Napoléon-Tsipras contre Juncker-Wellington ?

Avez-vous remarqué le battage qu’on nous fait avec l’anniversaire de la bataille de Waterloo ? Supplément spécial dans Le Monde, pages spéciales dans Libération, émissions spéciales à France Inter et interminables reportages sur la grande reconstitution organisée sur le site même de la bataille à chaque journal télévisé.

Pour ceux qui ont un peu de mémoire, cet engouement pour les célébrations du bicentenaire de la bataille qui vit la défaite définitive de Napoléon contraste nettement avec les conditions dans lesquelles avait été célébrée sa plus grande victoire, celle d’Austerlitz, il y a seulement quelques années. A l’époque, une coalition de bienpensants avait réussi à saboter toute tentative de commémoration. Les eurolâtres nous ont expliqué qu’il ne fallait pas offenser nos partenaires européens d’aujourd’hui, battus naguère par l’Empereur. Les faux républicains nous ont défendu de fêter la victoire du fossoyeur de la Révolution. Les éternels défenseurs des « minorités » sont montés sur la barricade pour s’opposer à l’hommage rendu à un affreux esclavagiste. Et ainsi de suite. Résultat : nos gouvernants ont renoncé à commémorer cette victoire qui en son temps ébranla les trônes et remplit d’espoir les opposants aux monarchies absolues.

Il est d’ailleurs très drôle de voir comment Waterloo devient pour Le Monde un « moment essentiel de la construction de l’Europe ». Le journal de référence de nos élites a d’ailleurs parfaitement raison. Si Austerlitz fut la victoire d’un empereur plébéien et bourgeois à la tête d’une armée de conscription dirigée par des maréchaux issus de la roture sur les armées des princes coalisés soutenues par l’ensemble de l’aristocratie européenne. Waterloo fut l’exacte inverse : la revanche des aristocraties sur la Révolution, de l’aristocratie contre le peuple. D’ailleurs, ce n’est pas un hasard si le premier souci des coalisés est de rétablir les bourbons sur le trône dans une réplique aussi exacte que possible de la monarchie absolue de naguère. Pour « construire l’Europe », mieux vaut le faire entre « cousins » et le plus loin possible de l’intervention populaire, et le Congrès de Vienne préfigure à la perfection les négociations européennes d’aujourd’hui. Dans ces conditions, comment s’étonner que nos élites eurolâtres soient devenues waterloomaniaques ?

La révolution avait fait peur aux aristocraties, Napoléon les avait terrorisés. La victoire des armées du Duc de Wellington les a rassurées. La Révolution n’était finalement qu’une parenthèse, vite refermée. Et qui le fut pour longtemps : lorsque la guerre de 1914 commence, il n’y a en Europe que deux Républiques : la France et la Suisse. Avec le bon roi Louis XVIII, tout redevenait comme avant – ou du moins on le pensait – et le Congrès de Vienne pouvait danser comme si rien ne s’était passé. L’histoire a montré que c’était tout de même plus compliqué que ça, et ce n’est pas par hasard si, en dépit de la défaite finale, la marque laissée par Napoléon dans l’histoire européenne est aussi forte et suscite toujours autant de passions (1). C’est cette trace que nos eurolâtres voudraient faire oublier pour lui substituer un « roman européen » façon bisounours.

D’autant plus que les affrontements entre les aristocraties européennes et les plébéiens nationaux ne sont pas tout à fait terminés. La preuve, le feuilleton grec qui se déroule sous nos yeux. Enfin, quand je dis « sous nos yeux », j’exagère un peu. Car nous ne savons que ce que les médias veulent bien nous dire, et ceux-ci n’ont finalement guère d’autres sources d’information que les déclarations de chaque partie. Déclarations qui font partie d’une stratégie complexe de bluff et contre-bluff à laquelle on finit par ne plus rien y comprendre. Le public assiste en fait à une partie de poker menteur : il peut entendre les enchères des uns et des autres, mais ne voit pas les cartes.

D’un côté, nous avons les « raisonnables ». C'est-à-dire, la Commission européenne, le Fonds monétaire international et la Banque centrale européenne. A les entendre, leur voix est la voix de la raison, de la raison éternelle et universelle. Personne ne peut avoir raison contre elle. Et la « raison » nous dit qu’il faut à la Grèce toujours plus d’austérité, toujours plus de baisses de dépenses publiques, du niveau de vie des actifs et des retraités, toujours plus de privatisations. L’ennui pour les « raisonnables » est que depuis bientôt huit ans ils n’ont fait qu’appliquer les mauvais remèdes, et qui plus est trop tard. Ce qu’ils admettent d’ailleurs avec une désarmante candeur : n’a-t-on pas entendu l’économiste en chef du FMI déclarer que l’institution avait largement sous-estimé l’effet récessif des politiques imposées à la Grèce ? Pour le dire autrement, les « raisonnables » ont perdu toute crédibilité. Pratiquement personne ne pense aujourd’hui que les politiques imposées à la Grèce sont de nature à remettre ce pays sur pied. Tout le monde sait que la position des « institutions » est d’abord dictée par la crainte de devoir payer les pots cassés.

De l’autre côté, le gouvernement Tsipras invoque le mandat démocratique du peuple grec – ce qui, reconnaissons-le, est un argument faible à l’heure de demander un prêt aux banquiers – mais surtout, et c’est là un argument bien plus fort, l’absurdité des politiques « raisonnables » imposées par la « troïka » qui n’ont réussi qu’à transformer la crise grecque en catastrophe dont on ne voit pas d’autre issue qu’une succession de « plans d’aide » et d’austérité per secula seculorum. Tsipras pointe aussi, avec beaucoup de bon sens, le fait que la dette grecque n’est pas payable. Payer une dette équivalente à 180% du PIB impliquerait le sacrifice de plusieurs générations sur l’autel de l’austérité. Dans l’histoire économique, aucun pays n’a jamais réussi pareil exploit. Tôt ou tard, il faudra « restructurer » la dette grecque, façon polie de dire qu’une partie sera passée par pertes et profits.

