Sur l’Euro, silence dans les rangs

Lors du dernier congrès du PG, quelques commentaires tombés négligemment de la bouche du Petit Timonier avaient mis la puce à l’oreille de certains commentateurs. En déclarant que si l’euro ne se laissait pas réformer dans le sens souhaité par le PG il faudrait envisager de le quitter, Mélenchon avait ouvert – ou du moins c’est ainsi que l’ont interprété certains républicains impénitents qui s’obstinent contre toute évidence à le suivre – une brèche dans la ligne franchement europhile du Front de Gauche. On pouvait imaginer que cette petite déclaration ouvrait un débat trop longtemps étouffé au PG en particulier et dans le Front de Gauche en particulier, celui de l’opportunité d’adhérer inconditionnellement à la mystique de la construction européenne et de sa production la plus éclatante, l’Euro.

Ce n’était qu’une fausse alerte, bien entendu. Mélenchon a rapidement retropédalé sur le mode « je n’ai pas voulu dire ce que j’ai dit », et on n’en a plus parlé. Mais le feu couve sous la cendre. Et il couve parce que certains – en particulier au MPEP – ont fini par réaliser combien il est dangereux de laisser au Front National le monopole de l’opposition à l’Euro et à l’Union européenne, à un moment de notre histoire où l’électorat populaire devient chaque jour plus conscient du fonctionnement, désastreux pour lui, de la machine européenne. Il en résulte un débat politique qui ressurgit périodiquement, quelque soient les efforts que font les dirigeants du Front de Gauche pour l’étouffer.

L’exemple peut-être le plus amusant a été la tribune publiée par l’Humanité du 13 juin 2013 sous la signature de six « membres de la commission économique du PCF » (1). Au delà des débats que cet article a suscité, le texte et sa suite sont à lire absolument parce qu’ils permettent de comprendre l’état du débat à l’intérieur de la direction du PCF et les raisons pour lesquelles la ligne « eurolâtre », loin d’être un accident de l’histoire, est là pour durer.

Le premier paragraphe de l'article donne dejà des précieuses informations sur l’état d’esprit de ses rédacteurs :

« La souffrance sociale terrible fait grandir des illusions de fausse radicalité. D’un côté, comme l’ont confirmé les Grecs eux-mêmes, le refus est majoritaire de sortir de l’euro. Il ne s’agit pas de rester isolé face aux marchés financiers et à la spéculation déchaînée. Mais, d’un autre côté, gronde la protestation contre l’utilisation qui est faite de l’euro, si favorable à la domination des marchés financiers et des grandes banques. D’où les propositions de certains pour sortir de l’euro ».

Le lecteur non averti pourrait être désorienté par ce paragraphe. Il semble évident que les auteurs de l’article attaquent quelqu’un. Mais qui, exactement ? De quelle « fausse radicalité » on parle ? Qui seraient les « faux radicaux » ? Peut-être les « certains » qui proposent de sortir de l’Euro. Auquel on oppose un « refus majoritaire » qui se serait exprimé alors qu’aucun peuple européen n’a pour le moment été formellement consulté sur la question. Après l’inévitable paragraphe sur la méchanceté du monde dans lequel le « Nicolas Sarkozy » a été remplacé par « François Hollande », on précise un peu le statut de l’accusé :

« Face à ces blocages [ceux de François Hollande], certains agitent l’idée de sortir de l’euro. Cela reviendrait à fuir devant la lutte décisive pour une autre utilisation de celui-ci et de la BCE ».

Ces « certains », dont on ne précise jamais l’identité, sont donc accusés de désertion devant l’ennemi. On se retrouve sur la même ligne que le Mélenchon qui avait déclaré pendant la campagne de 2012 que ceux qui voulaient quitter l’Euro étaient « maréchalistes ». Et alors comme maintenant, on évite de mettre des noms sur ces affreux, selon le vieux principe qui veut que les hérétiques se reconnaîtront. En tout cas, ces paragraphes laissent entrevoir clairement la genèse de ce texte : il ne s’agit pas d’une tribune destinée à annoncer une position, mais un réponse à « certains » inconnus qui persistent à faire du mauvais esprit. Mais ce qui est plus intéressant, est d’entrer dans l’argumentation. Pour les auteurs du texte, l’abandon de l’Euro serait « une illusion démagogique et dangereuse » pour un certain nombre de raisons. Examinons-les une à une :

« Le commerce extérieur de la France souffre d’un déficit annuel de 60 à 70 milliards d’euros. Le retour au franc, qui se ferait alors au prix d’une dévaluation de l’ordre de 25% par rapport à l’euro, entraînerait automatiquement un enchérissement du même ordre du coût de nos importations ».

C’est rigoureusement vrai. Mais accepter cet argument revient à admettre implicitement non seulement qu’il faut rester dans l’Euro, mais qu’il faut un euro fort. En effet, une bonne partie de notre déficit annuel provient de produits que nous achetons en dollars (2) : les produits pétroliers, les importations en provenance des Etats-Unis et du sud-est asiatique… toute dévaluation de l’Euro par rapport au dollar aurait donc un effet du même type qu’un « retour au Franc suivi d’une dévaluation de 25% ». Or, ce sont bien les politiques d’austérité, de haute rentabilité du capital et de taux d’intérêt élevés qui permettent de maintenir l’Euro fort en relation avec le dollar. Si demain on faisait la politique de « l’autre Euro » que proposent les auteurs de l’article, c’est à dire une BCE prêtant à faible taux aux états et une politique moins accommodante pour le capital, les capitaux qui achètent aujourd’hui de l’Euro pour pouvoir s’investir en Europe iraient voir ailleurs, provoquant la dépréciation de la monnaie. Et donc le renchérissement que redoutent tant les auteurs de l’article. Qui ajoutent :

« Ce ne serait pas très grave, nous dit-on, parce que, grâce à la dévaluation du franc, nos exportations s’envoleraient. Mais c’est ne pas voir combien la croissance est durablement lente de partout. C’est ne pas comprendre à quel point le surcroît de compétitivité-prix que cela prétendrait donner aux exportations françaises se ferait surtout au détriment de nos partenaires d’Europe du Sud, l’Allemagne voyant au contraire son excédent commercial gonflé par une dévalorisation du travail des Français qui rendra meilleur marché ses importations en provenance de son principal partenaire commercial ».

Ce paragraphe montre à quel point la « commission économique du PCF » est prête à dire tout et son contraire pour soutenir la position de sa direction. Quel économiste sérieux peut défendre l’idée que lorsqu’un pays dévalue sa monnaie, cela a pour effet d’améliorer la balance commerciale de son principal partenaire ? Si l’on suit ce raisonnement, les pays occidentaux devraient se réjouir que le Yuan soit sous-évalué, puisque la sous-évaluation améliore leur balance commerciale en « dévalorisant le travail des chinois ». Or, c’est exactement le contraire qui se produit : les chinois se battent pied à pied contre l’occident qui leur demande au contraire de réévaluer leur monnaie. La logique exposée par les auteurs de l’article est absurde : une dévaluation de la monnaie française – rétablie – par rapport à l’Euro réduirait, vus d’Allemagne, le prix des produits français et donc la somme nécessaire pour acheter les importations. Mais à cet effet prix s’oppose un effet volume : des produits français moins chers viendraient se substituer dans le choix du consommateur aux produits fabriqués en Allemagne, augmentant ainsi le volume des produits achetés. Et cet effet volume fait plus que compenser l'effet prix.

Mais le raisonnement est curieux sur un autre point. Nos économistes affirment que le surcroît de compétitivité-prix se ferait « au détriment de nos partenaires d’Europe du Sud ». Pourtant, si la « dévalorisation du travail des français » améliore la balance commerciale allemande, on voit mal pourquoi on n’aurait pas le même effet pour les balances commerciales des « partenaires de l’Europe du Sud ». Pourquoi les allemands seraient les seuls à en bénéficier ? Si le prix du foie-gras est réduit par la dévaluation de 25%, ce sera autant pour les italiens ou les grecs que pour les allemands, non ?

Tout cela ressemble un peu trop à un raisonnement ad-hoc. Les allemands sont des « méchants », nos « partenaires d’Europe du Sud » des « gentils ». Il faut donc démontrer que les affreux qui veulent sortir de l’Euro font le jeu des « méchants » au détriment des « gentils. Voilà la logique sous-jacente de ce raisonnement.

La troisième raison pour s’opposer à la sortie de l’Euro mérite elle aussi le détour :

« Notre dette publique a été très internationalisée depuis les années 1980. Aujourd’hui elle est détenue à 60% par des opérateurs non résidents, banques, sociétés d’assurances, fonds de pension… Le retour au franc dévalué entraînerait automatiquement un enchérissement de 25% sur les quelque 1.140 milliards d’euros de titres de dette détenus hors de France ».

La réponse ici est évidente : lors d'une sortie de l’Euro il n'y a aucune raison de maintenir la dette publique libellée dans une monnaie déterminée. La sortie de l'Euro peut parfaitement s'accompagner de la transformation de la dette libellée en Euro en une dette libellée en monnaie nationale. Ce qui en pratique équivaut à un défaut partiel sur la dette puisque les investisseurs ne récupéreront qu’une partie du capital exprimé dans la monnaie dans laquelle ils ont investi. Ce qui est étrange, c’est que les auteurs de la tribune semblent exclure cette solution alors que d’un autre côté le candidat présidentiel du Front de Gauche affirme, sans être contredit, que la dette ne sera jamais payée, et qu’il y aura à un moment donné un défaut partiel…

Et finalement, les six membres de la « commission économie du PCF » énoncent ce qui est pour eux – et je les cite – la « raison la plus importante » pour rester dans l’Euro… qui n’est pas un argument économique mais politique :

« La raison la plus importante, c’est qu’en sortant de l’euro, on déserterait le terrain de la bataille pour un autre euro et pour une construction solidaire de l’Union européenne, au mépris d’une nouvelle croissance fondée sur le développement des peuples et, notamment, sur l’aide aux pays d’Europe du Sud. On passerait à côté d’une opportunité historique pour changer la situation économique et sociale en France, en Europe et dans le monde. Une nouvelle politique solidaire dans l’Union européenne s’appuierait sur la force de la monnaie que peut créer la BCE. Alors que chaque pays européen dispose, isolément, d’un potentiel restreint, la création monétaire en commun, avec l’euro, offre des potentiels bien plus importants, car elle est assise sur la capacité de production de richesses et la créativité de 322 millions de personnes ».

En d'autres termes, nous devons garder un ordre monétaire qui est en train de tuer l'industrie française et mettre le pays a genoux au nom d'une bataille qui aboutira peut-être un jour, qui sait, à "un autre euro" plein de promesses de nouvelles politiques solidaires. Et ce serait quoi, la « nouvelle politique solidaire » ?

« À partir de la protestation qui enfle dans tous les peuples de l’Union contre l’austérité, le pacte de stabilité et le sabordage des services publics, exigeons que la BCE finance directement un très grand essor des services publics et de leur coopération en Europe. Pour cela, chaque pays émettrait des titres de dette publique rachetés par la BCE. L’argent serait affecté à un fonds social solidaire et écologique de développement des services publics européens, géré démocratiquement, qui le répartirait entre chaque pays proportionnellement à ses besoins ».

Examinons, si vous le voulez bien, les différentes étapes de la « politique solidaire ». D’abord, chaque pays émettait des titres de dette publique que la BCE rachèterait. Ce qui pose la première question : d’où la BCE sortirait-elle l’argent pour acheter de telles émissions ? A part faire tourner la planche à billets, on voit mal comment elle pourrait faire. Mais si la BCE fait tourner la planche à billets, l'Euro devrait rapidement se dévaluer, renchérissant du coup nos importations libellées en dollars… On me répondra que la BCE a bien mis des milliers de milliards à la disposition des banques. C’est vrai : mais c’étaient des prêts à court terme et nullement gratuits. On imagine que pour la « politique solidaire », il s’agit au contraire de « prêts » gratuits et à long terme.

Mais passons à l’étape suivante : une fois que chaque pays a vendu ses titres à la BCE, il affecterait le produit de la vente à un fond européen, et non national – qui sera évidemment « social, solidaire, écologique » et, aucun poncif ne nous étant épargné, « démocratiquement géré » – qui le repartira entre les pays « proportionnellement à leurs besoins ». Et tout ça pour développer des « services publics européens » dont on n’a pas la moindre idée en quoi ils pourraient consister.

De toute évidence, cette proposition n’a ni queue ni tête. L’idée de pays qui émettent des titres qu’ils vendent à la BCE pour ensuite redonner le produit à un « fonds européen » et qui laissent ensuite à une entité supranationale redistribuer cet argent parmi les pays « en fonction de leurs besoins » semble faite pour noyer le poisson. A quoi sert cette histoire de titres ? Ne serait-ce plus simple de demander à la BCE d’alimenter directement le fonds, sans passer par l’étape de l’émission des titres et de leur rachat obligatoire ? Et qui décidera quels sont les « besoins » de tel ou tel pays ? Encore une fois, tout cela sent à plein tubes le service commandé. La « commission économie du PCF » n’a pas dans ses cartons une proposition un peu plus réfléchie que celle-ci, qui sent l’improvisation à des kilomètres ?

Mais la « politique solidaire » ne s’arrête pas là :

« Exigeons qu’elle [la BCE] refinance les crédits pour les investissements matériels et de recherche des entreprises à des taux d’intérêt d’autant plus abaissés, jusqu’à 0%, voire en dessous, que ces investissements programmeraient plus d’emplois et de formations correctement rémunérés, plus de progrès écologiques ».

L’idée de taux « jusqu’à 0% voire en dessous » a de quoi exciter l’imagination… on imagine la banque vous payant pour que vous acceptiez l'argent qu'elle vous prête. Mais vous avouerez que tout cela sonne creux. Ce sont des incantations sans substance, une pure pétition de principe.

Un texte aussi faible, aussi vague, aussi creux ne pouvait qu’attirer des réponses. Ce fut le cas. Jacques Nikonoff et Jean-Claude Danglot se sont fendus d’un texte ferme et clairement argumenté à défaut d’être réaliste (3). En réponse, la « bande des six » récidive, avec une nouvelle tribune publiée le 9 juillet qui, elle aussi, mérite un commentaire.

Cette fois-ci, les « certains » hérétiques se trouvent un peu mieux précisés : « Face à une argumentation précise, certains, comme Jacques Sapir, ont choisi le terrain du dénigrement ». Je n’ai pas réussi a retrouver le commentaire de Sapir, mais je doute fort qu’il se soit limité au « dénigrement ». Mais le plus étonnant, c’est qu’il est seul cité, probablement parce qu’il est une personnalité extérieure au Front de Gauche. Par contre, aucune mention n’est faite de la critique de Nikonoff et Danglot, pourtant publiée dans l’Humanité. On se contente de s’y référer par périphrase :

« Il convient, cependant, de renouveler l’argumentation en faveur des propositions concrètes, radicales et rassembleuses à gauche, portées par les économistes communistes dans le cadre du Front de gauche, contre les tentatives de semer le trouble, d’intimider et de brouiller les pistes dans un débat d’une grande importance politique ».

Là les accusations deviennent graves : « semer le trouble », « intimider », « brouiller les pistes »… encore une fois, de qui on parle ? Quels sont ces méchants manipulateurs qu’on essaye de faire taire ? Mystère… mais on se dit qu’il doit y avoir beaucoup et qu’on doit les juger dangereux pour que la direction du PCF se sente obligée de faire tonner les canons de la « commission économie du PCF ». Mais dans sa défense, la « bande des six » inverse les arguments de son précédent papier. Cette fois-ci, on parle d’abord de l’essentiel :

« Premièrement: contre la prétendue solution radicale de sortie de l’euro, la « raison la plus importante » opposée à cette fausse solution, comme cela a été avancé dans l’Humanité du 13 juin, concerne la désertion de la bataille déjà engagée pour un autre euro, une autre BCE et une autre construction européenne. Cela concerne la proposition d’un nouveau crédit pour sécuriser et promouvoir l’emploi à partir de la BCE et, aussi, une autre création monétaire de cette dernière pour alimenter un Fonds européen de développement social, solidaire et écologique, notamment pour une expansion des services publics en coopération. Nos critiques font précisément silence sur cette question et ces propositions cruciales. Cela confirme leur caractère décisif et le besoin de rassembler dans les luttes autour de ces idées nouvelles ».

Doit on comprendre alors que si les critiques avaient commenté ces propositions, cela aurait infirmé leur « caractère décisif » et le « besoin de rassembler autour de ces idées nouvelles » ? Tout ça est, disons le franchement, ridicule. Chercher une « confirmation du caractère décisif » d’une proposition dans le silence de ses critiques montre à quel point on est conscient de la faiblesse de ses propres arguments. L’explication la plus probable sur le « silence » des critiques est que ce paragraphe est creux et par conséquence ne mérite même pas la critique. Il est difficile de critiquer une proposition que ses auteurs eux-mêmes sont incapables de préciser. Il ne suffit pas de mettre le mot « autre » devant un mot pour créer une « idée nouvelle ». Et les auteurs continuent :

« Par ailleurs, d’autres propositions, comme celles de Jacques Nikonoff et Jean-Claude Danglot, de sortir de l’Union européenne, d’opposer la Banque de France, le franc et une solution purement nationale à la BCE et un autre euro prétendu illusoire, ne voient pas que:

– déjà la BCE a dû intervenir pour soutenir les pays européens en difficulté sans révision des traités;

– la création monétaire de l’euro donne une base monétaire pour une croissance européenne solidaire de progrès social, qui serait suffisamment importante et solide pour s’émanciper des marchés financiers et de la spéculation;

– contre la mondialisation du libéralisme, la construction d’une autre Union européenne fournit une force désormais indispensable pour une politique autonome ».

