En attendant les barbares

– Pourquoi nous être ainsi rassemblés sur la place ?
Il paraît que les barbares doivent arriver aujourd’hui.

– Et pourquoi le Sénat ne fait-il donc rien ?
Qu’attendent les sénateurs pour édicter des lois ?
C’est que les barbares doivent arriver aujourd’hui.

Quelles lois pourraient bien faire les Sénateurs ?
Les barbares, quand ils seront là, dicteront les lois.

– Pourquoi notre empereur s’est-il si tôt levé,
et s’est-il installé, aux portes de la ville,
sur son trône, en grande pompe, et ceint de sa couronne ?

C’est que les barbares doivent arriver aujourd’hui.
Et l’empereur attend leur chef
pour le recevoir. Il a même préparé
un parchemin à lui remettre, où il le gratifie
de maints titres et appellations.

– Pourquoi nos deux consuls et les préteurs arborent-ils
aujourd’hui les chamarrures de leurs toges pourpres ;
pourquoi ont-ils mis des bracelets tout incrustés d’améthystes
et des bagues aux superbes émeraudes taillées ;
pourquoi prendre aujourd’hui leurs cannes de cérémonie
aux magnifiques ciselures d’or et d’argent ?

C’est que les barbares doivent arriver aujourd’hui ;
et de pareilles choses éblouissent les barbares.

-Et pourquoi nos dignes rhéteurs ne viennent-ils pas, comme d’habitude,
faire des commentaires, donner leur point de vue ?
C’est que les barbares doivent arriver aujourd’hui ;
et ils n’ont aucun goût pour les belles phrases et les discours.

– D’où vient, tout à coup cette inquiétude
et cette confusion (les visages, comme ils sont devenus graves !)
Pourquoi les rues, les places, se vident-elles si vite,
et tous rentrent-ils chez eux, l’air soucieux ?
C’est que la nuit tombe et que les barbares ne sont pas arrivés.
Certains même, de retour des frontières,
assurent qu’il n’y a plus de barbares.

Et maintenant qu’allons-nous devenir, sans barbares ?
Ces gens-là, en un sens apportaient une solution.

Constantin Cavafy (1864-1933)

Traduit du grec par Dominque Grandmont,

En attendant les barbares et autres poèmes, Gallimard.

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38 réponses à En attendant les barbares

  1. Jacques dit :

    Les vrais barbares de notre temps tendent la main. Proposent des pactes, des partenariats, des traités, tel le mirobolant TTIP (plus connu sous l’appellation Pacte transatlantique).
    Contre quelques bracelets incrustés d’améthystes, les Consuls de Bruxelles se laisseront-ils acheter ?

    • Descartes dit :

      @Jacques

      Je crains que le sens du poème vous ait échappé. N’avez-vous pas compris que c’est justement une réflexion sur l’utiité d’avoir des barbares, fussent-ils imaginaires, pour justifier la paralysie des institutions et des choix de société ? Je ne peux que vous conseiller de le relire, tout particulièrement la fin…

  2. Gérard Couvert dit :

    Relève ta tête chargée de lauriers, ô Rome, et que tes cheveux blanchis se disposent sur ton front sacré, comme la chevelure d’une jeune déesse ! Que ton diadème d’or fasse rayonner fièrement sa couronne de tours ; que l’or de ton bouclier vomisse incessamment des feux. Oublie tes disgrâces, et tu en effaceras le souvenir; méprise ta douleur, et tes plaies se fermeront. Toujours ce fut ta coutume d’espérer le bonheur dans l’adversité : à l’exemple du ciel, tu t’enrichis de tes pertes.(Rutilius Numatianus – Toulousain du Veme siècle)

    Tunc mutabantur corpora, nunc animi !

  3. bovard dit :

    Fuite

    Et Je me suis enfui
    Je suis devenu Sphinx
    Et mille ans sont passés
    au doux son de Syrinx

    Et Je me suis enfui
    J’ai acosté à Tyr
    Et quand le soleil fût
    je ressortis ma Lyre

    Et je me suis enfui
    Et coupait au silex
    Je m’enivrai la nuit
    des horizons convexes

    Et je me suis enfui
    Pour ne jamais revoir
    l’Aube

    Winston Perez, 2013

  4. tmn dit :

    Je suppose que vous avez en tête le FN.

    Vous pensez que le FN est un parti dont il n’y a pas (ou plus) lieu d’avoir peur qu’il arrive au pouvoir ? Qu’il est vraiment devenu un parti républicain, qu’il respecterait la devise "liberté, égalité, fraternité" ? Personnellement je m’interroge… et j’ai comme un sacré doute, et pas trop envie de jouer à essayer.

    • Descartes dit :

      @tmn

      [Je suppose que vous avez en tête le FN.]

      Entre autres. Je ne suis pas de ceux qui font une fixette avec le FN et pour qui c’est l’alpha et l’oméga de la problématique politique. Si ce poème m’a frappé, ce n’est pas tant par la métaphore des barbares que parce qu’il me semble illustrer une manière de fonctionner très répandue, celle qui consiste à organiser son action en fonction d’un « autre » lointain sur lequel on n’a aucun contrôle.

      Ces Sénateurs qui ne légifèrent pas parce que de toute manière les barbare viendront et légiféreront à leur place, cela ne vous rappelle rien ? Entre ceux qui nous expliquent que ce n’est pas la peine de rien faire parce que « la croissance mondiale revient » et ceux qui nous conseillent d’attendre le salut venu de l’Europe, on ne manque pas d’exemples. Quant à ces orateurs qui se taisent parce que « les barbares n’ont pas de goût pour les belles phrases et les discours », cela ne vous rappelle pas ces diatribes qu’on entend dans la presse pour un enseignement « trop académique » alors qu’il faut au contraire armer les étudiants pour gagner « la course à la compétitivité » ?

      [Vous pensez que le FN est un parti dont il n’y a pas (ou plus) lieu d’avoir peur qu’il arrive au pouvoir ? Qu’il est vraiment devenu un parti républicain, qu’il respecterait la devise "liberté, égalité, fraternité" ?]

      Puisque vous posez la question sur le FN, je vous dirai quand même mon opinion. C’est le peuple qui décide qui arrive au pouvoir, ou ce qu’on peut faire une fois arrivé. Pas les partis. Et je ne crois pas un instant que le peuple français veuille aujourd’hui un gouvernement fasciste. Il faut arrêter de croire que l’Histoire est faite par le nez de Cléopatre. Si Hitler a réussi à construire l’Etat nazi, c’est parce que les allemands à cette époque voyaient dans un tel Etat la solution à leurs problèmes, et non parce que le Grand Homme tout seul les a tous hypnotisés. C’est-à-dire qu’au-delà de ce que le FN veut ou ne veut pas, c’est vers le peuple qu’il faut regarder. Et le peuple reste attaché à la devise républicaine. Cela veut dire que le FN respectera cette devise parce que c’est son intérêt, ou alors ne la respectera pas et sera jeté dans les poubelles de l’Histoire.

      Faut arrêter les délires genre « antifa ». Marine Le Pen n’est pas le flûtiste de Hamelin, et elle ne risque pas d’hypnotiser les français. Et d’un autre côté, si les français veulent vraiment l’instauration d’un régime fasciste en France, ce n’est pas le « front républicain » ou n’importe quelle autre négociation entre les partis qui l’empêchera d’arriver au pouvoir. En d’autres termes, la clé de la politique ce n’est pas ce que pense tel ou tel parti, mais ce que pense le peuple français. Et l’action politique doit s’adresser toujours à lui. Les batailles de colleurs d’affiches n’ont jamais rien fait avancer en politique. Ce qui est triste, c’est que le FN semble la seule organisation à avoir compris cette réalité, alors que toutes les autres perdent un temps infini en discussions d’appareil au lieu de faire de la politique.

    • tmn dit :

      D’accord avec vous, les "délires genre antifa" sont aussi ridicules qu’hors-sujet. Et vous avez raison sur un autre point : le FN s’adresse aux français ; on dirait même que c’est le seul parti parvenant à "sentir" un tant soit peu le pays, c’est d’ailleurs très étrange ; j’exagère un peu, il y en a autres, mais pas parmi les "grands" partis.

      Par contre je trouve votre vision de l’alchimie existant FORCEMENT entre un peuple et ses dirigeants un peu idéaliste.

