quand même l’élément fragile, précaire du bloc dominant, car on voit bien à l’usage que le capital immatériel n’a pas tout à fait la solidité et la pérennité du bon vieux capital matériel.]

          Tout à fait. Ne vous faites aucune illusion : tant que le capitalisme sera le mode de production dominant, la bourgeoisie tirera toujours son épingle du jeu. Pour permettre au système de continuer à fonctionner, elle sera quelquefois obligée de mieux partager le gâteau avec les couches populaires, comme ce fut le cas après 1945, ou bien avec les classes intermédiaires, comme ce fut le cas à partir des années 1980. Mais à la fin, ce sont elles qui détiennent l’instrument le plus puissant, à savoir, le capital matériel. On peut avoir l’illusion d’avoir domestiqué le capitalisme – certains s’imaginaient que le « capitalisme d’Etat » de l’après 1945 pouvait conduire au socialisme – mais sa nature profonde reste toujours la même.

          [Donc le pacte politique et social pourrait se modifier, les « classes intermédiaires » se feront plumer (vae victis comme on dit), les couches populaires en tireront quelques bénéfices… et la bourgeoisie verra ses affaires et ses intérêts préservés. Alors vous me direz peut-être que, compte tenu du mode de production et du rapport de force, on ne peut pas espérer mieux pour notre société. Vous me direz que les conditions d’une révolution ne sont pas réunies.]

          Je vois que vous avez bien compris ma position… oui, c’est le mode de production qui in fine impose ses règles, et pour le moment il ne se présente pas à l’horizon de mode de production alternatif qui puisse le remplacer, ce qui suppose qu’il soit plus efficient que lui. C’est pour moi la triste leçon des expériences socialistes, à mon sens bien plus importante que tout le bavardage autour de la question démocratique. Ce n’est pas le manque de démocratie qui a provoqué la chute de l’URSS – on connait des régimes fort peu démocratiques qui ne semblent pas avoir de difficultés à se préserver – mais l’incapacité du mode de production mis en place à satisfaire les besoins croissants de la population.

          C’est là à mon sens un terrain vierge, celui de la manière dont on pourrait produire dans un cadre où la propriété des moyens de production ne serait pas privée. Dans ce domaine, la gauche a une pensée essentiellement utopiste. Marx – qui, il faut le rappeler, est essentiellement un théoricien du capitalisme, et non du socialisme comme on le croit souvent – n’en parle pas vraiment, et les théoriciens « marxistes-léninistes » de l’après 1917 ont laissé des idées intéressantes, qui ont relativement bien marché dans le cadre de « l’économie de guerre », mais qui se sont avérées très peu efficientes sur le long terme.

          [Vous me direz également, peut-être, que les bourgeois sont certes très riches, mais qu’ils ne sont pas très nombreux, contrairement aux classes intermédiaires. Tout cela est vrai sans doute… Mais le problème ne reste-t-il pas que le capital est aux mains de la bourgeoisie, et que la mondialisation rend assez difficile d’exercer un contrôle sur les mouvements de ce capital ? Ce nouveau « pacte » entre bourgeoisie et classes populaires laisse les problèmes en suspens et ne règle pas grand-chose sur le fond.]

          Si vous voulez régler les choses « sur le fond », il n’y a qu’une seule solution : la révolution… et encore, il faudrait savoir laquelle !

          [Quand vous dites « plumer les classes intermédiaires », que voulez-vous dire exactement ? Est-ce que ce nouveau pacte entre bourgeoisie et classes populaires ne va pas en fait amener une « reprolétarisation » d’une partie des classes intermédiaires ? Faut-il y voir un progrès ?]

          C’est ce que j’ai tendance à penser. Je n’ai pas de position définitive sur ces questions – vous aurez compris que ce sont des idées sur lesquelles je ne fais que commencer à travailler. Oui, les nouvelles technologies vont dévaloriser le « capital immatériel » d’une partie des classes intermédiaires, un peu comme le métier à tisser mécanique a dévalorisé le « capital immatériel » de l’artisan tisserand, et fait de lui un prolétaire. Oui, la capacité de la bourgeoisie à mettre en concurrence les travailleurs, qui ne jouait naguère que pour les métiers ouvriers, s’étend de plus en plus aux métiers intellectuels. Et si la bourgeoisie s’est abstenue de pousser ce mouvement pour garder des alliés lui permettant de maintenir une stabilité politique, un nouveau « pacte » avec les couches populaires lui permettrait de s’affranchir de cette contrainte. A cela s’ajoute l’épuisement des capacités de maintenir le niveau de vie en jouant sur l’emprunt…

          Est-ce un progrès – au sens qu’une telle organisation du domaine politique permettra de sauvegarder ces choses qui sont chères aux gens comme nous ? Je ne sais pas. Cela arrêtera toute une série de mécanismes développés par la révolution néolibérale et que je trouve néfastes. Est-ce que ceux qui les remplaceront seront meilleurs ? Je ne suis pas devin. J’aurais tendance à répondre qu’ils ouvrent des opportunités, mais c’est l’optimisme méthodologique qui parle…

          [Je me fais un peu, à dessein, l’avocat des classes intermédiaires – pour lesquelles, je le répète, je n’ai guère de tendresse – mais j’ai l’impression à vous lire qu’on va en quelque sorte faire payer les lampistes, tandis que les « gros » s’en sortiront bien.]

          Vous avez tout compris… enfin, presque. Le « pacte » avec les couches populaires ne sera pas gratuit. Il en coutera quelque chose aux « gros ». On voit d’ailleurs un bon exemple avec la réaction de Wall Street aux politiques protectionnistes d’un Trump. Mais globalement, oui, la bourgeoisie ne s’en sortira pas trop mal. Ce n’est pas pour rien que c’est la classe dominante…

          [Et d’un point de vue de justice sociale, j’avoue que ça m’interroge.]

          On n’est pas chez Disney : les bons gagnent rarement à la fin…

    • Bob dit :

      @ Louis
       
      [Quand j’ai débuté mon métier de professeur, il y a de ça dix ans, certains sujets étaient tabous, et certaines réflexions entraînaient une réprobation publique, qui confinait à la mise au ban si l’on persévérait. Depuis quelques années, je constate qu’il n’en est plus de même.]
       
      Vous restez vague sur ces “réflexions” qui pouvaient vous faire mettre an ban ; pouvez-vous les expliciter ?

      • Louis dit :

        @ Bob
         
        Rien de bien fou, au fond. Dans le désordre : affirmer que l’école est en ruine, que les élèves sont ignares, illettrés, indisciplinés ; que “l’ouverture sur la société civile” est rigoureusement l’inverse de ce qu’il faudrait faire ; que toutes les batailles “sociétales” n’ont pas leur place à l’école ; qu’un professeur ne devrait pas faire part de ses opinions politiques, religieuses ou morales, qui relèvent de sa personne, et non de sa fonction ; qu’il n’y a pas d’une part “l’institution qui maltraite” et les pauvres professeurs victimes, mais que nous faisons (partie de) cette institution, et qu’en tant que telle elle exige de la discipline, de la (re)tenue, etc.
         
        La liste pourrait continuer, mais j’espère vous en avoir donné un aperçu. Bien sûr, le fait d’évoquer tel ou tel sujet ne conduisait pas immédiatement à la mise à l’écart. C’est le fait de persévérer qui est diabolique… Après les silences gênés, les remarques désobligeantes, les regards apitoyés et les sourires narquois, au bout d’un moment, à force de parler librement de ces sujets, on pouvait tout simplement… n’avoir plus grand monde avec qui parler. 
         
        Je tiens cependant à faire valoir que je n’en ai pas souffert, même si j’ai vu certains en souffrir (“laisse tomber, il est de droite, lui”, “non mais ça sert à rien, c’est un facho”, etc.), pour la bonne raison que par prudence ou lâcheté, j’ai toujours préféré conserver des rapports cordiaux avec mes collègues, sans chercher à les faire changer d’avis si cela risquait d’entraver nos relations professionnelles. Et je n’ai pas non plus eu l’impression de me renier ni de me cloîtrer dans le silence : je passais pour un hurluberlu, certes, mais il ne faut pas s’imaginer non plus que l’omerta règnait comme chez les maffieux. Je ne voudrais pas trop noircir le tableau. 
         

        • Bob dit :

          @ Louis
           
          [affirmer que l’école est en ruine, que les élèves sont ignares, illettrés, indisciplinés ; que “l’ouverture sur la société civile” est rigoureusement l’inverse de ce qu’il faudrait faire ; que toutes les batailles “sociétales” n’ont pas leur place à l’école ; qu’un professeur ne devrait pas faire part de ses opinions politiques, religieuses ou morales, qui relèvent de sa personne, et non de sa fonction]
           
          En somme, ces “réflexions” se ramenaient à porter un regard lucide sur l’état de l’école ou à rappeler des évidences : l’école n’est pas le lieu de la propagande “sociétale” (wokiste).
          Je pense que le réel vient frapper à la porte aujourd’hui. Etant donné l’état de délabrement manifeste de l’institution — admis par le nouveau ministre de l’Education Nationale lui-même — il est devenu difficile de continuer dans le déni. Cela ne peut être que salutaire.

          [Je tiens cependant à faire valoir que je n’en ai pas souffert, même si j’ai vu certains en souffrir]
           
          Tant mieux. C’est dur d’avoir raison seul contre le groupe. 
          Je ne connais pas le milieu de l’intérieur, mais je crois qu’au sein du monde enseignant, l’homogénéité des pensées doit être assez forte ; ce qui rend toute position qui sort de la doxa ambiante difficile à tenir.
           
          [pour la bonne raison que par prudence ou lâcheté, j’ai toujours préféré conserver des rapports cordiaux avec mes collègues, sans chercher à les faire changer d’avis si cela risquait d’entraver nos relations professionnelles]
           
          Je n’y vois aucune lâcheté, bien plus un chemin dicté par la sagesse.
           

        • Carloman dit :

          @ Louis,
           
          [Je tiens cependant à faire valoir que je n’en ai pas souffert, même si j’ai vu certains en souffrir (“laisse tomber, il est de droite, lui”, “non mais ça sert à rien, c’est un facho”, etc.), pour la bonne raison que par prudence ou lâcheté, j’ai toujours préféré conserver des rapports cordiaux avec mes collègues, sans chercher à les faire changer d’avis si cela risquait d’entraver nos relations professionnelles.]
          Je vous rassure (ou pas) mais je fais preuve comme vous de “prudence ou lâcheté”. A notre décharge, il faut bien dire qu’il y a quand même nécessité à conserver une ambiance de travail supportable. La mise au ban total, notamment en cas de problème grave avec des élèves ou des parents, peut avoir un coût énorme que pour ma part je ne suis pas prêt à payer.
           
          Je suis en désaccord profond avec mes collègues “gauchistes”, mais je sais qu’en cas de problème, certains d’entre eux seraient prêts à me soutenir. Le silence et la réserve sont le prix à payer pour cet appui et préserver un peu d’harmonie entre nous… On ne peut pas exiger de nous qu’on soit seul contre tout le monde. 

          • Louis dit :

            @Carloman
             
            Merci pour votre commentaire. On se sent moins seul. Comme vous, j’ai des collègues insupportablement gauchistes à certains égards (notamment d’un point de vue moral –pardon, “sociétal”), mais sur lesquels je sais pouvoir compter à d’autres. 
             
            De toute façon, au-delà du moral qu’il faut bien conserver pour garder la tête haute, je pense que le plus important est de faire corps, et de mettre de côté les ferments de la discorde autant qu’on le peut. Vous avez raison, il y a tant d’occasions de devoir rester soudés : face au parents, face à tel ou tel élève, à l’égard de tel ou tel nouveau règlement absurde, ou d’une direction pusillanime… 
             

            • Descartes dit :

              @ Louis

              [De toute façon, au-delà du moral qu’il faut bien conserver pour garder la tête haute, je pense que le plus important est de faire corps, et de mettre de côté les ferments de la discorde autant qu’on le peut. Vous avez raison, il y a tant d’occasions de devoir rester soudés : face au parents, face à tel ou tel élève, à l’égard de tel ou tel nouveau règlement absurde, ou d’une direction pusillanime…]

              Un des gros problèmes chez les enseignants, c’est qu’ils ont privilégié une conception individualiste par rapport à la conception institutionnelle. Revendiquant une totale liberté dans leur salle de classe, ils ont oublié que seule l’institution peut leur donner une légitimité et les protéger. C’est pourquoi je suis d’accord sur le besoin de « faire corps » face aux parents, face aux élèves. Mais lorsque vous parlez de « règlements absurdes » ou de « directions pusillanimes »… je suis beaucoup plus réservé. Parce que, lorsqu’on regarde bien, qui décide quand un règlement est « absurde », qu’une direction est « pusillanime » ? Et quelle est la légitimité des enseignants à s’y opposer ?

              Il faut je pense le rappeler toujours : les enseignants sont des FONCTIONNAIRES. Ils bénéficient donc de toute une série de protections et d’avantages liés à leur statut, mais celles-ci ont une contrepartie : l’obéissance hiérarchique. Un enseignant – comme n’importe quel fonctionnaire – a le droit de penser qu’un règlement est « absurde ». Il a le droit de le dire à sa hiérarchie. Mais il n’a pas le droit de s’opposer à son application. S’il le fait, il scie la branche sur laquelle il est assis, parce que s’il a le droit de s’affranchir d’un règlement dès lors qu’il le juge « absurde », il ne peut ensuite refuser à ses élèves ou à leurs parents de traiter de la même manière ses propres décisions, ses propres règles.

  13. ACH dit :

    l’opposition et le rejet ne s’opèrent pas dans les réseaux (anti-)sociaux (seuls les médias croient/font croire à l’omniprésence et l’omni-utilité de ces machines US à fabriquer de l’égocentrisme ravageur) mais bien plutôt dans les repas de famille, les conversations entre amis, au travail…Dans la vraie vie. Et je suis stupéfait de constater dans cette vraie vie la montée rapide du rejet de l’islamisation de la France qui est parmi les 3 ou 4 préoccupations majeures avec la poussée eurocrate vers la guerre, la global-financiarisation, le déclassement de la France et le recul démocratique. Ce rejet de l’islamisation atteint désormais les milieux de gauche (avant qu’il ne soit trop tard?). La première victime en sera Mélenchon qui a pactisé (par naïveté idéologique? par intérêt? par attirance trotskiste pour la violence? par infiltration?). Mais quelle va être l’alternative politique ? à n’en pas douter elle va passer par un vote RN massif qui va valoir “reset”. Ensuite il nous faudra construire sur ce coup de semonce inévitable, et fondateur malgré les apparences : il suffit de se rendre compte que plus de la moitié des électeurs RN sont des couches populaires de gauche, écrasées par l’eurocratie globish et abandonnées par une Gauche qui ne parvient pas -faute d’être concrète et faute d’affronter la question de l’Islam- à ramener à gauche ces franges populaires désespérées et se sentant abandonnées. La situation change car le capitalisme financier et nowhere tout à fait représenté par Macron, désormais s’en prend à la classe moyenne, jusqu’ici relativement épargnée et attentiste pour laquelle la paupérisation n’arrivait qu’aux autres. Or ses enfants sont touchés directement et de manière palpable, ce qui constitue un point de basculement. A côté de ce fond les élucubrations sur la Constitution, bien que non dénuées d’intérêt dans leur volet diagnostic (mais pas du tout dans celui des propositions : le 49-3 non merci) me semblent petit-bourgeoises et très années 70. Pour moi la sortie de crise ne peut se faire que par la mise en place d’une démocratie référendaire. Il faudrait peut-être s’y mettre, au lieu d’inaugurer des pistes cyclables aussi faussement écolos que clivantes et ajoutant des communautés à celles se dressant déjà contre d’autres.