Mais pourquoi alors ne pas le faire tout de suite ? La réponse est assez évidente : parce que même si tout le monde sait que la dette grecque ne sera jamais payée, personne dans le camp « raisonnable » n’a envie de le reconnaître. Il y a d’abord une question financière : une restructuration ne change rien à la réalité, mais change beaucoup de choses dans la comptabilité des banques et des institutions. Une restructuration effacerait la valeur d’actifs qui sont aujourd’hui comptés dans les réserves des banques et notamment de la BCE. Elle obligerait le FESF à couvrir les actifs grecs qu’elle a garantis, ce qui fait tout de même plus d’une centaine de milliards. Mais il y a surtout une question politique : accorder à Tsipras ce qu’il réclame depuis le début sonnerait pour les « institutions » comme une capitulation en rase campagne. Ce serait admettre que depuis cinq ans elles se trompent. Pire : accorder cette victoire à Tsipras montrerait que la fermeté paye, et pourrait donner des mauvaises idées à d’autres pays – l’Italie, l’Espagne et pourquoi pas la France – de suivre la même voie.

Ce sont ces considérations politiques qui rendent l’accord quasi impossible : la Grèce est un petit pays, et les pertes des « institutions » sont gérables. Mais céder sur la Grèce établirait un précédent extrêmement dangereux. Il faut donc que la Grèce soit punie. Mais cette punition risque de mettre par terre la fiction de la « solidarité européenne » et endommager très sérieusement l’Euro et l’UE elle-même.

Et puisque les solutions rationnelles sont exclues à priori, tout le monde joue au jeu du bluff. Côte « raisonnables », on prétend que finalement un défaut, une sortie de l’euro voire un départ de l’UE de la Grèce ne serait finalement pas si grave. Ce qui est pour le moins étonnant si l’on tient compte du fait que les mêmes affirment sur tous les tons et à chaque opportunité exactement le contraire depuis des années. Certes, il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis, mais ce changement est un peu trop soudain pour ne pas être suspect. Tsipras a donc de bonnes raisons de ne pas y croire. Il sait très bien qu’un « grexit » porterait à l’Euro un coup dont les conséquences sont difficiles à prévoir. Il sait surtout que les dirigeants « raisonnables » ne se sont jamais distingués par leur courage, et qu’il y a beaucoup de chances que sur la dernière ligne droite ils préfèrent céder plutôt que de prendre le risque de s’aventurer en terrain inconnu. Alors, pourquoi se presser ? Si comme le dit un adage communautaire les négociations en Europe se terminent toujours par un accord, à quoi bon aller chercher un accord qui viendra de toute manière à vous ?

La force de Tsipras est en fait la faiblesse de ses partenaires. La Commission européenne et la BCE pourraient « tuer » la Grèce avec une grande facilité, en fermant les robinets. Seulement, une telle action montrerait les institutions européennes sous leur vrai jour : des machines technocratiques destinées à imposer leurs politiques aux gouvernements démocratiquement élus. C’en serait fini de la mystique de « l’amitié européenne », de la « citoyenneté européenne » et autres balivernes. Pour les eurocrates, il faut que la Grèce soit sauvée. Le problème est que le gouvernement grec n’a aucun intérêt à leur faciliter la tâche…

Quelle sera l’issue de la crise ? Difficile à savoir. Au point où nous en sommes, un accord implique que quelqu’un accepte de perdre la face. Or, perdre la face semble suicidaire pour tous les acteurs du drame. Imagine-t-on Angela Merkel allant devant le Bundestag pour expliquer que ces salauds de grecs – l’expression n’est pas trop forte au vu de la presse allemande de ces derniers jours – ne payeront finalement pas leurs dettes ? Imagine-t-on Tsipras allant devant le parlement grec pour expliquer qu’il consent à un n-ième tour de vis austéritaire ? J’aurais donc tendance à parier que rien ne bougera. Et si rien ne bouge, la Grèce se trouvera en cessation de paiements dans dix jours…

Descartes

(1) On trouve dans les asiles de fous pas mal de gens qui se prennent pour Napoléon. On peinerait à trouver beaucoup qui se prennent pour Wellington…

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25 réponses à Napoléon-Tsipras contre Juncker-Wellington ?

  1. CVT dit :

    @Descartes,
    [Napoléon Tsipras contre Juncker Wellington]
    C’est faire bien trop d’honneur à l’ex-Premier ministre de la principauté luxembourgeoise, état parasitaire par excellence…
    Sinon, quoiqu’il puisse arriver désormais, on peut affirmer que le duo Tsipras/Varouflakis paraît digne de leurs prédécesseurs qui, en 1830, et parallèlement à nos Trois Glorieuses, s’étaient libérés de l’empire ottoman, mettant sérieusement à mal le Traité de Vienne issu de la défaite de…Waterloo! (oui, je dis bien “défaite”, bien que je suis loin d’être fan de Napoléon…)
    A quand des Français dignes de leurs ancêtres des Trois Glorieuses pour mettre par terre ce nouveau Traité de Vienne?

  2. leucace dit :

    La Suède n’utilise pas l’euro comme monnaie officielle, et n’a pas l’intention de remplacer la couronne dans un futur proche1.

    Selon le traité de Maastricht, la Suède est obligée de rejoindre la zone euro, car le traité d’adhésion de la Suède (signé en 1994) stipule que la Suède doit adopter l’euro dès qu’elle satisfera les critères requis2. La Suède utilise le fait qu’elle ne fait pas partie du MCE II, et donc ne satisfait pas l’un critère pour adopter l’euro. En choisissant ainsi de ne pas faire partie du MCE II3,4 , la Suède bénéficie donc de facto d’un opting-out.
    La monnaie du Danemark est actuellement la couronne danoise, et le pays n’utilise pas l’euro grâce à un opting-out négocié dans l’accord d’Édimbourg en 1992. En 2000, le gouvernement organisa un référendum en vue d’une possible adoption de l’euro. Le « non » de la population l’emporta avec 53,2 % contre 46,8 % pour le « oui ». La couronne danoise fait partie du MCE II, son taux de change est donc lié à celui de l’euro, avec une marge de fluctuation de 2,25 %.

