Il fut un temps, pas si lointain, ou les Français étaient fiers d’être non pas la « startup nation » mais celle du « système D ». Pour mes lecteurs plus jeunes, qui n’ont pas connu l’âge d’or de cette expression, cela demande peut-être une petite explication. Le « D » en question fait référence au mot « débrouille » (ou « démerde » pour les adeptes d’un langage plus rude), et l’expression faisait référence à notre capacité à conduire à bon port des projets dans une logique où l’intelligence et la créativité compensaient l’insuffisance des moyens. L’expression était si populaire qu’un mensuel populaire consacré bricolage avait été créée en 1924 avec pour nom « Système D : journal illustré du débrouillard ».
Oui, nous étions le pays du « système D ». Le pays qui proclamait, en écho à l’observation d’un certain empereur que « impossible n’est pas français ». Malheureusement, il semblerait qu’on l’ait aujourd’hui un peu oublié. Sinon, comment expliquer qu’à l’annonce par le gouvernement des mesures destinées à remettre le pays en marche on ait vu fleurir à droite comme à gauche des impossibilités en pagaille ? Des syndicats qui expliquent qu’il est « impossible » d’assurer le redémarrage des lieux de travail dans des conditions de sécurité acceptables aux élus que déclarent qu’il est « impossible » de rouvrir les écoles, les collèges et les lycées, en passant par les patrons qui expliquent qu’il est « impossible » de reprendre les activités économiques si on ne leur garantit une exonération de responsabilité, tout le monde a une bonne raison pour ne pas faire.
Il y a là pour moi un problème d’attitude. On est passé d’une logique ou l’essentiel était l’accomplissement de la mission à une logique ou l’essentiel est la préservation l’individu. « Le spectacle doit continuer » était pendant longtemps la règle admise autant par le peuple que par les élites. Plus maintenant. Aujourd’hui, les militaires portent plainte contre l’Etat pour les avoir « mis en danger » lors de leur passage par les théâtres d’opération extérieurs, et les instituteurs refusent de faire la classe parce qu’ils estiment qu’on peut attendre septembre.
Bien entendu, il ne faut pas se tromper sur l’étendue de ces changements. Après tout, on a vu des réactions plutôt saines dans beaucoup de métiers. Dans les supermarchés, on a trouvé des solutions pour permettre à la population de continuer d’être approvisionnés. Dans les hôpitaux, on a trouvé des solutions pour « pousser les murs », pour créer des lits de réanimation, et les personnels ont pris les risques pour que les patients continuent à être soignés. Dans les raffineries, dans les centrales électriques les gens ont continué à se présenter à leur poste de travail pour que l’électricité continue à arriver dans nos prises et l’essence dans les stations de service. Mais il est triste de constater que c’est dans les milieux ou se font les idées – les intellectuels, les syndicalistes, les politiques, les enseignants – que l’individualisme prime le collectif.
Il y a dans cette attitude une partie d’égoïsme. Il y a aussi un élément de peur. Pour être précis, de peur des responsabilités. C’est patent chez les élus locaux, qui passent leur temps à exiger qu’on leur donne plus de pouvoirs, mais s’imaginent qu’on peut exercer le pouvoir sans assumer en même temps les responsabilités qui y sont attachées, avec la possibilité d’une remise en cause civile ou pénale. Comme si le pouvoir pouvait être exercé sans risque. Et ce qui est vrai des élus est vrai de beaucoup de décideurs, avec des rares et honorables exceptions (1).
C’est cette peur qui motive aussi l’exigence permanente de « consignes » dont la fonction centrale est de protéger celui qui est censé les appliquer. Alors qu’en temps normal chacun exige de « pouvoir décider », dès qu’on se trouve en difficulté personne ne bouge le petit doigt sans avoir un texte venu « d’en haut » qui lui dit ce qu’il faut faire – et qui lui permet de renvoyer la responsabilité en cas de malheur. C’est vrai pour les élus locaux, c’est vrai pour l’Education nationale : pour la réouverture des écoles, 60 pages de prose administrative expliquent aux enseignants et aux autorités ce qu’il faut ou ne faut pas faire. Bien entendu, le texte est immédiatement critiqué : chacun trouve qu’il ne prend pas en compte les problèmes spécifiques, les situations particulières. Normal, pour prendre en compte toutes les situations, il faudrait non 60 pages, mais 600 et dix ans de préparation. Mais l’erreur du ministère est de céder à cette demande infantile de « consignes ». A la place des 60 pages, une seule aurait suffi. Une seule phrase même. Et cette phrase aurait dû être « les écoles doivent être réouvertes, démerdez-vous ». A chacun de trouver des solutions sur le terrain, et d’en prendre les responsabilités. Richelieu, qui connaissait un peu le sujet, définissait l’art de gouverner comme « l’art de rendre possible ce qui est nécessaire ». Il serait peut-être utile de le rappeler à nos élus et décideurs.
Bien sûr, on me dira qu’à chacun son métier. Les enseignants, les chefs des services administratifs, les directeurs de magasin, les élus ne sont pas des médecins ou des épidémiologistes. Ils ne savent pas spontanément ce qu’il faut faire devant l’épidémie. C’est vrai. Mais ce sont des gens intelligents et informés. Ils peuvent lire des avis, écouter les conseils des experts, et faire preuve de bon sens. Le résultat ne sera jamais parfait, mais ce sera toujours meilleur qu’une directive venue d’en haut qui, par construction, ne peut qu’être générale et ne prend en compte des situations théoriques. En tout cas, il faut un minimum de cohérence : on ne peut pas en même temps critiquer la directive nationale et refuser de prendre ses responsabilités en l’adaptant au contexte local.
Mais si les décideurs à tous les niveaux se trouvent en difficulté, cela tient aussi à un problème sous-jacent sur lequel il faudra réfléchir après cette crise. Je veux parler de la tendance à la spécialisation, beaucoup plus forte aujourd’hui qu’elle ne l’était il y a une génération. Résoudre des problèmes, surtout lorsqu’il s’agit des problèmes nouveaux que pose une situation sans précédent, nécessite une solide culture générale. Et plus le décideur occupe une position élevée, plus cette culture joue parce que plus les problèmes qu’il a à résoudre touchent des disciplines différentes. Si les Français avaient une réputation internationale pour leur capacité à « se débrouiller » lorsqu’ils étaient confrontés à un problème, on le doit en grande partie au fait que la France était le royaume du généraliste. Nous étions l’un des rares pays où l’on demande aux médecins de faire des mathématiques, aux ingénieurs de passer une épreuve de littérature, aux candidats aux concours de la fonction publique d’avoir lu « La princesse de Clèves ». On brocardait le caractère « encyclopédique » de notre enseignement, mais c’est justement cet encyclopédisme qui donnait au travailleur français – à tous les niveaux – une capacité connue et reconnue à « se débrouiller » en toute circonstance.
Ces dernières années, les vents éducatifs ont soufflé en tempête vers d’autres quartiers. La formation « encyclopédique » est parue inutile dans un contexte où il s’agit d’augmenter les chances de l’étudiant de s’insérer immédiatement dans un monde du travail toujours plus normé, et dans ce contexte les matières générales – ou mêmes celles qui sortent du domaine étroit auquel l’étudiant se destine – apparaissent comme un luxe inutile. Cette spécialisation touche tous les niveaux, du détenteur du CAP au Polytechnicien. Et la meilleure preuve est la multiplication des diplômes sanctionnant des compétences de plus en plus étroites. Là où hier il y avait un CAP mécanique-ajustage, il y a maintenant dix ou vingt selon le type de machine et de matériau travaillé. Et à l’autre bout de l’échelle, on voit dans les grandes écoles disparaître l’idée même de « tronc commun » pour céder la place à des parcours « à la carte », ce qui encourage les étudiants à choisir les matières dans le champ étroit du domaine auquel ils se destinent. Et le même mécanisme est maintenant à l’œuvre après la dernière réforme des études secondaires…
Beaucoup de décideurs se trouvent donc en difficulté parce qu’une culture insuffisante les rend incapables d’engager un véritable débat avec les experts et donc de prendre de façon autonome des décisions complexes en pleine compréhension des enjeux et des conséquences. Du coup, lorsqu’ils songent aux décisions à prendre et aux responsabilités qui y sont attachées ils ont le sentiment de jouer à la roulette russe.
Je me permets donc d’apporter ma petite pierre à cette époque ou tout le monde se demande ce que sera le monde de l’après-épidémie, affirmant – un peu vite à mon avis – que rien ne sera comme avant. Ma modeste contribution sera celle-ci : il est absolument indispensable de restaurer à tous les niveaux notre capacité d’improvisation. Parce que dans le monde compliqué et dangereux dans lequel nous vivons, il est illusoire d’imaginer qu’on arrivera à tout prévoir, à tout planifier, et encore moins qu’on arrivera à fonctionner avec des directives venues d’en haut. Et se donner cette capacité d’improvisation implique deux dimensions. D’une part, encourager dans l’enseignement, que ce soit pour nos élites ou pour l’ensemble des travailleurs, une culture encyclopédique, qui est le socle sur lequel l’improvisation intelligente repose. Et d’autre part, récompenser et promouvoir tant dans les structures publiques comme privées ceux cherchent à résoudre les problèmes, s’en donnent les moyens et prennent leurs responsabilités, plutôt que ceux qui ouvrent les parapluies dès que le ciel se couvre et cherchent des prétextes à l’inaction. En un mot, refaire de la France une nation d’ingénieurs rompus au “système D” plutôt qu’une « start-up nation ».
Descartes
(1) On notera parmi cette exception les hauts fonctionnaires. Alors que patrons et élus demandent en permanence que la loi soit modifiée pour les exonérer de leur responsabilité, cette demande n’existe pas pour les préfets, les directeurs et autres. On notera d’ailleurs que parmi les décideurs, c’est certainement le corps préfectoral qui hésite le moins à décider et a en assumer les conséquences. Quand on dit que ce pays tient en grande partie grâce aux préfets, on exagère à peine.
Comment s’étonner, quand le gouvernement traite les Français comme des enfants imbéciles que ceux-ci se comportent comme tels ?
La rancune contre le pouvoir est palpable sur les réseaux sociaux. Les maires, qui sont encore pour certains en campagne électorale, le savent parfaitement. C’est sans doute pour ça qu’ils sont plus frileux qu’à l’ordinaire, sans compter qu’ils ont été largement méprisés au début du quinquennat. Je trouve, au contraire, que certains se sont démenés sans compter depuis le début du confinement lequel, finalement, aura été une bonne occasion de repérer ceux qui tiennent vraiment la route…
@ Hubo
[Comment s’étonner, quand le gouvernement traite les Français comme des enfants imbéciles que ceux-ci se comportent comme tels ?]
Moi, en tout cas, ça m’étonne. Quand le traite comme un enfant imbécile, la réaction de l’adulte est de se révolter, pas d’adapter son comportement à ce traitement. Si, comme vous le pensez, les Français se comportent comme des enfants imbéciles, ce n’est pas parce que le gouvernement les traite comme tels, mais parce qu’ils trouvent leur intérêt à se comporter ainsi.
Vous savez, l’enfance c’est l’irresponsabilité. C’est pouvoir rejeter la faute de tout ce qui ne va pas chez l’autre. C’est là à mon avis qu’il faut chercher l’origine de l’infantilisation progressive des adultes dans notre société. La mort de Dieu, les institutions démocratiques nous ont rendu totalement libres, et donc totalement responsables. Et le poids de cette responsabilité est lourd à porter…
[La rancune contre le pouvoir est palpable sur les réseaux sociaux.]
Il faut à mon avis arrêter de croire que les réseaux sociaux sont représentatifs de quelque chose. C’est un défouloir anonyme ou chacun peut déverser anonymement ses aigreurs, et rien de plus. Quand je lis les déblatérations sur les réseaux sociaux, j’en arrive à deux conclusions : la première, c’est que le monde est trop compliqué pour qu’une idée puisse se résumer en 256 caractères. La seconde, que Cocteau avait toute raison lorsqu’il disait « les critiques sont comme les eunuques : ils savent, ils ne peuvent pas ». On attend avec impatience de savoir ce que les « rancunes » qui s’expriment sur les réseaux sociaux ont à proposer…
[Je trouve, au contraire, que certains se sont démenés sans compter depuis le début du confinement lequel, finalement, aura été une bonne occasion de repérer ceux qui tiennent vraiment la route…]
J’ai le plus grand respect pour les élus qui, chacun à son niveau, travaillent pour le bien de la cité. Je me méfie par contre de la tendance de certains d’entre eux de rétablir une sorte de féodalité locale en exigeant qu’on leur transfère des compétences qui nécessitent une coordination nationale, et qui d’ailleurs ils n’ont pas les moyens d’exercer correctement.
Vous avez raison, je me suis mal exprimée. Ce que je voulais dire c’est que la confiance rompue, tout véritable dialogue, comme toute initiative, devient impossible, surtout dans un contexte où l’Etat s’arroge le droit de surveiller nos moindres faits et gestes (les attestations), tout en passant son temps à raconter n’importe quoi.
Pour agir, les gens ont besoin de sens, pas de « Culture show » où se mêlent tigre et jambon.
Si vous ne faites pas confiance aux réseaux sociaux, peut-être vous intéressez-vous un peu aux sondages ? Seuls 33% des Français déclarent faire encore confiance au Gvt pour régler la crise du Covid (source : Parisien d’hier et Le Figaro en a publié un à peu près au même niveau 34 %, de mémoire ).
Prenons l’exemple de l’école, « non obligatoire ». Depuis quand l’école n’est-elle plus obligatoire ? Si elle n’est plus « obligatoire » pourquoi y aller ? Et si sa réouverture est motivée par le souhait, louable, de récupérer les décrocheurs, pourquoi ne pas l’avoir réservée aux enfants les plus en difficulté, comme on l’a fait pour ceux des soignants ? Pour ces enfants-là, le gouvernement n’a pas fait 60 pages de programme, il a fait appel aux volontaires et ça a fonctionné, comme a fonctionné l’hôpital, dont les soignants ont pourtant été si mal traités dans l’année qui vient de s’écouler.
Souvenez vous des mots de certains ministres : « les éboueurs n’ont pas besoin de protection particulière » ; « les chantiers doivent redémarrer », alors qu’on ne trouvait ni masques, ni gel hydroalcoolique dans les pharmacies, pourtant les seules habilitées à en vendre. Souvenez vous du discours sur les masques inutiles mais devenus obligatoires, dès aujourd’hui, dans le métro.
Les Français ont, au contraire, fait preuve de leur capacité à ne pas se laisser manipuler par un gouvernement qui a été jusqu’à envisager de leur dire quelle presse ils devaient lire ! Ne voyez vous pas le lien qu’on peut faire entre la résistance des profs et le discours ridicule du gouvernement qui n’ose même pas dire clairement qu’il s’agit de remettre les gens au travail, comme si c’était honteux ?
Suis-je la seule à penser que la situation actuelle illustre à merveille les fresques d’Ambrogio di Lorenzo sur les effets du bon et du mauvais gouvernement ?
@ Hubo
[Vous avez raison, je me suis mal exprimée. Ce que je voulais dire c’est que la confiance rompue, tout véritable dialogue, comme toute initiative, devient impossible, surtout dans un contexte où l’Etat s’arroge le droit de surveiller nos moindres faits et gestes (les attestations), tout en passant son temps à raconter n’importe quoi.]
Si vous voulez être prise au sérieux, évitez les exagérations. L’Etat ne « s’arroge » certainement pas le droit de « surveiller nos moindres faits et gestes ». Aucun contrôle n’est exercé sur ce que vous faites dans un lieu privé, et les « attestations » ne constituent qu’une déclaration sur l’honneur quant aux motifs de votre sortie, motifs que les forces de l’ordre n’ont aucun moyen de contrôler. Par ailleurs, l’Etat – qui n’est pas la même chose que le gouvernement – ne raconte en fait que peu de chose, et ses informations sont généralement assez exactes.
[Si vous ne faites pas confiance aux réseaux sociaux, peut-être vous intéressez-vous un peu aux sondages ? Seuls 33% des Français déclarent faire encore confiance au Gvt pour régler la crise du Covid (source : Parisien d’hier et Le Figaro en a publié un à peu près au même niveau 34 %, de mémoire ).]
Oui. Maintenant, il faudrait savoir quel est le sens de cette « déclaration ». On vous demanderait « faites vous confiance au gouvernement pour changer l’eau en vin ? », que répondriez-vous ? probablement « non » comme 99% de nos concitoyens. Est-ce que cette réponse traduit un reproche au gouvernement, ou s’agit-il simplement de la constatation d’un fait ? La question « faites vous confiance au gouvernement pour régler la crise du covid ? » est une question mal posée. Nous ne savons pas encore s’il est POSSIBLE de « régler la crise du covid », ou en quoi consiste ce « règlement ». Alors, comment interpréter la réponse. Demander aux français s’ils font confiance au gouvernement pour GERER la crise, cela a un sens. Mais savoir quelle proportion lui fait confiance pour la REGLER… ne nous aide pas beaucoup.
[Prenons l’exemple de l’école, « non obligatoire ». Depuis quand l’école n’est-elle plus obligatoire ?]
Depuis toujours. L’école n’a jamais été obligatoire. C’est l’instruction qui est obligatoire, pas l’assistance à l’école : « L’instruction obligatoire peut être donnée soit dans les établissements ou écoles publics ou privés, soit dans les familles par les parents, ou l’un d’entre eux, ou toute personne de leur choix » (Loi du 28 mars 1882 dite « loi Ferry », reprise à l’article L131-2 du Code de l’éducation).
[Si elle n’est plus « obligatoire » pourquoi y aller ? Et si sa réouverture est motivée par le souhait, louable, de récupérer les décrocheurs, pourquoi ne pas l’avoir réservée aux enfants les plus en difficulté, comme on l’a fait pour ceux des soignants ?]
Parce que, contrairement à la qualité de soignant, la qualité de « décrocheur » n’est pas connue de l’administration et n’a pas de définition légale. On ne peut donc pas légalement « réserver » l’accueil aux enfants « décrocheurs », même si, je n’en doute pas, les enseignants feront preuve de bon sens à l’heure de choisir leur public prioritaire.
[Souvenez vous des mots de certains ministres : « les éboueurs n’ont pas besoin de protection particulière » ; « les chantiers doivent redémarrer », alors qu’on ne trouvait ni masques, ni gel hydroalcoolique dans les pharmacies, pourtant les seules habilitées à en vendre. Souvenez-vous du discours sur les masques inutiles mais devenus obligatoires, dès aujourd’hui, dans le métro.]
Je vous repose la question : vous êtes ministre de la santé, on vous informe qu’il n’y a pas de masques pour tout le monde, et qu’il est absolument indispensable de pouvoir réserver celles qu’on a aux professions les plus exposées, c’est-à-dire les soignants, le temps que des masques soient fabriquées. Dans cinq minutes, vous parlez au peuple français à la télévision. Qu’est ce que vous lui direz ?
a) Les masques sont indispensables, mais il n’y en aura pas pour tout le monde
b) Porter un masque est inutile, sauf pour les professions les plus exposées. Pour les autres, ce sont les gestes barrière qui sont efficaces
Je suis curieux de connaître votre choix.
[Les Français ont, au contraire, fait preuve de leur capacité à ne pas se laisser manipuler par un gouvernement qui a été jusqu’à envisager de leur dire quelle presse ils devaient lire !]
Encore une fois, l’exagération n’ajoute rien à la crédibilité d’un discours. Quand le gouvernement aurait dit « quelle presse les Français devaient lire » ?
[Ne voyez-vous pas le lien qu’on peut faire entre la résistance des profs et le discours ridicule du gouvernement qui n’ose même pas dire clairement qu’il s’agit de remettre les gens au travail, comme si c’était honteux ?]
Au contraire : le gouvernement n’a laissé la moindre ambiguïté sur le fait que le premier objectif était de faire redémarrer l’économie. Si ma mémoire ne me trahit pas, Bruno Le Maire y est allé jusqu’à dire qu’il fallait redémarrer l’économie « quelque en soit le prix », ce qui lui a été d’ailleurs beaucoup reproché. Personnellement, je ferais au gouvernement le reproche inverse, c’est-à-dire, de ne voir dans l’école que la fonction « garderie » permettant aux parents de travailler, et de négliger l’aspect éducatif.
J’ajoute que perler de « résistance des profs » c’est pousser le bouchon un peu loin. La « résistance » en question consiste surtout à pleurnicher que « ce n’est pas possible » et à ouvrir les parapluies.
[Suis-je la seule à penser que la situation actuelle illustre à merveille les fresques d’Ambrogio di Lorenzo sur les effets du bon et du mauvais gouvernement ?]
Je pense que vous faites allusion aux fresques d’Ambroggio Lorenzetti à la « salle des neuf » du palais du gouvernement de Sienne. Non, franchement, je ne pense pas que l’illustration soit très pertinente. Pour ne donner qu’un exemple, vous noterez que dans la fresque du « mauvais gouvernement » l’un des trois vices soulignés est « l’avarice ». Or, si l’on peut dire une chose de ce gouvernement, c’est que depuis le début de la crise il dépense sans compter…
Pour ma part le problème vient du “principe de précaution”. Néanmoins je pense qu’il est possible que je mets la charrue avant les boeufs. Peut être ce principe est né justement pour les raisons que vous évoquez.
@ Richard
[Pour ma part le problème vient du “principe de précaution”. Néanmoins je pense qu’il est possible que je mets la charrue avant les boeufs. Peut-être ce principe est né justement pour les raisons que vous évoquez.]
Je pense qu’il y a une dialectique entre la montée en puissance des « classes intermédiaires » et l’apparition de toute sorte de principes et règles – comme le principe de précaution – dont la logique est de réduire le politique à l’impuissance.
Il ne faut pas oublier que contrairement à la bourgeoisie, dont la position sociale est assurée par la propriété du capital, la position des classes intermédiaires est toujours précaire. Elle dépend d’un capital immatériel qui doit être regénéré en permanence, qui ne peut être transmis, et qui doit être récréé à chaque génération. De cette précarité découle une crainte maladive de toute institution suffisamment puissante pour changer les règles du jeu, et tout particulièrement de l’Etat. Casser les institutions ou les réduire à l’impuissance a été le programme des « classes intermédiaires » depuis la fin des années 1960.
@ Descartes
[ Casser les institutions ou les réduire à l’impuissance a été le programme des « classes intermédiaires » depuis la fin des années 1960.]
Le plaisir de parcourir votre blog est comme celui de déguster des bons plats mijotés. Les cuissons successives comme les lectures renouvelées en améliorent la saveur.
Votre rigueur méthodologique est d’une implacable évidence dans la plupart des cas. Cependant – sinon cela passerait pour de la flagornerie 😏 – vos propos me paraissent quelquefois mités par des accès de dogmatisme non démontrés. L’assertion qui fait l’entame de mon commentaire est un des meilleurs exemples.
Reprenant, en disciple indiscipliné, votre méthode rhétorique, je vous demande de nous fournir le moindre texte programmatique d’un imaginaire parti ou faction représentant une hypothétique « classe intermédiaire » depuis une arbitraire durée de 50 ans.
Ce qui me heurte n’est pas, loin s’en faut, les options que vous défendez, elles sont tout a fait recevables en tant qu’hypothèses. C’est le caractère impératif avec lequel elles sont assénées qui me fait douter de leur fiabilité.
On dit souvent que les cris sont le dernier argument de ceux qui ont tort. Comme ils ne peuvent passer par un post, la tonalité des termes employés se substitue à eux.
Le doute est plus « scientifique » et la certitude plus « théologique » selon moi. Et je me fie plus à la parole d’un expert qui, toutefois exprime un doute qu’à celle d’un ecclésiastique prêt à m’envoyer au bucher pour cause d’hérésie.
Je persiste et signe, celui qui agace est plus susceptible d’initier un progrès que celui qui endort aux parfums de l’encens.
Mais ceci n’est qu’un commentaire, pas un anathème.
@ Marcailloux
[« Casser les institutions ou les réduire à l’impuissance a été le programme des « classes intermédiaires » depuis la fin des années 1960. » (…) Reprenant, en disciple indiscipliné, votre méthode rhétorique, je vous demande de nous fournir le moindre texte programmatique d’un imaginaire parti ou faction représentant une hypothétique « classe intermédiaire » depuis une arbitraire durée de 50 ans.]
Je ne suis pas sûr de comprendre votre question. Quand on parle du « programme » d’un groupe social, cela n’implique nullement qu’il existe un parti politique « représentant » exclusivement ce groupe social et incluant le « programme » en question dans ses textes. On peut à juste titre dire que que « le programme du patronat depuis vingt ans est de finir avec les 35 heures », sans que pour autant il y ait un « parti des patrons » pour porter cette revendication.
Aujourd’hui, on peut raisonnablement dire que depuis une vingtaine d’années les classes intermédiaires sont dominantes dans l’ensemble des partis politiques de gouvernement. Quel parti politique peut aujourd’hui se prévaloir d’une véritable implantation militante dans la classe ouvrière, ou dans l’ensemble des couches populaires ? Aucun. Et il ne faut pas oublier que ce ne sont pas les électeurs, mais les militants qui écrivent les programmes politiques.
Or, on ne peut que constater que les discours anti-institutionnels, cherchant soit à les dissoudre sous à les réduire à l’impuissance sont le pain et le vin des programmes de l’ensemble des partis, de l’extrême gauche à la droite. Que cela prenne la forme de « réduire l’Etat pour libérer la société » (plutôt à droite) à l’obsession du « contrôle citoyen » qui aboutit à réduire le politique à l’impuissance (plutôt à gauche), sans parler du morcellement des compétences entre décentralisation et européisation. Quel parti aujourd’hui propose des institutions fortes et responsables ? Seulement des voix marginales…
[On dit souvent que les cris sont le dernier argument de ceux qui ont tort. Comme ils ne peuvent passer par un post, la tonalité des termes employés se substitue à eux.]
Vous êtes injuste. Bien entendu, j’affirme mes idées. Mais je n’ai jamais refusé de répondre aux objections, de proposer arguments et éléments factuels à l’appui de mes affirmations. Je serais malhonnête si je cachais le fait que j’ai des convictions. Mais je suis toujours prêt à exercer envers elles le doute cartésien…
@ Descartes
Bonjour,
[Vous êtes injuste. Bien entendu, j’affirme mes idées. Mais je n’ai jamais refusé de répondre aux objections, de proposer arguments et éléments factuels à l’appui de mes affirmations. Je serais malhonnête si je cachais le fait que j’ai des convictions. Mais je suis toujours prêt à exercer envers elles le doute cartésien…]
Injuste ! oui je suis forcément injuste, parce que d’abord je réagis en fonction de mes vérités subjectives qui ne représentent pas le réel dans sa complexité, j’en conviens, et je l’assume.
Et puis, les termes que j’emploie me sont plus destinés qu’à vous car le ton qui est quelquefois le mien est un peu l’aveu d’un signe de soumission à une rhétorique qui domine mes propres capacités et contre laquelle j’éprouve des pulsions de résistance.
Concernant votre concept de « classe intermédiaire » sur lequel je m’inscris souvent en décalage, il me taraude car, justement, il reste au niveau de concept et j’essaie vainement d’en appréhender les causes individuelles , les tenants plus psychologiques que matérialistes et c’est pourquoi je cherche des réponses du coté de Spinoza, qui me convainc depuis plusieurs années, malgré le caractère hermétique de ce philosophe.
Ma seule ambition est d’apporter mon caillou singulier à ce débat, et c’est pour moi un challenge qui me force à beaucoup réfléchir et me procure bien du plaisir.
Bien sûr vous prenez beaucoup de soin à répondre et argumenter selon vos convictions et j’en éprouve un profond respect mêlé d’admiration. C’est sans doute pourquoi je me sens dans l’obligation éthique d’exprimer avec, certes, quelques maladresses un ressenti empirique que je souhaite exposer par des images sans doute « capilotractées » terme que j’ai découvert sur le blog et qui m’a bien amusé.
Voilà, la Pentecôte vous apportera je l’espère sincèrement de belles moissons d’idées constructrices.
@ Marcailloux
[Concernant votre concept de « classe intermédiaire » sur lequel je m’inscris souvent en décalage, il me taraude car, justement, il reste au niveau de concept et j’essaie vainement d’en appréhender les causes individuelles, les tenants plus psychologiques que matérialistes et c’est pourquoi je cherche des réponses du coté de Spinoza, qui me convainc depuis plusieurs années, malgré le caractère hermétique de ce philosophe.]
Je ne voudrais pas vous décourager, mais j’ai développé le concept de « classe intermédiaire » dans une logique purement matérialiste. Il se pourrait très bien qu’il n’y a pas de « tenants psychologiques » ou des « causes individuelles » derrière cette notion. Les tentatives de psychologiser le marxisme (je pense à Lucien Sève et à son « Marxisme et théorie de la personnalité », par exemple) on donné des constructions baroques et peu rationnelles…
[Ma seule ambition est d’apporter mon caillou singulier à ce débat, et c’est pour moi un challenge qui me force à beaucoup réfléchir et me procure bien du plaisir.]
C’est l’essentiel !
[Voilà, la Pentecôte vous apportera je l’espère sincèrement de belles moissons d’idées constructrices.]
Merci, et je vous souhaite la même chose !
[Quand on dit que ce pays tient en grande partie grâce aux préfets, on exagère à peine.]
Incluez-vous dans ce panégyrique l’ignoble Lallement, qui pourrait bien comprendre un jour que l’épuration ne se fait pas seulement dans les stations ?
Par ailleurs, on ne peut que souscrire à votre constat. On peut y ajouter un codicille : comment se fait il que notre nation, qui a vécu deux guerres mondiales, l’Occupation, la reconstruction, soit devenue ce pays de petites choses fragiles, réclamant des cellules de soutien psychologique au moindre incident. J’entendais l’autre matin sur France Inter (connaître l’ennemi pour mieux le combattre) une péronnelle vaguement psychologue, à l’insupportable voix de prépubère, nous exposer les affres des confinés en des termes qu’on aurait cru plus adaptés aux survivants des camps de la mort.
@ maleyss
[« Quand on dit que ce pays tient en grande partie grâce aux préfets, on exagère à peine. » Incluez-vous dans ce panégyrique l’ignoble Lallement, qui pourrait bien comprendre un jour que l’épuration ne se fait pas seulement dans les stations ?]
Oui, je l’inclus. On peut longuement critiquer la personnalité de Lallement, ses frasques, ses sorties à l’emporte-pièce. Personnellement, je trouve qu’il a eu tort de prononcer la phrase « nous ne sommes pas dans le même camp », ou de tenir des propos faisant un lien entre la montée des hospitalisations et l’indiscipline dans le respect du confinement. Mais je tends à juger les hauts fonctionnaires plus pour ce qu’ils FONT que pour ce qu’ils DISENT. Et de ce point de vue, je vois peu de choses à lui reprocher. A sa place, qu’est ce que vous auriez fait différemment ?
Quant à la menace à peine voilée d’une « épuration », je dois dire que je la trouve très étonnante. Pensez-vous qu’il faudrait « épurer » la fonction publique, et si oui, sur quels critères ?
[On peut y ajouter un codicille : comment se fait il que notre nation, qui a vécu deux guerres mondiales, l’Occupation, la reconstruction, soit devenue ce pays de petites choses fragiles, réclamant des cellules de soutien psychologique au moindre incident.]
Votre question est très pertinente. D’abord, notez bien que personne en fait ne « réclame » des cellules de soutien psychologique. Ces cellules sont une invention de professionnels qui ont vu un créneau et, logiquement, se sont engouffrés. Mais sur le fond, il faut se souvenir que les générations qui ont connu les deux guerres mondiales, la reconstruction – et j’ajouterais pour ma part la guerre d’Algérie – ont quitté la scène ou sont en train de faire leurs adieux. Et que la chaîne de transmission s’est très largement brisée dans une logique post-moderne qui ne reconnaît plus la nécessité de voir le présent guidé par le passé. La vision qu’ont les jeunes aujourd’hui de la guerre tient plus à « Il faut sauver le soldat Ryan » – quand ce n’est pas la guerre joyeuse de « Inglorious Basterds » que des histoires que peuvent leur raconter leurs grands parents ou leur professeur d’histoire. L’incroyable résilience, l’incroyable créativité dont les Français ont fait preuve pendant la guerre et la reconstruction sont, dans le discours médiatique comme dans le discours scolaire, noyés sous le « victimisme ».
[J’entendais l’autre matin sur France Inter (connaître l’ennemi pour mieux le combattre) une péronnelle vaguement psychologue, à l’insupportable voix de prépubère, nous exposer les affres des confinés en des termes qu’on aurait cru plus adaptés aux survivants des camps de la mort.]
Normal : un vendeur de voitures vous expliquera que vous ne pouvez pas vous passer d’une voiture. Pourquoi voulez-vous que les psychologues agissent autrement ? Maintenant que la psychanalyse a perdu de son éclat, il faut bien que les (trop) nombreux psychologues que forment nos universités trouvent une occupation. Et le “victimisme” dans l’air du temps leur fournit une clientèle toute prête. Il y a tant de victimes à soigner…
@Descartes
> On peut longuement critiquer la personnalité de Lallement, ses frasques, ses sorties à l’emporte-pièce. Personnellement, je trouve qu’il a eu tort de prononcer la phrase « nous ne sommes pas dans le même camp », ou de tenir des propos faisant un lien entre la montée des hospitalisations et l’indiscipline dans le respect du confinement.
Par contre, il y a quelque chose qui m’étonne. Dans la mesure où Lallement a sorti de telles bourdes, non pas dans la discrétion d’un bureau ou d’une conversation privée, mais face aux micros d’un grand média, pourquoi a-t-il été maintenu à son poste ? Ce n’est pas un politicien, c’est un des plus hauts représentants de l’État : il me semble que ces propos publics engagent l’État tout entier.
Notamment, le « nous ne sommes pas dans le même camp » alimente une idée de guerre civile qui me paraît extrêmement dangereuse. Et qui, d’ailleurs, profite aux militants les plus extrêmes de l’autre « camp »…
@ Ian Brossage
[Par contre, il y a quelque chose qui m’étonne. Dans la mesure où Lallement a sorti de telles bourdes, non pas dans la discrétion d’un bureau ou d’une conversation privée, mais face aux micros d’un grand média, pourquoi a-t-il été maintenu à son poste ? Ce n’est pas un politicien, c’est un des plus hauts représentants de l’État : il me semble que ces propos publics engagent l’État tout entier.]
Je suis toujours étonné par ce type de raisonnements. Nous sommes régulièrement d’accord sur le fait que la communication a pris une part démesurée dans l’action publique, sur le fait que les décideurs doivent être jugés sur ce qu’ils FONT et pas sur ce qu’ils DISENT. Et ici, vous me dites qu’il faudrait virer un préfet qui, de l’aveu général, FAIT plus que correctement son boulot, au motif qu’il aurait DIT quelque chose d’inapproprié ? D’un côté on dit qu’il faut une certaine bienveillance envers l’erreur commise de bonne foi pour permettre aux agents publics de faire preuve d’initiative, et d’une autre vous voulez brûler un préfet parce qu’il a fait une erreur de communication – qu’il a d’ailleurs reconnue et dont il s’est excusé ? Avouez qu’il y a là beaucoup de contradictions…
[Notamment, le « nous ne sommes pas dans le même camp » alimente une idée de guerre civile qui me paraît extrêmement dangereuse. Et qui, d’ailleurs, profite aux militants les plus extrêmes de l’autre « camp »…]
J’aimerais savoir quelle aurait été votre réaction si c’avait été un manifestant, un leader syndical ou politique qui avait crié au préfet « nous ne sommes pas dans le même camp ». Mais je vous accorde que lorsqu’on porte la casquette préfectorale, on a certains devoirs de réserve qui ne s’appliquent pas au citoyen lambda.
@ Descartes
[Nous sommes régulièrement d’accord sur le fait que la communication a pris une part démesurée dans l’action publique, sur le fait que les décideurs doivent être jugés sur ce qu’ils FONT et pas sur ce qu’ils DISENT. Et ici, vous me dites qu’il faudrait virer un préfet qui, de l’aveu général, FAIT plus que correctement son boulot, au motif qu’il aurait DIT quelque chose d’inapproprié ? ]
Mais dire, c’est tout de même faire. Que ce soit la main ou la langue, il est possible de tuer avec. Dire ce qui a été dit pour les masques, c’est insulter ceux à qui on s’adresse en les considérant comme des minus habens. En tout cas je l’ai ressenti comme tel, comme pour mes compatriotes.
