Quelques leçons d’Europe

J’ignore si Charles Pasqua était en mesure de lire les journaux des jours qui ont précédé sa mort, mais si c’est le cas cela a du beaucoup contribuer à égayer ses derniers instants sur cette terre, en voyant « l’idéal européen » qu’il avait tant combattu partir en fumée au fil des réunions du Conseil européen et de l’Eurogroupe, mais aussi des déclarations des uns et des autres. Peut-être a-t-il même bien rigolé en apprenant que le Conseil européen consacré à la crise migratoire commença ses travaux avec une charmante cérémonie conférant à Jacques Delors le titre de « citoyen d’honneur de l’Europe ». Quelques heures plus tard, Matteo Renzi résumait fort à propos les travaux de ce Conseil par la formule « si c’est ça votre Europe, vous pouvez vous la garder ».

La crise migratoire que traverse l’Europe a mis en évidence une ligne de fracture qui sépare l’Europe centrale et orientale de l’Europe occidentale. Une ligne de fracture que le discours bêtifiant sur « l’histoire commune » de l’Europe a cherché pendant des années à occulter, et qui nous revient maintenant dans la figure. Car la vision que chaque nation – et ses élites – sont très marquées par une histoire qui n’est en rien « commune ». La France, la Grande-Bretagne, l’Italie, l’Espagne, le Portugal, l’Allemagne, les Pays-Bas, la Belgique portent la marque de leur histoire coloniale. Puissances coloniales naguère, elles portent aujourd’hui le poids de la culpabilité de l’homme blanc. Ces pays se sentent investis d’une sorte d’obligation morale d’accueil. Mais si l’on regarde de l’autre côté de l’Europe, on est dans un tout autre monde. La Pologne, la Tchéquie, la Slovaquie, les Pays Baltes, la Hongrie, la Roumanie, la Bulgarie, la Slovénie ont une histoire d’occupations successives (selon les pays elle a été Russe, Allemande, Ottomane, Autrichienne, Suédoise…) qui les met plutôt du côté des colonisés. Ce qui, contrairement à ce que pensent les bisounours qui sévissent dans les colonnes de Le Monde, n’implique nullement qu’ils soient plus enclins à la solidarité avec les réfugiés. On imagine naïvement que les Polonais par exemple, puisqu’ils ont été longtemps occupés, ont subi une terrible occupation et ont eux-mêmes une diaspora nombreuse, iront s’identifier avec les Erythréens ou les Syriens. C’est tout le contraire : ayant beaucoup souffert, ils ne voient pas pourquoi ils devraient aujourd’hui partager le gâteau durement acquis. Et contrairement aux anciennes puissances coloniales, elles n’ont aucune mauvaise conscience à le dire.

« L’idéal européen » qui a servi d’alibi à la construction européenne libérale-libertaire repose sur la fiction que tous les européens partageraient des choses – une histoire, une vision du monde, un « destin » – qui peut servir de ciment à une construction institutionnelle. Mais chaque crise à laquelle l’Europe est confrontée nous montre combien cet « idéal » n’est qu’une fiction. Les institutions fondamentales sur lesquelles repose une société organisent toujours des formes de solidarité inconditionnelle entre les individus. L’exemple le plus évident est celui de la famille, qui regroupe des individus qui ne se choisissent pas et qui pourtant sont tenus par des rapports de solidarité étroite. A l’autre extrémité, les membres d’une Nation, eux non plus, ne se choisissent pas entre eux, et pourtant soutiennent avec leurs impôts – et quelquefois avec leur sang – des mécanismes de protection et de partage.

C’est cette inconditionnalité qui différencie la famille et la nation d’une association ou d’une compagnie d’assurances. La solidarité entre les membres ou les assurés est toujours une solidarité conditionnelle. Si vous ne partagez plus les buts de l’association, vous pouvez être expulsé, si vous avez trop d’accidents, votre assurance peut être résiliée. L’exclusion de la famille ou de la nation, elles, ne sont possibles que dans des cas extraordinairement graves et strictement limités.

L’Europe, de toute évidence,n’arrive pas à constituer des solidarités inconditionnelles. L’Union européenne est plus proche de la mutuelle d’assurances que de la famille ou de la nation. Dès lors qu’un membre commence à coûter trop cher, on augmente ses primes et on envisage son expulsion. Et si un risque – celui de la crise migratoire, par exemple – n’est pas couvert par l’assurance, celui qui en est victime n’a qu’à se débrouiller tout seul.

L’Europe a failli donc comme construction politique. Il reste toujours, me direz-vous, la construction économique, cette vaste zone de libre-échange, cette monnaie unique censée nous apporter la croissance et la prospérité. Seulement voilà, contrairement à ce que pensent les libéraux – libertaires ou pas – l’économie et la politique ne peuvent pas être aussi aisément séparées. L’échec de l’Union européenne à constituer une unité politique a rendu la monnaie unique toxique et l’ouverture des frontières contre-productive. Une Europe politique forte pourrait par exemple imposer un protectionnisme intelligent aux frontières de l’Union et un mécanisme de transfert interne pour assurer la péréquation entre régions riches et régions pauvres, comme cela existe dans tous les états-nations. Mais comme cette Europe politique n’existe pas, l’Euro est devenu toxique pour les deux-tiers des économies européennes, et l’ouverture des frontières se traduit pour un chômage massif, la destruction progressive de l’appareil productif, une croissance atone.

J’entends déjà la réponse de certains : puisque c’est l’absence d’Europe politique qui conduit à cet état de fait, il faut donc accélérer l’intégration européenne, coordonner plus fortement les politiques nationales sous l'égide d’institutions démocratiques supra-nationales, Seulement voilà : cette construction est impossible. Il ne peut y avoir d’institutions démocratiques supra-nationales, tout simplement parce que la démocratie implique l’existence d’un « demos ». On le voit bien, d’ailleurs. On peut changer à l’infini le mode d’élection du Parlement européen, on peut décider que le président de la Commission sera issu de la majorité parlementaire. On peut créer des « référendums d’initiative européenne » et demain, pourquoi pas, élire le président du Conseil européen au suffrage universel direct. Tout cela, on ne peut que le constater, se heurte à l’indifférence des « citoyens européens ». Tout simplement parce que ces « citoyens européens » n’ont de « européen » que le nom. Ils ne constituent pas un « demos » unique, mais 28 « demos » séparés. A l’intérieur de chaque nation, ils votent pour élire des gens qui réguleront leur « solidarité inconditionnelle » des uns pour les autres. En Europe, ils éliront des représentants dont ils n’attendent en fait pas grande chose.

Et sans légitimité démocratique, comment construire une « Europe politique » ? Comment imaginer un instant que sans un « demos » européen il pourrait apparaître une institution suffisamment forte politiquement pour imposer à l’Allemagne un comportement plus solidaire envers la Grèce, pour imposer à la Pologne d’accueillir les immigrés arrivés sur le sol italien ? On nous expliquait que Juncker serait plus « légitime » que Barroso parce qu’il était issu du parti gagnant des élections au parlement européen. Quelle rigolade !. Angela Merkel déclare qu’il n’y aura pas de négociation avant le référendum grec, et Juncker, qui avait dit le contraire, se voit réduit au silence. Parce que, in fine, ce sont les Etats qui négocient, ce sont les Etats qui engagent l’argent de leurs contribuables, ce sont les Etats qui décident de refuser ou d’accepter des conditions. Et ce sont les Etats qui détiennent la légitimité démocratique.

Parce que la « construction européenne » manque de légitimité démocratique et populaire, elle a choisi de chercher sa légitimité dans le droit. C’est pourquoi on nous a noyé depuis trente ans sous un discours visant à sacraliser les traités et le droit qui en est issu. Une génération d’étudiants, de magistrats, de hauts-fonctionnaires ont été formés dans l’idée que les pouvoirs conférés aux institutions européennes par les traités étaient quasi-divins, qu’ils ne supportaient de contestation. Ainsi, on en est même arrivé à soutenir – à gauche comme à droite, d’ailleurs – qu’un pays ne pouvait quitter l’Union européenne parce que les traités ne prévoyaient pas un tel départ. Dans les institutions européennes c’est le juge qui légitime, bien plus que le Parlement. La Cour de Justice de l’Union européenne, qui siège à Luxembourg, est une institution infiniment plus respectée que le Parlement européen, et ses décisions sont décortiquées et citées à tout bout de champ dans les décisions administratives. Je n’ai jamais vu la moindre référence à une opinion exprimée par le Parlement européen sur un texte législatif…

Juncker lui-même, lorsqu’il déclare que « il n’y a pas de décision démocratique contre les traités européens » participe d’une telle sacralisation. Seulement, lorsqu’on fonde sa légitimité sur un texte sacré, il faut faire attention à ce qu’on fait. Depuis quelque temps, les institutions européennes ont eu a fâcheuse tendance de s’asseoir sur les textes lorsqu’elles y ont intérêt. Ainsi, la BCE fait une interprétation chaque fois plus extensive de son mandat, et chaque fois plus permissive des limites qui lui sont fixées. Or, le sacré ne protège qu’aussi longtemps qu’il demeure inviolé. Une fois qu’on a incendié le temple de Jupiter sans que la foudre divine se soit abattue sur les incendiaires, aucun temple n’est en sécurité.

Lorsque Matteo Renzi menace de s’asseoir sur les dispositions des accords de Schengen et de laisser passer les migrants arrivés sur les côtes italiennes vers les autres états européens, lorsque le président de l’eurogroupe expulse le représentant grec et fait siéger l’instance en son absence, lorsqu’on envisage une expulsion de la Grèce de la monnaie unique, expulsion qui n’est prévue par aucun texte, on ne fait que confirmer la suspicion que le roi « juridique » est nu, et que pour paraphraser la formule bien connue de Charles Pasqua, les traités ne s’imposent qu’à ceux qui y croient. Dès lors qu’on n’y croit plus, et l’époque semble être plutôt à l’agnosticisme, on peut faire à peu près ce qu’on veut. Celui qui demain viendrait dire « on ne peut pas faire telle ou telle chose parce que les traités l’interdisent » risque d’être accueilli par un éclat de rire (1).

Rien n’a changé depuis Ciceron : « salus populi suprema lex esto ». Le salut du peuple est la loi suprême, et parce qu’elle est suprême elle est au dessus de toutes les autres lois, y compris les « lois européennes ». Jacques Sapir, dans un excellent article, rappelle la formule d’Henri IV devant le Parlement de Rouen : « il n’est d’irrémédiable que la perte de l’Etat ». En temps de crise, ces réalités se sont rappelées à nous, faisant voler en éclats la légitimité purement « juridique » des institutions européennes. C’est maintenant clair : Tsipras et Renzi, Merkel et Cameron sont là pour défendre l’intérêt national de leurs pays respectifs, et si cela suppose de violer les traités, tant pis pour ces derniers. En d’autres termes, et quoi que disent les institutions européennes, l’ordre juridique européen est subordonné aux ordres juridiques nationaux. N’en déplaise au nouveau « citoyen d’honneur de l’Europe ».

Descartes

(1) Il n’est pas inutile de rappeler d’ailleurs que les traités ne s’imposent dans notre ordre juridique que « sous réserve de réciprocité ». Même de l’étroit point de vue du droit, nous ne sommes pas tenus par les dispositions d’un traité que nos partenaires n’appliqueraient pas.

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53 réponses à Quelques leçons d’Europe

  1. raïssa dit :

    Merci Descartes,pour la qualité de vos articles.
    Vous maintenez la ligne sur votre blog où l’intelligence nous est si bénéfique,malgrè des aléas et maladresses de contributuer zélé,trop peut être….
    Aujourd’hui,demain,j’attends,avec ce sens du temps en suspens connu par d’autres peut être,des grands moments historiques partagés.Sentiments peut être injustifiés?
    Comme ,soldat dans mon blidé VTT,lorsque j’attendais dans les FFA,en disponibilité opérationnelle en 1980,d’évacuer en 5 mn la caserne de TÜBINGEN,sous le risque du feu nucléaire soviétique;.1980, en pleine seconde guerre froide,lorsque Jaruzelski,en Pologne et l’armée soviétique,en Afghanistan,écrivaient l’histoire.
    Comme en 1990,les putchistes menés par le tremblant Guenadi ,échouèrent et Eltsine gagna.C’était il y a 24 ans… Mis en demeure, le 17 août 1991, par les futurs conjurés, de renoncer au traité de l’Union, Mikhaïl Gorbatchev dit non. Le lendemain, il fut déposé. Eltsine arrivait.Toutes ces 3 nuits furent blanches pour moi.Le temps en suspension…
    Demain,référendum en Grèce,le temps est aussi en suspension,dans mon quartier populaire où la fin du jeûne,recèle des relents de nervosité.
    Je suis en accord avec les textes clairs et fluides de notre cher Descartes.Particulièrement,celui du dessus,sorte de mise au point,avant les résultats de dimanche soir.
    C’est historique,bien sûr,
    Oui,je ressens les mêmes choses qu’en 1980 ou en 1991.
    Une certaine impatience me pousse à lire,écrire,pour tromper mon impatience et utiliser cette matière grise qui bouillonne……
    2015 année charnière?
    Les manifs de 10/11 janvier,le retour du chevénementisme par l’action de personnes comme florian fillipot.(Tenez un lien vers un texte de Claude Bailieu rappelle l’action de Pasqua et d’autres opposants au TCE:http://www.comite-valmy.org/spip.php?article6114)
    Syriza,Tsipras,peuvent ils échouer?Certes Oui,mais comme le montre le texte de Descartes,le mythe eurolâtre a pris encore un coup de canif!
    Un de plus,si des partisans aussi ferventsde l’euro, qu’une large partie de l’électorat du PASOK,s’apprête à voter NON aux conditions de la troia,c’est que comme pour le NON au TCE,le rapport de force penche encore plus vers le refus de l’UE!
    Finement joué,Tsipra,qui peut le + peut le – mais c’est la démocratie qui en sort renforcer.
    L’aspect factuel de la question,relève d’une grande vision politique,modeste et ample:modeste car si le Oui l’emporte,personne ne sera humilié,comme pour la victoire du Non.
    Mais dans ce cas Tsipras,pourra manoeuvrer et aller plus loin dans la défense des intérêts de son pays.
    L’arrogance dex ex-UMP risquent de se retourner contre eux.Sarkozy ne manque pas de ‘lR’,mais qu’il fasse attention,lesrtetombées de son mépris,brutal, pour Tsipras,risquent de ne pas lui être favorable,non?
    Tsipras attire la sympathie,même Holland et le PS s’en sont rendus compte?