    La plupart des partis politiques au Danemark sont favorables à l’introduction de l’euro et l’idée d’organiser un nouveau référendum a été proposée bien des fois depuis 2000. Cependant, certains partis influents tels que le Parti populaire danois et le Parti populaire socialiste ne soutiennent pas l’adoption. Les sondages d’intention ont montré des avis divergents au cours des années. La majorité de la population se déclarait en faveur de l’euro après l’introduction physique de l’euro au Danemark. Cependant, à la suite de la crise économique de 2008, le soutien à l’euro commença à se dégrader. Le soutien est au plus bas, fin 2011, à la suite de la crise européenne de la dette1.

    Le Danemark a une frontière avec un membre de la zone euro, l’Allemagne, et une autre avec un État obligé (de jure) d’adopter l’euro dans le futur, la Suède.
    Cette obligation,n’a aucun caractère contraigant.
    Il est donc tout a fait possible de quitter l’Euro,si le gouvernement local en a la volonté politique.
    Nous verrons bien quels choix seront effectués par le gouvernement grec.

  3. leucace dit :

    L’euro est une monnaie étrange.Adoptée sans autorisation par le Kosovo,et la Macédoine,elle n’est utilisée par certains pays de l’UE,comme la Suède,le Danemark ou la Grande bretagne.
    Le cas du Danemark et de la Suède a été évoqué,voici celui de la Grande Bretagne.
    L’euro n’est pas la devise adoptée par le Royaume-Uni dans son entier, le pays a négocié une option de retrait d’une partie du traité de Maastricht lui permettant de conserver la livre sterling. Suite aux élections de 2010, le gouvernement a confirmé ne pas souhaiter rejoindre la zone euro durant son mandat.
    Lé de Maastricht prévoyait initialement que tous les membres de l’Union européenne rejoignent la zone euro une fois les critères de convergence remplis. Le Royaume-Uni a ratifié ce traité mais avec une option de retrait, sous le traité d’Édimbourg, lui permettant de ne pas être obligé d’adopter l’euro.
    En Grande-Bretagne et en Irlande-du-Nord, l’euro n’est pas la monnaie officielle mais se trouve être assez largement accepté de facto dans les magasins ayant une clientèle touristique.
    A Gibraltar, l’euro est utilisé de facto comme une second monnaie par la plupart des commerces privés du fait de la proximité avec l’Espagne et du statut particulier de ce territoire.
    Dans les zones sous souveraineté britannique de Chypre (Akrotiri et Dhekelia), l’euro est l’unique monnaie officielle et la législation britannique a été adapté en ce sens. En effet le Traité sur l’indépendance de Chypre imposait l’utilisation de la monnaie chypriote dans ces zones et cette obligation perdure depuis le passage de Chypre à l’euro au 1er janvier 2008. Toutefois le Royaume-Uni ne dispose à ce titre d’aucun droit d’émission de pièces. C’est le seul territoire britannique où l’euro est la monnaie légale.

  4. thierry_st_malo dit :

    D’abord il faudrait commencer par se mettre dans la tête une fois pour toutes que Wellington n’est PAS le vainqueur de Waterloo. Le vainqueur de Waterloo c’est Blücher, qui est arrivé juste à temps avec les troupes prussiennes, au moment où l’armée anglaise était prête à s’effondrer. Wellington en était tellement conscient qu’au Congrès de Vienne il est intervenu pour empêcher Castlereagh ( qui n’était qu’un imbécile ) de demander le quasi-désarmement de la France, qu’il voyait déjà comme la seule Puissance capable de faire obstacle à la Prusse en Europe. C’est toujours dans le même but qu’il a développé une amitié personnelle avec Soult pour le soutenir dans ses efforts pour reconstruire et réorganiser notre armée.
    Et, laissez-moi vous le dire, la politique anglaise envers la France n’a pas changé depuis Wellington. Malgré des hauts et des bas, malgré un fond d’antipathie réciproque, elle est toujours la même. Il n’y a que les “gouvernements de traîtres” qui se succèdent en France depuis quarante ans pour ne pas vouloir le savoir.

    • Descartes dit :

      @ thierry_st_malo

      [D’abord il faudrait commencer par se mettre dans la tête une fois pour toutes que Wellington n’est PAS le vainqueur de Waterloo. Le vainqueur de Waterloo c’est Blücher, qui est arrivé juste à temps avec les troupes prussiennes, au moment où l’armée anglaise était prête à s’effondrer.]

      Wellington était quand même le commandant en chef, et à ce titre il aurait assumé la défaite si Napoléon avait gagné. Il est juste qu’on lui attribue la victoire, même si elle a été acquise grâce à l’initiative d’un subordonné.

      [Et, laissez-moi vous le dire, la politique anglaise envers la France n’a pas changé depuis Wellington.]

      Je ne dirais pas « la politique anglaise envers la France », mais « la politique anglaise » tout court. La politique extérieure britannique a depuis toujours le même objectif : empêcher l’apparition sur le continent d’une puissance dominante qui pourrait éventuellement la menacer. C’est pourquoi les britanniques soutiennent la Prusse quand la France est forte, et la France quand l’Allemagne est puissante. Quand ils ont vu que la Communauté européenne pouvait devenir une menace, ils sont rentrés pour la saboter de l’intérieur et éviter qu’elle devienne une construction politique. Ils y ont d’ailleurs réussi à merveille.

