Après de longues recherches, j’ai fini par comprendre pourquoi les militants du PG sont tellement contre la constitution de la Vème République: c’est parce qu’ils n’ont pas pris la peine de la lire. Vous ne me croyez pas ? Alors, plongez-vous d’urgence sur un étrange document publié sous la pompeuse appellation de “dossier” sur le site du PG sous le titre “la VIème République va dans le bon sens” sous la signature de Charlotte Girard. Le premier paragraphe, intitulé “une constitution d’un autre temps” est en théorie consacré à nous expliquer tous les défauts de la constitution de la Vème République. Le problème, c’est que ce paragraphe est trufé d’erreurs, autant historiques que juridiques, et semblerait écrit par une personne qui n’a pas pris la peine d’ouvrir le texte qu’elle critique.
Et comme je ne suis pas du genre à sortir des paroles en l’air, je vous propose un petit voyage dans le monde de la Vème République telle que les dirigeants du PG la racontent à leurs militants. Vous verrez que ce n’est pas triste…
Commençons par l’affirmation suivante: “En 1958, le Général de Gaulle impose la dictature temporaire en cas de péril de la Nation (article 16),(…)“. La phrase est ambiguë, et peut être interprétée de deux manières différentes. Ou bien l’auteur du texte prétend que De Gaulle a “imposé” le texte de l’article 16, ce qui est factuellement inexact puisque la constitution a été votée par référendum (et avec une majorité supérieure à 80%), ce qui ne ressemble guère à une “imposition. Ou bien l’auteur parle de l’utilisation par De Gaulle de l’article 16, et là encore il commet une erreur factuelle: l’article 16 de la Constitution n’a été utilisé qu’une fois, pour faire face au “putch des généraux” en 1961. Et non en 1958.
Mais ces erreurs sont véniels comparés à ce qui suit: “Le gouvernement est encore plus asservi que les autres puisqu’il est nommé et congédié à volonté par le Président“. Cette affirmation est un tissu d’erreurs, et il suffit de relire l’article 8 de la Constitution pour s’en apercevoir. Voici le texte: “Le Président de la République nomme le Premier Ministre. Il met fin à ses fonctions sur la présentation par celui-ci de la démission du Gouvernement. Sur la proposition du Premier ministre, il nomme les autres membres du Gouvernement et met fin à leurs fonctions“. Vous voyez la différence ? Et bien, pour résumer le gouvernement n’est pas “nommé à volonté” par le Président, qui ne peut nommer “à volonté” que le Premier ministre, mais ne peut nommer les autres que sur proposition de celui-ci. Et surtout, contrairement à ce que prétend madame Girard, une fois que le Président a nommé un Premier ministre, il ne peut le “congédier à volonté”. Il ne peut le faire que si celui-ci lui présente sa démission. Il ne peut non plus congédier les ministres à volonté, seulement si cela lui est demandé par le Premier ministre (1).
Et ce n’est pas tout. A la fin du même paragraphe, l’auteur tire la conclusion suivante: “Résultat : le président gouverne et légifère sans contre-pouvoir ni contrepartie“. Et là, il faut se pincer pour vérifier qu’on ne rêve pas. Oui, vous avez bien lu: l’auteur nous explique que le président “légifère” et “gouverne”. Ce qui bien entendu n’a aucun rapport avec la constitution de 1958. Prenons d’abord la question des pouvoirs du président pour “légiférer”. La constitution réserve le pouvoir législatif au Parlement (2), réserve qui connaît deux exceptions: la première est la possibilité pour celui-ci de déléguer le pouvoir de légiférer au gouvernement – et non au Président – dans un domaine bien précis et pour une durée limitée: c’est la procédure des ordonnances (3). L’autre exception, est celle qui permet de faire approuver une loi par référendum. Mais le Président ne peut soumettre à référendum que si celui-ci lui est proposé par le gouvernement, ou par les deux assemblées, et seulement si le projet de loi entre dans un domaine déterminé (4). On voit donc combien cette idée que dans l’ordre constitutionnel de la Vème République le Président “légifère” sans contre-pouvoir ni contrepartie” est absurde. Le Président, pour le dire vite, ne “légifère” jamais. Une mesure législative est nécessairement le résultat d’un vote parlementaire (directement ou pour ratifier une ordonnance) ou référendaire.
Venons maintenant à la deuxième partie de l’affirmation, celle ou le Président “gouverne”. En fait de “gouvernement”, les pouvoirs du Président sont très réduits. L’article 20 est sans ambiguïté: “Le gouvernement détermine et conduit la politique de la Nation. Il dispose de l’administration et de la force armée. Il est responsable devant le Parlement (…)“. Pas de confusion possible donc, le gouvernement gouverne et n’est responsable que devant le Parlement. D’ailleurs, les actes administratifs (règlements, décrets, arrêtés) qui sont l’essence du gouvernement doivent tous être contre-signés à minima par un ministre quand ce n’est pas le premier ministre. Seuls échappent à cette règle certains décrets prévus par la constitution elle même, et qui portent souvent sur des sujets symboliques ou cérémonieux: la nomination à l’ordre de la Légion d’Honneur, la nomination aux emplois supérieurs de l’Etat… (sur proposition du gouvernement) difficile donc de dire que le Président “gouverne” et encore moins “sans contre-pouvoir”…
Et ce n’est pas tout. Quelques paragraphes plus loin on trouve cette curieuse affirmation: “Le deuxième acte [de la procédure constituante entamée à la suite du coup de force d’Alger en mai 1958] a été de confier le pouvoir constituant au pouvoir exécutif“. Cette affirmation est une absurdité. Jamais on a confié le “pouvoir constituant” au pouvoir exécutif. Cette affirmation montre une profonde méconnaissance de ce qu’est le pouvoir constituant. Celui-ci ne consiste pas à pouvoir rédiger un texte constitutionnel. Ce pouvoir est ouvert à tous. Vous, moi, quiconque peut s’asseoir avec un groupe d’amis et rédiger un projet de constitution. Ce qui caractérise le “pouvoir constituant” est de transformer ce projet en une constitution véritable, ayant force de loi. Les assemblées constituantes de 1946 n’avaient pas le pouvoir constituant: celui-ci était réservé au peuple, qui se prononça par référendum. Le 3 juin 1958, le dernier Parlement de la IVème République adopte une loi constitutionnelle, en conformité avec la constitution en vigueur alors, déclarant qu’il y a lieu de réviser la constitution, demandant au gouvernement de rédiger un texte en respectant cinq principes:« Seul le suffrage universel est la source du pouvoir », le respect de la séparation des pouvoirs et de la responsabilité du gouvernement devant le Parlement, la garantie de l’indépendance de l’autorité judiciaire, et enfin « doivent être organisés les rapports de la République avec les peuples qui lui sont associés ». Le texte en question devait être soumis à référendum. C’est donc le peuple souverain qui, par la voie du référendum, a exercé le “pouvoir constituant”, et non l’exécutif.