On se frotte les yeux pour voir si l’on ne rêve pas. Car vous noterez que ce paragraphe n’est pas écrit au conditionnel ou au subjonctif. Il ne s’agit pas dire que « la construction d’une autre Union Européenne pourrait fournir… etc. ». Non, tout cela est écrit au présent de l’indicatif : « la construction d’une autre Union européenne » fournit d’ores et déjà une « force désormais indispensable »…

Ce discours digne de Jacques Delors ou de Michel Rocard est d’autant plus incroyable que ni Yves Dimicoli ni Paul Boccara ne sont des perdreaux de l’année. L’un et l’autre ne peuvent avoir oublié les débats qui ont précédé la ratification du traité de Maastricht. Or, si l’on lit ce qu’ils écrivent aujourd’hui, on ne peut que conclure que le PCF a eu tort à l'époque de se battre contre un traité qui créait rien de moins que la « base monétaire pour une croissance européenne solidaire de progrès social ». Je ne me souviens pas que Boccara ou Dimicoli aient à l'époque défendu le Traité. S’ils ont changé d’avis, il faudrait peut-être qu’ils commencent par nous expliquer pourquoi.

Tout cela n’est pas sérieux. Ce n’est pas sérieux, mais cela pourrait être grave. Car, comme je l’ai dit au départ de ce trop long papier, ces deux tribunes ne sont pas écrites par hasard. C’est la réponse de la direction du PCF à ceux qui songeraient à s’écarter de la « ligne » eurolâtre. Cela fait partie du terrorisme intellectuel qui remplace au Front de Gauche le débat ouvert. Mélenchon avait fait des anti-euro des "maréchalistes", la direction du PCF en fait des "déserteurs".

On sait donc maintenant sur quelle base le PCF – et dont le Front de Gauche – ira aux élections européennes. Ce sera sur la ligne « eurolâtre ». Et il n'y a là dedans aucune surprise: lorsqu'on a su que le Front de Gauche irait aux éléctions sur une plateforme commune aux intégrants du PGE, on pouvait déduire que la messe est dite. Le PCF n’a aujourd’hui ni les moyens matériels ni les moyens intellectuels d’aller contre le courant, et surtout contre le tropisme européen des classes moyennes qui constituent sa base sociologique. Il faut être bien naïf pour croire qu'il aurait pu en aller autrement.

Un petit mot pour terminer : « l’autre euro », tout comme « l’autre Europe » sont des leurres. Et à ce propos, je ne peux que vous citer un texte magnifique qui m’a été proposé par un lecteur assidu de ce blog :

« Qu’on sorte du cadre européen, et on revient à une histoire qui est notre histoire, avec des difficultés qui sont nos difficultés. On redevient maîtres de notre propre destin. Ce qui mine les gens, actuellement, ça n’est pas simplement le chômage, ou des perspectives sombres : c’est le sentiment d’impuissance. Avec une appartenance collective, les gens débattent entre eux, éventuellement se foutent sur la gueule, prennent une décision, sont collectivement responsables de ce qui leur arrive. Putain mais on est là, à se faire chier, dans un ensemble de non-décisions, avec Bruxelles, avec Francfort, des négociations humiliantes, sans perspective, avec une histoire infiniment nulle qui se profile, et tout d’un coup, ça y est, on est dans la merde, ensemble, en tant que français, on retrousse nos manches et on essaye de s’en sortir. Ca n’est pas beau, ça ? Et la démocratie renaît. Et au début, on est un petit peu appauvris. Mais on va quelque part, et nos enfants vont quelque part » (Emmanuel Todd)

Je n’ai pas toujours été d’accord avec Todd. Mais sur ce coup là, je pense qu’il est visionnaire. Voilà la meilleure réponse qu’on peut donner aux six tristes économistes qui nous proposent un avenir fait de formules creuses. Et qui ne se rendent pas compte que par leur manque de courage ils laissent une avenue au Front National, qui risque d'être le seul parmi les grands partis à proposer une alternative qui ne se limite pas à apposer le mot "autre" devant les choses.

Descartes

(1) Paul Boccara, Frédéric Boccara, Yves Dimicoli, Denis Durand, Jean-Marc Durand, Catherine Mills. Il n'aura échappé à personne qu'au PCF l'économie est une affaire de famille… Cette tribune a donné lieu à une tribune en réponse de Jacques Nikonoff et Jean-Claude Danglot, puis d’une contre-réponse du groupe des six. Et finalement, une contre-contre-réponse de Nikonoff et Danglot que l’Humanité, dont le débat ouvert n’est certainement pas la première priorité, refusera de publier. Les liens vers les différents articles sont ci-dessous

http://www.humanite.fr/social-eco/contre-l-austerite-en-europe-luttons-pour-un-autre-543688

http://www.humanite.fr/tribunes/luttons-pour-sortir-de-l-euro-et-de-l-union-europe-545041

http://www.humanite.fr/tribunes/rassembler-dans-les-luttes-pour-l-alternative-radi-545569

http://www.m-pep.org/spip.php?article3402

(2) Le déficit de notre commerce extérieur résulte pour une petite moitié de notre déficit envers l’UE et pour une grosse moitié par notre déficit envers le reste du monde. Mais ces chiffres sont trompeurs : certains biens que nous achetons au reste de l’UE sont fabriqués à partir de matières premières ou de produits semi-finis eux-mêmes importés de l’extérieur de l’UE et donc payés en dollars.

(3) Je l’ai déjà dit à un autre commentateur, je ne partage pas l’hypothèse centrale, celle de faire du « franc » rétabli une monnaie inconvertible. Je trouve aussi que Nikonoff et Danglot sacrifient un peu trop aux vaches sacrées du genre « échelle mobile des salaires » sans penser à l’effet inflationniste. Mais ce n’est pas mon objet ici de commenter ce papier.

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42 réponses à Sur l’Euro, silence dans les rangs

  1. CVT dit :

    Bonsoir Descartes,
    concernant l’attaque de la bande des Six contre J.Sapir, je crois qu’elle est une réponse à ce post:

    http://russeurope.hypotheses.org/1381

    Je ne vais pas refaire une redite de l’article, mais chiffres à l’appui, Sapir y démonte la première tribune publiée en juin dernier dans l’Humanité par les six hurluberlus qui martèlent un discours dont on peine à discerner les différences avec celui d’eurolâtres comme Delors, Rocard, Lamy, Hollande, etc…
    Je voudrais plutôt revenir sur l’aspect corrupteur de l’UE, car c’est bien de cela qu’il s’agit: au niveau du parlement européen, tous les partis qui ont adhéré à un groupe parlementaire européen sont souvent tenus PAR CONTRAT de soutenir la construction européenne. En gros, le PGE est financé par l’UE, à condition de promouvoir les efforts de la construction européenne, euro inclus! En clair, le PCF ne néglige aucune source de revenus, même celle provenant de l’UE! On peut penser que pour infléchir à ce point la ligne historique du PCF, les institutions européennes ont dû mettre le paquet
    :((…
    C’est à peu de choses près, le même phénomène que la CGT, qui a adhéré en 1999 à la Conféderation Européenne des Syndicats (CES), qui a marqué une inflexion historique à son action. Il est de notoriété publique que cette entité européenne a été fondée et financée directement par la Commission Européenne, et le fait qu’un syndicat historiquement anti-européen ait pu prendre un virage europhile contraire à son histoire en dit long sur la déliquescence du mouvement ouvrier, mais également de la "corruption morale" des dirigeants syndicaux, qui ne défendent plus que des prébendes. Je reste ébahi par le souvenir d’une CGT ayant milité en 1992 contre le traité de Maastricht, et qui en 2005 lors du référendum sur le TCE, refusait de donner des consignes de vote. On avait alors constaté une franche divergence entre la base noniste et la direction, qui tenue par son appartenance à la CES, aurait aimé appeler à la ratification.
    Vous êtes probablement plus au fait que moi des difficultés financières de PCF et de la CGT, mais je m’explique assez mal comment des partis et des syndicats aussi vénérables, et connus pour défendre les intérêts ouvriers aient pu se laisser à ce point circonvenir, du moins si on s’en tient au sommet de ses deux organisations.

    ps: bravo pour la citation d’Olivier Todd, je n’en changerais pas une virgule, ni même un point…

    • Descartes dit :

      @cvt

      [concernant l’attaque de la bande des Six contre J.Sapir, je crois qu’elle est une réponse à ce post: http://russeurope.hypotheses.org/1381%5D

      En effet. Un très bon article. Et on peut comprendre l’énervement de Sapir

      [Je voudrais plutôt revenir sur l’aspect corrupteur de l’UE, car c’est bien de cela qu’il s’agit: au niveau du parlement européen, tous les partis qui ont adhéré à un groupe parlementaire européen sont souvent tenus PAR CONTRAT de soutenir la construction européenne. En gros, le PGE est financé par l’UE, à condition de promouvoir les efforts de la construction européenne, euro inclus!]

      Pardon, mais… d’où sortez vous cette information ?

      [Vous êtes probablement plus au fait que moi des difficultés financières de PCF et de la CGT, mais je m’explique assez mal comment des partis et des syndicats aussi vénérables, et connus pour défendre les intérêts ouvriers aient pu se laisser à ce point circonvenir, du moins si on s’en tient au sommet de ses deux organisations.]

      Je ne crois pas que ce soit une question financière – je doute d’ailleurs qu’une subvention européenne aux groupes parlementaires soit « conditionnée » de la sorte. Je pense que pour ce qui concerne le PCF, l’explication est sociologique. C’est devenu une organisation des classes moyennes, et il représente les intérêts des classes moyennes. A partir de là, l’adhésion à la construction européenne et à l’Euro – même déguisée sous les vocables d’une « autre Europe » et un « autre euro » – est la conclusion logique. La question de la CGT est plus compliquée : la participation à certaines négociations sociales passe par l’adhésion à la CES…

    • Sylvain dit :

      Il y a un point qui me trotte dans la tête à la lecture de votre article, Descartes, c’est leur idée qu’un retour au franc suivi d’une dévaluation serait "méchant" pour l’europe du sud, mais qu’ils proposent ("exigent en fait, leur sens politique est assez barbare) des politiques qui feraient baisser l’euro. Vous avez déjà relevé la contradiction, sauf que : en est ce bien une? Je m’explique : rééquilibrer quelque peu notre balance commerciale vis à vis des européens (et du monde entier), c’est mal, rééquilibrer notre balance commerciale vis à vis du monde entier, sauf les pays européens, c’est bien. En d’autres termes, le sud méditerranéen, l’amérique du sud, ou le sud asiatique (puisqu’ils semblent aimer le sud), on s’en fout, tant qu’on est pro-européen. Un nationalisme paneuropéen qui ne dit pas son nom (comme les tenants de la préférence communautaire, dont certains hurlent d’indignation quand le fn parle de préférence nationale. Sans parler des discours type "il faut faire l’europe contre…(au choix, les asiatiques, les américains, le terrorisme etc). Passons). Un genre de racisme en fait. Dernièrement j’ai lu sous la plume d’un européiste (de gauche, j’éviterai plus de précision) que A Merkel posait problème à la politique de l’UE (austérité etc), parce qu’elle était de l’allemagne de l’est : elle n’est devenue européenne qu’à l’âge de 37 ans. Je n’ai pu m’empêcher de rapprocher cela de la déclaration médiatisée de B Gollnisch, comme quoi je ne sais plus quel député "était un français de fraîche date", et donc n’était pas très au fait des intérêts français (interprétation magnanime, l’autre étant que c’est un traître en puissance…et en acte).
      Bref.

      "Pardon, mais… d’où sortez vous cette information ?"
      à défaut, je me permets de poster une réponse : des statuts du PGE.
      "art 5 : La Gauche Européenne a pour but de : (…)
      Promouvoir un « travail Européen de relations publiques » qui soutient activement le développement de l’identité Européenne conformément à nos valeurs et nos objectifs ; " http://fr.scribd.com/doc/106735751/Statut-du-Parti-de-la-Gauche-Europeenne
      De mémoire c’est la même chose pour la CES.

      Quelques articles intéressants sur le PGE à cette page http://www.ideologie-europeenne.fr/-Le-Parti-de-la-Gauche-Europeenne,72-.html (dont ‘Qu’est-ce que le Parti de la Gauche Européenne (PGE) ?’ qui affirme : "Au niveau européen, le PGE est le fer de lance de la liquidation des partis communistes et leur transformation en force « progressiste » ou de « gauche » comme en Allemagne ou en Italie. Dans les pays où les partis communistes, fortement impliqués dans les luttes sociales, refusent l’adhésion à la « construction » et au réformisme européens prônés par la GE, celle-ci soutient d’autres partis.", ou la résolution du PC hongrois lorsqu’il a quitté le PGE)

    • Descartes dit :

      @sylvain

      [Il y a un point qui me trotte dans la tête à la lecture de votre article, Descartes, c’est leur idée qu’un retour au franc suivi d’une dévaluation serait "méchant" pour l’europe du sud, mais qu’ils proposent ("exigent en fait, leur sens politique est assez barbare) des politiques qui feraient baisser l’euro.]

      Vous relevez une intéressante contradiction. Eh oui, après avoir craché sur le soi disant « égoïsme national » qui se manifesterait dans la politique de dévaluation compétitive entre pays européens, un certain nombre de voix dans la « gauche radicale » – et dans la gauche tout court – demandent une politique de « euro faible » qui aurait le même effet vis-à-vis de nos concurrents hors Europe… Cette contradiction montre que derrière ces discours se trouve une prémisse cachée, celle de l’Europe-nation dont les intérêts seraient d’une certaine manière légitimes alors que ceux des nations qui composent l’Europe seraient au contraire « égoïstes » et donc illégitimes.

      [Dernièrement j’ai lu sous la plume d’un européiste (de gauche, j’éviterai plus de précision) que A Merkel posait problème à la politique de l’UE (austérité etc), parce qu’elle était de l’allemagne de l’est : elle n’est devenue européenne qu’à l’âge de 37 ans. Je n’ai pu m’empêcher de rapprocher cela de la déclaration médiatisée de B Gollnisch, comme quoi je ne sais plus quel député "était un français de fraîche date", et donc n’était pas très au fait des intérêts français (interprétation magnanime, l’autre étant que c’est un traître en puissance…et en acte).]

      Là encore, vous relevez une autre manifestation de ce nouveau « nationalisme européen » qui, sous des déguisements généreux, ne fait que prendre ce qu’il y a de pire dans les nationalismes européens comme on a pu les connaître avant guerre, et particulièrement dans le nationalisme romantique allemand. Le « mauvais européen », comme le « mauvais français » naguère…

  2. jard dit :

    Emmanuel Todd, non?
    Cordialement.

    • Descartes dit :

      Vous avez tout à fait raison. Je ne sais pas pourquoi j’ai confondu Emmanuel et Olivier… l’erreur a été corrigée sur l’article, et je profite pour remercier tous les lecteurs qui ont pointé l’erreur, et dont je ne publie pas le commentaire pour ne pas encombrer le blog…

  3. Jean-François dit :

    Bonjour Descartes,

    [En déclarant que si l’euro ne se laissait pas réformer dans le sens souhaité par le PG il faudrait envisager de le quitter, Mélenchon avait ouvert (…) une brèche dans la ligne franchement europhile du Front de Gauche. (…) Ce n’était qu’une fausse alerte, bien entendu. Mélenchon a rapidement retropédalé sur le mode « je n’ai pas voulu dire ce que j’ai dit », et on n’en a plus parlé.]

    Je suppose que vous n’avez pas encore pu voir son débat avec Sapir sur la sortie de l’euro. Il m’a semblé que Mélenchon ne s’y montrait pas farouchement opposé (et se montrait même enthousiaste quand Sapir énonçait les résultats de ses calculs). Au cours du débat, il a réaffirmé que la mise en place de « critères de convergence sociale » est une condition sine qua non pour rester dans l’euro ; ce qui est équivalent à dire que s’il n’obtient pas cela, un gouvernement FdG sortirait de l’euro. Il affirme aussi que l’explosion de l’euro est le scenario le plus vraisemblable. Et qu’en cas de sortie de l’euro il saurait quoi faire.

    Si sa conviction sur la possibilité de changer l’Europe par la menace me semble toujours aussi forte, son discours en ce qui concerne la sortie de l’euro me semble se développer lentement (il parle par exemple d’aller à Bruxelles avec le bouquin de Sapir dans sa poche, et aussi carrément avec Sapir comme ministre). Je pense que c’est bien, car cela rend (lentement) plus crédible cette histoire de menace.

    Voici un lien où vous pourrez regarder ce débat (Je ne suis pro NPA, mais je ne trouve pas d’autre lien qui fonctionne) : http://tendanceclaire.npa.free.fr/breve.php?id=5375

    J’aimerais bien avoir votre avis là-dessus.

    • Descartes dit :

      @Jean françois

      [ Au cours du débat, il a réaffirmé que la mise en place de « critères de convergence sociale » est une condition sine qua non pour rester dans l’euro ; ce qui est équivalent à dire que s’il n’obtient pas cela, un gouvernement FdG sortirait de l’euro. Il affirme aussi que l’explosion de l’euro est le scenario le plus vraisemblable. Et qu’en cas de sortie de l’euro il saurait quoi faire.]

      Alors, pourquoi il ne nous le dit pas ? Quant à la « condition sine qua non »… on a du mal à comprendre comment Mélenchon peut en même temps accuser de « maréchalistes » ceux qui voudraient sortir de l’Euro, couvrir le discours de Généreux sur les bienfaits de l’Euro qu’il serait folie d’abandonner, et ensuite énoncer des conditions « sine qua non ». Que Mélenchon ait choisi devant Sapir de ne pas l’affronter de face pour ne pas avoir l’air trop ridicule, on peut le comprendre. Mais son discours n’est pas sérieux : croît-il vraiment qu’une « convergence sociale » est possible étant données les différences d’intérêt entre les différents Etats européens ?

      [Si sa conviction sur la possibilité de changer l’Europe par la menace me semble toujours aussi forte, son discours en ce qui concerne la sortie de l’euro me semble se développer lentement (il parle par exemple d’aller à Bruxelles avec le bouquin de Sapir dans sa poche, et aussi carrément avec Sapir comme ministre).]

