J’avoue que j’ai du mal à me motiver pour tenir mes chroniques sur ce blog. Etant parmi les chanceux qui peuvent s’offrir trois semaines au bord de la mer, je profite pour me mettre à jour de mes lectures, et j’ai du mal à m’asseoir au clavier pour écrire quelque chose de vraiment construit. Alors, sachez excuser si ce papier vous parait décousu, c’est un vrai papier de vacances.
D’abord, mes lectures. Plus le temps passe, et plus j’ai envie d’aller chercher dans le passé les sources et les références pour comprendre le présent. Du coup, je me mets à reculer dans le temps. Cette année, c’est le XVIIème siècle qui m’intéresse, et c’est donc autour de Richelieu et de Louis XIII, de Colbert, de Louvois et de Louis XIV que tournent mes lectures. Pour ceux qui me demandent des recommandations, je vous propose « Règner et gouverner : Louis XIV et ses ministres » de Thierry Sarmant et Mathieu Stoll, et « L’homme rouge : vie du cardinal de Richelieu » de Roland Mousnier. Deux livres passionnants qui détruit utilement le mythe de la « table rase » et montrent combien la créativité institutionnelle, politique et administrative de la Révolution et de l’Empire ne fait en fait que couronner des transformations commencées bien avant. Et notamment la constitution de la Nation et de l’Etat comme institutions. Ainsi, Stoll et Sarmant citent un document magnifique : Dans un mémoire écrit pour Louis XIV, Louvois, ministre de la guerre, propose une mesure en finissant « c’est ce qui sera le meilleur pour le service du Roi ». Dans le brouillon conservé, Louvois raye « du Roi » pour le remplacer par « de l’Etat ». On trouve l’écho des derniers mots de Louix XIV mourant : « je m’en vais, mais l’Etat demeurera toujours », tout comme la devise de Colbert qui sert d’introduction à ce blog : « pour le roi souvent, pour la patrie toujours ».
Et pour revenir au présent, rien de mieux que le dernier livre de Marcel Gauchet, « Comprendre le malheur français ». Les lecteurs qui suivent ce blog ne seront pas dépaysés en lisant ce livre. Bien des analyses de Gauchet convergent avec celles que j’ai développés ici. Mais le livre m’a déçu sur un point fondamental : Gauchet est un antimatérialiste. Pour lui, tout se passe dans le plan des idées. Et du coup, s’il peut constater comme je le fais un certain nombre de symptômes, il n’arrive pas à les expliquer, se contentant d’un « je ne comprends pas » ou d’un « c’est incompréhensible » alors qu’un zeste de matérialise rend les transformations en question parfaitement cohérentes…
Mais même entourés de bons bouquins, difficile de se couper de l’actualité. Et l’actualité, c’est la dissolution tranquille de la Vème République. Bien sur, la Constitution est là, tout comme les institutions, en apparence toujours aussi solides. Mais les institutions ne sont rien sans les hommes pour les faire fonctionner. Et sur ce plan, c’est vraiment un désastre de proportions bibliques. Chaque jour ou presque apporte la démonstration d’une caste politico-médiatique n’ayant d’autre boussole que sa carrière, et dont le sens de l’Etat est aussi réduit que la culture historique.
Il y eut l’épisode de la rentrée des écologistes au gouvernement, opération politique destinée à récompenser des services rendus. Non pas à l’Etat, bien entendu, mais au premier secrétaire de la France, que par abus de langage nous appelons président de la République. En d’autres temps, on se contentait de trente deniers, aujourd’hui il leur faut un ministère. Et au besoin on en crée : on a vu ainsi apparaître un « ministère de la Biodiversité » – occupé par l’ineffable Barbara Pompili, dont la connaissance de la faune écologiste sera précieuse – exemple frappant de création d’emploi fictif. Et puis, qui de mieux qualifié qu’un carriériste avoué comme Placé pour s’occuper de la carrière des fonctionnaires ?
Nous avons eu ensuite la séquence El Khomri, ministre totalement inexpérimentée désignée à la tête d’un des ministères les plus difficiles, totalement absente dans les rapports avec les partenaires sociaux et portant à moitié une loi qu’elle n’a pas écrite et qui est portée par un Premier ministre qui en a fait une question d’autorité, non pas de l’Etat, mais de sa personne. Il faut remonter à 1995 pour trouver un Premier ministre « droit dans ses bottes » aussi incapable d’établir avec les syndicats des canaux de négociation – fussent-ils confidentiels – et de créer un rapport de confiance avec eux.
Mais tout ça n’arrive à la cheville du psychodrame Macron. La coqueluche des médias continue son chemin d’égo-politicien : discours creux, propositions bateau, show à l’américaine. Rien de nouveau depuis que j’avais commis ici même un papier sur l’égo-politique. Ce qui est nouveau, par contre, c’est que l’égo-politicien peut se permettre de défier le président de la République et le Premier ministre, de critiquer la politique du gouvernement dont il est membre et de proposer une politique alternative sans susciter d’autre réponse que des commentaires assassins et des « recadrages » verbaux. Un Premier ministre mis en cause qui déclare « il faut que cela cesse » mais qui ayant le pouvoir de « faire cesser » ne s’en sert pas. Un président qui se tait. Et pourquoi donc ? Parce que l’un et l’autre craignent qu’en quittant le gouvernement Macron puisse devenir un rival électoral dangereux. La solidarité ministérielle, la discipline du gouvernement et donc l’autorité de l’Etat sont remises en cause pour un simple calcul électoral.
Bien sur, l’ambition personnelle a toujours existé. Et il est bon qu’elle existe puisqu’elle pousse les gens à se dépasser. Mais pour Richelieu ou Colbert, l’ambition personnelle était subordonnée au service de l’Etat. On devenait grand en servant un grand Roi, puis un grand Etat. Qu’auraient pensé Richelieu ou Colbert de François Hollande nommant Jean-Vincent Placé ministre et tolérant les incartades de Macron ? Je n’ose l’imaginer…
La mécanique infernale de la primaire révèle la médiocrité ambiante. C’est le règne du « pourquoi pas moi ». Et en effet : plus la moindre autocensure, plus la moindre conscience de ses limites. Le plus médiocre des égo-politiciens annonce sa participation à une primaire, ou se déclare directement candidat. Imaginez-vous De Rugy ou Benhamias présidents de la République ? Eux, oui. Et ils n’ont pas tout à fait tort : si Hollande a pu se faire élire, pourquoi pas eux ?
Heureusement pour nos politiques, ce pays a des institutions solides et une administration capable de faire fonctionner les services publics et de défendre le pays sans l’intervention des politiques. Autrement, leurs têtes seraient déjà sur des piques. Mais l’absence du politique finit par corrompre l’ensemble du système. Les hauts fonctionnaires, laissés sans guide ou transformés en chargés de communication par des ministres qui ne s’intéressent qu’à ça, finissent par se décourager et par aller dans le privé, ou l’on peut au moins gagner de l’argent. L’accumulation des mesures, des demi-mesures et des contre-mesures prises pour satisfaire tel ou tel lobby sans la moindre perspective font perdre sa cohérence au système et transforment les fonctionnaires en pompiers courant à droite et à gauche pour éteindre les incendies que les ministres ont allumés.
Et hors du gouvernement, ce n’est guère mieux. A droite, c’est la surenchère des démagogues laissant libre cours aux délires les plus droitiers avec l’espoir de décrocher la primaire – ce sont les électeurs de droite et eux seuls qui voteront – délires qu’on jettera par-dessus bord ensuite pour adopter un discours plus « rassembleur » destiné à capter les voix dans l’autre camp. Dans la gauche radicale, Mélenchon remet en route la stratégie mitterrandienne en essayant de capter les voix et la structure du PCF en divisant ce parti, avec la complicité de quelques traîtres comme Parny ou Marie-George Buffet. Mais nulle part un véritable débat sur les questions de fond.