    • Descartes dit :

      @ raïssa

      [Syriza, Tsipras, peuvent ils échouer? Certes Oui,mais comme le montre le texte de Descartes, le mythe eurolâtre a pris encore un coup de canif!]

      Je dirais même que Tsipras ne peut qu’échouer. Sa « victoire » impliquerait une situation révolutionnaire, et nous n’en sommes pas là. Il ne faut pas se faire d’illusions : Juncker peut apparaître comme un gros nounours et Merkel comme une adepte du « care », ces gens-là ne sont pas arrivés aux postes qu’ils occupent par hasard. Lorsqu’il s’agira de défendre leur bout de gras, ils seront impitoyables. Si le « non » l’emporte, les « institutions » européennes feront tout ce qu’elles pourront pour détruire ce pays qui a osé les défier.

      Ce soir, et quelque soit le résultat, nous verrons le retour du tragique dans la politique européenne : quelque soit le résultat du vote, la Grèce sera détruite comme le fut autrefois Carthage. Et ne vous faites pas d’illusions : nous ne sommes guère plus « civilisés » en Europe que nous ne l’étions en 1938.

      [L’aspect factuel de la question, relève d’une grande vision politique, modeste et ample: modeste car si le Oui l’emporte, personne ne sera humilié, comme pour la victoire du Non.]

      Ah bon ? J’ai l’impression que vous nagez en pleine confusion.

    • Antoine dit :

      Bonsoir Descartes,

      > quelque soit le résultat du vote, la Grèce sera détruite comme le fut autrefois Carthage

      Je suis un peu étonné par cette affirmation de votre part, car elle semble contredire ce que vous disiez il y a quelques instants dans les commentaires de l’article précédent, à savoir qu’un vote “non” apporterait incontestablement des perspectives moins catastrophiques aux Grecs (classes populaires et classes moyennes, certainement) qu’un vote “oui”. Ce sur quoi je suis d’accord avec vous. Ai-je mal compris l’une de ces deux positions ?

      Et sinon, à l’heure où je poste, il semble qu’on s’achemine vers une très nette victoire du “non”. Les Grecs font là un geste magnifique, pas loin de l’héroïsme peut-être, face aux menaces et à la brutalité déployées sans la moindre vergogne. Si j’étais grec, je crois que j’aurais du mal à maîtriser mes émotions.

    • Descartes dit :

      @ Antoine

      [« quelque soit le résultat du vote, la Grèce sera détruite comme le fut autrefois Carthage ». Je suis un peu étonné par cette affirmation de votre part, car elle semble contredire ce que vous disiez il y a quelques instants dans les commentaires de l’article précédent, à savoir qu’un vote “non” apporterait incontestablement des perspectives moins catastrophiques aux Grecs (classes populaires et classes moyennes, certainement) qu’un vote “oui”. Ce sur quoi je suis d’accord avec vous. Ai-je mal compris l’une de ces deux positions ?]

      C’est moi qui n’ai pas été clair. Lorsque j’ai écrit « quelque soit le résultat du vote, la Grèce sera détruite comme le fut autrefois Carthage », je faisais un pastiche d’un discours de Cicéron pour décrire ce qui est dans la tête des « institutions » européennes. C’est cela leur dilemme : si la Grèce vote « non » et s’en sort, d’autres seront encouragés à faire de même et la zone Euro deviendra, du point de vue bruxellois, ingouvernable. La Grèce, pour utiliser la métaphore antique, a défié les Dieux. Si les Dieux ne la punissent pas, quelle autorité leur resterait-elle ?

      [Et sinon, à l’heure où je poste, il semble qu’on s’achemine vers une très nette victoire du “non”. Les Grecs font là un geste magnifique, pas loin de l’héroïsme peut-être, face aux menaces et à la brutalité déployées sans la moindre vergogne. Si j’étais grec, je crois que j’aurais du mal à maîtriser mes émotions.]

      Tout à fait. Le plus drôle, c’est que tous ceux qui hier expliquaient qu’un « non » à l’accord serait en fait un « non » à l’Europe ont tout à coup changé de discours… étonnant, non ?

  2. Savez-vous pourquoi Pasqua a choisi Balladur plutôt que Chirac en 1995? Je pensais Balladur plus “libéral” et européiste, en tout cas moins gaulliste, que Chirac.

    Quels étaient, pour ce qu’on en sait, les rapports entre Pasqua et Séguin?

    • Descartes dit :

      @ nationalistejacobin

      [Savez-vous pourquoi Pasqua a choisi Balladur plutôt que Chirac en 1995? Je pensais Balladur plus “libéral” et européiste, en tout cas moins gaulliste, que Chirac.]

      Je n’ai pas de réponse à cette question. Ayant beaucoup traîné mes guêtres militantes à gauche, j’ai encore des bons amis pour me raconter les coulisses. Mais je n’ai pas beaucoup d’amis à droite avec qui j’aurais le même niveau de confiance… Je ne peux donc que faire des supputations. Je pense que Pasqua est arrivé avant tout le monde à la conclusion que Chirac serait un « roi fainéant ». Peut-être aussi préférait-il un président de la République faible et sans appareil – et donc plus soumis à son influence – qu’un maître de l’appareil comme Chirac. Il se peut aussi qu’il y ait eu entre les deux hommes un conflit personnel, et on sait que pour Pasqua la loyauté personnelle était extrêmement importante.Lorsque la question a été posée à Pasqua, il n’a jamais donné une réponse satisfaisante.

      [Quels étaient, pour ce qu’on en sait, les rapports entre Pasqua et Séguin?]

      On sait qu’ils étaient difficiles. Les deux hommes étaient en fait réunis par un commun amour de la France, et par la mystique du service de l’Etat. Mais en même temps, les deux hommes étaient très différents – et tous deux avaient une forte personnalité. Seguin était un haut-fonctionnaire égaré en politique, Pasqua était d’abord un individualiste venu au service de l’Etat à travers de la fidélité canine à un homme. Leurs visions de la politique, de l’éthique républicaine étaient tout à fait opposées.

  3. Julian dit :

    Il faut relire (ou réécouter sur internet) le discours de Séguin de mai 1992 défendant l’exception d’illégalité dans le débat parlementaire sur le Traité de Maastrich.Tout est dit !
    Il annonçait, il y a 23 ans, l’imposture technocratique, l’impasse démocratique, et la tyrannie de la monnaie unique.

    • Descartes dit :

      @ Julian

      Oui, le discours de Philippe Séguin à l’Assemblée nationale reste l’une des plus belles pièces d’éloquence parlementaire qu’il m’ait été donné d’entendre. Sur la forme, et ce n’est pas si fréquent de nous jours. Sur le fond, parce qu’il faisait du dispositif du traité de Maastricht une analyse que les faits ont largement confirmés. Ce discours montre que déjà en 1992 certains avaient compris et dénoncé les défauts, les incohérences, les impostures du dispositif qu’on s’apprêtait à mettre en place. Ces gens là ont été noyés sous le discours lénifiant et dogmatique de l’eurolâtrie triomphante.

      Comment cela à pu se faire ? Comment les arguments hautement intelligents d’un Séguin ont pu être ignorés alors que les discours stupides du style “grâce à l’Euro, vous n’aurez plus besoin de changer de la monnaie quand vous faites du tourisme” ont porté ? Parce qu’une classe sociale, ces “classes moyennes” qui dominent l’espace politico-médiatique, voulaient désespérément y croire. Et elles voulaient y croire parce qu’elles en étaient les principaux bénéficiaires. Pendant vingt ans, elles y ont vécu d’emprunt, ces emprunts bon parché que l’Euro a rendu possibles. Mais voilà, le repas est fini et ‘addition arrive…

  4. claude dit :

    Une analyse prospective,lumineuse et apaisante après la victoire du NON en Grèce,par Jean Pierre Chevénement,écrite avant que les résultats soient connus:intéressant ,non?
    http://www.chevenement.fr/Le-referendum-grec-est-legitime-et-democratique_a1731.html

    • Descartes dit :

      @ Claude

      Très intéressant, en effet. Après avoir beaucoup hésité, le vieux lion revient aux sources. Il avait dit qu’il n’était pas question de sortir d’un avion en vol. Il semble avoir réalisé que le crash étant imminent, le moment de sauter – en parachute si possible – n’est pas très loin…

  5. CVT dit :

    @Descartes,
    [C’est maintenant clair : Tsipras et Renzi, Merkel et Cameron sont là pour défendre l’intérêt national de leurs pays respectifs, et si cela suppose de violer les traités, tant pis pour ces derniers]

    A l’heure où j’écris, les Grecs ont démontré qu’ils étaient conséquents, et surtout, reconnaissants envers Tsipras: ils ont voté assez largement NON! Ce vote me rajeunit de 10 ans :-)… En attendant, que les Grecs retiennent leur souffle, la suite risque d’être assez pénible, si ça ne l’est pas déjà, mais au moins, dirigeants et citoyens grecs sont à l’unisson…

    On ne pourra pas en dire autant de notre cher pays, car dans la liste que vous citez, il manque… Hollande! Et pour cause, depuis son arrivée à l’Elysée, il n’a JAMAIS défendu l’intérêt des Français!
    En admettant que les chefs de gouvernements italiens, allemands et anglais sont les représentants des “classes moyennes” de leurs pays respectifs, cela signifie donc que ces dernières sont plus…patriotes que les nôtres, si on admet que l’ex-UMPS (ou le RPS…) défendent cette catégorie sociale qui est chère.
    Cela prouve par l’absurde qu’il y a bien un tropisme français, en matière européenne, puisque nos classes moyennes sont si peu patriotes et si égoïstes qu’elles finissent par ressembler à la Noblesse avant 1789: prêtes à livrer leur pays à l’ennemi pour conserver leur privilèges…

    • Descartes dit :

      @ CVT

      [A l’heure où j’écris, les Grecs ont démontré qu’ils étaient conséquents, et surtout, reconnaissants envers Tsipras:]

      C’est peut-être le point le plus remarquable de ce référendum. D’habitude, on nous explique que les référendums sur l’Europe se transforment en référendums sur le pouvoir en place, et que les électeurs ne votent pas contre les traités européens, mais contre leur propre gouvernement. Or, on avait ici une configuration inédite : pour la première fois depuis que l’UE existe, un gouvernement appelait son peuple à voter contre le diktat européen… et le « non » l’a emporté quand même ! Alors que Syriza n’a qu’une majorité relative – et gouverne grâce à une alliance qui serait chez nous jugée « contre nature » -, alors que les banques sont fermées et le pays est en crise, les grecs ont fait bloc autour de leur gouvernement. Même une partie des « classes moyennes » s’y est mise… Devant nos yeux, nous voyons la dynamique nationale se réveiller, alors que les eurolâtres de tout poil nous expliquaient que la nation, c’était fini.

      [En attendant, que les Grecs retiennent leur souffle, la suite risque d’être assez pénible, si ça ne l’est pas déjà, mais au moins, dirigeants et citoyens grecs sont à l’unisson…]

      Ce sera pénible. Les problèmes économiques de la Grèce sont bien réels. Grâce à l’Euro, les grecs ont pu dîner pendant vingt ans dans un grand restaurant. Et lorsque l’addition arrive, on s’aperçoit qu’ils ne peuvent pas payer. La restructuration de la dette est donc une mesure de bon sens, puisque le paiement est impossible. Mais cela ne veut pas dire que les grecs pourront continuer à vivre comme si leur productivité était la même que celle des allemands. La meilleure politique économique – n’en déplaise à Laurent et Mélenchon – ne peut faire des miracles, et il n’est pas juste que les retraités allemands, finlandais… ou français payent pour les grecs : le niveau de vie grec devra diminuer jusqu’à être compatible avec la productivité. Une politique de retour à la monnaie nationale, de « protectionnisme intelligente », de réforme de l’Etat peut mettre la Grèce sur une logique d’augmentation de la productivité, qui in fine améliorera le niveau de vie. Mais ce sera un processus long…

      [On ne pourra pas en dire autant de notre cher pays, car dans la liste que vous citez, il manque… Hollande! Et pour cause, depuis son arrivée à l’Elysée, il n’a JAMAIS défendu l’intérêt des Français!]

      Ce n’était pas un oubli.

      [En admettant que les chefs de gouvernements italiens, allemands et anglais sont les représentants des “classes moyennes” de leurs pays respectifs, cela signifie donc que ces dernières sont plus…patriotes que les nôtres, si on admet que l’ex-UMPS (ou le RPS…) défendent cette catégorie sociale qui est chère.]

