Lubrizol: chacun veut son petit Tchernobyl

« Toute caresse, toute confiance, se survivent » (Paul Eluard)

L’incendie de Lubrizol a répandu sur les communes de l’agglomération rouennaise une fumée noire et malodorante. Mais un autre nuage, bien plus dévastateur s’est répandu encore plus rapidement. Celui des discours sensationnalistes et paranoïaques propagés par les médias et les réseaux sociaux, avec son cortège de généralisations hâtives, de « fake news », et bien entendu – parce que c’est devenu une sorte de constante – la commisération des victimes réelles ou supposées et la recherche de coupables – de préférence parmi les fonctionnaires de l’Etat.

Que les citoyens se posent des questions sur la composition de ces fumées et d’éventuels effets sur la santé, quoi de plus normal et légitime. Que les autorités administratives répondent à ces inquiétudes dans la mesure de leurs connaissances, cela fait partie de leurs devoirs. Mais les problèmes commencent quand les médias appellent systématiquement à la méfiance, quand ils ne  s’auto-désignent représentants du peuple et prétendent parler en son nom. Ainsi, on a pu voir sur nos étrangers lucarnes ou à la une des journaux « les rouennais sont inquiets » ou « les rouennais doutent de la parole des autorités ». Et devant ces formules, un doute cruel me taraude : comment ceux qui nous tiennent ce discours savent ce que pensent « les rouennais » ? Ont-ils fait des études d’opinion sur un échantillon représentatif ? Bien sûr que non. Ils se contentent de projeter sur les rouennais l’idéologie à la mode, qui veut qu’un citoyen normalement constitué soit inquiet et surtout, surtout, ne fasse confiance à personne. Et surtout pas à l’Etat et aux autorités constituées quelles qu’elles soient.

Jacques Dutronc avait, dans les années 1970, ridiculisé dans une célèbre chanson le « on nous cache tout on ne nous dit rien ». Qui aurait pu penser alors que ce discours deviendrait une génération plus tard le discours dominant, presque une vérité d’évidence. Or, l’évidence est ici très contestable, et comme souvent lorsqu’il s’agit d’analyser le discours médiatique, l’utilisation du rasoir d’Occam s’impose.

Pour commencer, on peut se demander quel serait l’intérêt des autorités administratives à présenter la situation autrement qu’elle n’est. Quelle raison pourrait les pousser à déclarer que les fumées ne présentent pas de danger immédiat alors que ce n’est pas exact, et qu’en cas de dommages à la santé cela pourrait engager leur responsabilité personnelle ? L’Etat n’est pas que je sache actionnaire de Lubrizol, et n’a aucun intérêt à alléger la responsabilité de l’entreprise, au contraire. Il a intérêt à charger la facture qui sera payée par les assureurs de l’entreprise. Par ailleurs, les autorités qui tiennent un langage rassurant ne sont pas des autorités lointaines déconnectées du risque réel : le préfet, les sous-préfets, les fonctionnaires des directions concernées par l’affaire habitent sur place, ils respirent le même air, leurs enfants vont aux mêmes écoles que le reste de la population. Les Rouennais pensent-ils vraiment que le préfet pousse le dévouement à sa fonction jusqu’à rester – et garder sa famille avec lui – dans sa préfecture à respirer un air qu’il sait dangereux ? Heureux le pays qui a des fonctionnaires capables d’un tel sacrifice…

Mais surtout, il n’est pas inutile de tirer les leçons du passé. Et le passé tend à montrer que les autorités dans notre beau pays ont rarement occulté ou minimisé les risques, et ont en général bien géré les conséquences. On nous raconte en boucle que le pacte de confiance a été rompu lors de l’accident de Tchernobyl, lorsque les autorités ont prétendu que « le nuage s’est arrêté aux frontières ». Sauf que les autorités n’ont jamais déclaré cela. C’est le journaliste Noël Mamère – à qui la culture des peurs irrationnelles et les grâces mitterrandiennes permettront de faire une belle carrière – qui a mis la formule dans la bouche du professeur Pellerin, à l’époque directeur de l’Office de protection contre les rayonnement ionisants (OPRI). L’affaire avait valu à Mamère un procès en diffamation qu’il a perdu successivement en première instance, en appel et en cassation. En fait, les registres montrent que l’OPRI n’avait rien caché de l’étendue réelle de l’affaire. Il avait à l’époque publié les chiffres de contamination effectivement mesurés, en signalant qu’ils restaient très en dessous des valeurs dangereuses pour les populations. Conséquence : alors que dans d’autres pays européens on prenait à grands frais des mesures exceptionnelles – interdiction de consommation de certaines denrées, destruction des cultures, etc. – on n’a rien fait en France, ce que les écologistes n’ont pas manqué de reprocher aux autorités, reproches qui continuent à résonner jusqu’à nos jours.

Seulement voilà : ces reproches ignorent une réalité : les faits ont donné raison aux experts de l’OPRI, et tout particulièrement à leur directeur. Alors que la France n’a pris aucune mesure particulière, trente ans plus tard aucune étude sérieuse n’a révélé un effet notable du nuage de Tchernobyl sur la population française. Le nuage a donc bien passé les frontières, ce que Pellerin et ses collaborateurs n’ont jamais nié, mais ne présentait aucun danger pour les populations, ce que Pellerin a toujours affirmé. Et la Cour de cassation lui donne raison en 2012 lorsqu’elle confirme sa relaxe en réponse à la plainte déposée contre Pellerin par l’Association des malades de la thyroïde : « en l’état des connaissances scientifiques actuelles, il est impossible d’établir un lien de causalité certain entre les pathologies constatées et les retombées du panache radioactif de Tchernobyl ».

Loin de mériter une condamnation, Pellerin mérite un monument. Et sur ce monument il faudrait écrire « au fonctionnaire courageux qui refusa la démagogie, et économisa ainsi les deniers publics ». Car il eut été tellement plus facile – et personnellement plus rentable – pour Pellerin de dire ce que l’opinion publique voulait entendre et conseiller toutes sortes de mesures coûteuses pour les caisses de l’Etat. Il aurait eu sa place au Panthéon écologiste et tribune ouverte à vie chez « Le Monde », au lieu d’être trainé dans la boue et devant les tribunaux et diffamé jusqu’à la fin de ses jours.

Car c’est là tout le problème que l’incendie de Lubrizol met en évidence : il y a une section de la population, amplifiée par les médias, qui ne se contente pas d’exiger des informations. Elle a une idée très précise des « informations » qu’elle a envie de recevoir. Ces citoyens n’ont pas envie qu’on leur explique que la situation est sous contrôle, qu’ils ne courent aucun danger, que ce n’est qu’une fumée passagère qui les fera tousser un peu, d’une odeur désagréable qui durera quelques jours, mais rien de plus. Non, ces gens veulent plus : ils veulent être dans une situation exceptionnelle, cinématographique, qui les sorte de la routine, qui les rende intéressants. En d’autres termes, ils veulent accéder au statut le plus envié dans notre société, celui de VICTIMES, source non seulement de satisfactions morales, mais aussi d’opportunités de rejeter la faute de ce qui vous arrive sur quelqu’un d’autre et – on ne sait jamais – d’obtenir de juteuses réparations. Et si leur enfant dans quelques années est autiste ou se drogue, on pourra attribuer la chose aux effets traumatiques du nuage forcément toxique. Exactement comme pour Tchernobyl.

Lorsque les citoyens encouragés par les médias veulent entendre un discours faisant d’eux des victimes d’une catastrophe, il faut beaucoup de courage pour leur tenir le discours inverse, d’autant plus que cela risque de vous amener à contredire votre ministre, engagé à fond dans la logique de commisération. De plus en plus, on exige de l’expert et de l’autorité non pas qu’ils disent la vérité, mais qu’ils compatissent avec un préjugé. Ce phénomène que les médecins connaissent bien et qui s’appelle l’hypocondrie. Et de la même manière que l’hypocondrie favorise la méfiance envers la médecine scientifique – qui ne peux que constater que  le patient n’est pas malade – et le recours à divers charlatans qui, eux, se garderont bien de le contredire, l’hypocondrie sociale n’accepte pas des autorités un discours rassurant. On lui préfère celui des « charlatans » qui flatteront ses préjugés en décrivant une catastrophe dont vous êtes l’acteur.

Si notre société – et d’abord l’appareil médiatique – encourage cette exigence victimaire, ce n’est pas par hasard. Ces accidents ne tuent personne, mais font vivre beaucoup de monde. Dans les médias d’abord : un nuage inoffensif mérite à peine un paragraphe à la page des chiens écrasés, mais faites en un « nuage potentiellement toxique dont on ne connait pas les effets », et cela peut remplir pas mal de pages du journal et des centaines d’heures de direct sur les chaînes d’information. Surtout si on la complète avec des témoignages d’habitants qui ne savent rien mais qui sont « inquiets » lorsqu’ils ne sont pas « en colère » – on en trouvera toujours –  et des savants commentaires par des « experts » retraités qui font quelques ménages pour arrondir leurs fins de mois, et qui tiendront le langage inquiétant qu’on attend d’eux pour se mettre en valeur. Car là aussi, la règle médiatique s’applique : dites que tout va bien, et on ne vous invitera plus. Dites que c’est dangereux – ou « que le danger ne peut être exclu » si vous ne voulez pas vous mouiller – et vous aurez table et caméra ouverte. A 150 € le passage plus frais – chiffres aimablement communiquées par un ami qui connait le milieu – ce n’est pas à négliger.

Mais les médias ne sont pas les seuls à en profiter. Il y a aussi les avocats « militants », qui prennent en charge les plaintes « écologiques ». Inutile de préciser qu’ici « militant » n’est pas synonyme de « bénévole ». Il y a les politiciens et autres personnalités du showbiz qui ont construit de brillantes carrières sur l’exploitation des peurs. Des ONG rémunèrent des centaines d’employés sur subvention publique. Pour vous et moi, Tchernobyl, AZF ou Fukushima sont des catastrophes. Pour eux, ce sont de bonnes nouvelles, la promesse d’audiences plus nombreuses, d’honoraires et de subventions plus grasses. Souvenez-vous comment cette engeance a agité, après l’accident de Fukushima, le spectre d’une catastrophe « dix fois plus importante que Tchernobyl »…

Mais au-delà des comportements individuels, la destruction de la confiance dans la parole publique s’inscrit dans la logique globale de nos sociétés, celui de la destruction de l’autorité. Non pas d’une autorité identifiée, mais de l’autorité comme principe d’organisation collective fondée sur des institutions. C’est-à-dire, l’idée qu’il existe une hiérarchie entre les paroles. Que la parole de l’ingénieur ou le médecin qui me disent que le nuage est inoffensif pèse plus lourd que la mienne, tout simplement parce que je n’y connais rien à la question, et eux ont passé une vie à l’étudier. Que la parole du préfet pèse plus lourd que celle du commentateur médiatique, parce que le préfet a reçu un mandat de protéger les populations et qu’il en est responsable, et que le commentateur ne parle que parce que l’air est gratuit et n’assume la moindre responsabilité. Le principe d’autorité reflète en fait une logique de confiance. Je crois ce que me disent le médecin, l’ingénieur, ou le préfet parce que j’ai confiance dans l’organisation sociale pour ne pas donner ces rôles à n’importe qui.

Et c’est dans notre pays – du moins pour le moment – le cas. Même si depuis trente ans on s’applique à porter des coups de canif dans le recrutement méritocratique dans la fonction publique, dans leur immense majorité les médecins hospitaliers, les ingénieurs des corps techniques de l’Etat et même les énarques tant décriés sont compétents et ont le sens du service public. Au-delà des flagellations médiatiques, les accidents sont généralement bien gérés, les risques bien pris en charge. Et les citoyens s’en rendent d’ailleurs compte. Car il ne faut pas en effet exagérer les effets objectifs de ces campagnes. L’expérience montre en effet que nos concitoyens ont une assez haute opinion de la compétence et de l’efficacité de nos autorités administratives. Les médias nous disent que « les Rouennais s’inquiètent », ou que « les Rouennais se méfient », mais on n’a pas vu les routes bloquées par les Rouennais désespérés quittant leur cité, comme on a pu l’observer dans d’autres pays dans des situations semblables. On peut donc déduire que le discours rassurant des autorités a effectivement rassuré la population, que celle-ci se sent moins « menacée » qu’on ne le croit.

On peut d’ailleurs se demander jusqu’à quel point le miroir des médias est un miroir déformant, jusqu’à quel point les exigences, les peurs et les colères que les médias – et j’inclus ici les réseaux sociaux – relaient à travers les témoignages et les paroles « d’experts » sont réelles. On peut plutôt penser que témoignages et experts – toujours soigneusement sélectionnés – sont ici l’instrument de propagation d’un choix idéologique qui correspond à celui du bloc dominant, celui de l’individu-île qui n’a rien à attendre des institutions. Le danger réside dans le fait que les autorités politiques et administratives finissent par accorder plus d’importance à la présentation que les médias font du réel qu’au réel lui-même, qu’ils ne s’intéressent aux problèmes des gens qu’à partir de ce que les médias en disent. Que le ministre ou le haut fonctionnaire s’imagine que sa fonction est de répondre aux questions que se pose Bourdin, et non aux questions que se posent les citoyens. Pire : qu’il arrive à croire que les questions que pose Bourdin sont celles que les citoyens se posent.

La confiance, on n’insistera jamais trop, est un bien social. Une société dotée d’institutions dont la compétence est reconnue et la parole fait autorité est plus efficace, plus sûre et plus agréable qu’une société où chacun ne croit qu’à sa propre opinion. L’institution est faillible, certes. Mais elle est moins faillible sur son domaine de compétence que la moyenne des citoyens. Une société où l’on confie le calcul des ponts aux ingénieurs, les opérations aux chirurgiens et les décisions de protection des populations aux préfets est plus efficace que celle où ces tâches sont confiées à une Madame Michu tirée au sort. L’esprit « Canard enchaîné » est très amusant, mais c’est un esprit avant tout destructeur. Lorsque les institutions étaient fortes, cela ne portait pas à conséquence. Mais dans l’état ou elles sont aujourd’hui, la question se pose.

Descartes

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127 réponses à Lubrizol: chacun veut son petit Tchernobyl

  1. Cet article devrait être lu, voir appris par cœur, dans les écoles de journalisme et les I.E.P.
    L’esprit “Canard” est en effet destructeur et ses cibles sont souvent les mêmes, on peut y ajouter sans doute pire : l’esprit “Globe” et “Canal”.

    • xc dit :

      Je me permets d’ajouter qu’il faut aussi le mettre en lien en réponse aux nombreux commentateurs, ailleurs, et pas exclusivement pour l’incendie de Rouen, qui évoquent “le nuage de Tchernobyl qui s’est arrêté à la frontière”. La condamnation de Mamère n’a manifestement pas eu la publicité qu’elle méritait.

      • Descartes dit :

        @ xc

        [Je me permets d’ajouter qu’il faut aussi le mettre en lien en réponse aux nombreux commentateurs, ailleurs, et pas exclusivement pour l’incendie de Rouen, qui évoquent “le nuage de Tchernobyl qui s’est arrêté à la frontière”. La condamnation de Mamère n’a manifestement pas eu la publicité qu’elle méritait.]

        “L’histoire de notre espèce et l’expérience de chaque individu prouvent abondamment que la vérité n’est pas difficile a tuer et qu’un mensonge bien raconté est immortel” (Mark Twain)

  2. Vincent dit :

    > Loin de mériter une condamnation, Pellerin mérite un monument. Et
    > sur ce monument il faudrait écrire « au fonctionnaire courageux qui
    > refusa la démagogie, et économisa ainsi les deniers publics ».

    Et pas uniquement les deniers publics… La consommation excessive d’iode n’est pas bonne pour la thyroïde, et j’ai le souvenir d’avoir entendu que, en Allemagne, il y avait eu des problèmes en raison des conséquences de prise d’iode stable en quantité trop importante.
    Il a donc fait œuvre de salut public également d’un point de vue sanitaire.

    J’en profite pour ouvrir une question à laquelle je n’ai pas de réponse, mais que je me pose depuis quelques mois, en constatant que, si presque tout le sel vendu en France est du sel de mer, au contraire, en Allemagne, il est presque impossible d’en trouver, et que presque tout le sel vient des Alpes (sel de montagne).
    Est ce que ceci serait de nature à faire en sorte que les allemands absorbent moins d’iode que les français ?
    Si c’est le cas, peut on envisager que des recommandations puissent être différentes d’un coté et de l’autre de la frontière en raison d’une réaction différente des thyroïdes des populations concernées à une même exposition à de l’iode radioactif ?

    Je ne sais pas si ça se tient la route, mais je trouverais élégant pour répondre à l’argument de la frontière de dire qu’il y a effectivement une raison scientifique de prendre le problème différemment des deux cotés de la frontière…

    > Car il eut été tellement plus facile – et personnellement plus rentable –
    > pour Pellerin de dire ce que l’opinion publique voulait entendre et
    > conseiller toutes sortes de mesures coûteuses pour les caisses de l’Etat.

    Est ce que, dans les années 1980, il aurait eu le droit à un même triomphe qu’aujourd’hui ? J’étais trop jeune et n’ai plus de souvenirs de cette époque, mais j’ai tendance à penser que la rationalité ambiante poussait moins à faire son intéressant qu’aujourd’hui…

    > A 150 € le passage plus frais – chiffres aimablement communiquées
    > par un ami qui connait le milieu – ce n’est pas à négliger.

    J’ai des doutes. A ma connaissance, les “experts” interviewés à la télé ne sont pas directement rémunérés.
    En revanche, pour un expert, le fait de passer régulièrement à la télé permet d’avoir collé sur le front l’étiquette “vu à la télé”, qui permet d’avoir davantage de cachets pour des conférences (payées pas des industriels, laboratoires, etc. selon le secteur d’activité).
    Et si jamais l’expert a des ambitions politiques au sens large, rien de tel qu’une exposition à la télé pour se lancer.

    > Souvenez-vous comment cette engeance a agité, après l’accident de
    > Fukushima, le spectre d’une catastrophe « dix fois plus importante que Tchernobyl »…

    Si on mesure l’ampleur d’une catastrophe à son bruit médiatico-politique, est ce que c’est vraiment faux ?

    > On peut donc déduire que le discours rassurant des autorités a effectivement
    > rassuré la population, que celle-ci se sent moins « menacée » qu’on ne le croit.

    Et c’est là le principal reproche à faire aux autorités : ils ont cherché à rassurer les auditeurs. Et un auditeur totalement rassuré ne se sent pas obligé de rester scotché à la télé pour être au courant de ce qui se passe. Heureusement qu’il y avait des journalistes pour rattraper la bourde, sans elles, les autorités auraient presque réussi à neutraliser cette mine à audimat !

    • Descartes dit :

      @ Vincent

      [J’en profite pour ouvrir une question à laquelle je n’ai pas de réponse, mais que je me pose depuis quelques mois, en constatant que, si presque tout le sel vendu en France est du sel de mer, au contraire, en Allemagne, il est presque impossible d’en trouver, et que presque tout le sel vient des Alpes (sel de montagne). Est-ce que ceci serait de nature à faire en sorte que les allemands absorbent moins d’iode que les français ?
      Si c’est le cas, peut-on envisager que des recommandations puissent être différentes d’un côté et de l’autre de la frontière en raison d’une réaction différente des thyroïdes des populations concernées à une même exposition à de l’iode radioactif ?]

      Je n’y avais jamais pensé. Je vais poser la question à un ami qui est expert en radioprotection, et re reviens vers vous… cela étant dit, je ne pense pas que cela fasse une différence. En temps normal, la thyroïde n’est jamais saturée, et incorpore donc l’iode ingéré ou respiré. Même si les thyroïdes des Français sont plus iodées que celles des Allemands, le supplément d’iode radioactif contenu dans le nuage aurait été incorporé. La prise d’iode lors d’un accident nucléaire vise à saturer la thyroïde, et à la rendre donc incapable d’incorporer de l’iode venu de l’extérieur, et cette saturation est de relativement courte durée d’ailleurs.

      [Est ce que, dans les années 1980, il aurait eu le droit à un même triomphe qu’aujourd’hui ? J’étais trop jeune et n’ai plus de souvenirs de cette époque, mais j’ai tendance à penser que la rationalité ambiante poussait moins à faire son intéressant qu’aujourd’hui…]

      Certainement moins qu’aujourd’hui. A l’époque le discours paranoïaque des écolos ne touchait qu’une frange de l’opinion « de gôche » urbaine. Mais cette engeance avait déjà un poids médiatique non négligeable…

      [« A 150 € le passage plus frais – chiffres aimablement communiquées par un ami qui connait le milieu – ce n’est pas à négliger. » J’ai des doutes. A ma connaissance, les “experts” interviewés à la télé ne sont pas directement rémunérés.]

      Je peux vous assurer le contraire. Et si vous ne me croyez pas, utilisez votre propre rasoir d’Occam : il y a des personnages qu’on voit défiler sur toutes les chaînes d’info continue, dans des émissions comme « C dans l’air » ou autres du même genre. De quoi vivent ces gens-là à votre avis ? Où trouvent-ils le temps pour défiler à la télé à toute heure du jour et de la nuit ? Pensez-vous qu’ils le fassent pour l’amour de l’art ?

      [« Souvenez-vous comment cette engeance a agité, après l’accident de Fukushima, le spectre d’une catastrophe « dix fois plus importante que Tchernobyl »… » Si on mesure l’ampleur d’une catastrophe à son bruit médiatico-politique, est ce que c’est vraiment faux ?]

      Quand même. Le bruit fait autour de Tchernobyl, c’était autre chose. N’oubliez pas que se mêlaient dans l’affaire l’apocalypse écologique et la propagande l’antisoviétique…

      • Vincent dit :

        >> A ma connaissance, les “experts” interviewés à la télé ne sont
        >> pas directement rémunérés.]

        > il y a des personnages qu’on voit défiler sur toutes les chaînes
        > d’info continue, dans des émissions comme « C dans l’air » ou
        > autres du même genre. De quoi vivent ces gens-là à votre avis ?

        Je pensais que vous parliez de scientifiques qui étaient interviewés depuis leur laboratoire par des journalistes. Et je n’ai pas connaissance qu’il y ait de rémunération dans ce cas. Mais cela me parait effectivement vraisemblable pour ceux qui se déplacent sur des plateaux, et qui n’ont rien à faire vendre.
        Je vous avoue que j’aurais même parié sur des montants beaucoup plus importants…

        Toutefois, si la rémunération n’est “que” de 150 €, même en faisant 10 plateaux télé à chaque fois qu’il y a une catastrophe chimique (mettons une année sur deux), cela ne fait pas vivre son homme…

        Il faut donc bien qu’il puisse y avoir une autre motivation.

        • Descartes dit :

          @ Vincent

          [Toutefois, si la rémunération n’est “que” de 150 €, même en faisant 10 plateaux télé à chaque fois qu’il y a une catastrophe chimique (mettons une année sur deux), cela ne fait pas vivre son homme…]

          150 € plus frais pour un “passage” qui dure entre 5 et 10 minutes, je trouve ça assez correct. Pour une émission d’une heure, je crois que le tarif monte à 500 €. Comparez-le au tarif horaire d’un enseignant…

          • BolchoKek dit :

            @ Descartes
            [Pour une émission d’une heure, je crois que le tarif monte à 500 €. Comparez-le au tarif horaire d’un enseignant…]

            Oui enfin, ça ne nourrit pas son homme. Pas son homme qui prend deux repas – copieux – par jour sur Paris s’entend. La plupart de ces éphémères vendent des livres et touchent du pognon associatif… Mais aussi, beaucoup sont des “chercheurs” qui ne trouvent jamais !

          • Vincent dit :

            [150 € plus frais pour un “passage” qui dure entre 5 et 10 minutes, je trouve ça assez correct. Pour une émission d’une heure, je crois que le tarif monte à 500 €. Comparez-le au tarif horaire d’un enseignant…]

            Ou même à une consultation de médecin généraliste… Vu comme cela, c’est certain.

            Quand je disais que j’imaginais un montant supérieur, c’était en réponse à : “des personnages qu’on voit défiler dans des émissions comme « C dans l’air » ou autres du même genre”, ce qui fait plus que 5 ou 10 min. Et je suis moins étonné par un montant de 500 €.

            Ceci dit, si on regarde le salaire horaire en incluant les temps de transport jusqu’au studio, de maquillage, etc. je maintiens que, 150 €, ça n’est pas si génial…

        • Francois-Marie Breon dit :

          J’ai souvent participé à des émissions de télé ou radio; jusqu’à des durées d’une heure, et il n’a JAMAIS été question d’une rémunération
          Le déplacement en taxi est directement pris en charge par la chaine

          Francois-Marie Bréon

          • Descartes dit :

            @ François-Marie Breon

            [J’ai souvent participé à des émissions de télé ou radio; jusqu’à des durées d’une heure, et il n’a JAMAIS été question d’une rémunération.]

            Je n’en doute pas. Mais vous êtes vous-même un scientifique, rémunéré sur des crédits publics et s’estimant, pour autant que je puisse juger, devoir dans ce cadre diffuser la parole scientifique sans demander pour cela une rémunération.

            Mais votre cas n’est pas une généralité, et il y a des gens qui sont moins intéressés par la diffusion de leurs idées que par l’argent qu’on peut en tirer. Je vais vous raconter une petite histoire : je vivais à l’époque dans une ville de province, et dans le cadre d’un cycle de conférences quelques militants d’ATTAC avaient proposé de faire venir Viviane Forrester pour une conférence autour de son livre « l’Horreur Economique ». Il allait de soi qu’elle serait défrayée de sa nuit d’hôtel et de ses billets de train… mais la dame a exigé en plus 50.000 F de l’époque (quelque 8.000€ d’aujourd’hui). Et j’insiste sur le fait qu’il s’agissait d’un rendez-vous militant dont l’entrée était libre, et non d’une opération commerciale rapportant quoi que ce soit à ses organisateurs. Il va de soi que la soirée Forrester n’a pas eu lieu, et que nous avons invité Marcel Boiteux à sa place, qui non seulement n’a pas demandé à être payé, mais qui a refusé d’être défrayé.

            Que voulez-vous : il y a des gens pour qui avoir une tribune est plus important que gagner de l’argent. Et il y a le cas inverse. Il faudrait peut-être faire une loi rendant obligatoire, lorsqu’un “expert” intervient, un petit bandeau à l’écran indiquant si sa prestation est ou non remunérée…

            • BJ dit :

              “Mais vous êtes vous-même un scientifique”

              Vous avez des lecteurs de choix, Descartes !

            • Breon dit :

              Votre témoignage est intéressant, et ne me surprend pas. Je pense cependant qu’il est un peu “hors sujet”. On parlait ici des interventions dans des émissions TV du type “C dans l’air” (une petite heure de débat) et les commentateurs de ce blog avancaient des chiffres de rémunération manifestement sans aucune source.
              Je n’ai jamais eu la moindre indication que qui que ce soit ait été payé dans des occasion de ce type.

              Je ne peux donc pas affirmer que les rémunérations n’existent pas, mais je pense néanmoins apporter une information pertinente face à ceux qui ont affirmé qu’il y avait une rémunération uniquement sur la base de leur ressenti.

            • Descartes dit :

              @ Breon

              [Votre témoignage est intéressant, et ne me surprend pas. Je pense cependant qu’il est un peu “hors sujet”. On parlait ici des interventions dans des émissions TV du type “C dans l’air” (une petite heure de débat) et les commentateurs de ce blog avançaient des chiffres de rémunération manifestement sans aucune source.]

              C’est moi qui ait avancé des chiffres, et la source est une connaissance qui a officié quelques années à BFMTV. Je n’ai jamais dit que TOUS ceux qui parlent à l’antenne soient payés, mais que certains personnages – pas les plus sérieux – sont rémunérés.

      • Ian Brossage dit :

        @Descartes

        > Et si vous ne me croyez pas, utilisez votre propre rasoir d’Occam : il y a des personnages qu’on voit défiler sur toutes les chaînes d’info continue, dans des émissions comme « C dans l’air » ou autres du même genre. De quoi vivent ces gens-là à votre avis ?

        À mon avis, il y a une autre explication possible : ces gens-là font passer une petite musique qui fait plaisir à certains intérêts privés, et ils sont rémunérés par ces intérêts-là (par « privés », j’entends au sens large : ça peut très bien être une ONG bien garnie style Greenpeace…).

        Par exemple une certaine avocate environnementaliste peut propager par ses interventions des idées qui rapportent de l’argent à ses clients… Nul doute que ses clients ne sont pas insensibles à ce pouvoir d’influence, même si leur motivation première est un conseil juridique.

