Mais où est parti l’argent ?

Décidément, cet été aura été économique… désolé pour les lecteurs qui n’apprécient pas le sujet, mais la lecture attentive des journaux – plaisir qu’on ne peut s’offrir qu’en été – et l’actualité posent tellement d’interrogation que j’ai envie de réagir à chaud.

 

Le dernier chapitre du roman est la glissade des marchés d’actions. Le CAC40 a clôturé à la baisse pour la neuvième séance consécutive. Et pas n’importe quelle baisse: – 3,5%. Ce fut le cas de toutes les bourses européennes: toutes ont perdu plus de 3%. Aux Etats-Unis, ce n’est pas mieux: le Dow Jones a fermé hier soir à -4,31%, le Nasdaq perdant plus de 5%. Les bourses asiatiques ont suivi, le Nikkei perd ce matin 3,7%, et on ne voit pas de signe de reprise: à l’heure ou j’écris, le CAC40 perd encore 1,5%.

 

Qu’est ce que cela veut dire ? La bourse est un marché, où le prix est fixé par le jeu de l’offre et de la demande. Si les prix baissent, c’est qu’il y a plus d’offre à la vente par rapport aux demandes d’achat. Pourquoi les investisseurs se mettent à vendre ? La réponse classique – et la plus rationnelle aujourd’hui – est que les investisseurs n’ont pas confiance dans les performances futures de l’économie. Ils voient l’ensemble des économies occidentales s’engager dans la voie de l’austérité, et qui dit austérité dit moins de dépenses (publiques et privées). Or moins de dépenses, c’est moins de commandes pour les entreprises, donc moins d’activité, donc moins de profits, donc moins de dividendes. Et pourquoi les investisseurs refusent d’acheter ? Et bien… pour la même raison.

 

Mais il y a une question encore plus intéressante: si les opérateurs sont en train de vendre, vendre, vendre leurs actions, cela veut dire qu’ils sont aussi en train d’accumuler des masses énormes d’argent liquide. Cet argent, il serait idiot de le laisser dormir. Les opérateurs chercheront donc à le placer dans un investissement aussi rentable que possible. Mais ou trouver cet investissement ?

 

Le marché obligataire ?  Pas vraiment: si les investisseurs se précipitaient avec des valises de billets acheter des obligations le taux de celles-ci aurait tendance à baisser. Alors qu’on observe exactement le contraire: les taux d’intérêt demandés sur les obligations montent, et pas seulement pour les obligations souveraines les plus exposées. Non, si la méfiance règne sur les marchés d’actions, on ne peut pas dire que les marchés obligataires attirent les investisseurs en ce moment.

 

Restent les investissements “réels” (l’or, la pierre) et les aventures exotiques (la Chine, l’Inde). Le risque, c’est que les sommes qui cherchent à se placer constituent une masse énorme de liquidités qui se cherchent un point de chute. Et ce genre de situation est parfait pour fabriquer des “bulles”. Quelques investisseurs paniqués peuvent par exemple décider que la pierre est l’investissement le plus sûr. Leurs achats faisant monter les prix, d’autres investisseurs se diront qu’il y a des affaires à faire, achèteront à leur tour, ce qui fera monter les prix… et ainsi de suite. C’est ainsi que la “bulle” se gonfle jusqu’à ce qu’un petit malin se dise qu’il a fait assez de profit comme ça et commence à vendre massivement… ce qui fait baisser le prix, ce qui a son tour provoque d’autres ventes… et la bulle se explose entraînant avec elle tous ceux qui ont tardé à comprendre ce qui se passe.

 

En tout cas, on a des temps agités devant nous. Mais l’effondrement de la bourse devrait nous ramener à une vision plus équilibrée des problèmes que le gouvernement issu de l’élection de 2012 aura à résoudre. On se focalise trop sur la dette (et la dépense), et fort peu sur les moyens de la payer, c’est à dire, la production. Il n’y a qu’à voir les discours de nos leaders européens: on a parlé de “discipline fiscale”, de “fonds de stabilisation”… mais qui a parlé de croissance ? Qui a proposé un programme économique pour accroître l’activité économique – et notamment l’industrie et les services industriels, qui en sont le coeur ? Personne. Au niveau politique, il n’y a plus d’économiste il n’y a que des comptables. Or, il ne faut pas se faire d’illusion: lorsque l’économie croît, la dette n’est jamais un problème, parce que les ressources nouvelles couvrent les intérêts. Elle le devient quand l’économie se contracte, quand les usines et les services ferment. Parce que les grandes campagnes contre la fraude fiscale ne sont utiles que s’il y a une véritable production à taxer.

 

Or, l’effondrement de la bourse montre une véritable méfiance non pas dans la capacité des Etats à rembourser leurs dettes, mais sur la performance de l’économie des pays développés dans son ensemble. Quand on voit une valeur comme EDF ou Total – dont les bénéfices dépendent essentiellement de l’activité économique – perdre 15% t 10% respectivement en une semaine, on ne peut qu’arriver à cette conclusion. Pour le dire plus clairement, les investisseurs ne font pas confiance aux politiques actuellement mises en oeuvre pour nous éviter une récession, et on peut difficilement les blâmer. La question fondamentale est: qui propose une alternative ?

