100% Monnaie

Désolé, mes chers lecteurs, mais je reviens à l’économie. Les coupables sont A.J. Holbecq et J Halpern qui par leurs interventions – bienvenues – sur ce blog m’ont donné envie de consacrer quelques lignes à cette proposition. Avant tout, je dois dire que je ne suis pas partisan, pas plus que je ne suis adversaire, de cette proposition. Je trouve qu’elle contient des éléments intéressants, d’autres plus négatifs, et enfin beaucoup d’énigmatiques dont j’avoue ne pas très bien saisir le fonctionnement. J’essaierai donc dans ce papier d’expliquer ce que j’ai compris, et de poser les questions qui à mon avis restent ouvertes. Mais je ne prétend pas prendre position, ni pour, ni contre.

 

Pourquoi le “100% monnaie” ?

 

Dans un chapitre précédent (1) j’avais essayé d’expliquer le mécanisme du multiplicateur de crédit. J’avais montré que pour chaque euro émis par la banque centrale qui est déposé dans un compte à vue permet à la banque de prêter non pas un euro, mais N euros, N étant appelé “multiplicateur de crédit”. Mais de quoi dépend N ? D’abord, de l’obligation que la banque centrale impose aux banques de conserver en réserve une partie des dépôts. Plus cette partie est grande, moins le multiplicateur de crédit est important. Il dépend aussi de ce qu’on appelle la “préférence pour la liquidité” des clients de la banque. Plus ceux-ci auront envie de garder des billets sous le coude, moins le multiplicateur sera important.

 

La crise de 1929 avait montré la dangerosité de ce mécanisme. Avant la dépression, les banques avaient consenti un grand nombre de crédit, d’où une expansion de la masse monétaire. Au moment du krach, les déposants se sont précipités à retirer leurs dépôts… or le multiplicateur de crédit fonctionne dans les deux sens: lorsque je dépose un euro, la banque en crée N. Mais lorsque je retire un euro, la banque en détruit N aussi. Les retraits massifs des dépôts ont provoqué une contraction brusque de la masse monétaire, donc une déflation.

 

C’est pourquoi au milieu des années 1930, lorsque les plus grands économistes du temps s’écharpaient sur l’analyse de la crise de 1929, Irving Fischer (3) propose un schéma révolutionnaire pour éviter que l’instabilité du multiplicateur de crédit se traduise dans des variations brusques de la masse monétaire. Il propose en effet d’imposer aux banques de garder en réserve 100% de la monnaie que leurs déposants (d’où le “100%”) lui confient pour des dépôts à vue. En d’autres termes, l’argent des comptes à vue ne serait plus prêté. Les crédits devraient être financés par des dépôts à terme, terme au moins équivalent à la durée du crédit, ou bien par de la monnaie produite par la banque centrale (c’est donc la banque centrale qui prête, les banques commerciales ne jouant qu’un rôle d’intermédiaire).

 

Les banquiers sont-ils des faux monnayeurs ?

 

Derrière la vision proposée par les partisans du “100% monnaie” se cache un présupposé important: la monnaie créé au moyen du “multiplicateur de crédit” n’est pas de la “vrai monnaie”, mais de la monnaie de singe, assimilable au “faux monnayage” (2) dans les termes mêmes de Maurice Allais. Ce point, qui mélange les considérations purement économiques de Fisher avec une vision moralisante du fonctionnement des banques me semble très faible dans la théorie du “100% monnaie”. Voici pourquoi:

 

Prenons par exemple une compagnie aérienne gérant une ligne Paris-Londres. Les statistiques lui ont démontré que chaque jour 10% des passagers ne se présentent pas à l’embarquement. Devant cette situation, la compagnie a plusieurs choix:

 

1 – Elle peut vendre 10% de plus de billets que les sièges effectivement disponibles. Si plus de passagers se présentent, ceux qui ne pourront pas voyager se verront indemniser le prix de leur patience. Par contre, le passager qui arriverait en retard aurait la possibilité de prendre un autre avion en prenant moyennant une pénalité.

 

2 – Elle peut vendre le nombre de sièges juste. Celui qui arrivera en retard aura perdu le prix de son billet, et l’avion voyagera à chaque fois avec quelques sièges vides.

 

On voit bien que si la pénalité et l’indemnisation du premier cas sont calculées de manière à se compenser, les deux solutions sont parfaitement équivalentes. Mais laquelle est socialement plus optimale ? Clairement, c’est la première, puisque chaque siège est occupé à chaque vol, d’où une utilisation optimale du carburant, de l’équipage et de l’appareil.

 

Mais lorsque la compagnie vend 10% de plus de sièges que l’appareil n’en a, est-ce qu’elle “crée” des sièges ex-nihilo ? Et bien, non. Les sièges existent effectivement. Il n’y a pas de “faux sièges” pas plus qu’il n’y a de “vrais sièges” vendus. En fait, ce que la compagnie vend n’est pas le siège, mais le droit à l’occuper. Et elle vend plus de droits que ne peuvent être effectivement exercés parce que tout le monde n’utilise pas son droit en même temps.

 

Il y a beaucoup de mécanismes qui fonctionnent de cette manière: un club de tennis peut offrir plus de parties qu’il n’a de courts, tout simplement parce que tous les adhérents ne se présentent pas à jouer en même temps, alors que théoriquement ils en auraient le droit. L’assurance de votre voiture ne pourrait pas faire face si toutes les voitures assurées chez lui s’écrasaient contre un platane en même temps. Et pourtant, peut-on accuser la compagnie d’assurances de vous vendre une “fausse couverture” pour autant ? Faudrait-il exiger aux compagnies d’assurance de pouvoir couvrir 100% des sinistres s’ils se produisaient tous en même temps ? Ce serait bien entendu extrêmement inefficace. Contrairement à la perception que défend Allais, ces systèmes ne produisent pas un bien ou un service “ex nihilo”. Ils récupèrent un bien ou un service supplémentaire en éliminant un gâchis. Si chacun devait mettre de côté la valeur de sa voiture pour se couvrir contre sa destruction, on gâcherait des ressources. Ce que l’assurance fait, c’est récupérer ces ressources en mutualisant le risque.

 

Maintenant revenons au système bancaire. Le fonctionnement du mécanisme qui transforme des dépôts à vue en crédit est exactement le même que celui de l’avion ou de l’assurance: il fonctionne parce que les déposants n’utilisent pas tous leur argent en même temps. L’argent qui est prêté par la banque correspond à un véritable renoncement de l’acteur économique qui dépose son argent à l’utiliser. Mais ce renoncement n’est pas individuel, il est statistique. Il est clair que si tous les déposants se présentaient retirer leurs dépôts, la banque se trouverait dans la même situation que la ligne aérienne dont tous les passagers se présenteraient à l’embarquement, ou l’assurance dont tous les clients écraseraient leur voiture en même temps: elles ne pourraient pas répondre à la demande. Mais voilà, en temps normal ces situations ne se produisent pas. Le système de mutualisation rend des crises possibles, mais il faut admettre qu’en dehors des crises il permet une utilisation extrêmement efficace des ressources. Et là il faut se poser la question qui tue: qu’est ce qui vaut mieux, gérer des crises périodiques ou bien choisir une organisation qui évite les crises au prix d’une plus faible efficacité dans l’emploi des moyens ?

 

Lorsque la ligne aérienne choisit de faire du “surbooking”, elle choisit de gérer de temps en temps une crise. La solution “100% monnaie”, au contraire ressemble furieusement à la solution où la compagnie aérienne ne vend que le nombre de sièges dont elle dispose. Celle qui privilégie la sécurité – tous les passagers sont sûrs d’embarquer – au prix d’une moindre efficacité – moindre utilisation des investissements – et d’une plus grande rigidité – celui qui arrive en retard perd son billet. Est-ce la bonne solution ?

 

 

“100% monnaie” ou contrôle du crédit ?

 

Fisher, lorsqu’il propose le 100% crédit, ne cherche pas, loin de là, à moraliser la banque. Son mécanisme vise à éviter que les variations brusques du multiplicateur de crédit ne se traduisent en instabilités de la masse monétaire, en rompant le lien entre les deux. Mais la conséquence est que les dépôts à vue ne sont plus pour les banques la source de crédit. Il faut donc trouver d’autres sources.

