Cela fait maintenant une semaine qu’on ne parle que de ça. Je fais bien évidement référence aux « prix planchers » dans l’agriculture, sujet qui a montré la plasticité – et c’est un euphémisme – de notre classe politique, toutes tendances confondues. Notre président en a fait une mesure de justice, oubliant que deux semaines plus tôt son ministre de l’agriculture avait sans aucune ambiguïté qualifié la mesure « d’absurde » et de « démagogique ». Comme le ministre n’a pas démissionné, on peut supposer que le ministre a changé d’avis – ou bien que quelqu’un s’en est chargé pour lui. Et ce n’est pas mieux dans l’opposition : Jordan Bardella, président du Rassemblement National, a ainsi condamné la mesure, oubliant que la candidate présidentielle de son propre parti l’avait soutenue lors de sa campagne. Posture, quand tu nous tiens…
Comme souvent dans nos débats publics, aujourd’hui limités par l’expression médiatique à une centaine de mots sur le réseau social que vous savez, on ne sait pas de quoi on parle. Un « prix plancher » peut-être la meilleure ou la pire des choses. Tout dépend de comment on le fixe. Pour le comprendre, il n’est pas inutile de revenir sur la théorie des marchés.
Qu’est ce qu’un marché, en définitive ? C’est un mécanisme de régulation fondé sur un signal, le prix. Ce signal permet aux acteurs, vendeurs ou acheteurs, de se positionner. Aux vendeurs, il permet de décider s’il est intéressant ou non de produire ou de déstocker le bien concerné en plus grande quantité, aux acheteurs de savoir s’il convient d’en acheter plus ou moins. À la base du raisonnement, se trouve l’idée qu’il existe un prix, dit « prix d’équilibre », qui maximise la quantité de biens échangés – et donc les besoins satisfaits. Le raisonnement est le suivant : si l’on se place dans un graphique où l’on représente la quantité sur l’axe vertical et le prix sur l’axe horizontal, on voit bien qu’on peut tracer une « courbe de l’offre » qui représente les quantités proposées sur le marché par les vendeurs en fonction du prix, et qui sera une courbe croissante. Et on peut de même tracer une « courbe de la demande », représentant ce que les acheteurs sont prêts à acheter en fonction du prix, et qui sera une courbe descendante. Les deux courbes se croisent à un point qui correspond à ce « prix d’équilibre ». On voit que si le prix était supérieur, il y aurait moins d’acheteurs, si le prix était inférieur, il y aurait moins de vendeurs, et dans les deux cas les quantités échangées seraient inférieures.
Maintenant, comment trouver ce fameux « prix d’équilibre » ? Dans un marché qui remplit les conditions pour être qualifié de « pur et parfait », la confrontation des vendeurs et des acheteurs conduit automatiquement au prix d’équilibre. Mais les conditions en question sont si contraignantes que peu de marchés peuvent être qualifiés de « purs et parfaits », même par approximation. En particulier, l’une de ces conditions est « l’atomicité » du marché. Autrement dit, le fait qu’aucun acheteur et aucun vendeur ne soit suffisamment gros pour pouvoir à lui seul peser sur les prix. Il est clair que, pour ce qui concerne l’agriculture, cette condition n’est pratiquement jamais remplie, compte tenu du faible nombre d’acheteurs. Pour le lait, pour ne prendre qu’un exemple, les paysans négocient souvent avec un acheteur unique. Dans ces conditions, peu de chances que le prix qui sort de la négociation, c’est-à-dire, celui révélé par le marché soit égal ou même proche du fameux « prix d’équilibre ».
Il n’est donc pas illégitime que dans un marché aussi « imparfait » l’État mette son grain de sel. En effet, dès lors que le marché est très imparfait, il est difficile de soutenir théoriquement qu’il s’agit d’un mécanisme de régulation efficace. Avec le « prix plancher », ce qui est proposé est que l’État intervienne en fixant un prix minimal au-dessous duquel aucune transaction n’est permise. On voit bien que ce « prix plancher » devient en fait le « prix du marché ». En effet, si les transactions se faisaient naturellement au-dessus du « prix plancher », celui-ci ne servirait à rien. Si on demande un « prix plancher », c’est que le prix révélé par le marché serait inférieur. Le « prix plancher » devient donc rapidement le prix effectif du bien sur le marché. La « smicardisation » de la société, dénoncée par notre premier ministre, montre bien que dans un marché tendu, le « prix plancher » tend à devenir le prix de référence.