      En 1940, il me semble que les français ne voulaient pas plus que ça le régime de Vichy ; la prestigieuse et rassurante figure de Pétain a dissimulé les délires de "révolution nationale", qui n’étaient pas majoritaires. Circonstances exceptionnelles ceci dit.

      Autre exemple : en France, depuis 20 ans, "l’offre politique" c’est un "choix" entre un libéralisme impuissant (et même pas assumé) de droite, ou sa version "de gauche". L’alchimie n’est donc de fait plus possible entre le peuple et ses dirigeants.

      Tout ça pour dire que les électeurs n’ont à se prononcer que parmi les choix qu’on leur propose. Et le parti qu’ils portent au pouvoir peut aussi avoir une tendance fasciste, inégalitaire ou que sais-je, sans qu’ils l’aient voulu.

    • Descartes dit :

      @tmn

      [Et vous avez raison sur un autre point : le FN s’adresse aux français ;]

      Avec la professionnalisation, beaucoup d’hommes politiques ont perdu de vue le sens de leur fonction pour ne plus penser qu’en des termes tactiques. Un peu comme un médecin qui se passionnerait tellement par la technologie médicale qu’il ne penserait plus qu’aux moyens d’obtenir les appareils dernier cri en oubliant que le but de tout ça est de soigner le patient. Et comme la tactique devient l’alpha et l’oméga de l’action politique, les politiciens finissent par ne plus parler que de ça, en oubliant que la politique ne se réduit pas aux méthodes pour conquérir le pouvoir. On atteint d’ailleurs le comble de cette situation avec notre gouvernement actuel : un président, un premier ministre et trente ministres passés maîtres dans l’art de naviguer les congrès et de conquérir des sièges… et qu’une fois au pouvoir ne savent pas quoi en faire.

      Et parce qu’ils ne s’intéressent plus qu’à la tactique, ils ne parlent plus que de ça. C’est pourquoi j’ai trouvé intéressant dans le papier précédent de commenter le papier d’Alexis Corbière sur son blog. Qui en fait n’est pas très différent de beaucoup de blogs de la « gauche radicale » mais aussi du PS : on passe l’essentiel du temps à discuter des questions tactiques, des alliances, des accords, des mouvements qu’il faut ou pas soutenir… et on oublie complètement de discuter le fond, c’est-à-dire, les analyses du réel, le projet, le programme. Or, les accords de coulisse et la distribution des places, l’électeur moyen s’en fout. Essayez de lire le papier de Corbière avec les yeux d’un simple électeur. Qui ne connaît pas les acteurs du drame – et n’a pas envie de les connaître –, qui n’a pas suivi le film des amours contrariés du PCF et du PG et qui n’a qu’un intérêt modéré pour les états d’âme de ses représentants. Qu’est qu’il comprend, ce brave électeur, en lisant ce texte ? Que ces gens du Front de Gauche se présentent comme des copains depuis des années, mais qu’en fait une fois les portes closes ils se tirent dans les pattes. Qu’au Front de Gauche la politicaillerie a autant ses droits que partout ailleurs. Voilà la conclusion qu’il en tire.

      Le FN a bien compris combien ce genre de discours exaspère les gens. Il utilise une logique que le PCF a théorisé dans les années 1920, à savoir, qu’on lave le linge sale en famille, et qu’on n’étale jamais sur la place publique les conflits internes. Pas plus que le PCF hier, le FN n’a rien d’un long fleuve tranquille. Les guerres d’ambitions, les complots, les règlements de compte existent comme dans toute organisation humaine. Mais c’est une affaire interne qui n’intéresse que les militants – et encore, pas tous. Les électeurs n’ont pas besoin de savoir que Machin a fait un croche-patte à Truc qui lui a rendu. Le citoyen a besoin de savoir quel est le projet et le programme de son parti, et être convaincu que quelque soient les tiraillements internes, à l’heure de gouverner tous ces gens là tireront dans la même direction. Le reste, il s’en fout, et il a bien raison.

      [on dirait même que c’est le seul parti parvenant à "sentir" un tant soit peu le pays, c’est d’ailleurs très étrange ; j’exagère un peu, il y en a autres, mais pas parmi les "grands" partis.]

      Ce n’est en rien étrange. Le FN a fait depuis longtemps – bien avant la « dédiabolisation » mariniste – de se positionner en parti populiste. Le slogan de Jean-Marie Le Pen dans les années 1990 était « Mes idées ? Ce sont les vôtres ». Une formule délicieuse d’ambiguïté, puisqu’elle peut vouloir dire « j’ai les mêmes idées que vous » mais aussi « j’adapte mes idées pour que ce soient les vôtres ». Avec Marine Le Pen la chose est devenue encore plus flagrante, puisqu’il y a une volonté assumée de conquérir l’électorat populaire, et qu’on ne conquiert pas un électorat si l’on n’accepte pas de l’écouter et d’adapter un minimum son discours à ses demandes.

      Là encore, le parallèle avec le PCF est intéressant à étudier. Alors que l’extrême gauche a toujours vécu dans l’idée qu’elle détenait le bien et la vérité, et qu’il fallait apporter la lumière aux ouvriers sans faire aucune concession idéologique, le PCF s’est bâti comme parti populaire en écoutant le prolétariat et en adaptant son projet aux demandes de celui-ci. L’exemple le plus classique est la question religieuse. Marx a dit que la religion était « l’opium du prolétariat », mais voilà, en France les prolétaires aiment baptiser leurs enfants, se marier à l’église et enterrer leurs morts chrétiennement. Le PCF a pris conscience très tôt de ce problème, et a adapté son discours en conséquence en construisant une vision qui était en même temps laïque et matérialiste et respectueuse des cérémonies et des traditions auxquelles les gens sont attachés. Sous les quolibets, bien entendu, d’une gauche bienpensante qui pensait au contraire intelligent de faire étalage de sa détestation des pratiques traditionnelles.

      « Pour faire de la politique, il faut aimer les gens » disait l’un des mes maîtres. Et l’aimer c’est aussi l’écouter. Le porte-à-porte et la fréquentation des marchés, c’est le b-a-ba de la politique. Dommage que certains l’aient oublié…

      [Par contre je trouve votre vision de l’alchimie existant FORCEMENT entre un peuple et ses dirigeants un peu idéaliste. En 1940, il me semble que les français ne voulaient pas plus que ça le régime de Vichy ; la prestigieuse et rassurante figure de Pétain a dissimulé les délires de "révolution nationale", qui n’étaient pas majoritaires. Circonstances exceptionnelles ceci dit.]

      Vous l’avez dit vous-même : c’étaient des circonstances exceptionnelles. Pétain ne serait jamais arrivé au pouvoir si les chars allemands n’avaient été là pour mettre le parlement sous pression. Mais même en circonstances exceptionnelles, « l’alchimie » à laquelle vous faites allusion n’est pas totalement absente. Vichy n’était pas un OVNI venu de l’espace et tombé dans l’Allier. Le projet de Vichy était un projet qui comptait sur un appui réel de la population.

      [Autre exemple : en France, depuis 20 ans, "l’offre politique" c’est un "choix" entre un libéralisme impuissant (et même pas assumé) de droite, ou sa version "de gauche". L’alchimie n’est donc de fait plus possible entre le peuple et ses dirigeants.]

      Pourquoi ? Encore une fois, ce « libéralisme impuissant » sert les intérêts de beaucoup de monde. Ne vous laissez pas abuser par les plaintes lancinantes des classes moyennes. Ces plaintes servent essentiellement à dissimuler le fait que ces couches vivent très bien et sont très heureuses. La crise n’est pas la même pour tout le monde. Quant aux classes populaires, je ne suis pas persuadé qu’elle ait aujourd’hui une meilleure alternative que ce « libéralisme impuissant » dans l’offre politique du jour. Croyez-vous vraiment que si le Front de Gauche arrivait au pouvoir il ferait mieux que les guignols que nous avons aujourd’hui ?

      Je l’admets, mon raisonnement n’est pas loin de conclure que nous sommes dans le meilleur des mondes possibles. Mais franchement, je trouve que l’explication contraire, celle qui nous présente un peuple amorphe conduit par des magiciens qui lui font croire ce qu’ils veulent ne me convainc pas davantage.

      [Tout ça pour dire que les électeurs n’ont à se prononcer que parmi les choix qu’on leur propose.]

      Mais qui décide ce qu’on propose aux électeurs ?