 

Pas les fédérastes, toujours bloqués par le dogme de la divine puissance du marché. D’eux on ne peut attendre que la répétition d’un discours qu’on connaît par coeur, celui de la réduction de l’Etat à une sorte d’arbitre sans sifflet et de la dégradation des protections sociales au nom de la “compétitivité”. Pas non plus les “alter”, qui eux sont partis sur des idées de “décroissance” et des utopies iréniques à la Thomas Moore. Il y a bien un “pôle républicain” qui martèle l’importance d’une politique de développement industriel et productif – ce qui implique de casser le cadre du marché unique – mais ce pôle est politiquement faible et son audience est limitée, notamment parce qu’il est concurrencé dans l’électorat populaire par un FN qui a fait siennes – du moins au niveau du discours – les thèmes du développement économique chers aux “gaullo-communistes”. Quant à la “gauche radicale”, elle est enfermée dans les revendications sociétales et ne s’intéresse guère aux questions économiques du point de vue de la production de richesses (1). Alors, qui ?

 

 

Descartes

 

(1) La lecture de ce que le PCF présente comme “programme partagé” du Front de Gauche – texte que le PG et la GU ignorent olympiquement sur leurs sites respectifs – est de ce point de vue révélatrice. Non seulement c’est un catalogue de bonnes intentions sans rien de concret, mais surtout ce catalogue est de toute évidence contradictoire avec les principes mêmes du “marché unique” contenus dans les traités européens. Et on voit mal obtenir l’accord des 27 états membres pour modifier les traités dans ce sens. L’alternative serait bien entendu de quitter l’UE, mais le Front de Gauche rejette cette option… Et bien entendu, le texte ne comporte pas un seul chiffre.

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14 réponses à Mais où est parti l’argent ?

  1. marc malesherbes dit :

    grâce au lien que vous avez fait, j’ai lu (pour la première fois) le programme du PCF.
    Franchement, il m’a agréablement surpris. Il mérite à mon avis un commentaire plus approfondi que je vous invite à faire prochainement.

    nb1: sur l’Europe, la position est plus nuancée que vous ne le dites, et mériterai à elle seule une bonne analyse.

    nb2: bien sûr, ce n’est qu’un programme (une promesse pour avoir des voix aux élections). Il sera donc intéressant de voir ce qu’en fait leur candidat (JL Mélenchon). Enfin, compte tenu du
    ralliement quasi certain au deuxième tour en faveur du candidat socialiste, il serait peut-être encore plus intéressant de suivre le programme et les propositions socialistes, et de chercher à
    conjecturer ce qu’ils feront si ils gagnent le deuxième tour.

    • Descartes dit :

      grâce au lien que vous avez fait, j’ai lu (pour la première fois) le programme du PCF. Franchement, il m’a agréablement surpris.

      Alors vous êtes vraiment bon public…

      Il mérite à mon avis un commentaire plus approfondi que je vous invite à faire prochainement.

      J’ai essayé, j’y ai renoncé. Parce qu’il m’est très difficile de commenter un texte vide, rempli de formules qui sonnent bien mais qui, lorsqu’on
      regarde en détail, ne veulent rien dire. Prenons l’exemple suivant:

      “Nous réaffirmons l’exigence de la maitrise publique, sociale et démocratique du secteur de l’énergie, seule garante de la transparence, de
      l’indépendance de l’expertise, et de la qualité des installations et des exploitations”

      Commençons par le premier membre de phrase. La “maîtrise publique”, on sait ce que cela veut dire. Mais qu’est ce que c’est exactement la
      “maîtrise sociale” d’un secteur ? C’est quoi la “maîtrise démocratique” ? Mystère et boule de gomme. On n’a nulle part une définition de ces conceptes et une analyse de ce qu’ils recouvrent. Et
      venons maintenant au second membre de la phrase: c’est quoi “l’indépendance de l’expertise des installations” ?

      Moi, je ne sais pas commenter la formule “Pour tout ce qui est bon, contre tous ce qui est mauvais”. Au risque de me répéter, un programme qui ne
      contient aucun chiffrage, qui se contente de donner des buts sans jamais parler en détail des moyens pour les atteindre ne vaut rien. C’est une perte de temps que d’essayer de le commenter.
      Prenons un dernier pour la route, toujours dans le paragraphe sur l’énergie:

      Nous abrogerons les lois de libéralisation de l’énergie. Nous lancerons un réseau de géothermie profonde.

       Ces deux phrases sont le symbole de tout ce qui ne va pas dans ce programme. On se
      demande ce que la géothermie profonde vient fair avec les lois de libéralisation de l’énergie. Quelle est la connection entre les deux ? Aucune, bien entendu. C’est comme si le rédacteur avait
      écrit les choses à mesure qu’elles lui venaient à l’esprit, sans le moindre effort d’organisation des idées. Et le pire, est que les deux propositions ainsi accolées sont vides de sens. Pour la
      première, les rédacteurs n’ont pas l’air de réaliser que l’abrogation d’une loi ne rétablit pas le statu quo ante. Abroger par exemple la loi qui a permis l’ouverture du capital d’EDF aurait pour
      effet non pas de rétablir l’ancien statut de l’opérateur, mais de le laisser sans statut. Un programme ne peut se contenter “d’abroger”, il faut dire ce qu’on met à la place. Et pour ce qui
      concerne la seconde proposition, c’est quoi “lancer un réseau” ? En quoi le réseau consiste-t-il ? Mystère…

      nb1: sur l’Europe, la position est plus nuancée que vous ne le dites,

      Je crois que vous confondez “nuancée” et “nébuleuse”. Si l’on se tient à la vision Bismarckienne (“la politique est l’art du possible”), alors il
      n’y a dans ce projet aucune “politique”. Bien sur, on peut toujours affirmer qu’on “agira pour changer les traités européens pour mettre fin à l’indépendence de la BCE”. Etant donné
      qu’il faut convaincre 27 états pour changer les traités, qu’il faut l’unanimité et que l’Allemagne – pour ne mentionner qu’elle – est farouchement attachée à l’indépendence de la banque centrale,
      on peut prévoir facilement les résultats d’une telle “action”.