Maintenant, il ne reste plus qu’à dire comment l’État doit fixer ce prix. Et c’est là que les difficultés commencent, parce que selon le critère qu’on cherche à optimiser, on se trouve avec des options et des effets très différents.
Le choix le plus simple serait de s’en tenir à la logique du marché, c’est-à-dire, de chercher à optimiser les volumes échangés en fixant le « prix plancher » aussi proche que possible de ce « prix d’équilibre » que le marché, parce qu’il est imparfait, n’arrive pas à révéler. Et pour trouver ce prix, voilà le mécanisme que je propose : l’État – par l’intermédiaire d’un établissement public, par exemple – serait à la fois vendeur et acheteur unique : l’État fixerait un prix, et à ce prix il achèterait tout ce qui lui est proposé par les producteurs, et à ce même prix vendrait à tout industriel ou distributeur qui voudrait acheter. Et le prix serait ajusté en fonction des stocks : si l’organisme de régulation voit ses stocks augmenter au-dessus d’un certain niveau, il réduirait le prix, s’il les voit diminuer en-dessous d’un certain niveau, il augmenterait le prix.
Ce mécanisme optimise bien les volumes… mais ne garantit nullement un prix rémunérateur, qui permette au paysan de vivre dignement. On peut donc imaginer une autre logique, où l’État fixerait les prix non en fonction de la maximisation de l’échange – et donc de la satisfaction des demandes des consommateurs – mais en fonction du revenu paysan. Même en laissant de côté la complexité des critères à prendre en compte pour calculer ce revenu – compte tenu de l’hétérogénéité du monde paysan, le risque d’effet d’aubaine est évident – fixer un prix qui s’éloigne du prix d’équilibre implique de réduire la quantité des biens échangés et donc produits. Autrement dit, le paysan risque de se trouver avec un « prix plancher » rémunérateur, mais avec beaucoup moins d’acheteurs prêts à acheter à ce prix-là. Pour reprendre l’exemple du lait, l’éleveur laitier se verra offrir un meilleur prix pour son lait, mais la laiterie en achètera moins parce qu’elle-même aura plus de mal à placer ses fromages ou ses yaourts.
Une bonne partie du débat sur les « prix planchers » fait semblant d’ignorer le lien entre le prix et la quantité échangée. On « fait comme si » le fait de fixer un prix plancher au-dessus du prix d’équilibre ne devait pas se traduire par une réduction des quantités échangées. Cela suppose que les acheteurs sont prêts à acheter la production quel que soit le prix. Or, c’est faux : fixer un prix au-dessus du prix d’équilibre, c’est encourager le producteur à produire plus, et l’acheteur à en acheter moins… avec à l’arrivée, un problème de surproduction. Pour le dire autrement, la fixation d’un « prix plancher » ne garantit nullement au producteur de trouver un acheteur à ce prix.
On revient donc à un fondamental de l’économie : le marché est un mécanisme qui régule les quantités produites de manière à assurer l’équilibre entre production et consommation au travers d’un signal, le prix. Dès lors que l’État fausse ce signal en s’écartant à la hausse du « prix d’équilibre », la régulation devient inopérante et il faut donc imposer une régulation administrative des quantités produites, autrement dit, des quotas. L’alternative, c’est la destruction des surplus, qui reste la politique la plus irrationnelle qui soit.
Descartes
Bonjour Descartes,
Une autre difficulté : concrètement, c’est quoi ce prix d’équilibre sachant qu’il y a autant de coûts de revient que d’exploitations laitières ?
Bref, c’est difficile de définir ce qu’est un « prix juste » quand nous avons à faire à un marché où les coûts de production ne sont pas un minimum standardisés (comme ça peut être le cas pour l’électricité).