    • tMn dit :

      [« Mes idées ? Ce sont les vôtres »]

      Marine Le Pen hier a dit un truc exactement de ce genre, ressemblant à "les maires FN vont appliquer les idées des électeurs (puis presque en se reprenant) … qui sont aussi les nôtres".

      [Mais qui décide ce qu’on propose aux électeurs ?]

      Les partis politiques, lorsqu’ils décident de leur "ligne" non ?

      Du coup je m’interroge : n’y a t’il pas plus d’enjeu réel lors d’un vote au congrès du PS par quelques milliers de militants que lors du vote des législatives par tous les électeurs ?

    • Albert dit :

      Entièrement d’accord avec vous, Descartes !

    • Descartes dit :

      @tMn

      [Marine Le Pen hier a dit un truc exactement de ce genre, ressemblant à "les maires FN vont appliquer les idées des électeurs (puis presque en se reprenant) … qui sont aussi les nôtres".]

      Cela ne m’étonne pas. C’est d’ailleurs devenu le message courant de tous les partis politiques. Le comble a été atteint au PCF du père UbHue, qui se déclarait un « parti outil » dont les citoyens étaient censés se servir pour faire avancer leurs idées. Combien d’hommes politiques oseraient défendre l’idée que l’électeur n’a pas d’idées, et que c’est la fonction du représentant d’en avoir pour lui ?

      [« Mais qui décide ce qu’on propose aux électeurs ? ». Les partis politiques, lorsqu’ils décident de leur "ligne" non ?]

      Sauf que les électeurs sont aussi des citoyens, et qu’ils peuvent donc adhérer à un parti politique et participer aux décisions. Et que par ailleurs en politique comme en économie c’est la demande qui crée l’offre. S’il y avait en France un électorat prêt à voter un candidat qui lui propose la sortie de l’Euro, il y aurait des candidats pour la proposer. S’il n’y en a pas, c’est parce qu’en soutenant cette position on perd plus de voix qu’on n’en gagne.

      [Du coup je m’interroge : n’y a t’il pas plus d’enjeu réel lors d’un vote au congrès du PS par quelques milliers de militants que lors du vote des législatives par tous les électeurs ?]

      Rien n’empêche les électeurs de participer aux votes du congrès du PS. Il suffit d’y prendre sa carte. Mais la réponse à votre question est négative, parce que ce sont les électeurs qui ont au final le dernier mot. Quelques milliers de militants ont décidé d’investir Ségolène en 2007…

  5. CVT dit :

    @Descartes,
    Faites-vous allusion à la situation politique actuelle?
    Etes-vous en train de dire qu’au final, le FN n’est pas le représentant des barbares attendus? Que le roi (à savoir les démissionnaires UMP-PS) est nu? En fait, votre poème me laisse perplexe: il renvoie tantôt à l’attitude du régime de Vichy en 40, mais là, les barbares existaient bien, en chair et en os. Ici, en 2014, rien de tel, ou presque: il n’y a pas plus de fasciste en France aujourd’hui que d’épinard au beurre en branche.
    Par contre, le parallèle avec l’empire romain est plus tentant: bien des historiens s’accordent à dire que les tribus germaniques ont fait tomber l’empire romain, mais il semblerait qu’une bonne partie de leur troupes avaient été romanisées. Donc, les barbares étaient déjà à l’intérieur de l’empire…
    En fait, je n’arrive pas à trancher sur le sens de votre poème: jadis, au XXè siècle, les barbares avaient le couteau entre les dents. Certains disent aujourd’hui que le barbare, c’est le peuple lui-même!! Alors, où se trouve la vérité?

    • Descartes dit :

      @CVT

      [Faites-vous allusion à la situation politique actuelle? Etes-vous en train de dire qu’au final, le FN n’est pas le représentant des barbares attendus?]

      Bordel ! Vous êtes tous complètement obsédés par le Front National… on ne peut pas parler d’autre chose ?

      Non, lorsque j’ai choisi ce poème, ce n’était pas du tout pour faire une métaphore du Front National. Je l’ai choisi parce que je trouve qu’il résume toutes ces situations ou l’on prend des décisions en fonction d’un « autre » extérieur sur lequel on dépose nos fantasmes. Lorsque Hollande nous explique qu’on n’a pas à faire une politique économique nationale parce que de toute manière le salut viendra de la croissance européenne, j’entends un écho à la strophe qui dit :

      Qu’attendent les sénateurs pour édicter des lois ?
      C’est que les barbares doivent arriver aujourd’hui.
      Quelles lois pourraient bien faire les Sénateurs ?
      Les barbares, quand ils seront là, dicteront les lois.

      Lorsque je visite mon centre commercial et je vois des écriteaux expliquant qu’on a mis en place un « children’s lounge » (ce qui sonne beaucoup plus « classe » sans doute qu’une « salle pour enfants », ce qui est la traduction exacte) et que la SNCF nous parle de « TGV Family » (là encore, c’est plus classe que « TGV Familles »), ne sommes-nous pas dans la même situation que lorsque le poète écrit :

      pourquoi prendre aujourd’hui leurs cannes de cérémonie
      aux magnifiques ciselures d’or et d’argent ?
      C’est que les barbares doivent arriver aujourd’hui ;
      et de pareilles choses éblouissent les barbares.

      Mais quelqu’un a vu les « barbares » ? Quelqu’un sait pour sur que l’Europe est en train de faire ce qu’il faut pour nous sauver ? Est-ce que quelqu’un a vu des gens qui sont séduits par un « children’s lounge » et un « TGV Family » plutôt que par leurs équivalents français ? Non, bien sur que non. L’Europe qui protège ou le snobisme de l’anglais sont tous deux des fantasmes.

      Si vous avez lu le poème jusqu’à la fin, vous devez avoir réalisé que les « barbares » que tout le monde attend N’EXISTENT PAS. C’est un fantasme. Et, nous dit l’auteur, un fantasme bien utile puisqu’il permettait de guider nos décisions. Pas la peine donc de chercher dans les « barbares » du poème une métaphore du Front National, des Américains, ou de la Grande Conspiration de votre choix. Ce que nous dit le poème, c’est que les barbares, c’est nous qui les créons pour justifier nos actions.

    • CVT dit :

      [Si vous avez lu le poème jusqu’à la fin, vous devez avoir réalisé que les « barbares » que tout le monde attend N’EXISTENT PAS]
      J’avais bien compris que les barbares n’existaient pas; ou plutôt si, et je crois bien que vous ne m’avez pas lu non plus jusqu’au bout: ils sont DEJA dans la place, et même, peut-être sont-ils déjà au pouvoir. C’était un peu le sens de mon rappel sur la chute de l’Empire Romain, où ils s’avéraient que les barbares tant redoutés étaient déjà au sein de Rome….
      A propos du FN, je n’ai pas parlé non plus de conspiration, juste des "faux barbares" que sont censés représenter la PME Le Pen, la menace fantôme de notre république depuis 30 ans.
      Pour le reste, la poésie est l’art du double langage, donc forcément sujette à interprétation. Une question: jurez-moi que vous ne pensiez pas au FN lorsque vous aviez rédigé ce post…
      Par contre, je vous approuve à 200% pour la dénonciation de l’anglicisation forcée (pour ne pas dire forcenée) des esprits français par notre élite, qui a démissionné sur ce terrain, comme sur beaucoup d’autres (Grrr! Ce suivisme atlantiste dans les affaires syrienne et ukrainiennes me révulsent). On voit bien que nos "représentants" (guillemets obligatoires…), ainsi que les fervents européïstes, ne connaissent de l’étranger que l’anglais d’aéroport, souvent appelé globish, et ne savent même pas ce que veut dire vivre (et non pas séjourner en vacances) dans un pays étranger, avec ses vicissitudes. Croire qu’il suffit de COMMUNIQUER (et non de parler, ce qui est TRES différent) en anglais pour faire de vous un citoyen du monde est probablement la pire foutaise qu’on puisse entendre, et surtout, dénote une sacrée dose d’inculture et d’absence de curiosité des autres, un comble pour des gens qui nous pressent d’aller vers les autres!!!! C’est même là l’un des grands paradoxes de la "construction" européenne: à cause de l’anglais, langue de l’UE par défaut, elle aboutit paradoxalement à ce que des nations voisines depuis des siècles s’ignorent de plus en plus! Quand je songe qu’il y a un siècle, soit en 1914, les Français connaissaient infiniment mieux les affaires diplomatiques allemandes qu’aujourd’hui…

    • Albert dit :

      C’est un très beau poème, Descartes, de bout en bout.