  3. maleyss dit :

    Permettez-moi de me demander si cette tendance générale à la victimisation ne devrait pas être attribuée à la disparition de notre culture catholique et, avec elle, de la notion de péché.Pour un malade, il est bien plus confortable, c’est évident, d’incriminer la pollution, plutôt que sa déplorable hygiène de vie.
    Par ailleurs, il me semble bien que l’usage abusif de l’article défini pluriel « les » soit une spécialité des média de gauche…

    • Descartes dit :

      @ maleyss

      [Permettez-moi de me demander si cette tendance générale à la victimisation ne devrait pas être attribuée à la disparition de notre culture catholique et, avec elle, de la notion de péché.]

      Je ne vois pas très bien le rapport avec le péché. Mais effectivement on peut voir dans cette tendance à valoriser le rôle de victime la conséquence de la mort de dieu. En effet, tant que dieu était là haut, nous n’avions pas à assumer la responsabilité de notre condition, puisque tout était décidé là-haut. Si un enfant tournait mal, si l’on avait une maladie incurable, si on perdait un proche dans un accident, si on ratait son mariage ou sa carrière, “c’était la volonté de dieu”. Avec la mort de dieu, nous sommes libres et par conséquent obligés à assumer la responsabilité de nos choix. Et c’est d’autant plus vrai pour les classes intermédiaires, dont le niveau de vie permet tous les choix ou presque…

      [Par ailleurs, il me semble bien que l’usage abusif de l’article défini pluriel « les » soit une spécialité des média de gauche…]

      Je n’ai pas compris cette remarque.

      • BolchoKek dit :

        @ Descartes

        [Je ne vois pas très bien le rapport avec le péché. Mais effectivement on peut voir dans cette tendance à valoriser le rôle de victime la conséquence de la mort de dieu. En effet, tant que dieu était là haut, nous n’avions pas à assumer la responsabilité de notre condition, puisque tout était décidé là-haut.]

        Mine de rien, tu vas finir par réconcilier Nietzsche et Marx…

    • Vincent dit :

      @maleyss

      [Pour un malade, il est bien plus confortable, c’est évident, d’incriminer la pollution, plutôt que sa déplorable hygiène de vie]

      Au détour d’une phrase, sans vous en rendre compte, vous illustrez vous aussi le problème que vous soulevez, au demeurant de manière pertinente.

      Je m’explique : Vous opposez : “incriminer la pollution” et “incriminer sa propre hygiène de vie”. (Au passage, d’un point de vue épidémiologique, vous avez 100 fois raisons : la sédentarité, la surconsommation de sucres, etc. ont un impact sanitaire incomparablement supérieur à toutes les pollutions).

      Mais dans tous les cas, vous êtes à la recherche d’une explication, ce qui montre que vous ne vous contentez pas de “la faute à pas de chance”, comme le faisaient traditionnellement les personnes de culture catholique.

      Je ne vous jette pas la pierre : il me semble qu’il faut un effort presque surhumain de “pensée contre soi même” pour ne pas chercher à toujours attribuer une cause à ses accidents de vie. Et si on supprime la cause “volonté de Dieu”, il faut bien en chercher une autre…

      • Descartes dit :

        @ Vincent

        [Je ne vous jette pas la pierre : il me semble qu’il faut un effort presque surhumain de “pensée contre soi même” pour ne pas chercher à toujours attribuer une cause à ses accidents de vie. Et si on supprime la cause “volonté de Dieu”, il faut bien en chercher une autre…]

        Bien entendu. Et lorsque Dieu est mort, la seule volonté qui reste est la volonté humaine. La mort de dieu nous rend responsables de ce qui nous arrive. C’est bien cette responsabilité que les théories “complotistes” essaient de dévier, en inventant un substitut de dieu dans le Grand Komplot.

        • Vincent dit :

          [La mort de dieu nous rend responsables de ce qui nous arrive. C’est bien cette responsabilité que les théories “complotistes” essaient de dévier, en inventant un substitut de dieu dans le Grand Komplot.]

          Tout d’abord, quand on parle des complotistes, je ne pense pas qu’il faille se limiter aux adeptes du grand complot judéo-maconnique, ou autres grands complots.
          Les “écologistes” qui affirment à longueur d’années que les autorités en charge [des médicaments / des vaccins / des pesticides / du nucléaire / des ondes des wifi et portables / des lignes à haute tension / du diagnostic de la maladie de Lyme / de la fibromyalgie / des fumées de Lubrizol…] nous mentent et nous dissimulent des choses, sont pour moi également des complotistes. Ce sont même les complotistes qui ont le plus pignon sur rue.

          Et là où la comparaison avec la perte des repères religieux est tout à fait pertinente, c’est qu’on retrouve chez ces écologistes tout ce qui fait une religion “néo-catholique” : le péché originel (c’est l’homme qui a détruit la nature, et qui attire sur lui les malheurs de la Terre par ses péchés contre la nature). Il faut avant tout se repentir pour les fautes des autres, et avec un maximum de sincérité, si on veut obtenir une rédemption. Mais ce ne sera pas suffisant, il faut aussi faire son chemin de croix et accepter de souffrir en renonçant à tout les péchés capitaux contre la Nature (la consommation, l’utilisation de machines et d’énergie, la construction d’infrastructures, etc.). Heureusement, quelques apotres (Ste Greta et consors) se hissent au dessus de la foule pour nous précher la bonne parole. La Sainte Inquisition médiatique s’occupe de régler son compte aux blasphémateurs/climatosceptiques, etc.

          Le processus idéologique est le même : promesse et menace, peur présente et récompense future. Si vous êtes écologiquement vertueux, votre avenir s’améliorera et celui de vos descendants sera assuré. Sinon, les crises se succéderont et des cataclysmes attendent vos enfants.

          Pour être dans le camp du bien, obéissez-nous. Et ainsi, nous atteindrons le paradis : l’harmonie homme/nature…

          Ce serait intéressant de soumettre ça à E. Todd pour qu’il puisse dire si les régions de catholiques zombies”, comme il les appelle, correspondent aux régions “néo-cathololiques”, comme je les appelle.

          • Descartes dit :

            @ Vincent

            [Tout d’abord, quand on parle des complotistes, je ne pense pas qu’il faille se limiter aux adeptes du grand complot judéo-maconnique, ou autres grands complots.]

            Mais ça veut dire quoi « autres grands complots » ? Un complot est nécessairement « grand », car comment expliquer que « les autorités en charge des médicaments / des vaccins / des pesticides / du nucléaire / des ondes des wifi et portables / des lignes à haute tension / du diagnostic de la maladie de Lyme / de la fibromyalgie / des fumées de Lubrizol » arrivent à cacher la vérité depuis si longtemps ? Pour cela, il ne suffit pas d’un « petit complot », il faut une organisation capable non seulement d’étouffer la vérité, mais de réduire au silence ceux qui dénoncent l’étouffement, et aussi ceux qui dénoncent l’étouffement de ceux qui dénoncent l’étouffement… et ainsi de suite.

            Les théories du complot reposent sur l’idée que nous ne vivons pas dans la « vraie réalité », mais dans une réalité construite par un groupe de pouvoir capable de persuader la masse et de faire taire toute voix dissidente. Un groupe de pouvoir capable de faire cela ne peut être « petit ».

            [Et là où la comparaison avec la perte des repères religieux est tout à fait pertinente, c’est qu’on retrouve chez ces écologistes tout ce qui fait une religion “néo-catholique” : le péché originel (c’est l’homme qui a détruit la nature, et qui attire sur lui les malheurs de la Terre par ses péchés contre la nature). Il faut avant tout se repentir pour les fautes des autres, et avec un maximum de sincérité, si on veut obtenir une rédemption. Mais ce ne sera pas suffisant, il faut aussi faire son chemin de croix et accepter de souffrir en renonçant à tous les péchés capitaux contre la Nature (la consommation, l’utilisation de machines et d’énergie, la construction d’infrastructures, etc.). Heureusement, quelques apôtres (Ste Greta et consorts) se hissent au-dessus de la foule pour nous prêcher la bonne parole. La Sainte Inquisition médiatique s’occupe de régler son compte aux blasphémateurs/climatosceptiques, etc.]

            Oui, mais il faut bien constater une différence. La religion catholique (et ce n’est pas très différent pour les juifs ou les musulmans) libérait l’homme de la responsabilité quant à son propre destin sur cette terre. L’écologisme se rapproche plus d’un protestantisme prônant le salut par les œuvres, et ne remplit donc pas cette fonction. C’est pourquoi l’écologisme ne répond pas à l’angoisse existentielle de l’homme. Pour cela, il faut aller chercher le complotisme… et c’est peut-être pourquoi écologisme et complotisme sont si souvent associés.

            • Yoann Kerbrat dit :

              [un groupe de pouvoir capable de faire cela ne peut être « petit ».]

              Et on sait tous que plus un complot est fomenté par un grand nombre de personne, plus celui-ci sera rapidement dévoilé.

              Au final tout cela a du succès car il permet une explication simple du monde, nous autorise a nous croire éveillé/réveillé (contrairement aux “moutons”). C’est long et complexe une analyse marxiste de la société, les méchants ne sont pas tous bien identifiable, et “classe en soit et pour soit” c’est inconnu du commun des mortels.

              Ce qui est paradoxale c’est que la contradiction est dans la figure de la pyramide. Le sommet repose sur la base, elle ne flotte pas dessus. Le complot n’existe pas, ou plutôt c’est le résultat des interactions entre humain. Il y a la conscience de classe, et la conscience de l’élite (qui se traduit en komplo quand on la dissocie du reste de l’univers, comme si on pouvait décider de la course du monde a 50 dans un hôtel privatisé en Suisse… ).

            • Descartes dit :

              @ Yoann Kerbrat

              [« un groupe de pouvoir capable de faire cela ne peut être « petit ». » Et on sait tous que plus un complot est fomenté par un grand nombre de personne, plus celui-ci sera rapidement dévoilé.]

              Tout à fait. Et c’est pourquoi les théories complotistes ne devraient pas résister au passage du rasoir d’Occam. Ce n’est donc pas la logique qui permet aux théories complotistes de croître et de se multiplier, mais un mécanisme de foi. Le Grand Komplot remplace Dieu comme cause efficiente de tout ce qui nous arrive.

              [Le complot n’existe pas, ou plutôt c’est le résultat des interactions entre humain. Il y a la conscience de classe,]

              Exactement. Ce que les complotistes ne comprennent pas, c’est que les membres d’un groupe qui partagent les mêmes intérêts tirent spontanément dans le même sens, sans qu’il soit nécessaire de prendre des décisions communes dans un grand hôtel en Suisse ou ailleurs. Ce n’est pas au Bilderberg ou à Davos que se joue l’avenir du capitalisme, mais dans les milliers de décisions quotidiennes prises par des acteurs individuels qui, du fait que ces acteurs partagent les mêmes intérêts, se traduisent dans une action cohérente.

            • Philippe Dubois dit :

              [La religion catholique (…) libérait l’homme de la responsabilité quant à son propre destin sur cette terre.]

              Non, pas vraiment : sans entrer dans un exposé de théologie, c’est beaucoup plus complexe que ça.

              La religion catholique est la voie du salut individuel.
              La relation entre Dieu et l’homme (être humain) est une relation personnelle, pas collective, même s’il existe des célébrations collectives
              Mais c’est la personne qui s’engage en allant communier à la messe, pas le collectif.

              L’homme en tant qu’individu est responsable de son destin, en tant qu’il est responsable des actes qu’il accomplit en liberté.
              en ce sens qu’il peut choisir le Bien ou le Mal.

              Il n’y a pas de fatalisme dans la religion catholique, en ce sens que les Pères de l’Eglise, dont Saint Thomas d’Aquin, ont bien écrit que l’utilisation de la raison pour comprendre la nature permettait de mieux connaître la beauté de la Création et d’améliorer les conditions de vie sur la terre.

              A l’inverse, des proverbes tels que “Aide-toi et le Ciel t’aidera” ou “La Providence n’est pas un remède à la négligence” ou des passages des Evangiles comme la parabole des talents montrent que l’homme est acteur de son propre destin.

              La volonté de Dieu ne concernait que les choses que l’on ne peut expliquer ou empêcher.

              La mobilité sociale n’est pas concernée par la volonté de Dieu

              J’ai vu un Islam fataliste au Sénégal entre 2000 et 2002, quand j’habitais à Dakar :
              “Si je suis pauvre, c’est la volonté de d’Allah et je serai riche au paradis
              Me bouger pour améliorer mon sort serait aller contre la volonté d’Allah qui a voulu que je sois pauvre”
              Je n’ai pas les connaissances pour dire si ce fatalisme est consubstantiel ou non à l’islam

            • Descartes dit :

              @ Philippe Dubois

              [« La religion catholique (…) libérait l’homme de la responsabilité quant à son propre destin sur cette terre. » (…) L’homme en tant qu’individu est responsable de son destin, en tant qu’il est responsable des actes qu’il accomplit en liberté. En ce sens qu’il peut choisir le Bien ou le Mal.]

              Certes. Mais ce choix ne conditionne pas son destin SUR CETTE TERRE. Si l’église avait expliqué que les méchants seraient punis dans cette vie-ci, son message n’aurait pas beaucoup porté parce que l’expérience quotidienne montre exactement le contraire. On voit tous les jours des gens qui choisissent le Mal, et qui jouissent des richesses mal acquises, sont entourés par de nombreux amis et meurent dans leur lit pleurés par une famille nombreuse et aimante. La doctrine catholique reporte les effets de nos choix dans un autre monde. Dans ce monde ci, l’homme n’est pas responsable de son destin : l’homme vertueux peut être condamné à une vie misérable, alors que l’homme qui aura choisi le Mal aura une vie heureuse, parce que Dieu l’aura ainsi décidé. Et nous ne pouvons même pas comprendre pourquoi, puisque « les voies du seigneur sont impénétrables ».

              [Il n’y a pas de fatalisme dans la religion catholique, en ce sens que les Pères de l’Eglise, dont Saint Thomas d’Aquin, ont bien écrit que l’utilisation de la raison pour comprendre la nature permettait de mieux connaître la beauté de la Création et d’améliorer les conditions de vie sur la terre.]

              Vous allez un peu vite en besogne. N’oubliez pas qu’il y a deux catholicismes, celui du peuple et celui des « grands », et ces deux catholicismes ont des fonctions différentes. Le catholicisme du peuple a pour fonction de préserver la hiérarchie sociale. Et c’est pourquoi la hiérarchie catholique a toujours prêché au peuple la soumission et le fatalisme : il faut accepter son lot – puisqu’il a été voulu par Dieu – et surtout pas chercher à changer sa condition, en se consolant avec l’idée que ces souffrances seront récompensées dans l’autre monde, et que le riche qui jouit de tous les biens de la terre a autant de chances d’entrer au royaume des cieux qu’un chameau de passer par le chas d’une aiguille.

              Aux « grands », qui pouvaient se payer le luxe de lire St Thomas d’Aquin, on servait un discours très différent, puisque le but était de les pousser au « bon gouvernement ». D’où l’appel à la raison pour améliorer non seulement ses chances de salut, mais la vie ici-bas.

              Le complotisme remplace en fait le catholicisme du peuple dans sa fonction de dispenser les gens de toute responsabilité. Mais ce langage n’est guère crédible chez les « grands » puisqu’ils sont censés eux-mêmes faire partie du complot. Ce qui ne les empêche pas de temps en temps d’essayer : voir par exemple les discours de Macron sur cet « Etat profond » qui saboterait ses réformes…

              [A l’inverse, des proverbes tels que “Aide-toi et le Ciel t’aidera” ou “La Providence n’est pas un remède à la négligence” ou des passages des Evangiles comme la parabole des talents montrent que l’homme est acteur de son propre destin.]

              Vous extrapolez un peu. « Aide-toi et le ciel t’aidera » est devenu un proverbe à la fin du XVIIème siècle, à une époque où le discours de soumission proposé par le catholicisme était en perte de vitesse. Il tient plus du persiflage de la vision traditionnelle de l’Eglise qui faisait de la prière la solution à tous les maux. Quant à la parabole des talents, je pense que vous en faites une mauvaise lecture. Le bon serviteur est loué pour avoir fait fructifier le bien de son maître, et le mauvais serviteur puni pour ne pas l’avoir fait. Mais le bien reste au maître, et le serviteur reste serviteur, qu’il soit bon ou mauvais. Cette parabole est d’ailleurs interprétée comme une promesse de récompense dans l’autre monde des œuvres qu’on a accompli dans celui-ci.

              [La volonté de Dieu ne concernait que les choses que l’on ne peut expliquer ou empêcher.]

              C’est-à-dire, en dernière instance, tout…

              [La mobilité sociale n’est pas concernée par la volonté de Dieu]

              Vous voulez dire que Rois, Papes et Evêques n’occupent pas leurs places par la volonté de dieu, mais par leurs mérites propres ? L’Eglise a expliqué pendant des siècles le contraire, et continue d’ailleurs à le faire, même si elle le fait d’une façon bien plus discrète que par le passé. Jusqu’au XIXème siècle, l’Eglise a expliqué que l’ordre et la hiérarchie sociale étaient voulus par dieu, et que la contester était un péché gravissime. Ce n’est que très récemment que l’Eglise a admis que l’ordre social est une construction purement humaine.

              [J’ai vu un Islam fataliste au Sénégal entre 2000 et 2002, quand j’habitais à Dakar : “Si je suis pauvre, c’est la volonté de d’Allah et je serai riche au paradis. Me bouger pour améliorer mon sort serait aller contre la volonté d’Allah qui a voulu que je sois pauvre”]

              Si vous regardez ce qu’on racontait dans les églises à nos paysans jusqu’au XIXème siècle, vous trouverez exactement le même discours.

              [Je n’ai pas les connaissances pour dire si ce fatalisme est consubstantiel ou non à l’islam]

              Ce fatalisme est consubstantiel à toutes les églises établies, parce que les églises établies ont un intérêt à la préservation de l’ordre social tel qu’il est, et donc à ce que chacun – surtout les plus pauvres – restent à leur place. Expliquer que cette place a été ordonnée par dieu, et qu’en restant à sa place on gagne la félicité éternelle dans l’au-delà est la recette la plus simple pour obtenir ce résultat, du moins aussi longtemps que les gens croient à un « au-delà ».

        • Vincent dit :

          [lorsque Dieu est mort, la seule volonté qui reste est la volonté humaine. La mort de dieu nous rend responsables de ce qui nous arrive.]

          Décidément, cette phrase m’inspire… J’en profite pour vous relancer sur un sujet connexe dont nous avions déjà débattu, me semble-t-il…

          A une époque un peu lointaine où la société était basée sur des principes hérités de la religion (société de classe), chacun restait à la place qui lui avait été assignée par sa naissance. C’était la volonté de Dieu que les enfants des rois soient rois, que les enfants des guerriers soient guerriers, que les enfants des boulangers soient boulangers… et que les enfants des vagabonds soient vagabonds…
          Mais, comme telle était la volonté de Dieu, personne n’était tenu pour responsable d’être malheureux ou pauvre. Et le pauvre ne se sentait pas responsable de sa pauvreté, ce qui lui permettait au moins, à défaut d’avoir à manger, de conserver un minimum de fierté.

          Maintenant que la seule volonté qui reste est la volonté humaine, chacun est responsable de ce qui lui arrive :
          “Tes deux parents étaient au chômage et dans un quartier difficile ? Peut être… Mais si tu avais réussi les mêmes concours que Macron, tu pourrais être millionaire et président de la République ; tu ne peux t’en prendre qu’à toi même. Si tu es au chômage, c’est de ta faute. Et en plus, rends toi compte que tu es un boulet pour la société, qui est obligée de cotiser pour te donner quelque chose à vivre.”

          Accessoirement, comme tout le monde n’est pas millionaire et président de la République, un système comme le système actuel est un générateur de frustrations et de malheur psychologique incroyable.
          Frustrations que l’on traite par des cours d’estime de soi, d’introspection, par des psychanalyses, etc. Et toutes ces méthodes de “développement personnel”, en retour, favorisent les idées libérales qui sont à l’origine des maux (cf. lien plus bas).
          D’une certaine manière, le “développement personnel” est presque une autre forme de substitut de religion qui permet d’accepter les inégalités de la société telles qu’elles sont.

          Peut être que ceux qui ont raison, qui sont le mieux adaptés à la société modernes, sont les anthroposophes : une vraie [religion/secte], assumée comme telle, mais dont la mise en œuvre pratique peut se résumer à :
          – un refus de tout ce qui est scientifique ou technologique, pour un retour à la nature,
          – la pratique de médiation, de “danses” pouvant faire penser à du yoga, et autres méthodes qui ressemblent à ce qui se fait chez beaucoup de praticiens du “développement personnel”

          https://usbeketrica.com/article/eva-illouz-le-developpement-personnel-c-est-l-ideologie-revee-du-neoliberalisme

          • Descartes dit :

            @ Vincent

            [Mais, comme telle était la volonté de Dieu, personne n’était tenu pour responsable d’être malheureux ou pauvre. Et le pauvre ne se sentait pas responsable de sa pauvreté, ce qui lui permettait au moins, à défaut d’avoir à manger, de conserver un minimum de fierté.]

            Vous décrivez ici la logique théorisée par le philosophe conservateur Roger Scruton, qui souligne qu’une société inégalitaire – car pour lui la société parfaitement égalitaire est impossible – ne peut fonctionner harmonieusement que si elle offre à chaque couche sociale des possibilités de se réaliser professionnellement et socialement sans besoin de chercher la promotion sociale vers une couche différente. En d’autres termes, il faut une hiérarchie parmi les ouvriers qui permette au « bon ouvrier » de se sentir récompensé tout en restant ouvrier. Son raisonnement est que si la seule façon d’être heureux est d’être riche et puissant, comme les riches et puissants sont peu nombreux, l’immense majorité de la population sera malheureuse.

            [Accessoirement, comme tout le monde n’est pas millionaire et président de la République, un système comme le système actuel est un générateur de frustrations et de malheur psychologique incroyable.]

            Exactement. C’est ce que dit Scruton : sauf à imaginer une société ou tout le monde serait millionnaire et président de la République, il faut s’appliquer à bâtir un système ou chacun puisse accéder à la considération sociale sans avoir besoin de devenir millionnaire et président de la République. Et cela suppose d’avoir des « modèles » qui ne soient pas inatteignables.

            [D’une certaine manière, le “développement personnel” est presque une autre forme de substitut de religion qui permet d’accepter les inégalités de la société telles qu’elles sont.]

            Je ne suis pas persuadé. Le succès de l’idéologie du « développement personnel » est pour moi l’illustration la plus éclatante de la prise de pouvoir par les classes intermédiaires, c’est-à-dire, les classes dont la position sociale dépend d’un capital immatériel, qui doit être entretenu et reconstruit en permanence. Car qu’est-ce que le « développement personnel », sinon un moyen de construire du capital immatériel ?

            • Vincent dit :

              Je trouve que vous résumez très clairement ma pensée. Notamment avec cette phrase :

              [Son raisonnement est que si la seule façon d’être heureux est d’être riche et puissant, comme les riches et puissants sont peu nombreux, l’immense majorité de la population sera malheureuse.]

              Cette pensée est une défense du conservatisme dans ce qu’il a de plus anarchique. Naturellement, je ne souhaite pas le retour à une société d’ordres strict, mais il faut savoir reconnaitre ce qui était bon dans des systèmes qui ont tout de même fonctionné assez longtemps, pour essayer de voir ce qui peut en être tiré…

              J’avoue ne jamais avoir lu ce Monsieur Scruton, mais vous me donnez envie de me renseigner…

              [Car qu’est-ce que le « développement personnel », sinon un moyen de construire du capital immatériel ?]

              Je ne vois pas en quoi cela construit un capital. Nous sommes peut être sur un quiproquo. Je visais par mon propos toutes les méthodes pour permettre de se sentir satisfait de ce qu’on a, et de ne pas chercher à toujours se fixer des objectifs inatteignables.
              Je ne parle pas du développement des “savoir être”, comme on dit, à visée professionnelle.

            • Descartes dit :

              @ Vincent

              [Cette pensée est une défense du conservatisme dans ce qu’il a de plus anarchique. Naturellement, je ne souhaite pas le retour à une société d’ordres strict, mais il faut savoir reconnaitre ce qui était bon dans des systèmes qui ont tout de même fonctionné assez longtemps, pour essayer de voir ce qui peut en être tiré…]

              Vous imaginez que moi non plus je ne souhaite pas le retour à une société figée. Mais si l’on admet que l’objectif de l’organisation sociale est le bonheur général, alors il n’y a pas de bonne solution. Une société libre où chacun a la possibilité d’accéder aux plus hautes positions par l’effort, le travail et le mérite implique nécessairement le regret et la frustration de ceux qui n’auront pas réussi. Une société aliénée ou chacun est persuadé d’occuper la bonne place à sa naissance sera plus heureuse, mais elle utilisera de manière bien moins efficace les compétences et les talents de ses membres.

              Je pense que comme beaucoup de choses, il s’agit d’une question de curseur. La société doit créer un stress suffisant pour donner envie aux gens de se dépasser par l’effort et le travail, mais ce stress ne doit pas être si intense qu’il rende les gens frustrés et malheureux au point de gâcher leur vie. A mon avis, cela suppose que chaque personne puisse progresser au cours de sa vie, même si certains progressent plus vite et vont plus haut que les autres. Tous les ouvriers ne pourront pas finir ingénieurs, mais il faut que l’ouvrier à 50 ans ait un statut professionnel, bénéficie d’un respect et d’avantages supérieurs à ceux de l’ouvrier de 30 ans. C’est en cela que la remise en cause des statuts est toxique : aujourd’hui, on trouve des ouvriers de 50 ans obligés d’entrer en concurrence avec ceux de 30 ans, le savoir-faire acquis au cours de longues années de travail n’ayant aucune valeur aux yeux des employeurs…

              [Je ne vois pas en quoi cela construit un capital. Nous sommes peut être sur un quiproquo. Je visais par mon propos toutes les méthodes pour permettre de se sentir satisfait de ce qu’on a, et de ne pas chercher à toujours se fixer des objectifs inatteignables.]

              Je pense que nous n’avons pas la même perception du discours du « développement personnel ». Ce que j’ai vu dans les ouvrages que j’ai feuilleté – je vous avoue que je n’ai pas beaucoup de patience pour me plonger dans ce type de littérature – c’est surtout des méthodes de « savoir être » et de gestion du stress pour être plus performant dans le relationnel. Le but n’est donc pas de restreindre les objectifs, mais de les rendre « atteignables »…

  4. Gautier dit :

    Bonjour Descartes,
    Je souscris à ce qui est dit dans cet article.
    Néanmoins il y a dans l’idéologie macronienne la petite chanson “il faut libérer l’économie de tous les carcans administratifs”. : ainsi pour ce qui concerne les risques majeurs technologiques, un amendement à été proposé par le président d’Amaris et ancien maire de Feyzin pour maintenir valide un pprt qui aurait été annulé pour vice de forme par le juge administratif.
    En l’occurrence, M. Blein qui est aussi lrem a à l’esprit l’annulation du plus grand pprt de France, celui de la vallée de la chimie au sud de Lyon.
    Pourquoi ce pprt a t-il été annulé ? ( Comme d’autres en France semble t’il) ?
    Il a été rédigé par la dreal direction non indépendante vis à vis du préfet.
    Peccadille, d’après Yves Blein.
    Oui mais : quel organisme indépendant aurait osé proposer à la signature du préfet un plan faisant l’impasse sur la présence de la 2eme gare de triage de France coincée entre la raffinerie Total et Rhône gaz 2 entreprises Seveso 2. Cette gare utilisée par Total et 12 compagnies privées et gérée par SNCF réseau est peut être l’endroit le plus dangereux avec des risques d’effets Domino si un incident se déclare en lien direct avec les 2 entreprises citées. Les élus locaux (sauf le Maire de Solaize autre commune limitrophe de la gare) ont fermé les yeux : M. Blein et la Métropole de Lyon ayant favorisé les constructions de logements sociaux près des gares de voyageurs SNCF, près de 400 logements sociaux ont été construits au sud de la gare voyageurs qui est en haut de l’entonnoir qui mène aux quelque 60 voies de la gare de triage. Les locataires riverains des voies de la ligne Lyon Avignon ont la vue sur les rames de wagons citernes stationnées à quelques dizaines de mètres de leur immeuble. Cerise sur le gâteau : M. Blein (toujours lui) a fait construire en anticipation du pprt une nouvelle école à 200m des wagons de la gare de triage au motif que l’ancienne était trop près de la raffinerie (sauf qu’entre l’école et la raffinerie, Total avait construit après la catastrophe de 1966 un mur de 6 m de haut protégeant l’école des risques de déflagration et des souffles brûlants – le seul risque restant étant le nuage de gaz asphyxiant).
    On est loin de l’argument avancé d’arrêter d’emmerder les chefs d’entreprise.
    Dans une de ses vidéos sur la catastrophe de Rouen, François Asselineau soulève un autre lièvre dans le même registre, concernant ce qui était stocké dans l’entrepôt voisin de l’incendie.