      Cette posture d’ailleurs fort pragmatique se résume par la formule « nous n’avons pas d’amitiés sacrées, seulement des intérêts sacrés ». Si seulement la France était capable de ce même réalisme…

  5. Dell Conagher dit :

    Bonjour Descartes,

    Je suis pleinement en accord sur votre analyse de la célébration de Waterloo et celle des positions des deux camps dans les négociations grecques. En revanche, je bloque sur les derniers paragraphes. Vous semblez penser que Tsipras peut arracher quelque chose à ses créanciers. Or, depuis que ces derniers ont durci le ton et que le pays arrive à court d’argent, les propositions faites par la Grèce à l’occasion des différents sommets relèvent de la capitulation plutôt que de la négociation – nulle trace du “programme de Thessalonique” ne subsiste et les débats portent sur le niveau effectif du taux de coupe dans les retraites ou de surplus budgétaire à atteindre… et non pas sur le principe même des politiques d’austérité. Et tout cela, le gouvernement grec le reconnaît explicitement. Mais même si les créanciers acceptaient les propositions grecques actuelles, le gouvernement de Syriza se retrouverait à imposer une austérité pire que celle du gouvernement ND/Pasok qui l’a précédé. Dans la “dernière ligne droite”, Tsipras arrachera peut être quelques miettes, mais elles seront insignifiantes par rapport aux dégâts causés par le nouvel accord. Et vu combien il a déjà concédé, je ne vois pas pourquoi l’accord ne serait pas atteint – sauf à ce que les plus hardliners des créanciers, qui souhaiteraient la sortie de la Grèce de l’euro, sabotent les négociations. Mais ils sont peu.

    • Descartes dit :

      @ Dell Conagher

      [Je suis pleinement en accord sur votre analyse de la célébration de Waterloo et celle des positions des deux camps dans les négociations grecques. En revanche, je bloque sur les derniers paragraphes. Vous semblez penser que Tsipras peut arracher quelque chose à ses créanciers. Or, depuis que ces derniers ont durci le ton et que le pays arrive à court d’argent, les propositions faites par la Grèce à l’occasion des différents sommets relèvent de la capitulation plutôt que de la négociation – nulle trace du “programme de Thessalonique” ne subsiste et les débats portent sur le niveau effectif du taux de coupe dans les retraites ou de surplus budgétaire à atteindre… et non pas sur le principe même des politiques d’austérité.]

      Je n’ai pas de tendresse particulière pour Tsipras, mais je ne partage pas votre diagnostic. Je pense que loin d’une « capitulation », il a joué très fin. En faisant en permanence des concessions que les autres s’empressent de rejeter, il ne fait que mettre en lumière la rigidité et le refus d’une véritable négociation de la part de ses adversaires. Bien sur, d’un point de vue « romantique » il aurait été plus plaisant de voir le gouvernement grec charger le dragon européen bille en tête. Mais si l’on laisse le romantisme de côté pour penser politique, les choses sont différentes. Même s’il vise une rupture – ce qui n’est pas du tout évident – il est de l’intérêt de Tsipras que l’autre camp en porte la responsabilité. Il a donc intérêt à faire des concessions pour montrer sa bonne volonté, tout en choisissant des concessions inacceptables par l’autre partie, pour la mettre en position de provoquer la rupture.

      Oui, je pense que Tsipras est en position de force, et je ne suis pas le seul : le magazine « The Economist » – dont les options idéologiques sont à l’opposé des miennes – a publié la semaine dernière une analyse qui rejoint peu ou prou la mienne : la force de Tsipras vient du fait que les leaders européens ne peuvent pas se permettre une rupture dont les effets tant sur la construction européenne que sur l’Euro sont incalculables. Tsipras peut donc obtenir beaucoup à une condition : il lui faut trouver une voie qui permette à tout le monde de sauver la face.

      [Et tout cela, le gouvernement grec le reconnaît explicitement. Mais même si les créanciers acceptaient les propositions grecques actuelles, le gouvernement de Syriza se retrouverait à imposer une austérité pire que celle du gouvernement ND/Pasok qui l’a précédé.]

      Reste à savoir si les propositions en question ont été faites avec l’idée qu’elles pouvaient être acceptées. Je n’en ai pas l’impression. De toute manière, le cœur de la politique de Tsipras devrait être la restructuration de la dette. Sans cela, rien n’est possible. Personnellement, je pense que de toute manière le mécanisme de l’Euro fait que la dette se reconstitue, et que sauf à imaginer des restructurations périodiques ad indéfinitum – ce qui au fond revient à mettre en place un mécanisme de transfert inconditionnel au sein de la zone euro – il n’y a point de salut tout en restant dans l’Euro.

    • Antoine dit :

      @Descartes

      Tsipras ne semble pas avoir la moindre intention de sortir de la zone euro. Voici ce qu’il déclarait il y a quelques mois :

      « I rule out a Grexit because I love Europe. I believe that the euro zone is like a wool sweater »
      (http://www.spiegel.de/international/europe/spiegel-interview-with-greek-prime-minister-tsipras-a-1022156.html)

      Le “pull en laine” de la zone euro est de toute évidence une métaphore plutôt sympathique… celle d’un dispositif douillet et protecteur.

      Aujourd’hui, le gouvernement grec avertit qu’il démissionnera si les parlementaires refusent de valider un éventuel accord (message envoyé à l'”aile gauche” de Syriza, très critique des concessions faites par Tsipras et, plus généralement, de la stratégie de négociation adoptée) :
      http://www.lemonde.fr/economie/article/2015/06/23/grece-les-lecons-d-une-folle-journee_4659638_3234.html

      AMHA, les événements des dernières semaines laissent peu de place à l’hypothèse que les concessions de Tsipras soient pure tactique pour exposer l’intransigeance des créanciers. Le sort politique de Tsipras semble désormais lié à la signature d’un accord, c’est-à-dire la poursuite d’une politique européiste mâtinée de quelques adoucissements sociaux (à la Jospin).