      Les paroles n’ont jamais coûté bien cher… faudra m’expliquer comment Sapir et Généreux pourraient être ministres du même gouvernement.

      [Je pense que c’est bien, car cela rend (lentement) plus crédible cette histoire de menace.]

      Bof. Une menace qu’on ne se donne pas les moyens de mettre à exécution ne sera jamais crédible.

      [Voici un lien où vous pourrez regarder ce débat (Je ne suis pro NPA, mais je ne trouve pas d’autre lien qui fonctionne) : http://tendanceclaire.npa.free.fr/breve.php?id=5375. J’aimerais bien avoir votre avis là-dessus.]

      J’essaierai de regarder, mais je vous promets rien. Ma patience n’est plus ce qu’elle était…

  4. Marencau dit :

    Bonjour Descartes,

    Voici je crois le lien que tu cherches vers le commentaire de Jacques Sapir sur l’article des économistes du PCF: http://russeurope.hypotheses.org/1381

    Sapir dénigre bien les auteurs de l’article comme étant "sourds" ou comme faisant preuve de "mauvaise foi" mais il argumente quand même, bien que sa critique soit un peu trop superficielle à mon goût. Mais on connaît déjà bien son point de vue, notamment avec son livre "faut-il sortir de l’euro ?" que j’ai globalement apprécié. L’as-tu lu ?

    Par ailleurs, je trouve étonnant que tu ne mentionnes pas du coup le fameux débat entre lui et Mélenchon qui mériterait un papier à lui tout seul. Tu le trouveras (gratuitement) sur son blog également: http://russeurope.hypotheses.org/1425

    Je pense que les positions au FDG évoluent malgré tout. On reste toujours dans le mythe de "l’autre euro" et de "la désobeissance européenne" avec tout son cortège, bien sûr. Mais avec en fond de toile, des prédictions sur la fin de l’euro qui va en gros "exploser sauf si le FDG va au pouvoir pour mettre en place une solidarité européenne".

    Comme ça, ils ont une porte de sortie:
    1) la base sociologique n’est pas outrée par des positions souverainistes
    2) cela permet de jouer à l’alternatif et de dire qu’on ne veut pas de ce système
    3) ils pourront dire si l’euro saute qu’ils l’avaient prédit et que leur politique l’aurait préservé
    4) ça ne leur ferme pas complètement la porte si l’euro saute "de force" pour préparer la suite sans avoir l’air d’être trop pris au dépourvu

    Bien sûr, si le FDG pouvait consacrer son énergie à concevoir un projet politique plutôt que de tomber dans le calcul politicien de choisir ce qu’on dit et fait en fonction de ce qui va marcher… ça se saurait.

    • Descartes dit :

      @Marencau

      [ Mais on connaît déjà bien son point de vue, notamment avec son livre "faut-il sortir de l’euro ?" que j’ai globalement apprécié. L’as-tu lu ? Par ailleurs, je trouve étonnant que tu ne mentionnes pas du coup le fameux débat entre lui et Mélenchon qui mériterait un papier à lui tout seul.]

      Je ne mentionne pas le débat parce que je ne l’ai pas regardé. J’avoue que je préfère les textes, et que regarder ce genre de débat m’est particulièrement pénible.

      [Je pense que les positions au FDG évoluent malgré tout. On reste toujours dans le mythe de "l’autre euro" et de "la désobeissance européenne" avec tout son cortège, bien sûr. Mais avec en fond de toile, des prédictions sur la fin de l’euro qui va en gros "exploser sauf si le FDG va au pouvoir pour mettre en place une solidarité européenne".]

      En d’autres termes, le FdG irait au pouvoir pour sauver l’Euro ? Et c’est cela que tu appelles « changer de langage » ? Bien entendu, l’explosion de l’Euro est la nouvelle trouvaille du Petit Timonier pour ne pas avoir à se mouiller dans une véritable analyse critique du bilan de l’Euro et de ses conséquences.

    • Marencau dit :

      @Descartes

      Déjà permet moi de te souhaiter d’excellentes vacances…

      [J’avoue que je préfère les textes, et que regarder ce genre de débat m’est particulièrement pénible.]
      C’est ton choix ! Je préfère les textes aussi mais ils deviennent rares sur internet. En fait, les meilleures analyses que je peux lire se trouvent sur des sites partisans d’un côté ou d’un autre (blog, plateformes militantes…) mais jamais dans les grands médias d’information. Le problème c’est que souvent se pose la question de la véracité des sources, étant donné le militantisme affiché de ces plateformes, et les auteurs sont rarement rigoureux du côté bibliographique. Bien sûr c’est encore pire en vidéo de ce côté là…

      [En d’autres termes, le FdG irait au pouvoir pour sauver l’Euro ? Et c’est cela que tu appelles « changer de langage » ? ]
      Je trouve qu’admettre que l’euro est mal foutu en soi est déjà un progrès par rapport "aux miracles de l’euro" qui ne serait absolument pas un problème. De même, parler de son explosion a, je pense, un certain effet: cela rend crédible, voire possible, quelque chose qui aurait valu lapidation dans Le Monde il n’y a pas 5 ans…

      ———-

      Ensuite je me permet de rebondir sur ton échange avec vent2sable car il y a quelques points qui ne me paraissent pas clairs…

      [Si les entreprises privées françaises n’investissent pas, n’innovent pas, ce n’est pas parce qu’il y a « trop de fonctionnaires ». ]
      Indirectement, si. Les fonctionnaires doivent être rémunérés par les impôts et les charges qui doivent être déduits des profits… donc le capital est moins bien rémunéré et on préfère le faire fructifier ailleurs.

      [Faut arrêter les conneries. Il y a une réalité : on ne peut satisfaire en même temps l’exigence de rentabilité du capital et l’exigence d’un haut niveau de vie des travailleurs. ]
      C’est la vieille opposition entre les inconciliables capital et travail. Maintenant soit on participe à la course à l’échalote de l’absurde "compétitivité", soit on trouve une alternative avant de finir tous avec le niveau de vie des Chinois.

      Et c’est là où la réflexion est à développer: sans parler de ce qui va se passer "après", les partisans de la sortie de l’euro, dont je fais partie, ne convaincront jamais personne. Si on sort de l’UE et de l’euro, les entreprises Françaises s’en sortiront certes mieux, mais la répartition capital/travail fera que le résultat sera le même: la France ne sera pas une bonne "proie" pour les investisseurs étrangers. Elle est certes productive, mais trop "sociale", c’est bien ce que certains lui reprochent à travers le "trop de charges" ou "trop de fonctionnaires".

      Bien sûr, elle n’est pas si "peu compétitive" que ça, les choses sont plus complexes. 100% de la production mondiale ne se réalise pas (encore) en Chine… la balance capital/travail n’est certes pas la plus favorable en France, mais ça ne veut pas dire que dans TOUTES LES BRANCHES les capitalistes ont intérêt à lever les voiles. La preuve, on a encore des usines et des grandes multinationales sur notre sol. Mais dans l’hypothèse fictive où les autres pays se rendent "plus compétitifs" en liquidant leur système social, que faisons nous si nous ne voulons pas suivre ? Serait-ce tenable ? Grande question pour moi…

      Finalement, qu’on le veuille ou non, que le monde ait changé ou pas, on en revient toujours là: la lutte est internationale. Si tous les pays menaient des politiques néolibérales en se moquant du taux de chômage, des inégalités, de la pauvreté, nous serions face à un choix: abandonner nous aussi notre système social ou abandonner (par exemple) les marchandises et les emplois créés par certaines multinationales sur notre sol.

      Je formule peut-être maladroitement mon propos, mais je pense que tout est là. Le capitalisme a une arme formidable, la mondialisation, pour faire pencher la balance capital/travail en sa faveur. Si on ne veut pas accepter les conditions qu’il dicte, il faut lui opposer autre chose… mais quoi ?

      Un dernier point: le pétrole. Je pense que la sortie du pétrole est un enjeu majeur, que ce soit pour des raisons économiques, géopolitiques ou écologiques (sisi). Et pour cela, l’Etat a un rôle d’acteur à jouer car si on en sortira pas à court terme, certaines techniques et recherches sont prometteuses… si on investit dedans en regardant à long terme et en associant l’industrie automobile.

      Le carburant est fortement taxé aussi une dévaluation de par exemple 25% renchérirait le prix du diesel à la pompe de 7% environ pour le consommateur lambda. Mais pour l’industrie, le prix de l’énergie est très important. Certaines entreprises risquent de ne pas compenser "l’effet prix" par "l’effet volume" de la dévaluation. Ça ne veut pas dire qu’il ne faille pas le faire – au contraire – mais qu’on doit en être conscient et accompagner ces réajustements sur le territoire (et ce n’est pas seulement vrai pour les entreprises dépendantes du prix du pétrole mais aussi pour les autres matières premières).

      [C’est au contraire la recherche de parités fixes (comme celles du SME) qui rendaient possible la « guéguerre » en question. Dès lors qu’on accepte les parités flottantes, celles-ci s’établissent en fonction de la performance économique, et la « dévaluation » décidée par l’Etat devient impossible.]
      Je ne sais pas si la guerre des dévaluations est un fantasme ou non, mais il est toujours possible de dévaluer indirectement dans un système de changes flottant, non ? C’est je crois ce qu’on fait entre autres l’Angleterre, la Suisse ou la Suède récemment. Il "suffit" de faire en quelque sorte tourner la planche à billet pour que la valeur faciale de la monnaie diminue… ce qui correspond à une dévaluation, non ? Ou à de l’inflation ? Ou les deux ? Si tu pouvais éclairer ma lumière là dessus… je crois aussi que par exemple la banque nationale Suisse avait défini un seuil en dessous duquel le franc suisse ne pouvait être converti…

    • Descartes dit :

      @marencau

      [Je trouve qu’admettre que l’euro est mal foutu en soi est déjà un progrès par rapport "aux miracles de l’euro" qui ne serait absolument pas un problème. De même, parler de son explosion a, je pense, un certain effet: cela rend crédible, voire possible, quelque chose qui aurait valu lapidation dans Le Monde il n’y a pas 5 ans…]

      Mouais… je pense que c’est surtout faire de nécessité vertu. Le langage « miraculeux » de 1992 ridiculiserait celui qui le tiendrait. Mais remplacer « l’Euro nous sauvera » par « le nouvel euro nous sauvera » est vraiment un progrès millimétrique. Croire que l’Euro pourrait nous sauver si seulement la BCE ferait une autre politique me paraît une illusion au moins aussi dangereuse que l’illusion délorienne de l’Euro qui protège…

      [« Si les entreprises privées françaises n’investissent pas, n’innovent pas, ce n’est pas parce qu’il y a « trop de fonctionnaires » ». Indirectement, si. Les fonctionnaires doivent être rémunérés par les impôts et les charges qui doivent être déduits des profits… donc le capital est moins bien rémunéré et on préfère le faire fructifier ailleurs.]

      Non. D’abord, les salaires des fonctionnaires sont fondamentalement financées par les impôts sur la consommation (TVA, TCIPE), puis par l’impôt sur le revenu des personnes physiques. L’impôt sur les sociétés, le seul qui doit « déduit des profits », est relativement faible et certainement pas plus élevé qu’en Allemagne, par exemple. Non : il y a un défaut historique d’investissement de la part des entreprises françaises notamment dans l’innovation, et c’est pour cela que l’Etat en France a joué historiquement un rôle fondamental dans ce domaine.

      [Et c’est là où la réflexion est à développer: sans parler de ce qui va se passer "après", les partisans de la sortie de l’euro, dont je fais partie, ne convaincront jamais personne. Si on sort de l’UE et de l’euro, les entreprises Françaises s’en sortiront certes mieux, mais la répartition capital/travail fera que le résultat sera le même:]

      Et bien non, justement. Dès lors que nous avons notre propre monnaie et les instruments de la souveraineté, nous pouvons restreindre le mouvement des capitaux et des marchandises. Et c’est cette restriction qui permet d’avoir une distribution de la valeur ajoutée entre le capital et le travail différente de celle de nos voisins. Il est évident que si le capital est parfaitement mobile, il ira s’investir là où c’est le plus rentable. Et qu’on ne pourra avoir de l’investissement en France que si le capital est aussi bien rémunéré qu’en Chine ou ailleurs. Mais si la mobilité du capital n’est pas parfaite, si nous décidons par exemple que seuls pourront vendre sur le marché français ceux qui investissent en France les revenus de ce capital (comme le font de nombreux pays dits « émergents »), alors nous pouvons obliger le capital à accepter une rentabilité inférieure…

      [ la balance capital/travail n’est certes pas la plus favorable en France, mais ça ne veut pas dire que dans TOUTES LES BRANCHES les capitalistes ont intérêt à lever les voiles. La preuve, on a encore des usines et des grandes multinationales sur notre sol. Mais dans l’hypothèse fictive où les autres pays se rendent "plus compétitifs" en liquidant leur système social, que faisons nous si nous ne voulons pas suivre ? Serait-ce tenable ? Grande question pour moi…]

      Nous avons encore quelques avantages compétitifs, notamment nos infrastructures et la qualité de notre main d’œuvre… mais ces avantages sont intimement liés à l’action de l’Etat et donc des « fonctionnaires » dont vent2sable – et pas que lui, malheureusement – voudrait si ardemment réduire les nombres. Ces avantages nous laissent – du moins pendant quelque temps, en attendant que la « gauche » libérale-libertaire liquide les centrales nucléaires et les TGV – quelques marges de manœuvre. Mais il est clair pour moi qu’à terme, si l’on n’accepte pas de toucher à la mobilité du capital et des biens, notre système social est condamné.

      [ Si tous les pays menaient des politiques néolibérales en se moquant du taux de chômage, des inégalités, de la pauvreté, nous serions face à un choix: abandonner nous aussi notre système social ou abandonner (par exemple) les marchandises et les emplois créés par certaines multinationales sur notre sol.]

      Sans doute. On ne peut pas avoir les avantages de la mondialisation sans accepter les inconvénients. Or, et c’est là tout le problème politique, ceux qui en profitent et ceux qui payent le prix ne sont pas les mêmes. D’un côté les classes moyennes qui profitent de l’ouverture, des voyages, des emplois non délocalisables… de l’autre la classe ouvrière qui est précipitée dans le chômage.

      [Un dernier point: le pétrole. Je pense que la sortie du pétrole est un enjeu majeur, que ce soit pour des raisons économiques, géopolitiques ou écologiques (sisi).]

      Nono… mais j’accepte au moins les deux premières raisons…

      [Et pour cela, l’Etat a un rôle d’acteur à jouer car si on en sortira pas à court terme, certaines techniques et recherches sont prometteuses… si on investit dedans en regardant à long terme et en associant l’industrie automobile.]

      Oui. Pour les carburants, la substitution la plus prometteuse est celle des biocarburants ou de l’hydrogène. Mais là encore, on ne peut rien faire avec les frontières ouvertes, sous peine de pénaliser la compétitivité de nos industries…

      [Le carburant est fortement taxé aussi une dévaluation de par exemple 25% renchérirait le prix du diesel à la pompe de 7% environ pour le consommateur lambda. Mais pour l’industrie, le prix de l’énergie est très important. Certaines entreprises risquent de ne pas compenser "l’effet prix" par "l’effet volume" de la dévaluation.]

      En dehors des transports, les applications sont rares où l’on ne peut remplacer le pétrole par de l’électricité d’origine nucléaire…

      [Je ne sais pas si la guerre des dévaluations est un fantasme ou non, mais il est toujours possible de dévaluer indirectement dans un système de changes flottant, non ? C’est je crois ce qu’on fait entre autres l’Angleterre, la Suisse ou la Suède récemment. Il "suffit" de faire en quelque sorte tourner la planche à billet pour que la valeur faciale de la monnaie diminue… ce qui correspond à une dévaluation, non ?]

      Le risque est de provoquer une hyperinflation. On ne peut faire cela raisonnablement que lorsque la monnaie reste au dessus de la parité économique réelle à cause d’un mouvement spéculatif (ce fut le cas en Suisse, ou la parité du franc est montée parce qu’il a été perçu comme une valeur refuge).

    • Marencau dit :

      @Descartes

      [Non. D’abord, les salaires des fonctionnaires sont fondamentalement financées par les impôts sur la consommation (TVA, TCIPE), puis par l’impôt sur le revenu des personnes physiques. L’impôt sur les sociétés, le seul qui doit « déduit des profits », ]

      Je suis navré, je n’ai pas été assez précis: j’ai repris telle quelle l’expression "il y a trop de fonctionnaires" mais je pensais à notre système social au sens large. D’après mes propres échanges avec des libéraux ou des entrepreneurs, la complainte qui revient le plus souvent est celle des cotisations patronales. Ca ne concerne donc pas les fonctionnaires mais le système social (chômage, retraite, maladie) au sens large. C’est d’ailleurs tout leur argumentaire: si on réduisait ces charges on augmenterait la performance économique, on réduirait le chômage, etc.

      Pour ma part je ne suis pas un expert sur l’effet du poids des charges sur les entreprises. Je conçois que ça peut être compliqué pour une TPE d’embaucher un travailleur en CDI. Mais d’un autre côté, je trouve que les dégâts engendrés par une telle politique (pauvreté, inégalités, précarité…) dépassent de loin ses bénéfices… qui n’iront pas dans les poches de tout le monde.

      [Non : il y a un défaut historique d’investissement de la part des entreprises françaises notamment dans l’innovation, et c’est pour cela que l’Etat en France a joué historiquement un rôle fondamental dans ce domaine. ]

      C’est très intéressant comme remarque. Je me rappelle avoir beaucoup lu pendant "l’affaire Aulnay" que c’était un des problèmes des constructeurs automobiles Français qui dépenssaient beaucoup moins en R&D que leurs équivalents Allemands relativement au chiffre d’affaire.