 

Pour Fisher (3), la seule source légitime est le dépôt à terme. L’argent qui est prêté à un acteur économique X pour dix ans ne peut ainsi provenir que d’un acteur économique Y qui accepte formellement de confier son argent à la banque pour une période de dix ans au moins. Ce mécanisme élimine le risque que les déposants puissent mettre la banque en faillite en se précipitant récupérer leurs dépôts.  S’il décrit un mécanisme relativement complexe pour éviter l’effondrement des prêts suite à une réforme, il est clair pour lui que l’expansion des prêts ne peut être qu’une conséquence de l’épargne à terme.

 

La question ici est: combien de déposants sont prêts à s’engager à terme ? On voit là encore la puissance de la loi des grands nombres: alors que la plupart des déposants laissent en fait leurs économies sur leur compte pendant des temps longs, il leur serait difficile de s’engager à priori à le faire. Entre autres choses, parce que ces dépôts jouent souvent le rôle d’assurance contre un “mauvais coup”. Si je laisse sur mon livret A de l’argent au cas où mon frigo lâcherait, je ne serais pas prêt à m’engager à ne pas le retirer pendant dix ans. Qu’est ce que je fais si le frigo lâche demain ?

 

Là encore, la banque peut prêter cet argent simplement parce que tous les frigos ne lâchent pas en même temps. Elle ne prête pas de l’argent inexistant, elle récupère de l’argent qui serait immobilisé inutilement si chaque acteur devait se protéger lui-même. Cette transformation de l’argent “à vue” en prêts “à long terme” est un élément d’efficacité économique (4). Est-ce logique de s’en passer ?

 

 

Descartes

 

 

(1) “Monnaie, crédit, dette…”. Oui, je sais, ça fait pédant de se citer soi-même. Mais bon…

 

(2) “Par essence, la création monétaire ex nihilo que pratiquent les banques est semblable, je n’hésite pas à le dire pour que les gens comprennent bien ce qui est en jeu ici, à la fabrication de monnaie par des faux-monnayeurs, si justement réprimée par la loi.”  Maurice Allais, La Crise mondiale aujourd’hui (éd. Clément Juglar 1999)

 

(3) L’article fondamental de Irving Fisher (“100% money”) est disponible en traductionf rançaise ici. La description du modèle de crédit se trouve page 56sq

 

(4) En fait, il me semble que le contrôle du crédit, tel qu’il a été pratiqué en France dans les années 1960 et 70 présente tous les avantages du “100% monnaie” sans en avoir les inconvénients. Dans ce système, l’Etat permet aux banques la création monétaire, mais reglemente la manière dont la monnaie ainsi créé peut être utilisée, en définissant des quotas par type de prêt. L’Etat peut ainsi non seulement contrôler la création de monnaie (même s’il n’en a pas le monopole) mais aussi son emploi… mais cela est une autre discussion.

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34 réponses à 100% Monnaie

  1. A-J Holbecq dit :

    Bonjour

    Non, cher Descartes, les banques ne transforment pas les dépôts en crédit, c’est l’inverse; les banques monétisent des actifs (des créances) non monétaires: elles fabriquent (littéralement) de la
    monnaie.

     

    Un petit détail… vous écrivez ”  J’avais montré que pour chaque euro émis par la banque centrale qui est déposé dans un compte à vue permet à la banque de prêter non pas un euro, mais N
    euros, N étant appelé “multiplicateur de crédit”.”

    Or, les banques centrales ne versent pas de la monnaie centrale dans les comptes en monnaie scripturale secondaire, et les DAV ne sont que des montants scripturaux… en fait les réserves
    obligatoires ne sont pas un “retrait” des DAV, mais au contraire de la monnaie créée en Banque centrale au compte des banques commerciales… et si la théorie du multiplicateur nous informe
    qu’avec 100 de monnaie centrales le système bancaire assure les fuites conséquentes à une émission de 600 de monnaie scripturale, dans la réalité on est dans un système de “diviseur” (inversion
    du processus): la Banque centrale est bien obligée d’émettre la monnaie centrale correspondante aux excès de création monétaire des banques commerciales, sauf à voir le système s’effondrer.

    Bien à vous

    AJ

    • Descartes dit :

      Non, cher Descartes, les banques ne transforment pas les dépôts en crédit, c’est l’inverse; les banques monétisent des actifs (des créances) non monétaires: elles fabriquent (littéralement)
      de la monnaie.

      Je n’ai pas dit le contraire. Mais ce faisant, elles transforment un dépot à vue (c’est à dire, un crédit à court terme) en prêts à long terme.

      Or, les banques centrales ne versent pas de la monnaie centrale dans les comptes en monnaie scripturale secondaire, et les DAV ne sont que des montants scripturaux…

      Oui, mais la création du premier DAV nécessite soit le dépot de monnaie banque centrale, soit un transfert d’un dépot pré-éxistant, qui lui même… et en remontant la chaine, on arrive toujours à
      de la monnaie banque centrale. Pour montrer ce point, imaginons la situation dans laquelle la banque centrale déciderait de récupérer toute la monnaie qu’elle a émise et fermerait ses portes. Que
      deviendraient les DAV et l’ensemble de la masse monétaire circulante ? Il est clair qu’elle serait réduite à zéro. C’est l’essence du privilège monétaire: la monnaie est en fait la promesse que
      fait l’Etat d’utiliser son pouvoir pour faire accepter la monnaie émise par la banque centrale “pour tout réglement d’une dette publique ou privée”. La monnaie scripturale n’existe que parce
      qu’elle hérite de ce privilège à travers du mécanisme multiplicateur. Mais dans toute monnaie se trouve quelque part la promesse de pouvoir échanger cette monnaie en monnaie banque centrale. Un
      instrument qui ne serait pas inconditionnellement convertible en monnaie banque centrale n’est pas un instrument monétaire…

      Quant à la question de savoir si le “multiplicateur de crédit” n’est pas un “diviseur du crédit” lorsqu’on le regarde par le petit bout de la lorgnette… les deux points de vue sont à
      considérer. Cela étant dit, je ne vois par quelle magie la banque centrale serait “obligée” d’emettre de la monnaie correspondant “aux excés de création monétaire des banques commerciales”. Cette
      “obligation” introduit une téléologie dans le système qui me semble totalement artificielle. C’est pourquoi la version “multiplicateur” me paraît mieux correspondre à la réalité.

  2. A-J Holbecq dit :

    Je précise bien que les banques ne touchent pas aux DAV (aucun DAV n’est prêté) , elles n’en ont pas besoin pour créer la monnaie scripturale.

     

    Non, la création du premier DAV ne nécessite aucune intervention de la Banque Centrale ni aucun dépot de monnaie centrale: c’est là où vous faites une erreur fondamentale. Une banque X monétise
    ce qu’elle considère comme une créance solide ou tout simlement pour acheter un immeuble ou payer les salaires de ses employés… simplement parce qu’une banque est un fabriquant de monnaie.
    Ensuite elle doit satisfaire à un certain nombre d’obligations en particulier celles de disposer de garanties éligibles (AAA) bloqués en banque centrale (réserves obligatoires) pour l’équivalent
    de 2% des dépôts et satisfaire aux demandes de billets statistiquement à 13% des crédits (billets qu’elles achètent également en Banque centrale en monnaie centrale mais après avoir débité le
    compte DAV de leur client ).
    Enfin, si leur part de marché des dépôts est inférieure à leur part de marché des crédits, elles vont devoir compenser leurs concurentes par de la monnaie centrale (la seule monnaie de
    transaction interbancaire)

    Pourquoi les “petits banquiers” pensent-ils qu’ils prêtent les dépôt (ou qu’ils ne créent pas de monnaie, c’est pareil..)? Réponse ici: http://monnaie.wikispaces.com/Les+banquiers+vous+diront

     

    Bien à vous

    AJH

    • Descartes dit :

      Non, la création du premier DAV ne nécessite aucune intervention de la Banque Centrale ni aucun dépot de monnaie centrale: c’est là où vous faites une erreur fondamentale. Une banque X
      monétise ce qu’elle considère comme une créance solide ou tout simlement pour acheter un immeuble ou payer les salaires de ses employés…

      Votre explication rappelle l’histoire du Baron de Munchausen, qui était arrivé a s’élever dans les airs en tirant des lanières de ses propres bottes. Ok, la banque “monétise ce qu’elle considère
      une créance solide”. Mais d’où vient cette créance ? Quelle est son origine ? Si vous remontez le chemin, vous verrez qu’à l’origine de toute créance il y a une “créance originelle” qui
      correspond à un dépot en monnaie banque centrale.