Comment dans ces conditions s’étonner du désintérêt de nos concitoyens pour la chose politique ? Je crains que la période électorale qui s'ouvrira en septembre, et qui devrait être une opportunité de faire de al vraie politique ne soit finalement bien terne. Voilà le défi qui concerne au premier chef tous les progressistes…
Descartes
Bonjour Descartes,
Je ne sais pas si vous avez vu, mais les dernières déclarations de Mélenchon au sujet des travailleurs détachés font jaser les classes moyennes :
https://www.slate.fr/story/120961/melenchon-travailleurs-detaches
On dirait par moments que le discours de Mélenchon se dé-gauchise…
@ Antoine
[Je ne sais pas si vous avez vu, mais les dernières déclarations de Mélenchon au sujet des travailleurs détachés font jaser les classes moyennes :]
Je crois que cela vaut la peine de citer l’extrait de la déclaration en question, prononcée dans l’enceinte du Parlement européen le 5 juillet dernier : « Je crois que l’Europe qui a été construite, c’est une Europe de la violence sociale, comme nous le voyons dans chaque pays chaque fois qu’arrive un travailleur détaché, qui vole son pain aux travailleurs qui se trouvent sur place (…) ». Miracles du Brexit : certaines vérités qui n’étaient pas bonnes à dire commencent à se frayer un chemin…
[On dirait par moments que le discours de Mélenchon se dé-gauchise…]
Je me demande s’il s’agit d’un lapsus, une erreur sans lendemain, ou si Mélenchon compte au contraire mieux adapter son discours aux problématiques qui touchent les couches populaires. Cette déclaration n’ayant fait l’objet d’aucune publicité sur le site du PG ou sur le blog de Mélenchon, j’aurais tendance à pencher pour la première solution. Mais si ce n’est pas le cas, Alléluia ! Il n’est jamais trop tard pour bien faire…
@ Descartes
Il a dû vous échapper que la vidéo figure sur le compte facebook de JLM les 5, 6 et 7 juillet. Sur le site JLM2017 le 6 juillet puis avec le texte, sur son blog ( voir dans les vidéos : http://melenchon.fr/2016/07/05/brexit-leurope-actuelle-cest-violence-sociale-politique-guerriere/). Je ne sais si elle a été glissée ultérieurement mais je l’ai constaté il y a environ 4 jours, du moins pour les 2 premiers.
Entre-temps, est apparu (la polémique se développant) une note de l’intéressé sur facebook :
https://www.facebook.com/JLMelenchon/posts/10154396212148750
Ceci pour tenter d’avoir une idée claire des faits.
Ce qui m’a amusé, c’est la polémique avec NPA, Le Monde, et autres bons apôtres. Voilà du pur internationalisme prolétarien pour les uns, de la solidarité de la même eau pour les autres…lorsqu’elle est à sens unique. En quelque sorte les « gavés » de nos pays devraient dresser le tapis rouge. Peu importe si les nantis en question sont le plus souvent dans des secteurs peu connus pour l’abondance des salaires (BTP par ex).
Sur un autre plan, chacun peut imaginer quels qualificatifs décerneraient ces détracteurs si leurs propres emplois étaient soumis à ce type de casse du droit du travail…pour le plus grand profit de leurs employeurs.
Pour finir, JLM ne me convainc pas car s’il condamne formellement le fonctionnement actuel de l’UE, me semble rester dans l’optique de l’exhortation à un tournant « social » de celle-ci alors même qu’il multiple les constats sur ses règles.
@ morel
[Il a dû vous échapper que la vidéo figure sur le compte facebook de JLM les 5, 6 et 7 juillet.]
Elle m’a en effet échappé, puisque je ne consulte pas facebook.
[Sur le site JLM2017 le 6 juillet puis avec le texte, sur son blog ( voir dans les vidéos : http://melenchon.fr/2016/07/05/brexit-leurope-actuelle-cest-violence-sociale-politique-guerriere/). Je ne sais si elle a été glissée ultérieurement mais je l’ai constaté il y a environ 4 jours, du moins pour les 2 premiers.]
Vous avez parfaitement raison. La vidéo a bien été publiée avec la transcription contenant la phrase en question. Mea culpa. On peut donc en conclure que cette petite phrase a été voulue et pourrait annoncer un changement d’orientation. Qui sait ?
[Entre-temps, est apparu (la polémique se développant) une note de l’intéressé sur facebook :]
Malheureusement, la note en question est surtout une imprécation contre les journalistes plutôt qu’une explication de sa position. Et in fine, la seule explication ramène finalement à la logique de « l’autre Europe » qui est la position classique de Mélenchon et des siens. Dans sa note, Mélenchon explique que « la réponse à la concurrence déloyale et au dumping social que le statut des travailleurs détachés rend possible est l’égalité des droits de tous les salariés ». Mais cela veut dire quoi, exactement, « l’égalité des droits » ? A quelle échelle et sur quel territoire ? Par exemple, s’agit-il d’établir un SMIC unique en Europe ? On voit bien que si ce SMIC était fixé au niveau français, l’industrie roumaine serait effacée de la carte, et s’il était fixé au niveau roumain, les travailleurs français pâtiraient. S’agit-il au contraire de dire que tout travailleur SUR LE TERRITOIRE FRANÇAIS doit être payé au SMIC français ? Mais alors, avec la liberté de circulation, on aurait des flux migratoires massifs qui, par effet d’offre et demande, pousseraient les salaires vers le bas…
Mélenchon reste comme toujours entre deux eaux. Il a compris que les travailleurs détachés sont un facteur d’irritation dans l’électorat populaire, et il commence donc à les condamner. Mais lorsqu’il s’agit de proposer des solutions, c’est le désert. Comme il rêve encore de « l’autre Europe », il ne veut pas voir que le problème n’est pas dans la directive « travailleurs détachés » – même si celle-ci empire considérablement les choses – mais dans la liberté de circulation et d’établissement, qui permet aux travailleurs venant des pays les plus pauvres d’aller là où les salaires sont plus élevés, et donc de pousser les salaires à la baisse.
[Sur un autre plan, chacun peut imaginer quels qualificatifs décerneraient ces détracteurs si leurs propres emplois étaient soumis à ce type de casse du droit du travail…pour le plus grand profit de leurs employeurs.]
Et pourtant, ça va leur arriver… je pense que c’est l’un des sujets de crispation des « classes moyennes » qui fait qu’elles ne défendent plus la construction européenne avec le même enthousiasme…
Il y a beaucoup de vrai la dedans.
Une action que le Premier Ministre pourrait tenter (à défaut du fantôme de Président de le République), c’est de rendre obligatoire le vote sous peine de sanctions fiscales, en rétablissant le vote par correspondance (il y a toujours un doute lors du vote par procuration). Mesure trop simple pour Monsieur Valls !
Car vu le nombre de liste, il faut être vraiment difficile pour ne pas en trouver une qui promet plus de 50% des actes qui vous semblent indispensables !.
@ lessart pierre
[Une action que le Premier Ministre pourrait tenter (à défaut du fantôme de Président de le République), c’est de rendre obligatoire le vote sous peine de sanctions fiscales,]
Je ne comprends pas l’intérêt. On ne fait pas boire les ânes qui n’en ont pas envie. Forcer les gens qui n’ont pas envie de voter à se rendre aux urnes, c’est créer une masse d’électeurs qui voteront un peu au hasard, un peu à l’humeur, un peu pour emmerder le monde. Dans les pays ou le vote est obligatoire, les gouvernements ne sont ni meilleurs ni plus sages que chez nous…
[Car vu le nombre de liste, il faut être vraiment difficile pour ne pas en trouver une qui promet plus de 50% des actes qui vous semblent indispensables !.]
Des promesses, des promesses… oui. Mais combien de listes méritent notre confiance à l’heure de réaliser 50% des actes qu’elles proposent ?
@ Descartes,
Vous parlez de “dissolution de la Vème République”, j’irai même plus loin que vous pour parler de la dissolution de la nation. La France est devenue une mosaïque de communautés (ethniques, religieuses, sexuelles, alimentaires…) et malheureusement les dirigeants, nationaux ou locaux, s’en accommodent lorsqu’ils n’encouragent pas le processus. Il faut dire qu’ils ont peur du peuple, donc plus de peuple, plus de problème. On peut toujours jouer une communauté contre l’autre.
Vous évoquez les grandes figures de Richelieu, Louis XIV, Colbert, et on peut ajouter dans la continuité Robespierre et Napoléon. Au-delà de leurs divergences idéologiques sur la conception de la France, on peut observer que tous ces “grands hommes”, jusqu’à de Gaulle pourrait-on dire, ont eu à coeur de “faire France” en construisant l’unité du pays. C’est ce qu’on pourrait appeler la “ligne historique jacobine” en quelque sorte. Aujourd’hui, nos dirigeants veulent se contenter de gérer la diversité, dans une logique plus “girondine” (mais qu’on peut faire remonter sans doute à la turbulente aristocratie médiévale, qui se révolte encore contre l’Etat sous la Fronde). Certes, la tendance girondine a parfois gouverné mais, depuis Napoléon, personne n’avait vraiment réussi à entamer l’héritage centralisateur jacobin, la puissance de l’Etat, avant le début des années 1980. Depuis le délitement ne cesse de s’étendre. C’est une rupture majeure, qui entraîne une remise en cause des fondements même sur lesquels la France s’est bâtie. Et, malheureusement, je crains que la définition trop abstraite du citoyen, développée par certains républicains, y soit quand même pour quelque chose. Si être Français, c’est juste “avoir ses papiers” comme l’avait déclaré Mélenchon, alors il ne peut y avoir de France…
Permettez-moi de vous souhaiter de bonnes et reposantes vacances.