    • Descartes dit :

      @ Antoine

      [Tsipras ne semble pas avoir la moindre intention de sortir de la zone euro.]

      Il n’y a jamais eu aucun doute là-dessus. Cela étant dit, ce ne serait pas la première fois qu’un homme politique serait conduit par les circonstances à faire quelque chose qu’il n’avait pas la moindre intention de faire…

      [Aujourd’hui, le gouvernement grec avertit qu’il démissionnera si les parlementaires refusent de valider un éventuel accord (message envoyé à l'”aile gauche” de Syriza, très critique des concessions faites par Tsipras et, plus généralement, de la stratégie de négociation adoptée) :]

      De toutes manières, un gouvernement qui est mis en minorité sur une question aussi vitale que celle-ci ne peut que démissionner. Je vois mal ce que pourrait dire d’autre le gouvernement grec.

      [AMHA, les événements des dernières semaines laissent peu de place à l’hypothèse que les concessions de Tsipras soient pure tactique pour exposer l’intransigeance des créanciers.]

      Ce n’est jamais aussi tranché. D’abord, l’accord n’est toujours pas fait. Quand il le sera, on pourra voir parmi les concessions faites par Tsipras lesquelles sont cosmétiques – des mesures qui font joli dans le papier mais n’ont aucune chance d’être mises en œuvre – et lesquelles sont substantielles. Et aussi quelles sont les concessions que le gouvernement grec a obtenu de la part de ses partenaires européens. Ce n’est qu’alors qu’on pourra juger si les concessions proposées étaient ou non une bonne tactique.

      [Le sort politique de Tsipras semble désormais lié à la signature d’un accord, c’est-à-dire la poursuite d’une politique européiste mâtinée de quelques adoucissements sociaux (à la Jospin).]

      Il ne faut pas se faire d’illusions. L’électorat grec qui a voté Tsipras n’a pas voté pour la sortie de l’Euro ou la rupture avec l’UE. Il a donné mandat à Tsipras pour négocier l’accord le moins mauvais possible en tenant compte de ces deux lignes rouges. Dans un système démocratique, un gouvernement a beaucoup de mal à faire le contraire de ce que veulent ses électeurs.

    • Marcailloux dit :

      @ Descartes et Dell Conagher
      Bonjour,
      [Tsipras peut donc obtenir beaucoup à une condition : il lui faut trouver une voie qui permette à tout le monde de sauver la face]
      Oui, très probablement, mais n’est ce pas là reculer pour mieux sauter pour les instances européennes? Dans l’entre soi des élites de Bruxelles, on se satisfera peut-être de sauver la face, or qu’en sera-t-il des peuples du Portugal, d’Espagne,d’Irlande, d’Italie, de Belgique, bientôt de France à qui on demande ou on va demander de poursuivre et même accentuer les efforts. Il y a un pétard sous la couette.
      D’autre part, sur les 300 milliards et quelques qui ont été prêtés à la Grèce pour qu’elle rembourse majoritairement ses créanciers, notamment Goldman Sachs, combien représentent des emprunts à taux élevés, sous prétexte de risques qui au demeurant étaient minimes dans la mesure où la communauté européenne assurerait -bien imprudemment et même de manière coupable- à coup sûr le remboursement, ce qui a d’ailleurs été fait?.
      Les Grecs doivent assumer les erreurs qu’ils ont commises, mais d’autres devraient avoir leur place sur le banc des accusés.

    • Descartes dit :

      @ Marcailloux

      [Oui, très probablement, mais n’est ce pas là reculer pour mieux sauter pour les instances européennes? Dans l’entre soi des élites de Bruxelles, on se satisfera peut-être de sauver la face, or qu’en sera-t-il des peuples du Portugal, d’Espagne,d’Irlande, d’Italie, de Belgique, bientôt de France à qui on demande ou on va demander de poursuivre et même accentuer les efforts. Il y a un pétard sous la couette.]

      Plus qu’un pétard, il y a une bombe. Rappelez-vous que tout ce théâtre a pour enjeu le dernier versement de 7 Md€ du deuxième « plan d’aide » – guillemets obligatoires, parce que l’Europe « aide » la Grèce comme la corde aide le pendu – qui permettra à la Grèce de payer les échéances de la fin du mois envers le FMI, puis de la BCE et du MESF de juillet. Et après ? Et bien… il faudra recommencer à chercher quelque chose. Parce que la dette et ses échéances seront toujours là, et elle représentera toujours une fraction croissante du PIB, non seulement parce que la dette augmente, mais parce que le PIB se contracte.

      Et à chaque fois la même liturgie, les mêmes « réunions de la dernière chance », avec au bout un accord bancal qui permet à tout le monde de sauver la face mais ne résout aucun problème. Et cela ne concerne pas que la Grèce : alors que l’économie mondiale repart, alors que la croissance repart presque partout, la zone Euro reste embourbée. Et personne dans nos élites politico-médiatiques ne veut examiner les causes. Pourquoi faire, puisqu’elles ont une explication toute trouvée : « pas assez d’Europe », « pas assez de discipline budgétaire » (nom de code pour « austérité »), pas assez de « réformes » (nom de code pour désigner la destruction des conquêtes sociales).

      [D’autre part, sur les 300 milliards et quelques qui ont été prêtés à la Grèce pour qu’elle rembourse majoritairement ses créanciers, notamment Goldman Sachs, combien représentent des emprunts à taux élevés, sous prétexte de risques qui au demeurant étaient minimes dans la mesure où la communauté européenne assurerait -bien imprudemment et même de manière coupable- à coup sûr le remboursement, ce qui a d’ailleurs été fait?.]