Si je reconnais volontiers que le boulot a été réalisé (particulièrement par les productifs sur le terrain) correctement en dehors de cette péripétie, mentir effrontément constitue une faute lourde qu’en entreprise on sanctionnerait sévèrement.
“On dit que la vérité peut faire mal mais le mensonge, lui, peut détruire”.
@ Marcailloux
[Mais dire, c’est tout de même faire. Que ce soit la main ou la langue, il est possible de tuer avec.]
Je vois que vous partagez la vision des postmodernes, qui professent que langage et action sont une même chose, et qu’en changeant l’un on peut changer l’autre… Je ne partage certainement pas cet avis : « le concept de chien ne mord pas », comme disait Althusser. Cela n’implique pas que, comme cela a été dit dans l’affaire Brasillach, l’expression n’entraîne pas une responsabilité. Mais ce n’est pas la même.
[Dire ce qui a été dit pour les masques, c’est insulter ceux à qui on s’adresse en les considérant comme des minus habens. En tout cas je l’ai ressenti comme tel, comme pour mes compatriotes.]
Par certains oui, par d’autres non. On verra comment ce mensonge sera jugé et justifié a posteriori. Nous savons tous qu’il y a en situation de crise des mensonges nécessaires – et même des fictions nécessaires. Et puis, il nous restera toujours le doute de savoir que se serait passé si le gouvernement avait dit la vérité…
[Si je reconnais volontiers que le boulot a été réalisé (particulièrement par les productifs sur le terrain) correctement en dehors de cette péripétie, mentir effrontément constitue une faute lourde qu’en entreprise on sanctionnerait sévèrement.]
Ah bon ? Un mensonge qui fait gagner à l’entreprise des milliards de dollars est « sanctionnée sévèrement » ? Vous croyez ça ? Vraiment ? Désolé de vous décevoir, mais la règle du privé est toujours la même : vae victis. Si votre « mensonge » vous conduit au succès, vous ne risquez la moindre « sanction ». Et si vous faites perdre de l’argent, le fait que vous ayez dit la vérité ne vous protégera guère. Microsoft est devenu un géant et écrasé tous ses concurrents en utilisant la dissimulation, le mensonge, l’abus de position… est-ce que quelqu’un songe à « sanctionner sévèrement » ce Bill Gates qui aujourd’hui est devenu une sorte d’exemple moral ? Vous voulez rire…
[“On dit que la vérité peut faire mal mais le mensonge, lui, peut détruire”.]
Peut, oui. Mais il peut aussi construire. La politique n’est pas une morale: “salus populo suprema lex est” est la seule règle.
[Dire ce qui a été dit pour les masques, c’est insulter ceux à qui on s’adresse en les considérant comme des minus habens. En tout cas je l’ai ressenti comme tel, comme pour mes compatriotes.]
Parlez pour vous. Je ne me suis absolument pas senti insulté. Sans doute parce que je ne suis pas un “minus habens”.
Ça fait class, le latin…
@ Descartes
[ Désolé de vous décevoir, mais la règle du privé est toujours la même : vae victis. Si votre « mensonge » vous conduit au succès, vous ne risquez la moindre « sanction ». Et si vous faites perdre de l’argent, le fait que vous ayez dit la vérité ne vous protégera guère. Microsoft est devenu un géant et écrasé tous ses concurrents en utilisant la dissimulation, le mensonge, l’abus de position… est-ce que quelqu’un songe à « sanctionner sévèrement » ce Bill Gates qui aujourd’hui est devenu une sorte d’exemple moral ? Vous voulez rire…]
Là où vous faites erreur, c’est de comparer le privé, avec un très petit nombre d’interlocuteurs qui jugeront en fonction du gain qu’ils obtiendront pour eux, avec le public, les 67 millions de citoyens que compte la France. L’actionnaire adhérera au mensonge s’il estime en tirer un avantage. Qu’est-ce que le citoyen a à gagner d’être pris pour un imbécile ?
Dans la situation présente, nous ne sommes pas dans une action masquée, manœuvre d’ état major d’entreprise, négociation secrète, manipulation opérationnelle dans lesquelles la concurrence n’a pas de poids dans la stratégie de l’entreprise adverse. L’entreprise gagne ou perd selon la pertinence de sa stratégie. Et le mensonge du concurrent est inclus dans la règle du jeu.
Mais à l’intérieur de cette entreprise, pensez vous que le mensonge puisse être institué comme règle entre la direction et ses employés ? Bien sûr que non , même si il existe, il sera sanctionné par la défiance et entrainera une diminution des capacités productives.
Le vainqueur a toujours raison puisque ce qu’il a fait l’à amené à la victoire. Mais, auparavant, son ou ses dirigeants auront su prendre la précaution de faire adhérer les employés au projet d’entreprise. Et cette adhésion ne peut en aucun cas se réaliser si elle est entachée du mensonge des dirigeants.
Il serait abusif de considérer que la France est sortie vainqueur de la crise sanitaire, même si on ne peut considérer qu’elle soit vaincue.
Mais cette crise est imbriquée dans une crise bien plus globale, dont certains éléments préexistaient, d’ordre économique, social, politique, etc. Et pour avoir une chance de réussir, il est indispensable de recueillir l’adhésion d’un minimum critique de citoyens. Nous en sommes très loin.
Le mensonge originel du gouvernement, s’il n’a pas de conséquences considérables sur le plan sanitaire, compte tenu de l’état de la situation au moment où il a été proféré, va, j’en suis certain, altérer dramatiquement sa capacité future à gérer les difficultés qui ne font qu’apparaître.
Et c’est là que résident la gravité et l’inconséquence de ce mensonge.
@ Marcailloux
@ Descartes
[Là où vous faites erreur, c’est de comparer le privé,]
C’est vous qui avez introduit la comparaison avec le privé en affirmant que « mentir effrontément constitue une faute lourde qu’en entreprise on sanctionnerait sévèrement ».
[avec un très petit nombre d’interlocuteurs qui jugeront en fonction du gain qu’ils obtiendront pour eux, avec le public, les 67 millions de citoyens que compte la France. L’actionnaire adhérera au mensonge s’il estime en tirer un avantage. Qu’est-ce que le citoyen a à gagner d’être pris pour un imbécile ?]
Exactement la même chose que l’actionnaire – qui, contrairement à ce que vous imaginez, n’est pas un « très petit nombre » ; combien d’actionnaires a une entreprise comme Microsoft, par exemple. De voir ses intérêts défendus. Un patron qui vous fait gagner de l’argent ne sera pas sanctionné par les actionnaires pour se mensonges, de la même façon qu’un politique qui gouverne dans l’intérêt de ses électeurs verra son mandat reconduit quelque puissent être les libertés qu’il prend avec la vérité.
[Dans la situation présente, nous ne sommes pas dans une action masquée, manœuvre d’ état major d’entreprise, négociation secrète, manipulation opérationnelle dans lesquelles la concurrence n’a pas de poids dans la stratégie de l’entreprise adverse. L’entreprise gagne ou perd selon la pertinence de sa stratégie. Et le mensonge du concurrent est inclus dans la règle du jeu.]
Je crois que vous avez mal compris mon commentaire. Je ne parle pas du patron qui ment à un concurrent ou un client pendant une négociation. Je parle du patron qui ment dans sa communication publique, c’est-à-dire, potentiellement, aux investisseurs aussi.
[Mais à l’intérieur de cette entreprise, pensez-vous que le mensonge puisse être institué comme règle entre la direction et ses employés ? Bien sûr que non, même s’il existe, il sera sanctionné par la défiance et entrainera une diminution des capacités productives.]
J’attire votre attention sur le fait que les citoyens ne sont pas les « employés » du dirigeant politique, mais ses mandants, autrement dire, ses actionnaires. Par ailleurs, vous vous versez de douces illusions si vous pensez qu’à l’intérieur de l’entreprise on est sanctionné pour ses mensonges. Combien de patrons proclament rituellement que « le bien-être de ses collaborateurs est son premier souci », alors que tout le monde – employés, employeurs, actionnaires – savent que c’est faux, mais que cela fait partie des figures imposées du management…
[Le vainqueur a toujours raison puisque ce qu’il a fait l’a amené à la victoire. Mais, auparavant, son ou ses dirigeants auront su prendre la précaution de faire adhérer les employés au projet d’entreprise. Et cette adhésion ne peut en aucun cas se réaliser si elle est entachée du mensonge des dirigeants.]
Vous lisez trop de livres de management… et ce qui est pire, vous semblez prendre ce genre de discours au sérieux. Didier Lombard a été longtemps salué comme l’homme qui a sauvé Orange. Ses actionnaires non seulement ne l’ont pas sanctionné, mais l’ont grassement récompensé. Pensez-vous qu’il avait « pris la précaution de faire adhérer les employés au projet d’entreprise » ? Oui, bien sûr, quand on peut faire adhérer les employés au projet de l’entreprise, pourquoi s’en priver. Mais quand le projet en question est précisément de presser les employés comme des citrons, ce n’est pas évident à faire. Et dans ce cas, le choix du patron est vite fait…
[Mais cette crise est imbriquée dans une crise bien plus globale, dont certains éléments préexistaient, d’ordre économique, social, politique, etc. Et pour avoir une chance de réussir, il est indispensable de recueillir l’adhésion d’un minimum critique de citoyens. Nous en sommes très loin.]
Pourquoi ? Vous affirmez comme si c’était des évidences. Mais franchement, ou est cette « crise bien plus globale » ? Ce n’est pas parce que vous n’êtes pas content avec le monde tel qu’il va que celui-ci est « en crise ». Ensuite, qu’est ce qui vous conduit à être aussi sûr qu’on conquiert l’adhésion des gens en disant la vérité ?
[Le mensonge originel du gouvernement, s’il n’a pas de conséquences considérables sur le plan sanitaire, compte tenu de l’état de la situation au moment où il a été proféré, va, j’en suis certain, altérer dramatiquement sa capacité future à gérer les difficultés qui ne font qu’apparaître.]
Là encore, on connaît des mensonges bien plus gros dans l’histoire qui n’ont guère compromis la capacité des gouvernements à gérer les crises. Ronald Reagan a menti constamment pendant ses deux mandats. Il est mort entouré d’honneurs et un aéroport porte son nom.
@ bj
[Sans doute parce que je ne suis pas un “minus habens”.]
En effet, il y a pire !
@Descartes
> Et ici, vous me dites qu’il faudrait virer un préfet qui, de l’aveu général, FAIT plus que correctement son boulot, au motif qu’il aurait DIT quelque chose d’inapproprié ?
Je ne sais pas si, « de l’aveu général », Lallement fait plus que correctement son boulot. Vu de l’extérieur, cet « aveu général » me paraît en fait confidentiel, et il m’est impossible de juger si tel ou tel préfet fait un bon boulot, tant les résultats de l’action publique dépendent de multiples facteurs.
> D’un côté on dit qu’il faut une certaine bienveillance envers l’erreur commise de bonne foi pour permettre aux agents publics de faire preuve d’initiative, et d’une autre vous voulez brûler un préfet parce qu’il a fait une erreur de communication – qu’il a d’ailleurs reconnue et dont il s’est excusé ?
Je n’ai pas vu que Lallement ait présenté ses excuses après la phrase « nous ne sommes pas dans le même camp ». Avez-vous une référence ?
Sur le fond, je vous répondrai qu’il y a des erreurs, ou des fautes, plus graves que d’autre. Et que tenir des paroles de guerre civile me semble extrêmement grave de la part d’un préfet (pas un simple policier du rang).
Je trouve d’ailleurs votre position ici quelque peu contradictoire avec votre appel à retrouver le sens du tragique de l’Histoire. À Athènes, un général qui menait mal une bataille pouvait être condamné à mort par un tribunal populaire… sans aller jusque là, un préfet pourrait être réprimandé quand il met en danger, y compris par ses paroles, la légitimité même de l’État (puisque celui-ci ne représenterait qu’un « camp » face à un autre).
Je ne propose certes pas de « brûler » Lallement, et je ne tiens nullement à ce qu’il subisse la moindre violence physique ni même la moindre condamnation judiciaire. Je laisse volontiers le politique décider de la punition. J’imagine que l’usage est d’imposer un changement d’affectation.
@ Ian Brossage
[Je ne sais pas si, « de l’aveu général », Lallement fait plus que correctement son boulot. Vu de l’extérieur, cet « aveu général » me paraît en fait confidentiel, et il m’est impossible de juger si tel ou tel préfet fait un bon boulot, tant les résultats de l’action publique dépendent de multiples facteurs.]
Comme souvent, je défère au jugement des pairs. Lallement a une réputation solidement établie dans le corps préfectoral, et un parcours impressionnant (secrétaire général du ministère de l’environnement et de l’énergie, préfet de la région Aquitaine, secrétaire général du ministère de l’intérieur, préfet de police…) qu’on imagine mal s’il était incompétent, surtout compte tenu qu’il n’a pas d’affinités politiques avec le pouvoir en place (c’est un chevènementiste).
[« D’un côté on dit qu’il faut une certaine bienveillance envers l’erreur commise de bonne foi pour permettre aux agents publics de faire preuve d’initiative, et d’une autre vous voulez brûler un préfet parce qu’il a fait une erreur de communication – qu’il a d’ailleurs reconnue et dont il s’est excusé ? » Je n’ai pas vu que Lallement ait présenté ses excuses après la phrase « nous ne sommes pas dans le même camp ». Avez-vous une référence ?]
Dans mon commentaire je faisais référence à ses déclarations – qu’il avait exprimé dans un cadre officiel – liant l’augmentation des hospitalisations et l’imprudence des citoyens. Il ne s’est jamais excusé pour la formule sur les deux camps, mais vous noterez qu’il s’agissait d’une expression personnelle et non officielle.
[Sur le fond, je vous répondrai qu’il y a des erreurs, ou des fautes, plus graves que d’autre. Et que tenir des paroles de guerre civile me semble extrêmement grave de la part d’un préfet (pas un simple policier du rang).]
Dans l’échelle de gravité des fautes, je ne la placerai pas bien haut. Surtout s’il s’agit d’une expression isolée dans un moment d’énervement. Faire tout un fromage d’un « casse toi pov’con » est pour moi très excessif. Un préfet, un président ne devraient pas tenir ce langage, c’est certainement une faute qui écorne la fonction, mais ce n’est pas non plus « extrêmement grave ». Je le mettrai au niveau de « la République, c’est moi » d’un certain leader politique…
[Je trouve d’ailleurs votre position ici quelque peu contradictoire avec votre appel à retrouver le sens du tragique de l’Histoire. À Athènes, un général qui menait mal une bataille pouvait être condamné à mort par un tribunal populaire… sans aller jusque-là, un préfet pourrait être réprimandé quand il met en danger, y compris par ses paroles, la légitimité même de l’État (puisque celui-ci ne représenterait qu’un « camp » face à un autre).]
Je pense que même à Athènes, on pouvait condamner un général à mort pour avoir perdu une bataille, mais certainement pas pour avoir eu des paroles excessives dans un échange personnel. Un échange qui d’ailleurs n’a pris un caractère public que parce qu’aujourd’hui il y a des caméras et des téléphones portables qui retiennent nos moindres paroles. Si l’on défenestre un décideur pour ce genre de vétille, il ne restera bientôt personne. Je doute qu’il y ait un seul leader politique, un seul haut fonctionnaire contre qui on ne puisse retenir quelque parole excessive dans un moment d’énervement.
[Je ne propose certes pas de « brûler » Lallement, et je ne tiens nullement à ce qu’il subisse la moindre violence physique ni même la moindre condamnation judiciaire. Je laisse volontiers le politique décider de la punition. J’imagine que l’usage est d’imposer un changement d’affectation.]
Il y a une gradation, qui va d’une réprimande par le directeur de cabinet du ministre voire le ministre lui-même, le changement d’affectation avec éventuellement une rétrogradation, la mise « hors cadres » (de fait une sorte de retraite anticipée avec mi-solde) et bien entendu la batterie de sanctions administratives pouvant aboutir en théorie à la révocation de la fonction publique. Mais comme je vous l’ai dit, je n’imagine pas qu’on applique les sanctions graves pour une parole mal embouché dans un échange personnel, fut-il filmé.
[Personnellement, je trouve qu’il a eu tort de prononcer la phrase « nous ne sommes pas dans le même camp »]
Il a eu tort, non seulement de la prononcer, mais de démontrer ainsi qu’il estimait appartenir à un “camp”, autre que celui de la Nation. Comme disait Talleyrand, c’est plus qu’un crime, c’est une faute. Rien que pour cela, il devra en temps utile rendre des comptes. Pour le reste et sur un plan purement technique, je ne saurais rien lui reprocher, étant un plouc de province, et donc en dehors de son ressort. Tout au plus pourrais-je faire remarquer qu’il est affligé d’une très sale bobine ; à partir d’un certain âge, on est quand même un peu responsable de son physique.
@ maleyss
[Il a eu tort, non seulement de la prononcer, mais de démontrer ainsi qu’il estimait appartenir à un “camp”, autre que celui de la Nation.]
Je vais vous poser une question que j’ai posé à un autre intervenant dans un autre commentaire : si la petite phrase avait été lancé au préfet par un manifestant, un élu, un leader syndical ou politique, quelle aurait été votre réaction ? Et s’il vous plait, avant de répondre, interdit d’aller sur google chercher si quelqu’un l’a fait…
[Rien que pour cela, il devra en temps utile rendre des comptes.]
Je tremble à l’idée que quiconque pourrait devoir « rendre des comptes » pour avoir exprimé une opinion personnelle…
Un élu et un leader, ne se cachent pas d’appartenir à un “camp”. Un individu lambda en a tout à fait le droit. Un haut fonctionnaire, en principe, n’appartient qu’à un seul “camp”, celui de la France, et surtout quand il s’exprime es qualités ; pour le reste, j’ignore si ce type doit sa nomination à sa compétence, ou, plus probablement, à son appartenance à une certaine obédience dont le lieu de rassemblement évoque les concierges et les acteurs de théâtre.
@ maleyss
[Un élu et un leader, ne se cachent pas d’appartenir à un “camp”.]
Je ne crois pas qu’il faille interpréter les paroles du préfet Lallement dans ce sens-là. Lorsqu’il a dit « nous ne sommes pas dans le même camp », je ne pense pas qu’il ait eu en tête l’appartenance à un une tendance politique ou sociale particulière. Je pense qu’il faisait référence à l’opposition « ordre vs. chaos ». Même si l’expression est maladroite, je ne trouve pas qu’il soit excessif pour un préfet de se placer « dans le camp de l’ordre ».
[Un individu lambda en a tout à fait le droit. Un haut fonctionnaire, en principe, n’appartient qu’à un seul “camp”, celui de la France, et surtout quand il s’exprime es qualités ;]
Imagine-t-on un militaire anarchiste ? Non, bien sur que non. Le simple fait de choisir une carrière militaire implique de se placer dans un « camp » sur un certain nombre de points tels que l’ordre, la hiérarchie, etc. Et c’est la même chose pour les fonctionnaires. Un haut fonctionnaire, de par son choix professionnel, prend position sur un certain nombre de points. On a du mal à imaginer comment un haut fonctionnaire pourrait remplir correctement ses missions tout en rejetant intellectuellement la légalité, le patriotisme, la hiérarchie, l’Etat.
Dans une société où il y a un « camp » anarchiste – au sens large du terme – un haut fonctionnaire est, par essence, dans « l’autre camp ». Ce n’est peut-être pas très habile de le dire, mais c’est un fait.
[pour le reste, j’ignore si ce type doit sa nomination à sa compétence, ou, plus probablement, à son appartenance à une certaine obédience dont le lieu de rassemblement évoque les concierges et les acteurs de théâtre.]
On peut toujours imaginer qu’un homme doive sa première nomination à ses contacts ou ses réseaux. Mais lorsque les postes à haute responsabilité s’enchaînent sans incident, on peut se dire que soit la personne a une chance de cocu, soit elle est compétente.
D’ailleurs Descartes, ne trouvez-vous pas le parcours de Lallement assez singulier ? Il n’est passé par aucune école de la fonction publique (type ENA ou INET) et est diplômé d’une grande école de commerce depuis laquelle il aurait pu faire une très lucrative carrière dans le privé. Pourtant, il a choisi l’administration locale, avant d’enchaîner les postes au niveau de l’Etat, puis dans le corps préfectoral.
@ Combeferre
[Pourtant, il a choisi l’administration locale, avant d’enchaîner les postes au niveau de l’Etat, puis dans le corps préfectoral.]
Oui, son parcours est atypique (et montre par ailleurs qu’on peut faire une très belle carrière au service de l’Etat sans sortir de l’ENA). Je pense qu’il a commencé une carrière “politique” au CERES qui lui a permis de rentrer dans l’administration municipale, et qu’il a découvert l’administration de l’Etat à cette occasion.
@ maleyss
Bonjour,
[Tout au plus pourrais-je faire remarquer qu’il est affligé d’une très sale bobine ]
Attribuer aux uns et aux autres une personnalité en fonction de leur “bobine” est un penchant ordinaire chez la plupart d’entre nous. J’ai eu un peu le même réflexe en voyant D. Lallement affublé d’une immense casquette et ça me rappelait celle de Himmler sur certaines photos.
Il est tout de même sage de se méfier de ces raccourcis qui déterminent, inconsciemment des opinions inadéquates.
Hier soir, à la télé, apparaissait le docteur Anthony Fauci, qui a le cran de s’opposer publiquement à D. Trump et mérite l’admiration pour son courage et son intégrité. Vous lui mettez la casquette de D. Lallement et vous ne faites plus la différence visuelle.
Comme quoi , des impressions à l’emporte pièce peuvent induire des assimilations erronés. Ça devrait nous conduire à une extrême prudence, car nos jugements premiers ne sont pas libres et nécessitent de faire appel à la raison.
Il me semble que le principe de précaution constitutionnalisé par Chirac se soit imposé dans l’esprit de tous nos concitoyens. Pour un pays dont la population est vieillissante et pour cela, selon Todd, ne fera plus de révolution.
D’autre part l’idée de responsabilité individuelle ou collective n’existe guère dans notre pays. On n’a rarement vu un élu politique local ou national démissionner spontanément et de suite de ses fonctions eu égard aux conséquences juridiques et pénales des décisions qu’ils ont prises.
Le monde de l’après-épidémie ne peut être différent tant que seront au pouvoir les gens qui nous ont conduit dans cette situation. Il faudrait qu’il soit pensé donc mis en place par des gens dotés effectivement d’une solide culture générale.
@ cording
[Il me semble que le principe de précaution constitutionnalisé par Chirac se soit imposé dans l’esprit de tous nos concitoyens.]
Ce serait plutôt l’inverse : si Chirac a constitutionnalisé le principe, c’est probablement parce qu’il y avait une pression citoyenne pour le faire. On peut le regretter ou s’en réjouir, mais en démocratie, ce sont les politiques qui suivent les citoyens, et non l’inverse…
La nostalgie de l’impuissance (pour utiliser la formule de Maurice Duverger) est une constante de nos élites de ces trente dernières années. Il trouve ses racines dans le sentiment de précarité quant à sa position sociale qui afflige les « classes intermédiaires », et qui les conduit à se méfier de toute institution ayant potentiellement le pouvoir de leur imposer des règles du jeu. En 1970, on pouvait autoriser un projet en trois mois et le construire en trois ans. Aujourd’hui, il faut consulter quarante instances de participation citoyenne, organiser un débat public national, puis faire face à dix ans de contentieux, processus qui n’améliore en rien le projet mais qui offre des possibilités illimitées d’obstruction.
On glose beaucoup sur l’inefficacité et la lourdeur de l’Etat, mais cette inefficacité, cette lourdeur a été VOULUE par les politiques sous la pression de toutes sortes de lobbies moins soucieux de faire avancer des projets que de bloquer les projets des autres.
[Pour un pays dont la population est vieillissante et pour cela, selon Todd, ne fera plus de révolution.]
Pauvre Todd… il en est resté à l’idée que ce sont les jeunes qui font les révolutions…
[D’autre part l’idée de responsabilité individuelle ou collective n’existe guère dans notre pays.]
Je ne peux laisser dire ça. Quand on voit comment les institutions publiques ont réagi à l’épidémie, on peut se dire que le sentiment de responsabilité collective est encore bien vivant chez nos concitoyens, chez les travailleurs français.
[On n’a rarement vu un élu politique local ou national démissionner spontanément et de suite de ses fonctions eu égard aux conséquences juridiques et pénales des décisions qu’ils ont prises.]
Personnellement, je ne pense pas que le fait de démissionner soit une preuve de responsabilité. Un homme politique responsable qui fait une bêtise reste au contraire à son poste pour essayer de la réparer. Agnès Buzyn aurait été mieux inspirée de suivre cette règle…
[Le monde de l’après-épidémie ne peut être différent tant que seront au pouvoir les gens qui nous ont conduit dans cette situation. Il faudrait qu’il soit pensé donc mis en place par des gens dotés effectivement d’une solide culture générale.]
Cela dépende de nous. Parce que, sauf erreur ou omission, il s’est trouvé une majorité d’électeurs pour voter Macron.
J’aime bien cet article, même s’il me semble être dicté par l’agacement plus que par la raison. En fait, l’un empêche-t-il l’autre ? Je ne veux rien enlever à tes précédents articles, riches et documentés et je continue à admirer le débat que tu sais entretenir avec les commentateurs. J’avoue ne pas avoir réagi ces temps-ci et le regrette, mais je m’en sentais incapable au vu de la richesse des diverses interventions.
J’ai pour ma part apporté ma pierre en participant aux urgences liées au Covid, et il a bien fallu que je me débrouille dans un temps court, le temps d’une consultation, de trouver une ouverture et des solutions pour des personnes désespérées.
Je commence à ressentir que nous allons repartir comme avant: déjà, on nous rabâche à nouveau l’Europe et l’écologie à toutes les sauces.
Alors, oui, démerdons nous, chacun d’entre nous !
@ Paul
[J’ai pour ma part apporté ma pierre en participant aux urgences liées au Covid, et il a bien fallu que je me débrouille dans un temps court, le temps d’une consultation, de trouver une ouverture et des solutions pour des personnes désespérées.]
Je ne doute pas un instant que le potentiel de “débrouillardise” soit encore puissant chez nous. Même si l’on a beaucoup détruit, la France a encore de très beaux restes. Car il ne faut pas se tromper: même si l’on a beaucoup perdu, notre système d’éducation et de formation reste l’un des plus performants du monde. Si je suis critique à ce propos, ce n’est pas par comparaison avec les autres, mais par comparaison avec ce qu’il aurait pu être.
Ce que je regrette, c’est qu’au lieu de donner la parole aux “débrouillards”, au lieu de mettre en exergue les gens qui ont trouvé des solutions, on donne la parole interminablement à des gens qui chouinent parce qu’ils n’ont trouvé que des problèmes.
je ne suis pas sur que la capacite “systeme D” soit lié a une formation generaliste. N oublions pas qu a l epoque la plupart des francais quittait l ecole tres tot avec une formation limitée (dans les annees 60 les gens allaient rarement au dela du bac et une grande partie de la population avait le certificat d etude (niveau CM2) ou BEPC (3eme))
Par contre le monde etait moins complexe, non seulement sur le plan technique (comparez une voiture de 1960 et 2020. qui peut encore reparer sa voiture soi meme ?) mais aussi economique (la france etait encore un pays assez autarcique) et social (les delires LGBT; la disparition de la famille “classique”)
Apres il faut etre clair. l esprit humain est limité. Vous ne pouvez pas memoriser tout. Comme le dit la blague connue, le generaliste sait rien sur tout alors que le specialiste sait tout sur rien … Si vous formez par exemple des ingenieurs qui ont des connaissance en biologie, en informatique et en mecanique, ils risquent d etre mediocre sur les 3. Ou pire avoir tout oublié le jour ou ca sera necessaire (perso je suis plus capable de faire un calcul integral que j aurai fait sans probleme en sortant de l ecole il y a 30 ans)
je pense que la solution est plutot de faciliter les collaborations. comme par exemple ce qu il s est passé avec les masques de plongee de decathlon. Decathlon a diffusé les plans, d autre les ont adapte en italie, puis la solution a ete amelioree (en espagne je crois) et la production s est faite sur des imprimante 3D chez renault …
Pour le reste je suis d accord avec vous. On devrait plutot promouvoir ceux qui font et prennent des risques plutot que ceux qui se contente de suivre les consignes.
@ cdg
[je ne suis pas sur que la capacite “système D” soit lié à une formation généraliste. N’oublions pas qu’a l’époque la plupart des Français quittait l’école très tôt avec une formation limitée (dans les années 60 les gens allaient rarement au-delà du bac et une grande partie de la population avait le certificat d’étude (niveau CM2) ou BEPC (3eme))]
Il ne faut pas confondre : une formation courte peut être « généraliste », et une formation longue spécialisée. Ce n’est pas la longueur de la formation qui compte, mais son orientation. Oui, la scolarité était en moyenne plus courte, même si l’obligation scolaire allait jusqu’à 14 ans depuis 1936 et 16 ans après 1959. Mais elle était aussi plus dense et insistait plus sur les savoirs fondamentaux et structurants. Il ne faut pas non plus oublier les « écoles de métiers » créées par les entreprises pour donner une culture technique à leur personnel.
A cela il faut ajouter le fait que l’école n’est pas la seule source de formation. A la formation scolaire s’ajoutait naguère une formation par transmission à la maison. L’enfant du paysan participait aux travaux de la ferme et acquerait une culture « pratique » qui généralisait celle plus livresque donnée à l’école. Chez l’ouvrier, l’enfant apprenait aussi les techniques du bricolage, mais aussi celles de l’horticulture (car beaucoup d’ouvriers étaient des fils de paysans et continuaient à pratiquer l’horticulture). On l’oublie maintenant, mais deux ou trois générations en arrière les gens faisaient encore beaucoup de choses de leurs mains, tout bêtement parce que les objets techniques étaient à la fois plus simples et moins fiables, et que sauf à être très riche pour pouvoir payer le réparateur il fallait pouvoir les entretenir soi-même.
Dans la génération de mes parents et mes grands-parents, je n’ai connu aucun homme qui ne sut installer une prise électrique, réparer une porte, changer les plaquettes de frein d’une voiture. La plupart savaient se servir d’une perceuse, d’un fer à souder. Moi-même je suis un ancien de l’enseignement technique, et je me souviens avoir eu des cours qui allaient de l’ajustage à la lime à l’utilisation des machines-outil (tour et fraiseuse), de l’électricité (installations électriques) à la menuiserie. Je ne retrouve pas dans les programmes de l’enseignement technique actuel un tel éventail de compétences.
[Par contre le monde etait moins complexe, non seulement sur le plan technique (comparez une voiture de 1960 et 2020. qui peut encore reparer sa voiture soi meme ?) mais aussi economique (la france etait encore un pays assez autarcique) et social (les delires LGBT; la disparition de la famille “classique”)]
Oui, la complexité pousse à la spécialisation. Mais il faut résister à cette spécialisation si nous voulons sauvegarder un peu de dynamisme dans notre société. Je ne demande pas que chacun puisse réparer sa voiture… mais à minima qu’il comprenne comment elle est réparée. Et franchement, même si les voitures sont devenues plus complexes on peut quand même remplacer une batterie ou des plaquettes de frein soi-même. Combien de gens savent le faire aujourd’hui, à votre avis ?
[Apres il faut être clair. L’esprit humain est limité. Vous ne pouvez pas mémoriser tout. Comme le dit la blague connue, le généraliste sait rien sur tout alors que le spécialiste sait tout sur rien … Si vous formez par exemple des ingénieurs qui ont des connaissances en biologie, en informatique et en mécanique, ils risquent d’être médiocre sur les 3.]
Pourquoi ? Vous présentez ceci comme une évidence, comme si l’être humain avait un potentiel limité, et que le fait d’en consacrer une partie à une discipline devait se faire au détriment des autres. Je conteste absolument cette idée. Pensez-vous qu’un physicien qui consacre du temps à jouer du piano devient plus médiocre en physique ? Non, la connaissance n’est pas compartimentée, et les connaissances sont souvent complémentaires : en approfondissant une discipline, on approfondit souvent les autres. Peut-on être un bon physicien sans s’intéresser aux mathématiques ou à l’informatique ? Je ne le crois pas.
J’ajoute qu’il ne s’agit pas dans mon esprit de faire de chacun un « généraliste ». Mais de donner une formation « généraliste » même aux « spécialistes », ce qui n’est pas la même chose. Qu’on se spécialise APRES avoir acquis une solide culture générale, rien de plus normal. Et un tel spécialiste pourra utiliser cette culture le jour où il se trouvera devant un problème qui dépasse sa spécialité, et pourra dialoguer alors avec d’autres spécialistes de spécialité différente. Ce que je trouve néfaste, c’est qu’on se spécialise DES LE DEPART.
Je ne dis pas qu’il ne faille pas de spécialistes. Ce que je dis, c’est que s’il est rationnel de confier le béton au spécialiste du béton, les fenêtres au spécialiste des fenêtres et les ascenseurs aux spécialistes des ascenseurs, a qui confieriez-vous le dessin d’ensemble et l’organisation du chantier ? Si vous le confiez au spécialiste des ascenseurs, vous risquez de ne pas avoir beaucoup de fenêtres… Parce qu’il ne faut pas oublier que pour celui qui ne sait se servir que d’un marteau tous les problèmes ressemblent à des clous.
Le mouvement de spécialisation est un mouvement naturel. La sélection darwinienne pousse les animaux à se spécialiser pour pouvoir tirer le meilleur parti de leur environnement, et c’est la même chose dans l’économie. Si vous voulez vous opposer à ce mouvement « naturel » de spécialisation, il faut prévoir des mécanismes spécifiques pour récompenser celui qui accepte de rester généraliste.
[Ou pire avoir tout oublié le jour où ça sera nécessaire (perso je suis plus capable de faire un calcul intégral que j’aurai fait sans problème en sortant de l’école il y a 30 ans)]
Ne croyez pas ça. En fait on oublie moins qu’on ne le croit (ce qui est heureux, autrement on pourrait se demander à quoi cela sert d’enseigner aux gens qui auront tout oublié en quelques années). Vous n’êtes pas capable de le faire rapidement. Mais cela vous prendrait peu de temps de retrouver cette capacité si vous en aviez besoin. Et puis, même si vous ne savez pas le faire, vous vous souvenez que ce calcul EXISTE, et qu’il peut donc être mobilisé pour résoudre un problème.
[Je pense que la solution est plutôt de faciliter les collaborations. Comme par exemple ce qu’il s’est passé avec les masques de plongée de Decathlon. Decathlon a diffusé les plans, d’autres les ont adaptés en Italie, puis la solution a été améliorée (en Espagne je crois) et la production s’est faite sur des imprimante 3D chez Renault …]
Avouez qu’en termes de difficulté, l’affaire est relativement modeste…
[Pour le reste je suis d’accord avec vous. On devrait plutôt promouvoir ceux qui font et prennent des risques plutôt que ceux qui se contente de suivre les consignes.]
Je n’irais pas aussi loin. Conduire un camion chargé de produits dangereux sans avoir la formation correspondante parce qu’on ne trouve pas un chauffeur qualifié n’est pas une attitude à encourager. La prise de risques à tort et à travers en elle-même n’est pas une qualité, et le suivi des consignes n’est pas non plus un défaut. Il ne faudrait pas confondre « trouver des solutions » avec « prendre des risques ». J’ajoute que la bonne solution n’est pas encourager les gens à ne pas appliquer les consignes, mais de s’abstenir de faire des consignes paralysantes.
@ Descartes et cdg
Bonjour,
[Dans la génération de mes parents et mes grands-parents, je n’ai connu aucun homme qui ne sut installer une prise électrique, ]
Petite anecdote amusante.
Dans les années 50 et début 60, ma famille était logée – comme beaucoup d’autres dans une petite ville industrielle de la Loire – pauvre, mais pas miséreuse. Nous manquions de tout, et heureux de vivre cependant. Mon père fabriquait lui même, avec une sorte de bakélite, les interrupteurs de la maison en supplément de ceux d’origine. Et comme les axes affleuraient à l’extérieur, il nous arrivait régulièrement de prendre quelques “châtaignes” sur les doigts. Ces mésaventures étaient ponctuées de cris stridents qui souhaitaient témoigner du monde dangereux dans lequel nous vivions, premiers symptômes du syndrome de victimisation. 💥
l me semble tout de même qu’à l’époque la tension n’était que de 110 volts.