Et le festival continue. Quelques phrases plus loin on peut lire “Résultat : avec la constitution de 1958, le peuple n’intervient que pour élire un président qui n’a aucun compte à lui rendre et une assemblée qui n’a pas les moyens d’être un contre-pouvoir“. L’auteur de ces lignes n’a pas du entendre parler de la cohabitation. Pense-t-il vraiment que pendant la période 1986-88, 1993-95 ou 1997-2002 le Parlement n’a pas été un “contre-pouvoir” fort efficace au pouvoir présidentiel ? Si efficace que c’est la majorité issue des élections législatives, et non le président qui pendant toutes ces périodes ont décidé de la politique de la France dans tous les domaines. Si la cohabitation a servi à quelque chose, c’est bien à montrer combien les pouvoirs que la constitution de la Vème République accorde au Président sont limités lorsque le peuple ne lui accorde pas une majorité parlementaire.
Lorsqu’on lit un pareil tissu d’insanités, on ne peut que se demander a qui le PG a bien pu demander de rédiger un tel texte. Et là, je dois avouer ma stupeur. Une petite recherche sur la toile révèle rapidement que l’auteur, Charlotte Girard, est “maître de conférences en Droit publique”. On peut d’ailleurs consulter son Curriculum Vitae ici (5), document qui nous révèle que la dame en question enseigne… le droit constitutionnel. Difficile à croire qu’un tel enseignant, qui revendique un doctorat en droit puisse écrire de pareilles sottises. Je ne vois que trois possibilités: soit cette personne a menti, en prétendant avoir des fonctions d’enseignant et des diplômes qu’elle n’a pas. Soit elle a écrit pour le site du PG un texte de commande contenant des affirmations qu’elle sait fausses, ce qui ne me semble guère conforme à la déontologie d’un enseignant. Soit – et je crains que ce soit l’explication la plus probable – le texte a été écrit par quelque militant zélé et ignorant, et il est présenté comme étant signé par Charlotte Girard pour lui donner plus de crédibilité. Ce qui n’est pas joli-joli…
Personnellement, j’aimerais connaître l’explication de ce mystère. C’est pourquoi je m’empresse à envoyer par courrier électronique le texte que vous êtes en train de lire à l’adresse de contact du site du PG. Peut-être qu’il y aura une réponse, que je ne manquerai pas de reproduire ici. En tout cas, je maintien que de toutes les dégradations du débat public, la pire est celle qui consiste à accumuler sciemment les erreurs, les approximations et les omissions pour tromper les militants et les citoyens. Ceux qui se réclament de la “souveraineté populaire” ne doivent pas chercher à tromper le souverain. Et je me demande si c’est une bonne idée d’aller manifester pour une VIème République en compagnie de gens qui ne prennent pas la peine de regarder comment marche la Vème.
Descartes
(1) Ces questions avaient été posées par François Mitterrand lors de la première cohabitation à plusieurs éminents constitutionnalistes. Il s’agissait de savoir si une fois nommé, un Premier ministre de cohabitation était ou non à la merci d’un renvoi par le Président. La réponse avait été unanimement négative: si le Président a le choix lors de la nomination de son premier ministre, il n’a le choix ni des autres ministres, ni du renvoi du gouvernement.
(2) Article 45: “Tout projet ou proposition de loi est examiné successivement dans les deux Assemblées du Parlement en vue de l’adoption d’un texte identique (…)”
(3) Article 38: “Le Gouvernement peut, pour l’exécution de son programme, demander au Parlement l’autorisation de prendre par ordonnances, pendant un délai limité, des mesures qui sont normalement du domaine de la loi (…)”
(4) Article 11: “Le Président de la République, sur proposition du Gouvernement pendant la durée des sessions ou sur proposition conjointe des deux assemblées, publiées au Journal officiel, peut soumettre au référendum tout projet de loi portant sur l’organisation des pouvoirs publics, sur des réformes relatives à la politique économique, sociale ou environnementale de la nation et aux services publics qui y concourent, ou tendant à autoriser la ratification d’un traité qui, sans être contraire à la Constitution, aurait des incidences sur le fonctionnement des institutions“.
(5) Comme toujours sur la toile, ces recherches présentent un risque d’homonymie. Si tel était le cas, je m’excuse par avance auprès de la personne concernée.
L’aventure du front de gauche devient de plus en plus navrante. on se demande jusqu’où ils pourront creuser…
Je ne sais pas, et ça m’énerve. Ca m’enerve de ne pas comprendre ce qui se passe. Comment peut-on publier, et sous la signature d’une personne qui se dit juriste, une suite d’absurdités comme
celle-là ? Devant un texte comme celui-là, j’éprouve une double indignation: je suis indigné parce que je trouve détestable de polluer le débat public avec des bobards. Et je suis indigné parce
que j’ai l’impression qu’on nous prend pour des imbéciles, en essayant de nous faire prendre pour des lanternes des vessies tellemen évidentes que même un juriste amateur comme moi est capable de
les voir du premier coup. J’ai horreur qu’on essaye de me manipuler, mais j’ai encore plus horreur qu’on insulte mon intelligence.
Ah, pas fâché de lire cet article ! Il m’est déjà arrivé de discuter avec des gens qui me soutenaient qu’en France, “le parlement ne sert à rien”, sur l’air de “c’est évident voyons, seuls les
idiots et les défenseurs de l’indéfendable le nieront”…Et bien ça fait du bien d’avoir ces rappels.
A une époque de ma vie où j’avais le temps de musarder dans les bibliothèques universitaires, j’étais tombé par hasard sur un document magnifique: c’étaient les “comptes rendus des séances de la
commission de la constitution” (je cite de mémoire, cela fait bien des années que je n’ai pas revu ces documents). C’est à dire, le verbatim des réunions de la commission qui a rédigé la
constitution de 1958. Et c’était absolument passionnant. On trouve des gens pour croire que la Constitution a été rédigée dans un coin par De Gaulle. Ce n’est pas le cas: De Gaulle a réuni une
commission d’experts – aujourd’hui, on n’aurait pas osé – constituée par les meilleurs juristes de l’époque, qui ont cherché à partir de lignes directrices données par mongénéral a rédiger un
texte. Sur certains points, ces sages se sont opposés au gouvernement, en expliquant pourquoi certaines choses n’étaient pas possibles, voire dangereuses. Ce n’est donc pas, contrairement à ce
que semble dire Charlotte Girard, une constitution qui a été “imposée”, mais au contraire le fruit d’une réflexion, d’un débat au sens le plus noble du terme, entre le politique et les juristes
pour aboutir à un texte de qualité.