Le fond du problème de toutes ces mesures (Egalim, et maintenant prix plancher), c’est que ce sont des usines à gaz qui ne seront jamais rien d’autre que des pansements sur des jambes en bois. Tant que nos agriculteurs en particulier les producteurs laitiers feront face à une concurrence qui produira toujours en dessous de leurs coûts de productions, ils boiront la tasse. Alors si le gouvernement souhaite qu’ils s’en sortent, qu’ils remettent en place des barrières douanières, ou a minima qu’ils fassent sauter nombre règlementations pour que les éleveurs puissent s’aligner un minimum sur les coûts de production de la concurrence étrangère.
@ François
[Une autre difficulté : concrètement, c’est quoi ce prix d’équilibre sachant qu’il y a autant de coûts de revient que d’exploitations laitières ?]
Le prix d’équilibre n’a aucun rapport avec le coût de revient du bien échangé. Tout au plus vous pouvez déduire que le prix d’équilibre est supérieur au coût marginal du lait de l’exploitation ayant les coût marginaux les plus importants (sans quoi celui-ci n’aurait aucun intérêt à produire).
[Bref, c’est difficile de définir ce qu’est un « prix juste » quand nous avons à faire à un marché où les coûts de production ne sont pas un minimum standardisés (comme ça peut être le cas pour l’électricité).]
Je ne crois pas avoir parlé de « prix juste ». Le « prix d’équilibre » ne contient aucune idée de « justice ». C’est tout simplement le prix pour lequel les volumes échangés sont optimaux. Parler de « prix juste » implique de définir des critères de « justice », et comme vous le dites si bien, c’est très compliqué à faire…
[Le fond du problème de toutes ces mesures (Egalim, et maintenant prix plancher), c’est que ce sont des usines à gaz qui ne seront jamais rien d’autre que des pansements sur des jambes en bois. Tant que nos agriculteurs en particulier les producteurs laitiers feront face à une concurrence qui produira toujours en dessous de leurs coûts de productions, ils boiront la tasse.]
Mais en quoi le raisonnement est différent pour l’industrie ? La question est la même pour toutes les activités productives…
@Descartes
[Mais en quoi le raisonnement est différent pour l’industrie ? La question est la même pour toutes les activités productives…]
Ah mais ce que je dis s’applique parfaitement à l’industrie aussi !
vous pouvez aussi rappeler que c est un peu ce qu avait fait la CEE. On avait pour les paysans des prix garantis et du coup des lacs de lait et des montagnes de beurre dont on ne savait que faire (et qu on ecoulait a prix cassé dans le tiers monde en torpillant leur agriculture). ans compter la tentation de frauder (je sais plus comment mais il y avait des magouilles pour toucher l argent de la CEE vu qu eles prix mondiaux etaient nettement inferieur aux prix de la CEE)
On pourrait evidement limiter les prix plancher a un certain volume, mais outre la complexite du controle, le principe est contraire a ce que veut la FNSEA.
apres il reste la solution de feu l URSS. chaque paysans recoit au debut de l annee un objectif de production de lait et le prix de vente. Pas de question a se poser mais l histoire a montré que le systeme avoit plutot tendence a generer des penuries, meme si la sanction du quota non rempli etait un voyage gratuit en Siberie
@ cdg
[vous pouvez aussi rappeler que c est un peu ce qu avait fait la CEE.]
Vous me rappelez ce qu’on disait d’un célèbre voleur, qu’il faisait « un peu » ce qu’avait fait Robin Hood : il prenait l’argent aux riches, mais il ne le donnait pas aux pauvres… 😉
Non, ce n’est pas « ce qu’avait fait la CEE ». La CEE achetait à prix fixe, point. Elle ne faisait aucun effort pour que ce prix corresponde au prix d’équilibre. Pour que le système fonctionne comme je le propose, il aurait fallu baisser le prix dès lors que les stocks gonflaient.