      D’abord, elles sont moins nombreuses. Le système de méritocratie à la Française a constitué un groupe social qui détient un important « capital immatériel » sans détenir pour autant le capital matériel. Ce n’est pas le cas chez nos voisins, ou la possibilité de faire des études est fortement liée à la fortune – et non au statut social – des parents.

      Il y a un deuxième élément qui fait que les « classes moyennes » allemandes, italiennes ou anglaises sont plus « patriotes ». Cela tient au statut de l’industrie dans ces pays. En France, la révolution industrielle fut très tardive, et le pays a conservé de fortes racines paysannes jusqu’à la moitié du XXème siècle. Cela se voit très fortement dans la mentalité française : qu’un grand vignoble soit racheté par des chinois, que l’appellation d’origine contrôlée « foie gras » soit contesté par les hongrois, et c’est la levée de boucliers. Mais Alstom, Alcatel ou Usinor peuvent être vendues et la seule question que les gens et les politiques se posent est celle de l’emploi. Que les savoirs faire stratégiques, que les productions disparaissent de notre territoire, tout le monde s’en fout.

      Or, ce n’est pas par hasard si l’état-nation et la révolution industrielle sont contemporaines. Le développement industriel nécessitait de l’action de l’état-nation pour ouvrir des marchés, créer les infrastructures, fournir une main d’œuvre qualifiée, protéger contre les importations à bas prix. La révolution industrielle a très tôt créée en Grande-Bretagne, en Allemagne et en Italie (du nord) une mentalité qui est très différente de la nôtre. Chez nous, la mentalité aristocratique liée au monde paysan n’a pas été tout à fait remplacée par la mentalité bourgeoise liée au monde industriel. Nos « élites » considèrent encore aujourd’hui que c’est déchoir que de se battre pour ses intérêts, et préfèrent se battre pour des idées.

  6. Bea dit :

    Pour une fois, une analyse qui me parle, qui a du sens, comparée a tout ce que j’ai pu lire ou entendre ces derniers jours… Belle découverte que ce blog.

    • Descartes dit :

      @ Bea

      Merci beaucoup de vos encouragements. Et n’hésitez pas à participer aux discussions !

    • Brachet Alain dit :

      « … les titres de dette grecque sont détenus essentiellement par les investisseurs publics… »
      Si les titres de dettes grecques, initialement détenues par les banques, le sont désormais par des investisseurs publics, c’est, globalement, parce qu’ on les a protégées en refilant le bébé au public (« privatiser les profits, socialiser les pertes ») lorsque le profit devenait aléatoire pour ces banques…
      « Angela Merkel défend globalement les intérêts de son pays…pas seulement par patriotisme mais par intérêt bien compris…les électeurs allemands risquent de ne pas lui pardonner… »
      Qu’un chef d’état soit en principe le défenseur « global » des intérêts de son pays mérite que l’on y regarde de plus près. S’agit-il des intérêts du capital, des banques, des citoyens ? Et pour ceux-ci encore faut-il distinguer ceux qui appartiennent à la classe exploiteuse ou dirigeante (le Capital), aux classes moyennes, aux classes populaires… dont les intérêts sont généralement divergents !
      « Le changement du système est indifférent… » … «…quant à la retraite par répartition ou par capitalisation…les deux systèmes sont économiquement assez proches… » (la croissance du pays d’un côté, la croissance économique de l’autre sont nécessaires)
      Retraite par répartition ou retraite par capitalisation, voilà la question ? « Economiquement » c’est assez équivalent, dites-vous. Mais mon commentaire porte sur l’aspect politique de ces deux modes de financement. La « répartition » est politiquement un moyen de solidariser actifs et inactifs (retraités). La capitalisation est au contraire un système qui donne toutes les billes aux banques. Ceci sera bénéfique, d’une manière ou d’une autre pour les mieux nantis (actionnaires des banques, usagers préférentiels et choyés de celles-ci). En outre, on donne tout pouvoir de gestion à ces banques qui dans les difficultés éventuelles (c’est le cas aujourd’hui) se protégeront en désignant des boucs émissaires (les mauvais emprunteurs grecs). Les retraités allemands se trompent d’adversaire : les coupables sont leurs gouvernements (dont celui de Merkel) qui ont bradé la « répartition » pour la « capitalisation », sous couvert d’équivalence économique entre « répartition » et « capitalisation »… Les gouvernements allemands ne peuvent « être pardonnés » pour ce méfait…mais les retraités allemands sont aussi coupables de n’avoir pas vu le coup venir (croyant sans doute égoïstement que leurs intérêts étaient mieux défendus par les banques… que s’ils étaient défendus en commun par eux et les travailleurs encore en activité – la « répartition »)!

    • Descartes dit :

      @ Brachet Alain

      [Si les titres de dettes grecques, initialement détenues par les banques, le sont désormais par des investisseurs publics, c’est, globalement, parce qu’ on les a protégées en refilant le bébé au public (« privatiser les profits, socialiser les pertes ») lorsque le profit devenait aléatoire pour ces banques…]

      C’est vrai. D’un autre côté, on aurait pu laisser les banques faire faillite – parce que ce n’est pas seulement des « profits » qu’il s’agissait, mais bien de la survie des établissements – et laisser les déposants perdre leurs économies. Bien sûr, après un tel traumatisme, on pourrait difficilement reprocher aux citoyens de ne pas faire confiance aux banques et de garder leurs économies dans leur matelas. Du coup, plus de crédit pour alimenter l’économie, plus de moyens de paiement fiduciaires… bonjour la catastrophe.

      La politique ne consiste pas à faire ce qui est bien, mais a faire ce qui est possible. Et à choisir parmi les possibles le moins mauvais. Entre la « nationalisation » des dettes bancaires et la faillite générale des banques, qu’est ce que vous auriez choisi ? Il y a des pays qui ont choisi la faillite bancaire. Ils se sont toujours mordu les doigts.

      [Qu’un chef d’état soit en principe le défenseur « global » des intérêts de son pays mérite que l’on y regarde de plus près. S’agit-il des intérêts du capital, des banques, des citoyens ?]

      La Nation est précisément une collectivité construite sur une « communauté de destin ». Et c’est pourquoi on peut définir un « intérêt général » distinct des intérêts de tel ou tel groupe. Quand les banques font faillite, qu’elles ne sont plus là pour financer l’économie, tout le monde trinque. Y compris les prolétaires. Si demain la Grèce faisait défaut, le budget général allemand se verrait grevé de 60 Md€. Et tous les allemands seraient appelés à payer un peu plus d’impôts pour couvrir l’ardoise.

      [Et pour ceux-ci encore faut-il distinguer ceux qui appartiennent à la classe exploiteuse ou dirigeante (le Capital), aux classes moyennes, aux classes populaires… dont les intérêts sont généralement divergents !]

      Certains oui, d’autres non. Quand la France entre en récession, tout le monde trinque. Ce qui indique que c’est de l’intérêt de tout le monde que la France soit en croissance.

      [Mais mon commentaire porte sur l’aspect politique de ces deux modes de financement.]

      Pas vraiment. Vous aviez introduit cette question en commentant que les retraités pourraient tirer, en observant l’impact de la crise grecque sur les retraites allemandes, des leçons quant à la supériorité du système par répartition. Or, et c’était la mon point, comme les deux systèmes sont économiquement équivalents, le défaut grec aura un effet aussi néfaste sur les retraites par répartition…

      [La « répartition » est politiquement un moyen de solidariser actifs et inactifs (retraités). La capitalisation est au contraire un système qui donne toutes les billes aux banques.]

      Je ne vois pas trop le rapport entre la capitalisation et les banques. Les fonds de pension sont en général des fonds indépendants, qui ne sont pas gérés par les banques mais par des gestionnaires indépendants. Pourriez-vous être plus précis ?

      [En outre, on donne tout pouvoir de gestion à ces banques qui dans les difficultés éventuelles (c’est le cas aujourd’hui) se protégeront en désignant des boucs émissaires (les mauvais emprunteurs grecs).]

      Un « bouc émissaire » est une personne sur qui on rejette une faute qu’il n’a pas commise. Dans le cas présent, les emprunteurs grecs sont bien des « mauvais » emprunteurs, puisqu’ils ne rembourseront pas. On peut difficilement parler de « bouc émissaire ».

      [Les retraités allemands se trompent d’adversaire : les coupables sont leurs gouvernements (dont celui de Merkel) qui ont bradé la « répartition » pour la « capitalisation », sous couvert d’équivalence économique entre « répartition » et « capitalisation »…]

      Je ne comprends vraiment pas votre argument. Si le système était par répartition, le problème serait exactement le même.

    • bip dit :

      @Descartes

      [[En outre, on donne tout pouvoir de gestion à ces banques qui dans les difficultés éventuelles (c’est le cas aujourd’hui) se protégeront en désignant des boucs émissaires (les mauvais emprunteurs grecs).]

      Un « bouc émissaire » est une personne sur qui on rejette une faute qu’il n’a pas commise. Dans le cas présent, les emprunteurs grecs sont bien des « mauvais » emprunteurs, puisqu’ils ne rembourseront pas. On peut difficilement parler de « bouc émissaire ».]

      La définition de “bouc émissaire” est parfois plus large. Par exemple : “Bouc émissaire,
      personne qu’on désigne comme la seule responsable de quelque chose.” (http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/bouc/10360/locution)

      Et donc s’il est vrai qu’on peut considérer les grecs comme fautifs en tant que “mauvais emprunteurs”, ils ne sont pas les seuls. Les banques le sont au moins autant comme “mauvais prêteurs”. (si on part de l’idée qu’un bon prêteur est quelqu’un qui est remboursé)

      Sur la base magique de “la zone euro est un pays”, elles ont considéré que si la “région” Grèce ne remboursait pas, au pire ils seraient remboursés par la “région” Allemagne. Ce qui permettait de passer outre l’analyse de la situation en Grèce (pays avec un État faible, une économie faible, un fort endettement et un gros déficit) qui recommandait de ne pas trop traîner dans le coin.

      Je m’aperçois en écrivant ça qu’il n’est peut-être pas illégitime que le politique ait en fin de compte à assumer ces créances puisque c’est lui qui a lancé et encouragé cette idée délirante.

      Mais ça n’exonère quand même pas les banques de :
      1) ne pas s’être aperçues de l’imbécillité de l’idée
      2) d’avoir eu d’autres créances tout aussi pourries en stock (dont certaines encore dans les placards) qui ont rendu leur situation extrêmement fragile avant même la rencontre avec la réalité “monnaie unique ne veut pas dire pays unique”

      Et donc si tout le monde est fautif dans l’histoire, le jeu de nos dirigeants de tout mettre sur le dos des grecs marche du tonnerre si j’en crois les commentaires que je lis par-ci, par-là sur les sites des quotidiens…
      Du genre “moi aussi j’ai décidé je rembourse pas ma maison”.

    • Descartes dit :

      @ bip

      [La définition de “bouc émissaire” est parfois plus large. Par exemple : “Bouc émissaire, personne qu’on désigne comme la seule responsable de quelque chose.” (http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/bouc/10360/locution)]

      Mais dans cette définition il est implicite que la personne en question n’est pas EFFECTIVEMENT la « seule responsable » de la chose en question. Autrement, quelle est la différence entre « responsable » et « bouc émissaire » ?

      [Et donc s’il est vrai qu’on peut considérer les grecs comme fautifs en tant que “mauvais emprunteurs”, ils ne sont pas les seuls. Les banques le sont au moins autant comme “mauvais prêteurs”. (si on part de l’idée qu’un bon prêteur est quelqu’un qui est remboursé)]

      Admettons. Mais si on considère que les banques ont été « mauvaises prêteuses » et portent une part de responsabilité dans le désastre parce qu’elles ont accepté de prêter à un état insolvable, alors il faudrait applaudir l’attitude des prêteurs – BCE et FMI en tête – qui aujourd’hui refuseraient de prêter à l’état grec. Or, on entend exactement l’inverse : lorsque les banques et les institutions refusent de l’argent à la Grèce, on les accuse « d’étrangler » Tsipras. Pourtant, selon votre définition, ils agissent en « bon prêteurs », non ?

      [Sur la base magique de “la zone euro est un pays”, elles ont considéré que si la “région” Grèce ne remboursait pas, au pire ils seraient remboursés par la “région” Allemagne.]

      Eh oui… elles ont pris pour argent comptant tout le bavardage sur la « solidarité européenne. C’est drôle combien les gens sont prêts à s’auto-intoxiquer.

      [Je m’aperçois en écrivant ça qu’il n’est peut-être pas illégitime que le politique ait en fin de compte à assumer ces créances puisque c’est lui qui a lancé et encouragé cette idée délirante.]

      Exactement ! Vous avez vu la lumière, mon ami… Le politique explique depuis trente ans que la « solidarité européenne » est infaillible, que nous sommes maintenant un seul pays, et autres bêtises du genre. Au point que les acteurs économiques y ont cru et ont agi en conséquence. Et les grecs en ont profité. Pour utiliser une analogie qui me parait fort pertinente, on est dans la fable de la cigale et la fourmi. Sauf que la fourmi a proclamé pendant des années que toute cigale qui se trouverait en difficulté serait secourue par « solidarité ». L’hiver arrivé, la cigale se présente exiger la « solidarité », et la fourmi se trouve bien emmerdée…

      [Et donc si tout le monde est fautif dans l’histoire, le jeu de nos dirigeants de tout mettre sur le dos des grecs marche du tonnerre si j’en crois les commentaires que je lis par-ci, par-là sur les sites des quotidiens…]

      Si vous lisez les commentaires, vous verrez que « tout le monde ne met pas tout sur le dos des grecs ». Beaucoup – surtout parmi les souverainistes – signalent que les grecs n’ont fait que profiter des imperfections d’un système dont ils n’étaient pas, loin de là, les créateurs. Et d’un point de vue réaliste, tout le monde sait que l’argent est perdu, et que tout le monde va devoir payer.