      Là, je ne vous suis pas. D’abord, je me méfie toujours des croquemitaines. Goldman Sachs n’a jamais été un créancier de référence de la Grèce. Par ailleurs, les taux n’étaient pas aussi « minimes » que vous le pensez. La dette grecque a déjà été restructurée une fois depuis le début de la crise, et les créanciers ont perdu pas mal d’argent. D’ailleurs, je suis sûr que vous avez quelques petites économies mises de côté. Pourquoi ne les avez –vous pas investies en obligations grecques, puisqu’elles offrent des « taux élevés » et des « risques minimes » ?

  6. odp dit :

    @ Descartes

    Napoléon plébéien et bourgeois? Si je ne m’abuse sont père fut un élu de la Noblesse aux Etats de Corse et membres du Conseil des Nobles Douze.

    • Descartes dit :

      @ odp

      [Napoléon plébéien et bourgeois? Si je ne m’abuse sont père fut un élu de la Noblesse aux Etats de Corse et membres du Conseil des Nobles Douze.]

      C’est exact. Mais il faut tenir compte que le père de Napoléon était issu de la noblesse de robe, et non d’épée. On peut donc difficilement le considérer comme un véritable aristocrate, plutôt un bourgeois anobli pour services rendus – et rendus à la… République de Gênes ! Mais mon commentaire faisait plus référence aux forces sociales que l’Empereur représentait qu’à ses origines.

  7. VuDu51eEtage dit :

    [Payer une dette équivalente à 180% du PIB impliquerait le sacrifice de plusieurs générations sur l’autel de l’austérité. Dans l’histoire économique, aucun pays n’a jamais réussi pareil exploit.]

    Eh bien, si, justement : le Royaume-Uni après les guerres napoléoniennes ! 200% du PIB. Tout remboursé, jusqu’au dernier penny. Le ratio était de 100% du PIB en 1850 et 25% en 1914.

    • Descartes dit :

      @VuDu51eEtage

      [Eh bien, si, justement : le Royaume-Uni après les guerres napoléoniennes ! 200% du PIB. Tout remboursé, jusqu’au dernier penny. Le ratio était de 100% du PIB en 1850 et 25% en 1914.]

      Eh non… la Grande Bretagne a fait défaut et restructuré sa dette trois fois durant le XIXème siècle : une fois en 1822 (seulement six ans après la défaite de Napoléon), puis encore en 1834 et 1888. Voir à ce sujet Carmen Reinhart et Kenneth Rogoff, « The forgottent history of domestic debt » (http://www.nber.org/papers/w13946.pdf).

    • VuDu51eEtage dit :

      Eh bien, si. Aujourd’hui dans le Financial Times, un entretien avec Thomas Piketty (j’ai la flemme de traduire, vous me pardonnerez) :

      The eurozone is following the example of the UK, which spent the 19th century paying down its huge debt pile inherited from the Napoleonic wars with budget surpluses. It worked — but it took 100 years.

    • Descartes dit :

      @VuDu51eEtage

      [Eh bien, si. Aujourd’hui dans le Financial Times, un entretien avec Thomas Piketty (j’ai la flemme de traduire, vous me pardonnerez) : « The eurozone is following the example of the UK, which spent the 19th century paying down its huge debt pile inherited from the Napoleonic wars with budget surpluses. It worked — but it took 100 years »]

      Eh bien non. Je pense que les dires de Kenneth Rogoff, qui a consacré plusieurs articles et même un livre – « This time it is different – 500 years of financial folly » – à l’étude des crises financières sur les cinq derniers siècles sont un peu plus fiables qu’un entretien donné par Piketty, qui est un économiste spécialiste des questions fiscales et non de l’histoire financière, au Financial Times. Pas vous ?

    • Descartes dit :

      @ Anne Iversaire

      [Pour le cas où tu manquerais d’inspiration pour un prochain billet : http://www.lemonde.fr/politique/article/2015/06/24/jean-luc-melenchon-une-banqueroute-de-la-grece-est-inenvisageable_4660707_823448.html%5D

      Est-ce que cela vaut vraiment la peine ? Franchement, Mélenchon en 2009 avait des idées. En 2011, il avait une tactique. Maintenant il dit n’importe quoi. Pire : il dit tout et son contraire à deux paragraphes de distance. Dans l’entretien que vous citez, pour ne donner qu’un exemple, il répond à une question par une mâle déclaration : « L’Eurogroupe transigera, c’est certain ! ». Mais à la question « Vous ne croyez pas à la possibilité d’un « Grexit » ? » il répond : « Si, c’est possible. ». Comment concilier ces deux réponses ? Pourquoi y aurait-il un « Grexit » si l’Eurogroupe va transiger, c’est « certain » ?

      On peut aussi constater qu’au PG, rien ne change. Si des cadres quittent le Parti ou critiquent son fonctionnement, c’est nécessairement que « les frustrations d’ego sont inévitables ». Mais immédiatement après, il admet que des questions aussi importantes que « la stratégie par rapport au mouvement citoyen à impulser et la question de l’euro (…) troublent nos rangs ».

      En plus, il nous prend pour des imbéciles. Quand il écrit, à propos de ses mamours avec Cécile Duflot, « J’en suis stupéfait ! Comment peut-elle virevolter entre deux stratégies aussi opposées en l’espace d’à peine trois semaines et avec des procédés humainement aussi déplorables ? », on a envie de lui jeter quelque chose à la figure. Franchement, après plus de trente ans de vie politique, après trente ans de fréquenter l’extrême gauche, il s’étonne encore ?