      Je pense que vous vous laissez dominer par l’idéologie. Si les banques pouvaient créer de la monnaie sans aucune base de monnaie banque centrale, elles n’auraient jamais aucun problème de
      liquidités puisque selon vous elles peuvent produire de la monnaie à volonté. Comment expliquez vous dans ce modèle que les banques aient de temps en temps besoin de monnaie banque centrale ?

      Enfin, si leur part de marché des dépôts est inférieure à leur part de marché des crédits, elles vont devoir compenser leurs concurentes par de la monnaie centrale

      Mais pourquoi donc, puisque vous m’affirmez par ailleurs qu’elle peut “fabriquer de la monnaie” ? Si tel était le cas, elle pourrait fabriquer aussi des dépôts…

      En fait, ce commentaire montre que vous même vous accordez aux dépots une valeur particulière: la banque peut fabriquer des crédits, mais ne peut fabriquer à volonté des dépôts. Et la raison est
      simple: à l’origine du dépôt se trouve toujours quelque part de la monnaie banque centrale, que seule celle-ci peut produire. Les banques peuvent “multiplier” la monnaie, mais non pas la créer.

      Pourquoi les “petits banquiers” pensent-ils qu’ils prêtent les dépôt (ou qu’ils ne créent pas de monnaie, c’est pareil..)? Réponse ici: http://monnaie.wikispaces.com/Les+banquiers+vous+diront

      Sans vouloir être désagréable, cette page est un exemple joyeux de raisonnement magique. L’utilisation de l’exemple à plusieurs banques cache le fait que même si elles recoivent des dépôts les
      unes des autres, ce n’est pas un système fermé: il faut quelque part un premier dépot (en monnaie banque centrale) pour amorcer la pompe.

       

  3. A-J Holbecq dit :

    Bon, on va arrêter là.. néanmoins un petit extrait de

    Économie monétaire et financière

     Par J-L Bailly,Collectif,

     =================================

    3 – Multiplicateur ou diviseur ?

    Cependant, qu’il existe une relation ne signifie pas que le sens de la relation soit établi. Traditionnellement les économistes se partagent en deux camps : ceux qui privilégient l’équation
    (Ibis),c’est-à-dire qui pensent que la causalité va de H vers M
    (approche du multiplicateur) et ceux qui insistent sur l’équation (1) pour qui la causalité va de M vers
    H (approche dite du diviseur). Derrière cette opposition théorique, l’enjeu est en fait de déterminer qui, des banques
    commerciales ou de la banque centrale, détient le rôle moteur en matière de création monétaire.

    a. Les réserves préexistent à la distribution du crédit : L’approche du multiplicateur

    Si l’on suit l’équation (Ibis), la quantité de monnaie en circulation (M) résult­rait de la création de monnaie centrale H et d’un coefficient k
    reflétant les facteurs de la liquidité bancaire. Le coefficient k peut alors s’interpréter en tant que
    multiplicateur de crédit, traduisant la relation entre la monnaie nouvelle et le montant
    des réserves excédentaires initiales*.

    Il est alors capital de revenir sur l’origine du processus d’expansion monétaire, et de s’interroger sur la provenance des réserves excédentaires initiales au début du tableau. S’agissant d’une
    amélioration de la liquidité bancaire, ces réserves ne peuvent résulter que des quatre facteurs expansifs de la liquidité bancaire :

    –      la fourniture de devises par leurs clients. Les banques ont la possibilité de rétrocéder ces devises à la banque centrale, approvisionnant ainsi
    leurs comptes auprès d’elle, ce qui améliore leur situation de trésorerie;

    –      une diminution des désirs d’usage des billets au sein de la population (baisse du coefficient de préférence pour les billets b). Les
    agents non finan­ciers vont déposer ce surplus de billets à leurs banques, ce qui se traduit là encore par une augmentation des avoirs des banques commerciales en monnaie centrale ;

    –      la banque centrale finance le déficit du Trésor public qui, en payant ses créanciers, alimente leurs comptes bancaires. Il en résulte également
    une aug­mentation du solde du compte en monnaie centrale ;

    –      la banque centrale décide de diminuer le coefficient de réserves obliga­toires h *. Automatiquement le montant des réserves, initialement
    obligatoires, devient « trop » élevé.

    Dans les deux premiers cas, la mise en route du processus de multiplication est autonome dans le sens où aucun acteur du système bancaire n’est actif :

    –      les banques commerciales ne font qu’enregistrer des changements de comportement d’agents non financiers résidents ou non résidents (l’entrée de devises résulte
    d’achats étrangers);

    –      la banque centrale ne peut refuser ni la monétisation des devises, ni évidemment ses propres billets.

    Par contre dans les deux autres circonstances, le rôle préalable de la banque centrale, en alimentant le système bancaire en liquidité, permet à ce dernier de développer, de dérouler sa
    propre activité de création monétaire. Autrement dit, la création de monnaie centrale précède la création de monnaie bancaire et en détermine ainsi le montant.

    En dehors du cas particulier des incidences du solde extérieur*, la préférence du public pour les billets étant plus ou moins constante à moyen terme (et placée sur un trend décroissant à long
    terme), la banque centrale est donc en mesure de contrôler la masse monétaire. Il lui suffit de moduler le coefficient de réserves obligatoires et ses injections ou ses retraits
    de monnaie centrale du circuit bancaire.

    Dans l’optique du multiplicateur, les banques commerciales sont donc dépendantes et passives car elles font face à une contrainte de ressources préalables. Elles ne peuvent distribuer du crédit
    que si elles disposent au départ d’une avance de liquidité de la part de la banque centrale, et la masse monétaire est ainsi parfaitement maîtrisée par les autorités.

    • Descartes dit :

      Bon, on va arrêter là..

      A votre aise. Je regrette néamoins que vous ne trouviez pas intéressant de répondre aux questions soulevées par mon papier. Mais chacun est libre…

      néanmoins un petit extrait de (…)

      J’avoue ne pas comprendre votre intention en citant ce texte.

  4. A-J Holbecq dit :

    Exact… over-blog n’est vraiment pas terrible … la fin (le plus important) avait disparu de mon commentaire

    ==============

    b. Les réserves résultent de la distribution de crédit : l’approche du diviseur

    Dans l’optique du diviseur, les responsabilités dans la mise en route du processus de création monétaire sont inversées : ce sont les banques commerciales qui ont le premier rôle. En effet, avant
    d’accorder des crédits, les banques ne se préoccu¬peraient pas de l’existence ou non de réserves excédentaires. C’est seulement par la suite qu’elles chercheraient à se refinancer auprès de la
    banque centrale.
    Afin de présenter cette logique du diviseur de crédit*, reprenons l’exemple chiffré du tableau précédent (p. 66). Le mécanisme demeure identique, mais la colonne (1) des réserves excédentaires
    disparaît. Le processus débute directement colonne (2), lorsqu’un client demande à sa banque un crédit d’un montant de 100. Celle-ci vérifie les conditions de risque et de rentabilité, et accorde
    le crédit sans se préoccuper de sa propre trésorerie. La dernière colonne (6) représente mainte¬nant les besoins successifs de refinancement pour faire face aux demandes de billets et à la
    nécessité de constituer des réserves obligatoires sur le retour des dépôts. Au final, pour créer 357 le système bancaire doit donc se procurer 100 de liquidités supplémentaires auprès de la
    banque centrale. Les bilans dans la situa¬tion finale sont alors les suivants :

