Dix petits nègres… (I)

L’état pitoyable de la télévision publique française n’a fait guère l’objet de débats dans cette campagne éléctorale. Certains candidats se sont bien essayés à proposer telle ou telle innovation institutionnelle, Haute Autorité ou Cour Suprême chargée de garantir l’indépendance de ce que certains qualifient de “quatrième pouvoir”. Mais sur la qualité des émissions et de la grille des programmes ? Rien, nothing, nicht, nada. D’une manière générale, les question de culture et d’éducation sont absentes sans préavis de cette campagne. Bien sûr, tous les candidats parlent du nombre d’enseignants ou du budget de la culture. Mais personne ne semble avoir grande chose à dire sur les contenus. Et pour ce qui concerne l’audiovisuel, c’est le désert du Sahara. Comme si tout le monde avait jeté l’éponge, et qu’on s’était résigné à une télé au rabais, faite de télé-réalité, de “talk-shows” débiles ou grotesques, de radio-crochets où le clinquant se dispute au vulgaire, de fausses émissions de variétés où les invités ne viennent que parce qu’ils ont un disque, un spectacle ou un film à promouvoir, le tout assaisonné de séries américaines au kilomètre.

Au milieu de ce désastre auquel tous les gouvernements depuis 1981 ont contribué avec enthousiasme, France 2 a décidé qu’il fallait, élections présidentielles obligent, une émission ou l’on parle politique. Enfin, pas vraiment ou l’on parle politique, mais qui ait un vernis politique. Plutôt une émission de divertissement politique, une sorte de “on n’est pas couchés” mais en plus sérieux. Bien sur, il ne s’agit pas de refaire ces émissions ringardes des années 1970 et 80, style “l’heure de vérité” ou “la marche du siècle”, ou l’homme politique invité avait du temps pour exposer ses idées face à des journalistes qui connaissaient leurs dossiers et dont le but était d’abord de permettre – voire forcer – l’invité de se révéler. Et ensuite seulement, et de manière accessoire, de “faire du spectacle”, de diffuser leurs propres idées voire, horresco referens, de vendre leur propre image. France 2 a donc accouché d’une émission politique “phare”: “Des paroles et des actes”. Le titre en lui même est lui même passablement ridicule. Des “paroles”, soit. Mais quels sont les “actes” qu’on pourrait voir dans une émission de télévision ? Laissons donc les actes de côté, et intéressons nous aux paroles. Ou plutôt à ceux qui les profèrent. D’un côté, l’invité qui change d’émission en émission. De l’autre, les journalistes: Pujadas en Monsieur Loyal, Nathalie Saint-Criq qui “tire le portrait” de l’invité, Fabien Namias et François Lenglet qui posent les questions politiques et économiques respectivement, et finalement Franz-Olivier Giesbert et Helène Jouen qui “notent” la prestation.

Pendant la première phase de la campagne, ce fut une émission inoffensive, une sorte de “Vivement Dimanche” en plus trash et sans les copains. Des hommes politiques planchaient pendant deux heures et demie devant des journalistes tout à tour complaisants – lorsque l’invité était un “poids lourd” ou qu’il souscrivait à la pensée unique – ou agressifs lorsque l’invité s’écartait des positions conformistes. Mais en cette deuxième phase, ou les temps de parole doivent être rigoureusement identiques, il a fallu changer de format. Au lieu d’un invité unique, on fit passer devant le jury tour à tour les dix candidats à la présidentielle, cinq par soirée au cours de deux soirées consécutives. Ce fut une expérience télévisuelle passionnante. Passionnante surtout pour ce qu’elle a montré de notre establishment journalistique. Le fait de voir ces candidats si différents défiler en rapide succession devant les mêmes journalistes permettait en effet de voir comment l’attitude des journalistes change en fonction du candidat. Tour à tour déférents, agressifs, obséquieux, méprisants… ce fut un véritable festival.

Le premier point remarquable est le niveau de conformisme de notre profession journalistique. Dès lors que le candidat énonce une affirmation que le journaliste partage, aucune justification ne lui est demandée. Par contre, que l’homme politique se risque à soutenir une position qui sort du consensus journalistique sur ce qui est juste et bon, et les questions fusent. La question de l’Euro est de ce point de vue emblématique: le candidat qui aurait le malheur de proposer la sortie de l’Euro se voit immédiatement attaqué. Celui qui propose de rester dans l’Euro, par contre, ne risque pas de se voir poser les questions symétriques. On interpellera celui qui veut sortir sur les difficultés liées à la dévaluation, mais on n’interrogera pas le second sur les difficultés liées à la parité fixe. Est-ce un choix idéologique, ou plus simplement une question d’ignorance ? Les journalistes sont-ils conscients de ce “deux poids deux mesures”, ou sont-ils tout simplement incapables de concevoir que la position “canonique” puisse, elle aussi, être problématique ? Je ne saurais le dire. Peut-être un peu des deux.

Le deuxième élément notable est combien les émissions politiques ont cessé d’être proprement politiques pour devenir de plus en plus “people”. Ce n’est plus du tout le projet politique qui intéresse, mais la personne. Les questions posées lors de ces deux émissions étaient plus proches d’un Grand Oral de l’ENA que d’un oral d’agrégation (1). Plus que de permettre de défendre un projet ou d’argumenter une politique, on cherche à “tester” la capacité du candidat à se sortir d’un mauvais pas ou de répondre à une question gênante.

Mais le point le plus remarquable – et le plus détestable – de la soirée fut le comportement personnel des journalistes. Il faudrait un jour que les journalistes français comprennent que leur rôle dans une émission politique est de permettre à l’invité, quel qu’il soit, de présenter ses idées, ses projets et ses arguments dans les meilleures conditions. Que si le journaliste pose des questions qui peuvent être gênantes, ce n’est pas pour descendre son invité, mais au contraire pour lui donner l’opportunité de répondre. Et que ce qui est important dans l’émission, c’est la parole de l’invité, et non celle du journaliste.

Les journalistes politiques ne veulent pas comprendre qu’ils ne sont ni des oracles, ni des professeurs et moins encore des examinateurs. Ils n’ont pas d’opinion personnelle à exprimer, ni a travers des questions qu’ils posent, ni en commentant la réponse de l’invité. Plus que “des paroles et des actes”, l’émission devrait s’appeler “les journalistes jugent les politiques”. La séquence la plus ridicule et la plus significative de ces deux soirées fut l’intervention finale de Giesbert et Jouen, “notant” les candidats, mettant à untel un mauvais point, à l’autre un bon point, un bonnet d’âne au troisième, une félicitation au quatrième (2). Comme si leur opinion sur la question avait le moindre intérêt. Comme si après avoir regardé les dix candidats pendant deux heures nous, pauvres téléspectateurs imbéciles qui payons la redevance que nous sommes, nous étions incapables de nous faire notre propre opinion et avions besoin de Giesbert et Jouen pour nous dire ce qu’il fallait penser de ce que nous avions regardé.

Prochain chapitre: la prestation des politiques…

Descartes

(1) Le Grand Oral de l’ENA est une épreuve où le candidat se trouve en face d’un jury de sept personnes (un journaliste, un professeur d’université, cinq hauts fonctionnaires assortis) qui le bombardent de questions pendant 45 minutes. L’épreuve n’a pas de programme, et les questions peuvent porter sur n’importe quel sujet possible et imaginable. En fait, l’épreuve teste bien un niveau de culture générale, mais surtout la capacité à partir d’éléments épars de construire sous stress et dans un temps très court des raisonnements logiques complexes, la capacité d’empathie avec le jury et d’une manière général cherche à révéler la personnalité du candidat. Les grands oraux de l’ENA se tiennent au mois de septembre-octobre et sont publics. Il suffit de se présenter sur place avec une pièce d’identité pour pouvoir y assister. L’oral d’agrégation, au contraire, est une épreuve qui teste les connaissances approfondies du candidat.

(2) Pour ce qui concerne Giesbert, personne – est surtout pas ceux qui se rappellent son attitude lors des campagnes précédentes – ne sera étonné d’apprendre qu’il a été odieux avec tous les candidats sauf deux: il a trouvé Hollande “très bon” et Sarkozy “remarquable”. Que voulez-vous, l’un des deux sera au pouvoir demain, et il faut bien faire bouillir la marmite…

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35 réponses à Dix petits nègres… (I)

  1. Marcailloux dit :

    Bonsoir,

    Entièrement d’accord sur le propos, cependant je déplore que vous n’ayez pas relaté la manipulation manifeste des téléspectateurs par l’usage sélectif des photos des candidats.

    En effet, vous remarquerez que J.L.Mélanchon est très souvent présenté avec une grimace ou un regard agressif, ce qui n’est pas particulièrement le cas pour les autres candidats. Je ne voterai
    plus que probablement pas pour lui, mais je ne tolère pas cette manipulation masquée des citoyens par la télévision payée par nos impots.

    À plus tard et portez vous bien.

    • Descartes dit :

      En effet, vous remarquerez que J.L.Mélanchon est très souvent présenté avec une grimace ou un regard agressif, ce qui n’est pas particulièrement le cas pour les autres candidats.

      Je remarque aussi que J.L Mélenchon prend beaucoup plus souvent que les autres un regard agressif et un visage grimaçant. Les photos qu’on montre sond donc assez représentatives. Franchement,
      cette vision paranoïaque du “grand complot contre Mélenchon”, ca va un moment mais ça commence à bien faire. Au risque de vous décevoir, je ne pense pense pas qu’il y ait un comité secret quelque
      part chargé de choisir les pires photos de Mélenchon pour lui porter tort. Je pense en fait que tout le monde s’en fout: les journalists savent qu’il ne sera pas le prochain président. Il n’est
      qu’un candidat “moyen” de plus…

      Si Mélenchon aime se présenter comme “le bruit et la fureur”, il ne peut pas ensuite se plaindre que les journalistes choisissent des photos qui illustrent cette déclaration.

       

  2. Bannette dit :

    *MODE TROLL GAUCHISTE ON :

    Vous avez osé utilisé le mot “nègre” ? Après “meuf” dans votre diatribe anti-journée de la Femme ? Ah vous allez me dire que le titre est une référence à Agatha Christie, l’auteurE colonialiste
    par excellence. Quelle suffisance !

    MODE TROLL OFF*

     

    Le modèle des émissions politiques où un candidat a le temps d’exposer longuement son projet, sans qu’un journaleux qui veut faire son malin ne l’interrompt a tout bout de champs pour le
    destabiliser, est plutôt visible sur des chaines non historiques (La chaine du Sénat, BFM).

    De toute façon, je trouve qu’un défilé de 10 candidats sur 2 jours à 15 minutes chacun chronométré est stupide. Ne parlons même pas des artifices de mise en scène que tu dénonces et de
    l’attitude des journaleux selon le profil du candidat. Le côté arrogant avec l’un ou mielleux avec l’autre selon les idées qu’ils soutiennent est tellement visible, que ça les ridiculise
    d’office.

    Tu as répondu, dans un autre billet, à un lecteur que la prétention des journalistes à une vertu supérieure était illusoire. Il est vrai que ce côté “Robin des Bois” que les journalistes
    politiques prétendent avoir me semble venir de l’affaire du Watergate.