@ nationaliste-ethniciste
[Vous parlez de “dissolution de la Vème République”, j’irai même plus loin que vous pour parler de la dissolution de la nation. La France est devenue une mosaïque de communautés (ethniques, religieuses, sexuelles, alimentaires…)]
Oui et non. Clairement, c’est le projet préféré chez les élites politico-médiatiques : une société atomisée ou tous les projets sont des projets individuels, ou toute identification est communautaire. A ce propos, je vous raconterai une anecdote amusante – si l’on peut dire : ce matin, commentant le défilé des Polytechniciens pour le 14 juillet, la journaliste a cru bon insister sur le fait « peu connu » que « un tiers des élèves sortis de polytechnique crée maintenant sa « start-up » ». Aucun chiffre n’a été donné pour le pourcentage qui, conformément à la vocation de l’école, préfère servir l’Etat et la Nation, quitte à gagner un peu moins d’argent…
Mais je ne crois pas que cette vision individualiste soit la vision dominante dans l’ensemble de la société. Il y a une demande d’unité qui s’exprime chaque fois qu’une crise nous frappe, chaque fois qu’une urgence se présente. Plus que la dissolution de la nation, le problème est la coexistence de la nation avec des communautés installés au milieu de la nation et qui ne sont pas assimilées à celle-ci. C’est un problème réel, et qu’il faut prendre à bras le corps. Mais je continue à penser – je sais que nous ne sommes pas d’accord là-dessus – que la France a les moyens, pour peu qu’elle en paye le prix, d’opérer cette assimilation.
[Vous évoquez les grandes figures de Richelieu, Louis XIV, Colbert, et on peut ajouter dans la continuité Robespierre et Napoléon.]
J’aurais pu en effet. D’ailleurs, les ouvrages que j’ai cité pointent cette continuité. Mousnier par exemple analyse les idées de Richelieu sur l’éducation, qui sont clairement dans la continuité des Ecoles Centrales de la Révolution et des grandes écoles de l’Empire.
[Au-delà de leurs divergences idéologiques sur la conception de la France, on peut observer que tous ces “grands hommes”, jusqu’à de Gaulle pourrait-on dire, ont eu à coeur de “faire France” en construisant l’unité du pays. C’est ce qu’on pourrait appeler la “ligne historique jacobine” en quelque sorte. Aujourd’hui, nos dirigeants veulent se contenter de gérer la diversité, dans une logique plus “girondine”]
Tout à fait. Mais ce mouvement de balancier n’est pas nouveau. Après Richelieu, Mazarin et Colbert, on aura les règnes sans éclat de Louis XV et Louis XVI, ou l’on ne voit pas apparaître de « grande » figure. La Révolution et l’Empire sont suivis d’une suite de régimes médiocres. Les debuts de la IIIème République voient réapparaître de grandes figures – Ferry, Clemenceau, Jaurès – mais dérive vers une fin de médiocrité crasse. Le De Gaulle de la Libération sera vite embourbé par le jeu des partis de la IVème République, et le mouvement initié par De Gaulle au début de la Vème sera progressivement arrêté par les « libéraux-libertaires » alliés à la bourgeoisie néo-libérale. Les « grands hommes » dont nous parlons ont toujours été des éclats de lumière entre deux périodes de médiocrité…
[Et, malheureusement, je crains que la définition trop abstraite du citoyen, développée par certains républicains, y soit quand même pour quelque chose. Si être Français, c’est juste “avoir ses papiers” comme l’avait déclaré Mélenchon, alors il ne peut y avoir de France…]
Je ne crois pas qu’il y ait beaucoup de républicains pour adopter la définition de Mélenchon. C’est au contraire grâce à une définition abstraite de la citoyenneté qu’on a pu en France s’affranchir des faits communautaire ou religieux dans la construction de nos institutions. Mais je suis d’accord avec vous que la citoyenneté ne peut se réduire à un statut administratif. La citoyenneté implique – et je pense que la « gauche radicale » a tort de l’oublier – d’assumer un ensemble de devoirs envers ses concitoyens en contrepartie des droits que la Nation vous garantit. Et parmi eux, ce devoir de solidarité inconditionnelle qui pour moi est le fondement de la Nation.
[Permettez-moi de vous souhaiter de bonnes et reposantes vacances.]
Merci beaucoup, la même chose pour vous !
@ Descartes,
“Les « grands hommes » dont nous parlons ont toujours été des éclats de lumière entre deux périodes de médiocrité…”
Je suis d’accord avec vous: le “grand homme” est plutôt l’exception que la règle. Mais, même quand on est médiocre, on peut s’inscrire dans la continuité d’un grand homme, avec plus ou moins de bonheur.
Prenons Louis XV: il n’a certes guère innové, mais il se voulait et se pensait l’héritier de Louis XIV. Il n’a pas renié l’héritage du roi-soleil, il n’a pas rendu son pouvoir à la noblesse, il n’a pas mis fin à la centralisation. A la fin de son règne, il avait même suspendu les Parlements rebelles et les avait remplacés par des juges nommés et payés par le roi, révocables par ce dernier (coup de force de Maupeou, du nom du chancelier). Louis XVI, par souci de l’opinion et pour ménager tout le monde (un peu comme Hollande…) rappela les parlementaires dès son avènement…
C’est pareil pour Louis XVIII, Charles X et Louis-Philippe: ils sont médiocres sans doute, mais ils ont l’intelligence de garder les départements, les préfets, l’Etat centralisé et une partie des institutions de la Révolution et de l’Empire, de ne pas restaurer l’Ancien Régime tel quel. Et quand l’un est tenté de le faire, Charles X, il est chassé. De même Pompidou et Giscard, sans être des de Gaulle par la prestance et le charisme, préservent pour une bonne part son héritage.
Depuis les débuts de la décentralisation dans les années 80, non seulement nous avons des médiocres au pouvoir, mais en plus ces médiocres se croient suffisamment talentueux pour défaire les institutions lentement et patiemment créées par les “grands hommes”, et à peu près conservées par les médiocres qui leur succédaient jusqu’alors. Je pense qu’un Louis XV, par exemple, avait tout à fait conscience de ne pas être de la trempe de son bisaïeul, mais au moins, il a cherché à conserver ce que le grand homme avait édifié. Sans génie peut-être, mais avec une fidélité consciencieuse.
Aujourd’hui, nous n’en sommes plus là: nos dirigeants se croient sincèrement meilleurs que leurs prédécesseurs, on dirait qu’ils n’ont pas conscience de leur médiocrité. Du coup, ils se croient autorisés à défaire avec une incroyable légèreté ce qui avait fait la France depuis des siècles. Et ça me paraît assez inédit. Nos dirigeants ne se conçoivent plus comme des héritiers et on rejoint les problèmes de lacunes historiques et de transmission que vous avez soulignés à plusieurs reprises. Pour un Valls ou un Macron, la France commence avec eux. Et ça, c’est assez nouveau. Je ne crois pas qu’un Louis XVIII ou un Daladier ait été à ce point dénué de conscience historique…
@ nationaliste-ethniciste
[Je suis d’accord avec vous: le “grand homme” est plutôt l’exception que la règle. Mais, même quand on est médiocre, on peut s’inscrire dans la continuité d’un grand homme, avec plus ou moins de bonheur. Prenons Louis XV: il n’a certes guère innové, mais il se voulait et se pensait l’héritier de Louis XIV. Il n’a pas renié l’héritage du roi-soleil, il n’a pas rendu son pouvoir à la noblesse, il n’a pas mis fin à la centralisation (…)]
J’avoue que je n’avais pas pense le problème sous cet angle. Je suis assez convaincu par votre argument. En effet, si l’on trouve dans le passé des gens fort médiocres, ces médiocres avaient au moins une culture historique suffisante pour ne pas abattre les édifices hérités du passé et qu’ils savaient ne pas être capables de reconstruire. Au contraire, lorsqu’ils ne savaient pas quoi faire leur premier réflexe était de conserver l’existant plutôt que de se lancer dans des innovations hasardeuses pour faire croire qu’ils avaient des idées.