    • Descartes dit :

      @ Gautier

      [Néanmoins il y a dans l’idéologie macronienne la petite chanson “il faut libérer l’économie de tous les carcans administratifs”. : ainsi pour ce qui concerne les risques majeurs technologiques, un amendement a été proposé par le président d’Amaris et ancien maire de Feyzin pour maintenir valide un pprt qui aurait été annulé pour vice de forme par le juge administratif.]

      Vous signalez un point que je n’ai pas mentionné dans mon papier mais qui vaut la peine d’être effectivement soulevé. Les Français, et donc les politiques – parce que nos politiques sont bien plus « suivistes » que « leaders » – ont une attitude schizophrène vis-à-vis du contrôle. D’un côté, on exige que chaque risque soit contrôlé et règlementé dans ses moindres détails. De l’autre, on se plaint des réglementations lourdes, des administrations tatillonnes, et on ne perd pas d’opportunité pour exiger une baisse du nombre de fonctionnaires et une simplification des normes au nom de la « libération des énergies ». Cela fait des années qu’on réduit chaque année le nombre d’inspecteurs des installations classées, et on a passé très récemment une batterie de mesures « simplifiant » – c’est-à-dire allégeant – le contrôle de ces installations…

      [Pourquoi ce pprt a-t-il été annulé ? (Comme d’autres en France semble-t-il) ? Il a été rédigé par la dreal direction non indépendante vis à vis du préfet. Peccadille, d’après Yves Blein.]

      J’ignore si c’est là l’argument retenu par le juge, mais si c’est le cas je ne peux vous suivre. Le juge a tort, à mon avis, d’exiger qu’une décision fondamentalement politique soit prise par une autorité « indépendante ». Fixer le niveau de risque auquel on accepte socialement de soumettre une population n’est pas une décision qui peut être prise indépendamment de considérations politiques ou administratives plus larges portées par les préfets. L’important est que le PPRT soit rédigé par une administration compétente, et la protection statutaire est à mon avis suffisante pour garantir que l’expert puisse exprimer son point de vue en toute liberté – ce qui ne veut pas dire la même chose qu’indépendance.

      • Vincent dit :

        [Fixer le niveau de risque auquel on accepte socialement de soumettre une population n’est pas une décision qui peut être prise indépendamment de considérations politiques ou administratives plus larges portées par les préfets.]

        Y voyez vous un lien avec les déboires actuels de la filière nucléaire française (Vs indépendance de l’ASN) ?

        • Descartes dit :

          @ Vincent

          [Y voyez vous un lien avec les déboires actuels de la filière nucléaire française (Vs indépendance de l’ASN) ?]

          Oui, tout à fait. Si on avait fait de l’ASN une autorité de contrôle, dont la fonction serait de contrôler l’application des règles, l’indépendance serait une bonne chose. Mais dès lors qu’elle a le pouvoir réglementaire, l’indépendance devient un énorme danger. Parce que la crédibilité de l’ASN repose essentiellement sur sa capacité à répondre positivement aux préjugés du public. Et comme ce sont les opérateurs nucléaires qui payent, l’ASN a tout intérêt à imposer ceinture et bretelles quel que soit le coût.

      • Philippe Dubois dit :

        [De l’autre, on se plaint des réglementations lourdes, des administrations tatillonnes, et on ne perd pas d’opportunité pour exiger une baisse du nombre de fonctionnaires et une simplification des normes au nom de la « libération des énergies ». Cela fait des années qu’on réduit chaque année le nombre d’inspecteurs des installations classées, et on a passé très récemment une batterie de mesures « simplifiant » – c’est-à-dire allégeant – le contrôle de ces installations…]
        Une réglementation peut être contraignante et simple.
        Un feu rouge ou un panneau stop, c’est contraignant et très simple.

        Pour un autre sujet : la réglementation fiscale est totalement ahurissante, permettant aux grands groupes pouvant se payer de bons avocats fiscalistes de pratiquer l’optimisation fiscale.
        Idem pour le code du travail, trop complexe, dont la simplification permettrait à tout un chacun de mieux défendre ses droits
        (J’ai dit simplification technique, pas démantèlement des protections ou de l’aspect HSCT, même si certaines dispositions HSCT pourraient être réévaluées)
        Ce que la plupart des personnes reprochent à la réglementation, à juste titre, c’est la complexité absolue entre les normes absconses et les règlements ubuesques qui parfois se contredisent.
        Avec parfois certains fonctionnaires “contrôleurs” se croyant investis d’une mission divine qui dépasse largement le principe même du contrôle et qui mettent sur le même plan un oubli documentaire et un manquement aux règles de sécurité

        Il faut que la réglementation soit stricte lorsque la sécurité des personnes est en jeu, mais cette réglementation peut être simple et adaptée à la taille de l’entreprise concernée et au processus de fabrication, avec par exemple des seuils bien délimités (ce qui n’empêche pas les pénalités d’être salées)
        Par ailleurs, un des défauts de notre administration est de systématiquement en rajouter une louche sur les “normes européennes” dont on dit tant de mal favorisant de fait les entreprises étrangères.
        En industrie agro-alimentaire, les dégât ont parfois été considérables sur des TPE, incapables de se mettre aux “normes européennes” revues et corrigées par notre administration.
        De plus, cette complexité réglementaire est un moyen que les grands groupes du capitalisme de connivence (qui n’a rien à voir avec le libéralisme de Bastiat ou de Say) de fausser la concurrence en empêchant le développement de petites entreprises qui ne peuvent pas investir dans des système de sécurité totalement surdimensionnés en ce qui concerne leur activité.

        Cette complexité réglementaire fait également le bonheur de certaines entreprises de formation et de conseil qui vivent sur la bête.

        Par ailleurs, une réglementation simple permettrait de faciliter le travail des services de contrôle, qui sont effectivement souvent sous dotés en personnel, et qui sont obligés de faire des choix.
        Les DDPP contrôlent plus souvent la cuisine centrale d’un CHU qu’un petit restaurant d’entreprise.
        Mais parfois, il arrive que les contrôleurs aient les mêmes exigences pour ces deux entités
        (J’ai quitté il y a déjà quelques temps ces fonctions, mais parfois, les bras m’en sont tombés)

        • Descartes dit :

          @ Philippe Dubois

          [Une réglementation peut être contraignante et simple. Un feu rouge ou un panneau stop, c’est contraignant et très simple.]

          Un panneau stop et un feu rouge ne constituent pas une « réglementation ».

          [Pour un autre sujet : la réglementation fiscale est totalement ahurissante, permettant aux grands groupes pouvant se payer de bons avocats fiscalistes de pratiquer l’optimisation fiscale.
          Idem pour le code du travail, trop complexe, dont la simplification permettrait à tout un chacun de mieux défendre ses droits]

          J’avais un professeur de droit qui, lorsque l’un de ses étudiants tenait ce genre de discours, lui proposait d’écrire lui-même une règle de droit sur un sujet en apparence simple (par exemple, le célèbre problème pour savoir qui est propriétaire des fruits tombés d’un arbre). En général, ça permettait à l’étudiant combien une règle qui a prétention à être universelle est complexe à écrire…

          [Ce que la plupart des personnes reprochent à la réglementation, à juste titre, c’est la complexité absolue entre les normes absconses et les règlements ubuesques qui parfois se contredisent.]

          Pourriez-vous donner un exemple précis ?

          [Avec parfois certains fonctionnaires “contrôleurs” se croyant investis d’une mission divine qui dépasse largement le principe même du contrôle et qui mettent sur le même plan un oubli documentaire et un manquement aux règles de sécurité.]

          Là encore, pourriez-vous donner un exemple précis ?

          [Il faut que la réglementation soit stricte lorsque la sécurité des personnes est en jeu, mais cette réglementation peut être simple et adaptée à la taille de l’entreprise concernée et au processus de fabrication, avec par exemple des seuils bien délimités (ce qui n’empêche pas les pénalités d’être salées)]

          Si vous voulez « adapter la réglementation » à la taille et au processus de fabrication, vous imaginez la quantité de cas différents qu’il vous faut traiter ? Pensez-vous vraiment qu’une réglementation qui remplit ces conditions pourrait être « simple » ?

          [Les DDPP contrôlent plus souvent la cuisine centrale d’un CHU qu’un petit restaurant d’entreprise.
          Mais parfois, il arrive que les contrôleurs aient les mêmes exigences pour ces deux entités]

          Mais la loi, elle, a les mêmes exigences pour les deux entités ? Et si la réponse est positive, pensez-vous que les contrôleurs devraient de leur propre chef ne pas appliquer la loi de la même façon ?

          • Philippe Dubois dit :

            [Un panneau stop et un feu rouge ne constituent pas une « réglementation ».]
            Vous jouez sur les mots
            On s’arrête au feu rouge et au stop : c’est une réglementation

            [Pourriez-vous donner un exemple précis ?]
            Je n’en ai pas sous la main, mais j’entends souvent parler de ça en ce qui concerne la construction, la fiscalité, etc…
            J’ai lu ce cas d’un restaurant sans accès handicapé, avec un accès impossible à créer, où on exigeait malgré tout des toilettes aux normes handicapé
            Cette entreprise artisanale de production de volaille et produits dérivés qui avaient vu son agrément refusé pour un local “bottes” trop petit avec pour conséquences l’interdiction de fournir la cantine communale.
            Même si ce n’est pas stricto-sensu de la réglementation, les exigences de certains auditeurs COFRAC étaient parfois ahurissantes
            (Norme ISO 17025, sur les laboratoires d’essai)

            [Là encore, pourriez-vous donner un exemple précis ?]
            Gérard Filoche, quand il était encore en activité, et d’autres que j’ai connus et dont je tairai les noms

            [Mais la loi, elle, a les mêmes exigences pour les deux entités ? Et si la réponse est positive, pensez-vous que les contrôleurs devraient de leur propre chef ne pas appliquer la loi de la même façon ?]
            La réglementation, issue des règlements européens, exige que le producteur démontre qu’il maîtrise son procédé de fabrication de façon à garantir la santé du consommateur.
            Il est évident que les preuves demandées ne sont pas du même niveau entre un restaurant servant quelques dizaines de couverts en production directe et une cuisine centrale produisant des dizaines de milliers de repas en liaison froide dont certains destinés à des malades, de très jeunes enfants.
            Je n’entrerai pas dans les détails techniques.

            • Descartes dit :

              @ Philippe Dubois

              [« Un panneau stop et un feu rouge ne constituent pas une « réglementation ». » Vous jouez sur les mots. On s’arrête au feu rouge et au stop : c’est une réglementation]

              Non, je ne joue pas avec les mots. Un feu rouge ou un stop, c’est un signal. La réglementation, c’est l’ensemble des règles qui vous dit ce qu’il faut faire lorsqu’on se trouve devant un tel signal. Et cette réglementation n’est pas aussi simple que vous le croyez. Vous écrivez « on s’arrête au feu rouge ou au stop ». Mais qui ça « on » ? Une ambulance transportant un malade en urgence vitale doit-elle s’arrêter au feu rouge ? Et un particulier qui transporte dans sa voiture une personne dans ce même état ? Une voiture de police qui poursuit des délinquants ? Une voiture de pompiers qui va sur le lieu d’un feu ? Une voiture transportant des organes destinés à une transplantation ? Votre réglementation ne peut se contenter de « on s’arrête au feu rouge et au stop ». Il faut qu’elle précise quels sont les véhicules non soumis à cette obligation, dans quelles circonstances peuvent-ils s’en affranchir, de quels indicateurs doivent-ils faire usage pour prévenir les autres usagers. Et si un accident arrivait, il faut que votre réglementation précise qui sera responsable dans chaque cas… non, même pour quelque chose d’aussi simple qu’un feu rouge, la réglementation qui est derrière est redoutable de complexité…

              [« Pourriez-vous donner un exemple précis ? » Je n’en ai pas sous la main, mais j’entends souvent parler de ça en ce qui concerne la construction, la fiscalité, etc…]

              Sans vouloir vous offenser, les plaintes imprécises ne valent pas tripette. Tout le monde adore se plaindre dans ce pays et le fait que la règlementation serait « ubuesque et contradictoire » est devenue un leitmotiv que tout le monde répète sans se poser des questions. Mais dès qu’on demande des exemples PRECIS, il n’y a plus personne.

              [J’ai lu ce cas d’un restaurant sans accès handicapé, avec un accès impossible à créer, où on exigeait malgré tout des toilettes aux normes handicapé]

              J’attire votre attention sur le fait que l’accès handicapé vise à permettre aux personnes handicapés un accès plus facile et surtout autonome aux locaux, mais que même sans accès handicapé, il est possible à un handicapé avec de l’aide de rentrer. Il n’est donc ni absurde ni contradictoire d’exiger que les toilettes puissent accueillir des handicapés quand bien même il n’y aurait pas d’accès dédié.

              [Cette entreprise artisanale de production de volaille et produits dérivés qui avaient vu son agrément refusé pour un local “bottes” trop petit avec pour conséquences l’interdiction de fournir la cantine communale.]

              Je vois mal où est la contradiction dans cette réglementation, ou en quoi elle serait « ubuesque ».

              [« Là encore, pourriez-vous donner un exemple précis ? » Gérard Filoche, quand il était encore en activité, et d’autres que j’ai connus et dont je tairai les noms.]

              Gerard Filoche a mis sur le même plan un oubli documentaire et un manquement aux règles de sécurité ? Dans quelle affaire ?

              [« La réglementation, issue des règlements européens, exige que le producteur démontre qu’il maîtrise son procédé de fabrication de façon à garantir la santé du consommateur. » Il est évident que les preuves demandées ne sont pas du même niveau entre un restaurant servant quelques dizaines de couverts en production directe et une cuisine centrale produisant des dizaines de milliers de repas en liaison froide dont certains destinés à des malades, de très jeunes enfants.]

              Et vous avez été confronté à des inspecteurs demandant les mêmes preuves dans les deux cas ?

        • Yoann Kerbrat dit :

          [ peut être simple et adaptée à la taille de l’entreprise]

          Accélérer la transformation des grands groupes en “PME en cascade”… On connait.

  5. Mon premier commentaire pour dire qu’il me semble que les victimes des essais nucléaires français n’ont jamais réellement été indemnisés. Cela tend au contraire de cet exposé un brin naïf à démontrer que, quand les deniers de l’Etat sont en jeu, on se fiche pas mal de la santé du peuple malgré les lois unanimes, les belles paroles et les promesses d’indemnisation. Il y a bien une “raison d’Etat” en France.

    Deuxièmement, une réflexion : on a pu voir pulluler à l’occasion de cette catastrophe des discours écolo parfaitement inquiétants, promettant, à la faveur d’une “transition écologique”, la fin de ce type d’industries en France. Comme si on pouvait avoir le beurre (les produits élaborés de consommation, le développement économique, technique, humain…), sans le moindre risque, sans la moindre “pollution”. Cela me semble complètement mensonger, illusoire.
    Et si l’on va sur le site d’EELV, que peut-on lire ? « Il est du devoir de l’État de refuser l’augmentation du risque industriel, pour la santé des habitant-es comme pour la préservation des terres agricoles et des ressources naturelles. » Certes, des protections sont toujours possibles et nécessaires, ainsi que des procédures, pour limiter les risques et les accidents. Mais jusqu’où doit aller le “principe de précaution” ? Certes, “les gains financiers l’emportent toujours sur la protection de l’environnement” : c’est le problème de la logique du capitalisme. Mais si l’on veut le progrès, on ne peut pas éviter le “risque” en général. On ne peut pas vivre dans une certitude sur tout, dans une “protection” absolue. S’il y a des risques, c’est qu’il y a des risques, et que des catastrophes arriveront forcément un jour (sinon, où est le risque ?)

    • Descartes dit :

      @ Gautier Weinmann

      [Mon premier commentaire pour dire qu’il me semble que les victimes des essais nucléaires français n’ont jamais réellement été indemnisés. Cela tend au contraire de cet exposé un brin naïf à démontrer que, quand les deniers de l’Etat sont en jeu, on se fiche pas mal de la santé du peuple malgré les lois unanimes, les belles paroles et les promesses d’indemnisation.]

      Pardon… mais je ne sais pas ce que ce sont les « deniers de l’Etat ». Lorsque l’Etat paye des indemnisations, il ne les paye pas avec les « deniers de l’Etat », mais avec NOS deniers. C’est pourquoi je suis personnellement très satisfait que ceux qui sont chargés de gérer NOS deniers soient prudents à l’heure de payer des « indemnisations » de toutes sortes.

      [Il y a bien une “raison d’Etat” en France.]

      De la façon dont vous le dites, on aurait l’impression que vous le regrettez. Pensez-vous que nous nous porterions mieux si le concept même de « raison d’Etat » était banni de notre République ? Personnellement, je reste convaincu qu’on ne peut fonder une nation sur autre chose que la formule tirée de la loi des douze tables : « Salus populi suprema lex esto ». Ce qui est tout de même le fondement de la « raison d’Etat ».

      [Mais si l’on veut le progrès, on ne peut pas éviter le “risque” en général.]

      J’irai beaucoup plus loin : le fait même de vivre implique un « risque ». Comme disait je ne sais plus qui, la vie est une maladie héréditaire et mortelle.

    • Vincent dit :

      @Gautier Weinmann

      Concernant votre premier paragraphe, en l’occurrence, dans le cas présent, il ne s’agit aucunement des “deniers de l’Etat”…

      [Mais si l’on veut le progrès, on ne peut pas éviter le “risque” en général. On ne peut pas vivre dans une certitude sur tout, dans une “protection” absolue. S’il y a des risques, c’est qu’il y a des risques, et que des catastrophes arriveront forcément un jour (sinon, où est le risque ?)]

      J’irais plus loin, même si on regarde uniquement l’aspect “risque”, il faudrait pouvoir en permanence mettre en balance le ‘risque de faire’, et le ‘risque de ne pas faire’.

      J’improvise quelques exemples comme ils me viennent, surement pas les plus pertinents :

      Exemple 1 : quand on interdit le glyphosate, on se pose la question du risque (hypothétique en l’occurrence) de celui ça, mais pas des risques induits par les solutions de substitution ; par exemple, augmentation des labours, avec donc augmentation de la consommation de gazoil, et surtout augmentation des émissions de particules fines de l’agriculture (risque sanitaire avéré) ; perte de revenu pour les agriculteurs, entrainant une situation encore plus difficile qu’aujourd’hui, avec les conséquences en termes de dépressions et suicides, etc.

      Exemple 2 : Quand on veut multiplier les bretelles et ceintures autour des centrales nucléaires, on augmente le coût de l’électricité, ce qui induit une perte de pourvoir d’achat pour les ménages, et une augmentation des coûts des intrants pour l’industrie, avec donc, pour les ménages pauvres, les conséquences psychologiques de la pauvreté qui sont accrues, et, pour les industries, une perte de compétitivité incluant une perte de capacité à investir où à embaucher.

      Exemple 3 : Si on doit annuler au nom de la préservation des zones humides un projet de petit barrage dans les Pyrénées, qui aurait permis à des agriculteurs d’irriguer leur champs, en ne le construisant pas, on rend des terres agricoles impropres à la production de denrées “rentables”. Ce qui diminue les entrées en ressources pour les territoires agricoles, qui n’en ont déjà pas assez.

      Exemple 4 : Quand on parle de limiter le trafic automobile dans les grandes villes pour réduire la pollution, on compte pour peu les pertes de temps qui seront engendrées chez l’ensemble des personnes impactées. Avec les conséquences psychologiques, donc sanitaires, pour ces personnes et leurs familles…

      Si on réussissait, sur tous les sujets, à expliquer que, même d’un point de vue sanitaire, les choses ne sont pas si simples qu’on veut le faire croire, on progresserait beaucoup !

  6. Philippe Dubois dit :

    Bonsoir Descartes

    Vous écrivez : “la destruction de la confiance dans la parole publique s’inscrit dans la logique globale de nos sociétés, celui de la destruction de l’autorité.”

    Je me permettrai de lancer quelques pistes de réflexion

    Cela fait maintenant plus de 40 ans que l’école elle-même combat la notion d’autorité par le discours pédagogiste, mettant sur le même plan le prof et l’apprenant qui doit construire lui-même son savoir.

    De même, cela fait quelques décennies que les gouvernements qui se sont succédé mentent comme des arracheurs de dents sur des sujets fondamentaux, tels que l’insécurité, le niveau de chômage et de pauvreté réelle, l’immigration, etc… avec la complicité des médias bien pensants, (c’est contradictoire avec le sujet du jour)

    L’actuelle clique de nuisibles qui squatte les palais de la république semble particulièrement performante

    Nous avons vu aussi des hauts fonctionnaires mentir, dont des magistrats, pour protéger le pouvoir (le procureur de Nice, par exemple)

    Ensuite, la communication officielle fut particulièrement désastreuse :
    Comment expliquer aux Rouennais que les fumées sont sans danger à quelques km du site (L’usine Lubrizol est à 2,7 km de la cathédrale) alors que dans le même temps, on oblige les agriculteurs à jeter récoltes, lait, oeufs, etc. dans un rayon de plusieurs dizaines de km ?

    La judiciarisation de notre société, sur le modèle américain explique en partie également cette envie de se voir reconnue comme victime.
    Une anecdote me revient : a propos du lait infantile Lactalis
    Un des responsable d’une association de victimes pleurait presque à la télé parce que sa fille aurait éventuellement pu ingérer du lait contaminé.
    Que des parents d’enfants qui ont été malades (36 gamins je crois) se regroupent pour agir, j’approuve.
    Mais là, on frise le ridicule.

    • Descartes dit :

      @ Philippe Dubois

      [Cela fait maintenant plus de 40 ans que l’école elle-même combat la notion d’autorité par le discours pédagogiste, mettant sur le même plan le prof et l’apprenant qui doit construire lui-même son savoir.]

      Le rôle de l’école a été fondamental ces trente ou quarante dernières années dans le combat contre les institutions – car le discours anti-autorité n’est en fait qu’un volet d’un mouvement plus profond, qui est le discours anti-institutionnel. Les enseignants ont été les idiots utiles du processus, le fer de lance de ce discours qui a contribué puissamment à scier la branche même où ils étaient assis. Lorsqu’ils ont poussé à « faire entrer la vie dans l’école », ils ne se sont pas aperçus que les couteaux, les bandes et les trafics allaient entrer avec elle…

      [De même, cela fait quelques décennies que les gouvernements qui se sont succédé mentent comme des arracheurs de dents sur des sujets fondamentaux, tels que l’insécurité, le niveau de chômage et de pauvreté réelle, l’immigration, etc… avec la complicité des médias bienpensants, (c’est contradictoire avec le sujet du jour)]

      Il est clair que la transformation du discours politique en communication a dévalorisé complètement la parole politique. Mais cela ne date pas d’hier : la parole politique était passablement dévalorisée sous la IVème République, et il a fallu toute la rigueur de la période gaullienne pour rétablir une certaine confiance. Mais ce qui m’inquiète, c’est moins la dévalorisation de la parole politique que celle de la parole institutionnelle : celle de l’administration, des académies, de l’expert, du professeur, etc. Et là, on ne peut pas dire que ces institutions aient « menti » tant que ça. Alors, d’où vient cette méfiance ?

      [Nous avons vu aussi des hauts fonctionnaires mentir, dont des magistrats, pour protéger le pouvoir (le procureur de Nice, par exemple)]

      Je vous signale qu’il a été sanctionné pour cela. Et le fait même que cela ait fait scandale montre le cas n’est pas si fréquent. Non, en moyenne les hauts fonctionnaires n’ont pas tant menti que ça. On n’a pas vu beaucoup de préfets cacher des dangers. Les médicaments et produits de santé approuvés par les agences correspondantes sont dans leur immense majorité efficace. Bien sûr, il peut y avoir toujours des erreurs – c’est inhérent à la condition humaine. Mais l’erreur reste exceptionnelle, et les fautes sont effectivement punies. Pourquoi alors retirer à ces organismes notre confiance ?

      [Comment expliquer aux Rouennais que les fumées sont sans danger à quelques km du site (L’usine Lubrizol est à 2,7 km de la cathédrale) alors que dans le même temps, on oblige les agriculteurs à jeter récoltes, lait, oeufs, etc. dans un rayon de plusieurs dizaines de km ?]

      Il y a effectivement un problème de cohérence. D’un côté, les autorités ne font que traduire ce que disent les experts, de l’autre ils cèdent à la pression médiatique qui brandit le principe de précaution.

      [La judiciarisation de notre société, sur le modèle américain explique en partie également cette envie de se voir reconnue comme victime.]

      Je pense que c’est plutôt l’inverse. Le statut donné dans notre société à la victime crée une pression sociale sur le juge, qui accorde de plus en plus facilement des compensations juteuses là où il y a quelques années il était bien plus parcimonieux. C’est cette pression qui est exploitée par toute une galaxie d’avocats-vautours.

      [Une anecdote me revient : a propos du lait infantile Lactalis. Un des responsable d’une association de victimes pleurait presque à la télé parce que sa fille aurait éventuellement pu ingérer du lait contaminé. Que des parents d’enfants qui ont été malades (36 gamins je crois) se regroupent pour agir, j’approuve. Mais là, on frise le ridicule.]

      Puisque les juges accordent maintenant un « préjudice d’anxiété », pourquoi se gêner ?

      • Philippe Dubois dit :

        [Mais ce qui m’inquiète, c’est moins la dévalorisation de la parole politique que celle de la parole institutionnelle : celle de l’administration, des académies, de l’expert, du professeur, etc. Et là, on ne peut pas dire que ces institutions aient « menti » tant que ça. Alors, d’où vient cette méfiance ?]

        Je pense que l’éducation nationale est responsable en partie, elle qui met l’apprenant et le prof au même niveau.
        Maintenant, n’importe quel quidam qui a lu un article de top-santé se croit détenir un savoir équivalent à un professeur de médecine.

        Le pire, c’est quand un représentant célèbre d’une profession, jouissant d’une forte sympathie populaire, raconte des âneries monumentales à la télé.
        Il est quasiment impossible de tenir un discours rationnel derrière.
        Comme exemple, je citerai l’épisode de rage importée en France, qui avait conduit les autorités (direction des services vétérinaires) à faire abattre tout chien ou chat non vacciné ayant eu un éventuel contact avec le chiot malade.
        C’était la seule mesure à prendre (je suis vétérinaire)
        Or, le Docteur Klein avait déclaré que cette mesure était un scandale et qu’il fallait mettre ces animaux en quarantaine pendant quelques semaines avant de les relâcher
        (c’est à dire au moment où ils devenaient contagieux et donc très dangereux)
        Toutes les associations de protection des animaux avaient alors hurlé contre la décision de la DSV, suivis par beaucoup (trop) de citoyens.
        Klein aurait dû être radié à vie de l’ordre.

        Par ailleurs, cette obsession du “On nous cache tout, on ne nous dit rien et on nous ment” que vous soulignez fait des ravages

        • Descartes dit :

          @ Philippe Dubois

          [Je pense que l’éducation nationale est responsable en partie, elle qui met l’apprenant et le prof au même niveau. Maintenant, n’importe quel quidam qui a lu un article de top-santé se croit détenir un savoir équivalent à un professeur de médecine.]

          Oui. Le problème aussi se trouve dans l’idée que « toutes les opinions sont respectables ». Non, toutes les PERSONNES sont respectables, mais cela veut dire quoi « respecter une opinion » ? Prenons une personne qui « opine » que la terre est plate, ou que 2+2=5. L’essence de l’école, c’est de corriger ces « opinions » en apportant des connaissances, pas de les « respecter ».

          Respecter tous les hommes, c’est faire confiance à leur Raison, et donc à leur capacité de changer « d’opinions » devant les faits et les connaissances. C’est ce langage que l’école devrait tenir, en faisant une différence nette entre les matières “opinables” et celles qui ne le sont pas. 2+2=5 n’est pas une opinion, c’est une erreur.

          • BJ dit :

            “2+2=5 n’est pas une opinion, c’est une erreur.”

            Peut être, mais 1 = 2
            La preuve :
            Si 1 = 2, alors moi, je suis le pape
            Mais le pape et moi, ça fait deux !

      • Gugus69 dit :

        Ami et camarade, je nuancerais votre dédain à propos du “préjudice d’anxiété”.
        Je connais le cas de travailleurs d’une grande usine de l’agglomération lyonnaise, qui luttent avec quelque succès pour être indemnisés après une exposition avérée à l’amiante.
        Certains sont morts déjà, hélas ! Et d’autres bien malades.
        Mais pour ceux parmi eux qui ont, pour l’instant, échappé aux pathologies les plus graves, je vous garantis que le “préjudice d’anxiété” n’est pas un vain concept !