C’est en lisant ces textes qu’on comprend qu’il ne s’agissait nullement pour De Gaulle de faire que “le parlement ne serve à rien”, mais d’éviter que par l’intermédiaire d’un parlement tout
puissant les groupes d’intérêt prennent le pouvoir, comme cela avait été le cas lors de la fondation de la IVème République.
Je crois que vous êtes dans le faux concernant les hypothèses que vous faites sur Mme Girard. Elle est effectivement maître de conférences habilitée à diriger des recherches à l’Université de
Paris 10 Nanterre, elle a soutenu sa thèse à Paris I. Elle fait partie d’un des axes de l’école doctorale qui a pour sigle CREDOF, axe de recherche avec une trentaine de chercheurs qui porte sur
la question des droits de l’homme, des discriminations,des politiques de sécurité et de libertés,ainsi que sur la question du droit et du genre, le Credof ayant part au projet REGINE qui est un
projet de recherche de Nanterre “se proposant d’ancrer la théorie féministe du droit dans la recherche juridique française” (?).
Je pense que Mme Girard est un enseignant-chercheur parfaitement légitime, ne pouvant que connaître la Constitution qu’elle enseigne à ses étudiants de Licence comme de Mastère, donc vos
critiques tombent à plat, l’accuser de mensonge est plutôt malveillant, je croirais bien volontiers en revanche qu’il y a de la part de sa lecture de la constitution, une lecture biaisée et
totalement idéologique. Il ne s’agit pas de dénoncer ,comme elle le croit, des “non dits”, sous entendus, choses cachées volontairement par les rédacteurs de la Constitution, mais elle
échafaude, prise dans une idéologie “moderniste” une lecture de la Constitution qui est une lecture avec les lunettes de la “discrimination” (et non de l’exploitation par exemple) . Je m’explique
parce que je me sens un peu confuse dans ce que je dis. Je comprends qu’on veuille changer de Constitution si on est passé à un autre stade que le stade où nous sommes, en gros si nous avons déjà
changé, produit, établi ou mis en marche de façon inéluctable les conditions pour un changement de mode de production, établi des nouveaux rapports sociaux. La Constitution de la
V ème république étant une Contitution “bourgeoise” au sens marxiste du mot. Mais cette Constitution actuelle est le résultat d’un compromis pacifique, elle a suffisemment de jeu et de
possibilités pour convenir si on en reste aux mêmes rapports sociaux, capitalistes pour tout dire, or, le changement de mode de production ne me paraît pas pour maintenant, et ni Mélenchon , ni
le PCF actuel n’en mettent en pla ce les conditions. Moi, je vois plutôt la démarche de la conjuration du sort par les cris “6ème, 6ème” comme une incantation pour ne pas passer à “autre chose”.
On va faire des plans sur la comète: tirage au sort? proportionnelle? Place du président ? Mais le coeur des blocages et de ce que les Grecs désignaient comme la “stasis”(, la discorde civile)
les questions de l’Euro, de l’UE, la question de la propriété, ne sont jamais abordées frontalement. La marche pour la sixième République pourquoi? Sans éducation des masses, toujours dans la
renonciation, avec un poème à la bouche, mais une culture qui est bien mal digérée, un folklore stimulant mais qui redescend le lendemain sur la stupeur et la torpeur hébétée ? Cette phase
m’inquiète, le pouvoir “constituant” ne se programme pas surtout à partir d’une critique du pouvoir “constitué” si inane.
PS. Il y a un livre vraiment intéressant d’Antonio Négri (bien plus ancien qu’Empire,et vraiment livre capital) qui s’intitule “Le pouvoir constituant” aux PUF, il traite de la question
de ce pouvoir qui produit de la légitimité dans l’apparente “nouveauté” de son érection , ce concept vient de Carl Schmitt, mais on peut le voir aussi par exemple dans la formule de Machiavel
parlant “d’un Prince nouveau dans une Principauté nouvelle”, ce que De Gaulle a su être à deux reprises,lui.
le Credof ayant part au projet REGINE qui est un projet de recherche de Nanterre “se proposant d’ancrer la théorie féministe du droit dans la recherche juridique française” (?).
Ah… tout s’explique. Je vois le type de juriste que peut être le personnage en question. Effectivement, à côté des trois hypothèses que j’avais formulé, il y avait une quatrième à laquelle
j’avais du mal à croire, mais que ce détail rend plus crédible: que Mme Girard fasse partie de ce mouvement “post-moderne” pour lequel il n’y a pas de réalité et pour qui tout est idéologie.
mais elle échafaude, prise dans une idéologie “moderniste” une lecture de la Constitution qui est une lecture avec les lunettes de la “discrimination” (et non de l’exploitation par
exemple).
Mais il y a tout de même une limite entre l’interprétation d’un texte et sa falsification. On peut discuter longuement sur l’équilibre entre les pouvoirs posé par la Constitution de la Vème
République et sur la pratique de la Constitution de la Vème opposée à sa théorie. Dire que le Président “légifère” est à mon avis une erreur, mais dans le contexte d’une lecture idéologique et
d’une expression imagée on pourrait le considérer une exagération admissible dans le contexte du débat politique. Mais dire que le Parlement n’a pas les moyens d’être un contre-pouvoir alors que
nous avons l’expérience des trois cohabitations est une absurdité, qui montre un total mépris pour les faits autant que pour le texte.
Je me demande – j’ai envie d’aller chercher dans ses publications – si Madame Girard tient devant ses étudiants à l’Université le même raisonnement qu’elle a tenu dans ce papier. J’ai trop de
respect pour l’Université française – à tort, peut-être, mais que voulez-vous, j’ai une certaine confiance dans les “experts” – pour croire que ce soit le cas. D’où mon idée qu’on ait pu se
servir du nom de Mme Girard pour “couvrir” de son prestige un texte qu’elle n’a pas écrit. Cette hypothèse est pour moi renforcée par le fait que le texte en question ne porte pas la trace d’une
pensée structurée qui est la marque du juriste… mais peut-être me fais-je trop d’illusions quant au niveau de notre enseignement.