    • Descartes dit :

      @CVT

      [J’avais bien compris que les barbares n’existaient pas; ou plutôt si, et je crois bien que vous ne m’avez pas lu non plus jusqu’au bout: ils sont DEJA dans la place, et même, peut-être sont-ils déjà au pouvoir.]

      Attendez… vous avez « bien compris » que les barbares n’existent pas… mais ils sont quand même déjà sur place et au pouvoir ? Comment quelque chose qui n’existe pas peut elle être sur place et au pouvoir ?

      J’insiste : le poème de Cavafy nous montre une cité – il n’est nulle part dit qu’il s’agisse de Rome – dont la vie est réglée en fonction de « barbares ». Les législateurs, les rhéteurs, les magistrats, tous organisent leurs comportements en fonction de ce qu’on suppose que les barbares feront lorsqu’ils arriveront, de ce que les barbares aiment, de ce qui impressionne les barbares. Et puis, les barbares ne viennent pas, on dit même qu’ils n’existent pas… et d’une certaine manière ils manquent. On réalise que leur existence fictive était une manière commode de savoir quoi faire…

      Alors pas la peine de chercher à faire entrer la métaphore qui vous intéresse dans le poème avec un chausse pied. Si vous voulez une métaphore poétique qui parle de « barbares » qui sont déjà parmi nous et au pouvoir, alors allez chercher un autre poème qui parle de ça…

      [Pour le reste, la poésie est l’art du double langage, donc forcément sujette à interprétation.]

      Oui, mais il ne faut pas confondre interprétation et réécriture.

      [Une question: jurez-moi que vous ne pensiez pas au FN lorsque vous aviez rédigé ce post…]

      Je vous le jure. Si vous voulez tout savoir, ce qui m’a donné envie de le publier, c’est la première strophe, celle qui dit :

      Et pourquoi le Sénat ne fait-il donc rien ?
      Qu’attendent les sénateurs pour édicter des lois ?
      C’est que les barbares doivent arriver aujourd’hui.
      Quelles lois pourraient bien faire les Sénateurs ?
      Les barbares, quand ils seront là, dicteront les lois.

      Qui me semblait illustrer parfaitement la paralysie et l’indécision du gouvernement Hollande-Ayrault. Rien à voir donc avec le Front National.

      [Par contre, je vous approuve à 200% pour la dénonciation de l’anglicisation forcée (pour ne pas dire forcenée) des esprits français par notre élite, qui a démissionné sur ce terrain, comme sur beaucoup d’autres (Grrr! Ce suivisme atlantiste dans les affaires syrienne et ukrainiennes me révulsent).]

      En fait, ce n’est pas une véritable anglicisation. Nos élites ne parlent pas anglais. Tout au plus « globish », et encore. Moi qui ai travaillé dix ans en Angleterre et qui adore la langue de Shakespeare, je tremble chaque fois qu’un français prend la parole en « pseudo-anglais » dans une réunion, ou lorsque j’ai entre les mains une brochure faite là encore en « pseudo-anglais » par une entreprise ou une administration française. Plus que « l’anglicisation » – à laquelle je ne crois pas vraiment – ce qui m’énerve c’est le snobisme publicitaire qui consiste à utiliser un mot anglais à la place d’un mot français avec l’illusion que cela fait « chic » et « branché ». Un gymnase proposant des terrains de foot couverts du côté de Nanterre a pour slogan publicitaire « si vous voulez jouer indoors, venez chez nous ». Il paraît que mettre « indoors » a lieu de « à l’intérieur », ça fait « jeune » et « moderne »…

    • Pierrot dit :

      @Descartes
      Je suis les analyses de votre blog depuis un certain temps déjà et me dois de dire que la qualité de celles-ci sont remarquables, notamment votre contribution sur le verrouillage du système par ce que vous nommez en termes matérialistes la classe moyenne.

      [Plus que « l’anglicisation » – à laquelle je ne crois pas vraiment – ce qui m’énerve c’est le snobisme publicitaire qui consiste à utiliser un mot anglais à la place d’un mot français avec l’illusion que cela fait « chic » et « branché ».]
      J’ai fait tilt lorsque je suis tombé sur la nouvelle campagne de pub d’Air France, qui, snobisme globish oblige, vient de changer de slogan "France is in the Air". Le figaro de ce jour nous livre l’explication d’un tel changement par l’intermédiaire de Bertille Toledano, présidente de BETC, l’agence de publicité d’Air France : «Ce que l’on voulait éviter dans cette campagne, c’est l’arrogance, explique Choisir l’anglais est un vrai signe d’ouverture. Air France doit renvoyer l’image d’une France en mouvement».
      Choisir l’anglais serait un signe d’ouverture… rien que du classique en somme depuis des années. Mais plus intéressant est la dernière phrase de la citation : à qui Air France doit renvoyer l’image d’une France en mouvement ? N’aurait-on pas ici l’illustration des barbares dont vous faites allusion par ailleurs ? A moins que ces barbares eux existent : la clientèle AF, qui compte pour une large part des représentants de la classe moyenne.
      Mais ce que je ne comprends pas est pourquoi certaines affiches font encore référence à ce qui fit la grandeur de la France (Versailles, la cuisine française…), puisque ceci serait ringard…. J’attends la prochaine campagne dans laquelle il n’y aura plus la moindre référence à notre pays…

    • Descartes dit :

      @Pierrot

      [Je suis les analyses de votre blog depuis un certain temps déjà et me dois de dire que la qualité de celles-ci sont remarquables, notamment votre contribution sur le verrouillage du système par ce que vous nommez en termes matérialistes la classe moyenne.]

      Je vous remercie de l’encouragement.

      [Mais ce que je ne comprends pas est pourquoi certaines affiches font encore référence à ce qui fit la grandeur de la France (Versailles, la cuisine française…), puisque ceci serait ringard…. J’attends la prochaine campagne dans laquelle il n’y aura plus la moindre référence à notre pays…]

      Le plus amusant, c’est que ce snobisme se trouve dans tous les pays. J’ai vécu de longues années en Angleterre, et là bas les publicitaires faisaient le même raisonnement, mais en inversé, saupoudrant les publicités d’expressions françaises. C’est d’ailleurs devenu un ressort comique : ainsi par exemple le personnage joué par John Cleese – l’un des Monty Python – dans « Faulty Towers » est un hotelier snob… qui parsème son texte d’expressions françaises hors de propos.

      J’avoue que j’ai toujours du mal à comprendre pourquoi les publicitaires ont recours à ce genre de techniques. Y a-t-il vraiment des gens qui iront jouer dans un gymnase au « foot indoors » mais qui bouderaient au contraire le « foot en salle » ? Des clients qui achètent un billet « family » mais bouderaient un billet « famille » au même prix ? Je ne crois pas avoir croisé un seul exemplaire de cette étrange race, mais faut croire qu’ils existent, puisque les publicitaires nous le disent.

    • BolchoKek dit :

      >Je ne crois pas avoir croisé un seul exemplaire de cette étrange race, mais faut croire qu’ils existent, puisque les publicitaires nous le disent.<
      Je me pose souvent la même question. Et je me la pose également pour l’ensemble de la publicité – et on pourrait étendre aux "budgets com" : l’importance qu’a pris ce secteur dans l’économie (en termes d’emploi et de moyens) me laisse perplexe. Si je comprends le principe qui pousse une entreprise à se faire connaitre par la publicité, je me demande s’il est au final rentable de faire appel à des entreprises spécialisées, de véritables bureaux d’études, avec les frais que cela implique, pour renommer un produit en anglais, ou lui faire un nouveau logo bicolore. Je ne sais pas si des études sont réalisées sur l’efficacité des campagnes publicitaires, mais je n’ai par contre jamais rencontré quelqu’un qui ait acheté des yaourts ou une voiture à cause d’une pub.
      Et cela est également vrai pour ce qui ne relève pas du privé : je me souviens du changement de logo de l’ANPE (à l’époque) qui avait été fait à grands frais. Je m’étais interrogé sur les motivations… avec un nouveau logo, les chômeurs trouveraient plus de boulot ?
      Je ne comprends tout simplement pas. En fait, d’un côté je sais que le capital s’investit toujours dans les activités les plus rentables, et de l’autre j’ai du mal à voir en quoi ce foisonnement de la communication est profitable. Alors, soit quelque chose m’échappe, soit la communication professionnalisée à l’extrême est un accessoire dont tout le monde pense qu’il est moderne et indispensable alors qu’il est en réalité très peu productif, ce qui constituerait une belle hallucination collective des acteurs économiques. J’ai rencontré des gens dans la pub, il faut dire que c’est un monde à part : c’est le seul domaine où l’on est persuadé que le consommateur "adhère à une image et à un message véhiculé par la marque" et que cette adhésion "déclenche l’acte d’achat".
      Mais personnellement, quand j’achète des pâtes "carrefour discount", c’est parce que c’est le moins cher disponible dans la grande distribution près du trajet entre le métro et mon domicile. Et ayant fait pas mal de porte-à-porte, je dois dire qu’en parlant de tout et de rien, ce sujet revient souvent, et les citoyens-consommateurs à qui j’ai pu parler sont aussi circonspects que moi sur le sujet. Drôle d’époque.