        • Descartes dit :

          @ Gugus69

          [Ami et camarade, je nuancerais votre dédain à propos du “préjudice d’anxiété”. Je connais le cas de travailleurs d’une grande usine de l’agglomération lyonnaise, qui luttent avec quelque succès pour être indemnisés après une exposition avérée à l’amiante.]

          Soit cette exposition a provoqué chez eux un dommage REEL, et alors il est juste qu’ils soient indemnisés, soit ce n’est pas le cas et je ne vois pas pourquoi il faudrait leur donner de l’argent. Mais si on commence à indemniser le « préjudice d’anxiété », j’exige moi aussi une indemnisation. Après tout, je viens d’une famille où le cancer du foie est très fréquent. Je vis dans l’angoisse d’avoir cette affection moi-même…

          • Sans amiante comment aurait-on isolé des million de km² de parois bétonnées, comment aurait-on équipé des centaines de milliers d’appartements en évacuation sanitaire, sans compter les gouttières, les toitures d’usine, d’ateliers, de hangars de toutes sortes, les équipements préfabriqués de voiries, de lignes de trains, de distribution électrique ?
            Faut-il rappeler qu’il y eu des “dentifrices atomiques” …

            • Descartes dit :

              @ Gérard Couvert

              [Sans amiante comment aurait-on isolé des million de km² de parois bétonnées, comment aurait-on équipé des centaines de milliers d’appartements en évacuation sanitaire, sans compter les gouttières, les toitures d’usine, d’ateliers, de hangars de toutes sortes, les équipements préfabriqués de voiries, de lignes de trains, de distribution électrique ?]

              Bien entendu. On revient toujours au même problème, celui de la balance entre les risques qu’on prend et les avantages qu’on en tire. Le problème avec l’amiante n’a pas tant été son utilisation que son travail. Pendant des années, on a sous-estimé le risque que prenaient les travailleurs qui façonnaient des pièces ou qui intervenaient dans des bâtiments contenant de l’amiante.

              [Faut-il rappeler qu’il y eu des “dentifrices atomiques” …]

              Les « dentifrices atomiques » ne contenaient en général pas de substances radioactives. C’était une ruse publicitaire, rien de plus. Par contre, il y a bien eu des « fontaines au radium », qui permettaient de délivrer de l’eau irradiée censée avoir des vertus particulières.

          • Gugus69 dit :

            —Soit cette exposition a provoqué chez eux un dommage REEL, et alors il est juste qu’ils soient indemnisés, soit ce n’est pas le cas et je ne vois pas pourquoi il faudrait leur donner de l’argent.—

            Les conséquences psychologiques ne seraient pas des “dommages réels” ?
            Avez-vous entendu parler du “stress post-traumatique” ? Il s’agit d’une anxiété sévère largement documentée, notamment par les médecins militaires. Elle concerne souvent des soldats de retour des combats, et qui n’ont pas forcément eux-mêmes souffert de blessures physiques (vous diriez “réelles”).
            Pourtant, ils développent un état psychologique extrêmement perturbé, avec des conséquences somatiques parfois lourdes, en lien avec des angoisses de mort.
            Le “préjudice d’anxiété”, c’est la même chose à divers degrés, différents selon les individus. Vous avez tort de refuser la reconnaissance de ce préjudice à ces ouvriers exposés à l’amiante.

            • Descartes dit :

              @ Gugus69

              [Les conséquences psychologiques ne seraient pas des “dommages réels” ?]

              Je ne vois pas très bien en quoi les conséquences psychologiques de l’exposition à l’amiante seraient différentes des conséquences psychologiques d’une hérédité chargée, par exemple. Je connais des gens dont les parents et les grands parents sont morts fous, et qui ont toute leur vie craint de finir de la même manière. Je connais des gens dont les ancêtres ont tous développé des cancers très jeunes, et qui ont vécu dans la peur de subir le même sort. En quoi leur situation serait différente de celle des travailleurs exposés à l’amiante et qui craignent de développer un cancer ? Ne faudrait-il pas, eux aussi, les indemniser du « préjudice d’anxiété » ?

              [Avez-vous entendu parler du “stress post-traumatique” ? Il s’agit d’une anxiété sévère largement documentée, notamment par les médecins militaires. Elle concerne souvent des soldats de retour des combats, et qui n’ont pas forcément eux-mêmes souffert de blessures physiques (vous diriez “réelles”).]

              Oui, mais le stress post-traumatique nécessite quand même qu’il y ait un traumatisme. Je vois mal quel serait le traumatisme qui affecterait les gens exposés à l’amiante. Ou alors il faudrait voir un stress post-traumatique dans toute personne exposée à un risque pour sa santé. Ca en ferait, du monde…

              [Le “préjudice d’anxiété”, c’est la même chose à divers degrés, différents selon les individus. Vous avez tort de refuser la reconnaissance de ce préjudice à ces ouvriers exposés à l’amiante.]

              Si on leur reconnaît, je ne vois pas pourquoi on ne reconnaîtrait le même préjudice à tous ceux qui ont été exposés à un risque professionnel – tous les travailleurs du nucléaire, pour commencer – et tous ceux qui ont des antécédents familiaux qui impliquent un risque important de maladie.

            • Gugus69 dit :

              —Je ne vois pas très bien en quoi les conséquences psychologiques de l’exposition à l’amiante seraient différentes des conséquences psychologiques d’une hérédité chargée, par exemple. (…) En quoi leur situation serait différente de celle des travailleurs exposés à l’amiante et qui craignent de développer un cancer ? Ne faudrait-il pas, eux aussi, les indemniser du « préjudice d’anxiété » —

              Cher camarade, quand vous avez une hérédité chargée, vous ne portez pas plainte contre vos géniteurs. Quand vous avez été exposé pendant des années à l’amiante, alors que le risque était connu de vos employeurs, vous portez plainte contre eux. Vous ne voyez pas cette différence assez peu subtile ?

              —Je vois mal quel serait le traumatisme qui affecterait les gens exposés à l’amiante. —

              Quand on vous apprend un jour que vous risquez de mourir relativement jeune dans des conditions pénibles, je pense, pour ma part, que ça peut être très perturbant. Surtout quand vous voyez autour de vous vos collègues mourir les uns après les autres.

              —Si on leur reconnaît, je ne vois pas pourquoi on ne reconnaîtrait le même préjudice à tous ceux qui ont été exposés à un risque professionnel – tous les travailleurs du nucléaire, pour commencer – et tous ceux qui ont des antécédents familiaux qui impliquent un risque important de maladie.—

              Cher ami, l’espérance de vie des mineurs de charbon était diminuée de 10 ans par rapport aux autres travailleurs, en raison principalement de la silicose. On a donc abaissé leur âge de départ à la retraite de 10 ou 15 ans quand l’âge légal était de 65 ans. Pourtant, certains d’entre eux (peu…) ont vécu vieux…
              L’espérance de vie des travailleurs exposés à l’amiante est elle aussi considérablement réduite, alors que contrairement aux mineurs, ils n’avaient pas été informés de cette exposition et du risque induit.
              Affirmez-vous que c’est le cas des travailleurs du nucléaire ? Attention ! Voilà un argument sérieux pour les anti-nucléaires !
              Quant aux antécédents familiaux, ils n’impliquent évidemment aucune responsabilité et ne peuvent donc être traités devant les tribunaux. Cela n’a aucun rapport avec les ouvriers dont je parle… et qui ont gagné leur procès contre leur patronat.

            • Descartes dit :

              @ Gugus69

              [Cher camarade, quand vous avez une hérédité chargée, vous ne portez pas plainte contre vos géniteurs. Quand vous avez été exposé pendant des années à l’amiante, alors que le risque était connu de vos employeurs, vous portez plainte contre eux.]

              Si je m’en tiens à votre logique, je devrais. Après tout, le risque était parfaitement connu des parents, puisqu’eux-mêmes connaissaient le fait que la maladie était présente chez leurs parents et leurs grands parents…

              [Quand on vous apprend un jour que vous risquez de mourir relativement jeune dans des conditions pénibles, je pense, pour ma part, que ça peut être très perturbant. Surtout quand vous voyez autour de vous vos collègues mourir les uns après les autres.]

              Mais encore une fois, c’est la même chose lorsque vous apprenez que vous avez une maladie génétique, et que vous voyez vos frères et sœurs disparaître les uns après les autres, non ?

              [Cher ami, l’espérance de vie des mineurs de charbon était diminuée de 10 ans par rapport aux autres travailleurs, en raison principalement de la silicose. On a donc abaissé leur âge de départ à la retraite de 10 ou 15 ans quand l’âge légal était de 65 ans. Pourtant, certains d’entre eux (peu…) ont vécu vieux…]

              Je ne me souviens pas qu’on ait invoqué, lorsqu’on a rédigé le statut du mineur, un quelconque « préjudice d’anxiété ». Si on a abaissé leur âge de départ à la retraite, ce n’est pas tant pour compenser un quelconque « préjudice », que parce que le métier étant extrêmement dur les gens après cinquante ans n’étaient plus en mesure de travailler.

              [Affirmez-vous que c’est le cas des travailleurs du nucléaire ?]

              On n’en sait rien. Les premières cohortes nombreuses exposées au risque arrivent à la retraite. N’ont-elles pas aussi raison d’être « anxieuses » quant à leur avenir ?

              [Quant aux antécédents familiaux, ils n’impliquent évidemment aucune responsabilité et ne peuvent donc être traités devant les tribunaux.]

              Vous vous trompez. Les enfants peuvent mettre en jeu la responsabilité des parents pour défaut de soins par exemple. Pourquoi ne le pourraient-ils pas par transmission d’une maladie ? Des cas ont déjà été jugés dans ce sens.

            • Gugus69 dit :

              —Vous vous trompez. Les enfants peuvent mettre en jeu la responsabilité des parents pour défaut de soins par exemple. Pourquoi ne le pourraient-ils pas par transmission d’une maladie ? Des cas ont déjà été jugés dans ce sens.—

              Vous vous moquez de moi, ami !
              Quel rapport avec le défaut de soins ? Nous parlions évidemment des maladies héréditaires. Pouvez-vous me citer le cas d’un géniteur condamné pour avoir transmis l’hémophilie ou la mucoviscidose à sa progéniture ?
              Mais peu importe : je crois que nous ne tomberons pas d’accord cette fois.

            • Simon dit :

              Cher Descartes,
              Il y a probablement dans les deux cas le même préjudice d’anxiété, au sens souffrance morale dûe à la situation, mais cela n’a rien à voir avec le bien-fondé d’une indemnisation.
              Prenons votre exemple: si au cours de sa carrière votre voisin a été massivement exposé à un puissant agent cancérigène pour le foie, s’il développe un cancer du foie, il est fondé à recevoir une indemnisation raisonnable. Et ce cancer lui causera le même préjudice au sens de dommage qu’à vous. Et je pense que vous êtes d’accord sur le fait que vous n’avez pas à demander une indemnisation en cas de cancer vous atteignant.
              Par analogie, ce voisin (si les circonstances le justifie, pas un risque absolu à 0,1%, plutôt un “j’ai vu mourrir le tiers de mes collègues”) peut être fondé à être indemnisé de ce préjudice d’anxiété, sans que vous ne le soyez.

              Pour le nucléaire, cela pourrait être envisageable pour les liquidateurs de Chernobyl, qui ont de plus statistiquement eu des conséquences sérieuses de cette anxiété (mortalité par alcoolisme élevée). Vous savez mieux que moi que l’etat de santé des travailleurs du nucléaire en France est bon (comme à l’étranger, Maiak &co exclu).

              Pour les décodeurs, le dernier sur les propos de Mme Buzyn est fabuleux, si vous citez le ministre en respectant l’idée générale de ses propos, c’est sans doute que vous êtes facho.
              https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2019/09/30/non-agnes-buzyn-n-a-pas-vraiment-dit-qu-une-femme-peut-etre-un-pere_6013629_4355770.html

            • Descartes dit :

              @ Simon

              [Prenons votre exemple: si au cours de sa carrière votre voisin a été massivement exposé à un puissant agent cancérigène pour le foie, s’il développe un cancer du foie, il est fondé à recevoir une indemnisation raisonnable. Et ce cancer lui causera le même préjudice au sens de dommage qu’à vous. Et je pense que vous êtes d’accord sur le fait que vous n’avez pas à demander une indemnisation en cas de cancer vous atteignant.]

              Non, franchement, je ne vois pas. Dès lors que mon cancer n’est pas dû à la fatalité mais à une cause précise dont quelqu’un porte la responsabilité, je peux demander à être indemnisé. Des gens ont obtenu d’être indemnisés par les fabricants de cigarettes au prétexte que leur cancer était lié au fait de fumer.

              [Pour les décodeurs, le dernier sur les propos de Mme Buzyn est fabuleux, si vous citez le ministre en respectant l’idée générale de ses propos, c’est sans doute que vous êtes facho. (…)]

              On ne sait pas s’il faut en pleurer ou en rire…

            • pierre dit :

              @ Descartes

              (((Vous vous trompez. Les enfants peuvent mettre en jeu la responsabilité des parents pour défaut de soins par exemple. Pourquoi ne le pourraient-ils pas par transmission d’une maladie ? Des cas ont déjà été jugés dans ce sens.))))

              Il ne me reste pas grand chose de mes cours de droit mais suite à l’affaire Perruche, le Droit dit clairement que Nul ne peut se prévaloir d’un préjudice du seul fait de sa naissance. j’ai oublié les références de l’article.

            • Descartes dit :

              @ pierre

              [« Vous vous trompez. Les enfants peuvent mettre en jeu la responsabilité des parents pour défaut de soins par exemple. Pourquoi ne le pourraient-ils pas par transmission d’une maladie ? Des cas ont déjà été jugés dans ce sens. » Il ne me reste pas grand chose de mes cours de droit mais suite à l’affaire Perruche, le Droit dit clairement que Nul ne peut se prévaloir d’un préjudice du seul fait de sa naissance. j’ai oublié les références de l’article.]

              Effectivement, la loi du 4 mars 2002 votée suite à l’arrêt Perruche établit que nul ne peut être indemnisé pour le préjudice d’être né. Mais ce vote suit l’arrêt de la Cour de cassation disant exactement le contraire, ce qui tend à montrer que l’idée d’obtenir une indemnisation de ses parents pour vous avoir transmis une maladie n’est en rien aberrante. J’ajoute que la loi du 11 février 2005 proclame que « la personne handicapée a droit à la compensation des conséquences de son handicap », ce qui rétablit en partie les effets de l’arrêt Perruche…

            • Vincent dit :

              [[Affirmez-vous que c’est le cas des travailleurs du nucléaire ?]]
              [On n’en sait rien.]

              S’il y a un domaine bien documenté en matière de risques professionnels, c’est bien celui des travailleurs du nucléaire.
              Il existe un projet de recherche comprenant un suivi longtidudinal d’une cohorte hallucinamment grosse (et permettant donc de mettre en évidence des effets même minimes) : 300 000 personnes inclues dans la cohorte, suivies pendant une durée moyenne d’à peu près 30 ans !
              (couramment, on considère qu’avec quelques centaines de personnes suivies pendant 5 ans, on considère souvent que c’est déjà une très belle cohorte).

              Vous pouvez recherche : étude INWORKS si vous voulez.
              De mémoire, ils ont réussi à mettre en évidence une légère augmentation du risque de survenue de je ne sais plus quelle forme rare de lymphome. Du genre 13 cas sur 10000 qui passe à 17 cas sur 10000…

            • Descartes dit :

              @ Vincent

              [S’il y a un domaine bien documenté en matière de risques professionnels, c’est bien celui des travailleurs du nucléaire.]

              Certes. Mais l’exploitation massive du nucléaire dans notre pays a commencé au début des années 1980. En d’autres termes, les gens qui ont fait une carrière complète dans le domaine arrivent à peine à la soixantaine. Imaginez que les rayonnements aient pour effet de favoriser l’apparition de cancers ou de la maladie d’Alzheimer à partir de 65 ans… vous ne le saurez que lorsque les cohortes en question atteindront cet âge-là.

              Tout ce qu’on peut dire aujourd’hui, c’est que les doses de rayonnement prises par les travailleurs du nucléaire n’ont pas d’effets notables sur la santé jusqu’à 60 ans. Il est d’ailleurs très difficile d’interpréter certains résultats. Ainsi, par exemple, les travailleurs du nucléaire développent plus tôt certains cancers, mais leur morbidité est plus faible. Cela peut venir d’un effet réel des rayonnements… mais aussi du fait que les travailleurs du nucléaire ont un suivi médical bien plus rigoureux que la moyenne de la population.

  7. Jopari dit :

    [Loin de mériter une condamnation, Pellerin mérite un monument. ]

    Il mériterait surtout une réhabilitation, sachant que, même après avoir été blanchi en pleine cour, il est encore diffamé. La loi de Brandolini en action…

    [au fonctionnaire courageux qui refusa la démagogie, et économisa ainsi les deniers publics]

    Les conséquences d’une surréaction ne sont pas que financières.

    [Ces accidents ne tuent personne, mais font vivre beaucoup de monde.]

    Vous parliez des gains matériels, il y a aussi les gains sociaux, enrichissant un capital social, une réputation au sein d’un groupe.

    Être le “valeureux héros combattant contre l’administration aveugles et des industriels cupides” est très populaire parmi certains milieux: au lieu d’être des médecins lambdas soignant tranquillement dans leurs cabinets leurs patients jusqu’à la retraite, des individus tels que les docteurs Joyeux et Belpomme peuvent être les héros des temps modernes, protégeant la santé publique du danger des vaccins et des ondes, et Rivasi n’est pas une enseignante de base mais une militante contre les “nucléocrates anti-démocrates” et les “multinationales.” Vous parliez d’hypocondrie, on pourrait ajouter Münchhausen, par procuration ou non.

    Ce capital social peut être réinvesti pour grossir encore plus, tel que se faire élire conseiller municipal voire même député (Rivasi). Du reste, on peut en faire du capital sonnant et trébuchant (certains ironisaient en disant que GMO (traduction anglaise d’OGM) voulait dire Greenpeace Membership Opportunity).

    [La confiance, on n’insistera jamais trop, est un bien social.]

    Et fragile: il faut 20 ans à une entreprise pour bâtir une confiance que 20 minutes peuvent détruire. Arthur Andersen Accounting a disparu, après un siècle d’existence, car elle avait été impliquée dans la “comptabilité créative” d’Enron et surtout dans la destruction de documents comptables, ce qui fit perdre, aux yeux des investisseurs, toute crédibilité aux comptes qu’il établissaient.

    Il a fallu plusieurs siècles pour bâtir cette confiance envers les institutions, et 30 ans de propagande pourraient bien la réduire à néant.

    Pour le moment, le “on nous cache tout, on nous dit rien” ne prend pas trop racine chez nous, mais au vu par exemple de certaines statistiques sur la vaccination, cette faction pourrait bien gagner en importance et surtout en pouvoir.

    Il y aurait un intéressant livre à écrire sur ces campagnes, que l’on pourrait nommer Le Style paranoïaque de la politique écologiste.

    • Descartes dit :

      @ Jopari

      [Il mériterait surtout une réhabilitation, sachant que, même après avoir été blanchi en pleine cour, il est encore diffamé. La loi de Brandolini en action…]

      Tout à fait. Mais la loi de Brandolini ne marche que parce que les gens – du moins les gens qui comptent médiatiquement – VEULENT croire. Les gens ont envie de se représenter un monde où de méchants lobbies (celui du nucléaire, celui du médicament…) nous cachent tout et ne nous disent rien. C’est pourquoi Pellerin peut être blanchi mille fois, ces gens continueront à raconter le même bobard. La question intéressante est pourquoi dans notre société il y a des gens qui VEULENT croire ce genre de bobard.

      [« Ces accidents ne tuent personne, mais font vivre beaucoup de monde. » Vous parliez des gains matériels, il y a aussi les gains sociaux, enrichissant un capital social, une réputation au sein d’un groupe.]

      Effectivement. J’avais évoqué la chose en parlant des « carrières ».

      [« La confiance, on n’insistera jamais trop, est un bien social. » Et fragile: il faut 20 ans à une entreprise pour bâtir une confiance que 20 minutes peuvent détruire.]

      Le cas des entreprises est différent. Les entreprises existent pour faire gagner de l’argent à leurs actionnaires. C’est, au-delà des bavardages sur la responsabilité sociale et autres balivernes, leur raison d’être. Il s’ensuit que logiquement on ne peut faire confiance à une entreprise que dans la mesure où la vérité lui rapporte plus que le mensonge, et cela n’est guère garanti. Dans le cas d’Arthur Andersen, il n’est pas du tout évident que sa « comptabilité créative » ait fait in fine perdre de l’argent à ses actionnaires. Certes, ils ont perdu leur capital à la fin, lorsque le cabinet s’est effondré sous le poids des mensonges qu’il a couverts. Mais pendant vingt ans ces mensonges lui ont rapporté de très juteuses commissions. Lorsqu’on fait le bilan, les actionnaires sont-ils perdants ou gagnants ?

      Pour les institutions publiques, c’est très différent. L’académie de médecine ne « gagne » rien à recommander la vaccination plutôt qu’à se faire le porte-voix des anti-vaccins. Les hauts fonctionnaires du ministère de l’énergie ne sont pas payés plus pour faire du nucléaire que pour faire des éoliennes. Le préfet de la Seine-Maritime ne voit pas son salaire augmenter s’il accable Lubrizol. Il est donc rationnel de faire confiance à l’académie de médecine, aux hauts fonctionnaires de l’énergie ou au préfet sans avoir à regarder l’équilibre économique.

      • Jopari dit :

        [Pour les institutions publiques, c’est très différent. L’académie de médecine ne « gagne » rien à recommander la vaccination plutôt qu’à se faire le porte-voix des anti-vaccins. Les hauts fonctionnaires du ministère de l’énergie ne sont pas payés plus pour faire du nucléaire que pour faire des éoliennes. Le préfet de la Seine-Maritime ne voit pas son salaire augmenter s’il accable Lubrizol. Il est donc rationnel de faire confiance à l’académie de médecine, aux hauts fonctionnaires de l’énergie ou au préfet sans avoir à regarder l’équilibre économique.]

        Sauf que l’enjeu, pour cette clique, c’est de créer l’impression que les institutions ne sont plus crédibles, qu’elles sont sous l’influence de Monsanto, Areva, Vinci (voir le préfet accusé de leur être vendu) ou tout autre groupe de pression.

  8. musée de l'europe dit :

    N’oubliez quand même pas que tout le monde a oublié Fukushima… et que la désinformation en matière d’accident industriel est plutôt la norme. Que vous en soyez resté à Tchernobyl est symptomatique. Auriez-vous fait le même titre avec Fukushima au lieu de Tchernobyl ?

    Par ailleurs, d’autres hypothèse que vous n’évoquez pas pointent vers un recul de l’État, et donc de ces fonctionnaires d’un autre temps que vous valorisez à juste titre.

    N’a-t-on pas entendu à l’Assemblée que pour des raisons de sécurité nationale, non industrielle mais terroriste, ça prendrait quelques jours de connaitre la liste des produits stockés sur un site Seveso + car il importait de planquer la dite liste pour que les terroristes ne puissent s’en emparer ?

    En fait, votre article est un peu étrange car il taxe d’irrationalité (isme) des gens qui s’interrogent en l’absence d’infos fiables émanant de l’État, et ne croient plus que l’État les protège (ce qui en matière sociale est avéré).

    Alors que des médias en mal de sensationnalisme racontent n’importe quoi, et que leur condition d’entreprises privées intéressées par le dépérissement de l’État (dont elles vivent) jouent le rôle qui est inscrit dans leur nature. Ok.

    Mais vous ne pensez pas quand même que les gens qui doutent sérieusement de la nature d’un État social protecteur qu’ils revendiquent ont, hors tout bilan rationnel de cette catastrophe que NI VOUS NI MOI ne pouvons dresser, des raisons de s’inquiéter, nonobstant les vendeurs de prime time ?

    Et pensez-vous que la priorité de l’État lors de Tchernobyl était de savoir ce que l’État n’avait pas les moyens de savoir ou le maintien de l’ordre public ?

    • Descartes dit :

      @ musée de l’europe

      [N’oubliez quand même pas que tout le monde a oublié Fukushima… et que la désinformation en matière d’accident industriel est plutôt la norme. Que vous en soyez resté à Tchernobyl est symptomatique. Auriez-vous fait le même titre avec Fukushima au lieu de Tchernobyl ?]

      Je vous trouve légèrement péremptoire. Vous êtes bien optimiste en pensant que « tout le monde a oublié Fukushima ». Un certain nombre d’ONG n’ont au contraire rien oublié, et surtout l’avantage qu’elles peuvent tirer à invoquer en permanence la centrale accidentée, en inventant périodiquement un nouveau bobard. On a commencé par le « territoire invivable pendant des millénaires » ou les gens commencent à se réinstaller, on a continué par les piscines dont l’effondrement, souvenez-vous, était « inéluctable » mais qui ne se sont pas effondrées, et maintenant le nouvel épouvantail est l’eau faiblement contaminée dont on ne saurait que faire…

      Mais surtout, je vous trouve péremptoire dans votre affirmation que « la désinformation en matière d’accident industriel est plutôt la norme ». Pourriez-vous donner quelques exemples de « désinformation en matière d’accident industriel » dans notre beau pays ?

      [N’a-t-on pas entendu à l’Assemblée que pour des raisons de sécurité nationale, non industrielle mais terroriste, ça prendrait quelques jours de connaitre la liste des produits stockés sur un site Seveso + car il importait de planquer la dite liste pour que les terroristes ne puissent s’en emparer ?]

      Ca me paraît une évidence. On ne va pas s’amuser à pointer du doigt les sites ou les terroristes peuvent trouver les produits les plus dangereux pour leur permettre soit de les voler, soit de les disperser dans l’environnement. Mais il n’y a là aucune « désinformation », simplement une précaution raisonnable. Lorsque la banque vous cache le code de sa chambre forte, elle ne vous « désinforme » pas, elle vous protège.

      J’ajoute que ceux-là même qui ont clamé à cor et à cri la publication de la fameuse liste ont été les premiers à proclamer, une fois la liste publiée, qu’elle était « inutilisable ». Tout simplement parce qu’une liste de produits chimiques ne vous dit rien si vous n’avez pas fait d’études en chimie et en toxicologie qui vous permettent de comprendre le risque de chaque produit. A quoi s’ajoute le fait que les produits en question n’ont pas été dispersés « tels quels », mais qu’il faut tenir compte des transformations chimiques induites par la combustion… Franchement, la publication de la « liste » n’avait aucune utilité. Elle n’éclairait en rien le public, au contraire.

      [En fait, votre article est un peu étrange car il taxe d’irrationalité (isme) des gens qui s’interrogent en l’absence d’infos fiables émanant de l’État, et ne croient plus que l’État les protège (ce qui en matière sociale est avéré).]

      Pas du tout. Je ne taxe pas d’irrationalité les gens qui se posent des QUESTIONS. Je taxe d’irrationalité ceux qui, sans rien y connaître, apportent à ces questions des REPONSES définitives. Ce n’est pas tout à fait la même chose. Je ne vois pas par exemple où est « l’absence d’informations fiables émanant de l’Etat ». Le préfet a périodiquement communiqué l’état des connaissances. Qu’une information ne corresponde pas à ce que vous voulez entendre ne la rend pas pour autant peu fiable.

      Quant à « ne pas croire que l’Etat les protège », c’est une non-croyance assez peu justifiée, même dans « le domaine social ». Il ne faut pas tout de même exagérer dans le misérabilisme. Si les gens mangent une nourriture saine, c’est parce qu’il y a une réglementation et des inspecteurs de la DCCRF qui passent périodiquement dans les restaurants et les supermarchés pour la faire appliquer.

      [Alors que des médias en mal de sensationnalisme racontent n’importe quoi, et que leur condition d’entreprises privées intéressées par le dépérissement de l’État (dont elles vivent) jouent le rôle qui est inscrit dans leur nature. Ok.]

      Oui. Mais que des idéologues qui prétendent être attachés à la préservation des institutions collectives joignent leur voix à cette campagne et que les politiques les suivent, c’est déjà plus gênant…

      [Mais vous ne pensez pas quand même que les gens qui doutent sérieusement de la nature d’un État social protecteur qu’ils revendiquent ont, hors tout bilan rationnel de cette catastrophe que NI VOUS NI MOI ne pouvons dresser, des raisons de s’inquiéter, nonobstant les vendeurs de prime time ?]

      Il y a beaucoup de raisons de s’inquiéter dans ce monde. Mais l’Etat n’est pas l’ennemi des gens, c’est leur principal allié. Imaginer qu’en affaiblissant les institutions les gens seront mieux protégés est une aberration.

      [Et pensez-vous que la priorité de l’État lors de Tchernobyl était de savoir ce que l’État n’avait pas les moyens de savoir ou le maintien de l’ordre public ?]

