Chypre, miroir de l’Europe

La nouvelle a échappé à beaucoup de commentateurs. Le 19 mars, suite à la fermeture des banques chypriotes, un porte-parole du ministère de la Défense britannique a confirmé l’envoi d’un million d’euros en billets par avion spécial de manière à permettre au personnel britannique en poste sur l’île et à leurs familles de disposer d’argent liquide. Le même porte-parole a déclaré: “Nous sommes déterminés à faire tout notre possible pour minimiser l’impact de la crise bancaire à Chypre sur nos concitoyens”.

 

Cette déclaration ne fait que confirmer ce que les eurosceptiques ont dit depuis des années: l’Europe n’est pas une nation. Nous pouvons compter sur l’Europe pour nous expliquer comment il faut étiqueter la viande où installer les portes des ascenseurs. Mais quand les choses vont mal, quand la situation est critique, quand les citoyens ont besoin de l’appui et de la solidarité de leurs concitoyens, ce n’est pas sur l’Europe qu’ils peuvent compter. Ce n’est que de leur bonne vieille nation, cette pelée, cette galeuse dont on faisait il n’y a pas si longtemps – certains le font encore – l’incarnation de “l’égoïsme”, du “repli” (1), que peut venir le salut. Et si votre nation, celle dont vous êtes citoyen et qui vous doit de ce fait une solidarité inconditionnelle, n’a pas les moyens de vous protéger, vous êtes, comme on dit vulgairement, dans la merde. A-t-on entendu un représentant de l’Union Européenne déclarer que “nous sommes déterminés à faire tout notre possible pour minimiser l’impact de la crise bancaire de Chypre sur les citoyens européens” ? A-t-on vu Bruxelles envoyer des billets pour permettre aux citoyens européens en poste dans l’île de disposer des liquidités ? Bien sur que non. L’Europe est muette sur cette question pourtant essentielle. Lorsqu’elle parle de protéger, c’est des consommateurs qu’elle parle, pas des citoyens.

 

On ne le martèlera jamais assez: ce qui fait une nation, c’est cette solidarité inconditionnelle et abstraite qui unit ses citoyens. Celle qui fait que je suis prêt spontanément à mettre la main à la poche pour aider quelqu’un que je ne connais pas et que je ne connaîtrai vraisemblablement jamais, que je n’ai jamais vu et que je ne verrai jamais, mais qui se trouve parler la même langue, avoir les mêmes références, accepter les mêmes lois et être prêt à mourir pour les mêmes choses que moi. Et accessoirement – si je peux dire – est prêt à montrer demain à mon égard la même solidarité que moi envers lui aujoud’hui. Cette solidarité va tellement de soi que le Ministère de la Défense britannique envoie l’argent à ses concitoyens sans demander le vote ou l’avis de personne. Il n’y a même pas à discuter.

 

L’affaire chypriote est passionnante à regarder, parce que c’est un miroir du fonctionnement – et des dysfonctionnements – non seulement du système européen, mais aussi de la pensée politique nationale, et notamment à gauche.

 

Commençons avec le fonctionnement européen. Chypre est l’exemple type d’une économie de rente. Ici, la source de la rente est le secret bancaire, et la position hitstorico-géographique qui a permis à Chipre de devenir une place financière offshore. Et aussi longtemps que cela a marché, personne n’y a trouvé à redire. Dans les négociations qui ont présidé à l’entrée de Chypre dans l’UE et dans l’Euro, personne n’a songé à s’interroger sur la pérennité de la “rente” financière, et des problèmes que pourrait poser une économie aussi dysfonctionnelle. Car les économies de rente sont toujours fragiles: elles dépendent de la santé de la “rente” en question. Pour Chypre, l’explosion de la “bulle” financière en 2008 marque le début de la fin. Le mécanisme qui fait que la mauvaise monnaie chasse la bonne, bien connu des économistes, a joué à plein: pour attirer l’argent, il a fallu maintenir les rendements, pour maintenir les rendements, il a fallu aller chercher des titres de plus en plus risqués, et notamment les emprunts d’Etat grecs. La crise grecque avec son défaut partiel a fini par pousser les banques dans l’abîme.

 

On retrouve dans cette situation le même dilemme qu’en Irlande ou en Islande: faut-il laisser les banques faire faillite – ce qui implique que les déposants perdent leur argent et entraîne une défiance durable dans le système bancaire plus une contagion éventuelle sur les autres banques – ou faut-il au contraire les sauver aux frais du contribuable, avec le risque d’aléa moral que cela implique ? En 1929, les libéraux ont fait le choix de dire que le sort des banques n’était pas l’affaire du contribuable, et qu’elles n’avaient qu’à payer leurs folies. Paradoxalement, c’est exactement le même langage que tient aujourd’hui une partie de la gauche “alternative” ou “radicale”. Le problème, c’est qu’on a vu ce que cela donne en 1929: l’effondrement du système bancaire a provoqué la grande dépression. Des millions de petits épargnants ont perdu leur argent, et ont ensuite refusé de confier leurs économies aux banques. Celles-ci, sans dépôts, n’avaient plus le moyen de financer l’activité économique. Il fallut des mesures radicales pour rétablir la confiance dans le système bancaire (séparation des activités spéculatives des activités de dépôt dans la loi Glass-Steagall, institution d’une garantie des dépôts…), des années de désordre et une guerre mondiale pour remettre le système financier d’aplomb. Aujourd’hui donc, il faut choisir pour Chypre entre le laisser-faire ou l’intervention publique. Le laisser-faire étant jugé désastreux, il reste l’intervention. Mais comment la financer ? Il n’y a que deux sources: l’emprunt et l’impôt. L’emprunt est limité par les capacités de remboursement du pays. L’impôt, lui, est limité par la capacité contributive des chypriotes mais aussi et surtout par l’acceptation de la population.

 

Et c’est là que l’affaire devient politique. Posons la question franchement: les chypriotes ont vécu pendant des années richement alors que les activités productives à Chypre ne produisait pas le dixième de ce qui était consommé. Un peu comme une personne qui aurait trouvé un puits de pétrole dans son jardin (2). Tant que le pétrole dure, vous vivez comme un pacha. Mais avez-vous le droit, le jour où le gisement se tarit, d’exiger de l’Etat qu’il maintienne votre niveau de vie ? Non, non et mille fois non. Pire: si vous étiez convaincu que votre gisement valait deux millions et qu’il n’en vaut qu’un, êtes vous fondé à demander à l’Etat de vous payer la différence ? Encore moins.

 

Et bien, c’est exactement cela qui se produit à Chypre. Sauf que le pétrole, ici, c’est la finance. Les comptes en banque des chypriotes, dont on entend tant parler, c’est exactement comme le gisement de pétrole mal estimé. En fait, cet argent n’existe plus. Il a été perdu depuis longtemps dans les investissements qui n’ont pas payé, et notamment dans les titres grecs. Il subsiste sous forme d’écriture dans les banques, mais celles-ci n’ont plus la contrepartie. L’idée de taxer les dépôts n’est qu’une manière de dire: “écoutez, cet argent n’existe pas: là où vous croyiez avoir un million, vous n’avez en fait que 900.000. On va donc écrire que vous avez 900.000, et voilà” (3). C’est, dans le monde inflexible de l’Euro, une manière de faire de l’inflation virtuellement: l’inflation réduit la valeur de la monnaie, et donc celle des dépôts bancaires. Une inflation de 10% équivaut à un prélèvement sur tous les dépôts de 10%. Ce qui est remarquable, c’est que lorsque le prélèvement est inflationnaire, personne ne se scandalise, alors que lorsqu’on prélève un impôt équivalent, on entend les cris d’orfraies de “confiscation”, “atteinte à la propriété” et autres balivernes.

 

Je suis peu suspect de bienveillance envers les politiques européennes et les “troïkas” de même origine, mais pour une fois ces gens détestables ont parfaitement raison. Un système dans lequel on laisse les gens vivre de la roulette tout en garantissant leurs pertes est non seulement irrationnel, il est profondément immoral. Et au demeurant, les taux d’imposition initialement proposés sont raisonnables: 6,6% en dessous de 100.000 €, 9,9 % au delà. Pour un humble travailleur français qui aurait son livret A trois mois de salaire moyen, cela représente 120 €. Ce n’est pas la mort.

 

Mais il y a le fond, et puis il y a la forme. Et sur la forme, les institutions européennes autant que l’Allemagne se sont montrées, comme à leur habitude, incroyablement arrogantes et bornées, rendant du même coup leur proposition illisible. En imposant ce qui apparaissait comme un diktat, en ignorant les avertissements du premier ministre chypriote sur l’impossibilité de le faire voter par son parlement comme si le vote positif allait de soi, en réagissant au vote négatif du parlement par l’annonce d’un “blocus monétaire” de la BCE, l’Europe est apparu – alors que pour une fois elle part d’un constat raisonnable – comme ce qu’elle est: une machine à contraindre les nations à appliquer les politiques décidées par l’Allemagne. Le fait que cette politique soit pour une fois justifiée ne change rien à l’affaire: dans une démocratie, on ne peut imposer, il faut convaincre. La “troïka” a voulu au contraire jouer la position de force, avec l’habituel chantage au chaos. Cela n’a pas marché.

 

Pourquoi ? Non pas, comme nous le racontent les thuriféraires de la “révolution citoyenne”, parce que le peuple chypriote aurait un niveau de conscience particulièrement élevé. Cela n’a pas marché parce que contrairement à ce qui s’est passé en Grèce, il s’agissait de faire peur à un système politique où les classes moyennes rentières sont dominantes. Or, l’expérience a abondamment montré que la menace du chaos ne marche pas avec ces couches-là. Ces couches sont prêtes à mettre le monde à feu et à sang plutôt que de voir quelqu’un toucher à leur niveau de vie. Ceux qui ont essayé de le faire ont généralement mordu la poussière: ce fut le cas en 2001 en Argentine lorsque le gouvernement a été obligé de sortir de la “convertibilité” qui assurait aux classes moyennes un dollar – et donc des produits importés et des voyages – bon marché, au prix de la ruine de l’appareil productif. Les classes moyennes sont sorties avec les “casseroles” et ont provoqué la chute du gouvernement. Ce fut le cas chez nous avec le mouvement des “pigeons”. Politiquement, toucher les couches populaires est bien moins dangereux, et c’est ce que font la plupart des gouvernements. Mais le gouvernement chypriote, parce que c’est une économie de rente qui a généré une classe moyenne disproportionnée, n’a pas trop le choix. On l’a d’ailleurs bien vu: la proposition de passer le plancher de l’impôt à 20.000 € n’a rien changé: c’est le principe de l’impôt, l’idée même qu’on puisse taxer le patrimoine, qui fait scandale.

 

Cela explique aussi pourquoi la “gauche radicale” française réagit à cette situation avec une vision caricaturale ou les “(petits) épargnants chypriotes” se battent contre les méchants qui veulent mettre leurs mains griffues sur leurs “économies d’une vie de travail”, alors qu’en toute logique idéologique elle devrait au contraire être plutôt favorable à l’opération. Après tout, n’a-t-elle pas défendu mordicus l’impôt sur la fortune, qui est lui aussi un impôt sur le patrimoine ? Franchement, combien de prolétaires ont sur leur compte 100.000 € (ou 20.000 €, dans une version révisée du plan) ?