    Le pire c’est que j’ai parfois l’impression qu’ils pensent réellement que certains de leurs postulats (type hors Euro point de salut) sont objectifs. Je trouve ça bien plus grave que quelqu’un
    qui sait pertinement que ce qu’il affirme est une opinion personnelle basée sur ses propres intérêts, mais qui la promeut comme si elle était “objective”.

    Certaines des critiques qu’avaient émises Bayrou ou Mélenchon à leur égard étaients justes (comme favoriser un bipatisme, la diabolisation des idées sortant des sentiers battues comme la
    lutte contre le TCE ou le ralliement atlantiste, les conditions de travail des journalistes qu’ils acceptent car ils viennent des classes moyennes et sont auto-persuadés qu’ils
    appartiennent à une élite vertueuse et héroïque), mais comme tu le dis en intro sur le constat désolant concernant la culture, ces candidats une fois qu’ils ont obtenu le micro après l’avoir
    dûment disputé, ne proposent que d’améliorer les moyens, et n’ont pas de vision globale à défendre.

    Sinon, que penses-tu du travail de Chomsky et ses collaborateurs sur l’utilisation du langage ?

    • Descartes dit :

      Sinon, que penses-tu du travail de Chomsky et ses collaborateurs sur l’utilisation du langage ?

      Je pense qu’il souffre d’une vision moralisante et complotiste.

  3. Trubli dit :

    Ces journaleux représentent une caste qu’il faudrait couler dans une dalle de béton.

    Il n’yen  a pas un pour rattraper l’autre.Ccette morgue, cette vanité, cette suffisance, ces gens qui se croient intelligents, leur morale dégoulinante, leur pensée unique, vraiment il faut
    fermer Science Po et l’ENA qui ne servent qu’à accoucher de générations de journaleux et politiciens de plus en plus nuls. 

    • Descartes dit :

      Ccette morgue, cette vanité, cette suffisance, ces gens qui se croient intelligents, leur morale dégoulinante, leur pensée unique, vraiment il faut fermer Science Po et l’ENA

      Je ne vois pas très bien pourquoi la mauvaise tenue des journalistes devrait t’amener à la conclusion “qu’il faut fermer l’ENA”. Que je sache, l’ENA ne forme pas des journalistes…

       

  4. Sonia Bastille dit :

    Les deux séries de débats(?) séparés de Mercredi et de Jeudi m’ont laissée un goût de société du spectacle médiatico-politique dans laquelle, le politique et les journalistes jouent leur
    rôle d’acteurs. Le “spectacle” fût des plus mauvais ! J’ai la nostalgie de “Cartes sur table”, “Duels à la Une”, “L’heure de vérité”, etc…toutes ces grandes émissions véritablement politiques
    et d’éducation populaire ou le citoyen certes téléspectateur – car devant sa télé – apprenait et s’informait parce que les journalistes laissaient l’invité politique qu’ils
    interviewaient développer et argumenter sur son programme. Les  débats entre candidats ou entre politques étaient fort intéressants et informatifs. Rappelez-vous le débat
    Mitterrand-Barre, ou ce dernier Premier Ministre avait mis en difficulté le leader socialiste notamment sur les questions économiques… Rappelez-vous les interviewes développées par trois ou
    quatre journalistes avec des questions du standard SVP à “L’Heure de Vérité” animée par François Henri de Virieu… j’étais jeune et j’apprenais beaucoup. Aujourd’hui, j’apprends pas
    grand chose en regardant les émissions poltiques télévisées… Je préfère lire leurs écrits, leurs programme et après analyser et me faire une idée.

     Bref, c’est plutôt l’ère du consommable politique ! Le candidat est un produit plus ou moins fini (parfois avec options) qui est mis sur le marché et le client téléspectateur
    va choisir au vu des différentes foires expos médiatiques lequel ou laquelle il va acheter (voter) !

    La société du spectacle dans toute sa splendeur : la société du spectacle médiatico-politique montrent qui sont les meilleurs produits achetables car bien présentés ou parce qu’attrayant par
    l’emballages ou la publicité du commercial ! A ce petit jeu, un Jean-Luc Mélenchon ou une Marine LePen qui font admirablement le show auront toujours une longueur d’avance et seront donc assez à
    la mode surtout promus par les médias ! Mais au final est-ce que c’est le téléspectateur qui votera le 22 avril avec la courbe d’audience et de sondage en tête donc celui qui lui aura le plus plu
    ou le citoyen éclairé se décidant selon le programme du candidat ou la vision qui se fait ou qu’il souhaite pour notre pays et pour lui-même ?

  5. Jean-Mi41 dit :

    Pourquoi tu commences toujours si bien et que tu finis par tout gacher ? Un psy de comptoir te dirait que tu as peur de ta réussite ?

    “Franchement, cette vision paranoïaque du “grand complot contre Mélenchon”, ca va un moment mais ça commence à bien faire.”

    Franchement, cette vision bisounours “tout le monde il est beau  tout le monde il est gentil”, ca va un moment mais ça commence à bien faire.

    Descartes, t’as pas honte ? (mort de rire,faut bien se dérider un peu !)

    Tu n’as pas dû entendre le commentaire de Mickael Darmon, le discours de Meluche à Marseille à peine terminé: de la désinformation pure ! La contradiction journalistique, rien à redire, mais là,
    c’est trop d’intox

    @ marcaillou, bravo pour ton honnêteté intellectuelle et dommage pour le reste ! Si c’est Sarko qui repasse, je crains le pire des verrouillages et si c’est Hollande on aura un remake du coup de
    Jarnac de tonton avec à la clé un dégout à vie de la ménagère de moins de 50 ans  pour la “gauche”. Enfin c’est ce que je pense en accord à l’unanimité avec moi-même. Alors je répète ce que
    j’ai déja dit il y a longtemps : “on se tire une balle tout de suite ou on fait quoi … ?”

    Bien cordialement à tous

    • Descartes dit :

      Tu n’as pas dû entendre le commentaire de Mickael Darmon, le discours de Meluche à Marseille à peine terminé: de la désinformation pure ! La contradiction journalistique, rien à redire, mais
      là, c’est trop d’intox

      Franchement, je ne vois pas le rapport. Darmon il dit ce qu’il veut, et on peut critiquer son discours et même le qualifier de “désinformation”. Mais où est le complot ? Crois-tu vraiment qu’un
      comité secret se réunit quelque part pour donner à Darmon – et à ses collègues – des directives ?

      Alors je répète ce que j’ai déja dit il y a longtemps : “on se tire une balle tout de suite ou on fait quoi … ?”

      Et ta réponse c’est… ?

  6. handsaway dit :

    Descartes, tout d’abord merci pour ce blog. Il m’a permis d’apprendre pas mal de choses.

    Par contre, je trouve un peu dommage que vous dénigriez aussi vite certaines idées ou personnes en les qualifiant de complotistes. C’est également un travers de beaucoup de journalistes, et il me
    semble que c’est de la paresse intellectuelle, qui fait qu’à force on ne pourra plus différencier les gens qui croient qu’une armée d’extra-terrestres se réunit tous les mercredi avec bill gates
    et les gens qui parlent des jeux de pouvoirs dans les media ou d’un gouvernement quand il cache une information au peuple qu’il représente (quoi?!! ça existe??!! pas possible!)

    Je pense que Banette, avec sa question sur Chomsky, voulait parler de sa thèse développée dans “manufacturing consent” (parler d'”utilisation du langage” dans ce cas me paraît mal choisi, car
    instillant une confusion avec ses travaux de linguiste qui n’ont rien à voir). A savoir qu’il existe une sorte de sélection implicite dans les media, dû aux jeux de pouvoir entre annonceurs,
    propriétaires et rédacteurs, qui fait que les journalistes s’autocensurent ou que ceux qui adoptent l’idéologie dominante (de leur plein gré) ont plus tendance à monter dans la
    hiérarchie. Ce phénomène tend à mettre en avant l’idéologie des annonceurs sans que le patron ait à envoyer un mail secret à ses journalistes ou autres fadaises. Cette idée me paraît
    très intéressante et sensée. Est-ce que vous trouvez cette thèse “complotiste” ? Et pouvez-vous expliquer ce qui fait que vous trouvez Chomsky moralisant (et ce que ça signifie) ?

    Cordialement

     

    • Descartes dit :

      Par contre, je trouve un peu dommage que vous dénigriez aussi vite certaines idées ou personnes en les qualifiant de complotistes. C’est également un travers de beaucoup de journalistes, et
      il me semble que c’est de la paresse intellectuelle, qui fait qu’à force on ne pourra plus différencier les gens qui croient qu’une armée d’extra-terrestres se réunit tous les mercredi avec bill
      gates et les gens qui parlent des jeux de pouvoirs dans les media ou d’un gouvernement quand il cache une information au peuple qu’il représente (quoi?!! ça existe??!! pas possible!)

      C’est que justement il n’y a aucune différence: les raisonnements de ceux qui croient à l’armée d’extra-terrestres en collusion avec Bill Gates et celui de ceux qui postulent à priori que “le
      gouvernement cache une information au peuple” sont parfaitement parallèles, et partent d’un même parti pris idéologique et méthodologique. Il y a dans ces deux positions la même volonté de croire
      que nous sommes les jouets de forces et surtout de volontés qui nous dépassent, et la même méthodologie de renversement de la charge de la preuve renforcée par l’idée qu’une coïncidence vaut
      confirmation.

      Cette tendance n’est pas nouvelle. En fait, elle fait partie de la condition humaine. C’est d’ailleurs sur ce principe que se sont fondés les religions monothéistes: celle d’un être extérieur,
      dont les desseins nous sont impénétrables (ce qui n’était pas le cas, il faut le noter, des divinités anciennes, dont les motivations étaient humaines), et qui s’occupe personnellement de chacun
      de nous. Bilderberg, finalement, c’est un peu la version moderne de Yahvé. Nous humains nous détestons le hasard. Imaginer que la maladie, la mort, le chômage ou l’acné soient le fruit de
      mécanismes ou de coïncidences nous destabilise. Nous préférons croire que tout cela resulte d’une volonté, bienveillante ou malveillante mais cohérente. Nous ne nous résignons au fait que la
      politique de l’Allemagne nazie ou de l’URSS stalinienne – ou de la France sarkozienne – soit le résultat de multiples interactions entre des acteurs qui avaient chacun une marge d’autonomie et
      qui poursuivaient leur propre but. Nous préférons croire que Hitler, Staline ou Sarkozy étaient seuls maîtres à bord et contrôlaient chaque petit détail, chaque décision, le destin de chaque
      homme et de chaque femme.

      Il y a des hommes et des femmes au gouvernement, et ces hommes et ces femmes peuvent de temps en temps décider de ne pas dire telle ou telle chose aux journalistes, de détruire un document, de
      taire une discussion. Mais les instances ou “le gouvernment” décide comme un seul homme de “cacher des choses au peuple” dans un mouvement collectif et concerté, c’est extraordinairement rare.
      Aussi rare que les contacts de Bill Gates avec les extra-terrestres.

      Je pense que Banette, avec sa question sur Chomsky, voulait parler de sa thèse développée dans “manufacturing consent” (…). A savoir qu’il existe une sorte de sélection implicite dans les
      media, dû aux jeux de pouvoir entre annonceurs, propriétaires et rédacteurs, qui fait que les journalistes s’autocensurent ou que ceux qui adoptent l’idéologie dominante (de leur plein gré) ont
      plus tendance à monter dans la hiérarchie.