    • Descartes dit :

      @BolchoKek

      [Si je comprends le principe qui pousse une entreprise à se faire connaitre par la publicité, je me demande s’il est au final rentable de faire appel à des entreprises spécialisées, de véritables bureaux d’études, avec les frais que cela implique, pour renommer un produit en anglais, ou lui faire un nouveau logo bicolore.]

      Il y a une population en Polynésie dont les sorciers, pour éviter que les habitants aillent dans certaines zones, les délimitent avec des bâtons plantés dans le sol et auxquels sont attachés certains objets rituels. Les habitants sont convaincus que celui qui traverse l’espace entre les bâtons est foudroyé, et personne ne viole le tabou. Et comme personne n’essaye, personne ne sait si la croyance est vraie ou pas… Pour la publicité, c’est un peu la même chose. Personne ne peut faire une expérience en grandeur réel…

      [Je ne sais pas si des études sont réalisées sur l’efficacité des campagnes publicitaires, mais je n’ai par contre jamais rencontré quelqu’un qui ait acheté des yaourts ou une voiture à cause d’une pub.]

      Pour certains types de pub, les études montrent sans ambiguïté que cela marche. Pour les yaourts, c’est une évidence. Après tout, quand tu est au supermarché devant quinze marques de yaourt, sur quel critère veux-tu choisir ? Tu ne peux pas les essayer une à une sur place. Tu auras une tendance assez naturelle à choisir celui dont la pub t’a laissé un souvenir positif…

      [Et cela est également vrai pour ce qui ne relève pas du privé : je me souviens du changement de logo de l’ANPE (à l’époque) qui avait été fait à grands frais. Je m’étais interrogé sur les motivations… avec un nouveau logo, les chômeurs trouveraient plus de boulot ?]

      Non, mais le logo de l’ANPE ne s’adresse pas aux chômeurs. Il s’adresse aux employeurs et, accessoirement, au ministère du Budget. Peut-être qu’un en-tête « accrocheur » permet plus facilement de défendre ses crédit ou de persuader un employeur de vous confier ses annonces… cela étant dit, j’ai mes doutes quant aux talents des publicitaires pour inventer les logos. Ils ont tendance à suivre des modes.

      [Je ne comprends tout simplement pas. En fait, d’un côté je sais que le capital s’investit toujours dans les activités les plus rentables, et de l’autre j’ai du mal à voir en quoi ce foisonnement de la communication est profitable.]

      Il y a un côté « religieux » à la com, un peu comme les natifs polynésiens de mon exemple. Oseras-tu ne plus payer le prêtre sachant que cela peut te coûter une éternité aux enfers ? Avec cette question, on a payé des prêtres pendant des siècles… La com, c’est un peu pareil. Les « communiquants » ont persuadé nos entreprises et nos hommes politiques que sans eux on courait des gros risques. Et comme on ne peut pas évaluer expérimentalement…

      [J’ai rencontré des gens dans la pub, il faut dire que c’est un monde à part : c’est le seul domaine où l’on est persuadé que le consommateur "adhère à une image et à un message véhiculé par la marque" et que cette adhésion "déclenche l’acte d’achat".]

      Là encore, le parallèle avec la religion me semble pertinent. Quand j’entends des amis qui sont dans le marketing discuter, j’ai l’impression d’entendre un débat de théologiens.

    • BolchoKek dit :

      >Pour les yaourts, c’est une évidence. Après tout, quand tu est au supermarché devant quinze marques de yaourt, sur quel critère veux-tu choisir ?<
      Le prix au kilo, et je sais que je suis loin d’être le seul à faire ainsi…

      >Non, mais le logo de l’ANPE ne s’adresse pas aux chômeurs. Il s’adresse aux employeurs et, accessoirement, au ministère du Budget. Peut-être qu’un en-tête « accrocheur » permet plus facilement de défendre ses crédit ou de persuader un employeur de vous confier ses annonces…<
      C’est bien dans ce sens que j’avais écrit "avec un nouveau logo, les chômeurs trouveraient plus de boulot ?". C’est que je ne vois justement pas en quoi un employeur qui cherche à recruter serait plus susceptible de passer par l’ANPE à cause de son logo.

      >cela étant dit, j’ai mes doutes quant aux talents des publicitaires pour inventer les logos. Ils ont tendance à suivre des modes.<
      Je pense que le problème de la professionnalisation de la com dans la politique se retrouve bien dans ce domaine : on est passé du symbole au logo, et on a détruit au passage toute représentation symbolique complexe. Nous l’avons bien sûr tous deux vu avec la disparition progressive des "outils" au PCF.
      Mais on pourrait dire la même chose par exemple du portrait officiel du président de la république lorsque l’on regarde son évolution : avec De Gaulle et Pompidou, on est dans le symbolisme républicain ; le président ne regarde pas l’objectif. Lorsque l’on passe à Giscard, le changement est radical. Giscard n’a pas seulement "désacralisé" la fonction présidentielle, il a "normalisé" l’un de ses symboles.
      Les deux ont un point commun : on a détruit de très vieux symboles, à la signification complexe et riche, parce qu’ils "faisaient vieux", pour remplacer par quelque chose de "moderne". Un rectangle rouge dans un cas, un type souriant dans l’autre. Ce faisant, il ne faut pas s’étonner que les institutions qui portaient cette symbolique perdent une grande partie de leur stature.

      >Là encore, le parallèle avec la religion me semble pertinent. Quand j’entends des amis qui sont dans le marketing discuter, j’ai l’impression d’entendre un débat de théologiens.<
      Le marketing, scolastique de la société de consommation ? Pas mal !

    • Descartes dit :

      @BolchoKek

      [C’est que je ne vois justement pas en quoi un employeur qui cherche à recruter serait plus susceptible de passer par l’ANPE à cause de son logo.]

      Quand je reçois un courrier avec une belle entête, j’ai tendance à me dire « ça, c’est des gens sérieux ». Je ne sais pas si cela a un effet décisif, mais je pense que cela a tout de même un effet.

      [Les deux ont un point commun : on a détruit de très vieux symboles, à la signification complexe et riche, parce qu’ils "faisaient vieux", pour remplacer par quelque chose de "moderne".]

      C’est tout à fait vrai. On est passé d’un logo « symbolique », qui avait un sens, par un logo publicitaire censé transmettre un « sentiment ». Les « outils » disaient que le PCF était le parti des ouvriers et des paysans. Le carré rouge est censé transmettre une impression de « ouverture », de « légèreté » ou tout ce que vous voudrez. On le voit aussi dans la manie de remplacer les noms « signifiants » des entreprises ou des institutions par des noms construits uniquement pour avoir un beau son. Ainsi « Cogema » (Compagnie générale des matières nucléaires) et « Framatome » (Franco-Américaine de l’atome) deviennent « Areva » qui ne veut rien dire.

      [Le marketing, scolastique de la société de consommation ? Pas mal !]

      Merci !

  6. dafdesade dit :

    "Et maintenant qu’allons-nous devenir, sans barbares ?"

    Les barbares sont là, ils ne sont pas venus de l’étranger, ils sont parmi nous.