 

Mais la “gauche radicale” répond moins à une cohérence idéologique qu’à deux impulsions qui souvent la contredisent. La première, c’est ce qu’on pourrait qualifier de “réflexe réactif”. L’injonction de “conflictualiser” tout discours oblige toujours à se placer dans le trottoir d’en face. Si Draghi ou Barroso disent “c’est bon”, c’est que ça doit être mauvais. Si Le Pen dit qu’il fait jour à midi, il faut dire qu’il fait nuit. Lorsque la droite lance le débat pour l’interdiction du port du voile intégral dans les lieux publics, le NPA se sent obligé de présenter une candidate voilée. Si Marine Le Pen fait campagne pour la sortie de l’Euro, le FdG devient europhile. Ce fonctionnement infantile est désastreux: il empêche de penser. C’est un fonctionnement aliéné au sens strict du terme, puisqu’on se condamne à n’être que le miroir de l’autre en mimant ses mouvements inversés.

 

La  seconde impulsion est bien plus embêtant, et tient à la composition sociologique de la gauche dite “radicale”. On ne comprend cette gauche s’érigeant en défenseur de la propriété privée et de l’intangibilité des comptes en banque que si l’on réalise que ses militants et ses électeurs appartiennent aujourd’hui à la couche sociale qui a des comptes en banque bien garnis. La fiscalisation des comptes en banque chypriotes brise un tabou auquel ces couches tiennent comme à la prunelle de leurs yeux. Le plus drôle est que ce tabou met pour une fois dans le même camp les néo-libéraux les plus extrêmes et les soi disant “antilibéraux” les plus radicaux. Comme quoi, quand les intérêts parlent, même les réflexes réactifs se trouvent modérés… Je me demande comment les “enragés” de 1968 auraient réagi si on leur avait dit que leurs héritiers défendraient le droit intangible des épargnants. On a envie de citer l’adresse de Jouhandeau aux enragés de mai 1968: “rentrez chez vous, dans vingt ans vous serez tous notaires”. C’était prémonitoire.

 

Les classes moyennes commencent à avoir peur. Elles se rendent compte que les digues qui la protègent, et qu’elles considéraient sûres puisque protégées par l’Union européenne, sont en fait friables. En proposant de toucher au patrimoine, l’UE a franchi une barrière importante, presque identitaire. Les classes moyennes savent maintenant que le système ne les protège pas. Et croyez moi, elles ne l’oublieront pas.

 

 

Descartes

 

 

(1) Souvenez-vous des déclarations de Cohn-Bendit et consorts sur les “égoismes nationaux” qui empêchaient l’apparition d’une véritable politique européenne. Quant au “repli”, c’est le leitmotiv de Mélenchon et Laurent à chaque fois qu’ils ont à répondre sur une éventuelle sortie de l’Euro.

 

(2) Aux Etats-Unis, parce qu’en France les richesses du sous-sol appartiennent à l’Etat et si vous trouvez du pétrole dans votre jardin, vous ne toucherez qu’une toute petite partie de sa valeur. Ce qui explique pourquoi le développement des gaz de schiste est si rapide outre-atlantique et si lent chez nous…

 

(3) Le mécanisme utilisé est plus compliqué, mais le résultat est le même: au lieu de changer l’écriture, l’Etat prélève par jeu d’écritures les 100.000 euros de l’impôt, puis par un deuxième jeu d’écritures le donne à la banque sous forme de recapitalisation.

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36 réponses à Chypre, miroir de l’Europe

  1. CVT dit :

    Bonjour Descartes,

    je me demandais quand est-ce que vous alliez réagir à l’actualité. Le système européiste est tout de même en train de
    craquer, non?

    Je serais presque d’accord avec vous à propos du fait que, d’une manière ou d’une autre, qu’il y ait faillite ou sauvetage des banques, les Chypriotes devraient payer la note. Mais taper
    directement dans les dépots, comme cela a été exigé par la Troïka sur proposition du ministre des finances chypriote, c’est ni plus ni moins que du racket!

    Comme vous le disiez-vous même, un état correct doit garantir, en cas de faillite, les dépôts bancaires et non les raboter! Si on choisit de sauver les banques, l’alternative normale
    serait plutôt de lever un impôt exceptionnel: en effet, le consentement du peuple ou de ses représentants est essentiel. Maintenant, c’est vrai, on parle de Chypre: des gens qui sont prêts à
    retirer en masse leur argent de leur banque et ainsi provoquer une panique bancaire, tout ça parce qu’on leur prélève un tout petit bout de leurs avoir, me font franchement douter de leur sens
    civique…

    Je vous trouve un peu dur avec les Chypriotes, car ils ne sont pas comptables de la gestion de leur banques. En revanche, là où je suis d’accord avec vous, c’est qu’ils ont voté pour des
    gouvernements qui ont laissé exploser la bulle financière, voire qui l’ont favorisée en faisant entrer le pays dans la zone euro. Ils auraient dû réglementer depuis longtemps, selon vous l’avez
    dit, leur industrie financière, ainsi que la marine marchande, est une vraie rente de situation… Autre qestion: que faisait la BCE quand la bulle financière enflait?

    Ii y a quelque chose dont je m’étonne que vous n’ayez pas parlé, c’est de la tonalité russophobe de l’affaire: pour faire passer la pilule auprès des opinions publiques des autres états
    européens, la Troïka a vendu la ponction des dépôts dans les banques chypriotes comme une taxe contre les oligarques… Or, j’ai l’impression que cette manoeuvre, qui est un mauvais remake de
    guerre froide, a été malhabile et surtout contreproductive. Malhabile car elle a froissé la Russie, qui a menacé de diminuer ses avoirs libellés en euro du trésor russe, et surtout
    contre-productive car elle risque de jeter les Chypriotes dans les bras des Russes. En effet, contrairement à bien des pays européens, solidarité orthodoxe oblige, les Chypriotes considèrent la
    Russie comme un protecteur, quasiment au même titre que la Grèce! Par exemple, la Russie pourrait racheter les banques chypriotes, également prendre des parts sur les futurs gisements de gaz
    qu’elle possède, et au final, larguer les amarres avec l’UE. Plutôt que de céder à la Troïka, j’ai l’impression que c’est ce scénario qui se dessine…

    Sinon, dernière remarque: vous avez souvent dit que les classes moyennes étaient prêtent à jeter les plus pauvres dans la gueule du crocodile pour sauver leur peau, tant qu’elles en trouvaient.
    Votre métaphore me fait plutôt penser à un discours de Margaret Thatcher il y a trente ans sur le train qui est ralenti par les wagons de queue. Contrairement à ce que j’avais longtemps pensé,
    ces propos s’adressaient aux classes moyennes britanniques. Seulement voilà, on sait depuis longtemps qu’à force de décrocher des voitures de queue, sans même s’apercevoir qu’on est toujours
    derrière une autre voiture, on finit  soi-même par devenir le wagon de queue. Et alors là, quand vous êtes décroché, il est déjà trop tard! Je crois qu’on est arrivé à ce point-là: les
    classes moyennes européennes s’aperçoivent qu’elles sont en train de décrocher (“les Indignés”, donc souvent des enfants des classes moyennes, en sont l’exemple le plus spectaculaire). Vue le
    saccage de la société qu’elles ont provoqué pendant 40 ans pour maintenir leurs positions, je comprends un peu la tonalité de votre conclusion: elle est effrayante! Selon vous, quelles nouvelles
    menaces les fameuses classes moyennes faire peser? Des dictatures, comme dans les pays du tiers-monde? Nous y sommes déjà plus ou moins… Je n’ai pas assez d’imagination, mais j’ai l’impression
    que la prophétie décrite par Emmanuel Todd dans son livre “Après la démocratie” est en passe de se réaliser …

    • Descartes dit :

      je me demandais quand est-ce que vous alliez réagir à l’actualité

      On fait ce qu’on peut ! Ce blog finit par prendre tellement de temps que je ne peux en fait écrire qu’une fois par semaine… j’ai un boulot, moi ! 😉

      Le système européiste est tout de même en train de craquer, non?

      Oui, sans doute. Ce serait une bonne chose s’il y avait une idéologie claire à mettre à la place, et un mouvement politique solide pour prendre la chose en main. Ce qui m’inquiète, c’est que le
      système craque mais les seuls qui soient aujourd’hui en mesure de profiter du naufrage sont plutôt du côté de la réaction. Je me sens un peu comme l’esclave qui entend craquer le bateau qui le
      transporte dans une eau infestée de requins. Ok, si le bateau coule, on sera libres. Mais libres d’être mangés par qui ?

      Je serais presque d’accord avec vous à propos du fait que, d’une manière ou d’une autre, qu’il y ait faillite ou sauvetage des banques, les Chypriotes devraient payer la note. Mais taper
      directement dans les dépots, comme cela a été exigé par la Troïka sur proposition du ministre des finances chypriote, c’est ni plus ni moins que du racket!

      Et il faudrait “taper” dans quoi ? Dans les revenus ? Dans la consommation ? C’est quand même curieux cette tendance des gens progressistes à préférer la taxation de l’activité plutôt que celle
      du patrimoine… Je trouve cela très intéressant, cette tendance gauche et droite confondue à sacraliser le patrimoine – et donc l’héritage, on l’a vu avec les débats sur le mariage homosexuel.

      Comme vous le disiez-vous même, un état correct doit garantir, en cas de faillite, les dépôts bancaires et non les raboter!

      Ais-je dit ça ? Non, je ne crois pas. La garantie des dépôts n’est pas une question de “correction”, mais une question de logique économique. Notre système fonctionne fondamentalement sur la
      confiance. Nous avons confiance, lorsqu’on nous paye avec un billet, que ce billet sera demain – et après demain, et après après demain – accepté par n’importe quel commerçant en paiement. Nous
      avons confiance, lorsque nous déposons nos économies dans une banque, que celle-ci nous les remettra intactes sur simple demande. Nous avons confiance, lorsque quelqu’un nous remet un chèque, que
      ce chèque sera payé sur simple présentation. Ces formes de confiance ont une énorme valeur. Si elles n’existaient pas, le système économique serait infiniment moins efficient. C’est pourquoi il
      est de l’intérêt général que cette confiance soit sauvegardée. S’il arrivait par malheur que lors d’une faillite bancaire les petits déposants perdent leurs dépôts, un précédent serait établi et
      la confiance qui va avec serait perdue. Personne n’y a intérêt, et c’est pourquoi on est tous prêts à financer des systèmes de garantie. Ce n’est pas une question de correction, mais d’intérêt
      général bien compris.

      Maintenant, nous acceptons tous le droit de l’Etat – au nom de la collectivité – de “raboter” notre revenu et notre patrimoine de différentes manières. Pourquoi les dépôts bancaires devraient-ils
      être exclus ?

      Si on choisit de sauver les banques, l’alternative normale serait plutôt de lever un impôt exceptionnel: en effet, le consentement du peuple ou de ses représentants est essentiel.