    • Descartes dit :

      @ ACH

      [l’opposition et le rejet ne s’opèrent pas dans les réseaux (anti-)sociaux (seuls les médias croient/font croire à l’omniprésence et l’omni-utilité de ces machines US à fabriquer de l’égocentrisme ravageur) mais bien plutôt dans les repas de famille, les conversations entre amis, au travail…Dans la vraie vie.]

      Tout à fait d’accord. La place donnée aux réseaux dits « sociaux » dans les médias occulte le fait qu’ils ne sont consultés que par une partie de la population, et que ceux qui s’y expriment constituent une fraction encore plus réduite. Leur influence est à mon avis largement surestimée.

      [Et je suis stupéfait de constater dans cette vraie vie la montée rapide du rejet de l’islamisation de la France qui est parmi les 3 ou 4 préoccupations majeures avec la poussée eurocrate vers la guerre, la global-financiarisation, le déclassement de la France et le recul démocratique.]

      J’imagine que cela dépend beaucoup des gens que vous fréquentez. Mais je ne suis pas persuadé que ce soit le cas général. Pour la plupart de nos concitoyens, les préoccupations quotidiennes – l’éducation des enfants, le budget familial, la sécurité, le cadre de vie, l’activité professionnelle – occupent une place bien plus importante que les réflexions globales sur la guerre, « l’islamisation de la France » ou la global-financiarisation. Je crains qu’ici vous ne preniez vos désirs pour des réalités…

      Pour passer de vos préoccupations quotidiennes aux préoccupations globales, il faut une médiation. Celle d’une théorie, d’une explication du monde qui rattache le personnel au global. L’idée que lorsque votre entreprise vous licencie cela est lié à la « global-financiarisation » n’a rien d’évident. Et le rôle des partis politiques est précisément d’offrir aux citoyens ce lien.

      [Ce rejet de l’islamisation atteint désormais les milieux de gauche (avant qu’il ne soit trop tard?).]

      Pardon, mais c’est quoi pour vous « l’islamisation ». Mal nommer les choses, c’est ajouter au malheur du monde, disait un écrivain…

      [La première victime en sera Mélenchon qui a pactisé (par naïveté idéologique? par intérêt? par attirance trotskiste pour la violence? par infiltration?). Mais quelle va être l’alternative politique ? à n’en pas douter elle va passer par un vote RN massif qui va valoir “reset”. Ensuite il nous faudra construire sur ce coup de semonce inévitable, et fondateur malgré les apparences : il suffit de se rendre compte que plus de la moitié des électeurs RN sont des couches populaires de gauche, écrasées par l’eurocratie globish et abandonnées par une Gauche qui ne parvient pas -faute d’être concrète et faute d’affronter la question de l’Islam- à ramener à gauche ces franges populaires désespérées et se sentant abandonnées.]

      Je ne suis pas très loin de partager cette analyse. Quand une situation est bloquée, il faut souvent d’abord une révolution pour tout casser, et ensuite un empire pour tout reconstruire. C’est un peu la dialectique qui s’est mise en marche en 1789 en France, en 1917 en Russie. Je ne sais pas si dans notre situation cela prendra un tour aussi dramatique, mais l’idée d’un « reset » qui sortirait nos élites de leur train-train habituel et les obligerait à penser autre chose me paraît presque inscrite dans l’ordre des choses. Ce « reset » viendra-t-il de l’arrivée au pouvoir du RN ? Ou ce sera plutôt la conséquence d’un effondrement économique et d’une crise de la dette ? Le débat reste ouvert…

      Je dois dire que ma réflexion est très marquée par l’expérience Milei en Argentine. Les argentins ne sont certainement pas devenus « ultralibéraux », au contraire. Il y a dans ce pays une longue tradition étatiste. Mais le blocage du système politique et l’incapacité des partis « traditionnels » à agir a provoqué une réaction de l’électorat qui a voté un homme « hors système » qui promettait de tout casser.

      [La situation change car le capitalisme financier et nowhere tout à fait représenté par Macron, désormais s’en prend à la classe moyenne, jusqu’ici relativement épargnée et attentiste pour laquelle la paupérisation n’arrivait qu’aux autres. Or ses enfants sont touchés directement et de manière palpable, ce qui constitue un point de basculement.]

      Oui, mais de basculement vers quoi ? Il ne suffit pas de prendre conscience que le système n’est plus dans votre intérêt, il faut encore pouvoir élaborer une proposition alternative. Je ne sais pas ce que vous appelez les « classes moyennes », je préfère parler de « classes intermédiaires » auxquelles je donne une définition économique. Et je ne vois pas très bien quelles sont les voies qui permettraient aux classes intermédiaires de sauvegarder leur statut.

      [A côté de ce fond les élucubrations sur la Constitution, bien que non dénuées d’intérêt dans leur volet diagnostic (mais pas du tout dans celui des propositions : le 49-3 non merci) me semblent petit-bourgeoises et très années 70. Pour moi la sortie de crise ne peut se faire que par la mise en place d’une démocratie référendaire.]

      Pourriez-vous préciser comment une telle « démocratie » pourrait fonctionner, et en quoi cela pourrait résoudre la question de la « paupérisation des classes moyennes » que vous évoquez plus haut ?

  14. Lingons dit :

    @Descarte
     
    “Je n’ai pas la statistique sous la main, mais je crois me souvenir que le bilan du premier mandat de Trump a été très positif en termes économiques pour les couches populaires. Ce n’est d’ailleurs pas par hasard si elles ont voté largement pour lui à l’élection de 2020 – souvenez-vous, il a été battu au fil du rasoir – et encore en 2024.”
     
    Je vous vois affirmer ce point dans plusieurs de vos papiers, mais vous devriez vous renseigner, car ce que vous dites est tout simplement faux :
    Premièrement, non, Trump n’a pas été battu “sur le fil de rasoir” en 2020, c’est au contraire une victoire assez large de Biden. Si vous connaissiez un peu le système électoral présidentiel USn vous sauriez que les écarts de voix totales pour les candidats d’une présidentielle sont globalement très faibles, avec une moyenne de 2,8% sur l’ensemble des élections post 1945. En 2020, l’écart Trump/ Biden était de 4,46%. Là où Trump a bien été élu sur le fil du rasoir, c’est en 2024, avec un écart de 1,48%, et même si vous prenez l’élection de 2016, Trump n’a gagné “que” de 2,08 %   
     
    Deuxièmement, non, le premier mandat de Trump n’a pas été “très positif en termes économiques pour les couches populaires”:
    -Les US ont perdu, sous le premier mandat Trump, 178 000 emplois manufacturiez, vous me direz que c’est une broutille comparé aux 4,5 millions du premier mandat Bush fils, mais on bien loin d’une grande réindustrialisation. Ce n’est pas pour rien que les états du “Blue wall”, aux nombreux bassins ouvriers, historiquement démocrates, qui avait voté majoritairement républicain en 2016, sont repassés démocrate en 2020 ( à l’exception de l’Ohio). 
    – Concernant la défense des travailleurs des classes populaires par Trump, voici un petit florilège de mesures “en leur faveur” :
    -Trump a modifié les règles relatives à l’éligibilité aux heures supplémentaires, rendant plus de 8 millions de travailleurs inéligibles et leur faisant perdre plus d’un milliard de dollars par an en salaires.
    -Trump a réduit le nombre d’inspecteurs de l’OSHA (grosso modo l’équivalent fédéral de l’inspection du travail), et a assoupli les sanctions infligées aux entreprises qui ne signalent pas les infractions
    -Trump a facilité le licenciement ou la sanction des travailleurs qui réclament de meilleurs salaires et conditions de travail ou qui exercent leur droit de grève.
    -Au lieu de soutenir la législation bipartisane des syndicats, visant à préserver les emplois dans les centres d’appels, Trump a fait pression pour adopter une loi sur la réduction de l’impôt sur les sociétés qui accorde aux entreprises un allègement fiscal de 50 % sur leurs bénéfices étrangers, ce qui rend financièrement intéressant pour elles de délocaliser les emplois à l’étranger.
    -Trump a rempli le Conseil national des relations du travail de membres anti-syndicaux qui prennent le parti des employeurs dans les conflits contractuels et soutiennent les entreprises qui retardent et bloquent les élections syndicales ou classifient à tort les travailleurs afin de leur retirer leur liberté d’adhérer à un syndicat 
     
    Vous en voulez d’autres ? Une petite rigolote juste pour la route, dans une conservation sur X avec Musk en aout 2024, Trump à déclarer que les grévistes devraient être virés…
     
    Mais bon, étant donné que je mentionne les syndicats, vous allez sans doute me dire que ces derniers sont tenus par ces salopards de traitres sociaux des “classes intermédiaires”qui ne veulent que saborder ce beau pacte dont vous rêver, entre la grande bourgeoisie et les classes populaires…
     
    Encore une fois, vous prenez vos désirs pour des réalités… 

    • Descartes dit :

      @ Lingons

      [Je vous vois affirmer ce point dans plusieurs de vos papiers, mais vous devriez vous renseigner, car ce que vous dites est tout simplement faux :]

      Voyons voir…

      [Premièrement, non, Trump n’a pas été battu “sur le fil de rasoir” en 2020, c’est au contraire une victoire assez large de Biden. Si vous connaissiez un peu le système électoral présidentiel USA vous sauriez que les écarts de voix totales pour les candidats d’une présidentielle sont globalement très faibles, avec une moyenne de 2,8% sur l’ensemble des élections post 1945.]

      Si vous connaissiez un peu le système électoral présidentiel USA, vous sauriez qu’il s’agit d’un mode d’élection INDIRECT. Les états élisent chacun un certain nombre de « grands électeurs » qui ensuite élisent le président. Les candidats organisent leur campagne en pensant à la conquête de ces « grands électeurs » et non pas du vote populaire. Pour juger d’une élection « sur le fil du rasoir », il faut regarder la différence en « grands électeurs », et non du vote citoyen. Or, la défaite de Trump en 2024 a été acquise par une différence de 74 voix. Depuis 1976, seul George W Bush a fait pire…

      [Deuxièmement, non, le premier mandat de Trump n’a pas été “très positif en termes économiques pour les couches populaires”: (…)]

      Mais alors, comment expliquez-vous que les couches populaires aient voté majoritairement pour Trump en 2020 – même si cela n’a pas suffi pour le faire élire – et encore en 2024 ? Ces gens sont-ils masochistes ?

      On peut bien entendu faire un florilège des mesures anti-populaires de Trump. Mais il faudrait aussi faire un florilège des mesures pro-populaires, et ensuite faire un bilan raisonné. Parce que malgré la liste impressionnante que vous proposez, il faut constater que les couches populaires continuent à voter majoritairement pour lui. Il doit bien y avoir une raison…

      [Vous en voulez d’autres ? Une petite rigolote juste pour la route, dans une conservation sur X avec Musk en aout 2024, Trump à déclarer que les grévistes devraient être virés…]

      Vous savez, dans une déclaration publique, un certain François Hollande a déclaré que son ennemi, c’était la finance. Mais de là à en faire une « mesure »…

      [Encore une fois, vous prenez vos désirs pour des réalités…]

      Peut-être, mais dans ce cas, je ne suis pas le seul. Parce que les faits sont là : l’électorat ouvrier et populaire a voté pour Trump plutôt que pour Harris. Et il l’a fait non pas sur des vagues promesses, il a vu la bête à l’œuvre pendant quatre ans entre 2016 et 2020. Pourquoi, à votre avis ?

  15. Lhaa Francis dit :

         A ma connaissance, les fonctionnaires n’ont jamais eu la  ”  garantie ou sécurité de l’emploi  “, du moins dans l’actuel Statut Général des Fonctionnaires ( statut Maurice Thorez de 1947 ). Ce qui TENAIT LIEU de garantie de l’emploi, c’était un passage du Titre II ( fonctionnaires d’Etat et d’établissements publics de l’Etat) et du seul titre II, qui disposait  ”  qu’un fonctionnaire d’Etat et d’établissement public de l’Etat ne peut etre licencié pour raison économique  “. Ca ne figurait pas dans le Titre III  (  territoriaux et collectivités territoriales  ),  ni dans le Titre IV,  (  personnels de santé  ). Supprimé sous Sarko Ier début 2010. De mémoire, Pierre Joxe, ministre socialiste de l’Intérieur  lors du premier septennat a licencié dans sa totalité un corps de sapeurs-pompiers, à Tours, ou Poitiers, pour les réembaucher le lendemain  ( à zéro heures ) à l’indice de début. Normal, ils avaient  ”  abusé  ”  du droit de grève. SI quelqu’un a un avis sur la question …….

    • Descartes dit :

      @ Lhaa Francis

      [A ma connaissance, les fonctionnaires n’ont jamais eu la ”garantie ou sécurité de l’emploi“, du moins dans l’actuel Statut Général des Fonctionnaires ( statut Maurice Thorez de 1947 ).]

      Et bien, révisez vos connaissances. Le statut général des fonctionnaires porté par Maurice Thorez (loi du 19 octobre 1946) dans son article 130 précise que « la cessation définitive des fonctions entrainant radiation des cadres et perte de la qualité de fonctionnaire » ne peut résulter que de quatre situations décrites limitativement : « 1) de la démission régulièrement acceptée ; 2) du licenciement ; 3) de la révocation ; 4) de l’admission à la retraite ». Laissons de côté la démission, qui nécessite un acte volontaire du fonctionnaire, de la révocation, qui est une sanction disciplinaire et nécessite donc une faute, et de l’admission à la retraite qui constitue un départ normal en fin de carrière. Reste le licenciement. Mais celui-ci n’est possible que dans trois cas : la suppression de l’emploi occupé par le fonctionnaire (art 134), mais dans ce cas elle n’est possible qu’en vertu « d’une loi spéciale de dégagement des cadres » votée par le parlement, autrement dit, par un acte juridique de même valeur que le statut lui-même ; l’insuffisance professionnelle constatée par une procédure disciplinaire (art 135) ; et finalement le cas du fonctionnaire qui ne rejoint pas son corps d’origine à l’issue de son détachement ou de sa disponibilité.

      Autrement dit, un fonctionnaire compétent et qui ne se rend pas coupable d’aucune faute ne peut être licencié. C’est la définition même de la « sécurité de l’emploi ».

      J’ajoute que le statut du fonctionnaire en vigueur aujourd’hui n’est pas celui de 1946, mais le statut général établi par la loi du 13 juillet 1983 portée par Anicet Le Pors. L’article 24 ter du texte reprend la rédaction de l’article 130 de 1946. Par contre, la loi ne précise plus aucun motif de licenciement, ce qui rend cette possibilité inopérante.

      [Ce qui TENAIT LIEU de garantie de l’emploi, c’était un passage du Titre II ( fonctionnaires d’Etat et d’établissements publics de l’Etat) et du seul titre II, qui disposait ”qu’un fonctionnaire d’Etat et d’établissement public de l’Etat ne peut etre licencié pour raison économique “.]

      Je n’ai trouvé dans le titre II du statut de 1946 la moindre trace de cette formule. Elle serait d’ailleurs incongrue, puisque le titre II du statut en question concerne le recrutement des fonctionnaires, et non leur cessation définitive de fonctions, abordée au titre VII.

      [Ca ne figurait pas dans le Titre III ( territoriaux et collectivités territoriales ), ni dans le Titre IV, ( personnels de santé ).]

      Le titre III du statut de 1946 ne concerne pas les « territoriaux et les collectivités territoriales » mais la rémunération des fonctionnaires, et le titre IV est intitulé « notation et avancement ». J’ai l’impression que vous faites référence à un autre texte.