    …/…

    Dans l’optique du multiplicateur, 1 € de monnaie centrale donne lieu à 3,57 € de crédits. Dans l’optique du diviseur, 3,57 € de crédits accordés par les banques nécessitent 1 € de refinancement
    auprès de la banque centrale. De manière plus générale, l’équation (1) se substitue à (Ibis) : la masse monétaire M devient la variable explicative et la base monétaire H la variable expliquée.
    L’émission de monnaie par la banque centrale est une fraction (l/k) de la masse monétaire préalablement créée par les banques à travers leur activité de crédit, d’où le nom de diviseur de crédit
    ou de refinancement.
    L’initiative de la création relève donc ici clairement des banques commer¬ciales, mais nécessite une validation ultérieure par la banque centrale*. Cette dernière peut bloquer le déroulement du
    processus à tout moment en refusant le refinancement systématique ou en le rendant très coûteux. Néanmoins, la banque centrale pourra difficilement refuser de refinancer les banques qui en font
    la demande car elle risquerait de déclencher des faillites bancaires et. ainsi, de remettre en cause le bon fonctionnement de tout le système de paiements qui repose sur la confiance accordée par
    le public (cf. chapitre 1). Mais si la banque centrale ratifie, entérine par un refinancement quasi automatique, l’offre de crédit des banques à leur clientèle, alors la création monétaire
    devient de nouveau potentiellement illimitée, avec les risques de dérive inflationniste que cela engendre.
    Nicolas Kaldor expose ce dilemme de la banque centrale en ces termes : « La Banque d’Angleterre ou la Banque de France occupe une position similaire à celle d’un monarque constitutionnel : elle
    possède des pouvoirs très vastes sur le papier, mais des pouvoirs dont le maintien et la continuation dépendent du degré de restriction et de modération avec lequel ceux-ci ont été exercés. »
    («The new monetarism», Loyds Bank Review, juillet 1970).

    • Descartes dit :

      Comme ça, c’est plus clair. Mais vous noterez que ce texte ne donne aucune raison pour choisir l’approche “diviseur” plutôt que l’approche “multiplicateur”. Sauf que l’auteur montre bien que
      l’approche “diviseur” repose sur une validation à postériori que la banque centrale peut toujours refuser (“ou rendre très coûteuse”) qui ramene à l’inteprétation “multiplicateur”.

  5. A-J Holbecq dit :

    L’ensemble du texte cité réponds je crois aux mauvaises compréhensions que vous avez de la création monétaire. En ce qui me concerne je considère que vos interrogations viennent de ce que vous ne
    voulez pas admettre “la bonne compréhension”.

    Je ne vois donc pas comment répondre à des interrogations qui à mon avis n’ont pas lieu d’être.

    • Descartes dit :

      L’ensemble du texte cité réponds je crois aux mauvaises compréhensions que vous avez de la création monétaire.

      Pas vraiment. Il ne fait que réfleter les mauvaises compréhensions que vous avez de la création monétaire. C’est curieux, combien la “mauvaise compréhension” se trouve toujours chez les autres…

      En ce qui me concerne je considère que vos interrogations viennent de ce que vous ne voulez pas admettre “la bonne compréhension”.

      Evidement. Lorsqu’on accepte les fondements du dogme, tout le reste devient lumineux…

      Je ne vois donc pas comment répondre à des interrogations qui à mon avis n’ont pas lieu d’être.

      Dès lors que quelqu’un pose une interrogation, l’interrogation a lieu d’être. Et si vous souhaitez amener des gens à comprendre vos idées, il faut faire preuve d’un peu plus de pédagogie que le
      simple “vous n’êtes pas d’accord avec moi parce que vous ne voulez pas admettre que j’ai raison”. Je ne pense pas être particulièrement obtus, et je suis ouvert à toute argumentation rationnelle.
      Mais je ne vous surprendrai je pense pas en vous disant que j’ai une allergie tenace aux arguments dogmatiques.

      La création monétaire par les banques me semble dériver du même mécanisme qui permet aux compagnies aériennes de “créer” des sièges supplémentaires sur les avions et aux compagnies d’assurance de
      “créer” une couverture universelle à un coût raisonnable. Si vous avez des arguments pour montrer que cela n’a rien à voir, j’aimerais bien les entendre. Si vous n’avez pas envie de rentrer dans
      une discussion de détail, je peux le comprendre. Mais s’il vous plait, évitez de me dire que je ne comprends pas parce que je n’ai pas vu la lumière…

       

  6. J. Halpern dit :

    Ton texte pose bien les problèmes, je ne partage pas ta conclusion mais il est clair que la réflexion collective ne fait que commencer, en France du moins. Quelques pistes pour rebondir :

    * Multiplicateur ou diviseur de crédit ? À mon sens à travers cette querelle de mots s’expriment deux analyses des déterminants du système. Dans l’optique “multiplicateur”, c’est
    la Banque Centrale qui initie et contrôle la création monétaire, via le “multiplicateur”, alors que dans l’optique “diviseur” ce sont les banques commerciales qui sont l’élément dynamique du
    système ; elles mettent en quelque sorte la BC devant le fait accompli : “refinancez-nous ou assumez la responsabilité de la crise”. Ce qui importe donc c’est le degré de liberté de la Banque
    Centrale, je le crois limité par l’exubérance des banques lors du boom et leur course à la liquidité lors des krachs. Mais ce qui est encore plus fondamental est le détournement des flux par les
    bulles spéculatives : la banque centrale doit se résoudre à nourrir le monstre pour ne pas tuer les entreprises productives.

    * Concernant ton parallèle avec le surbooking ou l’assurance : je vois trois différences de taille
    – dans le surbooking ou l’assurance, on vend un droit virtuel alors que le crédit est immédiatement effectif, or il ne s’agit pas seulement d’éviter les bank run, mais surtout de réguler les flux
    monétaires ;
    – contrairement au transport aérien ou l’assurance, la création monétaire n’a aucun coût de production à proprement parler : affréter deux avions à moitié vides est évidemment un gaspillage, mais
    “faire tourner” l’économie avec deux fois plus de signes monétaires ne poserait aucun problème ;
    – enfin et surtout une crise bancaire produit l’effondrement généralisé de l’économie, ce qui n’est pas le cas des autres secteurs.”
    * “il faut se poser la question qui tue: qu’est ce qui vaut mieux, gérer des crises périodiques ou bien choisir une organisation qui évite les crises au prix d’une plus faible efficacité dans
    l’emploi des moyens ?” Vu le coût considérable des crises bancaires et le coût nul des “moyens”, la deuxième option s’impose d’elle-même !
    *”Derrière la vision proposée par les partisans du “100% monnaie” se cache un présupposé important: la monnaie créé au moyen du “multiplicateur de crédit” n’est pas de la “vrai monnaie”, mais de
    la monnaie de singe, assimilable au “faux monnayage” (2) dans les termes mêmes de Maurice Allais”
    Faut-il être monétariste pour défendre le 100% Money ? Je pense que ni AJ Holbecq ni moi-même ne le sommes.
    Je suis bien d’accord avec toi, la distinction entre “vraie” et “fausse” monnaie n’apporte rien ! En revanche, la monnaie émise par la banque centrale en système “100%” ne serait pas détruite
    lors des krachs, alors que la monnaie émise par les banques disparait lors du remboursement du prêt (ou avec la faillite de la banque).

    * “Cette transformation de l’argent “à vue” en prêts “à long terme” est un élément d’efficacité économique”
    Comme la création de monnaie ne demande aucun “moyen”, le problème ne se pose pas en ces termes. Mais ici il faut distinguer la couverture intégrale des présupposés monétaristes (ce que j’ai
    essayé de développer sur mon blog) : si le crédit se limite effectivement à l’épargne stricto sensu, il est clair que l’investissement sera étranglé. Mais rien dans le système n’empêche un tout
    autre fonctionnement : la banque centrale crée de la monnaie supplémentaire jusqu’au niveau requis pour l’investissement de plein emploi.

