Cinq jours se sont écoulés depuis le congrès du PCF… et pas un mot de réaction des autres colocataires du Front de Gauche.Sur le site du PG et de la Gauche Unitaire, c’est le silence absolu. Sur le blog de Jean-Luc Mélenchon, d’habitude si prompt à commenter l’actualité, on voit publié un long article sur le foot du 21 juin mais rien sur le congrès. D’autant plus paradoxal que les leaders de ces organisations étaient présents au congrès et avaient annoncé leur présence avec fracas.
Et pourtant, il s’y est dit beaucoup de choses importantes pour l’avenir du FdG, à ce congrès. Après des mois de commentaires contradictoires sur la position et les états d’âme des militants communistes, c’était l’opportunité d’entendre ce qu’une partie d’entre eux avait à dire. Une partie qu’on peut considérer représentative, à condition de tenir compte des “filtres” qui fonctionnent au PCF à l’heure d’élire les délégués aux congrès.
Au fil des séances, le tableau est devenu plus clair. Devant une direction communiste qui a fait sienne la formule mitterandienne selon laquelle “on ne sort de l’ambiguïté qu’à son détriment”, les représentants des fédérations ont fait passer, quelquefois dans des termes très vifs et en faisant état d’un mandat précis de leurs conférences fédérales, plusieurs messages:
Le premier, c’est l’inquiétude des militants devant la “dilution” du PCF dans des alliances électorales locales ou nationales. La disparition de l’étiquette PCF dans les joutes électorales, le fait que beaucoup d’élus communistes ne se présentent plus sous cette étiquette, lui préférant des “listes de rassemblement” aux contours variables, est de plus en plus mal vécue. Le sacrifice d’élus communistes pour satisfaire les partenaires du Front de Gauche même dans des situations locales ou ces partenaires sont politiquement inexistants a été dénoncé. Les tentatives de transformation du FdG en un quasi-parti par l’adhésion directe (fut-ce à travers d’une “association de partisans”) ont été copieusement brocardées.
Le second, est que la maladresse avec laquelle JLM a gérée l’éventualité de sa candidature présidentielle a laissé des traces profondes. Alors que beaucoup de militants le jugeaient un candidat possible il y a de cela quelque temps, le langage tenu au congrès a été nettement plus négatif. On a entendu à l’encontre de cette candidature trois types d’objections: d’une part, JLM aurait trop tendance à jouer “perso” et resterait toujours au fonds un notable socialiste. Ensuite, on lui reproche au PG son gauchisme et sa tendance à la politique groupusculaire qui voudrait enfermer le PCF dans un dialogue exclusif avec l’extrême-gauche. Enfin, les militants du PCF craignent que l’effacement du PCF derrière une candidature unique soit une étape supplémentaire dans l’effacement du PCF tout court.
Le troisième, c’est un message de défiance résignée envers la direction nationale. Tout le monde ou presque constate la liquéfaction de la direction nationale et la toute-puissance des “barons” locaux, personne ne croit cette situation réformable. Les habituelles incantations sur la réforme des statuts et des organisations n’a pas passionné les délégués, au point d’être la partie du texte final qui a suscité le moins d’amendements et de débat. D’ailleurs, quelle crédibilité peut avoir une direction qui constate que le CN ne fonctionne pas et en même temps propose au congrès de le réélire ? Quelle crédibilité peut avoir un congrès organisé en dehors de toute règle statutaire pour se prononcer sur une éventuelle réforme des statuts ? Comment un congrès qui constate que la commission constituée au 34ème congrès pour discuter de la “transformation du PCF” n’a pratiquement pas fonctionné et n’a rien produit peut ensuite croire qu’il suffirait de constituer une “commission de réflexion sur les statuts” pour que le travail se fasse ?
Il ressort de ce congrès un PCF profondément atomisé et une direction nationale singulièrement dépourvue d’idées et d’autorité. Les trois messages transmis par les congressistes mettent à mal la stratégie du Front de Gauche, du moins tel qu’il a été conçu par le alliés du PCF, c’est à dire, comme l’embrion d’une organisation politique qui finirait par fondre ses membres dans un parti unique, un “Die Linke” à la française. Clairement, les militants du PCF considèrent que leur parti porte un message original, un message qui ne serait plus porté si le PCF venait à disparaître. Par ailleurs, ces mêmes militants ont l’impression (justifiée ou pas, c’est un autre débat) que le Front de Gauche est en train, comme l’Union de la Gauche naguère, de vampiriser le PCF au bénéfice d’un projet politique radical en langage et social-démocrate dans les faits, celui de Jean-Luc Mélenchon. Et pour corser le tout, il n’existe pas de direction nationale aujourd’hui ayant la confiance des militants pour négocier en leur nom, et suffisamment d’autorité pour faire passer dans la base les résultats de la négociation. Déjà avec Marie-George Buffet la stratégie d’union n’était pas forcément passé aux régionales, lorsque certains “notables” ont décidé de négocier plutôt avec le PS. Avec Pierre Laurent, cela risque d’être encore plus difficile.
Le silence des autres organisations du Front de Gauche traduit bien leur embarras. S’ils veulent sauver le Front, c’est le moment de rassurer les militants du PCF sur leurs intentions, et notamment sur le candidat qu’ils entendent proposer pour les présidentielles. Peut-être serait-ce un bon moment pour réaffirmer que ce sera les militants communistes qui, au premier chef, auront à désigner celui qui portera les couleurs d’un Front dont le PCF continue à regrouper l’essentiel de la force militante ?