      Tant qu’on parle de “sélection implicite”, je suis d’accord. Mais Chomsky malheureusement ne s’est pas contenté de décrire un mécanisme de sélection. Il met derrière ce mécanisme une volonté.
      C’est toute la différence qu’il y a entre la théorie de l’évolution et celle du “design intelligent”. C’est pourquoi j’ai dit, un peu schématiquement je vous l’accorde, que Chomsky était un
      moraliste: parce qu’en mettant derrière son mécanisme de sélection une volonté, il pose la question morale à propos de cette volonté.

      Ce phénomène tend à mettre en avant l’idéologie des annonceurs sans que le patron ait à envoyer un mail secret à ses journalistes ou autres fadaises. Cette idée me paraît très intéressante et
      sensée. Est-ce que vous trouvez cette thèse “complotiste” ?

      Aussi longtemps qu’on décrit un mécanisme sans volonté derrière, il n’y a aucune raison de la qualifier de “complotiste”. Le “complot” apparaît lorsqu’on commence à écrire que cette sélection a
      été mise en place avec un objectif précis, et qu’il existe donc une volonté coordonnée capable de définir un tel objectif.

  7. Jean-mI41 dit :

    “Franchement, je ne vois pas le rapport. Darmon il dit ce qu’il veut, et on peut critiquer son discours et même le qualifier de “désinformation”. Mais où est le complot ?”

    Mon cher Descartes, en toute cordialité, j’ai le regret de devoir te signaler (relis donc bien ton blog ) que le complot, c’est toi qui y fait référence en permanence, bien plus que tes lecteurs
    dans leurs commentaires. Encore une fois, je dis et répète et requepepete depuis le bédut que ce mot “complot” ne fait pas partie de mon vocabulaire personnel habituel !

    “Crois-tu vraiment qu’un comité secret se réunit quelque part pour donner à Darmon – et à ses collègues – des directives ?”

    Ah, qu’en voila une question qu’elle est bonne ! 

    “Le groupe Bilderberg, aussi appelé conférence de Bilderberg ou club Bilderberg, est un rassemblement annuel et
    informel d’environ 130 membres, essentiellement américains et européens, et dont la plupart sont des personnalités de la diplomatie, des affaires, de la politique et des médias. Le groupe est, avec le Council on Foreign Relations, à l’origine de la création de la Commission Trilatérale. Ce sommet annuel est au centre de plusieurs controverses du fait de sa
    non-médiatisation et du caractère confidentiel du bilan des conférences. La non-médiatisation des conférences de Bilderberg, qui se tiennent au mois de mai ou juin de chaque année, a entraîné des
    spéculations sur une éventuelle discipline médiatique de silence qui violerait l’éthique journalistique. Parmi les reproches émis à l’encontre de Bilderberg, on notera la crainte de voir une
    structure collégiale abritant un petit nombre de personnes prendre, sans contrôle démocratique par des tiers, des décisions importantes en économie ou en politique. Des sources journalistiques
    belges évoquent la possibilité que les membres de la conférence s’engageraient à user de leur influence pour faire appliquer ce qui a été convenu au cours de la conférence.

    Selon l’historienne Chloé Maurel, le groupe Bilderberg, créé dans le contexte de la
    guerre froide pour renforcer la coopération entre les États-Unis et leurs partenaires d’Europe occidentale, dont les réunions et décisions sont très confidentielles et ne sont absolument pas
    médiatisées, prend des décisions politiques et économiques importantes, dans l’opacité et sans aucun contrôle démocratique5.

    Interrogé par le journaliste français Bruno Fay, Nicolas Beytout, qui a reconnu
    avoir été invité à plusieurs reprises, confirme l’opacité de l’organisation “

    “Les membres du Groupe de Bilderberg s’appellent eux-mêmes les “Bilderbergers”. Ils sont choisis uniquement par
    cooptation. Le Groupe de Bilderberg se réunit une fois par an pendant environ 4 jours. Les réunions sont protégées par plusieurs centaines de policiers, militaires, et membres des services
    spéciaux du pays d’accueil. Si la réunion a lieu dans un hôtel, celui-ci est vidé de ses occupants une semaine avant l’arrivée des Bilderbergers. Les invités sont déposés par un ballet
    d’hélicoptères noirs et par des limousines aux vitres fumées avec la lettre “B” sur le pare-brise.”

    Les discussions se tiennent à huis-clos. Quelques journalistes peuvent être parfois présent, mais rien ne doit
    filtrer des discussions. Il est interdit de prendre des notes ou de faire des déclarations à la presse. Mais quelques photographes arrivent parfois à prendre des photos à l’extérieur, au moment
    de l’arrivée des invités.

    “la conférence organisée à Saint-Moritz (2011) dérange certains élus UDC. En mars, le conseiller national Dominique Baettig a déposé une interpellation cosignée par
    Oskar Freysinger et Yves Nidegger notamment, pour dénoncer une «gouvernance supranationale non transparente». Le Jurassien motive son action: «Ce genre de réunions entre puissants du
    monde globalisé est contraire à nos principes de souveraineté.”

    “Lors d’une interview accordée au journaliste Jon Ronson du quotidien britannique The guardian, Lord Denis Healey, ancien
    secrétaire d’Etat à la Défense britannique (de 1964 à 1970) et l’un des fondateurs du groupe Bilderberg lui a dit : ” … nous avons pensé qu’une seule communauté de par le monde serait une
    bonne chose…. Dire que nous agissons pour un gouvernement mondial unique est exagéré, mais pas complètement infondé…” “

    “Il y a une guerre des classes, c’est un fait. Mais c’est ma classe, la classe des riches, qui mène cette guerre, et nous sommes en train de la gagner.”
    (Warren Buffet, milliardaire américain, 1ère fortune mondiale en 2008 “)

    Alors parler de “complot” ou pas, je vous laisse juge, mais une chose au moins est certaine c’est qu’il se passe des choses pas nettes
    et en sous-dossier par exemple en France, Sarko fait son possible pour détruire le code du travail, passer au dessus des institutions (référendum quand ça l’arrangerait pour passer par dessus les
    instances et conservation du résultat sulement quand ça l’arrange (2005) etc …

    “Et ta réponse c’est… ?”

    Ben justement, c’était ça la question ? Enfin, puisque c’est mon jour de bonté, je vais me hasarder à y répondre:

    –  Créer une rupture de principe pour ne plus mélanger les choses et éviter les cautères sur une jambe de bois, passer matériellement et historiquement du XXe siècle au XXI e siècle !
    Comment ?

    – en te demandant ton avis ! (Enfin presque)

    – En France, eh oui, en passant par une 6e République, pas possible de faire autrement ! Comment ?

    – En convoquant une assemblée constituante avec Descartes par exemple pour secrétaire-président de séances et des citoyens représentatifs de la diversité de la nation en majorité non politiciens
    professionnels, avec des Sonia Bastille (mais si y faut bien ! lol), des Marcailloux, des Trubli, des Banette , des M. et mme Michu, des génies, des handicapés etc.. le tout épaulé si nécessaire
    par un collège également représentatif et contradictoire de juristes et d’experts pour aider aux arbitrages cadres devant rester du ressort de la constituante seule. Comment ?

    En prenant au mot Melenchon, en l’élisant président avec pour mission principale hormis la gestion courante des affaires, de préparer cette assemblée constituante puis de se mettre en retrait, en
    n’accordant au nouveau président de la 6 eme  République si l’on conserve cette fonction, que le rôle de gardien de la nouvelle constitution et de porte-parole d’ un gouvernement qui joue
    son rôle et dont le premier ministre serait au service pour en coordonner les actions.

    C’est peut-être pas génial ce que je dis, mais au moins ça a le mérite d’être une proposition de base, que chacun en fasse donc autant, ensuite, vox populi, vox dei !

     

    • Descartes dit :

      Mon cher Descartes, en toute cordialité, j’ai le regret de devoir te signaler (relis donc bien ton blog ) que le complot, c’est toi qui y fait référence en permanence, bien plus que tes
      lecteurs dans leurs commentaires.

      C’est logique ! Il est bien connu que seuls les psychiatres parlent de folie. Les fous, eux, n’en parlent jamais… 😉

      “Crois-tu vraiment qu’un comité secret se réunit quelque part pour donner à Darmon – et à ses collègues – des directives ?” Ah, qu’en voila une question qu’elle est bonne ! 

      Et bien, j’attends ta réponse…

      “Le groupe Bilderberg, aussi appelé conférence de Bilderberg (…)

      Pitié, pas le Bilderberg…

      Je vais pas recommencer à décortiquer ce mythe qui fait de ce qui n’est qu’un club de débats une réédition du Grand Complot Maçonnique.
      Je trouve d’ailleurs délicieuse la description que vous copiez: “Les membres du Groupe de
      Bilderberg s’appellent eux-mêmes les “Bilderbergers”. Ils sont choisis uniquement par cooptation. Le Groupe de Bilderberg se réunit une fois par an pendant environ 4 jours. Les réunions sont
      protégées par plusieurs centaines de policiers, militaires, et membres des services spéciaux du pays d’accueil. Si la réunion a lieu dans un hôtel, celui-ci est vidé de ses occupants une semaine
      avant l’arrivée des Bilderbergers. Les invités sont déposés par un ballet d’hélicoptères noirs et par des limousines aux vitres fumées avec la lettre “B” sur le pare-brise.”. Evidement, un
      Grand Complot sans hélicoptères noirs et limousines à vitres fumées ne mérite pas d’être appelé Grand Complot. Et si les organisateurs mettent chaque fois la même “lettre B sur le pare-brise”,
      alors c’est vraiment des amateurs: quiconque connaît un peu la question sait qu’il faut varier les identifications et les choisir à la dernière minute, pour éviter que d’éventuels agresseurs
      puissent anticiper…

      Que les gens qui partagent un certain nombre de conceptions se réunissent discrètement – car la discrétion est
      la garantie de la liberté de parole – pour en discuter, cela n’a rien de nouveau. Les “complotistes” veulent voir dans ces réunions une sorte de comité ou l’on prendrait des “décisions” qui
      s’imposeraient ensuite aux participants. Mais c’est une pensée paradoxale: les participants à ces réunions, nous dit-on, sont sélectionnés pour n’inclure que des gens qui sont partisans des
      politiques libérales. Il s’ensuit qu’ils appuyeraient ces politiques sans qu’il soit besoin pour cela de la moindre “décision”.

      mais une chose au moins est certaine c’est qu’il se passe des choses pas nettes

      Du genre ?

      et en sous-dossier par exemple en France, Sarko fait son possible pour détruire le code du travail, passer au dessus des
      institutions (référendum quand ça l’arrangerait pour passer par dessus les instances et conservation du résultat sulement quand ça l’arrange (2005) etc …

      Je ne saisis pas trop le rapport avec le Bilderberg. Que je sache, ni Mitterrand ni Sarkozy n’ont eu besoin d’encouragements extérieurs
      pour “détruire le code du travail” ou “passer au dessus des institutions”.

      Je reprends pour finir tes propositions:

      Créer une rupture de principe pour ne plus mélanger les choses et éviter les cautères sur une jambe de bois, passer matériellement et historiquement du XXe siècle au XXI e siècle ! Comment ?
      en te demandant ton avis ! (Enfin presque)

      Vous me flattez en pensant qu’il suffira de me demander mon avis pour “passer historiquement et matériellement” au XXIème siècle…

      En France, eh oui, en passant par une 6e République, pas possible de faire autrement !