    * “il me semble que le contrôle du crédit, tel qu’il a été pratiqué en France dans les années 1960 et 70 présente tous les avantages du “100% monnaie” sans en avoir les
    inconvénients.”
    Comme indiqué plus haut, je crois que les inconvénients que tu cites n’en sont pas vraiment… Certes le système en vigueur dans les années 60-70 était beaucoup plus satisfaisant que celui
    d’aujourd’hui, mais myope et coûteux. La couverture intégrale rationaliserait le processus, puisque la BC interviendrait directement sur le crédit au lieu de passer par un processus indirect aux
    effets imprécis. Elle assurerait à moindre coût le contrôle public et avec une réactivité supérieure.

    Cela étant, le 100% n’est pas une panacée, mais un élément intéressant pour une réforme qui devrait être beaucoup plus globale.

    • Descartes dit :

      alors que dans l’optique “diviseur” ce sont les banques commerciales qui sont l’élément dynamique du système ; elles mettent en quelque sorte la BC devant le fait accompli : “refinancez-nous
      ou assumez la responsabilité de la crise”.

      Mais la banque centrale a un troisième choix: refinancer à un taux tel que “l’exubérance” des banques commerciales ne leur profite pas. C’est pourquoi je me méfie de la formulation “diviseur de
      crédit”: elle me semble plus inspirée par une approche moralisante (“c’est la faute aux banques”) plutôt que par une approche scientifique.

      Mais ce qui est encore plus fondamental est le détournement des flux par les bulles spéculatives : la banque centrale doit se résoudre à nourrir le monstre pour ne pas tuer les entreprises
      productives.

      Je suis d’accord. C’est pour ça que je trouve l’approche “contrôle du crédit” plus opérationnelle que celle du “100% monnaie”.

      dans le surbooking ou l’assurance, on vend un droit virtuel alors que le crédit est immédiatement effectif, or il ne s’agit pas seulement d’éviter les bank run, mais surtout de réguler les
      flux monétaires ;

      Il en va du crédit comme du surbooking: si tous les crédits étaient immédiatement retirés de la banque sous forme de billets, le multiplicateur de crédit serait égal à 1. Le crédit vend aussi un
      droit virtuel: celui de convertir la monnaie scripturale en monnaie banque centrale. Et c’est parce que ce droit n’est pas totalement utilisé qu’on peut “créer” de la monnaie scritpurale
      supplémentaire.

      – contrairement au transport aérien ou l’assurance, la création monétaire n’a aucun coût de production à proprement parler : affréter deux avions à moitié vides est évidemment un gaspillage,
      mais “faire tourner” l’économie avec deux fois plus de signes monétaires ne poserait aucun problème ;

      Pas si l’on est monétariste… mais si l’on adopte d’autres approches, ce n’est plus le cas. Par exemple, dans l’univers keynésien, l’injection de monnaie additonnelle dans l’économie se traduit
      par un surcroît de demande et donc de croissance. Le fait de “stériliser” de la monnaie aurait donc un effet négatif sur l’économie.

      – enfin et surtout une crise bancaire produit l’effondrement généralisé de l’économie, ce qui n’est pas le cas des autres secteurs.”

      Cela vaut aussi pour l’assurance… mais je t’accorde que ce n’est pas le cas du surbooking 😉

      “il faut se poser la question qui tue: qu’est ce qui vaut mieux, gérer des crises périodiques ou bien choisir une organisation qui évite les crises au prix d’une plus faible efficacité dans
      l’emploi des moyens ?” Vu le coût considérable des crises bancaires et le coût nul des “moyens”, la deuxième option s’impose d’elle-même !

      Il ne reste plus qu’à démontrer que le “coût des moyens” est nul. Je ne suis pas très convaincu.

      Faut-il être monétariste pour défendre le 100% Money ? Je pense que ni AJ Holbecq ni moi-même ne le sommes.

      Jusqu’à un certain point, vous l’êtes… puisque vous semblez penser que la quantité de monnaie en circulation n’a aucun rapport avec le fonctionnement de l’économie réelle.

      si le crédit se limite effectivement à l’épargne stricto sensu, il est clair que l’investissement sera étranglé. Mais rien dans le système n’empêche un tout autre fonctionnement : la banque
      centrale crée de la monnaie supplémentaire jusqu’au niveau requis pour l’investissement de plein emploi.

      Cela revient à un modèle de contrôle du crédit. Ce n’est pas du tout l’idée de Fisher et encore moins de Allais.

      Cela étant, le 100% n’est pas une panacée, mais un élément intéressant pour une réforme qui devrait être beaucoup plus globale.

      En effet, il faudrait que ce débat continue. Si j’ai bien compris, le “100% crédit” est surtout un outil pour éviter les crises. Il reste à incorporer dedans la question de l’efficacité du
      système de crédit.

  7. J. Halpern dit :

    Cent fois sur le métier remettons notre ouvrage – à partir d’un autre éditeur de texte cette fois.

    « Je trouve l’approche “contrôle du crédit” plus opérationnelle que celle du “100% monnaie”. »
    Ils me semblent complémentaires.

    « dans l’univers keynésien, l’injection de monnaie additionnelle dans l’économie se traduit par un surcroît de demande et donc de croissance. Le fait de “stériliser” de la monnaie aurait donc
    un effet négatif sur l’économie. »
    Qu’on soit en couverture intégrale ou dans le système bancaire, la quantité de monnaie est la même. La différence est qu’en 100%, toute cette monnaie aurait été émise par la Banque Centrale. Au
    lieu d’avoir 90 en monnaie bancaire et 10 en monnaie banque centrale, on aurait 100 en monnaie banque centrale et 0 en monnaie bancaire. L’injection de monnaie viendrait de la Banque Centrale son
    effet serait donc plus direct que celui du multiplicateur de crédit.

    «Il ne reste plus qu’à démontrer que le “coût des moyens” est nul. Je ne suis pas très convaincu. »
    Imprimer un billet de 1000 francs ne coûte pas plus cher qu’un billet de 100 francs…

    « Jusqu’à un certain point, vous l’êtes [monétaristes]… puisque vous semblez penser que la quantité de monnaie en circulation n’a aucun rapport avec le fonctionnement de l’économie réelle.
    »
    Si tu as compris que tel était mon point de vue c’est que j’ai dû très mal m’expliquer !
    De plus, les monétaristes intelligents, comme Fisher, ne disent pas tout à fait cela. Pour lui, réguler la création de monnaie permettrait de rapprocher l’économie réelle d’un fonctionnement
    optimal des marchés. Et il envisage ouvertement que la « Commission Monétaire » injecte des liquidités. Mais je ne suis pas l’avocat de Fisher : je me demande plutôt si sa proposition ne serait
    pas utile pour des politiques « keynésiennes ».

    « Il reste à incorporer dedans la question de l’efficacité du système de crédit. »
    En effet. D’où un intérêt supplémentaire de recentrer les banques sur leur rôle d’intermédiation, à l’exclusion de la création de monnaie  et des marchés de titres.

    • Descartes dit :

      Qu’on soit en couverture intégrale ou dans le système bancaire, la quantité de monnaie est la même. La différence est qu’en 100%, toute cette monnaie aurait été émise par la Banque
      Centrale.

      Je me le demande, justement. Si les banques ne prêtent pas la monnaie qu’elles reçoivent des déposants, cela implique qu’il y ait des vastes masses de monnaie qui dorment. Or, la monnaie qui
      dort, c’est comme si elle n’existait pas. Mais qui décide de “réveiller” ou pas cette monnaie ? Ce sont les déposants, qui peuvent décider de transformer leur dépots à vue en épargne à terme et
      vice-versa. En fait, le sytème “100% monnaie” est aussi instable que celui que nous avons aujourd’hui, mais l’instabilité ne réside pas au même endroit: dans notre modèle actuel, elle réside dans
      les variations conjoncturelles du multiplicateur de crédit, dans le système de couverture intégrale dans la propension des agents économiques de laisser ou pas dormir leur argent.

      Dans le premier cas, l’instabilité est générée par les banques, dans le second, par le comportement des déposants…

       

  8. idriss dit :

    Bonjour à vous,

    tout d’abord laissez moi saluer votre débat que je trouve de qualité et fort bien mené!