      En fait, si l’on s’arrête sur le paragraphe concernant l’Europe, on est tout de suite frappé par l’abondance de “nous voulons”, “on agira pour”
      et de “il faut que”, sans la moindre indication des moyens qu’on se donne pour aboutir à ce résultat. Le seul moyen – ridicule – qui est proposé est celui de “ne pas appliquer les directives
      contraires à nos engagements”. C’est vraiment une idée de potache, une extension au niveau international de la politique puérile des “désobéisseurs”. Quant à imaginer que “notre désobéissance
      fera tâche d’huile”… peut-être. Mais les résultats ne seront pas forcément ce que les rédacteurs du programme attendent. Par exemple, un certain nombre de gouvernements de droite verront une
      possibilité de ne pas appliquer les rares directives sociales ou de respect des droits des minorités. Après tout, le gouvernement de Hongrie a été élu sur une plateforme anti-Rom…

      nb2: bien sûr, ce n’est qu’un programme (une promesse pour avoir des voix aux élections)

      De toute évidence, nous n’avons pas la même idée de ce qui constitue un programme…

      .

  2. marc.malesherbes dit :

    les économistes nous enfument souvent avec des théories compliquées, alors que les éléments de base sont facilement compréhensibles.

    Un pays, comme un ménage, ne peut durablement vivre au-dessus de ses moyens. Autrement dit il ne peut avoir durablement une balance commerciale (au sens large) déficitaire.
    Mais cette balance commerciale (au sens large) ne comprend pas que les produits industriels. Il y a les produits de base (agriculture, mines ..et leurs transformés), les services (ex: les brevets,
    les assurances …), les mouvements liés au tourisme, au rapatriement des fonds par les travailleurs étrangers etc …, et les revenus des capitaux (les entreprises et placements financiers
    divers).

    Certes il faut essayer de maintenir notre base industrielle, mais il ne faut pas pour autant négliger les autres paramètres. En particulier la balance des services, du tourisme (y compris voyage
    d’affaires).

    Pourquoi insister sur les services, le tourisme ? car même en menant une politique très “républicaine” (sortie de l’euro, dévaluation, taxes sur les produits bénéficiant de concurrence déloyale
    fiscale, environnementale … et … austérité pour tous), il sera toujours difficile de contrer les pays à bas coûts salariaux (je n’envisage pas une austérité qui nous ramènerait au niveau du
    peuple Chinois, quoique, quand on voit le développement de la grande pauvreté en France, le chemin nous y conduira peut-être).

    Par contre dans le domaine des service nous avons sans doute des atouts. Pourquoi ne pas développer notre compétitivité culturelle ? Londres et Berlin organisent des “événements” qui engendrent de
    multiples recettes. Il y a de multiples autres possibilités comme le montre les USA (ex: Microsoft, Google, les cabinets d’avocat …)

    En résumé: oui pour maintenir et développer autant que faire se peut notre base industrielle, mais l’essentiel va se jouer ailleurs. Ce qui d’ailleurs va permettre de mener une politique permettant
    l’alliance des productifs “industriels” et ceux des “services”, et donc de “la classe ouvrière” et des “couches moyennes”

    • Descartes dit :

      Un pays, comme un ménage, ne peut durablement vivre au-dessus de ses moyens. Autrement dit il ne peut avoir durablement une balance commerciale (au sens large) déficitaire.

      Je crois que tu fais une confusion entre la balance commerciale (qui prend en compte les flux de biens et services) avec la balance des paiements (qui elle comptabilise les flux d’argent). Si la
      balance des paiements est positive, cela ne pose aucun problème de vivre avec un déficit de la balance commerciale.

      Pourquoi insister sur les services, le tourisme ? car même en menant une politique très “républicaine” (sortie de l’euro, dévaluation, taxes sur les produits bénéficiant de concurrence
      déloyale fiscale, environnementale … et … austérité pour tous), il sera toujours difficile de contrer les pays à bas coûts salariaux

      Et qu’est ce qui te fait penser que les “bas coûts salariaux” posent plus de problèmes à l’industrie qu’aux “services” ? Prend par exemple les centres d’appel, délocalisés au Maghreb ou en
      Inde…

      L’idée de “l’économie des services” non délocalisables présente un petit défaut: il faut que quelqu’un soit là pour acheter ces services. Si les travailleurs français sont employés à se rendre
      des services non délocalisables les un aux autres, d’où vont sortir l’acier, les locomotives et les machines à laver dont nous avons besoin ? On les paye avec quoi, puisque les français ne savent
      que rendre des services non délocalisables (et donc par définition inexportables) ?

      Pour pouvoir avoir des machines à laver et des locomotives, il faut ou bien les produire chez nous (et donc une industrie), ou bien les importer, auquel cas il nous faut produire quelque chose
      d’exportable. Si on produit quelque chose d’exportable, alors on est nécessairement en concurrence avec les “bas salaires”. On ne s’en sort donc pas. La seule activité économique qui permet
      d’amener des devises sans être exportable est le tourisme. Seulement voilà: je ne crois pas qu’il soit possible au tourisme de financer l’ensemble de notre consommation de biens industriels…

      On n’échappera donc pas à une réflexion sur les moyens de préserver une politique industrielle dans un contexte mondial qui est ce qu’il est. Je pense qu’on a tort de craindre les “bas salaires”:
      il a été maintes fois démontré que la qualité des infrastructures, la formation et la discipline de travail de la ressource humaine ont une influence bien plus importante que les salaires dans
      une large gamme d’industries (et notamment les biens d’équipement et de haute technologie). L’économie allemande en est la preuve vivante, et la notre ne se débrouille pas trop mal, finalement.