[Depuis les débuts de la décentralisation dans les années 80, non seulement nous avons des médiocres au pouvoir, mais en plus ces médiocres se croient suffisamment talentueux pour défaire les institutions lentement et patiemment créées par les “grands hommes”, et à peu près conservées par les médiocres qui leur succédaient jusqu’alors. Je pense qu’un Louis XV, par exemple, avait tout à fait conscience de ne pas être de la trempe de son bisaïeul, mais au moins, il a cherché à conserver ce que le grand homme avait édifié. Sans génie peut-être, mais avec une fidélité consciencieuse.]
La différence je pense vient du fait que Louis XV, comme tous les gens cultivés de son temps, était élevé dans un véritable respect et avec un véritable intérêt pour le passé. Pour Richelieu ou Colbert, la première éducation de l’homme d’Etat était la connaissance de l’histoire. Et c’est cette connaissance de l’histoire qui peut faire admirer les œuvres du passé et nous faire hésiter avant de les détruire. Les dirigeants que nous avons aujourd’hui « se croient sincèrement meilleurs que leurs prédécesseurs » en grande partie parce qu’ils connaissent fort peu l’œuvre de ceux-ci.
@Descartes
“je vous raconterai une anecdote amusante – si l’on peut dire : ce matin, commentant le défilé des Polytechniciens pour le 14 juillet, la journaliste a cru bon insister sur le fait « peu connu » que « un tiers des élèves sortis de polytechnique crée maintenant sa « start-up » ». Aucun chiffre n’a été donné pour le pourcentage qui, conformément à la vocation de l’école, préfère servir l’Etat et la Nation, quitte à gagner un peu moins d’argent…”
Pour une fois, il me semble que votre remarque n’est pas pertinente, à de nombreux égards :
– le nombre de place dans les corps d’etat est limité, si bien que tous les X ne peuvent pas y aller, loin de là. Et les places sont chères, et ils n’auraient pas de mal à trouver davantage de volontaires…
– ceci a peut être d’ailleurs un rapport, mais les salaires dans les grands corps sont loin d’être dérisoires !
A titre indicatif, voici, à la grosse, les postes ouverts, soit un total de 70 sur une promo de 400 :
Administrateurs de l’INSEE : 10 places
Controle des Assurances : 2 places (ou 1 seule)
Ingénieurs de l’Armement : 18
Ingénieurs des Mines : 13 places
Ingénieurs des Ponts, des Eaux et des Forêts : 25 places
Il faudrait y ajouter les officiers des Armées, mais le quota de places n’est jamais atteint, et je pense de pas être loin de la réalité en l’estimant à 5 par promotion, pour les 4 armées.
Ce qu’elle aurait aussi pu dire, et qui vous aurait sans doute étonné en bien, c’est qu’environ 1/3 va faire une thèse de doctorat (mes chiffres datent un peu, mais j’espère que ca n’a pas rebaissé… il y en avait moins de 20% il y a 10 ans).
En l’occurence, ceux qui vont faire une thèse sont largement moins bien payés que ceux qui vont dans les corpsde l’Etat. Et restent conforme à la devise et la vocation de l’Ecole (pour la Patrie, les Sciences, la Gloire).
Et ceux qui vont faire une start up, ce sont, là encore, ceux qui ont sacrifié un poste plus ou moins confortable dans un grand groupe pour essayer de se trouver leur voie, quitte à ce qu’elle soit moins rémunératrice… Je pense que c’est plutôt sous cet oeuil qu’il faut le voir… Et le tableau final devient alors plutôt réjouissant !!!
@ Vincent
[- le nombre de place dans les corps d’etat est limité, si bien que tous les X ne peuvent pas y aller, loin de là. Et les places sont chères, et ils n’auraient pas de mal à trouver davantage de volontaires…]
D’une part, j’avais parlé de « servir l’Etat », et non d’aller dans un corps. On peut servir l’Etat sans être fonctionnaire, par exemple, en allant travailler au CEA, à EDF ou dans une autre entreprise publique. Par ailleurs, je me suis laissé dire que les places de fonctionnaire à la sortie de Polytechnique ces dernières années n’ont pas été prises en totalité. Cela semble affecter particulièrement le corps de l’Armement, et celui des Ponts et Chaussées. Mais le fait qu’ils soient nombreux ou pas importe peu. Ce que je voulais signaler, c’est que le journaliste considère nécessaire de dire combien d’élèves créent leur « start-up », et ne juge pas utile de dire combien s’engagent au service de la Nation. Cela montre une échelle de valeurs bien particulière…
[- ceci a peut être d’ailleurs un rapport, mais les salaires dans les grands corps sont loin d’être dérisoires !]
Certes, mais nettement moins importants que ceux du privé, à responsabilité égale.
[Et ceux qui vont faire une start up, ce sont, là encore, ceux qui ont sacrifié un poste plus ou moins confortable dans un grand groupe pour essayer de se trouver leur voie, quitte à ce qu’elle soit moins rémunératrice…]
La voie qu’ils essayent de trouver est nettement plus rémunératrice qu’un poste « plus ou moins confortable » dans un grand groupe….
[Nous avons eu ensuite la séquence El Khomri, ministre totalement inexpérimentée]
Effectivement,elle n’a même pas concerter les syndicats au préalable alors que les lois Borloo,l’y oblige………………..
Quant à la mascarade Maqueron,il se murmure que Maqueron appellera à voter Hollande en 2017… pour poursuivre une carrière post Juin 2017,non?..Trop de scénaris tuent ils la prospective mais sinon comment expliquer tant d’insignifiances?
Alors,vivez l’essentiel et Profitez bien de vos vacances de l’Iode,des vagues et de cet Océan qui un jour chariera les cadavres de tous nos ennemis car effectivement l’itaxit approche et aprés le brexit rien ne sera plus pareil…..
[On dirait par moments que le discours de Mélenchon se dé-gauchise…]
Du populisme, selon le NPA, qui attaque Mélenchon dans une tribune.
Voilà comment Mélenchon ne peut faire un pas dans le bon sens, sans que les révolutionnaires de pacotille y vont de leur couplet d’arriérés !
En attendant, encore 80 morts et plus à déplorer, à Nice…
Peut-être serait-il nécessaire de clarifier votre interprétation des notions d’Etat et de patrie que l’on ne peut superposer aussi facilement que vous le faites, ni affirmer que la Révolution ne fait que “couronner des transformations commencées bien avant”;
bien au contraire, il y a eu révolution justement car la souveraineté a été placée dans la volonté du peuple (la Nation), lui-même acteur vivant héritier de l’Histoire des ses ancêtres (la patrie). L’Etat est devenu une construction politique de la Nation, non plus d’un pouvoir personnel royal, la patrie est immuable.
Louvois est un personnage qui a construit l’absolutisme royal, bien loin des idées révolutionnaires de Robespierre et même de Napoléon.
Qu’entendez-vous par vos mots “ayant le pouvoir de faire cesser” concernant Valls? Notre Premier Ministre est trop respectueux de l’Etat pour atteindre aux libertés. C’est à Macron de démissionner, et ce serait effectivement plus honnête, non pas à Valls de le renvoyer sans motif valable.
@ Françoise
[Peut-être serait-il nécessaire de clarifier votre interprétation des notions d’Etat et de patrie que l’on ne peut superposer aussi facilement que vous le faites,]
Je ne « superpose » rien du tout. Les notions d’Etat et de Patrie n’ont aucun rapport. L’Etat est l’institution chargée de l’exécution de la norme commune. La Patrie est étymologiquement ce que nous recevons de nos pères – on retrouve cette racine dans le mot « patrimoine » – et que nous transmettons à nos enfants. Il s’agit donc d’un ensemble de souvenirs, de monuments, une histoire qui nous est commune. Personnellement, je n’utilise que rarement la notion de « Patrie » parce qu’elle est très polysémique et difficile à manipuler.
[ni affirmer que la Révolution ne fait que “couronner des transformations commencées bien avant”;]
J’avoue que je ne saisis pas le rapport. Quant à l’idée que la Révolution couronne le processus de construction de l’Etat démarré sous Richelieu puis sous Louis XIV, ce n’est pas moi qui le dit, ce sont les auteurs que j’ai cité. Et ils donnent des arguments plutôt convaincants…
[bien au contraire, il y a eu révolution justement car la souveraineté a été placée dans la volonté du peuple (la Nation), lui-même acteur vivant héritier de l’Histoire des ses ancêtres (la patrie). L’Etat est devenu une construction politique de la Nation, non plus d’un pouvoir personnel royal, la patrie est immuable.]