    Je fais de “l’économie critique” le dimanche, et j’aurais une question:

    Dans l’approche disons Keynesienne de la monnaie comme dit plus haut, faire tourner la planche à billet, diminuer les réserves obligataires des Banques commerciales, créer de l’inflation donc
    (dans un contexte de base à croissance faible), n’est pas bien grave car celà relance le cycle investissement /conso/emploi croissance quoi…

    On voit qu’on est loin de l’ojectif affiché de tout faire pour contenir l’inflation inscrit dans le marbre des textes de la BCE.

    En tant qu’économiste du dimanche je me demande si la mise en place “de grands travaux” comme le propose Mélenchon, serait, au cas on l’extrème gauche arrive au pouvoir, une chose interéssante à
    mettre en place…

    • Descartes dit :

      tout d’abord laissez moi saluer votre débat que je trouve de qualité et fort bien mené!

      Je vous remercie, c’est agréable d’être encouragé!

      En tant qu’économiste du dimanche je me demande si la mise en place “de grands travaux” comme le propose Mélenchon, serait, au cas on l’extrème gauche arrive au pouvoir, une chose
      interéssante à mettre en place…

      Pour que la relance keynesiénne fonctionne il faut qu’il y ait des capacités productives en réserve capables de satisfaire l’excés de demande généré par l’injection de monnaie dans des conditions
      compétitives. Parce que s’il s’agit de distribuer de l’argent que les gens iront dépenser en produits chinois, indiens, allemands ou italiens, on creuse le déficit pour rien. C’est l’erreur
      commise en 1981.

      Tant qu’on est dans l’euro, toute relance keynesienne est impossible. Et c’est pourquoi le “programme de grands travaux” de Mélenchon fera quelque chose pour nos infrastructures, mais n’aura pas
      vraiment un effet de relance. Par contre, une fois sortie de l’euro, la dévaluation permettrait d’instaurer un protectionnisme de fait et la relance keynesienne redevient possible.

  9. Marcailloux dit :

    Bonjour Descartes,

    Je me permets cette petite intervention dans un débat technique de haute volée pour vous signaler une difficulté qui n’est probablement pas liée à mon ordinateur.Et comme vous avez apporté
    quelques modifications pratiques ces derniers temps………:  Depuis hier ou même avant hier, les commentaires sont interrompus à partir du n°6 qui apparait sans votre réponse, alors que
    vous affichez 8 commentaires à la fin de votre billet. D’autres lecteurs vous ont peut-être déja informé de cela !

    Bonne journée à vous,

    Marc Chirade

    • Descartes dit :

      Je crains que cela vienne de votre ordinateur. J’ai fait le test, et tous les commentaires sont visibles. Personne d’autre ne m’a signalé ce problème.

  10. J. Halpern dit :

    Là dessus je te suis tout à fait, la préférence pour la liquidité se manifesterait aussi en couverture intégrale, même si elle n’est pas alors aggravée par la crise bancaire. C’est pour celà que
    le “100%” n’épuise pas la question.

    • Descartes dit :

      Là dessus je te suis tout à fait, la préférence pour la liquidité se manifesterait aussi en couverture intégrale, même si elle n’est pas alors aggravée par la crise bancaire. C’est pour celà
      que le “100%” n’épuise pas la question.

      En couverture intégrale les questions de variation de la préférence se manifesteraient bien plus radicalement qu’aujourd’hui, dans la mesure où les banques ne pourraient plus rémunérer les dépôts
      a vue comme elles le font aujourd’hui (soit par la rémunération directe, soit par la mise à disposition de services gratuits). Dans ces conditions, la tentation de sortir ses dépôts pour utiliser
      des comptes à terme serait bien plus intense…

      Si j’ai parlé des mécanismes “statistiques” qui permettent de dégager de l’argent ou des services apparament “inexistants” qui en fait est une récupération de moyens inutilisés, c’est pour
      souligner ce point. Le système actuel fait un “arbitrage automatique” entre argent a vue et épargne à terme.

      J’irais plus loin: Le système actuel fonctionne comme un système de couverture totale dans lequel la banque aurait le pouvoir d’arbitrer votre argent entre argent à vue et dépôt à terme. Ainsi,
      elle mettrait 10% de votre argent sur un compte à vue, et 90% sur un compte épargne, ce qui lui permettrait (dans les règles décrites par Fisher) de prêter ces 90%. Si vous vous présentiez au
      guichet pour retirer votre argent, la banque utiliserait les dépôts a vue des autres clients pour vous rembourser, et vous ne remarqueriez rien…

      Passer au “100% monnaie” revient à laisser cet arbitrage qui est fait “en masse” par les banques à chaque acteur économique. Mais comme le montre l’analogie de l’assurance, du club de tennis ou
      du surbooking, l’arbitrage fait par chaque acteur séparément est moins efficient que celui fait globalement, parce que la loi des grands nombres permet de lisser les anomalies…

  11. J. Halpern dit :

    Si je te suis bien, ton argument est que la couverture intégrale réduirait le crédit à la part de l’épargne dans les avoirs des déposants. Or quand les banques prêtent 90% des dépôts, ce n’est
    pas une création nette, puisqu’il faut soustraire les remboursements. En système de couverture intégrale, le remboursement n’est pas détruit, il nourrit de nouveaux prêts. Avec le système actuel,
    la monnaie mise chaque année en circulation équivaut à la différence entre les crédits nouveaux et les remboursements. Avec le 100%, elle serait égale aux placements dans les comptes à terme plus
    l’apport de la Banque Centrale. Je ne vois pas pourquoi le second devrait être plus faible que le premier, tout repose sur la politique de la Banque Centrale.

    Ensuite, même dans l’hypothèse où ce système mondifierait les comportements d’encaisses, accroîtrait le volume de la thésaurisation (si je t’ai bien compris), celà signifierait simplement que la
    masse de moyens de paiements devrait être plus élevée qu’aujourd’hui. Comme ces moyens de paiement ont un coût marginal de production nul, ce n’est pas un problème.

    • Descartes dit :

      Si je te suis bien, ton argument est que la couverture intégrale réduirait le crédit à la part de l’épargne dans les avoirs des déposants.

      Non. Ce n’est pas mon argument, mais mon point de départ (et je suis en cela fidèle aux écrits de Fischer). Le crédit doit être financé par l’épargne à terme des déposants et par les injections
      de la banque centrale.

      Or quand les banques prêtent 90% des dépôts, ce n’est pas une création nette, puisqu’il faut soustraire les remboursements. En système de couverture intégrale, le remboursement n’est pas
      détruit, il nourrit de nouveaux prêts.

      Eh non… si l’investissement est financé par l’épargne à terme le remboursement sert à rembourser ces épargnants. Ce n’est que si les épargnants acceptent de rédéposer cet argent pour un nouveau
      terme qu’on peut “nourrir de nouveaux prêts”.

      Avec le 100%, elle serait égale aux placements dans les comptes à terme plus l’apport de la Banque Centrale. Je ne vois pas pourquoi le second devrait être plus faible que le premier, tout
      repose sur la politique de la Banque Centrale.

      Si c’est l’apport de la banque centrale qui est dominant, ton système devient un système de contrôle du crédit. Si l’on veut garder une régulation du crédit par le marché, alors la part contrôlée
      de manière discrétionnaire par la banque centrale ne peut qu’être secondaire. 

      Ensuite, même dans l’hypothèse où ce système mondifierait les comportements d’encaisses, accroîtrait le volume de la thésaurisation (si je t’ai bien compris), celà signifierait simplement que
      la masse de moyens de paiements devrait être plus élevée qu’aujourd’hui.

      Je crois que je n’ai pas été clair. Le problème n’est pas seulement une modification des comportements lors du changement du système, mais des changements en cours de fonctionnement. Fischer
      propose son système avec le but d’éviter qu’un changement de comportement des déposants ne provoque des instabilités dans la masse monétaire travers le mécanisme de multiplicateur du crédit. Mais
      cette source d’instabilité existe d’une manière différente dans le “100% monnaie”. Dans ce système, le montant du crédit est lié aux dépôts à terme. Si les acteurs économiques changent la clé de
      répartition entre dépôts à vue et dépôts à terme, la masse monétaire varie. Et “l’effet levier” existe car le mécanisme de “multiplicateur de crédit” continue à fonctionner sur les dépôts à
      terme, même s’il est inférieur. Il est vrai que l’effet serait plus lent, puisque les acteurs ne peuvent changer leur clé de répartition que lorsque le terme de leurs prêts est échu…

      Comme ces moyens de paiement ont un coût marginal de production nul, ce n’est pas un problème.