    Ce matin, un article du monde où Laurence Parisot se pose en conscience de l’humanité : http://www.lemonde.fr/idees/article/2014/03/29/pas-de-ni-ni_4391734_3232.html

    La barbarie c’est l’émergence d’un autre type de conscience morale, la conscience morale de l’homme des droits de l’homme, pour qui donc, les devoirs que l’on a vis-à-vis d’autrui sont acquittés à partir du moment où l’on respecte ses droits.Les grandes consciences sont au MEDEF, qui l’eut cru ? Le capital et les droits de l’homme, main dans la main. Le capitalisme est l’humanisme de notre temps. Le capital est aveugle aux couleurs, aux origines, aux odeurs, il ne voit de différences que de productivité, de rendement, de coûts, il aime l’égalité, celle des droits, qui lui permet d’étendre toujours plus loin sa logique, celle des modes de vies, qui permet d’uniformiser la consommation, de Paris à Tombouctou. Le capital n’aime pas les frontières, les taxes, qui limitent sont accroissement indéfini et sa vitesse de circulation. Le capital est le meilleur ami de l’homme et Laurence Parisot, son porte-parole. Le capital non content de traiter les ouvriers comme de simples facteurs économiques se donnent en plus une parfaite bonne conscience. Le discours antiraciste permet d’ailleurs de retourner la faute, ce sont les classes populaires qui sont intolérantes et racistes, tandis que la nouvelle bourgeoisie mange chinois, voyage en Inde et collectionne les masques africains. L’ancienne bourgeoisie était culpabilisée, elle vivait sous le regard de l’ancienne aristocratie et les sermons à l’église lui rappelaient la parabole du chameau. En échangeant les évangiles contre la déclaration des droits de l’Homme, ils ont fait une bonne affaire.

    Je me souviens d’avoir lu quelques articles de Nicolas Baverez il y a quelques années de cela, qui sermonnaient les français, en les accusant d’être mesquins, de manquer de générosité, de sens de l’humanité, pour ne pas se réjouir des millions de chinois et et d’indiens qui étaient sortis de la pauvreté grâce à la mondialisation.

    Il y a un nouveau visage de la barbarie, c’est celle souriante, paisible, bureaucratique, démocratique, du DRH, du PDG, qui ne jure que par les droits de l’homme et qui licencie ses employés, pour délocaliser leurs emplois, pour accroître le rendement du capital etc. avec le sentiment du devoir accompli et en étant bien persuadé que tous les devoirs qu’il doit à son semblable, il les a accomplis et qu’il n’y a pas de meilleur homme que lui-même.

    Bien sur je trace un portrait à gros traits mais c’est afin de dégager une tendance forte. L’effondrement de l’univers moral classique, référé à des valeurs transcendantes, le bien, le mal, et la domination d’une "morale" inspirée des droits de l’homme a des effets catastrophiques. Un des effets de ce discours c’est que le capital peut tranquillement se présenter comme une morale, ce qui permet de se dispenser d’en avoir une. L’être et le devoir être se confondent. On pense à la fable des abeilles de Mandeville.

    L’anthropologie implicite de ces discours est d’ailleurs très pauvre (c’est quoi un citoyen consommateur ?), mais il n’y a plus grand monde pour le noter et le dénoncer. La même indigence se retrouve dans la manière dont la question politique est abordée ou plutôt ignorée, bon je m’égare.

    • Descartes dit :

      @dafdesade

      [Les barbares sont là, ils ne sont pas venus de l’étranger, ils sont parmi nous.]

      C’est fou combien de commentateurs su ce papier veulent à tout prix qu’il y ait des barbares, et qu’ils soient parmi nous. Et bien non, ce n’est pas ce que dit le poème. C’en est même le contraire. Chez Cavafy, les barbares ne sont qu’un prétexte. Il montre justement combien les élites de la cité adaptent leurs comportements en fonction des désirs supposés d’une entité inexistante, et épilogue sur l’utilité d’une telle fiction. Si les barbares existent vraiment, alors toute la réflexion de Cavafy devient superfétatoire, puisque les sénateurs ont raison de ne pas légiférer, les rhéteurs de se taire, les magistrats de s’habiller.

      [La barbarie c’est l’émergence d’un autre type de conscience morale, la conscience morale de l’homme des droits de l’homme, pour qui donc, les devoirs que l’on a vis-à-vis d’autrui sont acquittés à partir du moment où l’on respecte ses droits. Les grandes consciences sont au MEDEF, qui l’eut cru ? Le capital et les droits de l’homme, main dans la main. Le capitalisme est l’humanisme de notre temps.]

      Le « barbare », dans son sens original, est celui qui ne parle pas grec ou latin, et d’une manière plus générale, qui n’adhère pas aux valeurs, coutumes et pratiques du monde greco-romain. La pensée moderne n’a fait qu’actualiser cette conception : nous tendons à appeler « barbare » tous ceux qui ne partagent nos opinions…

      J’ai rien contre le fait qu’on critique le capitalisme, à condition qu’on reste sur les faits. Les grandes envolées lyriques sur la « barbarie » capitaliste, franchement, ce n’est pas ma tasse de thé. Relisez Marx, vous verrez qu’il avait du capitalisme une vision beaucoup moins manichéenne que la votre. Il allait même jusqu’à considérer le capitalisme comme révolutionnaire, c’est dire :

      « La bourgeoisie a joué dans l’histoire un rôle éminemment révolutionnaire. Partout où elle a conquis le pouvoir, elle a foulé aux pieds les relations féodales, patriarcales et idylliques. Tous les liens complexes et variés qui unissent l’homme féodal à ses "supérieurs naturels", elle les a brisés sans pitié pour ne laisser subsister d’autre lien, entre l’homme et l’homme, que le froid intérêt, les dures exigences du "paiement au comptant". Elle a noyé les frissons sacrés de l’extase religieuse, de l’enthousiasme chevaleresque, de la sentimentalité petite-bourgeoise dans les eaux glacées du calcul égoïste. Elle a fait de la dignité personnelle une simple valeur d’échange; elle a substitué aux nombreuses libertés, si chèrement conquises, l’unique et impitoyable liberté du commerce. En un mot, à la place de l’exploitation que masquaient les illusions religieuses et politiques, elle a mis une exploitation ouverte, éhontée, directe, brutale.
      La bourgeoisie a dépouillé de leur auréole toutes les activités qui passaient jusque-là pour vénérables et qu’on considérait avec un saint respect. Le médecin, le juriste, le prêtre, le poète, le savant, elle en a fait des salariés à ses gages.
      La bourgeoisie a déchiré le voile de sentimentalité qui recouvrait les relations de famille et les a réduites à n’être que de simples rapports d’argent.
      La bourgeoisie a révélé comment la brutale manifestation de la force au moyen âge, si admirée de la réaction, trouva son complément naturel dans la paresse la plus crasse. C’est elle qui, la première, a fait voir ce dont est capable l’activité humaine. Elle a créé de tout autres merveilles que les pyramides d’Egypte, les aqueducs romains, les cathédrales gothiques; elle a mené à bien de tout autres expéditions que les invasions et les croisades.
      La bourgeoisie ne peut exister sans révolutionner constamment les instruments de production, ce qui veut dire les rapports de production, c’est-à-dire l’ensemble des rapports sociaux. Le maintien sans changement de l’ancien mode de production était, au contraire, pour toutes les classes industrielles antérieures, la condition première de leur existence. Ce bouleversement continuel de la production, ce constant ébranlement de tout le système social, cette agitation et cette insécurité perpétuelles distinguent l’époque bourgeoise de toutes les précédentes. Tous les rapports sociaux, figés et couverts de rouille, avec leur cortège de conceptions et d’idées antiques et vénérables, se dissolvent; ceux qui les remplacent vieillissent avant d’avoir pu s’ossifier. Tout ce qui avait solidité et permanence s’en va en fumée, tout ce qui était sacré est profané, et les hommes sont forcés enfin d’envisager leurs conditions d’existence et leurs rapports réciproques avec des yeux désabusés » (K. Marx et F. Engels, Manifeste du Parti Communiste, 1847).

      [Bien sur je trace un portrait à gros traits mais c’est afin de dégager une tendance forte. L’effondrement de l’univers moral classique, référé à des valeurs transcendantes, le bien, le mal, et la domination d’une "morale" inspirée des droits de l’homme a des effets catastrophiques.]

      Ah bon ? Parce que « l’univers morale classique », avec ses « valeurs transcendantales », c’était mieux ? Le curé c’était mieux que le DRH ?

      [(…) cela correspond en effet à la conviction de nos "élites" pour qui la distinction du barbare et du civilisé est elle-même barbare, enfin au sens où l’entendait le XIX..]