Non. Déjà sous Louis XIV, l’Etat se sépare de la personne du Roi pour devenir une institution autonome. La révolution ne fait que remplacer la souveraineté personnelle du Roi par la souveraineté impersonnelle de la Nation – et non, comme vous semblez le penser, par celle du « peuple ». L’Etat révolutionnaire puis napoléonien présente une remarquable continuité avec celui construit par Richelieu et par Colbert. Quant à la Nation, c’est aussi une institution dont la construction doit beaucoup à la centralisation sous Louis XIII et Louis XIV.
[Louvois est un personnage qui a construit l’absolutisme royal, bien loin des idées révolutionnaires de Robespierre et même de Napoléon.]
Là encore, vous faites erreur. L’absolutisme royal ne s’est pas construit in abstracto : il s’est construit contre les « grands » du royaume. Robespierre n’était pas moins « absolutiste » que Louvois. La seule différence est le lieu ou réside « l’absolu ». Pour Louvois, l’absolutisme était l’instrument pour déposséder les grands féodaux de leur pouvoir. Pour Robespierre, le pouvoir absolu devait se déplacer de la personne du Roi à la Nation représentée. Louvois ou Robespierre étaient parfaitement d’accord sur la question d’un pouvoir central « absolu » contre les féodalités locales.
[Qu’entendez-vous par vos mots “ayant le pouvoir de faire cesser” concernant Valls? Notre Premier Ministre est trop respectueux de l’Etat pour atteindre aux libertés.]
Il ne s’agit pas de « libertés ». Le Premier ministre est garant de l’unité et de la solidarité du gouvernement. Si un ministre ne respecte pas son autorité et viole les règles qu’il a posé, il a toujours la possibilité de lui demander sa démission.
[C’est à Macron de démissionner, et ce serait effectivement plus honnête, non pas à Valls de le renvoyer sans motif valable.]
Un Premier ministre choisit librement ses collaborateurs. Il n’a besoin de fournir aucune raison, valable ou pas, pour renvoyer un ministre s’il estime qu’il ne fait pas l’affaire.
Connaissant pas mal de psychiatres, et en ayant pas mal discuté avec eux, je ne peux que confirmer : chez des schisophrènes notamment, la terreur que leur inspire les attentats peut les inciter, pour conjurer leur crainte, à vouloir se placer aux cotés de ceux qui leur inspirent une crainte. Quitte à aller commettre des attentats en criant “Allah Ouakbar”, alors même qu’ils n’ont jamais mis les pieds dans une mosquée, ni même regardé de vidéo jihadiste (on en a eu pas mal d’exemples en Décembre 2015).
Ceci dit, vu l’efficacité de l’attentat d’hier soir, on peut supposer qu’il y avait eu préméditation et réflexion prélable, ce qui ne rangerait pas cet attentat dans cette catégorie…
Quand vous transcrivez deux citations avec un “tout comme” au milieu, c’est bien que vous faites une analogie;
La construction de l’Etat a commencé bien avant Richelieu, dès le milieu du Moyen Age, et Montesquieu, dont se réclamaient les révolutionnaires, a largement critiqué la monarchie absolue.
Quand vous parlez de la “personne du Roi”, c’est une notion encore compliquée à définir et vous ne pouvez pas écrire ce non-sens ” Déjà sous Louis XIV, l’Etat se sépare de la personne du Roi pour devenir une institution autonome” !
Robespierre n’est certainement pas à comparer à Louvois et c’est une erreur grossière de vouloir lui attribuer une forme d’absolutisme démocratique car il était pour un partage des pouvoirs, à l’opposé de l’absolutisme, que le pouvoir soit central ou pas.
Je crois que vous confondez toutes ces notions qui ne sont pas à traiter à la légère “au bord de l’eau”, mettez un chapeau et de la crème et appliquez vous davantage.
@ Françoise
[Quand vous transcrivez deux citations avec un “tout comme” au milieu, c’est bien que vous faites une analogie; ]
Je ne comprends pas très bien le rapport de cette remarque dans l’échange en cours. Qui plus est, elle est inexacte. L’expression « tout comme » s’utilise pour faire la liaison entre des choses qui ont une caractéristique commune. Ainsi, la phrase « ces vers ont quatre pieds, tout comme la table » ne fait aucune « analogie » entre « ces vers » et « la table ». Elle se contente d’exprimer un caractère commun.
[La construction de l’Etat a commencé bien avant Richelieu, dès le milieu du Moyen Age,]
Une bonne affirmation, d’un ton assuré et sans réplique, vaut tous les arguments du monde, n’est ce pas ? Un jour, il faudrait que vous réalisiez que les choses ne sont pas vraies parce que vous décrétez qu’elles le sont. Et que si vous voulez convaincre, il vous faut apporter un minimum d’argumentation.
[et Montesquieu, dont se réclamaient les révolutionnaires, a largement critiqué la monarchie absolue.]
Et alors ? Vous savez, ce n’est pas parce qu’on critique ses parents qu’on ne les imite pas…
[Quand vous parlez de la “personne du Roi”, c’est une notion encore compliquée à définir et vous ne pouvez pas écrire ce non-sens ” Déjà sous Louis XIV, l’Etat se sépare de la personne du Roi pour devenir une institution autonome” !]
Je peux parfaitement l’écrire. Et non seulement je l’écris, mais je cite les exemples donnés par Stoll et Sarmant dans l’ouvrage que j’ai recommandé. Je vous trouve bien imprudente de rejeter les conclusions de deux historiens spécialistes de la période sans même les avoir lus. Mais peut-être avez-vous lu d’autres auteurs qui disent le contraire ? Dans ce cas, vous pourriez enrichir nos connaissances en les citant…
[Robespierre n’est certainement pas à comparer à Louvois]
« Certainement » ? Ah, comme c’est commode, d’être bardé de certitudes…
Encore une affirmation qui ne mérite le moindre argument, la moindre justification. « C’est comme ça, parce que je le dis »…
[et c’est une erreur grossière de vouloir lui attribuer une forme d’absolutisme démocratique car il était pour un partage des pouvoirs, à l’opposé de l’absolutisme, que le pouvoir soit central ou pas.]
Non. Pour Robespierre la souveraineté de la Nation n’est pas moins absolue que n’était pour Louvois ou Colbert la souveraineté du Roi. J’aurais même tendance à dire plus absolue, puisque le Roi, tout souverain qu’il soit, voit sa souveraineté limitée par sa propre mortalité, alors que la souveraineté de la Nation n’a pas de limites temporelles.
Vous confondez la question de la séparation des pouvoirs et la question de la souveraineté, ce qui est – pour utiliser votre vocabulaire – une très grossière erreur. La séparation des pouvoirs commence bien avant la fin de l’absolutisme, avec l’autonomisation des fonctions judiciaires par rapport aux fonctions normatives. Le Roi délègue le pouvoir de justice à des Parlements et des justiciers inférieurs, tout comme il délègue le pouvoir exécutif et législatif à ses ministres. Robespierre n’agira pas différemment : la Convention nationale, représentant la Nation, exerce la plénitude de la souveraineté et délègue à des « comités » des pouvoirs exécutifs, législatifs ou judiciaires selon sa volonté. Mais la souveraineté reste absolue.
[Je crois que vous confondez toutes ces notions qui ne sont pas à traiter à la légère “au bord de l’eau”, mettez un chapeau et de la crème et appliquez vous davantage.]
Je ne discute jamais des croyances. La foi est une question toute personnelle. Un peu comme la politesse…
Putain, je me réveille encore une fois sonnée par ce qui s’est passée à Nice. 3 attentats meurtriers depuis 18 mois, c’est inimaginable.
Et quand on apprend encore une fois que les présumés sont fichés et connus des services antiterroristes, on a la rage. On voit encore une fois le décalage entre le discours à la Taubira et la réalité du terrain. Nos services sont très compétents, je n’en doute pas un instant, le problème vient des politiques. D’une part la politique étrangère aberrante (le droit d’ingérence made in BHL/Kouchner, Assad doit partir, hostilité irrationnelle envers la Russie et l’Iran), et d’autre part la politique intérieure de dé-cohésion de la Nation. De quoi ont été capables notre président-poire et son roquet de 1er ministre après les attentats de 2015 ? L’Etat d’urgence et le discours rageux et violent envers les syndicalistes et la CGT. L’état d’urgence est nécessaire mais il ne peut palier 3 décennies de destruction de la république par les enfants gâtés de mai 1968.