      En résumé: oui pour maintenir et développer autant que faire se peut notre base industrielle, mais l’essentiel va se jouer ailleurs.

      Je suis en total désaccord: “l’essentiel” se joue toujours sur la production de biens et services, et non pas sur les activités annexes, qui en dernière instance vivent d’un prélèvement sur la
      production matérielle.

  3. Marcailloux dit :

    Bonjour et grand plaisir à vous lire après une semaine de diète !
    Seulement voilà, après une choucroute royale en plein été, vous nous servez, dès le lendemain, un véritable cassoulet de Castelnaudary.
    Comme vous en conviendriez probablement, chacun de ces mets necéssite un temps de digestion conséquent, surtout par 28 degrés à l’ombre.
    Concernant votre billet « Monnaie, crédit, dette. » en cours de péristaltisme (migration lente des aliments, du duodénum à la cuvette….), je n’ai rien à redire d’un exposé clair et didactique.
    Néanmoins, j’aimerais avoir des précisions sur l’effet de « réserve d’opportunité » que représente la monnaie sous toutes ses formes et qui alimente de manière de plus en plus dévastatrice, toutes
    les spéculations, sources de nombreux dérèglements économiques. C’est là un des effets pervers de la monnaie (en fait de sa volativité liée à la vitesse que permet l’informatique) qui n’était pas
    envisagé lors de l’édiction des grandes théories sur la monnaie, de Keynes à Walras.
    Car, enfin, la fonction première de la monnaie est d’être une unité de compte, sans valeur intrisèque et ensuite un intermédiaire pour les échanges socio-économiques. Elle a perdu maintenant une
    partie importante de cette raison d’être au bénéfice de l’outil de production de richesse souvent illégitime qu’elle est devenue.
    Peut être serait – il –temps de réviser les conditions de gestion des fonds confiés aux banques.

    • Descartes dit :

      Seulement voilà, après une choucroute royale en plein été, vous nous servez, dès le lendemain, un véritable cassoulet de Castelnaudary.

      Oui, je sais, je suis désolé… mais j’ai lu ces derniers temps tellement de bêtises sur la crise actuelle que j’ai eu vraiment envie d’essayer d’expliquer simplement – vaste programme ! – ces
      questions. En plus, étant donné qu’on a la possibilité d’observer la crise “en direct”, je trouve qu’il faut essayer de donner aux gens les moyens intellectuels d’analyser ce qu’ils voyent par
      eux mêmes.

      Néanmoins, j’aimerais avoir des précisions sur l’effet de « réserve d’opportunité » que représente la monnaie sous toutes ses formes et qui alimente de manière de plus en plus dévastatrice,
      toutes les spéculations, sources de nombreux dérèglements économiques

      Je ne vois pas très bien ce que vous appelez “réserve d’opportunité”. Peut-être faites-vous référence au fait que la monnaie joue le rôle de “réserve de valeur” (c’est l’un des rôles de la
      monnaie, avec celle d’intermédiation des échanges et celle d’unité de compte pour la statistique économique). Ce n’est nullement un “effet pervers”, mais une fonction tout à fait utile: si
      j’anticipe par exemple que je ne pourrai plus travailler dans mes vieux jours, il est plus rationnel de garder des moyens d’existence sous forme de monnaie que d’avoir à acheter les biens dont
      j’aurai besoin maintenant – en les rendant indisponibles à d’autres – et les conserver jusqu’au moment ou j’en aurai besoin…

      La fonction “première” de la monnaie (au sens chronologique) est bien d’intermédiaire dans les échanges. Mais la fonction de réserve de valeur est née tout juste après. Les “trésors” de la ligue
      de Delos, datant du Vème siècle avant JC et qu’on peut comtempler à Delphes ne sont pas autre chose: les villes greques y stockaient de la “monnaie” (en fait, de l’or) pour couvrir le coût
      éventuel d’une campagne militaire si le besoin se faisait sentir un jour. On n’a pas attendu l’informatique pour faire jouer à la monnaie ce rôle-là.

      Je crois que vous faites une grande confusion en supposant que la monnaie est “un outil de production de richesse souvent illégitime”. La monnaie ne produit absolument rien. Il n’y a que le
      capital et le travail qui produisent.

  4. Marcailloux dit :

    Bonsoir,
    vous indiquez:
    …Je ne vois pas très bien ce que vous appelez “réserve d’opportunité”….
    Le terme est employé par J.M.Keynes puis repris par Tobin 20 ans plus tard pour désigner des fonds conservés dans une pure intention spéculative et dans l’attente, voire la provocation
    d’opportunités futures.
    Dans mon emploi du terme :outil de production de richesses, les guillemets étaient nécéssaires car en effet, il n’y a pas de création de richesse -sticto sensus- mais plutôt détournement.
    Si la spéculation existe, en effet, depuis la création de la monnaie, un phénomène récent, l’informatisation des échanges- a complètement transformé son utilisation sans que les pouvoirs politiques
    de la planète ne réagissent à la hauteur des enjeux financiers et économiques que cela implique.
    Assistons nous au crépuscule du politique en matière économique?
    Quid du pouvoir régalien d’un état sans maitrise de son financement ?

    • Descartes dit :

      Le terme est employé par J.M.Keynes puis repris par Tobin 20 ans plus tard pour désigner des fonds conservés dans une pure intention spéculative et dans l’attente, voire la provocation
      d’opportunités futures.