      En fait, nos élites sont très classiques dans leur vision : le « barbare » est celui qui ne leur ressemble pas. Si vous êtes contre le mariage gay, vous êtes « barbare ». Si vous n’adhérez pas à la logique « diversitaire », vous êtes un « barbare ». Bien entendu, cela amène certaines contradictions : au nom des droits des femmes on considère la burqua « barbare », mais interdire la burqua est tout aussi barbare, puisque cela touche au droit sacro-saint de vivre selon ses coutumes…

      [Cet effacement de la figure du barbare est déjà un phénomène intéressant.]

      Mais d’où sortez vous que la figure du « barbare » se soit effacée ? Tout le monde ne parle que de ça. Vous mêmes, vous cherchez à ma convaincre que le DRH qui licencie pour augmenter les profits ou délocaliser est un « barbare »… Je pense que vous faites fausse route. La figure du « barbare » n’est nullement « effacée ». Au contraire, elle est généralisée à outrance jusqu’à faire que tout le monde soit le « barbare » de quelqu’un. Pour certains, le « barbare » c’est le FN, pour d’autres c’est Poutine, pour l’extrême gauche c’est le Medef…

      [L’antiracisme institutionnel a à charge de policer les mots et de produire le discours d’occultation qui permet aux choses d’aller leur train. Il ne doit plus y avoir de barbare parce qu’ils dominent la scène, parce qu’ils ont triomphé et que dorénavant la barbarie fait norme et que c’est le civilisé, le barbare. Bien sur, la civilisation ici a changé de sens entre temps, elle ne recouvre plus aucun fait culturel, plus aucune conquête de l’homme sur lui-même, elle repose uniquement sur la reconnaissance paisible (et bornée, et aveugle et profondément ennemi de la différence) de l’autre homme comme de son semblable (toutes les larmes sont salées, le sang des hommes est de la même couleur etc…prévalence d’une humanité pensée comme espèce biologique et oubli du symbolique).]

      Je pense que vous faites une grande confusion. Ce n’est pas « l’antiracisme institutionnel » qui prône la reconnaissance de « l’autre homme comme son semblable ». Cette idée que tous les hommes sont « semblables » – et que chacun est donc un exemple d’un homme abstrait – est l’une des grandes conquêtes des Lumières. Cela ne s’oppose nullement à l’idée de « civilisation » et n’oblige pas à faire de la « barbarie » une norme, ce que d’ailleurs personne ne fait.

      [Avez-vous pris connaissance de cette lettre ouverte à Vedrine de Chevènement : http://www.chevenement.fr/Lettre-ouverte-a-Hubert-Vedrine_a1609.html ? Partagez-vous l’analyse de Chevènement ? Pour ma part je n’ai pas lu le livre de Védrine.]

      Je ne l’ai pas encore lu non plus. Oui, je partage fondamentalement l’analyse de Chevènement, avec un petit bémol. Chevènement reste en fin de compte un idéaliste. Lorsqu’à la fin Chevènement parle de la difficulté de faire une politique alternative et de gagner les élites à cette politique, il ne se demande jamais quels sont les intérêts que les politiques actuelles servent. Or, cette question est essentielle. Si la France a abdiqué les instruments de la souveraineté – et d’abord la monnaie – et adhéré aux politiques déflationnistes prônées par la Commission, ce n’est pas par hasard, pas plus que par incompétence des élites. Elle l’a fait parce que les intérêts des couches sociales qui dominent le système politique, la sainte alliance de la bourgeoisie et des classes moyennes, y a intérêt. Et tous ceux qui veulent faire une politique alternative doivent savoir que celle-ci n’a une chance que si elle trouve à s’appuyer sur une base sociologique solide pour s’opposer à ces intérêts. C’est là à mon avis le point faible de Chevènement, qui semble encore croire que pour changer de politique il suffirait de « convaincre »…

  7. dafdesade dit :

    Sur le sens du poème, vous avez raison, il suggère bien qu’il n’y a pas de barbare et qu’ils sont inventés pour justifier nos actions ou notre inaction, mais ici c’est d’autant plus drôle que cela correspond en effet à la conviction de nos "élites" pour qui la distinction du barbare et du civilisé est elle-même barbare, enfin au sens où l’entendait le XIX..
    Cet effacement de la figure du barbare est déjà un phénomène intéressant. Cela se comprend aisément car il faut bien enlever les mots de la bouche de vos adversaires pour ne plus pouvoir être désigné comme ce que vous êtes. Il faut proscrire le mot afin que la chose ne puisse plus être nommée. L’antiracisme institutionnel a à charge de policer les mots et de produire le discours d’occultation qui permet aux choses d’aller leur train.Il ne doit plus y avoir de barbare parce qu’ils dominent la scène, parce qu’ils ont triomphé et que dorénavant la barbarie fait norme et que c’est le civilisé, le barbare. Bien sur, la civilisation ici a changé de sens entre temps, elle ne recouvre plus aucun fait culturel, plus aucune conquête de l’homme sur lui-même, elle repose uniquement sur la reconnaissance paisible (et bornée, et aveugle et profondément ennemi de la différence) de l’autre homme comme de son semblable (toutes les larmes sont salées, le sang des hommes est de la même couleur etc…prévalence d’une humanité pensée comme espèce biologique et oubli du symbolique).

  8. dafdesade dit :

    Avez-vous pris connaissance de cette lettre ouverte à Vedrine de Chevènement : http://www.chevenement.fr/Lettre-ouverte-a-Hubert-Vedrine_a1609.html ? Partagez-vous l’analyse de Chevènement ? Pour ma part je n’ai pas lu le livre de Védrine.

  9. Nicolas 70 dit :

    Mon commentaire arrivant après vos premiers retours, cela limitera le risque d’une interprétation à contre-sens de ce poème.

    Il est vrai que j’ai pensé au Front National comme diable de circonstance. Cela facilite la réflexion de penser en contre, en négatif plutôt que de construire un projet.

    Cela m’a fait penser au texte de GRAMSCI "Les indifférents".

    • Descartes dit :

      @Nicolas 70

      [Il est vrai que j’ai pensé au Front National comme diable de circonstance. Cela facilite la réflexion de penser en contre, en négatif plutôt que de construire un projet.]

      J’avoue que je suis surpris par le nombre de lecteurs qui ont fait le contresens…

      [Cela m’a fait penser au texte de GRAMSCI "Les indifférents".]

      Là, je ne vous suis pas vraiment. Le texte auquel vous faites référence n’a aucun rapport avec la situation citée dans le poème. C’est d’ailleurs un texte que je n’aime pas trop : une sorte de prêche moralisant sur le mode « ah, si chacun de nous se mettait à changer le monde au lieu de regarder les trains passer, que ne pourrait-on faire ! ». Sans un instant se demander quel est le pourquoi de cette indifférence… Or le propre de la pensée matérialiste et dialectique est précisément là : tout ce qui existe a une raison d’être. Si les gens sont indifférents, il doit bien y avoir une raison.

      Je n’aime pas ce texte pour une autre raison: c’est un texte qui établit une hiérarchie entre celui qui écrit – et implicitement celui qui lit – et le reste de l’humanité. Car celui qui écrit et celui qui lit le texte, par définition, ne sont pas des "indifférents". Ils peuvent donc communier dans une sorte de supériorité morale par rapport au reste de l’humanité formée de méprisables "indifférents". Cette idéologie "chevaleresque" est à l’origine d’innombrables excès gauchistes…

    • bovard dit :