J’espère vraiment que cette overdose d’attentats va faire tourner le vent vers la libération de la parole vers une politique plus jacobine, républicaine et assimilationniste ferme et assumée. Tant que cette clique de bobos multiculturalistes, européistes et atlantistes aura le droit de faire sa logorrhée verbale sur les ondes, on ne sera pas sorti d’affaire.
La “gôche” est fichue pour 2017, et tant mieux (que le PS crève, je les HAIS !), mais j’ai bien peur que la droite ne reprenne que le discours sécuritaire, alors qu’elle devrait s’inspirer de certaines intuitions des conservateurs britanniques (cf le discours d’intronisation de Theresa May qui confirme qu’elle conduira le Brexit à bon port et la nécessaire cohésion de la Nation, qui chez nous serait un discours républicain). Quant aux progressistes, ils doivent à tout prix sortir de la mentalité sectaire (souverainisme de gauche et autres âneries) et voir dans la vague Phlippot, une opportunité (par contre à Nice, bon c’est le FN du sud…).
@ Bannette
[Et quand on apprend encore une fois que les présumés sont fichés et connus des services antiterroristes, on a la rage.]
D’où sortez-vous cette idée. Il semble au contraire que les « présumés » – pour le moment un seul – n’était pas connu des services antiterroristes, et ne faisait même pas l’objet d’une fiche « S ». Avec les informations disponibles aujourd’hui, l’hypothèse d’un déséquilibré est bien plus vraisemblable qu’une motivation terroriste. Imagine-t-on un véritable terroriste emporter des armes factices, à l’exception d’une arme de poing ?
Beaucoup d’affaires présentés comme « terroristes » semblent plutôt relever de personnalités déséquilibrées, suicidaires, cherchant leur « quart d’heure de gloire » avant de disparaître. Reste à comprendre pourquoi les passages à l’acte concernent très majoritairement des musulmans. Je pense que le discours sur la « culpabilité de l’homme blanc » généreusement étalée par les médias dans l’ensemble des pays occidentaux est de ce point de vue néfaste : il alimente la paranoïa de cette communauté et favorise le passage à l’acte des personnes les plus instables et les plus influençables.
[J’espère vraiment que cette overdose d’attentats va faire tourner le vent vers la libération de la parole vers une politique plus jacobine, républicaine et assimilationniste ferme et assumée.]
Ah, si les dieux pouvaient vous entendre…
My mistake alors, il semble que c’est ce qu’on appelle un “terroriste hybride” (mais il semblait armé, vu que des policiers ont été tués par balle ?). C’est ce qui est le plus difficile dans la lutte anti-terroriste actuelle, cette autonomie dans le passage à l’acte, à côté des gens fichés “S”, il y a des gens de la petite délinquance, sans doute schizophrènes, qui déclencheront un carnage.
Après pour ta remarque sur les discours de la “culpabilité de l’homme blanc”, il est étrange de voir par exemple que chez nous, les noirs par exemple, sont rarement impliqués dans des attentats de ce calibre, contrairement aux magrébins de culture musulmane. Aux USA il y a certes eu la représaille contre des policiers blancs, mais j’ai peu entendu parler de terroristes noirs. Pourtant pour cette “culpabilité”, ils devraient être les premiers à y être sensibles non ?
@ Bannette
[Après pour ta remarque sur les discours de la “culpabilité de l’homme blanc”, il est étrange de voir par exemple que chez nous, les noirs par exemple, sont rarement impliqués dans des attentats de ce calibre, contrairement aux magrébins de culture musulmane.]
Ce n’est pas tout à fait vrai. Pensez à Ahmedi Koulibali. Mais il est vrai que jusqu’à maintenant ils représentent une minorité.
[Aux USA il y a certes eu la représaille contre des policiers blancs, mais j’ai peu entendu parler de terroristes noirs. Pourtant pour cette “culpabilité”, ils devraient être les premiers à y être sensibles non ?]
La question est aussi de savoir ce qu’on appelle « terrorisme ». Aux USA, on trouve des gens – blancs ou noirs – qui tirent dans le tas sans que ce soit considéré comme « terrorisme »…
Pour rester sur un point de détail de l’article, je lance le débat historique :
– A quand peut on faire remonter la notion de nation française ?
– A quand peut on faire remonter la notion d’un Etat qui serait dissocié de la personne du Roi ?
Sur la 1ère question, je dirais au plus tôt la bataille d’Azincourt, où des nobles de toute la France se sont réunis contre les anglais, et au plus tard avec l’édit de Villers Coterêt.
Sur la 2ème question, je dirais au plus tôt avec l’apparition du parti des politiques, pendant les guerres de religion (1572), et au plus tard en 1643, avec la cassation du testament de Louis XIII par le Parlement de Paris.
Et effectivement, du fait que le testament de son père avait été cassé, du fait que le Roi n’avait pas de droit de toucher aux règles immuables du Royaume (ces règles, et donc quelque part une sorte de constitution implicite, sont supérieurs au Roi), Louis XIV a du avoir bien conscience du fait que, s’il était que dépositaire d’un pouvoir pour la durée de sa vie, il y avait des règles qui lui étaient supérieures, permettant d’assurer la continuité de l’Etat.
On peut d’ailleurs noter que les parlementaires qui avaient voté les pleins pouvoirs au Mal Pétain semblaient avoir oublié ce principe…
Principe qu’avait également tenté d’évoquer Séguin lors du traité de Maastricht :
“Aucune assemblée n’a compétence pour se dessaisir de son pouvoir législatif par une loi d’habilitation générale, dépourvue de toute condition précise quant à sa durée et à sa finalité. A fortiori, aucune assemblée ne peut déléguer un pouvoir qu’elle n’exerce qu’au nom du peuple.”
@ Vincent
[- A quand peut on faire remonter la notion de nation française ?]
Votre question nécessite de préciser les termes, parce que le sens du mot « nation » n’est pas le même pour tous, et surtout parce qu’il a varié suivant les époques. Si l’on prend la définition que j’ai défendu sur ce blog, c’est-à-dire, celle d’une collectivité liée par une solidarité inconditionnelle et impersonnelle, les bornes que vous proposez (Azincourt ou Villers-cotterêts) me semblent trop lointaines. Il est d’ailleurs très difficile de dire « la nation est née tel ou tel jour ». La construction de la nation est un processus lent, et on peut trouver des éléments épars « proto-nationaux » bien avant qu’on puisse réellement parler de nation ou de sentiment national.
Ainsi, Azincourt était une bataille entre deux rois pour des intérêts qui les concernaient eux et une petite fraction de la population. Je ne suis pas persuadé que les paysans étaient très intéressés de savoir lequel des deux souverains allait gagner, et la victoire de l’un ou de l’autre ne changeait pas radicalement leur sort. De même, l’édit de Villers-cotterêts était d’abord un édit d’organisation administrative. Est-ce qu’à l’époque de François Ier un paysan disons de Champagne se sentait « inconditionnellement solidaire » de celui de Normandie ? Je ne le crois pas.
La nation au sens moderne naît je pense lorsque les rapports féodaux, par nature locaux et personnels, s’affaiblissent au profit d’un rapport plus lointain avec une autorité impersonnelle. Cela se produit au XVIIème siècle, En Angletterre avec la révolution et le Commonwealth cromwellien, en France avec la centralisation sous Richelieu puis sous Louis XIV. Le tournant serait pour moi plus le traité de Westphalie, qui fait des états les acteurs du jeu international.
[- A quand peut on faire remonter la notion d’un Etat qui serait dissocié de la personne du Roi ?]
Là encore, la séparation n’a pas eu lieu en un seul moment, mais s’est faite lentement. L’Etat s’est progressivement séparé du Roi. Le bouquin de Stoll montre bien l’hésitation à l’époque de Louvois sur le fait de savoir si les ministres étaient au service du roi ou au service de l’Etat, avec déjà une préférence pour la deuxième formule. La devise de Colbert (« pour le roi souvent, pour la patrie toujours »), devise que le Roi a approuvé, montre que cette césure était déjà admise dans la seconde moitié du XVII siècle. La cassation du testament de Louis XIII était un acte politique, dont la motivation était moins de séparer le roi de l’Etat que de préserver certains intérêts, mais le fait qu’elle ait eu lieu montre que l’idée était là aussi présente.