      Sauf erreur de ma part, c’est ce qui était proposé: un impôt exceptionnel sur les dépôts bancaires sur deux tranches. A mon sens, l’erreur ne réside pas dans le fait de toucher au patrimoine,
      mais de le toucher différement en fonction de la forme qu’il prend: avec le système proposé à Chypre, ceux qui ont leur patrimoine sous forme de dépôt bancaire paient la taxe, ceux qui l’auraient
      sous forme de diamants dans un coffre ou de propriété immobilière ne payent pas. Cela viole le principe fondamental d’égalité devant les charges publiques.

      Maintenant, c’est vrai, on parle de Chypre: des gens qui sont prêts à retirer en masse leur argent de leur banque et ainsi provoquer une panique bancaire, tout ça parce qu’on leur prélève un
      tout petit bout de leurs avoir, me font franchement douter de leur sens civique…

      Faut pas trop demander…

      Je vous trouve un peu dur avec les Chypriotes, car ils ne sont pas comptables de la gestion de leur banques. En revanche, là où je suis d’accord avec vous, c’est qu’ils ont voté pour des
      gouvernements qui ont laissé exploser la bulle financière, voire qui l’ont favorisée en faisant entrer le pays dans la zone euro.

      Vous donnez vous même la réponse. Les chypriotes ont voté pendant des années et sans se poser des questions des gouvernements qui ont alimenté la bulle financière avec une législation fiscale
      parmi les plus opaques et favorables au capital de l’UE. Pourquoi tous ces gens qui sortent dans les rues maintenant ne sont pas sortis alors pour exiger une véritable politique économique qui ne
      répose pas sur la rente ? Pourquoi les partis politiques français qui proclament à longueur de textes leur solidarité avec le peuple chypriote n’ont pas réagi quand tout allait bien ?

      Autre qestion: que faisait la BCE quand la bulle financière enflait?

      Difficile de blâmer la BCE: sa mission, telle qu’elle figure dans les traités, est la politique monétaire et l’objectif d’inflation. Pas la surveillance du système financier. Ce sont les
      gouvernements nationaux qui ont failli. Mais ils ont des circonstances attenuantes: la libre circulation des capitaux et l’indépendance de la banque centrale les ont privés des instruments
      essentiels pour “dégonfler” la bulle…

      Ii y a quelque chose dont je m’étonne que vous n’ayez pas parlé, c’est de la tonalité russophobe de l’affaire:

      C’est un aspect un peu disconnecté de mon papier, qui ne prétendait pas être exhaustif sur la question chypriote. Bien entendu, Chypre est sur la ligne de fracture entre la zone d’influence
      européenne et la zone d’influence russe. De plus, avec les réserves de gaz découvertes au large de Chypre, on rentre dans la problématique de la diplomatie du gaz, où la Russi est un acteur
      primordial. Personnellement, je pense que Bruxelles craint que les Russes puissent utiliser Chypre comme “cheval de Troie” dans l’Union Européenne. Si l’on accepte cette théorie, un objectif
      secondaire de l’opération de taxation des dépôts pourrait être de faire partir les investisseurs russes et de diminuer donc l’influence des intérêts russes sur le gouvernement chipriote. Ca n’a
      pas marché là encore, et on a créé le risque que Chypre, trouvant des conditions financières moins draconiennes chez les russes, tombe encore plus sous leur influence…

      Votre métaphore me fait plutôt penser à un discours de Margaret Thatcher il y a trente ans sur le train qui est ralenti par les wagons de queue. Contrairement à ce que j’avais longtemps
      pensé, ces propos s’adressaient aux classes moyennes britanniques.

      Tout à fait. Avec nos lunettes françaises, on a tendance à voir en Thatcher un gouvernant acquis aux intérêts du “Grand Kapital”. Mais de n’est pas vrai: Thatcher marque au contraire la victoire
      des classes moyennes britanniques et leur alliance avec la bourgeoisie contre les couches populaires.

      Seulement voilà, on sait depuis longtemps qu’à force de décrocher des voitures de queue, sans même s’apercevoir qu’on est toujours derrière une autre voiture, on finit  soi-même par
      devenir le wagon de queue. Et alors là, quand vous êtes décroché, il est déjà trop tard! Je crois qu’on est arrivé à ce point-là:

      Ca dépend où.En Grèce, en Espagne, à Chypre on y est. En France, en Italie, en Allemagne, il y a encore des marges. L’Europe n’est pas un tout, et c’est pourquoi il est difficile de parler de
      “classe moyenne européenne”.

      Selon vous, quelles nouvelles menaces les fameuses classes moyennes faire peser?

      Je ne sais pas… mais l’expérience des années 1930 montre que les classes moyennes apeurées sont extraordinairement dangereuses…

       

  2. CVT dit :

    Et il faudrait “taper” dans quoi ? Dans les revenus ? Dans la
    consommation ? C’est quand même curieux cette tendance des gens progressistes à préférer la taxation de l’activité plutôt que celle du patrimoine… Je trouve cela très intéressant, cette
    tendance gauche et droite confondue à sacraliser le patrimoine – et donc l’héritage, on l’a vu avec les débats sur le mariage homosexuel.

    Je voulais parler de taxer les revenus, bien entendu, mais de façon progressive. Sinon, j’ai compris que le plan de sauvegarde consistait à prélever directement sur les comptes en banques,
    et non sur le travail!

    Par contre, si vous aviez un moyen de taxer le patrimoine, je suis preneur ! Le problème, dans le cas de Chypre,
    c’est l’urgence: un impôt sur le patrimoine est difficile à mettre en place à chaud. L’impôt sur la fortune en France nous en administre la preuve…

    Détrompez-vous, je suis pour l’euthanasie du rentier, et par conséquent, tout ce qui peut lui rendre la vie difficile me convient. Par exemple, je suis férocement contre une transmission trop
    importante de l’héritage, et un fervent partisan de l’impôt sur les transmissions. Sans ce type d’impôt, une caste de privilégiés renaîtra aussitôt: même des milliardaires comme Bill Gates ou
    Warren Buffet sont partisans d’un impôt conséquents sur l’héritage afin que les descendants vivent de leur travail et non d’une rente. Seulement contrairement aux gauchistes, je ne milite pas
    pour une spoliation des riches, je suis juste pour qu’on favorise le travail au lieu de la rente: s’enrichir par le travail n’est pas rédhibitoire…

    C’est bizarre que vous affirmez que la gauche vise peu le patrimoine, car après tout, c’est bien elle qui a mis en place l’impôt sur la fortune, impôt basé principalement sur le patrimoine…

    • Descartes dit :

      Par contre, si vous aviez un moyen de taxer le patrimoine, je suis preneur

      Les comptes en banque, c’est pas du patrimoine ?

      C’est bizarre que vous affirmez que la gauche vise peu le patrimoine, car après tout, c’est bien elle qui a mis en place l’impôt sur la fortune, impôt basé principalement sur le
      patrimoine…

      La gauche opère une subtile distinction entre la fortune et le patrimoine. Ainsi, le patrimoine ne serait taxable que lorsqu’il dépasse un seuil – par ailleurs relativement élevé. En deça de ce
      seuil, il est sacré. Par ailleurs, l’impôt sur la fortune crée par la gauche est largement symbolique.

  3. J. Halpern dit :

    Bonjour Descartes,

    Je te trouve bien compréhensif à propos du plan initial de taxation des dépôts. Il  représentait une tentative désespérée de préserver la rente financière que tu dénonces
    justement. Il est entendu que l’euthanasie du rentier est une necessité, et que les épargnants chypriotes n’appartiennent pas au prolétariat. Mais la vraie question est ailleurs.

     Déroger à la garantie des dépôts revient à précipiter les “bank run” à chaque menace de faillite bancaire – la fragilité systémique du système bancaire a été considérablement accrue pour 7
    petits milliards (à comparer aux mille milliards récemment débloqués par la BCE pour sécuriser le dit secteur bancaire…). Il y a là pour le moins une incohérence, d’autant que je ne pense pas
    que la Troïka ou la BCE aient un “plan B” en cas de panique bancaire…

    Il y aurait pourtant une autre logique : considérer que le sauvetage des banques par la BCE aurait comme contrepartie l’émission d’actions au profit de cette dernière. Les banques “faillies”
    n’entraîneraient pas l’économie entière dans la spirale déflationniste, mais l’aléas moral qu’elles représentent serait levé, et les états auraient les mains libre pour restructurer et
    re-réglementer cette activité. Nationaliser les banques et garantir les dépôts donc, quitte à ce que l’opération de monétisation des pertes taxe indirectement les déposants via l’inflation. C’est
    malheureusement ce que gouvernement Chypriote et les dirigeants européens veulent éviter à tout prix.

     

    • Descartes dit :

      Je te trouve bien compréhensif à propos du plan initial de taxation des dépôts. Il  représentait une tentative désespérée de préserver la rente financière que tu dénonces
      justement.

      Bien entendu que je suis “compréhensif”. Que le gouvernement chypriote cherche à sauver la seule ressource qu’il a, à savoir la rente, cela me paraît parfaitement “compréhensible”. Et d’ailleurs,
      quelles sont les alternatives ? Sortir d’une économie de rente, cela ne se fait pas en un jour. Comme l’héroine pour les individus, la rente génère dans les sociétés une dépendance, et le sévrage
      est très, très pénible. Je n’ai peut-être pas insisté suffisamment sur cet aspect dans mon papier sur le système chaviste. Pour moi, l’aspect le plus critiquable de ce régime est d’avoir augmenté
      la dépendace à la rente. Avec le risque d’une crise générale si celle-ci diminue. Mais dans le cas de Chypre, il faut faire la différence entre le court terme et le long terme. A court terme, il
      n’y a pas d’alternative: il faut percer la “bulle” financière. Et cela suppose l’évaporation d’une partie du patrimoine “virtuel” des chypriotes.

      Il est entendu que l’euthanasie du rentier est une necessité, et que les épargnants chypriotes n’appartiennent pas au prolétariat. Mais la vraie question est ailleurs.

      Si l’euthanasie du rentier est une nécessité, alors la “vraie question” n’est pas ailleurs. On ne peut vouloir euthanasier le rentier et d’un autre côté le défendre…

      Déroger à la garantie des dépôts revient à précipiter les “bank run” à chaque menace de faillite bancaire – la fragilité systémique du système bancaire a été considérablement accrue pour 7
      petits milliards (à comparer aux mille milliards récemment débloqués par la BCE pour sécuriser le dit secteur bancaire…). 

      Je pense que tu fais une erreur d’analyse lorsque tu affirmes qu’on a dérogé à la garantie des dépôts. Un système dans lequel pour chaque euro déposé on te garantit le remboursement de 90
      centimes reste un système de garantie. Ce qu’on se proposait de faire à Chypre, c’était de créer une taxe sur les dépôts. C’est à mon avis une erreur: si l’on veut taxer le patrimoine, il faut le
      taxer quelque soit sa forme, alors qu’une taxe sur un bien donné (les dépots, l’immobilier, les yatchs de luxe) ne fait que provoquer une ruée d’un actif vers l’autre. Mais c’est une erreur, et
      pas un scandale. En quoi la taxe sur les dépots serait-elle plus “scandaleuse” que l’impôt sur la fortune ?