      [Supprimé sous Sarko Ier début 2010.]

      Là encore, une recherche rapide n’a donné aucun résultat… pouvez-vous donner plus de précisions ?

      [De mémoire, Pierre Joxe, ministre socialiste de l’Intérieur lors du premier septennat a licencié dans sa totalité un corps de sapeurs-pompiers, à Tours, ou Poitiers, pour les réembaucher le lendemain ( à zéro heures ) à l’indice de début. Normal, ils avaient ”abusé” du droit de grève. SI quelqu’un a un avis sur la question…]

      Avant d’avoir un avis, il faudrait retrouver la référence. Je n’en ai trouvé aucune. On voit mal comment Joxe aurait pu « licencier » des sapeurs-pompiers à Tours ou Poitiers. A l’exception de Paris et Marseille, les sapeurs-pompiers sont des fonctionnaires territoriaux, et ne peuvent donc être « licenciés » que par leur autorité d’emploi, c’est-à-dire, le président du conseil départemental. Et certainement pas par un ministre.

      • Lhaa Francis dit :

                Ce post annule et remplace celui d’hier 13/11. J’ai eu un doute, et j’ai vérifié, j’ai trouvé pareil que vous. Explication : la formation, empirique et  ”  sur le tas  “, dans l’action syndicale, par des  ”  vieux de la vieille  “, après 68. Faut pas écouter tout ce qui se dit au  ”  bar de l’escadrille  “. Pour les titres, certainement  confusion avec d’autres textes. Pour les pompiers, ça me turlupine. Il y avait bien eu dans cette région une grève qui avait duré, et ça avait pas mal turbulé. En tout cas, merci pour la correction, je  ”  mourrirai  ” un peu moins ignare.

        • Descartes dit :

          @ Lhaa Francis

          [En tout cas, merci pour la correction, je ” mourrirai ” un peu moins ignare.]

          De rien. Cela fait du bien de temps en temps de réinterroger les textes canoniques. Dans la vie politique et syndicale il y a beaucoup de “légendes” qui passent de camarade à camarade, et qui en fait sont fausses…

  16. Lingons dit :

    Si vous connaissiez un peu le système électoral présidentiel USA, vous sauriez qu’il s’agit d’un mode d’élection INDIRECT. Les états élisent chacun un certain nombre de « grands électeurs » qui ensuite élisent le président. Les candidats organisent leur campagne en pensant à la conquête de ces « grands électeurs » et non pas du vote populaire. Pour juger d’une élection « sur le fil du rasoir », il faut regarder la différence en « grands électeurs », et non du vote citoyen. Or, la défaite de Trump en 2024 a été acquise par une différence de 74 voix. Depuis 1976, seul George W Bush a fait pire…”
    Sauf que vous oubliez bien de relever que c’est grands électeurs ne sont élus QUE pour la présidentielle (ce n’est pas comme les grands électeurs des sénatoriales par exemple) et que de ce fait, ils ne sont que le reflet des résultats du vote citoyen par État et du nombre de votants pour chaque candidat. Vous avez déjà vu une campagne présidentielle aux US ? les sondages et autres projections politiques portent bien sur le nombre de votants par état pas sur le nombre de grands électeurs, un bulletin de vote mentionne bien le nom des candidats pas démocrate ou républicain (ou autre). Par ailleurs, le fait que les états ne soient pas égaux dans le nombre de grands électeurs fausse la prise ne copte du vote citoyen, ce qui donne parfois des situations bizarres ou le gagnant à moins de votant que le perdant, à l’échelle du pays.
     
    Donc, n’en déplaise à votre story telling, Trump n’a pas été battu sur le fil du rasoir en 2020, mais largement selon les standards US… 
     
    “Mais alors, comment expliquez-vous que les couches populaires aient voté majoritairement pour Trump en 2020 – même si cela n’a pas suffi pour le faire élire – et encore en 2024 ? Ces gens sont-ils masochistes ?”
    Vous n’allez quand même pas me dire que c’est moi qui vais vous apprendre que des individus peuvent parfaitement agir et voter contre leurs intérêts personnels ou de classe ?? La littérature politico-sociale regorge de démonstrations des prismes qui poussent des classes populaires à supporter des programmes politiques qui desserve leur intérêt. Que ce soit l’approche marxiste, l’hégémonie idéologique de la classe dominante et la « fausse conscience » des classes populaires, la thèse de Veblen sur la disposition des classes populaires à imiter la « classe de loisir », notamment sa « consommation ostentatoire », ou la “last place aversion” de Norton et Kuziemko, on peut même remonter jusqu’à Tocqueville et sa “passion de l’égalité”.
     
    Quant au masochisme, ma foi, ça peut être une option pour certains, après tout vous-même, un membre de vos fameuses classes intermédiaires, rêvez avec gourmandise d’un pacte entre la bourgeoisie et les classes populaires qui jettera vos congénères aux crocodiles… 
     
     
    On peut bien entendu faire un florilège des mesures anti-populaires de Trump. Mais il faudrait aussi faire un florilège des mesures pro-populaires, et ensuite faire un bilan raisonné.”
     
    Mais alors pourquoi ne pas avoir fait l’effort d’un florilège de toutes ces mesures pro-populaires de Trump si la chose démonterait aussi facilement l’ineptie de mon propos ?? 
     
    Vous savez, dans une déclaration publique, un certain François Hollande a déclaré que son ennemi, c’était la finance. Mais de là à en faire une « mesure »…”
     
    La différence que dans le cas de Trump lui a appliquée des mesures dans le sens de sa déclaration…
     
    Peut-être, mais dans ce cas, je ne suis pas le seul. Parce que les faits sont là : l’électorat ouvrier et populaire a voté pour Trump plutôt que pour Harris. Et il l’a fait non pas sur des vagues promesses, il a vu la bête à l’œuvre pendant quatre ans entre 2016 et 2020. Pourquoi, à votre avis”
     
    Et bien, comme expliqué plus haut, il faudrait déjà que vous arrêtiez de croire au mythe de “l’homo politicus” parfaitement rationnel dans ses choix et votes, Morgenthau c’est un peu dépassé, vous savez… 
     
    Ensuite, si vous connaissiez le système des présidentielles US, vous sauriez qu’une élection avec candidat sortant à véritablement valeur de plébiscite pour ce dernier et son mandat. En d’autre terme les votants votent, dans ce cas de figure, beaucoup plus contre un candidat que pour un candidat, c’est ce qui a en partie permit à un Biden, qui ne faisait pourtant rêver pratiquement personne, de gagner largement contre Trump et que celui-ci a profité à son tour de cette dynamique en 2024, assez ironiquement.  

    • Descartes dit :

      @ Lingons

      [Sauf que vous oubliez bien de relever que c’est grands électeurs ne sont élus QUE pour la présidentielle (ce n’est pas comme les grands électeurs des sénatoriales par exemple) et que de ce fait, ils ne sont que le reflet des résultats du vote citoyen par État et du nombre de votants pour chaque candidat.]

      Dont acte, voyons la suite :

      [Vous avez déjà vu une campagne présidentielle aux US ? les sondages et autres projections politiques portent bien sur le nombre de votants par état pas sur le nombre de grands électeurs,]

      Mais si je suis votre premier raisonnement, parler du « nombre de votants par état » ou des « grands électeurs » est parfaitement équivalent, puisque les uns « ne sont que le reflet » de l’autre. Le fait est que ce qui compte, c’est le nombre de grands électeurs, ou ce qui revient au même, la répartition des voix PAR ETAT, et non le nombre total de voix recueillies dans le pays, au point que dans certains cas un candidat peut être élu alors qu’il a moins de voix que son adversaire dans le pays. Ce fut le cas de Trump en 2016 (46% contre 48% à Hillary Clinton) et Bush en 2000 (47,9% contre 48,4% à Al Gore). Tiens, si l’on prend le cas de Trump en 2016, diriez-vous qu’il a gagné l’élection largement ou sur le fil du rasoir ? Si l’on suit votre idée selon laquelle il faut juger sur le vote des citoyens, alors la réponse est qu’il a été battu !

      [Par ailleurs, le fait que les états ne soient pas égaux dans le nombre de grands électeurs fausse la prise ne copte du vote citoyen, ce qui donne parfois des situations bizarres ou le gagnant à moins de votant que le perdant, à l’échelle du pays.]

      Peut-être. Mais c’est ainsi que le système est fait. Et donc à l’heure de savoir si une victoire est « large » ou non, c’est le vote des grands électeurs qu’il faut examiner.

      [« Mais alors, comment expliquez-vous que les couches populaires aient voté majoritairement pour Trump en 2020 – même si cela n’a pas suffi pour le faire élire – et encore en 2024 ? Ces gens sont-ils masochistes ? » Vous n’allez quand même pas me dire que c’est moi qui vais vous apprendre que des individus peuvent parfaitement agir et voter contre leurs intérêts personnels ou de classe ??]

      Contre leurs intérêts de classe, certainement, parce que l’intérêt de classe ne s’impose pas évidemment et que la conscience de classe n’est pas automatique. Mais que les individus puissent voter contre leurs intérêts personnels… c’est déjà moins évident, parce que les individus tendent à mieux évaluer ce qui les concerne directement. Bien entendu, un homme politique peut toujours tromper ses électeurs, promettre une chose et une fois au pouvoir faire le contraire. Mais cela ne marche en général qu’une fois. On peut expliquer donc par la tromperie pourquoi les « cols bleus » ont voté Trump en 2016. Mais cela ne suffit pas à expliquer pourquoi ils ont revoté pour lui quatre et huit ans plus tard.

      [Quant au masochisme, ma foi, ça peut être une option pour certains, après tout vous-même, un membre de vos fameuses classes intermédiaires, rêvez avec gourmandise d’un pacte entre la bourgeoisie et les classes populaires qui jettera vos congénères aux crocodiles…]

      Je ne crois pas avoir dit que je SOUHAITE un tel pacte, j’ai simplement dit que je le vois comme une possibilité.

      [« On peut bien entendu faire un florilège des mesures anti-populaires de Trump. Mais il faudrait aussi faire un florilège des mesures pro-populaires, et ensuite faire un bilan raisonné. » Mais alors pourquoi ne pas avoir fait l’effort d’un florilège de toutes ces mesures pro-populaires de Trump si la chose démonterait aussi facilement l’ineptie de mon propos ?]

      Parce que je ne vois pas l’intérêt. Mettons que je vous présente une liste des mesures prises par Trump et favorables aux couches populaires. Qu’est-ce que cela démontrerait ? On n’a aucun moyen de « peser » ces mesures, de décider si le choix d’une politique protectionniste ou de réduire la concurrence sur le marché du travail par des politiques anti-immigration « compense » celui de réduire l’imposition sur les plus riches ou de mettre fin à telle ou telle mesure sociale.

      [“Vous savez, dans une déclaration publique, un certain François Hollande a déclaré que son ennemi, c’était la finance. Mais de là à en faire une « mesure »…” La différence que dans le cas de Trump lui a appliquée des mesures dans le sens de sa déclaration…]

      Ah bon ? Vous indiquiez que « dans une conservation sur X avec Musk en aout 2024, Trump à déclarer que les grévistes devraient être virés ». De quels « grévistes » s’agit-il, et quand ont-ils été « virés » par Trump ?

      [Et bien, comme expliqué plus haut, il faudrait déjà que vous arrêtiez de croire au mythe de “l’homo politicus” parfaitement rationnel dans ses choix et votes, Morgenthau c’est un peu dépassé, vous savez…]

      J’en suis moins persuadé que vous. Mais admettons un instant votre point de vue : dans ce cas, on ne peut pas faire du vote des citoyens le reflet de leur volonté, puisque celui-ci ne sait pas où sont ses intérêts. Il faut donc confier le pouvoir à une avant-garde éclairée qui sait quels sont les véritables intérêts du peuple… finalement, vous êtes un léniniste qui s’ignore…

      [Ensuite, si vous connaissiez le système des présidentielles (…)]

      Je commence à être un peu fatigué de ce genre de piques. Vous n’avez pas le monopole de la connaissance. Je ne mets pas en doute vos connaissances ou votre légitimité à vous exprimer, et je vous prie de me rendre la pareille.

      [(…) US, vous sauriez qu’une élection avec candidat sortant a véritablement valeur de plébiscite pour ce dernier et son mandat.]

      Je n’ai pas besoin de connaître le système US pour cela. C’est vrai dans pratiquement tous les régimes politiques : le sortant a le privilège d’être jugé sur son action, alors que les autres candidats ne sont jugés que sur leurs promesses. Mais ce privilège est aussi un boulet, parce que le pouvoir use, même lorsqu’on s’en sert pour le bien.

      [En d’autres termes les votants votent, dans ce cas de figure, beaucoup plus contre un candidat que pour un candidat, c’est ce qui a en partie permit à un Biden, qui ne faisait pourtant rêver pratiquement personne, de gagner largement contre Trump et que celui-ci a profité à son tour de cette dynamique en 2024, assez ironiquement.]

      Pourtant, c’est une dynamique qui a souvent profité au sortant. Le cas de présidents américains qui n’ont pas été réélus alors qu’ils étaient candidats est finalement assez rare. Depuis 1900, je n’ai trouvé d’exemple avant Carter (1976), puis Bush père (1992) et finalement Trump (2020)… Si la présidence Carter fut désastreuse et celle de Trump très discutable, on peut difficilement dire la même chose de Bush père, et pourtant il a perdu son « plébiscite », et par une différence massive (168 grands électeurs contre 370 à Bill Clinton).

  17. Louis dit :

    @Louis
     

    Mais lorsque vous parlez de « règlements absurdes » ou de « directions pusillanimes »… je suis beaucoup plus réservé. Parce que, lorsqu’on regarde bien, qui décide quand un règlement est « absurde », qu’une direction est « pusillanime » ? Et quelle est la légitimité des enseignants à s’y opposer ?
    Il faut je pense le rappeler toujours : les enseignants sont des FONCTIONNAIRES. Ils bénéficient donc de toute une série de protections et d’avantages liés à leur statut, mais celles-ci ont une contrepartie : l’obéissance hiérarchique. Un enseignant – comme n’importe quel fonctionnaire – a le droit de penser qu’un règlement est « absurde ». Il a le droit de le dire à sa hiérarchie. Mais il n’a pas le droit de s’opposer à son application.
     

    Vous prêchez un convaincu. Notez qu’au lieu d’écrire “face à” des règlements absurdes, j’ai préféré dire “à l’égard” de ces règlements. Non, il faut, hélas, manger la soupe à la grimace, mais je crois qu’il faut toujours signaler, s’il le faut, qu’elle nous fait grimacer. Beaucoup de professeurs préfèrent resquiller en douce. Je crois qu’il faut obtempérer malgré les réserves, qu’on doit faire savoir à qui nous en donne l’ordre. Exposer le risque qu’on encoure à suivre des directives idiotes, c’est le meilleur, et peut-être le seul moyen de se préserver lorsque les conséquences idiotes finissent inévitablement par arriver : on l’avait bien dit… 
     
    Cependant, la parole d’un seul homme est de peu de poids. En conseil pédagogique, par exemple, il vaut mieux se concerter en amont pour ne pas changer de ligne à l’heure de signaler ce qui ne va pas. Combien de collègues désapprouvent en privé ce qu’ils n’osent signaler à nos supérieurs, et se plaignent “de ne pas être écoutés”, sans avoir rien dit. Je ne dis pas que c’est une solution miracle, mais, plutôt que de désobéir, je crois qu’il n’est pas forcément mauvais de mettre ses chefs devant leurs contradictions, à plus forte raison quand on leur obéit : on ne peut pas dire du coup que c’est la faute de l’exécutant qui n’en aurait fait qu’à sa tête. 