      Tant qu’on ne donne pas un contenu à cette “6ème République”, cela ne reste qu’un slogan. Le problème, c’est que chaque fois que quelqu’un essaye de m’expliquer ce qu’il y aura dans cette “6ème
      République”, cela ressemble un peu trop à la IVème…

      La grande faiblesse du projet de 6ème République reste la réflexion sur le rôle et le fonctionnement de l’exécutif. Le problème est que la “gauche radicale” n’a toujours pas compris quel est le
      rôle des institutions. Elle voit dans le système politique d’abord un système de représentation, alors qu’il s’agit avant tout d’un système de création et de légitimation de
      règles.

       

  8. Marcailloux dit :

     @ Jean-Mi41, bonjour à vous,

        J’ai renoncé à répondre à l’anathème de Descartes, qui m’a classé désormais, tenant du délire paranoïaque. Mais pour vous, je me ferai un plaisir de préciser. Sans qu’il y ait
    complot caractérisé, il est banal de constater qu’autour de toute personne disposant de pouvoir, il se construit une sorte de climat de servilité – entretenu bien sur par une petite minorité de
    tartuffes- qui prennent des initiatives destinées à les mettre en valeur, dans le cas ou ça réussit. Ils s’organisent pour ne pas être désignés responsables en cas d’échec. Cela est quelquefois,
    souvent peut être au niveau dont il est question, avec l’assentiment non écrit, non dit de la personne bénéficiaire dont on cherche à s’attacher plus tard les bonnes grâces. Mais j’imagine que
    Descartes a eu, dans son expérience professionnelle, plus à se coltiner des bisounours ou des fantassins francs du collier que beaucoup d’entre nous. On ne peut lui faire le reproche de cette
    naïveté. Peut être, en lui rappelant l’affaire des images dites subliminales de Mitterrand en 1988, il admettra que son ennemi juré sans forcément être le commanditaire de l’affaire, aurait
    apprécié la manœuvre si elle n’avait été éventé. Il n’en était pas à son premier coup tordu.

        Pour vous préciser, puisque vous le regrettez, et ce regret est aussi le mien, pourquoi je ne voterai ( sauf élément de dernière minute ) pas pour JLM, c’est parce qu’à mon
    sens, il a basé le succès qui est le sien personnel, sur un discours tactique, au service d’une stratégie ( plutôt d’ailleurs celle du PC ) de vision qui ne dépasse pas l’horizon des prochaines
    législatives, avec en fond d’écran une vision politique en forme d’impasse. Et je ne souhaite pas, même si sa réussite me fait quelque part un peu plaisir, m’associer à l’entreprise
    d’illusionniste qu’il fait fructifier. Probablement n’a-t-il jamais pensé qu’il pouvait passer le premier tour, ce qui lui a permit de ne pas se soucier de la faisabilité d’un programme qu’il
    n’aurait de toute façon pas à mettre en oeuvre. Il a réussit, bravo l’artiste et attendons de voir l’utilisation de l’audience qu’il a acquit avec talent. JP Chevènement aurait été mon choix,
    aucun des candidats ne me détourne actuellement du vote blanc. Je ne serai pas mécontent du « changement », pour autant, sans aucune illusion ni espoir. Personnellement, moi aussi je me
    tire…………, mais c’est au Maroc, 5 mois par an. Ce n’est pas forcément le meilleur moyen de faire changer les choses, mais digne représentant de l’honnie classe moyenne, je fatigue de me
    sentir la cible de toutes les convoitises, l’objet des opprobres cartésiens et l’auditeur continuel de jérémiades nationales autocentrées.

        Bien à vous

    • Descartes dit :

      J’ai renoncé à répondre à l’anathème de Descartes, qui m’a classé désormais, tenant du délire paranoïaque.

      “Anathème” ? Comme vous y allez…

      Probablement n’a-t-il jamais pensé qu’il pouvait passer le premier tour, ce qui lui a permit de ne pas se soucier de la faisabilité d’un programme qu’il n’aurait de toute façon pas à mettre
      en oeuvre.

      Rétrospectivement, on peut se demander si un plus grand travail et une plus grande rigueur aboutissant à un projet crédible n’aurait pas fait la différence. Mais – éternel pessimiste – je crains
      que la réponse soit “non”. Le succès de Mélenchon est bâti sur le rassemblement de l’ensemble de la gauche radicale des classes moyennes. Et ce rassemblement n’est possible qu’au prix des
      ambiguïtés et des contradictions programmatiques.

      Le choix fondamental est toujours devant lui: le FdG peut aller chercher les couches populaires aujourd’hui séduites par l’abstention ou le vote protestataire, ou il peut se positionner en “pool”
      réunissant les différents gauchismes. La première option implique un recentrement sur les problématiques socio-économiques, la deuxième de cultiver le positionnement sociétal cher aux
      “libéraux-libertaires”.

       

       

  9. Bannette dit :

    @handsaway : merci pour avoir précisé, j’ai écrit trop vite quand je voulais évoquer la Fabrique du consentement.

    @ceux qui dissertent sur les “groupes machiavéliques” : dans mes lectures sur internet, j’ai souvent vu que d’innombrables sites gauchistes gaspillaient une énergie folle à dénoncer ce type
    de groupes, la CIA, et j’en passe. Je trouve que ce type de démarche est contraire à l’esprit des lumières car elle sous-entend une forme de fascination pour des groupes occultes quasi-démiurges.
    Les penseurs classés à gauche rigoureux ont toujours eu à coeur de démonter avec les arguments de la raison que des phénomènes économiques qui nous paraissaient mystérieux ou hors de
    portée n’ont justement rien de mystérieux, de lever le voile sur les structures et leur fonctionnement. L’obsession des croquemitaines empêche le travail de réflexion pour accoucher d’un projet
    en prise avec le réel : par exemple, comment empêcher la formation de bulles au lieu de discours du type “les dirigeants américains dont tout pour plomber l’euro”.

  10. Olivier dit :

    Intéressant, ce débat sur Chomsky et les « théories du complot ». Je trouve également (comme certains autres lecteurs commentant ici) qu’invoquer les théories du complot pour discréditer Chomsky
    (ou bien d’autres) est une manière facile d’écarter du débat des thèses sérieuses et bien argumentées sans devoir se fatiguer à trouver de contre-arguments réels. En somme, il s’agit de remplacer
    l’argument par l’insulte.

    Chomsky ne prétend aucunement que toutes les intentions des détenteurs de pouvoir sont convergentes, ou qu’ils agissent nécessairement dans l’ombre. Par contre, il fait parfois remarquer que
    certains dirigeants s’entendent, et ce, parfois, de façon à tromper le public. Je suppose que c’est là ce à quoi vous faites référence lorsque vous parlez de la soi-disant posture moraliste de
    Chomsky. Pourtant, il a raison de faire intervenir des intentions de protagonistes : tout ne s’explique pas par l‘effet de l’émergence sans volonté. Plusieurs membres du gouvernement Blair se
    sont entendus pour faire accepter par leur opinion publique le soutien de la Grande Bretagne à l’attaque américaine de l’Irak. Des membres éminents, jusqu’au président Reagan, se sont entendus
    lors de l’affaire Iran-Contra, pour financer via la CIA un groupe terroriste au Nicaragua pour faire tomber un gouvernement. Il s’agissait d’une pratique illégale, et ces membres du gouvernement
    (par exemple le secrétaire à la défense de l’époque) ont menti au Congrès américain pour masquer ce financement. La Cour de Justice Internationale de l’ONU a condamné les États-Unis pour ces
    actes au Nicaragua. (Évidemment, les États-Unis ont refusé d’appliquer le jugement.) On peut également penser à l’affaire du Watergate, qui impliquait un certain nombre de gens qui agissaient
    dans l’ombre. Et avec l’intention de le faire. Cf. par exemple Glenn Greenwald, With Liberty and Justice for Some.

    Il me semble évident que des complots existent ; que des intentions convergentes d’un certain nombre de gens de pouvoir sont nécessaires pour les faire exister et perdurer ; que tous les gens de
    pouvoir ne sont pas d’accord entre eux ; que tous les complots ne réussissent pas ; que certaines situations peuvent s’expliquer par le simple hasard ou somme de comportements individuels sans
    volonté de personne d’aboutir à la situation ; que des mécanismes non gérés d’en haut mais plutôt émergeants peuvent favoriser ou faire échouer une tentative de complot ; etc. etc. Il est dommage
    qu’il faille rappeler de telles banalités pour pouvoir arriver à passer outre les objections d’usage à lire des auteurs sérieux et importants tels que Chomsky.

    La question n’est pas de savoir si tout s’explique par un grand complot mondial (bien sûr que non, et Chomsky ne prétend pas cela), ou si aucun complot n’existe jamais (croyez-vous sérieusement
    cela, Descartes ?). Il s’agit de se documenter sur les mécanismes et les volontés entremêlées qui mènent, malheureusement trop souvent, des gouvernements, y compris dits démocratiques, à agir
    contre l’intérêt et sans l’accord de leur population.

    • Descartes dit :

      En somme, il s’agit de remplacer l’argument par l’insulte.

      Pourquoi “l’insulte” ? Si des gens affirment qu’il y a un Grand Complot, les qualifier de partisans de la théorie du complot est une pure constatation factuelle, et en rien une “insulte”. En
      fait, ce qui gêne ces gens dans l’expression “théorie du complot” n’est pas le mot “complot”, mais plutôt le mot “théorie”, qui souligne que le complot en question n’a rien d’une vérité
      prouvée…

      Chomsky ne prétend aucunement que toutes les intentions des détenteurs de pouvoir sont convergentes, ou qu’ils agissent nécessairement dans l’ombre.

      Pourtant, à la lecture de certains de ses articles – particulièrement les plus récents – j’en ai eu l’impression contraire…

      Par contre, il fait parfois remarquer que certains dirigeants s’entendent, et ce, parfois, de façon à tromper le public.

      Tout à fait. Je voudrais que ma position soit claire: je n’ai jamais dit que les complots n’existaient pas. Ce que j’ai dit, c’est que leur existence, comme toute existence, se
      prouve. Une présomption fondée sur des coïncidences, sur des présumées contradictions de la version officielle ou sur des points obscurs ne suffit pas. Nous savons que Bush et
      ses ministres se sont accordés pour raconter sur l’Irak une histoire qui était fausse. Et nous les savons parce que nous avons des documents et des témoignates précis et concordants – y compris
      des principaux participants – qui le prouvent.

      Le problème des “complotistes” est qu’ils inversent la charge de la preuve. Le complot se présume et l’absence de complot se prouve. Ensuite, il suffit de construire une théorie de complot qu’il
      est impossible de prouver fausse – c’est facile, puisqu’il est pratiquement impossible de démontrer qu’un événnement n’a pas existé – et le tour est joué.

      Je suppose que c’est là ce à quoi vous faites référence lorsque vous parlez de la soi-disant posture moraliste de Chomsky.

      Non, pas du tout. Là où Chomsky est un moraliste, c’est que pour lui dans certains cas le but du “complot” n’est pas de servir les intérêts des complotistes, mais de faire le Mal.