      [Du genre “moi aussi j’ai décidé je rembourse pas ma maison”.]

      Beh… si les grecs font défaut sur leur dette, je ne vois pas pourquoi nous devrions considérer le paiement de la notre comme un devoir sacré. Mais il y a dans cette affaire une hypocrisie assez sidérante. Vous observerez par exemple que certaines dettes sont considérées moins « sacrées » que d’autres, et qu’on peut faire défaut sur elles sans que personne ne retrouve à redire. Les retraites sont le cas le plus remarquable : lorsque je paye mes cotisations, je donne de l’argent à ma caisse et j’acquiert en échange un droit, assimilable à une dette. Lorsque le gouvernement décide d’exiger 42 annuités plutôt que 39, il ne fait que reporter le paiement de la dette en question. N’est-ce pas là une « restructuration » qui ne dit pas son nom ? Et si l’Etat peut décider unilatéralement sous les applaudissements des « institutions » qu’il payera les retraités plus tard, pourquoi il ne pourrait pas décider de payer les autres créanciers plus tard ?

    • Marcailloux dit :

      @ Descartes et Brachet Alain,

      Bonjour,

      [Si les titres de dettes grecques, initialement détenues par les banques, le sont désormais par des investisseurs publics, c’est, globalement, parce qu’on les a protégées en refilant le bébé au public (« privatiser les profits, socialiser les pertes ») lorsque le profit devenait aléatoire pour ces banques…
      C’est vrai. D’un autre côté, on aurait pu laisser les banques faire faillite . . . . . . . bonjour la catastrophe.
      La politique ne consiste pas à faire ce qui est bien, mais à faire ce qui est possible. Et à choisir parmi les possibles le moins mauvais. . . . . . .
      [Qu’un chef d’état soit en principe le défenseur « global » des intérêts de son pays mérite que l’on y regarde de plus près. S’agit-il des intérêts du capital, des banques, des citoyens ?]
      La Nation est précisément une collectivité construite sur une « communauté de destin ». Et c’est pourquoi on peut définir un « intérêt général » distinct des intérêts de tel ou tel groupe. Quand les banques font faillite, qu’elles ne sont plus là pour financer l’économie, tout le monde trinque. Y compris les prolétaires. Si demain la Grèce faisait défaut, le budget général allemand se verrait grevé de 60 Md€. Et tous les allemands seraient appelés à payer un peu plus d’impôts pour couvrir l’ardoise.]

      Votre échange avec Brachet Alain est frappé au coin du bon sens.
      Ces assertions sont récurrentes dans vos commentaires, ce qui tend à démontrer votre suite dans les idées, ce que personne ne conteste à ma connaissance.
      Cependant, les origines et causes de ces turpitudes et corruptions du service de l’intérêt général me semblent beaucoup moins dénoncées dans vos propos. Je n’ose pas croire qu’il s’agit là d’un consentement implicite de votre part à la dérive « capitalo-financière » de nos sociétés occidentales, dites avancées.
      Car si la règle du « renflouement » presque systématique des banques est communément admis face aux risques que son absence nous feraient courir, je trouve bien molle, bien compatissante la réaction de la plupart des commentateurs, des politiques et des institutions autorisées vis-à-vis de leurs responsables.
      D’un côté, on (ceux que je viens de citer) vous explique que les dirigeants de grandes entreprises méritent des rémunérations pharaoniques, les hauts fonctionnaires, des avantages et garanties en or massif, en regard des compétences et des services dont ils font profiter la collectivité, qu’elle soit privée ou publique.
      D’un autre côté, lorsque ces mêmes dirigeants ne font que défendre quelques intérêts particuliers sur le dos du plus grand nombre, les réactions sont en général, à peine audibles. Dans ces conditions, il n’y a aucune raison pour que cela cesse et nous sommes condamnés à entonner éternellement un lacrymosa stérile.
      Ce qui est constaté chez les dirigeants du privé se retrouve, et cela me parait encore plus grave chez des hauts fonctionnaires (dernier exemple celui d’Agnès Saal) qui finalement –selon ce qu’il me vient à l’esprit- est recasée, en attendant l’oubli général, dans une sinécure au ministère de la culture.
      Que cela arrive est sans doute inéluctable.
      Ce qui est par contre intolérable, c’est la quasi absence de conséquences notables pour ces rapaces qui ne poursuivent que la recherche de leur intérêt personnel.
      Il est évident que la permissivité de notre société ne peut qu’encourager la perpétuation de tels comportements. Autre exemple, celui de ce député imprudemment nommé secrétaire d’Etat, je veux parler de Thomas Thévenoud, qui est en passe de devenir maintenant, après quelques semaines de purgatoire, une victime de ses instincts.
      Alors, même l’excellence de vos explications, la finesse de vos analyses ne me semblent pas suffisantes pour espérer une amélioration de nos conditions d’existence – « nos » étant celles de ceux qui ne bénéficient ni de privilèges, ni de prébendes, ni de perspectives d’avenir reluisant, ni d’appartenance à un milieu favorisé par le sort, le talent, l’influence – et je crains que la situation socioéconomique, caractérisée par une navigation permanente entre deux eaux, ne peut qu’engendrer de la frustration, du désespoir, de l’abattement et finalement un délitement de la Nation française.
      La seule alternative accessible à l’individu français est le comportement individualiste. Les seules ambitions collectives se situent au football ou autre grand projet tout aussi transcendantal.
      Et même dans ces micros domaines, nous devons faire appel à l’immigration pour tenir un rang acceptable. Pendant ce temps, le peuple est invité dans les tribunes – au propre et au figuré – à manifester par des bravos, des sifflets, des holàs, des discussions passionnées sur le sexe des angelots footballeurs, de transmettre leur passion à leurs rejetons, etc. . . . .
      Notre passivité est mortifère, et nous n’en avons même pas conscience.
      Néanmoins, pour moi, tout va bien, merci. “Pourvu que ça dure” disait Maria Létizia Bonaparte. . .

    • Descartes dit :

      @ Marcailloux

      [Ces assertions sont récurrentes dans vos commentaires, ce qui tend à démontrer votre suite dans les idées, ce que personne ne conteste à ma connaissance.]

      C’est une façon fort gentille et diplomatique de dire que je radote… 😉
      Oui, j’essaye d’avoir de la suite dans les idées, ce qui ne va pas sans une certaine répétition lorsqu’on s’astreint à publier au moins un papier tous les quinze jours. Mais si vous lisez mes papiers plus anciens, vous verrez que les débats qui ont lieu sur ce blog m’ont amené à changer d’avis sur un certain nombre de points, et de compléter d’autres…

      [Cependant, les origines et causes de ces turpitudes et corruptions du service de l’intérêt général me semblent beaucoup moins dénoncées dans vos propos. Je n’ose pas croire qu’il s’agit là d’un consentement implicite de votre part à la dérive « capitalo-financière » de nos sociétés occidentales, dites avancées.]

      En général, je ne suis pas trop dans la « dénonciation ». Je pense qu’il est plus intéressant d’analyser les mécanismes qui conduisent aux « dérives » dont vous parlez et de chercher à comprendre leur dynamique que de se placer dans une logique de « condamnation ». Par ailleurs, mon expérience m’a montré que ce genre de « dénonciation » sert souvent des intérêts peu recommandables. Lorsque nos élites critiquent le « service de l’intérêt général », c’est rarement dans un but d’amélioration.

      [Car si la règle du « renflouement » presque systématique des banques est communément admis face aux risques que son absence nous feraient courir, je trouve bien molle, bien compatissante la réaction de la plupart des commentateurs, des politiques et des institutions autorisées vis-à-vis de leurs responsables.]

      Je vous trouve un peu sévère. Les dirigeants des banques « renflouées » ont pris en général la porte, et lorsque la crise a révélée des comportements délinquants, ceux-ci ont été sanctionnés. Que cela se fasse discrètement pour ne pas écorner la confiance publique n’implique pas qu’on doive l’ignorer. D’ailleurs, c’est une vision assez curieuse du capitalisme que d’imaginer que les actionnaires des banques accepteraient de prendre des pertes considérables sans rien exiger des responsables.

      [D’un côté, on (ceux que je viens de citer) vous explique que les dirigeants de grandes entreprises méritent des rémunérations pharaoniques, les hauts fonctionnaires, des avantages et garanties en or massif, en regard des compétences et des services dont ils font profiter la collectivité, qu’elle soit privée ou publique. D’un autre côté, lorsque ces mêmes dirigeants ne font que défendre quelques intérêts particuliers sur le dos du plus grand nombre, les réactions sont en général, à peine audibles.]

      Faut pas tout mélanger. Les dirigeants des entreprises privées sont là pour servir les intérêts des actionnaires. Ce sont eux qui consentent des « rémunérations pharaoniques », et s’ils ont envie de jeter leur argent par les fenêtres en rémunérant des tocquards, c’est après tout leur problème. La question n’est pas du tout la même lorsqu’il s’agit de personnes gérant de l’argent public. Et lorsque ces personnes sont mises en cause, les réactions sont bien audibles, même si on peut regretter que, la lenteur de la justice aidant, les sanctions ne viennent que plus tard. Mais je vous rappelle que Loïc Le Floch-Prigent, PDG de ELF, a fait de la prison ferme.

      [Ce qui est constaté chez les dirigeants du privé se retrouve, et cela me parait encore plus grave chez des hauts fonctionnaires (dernier exemple celui d’Agnès Saal) qui finalement –selon ce qu’il me vient à l’esprit- est recasée, en attendant l’oubli général, dans une sinécure au ministère de la culture.]

      D’abord, je vous rappelle que Agnès Saal est innocente jusqu’à preuve contraire. J’imagine que vous ne proposez pas qu’on puisse révoquer un fonctionnaire sur la base de simples présomptions… Mais sur le fond, et je parle là d’expérience, il est vrai qu’il y a une dégradation de l’esprit de notre haute fonction publique. L’Etat n’offrant plus à ses hauts fonctionnaires des carrières et de récompenses symboliques adaptées, il en résulte une frustration qui amène pas mal d’entre eux à se comparer à des amis et des connaissances qui travaillent dans le privé et dont les avantages et rémunérations sont sans commune mesure avec les leurs. La tentation de « se payer sur la bête » pour compenser n’est jamais très loin…

      Pendant très longtemps, les hauts-fonctionnaires pouvaient « mesurer leur succès » à des critères qui ne se réduisaient pas à la paye : le prestige social, le fait de travailler ou de loger dans des bâtiments historiques, l’appartenance à des institutions prestigieuses, les décorations. Ces « hochets » permettaient de protéger les hauts-fonctionnaires d’une certaine vénalité si courante dans le monde privé. Mais dans la mesure où de plus en plus l’argent devient la mesure unique du succès, ce système périclite. Rares sont les hauts fonctionnaires qui peuvent se payer une Rolex à cinquante ans…

      [Ce qui est par contre intolérable, c’est la quasi absence de conséquences notables pour ces rapaces qui ne poursuivent que la recherche de leur intérêt personnel.]

      Faudrait pas trop exagérer… Agnès Saal a peut-être été recasée dans une sinécure en attendant que les faits soient établis, mais elle a tout de même été virée de l’INA. C’est une « conséquence notable », quand même…

      [Il est évident que la permissivité de notre société ne peut qu’encourager la perpétuation de tels comportements. Autre exemple, celui de ce député imprudemment nommé secrétaire d’Etat, je veux parler de Thomas Thévenoud, qui est en passe de devenir maintenant, après quelques semaines de purgatoire, une victime de ses instincts.]

      Là encore, il ne faut pas tout confondre. La faute de Thévenoud – comme celle de Cahuzac, d’ailleurs – est une faute personnelle, et non une faute commise dans l’exercice de leurs fonctions publiques. Il appartient aux juges de les punir, et aux électeurs d’estimer si une faute privée a un effet sur la confiance qu’on peut leur accorder pour exercer des fonctions publiques.

      [Alors, même l’excellence de vos explications, la finesse de vos analyses ne me semblent pas suffisantes pour espérer une amélioration de nos conditions d’existence (…)]

      Une analyse, une explication, aussi fines et excellentes soient elles, ne sont jamais suffisantes pour améliorer quoi que ce soit. Elles offrent tout au plus des instruments pour ceux qui voudraient changer les choses.

      [(…) et je crains que la situation socioéconomique, caractérisée par une navigation permanente entre deux eaux, ne peut qu’engendrer de la frustration, du désespoir, de l’abattement et finalement un délitement de la Nation française.]

      Je crains que le patriotisme et le sentiment national ne soient pas vraiment corrélés avec la transparence ou l’honnêteté des serviteurs publics. La IIIème République était notoirement corrompue, et cela n’a pas empêché les français de se mobiliser massivement lors de la guerre de 1914-18. Les français sont des grands réalistes, et ils pardonneraient volontiers les turpitudes privées de Thévenoud ou de Cahuzac si ceux-ci avaient un véritable projet à proposer. Ceux qui – comme les partisans d’une VIème République – pensent que tout le mal vient des institutions se trompent. Les institutions ne sont que le reflet des équilibres politiques : celles de la Vème ont été excellentes tant que la société avait un projet collectif mobilisateur. Elles ont commencé à mal marcher lorsque la crispation des « classes moyennes » a rendu tout projet national impossible.