    • Descartes dit :

      @ Louis

      [Vous prêchez un convaincu. Notez qu’au lieu d’écrire “face à” des règlements absurdes, j’ai préféré dire “à l’égard” de ces règlements.]

      J’ai mal compris alors. J’avoue que connaissant un peu vos opinions à partir de nos échanges, j’étais moi-même un peu étonné de vous voir vous placer du côté des « résistants à l’autorité »…

      [Non, il faut, hélas, manger la soupe à la grimace, mais je crois qu’il faut toujours signaler, s’il le faut, qu’elle nous fait grimacer.]

      Tout à fait d’accord. Je me souviens de l’un de mes directeurs qui, après s’être battu auprès du cabinet d’un ministre contre une mesure qu’il estimait absurde avec le plein soutien de sa direction, nous avait réuni pour nous appeler à l’appliquer loyalement, parce que « c’est ça aussi, la grandeur du métier de fonctionnaire ». Il l’avait dit tout naturellement, sans emphase, et l’expression m’avait marquée. Si les politiciens, si la nation toute entière a confiance en nous, c’est parce qu’elle sait que nous appliquerons loyalement les décisions du peuple quelles qu’elles soient (sous le proviso qu’elles ne soient pas « manifestement illégales et de nature à compromettre gravement l’intérêt public », auquel cas on est TENU de désobéir). Et si elles sont tellement contraires à nos valeurs qu’elles nous semblent inapplicables, alors on démissionne. Mais le jour où les fonctionnaires commencent à décider quelles décisions ils appliquent et lesquelles sont à ignorer parce que « absurdes », ils donnent raison à tous ceux qui considèrent qu’on ne peut être fonctionnaire si l’on ne partage pas les idées du gouvernement en place…

      [Beaucoup de professeurs préfèrent resquiller en douce. Je crois qu’il faut obtempérer malgré les réserves, qu’on doit faire savoir à qui nous en donne l’ordre. Exposer le risque qu’on encoure à suivre des directives idiotes, c’est le meilleur, et peut-être le seul moyen de se préserver lorsque les conséquences idiotes finissent inévitablement par arriver : on l’avait bien dit…]

      D’autant plus que, dans la logique actuelle, la responsabilité fait souvent peur à ceux qui sont censés nous diriger. Je me souviens d’une occasion où, étant chef de service, mon supérieur m’avait donné l’ordre verbal de sanctionner un agent « pour l’exemple », alors que j’estimais qu’aucune sanction n’était méritée, l’agent n’ayant commis aucune faute, seulement une erreur humaine. Et bien, j’ai été voir mon chef pour lui manifester mon désaccord et lui demander de me mettre son ordre par écrit, de manière à pouvoir établir plus tard qui avait demandé la sanction. L’écrit en question, je l’attends encore…

      [Cependant, la parole d’un seul homme est de peu de poids. En conseil pédagogique, par exemple, il vaut mieux se concerter en amont pour ne pas changer de ligne à l’heure de signaler ce qui ne va pas. Combien de collègues désapprouvent en privé ce qu’ils n’osent signaler à nos supérieurs, et se plaignent “de ne pas être écoutés”, sans avoir rien dit.]

      Tout à fait d’accord. L’obéissance hiérarchique n’implique nullement qu’on doive se taire. On a le droit – et en fait le devoir – d’exprimer ses désaccords EN INTERNE.

      [Je ne dis pas que c’est une solution miracle, mais, plutôt que de désobéir, je crois qu’il n’est pas forcément mauvais de mettre ses chefs devant leurs contradictions, à plus forte raison quand on leur obéit : on ne peut pas dire du coup que c’est la faute de l’exécutant qui n’en aurait fait qu’à sa tête.]

      Oui, mais en gardant les formes. De ce point de vue, rien ne vaut l’écrit : « verba volant, scripta manent » (« les paroles s’envolent, les écrits restent »).

  18. Louis dit :

    @CVT
     

    Corrigez-moi, mais c’est sans précédent dans l’histoire de France: même sous l’Ancien Régime, la noblesse était forte et dominante (même domestiquée par la Couronne…), mais elle restait gouvernée par une logique d’honneur et d’allégeance.

     
    Détrompez-vous. Après la mort de Louis XIV, s’il y a bien quelque chose qui ne traverse plus guère l’esprit des nobles, c’est l’honneur et la loyauté à qui l’on a fait allégeance. Quelqu’un qui y tient encore, comme Saint-Simon, passe pour un vieux ronchon complètement ringard. Au contraire, l’intrigue et la dissipation constitue l’essentiel de la vie mondaine des biens nés.
     
    Il n’y a qu’à voir la Régence, qui fut la prise momentanée du pouvoir par l’aristocratie, qui fut une période de “libération” analogue au “libertarisme” que nous connaissons : une élite sans contre-pouvoir, qui promeut autant le libéralisme économique (fin du colbertisme) que politique (démantèlement de l’Etat central au profit d’une sorte de “gouvernement par agences”, la polysynodie), et qui se réjouit jusque dans la débauche de sortir du carcan moral des années Maintenon. 
     
    D’une manière plus générale, ce que les Lumières doivent à l’aristocratie – et dont Voltaire est le meilleur représentant -, c’est la volonté de se débarrasser des vieilleries de l’ancien temps, pour que l’homme, au naturel, puisse jouir d’un bonheur entravé par les institutions elles-mêmes. 
     
    Certes, lorsque la noblesse eut de nouveau face à elle un pouvoir central un peu plus fort – les dernières années du pitoyable règne de Louis XV -, on vit refleurir les fantasmes d’un âge d’or de la noblesse, où le roi aurait été un monarque à l’anglaise, effacé, où tout aurait été pour le mieux dans le meilleur des mondes, tant la noblesse aurait été “à l’époque” pure, juste, animée par des sentiments nobles tel qu’honneur, etc. Mais c’est un totem brandi face au pouvoir royal, certainement pas une réalité historique, et encore moins quelque chose que la noblesse avait dans le sang (sans mauvais jeu de mot) : elle n’en parlait pas quand elle n’avait pas besoin d’en parler.

    • CVT dit :

      @Louis et Descartes,
      Merci pour tous ces rappels historiques, notamment sur la période pré-révolutionnaire. Concernant les adeptes de la monarchie à l’anglaise, vous m’avez rappelé à quel point les Français ne sont pas des Anglais, et réciproquement.
       
      Là où la Glorieuse Révolution de 1688 avait permis un mariage relativement harmonieux entre la gentry anglaise et la bourgeoisie, et par là même, le début de la conquête du monde,  rien de tel ne s’est produit en France: il aura fallu attendre la Restauration, et surtout les Trois Glorieuses et le couronnement du “Roi Bourgeois” Louis-Philippe, pour que le rêve de Voltaire advienne… Et encore, pour un temps limité.
      Dans chaque cas, on peut faire des parallèles entre les comportements des classes bourgeoises anglaises et françaises, pour voir à quel point nos deux nations diffèrent, alors que leurs intérêts de classe se ressemblent. Ce qui m’étonne toujours est le caractère rentier et apatride des possédants français, bien plus marqué que chez les Anglais. Différence qui semble persister de nos jours…

      • Descartes dit :

        @ CVT

        [Merci pour tous ces rappels historiques, notamment sur la période pré-révolutionnaire. Concernant les adeptes de la monarchie à l’anglaise, vous m’avez rappelé à quel point les Français ne sont pas des Anglais, et réciproquement.]

        Tout à fait. La constitution des deux nations est totalement différente, et largement commandée par la géopolitique. La Grande Bretagne est une île, et donc un monde relativement clos. La France est un état continental, dont les frontières sont en partie ouvertes (notamment au nord et au nord-est). Cela a un effet radical sur la constitution des institutions politiques et sociales.

        [Là où la Glorieuse Révolution de 1688 avait permis un mariage relativement harmonieux entre la gentry anglaise et la bourgeoisie, et par là même, le début de la conquête du monde, rien de tel ne s’est produit en France: il aura fallu attendre la Restauration, et surtout les Trois Glorieuses et le couronnement du “Roi Bourgeois” Louis-Philippe, pour que le rêve de Voltaire advienne… Et encore, pour un temps limité.]

        On ne peut comprendre l’histoire anglaise – et notamment la « glorious revolution » de 1688 sans référence à la guerre civile 1642-1651 qui aboutit à la décapitation de Charles Ier et l’instauration d’un régime qu’on peut qualifier de « républicain » (le « commonwealth » instauré par Cromwell). Même si la monarchie est restaurée en 1660, comme le dit le grand historien britannique Gardiner à propos de la décapitation du roi, « même si la monarchie a été rétablie, l’aristocratie avait bien compris que ce qui a été fait une fois peut être refait ». Contrairement à ce qui s’est passé en France, la guerre civile ne fut pas une confrontation entre aristocrates et bourgeois : l’aristocratie comme la bourgeoisie se sont divisés entre « royalistes » et « têtes rondes » (même si la plupart des aristocrates est allé dans le premier camp, et des bourgeois au second) parce qu’à la division politique se superposait une division religieuse. La défaite de Charles Ier ne fut donc pas une défaite de l’aristocratie en tant que telle, mais celle d’un secteur de celle-ci.

        [Dans chaque cas, on peut faire des parallèles entre les comportements des classes bourgeoises anglaises et françaises, pour voir à quel point nos deux nations diffèrent, alors que leurs intérêts de classe se ressemblent. Ce qui m’étonne toujours est le caractère rentier et apatride des possédants français, bien plus marqué que chez les Anglais. Différence qui semble persister de nos jours…]

        Cela peut s’expliquer par le fait que la Grande Bretagne est une île, et à ce titre l’interdépendance entre ses habitants se trouve très renforcée. Quand on dépend de la marine pour sa survie, cela oblige à un travail collectif qui nous éloigne du modèle du village fortifié et autarcique qui reste dominant en France.

    • Carloman dit :

      @ Louis,
       
      [du pitoyable règne de Louis XV]
      Permettez-moi de contester amicalement ce jugement qui me paraît très excessif. Non, le règne de Louis XV n’est pas si “pitoyable” que cela. Le pays ne connaît plus de famine, le réseau routier s’améliore, le territoire est cartographié, les grands corps techniques commencent à se mettre en place. Le royaume s’agrandit: annexion de la Lorraine, achat de la Corse. En Europe continentale, la France reste le pays le plus peuplé, le plus riche, le plus puissant, le plus admiré, le plus imité. Ne faisons pas du règne de Louis XV – le second plus long de l’histoire de France – une période de stagnation voire de déclin. Le règne de Louis XV voit surtout apparaître et se développer certaines limites et contradictions du système louis-quatorzien, notamment le fait que la domestication de la noblesse a fait perdre à celle-ci une partie de son rôle social. En faisant de Versailles une sorte de prison dorée pour l’aristocratie, Louis XIV a voulu en parti couper cette dernière du reste du pays. Il a réussi mais cela a des conséquences…
       
      Après, il y a aussi la personnalité de Louis XV, et là, je dois dire que je suis porté à l’indulgence. J’imagine le petit garçon de cinq ans qu’on amène à son bisaïeul mourant et qui s’entend dire: “vous allez être un grand roi”. C’est moins un compliment qu’un terrible fardeau. Devenu roi à cinq ans, comme Louis XIV, Louis XV est cependant dans une situation différente. Louis XIV a grandi avec un frère cadet et sa mère. Louis XV est seul, son plus proche parent, son oncle Philippe, ayant ceint la couronne espagnole. Tous les autres sont morts. Plus de frère, plus de mère. Il n’y a guère que le cardinal Fleury qui lui témoigne quelque affection. D’ailleurs, le gouvernement de Fleury, qui dure une vingtaine d’années, est loin d’être désastreux.
       
      Le problème de Louis XV est que c’est un homme qui se sent écrasé par le poids de l’héritage que Dieu a placé sur ses épaules. Il faut quand même imaginer ce que représente le fait de succéder à Louis XIV. Le Roi-soleil avait confiance en lui et savait faire confiance aux autres. Louis XV doute de lui-même et peine à accorder sa confiance. Il est cultivé, curieux des sciences, plus lucide qu’on ne croit. Mais il manque de volonté, il ne comprend pas l’émergence d’une opinion publique et il se méfie des philosophes. Il a aussi laissé se développer une véritable réaction aristocratique, qui commence toutefois dans son enfance.
       
      Quant à ses échecs en politique extérieure… Ils sont bien réels, mais pas toujours pires que ceux de son prédécesseur. La différence, c’est que Louis XIV savait faire passer un revers pour un demi-succès, et Louis XV non. Après la France a une faiblesse face à la Grande-Bretagne: territoire continental, doté d’un flanc nord-est très exposé, la France doit entretenir une puissante armée de terre pour se protéger; ouverte sur les espaces maritimes, il lui faut deux flottes de guerre, une en Méditerranée, une en Atlantique. Être situé à un carrefour n’a pas que des avantages… Les Anglais ont une technique imparable: il se trouve un “soldat” sur le continent – la Prusse pendant la Guerre de Sept ans – et eux peuvent se concentrer sur les opérations navales. La France, elle, doit se battre sur tous les fronts.
       
      [mais il n’eut jamais assez de sens politique pour regagner le pouvoir qu’il avait perdu]
      Si… Mais un peu tard. Il faut attendre les années 1760 pour que Louis XV prenne la mesure du problème que constitue les parlements. Il y a la séance de la flagellation devant le parlement de Paris en 1766. Et finalement, le coup de force de Maupeou de 1771, avec l’appui du roi. Enfin, Louis XV se décide à gouverner en prince des Lumières. On ne refera pas l’histoire, mais si Louis XV était mort dix ans plus tard et avait tenu bon… Mais Louis XVI, sitôt couronné, rappelle les parlements.
       
      Cela étant dit, il ne faut pas demander aux gens plus que ce qu’ils peuvent donner: Louis XV n’est pas Louis XIV, Napoléon ou de Gaulle. Ce n’était pas un visionnaire. A la fin de son règne cependant, il était en passe de lever certaines hypothèques pesant sur la monarchie. Qui sait? La petite vérole qui l’emporte en 1774 a peut-être fait la Révolution…
       
      La biographie que François Bluche consacre à Louis XV me paraît assez juste: elle ne cherche pas à cacher les limites et les faiblesses du personnage, sans pour autant alimenter la “légende noire” qui colle à la peau du quatrième roi bourbon. 

      • Descartes dit :

        @ Carloman

        [Le problème de Louis XV est que c’est un homme qui se sent écrasé par le poids de l’héritage que Dieu a placé sur ses épaules. Il faut quand même imaginer ce que représente le fait de succéder à Louis XIV. Le Roi-soleil avait confiance en lui et savait faire confiance aux autres. Louis XV doute de lui-même et peine à accorder sa confiance. Il est cultivé, curieux des sciences, plus lucide qu’on ne croit. Mais il manque de volonté, il ne comprend pas l’émergence d’une opinion publique et il se méfie des philosophes. Il a aussi laissé se développer une véritable réaction aristocratique, qui commence toutefois dans son enfance.]

        Je crois que le principal reproche qu’on puisse faire à Louis XV est de ne pas avoir poursuivi décidément les réformes commencées par Louis XIV. Le Roi Soleil avait mis au pas l’aristocratie, écrasé les parlements, et mis en place un gouvernement relativement rationnalisé, qui faisait une place à la logique méritocratique de la bourgeoisie. Louis XV aurait pu continuer dans cette voie, épousé les Lumières, ouvert les emplois encore plus largement à la bourgeoisie – un peu comme le fit la « glorious revolution » en Grance Bretagne. Il ne l’a pas fait, et son relatif immobilisme a permis aux forces réactionnaires de reprendre le poil de la bête.