      Ce n’est pas tout à fait vrai: la production des moyens de payement a un coût qui est loin d’être nul. Mais ce coût est payé par l’ensemble des détenteurs de monnaie à travers de “l’impôt
      inflationnaire”.

       

  12. argeles39 dit :

    #######La monnaie créée au moyen du “multiplicateur de crédit” n’est pas de
    la “vrai monnaie”, mais de la monnaie de singe, assimilable au “faux monnayage” (2) dans les termes mêmes de Maurice Allais.######

    Ce n’est pas mon domaine de compétence, je n’y comprends rien et je me
    garderais bien d’un avis tranché.

    Néanmoins je me pose une question, en face du « multiplicateur de
    crédit » il y a très souvent, me semble-t-il, un accroissement  des richesses (biens d’équipement, investissements productifs…….). Si, comme je
    le pense sans en être certain, le multiplicateur de crédit accompagne un accroissement des richesses, ce n’est peut-être pas de la monnaie de singe, mais un accroissement monétaire proportionnel
    à l’accroissement des richesses ?

    Prenons un exemple : Je fais construire une maison que je paye à crédit.
    La banque crée ex nihilo de la monnaie pour payer le constructeur (argent électronique), in fine cet accroissement du volume monétaire correspond bien à un accroissement de richesse. Si le
    constructeur stocke son argent dans la même banque (ou  même dans une autre, le système bancaire étant fortement maillé et interdépendant), il ne se
    passe rien, le système tient la route. Si le constructeur retire son argent pour un usage X ou Y il ne se passe rien si d’autres, très nombreux, maintiennent  leurs dépôts à la banque. Au fur et à mesure que je rembourse, et que d’autres font pareils, le système se consolide.

    Quoi qu’il en soit c’est un débat très technique……. Ce qui me semble
    important c’est que le système bancaire favorise le développement économique et qu’il soit au service des citoyens, je crois qu’il doit être nationalisé pour atteindre cet objectif.

     #########Le fonctionnement du mécanisme qui transforme des dépôts à vue en crédit est
    exactement le même que celui de l’avion ou de l’assurance: il fonctionne parce que les déposants n’utilisent pas tous leur argent en même temps. L’argent qui est prêté par la banque correspond à
    un véritable renoncement de l’acteur économique qui dépose son argent à l’utiliser. Mais ce renoncement n’est pas individuel, il est statistique.########

    Je partage cette analyse. On s’est beaucoup moqué, non sans raisons, de
    l’appel de Cantona à retirer les dépôts bancaires pour faire sauter le système, mais l’idée tient probablement la route sur un plan strictement mathématique.

    • Descartes dit :

      Néanmoins je me pose une question, en face du « multiplicateur de
      crédit » il y a très souvent, me semble-t-il, un accroissement  des richesses (biens d’équipement, investissements productifs…….).

      C’est le grand débat entre les Keynésiens et les Monétaristes: pour les
      seconds, l’augmentation de la masse monétaire est neutre et ne fait rien gagner en termes de production. Pour les seconds, l’illusion monétaire est opérante et l’accroissement de la masse
      monétaire se traduit par plus de demande, donc (sous certaines conditions) par une augmentation de la richesse disponible.

      Mais dans le cas qui nous occupe, le débat est un peu différent: la question
      n’est pas de savoir s’il faut augmenter la masse de crédits, mais quelle doit être leur origine. Pour les partisans du “100% monnaie”, c’est l’argent immobilisé à terme par les acteurs
      économiques qui doit être la source “légitime” du crédit (certains, plus modernes, ajoutent les crédits accordés directe ou indirectement par la banque centrale).

      Prenons un exemple : Je fais construire une maison que je paye à
      crédit. La banque crée ex nihilo de la monnaie pour payer le constructeur (argent électronique), in fine cet accroissement du volume monétaire correspond bien à un accroissement de
      richesse.

      Ce n’est pas évident. Imaginons que le constructeur ne puisse construire
      qu’une seule maison dans la période considérée. Le fait d’accorder un deuxième crédit à une autre personne ne produira aucun accroissement de richesse, puisqu’en fin de compte l’offre ne peut suivre la demande. Pire: le deuxième titulaire du crédit pourrait avoir
      envie de proposer au constructeur un peu plus d’argent pour qu’il résilie son contrat avec vous et construise la maison pour lui… injecter de l’argent ne produit une augmentation de la richesse
      que si les capacités de production inemployées sont importantes. Autrement, cela fabrique de l’inflation.

      Quoi qu’il en soit c’est un débat très technique……. Ce qui me semble
      important c’est que le système bancaire favorise le développement économique et qu’il soit au service des citoyens, je crois qu’il doit être nationalisé pour atteindre cet objectif.

      Nous coincidons évidemment sur l’objectif. Par contre, il n’est pas évident
      qu’il doive être totalement nationalisé pour cela. Par contre, il faut une forme de contrôle du crédit par l’Etat.

      On s’est beaucoup moqué, non sans raisons, de l’appel de Cantona à
      retirer les dépôts bancaires pour faire sauter le système, mais l’idée tient probablement la route sur un plan strictement mathématique.

      C’est un plan idiot de quelque manière qu’on le regarde. D’une part, il ne
      peut pas marcher dès lors qu’il existe une banque centrale “prêteuse en dernier ressort”. Il suffirait que la banque centrale prête suffisamment de monnaie aux banques pour qu’elles puissent
      rembourser les déposants. Et ensuite, il suffirait d’attendre que les déposants se fatiguent d’avoir leur argent dans leur matelas (et accessoirement, de ne plus avoir de crédit disponible). Mais
      ce plan est idiot pour une raison politiquement bien plus fondamentale: qui a intérêt aujourd’hui à “faire sauter le système” bancaire ?

  13. Trubli dit :

    “Nous coincidons évidemment sur l’objectif. Par contre, il n’est pas évident qu’il
    doive être totalement nationalisé pour cela. Par contre, il faut une forme de contrôle du crédit par l’Etat.”

    L’encadrement et la sélectivité du crédit, comme moyens de contrôle, on fait leur
    preuve en leur temps :

    la sélectivité permet à la banque centrale ou au gouvernement de fixer différents
    niveau de taux directeur suivant la nature du besoin à financer. On peut fixer alors un taux  directeur élevé pour décourager les prêts immobiliers, et des taux bas pour encourager des
    secteurs d’avenir : agroécologie, énergies renouvelables, etc.  

    Quant à l’encadrement du crédit, en fixant un volume maximal de création monétaire
     à chaque banque, mettra fin aux effets de levier et à la course au gigantisme bancaire.

    Sinon il faut que je relise tout votre texte et les livres de fisher et Allais sur le sujet car je n’arrive pas à savoir si le 100% monnaie est meilleur
    que le système actuel flanqué de l’encadrement & sélectivité du crédit plus escompte directe à la Banque de France 

    • Descartes dit :

      la sélectivité permet à la banque centrale ou au gouvernement de fixer différents
      niveau de taux directeur suivant la nature du besoin à financer. On peut fixer alors un taux  directeur élevé pour décourager les prêts immobiliers, et des taux bas pour encourager des
      secteurs d’avenir : agroécologie, énergies renouvelables, etc. 

      Exactement. Le contrôle du crédit permet de
      faire du crédit un instrument “fin” de politique économique, ce que le “100% monnaie” ne permet pas forcément. Il ne faut pas oublier que les concepteurs du “100% monnaie” étaient des économistes
      libéraux et orthodoxes, pour qui la régulation par les forces de marché est toujours supérieure à la régulation par une entité politique.