La Constitution de la V ème république étant une Contitution “bourgeoise” au sens marxiste du mot.
En quoi la constitution de la Vème serait “bourgeoise” ? Il n’y a rien de “bourgeois” dans le partage entre le domaine de la loi et celui du règlement, dans le fait que le président soit élu au
suffrage universel, dans l’élection indirecte des sénateurs, dans le “parlementarisme rationnalisé”. Le seul élément “bourgeois” se trouve, paradoxalement, dans la partie de la Constitution que
personne ne songe à vouloir modifier: la déclaration des droits de l’homme (qui fait partie du “bloc de constitutionnalité” même si elle ne fait pas partie du texte constitutionnel), avec la
garantie de la propriété privée comme “droit sacré”.
Franchement, si demain le peuple donnait le pouvoir à un parti communisme qui le fut véritablement, en quoi la Constitution de la Vème empêcherait la construction d’un état socialiste ? En dehors
de cette questiond de la propriété privée, je ne vois aucun autre obstacle. Une constitution est comme un marteau: il peut servir autant pour planter un clou comme pour casser la tête à
quelqu’un. C’est un outil, et un outil n’est ni “bourgeois” ni “prolétarien”. Un outil est bon ou mauvais, et la constitution de la Vème, en assurant une stabilité institutionnelle et un exercice
paisible du pouvoir au président et au gouvernement que les français ont choisi, est un outil assez efficace.
Moi, je vois plutôt la démarche de la conjuration du sort par les cris “6ème, 6ème” comme une incantation pour ne pas passer à “autre chose”. On va faire des plans sur la comète: tirage au
sort? proportionnelle? Place du président ? Mais le coeur des blocages et de ce que les Grecs désignaient comme la “stasis”(, la discorde civile) les questions de l’Euro, de l’UE, la question de
la propriété, ne sont jamais abordées frontalement.
Tout à fait d’accord. Comme je l’ai signalé plus haut, le seul point qui dans la constitution parle du mode de production, à savoir, le droit de propriété, est celui qu’aucun, je dis bien aucun
des partisans de la VIème ne propose de réformer. C’est révélateur, vous ne trouvez pas ?
Ah, que j’attendais ce titre ! Merci de l’avoir osé ! J’espère comme vous qu’il s’agit d’un probleme d’homonymie, sinon c’est à désespérer de tout. Un prof de droit public et constitutionnel
écrivant de pareilles bêtises, c’est navrant pour ne pas dire révoltant. Et puis si, je le dis : c’est révoltant !
C’est d’autant plus révoltant que le contexte rend ces absurdités crédibles par celui qui les lit et n’est pas tres au fait de la constitution. Depuis la connerie de Jospin (et Chirac qui
pourtant était initialement contre) qui a mis en phase les durées de mandats présidentiel et de législature, on a vraiment l’impression de vivre dans une monarchie élective, avec un gouvernement
et un parlement godillots…
S’il y a vraiment un truc a modifier dans notre constitution, c’est ça : rétablir au plus vite la possibilité de cohabitation. Mais bon, laissons nos amis du PG se ridiculiser en allant battre le
pavé parisien, un peu de sport n’a jamais fait de mal 😉
S’il y a vraiment un truc a modifier dans notre constitution, c’est ça : rétablir au plus vite la possibilité de cohabitation.
Je ne partage pas votre enthousiasme pour la cohabitation. Oui, il faut rétablir le décalage entre le mandat présidentiel et le mandat législatif, en donnant au président un mandat long qui en
fait l’arbitre du long terme. Mais pas pour rétablir la possibilité de cohabitation, qui est l’une des pires trahisons à l’esprit de la Vème République. D’ailleurs, je pense comme certains que la
Vème est morte en 1986, lorque François Mitterrand a refusé de remettre en jeu son mandat présidentiel lorsque sa majorité a perdu les éléctions législatives.
Bonjour Descartes. Je comprend votre indignation ; je ne pense pas que concernant charlotte Girard il s’agisse d’une homonymie , donc : soit elle a effectivement écrit cet article , et
si sa nullité vous paraît effarante, je tempère votre effarement en vous rappelant qu’Élizabeth Teissier a pu obtenir d’être faite docteur en sociologie à la Sorbonne, avec la mention Très
honorable. Ce qui modère sérieusement la considération que nous sommes sensés accorder a priori aux titres universitaires…
Soit quelqu’un d’autre a rédigé le poulet, et usurpé l’identité ; mais cela n’a été possible qu’avec l’accord de la direction du PG . Dans les 2 cas, on est en présence d’une bêtise crasse ,
et la seule conclusion qu’on peut en tirer, c’est qu’avec de tels « adversaires » , les classes dirigeantes européistes n’ont pas besoin d’amis . Il suffira aux médias bien pensant de
relayer les conneries
je tempère votre effarement en vous rappelant qu’Élizabeth Teissier a pu obtenir d’être faite docteur en sociologie à la Sorbonne, avec la mention Très honorable.
Certes, mais c’était sous la direction de Maffessoli, cette espèce d’andouile soixante-huitarde toujours à la recherche d’un bon coup médiatique. Et si elle a été faite docteur, elle n’a pas été
faite professeur…
CREDOF, axe de recherche avec une trentaine de chercheurs qui porte sur la question des droits de l’homme, des discriminations,des politiques de sécurité et de libertés,ainsi que sur la
question du droit et du genre, le Credof ayant part au projet REGINE qui est un projet de recherche de Nanterre “se proposant d’ancrer la théorie féministe du droit dans la recherche juridique
française”
C’est trop beau pour être vrai, on se croirait chez Brétécher…
N’est ce pas ?
Et oui… Malheureusement pour vous, ils sont nombreux les enseignants-chercheurs du supérieur à développer les mêmes raisonnements (dans un langage plus technique, il est vrai). Depuis 50 ans
déjà, et de plus en plus depuis une vingtaine d’années : les Pr. Charles Eisenmann, Stéphane Rials, Bastien François, Otto Pfersmann, Marie-Anne Cohendet, Jean-Philippe Derosier etc. etc.
Le seul défaut du texte de Mme Girard, ce n’est pas d’être à côté de la plaque du point de vue de l’analyse juridique (ce serait plutôt votre interprétation purement littérale – donc en
déconnection totale avec la réalité de l’exercice du pouvoir depuis 55 ans – qui l’est : en dehors des cohabitations, les institutions de la Vè ne fonctionnent pas comme vous les décrivez – et il
m’a semblé que les phases de cohabitation n’étaient pas “normales” selon vous, alors qu’elles le seraient dans n’importe quel autre régime inspiré de la Vè car c’est le Premier ministre qui
gouverne en droit et dans les faits).