      Il me semble évident que des complots existent ;

      Encore une fois, je n’ai pas dit le contraire.

       

       

  11. Jean-Mi41 dit :

    “dans mes lectures sur internet, j’ai souvent vu que d’innombrables sites gauchistes gaspillaient une énergie folle à dénoncer ce type de groupes, la CIA, et j’en passe.Je trouve que ce
    type de démarche est contraire à l’esprit des lumières…”

    “Les penseurs classés à gauche rigoureux ont toujours eu à cœur de démonter avec les arguments de la raison que des phénomènes économiques qui nous paraissaient mystérieux ou hors
    de portée n’ont justement rien de mystérieux”

    Quels penseurs et à quelle époque ? Avant la guerre de 1870 et la Commune, ou après la Shoah ? Sans aucunement critiquer d’Alembert, Smith ou Marx, pour info, on est passé de l’éclairage à la
    chandelle aux diodes électroluminescentes et faire l’impasse ne serait-ce que sur plus d’un siècle d’enseignements historique c’est à la limite du révisionnisme. 

    “Mystérieux ou hors de portée” ? Mais qui parle de mystérieux et hors de portée, il suffit d’écouter (entre autre Warren Buffet) et de regarder les choses en face au lieu d’éliminer des
    hypothèses simplement parce qu’elles défrisent, comme des femmes qui font des dénis de grossesse à répétition .

    ” L’obsession des croquemitaines empêche le travail de réflexion” . Obsession ou bien nécessité face à la désinformation qui effectivement, elle, empêche le travail de réflexion des
    naïfs petits robots ? “Croquemitaines”  (contes de fées), bien sûr, nous ne sommes que des petits enfants qui doivent bien suivre les consignes des grands, sinon attention, pan-pan
    cucul !

    Léonard de Vinci disait “Ne pas prévoir c’est gémir déjà ! “

    Pour moi, c’est clair, on perd notre temps là à tergiverser, nous avons mieux à faire !

    Quand ils sont venus chercher les communistes,
    je n’ai rien dit, je n’étais pas communiste.

    Quand ils sont venus chercher les syndicalistes,
    je n’ai rien dit, je n’étais pas syndicaliste.

    Quand ils sont venus chercher les juifs,
    je n’ai rien dit, je n’étais pas juif.

    Quand ils sont venus chercher les catholiques,
    je n’ai rien dit, je n’étais pas catholique.

    Puis ils sont venus me chercher.
    Et il ne restait personne pour protester…

    Pasteur Martin Niemoller (1892-1984), Dachau 1942

     

    • Descartes dit :

      Quels penseurs et à quelle époque ? Avant la guerre de 1870 et la Commune, ou après la Shoah ? Sans aucunement critiquer d’Alembert, Smith ou Marx, pour info, on est passé de l’éclairage à la
      chandelle aux diodes électroluminescentes et faire l’impasse ne serait-ce que sur plus d’un siècle d’enseignements historique c’est à la limite du révisionnisme.

      A lire ce texte, on a l’impression que tu crois que la réflexion économique de la gauche s’est arrêtée avec Marx et que rien n’a été inventé depuis. C’est inexact: des “penseur rigoureux de la
      gauche” il y en a eu un paquet après la Shoah.

      ” L’obsession des croquemitaines empêche le travail de réflexion” . Obsession ou bien nécessité face à la désinformation qui effectivement, elle, empêche le travail de réflexion des naïfs
      petits robots ?

      Obsession, sans aucun doute. La “désinformation” n’a jamais empêché les gens de réflechir. Tout au plus elle leur a compliqué la tâche et les a poussé à rechercher de meilleures sources
      d’information. Les théories du complot, au contraire, empêchent la réflexion parce qu’elles invitent à rejeter à priori toute source d’information dès lors qu’elle ne va pas dans le sens d’une
      théorie prééxistante. Poussé jusqu’au bout, le raisonnement complotiste vous coupe du monde, puisque toute source, toute information est susceptible d’être manipulée par le Grand Complot. On
      retrouve ici les principes du fonctionnement sectaire.

      Pasteur Martin Niemoller (1892-1984), Dachau 1942

      En fait, Martin Niemoller n’a jamais existé… tu ne savais pas ?

  12. Olivier dit :

    Merci pour votre réponse. Nous sommes d’accord sur un aspect, apparement, mais notre désaccord réside dans la question : Chomsky est-il un « complotiste », au sens que vous proposez de
    l’inversion de la charge de la preuve.

    Pour aller plus loin, il me semble qu’il faudrait que vous citiez des passages de Chomsky qui vous font penser qu’il adhère à ces théories. Pour ma part, je n’ai rien trouvé de tel dans ses
    écrits jusqu’ici. Au contraire, il fait ce que vous préconisez : donner des preuves. En particulier, il prend soin de fournir des références sérieuses pour tout ce qu’il avance. Voir par exemple
    les notes de bas de page du tome 1 de Comprendre le pouvoir, ici : http://www.understandingpower.com/chap1.htm.

    Concernant l’aspect moraliste, je ne comprends pas votre critique. Il s’agit (par exemple) de faire remarquer que des gouvernements peuvent parfois agir contre l’intérêt du peuple, ou d’autres
    peuples, y compris en entraînant de nombreux morts qui auraient pu être évités. Bien sûr, il y a un aspect moral à cette question : pourquoi dénoncer des actes auxquels on n’accorderait aucune
    valeur morale ? Et comme le faisait remarquer Bertrand Russel, les gens qui font du mal par leurs actes n’agissent pas nécessairement dans un intérêt égoïste : parfois, ils pensent qu’ils font le
    bien.

    • Descartes dit :

      Pour aller plus loin, il me semble qu’il faudrait que vous citiez des passages de Chomsky qui vous font penser qu’il adhère à ces théories.

      Je vous en propose un, extrait de l’article “It’s the oil, stupid” publié par le Kalej Times le 8 juillet 2008 (consultable ici). Voici le paragraphe le plus notable (traduction par votre serviteur, et c’est lui qui souligne…):

      “Beaucoup dans le monde arabe et une partie de l’opinion américaine suspectaient que les Etats-Unis sont allés à la guerre en Irak précisement pour s’assurer de la
      richesse petrolière que ces contrats visent à extraire” écrit Andrew E. Kramer dans le New York Times. La référence de Kramer à une “suspicion” est un euphémisme. De plus,
      il est hautement probable que l’occupation militaire ait pris l’initiative de retaurer la très détestée Irak Petroleum Company, laquelle, comme l’ecrit Seamus Milnes dans le
      Guardian de Londres, avait été imposée du temps du protectorat britanique pour “diner sur la richesse de l’Irak dans un célèbre contrat léonin”. Des depêches plus récents parlent
      de délais dans les négociations. Presque tout se passe en secret, et ce ne serait pas une surprise si de nouveaux scandales apparaissent.

      On reconnaît ici tous les élements des théories complotistes: la “suspicion” qui ne peut être qu’un “euphémisme” puisque suspicion vaut preuve. Les “il est hautement probable” sans que l’on sache
      sur quels éléments est fondée une telle probabilité. La référence à “des depêches” sans que l’on sache lesquelles, et finalement, la question du “tout se passe en secret” (variante du “on nous
      cache tout”) qui prouve que d’autres scandales existent.

      Inutile de dire que la “théorie” ici exposée est une pure invention. Nous savons aujourd’hui que les intérêts pétroliers n’étaient pas le moteur de la guerre (les compagnies pétrolières faisaient
      de bien meilleures affaires sous Saddam), qu’l n’y a eu aucune volonté de rétablir un opérateur monopolique en Irak…

      Pour ma part, je n’ai rien trouvé de tel dans ses écrits jusqu’ici. Au contraire, il fait ce que vous préconisez : donner des preuves.

      Si vous trouvez une preuve que la guerre d’Irak avait pour principal moteur le pétrole, je mange mon chapeau…

      En particulier, il prend soin de fournir des références sérieuses pour tout ce qu’il avance.

      Dans ses livres, en général, oui. C’est dans les articles qu’il se laisse le plus facilement aller au penchant complotiste.

      Et comme le faisait remarquer Bertrand Russel, les gens qui font du mal par leurs actes n’agissent pas nécessairement dans un intérêt égoïste : parfois, ils pensent qu’ils font le bien.

      Exactement. Je partage la position de Russel et c’est précisement pour cela que je critique la vision de Chomsky, pour qui les “puissants” font le mal exprès.

  13. Marcailloux dit :

    Bonjour à tous,

    ”     Pasteur Martin Niemoller (1892-1984), Dachau 1942

    En fait, Martin Niemoller n’a jamais existé… tu ne savais pas ?   “

    Là, vous me surprenez Descartes, car, à moins que les SS ne soient venus le chercher pour prendre une bière (sans humour noir), ce qui
    abolirait le moindre sens à ses vers, il s’agit forcément d’une métaphore, car « Martin Niemoller » ne peut écrire que de l’au delà s’il souhaite que son texte ait une valeur
    symbolique. Ah, mais j’oubliais, le marxisme est strictement matérialiste et « symbole n’est pas dans le vocabulaire !

    Concernant une théorie dite « du complot », je partage assez votre avis, néanmoins, je ne peux m’empêcher de penser qu’avec
    Internet en particulier, les relations interpersonnelles ont explosés, qu’à des concertations organisées, préparées, intentionnées préalablement, bref des démarches « complotantes »,
    s’est substitué plus ou moins spontanément des mouvements pernicieux dont les effets peuvent donner plus facilement l’image d’un complot de fait.

    Ce me semble être un phénomène – pardonnez ma théorie probablement fumeuse – comparable au processus de l’évolution. C’est à partir
    d’une multitude d’évènements que se constitue par leur conjonction particulière des situations bien réelles, physiques ou sociétales. Certains soupçonnent le complot alors qu’il ne s’agit que de
    la conséquence logique d’échanges qui se cristallisent dans un intérêt commun. Suis-je clair ? Je doute un peu !

    Enfin, pour clore l’échange avec Jean Mi 41, hésitant entre JLM et NDA, je préfère ce dernier dans le contexte actuel, car, même si je
    n’épouse pas sa radicalité vis à vis de l’Europe, mais après tout sa position ultra minoritaire l’y incite peut être, car il a très largement gommé de son discours les « demain on rase
    gratis » qui me déplaisent chez JLM, car c’est un peu court et facile pour faire de l’audience. Mais il n’est pas là pour dire la vérité, un de ses objectifs est de passer devant le FN.
    Pourquoi pas, ce serait déjà un progrès.

    Bon week end républicain à tous

    • Descartes dit :

      Là, vous me surprenez Descartes (…)

      Je crains que l’ironie de mon commentaire ne vous ait échappé… je voulais simplement remarquer que si l’on suit la logique complotiste, il n’y a aucune raison de croire que Niemoller soit un
      personnage réel. Ce n’est peut-être qu’une invention de la Grande Conspiration.

       

  14. Marcailloux dit :

    HONTE à moi ! ! !

    J’ai commenter votre dernière réponse en prenant pour argent comptant votre assertion concernant  la non existence de Martin Niemoller. Le doute, toujours le doute refaisant surface, je suis
    allé vérifier. D’où tenez vous cette information ? Quelles sont vos références?

    Qu’il ait existé ou non, je ne change pas pour autant mon commentaire.

    Bien à vous.