      Quant à ta comparaison entre les 7 milliards manquant à Chypre et les 1000 milliards de liquidité injectées par la BCE… faut pas comparer les torchons et les serviettes. Les 1000 milliards,
      c’est de l’argent prêté à court terme pour résoudre un problème de liquidité. Cet argent a été remboursé avec intérêts. A Chypre, il s’agit de couvrir des pertes. C’est de l’argent qui ne sera
      jamais récupéré.

      Il y a là pour le moins une incohérence, d’autant que je ne pense pas que la Troïka ou la BCE aient un “plan B” en cas de panique bancaire…

      Ca c’est certainement vrai. Les institutions européennes ont toujours la conviction que le bon sens – c’est à dire, ce qu’elles proposent – finira toujours par s’imposer à la fin. Et elles sont
      toujours très surprises lorsque ce n’est pas le cas. Mais vous verrez, on bricolera bien quelque chose…

      Il y aurait pourtant une autre logique : considérer que le sauvetage des banques par la BCE aurait comme contrepartie l’émission d’actions au profit de cette dernière.

      C’est la logique de “nationalisation” – si l’on peut utiliser ce terme lorqu’il s’agit de la BCE. Seulement, une fois “nationalisée”, qu’est ce que la BCE est censée faire avec la banque en
      question ? La gérer ? La BCE n’a aucune compétence dans la matière. Et si c’est pour avoir des actions et laisser la gestion à d’autres, mieux vaut le système actuel dans lequel la BCE détient
      une obligation en contrepartie du sauvetage.

      Nationaliser les banques et garantir les dépôts donc, quitte à ce que l’opération de monétisation des pertes taxe indirectement les déposants via l’inflation.

      Vous savez bien que nous serons d’accord sur cette proposition. Malheureusement, elle suppose que les nations – car il n’y a pas de nationalisation sans nation – aient le contrôle de l’instrument
      monétaire. Autrement, comment faire payer les déposants via l’inflation ? Si la BCE effectue la monétisation, ce ne seront pas les déposant chypriotes, mais l’ensemble des déposant européens qui
      paieront.

      C’est malheureusement ce que gouvernement Chypriote et les dirigeants européens veulent éviter à tout prix.

      Non. Ni les uns ni les autres n’ont rien à “éviter”, parce que votre solution est impossible tant que l’Euro sera là. C’est bien là le problème: parce que l’Europe n’est pas une nation, les
      dirigeants européens n’ont ni l’intention ni la possibilité de faire jouer une solidarité générale de la zone euro. Ce qui exclut le sauvetage du système bancaire chypriote par injection à fonds
      perdus financée par l’inflation.

       

       

  4. marc malesherbes dit :

    Bonjour,

    j’aimerai intervenir également sur un point de détail, à savoir l’aspect “moral” de la taxation envisagée à Chypre des dépôts bancaires dés “le premier euro”.
    (je sais que l’aspect “moral” n’est pas le sujet du débat, et est tout à fait marginal))

    Il me semble que cette taxe, que l’on peut assimiler à un impôt sur la fortune, est inéquitable car il ne prend pas toute les composantes des avoirs personnels, et crée donc une inégalité entre
    les citoyens chypriotes (mais, comme cela a été dit dans des interventions précédentes, ce n’est sans doute pas facile à mettre en place à Chypre …)

    Par contre, elle serait équitable si on la présentait comme un versement exceptionnel (un emprunt remboursable à certaines conditions) destiné à empêcher la faillite des établissements dans
    lesquels on a mis son argent. Et ce serait légitime, car en cas de faillite de ces banques tous les déposants se trouveraient spoliés. Mais ceci montre qu’il n’y a pas de “garantie” européenne
    des dépôts en dessous de 100 000 euros, malgré les belles déclarations.

    Si la situation de nos banques devenait difficile, il y aurait lieu de s’en souvenir, et, dans la mesure du possible, de faire virer son solde courant sur des banques étrangères dans un pays
    voisin, comme l’Allemagne. Cela doit être assez facile avec les banques en ligne. Mais faut s’en occuper dés maintenant, car l’ouverture d’un compte demande toujours un certain délai, et il
    faudra être assez rapide.

    (je vais me renseigner auprès de Cahuzac qui doit savoir faire …)

    • Descartes dit :

      L’ennui, c’est que les emprunts, même obligatoires, il faut les rembourser. Avec des intérêts. Et en l’absence d’inflation, cela constituerait un fardeau que Chypre n’arriverait jamais à payer. A
      un moment où un autre, il faut dire aux gens la vérité. Si l’argent est perdu, à un moment où un autre il faudra qu’ils paient.

      Mais ceci montre qu’il n’y a pas de “garantie” européenne des dépôts en dessous de 100 000 euros, malgré les belles déclarations.

      Je ne vois pas d’où tu sorts ça. La garantie des dépôts s’applique au cas de faillite d’une banque. Et pour le moment, à Chypre, aucune banque n’a fait faillite. La garantie bancaire n’a jamais
      prétendu couvrir le risque de devoir payer un impôt. Après tout, l’impôt sur la fortune lui aussi touche les dépôts au dessus d’une certaine somme. En quoi cela est incompatible avec la “garantie
      des dépôts” ?

      Si la situation de nos banques devenait difficile, il y aurait lieu de s’en souvenir,

      Là, tu joues à te faire peur… on n’est pas dans la situation de Chypre. La France n’est pas une économie de rente, et cela ne risque pas d’advenir dans un futur proche. Aucune banque française
      ne s’est trouvé en situation critique et cela malgré toutes les crices de ces dernières années.

  5. Guguss69 dit :

    Un aparté vite fait : c’est André Gerin, alors député-maire communiste de Vénissieux, qui a proposé le premier d’interdire le port du voile intégrale dans les lieux publics, et non la droite. Il
    a d’ailleurs présidé la commission parlementaire sur le sujet… Ce qui lui a valu d’être qualifié de “rouge-brun” et de raciste sur tout les tons par la gauche de la gauche de gauche vraiment à
    gauche. Bon, retournons à Chypre.

    • Descartes dit :

      Honneur à qui honneur est du. Vous avez tout à fait raison, c’est André Gérin qui le premier a fait cette proposition. Proposition d’autant plus courageuse qu’il le mettait en porte-à-faux par
      rapport au “politiquement correct” qui règne à gauche en général et dans son parti en particulier.

  6. bernard dit :

    Bonjour Descartes , article tres intéressant et d ailleurs il est assez amusant de lire dans la presse que Melenchon choisit la souveraineté des peuples mais sans sortir de l euro et qu il ne
    faut pas laisser le fn s emparer de l espace public ! Il a de plus en plus un langage gauchiste d agitateur , selon lui c est la faute a hollande si le fn monte en puissance , Son mot d ordre
    sans le dire c est sauvons l Euro ! 

    • Descartes dit :

      J’avoue que j’aimerais comprendre pourquoi Mélenchon semble incapable d’aller au bout de ses propres idées. Est-ce par calcul ? Par fidélité pour son “père” en politique ? Par conviction sincère
      ? Je ne saurais le dire.

  7. Paul dit :

    Bonjour cher camarade,

    Je suis toujours très intéressé par les articles que tu publies, par les débats que ces articles provoquent, et impressionné par l’argumentation qui repose sur de solides informations, que ce
    soit pour toi ou pour bien des inteervenants sur ton blog.

    Me vient alors une demande personnelle: j’aimerais savoir par quels canaux tu prends tes infos. En effet, que ce soient les quotidiens de référence ou les radios du service public, je ne retrouve
    que le seul même discours de la pensée unique européiste. 

    Merci de me ( nous) livrer tes trucs et astuces ou ta démarche logique.

    • Descartes dit :

      Me vient alors une demande personnelle: j’aimerais savoir par quels canaux tu prends tes infos. En effet, que ce soient les quotidiens de référence ou les radios du service public, je ne
      retrouve que le seul même discours de la pensée unique européiste. 

      Le secret, c’est de tout lire. Malheureusement, les gens ont tendance à ne lire que ce qui fait plaisir. C’est à dire, le journal ou le bouquin qui dit ce qu’ils ont envie d’entendre. Il faut
      avoir le courage – et surtout la curiosité – d’aller lire des journaux et des livres écrits par des gens qui n’appartiennent pas à notre univers mental. Combien de militants de gauche ont pris la
      peine de lire les bouquins écrits par des anciens collaborateurs, par exemple ? Or, si l’on veut comprendre ce qu’était Vichy, on ne peut se priver de consulter cette source…

      Je prends aussi – c’est mon vice – le temps d’écouter avec les gens. J’adore discuter avec tout le monde, avec ma concierge comme avec un énarque. Et quand je discute, ce qui m’intéresse surtout
      est de comprendre comment l’autre pense. C’est mon vice. Si je titille les gens, si je les provoque, c’est pour observer leurs réactions. Même quand j’étais militant, je n’essayais pas convaincre
      les gens que je voyais en porte-à-porte. J’ai toujours pensé qu’on ne convainc personne en lui récitant un bréviaire. On ne convainc les gens qu’en essayant de penser avec eux.

  8. Joe Liqueur dit :

    En tant que défenseur d’un grand impôt (progressif) sur le capital, et du monopole d’Etat sur les activités bancaires et financières, et de la sortie de l’Union européenne, je ne peux
    qu’approuver ce billet ! Tu fais bien de préciser, à la fin, que tu parles des néolibéraux “les plus extrêmes”, parce que je crois pour le tout venant, on a plus souvent affaire – au moins en
    Europe – à la version ordolibérale dans laquelle le sauvetage des banques est une option qui s’impose assez naturellement. D’ailleurs c’est bien allemand, ça : la “soziale Marktwirtschaft”, qui
    est quand même plus “de marché” que “sociale”. Il est bien dommage, de mon point de vue, que l’UPR (et le Fd”G”) se soient jetés sur cette affaire avec une telle voracité. En même temps, ce n’est
    pas très étonnant ; hélas. Au fait je suis tombé hier sur ce montage vidéo qui m’a semblé faire écho à mon dernier billet : j’y vois un
    bon exemple de la manière dont “l’information-sur-internet” a tendance à prendre la forme d’une vilaine bouillie intellectuelle d’où il ne peut sortir que confusion, égarement et illusion.

     

    Une petite remarque à propos de l’Islande, mais plutôt sous forme de question : j’ai cru comprendre que dans le cas islandais, il avait été posible de laisser au moins une banque (Icesave) faire
    faillite, en garantissant néanmoins les dépôts des ressortissants islandais (mais pas ceux des Britanniques et des Néerlandais). Penses-tu que les deux situations, islandaise et chypriote, soient
    tout à fait comparables ? Je dirais que non (ne serait-ce que parce que l’économie islandaise possède une vraie base productive), mais je dois dire que je n’en sais pas bien long là-dessus. En
    tout cas, l’économie islandaise ne s’en est pas trop mal sortie. Mais pouvait-on envisager une solution comparable pour Chypre (aller à la faillite en garantissant seulement les dépôts des
    ressortissants… et sortir de l’euro, puisque ce serait sans doute une conséquence) ?