Non, le seul défaut du texte engagé politiquement de Mme Girard est d’être destiné à des citoyens non aguerris aux sciences juridique et politique ; son seul défaut c’est d’avoir voulu vulgariser
un discours scientifique désormais majoritaire qui analyse un ensemble de règles juridiques, et les ((très) mauvaises) pratiques qui vont avec.
=> “le fait que les trois principales fonctions du gouvernement – faire voter des lois, nommer des fonctionnaires et élaborer un budget – censées dépendre du Premier ministre soient
aujourd’hui assumées par le chef de l’Etat. Problème : cette transformation de la fonction s’accompagne d’un “découplage entre exercice du pouvoir et responsabilité de ce pouvoir”
“Si bien qu’aujourd’hui, le Président peut tout – prendre ses décisions seul, changer de cap… – sans avoir aucun compte à rendre.” Une “dérive présidentialiste” amorcée dès les origines de la Ve
et encore accentuée en 1962, lorsque l’adoption du suffrage universel pour l’élection du Président est venue accroître sa légitimité et, de fait, sa zone d’influence. “Aujourd’hui il a le
pouvoir, la légitimité accrue et pourtant il n’est pas “responsable”, résume Bastien François.”
“Tel qu’il est appliqué, le régime actuel favorise un exercice solitaire et sans limite du pouvoir. Ce qui peut être une force dans certaines situations de crise extrêmes mais, en dehors de cela,
s’apparente à un dysfonctionnement démocratique, résume-t-il. C’est pourquoi il est impératif de devoir rendre des comptes. C’est une protection, un garde-fou.” Raison pour laquelle lui et
beaucoup d’autre, à l’UDI, à EELV et ailleurs, militent pour une VIe République.”
http://www.lenouveleconomiste.fr/la-veme-republique-v2-18398/#.UYNthMqT4ad
Allez Descartes : de l’extrême gauche, en passant par une bonne partie du PS et jusqu’à l’UDI et le Modem, nombreux sont ceux qui veulent au moins “rafraîchir” les institutions de la Vè – sinon
changer intégralement la norme suprême. Quittez le côté obscur de la Force ; il y a encore du bon en vous, je le sens ; rejoignez-nous 😉
Et oui… Malheureusement pour vous,
Pour vous aussi, vous savez… lorsque les enseignants enseignent n’importe quoi, c’est tout le pays qui souffre.
ils sont nombreux les enseignants-chercheurs du supérieur à développer les mêmes raisonnements (dans un langage plus technique, il est vrai). Depuis 50 ans déjà, et de plus en plus depuis une
vingtaine d’années : les Pr. Charles Eisenmann, Stéphane Rials, Bastien François, Otto Pfersmann, Marie-Anne Cohendet, Jean-Philippe Derosier etc. etc.
Je ne connais pas beaucoup les textes de ces enseignants. Mais le seul dont je connaît un peu les écrits ne développe nullement le même “raisonnement”. Je ne l’ai jamais vu conclure que “le
président légifère”, qu’en 1958 l’exécutif se soit vu conférer le “pouvoir constituant”, ou que le président puisse, aux termes de la constitution, “renvoyer le premier ministre à volonté”. Et je
suspecte que les autres sont bien plus prudents aussi.
Le seul défaut du texte de Mme Girard, ce n’est pas d’être à côté de la plaque du point de vue de l’analyse juridique (ce serait plutôt votre interprétation purement littérale – donc en
déconnection totale avec la réalité de l’exercice du pouvoir depuis 55 ans – qui l’est : en dehors des cohabitations, les institutions de la Vè ne fonctionnent pas comme vous les décrivez
Mme Girard commet des erreurs factuelles qui n’ont rien à voir avec une interprétation “littérale” opposée à la pratique constitutionnelle. Ainsi, lorsqu’elle écrit que “l’Assemblée n’a pas les
moyens d’être un contre-pouvoir” (par rapport au président), elle dit quelque chose d’évidemment faux: les deux cohabitations ont largemetn montré que l’Assemblée a tous les “moyens” de devenir
un contre-pouvoir. Que des majorités-godillots choisissent de ne pas les utiliser n’empêche que ces moyens existent bien dans la constitution et sont utilisables pour peu qu’une majorité à
l’assemblée choisisse de s’en servir.
C’est peut-être l’un des reproches qu’on peut faire aux partisans de la VIème République: celui de ne pas faire la différence entre ce qui relève de la pratique constitutionnelle et ce qui relève
du texte lui même. L’idée qu’on peut modifier la pratique constitutionnelle par la simple réforme du texte me parait très osée. Ainsi, des pratiques de la IVème République ont survécu malgré le
changement constitutionnel (l’investiture du gouvernement par le Parlement est un bon exemple: elle n’est nullement obligatoire selon la constitution, mais elle a été pratiquée systématiquement
au moins depuis le départ du pouvoir de De Gaulle). Et de la même manière, si demain on avait un régime d’assemblée avec un exécutif stable (comme c’est le cas en Grande Bretagne ou en Allemagne)
le chef du gouvernement conserverait certainement une bonne partie des pouvoirs que traditionnellement on accorde au Président alors même que la constitution ne lui reconnaît pas. Tout
simplement parce qu’on peut changer la constitution, mais on ne peut changer ce que les peuples demandent à leurs gouvernants. Les français veulent un pouvoir exécutif fort, capable d’agir, avec
une tête visible qu’on puisse tenir pour responsable des politiques mises en oeuvre. Sauf à revenir à un exécutif faible – ce que les français n’accepteront pas à mon avis – le chef de l’exécutif
se coulera naturellement dans les habits du président actuel. Et cela quelque soit la forme qu’on puisse donner à la Constitution.
et il m’a semblé que les phases de cohabitation n’étaient pas “normales” selon vous, alors qu’elles le seraient dans n’importe quel autre régime inspiré de la Vè car c’est le Premier ministre
qui gouverne en droit et dans les faits).
Vous m’avez mal compris. Peu importe que la cohabitation soit “normale” ou “anormale”. Le fait est qu’elle démontre par les faits que notre constitution contient tout ce qu’il faut pour que le
Parlement puisse s’ériger en contre-pouvoir. Que les parlementaires n’utilisent pas ce pouvoir lorsqu’ils sont du même bord que le président, c’est après tout logique: s’ils sont du même bord,
c’est bien qu’à priori ils proposent la même politqiue. Mais de là à dire que le président fait ce qu’il veut sans le moindre contrôle…
Non, le seul défaut du texte engagé politiquement de Mme Girard est d’être destiné à des citoyens non aguerris aux sciences juridique et politique ; son seul défaut c’est d’avoir voulu
vulgariser un discours scientifique désormais majoritaire qui analyse un ensemble de règles juridiques, et les ((très) mauvaises) pratiques qui vont avec.