      Oui, vous avez raison. Je croyais que vous faisiez référence aux fonctions de la monnaie. Mais je pense que vous faites erreur en pensant que la “réserve d’opportunité” est une nouveauté. Les
      commerçants phéniciens et grecs constituaient déjà des “trésors” qu’il conservaient pour pouvoir profiter d’opportunités commerciales. Je pense qu’il y a une certaine tendance à embellir un passé
      mythique où la monnaie servait à la production et non pas à la spéculation. Ce temp béni n’a jamais existé.

      Dire que l’informatisation des échanges a “complètement” transformé l’utilisation spéculative de la monnaie me parait très excessif. Oui, l’informatisation a permis d’accélérer les transactions.
      Mais ce fut le cas à son époque de la chaise de postes, du télégraphe, du téléphone et du télex. C’est en fait une longue évolution qui se déroule devant nous. 

      Assistons nous au crépuscule du politique en matière économique?

      Là encore, il faut se replonger dans l’histoire pour constater qu’en fait ce que nous prenons pour la règle (la primauté absolue du politique sur l’économique) est en fait l’exception. Nous
      sommes en fait aveuglés par le souvenir des “trente glorieuses”. Mais lisez les juristes du XIXème siècle, et vous verrez combien la répugnance à permettre à l’Etat d’intervenir dans l’économie
      était puissante. Ce n’est qu’avec la crise de 1929 puis la reconstruction en 1945 que la doctrine se résigne à voir l’Etat devenir un acteur économique dominant.

      Dans un système capitaliste, les acteurs économiques ont tendance à rejeter l’intervention de l’Etat en temps normal (souvenez-vous de la fable des grenouilles qui voulaient un roi…). Ce n’est
      que dans les moments de grande crise que l’Etat récupère sa légitimité d’interventant de dernier recours. Ce fut le cas au XXème siècle, siècle agité s’il en fut. Cela a changé lorsque la
      génération qui n’a pas le souvenir de ces crises a pris les commandes.

      Quid du pouvoir régalien d’un état sans maitrise de son financement ?

      C’est un pouvoir faible. Le rêve de la bourgeoisie et des classes moyennes…

       

       

  5. Marcailloux dit :

    Bonjour
    Suite de commentaire ( la matière est dense )
    Vous écrivez :
    “…… mais qui a parlé de croissance ? Qui a proposé un programme économique pour accroître l’activité économique – et notamment l’industrie et les services industriels, qui en sont le coeur
    ?….
    Sans un très large débat mondial sur la notion de croissance, et une refonte radicale de la notion de PIB, j’ai la conviction que les désordres auxquels nous assistons, ne feront qu’empirer, avec
    une pression sur les pays occidentaux , qui à son paroxisme pourrait à brève échéance aboutir à une conflagration planétaire, économique, démographique voire militaire ou terroriste.
    Je présume que vous aller dénoncer un comportement caractéristique de « la classe moyenne », mais que voulez vous, 80 ou 90% des Français bénéficient d’avantages – pas uniquement matériels
    d’ailleurs – de toutes sortes que nous envient les trois quarts du genre humain.
    Je ne prétends pas qu’il s’agit là de confort mal acquis, néanmoins l’aveuglement et l’égoïsme dont font preuve les nantis de la planète ( nous, les occidentaux ), ne peut déboucher à terme de
    quelques décénnies que sur une contestation violente de notre situation. On ne pourra pas maintenir un système qui ne répond pas suffisamment aux besoins fondamentaux des habitants de notre village
    planétaire.
    Sans souscrire aveuglément à la pensée de J. Ellul, je propose la lecture d’un extrait de son œuvre :
    « Je voudrais rappeler une thèse qui est bien ancienne, mais qui est toujours oubliée et qu’il faut rénover sans cesse, c’est que l’organisation industrielle, comme la « post-industrielle », comme
    la société technicienne ou informatisée, ne sont pas des systèmes destinés à produire ni des biens de consommation, ni du bien-être, ni une amélioration de la vie des gens, mais uniquement à
    produire du profit. Exclusivement » Jacques Ellul, Le Bluff technologique (1988)

    Nous ne mesurons actuellement que la « production de profit » et les décisions qui sont prises par les dirigeants le sont à partir de ces modes de calcul. C’est bien cela qu’il faut revisiter de
    fond en comble.

    Vous écrivez ensuite :
    ….Parce que les grandes campagnes contre la fraude fiscale ne sont utiles que s’il y a une véritable production à taxer…..
    Le lien entre les deux ne me semble pas aussi étroit que vous le présentez. On ne peut imaginer qu’il n’y ait aucune véritable production, donc la lutte contre la fraude constitue à minima un
    rempart contre l’anarchie.
    Primo, un patrimoine ne produit pas forcément une richesse taxable hors la jouissance de ce patrimoine.
    Secundo, je ne conçois pas qu’une campagne contre la fraude fiscale puisse en aucun cas être inutile, car dans ce cas, pourquoi ne pas renoncer à poursuivre les délinquants, les criminels, les
    dealers sous prétexte que les résultats obtenus par l’État ne permettent pas d’enregistrer de nette amélioration de la situation.
    Tertio, le principal vecteur de la fraude fiscale est la soustraction d’une partie de la production à l’assiette imposable à laquelle pourrait s’ajouter une multitude d’exonérations dont la
    légitimité reste à démontrer.
    Enfin, l’application sans faiblesse d’un code fiscal équitable est le ciment d’une société civilisé. Tout dérapage mesure le degré de corruption des esprits et des mœurs citoyennes dans une nation.

    • Descartes dit :

      Sans un très large débat mondial sur la notion de croissance, et une refonte radicale de la notion de PIB (…)

      D’abord, je pense comme Althusser que la notion de chien ne mord pas. Ce n’est pas la “notion de PIB” qui pose le plus grand problème, mais le désintérêt des élites dirigeantes pour l’économie,
      qu’ils confondent avec la comptabilité. Le débat budgétaire actuel en est la parfaite illustration: on impose à la Grèce un équilibre comptable dont le caractère récessif est totalement ignoré.