      Je trouve particulièrement déplaisante l’utilisation qu’il en fait du décès de François Delapierre pour justifier une candidature en 2017 sur le mode « Comprenez : je sors d’une année où pesait sur moi l’agonie de mon camarade François Delapierre. A mes yeux, il était apte à être un des choix pour notre gauche en 2017 », mais maintenant qu’il est mort, « je dois travailler comme si j’allais devoir être candidat ». Que voulez-vous, les Grands Hommes sont si rares…

  8. CVT dit :

    @Descartes,
    voilà, le sort en est jeté: Tsipras a utilisé l’arme atomique, à le référendum. Et encore, il ne laisse qu’une semaine de réflexion aux Grecs, puisqu’ils voteront…Dimanche prochain! Stratégiquement, c’est assez bien joué, car ça laisse peu de temps à une tentative de déstabilisation anti-référendum!
    Je ne sais pas pour vous, mais comme je le disais la semaine dernière, s’il parvient à tenir jusqu’à dimanche, il sera problème l’un des premiers héros du XXIè siècle, qui en manque tant.
    Honnêtement, je ne vois pas comment il aurait pu faire mieux, avec la volonté (suicidaire?) des Grecs de rester dans l’euro: au moins, ces derniers prendront leurs responsabilités…

    • Descartes dit :

      @ CVT

      [voilà, le sort en est jeté: Tsipras a utilisé l’arme atomique, à le référendum. Et encore, il ne laisse qu’une semaine de réflexion aux Grecs, puisqu’ils voteront…Dimanche prochain! Stratégiquement, c’est assez bien joué, car ça laisse peu de temps à une tentative de déstabilisation anti-référendum!]

      Vous savez que je suis économe de mon admiration. Je ne connaissais pas beaucoup Tsipras – et la politique générale grecque en général – et lorsqu’il est devenu la coqueluche du PGE et qu’on l’a qualifié de « Mélenchon grec », cela n’a pas beaucoup amélioré l’image que j’en avais. Franchement, quant il a gagné, je me suis dit que ce ne serait qu’un gauchiste de plus, qui sous la pression des institutions européens n’hésiterait pas à trahir ses convictions affichées – pardon, à « faire preuve de réalisme » – comme le fit la gauche française chaque fois qu’elle a eu le pouvoir.

      Et bien, j’avoue au monde entier que je me suis trompé. Je ne sais pas si Tsipras est un génie ou pas, s’il a un projet viable ou non pour la Grèce. Mais il faut au moins lui reconnaître une chose : il a le courage d’un De Gaulle. Et une conception du pouvoir à mille lieues de la vision étriquée à laquelle les dirigeants européens nous ont habitués, faite de demi arrangements et de négociations en coulisse. Là où un autre – au hasard, Hollande – aurait négocié dans le dos du peuple pour ensuite lui dire « nous ne pouvions pas faire autrement », Tsipras rappelle que la nation est en définitive la seule source de légitimité politique, et que n’ayant pas reçu mandat lors de son élection pour accepter un nouveau plan d’austérité, il ne peut signer que si le peuple le lui commande. On ne peut que lui dire bravo. Et au passage, de souligner combien cette consultation responsabilise le peuple grec : demain, il ne pourra pas dire « c’est la faute au gouvernement qui nous a trahi » ou « si le gouvernement avait fait le bon choix, on n’en serait pas là ».

      Combien de dirigeants français imaginez-vous faisant ce même geste ? Jacques Chirac aura toujours dans mon cœur un petit monument pour avoir pris le risque de convoquer le référendum du 29 mai 2005. Mais après lui ? Hollande, qui avait pourtant promis la renégociation du TSCG l’a signé sans même imaginer un instant d’aller devant le peuple pour obtenir un mandat pour renier sa promesse…

      [Je ne sais pas pour vous, mais comme je le disais la semaine dernière, s’il parvient à tenir jusqu’à dimanche, il sera problème l’un des premiers héros du XXIè siècle, qui en manque tant.]

      Certainement. Je crains malheureusement que ce statut ne lui soit reconnu qu’à titre posthume, un peu comme pour mongénéral. Car quelque soit le résultat du référendum, la Grèce va passer par une situation très difficile. Si l’accord est ratifié, ce sera un long tunnel d’austérité. Si l’accord est rejeté – avec comme conséquence probable un défaut et une sortie de l’Euro – l’Union européenne va se sentir obligée de « tuer » la Grèce pour éviter que cela donne des idées à d’autres…

      [Honnêtement, je ne vois pas comment il aurait pu faire mieux, avec la volonté (suicidaire?) des Grecs de rester dans l’euro: au moins, ces derniers prendront leurs responsabilités…]

      Exactement. C’est l’avantage – et De Gaulle l’avait compris parfaitement – du référendum : il oblige les peuples à réfléchir et à prendre leurs responsabilités.

  9. Bruno dit :

    Bonsoir Descartes,

    Je demeure un peu mitigé en ce qui concerne les Grecs. En un sens, oui, je les plains, ils sont effectivement dans un beau pétrin, depuis maintenant plus de cinq ans. Ils souffrent et ne sont pas prêts de voir le bout du tunnel.
    Cela étant dit, je suis par ailleurs agacé. En effet, les Grecs se sont mis eux-mêmes dans ce marasme en adoptant l’euro, bien trop “fort” pour l’économie de leur petit pays et en ne mettant pas sur pied une administration capable de faire rentrer l’impôt. Ils ont pu se “gaver” d’emprunts à taux faibles pendant plusieurs années, avant d’être rattrapés par un dette abyssale, résultante en partie de la gabegie et du clientélisme de la classe politique.
    Certes, je sais bien que “nous” avons eu notre rôle, favorisant l’entrée des Grecs tout en sachant qu’ils ne respectaient pas les critères, cela afin de permettre à nos entreprises de déverser leurs produits chez les hellènes. J’abonde dans votre sens quand vous dites que les masques tombent et que les négociations, impitoyables, montrent le véritable visage de “l’amitié entre les peuples européens”.
    Défavorable à l’euro et un tantinet cynique, je prends cette crise comme une chance, une opportunité de chaos. Il en ressortira peut-être enfin l’absurdité de la monnaie unique entre des pays aux économies si différentes.
    Je souris, enfin, quand j’entends Moscovici affirmer que l’on ne peut effacer la dette grecque, car cela reviendrait à léser les français qui leur ont prêtés beaucoup de sous… Ah bon j’ai prêté de l’argent aux Grecs? Je suis content que l’on m’ait demandé mon avis!
    Je suis favorable à la solidarité nationale, payer des impôts pour venir en aide à nos chômeurs, à nos huit millions de pauvres, je trouve ça tout à fait normal. J’aime bien la Grèce et ses ruines, mais l’affect n’est pas le même… Chut ne le dites pas à M. Guetta, mais je ne me sens pas européen, ou plutôt, entre les miens et les autres, je choisirais toujours les miens, mes concitoyens.
    Je souhaite néanmoins bon courage aux Grecs, me doutant bien que c’est la bourgeoisie qui a foutu le pays entier dans la m**** en adoptant l’euro et en faisant croire au peuple, crédule ici aussi, qu’il y gagnerait quelque chose.