Nous ne devons pas avoir la même vision de ce que “vulgariser” veut dire. Pour moi, “vulgariser” c’est expliquer simplement quelque chose de compliqué, mais sans trahir la réalité. Et ce n’est
pas ce que fait Mme Girard lorsqu’elle prétend que “le président peut renvoyer le gouvernement à volonté” ou que le président “légifère”.
=> “le fait que les trois principales fonctions du gouvernement – faire voter des lois, nommer des fonctionnaires et élaborer un budget – censées dépendre du Premier ministre soient
aujourd’hui assumées par le chef de l’Etat. Problème : cette transformation de la fonction s’accompagne d’un “découplage entre exercice du pouvoir et responsabilité de ce pouvoir”
Soyons sérieux… vous croyez vraiment que le président “élabore le budget” ? Qu’il “fait voter les lois” ? Quant à la nomination des fonctionnaires, le président ne signe les nominations que des
très hauts fonctionnaires (moins de mille emplois pour un pays qui compte tout de même quelque deux millions de fonctionnaires d’Etat), et cette signature est une pure formalité.
“Si bien qu’aujourd’hui, le Président peut tout – prendre ses décisions seul, changer de cap… – sans avoir aucun compte à rendre.”
Vraiment ? Pensez-vous qu’en 1986-88, 1993-95 et 1997-2002 le président pouvait, comme vous dites “changer de cap” ? Qu’est devenue la toute puissance présidentielle lors de la réforme du Sénat
et la régionalisation, en 1969 ? Ces exemples vous montrent que le président ne “peut tout” que pour autant que la majorité à l’assemblée soit acquise à sa politique. C’est tout de même un caveat
important. Et si demain on devait remplacer le régime de la Vème par un régime d’assemblée avec un premier ministre fort, qu’est ce qui empêchera ce premier ministre de faire la même chose ?
Une “dérive présidentialiste” amorcée dès les origines de la Ve et encore accentuée en 1962, lorsque l’adoption du suffrage universel pour l’élection du Président est venue accroître sa
légitimité et, de fait, sa zone d’influence.
Vous avouerez que c’est drôle: on critique l’institution présidentielle parce qu’elle serait trop légitime…
“Tel qu’il est appliqué, le régime actuel favorise un exercice solitaire et sans limite du pouvoir.
L’exercice du pouvoir du président français est il plus “solitaire et sans limite” que celui d’une Margaret Thatcher, par exemple ? Pourtant, elle n’était que premier ministre d’un régime
parlementaire…
Allez Descartes : de l’extrême gauche, en passant par une bonne partie du PS et jusqu’à l’UDI et le Modem, nombreux sont ceux qui veulent au moins “rafraîchir” les institutions de la Vè
C’est drôle, non ? Des gens qui ont des visions totalement opposées de la société et de la politique ne se retrouveraient que sur un seul point, la nécessité de “rafraîchir” les institutions.
N’est ce pas étonnant de trouver une mesure qui sert en même temps les intérêts de l’extrême gauche et ceux de l’UDI ? Pour répondre à cette question, cela vaut la peine de noter que tous veulent
les rafraîchir dans le même sens: celui qui donne plus de pouvoir aux notables et aux partis. Comme c’est étrange, n’est ce pas ?
Quittez le côté obscur de la Force ; il y a encore du bon en vous, je le sens ; rejoignez-nous 😉
Pour moi, l’essence de la politique c’est la responsabilité. Le peuple doit investir celui qui a la responsabilité de conduire la politique, celui-ci doit avoir les moyens de la conduire, et
périodiquement – et à des périodes relativement longues, permettant de juger une politique dans la durée – il doit rendre compte de la manière dont il l’a conduite. Toute dilution du pouvoir,
tout système de “checks and balances” qui fait qu’au bout du compte personne n’est responsable de rien parce que toute politique est le résultat d’un compromis boîteux est donc pour moi à
proscrire.
Si vous voulez que je vous réjoigne, alors faites moi une proposition de réforme constitutionnelle qui, mieux que le système actuel, assure cette responsabilité.
Bonjour Descartes, je vais essayer de me faire l’avocat de la Diablesse du mieux que je peux.
> Commençons par l’affirmation suivante: “En 1958, le Général de Gaulle impose la dictature temporaire en cas de péril de la Nation (article 16),(…)”. La phrase est ambiguë, et peut être interprétée de deux manières différentes. Ou bien l’auteur du texte prétend que De Gaulle a “imposé” le
texte de l’article 16, ce qui est factuellement inexact puisque la constitution a été votée par référendum (et avec une majorité supérieure à 80%), ce qui ne ressemble guère à une “imposition. Ou
bien l’auteur parle de l’utilisation par De Gaulle de l’article 16, et là encore il commet une erreur factuelle: l’article 16 de la Constitution n’a été utilisé qu’une fois, pour faire face au
“putch des généraux” en 1961. Et non en 1958.
Je pense que c’est une question d’interprétation : la constitution de 58 a été initiée par De Gaulle, c’est un peu « sa » constitution.
L’utilisation du verbe « imposer » est critiquable, mais je trouve que ce n’est malgré tout pas complètement imprécis, ou en tout cas, qu’on peut argumenter pour dire que la démarche de
De Gaulle était plutôt dans cet état d’esprit.
> Mais ces erreurs sont véniels comparés à ce qui suit: “Le gouvernement est encore plus asservi que les autres puisqu’il est nommé et congédié à volonté par le
Président”. Cette affirmation est un tissu d’erreurs, et il suffit de relire l’article 8 de la
Constitution pour s’en apercevoir. Voici le texte: “Le Président de la République nomme le Premier
Ministre. Il met fin à ses fonctions sur la présentation par celui-ci de la démission du Gouvernement. Sur la proposition du Premier ministre, il nomme les autres membres du Gouvernement et met
fin à leurs fonctions”. Vous voyez la différence ? Et bien, pour résumer le gouvernement n’est pas
“nommé à volonté” par le Président, qui ne peut nommer “à volonté” que le Premier ministre, mais ne peut nommer les autres que sur proposition de celui-ci. Et surtout, contrairement à ce que
prétend madame Girard, une fois que le Président a nommé un Premier ministre, il ne peut le “congédier à volonté”. Il ne peut le faire que si celui-ci lui présente sa démission. Il ne peut non
plus congédier les ministres à volonté, seulement si cela lui est demandé par le Premier ministre (1).