        [« mais il n’eut jamais assez de sens politique pour regagner le pouvoir qu’il avait perdu » Si… Mais un peu tard. Il faut attendre les années 1760 pour que Louis XV prenne la mesure du problème que constitue les parlements. Il y a la séance de la flagellation devant le parlement de Paris en 1766. Et finalement, le coup de force de Maupeou de 1771, avec l’appui du roi. Enfin, Louis XV se décide à gouverner en prince des Lumières. On ne refera pas l’histoire, mais si Louis XV était mort dix ans plus tard et avait tenu bon… Mais Louis XVI, sitôt couronné, rappelle les parlements.]

        Cette erreur devrait alimenter notre réflexion sur le temps présent, peuplé de dirigeants dont le réflexe est là aussi de « rappeler les parlements » sous des formes diverses… la polysynodie a encore de beaux jours devant elle.

        • Carloman dit :

          @ Descartes,
           
          [Je crois que le principal reproche qu’on puisse faire à Louis XV est de ne pas avoir poursuivi décidément les réformes commencées par Louis XIV.]
          Tout à fait d’accord. Et le reproche est d’autant plus justifié qu’il semble bien que Louis XV était assez intelligent pour se rendre compte de la situation. L’irrésolution et les atermoiements restent ses gros défauts. Mais il faut reconnaître qu’à la fin de son règne, lorsqu’il se décide (enfin) à changer les choses – avec Maupeou, la justice devient gratuite, rendue par des juges nommés et payés par l’Etat, une révolution! – il a suffisamment d’autorité pour le faire. Louis XVI, de ce point de vue, est nettement plus falot. Louis XV était certes irrésolu, mais il ne supportait pas qu’on conteste son autorité.
           
          [Il ne l’a pas fait, et son relatif immobilisme a permis aux forces réactionnaires de reprendre le poil de la bête.]
          “Immobilisme”, vous avez je pense employé le bon mot. Louis XV le dit lui-même : “je n’aime pas défaire ce que mes pères ont fait” et il a mis beaucoup de temps à comprendre que certains changements étaient nécessaires, y compris pour préserver la monarchie. C’est toujours un peu trivial de faire de la psychologie de comptoir, mais je pense qu’il y a chez Louis XV la peur de mal faire, la crainte de trahir l’héritage qu’on lui a confié, d’où cette propension à ne rien changer, cette hésitation qui mène… à la politique du chien crevé au fil de l’eau, ne croyez-vous pas?
           
          Je dois avouer – mais vous l’aurez compris – que le personnage me fascine. Louis XV est, j’en suis de plus en plus convaincu, l’homme qui aurait pu sauver la monarchie, et à la fin de son règne, il semble qu’il empruntait la voie qui allait dans ce sens. 
           
          [Cette erreur devrait alimenter notre réflexion sur le temps présent, peuplé de dirigeants dont le réflexe est là aussi de « rappeler les parlements » sous des formes diverses… la polysynodie a encore de beaux jours devant elle.]
          Je suis d’accord. On nous rebat les oreilles avec “les années 30”, mais je pense que l’étude d’autres périodes – entre autres le XVIII° siècle – peut aussi nourrir la réflexion sur notre époque.

          • Descartes dit :

            @ Carloman

            [Je suis d’accord. On nous rebat les oreilles avec “les années 30”, mais je pense que l’étude d’autres périodes – entre autres le XVIII° siècle – peut aussi nourrir la réflexion sur notre époque.]

            Tout à fait. On a tendance à chercher des références dans les périodes les plus proches, au motif qu’avec le temps les mentalités changent, et qu’on ne peut faire des parallèles si l’on va trop loin. Pourtant, si l’histoire montre une chose, c’est que si les technologies, les mentalités, les rapports économiques ont changé, les mécanismes humains qui gouvernent la politique sont finalement assez constants dans l’histoire. Les catégories de la politique romaine sont toujours avec nous, et les problèmes qui se posent aux gouvernants sont, fondamentalement, les mêmes depuis lors…

        • Louis dit :

          @Carloman
           

          Non, le règne de Louis XV n’est pas si “pitoyable” que cela.  Le pays ne connaît plus de famine, le réseau routier s’améliore, le territoire est cartographié, les grands corps techniques commencent à se mettre en place.

           
          J’entendais spécifiquement l’action royale, et je regrette de ne pas avoir été assez clair. Si le pays ne connaît plus de famine, ce n’est pas vraiment dû au roi. Quant au reste, je vous l’accorde d’autant plus volontiers que je l’ai déjà reconnu. 
           

          Le royaume s’agrandit: annexion de la Lorraine, achat de la Corse. 

           
          C’est oublier un peu vite l’abandon de Montcalm ou de Dupleix, et les conséquences du traité de Paris. 
           

          En Europe continentale, la France reste le pays le plus peuplé, le plus riche, le plus puissant, le plus admiré, le plus imité. Ne faisons pas du règne de Louis XV – le second plus long de l’histoire de France – une période de stagnation voire de déclin.

           
          Loin de moi l’idée de parler de la France de Louis XV en pareils termes ! Mais justement… elle ne lui doit pas grand chose, dans l’ensemble : sa richesse, sa puissance, sa population, sa vie intellectuelle et littéraire se fait bien souvent sans le roi, malgré le roi, ou en dépit du roi. 
           

          Le règne de Louis XV voit surtout apparaître et se développer certaines limites et contradictions du système louis-quatorzien, notamment le fait que la domestication de la noblesse a fait perdre à celle-ci une partie de son rôle social. En faisant de Versailles une sorte de prison dorée pour l’aristocratie, Louis XIV a voulu en parti couper cette dernière du reste du pays. Il a réussi mais cela a des conséquences…

           
          Vous avez parfaitement raison. C’est ce qu’on appelle un héritage politique. Le moins qu’on puisse dire, c’est que Louis XV n’a pas été un très bon héritier, et n’a pas compris les “conséquences” dont il avait hérité. Si un particulier commet cette erreur, tant pis pour sa famille. Mais là, c’est nous qui avons payé les pots cassés. 

          Après, il y a aussi la personnalité de Louis XV, et là, je dois dire que je suis porté à l’indulgence. J’imagine le petit garçon de cinq ans qu’on amène à son bisaïeul mourant et qui s’entend dire: “vous allez être un grand roi”. C’est moins un compliment qu’un terrible fardeau. Devenu roi à cinq ans, comme Louis XIV, Louis XV est cependant dans une situation différente. Louis XIV a grandi avec un frère cadet et sa mère. Louis XV est seul, son plus proche parent, son oncle Philippe, ayant ceint la couronne espagnole. Tous les autres sont morts. Plus de frère, plus de mère.

           
          Votre indulgence n’est pas déplacée, et j’aurais mieux fait d’avoir votre générosité. C’est vrai. Mais quoi ? Il n’en reste pas moins que son manque de caractère nous a coûté cher. Cela dit, pour aller dans votre sens, je rajouterais la remarque d’un historien, Mousnier, qui faisait remarquer que Louis XV était incidemment le premier souverain à avoir reçu une éducation… de monarque. Tous ses prédécesseurs – Bourbon du moins – ont eu une jeunesse mouvementée, et, s’ils n’étaient ni incultes, ni ignorants des affaires, les circonstances les ont toujours privé d’avoir reçu ce que Louis XV a pu recevoir.
           
          En un sens, les malheurs des premières années furent peut-être une bénédiction pour ses aïeux, tout au long de leur règne, quand (mis à part la tragédie familiale), Louis XV n’eut jamais à tirer un coup de feu pour prendre le pouvoir, mais avait été formé pour être un excellent administrateur ; ce qu’il fut, assurément. Mais c’est tout ce qu’il fut. 
           

          Il n’y a guère que le cardinal Fleury qui lui témoigne quelque affection. D’ailleurs, le gouvernement de Fleury, qui dure une vingtaine d’années, est loin d’être désastreux. 

          Vous avez raison ! Je m’excuse de l’avoir oublié. Il y a quelque chose de puéril à laisser à son précepteur les rênes du pouvoir jusqu’à sa mort… Mauvais esprit mis à part, ce fut un très bon choix de la part du souverain, et le ministère Fleury est peut-être le plus cohérent du siècle. Il faut dire que l’attente de sa mort avait laissé en suspens bon nombre de querelles intestines, tant on estimait sa fin proche… ce qui ne fut pas le cas pendant bien plus longtemps qu’on ne l’avait imaginé.
           

          Le problème de Louis XV est que c’est un homme qui se sent écrasé par le poids de l’héritage que Dieu a placé sur ses épaules. Il faut quand même imaginer ce que représente le fait de succéder à Louis XIV. Le Roi-soleil avait confiance en lui et savait faire confiance aux autres. Louis XV doute de lui-même et peine à accorder sa confiance. Il est cultivé, curieux des sciences, plus lucide qu’on ne croit. Mais il manque de volonté, il ne comprend pas l’émergence d’une opinion publique et il se méfie des philosophes. Il a aussi laissé se développer une véritable réaction aristocratique, qui commence toutefois dans son enfance.

           
          Je ne changerai pas une virgule de ce que vous avez écrit. Je ne le regrette pas moins. 
           

          Quant à ses échecs en politique extérieure… Ils sont bien réels, mais pas toujours pires que ceux de son prédécesseur. La différence, c’est que Louis XIV savait faire passer un revers pour un demi-succès, et Louis XV non.

           
          Comme vous êtes taquin. Ce n’est pas faux, bien sûr, mais Louis XIV avait du moins de la suite dans ses idées, ce qui est essentiel en politique étrangère. J’ai du mal à voir la moindre cohérence dans les vues de Louis XV, ou, quand j’en vois, je les trouve singulièrement à côté de la plaque. 
           

          Après la France a une faiblesse face à la Grande-Bretagne: territoire continental, doté d’un flanc nord-est très exposé, la France doit entretenir une puissante armée de terre pour se protéger; ouverte sur les espaces maritimes, il lui faut deux flottes de guerre, une en Méditerranée, une en Atlantique. Être situé à un carrefour n’a pas que des avantages… Les Anglais ont une technique imparable: il se trouve un “soldat” sur le continent – la Prusse pendant la Guerre de Sept ans – et eux peuvent se concentrer sur les opérations navales. La France, elle, doit se battre sur tous les fronts.

           
          C’est parfaitement vrai. 
           

          Si… Mais un peu tard. Il faut attendre les années 1760 pour que Louis XV prenne la mesure du problème que constitue les parlements. Il y a la séance de la flagellation devant le parlement de Paris en 1766. Et finalement, le coup de force de Maupeou de 1771, avec l’appui du roi. Enfin, Louis XV se décide à gouverner en prince des Lumières. On ne refera pas l’histoire, mais si Louis XV était mort dix ans plus tard et avait tenu bon… Mais Louis XVI, sitôt couronné, rappelle les parlements.

           
          Vous remuez le couteau dans la plaie ! Oui, Louis XV n’a jamais été si grand qu’à la fin de sa vie, et, pour le coup, je n’ai vraiment rien à redire de cette si tardive prise de pouvoir. Comme vous le dites, avec dix ans de plus… 
           

          La biographie que François Bluche consacre à Louis XV me paraît assez juste: elle ne cherche pas à cacher les limites et les faiblesses du personnage, sans pour autant alimenter la “légende noire” qui colle à la peau du quatrième roi bourbon. 

           
          Ecoutez, l’estime que j’ai pour vous me conduira peut-être à la lire. J’avais lu celle qu’il avait consacré à Louis XIV, et je dois dire que j’avais été déçu. Son approche “chrono-thématique” (ce n’est peut-être pas la sienne pour Louis XV, je l’ignore) est un “truc” qui m’ennuie, et son style n’est pas extraordinaire. Mais si vous la jugez bonne, je suis prêt à réviser mon jugement. 
           

          • Carloman dit :

            @ Louis,
             
            [C’est oublier un peu vite l’abandon de Montcalm ou de Dupleix, et les conséquences du traité de Paris.]
            Certes… Mais n’oubliez pas qu’à l’époque, les “joyaux de la Couronne”, si je puis dire, s’appellent Saint-Domingue, la Martinique, la Guadeloupe, l’île Bourbon. Louis XV parvient à conserver les précieuses îles à sucre. Saint-Domingue rapporte des sommes énormes, et je présume que le Trésor royal y prélève sa part. L’Amérique du Nord française souffrait d’une faiblesse structurelle: très étendue donc difficile à défendre, trop peu de colons. Quant à l’Inde… Je crains que la France n’ait pas eu les moyens de combattre sur tous les fronts, et lorsque l’ennemi domine les mers, la tâche se complique davantage.
             
            [Mais justement… elle ne lui doit pas grand chose, dans l’ensemble : sa richesse, sa puissance, sa population, sa vie intellectuelle et littéraire se fait bien souvent sans le roi, malgré le roi, ou en dépit du roi.]
            C’est ce que dit Bluche: “Son royaume était fertile, riche, paisible, instruit. On admirait ses institutions, ses savants, ses artistes, ses écrivains, ses salons, ses ponts et ses routes… Mais ce bonheur et ce rayonnement étaient-ils le fait du Prince? Monarque lucide, il répugnait à gouverner. Non dépourvu de finesse, il ne possédait ni l’intelligence de son temps, ni la volonté de lui imposer sa marque.” (je cite la quatrième de couverture).
             
            [Le moins qu’on puisse dire, c’est que Louis XV n’a pas été un très bon héritier, et n’a pas compris les “conséquences” dont il avait hérité.]
             Oui, mais je pense que l’héritage était particulièrement lourd. Louis XV, sans être un incapable, n’avait pas les épaules. Il faut quand même reconnaître que succéder à Louis XIV n’était pas une mince affaire: le risque était très grand que l’éclat du Roi-soleil relègue son successeur dans l’ombre. Un autre aurait-il fait mieux? Difficile à dire mais à certains égards, Louis XVI a fait pire que Louis XV.
             
            [Cela dit, pour aller dans votre sens, je rajouterais la remarque d’un historien, Mousnier, qui faisait remarquer que Louis XV était incidemment le premier souverain à avoir reçu une éducation… de monarque. Tous ses prédécesseurs – Bourbon du moins – ont eu une jeunesse mouvementée, et, s’ils n’étaient ni incultes, ni ignorants des affaires, les circonstances les ont toujours privé d’avoir reçu ce que Louis XV a pu recevoir.]
            Un point intéressant en effet. Les sources s’accordent semble-t-il à reconnaître que Louis XV était fort cultivé, et que sa curiosité s’exerçait en histoire, en géographie aussi bien qu’en science ou en médecine. Mais effectivement, il a une minorité paisible, à l’inverse de ses prédécesseurs.
             
            [Louis XV n’eut jamais à tirer un coup de feu pour prendre le pouvoir,]
            Mais on peut penser que Louis XIV a eu la volonté d’épargner à son successeur les affres d’une Fronde.
             
            [J’ai du mal à voir la moindre cohérence dans les vues de Louis XV, ou, quand j’en vois, je les trouve singulièrement à côté de la plaque.]
            Ah ça… Louis XV est l’homme du Secret du Roi, de la diplomatie parallèle. Je n’ai jamais bien compris ce goût pour le double jeu. Mais il y a quand même me semble-t-il une ligne directrice: les Bourbons une fois installés à Madrid, à Parme, à Naples, les Habsbourgs cessent d’être une menace. On voit la France prendre la tête des puissances catholiques pour lutter contre les puissances protestantes: la Prusse et le Hanovre en Allemagne, mais surtout le rival héréditaire, le Royaume-Uni. Pas forcément un mauvais calcul.
             