      [La seule alternative accessible à l’individu français est le comportement individualiste. Les seules ambitions collectives se situent au football ou autre grand projet tout aussi transcendantal.]

      Je ne suis pas aussi pessimiste que vous. Il est vrai que les « classes moyennes » se sont evertuées à fermer la porte à tout projet collectif. Mais le feu couve sous la cendre, et de temps en temps ce besoin se manifeste puissamment.

      [Notre passivité est mortifère, et nous n’en avons même pas conscience.]

      Je pense au contraire qu’on commence à en prendre conscience. Les manifestations monstre de janvier et la mutation du FN en témoignent à leur manière.

    • bip dit :

      @Descartes

      [Mais si on considère que les banques ont été « mauvaises prêteuses » et portent une part de responsabilité dans le désastre parce qu’elles ont accepté de prêter à un état insolvable, alors il faudrait applaudir l’attitude des prêteurs – BCE et FMI en tête – qui aujourd’hui refuseraient de prêter à l’état grec.]

      Si les prêts de x servent à rembourser … x, j’ai en effet du mal à applaudir une situation qui frise l’absurde et dont je doute de l’utilité (même à court terme).

      [Or, on entend exactement l’inverse : lorsque les banques et les institutions refusent de l’argent à la Grèce, on les accuse « d’étrangler » Tsipras. Pourtant, selon votre définition, ils agissent en « bon prêteurs », non ?]

      La différence tient dans la nature d’une banque centrale. Elle est la monnaie. Une économie qui ne serait plus alimentée en liquidités par une banque centrale a 2 choix : s’effondrer ou se brancher sur une autre (qui pourrait être créée spécialement).
      La situation d’un pays qui pourrait se retrouver privé de monnaie devrait à elle seule suffire à montrer l’absurdité de l’euro.
      Si une banque centrale propre à un seul pays envisageait seulement ce genre de mesures, les dirigeants seraient incarcérés dans l’heure qui suit (et encore ce serait le mode gentil…)

      En ce qui concerne le FMI, je sais pas. Tout ce que je sais, c’est que sa mission principale est de servir les intérêts des États-Unis. A partir de quel montant et dans quelle situation prêter à la Grèce y répond, je sais pas.

      [Beaucoup – surtout parmi les souverainistes – signalent que les grecs n’ont fait que profiter des imperfections d’un système dont ils n’étaient pas, loin de là, les créateurs. Et d’un point de vue réaliste, tout le monde sait que l’argent est perdu, et que tout le monde va devoir payer.]

      Peut-être que les commentaires que je considère comme les plus absurdes ont tendance à plus me marquer ou que je survole trop rapidement mais l’idée majoritaire me semblait plus proche de celle que je vous ai donnée.
      Même si en effet certains commentateurs courageux essayent de répondre.

      [je ne vois pas pourquoi nous devrions considérer le paiement de la notre comme un devoir sacré.]

      Nos dettes en tant que particuliers sont renforcées par la loi et les moyens de l’Etat et des banques. Ou affaiblies par notre manque de moyens en comparaison.. Avec l’ensemble des forces armées autorisées sur le territoire à son service, sans doute que certains choix différeraient. 😉

      La dette de l’État français par contre, vaut mieux éviter de considérer son service comme un devoir sacré ou on risque les mauvaises surprises !
      Je crois bien que c’est de vous que j’ai lu quelque chose approchant de « un État ne voit que ses intérêts. Et donc s’il juge que son intérêt est de ne pas rembourser… »

      [Lorsque le gouvernement décide d’exiger 42 annuités plutôt que 39, il ne fait que reporter le paiement de la dette en question. N’est-ce pas là une « restructuration » qui ne dit pas son nom ?]

      J’y avais jamais pensé mais c’est bien vu ! Ça rappelle une autre fable : « selon que vous serez puissant ou misérable »…

      [Et si l’Etat peut décider unilatéralement sous les applaudissements des « institutions » qu’il payera les retraités plus tard, pourquoi il ne pourrait pas décider de payer les autres créanciers plus tard ?]

      La seule raison que je vois, c’est qu’il considère que ce n’est pas de son intérêt.
      Ou parce qu’il juge que ce n’est pas rentable économiquement ou parce qu’il se juge en situation de faiblesse pour imposer ce choix (par exemple, une dette due à d’autres États qui chercheraient à lui nuire ensuite, ce face à quoi il ne se juge pas de taille)

    • Descartes dit :

      @ bip

      [Si les prêts de x servent à rembourser … x, j’ai en effet du mal à applaudir une situation qui frise l’absurde et dont je doute de l’utilité (même à court terme).]

      Ca n’a rien « d’absurde ». Si les prêts de X servent à rembourser X, alors le processus équivaut à une extension de la durée du prêt initial. C’est tout…

      [La différence tient dans la nature d’une banque centrale. Elle est la monnaie. Une économie qui ne serait plus alimentée en liquidités par une banque centrale a 2 choix : s’effondrer ou se brancher sur une autre (qui pourrait être créée spécialement).]

      Dans un cadre national, la banque centrale a pour contrepartie un Etat central capable d’imposer des règles aux « régions », et d’organiser les transferts de richesse entre régions riches et régions pauvres. Et cet Etat peut organiser des transferts inconditionnels et permanents parce qu’entre citoyens d’une même nation il existe une solidarité qui va de soi.
      Mais la BCE n’est pas la banque centrale d’une nation, mais celle d’une union monétaire dans un ensemble ou cette solidarité « naturelle » n’existe pas. Il n’y a pas en Europe de d’Etat capable d’imposer aux allemands un transfert permanent vers la Grèce, comme celui que l’Etat français impose à l’Ile de France vers la Corse. A partir de là, la BCE est obligée de garder des « compartiments étanches », pour empêcher de créer des transferts de richesse d’un pays vers l’autre…

      [La situation d’un pays qui pourrait se retrouver privé de monnaie devrait à elle seule suffire à montrer l’absurdité de l’euro.]

      Faut croire que l’argument n’a pas suffi, puisqu’il avait été soulevé dès 1992.

      [En ce qui concerne le FMI, je sais pas. Tout ce que je sais, c’est que sa mission principale est de servir les intérêts des États-Unis.]

      En effet, vous ne savez pas… Le FMI fait partie des institutions créées par les accords de Bretton Woods qui ont réorganisé le système financier mondial après la deuxième guerre mondiale. Sa mission n’est pas de « servir les intérêts des Etats-Unis », mais d’éviter les crises monétaires. D’ailleurs, rien n’oblige un pays à demander l’aide du FMI.

      [je ne vois pas pourquoi nous devrions considérer le paiement de la notre comme un devoir sacré.][Nos dettes en tant que particuliers (…)]

      Lorsque je parlais de « notre dette », je faisais bien entendu référence à la dette de l’Etat français, et pas à notre dette en tant que particuliers.

      [La dette de l’État français par contre, vaut mieux éviter de considérer son service comme un devoir sacré ou on risque les mauvaises surprises ! Je crois bien que c’est de vous que j’ai lu quelque chose approchant de « un État ne voit que ses intérêts. Et donc s’il juge que son intérêt est de ne pas rembourser… »]

      Tout à fait. Mais le système financier – tous les systèmes, bah – fonctionnent sur la base d’un certain nombre de « fictions nécessaires ». L’une de ces fictions est que les Etats feront tout ce qui est dans leur pouvoir pour payer leurs dettes. Lorsque cette fiction s’effondre… on est en crise !

      [Et si l’Etat peut décider unilatéralement sous les applaudissements des « institutions » qu’il payera les retraités plus tard, pourquoi il ne pourrait pas décider de payer les autres créanciers plus tard ?][La seule raison que je vois, c’est qu’il considère que ce n’est pas de son intérêt.]

      Exact !

  7. Alain Brachet dit :

    Bonjour,
    Je trouve que vous enjolivez un peu trop les motivations d’Angela Merkel, dans sa défense des intérêts de ses retraités, “qui vont payer pour les grecs”. Il me semble qu’ils n’ont que ce qu’ils méritent: ils avaient un des meilleurs systèmes de retraite “par répartition”. Ils ont laissés leurs gouvernements successifs y introduire de plus en plus “de capitalisation”. Le premier système est basé sur une coopération, une solidarité entre actifs et non actifs d’une même nation, pour l’essentiel. Elle fait d’eux les responsables de la qualité de leur système ((je simplifie un peu!). Evidemment, une récession aura des conséquences pour les uns et les autres, solidairement, mais sans imputer à d’autres la cause des difficultés (je simplifie toujours un peu…) Le second système remet l’argent mis de côté et la responsabilité de sa conservation à des banques…dont le but général n’est pas, loin de là, le bien des retraités. Et qui peuvent impunément (toujours en simplifiant) aller faire ailleurs des affaires véreuses et néfastes pour ces pauvres retraités, si elles tournent mal… N’est-on pas dans ce cas? Les retraités allemands ne devraient-ils pas méditer ce qui leur arrive, ou plutôt ce que l’on met en musique pour détourner leur colère? La grèce ne leur en fournit-elle pas une occasion? Et pour nous aussi au moment où l’on vilipende chez nous le système par répartition?

    • Descartes dit :

      @ Alain Brachet

      [Je trouve que vous enjolivez un peu trop les motivations d’Angela Merkel, dans sa défense des intérêts de ses retraités, “qui vont payer pour les grecs”. Il me semble qu’ils n’ont que ce qu’ils méritent: ils avaient un des meilleurs systèmes de retraite “par répartition”.]

      Le changement de système de retraites est indifférent. Aujourd’hui, les titres de dette grecque sont détenus essentiellement par les investisseurs publics (BCE, FESF, etc.). Si l’argent est perdu, les retraités allemands seront touchés parce qu’il leur faudra payer plus d’impôts, et non parce que leurs régimes de retraite par capitalisation perdront de l’argent.

      Lorsque je parle des « motivations d’Angela Merkel », je parle essentiellement des motivations d’un leader politique qui défend globalement les intérêts de son pays. Et elle le fait non seulement par patriotisme, mais par intérêt bien compris : si elle perd l’argent, les électeurs allemands risquent de ne pas le lui pardonner.

      Quant à la question de la retraite par répartition ou par capitalisation… les deux systèmes sont en fait économiquement assez proches. Dans le cas d’une retraite par répartition, on parie sur la croissance économique du pays en général, dans le cas d’une retraite par capitalisation, sur la croissance économique des entreprises – ou des états – dans lesquels les capitaux sont investis.

    • morel dit :

      @ Descartes

      « Quant à la question de la retraite par répartition ou par capitalisation… les deux systèmes sont en fait économiquement assez proches. Dans le cas d’une retraite par répartition, on parie sur la croissance économique du pays en général, dans le cas d’une retraite par capitalisation, sur la croissance économique des entreprises – ou des états – dans lesquels les capitaux sont investis »

      Avant 1940, en France, nous avions des retraites par capitalisation. La guerre a ruiné l’épargne et…les retraités et c’est pour remédier à cette situation que fut instauré le système par répartition.
      Et même si je comprends tout à fait votre remarque, je me permets de souligner que la capitalisation accompagne bien un « système » rentier, lui-même peu favorable au travail et présente de surcroit l’inconvénient des krachs.

      Quant à l’Allemagne, le glissement vers plus de capitalisation s’est voulu une réponse à la faible démographie qui, potentiellement, peut « plomber » la répartition.

    • Descartes dit :

      @ morel

      [Avant 1940, en France, nous avions des retraites par capitalisation. La guerre a ruiné l’épargne et…les retraités et c’est pour remédier à cette situation que fut instauré le système par répartition.]

      Pas tout a fait. D’abord, il est difficile de comparer les régimes de retraite de l’époque avec les régimes actuels, tout simplement parce que seule une toute petite minorité des salariés vivait suffisamment vieux pour en toucher une. Ensuite, il faut se souvenir que les guerres auraient provoqué la faillite des régimes de retraite, qu’ils soient par capitalisation ou par répartition. Comment aurait-on fait pour payer les retraites alors qu’une masse considérable d’hommes étaient mobilisés ou prisonniers de guerre, et qu’ils ne cotisaient donc pas ?

      [Et même si je comprends tout à fait votre remarque, je me permets de souligner que la capitalisation accompagne bien un « système » rentier, lui-même peu favorable au travail et présente de surcroit l’inconvénient des krachs.]

      Mais un « krach » touche autant les régimes par capitalisation que ceux par répartition. Comment faites-vous pour « répartir » lorsque le chômage devient massif ?

    • morel dit :

      @ Descartes

      « Pas tout a fait. D’abord, il est difficile de comparer les régimes de retraite de l’époque avec les régimes actuels, tout simplement parce que seule une toute petite minorité des salariés vivait suffisamment vieux pour en toucher une. Ensuite, il faut se souvenir que les guerres auraient provoqué la faillite des régimes de retraite, qu’ils soient par capitalisation ou par répartition. Comment aurait-on fait pour payer les retraites alors qu’une masse considérable d’hommes étaient mobilisés ou prisonniers de guerre, et qu’ils ne cotisaient donc pas ? »

      Si je suis opposé aux régimes par capitalisation, je n’entends pas faire flèche de tout bois. On pourra toujours trouver que ce type de régime à un instant « T » est bien plus performant en faisant abstraction du régime économique donc aussi social que cela implique.
      Par ailleurs, dans toute période « troublée » tout régime de retraite peut être mis en défaillance, ce n’était pas mon propos, il reste que le choix d’un régime par répartition est le fait d’une orientation politico-économique qui n’était pas orienté vers ce qu’on appelle pudiquement maintenant « le marché ». Dans ce moment de dégrèvement de « charges salariales », on oublie trop souvent les années d’expansion et de plein emploi « malgré » les dites « charges ».
      Le choix de l’après-guerre reste marqué par un rapport travail/capital plus favorable à ce premier.