Elle ne détaille pas ce raisonnement, mais je pense que c’est celui qu’elle a suivi : le président choisit le premier ministre qui nommera les membres du
gouvernement qu’il (le président) veut. De même, les membres du gouvernement ne sont choisis que s’ils sont prêts à faire ce qu’on leur dit. Donc cela revient indirectement à un président qui
nomme et congédie les ministres à volonté. « Un ministre, ça ferme sa gueule ou ça démissionne. »
> Et ce n’est pas tout. A la fin du même paragraphe, l’auteur tire la conclusion suivante: “Résultat : le président gouverne et légifère sans contre-pouvoir ni contrepartie”.
Si on utilise le raisonnement précédent, il me semble que cette affirmation fonctionne. Pour le parlement, on peut dire que
le président choisit indirectement les candidats aux législatives, la question du vote des citoyens étant secondaire puisque statistiquement les Français votent pour les candidats du même parti
que celui du président nouvellement élu.
> Et ce n’est pas tout. Quelques paragraphes plus loin on trouve cette curieuse affirmation:
“Le deuxième acte [de la procédure constituante entamée à la suite du coup de force d’Alger en mai
1958] a été de confier le pouvoir constituant au pouvoir exécutif”. Cette affirmation est une
absurdité.
On peut imaginer qu’elle voulait dire que c’est l’exécutif qui a choisi quasi-librement les modalités de l’écriture. Cela va avec son raisonnement qui dit que
le texte a été présenté au peuple sous « forme de salut de la patrie en danger sans lui avoir permis d’en débattre à aucun moment de son élaboration. » Je crois que si l’on veut
critiquer son texte, il faut en premier lieu s’en prendre à cet argument.
> Et le festival continue. Quelques phrases plus loin on peut lire “Résultat : avec la constitution de 1958, le peuple n’intervient que pour élire un président qui n’a aucun compte à lui rendre et une
assemblée qui n’a pas les moyens d’être un contre-pouvoir”. L’auteur de ces lignes n’a pas du
entendre parler de la cohabitation. Pense-t-il vraiment que pendant la période 1986-88, 1993-95 ou 1997-2002 le Parlement n’a pas été un “contre-pouvoir” fort efficace au pouvoir présidentiel ?
Si efficace que c’est la majorité issue des élections législatives, et non le président qui pendant toutes ces périodes ont décidé de la politique de la France dans tous les domaines. Si la
cohabitation a servi à quelque chose, c’est bien à montrer combien les pouvoirs que la constitution de la Vème République accorde au Président sont limités lorsque le peuple ne lui accorde pas
une majorité parlementaire.
Je crois que vous la défendez vous-même ici : « les pouvoirs que la constitution de la Vème République accorde au Président sont limités lorsque le
peuple ne lui accorde pas une majorité parlementaire. » Dans ce cas de figure exceptionnel, on pourrait transposer au premier ministre le même raisonnement que celui que j’ai prêté à
l’auteure de cet article pour la toute puissance du président.
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Bonjour Descartes, je vais essayer de me faire l’avocat de la Diablesse du mieux que je peux.
Excellent exercice! Se faire l’avocat du diable est le meilleur moyen de comprendre combien un argument est faible… 😉
Je pense que c’est une question d’interprétation : la constitution de 58 a été initiée par De Gaulle, c’est un peu « sa » constitution. L’utilisation du verbe « imposer » est critiquable,
mais je trouve que ce n’est malgré tout pas complètement imprécis, ou en tout cas, qu’on peut argumenter pour dire que la démarche de De Gaulle était plutôt dans cet état d’esprit.
Avec certaines nuances. “Imposer” implique de faire avaler par les autres quelque chose que ceux-ci ne voulaient pas. Si l’on dit que De Gaulle a “imposé” une constitution présidentielle à la
classe politique, on peut admettre la chose puisque l’ensemble des “notables” de la politique d’alors se sont opposés à la vision constitutionnelle du Général. Mais parler de “imposer” lorsqu’un
texte constitutionnel est voté par plus de 80% des citoyens, c’est se foutre du monde.
Elle ne détaille pas ce raisonnement, mais je pense que c’est celui qu’elle a suivi : le président choisit le premier ministre qui nommera les membres du gouvernement qu’il (le président)
veut. De même, les membres du gouvernement ne sont choisis que s’ils sont prêts à faire ce qu’on leur dit. Donc cela revient indirectement à un président qui nomme et congédie les ministres à
volonté. « Un ministre, ça ferme sa gueule ou ça démissionne. »
Pas tout à fait. D’abord, le président ne nomme pas le premier ministre librement: il est politiquement tenu par le fait que le premier ministre est responsable devant le Parlement, et doit donc
avoir une majorité à l’Assemblée nationale. Ensuite, si comme tu dis les membres du gouvernement “ne sont choisis que s’ils sont prêts à faire ce qu’on leur dit”, c’est qui ce “on” ? Puisque les
ministres sont choisis par le Premier ministre – et non par le Président – on s’attendrait à ce qu’ils soient nommés s’ils sont prêts à faire ce que le Premier ministre – et non le Président –
leur dit, non ?
Il est trivial de dire que lorsque le président et la majorité de l’assemblée sont issus du même parti politique, ils sont évidemment d’accord sur beaucoup de choses. Dans ces conditions,
pourquoi faudrait-il s’attendre, même dans un régime parlementaire, à ce que le président et le premier ministre soient en désaccord sur la politique à suivre ?
“Et ce n’est pas tout. A la fin du même paragraphe, l’auteur tire la conclusion suivante: “Résultat : le président gouverne et légifère sans contre-pouvoir ni contrepartie”.” Si on utilise le
raisonnement précédent, il me semble que cette affirmation fonctionne.
Non. Elle ne fonctionne jamais parce qu’en dehors de l’application – tout à fait exceptionnelle – de l’article 16, le président ne “légifère” pas. Les pouvoirs que la Constitution lui accorde
n’incluent pas celui de faire les lois.
Pour le parlement, on peut dire que le président choisit indirectement les candidats aux législatives, la question du vote des citoyens étant secondaire puisque statistiquement les Français
votent pour les candidats du même parti que celui du président nouvellement élu.