J’avoue que je n’arrive pas vraiment à faire un lien logique entre “culture générale” et “débrouillardise”… On peut être cultivé et avoir une attitude “ouverture de parapluie”. Au contraire je connais des gens pas forcément très finauds mais très débrouillards, plein d’initiative et de sens des réalités… (peut être car je manque de culture générale me direz-vous hé hé !?)
Mise à part cette question, je côtoie pas mal d’informaticiens, dont beaucoup bossent pour de grosses entreprises. Ce que vous décrivez résonne fortement à mes oreilles. Les “systèmes d’information” sont souvent gérés par un nombre à peine croyable d’équipes, qui chacune se concentre sur son périmètre ultra spécialisé, et surtout (c’est là le problème) ne veut pas entendre parler de ce qui déborde d’un quart de millimètre de ce périmètre… Au contraire mon expérience m’a montré que ce sont les gens qui “débordaient” le plus de leur périmètre (dans la mesure du raisonnable et du nécessaire, je ne parle pas de marcher sur les plates-bandes des collègues) qui étaient les plus efficaces, avaient le plus de recul, et même faisaient des choses plus intéressantes, apprenaient le plus. L’ironie étant que dans le secteur de l’informatique, on a en permanence des mots comme “agilité” à la bouche, et on se moque volontiers de l’administration si lourde… 😉
@ tmn
[J’avoue que je n’arrive pas vraiment à faire un lien logique entre “culture générale” et “débrouillardise”… On peut être cultivé et avoir une attitude “ouverture de parapluie”. Au contraire je connais des gens pas forcément très finauds mais très débrouillards, plein d’initiative et de sens des réalités… (peut être car je manque de culture générale me direz-vous hé hé !?)]
Oui, je connais moi aussi des gens pas très finauds mais très débrouillards, pleins d’initiative et de sens des réalités… et qui sèment les désastres et la désolation partout où ils passent. Ce que nous voulons, ce n’est pas des gens qui « font et prennent des risques », mais des gens qui « font ce qu’il faut et prennent des risques à bon escient ». Et pour cela, une culture générale – prise dans le sens la plus large du terme – ça aide.
N’oubliez pas que mon papier a été écrit avec en tête le problème des décisions à fort enjeu, ou le mouvais choix peut se traduire par des morts et des milliards d’euros gâchés. Pour prendre une telle décision avec confiance, il faut avoir une culture suffisante pour saisir les tenants et les aboutissants, pour anticiper les problèmes, pour pouvoir dialoguer avec les experts et tirer la substantifique moëlle de leurs interventions. Si vous n’avez pas ces possibilités, deux possibilités : ou bien vous en êtes conscient et vous vous réfugiez sous un parapluie (le plus commode étant celui de l’inaction) pour ne pas être responsable en cas de malheur ; ou bien vous êtes inconscient et alors vous êtes dangereux !
[Au contraire mon expérience m’a montré que ce sont les gens qui “débordaient” le plus de leur périmètre (dans la mesure du raisonnable et du nécessaire, je ne parle pas de marcher sur les plates-bandes des collègues) qui étaient les plus efficaces, avaient le plus de recul, et même faisaient des choses plus intéressantes, apprenaient le plus. L’ironie étant que dans le secteur de l’informatique, on a en permanence des mots comme “agilité” à la bouche, et on se moque volontiers de l’administration si lourde…]
Je n’ai qu’une expérience extérieure du milieu de l’informatique. J’ai bien été directeur de projet informatique, mais j’étais plutôt du côté « métier », essayant de faire comprendre aux informaticiens que le but final de l’objet était que les gens – qui ne sont pas informaticiens – puissent s’en servir pour faire leur boulot avec un minimum de casse et, si ce n’était pas trop demander, une amélioration de l’efficacité. Et je ne peux à partir de cette expérience qu’être d’accord avec vous. C’est là que j’ai appris l’adage « pour celui qui ne connait que le marteau, tous les problèmes ressemblent à des clous ». Il était tout simplement impossible de leur faire comprendre que la meilleure solution était celle qui mélangeait plusieurs outils. Ils étaient intimement convaincus que LEUR outil, celui qu’ils connaissaient le mieux, était la seule solution à tous les problèmes…
@Descartes
> Il était tout simplement impossible de leur faire comprendre que la meilleure solution était celle qui mélangeait plusieurs outils.
Je ne sais pas trop quel est le contexte de votre anecdote, mais si vous étiez du côté « métier », il me semble que ce n’était pas à vous de choisir quels outils utiliser… 😉
Après, chez les informaticiens, il y a de tout. Mais dans les SI des grosses boîtes et des grosses administrations, on ne trouve effectivement pas les plus débrouillards ni les plus polyvalents. Pour la plupart des informaticiens ambitieux dans leur métier, ce genre de situation est un repoussoir.
> Ils étaient intimement convaincus que LEUR outil, celui qu’ils connaissaient le mieux, était la seule solution à tous les problèmes…
Là, c’est surtout de la paresse.
@ Ian Brossage
[Je ne sais pas trop quel est le contexte de votre anecdote, mais si vous étiez du côté « métier », il me semble que ce n’était pas à vous de choisir quels outils utiliser…]
Tout à fait. Mais c’était à moi de constater quand un outil ne permettait pas de satisfaire les besoins du métier. Quand un informaticien vous présente un logiciel en vous disant « il faudra changer les processus métier pour s’adapter à l’outil », le détecteur de conneries que je range à côté de mon rasoir d’Occam se met sur la position « désastre ».
On n’a pas besoin de savoir pondre des œufs pour détecter un œuf pourri. Je n’avais pas la prétention de choisir le meilleur outil, mais si celle de dire quand un outil ne me convenait pas.
[Après, chez les informaticiens, il y a de tout. Mais dans les SI des grosses boîtes et des grosses administrations, on ne trouve effectivement pas les plus débrouillards ni les plus polyvalents. Pour la plupart des informaticiens ambitieux dans leur métier, ce genre de situation est un repoussoir.]
Mon expérience avec les informaticiens c’est que parmi eux on trouve surtout… des informaticiens. Je pense que l’informatique doit être l’épitomé du milieu hyper-spécialisé et fermé sur lui-même. Non seulement les informaticiens connaissent peu de choses en dehors de l’informatique (dans la génération précédente, ils connaissaient au moins un minimum d’électronique, mais la séparation entre le hardware et le software est devenu tellement importante qu’aujourd’hui on peut faire toute une carrière dans l’informatique sans savoir ce qu’est un condensateur), mais ils ne connaissent souvent qu’une partie spécifique de l’informatique. Je vous assure que faire parler un spécialiste des bases de données avec un expert d’informatique industrielle sans interprète est assez complique…
[« Ils étaient intimement convaincus que LEUR outil, celui qu’ils connaissaient le mieux, était la seule solution à tous les problèmes… » Là, c’est surtout de la paresse.]
Plus que de la paresse, c’est une question d’économie. Une fois qu’on a investi des années pour dominer un outil, il faut rentabiliser l’investissement. Ces gens me rappellent ces patrons de petites entreprises qui gardent des machines obsolètes parce que « il faut les amortir » au lieu d’investir pour se doter de machines modernes. Un raisonnement qui est d’ailleurs très répandu… j’avoue que j’ai été très surpris le jour où mon professeur d’économie m’a expliqué pourquoi ce raisonnement était faux.
@Descartes
> Mon expérience avec les informaticiens c’est que parmi eux on trouve surtout… des informaticiens. Je pense que l’informatique doit être l’épitomé du milieu hyper-spécialisé et fermé sur lui-même.
C’est un peu compliqué. Beaucoup d’informaticiens sont spécialisés très tôt (études relativement courtes, avec une partie d’apprentissage sur le tas). Une portion plus faible a suivi des études plus longues et en partie généralistes (prépas maths classiques suivies d’écoles plus ou moins prestigieuses). Par ailleurs l’informatique elle-même est devenue d’une complexité incroyable. Les systèmes informatiques contemporains sont peut-être les systèmes les plus complexes jamais conçus par l’Homme, si l’on considère toutes les différentes « technologies » qui y interviennent, y compris le niveau matériel. Cela entraîne une division du travail assez poussée…
> Je vous assure que faire parler un spécialiste des bases de données avec un expert d’informatique industrielle sans interprète est assez complique
S’ils n’ont jamais fait que cela, effectivement, cela doit être un peu difficile. Et, la division du travail aidant, on peut se retrouver facilement à rester dans la même spécialisation toute sa vie. Surtout si on chérit une certaine stabilité économique… (ce qui est bien souvent le cas des informaticiens qui vont travailler dans de telles structures – SI d’administrations et de grandes entreprises)
> Un raisonnement qui est d’ailleurs très répandu… j’avoue que j’ai été très surpris le jour où mon professeur d’économie m’a expliqué pourquoi ce raisonnement était faux.
Voulez-vous parler de la « fallacy of sunk costs » (désolé, je ne connais que le terme anglais) ?
@ Ian Brossage
[C’est un peu compliqué. Beaucoup d’informaticiens sont spécialisés très tôt (études relativement courtes, avec une partie d’apprentissage sur le tas). Une portion plus faible a suivi des études plus longues et en partie généralistes (prépas maths classiques suivies d’écoles plus ou moins prestigieuses).]
Dans mon expérience, j’ai rarement croisé des généralistes. On trouve – surtout aux niveaux de chef ou de directeur de projet – des ingénieurs qui ont une formation généraliste, mais qui souvent n’ont guère cultivé ce « généralisme » dans leur carrière.
[Par ailleurs l’informatique elle-même est devenue d’une complexité incroyable. Les systèmes informatiques contemporains sont peut-être les systèmes les plus complexes jamais conçus par l’Homme, si l’on considère toutes les différentes « technologies » qui y interviennent, y compris le niveau matériel. Cela entraîne une division du travail assez poussée…]
Bof, bof, bof… c’est ce que les informaticiens aiment à faire croire. Mais allez visiter une chaine de production robotisée chez Renault ou une centrale nucléaire, et vous verrez des systèmes autrement plus compliqués, faisant appel à un éventail de technologies beaucoup plus grand. Et je ne vous parle même pas d’installations « uniques » comme le LHC du CERN ou ITER. Finalement, les systèmes informatiques sont faits de « boites » assemblées. Ces boites peuvent être très nombreuses, ce qui donne une idée de grande complexité, mais chaque boite est elle-même relativement simple.
Je vais être méchant : l’informatique – surtout dans ses phases d’expansion – était un domaine où l’on pouvait gagner très bien sa vie avec un investissement en termes de formation relativement limité. Pour devenir un spécialiste dans la métallurgie, dans le nucléaire, dans les semiconducteurs il faut se cramer les yeux sur les livres pendant des années. Pour devenir informaticien, la formation est beaucoup plus pratique, plus ludique, et plus courte.
[S’ils n’ont jamais fait que cela, effectivement, cela doit être un peu difficile. Et, la division du travail aidant, on peut se retrouver facilement à rester dans la même spécialisation toute sa vie. Surtout si on chérit une certaine stabilité économique… (ce qui est bien souvent le cas des informaticiens qui vont travailler dans de telles structures – SI d’administrations et de grandes entreprises)]
Personnellement, j’ai moins travaillé avec les informaticiens des « grandes structures » qu’avec des boîtes de conseil et de développement informatique. Et on retrouve les mêmes vices, avec en plus le côté « mercenaire »…
[« Un raisonnement qui est d’ailleurs très répandu… j’avoue que j’ai été très surpris le jour où mon professeur d’économie m’a expliqué pourquoi ce raisonnement était faux. » Voulez-vous parler de la « fallacy of sunk costs » (désolé, je ne connais que le terme anglais) ?]
Exactement. Mon professeur d’économie parlait du « paradoxe des coût échoués » ou du « paradoxe du Concorde ». J’avais trouvé absolument fascinant ce paradoxe, qui met en évidence combien le comportement que chacun de nous considère être “de bon sens” est en fait absurde…
Pour ceux qui ne connaissent pas le paradoxe, voici une petite explication: imaginons que vous avez acheté une entrée pour un concert. Arrivé à la moitié, vous constatez que l’orchestre joue faux. Que faites-vous ?
1) Vous vous dites que puisque vous avez payé votre ticket, autant rester jusqu’à la fin du spectacle pour le rentabiliser.
2) Vous décidez de quitter les lieux et de perdre le bénéfice de l’entrée que vous avez acheté.
En pratique, la plupart des gens choisissent la solution 1. Mais ce choix est irrationnel: dans les deux cas, l’argent est perdu. Mais en choisissant la première solution, vous perdez en plus votre temps et vous infligez une torture musicale… Le même raisonnement s’applique à la production. Imaginez que j’achète une machine, et que six mois plus tard apparaît une machine bien plus performante. Dois-je continuer à opérer l’ancienne machine et plomber ma productivité au prétexte qu’il faut la rentabiliser ? Le paradoxe démontre que les choix d’investissement optimaux sont déterminés que par l’avenir. Les erreurs passées sont sans effet sur la décision.
@Descartes
> Je vais être méchant : l’informatique – surtout dans ses phases d’expansion – était un domaine où l’on pouvait gagner très bien sa vie avec un investissement en termes de formation relativement limité. Pour devenir un spécialiste dans la métallurgie, dans le nucléaire, dans les semiconducteurs il faut se cramer les yeux sur les livres pendant des années.
L’informatique est un domaine très large, un peu comme la mécanique. Il y a des sous-domaines pointus de l’informatique et d’autres qui le sont beaucoup moins.
> Finalement, les systèmes informatiques sont faits de « boites » assemblées. Ces boites peuvent être très nombreuses, ce qui donne une idée de grande complexité, mais chaque boite est elle-même relativement simple.
Vous dites peut-être cela parce que vous regardez rarement à l’intérieur d’une de ces boîtes…
@ Ian Brossage
[Vous dites peut-être cela parce que vous regardez rarement à l’intérieur d’une de ces boîtes…]
Je ne suis pas un expert du métier, et je peux me tromper. A quelle boite précisément pensez-vous ?
Certaines boites peuvent être très complexes du point de vue matériel (électronique de pointe, mécanique de précision) mais du point de vue de l’informaticien, c’est à dire du point de vue logique, elles sont extrêmement simples. Les microprocesseurs sont aujourd’hui d’une puissance incomparable avec les processeurs d’il y a trente ans, mais LOGIQUEMENT ils restent extrêmement proches. Les fondements de l’informatique restent les mêmes depuis Von Neumann. Même un béotien comme moi arrive à programmer sur les machines d’aujourd’hui… alors que j’aurais du mal à forger un clou.
@Descartes
> Je ne suis pas un expert du métier, et je peux me tromper. A quelle boite précisément pensez-vous ?
Par exemple, mettons une base de données.
> Les microprocesseurs sont aujourd’hui d’une puissance incomparable avec les processeurs d’il y a trente ans, mais LOGIQUEMENT ils restent extrêmement proches.
Heu… Si vous voulez. Mais si vous voulez les programmer efficacement de façon à en tirer le maximum de performances, les éléments à prendre en compte sont beaucoup plus nombreux qu’il y a 30 ans. Et encore plus si, par ailleurs, vous vous posez aussi des questions de sécurité informatique.
Tout dépend donc à quel niveau d’abstraction vous vous situez, et c’est pour ça que parler de « simplicité » est trompeur. Si je regarde le schéma de fonctionnement logique d’une centrale nucléaire, cela paraît très simple aussi : un réacteur, du combustible, des barres de modération, un circuit primaire, un circuit secondaire, des turbines et quelques autres trucs encore…
@ Ian Brossage
@Descartes
[“A quelle boite précisément pensez-vous ?” Par exemple, mettons une base de données.]
A quel niveau d’études situez vous les connaissances pour concevoir une base de données ? Personnellement, j’ai une assistante qui fait des merveilles sur Access et tâte du SQL…
[“Les microprocesseurs sont aujourd’hui d’une puissance incomparable avec les processeurs d’il y a trente ans, mais LOGIQUEMENT ils restent extrêmement proches.” Heu… Si vous voulez. Mais si vous voulez les programmer efficacement de façon à en tirer le maximum de performances, les éléments à prendre en compte sont beaucoup plus nombreux qu’il y a 30 ans.]
Là encore, je ne vois pas beaucoup d’exemples. Les processeurs d’aujourd’hui calculent beaucoup plus vite, ont des registres plus gros et en plus grand nombre. Mais quelles sont les grandes innovations logiques des trente dernières années ? Et quel est le niveau de connaissances nécessaire pour les maîtriser ?
[Si je regarde le schéma de fonctionnement logique d’une centrale nucléaire, cela paraît très simple aussi : un réacteur, du combustible, des barres de modération, un circuit primaire, un circuit secondaire, des turbines et quelques autres trucs encore…]
Votre comparaison est trompeuse, et cela pour plusieurs raisons. La première, est que si vous pouvez diviser une installation nucléaire en sous ensembles tout comme vous le feriez pour un système informatique, ces sous-ensembles ne constituent pas des “boîtes noires” comme c’est le cas en informatique. En informatique, vous pouvez assembler les blocs sans vous intéresser au fonctionnement interne de chaque bloc, parce que vous pouvez normaliser les interfaces. Dans une raffinerie ou une installation nucléaire, vous ne pouvez pas procéder de la sorte: avant d’assembler des boîtes, il faut comprendre le fonctionnement intime de chacune, parce que les interactions entre elles sont beaucoup plus difficiles à décrire et surtout à limiter.
J’ajoute qu’il y a une autre différence importante: dans un système informatique, la coût des essais est relativement limité, tout simplement parce que vous pouvez en appuyant sur un bouton revenir à l’état initial. C’est beaucoup plus compliqué dans une installation nucléaire…
@Descartes
> A quel niveau d’études situez vous les connaissances pour concevoir une base de données ? Personnellement, j’ai une assistante qui fait des merveilles sur Access et tâte du SQL…
Je me suis mal exprimé. Je parlais du *moteur* qui fait tourner la base de données. Une grosse « brique » donc, par exemple Oracle ou PostgreSQL pour les cas les plus classiques, ou un des nombreus moteurs développés ces dernières années pour répondre à des besoins plus récents et plus spécialisés (il y en a vraiment pléthore).
> Là encore, je ne vois pas beaucoup d’exemples. Les processeurs d’aujourd’hui calculent beaucoup plus vite, ont des registres plus gros et en plus grand nombre. Mais quelles sont les grandes innovations logiques des trente dernières années ?
Les processeurs modernes ont de multiples coeurs d’exécution pouvant exécuter en parallèle des programmes entièrement distincts (ou pas). Ils ont de multiples niveaux de cache mémoire qui, selon leur capacité à intervenir – en fonction de l’algorithme et de la façon dont il est implémenté, mais aussi de la façon dont sont organisées les données -, induisent des temps d’attente et des débits mémoire extrêmement variables (du simple au centuple, grosso modo). Ils sont capables, si l’on utilise les bonnes instructions, de traiter des données multiples en une seule instruction. Ils sont capables de prédire la destination de certains branchements et le résultat de certaines conditions, ce qui représente un important facteur d’amélioration des performances (mais là aussi, en bénéficier demande de concevoir des algorithmes et des implémentations qui rendent la prédiciton aisée). L’accès simultané, en lecture et en écriture, aux même données par différents programmes s’exécutant simultanément suit des règles complexes qui rendent assez délicate l’exploitation du parallélisme exposé par le processeur. Voilà quelques changements importants qui me viennent à l’esprit…
Évidemment, vu de loin, vous pouvez vous dire que ce sont des détails de plomberie. Mais, en fonction de la brique que vous implémentez, il peut être nécessaire de prendre en compte toutes ces complications pour atteindre les performances ou le niveau de fiabilité souhaités.
> J’ajoute qu’il y a une autre différence importante: dans un système informatique, la coût des essais est relativement limité, tout simplement parce que vous pouvez en appuyant sur un bouton revenir à l’état initial. C’est beaucoup plus compliqué dans une installation nucléaire…
C’est tout à fait vrai. Ceci dit, cela ne change rien à complexité respective des deux activités…
@ Ian Brossage
[« A quel niveau d’études situez vous les connaissances pour concevoir une base de données ? Personnellement, j’ai une assistante qui fait des merveilles sur Access et tâte du SQL… » Je me suis mal exprimé. Je parlais du *moteur* qui fait tourner la base de données. Une grosse « brique » donc, par exemple Oracle ou PostgreSQL pour les cas les plus classiques, ou un des nombreux moteurs développés ces dernières années pour répondre à des besoins plus récents et plus spécialisés (il y en a vraiment pléthore).]
C’était justement mon point : même si l’intérieur de la boite est complexe, vous n’avez pas besoin de connaître ce fonctionnement pour pouvoir l’utiliser, parce que les interactions de cette boite avec son environnement sont relativement simples, codifiées et limitées. Dans une centrale électrique, ce n’est pas le cas : les interactions entre les différents sous-systèmes sont beaucoup plus complexes, et vous ne pouvez pas vous contenter de connaître les interfaces. Pour faire le travail, vous devez comprendre le fonctionnement de la boîte elle-même.
[Évidemment, vu de loin, vous pouvez vous dire que ce sont des détails de plomberie. Mais, en fonction de la brique que vous implémentez, il peut être nécessaire de prendre en compte toutes ces complications pour atteindre les performances ou le niveau de fiabilité souhaités.]
Mais ma question demeure : dans la foule des informaticiens, combien vont jusqu’à ce degré de finesse ? Combien développent leurs logiciels en pensant aux capacités de prédiction, en optimisant le fonctionnement des caches, en exploitant le parallélisme ? Je ne doute pas qu’il y ait dans les métiers de l’informatique des gens qui connaissent intimement ces questions après avoir passé des années à les étudier. Mais quelle proportion représentent-ils dans la profession ?
J’ajoute que la science de l’informaticien est pour une large part de la connaissance d’objets crées. Les principes fondamentaux sont souvent très simples. Ce qui distingue l’informaticien savant de l’autre est sa connaissance des objets développés sur ces principes (microprocesseurs, logiciels, moteurs de base de données).
[« J’ajoute qu’il y a une autre différence importante: dans un système informatique, la coût des essais est relativement limité, tout simplement parce que vous pouvez en appuyant sur un bouton revenir à l’état initial. C’est beaucoup plus compliqué dans une installation nucléaire… » C’est tout à fait vrai. Ceci dit, cela ne change rien à complexité respective des deux activités…]
Non, mais cela change la somme de connaissances dont un individu a besoin pour faire le travail. En informatique, vous pouvez facilement apprendre ou développer par « essai et erreur ». C’est même ce que les gens font : ils développent une application, l’essayent et corrigent les bugs au fur et à mesure. Lorsque vous construisez une raffinerie, une centrale nucléaire, une aciérie vous ne pouvez pas vous permettre cette façon de faire, parce que les bugs peuvent être très coûteux (et pas seulement en temps ou en argent !). Si vous provoquez un accident chimique ou nucléaire, vous ne pouvez pas ensuite dire « oops ! on va vous corriger ça et on revient ». L’ingénieur industriel doit donc avoir une capacité d’anticipation très grande, et cela nécessite des bons généralistes.
@Descartes
> C’était justement mon point : même si l’intérieur de la boite est complexe, vous n’avez pas besoin de connaître ce fonctionnement pour pouvoir l’utiliser, parce que les interactions de cette boite avec son environnement sont relativement simples, codifiées et limitées. Dans une centrale électrique, ce n’est pas le cas : les interactions entre les différents sous-systèmes sont beaucoup plus complexes, et vous ne pouvez pas vous contenter de connaître les interfaces. Pour faire le travail, vous devez comprendre le fonctionnement de la boîte elle-même.
Si vous lisez le manuel d’utilisation d’une base de données moderne (et la spécification du langage SQL et de ses extensions propriétaires), c’est tout de même loin d’être simple. Par ailleurs, vous avez fort intérêt, pour des cas d’usage non-triviaux, à comprendre un minimum le fonctionnement de la boîte (par exemple comprendre les caractéristiques de performance de tel ou tel type de requête ou de paramétrage – et cela implique in fine de comprendre quelques détails d’implémentation).
Bref, il n’y a pour moi pas une dichotomie si nette que vous le dites. Pour correctement utiliser de façon non-triviale une interface, il faut en général avoir une idée assez juste du fonctionnement interne de la boîte qui l’implémente. Bien sûr, cela ne vaut pas pour des usages très simples.
(une expression fréquemment employée pour désigner cette réalité est que les abstractions ne sont pas étanches : en anglais, il s’agit de « leaky abstractions », qui laissent fuire nombre de détails d’implémentation)
> Mais ma question demeure : dans la foule des informaticiens, combien vont jusqu’à ce degré de finesse ? Combien développent leurs logiciels en pensant aux capacités de prédiction, en optimisant le fonctionnement des caches, en exploitant le parallélisme ? Je ne doute pas qu’il y ait dans les métiers de l’informatique des gens qui connaissent intimement ces questions après avoir passé des années à les étudier. Mais quelle proportion représentent-ils dans la profession ?
Je n’ai évidemment aucun moyen de donner une estimation rigoureuse. Probablement, au doigt mouillé, de l’ordre de 5 à 10%. Tout dépend de ce que vous vouliez prouver dans vos affirmations initiales. S’il s’agit de dire qu’une part importante des informaticiens se consacre à un travail d’assemblage assez peu exigeant intellectuellement, je suis d’accord (ce n’est certainement pas par hasard que le terme « informaticien » est aujourd’hui moins valorisant que celui d’« ingénieur »). Mais vos propos semblaient affirmer que l’informatique par essence est une discipline peu exigeante et paresseuse, et là je ne peux qu’être en désaccord.
> J’ajoute que la science de l’informaticien est pour une large part de la connaissance d’objets crées. Les principes fondamentaux sont souvent très simples. Ce qui distingue l’informaticien savant de l’autre est sa connaissance des objets développés sur ces principes (microprocesseurs, logiciels, moteurs de base de données).
Tout à fait. Cet aspect « connaissance des objets créés » est ce qui fait son charme spécifique, d’ailleurs. L’informatique peut attirer des gens qui se désintéressent de la nature et qui préfèrent un monde artificiel, entièrement façonné par l’homme. Et il n’est pas un hasard qu’une idéologie comme le transhumanisme trouve une grande partie de ses adeptes dans la Silicon Valley.
> Non, mais cela change la somme de connaissances dont un individu a besoin pour faire le travail. En informatique, vous pouvez facilement apprendre ou développer par « essai et erreur ».
Je crois que vous faites une erreur d’appréciation sur la part des connaissances dans ce processus. La *mise au point* d’une application ou d’un algorithme peut se faire en partie sur le mode « essai et erreur », mais il n’empêche que sa conception requiert des connaissances a priori.
Ce n’est pas par « essai et erreur » que l’on remplace un algorithme en temps quadratique par un algorithme en temps linéaire, par exemple. L’« essai et erreur » facilite certainement les processus de mise au point et permet des itérations rapides, mais il ne dispense pas de la mise en oeuvre de connaissances et d’une expertise, sous peine d’aller à la catastrophe.
Soit dit en passant, l’« essai et erreur » n’est pas absent des autres activités d’ingénieur, loin de là : que l’on pense à l’EPR de Flamanville… ne dites-vous pas vous-même qu’un prototype est toujours beaucoup plus coûteux en mise au point que les éléments suivants de la série ? Et ce qui est vrai pour un réacteur nucléaire le sera d’autant plus pour d’autres objets techniques moins grandioses, par exemple une locomotive ou un moteur à explosion.
@ Ian Brossage
[Si vous lisez le manuel d’utilisation d’une base de données moderne (et la spécification du langage SQL et de ses extensions propriétaires), c’est tout de même loin d’être simple.]
Pour l’avoir fait, je ne peux que m’inscrire en faux. Une fois que vous avez saisi la logique de la chose, c’est très simple. En une journée, vous arrivez à formuler des requêtes sans grande difficulté. Il ne faut pas confondre la complexité et la quantité d’information : l’annuaire du téléphone contient une énorme quantité d’information, mais sa logique est simple et n’importe qui peut l’utiliser. Le langage SQL est très riche en possibilités, mais sa logique est très simple.
[Par ailleurs, vous avez fort intérêt, pour des cas d’usage non-triviaux, à comprendre un minimum le fonctionnement de la boîte (par exemple comprendre les caractéristiques de performance de tel ou tel type de requête ou de paramétrage – et cela implique in fine de comprendre quelques détails d’implémentation).]
Comme vous dites : « quelques détails »…
[Bref, il n’y a pour moi pas une dichotomie si nette que vous le dites. Pour correctement utiliser de façon non-triviale une interface, il faut en général avoir une idée assez juste du fonctionnement interne de la boîte qui l’implémente. Bien sûr, cela ne vaut pas pour des usages très simples.]
Je me demande combien de gens qui programment sous Windows en langage évolué savent comment fonctionne un microprocesseur…
[Je n’ai évidemment aucun moyen de donner une estimation rigoureuse. Probablement, au doigt mouillé, de l’ordre de 5 à 10%. Tout dépend de ce que vous vouliez prouver dans vos affirmations initiales. S’il s’agit de dire qu’une part importante des informaticiens se consacre à un travail d’assemblage assez peu exigeant intellectuellement, je suis d’accord (ce n’est certainement pas par hasard que le terme « informaticien » est aujourd’hui moins valorisant que celui d’« ingénieur »). Mais vos propos semblaient affirmer que l’informatique par essence est une discipline peu exigeante et paresseuse, et là je ne peux qu’être en désaccord.]
Je vous rappelle que le sujet qui m’intéressait dans cette discussion était la question de la spécialisation. Pour être schématique, il y a dans les métiers de l’informatique deux types de fonctions : il y a ceux qui fabriquent les « boites noires », et ceux qui les assemblent. Mon point est que ceux qui fabriquent les boîtes sont très spécialisés, et que ceux qui les assemblent ne sont pas véritablement des généralistes au sens que l’assemblage des boites ne nécessite pas beaucoup de connaissances. C’est en ce sens que l’informatique illustre la tendance à la spécialisation qui pour moi est l’une des causes de la mort du « système D ».
Maintenant, si vous voulez parler en termes de « discipline »… je ne crois pas personnellement qu’on puisse parler de l’informatique comme une « discipline » à part. Du point de vue intellectuel, pour ce qui concerne le logiciel l’informatique est une branche des mathématiques, proche de l’algorithmique et de l’analyse numérique. Pour ce qui concerne le matériel, c’est une branche de l’électronique…
[Ce n’est pas par « essai et erreur » que l’on remplace un algorithme en temps quadratique par un algorithme en temps linéaire, par exemple.]
Vous êtes d’un grand optimisme. J’ai vu, de mes yeux vu, des développeurs en informatique choisir dans une bibliothèque d’algorithmes d’approximation « par essai et erreur » (on prend une courbe standard, on fait tourner l’algorithme et on regarde si les points tombent à peu près sur la courbe ou pas). Avec des résultats désastreux parce que les différentes approximations ne réagissent pas de la même manière aux anomalies que peut présenter une courbe réelle…
[Soit dit en passant, l’« essai et erreur » n’est pas absent des autres activités d’ingénieur, loin de là : que l’on pense à l’EPR de Flamanville… ne dites-vous pas vous-même qu’un prototype est toujours beaucoup plus coûteux en mise au point que les éléments suivants de la série ?]
La logique « essai et erreur » consiste à ne pas investir lourdement dans la conception ou la réalisation du produit et de corriger les défauts en phase d’essais. C’est une logique rationnelle dans les cas où le coût de l’essai est minime, ce qui est le cas en informatique mais pas vraiment dans l’industrie lourde en général et dans le nucléaire en particulier. Si le programme crashe, le cout du retour à la situation initiale est faible. Si un réacteur nucléaire crashe, les conséquences peuvent être catastrophiques. Et c’est pourquoi le rapport d’investissement entre la phase de conception et réalisation et la phase d’essais est inversé. Que les concepteurs fassent des erreurs dans la conception et qu’il faille les corriger sur un prototype, c’est une chose. Mais on n’est pas dans la logique « essai et erreur ».
@Descartes et Ian Brossage
Je vois l’informatique “de gestion” comme un domaine qui a comme une sorte de complexe d’infériorité vis à vis de l’industrie. D’ailleurs elle lui emprunte une partie de son vocabulaire (beaucoup de termes commme “production / développement”, le souci de la “qualité”, de la “sécurité”… etc.) Mais trop souvent il y a beaucoup de vent derrière tout ça, car les moyens des ambitions sont rarement là… Sans doute en partie car la majorité des dysfonctionnements informatiques ont des conséquences moins coûteuses qu’une défaillance industrielle ?
Par ailleurs, par rapport à l’industrie, l’informatique a à mon sens un vrai problème avec le temps long : régulièrement des innovations arrivent, sont “à la mode” et s’imposent parce que “tout le monde s’y met c’est comme ça”, on claque des millions alors que les décideurs ne comprennent eux-mêmes pas vraiment les enjeux concrets, et que parfois des systèmes existants pourraient être conservés pour la même efficacité. Bref je trouve qu’il y a un petit côté “on s’amuse dans notre bulle avec la technologie que personne ne comprend de toute façon”. Et on a la mémoire tellement courte dans ce secteur (où “l’expérience” d’ailleurs est bien vue… mais dans une certaine mesure seulement, et pas autant que “l’agilité” !) que certaines “innovations” sont des resucées de trucs qui existaient trente ans auparavant, sans que grand monde y trouve à redire.
Sur ce rapport au temps long on pourrait aussi évoquer le temps de support des logiciels et matériels, qui souvent est de plus en plus réduit ; j’ai vu des logiciels coûtant des centaines de milliers d’euros, pour lesquels une préparation digne de ce nom prend 6 mois, et qu’il faut réinstaller après 18 mois, c’est quand même étonnant. Et aussi le court-termisme incroyable, comme ça a été évoqué dans votre discussion : on change de “projet” comme de chemise, parfois ceux qui démarrent un projet le quittent TOUS en cours de route, et ça ne choque plus personne depuis des années. Ou encore : le recours complètement délirant à une “sous-traitance” via les sociétés de prestation (SSII/ENI), recours censé être ponctuel ou pour des tâches d’expertise bien délimitées, mais quiconque a un pied dans l’informatique sait qu’il n’en est rien. Ce recours empêche certains savoirs de perdurer au sein de l’entreprise, et les personnes concernées de progresser.
Bref je me demande si l’informatique, née récemment, n’a pas tout simplement les défauts de son époque ?
@ tmn
[Je vois l’informatique “de gestion” comme un domaine qui a comme une sorte de complexe d’infériorité vis à vis de l’industrie. D’ailleurs elle lui emprunte une partie de son vocabulaire (beaucoup de termes commme “production / développement”, le souci de la “qualité”, de la “sécurité”… etc.) Mais trop souvent il y a beaucoup de vent derrière tout ça, car les moyens des ambitions sont rarement là… Sans doute en partie car la majorité des dysfonctionnements informatiques ont des conséquences moins coûteuses qu’une défaillance industrielle ?]
Au départ, l’informatique était perçue comme un gadget, une mode, au mieux comme un moyen de faire plus vite ou plus efficacement des choses qu’on savait faire à la main. De ce point de vue, l’ordinateur n’était pas perçu comme un outil aussi indispensable qu’un tour où une fraiseuse, machines indispensables pour la production et qu’on ne pouvait pas raisonnablement substituer.
Aujourd’hui, ce complexe d’infériorité n’a plus aucune raison d’être. Illustration du principe évoqué par Engels selon lequel à partir d’un certain niveau le quantitatif devient qualitatif, l’informatique est devenue dans beaucoup de domaines industriels un outil insubstituable. On n’imagine pas produire rationnellement sans machines à commande numérique, on n’imagine pas remplacer l’ordinateur qui gère la paye par des centaines et des centaines d’employés ramant sur des machines à calculer mécaniques. Et aujourd’hui, une défaillance informatique peut être aussi couteuse qu’une défaillance industrielle.
[Par ailleurs, par rapport à l’industrie, l’informatique a à mon sens un vrai problème avec le temps long : régulièrement des innovations arrivent, sont “à la mode” et s’imposent parce que “tout le monde s’y met c’est comme ça”, on claque des millions alors que les décideurs ne comprennent eux-mêmes pas vraiment les enjeux concrets, et que parfois des systèmes existants pourraient être conservés pour la même efficacité.]