      « Mais un « krach » touche autant les régimes par capitalisation que ceux par répartition. Comment faites-vous pour « répartir » lorsque le chômage devient massif ? »

      Je peux me tromper mais j’ai l’impression que ce n’est pas de la même manière. Même un krach ne touche pas uniformément. Les régimes par capitalisation sont divers. S’il s’agit d’un régime d’entreprise, si celle-ci tombe en faillite, itou pour celui d’une branche, c’est la catastrophe à un bémol près : l’intervention de l’état. En clair nos « libéraux » qui n’ont de religion que la libre entreprise sont muets sur le sujet.
      Dans un régime à la socialisation plus poussée comme le nôtre, le problème est plus lissé, Les régimes par répartition font l’objet d’attaque en fonction du degré de résistance projeté, on est déjà loin de la loi de la « nécessité ».

    • Descartes dit :

      @ morel

      [Si je suis opposé aux régimes par capitalisation, je n’entends pas faire flèche de tout bois. On pourra toujours trouver que ce type de régime à un instant « T » est bien plus performant en faisant abstraction du régime économique donc aussi social que cela implique.]

      Ce que j’essaie de vous dire – maladroitement, je l’admets – c’est que du point de vue économique les deux régimes sont en fait équivalents. Dans les deux cas, une personne verse une cotisation en échange d’un droit futur. Dans les deux cas, le paiement de ce droit est prélevé sur la production. Bien entendu, le mode de prélèvement est différent (cotisation dans le cas de la répartition, extraction de plusvalue dans le cas de la capitalisation). La différence fondamentale est que dans la répartition le prélèvement se fait au moment du paiement, alors que pour la capitalisation il se fait tout au long de la vie active du retraité (puisque l’argent investi « travaille » tout au long de sa vie).

      La tuyauterie est donc différente, mais en dernière instance les deux systèmes travaillent de la même manière : on prélève sur la richesse produite par ceux qui travaillent pour payer les droits acquis de ceux qui ne travaillent plus.

      [il reste que le choix d’un régime par répartition est le fait d’une orientation politico-économique qui n’était pas orienté vers ce qu’on appelle pudiquement maintenant « le marché ».]

      Je suis d’accord : même si les deux systèmes sont économiquement équivalents, ils ne sont pas pour autant politiquement équivalents. Le système par capitalisation met en avant l’individu, qui économise pendant sa vie active pour ensuite toucher une retraite. Le système par répartition met en avant une solidarité intergénérationnelle : l’individu paye la retraite de ses parents et ses enfants payeront la sienne.

      [Dans ce moment de dégrèvement de « charges salariales », on oublie trop souvent les années d’expansion et de plein emploi « malgré » les dites « charges ».]

      Oui, mais a frontières fermées. La réduction des « charges salariales » est la contrepartie de l’ouverture des frontières, et donc de l’entrée dans notre univers économique d’une vaste masse de main d’œuvre peu qualifiée et très bon marché. Dans ces conditions, maintenir les « charges salariales » c’est condamner les travailleurs peu qualifiés au chômage.

      [« Mais un « krach » touche autant les régimes par capitalisation que ceux par répartition. Comment faites-vous pour « répartir » lorsque le chômage devient massif ? »][Je peux me tromper mais j’ai l’impression que ce n’est pas de la même manière. Même un krach ne touche pas uniformément. Les régimes par capitalisation sont divers. S’il s’agit d’un régime d’entreprise, si celle-ci tombe en faillite, itou pour celui d’une branche, c’est la catastrophe à un bémol près : l’intervention de l’état. En clair nos « libéraux » qui n’ont de religion que la libre entreprise sont muets sur le sujet.]

      La problématique que vous évoquez ici est celle de l’étalement des risques. Il est évident que plus un risque est étalé sur une masse importante, plus les effets en sont atténués. C’est d’ailleurs la logique même des systèmes d’assurance. Un système par capitalisation dans lequel l’argent est investi dans une seule entreprise implique qu’en cas de faillite les travailleurs perdent tout… mais ceux de l’entreprise voisine ne perdent rien. Si le système est mutualisé au niveau de l’ensemble des entreprises, chaque fois qu’une entreprise fait faillite tous les travailleurs perdent… mais ils perdent un petit peu. Mais ce qui marche pour le risque marche aussi pour les opportunités : si l’entreprise fait une performance extraordinaire, dans le cas d’une retraite d’entreprise les travailleurs auront des retraites royales, alors que si le système est mutualisé entre toutes les entreprises ils ne bénéficieront que d’une performance moyenne…

      Le système à l’américaine, ou l’entreprise peut investir le fond de pension de ses employés dans ses propres titres, maximise à la fois le risque et l’opportunité. Le système mutualisé au niveau national que nous avons « lisse » autant les risques que les opportunités. En période d’expansion, le système américain est bien plus favorable que le notre. En période de contraction, c’est l’inverse…

      [Les régimes par répartition font l’objet d’attaque en fonction du degré de résistance projeté, on est déjà loin de la loi de la « nécessité ».]

      Je ne crois pas. Les systèmes par répartition sont attaqués au fur et à mesure que l’idée même de solidarité nationale s’affaiblit, et que chacun commence à ne plus vouloir « payer pour les autres ». L’ouverture des frontières, qui met les travailleurs moins qualifiés en concurrence avec la production à l’étranger alors que les « classes moyennes » sont protégées a pour effet de transférer sur ces dernières une partie du fardeau. Un fardeau qu’elles ne sont pas prêtes d’accepter. C’est pourquoi elle distille l’idéologie que « chacun doit payer pour lui-même »… ce qui implique un système de capitalisation.

    • morel dit :

      @ Descartes

      « Je ne crois pas. Les systèmes par répartition sont attaqués au fur et à mesure que l’idée même de solidarité nationale s’affaiblit, et que chacun commence à ne plus vouloir « payer pour les autres ». L’ouverture des frontières, qui met les travailleurs moins qualifiés en concurrence avec la production à l’étranger alors que les « classes moyennes » sont protégées a pour effet de transférer sur ces dernières une partie du fardeau. Un fardeau qu’elles ne sont pas prêtes d’accepter. C’est pourquoi elle distille l’idéologie que « chacun doit payer pour lui-même »… ce qui implique un système de capitalisation. »

      J’ai l’impression que sans être formellement en divergence, nous abordons là aussi, le problème sous des angles différents.
      Pour être tout à fait clair, j’avais en tête l’historique des « réformes » récentes du droit à la retraite, d’où ma remarque sur l’attaque en fonction du degré de résistance projeté :
      – Décret au mois d’août 1993 portant à 40 annuités, calcul de la pension du les 25 meilleures années et instauration d’une décote pour le privé
      – 1995 : tentative d’alignement des régimes spéciaux et celui des fonctionnaires sur le privé : échec, il faudra attendre 2003 pour les fonctionnaires et 2007 pour les régimes spéciaux à qui le gouvernement avait garanti le maintien en 2003.
      La tactique du salami qui finit par concerner tout le « saucisson ». C’est ce que je voulais souligner car l’idéologie privé contre public (ou vice-versa) me semble aberrante au regard de l’intérêt salarial commun.

    • Descartes dit :

      @ morel

      [La tactique du salami qui finit par concerner tout le « saucisson ». C’est ce que je voulais souligner car l’idéologie privé contre public (ou vice-versa) me semble aberrante au regard de l’intérêt salarial commun.]

      Le paradoxe est que les deux systèmes aboutissent, avec des modes de calcul très différents, à des résultats assez voisins. Le taux de couverture – le rapport entre le revenu total avant et après retraite – est de l’ordre de 50% dans les deux cas. Sur le papier, le calcul du public (75% du traitement des 6 derniers mois) semble plus favorable que celui du privé (50% du salaire sur les 25 meilleures années) jusqu’au moment ou l’on remarque que pour le public le calcul exclut les primes (qui représentent en fin de carrière presque la moitié du revenu du fonctionnaire !) et que la courbe d’avancement du fonctionnaire est très plate.

      Mais les libéraux ont chanté sur tous les tons et depuis trente ans que les travailleurs du public sont des « privilégiés » et des « planqués ». Du coup, cela donne une cible facile qui permet aux gouvernements de faire semblant de faire de la justice sociale à bon compte. Plus que du « saucissonnage », je me demande si la pression pour la réforme des régimes « spéciaux » n’a pas pour origine ce besoin qu’ont nos gouvernements de montrer qu’ils s’attaquent aux « injustices » alors qu’ils n’ont aucune intention de s’attaquer aux véritables inégalités…

      Il n’empêche bien entendu qu’on cherche au détour de ces réformes à réduire les retraites de l’ensemble, tout comme on cherche à réduire les salaires et les traitements. Dans la logique de l’Euro, c’est inévitable : l’inflation étant quasi-nulle et la dévaluation impossible, la seule manière de compenser l’inflation structurelle est la déflation salariale. Sans le dire, nos gouvernants appliquent – en douceur et avec plus de temps – la politique imposée à la Grèce, à l’Espagne, au Portugal, à l’Irlande : la déflation salariale. Pour éviter la délocalisation de ce qui nous reste d’industrie, il faut être plus compétitif selon les domaines que la Roumanie, la Bulgarie ou le Bangladesh, et pour cela il faut que les salaires – directs ou indirects – baissent. Il n’y a pas d’autre moyen compatible avec l’UE.

  8. leucace dit :

    L’écoute de la médiasphère est affligente ces jours ci.
    En particulier sur la possibilité du retour eu Drachme.
    La Ficelle est grosse.
    Afin de ne pas suggérer des initiatives ‘subversives’,les journalistes poussent de grans cris d’effra&ie,pour énoncer,’l’incroyable possibilité de sortir de l’Euro’.
    ‘Quel culot ! aventurisme ! inouï !’:tous les qualificatifs fantastiques pour décrire comme iréalisable,ce qui s’annonce comme un simple réajustement technique le retour au Drachme.
    Propagande ,que tu es répugnante,quand tu déverses tes mensonges,comme pour ce référendum,où tout a été prédit de façon à faire croire que le résultats seraient serrés pour qu’il n’y ait pas trop d’écart en faveur du Non!
    Pourtant,n’en déplaise au Kapital,le retour au Drachme n’est qu’un ajustement technique tout à fait réalisable,légitime même pour la Grèce.

    • odp dit :

      @ Leucace

      Bonjour,

      Il me semble qu’en disant que le retour à la Drachme n’est qu’un ajustement technique, vous prenez tout autant les gens pour des imbéciles que ceux qui disent que la Grèce verserait automatiquement dans le chaos. La réalité est que personne n’en sait rien ; la seule certitude, c’est qu’à court terme cela provoquera un effondrement économique. A plus long terme, les jeux restent ouvert; mais présenter comme une telle éventualité comme une balade dans le parc de la Courneuve un jour de fête de l’Huma c’est se moquer du monde.

    • Descartes dit :

      @ odp

      [Il me semble qu’en disant que le retour à la Drachme n’est qu’un ajustement technique, vous prenez tout autant les gens pour des imbéciles que ceux qui disent que la Grèce verserait automatiquement dans le chaos. La réalité est que personne n’en sait rien ; la seule certitude, c’est qu’à court terme cela provoquera un effondrement économique.]

      Faudrait savoir : si « personne n’en sait rien », comment pouvez-vous présenter « l’effondrement économique » comme une « certitude » ?

      Je partage bien entendu votre commentaire initial. Affirmer que la sortie de l’Euro sera indolore, c’est se foutre du monde. Et même du point de vue de la tactique politique à court terme, je pense que c’est une erreur. Ce n’est pas ça que les peuples demandent de leurs dirigeants. En fait, l’effondrement de l’économie grecque a déjà eu lieu. La sortie de l’Euro ne fera que rendre cet effondrement évident. En même temps, elle obligerait le gouvernement grec à faire face aux problèmes et lui donnera les instruments pour les résoudre. Et je pense que le peuple grec est parfaitement armé pour comprendre cela.

      La sortie de l’Euro – si elle est techniquement maîtrisée – n’a aucune raison de rendre pire une situation qui est déjà catastrophique. Si elle est ratée, elle peut être désastreuse.

    • odp dit :

      @ Descartes

      Nous sommes, me semble-t-il, à des nuances près, sur là même longueur d’onde.

      La situation économique de la Grèce étant ce qu’elle est, la sortie de l’euro est une option “rationnelle”. Les risques sont élevés mais les bénéfices à long terme peuvent l’être également ; et vu que la masse de ceux qui n’ont pas grand chose à perdre ne fait que croître et embellir, cette option est, en effet, de plus en plus “rationnelle”.

      Quant au diagnostic sur les conséquences à court terme d’une rupture, je suspecte que nous sommes en réalité également assez proche puisqu’il n’existe pas, dans l’histoire récente, d’exemple d’éclatement de système de change fixe qui ne se soit traduit initialement par une très forte contraction (de l’orde de 10%) de l’activité des pays concernés (cf. Argentine, Thaïlande).

      Comme vous savez tout cela aussi bien que moi, j’imagine que c’est le terme “effondrement” qui vous a fait tiquer. Peut-être est-il excessif, mais, pour la France, il faut remonter à la seconde guerre mondiale pour avoir un décrochage de cette magnitude. On en parle donc pas là d’événements anodins mais bien de chocs “historiques”.