      Mais quelle est la raison de "défaut historique d’investissement" selon toi ? Parce que j’imagine déjà d’ici les cris de nos amis libéraux te dire que c’est justement parce que l’Etat s’y est substitué trop longtemps et que maintenant on est dedans à cause de lui 😉

      [Dès lors que nous avons notre propre monnaie et les instruments de la souveraineté, nous pouvons restreindre le mouvement des capitaux et des marchandises. Et c’est cette restriction qui permet d’avoir une distribution de la valeur ajoutée entre le capital et le travail différente de celle de nos voisins]

      J’avais écris un développement là dessus mais je l’ai effacé… oui, pour moi il est bien évident qu’il faudra restaurer un contrôle des capitaux. Si certains disent que ce serait impossible à l’heure de l’informatique je pense que justement, ce serait encore plus simple qu’autrefois…

      [si nous décidons par exemple que seuls pourront vendre sur le marché français ceux qui investissent en France les revenus de ce capital (comme le font de nombreux pays dits « émergents »), alors nous pouvons obliger le capital à accepter une rentabilité inférieure…]

      Je ne sais pas si c’est si simple… on rejoint là un peu les débats qu’il y avait eu lors de l’annonce de la fermeture de Florange (je crois). Certes, un site peut être rentable… mais les capitaux vont vers là où c’est le plus rentable et pas seulement là où on gagne de l’argent. La France reste un très gros marché mais est-ce que ce sera assez pour attirer suffisamment de capitaux supplémentaires pour financer le développement par rapport à des zones où le capital est mieux rémunéré et circule plus librement ?

      Enfin, l’expression "pays émergents" semble t’agacer, je me trompe ?

      [Sans doute. On ne peut pas avoir les avantages de la mondialisation sans accepter les inconvénients.]

      Bien sûr, les classes moyennes voient d’un mauvais œil ces réformes, mais pas seulement. A mon avis une bonne partie des classes populaires en poste avec un emploi stable également.

      Mais d’une autre côté, paradoxalement, je pense que ça apporte une crédibilité à l’argumentaire. Il n’existe pas de solutions qui feraient qu’en un claquement de doigts tout le monde est content et satisfait. Une personne qui propre une alternative en expliquant que ce ne sera pas facile et que ces politiques ont un coût me paraît beaucoup plus crédible que le démagogue qui annonce des lendemains qui chantent pour tous avec la sortie de l’euro.

      [Nono… mais j’accepte au moins les deux premières raisons…]

      Ahah, je savais que j’allais te faire réagir ! Je commence à te connaître 🙂

      Es-tu un climato-sceptique, Descartes ? Pour ma part je pensais réellement pendant un temps que le réchauffement climatique était dû aux activités humaines. Aujourd’hui je suis plus partagé et je n’ai pas d’avis tranché sur la question… certaines théories sur les cycles solaires me paraissent très intéressantes mais ce n’est pas mon domaine d’expertise scientifique. Sans compter que le dogmatisme des partisans du réchauffement et les quelques casseroles du GIEC ont de quoi… refroidir.

      Mais je digresse. En réalité, quand j’ai écris cela je pensais autant au réchauffement que par exemple les pollutions des particules fines. Je pense par exemple que les vapeurs de diesel dégagées dans Paris causent plus de morts que le nucléaire… bien sûr, un substitut équivalent ne réglerait pas le problème. L’hydrogène, en revanche…

      [Oui. Pour les carburants, la substitution la plus prometteuse est celle des biocarburants ou de l’hydrogène. Mais là encore, on ne peut rien faire avec les frontières ouvertes, sous peine de pénaliser la compétitivité de nos industries…]

      Certes. Je pense aux micro-algues par exemple. Mais effectivement, tant que le pétrole sera plus rentable, ce choix pénaliserait nos entreprises. Mais si on prenait un temps d’avance, au moment où le pétrole deviendrait plus cher nous aurions un avantage compétitif énorme…

      [Le risque est de provoquer une hyperinflation. On ne peut faire cela raisonnablement que lorsque la monnaie reste au dessus de la parité économique réelle à cause d’un mouvement spéculatif (ce fut le cas en Suisse, ou la parité du franc est montée parce qu’il a été perçu comme une valeur refuge).]

      N’y vois pas de mauvaise volonté, mais j’ai sincèrement un peu de mal à voir pourquoi cela marche dans un cas de monnaie au dessus de la parité économique et pas dans un autre ?

      Si on considère la production constante (donc pas de relance, etc.), dans les deux cas si on fait tourner la planche à billet cela créé de l’inflation qui est compensée par une baisse des exportations (vu qu’il faut plus pour acheter la même chose et que la monnaie est fixe)… et donc derrière d’une dévaluation avec l’ajustement de la parité… non ?

    • Jean-François dit :

      [Or, et c’est là tout le problème politique, ceux qui en profitent et ceux qui payent le prix ne sont pas les mêmes. D’un côté les classes moyennes qui profitent de l’ouverture, des voyages, des emplois non délocalisables… de l’autre la classe ouvrière qui est précipitée dans le chômage.]

      Auriez-vous des références sous la main pour appuyer cette affirmation ? Avez-vous une idée de la proportion de Français pour qui cela est profitable ?

    • Descartes dit :

      @Marencau

      [Ca ne concerne donc pas les fonctionnaires mais le système social (chômage, retraite, maladie) au sens large. C’est d’ailleurs tout leur argumentaire: si on réduisait ces charges on augmenterait la performance économique, on réduirait le chômage, etc.]

      Oui. Sauf que si on réduisait ces charges on aurait des travailleurs en moins bonne santé, dans des situations plus précaires et donc moins productifs. Si le patronat de la fin du XIXème siècle et du début du XXème a commencé à créer des caisses de retraite et un embryon de protection sociale ce n’était pas seulement par charité chrétienne. C’est parce qu’ils ont compris que dès lors qu’on avait recours à des méthodes de production de plus en plus performantes, il fallait pour les opérer des travailleurs hautement productifs. En caricaturant à peine, on peut dire que ce n’est parce que les pays occidentaux sont riches qu’ils ont un haut niveau de protection sociale ; c’est plutôt parce qu’ils ont un haut niveau de protection sociale qu’ils sont riches…

      [Mais quelle est la raison de "défaut historique d’investissement" selon toi ? Parce que j’imagine déjà d’ici les cris de nos amis libéraux te dire que c’est justement parce que l’Etat s’y est substitué trop longtemps et que maintenant on est dedans à cause de lui ;-)]

      Je pense que cela tient à l’histoire industrielle de notre pays et à l’influence du catholicisme. Sauf dans quelques régions, la France est resté très tardivement un pays ou l’agriculture comme l’industrie ont gardé très majoritairement un côté « artisanal », notamment parce que l’église catholique, dominante dans nos régions, a très vite compris combien la révolution industrielle avec son corrélat qu’est la prolétarisation affaiblissait son contrôle sur les hommes. Il reste d’ailleurs dans notre inconscient une nostalgie pour la petite collectivité, le petit village avec ses petits métiers, ses petites affaires et ses raisonnements de gagne-petit. J’avais caractérisé cela il y a un certain temps dans un papier en parlant de la « petite France ».

      [Je ne sais pas si c’est si simple… on rejoint là un peu les débats qu’il y avait eu lors de l’annonce de la fermeture de Florange (je crois). Certes, un site peut être rentable… mais les capitaux vont vers là où c’est le plus rentable et pas seulement là où on gagne de l’argent.]

      Oui… et non. Si les capitaux sont libres de bouger rapidement, ils peuvent chercher le rendement instantané le plus élevé. Mais si l’on restreint la vitesse de ces mouvements (par exemple, en obligeant à réinvestir le revenu du capital dans le pays, ou bien en permettant la sortie du capital du pays seulement après un certain temps) le capital est obligé de considérer les facteurs de long terme : la stabilité politique et réglementaire, les infrastructures… et là, l’investissement en France devient très intéressant !

      [Enfin, l’expression "pays émergents" semble t’agacer, je me trompe ?]

      Oui, parce que j’en ai marre des « modes » auxquelles les économistes médiatiques succombent. Il y a vingt ans, on nous expliquait que le XXIème siècle serait japonais. Et puis la crise du modèle japonais est venue, et on n’en a plus entendu parler. Depuis dix ans, les mêmes – ou leurs successeurs – nous expliquent que bientôt le monde sera chinois ou indien… et pourtant on commence a voir ces économies ralentir, et les capitaux les quitter pour se réfugier dans les vieilles et ringardes économies occidentales, ou bien aller s’investir sur des pays aux salaires encore plus bas… on en a vu tant d’émergent qui n’ont jamais fini d’émerger, qu’il faut traiter ces raisonnements avec une grande méfiance.

      [Mais d’une autre côté, paradoxalement, je pense que ça apporte une crédibilité à l’argumentaire. Il n’existe pas de solutions qui feraient qu’en un claquement de doigts tout le monde est content et satisfait. Une personne qui propre une alternative en expliquant que ce ne sera pas facile et que ces politiques ont un coût me paraît beaucoup plus crédible que le démagogue qui annonce des lendemains qui chantent pour tous avec la sortie de l’euro.]

      Tout à fait. Le discours politique qui promet le rasage gratis pour demain est en train de perdre ses dernières traces de crédibilité. Il serait heure de comprendre qu’en promettant un avenir radieux qui passe par des sacrifices on est infiniment plus crédible. Or, je pense que le problème essentiel dans les années qui viennent sera la crédibilité du politique.

      [Es-tu un climato-sceptique, Descartes ? Pour ma part je pensais réellement pendant un temps que le réchauffement climatique était dû aux activités humaines. Aujourd’hui je suis plus partagé et je n’ai pas d’avis tranché sur la question… certaines théories sur les cycles solaires me paraissent très intéressantes mais ce n’est pas mon domaine d’expertise scientifique. Sans compter que le dogmatisme des partisans du réchauffement et les quelques casseroles du GIEC ont de quoi… refroidir.]

      Là encore, je suis très méfiant des effets de mode.

      [N’y vois pas de mauvaise volonté, mais j’ai sincèrement un peu de mal à voir pourquoi cela marche dans un cas de monnaie au dessus de la parité économique et pas dans un autre ?]

      Prenons un exemple. Imaginons que pour une raison quelconque ma monnaie est vue comme une monnaie refuge. Et pour cette raison, des quantités d’étrangers achètent à ma banque centrale des billets qu’ils enferment dans des coffres « au cas où ». Dans cette situation, si la banque centrale imprime de la monnaie en quantité exactement égale à la monnaie enfermée dans les coffres par les spéculateurs et la met en circulation, l’opération est parfaitement imperceptible du point de vue de l’économie réelle : il y a toujours la même quantité de biens à vendre, et la même quantité de monnaie circulante pour les acheter. Les prix ne bougeront donc pas. Cela marche parce que la raison pour laquelle ma monnaie s’apprécie ne tient pas à la structure de l’économie, mais à un mouvement spéculatif exogène.

    • Descartes dit :

      @Jean-François

      [Auriez-vous des références sous la main pour appuyer cette affirmation ?]

      Cela dépend ce que vous appelez "référence". Lorsque vous entendez des gens défendre l’Euro avec l’argument que "grâce à la monnaie unique nous n’avons plus besoin de changer de l’argent quand nous voyageons", on peut supposer que ce genre de remarque ne provient pas du prolo de Vénissieux ou des quartiers nord de Marseille, sans avoir besoin de "références" précises…

      On peut par contre trouver de nombreuses références indirectes qui supportent ma conclusion. La plus évidente est que la distribution géographique et sociale du vote "pour" ou "contre" l’Europe. Le référendum sur le TCE a bien montré combien la construction européenne a ses plus fervents partisans chez les professions supérieures et la bourgeoisie, alors que les couches populaires ont voté plutôt contre. Sauf à supposer que les électeurs votent contre leurs intérêts, on ne peut que conclure que les uns profitent de la construction européenne, alors que les autres en sont les victimes…

      [Avez-vous une idée de la proportion de Français pour qui cela est profitable ?]

      Difficile à dire. Sur la base de la distribution du vote et de la statistique publique, j’aurais tendance à penser qu’il y a une trentaine de pourcents pour lesquels la construction européenne est aujourd’hui avantageuse.

  5. vent2sable dit :

    « En d’autres termes, nous devons garder un ordre monétaire qui est en train de tuer l’industrie française et mettre le pays a genoux … »
    Vous désignez, sans le démontrer, l’euro comme la cause de notre industrie à genoux. On peut, au contraire penser que, sans l’euro, qui assure au moins une stabilité entre les échanges à l’intérieur de l’Europe, la majeure partie de nos échanges, nous serions encore plus bas.
    Les dévaluations compétitives sont toujours suivies d’inflation. Nos importations, entre autre de pétrole, payées en dollars, seront immédiatement renchéries par l’inflation et, au final, notre industrie et le citoyen consommateur payera l’addition et le pays s’enfoncera un peu plus.
    Le monde a beaucoup changé en une ou deux décennies, la situation aujourd’hui :
    1/ L’occident crée de moins en moins de richesses, ou du moins, il ne croît plus. Les économies émergentes et émergées ont beaucoup d’atouts et prennent des parts de marché. On va devoir vivre avec le reste du monde un peu plus riche.
    2/ La monté du chômage en France, la ruine d’une partie de notre système productif sont concomitants de la mise en place de l’euro mais est-ce la faute à l’euro ?
    Si la France est faible économiquement aujourd’hui, plus faible que l’Allemagne, moins bien armée face à la monté du reste du monde, c’est que nous n’avons pas fait les bons choix il y a 10, 20 ans. Nous payons notre retard, notre immobilisme, l’absence de modernisation du fonctionnement de l’état (trop de gaspillages, trop d’élus, trop de fonctionnaires, un train de vie au dessus de nos moyens …).
    Sortir de l’euro ne fera pas pencher à notre avantage la comparaison avec l’Allemagne, la Chine, la Corée ou le Brésil. On paye nos erreurs du passé, qui n’ont pas commencées avec l’euro, on les a accumulées depuis des décennies
    3/ Sortir de l’euro, ce serait prendre le risque de retomber dans une guéguerre avec nos voisins, l’Allemagne, l’Italie … Une guéguerre qu’on a bien connue et qui se résume comme ça : Je dévalue ma monnaie, je casse la règle du jeu, j’exporte massivement dans le pays d’à coté … jusqu’à ce qu’il réagisse et fasse de même. C’est une spirale descendante dont nous avons eu toutes les peines du monde à se sortir avant la monnaie unique.
    4/ A contrario, on peut se dire : La zone euro est encore la 1rere économie mondiale au niveau du PIB. On reste fort si on s’accorde avec nos voisins, une vraie intégration européenne : harmonisation sociale, fiscale, harmonisation des politiques économiques, des redistributions sociales …
    Et si ce que vous appelez la « pensée unique » n’était rien que du bon sens ?

    • Descartes dit :

      @vent2sable

      [Vous désignez, sans le démontrer, l’euro comme la cause de notre industrie à genoux. On peut, au contraire penser que, sans l’euro, qui assure au moins une stabilité entre les échanges à l’intérieur de l’Europe, la majeure partie de nos échanges, nous serions encore plus bas.]

      J’ai abondamment expliqué sur ce blog le rôle éminent que l’Euro joue pour mettre notre industrie à genoux. L’Euro, vous avez raison, assure la stabilité des échanges en Europe. Le problème, c’est qu’il assure une « stabilité » favorable aux pays ayant une inflation sous-jacente faible, et défavorable aux pays qui sont dans la situation contraire. En d’autres termes, l’Euro assure la « stabilité » de l’enrichissement de l’Allemagne et de l’appauvrissement de la France… je me demande si une telle sorte de « stabilité » est si intéressante…

      [Les dévaluations compétitives sont toujours suivies d’inflation. Nos importations, entre autre de pétrole, payées en dollars, seront immédiatement renchéries par l’inflation et, au final, notre industrie et le citoyen consommateur payera l’addition et le pays s’enfoncera un peu plus.]

      Mais le citoyen producteur, lui, verrait ses produits devenir plus compétitifs et se vendre en plus grande quantité, d’où plus d’emploi et de meilleurs salaires. Il verrait aussi ses dettes fondre – la fameuse « euthanasie du rentier ». L’histoire a montré que le bilan est positif pour les producteurs, et négatif pour les rentiers. En France, les périodes de faible inflation ont été celles de stagnation économique (ex. déflation Laval) alors que les périodes de forte croissance ont été celles d’une inflation importante (ex. les « trente glorieuses »). Le pétrole cher ?

      [2/ La monté du chômage en France, la ruine d’une partie de notre système productif sont concomitants de la mise en place de l’euro mais est-ce la faute à l’euro ?]

      Non. La montée du chômage en France est la conséquence des réformes néolibérales du commerce et de la finance internationale. L’Euro n’est que l’un des volets de ces réformes, les autres étant la libre circulation des capitaux et des marchandises, la privatisation des services publics… il n’empêche que si l’on veut revenir sur ces réformes, il faudra bien récupérer le contrôle de la monnaie.

      [Si la France est faible économiquement aujourd’hui, plus faible que l’Allemagne, moins bien armée face à la monté du reste du monde, c’est que nous n’avons pas fait les bons choix il y a 10, 20 ans.]

      Tout à fait. Et le choix de signer l’Acte Unique, le Traité de Maastricht et les différents textes européens qui ont suivié est probablement le pire choix que nous avons jamais fait.

      [Nous payons notre retard, notre immobilisme, l’absence de modernisation du fonctionnement de l’état (trop de gaspillages, trop d’élus, trop de fonctionnaires, un train de vie au dessus de nos moyens …).]

      Et le fait que le partage de la valeur ajoutée ait été radicalement changé au profit du capital et au détriment du travail n’est certainement pas à blâmer, n’est ce pas ? Faut arrêter avec le discours anti-Etat et anti-fonctionnaires. Si les entreprises privées françaises n’investissent pas, n’innovent pas, ce n’est pas parce qu’il y a « trop de fonctionnaires ». Faut arrêter les conneries. Il y a une réalité : on ne peut satisfaire en même temps l’exigence de rentabilité du capital et l’exigence d’un haut niveau de vie des travailleurs. Bien entendu, on aurait pu faire le « choix » de baisser radicalement le niveau de vie des travailleurs, par exemple en baissant les salaires au niveau de l’Inde ou de la Chine, et alors on aurait été compétitifs. C’est ce que vous proposez ?