  15. Jean-Mi41 dit :

    Je trouve que Marcailloux (commentaire 13) a bien résumé ce que certains ressentent, il me semble que j’avais dit moi-même auparavant “tout se passe comme si…”

    Les amis, ça ne sert à rien de se prendre la tête entre nous pour un malheureux qualificatif, maintenant il faut être constructifs et prendre notre destin en main !

    (En plus j’aime bien NDA pas assez connu de tous et je regrette qu’il ne soit pas crédité d’au moins 15% d’intentions de vote, ce qui aurait changé la donne. Saloperies de sondages et de mode de
    scrutin !)

    Faut pas être superstitieux, ça porte malheur, croisons les doigts quand même…

  16. julien dit :

    C’est ce qu’on a appelé “la destruction du service public”. L’issue à terme est fatale: la privatisation de France 2, devenue de facto une chaîne commerciale. Les autres suivront, évidemment.
    Sauf si…

    • Descartes dit :

      Etant donné la qualité des émissions de France 2 chaine publique je me demande si la privatisation changerait fondamentalement quelque chose.

  17. Olivier dit :

    Cet article est nettement moins bon que les écrits habituels de Chomsky, je vous l’accorde. Il ne faut cependant pas exagérer et en déduire que Chomsky serait un vulgaire partisan de la théorie
    du complot.

    Il serait incorrect de balayer tousses raisonnements d’un revers de la main en le plaçant dans une catégorie et en donnant des arguments généraux
    contre les gens placés dans cette catégorie. Expliquer que les martiens ne viennent pas envahir la terre, ou rappeler qu’il n’y a pas des complots partout, tout le temps, ne contre aucunement les
    brillantes analyses de Chomsky sur le fonctionnement des médias (cf. La Fabrication du Consentement), du pouvoir (cf. Comprendre le Pouvoir), ou sur ce qu’il dit du conflit Israël-Palestine.

    Dans ce court article que vous citez, Chomsky avance des arguments, appuyés sur des articles de presse, qui apportent un élément de preuve supplémentaire pour soutenir la thèse que l’objectif de
    départ de l’invasion était le pétrole. Vous avez raison de dire que ce n’est qu’un élément de preuve et que cela ne suffit pas à prouver que l’invasion de l’Irak aurait pour unique cause le
    pétrole.

    D’autres intellectuels tels Jean Bricmont qui apprécient beaucoup Chomsky et partagent son analyse sur d’autres points, entre autre son analyse du fonctionnement des médias et du pouvoir,
    indiquent être sceptique concernant cette dernière idée.

    Cependant, vous n’avez pas raison de dire qu’il s’agit d’une thèse complotiste et de la mettre sur le même pied que les thèses qui prétendent que le monde entier est dirigé par une force occulte.

    On reconnaît ici tous les élements des théories complotistes: la “suspicion” qui ne peut être qu’un “euphémisme” puisque suspicion vaut preuve.

    Non, Chomsky dit que c’est un euphémisme car on peut appuyer l’affirmation d’autres éléments de preuve : il indique (en citant ses sources) que le gvt US signe
    des accords qui placent ses compagnies pétrolières en avant par rapport à la concurrence, et il n’y a pas de raison de penser qu’elles auraient été privilégiées par rapport aux concurrents
    chinois et autres de façon aussi nette si les États-Unis n’avaient pas la main mise militaire sur le pays. Encore une fois, je suis d’accord que cela ne suffit pas à prouver son point. On peut
    peut-être dire que Chomsky s’est emporté sur ce point, mais il s’agit là du processus de débat classique : il argumente, d’autres intellectuels peuvent contre-argumenter en faisant remarquer que
    des éléments manquent, ou contredisent d’autres informations, etc.

    Les “il est hautement probable” sans que l’on sache sur quels éléments est fondée une telle probabilité. La référence à “des depêches” sans que l’on sache lesquelles

    Non, la plupart des affirmations de Chomsky dans cet article, et plus encore dans ses livres, sont sourcées. Les dépêches dont il parle ici sont un détail dans son argumentation. Il peut arriver
    de ne pas tout sourcer pour gagner du temps, surtout quand (comme ici) l‘affirmation n’a rien d’extra-ordinaire, n’est pas cruciale dans l’argumentation, et n’est probablement pas contestée.

    , et finalement, la question du “tout se passe en secret” (variante du “on nous cache tout”) qui prouve que d’autres scandales existent.

    Intéressant, vous transformez la phrase de l’article « Presque tout se passe en secret, et ce ne serait pas une surprise si de nouveaux scandales apparaissent », en « tout se passe en secret
    », puis en « on nous cache tout », et prétendez que l’auteur affirme que cela « prouve que d’autres scandales existent ». Rien de tout ça dans l’original. L’article dit que la plupart de ce qui
    se passe, concernant les négociations sur ce sujet, se passe en secret. J’admets que ce n’est pas sourcé et est dès lors inutile et ne devrait pas se trouver dans l’article, mais ce
    n’est pas bien grave. L’affirmation ne me paraît pas invraisemblable, ni extraordinaire, ni ne change quoi que ce soit au contenu principal de l’article.

    Avec de tels critères, scruter dans les moindres détails les écrits de n’importe quel auteur permettra, dans de nombreux cas, de trouver de quoi l’accuser d’être complotiste. Il serait bien plus
    bénéfique pour la qualité du débat de passer plus de temps à discuter des arguments eux-mêmes que d’accuser un auteur d’être un partisan de la théorie du complot.

    Faire cela permettra aussi d’aboutir à des constats plus nuancés, conduisant à apprécier certains aspects de l’analyse de certains intellectuels concernant certains sujets tout en en rejetant
    d’autres aspects ou arguments. Cela me semble nettement plus bénéfique que décider de placer les auteurs dans des catégories et en déduire un jugement en bloc de leurs réflexions.

    • Descartes dit :

      Cet article est nettement moins bon que les écrits habituels de Chomsky, je vous l’accorde. Il ne faut cependant pas exagérer et en déduire que Chomsky serait un vulgaire partisan de la
      théorie du complot.

      Je n’ai jamais utilisé le mot “vulgaire”. Mais le texte montre bien que Chomsky se laisse aller aux délices du complotisme.

      Il serait incorrect de balayer tous ses raisonnements d’un revers de la main en le plaçant dans une catégorie et en donnant des arguments généraux contre les gens placés dans cette
      catégorie.

      Je n’irai pas jusque là. Lorsqu’il parle de ce qu’il connait – la linguistique, la sociologie – les écrits de Chomsky contiennent beaucoup d’idées intéressantes et des raisonnements rigoureux. Le
      problème de Chomsky, comme de beaucoup de sociologues d’ailleurs, est qu’il se croient habilités par leur statut de vedette à parler de n’importe quoi. Et comme tout un chacun, lorsqu’on parle de
      choses qu’on ne connait pas, on prend un risque de dire beaucoup de bêtises. Or, quand c’est moi qui dit des bêtises, ce n’est pas trop grave. Mais quand les bêtises sont dites avec l’autorité
      moral-scientifique de Chomsky et reçoivent de ce fait un vernis d’autorité, leur effet est destructeur. 

      Expliquer que les martiens ne viennent pas envahir la terre, ou rappeler qu’il n’y a pas des complots partout, tout le temps, ne contre aucunement les brillantes analyses de Chomsky sur le
      fonctionnement des médias

      Certes. Mais pourquoi diable se met-il à opiner sur la guerre d’Irak ou sur la politique pétrolière, sujets qu’il ne connaît pas et sur lesquels il ne peut que dire des bêtises ? Pourquoi diable
      n’applique-t-il pas à son discours sur l’Irak les mêmes critères de rigueur scientifique qu’il applique à ses “brillantes analyses” dans sa discipline ?

      Dans ce court article que vous citez, Chomsky avance des arguments, appuyés sur des articles de presse, qui apportent un élément de preuve supplémentaire pour soutenir la thèse que l’objectif
      de départ de l’invasion était le pétrole.

      Non. Aucun des articles que Chomsky cite n’apporte la moindre “preuve” de rien du tout. Trouver quelqu’un qui dit “il y a un complot” n’a jamais été une “preuve”. D’ailleurs, comme je vous l’ai
      expliqué dans mon message, Chomsky utilise toute la panoplie des faux arguments pour faire croire à des “preuves”: des “il ne serait pas étonnant que” aux “on dit que”.

      Cependant, vous n’avez pas raison de dire qu’il s’agit d’une thèse complotiste et de la mettre sur le même pied que les thèses qui prétendent que le monde entier est dirigé par une force
      occulte.

      Ah bon ? Et pourquoi ça ? Je regrette, mais la thèse de Chomsky dans cet article entre parfaitement dans la catégorie des théories complotistes. Et son raisonnement est exactement le même que
      celui des partisans d’une “force occulte”. Pourquoi devrais-je faire une différence ? Parce que c’est Chomsky ?

      Non, Chomsky dit que c’est un euphémisme car on peut appuyer l’affirmation d’autres éléments de preuve : il indique (en citant ses sources) que le gvt US signe des accords qui placent ses
      compagnies pétrolières en avant par rapport à la concurrence, et il n’y a pas de raison de penser qu’elles auraient été privilégiées par rapport aux concurrents chinois et autres de façon aussi
      nette si les États-Unis n’avaient pas la main mise militaire sur le pays.

      D’abord, Chomsky ne cite aucune “source” pour ce qui concerne les “accords” en question. Relisez avec attention le texte. Chomsky se contente d’affirmer que “un accord est en train de prendre
      forme”, que ces accords sont rédigés “apparamment avec l’aide de fonctionnaires du gouvernement US”, et plus loin que “des depêches plus récentes parlent de délais dans les négociations”. Mais
      aucune de ces informations n’est sourcée.

      Ensuite, le raisonnement fondé sur “il n’y a pas de raison de penser que…” mérite qu’on s’y arrête. C’est le raisonnement préféré des complotistes. “Il n’y a pas de raison de penser que…”
      permet de justifier à peu près n’importe quoi. Vous avez une raison de penser que Mitterrand n’a pas été empoisonné, vous ?

      On peut peut-être dire que Chomsky s’est emporté sur ce point, mais il s’agit là du processus de débat classique : il argumente, d’autres intellectuels peuvent contre-argumenter en faisant
      remarquer que des éléments manquent, ou contredisent d’autres informations, etc.

      Non. Le débat intellectuel est fait d’arguments et de contre arguments. Pas de “il y a des suspicions…”, “il n’y a pas de raison de penser que…”, “tout se passe en secret mais…”.
      Desolé si je piétine votre idole, mais il faut vous rendre aux faits: au delà de la contibution de Chomsky aux sciences sociales, que personne ne conteste, lorsqu’il s’érige en donneur de leçons
      politiques, Chomsky sacrifie au complotisme ambiant, particulièrement fort dans la “gauche radicale”.

      Non, la plupart des affirmations de Chomsky dans cet article, et plus encore dans ses livres, sont sourcées.

      Relisez l’article: aucune des informations n’est sourcée. Quelle est la source qui lui permet d’affirmer que des accords sont négociés ? Mystère. Quelle est la source qui lui permet de dire que
      ces accords sont rédigés avec l’appui de fonctionnaires américains ? Mystère. Quelle est la source qui lui permet de dire que la négociation de ces accords est retardée ? Mystère. Quelle est la
      source qui lui permet d’affirmer qu’il est “hautement probable” que l’occupation ait été destinée à retablir l’IPC ? Mystère. La seule “source” citée est un article de A. E. Kramer qui se
      contente de parler de “suspicions” sans même dire si ces suspicions sont ou non justifiées.