      Manifestations monstres de plusieurs centaines de milliers de personnes, ‘auto-organisations’ feintes,actions spontanées bien ciblées,la droite s’est déchaînée en 2013-2014 contre le mariage pour tous,la gauche sociétale ,Mai 1968 , les année 70 et cette fameuse idéologie soixante huitarde.
      Or il me semble que l’histoire est passée et que cette réaction 46 ans après est trop tardive.
      Ce qui se passe aujourd’hui,n’est probablement pas une réaction à ‘soixante huit’ mais plutôt à la mondialisation.
      Bien sûr,ces Municipales ont été un échec pour la gauche et le tsunami bleu se transforme en tsunami bleu Marine.
      Mais ce bleu Marine vire au rouge dans les intitulés ,les contenus affichés du programme du FN !
      dans son numéro de janvier-février 2013 ,le journal ‘Fakir’ a présenté ce vol du programme de Sapir et des économistes atterrés par le FN.
      Nous connaissons la suite : Sapir et des économistes atterrés,suivis par les communistes orthodoxes appellent à l’abstention pour les européennes afin que leur choix de quitter l’euro ne soit pas récupéré par le FN.
      Descartes ,je vous dois de décider de ne pas suivre cette consigne.
      En effet,effectivement comme vous l’avez souvent indiqué,s’abstenir , n’a aucune valeur politique.
      Au contraire du vote blanc.
      Que vais je faire ,je ne le sais pas.
      Mon premier réflexe est de rappeler sur ce blog l’imposture du FN.
      Rappelons que leur sigle est usurpé et maintenant c’est leur programme !
      Ecoutez grâce au lien ci-dessous l’émission radio passionnante de Todd et Ruffin!
      Lui aussi (comme Ruffin l’ a montré dans ‘Fakir’),affirme que Les régions du Nord,de la façade méditerranée où le FN fait ses meilleurs scores,sont des zones où la déliquescence du lien social est la plus avancée.
      Le FN a chapardé ce mécontentement.
      Ce ne sont pas des fachos (pas encore) mais des fachés qui ont voté FN.
      Fachés parcequ’ils ont peur de perdre les avantages et les acquis de la sociéte.
      Pas fachés,pour la plupart contre les enfants d’immigrés.
      D’ailleurs ,les enfants d’immigrés sont aussi souvent fachés sur les mêmes bases.

      Pourtant ,notre société n’est pas encore au bord de l’effondrement.
      Le patrimoine moyen par français est de 100000 euros,l’état social est toujours là.
      Les infrastructures en France sont remarquables.
      Notre organisation sociale,politique est un sommet civilisationnel grâce au programme du CNR et de Gaulle.
      Sarkozy n’a pas remis les fondements de ce système en cause et Hollande sera obligé,j’espère de respecter les acquis.

      Et si en définitive le FN recueillait un électorat de gauche soucieux de conserver(en se trompant de tutueur) les acquis sociaux?

      Le FN fait ses scores les plus élevés dans les zones qui ont fait la révolution française sauf en région parisienne..
      Passionnant !
      Bien sûr ce qui s’est passé avec les nationaux socialistes,en 1933, en Allemagne ne doit pas être oublié..Grâce à cette émission,de D.Mermet avec Ruffin et Todd ce processus de substitution politique est pensé de manière réactualisée.

    • Et si ces barbares qui n’existent pas étaient plutôt le « monde musulman » (évidemment homogène et indivisible…) tel que le font exister les néo-conservateurs américains, et à la suite les élites européennes ralliées au « choc des civilisations », voire au combat contre l’ « ennemi de l’intérieur » chez à M. Valls ?

    • Descartes dit :

      @bovard

      [Manifestations monstres de plusieurs centaines de milliers de personnes, ‘auto-organisations’ feintes, actions spontanées bien ciblées, la droite s’est déchaînée en 2013-2014 contre le mariage pour tous, la gauche sociétale, Mai 1968, les année 70 et cette fameuse idéologie soixante huitarde.]

      Faudrait pas tout mélanger. Des centaines de milliers de personnes contre le soi disant « mariage pour tous », oui. Mais je ne me souviens pas avoir vu des centaines de milliers de personnes, de droite ou d’ailleurs, manifestant contre Mai 1968 ou contre l’idéologie soixante-huitarde…

      [Ce qui se passe aujourd’hui, n’est probablement pas une réaction à ‘soixante huit’ mais plutôt à la mondialisation.]

      Vous parlez de quoi, précisément ? Je ne pense pas que les gens qui manifestaient contre le « mariage pour tous » réagissaient à la « mondialisation ». Encore une fois, il ne faut pas tout mélanger.

      [dans son numéro de janvier-février 2013 ,le journal ‘Fakir’ a présenté ce vol du programme de Sapir et des économistes atterrés par le FN.]

      Les plaintes pour « vol de programme » m’ont toujours fait rigoler. Au lieu de crier au vol, Fakir et les « économistes atterrés » feraient mieux de se demander pourquoi leur programme est « volé » par le FN mais laisse totalement insensible le Front de Gauche…

      [Mon premier réflexe est de rappeler sur ce blog l’imposture du FN. Rappelons que leur sigle est usurpé et maintenant c’est leur programme !]

      Arrêtons avec cette histoire de « vol » ou de « usurpation » de programme. Un programme n’appartient à personne. Et Sapir & Co n’ont rien inventé : leur discours ne fait que reprendre lui même les arguments exposés en son temps par le PCF et par Chevènement. Un programme appartient à tout le monde. Et celui qui veut s’en saisir, il est le bienvenu. Sapir devrait au contraire être content qu’un mouvement qui fait 18% des voix – dont beaucoup dans l’électorat populaire – reprenne ses propositions, de la même manière que le FN exulte lorsque la gauche reprend une partie de son discours sur l’immigration. Dans les deux cas, cela illustre l’influence de ces idées. Et l’important, c’est de faire passer ses idées, pas qu’elles portent la bonne étiquette.

      [Le FN a chapardé ce mécontentement.]

      La question à se poser est : pourquoi la « gauche radicale » n’a pas été capable de le faire ? Et pourtant, ce n’est pas faute d’avoir essayé.

    • Descartes dit :

      @Jonathan R. Razorback

      [Et si ces barbares qui n’existent pas étaient plutôt le « monde musulman » (évidemment homogène et indivisible…) tel que le font exister les néo-conservateurs américains, et à la suite les élites européennes ralliées au « choc des civilisations »,]

      Cavafy a écrit à la fin du XIXème siècle, et il ne pensait certainement pas à cela en écrivant le poème. Mais bien entendu, on peut établir le parallèle. Le poème illustre toute situation dans laquelle nous adaptons nos comportements en fonction des préférences supposées d’un « autre » extérieur qui souvent est une création de notre imagination.

  10. marc.malesherbes dit :

    hors sujet du 1er avril
    ==================================

    Bonjour,

    je ne voudrai pas bouder les succès du Parti de Gauche lors de ces élections municipales.
    Il fait beaucoup mieux que le FN que les médias poussent en avant:

    – le Parti de gauche a fait élire un maire avec 100% des voix à Pont de Roide (25 150)
    le FN n’a jamais réussi un tel exploit
    – le Parti de gauche a fait élire un maire dans un duel avec une liste PS avec 60% des voix à Saint-Léger-du-Bourg-Denis (Haute-Normandie)
    le FN n’ a jamais réussi à battre en duel une liste UMP

    De plus le Parti de gauche a fait élire d’innombrables conseillers municipaux qui vont assurer ses succès de demain.

    Je regrette seulement que sur son blog JL Mélenchon reste jusqu’à ce jour (1er avril 11h00) silencieux sur ses succès.

    • Nicolas 70 dit :

      Méluch’ fait bien de ne pas se prévaloir de la réélection du maire de PONT DE ROIDE, Denis ARNOUX. Il est en fait le suppléant, et siégeant encore actuellement à l’Assemblée Nationale, de P.MOSCOVICI.

  11. demos dit :

    ce poeme fait echo chez moi à 2 livres qui m’avaient bien marqués a la lecture (et qui datent pourtant du siecle dernier):
    l’illusion economique d’emmanuel todd, et l’etrange renoncement de Henri Guaino.
    Ce sont 2 livres qui expliquaient tres bien je trouve comment le pouvoir politique en France avait organisé et theorisé son impuissance et son inaction.
    Nos barbares, nos tigres de papiers, ce sont peut etre aujourd’hui la mondialisation toute puissante et bienveillante, et l’Europe federale inevitable…

    • Descartes dit :

      @demos

      Je n’ai pas lu celui de Todd, mais j’ai dans ma bibliothèque "l’Etrange Renoncement" de Guaino – dont le titre fait d’ailleurs référence je pense à "l’Etrange Défaite" de Marc Bloch. Et je partage ton opinion. De ce point de vue, c’est peut-être Maurice Duverger dans "la nostalgie de l’impuissance" qui avait le mieux mis en évidence combien le tropisme vers l’irresponsabilité est fort dans notre classe politique. La thèse de Duverger est que pour nos politiques le régime idéal, celui dont ils ont la nostalgie, c’est la IVème République, avec l’instabilité qui garantit une "juste répartition" des prébendes et l’irresponsabilité absolue des élus. Dans ce contexte, la Vème République – je parle de la vraie, pas de ce qui en reste – est une anomalie.

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