      [Sortir de l’euro ne fera pas pencher à notre avantage la comparaison avec l’Allemagne, la Chine, la Corée ou le Brésil.]

      Avec l’Allemagne, certainement. On ne peut avoir une inflation sous-jacente supérieure à l’Allemagne et rester compétitifs.

      [On paye nos erreurs du passé, qui n’ont pas commencées avec l’euro, on les a accumulées depuis des décennies]

      Ce langage d’expiation me rappelle furieusement celui du pétainisme.

      [Je dévalue ma monnaie, je casse la règle du jeu, j’exporte massivement dans le pays d’à coté … jusqu’à ce qu’il réagisse et fasse de même. C’est une spirale descendante dont nous avons eu toutes les peines du monde à se sortir avant la monnaie unique.]

      Cette « guéguerre » n’a jamais existé. C’est un fantasme. La raison est qu’un pays ne peut dévaluer sa monnaie en poussant sur un bouton. En dernière instance, la valeur de la monnaie est dictée par le marché. C’est au contraire la recherche de parités fixes (comme celles du SME) qui rendaient possible la « guéguerre » en question. Dès lors qu’on accepte les parités flottantes, celles-ci s’établissent en fonction de la performance économique, et la « dévaluation » décidée par l’Etat devient impossible.

      [4/ A contrario, on peut se dire : La zone euro est encore la 1rere économie mondiale au niveau du PIB. On reste fort si on s’accorde avec nos voisins, une vraie intégration européenne : harmonisation sociale, fiscale, harmonisation des politiques économiques, des redistributions sociales …]

      Avec des « si » on mettrait Paris en bouteille. Quand vous verrez de la « redistribution sociale » dans l’UE, n’hésitez pas à me le faire savoir.

      [Et si ce que vous appelez la « pensée unique » n’était rien que du bon sens ?]

      Je ne me souviens pas d’avoir utilisé la formule « pensée unique ». Mais on voit où le « bon sens » de la construction libérale de l’UE et l’euro nous a amené. Aujourd’hui, la zone euro est l’acteur économique où la croissance est la plus faible, l’endettement progresse le plus vite et les conditions de vie des travailleurs se dégradent le plus fortement. Si c’est cela la conséquence de trente ans de « bon sens », vive la folie !

    • vent2sable dit :

      @ Descartes
      [Faut arrêter les conneries]
      Et plus loin …
      [Ce langage d’expiation me rappelle furieusement celui du pétainisme.]

      Descartes, on veut bien faire l’effort de bannir les invectives et les attaques ad hominem, mais il ne faudrait pas non plus que vous vous en réserviez l’exclusivité !

      En disant « On paye nos erreurs du passé, qui n’ont pas commencées avec l’euro », je ne tenais pas le langage expiatoire de Pétain que je n’ai pas connu, je me référais aux quatre derniers présidents de la République, de droite et de gauche, qui nous ont tous promis la modernisation, sans jamais la faire par manque de courage politique. Par exemple : la fin du cumul des mandats, la fin du mille feuilles administratif, la simplification de toutes les procédures, la simplification du système fiscale, la réforme et la clarification de tous les systèmes d’aides économiques, la fin des niches fiscales … etc. etc.… toutes ces choses lourdes, coûteuses, archaïques et souvent injustes. Et ces retards de modernisation qui se payent aujourd’hui en retard de compétitivité, n’ont rien à voir avec l’euro.

      Plus généralement, quelque chose « ne colle pas » dans votre discours. Vous faites comme si le monde s’était figé en 1945. Vous citez, par exemple, les trente glorieuses comme une époque bénie ou inflation rimait avec forte croissance :
      [… alors que les périodes de forte croissance ont été celles d’une inflation importante (ex. les « trente glorieuses »)]
      Outre qu’il faudrait s’interroger sur la genèse des 30 glorieuses, largement dues au plan Marshall qui a soutenu la reconstruction consécutive aux destructions de la 2nde guerre mondiale, il faudrait ne jamais oublier que ces trente glorieuses n’ont concernées QUE les pays occidentaux. Grosso modo l’OCDE, soit moins de 20% de la population mondiale.
      Or, depuis, les choses se sont mondialisées, le monde a changé. Si l’OCDE stagne, le Brésil, la Corée, la Chine, l’Inde, tout l’ancien bloc communiste, et beaucoup d’autres, tous sont sortis du sous développement et connaissent à leur tour leurs années glorieuses.
      A l’époque ou les travailleurs européens engrangeaient les fruits de « leur » croissance, et accumulaient les « acquis sociaux », salaire minimum, congés payés, semaine de 40 heures, etc. , on se souciait bien peu en occident, y compris chez les travailleurs, de savoir si notre prospérité se fondait sur une exploitation des ressources naturelles des colonies, puis des ex-colonies, et si les travailleurs du reste du monde gagnaient à peine de quoi vivre, sans aucun espoir de sortir de la misère, de l’illettrisme et du manque d’accès au soins.
      Tout a changé, il faut se faire à l’idée que dans tous ces pays, le PIB croît beaucoup plus vite que chez nous, la monté massive de leurs classes moyennes est une réalité. Certes l’Inde et le Brésil comptent encore trop de pauvres, mais leur nombre relatif a massivement diminué en 20 ans.
      Pour prendre une autre région du monde, qui n’a pas connu non plus le plan Marshall, et donc pas non plus les trente glorieuses, dans la Pologne de l’après communisme, les salaires minimums sont passées de 150€ dans les années 90 à plus de 800 € aujourd’hui, et les salaires moyens qui étaient dans les années 90, 10 fois inférieurs aux nôtres, ne sont plus « que » de 40 à 50 % inférieurs aux nôtres.
      Que voudriez-vous ? Revenir aux bons vieux temps des colonies ? Quand le seul fait d’être né du bon coté du monde nous conférait des droits que nous refusions aux autres ?
      Notre déclin n’est que relatif.
      Mais nous avons aujourd’hui des handicaps qui ne sont pas que le coût de nos salaires. Nous sommes englués dans nos archaïsmes et dans notre certitude de supériorité (vous dites par exemple [Nous avons encore quelques avantages compétitifs, notamment nos infrastructures et la qualité de notre main d’œuvre]. Comme s’il coulait de source que les Coréens ou les Polonais constituaient forcément une main d’œuvre de qualité inférieure à la notre ! Comme si les autoroutes, les TGV et les réseaux câblés des brésiliens et des chinois étaient technologiquement inférieurs aux nôtres.
      Si l’on s’obstine à ignorer que nous ne sommes plus seuls au monde, ou du moins que nous ne sommes plus le centre du monde, on en arrive forcément à des analyses et des conclusions qui ne collent plus à la réalité.
      Bonnes vacances !

    • Descartes dit :

      @ vent2sable

      [[Faut arrêter les conneries] Et plus loin …[Ce langage d’expiation me rappelle furieusement celui du pétainisme.]. Descartes, on veut bien faire l’effort de bannir les invectives et les attaques ad hominem, mais il ne faudrait pas non plus que vous vous en réserviez l’exclusivité!]

      Je ne vois dans mon commentaire aucune « attaque ad hominem ». Je n’ai pas dit que vous étiez con ou pétainiste. J’ai qualifié vos arguments, pas votre personne. Relisez vos commentaires et vous verrez que ce n’est pas du tout ce que vous faîtes. Par ailleurs, je ne trouve pas que cette qualification constitue une « invective ». Tout au plus un langage un peu vif, que je vous prie d’excuser s’il vous a blessé.

      [En disant « On paye nos erreurs du passé, qui n’ont pas commencées avec l’euro », je ne tenais pas le langage expiatoire de Pétain que je n’ai pas connu, je me référais aux quatre derniers présidents de la République, de droite et de gauche, qui nous ont tous promis la modernisation, sans jamais la faire par manque de courage politique.]

      Pourtant, vous devriez savoir que l’une des caractéristiques du régime pétainiste ce fut bien ce discours « sacrificiel », cette affirmation permanente du fait qu’on devait « payer pour nos erreurs du passé » afin d’en sortir purifiés. Que l’on retrouve ce même discours aujourd’hui n’est pas à mon avis une coïncidence. Comme le montre Alain-Gérard Slama dans sont excellent livre « le siècle de monsieur Pétain », ce discours refait surface chaque fois que dans une crise le « surmoi républicain » s’efface pour laisser la place à la résignation décliniste.

      [Par exemple : la fin du cumul des mandats, la fin du mille feuilles administratif, la simplification de toutes les procédures, la simplification du système fiscale, la réforme et la clarification de tous les systèmes d’aides économiques, la fin des niches fiscales … etc. etc. toutes ces choses lourdes, coûteuses, archaïques et souvent injustes. Et ces retards de modernisation qui se payent aujourd’hui en retard de compétitivité, n’ont rien à voir avec l’euro.]

      Faudrait m’expliquer alors pourquoi toutes ces choses ont si bien fonctionné pendant les « trente glorieuses ». Comment se fait-il qu’on ait pu connaître trente ans de croissance avec notre fiscalité compliquée, notre mille-feuilles administratif, notre cumul des mandats, nos niches fiscales… Encore une fois, ce « discours de la réforme » n’est pas totalement faux. Il est certain qu’on pourrait faire beaucoup en termes de simplification, de rationalisation… mais ce discours occulte la hiérarchie véritable des problèmes, en essayant de faire croire que ce sont ces broutilles qui sont la cause fondamentale de nos problèmes. Je vous rappelle qu’on nous a donné pendant des années en exemple l’Irlande, ce pays ou la fiscalité était légère et simple, son administration efficace et réduite, et ainsi de suite. Jusqu’au jour malheureux où il a fait faillite. Etais-ce à cause du cumul des mandats ? Ou peut-être du mille-feuilles administratif ? Et que dire de l’Espagne, encore un pays « exemplaire » tombé de son piédestal ?

      La zone Euro, dans son ensemble, exhibe depuis sa création une croissance faible. C’est un fait. Quelle étrange coïncidence, non ? On dirait que tous ces pays, aux fiscalités, aux systèmes politiques, aux économies très différentes, ont tous un problème commun. Je me demande ce qu’il peut être…

      [Plus généralement, quelque chose « ne colle pas » dans votre discours. Vous faites comme si le monde s’était figé en 1945. Vous citez, par exemple, les trente glorieuses comme une époque bénie ou inflation rimait avec forte croissance :]

      Pas du tout. Je cite les trente glorieuses pour montrer que le discours selon lequel l’inflation et la croissance sont incompatibles et que l’inflation conduit nécessairement à une croissance faible est au mieux une erreur, au pire un mensonge.

      [Outre qu’il faudrait s’interroger sur la genèse des 30 glorieuses, largement dues au plan Marshall qui a soutenu la reconstruction consécutive aux destructions de la 2nde guerre mondiale, il faudrait ne jamais oublier que ces trente glorieuses n’ont concernées QUE les pays occidentaux.]

      C’est faux. Elles ont concerné aussi les Amériques, l’Afrique, l’Asie. Si la racine des « trente glorieuses » se trouve dans le Plan Marshall, il faudra m’expliquer comment des états comme le Canada, l’Argentine ou le Brésil, qui n’ont pas reçu un centime du Plan en question, ont pu profiter du mouvement. Par ailleurs, il ne faut pas exagérer la portée du Plan Marshall, dont les montants n’étaient pas si extraordinaires.

      [Or, depuis, les choses se sont mondialisées, le monde a changé. Si l’OCDE stagne, le Brésil, la Corée, la Chine, l’Inde, tout l’ancien bloc communiste, et beaucoup d’autres, tous sont sortis du sous développement et connaissent à leur tour leurs années glorieuses.]

      Ah bon ? Je dois dire que je n’ai pas perçu, lors de mes derniers déplacement en Inde ou en Corée l’instauration d’une semaine de 40 heures, de la sécurité sociale universelle, et toutes ces conquêtes que les « trente glorieuses » ont apporté aux travailleurs européens. Peut-être parce que, comme vous le dites, le monde a changé : la croissance européenne était, du fait des politiques nationales, partagée entre le capital et le travail d’une manière assez favorable à ce dernier. La libre circulation du capital a changé la donne : l’Inde et la Chine croissent vite, mais les fruits de cette croissance vont prioritairement dans la poche du capital, y compris du capital occidental.

      [A l’époque ou les travailleurs européens engrangeaient les fruits de « leur » croissance, et accumulaient les « acquis sociaux », salaire minimum, congés payés, semaine de 40 heures, etc. , on se souciait bien peu en occident, y compris chez les travailleurs, de savoir si notre prospérité se fondait sur une exploitation des ressources naturelles des colonies, puis des ex-colonies, et si les travailleurs du reste du monde gagnaient à peine de quoi vivre, sans aucun espoir de sortir de la misère, de l’illettrisme et du manque d’accès au soins.]

      Je crois que vous faites erreur. Les « trente glorieuses » ont été aussi « glorieuses » pour de nombreuses « colonies » et « ex-colonies ». C’est pendant ces années-là que les plus grands progrès ont été faits dans la lutte contre l’illettrisme, contre la maladie, contre la misère en Afrique, en Amérique Latine, en Asie. Et c’est avec l’ouverture libre-échangiste qui a suivi la révolution néo-libérale dans les années 1980 que ce progrès c’est arrêté et dans beaucoup de cas rebroussé chemin. Pensez à un pays comme la Côte d’Ivoire, l’Egypte, le Sénégal, la Somalie… quand pensez-vous qu’ils allaient le mieux ? En 1970 ? En 1990 ? Aujourd’hui ?

      [Tout a changé, il faut se faire à l’idée que dans tous ces pays, le PIB croît beaucoup plus vite que chez nous, la monté massive de leurs classes moyennes est une réalité. Certes l’Inde et le Brésil comptent encore trop de pauvres, mais leur nombre relatif a massivement diminué en 20 ans.]

      J’aimerais bien voir une statistique montrant cette « diminution massive du nombre relatif de pauvres ».

      [Que voudriez-vous ? Revenir aux bons vieux temps des colonies ? Quand le seul fait d’être né du bon coté du monde nous conférait des droits que nous refusions aux autres ?]

      Non, pas vraiment. Je voudrais revenir au bon vieux temps où les gains de productivité de l’économie étaient distribués entre capital et travail, et non empochés par le capital tout seul. Il est d’ailleurs drôle que dans votre argumentation vous n’abordiez jamais cet aspect des choses.

      [Notre déclin n’est que relatif.]

      Encore heureux !

      [Mais nous avons aujourd’hui des handicaps qui ne sont pas que le coût de nos salaires. Nous sommes englués dans nos archaïsmes et dans notre certitude de supériorité]

      Vous trouvez ? Moi je trouve plutôt que c’est l’inverse. Nous sommes noyés quotidiennement par ce discours décliniste que nos élites adorent et qui veut nous convaincre que nous sommes un peuple paresseux, archaïque, incapable de se réformer, d’innover, de prendre des risques, de faire les choses correctement. Un discours qui cherche à nous démontrer que si nous étions riches naguère, ce n’est pas par notre travail, notre dévouement, mais grâce au plan Marshal et accessoirement par l’exploitation du tiers monde. Que notre « histoire glorieuse » n’est en fait qu’un tissu d’inventions, que Napoléon était un esclavagiste et De Gaulle un crypto-collaborateur. Notre « certitude de supériorité » ? Vous voulez rire ?

      [« vous dites par exemple « Nous avons encore quelques avantages compétitifs, notamment nos infrastructures et la qualité de notre main d’œuvre » ». Comme s’il coulait de source que les Coréens ou les Polonais constituaient forcément une main d’œuvre de qualité inférieure à la notre !]

      Relisez avec attention : le mot « encore » a du vous échapper.

      [Comme si les autoroutes, les TGV et les réseaux câblés des brésiliens et des chinois étaient technologiquement inférieurs aux nôtres.]

      Pour le moment, ils le sont. Mais vous avez raison. Continuons a nous persuader que notre problème est le cumul des mandats et le mille-feuille administratif, et dans peu de temps les infrastructures brésiliennes seront nettement meilleures que les nôtres.

  6. JMP dit :

    ci joint le lien pour la réponse de Sapir :
    http://russeurope.hypotheses.org/1381
    décidément, la gauche n’existe plus…

  7. samuel dit :

    Dans le même sens que ce que vous dites, Machiavel et Montesquieu ont dit que quand on n’est plus dans un regime démocratique, la vertu civique s’evanouit dans la population parce qu’elle n’a plus aucun sens. Ils pensaient à la décadence de Rome après que la République soit devenue un regime autocratique.

  8. Bannette dit :

    @Descartes : tu devrais quand même prendre le temps de voir le débat Sapir/Mélenchon, car il a le mérite de montrer JLM en difficulté, et surtout met en lumière les tares que tu dénonces souvent vis-à-vis des politiques par rapport aux spécialistes. Le seul défaut c’est la manie exaspérante qu’a Schneidermann à interrompre Sapir tout le temps (soit c’est lui qui est idiot et ne comprend pas Sapir qui est parfaitement compréhensible, soit il présuppose que le public est forcément idiot).

    Face à un économiste qui parle chiffres, a une argumentation solide, amène même des schémas avec lui, on sent JLM très prudent (il admet même plusieurs fois qu’il n’a pas de réponse à certains arguments – ce qui est la réaction la plus intelligente quand on ne sait pas). Son attitude est très différente par rapport à celle qu’il avait eu quand il a eu, dans la même émission, à débattre avec un Marc Touati, face auquel il se montrait histrionique et ressortait ses argumentations pauvres avec l’aplomb qu’on lui connait (parce que Touati n’est pas un économiste, et il débite ses argumentaires de spécialiste/idéologue libéral des médias appris par cœur). Et quand JLM est en difficulté sur des points techniques, il a la très fâcheuse habitude de… tutoyer son interlocuteur. Comme Sapir est en général apprécié chez les anti-libéraux, JLM (qui doit également le connaître dans le privé) ne veut pas non plus se le mettre à dos, ni avoir l’air un parfait imbécile (d’où sa prudence), et donc a la détestable manie de vouloir se montrer familier, toujours pour maintenir l’ambigüité sur sa position par rapport à l’euro. Bref ménager la chèvre et le chou, mais seuls les inattentifs auront cru comprendre qu’on gros, lui et Sapir seraient sur la même ligne.