      Les dépêches dont il parle ici sont un détail dans son argumentation. Il peut arriver de ne pas tout sourcer pour gagner du temps, surtout quand (comme ici) l‘affirmation n’a rien
      d’extra-ordinaire, n’est pas cruciale dans l’argumentation, et n’est probablement pas contestée.

      On peut, en effet omettre quelques sources pour gagner du temps. Mais ici rien, absolument rien, n’est sourcé. Quant au fait que l’affirmation “n’ait
      rien d’extraordinaire”, vous mettez encore une fois le doigt dans le raisonnement complotiste: on peut se dispenser d’une analyse rigoureuse dès lors que l’affirmation réjoint un préjugé. Le fait
      que les USA aillent à la guerre pour le pétrole “n’a rien d’extraordinaire”, et on peut donc se dispenser de “sourcer” l’affirmation. Avec ce genre de raisonnement, on ne fait que renforcer les
      préjugés.

      Intéressant, vous transformez la phrase de l’article « Presque tout se passe en secret, et ce ne serait pas une surprise si de nouveaux scandales apparaissent », en « tout se passe en
      secret », puis en « on nous cache tout »,

      Je m’excuse de mon erreur. Je vous prie de remplacer dans mon commentaire “tout se passe en secret” par “presque tout se passe en secret”, et “on nous cache tout” par “on nous cache presque
      tout”. Je ne pense pas que cela change mon argument.

      Avec de tels critères, scruter dans les moindres détails les écrits de n’importe quel auteur permettra, dans de nombreux cas, de trouver de quoi l’accuser d’être complotiste.

      Et bien… Pourriez vous donner quelques exemples pris chez des auteurs tels que Alain-Gérard Slama, Jean-Louis Crémieux-Brilhac, Henri Guaino, Alain Cotta, Jean-Pierre Chèvenement, Régis Debray,
      De Gaulle ? (j’ai tiré au hasard dans ma bibliothèque…) ?

      Désolé, mais cet argument “tous complotistes” ne résiste pas l’examen. Le “complotisme” n’est pas partout, même si la tendance “victimiste” de notre société constitue un terreau très
      favorable à son développement.

      Il serait bien plus bénéfique pour la qualité du débat de passer plus de temps à discuter des arguments eux-mêmes que d’accuser un auteur d’être un partisan de la théorie du complot.

      Certainement. Comment discuteriez vous l’argument “presque tout se passe en secret, et ce ne serait pas une surprise si de nouveaux scandales apparaissent” ?

       

  18. Olivier dit :

    Je dois reconnaître mon erreur : cet article de Chomsky est effectivement non sourcé, contrairement à ce que j’avais cru voir en le lisant trop vite (en fait les seules sources que Chomsky
    mentionne ne viennent pas à l’appui des thèses principales de l’article). Nous sommes d’accord sur ce point. Comme vous dites :

    « Lorsqu’il parle de ce qu’il connait – la linguistique, la sociologie – les écrits de Chomsky contiennent beaucoup d’idées intéressantes et des raisonnements rigoureux. Le problème de Chomsky,
    comme de beaucoup de sociologues d’ailleurs, est qu’il se croient habilités par leur statut de vedette à parler de n’importe quoi. Et comme tout un chacun, lorsqu’on parle de choses qu’on ne
    connait pas, on prend un risque de dire beaucoup de bêtises. Or, quand c’est moi qui dit des bêtises, ce n’est pas trop grave. Mais quand les bêtises sont dites avec l’autorité moral-scientifique
    de Chomsky et reçoivent de ce fait un vernis d’autorité, leur effet est destructeur. »

    Nous sommes d’accord, donc, sur ce point (sauf que je ne me prononce pas sur la question de savoir si Chomsky dit des bêtises sur le fond, car je ne connais pas le dossier dont parle son article,
    mais je reconnais que son article n’est pas sourcé et que ce n’est pas sérieux). Je m’insurgeais, à l’origine de notre discussion, car il me semblait que vous souteniez une thèse beaucoup plus
    forte. En réponse à la question « Sinon, que penses-tu du travail de Chomsky et ses collaborateurs sur l’utilisation du langage ? », vous aviez répondu (sans autres explications avant que
    d’autres lecteurs ne vous en demandent) : « Je pense qu’il souffre d’une vision moralisante et complotiste. » De plus, même en restreignant le (soi-disant) « complotisme » de Chomsky à certains
    articles plutôt qu’à une qualité essentielle de Chomsky, je pense que dire cela est une mauvaise façon de s’opposer à son article.

    Avec un peu de recul, notre échange est assez amusant, car il illustre le besoin de naviguer entre deux positions extrêmes. D’une part, il y a ceux qui sont obnubilés par le
    complot (appelés « les théoriciens du complot ») : ceux qui voient des complots partout. Ils prétendent qu’une force occulte, ayant une volonté unie, dirige le monde. Au lieu de dire, de
    façon modérée, que certains complots existent, et de tenter de prouver qu’il y a complot en telle ou telle matière lorsqu’ils soupçonnent un complot, ils semblent penser que crier au complot
    tient lieu de raisonnement, et suffit à prouver une thèse ou à en discréditer une autre.

    De l’autre, il y a ceux qui sont obnubilés par les théoriciens du complot : ceux-là voient des théories du complot partout. Ils semblent croire que crier à la théorie du complot
    suffit à discréditer une thèse et utilisent cet argument à tort et à travers. Ils semblent penser que traiter leur adversaire de théoricien du complot est un argument efficace et privilégient
    cette piste à l’utilisation d’arguments directs pour contrer leur propos.

    J’illustre à l’aide de notre discussion.

    1) Voir la théorie du complot où elle n’est pas.

    Je dis : « le gvt US signe des accords qui placent ses compagnies pétrolières en avant par rapport à la concurrence, et il n’y a pas de raison de penser qu’elles auraient été privilégiées par
    rapport aux concurrents chinois et autres de façon aussi nette si les États-Unis n’avaient pas la main mise militaire sur le pays »

    Vous me répondez : « le raisonnement fondé sur “il n’y a pas de raison de penser que…” mérite qu’on s’y arrête. C’est le raisonnement préféré des complotistes. “Il n’y a pas de raison de penser
    que…” permet de justifier à peu près n’importe quoi. Vous avez une raison de penser que Mitterrand n’a pas été empoisonné, vous ? »

    Excellent ! Nous voilà maintenant en possession d’une arme redoutable : chercher l’expression « il n’y a pas de raison de penser que » sur Google révélera au grand jour ces théoriciens du
    complot qui se cachent partout. Un des premiers liens nous informe que le premier ministre du Portugal, Pedro Passos Coelho, utilise cette expression
    (http://fr.reuters.com/article/businessNews/idFRPAE81204U20120203). Ah, le fourbe. Mitterrand aussi l’a utilisée, le coquin (discours.vie-publique.fr/pdf/937001800.pdf, bas de la page 7). Cela me
    permet de relever votre défi : il ne devrait pas être difficile de trouver un usage de cette expression chez les intellectuels que vous m’avez proposé. Je vous épargne les liens correspondants,
    je n’ai pas pris le temps de chercher. Mais il n’y a pas de raison de penser qu’ils n’utilisent jamais cette expression. Oups, pardon.

    Plus sérieusement : cette expression est parfaitement valide sur le plan argumentatif. Il s’agit de faire remarquer que la charge de la preuve revient à l’adversaire ; d’affirmer que la thèse
    dont on dit qu’il n’y a pas de raison de la croire reste à démontrer et ne devrait pas être considérée comme vraie a priori (sans preuve). Imaginons que mon voisin de droite, constatant la
    disparition de son portefeuille, traite mon voisin de gauche de voleur. Je pourrais lui rétorquer qu’il n’y a pas de raison de penser que c’est le voisin de gauche qui est responsable de cette
    disparition. Où est donc la théorie du complot ? Bien sûr, il peutaussi arriver d’utiliser cette expression dans une situation où elle ne s’applique pas
    raisonnablement, comme n’importe quelle expression, mais ce n’est pas le simple usage de l’expression qui indique si l’argument est raisonnable, mais bien son usage dans un contexte, en
    particulier, ce qu’on prétend qu’il n’y a pas de raison de croire.

    2) En plus de voir des théories du complot partout, une erreur courante commise par les obnubilés des théoriciens du complot est de privilégier les arguments
    généraux contre les complotistes plutôt qu’utiliser des arguments plus directs pour invalider une thèse donnée. Revenons à l’expression « il n’y a pas de raison de penser que » : comme
    indiqué plus haut, si vous voulez invalider son usage, il faut donner des arguments dépendant de la discussion en question, pas des arguments généraux sur l’usage de la théorie du complot.

    Plus généralement, concernant notre discussion : le meilleur argument contre cet article de Chomsky, et vous en avez à juste titre fait usage, est qu’il ne cite
    pas ses sources. Il suffisait de celui-là : une fois que ceci est dit, le reste s’ensuit.

    Concluons sur la fin de votre dernière réponse. Je maintiens ma conclusion précédente : « Il serait bien plus bénéfique pour la qualité du débat de passer plus
    de temps à discuter des arguments eux-mêmes que d’accuser un auteur d’être un partisan de la théorie du complot. » Vous répondez : « Certainement. Comment discuteriez vous l’argument “presque
    tout se passe en secret, et ce ne serait pas une surprise si de nouveaux scandales apparaissent” ? »

    Eh bien, il suffit de faire remarquer que l’affirmation selon laquelle presque tout se passe en secret dans le cas des négociations pétrolières en Irak n’est pas
    sourcée, donc que rien ne prouve sa véracité. Vous l’avez fait, et vous avez eu raison. Il est d’autant plus dommage, si je puis me permettre, de faire preuve d’une telle mauvaise foi lorsque
    vous tenez à transformer la phrase de Chomsky, dont le problème est qu’elle n’est pas sourcée, en une phrase qui dirait que presque tout est secret, donc qu’on nous cache presque tout, donc que
    cela prouve que d’autres scandales existent. Augmenter la portée de la thèse de Chomsky en lui faisant dire des choses qu’il n’a pas dit fait de votre argument un argument incorrect (« homme de
    paille ») et déforce donc votre argumentation, alors qu’il suffisait de s’arrêter à la constatation que l’affirmation n’est pas sourcée et n’est dès lors pas valable : un arg

    • Descartes dit :

      (sauf que je ne me prononce pas sur la question de savoir si Chomsky dit des bêtises sur le fond, car je ne connais pas le dossier dont parle son article, mais je reconnais que son article
      n’est pas sourcé et que ce n’est pas sérieux)

      Cela en fait une “bêtise” même si ce qu’il dit était factuellement vrai. Un penseur aussi influent que Chomski n’a pas seulement une rôle pédagogique quant aux faits, mais aussi quant à la
      méthode pour les établir. Ce n’est pas parce qu’une montre arrêtée donne l’heure exacte deux fois par jour qu’on peut dire qu’elle marche.

      De l’autre, il y a ceux qui sont obnubilés par les théoriciens du complot : ceux-là voient des théories du complot partout. Ils semblent croire que crier à la théorie du
      complot suffit à discréditer une thèse et utilisent cet argument à tort et à travers.