      La priorité de l’Etat est TOUJOURS le maintien de l’ordre public qui, je le rappelle, inclut « le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publique » (loi du 5 avril 1884). C’est sa fonction, il existe pour cela. Dans ce cadre, l’Etat a cherché à savoir – et c’est pourquoi le SCPRI avait à l’époque fait les mesures pertinentes – de manière à pouvoir asurer « la salubrité publique ». Et il se trouve qu’il a plutôt bien réussi.

    • Fukushima est effectivement un accident industriel ayant affecté par répercussion des installations “nucléaires” ; il pose nettement la question de savoir si ce genre d’établissements, et même de secteur, doit être laissé à des entreprises privées dont tous les rouages sont prévus pour générer des profits en bout de chaine capitalistique.
      La déclaration du premier ministre japonais de l’époque disant que la mentalité nippone avait une part de responsabilité dans la mauvaise gestion de l’accident doit aussi être prise en compte, surtout lorsque l’on observe que le directeur de la centrale, à qui l’on doit sans doute d’avoir évité une catastrophe considérable, s’est justement affranchi de la soumission des Japonais aux procédures et à la hiérarchie.

      • Descartes dit :

        @ Gérard Couvert

        [Fukushima est effectivement un accident industriel ayant affecté par répercussion des installations “nucléaires” ; il pose nettement la question de savoir si ce genre d’établissements, et même de secteur, doit être laissé à des entreprises privées dont tous les rouages sont prévus pour générer des profits en bout de chaine capitalistique.]

        Ne croyez pas que le fait que l’établissement soit public vous met à l’abri de ce processus. En temps d’économies, la pression sur les hauts fonctionnaires pour réduire la dépense peut être aussi féroce que dans une entreprise privée. Plus que le statut du propriétaire du réacteur, c’est le statut du personnel qui à mon sens est important. Le fait que les réacteurs soient opérés par du personnel sous statut protecteur et fortement syndicalisé permet à ce personnel de résister aux pressions de la rentabilité voire à dénoncer les mauvaises pratiques à tous les niveaux.

        Personnellement, je pense qu’il faudrait aller vers un système où les installations dont le fonctionnement présente un risque pour les populations, qu’elles soient nucléaires, chimiques, mais aussi hospitalières, par exemple, devraient obligatoirement être opérées par du personnel sous statut public ou du moins d’ordre public.

        [La déclaration du premier ministre japonais de l’époque disant que la mentalité nippone avait une part de responsabilité dans la mauvaise gestion de l’accident doit aussi être prise en compte,]

        Oui. Mais lorsqu’on écrit une procédure d’incident, celle-ci doit prendre en compte la mentalité des gens qui seront chargés de l’appliquer. C’est d’ailleurs pourquoi il faut se méfier de ceux qui voudraient des procédures uniformes au niveau international…

  9. musée de l'europe dit :

    “Les médias nous disent que « les Rouennais s’inquiètent », ou que « les Rouennais se méfient », mais on n’a pas vu les routes bloquées par les Rouennais désespérés quittant leur cité, comme on a pu l’observer dans d’autres pays dans des situations semblables. On peut donc déduire que le discours rassurant des autorités a effectivement rassuré la population, que celle-ci se sent moins « menacée » qu’on ne le croit.”

    Le discours rassurant des autorités a rassuré… Est-ce réellement rassurant ? De quelles autorités parlez-vous ? Parce qu’on a pas eu l’équivalent d’un Pellerin, supposé indépendant. Et vous confondez allègrement autorités (gouvernement) et autorités (scientifiques, administratives, non-politiques). Moi j’ai rien entendu. Donc si les discours rassurants de la clique qui occupe l’Etat (du genre rassurez-vous braves gens on privatise pour votre bien, pas dut tout pour vendre le pays par appartements…) rassurent (super la réforme des retraites, ne craingnez rien !), je m’inquiète… Mais Descartes va me rassurer lui aussi ?

    • Descartes dit :

      @ musée de l’europe

      [Le discours rassurant des autorités a rassuré… Est-ce réellement rassurant ?]

      Personnellement, cela me rassure. Je préfère de loin la situation où une autorité peut se prévaloir de la confiance des gens et donc les faire agir de manière concertée à la situation où aucune autorité ne pouvant se prévaloir d’une telle confiance les gens agissent aléatoirement en fonction de leurs préjugés et des discours médiatiques. Parce que même si une autorité n’est pas infaillible, elle est moins faillible qu’un choix aléatoire.

      [De quelles autorités parlez-vous ? Parce qu’on a pas eu l’équivalent d’un Pellerin, supposé indépendant.]

      Personne n’a « supposé » que Pellerin fut « indépendant ». Pellerin était le chef d’un service administratif – le service central de protection contre les rayonnements – nommé et révocable par le ministre. Pellerin était un expert dans son sujet, travaillant sous le contrôle de ses pairs, et à une époque où l’expert avait une certaine autorité face à des politiques soucieux de ne pas faire n’importe quoi. Mais il n’était nullement « indépendant » au sens où on l’entend aujourd’hui.

      Tout le débat sur « l’indépendance » est un leurre. L’expert indépendant, cela n’existe pas. Il faut se résigner au fait que l’expert est humain, et qu’il a donc des préférences, des préjugés, des intérêts. Croyez-vous vraiment que si les « experts » de Greenpeace étaient convaincus que nos centrales nucléaires étaient sûres ils le diraient ? Bien sûr que non : ils sont recrutés pour dire le contraire, ils ne vont pas saboter leur affaire.

      La possibilité d’avoir une expertise rationnelle, séparée des intérêts repose sur la force des institutions, et non sur « l’indépendance » des individus. C’est la collégialité des institutions scientifiques et le contrôle par les pairs qui permet d’écarter les fausses « expertises ». Le problème réside précisément dans le fait qu’on a affaibli depuis quarante ans l’ensemble des institutions techniques, d’autant plus que ces institutions avaient une certaine tendance à contredire les préjugés des gens et donc des politiques… souvenez-vous de la dissolution du Commissariat général au Plan qui s’était permis de critiquer sévèrement la réforme des retraites impulsée par Jospin…

      [Et vous confondez allègrement autorités (gouvernement) et autorités (scientifiques, administratives, non-politiques).]

      Pas du tout. J’ai pris au contraire un grand soin de les distinguer.

      [Moi j’ai rien entendu. Donc si les discours rassurants de la clique qui occupe l’Etat (du genre rassurez-vous braves gens on privatise pour votre bien, pas du tout pour vendre le pays par appartements…) rassurent (super la réforme des retraites, ne craignez rien !), je m’inquiète… Mais Descartes va me rassurer lui aussi ?]

      J’avoue que je vois mal le rapport entre la gestion d’une crise technique et des décisions par essence politiques. Faire confiance à un préfet pour prendre les mesures qui s’imposent pour préserver la salubrité publique est une chose, faire confiance à un politique qui vous propose la privatisation d’une entreprise publique ou une réforme des retraites, c’en est une autre.

  10. Rincevent dit :

    Merci pour votre billet. J’étais certain qu’il arriverait tôt ou tard. C’est en tout cas soulageant de lire quelque-chose de sensé sur le sujet.
    Cela fait presque une décennie que je suis votre blog sans commenter mais l’occasion est ici trop belle car, je dois l’avouer, ces événements ont été extrêmement instructifs.

    Comme la préfecture a très vite publié des relevés de qualité de l’air et des suies, j’ai saisi l’occasion pour faire mes propre petites recherches sur le sujet, comparant les mesures aux taux de toxicité des diverses molécules recherchées, révisant quelques bases en chimie organique etc.
    Je ne suis pas chimiste, je ne suis même pas scientifique. Et pourtant il m’a suffit de quelques heures de recherches à peine pour identifier bon nombre d’idioties inondant les réseaux sociaux et, plus grave encore, les chaines et sites d’infos. J’ai pu aussi voir certaines de ces inepties rebondir d’un média à l’autre.

    Exemple frappant: un chimiste (et surtout expert judiciaire) passe sur BFM et se fait remarquer par son ton alarmant. Buzz sur les réseaux sociaux. Le lendemain le monsieur est invité partout à réciter sa diatribe.
    Il exige pêle-mêle de la préfecture qu’elle analyse la présence de métaux lourds et de HaP (tant pis si les résultats, négatifs, étaient déjà tombés deux jours avant). Commentant l’inventaire des produits publiés par l’entreprise, il dit craindre l’émission de dioxines (tant pis si cet inventaire ne contient pas ou peu de produits chlorés, rendant l’émission de dioxines improbables)… Et, comme vous le dites, ce monsieur est peint en héros. Je ne serais d’ailleurs pas étonné de retrouver ce “Consultant Juridique” lors de futurs procès que diverses associations ne manqueront pas de lancer.

    Et pendant qu’on tendait les micros à ces gens là, il ne me semble pas avoir vu la moindre intervention de spécialistes en risque industriels, en feu d’hydrocarbure…
    J’ai vu des dizaines d’articles et interventions diverses réclamer des analyses mais aucun lien vers les analyses proprement dites quand elles étaient disponibles. Le problème n’est donc pas que les gens ne savent pas mais bien qu’ils ne veulent pas savoir.
    Alors, autant je comprends que l’on puisse ignorer la réalité pour vivre dans un monde rêvé et rassurant, autant je comprends mal ceux qui préfèrent vivre dans un cauchemar permanent où chaque respiration donne le cancer et où la fin du monde est pour demain.
    Peut-être n’est-ce là qu’une lubie d’une classe favorisée qui, n’étant pas confrontée à de graves problèmes, cherche à se faire peur ? Après tout, comme vous le faites remarquer, ces gens là n’ont pas plié bagages depuis l’incendie. Mais pourtant, leurs discours a un véritable impact sur vie la politique et sur la manière dont se construit le rapport à la réalité de notre société.
    En tant que militant politique cela m’effraie: Comment avoir une prise sur la réalité si elle n’intéresse plus personne ? Comment débattre si les faits deviennent relatif au bon vouloir de chacun ?

    Les politiciens portent dans cet affaire une lourde responsabilité. En particulier ceux qui se sont rendus sur place pour attiser la panique et, au passage, cracher sur les fonctionnaires locaux. Ces derniers qui, sans doute sous une grande pression de leur hiérarchie, ont fait tous les relevés et analyses en un temps record sans un remerciement, s’en souviendront.
    En faisant cela, ces responsables créent les conditions de leurs future impuissance.

    • Descartes dit :

      @ Rincevent

      Au choix de votre pseudo, je vois qu’on a mes mêmes goûts littéraires…

      [Exemple frappant: un chimiste (et surtout expert judiciaire) passe sur BFM et se fait remarquer par son ton alarmant. Buzz sur les réseaux sociaux. Le lendemain le monsieur est invité partout à réciter sa diatribe.]

      Tout à fait. Parce que les « experts » qui tiennent des discours alarmants – et dans une société aussi complexe que la nôtre, il y a toujours quelque chose qu’on ignore et qu’on peut exploiter pour l’associer à un danger « possible » – tiennent le discours que le public veut entendre. La question intéressante serait de comprendre pourquoi les gens ont envie d’avoir peur, de se mettre dans la peau de la victime.

      J’ajoute que tout cela n’est pas nouveau. On a toujours eu une presse « jaune » qui faisait trembler dans les chaumières avec des histoires de faits divers terrifiants. Ce genre d’histoires fonctionne sur la logique du « cela aurait pu vous arriver », mais aussi sur le « que fait la police ». On a même en mémoire des cas où la pression sociale a été telle qu’elle a suffi pour faire condamner des innocents…

      [Et pendant qu’on tendait les micros à ces gens là, il ne me semble pas avoir vu la moindre intervention de spécialistes en risque industriels, en feu d’hydrocarbure…
      J’ai vu des dizaines d’articles et interventions diverses réclamer des analyses mais aucun lien vers les analyses proprement dites quand elles étaient disponibles. Le problème n’est donc pas que les gens ne savent pas mais bien qu’ils ne veulent pas savoir.]

      Tout à fait. Dans ce genre d’affaires, les médias sont suivistes : ils disent ce que leur public veut entendre. C’est pourquoi on ne fera pas parler les « vrais » experts, dont le discours est toujours modéré, mais on préfère des « faux » experts aux accents apocalyptiques. C’est pourquoi on crie à la désinformation lorsque la préfecture tarde à donner la liste des produits chimiques stockés, puis une fois la liste publiée on déclare qu’elle est « inexploitable ».

      [Alors, autant je comprends que l’on puisse ignorer la réalité pour vivre dans un monde rêvé et rassurant, autant je comprends mal ceux qui préfèrent vivre dans un cauchemar permanent où chaque respiration donne le cancer et où la fin du monde est pour demain.]

      Parce que ce monde terrifiant nous permet de nous placer dans le rôle de « victime », et que ce rôle est, dans la société ou nous vivons, valorisé jusqu’aux limites du ridicule. Pensez à ce président de la République qui a créé une « La Médaille nationale de reconnaissance aux victimes du terrorisme », comme si la République devait « reconnaissance » à ceux dont la seule action a été de se trouver au mauvais endroit au mauvais moment.

      Si vous avez eu des parents aimants, si vous avez moyennement réussi vos études, si vous avez un patron qui vous traité correctement, si vous avez fondé une famille hétérosexuelle, si vous avez de beaux enfants sans maladie ni handicap qui réussissent eux même moyennement… vous aurez raté votre vie. Vous n’aurez aucun argument pour justifier vos mauvais penchants, et vous n’aurez pas de sujet pour écrire un livre ou passer à la télé. Par contre, si vous avez été abandonné par votre père, frappé par votre mère, violé par votre patron et avez un fils handicapé… on s’arrachera votre participation dans les médias et on vous proposera de vous écrire un livre sur votre vie. Mais surtout, tout ce que vous pourriez faire de mal, vos égoïsmes, vos méchancetés seront par avance justifiés sur le mode « vous comprenez, il a beaucoup souffert ».

      Etre « victime » dans notre société, c’est une source de droits. Etre « victime » vous permet de tout justifier. Et surtout, être « victime » permet de se débarrasser de toute responsabilité. Toutes vos erreurs, toutes vos défaillances, tous vos échecs sont la faute de quelqu’un d’autre. Comment ne pas comprendre que les gens recherchent ce statut ?

      [En tant que militant politique cela m’effraie: Comment avoir une prise sur la réalité si elle n’intéresse plus personne ? Comment débattre si les faits deviennent relatifs au bon vouloir de chacun ?]

      Très bonne question. Dans mes dernières années comme militant, je passais l’essentiel du temps de débat à démonter des affirmations tenues pour certaines par mes camarades et qui en fait étaient hautement discutables. Travail devenu pratiquement impossible lorsque la subjectivité s’est imposée dans les années 1990 sur le mode « toutes les opinions ont droit de cité », et que du coup rigoler quand quelqu’un affirme que la terre est plate est devenu un « geste d’intolérance ».

      [Les politiciens portent dans cette affaire une lourde responsabilité. En particulier ceux qui se sont rendus sur place pour attiser la panique et, au passage, cracher sur les fonctionnaires locaux. Ces derniers qui, sans doute sous une grande pression de leur hiérarchie, ont fait tous les relevés et analyses en un temps record sans un remerciement, s’en souviendront.]

      Je peux en témoigner. Cela fait d’ailleurs des années que les fonctionnaires vivent dans une schizophrénie permanente, se voyant reprocher avant l’accident d’être trop nombreux, trop tatillons, de mettre trop d’obstacles à la « volonté entrepreneuriale », et après l’accident le tort contraire.

      • Yoann Kerbrat dit :

        [. On a toujours eu une presse « jaune » qui faisait trembler dans les chaumières avec des histoires de faits divers terrifiants. ]

        D’ailleurs vendredi soir elle était a fond cette presse…

        • Descartes dit :

          @ Yoann Kerbrat

          [D’ailleurs vendredi soir elle était a fond cette presse…]

          Tout à fait. On a magistralement vendu du papier et du temps d’antenne sur un non-évènement. Et maintenant, on en vend avec des profondes analyses sur le non-évènement en question. Cet épisode illustre parfaitement la logique des médias. Le but n’est pas d’informer le citoyen, mais de faire de l’audience. Et si on fait de l’audience racontant n’importe quoi, quel est le problème ?

  11. Timo dit :

    Merci pour ce billet, ça rejoint en bonne partie ce que vous écriviez dans un vieil article “en finir avec les destructeurs de confiance”, probablement un de mes “articles de chevet” que je continue à relire de temps en temps, tant je trouve l’analyse précieuse notamment pour comprendre ce genre de bulles d’hystérie médiatique.

    Pour compléter par rapport à ce que vous disiez sur l’histoire du nuage de Tchernobyl (ou si certains lecteurs seraient sceptiques), j’ajoute ce lien vers un document très complet sur la question. Il y a notamment l’ensemble des communiqués du SCPRI sur les relevés de taux de radioactivité (d’ailleurs peut-être qu’une petite correction s’impose puisque l’OPRI n’a remplacé le SCPRI qu’en 1994 apparemment, donc après l’accident de Tchernobyl).
    https://www.sauvonsleclimat.org/images/articles/pdf_files/pv_sign/Schmitt-le_nuage_de_Tchernobyl.pdf

    De mon côté j’avais passé pas mal de temps à potasser sur la question, à la base c’est que j’étais tombé sur des articles des Décodeurs où ils relayaient eux-mêmes la rumeur comme quoi les autorités avaient menti sur la trajectoire du nuage. Il s’agit de ces deux-là :

    http://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2017/01/25/faits-alternatifs-fake-news-post-verite-petit-lexique-de-la-crise-de-l-information_5068848_4355770.html
    ”L’idée ne va pas sans poser de soucis : elle peut laisser croire que la vérité était auparavant chose acquise, au moins comme valeur. Ce serait faire peu de cas de célèbres exemples de désinformation gouvernementale, comme le trajet du nuage radioactif qui aurait esquivé les frontières françaises en 1986 […]”

    http://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2016/04/26/tchernobyl-a-t-il-provoque-des-cancers-en-france_4908962_4355770.html
    ”Le « nuage radioactif » venu d’Ukraine ne s’est certes pas arrêté à la frontière, comme l’assuraient avec aplomb les autorités françaises dans la foulée de l’accident nucléaire qui secoua l’Europe le 26 avril 1986 […]”

    Du coup je les avais contacté à plusieurs reprises pour leur demander de se corriger (étant donné que leur job à la base c’est plutôt de démentir ce genre de légendes, pas de les propager), mais je n’avais pas eu de réponse. Quelques temps après j’avais écrit un article sur mon blog pour pousser mon petit coup de gueule, et je les avait relancé à l’occasion, mais là encore toujours pas de correction. Plus récemment j’ai remarqué qu’ils en ont modifié un des deux (vous pouvez remarquer sur le deuxième lien), mais en ajoutant une petite note en fin d’article par rapport à la correction, et elle laisse entendre qu’il y avait quand même bien mensonge…

    Si ça vous intéresse, l’article que j’avais publié :

    Les Décodeurs et le nuage de Tchernobyl : une exigence de vérité à géométrie variable


    Et le post où j’expliquais en quoi la petite note qui accompagne la correction n’est pas correcte :
    https://www.facebook.com/leblogdesresponsables/posts/345145959407615

    On ne peut pas totalement exclure l’hypothèse que ces gens seraient simplement malhonnêtes ou qu’ils auraient trop d’égo pour reconnaître leur erreurs, mais je pense plutôt que s’ils refusent de se corriger c’est parce qu’ils continuent d’être sincèrement convaincus que les autorités ont menti. Quand on se documente rapidement on tombe sur d’innombrables articles qui nous expliquent avec des arguments complètement biaisés qu’il y a bien eu un mensonge. La faute des Décodeurs est probablement de ne pas prendre le temps de creuser un peu plus la question. Certainement que s’ils faisaient l’effort de faire des recherches plus approfondies ils comprendraient que l’attitude des autorités françaises a été en fait très raisonnable et ils se corrigeraient.

    • Descartes dit :

      @ Timo

      [Pour compléter par rapport à ce que vous disiez sur l’histoire du nuage de Tchernobyl (ou si certains lecteurs seraient sceptiques), j’ajoute ce lien vers un document très complet sur la question. Il y a notamment l’ensemble des communiqués du SCPRI sur les relevés de taux de radioactivité (d’ailleurs peut-être qu’une petite correction s’impose puisque l’OPRI n’a remplacé le SCPRI qu’en 1994 apparemment, donc après l’accident de Tchernobyl). (…)]

      Un excellent travail de compilation documentaire qui rétablit la réalité des faits. Faits qui depuis un quart de siècle ont été volontairement ignorés et occultés en faveur de la thèse complotiste. Vous avez raison pour ce qui concerne le SCPRI. Ce n’est qu’après Tchernobyl qu’il est devenu l’OPRI.

      [De mon côté j’avais passé pas mal de temps à potasser sur la question, à la base c’est que j’étais tombé sur des articles des Décodeurs où ils relayaient eux-mêmes la rumeur comme quoi les autorités avaient menti sur la trajectoire du nuage.]

      Ne soyons pas naïfs. Les « décodeurs » de « Le Monde » ne « décodent » que les fausses nouvelles propagées par ceux que la bienpensance n’aime pas. Il est très rare qu’ils s’attaquent aux dogmes écologistes.

      [On ne peut pas totalement exclure l’hypothèse que ces gens seraient simplement malhonnêtes ou qu’ils auraient trop d’égo pour reconnaître leur erreurs, mais je pense plutôt que s’ils refusent de se corriger c’est parce qu’ils continuent d’être sincèrement convaincus que les autorités ont menti.]

      C’est très possible. Ou bien que « la fin justifie les moyens », et qu’en conséquence mieux vaut un petit mensonge que de révéler une vérité qui porterait atteinte à la crédibilité du discours écologiste.

      [Certainement que s’ils faisaient l’effort de faire des recherches plus approfondies ils comprendraient que l’attitude des autorités françaises a été en fait très raisonnable et ils se corrigeraient.]

      Vous êtes bien optimiste… pensez-vous vraiment que le premier souci des « décodeurs » de « Le Monde » soit la vérité ? Bien sûr que non. Les « décodeurs » sont une arme de combat, un moyen de remettre en cause sous le couvert de l’objectivité les idées dont on ne veut pas. J’attends toujours que les « décodeurs » s’attaquent aux « fake news » dont nous abreuve en permanence l’Union européenne… et je ne vois rien venir. Etonnant, non ?

  12. Marencau dit :

    Bonjour Descartes,

    Merci pour cet article que je partage pour l’essentiel. Les grands médias ont encore failli à leur tâche première qui est l’information, mais ce n’est pas nouveau. De Pujadas qui en 2001 s’était réjoui des attentats du 11 septembre à la journée d’hier avec les infos en continues qui ont martelé l’histoire sur Xavier Dupont de Ligonnès, nous savons bien que vendre compte plus pour nos médias que la rigueur et l’exactitude de l’information. C’est bien dommage, c’est un dévoiement de leur rôle, mais c’est comme ça.

    Je vous avoue en revanche que je ne sais pas bien par quel bout prendre ce sujet. On l’a vu avec la loi “fake news”, toute tentative de limitation de la liberté d’expression est à double tranchant… et c’est pareil en politique ! Les grands médias sont au main d’une classe qui défend ses intérêts bec et ongle et continueront de mettre en avant/promouvoir “leurs” candidats.. alors que faire face à ce “quatrième pouvoir” ?

    La réponse facile serait “l’éducation” mais il faut être honnête, ça a une limite. Des individus éduqués ne deviennent d’un coup pas des robots qui ne sont plus en recherche de sensationnel ou de bons clients pour “vendre de la peur”. Quand on voit le nombre de diplômés qui adhèrent à des théories plus ou moins farfelues ou regardent des idioties à la télé… que dire dans ce cas ? Qu’on aurait du éduquer “plus” ? C’est à dire allonger les études, faire un bac+10 ? Alors que dire pour ceux qui n’ont pas la chance de faire de longues études…

    En parallèle, je pense que vous sous-estimez un peu le rôle des réseaux sociaux dans ce genre d’affaire. Désormais, de très nombreux articles de grands médias sont juste “repompés” sur les réseaux sociaux: tel phénomène, telle blague, telle personnalité… c’est la culture de l’instantanéité à son paroxysme. Une personnalité peut se faire clouer au pilori pour quelque chose qui aurait été filmé en off et tweeté dans la foulée là où il y a 30 ans c’était beaucoup moins le cas. 

    Pour revenir à Lubrizol, de nombreuses vidéos ont tournées et partagés sur les réseaux d’habitants filmant leur arrivée d’eau devenue marron, ce qui a contribué à alimenter la psychose. Le raisonnement que j’ai vu beaucoup n’est pas que l’Etat ment parce qu’il est méchant, il ment parce que les coûts d’évacuation et de la panique sont supérieurs à la probabilité de quelques morts par ci par là étalés dans le temps. La référence est la mauvaise gestion de la catastrophe de Tchernobyl par les autorités soviétiques à l’époque… mais bon, je partage votre point de vue que c’est très peu probable, pour la simple raison qu’il y a un consensus des experts sur le sujet. Et quand on commence à aller contre un consensus, c’est aller en plein dans une théorie du complot…

    Tiens, je vais encore rester dans le thème des médias, leur rôle dévoyé et les histoires de consensus. Parlons un peu de la Chine (désolé pour ce long message décousu). J’ai essayé hier de me renseigner un peu sur la situation à Hong Kong dont on parle beaucoup en ce moment. J’ai trouvé énormément d’articles présentant le point de vue des Hong Kongais, toutes les affaires où des grandes entreprises Américaines ont utilisé leur pouvoir pour faire taire toute critique du gouvernement Chinois de perdre de peur des marchés, etc. mais de point de vue du gouvernement Chinois ? Une explication de leurs intérêts, de leur démarche, de leurs objectifs ? Rien du tout. Nous sommes priés de les considérer comme des méchants sans autre forme de procès. Je me demande quelle serait la situation si la France avait gardé une enclave en Algérie jusque dans les années 90 et qu’aujourd’hui l’Algérie essayait d’intégrer un peu “de force” cette enclave dans leur pays. J’ai la curieuse idée qu’on entendrait des sons de cloche un peu différents…

    Marencau

    • Descartes dit :

      @ Marencau

      [Je vous avoue en revanche que je ne sais pas bien par quel bout prendre ce sujet. On l’a vu avec la loi “fake news”, toute tentative de limitation de la liberté d’expression est à double tranchant…]

      Je ne suis pas pour la limitation de la liberté d’expression. Je pense qu’une solution intéressante au problème est celle mise en œuvre par les anglais avec la BBC. S’il y avait dans notre pays une chaîne publique de qualité, dont les informations étaient systématiquement vérifiées, qui ne consultait que des « experts » sérieux et qui refuserait de se prostituer pour l’audimat, cela aurait un effet salutaire. Les gens regarderaient toujours les chaînes commerciales, parce qu’ils aiment le frisson du catastrophisme, mais lorsqu’ils cherchent à savoir qui il faut croire, ils auraient une référence.

      [La réponse facile serait “l’éducation” mais il faut être honnête, ça a une limite. Des individus éduqués ne deviennent d’un coup pas des robots qui ne sont plus en recherche de sensationnel ou de bons clients pour “vendre de la peur”. Quand on voit le nombre de diplômés qui adhèrent à des théories plus ou moins farfelues ou regardent des idioties à la télé… que dire dans ce cas ?]

      Que le diplôme ne reflète nullement la qualité de l’éducation ! Je suis d’accord avec vous, les gens éduqués continueront à rechercher le frisson apocalyptique. Mais ils sauront que ce n’est qu’un frisson, et qu’il y a une réalité qui n’est pas celle-là.

      [Qu’on aurait du éduquer “plus” ? C’est à dire allonger les études, faire un bac+10 ? Alors que dire pour ceux qui n’ont pas la chance de faire de longues études…]

      Non, ce n’est pas la quantité qui pêche, c’est la qualité. Il faut éduquer nos enfants et nos jeunes adultes dans une logique institutionnelle, dans le « doute systématique » cartésien, dans une hiérarchie des savoirs. Il faut arrêter de flatter le « moi » des jeunes, de leur faire croire que leurs opinions ont une valeur.

      [Pour revenir à Lubrizol, de nombreuses vidéos ont tournées et partagés sur les réseaux d’habitants filmant leur arrivée d’eau devenue marron, ce qui a contribué à alimenter la psychose.]

      Oui, mais parce que les gens le veulent bien. Nous avons tous l’expérience de situations ou l’eau est sortie colorée du robinet (parce qu’on a arrêté un chauffe-eau pendant quelque temps, parce qu’on a changé un bout de tuyau…). Et puis, qu’est ce qui vous prouve que la vidéo en question a été tournée ces jours-ci à Rouen, et pas il y a cinq ans en Louisiane ou en Chine ? Le fait de voir ça sur une vidéo ne prouve donc rien. La question qui se pose est pourquoi les gens font plus confiance à ce genre de vidéo qu’à une déclaration du préfet.