“Le vote des citoyens étant secondaire” ? Soyons sérieux: ce sont les citoyens qui élisent les députés. Que les citoyens souhaitent donner au président qu’ils ont élu une majorité lui permettant
de gouverner est une évidence. Mais ce sont eux qui font le choix, et personne ne leur impose. D’ailleurs, en 1988 les citoyens n’ont pas accordé la majorité aux candidats “choisis indirectement”
par le président nouvellement élu, François Mitterrand…
J’ajoute que le président n’a pas beaucoup d’influence au moment du choix des candidats aux législatives, qui est souvent soumis à des rapports de force locaux. Et souvent, lorsque les directions
parisiennes essayent d’imposer un “candidat du président”, le candidat local se présente en dissident et arrive généralement à se faire élire…
On peut imaginer qu’elle voulait dire que c’est l’exécutif qui a choisi quasi-librement les modalités de l’écriture.
Qu’un professeur de droit confonde le “pouvoir constituant” avec le fait de rédiger le texte me paraît particulièrement inquiétant pour la formation des nouvelles générations.
Cela va avec son raisonnement qui dit que le texte a été présenté au peuple sous « forme de salut de la patrie en danger sans lui avoir permis d’en débattre à aucun moment de son élaboration.
» Je crois que si l’on veut critiquer son texte, il faut en premier lieu s’en prendre à cet argument.
C’est probablement l’argument le plus facile à réfuter. L’élaboratio d’une constitution est un processus très technique. Si l’on avait fait “débattre le peuple de son élaboration”, qui aurait
participé aux “débats” ? Les ouvriers ? Les employés ? Les paysans ? Bien sur que non. Quiconque aura participé à des “débats” publics sait que la salle est au trois quarts remplie d’enseignants,
de professions libérales, d’intellectuels, de cadres… et que ce sont ceux-ci qui sont pratiquement les seuls à prendre la parole. Donner le pouvoir à la “démocratie participative”, c’est donner
le pouvoir aux classes moyennes, celles qui ont le temps et les moyens d’y participer.
Je crois que vous la défendez vous-même ici : « les pouvoirs que la constitution de la Vème République accorde au Président sont limités lorsque le peuple ne lui accorde pas une majorité
parlementaire. »
Vous avez raison, ma plume a fourché. J’aurais du écrire “les pouvoirs que la constitution de la Vème République accorde au Président sont limités, et cette limitation apparaît clairement lorsque
le peuple ne lui accorde pas une majorité parlementaire”.
Troublante année 1986.
Je partage votre avis, Descartes. La Vème est morte en 86 (son esprit à tout le moins), lorsque Mitterrand a refusé de remettre en jeu son mandat. Nombre de gaullistes n’y ont pas vu malice. J’ai
pour ma part toujours eu le sentiment que Mitterrand savait que, par là, il dynamitait la constitution.
1986. Cohabitation. Acte Unique. Premieres effets de la dérégulation bancaire. Année d’un profond basculement.
Certains gaullistes s’en sont parfaitement rendu compte: Maurice Duverger, l’éminent constitutionnaliste, s’est même fendu d’un livre, “La nostalgie de l’impuissance”, qui n’a pas pris une ride
et que tous ceux qui proposent une VIème République feraient bien de relire…
Aujourd’hui, au journal télévisé, la présentatrice demande au Premier ministre. "Ne faudrait-il pas un gouvernement plus resserré ?" Celui-ci répond : "C’est la décision (ou l’affaire, ou la responsabilité, je n’ai pas noté) du président de la République". En somme, le Premier ministre lui-même affirme à la télévision que c’est le président qui met fin à la mission d’un ministre, et qui décide de la composition du gouvernement – exactement ce que soutient la "diablesse"… La France est le seul pays de l’Ue où le chef de gouvernement n’est pas le vrai chef de l’exécutif, et un des rares où la principale assemblée n’est pas élue à la proportionnelle (les formes de celle-ci étant d’ailleurs variées). On peut trouver ça bien ou mal, important ou pas important, on ne peut pas nier que la description de la "diablesse" est assez exacte quant à la pratique constitutionnelle, et que vouloir changer ça ne serait pas un simple retour aux IIIeme et IVème républiques, lesquelles d’ailleurs n’étaient peut-être pas si épouvantables que ça. Une proportionnelle avec prime majoritaire pour la coalition arrivée en tête (à la manière de l’Italie, ou à la manière des municipales françaises) ferait les affaires du Parti de Gauche : la gauche aurait la majorité, mais le PS seul ne l’aurait pas.
A quoi il convient d’ajouter ceci :
Sur cette question (celle des pouvoirs respectifs du président et du Premier ministre), mentionner le Comité d’experts et le Comité consultatif constitutionnel, est particulièrement mal venu. En effet, la pratique constitutionnelle actuelle a deux origines, dont aucune n’aurait été suffisante à soi seule.
1° La pratique constitutionnelle de De Gaulle et de ses premiers ministres.
2° L’élection du président au suffrage universel direct.
Or la première pouvait difficilement être anticipée par les membres des comités : elle a dépendu du triomphe électoral gaulliste à l’élection parlementaire de 1958.
Et la deuxième ne pouvait absolument pas être anticipée : elle a dépendu du référendum de 1962, tout à fait inconstitutionnel (le président ne peut pas réviser la constitution en procédant à un référendum par l’article 11 mais doit le faire par l’article 89, lequel requiert que le texte soit voté par les deux assemblées en termes identiques). Le conseil constitutionnel, présidé par un gaulliste traître convaincu aux devoirs de sa charge, s’est déclaré incompétent. Le parlement aurait alors dû constituer une Haute cour de justice qui aurait déchu de Gaulle pour haute trahison (si une violation flagrante et majeure de la constitution par le président ne ressortit pas à la haute trahison, qu’est-ce que donc que la haute trahison…?). Le parlement a jugé cela politiquement impossible et on a alors assisté à une violation de la constitution telle qu’on n’en avait jamais vu qu’une depuis les débuts de la République (les pleins pouvoirs constitutionnels accordés à Pétain en 1940).
Bref : sur cette question, les membres des comités ont été, par de Gaulle, trompés et trahis (trompés en 1958, trahis en 1962).
Bref, on peut être partisan de la pratique actuelle, mais prétendre qu’elle correspond aux textes, cela fait une contre-vérité, et prétendre que sur la question des rapports président/Premier ministre elle procède des comités de 1958, cela en fait une deuxième.
mon message risque d’être, I’m afraid, inséré au mauvais endroit…
Ce texte parait en tout état de cause cautionné par la direction du PG. Ce qui est suffisamment désespérant à mes yeux!