[après il reste la solution de feu l’URSS. Chaque paysans récit au début de l’année un objectif de production de lait et le prix de vente. Pas de question à se poser mais l’histoire a montré que le système avait plutôt tendance a générer des pénuries, même si la sanction du quota non rempli était un voyage gratuit en Sibérie]
Non. L’objectif était fixé collectivement pour chaque Kolkhoze et pour chaque Sovkhoze. Et la conséquence était prévisiblement de ne créer aucun inventif individuel. Si l’objectif était fixé individuellement, et que la pénalité lorsqu’il n’est pas rempli était raisonnable, il n’y a pas de raison pour que le système génère une pénurie…
J’ai observé que beaucoup d’agriculteurs (surtout de la FNSEA) n’ont pas été très enthousiastes lorsque E. Macron a parlé de “prix plancher”. Il est d’ailleurs assez savoureux d’entendre un libéral comme Macron parler de prix plancher dans un marché ouvert aux importations (on l’imagine plutôt adepte de “la main invisible du marché”).
Mais d’un autre côté, que veulent vraiment les agriculteurs ? Un capitalisme à géométrie variable, avec une concurrence libre et non faussée pour les autres mais pas pour eux ?
Comme pour les gilets jaunes, les revendications paysannes partent dans tous les sens, et au final on a du mal à y voir clair…
@ Manchego
[Mais d’un autre côté, que veulent vraiment les agriculteurs ? Un capitalisme à géométrie variable, avec une concurrence libre et non faussée pour les autres mais pas pour eux ?]
Les agriculteurs veulent – comme tout le monde, d’ailleurs – gagner le plus possible tout en travaillant le moins possible. C’est une constante du comportement humain. Mais à cela s’ajoute un élément plus idéologique, qui est la rémanence d’une image, d’une conscience de soi venue du passé. Si les réalités économiques peuvent changer vite, les réalités sociologiques ont une inertie beaucoup plus grande.
L’agriculture suit le même chemin que la manufacture : le passage du stade artisanal au stade industriel. C’est la dure loi de l’économie : le mode de production le plus efficient s’impose. Mais les représentations suivent avec un certain décalage, et beaucoup de paysans – sans parler de l’ensemble des français qui les regardent – restent attachés à l’image du paysan « à l’ancienne », à cette représentation du village idyllique, du paysan artisan maître chez lui et autosuffisant. Le paradoxe vient du fait que beaucoup de paysans voudraient maintenir – et les non-paysans les encouragent – une forme sociale qui n’a plus de base économique. D’autres pays – souvent sans véritable tradition paysanne – ont assumé pleinement l’industrialisation de leur agriculture. Pas nous. Et du coup, on voit ce qui ressemble drôlement aux révoltes des canuts au XIXème siècle…
Le grand débat en fait est de savoir si l’on veut maintenir une paysannerie artisanale – ce qui suppose de la subventionner lourdement, autrement dit, de prélever sur la richesse nationale produite par ailleurs pour nous offrir le privilège d’avoir des paysans en nombre dans les campagnes, ou de refuser un tel transfert. Pour le dire autrement : sommes-nous prêts à payer notre nourriture deux fois plus cher pour avoir la satisfaction de maintenir le paysan artisanal sur sa terre (ce qui suppose, bien entendu, de consommer moins ailleurs) ? L’histoire économique montre que cette voie n’est que très rarement empruntée…
@ Descartes
***L’agriculture suit le même chemin que la manufacture : le passage du stade artisanal au stade industriel.***
A l’évidence vous avez raison, mais c’est douloureux pour bon nombre de paysans.
Pour eux le vieux monde se meurt, le nouveau tarde à apparaître, et c’est dans ce clair-obscur que surgissent les monstres.
***Pour le dire autrement : sommes-nous prêts à payer notre nourriture deux fois plus cher pour avoir la satisfaction de maintenir le paysan artisanal sur sa terre (ce qui suppose, bien entendu, de consommer moins ailleurs) ?***
A l’évidence nous n’y sommes pas prêts, même si dans le budget des ménages la part de la nourriture a fortement baissée depuis 50 ans (Aujourd’hui on peut acheter un poulet avec une heure de SMIC, dans les années 50 il fallait plusieurs heures de travail pour qu’un ouvrier puisse acheter un poulet). Et puis il y a des besoins nouveaux à satisfaire (Internet, téléphonie, habillement, déplacements….) et se loger coûte bien plus cher.
@ Manchego
[A l’évidence vous avez raison, mais c’est douloureux pour bon nombre de paysans. Pour eux le vieux monde se meurt, le nouveau tarde à apparaître, et c’est dans ce clair-obscur que surgissent les monstres.]