      Ensuite, j’ai tendance à me méfier des appels aux “larges débats mondiaux”. Mon intérêt, c’est ce qu’on peut faire hic et nunc.

      Je présume que vous aller dénoncer un comportement caractéristique de « la classe moyenne », mais que voulez vous, 80 ou 90% des Français bénéficient d’avantages – pas uniquement matériels
      d’ailleurs – de toutes sortes que nous envient les trois quarts du genre humain.

      Non. Le comportement “des classes moyennes” est celui d’une couche dont la part de jouissance de la richesse produite est sans commune mesure avec sa propre contribution. Le supplément est
      constitué non pas de plusvalue extraite directement (puisque la classe moyenne n’a pas assez de capital pour cela) mais de plusvalue que la bourgeoisie lui abandonne en échange d’un soutien
      politique (puisqu’en démocratie la bourgeoisie ne peut pas gouverner seulement en vertu de la force…). Le comportement des français qui ont un enviable (par les trois quarts du genre humain, du
      moins) niveau de vie grace à leur travail et leur productivité n’ont pas le même type de comportement…

      Je ne prétends pas qu’il s’agit là de confort mal acquis, néanmoins l’aveuglement et l’égoïsme dont font preuve les nantis de la planète ( nous, les occidentaux )

      Pitié, pas d’autoflagélation ! S’il y a quelque chose que je ne supporte pas, c’est la haine de soi. Nous ne sommes nullement des “nantis de la planète”. Nous tirons aujourd’hui les bénéfices
      d’une histoire qui nous a fait ce que nous sommes. Pour avoir le niveau de vie que nous avons aujourd’hui, nous avons collectivement accepté de travailler beaucoup, de quitter notre pays pour
      nous établir ailleurs, de remettre continument en cause nos certitudes et nos traditions. C’est ça, “l’occident”. Ceux qui n’ont pas fait cet effort, qui ont continué à vivre comme le faisaient
      leurs parents et leurs grands parents, qui n’ont jamais rien remis en cause… sont restés pauvres. “l’occident” s’est fait en partie de l’exploitation des autres, mais s’est surtout construit
      par le propre effort de ses populations. Faut arrêter de nous voir nous mêmes comme des parasites. Si nous avons une responsabilité, c’est de continuer l’histoire et de faire pour nos enfants ce
      que nos pères ont fait pour nous.

      (…) ne peut déboucher à terme de quelques décénnies que sur une contestation violente de notre situation.

      Mais “contester” quoi, bon sang! Si les argentins ou les congolais sont pauvres, ce n’est pas notre faute. Ce sont des pays pleins de richesses naturelles, ils n’ont qu’à les exploiter. S’ils
      s’entretuent entre eux plutôt que de construire des institutions fortes et stables et une économie développée, ce n’est tout de même pas notre faute à nous, “occidentaux”.

      La dénonciation de “l’impérialisme” est un rideau de fumée comode dans beaucoup de pays pour ne pas regarder les réalités en face. Si les africains travaillaient avec la même discipline et la
      même intensité que les allemands, s’ils économisaient autant, le Congo serait aussi riche que l’Allemagne. Il y a vingt siècles, l’Allemagne aussi était peuplée de tribus qui se faisaient la
      guerre. Et on peut difficilement associer la prospérité de l’Allemagne avec son empire colonial…

      On ne pourra pas maintenir un système qui ne répond pas suffisamment aux besoins fondamentaux des habitants de notre village planétaire.

      “On ne pourra pas…” ne constitue pas un argument.

      Sans souscrire aveuglément à la pensée de J. Ellul, je propose la lecture d’un extrait de son œuvre :(…)

      Franchement, je ne souscris à la pensée d’Ellul ni aveuglément, ni autrement. C’est un philosophe réactionnaire (un de plus, me direz vous) qui ne propose comme alternative qu’un retour à
      “l’ordre ancien” teinté de christianisme social. Beurk!

      Dans la citation que vous proposez, on voit d’ailleurs bien la superficialité de la réflexion. Dans ce texte Ellul a une vision téléologique de l’organisation sociale: ainsi la société
      industrielle pourrait être “destinée” à produire des biens de consommation ou du bien être (ce qu’il recuse) où au contraire “destinée” à produire du profit. Comme si la société était modelée par
      un Grand Architecte avec un but précis. Or, nous savons depuis bien longtemps que les organisations sociales ne sont “destinées” à rien: elles se construisent de par un rapport de forces entre
      groupes sociaux dont les intérêts et les désirs sont contradictoires.

      D’ailleurs, l’idée qu’une société puisse être construite pour “produire du profit” n’a pas de sens, sauf dans une perspective moralisante digne du XIXème siècle. Le profit est un moyen, pas un
      but. Les gens qui gagnent de l’argent pour le mettre dans un coffre et ne jamais y toucher sont des cas rares et pathologiques. Produire du “profit”, c’est produire du “bien-être” pour celui qui
      l’empoche.

      Nous ne mesurons actuellement que la « production de profit » et les décisions qui sont prises par les dirigeants le sont à partir de ces modes de calcul. C’est bien cela qu’il faut revisiter
      de fond en comble.

      Avant de le “mesurer”, il reste à prouver que votre affirmation est vraie. Encore une fois, l’affirmation ne constitue pas une preuve. Personnellement, je n’ai jamais cru à l’idée que nos
      dirigeants soient obsedés par la “production de profit”. Au contraire, je les trouve plutôt hédonistes.