    Si face à Touati, JLM peut donner l’illusion qu’il connait ses sujets et qu’il sait le contrer adroitement, face à Sapir, c’est beaucoup plus difficile. D’autant que ce dernier, qui ne m’a pas paru dupe de la familiarité de JLM, sait rester toujours courtois tout en démontant point par point les idées de JLM (l’autre euro, la BCE prêtant directement aux états, la subversion des institutions européennes, l’inflation) avec des arguments clés juridiques (le rappel du droit international sur les titres de créances signés sous la législation des pays emprunteurs) ou techniques. Et Sapir a l’intelligence de démontrer qu’une sortie de l’euro ne suffit pas, ce n’est pas une solution magique, il faut coordonner les politiques de dévaluation et de contrôle des capitaux.
    D’ailleurs quand dans l’émission, ils passent un extrait où Marine Le Pen cite Sapir comme une de ses influences, il n’a pas joué la vierge effarouchée…

    Il y a un passage où JLM est quasiment bouche bée quand Sapir démonte l’idée de cohabitation de 2 euros : euro du sud et euro du nord, soit l’euro des gentils (pays de l’Europe du Sud qui se rallieraient derrière la France avec un JLM président, bien sûr), et l’euro des méchants autour de la mère Merkel. En fait, il s’agit du programme du PG, et Sapir démontre en quoi, économiquement, cet euro du sud qui est censé être solidaire, bénéficierait à la France à moyen terme, mais pas à ceux du sud (la France se retrouverait alors dans la position de l’Allemagne actuelle, face aux pays du sud). On dirait qu’au PG, personne n’a travaillé sérieusement cette idée d’euro du sud solidaire dans leur résolution programmatique sur l’euro. En fait, il s’agit juste d’un copier-coller du projet de Sucre des pays latino-américains de l’ALBA vu le tropisme de JLM envers la sainte trinité Bolivie/Equateur/Venezuela. J’aime beaucoup comment Sapir, benoitement, démontre que cet euro serait anti-solidaire techniquement, alors que JLM n’a que le mot solidarité à la bouche.

    A la fin, quand Sapir donne des chiffres sur les pourcentages d’inflation de tel ou tel pays face à tel ou tel scénario, et ses 3 interlocuteurs (JLM et les 2 journalistes) semblent sidérés qu’un universitaire puisse donner des chiffres aussi précis. La journaliste lui demande comment il peut le faire, et il répond que des gens comme lui ont des tableaux de calculs, certes très complexes, mais que ça se fait. En fait, leur incrédulité est symptomatique de ce mépris de ceux qui ont le savoir, j’ai trouvé que ce passage illustrait bien ce que tu dénonces souvent à propos des politiques qui croit que la bonne volonté suffit (et c’est tout le blabla de JLM sur sa croyance en une possibilité de subversion des institutions européennes) et que les techniciens sont juste des emmerdeurs. Les 3 n’osent quand même pas traiter Sapir de menteur ou de charlatan sur cette capacité qu’on les véritables économistes à faire des calculs précis, mais on lui fait remarquer qu’il y a des paramètres qu’un tableau de calcul ne peut prendre en compte (type géopolitiques) ce que Sapir admet tout à fait. Et là, JLM reprend (un peu) du poil de la bête en sortant l’argumentaire cliché selon lesquels les politiques doivent bien sûr écouter les spécialistes mais eux sont des universitaires qui vivent dans leur bulle/livres/tableaux de calculs, alors que lui serait en contact avec la réalité et les braves gens, et donc doit proposer des solutions adaptées. Moi Sapir m’a paru bien plus proche de la réalité que JLM…
    En tout cas, remarquable cette incrédulité des 3 sur la capacité à quantifier et calculer le réel. Mais celui qui base sa politique sur ce type de calculs qui font appel à la Raison a moins de chance de se planter que celui qui la base sur sa perception de la réalité.

    • Descartes dit :

      @Banette

      [tu devrais quand même prendre le temps de voir le débat Sapir/Mélenchon,]

      Ok ok je vais faire l’effort…

      [Et Sapir a l’intelligence de démontrer qu’une sortie de l’euro ne suffit pas, ce n’est pas une solution magique, il faut coordonner les politiques de dévaluation et de contrôle des capitaux.]

      Je partage tout à fait cette position. Raconter qu’on peut faire des miracles est la meilleure façon de passer pour un charlot aux yeux d’un électorat populaire qui a une longue expérience en matière de promesses non tenues. La voie du redressement après la sortie de l’Euro sera difficile, et il ne faut pas le cacher aux gens. Mais il faut expliquer qu’au bout de l’effort il y a une perspective, alors que rester dans l’Euro nous promet un déclin inéluctable et sans autre perspective.

      [D’ailleurs quand dans l’émission, ils passent un extrait où Marine Le Pen cite Sapir comme une de ses influences, il n’a pas joué la vierge effarouchée…]

      Peut-être partage-t-il mon analyse sur la question ? 😉

      [On dirait qu’au PG, personne n’a travaillé sérieusement cette idée d’euro du sud solidaire]

      Oh… on ne travaillerait pas sérieusement les sujets de fond au PG ? J’ai du mal à le croire…

      En tout cas, merci pour cette lecture commentée fort instructive. Ca m’a donne envie de le regarder…

  9. dsk dit :

    ["Qu’on sorte du cadre européen, et on revient à une histoire qui est notre histoire, avec des difficultés qui sont nos difficultés. On redevient maîtres de notre propre destin."]

    Pas du tout. Notre histoire, notre destin, justement, c’est l’Europe.

    ["Ce qui mine les gens, actuellement, ça n’est pas simplement le chômage, ou des perspectives sombres : c’est le sentiment d’impuissance."]

    En tant que libéral, croyez bien que ce "sentiment d’impuissance" ne me mine en aucune façon.

    ["Avec une appartenance collective, les gens débattent entre eux, éventuellement se foutent sur la gueule, prennent une décision, sont collectivement responsables de ce qui leur arrive."]

    Et pourquoi diable voulez-vous que je veuille me "foutre sur la gueule" avec des anti-libéraux, des rouges-bruns, et autres néo-fascistes attardés ?

    ["Putain mais on est là, à se faire chier, dans un ensemble de non-décisions, avec Bruxelles, avec Francfort, des négociations humiliantes, sans perspective, avec une histoire infiniment nulle qui se profile"]

    Une histoire infiniment enthousiasmante, au contraire, putain ! L’Europe, excusez-moi, mais c’est quand même autre chose que cette petite France toute moisie, toute rabougrie, non ?

    ["et tout d’un coup, ça y est, on est dans la merde, ensemble, en tant que français, on retrousse nos manches et on essaye de s’en sortir."]

    Oui, ça, on est dans la merde, je vous le confirme…

    ["Ca n’est pas beau, ça ?]

    Bof…

    ["Et la démocratie renaît."]

    Souvenez vous quand même, M. Todd, que vous avez appelé à voter François Hollande. Alors je ne comprends pas de quoi vous vous plaignez, exactement.

    ["Et au début, on est un petit peu appauvris. Mais on va quelque part, et nos enfants vont quelque part"]

    Oui, aux USA, pour fuir le bolchévisme.

    • Descartes dit :

      @dsk

      [Pas du tout. Notre histoire, notre destin, justement, c’est l’Europe.]

      Le votre, peut-être. Je ne saisis pas très bien quel est le « nous » auquel vous vous référez. Plus loin, vous semblez parler « en tant que libéral ». Je vous accorderai volontiers que pour « vous les libéraux » l’Europe puisse être « votre histoire, votre destin »…

      [En tant que libéral, croyez bien que ce "sentiment d’impuissance" ne me mine en aucune façon.]

      J’en suis persuadé… quand on est libéral, on est plutôt du côté des puissants…

      [Et pourquoi diable voulez-vous que je veuille me "foutre sur la gueule" avec des anti-libéraux, des rouges-bruns, et autres néo-fascistes attardés ?]

      Vous avez raison. Le libéralisme est beaucoup plus facile à pratiquer lorsqu’on exclut au préalable tous ceux qui ne nous plaisent pas du débat. La vie serait si heureuse si seuls avaient le droit de vote ceux qui sont d’accord avec soi…

      [Une histoire infiniment enthousiasmante, au contraire, putain ! L’Europe, excusez-moi, mais c’est quand même autre chose que cette petite France toute moisie, toute rabougrie, non ?]

      Et avec le même raisonnement, l’histoire du monde devrait être « infiniment plus enthousiasmante » que celle de cette petite Europe toute moisie, toute rabougrie, non ? Allez, laissez de côté le bréviaire bruxellois et revenez sur terre. La construction européenne n’a réussi à produire, en cinquante ans, un seul épisode « enthousiasmant ». Je doute fort que demain quelqu’un puisse pleurer d’émotion en célébrant « un siècle de marché libre et non faussé » ou qu’on trouve une seule directive européenne digne d’être gravée dans le marbre pour l’édification des générations futures. Personne ne se souviendra avec émotion des billets libellés en Euro comme on se souvient de nos Voltaire, de nos Richelieu, de nos Montesquieu, de nos Berlioz ou de nos Latour. Pas un héros n’a été mis en terre enveloppée du drapeau européen, et personne à ma connaissance n’a été prêt à sacrifier sa vie pour le défendre. C’est là peut-être l’échec le plus cuisant et le plus révélateur de la construction européenne : celui d’avoir été incapable de créer quelque chose d’enthousiasmant, quelque chose qui suscite un attachement profond et passionnel. Et cette incapacité n’est pas le fruit du hasard, il est contenu dans la structure même de la construction européenne, une construction faite dans les dos des peuples par des gens persuadés de savoir ce qui était bon pour les autres et décidé à leur imposer.

      [Oui, ça, on est dans la merde, je vous le confirme…]

      Venant de vous, c’est plus qu’une confirmation, c’est un aveu.

      [Souvenez vous quand même, M. Todd, que vous avez appelé à voter François Hollande. Alors je ne comprends pas de quoi vous vous plaignez, exactement. ]

      Oh… vous savez, une erreur, cela peut arriver à tout le monde. Ce n’est pas à vous que je vais l’apprendre…

      [Oui, aux USA, pour fuir le bolchévisme.]

      Je vois que les vieux croquemitaines ont repris du service… cependant, faudrait se décider. On peut accuser les adversaires de l’Europe d’être des « bolcheviques », et on peut les accuser d’être d’extrême droite. Mais pas les deux…

    • dsk dit :

      ["Le votre, peut-être. Je ne saisis pas très bien quel est le « nous » auquel vous vous référez."]

      Eh bien, le même que celui d’Emmanuel TODD. J’imagine qu’il fait référence au peuple français…

      ["Plus loin, vous semblez parler « en tant que libéral ». Je vous accorderai volontiers que pour « vous les libéraux » l’Europe puisse être « votre histoire, votre destin »…"]

      C’est une histoire et un destin que le peuple français a décidé de faire siens, et ce de manière parfaitement démocratique.

      ["J’en suis persuadé… quand on est libéral, on est plutôt du côté des puissants…"]

      Oui. Et alors ?

      ["Vous avez raison. Le libéralisme est beaucoup plus facile à pratiquer lorsqu’on exclut au préalable tous ceux qui ne nous plaisent pas du débat. La vie serait si heureuse si seuls avaient le droit de vote ceux qui sont d’accord avec soi…"]

      C’est un un procès d’intention. J’ai quand même le droit d’exprimer que je n’ai pas spécialement envie de me "foutre sur la gueule" avec les "antilibéraux" de tout poil…

      ["Et avec le même raisonnement, l’histoire du monde devrait être « infiniment plus enthousiasmante » que celle de cette petite Europe toute moisie, toute rabougrie, non?"]

      Exactement. C’est pourquoi, plus encore qu’européen, je me sens "citoyen du monde".

      ["La construction européenne n’a réussi à produire, en cinquante ans, un seul épisode « enthousiasmant ». Je doute fort que demain quelqu’un puisse pleurer d’émotion en célébrant « un siècle de marché libre et non faussé » ou qu’on trouve une seule directive européenne digne d’être gravée dans le marbre pour l’édification des générations futures."]

      Personnellement, c’est cela que je trouve très beau. La construction européenne part du concret, du quotidien, de l’économie. C’est un processus lent, ingrat, certes, qui nécessite patience et persévérance. Mais je ne doute pas qu’un jour, nous en recueillerons les fruits enthousiasmants.

      [|"Pas un héros n’a été mis en terre enveloppée du drapeau européen, et personne à ma connaissance n’a été prêt à sacrifier sa vie pour le défendre."]

      Oui, et c’est cela qui est surtout grandiose. L’Europe, c’est la paix.

      ["Et cette incapacité n’est pas le fruit du hasard, il est contenu dans la structure même de la construction européenne, une construction faite dans les dos des peuples par des gens persuadés de savoir ce qui était bon pour les autres et décidé à leur imposer."]

      Nous y voilà. La théorie du complot illuminati-judéo-maçonnique a encore frappé. Sérieusement, où avez-vous vu que l’Europe se faisait "dans le dos des peuples" ? Toute l’information est disponible, tout se fait au grand jour. Et qui diable empêche le peuple de voter pour des candidats anti-européens ?

      ["Oh… vous savez, une erreur, cela peut arriver à tout le monde."]

      Ce n’était en rien une erreur que d’appeler à voter pour cet européen convaincu qu’est François Hollande. Ce que je ne comprends pas, chez TODD, c’est qu’il prétend que la démocratie devrait "renaître", tandis qu’il a eu non seulement la possibilité de voter, mais même d’exprimer publiquement son choix pour François Hollande, et que celui-ci a d’ailleurs été élu. Alors, décidément, de quoi se plaint TODD ?

      ["On peut accuser les adversaires de l’Europe d’être des « bolcheviques », et on peut les accuser d’être d’extrême droite. Mais pas les deux…"]

      Disons que le côté quelque peu "bolchévik" est la seule chose qui me dérange actuellement dans le programme du Front National. Donc, si c’était l’extrême droite qui prenait le pouvoir, c’est ce côté "bolchevik" que je fuirais sans demander mon reste.

    • Descartes dit :

      @dsk

      [Eh bien, le même que celui d’Emmanuel TODD. J’imagine qu’il fait référence au peuple français…]

      Dans ce cas, votre idée que l’Europe serait « notre histoire » ou « notre destin » me semble pour le moins surfaite. Dans « notre histoire », l’Algérie occupe une place bien plus importante que la Lettonie, et je suspecte que ce sera aussi le cas dans notre « destin »…

      [C’est une histoire et un destin que le peuple français a décidé de faire siens, et ce de manière parfaitement démocratique.]

      Ah bon ? Je ne me souviens pas que le peuple français ait jamais été consulté, directe ou indirectement, sur le fait de « faire sienne » cette « histoire », et encore moins ce « destin ». Pour être franc, je ne crois même pas que la notion de « destin » ait un sens pour la plupart de nos concitoyens.

      [« "J’en suis persuadé… quand on est libéral, on est plutôt du côté des puissants…" ». Oui. Et alors ?]

      Et alors rien. Vous me dites que vous ne sentez en rien cette « impuissance » qui selon Todd affecterait nos concitoyens, je vous explique pourquoi vous y échappez. Et je constate que mon explication recueille votre accord. Cela étant dit, vous devriez comprendre que contrairement à vous, la grande majorité des français ne se trouve pas du côté des puissants…

      [« "Vous avez raison. Le libéralisme est beaucoup plus facile à pratiquer lorsqu’on exclut au préalable tous ceux qui ne nous plaisent pas du débat. La vie serait si heureuse si seuls avaient le droit de vote ceux qui sont d’accord avec soi…" ». C’est un un procès d’intention. J’ai quand même le droit d’exprimer que je n’ai pas spécialement envie de me "foutre sur la gueule" avec les "antilibéraux" de tout poil…]

      Vous avez le droit d’exprimer votre vision, et j’ai le droit de la commenter. Il n’y là aucun « procès d’intention ». Je ne parle pas de vos « intentions », mais de ce que vous avez clairement exprimé.

      [Exactement. C’est pourquoi, plus encore qu’européen, je me sens "citoyen du monde".]

      J’ose espérer que le jour où vous en aurez la nécessité d’une protection, d’une aide, d’une solidarité, vous vous adresserez au « monde » et non pas à cette petite France moisie et rabougrie pour l’obtenir. Mais vous m’excuserez si je vous dis que dans mon expérience tous ces « citoyens du monde » sont les premiers à exiger la solidarité de leurs concitoyens français dès qu’ils ont besoin de quelque chose… Chez les classes moyennes, on est « citoyen du monde » quand il s’agit de payer son écot, mais on redevient « citoyen français » quand il s’agit de toucher son avantage.

      [« "La construction européenne n’a réussi à produire, en cinquante ans, un seul épisode « enthousiasmant ». Je doute fort que demain quelqu’un puisse pleurer d’émotion en célébrant « un siècle de marché libre et non faussé » ou qu’on trouve une seule directive européenne digne d’être gravée dans le marbre pour l’édification des générations futures." ». Personnellement, c’est cela que je trouve très beau. La construction européenne part du concret, du quotidien, de l’économie. C’est un processus lent, ingrat, certes, qui nécessite patience et persévérance.]
      Vous aviez parlé de « processus enthousiasmant ». Je ne vois pas dans votre commentaire la moindre raison d’enthousiasme.

      [Mais je ne doute pas qu’un jour, nous en recueillerons les fruits enthousiasmants.]