[Louis XIV a du avoir bien conscience du fait que, s’il était que dépositaire d’un pouvoir pour la durée de sa vie, il y avait des règles qui lui étaient supérieures, permettant d’assurer la continuité de l’Etat.]
Nous savons, du moins si l’on pense authentiques ses dernières paroles, que Louis XIV en était conscient, au moins à la fin de son règne.
[Principe qu’avait également tenté d’évoquer Séguin lors du traité de Maastricht : « Aucune assemblée n’a compétence pour se dessaisir de son pouvoir législatif par une loi d’habilitation générale, dépourvue de toute condition précise quant à sa durée et à sa finalité. A fortiori, aucune assemblée ne peut déléguer un pouvoir qu’elle n’exerce qu’au nom du peuple. »]
Tout à fait. C’est la déclinaison du principe fondamental qui veut que le peuple ne peut déléguer que des pouvoirs, mais pas la souveraineté, qui est dans « l’essence » de la Nation elle-même. Il s’ensuit que tout corps, toute institution ne détient qu’une délégation limitée et révocable, et qu’elle ne peut subdéléguer cette délégation que si celle-ci est prévue par l’acte de délégation original (cas des ordonnances, par exemple).
C’est d’ailleurs pourquoi les termes « délégation de souveraineté » ou « partage de souveraineté », « mise en commun de la souveraineté », qui étaient répétées comme un mantra dans les années 1990-2000, sont vides de sens. La souveraineté, de par sa définition même, n’est susceptible ni de délégation, ni de partage. On peut déléguer des pouvoirs ou les exercer en commun, mais la souveraineté, elle, est indivisible.
Enfin !
houria bouteldja a écrit un livre d’une idiotie racialiste crasse que l’on pourra citer,critiquer à loisir au plus grand bénéfice de l’idéal commun de notre république sociale française dont elle et son compagnon sont salariés fonctionnaire du ministère de la recherche.
Oui,merci!
Grâce à l’existence du P.I.R,le meilleur est envisageable,non?
http://www.marianne.net/houria-bouteldja-racisme-les-nuls-100241973.html
@ luc
[houria bouteldja a écrit un livre d’une idiotie racialiste crasse]
Franchement, ce n’est pas une nouveauté. Bouteldja et ses “Indigènes de la République” est l’équivalent français du mouvement américain “Nation of Islam” de Louis Farrakhan. On retrouve dans ses interventions le même communautarisme racialiste – pour ne pas dire franchement raciste – et le même antisémitisme. Mais son discours est d’autant plus choquant qu’il s’adresse non pas au public américain, pour qui les thèses communautaristes et racialistes sont intégrées aux références politiques, mais à un public français dont les traditions, les références et les logiques sont historiquement à l’opposé.
Ceux qui à gauche ont donné un espace à ce genre de délire au nom de la “diversité” ou de la lutte contre les discriminations portent une lourde responsabilité…
@Descartes
“La construction de la nation est un processus lent, et on peut trouver des éléments épars « proto-nationaux » bien avant qu’on puisse réellement parler de nation ou de sentiment national.”
Il est effet délicat de parler à ce sujet de tournant ou de point de départ, mais je pense tout de même qu’on peut suivre l’essayiste du XIXème siècle Pierre-Eugène Flotard lorsqu’il relie l’émergence de la Nation française à la guerre de Cent ans (cf: http://hydre-les-cahiers.blogspot.fr/2016/07/jeanne-darc-et-la-constitution-de.html ).
Il faut également faire remarquer qu’à la fin de la guerre de Cent ans, Charles VII se retrouve en mesure d’imposer à la noblesse le principe d’une armée royale permanente, financée par un impôt permanent et étendu à tout le territoire. Si l’on suit le sociologue Norbert Elias, pour qui l’Etat est essentiellement un double monopole militaire et fiscal (le soldat pour faire rentrer l’impôt, l’impôt pour payer le soldat), on peut faire dater du milieu du XVème siècle l’apparition de l’Etat en France (avant nous sommes en situation d’ “anarchie” féodale, avec des maisons princières concurrentes, aux frontières et aux allégeances instables).
Ce qui tendrait à prouver que l’Etat et la Nation apparaissent dans le même mouvement en France, ce qui n’est pas nécessairement le cas ailleurs (la Finlande a par exemple été un duché contrôlé par l’Etat russe pendant le 19ème siècle, période pendant laquelle le sentiment national a mûri, pour finalement aboutir à une indépendance nationale en 1917).
@ Johnathan R. Razorback
[Il est effet délicat de parler à ce sujet de tournant ou de point de départ, mais je pense tout de même qu’on peut suivre l’essayiste du XIXème siècle Pierre-Eugène Flotard lorsqu’il relie l’émergence de la Nation française à la guerre de Cent ans (…).]
Je ne le pense pas. La description que fait Flotard de Jeanne d’Arc est largement une re-construction a posteriori. C’est une Jeanne d’Arc du XIXème siècle, une héroine hugolienne qui ressemble drôlement aux images d’Epinal des figures des « trois glorieuses » ou de la révolution de 1848. Flotard veut fabriquer une Jeanne d’Arc « populaire », représentant le peuple et la bourgeoisie et méprisée de la noblesse et du clergé, exactement le personnage que cherchera à imposer la IIIème République trente ans plus tard. Mais cette description n’est pas conforme aux faits réels. L’armée de Jeanne d’Arc n’était pas une armée populaire, loin de là, et il paraît difficile de parler de « sentiment national » dans un contexte où chaque « pays » restait jaloux de son droit et ses prérogatives particulières. Qu’ils se sentissent sujets d’un même roi, c’est possible. Mais je doute fort que les paysans lorrains et ceux de l’orléanais se soient considérés comme membres d’une même collectivité, se devant solidarité inconditionnelle les uns aux autres.
[Il faut également faire remarquer qu’à la fin de la guerre de Cent ans, Charles VII se retrouve en mesure d’imposer à la noblesse le principe d’une armée royale permanente, financée par un impôt permanent et étendu à tout le territoire. Si l’on suit le sociologue Norbert Elias, pour qui l’Etat est essentiellement un double monopole militaire et fiscal (le soldat pour faire rentrer l’impôt, l’impôt pour payer le soldat), on peut faire dater du milieu du XVème siècle l’apparition de l’Etat en France (avant nous sommes en situation d’ “anarchie” féodale, avec des maisons princières concurrentes, aux frontières et aux allégeances instables).]
C’est discutable. Si Charles VII se voit en mesure d’imposer une armée royale payée par un impôt général, il n’est pas encore question de MONOPOLE militaire. L’armée royale n’était pas la seule, et les nobles ont conservé leurs armées personnelles. Si l’on accepte l’idée wébérienne qui fait du « monopole de la force légitime » l’un des attributs essentiels de l’Etat, il faut dater son établissement bien plus tard, au XVIIème siècle.
@Descartes
Votre réponse référencée me conforte dans le respect pour votre travail.
Cependant pourquoi les ravagesdu capitalisme dans les causes de ces migrations,guerres,désiquilibres n’émergent ils pas dans le débat médiatico-socio-politique?
En quoi les classes moyennes ont elles besoin de cet opium bisounourriste en cours dans 100% des médias,alors que la raison devrait leur déciller les yeux?
En parlant de la disparition totale du sens de l’Etat chez les dirigeants politiques un exemple récent m’a particulièrement frappé, je l’ai trouvé dans un article du Figaro relatif à l’affaire « du coiffeur de Hollande ». Cette navrante histoire, qui montre la perte totale de sens commun de l’entourage du Président de la République et la déliquescence de l’autorité de celui-ci (si on nous avait dit il y a 10 ans qu’en 2016 l’entretien présidentiel du 14 juillet évoquerait la question du coiffeur privé du Président…) est assez anecdotique en soi, mais certaines réactions citées dans l’article se sont avérées sidérantes. Un secrétaire d’Etat – anonyme bien entendu – interrogé par le journal disait en substance « moi ça ne me dérange pas que son coiffeur gagne 10 000 € par mois mais ce qui est scandaleux c’est que nous les secrétaires d’Etat on gagne moins ! C’est scandaleux d’avoir baissé nos rémunérations au début de de son mandat ». Le fait qu’une personne ayant l’honneur de faire partie du Gouvernement de la République française soit si préoccupé par une indemnité qui ne devrait avoir aucune importance à ses yeux est à mon avis le signe d’une grave déliquescence, l’Etat n’est presque plus pour eux qu’une machine à contrôler pour distribuer des prébendes…
Concernant le rôle du XVIIe siècle dans l’institutionnalisation du pouvoir et la naissance de l’Etat au sens fort du terme c’est effectivement la période charnière. Je suis pour ma part convaincu de longue date de la pertinence de la thèse de Tocqueville sur la continuité très forte entre Ancien régime et Révolution. La France est un vieux pays absolutiste, et ce que le Roi a longuement construit pour assurer son pouvoir face aux féodaux la Nation en a hérité. L’Etat, avec toute sa force et sa tradition de service de « l’intérêt général » même si ce terme est, pour le XVIIe anachronique, est le leg inestimable de la monarchie à la République, qu’il nous appartient de conserver et de continuer. C’est à mon avis pourquoi le travail de sape de l’Etat conduit avec persévérance par les libéraux-libertaires depuis trente ans est si dangereux.