            On a reproché à Louis XV de faire la paix “comme un roi, et non comme un marchand” (notamment au terme de la Guerre de Succession d’Autriche). Mais d’autres font remarquer que Louis XV avait compris que l’occupation des Pays-Bas autrichiens (en gros l’actuelle Belgique), vieille ambition de la Couronne de France, était une “ligne rouge” pour les Anglais, qui n’ont jamais voulu voir les Français à Anvers. Et l’expérience de la Révolution et de l’Empire ne donne pas tout à fait tort au Bien-aimé.  
             
            [J’avais lu celle qu’il avait consacré à Louis XIV, et je dois dire que j’avais été déçu.]
            J’avoue que je ne l’ai pas lue. Pour Louis XIV, je le confesse, en-dehors de quelques manuels, j’ai la biographie écrite par Petitfils, agréable à lire.

            • Descartes dit :

              @ Carloman

              [« Le moins qu’on puisse dire, c’est que Louis XV n’a pas été un très bon héritier, et n’a pas compris les “conséquences” dont il avait hérité. » Oui, mais je pense que l’héritage était particulièrement lourd. Louis XV, sans être un incapable, n’avait pas les épaules. Il faut quand même reconnaître que succéder à Louis XIV n’était pas une mince affaire: le risque était très grand que l’éclat du Roi-soleil relègue son successeur dans l’ombre. Un autre aurait-il fait mieux? Difficile à dire mais à certains égards, Louis XVI a fait pire que Louis XV.]

              En lisant ce commentaire, j’ai pensé à une situation similaire, celle dans laquelle se trouve Pompidou après le retrait puis la mort de De Gaulle.

            • Louis dit :

               L’Amérique du Nord française souffrait d’une faiblesse structurelle: très étendue donc difficile à défendre, trop peu de colons. Quant à l’Inde… Je crains que la France n’ait pas eu les moyens de combattre sur tous les fronts, et lorsque l’ennemi domine les mers, la tâche se complique davantage.

               
              Vous avez raison quant aux îles à sucre, mais je serais moins catégoriques au sujet des Indes orientales et occidentales. Dans les deux cas, c’est l’abandon pur et simple qui a été décidé. Peut-être aurait-il été possible de faire autre chose que le “tout ou rien”, qui consiste à abandonner la partie sans vraiment mener la lutte. Bien sûr, avec des si, on mettrait Paris en bouteille, mais j’avoue être étonné (sans être spécialiste du tout) que la Canada ait été abandonné par indifférence – ce que relève la sortie de Voltaire -, et les Indes par une cabale contre Dupleix. 
               

              Oui, mais je pense que l’héritage était particulièrement lourd. Louis XV, sans être un incapable, n’avait pas les épaules. Il faut quand même reconnaître que succéder à Louis XIV n’était pas une mince affaire: le risque était très grand que l’éclat du Roi-soleil relègue son successeur dans l’ombre. Un autre aurait-il fait mieux? Difficile à dire mais à certains égards, Louis XVI a fait pire que Louis XV.

               
              Bien sûr, mais j’avoue n’avoir que peu de mansuétude à l’égard du successeur de tant de grands rois. Si nous n’avions connu dans notre histoire que des rois médiocres, j’aurais sans doute porté un jugement différent, mais quand on voit qu’il est régulièrement possible d’avoir de grands chef d’Etat, on regrette d’autant plus que Louis XV, qui héritait justement d’un outil formidable, l’ait si mal manié.
               

              Mais on peut penser que Louis XIV a eu la volonté d’épargner à son successeur les affres d’une Fronde.

               
              Absolument. Et finalement, quel gâchis… Cela dit, Louis XV a bien quelque chose comme la Fronde : la Régence, mais il eut pour Mazarin non pas l’adversaire, mais l’instigateur même de cette fronde. Ca explique certaines choses.
               

              Ah ça… Louis XV est l’homme du Secret du Roi, de la diplomatie parallèle. Je n’ai jamais bien compris ce goût pour le double jeu. Mais il y a quand même me semble-t-il une ligne directrice: les Bourbons une fois installés à Madrid, à Parme, à Naples, les Habsbourgs cessent d’être une menace. On voit la France prendre la tête des puissances catholiques pour lutter contre les puissances protestantes: la Prusse et le Hanovre en Allemagne, mais surtout le rival héréditaire, le Royaume-Uni. Pas forcément un mauvais calcul.

              Non, c’est vrai. Je me rappelle que le premier livre que j’ai lu sur ce roi était celui de Gaxotte, qui défendait plutôt bien ce point. Cependant, Gaxotte a le tort de juger la politique du roi sur ses principes plus que sur ses effets. Pas un mauvais calcul, vous avez raison ; mais s’est-il donné les moyens de cette politique ? Quand on voit comment la guerre de Sept Ans a été menée, et comment Louis XV a laissé son gouvernement malmené par Choiseul, avant de lui céder le pouvoir, c’est pitié, tout de même…
               

              On a reproché à Louis XV de faire la paix “comme un roi, et non comme un marchand” (notamment au terme de la Guerre de Succession d’Autriche). Mais d’autres font remarquer que Louis XV avait compris que l’occupation des Pays-Bas autrichiens (en gros l’actuelle Belgique), vieille ambition de la Couronne de France, était une “ligne rouge” pour les Anglais, qui n’ont jamais voulu voir les Français à Anvers. 

               
              Je ne l’avais jamais vu comme ça. Mais après tout, si je voulais pousser l’argument jusqu’à l’absurde, qu’y a-t-on gagné ? A la fin des fins, c’est bien l’Angleterre qui a remporté cette dernière guerre de cent ans, et peut-être qu’il eût mieux valu l’affaiblir plus tôt, plutôt que de la ménager en respectant ses lignes rouges.

            • Carloman dit :

              @ Descartes,
               
              [j’ai pensé à une situation similaire, celle dans laquelle se trouve Pompidou après le retrait puis la mort de De Gaulle.]
              La différence à mon avis est que Pompidou pouvait assez légitimement se prévaloir d’avoir participé à l’élan donné au pays par le général de Gaulle: il a tout de même été premier ministre pendant plus de six ans! Ce doit être d’ailleurs le record de la V° République, non?
               
              Louis XV, du fait de son âge, n’a pris part à rien durant le règne précédent.

            • Descartes dit :

              @ Carloman

              [La différence à mon avis est que Pompidou pouvait assez légitimement se prévaloir d’avoir participé à l’élan donné au pays par le général de Gaulle: il a tout de même été premier ministre pendant plus de six ans! Ce doit être d’ailleurs le record de la V° République, non?]

              Tout à fait. Vous avez raison, lorsque Pompidou arrive à la présidence, il a déjà participé à la direction des affaires, impulsé des réformes et géré des crises graves – dont celle de mai 1968. Peut-être que le tort de Louis XIV est de ne pas avoir associé son successeur à la direction du royaume…

  19. Louis dit :

    @CVT
     
    Je vous en prie, c’est un plaisir. Si vous me permettez une petite précision… Je ne parlerai pas des Anglais, que je connais trop mal, mais il faut rajouter quelque chose aux “intérêts de classe qui se ressemblent”, en France.
     
    Si les rois de France, jusqu’à Louis XIV, ont su s’appuyer sur la bourgeoisie pour lutter contre l’aristocratie, c’est en intégrant une partie de la bourgeoisie au sein de l’appareil d’Etat, qui lui offrait une ascension sociale inespérée dans une société d’ordre. 
     
    Or, ce que le règne de Louis XIV a accompli, c’est, certes, la domestication de la noblesse, mais aussi, par conséquent, la réalisation pour la bourgeoisie d’Etat (la “noblesse de robe”) d’un nouveau plafond de verre : l’accroissement du pouvoir royal auquel elle avait participé, était en même temps ce qui dorénavant interdisait qu’elle puisse gagner davantage de pouvoir. 
     
    C’est ce qui explique ce retournement de situation lors de la régence, qui se poursuivra jusqu’à la Révolution : les adversaires de la veille, noblesse d’épée (noblesse historique) et noblesse de robe (bourgeoisie anoblie par le service de l’Etat), se sont alliés contre le pouvoir royal, qui limitait pour des raisons différentes le pouvoir des uns et des autres.
     
    Si ce retournement est parfaitement rationnel, il n’en repose pas moins sur une équivoque qui n’éclatera au grand jour qu’au cours de la brève période de la monarchie constitutionnelle, quand Louis XVI verra de larges pans de l’aristocratie prendre définitivement le large vers la contre-révolution. 
     
    Quant à la noblesse de robe, elle s’était en partie mise à dos la bourgeoisie restée dans le Tiers Etat, qui avait justement besoin d’un pouvoir central plus puissant encore, pour soutenir ses entreprises.
     
    Certes, avec Louis XV, l’aménagement du territoire, sans lequel la révolution industrielle n’aurait pu avoir lieu, commençait ; certes, il avait commencé la formation d’une nouvelle élite ; certes, il y eut quelques tentatives avortées de moderniser l’économie ; mais il n’eut jamais assez de sens politique pour regagner le pouvoir qu’il avait perdu, afin de favoriser la fraction de la bourgeoisie sur laquelle il aurait pu s’appuyer pour vaincre ses adversaires, et préparer la révolution industrielle. Pas de grandes compagnies, pas d’unification du marché, pas de grande banque, etc. 
     

    • никто́ dit :

      @Louis
       
      À mon tour de vous remercier pour ces éléments. Auriez-vous des références de livres sur ce sujet / cette période à conseiller ? 

      • Louis dit :

        @никто́ 
         
        C’est un plaisir. Je ne suis pas chez moi, donc je vous réponds de mémoire. 
         – Le Dieu caché de Lucien Goldmann est une étude de Racine et Pascal. Cependant, dans les premières pages, Goldmann esquisse une synthèse très juste des questions de classe et de leurs opportunités d’un siècle à l’autre.
        https://classiques.uqam.ca/contemporains/goldmann_lucien/dieu_cache/dieu_cache.html
         
        – Le deuxième tome de l’Histoire économique et sociale de la France, dirigée par Ernest Labrousse. On y voit dans le détail  (surtout dans la deuxième partie du livre, qui est composé d’articles consacrés chacun à différents sujets) les réussites et les limites de l’industrialisation de la France, tant pour des raisons économiques que politiques.
         
        – L’excellente biographie de Louis XV par Michel Antoine. Tout y est abordé – questions institutionnelles, religieuses, économiques, politiques, administratives, etc. -, et permet de comprendre à travers Louis XV ce qui a été manqué au cours du siècle, en voyant pourquoi les bonnes idées n’ont que rarement été suivies d’effets, et pourquoi des absurdités ont pu avoir la vie longue, en raison des faiblesses de la monarchie.
         
        – La très bonne biographie de l’insupportable Choiseul, par Monique Cottret, le “premier ministre de gauche”, comme il fut rebaptisé, comme par hasard, dans les années Mitterrand. Sans doute le plus habile politicien de sa génération, il aura joui d’un pouvoir de nuisance incontestable, et laissera un héritage politique des plus contestables, après sa prise de pouvoir. L’un des nombreux mérites de cette biographie est de démêler le fatras des intrigues politiques du siècle, et de discerner les différents groupes d’intérêts, les alliances et les trahisons, les intrigues et les coups bas, dans ce qu’ils peuvent avoir de plus absurde, vu de près, mais de rationnel, vu de loin.
         
        Les Révolutions de Jean Tulard s’ouvre par une introduction très bien faite, qui met en lumière l’équivoque dont je parlais, et la manière dont elle a préparé la Révolution, pour y éclater une fois celle-ci déclenchée. 
         
        – Dans la Civilisation de l’Europe des Lumières, Pierre Chaunu – qui ne se cantonne pas à la France – montre bien le foisonnement gigantesque de ce siècle, et la manière dont les différentes strates de la société (il se refuse à parler de classes, et son analyse est clairement antimarxiste) ont favorisé, se sont refusées, ou accommodées aux bouleversements des Lumières. 
         
        – Le premier chapitre (de mémoire) du Qu’est-ce que les Lumières ? d’Alphonse Dupront est assez éclairant sur l’évolution des idées selon les fractions de la société sur lesquelles on se penche, quoi que son style soit parfois obscur. Il y essaye surtout de montrer comment chacun des acteurs de ce siècle se représentait le rôle qu’il avait à jouer, en fonction de la place objective (mais souvent ignorée) qu’il occupait en son sein, et comment cette représentation a pu jouer sur le cours des choses, mais, réciproquement, comment le cours des choses a modifié ces représentations elles-mêmes.
         
        – Plutôt aride, mais court et synthétique , la Noblesse au XVIIIe siècle de Guy Chaussinand-Nogaret, lui aussi antimarxiste, permet de voir l’évolution de la noblesse, ses différentes composantes, et la diversité de ses attitudes vis-à-vis de la bourgeoisie.
         
        – Enfin, parfois trop brouillon, mais utile pour comprendre le détail des luttes internes à la noblesse, et la manière dont elle a elle-même scié la branche sur laquelle elle était assise, le Sabordage de la noblesse de Fadi El Hage. 
         
        En vous souhaitant une bonne journée et de bonnes lectures !

  20. Lingons dit :

    “Peut-être. Mais c’est ainsi que le système est fait. Et donc à l’heure de savoir si une victoire est « large » ou non, c’est le vote des grands électeurs qu’il faut examiner.”
     
    Et bien justement regardons la défaite de Trump, que vous occulter complètement, en 2020, Trump perd de 74 grands électeurs, soit un écart considérer comme large au US. Donc votre petit story telling de “défaite d’un cheveux de Trump” ne reflète pas la réalité
     
    “Contre leurs intérêts de classe, certainement, parce que l’intérêt de classe ne s’impose pas évidemment et que la conscience de classe n’est pas automatique. Mais que les individus puissent voter contre leurs intérêts personnels… c’est déjà moins évident, parce que les individus tendent à mieux évaluer ce qui les concerne directement”
    Très bien, donc toutes les thèses des auteurs que j’ai sourcer plus haut ne sont pour vous que des imbécilités car elles ne corresponde pas à vos croyances idéologiques que vous affirmer sans aucunes justifications… 
     
    “Je ne crois pas avoir dit que je SOUHAITE un tel pacte, j’ai simplement dit que je le vois comme une possibilité.”
     
    Pitié, ayez au moins l’honnêteté d’assumer votre détestation de votre propre classe (cocasse pour quelqu’un qui dénonce allégrement la haine de soi), sur laquelle vous vous répandez à longueur de papier et ou vous rendez vos “classes intermédiaires” responsable de tout les maux de la société en plus de collectionner tout les défauts moraux et civiques possibles… 
     
    Parce que je ne vois pas l’intérêt. Mettons que je vous présente une liste des mesures prises par Trump et favorables aux couches populaires. Qu’est-ce que cela démontrerait ? On n’a aucun moyen de « peser » ces mesures,
     
    Donc vous ne voyez pas l’intérêt de justifier par des faits concrets votre affirmation que le “mandat Trump a été profitables aux classes populaires” c’est vrais par ce que vous le dite et on doit l’accepter sans broncher comme le dogme divin…
     
    Ce n’est pas la première que je vous vois refuser de fournir des justifications à vos tautologies…
     
    Et pour votre infos, si, il existe des moyens pour peser les décisions, le premier mandat Trump à vu perdre 178 000 emplois manufacturiers donc ces mesures que vous chérissez tant sont au mieux inefficaces, au pire contre productive (spoiler la deuxième option est la bonne) 
     
    J’en suis moins persuadé que vous. Mais admettons un instant votre point de vue : dans ce cas, on ne peut pas faire du vote des citoyens le reflet de leur volonté, puisque celui-ci ne sait pas où sont ses intérêts. Il faut donc confier le pouvoir à une avant-garde éclairée qui sait quels sont les véritables intérêts du peuple… finalement, vous êtes un léniniste qui s’ignore…
     
    Si vous penser me narguer en mettant en doute mon amour du suffrage universel c’est raté, je suis républicain, pas démocrate et je n’ai que mépris pour un système qui donne pareil responsabilité aux ignares du fait politique.
     