La formule de Gramsci ne me paraît pas adaptée. Le nouveau ne « tarde » nullement à naître, il est là. L’industrialisation de l’agriculture est un phénomène mondial… ce n’est pas parce qu’on se refuse à l’accepter que les choses « tardent à apparaître »…
[A l’évidence nous n’y sommes pas prêts, (…)]
Exactement. On peut aller contre les marchés, mais c’est là un choix politique. On ne peut le faire contre le peuple.
En retard d’un jour, mais joyeux cinquantième anniversaire au plan Messmer !
Qu’il est loin le temps où l’on pouvait lancer l’un des plus grands chantiers de l’Histoire de l’Humanité d’un claquement de doigts…
@ François
[Qu’il est loin le temps où l’on pouvait lancer l’un des plus grands chantiers de l’Histoire de l’Humanité d’un claquement de doigts…]
Un “claquement de doigts”, c’est vite dit… On n’aurait pas pu lancer le “plan Messmer” si, depuis 1945, des ingénieurs et des scientifiques n’avaient pas travaillé “à bas bruit” sous le regard attentif – et la protection paternelle – des politiques. La décision de 1974 est en fait l’aboutissement d’une longue réflexion, et d’une non moins longue préparation…
@Descartes
[(…) La décision de 1974 est en fait l’aboutissement d’une longue réflexion, et d’une non moins longue préparation…]
En pinaillant, on peut dire que l’expérience avec les REP (qui n’ont pas grand chose à voir avec les UNGG) en 1974 en France était limitée au seul petit réacteur (troglodytique) de Chooz-A, et que c’est seulement en 1969 qu’il fut acté que les prochains réacteurs seraient à eau légère (et n’oublions pas qu’il fut envisagé de construire des REB aussi, idée abandonnée grâce aux efforts salutaires de Michel Hug).
Alors oui, EDF ne partait pas de rien (construction d’UNGG, et de centrales thermiques conventionnelles), mais quasiment toute l’organisation, voire l’ingénierie, nucléaires était à construire. Là où avant 1974, l’expérience nucléaire d’EDF était « artisanale » (chaque UNGG différant d’un site à l’autre), c’est seulement avec le plan Messmer qu’elle s’industrialise.
https://revue-progressistes.org/2020/02/10/a-propos-dune-mort-passee-presque-inapercue-in-memoriam-michel-hug/
Enfin bref, tout ça pour dire que je crains que même avec le niveau de compétence et de moyens financiers de l’époque, il est impossible pour EDF de construire des réacteurs en cinq ans (même si, presque tout le monde l’a oublié, la construction des N4 ne fut pas faramineuse) compte tenu de l’alourdissement administratif en cinquante ans, surtout quand on voit ce genre d’absurdités :
https://france3-regions.francetvinfo.fr/occitanie/haute-garonne/toulouse/la-perte-de-lignes-d-assemblage-airbus-a-toulouse-le-cauchemar-de-l-aeronautique-confronte-aux-limites-de-la-loi-zero-artificialisation-2935764.html
@ François
[En pinaillant, on peut dire que l’expérience avec les REP (qui n’ont pas grand-chose à voir avec les UNGG) en 1974 en France était limitée au seul petit réacteur (troglodytique) de Chooz-A, et que c’est seulement en 1969 qu’il fut acté que les prochains réacteurs seraient à eau légère (et n’oublions pas qu’il fut envisagé de construire des REB aussi, idée abandonnée grâce aux efforts salutaires de Michel Hug). Alors oui, EDF ne partait pas de rien (construction d’UNGG, et de centrales thermiques conventionnelles), mais quasiment toute l’organisation, voire l’ingénierie, nucléaires était à construire.]