Je suis d’accord. La vitesse à laquelle l’informatique progresse fait que lorsqu’on est en mesure d’évaluer un procédé, celui-ci est déjà obsolète. Et du coup, la logique industrielle du retour d’expérience est peu opérante, et chaque projet est un pari, puisqu’il n’y a pas de précédents sur lesquels s’appuyer. Le décideur a le choix entre garder son ancien système (au risque de se voir dépasser par les concurrents) ou adopter le nouveau que personne n’a encore essayé (au risque qu’il soit moins performant que l’ancien). D’où un certain nombre de désastres rétentissants…
[Et aussi le court-termisme incroyable, comme ça a été évoqué dans votre discussion : on change de “projet” comme de chemise, parfois ceux qui démarrent un projet le quittent TOUS en cours de route, et ça ne choque plus personne depuis des années. Ou encore : le recours complètement délirant à une “sous-traitance” via les sociétés de prestation (SSII/ENI), recours censé être ponctuel ou pour des tâches d’expertise bien délimitées, mais quiconque a un pied dans l’informatique sait qu’il n’en est rien. Ce recours empêche certains savoirs de perdurer au sein de l’entreprise, et les personnes concernées de progresser.]
Mais pour atténuer votre sévérité, il faut dire que c’est le lot courant de toute technologie émergente. Déjà, dans certains domaines on voit une stabilité apparaître. Je pense par exemple à une entreprise comme Dassault Systèmes, qui produit des logiciels dans le domaine de la conception assistée par ordinateur, et qui a une politique de fidélisation de son personnel digne du nucléaire. Les mercenaires du développement ou du conseil restent majoritaires, mais pour combien de temps ?
@Descartes
> Il ne faut pas confondre la complexité et la quantité d’information : l’annuaire du téléphone contient une énorme quantité d’information, mais sa logique est simple et n’importe qui peut l’utiliser.
L’analogie est bien sûr très pertinente entre un annuaire téléphonique (que tout le monde peut utiliser à peu près sans la moindre initiation) et un moteur de bases de données (doté d’une épaisse documentation technique, et pour lequel existent des métiers dédiés et tout un marché de conseil spécialisé à hauts tarifs) .
> Avec des résultats désastreux
C’est bien ce que je disais : dès que vous attaquez un problème un peu pointu, vous ne pouvez pas obtenir de bons résultats sans avoir (ou acquérir) les connaissances théoriques nécessaires. Après, si vous vouliez juste démontrer qu’il existe de mauvais informaticiens qui utilisent de mauvaises méthodes, ce n’était pas la peine d’en passer par de tels détours : tout le monde en conviendra aisément.
Bon, désolé Descartes, mais cette discussion n’a plus aucun intérêt pour moi. Je ne peux pas vous forcer à comprendre qu’il existe un monde au-delà de vos préjugés et de votre expérience personnelle…
@ Ian Brossage
[« Il ne faut pas confondre la complexité et la quantité d’information : l’annuaire du téléphone contient une énorme quantité d’information, mais sa logique est simple et n’importe qui peut l’utiliser ». L’analogie est bien sûr très pertinente entre un annuaire téléphonique (que tout le monde peut utiliser à peu près sans la moindre initiation) et un moteur de bases de données (doté d’une épaisse documentation technique, (…).]
Plus qu’une analogie, c’était un exemple pour illustrer mon point. Et vous vous trompez si vous croyez qu’on peut utiliser un annuaire téléphonique « sans la moindre initiation ». Pour utiliser un annuaire, il faut d’abord savoir lire, et ensuite dominer la règle du classement alphabétique, qui n’a rien d’évident. Bien entendu, la plupart de nos concitoyens dominent ces pratiques, mais elles n’ont en soi rien d’évident.
Mon point, c’est qu’il ne faut pas confondre une complexité liée à la quantité d’information et une complexité liée à la logique même de l’objet. Un microprocesseur d’aujourd’hui a un jeu de registres et d’instructions bien plus étendu que ceux d’il y a trente ans, mais la LOGIQUE de fonctionnement est la même. Les manuels ont beau être passé de quelques dizaines de pages à quelques centaines, celui qui a appris à programmer un microprocesseur d’il y a trente ans n’aura pas de grandes difficultés à programmer un microprocesseur d’aujourd’hui.
[(…) et pour lequel existent des métiers dédiés et tout un marché de conseil spécialisé à hauts tarifs).]
Quel rapport ? Vous savez, il existe des métiers dédiés et tout un marché spécialisé à hauts tarifs dans beaucoup de domaines sans que les tâches sous-jacentes soient très exigeantes du point de vue intellectuel. Pensez aux joueurs de foot…
[C’est bien ce que je disais : dès que vous attaquez un problème un peu pointu, vous ne pouvez pas obtenir de bons résultats sans avoir (ou acquérir) les connaissances théoriques nécessaires. Après, si vous vouliez juste démontrer qu’il existe de mauvais informaticiens qui utilisent de mauvaises méthodes, ce n’était pas la peine d’en passer par de tels détours : tout le monde en conviendra aisément.]
Ce n’était pas tout à fait mon point. La question n’est pas de savoir s’il y a des « mauvais informaticiens », mais pourquoi il y en a tant. Ma théorie est que le faible coût des essais encourage la pratique de « l’essai et erreur » plutôt qu’un travail rigoureux ex ante. On admet parfaitement qu’un logiciel arrive chez le client en recette avec une très longue liste de « bugs » à corriger. On n’admettrait pas qu’une cuve de réacteur nucléaire arrive chez le client avec des défauts qui nécessitent un retour en usine. C’est pourquoi dans l’industrie lourde on investit d’énormes sommes dans la conception, la réalisation et l’inspection : parce qu’une erreur dans ces phases est très coûteuse à réparer. Ce n’est pas le cas en informatique – ou en tout cas, ce n’est pas perçu ainsi.
[Bon, désolé Descartes, mais cette discussion n’a plus aucun intérêt pour moi. Je ne peux pas vous forcer à comprendre qu’il existe un monde au-delà de vos préjugés et de votre expérience personnelle…]
Je vous comprends : c’est toujours difficile de convaincre les autres qu’on détient la vérité, alors qu’eux n’ont que des préjugés…
[Mon expérience avec les informaticiens c’est que parmi eux on trouve surtout… des informaticiens. ]
C’est pour ça qu’on cale entre l’informaticien et le client une personne qu’on appelle “BA” (Business Analyst), dont le boulot est en gros de traduire la demande du client dans un langage que comprend l’informaticien.
@ Yoann
[C’est pour ça qu’on cale entre l’informaticien et le client une personne qu’on appelle “BA” (Business Analyst), dont le boulot est en gros de traduire la demande du client dans un langage que comprend l’informaticien.]
Oui. Mais si on demande aux diplomates de parler une diversité de langues, c’est parce qu’on sait que les négociations par interprète interposé sont en général bien plus longues, bien plus coûteuses et bien moins fructueuses que le dialogue direct…
Il faut comprendre que les différents domaines dans lequel peut s’exercer le métier d’ingénieur ne sont en rien similaires. Un ingénieur qui travaille dans l’électronucléaire est confronté à une demande simple et à peu près constante de la part des usagers et du donneur d’ordres : produire de l’énergie disponible, bon marché et avec un haut niveau de sécurité. Un informaticien est confronté à une multitude de demandes différentes, variables (et parfois même contradictoires d’un interlocuteur à l’autre), selon le projet et la conjoncture du moment. Il est compréhensible que le deuxième puisse avoir plus besoin du truchement d’intermédiaires que le premier (qui peut toujours se glorifier de son « généralisme » alors qu’il aura en réalité résolu le même problème pendant toute sa carrière)…
@ Ian Brossage
[Il faut comprendre que les différents domaines dans lequel peut s’exercer le métier d’ingénieur ne sont en rien similaires. Un ingénieur qui travaille dans l’électronucléaire est confronté à une demande simple et à peu près constante de la part des usagers et du donneur d’ordres : produire de l’énergie disponible, bon marché et avec un haut niveau de sécurité. Un informaticien est confronté à une multitude de demandes différentes, variables (et parfois même contradictoires d’un interlocuteur à l’autre), selon le projet et la conjoncture du moment.]
Je pense que vous avez une vision erronée de ce que fait un ingénieur dans l’électronucléaire. Que ce soit dans l’informatique ou dans l’électronucléaire, vous pouvez formuler un objectif général qui finalement change peu : d’un côté, fournir de l’énergie disponible, bon marché et sûre, de l’autre côté rendre disponibles des outils de calcul ou de gestion efficaces et sûrs. Mais pour tenir cet objectif, le travail de l’ingénieur est de résoudre des problèmes. Et le problème que pose une barre de contrôle coincée dans un réacteur n’est pas très différent de celui que pose le plantage d’un serveur ou l’indisponibilité d’un composant réseau. Les deux sont complexes, les deux nécessitent une attention immédiate. Et les deux voient s’affronter des visions contradictoires.
Il ne faut pas d’ailleurs confondre l’ingénieur d’exploitation et celui de développement. Que ce soit dans le nucléaire ou dans l’informatique, il y a une fonction d’exploitation (« faire marcher un outil existant ») et une fonction développement (« améliorer l’outil existant »).
La différence tient peut-être à la question de la spécialisation. Celui qui travaille dans l’électronucléaire se retrouve au carrefour de techniques variées. On n’imagine pas un ingénieur quelque soient ses fonctions qui n’ait pas une base en physique nucléaire, en chimie, en métallurgie, en mécanique, en électricité… exploiter une installation nucléaire. Par contre, pour exploiter un système informatique…
@Descartes
> Que ce soit dans l’informatique ou dans l’électronucléaire, vous pouvez formuler un objectif général qui finalement change peu : d’un côté, fournir de l’énergie disponible, bon marché et sûre, de l’autre côté rendre disponibles des outils de calcul ou de gestion efficaces et sûrs.
Mon point est que, justement, pour un informaticien, les objectifs « généraux » changent très régulièrement (ne serait-ce que parce qu’un informaticien change souvent de projet) et sont parfois mal exprimés. Il y a, bien sûr, des informaticiens qui travaillent toute leur vie sur un même objectif « métier ». Mais c’est assez rare, parce que les demandes adressées par la société à l’informatique évoluent assez vite.
> Il ne faut pas d’ailleurs confondre l’ingénieur d’exploitation et celui de développement. Que ce soit dans le nucléaire ou dans l’informatique, il y a une fonction d’exploitation (« faire marcher un outil existant ») et une fonction développement (« améliorer l’outil existant »).
Bonne remarque. Il est vrai que, par déformation professionnelle, quand j’entends « informaticien », je pense surtout à la fonction développement (qui, autant que d’améliorer les outils existants, consiste souvent à créer de nouveaux outils pour résoudre de nouveaux problèmes – ou éventuellement résoudre mieux des problèmes existants).
@ Ian Brossage
[Mon point est que, justement, pour un informaticien, les objectifs « généraux » changent très régulièrement (ne serait-ce que parce qu’un informaticien change souvent de projet) et sont parfois mal exprimés.]
Il est vrai que les projets informatiques ont généralement une vie courte comparée aux projets d’installations industrielles (et encore plus dans le nucléaire, ou l’on ne fait rien de sérieux en moins de dix ans). Mais même si les projets se succèdent, ils se ressemblent pas mal les uns par rapport aux autres. Là aussi, la spécialisation est importante.
@ Descartes
Bonjour,
[Celui qui travaille dans l’électronucléaire se retrouve au carrefour de techniques variées. On n’imagine pas un ingénieur quelque soient ses fonctions qui n’ait pas une base en physique nucléaire, en chimie, en métallurgie, en mécanique, en électricité… exploiter une installation nucléaire. Par contre, pour exploiter un système informatique…]
Tout à fait d’accord.
J’ajouterais deux critères qui dans de nombreux cas, les différentient également. L’un porte sur les conditions de travail, avec la difficile gestion des ressources humaines de grosses équipes en 5×7, l’autre sur les conséquences d’une erreur qui, pour le nucléaire peut atteindre voire dépasser Tchernobyl.
Ceci étant dit, je ne connais pas les raisons qui font que les diplômes requis soient obtenus après la même durée d’étude.
A moins qu’il y ait des spécialités complémentaires obligatoires, comme, par exemple, dans les études médicales.
@ Marcailloux
[Ceci étant dit, je ne connais pas les raisons qui font que les diplômes requis soient obtenus après la même durée d’étude.]
En pratique, ils ne le sont pas. On ne vous confie pas une centrale nucléaire au même âge qu’on vous confiera un système informatique. La formation initiale a beau être de même durée, l’expérience exigée n’est pas tout à fait la même. C’est d’ailleurs pourquoi beaucoup de jeunes s’orientent vers l’informatique: c’est un domaine ou l’on peut accéder à des postes relativement élevés et être autonome assez vite, alors que les carrières dans les industries qui nécessitent un apprentissage long sont beaucoup plus graduelles.
Bonsoir ami et camarade,
Je trouve que le système D existe toujours, mais en bas.
C’est ma voisine couturière qui a fabriqué des masques en tissus colorés pour tout le quartier (gratuitement !), sur un modèle trouvé sur internet.
C’est mon boulanger qui, dès le premier jour, a fixé une grande plaque de plexiglas sur sa banque pour protéger ses vendeuses.
C’est le paysan du village voisin qui vivait des marchés forains et qui, après leur interdiction, a créé un véritable “drive” dans son exploitation, où on vient chercher les cagettes de fruits et légumes commandés en ligne la veille. Il prévoit même de pérenniser son drive après la reprise des marchés, devant le succès inattendu !
Les exemples de ce genre sont nombreux, qui montrent que notre peuple n’a rien perdu de sa capacité d’adaptation face aux coups du sort.
Avez-vous remarqué que votre texte adresse ses reproches d’abord aux décideurs, aux responsables de haut vol, aux cadres supérieurs, aux élus, et non aux petites gens ?
Car mon boulanger ne s’est pas demandé si ses vendeuses allaient lui faire un procès. Il a juste pensé qu’une grande plaque de plexiglas… ça devrait le faire.
@ Gugus69
[Je trouve que le système D existe toujours, mais en bas. C’est ma voisine couturière qui a fabriqué des masques en tissus colorés pour tout le quartier (gratuitement !), sur un modèle trouvé sur internet. C’est mon boulanger qui, dès le premier jour, a fixé une grande plaque de plexiglas sur sa banque pour protéger ses vendeuses.]
Peut-être parce que « en bas » la mentalité qui fait qu’on préfère mettre en œuvre une solution fut elle partielle et imparfaite plutôt que de pleurnicher qu’aucune solution ne vous est proposée reste forte. J’ajoute que les artisans restent souvent les travailleurs les moins spécialisés et les plus « généralistes », tout simplement parce que c’est chez eux que la division du travail est la moins poussée. Un artisan boulanger est certes « spécialisé » dans la cuisson de son pain. Mais il doit aussi être capable de négocier avec son fournisseur d’électricité, il doit avoir quelques bases de droit fiscal et de comptabilité, il doit penser à l’aménagement et à la décoration de sa boutique… et puis, si chaque fois qu’un fusible saute il devait appeler l’électricien, on ne s’en sortirait pas.
[Avez-vous remarqué que votre texte adresse ses reproches d’abord aux décideurs, aux responsables de haut vol, aux cadres supérieurs, aux élus, et non aux petites gens ?]
Tout à fait, parce que je continue à penser que « grands pouvoirs, grands devoirs ». Que votre boulanger pleurniche que rien n’est prévu au lieu de mettre une feuille de plexiglass, c’est sérieux, mais infiniment moins grave que lorsqu’un directeur d’école, un maire, un préfet ou un ministre font de même.
[Car mon boulanger ne s’est pas demandé si ses vendeuses allaient lui faire un procès. Il a juste pensé qu’une grande plaque de plexiglas… ça devrait le faire.]
En même temps, si « ça ne devait pas le faire », il risque bien moins qu’un ministre…
@ Descartes et gugus69
Bonjour,
[En même temps, si « ça ne devait pas le faire », il risque bien moins qu’un ministre…]
Oui et non.
Supposons que la protection mise en place par le boulanger s’avère insuffisante et que ses vendeuses soient atteintes par le Covid19 avec éventuellement décès d’elles ou/et de leurs proches. Le boulanger, même s’il n’est pas inquiété par la justice portera toute sa vie le poids moral de sa carence.
Le ministre, en général se verra attribué une responsabilité statistique anonyme et s’en tirera avec des arguments rhétoriques bien charpentés. Sa situation n’est pas vraiment moins enviable que celle du boulanger d’autant plus que ce dernier n’a pas vocation à endosser ce type de responsabilité.
@ Marcailloux
[« En même temps, si « ça ne devait pas le faire », il risque bien moins qu’un ministre… » (…) Supposons que la protection mise en place par le boulanger s’avère insuffisante et que ses vendeuses soient atteintes par le Covid19 avec éventuellement décès d’elles ou/et de leurs proches. Le boulanger, même s’il n’est pas inquiété par la justice portera toute sa vie le poids moral de sa carence.]
Tout comme le ministre. Mais le boulanger ne risque pas d’être trainé dans la boue dans les médias, de se voir conspuer par des manifestants aux cris « assassin ! assassin ! », de voir la façade de sa maison bombée d’insultes à la peinture rouge, de devoir s’enfermer chez lui pour ne pas être reconnu dans la rue. Par ailleurs, vous faites erreur en pensant que les hommes politiques sont insensibles aux conséquences de leurs actes. Pour un homme comme Laurent Fabius, et alors même que les juges l’ont blanchi, l’interrogation sur sa propre responsabilité dans l’affaire du sang contaminé a été pour lui une véritable torture.
“En même temps, si « ça ne devait pas le faire », il risque bien moins qu’un ministre…”
Je suis pas sur
Si la vendeuse lui colle un proces, ca va empoisonner sa vie au mieux (il va falloir qu il trouve et paie un avocat, il va devoir aller voir un juge d instruction aller au proces …). Au pire il perd le proces et devra payer une somme qui le mettra en faillite
D un autre cote, que risque un ministre. Au mieux c est “responsable mais pas coupable” et rien ne se passe. Son parti fait bloc derriere lui et apres un certain temps les medias passeront a autre chose. Au pire des cas, c est la CJR (https://fr.wikipedia.org/wiki/Cour_de_justice_de_la_R%C3%A9publique#Affaires_jug%C3%A9es)
Vous constaterez qu il y a eut peu d affaires jugees, donc soit nos ministres sont des modeles de probites soit ils passent souvent entre les gouttes
Si on regarde le jugements
-détournement de 8 510 000 francs ->20 000€ d amende (soit 120 000 FF pour avoir pris 8.5 millions !)
– pasqua : 3 proces, une seule condamnation a 1 an avec sursis (autrement dit rien)
– lagarde : dispensee de peine pour pouvoir faire la brillante carriere qu on lui connait (au FMI puis a la BCE).
– urvoas (PS): renseigne un ami (LR comme quoi il y une certaine solidarite entre politiciens) sur les procedures judiciaires en cours contre lui, 1 mois avec sursis
– balladur/leotard (pot de fin lie a la ventes d armes au pakistan): le proces n a toujours pas eut lieu. Je suppose qu ils attendent les 100 ans de Balladur 😉
@ cdg
[“En même temps, si « ça ne devait pas le faire », il risque bien moins qu’un ministre…” Je ne suis pas sûr. Si la vendeuse lui colle un procès, ça va empoisonner sa vie au mieux (il va falloir qu’il trouve et paie un avocat, il va devoir aller voir un juge d’instruction aller au procès …). Au pire il perd le procès et devra payer une somme qui le mettra en faillite.]
Sauf s’il a commis une faute grave et caractérisée, son assurance paiera les frais de justice et l’éventuelle indemnisation. Mais d’ailleurs c’est exactement la même chose pour le ministre.
[D’un autre côté, que risque un ministre. Au mieux c’est “responsable mais pas coupable” et rien ne se passe. Son parti fait bloc derrière lui et après un certain temps les médias passeront a autre chose. Au pire des cas, c’est la CJR]
Vous oubliez le fait d’être trainé dans la boue dans les médias, conspué dans les manifestations, voir sa maison taguée d’inscriptions, ne pas pouvoir sortir dans la rue, aller au théâtre ou au cinéma sans se faire agresser ou insulter, recevoir des appels téléphoniques d’insultes, des lettres de menaces… et tout cela même si le juge vous reconnaît parfaitement innocent.
[Vous constaterez qu’il y a eut peu d’affaires jugées, donc soit nos ministres sont des modèles de probité soit ils passent souvent entre les gouttes]
Soit, plus vraisemblablement, parce que la CJR ne juge que les actes commis par les ministres dans l’exercice de leurs fonctions (seul le président de la République dispose d’une immunité générale). Si un ministre commet un vol à l’étalage, il ne passe pas devant la CJR mais devant un tribunal ordinaire. Or, dans l’exercice de ses fonctions un ministre est soumis à des contrôles très étroits qui le protègent. Il ne peut pas dépenser un sou sans le contreseing du contrôleur financier, et les actes administratifs (décrets, arrêtés, circulaires) passent par toute une série de contrôles qui permettent aux fonctionnaires de pointer au ministre les risques qu’il prend…
“Vous oubliez le fait d’être trainé dans la boue dans les médias, conspué dans les manifestations, voir sa maison taguée d’inscriptions, ne pas pouvoir sortir dans la rue …”
Un boulanger qui aura sur facebook une accusation infamante (vrai ou fausse) aura un sort encore pire. Boycott du magasin (->faillite ?), menace de mort, tags et vandalisme (mais la police se deplacera surement pas contrairement a un ministre (segolene royal se fait defoncer la porte de son appart, la police enquete et arrete la coupable. il vous arrive la meme chose -> rien)
” Si un ministre commet un vol à l’étalage, il ne passe pas devant la CJR mais devant un tribunal ordinaire. Or, dans l’exercice de ses fonctions un ministre est soumis à des contrôles très étroits qui le protègent”
Bon je doute qu un ministre s amuse a piquer dans les supermarchés 😉
Par contre J Lang par ex est connu pour ne pas payer quand il va au restaurant (http://www.leparisien.fr/paris-75/le-traiteur-noura-reclame-41-000-euros-d-impayes-a-jack-lang-et-son-epouse-12-02-2015-4527993.php) et a ma connaissance il n a jamais ete condamné par un tribunal ordinaire
Et si on parle des ministres en exercice, il faut etre tres naif pour croire que le scandale des retro-commissions sur le contrat pakistanais est le seul (rappelez vous les fregates de taiwan). En general ce type d affaires sont etouffes dans l oeuf si elle font surface. La ca n a pas ete le cas a cause de la guerre entre chiraquien et balladurien
@ cdg
[“Vous oubliez le fait d’être trainé dans la boue dans les médias, conspué dans les manifestations, voir sa maison taguée d’inscriptions, ne pas pouvoir sortir dans la rue …”. Un boulanger qui aura sur facebook une accusation infamante (vrai ou fausse) aura un sort encore pire. Boycott du magasin (faillite ?), menace de mort, tags et vandalisme]
Pourriez-vous citer un exemple précis ?
[Par contre J Lang par ex est connu pour ne pas payer quand il va au restaurant]
Si vous lisez l’article en question, vous noterez que J. Lang a payé (l’article parle d’arrangement amiable) et que le traiteur le traine quand même devant les tribunaux. On verra s’il est ou non condamné.
[Et si on parle des ministres en exercice, il faut être très naïf pour croire que le scandale des rétro-commissions sur le contrat pakistanais est le seul (rappelez-vous les frégates de Taiwan). En général ce type d’affaires sont étouffes dans l’œuf si elle font surface.]
Comment le savez-vous, puisqu’elles sont étouffées ? Ici, vous illustrez parfaitement le raisonnement complotiste : le fait qu’on ne le voit pas prouve que c’est caché.
@decartes
J ai pas d exemples de boulanger lynche sur facebook mais pour prendre des exemples tres recents vous avez des gens qui ont vu leur vie pro s effondrer apres des accusations @meetoo ou ligue du lol. Ou une gamine qui a eut des menace de mort apres avoir carché sur l islma (mila). Et il s agit de cas suffisament “mediatique” pour etre connus de tous.
“Comment le savez-vous, puisqu’elles sont étouffées ? Ici, vous illustrez parfaitement le raisonnement complotiste : le fait qu’on ne le voit pas prouve que c’est caché.”
Non. On sait qu elle sont etouffé car elles ne sortent qu en cas de lutte de pouvoir au sommet. On peut supposer que le niveau de corruption et de magouille est constant dans le temps mais par contre la floraison des “affaires” est liées a une periode ou une partie du pouvoir n a aucun interet a freiner les investigations bien au contraire (car ca eclabousse surtout ses opposants)
Si on prend mon exemple des retro commissions suite a la vente d rames au pakistan. Les beneficiaires etaient balladuriens (au pouvoir a l epoque). Manque de chance, Balladur perd les elections et le nouveau president et son equipe considerent ses balladuriens comme des traitres. Donc pourquoi prendre des risques pour sauver Leotard ?
Meme chose pour le casino de Pasqua a Annemasse. L affaire date de 1994 (Pasqua ministre de Balladur)mais l instruction de 2001-2006 (https://fr.wikipedia.org/wiki/Affaire_du_casino_d%27Annemasse).
Plus recement et a un niveau moindre (les retro commissions ont quand meme fait un mort) regardez ce qui est arrivé a notre ambassadrice chez les pingouins. Elle n avait evidement aucune qualité pour etre nommé a ce poste (poste dont l utilité meme est discutable). Une fois nommé elle ne participait pas aux reunions (aucun interet mediatique ?). Et au bout de 3 ans (elle a ete nommé en 2017) patatras, l etat se reveille et la démet de ses fonctions. Soit l etat est tres tres long a la detente (3 ans pour se rendre compte qu elle ne faisait rien) soit des mauvais esprits comme moi disent qu on lui a donné un emploi fictif en connaissance de cause en 2017 et qu on lui a retiré quand elle a critiqué trop fort la main qui la nourrit
PS: Segolene a ete nommé ambassadrice des poles “sur proposition de la ministre auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes”, d apres le communiqué publié par la présidence de la République à l’issue du Conseil des ministres. Il s agit donc pas la d une decision d un obscur fonctionnaire mais d une proposition d un ministre actée par les autres (et du president de la republique). Donc d un consensus au plus haut niveau pour nommer une incapable et depenser inutilement l argent de l etat
@ cdg
[Je n’ai pas d’exemples de boulanger lynche sur facebook mais pour prendre des exemples très récents vous avez des gens qui ont vu leur vie pro s’effondrer après des accusations @meetoo ou ligue du lol. Ou une gamine qui a eu des menaces de mort après avoir craché sur l’islâm (mila). Et il s’agit de cas suffisamment “médiatiques” pour être connus de tous.]
La question ici n’était pas l’effet néfaste de la calomnie ou de la rumeur malveillante, déjà documenté dans la Rome antique, ou les conséquences de l’intolérance religieuse. Mais ici, ce n’était pas le sujet. La question était qui, du politique ou du boulanger, risque le plus. Vous ne pouvez me donner un seul exemple de boulanger qui ait été persécuté par ses voisins, agressé dans la rue, obligé d’abandonner son métier et son magasin dans une telle situation. Moi, je peux vous donner un flot d’exemples d’hommes politiques qui l’ont vécu. C’était là mon point.
[“Comment le savez-vous, puisqu’elles sont étouffées ? Ici, vous illustrez parfaitement le raisonnement complotiste : le fait qu’on ne le voit pas prouve que c’est caché.” Non. On sait qu’elles sont étouffées car elles ne sortent qu’en cas de lutte de pouvoir au sommet.]
Je répète : comment savez-vous qu’il y en a qui restent cachées ?
[On peut supposer que le niveau de corruption et de magouille est constant dans le temps mais par contre la floraison des “affaires” est liées à une période ou une partie du pouvoir n’a aucun intérêt a freiner les investigations bien au contraire (car ça éclabousse surtout ses opposants)]
On peut « supposer » beaucoup de choses. Mais une « supposition » ne constitue pas une preuve. Avec le même genre de raisonnement, on peut « supposer » que les extraterrestres ont débarqué à Roswell, ou que l’homme ne s’est jamais posé sur la lune, et que tout est une immense simulation. Une fois encore, je vais sortir mon rasoir d’Occam : toutes les affaires « sortent » parce que dans toutes les affaires il y a des luttes de pouvoir, et il y a toujours des gens qui ont intérêt que cela se sache.
[Plus récemment et a un niveau moindre (les retro commissions ont quand même fait un mort) regardez ce qui est arrivé à notre ambassadrice chez les pingouins. Elle n’avait évidemment aucune qualité pour être nommé à ce poste (poste dont l’utilité même est discutable).]
L’utilité du poste n’est guère discutable. La France a des intérêts considérables dans les zones arctiques et antarctiques, et le fait d’avoir un fonctionnaire de haut rang pour suivre ces affaires et peser dans les négociations ne peut qu’aider nos affaires. Le problème, c’est que les politiques voient ce poste comme une sinécure, et qu’au lieu de nommer un diplomate expérimenté – ce qui a été la pratique pendant des années – le poste sert de retraite aux politiques. Cela a commencé avec Rocard, cela continue avec Ségolène.
[Une fois nommé elle ne participait pas aux réunions (aucun intérêt médiatique ?). Et au bout de 3 ans (elle a été nommé en 2017) patatras, l’état se réveille et la démet de ses fonctions. Soit l’état est très très long a la détente (3 ans pour se rendre compte qu’elle ne faisait rien) soit des mauvais esprits comme moi disent qu’on lui a donné un emploi fictif en connaissance de cause en 2017 et qu’on lui a retiré quand elle a critiqué trop fort la main qui la nourrit.]
C’est tout à fait cela. Ce que je ne comprends pas, c’est pourquoi vous mêlez l’Etat à cette affaire. Ce n’est pas l’Etat qui nomme les ambassadeurs, c’est le gouvernement. C’est une désignation politique, et non une nomination administrative. Mais je ne comprends pas très bien ce que vous voulez prouver avec cet exemple. Là encore, la nomination de Ségolène au poste était publique, tout comme son incompétence pour cette fonction. Le scandale, si scandale il y a, n’était nullement caché.
[Des syndicats qui expliquent qu’il est « impossible » d’assurer le redémarrage des lieux de travail dans des conditions de sécurité acceptables aux élus que déclarent qu’il est « impossible » de rouvrir les écoles, les collèges et les lycées, en passant par les patrons qui expliquent qu’il est « impossible » de reprendre les activités économiques si on ne leur garantit une exonération de responsabilité, tout le monde a une bonne raison pour ne pas faire.]
Parce que tout le monde est rationnel -enfin une bonne nouvelle- ! Un simple coût-bénéfice tend à déclarer “qu’il est impossible”. Qui est prêt à être pénalement responsable sans en retirer quelque chose? Descartes serait il pas cartésien ?
[, c’est vrai pour l’Education nationale : pour la réouverture des écoles, 60 pages de prose administrative expliquent aux enseignants et aux autorités ce qu’il faut ou ne faut pas faire. Bien entendu, le texte est immédiatement critiqué : chacun trouve qu’il ne prend pas en compte les problèmes spécifiques, les situations particulières. Normal, pour prendre en compte toutes les situations, il faudrait non 60 pages, mais 600 et dix ans de préparation. Mais l’erreur du ministère est de céder à cette demande infantile de « consignes ». A la place des 60 pages, une seule aurait suffi. Une seule phrase même. Et cette phrase aurait dû être « les écoles doivent être réouvertes, démerdez-vous ». A chacun de trouver des solutions sur le terrain, et d’en prendre les responsabilités. ]
Ce paragraphe me fait penser aux starts up qui se déclarent que leur entreprise est une famille et que chacun employé est donc considéré comme un membre de cette famille. Et voilà, la crise n’aidant pas, la start up licencie. Vous vous voyez licencier votre oncle, votre frère sauf urgence absolue ?
Revenons à notre noeud du problème. Votre solution ne marchera pas tant que vous ferez porter une épée de Damoclés, une épée judiciaire, au dessus de la tête des derniers de cordées. Pourquoi les enseignants prendraient des risques si leur ministre et leurs recteurs sont capables d’en prendre aucuns? A qui ira les lauriers? A qui ira les emmerdes? Si les parents portent plainte, qui ira défendre l’enseignant? Vous croyez sérieusement que la hiérarchie va faire bloc, l’aider comme un membre de sa famille?
Alors pourquoi prendre des responsabilités quand on a rien à gagner et tout à perdre? Parce qu’on a le feu sacré? Enseigner est une mission vitale? Et bien si c’était la préoccupation du ministère, outre toutes les erreurs de communication, pourquoi pondre 60 pages pour se dédouaner de tous les incidents? Pourquoi pondre des mesures qui vont rendre impossible d’enseigner mais qui juridiquement permet de se dédouaner ?
Le “démerdez vous” n’existe que quand on sait qu’on a le soutien inconditionnel de sa hiérarchie. Que si on a un problème, elle fera son possible – si c’est justifié- pour vous protéger. Bref, vous parlez d’un temps révolu.
Dieu sait que j’adhère à vos papiers, mais là, je trouvais cela injuste. A ceux qui ont le pouvoir, ils l’ont voulu ,d’en assumer les responsabilités puisqu’ils en acceptent les bénéfices.
[Cette spécialisation touche tous les niveaux, du détenteur du CAP au Polytechnicien.]
Il faut être employable rapidement. Et quand une école commence, c’est la course a l’échalote. entres les écoles. Les classements vous comprenez. Un peu comme les stages. Bientôt, plus besoin d’aller à l’école, les stages serviront de cursus.
En même temps – c’est à la mode parait il- les entreprises n’ont plus vraiment le temps de former. Déjà ça coûte, et puis les gens ne restent plus aussi longtemps dans l’entreprise que leurs parents. Voyez les GAFAM, le rêve de tous employés mais qui restent en moyenne moins de 2 ans…
Si on parle plus sérieusement, le problème vient de plus loin. Quand on axe son avenir sur l’économie et non plus sur la Nation. Quand “on ouvre l’école sur le monde du travail”, et non plus les besoins du pays. Vous déplorez l’école, mais je crois plutôt que vous déplorez le reflet de notre société qu’elle reflète. Vous n’êtes pas le seul.
@ Barbey
[Parce que tout le monde est rationnel -enfin une bonne nouvelle- ! Un simple coût-bénéfice tend à déclarer “qu’il est impossible”. Qui est prêt à être pénalement responsable sans en retirer quelque chose? Descartes serait il pas cartésien ?]
Pas d’accord. Le calcul coût/bénéfice que vous faites est un calcul à court terme. A long terme, le peuple pourrait se demander a quoi sert de payer grassement des décideurs qui consacrent leurs efforts à proclamer que « c’est impossible » de résoudre les problèmes plutôt qu’à chercher des solutions. Ce qui serait désastreux pour les décideurs. Mon point, justement, est que le système doit être équilibré : il faut que la récompense – matérielle et symbolique – qu’on reçoit pour avoir résolu un problème soit avantageuse comparée au risque qu’on prend à essayer de le faire. Et « en même temps », le caractère tragique de la politique fait qu’il est très difficile de créer un tel système.
[Ce paragraphe me fait penser aux starts up qui se déclarent que leur entreprise est une famille et que chacun employé est donc considéré comme un membre de cette famille. Et voilà, la crise n’aidant pas, la start up licencie. Vous vous voyez licencier votre oncle, votre frère sauf urgence absolue ?]
L’idée que l’entreprise est une grande famille dont le patron serait la figure paternelle est un grand classique du capitalisme industriel. Et pour beaucoup de patrons proches de la production, licencier un de leurs travailleurs était une tragédie, un peu comme licencier votre oncle ou votre frère. Dans certaines entreprises « paternalistes » – on pense par exemple à Michelin – la sécurité de l’emploi était aussi forte que chez EDF ou dans la fonction publique… du moins aussi longtemps qu’il respecte les règles du « père ».
[Revenons à notre nœud du problème. Votre solution ne marchera pas tant que vous ferez porter une épée de Damoclès, une épée judiciaire, au-dessus de la tête des derniers de cordées. Pourquoi les enseignants prendraient des risques si leur ministre et leurs recteurs sont capables d’en prendre aucuns ? A qui iront les lauriers ? A qui iront les emmerdes ? Si les parents portent plainte, qui ira défendre l’enseignant ? Vous croyez sérieusement que la hiérarchie va faire bloc, l’aider comme un membre de sa famille ?]