    Drapez vous dans votre indignation si vous voulez, je vous dirais que le mépris c’est comme le respect, cela se mérite… 
     
    “Je commence à être un peu fatigué de ce genre de piques. Vous n’avez pas le monopole de la connaissance. Je ne mets pas en doute vos connaissances ou votre légitimité à vous exprimer, et je vous prie de me rendre la pareille.”
     
    Et comment pourrais je ne pas mettre en doute vos connaissances sur le sujet, alors que vous refuser dans le plus grand des calmes de fournir des justifications concrètes à vos affirmations péremptoires ? 
     
    “Pourtant, c’est une dynamique qui a souvent profité au sortant. Le cas de présidents américains qui n’ont pas été réélus alors qu’ils étaient candidats est finalement assez rare.”
     
    Et donc ? En quoi cela invalide mon point ? La seule chose que cela montre et que dans la majorité des cas les citoyens US sont satisfaits du bilan des présidents sortant, ce qui n’a pas été le cas pour Trump en 2020 ou Harris (qui a repris le bilan de Biden) en 2024.
     
    D’ailleurs vous qui vous cramponnez à la réélection de Trump pour justifier l’affirmation que son bilan de premier mandat a été très favorable aux classes populaires pourquoi ces dernières ne l’on pas réélu directement en 2020 ? Pourquoi a t’il fallu attendre 4 ans d’administration démocrate pour voir Trump réélu ? Les classes populaires seraient donc masochistes aux US pour être retourné en masse vers le vote démocrate dans les états du bluewall de la rustbelt ? 
     
     

    • Descartes dit :

      @ Lingons

      [Et bien justement regardons la défaite de Trump, que vous occulter complètement, en 2020, Trump perd de 74 grands électeurs, soit un écart considérer comme large au US. Donc votre petit story telling de “défaite d’un cheveux de Trump” ne reflète pas la réalité]

      Pardon, mais 74 grands électeurs est un « écart considéré comme large aux US » par qui ? En un siècle, seul deux présidents ont été élus avec un écart inférieur : Carter et Bush fils. Tous les autres ont bénéficié d’un écart supérieur.

      [“Contre leurs intérêts de classe, certainement, parce que l’intérêt de classe ne s’impose pas évidemment et que la conscience de classe n’est pas automatique. Mais que les individus puissent voter contre leurs intérêts personnels… c’est déjà moins évident, parce que les individus tendent à mieux évaluer ce qui les concerne directement” Très bien, donc toutes les thèses des auteurs que j’ai sourcer plus haut ne sont pour vous que des imbécilités car elles ne corresponde pas à vos croyances idéologiques que vous affirmez sans aucunes justifications… ]

      Ah… je vois que l’argument d’autorité a encore des adeptes. Non, les thèses des auteurs que vous avez sourcé plus haut ne sont pas « des imbécilités ». Ce sont les conclusions de leurs travaux. Mais il faut croire que ces travaux ne font pas consensus. La meilleure preuve en est que lorsque les politiciens cherchent à gagner des voix, ils essayent de « coller » aux intérêts personnels de leurs électeurs, et pas l’inverse. Ce qui tend à prouver qu’ils sont convaincus que les électeurs votent en fonction de ces intérêts. A ma connaissance, aucun politicien n’a recherché les voix des riches en proposant d’augmenter les impôts sur la fortune, des étudiants boursiers en proposant de baisser les bourses, des salaries en proposant de réduire les salaires. Quels imbéciles, n’est-ce pas ? S’ils avaient lu les auteurs que vous citez, ils sauraient que c’est cela qu’il faut faire.

      [“Je ne crois pas avoir dit que je SOUHAITE un tel pacte, j’ai simplement dit que je le vois comme une possibilité.” Pitié, ayez au moins l’honnêteté d’assumer votre détestation de votre propre classe (…)]

      Pitié, évitez d’utiliser ce genre de pathos pour me faire endosser des idées qui ne sont pas les miennes. Vous avez mes textes, je vous mets au défi de m’indiquer où j’aurais écrit que je SOUHAITE un tel pacte. Je ne suis responsable que de ce que j’écris, et non des idées que vous me prêtez.

      [Donc vous ne voyez pas l’intérêt de justifier par des faits concrets votre affirmation que le “mandat Trump a été profitables aux classes populaires” (…)]

      Je n’ai rien « affirmé » de tel. Voici ma phrase exacte : « Je n’ai pas la statistique sous la main, mais je crois me souvenir que le bilan du premier mandat de Trump a été très positif en termes économiques pour les couches populaires ». Vous noterez que j’ai été beaucoup plus prudent et moins affirmatif que vous ne le prétendez…

      J’ai justifié mon commentaire avec des « faits concrets ». J’ai mentionné le durcissement de la politique migratoire, le protectionnisme, etc. Mais je vous signale qu’il n’est pas facile d’évaluer les effets de ces politiques, et de les comparer aux effets négatifs que vous signalez pour en faire un vrai bilan. En tout cas, les électeurs semblent juger que ce bilan est positif, puisqu’ils ont revoté pour Trump.

      [Ce n’est pas la première que je vous vois refuser de fournir des justifications à vos tautologies…]

      Une « tautologie » est vraie par définition. Il est donc inutile de chercher à la « justifier ». N’utilisez pas des mots que vous ne connaissez pas…

      [Et pour votre infos, si, il existe des moyens pour peser les décisions, le premier mandat Trump a vu perdre 178 000 emplois manufacturiers donc ces mesures que vous chérissez tant sont au mieux inefficaces, au pire contreproductives (spoiler la deuxième option est la bonne)]

      Ah bon ? Pourriez-vous m’indiquer combien d’emplois manufacturiers auraient été perdus SANS cette politique ? Le COVID a causé des milliers de morts dans tous les pays. En déduisez-vous que tous ont fait les mauvais choix sanitaires ? Pour savoir si une politique est « inefficace » ou « contreproductive », il faut pouvoir estimer quels auraient été les effets des politiques alternatives pour pouvoir les comparer. Autrement, vous ne pouvez pas distinguer ce qui relève des effets de la politique en question et de ce qui relève d’autres paramètres.

      [« J’en suis moins persuadé que vous. Mais admettons un instant votre point de vue : dans ce cas, on ne peut pas faire du vote des citoyens le reflet de leur volonté, puisque celui-ci ne sait pas où sont ses intérêts. Il faut donc confier le pouvoir à une avant-garde éclairée qui sait quels sont les véritables intérêts du peuple… finalement, vous êtes un léniniste qui s’ignore… » Si vous penser me narguer en mettant en doute mon amour du suffrage universel c’est raté, je suis républicain, pas démocrate et je n’ai que mépris pour un système qui donne pareille responsabilité aux ignares du fait politique.]

      Ne jugez pas les autres en fonction de vos propres standards. Je ne sais pas si c’est votre priorité de « narguer » votre interlocuteur, ce n’est pas mon cas. Je constate simplement que vous vous placez dans la logique léniniste d’une « avant-garde éclairée », et je constate que mon diagnostic était le bon…

      [Drapez vous dans votre indignation si vous voulez, je vous dirais que le mépris c’est comme le respect, cela se mérite…]

      Mais pourquoi voudriez-vous que je sois « indigné » ?

      [“Je commence à être un peu fatigué de ce genre de piques. Vous n’avez pas le monopole de la connaissance. Je ne mets pas en doute vos connaissances ou votre légitimité à vous exprimer, et je vous prie de me rendre la pareille.” Et comment pourrais-je ne pas mettre en doute vos connaissances sur le sujet, alors que vous refusez dans le plus grand des calmes de fournir des justifications concrètes à vos affirmations péremptoires ?]

      Comme je vous l’ai dit, je ne suis pas intéressé par un échange dans ces termes. Je ne perds pas mon temps à répondre à des attaques ad hominem. Et la prochaine fois, j’arrêterai tout simplement l’échange.

      [D’ailleurs vous qui vous cramponnez à la réélection de Trump pour justifier l’affirmation que son bilan de premier mandat a été très favorable aux classes populaires pourquoi ces dernières ne l’on pas réélu directement en 2020 ? Pourquoi a-t-il fallu attendre 4 ans d’administration démocrate pour voir Trump réélu ? Les classes populaires seraient donc masochistes aux US pour être retourné en masse vers le vote démocrate dans les états du bluewall de la rustbelt ?]

      Mais je peux vous retourner la question : seraient-elles masochistes de s’être retournés en masse vers le vote républicain dans ces mêmes états à la dernière élection ? Si vous leur reconnaissez la sagesse d’avoir voté en fonction de leurs intérêts en 2020, pourquoi penser qu’ils auraient voté contre leurs intérêts en 2024 ?

      En 2020, on avait à choisir entre un candidat qu’on avait vu à l’œuvre (Trump) et un candidat qui promettait (Bidden). En 2024, on avait à choisir entre deux candidats qu’on avait vu à l’œuvre (ou pour être plus précis, un candidat qu’on avait vu présider et une candidate qui avait fait partie de l’administration et reprenait à son compte son bilan). On pouvait donc juger sur pièces…

  21. Erwan dit :

    Bonjour Descartes,
     
    Je me suis amusé à essayer de simuler des chiffres relatifs aux revenus des classes populaire et moyenne/intermédiaire et de la bourgeoisie, tels que tu les définis, et de l’exploitation que cela représente.
     
    – J’ai pris une répartition de 80%/20% parmi la population active de 30 millions de personnes
    – J’ai pris 2000 € comme revenu mensuel moyen pour la classe populaire
    – J’ai pris 3000 € comme revenu mensuel moyen pour la classe moyenne (que je suppose exploitée à 0%)
    – J’ai supposé que la bourgeoisie est composée de 500 000 personnes, qui gagnent en moyenne 50 000 € par mois
     
    Donc les 500 000 × 50 000 € cumulés de la bourgeoisie correspondent à de la plus-value extraite de la force de travail des 24 millions de membres de la classe populaire. Cela me donne une valeur de force de travail mensuelle d’environ 3000 € par mois pour la classe populaire, et donc une exploitation d’environ 33%.
     
    Ces chiffres me donnent l’impression d’avoir une idée bien plus concrète de la dynamique en cours. Est-ce que tu penses qu’ils sont complètement délirants, ou bien te semblent-ils correspondre grossièrement à la réalité actuelle ?
     
    Si on répartissait également les revenus, cela ferait à peine moins de 3000 € par mois pour tout le monde. Cela ne changerait rien pour la classe moyenne, et ce serait un changement monstrueux pour la bourgeoisie.
     
    L’impression que j’ai, c’est qu’en comparaison il est moins difficile de prendre à la classe moyenne qu’à la classe populaire, et que c’est ce qui est en train de se produire : les taxes de la classe moyenne augmentent peu à peu, et ses revenus baissent peu à peu. Elle diminue peut-être aussi de taille. Cela correspond à ce que tu dis quand tu parles du refus de la bourgeoisie de payer sa part de risque et de reporter le gros du fardeau sur les classes intermédiaires.

    • Descartes dit :

      @ Erwan

      [Je me suis amusé à essayer de simuler des chiffres relatifs aux revenus des classes populaire et moyenne/intermédiaire et de la bourgeoisie, tels que tu les définis, et de l’exploitation que cela représente.

      – J’ai pris une répartition de 80%/20% parmi la population active de 30 millions de personnes
      – J’ai pris 2000 € comme revenu mensuel moyen pour la classe populaire
      – J’ai pris 3000 € comme revenu mensuel moyen pour la classe moyenne (que je suppose exploitée à 0%)
      – J’ai supposé que la bourgeoisie est composée de 500 000 personnes, qui gagnent en moyenne 50 000 € par mois]

      Ces chiffres posent un problème évident. Faisons la somme du total des rémunérations : cela donne pour l’année (30 millions x (0,8 x 2000 + 0,2 x 3000) + 500.000 x 50.000) x 12 soit quelque 1100 Md€. C’est très peu, considérant que le PIB de la France est de plus du double (2600 Md€). Où est passée à votre avis la différence ?

      Je pense que votre calcul sous-estime considérablement les revenus de la bourgeoisie. Si je prends vos chiffres, cela fait au total un revenu annuel de 300 Md€. Or on sait que la répartition de la valeur ajoutée entre la rémunération du travail est celle du capital est de 2/3 contre 1/3. La bourgeoisie empoche donc au moins 870 Md€, ce qui fait pour 500.000 individus un revenu mensuel de 145.000 € en moyenne.

      Pour la répartition entre les classes intermédiaires et les couches populaires, il faudrait regarder la pyramide donnée par l’INSEE. Si vous considérez que les classes intermédiaires représentent 20% de la population, le niveau de vie par individu devrait être celui d’entre le 7ème et le 9ème décile, soit 38.000 € annuels ou 3200 € par mois. Ce qui sur 20% de la population donne un total de 460 Md€. Il reste donc à repartir 2600–460-870= 1270 Md€, ce qui donne pour les couches populaires un niveau de vie par individu de 2200 € par mois. Vous voyez bien qu’on tombe assez juste sur ce que vous aviez calculé… sauf pour les bourgeois, qui gagnent trois fois plus que vous ne leur accordiez !

      [Donc les 500 000 × 50 000 € cumulés de la bourgeoisie correspondent à de la plus-value extraite de la force de travail des 24 millions de membres de la classe populaire. Cela me donne une valeur de force de travail mensuelle d’environ 3000 € par mois pour la classe populaire, et donc une exploitation d’environ 33%.]

      Pas tout à fait. On a vu que la bourgeoisie empoche quelque 870 Md€, et avec votre répartition 20%/80%, les couches populaires touchent 1270 Md€. Soit un taux d’exploitation moyen de 40%…

      [Si on répartissait également les revenus, cela ferait à peine moins de 3000 € par mois pour tout le monde. Cela ne changerait rien pour la classe moyenne, et ce serait un changement monstrueux pour la bourgeoisie.]

      En effet. Et ce calcul confirme mon modèle : si les classes intermédiaires ne fournissent ni retirent de la plus-value, si elles touchent exactement la valeur qu’elles produisent, alors la répartition entre capital et travail est pour elles indifférente.

      [L’impression que j’ai, c’est qu’en comparaison il est moins difficile de prendre à la classe moyenne qu’à la classe populaire, et que c’est ce qui est en train de se produire : les taxes de la classe moyenne augmentent peu à peu, et ses revenus baissent peu à peu.]

      Il est « moins difficile » de prendre aux classes intermédiaires parce qu’elles ont plus de « gras » – on ne peut tirer de l’eau d’une pierre. Mais politiquement, c’est une toute autre histoire. Je ne vois pas d’ailleurs ce qui vous permet de dire que les revenus des classes intermédiaires « baissent peu à peu ». Il est possible que les révolutions technologiques en cours dévaluent le « capital immatériel » d’une partie des classes intermédiaires, et donc réduisent son revenu, mais pour le moment l’effet ne me paraît pas évident.

      [Elle diminue peut-être aussi de taille.]

      C’est difficile à dire. On parle d’une tendance au déclassement, mais pour le moment elle ne me paraît pas très claire.

      • Erwan dit :

        [Ces chiffres posent un problème évident. Faisons la somme du total des rémunérations : cela donne pour l’année (30 millions x (0,8 x 2000 + 0,2 x 3000) + 500.000 x 50.000) x 12 soit quelque 1100 Md€. C’est très peu, considérant que le PIB de la France est de plus du double (2600 Md€). Où est passée à votre avis la différence ?]