     

    Une dernière chose : j’ai appris aujourd’hui que Moscovici était juif, ce qui m’en touche une sans faire bouger l’autre… et aussi que ce brave Jean-Luc était peut-être une sorte de
    crypto-antisémite. Dieu saurait, s’il existait, que je peux pas blairer Mélenchon, ce social-démocrate inconséquent qui se fait passer pour un socialiste ; mais ici comme dans l’affaire Siné
    (dont je n’étais pas non plus un fan), l’association entre juif et finance internationale est faite par les procureurs et non par l’accusé. Donc les propos “nauséabonds”, qui
    nous-rappellent-les-heures-sombres-de-notre-histoire, etc, sont ceux de NKM et pas ceux de JLM – de même que c’étaient ceux de Val et non ceux de Siné. Ceux de Mélenchon sont simplement
    ridicules, après qu’il a fait élire les sociaux-traîtres et alors qu’il refuse toujours la sortie de l’Union européenne (à ma connaissance ; car ce communiqué pouvait peut-être laisser entrevoir un futur
    virage ?).

    • Descartes dit :

      Une petite remarque à propos de l’Islande, mais plutôt sous forme de question : j’ai cru comprendre que dans le cas islandais, il avait été posible de laisser au moins une banque (Icesave)
      faire faillite, en garantissant néanmoins les dépôts des ressortissants islandais (mais pas ceux des Britanniques et des Néerlandais). Penses-tu que les deux situations, islandaise et chypriote,
      soient tout à fait comparables ?

      Oui et non. Oui, dans le sens où la tentation est forte de sauver le système en faisant payer les étrangers. L’accord trouvé pour Chypre fait un peu la même chose que ce qui a été fait en
      Islande: liquidation des banques et garantie des dépôts jusqu’à 100.000 € (ce qui met les classes moyennes à l’abri) pour les nationaux, pertes abysmales pour les déposants étrangers.

      La différence est que l’Islande n’était pas dans l’Euro, et avait donc la possibilité de dévaluer la monnaie pour réfleter l’état réel de son économie. Chypre n’aura pas cette possibilité, et du
      coup n’aura pas la possibilité de relancer l’activité économique.

      Dieu saurait, s’il existait, que je peux pas blairer Mélenchon, ce social-démocrate inconséquent qui se fait passer pour un socialiste ; mais ici comme dans l’affaire Siné (dont je n’étais
      pas non plus un fan), l’association entre juif et finance internationale est faite par les procureurs et non par l’accusé.

      Je partage, sauf pour ce qui concerne Siné, qui est, lui, un véritable antisémite. Mais accuser Mélenchon d’antisémitisme, c’est proprement ridicule. Par contre, il y a une leçon à tirer de cette
      histoire, et c’est que l’homme politique doit être maître de ses passions. A force d’user et d’abuser de l’attaque ad-hominem et de la violence verbale, Mélenchon finit par mordre la ligne rouge.
      Accuser Moscovici de “ne pas penser en français”, ce n’est pas de l’antisémitisme, mais c’est certainement un excès coupable, qui rappelle à ceux qui se souviennent du langage les années
      1930 de bien mauvais souvenirs.

      Je pense d’ailleurs qu’il faut aller plus loin dans le raisonnement. Si l’on examine les textes du PG et les discours de ses dirigeants, on trouve en permanence ce type de débordements. Par
      exemple, prenons la plate-forme du congrès du PG. On y trouve une “liste noire” d’oligarques, avec noms et prénoms. On y trouve une prétension de redefinir le “peuple” de manière à en exclure
      ceux qu’on n’aime pas. Ca ne te rappelle rien ?

      Mais les commentateurs ont tort d’attribuer à ce langage une filiation plongeant ses racines dans les années 1930 et Vichy. Les excès de Mélenchon & Co. rappellent surtout ceux des gauchistes
      de mai 1968. Comparez par exemple avec la campagne des maoïstes dans l’affaire de Bruay en Artois, par exemple…

      alors qu’il refuse toujours la sortie de l’Union européenne (à ma connaissance ; car ce communiqué pouvait peut-être laisser entrevoir un futur
      virage ?).

      Certainement pas. Après les marches et contre-marches de ces derniers jours, je suis convaincu que l’apparent changement de ton n’est que cosmétique. On invente un “euro-Merkel” qu’on oppose
      artificiellement à “l’euro des peuples”. Et bien entendu, il faut rester dans l’Euro pour pouvoir amorcer une – hypothétique – réforme de la BCE et transformer l’Euro actuel en “euro du peuple”.
      Il s’agit de pouvoir opposer au discours “sortons de l’Euro” des eurosceptiques un discours “sortons de l’Euro-Merkel”… tout en restant dans le système de Maastricht. Rien de bien
      nouveau.

  9. odp dit :

    Bonjour – article magnifique où je retrouve le Descartes qui forçait mon admiration sur le blog de Mélenchon: sans concessions à l’air du temps mais à l’épreuve du réel. Superbe
    donc. Quelques remarques néanmoins.

    Sur Chypre: vous parlez d’or mais il important de préciser que c’est le gouvernement chypriote (et pas l’UE) qui a décidé initialement de taxer les dépôts en dessous de 100 000
    euro; et ce pour épargner les intérêts de leurs amis russes. Et l’UE, respectant en l’espèce la souveraineté nationale, a laissé à Chypre la liberté de choix sur la répartition de cette taxe
    exceptionnelle. Il faut dire que la ponction proposée (6%) était tout de même très modeste et n’aurait pas du déclencher l’hystérie que l’on a vu chez les chypriotes et encore moins la solidarité
    des épargnants français (en la matière plus épargnants que français – cf le commentaire de Monsieur Malesherbe). 

    Sur les gauchistes: il est en effet assez écoeurant de voir Mélenchon, Delapierre, Sapir et consorts voler à la rescousse d’un paradis fiscal et des oligarques russes. Maintenant
    qu’ils ont acquis une certaine surface médiatique, ils sont près à toutes les trahisons pour coller à l’opinion. On reconnaît bien là les trostskistes: comme le dit Mélenchon, il y a des colères
    qu’il faut savoir épouser à temps. Conclusion, et cela devrait vous faire plaisir (à moins que cette compagnie ne vous indispose), ils sont apparemment en train de changer de point de vue sur la
    monnaie unique. 

    Sur l’Europe: l’UE ne vole pas à la rescousse des militaires anglais parce que ce n’est pas de sa compétence. En revanche, pour les sujets qui en ressortent (la PAC par exemple),
    l’Europe se substitue aux Etats et applique cette solidarité que vous mentionnez. Par ailleurs, qu’est ce donc si ce n’est de la solidarité Européenne que les dizaines de milliards qui sont
    prêtés par les Etats “sains” aux Etats “en difficulté” (Grèce, Irlande, Portugal, Chypre). Idem pour les centaines de milliards de dette publique (217 exactement) qui ont été rachetés par la BCE.
      

    Sur ce qu’il faut tirer de tout cela: contrairement à vous, je pense que les Chypriotes vont céder car en effet c’est cela ou le chaos. Ce qui m’amène à une question plus
    générale: comment se fait-il que ces peuples qui se font le plus saigner préfèrent toujours, au moment fatidique, de rester dans l’euro? N’est-ce pas parce que, tout comptes faits, l’euro les
    protège?  

    • Descartes dit :

      Et l’UE, respectant en l’espèce la souveraineté nationale, a laissé à Chypre la liberté de choix sur la répartition de cette taxe exceptionnelle.

      Je vous l’accorde. J’ai suffisamment critiqué l’UE par ailleurs pour pouvoir reconnaître que dans cette affaire la position européenne est assez logique sans être suspecté d’europhilie coupable.

      Conclusion, et cela devrait vous faire plaisir (à moins que cette compagnie ne vous indispose), ils sont apparemment en train de changer de point de vue sur la monnaie unique.

      Je ne crois pas un instant que j’aurais une telle compagnie. Mais s’ils venaient à s’opposer à l’Euro, il seraient les bienvenus. “Quand les blés sont sous la grêle, fou qui fait le délicat…”.
      Ou pour citer Churchill, “si Hitler envaissait l’enfer, j’auras certainement beaucoup de bonnes choses à dire sur le compte du diable à la Chambre des Communes”.

      Sur l’Europe: l’UE ne vole pas à la rescousse des militaires anglais parce que ce n’est pas de sa compétence.

      A cela deux réponses. La première, c’est qu’on croyait que l’Europe avait une compétence générale pour protéger les citoyens européens. La seconde, c’est que même si cette compétence n’existait
      pas, la Commission a rarement hésité à prendre à étendre son domaine de compétence lorsque cela l’arrangeait.

      En revanche, pour les sujets qui en ressortent (la PAC par exemple), l’Europe se substitue aux Etats et applique cette solidarité que vous mentionnez.

      Non. L’Europe ne fait preuve d’aucune “solidarité” et ne se substitue à aucun “Etat”. L’argent de la PAC vient de versements des Etats. Ce sont donc les Etats qui prélèvent les impôts et assument
      donc devant leurs citoyens l’impopularité correspondante. De plus, c’est de l’argent “fléché” par ceux-ci, et ce n’est donc pas l’Europe qui décide de les accorder ou pas. L’Europe n’est qu’un
      organisme répartiteur. Il n’y a aucune “solidarité” dans ce processus.

      Par ailleurs, qu’est ce donc si ce n’est de la solidarité Européenne que les dizaines de milliards qui sont prêtés par les Etats “sains” aux Etats “en difficulté” (Grèce, Irlande, Portugal,
      Chypre).

      Il n’y a aucune solidarité “européenne” là dedans. D’abord, ce ne sont pas les institutions européennes qui ont décidé de ces aides et de ces prêts, mais les Etats. Tout le processus a été
      intergouvernemental, et non communautaire (et par ailleurs, une partie des fonds viennent du FMI). Le sauvetage de la Grèce, de l’Irlande ou du Portugal a été possible parce que le gouvernement
      de France, le gouvernement d’Allemagne, le gouvernement de Finlande, et bien d’autres ont accepté, chacun au nom de ses citoyens, de verser de l’argent dans la corbeille. L’action de la
      Commission ou du Parlement, dans ce processus, a été nulle.

      contrairement à vous, je pense que les Chypriotes vont céder car en effet c’est cela ou le chaos.

      Et bien, vous aviez tort. Les chypriotes – ou plutôt les classes moyennes chypriotes – n’ont pas cédé. Elles récupéreront leur argent.

      Ce qui m’amène à une question plus générale: comment se fait-il que ces peuples qui se font le plus saigner préfèrent toujours, au moment fatidique, de rester dans l’euro? N’est-ce pas parce
      que, tout comptes faits, l’euro les protège?