Mais justement, le statut de la fonction publique est là pour portéger l’agent public de cette « épée de Damoclès » judiciaire. L’enseignant, comme tout fonctionnaire, n’est responsable que lorsqu’il comment une faute personnelle, détachable du service. Lorsqu’il obéit aux instructions de sa hiérarchie, il est couvert – sauf lorsque ces instructions sont « manifestement illégales et de nature à compromettre gravement l’ordre public ». Le statut du fonctionnaire est en fait un instrument qui devrait servir à libérer les initiatives, puisque le fonctionnaire est en principe protégé.
Il faut d’ailleurs savoir ce qu’on veut. Pendant des années on a craché sur les corps de la fonction publique, reprochant à leurs membres – et à leur hiérarchie – de se couvrir entre eux. Et maintenant, vous m’expliquez que sans cette couverture on se condamne à voir les agents publics refuser de faire leur boulot ou d’improviser au moindre prétexte ?
[Alors pourquoi prendre des responsabilités quand on a rien à gagner et tout à perdre ?]
C’était bien ma proposition : il faut modifier le système des punitions et des récompenses de manière que le rapport coût/avantages pousse les gens à la recherche de solutions aux problèmes plutôt qu’à une attitude passive et défensive. Mais il faut aussi être cohérent : si on veut libérer la créativité des agents, il faut arrêter de chercher en permanence à punir des coupables. C’est cette suspicion à priori, ce victimisme qui constitue le plus grand frein à l’action dans notre pays, bien plus que la « lourdeur » ou « l’inefficacité » des organisations. Lourdeur et inefficacité qui d’ailleurs sont souvent provoqués par le besoin de se protéger de cette remise en cause continuelle.
[Le “démerdez vous” n’existe que quand on sait qu’on a le soutien inconditionnel de sa hiérarchie. Que si on a un problème, elle fera son possible – si c’est justifié- pour vous protéger. Bref, vous parlez d’un temps révolu.]
J’en ai parfaitement conscience. Une hiérarchie ne tire sa légitimité que par sa capacité à prendre ses responsabilités, de protéger ses subordonnés et de partager sa gloire avec eux.
[Dieu sait que j’adhère à vos papiers, mais là, je trouvais cela injuste. A ceux qui ont le pouvoir, ils l’ont voulu, d’en assumer les responsabilités puisqu’ils en acceptent les bénéfices.]
Je pense que vous m’avez mal compris. Je comprends parfaitement le dilemme que vous formulez. Mais j’aimerais qu’à l’heure d’entamer des combats syndicaux, les enseignants – et en général les agents publics – consacrent plus d’efforts à exiger que la hiérarchie fasse son boulot, et un peu moins à ouvrir les parapluies et à se laver les mains (même si ces pratiques sont recommandées par la faculté aujourd’hui). Par certains côtés, cela nous ramène à mon analyse du mouvement des Gilets Jaunes, un mouvement qui à mon sens visait moins à renverser les élites qu’à exiger qu’elles fassent le boulot pour lequel elles sont mandatées, et qui justifie leurs privilèges.
[Il faut être employable rapidement. Et quand une école commence, c’est la course a l’échalote. entres les écoles. Les classements vous comprenez. Un peu comme les stages. Bientôt, plus besoin d’aller à l’école, les stages serviront de cursus.]
Certes. Là encore, je ne cherche pas à identifier des coupables, mais à comprendre le processus. Comme vous dites, sous l’effet de la concurrence dans le domaine des formations, l’objectif d’être « employable rapidement » a remplacé celui d’être « employable longtemps ». Comme dans beaucoup d’autres domaines, la régulation par le marché conduit à sacrifier le long terme au court terme. Et cela implique un risque important : pus un être vivant est spécialisé, et plus il peut tirer avantage du milieu dans lequel il vit… mais plus vite il risque de disparaître si le milieu venait à changer.
[Si on parle plus sérieusement, le problème vient de plus loin. Quand on axe son avenir sur l’économie et non plus sur la Nation. Quand “on ouvre l’école sur le monde du travail”, et non plus les besoins du pays. Vous déplorez l’école, mais je crois plutôt que vous déplorez le reflet de notre société qu’elle reflète. Vous n’êtes pas le seul.]
Tout à fait ! L’école n’est que le miroir de la société.
Beau texte , écrit en bon français malgré , ici et là quelques emprunts à la novlangue , et quelques fautes d ‘orthographe sans doute d’inattention . Je l’ai relu plusieurs fois pour en saisir l’ idée principale et il m’a semblé que l’ auteur s ‘intéressait surtout aux moyens plus qu’ au but . Quel est le but essentiel de l’activité humaine ( je devrais dire “devrait être ” ou ” pourrait être ” ) Actuellement le but est l’argent – gagner de l’argent d’une manière ou d’une autre : il s’agit de fabriquer et de vendre n’importe quoi ( ceci est un constat , pas un jugement ; encore moins une condamnation du commerce ) Je n’ai pas de réponse au problème soulevé par l’auteur . Je me risquerai cependant à une petite critique au sujet de l’ improvisation . Si vous voulez improviser au piano , ce qu’il vous faut avant tout , c ‘est une bonne connaissance des accords . Vous pouvez apprendre le latin , les mathématiques ou toute autre discipline ; cela vous donnera du plaisir , mais ne vous aidera pas à improviser . A mon avis , ce qui manque à notre société d’hommes c’ est une vision du monde . Il est clair qu’il n y a d’autre capitaine dans ce bateau que ” l ‘ improvisation ” justement , mais une improvisation aveugle , du fait que les évènements se produisent de manière imprévue . Absorbés par le présent les hommes ne voient pas les conséquences de leurs actes , et , quand elles arrivent ils sont surpris et paralysés .
@ Brochard
[(…) et il m’a semblé que l’auteur s‘intéressait surtout aux moyens plus qu’au but. Quel est le but essentiel de l’activité humaine (je devrais dire “devrait être ” ou ” pourrait être ”). Actuellement le but est l’argent – gagner de l’argent d’une manière ou d’une autre : il s’agit de fabriquer et de vendre n’importe quoi (ceci est un constat, pas un jugement ; encore moins une condamnation du commerce)]
Posé comme cela, le monde devient incompréhensible. Il est impossible de comprendre pourquoi l’homme se fixerait comme but ultime de posséder la plus grande quantité possible de bouts de papier avec des chiffes dessus (ou, pour être plus moderne, une page internet avec des chiffres dessus). Même du point de vue évolutionniste, on voit mal d’où l’être humain pourrait tirer un quelconque plaisir à regarder ces chiffres.
En fait, le but de l’homme est le même depuis la nuit des temps : chercher le plaisir et éviter la douleur, et cela aussi longtemps que possible. Et bien entendu, propager son patrimoine génétique. Nous sommes programmés par des centaines de milliers d’années d’évolution pour aller dans ce sens.
Maintenant, quel est le meilleur moyen d’accéder au plaisir, d’éviter la douleur, et de propager son patrimoine génétique ? Et bien, dans une société féodale, c’est d’avoir un nom honoré par ses exploits guerriers ou spirituels. Dans une société capitaliste, c’est d’avoir de l’argent. L’argent dans notre société n’est donc pas le « but », mais tout juste un moyen…
[Je n’ai pas de réponse au problème soulevé par l’auteur. Je me risquerai cependant à une petite critique au sujet de l’improvisation. Si vous voulez improviser au piano, ce qu’il vous faut avant tout , c ‘est une bonne connaissance des accords. Vous pouvez apprendre le latin, les mathématiques ou toute autre discipline ; cela vous donnera du plaisir, mais ne vous aidera pas à improviser.]
Peut-être, mais le jour où une touche du piano sera coincée et vous n’aurez pas un réparateur sous la main, une petite connaissance en mécanique peut sauver le concert. Et puis, pour improviser la connaissance de l’harmonie n’est pas inutile, et il est difficile de faire de l’harmonie sans une base mathématique. Mais votre analogie est inopérante parce que celui qui improvise au piano n’a aucun problème à résoudre. Sa recherche n’implique pas une question de moyens.
[A mon avis, ce qui manque à notre société d’hommes c’est une vision du monde.]
Mais justement, seuls les généralistes ont une « vision du monde ». Les spécialistes n’ont qu’une vision de ce qui concerne leur spécialité. Comment voulez-vous construire une « vision du monde » sans avoir justement une culture suffisamment générale pour embrasser le monde dans tous ses aspects, quitte à demander de l’aide aux spécialistes lorsqu’il s’agit de traiter un domaine précis ?
Par ailleurs, je ne vois pas très bien en quoi une « vision du monde » vous aiderait à trouver un moyen d’accueillir vos élèves en classe, d’organiser le fonctionnement d’une usine en protégeant les travailleurs… il ne faudrait pas oublier que, paraphrasant Napoléon, la conduite des affaires publiques est aussi un art tout d’exécution. Le meilleur « projet de société » ne vaut rien sans la capacité de trouver des solutions aux problèmes concrets que sa mise en œuvre posera indéfectiblement.
IL y a toujours des gens pour expliquer à un musicien ce qu ‘ est la musique . En ce qui concerne Napoléon , l’ exemple ne semble pas très bien choisi , car il avait précisément une “vision du monde ” , savoir ou l’ on va et pourquoi . Le monde dans lequel on vit est un monde aveugle et anarchique ; chacun tire sur la corde dans son propre intérêt . Par ailleurs propager son patrimoine génétique ça s’appelle se reproduire . Se nourrir et se reproduire était sans doute la “vision du monde ” de l’homme primitif et , en accord avec ce qui est dit , c ‘ est dans la satisfaction de ces besoins que se trouvaient son plaisir ou sa douleur . Quand on parle de ” projet de société ” , on parle de vision du monde , et la vrai question pour moi, est de savoir de quoi on parle exactement .
@ brochard
[IL y a toujours des gens pour expliquer à un musicien ce qu‘est la musique.]
Et il y a aussi des gens qui se prennent pour des musiciens alors qu’ils jouent faux…
[En ce qui concerne Napoléon, l’exemple ne semble pas très bien choisi , car il avait précisément une “vision du monde ”, savoir où l’ on va et pourquoi.
Peut-être, mais sa vision n’aurait été d’aucune utilité s’il n’avait pas dominé, plus que tout autre, l’art de l’exécution. Sans quoi sa « vision du monde » serait morte avec lui et on n’en aurait jamais parlé. Avant de gagner la guerre, il faut savoir gagner des batailles. Et c’était là mon point.
[Le monde dans lequel on vit est un monde aveugle et anarchique ; chacun tire sur la corde dans son propre intérêt.]
Il faudrait vous décider : dans la première proposition de votre phrase vous affirmez que le monde est un chaos, dans le second vous déclarez qu’il connaît un principe d’organisation. Si chacun agit en fonction de son intérêt, cela veut dire que les actions de chaque acteur sont guidées par une logique. Elles ne sont donc ni « aveugles » ni « anarchiques ».
[Par ailleurs propager son patrimoine génétique ça s’appelle se reproduire.]
Les deux sont liés, mais il ne faudrait pas les confondre. Se reproduire est un moyen, propager son patrimoine génétique est un résultat.
[Se nourrir et se reproduire était sans doute la “vision du monde ” de l’homme primitif et, en accord avec ce qui est dit, c ‘ est dans la satisfaction de ces besoins que se trouvaient son plaisir ou sa douleur.]
L’impulsion à se nourrir et se reproduire (en fait, se nourrir POUR pouvoir se reproduire) est inscrite dans nos instincts par le processus de l’évolution. Même les amibes y sont soumises, et pourtant on peut difficilement imaginer qu’elles aient une « vision du monde ». Parler de « vision du monde » revient à introduire un processus rationnel, une tentative de donner un sens aux phénomènes qu’on observe. L’homme commence à avoir une « vision du monde » le jour où il va au-delà de l’instinct.
[Quand on parle de ” projet de société ”, on parle de vision du monde, et la vraie question pour moi, est de savoir de quoi on parle exactement.]
Là encore, il faut distinguer un « projet de société » (qui nous parle d’une société qui n’existe pas, du moins pas encore) avec une « vision du monde », qui est une opération sur le monde réel tel qu’il existe.
Prouvez-moi que le monde actuel n’est ni aveugle ni anarchique . En ce qui concerne la musique ,l ‘auteur de ces lignes est organiste , pianiste de jazz et professeur . Cessez d’étaler un savoir que vous n’avez pas . Il y a un manque de réflexion dans vos critiques et peut-être aussi de maturité .
@ brochard
[Prouvez-moi que le monde actuel n’est ni aveugle ni anarchique.]
C’est vous qui le premier a affirmé que le monde était « aveugle et anarchique ». En bonne logique, il vous appartient donc de prouver que vos affirmations sont vraies, avant de me demander de les prouver fausses.
Mais bon, faisons comme si la charge de la preuve me revenait. C’est vous-même qui me la fournissez, lorsque vous écrivez que « chacun tire sur la corde dans son propre intérêt ». Car si chacun agit en fonction de son propre intérêt, cela implique qu’il agit de façon organisée, et non « aveugle et anarchique ». On ne peut pas à la fois affirmer que l’intérêt est le principe d’organisation des actions humaines, et ensuite affirmer que le monde est « aveugle et anarchique », ce qui suppose qu’aucun principe d’organisation ne peut être dégagé. Si l’on est gouverné par son intérêt, on ne peut pas être « anarchique » (étymologiquement « sans gouvernement »).
L’argument plus fort contre l’idée que le monde serait « aveugle et anarchique » est sa prévisibilité. Comme dans un système quantique, nous n’avons pas les moyens de prévision au niveau microscopique, et le comportement de chaque individu peut paraître « aveugle et anarchique ». Mais lorsqu’on observe le tout, on aboutit finalement à des comportement assez prévisibles, assez explicables… comment cela pourrait être s’il n’y avait pas un principe d’organisation sous-jacent ? Vous en avez évoqué un (l’intérêt), il y en a d’autres…
[En ce qui concerne la musique ,l ‘auteur de ces lignes est organiste , pianiste de jazz et professeur.]
Et alors, pourquoi vous sentez-vous visé lorsque j’écris que certains se prennent pour des musiciens qui jouent faux ? Ce discours ne s’adressait de toute évidence pas à vous…
[Cessez d’étaler un savoir que vous n’avez pas.]
Disons que mes opinions sur la musique sont à peu près aussi légitimes que vos opinions sur l’aveuglement et l’anarchie du monde… et puisque sur ce sujet vous étalez un savoir que vous n’avez pas, je ne vois pas pourquoi vous devriez me refuser la pareille.
[Il y a un manque de réflexion dans vos critiques et peut-être aussi de maturité.]
Ah, les profs… ils ne peuvent pas s’empêcher de noter…
Mais puisqu’on en est aux confidences, je ne pense pas que l’appel à l’argument d’autorité et le recours à l’attaque ad hominem soit une preuve de réflexion ou de maturité. Mais n’étant pas professeur, je ne me risquerait pas à vous faire une remarque.
L’intérêt est le pourquoi de l’action , l ‘ organisation est le comment . Ce qui me pousse à agir n’ a rien à voir avec la façon dont je m ‘ y prend . Il ne faut pas confondre le but et les moyens . La recherche de l’argent n ‘est pas un but évidemment ; comme vous le dites si justement c ‘est un moyen ; un moyen de se procurer une satisfaction ( cette fameuse recherche du plaisir – dont vous faites allusion ) ou de fuir un insatisfaction . Sur ce point je suis entièrement d’accord avec vous ( et avec Epicure )
@ brochard
[L’intérêt est le pourquoi de l’action, l’organisation est le comment. Ce qui me pousse à agir n’a rien à voir avec la façon dont je m’y prend.]
Qu’on fasse la distinction entre but et moyen, oui. Mais de là à dire qu’ils “n’ont rien à voir”, non. Quand j’ai envie de prendre un bain, je remplis la baignoire. Et si au lieu d’ouvrir les robinets je me mettais à chanter “La Traviata” ou à faire une salade de fruits l’objectif à peu de chances d’aboutir. C’est pourquoi l’immense majorité des gens qui veulent prendre un bain ouvrent les robinets, et ne se mettent pas à chanter ou à cuisiner. C’est donc bien le but qui organise les moyens. Et dès lors que le but est identifié et qu’on agit de façon à l’atteindre, on peut difficilement dire que l’action est “aveugle et anarchique”.
___Quand j’ai envie de prendre un bain, je remplis la baignoire. Et si au lieu d’ouvrir les robinets je me mettais à chanter “La Traviata” ou à faire une salade de fruits l’objectif à peu de chances d’aboutir.___
Ça dépend ! Moi, par exemple, quand j’ai envie d’un bain, je chante la Traviata en préparant une salade de fruits. Alors, ma femme fait couler un bain. Heureusement que je prends davantage de douches, sinon j’aurais une indigestion de salade de fruits ! Et marre de Verdi…
@ Gugus69
[Ça dépend ! Moi, par exemple, quand j’ai envie d’un bain, je chante la Traviata en préparant une salade de fruits. Alors, ma femme fait couler un bain.]
N’est ce pas plus simple de dire “chérie, sois sympa, fais moi couler un bain” ? Comme ça, vous n’auriez pas à vous demander si elle fait couler un bain pour vous faire plaisir, ou pour vous noyer!
Les préfets… bof ! Il n’y a plus d’Etat central. On peut encore attendre longtemps de leur part les fameux masques annoncés par Macron dans son allocution officielle.
Le pays tient bien plus grâce aux maires et aux réseaux d’élus et bénévoles qu’ils animent. Eux ont encore une capacité d’action, au plus près du terrain. Pour le reste…
@ Gautier Weinmann
[Les préfets… bof ! Il n’y a plus d’Etat central. On peut encore attendre longtemps de leur part les fameux masques annoncés par Macron dans son allocution officielle.]
Depuis hier, vous les trouvez partout… ce qui tend à prouver que les nouvelles de la mort de l’Etat central ont été grandement exagérées.
[Le pays tient bien plus grâce aux maires et aux réseaux d’élus et bénévoles qu’ils animent. Eux ont encore une capacité d’action, au plus près du terrain. Pour le reste…]
Ils ont surtout une grande capacité à pleurnicher, à quémander auprès de l’Etat tout en rejetant toutes les fautes sur lui. Tiens, vous parliez des « fameux masques annoncés par Macron ». Mais où sont donc les « fameux masques » approvisionnés par « les maires et les réseaux d’élus et bénévoles qu’ils animent » ? Puisque paraît-il ils ont encore une capacité d’action, pourquoi ne l’ont pas utilisé pour constituer des provisions de masques pour leurs administrés ? Pourquoi reprocher à l’Etat central, ce pélé, ce galeux, de ne pas avoir pris les précautions, et oublier que les collectivités locales n’ont pas fait mieux – en fait, elles ont fait pire.
Je ne conteste bien entendu ni l’utilité, ni le dévouement des élus locaux – du moins des élus municipaux et départementaux, je suis moins sûr de l’utilité des régions – pour régler et améliorer la vie de leurs administrés. Mais lorsqu’il s’agit des questions régaliennes, ce n’est certainement pas les élus locaux qui font fonctionner le pays, quoi que puissent imaginer certains notables locaux…
Bonjour,
Je constate moi aussi, par certains aspects, une tendance de la société à oublier le système D. Seulement par certains aspects car, notamment dans les petites entreprises, dans les associations, etc. celui ci vit toujours très bien.
Cela n’est pas pour moi spécifique aux épisodes de crise comme celle que nous vivons. Mais effectivement, le déconfinement, qui pourrait sembler assez simple, peut se transformer en un réel casse-tête.
J’y attribue plusieurs causes :
1°) une judiciarisation croissances au titre des blessures involontaires, mises en danger, et autres chefs d’inculpation “mous” (c’est une appellation personnelle, peut être inadaptée). Avec aussi l’introduction d’obligations de résultats en matière de santé/sécurité (au travail), cela peut paralyser les meilleures volontés. Personne n’accepte de décider sans s’abriter derrière un groupe de travail, des synthèses de bonnes pratiques, etc.
Comme le fait remarquer un autre commentateur, ce type de comportement se retrouve surtout dans les grosses structures, même si, en principe, un boulanger avec 2 salariés à la même responsabilité qu’un patron d’une entreprise de 2000. Ce qui montre bien que cette explication n’est pas suffisante,
2°) Le changement d’organisation des grosses entreprises (avec ISO 9001 et Cie), organisées par processus, et où chacun devient d’exécutant de sa mission précise conformément à sa fiche de tache, du salarié non qualifié au manager d’une direction technique. Quand, par le passé, on raisonnait par métier et par objectif à atteindre, chacun se sentait tenu, quitte à bricoler/innover/inventer, de trouver le moyen d’arriver à l’objectif qui était celui de son travail. Quand chacun est dans une case, à devoir être comme sa mini entreprise, avec d’autres qui doivent lui fournir de quoi travailler, et lui qui doit fournir son résultat en sortie, il est assez tentant de dire “je ne peux pas travailler, je n’ai pas de quoi le faire”. C’est le principe de la grève du zèle.
Pour un petit rappel historique (je ne doute pas que vous me corrigerez si je me trompe), la méthode d’organisation par le système D était effectivement une méthode informelle française. Qui a très bien fonctionné dans le domaine militaire pour Napoléon. Clausewitz, qui a bien étudié les campagnes de Napoléon, a conceptualisé et théorisé ce système D, avec la nécessité d’une organisation où l’échelon N explique à l’échelon N-1 quels sont les objectifs généraux des échelons N et N+1, et donc les objectifs particuliers donné à l’échelon N-1. Et on laisse le chef du N-1 faire ce qu’il veut pour atteindre son objectif, voire même modifier son objectif si il lui semble que, compte tenu des difficultés rencontrées, on servirait mieux ainsi les objectifs des échelons supérieurs.
On a vu entre 1870 et 1940 les résultats d’une armée allemande fonctionnant sur cette philosophie… (et aussi d’ailleurs quelques loupés qui en résultent, mais c’est une autre histoire)
A l’inverse, l’organisation autour de la démarche qualité est, si je ne m’abuse, inspirée de la démarche de Toyota.
« Définir des standards opératoires et les enseigner aux opérateurs constituent des responsabilités primordiales de la maîtrise dans une usine, au même titre que, dans une équipe sportive, il est de la responsabilité de l’entraîneur de former les joueurs à la maîtrise des gestes techniques élémentaires » (Taïchi Ohno dans son ouvrage « L’Esprit Toyota »)
Cette démarche, qui s’appliquait aux ouvriers, a été étendue aux ingénieurs, managers, etc. : définir les standards opératoires, c’est à dire la manière dont il faut faire telle ou telle tache.
Ce mode d’organisation a une vertu énorme pour les entreprises fonctionnant sur un mode néolibéral : cela permet de rendre les opérateurs plus facilement interchangeables. Si on a besoin d’un ingénieur capable de faire des calculs vibratoires sous ANSYS, ça se trouve comme intérimaire pour faire les études de tel ou tel objet, et on met fin à la mission quand le calcul est fini. Et on en reprendra un autre une prochaine fois. Les personnels confrontés à ce type de management n’aiment généralement pas trop cela. Et c’est, quelque part, de bonne guerre, de renvoyer la balle à l’envoyeur quand celui ci n’est pas capable de fournir les procédures permettant le travail dans de bonnes conditions.
3°) Nous sommes dans une société où le réflexe de beaucoup de managers et de politiques, qui n’ont jamais vraiment bossé, est, au moindre problème, de dire : “c’est de la faute de qui ?” A chaque problème, il y a un réflexe : il faut qu’il y ait un responsable qui soit immédiaement pointé. Et pour que ce soit plus facile de fonctionner ainsi, chacun a des objectifs individuels, et on essaie de faire en sorte que chaque société, chaque administration, fonctionne sur un principe de compartimentage des taches. Dès lors, personne ne veut prendre la moindre décision qui pourra ensuite lui être reprochée, surtout si ça ne fait pas partie de ses objectifs individuels de traiter ce type de situation. Et, naturellement, ce type de situation étant imprévisible, ça n’est dans les objectifs individuels de personne…
4°) Il y a indéniablement aussi un facteur psychologique, indéniablement. Vers le 23 Février, il était clair même pour le pékin qui cherchait à s’informer, et qui raisonnait à peu près correctement, que l’épidémie n’était pas circonscrite, malgré les efforts réalisés pour le faire depuis un mois. Dès lors, il fallait chercher à passer au niveau d’au dessus pour la circonscrire (limiter l’usage des transports en commun, inciter au port du masque, fermer les frontières, etc.). Ce qui n’a pas été fait, d’une part car, malgré les signaux de moins en moins faibles, personne ne voulait y croire (biais cognitif de normalité), d’autre part, par peur des impacts économiques. Il a fallu attendre 3 semaines de plus, pour que la déroute soit évidente, et la réaction a été au final beaucoup plus forte que ce qui (peut-être ?) aurait pu suffire 3 semaines plus tôt.
Aujourd’hui, il me semble qu’il y a un biais dans l’autre sens : le fameux principe de précaution, qui, on ne sait pourquoi n’était pas pertinent jusqu’à mi mars, ressort avec toute sa force, pour tétaniser ceux qui seraient tentés de faire quelque chose… Sans doute aussi un autre biais cognitif.
5°) Vous évoquez une autre piste, à laquelle je n’avais pas songé : le manque de culture générale… Je ne suis pas vraiment d’accord. Les professeurs de médecine (et je ne cible pas ici particulièrement Raoult) qui étaient très rassurants jusqu’à début Mars, ne manquent pas de culture générale dans le domaine médical. Mais ce sont eux qui auraient du alerter à l’époque. Et ce sont eux qui devraient dédramatiser aujourd’hui.
Le bon sens n’est pas ce qui manque pour trouver les solutions, et ceux qui veulent en trouver les trouvent sans mal. Je pense que c’est davantage la bonne volonté qui manque.
Ceci dit, pour abonder dans votre sens, j’ai été consterné par le recours de l’ISNI (syndicat des internes) contre le confinement jugé trop laxiste… Alors qu’ils n’avaient rien dit en Février, quand leur voix aurait été utile. La position qu’ils tenaient était stupide, puisque le confinement qui a été décidé était manifestement largement suffisant pour que le facteur de transmission passe largement sous les 1. Ce qui a d’ailleurs été le cas.
En revanche, leur manque de culture générale était évident, sinon, il leur serait apparu gros comme le nez au milieu de la figure que, si on arrêtait tous les transports en commun, fermait tous les magasins, interdisait totalement toutes les sorties, etc. les conséquences du confinement auraient été plus que fâcheuses…
Je trouve que nos médias, et politiques, ont été trop bienveillants avec ces presque médecins, complètement inconscients dans leurs demandes.
@ Vincent
[1°) une judiciarisation croissances au titre des blessures involontaires, mises en danger, et autres chefs d’inculpation “mous” (c’est une appellation personnelle, peut être inadaptée). Avec aussi l’introduction d’obligations de résultats en matière de santé/sécurité (au travail), cela peut paralyser les meilleures volontés. Personne n’accepte de décider sans s’abriter derrière un groupe de travail, des synthèses de bonnes pratiques, etc.]
Tout à fait d’accord. La question qui se pose est de savoir si l’introductions d’obligations dans tous les sens sanctionnées par les tribunaux a eu pour effet d’améliorer la santé et la sécurité au point que cela justifie le coût en termes de paralysie des initiatives ou bien si, au contraire, ces dispositifs n’ont en fait aucun intérêt. Je dois dire que dans beaucoup de cas ces obligations, surtout lorsqu’elles sont interprétées de la façon la plus rigide, ne font rien pour améliorer la situation des gens, au contraire.
[2°) Le changement d’organisation des grosses entreprises (avec ISO 9001 et Cie), organisées par processus, et où chacun devient d’exécutant de sa mission précise conformément à sa fiche de tache, du salarié non qualifié au manager d’une direction technique. Quand, par le passé, on raisonnait par métier et par objectif à atteindre, chacun se sentait tenu, quitte à bricoler/innover/inventer, de trouver le moyen d’arriver à l’objectif qui était celui de son travail.]
Tout à fait. L’organisation par processus et la procéduralisation tendent à faire reposer la production sur l’intelligence du concepteur du processus plus que sur l’intelligence du travailleur. Cela se traduit par une amélioration dans la qualité des produits, mais au détriment de la capacité de réaction et d’adaptation de l’organisation.
[Et on laisse le chef du N-1 faire ce qu’il veut pour atteindre son objectif, voire même modifier son objectif si il lui semble que, compte tenu des difficultés rencontrées, on servirait mieux ainsi les objectifs des échelons supérieurs.]
Oui. Et – et ce n’est pas neutre – le N-1 est fait maréchal s’il tient les objectifs, et dégradé dans le cas inverse. En d’autres termes, un système dans lequel on donne à chaque niveau une grande autonomie et la grande responsabilité qui va avec. C’est pourquoi la logique napoléonienne nécessite à chaque niveau des gens très formés, puisqu’on leur demande plus que la simple application d’une procédure.
Il est regrettable qu’on tende à abandonner ce système, qui est celui qui s’adapte le mieux à l’esprit français, pour importer des modes d’organisation qui chez nous marchent bien moins bien, quand bien même ils seraient bien adaptés ailleurs.
[3°) Nous sommes dans une société où le réflexe de beaucoup de managers et de politiques, qui n’ont jamais vraiment bossé, est, au moindre problème, de dire : “c’est de la faute de qui ?” A chaque problème, il y a un réflexe : il faut qu’il y ait un responsable qui soit immédiatement pointé.]
Pourquoi restreindre ce réflexe aux « managers et politiques » ? C’est un réflexe global de la société. La logique « victimiste » implique nécessairement l’existence d’un « bourreau ».
[5°) Vous évoquez une autre piste, à laquelle je n’avais pas songé : le manque de culture générale… Je ne suis pas vraiment d’accord. Les professeurs de médecine (et je ne cible pas ici particulièrement Raoult) qui étaient très rassurants jusqu’à début Mars, ne manquent pas de culture générale dans le domaine médical. Mais ce sont eux qui auraient dû alerter à l’époque. Et ce sont eux qui devraient dédramatiser aujourd’hui.]
Les professeurs de médecine se sont occupés de ce qui est leur spécialité, la médecine. Ils ont pensé comment faire face dans l’hôpital, et finalement ils ne se sont pas mal débrouillés. Mais justement, par manque de culture générale, ils ont proposé des solutions qui n’étaient pas praticables, comme vous le soulignez, d’ailleurs…
@ Descartes
Bonjour,
[Mais ou est passé le pays du “système D” ?]
Il est passé sous la corne d’abondance ! Ni plus ni moins.😎
Commentaire en trois épisodes + un épilogue
1 – Par où est-il passé ?
2 – Comment y est-il passé ?
3 – Pourquoi y-est-il passé ?
1 – Au lendemain de la guerre, le pays manquait d’à peu près tout, sauf d’espoir et de courage. De la grande peur qui s’estompait, nos parents et grands-parents en ont fait une force de redressement d’un pays anesthésié par l’occupation mais aussi par des gouvernements précédents laxistes et protecteurs.
La société d’alors était caractérisée par un effort de production de richesses, de grands projets fédérateurs, d’un sentiment que le travail était vecteur de progrès individuel et collectif. L’ouvrier – ou plutôt le producteur direct de richesse – détenait la reconnaissance et en tirait sa puissante légitimité.
La corne d’abondance se remplissant, elle a rapidement débordé et là s’est posée la question des surplus.
2 – Le surplus générant le superflu, nous sommes passés de la satisfaction des besoins, vitaux au départ, au moyen de la production, généralement nationale, à la réalisation éphémère des désirs. Transfert du ventre à la tête. Si lorsque nous avons le ventre plein nous cessons de nous alimenter. Le cerveau, par contre, est insatiable lorsqu’il s’agit de répondre aux addictions dont il est le vecteur. Les fantasmes prennent le relais du métabolisme – rigueur scientifique non garantie – les cellules partagent le terrain avec les neurones. L’émergence d’une économie de distribution et puis d’une économie de marketing se développe au détriment de l’économie de production qui se voit, en même temps, concurrencée par la production à bas coût de l’étranger.
L’état d’esprit général mute de la subsistance à la jouissance. Bonjour Mr Ségala.
3 – Les privations et les dangers de la guerre restent dans les esprits des ainés qui souhaitent, légitimement, épargner leurs enfants de telles affres. Les restrictions, le ravitaillement, le marché noir demeure longuement dans les esprits et tout ce qui symbolise son opposé, l’abondance, est recherché. Après une longue phase d’équipement, d’investissement public comme privé, à jouissance différée, arrive le temps de la jouissance immédiate, que ce soit dans le matériel comme dans l’immatériel. On entend fréquemment des affirmations du genre : « Je veux tout et tout de suite », et en effet on l’obtient d’autant plus facilement que c’est au prix d’un endettement public et privé important. À partir des années 60, l’enfant roi, bonjour Mme Dolto, devient fréquemment l’enfant tyran (lire Didier Pleux). L’État, c’est écrit par vous même, inspiré des politiques, suit naturellement le mouvement. Une partie importante de la population entre dans une forme d’esprit d’assistanat.
Conclusion : nous somme en effet passé de cette société « D », débrouille, démerde, à une société « d » défiance, distance, dichotomie, il y a MOI, et ensuite les autres, la nation, la patrie, le pays, la communauté.
L’État est un mauvais parent. Depuis 50 ans il se substitue aux citoyens dans l’initiative collective, il le chouchoute à coup d’aides financières de toutes sortes, le déresponsabilise en organisant les moindres détails de sa vie, le protège de tous les aléas de la vie, lui promet des lendemains qui chantent, j’exagère à peine en caricaturant la situation.
Certains disent : « Heureux comme Dieu en France » et il y a du vrai dans cela. Mais combien parmi nous en ont une conscience sincère ? Et Dieu n’étant plus, il n’a plus conscience d’être.
Enfants trop cajolés ! mais enfants trop encagés, enfermés dans leurs peurs du changement, du dérangement de leur petit confort.
Un enfant élevé dans le culte des vertus constructrices dit généralement « oui ». L’enfant élevé dans le culte de la facilité répond généralement « non »
L’immaturité caractérise ce syndrome, avec son lot d’égocentrisme, de narcissisme.
Les mois qui viennent vont sans doute nous apprendre beaucoup, et de ces leçons, nous pouvons toujours espérer une prise de conscience. Mais c’est pas gagné.
Épilogue :
LE CHARTIER EMBOURBÉ
Le phaéton d’une voiture à foin
Vit son char embourbé. Le pauvre homme était loin
De tout humain secours. C’était à la campagne
Près d’un certain canton de la basse Bretagne,
Appelé Quimper-Corentin.
On sait assez que le Destin
Adresse là les gens quand il veut qu’on enrage :
Dieu nous préserve du voyage !
Pour venir au Chartier embourbé dans ces lieux,
Le voilà qui déteste et jure de son mieux,
Pestant, en sa fureur extrême,
Tantôt contre les trous, puis contre ses Chevaux,
Contre son char, contre lui même.
Il invoque à la fin le Dieu dont les travaux
Sont si célèbres dans le monde :
Hercule, lui dit-il, aide-moi ; si ton dos
A porté la machine ronde,
Ton bras peut me tirer d’ici
Sa prière étant faite, il entend dans la nue
Une voix qui lui parle ainsi :
Hercule veut qu’on se remue,
Puis il aide les gens. Regarde d’où provient
L’achoppement qui te retient.
Ôte d’autour de chaque roue
Ce malheureux mortier, cette maudite boue
Qui jusqu’à l’essieu les enduit.
Prends ton pic, et me romps ce caillou qui te nuit.
Comble-moi cette ornière. As-tu fait ? Oui, dit l’homme.
Or bien je vas t’aider, dit la voix : prends ton fouet.
Je l’ai pris. Qu’est ceci ? mon char marche à souhait.
Hercule en soit loué. Lors la voix : Tu vois comme
Tes Chevaux aisément se sont tirés de là.
Aide-toi, le Ciel t’aidera.
Jean de La Fontaine
@ Marcailloux
[« Mais ou est passé le pays du “système D” ? » Il est passé sous la corne d’abondance ! Ni plus ni moins.]
L’abondance, comme vous dites, a eu tendance à rendre le « système D » superflu et même suspect, associé souvent – à tort, à mon avis – à de l’amateurisme ou de l’imprévision. L’épidémie en cours a l’avantage de nous rappeler qu’on ne peut pas tout prévoir, et qu’il faut donc garder à la société une capacité d’improvisation pour pouvoir répondre aux situations nouvelles.