      [Le raisonnement que j’ai vu beaucoup n’est pas que l’Etat ment parce qu’il est méchant, il ment parce que les coûts d’évacuation et de la panique sont supérieurs à la probabilité de quelques morts par ci par là étalés dans le temps.]

      Mais dans ce cas, les citoyens ont intérêt à suivre l’avis des autorités, parce que les coûts d’une évacuation ou d’une panique, ce sont eux qui auront à les payer !

  13. kranck dit :

    [Pour les institutions publiques, c’est très différent. L’académie de médecine ne « gagne » rien à recommander la vaccination plutôt qu’à se faire le porte-voix des anti-vaccins]

    Oui et non. En tant qu’institution, très certainement, mais ses membres reçoivent pour leur immense majorité des honoraria de multiples laboratoires pharmaceutiques.
    En tant que médecin et futur chercheur de l’hôpital public, je ne pourrai tout simplement pas me passer des laboratoires, que ce soit pour développer un essai clinique ou me payer le billet pour le prochain congrès international. Nombre de mes collègues “compensent” le différentiel de rémunération avec le privé en multipliant les interventions rémunérées dans des congrès sans grand intérêt, les articles médiocres pré-écrits par les labos dans des revues commerciales, etc… Ce sont ces mêmes collègues qui siègent dans les grandes instances de décision du médicament.
    Le système actuel rend tout à fait licite le doute du citoyen quant à l’indépendance réelle des académies, HAS, etc…

    • Descartes dit :

      @ kranck

      [« Pour les institutions publiques, c’est très différent. L’académie de médecine ne « gagne » rien à recommander la vaccination plutôt qu’à se faire le porte-voix des anti-vaccins » Oui et non. En tant qu’institution, très certainement, mais ses membres reçoivent pour leur immense majorité des honoraria de multiples laboratoires pharmaceutiques.]

      Certes. Mais certains de ces laboratoires ont intérêt à vendre des vaccins, et d’autres ont intérêt à vendre les médicaments pour traiter les maladies que les vaccins permettent d’éviter. Et puis, il y a le fonctionnement institutionnel : un expert, même payé grassement par un laboratoire, ne peut se permettre d’écrire n’importe quoi sous peine de se faire voler dans les plumes par ses pairs et de perdre toute crédibilité. C’est pourquoi j’insiste autant sur le côté institutionnel : les individus sont toujours faillibles et corruptibles, ce sont les institutions qui permettent d’échapper en partie à ces défauts.

      [Le système actuel rend tout à fait licite le doute du citoyen quant à l’indépendance réelle des académies, HAS, etc…]

      Et pourtant, l’immense majorité des médicament sont efficaces, et n’empoisonnent pas leurs utilisateurs. Comment expliquez-vous cet apparent paradoxe ?

      • kranck dit :

        [Et pourtant, l’immense majorité des médicament sont efficaces, et n’empoisonnent pas leurs utilisateurs. Comment expliquez-vous cet apparent paradoxe ?]

        En me rendant (partiellement!) à vos raisons: en effet, en tant qu’institutions, ces organisations peuvent difficilement raconter “n’importe quoi” lorsqu’un essai thérapeutique de phase III bien foutu leur arrive sur le bureau.
        En conséquence, il est rare de voir des médicaments apparemment dangereux arriver sur le marché. En revanche, la question de l’efficacité est beaucoup plus délicate. En cancérologie, il devient désormais extrêmement difficile de pouvoir démontrer avec un budget raisonnable qu’un médicament allonge la survie globale du patient. Le jugement de l’efficacité sur des critères moins ‘dur’ est très subtil et soumis à des interprétation qui peuvent être très divergentes. Cela explique (entre autre) les différences de pharmacopée entre les pays. C’est là, je pense, que la bât blesse et où l’indépendances des jurys est cruciale.

        • Descartes dit :

          @ kranck

          [En me rendant (partiellement!) à vos raisons: en effet, en tant qu’institutions, ces organisations peuvent difficilement raconter “n’importe quoi” lorsqu’un essai thérapeutique de phase III bien foutu leur arrive sur le bureau.]

          C’était là mon point – et je crois comprendre que vous êtes d’accord. Les individus sont faillibles et corruptible, et l’expert ne fait pas exception. Si l’on veut une expertise de qualité, il faut encadrer cet expert dans une institution qui organise la police des pairs – puisqu’il faut des experts pour détecter les dérives d’un expert. C’est une pure question de pragmatisme.

          L’institution, elle non plus, ne sera pas infaillible. Mais elle sera beaucoup moins faillible qu’un expert pris individuellement, qui lui-même est moins faillible que Mme Michu. Bien sûr, il y a aura toujours des « affaires » comme celle du Médiator. Mais si les institutions qui contrôlent le médicament assurent que 99,99% des médicaments qu’elles contrôlent sont sains, il me semble ridicule de les descendre sous prétexte qu’ils ont laissé passer le 0,01% restant.

          [En revanche, la question de l’efficacité est beaucoup plus délicate. En cancérologie, il devient désormais extrêmement difficile de pouvoir démontrer avec un budget raisonnable qu’un médicament allonge la survie globale du patient. Le jugement de l’efficacité sur des critères moins ‘dur’ est très subtil et soumis à des interprétation qui peuvent être très divergentes. Cela explique (entre autre) les différences de pharmacopée entre les pays. C’est là, je pense, que la bât blesse et où l’indépendances des jurys est cruciale.]

          Je suis d’accord avec vous. Mais il faut être réaliste : on peut laisser Mme Michu décider, on peut laisser quelques experts tirés au hasard se prononcer, ou on peut confier la question à une académie (c’est-à-dire, à des experts organisés, constitués et reconnus par leurs pairs). Il me semble personnellement que la dernière option, même si elle ne garantit pas l’infaillibilité, reste la plus rationnelle.

          • Kranck dit :

            [Il me semble personnellement que la dernière option, même si elle ne garantit pas l’infaillibilité, reste la plus rationnelle]

            Je ne dis pas dit le contraire. Mais en ces temps de paranoïa galopante, l’institution se grandirait à lutter contre les conflits d’intérêt de ses membres. Je me souviens que certains rapports avaient du être annulés pour ces mêmes raisons. Vous qui évoquez souvent la malheureuse femme de césar, cela doit vous parler!

            • Descartes dit :

              @ Kranck

              [Je ne dis pas dit le contraire. Mais en ces temps de paranoïa galopante, l’institution se grandirait à lutter contre les conflits d’intérêt de ses membres.]

              Nous sommes d’accord. Une academie qui se montre incapable de faire sa police elle-même finit par perdre toute crédibilité.

    • Vincent dit :

      @kranck

      [En tant que médecin et futur chercheur de l’hôpital public, je ne pourrai tout simplement pas me passer des laboratoires, que ce soit pour développer un essai clinique ou me payer le billet pour le prochain congrès international.]

      Je ne sais pas dans quelle spécialité vous exercez, mais dans la plupart des spécialités, il me semble que ces pratiques d’abondement généreux par les laboratoires (invitation aux congrès) ne sont plus de mise ; c’était effectivement le cas il y a moins de 10 ans.

      [ Nombre de mes collègues “compensent” le différentiel de rémunération avec le privé en multipliant les interventions rémunérées dans des congrès sans grand intérêt, les articles médiocres pré-écrits par les labos dans des revues commerciales, etc… Ce sont ces mêmes collègues qui siègent dans les grandes instances de décision du médicament.]

      Autant j’ai les mêmes informations que vous à propos des interventions rémunérées, quoiqu’elles ne concernent au final qu’une infime proportion des praticiens (certes surtout les universitaires, qui siègent effectivement dans les académies) ; mais j’ai plus de doutes sur les articles pré-écrits…
      Sur l’aspect inintéressant des interventions, peut être que comme médecin-chercheur, cela vous semble fade par rapport à des congrès internationaux ; mais cela peut intéresser des libéraux qui ne font pas du tout de recherche et n’ont que peu de temps pour se tenir informés des nouveautés, non ?

      De plus, sur le cas particulier des vaccins, il s’agit de l’archétype des spécialités pharmaceutiques sur lesquelles les laboratoires ne gagnent pas d’argent, et n’envoient donc pas de visiteurs médicaux, ne subventionnent pas de congrès, etc.
      C’est d’ailleurs une des causes des pénuries périodiquement constatées en vaccins.

      [ Le système actuel rend tout à fait licite le doute du citoyen quant à l’indépendance réelle des académies, HAS, etc…]

      Heureusement que c’est licite… Un pays où le doute ne serait plus licite surpasserait les régimes nazis ou staliniens dans le totalitarisme !

      Vous vouliez peut être dire “légitime” ? Je suis personnellement un partisan du doute méthodologique systématique, donc je ne vous dirai jamais que le doute est illégitime.

      Examinons la question :

      On ne peut pas soi-même étudier à fond toutes les questions (je ne fais pas de revue de la littérature sur le paracétamol avant d’en prendre un quand j’ai mal à la tête… sinon, mon mal de tête s’aggraverait sacrément !!!).
      Du coup, il faut bien s’appuyer sur quelqu’un. Toute la question est dans le choix de la “personne” à qui on fait le plus confiance sur un sujet.

      On peut être tenté d’avoir confiance dans des gens sympathiques ou qui disent ce qu’on veut entendre. Mais ça me semble une technique douteuse.

      On peut avoir confiance dans les institutions, notamment universitaires. Mais je vous accorde que ce n’est pas une panacée ; les institutions ne sont pas à l’abri d’être manipulatrices, et si l’université est à priori plus à l’abri que d’autres institutions, on ne peut rien exclure.

      Une autre voie est inspirée de l’approche bayésienne : estimer, quand plusieurs sources sont contradictoires, à qui on fait le plus confiance. Et, au fur et à mesure des semaines / mois / années, renforcer le crédit de ceux qui se sont avérés ne rien avoir dissimulé ou maquillé, et au contraire, réduire le crédit de ceux qui se sont moqués de nous.

      S’agissant de l’académie de médecine, je n’ai pas l’impression qu’on aie pu les accuser de dissimulation, maquillage, etc. au cours des dernières décennies. Alors que parmi leurs opposants les plus manifestes (Séralini, Joyeux), non seulement ils ne représentent qu’eux, mais ils se sont fait prendre la main dans le sac de manipulations / fraudes pas très propres.

      Du coup, mon aiguille de confiance est très haute dans l’académie de médecine. Mais je vous concède que c’est un jugement qui peut être amené à évoluer…

      C’était exactement mon approche sur le conflit en Syrie, à ses débuts : il y avait un récit russe, et un récit occidental, qui étaient diamétralement opposés (En gros : Population opprimée par son tyran qui se révolte pacifiquement et se fait massacrer par des chars et des avions Vs guerre civile avec des islamistes soutenus de l’étranger, contre Assad qui se retrouve en seul rempart des minorités).
      Ma confiance allait plutôt au récit occidental (confiance dans les institutions oblige), mais je continuais à écouter le récit russe. Et dans les deux cas, j’ai eu le déplaisir de constater que :
      – tous les récits (russes et occidentaux) pouvaient être démentis ponctuellement par des faits, et que les fact-checkeurs des deux bords s’amusaient à cela,
      – le récit occidental se contredisait parfois, au point de devenir incohérent, alors que le récit russe conservait sa cohérence.

      Du coup, ma confiance a plutôt penché de l’autre coté de la balance sur ce conflit. Voici un exemple qui me semble convainquant pour affirmer que la confiance dans les institutions ne doit pas être systématique.

      De même, ma confiance dans la communication gouvernementale actuelle a pas mal pâti de quelques épisodes d’intox à propos des gilets jaunes.

      • kranck dit :

        @ Vincent

        [Je ne sais pas dans quelle spécialité vous exercez, mais dans la plupart des spécialités, il me semble que ces pratiques d’abondement généreux par les laboratoires (invitation aux congrès) ne sont plus de mise ; c’était effectivement le cas il y a moins de 10 ans.]
        Oncologie. Je peux vous confirmer que les invitations tous frais payés aux congrès restent tout à fait d’actualité, tant dans le public que le privé, dans les quelques établissements que j’ai pratiqués.

        [Autant j’ai les mêmes informations que vous à propos des interventions rémunérées, quoiqu’elles ne concernent au final qu’une infime proportion des praticiens (certes surtout les universitaires, qui siègent effectivement dans les académies) ; mais j’ai plus de doutes sur les articles pré-écrits…]
        Vous avez raison, il s’agit pour la majorité des universitaires, mais qui dans le domaine (qui évolue très vite) sont de fait les leader d’opinion.

        [Sur l’aspect inintéressant des interventions, peut être que comme médecin-chercheur, cela vous semble fade par rapport à des congrès internationaux ; mais cela peut intéresser des libéraux qui ne font pas du tout de recherche et n’ont que peu de temps pour se tenir informés des nouveautés, non ?
        De plus, sur le cas particulier des vaccins, il s’agit de l’archétype des spécialités pharmaceutiques sur lesquelles les laboratoires ne gagnent pas d’argent, et n’envoient donc pas de visiteurs médicaux, ne subventionnent pas de congrès, etc.]
        Je suis d’accord avec vous sur ces deux points. Certains journaux ‘commerciaux’ sont en réalité très utiles pour se mettre à jour sur ce que l’on pratique le moins ! Et quant aux vaccins, c’est clair, ce ne sont pas du tout les vaches à laits décrits.

        [Vous vouliez peut être dire “légitime” ? Je suis personnellement un partisan du doute méthodologique systématique, donc je ne vous dirai jamais que le doute est illégitime.] Vous ergotez… vocabulaire trop imprécis de ma part, mais restons sur des arguments pratiques…

        Pour le reste de votre argumentation: Pourquoi pas une approche bayésienne en effet, mais elle n’est valable il me semble que si l’élément jugé reste à peu près constant dans ses caractéristiques, ce qui reste à démontrer avec l’académie de médecine, celle-ci renouvelant ses membres. Mais peu importe, mon seul point au final était dans ma réponse à Descartes, à savoir que l’institution se grandirait à lutter plus efficacement contre les conflits d’intérêt de ses membres. Lorsque la mission d’une organisation est de fournir un avis expert et éclairé sur un sujet tenant à la santé des Français, limiter les conflits d’intérêt semble une bonne pratique…

        • Vincent dit :

          @kranck

          [Oncologie.]
          J’avais hésité à parier dessus. Je vous crois volontiers, mais je ne pense pas que ce soit représentatif pour toutes les spécialités. Et particulièrement pas pour la médecine générale…

          Je me permets de vous relancer sur les articles pré-écrits… Jamais entendu parler. Est ce que vous me confirmez que c’est toujours d’actualité ?
          Si oui, de quel type d’articles ? Peer-review à IF ? Articles de plaquettes commerciales ? Autant, je ne serais pas étonné de cette dernière situation, autant la première me surprendrait !
          S’agissant des essais cliniques, que vous évoquiez plus haut, ne trouvez vous pas normal que ce soient les laboratoires qui veulent sortir un médicament qui financent les essais pour celui ci ?

          [elle n’est valable il me semble que si l’élément jugé reste à peu près constant dans ses caractéristiques, ce qui reste à démontrer avec l’académie de médecine, celle-ci renouvelant ses membres.]

          Je ne suis pas d’accord. Il y a des cultures qui se transmettent. Même si Francis Bouygues a quitté les chantiers depuis bien longtemps, ses méthodes et la mentalité qu’il avait inculquées perdurent dans les équipes de l’entreprise bien longtemps après. Et je pense que c’est ainsi pour toutes les organisations…

          [l’institution se grandirait à lutter plus efficacement contre les conflits d’intérêt de ses membres. Lorsque la mission d’une organisation est de fournir un avis expert et éclairé sur un sujet tenant à la santé des Français, limiter les conflits d’intérêt semble une bonne pratique…]

          C’est douteux ; y a-t-il beaucoup d’experts d’un sujet précis quelconque qui puissent être exempts de conflits d’intérêt ? S’il n’y a qu’une poignée de spécialistes de tel ou tel forme de cancer, c’est à ceux ci que feront appel aussi bien les laboratoires qui ont besoin d’expert de ce sujet, que les autorités qui veulent un avis, que les étudiants qui veulent se former. Ce sont les profils des universitaires spécialisés de ce domaine, en gros.
          Recaler tous ceux qui pourraient avoir un conflit d’intérêt conduirait à admettre des personnes moins compétentes. Et un universitaire membre de l’académie tient suffisamment à sa réputation pour éviter de dire n’importe quoi. Même si je concède qu’il peut y avoir des cas particuliers…

          • Descartes dit :

            @ Vincent (répondant à kranck)

            [« l’institution se grandirait à lutter plus efficacement contre les conflits d’intérêt de ses membres. Lorsque la mission d’une organisation est de fournir un avis expert et éclairé sur un sujet tenant à la santé des Français, limiter les conflits d’intérêt semble une bonne pratique… » C’est douteux ; y a-t-il beaucoup d’experts d’un sujet précis quelconque qui puissent être exempts de conflits d’intérêt ?]

            Je pense que là se trouve le véritable problème. Le conflit d’intérêt est presque inévitable dans ce bas monde. Je connais moins le monde de la médecine, mais on voit les effets désastreux de ce combat contre les « conflits d’intérêt » dans un domaine que je connais bien, celui du nucléaire. Nous avons en France une Autorité de sûreté nucléaire, autorité administrative indépendante, dont la fonction est de recommander aux ministres les règles qui régissent le secteur nucléaire, d’autoriser les opérateurs nucléaires en application de ces règles, et de contrôler leur application.

            En tant qu’autorité indépendante, l’Autorité de sûreté nucléaire combat résolument les conflits d’intérêt, ce qui suppose qu’elle recrute des personnels qui n’ont jamais travaillé pour un opérateur nucléaire, et qui n’ont pas l’intention de le faire à l’avenir. En d’autres termes, des ingénieurs qui n’ont jamais travaillé sur un réacteur, et qui n’ont aucune intention de le faire un jour. Quelle qualité d’expertise peuvent offrir ces ingénieurs, qui n’ont qu’une connaissance livresque du secteur, et qui n’ont pour lui qu’un intérêt limité puisqu’ils n’entendent pas y faire leur carrière ?

            Finalement, quelle est la meilleure solution ? Avoir des inspecteurs compétents mais qui pourraient avoir envie de faire plaisir à EDF, ou avoir des inspecteurs incompétents mais « indépendants » ? Personnellement, je pense que l’incompétence est bien plus dangereuse que le conflit d’intérêt. Même s’il a envie de faire plaisir à EDF, un ingénieur compétent saura en général évaluer le risque et ne prendre qu’un risque raisonnable (car même “conflictés”, les gens ne sont pas fous). Un incompétent, même indépendant, peut prendre une décision totalement irrationnelle.

            • François dit :

              @ Descartes,

              Je pense que « l’incompatibilité » entre compétence et indépendance est surtout spécifique aux industries monopolistiques. Dans le cadre d’industries concurrentielles, un expert peut très bien passer de l’exploitation à l’audit, sans avoir à inspecter son ancienne compagnie, ce qui est très difficile pour l’industrie nucléaire française. À titre d’exemple, pour cette raison éthique, mon père après avoir été marin, a décliné l’audit de l’armateur qui l’employait auparavant pour le compte de l’affréteur qui l’emploie actuellement, sans voir sa charge de travail diminuée, étant donné qu’il y a d’autres armateurs à inspecter. Ceci est impossible pour les réacteurs nucléaires électrogènes en France, vu qu’ils sont exploités par un seul opérateur, EDF.

              La solution a ce problème (dans le cas de réacteurs nucléaires électrogènes exploités par un seul opérateur par pays) serait qu’après avoir exploité les installations nucléaire d’une filière d’un pays, l’expert aille auditer les installations de la même filière dans un autre pays (c’est déjà en partie le cas avec la WANO). Bien sûr, cette solution n’est pas sans défauts compte tenu des différences culturelles par pays.

            • Descartes dit :

              @ François

              [Je pense que « l’incompatibilité » entre compétence et indépendance est surtout spécifique aux industries monopolistiques. Dans le cadre d’industries concurrentielles, un expert peut très bien passer de l’exploitation à l’audit, sans avoir à inspecter son ancienne compagnie, ce qui est très difficile pour l’industrie nucléaire française.]

              Je pense que vous faites une erreur de raisonnement. Le problème n’est pas celui « d’inspecter votre propre compagnie », mais votre capacité à utiliser votre pouvoir d’inspection pour bénéficier à tel ou tel acteur, qui pourrait à l’avenir vous retourner l’ascenseur. Si j’embauche un ancien exploitant de l’entreprise A, même si je l’envoie ensuite inspecter l’entreprise B, comment m’assurer qu’il ne sera pas d’une sévérité excessive pour faire plaisir à ses amis restés dans son ancienne entreprise – et éventuellement pour bénéficier d’une « prime de retour » le jour venu ? Finalement, le problème est infiniment pire dans le secteur concurrentiel que dans un secteur monopolique. Un inspecteur des installations nucléaires venu d’EDF pourrait vouloir faire plaisir à son ancienne entreprise, mais au fond il y a une communauté d’intérêts entre inspecteur et exploitant pour éviter les accidents, et les dépenses que pourrait ordonner l’inspecteur seront payées par la collectivité sans que l’entreprise risque la faillite. Dans un secteur concurrentiel, c’est l’avenir des entreprises qui se joue…

              [À titre d’exemple, pour cette raison éthique, mon père après avoir été marin, a décliné l’audit de l’armateur qui l’employait auparavant pour le compte de l’affréteur qui l’emploie actuellement, sans voir sa charge de travail diminuée, étant donné qu’il y a d’autres armateurs à inspecter. Ceci est impossible pour les réacteurs nucléaires électrogènes en France, vu qu’ils sont exploités par un seul opérateur, EDF.]

              Ce n’est pas tout à fait vrai. On pourrait recruter des anciens d’EDF pour inspecter les réacteurs du CEA et viceversa…

              [La solution a ce problème (dans le cas de réacteurs nucléaires électrogènes exploités par un seul opérateur par pays) serait qu’après avoir exploité les installations nucléaire d’une filière d’un pays, l’expert aille auditer les installations de la même filière dans un autre pays (c’est déjà en partie le cas avec la WANO). Bien sûr, cette solution n’est pas sans défauts compte tenu des différences culturelles par pays.]

              C’est la logique des « revues de pairs ». Mais l’inspection est un acte régalien, et on conçoit mal qu’un américain impose aux exploitants français ses règles. Après tout, il y a là un autre type de conflit d’intérêts…

            • François dit :

              @ Descartes,

              [Si j’embauche un ancien exploitant de l’entreprise A, même si je l’envoie ensuite inspecter l’entreprise B, comment m’assurer qu’il ne sera pas d’une sévérité excessive pour faire plaisir à ses amis restés dans son ancienne entreprise – et éventuellement pour bénéficier d’une « prime de retour » le jour venu ?]

              Je me permet de faire remarquer que le type de dérive de ce genre de pratique – sévérité excessive – n’a pas les même conséquences que la complaisance : le risque sanitaire et environnemental est minimisé, en revanche le risque économique est maximisé. Après, rien n’empêche d’interdire les experts de retourner dans le privé, tout du moins dans le secteur audité (experts qui me semble t-il sont souvent en fin de carrière).
              Après en pratique, comment cela se passe Descartes (vu que vous connaissez le sujet) ? Il faut bien des experts pour auditer les installations des industries sensibles conventionnelles concurrentielles, experts qui ne tirent leur compétence qu’en exploitant lesdites installations.

              [Ce n’est pas tout à fait vrai. On pourrait recruter des anciens d’EDF pour inspecter les réacteurs du CEA et viceversa…]

              Enfin, les exploitations du CEA ne sont pas les mêmes que celles d’EDF, si bien que les compétences nécessaires pour les faire fonctionner ne sont pas les mêmes. Je ne suis pas sûr qu’il y ait beaucoup de personnes qualifiées sur les ESPN au CEA.
              De toute façon, je suis d’accord avec vous pour dire que l’éventuel conflit d’intérêt qu’il y a de passer d’exploitant à auditeur dans l’industrie nucléaire est faible, les individus en question ayant un minimum le sens des responsabilités et le risque de catastrophe nucléaire ayant été largement pris en compte dès la conception des tranches électronucléaires (l’accident de référence pour un REP étant TMI, aux conséquences sanitaires et environnementales (quasi) nulles). La menace actuelle pour l’industrie nucléaire étant une sévérité excessive de l’ASN. J’ai même ouï-dire que l’ASN emploie des contractuels sous CDD…

              [C’est la logique des « revues de pairs ». Mais l’inspection est un acte régalien, et on conçoit mal qu’un américain impose aux exploitants français ses règles. Après tout, il y a là un autre type de conflit d’intérêts…]
              Sur ce point là, je suis aussi d’accord avec vous, point auquel je n’avais pas pensé en rédigeant mon commentaire.

            • Descartes dit :

              @ François

              [Après, rien n’empêche d’interdire les experts de retourner dans le privé, tout du moins dans le secteur audité (experts qui me semble-t-il sont souvent en fin de carrière).]

              Les experts publics ne sont pas en majorité en fin de carrière, d’autant plus que les carrières s’allongent. Et si vous interdisez aux experts de retourner dans le privé, alors il faut leur offrir des carrières équivalentes, sans quoi vous n’arriverez pas à recruter des gens de qualité.

              [Après en pratique, comment cela se passe Descartes (vu que vous connaissez le sujet) ? Il faut bien des experts pour auditer les installations des industries sensibles conventionnelles concurrentielles, experts qui ne tirent leur compétence qu’en exploitant lesdites installations.]

              C’est bien le problème. Dans le temps, les entreprises et établissement publics offraient des possibilités de carrières complètes, avec un cursus honorum qui alternaient le terrain et les bureaux, l’exploitation, l’inspection et l’expertise. Aujourd’hui, sous l’effet des privatisations, de la désindustrialisation et la logique de « l’indépendance », la qualité de l’expertise publique a fondu comme neige au soleil. Aujourd’hui, l’inspection est souvent assurée par des jeunes ingénieurs des Mines qui doivent encore leurs dix ans de service à l’Etat (la « pantoufle ») et qui n’attendent que la quille pour aller dans le privé.

              [J’ai même ouï-dire que l’ASN emploie des contractuels sous CDD…]

              Tout à fait… elle a même recours à des « consultants » extérieurs…

            • kranck dit :

              Je ne sais pas si votre définition des conflits d’intérêt est la même que la mienne. Vous semblez dire que le fait même d’avoir travaillé ou de vouloir travailler pour un opérateur du nucléaire quel qu’il soit est un conflit d’intérêt. C’est pourtant contestable. Par analogie avec la médecine, il faudrait dans un dossier concernant un opérateur X, ne pas y affecter des ingénieurs ayant travaillé récemment pour X. Cela n’interdit
              pas à l’expert d’avoir acquis ses connaissances auprès d’un opérateur Y. Je sais bien qu’il n’y a pas beaucoup d’opérateurs en France, mais cela doit pouvoir se faire, non?
              En médecine, pour juger d’un dossier de cancéro, il va de soit que l’on va y affecter des médecins travaillant dans le domaine, et prioritairement n’ayant pas de liens récents avec le laboratoire en question. Mais le festival de collaborations de certains PU avec un nombre croissant de laboratoires rend les choses difficiles. Et c’est précisément le phénomène contre lequel il conviendrait de lutter.

            • Descartes dit :

              @ kranck

              [Je ne sais pas si votre définition des conflits d’intérêt est la même que la mienne. Vous semblez dire que le fait même d’avoir travaillé ou de vouloir travailler pour un opérateur du nucléaire quel qu’il soit est un conflit d’intérêt. C’est pourtant contestable.]

              Le « conflit d’intérêts » apparaît lorsqu’une autorité quelconque censée prendre une décision dans l’intérêt d’une institution se trouve avoir un intérêt personnel dans l’affaire. On peut, dans une telle situation, imaginer que l’autorité en question mette son intérêt personnel avant l’intérêt de l’institution.

              Le fait, pour un inspecteur des installations nucléaires, de vouloir aller travailler chez EDF crée un conflit d’intérêt puisqu’il a un intérêt personnel de rester en bons termes avec ses interlocuteurs chez l’exploitant en se montrant perméable à leurs arguments, et que cet intérêt s’oppose à l’intérêt général qu’il est censé servir.

              L’idée même de fonctionnaire de carrière – c’est-à-dire, de fonctionnaires qui font toute leur carrière au service de l’Etat – a été inventée pour combattre ce type de conflit d’intérêt. Le fait qu’un fonctionnaire puisse avoir une « deuxième carrière » dans le privé crée en lui-même un conflit d’intérêt, puisqu’il pousse le fonctionnaire à préparer sa deuxième carrière, quitte pour cela à s’écarter de l’intérêt général…

              [Par analogie avec la médecine, il faudrait dans un dossier concernant un opérateur X, ne pas y affecter des ingénieurs ayant travaillé récemment pour X. Cela n’interdit pas à l’expert d’avoir acquis ses connaissances auprès d’un opérateur Y. Je sais bien qu’il n’y a pas beaucoup d’opérateurs en France, mais cela doit pouvoir se faire, non?]