      A cela, deux réponses. La première, c’est que vous vous avancez beaucoup lorsque vous affirmez que “ces peuples (…) préfèrent (…) de rester dans l’Euro”. Pour le moment, cette “préférence” ne
      s’est pas manifesté, tout simplement parce qu’aucun peuple n’a été consulté par référendum sur cette question depuis le début de la crise. Lorsque la question est posée par les sondeurs, les
      peuples répondent effectivement qu’ils veulent rester dans l’Euro. Mais lorsque la question fut posée, les français ont répondu qu’ils ratifieraient le TCE en 2005. On sait ce qu’il advint…

      Mais admettons que les sondages disent la vérité. Ce n’est finalement pas si étonnant. En temps de crise, les gens tendent à préférer le mauvais connu plutôt que le bon incertain. “On sait ce
      qu’on perd, on ne sait pas ce qu’on gagne”, dit la sagesse populaire. Et c’est pour cela que tant de français ont préféré un maréchal de 80 ans plutôt qu’un général de 40… parce que comme vous
      dites, le maréchal les “protégeait”. Non pas du malheur, mais de l’incertitude. Comme l’Euro…

       

       

       

  10. Marencau dit :

    Bonjour Descartes,

    Je reconnais ne pas bien connaître la situation chypriote et les médias ne restent finalement que très vagues à ce sujet. Si je résume, l’économie de Chypre est une économie financière grâce à
    une législation opaque qui permet d’attirer des capitaux en leur fournissant un certain rendement non issu des activités productives (= parasitisme pour moi). Avec la crise financière, comme les
    produits ne sont pas arrimés à l’économie réelle la rentabilité a décrue et il a fallu chercher plus de risque (dette Grecque) etc. jusqu’à ce que les banques se retrouvent à court de liquidité
    soit la quasi faillite (un peu à la Lehman Brothers) pour assurer leurs affaires courantes. J’ai bon ?

    La sortie polémique de Delapierre (bien entendu applaudie par Mélenchon) est assez amusante au sens où il présente la chose toujours de la même manière qu’on entend chez les “alternatifs” : c’est
    la Finance Internationale (avec des majuscules s’il vous plaît) qui vient piquer dans les poches des honnêtes Chypriotes qui n’ont fait du mal à personne. Le problème c’est qu’en fait l’argent de
    ces honnêtes chypriotes ne vient pas de leur travail mais de leur rente… et que si on ne leur fait pas les poches, les banques s’effondreront et ce sera encore pire pour les chypriotes. Je
    trouve que c’est un manque de vision terrible de laisser entendre qu’on a qu’à laisser les banques se démerder. Et à travers son message, c’est un discours bien “classes moyennes” qu’on entend,
    comme tu le précises, avec la sacralisation du capital financier finalement (sauf si c’est celui des très riches évidemment!). Quand on lit les commentaires par ci par là sur internet, on se rend
    compte que beaucoup pensent que cette fois “l’Europe est allée trop loin”. même si on en reste encore à “cette Europe LA” sous-entendu “il y en a une autre possible”. A voir comment les choses
    vont évoluer mais les élections européennes ne vont pas être tristes…

    Bien entendu, l’objectif n’est pas de faire tomber les Chypriotes dans la misère pour leurs “péchés” d’avoir vécu sur leur rente. C’est là où je pense qu’il faut avoir un discours clair: nous
    sommes prêts à prêter aux Chypriotes l’argent dont ils ont besoin afin de le réinvestir pour transformer leur économie (ils ne sont pas bien nombreux… quelques infrastructures de tourisme,
    quelques champs et 2 usines et on a fait le tour). Mais pas plus (on ne fait pas de transferts inconditionnels) ni moins (les laisser en faillite sans les aider).

    Je pense que ce qui va finir par arriver c’est qu’il y aura un compromis où les “riches Chypriotes” payeront de manière symbolique ou significative et la différence sera réglée par le
    contribuable européen (comme une grande partie des actifs pourris a été rachetée en Grèce, etc). Finalement, même si à chaque fois c’est difficile à passer, pour le moment dans les faits ce sont
    des transferts budgétaires ponctuels qui sont réalisés. Jusqu’à ce que les Allemands en aient marre qu’il y a ait un client au guichet tous les mois ?

    • Descartes dit :

      Avec la crise financière, comme les produits ne sont pas arrimés à l’économie réelle la rentabilité a décrue et il a fallu chercher plus de risque (dette Grecque) etc. jusqu’à ce que les
      banques se retrouvent à court de liquidité soit la quasi faillite (un peu à la Lehman Brothers) pour assurer leurs affaires courantes. J’ai bon ?

      Oui.

      La sortie polémique de Delapierre (bien entendu applaudie par Mélenchon) est assez amusante au sens où il présente la chose toujours de la même manière qu’on entend chez les “alternatifs” :
      c’est la Finance Internationale (avec des majuscules s’il vous plaît) qui vient piquer dans les poches des honnêtes Chypriotes qui n’ont fait du mal à personne.

      C’est le vieil discours gauchiste contre la “finance qui n’a pas de patrie” – un peu comme les juifs, dans l’imaginaire populaire, ce qui a donné quelquefois à certains gauchistes un langage qui
      ressemblait pas mal à celui des antisémites, même si les idées n’y étaient pas. Ce qui est nouveau chez Mélenchon, c’est que son gauchisme se mêle à une tradition “républicaine” passablement
      nationaliste, ce qui donne cette bizarre opposition entre la “Finance internationale” et ceux qui “pensent en français”. C’est la France contre l’Antifrance…

      Je trouve que c’est un manque de vision terrible de laisser entendre qu’on a qu’à laisser les banques se démerder.

      C’est un discours infantile, et comme tout discours infantile, totalement irresponsable. On l’a oublié maintenant, mais au début de la crise un certain nombre de mouvements d’extrême gauche
      avaient lancé l’idée d’une journée d’action où tous les citoyens se précipiteraient à leur banque retirer leurs économies. Dans l’idée de ces illuminés, cela aurait provoqué l’effondrement du
      système bancaire et la fin du capitalisme…

      Les banques font partie d’un réséau très complexe de contrats, implicites et explicites, qui réposent en dernière instance sur la confiance. Cette confiance est un bien précieux, et non seulement
      pour les bourgeois. Le prolétaire lui aussi bénéficie du fait que sa banque fait confiance à celle de son patron, et accepte donc de lui verser de l’argent sur la foi d’un virement de banque à
      banque que son patron a ordonné le 31 du mois.

      Finalement, même si à chaque fois c’est difficile à passer, pour le moment dans les faits ce sont des transferts budgétaires ponctuels qui sont réalisés. Jusqu’à ce que les Allemands en aient
      marre qu’il y a ait un client au guichet tous les mois ?

      Vous avez posé là la question essentielle. C’est l’Allemagne qui paye, mais c’est elle aussi la principale bénéficiaire du système. La politique allemande est donc le résultat d’une comparaision
      coût/avantage. Le jour où les coûts dépasseront les avantages…

  11. marc malesherbes dit :

    il est bien difficile de ne pas jouer avec les mots, et bien que ce ne soit pas très important, il me semble avéré que dans ce cas, l’Europe ne garanti pas de fait les dépots de moins de 100 000
    euros.

    On peut estimer en première approche qu’il ne s’agit que d’une taxe, et que cela n’a rien avoir avec la garantie bancaire (vous écrivez en effet: La garantie des dépôts s’applique au cas de
    faillite d’une banque. Et pour le moment, à Chypre, aucune banque n’a fait faillite)
    Sauf que, au départ, au cas ou cette taxe ne serait pas acceptée, la BCE a déclaré qu’elle allait mettre en faillite les banques chypriotes. A ma connaissance elle n’a jamais
    déclaré que dans ce cas les dépôts de moins de 100 000 euros seraient garantis. C’est l’opinion largement répandu par les experts économiques sur les médias qu’elle ne les aurait pas garanti.

    On peut cependant penser le contraire , et que dans ce cas elle les auraient garantis. 
    Il y a donc un pari sur un avenir qui n’arrivera sans doute pas dans le cas de Chypre (attendons ce soir ou Lundi un accord probable)
    Aussi je vous donne raison que je tire un enseignement, comme le plupart des observateurs, de déclarations de la BCE qui ne sont pas tout à fait explicite quand à notre sujet.
    Et que notre appréciation du “probable” est différente.

    • Descartes dit :

      il est bien difficile de ne pas jouer avec les mots, et bien que ce ne soit pas très important, il me semble avéré que dans ce cas, l’Europe ne garanti pas de fait les dépots de moins de 100
      000 euros.

      Prenons un exemple. Disons que vous avez une voiture, et que vous l’assurez contre l’incendie, avec une franchise de 500 €. En d’autres termes, en cas de feu la valeur de la voiture vous est
      remboursée, déduction faite de ces 500 €. Diriez-vous que votre voiture n’est pas garantie par l’assurance ?

      Sauf que, au départ, au cas ou cette taxe ne serait pas acceptée, la BCE a déclaré qu’elle allait mettre en faillite les banques chypriotes.

      Non. La BCE n’a pas déclaré pareille chose, parce qu’elle n’a pas le pouvoir de “mettre en failite” qui que ce soit. Ce que la BCE a déclaré c’est qu’elle ne fournirait pas de liquidités aux
      banques chypriotes. Certaines banques chypriotes auraient certainement fait faillite, d’autres auraient trouvé de l’argent ailleurs ou bien sont suffisamment capitalisées et auraient continué à
      fonctionner. Maintenant, les clients des banques faillies auraient eu droit aux mécanismes légaux de garantie, que cela plaise ou non à la BCE.

       

  12. Joe Liqueur dit :

    @Descartes

     

    “L’euro des peuples contre l’euro Merkel”… Oui, j’ai vu ça ce matin, j’étais navré. Ça devient de plus en plus affligeant. On se demande ce qu’ils vont inventer après ! Et pendant ce
    temps-là, le FN lance une pétition pour la
    sortie de l’UE. Ce qui rejoint ce que tu dis dans ton billet. Chaque jour en me levant et en me couchant (des fois même entretemps) je me dis que l’UE se résume à la prohibition par traité
    international de toute politique socialiste ou même simplement keynésienne (disons pour résumer : de gauche), et qu’aucun grand parti de gauche n’a inscrit la sortie de l’UE à son programme (les
    camarades du PRCF, du POI et du MPEP n’en ont que plus de mérite mais on ne peut pas dire qu’il soulèvent beaucoup les masses), et j’en conclus alors qu’on est un peu dans la merde. Et que la
    responsabilité de Mélenchon à cet égard est immense pour ne pas dire accablante. Attention, je n’ai pas dit que c’était un “salopard”, ni qu’on avait “son adresse”, mais j’aime le qualifier
    d'”ectoplasme”. J’espère que ça ne sonne pas trop années trente.