[Conclusion : nous somme en effet passé de cette société « D », débrouille, démerde, à une société « d » défiance, distance, dichotomie, il y a MOI, et ensuite les autres, la nation, la patrie, le pays, la communauté.]
Je crois que vous mélangez ici beaucoup de choses : la capacité de « débrouille » n’a rien à voir avec l’individualisme. On peut être capable ou pas d’improviser une solution à un problème autant dans le champ de l’individuel comme celui du collectif. D’autre part, la question de savoir si le problème à résoudre est une question vitale ou une simple question d’agrément n’a aucun rapport avec notre capacité à lui trouver des solutions.
Je persiste : le principal facteur qui a tué le « système D » est la division poussée du travail et donc la spécialisation excessive.
[L’État est un mauvais parent. Depuis 50 ans il se substitue aux citoyens dans l’initiative collective, il le chouchoute à coup d’aides financières de toutes sortes, le déresponsabilise en organisant les moindres détails de sa vie, le protège de tous les aléas de la vie, lui promet des lendemains qui chantent, j’exagère à peine en caricaturant la situation.]
Vous peignez surtout une image qui me semble fausse. D’autres vous diront au contraire que depuis 30 ans l’Etat se retire de partout, que les services publics ferment, qu’une partie importante des activités et protections sociales reposent aujourd’hui non pas sur l’Etat mais sur des ONG et des associations de toute sorte. Si votre raisonnement était juste, on devrait voir fleurir le « système D » dans les territoires abandonnés de la République. Or, c’est exactement le contraire qu’on observe.
Que la forte présence de l’Etat encourage une partie de la population à une certaine « paresse » à l’heure de prendre en main ses propres problèmes, c’est très probable. Mais l’esprit d’improvisation disparaît non seulement des couches sociales qu’on peut qualifier d’assistées. Ce qui tend à me faire penser que ce n’est pas l’élément dominant.
[Un enfant élevé dans le culte des vertus constructrices dit généralement « oui ». L’enfant élevé dans le culte de la facilité répond généralement « non ». L’immaturité caractérise ce syndrome, avec son lot d’égocentrisme, de narcissisme.]
Sur ce point, je suis d’accord. Je l’ai un peu esquissé dans mon papier. Nous étions une « nation d’ingénieurs », nous devons le redevenir. Eduquer les enfants dans une logique de réalisation et de résolution des problèmes, plutôt que dans une logique « victimiste », est pour moi la révolution essentielle à faire dans l’éducation.
“Vous peignez surtout une image qui me semble fausse. D’autres vous diront au contraire que depuis 30 ans l’Etat se retire de partout, que les services publics ferment, qu’une partie importante des activités et protections sociales reposent aujourd’hui non pas sur l’Etat mais sur des ONG et des associations de toute sorte. Si votre raisonnement était juste, on devrait voir fleurir le « système D » dans les territoires abandonnés de la République. Or, c’est exactement le contraire qu’on observe.”
Deja le systeme D c etait plutot il y a 50 ans que 30. 30 ans c est 1990 et je pense pas qu on avait plus de debrouillardise que maintenant
Si on compare avec la situation des annees 60-70, l etat ou son bras armé (les associations subventionnees par letat) fait bien plus qu a l epoque. Bon ca depend des domaines et des endroits mais je vais lister quelques domaines ou l emprise de l etat est bien plus forte aujourd hui qu a l epoque:
– politique de santé publique (en 1970 l etat ne considerait pas que c etait de son ressort. donc pas de politique anti tabac ou de limitation de vitesse. Sur l alcool c etait aussi embryonnaire. le % du PIB consacre aux depenses de sante a double depuis 1970 https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/er1017.pdf. Certes on peut dire que la population a vieillit mais le PIB au aussi augmente donc on depense enttement plus)
– sur tout ce qui est “culturel” on a une explosion des depenses (pas le temps de chercher les chiffres mais le secteur est biberonne aux subventions)
Il est clair que certaines regions subissent une decroissance de la population et donc un decroissance des services public (l ecole ferme, la poste ferme) mais c est loin d etre generalisable a la france entiere
Je pense que le probleme est surtout dans les tetes. Un adulte dans les annees 60-70 a grandit dans les annees 30-40 (voire avant). Il n attendait rien de l etat et savait qu il devait compter d abord sur lui meme et sur le groupe auquel il appartenait (ca pouvait etre la famille ou les gens avec lesquels ils travaillait)
Aujoourd hui les adultes sont nes avec l etat providence et toute recremination va a l etat. Pas question de faire un effort soi meme.
Regardez par ex la reaction allucinante des gens qui se sont retrouve a l etranger pour des vacances lors de l epidemie. Ils couinaient pour que l etat viennent les evacuer ! Pas un n a eut l idee de payer et de se debrouiller par lui meme alors qu ils se sont mit dans la m… tout seul
@ cdg
[« Vous peignez surtout une image qui me semble fausse. D’autres vous diront au contraire que depuis 30 ans l’Etat se retire de partout, que les services publics ferment, qu’une partie importante des activités et protections sociales reposent aujourd’hui non pas sur l’Etat mais sur des ONG et des associations de toute sorte. Si votre raisonnement était juste, on devrait voir fleurir le « système D » dans les territoires abandonnés de la République. Or, c’est exactement le contraire qu’on observe. » Déjà le système D c’était plutôt il y a 50 ans que 30. 30 ans c est 1990 et je ne pense pas qu on avait plus de débrouillardise que maintenant]
Vous ne répondez pas au point. Si la cause de baisse de notre capacité à se débrouiller était liée à un Etat trop présent, alors on devrait observer une capacité en hausse depuis au moins trente ans (et même 40 ans) puisque depuis cette date l’Etat se retire chaque fois plus des territoires et de la vie des Français, avec la réduction des effectifs, la privatisation des services publics et la fermeture d’établissements. Pensez-vous que c’est le cas ?
[Si on compare avec la situation des années 60-70, l’Etat ou son bras armé (les associations subventionnées par l’État) fait bien plus qu’à l’époque.]
Vous voulez rire ? Dans les années 1960-70, l’ensemble des banques et des assurances était nationalisé. Les télécommunications et la poste étaient des administrations. Les communes et les départements étaient soumises à la tutelle à priori des préfets, les régions n’étaient que des établissements publics dont les patrons étaient nommés par l’Etat. Les sociétés a participation publique majoritaire – quand ce n’étaient pas des établissements publics – occupaient une place importante quand elle n’était pas dominante dans presque tous les secteurs industriels stratégiques : armement (GIAT), informatique (CII – Honeywell Bull), automobile (Renault), pétrole (ELF-Aquitaine, ERAP), nucléaire bien sur (CEA-Industrie, Cogema, Framatome), explosifs (SNPE). Même les tabacs et allumettes étaient une régie d’Etat (la SEITA). Et vous allez me dire que l’Etat fait beaucoup plus aujourd’hui ? Vous vous moquez…
[Bon ca dépend des domaines et des endroits mais je vais lister quelques domaines ou l’emprise de l’état est bien plus forte aujourd’hui qu’à l’époque :
– politique de santé publique (en 1970 l’état ne considérait pas que c’était de son ressort. Donc pas de politique anti-tabac ou de limitation de vitesse. Sur l’alcool c’était aussi embryonnaire. Le % du PIB consacre aux dépenses de santé a doublé depuis 1970. Certes on peut dire que la population a vieillit mais le PIB au aussi augmente donc on dépense nettement plus)]
Quand vous affirmez que « l’Etat ne considérait pas que la politique de santé publique fut de son ressort », vous dites – sauf le respect que je vous dois – n’importe quoi. Le « ministère de la santé publique » a été créé par la loi du 4 juillet 1930 (jusqu’en 1920, les politiques de « salubrité publique » étaient suivies par le ministère de l’Intérieur) mais l’Etat intervenait déjà sur les problématiques de santé. Chaptal, le ministre de l’Intérieur de Napoléon – et chimiste lui-même – prend des mesures pour vacciner contre la variole. Dans une circulaire de 1804 il fixe pour objectif de « vacciner les enfants de la patrie et les envoyer dans les campagnes pour servir de vaccinifères ; d’une manière plus générale, vacciner gratuitement les pauvres ». Il envisage alors de rendre la vaccination obligatoire en demandant aux parents riches de payer pour les enfants pauvres. Des comités de vaccine furent instaurés dans chaque sous-préfecture. Chaptal compte sur l’acte gratuit des médecins auxquels on décerne des certificats honorifiques, des médailles et des titres de « vaccinateur en chef ». Le nombre de vaccination en France passa de 150 000 en 1806 à 750 000 en 1812. Le nombre annuel de décès dus à la variole tombe de 50 000 ou 80 000 à environ 2 000. (…) Dans l’armée, la vaccination devient obligatoire en 1888. (Julie Leclerc, thèse de doctorat en pharmacie, 1983). Et je vous fais grâce des autres obligations vaccinales, toutes antérieures à 1960.
Quant aux campagnes contre les addictions, la première grande campagne contre l’alcoolisme est initiée sous le gouvernement Mendes-France (décret du 13 novembre 1954).
Par ailleurs, j’ai du mal voir le rapport entre l’augmentation des dépenses de santé et l’intervention de l’Etat. Quand je vais voir mon médecin puis je présente l’ordonnance à mon pharmacien, la sécurité sociale (qui n’est pas tout à fait l’Etat) paye, mais il n’intervient ni dans le diagnostic, ni dans le choix du médicament.
[– sur tout ce qui est “culturel” on a une explosion des dépenses (pas le temps de chercher les chiffres mais le secteur est biberonne aux subventions)]
Là encore, vous faites erreur. La dépense culturelle de l’Etat en proportion du PIB n’est pas aujourd’hui plus grande qu’elle ne l’était en 1970 à périmètre constant (n’oubliez pas que l’audiovisuel public n’était pas sous la tutelle du ministère de la culture, mais celui de l’information).
[Il est clair que certaines régions subissent une décroissance de la population et donc une décroissance des services public (l’école ferme, la poste ferme) mais c’est loin d’être généralisable a la France entière]
Mais curieusement, on ferme AUSSI des trésoreries, des tribunaux des bureaux de poste et des agences EDF dans les endroits ou la population AUGMENTE. Etonnant, non ? Il ne faut pas se raconter des histoires : il y a depuis trente ans une volonté de « dégraisser le mammouth » qui aboutit à un retrait général des services publics et des administrations de l’Etat des territoires, et cela quelque soit la variation de population. Et les chiffres ne mentent pas : en trente ans l’effectif de la fonction publique d’Etat s’est réduit – et la réduction est massive si l’on exclut les enseignants.
[Je pense que le problème est surtout dans les têtes. Un adulte dans les années 60-70 a grandi dans les années 30-40 (voire avant). Il n’attendait rien de l’Etat et savait qu’il devait compter d’abord sur lui-même et sur le groupe auquel il appartenait (ça pouvait être la famille ou les gens avec lesquels il travaillait)]
Vous fabriquez une France correspondant à votre idéal qui n’a en fait jamais existé. Déjà en 1960 mongénéral constatait que « les Français attendent tout de l’Etat mais le détestent, ils ne se conduisent pas en adultes ». Et il parlait donc des Français « grandis dans les années 30-40 »… En France, le rapport de dépendance à l’Etat est bien plus ancien que vous ne le pensez. On peut presque le dater de la constitution de l’Etat sous Louis XIV…
« Vous voulez rire ? Dans les années 1960-70, l’ensemble des banques et des assurances était nationalisé. ….. Et vous allez me dire que l’Etat fait beaucoup plus aujourd’hui ? Vous vous moquez… »
On parle pas de la meme chose. L etat en 1970 faisait des voitures, des avions mais l etat providence etait moins developpé et intervenait moins dans la vie des gens. En 1970 personne aurait pensé que l etat puisse vous interdire de fumer ou de conduire apres avoir bu de l alcool
On peut tres bien avoir un etat tres puissant et des gens qui n attendent rien de lui quand ils ont un probleme. Prenons l exemple extreme : en coree du nord l etat fait tout mais je suis sur qu un coreen du nord sais qu il n a rien a esperer de l etat s il veut manger. La solution sera le systeme D : marché noir, troc …
« j’ai du mal voir le rapport entre l’augmentation des dépenses de santé et l’intervention de l’Etat. Quand je vais voir mon médecin puis je présente l’ordonnance à mon pharmacien, la sécurité sociale (qui n’est pas tout à fait l’Etat) paye, mais il n’intervient ni dans le diagnostic, ni dans le choix du médicament »
C est quand meme l etat qui decide d ouvrir ou de fermer un hopital (cf la personne viré recemment car elle preconisait de continuer la politique de fermeture de lits). De meme c est l etat qui decide d homologuer ou non un medicament (cf homeopathie ou mediator) ou que tous les francais doivent etre affilie a la securite sociale (on pourait avoir un systeme privé comme en suisse par ex ou complemenet nationalise comme en GB). Quand au medecin que vous consulte, ses honoraires ont ete defini par l etat (la securite sociale ne fait qu acter la decision du ministre).
« Vous fabriquez une France correspondant à votre idéal qui n’a en fait jamais existé. Déjà en 1960 mongénéral constatait que « les Français attendent tout de l’Etat mais le détestent, ils ne se conduisent pas en adultes » »
Peut etre que j idealise la france de mon enfance (peu de souvenir des annees 60 mais je me souviens bien des annees 70) mais il me semble que les francais se comportait plus en adultes a l epoque que maintenant. On n aurait jamais vu des vacanciers pleurer pour se faire rapatrier par l etat, des bacheliers faire une petition car l examen est trop dur et lors des vagues de grippes de 54 et 69 personne ne mit en cause De Gaulle ou Pompidou
@ cdg
[On parle pas de la même chose. L’état en 1970 faisait des voitures, des avions mais l’état providence était moins développé et intervenait moins dans la vie des gens.]
Vous allez un peu vite en besogne. L’Etat ne se contentait pas de « faire des voitures et des avions ». Dans les usines ou ces voitures et ces avions étaient fabriqués, il s’occupait de la santé, des loisirs, de la culture, du logement de millions de salariés. Et les dispositifs sociaux qui étaient expérimentés dans ces usines diffusaient ensuite dans le secteur privé soit par la voie réglementaire, soit parce que la compétition pour la main d’œuvre dans un contexte de rareté obligeait le secteur privé à suivre.
[En 1970 personne aurait pensé que l’état puisse vous interdire de fumer ou de conduire après avoir bu de l’alcool.]
Vous répétez cela, mais vous avez tort. Ma répression de l’ivresse publique date de 1873 (« loi Téophile »), et la sanction de la conduite en état d’ivresse a été introduite par une ordonnance de 1959. Quant à l’interdiction de fumer, elle a été imposée dans les cinémas en 1940. Il était donc parfaitement admis que l’Etat puisse vous interdire de fumer dans certains lieux ou de conduire après avoir bu de l’alcool bien avant les années 1970. Le courant hygiéniste impose l’idée que l’Etat doit se soucier de la santé des citoyens – y compris à travers l’interdiction de certaines pratiques – dès la fin du XIXème siècle.
[On peut très bien avoir un état très puissant et des gens qui n’attendent rien de lui quand ils ont un problème.]
En d’autres termes, un système ou des gens paient très cher une assurance et n’attendent rien d’elle ?
[Prenons l’exemple extrême : en Corée du nord l’état fait tout mais je suis sûr qu’un Coréen du nord sais qu’il n’a rien à espérer de l’état s’il veut manger. La solution sera le système D : marché noir, troc …]
Franchement, je trouve cet exemple comique. D’abord, je doute que vous ayez la moindre idée de ce que les citoyens de Corée du Nord attendent de l’Etat dans une situation d’urgence. Sauf à ce que vous me disiez que vous avez accès à une quelconque étude d’opinion sur la question – ce dont je doute fort – votre avis n’est fondé que sur l’idée que vous, citoyen français, vous faites de ce que serait votre réaction si vous viviez dans un pays correspondant à l’idée que vous vous faites de la Corée du Nord. Ce qui introduit quand même beaucoup d’incertitudes.
L’exemple d’un état totalitaire est en fait auto-contradictoire. Dans un état totalitaire, TOUT vient de l’Etat. Les citoyens ne peuvent donc attendre quelque chose que de lui, puisqu’il n’existe rien d’autre vers qui se tourner.
[C’est quand même l’état qui décide d’ouvrir ou de fermer un hôpital (cf la personne viré récemment car elle préconisait de continuer la politique de fermeture de lits).]
Oui, mais c’est le privé qui décide d’ouvrir un cabinet, une clinique, une pharmacie. Les dépenses de santé peuvent donc massivement augmenter sans que l’Etat s’en mêle. Vous noterez d’ailleurs que dans les pays ou l’Etat intervient peu dans l’offre de soins la dépense peut augmenter plus rapidement que dans ceux ou l’Etat est interventionniste : l’exemple le plus notable de ce point de vue étant les Etats-Unis. La corrélation entre l’interventionnisme de l’Etat et l’augmentation de la dépense sanitaire est donc loin d’être évidente.
[Peut être que j’idéalise la France de mon enfance]
Rien n’embellit autant le passé qu’une mauvaise mémoire…
[(peu de souvenir des années 60 mais je me souviens bien des années 70) mais il me semble que les Français se comportait plus en adultes à l’époque que maintenant. On n’aurait jamais vu des vacanciers pleurer pour se faire rapatrier par l’état, des bacheliers faire une pétition car l’examen est trop dur et lors des vagues de grippes de 54 et 69 personne ne mit en cause De Gaulle ou Pompidou]
Qu’on vive dans une société plus infantile qu’il y a un demi-siècle, que les gens soient moins capables de se prendre en charge, je suis tout à fait d’accord avec vous. Mais cette infantilité ne se traduit pas seulement vis-à-vis de l’Etat. Personne à l’époque ne faisait un procès à un fabriquant de jouets parce qu’il avait omis de mettre dans la notice qu’il était dangereux d’asperger le nounours d’essence et d’y mettre le feu. Mais l’Etat n’a rien à faire là dedans.
Bonjour,
“[L’État est un mauvais parent. Depuis 50 ans il se substitue aux citoyens dans l’initiative collective, il le chouchoute à coup d’aides financières de toutes sortes, le déresponsabilise en organisant les moindres détails de sa vie, le protège de tous les aléas de la vie, lui promet des lendemains qui chantent, j’exagère à peine en caricaturant la situation.] => Vous peignez surtout une image qui me semble fausse. D’autres vous diront au contraire que depuis 30 ans l’Etat se retire de partout, que les services publics ferment, qu’une partie importante des activités et protections sociales reposent aujourd’hui non pas sur l’Etat mais sur des ONG et des associations de toute sorte.”
=> Vous me corrigerez tous les deux si je me trompe mais vous évoquez je crois deux aspects différents de l’Etat. Si l’Etat investisseur et l’Etat producteur ont largement disparu et si le renforcement des logiques issues du secteur privé et la recherche de rentabilité à tout prix ont mis à mal l’égalité territoriale, l’Etat s’est au contraire largement renforcé dans sa fonction assurantielle. Cette vidéo-ci en 6 minutes le montre très bien.
https://www.xerficanal.com/economie/emission/Olivier-Passet-OPA-A-definir_3748586.html?utm_source=Mod%25E8le%2Bdiffusion%2BXerfi%2BCanal&utm_medium=email&utm_campaign=XC280420&fbclid=IwAR21VRgn7H59IHUryCB4ciPEUyHPH8OFELAaqHaZKO9C1G8cw2yJS8tfJvY
De plus l’Etat au sens où il est le gardien de nos droits s’est aussi largement renforcé. (sans doute parce que la logique victimiste que vous décrivez, Descartes, le réclame). La loi Avia adoptée hier en est l’illustration.
Je suis en définitive bien convaincu par l’expression de Marcailloux qui voit dans l’Etat “un mauvais parent”. Il n’est pas question de dire que l’Etat se retire de partout, ni de dire qu’il devenu omniprésent mais de dire qu’il a changé de préoccupation.
@ Antoine
[« Vous me corrigerez tous les deux si je me trompe mais vous évoquez je crois deux aspects différents de l’Etat. Si l’Etat investisseur et l’Etat producteur ont largement disparu et si le renforcement des logiques issues du secteur privé et la recherche de rentabilité à tout prix ont mis à mal l’égalité territoriale, l’Etat s’est au contraire largement renforcé dans sa fonction assurantielle.]
Le problème, c’est que les fonctions de l’Etat ne sont pas aussi séparées que vous semblez le penser. Un Etat qui produit et qui recherche détient une expertise dont ne disposera pas un Etat qui se concentre sur ses activités exclusives de régulation ou de protection. La privatisation massive des établissements publics industriels a non seulement privé l’Etat des leviers d’action, elle l’a privé d’une expertise précieuse.
[De plus l’Etat au sens où il est le gardien de nos droits s’est aussi largement renforcé. (sans doute parce que la logique victimiste que vous décrivez, Descartes, le réclame). La loi Avia adoptée hier en est l’illustration.]
C’est discutable. Du point législatif, il est certain que le gouvernement et le parlement produisent massivement des « droits » de toute sorte. Mais ensuite, en tant que « gardien » de ces droits, l’Etat est de plus en plus défaillant, et d’autant plus défaillant que beaucoup de ces normes sont irréalistes. Pensez par exemple au « droit au logement opposable »… Personnellement, je ne suis pas convaincu qu’en tant « gardien de nos droits » l’Etat soit plus présent aujourd’hui qu’il ne l’était il y a un demi-siècle.
[Je suis en définitive bien convaincu par l’expression de Marcailloux qui voit dans l’Etat “un mauvais parent”. Il n’est pas question de dire que l’Etat se retire de partout, ni de dire qu’il devenu omniprésent mais de dire qu’il a changé de préoccupation.]
Je m’inscris en faux contre cette idée. Dire que l’Etat est « mauvais parent » impliquerait en quelque sorte que l’Etat est au-dessus des citoyens, qu’il décide pour eux et leur impose ses décisions. Or, il ne faudrait tout de même oublier que l’Etat n’est qu’un instrument dans les mains des élus du peuple. Si l’Etat « materne » les citoyens, n’est-ce pas parce que c’est ce que les citoyens demandent ? Et si tel est le cas, qui est le « mauvais » dans l’histoire, l’Etat qui répond à la demande des citoyens, ou les citoyens qui formulent la demande en question ?
Derrière une expression banale, s’ouvre donc un débat de fond sur la fonction de l’Etat et la nature de la démocratie. Est-ce que l’Etat est un « parent » qui doit conduire les citoyens « mineurs », ou doit-il au contraire exécuté leur volonté ? Pour reprendre la formule de Cromwell, doit-il donner aux citoyens ce qu’ils veulent, ou ce qui est bon pour eux (et dans ce dernier cas, qui décide ce qui est bon pour les citoyens ?).
@ Antoine et Descartes
Bonjour,
Lorsque j’écris que l’Etat est mauvais parent, cela implique que les enfants, s’ils sont tyrans, pour reprendre la formule de Didier Pleux, sont tout de même le résultat de l’éducation qu’ils ont reçu de leurs parents.
En d’autres termes, l’Etat, constituante en quelques sortes du peuple, par l’intermédiaire de ses élus, reflète peu ou prou l’état d’esprit général.
Mais, dans ce cas, il y a une relation bilatérale qui s’opère.
Les responsabilités sont partagées, mais, à mon sens bien plus du côté de l’électeur que du fonctionnaire – lui même électeur d’ailleurs – qui ne fait qu’appliquer les lois et directives venues du dessus.
Si nous élisons un champion de l’irénisme, noue aurons un Etat iréniste.
Et, puisque l’occasion m’en est donnée, je vais tenter un parallèle entre les modes d’actions dans les familles et dans la nation.
Avec des enfants bien élevés, les choses, en principe sont simples (je dis bien en principe) les enfants connaissent et respectent les limites. Dans une famille où les enfants sont rois, tyrans ou capricieux, tout devient très difficile, les procédures relationnelles se compliquent à l’infini.
Il n’y a plus de limites infranchissables.
Je pense – et j’en suis même convaincu – que dans une société, une nation, il en va un peu de même. Chouchoutez à l’excès les citoyens, vous n’en aurez que plus de reproches, de récriminations, de révoltes capricieuses, d’insoumission à la règle édictée. Et ça coûte énormément plus, par les travaux inutiles que cela implique, pour toutes les circonvolutions qui sont nécessaires pour faire avancer le schmilblick.
Dans mon propos, il n’est pas question de l’intervention ou pas de l’Etat dans le système économique, bien que cela ne soit pas entièrement déconnectable de la question.
@ Marcailloux
[Lorsque j’écris que l’Etat est mauvais parent, cela implique que les enfants, s’ils sont tyrans, pour reprendre la formule de Didier Pleux, sont tout de même le résultat de l’éducation qu’ils ont reçu de leurs parents.]
En d’autres termes, le citoyen est une « victime » mineure. Il est irresponsable, puisque son comportement tient à « l’éducation » qu’il a reçu de l’Etat… Personnellement, je ne peux pas accepter cette logique. Ma conviction est qu’il y a une dialectique entre les citoyens et l’Etat. Ce sont les citoyens qui font l’Etat autant que l’Etat fait les citoyens.
[Je pense – et j’en suis même convaincu – que dans une société, une nation, il en va un peu de même.]
Sauf que, dans la famille, ce sont les parents qui font souverainement les règles, et ils tirent leur légitimité pour ce faire du fait que ce sont eux qui gagnent le pain du foyer, et qu’ils ont engendré leurs enfants. Dans la société, l’Etat n’a pas cette position : il ne gagne pas le pain des citoyens par son travail, il n’engendre pas les citoyens. C’est là où votre analogie trouve sa limite : dans la famille, les parents sont souverains. Dans la nation, ce sont les citoyens qui constituent le souverain , collectivement.
[Chouchoutez à l’excès les citoyens, vous n’en aurez que plus de reproches, de récriminations, de révoltes capricieuses, d’insoumission à la règle édictée.]
Oui. Mais refusez de les chouchouter… et ils vous renverseront pour élire quelqu’un qui les chouchoute. Un enfant ne peut changer de parents, un peuple peut changer de dirigeant.
@ Descartes
[En d’autres termes, le citoyen est une « victime » mineure. Il est irresponsable, puisque son comportement tient à « l’éducation » qu’il a reçu de l’Etat… Personnellement, je ne peux pas accepter cette logique. Ma conviction est qu’il y a une dialectique entre les citoyens et l’Etat. Ce sont les citoyens qui font l’Etat autant que l’Etat fait les citoyens.
Votre réponse est polémique, car, en fait, ce que je veux dire est à peu de chose près ce que vous écrivez. J’ai renoncé à employer le terme “dialectique” sans trouver celui qui correspondait à cette interaction, cet échange d’influence dans lesquels chacun a une part plus ou moins grande, sinon de responsabilité, du moins de paternité.
Votre dichotomie est réductrice quand vous assimilé “victime” à “irresponsabilité”. Celui qui se jette sous les roues d’une voiture, même sur un passage clouté s’il le fait brutalement, est à la fois victime et partiellement responsable de son inconséquence.
[Dans la société, l’Etat n’a pas cette position : il ne gagne pas le pain des citoyens par son travail, il n’engendre pas les citoyens. C’est là où votre analogie trouve sa limite : dans la famille, les parents sont souverains. Dans la nation, ce sont les citoyens qui constituent le souverain , collectivement.]
Stricto sensu oui. Mais les parents, à la limite, pas forcément non plus. Ils n’engendrent que des êtres humains, des Mowgli .
S’il n’y a pas de cité, il n’y a pas de citoyens. Et les règles de vie en société, qui structurent la citoyenneté ne sont pas précisément élaborée par les parents. Dans certains cas, ils en font des marginaux tyrans, dans d’autres des individus qui s’intègrent parfaitement dans la société.
D’autre part, dans un pays où les ressources des ménages proviennent en grande partie de fonds plus ou moins étatisés, l’Etat possède une marge de manoeuvre bien plus importante que dans un pays complètement libéral sur le plan économique.
Le “pain quotidien” est donc bien un “pain nationalisé”, au moins en partie. 😧
@ Marcailloux
[« En d’autres termes, le citoyen est une « victime » mineure. Il est irresponsable, puisque son comportement tient à « l’éducation » qu’il a reçu de l’Etat… Personnellement, je ne peux pas accepter cette logique. Ma conviction est qu’il y a une dialectique entre les citoyens et l’Etat. Ce sont les citoyens qui font l’Etat autant que l’Etat fait les citoyens ». Votre réponse est polémique, car, en fait, ce que je veux dire est à peu de chose près ce que vous écrivez.]
Mon point est que l’analogie entre le rapport de l’Etat au citoyen et celui des parents aux enfants est une analogie à la fois fausse et dangereuse. Fausse, parce que le rapport de l’Etat au citoyen est un rapport dialectique, dans lequel les citoyens constituent l’Etat autant que l’Etat les constitue comme citoyens. Ce n’est pas le cas dans la famille, ou les enfants n’existent que par une décision souveraine des parents. Les parents se constituent d’eux-mêmes.
Mais l’analogie est en plus dangereuse parce qu’elle accrédite la vision d’un Etat paternaliste, dont le rôle serait de corriger les citoyens, de les « éduquer ». Ce qui revient à confondre l’Etat et la société, ce qui est le germe de la pensée totalitaire.
[Votre dichotomie est réductrice quand vous assimilé “victime” à “irresponsabilité”. Celui qui se jette sous les roues d’une voiture, même sur un passage clouté s’il le fait brutalement, est à la fois victime et partiellement responsable de son inconséquence.]
Non. Lorsqu’on parle d’un suicide, on ne dit pas « victime ». On ne meurt pas « victime d’un suicide », précisément parce que le suicide est un acte de volonté. Ce qui distingue la victime, c’est précisément le fait qu’elle est irresponsable – au sens que ce qui lui arrive n’est pas la conséquence de sa volonté. Vous noterez d’ailleurs que la locution « il l’a bien cherché » ou « il n’a eu que ce qu’il mérite », qui attribuent à une responsabilité, sont couramment employées lorsqu’on veut refuser à quelqu’un le statut de victime.
[« Dans la société, l’Etat n’a pas cette position : il ne gagne pas le pain des citoyens par son travail, il n’engendre pas les citoyens. C’est là où votre analogie trouve sa limite : dans la famille, les parents sont souverains. Dans la nation, ce sont les citoyens qui constituent le souverain, collectivement. » Stricto sensu oui. Mais les parents, à la limite, pas forcément non plus. Ils n’engendrent que des êtres humains, des Mowgli.]
Je ne comprends pas cette réponse.
[S’il n’y a pas de cité, il n’y a pas de citoyens. Et les règles de vie en société, qui structurent la citoyenneté ne sont pas précisément élaborée par les parents. Dans certains cas, ils en font des marginaux tyrans, dans d’autres des individus qui s’intègrent parfaitement dans la société.]
Je ne vous parle pas des règles. La décision des parents d’avoir un enfant est souveraine. S’ils prennent la décision contraire, l’enfant n’existe pas. L’Etat ne peut décider souverainement d’avoir des citoyens, c’est plutôt l’inverse : ce sont les citoyens qui se donnent un Etat.
[D’autre part, dans un pays où les ressources des ménages proviennent en grande partie de fonds plus ou moins étatisés, l’Etat possède une marge de manœuvre bien plus importante que dans un pays complètement libéral sur le plan économique. Le “pain quotidien” est donc bien un “pain nationalisé”, au moins en partie.]
Oui, mais contrairement aux parents, qui produisent le pain quotidien par leur travail, l’Etat ne fait que redistribuer ce que les citoyens produisent… Pour que votre analogie fonctionne, il faudrait imaginer une famille ou ce sont les enfants qui travaillent et les parents se contentent d’encaisser les gains et de les redistribuer sous forme de nourriture…
@ Descartes
Bonjour,
[ [Stricto sensu oui. Mais les parents, à la limite, pas forcément non plus. Ils n’engendrent que des êtres humains, des Mowgli.]
Je ne comprends pas cette réponse.]
Bien que ma réponse ne s’inscrive pas en faux, je conviens que la phrase est un peu alambiquée.
Les parents, isolés, ne forment qu’une tribu, avec des membres homo sapiens. On est un peu comme la poule et l’oeuf;
J’en profite pour questionner sur le fait que “citoyen” supporte deux formes: le substantif ou l’adjectif, alors que “homme” n’est qu’un substantif ?
D’autre part, c’est le travail de l’institution “Etat”, par son organisation qui permet de prendre à certains pour le fournir aux autres. Une analogie n’est qu’une analogie, pas une identité.
Si je dis que le soleil et la lune sont analogues en ce sens qu’ils sont tous les deux des astres, l’analogie, comme vous le dites, s’arrête là. La corrélation est plus ou moins grande selon les cas.
@ Marcailloux
[J’en profite pour questionner sur le fait que “citoyen” supporte deux formes: le substantif ou l’adjectif, alors que “homme” n’est qu’un substantif ?]
Le mot « citoyen » est en principe un nom. L’adjectif est une invention dont la signification m’a toujours échappé. A mon sens, c’est une sorte de « mot-valise » ou chacun met un peu ce qu’il veut.
@Descartes,
[Le mot « citoyen » est en principe un nom. L’adjectif est une invention dont la signification m’a toujours échappé. A mon sens, c’est une sorte de « mot-valise » ou chacun met un peu ce qu’il veut.]
C’est effectivement de la novlangue, mais c’est cohérent avec le discours “multiculti”: cela signifie qu’il n’existe justement plus vraiment de…citoyens et que les étrangers ne sont désormais plus distingués du reste des citoyens, à l’heure où les frontières sont plus ouvertes que jamais; les clandestins ne sont plus jamais expulsés et où l’assimilation n’est plus qu’un vague souvenir, remplacée qu’elle est par “l’inclusion”…
L’adjectif correspondant au substantif “citoyen” est…CIVIQUE! Or on l’impression que pour nos dirigeants d’aujourd’hui ce dernier terme est trop connoté, sauf pour quand il s’agit de masquer les conséquence de… l’incivisme d’une grande partie de nos représentants: dans ce cas-là, ils déploreront avec force les “incivilités” qui empoisonnent la vie de “celles et ceux”😬 qui “ont en partage notre territoire” 😈😬…
Car désormais, la disparition de la citoyenneté emporte avec elle celle de la nation, qui n’est plus qu’un vague “territoire en partage”…
@ CVT
[L’adjectif correspondant au substantif “citoyen” est…CIVIQUE! Or on l’impression que pour nos dirigeants d’aujourd’hui ce dernier terme est trop connoté,]
Il est intéressant de constater comment le mot « civique » a pratiquement disparu du vocabulaire politique, alors que le terme « citoyen » utilisé comme adjectif est mis à toutes les sauces. Il est vrai que « civique » est fortement connoté à l’idée de devoir, de discipline, qu’on retrouve dans des expressions comme « devoir civique » ou « civisme »…
[J’en profite pour questionner sur le fait que “citoyen” supporte deux formes: le substantif ou l’adjectif]
Non. Citoyen est un substantif. Son utilisation comme adjectif est un barbarisme apparu dans les années 1990. L’adjectif est “civique”.
Et il y en a d’autres. “piéton”, par ex, qui est un substantif. Une rue ne peut donc pas être “piétonne”, mais piétonnière.
@ BJ
[Non.]
Toujours ans la nuance et la subtilité !
[Citoyen est un substantif.]
Substantif, personne ne le conteste donc inutile de le réaffirmer.
[ Son utilisation comme adjectif est un barbarisme apparu dans les années 1990. L’adjectif est “civique”.]
Fermez le ban ! ! !
Pour le reste, lorsque je ne sais pas – ce qui est très fréquent – je m’en réfère au CNRTL, Centre National des Ressources Textuelles et Linguistique, émanation du CNRS, truffé de linguistes de haut vol, de grammairiens éminents, de sémiologues distingués, des experts de la langue tout simplement. Pure rationalité cartésienne !
J’y trouve là un bon usage de mes impôts.
Et que nous disent ces renommés sachants ?
Que sous sa forme d’adjectif, ce mot a été employé par Balzac dès 1833, il y aura bientôt 200 ans.
Si Balzac est un “barbare” de la langue, je suis heureux de l’apprendre, et je m’incline devant votre érudition.
“La privatisation massive des établissements publics industriels a non seulement privé l’Etat des leviers d’action, elle l’a privé d’une expertise précieuse./ “Mais ensuite, en tant que « gardien » de ces droits, l’Etat est de plus en plus défaillant, et d’autant plus défaillant que beaucoup de ces normes sont irréalistes.”