      Vous indiquez par ailleurs que l’économie grecque s’est déjà “effondrée” et par conséquent que le plus dur est déjà passé. Le PIB grec a retrouvé son niveau de 1999. On est très loin de l’effondrement: il y a encore de la marge à la baisse!

    • Descartes dit :

      @ odp

      [Nous sommes, me semble-t-il, à des nuances près, sur là même longueur d’onde.]

      D’une manière générale, oui. Mais nous avons des différences sur quelques points importants je pense.

      [La situation économique de la Grèce étant ce qu’elle est, la sortie de l’euro est une option “rationnelle”.]

      Un point de désaccord : La sortie de l’euro est TOUJOURS une option « rationnelle », vu les effets économiques de la monnaie unique. L’Euro est pour la plupart des pays européens analogue à un lent empoisonnement de l’économie. Pourquoi attendre d’être in articulo mortis pour prendre l’antidote ? Bien entendu, il est plus difficile de convaincre les gens que l’Euro est une mauvaise idée lorsque tout va bien…

      Mais en relisant votre paragraphe, je me demande si lorsque vous écrivez « rationnel » entre guillemets, vous ne faites pas référence aux apparences et non au fond. En d’autres termes, si vous ne voulez dire que l’approfondissement de la crise révèle la rationalité de la sortie de l’Euro.

      [Quant au diagnostic sur les conséquences à court terme d’une rupture, je suspecte que nous sommes en réalité également assez proche puisqu’il n’existe pas, dans l’histoire récente, d’exemple d’éclatement de système de change fixe qui ne se soit traduit initialement par une très forte contraction (de l’orde de 10%) de l’activité des pays concernés (cf. Argentine, Thaïlande).]

      Vous faites erreur je pense. Il y a des exemples de rupture de systèmes d’échange fixe qui n’ont pas provoqué de contraction de l’économie. Prenez par exemple la séparation de la Tchéquie et la Slovaquie : la slovaquie, qui utilisait jusqu’alors la « monnaie unique » tchécoslovaque, s’est trouvée avec sa propre monnaie, la couronne slovaque. De même, lorsque la Slovénie quitte la Yougoslavie, cela se traduit par une période de croissance, et non par une « forte contraction ».

      Il est vrai qu’il y a des contre-exemples, l’Argentine étant le plus notable. Mais la question est de savoir si la « contraction » est due à la fin du change fixe : en général, ces économies étaient déjà en contraction lorsque le change fixe a été abandonné. Maintenir le change fixe non seulement n’aurait probablement pas évité la contraction, mais l’aurait aggravée. Cette hypothèse est soutenue par le fait que la sortie du change fixe s’est traduite assez rapidement par un redressement de la croissance.

      La difficulté est qu’en général la sortie de la parité fixe se fait au moment ou elle devient insoutenable, et que l’économie est déjà en crise. Il faut donc expliquer aux citoyens que le désastre qui suit la sortie n’est pas la conséquence de celle-ci.

      [Comme vous savez tout cela aussi bien que moi, j’imagine que c’est le terme “effondrement” qui vous a fait tiquer.]

      Pas du tout. Le mot qui m’a fait tiquer est « provoquera ». Lorsque vous écrivez qu’une sortie de l’Euro « provoquera un effondrement », vous semblez croire que c’est la sortie de l’Euro qui est la cause de « l’effondrement » en question. Je pense au contraire que l’effondrement aura lieu de toute façon – et cette prophétie est d’ailleurs déjà à moitié réalisée. Si j’étais un cynique, je dirais que les souverainistes ont intérêt à ce que la Grèce reste dans l’euro, parce qu’ainsi le pays boira le calice jusqu’à la lie sans qu’on puisse rien leur reprocher. Si la Grèce sort, ils auront à porter le chapeau de l’effondrement, dont on nous expliquera qu’il aurait pu être évité « si seulement » la Grèce avait avalé la potion des Diaforius européens…

      [Vous indiquez par ailleurs que l’économie grecque s’est déjà “effondrée” et par conséquent que le plus dur est déjà passé. Le PIB grec a retrouvé son niveau de 1999. On est très loin de l’effondrement: il y a encore de la marge à la baisse!]

      Cela pourrait toujours être pire. Mais mon point n’était nullement de dire que « le plus dur est passé ». Je ne faisais pas référence aux chutes passées du PIB, mais à celles à venir. Pour le dire autrement, je pense que les politiques des « institutions » ont programmé une catastrophe pour les douze mois qui viennent, et que cette catastrophe est aujourd’hui inévitable. La seule chose qu’une sortie de l’Euro – même impeccablement conduite – pourrait faire, c’est donner une perspective pour l’après-catastrophe. En restant dans l’Euro, les grecs se condamnent à dix ou vingt ans d’austérité. En sortant, à une année très dure le temps que la dévaluation fasse son effet.

    • morel dit :

      ” La seule chose qu’une sortie de l’Euro – même impeccablement conduite – pourrait faire, c’est donner une perspective pour l’après-catastrophe. En restant dans l’Euro, les grecs se condamnent à dix ou vingt ans d’austérité. En sortant, à une année très dure le temps que la dévaluation fasse son effet.”

      Je souscris même si je ne suis pas si sûr de pouvoir être si optimiste sur le délai.

    • Descartes dit :

      @ morel

      Je tire ce “délai” des exemples historiques, notamment l’Argentine. L’économie grecque n’étant pas tout à fait construite sur les mêmes fondamentaux, vous avez raison de signaler qu’il pourrait être très différent. Cependant, je crois qu’il ne faut pas sous-estimer la capacité des grecs à rebondir une fois libérés du carcan de l’Euro. Dans un pays qui importe presque tout, le renchérissement des importations créera d’énormes opportunités pour les entrepreneurs et les investisseurs locaux mais aussi étrangers. Si le gouvernement grec joue astucieusement – et notamment s’il rassure les investisseurs sur le fait que leurs investissements seront protégés – il devrait pouvoir faire repartir l’économie rapidement.

  9. odp dit :

    @ Descartes

    Je ne suis pas sûr d’adhérer à votre explication “industrielle” pour expliquer les différences perçues de “patriotisme” des “classes moyennes” allemandes, anglaises, françaises et italiennes ; car si la révolution industrielle fut en effet plus tardive et moins profonde en France qu’en Angleterre et en Allemagne, le raisonnement ne tient plus du tout par rapport à l’Italie, dont l’industrialisation fut à la fois us tardive et moins poussée qu’en France.

    Quant à blâmer les paysans pour insuffisance de patriotisme, il me semble qu’ils ont montré, en 1914, qu’ils n’avaient de leçons à recevoir de personne en la matière ; et surtout pas des ouvriers qui, en 1917 ont mis le pays au bord de la rupture au front comme à l’arrière. Les mêmes, mais cette fois en Allemagne, arrivèrent d’ailleurs à leurs fins et précipitèrent l’effondrement de leur pays et son humiliante sortie de la guerre. L’actualité et plus particulièrement la situation en Grèce montre également qu’au contraire les sociétés rurales ont en général la fibre patriotique très sensible.

    Le cas français, car il existe bel est bien, me semble plutôt ressortir de facteurs culturels. Ceux que vous mentionnez (impact de la méritocratie, mépris aristocratique pour les intérêts) sont intéressants mais me paraissent manquer l’essentiel. Le sujet en la matière est, me semble-t-il, celui de la “modernité” française et des conséquences à long terme des Lumières, de la Révolution et de l’Universalisme français. S’il faut du passé faire table rase, si l’Homme existe et s’il faut s’arracher de la tradition, comment être patriote?

    • Descartes dit :

      @ odp

      [car si la révolution industrielle fut en effet plus tardive et moins profonde en France qu’en Angleterre et en Allemagne, le raisonnement ne tient plus du tout par rapport à l’Italie, dont l’industrialisation fut à la fois us tardive et moins poussée qu’en France.]

      Pas tout à fait. C’est vrai pour l’Italie du sud, mais pas pour l’Italie du nord. Gênes, Milan, Turin, Bologne, Venise ont une vieille tradition industrielle. Alors que l’Italie du sud demeure paysanne et féodale, l’Italie du nord devient bourgeoise et industrielle dès le XVIIIème siècle.

      [Quant à blâmer les paysans pour insuffisance de patriotisme, il me semble qu’ils ont montré, en 1914, qu’ils n’avaient de leçons à recevoir de personne en la matière ;]

      Tout à fait. Loin de moi l’idée de reprocher aux paysans français un quelconque « manque de patriotisme ». Notre échange ici ne concernait pas le patriotisme des paysans, mais celui des « classes moyennes » et plus généralement des « élites ». Ce que je voulais dire, c’est que ces « classes moyennes », ces « élites » ont théorisé une vision idéalisée de la paysannerie dont ils se considèrent les héritiers. Regardez nos politiques : on affiche plus volontiers sa fierté d’un grand père vigneron ou éleveur de chevaux que celle d’un grand père ouvrier à la chaîne.

      Les élites françaises n’ont jamais aimé l’industrie. Si on laisse de côté quelques périodes bien particulières – celle du « gaullo-communisme », par exemple – nos élites se sont toujours affichés bien plus proches de la campagne que de la ville. Combien de politiciens connaissez vous qui assument sans complexe leur origine urbaine et ouvrière ? Chirac et Hollande, c’est la Corrèze. Segolène Royal ? C’est Poitou-Charentes. Le Pen ? C’est la Trinité-sur-Mer. Sarkozy est peut-être le seul parmi les grands leaders qui n’a pas cherché à jouer ce jeu là.

      Ce paysan « idéalisé », n’est pas patriote. Il est villageois, régionaliste, amoureux de la nature, écolo, ennemi de la mécanisation… tout ce que le paysan réel n’est pas, d’ailleurs.

      [et surtout pas des ouvriers qui, en 1917 ont mis le pays au bord de la rupture au front comme à l’arrière. Les mêmes, mais cette fois en Allemagne, arrivèrent d’ailleurs à leurs fins et précipitèrent l’effondrement de leur pays et son humiliante sortie de la guerre.]

      Je crains que vous ne confondiez « patriotisme » et « docilité ». Il ne faudrait pas pousser mémère dans les orties, et croire que les paysans qui sont allés combattre l’ont fait par pur patriotisme. Les paysans sont allés mourir au front sans protester autant par patriotisme que par obéissance à l’autorité légitime. Je ne crois pas que les ouvriers fussent moins « patriotes ». Mais ils étaient certainement moins dociles.

      [L’actualité et plus particulièrement la situation en Grèce montre également qu’au contraire les sociétés rurales ont en général la fibre patriotique très sensible.]

      Je ne saisis pas très bien le rapport. Le pays le plus « patriote » en Europe reste la Grande Bretagne… qui n’est pas vraiment une « société rurale »…

      [Le sujet en la matière est, me semble-t-il, celui de la “modernité” française et des conséquences à long terme des Lumières, de la Révolution et de l’Universalisme français. S’il faut du passé faire table rase, si l’Homme existe et s’il faut s’arracher de la tradition, comment être patriote?]

      Cette explication ne me convainc pas. L’universalisme n’a jamais été un obstacle au patriotisme, comme le montre la société américaine, l’autre grand pays universaliste. Cela suppose bien entendu une vision du « patriotisme » qui ne soit pas uniquement fondé dans la « tradition » vraie, mais plutôt à une tradition idéalisée.

    • odp dit :

      @ Descartes

      Oui, c’est vrai, j’ai exagéré avec ma petite phrase sur les ouvriers peu patriotes. C’était juste une façon de rappeler qu’internationalisme et patriotisme sont des mots qui ne vont pas toujours bien ensemble – mais qui ne sont pas toujours dépareillés non plus, comme vous le rappelez fréquemment.

      Sur l’Italie, c’est vrai qu’il existe, dans le Nord, une densité urbaine et une tradition manufacturière supérieure à celle de la France. Cela se traduit-il par un patriotisme supérieur? Cela ne me paraît pas évident et je note qu’en tout état de cause les états de service de l’Italie dans les différentes guerres auxquelles elle a participé ne plaident pas vraiment pour un patriotisme échevelé.

      Sur les Etats-Unis, ils sont certes universalistes mais comme ont l’était au Moyen-Age: Dieu reconnaîtra les siens! Et ils ne sont clairement pas “modernes”, pas plus que les anglais ou les allemands ou encore les espagnols. C’est une spécificité bien française qui ne date pas d’hier, ni même de la 2ème guerre mondiale, et que l’ont retrouve dans les arts, la littérature et les sciences-sociales: impressionnisme, cubisme, surréalisme, existencialisme, déconstructivisme pour ne citer que ceux qui me viennent à l’esprit. Et anglais comme américains n’ont jamais perdu une guerre; ça aide.

    • Descartes dit :

      @ odp

      [Cela se traduit-il par un patriotisme supérieur? Cela ne me paraît pas évident et je note qu’en tout état de cause les états de service de l’Italie dans les différentes guerres auxquelles elle a participé ne plaident pas vraiment pour un patriotisme échevelé.]

      Je vous rappelle que nous évoquions la problématique du patriotisme des élites, pas du patriotisme en général. Oui, je pense que les élites italiennes sont nettement plus « patriotes » que leur contrepartie française. C’est particulièrement vrai pour les élites économiques, qui défendent avec une grande constance le « made in Italy » alors que les notres passent leur temps à dénigrer l’industrie française.