     

    Concernant Siné, ton affirmation ne concorde pas avec la conclusion que j’avais tirée en 2008. D’un autre côté, comme je n’ai jamais été un fan de ce personnage (bien trop anar pour moi !), et
    comme il est d’une autre génération que la mienne, je dois dire que je ne connais pas forcément tous les tenants et aboutissants. Par ailleurs Philippe Val m’a toujours gravement insupporté, ce
    n’est pas la question certes mais cela a pu m’influencer à l’époque. Bien sûr, il y avait cette affaire plus ancienne et cette abominable tirade que Siné avait proférée sur les ondes, mais dans
    la mesure où c’était sur Radio Carbone 14, avec Lafesse et une bouteille de whisky par personne (ce qui n’excuse rien évidemment), et surtout dans la mesure où il avait par la suite publié des
    excuses apparemment sincères, j’avais considéré qu’il n’y avait décidément pas de raison de le tenir pour un antisémite.

    • Descartes dit :

      “L’euro des peuples contre l’euro Merkel”… Oui, j’ai vu ça ce matin, j’étais navré. Ça devient de plus en plus affligeant. On se demande ce qu’ils vont inventer après !

      Mieux vaut ne pas poser ce genre de questions… si on m’avait dit qu’un jour que le PCF irait défendre l’Euro…

      Chaque jour en me levant et en me couchant (des fois même entretemps) je me dis que l’UE se résume à la prohibition par traité international de toute politique socialiste ou même simplement
      keynésienne

      L’UE est devenue une institution anti-politique par excellence. C’est une machine à empêcher toute politique décidée collectivement, sous prétexte que la “main invisible du marché”, si on la
      laisse faire, pourvoira. C’est une structure qui a le moteur d’une deux-chevaux et les freins d’un 35 tonnes.

      Bien sûr, il y avait cette affaire plus ancienne et cette abominable tirade que Siné avait proférée sur les ondes, mais dans la mesure où c’était sur Radio Carbone 14, avec Lafesse et une
      bouteille de whisky par personne (ce qui n’excuse rien évidemment), et surtout dans la mesure où il avait par la suite publié des excuses apparemment sincères, j’avais considéré qu’il n’y avait
      décidément pas de raison de le tenir pour un antisémite.

      Quand on a fait un coup comme ça, on fait très attention ensuite. Le whisky, si j’en crois mon expérience, lève les inhibitions. Il fait dire aux gens des choses qu’ils pensent mais qu’ils ont la
      prudence de garder pour eux lorsqu’ils sont sobres. Mais je connais peu de gens qui soient libéraux sobres et anti-libéraux bourrés, et vice-versa. Je suis convaincu que Siné est antisémite. Ce
      n’est pas pour autant qu’il est un nazi: on peut être antisémite sans pour autant vouloir exterminer les juifs. Mais je pense qu’il partage ce vieil fond d’antisémitisme gauchiste qui identifie
      juif=argent=financier=usurier.

  13. Tyea dit :

    c’est étrange l’europe.

    c’est comme si on regardait calmement une maison brûler, sans rien faire pour l’éteindre, en se disant : ” oh, dis donc, ça brûle bien. “

    les fondations étaient pourries de toute façon…

    je crois que je suis fataliste sur ce sujet.

    je ne peux m’empêcher de me demander ce que serait la situation en 2013, s’il n’y avait jamais eu l’euro, l’europe des 27, Goldman Sachs bourreau de la Grèce…

     

     

  14. CVT dit :

    Je suis convaincu que Siné est antisémite

    Je n’en suis pas aussi convaincu, de mon côté: la deuxième femme de Siné était juive, je crois. On va dire que ça n’invalide pas forcément son antisémitisme, mais alors il y aurait un problème de
    cohérence…

    Sinon, ça me rappelle les “Flagrants Délires” de France Inter il y a trente ans, et particulièrement l’émission consacrée à Siné. Pierre Desproges, dans son rôle de procureur d’opérette, faisait
    un réquisitoire sévère contre l’antisionisme revendiqué de Siné, dont il peinait à voir la différence avec de l’antisémitisme… En gros, moi j’ai aussi un doute car Siné a mis autant d’effort à
    détester Israël comme état sioniste, qu’en privé à ne pas détester personnellement les juifs.

    L’antisémitisme gauchiste que vous évoquez me rappelle la fameuse phrase de Bebel reprise par Lénine, qu’il qualifiait de “socialisme des imbéciles”. Au pire, j’ai l’impression que Siné n’est pas
    exempt de ce type de dérives…

    • Descartes dit :

      Je n’en suis pas aussi convaincu, de mon côté: la deuxième femme de Siné était juive, je crois.

      L’antisémite dont “les meilleurs amis sont juifs” est un grand classique… et il n’y a là aucun problème de cohérence. Il y a toujours une différence entre le juif (ou le noir, ou l’arabe…)
      qu’on connaît personnellement, qui peut être fort sympatique, et l’idée générale qu’on peut se faire “du juif” (“de l’arabe” ou “du noir”). Mon grand père – juif – avait une concierge qui était
      persuadée que les juifs avaient des cornes et une queue, comme les diables. Et lorsqu’il lui disait “moi je suis juif”, elle lui répondait: “mais non, vous ne pouvez pas être juif, si vous
      l’étiez, vous auriez une queue et des cornes”…

       

       

  15. Inquiet dit :

    L’accusation d’antisémitisme est devenue une tarte à la crème de nos jours. On ne peut tenir un discours anticapitaliste clair sans se faire accuser à un moment ou à un autre d’antisémitisme. Les
    défenseurs du”système” ont trouvé leur arme de dissuasion massive. Ils sont d’ailleurs les seuls à se permettre ce genre de raccourcis dans les médias de masse.

    Si Mélenchon est antisémite, alors moi je suis le grand rabin de France. Cela dit, il m’horripile de plus en plus. Sa prestation sur France inter est inécoutable. Comment peut-on ? C’est nul. Un
    bloggeur de gauche (Seb Musset) a comparé sa prestation (c’est comme ça qu’on dit dans le monde du spectacle) à celle de Marine Le Pen, le lendemain dans la même émission et a bien été obligé de
    reconnaitre qu’avec deux fois moins de volume sonore et d’agitation des bras, elle marquait beaucoup plus de points.

    Je pense que l’avenir est au populisme et il ne sera pas “complètement” de gauche. (Confidences pour confidences, je continue dans mes “pensées” politiques). Je crois que je suis devenu
    clairement conservateur (comprendre anti-gauche moderne et anti-ump). Je crois que le FN a dépassé la gauche sur sa gauche sur tout un tas de sujets sociaux (au moins dans le discours mais je
    pense que c’est une réalité tout de même, même en cas de prise de pouvoir du parti. Le modernisme modernise inéluctablement). Il tend même avec Marine à se gauchiser sur des sujets “sociétaux” ce
    qui ne sert à rien à mon avis, électoralement parlant parce que le peuple qui ne veut plus rien entendre freine aussi sur ces sujets-là. Mélenchon essaie de mordre sur le discours anti-européen
    mais personne ne se trompe. Le seul parti anti-UE (au moins dans le discours), c’est le FN, tout moderne qu’il soit.

    Alors finalement, le seul changement possible, dans un cadre démocratique et hors catastrophe majeure, c’est le FN. Je ne crois pas au retour d’une politique radicale d’extrême droite tendance
    39-45 de sa part. Je n’en sais rien mais ça m’étonnerait tout de même beaucoup. Si le fascisme revient, il ne reviendra pas de la même manière, ni par les mêmes voies. Par contre, le
    mécontentement populaire (toujours conservateur et anti-exploitation) est assez constant dans ses idées et ses revendications.

    Je ne vote plus, et malgré quelques remises en questions à chaque élection, je ne suis pas encore décidé à voter FN. Et je ne sais pas quoi en penser. C’est peut-être une lâcheté personnelle de
    ne pas s’engager, la peur de l’ostracisation (qui fait que le FN ne gagne pas encore toutes les élections selon moi) mais c’est aussi que malgré tout ce que je viens de dire, je n’ai aucune
    confiance particulière dans le FN. Je ne suis pas sûr que le FN au pouvoir ne soit finalement pas si différent que Bayrou par exemple. Il y a de fortes chances qu’ils ne puissent faire, ni les
    uns ni les autres, ce qu’ils veulent faire.

    Heureusement pour moi que mon espérance n’est pas du “monde” de la politique. C’est ma différence principale avec l’hôte de ce lieu qui saura laisser passer ou pas ma pseudo-psychanalyse
    politique à deux sous, ou sans aucun doute me corriger vertement sur mes errances idéologiques. C’est pour ça que je l’aime malgré des désaccords certains…

    (Pro rege semper, pro patria semper). Cordialement.

    • Descartes dit :

      L’accusation d’antisémitisme est devenue une tarte à la crème de nos jours. On ne peut tenir un discours anticapitaliste clair sans se faire accuser à un moment ou à un autre
      d’antisémitisme.

      Faudrait tout de même pas trop exagérer. D’autant plus que ceux qui aujourd’hui se drapent dans le rôle de la victime de fausses accusations d’antisémitisme ne se sont pas privées d’utiliser la
      même rengaine contre le FN. Cela fait des années qu’on instrumentalise l’antisémitisme, le racisme, l’homophobie, le machisme ou l’islamophobie comme étiquette infamante dans ce qui nous tient
      lieu de débat politique pour disqualifier dès le départ un adversaire politique. Et ceux qui hier ont construit ces palais de verre pour y habiter confortablement feraient bien de ne pas trop
      lancer des pierres.

      Mélenchon n’est pas plus “antisémite” que Moscovici n’est un “salopard” ou Pujadas un “salaud”. Quand on met en route la mécanique de la violence verbale, on ne peut pas ensuite prendre des airs
      de vierge effarouché quand l’arme se retourne contre vous.

      Les défenseurs du”système” ont trouvé leur arme de dissuasion massive. Ils sont d’ailleurs les seuls à se permettre ce genre de raccourcis dans les médias de masse.

      Arrêtons le discours victimiste de la Grande Conspiration des Defenseurs du Système. Quand on joue avec le feu, on finit par se brûler. Les “défenseurs du système” sont loin d’être les seuls à se
      permettre “ce genre de raccourcis”. Faut-il que je vous en rappelle quelques “raccourcis” de Mélenchon ? Que pensez-vous par exemple du “raccourci” qui consiste à qualifier de “maréchalistes”
      ceux qui proposaient une sortie de l’Euro ?

      Cela dit, il m’horripile de plus en plus. Sa prestation sur France inter est inécoutable. Comment peut-on ? C’est nul. Un bloggeur de gauche (Seb Musset) a comparé sa prestation (c’est comme
      ça qu’on dit dans le monde du spectacle) à celle de Marine Le Pen, le lendemain dans la même émission et a bien été obligé de reconnaitre qu’avec deux fois moins de volume sonore et d’agitation
      des bras, elle marquait beaucoup plus de points.

      Tout à fait. Et cela commence à devenir un sérieux problème. Marine Le Pen a su constituer autour d’elle une équipe qui fait un veritable travail programmatique. Elle n’a ni le charisme, ni la
      culture de Mélenchon, mais elle compense en travaillant sérieusement ses dossiers avec des gens qui ont des choses à dire. Mélenchon la joue de plus en plus à l’intuition, et ça marche de moins
      en moins bien.

      Je crois que je suis devenu clairement conservateur (comprendre anti-gauche moderne et anti-ump).