=> Vous avez raison, les termes “renforcé” et “gardien” sont assez mal choisis de ma part. Il n’en demeure pas moins que l’extension permanente des droits de toute sorte suscite une attente démesurée du citoyen à l’égard de l’Etat. Et donc une déception d’autant plus vive que celui-ci est de moins en moins capable de remplir sa fonction de gardien. C’est en cela qu’il est pour moi ” mauvais parent”, il énonce des normes qu’il n’est pas en mesure de garantir. Il laisse grandir un enfant-roi à qui il ne sait pas dire non, mais qu’il cogne quand même de temps à autre pour se convaincre qu’il reste le maître à bord.
L’Etat mauvais parent n’est pas au-dessus du citoyen, mais derrière lui, à sa remorque, non pas soumis à la volonté générale ni à un bien commun mais à la demande de chacun de nous “tyran tyrannisé par ses désirs particuliers” (P.Manent). Disant cela, je ne cherche pas à attribuer de façon manichéenne, un rôle de méchant. Je constate une situation et j’en recherche les causes. L’Etat étant l’émanation de la société, il est le produit mais peut-être aussi l’accélérateur des grandes dynamiques qui la traversent. Vous parlez je crois très justement plus haut d’une “logique post-moderne qui ne reconnaît plus la nécessité de voir le présent guidé par le passé”, immédiatement me viennent également une trahison des élites qui se sont bien souvent détournées de la nation, la subordination de l’être à la Technique et une dévalorisation du travail… Il faudrait bien sûr prendre le temps de développer.
Je n’ai pas l’ambition d’apporter une réponse à votre question finale, mais je crois que l’Etat ne devrait pas donner au citoyen ce qu’il considère être bon pour lui ni même lui offrir simplement ce qu’il demande mais plutôt lui permettre de choisir et d’obtenir/atteindre par lui-même ce qui lui paraît bon. Par ailleurs qui est ce Cromwell à qui vous faites référence ? Oliver ? Avez-vous des références ? A-t-il écrit sur l’Etat ou sont-ce seulement des propos rapportés ?
@ Antoine
[Vous avez raison, les termes “renforcé” et “gardien” sont assez mal choisis de ma part. Il n’en demeure pas moins que l’extension permanente des droits de toute sorte suscite une attente démesurée du citoyen à l’égard de l’Etat. Et donc une déception d’autant plus vive que celui-ci est de moins en moins capable de remplir sa fonction de gardien.]
Vous touchez là un problème intéressant, qui est celui de la fonction des instruments normatifs. En principe, pour citer Portalis, « la loi permet, ordonne ou interdit ». Et l’Etat est là pour s’assurer que les citoyens puissent librement faire ce qu’elle permet, qu’ils fassent effectivement ce qu’elle ordonne, et qu’ils ne fassent pas ce qu’elle interdit. Mais de plus en plus on voit se multiplier ces dernières années des lois dont la fonction est purement déclarative. Elles ne sont pas vraiment destinées à « permettre, ordonner ou interdire », mais à déclarer les bonnes intentions de ceux qui la font et qui la votent, voire de donner l’illusion qu’on a résolu un problème, alors que tout ce qu’on a fait est de voter un texte déclarant que le problème est résolu.
La loi sur le droit au logement opposable est un excellent exemple. Tout le monde sait que le problème du logement vient de l’inadaptation entre l’offre et la demande. Il n’y a pas assez de logements répondant à la norme de ce que les individus estiment avoir le droit. La solution à ce problème implique soit de construire plus de logements, soit de changer la norme. La loi créant « le droit au logement opposable » ne fait ni l’un ni l’autre. Elle énonce simplement que celui qui ne trouve pas de logement s’adresser à l’Etat, et que celui-ci est tenu de faire apparaître un logement pour lui accorder. Le processus magique par lequel l’Etat fait surgir du néant les logements nécessaires n’est pas décrit.
Mais peut-on dire quel le vote de la loi sur le droit au logement opposable ait créé une « attente démesurée » chez les citoyens et, inévitablement, une déception ? Je ne le crois pas. Je pense que les Français sont beaucoup trop intelligents pour ne pas se rendre compte que la loi en question avait un caractère symbolique, que l’Etat n’a pas le pouvoir de créer des logements par art de magie, et que s’il avait ce pouvoir il l’aurait depuis bien longtemps utilisé sans besoin d’une loi pour le forcer.
[C’est en cela qu’il est pour moi ” mauvais parent”, il énonce des normes qu’il n’est pas en mesure de garantir. Il laisse grandir un enfant-roi à qui il ne sait pas dire non, mais qu’il cogne quand même de temps à autre pour se convaincre qu’il reste le maître à bord.]
Mais là encore, votre raisonnement place le citoyen en position d’enfant. Personnellement, je pense que les citoyens sont bien plus intelligents que cela. Et qu’ils ont bien mieux compris comment le monde fonctionne qu’on ne le pense. Ils savent bien distinguer entre une mesure substantielle, qui changera leurs vies, et une mesure déclarative, qui n’aura aucun effet sur leur quotidien.
[L’Etat mauvais parent n’est pas au-dessus du citoyen, mais derrière lui, à sa remorque, non pas soumis à la volonté générale ni à un bien commun mais à la demande de chacun de nous “tyran tyrannisé par ses désirs particuliers” (P.Manent). Disant cela, je ne cherche pas à attribuer de façon manichéenne, un rôle de méchant. Je constate une situation et j’en recherche les causes.]
J’aime bien la formule de Manent, et j’entends bien qu’en qualifiant l’Etat de « mauvais parent » vous ne faites pas de jugement moral. Mais je persiste à penser que cette vision d’un citoyen mineur pose un problème non seulement de principe, mais qu’elle n’est pas confirmée par l’expérience. Et la réaction des citoyens à cette crise est très révélatrice du décalage entre le discours dominant et le comportement des Français. On nous répète en permanence que les gens n’ont pas confiance dans l’Etat, mais qu’observe-t-on en pratique ? Que les gens non seulement ne contestent pas vraiment les règles imposées par l’Etat, mais qu’ils y obéissent. Et que même lorsqu’ils se laissent un peu aller – après tout, on est un peuple hédoniste – ils se reprennent dès que l’autorité apparaît à l’horizon et ne contestent pas vraiment le fait que celle-ci les fasse appliquer. Comparez avec les Américains ou les Allemands qui manifestent dans les rues contre le confinement.
Les Français sont en fait des grands réalistes. Ils savent bien qu’on ne leur dit pas tout, qu’on leur ment à l’occasion, mais d’un autre côté ils font une confiance presque illimitée à l’Etat lorsque celui-ci agit. Et ils en ont pris leur parti. Ils se comportent comme des enfants-roi si l’Etat le leur permet, mais quand l’Etat fait acte d’autorité, ils rentrent dans le rang. Un ami préfet me faisait remarquer que « quand l’Etat dit « c’est comme ça et pas autrement », les gaulois grognent mais font ce qu’on leur dit ; par contre, quand l’Etat leur dit « voilà mon projet, quel est votre avis ? » c’est fini, ça ne se fera jamais ». En fait, ce que les Français demandent à l’Etat, c’est d’assumer son rôle de référence.
[Je n’ai pas l’ambition d’apporter une réponse à votre question finale, mais je crois que l’Etat ne devrait pas donner au citoyen ce qu’il considère être bon pour lui ni même lui offrir simplement ce qu’il demande mais plutôt lui permettre de choisir et d’obtenir/atteindre par lui-même ce qui lui paraît bon. Par ailleurs qui est ce Cromwell à qui vous faites référence ? Oliver ? Avez-vous des références ? A-t-il écrit sur l’Etat ou sont-ce seulement des propos rapportés ?]
Oui, il s’agit bien de Oliver Cromwell. Un personnage absolument fascinant et finalement très peu connu en France, comme d’ailleurs la révolution britannique du milieu du XVIIème siècle. C’est une période passionnante, parce qu’on retrouve les prémisses de ce que sera la philosophie politique de la révolution bourgeoise. Cromwell lui-même n’a que très peu écrit. C’était surtout un homme d’action, un intuitif, et non un théoricien. De sa plume, nous ne connaissons que ses discours à la Chambre des Communes (dont il a été longtemps membre) et une partie de sa correspondance. Par contre, on a beaucoup écrit sur lui tant de son vivant qu’après sa mort, tant il était et reste une figure clivante de l’histoire britannique, un peu comme Robespierre chez nous. Le parallèle avec le parcours de Robespierre n’est d’ailleurs pas inintéressant…
La difficulté pour nous de comprendre la pensée cromwelienne vient aussi du fait que dans l’Angleterre du XVIIème siècle les conflits politiques et économiques étaient déguisés sous l’apparence de conflit dans l’organisation du religieux. Et il n’est pas facile pour le lecteur contemporain de voir quels intérêts représentaient exactement les catholiques, les épiscopaliens, les presbytériens écossais, les presbytériens anglais, les indépendants, les sectaires, les quaquers… et il y en a encore d’autres !
“Mais de plus en plus on voit se multiplier ces dernières années des lois dont la fonction est purement déclarative.”
=> C’est très juste mais ce n’est à mon sens qu’une partie du problème. Les individus demandent des droits nouveaux sans n’être jamais rassasiés. Parmi ceux-ci, certains comme le mariage homosexuel ne sont pas que déclaratifs. Le monde s’étant rempli de victimes, la société a supplié l’Etat de venir la consoler. Mais ce faisant il la conforte dans son statut de victime. Comment ne pas voir que la moraline a envahi le discours public ? N’avez-vous pas trouvé insupportable la fade douceur des discours de Macron ? Il est chef d’Etat, pas psychologue.
Biberonnés de cette façon, (entendez-bien que ce n’est pas une situation que j’aurais souhaité mais je la constate), nous ne voyons plus la dimension totalitaire de cette intrusion de l’Etat dans nos intimités. Accroissement de la surveillance, limitation de la liberté d’expression, banalisation de la vidéo comme mode de sociabilité, tout ce qui a trait à l’extension de la biopolitique.
Votre exemple sur les différences entre les attitudes françaises, allemandes ou américaines face au confinement éclaire et confirme pour moi tout cela. Allemands et Américains ont trivialement une culture de l’Etat très différente des Français. Et peut-être que cela les protège d’une certaine impudeur.
@ antoine
[=> C’est très juste mais ce n’est à mon sens qu’une partie du problème. Les individus demandent des droits nouveaux sans n’être jamais rassasiés. Parmi ceux-ci, certains comme le mariage homosexuel ne sont pas que déclaratifs.]
Pardon, mais le mariage homosexuel est un acte essentiellement déclaratif. Qu’est-ce que cela change dans les faits par rapport au PACS, qui a déjà résolu le problème des droits successoraux ? Le mariage a été créé comme institution dans la perspective de protéger la filiation. Dans la mesure où les homosexuels ne peuvent procréer, et que toute filiation dans leur cas ne peut être qu’artificielle, le mariage n’a qu’un objectif : « déclarer » qu’ils sont égaux aux autres.
[Le monde s’étant rempli de victimes, la société a supplié l’Etat de venir la consoler. Mais ce faisant il la conforte dans son statut de victime. Comment ne pas voir que la moraline a envahi le discours public ? N’avez-vous pas trouvé insupportable la fade douceur des discours de Macron ? Il est chef d’Etat, pas psychologue.]
Oui, tout à fait insupportable. En plus, ces discours mettent en évidence le fait que Macron a raté sa véritable vocation, qui était celle d’acteur. Plus qu’être président, il nous joue un personnage de président. Un homme d’Etat n’est pas là pour compatir à nos malheurs, mais pour les sublimer dans l’action. Macron se contente de nous tendre un mouchoir pour pleurer et de nous dire « vous verrez, ça va passer ». Remarquez, il est moins ridicule que Hollande et sa « médaille aux victimes »…
[Biberonnés de cette façon, (entendez-bien que ce n’est pas une situation que j’aurais souhaité mais je la constate), nous ne voyons plus la dimension totalitaire de cette intrusion de l’Etat dans nos intimités. Accroissement de la surveillance, limitation de la liberté d’expression, banalisation de la vidéo comme mode de sociabilité, tout ce qui a trait à l’extension de la biopolitique.]
Franchement, les discours terrifiants sur le « totalitarisme » macronien donnent envie de pleurer. La révolte des « Gilets Jaunes » a mis en évidence une réalité sur laquelle on devrait réflechir : notre système social et politique repose fermement sur le consentement du peuple, au point qu’il suffit qu’une petite minorité refuse ce consentement pour paralyser le système, dès lors que celle-ci peut compter sur la bienveillance de la majorité. Imaginer dans ces conditions que l’Etat pourrait imposer une surveillance ou un fonctionnement « totalitaire » est une absurdité.
Le danger ne vient pas de l’Etat. La surveillance, l’intrusion dans la sphère privée, la limitation de la liberté d’expression ne sont pas aujourd’hui le fait de l’Etat, mais de groupes militants, sortes de « syndicats de victimes ». Ce n’est pas l’Etat qui a empêché Polanski d’aller chercher son César ou qui réduit au silence ceux qui se risquent à critiquer une certaine religion, par exemple. Il faut arrêter d’internaliser l’idée libérale que l’Etat est LA menace, et que son retrait garantirait un commerce respectueux et rationnel entre les citoyens. C’est au contraire l’Etat qui protège chacun d’entre nous des autres. Laissons de côté Rousseau et relisons Hobbes…
[Votre exemple sur les différences entre les attitudes françaises, allemandes ou américaines face au confinement éclaire et confirme pour moi tout cela. Allemands et Américains ont trivialement une culture de l’Etat très différente des Français. Et peut-être que cela les protège d’une certaine impudeur.]
Vous savez, l’idéologie postmoderne qui fait de chacun de nous une « victime » vient précisément des Etats-Unis, pays ou l’Etat est objet de méfiance plutôt que de vénération. La seule différence est que le tropisme français va chercher la protection auprès de l’Etat là ou l’idéologie postmoderne américaine irait plutôt vers la « communauté ». Ce qui crée une intéressante contradiction, parce que les communautés portent chacun les revendications de SES victimes, alors que l’Etat est supposé les subordonner à l’intérêt général…
@ Descartes
[Pardon, mais le mariage homosexuel est un acte essentiellement déclaratif. Qu’est-ce que cela change dans les faits par rapport au PACS, qui a déjà résolu le problème des droits successoraux ?]
Dans le cas d’un ressortissant étranger et d’un Français, ça a des effets très réels concernant le droit au séjour et l’accès à la citoyenneté. Le mariage rend les démarches administratives considérablement plus faciles et les procédures plus simples, donc plus rapides. J’ai un ami Ukrainien qui, après avoir déserté l’armée, s’est pacsé à un policier français (je sais, sacrée histoire), et malgré sa défiance face à ce que représente le mariage – je crois comprendre partagée par un certain nombre d’homosexuels – il a quand même hésité devant le raccourci que la vénérable institution bourgeoise représenterait.
@ BolchoKek
[Dans le cas d’un ressortissant étranger et d’un Français, ça a des effets très réels concernant le droit au séjour et l’accès à la citoyenneté.]
On n’avait pas besoin d’étendre le mariage aux homosexuels pour résoudre ce problème. Une simple modification du PACS aurait suffi.
@ Descartes
[“Oui, tout à fait insupportable. En plus, ces discours mettent en évidence le fait que Macron a raté sa véritable vocation, qui était celle d’acteur. Plus qu’être président, il nous joue un personnage de président. Un homme d’Etat n’est pas là pour compatir à nos malheurs, mais pour les sublimer dans l’action.”]
Je m’inscris en faux ! Je ne sais pas quelle était la véritable vocation de Macron, peut-être employé de banque, en tout cas certainement pas acteur, sans quoi vous ne le trouveriez pas “insupportable”. Le “B-A BA” d’un bon acteur est de savoir créer l’illusion qu’il ne joue pas. Or, votre réflexion démontre, précisément, que Macron ne parvient pas à créer une telle illusion chez vous. Barack Obama, en revanche, qui n’a jamais, à ma connaissance, sublimé les malheurs de qui que ce soit dans l’action, était, ce me semble, assez bon acteur, si bien que quoi que j’aie pu penser par ailleurs de ses politiques, ses discours ne m’étaient tout de même pas “insupportables”.
@ dsk
[Je m’inscris en faux ! Je ne sais pas quelle était la véritable vocation de Macron, peut-être employé de banque, en tout cas certainement pas acteur, sans quoi vous ne le trouveriez pas “insupportable”. Le “B-A BA” d’un bon acteur est de savoir créer l’illusion qu’il ne joue pas.]
Pardon, cher ami, mais si j’ai écrit que la véritable vocation de Macron était d’être acteur, je n’ai jamais dit qu’il aurait été un bon dans ce métier. Il n’est pas rare que les gens aient la vocation pour un métier pour lequel ils n’ont pas le talent…
Ce que j’ai voulu dire, c’est que lorsqu’on regarde ses prestations on remarque chez Macron un plaisir de jouer. Devant la caméra, il n’est jamais tendu. Parler, pour lui, n’est pas une corvée (d’ailleurs, lorsqu’il intervient, il tend à prolonger les échanges au delà du raisonnable). Dans ses interventions, il fait usage de toute la panoplie de l’acteur: le piano quand il veut donner la complicité, le forte quand il veut incarner une figure d’autorité, les silences pour créer le climat dramatique… Et puis, ce n’est pas pour rien qu’il a épousé sa prof de théâtre…
[Or, votre réflexion démontre, précisément, que Macron ne parvient pas à créer une telle illusion chez vous. Barack Obama, en revanche, qui n’a jamais, à ma connaissance, sublimé les malheurs de qui que ce soit dans l’action, était, ce me semble, assez bon acteur, si bien que quoi que j’aie pu penser par ailleurs de ses politiques, ses discours ne m’étaient tout de même pas “insupportables”.]
Obama n’était pas un “acteur”, plutôt un prêcheur. Son expression – et c’est la règle pour les leaders politiques dans les pays protestants – tenait beaucoup plus des techniques d’un pasteur s’adressant à sa congrégation que d’un acteur sur les tréteaux. Obama n’essayait pas de créer des personnages différents pour chaque occasion: il était le personnage qu’il s’était créé. Macron, au contraire, a plusieurs personnages: le père de la nation qui regarde la ligne bleue de Vosges, le compatissant pour qui rien ne compte plus que le malheur humain, l’homme inflexible du parler vrai, l’homme qui a appris de ses erreurs et qui change d’avis, Jupiter qui change le monde par sa seule volonté… en deux ans et demi, on a vu défiler tous ces personnages. Qu’y a-t-il de commun entre le Macron royal du “cette réforme, on va la faire parce qu’elle est nécessaire à votre bonheur futur” et le Macron contrit qui reconnaît que le monde de demain ne sera pas celui d’hier ?
@ Descartes
[“Pardon, cher ami, mais si j’ai écrit que la véritable vocation de Macron était d’être acteur, je n’ai jamais dit qu’il aurait été un bon dans ce métier. Il n’est pas rare que les gens aient la vocation pour un métier pour lequel ils n’ont pas le talent…”]
D’accord. J’aime mieux ça. Dans son cas, je dirais que cela s’applique tout autant à son éventuelle “vocation” pour le “métier” de Président de la République…
[“Ce que j’ai voulu dire, c’est que lorsqu’on regarde ses prestations on remarque chez Macron un plaisir de jouer. Devant la caméra, il n’est jamais tendu. Parler, pour lui, n’est pas une corvée (d’ailleurs, lorsqu’il intervient, il tend à prolonger les échanges au delà du raisonnable).”]
Sans doute. La véritable “corvée” est pour le spectateur… C’est pourquoi je ne vous cache pas que je m’en dispense autant que je le peux. Je dois dire que je trouve assez admirable que vous trouviez la force, quant à vous, de vous l’infliger volontairement.
[“Macron, au contraire, a plusieurs personnages: le père de la nation qui regarde la ligne bleue de Vosges, le compatissant pour qui rien ne compte plus que le malheur humain, l’homme inflexible du parler vrai, l’homme qui a appris de ses erreurs et qui change d’avis, Jupiter qui change le monde par sa seule volonté… en deux ans et demi, on a vu défiler tous ces personnages.”]
Oui. Et comme il est flagrant qu’il ne fait là que jouer des personnages, le spectateur que je suis ne peut s’empêcher d’en tirer la conclusion qu’il est en réalité tout le contraire, soit un adolescent attardé incapable de la moindre vision et indifférent au malheur humain, un obstiné qui n’apprend jamais rien de ses erreurs, et un politique impuissant incapable de changer quoi que ce soit dans le monde. Incidemment, je suis frappé, depuis quelque temps, par l’importance prise par les accusations de “mensonge” systématiquement adressées notamment à Johnson et à Trump par leurs adversaires idéologiques. Or, il me semble qu’en comparaison, ceux-ci m’apparaissent beaucoup plus “vrais”, en tant qu’acteurs, justement, que leurs adversaires, dont Macron est, de ce point de vue, un exemple caricatural.
[“Qu’y a-t-il de commun entre le Macron royal du “cette réforme, on va la faire parce qu’elle est nécessaire à votre bonheur futur” et le Macron contrit qui reconnaît que le monde de demain ne sera pas celui d’hier ?”]
Je dirais peut-être une conception de l’exercice du pouvoir politique qui ne se distinguerait en rien de la direction d’une simple entreprise du CAC 40…
@ dsk
[D’accord. J’aime mieux ça. Dans son cas, je dirais que cela s’applique tout autant à son éventuelle “vocation” pour le “métier” de Président de la République…]
Je ne crois pas que Macron ait la moindre « vocation » pour le métier de président de la République, si tant est qu’un tel métier existe. Contrairement à un Sarkozy ou un Mitterand, qui ont pensé pendant des années à la présidence, on peut appliquer à Macron la formule du cardinal de Retz : « l’homme ne monte jamais aussi haut que lorsqu’il ne sait pas où il va ». La « vocation » de Macron était de monter aussi haut que possible, et il a trouvé des parrains puissants qui l’ont poussé vers des postes de plus en plus élevés mais pour lesquels il n’avait jamais montré une inclination particulière. Ainsi il est passé de la philosophie à l’administration, de l’administration à la banque, de la banque à la politique… Mitterrand, Sarkozy ou Chirac étaient des politiques jusqu’au bout des ongles, qui n’ont jamais fait que ça. Macron est un « dilettante », une sorte d’Attali…
[Sans doute. La véritable “corvée” est pour le spectateur… C’est pourquoi je ne vous cache pas que je m’en dispense autant que je le peux. Je dois dire que je trouve assez admirable que vous trouviez la force, quant à vous, de vous l’infliger volontairement.]
Je suis de moins en moins « admirable », parce que je vous avoue que j’ai de moins en moins la patience d’écouter notre président jusqu’au bout. A force de lui voir jouer les mêmes personnages, on arrive presque à deviner la pièce avant qu’il la joue.
[Oui. Et comme il est flagrant qu’il ne fait là que jouer des personnages, le spectateur que je suis ne peut s’empêcher d’en tirer la conclusion qu’il est en réalité tout le contraire, soit un adolescent attardé incapable de la moindre vision et indifférent au malheur humain, un obstiné qui n’apprend jamais rien de ses erreurs, et un politique impuissant incapable de changer quoi que ce soit dans le monde.]
Je pense que nous partageons le diagnostic.
[Incidemment, je suis frappé, depuis quelque temps, par l’importance prise par les accusations de “mensonge” systématiquement adressées notamment à Johnson et à Trump par leurs adversaires idéologiques. Or, il me semble qu’en comparaison, ceux-ci m’apparaissent beaucoup plus “vrais”, en tant qu’acteurs, justement, que leurs adversaires, dont Macron est, de ce point de vue, un exemple caricatural.]
Je pense qu’on ne peut pas parler des « mensonges » d’un homme politique sans tenir compte de l’histoire politique de son pays. Il y a mensonge et mensonge. Certains « mensonges » n’en sont pas, au sens qu’au moment ou l’homme politique les dit et le citoyen les écoute ni l’un ni l’autre n’y croit. Certains « mensonges » font partie des fictions nécessaires, d’autres ont un caractère purement rituel. La vérité n’a pas non plus le même statut en terre protestante, où l’on considéré la vertu morale et la vertu politique comme inséparables, et en terre catholique ou l’on admet parfaitement qu’on puisse être corrompu et bien gouverner.
[Je dirais peut-être une conception de l’exercice du pouvoir politique qui ne se distinguerait en rien de la direction d’une simple entreprise du CAC 40…]
Sauf qu’un dirigeant qui navigue de crise en désastre dans une entreprise du CAC40 se serait fait remercier par ses actionnaires depuis longtemps…
@ Descartes
[On n’avait pas besoin d’étendre le mariage aux homosexuels pour résoudre ce problème. Une simple modification du PACS aurait suffi.]
En donnant au PACS des possibilités pour le séjour qu’il n’a pas actuellement, on aurait alors le risque de se retrouver face à une vague de “PACS blancs”, étant donné la simplicité pour conclure un PACS et le fait qu’il peut être dissous unilatéralement…
@ BolchoKek
[En donnant au PACS des possibilités pour le séjour qu’il n’a pas actuellement, on aurait alors le risque de se retrouver face à une vague de “PACS blancs”, étant donné la simplicité pour conclure un PACS et le fait qu’il peut être dissous unilatéralement…]
La différence entre le PACS blanc et le mariage blanc est subtile. La dissolution du mariage est certes un peu plus compliquée, mais dans le cas d’un mariage blanc (c’est à dire, où il existe dès le départ un accord sur le fait que le mariage n’a d’autre objectif que de contourner la loi) le consentement mutuel est acquis d’avance. Par ailleurs, on peut parfaitement assortir les effets du PACS sur la naturalisation d’un délai de carence, comme on le fait pour le mariage.
___Le mariage a été créé comme institution dans la perspective de protéger la filiation. Dans la mesure où les homosexuels ne peuvent procréer, et que toute filiation dans leur cas ne peut être qu’artificielle, le mariage n’a qu’un objectif : « déclarer » qu’ils sont égaux aux autres. ___
À l’évidence, dans l’esprit des militants “LGBTQR…”, le mariage “pour tous” devait justement favoriser la parentalité “pour tous”, c’est-à-dire être une étape vers l’adoption, la PMA et la GPA… C’était tout à fait clair dans leur argumentaire.
@ Gugus69
[À l’évidence, dans l’esprit des militants “LGBTQR…”, le mariage “pour tous” devait justement favoriser la parentalité “pour tous”, c’est-à-dire être une étape vers l’adoption, la PMA et la GPA… C’était tout à fait clair dans leur argumentaire.]
Tout à fait. Mais en soi, accorder aux homosexuels la possibilité de se marier ne change en principe rien ni à l’adoption ni à la GPA ni à la PMA. Je doute que dans la vision des LGBTQR+ ces droits doivent être restreints aux personnes mariées. La logique du lobby LGBTQR+ est plutôt une logique de droits personnels, et non liées à un statut juridique. L’adoption a déjà été autorisée pour les célibataires, et il y a fort à parier que la GPA et la PMA suivent le même chemin, ouvrant la perspective dantesque d’un “droit à l’enfant” et une filiation facultative.
Mais tout cela ne découle pas juridiquement du statut du mariage. C’est en ce sens que ce statut est purement “déclaratif”.
Vous n’auriez presque rien à redire à mes commentaires ? Ce serait presque une première !
[Les professeurs de médecine se sont occupés de ce qui est leur spécialité, la médecine. Ils ont pensé comment faire face dans l’hôpital, et finalement ils ne se sont pas mal débrouillés. Mais justement, par manque de culture générale, ils ont proposé des solutions qui n’étaient pas praticables, comme vous le soulignez, d’ailleurs…]
Pour mémoire, les disciplines médicales ne se limitent pas aux hôpitaux. Il existe même une spécialité à l’internat de médecine qui s’appelle “santé publique” ; ces spécialistes sont justement chargés de suivre les maladies, les propagations, les risques de transmission de maladies, etc.
Je suis d’accord sur le lien entre le déclin de la culture générale et celui du système D, même s’il y a d’autres facteurs qui ont été évoqués dans la discussion.
Mais dans cette crise il y a un autre aspect qui n’a pas été évoqué. Grâce à internet, les français ordinaires savent ce qu’il aurait fallu faire, et donc les dirigeants le savaient aussi. Les français expatriés en Corée du Sud, et d’une manière générale en extrême Orient, et j’ai découvert qu’ils étaient nombreux, ne se gênent pas pour abreuver nos compatriotes de mails et autres vidéos exprimant en détail leur stupéfaction et leur indignation devant les agissements du gouvernement français. Ils expliquent en gros et dans les moindres détails ce qu’il aurait fallu faire.
Avant le confinement les français savaient déjà que le gouvernement leur mentait quand il disait qu’il n’y avait pas de danger. Ils n’ont pas cru un seul des nombreux mensonges qui se sont succédé pendant des mois.
Si au moins au début du confinement le gouvernement avait dit : “L’objectif est d’arriver le plus vide possible à une situation où nous pourrons tester tout le monde, distribuer des masques à tout le monde, confiner individuellement ceux qui seront testés positifs, quitte à réquisitionner toutes les chambres d’hôtel et si nécessaire construire en urgence des capacités supplémentaires.
Débrouillez vous ! Vous avez carte blanche. Ne vous souciez pas des règles qui en temps ordinaire vous interdiraient de faire tout cela, elle sont suspendues”
Les français auraient redécouvert avec plaisir leur bon vieux système D. Mais ce n’est pas du tout ce qu’ils ont entendu.
On ne peut pas leur demander de déployer leur système D pour “réussir” un déconfinement précipité alors qu’ils savent que le gouvernement leur ment, qu’ils savent ce qu’il aurait fallu faire pour être prêts, que nous ne le sommes pas, et que si jamais le Dr Raoult a tort de croire que le virus s’évaporera à l’arrivée des beaux jours, il faudra tout recommencer.
@ VIO59
[Mais dans cette crise il y a un autre aspect qui n’a pas été évoqué. Grâce à internet, les français ordinaires savent ce qu’il aurait fallu faire, et donc les dirigeants le savaient aussi.]
Je vous trouve bien ironique… une petite promenade sur Internet vous éclairera : certains vous conseilleront la chloroquine, d’autres le géo-magnetisme. Certains vous diront que l’homéopathie est souveraine, d’autres iront jusqu’à affirmer qu’en fait l’épidémie n’existe pas, que c’est une invention des médias contrôlés par Bill Gates et la Synarchie pour asservir les populations. Alors, pour trouver « ce qu’il aurait fallu faire » dans tout ce fratras…
[Les français expatriés en Corée du Sud, et d’une manière générale en extrême Orient, et j’ai découvert qu’ils étaient nombreux, ne se gênent pas pour abreuver nos compatriotes de mails et autres vidéos exprimant en détail leur stupéfaction et leur indignation devant les agissements du gouvernement français. Ils expliquent en gros et dans les moindres détails ce qu’il aurait fallu faire.]
Oui. La solution, c’était de transformer les Français en Coréens. L’ennui, c’est que ce n’est pas facile à faire, surtout sur un temps court. Rien ne permet d’affirmer qu’on aurait pu faire en France ce qu’ils ont fait en Corée, ou que cela aurait marché de la même façon. Par ailleurs, il faudrait être prudent avant de tirer des conclusions : l’épidémie n’est pas terminée, ni en France, ni en Corée.
[Avant le confinement les français savaient déjà que le gouvernement leur mentait quand il disait qu’il n’y avait pas de danger.]
Beh… s’ils le savaient, pourquoi n’ont-ils pas exigé le confinement plus tôt ? Je ne me souviens pas d’avoir vu les gens manifester pour exiger que le gouvernement agisse, pas plus que je n’ai vu les représentants politiques ou syndicaux tirer la sonnette d’alarme. Le monde est plus compliqué que ça : à l’heure de se cacher le danger, le gouvernement et le peuple ont eu exactement la même réaction. Aucun des deux n’a voulu voir. Et les rares clairvoyants qui ont annoncé le danger se sont vus renvoyer dans leurs buts accusés d’alarmisme. Révisez par exemple les déclarations de cette vedette qu’est le Pr Raoult, affirmant que l’on faisait tout un plat de ce qui n’était finalement qu’une « grippe un peu forte ». Et pourtant, on ne peut accuser le Pr Raoult d’être à la solde du gouvernement.
L’attitude qui consiste à tout rejeter maintenant sur le gouvernement est infantile. Le gouvernement dans cette affaire n’a fait que ce que les citoyens voulaient qu’il fasse, à savoir, qu’il ne les trouble pas avec des mauvaises nouvelles. On a vu d’ailleurs dans le passé ce qui est arrivé à ceux qui ont fait preuve d’anticipation et stocké masques et vaccins.
[Si au moins au début du confinement le gouvernement avait dit : “L’objectif est d’arriver le plus vide possible à une situation où nous pourrons tester tout le monde, distribuer des masques à tout le monde, confiner individuellement ceux qui seront testés positifs, quitte à réquisitionner toutes les chambres d’hôtel et si nécessaire construire en urgence des capacités supplémentaires. Débrouillez-vous ! Vous avez carte blanche. Ne vous souciez pas des règles qui en temps ordinaire vous interdiraient de faire tout cela, elle sont suspendues”]
C’est un peu ce qui a été fait. On a créé un état d’urgence sanitaire qui permet de suspendre toute une série de règles, on a bien dit qu’on poussait l’approvisionnement des masques… le seul « mensonge » qu’on peut reprocher au gouvernement – et encore, avec prudence, parce qu’on ne sait pas ce qui se serait passé si on avait dit la vérité – est celui sur l’inutilité des masques. Ce n’est pas bien de mentir, mais on peut objecter que sans ce mensonge il aurait été difficile de réserver les masques disponibles à ceux qui en avaient le plus besoin.
[Les français auraient redécouvert avec plaisir leur bon vieux système D. Mais ce n’est pas du tout ce qu’ils ont entendu.]
Je ne vois pas très bien le rapport. Si les gens sont capables de penser par eux-mêmes, ils n’ont pas besoin que le gouvernement leur ordonne de penser par eux-mêmes pour le faire…
[On ne peut pas leur demander de déployer leur système D pour “réussir” un déconfinement précipité alors qu’ils savent que le gouvernement leur ment, qu’ils savent ce qu’il aurait fallu faire pour être prêts, que nous ne le sommes pas, et que si jamais le Dr Raoult a tort de croire que le virus s’évaporera à l’arrivée des beaux jours, il faudra tout recommencer.]
Je ne vois pas le rapport. En quoi le fait que le gouvernement « mente » empêche les Français d’exercer leur créativité pour résoudre les problèmes concrets qui se posent à chacun d’entre eux ? Si vous êtes convaincu qu’il faut porter un masque, vous prenez deux pièces de tissu et vous vous en fabriquez un, quand même bien le gouvernement vous dirait que c’est inutile.
@ VIO59
[qu’ils savent ce qu’il aurait fallu faire pour être prêts]
Pouvez vous nous dire ce que vous saviez qu’il fallait faire avant le confinement (durant la première quinzaine de mars, par ex) ? Et si possible sans mentir à votre tour.
@ Descartes
[Si vous êtes convaincu qu’il faut porter un masque, vous prenez deux pièces de tissu et vous vous en fabriquez un, quand même bien le gouvernement vous dirait que c’est inutile.]
Je viens de lire attentivement votre échange avec VIO59, en mesurant à sa juste valeur, compte tenu de votre implication professionnelle, un parti pris un tantinet corporatiste me semble -t-il, mais je gardais ma réserve.
Cette dernière phrase est la goutte d’eau . . . .
Votre argument me parait des plus fallacieux, car, dans un environnement où tout le monde, sauf quelques uns plus lucides que les autres, se laisse aller sans prendre la moindre précaution, comment voulez vous que ceux qui en prennent, s’ils sont une minorité, puissent se protéger de la masse des ignorants ? Le yaka, en l’occurence, est outrancier, désolé de vous le dire.
Un gouvernement, s’il veut être écouté, respecté, ne peut s’aventurer dans des circonvolutions “bonimenteuses” qui se retourneront immanquablement contre son action ultérieure.
Il a fait preuve d’infantilisme inconséquent en affirmant, les doigts pleins de confiture, qu’il n’avait pas touché aux pots.