      Le lien entre les deux ne me semble pas aussi étroit que vous le présentez. On ne peut imaginer qu’il n’y ait aucune véritable production, donc la lutte contre la fraude constitue à minima un
      rempart contre l’anarchie.

      Je faisais référence au cas grec: faire une politique de lutte contre la fraude fiscale alors que par ailleurs on fait des politiques économiques récessives me paraît assez inefficace en termes
      du problème économique à résoudre (même si je suis d’accord avec vous sur la question morale et symbolique).

       

  6. Marcailloux dit :

    – Vous ne reprenez dans votre réponse que le prémisse de l’avis que j’exprime. Est là une manoeuvre rhétorique destinée à démontrer son inanité ? Je suis bien près de le penser, mais après tout,
    c’est aussi cela le débat.
    L’idée exprimée était : après un large débat – ou alors on s’en passe et on mêt Khadafi ou Kim Jong-Il à la tête de l’OCDE – il s’agit de réformer en profondeur les critères de valorisation du PIB.
    Rappel :
    « Sans un très large débat mondial sur la notion de croissance, et une refonte radicale de la notion de PIB »
    Vous réfutez l’emploi du mot « notion », c’est à dire connaissance sur laquelle il faut bien plaquer des noms pour désigner ce qu’elle recouvre – nommer c’est faire exister – , vous avez vous même,
    il me semble énoncé cette affirmation dans un de vos précédents billets. Or, l’utilisation des mots n’est pas neutre et peut engendrer ou non des actes, des réactions, des conséquences bien réelles
    et concrètes.
    – Vous poursuivez :
    « Le comportement “des classes moyennes” est celui d’une couche dont la part de jouissance de la richesse produite est sans commune mesure avec sa propre contribution. »
    Permettez moi de considérer qu’il s’agit là d’une affirmation gratuite, produit d’origine incontrolée de votre part car non étayée par une analyse scientifique chiffrée et reconnue fiable. Je
    n’affirme pas que vous avez tort, mais vous êtes sans arguments objectifs pour en démontrer la réalité. Vos lecteurs – j’imagine – font avec cet aspect de vos positions qui ne manque pas d’orienter
    vos analyses au demeurant pertinentes. On peut, intuitivement, ressentir une part de vérité dans vos allégations, mais leur radicalité érode largement leur crédibilité.
    – Ensuite :
    « Pitié, pas d’autoflagélation ! S’il y a quelque chose que je ne supporte pas, c’est la haine de soi. »
    Ne confondez pas lucidité et autoflagélation. Je me refuse à endosser l’habit « petit bourgeois » de la bonne conscience à toute épreuvre et je mesure la chance, pas lié à mon mérite , de ne pas
    être né Biaffrai ou Somali ou Coréen du nord. Loin de me hair – je m’aime assez comme je suis et je considère que c’est une condition nécéssaire pour aimer autrui – j’essaie constamment d’évaluer
    le rapport contribution / consommation de mon existence. Et j’en conclu que des siècles d’efforts méritants mais aussi assortis de nombreuses exactions ( un des derniers grands exemples est le
    tissu de turpitudes de l’affaire ELF).
    Ce que je ne supporte pas, c’est le mépris des autres qui n’ont pas eu notre chance. Et je trouve légitime qu’ils puissent avoir de la rancœur à l’égard des occidentaux arrogants, suffisants et
    insatiables. Cela ne leur donne pas pour autant le droit de se comportez chez nous comme certains se le permettent. Mais si ces comportements inadmissibles sont peu ou prou tolérés, n’est ce pas
    aussi lié à la perpétuation d’une ingérence séculaire de notre part ? « La femme de César doit être au dessus de tout soupçon » . C’est loin d’être le cas pour la plupart des pays occidentaux et la
    France notamment. Ceci dit un dialogue clair et sans concession est aussi indispensable, mais il faut pour cela posséder une parole fiable.
    – Et encore :
    « …On ne pourra pas…” ne constitue pas un argument…. »
    Non en effet, mais une éventualité fortement probable, si !
    – Puis :
    « Or, nous savons depuis bien longtemps que les organisations sociales ne sont “destinées” à rien ….»
    Oui, probablement, et ça ne les empèche pas pour autant de se forger une destinée. L’histoire est construite la dessus.
    – Puis encore :
    « Personnellement, je n’ai jamais cru à l’idée que nos dirigeants soient obsédés par la “production de profit”. Au contraire, je les trouve plutôt hédonistes. »
    Si vous limitez la catégorie « dirigeants » au politique, c’est sans doute assez vrai. Seulement, et vous l’évoquiez quelques lignes plus haut, les politiques ne cessent que rarement d’être à la
    remorque des principaux dirigeants économiques. Ces dernières années, ceux là sont plus dans le gavage que dans la simple production et cela ne se traduit pas que par des effets vertueux pour notre
    économie.
    Très cordialement, même de la part d’un rénégat de la classe moyenne ! ! ! ( grand éclat de rire, cependant)

    • Descartes dit :

      – Vous ne reprenez dans votre réponse que le prémisse de l’avis que j’exprime. Est là une manoeuvre rhétorique destinée à démontrer son inanité ?

      Plutôt une manière d’économiser de la place. Lorsque le paragraphe est long, il est d’usage de mettre la partie qui semble la plus intéressante à la comprehénsion de la réponse et de mettre le
      signe “(…)”. Et dans tous les cas, les (rares) lecteurs qui suivent notre échange ont toujours la possibilité de relire votre message où votre raisonnement figure in extenso. Ne vous échauffez
      pas, c’est mauvais pour le coeur…

      L’idée exprimée était : après un large débat (…) il s’agit de réformer en profondeur les critères de valorisation du PIB.