      Comme disait GB Shaw, celui qui à 20 ans n’est pas révolutionnaire n’a pas de coeur, celui qui à quarante ans n’est pas conservateur n’a pas de tête. Bienvenu au club…

      Je crois que le FN a dépassé la gauche sur sa gauche sur tout un tas de sujets sociaux (au moins dans le discours mais je pense que c’est une réalité tout de même, même en cas de prise de
      pouvoir du parti.

      C’est toute la question. Du point de vue du discours, c’est incontestable: le FN a repris une rhetorique reprenant les revindications du monde du travail qui rappelle furieusement celle du PCF
      des années 1970, alors que le PCF et ses alliés dérivent vers le langage gauchiste de la même époque. La question fondamentale – à laquelle je n’ai pas de réponse – est à quel point ce changement
      de langage se traduira par un changement sur le fond. Le fait est que ce changement de langage est en train d’attirer vers le FN de nouvelles couches sociales (électorat populaire, ouvriers,
      employés…) et éloigne d’autres (catholiques intégristes, anciens d’Algérie Française…). En d’autres termes, le recentrement au niveau du langage est en train de provoquer une transformation
      de la sociologie frontiste. Qui a son tour ne peut être sans effet sur le projet du Front. Est-ce que cela préfigure la naissance d’un parti “populaire” sinon populiste qui représenterait les
      intérêts des couches populaires ? Je ne saurais pas le dire, mais je pense que c’est une possibilité.

      Le seul parti anti-UE (au moins dans le discours), c’est le FN, tout moderne qu’il soit.

      Il n’est pas le seul, mais il est certainement le plus important. Les autres sont à un stade groupusculaire (DLR…).

      Alors finalement, le seul changement possible, dans un cadre démocratique et hors catastrophe majeure, c’est le FN.

      Je vous laisse la responsabilité de cette conclusion. Mais vraie ou fausse, elle est partagée par une section de plus en plus importante de l’électorat populaire.

      Je ne crois pas au retour d’une politique radicale d’extrême droite tendance 39-45 de sa part. Je n’en sais rien mais ça m’étonnerait tout de même beaucoup. Si le fascisme revient, il ne
      reviendra pas de la même manière, ni par les mêmes voies.

      Tout à fait.

      Heureusement pour moi que mon espérance n’est pas du “monde” de la politique. C’est ma différence principale avec l’hôte de ce lieu qui saura laisser passer ou pas ma pseudo-psychanalyse
      politique à deux sous, ou sans aucun doute me corriger vertement sur mes errances idéologiques.

      Pourquoi irais-je vous “corriger” ? Chacun est libre de penser ce qu’il veut, et au demeurant votre analyse n’est pas si éloignée de la mienne…

       

  16. Marcailloux dit :

    Bonjour,

    « C’est l’Allemagne qui paye, mais c’est elle aussi la principale bénéficiaire du système. »

    À moins de faire une grosse confusion, j’ai l’impression que quand l’Allemagne paie 100 € la France en paie 80 et le retour sur contribution ne représente pas une  telle proportion. En
    clair, on nous demande de contribuer un peu moins que nos voisins, mais eux bénéficient beaucoup plus que nous du cadre dans lequel s’exerce de ces positions de bailleurs de fonds.

    D’autre part, l’argent placé par les acteurs économiques d’Europe dans les paradis fiscaux de la zone euro ( Luxembourg, Jersey, Chypre, Irlande….) est de l’argent « volé » légalement aux
    créateurs de richesse des pays membres, et cet argent, donc leurs possesseurs, devrait être protégé au nom d’une solidarité européenne.

    Je ne comprend plus grand chose à ce bazard.

    Enfin, petite appartée sur une question d’actualité: le refus par l’Assemblée de continuer de payer les allocations aux parents défaillants. Je suis sidéré d’apprendre que jusqu’à maintenant, des
    parents, quelquefois indignes, bénéficiaient tout de même d’une rente de procréation sans contrepartie d’éducation!

    À se taper le cul par terre  

  17. JMP dit :

     

    Je suis en accord avec vous Descartes sur l’essentiel de vos analyses politiques : je n’en déduit pas que je suis devenu clairement conservateur ; j’ai clairement identifié un
    adversaire qui s’appelle l’ultra libéralisme , et j’essaie de le combattre avec mes pauvres moyens ; ce qui crée la confusion , c’est que l’ultra libéralisme est «  de droite »
    pour ce qui concerne l’économique et le social, et «  de gauche » pour ce qui concerne le moral et sociétal ; il n’y a aucune schizophrénie dans cette affaire, tout cela est
    parfaitement logique,( dans l’ensemble de ces domaines , l’objectif est de faire sauter toute forme de solidarité) mais cela trouble les repères de beaucoup qui ont du mal a identifier la
    modification des fractures réelles dans l’espace politique ; dans cette escroquerie sémantique, ce que l’on s’acharne a appeler » la gauche » porte une responsabilité
    écrasante ; elle le paiera

    • Descartes dit :

      je n’en déduit pas que je suis devenu clairement conservateur

      Et pourtant… nous le sommes. Dans le contexte d’une révolution “libérale-libertaire” qui menace les institutions mêmes qui permettent à l’homme de se construire, de penser et d’agir
      collectivement, ceux qui veulent protéger ces institutions méritent le nom de “conservateurs”, et devraient être fiers de ce mot. Oui, nous sommes “conservateurs” dans le sens où nous voulons
      “conserver” ce que notre société a produit de meilleur dans le passé et le transmettre comme un capital précieux aux générations futures.

      ce qui crée la confusion , c’est que l’ultra libéralisme est «  de droite » pour ce qui concerne l’économique et le social, et «  de gauche » pour ce qui concerne le moral
      et sociétal ;

      Ce qui crée la confusion, c’est surtout que les mots “de gauche” et “de droite” ne veulent plus rien dire en termes philosophiques ou politiques. Etre “de gauche” ou “de droite”, c’est un peu
      comme être supporter de l’OM ou du PSG: c’est être membre d’un club et porter ses couleurs non pas parce qu’il porte des valeurs particulières, mais parce que “c’est le notre”. Et une fois tous
      les cinq ans on joue le grand match, il y en a un qui gagne, un qui perd, et celui qui gagne met la coupe dans une vitrine pendant cinq ans avant de la remettre en jeu. Sans que cela change
      grande chose.

      Il n’y a qu’à voir comment se jouent les désistéments: il vont “de soi”. On se désiste “pour son camp” même si on dit pis que pendre du candidat pour lequel on se désiste. C’est une pure
      solidarité clanique.

      dans cette escroquerie sémantique, ce que l’on s’acharne a appeler » la gauche » porte une responsabilité écrasante ; elle le paiera

      J’aimerais bien le croire. Malheureusement, la vie n’est pas un conte de fées, et les méchants ne sont pas punis à la fin. Au contraire: souvent, ils vécurent heureux et eurent beaucoup
      d’enfants.

       

  18. Inquiet dit :

    Arrêtons le discours victimiste de la Grande Conspiration des Defenseurs du Système.

    Je sais que tu goûtes peu ce genre de discours (que je ne disqualifie pas complètement pour ma part quand ce n’est pas trop simpliste et fabulateur) et c’est pour cela que j’avais mis des
    guillemets à “système”.

    Les “défenseurs du système” sont loin d’être les seuls à se permettre “ce genre de raccourcis”. Faut-il que je vous en rappelle quelques “raccourcis” de Mélenchon ? Que pensez-vous par
    exemple du “raccourci” qui consiste à qualifier de “maréchalistes” ceux qui proposaient une sortie de l’Euro ?

    Nous sommes d’accord.

    Comme disait GB Shaw, celui qui à 20 ans n’est pas révolutionnaire n’a pas de coeur, celui qui à quarante ans n’est pas conservateur n’a pas de tête.

    Un parcours parfait jusque là. 🙂

    Je vous laisse la responsabilité de cette conclusion. Mais vraie ou fausse, elle est partagée par une section de plus en plus importante de l’électorat populaire.

    C’est ce que je me dis, parce que je ne vois pas autre chose. Il y a peut-être des alternatives moins visibles, je ne sais pas. En tout cas, ce n’est pas un appel ou une incitation de ma part,
    juste une réflexion.

    au demeurant votre analyse n’est pas si éloignée de la mienne…

    Oui c’est ce que je comprends. En tout cas, c’est toujours un plaisir d’échanger avec toi. (On se tutoyait à une époque) Merci bien.

  19. CVT dit :

    Bonjour Descartes,

    je viens de tomber sur un article de J.Sapir à propos de Chypre sur son blog, et il est dévastateur: il fait le constat que, techniquement, une sortie de l’euro ne poserait aucun problème car
    toutes les mesures pour sauver Chypre reviennent à l’exclure de facto de la zone euro. En effet, sans trop de dégâts et pour une durée indéfinie, on a mis en place un contrôle
    des capitaux et des changes!!!! De fait, un euro chypriote ne vaut plus un euro allemand… Il est bizarre que le maintien à tout prix dans l’eurozone de cette île aboutisse au message inverse de
    ce que la BCE voulait montrer…

    L’autre leçon, c’est que face à une ponction dans les comptes courants, les déposants ont brandi l’arme atomique: le bank run. Preuve que des citoyens (inconséquents ou pas) peuvent
    mettre à genou un système bancaire fragilisé par la défiance générale envers l’économie.

    Sinon, par rapport à votre question de la dernière sur le patrimoine, vous semblez considérer les comptes courants comme du patrimoine, alors qu’en règle général, c’est un revenu (i.e.
    domiciliation du salaire…)! C’est pour cela que je m’étais insurgé contre le prélèvement direct dans des comptes courants. Sauf que j’ai appris incidemment que les comptes courants sont
    rémunérés à Chypre, et pas qu’un peu: autour des 10% par an! Donc, la ponction ne portait pas sur le capital, mais seulement sur les intérêts, et de mon point de vue, ça change pas mal de choses!
    Parce que dans ce cas, ce que je qualifiais de rapine n’est jamais qu’un impôt sur le patrimoine car en l’espèce, il s’agit plutôt d’épargne.

    • Descartes dit :

      Il est bizarre que le maintien à tout prix dans l’eurozone de cette île aboutisse au message inverse de ce que la BCE voulait montrer…

      Au point ou nous en sommes, ce qui serait étonnant serait le contraire. L’Euro est tellement pourri par ses contradictions internes que lorsqu’on répare une fuite, il y a une autre qui s’ouvre.

      Preuve que des citoyens (inconséquents ou pas) peuvent mettre à genou un système bancaire fragilisé par la défiance générale envers l’économie.

      Ca, on le savait depuis 1929…

      Sinon, par rapport à votre question de la dernière sur le patrimoine, vous semblez considérer les comptes courants comme du patrimoine, alors qu’en règle général, c’est un revenu (i.e.
      domiciliation du salaire…)!

      Sauf à avoir un très beau salaire, 100.000 € ce ne peut être simplement une “domiciliation du salaire”… Mais admettons: si le prélèvement sur les comptes courants est en fait un prélèvement sur
      le revenu, où est le scandale ? Ne me dites pas que vous êtes contre l’impôt sur le revenu…

       

       

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