Ça va lui être d’autant plus difficile, maintenant pour imposer des mesures indispensables tant sur le point sanitaire qu’économique ou social, voire géopolitique et c’est là que va se situer, dans la succession de crises qui vont suivre, le prix à payer pour le pays.
C’est une lâcheté qui va nous coûter cher, et pourtant, vous en êtes témoin, je ne suis pas de ceux qui ont vilipendé l’exécutif jusque là.
Gouverner, ce n’est pas uniquement avoir la tête dans le guidon, dans la résolution immédiate du problème, c’est prévoir, c’est anticiper les conséquences des décisions tant sur le point de l’action opérationnelle que dans la communication sous forme de farce de celle qui en est chargée au gouvernement et d’embrouille concernant le DGS.
J’évoque à peine l’irresponsabilité du ministre de l’intérieur se laissant photographier en masse compacte avec de charmantes minettes, sans masque, au plus fort du discours sur les règles de précaution a prendre. En Suède, une transgression bien moindre se traduit par une démission.
Nous en reparlerons certainement.
@ Marcailloux
[Si vous êtes convaincu qu’il faut porter un masque, vous prenez deux pièces de tissu et vous vous en fabriquez un, quand même bien le gouvernement vous dirait que c’est inutile.]
Je viens de lire attentivement votre échange avec VIO59, en mesurant à sa juste valeur, compte tenu de votre implication professionnelle, un parti pris un tantinet corporatiste me semble -t-il, mais je gardais ma réserve.]
Je me dois de vous mettre en garde encore une fois contre le recours rhétorique qui consiste à évoquer un conflit d’intérêts chez son interlocuteur pour dévaluer son opinion…
[Votre argument me parait des plus fallacieux, car, dans un environnement où tout le monde, sauf quelques-uns plus lucides que les autres, se laisse aller sans prendre la moindre précaution, comment voulez-vous que ceux qui en prennent, s’ils sont une minorité, puissent se protéger de la masse des ignorants ?]
Je vous rappelle le commentaire auquel je répodais : « On ne peut pas leur demander de déployer leur système D pour “réussir” un déconfinement précipité alors qu’ils savent que le gouvernement leur ment, qu’ils savent ce qu’il aurait fallu faire pour être prêts, que nous ne le sommes pas,(…) ». Si les gens « savent qu’on leur ment », alors pas besoin de se « protéger de la masse des ignorants » puisque la masse sait. Ma réponse était donc dans ce contexte : si effectivement les gens n’ont pas été dupes et savaient que le masque était indispensable, alors pourquoi ne se sont-ils pas mis à en fabriquer et a en porter quoi que le gouvernement dise et fasse ?
[Un gouvernement, s’il veut être écouté, respecté, ne peut s’aventurer dans des circonvolutions “bonimenteuses” qui se retourneront immanquablement contre son action ultérieure.]
C’est très discutable. Il y a des mensonges que tout gouvernement profère automatiquement et dont tout le monde d’ailleurs attend qu’il le fasse (par exemple, nier qu’une dévaluation est imminente, ou que les banques n’ont pas de réserves suffisantes, ou affirmer que quelle que soit la crise « on va s’en sortir »). Il y a des mensonges qui n’en sont pas, parce que tout le monde sait que c’est un mensonge, celui qui l’écoute comme celui qui le dit, mais il y a consensus sur le besion de maintenir une fiction. Et il y a des mensonges qui, à postériori, apparaissent comme nécessaires.
[Ça va lui être d’autant plus difficile, maintenant pour imposer des mesures indispensables tant sur le point sanitaire qu’économique ou social, voire géopolitique et c’est là que va se situer, dans la succession de crises qui vont suivre, le prix à payer pour le pays.]
Pourriez-vous donner un exemple pour illustrer cette affirmation ? A quel type de mesures pensez-vous ?
[En Suède, une transgression bien moindre se traduit par une démission.]
Oui. Est-ce que les suédois sont mieux gouvernés ?
@ Descartes
[ [En Suède, une transgression bien moindre se traduit par une démission.]
Oui. Est-ce que les suédois sont mieux gouvernés ?]
Je ne vois pas où vous souhaitez en venir.
C’est quoi “être bien ou mal ou mieux gouvernés” ?
@ Marcailloux
[Je ne vois pas où vous souhaitez en venir. C’est quoi “être bien ou mal ou mieux gouvernés” ?]
Ma question était simple: est ce que le fait de virer les ministres parce qu’ils ont acheté une barre de chocolat avec la carte bleue du service permet à un pays d’être mieux gouverné ? Parce que le but d’un système politique, ce n’est pas de promouvoir des saints, mais d’assurer le meilleur gouvernement possible.
@ Descartes
Nous avons souvent abordé ce sujet, et votre réponse est constante.
Or le cas que j’évoque est celui d’un ministre de l’intérieur – pas celui du commerce extérieur ou je ne sais quoi – qui s’affiche avec un groupe de minettes les uns sur les autres, sans masques, et une heure plus tard, si ça se trouve, vient nous faire la leçon sur les gestes barrières.
L’exemplarité me parait tout de même un minimum et l’enfreindre avec cette inconscience, une telle désinvolture – je n’ose pas d’autres qualificatifs – n’est pas tolérable.
A moins que la prise de vue soit un montage, mais je n’ai, dans ce cas, pas entendu ou vu de démenti ou de plainte déposée.
Ce qui fait la gravité de l’acte, c’est la position de son auteur. Souvenez vous de l’affaire Cahuzac. S’il s’était agit d’un sous secrétaire d’Etat aux sports, le scandale n’aurait pas atteint cette intensité.
@ Marcailloux
[Nous avons souvent abordé ce sujet, et votre réponse est constante.]
On m’a reproché beaucoup de choses dans ma vie, mais jamais l’inconstance…
[Or le cas que j’évoque est celui d’un ministre de l’intérieur – pas celui du commerce extérieur ou je ne sais quoi – qui s’affiche avec un groupe de minettes les uns sur les autres, sans masques, et une heure plus tard, si ça se trouve, vient nous faire la leçon sur les gestes barrières.]
Vous posez en fait la question de l’exemplarité des dirigeants. Jusqu’à quel point il est supportable qu’un dirigeant ne fasse pas ce qu’il demande aux autres de faire ? Je suis d’accord avec vous au moins sur un point : la légitimité des dirigeants à nous diriger vient précisément de ce que les lois qu’ils nous imposent sont bonnes. Personne n’est légitime à imposer une mauvaise règle. Or, si la règle est bonne, il n’est pas compréhensible que le dirigeant lui-même ne l’applique pas sans qu’il apparaisse une raison valable, une différence de situation qui justifie un comportement différent de celui qu’il m’impose.
[L’exemplarité me parait tout de même un minimum et l’enfreindre avec cette inconscience, une telle désinvolture – je n’ose pas d’autres qualificatifs – n’est pas tolérable.]
Je ne parlerais pas « d’exemplarité », terme qui suggère un comportement d’imitation. Pour moi, il ne s’agit pas de faire un exemple, mais d’une question politique : Ou bien la règle est bonne (et alors le ministre doit l’observer dans son propre intérêt) ; ou bien la règle est mauvaise (et alors on voit mal pourquoi le gouvernement me l’impose). Ou alors il faut expliquer qu’il existe un élément objectif de différence qui fait que ce qui est bon pour moi n’est pas nécessairement bon pour le ministre (ou vice-versa…).
D’accord avec ce billet.
Mais haro sur la novlangue. A « les théâtres d’opération extérieurs», préférer appeler un chat un chat, et donc : guerre.
Bonjour Descartes,
J’ai été très étonné par cette annonce :
https://www.lepoint.fr/politique/emmanuel-berretta/coronavirus-accord-macron-merkel-sur-un-fonds-de-relance-a-500-milliards-d-euros-18-05-2020-2376036_1897.php
Je crois qu’il est possible que cela tombe à l’eau, ne serait-ce que parce que ce serait, me semble-t-il, contraire à la constitution allemande. Aussi, 500 milliards d’euros sur 6 ans, je me demande si cela serait suffisant.
J’aimerais bien avoir votre avis à ce sujet, ainsi que celui de vos lecteurs.
@ Jean-François
[J’ai été très étonné par cette annonce :]
En soi, l’annonce n’a rien de surprenant. On pouvait s’attendre à une offensive du camp eurolâtre sur le mode « vous voyez que l’UE sert à quelque chose » ? Vous noterez quand même que le plan est fort vague. On ne sait pas qui va emprunter, auprès de qui, à quelle échéance, quels seront les critères pour distribuer les « aides » et quelles seront les conditions pour en bénéficier, et surtout comment les sommes empruntées seront remboursées.
Mais vous l’avez compris, de nous jours, l’important c’est de faire des annonces. Et il y a bien loin de la coupe aux lèvres. Il y a d’ailleurs un signe qui ne trompe pas : quand on commence à parler de « changer les traités »…
[Je crois qu’il est possible que cela tombe à l’eau, ne serait-ce que parce que ce serait, me semble-t-il, contraire à la constitution allemande. Aussi, 500 milliards d’euros sur 6 ans, je me demande si cela serait suffisant.]
Au pire, on fera du recyclage, en présentant comme nouveaux des crédits déjà prévus pour certaines opérations. Pour y croire, j’attends le vote du parlement allemand.
@Descartes,
[Au pire, on fera du recyclage, en présentant comme nouveaux des crédits déjà prévus pour certaines opérations. Pour y croire, j’attends le vote du parlement allemand.]
Quelle misère… Que doivent penser de nous les Poilus et les Résistants, s’ils étaient parmi nous 👿😡.
Depuis 150 ans, trois guerres contre les Prussiens/Allemands pour finir par attendre que nos “amis” allemands daignent battre d’un cil pour que nous puissions aller au petit coin: j’ai vraiment honte!!! Honte de nos dirigeants, et quelque part, surtout de nous-mêmes!
Combien de temps les Français s’aplatiront devant cette resucée du St Empire Germanique ? Parce que c’est bien à eux, à nous citoyens français qu’il faut poser la question!
Au risque de radoter, seule la fin de notre sujétion politico-économique à ce IVè Reich (autre sobriquet de l’UE), nous permettra de récupérer notre souveraineté et ne de plus rester accrochés, comme la vérole qui s’abat sur le bas-clergé, à cette Allemagne hypocrite néo-impérialiste (i.e. qui domine par la monnaie mais qui refuse d’en payer le prix, comment d’habitude depuis un siècle…).
Mais les Français ont-ils encore la volonté de vivre comme peuple libre? J’ai de plus en plus de doutes à ce sujet, et le peu de réactions outrées à cette pantomime Merkonesque me conforte dans mon opinion😢.
@ CVT
[Quelle misère… Que doivent penser de nous les Poilus et les Résistants, s’ils étaient parmi nous.
Depuis 150 ans, trois guerres contre les Prussiens/Allemands pour finir par attendre que nos “amis” allemands daignent battre d’un cil pour que nous puissions aller au petit coin : j’ai vraiment honte !!! Honte de nos dirigeants, et quelque part, surtout de nous-mêmes !]
Ne soyons pas trop pessimistes. Pour une fois, notre gouvernement a osé réquisitionner des biens ou restreindre la circulation aux frontières ou faire exploser les déficits sans demander la permission à Bruxelles. C’est un petit pas pour le gouvernement, c’est un grand pas pour le pays : on a défié les dieux, et le ciel ne nous est pas tombé sur la tête. C’est donc possible…
[Mais les Français ont-ils encore la volonté de vivre comme peuple libre? J’ai de plus en plus de doutes à ce sujet, et le peu de réactions outrées à cette pantomime Merkonesque me conforte dans mon opinion.]
Cela dépend quels Français… malheureusement sur cette question nos concitoyens sont profondément divisés selon leurs intérêts.
@Descartes,
[Ne soyons pas trop pessimistes. Pour une fois, notre gouvernement a osé réquisitionner des biens ou restreindre la circulation aux frontières ou faire exploser les déficits sans demander la permission à Bruxelles. C’est un petit pas pour le gouvernement, c’est un grand pas pour le pays : on a défié les dieux, et le ciel ne nous est pas tombé sur la tête. C’est donc possible…]
Excusez-moi, mais cela n’a jamais été assumé comme tel!!!
Par exemple, j’aurais été bien aise que le gouvernement annonce dans les médias qu’il y a des contrôles aux frontières (quoique très imparfaits), et encore cela a été dit du bout des lèvres. Dans le cadre d’un déplacement professionnel, j’ai dû me renseigner sur internet pour savoir exactement ce qu’il en était😤…
Quant aux réquisitions, je l’ai appris incidemment…Grâce à vous, parce que dans une de nos discussions, en début de confinement, j’avais soulevé le problème du manque de volonté du gouvernement, et vous m’aviez corrigé sur ce point. Mais il a fallu creuser pour trouver cette information!!
Et qu’on ne me parle plus de “mauvaise communication” ou que sais-je encore, c’est de la couardise! Cette pusillanimité est d’autant plus bizarre que, anti-Macroniste enragé, j’aurais malgré tout accordé un satisfecit au gouvernement sur ces points-là, qui pour moi ne sont pas mineurs.
Que craignaient P’tit Cron et son gouvernement dans ces prises de décisions? Les eurolâtres? Les cosmopolites? La gauche? Les bobos? Pourquoi faire subrepticement ce que la majorité des Français auraient attendu d’un état souverain normalement constitué?
@ CVT
[Excusez-moi, mais cela n’a jamais été assumé comme tel!!!]
Non, mais cela a été fait, et c’est un premier pas. C’est souvent comme ça que cela se passe : les pratiques changent d’abord, alors que le discours reste par inertie le même, jusqu’au jour où le décalage devient trop grand… et c’est alors que les révolutions arrivent.
[Quant aux réquisitions, je l’ai appris incidemment…Grâce à vous, parce que dans une de nos discussions, en début de confinement, j’avais soulevé le problème du manque de volonté du gouvernement, et vous m’aviez corrigé sur ce point. Mais il a fallu creuser pour trouver cette information !!!]
N’exagérons rien, c’est au Journal Officiel… je veux bien que la lecture de ce vénérable organe de presse n’amuse que les hauts fonctionnaires, mais c’est tout de même à la portée d’un journaliste.
Par certains côtés, cette prudence dans la communication montre que le milieu politico-médiatique est parfaitement conscient du fossé entre le dire et le faire. Ils font du nationalisme honteux, mais ils le font quand même, ce qui tend à montrer qu’ils en comprennent la nécessité.
[Et qu’on ne me parle plus de “mauvaise communication” ou que sais-je encore, c’est de la couardise !]
Disons de la prudence. En pleine crise, le temps n’est pas venu d’ouvrir ce débat. C’est l’après qui va être intéressant.
[Que craignaient P’tit Cron et son gouvernement dans ces prises de décisions ? Les eurolâtres ? Les cosmopolites ? La gauche ? Les bobos ? Pourquoi faire subrepticement ce que la majorité des Français auraient attendu d’un état souverain normalement constitué ?]
Parce qu’on pardonne beaucoup de choses à un gouvernement, mais pas de briser vos illusions. N’oubliez pas que pour l’électorat macronien, l’Europe est une sorte d’hostie consacrée, qu’il faut avaler sans se poser des questions. Difficile de dire tout à coup « depuis trente ans, on s’est trompé ». C’est un peu la même chose que Mélenchon, qui est revenu certainement des illusions de Maastricht, mais qui n’arrive toujours pas à le formuler dans son discours.
@ Jean-François
Bonsoir. Oui effectivement, j’avais vu également l’article. L’auteur est connu aussi pour ces billets proches des fédéralistes (type Jean Quatremer). A l’offensive.
@ Descartes
Bonsoir.
Merci pour ce billet. Je constate dans mon travail (en cours de déconfinement – une administration publique de l’enseignement supérieur), les problématiques que vous évoquez de manière générale = une absence de “système D”, en parallèle d’une crainte des responsabilités. Il me semble que cette situation touche également les anciennes générations, et pas seulement la mienne (je suis née en 1983). C’est un point de vue bien entendu.
Juste pour revenir sur ce bref hors sujet (ou interlude) européen, vous avez cet article sur la question supranationale, rédigé sur le site “Le vent se lève” (la tonalité semble plutôt proche de la” gauche Mélenchon”). Mais l’article est intéressant et reprend vos réflexions sur l’Europe.
Merci encore
@ Capitaine Félix
[Merci pour ce billet. Je constate dans mon travail (en cours de déconfinement – une administration publique de l’enseignement supérieur), les problématiques que vous évoquez de manière générale = une absence de “système D”, en parallèle d’une crainte des responsabilités. Il me semble que cette situation touche également les anciennes générations, et pas seulement la mienne (je suis née en 1983). C’est un point de vue bien entendu.]
En tout cas, je le partage. Même les générations qui ont aujourd’hui soixante ans et plus ont été éduqués dans le principe « PIPE » (« pas d’initiatives, pas d’emmerdes », copyright EDF). J’ai d’ailleurs dans ma carrière constaté plusieurs fois l’effet magique de l’expression « j’en prends la responsabilité ». Si vous prononcez cette formule magique, des collaborateurs qui vous expliquaient qu’il était impossible de faire tout à coup découvrent que c’est possible. Bien entendu, il faut un certain courage – et une certaine inconscience – pour faire de la magie…
[Juste pour revenir sur ce bref hors sujet (ou interlude) européen, vous avez cet article sur la question supranationale, rédigé sur le site “Le vent se lève” (la tonalité semble plutôt proche de la” gauche Mélenchon”). Mais l’article est intéressant et reprend vos réflexions sur l’Europe.]
Oui, sur pas mal de sujets on est sur la même ligne. Il y a un élément qui manque dans cette analyse, et c’est la question de la formation des nations – autrement dit, pourquoi à un moment donné des ensembles inhomogènes ont décidé de se constituer politiquement, et qu’est ce qui a changé depuis qui fait que ces ensembles tendent à se défaire. On voit là combien les Français lisent peu Hobbes…
L’auteur de cet article commet une erreur : il range la sécession de la Tchécoslovaquie dans ce qu’il appelle le cas lombard, c’est-à-dire la sécession de régions riches qui ne veulent pas payer pour les pauvres en disant que c’est la partie tchèque qui a voulu le divorce. Or c’est la Slovaquie qui a demandé l’indépendance bien qu’elle fût la plus pauvre et les Tchèques ont tenté de s’y opposer. Je me rappelle que le Président Vaclav Havel avait demandé qu’il y eût un référendum pour trancher et que Meciar avait refusé. Du reste en votant pour Meciar les Slovaques savaient que son programme était l’indépendance. On peut parler aussi de l’Islande qui s’est séparée du Danemark. Mais je sais les marxistes ramènent tout à l’économie…
Salut Descartes,
as-tu lu ce livre ou eu des échos ?
https://www.monde-diplomatique.fr/2020/05/MOUSSA/61803
@ BolchoKek
[as-tu lu ce livre ou eu des échos ?]
Non, je connaissais pas, mais en lisant le commentaire je retrouve pas mal d’idées que j’ai défendu sur ce blog. Je le mets sur ma liste de lecture…
@ Descartes
C’est une des raisons pour lesquelles je suis abonné au Monde Diplo, les conseils de lecture sont souvent excellents – mon portefeuille ne me remercie pas, d’ailleurs…
Il y a aussi ça qui me semble correspondre à tes intérêts :
https://www.monde-diplomatique.fr/2020/05/RAIM/61796
@ BolchoKek
[C’est une des raisons pour lesquelles je suis abonné au Monde Diplo, les conseils de lecture sont souvent excellents – mon portefeuille ne me remercie pas, d’ailleurs…]
Personnellement, je déteste le Diplo. Je pense que c’est le concentré de la pensé pseudo-révolutionnaire bobo. Avec en plus un ton pleurnichard qui devient vite insupportable.
[Il y a aussi ça qui me semble correspondre à tes intérêts :]
Pas vraiment. Je n’ai pas lu le bouquin, mais connaissant l’auteur et ayant lu la critique je m’attends à ce que ce soit un livre dénonçant la “fausse décentralisation” de ces trente dernières années tout en poussant à la “vraie décentralisation”. Ce qui est en cause pour ce courant de pensée n’est pas le “localisme” en soi, mais le “faux localisme”.
@Descartes : dans un autre registre, je viens de lire “Runyon a la carte”, je comprends pourquoi vous adorez !
@ Jean François
Si vous lisez l’anglais (Runyon n’a d’intérêt que dans sa langue originale) achetez le recueil “Runyon on Broadway”, et lisez en particulier la nouvelle “Tobias the Terrible”. Un régal.
C’est commandé !
Merci BolchoKek, cela a l’air vraiment très intéressant, je l’ajoute aussi à ma liste de lecture !
(hors sujet)
j’ai vu le Décret n° 2020-412 du 8 avril 2020 relatif au droit de dérogation reconnu au préfet
Il parle dans son introduction de ” normes réglementaires” puis dans le texte de “normes arrêtées par l’administration de l’Etat”.
Je ne sais ce que cela veut dire. Pas de définition trouvée sur LegiFrance. Cela concerne-t-il toutes les ordonnances, décrets, arrêtés, circulaires … ? (cela serait curieux qu’un décret puisse autoriser la dérogation à une ordonnance, ou à d’autres décrets)
Avez-vous des lumières sur le sujet ?
Merci
@ marc.malesherbes
[j’ai vu le Décret n° 2020-412 du 8 avril 2020 relatif au droit de dérogation reconnu au préfet. Il parle dans son introduction de “normes réglementaires” puis dans le texte de “normes arrêtées par l’administration de l’Etat”.
Je ne sais ce que cela veut dire.]
Le texte est en effet très mal écrit. Par “normes arrêtées par l’administration de l’Etat” on entend ici les actes réglementaires a portée générale (c’est à dire, excluant les actes individuels). Cela inclut donc les décrets et les arrêtés (sauf lorsqu’il s’agit d’actes individuels comme une nomination ou une naturalisation), ainsi que les circulaires lorsqu’elles ont un caractère réglementaire. Le cas des ordonnances est plus complexe, puisqu’il sont considérés comme des actes réglementaires jusqu’à ce qu’ils soient ratifiées par le Parlement, après quoi ils deviennent législatifs.
[(cela serait curieux qu’un décret puisse autoriser la dérogation à une ordonnance, ou à d’autres décrets)]
Curieux peut-être, mais c’est ce que dit le décret. En fait, le préfet n’a pas la possibilité de “déroger” la norme d’une façon générale, il a le pouvoir de ne pas l’appliquer à un acte “non réglementaire” particulier. En d’autres termes, le préfet peut déroger à une exigence écrite dans un décret pour autoriser la construction d’un bâtiment particulier (il s’agit d’un acte individuel, et donc non-réglementaire), mais ne peut déroger à cette exigence d’une manière générale (cela exigerait un acte réglementaire).
En fait, le décret ne fait que légaliser une pratique qui a toujours été présente. On sait que les préfets ont toujours “adapté” les règles aux problématiques locales, fermant les yeux sur certains manquements par exemple. Le décret permet de formaliser cette pratique.
(hors sujet)
à propos du port des masques “sanitaires” dans l’espace public.
As-t-on aboli (suspendu) la loi qui interdisait le port de masques dans l’espace public, loi prise il y a quelques années contre les femmes voilées selon la recommandation de certains courants de l’Islam ?
L’état français n’étant pas sérieux, j’imagine qu’il y a coexistence de ces deux obligations, ce qui a l’avantage évident de pouvoir verbaliser autant qu’on veut …
@ marc.malesherbes
[As-t-on aboli (suspendu) la loi qui interdisait le port de masques dans l’espace public, loi prise il y a quelques années contre les femmes voilées selon la recommandation de certains courants de l’Islam ?]
Pas besoin: la loi a été bien faite. Elle prévoit que l’interdiction “ne s’applique pas si la tenue est prescrite ou autorisée par des dispositions législatives ou réglementaires, si elle est justifiée par des raisons de santé ou des motifs professionnels”. Cela couvre largement le port du masque.
Bonjour,
Je voudrais réagir à ce que j’ai lu dans différents échanges concernant les mesures prises par d’autres pays, et le fait de savoir s’il aurait fallu faire plutôt “comme les Italiens” ou “comme les Suédois”. On constate en effet une hécatombe en Italie, que le confinement n’a malheureusement pas empêché (même s’il a dû le limiter), alors que la Suède (et quelques autres pays) semblent avoir bien résisté à l’épidémie malgré des mesures assez légères.
Je me demande si cela a un sens de se poser cette question. En effet, qu’est-ce qui nous prouve que la moindre intensité de l’épidémie dans certains endroits est nécessairement liée aux décisions des gouvernements?
Je m’explique: si j’ai bien compris, quatre pays européens ont été particulièrement touchés par l’épidémie, à savoir l’Italie, la France, l’Espagne et le Royaume-Uni. Si on regarde de manière plus fine, on constate qu’en Italie, c’est le nord, la plaine du Pô, en France, l’Île-de-France et le nord-est, en Angleterre, plutôt la région londonienne. En Espagne, je n’ai pas vérifié, mais je crois que Madrid a été un des foyers de l’épidémie. On peut déjà tirer quelques observations: les régions les plus touchées sont soit des métropoles de plusieurs millions d’habitants (Londres, Paris, Madrid), soit des régions densément peuplées avec des chapelets de villes proches les unes des autres (vallée du Pô, est et nord de la France). Il faut quand même remarquer que la Suède est un pays vaste et peu peuplé (une dizaine de millions d’habitants), et que Stockholm, la plus grande ville du pays, compte à peine un million d’habitants (un peu plus de 2 millions en comptant tout le comté qui est assez étendu). Rappelons en comparaison que Paris intra-muros compte à lui seul le même nombre d’habitants sur une surface bien plus petite, la municipalité de Madrid compte 3,2 millions d’habitants, et je ne parle pas du Grand Londres … Est-il par conséquent raisonnable de comparer un pays comme la Suède avec un pays comme la France? En revanche, l’Italie est plus densément peuplée, et je n’ai pas vérifié mais je pense que la densité dans la vallée du Pô est sans doute comparable aux densités de l’Île-de-France, et des zones les plus peuplées du nord-est de la France (l’Alsace par exemple). Dans le cadre d’une épidémie, je pense qu’un gouvernement doit s’intéresser d’abord à ce qui se passe dans les pays ayant une densité comparable à la sienne. Ce que font les Suédois n’a pas grand intérêt pour nous, parce que la Suède est un pays nordique peu peuplé. Cette remarque, d’ailleurs, ne s’applique pas qu’à notre sujet: quand certains sont béats d’admiration devant le “système scolaire nordique”, ils oublient un peu vite que ces pays nordiques gèrent des effectifs scolaires bien plus modestes, dans des sociétés où les inégalités de richesse sont moins prononcées et où les populations sont encore relativement homogènes (bon, d’accord, c’est de moins en moins vrai en Suède, mais ça l’est encore en Norvège ou en Finlande).
Deuxième chose: et si le climat entrait en jeu? J’observe que la plupart des zones les plus touchées, outre leur forte densité (et là, la circulation rapide et facile du virus s’explique avec la promiscuité, la forte fréquentation des transports en commun, etc), avaient, au moment de l’épidémie un climat plutôt humide et des températures douces. Il semblerait en effet que les régions plus sèches du Mezzogiorno aient été moins touchées que la plaine du Pô, région traditionnellement humide. La Grèce, qui connaît aussi des cas de coronavirus, ne semble pas non plus avoir connu la situation qui fut celle de l’Italie du Nord. J’avoue que je ne sais pas quel est le climat de Madrid à cette période de l’année, ni si une région plus chaude comme l’Andalousie a été plus ou moins touchée. Mais on peut quand même poser l’hypothèse que l’Europe de l’Ouest a offert au coronavirus un terreau particulièrement propice, en terme de conditions climatiques (température, humidité). Là où la densité est plus faible (Grand Ouest en France), l’épidémie a été contenue mais là où les densités sont fortes et où les conditions climatiques étaient favorables pour le virus, il y a eu une diffusion importante de la maladie.
Dans ces conditions, on peut se demander si les “bons” résultats de la Suède ou de l’Allemagne ne sont peut-être pas tout simplement le fruit de… la chance! Avec quelques degrés de moins, l’Allemagne au climat globalement plus continental, ou la Suède au climat nordique, ont peut-être tout simplement eu des conditions moins favorables au développement du virus. Et auquel cas, ces pays devraient se méfier! Après tout, l’été approche et les températures vont monter à Berlin comme à Stockholm. Le mode de vie aussi peut jouer: ma femme me disait qu’elle avait lu le témoignage d’une Française installée en Suède, laquelle expliquait que les Suédois ne se font pas la bise, ne se serrent pas la main, etc. Bref, une forme de distanciation serait déjà inscrite dans leur culture (je crois que notre hôte connaît un peu la Suède, il pourra peut-être confirmer ou infirmer).
Enfin, je voudrais revenir sur ce que vous avez dit, Descartes, concernant le fait que les Français devraient davantage être conscients du fait que le pays n’a manqué ni de nourriture, ni d’électricité, ni des services indispensables à la population, et que cela est quand même un exploit qui mérite d’être salué. Je partage votre observation mais j’aurais deux remarques: d’abord, l’habitude rend ingrat; en effet, les Français ont oublié les grandes époques de privation et de pénurie de l’Occupation et de l’immédiat après-guerre. Tout le monde, finalement, trouve normal, presque naturel, que les rayons de Leclerc ou d’Auchan soient correctement achalandés en période de confinement. Je me risque à poser l’hypothèse que vous-même, Descartes, êtes peut-être originaire d’un pays où l’absence de pénurie n’est pas aussi “naturelle” pour la population. Ensuite se pose la question de la comparaison avec les voisins: est-ce que les Italiens sont morts de faim ou ont été privés d’électricité? Qu’en est-il pour les Espagnols? Pour dire les choses autrement, est-ce que la France a vraiment fait mieux que les pays voisins ayant un niveau de développement comparable, et où l’Etat est souvent plus faible (je pense à l’Italie, où néanmoins je crois qu’il y a des préfets mais j’ignore si leurs pouvoirs et leurs qualités sont comparables à ceux de leurs homologues français)?
@ nationaliste-ethniciste
[Je me demande si cela a un sens de se poser cette question. En effet, qu’est-ce qui nous prouve que la moindre intensité de l’épidémie dans certains endroits est nécessairement liée aux décisions des gouvernements ?]
En tout cas, cela n’a aucun sens de se poser cette question AUJOURD’HUI. Une fois l’épidémie terminée, lorsqu’on aura l’ensemble des données, on pourra lancer des études pour essayer de comprendre quel a été l’effet exact des décisions de chaque gouvernement. Mais avec les données dont on dispose aujourd’hui, ce genre de question ne peut avoir de réponse.
Ce qui est effrayant dans cette affaire est à quel point nos décideurs sont devenus les esclaves d’un « modèle ». Comme si en dehors de l’imitation de ce qui se fait ailleurs, il n’y avait point de salut. L’idée que chaque peuple est spécifique et réclame une solution spécifique, que ce qui a bien marché ailleurs n’a aucune raison de marcher chez nous – et vice-versa – semble exclue, alors que le discours « on aurait dû faire comme… » ou « regardez comment ça se passe bien en…. » est devenu dominant.
[Dans le cadre d’une épidémie, je pense qu’un gouvernement doit s’intéresser d’abord à ce qui se passe dans les pays ayant une densité comparable à la sienne.]
J’irais plus loin : dans une épidémie, le gouvernement doit s’intéresser d’abord à ce qui se passe chez lui. Et notamment à l’histoire des épidémies dans son propre pays. On a quand même l’impression que nos épidémiologistes on regardé plus ce qui se fait en Italie que ce qui s’est fait lors des différentes épidémies de virus comparables en France…
[Enfin, je voudrais revenir sur ce que vous avez dit, Descartes, concernant le fait que les Français devraient davantage être conscients du fait que le pays n’a manqué ni de nourriture, ni d’électricité, ni des services indispensables à la population, et que cela est quand même un exploit qui mérite d’être salué. Je partage votre observation mais j’aurais deux remarques: d’abord, l’habitude rend ingrat; en effet, les Français ont oublié les grandes époques de privation et de pénurie de l’Occupation et de l’immédiat après-guerre. Tout le monde, finalement, trouve normal, presque naturel, que les rayons de Leclerc ou d’Auchan soient correctement achalandés en période de confinement.]
Tout à fait d’accord. Pour les générations qui n’ont pas connu pénuries et privation, la situation dans laquelle les rayons des magasins sont toujours pleins, l’électricité est coupée quelques minutes par an et un retard d’une heure d’un TGV fait les titres des éditions nationales est pratiquement « naturelle ». On oublie souvent que derrière cette « nature » il y a toute une mécanique de précision qui permet la reproduction du miracle.
[Je me risque à poser l’hypothèse que vous-même, Descartes, êtes peut-être originaire d’un pays où l’absence de pénurie n’est pas aussi “naturelle” pour la population.]
Certainement ! Quand on a manqué, on sait ce qu’on doit.
[Ensuite se pose la question de la comparaison avec les voisins: est-ce que les Italiens sont morts de faim ou ont été privés d’électricité? Qu’en est-il pour les Espagnols?]
Morts de faim, non. Mais ont eu des problèmes d’approvisionnement plus importants que les nôtres, oui. Et si notre gestion des équipements médicaux est certainement très critiquable, elle est nettement meilleure que celle de certains de nos voisins. Ainsi, par exemple, nos infrastructures – mais aussi notre tradition jacobine – nous ont permis d’étaler sur tout le territoire le traitement des malades, chose que les Italiens n’ont pas pu réaliser. Quant à l’électricité, jamais nos exportations n’ont été aussi importantes… ce qui laisse penser que nos voisins avaient quelques petits problèmes d’approvisionnement.
Mais au-delà de ces éléments, je n’ai aucune raison de penser que l’électricien italien soit moins dévoué que l’électricien français. Cela ne retire en rien le mérite aux exploits accomplis par ce dernier.
[Pour dire les choses autrement, est-ce que la France a vraiment fait mieux que les pays voisins ayant un niveau de développement comparable, et où l’Etat est souvent plus faible (je pense à l’Italie, où néanmoins je crois qu’il y a des préfets mais j’ignore si leurs pouvoirs et leurs qualités sont comparables à ceux de leurs homologues français)?]
Ils ont un rôle bien moins important. Mais oui, il y a des choses que nous pouvons faire en France grâce à notre tradition centralisatrice qui sont impossibles ailleurs. Je pense par exemple aux évacuations sanitaires vers des régions moins affectées. Lorsque le gouvernement italien à examiné cette possibilité, il a immédiatement renoncé de peur des réactions violentes des populations des régions non affectées par le virus (surtout après les violences contre des « nordistes » à Naples).
Mais là encore, il faut se méfier des conclusions. Le fait qu’en Allemagne le système décentralisé fonctionne bien et donne des bons résultats n’est pas un argument pour le recopier en France, parce que l’expérience a montré qu’en France cela ne marche pas. Et vice-versa. Le débat sur la meilleure organisation de l’Etat est un débat essentiellement national, et les comparaisons sont généralement peu utiles. La police britannique est désarmée, et cela marche. Est-ce un bon argument pour désarmer la police en Corse ?
@ Descartes
[ La police britannique est désarmée, et cela marche.]
Hier, un reportage montrait des policiers britanniques percuter des délinquants à moto pour les interpeller. Il s’agit, selon le commentateur d’une pratique courante. C’est plutôt musclé comme méthode et plus radical qu’une arme qui généralement reste dans son étui. Qu’en pensez-vous ?
@ Marcailloux
[Hier, un reportage montrait des policiers britanniques percuter des délinquants à moto pour les interpeller. Il s’agit, selon le commentateur d’une pratique courante. C’est plutôt musclé comme méthode et plus radical qu’une arme qui généralement reste dans son étui. Qu’en pensez-vous ?]
Encore un exemple qui montre que ce qui “marche” dans un pays ne marcherait probablement pas dans un autre. Quant au fond, il y a toujours un équilibre à trouver entre l’usage de la force par l’autorité publique pour faire respecter la loi, et le risque d’infliger à un délinquant – ou pire, à un innocent pris par erreur – des dommages sans proportion avec son forfait. Pour ce qui me concerne, l’utilisation de la violence est légitime si et seulement si elle est nécessaire au maintien de la loi, en d’autres termes, si en s’abstenant de l’utiliser on crée l’impunité.
Que vaut-il mieux ? Laisser échapper un voleur à l’arrachée, ou prendre le risque de le blesser grièvement ou le tuer en percutant sa moto ? A cette question, chaque société à une réponse qui lui est propre.