      L’Eglise catholique a vécu deux mille ans en demandant aux gens de supporter les sacrifices dans ce monde pour jouir des joies du paradis dans l’autre. Je vois que l’Eglise europhile utilise finalement les mêmes méthodes… Cependant, si ce discours a été efficace au XII siècle pour tenir les serfs, je doute qu’il fonctionne aussi bien aujourd’hui pour tenir les travailleurs. Si les « fruits enthousiasmants » n’arrivent pas dans un délai raisonnable, les gens vont commencer à se poser sérieusement des questions. Et à agir en conséquence. Ils ont commencé, d’ailleurs.

      [« Pas un héros n’a été mis en terre enveloppée du drapeau européen, et personne à ma connaissance n’a été prêt à sacrifier sa vie pour le défendre ». Oui, et c’est cela qui est surtout grandiose. L’Europe, c’est la paix.]

      Et qui vous a parlé de guerre ? On peut être un héros, on peut mourir pour défendre une cause sans avoir jamais porté une arme. Mais je trouve votre commentaire très éclairant. La « paix », pour vous, c’est la fin du don de soi, la fin du sacrifice, la fin de l’héroïsme. L’avenir est pour vous un avenir de boutiquiers.

      [« Et cette incapacité n’est pas le fruit du hasard, il est contenu dans la structure même de la construction européenne, une construction faite dans les dos des peuples par des gens persuadés de savoir ce qui était bon pour les autres et décidé à leur imposer ». Nous y voilà. La théorie du complot illuminati-judéo-maçonnique a encore frappé. Sérieusement, où avez-vous vu que l’Europe se faisait "dans le dos des peuples" ?]

      Dans les mémoires de Jean Monnet, qui décrit par le détail la logique des « petits pas » et du « doigt dans l’engrenage ». Cette logique consistait à créer un cadre permettant par petites touches aux institutions européennes non élues « d’aspirer » les compétences nationales sans que les représentants élus des peuples soient consultés ni même, dans certains cas, aient conscience du processus. La logique de la CJUE est l’exemple type : tout transfert de compétence vers la Commission est interprété à posteriori par la CJUE de la manière la plus extensive possible. Les peuples sont consultés sur le fait de confier à la Commission le pouvoir de fixer la forme des étiquettes de la viande, et la Cour interprète ce pouvoir comme celui de réglementer le marché de la viande…

      [Toute l’information est disponible, tout se fait au grand jour.]

      Vous le croyez vraiment ?

      [Et qui diable empêche le peuple de voter pour des candidats anti-européens ?]

      Personne. Mais cela n’a aucune importance. Lorsque les peuples rejettent par référendum les traités européens, on les fait revoter jusqu’à ce qu’ils changent d’avis. Lorsque les élus du peuple rejettent une directive, les mêmes dispositions reviennent dans une autre et cela autant de fois qu’il le faut jusqu’à ce que la lassitude des représentants nationaux ou la configuration politique du moment permettent de la faire passer. Le processus européen n’ayant rien de démocratique, ce que les gens votent n’a aucune espèce d’importance.

      [Ce n’était en rien une erreur que d’appeler à voter pour cet européen convaincu qu’est François Hollande. Ce que je ne comprends pas, chez TODD, c’est qu’il prétend que la démocratie devrait "renaître", tandis qu’il a eu non seulement la possibilité de voter, mais même d’exprimer publiquement son choix pour François Hollande, et que celui-ci a d’ailleurs été élu. Alors, décidément, de quoi se plaint TODD ? ]

      Du fait que le candidat qu’il a élu n’ait pratiquement aucune marge de manœuvre. Hollande est mauvais, c’est entendu. Mais voudrait-il faire une autre politique qu’il ne le pourrait pas, du moins pas sans sortir du cadre de la construction européenne. C’est cela que veut dire Todd lorsqu’il parle d’une « renaissance de la démocratie ».

      [Disons que le côté quelque peu "bolchévik" est la seule chose qui me dérange actuellement dans le programme du Front National. Donc, si c’était l’extrême droite qui prenait le pouvoir, c’est ce côté "bolchevik" que je fuirais sans demander mon reste.]

      Finalement, les meilleurs arguments pour voter FN ne se trouvent pas là où on le croit…

    • dsk dit :

      ["Dans « notre histoire », l’Algérie occupe une place bien plus importante que la Lettonie, et je suspecte que ce sera aussi le cas dans notre « destin »…"]

      Vous avez raison. C’est pourquoi, personnellement, je suis favorable à l’entrée de l’Algérie dans l’Union européenne.

      ["Ah bon ? Je ne me souviens pas que le peuple français ait jamais été consulté, directe ou indirectement, sur le fait de « faire sienne » cette « histoire », et encore moins ce « destin »."]

      Eh bien directement, il y a eu le référendum sur le Traité de Maastricht, puis, indirectement, il y a eu le TCE, approuvé par, excusez du peu, plus des trois cinquièmes des représentants du Peuple. Et plus globalement, chaque élection est l’occasion, pour l’UMP et le PS, de réaffirmer leur attachement indéfectible à l’Europe. Or, jusqu’ici, les français leur ont toujours renouvelé leur confiance, tandis que les partis clairement hostiles à l’Europe, soit DLR et le FN, ne recueillent à eux deux qu’à peine plus de 20% des voix.

      ["Pour être franc, je ne crois même pas que la notion de « destin » ait un sens pour la plupart de nos concitoyens."]

      C’est une critique que vous devriez adresser plutôt à Emmanuel Todd, à qui je ne faisais que répondre. Du reste, je serais assez d’accord avec vous pour dire que ce type de discours un peu abstrait et grandiloquent tel que : "reprenons la maîtrise de notre destin" n’a pas vraiment de quoi susciter l’enthousiasme populaire. La maîtrise de notre destin, oui, mais pourquoi faire, concrètement ? On "ira quelque part", d’accord, mais où ?

      [" Mais vous m’excuserez si je vous dis que dans mon expérience tous ces « citoyens du monde » sont les premiers à exiger la solidarité de leurs concitoyens français dès qu’ils ont besoin de quelque chose…"]

      C’est le contraire. Ce sont les citoyens français, conditionnés par des siècles d’assistanat pervers, qui sucent le sang des entrepreneurs, qui, eux, créent de la richesse en se confrontant au marché mondial.

      ["Vous aviez parlé de « processus enthousiasmant ». Je ne vois pas dans votre commentaire la moindre raison d’enthousiasme."]

      Napoléon, Hitler,Mussolini, ont suscité l’enthousiasme. Alors permettez-moi, désormais, de préférer Hermann Von Rompuy.

      ["Mais cela n’a aucune importance. Lorsque les peuples rejettent par référendum les traités européens, on les fait revoter jusqu’à ce qu’ils changent d’avis."]

      Peut-être. Mais qui est donc ce "on" ? Jusqu’à preuve du contraire, ce sont les gouvernements régulièrement et démocratiquement élus.

      ["Hollande est mauvais, c’est entendu. Mais voudrait-il faire une autre politique qu’il ne le pourrait pas, du moins pas sans sortir du cadre de la construction européenne."]

      Justement, Hollande ne le veut pas. Et s’il le voulait, comme vous le suggérez vous-même, il lui suffirait alors de sortir du cadre de l’Union européenne, ce qui est parfaitement possible, grâce au fameux article 50, dont Asselineau nous rebat les oreilles à longueur de journée. Où est la dictature ?

    • Descartes dit :

      @dsk

      [Vous avez raison. C’est pourquoi, personnellement, je suis favorable à l’entrée de l’Algérie dans l’Union européenne.]

      Et en appliquant la même règle, il faudrait faire rentrer dans l’UE tous les pays qui ont eu des rapports privilégiés avec un pays de l’Union. Par exemple, dans l’histoire de la Tchéquie, la Russie a certainement joué un rôle plus important que le Portugal. Dans l’histoire de l’Angleterre, les Etats-Unis ont joué un rôle bien plus important que la Croatie. Faisons donc rentrer les Etats-Unis et la Russie dans l’UE…

      Vous voyez bien que votre raisonnement est fallacieux. La construction européenne n’a aucun fondement dans l’histoire. C’est une pure construction de circonstance. La Croatie est « in » et l’Algérie « out » non pas parce qu’il y ait une affinité plus forte entre nous et les croates qu’entre nous et les algériens, mais parce que les équilibres géopolitiques issus de la dernière guerre ont fait que. La phrase « l’Europe est notre histoire » est en fait une tentative de « récit européen » qui ne trompe plus personne.

      ["Ah bon ? Je ne me souviens pas que le peuple français ait jamais été consulté, directe ou indirectement, sur le fait de « faire sienne » cette « histoire », et encore moins ce « destin »." Eh bien directement, il y a eu le référendum sur le Traité de Maastricht, puis, indirectement, il y a eu le TCE, approuvé par, excusez du peu, plus des trois cinquièmes des représentants du Peuple.]

      Je ne me souviens pas que le traité de Maastricht pas plus que le TCE contiennent une déclaration aux effets que « l’Europe est notre destin ». Pourriez vous m’indiquer précisément les articles ou l’on retrouve cette déclaration ?

      [Et plus globalement, chaque élection est l’occasion, pour l’UMP et le PS, de réaffirmer leur attachement indéfectible à l’Europe. Or, jusqu’ici, les français leur ont toujours renouvelé leur confiance, tandis que les partis clairement hostiles à l’Europe, soit DLR et le FN, ne recueillent à eux deux qu’à peine plus de 20% des voix.]

      Ais-je vraiment besoin de vous rappeler combien ce raisonnement est fallacieux ? Le fait qu’un parti politique proclame son « attachement indéfectible » à quelque chose n’implique pas que ce soit pour cette raison que les électeurs votent pour lui. Et il est donc abusif de déduire d’un tel vote que les français aient « fait leur » l’attachement en question. Ainsi, par exemple, comme vous l’avez-vous-même rappelé, les 3/5èmes des législateurs élus par le peuple – élus sur un programme général, et non mandatés sur ce point particulier – ont voté le texte du TCE. J’ajoute que les partis qui se sont prononcés pour le traité regroupent, comme vous le dites, près de 80% aux élections législatives ou présidentielles. Cela n’a pas empêché le peuple français de rejeter le TCE par référendum.

      Par ailleurs, si vous jugez que le peuple français a « fait sienne » la communauté d’histoire et de destin européen en votant la ratification du traité de Maastricht, vous devriez tirer la conclusion que le peuple français a changé d’avis et refusé de faire sienne cette « communauté » en rejetant le TCE…

      ["Pour être franc, je ne crois même pas que la notion de « destin » ait un sens pour la plupart de nos concitoyens.". C’est une critique que vous devriez adresser plutôt à Emmanuel Todd,]
      Non, puisque contrairement à vous, il ne prétend pas parler au nom de nos concitoyens, mais en son nom propre.

      [" Mais vous m’excuserez si je vous dis que dans mon expérience tous ces « citoyens du monde » sont les premiers à exiger la solidarité de leurs concitoyens français dès qu’ils ont besoin de quelque chose…" C’est le contraire. Ce sont les citoyens français, conditionnés par des siècles d’assistanat pervers, qui sucent le sang des entrepreneurs, qui, eux, créent de la richesse en se confrontant au marché mondial.]

      C’est très rigolo, quand on constate combien ces pauvres « entrepreneurs » sont les premiers à se présenter aux guichets publics pour demander des aides et des subventions. Où en serait Alstom si la main bienveillante de l’Etat ne l’avait nationalisé partiellement au début des années 2000 ? Ou serait Peugot, l’épitomé de « l’entrepreneur qui crée de la richesse » sans les prêts bonifiés, les « primes à la casse » et autres « bonus-malus » ? Vos entrepreneurs pleurnichards ressemblent effectivement à vos « citoyens du monde » : ils sont internationalistes quand il s’agit de se plaindre qu’on leur « suce le sang », et très nationalistes lorsqu’il s’agit de passer à la caisse. Et que le premier entrepreneur qui n’a jamais touché une subvention, un crédit d’impôt, une aide quelconque, une réduction de TVA, une réduction du prix de l’électricité, une exemption de cotisations sociales… me jette la première pierre.

      ["Vous aviez parlé de « processus enthousiasmant ». Je ne vois pas dans votre commentaire la moindre raison d’enthousiasme." Napoléon, Hitler,Mussolini, ont suscité l’enthousiasme. Alors permettez-moi, désormais, de préférer Hermann Von Rompuy.]

      Il y a des gens qui aiment vivre dans un monde où les gens ont deux mains. Cela leur permet de fabriquer des objets utiles, de caresser une femme, de peindre des tableaux, d’écrire des symphonies et des les jouer… et aussi de prendre un couteau et éviscérer leur voisin. D’autres préféreraient une société de manchots, où personne n’aura les moyens d’éviscérer personne. Bien entendu, personne n’aura non plus le moyen de caresser son enfant ou de peindre La Joconde, mais il faut savoir choisir.

      Personnellement, je préfère infiniment prendre le risque d’un Napoléon, d’un Hitler ou d’un Moussolini si c’est le prix à payer pour avoir un Beethoven, un Einstein, un De Gaulle. Vous semblez, vous, préférer l’impuissance avec un Van Rompuy (et non « Von », lapsus révélateur). Pourquoi pas. C’est votre choix…

      [Peut-être. Mais qui est donc ce "on" ? Jusqu’à preuve du contraire, ce sont les gouvernements régulièrement et démocratiquement élus.]

      Tout à fait. Mais ces gouvernements « démocratiquement élus » ont été via la méthode des « petits pas » encadrés par un corset de règlements, de directives et de décisions de la CJUE qui ne leur laisse pratiquement aucune marge de manœuvre. S’il veut respecter le droit européen, un gouvernement a aujourd’hui le pouvoir de choisir la couleur de la moquette. Et encore. Bien entendu, les gouvernements pourraient s’opposer aux nouveaux traités. Seulement, les nouveaux traités sont rendus nécessaires par les anciens traités : l’exemple du TSCG est révélateur.

      [Justement, Hollande ne le veut pas. Et s’il le voulait, comme vous le suggérez vous-même, il lui suffirait alors de sortir du cadre de l’Union européenne, ce qui est parfaitement possible, grâce au fameux article 50, dont Asselineau nous rebat les oreilles à longueur de journée. Où est la dictature ?]

      Qui a parlé de « dictature » ? C’est beaucoup plus subtil que cela…

    • dsk dit :

      ["Qui a parlé de « dictature » ? C’est beaucoup plus subtil que cela…"]

      Voulez-vous dire que nous sommes désormais dans une situation très difficile, que la contrainte aujourd’hui est très forte ? Que pour sortir de notre impuissance, il faudrait du courage, de la volonté politique, d’autres compétences que de savoir choisir la couleur de la moquette ? En tout cas, je crois, précisément, que l’on ne saurait confondre la démocratie avec l’impuissance. Celle-ci ne consiste pas à simplement se satisfaire du bonheur de pouvoir se "foutre sur la gueule", tout en ayant le sentiment "d’aller quelque part", sans savoir où exactement. Elle est un cadre destiné à régir pacifiquement l’affrontement de projets politiques précis. C’est ainsi que les libéraux, (dont je ne suis pas, rassurez-vous), ont, de leur côté, su faire avancer leur projet européen avec détermination, cohésion, discipline, et ce, dans un cadre incontestablement démocratique. Dès lors, face à ce projet, on ne saurait se plaindre de la soi-disant absence d’une démocratie qui ne serait que l’autre nom de l’impuissance et de l’immobilisme. Il faut leur opposer un projet politique précis, ce que Todd ne fait pas, probablement car il se revendique lui-même comme un libéral. Voilà pourquoi je me suis permis, le temps de quelques "posts", de rappeler à son bon souvenir l’adversaire libéral de son projet "souverainiste", que son discours semblait occulter totalement.

    • Descartes dit :

      @dsk

      [Voulez-vous dire que nous sommes désormais dans une situation très difficile, que la contrainte aujourd’hui est très forte ?]

      Non, je ne crois pas. D’abord, parce que je ne sais pas ce que c’est que « la contrainte ». Cette « contrainte » impersonnelle qui vient on ne sait pas d’où ne fait certainement pas partie de mon vocabulaire.

      [Que pour sortir de notre impuissance, il faudrait du courage, de la volonté politique, d’autres compétences que de savoir choisir la couleur de la moquette ?]

      Ca, c’est certain. Mais tout le courage, toute la volonté de faire autre chose ne vaudront rien si on n’est pas prêt à casser l’ordre européen qui nous emprisonne. A l’intérieur de cet ordre, il n’y a pas de politique possible. Il n’y a que la soumission aux exigences des groupes d’intérêt qui ont la main à Bruxelles. Le premier « courage » est celui d’accepter l’évidence : la construction européenne est une erreur. Et je ne parle pas d’une construction européenne théorique, celle que nous ressortent les europhiles triomphant ou honteux d’une « Europe sociale » et d’un « Euro solidaire », ce paradis futur censé nous consoler des désastres du présent. Je parle de la construction européenne telle qu’elle est.

      On peut aimer ou pas Todd, mais dans le paragraphe que j’ai cité son diagnostic est visionnaire. En transférant le pouvoir de décision aux lobbies bruxellois, la construction européenne a rendu le citoyen impuissant et le débat politique – le vrai, celui qui confronte les projets et les visions, pas celui des petites phrases – inutile. Un théâtre pour faire croire aux citoyens qu’ils décident quelque chose, alors que quelque soit l’heureux élu les politiques finissent toutes par se ressembler.

      Ce n’est pas une « dictature », non, ce serait trop simple. On n’a pas mis nos politiques en prison, on s’est contenté de les endormir. Et pour cela, on a joué sur leur conformisme, sur leur paresse intellectuelle, mais surtout sur leurs intérêts. L’Europe a ruiné les couches populaires, mais a fait les beaux jours des classes moyennes. Et ce sont les classes moyennes qui produisent les élites politiques. Pourquoi ces politiciens iraient jouer contre leurs intérêts ? Ce système, qui a si bien fonctionné pendant presque un demi-siècle, est heureusement en train d’arriver à sa fin. Les peuples réalisent chaque fois plus clairement combien le choix politique qui leur est proposé est un faux choix. La montée des populistes est la conséquence logique de cette prise de conscience.