        Ces chiffres sont fatalement relativement arbitraires. Ceci étant dit, je ne suis pas sûr que l’écart obtenu avec le PIB soit si problématique, dans la mesure où le PIB et la masse salariale ne mesurent pas les mêmes choses. Par exemple, le PIB inclut l’Excédent Brut d’Exploitation et le Revenu Mixte Brut.

        [Je pense que votre calcul sous-estime considérablement les revenus de la bourgeoisie. Si je prends vos chiffres, cela fait au total un revenu annuel de 300 Md€. Or on sait que la répartition de la valeur ajoutée entre la rémunération du travail est celle du capital est de 2/3 contre 1/3. La bourgeoisie empoche donc au moins 870 Md€, ce qui fait pour 500.000 individus un revenu mensuel de 145.000 € en moyenne.]

        Es-tu sûr ? J’obtiens bien 300 milliards d’euros avec 500 000 bourgeois qui touchent 50 000 €. Par contre, si la valeur ajoutée est de 1/3 de la valeur totale, il faut soustraire les revenus de la classe populaire aux 870 milliards d’euros non ? Cela ferait 288 milliards, donc je serais un peu au-dessus.

        [Pour la répartition entre les classes intermédiaires et les couches populaires, il faudrait regarder la pyramide donnée par l’INSEE. Si vous considérez que les classes intermédiaires représentent 20% de la population, le niveau de vie par individu devrait être celui d’entre le 7ème et le 9ème décile, soit 38.000 € annuels ou 3200 € par mois. Ce qui sur 20% de la population donne un total de 460 Md€. Il reste donc à repartir 2600–460-870= 1270 Md€, ce qui donne pour les couches populaires un niveau de vie par individu de 2200 € par mois. Vous voyez bien qu’on tombe assez juste sur ce que vous aviez calculé… sauf pour les bourgeois, qui gagnent trois fois plus que vous ne leur accordiez !]

        J’étais en effet parti de ces données, que j’avais arrondies à 1000 € près parce que tout cela est de toute façon relativement arbitraire.

        [Il est « moins difficile » de prendre aux classes intermédiaires parce qu’elles ont plus de « gras » – on ne peut tirer de l’eau d’une pierre. Mais politiquement, c’est une toute autre histoire. Je ne vois pas d’ailleurs ce qui vous permet de dire que les revenus des classes intermédiaires « baissent peu à peu ». Il est possible que les révolutions technologiques en cours dévaluent le « capital immatériel » d’une partie des classes intermédiaires, et donc réduisent son revenu, mais pour le moment l’effet ne me paraît pas évident.]

        J’avais en tête l’évolution des salaires des enseignants en nombre de SMIC. Il me semble qu’ils sont passés de 2 SMIC dans les années 80 à 1 SMIC aujourd’hui (en début de carrière).

        Si mes chiffres ne sont pas trop délirants, alors du point de vue de la classe moyenne, tant qu’on n’a pas d’abord tout pris à la bourgeoisie, il n’est peut-être pas juste de prendre sur ses propres revenus. Pourquoi devrait-elle compenser sa moindre exploitation pour diminuer celle de la classe populaire ?

        On pourrait arguer qu’il faut une bourgeoisie pour conserver un système capitaliste que l’on considérerait préférable au communisme, et donc qu’il faut que la bourgeoisie puisse conserver un certain revenu. Une fois ce niveau atteint, la classe moyenne pourrait compenser sa plus faible exploitation par l’impôt. C’est peut-être la direction que l’on prenait dans les années 50-60, mais je n’ai pas l’impression que ce fut explicite.

        • Descartes dit :

          @ Erwan

          [Ces chiffres sont fatalement relativement arbitraires. Ceci étant dit, je ne suis pas sûr que l’écart obtenu avec le PIB soit si problématique, dans la mesure où le PIB et la masse salariale ne mesurent pas les mêmes choses. Par exemple, le PIB inclut l’Excédent Brut d’Exploitation et le Revenu Mixte Brut.]

          Quand même. En principe, c’est la valeur ajoutée produite qui rémunère le travail (via les salaires) et le capital (via les intérêts, les dividendes, etc.). La somme des revenus de toutes natures des différentes couches sociales devrait être équivalente au PIB augmenté des revenus des capitaux investis à l’étranger (et du flux des emprunts)…

          [« Je pense que votre calcul sous-estime considérablement les revenus de la bourgeoisie. Si je prends vos chiffres, cela fait au total un revenu annuel de 300 Md€. Or on sait que la répartition de la valeur ajoutée entre la rémunération du travail est celle du capital est de 2/3 contre 1/3. La bourgeoisie empoche donc au moins 870 Md€, ce qui fait pour 500.000 individus un revenu mensuel de 145.000 € en moyenne. » Es-tu sûr ? J’obtiens bien 300 milliards d’euros avec 500 000 bourgeois qui touchent 50 000 €. Par contre, si la valeur ajoutée est de 1/3 de la valeur totale, il faut soustraire les revenus de la classe populaire aux 870 milliards d’euros non ? Cela ferait 288 milliards, donc je serais un peu au-dessus.]

          Non. Le PIB de la France est de 2600 Md€. Si un tiers de cette somme rémunère le capital, alors la bourgeoisie empoche 870 Md€, et il reste 1730 Md€ qui vont à l’ensemble des salariés. C’est bien entendu des calculs d’ordre de grandeur : une partie des classes intermédiaires détiennent des actifs financiers rémunérés, et les bourgeois peuvent toucher, outre des dividendes et des intérêts de leur capital, de juteux salaires.

          [« Je ne vois pas d’ailleurs ce qui vous permet de dire que les revenus des classes intermédiaires « baissent peu à peu ». Il est possible que les révolutions technologiques en cours dévaluent le « capital immatériel » d’une partie des classes intermédiaires, et donc réduisent son revenu, mais pour le moment l’effet ne me paraît pas évident. » J’avais en tête l’évolution des salaires des enseignants en nombre de SMIC. Il me semble qu’ils sont passés de 2 SMIC dans les années 80 à 1 SMIC aujourd’hui (en début de carrière).]

          Mais pourquoi comparer au SMIC ? On sait bien que le SMIC a augmenté plus vite que l’ensemble des salaires, « écrasant » la pyramide des rémunérations. Mais cela n’implique pas qu’un smicard aujourd’hui ait un niveau de vie inférieur à celui qu’on avait avec deux smic dans les années 1980. Est-ce que votre enseignant aujourd’hui a dans l’absolu un niveau de vie inférieur à celui qu’il avait en 1980 ? Pour le dire autrement, combien de semaines il lui faut travailler pour se payer un frigo, un téléviseur, un voyage à l’étranger, un téléphone portable ou un ordinateur ?

          Si j’en juge par des amis de lycée qui sont devenus enseignants, ce n’est pas le cas. Pour ne donner qu’un exemple, dans les années 1980 les enseignants s’équipaient encore massivement à la CAMIF, c’est-à-dire sur un catalogue au choix limité, parce qu’aller dans les magasins de meubles ou d’électroménager c’était trop cher. Pourquoi, si leur pouvoir d’achat a diminué, on a pu voir ce type de centrale d’achats péricliter ?

          [Si mes chiffres ne sont pas trop délirants, alors du point de vue de la classe moyenne, tant qu’on n’a pas d’abord tout pris à la bourgeoisie, il n’est peut-être pas juste de prendre sur ses propres revenus. Pourquoi devrait-elle compenser sa moindre exploitation pour diminuer celle de la classe populaire ?]

          Vous posez la question comme s’il s’agissait d’un problème de « justice », alors que c’est une question de rapport de forces… La question est de savoir qui, de la bourgeoisie ou des classes intermédiaires, a les meilleurs atouts pour faire payer l’autre. La « justice » n’a rien à faire là-dedans !

          [On pourrait arguer qu’il faut une bourgeoisie pour conserver un système capitaliste que l’on considérerait préférable au communisme, et donc qu’il faut que la bourgeoisie puisse conserver un certain revenu. Une fois ce niveau atteint, la classe moyenne pourrait compenser sa plus faible exploitation par l’impôt. C’est peut-être la direction que l’on prenait dans les années 50-60, mais je n’ai pas l’impression que ce fut explicite.]

          Je ne crois pas. Dans les années 50-60, les classes intermédiaires n’avaient pas le pouvoir qu’elles ont conquis plus tard. La répartition de la valeur ajoutée se jouait essentiellement entre la bourgeoisie et les couches populaires, avec une promotion sociale qui permettait à des individus issus des couches populaires d’accumuler un « capital immatériel ». C’est ce « capital immatériel » qui a permis progressivement la formation d’une « classe intermédiaire » qui s’autonomise des couches populaires en échappant à l’exploitation.

          • Erwan dit :

            [En principe, c’est la valeur ajoutée produite qui rémunère le travail (via les salaires) et le capital (via les intérêts, les dividendes, etc.). La somme des revenus de toutes natures des différentes couches sociales devrait être équivalente au PIB augmenté des revenus des capitaux investis à l’étranger (et du flux des emprunts)…]

            Je ne suis pas assez expert, il faudrait que je me replonge dans des manuels d’économie, et je te fais confiance. Mais si on adopte le chiffre de 145 000 €, il me semble qu’un autre problème apparaît : on se retrouve avec une valeur réelle mensuelle de la force de travail d’environ 5 000 €. Cela voudrait dire que la classe moyenne n’échappe pas à l’exploitation, qu’elle est simplement beaucoup moins exploitée. D’après mes calculs, cela donnerait une classe populaire exploitée à 54% et une classe moyenne exploitée à 34%. Ou alors que la force de travail de la classe moyenne a beaucoup moins de valeur que celle de la classe populaire, ce qui ferait encore augmenter l’exploitation de cette dernière.

            [On sait bien que le SMIC a augmenté plus vite que l’ensemble des salaires, « écrasant » la pyramide des rémunérations.]

            As-tu une source pour cette affirmation ? En faisant une recherche rapide, je trouve par exemple ceci :

            SMIC vs salaires moyens

            [Pour ne donner qu’un exemple, dans les années 1980 les enseignants s’équipaient encore massivement à la CAMIF, c’est-à-dire sur un catalogue au choix limité, parce qu’aller dans les magasins de meubles ou d’électroménager c’était trop cher. Pourquoi, si leur pouvoir d’achat a diminué, on a pu voir ce type de centrale d’achats péricliter ?]

            Je dirais que c’est au moins en partie parce que le prix des marchandises a diminué avec la mécanisation et les délocalisations.

            [« Si mes chiffres ne sont pas trop délirants, alors du point de vue de la classe moyenne, tant qu’on n’a pas d’abord tout pris à la bourgeoisie, il n’est peut-être pas juste de prendre sur ses propres revenus. Pourquoi devrait-elle compenser sa moindre exploitation pour diminuer celle de la classe populaire ? » Vous posez la question comme s’il s’agissait d’un problème de « justice », alors que c’est une question de rapport de forces… La question est de savoir qui, de la bourgeoisie ou des classes intermédiaires, a les meilleurs atouts pour faire payer l’autre. La « justice » n’a rien à faire là-dedans !]

            En dernière instance c’est un rapport de force, mais ce rapport de force n’est pas indépendant des arguments de chaque camp. Plus l’injustice est factuelle, plus il y a de chances que la classe dominée réagisse. Et c’est à cet argument que je pensais : en-dehors des rapports de force, au nom de quoi la classe moyenne devrait-elle se sacrifier pour la classe populaire si la bourgeoise ne se sacrifie pas elle-même ?

            • Descartes dit :

              @ Erwan

              [Je ne suis pas assez expert, il faudrait que je me replonge dans des manuels d’économie, et je te fais confiance. Mais si on adopte le chiffre de 145 000 €, il me semble qu’un autre problème apparaît : on se retrouve avec une valeur réelle mensuelle de la force de travail d’environ 5 000 €. Cela voudrait dire que la classe moyenne n’échappe pas à l’exploitation, qu’elle est simplement beaucoup moins exploitée.]

              Non, justement. Lorsque vous calculez le revenu des différentes couches sociales, vous ne prenez en compte que la composante monétaire de la rémunération. Mais il faudrait aussi prendre en compte la composante non monétaire : école gratuite, routes, défense, police, pompiers, etc. Pour approcher ce chiffre, on pourrait par exemple prendre en compte non le salaire net, mais le salaire brut auquel on ajoute la part patronale (puisque ces services « gratuits » sont payés par la fiscalité, par les cotisations et les charges). Si vous faites ce calcul, vous aboutirez je pense à une très faible « exploitation » des classes intermédiaires…

              [« On sait bien que le SMIC a augmenté plus vite que l’ensemble des salaires, « écrasant » la pyramide des rémunérations. » As-tu une source pour cette affirmation ? En faisant une recherche rapide, je trouve par exemple ceci :]

              Je n’ai pas été assez précis. En écrivant cela je pensais surtout au rapport entre le SMIC et le salaire médian. Mais la courbe que tu montres confirme mon affirmation. Il faut bien voir que le SMIC est le salaire minimum, autrement dit, que chaque augmentation du SMIC pousse mécaniquement le salaire moyen (puisque celui-ci ne peut mathématiquement être inférieur au SMIC). Or, dans ta courbe on voit nettement la tendance du SMIC à s’approcher du salaire moyen…

              [« Pour ne donner qu’un exemple, dans les années 1980 les enseignants s’équipaient encore massivement à la CAMIF, c’est-à-dire sur un catalogue au choix limité, parce qu’aller dans les magasins de meubles ou d’électroménager c’était trop cher. Pourquoi, si leur pouvoir d’achat a diminué, on a pu voir ce type de centrale d’achats péricliter ? » Je dirais que c’est au moins en partie parce que le prix des marchandises a diminué avec la mécanisation et les délocalisations.]

              Tout à fait. Mais économiquement, si vous gardez le même salaire et que le prix des produits que vous achetez baisse, cela revient à une augmentation de votre salaire réel…

              [« Vous posez la question comme s’il s’agissait d’un problème de « justice », alors que c’est une question de rapport de forces… La question est de savoir qui, de la bourgeoisie ou des classes intermédiaires, a les meilleurs atouts pour faire payer l’autre. La « justice » n’a rien à faire là-dedans ! » En dernière instance c’est un rapport de force, mais ce rapport de force n’est pas indépendant des arguments de chaque camp. Plus l’injustice est factuelle, plus il y a de chances que la classe dominée réagisse.]

              Pas du tout. Pensez à l’exploitation : c’est une injustice tout à fait « factuelle », et pourtant la classe dominée ne réagit pas tant que ça – ou plutôt, elle ne « réagit » que lorsque le rapport de forces est favorable. C’est le rapport de forces qui est déterminant, et le fait que l’injustice soit « factuelle » ne change rien à l’affaire. La classe dominante a la capacité de fabriquer une idéologie qui fait disparaître « l’injustice » en question. Oui, je sais, je suis un indécrottable marxiste…

              [Et c’est à cet argument que je pensais : en-dehors des rapports de force, au nom de quoi la classe moyenne devrait-elle se sacrifier pour la classe populaire si la bourgeoise ne se sacrifie pas elle-même ?]

              Au nom de rien, bien sûr. Il n’y a que le rapport de forces. Tant que la bourgeoisie avait besoin du soutien des classes intermédiaires, elle était prête à consentir un certain nombre de concessions (de la même manière qu’elle a consenti des concessions importantes aux couches populaires lorsque le rapport de forces leur était favorable). Est-ce que la bourgeoisie aujourd’hui a toujours besoin d’une alliance avec les couches moyennes, au point de payer ce qu’il faut pour les garder de son côté ? C’est là la question…

  22. Bonjour,
    merci pour cet article de qualité qui met bien en relation les différents arguments sur le sujet.

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