              Le problème n’est pas là. Si votre ingénieur a « acquis ses connaissances » en ayant travaillé pour Y, il est probable qu’il conserve chez Y des amis et des connaissances, qui ont une certaine influence sur lui. Et que dans le dossier qui concerne l’opérateur X il pourrait être poussé à prendre les décisions qui sont les plus favorables à l’opérateur Y. Par ailleurs, sauf à supposer que votre expert restera expert le reste de sa vie, il lui faut bien préparer sa reconversion…

              [En médecine, pour juger d’un dossier de cancéro, il va de soi que l’on va y affecter des médecins travaillant dans le domaine, et prioritairement n’ayant pas de liens récents avec le laboratoire en question.]

              En bonne logique, il faudrait aussi s’interdire d’avoir recours à ceux qui ont travaillé pour les laboratoires concurrents du laboratoire en question, non ? Parce que leurs liens avec un concurrent pourrait les pousser à donner un avis particulièrement négatif… or, si vous excluez sur un dossier oncologique ceux qui ont travaillé pour le laboratoire qui propose le traitement et pour tous ceux qui sont en concurrence avec lui… vous aurez du mal à trouver des gens compétents !

              Personnellement, je pense que “l’expert indépendant” est un mythe, et un mythe très dangereux, qui plus est. La qualité de l’expertise ne vient pas de l’indépendance de l’expert, mais de la collégialité de l’expertise et de la surveillance institutionnelle.

            • kranck dit :

              Merci pour cette réponse très éclairante.
              Ces ‘fonctionnaires de carrière’ que vous décrivez sont théoriquement nos médecins universitaires j’imagine… lesquels, pour mener leur carrière, collaborent nécessairement avec les laboratoires.
              Je suppose qu’un effort pourrait toutefois être fait pour limiter les rémunérations bidon qui leur sont parfois proposées.
              Mais l’attrait de cet argent facile est puissant en considérant le différentiel de rémunérations entre médecine publique et privée.

            • Descartes dit :

              @ kranck

              [Ces ‘fonctionnaires de carrière’ que vous décrivez sont théoriquement nos médecins universitaires j’imagine… lesquels, pour mener leur carrière, collaborent nécessairement avec les laboratoires.]

              Pas tout à fait. Le statut du fonctionnaire interdit en principe un fonctionnaire de recevoir une rémunération en dehors de son traitement: “Le fonctionnaire exerce l’intégralité de son activité professionnelle aux tâches qui lui sont confiées. Il ne peut exercer, à titre professionnel, une activité privée lucrative de quelque nature que ce soit (…)” (Article 25 septies de la loi n°83-634 du 13 juillet 1983). Des exceptions sont prévus, mais elles sont strictement encadrées. Si ma mémoire ne me trompe pas, les médecins universitaires peuvent exercer des activités lucratives en dehors de leur activité universitaire.

            • Vincent dit :

              @Descartes
              [Si ma mémoire ne me trompe pas, les médecins universitaires peuvent exercer des activités lucratives en dehors de leur activité universitaire.]

              Vous mélangez 2 choses, me semble-t-il : le fait d’avoir des activités cliniques en dehors de l’hopital, et le fait d’avoir des activités tout court.
              Le fait d’avoir des activités cliniques privées est autorisées ; et les médecins qui n’en ont pas ont même (Kranck confirmera) une prime d’exclusivité de service public.
              Sur le fait de donner des conférences rémunérées, ou équivalent, il me semble que c’est un autre sujet… Et que cela se pratique effectivement.

            • Descartes dit :

              @ Vincent

              [Vous mélangez 2 choses, me semble-t-il : le fait d’avoir des activités cliniques en dehors de l’hopital, et le fait d’avoir des activités tout court.]

              Je ne mélange pas. Un médecin universitaire peut avoir des activités lucratives – qu’elles soient cliniques ou non – en dehors de l’hôpital, et dans le cadre de ces activités avoir des intérêts qui contredisent ceux de l’institution publique qui l’emploie. Le fait que les activités en question soient cliniques ou non ne change rien.

              Un fonctionnaire de carrière n’a – sauf dérogations très encadrées – pas le droit d’avoir d’activité lucrative extérieure. C’est pourquoi l’analogie que vous faisiez entre l’expert fonctionnaire et le médecin universitaire me semble peu pertinente.

          • kranck dit :

            [Est ce que vous me confirmez que c’est toujours d’actualité ?
            Si oui, de quel type d’articles ? Peer-review à IF ? Articles de plaquettes commerciales ?]
            Oui, toujours d’actualité, pour les deux types d’articles. Et parfois pour des articles majeurs: vous trouverez un paquet d’articles du NEJM pour lesquels le sponsor a gracieusement prêté ses services de relecture (pour les auteurs non-anglophones par exemple). Le plus classique c’est l’écriture par les ‘medical writers’ de review dans des petits journaux dont on attend le classement Pubmed dans un ou deux ans (c’est du vécu)…

            [S’agissant des essais cliniques, que vous évoquiez plus haut, ne trouvez vous pas normal que ce soient les laboratoires qui veulent sortir un médicament qui financent les essais pour celui ci ?]
            Je n’ai jamais prétendu le contraire. De toutes façons, il n’existe pas vraiment d’alternative. Au passage, vous trouverez sur internet des chiffres effrayant concernant la fréquence de la fraude scientifique dans les essais thérapeutiques… mais c’est encore un autre débat.

            [C’est douteux ; y a-t-il beaucoup d’experts d’un sujet précis quelconque qui puissent être exempts de conflits d’intérêt]
            Il y en a. Pour les cancers les plus fréquents (qui sont donc ceux qui attirent le plus le regard des laboratoires), il existe tout de même plus qu’une poignée d’experts en France ! Effectivement, les labos démarchent les universitaires ‘leader d’opinion’ pour participer à des réunions d’orientation stratégique. Ceux-ci sont rémunérés de coquette manière pour ces ‘board’ sans intérêt. Les firmes pharmaceutiques disposent en réalité de leurs propres équipes pour déterminer de leurs orientations stratégiques. Mais ces réunions sont un excellent moyen de faire un beau cadeau à des médecins choisis. Il me semble qu’un universitaire qui se respecte ne devrait pas participer à ces mascarades. Collaborer pour un essai thérapeutique est une chose, récolter quelques deniers pour aller raconter trois bêtises à un congrès sponsorisé, bof….

            [Recaler tous ceux qui pourraient avoir un conflit d’intérêt conduirait à admettre des personnes moins compétentes.]
            Uniquement si vous présupposez que toutes les personnes compétentes ont des conflits d’intérêt. Et ce n’est pas le cas. Ou ne devrait pas être le cas !

            Je pense que vous avez une attitude très défaitiste à ce propos. Il faut absolument lutter en permanence pour une médecine académique la plus indépendante possible des laboratoires pharmaceutiques.
            Contrairement peut-être au domaine nucléaire de @Descartes, la médecine dispose d’un réseau académique puissant, dont l’exercice ne dépend pas nécessairement de l’industrie, et qui peut fournir les experts dont les organisations gouvernementales ont besoin. Je ne suis pas jusqu’au-boutiste comme certaines associations de médecin ou certains journaux, mais je suis convaincu que des progès important sont tout à fait faisables.

  14. Luc dit :

    Pensez vous que Total , responsable de l’explosion d’Azf et ses milliers de victimes (31 morts et des milliers de blessés),soit l’objet d’accusations infondées quant à ses responsabilités dans la catastrophe d’Azf en 2001?

    • Descartes dit :

      @ Luc

      [Pensez-vous que Total, responsable de l’explosion d’Azf et ses milliers de victimes (31 morts et des milliers de blessés),]

      Pardon, mais… qu’est-ce qui vous permet de dire que Total serait « responsable de l’explosion et de ses milliers de victimes » ? Ce n’est en tout cas pas l’avis de la justice : la cour d’appel de Toulouse a relaxé Total, et cette décision n’a pas été contestée devant la cour de cassation. C’est la société Grande-Paroisse, et non Total, qui a été jugée responsable. J’ajoute que ce jugement a fait l’objet d’un recours en cassation, et que par conséquent on n’a pas une décision de justice définitive.

      [soit l’objet d’accusations infondées quant à ses responsabilités dans la catastrophe d’Azf en 2001?]

      C’est au moins ce qu’a jugé la cour d’appel. Maintenant, sur le fond je ne connais pas l’affaire, je n’ai pas la compétence technique et j’ai donc tendance à faire confiance aux experts qui se sont penchés sur le sujet. On ne peut tout de même pas ignorer l’énorme pression sociale exercée sur les juges pour qu’ils trouvent un « coupable » susceptible d’indemniser les victimes, et la campagne médiatique déclenchée contre Total, qui faisait un coupable idéal dans la mesure où l’entreprise dispose de moyens considérables, ce qui n’est pas forcément le cas de Grande-Paroisse…

    • Vincent dit :

      @Luc

      A ma connaissance, la question des causes de l’explosion demeure aujourd’hui largement inexpliquée, puisque les produits stockés étaient certes explosifs, mais stables.
      Du coup, à défaut d’explication physiquement reproductible, il est difficile de dire qui est à l’origine de la cause (elle même indéterminée) de l’explosion.

      Après, d’un point de vue juridique, je comprends que l’entreprise comme personne morale puisse être condamnée, mais on est, à mon sens, dans une situation très discutable ; pour qu’il puisse y avoir une condamnation pénale, il faut qu’il y ait eu une faute, et que celle ci puisse être mise en relation avec le dommage. Aucun lien de ce type n’a -à ma connaissance- été établi. Mais d’un autre coté, je comprends que les familles de victimes ne se satisfassent pas d’une absence de condamnation, même d’une personne morale, sous prétexte qu’on a pas compris ce qui s’était passé…

      • Ici à Toulouse vous trouverez de nombreuses personnes, plutôt bac +6, qui penchent pour une thèse terroriste soit islamiste (la fameuse Peugeot pleine de boue et le pare-brise fendu arrêtée vers Agen par des CRS … bande d’Artigat ?) soit sur fond de retro-commissions aérospatiales ; les uns pouvant d’ailleurs être les exécutants des seconds.
        D’autres imaginent que ce n’est pas AZF qui était visé mais les cuves de phosgène, hydrazine, perchlorate d’ammonium de l’ex-SNPE. Là les morts se seraient compté par milliers ! Aujourd’hui le site ne produit plus que du perchlorate d’ammonium le phosgène étant fabriqué en Roumanie pour Safran.

        • Yoann Kerbrat dit :

          [plutôt bac +6]

          C’est jamais un argument en faveur de la qualité d’un raisonnement… D’ailleurs le bac+5 que je suis ne connait rien d’AZF. Par contre en 25s sur wikipedia il trouve des dizaines d’exemples d’explosion au nitrate d’ammonium, dont une en Chine dont il se souvient des images il y a quelques années et la catastrophe de Texas City dont il connaissait l’existence (de mémoire une recherche sur les explosions industriels les plus célèbre de leur temps… ).

      • Yoann Kerbrat dit :

        [ puisque les produits stockés étaient certes explosifs, mais stables]

        Petite liste dégoté a la va-vite d’explosion au nitrate d’ammonium :

        – l’usine BASF d’Oppau en septembre 1921 ;
        – l’usine PCT à Tessenderlo en 1942 ;
        – d’un navire transporteur de 2 300 tonnes de nitrate d’ammonium explosant à Texas City en avril 1947 ;
        – l’Ocean Liberty à Brest en juillet 1947 ;
        deux remorques routières chargées chacune de 23 tonnes sur un chantier de Kansas – City, en novembre 1988 ;
        – l’usine de fabrication Terra Industries à Port Neal au sud de Sioux City dans l’Iowa en décembre 1994 ;
        – l’usine toulousaine AZF en 2001 ;
        – l’usine d’ammoniac West Fertilizer près de Waco, Texas, en avril 2013 ;
        – dans le port de Tiandjin (chine) en 2015.

        AZF est le fruit d’une longue liste d’explosion: Sans doute que le Komplo islamo-spatial était déjà actif en 1920…

  15. @Descartes

    “Le désir de souffrance. — Quand je songe au désir de faire quelque chose, tel qu’il chatouille et stimule sans cesse des milliers de jeunes Européens qui tous ne peuvent supporter ni l’ennui, ni eux-même, — je me rends compte qu’il doit y avoir en eux un désir de souffrir d’une façon quelconque afin de tirer de leur souffrance une raison probante pour agir. La misère est nécessaire ! De là les cris des politiciens, de là les nombreuses « calamités publiques » de toutes les classes imaginables, calamités fausses, inventées, exagérées, et l’aveugle empressement à y croire. Ce jeune monde exige que du dehors vienne, ou devienne visible, non pas le bonheur — mais le malheur ; et leur imagination s’occupe déjà d’avance à en faire un monstre. ”
    (Nietzsche, Le Gai savoir)

  16. cdg dit :

    “Pour commencer, on peut se demander quel serait l’intérêt des autorités administratives à présenter la situation autrement qu’elle n’est. Quelle raison pourrait les pousser à déclarer que les fumées ne présentent pas de danger immédiat alors que ce n’est pas exact, et qu’en cas de dommages à la santé cela pourrait engager leur responsabilité personnelle ?”
    Je peux vous en donner plusieurs :
    – ne pas generer une panique et engorger les routes. outre le fait que ca va faire des mauvaise image a la TV (pas bon pour ma carriere) ca va handicaper les secours.
    – sauver l entreprise de lourds dommages et interets. Pas la peine d etre actionnaire de ladite entreprise pour vouloir l eviter : une fermeture d entreprise, c est des chomeurs en plus. ce qui n est pas populaire aupres du depute local (surtout s il est LREM) ou du ministre. Pour ceux qui ont des doutes, rappellez vous de l amiante qu on a autorise bien que sa nocivite etait etablie. Plein d entreprises polluantes utilisent le chantage a l emploi pour arriver a leurs fin
    – collusion et interet personnel: si ma femme est la DRH de Lubizol, ou si j ai investi mon argent chez Warren Buffett (le proprietaire de lubizol, n importe qui peut investir dans BERKSHIRE HATHAWAY, le fond gere par Buffet) disons que j ai interet a ne pas etre trop mechant avec eux … Et peut etre que j aurai un renvoi d ascenseur et que je pourrai avoir un poste interessant chez eux si je quitte la fonction publique (cf Mme Gaymard)

    En face, qu est ce que je risque si je minimise les risques ?
    Probablement pas grand chose. Il faut deja prouver que je l ai fait sciemment (bon courage). Ensuite il faut que des victimes porte plaintes et puisse prouver qu elles sont malades a cause de moi. La encore, c est tres difficile. Qu est qui peu prouver que vous etes malade car vous avez respiré la fumee de l incendie et non pas parce que vous fumez, que vous prenez des medicaments ou je ne sais quoi d autre
    Meme en admettant que la faute soit etablie, qu on puisse trouver des victimes dont la maladie s explique uniquement par votre faute, il faut encore compter sur l inertie de la justice (et probablement du copinage).
    Les gens du ministere de la santé qui on etouffé l affaire du mediator n ont jusqu a maintenant pas ete condamné alors qu il y a eut des morts prouvés.

    PS: a propos de copinage, j ai vu que le ministre PS Urvoas a ete condamné pour avoir averti son collegue LR Solere du dossier que son ministere avait constitué contre lui. Devinez quelle a ete la sanction ? une amende de 5000 € ! Vous risquez plus en cas de conduite en etat d ivresse (amende de 4500 € et suspension de permis voire prison ferme d apres https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F2881)

    • Descartes dit :

      @ cdg

      [« Pour commencer, on peut se demander quel serait l’intérêt des autorités administratives à présenter la situation autrement qu’elle n’est ».Je peux vous en donner plusieurs :]

      Voyons voir…

      [– ne pas générer une panique et engorger les routes. Outre le fait que ça va faire des mauvaises images à la TV (pas bon pour ma carrière) ça va handicaper les secours.]

      Pardon, mais est-ce là « l’intérêt des autorités », ou l’intérêt des citoyens tout court ? Lorsque les secours arrivent de façon fluide, c’est le préfet ou les citoyens qui y gagnent le plus ? Par ailleurs, il n’est nullement évident que la minimisation du risque aide la carrière d’un préfet. Un préfet m’expliquait qu’il ne fallait pas donner l’impression aux ministres que les choses allaient trop bien, parce que la conclusion qu’ils en tirent est que le métier est facile et qu’il n’y a aucun mérite à le faire. Il faut au contraire leur offrir des paniques et des crises. C’est cela qui permet à un préfet de se mettre en valeur. La réaction naturelle des préfets serait plutôt de tout peindre en noir, surtout lorsque la crise n’est pas sérieuse. Cela permet ensuite de s’attribuer le mérite de sa résolution.

      [– sauver l’entreprise de lourds dommages et intérêts. Pas la peine d’être actionnaire de ladite entreprise pour vouloir l’éviter : une fermeture d’entreprise, c’est des chômeurs en plus. Ce qui n’est pas populaire auprès du députe local (surtout s’il est LREM) ou du ministre.]

      Vous pensez donc qu’un préfet prendrait le risque de se retrouver devant un tribunal correctionnel pour homicide par imprudence pour faire plaisir au député local ? Vraiment ?

      [Pour ceux qui ont des doutes, rappelez-vous de l’amiante qu’on a autorisé bien que sa nocivité était établie.]

      L’amiante bien utilisé – c’est-à-dire mis sous une forme qui ne disperse pas des fibres dans l’air – n’est pas particulièrement « nocif ». Et s’il a été autorisé, c’est qu’on ne dispose pas pour certaines applications de substitut. Mais quoi qu’il en soit, l’autorisation de l’amiante n’a pas été donnée par les préfets, mais par le législateur. C’est un choix politique.

      [– collusion et intérêt personnel: si ma femme est la DRH de Lubizol, ou si j’ai investi mon argent chez Warren Buffett (le proprietaire de lubizol, n’importe qui peut investir dans BERKSHIRE HATHAWAY, le fond géré par Buffet) disons que j’ai intérêt a ne pas être trop méchant avec eux … Et peut être que j’aurai un renvoi d’ascenseur et que je pourrai avoir un poste intéressant chez eux si je quitte la fonction publique (cf Mme Gaymard)]

      Avec des « si », on mettrait Paris en bouteille. Pensez-vous vraiment qu’on tolérerait que la femme du préfet de la Seine-Maritime soit DRH dans une grande entreprise de la région ? Si on bouge en permanence les préfets, c’est précisément pour éviter ce genre de situation. Par ailleurs, toutes ces réflexions s’appliquent aussi bien sinon plus aux experts « indépendants » et autres journalistes. Franchement, il est plus raisonnable de supposer que les propriétaires du « Monde » ou de « Libération » font des affaires avec Buffet que d’imaginer que le préfet fasse de même.

      [En face, qu est ce que je risque si je minimise les risques ? Probablement pas grand-chose.]

      Posez la question à Michel Garretta, condamné à 4 ans de prison ferme et 500.000 F d’amende en 1992 (il sortira de prison en 1995) pour avoir « minimisé le risque » dans l’affaire du sang contaminé. Ou bien René Marratier, condamné en 2014 à 4 ans de prison ferme et 30.000 € d’amende pour avoir « minimisé le risque » de submersion lorsqu’il était maire de la Faulte-sur-Mer. Non, croyez-moi : on prononce des peines de plus en plus lourdes envers les fonctionnaires qui « minimisent les risques ».

      [Il faut déjà prouver que je l’ai fait sciemment (bon courage).]

      Pas du tout. Le manquement à un devoir de prudence est suffisant pour caractériser le délit. Dans l’affaire de la Faute-sur-Mer, on a prononcé une peine d’emprisonnement ferme sur le fondement d’une faute involontaire.

      [Ensuite il faut que des victimes porte plaintes et puisse prouver qu’elles sont malades à cause de moi.]

      Même pas. Dans l’affaire de l’amiante, les tribunaux reconnaissent le « préjudice d’anxiété ». En d’autres termes, il n’est même pas nécessaire que la personne soit objectivement malade pour établir une responsabilité.

      [Même en admettant que la faute soit établie, qu’on puisse trouver des victimes dont la maladie s explique uniquement par votre faute, il faut encore compter sur l’inertie de la justice (et probablement du copinage).]

      Si vous allez par-là, il vous faut mettre dans l’autre plateau de la balance la pression médiatique pour trouver un coupable, les agissements des avocats-vautours, l’envie de certains juges de se « payer » une personnalité ou de se donner le beau rôle de défense de la veuve et de l’orphelin… je peux vous assurer que cela contrebalance largement « l’inertie et le copinage » dans ce genre d’affaires.

      [Les gens du ministère de la santé qui ont étouffé l’affaire du médiator n’ont jusqu’à maintenant pas été condamnés alors qu’il y a eu des morts prouvés.]

      Pardon, mais le procès est en cours depuis le 23 septembre dernier, et parmi les accusés figurent l’ANSM et 8 experts travaillant pour elle. Il n’est pas d’usage dans ce pays de prononcer la condamnation avant le procès. Faut-il le regretter ?

      [PS: a propos de copinage, j’ai vu que le ministre PS Urvoas a été condamné pour avoir averti son collègue LR Solere du dossier que son ministère avait constitué contre lui. Devinez quelle a ete la sanction ? une amende de 5000 € !]

      Du point de vue pénal, on pouvait difficilement lui donner plus : la peine maximale prévue pour la violation du secret professionnel est d’un an de prison et 15.000€ d’amende. Mais pour un homme politique, la sanction est d’abord politique. Avec cette affaire, sa carrière politique – du moins au niveau national – est finie. Chaque fois qu’on pensera à lui pour un poste, on se souviendra de cette affaire.

      • cdg dit :

        “Vous pensez donc qu’un préfet prendrait le risque de se retrouver devant un tribunal correctionnel pour homicide par imprudence pour faire plaisir au député local”
        Quel est le risque pour un prefet de se retrouver devant un tribunal ? et d etre condamné ? il est voisin de 0. Par contre le risque de voir sa carriere prendre un bon coup de frein est lui consequent. Donc entre un risque fort mais tres improbable et un risque bien plus faible mais tres probable, que choisir ? pas evident que je choisirai d eviter le risque faible …

        j ai pris l exemple de l amiante, mais il y en a d autre: le chlordecone. L etat a sciement mit en danger des gens pour des questions pecuniaires. Que la decision soit prise au nivau politique ou administratif ne change rien au fait que des gens ont ete sacrifies pour des raisons economiques. Et que forcement ca n inspire pas confiance

        “’affaire de la Faute-sur-Mer, on a prononcé une peine d’emprisonnement ferme sur le fondement d’une faute involontaire”
        Vous faites erreur. Il y a eut appel et au final tous ont ete relaxe sauf le maire qui a eut du sursis (autrement dit rien). meme si aucun des accusé avait voulu la mort de qui que ce soit, la encore passer constructible des terrains innondable etait pas un acte altruiste. Si j ai bonne memoire les terrains appartenait a une adjointe au maire et le fils etait agent immobilier justement en charge de commercialiser le programme immobilier …

        Dans le cas du mediator, le medicament a ete commercialisé a partir de 1976. En 99 un medecin signale le probleme (https://www.lemonde.fr/societe/article/2019/10/16/proces-du-mediator-georges-il-faut-retirer-ton-signalement_6015664_3224.html). On etouffe l affaire. En 2009 le medicament est enfin retiré suite aux travaux de Mme Frachon a qui l etat a plutot mit des baton dans les roues. En 2019 (soit 10 ans apres le retrait) on a un proces. Ces 10 ans ont permit a M Servier de mourir en paix. Et je suis pret a parier qu en cas de condamnation, les autres prevenus utiliseront toutes les ficelles de la justice pour faire trainer les choses et passer au final a travers les gouttes

        “On pouvait difficilement lui donner plus : la peine maximale prévue pour la violation du secret professionnel est d’un an de prison et 15.000€ d’amende”
        La il a pas de prison et 1/3 de l amende maximale. C est plutot favorable non ?
        Quant a sa carriere politique, elle est probablement derriere lui surtout parce ce que le PS ne represente plus grand chose electoralement. Parce que les casseroles judiciaires n ont jamais empechee la poursuite une belle carriere. Regardez Juppé !

        • Descartes dit :

          @ cdg

          [« Vous pensez donc qu’un préfet prendrait le risque de se retrouver devant un tribunal correctionnel pour homicide par imprudence pour faire plaisir au député local » Quel est le risque pour un préfet de se retrouver devant un tribunal ? et d etre condamné ? il est voisin de 0.]

          Je pense que vous faites erreur. Ce qu’on appelle les « fonctionnaires d’autorité » (préfets, commissaires de police…) ont au contraire beaucoup de chances de se retrouver devant un tribunal correctionnel et d’écoper d’une peine. C’est d’ailleurs pour cela que les préfets sont en général d’une prudence digne d’un magistrat à deux ans de la retraite.

          [j’ai pris l’exemple de l’amiante, mais il y en a d’autre: le chlordecone. L état a sciemment mis en
          danger des gens pour des questions pecuniaires.]

          Pardon, mais je ne me souviens pas que l’Etat ait répandu de la chlordecone sur les plantations de bananiers guadeloupéennes. Ce sont les paysans qui l’ont fait. Il faudrait arrêter ce discours infantile selon lequel l’Etat serait responsable du seul fait qu’il n’a pas interdit. Et ce n’est pas les intérêts pécuniaires de l’Etat qui ont poussé à l’utilisation de la chlordécone, ce sont les intérêts pécuniaires des agriculteurs.

          [« l’affaire de la Faute-sur-Mer, on a prononcé une peine d’emprisonnement ferme sur le fondement d’une faute involontaire » Vous faites erreur. Il y a eut appel et au final tous ont ete relaxe sauf le maire qui a eut du sursis (autrement dit rien).]

          Je ne fais pas erreur : le tribunal correctionnel a bien prononcé une peine d’emprisonnement ferme sur le fondement d’une faute involontaire. Le fait que la cour d’appel ait relaxé les autres accusés et condamné le maire à une peine plus légère ne change en rien ce fait : la cour d’appel a bien reconnu qu’une faute involontaire peut vous conduire en prison, elle a simplement apprécié différemment l’étendue de la faute. Et je vous rappelle qu’une condamnation avec sursis n’est pas « rien ». Autrement, je me demande pourquoi on prend la peine d’introduire le sursis dans le code pénal.

          [même si aucun des accusé avait voulu la mort de qui que ce soit, la encore passer constructible des terrains inondables n’était pas un acte altruiste.]

          Non. Mais quid des citoyens qui ont fait pression pour que les terrains soient déclarés constructibles et qui ont ensuite construit dessus ? Avouez que c’est curieux : le maire déclare une parcelle inconstructible, vous faites pression pour qu’elle soit déclarée constructible, le maire cède à votre pression pour vous faire plaisir, et c’est lui qui va en prison ?

          [Si j’ai bonne mémoire les terrains appartenait a une adjointe au maire et le fils etait agent immobilier justement en charge de commercialiser le programme immobilier …]

          Je n’ai pas connaissance de ces faits. Pourriez-vous préciser vos sources ?

          [Dans le cas du mediator, le médicament a été commercialisé a partir de 1976.]

          Oui, comme antidiabétique. Mais il est prescrit par les médecins comme coupe-faim. Là aussi, personne ne semble s’interroger sur la responsabilité des médecins qui ont détourné un médicament de la finalité pour laquelle il avait été mis sur le marché.

          [En 99 un médecin signale le problème. On étouffe l’affaire. En 2009 le médicament est enfin retiré suite aux travaux de Mme Frachon a qui l’état a plutôt mit des bâtons dans les roues.]

          Il n’empêche que Mme Frachon a pu faire ses travaux, et que le médicament est retiré. Le système ne marche donc pas si mal que ça. Mais la question que pose cette affaire est celle de savoir si Servier connaissait la dangerosité du médicament en question ou pas. Etant donné le coût d’une affaire pareille en termes de réputation et de condamnations pécuniaires, on a du mal à imaginer que Servier ait fait le calcul de laisser sur le marché un médicament qu’ils savaient dangereux.

          Dans ce genre d’affaire il ne faut pas réécrire l’histoire. Le mediator avait subi avec succès tous les essais cliniques obligatoires avant la mise sur le marché du médicament. Ces essais n’ont pas révélé de risques majeurs. Servier avait donc de bonnes raisons de penser que le médicament était inoffensif et de se méfier des prétendus « lanceurs d’alerte » (dont on sait, dans les affaires de ce type, qu’ils ne sont pas nécessairement désintéressés…). Aujourd’hui, après les travaux de Franchon, nous savons que le mediator présente un risque. Mais que savaient les acteurs à l’époque ? On verra ce que dira à ce propos la justice.