      Sinon il faut que je relise tout votre texte et les livres de fisher et Allais sur le sujet car je n’arrive pas à savoir si le 100% monnaie est meilleur
      que le système actuel flanqué de l’encadrement & sélectivité du crédit plus escompte directe à la Banque de France 

      Par “escompte directe” j’imagine que tu entends la possibilité pour
      l’Etat de présenter à l’escompte ses propres titres. Cette facilité est par nature inflationniste, parce qu’elle tend a déresponsabiliser les gouvernements en détruisant le lien entre l’emprunt
      et son coût. Car l’escompte a taux zéro coûte autant que l’emprunt bancaire a intérêt: la seule différence est que dans le premier cas le coût est payé par la perte de valeur de l’argent que
      chaque citoyen a dans sa poche, et dans le second par des ressources budgétaires. La différence est bien entendu que dans le premier cas personne ne vote les ressources en
      question…

  14. Trubli dit :

     

    “Cette facilité est par nature inflationniste, parce qu’elle tend a
    déresponsabiliser les gouvernements en détruisant le lien entre l’emprunt et son coût.”

    En effet la déresponsabilisation est ce qui pousse Frédéric Lordon à
    demander une nationalisation temporaire des banques avant de passer à une forme “socialisée” du crédit – une version améliorée de la banque mutualiste – pour ne laisser le crédit ni dans les
    mains d’un gouvernement ni dans celles d’intérêts privés.

    Petite précision : ce ne sera jamais à taux zéro, mais au au niveau du taux directeur comme pour les banques.

    Est-on sûr que c’est inflationniste ? il me semble qu’il n’y a que les monétaristes qui le pense. Ensuite l’inflation est en quelque sorte un impôt
    dissimulé. Si on remet en vigueur l’échelle mobile des salaires, l’inflation ne touchera pas les salariés, mais plutôt les personnes qui possèdent des actifs financiers importants et des créances
    c-a-d les banques, assurances, grandes fortunes. Par contre une inflation plus forte que les voisins en économie ouverte et avec l’euro se
    traduirait par une perte de compétitivité accrue. 

       

    • Descartes dit :

      En effet la déresponsabilisation est ce qui pousse Frédéric Lordon
      à demander une nationalisation temporaire des banques avant de passer à une forme “socialisée” du crédit – une version améliorée de la banque mutualiste – pour ne laisser le crédit ni dans les
      mains d’un gouvernement ni dans celles d’intérêts privés.

      J’avoue que je ne m’intéresse pas trop à ce que dit Lordon. Son
      discours est tellement idéologique et tellement éloigné des réalités qu’il perd tout intérêt. Revenir en plein XXIème siècle à une version “communautaire” du crédit…

      Petite précision : ce ne sera jamais à taux zéro, mais au au niveau du taux directeur comme pour les banques.

      Non: si le Trésor peut présenter ses propres effets à l’escompte, il s’agit non seulement d’un prêt à taux zéro, mais d’un prêt non remboursable. En effet, arrivé le moment de payer l’emprunt, le
      Trésor peut toujours émettre de nouveaux effets qu’il présentera au trésor pour se faire remettre de quoi payer capital et intérêts.

      Est-on sûr que c’est inflationniste ? il me semble qu’il n’y a que les monétaristes qui le pense.

      Je ne connais franchement personne qui pense le contraire. Trouve moi un économiste qui te dira que donner le pouvoir à un acteur économique d’émettre de
      la monnaie sans limite n’est pas “inflationniste”…

      Ensuite l’inflation est en quelque sorte un impôt dissimulé. Si on remet en vigueur l’échelle mobile des salaires, l’inflation ne touchera pas les
      salariés, mais plutôt les personnes qui possèdent des actifs financiers importants et des créances c-a-d les banques, assurances, grandes fortunes.

      Il faut distinguer les périodes de forte croisance et les périodes de croissance atone. Lorsque la croissance est forte, on peut se permettre de laisser
      vivre des mécanismes inflationnistes parce que l’augmentation rapide des biens disponibles vient compenser une partie de l’augmentation de la masse
      monétaire et permet de garder l’inflation dans des limites raisonnables. C’est pourquoi l’escompte directe par la banque centrale des titres du trésor ou bien l’échelle mobile ont relativement
      bien fonctionné pendant les “trente glorieuses”.

      Mais ces mêmes mécanismes sont catastrophiques lorsque la croissance est faible. C’est vrai pour la planche à billets (et l’escompte des titres du Trésor
      par la banque centrale, ce n’est rien d’autre), c’est encore plus vrai pour l’échelle mobile. Le problème de l’échelle mobile, c’est qu’elle pousse les entreprises à anticiper l’inflation. Et
      comme l’anticipation fait elle même croître les prix, c’est un cercle vicieux qui s’enclenche même en l’absence de création monétaire…

      Par contre une inflation plus forte que les voisins en économie ouverte et avec l’euro se traduirait par une perte de compétitivité
      accrue.

      Exact. C’est une des raisons de la crise.

  15. Trubli dit :

    Je pense que vous vous trompez sur Lordon et faites preuve de l’attitude qui a conduit le parti socialiste à admettre qu’il n’y a pas d’alternative. 

    En quoi Lordon est-il plus idéologique que Minc, Daniel Levy, Patrick Artus ou Jean-Hervé Lorenzi ??

    Que l’on soit en l’an mil ou au XXIe siècle, je dis qu’on s’en moque, l’idée c’est de faire au mieux avec les outils à disposition et de perfectionner ces outils. Un auteur qui préconise de
    mettre place deux types de taux directeur – l’un pour la finance de marché et l’autre pour l’économie réelle – sera toujours plus sérieux qu’un économiste de banque qui ne propose rien d’autre
    que la rigueur et le détricotage des acquis sociaux. 

    Ensuite le role de la finance c’est de financer l’activité économique, pas de se défausser des crédits qu’elle émet en les titrisant. Qu’ils fassent leur boulot. Qu’ils gèrent le risque au lieu
    de jouer au casino. Une banque mutualiste sera toujours plus utile que tous les RBS, Crédit Suisse, Fortis ou  Baeclays de cette Terre.

    • Descartes dit :

      En quoi Lordon est-il plus idéologique que Minc, (…)

      En rien. En quoi l’est il moins ? En rien non plus. Comme Minc, Lordon part de la conclusion et ensuite construit les faits. Est-ce que vous l’avez vu une seule fois dire “non, tel ou tel fait ne
      confirme pas mon analyse” ? Non ? Alors méfiez vous, parce que dans l’état où est la science économique, aucune théorie n’est capable encore d’expliquer l’ensemble des phénomènes. Un économiste
      qui vous dit que tout ce qui arrive confirme sa théorie ne peut être qu’un charlatan.

      Un auteur qui préconise de mettre place deux types de taux directeur – l’un pour la finance de marché et l’autre pour l’économie réelle – sera toujours plus sérieux qu’un économiste de banque
      qui ne propose rien d’autre que la rigueur et le détricotage des acquis sociaux.

      Le “sérieux” d’un économiste ne se mesure pas au fait que ce qu’il dise vous plaît. Et je me méfierais beaucoup d’un économiste qui pense qu’il est aussi simple que ça de séparer l’économie
      réelle et “la finance de marché” (à supposer que cette dernière expression ait un sens).

      Ensuite le role de la finance c’est de financer l’activité économique, pas de se défausser des crédits qu’elle émet en les titrisant.

      J’ai l’impression que vous n’avez pas bien compris ce qu’est la “titrisation” ni a quoi elle sert. En tout cas, le but de la titrisation n’a jamais été de se “défausser des crédits”, mais bien de
      “financer l’activité économique”. Lorsqu’une entreprise émet des obligations pour s’acheter une machine, elle “titrise” une dette.

      Une banque mutualiste sera toujours plus utile que tous les RBS, Crédit Suisse, Fortis ou Barclays de cette Terre.

      Dans ce cas, il faudra m’expliquer pourquoi les banques mutualistes ne représentent qu’une fraction minime du crédit, y compris du crédit qui finance ce que vous appelez “l’économie
      réelle”…

  16. Trubli dit :

    Un texte d’un libéral qui résume bien l’évolution de la situation monétaire.

    http://www.lacrisedesannees2010.com/article-colloque-assemblee-nationale-14-septembre-2011-83935438.html

     

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