      [En tout cas, je crois, précisément, que l’on ne saurait confondre la démocratie avec l’impuissance.]

      Certainement. J’irais même plus loin : l’impuissance c’est le parfait contraire de la démocratie. Et un régime où les citoyens n’ont pas le pouvoir de changer les choses a cessé d’être démocratique, quand bien même les « formes » de la symbolique électorale continuent à être rigoureusement observées.

      [Celle-ci ne consiste pas à simplement se satisfaire du bonheur de pouvoir se "foutre sur la gueule", tout en ayant le sentiment "d’aller quelque part", sans savoir où exactement.]

      Quant on a le sentiment d’aller quelque part, même si on ne sait pas où exactement, le débat sur la direction à prendre a un intérêt. Lorsqu’on sait qu’on ne va nulle part, ce débat devient superfétatoire et les gens, sagement, s’en désintéressent. Pour reprendre une métaphore que j’ai utilisé ailleurs, le fait d’avoir des mains nous oblige à nous poser plein de questions sur ce qu’on doit ou pas en faire. Lorsqu’on n’a plus de mains, ces questions deviennent parfaitement théoriques et n’ont plus aucun intérêt.

      [Elle est un cadre destiné à régir pacifiquement l’affrontement de projets politiques précis.]

      Mais à quoi bon organiser l’affrontement de projets politiques précis si quelque soit le choix final la politique mise en œuvre sera la même, celle décidée par les bonzes de Bruxelles ?

      [C’est ainsi que les libéraux, (dont je ne suis pas, rassurez-vous), ont, de leur côté, su faire avancer leur projet européen avec détermination, cohésion, discipline, et ce, dans un cadre incontestablement démocratique.]

      Détermination, cohésion, discipline et beaucoup, beaucoup d’argent. N’oubliez jamais que le vil métal reste le nerf de la guerre. Les libéraux ont sans doute fait preuve d’une grande détermination, cohésion et discipline. Mais tout cela ne leur aurait pas permis de s’imposer s’ils n’avaient pas disposé aussi d’un appui sans faille des Etats-Unis qui tenaient absolument, pour des raisons stratégiques, à remettre l’Allemagne sur pied et à constituer un bloc solide en Europe, et sans le soutien lui aussi sans faille des grands intérêts économiques. Il ne faudrait pas non plus exagérer dans l’angélisme.

      [Dès lors, face à ce projet, on ne saurait se plaindre de la soi-disant absence d’une démocratie qui ne serait que l’autre nom de l’impuissance et de l’immobilisme. Il faut leur opposer un projet politique précis, ce que Todd ne fait pas, probablement car il se revendique lui-même comme un libéral.]

      Tout à fait d’accord avec vous. La faiblesse des souverainistes, c’est qu’ils ne disposent pas des moyens matériels et humains qui leur permettraient de monter des « think-tanks » et autres organisations d’influence ayant le poids de la Trilatérale, de Brueghel, de la Société du Mont Pélérin pour ne donner que trois exemples. Ils ne disposent pas non plus des réséaux d’influence des grands intérêts économiques pour pouvoir placer les leurs aux postes d’influence. Pour préparer un « projet politique précis » et le faire avancer, ils sont obligés de travailler avec les moyens du bord, ce qui donne à leurs élucubrations un côté « amateur ». Et pour empirer le tableau, comme ils ne sont pas au service d’intérêts économiques puissants, ils ne sont pas disciplinés par eux, ce qui en fait une tribu gauloise avec des guerres d’égos permanentes…

      Je ne pense pas que ce soient les souverainistes qui feront tomber les murs de Bruxelles en sonnant les trompettes. Je pense que les murs en question s’effondreront sous leur propre poids, tant les erreurs commises par le système sont grandes et la rapacité des intérêts qui le sous-tendent est grande. Le rôle des souverainistes, plus que de faire tomber la forteresse, est de préparer les consciences pour la période suivante… et de ce point de vue, les écrits de Todd ne sont pas sans intérêt.

    • dsk dit :

      ["Quant on a le sentiment d’aller quelque part, même si on ne sait pas où exactement, le débat sur la direction à prendre a un intérêt."]

      Et si c’était le contraire ? Si, pour vraiment convaincre les électeurs de la nécessité de sortir de l’Europe, il fallait d’abord donner de l’intérêt au débat sur la direction à prendre ? Je crois que le défaut de beaucoup de "souverainistes", ainsi que l’illustre parfaitement le discours d’Emmanuel Todd, c’est qu’ils paraissent considérer la sortie de l’Europe comme une fin en soi. Sortons de l’Europe, disent-ils, et ce sera génial. A nouveau, on pourra se "foutre sur la gueule", tout en "allant quelque part". Où ça ? Ne soyez pas vulgaire, voyons.
      Un autre exemple en est Dupont-Aignan, qui donne le sentiment que si seulement l’UMP voulait bien se donner la peine d’être souverainiste, il en ferait toujours volontiers partie, de sorte qu’on se représente mal le véritable changement qu’apporterait, avec lui, une sortie de l’Europe. Dès lors à quoi bon, se demande l’électeur de base, se lancer dans cette aventure ?

      ["Je ne pense pas que ce soient les souverainistes qui feront tomber les murs de Bruxelles en sonnant les trompettes."]

      En tout cas, certainement pas les "souverainistes" petit-bourgeois à la Dupont-Aignan, Todd, ou Asselineau.

    • Descartes dit :

      @dsk

      ["Quant on a le sentiment d’aller quelque part, même si on ne sait pas où exactement, le débat sur la direction à prendre a un intérêt". Et si c’était le contraire ? Si, pour vraiment convaincre les électeurs de la nécessité de sortir de l’Europe, il fallait d’abord donner de l’intérêt au débat sur la direction à prendre ?]

      Vous opposez deux choses qui sont en fait complémentaires. Je n’ai jamais dit que pour vraiment convaincre les électeurs de la nécessité de sortir de l’Europe – ou pour être plus précis, de sortir de l’Union Européenne – il ne faille pas leur parler de la direction à prendre. Mais il faut être réaliste : les gens ne s’intéressent à un débat que s’ils sont persuadés que celui-ci peut avoir un rapport avec leurs vies. Si on n’a pas le « sentiment d’aller quelque part », alors le débat politique perd tout intérêt et personne ne vous écoutera. C’est pourquoi, pour que le débat sur la direction à prendre ait une chance d’intéresser quelqu’un, il faut au préalable convaincre qu’on peut choisir une direction et y aller effectivement. C’est, je pense, le sens du discours de Todd dans l’extrait que j’ai proposé.

      Le discours dominant aujourd’hui est celui de l’impuissance. « On ne peut pas » parce qu’il y a les « contraintes », parce qu’il y a la « mondialisation », parce qu’il y a l’Union Européenne, parce que… et les gens ont fini par tirer la seule conclusion rationnelle : si l’on ne peut rien faire, si l’action de nos politiques est déterminée par la contrainte extérieure, alors à quoi bon voter ? A quoi bon discuter politique ? Pour choisir la couleur de la moquette ? Todd – et je vous le répète, je ne suis pas un fan du personnage – pour une fois dit quelque chose de très sage : pour redonner un sens à la politique, il faut d’abord secouer cette chape d’impuissance. Et cela suppose de sortir d’une conception de l’Europe qui est fondée sur et qui organise l’impuissance du politique avec la complicité agissante du politique lui-même..

      [Je crois que le défaut de beaucoup de "souverainistes", ainsi que l’illustre parfaitement le discours d’Emmanuel Todd, c’est qu’ils paraissent considérer la sortie de l’Europe comme une fin en soi. Sortons de l’Europe, disent-ils, et ce sera génial.]

      Le problème que pointe Todd est je pense très réel : la construction européenne a tué le politique. Le débat politique n’a pour les gens plus d’intérêt, puisque tout ce qu’on peut dire n’a pas la moindre chance de changer quoi que ce soit. L’exemple de la « concurrence libre et non faussée » est éclairant de ce point de vue. Les français ont rejeté, et de la manière la plus solennelle qui soit, cette conception. Est-ce que cela a changé quelque chose ? Rien. Alors, à quoi cela peut bien servir d’avoir un débat sur cette question ?

      A partir de là, sortir des institutions européennes (ou les réformer radicalement, mais je ne vois pas comment cela serait possible) est une condition préalable à tout débat sur ce qu’on peut faire après. Il y a, je vous l’accorde, une contradiction entre le fait que la sortie de l’Union est un préalable au débat politique et le fait que le débat politique semble, dans notre système démocratique, un préalable à toute sortie de l’Union. C’est cette contradiction qui bloque l’évolution de la situation.

      [A nouveau, on pourra se "foutre sur la gueule", tout en "allant quelque part". Où ça ?]

      Vers la direction que choisira le peuple français après avoir débattu et éventuellement s’être « foutu sur la gueule ». Le point de Todd, et c’est pour cela que j’ai cité son texte, c’est précisément que la rupture avec les institutions européennes est une condition sine qua non pour que ce débat puisse avoir lieu. Vous demandez à Todd de préempter ce débat et de proposer une solution toute faite et tout de suite. Ce n’est pas à sa portée. C’est aux partis politiques et aux hommes qui aspirent à diriger le pays à faire ce travail.

      [En tout cas, certainement pas les "souverainistes" petit-bourgeois à la Dupont-Aignan, Todd, ou Asselineau.]

      Je suis beaucoup plus proche de vous quand vous critiquez les politiques « souverainistes » que lorsque vous vous en prenez à Todd. On ne peut demander au commentateur de répondre à la question du « qu’est ce qu’on fait après », mais on est en droit de le faire du politique. Je pense comme vous que les « souverainistes groupusculaires » n’accordent pas à la question programmatique l’attention qu’il faudrait. Leur combat contre le sentiment d’impuissance serait certainement plus efficace s’ils étaient au clair sur ce qu’ils feraient de la « puissance » recouvrée si d’aventure les électeurs voulaient bien les suivre. Chèvenement au contraire a pris conscience de cette difficulté et a créé une fondation (Res Publica) pour essayer de réfléchir aux questions de fond. Mais qui lit ses rapports ? Le FN aussi a fait un effort programmatique considérable ces dernières années, mais il reste en grande partie prisonnier d’un électorat hétérogène qui l’empêche de publier une réflexion cohérente sur la question.

      On revient en fait toujours à la même contradiction : les électeurs se désintéressent du débat de fond puisqu’ils se sentent impuissants, et du coup la réflexion sur ce qu’on ferait avec une puissance retrouvée passe au second plan.

    • dsk dit :

      ["- C’est ainsi que les libéraux, (dont je ne suis pas, rassurez-vous), ont, de leur côté, su faire avancer leur projet européen avec détermination, cohésion, discipline, et ce, dans un cadre incontestablement démocratique.
      – Détermination, cohésion, discipline et beaucoup, beaucoup d’argent. N’oubliez jamais que le vil métal reste le nerf de la guerre."]

      Eh oui. C’est d’ailleurs pourquoi j’ai envie de dire que la démocratie, c’est un peu comme le football : tandis que celui-ci est jeu qui se joue à onze contre onze, et où les allemands gagnent toujours à la fin, celle-là est un cadre destiné à régir pacifiquement l’affrontement de projets politiques précis, et où celui du Grand Capital gagne toujours à la fin.

    • Descartes dit :

      @dsk

      [Eh oui. C’est d’ailleurs pourquoi j’ai envie de dire que la démocratie, c’est un peu comme le football : tandis que celui-ci est jeu qui se joue à onze contre onze, et où les allemands gagnent toujours à la fin, celle-là est un cadre destiné à régir pacifiquement l’affrontement de projets politiques précis, et où celui du Grand Capital gagne toujours à la fin.]

      Pas tout à fait. Disons que c’est un cadre destiné à régir pacifiquement l’affrontement de projets politiques A CONDITION que le grand capital gagne à la fin. Lorsque le grand capital sent qu’il risque de ne pas gagner, il raye le mot « pacifiquement ». Et Allende et Mossadegh ne me contrediront pas…

    • BolchoKek dit :

      >Et Allende et Mossadegh ne me contrediront pas…<
      Mossadegh – si on doit comparer à Allende – a manqué d’une certaine détermination, et de partisans infaillibles. Son parti, le "Jebhe Melli" (littéralement "Front National"), ressemblait plutôt à un agrégat de mécontents générés par la dureté du régime impérial, qu’ils soient social-démocrates, nationalistes, ou libéraux. Son attitude vis-à-vis de Tudeh était changeante selon les circonstances, du fait des différentes factions qu’il avait à gérer dans son propre camp et dont certaines étaient d’un anticommunisme passionné, en plus de la crise constitutionnelle. De plus, Mossadegh s’est refusé à proclamer la république comme certains lui suggéraient lorsque Mohammad-Reza Shah est parti pour Rome. L’explication la plus courante est que Mossadegh était monarchiste et ne croyait pas au projet républicain. Ce n’est pas faux, mais je pense que c’est un peu plus compliqué que ça. En effet, si ses discours, ses écrits, sa correspondance ne laissent pas planer de doute sur sa conviction que la monarchie parlementaire était la voie à suivre, il pensait également arranger les choses avec le Shah, lequel n’a en fait jamais été contre la nationalisation du pétrole, mais en fait partisan de la négociation avec les anglo-américains concernant ce sujet. C’est peut-être pour cette raison que Mossadegh n’a pas cherché à résoudre la crise : il voulait garder la porte des négociations ouvertes via le Shah, afin d’éviter le coup d’état, jouer les américains contre les britanniques – rappelons que la nationalisation concernait surtout la "Anglo-Iranian Oil Company", et empêtré qu’était le pays dans le blocus de fait imposé à l’Iran sur ses exportations pétrolières, il tenait sûrement à garder toutes les cartes en main. On sait que ce choix ne l’a pas bien servi.
      Je ne sais pas s’il y avait en fait de bons choix. Je fais toutefois remarquer que le Mohammad-Reza Pahlavi, vingt-cinq ans plus tard, sera subitement lâché alors qu’il nourrissait des ambitions similaires. Il est très intéressant à ce titre de regarder l’entourage des protagonistes de la première phase de la république islamique, celle de la période "démocrate-islamiste" dont Le Monde vantait alors les mérites. Notamment Mehdi Bazargan, qui était entouré de courtisans dont certains parlaient le persan avec un assez fort accent américain…

  10. giz dit :

    L’avantage d’une dévaluation est loin d’être garanti :

    La dévaluation est souvent présentée comme LA méthode la plus simple et efficace pour relancer l’économie d’un pays. Il faut cependant prendre en compte l’effet-prix sur les importations, qui peut être très fort principalement pour les pays ayant peu de ressources naturelles (énergétiques + matières premières). En France, la facture énergétique est en augmentation constante depuis 4 ans et a atteint 69 milliards d’euros en 2012 (source: "Résultat du commerce extérieur en 2012 – Bercy"). De quoi faire réfléchir un peu toutes les personnes criant haut et fort que "l’euro est trop fort" et qu’il suffirait de dévaluer pour régler le problème…

    http://www.captaineconomics.fr/theorie-economique/item/350-condition-marshall-lerner-theoreme-elasticite-critique

    • Descartes dit :

      @giz

      [De quoi faire réfléchir un peu toutes les personnes criant haut et fort que "l’euro est trop fort" et qu’il suffirait de dévaluer pour régler le problème…]

      Tout à fait. Je l’ai suffisamment répété sur ce blog : la dévaluation ne résoudra pas tous les problèmes magiquement. D’ailleurs je ne propose pas une « dévaluation », qui suppose quelque part que l’Etat fixe arbitrairement la valeur de la monnaie. Pour moi, la sortie de l’Euro doit s’accompagner d’une parité flottante, dans laquelle on laisse à la monnaie prendre sa valeur « économique » par le jeu de l’offre et la demande, de manière à ce qu’elle joue le rôle de stabilisateur automatique. Si la balance des échanges est déficitaire, alors le pays devra acheter des devises pour payer la différence, et cela fera baisser la valeur de la monnaie, rencherira les importations et poussera donc à réduire la consommation de produits importés et dont à équilibrer la balance. Si au contraire celle-ci est excédentaire, les devises s’accumuleront et rendront les importations plus intéressantes, poussant là encore vers l’équilibre.

      La « condition de Marshall-Lerner » que vous abordez est une analyse parfaitement exacte… à condition de ne pas oublier les hypothèses du raisonnement. Celui-ci postule une économie de marché parfaite, en d’autres termes, les importations comme les exportations ne sont fonction que des prix. Mais l’Etat a d’autres leviers qui lui permettent de jouer sur les importations et sur les exportations en dehors de la pure variation des prix et qui lui permet de compenser une élasticité trop faible ou trop importante. Bien entendu, ces leviers sont souvent contraires aux règles européennes de la « concurrence libre et non faussée »…

    • J. Halpern dit :

      A propos des élasticités-critiques, il faut aussi tenir compte de l’horizon temporel de référence. A court terme, les importation énergétiques sont presque incompressibles, à long terme ce n’est plus vrai quand le parc automobile et l’isolation des logements se sont adaptés (avec il est vrai un nécessaire coup de pouce de l’Etat). Pour les produits manufacturés, il faut également un certain délai pour que l’offre nationale s’adapte aux nouvelles opportunités. Cela indique les contraintes qu’il faudra gérer dans la période transitoire, mais cela n’enlève rien aux avantages d’une dévaluation raisonnable.

    • Descartes dit :

      @ J. Halpern

      Tout à fait d’accord. Ceux qui proposent une sortie de l’Euro ne doivent pas cacher dans le débat les contraintes de gestion de la période transitoire. Nos concitoyens sont adultes, et sont parfaitement capables de comprendre l’intérêt de se serrer la ceinture pendant une période transitoire à condition de leur montrer une perspective crédible à moyen terme. Il faut expliquer quelles seraient les contraintes, et quels sont les instruments qu’on est prêt à utiliser pour y faire face.

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