          [« On pouvait difficilement lui donner plus : la peine maximale prévue pour la violation du secret professionnel est d’un an de prison et 15.000€ d’amende ». Là il a pas de prison et 1/3 de l’amende maximale. C’est plutôt favorable non ?]

          Pour une première infraction, et alors que les informations communiquées n’étaient pas d’une grande valeur, je pense que c’est une peine relativement juste.

          [Quant à sa carrière politique, elle est probablement derrière lui surtout parce ce que le PS ne représente plus grand chose électoralement.]

          Quand je vois combien de ministres macronistes viennent du PS, je ne peux qu’être en désaccord avec vous.

          [Parce que les casseroles judiciaires n’ont jamais empêché la poursuite une belle carrière. Regardez Juppé !]

          Où est la « belle carrière » de Juppé ? Depuis qu’il a eu ses ennuis judiciaires, tout ce qu’il a obtenu comme responsabilité c’est d’être maire de Bordeaux. Pour un homme qui pouvait prétendre aux plus hautes fonctions de l’Etat, avouez que ce n’est pas particulièrement « beau ». Dire que des politiques ont fait quelquefois de belles carrières malgré des casseroles judiciaires, c’est dire une évidence. Mais dire que les casseroles judiciaires n’ont JAMAIS empêché la poursuite d’une belle carrière, c’est tout aussi évidement faux.

          • cdg dit :

            [Pardon, mais je ne me souviens pas que l’Etat ait répandu de la chlordecone sur les plantations de bananiers guadeloupéennes. Ce sont les paysans qui l’ont fait. Il faudrait arrêter ce discours infantile selon lequel l’Etat serait responsable du seul fait qu’il n’a pas interdit. Et ce n’est pas les intérêts pécuniaires de l’Etat qui ont poussé à l’utilisation de la chlordécone, ce sont les intérêts pécuniaires des agriculteurs.]
            Mais qui a chosit les interets des paysans face a l interet general ? Je ne dit pas que l etat est le seul coupable mais que ceratins ont choisit de tourner le dos a l interet general. Et ce qui s est fait aux antilles peut aussi se faire a rouen
            Et ce n est pas un cas isolé. Tenez je vais vous raconter une histoire qui c est passé dans ma region natale.
            Il etait une fois un incinerateur d ordures pas du tout aux normes. Il rejettait de la dioxine et appartenai au syndicat de communes d Albertville. Le fait qu il etait pas au norme etait connu de l exploitant mais il etait evidement plus rentable de fermer les yeux que de reparer.
            A cote de cet incinerateur vivaient des gens. Et curieusement pas mal d entre eux developpaient des cancers … Il y avait meme une rue qui avait ete surnomme la rue du cancer vu le nombre d habitants qui avaient developpé ce type de probleme ;-(
            Evidement a un moment la relation c est faire avec l incinerateur et ou a vu que celui ci n a JAMAIS fonctionné correctement (http://www.leparisien.fr/faits-divers/le-scandale-de-l-incinerateur-de-gilly-sur-isere-au-tribunal-29-11-2010-1169952.php)
            Et coryez vous qu il y a eut sanction ? Il y a eut non lieu et le maire de l epoque (Gibello) joue tranquillement au golf et on entend regulierement parler de son compere (Barnier. Gibello etait son suppleant quand il etait deputé)
            [ Et je vous rappelle qu’une condamnation avec sursis n’est pas « rien ». ]
            disons qu avoir du sursis quand vous avez presque 70 ans ne vous expose pas a grand chose. Quel chance d avoir une deuxieme condamantion ?
            [Si j’ai bonne mémoire les terrains appartenait a une adjointe au maire et le fils etait agent immobilier justement en charge de commercialiser le programme immobilier …]
            source :https://www.liberation.fr/societe/2010/03/08/la-faute-sur-mer-des-elus-a-la-frenesie-immobiliere-suspecte_613896
            [Quand je vois combien de ministres macronistes viennent du PS, je ne peux qu’être en désaccord avec vous.]
            Ca c etait au debut de LREM. Maintenant Macron recrute a droite. Ceux qui n ont pas retourné leur veste a temps doivent rester sur le radeau de la meduse

            [Où est la « belle carrière » de Juppé ? Depuis qu’il a eu ses ennuis judiciaires, tout ce qu’il a obtenu comme responsabilité c’est d’être maire de Bordeaux]
            Juppe a été nommé ministre par Sarlozy alors qu il etait deja condamné: ministre d etat, numero 2 du gouvernement, ministre de la defense puis des affaire etrangeres. Pas mal non ?
            Et si Juppe n a pas pu se presenter a la presidentielle et peut etre devenir president, il le doit au fait d avoir ete rejeté par les electeurs de droite lors de la primaire (la on peut supposer que ces ennuis judiciaires n ont pas aidé)
            Et comme lot de consolation, il est maintenant au conseil constitutionnel. Vous trouvez pas que c est une belle carriere ?

            • Descartes dit :

              @ cdg

              [Mais qui a choisi les intérêts des paysans face à l’intérêt général ? Je ne dis pas que l’etat est le seul coupable mais que certains ont choisi de tourner le dos à l’intérêt général. Et ce qui s’est fait aux Antilles peut aussi se faire à Rouen.]

              Je pense que c’est un peu plus compliqué que ça. Il n’est pas aussi facile que vous le dites de distinguer « l’intérêt général » des « intérêts des paysans ». La culture de la banane aux Antilles n’est pas seulement une affaire de paysans, c’est l’un des rares produits que les Antilles peuvent exporter. L’extension du parasitisme des bananiers après les cyclones David et Allen menace toute l’économie de l’archipel. C’est dans ce contexte que le chlordécone est autorisé « provisoirement » par le politique et cela contre l’avis des commissions d’experts. Ce sont d’ailleurs les députés des Antilles qui les premiers insistent pour que l’insecticide reste autorisé : par exemple, lorsque son autorisation de mise sur le marché est finalement retirée en 1990, c’est le député de la Martinique Guy Lordinot qui obtient une dérogation de deux ans pour les Antilles…

              On peut donc critiquer le choix fait par l’Etat de considérer que l’intérêt général de l’économie antillaise valait le risque de répandre un produit qui, selon les experts, était probablement toxique pour les populations. Mais ce n’est pas une simple question « intérêt des paysans vs. Intérêt général ». J’ajoute que dans l’affaire, ce ne sont pas les « experts » qui sont à blâmer : ils ont bien tiré les sonnettes d’alarme au bon moment.

              [Et ce n’est pas un cas isolé. Tenez je vais vous raconter une histoire qui s’est passé dans ma région natale. Il etait une fois un incinérateur d’ordures pas du tout aux normes. Il rejetait de la dioxine et appartenait au syndicat de communes d’Albertville. Le fait qu’il n’était pas aux normes était connu de l’exploitant mais il était évidement plus rentable de fermer les yeux que de réparer.]

              Mais plus rentable pour qui, exactement ? Si l’incinérateur était la propriété du syndicat des communes, cela implique que pour mettre l’incinérateur aux normes il aurait fallu que les communes paient l’addition, et cela avec l’argent des contribuables. Or, vous le savez autant que moi, les contribuables ont un curieux tropisme, qui est celui de vouloir payer le moins d’impôts possibles. Quitte éventuellement à prendre quelques risques et quelques libertés avec la réglementation. C’est très facile de crier « c’est la faute à l’Etat », tout en votant pour celui qui vous promet de réduire le plus vos impôts…

              De Gaulle avait raison : « Les français attendent tout de l’Etat, mais le détestent. Ils ne se comportent pas en adultes ». Nous avons besoin que papa Etat soit là pour nous interdire de grimper à l’arbre, et si nous le faisons quand même et que nous tombons, c’est bien évidement sa faute.

              [A cote de cet incinérateur vivaient des gens. Et curieusement pas mal d’entre eux développaient des cancers … Il y avait même une rue qui avait été surnomme la rue du cancer vu le nombre d’habitants qui avaient développé ce type de problème. Evidement a un moment la relation s’est faire avec l’incinérateur et ou a vu que celui-ci n’a JAMAIS fonctionné correctement.]

              Le problème, c’est qu’il a été impossible d’établir cette « relation » d’une manière scientifique. Je vous propose une expérience que vous pouvez faire facilement chez vous : expliquez à votre famille qu’on vient de découvrir une grave pollution de l’eau, dont l’effet est de provoquer des démangeaisons. Vous verrez que tout le monde commencera à se gratter. Lorsqu’une cause est offerte à nous, nous avons naturellement besoin à lui attribuer les effets – réels ou imaginaires. Votre « rue des cancers », est-elle réelle ou n’est ce qu’une impression ? Y a-t-il véritablement une surmortalité par cancer, ou bien n’est ce que la tendance des gens à attribuer tout cancer à la présence de l’incinérateur dès lors qu’on sait qu’il est là ? Voici en tout cas les conclusions du rapport de l’Agence française de santé en 2004 :

              « Globalement, les résultats de l’analyse de la mortalité par cancer dans la région de Gilly-sur-
              Isère conduisent à la fois à mettre en évidence :
              • Une sur-mortalité pour les cancers bronchiques, du larynx et de la vessie chez les hommes pour la période 1983-1999, la zone de surmortalité n’étant pas spécifique de la zone impactée par l’usine d’incinération d’ordures ménagères (UIOM).
              • Une absence de sur-mortalité pour des cancers plus spécifiques de l’exposition aux UIOM (LMNH, leucémies).
              L’interprétation en termes de facteurs de risques pour les cancers bronchiques, du larynx et de la vessie mériterait des investigations ultérieures vis-à-vis de facteurs socio-démographiques et professionnels. »

              Le rapport complet peut être consulté sur le site de Santé Publique France (https://www.santepubliquefrance.fr/recherche/#search=R%C3%A9partition%20spatio-temporelle%20des%20cas%20de%20cancer%20dans%20la%20region%20de%20gilly%20sur%20Is%C3%A8re%20(Savoie).%20Rapport%20d’%C3%A9tape%20:%20analyse%20de%20la%20mortalit%C3%A9)

              En d’autres termes, il est difficile de faire un lien entre l’exposition aux émissions de l’incinérateur et la surmortalité, puisque celle-ci touche des zones non affectées par l’incinérateur, et qu’on ne retrouve pas le spectre des cancers liés à l’exposition à ce type d’installation.

              [Et croyez-vous qu’il y a eu sanction ? Il y a eu non-lieu (…)]

              Pas tout à fait. L’exploitant de l’installation a été condamné à 250.000€ d’amende et son installation a été fermée. Ce n’est pas tout à fait un « non-lieu ». Le « non-lieu » concerne le préfet et le maire de l’époque, qui pouvaient être difficilement poursuivis du chef de mise en danger de la vie d’autrui dès lors qu’aucun rapport de causalité n’était établi entre les cancers et les émissions de l’installation. Je vous conseille la lecture de l’arrêt de la cour d’appel de Chambéry, il explique parfaitement le déroulé de l’affaire (http://www.arnaudgossement.com/media/01/01/829179891.pdf).

              [« Et je vous rappelle qu’une condamnation avec sursis n’est pas « rien ». » Disons qu’avoir du sursis quand vous avez presque 70 ans ne vous expose pas à grand-chose. Quelle chance d’avoir une deuxième condamnation ?]

              D’abord, être condamné quand bien même ce serait avec sursis fait de vous un coupable judiciaire, et à ce titre vous expose aux actions civiles. Ensuite, même à 70 ans, c’est une tâche sur votre honneur et celui de votre famille. Et cela est très important pour les gens. Regardez les Seznec, qui se battent toujours plus d’un demi-siècle après les faits pour rétablir l’honneur d’un arrière grand père…

              [« Si j’ai bonne mémoire les terrains appartenait a une adjointe au maire et le fils etait agent immobilier justement en charge de commercialiser le programme immobilier… » source (…)]

              Votre source ne dit pas tout à fait cela. Elle ne dit pas que « LES terrains appartenaient à une adjointe au maire », mais « PARMI les propriétaires des terrains » figure une adjointe au maire. Et concernant le « fils », il ne s’agit pas du fils du maire mais du fils de cette adjointe, et il n’était pas « chargé de commercialiser LE programme immobilier » mais s’est contenté de réaliser quelques lotissements. Ce n’est pas tout à fait la même chose. Vous noterez d’ailleurs la prudence de la conclusion sur cette question : « le conflit d’intérêt peut légitimement être posé »…

              Dans un village qui ne compte que quelques centaines d’habitants permanents, la question du conflit d’intérêts « peut légitimement se poser » à propos de n’importe qui, puisque tout le monde ou presque sera au moins cousin au deuxième degré d’un conseiller municipal ou d’un employé de la mairie.

              [« Quand je vois combien de ministres macronistes viennent du PS, je ne peux qu’être en désaccord avec vous. » Ca c’était au début de LREM. Maintenant Macron recrute à droite. Ceux qui n’ont pas retourné leur veste a temps doivent rester sur le radeau de la Méduse]

              Mais non, mais non… vous verrez, si aujourd’hui on tape un coup à droite, demain on tapera un coup à gauche. Tout est question de contexte, et les prétendants sont sur les starting blocks…

              [« Où est la « belle carrière » de Juppé ? Depuis qu’il a eu ses ennuis judiciaires, tout ce qu’il a obtenu comme responsabilité c’est d’être maire de Bordeaux » Juppé a été nommé ministre par Sarlozy alors qu’il était déjà condamné: ministre d’etat, numéro 2 du gouvernement, ministre de la défense puis des affaire étrangères. Pas mal non ?]

              Pour un homme comme Juppé, qui avait été premier ministre, c’était tout au plus un prix de consolation (je rappelle pour les plus jeunes qu’au début de la Vème République un ancien Premier ministre n’acceptait pas un poste de ministre, en vertu du principe « on ne devient pas prince là où on a été roi »). Juppé est, je le pense, le premier à avoir accepté cette humiliation. J’ajoute qu’il a duré un mois exactement comme ministre d’Etat, trois mois comme ministre de la Défense, et qu’il a ensuite été remisé aux Affaires étrangères, alors que les affaires en question étaient pilotées en direct par Sarkozy. Après a condamnation, Juppé n’a jamais récupéré son statut de « poids lourd » politique. Pour des gens comme vous et moi, il a fait peut-être une “belle carrière”, mais pour ceux qui sont dans ce milieu, à commencer par l’intéressé lui-même, ce fut un échec.

  17. Wolfman Jack dit :

    Bien qu’étant d’accord avec votre texte, la Cour européenne des droits de l’homme a condamné la France pour violation de la liberté d’expression de Noël Mamère le 7 novembre 2006. Il n’en reste pas moins que les propos de ce dernier on eu une résonance déplorablement historique.

    • Descartes dit :

      @ Wolfman Jack

      [ la Cour européenne des droits de l’homme a condamné la France pour violation de la liberté d’expression de Noël Mamère le 7 novembre 2006.]

      Personnellement, je tiens en piètre estime la CIDH, institution pourrie par les lobbies et propagatrice d’une idéologie “victimiste” insupportable.

      • Jopari dit :

        [Personnellement, je tiens en piètre estime la CIDH, institution pourrie par les lobbies et propagatrice d’une idéologie “victimiste” insupportable.]

        Et je doute que l’argument qu’a utilisé la CEDH pour casser la condamnation de Mamère fasse beaucoup pour la faire remonter dans votre estime:

        D’autre part, le requérant s’exprimait sans aucun doute en sa qualité d’élu et dans le cadre de son engagement écologiste, de sorte que ses propos relevaient de l’expressionpolitiqueou «militante» (voir notamment l’arrêt Steel et Morrisprécité, §§88-89)

        Arrêt de la Cour européenne des Droits de l’Homme (deuxième section), affaire Mamère c. France, requête n° 12697/03, du 7 novembre 2006

        Je doute que l'”exagération ou la provocation” fasse avancer le débat public.

        • Descartes dit :

          @ Jopari

          [Et je doute que l’argument qu’a utilisé la CEDH pour casser la condamnation de Mamère fasse beaucoup pour la faire remonter dans votre estime: “D’autre part, le requérant s’exprimait sans aucun doute en sa qualité d’élu et dans le cadre de son engagement écologiste, de sorte que ses propos relevaient de l’expression politique ou «militante»”]

          En effet. Cet arrêt pourra d’ailleurs être très efficacement utilisé par les différents fabricants de “fake news” qui pullulent dans le paysage. Après tout, si l’expression “dans le cadre d’un engagement” vous dispense de tout contrôle…

          • Jopari dit :

            [En effet. Cet arrêt pourra d’ailleurs être très efficacement utilisé par les différents fabricants de “fake news” qui pullulent dans le paysage. Après tout, si l’expression “dans le cadre d’un engagement” vous dispense de tout contrôle…]

            Comme lorsque les avocats de Greenpeace ont reconnu au cours d’un procès que leur client avait recours à l'”hyperbole” ne devant pas être prise au sens littéral.

            • Descartes dit :

              @ Jopari

              [Comme lorsque les avocats de Greenpeace ont reconnu au cours d’un procès que leur client avait recours à l’”hyperbole” ne devant pas être prise au sens littéral]

              Une méthode classique de l’ONG, qui n’hésite pas à propager des fausses nouvelles, sachant que les dénégations de ses victimes ne seront pas prises en compte par l’opinion publique. D’autres organisations, comme “sortir du nucléaire”, utilisent la même technique.

  18. 2 articles de presse intéressants :

    Gilles Crague Reconstruire dans nos villes un milieu favorable aux usines
    Le Monde du 21 octobre 2019

    Conclure de la catastrophe de Lubrizol qu’il faut fermer les sites industriels serait une erreur économique et écologique, plaide le chercheur

    Pierre Veltz L’industrie continue à se moderniser
    Le Monde du 21 octobre 2019

    La catastrophe de Lubrizol ne doit pas cacher la mutation en cours d’un secteur industriel de plus en plus apte à renouer les liens avec la ville, observe l’économiste et sociologue

    [Note de descartes: vous aviez posté le texte INTEGRAL des deux articles. Or, de deux choses l’une: soit ces textes sont accessibles à tous sur le site du journal, et dans ce cas il suffisait de mettre les liens, ou bien ils ne sont accessibles qu’aux abonnés, et dans ce cas les publier constitue une violation du droit de reproduction. C’est pourquoi je me vois obligé de vous censurer partiellement…]

  19. Vincent dit :

    @Descartes

    A la relecture, à deux endroits, j’ai eu l’impressions que vous mélangiez des notions assez différentes…

    [ils veulent être dans une situation exceptionnelle, cinématographique, qui les sorte de la routine, qui les rende intéressants. En d’autres termes, ils veulent accéder au statut le plus envié dans notre société, celui de VICTIMES, source non seulement de satisfactions morales, mais aussi d’opportunités de rejeter la faute de ce qui vous arrive sur quelqu’un d’autre et – on ne sait jamais – d’obtenir de juteuses réparations. Et si leur enfant dans quelques années est autiste ou se drogue, on pourra attribuer la chose aux effets traumatiques du nuage forcément toxique.]

    Vous mélangez ici 3 phénomènes réels, qui existent, mais qui ne sont pas assimilables :
    – la volonté de sortir du train train quotidien, que recherchent beaucoup : En gros, qu’il nous arrive quelque chose d’exceptionnel, pour qu’on puisse montrer à tous ses contact Facebook (pour les jeunes) qu’on a une vie qui sort de l’ordinaire. Mais ce serait pareil pour quelqu’un qui, par hasard, se trouverait à serrer la main du Président des USA, qui trouverait un albatros échoué, ou qui aurait un attentat à 50m de chez lui,
    – La volonté d’accéder au statut de victime, que recherchent également pas mal de gens, mais pas forcément les mêmes. L’objectif est ici d’attirer la commisération,
    – Le fait de venir, ultérieurement, mettre tout ce qui nous arrive (ou à nos enfants) sur le dos d’une cause extérieure, afin de se disculper de quelque tort que ce soit.

    [De plus en plus, on exige de l’expert et de l’autorité non pas qu’ils disent la vérité, mais qu’ils compatissent avec un préjugé. Ce phénomène que les médecins connaissent bien et qui s’appelle l’hypocondrie.]

    Ici aussi, il me semble que vous mélangez deux choses, qui sont toutes les deux réelles, mais sont néanmoins distinctes :
    – Il y a des patients revendiquants, qui veulent se voir reconnaitre un statut de malade (par exemple maladie de Lyme, autiste, électrosensible, etc.). Ce sont des patients qui cherchent à expliquer tous les désagréments de leur vie par une cause unique, en l’occurrence une maladie, et qui sont revendiquants auprès du corps médical pour avoir une reconnaissance officielle de leur statut de victime.
    – Les hypocondriaques, eux, sont des hyper anxieux, qui craignent d’être malades, et qui à la moindre sensation sortant de l’ordinaire, se demandent si ce n’est pas une maladie grave.

    Les premiers vont chez le médecin pour obtenir le diagnostic qu’ils voulaient, et sont contents s’ils ont réussi à l’avoir, et en colère si on le leur a refusé. Les seconds y vont en espérant qu’ils n’auront rien (quitte à harceler le praticien pour être certain qu’il ne se trompe pas), et sortiront rassurés s’ils n’ont rien, mais effondré si leur crainte se concrétise.

    • Descartes dit :

      @ Vincent

      [Vous mélangez ici 3 phénomènes réels, qui existent, mais qui ne sont pas assimilables :
      – la volonté de sortir du train train quotidien, que recherchent beaucoup : En gros, qu’il nous arrive quelque chose d’exceptionnel, pour qu’on puisse montrer à tous ses contact Facebook (pour les jeunes) qu’on a une vie qui sort de l’ordinaire. Mais ce serait pareil pour quelqu’un qui, par hasard, se trouverait à serrer la main du Président des USA, qui trouverait un albatros échoué, ou qui aurait un attentat à 50m de chez lui,
      – La volonté d’accéder au statut de victime, que recherchent également pas mal de gens, mais pas forcément les mêmes. L’objectif est ici d’attirer la commisération,
      – Le fait de venir, ultérieurement, mettre tout ce qui nous arrive (ou à nos enfants) sur le dos d’une cause extérieure, afin de se disculper de quelque tort que ce soit.]

      Je ne « mélange » pas. Ces trois choses sont différentes, mais elles ne sont pas indépendantes. Les gens veulent qu’il leur arrive quelque chose d’exceptionnel. Mais tant qu’à faire, quelque chose d’exceptionnel qui leur ouvre des possibilités. Et voyez-vous, serrer la main de Macron ou trouver un albatros échoué, ça ne vous rapporte rien. Alors qu’être victime vous ouvre la commisération des petits et des puissants, et avec ça pas mal d’avantages, dont précisément celui de pouvoir évacuer toute responsabilité.

      [Ici aussi, il me semble que vous mélangez deux choses, qui sont toutes les deux réelles, mais sont néanmoins distinctes :
      – Il y a des patients revendiquants, qui veulent se voir reconnaitre un statut de malade (par exemple maladie de Lyme, autiste, électrosensible, etc.). Ce sont des patients qui cherchent à expliquer tous les désagréments de leur vie par une cause unique, en l’occurrence une maladie, et qui sont revendiquants auprès du corps médical pour avoir une reconnaissance officielle de leur statut de victime.
      – Les hypocondriaques, eux, sont des hyper anxieux, qui craignent d’être malades, et qui à la moindre sensation sortant de l’ordinaire, se demandent si ce n’est pas une maladie grave.]

      Non, pas tout à fait. Les hypocondriaques ne sont pas des gens qui CRAIGNENT d’être malades, mais qui sont PERSUADES d’être malades, alors qu’ils ne le sont pas. Ca me paraît décrire assez précisément les électrosensibles et autres malades de Lyme. La question suivante est POURQUOI des individus ont envie d’être malades au point de s’inventer des maladies.

      • Vincent dit :

        [Non, pas tout à fait. Les hypocondriaques ne sont pas des gens qui CRAIGNENT d’être malades, mais qui sont PERSUADES d’être malades, alors qu’ils ne le sont pas. Ca me paraît décrire assez précisément les électrosensibles et autres malades de Lyme. La question suivante est POURQUOI des individus ont envie d’être malades au point de s’inventer des maladies.]

        Les hypocondriaques sont persuadés d’être malades, mais sont contents que le corps médical les rassure en leur disant que tout va bien. Leur crainte se trouve réduite, même si subsiste chez eux le doute que le corps médical aurait oublié un diagnostic possible.

        Les patients revendiquants ont déjà leur diagnostic déjà faits, et seront contents que celui ci soit confirmé. Et en colère contre le médecin qui aura refusé de le leur confirmer.

        C’est tout de même un peu différent ; même s’il s’agit dans les deux cas de s’inventer des maladies.

        • Descartes dit :

          @ Vincent

          [Les hypocondriaques sont persuadés d’être malades, mais sont contents que le corps médical les rassure en leur disant que tout va bien.]

          En général, c’est plutôt le contraire : lorsque le corps médical leur dit que tout va bien, ils récusent son autorité, exigent des traitements – souvent les médecins leur donnent un placebo quelconque pour ne pas perdre le client – ou vont chercher ailleurs, chez les « thérapies alternatives » par exemple, où ils trouvent toutes sortes de charlatans prêts à leur dire ce qu’ils veulent entendre – en résumé, qu’ils sont bien malades mais qu’il y a une thérapie capable de les guérir.

          C’est en ce sens que je parle d’une sorte d’hypocondrie sociale, ou les citoyens exigent de leurs élites qu’ils confirment leurs craintes – même lorsqu’elles sont infondées – et les traitent en victimes.

          • Vincent dit :

            [En général, c’est plutôt le contraire : lorsque le corps médical leur dit que tout va bien, ils récusent son autorité, exigent des traitements]

            Ce type de profil est effectivement courant. C’est ce qui est couramment appelé un patient revendiquant ; mais ce n’est pas ce qu’un psychiatre appellerait un patient hypocondriaque.

            En particulier, il y a souvent des personnes qui s’écoutent trop, et qui s’écoutent tellement qu’elles trouvent toujours une douleur quelque part ; sans pour autant avoir un diagnostic précis en tête. Elles sont prêtes à accepter n’importe quel diagnostic, tant que celui ci ne rentre pas dans le champ “psy”. On trouve dans ce domaine des choses comme le Lyme chronique, l’hypersensibilité aux ondes, la fameuse fibromialgie, etc.
            Ces patients sont effectivement de très bons clients pour les médecines alternatives. Et c’est dommage, car la médecine conventionnelle réussit très bien à les prendre en charge, avec notamment des thérapies cognitives, voire un appui médicamenteux. La grosse difficulté est de leur faire accepter la prise en charge conventionnelle, qui n’appuie pas forcément ce qu’ils espèrent (une cause extérieure à tous leurs problèmes).

            [C’est en ce sens que je parle d’une sorte d’hypocondrie sociale, ou les citoyens exigent de leurs élites qu’ils confirment leurs craintes – même lorsqu’elles sont infondées – et les traitent en victimes.]

            Dès lors, nous pouvons être d’accord, sur un forme d’hypocondrie sociale, mais qui n’est pas à identifier avec l’hypocondrie vue par un médecin.

            [souvent les médecins leur donnent un placebo quelconque pour ne pas perdre le client]
            Je doute que ce soit la motivation principale : les médecins généralistes n’ont pas trop de mal (euphémisme, vu le nombre qui refusent les nouveaux patients) à se constituer des patientelles, et ces patients là, qui doivent raconter tous les détails de ce qui ne va pas, ne sont pas nécessairement les consultations les plus rapides, donc les plus “rentables”.
            La prescription d’un placebo est tout simplement la solution la plus simple et la plus rapide pour un médecin généraliste pour s’occuper (se débarrasser ?) de ces patients là… plutôt que de discuter avec eux 20 min pour leur expliquer pourquoi ils n’auront rien, ou 40 minutes pour leur faire progressivement accepter une psychothérapie.

            • Descartes dit :

              @ Vincent

              [Ce type de profil est effectivement courant. C’est ce qui est couramment appelé un patient revendiquant ; mais ce n’est pas ce qu’un psychiatre appellerait un patient hypocondriaque.]

              Je ne suis pas intéressé par ce qu’un psychiatre appelle un hypocondriaque. J’utilise le terme dans le sens colloquial, et non scientifique.

              [« souvent les médecins leur donnent un placebo quelconque pour ne pas perdre le client » Je doute que ce soit la motivation principale : les médecins généralistes n’ont pas trop de mal (euphémisme, vu le nombre qui refusent les nouveaux patients) à se constituer des patientelles, et ces patients là, qui doivent raconter tous les détails de ce qui ne va pas, ne sont pas nécessairement les consultations les plus rapides, donc les plus “rentables”.]

              Je vous accorde le point…

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