      Franchement, je ne vois pas beaucoup de gens qui prennent cette position. En général, ceux qui dénoncent les théories du complot n’ont pas de difficulté à démontrer logiquement que tel ou tel
      raisonnement relève de la pensée complotiste, et si la démonstration est mauvaise elle peut être facilement refutée. Les discours complotistes, par contre, sont construits pour ne pas pouvoir
      être refutés, puisque l’absence même de preuves est la preuve que “quelqu’un” a cherché à les occulter. Entre les théoriciens du complot et ceux qui les dénoncent il y a en effet une différence
      fondamentale: les premiers jugent des faits, les seconds jugent un discours.  

      Excellent ! Nous voilà maintenant en possession d’une arme redoutable : chercher l’expression « il n’y a pas de raison de penser que » sur Google révélera au grand jour ces théoriciens
      du complot qui se cachent partout.

      Non. Vous ne lisez pas avec attention. Ce n’est pas l’expression “il n’y a pas de raison de penser que” qui me pose problème. Ce qui pose problème, c’est l’utilisation de cette expression comme
      preuve. C’est le procédé qui consiste à dire pour une proposition X “il n’y a pas de raison de penser que X soit fausse, donc X est vraie”. Google peut peut-être
      retrouver tous les usages de l’expression en question, mais il aura du mal à identifier le cas d’usage dans ce but…

      Cela me permet de relever votre défi : il ne devrait pas être difficile de trouver un usage de cette expression chez les intellectuels que vous m’avez proposé. Je vous épargne les liens
      correspondants, je n’ai pas pris le temps de chercher. Mais il n’y a pas de raison de penser qu’ils n’utilisent jamais cette expression. Oups, pardon.

      Vous illustrez parfaitement le fonctionnement des théories de complot par cet exemple: d’abord, vous prétendez avoir “relevé mon défi”. Mais vous ne donnez aucun exemple, vous vous contentez de
      dire que “il n’y a pas de raison de penser qu’ils n’emploient pas cette expression”, ce qui à vos yeux prouve qu’ils l’utilisent sans besoin d’exhiber un exemple. Et pour finir,
      en me refilant la charge de al preuve, vous construisez une affirmation qui logiquement est impossible à réfuter, puisqu’il n’y a aucun moyen de prouver qu’un écrivain n’a jamais utilisé telle ou
      telle expression…

      Plus sérieusement : cette expression est parfaitement valide sur le plan argumentatif. Il s’agit de faire remarquer que la charge de la preuve revient à l’adversaire

      Non: c’est un moyen de refiler (en général abusivement) la preuve à l’adversaire. Vous avez vous-même donné l’exemple plus haut. Dans le débat si un intellectuel a utilisé telle ou telle
      expression, la charge de la preuve est toujours chez celui qui affirme l’existence, étant donné que l’inexistence ne se prouve pas. Si je vous affirme “qu’il n’y a pas de raison” de penser que
      l’ile des Cyclopes n’existe pas, et que par conséquence elle existe jusqu’à preuve contraire, je commets un abus d’argumentation.

      d’affirmer que la thèse dont on dit qu’il n’y a pas de raison de la croire reste à démontrer et ne devrait pas être considérée comme vraie a priori

      Si elle est utilisée de cette manière, oui. Mais ce n’est pas ce qui est fait chez Chomsky (ou chez vous, dans l’exemple ci-dessus): dans ces cas, on affirme que la thèse dont on n’a pas raison
      de croire qu’elle soit vraie est donc fausse, sans besoin de preuve.

      Plus généralement, concernant notre discussion : le meilleur argument contre cet article de Chomsky, et vous en avez à juste titre fait usage, est qu’il ne cite pas ses sources. Il suffisait
      de celui-là : une fois que ceci est dit, le reste s’ensuit.

      Pas tout à fait. Une fois établi qu’il ne cite pas ses sources, il faut s’intéresser à la construction que Chomsky met en place pour légitimier ses “informations” malgré l’absence de sources.
      Cette construction est faite d’allusions, de “il n’y a pas de raison de penser que” utilisés comme preuve contraire, de “suspicions” données comme des faits, et des “puisque c’est leur intérêt,
      il est évident qu’ils auront agi ainsi”. Comment qualifieriez vous cette manière de raisonner ?

      Votre message m’est arrivé coupé. Est-ce normal ?

       

  19. Olivier dit :

    Mon message précédent a peut-être été coupé car il était trop long ? En voici la fin.

    Augmenter la portée de la thèse de Chomsky en lui faisant dire des choses qu’il n’a pas dit fait de votre argument un argument incorrect (« homme de paille ») et déforce donc votre argumentation,
    alors qu’il suffisait de s’arrêter à la constatation que l’affirmation n’est pas sourcée et n’est dès lors pas valable : un argument aussi simple que percutant.

    Enfin, il est aussi possible d’attaquer sur un autre plan, en donnant des arguments en faveur de la thèse selon laquelle le pétrole ne rapporte en fait rien dans cette affaire, comme vous l’avez
    fait. (Au passage, je serais intéressé par les sources de ces affirmations.)

    Après lecture (attentive, je pense) de votre dernière réponse, je suis toujours en désaccord avec vous. Mais il me semble que le débat commence à tourner en rond. Nous ne parviendrons pas à un
    accord, mais ce n’est pas grave, cet échange fut intéressant à mon avis. J’insiste seulement sur un point.

    Votre réponse illustre très précisément ce que je voulais dire, et je le maintiens : l’expression « il n’y a pas de raison de penser que » est légitime, ou pas,
    en fonction de ce à quoi on l’applique. Mon point était celui-là, tout simplement : il n’est pas légitime de reprocher l’usage de l’expression en soi, mais bien, éventuellement, de reprocher
    d’avoir utilisé l’expression dans un cas où elle ne s’applique pas valablement comme argument en faveur d’une thèse. Lorsque je disais que les auteurs que vous avez cité utilisent certainement
    cette expression, car il n’y aurait pas de raison de penser le contraire, j’écrivais cela pour la plaisanterie, mais j’ai prouvé que Mitterand, par exemple, a utilisé l’expression, ce qui me
    semblait suffisant. Combien d’exemples voulez-vous ? J’ai également donné un exemple hypothétique et très simple d’usage de cette expression qui me semble
    raisonnable.

    Vous dites qu’on ne peut pas refiler la charge de la preuve à l’adversaire lorsqu’il s’agit de prouver l’existence de quelque chose (puisque l’adversaire ne peut
    pas prouver son inexistence), mais cela ne fonctionne que pour réfuter ma plaisanterie ci-dessus, pas pour ce qui concerne la discussion de départ où je disais (pour résumer le propos de Chomsky
    — je n’affirme rien pour ma part, je le répète, je ne connais pas le dossier, mais ce qui nous intéresse ici est la structure argumentative) : « le gvt US signe des accords qui placent ses
    compagnies pétrolières en avant par rapport à la concurrence, et il n’y a pas de raison de penser qu’elles auraient été privilégiées par rapport aux concurrents chinois et autres de façon aussi
    nette si les États-Unis n’avaient pas la main mise militaire sur le pays ».

    Dire que c’est l’utilisation de cette expression comme preuve qui ne va pas, et non son utilisation tout court, est vide de sens : l’usage de cette expression ne
    peut se faire que pour retourner la charge de la preuve, c’est le sens même de cette expression. Lorsque
    un argumentateur accusé d’être complotiste utilise cette expression, tout comme lorsque Mr Mitterrand l’utilise, c’est dans ce sens, dans le sens d’un argument soutenant une thèse. Un argument
    trivialement simple, disant simplement que la thèse est a priori plus crédible que la thèse inverse, et qu’il revient donc à l’adversaire de la démonter s’il le peut ; mais c’est un argument
    quand-même. Est-il valable ou non ? Cela dépend du contexte, de la réponse à la question : est-il légitime, dans le cas présent, de faire remarquer à l’adversaire que la charge de la preuve lui
    revient, ou pas ?

    Vous parlez d’un moyen de refiler « en général abusivement » la preuve à l’adversaire. Il faudrait faire une étude statistique sur l’usage de cette expression
    pour prouver que son usage est « en général abusif », mais même en supposant que le résultat de cette étude vous soit favorable, cela vous permettrait-il de discréditer
    toutusage de cette expression ? Non, car ce « en général » me donne raison : il faut regarder l’emploi de l’expression dans son contexte, non pas
    l’emploi de l’expression seul, pour savoir s’il est abusif. On ne peut pas repérer un texte participant d’une théorie du complot simplement à l’apparition de cette expression dans le texte ; il
    faut regarder si son emploi est valable, et donc donner des arguments dépendant du contexte de la discussion.

    • Descartes dit :

      Votre réponse illustre très précisément ce que je voulais dire, et je le maintiens : l’expression « il n’y a pas de raison de penser que » est légitime, ou pas, en fonction de ce à quoi on
      l’applique.

      Nous sommes d’accord, et je pensais avoir été clair là dessus: elle devient illégitime lorsqu’elle est utilisée comme preuve inverse, c’est à dire, lorsque “on n’a pas raison de penser que X est
      faux” est prise comme preuve que X est vrai. Ce que fait Chomsky dans l’artricle incriminé.

      Dire que c’est l’utilisation de cette expression comme preuve qui ne va pas, et non son utilisation tout court, est vide de sens : l’usage de cette expression ne peut se faire que pour
      retourner la charge de la preuve, c’est le sens même de cette expression.

      Non. On peut utiliser cette expression comme pure constatation. Quand je dis “il n’y a pas de raison de penser que Victor Hugo n’aimait pas les glaces”, je n’essaye de démontrer rien du tout. Je
      constate un fait, à savoir, que dans aucun des écrits, témoignages ou souvenir du grand homme rien ne permet d’arriver à cette conclusion. Cela n’implique nullement que j’essaye de prouver que
      Hugo aimait les glaces, ou bien que je refile la charge de preuve à qui que ce soit.

      Mais ce n’est pas le cas de Chomsky – et en général des complotistes. Et c’est précisement ce que je lui – leur – reproche.

      Lorsque un argumentateur accusé d’être complotiste utilise cette expression, tout comme lorsque Mr Mitterrand l’utilise,

      Je n’ai pas très bien compris ce que vient faire Mitterrand là dedans. Je ne vois pas à quelle occasion il aurait utilisé l’expression en question…

      Un argument trivialement simple, disant simplement que la thèse est a priori plus crédible que la thèse inverse, et qu’il revient donc à l’adversaire de la démonter s’il le peut ; mais c’est
      un argument quand-même

      Un très mauvais argument: le fait “qu’il n’y ait pas de raison de croire que X est fausse” n’implique nullement que la probabilité que X soit vraie est plus grande. Et l’argument devient
      malhonnête lorsque la “thèse inverse” est celle de l’inexistence, puisque l’inexistence (sauf lorsque celle-ci induit une contradiction logique) est impossible à prouver. Il y a là une règle
      fondamentale: l’inexistence se présume, et l’existence se prouve. Une des caractéristiques des “théories du complot” est justement d’inverser cette règle, pour ensuite refiler la charge de la
      preuve aux autres. Du coup, cela donne aux “théories de complot” un caractère irréfutable: il est impossible de prouver qu’un complot, quel qu’il soit, n’existe pas.

       

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