C’est un peu exagéré. L’expérience d’EDF et du CEA en matière de réacteurs REP était certes limitée, mais la filière de réacteur n’est qu’un élément de l’équation. EDF et le CEA avaient une expérience dans la conception, la construction et l’exploitation d’installations nucléaires. Les compétences en matière d’ordonnancement d’un chantier, de dialogue avec les industriels, des contraintes particulières du nucléaire étaient bien dominées, même si l’UNGG était techniquement très différent du REP. Car il y avait certes l’UNGG, mais il y avait aussi la dizaine de réacteurs d’essais construits par le CEA…
[https://revue-progressistes.org/2020/02/10/a-propos-dune-mort-passee-presque-inapercue-in-memoriam-michel-hug/]
Excellent article, qui met en avant l’image de quelqu’un qui, bien plus que certains chanteurs, aurait mérité un hommage national – tout comme Marcel Boiteux, qui fut son complice. Je trouve particulièrement éclairant la remarque faite sur l’exception faite au Code des Marchés Publics : alors qu’ils avaient des opportunités sans fin de se remplir les poches, tous ces hauts fonctionnaires sont partis aussi riches ou aussi pauvres qu’ils étaient arrivés. Mais l’article montre bien que Hug n’est pas arrivé en terrain vierge… il a trouvé des structures déjà puissantes mises en place pour la construction de l’UNGG – et avant eux, pour le parc thermique et hydraulique.
[Enfin bref, tout ça pour dire que je crains que même avec le niveau de compétence et de moyens financiers de l’époque, il est impossible pour EDF de construire des réacteurs en cinq ans (même si, presque tout le monde l’a oublié, la construction des N4 ne fut pas faramineuse) compte tenu de l’alourdissement administratif en cinquante ans, surtout quand on voit ce genre d’absurdités : (…)]
Je partage votre diagnostic. Le problème n’est pas seulement l’alourdissement administratif, mais la transformation d’une administration qui était conçue comme un instrument pour faire à une administration conçue comme un moyen d’empêcher. Pour les fondateurs de l’ENA, le projet était de former des hauts fonctionnaires facilitateurs des projets. La mentalité a radicalement changé, et nous avons aujourd’hui un Etat qui a le moteur d’une deux chevaux et les freins d’une Rolls-Royce. Et ce n’est pas, contrairement à ce qu’expliquent les inventeurs de la théorie de « l’Etat profond », la faute des fonctionnaires. Ce sont les politiques qui – comme dans le cas que vous citez – multiplient à l’infini les contrôles et les obstacles. Et la raison est simple à comprendre : construire, c’est prendre des risques. Si cela se passe mal, on vous le reprochera. Empêcher, c’est beaucoup moins dangereux. Si cela pose problème plus tard, la responsabilité sera bien plus diluée.
En matière de fixation de prix rémunérateurs pour la paysannerie, le cas de la Suisse est intéressant.
Les prix planchers sont fixés nationalement via un système d’adjudication centralisé, les importations sont strictement encadrées (il est par exemple interdit, si vous allez en Suisse, de passer la frontière avec plus de 1kg de viande, sauf à payer des droits de douane élevés).
La contrepartie évidente est que le niveau des prix des produits réglementés est beaucoup plus élevé qu’en Europe. Le coût de la vie est très élevé.
La Suisse réussi donc à maintenir une petite paysannerie au dépens des consommateurs. Mais c’est accepté en Suisse.
@ marc.malesherbes
[En matière de fixation de prix rémunérateurs pour la paysannerie, le cas de la Suisse est intéressant.
Les prix planchers sont fixés nationalement via un système d’adjudication centralisé,]
Pouvez-vous élaborer ? C’est un système qui cherche à dégager un « prix d’équilibre », ou plutôt à sauvegarder le pouvoir d’achat des paysans ?
[les importations sont strictement encadrées (il est par exemple interdit, si vous allez en Suisse, de passer la frontière avec plus de 1kg de viande, sauf à payer des droits de douane élevés).]
Que voulez-vous, certains se soumettent à la dictature bruxelloise, d’autres pas…
[La contrepartie évidente est que le niveau des prix des produits réglementés est beaucoup plus élevé qu’en Europe. Le coût de la vie est très élevé. La Suisse réussi donc à maintenir une petite paysannerie au dépens des consommateurs. Mais c’est accepté en Suisse.]
C’est là l’essentiel : je ne suis pas un ayatollah du marché, loin de là. Mais s’écarter du prix d’équilibre du marché a un coût, et ce coût doit être supporté par quelqu’un. C’est donc un choix éminemment politique, puisqu’il s’agit de prendre dans la poche de quelqu’un pour mettre dans la poche de quelqu’un d’autre.