Cette continuité est aussi la principale raison pour laquelle l’historiographie de la thèse des « révolutions atlantiques », de Jacques Godechot à Annie Jourdan ne m’ont jamais séduit, les révolutions anglaise en 1688 et américaine se font contre le pouvoir de l’Etat, contre la menace réelle ou fantasmée d’un absolutisme perçu comme oppresseur. En France le pouvoir de Napoléon était bien plus grand en fin de compte que celui de Louis XIV tant les moyens de la puissance publique et l’efficacité de son organisation avait cru, les Français l’ont pourtant toujours majoritairement soutenu.
Sinon concernant cette période fascinante et l’histoire de l’Etat en général je vous conseille un petit ouvrage que j’ai trouvé véritablement magistral « Richelieu, la puissance de gouverner » par Arnaud Teyssier. Historien et haut fonctionnaire (il est à l’IGA) – j’ai par ailleurs eu le plaisir de suivre ses cours, l’auteur part de Richelieu pour explorer comment s’est construite la conception française de la pratique du pouvoir d’Etat, et fait notamment des parallèles intéressant entre Richelieu, Bonaparte et la Ve République gaullienne. Dans son dernier chapitre il montre comment les mouvements engagés depuis les années 80 ont « retourné les institutions contre elle-même » et montre à quel point Mitterrand est à ce titre « l’anti-de Gaulle et l’anti-Richelieu ». Je pense que ça devrait vous plaire.
@ Carnot
[En parlant de la disparition totale du sens de l’Etat chez les dirigeants politiques un exemple récent m’a particulièrement frappé, je l’ai trouvé dans un article du Figaro relatif à l’affaire « du coiffeur de Hollande ».]
Plus que la « disparition du sens de l’Etat », cette affaire montre jusqu’à la caricature combien les valeurs de notre classe politique se sont inversées ces dernières années. Avant, on payait des « experts » pour avoir des idées, des « plumes » pour faire de beaux discours. Aujourd’hui, dans la société de l’image, on met en haut de la pyramide des rémunérations ceux qui soignent l’image du président : conseillers en communication, coiffeur… finalement, la coiffure du président devient plus importante que son discours.
[Le fait qu’une personne ayant l’honneur de faire partie du Gouvernement de la République française soit si préoccupé par une indemnité qui ne devrait avoir aucune importance à ses yeux est à mon avis le signe d’une grave déliquescence, l’Etat n’est presque plus pour eux qu’une machine à contrôler pour distribuer des prébendes…]
Tout à fait. Pour que « l’honneur » soit une rémunération suffisante, il faut avoir la conviction que le fait d’accéder au gouvernement vous fait entrer dans l’Histoire avec un grand « H ». Et cela nécessite un sens de l’histoire que nos élites politico-médiatiques n’ont pas – ou plus. Pour d’autres, accéder à un poste gouvernemental impliquait la possibilité de faire avancer des projets (la recherche pour Irène Joliot-Curie, la contraception pour Lucien Newirth) et ce fait était en lui-même rémunération suffisante. Mais comment voulez-vous que nos actuels dirigeants, qui sont des professionnels de la politique sans idées et sans projets, puissent s’en contenter ?
[ L’Etat, avec toute sa force et sa tradition de service de « l’intérêt général » même si ce terme est, pour le XVIIe anachronique, est le leg inestimable de la monarchie à la République, qu’il nous appartient de conserver et de continuer. C’est à mon avis pourquoi le travail de sape de l’Etat conduit avec persévérance par les libéraux-libertaires depuis trente ans est si dangereux.]
Tout à fait d’accord.
[Cette continuité est aussi la principale raison pour laquelle l’historiographie de la thèse des « révolutions atlantiques », de Jacques Godechot à Annie Jourdan ne m’ont jamais séduit, les révolutions anglaise en 1688 et américaine se font contre le pouvoir de l’Etat, contre la menace réelle ou fantasmée d’un absolutisme perçu comme oppresseur.]
Tout à fait. En Angleterre, toutes les révolutions ont eu pour objet la défense du pouvoir des « barons » contre l’absolutisme royal, à commencer par la révolte contre Jean Sans Terre qui enfanta la Magna Carta (appelée aussi la « charte des barons », tout un programme), puis celle de 1648 contre les prétentions de Charles Ier à s’imposer à son Parlement, puis le rétablissement de la monarchie aristocratique contre le Protectorat centralisateur de Cromwell. Et finalement, la « glorious revolution » de 1688. Même chose aux Etats-Unis, ou les états fédérés ont tout fait pour empêcher le surgissement d’un pouvoir central fort.
En Angleterre, c’est l’aristocratie terrienne et girondine qui a gagné, et c’est pourquoi l’Angleterre est restée jusqu’à aujourd’hui une société d’ordres et de classes, où l’idée même de méritocratie fait sourire. En France, ces mêmes révolutions (la Ligue, la Fronde) ont au contraire été battues, notamment parce que le roi a réussi à se faire reconnaître par les paysans et les bourgeois comme un protecteur efficace contre la rapacité des nobles et des notables locaux. Et cela tient au fait que les rois ont construit assez tôt un appareil administratif propre, réduisant leur dépendance par rapport à la noblesse pour faire exécuter leur volonté dans les provinces. Le roi d’Angleterre, lui, ne pouvait faire exécuter sa volonté qu’avec l’accord de la noblesse locale…
[En France le pouvoir de Napoléon était bien plus grand en fin de compte que celui de Louis XIV tant les moyens de la puissance publique et l’efficacité de son organisation avait cru, les Français l’ont pourtant toujours majoritairement soutenu.]
Oui, parce que le pouvoir central, de par son éloignement même, apparaît plus neutre dans les querelles locales que les « barons ». Et c’est encore plus vrai chez nous, avec entre le monarque et le peuple une couche de fonctionnaires totalement dépendants du souverain et donc indépendants des autres groupes de pression.
[Sinon concernant cette période fascinante et l’histoire de l’Etat en général je vous conseille un petit ouvrage que j’ai trouvé véritablement magistral « Richelieu, la puissance de gouverner » par Arnaud Teyssier. Historien et haut fonctionnaire (il est à l’IGA) – j’ai par ailleurs eu le plaisir de suivre ses cours, l’auteur part de Richelieu pour explorer comment s’est construite la conception française de la pratique du pouvoir d’Etat, et fait notamment des parallèles intéressant entre Richelieu, Bonaparte et la Ve République gaullienne.]
Je connais Teyssier, qui fut un collaborateur de Philippe Séguin… je l’ai toujours trouve extrêmement intéressant. Je n’avais pas connaissance de son livre mais je vais le rechercher. Merci de la référence.
Dans la continuité de vos débats sur le XIIième siècle,je me suis plongé dans le livre de Max Gallo sur Richelieu.
Cet ouvrage ne semble pas cité dans vos réfèrences et son fil directeur me semble ténu,êtes vous d’accord?
@ luc
Il ne faut pas confondre roman et histoire. Gallo est un bon romancier, mais un piètre historien…
En plus même quand il ne prétend pas faire véritablement de l’Histoire je trouve sa plume horripilante. J’avais lu son “roman-histoire” sur César et non seulement c’était sans intérêt mais en plus il arrivait à faire – involontairement bien entendu – du grand homme un personnage tout à fait mesquin et arriviste, accumulant les adresses autosatisfaites à lui-même dans son for intérieur… Ayant une dilection particulière pour César pour qui j’ai une immense admiration j’avais trouvé ça particulièrement balourd et insupportable.