      Pour quoi faire ? Je me méfie toujours des gens qui proposent de casser le thermomètre. Le PIB est défini d’une manière qui a au moins l’avantage d’être relativement stable dans le temps et dans
      l’espace, et donc de permettre de faire des comparaisons. Qu’il faille prendre en compte d’autres indices et ne pas se concentrer sur le PIB seulement, je suis d’accord. Mais j’attends toujours
      l’économiste qui proposera une alternative…

      Vous réfutez l’emploi du mot « notion » (…)

      Nullement. Relisez avec attention, et vous verrez que je ne réfute nullement le mot. Je me contente de signaler que ce n’est pas en changeant la “notion” d’une chose qu’on change les réalités
      (d’ou ma paraphrase d’Althusser: “la notion de chien ne mord pas”). Je le repète: ce n’est pas en cassant le thermomètre (pardon, en “changeant la notion de thermomètre”) qu’on fait baisser la
      température. S’il faut des concepts nouveaux, inventons-les. Mais ne “changeons” pas la définition du PIB, opération qui n’aboutirait qu’à rendre les mesures futures incomparables aux mesures
      passées.

      « Le comportement “des classes moyennes” est celui d’une couche dont la part de jouissance de la richesse produite est sans commune mesure avec sa propre contribution. » Permettez moi de
      considérer qu’il s’agit là d’une affirmation gratuite,

      Je ne vous le permets pas. C’est une affirmation qui non seulement est corroborée par toute une série d’études (j’en ai cité un certain nombre dans mes différents papiers, mais pour n’en citer
      qu’un je vous invite par exemple à lire l’enquête annuelle sur les pratiques culturelles des français, et vous verrez qui sont les grands bénéficiaires du budget de la culture…) mais surtout
      par un raisonnement logique: si les classes moyennes étaient exploitées (car c’est cela que ça veut dire de recevoir moins que sa propre contribution à la création de valeur) elles auraient un
      intérêt objectif similaire à celui de la classe ouvrière. Or, curieusement, les classes moyennes se plaent systématiquement du côté de la bourgeoisie. Est-ce que cela ne veut rien dire pour vous
      ? Mais peut-être est-ce seulement un signe de stupidité de leur part ?

      Je me refuse à endosser l’habit « petit bourgeois » de la bonne conscience à toute épreuvre et je mesure la chance, pas lié à mon mérite , de ne pas être né Biaffrai ou Somali ou Coréen du
      nord.

      Je ne vous invite pas à la “bonne conscience”, mais plutôt à la raison. D’ailleurs, vous le dites vous même: c’est par “chance pas lié a notre mérite” que nous sommes nés là ou nous sommes. Il
      serait donc ridicule de nous le reprocher, et nous n’avons aucune culpabilité à expier.

      Et j’en conclu que des siècles d’efforts méritants mais aussi assortis de nombreuses exactions ( un des derniers grands exemples est le tissu de turpitudes de l’affaire ELF).

      Je crois savoir que l’affaire ELF a enrichi un grand nombre de “potentats” africains… je ne vois pas alors pourquoi cela devrait être mis au débit exclusivement de “l’occident”.

      Et je trouve légitime qu’ils puissent avoir de la rancœur à l’égard des occidentaux arrogants, suffisants et insatiables.

      Je ne partage pas. Je ne vois pas pourquoi la “rancoeur” devrait se concentrer sur les “occidentaux arrogants” et laiser de côté les très nombreux “africains arrogants”. Aurait-on oublié que pour
      que les négriers puissent acheter des esclaves il aura bien fallu que des roîtelets africains les vendent ? Les “rancoeurs” et autres demandes de pardon sont un rideau de fumée pour distraire les
      gens des vrais problèmes. L’esclavage est une réalité historique, et on n’y peut rien. Au lieu de consacrer leurs efforts à cultiver les “rancoeurs”, les dirigeants africains feraient bien de
      s’occuper de développer leurs pays.

      « Or, nous savons depuis bien longtemps que les organisations sociales ne sont “destinées” à rien ….» Oui, probablement, et ça ne les empèche pas pour autant de se forger une destinée.
      L’histoire est construite la dessus.

      Aucun rapport avec l’idée d’Ellul. Dans le paragraphe que vous citez, Ellul expose une vision téléologique des sociétés, comme si l’organisation sociale avait un “but” connu de son organisateur.
      Cela n’a rien à voir avec le fait de “se forger une destinée”, ce qui dans le cas des nations est en général une rationalisation à postériori.

      « Personnellement, je n’ai jamais cru à l’idée que nos dirigeants soient obsédés par la “production de profit”. Au contraire, je les trouve plutôt hédonistes. » Si vous limitez la catégorie «
      dirigeants » au politique, c’est sans doute assez vrai.

      C’est le cas des autres aussi. Je ne pense pas que pour Martin Bouygues, pour Bernard Tapie ou pour Georges Besse le profit ait été le moteur de leur action.

       

  7. xavier dit :

    Salut Descartes,

    J’utilise les flux rss de ton site pour être au courant des nouveaux articles. Malheuresement le contenu du flux rss est limité. Est-ce que tu pourras insérer tout l’article dans le flux ? Quand je
    surfe avec une connexion à bas débit, ce serait plus pratique.

    Et si tu t’inquiètes de la possible baisse du nombre de visiteurs, il semble qu’il n’y ait pas d’impact, si j’en crois cet article : http://venturebeat.com/2007/04/19/the-rss-dilemma/

    Bien à toi,

    • Descartes dit :

      Je serais ravi de pouvoir te donner satisfaction. Malheureusement, overblog ne donne pas beaucoup d’options pour gérer les flux RSS lorsqu’on n’est pas adhérent premium…

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