    • Descartes dit :

      @ Bruno

      [Cela étant dit, je suis par ailleurs agacé. En effet, les Grecs se sont mis eux-mêmes dans ce marasme en adoptant l’euro, bien trop “fort” pour l’économie de leur petit pays et en ne mettant pas sur pied une administration capable de faire rentrer l’impôt. Ils ont pu se “gaver” d’emprunts à taux faibles pendant plusieurs années, avant d’être rattrapés par un dette abyssale, résultante en partie de la gabegie et du clientélisme de la classe politique.]

      J’ai publié un papier aujourd’hui sur le blog reprend un peu votre réflexion. On peut débattre longtemps sur les responsabilités des uns et des autres. Oui, l’Euro a permis de maintenir une illusion – encouragée par les eurolâtres – que les défauts de l’Euro étaient temporaires, et que dans le sillage de l’Euro viendrait une régulation budgétaire et une véritable « Europe fédérale ». Dans ce cadre, les grecs ont pu faire la fête grâce au crédit facile gagé sur l’ensemble de l’Union, fête qui a profité autant aux riches qu’aux pauvres. Elle a profité aussi aux entreprises du reste de l’Union, puisque cette demande artificielle leur à permis de bénéficier de commandes.

      Ont-ils eu moralement tort ? Je vous laisse juge. Mais je pense que cette question n’a que peu d’intérêt. Dans les rapports entre Etats, la question n’est pas « qui a raison » mais « qu’est ce qu’on fait ». Aujourd’hui, il s’agit de distribuer l’ardoise de la fête entre les contribuables européens et le contribuable grec. Nous allons payer pour la Grèce, la question est « combien ».

      [Défavorable à l’euro et un tantinet cynique, je prends cette crise comme une chance, une opportunité de chaos. Il en ressortira peut-être enfin l’absurdité de la monnaie unique entre des pays aux économies si différentes.]

      Possible. Ou bien l’Euro survivra comme instrument technique. Mais l’illusion « fédéraliste » qui l’accompagnait, l’idée qu’en abandonnant cet instrument de souveraineté d’une certaine manière les Etats s’étaient engagés dans un processus irréversible d’intégration, ces idées sont mortes. Et il est très bien ainsi. « Le cynisme est la fumée qui se dégage des illusions brûlées »…

      [Je souris, enfin, quand j’entends Moscovici affirmer que l’on ne peut effacer la dette grecque, car cela reviendrait à léser les français qui leur ont prêtés beaucoup de sous… Ah bon j’ai prêté de l’argent aux Grecs? Je suis content que l’on m’ait demandé mon avis!]

      On vous l’a demandé. Vous savez… ce petit papier qu’on vous demande une fois toutes les cinq ans de mettre dans une boite… et bien, c’est ça votre avis. Il faut arrêter de croire que les élections sont une espèce de cérémonie ou l’on se fait plaisir en votant pour LO. C’est là qu’on exprime notre « avis ». Le peuple français a voté pour des partis et des candidats majoritairement eurolâtres. On ne peut pas dire que ces dirigeants aient, sur ce point, trahi le mandat qu’ils ont reçu. Et bien, maintenant l’addition arrive.

      Moscovici me rappelle l’histoire de l’homme qui avait un coffre fort rempli d’argent. Un jour, des voleurs ont scié le fond du coffre et pris tout l’argent. Mais aussi longtemps qu’il n’ouvrira pas son coffre, son propriétaire pourra continuer à se comporter comme si l’argent se trouvait là. Ce que l’UE propose, c’est qu’on continue – jusqu’à quand – à faire semblant que l’argent se trouve dans le coffre. Moscovici a raison de dire qu’effacer la dette grecque revient à léser les français. Ce qu’il oublie de dire, c’est que la lésion a déjà eu lieu. L’argent s’est déjà envolé. Ouvrir le coffre ne change pas la réalité, seulement la connaissance que nous en avons.

      [Je suis favorable à la solidarité nationale, payer des impôts pour venir en aide à nos chômeurs, à nos huit millions de pauvres, je trouve ça tout à fait normal. J’aime bien la Grèce et ses ruines, mais l’affect n’est pas le même… Chut ne le dites pas à M. Guetta, mais je ne me sens pas européen, ou plutôt, entre les miens et les autres, je choisirais toujours les miens, mes concitoyens.]

      Tout à fait. J’aime beaucoup la Grèce et les grecs. Je serais même prêt à donner de l’argent pour les aider. Mais cet argent serait un choix, un don volontaire, et non un devoir. Les marseillais ont des droits sur moi – et moi sur eux. Les Grecs, non.

    • Bruno dit :

      http://www.itele.fr/chroniques/edito-politique-christophe-barbier/le-peril-grec-128746
      Est-il sincère Descartes? Je vous transmets cette petite vidéo histoire de rire ou de pleurer, je ne sais trop…

    • Descartes dit :

      @ Bruno

      Est-il sincère ? Probablement. Vous savez, les commentateurs arrivent à s’auto-convaincre de toutes sortes de choses. Même les plus contradictoires, lorsqu’ils y ont intérêt.

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