      [Sur les Etats-Unis, ils sont certes universalistes mais comme ont l’était au Moyen-Age: Dieu reconnaîtra les siens! Et ils ne sont clairement pas “modernes”, pas plus que les anglais ou les allemands ou encore les espagnols. C’est une spécificité bien française qui ne date pas d’hier, ni même de la 2ème guerre mondiale, et que l’ont retrouve dans les arts, la littérature et les sciences-sociales: impressionnisme, cubisme, surréalisme, existencialisme, déconstructivisme pour ne citer que ceux qui me viennent à l’esprit. Et anglais comme américains n’ont jamais perdu une guerre; ça aide.]

      Les américains ne sont pas, il est vrai, « modernes ». Mais ils ne sont pas moins universalistes, et leur universalisme trouve sa source au même lieu que la nôtre, dans les Lumières. Quant au fait de ne pas avoir perdu une guerre… auriez vous oublié le Vietnam ? J’avoue que je vois mal en quoi le fait de n’avoir jamais perdu une guerre aurait-il le moindre effet sur le « patriotisme » des élites. Pensez à la Pologne, qui a perdu pratiquement toutes les guerres…

  10. lanterne dit :

    Merci,cher Descartes pour votre activié d’orfèvre en blog !
    Tant de qualités,sur une si longue période me laisse HEUREUX,non-pantois 🙂
    J’apporte une petite contribution ,diverse ,aux fils de discussion.
    Voici des articles de journaux de droite expliquant la dette de Allemagne vis à vis de la Grèce et du retour qu’il devrait y avoir de la part de l’Allemagne !!
    http://www.lefigaro.fr/conjoncture/2015/01/27/20002-20150127ARTFIG00150-quand-la-grece-acceptait-d-effacer-la-dette-allemande.php
    http://cadtm.org/L-annulation-de-la-dette-allemande
    http://www.lemonde.fr/europe/article/2012/02/17/l-allemagne-a-t-elle-une-dette-de-guerre-envers-la-grece_1644633_3214.htm

    • Descartes dit :

      @ lanterne

      [Voici des articles de journaux de droite expliquant la dette de Allemagne vis à vis de la Grèce et du retour qu’il devrait y avoir de la part de l’Allemagne !!]

      J’avoue que ce genre de débats me laissent pantois. Ca fait partie de ce qu’un copain à moi appelle « la politique notariale ». Elle consiste à imaginer qu’on peut régler les conflits politiques par des inventaires : toi, tu as gardé les petites cuillères en argent de la Grand-Mère, moi j’ai eu le jeu de Limoges… Faut arrêter ces bêtises. On ne va pas demander aux italiens de nous rendre les tributs du temps de Vercingétorix.

      Tsipras n’a pas plus « raison » que Merkel. Chacun d’eux porte les intérêts de la nation qu’il représente. Si Tsipras a « raison » de ne pas payer, ce n’est pas parce que l’Allemagne lui doit de l’argent, ou parce que la dette serait « illégitime », mais parce que ce n’est pas dans l’intérêt de son pays de payer. Et si Merkel a « raison » de demander le paiement, c’est parce que c’est dans l’intérêt de l’Allemagne que les grecs payent. Mais aucun des deux ne peut revendiquer une supériorité « morale » sur l’autre.

      La gauche dite « radicale », mais aussi une certaine droite semblent avoir une préférence particulière pour le raisonnement notarial. Normal : c’est une gauche « morale ». Il lui faut donc transformer les conflits politiques en luttes entre le « bien » et le « mal ». Cela ne lui suffit pas de dire que la Grèce ne payera pas parce qu’elle ne le peut pas, il lui faut encore que la Grèce ait « raison » de ne pas payer, et que l’Allemagne ait « tort » de lui demander. Ce manichéisme empêche toute analyse rationnelle. Comment pourrait-on comprendre que chacun ait ses raisons si l’on décrète par avance qu’il y a des « bonnes » et des « mauvaises » raisons ?

  11. Marcailloux dit :

    @Descartes,
    Bonjour,
    Ce billet, très instructif, comme à l’accoutumé, me parait cependant s’inscrire dans une perspective, sinon à courte vue, du moins à échéance de courte distance.
    Si nous observons l’histoire des nations et celle des états, nous constatons que leur construction a été longue, douloureuse, semée d’embuches guerrières, de pas de clercs, etc. . . et que cela prend des décennies voire des siècles. En vertu des lois de la physique en cosmologie et en géologie, les entités (les planètes dans un cas, les continents dans l’autre) répondent à des lois naturelles qui les font se concentrer puis se démanteler et cela suivant un cycle éternel. En matière d’organisation humaine, n’en est-il pas peut-être de même, et la constitution d’un état européen n’est-il pas inéluctable ?
    Balançant entre le pour et le contre, plutôt favorable aux thèses antieuropéennes, je redoute néanmoins de contester la prégnance universelle de la gravité qui fait s’agglomérer tôt ou tard les entités qui sont en proximité.
    Et la question qui se pose alors n’est plus de savoir s’il faut ou non poursuivre une construction européenne, mais quelle construction européenne nous voulons.
    Car les européistes ont beau jeu de conforter leur position en dénonçant ceux qui stérilement, sont «contre ce qui est pour et pour ce qui est contre », un peu à la manière de JL Mélanchon.
    Si le slogan « Prolétaires de tous les pays, unissez-vous ! » du Manifeste du Parti Communiste était en situation de s’imposer en Europe, verriez-vous cette construction avec autant de crainte ?
    C’est donc bien du contenu plutôt que du contenant qu’il s’agit, et le risque est de se tromper de combat, ou de retarder d’une guerre.
    Vous écrivez dans une de vos réponses que Tsipras échouera. Sans doute, et à court terme, mais si on se place dans une perspective de long terme, la réponse ne me parait pas aussi évidente.

    • Descartes dit :

      @ Marcailloux

      [En matière d’organisation humaine, n’en est-il pas peut-être de même, et la constitution d’un état européen n’est-il pas inéluctable ?]

      Non. Pourquoi ? A supposer même qu’il existe une « loi eternelle » qui implique l’agrégation puis la désagrégation des grandes unités, qui vous dit qu’on a été le plus loin possible dans la voie d’un « Etat européen », et que nous assistons maintenant à sa désagrégation ? Combien de projets d’Etat sont restés inachevés et se sont désagrégés avant d’atteindre leur maturité ?

      Ou encore : s’il y a une « loi éternelle » qui condamne la France à se fondre dans un super-Etat, qui vous dit que ce super-Etat sera l’Europe ? Pourquoi pas un « super-Etat méditerranéen », par exemple ?

      [Balançant entre le pour et le contre, plutôt favorable aux thèses antieuropéennes, je redoute néanmoins de contester la prégnance universelle de la gravité qui fait s’agglomérer tôt ou tard les entités qui sont en proximité.]

      Je ne vois pas d’où tirez vous cette « pregnance universelle ». La Chine et le Japon sont tous proches, et je vois mal leur tendance à l’agglomération, tendance qui ne s’est guère manifesté au cours des trois derniers millénaires. On voit par ailleurs autour de nous des unités se constituer pour se désagréger ensuite. Qu’est ce qui vous fait penser que nous serions condamnés par une « pregnance universelle » à nous agglomérer avec nos voisins ?

      [Et la question qui se pose alors n’est plus de savoir s’il faut ou non poursuivre une construction européenne, mais quelle construction européenne nous voulons.]

      Je ne vois pas pourquoi nous devrions considérer la première question comme réglée. Pourquoi devrions-nous nous résigner à une « construction européenne » plutôt qu’à une « construction atlantique » ou une « construction méditerranéenne » ?

      [Car les européistes ont beau jeu de conforter leur position en dénonçant ceux qui stérilement, sont «contre ce qui est pour et pour ce qui est contre », un peu à la manière de JL Mélanchon.]

      Ce serait d’autant plus paradoxal que Mélenchon est lui-même un « européiste ». Le fait d’être contre la construction européenne n’implique nullement qu’on soit contre tout. Et on peut être souverainiste et avoir une vision des coopérations internationales dans lesquelles la France doit entrer…

      [Si le slogan « Prolétaires de tous les pays, unissez-vous ! » du Manifeste du Parti Communiste était en situation de s’imposer en Europe, verriez-vous cette construction avec autant de crainte ?]

      Si ma grande-mère en avait, elle serait mon grand-père. Si je suis contre la construction européenne, c’est parce que je sais que dans le contexte réel elle ne peut qu’aller dans le mur. Inutile de se demander quelle serait notre position si les hommes étaient tous bons et désintéressés.

  12. odp dit :

    @ Descartes

    Bon, après Tsipras-Napoléon et Tsipras-De Gaulle, Tsipras-Bazaine?

    • Descartes dit :

      @ odp

      [Bon, après Tsipras-Napoléon et Tsipras-De Gaulle, Tsipras-Bazaine?]

      Je vous trouve bien sévère. On aurait du mal à m’accuser d’être un supporter inconditionnel de Tsipras, mais je trouve que jusqu’ici il conduit sa barque avec une remarquable intelligence et un patriotisme sans faille. Et on ne pourra pas l’accuser de trahison si à la fin il concluait un accord, dans la mesure où il a toujours dit que c’était son objectif. Le comparer à Bazaine me semble donc excessif.

      Je trouve qu’il est déjà allé bien plus loin qu’on ne pouvait le croire au départ. Et même s’il ne l’a pas fait exprès, sa fermeté a sérieusement écorné le discours eurolâtre. Quelque soit l’issue de cette affaire, on aura du mal à nous ressortir le discours de “l’Europe qui protège” et de la “fraternité européenne”. De ce point de vue, Tsipras aura été bien plus efficace que ne l’aurait été un eurosceptique, précisément parce qu’on ne peut pas lui reprocher une opposition idéologique à la construction européenne. De ce fait, l’Europe est apparue comme une espèce de mégère qui maltraite même ceux qui l’aiment…

    • odp dit :

      @ Descartes

      #Je vous trouve bien sévère#

      Tout à fait. Et de manière excessive, comme vous l’indiquez, mais je n’ai pas pu résister à la formule.

      Ceci dit, au delà de ces vains débats sur la “trahison” qui commencent à fleurir, voilà un homme qui se dit:

      – patriote,
      – pro-européen, et
      – membre de la gauche radicale.

      Après 6 mois d’exercice du pouvoir, il aura:

      – profondément détérioré l’économie déjà fragile de son pays,
      – divisé comme jamais l’Union Européenne, et
      – décrédibilisé la gauche radicale (qui n’avait pas vraiment besoin de ça) en exposant l’amateurisme, l’irénisme et l’impuissance avec lesquelles elle conduit les affaires.

      Beau bilan.

      Et pendant ce temps, le mur de l’argent se marre…

    • Descartes dit :

      @ odp

      [Après 6 mois d’exercice du pouvoir, il aura: profondément détérioré l’économie déjà fragile de son pays ; divisé comme jamais l’Union Européenne, et décrédibilisé la gauche radicale (qui n’avait pas vraiment besoin de ça) en exposant l’amateurisme, l’irénisme et l’impuissance avec lesquelles elle conduit les affaires.]

      Je pense que vous vous trompez sur les trois points. Prenons le premier : je ne pense pas que Syriza ait « profondément détérioré l’économie de son pays ». L’économie grecque a été détruite par cinq ans d’austérité imbécile. Et depuis l’arrivée de Syriza, l’économie grecque continue sur la même pente descendante. On peut reprocher au gouvernement de Syriza de ne pas avoir enrayé la détérioration. Mais pas d’avoir contribué particulièrement à cette détérioration. J’ajoute que le premier reproche serait assez injuste, dans la mesure ou les créanciers avaient interdit au gouvernement grec de prendre quelque mesure que ce soit sans leur accord.

      Maintenant, est-ce que Syriza a « divisé comme jamais l’Union européenne » ? Je ne le pense pas. Les « divisions » existaient depuis longtemps. Tsipras, en refusant de jouer la partition « européenne », n’a fait que les mettre en évidence.

      Et finalement, peut-on dire que Syriza ait « décrédibilisé la gauche radicale » ? Le résultat du référendum semble indiquer le contraire. A tort ou à raison, 61% des grecs ont soutenu leur premier ministre, alors qu’ils avaient une occasion en or de s’en débarrasser. Franchement, je ne trouve pas que Tsipras ait fait preuve de « amateurisme, irénisme ou impuissance ». Je pense qu contraire qu’il a joué très finement avec une main qui n’était pas vraiment gagnante.

  13. odp dit :

    Bonjour Descartes,

    Je rentre de deux semaines de congés et je vois que les débats ont sensiblement évolué depuis lors.

    Je vous avais préparé, à la faveur de cette oisiveté, une réponse de grand style; mais elle tombe à l’eau puisque je constate que nos analyses convergent car quelle est la substance de votre papier “Tsipras social-traitre” si ce n’est de dénoncer l’amateurisme, l’irénisme et l’impuissance d’une certaine gauche radicale qui croit “qu’un autre euro est possible”? C’est bien gentil de vouloir jouer le rapport de force et de le crier sur touts les toits; mais dans ce cas là autant ne pas venir sur le pré armé d’un pistolet à eau sous peine de graves déconvenues…

    • Descartes dit :

      @odp

      [C’est bien gentil de vouloir jouer le rapport de force et de le crier sur touts les toits; mais dans ce cas là autant ne pas venir sur le pré armé d’un pistolet à eau sous peine de graves déconvenues…]

      Tout à fait. Il faut fourbir ses armes – et les montrer – si on ne veut pas avoir à les utiliser.

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